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BIBLE FILLION

La Sainte Bible Commentée d'après la Vulgate et les textes originaux

LE LIVRE DE ZACHARIE


INTRODUCTION


La personne et l'époque du prophète. — Son nom, assez fréquent dans l'Ancien Testament (on y trouve plus de vingt personnages nommés Zacharie), a en hébreu la forme Zekaryah (la forme latine Zacharias a été calquée sur le grec des Septante, Zαχαρίας, qui signifie, d'après 1'interprétation la plus probable : (Celui dont) Jéhovah se souvient (moins bien, d'après saint Jérôme et d'autres exégètes : Souvenir de Jéhovah).

Le prophète Zacharie nous fournit lui-même (1, 1 et 7) deux détails intéressants sur sa famille. Il était fils de Bĕrékyah (Vulg., d'après les Septante : Barachias) et petit-fils de ‘Iddô (Vulg. et Septante : Addo). Si Esdras, à deux reprises (cf. Esdr. 5, 1 et 6, 14), fait de Zacharie le fils d'Addo, c'est dans le sens large que cette expression reçoit souvent chez les écrivains sacrés pour désigner en général un descendant (comp. Ten. 29, 5, où Laban est appelé fils de Nachor, bien qu'il eût en réalité Bathuel pour père. Comp. Aussi 2 Par. 22, 1, 11, et 24, 27, avec Matth. 1, 8 : l'évangéliste semble faire d'Ozias le fils de Joram, quoique trois générations les aient séparés l'un de l'autre. Voyez encore 4 Reg. 9, 14 et 20; Dan. 5, 2 et la note, etc). On a conjecturé avec beaucoup de vraisemblance qu'Esdras a passé Barachias sous silence, soit parce que ce personnage était mort de très bonne heure (probablement avant la fin de l'exil. Néhémie ne le mentionne ni parmi les chefs des familles sacerdotales qui revinrent de Babylone avec Zorobabel (cf. Neh. 12, 1-7), ni parmi les chefs des mêmes familles pendant la génération suivante (ibid., vers. 12-21). Il ne cite qu'Addo et Zacharie), soit parce que l'historien sacré tenait à rattacher immédiatement Zacharie à son grand père Addo, qui était chef d'une famille sacerdotale lorsqu'il revint d'exil avec Zorobabel, circonstance qui l'avait mis en évidence.

Notre-Seigneur Jésus-Christ mentionne, Matth. 23, 35, un Zacharie, également fils de Barachie, que les Juifs avaient tué autrefois entre le temple et l'autel; mais il n'y a pas de doute que ce martyr ne diffère de notre petit prophète, quoiqu'on les ait quelquefois identifiés. D'après 1'opinion communément admise, Jésus a voulu parler de Zacharie, fils du grand prêtre Joïada, massacré par les ordres du roi Joas (cf. 2 Par. 24, 20 et ss. Voyez notre commentaire de Matth. 23, 35).

D'après ce qui a été dit plus haut, le prophète Zacharie appartenait donc à la tribu de Lévi, et il était un membre influent de la race sacerdotale. On suppose généralement qu'il était né durant la captivité, sur la terre étrangère. Il devait être assez jeune lorsqu'il quitta la Chaldée avec son grand père, en 536, pour venir en Palestine. En effet, 2, 8, dix-huit ans après la fin de l'exil, au début de son ministère prophétique, il reçoit le nom de na'ar, jeune homme (il est vrai que cette expression était assez élastique chez les Hébreux et pouvait convenir à un homme âgé de trente ans. On ne peut guère se fier aux renseignements mêlés de légendes que nous fournissent Pseudo Épiphane, Pseudo-Dorothée, etc. Ces écrivains font de Zacharie un vieillard au moment où il quittait la Chaldée).

Comme Aggée, Zacharie commença à prophétiser pendant la seconde année du règne de Darius, fils d'Hystaspe, en 520 avant J .-C. On ignore quelle fut la durée de son rôle de prophète. D'après 7, 1, il l'exerçait encore pendant la quatrième année de Darius, en 518; mais il est probable que sa mission se prolongea au delà de cette époque, car les oracles contenus dans les chapitres 9-14 paraissent être un peu plus récents.

