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Sainte Brigitte de Suède
Les Révélations Célestes
les [Apparitions, extases, locutions] sont approuvées par trois papes et par le concile de Bâles,
1557 pages Traduction de Jacques Ferraige
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édition numérique par 358 à 362 Gisèle Dovi 363 jrenaud 364 375 Valérie Pajerski
376 386 à jrenaud 388 397 Françoise Lajugie 398 421Valérie Pajerski 422 432 Thierry Girard  et www.JESUSMARIE.com

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Livre 4
 LXXXI .

Réponse de la Sainte Vierge à l’épouse touchant trois hommes ,
     pour lesquels l’épouse intercédait auprès de Dieu . Quelles
     sont les larmes méritoires , et quelles non . Manière dont
     l’amour de Dieu s’augmente par la méditation de l’humilité de
     Jésus-Christ . Comment la crainte non filiale ici commençant
     est bonne .

     Cet homme-là est comme un sac plein d’arêtes ,duquel , si on en ôtait une , dix y seraient remises . Oui , vraiment , tel est celui pour lequel vous me priez , dit la Sainte Vierge Marie , attendu qu’il laisse un péché pour la crainte de Dieu , et en commet dix pour l’honneur du monde . Quand à l’autre homme pour lequel vous me priez , je vous dis que la coutume n’est pas de

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                              Les Révélations Célestes

donner de bonnes sauces à chair pourrie et puante . Vous demandez que des tribulations lui soient données pour l’utilité de son âme, mais sa volonté est contraire à votre demande , car il dé-sire ardemment les honneurs du monde , et souhaite plus les richesses périssables que la pauvreté , et son cœur est confit en volupté , à raison de quoi son âmes est pourrie et puante devant moi ; et partant , les sauces précieuses , c’est-à-dire , les tribulations de la justice , ne doivent pas lui être appliquées .
     Quant au troisième , dans les yeux duquel vous voyez flotter les larmes , je vous dis que vous voyez le corps , et moi je sonde le cœur ; car comme vous voyez que quelquefois une nuée téné-breuse s’élève de la terre et monte jusques au ciel , obscurcissant le soleil , et que cette nuée produit la pluie, la neige largement, et la grêle, et après , la nuée se dissipe et se perd , d’autant qu’elle avait pris connaissance des immondices de la terre, de même tout
Homme est comparé à cette nuée , quand il se nourrit dans le péché et se plonge dans les infâmes et abominables voluptés jusques à sa vieillesse . Mais la vieillesse arrivant, il commence à craindre la mort, et pense au danger qui le menace ; mais néanmoins , le péché demeure par délectation dans son esprit .
Donc , comme ces nuées tirent les immondices de la terre jusques au ciel , de même la conscience de cet homme se tire des immondices corrompues et puantes du corps et des péchés abominables, et elle donne trois sortes de larmes .
Les premières larmes sont comparées aux eaux , qui sont pour les
choses charnellement , qui l’aime comme par exemple , il pleure quand il perd ses amis , ou les biens temporels , qui ne

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servaient point pour son salut ; lors il se dépite et se chagrine contre l’ordre des disposition divines , et lors il jette de grands ruisseaux de larmes , avec une grande indiscrétion .
     Les secondes larmes sont comparées à la neige, car quand l’homme commence à penser aux périls de son corps qui s’appro-chent, les peines de la mort affreuse et les misères incomparables
De l’enfer, lors il commence à pleurer, non d’amour et de charité, mais de crainte et d’effroi. Et partant, comme la neige se fond , de même ses larmes cessent soudain .
     La troisième sorte de larmes est comparée aux nuées, car quand l’homme pense combien douce lui est et lui était la volupté charnelle, et que , l’ayant eue à horreur, combien de consolation
lui en resterait au ciel, il commence à débonder les larmes, se lamentant sur sa perte et sa damnation, ne se souciant de pleurer d’avoir déshonoré Dieu par ses détestables abominations ; ni ne considérait pas qu’il perdait une âme qu’il avait rachetée par son précieux sang, ne se souciant si elle verra et possèdera Dieu ou non après la mort, ne considérant ni ne désirant que d’avoir une demeure au ciel ou en terre , où il ne sentirait aucune peine, mais où elle jouirait d’une volupté éternelle. C’est pourquoi telle larmes sont fort à propos comparées aux nuées , d’autant que le cœur d’un tel homme est trop dur, et n’a aucun sentiment ni mouvement d’amour envers Dieu . Partant, telles larmes ne le portent pas au ciel .
     Mais maintenant , je vous veux montrer les larmes qui ravis-sent l’âme au ciel et qui sont semblables à la rosée, car quelquefois, quelque vapeur sort de la douceur de la terre et monte au ciel sous le soleil, laquelle, étant dissoute par

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les rayons du soleil , descend derechef en terre , et rend plant-ureux tous les fruits de la terre , et cela est appelé par vous rosée , comme il paraît aux feuilles des roses, lesquelles , opposées à la chaleur , donnent de l’humidité, et puis, l’humeur  descend. De même en est-il de l’homme spirituel. En vérité , tous ceux qui considèrent la terre bénie, qui est le corps de Notre-Seigneur , et les paroles que Jésus-Christ, Fils de l’Eternel , prononçait de sa bouche propre , quelles grâces il a faites au monde, et quelle peine dure et amère il a soufferte, mû à cela par les ardeurs des divines amours dont il brûlait pour les âmes, lors l’amour qu’il a envers Dieu monte au cerveau, qui est comparé au ciel ; son cœur
aussi , qui est comparé  au soleil , se remplit des divines amours ;
ses yeux s’abîment dans les larmes, pleurant d’avoir offensé un
Dieu infiniment bon, qui n’aura jamais d’égal en clémence , désirant maintenant plutôt d’endurer toute sorte de supplices pour l’honneur de Dieu , que de jouir de tous les autres plaisirs et être séparer de Dieu. C’est pourquoi ces bonnes larmes sont comp-arées à la rosée qui tombe des cieux, d’autant qu’elles donnent la vertu de faire des bonnes œuvres fructueuses devant Dieu, et que , comme les fleurs écloses et croissantes attirent à elles la rosée qui tombe, et que la rosée est enclose en la fleur, de même les larmes
Qui sont épanchées par les feux de la divine charité , enferment Dieu en l’âme d’une manière du tout signalée , et Dieu , d’un pouvoir amoureux , attire et ravit l’âme à soi : néanmoins , il est bon de craindre à raison de deux choses : 1° d’autant que l’abondance des œuvres faites avec crainte peut être si grande en quantité qu’elles attirent après

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Après quelque scintille de grâce au cœur pour obtenir la charité. Vous le pourrez comprendre par similitude .
     Par exemple : il y avait un orfèvre qui mettait quantité d’or sur les balances , auquel le charbonnier vint, lui disant : Monsieur, j’ai du charbon pour l’usage de vos œuvres ; donnez-moi ce qu’il vaut.
     Il lui répondit : Le charbon est taxé en sa valeur.
     Et lui ayant donné de l’or pour son paiement, l’orfèvre disposa les charbons selon la règle de son art , et l’or pour son entretien. De même en est-il des choses spirituelles , car les œuvres faites sans charité sont semblables aux charbon , et la charité à l’or. Partant, celui qui fait ses bonnes œuvres, par l’esprit de crainte , ayant néanmoins le désir d’acquérir le salut de son âme avec ses œuvres , cet homme-ci , bien qu’il ne souhaite voir Dieu au ciel , mais craint seulement de loger en enfer, a néanmoins de bonne œuvres, mais froides, et qui apparaissent devant Dieu comme des charbons. Mais Dieu est comparé à un orfèvre, qui sait en la justice spirituelle par quelles manières il faut récompenser les œuvres, ou par quelle justice divine la charité divine est acquise ;
 Il l’ordonne ainsi de la sorte dans les arrêts et décrets de sa providence divine, que l’homme ait la charité pour les bonnes œuvres faites avec crainte, laquelle l’homme dispose pour le salut de son âme .
     Comme donc l’orfèvre , plein d’amour et de charité , se sert de charbons pour son ouvrage, de même Notre-Seigneur Jésus-christ use des œuvres froides pour son honneur et sa gloire. Le deuxième : il est bon de craindre , d’autant que tout autant de péchés que l’homme laisse

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en vous ni de vous. Que vos oreilles soient pures, et que vous n’affectiez point d’ouïr les plaisanteries et les bouffonneries, ou ce qui émeut à rire. Que votre cœur soit stable, afin que vous ne craigniez point la mort, et que, gardant la foi, vous n’ayez point honte des opprobres du monde. Ne vous troublez point des dommages corporels, mais souffrez-les pour l’amour de moi, qui suis votre Dieu.

