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BIBLE FILLION

La Sainte Bible Commentée d'après la Vulgate et les textes originaux

LES DEUX PREMIERS LIVRES DES ROIS

= LES DEUX PREMIERS LIVRES DE SAMUEL



Leur unité. — Les deux parties de l'Ancien Testament que nous nommons le premier et le second livre des Rois ne forment en réalité qu'un seul et même écrit. Origène (Ap. Euseb., Histor. Eccl., 6, 25) et saint Cyrille de Jérusalem (Cat., 4, 35) attestent que, de leur temps, elles n'étaient pas séparées l'une de l'autre dans les Bibles hébraïques; ce qui est encore vrai pour toutes les éditions manuscrites (la séparation n'a été introduite qu'en 1518 dans les éditions imprimées de la Bible hébraïque). La division est pourtant assez ancienne, puisqu'elle remonte aux Septante, auxquels l'Itala et la Vulgate l'ont empruntée tour à tour ; mais le fond même du récit, aussi bien que le style (voir plus bas, 5°), démontre la parfaite unité de l'œuvre. Les premières lignes du second livre se rattachent immédiatement aux dernières lignes du premier, sans la moindre interruption.

Leur nom, et leur relation avec le troisième et le quatrième livre des Rois. — Les Juifs désignent par le nom collectif de Samuel, et, dans le détail, par les titres Premier (livre) de Samuel, Second (livre) de Samuel, les écrits sacrés que nous appelons « Premier livre des Rois, Second livre des Rois ». Puis notre troisième et notre quatrième livre des Rois deviennent, dans leur Bible, le premier et le second des Melâkim, ou des Rois. Saint Jérôme a conservé en partie ces dénominations dans les inscriptions qu'il a placées en tête des quatre livres: Liber primus Samuelis, quem nos primum Regum dicimus; Liber secumdus Samuelis, quem nos secundum Regum dicimus; Liber Regum tertius, secundum Hebraeos primus Malachim; Liber Regum quartus, secundum Hebraeos Malachim secundus. Cet autre arrangement provient également des Septante, qui, se plaçant au point de vue de la royauté juive, dont l'histoire entière est racontée dans ces livres, les envisagèrent comme formant un tout logique (Ils disent : Βασιλείων πρώτη, Βασιλείων δευτέρα, c.-à-d.: Premier (livre) des règnes, etc. Tertullien latinisa ce titre sous la forme Basiliarum; plus tard, les Latins dirent : Regnorum, jusqu'à ce que la Vulgate eût fait la modification qui subsiste encore). Sous ce rapport, leur division est légitime; mais celle de la Bible hébraïque est plus exacte, puisque le troisième et le quatrième livre des Rois constituent une œuvre à part, très différente de celle qui porte le nom de Samuel, et beaucoup plus récente. Quant à ce nom, il dénote, comme ceux de Josué, de Ruth, d'Esther, etc., l'un des principaux héros du récit: le prophète Samuel nous apparaît, en effet, dès la première page, et il joua un rôle prépondérant dans l'institution de la royauté israélite, qui forme le fond de la narration.

Le sujet traité et l'organisation intérieure. — Les deux livres de Samuel exposent la continuation de l'histoire du peuple de Dieu, depuis la fin de la période des Juges jusqu'aux dernières années du règne de David; mais, ainsi qu'il vient d'être dit, ils s'occupent avant tout des origines et de l'établissement définitif de la royauté au sein de la nation théocratique. Pendant quelque temps, les Hébreux sont encore gouvernés par des Juges (Héli, Samuel, les fils de Samuel), comme sous la période précédente. Divers incidents, qui se groupent autour de la personne de Samuel, excitent peu à peu au cœur du peuple le désir d'avoir à sa tête un roi proprement dit ; Saül est élu et sacré; toutefois, reconnu incapable devant Dieu et devant les hommes d'exercer de si hautes fonctions, il est rejeté et remplacé par David. Les deux rivaux vivent ensemble pendant quelques années, le premier persécutant le second et essayant de s'en défaire; puis Saül meurt, et David règne glorieusement sur Israël, procurant à ses sujets la force et la gloire, soit au dedans, soit au dehors.

Le premier livre entre en matière d'une façon abrupte: un vieillard débilité de corps et d'esprit gouverne les Hébreux, que les Philistins oppriment durement. La douce figure du jeune Samuel nous apparaît en même temps, comme un contraste, et comme une promesse qu'il ne tarde pas à réaliser; nous passons ensuite à Saül et à David. Le premier livre s'achève à la mort du saint prophète et du roi maudit. Le second s'occupe exclusivement de David et de son règne glorieux.

De la, si nous réunissons les deux livres, une division très naturelle en trois parties : 1° l'histoire de Samuel, 1 Reg. 1-12; 2° l'histoire de Saül, I Reg. 13-31; 3° l'histoire de David, II Reg. 1-24.

