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BIBLE FILLION

La Sainte Bible Commentée d'après la Vulgate et les textes originaux

LE LIVRE DES PSAUMES



INTRODUCTION


La place du Psautier dans le canon biblique; ses divers noms. — Dans la Bible hébraïque, le livre des Psaumes ouvre la série des Ketubim ou Hagiographes (voyez le tome 1, p. 13. Cependant un certain nombre de manuscrits ne lui attribuent que le second rang, et mettent en tête le petit livre de Ruth). Les Septante et la Vulgate le rangent parmi les écrits sapientiaux, au second rang, le poème de Job occupant la première place.

Il porte très habituellement chez les Hébreux le nom de Séfer teillim, « livre des louanges » — par abréviation, tillim ou tillin, « louanges » — de la racine halal, d'où dérive aussi le mot alléluia. Quoique cette dénomination ne soit directement employée qu'une seule fois dans le psautier pour caractériser en particulier l'une de ses hymnes (Ps. 144, l; hébr. 145), il est certain qu'elle exprime fort bien le but et la nature des Psaumes en général, la plupart d'entre eux étant au fond des « alléluia », des louanges divines. Un autre nom, également très exact, est celui de tefillôt, « prières » que l'on trouve soit dans les titres de quelques psaumes isolés (Ps. 16, hébr. 17; 85, hébr. 86;. 89, hébr. 90; 101, hébr. 102; 141, hébr. 142), soit à la fin du Ps 72 de l'hébreu. Tous les Psaumes sont en réalité des prières dans le sens large de cette expression, selon la belle remarque de saint Jérôme : « Lege totum psalterium; … nihil erit nisi ad Deum in cunctis operibus deprecatio (Contra Pelag., 1, 5). » Néanmoins une autre dénomination, également hébraïque par son origine, a prévalu dans l'Église chrétienne: c'est celle de psalmi, « psaumes ». Ce nom vient du grec ψαλμός, qui correspond très exactement à l'hébreu mizmor, et qui servait à désigner soit les sons d'un instrument à cordes, soit un chant accompagné de ce genre de musique. Dans le texte primitif de la Bible, cinquante-six psaumes sont intitulés mizmor. C'est par une métonymie analogue que l'on a appelé la collection des Psaumes: ψαλτήριον (nom d'un instrument à cordes chez les Grecs; le nébel des Hébreux. Voyez l'Atl. Arch. de la Bible, pl. 63, fig. 8 et 9), psalterium, d'où nous avons fait « psautier ».

Le nombre et la numération des Psaumes. - Cent cinquante : tel est le chiffre normal et canonique des poèmes contenus dans le psautier. Tout ce qui dépasse ce nombre est apocryphe, notamment le psaume 151, qu'on trouve dans plusieurs versions anciennes (il raconte la victoire de David sur Goliath).

Quoique d'accord pour le total, l'hébreu d'une part, les Septante et la Vulgate d'autre part, diffèrent pour la coupure de quelques psaumes; ce qui produit une divergence presque perpétuelle dans la numération (cette remarque a son importance à cause des citations). Les psaumes 9 et 10, 64 et 65 de l'hébreu, sont réunis de manière à n'en former que deux dans les Septante et la Vulgate; en outre, ces mêmes versions divisent en deux parties les psaumes 116 et 147 de l'hébreu (la version syriaque a aussi des différences de numération qui lui sont propres). Le tableau suivant indiquera ces variantes en détail.


Hébreu

Septante et Vulgate

Ps. 1-8

Ps. 1-8

9-10

9

11-93

10-112

94-115

113

116

114-115

117-146

116-145

147

146-147

148-150

148-150


On le voit, les Septante et la Vulgate sont ordinairement en retard d'un chiffre sur l'hébreu. A moins d'indication contraire, nous suivrons la numération de notre version latine, quoique celle de l'hébreu paraisse être la plus exacte.

Quelques psaumes ou parties de psaumes existent à l'état double : comparez Ps. 13 et 52; Ps. 39, 14-18, et 64; Ps. 16, 8-12; 59, 7-14, et 107.