LXXXIII.

Notre-Seigneur Jésus-Christ parle à l’épouse, disant qu’elle le doit aimer comme le bon serviteur aime son maître, comme un bon fils aime son père, et comme aime son mari une femme fidèle, qui ne doit jamais se séparer de lui. Il explique les choses susdites spirituellement et généreusement.

  Le Fils du Père éternel, engendré avant le temps, parle à sainte Brigitte en ces termes : Je vous aime comme un bon maître aime son serviteur, comme un père chérit son fils, et comme un époux est plein de dilection envers son épouse, car le maître dit à serviteur : Je vous donnerai les vêtements, une nourriture convenable et un labeur modéré. Le père dit à son fils : Tout ce que j’ai est à vous. L’époux dit à l’épouse : Mon repos est en votre repos, et ma consolation est la vôtre.
  Que répondront donc ces trois à une si grande dilection ? Certainement, si le serviteur est bon, il dira à son maître : Je suis de condition servile : j’aime mieux vous servir qu’en servir un autre. Et le fils dira à son père : D’autant que
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J’ai tout bien de vous, c’est pourquoi je ne veux être séparé de vous. Mais l’épouse dira à son époux : D’autant que je suis nourrie et sustentée par vos infatigables travaux, que j’ai la chaleur de votre poitrine et la douceur de vos paroles, partant, j’aime mieux mourir que me séparer de vous.
  Or, moi, qui suis votre Seigneur, je suis cet époux, et l’âme est mon épouse, qui se doit consoler en moi, qui suis son centre et son repos, et se réfectionner de la viande divine, qui donne la force de vouloir plutôt mourir et souffrir toute sorte de tourments que de se séparer de moi, car sans moi, elle n’a ni consolation ni honneur.
  Mais deux choses sont requises au mariage sacré : 1- des biens d’où les mariés se puissent sustenter ; 2- un fils qui reçoive leur héritage, et que le serviteur soit pour obéir, car comme nous lisons : Abraham se troublait, parce qu’il n’avait pas un fils.
  Or, l’âme a lors des biens pour se sustenter, quand elle est pleine de vertus ; elle a aussi un fils, quand elle a la vertu de discrétion, quand elle a raison de discerner les vertus des vices, et quand elle discerne cela même selon Dieu ; elle a aussi un serviteur, c’est-à-dire, l’affection charnelle, qui ne vit point selon la concupiscence de la chair, mais comme il est expédient et convenable au corps et selon que l’âme avance en la perfection.
  Je vous aime donc comme un époux son épouse, car mon repos est votre repos. Partant, vous devez plus franchement souffrir toute sorte de tribulations que me provoquer à ire et à indignation. Je vous chéris aussi comme un père
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Son fils, d’autant que je vous ai donné la discrétion et la franche volonté. Je vous aime aussi comme un maître son serviteur, à qui j’ai commandé d’avoir les choses nécessaires avec modération, et le labeur avec tempérament. Mais ce serviteur, c’est-à-dire, le corps, est si insensé qu’il veut plutôt servir le diable que moi, bien que le diable ne lui donne jamais ni repos ni relâche des sollicitudes du monde.

LXXXIV.
Notre Seigneur Jésus-Christ, parlant à l’épouse, dit qu’il y a trois sortes d’hommes qui ont été supplantés par les femmes, l’un desquels est comparé à l’âne couronné ; l’autre a le cœur d’un lièvre, et le troisième est comparé au basilic. Et partant, la femme doit toujours être sujette à son mari.

  Le Fils de Dieu, engendré au-delà du monde dans le sein de son Père, parle en ces termes : On lit que trois sortes d’hommes ont été supplantés à raison des femmes.
  Le premier était un roi qu’Amasia frappa à la face, quand il ne la contentait pas, d’autant qu’il était fol, et il ne la retenait point ni ne se souciait de son honneur. Cet homme était semblable à l’âne à raison de sa sottise, et à l’âne couronné à raison de sa dignité royale.
  Le deuxième fut Samson, qui, bien qu’il fût très-fort, fut néanmoins vaincu par une femme. Celui-ci eut le cœur d’un lièvre, d’autant qu’il n’avait pu dompter une femme.
  Le troisième était Salomon, qui a été comme un basilic, qui tue de sa vue et est tué par un
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Miroir : de même la sapience de Salomon excédait tous ; néanmoins, la face d’une femme le tua. Partant, il faut que la femme soit soumise à l’homme.

LXXXV.
Jésus-Christ dit à l’épouse que, devant lui, il y a deux feuillets d’un livre : en l’un est écrit une triple miséricorde, et en l’autre la justice, qui l’avertit que, pendant qu’elle a le temps, elle se convertisse à la miséricorde, de peur qu’après elle ne soit punie de la justice.

  Le Fils de Dieu et le Fils de la Vierge parle à son épouse, disant : Je suis le Créateur de toutes choses. Devant moi sont comme deux feuillets : en l’un est écrite la miséricorde, en l’autre la justice. Partant, que celui qui sera contrit de ses péchés propose de ne pécher désormais. Ma miséricorde dit à celui-là que mon Esprit l’allumera et le poussera à faire de bonnes œuvres. Quiconque donc voudra franchement se délivrer les vanités de ce monde, mon Esprit le rendra plus fervent ; mais celui qui est même préparé et disposé à mourir pour moi, mon Esprit l’embrasera tellement des feux de mon amour qu’il sera tout à moi et que je serai tout en lui.
  En l’autre feuillet est écrite la justice, qui dit : Quiconque ne s’amende quand il en a le temps, et s’éloigne sciemment de Dieu, le Père éternel ne défendra pas celui-là, ni le Fils ne lui sera propice, ni le Saint-Esprit ne l’embrassera pas des feux de son divin amour. Partant, pendant qu’il en est temps, considérez mûrement
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Le feuillet de la miséricorde divine, car quiconque sera sauvé, sera purifié, ou par l’eau, ou par le feu, c’est-à-dire, par quelque médiocre labeur de pénitence en ce temps, ou par le feu du purgatoire en l’autre monde, jusqu’à ce qu’il soit entièrement purifié.
  Sachez aussi que j’ai montré à un homme que vous connaissez ces deux feuillets du livre de la miséricorde et de la justice. Mais il méprise maintenant le feuillet de ma miséricorde, et ce qui est à gauche, il le répute à droite ; et comme l’oiseau qu’on nomme hérodius veut exceller par-dessus les oiseaux, de même il désire surpasser tous les hommes en vanité ; et partant, il doit craindre que, s’il ne prend garde diligemment, il mourra en riant, et sera misérablement enlevé des yeux du monde.
  Cela arriva après, car sortant de table joyeux et content, il fut tué de nuit par ses ennemis.

LXXXVI.

La Mère de Dieu parle, disant d’elle-même qu’elle est semblable à la fleur de laquelle les abeilles cueillent la douceur, car les abeilles sont les serviteurs et les élus de Dieu, qui, tous les jours, cueillent et puisent les douceurs de la grâce, et ont des ailes et des pieds spirituels.

  La Mère de Dieu parle : Je suis la Reine et la Mère de miséricorde. Mon Fils, créateur de toutes choses, est touché de tant de douceur en mon endroit, qu’il m’a donné l’intelligence spirituelle de toutes choses créées. Partant, je suis semblable à une fleur, de laquelle les mou-
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ces à miel cueillent la douceur ; bien qu’elles ne cueillent beaucoup, néanmoins la douceur lui demeure : de même je puis impétrer les grâces à tous, et j’en surabonde. Voire même mes élus sont semblables aux abeilles, qui , de toute l’étendue de leur dévotion, sont touchés des atteintes de mon honneur ; car comme des abeilles, ils ont deux pieds, savoir, le désir continuel d’augmenter mon honneur. En second lieu, ils travaillent en cela avec un grand soin, faisant à ces fins tout ce qu’ils peuvent. Ils ont aussi deux ailes, savoir, qu’ils se réputent par humilité indignes de me louer. En deuxième lieu, ils obéissent à tous en ce qui concerne mon honneur, ils ont aussi un aiguillon, et si cet aiguillon leur manque, ils mourront. De même les amis de Dieu sont assaillis d’un torrent de tribulations du monde, lesquelles, pour la conservation des vertus, ne leur seront pas ôtées avant la fin de leur vie ; mais quoi, qui suis l’océan et le Dieu de toute consolation, je les consolerai.

LXXXVII.

Notre Seigneur Jésus-Christ parle à son épouse, disant qu’elle doit avoir ses membres beaux et sans tache, comparant spirituellement tous ses membres à la parfaite dilection de Dieu et du prochain, et singulièrement des amis de Dieu. Il conclut aussi qu’il faut faire spirituellement ce que le phénix fait corporellement : il amasse de petites bûchettes pour se brûler lui-même par icelles.