Mais nous pouvons aussi donner une division propre à chaque livre, pour en faciliter mieux encore la lecture. - Premier livre. Trois parties : 1° Les derniers juges d'Israël, 1, 1-7, 17 (deux sections: la judicature d'Héli, 1, 1-4, 22; la judicature de Samuel, 5, 1-7, 17). 2° Saül roi d'Israël, 8, 1-15, 35 (deux sections: élévation de Saül à la dignité royale, 8, 1-12, 25; Saül réprouvé de Dieu, 13, 1-15, 35). 3° Les dernières années de Saül, les commencements de David, 16, 1-31, 13 (trois sections: David à la cour de Saül, 16, 1-20, 43; David fugitif à travers le district de Juda , 21, 1-26, 26; David exilé chez les Philistins, 27, 1-31, 13).— Second livre. Trois parties: 1° David règne à Hébron, 1, 1-4, 12. 2° David règne à Jérusalem, 5, 1-20, 26 (deux sections: extraits des annales royales, décrivant la puissance toujours croissante de David 5, 1-10, 19; le grand crime de David et ses suites funestes, 11, 1-20, 26). 3° Dernières années du règne de David, 21, 1-24, 25 (voyez de plus amples détails dans le commentaire et dans notre Biblia sacra).

But et importance des deux premiers livres des Rois. — Le but est triple, tel que nous pouvons l'envisager actuellement. D'abord un but très général : raconter la suite de l'histoire des Hébreux, en tant qu'ils étaient le peuple de Jéhovah. En second lieu, but plus spécial: démontrer les droits de David et de sa race au trône d'Israël. En troisième lieu, but très spécial: attester la fidélité de Dieu à ses anciennes promesses relatives au Messie, et en décrire 1'accomplissement progressif.

C'est ici, évidemment, le point le plus essentiel. Autrefois le Seigneur avait fait annoncer à la tribu de Juda qu'elle exercerait sur toute la nation choisie une hégémonie puissante et glorieuse, qui se transformerait un jour au règne du Messie lui-même (cf. Gen. 49, 8-11, et le commentaire); voici qu'il place réellement un membre de cette tribu sur le trône d'Israël, en affirmant, dans les termes les plus solennels, que le sceptre et la couronne de David passeront au dernier et au plus auguste de ses descendants (cf. 2 Reg. 7, 12-16). Aussi n'est-il pas surprenant que le nom de Mašiah (.םשוה) ou Messie, désormais si fréquent, si célèbre, apparaisse pour la première fois dès le commencement du livre de Samuel (1 Reg. 2, 10) : il donne le ton à tout le reste.

Mais il y a plus encore. Dans ce livre, en effet, David lui-même nous apparaît, en maint détail de sa vie, comme la figure et le type du Christ: type dans ses humiliations et ses souffrances (par exemple; il est, lui aussi, abandonné et persécuté par les siens; il a son Judas dans Achitophel, etc.); type dans ses gloires et ses triomphes. Il réunit en sa personne les trois grandes fonctions du Christ : il est roi, et roi selon le cœur de Dieu; il est prophète dans ses psaumes; il exerce jusqu'à un certain point le rôle de prêtre, se revêtant du costume sacerdotal (2 Reg. 6, 14) , donnant la bénédiction à la façon des prêtres (2 Reg. 6, 14, 20, etc.), Il y a vraiment en lui une ressemblance anticipée du Messie; aussi bien, celui-ci est-il parfois appelé « David » (cf. Jer. 30, 9; Ez. 34, 23-24; 37, 24-25; Os. 3, 5), de même que le saint roi porte le nom de Christ, unctus.

L'importance dogmatique du récit est indiquée par là même. Son intérêt historique est pareillement très considérable, puisqu'il nous fait assister à une autre période de crise et de formation dans Israël, à un changement complet dans le mode de gouvernement. Ce n'est pas tout : en même temps que la royauté sera fondée, Dieu enverra régulièrement à son peuple une suite presque ininterrompue de prophètes, pour régler et contrebalancer l'autorité des rois; ces prophètes établiront autour d'eux des écoles où la sainteté et la science sacrée seront cultivées de concert, et les représentants du Seigneur seront ainsi multipliés pour le bien de la nation. D'un autre côté, par l'organisation complète et détaillée du culte, le sacerdoce sera lui-même rehaussé, de manière à pouvoir mieux exercer l'influence qui lui appartient de droit.

L'auteur et ses sources. — Suivant une tradition juive que plusieurs anciens Pères ont admise, Samuel serait l'auteur des deux premiers livres des Rois. Mais cette opinion ne peut être vraie qu'autant qu'on la restreint aux chapitres 1 à 24 du premier livre, puisque le reste de l'ouvrage est postérieur à la mort de Samuel. En outre, la frappante unité de fond et de forme qui règne dans toutes les parties des deux livres supposant une seul et même historien, Samuel se trouve par là même exclu.