Division du Psautier. — Les cent cinquante psaumes sont partagés, dans la Bible hébraïque, en cinq livres, que marquent soit des titres spéciaux (Séfer rišôn, Séfer šéni, etc., « Livre premier, Livre second, » etc.) (placés entre les psaumes 41 et 42, 72 et 73, 89 et 90, 106 et 107, d'après la numération du texte hébreu), soit des doxologies finales (Ps. 40, 14; 71, 19; 88, 53; 105, 48), ajoutées par les collecteurs des psaumes (excepté à la fin du cinquième et dernier livre, le psaume 150 formant lui-même une admirable doxologie). Cette division est antérieure aux Septante, puisqu'ils ont inséré les doxologies dans leur traduction; elle est même plus ancienne que la composition des Paralipomènes, puisque le passage 1 Par. 16, 36 cite la doxologie du quatrième livre (Ps. 150, 48) comme partie intégrante du psaume 150. Elle correspond vraisemblablement aux différentes phases de la collection du psautier, ainsi qu'on le verra bientôt. Elle correspond pareillement à celle du Pentateuque, l'ouvrage aux cinq tomes. « Moïse a donné aux Israélites les cinq livres du Pentateuque, dit un ancien midraš ou commentaire juif du Ps. 1, 1, et David leur a donné aussi les cinq livres des Psaumes, pour correspondre au Pentateuque. » Le psautier est donc une sorte de « Pentateuque, l'écho du Pentateuque mosaïque, résonnant du cœur d'Israël; c'est le livre quintuple de la synagogue à Jéhovah, de même que la Loi est le livre quintuple de Jéhovah à la synagogue ».

Histoire de la collection des Psaumes.- Les poèmes sacrés dont se compose le psautier n'ont pas été rassemblés par une seule et même main, ni à la même époque. Divers traits de la Bible démontrent jusqu'à l'évidence la pluralité des collecteurs, et fournissent de précieux indices sur les temps où ils vivaient.

Nous trouvons le premier de ces traits dans le psautier même, où nous lisons, à la fin du second livre (Ps. 72 hébr., 20) : « Ici se terminent les prières de David, fils d'Isaïe. » (la Vulgate, Ps. 71, 20, traduit imparfaitement : Defecerunt laudes David, filii Jesse). C'est là, bien certainement, une formule qui servait de conclusion à un très ancien recueil des psaumes, tout différent de la collection actuelle, et remontant à David ou à Salomon.

Second fait : la destination liturgique de la plupart des poésies de David, et des poètes contemporains de ce prince, rendit promptement nécessaire un recueil de ce genre, qui alla grossissant peu à peu, à mesure que de nouveaux psaumes étaient composés ou retrouvés. Troisième fait: nous apprenons précisément, 2 Par. 29, 30 (cf. Prov. 25, 1), que le saint roi Ezéchias manifesta un grand zèle pour la littérature inspirée, et que, de concert avec les lévites, il fit chanter les cantiques de David et d'Asaph. Or les psaumes 72-88, qui composent le troisième livre du psautier, appartiennent en grande partie à ces deux écrivains sacrés; d'où l'on a conclu qu'Ezéchias aurait lui-même réuni ou fait réunir en son nom cette partie du psautier. Quatrième fait : le passage 2 Mach. 2, 13 rapporte que Néhémie, - et sans doute Esdras avec lui, comme l'ajoute saint Jérôme, - s'occupa de rassembler les psaumes de David, les livres des prophètes, etc. Voilà un nouveau stade dans l'histoire de la collection du psautier. Avant, pendant et après l'exil, d'autres chants lyriques avaient paru; des psaumes plus anciens, qui ne faisaient point partie des recueils précédents, avaient été découverts: on réunit alors le tout à ce qu'on possédait précédemment, et les deux derniers livres furent ainsi formés, tandis que les trois premiers subissaient quelques changements, par suite d'insertions nouvelles. C'est donc probablement au temps d'Esdras et de Néhémie, vers l'an 450 avant J.- C., que remonte le psautier sous sa forme actuelle (plusieurs textes du Nouveau Testament nous montrent que les Psaumes occupaient leur rang actuel au temps de Notre-Seigneur. Cf. Luc. 20, 42; 24, 44; Act. 1, 20, 13, 33).

Ces hypothèses, déjà garanties par des faits sérieux, le sont encore par l'étude intrinsèque du psautier, dans les parties duquel on reconnaît sans peine, d'une manière générale, « un progrès manifeste du plus ancien au plus récent : » les psaumes 1-42 ne contenant guère que des chants de David; les psaumes 43-90 renfermant la masse des cantiques de l'époque intermédiaire; les psaumes 91-150 la masse des chants plus modernes.

Souvent les psaumes ont été simplement ajoutés les uns à la suite des autres, sans liaison logique d'aucun genre; d'autres fois, il est visible que certains principes généraux de ressemblance ont servi de base pour les grouper: ainsi les psaumes 3 et 4 sont tous deux une prière du soir; les psaumes 5 et 6, tous deux une prière du matin; les psaumes 20 et 21 s'enchaînent mutuellement, comme font la prière et l'action de grâces, etc. (sur l'emploi très varié des noms divins 'Elohim et Yehovah dans les cinq livres du psautier, voyez le Man. Bibl., t. 2, n. 651. Ce fait est sans importance grave pour la critique, quoi qu'aient dit les rationalistes.)