  Le Fils du Père éternel, la splendeur de la gloire, parle à son épouse en ces termes : Je
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Vous ai dit en premier lieu que vous devez avoir les yeux clairs et sereins, afin que vous voyiez les maux que vous avez faits et le bien que vous avez omis ; que votre bouche, c’est-à-dire, votre esprit, soit sans aucune tache ; les lèvres sont les deux désirs, l’un de quitter tout pour l’amour de moi, l’autre la volonté de demeurer avec moi, et que ces lèvres soient de couleur rouge, qui est la plus décente des couleurs et qui se voit de plus loin. Or, la couleur signifie beauté, et toute beauté et éclat sont en la vertu, car cela est plus acceptable et agréable à Dieu, quand on lui offre ce que les hommes aiment le plus et dont les âmes prennent un plus grand et juste sujet d’édification. Il faut donc donner à Dieu ce que l’homme a de plus cher, soit en effet, soit en œuvre. Partant, on lit que Dieu s’est réjoui de la perfection de ses œuvres : de même Dieu se réjouit quand l’homme s’offre tout à lui, voulant être indifféremment, selon les volontés divines, en supplice ou en joie. Les bras doivent être légers et flexibles à l’honneur et à la gloire de Dieu. Donc, le bras gauche est la considération des biens et bénéfices dont je vous ai enrichie, vous créant du néant, vous rachetant par le prix de mon sang, et la pensée de vos insupportables ingratitudes. Mais le bras droit est la dilection si fervente à mon endroit, que vous aimeriez mieux endurer les tourments durs et cruels, que de me perdre et de me provoquer à ire et à indignation. Entre ces deux bras je me repose franchement, et votre cœur sera mon cœur, car je suis comme un feu de la divine dilection, et partant, je veux être là aimé avec plus de ferveur. Or, les ôtes qui défendent votre cœur sont les parents, non charnels, mais
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Mes chers élus, lesquels vous devez aimer comme moi et plus que les parents charnels, car de fait, ils sont vos parents qui vous ont régénérée à la vie éternelle. Or, la peau de l’âme doit être si belle qu’elle n’ait aucune souillure. Par la peau, on entend le prochain. Si vous aimez le prochain comme vous-même, mon amour et celui de tous mes saints seront gardés inviolables en vous ; que si vous le haïssez, le cœur est lésé, et les côtés seront dénuées de la chair, c’est-à-dire, l’amour de mes saints sera moindre en vous. La peau ne doit avoir aucune tache, d’autant que vous ne devez point haïr le prochain, mais l’aimer selon Dieu, car lors mon cœur est sain avec votre cœur.
  D’ailleurs, je vous ai dit ci-devant que je veux être aimé avec beaucoup de ferveur, d’autant que je suis le feu de la divine dilection, car en mon feu, il y a trois merveilles : la première est que ce feu brûle et ne s’allume jamais ; la deuxième, il ne s’éteint point ; la troisième, qu’il brûle incessamment et n’est jamais consumé : de même, ma charité du commencement était si ardente envers l’homme ne ma Déité, qu’elle brûla plus en l’assomption de l’humanité, et brûle tellement qu’elle ne s’éteindra jamais : mais elle rend l’âme plus fervente et ne la consume pas, mais elle la fortifie et l’affermit de plus en plus, comme vous le pourrez colliger du phénix, qui, étant en ses dernières années, amasse de petites bûchettes en une montagne très-haute, et ces bûchettes étant allumées par la chaleur du soleil, il se jette dans le feu, et étant consumé par le feu, il revit : de même l’âme qui est embrasée des feux du divin amour, est d’elle comme un autre phénix meilleur et plus fort.
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LXXXVIII.
Jésus-Christ, parlant à son épouse, lui dit que toutes choses créées ont été à sa volonté, excepté les hommes. Il lui dit aussi qu’il y a trois sortes de personnes au monde qui sont comparées à trois navires flottants en mer, l’un desquels est en danger de faire naufrage ; le deuxième chancelle sur les vagues, lorsque le troisième jouit du calme.

   L’ENGENDRÉ  de toute éternité dans le sein du Père, et l’engendré dans le sein de la Mère dans le temps, Jésus-Christ parle en ces termes : Je suis le créateur des esprits bons et mauvais. Je suis aussi le conducteur et le modérateur de tous les esprits. Je suis encore créateur de tous les animaux et des choses qui ont l’être, et non la vie. Partant, tout ce qui est compris dans le pourpris de l’univers, et toutes choses font ma volonté, excepté l’homme seul.
  Sachez aussi qu’il y a des hommes qui sont comme des navires qui ont perdu le gouvernail et le mât, qui vaguent ça et là à la merci des flots agités par les tempêtes de la mer, jusqu’à ce qu’ils soient arrivés au rivage des îles de la mort. En ce navire sont tous ceux qui se jettent et s’abandonnent comme quasi au désespoir et à toute sorte de voluptés.
  D’autres hommes sont comme des navires qui ont encore le mât, un gouvernail et une ancre avec deux cordes. Mais l’ancre principale est rompue, et le gouvernail est bientôt fracassé, si les impétuosités des vagues se mettent entre le navire et le gouvernail. Qu’on y prenne donc
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garde, car tant que le gouvernail et le navire sont unis ensemble, ils ont comme quelque chaleur entre eux. Le troisième navire a tout ce qui est requis pour voguer et cingler quand on voudra.
  La première ancre dont nous avons parlé ci-dessus est la discipline de la religion, qui est soulagée par la patience et la ferveur de la divine dilection. Il est maintenant défait et rompu, d’autant que l’institution et l’instruction des Pères est maintenant foulée aux pieds ; ce qui leur semble utile, ils ont cela pour religion, et de la sorte, ils sont changeants et inconstants comme le navire au milieu des flots.
  La deuxième ancre, qui est encore saine, comme j’ai dit ci-dessus, est la volonté de servir Dieu, liée avec deux cordes par l’espérance et la foi, d’autant qu’ils me croient Dieu et s’appuient en moi, croyant que je les veux sauver. Je suis le gouvernail de ceux-là : tant que je serai en leur navire, les flots et les orages n’y entreront point, et il y a entre eux et moi quelque chaleur. Or, lors je suis uni au navire d’iceux, quand eux n’aiment rien tant que moi ; je suis lors comme attaché à eux comme par trois clous, savoir, par la crainte, l’humilité, et la considération de mes œuvres. Mais que, s’ils aiment quelque chose plus que moi, lors l’eau de dissolution est entrée en eux, et lors les trois clous sont arrachés, savoir, la crainte, l’humilité et la divine considération ; lors l’ancre de la bonne volonté est rompue, et les cordes de la foi et de l’espérance ferme sont coupées. Mais ceux qui voguent en ce navire sont grandement inconstants, et partant, ils avancent chemin aux écueils et aux dangers.
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  Dans le troisième navire dont j’ai parlé, qui avait tout ce qui était utile et nécessaire pour voguer, sont mes très-chers et fidèles amis.

LXXXIX.

Jésus-Christ parle à son épouse, lui enseignant la manière que le soldat spirituel doit tenir au combat, savoir, qu’il se doit confier en Dieu, et non en ses propres forces. Il lui donne deux oraisons fort courtes pour les dire tous les jours ; il lui dit aussi qu’il doit être armé des armes spirituelles contenues en ce chapitre.

