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BIBLE FILLION

La Sainte Bible Commentée d'après la Vulgate et les textes originaux

LE LIVRE DE LA SAGESSE


INTRODUCTION


Le titre. - Dans la Vulgate, Liber Sapientiœ; d’après les Septante, Σοφία Σαλωμώντοζ, Sagesse de Salomon. Le syriaque et l’arabe paraphrasent ces noms: « La grande Sagesse de Salomon » et : « Livre de la Sagesse de Salomon, fils de David, qui régna sur les enfants d'Israël. » Les Pères grecs nomment quelquefois ce livre, comme les Proverbes: ή πανάρετος σοφία, la sagesse qui procure toutes les vertus; ou bien: ή θεία σοφία, la divine sagesse. Ces différentes dénominations expriment très bien la pensée dominante de l’écrit, qui traite, en effet, de la sagesse, de son origine et de ses effets.

La canonicité. - Le livre de la Sagesse ne fait point partie de la Bible hébraïque; il est donc deutérocanonique (voyez le tome 1, p. 13). Mais il n’est pas douteux qu’il n’ait été admis depuis longtemps dans la synagogue comme une portion intégrante des saintes Écritures, puisqu’il est contenu dans la Bible des Septante, destinée aux Juifs dits Hellénistes. Les écrivains du Nouveau Testament ne le citent pas d’une manière directe; mais ils y font souvent et clairement allusion, et c’est là un argument très sérieux en faveur de son autorité divine, car il est bien évident que les apôtres n’auraient pas traité avec tant d’honneur un livre profane et apocryphe (plusieurs rationalistes admettent la force de ce raisonnement. Comp. 8, 5 et ss, et Joan. 1, 1; 9, 1, et Joan. 1, 3; 16, 5 et ss., et Joan. 3, 14-15; 11, 16, et Rom. 1, 21; 15, 7, et Rom. 9, 21; 12, 20-21, et Rom. 9, 22-23; 3, 8, et 1 Cor. 6, 2; 9, 15, et 2 Cor. 5, 4; 5, 18-20, et Eph. 6, 13-17; 3, 18, et 1 Thess. 4, 13; 7, 25, et Jac. 3, 15; 3, 5-7, et 1 Petr. 1, 6-7; 7, 26, et Hebr. 1, 3; 7, 22-24, et Hebr. 4, 12-13. Etc). Les Églises, soit grecque, soit latine, n’ont jamais hésité sur ce point, ainsi qu’il résulte des témoignages des Pères et des Conciles. Déjà le pape saint Clément, dans sa première lettre aux Corinthiens, 27, citait deux passages de la Sagesse (11, 22, et 12, 12). Saint Irénée, saint Hippolyte, Clément d’Alexandrie, Origène, Tertullien, saint Cyprien, Lactance, saint Hilaire de Poitiers, saint Jérôme, etc., lui attribuent entièrement l’autorité d’un livre inspiré, et regardent son auteur comme un « prophète ». « Cum veneratione divinae auctoritatis, » disait saint Augustin, résumant toute la tradition (De Praedestinat. Sanct., 1, 14).

C’est absolument à tort que, de nos jours, on a attaqué la canonicité et l’inspiration, en prétendant trouver dans le livre de la Sagesse des erreurs historiques ou philosophiques, des légendes sans portée et les systèmes de Platon ou de l’école d’Alexandrie. Ces fausses assertions tombent d’elles-mêmes devant l'examen attentif et impartial des textes incriminés (voyez Cornely, Introductio specialis in didacticos et propheticos V.T. Libros, Paris, 1887, p. 232-237).

L'auteur et l'époque de la composition. - En accolant le nom de Salomon au titre du livre, les Septante, le syriaque et l’arabe n'ont nullement voulu attribuer sa composition à ce prince. Le traducteur syrien a fait des réserves formelles sur ce point, niant ouvertement que Salomon soit l’auteur réel. C'est donc là un pseudonyme, mais manifeste, « transparent » qui ne voulait tromper personne, et auquel bien peu se sont laissé prendre dans l’antiquité même (néanmoins quelques écrivains de marque, tels que Clément d'Alexandrie, Tertullien, saint Cyprien, etc., ont regardé Salomon comme le véritable auteur). Saint Irénée, Origène, saint Jérôme et saint Augustin sont aussi nets que possible à ce sujet : « Non... esse ipsius (Salomonis) non dubitant doctiores, » dit expressément ce dernier Père (De civit. Dei, 17, 20). Et ailleurs (De doct. Christ., 2, 8): « Salomonis libri tres: Proverbiorum, Cantica canticorum et Ecclesiastes; nam illi duo libri..., Sapientia... et Ecclesiasticus, de quadam similitudine Salomonis esse dicuntur. ». C'est donc, tout le monde en convient, dans un sens très large que, parfois, les Conciles tenus en Occident et les documents pontificaux mentionnent cinq livres de Salomon (les Proverbes, le Cantique, l'Ecclésiaste, la Sagesse et l’Ecclésiastique): simple formule d’abréviation, basée sur une coutume très ancienne, mais qui ne veut rien définir sur la question d’auteur.