Le sujet des Psaumes, leurs principales espèces. - « Dieu et l'homme, voilà le sujet des Psaumes : Dieu dans sa grandeur, sa bonté, sa miséricorde, ses bienfaits, sa justice; l'homme dans sa faiblesse, sa petitesse, sa misère, ses infidélités, et le besoin qu'il a du secours de son Créateur (Man. Bibl., t. 2, n. 655). » Ou plus brièvement, et d'une manière peut-être encore plus exacte : « Dieu, et l'homme en face de Dieu. » Comme l'a dit un autre interprète, Dieu est, pour ainsi dire, le soleil autour duquel gravitent tous les psaumes. Il est vraiment leur thème unique et perpétuel, à tel point que, « sur cent cinquante qui composent la collection, il n'y en a que dix-sept où il ne soit pas nommé dès le premier verset. » (Man. Bibl., l.c. Ce sont les Ps. 1, 2, 31, 36, 38, 44, 48, 51, 57, 77, 86, 113, 115, 120, 128, 132, 136).

Mais ce sujet unique est envisagé et traité sous des aspects très divers : quelques psaumes s'adressent directement à Dieu, pour l'invoquer, pour 1'adorer et le louer, pour le remercier; d'autres célèbrent ses attributs, ses perfections sans nombre, ou admirent les merveilles opérées par lui dans la nature et dans l'histoire; d'autres exposent d"une manière subjective sa loi sainte, que le Pentateuque avait promulguée objectivement; d'autres contemplent les mystérieux problèmes de la vie humaine dans ses relations avec la providence divine, etc. De là des essais multiples de classification. La grande variété et le changement rapide des sentiments dans un même psaume rendent ce genre d'opération très difficile (voyez le Man. Bibl., t. 2, n. 656). On peut du moins distinguer : les psaumes eucharistiques, ou d'action de grâces (Ps. 8, 17, 18, etc.); les psaumes élégiaques, ou de prière plaintive (les sept psaumes pénitentiaux (6, 31, 37, 50, 101, 129, 142) en font naturellement partie) (Ps. 3, 5, 7, etc.); les psaumes didactiques (Ps. 1, 48, 118, etc.); les psaumes historiques (Ps. 77, 54, 55, etc.); les psaumes prophétiques ou messianiques (Ps. 2, 15, 21, etc.) (sur cette catégorie importante, voyez plus bas, au 9°).

Les titres des Psaumes et leur valeur.- Dans la version des Septante et dans la Vulgate, tous les psaumes, à part les deux premiers, sont munis d'un titre. Dans le texte hébreu, ces titres existent aussi habituellement; mais il y a jusqu'à trente-quatre psaumes qui en sont dépourvus. Ils indiquent tantôt le caractère, le sujet, le but du poème; tantôt l'auteur, tantôt l'occasion historique, tantôt l'accompagnement musical, tantôt tous ces détails en même temps. Ils sont d'ordinaire très courts, ne se composant parfois que d'un simple « Alléluia »; celui du psaume 59 est le plus long et le plus complet de tous.

Depuis la fin du 18ème siècle, on a beaucoup discuté sur leur origine, et plusieurs critiques ont nié soit leur authenticité, soit leur antiquité. Il est néanmoins vraisemblable qu'ils proviennent pour la plupart des auteurs mêmes des psaumes, car il est certain qu'ils sont très anciens. On démontre ce second point à 1'aide de trois preuves principales. 1° Les titres des psaumes ne sont pas seulement antérieurs à la version des Septante, qui les contient; mais les traducteurs d'Alexandrie ne les ont quelquefois pas compris, et les rendent d'une manière inintelligible (de même la Vulgate, à leur suite): fait qui atteste une grande antiquité; on avait perdu la clef des expressions assez souvent énigmatiques qu'ils renferment. 2° D'autres poèmes bibliques ont des titres analogues, dont l'authenticité n'est point douteuse. Cf. 2 Reg. 1,18, et 23, 1; Is. 38, 9; Hab. 3, 1, etc. 3° « Ils forment une partie intégrante de la collection (des Psaumes), et jusqu'aux temps modernes ils ont été, dans leur ensemble, admis sans contestation. Théodore de Mopsueste est, dans, l'antiquité, le seul qui ait élevé des doutes à ce sujet. » D'ailleurs « leur diversité, l'absence d'esprit de système, leur forme souvent obscure... sont des garanties d'une haute antiquité (Man. Bibl. , T. 2, n. 652). » Si les Septante en ajoutent un certain nombre qui ne se trouvent pas dans l'hébreu, ils l'ont fait assurément pour de bonnes raisons, et en s'appuyant sur des traditions alors existantes. Néanmoins on admet communément que les titres de quelques psaumes sont inexacts, et on n'hésite pas à les rejeter (nous les indiquerons dans le commentaire). Il en est plusieurs qui offrent à l'interprète des difficultés très sérieuses, et leur sens ne saurait être marqué que d'une manière hypothétique.