  Le Fils du Père éternel parle en ces termes : Que quiconque veut combattre soit magnanime à se lever ; s’il tombe, qu’il se confie, non en ses propres forces, mais en ma miséricorde, car celui qui se défie de ma bonté, pensant ainsi à part soi : Si je commence quelque chose, mortifiant ma chair par jeûnes, la travaillant par des veilles, je ne pourrai persévérer ni m’abstenir des vices, car Dieu ne m’aide point ; celui-ci tombe à bon droit. Que celui donc qui veut combattre spirituellement, se confie en moi qu’il pourra accomplir ses desseins par la coopération de ma grâce. Après, qu’il ait la volonté de faire le bien, de laisser le mal, et de se relever tout autant de fois qu’il tombera, disant cette oraison : Seigneur, Dieu tout-puissant, qui conduisez tous les hommes au bien, je, pécheur, me suis par trop éloigné de vous par mes crimes : je vous rends grâces de ce que vous m’avez ramené à la voie droite. Partant, je vous prie, mon très-pieux Jésus, d’avoir miséricorde
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 De moi, vous qui avez été sanglant, douloureux au gibet de la croix pour l’amour de moi ; et je vous prie et conjure par vos cinq plaies, et par les douleurs excitées en vos veines quand on les perçait, et qui montaient au cœur, qu’il vous plaise me conserver ce jourd’hui, afin que je ne tombe en péché. Donnez-moi encore la force et la vertu de résister puissamment aux flèches de mes ennemis, et que je me relève généreusement, si je tombe.
  Quant à ce que le combattant puisse glorieusement persévérer en bonnes œuvres, qu’il prie en cette manière : Seigneur Dieu, à qui rien n’est impossible et qui pouvez toutes choses, donnez-moi la force de faire de bonnes œuvres et de persévérer incessamment en icelles.
  Après, qu’il prenne les armes en main, c’est-à-dire, la pure confession, qui doit être bien limée et resplendissante par la sainte considération ; limée par une diligente discussion et examen de sa conscience : comment, combien, en quel lieu il aura failli, et pourquoi. Après, elle doit être resplendissante, savoir, qu’il ne cache rien de honte, ni qu’il ne dise autrement qu’il a péché. Ce glaive doit avoir deux côtés tranchants, savoir, la volonté de n’offenser Dieu à l’avenir, et le désir d’amender ce qu’il a confessé. La pointe de ce glaive est la contrition, par laquelle le diable est tué, lorsque l’homme s’attriste tout autant qu’il avait pris du plaisir au péché, qu’il s’en repent et gémit, d’autant qu’il m’a provoqué à courroux. Ce glaive doit avoir aussi la considération de la grande miséricorde de Dieu,  dont la miséricorde est si grande qu’il n’y a pécheur si grand qui ne l’obtienne, s’il la demande avec volonté de se corriger avec cette
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Intention, savoir, que Dieu est miséricordieux sur toutes choses. Il faut tenir le glaive de la confession ; mais afin que, par aventure, le taillant ne blesse la main, que les gardes qui sont entre la lame et la poignée l’empêchent ; et afin que le glaive ne tombe de la main, que la poignée le préserve. Semblablement, que celui qui a le glaive de la confession, espérant de la miséricorde divine que ses péchés lui seront pardonnés et qu’il en sera purifié, se donne aussi de garde qu’il ne tombe par la présomption d’obtenir pardon : partant, que la crainte de Dieu ne l’empêche, craignant que Dieu ne lui ôte la grâce et lui donne sa fureur, à raison de sa trop grande présomption. Mais de peur qu’il ne soit blessé, et que la main de l’œuvre ne soit affaiblie et diminuée par la grande ferveur et l’activité du labeur, et par l’indiscrétion, que le fer qui est entre la main et l’acier, c’est-à-dire, la considération de l’équité de Dieu, le conserve des extrémités, car bien que je sois juste, de sorte que je ne laisse rien impuni et sans examen, je suis néanmoins si miséricordieux et si équitable que je ne demande point plus loin que ce que la nature peut faire et supporter facilement, et je pardonne, à raison de la bonne volonté, un grand supplice et un grand crime pour un petit amendement.
  La cotte de mailles d’un soldat est l’abstinence, car comme la cotte de mailles est composée et tissue de plusieurs chaînons, de même l’abstinence résulte de plusieurs vertus, savoir, de la mortification des yeux, de l’abnégation et anéantissement de tous les sens, des viandes, de la fuite de toute sorte de lubricités, de toutes les choses superflues, et de plusieurs autres cho-
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ses que saint Benoît défend. Mais cette cotte de mailles ne peut être personnellement accommodée à quelqu’un sans le secours d’un autre. Partant, ma Mère, la Sainte Vierge, doit être invoquée et honorée, d’autant qu’en elle sont tous les moyens de la vie et toute la forme des vertus. Certes, si on l’invoque constamment, elle nous montrera en quoi consiste la parfaite abstinence. Le heaume est la parfaite espérance, qui a comme deux trous par lesquels le soldat regarde : le premier est la considération mûre et prudente de ce qu’il faut faire; le deuxième est la pensée de ce qu’il faut omettre, attendu que tout homme qui espère en Dieu pense toujours à ce qu’il doit faire selon Dieu, et à ce qu’il doit omettre pour Dieu. Or, que le bouclier soit la patience, qui lui fait pâtir et souffrir invinciblement et franchement tout ce qui lui arrive.

XC.

Notre-Seigneur Jésus-Christ dit que ses amis sont comme son bras, d’autant que lui, comme un bon médecin, coupe et taille leur chair pourrie et tout ce qui leur est nuisible, et conjoint à soi la bonne chair, les transformant en soi.

  Le Fils de Dieu dit que ses amis sont comme son bras. Il a cinq choses au bras : la peau, le sang, les os, la chair et les moelles. Mais moi, je suis comme un sage médecin, qui taille en premier lieu tout ce qui est nuisible; après, il unit la chair à la chair et l’os à l’os, et de la sorte applique le médicament salutaire. J’en ai fait de même à mes amis : en premier lieu, je leur ai ôté toute la cupidité mondaine et les désirs illicites de la chair, et puis j’ai con
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joint ma moelle à leur moelle. Quelle est ma moelle, sinon la puissance de mon adorable Déité? Car comme sans moelle tout homme est mort, de même celui qui ne communique à ma Déité est mort. J’ai conjoint lors cette moelle à leur infirmité, quand ma sagesse les goûte et les fructifie en eux, et quand leur âme comprend et entend ce qu’il faut faire et ce qu’il faut omettre. Or, les os signifient ma force infinie : je la conjoins à leur force, quand je les rends forts pour faire le bien. Le sang signifie ma volonté : je la conjoins lors à leur volonté, quand leur volonté est selon mon vouloir, et quand ils ne désirent ni ne cherchent que moi seul. La chair signifie ma patience : je l’ai lors conjointe à leur patience, quand ils sont patients comme je l’ai été, lorsque, du sommet de la tête jusqu’à la plante des pieds, il n’y avait point de santé en moi. La peau signifie ma dilection : lors je l’ai conjointe à moi, quand ils n’aiment rien tant que moi, et quand, avec ma grâce, ils veulent mourir pour l’amour de moi.

XCI.

Jésus-Christ avertit son épouse de s’humilier en quatre manières, savoir : devant les potentats du monde; devant les pécheurs; devant les amis de Dieu spirituels et devant les pauvres de ce monde.

  Le Fils de l’Éternel, la Sapience infinie, parle à sa très-chère amante l’épouse, lui disant : Vous vous devez humilier en quatre manières : 1° devant les puissants et potentats du monde, car soudain que l’homme méprisa d’obéir à
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Dieu, il a été sujet d’obéir à l’homme, et d’autant que l’homme ne peut subsister sans gouverneur, c’est pourquoi il est juste qu’il se soumette à l’homme; 2° devant les pauvres spirituels, c'est-à-dire, devant les pécheurs, priant pour eux et remerciant Dieu, d’autant que, peut-être, vous n’avez pas été ni ne serez telle; 3° devant les riches spirituels, c'est-à-dire, devant les amis de Dieu, vous estimant être véritablement digne de les servir et de converser avec eux; 4° devant les pauvres du monde, les aidant, les revêtant et lavant leurs pieds.

XCII.

Jésus-Christ avertit l’épouse d’avancer et de persévérer dans les vertus, imitant la vie des saints, afin qu’elle soit le bras de Jésus. Il prouve aussi que les saints transformés sont les bras de Jésus-Christ.

  L’engendré avant le temps, de toute éternité dans le sein du Père éternel, parle, disant : Mes amis sont comme mon bras. Véritablement cela est de la sorte, car le Père éternel, le Fils tout sage, le Saint-Esprit et la Vierge le sont aussi. La Déité est comme la moelle sans laquelle personne ne vit. Mes os sont l’humanité, qui fut forte pour pâtir et souffrir. Or, le Saint-Esprit est comme le sang, d’autant qu’il remplit et réjouit toutes choses. Ma Mère, en laquelle ont été la Déité, l’humanité et le Saint-Esprit, est comme la chair. La peau est toute la milice céleste, car comme la peau couvre la chair, de même ma très-chère Mère excelle par-dessus tous les saints en éminence de vertu, car bien que les anges soient
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purs, elle est pourtant plus pure; et bien que les prophètes aient été remplis de l’Esprit de Dieu et que les martyrs aient beaucoup souffert, néanmoins, l’Esprit d’amour a été plus fervent en ma Mère, et elle a été plus que martyre; et bien que les confesseurs se soient abstenus de toutes choses mauvaises, et même de quelques-unes licites, ma très-chère Mère eut néanmoins une plus parfaite abstinence, car elle eut ma Déité avec mon humanité.
  Quand donc mes amis m’ont en eux, ma Déité est en eux, qui vivifie leur âme; la force de mon humanité est en eux, qui les fortifie jusque à la mort, et mon sang est en eux, par lequel leur volonté a les mouvements à toute sorte de biens. Leur chair aussi est remplie de mon sang et de ma chair, quand ils ne veulent en rien se salir, se conservant inviolables en la chasteté par ma grâce. Ma peau est aussi conjointe à leur peau quand on imite la vie et les mœurs de mes saints. Et de la sorte, mes saints sont à bon droit appelés mon bras, desquels vous devez être aussi les membres par les désirs ardents d’avancer au bien, en les imitant autant que vous pourrez; car comme je les unis à moi par la conjonction de mon corps, de même vous devez vous unir à eux et à moi par le même corps qui est le mien.
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Jésus-Christ parle à son épouse, lui commandant trois choses : 1° qu’elle ne désire que la vie et le vêtement; 2° qu’elle ne désire les choses spirituelles, si ce n’est selon les volontés divines; 3° qu’elle ne s’attriste de rien, si ce n’est de ses péchés et de ceux d’autrui. Il dit encore que ceux qui n’ont pas voulu amender leurs péchés par la pénitence, seront rudement punis au jugement divin.