La dernière ligne de saint Augustin que nous venons de citer indique le motif pour lequel l’écrivain sacré, à jamais inconnu, auquel nous devons le livre de la Sagesse, a probablement placé lui-même le nom de Salomon en tête de son œuvre; il voulait montrer ainsi qu’il allait traiter un sujet digne du roi renommé entre tous par sa sagesse, et analogue à ceux qui avaient en réalité servi de thème à Salomon dans ses écrits authentiques (c'est pour cela qu'il le met quelquefois en scène et le fait parler directement. Cf. 7, 1-21; 8, 10 et ss.; 9, 7-8). Ne pourrait-on pas aller plus loin et penser, avec des exégètes de renom (entre autres Bonfrère, Bellarmin, Lorin, Cornelius a Lap., Haneberg, Cornely. Voyez ce dernier, l.c., p. 224 et ss.), que l'auteur aurait mis à profit des notes laissées par le grand roi, de sorte que Salomon aurait eu une part réelle dans la composition du livre? Le fait n’est pas impossible en soi, et il expliquerait le double courant qui s’est formé dès le temps des Pères sur ce point délicat; mais ce n’est malheureusement qu’une conjecture sans fondement solide.

C'est aussi en vertu de simples hypothèses, mais certainement erronées, que l’on attribué, dans les temps anciens ou modernes, le livre de la Sagesse tantôt à Jésus, fils de Sirach, auteur de l'Ecclésiastique (saint Augustin, De doctr. Christ., 2, 8, qui abandonna plus tard ce sentiment. Cf. Retract., 2, 4), tantôt au célèbre théosophe juif Philon (« Nennulli scriptorum veterum » soutenaient déjà cette opinion au temps de saint Jérôme. Sur sa fausseté, voyez le Man. Bibl., t. 2, n. 868. Les ressemblances entre les théories de Philon et le livre de la Sagesse sont purement superficielles), tantôt à Zorobabel revenu de Babylone, tantôt à quelques chrétiens, notamment à Apollos.

A défaut d’une tradition certaine, on peut du moins présenter quelques arguments intrinsèques, qui aboutissent à une conclusion très sérieuse et assez généralement admise aujourd’hui. Ils sont tirés du style et du genre littéraire du livre. Sous ce rapport, la Sagesse offre deux particularités, contradictoires en apparence, mais qui se concilient parfaitement. D’une part, on y remarque souvent un coloris hébraïque très prononcé (locutions empruntées à l’hébreu (cf. 1, 1: qui judicatis terram, in bonitate, in simplicitate cordis; 2, 9 :haec est pars nostra; 2, 15: immutatae... viae ejus; 4, 15, etc.), parallélisme des membres (cf. 1, 1; 2, 1-6; 7, 17-21; 11, 9-10, etc.), construction des phrases parfois un peu lourde, etc.). D'autre part, comme l’affirmait à bon droit saint Jérôme, « ipse stylus graecam eloquentiam redolet, » à un degré vraiment inouï dans tout le reste de la Bible des Septante (emploi fréquent d’expressions très classiques, et spécialement de mots composés; assonances, allitérations et autres jeux de mots qui supposent une connaissance assez approfondie du grec (1, 1: άγαπήσατε..., φρονήσατε... έν άγαθότητι χαί άπλότητι... ζητήσατε. 1, 2: πειράζουσιν... άπιστούσιν. 1, 4: ούς...χαί θρούς. Etc.); familiarité avec les coutumes (cf. 1, 14; 4, 2, 3; 7, 22; 10, 12; 11, 17; 19, 20, etc. dans le texte grec) et les théories grecques (cf. 1, 16; 2, 2-3; 5, 10; 8, 5-9; 12, 3-8, etc.)). Cet écrit est donc « remarquable au point de vue littéraire ». Mais tout s’explique aisément, si l’on admet qu’il a été composé, pour ses coreligionnaires d'Égypte, par un Juif d’Alexandrie, très au courant de la langue et des choses helléniques, et qui connaissait également à fond, sinon 1’hébreu, du moins la traduction de la Bible par les Septante, toute parsemée d’hébraïsmes. De là le double coloris de son style (ce style est loin « d'être toujours égal : très élevé et sublime dans quelques parties, comme dans le portrait de l'épicurien (2), dans le tableau du jugement dernier (5, 15-24), dans la description de la sagesse (7, 26-8, 1), incisif et mordant dans la peinture des idoles (13, 11-19), il est diffus et surchargé d'épithètes... dans d'autres passages. » Man. Bibl, t.2, n. 868).