Les auteurs des Psaumes. — Les titres donnent le nom des auteurs de cent un psaumes dans la Bible hébraïque; de cent quinze dans les Septante et la Vulgate. Soixante-treize psaumes sont attribués à David par le texte original (ce sont les Ps. 3-9, 11-32, 34-41, 51-65, 68-70, 86, 101, 103, 108-110, 122, 124, 131, 133, 138-145, d'après la numération de l'hébreu), quatre-vingt-huit par les Septante (ajoutez à la liste précédente les Ps. 10 suivant l'hébr., 32, 42, 66, 70, 90, 92-98, 113, 136). Toujours d'après les titres, le psaume 89 est de Moïse; deux psaumes (71 et 126) sont de Salomon; Asaph, maître de chœur du temple sous le règne de David (cf. 1 Par. 15, 16 et ss.; 2 Par. 24, 30), en aurait composé douze; de même « les fils de Coré », c.-à-d. les descendants du lévite révolutionnaire qui avait reçu un châtiment si terrible au temps de Moise (cf. Num. 16); Héman et Éthan, chargés de la musique du temple par David, avec Asaph (cf. 1 Par. 15, 16 et ss.), en composèrent chacun un.

Selon le texte hébreu, trente-quatre psaumes sont « orphelins », comme s'exprime le Talmud, c.-à-d. anonymes. Dans ce nombre, il en est plusieurs encore qui eurent probablement David pour auteur (par exemple, le Ps. 2. Cf. Act. 4, 25). Les Septante et la Vulgate en attribuent quelques-uns aux prophètes Jérémie, Ézéchiel, Aggée et Zacharie : simples conjectures, qui ne reposent pas toujours sur des bases bien solides.

Le livre des Psaumes est donc loin d'appartenir en entier à David, qui ne paraît pas en avoir composé beaucoup plus de la moitié. Divers écrivains, soit juifs, soit ecclésiastiques, ont pourtant affirmé, avec une énergie digne d'une meilleure cause, que tous les psaumes sans exception étaient du poète royal. « Sciamus errare, leur répondait saint Jérôme (Epist. 140, 4. Comparez ces lignes de saint Hilaire, Prob. In Ps., &2 : « Absurdum est, psalmos David cognominare, cum tot auctores eorum ipsis inscriptionum titulis edantur. »), eos qui omnes psalmos Davidis arbitrantur, et non eorum quorum nominibus inscripti sunt. » Lorsque la Bible désigne le psautier par les noms de τά τού Δαυίδ (2 Mach. 2, 13) et de Δαυίδ (cf. Matth. 2, 45; Act. 4, 25, etc.), lorsque le concile de Trente lui donne l'épithète de Davidicum (Sess. 4), cela a lieu en vertu de l'adage: A fortiori fit denominatio. David demeure quand même « le principal et le plus grand poète lyrique d'Israël », le psalmiste par antonomase, comme le nomment les saints Livres: egregius psaltes Israel. (2 Reg. 23, 1. Cf. Eccli. 47, 8-10. D'après une gracieuse légende talmudique, le roi David avait suspendu sous ses fenêtres une harpe éolienne. Dès qu'elle rendait un son, il s'éveillait, et, piqué d'émulation, il composait un chant à la gloire de Dieu).

De cet aperçu relatif aux auteurs des Psaumes, il résulte que les dates extrêmes de la composition du psautier sont, d'une part, environ l'an 1050; d'autre part, environ l'an 450 avant J.-C., formant une ère d'à peu près six cents ans. Quant à l'opinion récente, d'après laquelle un grand nombre de psaumes ne remonteraient pas au delà de l'époque des Machabées, nous n'avons pas à la réfuter ici, tant elle est vaine; même dans les rangs rationalistes, elle a rencontré des adversaires très énergiques. (voyez Cornely, Historica et critica Introductio in utriusque Testamenti libros sacros, t. 2, pars 2, pp. 107-111)

Notre traduction latine des Psaumes. — La version grecque des Septante et la Vulgate, telles sont les deux plus importantes traductions du Psautier dans l'antiquité. La première « laissant fréquemment beaucoup à désirer dans les détails », et ayant en maint endroit, par suite d'une littéralité outrée, un coloris hébraïque non moins pénible que prononcé, l'on doit s'attendre à ce que la seconde, qui n'est qu'une version latine de cette traduction grecque, présente aussi un nombre considérable d'imperfections.