Zacharie consacra énergiquement son influence de prêtre et de prophète à relever la théocratie de ses ruines. Esdras, 6, 14, vante le zèle qu'il déploya, de concert avec Aggée, pour la reconstruction du temple. La tradition juive nous montre aussi ces deux prophètes s'intéressant à la liturgie sacrée, et composant ou arrangeant des psaumes (voyez les titres des Ps. 111 et 145 dans la Vulgate; des Ps. 137, 145-148 dans les Septante, et des Ps. 125-126 dans la version syriaque); elle les range aussi parmi les membres de la grande synagogue qui auraient organisé le canon des saintes Écritures (Traité Megilla, f. 17b-18a)

L'authenticité du livre. — « L'authenticité des chapitres 9-14 est niée aujourd'hui par un certain nombre de critiques (« Joseph Mede est le premier qui l'ait contestée (Works, Londres, 1664, pp. 786, 884). Il s'appuie sur ce que le passage 11, 12, est attribué par saint Matthieu, 27, 9, à Jérémie, non à Zacharie. Aujourd'hui, beaucoup de rationalistes vont plus loin et distinguent trois auteurs de la prophétie au lieu de deux, quand ils ne les multiplient pas davantage : les chap. 9-11 sont l'œuvre de Zacharie Ier, contemporain d'Isaïe, sous Achaz, vers 736; les chap. 12-14 sont d'un auteur inconnu...; les chap. 1-8 ont été réellement composés par Zacharie, contemporain d'Aggée. Tous s'appuient, du reste, sur les mêmes raisons pour admettre plusieurs prophètes au lieu d'un seul, de sorte qu'on peut les réfuter de la même manière. » Au surplus, les « critiques » se réfutent souvent les uns les autres, en admettant les époques les plus diverses pour la composition de telle ou telle partie; c'est ainsi que plusieurs d'entre eux attribuent les chap. 9-1 non pas au 8ème siècle avant J.-C., mais seulement au 5ème ou au 4ème). Leurs arguments se ramènent à trois principaux : 1° S. Matthieu attribue, 27, 9, un passage de cette section, 11, 12, non à Zacharie, mais à Jérémie; par conséquent, du temps de Notre-Seigneur, on ne lisait point les chapitres 9-14 dans la prophétie de Zacharie; 2° les chapitres 9-14, d'après leur contenu, ont été écrits avant la captivité; 3° le style des chapitres 1-8 et des chapitres 9-14 est totalement différent.

« A ces objections on peut répondre de la manière suivante :

« 1. De ce que S. Matthieu attribue à Jérémie un texte prophétique qui ne se lit tel quel ni dans Jérémie ni dans Zacharie, il ne peut résulter d'aucune façon que la dernière partie de Zacharie ne soit pas authentique. « Je crains qu'ils (les critiques qui nient l'authenticité) n'entreprennent trop en voulant contester trois chapitres à Zacharie pour restituer un seul passage à Jérémie, » dit avec raison Calmet (Comment. Litt. in Matth., 27, 9). La preuve que leur opinion est sans valeur, c'est que personne n'ose attribuer à Jérémie la dernière partie de Zacharie, ce qu'on devrait faire cependant, si l'argument qu'on prétend tirer de S. Matthieu était sérieux.

« 2. L'objection contre l'authenticité des chapitres 11-14 tirée de leur contenu serait décisive, s'il était vrai, comme on le prétend, qu'on y trouve des preuves qu'ils ont été écrits avant la captivité; mais les preuves n'existent pas. Dans les deux parties de Zacharie, le retour de la captivité est également présenté comme l'image de la félicité et décrit de la même manière (cf. Zach. 2, 10, et 9, 12; 2, 10, et 9, 9; 2, 14, et 9, 9, etc.). L'auteur des chapitres 9-14 est si peu antérieur à la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, qu'il a fait usage des écrits des prophètes qui ont vécu à cette dernière époque (« cet argument a paru si décisif à L. de Wette (critique tout à fait rationaliste), qu'après avoir admis dans les trois premières éditions de son Introduction (aux livres de l'Ancien Testament) la dualité d'auteurs, dans la quatrième il a reconnu que les derniers chapitres de Zacharie pouvaient être authentiques. Voici les principaux passages parallèles : Zach. 9, 2, et Ez. 28, 4; 9, 3, et 3 Reg. 10, 27; 9, 5, et Soph.2, 3; 10, 3, et Ez. 34, 17; 11, 4, et Ez. 34, 4; 11, 3, et Jer. 12, 5; 13, 8-9, et Ez. 5, 12; 14, 8, et Ez. 47, 1-12; 14, 10-11, et Jer. 31, 38-40; 14, 20-21, et Ez. 43, 12, et 44, 9 »).