  Le Verbe éternel, le Fils de Dieu, commande trois choses à sainte Brigitte : 1° de ne rien désirer que la vie et les vêtements; 2° de ne désirer les choses spirituelles que conformément aux volontés divines; 3° de ne s’affliger que de ses péchés et de ceux d’autrui. Si vous en voulez avoir de la douleur, considérez la rigueur et la fureur du jugement effroyable, laquelle vous pourrez mieux pénétrer en un homme déjà jugé, qui, étant entré en un monastère, eut trois choses en l’âme, savoir, d’être sans peine, d’avoir la nourriture sans soin, d’esquiver les tentations de la chair sans en venir à l’exécution; c’est pourquoi il a été assailli de trois sortes d’afflictions, car, 1° voulant être sans labeur et sans peine, il y a été contraint par parole et par le fouet; 2° il a souffert la faim et la nudité; 3° il a été méprisé de tous, de sorte qu’il n’a pu se délecter en volupté.
  Or, le jour de la profession s’approchant, il eut cette pensée : D’autant, dit-il, que je pourrai être au monde sans labeur, il vaut plus que je sois dans le monastère et que je travaille pour
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l’amour de Dieu. Et le voyant en telle volonté, ma miséricorde et ma justice voulurent qu’il parvînt à la gloire éternelle, car soudain qu’il eut fait profession, dès l’instant il fut accablé d’une grande maladie et en telle sorte affligé, qu’il perdit de douleur la vue et l’ouïe et fut affligé en tous ses membres, d’autant qu’il voulait être sans peine ni labeur. Il endurait une plus grande pauvreté qu’il n’eût endurée au monde, et même, ayant des viandes plus délicates, il n’en peut aucunement manger, et ne pouvait avoir ce que la nature désirait. Sa nature fut tellement exténuée et consommée avant la mort, qu’il semblait un tronc. Mais étant mort, il vint au jugement comme un larron qui voulait être en la religion sans rien faire que sa volonté, non pas pour y bien vivre; mais néanmoins, il ne devait pas être jugé comme larron, car bien qu’il fut fou et insensé en sa raison et en sa conscience, néanmoins il avait son espérance en moi, qui suis Dieu, et partant, il fut jugé à la miséricorde. Le péché commis n’ayant pu être pleinement purifié par les peines corporelles, c’est pour cela aussi que son âme est grièvement punie en purgatoire, ni plus ni moins que si les os lui ayant été arrachés, la peau était mise en une presse, afin que la moelle s’en écoulât toute.
  Hélas! Que pâtiront donc ceux qui ont croupi dans le péché tout le cours de leur vie, et n’ont ni ne veulent avoir un acte contraire! C’est ce qu’ils me rendent pour les avoir si chèrement rachetés, conservés, et pour leur avoir donné tout ce qui leur est nécessaire! Et partant, j’en exigerai cela au jugement avec fureur, d’autant qu’ils ont violé la foi qu’ils m’avaient vouée au baptême, et parce que, tous les jours, ils ne
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font que m’offenser, méprisant mes commandements. En vérité, je ne laisserai point sans une grande punition la moindre chose qu’ils ont commise en religion.

Déclaration.

  Le Frère dont il est ici parlé eut un péché caché dont il ne voulut jamais se confesser. Notre-Seigneur commanda à sainte Brigitte de l’aller trouver, ce qu’elle fit, et elle lui dit : Faites pénitence. Vous avez quelque chose de caché en votre conscience. Tant que vous cacherez cela, vous ne pourrez mourir.
  Il lui répondit : Je n’ai rien qui n’ait été dit en la confession.
  Cherchez, dit-elle, comment vous avez vécu durant tout le cours de votre vie jusque à maintenant, et vous trouverez la vérité en votre cœur.
  Lors fondant en larmes, il dit : Béni soit Dieu qui vous a envoyée à moi, car puisque vous m’avez parlé du secret de mon cœur, j’en veux dire la vérité devant ces auditeurs! Oui, j’ai quelque chose de caché dans mon cœur, que je ne pouvais ni n’osais déclarer, d’autant que toutes fois et quantes que je me confessais des autres péchés, ma langue demeurait muette et liée quand il fallait parler de celui-ci; et d’ailleurs la honte me saisissait, et la confusion m’empêchait de confesser ce qui me rongeait le cœur. C’est pourquoi, quand je me confessais, je terminais ma confession en ces termes : O Père, je me confesse des péchés que j’ai dits et de ceux que je n’ai pas dits. Je croyais que de la sorte tous les péchés m’étaient remis, bien que cachés. Mais maintenant, Madame, s’il plaisait
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à Dieu, je voudrais dire à tout le monde les péchés que j’ai si longtemps cachés dans mon cœur.
  Ayant appelé un confesseur, il dit tous ses péchés, et mourut la même nuit.

XCIV .

Notre-Seigneur enseigne à sa chère épouse de belles et excellentes oraisons pour dire quand elle s’habille, quand elle va à table et se coucher, l’avertissant qu’elle soit humble en tous ses vêtements, modeste et honnête en tous ses membres.

  La splendeur de la gloire, le Fils de Dieu dit à son épouse : La beauté extérieure signifie la beauté intérieure que l’homme doit avoir; c’est pourquoi, quand vous prenez le bandeau ou le voile par lesquels les cheveux sont serrés, dites : O Seigneur Dieu, je vous rends grâces de ce que vous m’avez supportée lorsque j’étais plongée en mes péchés; et parce que je ne suis pas digne de voir à raison de mon incontinence, je voile mes cheveux.
  Notre-Seigneur ajouta : L’incontinence m’est tellement abominable, que la vierge qui a quelque mauvais et volontaire désir à quelque incontinence, n’est pas pure devant mes yeux, si elle ne corrige sa pernicieuse volonté par la pénitence.
  Quand vous voilez votre front, dites : O mon Dieu, mon Seigneur, d’autant que vous avez bien créé toutes choses, et particulièrement l’homme d’une manière plus excellente par-dessus tout, le faisant à votre image et ressemblance, ayez miséricorde de moi. Et d’autant que
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je n’ai pas gardé la beauté de ma face pour votre honneur et gloire, je voile mon front.
  Quand vous ôtez vos souliers, dites : Béni soyez-vous, ô mon Dieu, qui me commandez d’avoir des souliers, afin que je sois forte, et non pas lâche à votre service! Confortez-moi donc et affermissez-moi, pour que je puisse marcher en la voie de vos commandements. Que dans le reste de vos vêtements paraisse toujours l’humilité, et en tous vos membres, l’honnêteté modérée.
  Quand vous allez à la table, dites : O mon Dieu, si vous vouliez, comme vous le pouvez, me soutenir sans viande, je vous en prierais maintenant. Mais puisque vous nous commander d’en prendre, donnez-moi donc la sobriété des viandes, afin que, par votre grâce, je puisse manger selon la nécessité que la nature exige, et non selon que la cupidité le désire.
  Quand vous allez vous coucher, dites : Béni soyez-vous, mon Dieu, qui disposez les vicissitudes et les changements des saisons pour le soulagement de notre corps et de notre âme! Il vous supplie très-humblement de donner à ce corps, cette nuit, le repos, et conservez-moi à l’abri de la puissance et des illusions diaboliques.
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XCV .

Jésus-Christ, parlant à son épouse, lui déclare quelles sont les armes des ennemis qui se sont glorifiés dans le péché avec volonté d’y persévérer. Ils seront consommés avec effroi par le glaive de la fureur d’un Dieu tout-puissant.