Voici en quelques mots, que nous empruntons au Manuel biblique (tome 2, n. 663), l'histoire du psautier tel qu'il est contenu dans la Vulgate. « Notre traduction latine des Psaumes est celle de l'ancienne italique; elle n'a pas été faite directement sur l'original hébreu... : c'est donc une œuvre de seconde main. Comme, du temps de saint Jérôme, par suite de la multitude des transcriptions qui en avaient été faites, elle était remplie de fautes, ce grand docteur, sur la demande du pape saint Damase, la retouche vers 383; ses corrections furent peu nombreuses, parce qu'il craignait de troubler, par de trop grands changements, les habitudes des fidèles qui savaient, la plupart, les Psaumes par cœur. Cette première révision est connue sous le nom de Psautier romain (du lieu où elle fut composée. « Jusqu'à saint Pie V, on se servit, dans toutes les églises de Rome, du Psalterium romanum; actuellement on ne s'en sert plus que dans l'église Saint-Pierre, pour le Bréviaire. L'invitatoire de Matines, Ps. 94, est tiré du Psalterium romanum; mais ce même psaume, intercalé dans le 3è nocturne de l'office de l'Épiphanie, est pris du Psalterium gallicanum. Les passages des Psaumes placés dans le Missel sont empruntés au Psautier romain, et non au Psautier gallican, employé dans le Bréviaire. »,Thalhofer, Erklaerung der Psalmen, pp. 12-13 de la 3è édit., 1871). On la jugea bientôt insuffisante. Saint Jérôme se remit donc à l'œuvre, entre 387 et 39l , et publia une seconde édition, plus soigneusement et plus amplement corrigée, de la version italique des Psaumes; elle porte le nom de Psautier gallican, parce qu'elle fut adoptée par les Églises des Gaules. Quand il entreprit plus tard une version nouvelle de l'Ancien Testament, sur le texte hébreu, il fit aussi, en 405, une traduction des Psaumes sur l'original: c'est le Psautier hébraïque. Quel que soit le mérite de cette version, les fidèles étaient si familiarisés avec l'ancienne italique, que l'Église a cru devoir, dans sa sagesse, conserver cette dernière dans les éditions de la Vulgate, d'après la recension désignée sous le nom de Psautier gallican. »

Quant aux caractères de notre version officielle des Psaumes, la même source les détermine fort bien, dans les termes suivants (Man. Bibl., ibid., n. 604): « Notre vieux Psautier latin a des défauts; il est souvent d'un style incorrect et barbare, obscur en quelques endroits, et même quelquefois il ne prend pas exactement le sens de l'original. Mais, quoiqu'il existe des différences nombreuses entre le texte hébreu et le texte latin, le fond de la doctrine est tout à fait le même, et les divergences sont, par conséquent, sans portée pour la religion (cf. Bossuet, Dissertatio de Psalmis, cap. 5. Oeuvres, édit. Lebel, t. 1, p. 52). De plus, quoique notre version de la Vulgate ne soit pas parfaite, elle a une force, une concision admirables, jointes à je ne sais quelle saveur agréable qui lui donne le plus grand prix, et fait que les paroles des chantres sacrés, sous cette forme de la langue populaire latine, frappent l'esprit et se gravent dans la mémoire beaucoup mieux que si elles étaient parées de toutes les élégances d'une langue moderne. » (voyez dans le Man. Bibl., t. 2, n. 686, une explication, par ordre alphabétique, des mots difficiles de la Vulgate en ce qui concerne les Psaumes.).

L'importance des Psaumes est évidente. C'est à bon droit qu'on les a nommés « une Bible dans la Bible », parce qu'ils en résument l'essence (« Haec est ratio quare magis frequentatur Psalterium in Ecclesia, quia continet totam Scripturam. » S. Thom. Aq., Expositio aurea ad Davidem, Proleg. « A la vérité dire, je n'estime livre soubs le ciel qui puisse être comparé au Psaultier. Parquoy s'il nous fallait impétrer de Dieu par grandes prières et souhaits un long livre contenant sommairement la moelle de l'Écriture et les choses d'eslites d'icelle, il ne pourrait estre autre que le Psaultier, ou du tout semblable à iceluy. » Préface d'un vieux Psautier datant de 1552), ou « le cœur de la Bible ». « Psalmorum liber, écrivait saint Augustin d'une manière plus générale encore (Proleg. In Psalmos), quaecumque utilia sunt ex omnibus continet. Futura praedicit, veterum geste commemorat, legem viventium tribuit, gerendorum statuit modum. »

Mais nous pouvons envisager cette importance à divers points de vue. 1. Sous le rapport historique. Rien ne saurait nous aider mieux que les Psaumes à connaître le peuple théocratique dans la partie supérieure et en même temps la plus intime de sa vie. Sans le psautier, nous n'aurions qu'une idée très imparfaite et superficielle de la religion israélite. Au contraire, les chants lyriques des Hébreux nous permettent d'étudier à fond leurs relations avec Dieu, leur foi, leur amour, leur tendre piété. Les Psaumes sont, de plus, en connexion perpétuelle et très étroite avec l'Ancien Testament.

