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BIBLE FILLION

La Sainte Bible Commentée d'après la Vulgate et les textes originaux

LE LIVRE DES PROVERBES


INTRODUCTION


Le titre hébreu du livre des Proverbes consiste, sous sa forme complète, dans les deux premiers mots du verset initial (1, 1) : MišŠelômoh, « Proverbes de Salomon. » Les Septante l'ont adopté : Παροιμίαι Σαλωμώντος. La Vulgate emploie une formule légèrement différente : Liber Proverbiorum (les rabbins disent parfois aussi de la même manière : Séfer Miš, « Livre des Proverbes ») Le plus souvent, les Juifs désignaient ce livre parle seul mot Miš, « Proverbes, » que saint Jérôme a conservé dans son sous-titre: quem Hebraei Misle appelant (Origène l'a pareillement conservé sous la forme Mislôth). C’est le pluriel « construit » (comme s’exprime la grammaire hébraïque) du substantif šal, qui reçoit dans la Bible jusqu’à cinq significations distinctes. 1° Le sens primitif semble avoir été « comparaison, similitude ». 2° De là une première signification dérivée, celle de « parabole »; la parabole est, en effet, une comparaison dans le sens large. 3° Quelquefois, on entend par šal un poème didactique plus ou moins développé (cf. Num. 23, 7, 18; 24, 3, 15, 20; Ps. 48 (hébr., 49), 5; Job, 27, 1; 29, 1, etc. 4° En d’autres circonstances, ce mot dénote un proverbe proprement dit, un dicton populaire (les proverbes de cette espèce sont assez rares dans la Bible. En voici quelques exemples : 1 Reg 24, 13, « Des méchants vient la méchanceté; » 2 Reg. 20, 10, « Autrefois on avait coutume de dire : Que l'on consulte Abel; » Ez. 16, 44, « Tous ceux qui disent des proverbes t'appliqueront ce proverbe : Telle mère, telle fille; » Ez. 18, 2, « Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées. »). 5° Le plus souvent il représente des sentences morales, des maximes, ce que l’on nomme aujourd’hui des « pensées ». C’est surtout d’après cette dernière signification, et aussi d’après la troisième, que le livre des Proverbes est intitulé Miš.

Le Talmud l’appelle parfois Séfer hokmah, ou « livre de la Sagesse »; nom qu’emploient également les anciens Pères grecs et latins (S. Méliton, S. Justin, Clément d'Alexandrie, Origène, S. Cyprien, etc.), mais qui fut plus tard réservé à un écrit spécial (dans le langage liturgique, cinq des livres poétiques de la bible portent le titre de Liber Sapientiae : ce sont les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Cantique, la Sagesse et l'Ecclésiastique).

Le livre des Proverbes n’occupe pas la même place dans la Bible hébraïque que dans les traductions des Septante et de la Vulgate. Là, il est rangé parmi les Ketûbim ou Hagiographes, tantôt au second rang, entre les Psaumes et Job, tantôt au troisième, après Job; ici il est encadré par les Psaumes et par l'Ecclésiaste (voyez le tome 1, p. 12 et 13).

Sujet et division. —Le livre des Proverbes est, pour ainsi dire, un « manuel de règles morales » : règles exposées d’abord par manière d’exhortations; puis, dans la plus grande partie du poème, sous forme de sentences très brèves, qui sont citées le plus habituellement sans suite et comme au hasard. Nous ne devons donc pas y chercher un tout harmonieux, une organisation strictement logique. Néanmoins des titres spéciaux, insérés çà et là par l’auteur principal et par les collecteurs (1, 1 et ss.; 10, 1; 24, 23; 25, 1; 30, 1; 31, 1), établissent une division générale assez nette. 1° Courte introduction, qui expose le sujet, le caractère et le but du livre (1, 1-7). 2° Première partie, qui contient trois séries d’exhortations et d’avertissements adressés aux jeunes gens par la Sagesse personnifiée (1, 8-9, 18). 3° Deuxième partie, qui renferme deux collections considérables de proverbes isolés (10, 1-31, 31). La première partie se subdivise en trois sections, qui correspondent aux trois séries de petits discours (1, 8-3, 35; 4, 1-7, 27; 8, 1-9, 18). Deux sections dans la seconde partie: la collection la plus ancienne des Proverbes de Salomon (10,1- 22,16), avec deux petits appendices (22, 17- 24, 22, et 24, 23-34); une collection plus récente (25, 1-29, 27), avec trois appendices (30, 1-31; 31, 1 -9; 31, 10-31). Le commentaire donnera une analyse plus complète.