« 3. La dernière objection, empruntée à la différence du style qu'on remarque entre les huit premiers chapitres et les six suivants, a cela de vrai, qu'il n'y a pas une ressemblance complète entre le langage des deux parties; mais la conclusion qu'on prétend en tirer est fausse, parce que la variété de ton, de formes et d'expressions, s'explique naturellement par le changement de sujet. Les visions ne peuvent pas être décrites dans les mêmes termes et de la même manière que la gloire future de Jérusalem, qui se déroule dans le tableau final; la façon de parler du narrateur n'est pas celle de l'orateur ou du poète; Osée s'exprime tout différemment, 1-3, et 4-14; Ézéchiel, 6-7, et 4. Les mêmes locutions caractéristiques se montrent d'ailleurs dans les deux parties de Zacharie : 7, 14, et 9, 8, transiens (euntes) et revertens; l'œil de Dieu, pour la Providence (3-9; 4-10; 9,1 , 8), etc. — Les derniers chapitres de Zacharie appartiennent donc ce prophète comme les précédents » (F.Vigouroux, Man. Bibl., t. 1, n. 1113. Voyez encore, du même auteur, les Livres saints et la critique rationaliste, 4è édit., t. 5, p. 241-248; Cornely, Introductio in utriusque Testam. Libros sacros, t. 2, pars 2, p. 602-609; Knabenbauer, Comment. In Prophetas minores, t. 2, p. 216-221)

Le sujet et la division du livre. — Nous avons vu plus haut (page 554) que les prophètes Aggée et Zacharie manifestèrent simultanément un grand zèle pour la reconstruction du temple. Rien de plus apparent que ce fait dans la prophétie d'Aggée, où tout roule en réalité autour du sanctuaire et de son rétablissement (voyez l'Introd. au livre d'Aggée, p. 541). Il n'est pas aussi manifeste dans les pages que nous a laissées Zacharie; du moins il est certain que, si ses oracles ne se rapportent qu'assez rarement d'une façon directe à la reconstruction du temple, ils contribuent partout d'une manière générale et indirecte à cette œuvre alors capitale. « Prononcées pendant quelle peuple travaillait avec zèle à bâtir le temple, ces prophéties sont encore une pierre apportée par le prophète à l'édifice commun; il encourage, console, exhorte, en montrant l'avenir brillant réservé à Israël, et les bénédictions abondantes qui se rattacheront à la restauration du sanctuaire de Jéhovah. » Tel est le thème du livre dans son ensemble.

On l'a partagé de différentes manières; mais, au fond, tout le monde est d'accord, tant les divisions sont nettement indiquées par l'auteur lui-même. Les chapitres 1-4 forment un tout inséparable; les chapitres 7-8 adhérent également l'un à l'autre d'une façon très étroite; il existe enfin une unité remarquable entre les chapitres 9-14. On convient généralement aussi que les chapitres7 et 8 forment une sorte de trait d'union entre ceux qui les précèdent et ceux qui les suivent (à la manière des chap. 37-39 dans le livre d'Isaïe).