    1. Sous le rapport théologique. « Le livre des Psaumes, dit saint Basile (Hom. 1 in Psalm., n.2), contient une théologie complète. La prophétie de la venue de Notre-Seigneur dans la chair, les menaces du jugement, l'espérance de la résurrection, la crainte du châtiment, les promesses de la gloire, la révélation des mystères : toutes ces choses sont recueillies dans ce livre comme dans un vaste trésor ouvert à tous. » Rien de plus riche que la théologie, soit dogmatique, soit morale, des Psaumes, et l'on a pu composer des volumes spéciaux sur ce sujet intéressant (en particulier, J.Koenig, Theologie der Psalmen, Fribourg-en-Brisgau, 1852). Mais l'importance théologique des Psaumes consiste avant tout dans leurs prophéties relatives au Messie et à son Église : prophéties nombreuses, d'une grande clarté, qui nous aident d'une manière surprenante à suivre le progrès de la révélation sur la plus belle et la plus grave des questions. Non seulement le psautier est imprégné dans son ensemble de l'idée du Messie, telle que les oracles antérieurs l'avaient transmise, mais cette idée y prend un magnifique accroissement; elle se précise et se clarifie de plus en plus. Aussi ne faut-il pas s'étonner que, de tous les livres de l'Ancien Testament, le psautier soit le plus fréquemment cité dans le Nouveau (on a supputé que sur deux cent quatre-vingt-trois citations empruntées à l'Ancien Testament par le Nouveau, cent seize sont tirées des Psaumes).

Cependant tous les psaumes ne s'occupent pas du Messie, et, parmi ceux qui s'en occupent, tous ne le font pas de la même manière; de là le nom de Psaumes messianiques, appliqué seulement à un certain nombre d'entre eux. Et ici encore il faut distinguer, car les psaumes messianiques ne méritent pas tous cette épithète au même degré : quelques-uns annonçant le Christ et son règne d'après leur sens direct, littéral, de sorte qu'ils ne sauraient souffrir aucune autre application ; d'autres se rapportant tout d'abord, selon leur sens propre, à divers faits ou personnages de l'Ancien Testament, mais de telle sorte que ces faits, ces personnages, sont des types du Messie. Dans le premier cas, qui est relativement rare, on dit que les psaumes sont directement ou exclusivement messianiques (tels sont les Ps. 2, 21, 44, 71, 109; peut être aussi les Ps. 15 et 68); dans le second, ils le sont indirectement, ou suivant le sens typique et figuré (entre autres, les Ps. 8, 18, 34, 39, 40, 67, 77, 96, 101, 108, 116, 117, pour ne citer ici que les principaux).

Les psaumes messianiques nous sont parfois indiqués par les écrivains du Nouveau Testament, ou par le témoignage unanime de l'Église : leur caractère est alors indiscutable (à cette catégorie appartiennent les Ps. 2, 8, 15, 21, 39, 40, 44, 47, 48, 71, 77, 96, 101, 108, 109, 116, 117). D'autres fois, c'est le fond même des choses, un trait plus ou moins frappant, qui nous rappelle le Messie (Ps. 20, 23, 46, 84, 86, 88, etc) : garantie assurément bien inférieure à la précédente. Le consentement de quelques Pères ou exégètes anciens a également sa valeur pour établir le caractère messianique d'un psaume (Ps. 3, 17, 48, 54, 58, 66, 70, 87, 110, etc); mais il est nécessaire alors que l'application faite par eux à Notre-Seigneur Jésus-Christ et à son Église ne soit pas purement accommodatice. (« On ne doit pas ranger parmi les psaumes messianiques ceux que la liturgie applique, dans un sens accomodatice, à Jésus-Christ et à son Église, parce que celle-ci n'a point certainement l'intention de décider par là, en vertu de son autorité, que l'application qu'elle fait d'un passage au Messie et à son royaume est réelle, objective, et voulue comme sens premier par le Saint-Esprit ». Thalhofer, Erklaerung der Psalmen, p. 16 de la 3è édition. Voyez dans l'excellent ouvrage du P. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, passim, l'explication concise des principaux passages messianiques du psautier. Cf. G. Reinke, Die messianischen Psalmen, Giessen, 1857-1858).

    1. Sous le rapport liturgique. Chacun sait le rôle immense que les Psaumes ont joué et joueront à jamais dans les liturgies juive et chrétienne. Non qu'ils aient été tous composés dans un but liturgique; mais ceux-là même qui n'étaient à l'origine que l'effusion d'un sentiment individuel et privé s'adaptèrent merveilleusement à cette destination.