L’auteur. - La première ligne du livre et plusieurs des autres titres mentionnés plus haut (cf. 10, 1 et 25, 1) attribuent formellement sa composition à Salomon. La tradition constante de la synagogue et de l'Église fait de même. Ce sentiment est confirmé par le célèbre passage 1 Rois, 4, 32, où il est dit que Salomon avait composé « trois mille proverbes » (la plupart sont perdus, puisque, en dehors des chap. 1-9, qui contiennent plutôt des discours, nous n'avons guère que 550 proverbes dans ce livre). Malgré des nuances qui s’expliquent dans un ouvrage de ce genre, le style est au fond le même partout, et les rationalistes en ont exagéré notablement les différences, afin de donner plus de poids à leurs attaques contre l'authenticité du livre (ici, comme toujours, il existe entre eux un complet désarroi, lorsqu'il s'agit de fixer l'époque où furent composées les diverses parties de la collection; leurs divergences d'évaluation sont souvent de plusieurs siècles). Seuls les appendices de la seconde collection, surtout les deux premiers, attribués à Agur (30, 1) et à Lamuel (31, 1), créent une difficulté sérieuse, qui sera étudiée dans le commentaire. On regarde aujourd’hui comme plus probable qu’ils ne proviennent pas de Salomon.

La majeure partie du livre des Proverbes a donc Salomon pour auteur: ce qui signifie qu'elle est son œuvre personnelle et proprement dite, et non pas, comme on l’a parfois affirmé, qu’il aurait simplement rassemblé et compilé des maximes, composées avant lui par des sages inconnus. Rien n’empêche, assurément, que maint gnome antique ait servi de base à ses proverbes.

Pour son travail il fut inspiré de Dieu, comme tous les autres écrivains sacrés. Théodore de Mopsueste a été à bon droit condamné par le second concile de Constantinople, pour avoir osé prétendre que le livre des Proverbes est un ouvrage purement humain, écrit en dehors de toute inspiration divine.

La poésie didactique eut donc son âge d’or chez les Hébreux au temps de Salomon, de même que la poésie lyrique avait eu le sien sous David. « La paix et la tranquillité du règne de Salomon étaient favorables au développement d’un esprit contemplatif, et c'est juste à cette période que nous nous nous serions attendus à voir la poésie gnomique se développer et former une époque dans la littérature » sacrée.

D’après la tradition juive, le livre des Proverbes serait le fruit de l'âge mûr de Salomon, tandis qu’il aurait écrit le Cantique des cantiques dans sa jeunesse et l’Ecclésiaste dans sa vieillesse (comp. S. Jérôme, in Eccl. 1, 1).

Histoire de la collection des Proverbes. -— En tête du chapitre XXV nous lisons ces paroles significatives: « Voici encore des Proverbes de Salomon, recueillis par les hommes d’Ezéchias, roi de Juda » (voyez le commentaire. Comp. aussi 22, 17 et 24, 23). Elles disent clairement que Salomon n’a pas complété lui-même le livre des Proverbes sous sa forme actuelle. Il y eut donc, pour cet écrit, comme pour le Psautier, plusieurs stades dans l’histoire de la collection et de l'organisation. La plus grande partie de l'ouvrage (1-24) parut tout d’abord, arrangée sans doute par Salomon en personne. « Les hommes du roi Ezéchias » ajoutèrent, trois siècles plus tard, les chapitres 25-29, probablement aussi les chapitres 30-31, après avoir réuni de précieuses sentences que le premier collecteur avait laissées de côté. Le livre, tel que nous le possédons aujourd’hui, date donc très vraisemblablement du règne d’Ezéchias.