  La Sapience incarnée, le Fils de Dieu, parle : Je m’arrête comme un roi provoqué au combat. Le diable s’arrête contre moi avec son armée; mais le dessein et la constance de ma résolution sont tels, qu’avant de me retirer de ma justice d’un seul point, plutôt le ciel et la terre et tout ce qui est compris dans leur pourpris, se renverseraient! Mais l’intention du diable est qu’avant de s’humilier, il aimerait mieux qu’il y eût autant d’enfers qu’il y a d’atomes dans le soleil, et souffrir l’un avec l’autre sans fin.
  Quelques-uns de mes ennemis s’approchèrent du jugement, et il n’y a pas la distance de deux pieds : Leur bannière, leur étendard est dressé; leur bouclier est au bras, le glaive est en main, mais il n’est pas encore au vent. Ma patience est si grande que, s’ils ne me frappent les premiers, je ne les frapperai point. En la bannière de mes ennemis, il y a trois devises : la gourmandise, la cupidité et la luxure. Leur heaume est l’endurcissement du cœur, car ils ne considèrent point les peines effroyables de l’enfer, ni ne pensent pas mûrement combien difforme et abominable est le monstre du péché. Les trous du heaume sont la volonté de la chair et la vo-
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lonté de plaire au monde, car par ces misérables désirs, ils courent partout et ils voient ce qu’il ne faut pas voir. Leur bouclier est la perfidie, qui leur fait excuser leurs péchés, et ils les imputent, non à leur méchanceté, mais à la fragilité de la chair, c’est pourquoi ils tiennent peu de compte de leurs péchés et d’en demander pardon. Leur glaive est la mauvaise volonté de persévérer en leur péché infâme; il n’est pas arraché, d’autant que leur malice n’est pas accomplie; mais lors il est arraché, quand ils veulent tout autant pécher qu’ils peuvent vivre; mais lors ils frappent très-rudement, quand ils se glorifient, ensevelis dans la misère du péché, de désirer de persévérer dans l’état misérable qui n’a jamais d’égal, et dans l’iniquité abominable. Mais quand leur malice sera accomplie, lors la voix criera en mon armée, disant : Frappez maintenant! Et lors le glaive de ma sévérité les consommera, et un chacun sentira la rigueur et la fureur de ma justice, et comme elle est armée; leurs âmes seront ravies par les diables, qui, comme des oiseaux de rapine, ne cherchent point le bien temporel, mais ces âmes, qu’ils déchireront éternellement.

XCVI.

L’Époux déclare à l’épouse ce que signifie la distance de deux pieds, et arracher le glaive dont il a parlé au chapitre précédent.

  Le miroir sans tache, le Fils de Dieu, parle : Je vous ai dit qu’entre mes amis et moi, il n’y a pas la distance de deux pieds; mais mainte-
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nant, ils approchent d’un pied du jugement. L’un de ces deux pieds est la récompense des bonnes œuvres qu’ils ont faites pour moi. Partant, dès ce jour, leur infamie augmentera; leur délectation sera rendue amère; leur joie sera ôtée; leur tribulation prendra accroissement avec douleur. Le second est leur malice, qui n’est pas encore accomplie; mais comme on a accoutumé de dire que quand quelque chose est pleine, c’est lors qu’elle crève, de même, quand l’âme et le corps se séparent, c’est lors que le Juge les condamne. Leur glaive est la volonté qu’ils ont de pécher, qui est arrachée à moitié, d’autant que leurs honneurs venant à décroître et les adversités les assaillant, ils sont plus en colère et brûlent du désir d’offenser, car la prospérité et l’honneur ne les laissent pas beaucoup penser au péché; mais maintenant, afin qu’ils puissent accomplir leurs sales et abominables voluptés, ils désirent de vivre plus longtemps et se donnent licence de pécher davantage. Malheur à eux, d’autant que, s’ils ne s’amendent, leur perte, leur totale ruine s’approche!

XCVII.

Jésus-Christ, parlant à son épouse d’un certain prélat, lui dit que l’âme dévote qui a perdu la chaleur de la méditation et de la sainte dévotion, à raison de sa superbe cupidité, pour les intrigues du monde, recouvrera la divine lumière et amour, en s’humiliant parfaitement à Dieu et au prochain, de sorte qu’il ressentira intimement la divine douceur.

  Le Fils de Dieu et de la Vierge Marie parle
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par son épouse à un certain prélat, lui disant : Vous êtes semblable à la roue d’un moulin, qui, tant qu’elle est immobile et demeure ferme , ne brise point le blé. Cette roue signifie fort à propos votre volonté , qui devrait être mobile, non à votre volonté et accomplir vos désirs, mais bien les miens , et vous abandonner totalement en mes mains. Mais cette roue est trop immobile à ses vouloirs, d’autant que, l’eau des désirs de la terre sollicitant  par trop votre esprit , la considération de vos œuvres et ma passion sont quasi mortes en votre cœur : C’est pourquoi la viande de l’âme ne vous est point à goût. Et partant, rompez les écluses et les branches qui retiennent l’eau , afin qu’elle coule , fasse rouler la roue et que le blé soit broyé .
     La tranchée qui retient l’eau n’est autre que la superbe intérie-ure de l’esprit et l’ambition insatiable , qui bouchent le courant des grâces du Saint-Esprit, et empêchent tout le bien dont l’âme devrait fructifier . Partant , embrassez la vraie humilité et soumis-sion en votre esprit, car  par elles coulera en votre âme la douceur
de mon Esprit, et les pensées terrestres s’évanouiront ; par elles, votre volonté aura son mouvement et se rendra parfaite selon mes vouloirs. Lors vous commencerez de porter jugement de vos œuvres et d’avoir une grande estime des miennes. Or, quelle est la vraie humilité ? Certainement, c’est de ne se soucier aucune-ment des faveurs humaines et de ce que les hommes disent, marcher par ma voie , qui est oubliée et négligée, ne pas chercher ce qui est superflu et vous conformer aux simples. Si vous aimez cette voie , les choses spirituelles , ma passion et la voie de mes saints , vous seront à goût. Lors
 

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vous entendrez combien redevable vous êtes aux âmes que vous
gouvernez, attendu que vous êtes monté au plus haut de la roue par deux pieds : par la puissance et par l’honneur ,de sorte que de la puissance prend source votre cupidité, et de l’honneur votre orgueil. Partant, descendez maintenant , vous humiliant en l’esprit , et suppliez les humbles de prier Dieu pour vous, car je vous enverrai ma justice comme un fleuve rapide et j’exigerai de vous jusques à la dernière maille , et demanderai raison des affections , pensées , paroles et œuvres. Je vous demanderai aussi les âmes que j’ai commises à votre providence et que j’ai rachetées par mon sang.

                                      XCVIII .

Jésus-Christ dit à l’épouse qu’il faut percer les pécheurs de quatre
     flèches contenues en ce chapitre, c’est-à-dire, de quatre répré-
     hensions, et les lâcher aussi, afin qu’ils aient componction et
     qu’ils soient humblement ramenés à la correction et à l’amen-
     dement de leur vie.

     Jésus-Christ dit : Je donnerai à mes amis quatre flèches : par la
Première, il faut entendre celui qui a perdu un de ses yeux ; par la deuxième, celui qui est boiteux de l’un des pieds ; par la troisième , celui qui  est sourd d’une oreille ; par la quatrième, celui qui est couché à terre.
     Or, celui-là est l’origine, qui ne voit et ne considère les œuvres de mes saints ; mais il voit et désire les délectations du monde. Un tel doit être percé en cette manière, lui parlant en ces termes : Vous êtes semblable à Lucifer, qui, ayant con-

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nu (1) la souveraine bonté de Dieu, la désira injustement , c’est pourquoi il descendit en enfer.
     Celui-là est boiteux d’un pied , qui se repent et fait pénitence de ses péchés , mais s’occupe avec peine en l’acquisition des choses du monde. Celui-ci doit être blessé en cette sorte. Vous travaillez pour les commodités corporelles , que les vers manger-ont bientôt , c’est pourquoi occupez-vous à travailler fructueuse-ment pour votre âme , qui vivra éternellement.
     Celui-là est sourd d’une oreille , qui désire ouïr mes paroles et celles des saints ; mais il a l’autre oreille ouverte aux railleries, aux cajoleries et aux vanités du monde , c’est pourquoi il lui faut dire : Vous êtes semblable à Judas , qui, d’une oreille , ouït les paroles de Dieu , et par l’autre, elles sortirent , c’est pourquoi les
Paroles qu’il ouït ne lui profitèrent point. Partant , fermez vos oreilles aux vains discours, afin que vous puissiez parvenir aux chants angéliques.
     Or, celui-là est gisant à terre qui s’intrique et s’enveloppe ès affaires du siècle , mais qui , néanmoins, voudrait savoir la voie et le moyen de s’amender . Qu’on parle en cette sorte à celui-ci : Ce temps est court comme un point. La peine de l’enfer est éternelle , et la gloire des saints perpétuelle. Partant , afin que vous par-veniez  à la vraie vie , ne vous fâchez pas d’embrasser ce qui est fâcheux et amer , car comme Dieu est tout bon et tout miséricor-
dieux, aussi est-il tout juste.
     Quiconque donc sera ainsi percé de ces flè-

(1) Non en voyant son essence , par réflexion de sa Beauté , montant  a la source de la beauté.