Au point de vue, soit du sujet, soit de la forme extérieure, la division qui nous semble la plus naturelle et la meilleure consiste à admettre seulement deux parties : le livre des visions (1, 1-6, 15), et le livre des discours (7, 11-14, 21) (comparez le livre d'Amos, où nous avons trouvé deux parties semblables, mais renversées sous le rapport de l'ordre dans lequel se suivent les visions et les discours, p. 408 de ce volume). La première partie, qui s'ouvre par une courte exhortation à la pénitence (1, 1-6), contient une série de huit visions, révélées à Zacharie durant, une seule et même année, et relatives aux destinées futures du peuple de Dieu (1, 7-6, 8); elle s'achève par une action symbolique (6, 9-15). Prenant pour point de départ l'état de détresse où se trouvait alors Jérusalem, elle annonce nettement la transfiguration et l'heureux avenir de la nation théocratique. La deuxième partie se compose de trois discours, tous munis d'une brève introduction (cf. 7, 1-3; 9, 1, et 12, 1), et traitant tous du même sujet que le livre des visions : 1° Israël dans le passé et dans l'avenir (7, 1-8, 23); 2° oracles qui concernent tour à tour les païens, fortement menacés, et la nation sainte, à laquelle Dieu promet la gloire et la prospérité (9, 1-11, 17); 3° les jugements terribles et le bonheur de l'ère messianique (12, 1-14, 21). La première partie s'adresse plus immédiatement à la communauté juive qui s'était formée à Jérusalem depuis que l'exil avait pris fin; la seconde, plus spécialement à ceux qui devaient former plus tard le peuple de Dieu, régénéré et transfiguré par le Messie (pour une analyse plus complète, voyez le commentaire, et notre Biblia sacra, p. 1032-1040).

Le genre de Zacharie comme écrivain. — Sa diction est assez pure, surtout, pour cette époque de décadence littéraire chez les Hébreux. Son style est jeune, imagé, vivant. On y trouve des comparaisons très expressives (voyez 2, 8-9; 9, 15-16; 10, 3-5; 11, 7, 10, 14; 12, 3, 4, 6, 8; 14, 4, 20, etc.). Toutefois le grand nombre des figures, leur nouveauté, leur changement rapide, rendent souvent la diction obscure, comme c'était déjà le cas pour Osée. Les rabbins s'en sont plaints avec une certaine amertume, et saint Jérôme, à leur suite, nomme Zacharie « le plus obscur des douze » petits prophètes. Les chapitres 1-6 sont écrits en prose ordinaire; on rencontre déjà plus d'élan et de beautés dans les chapitres 7 et 8; les chapitres 9-14 sont admirablement écrits et rappellent les oracles d'Isaïe par leur profondeur, leur ampleur, leur variété, leurs ornements de langage.

L'importance de ce livre est considérable sous le rapport théocratique, car toutes les visions, tous les discours annoncent successivement que la nation sainte ne périra pas, mais que, reconstituée sur de nouvelles bases, elle durera jusqu'à la fin du monde. Or, il est évident qu'une prédiction de ce genre n'intéresse pas moins l'Église que la synagogue, puisque c'est par l'Église du Christ que la théocratie devait être et est en réalité continuée, complétée.

Il suit de là que le livre de Zacharie est tout du long messianique dans son ensemble; mais il ne l'est pas moins dans ses détails, qui, en nombre relativement grand, se rapportent directement à la personne et à l'œuvre du Christ. Les principaux passages de ce genre sont : 3, 8, où nous lisons le beau nom de « germe », déjà employé dans le même sens par Isaïe, 4, 2, et Jérémie, 23, 5; 6, 13, qui prédit que le Messie sera tout à la fois prêtre et roi; 9, 9-10, qui annonce son triomphe modeste à Jérusalem (cf. Matth. 21, 4); les trois textes 11, 12-13; 12, 10 et ss.; 13, 7, qui prophétisent qu'il sera trahi par l'un des siens (cf. Matth. 27, 9), transpercé par la lance (cf. Joan. 19, 37), et abandonné par ses apôtres (cf. Matth. 26, 31). (Pour les commentaires catholiques du livre de Zacharie, voyez la p. 339, note 1. Ajoutez à cette liste : Sanchez, Commentarius in Zachariam, Lyon, 1616; L. Reinke, Beitraege zur Erklaerung des Alten Testaments, t. 6, Münster, 1864, et, du même auteur, Die messianischen Weissagungen bei den grossen und kleinen propheten des A. T., Giessen, 1862).