Ce mode de formation graduelle explique comme il se fait qu’un nombre relativement considérable de proverbes (environ quarante : comp. 10, 1 et 15, 20; 14, 31 et 17, 5; 22, 13 et 26, 13; 19, 13 et 27, 15; 20, 16 et 27, 13, etc.) ont été répétés une et même plusieurs fois (cf. 14, 12; 16, 25; 21, 2; 21, 9, 19 et 25, 24, etc.). D’ailleurs, un recueil de plusieurs centaines de sentences ou « pensées » devait presque nécessairement contenir quelques maximes analogues (nous avons observé un phénomène semblable dans le Psautier. Voyez la page 6 de ce volume). Ce fait ne prouve donc nullement la pluralité des auteurs.

Le genre littéraire des Proverbes. — Dans ce livre, Salomon présente le plus souvent ses maximes sous la forme du distique. Il arrive çà et là, néanmoins, que la pensée est développée plus complètement, et alors nous trouvons des vers de trois, quatre, cinq, six membres et au delà (cf. 22, 29; 23, 1-3, 4-5, 6-8; 22-25; 25, 4-5, etc.). Les trois espèces de parallélisme sont représentées tour à tour; mais c’est l'antithèse qui domine (voyez le tome 3, p. 484-485).

Le style est simple, mais soigné, vigoureux (nous caractériserons ses nuances en avant de chacune des parties principales du recueil). Beaucoup de vigueur aussi dans les pensées, avec beaucoup d’esprit, de variété, de richesse. L’intérêt ne languit pas un instant.

L'importance du livre des Proverbes a été souvent relevée par les Pères, qui le nommaient volontiers (entre autres, le grand saint Irénée. Cf. Eusèbe, Hist. Eccl., 4, 22), pour ce motif : πανάρετος σοφία, « la sagesse qui enseigne toute vertu. » Salomon nous y apparaît véritablement comme le roi des moralistes de l'antiquité, inculquant les meilleures leçons à tous les âges et à toutes les situations de la vie, comme aussi à tous les temps et à tous les pays du monde (voyez dans le Manuel biblique, t. 2, nn. 835-841, un bon résumé de la doctrine des Proverbes). « Qu’on lise Marc-Aurèle et surtout Epictète : la morale de ces philosophes est dure; au lieu d’attirer les cœurs, elle les éloigne. On sent que ces docteurs ne sont pas les amis et les pères de leurs disciples, ils en sont les pédagogues; leur voix est hautaine et sans amour. Il n’en est pas ainsi de Salomon. Autant sa doctrine est noble et pure dans les principes qu’elle développe, autant elle est douce et tendre dans le ton qu’elle affecte....Le docteur fait place au père, et le disciple devient un fils... Il y a plus: à ces exhortations solennelles il joint celles d’une mère; c’est par cette qualité que se caractérise la sagesse salomonienne. Ni le père ni la mère n’imposent leurs maximes avec empire : ils prient, ils conjurent, ils recommandent...Ne nous étonnons pas (de la supériorité du proverbe salomonien): ces leçons de sagesse n’étaient point celles de l’homme, c’étaient des leçons descendant du ciel et inspirées à Salomon » (Mgr Meignan, Salomon, son règne, ses écrits. Paris, 1890, p. 324). Aussi ne conviennent-elles pas moins aux chrétiens qu'aux anciens Hébreux; à tel point que saint Jérôme, dans sa célèbre épître a Laeta, recommandait à cette matrone romaine de faire apprendre à sa fille Paula, d’abord les Psaumes, puis les Proverbes de Salomon, qui la formeraient à la vie pratique (Epist. 107 : « Discat primo psalterium, his se canticis sanctam vocet, et in Proverbiis Salomonis erudiatur ad vitam. »).