Nous possédons peu de détails sur l'emploi des Psaumes dans les cérémonies religieuses d'Israël avant l'exil. Plusieurs textes bibliques supposent cependant que le psautier formait dès lors le fond et la partie essentielle du culte public. Comp. 1 Par. 16; Is. 38, 20; Jer. 33, 11, etc., et les titres d'un certain nombre de psaumes. Il en fut de même après l'exil, ainsi que le dit clairement le Talmud en divers endroits, allant jusqu'à noter les psaumes qui étaient chantés à tels et tels jours (actuellement encore les Psaumes constituent une portion très importante du culte dans les synagogues).

Du culte juif, l'emploi des Psaumes passa dans le culte chrétien dès l'origine de l'Église (cf. 1 Cor. 14, 15, Eph. 5, 19; Col. 3, 16). Et rien de plus naturel, puisque les apôtres, et ceux des premiers chrétiens qui étaient issus du judaïsme, avaient été accoutumés à ce genre de prière. D'ailleurs le psautier n'a rien de spécifiquement juif; ses supplications et ses louanges convenaient mieux encore à la religion nouvelle qu'à l'ancienne (« Psalmus vox Ecclesiae est », a dit saint Ambroise, Praef. In Psalm., n. 9); aussi, lorsque la liturgie chrétienne s'organisa peu à peu, elle fit un usage très large des psaumes (voyez Bona, Opera omnia, Anvers, 1723, pp. 402 et ss.; Gerbert, De musica sacra, t. 1, cap. 1-3, etc): à tel point que les Églises de Syrie chantaient intégralement le psautier, « le cœur de Dieu, » ainsi qu'elles l'appelaient, à toutes les vigiles des fêtes; les Églises grecque et latine, une fois par semaine.

    1. Sous le rapport moral et mystique. Cet emploi public et solennel des Psaumes n'empêchait pas leur emploi privé, qu'il excitait au contraire. « In Christi villa (c.-à-d. à Bethléem), écrivait saint Jérôme (Ep. 18. Cf. S. Greg. Nyss., in Psalm. c. 3), - et ce qu'il dit de Bethléem s'applique à cent autres villes, - extra psalmos silentium est; quocumque te vertas, arator stivam tenens Alleluia decantat, sudans messor psalmis se avocat, et curva attondens vites falce vinitor aliquid Davidicum canit. ». C'est que les Psaumes renferment un trésor inépuisable de saints enseignements, de consolations et d'encouragements célestes, qui s'approprient à tous les temps, à tous les pays, à chaque âme individuelle, à chaque situation de la vie. Le psautier est, comme l'Imitation de Jésus-Christ, un livre qui ne saurait vieillir. « Hoc sibi proprium et admirandum habet, quod etiam uniuscujusque animi motus, eorumque mutationes et castigationes in se descriptas et expressas contineat; ut qui ex ipso voluerit quasi ex imagine eas accipere et intelligere, ita semetipsum efformare possit, ut illic scriptum habetur... Singulis in rebus quisque reperiet divinai cantica ad nos nostrosque motus motuumque temperationes accommodata (S. Athanase, Epist. ad Marcellinum, n. 10. Comparez Bossuet, Dissertatio in Psalmos, cap. 8). » « David est... le prince de la prière,.... le père de l'harmonie surnaturelle, le musicien de l'éternité dans les choses du temps, et sa voix se prête à qui le veut, pour gémir, pour invoquer, pour intercéder, pour louer, pour adorer (Lacordaire, Lettres à un jeune homme sur la vie chrétienne, pp. 190 et ss.).

l0° Beautés littéraires du Psautier. — « Je ne m'étendrai pas sur les beautés littéraires du livre des Psaumes: les saints Pères ont tout dit, en mettant ces divins cantiques infiniment au-dessus des productions des lyriques profanes (le mot de saint Jérôme est bien connu : « David Simonides noster, Pindarus et Alcaeus, Flaccus quoque et Catullus, Christum lyra personat, et in decachordo psalterio » Epist, L ad Paulin). Ils l'emportent, en effet, et par le fond des choses qu'ils renferment, et par la manière dont ils les expriment... Pour exprimer de si grandes pensées, les poètes de Sion avaient des images vives, des expressions pittoresques, des comparaisons frappantes, des tons hardis, des mouvements sublimes, enfin toutes les ressources du génie oriental secondé par l'inspiration. Lisez l'un après l'autre les lyriques anciens et modernes, vous ne trouverez rien dans leurs odes qui approche de la majesté et de la douceur des Psaumes; mais, à côté de ces richesses, vous n'admirerez pas moins la simplicité du style, qui contraste toujours dans la Bible avec la recherche des écrivains profanes (H.Laurens, Job et les Psaumes, pp. 158 et ss., Paris, 1839).