Cette unité exclut aussi le genre de composition auquel de nombreux interprètes hétérodoxes attribuent aujourd'hui l'origine du premier et du second livre des Rois, c.-à-d. la compilation pure et simple. L'auteur, qu'il est impossible de déterminer, a su garder son originalité, tout en utilisant les documents assez nombreux qu'il avait à sa disposition. D'après la Bible même, les sources écrites dont il dut se servir furent de trois sortes: l° quelques récits émanant de prophètes contemporains; par exemple, « le livre de Samuel le Voyant », « le livre du prophète Nathan », « le livre de Gad le Voyant » (cf. 1 Par. 29, 29) 2° des détails statistiques contenus dans les fasti regis David (1 Par. 27, 24); 3° les recueils poétiques de cette époque, tel que le « livre des Justes » (cf. 2 Reg. 1, 18), dont il a été déjà question Jos. 10, l3 (voyez le commentaire).

A défaut de nom, il est du moins possible d'indiquer une date approximative. D'après 1 Reg. 27, 6, la ville de Sicéleg, que le chef philistin Achis avait donnée à David, « appartint aux rois de Juda jusqu'à ce jour, » par conséquent jusqu'au temps où vivait l'écrivain. Or les mots « rois de Juda » disent clairement que le schisme des dix tribus avait eu lieu, et que plusieurs monarques s'étaient succédé sur le trône de Juda. Le règne de Roboam réalise ces deux conditions. Le style, qui est celui de l'âge d'or de la langue hébraïque, classique et pur, sans mélange d'aramaïsmes, suppose aussi une période peu éloignée de celle de David et de Salomon.

6° La véracité de nos deux livres a été mise en doute par plusieurs critiques rationalistes, qui appuient leurs attaques sur des contradictions qu'ils prétendent y découvrir. Telle la double élection de Saul (I Reg. 10, 1, et 10, 20-25), la double origine attribuée au proverbe Num et Saul inter prophetas ? (1 Reg. 10, 11, et 19, 24), etc. Le commentaire prouvera que ces antilogies ne sont qu'apparentes (voyez aussi le Man. Bibl., t. 2, n. 470; Cornely, Introductio specialis in historicos Veteris Testamenti libros sacros; Paris, 1887, pp. 260 et ss.). La véracité de l'historien est attestée de toutes manières; au dedans, par la vie et la simplicité du récit, par la minutie des détails et leur parfaite conformité avec les mœurs du temps, par l'exactitude de la topographie, etc.; au dehors, par les autres portions de la Bible, qui racontent les mêmes faits de la même manière, et qui les supposent connus de leurs lecteurs. Voyez les titres des psaumes 31, 7, 17, 33, 51, 53, 56, 58, 62, 141, et les références marginales qui les accompagnent. Comp. aussi Ps. 77, 70; 98, 6; Is. 29, 1; Eccli. 46, 16; 1 Mach. 2, 57; 4, 30. Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même cite un trait du premier livre (Matth. 12, 3-4, et les passages parallèles; cf. 1 Reg. 21, 6); la sainte Vierge lui emprunte quelques paroles dans son Magnificat (Luc. 1, 46-55; cf. 1 Reg. 2, 5 etc. ); saint Pierre, saint Étienne et saint Paul en font d'autres extraits (Act. 3, 24; 7, 46; 13, 20-22) : preuve de la haute confiance que les Juifs ont toujours eue en cet écrit.

Chronologie des deux livres de Samuel. — Même difficulté sur ce point que pour les livres de Josué et des Juges (voyez les Introductions): nous manquons de données suffisantes pour déterminer sûrement la durée de l'époque embrassée par l'ensemble de la narration, et aussi les dates des principaux faits. Nous trouvons bien, 1 Reg. 4, 18, quarante années pour la judicature d'Héli; 2 Reg. 5, 4, quarante ans pour le règne de David; mais nous ignorons combien de temps Samuel et ses fils gouvernèrent Israël, et la date de quarante ans assignée par saint Étienne au règne de Saül (cf. Act. 13, 31, et Jos., Ant., 6, 14, 9), quoique si claire en apparence, nous est de peu d'utilité parce qu'elle ne dit point si les deux années d'Isboseth (cf. 2 Reg. 2, 40. Sept ans et demi selon d'autres (ibid., 2, 41; voyez le commentaire)) sont comprises dans ce chiffre, ou si elles doivent être comptées à part.

Cependant on compte d'ordinaire environ cent trente ans pour la durée totale, et cent ans pour celle des faits racontés au premier livre.

Ouvrages à consulter. — Parmi les meilleurs commentateurs catholiques, nous citerons saint Ephrem, In Samuelem, Opera syriaca, t. 1, pp. 331 et ss.; Théodoret, In libros Regnorum; Sanchez, In Regum libros commentarius (1623); Duguet, Explication des Livres des Rois (Paris, 1738-1740), Clair, Les Livres des Rois (Paris, 1884); de Hummelauer, Commentarius in libros Samuelis (Paris, 1886) (voyez aussi Vigouroux, la Bible et les découvertes modernes, t. 3, pp. 385-408, pour l'histoire d'Héli et de Samuel). Il n'est pas sans intérêt de noter que saint Jérôme commença par ces livres sa traduction de la Vulgate sur l'hébreu.