Relativement à l'époque de la composition, la seule chose qu'on puisse affirmer avec certitude, c’est que le livre est notablement antérieur au christianisme, et postérieur aux Septante, attendu qu'il cite leur version à plusieurs reprises (cf. 2, 12, et Is. 3, 10; 15, 10 et Is. 44, 20, etc.). Il fait allusion à d'assez rudes épreuves par lesquelles passaient alors les Juifs, (cf. 6, 5; 12, 2; 15,·14): circonstance qui peut convenir au règne soit de Ptolémée Philopator (222-205 av. J.-C.), soit de Ptolémée Physcon (145-117 av J.·C.).

Le sujet, le but, la division.- Ce livre est au fond un long discours, une sorte de manifeste adressé aux Juifs et aux païens contemporains, afin d’opposer aux faux principes et à la conduite mauvaise que suggère la sagesse humaine la perfection de la foi et de la vie, telle que la recommande la vraie sagesse. Mais ce sont les Juifs d'Égypte qu'il a plus particulièrement en vue, et cela dans un triple but : 1° pour les consoler et les encourager au milieu des souffrances qu’ils enduraient de la part de leurs ennemis; 2° pour attaquer ceux d'entre eux qui avaient lâchement apostasié, et qui ne craignaient pas de persécuter leurs frères, de concert avec les païens; 3° pour attaquer aussi le paganisme lui-même et en démontrer 1’ignominie et la folie.

La division est très nette. Deux parties: la première, générale et théorique (chap; 1-9), considère la sagesse dans son essence et ses heureux effets; la seconde, plus spéciale et historique (chap. 10-19), envisage les œuvres admirables de la sagesse dans un certain nombre d'événements de l’histoire des Hébreux. Deux sections dans la première partie : 1° la sagesse, source de vrai bonheur et d'immortalité, 1, 1,-5, 24; 2° la sagesse, guide très sûr de la vie humaine, 6 , 1-9, ,19. Trois sections dans la seconde partie : 1° puissance de la sagesse soit pour sauver, soit pour châtier, 10,1-12,27; 2° la sagesse démontre que l’idolâtrie est une folie criminelle, 13, 1-14, 31; 3° Contraste entre les païens et les adorateurs de Jéhovah, 15, 1-19, 22 (pour les détails de l'analyse, voyez le commentaire, et notre biblia sacra, p. 714-729).

L'importance du livre de la Sagesse est reconnue par ceux-là même qui le traitent comme un écrit apocryphe. Elle consiste surtout en ce qu‘ « il nous conduit au seuil du christianisme » par les idées qu'il exprime, et par le langage dont il se sert pour les exprimer. Et parmi ces idées, la principale est celle qui concerne l'origine et la nature de la Sagesse, cette divine hypostase, qui se confond avec le Logos du Nouveau Testament (voyez le Man. Bibl., t. 2, n. 874). Rien de plus net et de plus saisissant; aussi saint Jean et saint Paul emploient-ils une phraséologie analogue pour décrire les attributs de Notre-Seigneur Jésus-Christ en tant que Verbe incarné, Fils du Père. D’autres dogmes sont encore enseignés clairement dans ces pages, spécialement ceux de l'immortalité de l’âme et du jugement dernier (cf. 2, 23; 3, 1 et ss.; 4, 2, 7 et ss.; 5, 1 et ss.; 8, 17; 15, 3, etc). Elles occupent donc réellement une place d’honneur dans l'histoire de la Préparation évangélique.

Commentateurs catholiques. Lorin, Cornelius a Lapide, Jansénius de Gand (Annotationes in librum Sapientiœ) , Bossuet, Calmet. De nos jours, Gutberlet , das Buch der Weisheit übersetzt und erklaert (Munster, 1874), et Lesêtre, le Livre de la Sagesse (Paris, 1880) (La Vulgate ne fait guère que reproduire, pour ce livre, la traduction de l'ancienne Itala, légèrement retouchée par saint Jérôme. Elle est assez conforme à l'original grec. Elle contient un grand nombre d'expressions populaires, et le style est souvent peu soigné, ce qui jette parfois de l'obscurité sur la pensée).