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ches, si la sagette sort de son cœur toute sanglante, c’est-à-dire, s’il est excité à componction et s’il propose de s’amender , je verserai en celui-là l’huile de ma grâce , par lequel tous ses membres seront confortés et affermis.

                                   XCIX .

Notre-Seigneur se plaint des Juifs qui l’on crucifié, et des
    chrétiens qui méprisent sa charité et sa justice , en péchant
    présomptueusement et sciemment contre ses commandements,
    et méprisant  les sentences des excommunications de l’Eglise,
    sous prétexte de sa miséricorde , à raison de quoi il les menace
    avec l’ire et la fureur de sa justice.

                              Pour le jour de la passion .

     La Mère de Dieu éternel parle, disant : En ce temps, mon Fils souffrait. Judas, le traître, s’approchant, se baissa , d’autant qu’il était de petite taille , lui donnant un baiser et lui disant : Mon ami , pourquoi  êtes-vous venu? Et soudain, les uns le saisirent , les autres le traînèrent par les cheveux , les autres le salirent par leurs crachats.
     Après , le Fils parlait, disant : je suis réputé comme vermis-seau qui est comme gisant en un fumier, que les passants foulent aux pieds et sur lequel ils crachent : de même en firent les Juifs , d’autant que j’étais jugé par eux comme un vermisseau très-abject et très-indigne : de même, les chrétiens me méprisent , car tout ce que j‘ai fait et souffert pour l’amour d’eux , ils le réputent à vanité , à folie et à néant . Il me

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foulent aussi comme en mon dos, quand ils craignent et honorent plus homme que moi , leur Dieu , quand ils réputent pour néant ma justice , et établissent le temps en leur jugement et les manières de ma miséricorde. Ils me frappent comme aux dents , quand ayant ouï mes préceptes et vu ce que j’ai enduré pour eux, ils disent : Faisons maintenant tout ce qui nous plaît et nous délecte, et néanmoins nous aurons le ciel, car si Dieu nous voulait perdre et nous punir éternellement, il ne nous auraient pas créés et ne nous aurait point rachetés avec tant de peine.
     Partant, je leur ferai sentir les effroyables fureurs de ma justice, car comme le moindre bien ne sera pas sans récompense ,
 de même le moindre mal ne sera pas sans supplice. Ils me méprisent aussi comme en me foulant aux pieds, quand ils n’écoutent point les jugements de l’Eglise , savoir, mes excommunications. Partant , comme ceux qui sont excommuniés publiquement sont évités de tous, de même ils seront séparés de moi, car quand l’excommunication est sue et est méprisée , elle nuit plus que le glaive corporel . Partant, moi qui suit estimé comme un vermisseau, je veux maintenant revivre par les fureurs de mon terrible jugement, et je viendrai si terrible que ceux qui me verront , diront devant la face de l’ire de Dieu : Montagnes tombez sur nous !

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                                      C.

Jésus-Christ dit à son épouse qu’elle est comme le flageolet du
     Saint-Esprit, par lequel il résonne mélodieusement au monde
     pour l’honneur et l’utilité des Gentils ; c’est pourquoi il la veut
     argenter par dehors par les bonnes œuvres et la sapience, et la
     dorer par dedans par la vraie humilité et la pureté de cœur.

     Le Fils de Dieu , la Sapience incarnée, dit à, son épouse : Vous devez être comme un flageolet par le moyen duquel on chante mélodieusement. Or, celui qui est maître du flageolet l’argente par dehors, afin qu’il soit estimé plus précieux , et par dedans , il le dore d’un or durable : de même vous devez être reluisante en argent de bonnes mœurs et de sapience humaine, afin que vous compreniez qu’est-ce que vous devez à Dieu et quoi au prochain , et qu’est-ce qui est expédient, utile et sortable à votre corps et à votre âme, pour avoir un jour le salut éternel. Au dedans, vous devez être dorée par humilité, afin que vous ne désiriez plaire à autre qu’à moi, et afin que vous ne craigniez point de déplaire aux hommes pour l’amour de moi,
     Après , celui qui joue du flageolet en faisant trois usages : 1° il l’enveloppait avec du drap, afin qu’il ne se tachât point ; 2° il lui faisait une couverture , afin de le garder ; 3° il le mettait dans un coffre , afin que le larron ne le dérobât : de même vous devez vous envelopper toute dans la pureté, afin que jamais plus vous ne désiriez de vous souiller par effet, ni par affection, ni par délectation ; mais faites en sorte

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de demeurer seule, car la conversation des mauvais corrompt les bonnes mœurs,,et ayez la serrure , la diligente et sérieuse garde de vos sens et de tout votre intérieur , afin que vous preniez garde qu’en aucune de vos actions, vous ne soyez déçue par les ruses et les finesses de Satan. La clef est le Saint-Esprit, qui ouvre votre cœur  comme il vous plaira, pour mon honneur et ma gloire, et pour le fruit et le salut des hommes.

                                          CI.

La Mère de Dieu dit que le cœur de son Fils est très-doux , très-
     pur et très-agréable , et si abondant en charité que si le pécheur
     était aux portes de sa ruine, et s’il criait à lui avec désire de
     s’amender, soudain il l’en délivrerait. On parvient au cœur de
     Dieu par l’humilité d’une vraie contrition, et par la dévote, fer-
     Vente et fréquente considération de la passion de Jésus.

     La Mère de Dieu parle, disant : le cœur de mon Fils est très-suave comme du miel, et très-pur comme une fontaine très-pure ,
Car toutes les bontés éparses en cet univers procèdent de lui comme de leur source , car lui est très-doux. En vérité, qu’y a-t-il de plus doux pour un homme bien sensé que de considérer l’amour de Dieu envers nous en la création, rédemption , labeurs et doctrine, en sa grâce et patience invincible , car sa charité ne coule et ne passe pas comme l’eau , mais elle s’épand loin et dure, d’autant que son amour demeure avec l’homme jusques au dernier période de sa vie ? Que si le pécheur était aux portes de sa total perte et

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ruine, s’il criait de là avec volonté de s’amender, il en serait sans doute affranchi.
     D’ailleurs, pour parvenir au cœur de Dieu , il y a deux voies : la première , c’est l’humilité d’une vraie contrition, et celle-ci conduit et introduit l’homme dans le cœur de Dieu et dans les colloques spirituels. La deuxième voie est la considération de la passion de mon Fils ,qui chasse l’endurcissement du cœur de l’homme , et le fait courir joyeusement au cœur de Dieu.

                                      CII.

Il est ici montré en vision le jugement de l’âme de quelque religi-
    eux devant Jésus-Christ qui donnait la sentence pour laquelle
    la  Sainte Vierge interpellait, et laquelle le diable accusait de
    grands et énormes péchés.

     La Mère de Dieu parle à son Fils, lui disant : Ma plainte est grande. Bien que vous sachiez toutes choses, je les proférerai néanmoins pour l’amour de celle qui est ici présente.
     Le Fils répondit : Il m’est donné toute sorte de jugement, et il faut que je juge toutes les actions en détail. En vérité, neuf sortes de biens conviennent à ce juge : 1° écouter attentivement ; 2° discerner ce qui est proposé ; 3° la volonté de vouloir justement juger ; 4° d’informer pourquoi on plaide ; 5° demander combien de temps le procès a duré, car le jugement est d’autant plus grave que les délais ont été plus grands ; 6° voir si les témoins sont bons
, les confronter en leurs affirmations, considérer si l’une des parties a plus de témoins ; 7° n’être précipité ni timide au juge-ment, ni ne craindre la puissance,

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                           Les Révélations Célestes

ou le dommage , ou le déshonneur , pour soutenir la vérité ; 8° ne
se soucier des prières ni les dons d’autrui ; 9° être équitable en jugeant, juger de même manière le pauvre que le riche, de même le frère et le fils que l’étranger, ne faire rien contre la vérité pour quelque plaisir du monde. Dites donc, ma très-chère Mère, ce que vous voulez.
     La mère répondit : Deux hommes plaident entre eux. En eux sont deux esprit, en l’un le bon et en l’autre le mauvais. Or , le sujet de leur procès est l’achat de votre sang , l’un pour le tirer, l’autre pour le faire vivre ; en l’un sont la dilection et l’obéissance , et en l’autre sont la haine et la superbe. Faites donc jugement.
     Le Fils répondit : Combien  y a-t-il de témoins de la part de votre ami , et combien de l’autre partie adverse ?
     La Mère répondit : Mon ami en a bien peu, et l’autre plusieurs , qui savent la vérité, mais ils la méprisent et ne la veulent pas dire.
     Le Fils répondit : Je ferais un juste jugement.
     Et la Mère repartit : Mon ami ne se plaint point , car la seule substance de son corps lui suffit. Mais moi, qui suis sa Dame et sa maîtresse , je me plains de peur que la malice ne gagne le dessus.
     Le Fils répondit : Je ferai ce que vous voulez ; mais comme vous le savez, le jugement corporel doit précéder le spirituel, et pas un ne doit être jugé que son péché ne soit consommé.
     Et la Mère dit : O mon Fils , bien que nous tous sachions toutes choses, néanmoins, pour l’amour de l’assistance , je cherche quel jugement corporel sera fait en celui-ci , et quel jugement spirituel.