Nous pourrions citer, sur ce thème intéressant, toute une chrestomathie de passages remarquables, empruntés aux plus grands écrivains modernes. Les lignes suivantes de Lamartine suffiront: « Ce chantre divin (David) m'a souvent touché le cœur et ravi la pensée. C'est le premier des poètes du sentiment; c'est le roi des lyriques. Jamais la fibre humaine n'a résonné d'accords si intimes, si pénétrants, si graves; jamais la pensée du poète ne s'est adressée si haut et n'a crié si juste; jamais l'âme de l'homme ne s'est répandue devant l'homme et devant Dieu en expressions et en sentiments si tendres, si sympathiques et si déchirants. Tous les gémissements les plus secrets du cœur humain ont trouvé leurs voix et leurs notes sur les lèvres et sur la harpe de cet homme, et si l'on remonte à l'époque reculée où de tels chants retentissaient sur la terre, si l'on pense qu'alors la poésie lyrique des nations les plus cultivées ne chantait que le vin, l'amour, le sang et les victoires des Muses et des coursiers dans les jeux de l'Élide, on est saisi d'un profond étonnement aux accents du Roi-Prophète, qui parle au Dieu créateur comme un ami à son ami, qui comprend et loue ses merveilles, qui admire ses justices, qui implore ses miséricordes, et semble un écho anticipé de la poésie évangélique, répétant les douces paroles du Christ avant de les avoir entendues... Lisez de l'Horace ou du Pindare après un psaume; pour moi, je ne le peux plus. » (Voyage en Orient).

En un mot, c'est à bon droit que les Psaumes « passent chez tous les peuples pour l'ouvrage le plus parfait que la poésie lyrique ait produit » (Ch. Nodier. Voyez les trésors de l'éloquence, Lille, 1846, 3è édit., t. 1, pp. 35 et ss.)

11° Les ouvrages à consulter ne manquent pas ici, puisque « les Psaumes sont le livre de l'Ancien Testament sur lequel on a le plus écrit », et que l'on compte « environ douze cents commentaires de ces chants sacrés » (Man. Bibl., t. 2, n. 672). Voici quelques-uns des plus utiles, tous sortis de la plume d'écrivains catholiques. Au temps des Pères, l'Expositio in Psalmos, attribuée à saint Athanase; les admirables Homiliae in Psalmos de saint Basile, qui ne portent malheureusement que sur vingt-deux psaumes; l'œuvre analogue et également incomplète de saint Jean Chrysostome; l'Interpretatio in Psalmos, de Théodoret de Cyr; les Tractatus super Psalmos, de saint Hilaire de Poitiers; les célèbres Enarrationes in Psalmos, de saint Augustin. Au moyen âge, de Psalmorum libro exegesis, du Vén. Bède; le commentaire incomplet de saint Thomas d'Aquin. Aux temps modernes, la Paraphrasis in Psalmos cum annotationibus, de Cornélius Jansénius, évêque de Gand (Anvers, 1614; travail concis et solide); le Commentarius in Psalmos de Génébrard (1582); le Commentarius in Psalmos et in cantica divini officii, de A. Agellius (Paris, 1611), qui est regardé à bon droit comme le meilleur ouvrage catholique du 17ème siècle sur les Psaumes; l'excellente Explanatio in Psalmos de Bellarmin (Rome, 1611); le Commentarius litteralis et historicus in omnes Psalmos, de Simon de Muis (1630), utile pour le sens littéral, très riche en fait d'exégèse juive; le Liber Psalmorum, court et riche, de Bossuet (1690); le Liber Psalmorum cum notis, de Bellanger (1729). De nos jours, P. Schegg, die Psalmen übersetzt und erklaert, 2° édit., Munich, 1857; van Steenkiste, Liber Psalmorum nova et facili ratione explicatus, Bruges, 1871 ; V.Thalhofer, Erklaerung der Psalmen, Ratisbonne, 1871; A.Rohling, die Psalmen übersetzt und erklaert, Münster, 1871; M. Wolter, Psallite sapienter, Enklaerung der Psalmen, Fribourg-en-Brisgau, 1871 et ss.; F. X. Patrizi, Cento Salmi tradotti litteralmente dal testo ebraico e commentati, Rome, 1875 (traduction française en 1889); H. Lesêtre, le Livre des Psaumes, Paris, 1883; Mgr Meignan, David, roi, psalmiste, prophète, avec une introduction sur la nouvelle critique, Paris, 1889 (tous ces commentaires contemporains ont de la valeur, et peuvent rendre de grands services pour l'étude des Psaumes). Signalons encore quelques traductions récentes: Bertrand, les Psaumes disposés selon le parallélisme, traduits de l'hébreu ,1857; Mabire, les Psaumes traduits en français sur le texte hébreu, avec une introduction, des arguments, etc., Caen, 1868; Le Hir, les Psaumes traduits de l'hébreu en latin, avec la Vulgate en regard et l'indication des différences entre les deux versions, Paris, 1876 (Voyez, dans le Man. bibl., t. 2, nn. 668-671, quelques excellentes recommandations pratiques sur 1'étude des Psaumes.)