Il importe aussi d’étudier le livre des Proverbes sous le rapport historique, parce qu’il nous permet d’apprécier le niveau moral du peuple de Dieu pendant l’ancienne Alliance. Il est vraiment, comme le disait Origène, la source principale de l’éthique de l'Ancien Testament.

Mais les Proverbes de Salomon ne sont pas moins importants au point de vue dogmatique. Plusieurs dogmes fondamentaux, tels que ceux qui concernent la création, l'immortalité de l’âme, et surtout la nature divine, y sont nettement formulés. Nous verrons, au chapitre 8, le Verbe de Dieu, la seconde personne de la sainte Trinité, nous apparaître sous les traits de la Sagesse personnifiée; de sorte que « Salomon a la gloire d’avoir donné un nom au Messie, celui de Sagesse », qui a de si étroites relations avec la dénomination de Logos, révélée à saint Jean.

On comprend, d’après tout cela, pourquoi les Proverbes sont cités jusqu’à quinze fois environ dans le Nouveau Testament. Cf. Rom. 3, 15; Hebr. 12, 5; 1 Petr. 2, 17; 4, 18; 5, 5; 2 Petr. 2, 22, etc. ,

Du texte et des traductions anciennes des Proverbes. - « Le texte original et les anciennes versions de ce livre diffèrent entre eux, en certains points: par un arrangement divers des sentences, par des additions ou des omissions. Les anciens exemplaires hébreux ne paraissent pas avoir été complètement uniformes, les uns renfermant un plus grand nombre, les autres un moindre nombre de maximes, ce qui se comprend sans peine dans une collection de ce genre; de là ces différences.

« La version des Septante, la plus ancienne de toutes, témoigne dans le traducteur, comme celle de Job, une connaissance plus parfaite du grec que la version des autres parties de l’Ancien Testament. Elle est plus libre que littérale, et l’on peut expliquer par cette circonstance quelques variantes. Parfois des traductions incompatibles du même passage sont réunies ensemble, comme 6, 25; 16, 26; 23, 31. Le plus souvent, les divergences ont certainement pour cause un texte original différent ( « Elles sont peu considérables dans la première partie du livre, chap. 1-9 … Les différences sont plus notables dans la seconde partie, chap. 10-24 (omissions, changements dans la disposition des maximes, additions) … Dans la troisième partie, chap. 25-29, il y a aussi des intercalations... Certaines leçons des Septante sont bonnes, mais généralement le texte massorétique (c.-à-d. le texte hébreu actuel) est meilleur et plus pur. » Le commentaire citera un grand nombre de ces divergences des Septante. Les citations du Nouveau Testament ont lieu d'ordinaire d'après la version des Septante. Cf. Hebr. 12, 5-6, et Prov. 3, 11-12; Jac. 4, 6, et Prov. 3, 34; 1 Petr. 4, 18, et Prov. 11, 31, etc).

« La version de la Vulgate est de saint Jérôme; il l'acheva en trois jours, avec celle de l’Ecclésiaste et du Cantique des cantiques. Elle contient quelques-unes des additions des Septante (nous les indiquerons aussi dans les notes). On ne peut douter qu’elle n’ait été faite sur un texte antérieur à tous les manuscrits hébreux actuellement existants et différents de ceux que les Massorètes (les auteurs de la Massore ou du texte hébreu traditionnel, tel que le donnent les Bibles hébraïques) avaient entre les mains » (Manuel biblique, t. 2, n. 822).

Commentaires catholiques. — R. Bayn , Commentarius in Proverbia,1555; de Salazar, Expositio in Proverbia Salomonis tam litteralis quam allegorica, 1619-1621; Cornelius Jansenius, Paraphrasis et annotationes in Proverbia, 1614; Maldonat, Scholia in Psalmos, Proverbia, etc., 1693; Bossuet, Libri Salomonis, 1653; Lesêtre, le Livre des Proverbes, Paris, 1879; A. Rohling, das Salomonische Spruchbuch übersetzt und erklaert, Mayence, 1879; Mgr Meignan, Salomon, son règne, ses écrits, Paris, 1890.