Fin p 396
 
 
 
 
 
 
 

Début p 397

     Et le Fils dit : Le jugement  corporel est que son âme sorte vitement du corps et que sa main soit sa mort. Le jugement spirituel est que son âme soit pendue au gibet de l’enfer , non pas avec des cordes, mais avec du feu très-ardent, d’autant qu’il est une brebis qui dégénère de son troupeau.
     Lors un religieux de saint Augustin parlait au Juge, disant : Seigneur, vous n’avez rien a faire avec cet homme ; vous l’avez appelé au repos, et il s’en est oublié ; son obéissance est enfreinte , son nom est ôté et ses œuvres sont nulles.
     Le Juge répondit : Son âme n’est pas présente au jugement pour répondre.
     Le diable dit : Je veux répondre. Si vous l’avez appelée des tempêtes du monde au repos, je l’ai appelée d’un haut degré de perfection à une fosse très-profonde. Son obéissance à mon égard a été très-prompte ; son nom est glorieux en moi.
     Le Juge répartit :  Expliquez ce que vous avez remarquez en elle.
     Je le ferai , dit le démon , quoiqu’à regret. Vous l’avez appelé des tempêtes et des orages des soins du monde au repos de la vie spirituelle , comme à un bon port ; mais lui , il estime cela à néant , d’autant qu’il désire avec plus d’affection les tracas et les intrig-ues du monde. Le plus haut degré est une bonne contrition et une sainte confession, qui a ces deux choses en perfection ; il vous parle , à vous qui êtes très-puissant, et il arrive jusqu’à votre majesté. Je l’ai précipité de ce sommet ou degré très-haut , quand il s’est résolu de pécher jusques à la fin, quand il a réputé les péchés pour

Fin p397
398 à 421.
422 :
peaux, mais au livre de vie, qui ne se perd jamais ni ne se corrompt par vieillesse, et ne tache jamais, ni n’est possédée avec difficulté. Partant, toute bonne loi doit être ordonnée pour le salut de l’âme et pour l’accomplissement des commandements de Dieu, pour fuir les mauvais désirs et pour la recherche discrète des choses qui doivent être désirées. Or, maintenant, dans les lois qui sont écrites sur les peaux, il n’y a qu’une parole, qui s’appelle obtenir quelque chose : partant donc, afin que quelqu’un obtienne quelque chose, une de quatre choses lui est nécessaire, car quand on donne à  quelqu’un quelque présent pour la charité et pour la familiarité, ou pour l’héritage, ou pour le partage, ou pour les œuvres d’utilité et de service, il en est de même de la loi spirituelle, car la loi spirituelle est connaître Dieu, l’aimer et en jouir, et en cette loi consistent l’honneur et les richesse spirituelles, savoir, changer toutes le choses créées au Créateur, laisser sa propre volonté pour l’amour de Dieu, aimer les vertus et donner le monde pour le ciel.
  Ces richesses s’obtiennent de quatre manières :1° par la charité, car comme un seigneur temporel donne des présents, poussés à cela par la charité, bien que les mérites n’en précèdent point, de même moi, par ma bonté, j’ai créé et racheté l’homme et je le supporte tous les jours ; et d’ailleurs je l’honore par-dessus ses ingratitudes. Quiconque aussi m’aime de tout son cœur et ne désire autre choses que moi, aura en terre la vertu qui est écrite au cœur avec le doigt de Dieu, et l’honneur au ciel, qui est écrit au livre de vie, qui est la vie éternelle.
  2° On obtient un honneur spirituel à raison
423 :
de l’héritage. En vérité, j’ai acheté à l’homme le ciel par le mystère de mon incarnation et de ma passion, et je l’ai ouvert par un droit héréditaire, car comme l’homme avait en quelque manière vendu au diable l’héritage divin, recevant un peu de sommes en échange d’un dilection éternelle, une viande défendue pour l’arbre de vie, la fausseté pour la vérité, de même ai-je, en obéissant à mon Père, l’obligation de la rébellion ; par l’amertume de mon cœur, j’ai satisfait pour la douceur de la pomme ; par ma mort, j’ai mérité à l’homme l’arbre de vie. J’ai aussi, par la fidélité de mon humanité, remis l’homme, et j’ai établi la vérité. Quiconque donc croit aux parcelles de ma vérité et m’imite, celui-là, par l’héritage, obtiendra les richesses et ma grâce.
3° Il obtiendra l’honneur spirituel par le partage, savoir, quand l’homme se sépare de toutes les délectations charnelles, et , quand il change la volonté charnelle en abstinence, les richesses en pauvreté, l’honneur en mépris, les parents terrestres en la familiarité des amis de Dieu, la vision du monde en la vision de Dieu.
4° Il obtiendra l’honneur spirituel pour les œuvres d’humilité et de service, savoir, quand l’homme milite au service de Dieu, et en patience invincible, comme un soldat généreux à la guerre, qui sert fidèlement et humblement son maître, et dispense comme serviteur justement et miséricordieusement tout ce qu’on lui a confié, comme  un bon économe, et veille soigneusement contre les tentations, comme un bon soldat en sentinelle. Celui-là est digne d’être honoré et d’avoir des richesse spirituelles, qui ne sont point empreintes sur les peaux mortes
424 :
des animaux, mais bien en l’âme ,car les degrés d’une triple loi écrite sont utiles pour perfectionner la justice, mais la loi spirituelle est douce et suave pour en recevoir les fruits.
  Partant, ô ma très-chère fille, tâchez d’acquérir l’honneur spirituel par l’amour, savoir, en n’aimant rien tant que moi. Cherchez par l’héritage ci-dessus nommé, savoir, en croyant fermement tout ce que l’Eglise commande ; cherchez par les œuvres l’humilité, faisant toutes chose pour mon honneur et pour ma gloire. En vérité, vous avez été appelée en ma loi , c’est pourquoi vous êtes obligée de garder ma loi. Or, ma loi est vivre selon ma volonté, comme un bon prêtre vit selon les lois de l’Eglise : de même, vivez selon les lois de mon humilité, vous conformant à mes amis, car toute loi temporelle tend, en partie à l’honneur du monde, et en partie au mépris. Ma loi seule tend aux choses célestes, d’autant que, devant moi ni après moi, aucun n’a pleinement entendu quelle et combien glorieuse est la suavité du royaume des cieux, comme moi et comme celui à qui je la voudrai révéler.

112 :

Notre Seigneur dit à  son épouse qu’elle se donne diligemment garde du vice de superbe ; qu’elle ne s’exalte de la beauté des membres, ou des biens, ou de la race, car la superbe est comparée au papillon qui a de grandes ailes et un petit corps.

  Le Fils éternel dit à son épouse : Ne vous troublez point de la superbe de ces gens-ci, car elle passera soudain. Il y a une certaine espèce
425 :
de mouche qui est appelée papillon, qui a les ailes larges et le corps fort petit ; il a en second lieu plusieurs couleurs ; en troisième lieu, li vole fort haut à raison de sa légèreté et subtilité ; mais montant en l’air à raison de sa petite force, il tombe soudain sur les rochers ou sur les bois.
  Cette espèce de mouche signifie les superbes, qui ont les ailes larges et un petit corps, d’autant que leur esprit s’enfle de superbe comme un peau enflée de vent. Ils croient aussi avoir toutes choses en considération de leurs mérites et se préfèrent aux autres, croyant qu’ils sont plus dignes que les autres, en sorte que, s’ils pouvaient, ils étendraient leur nom par tout l’univers. Mais d’autant que leur vie est brève et est comme un point, c’est pourquoi, lorsqu’ils y pensent le moins, ils tombent.
  En second lieu, les superbes ont plusieurs couleurs, comme le papillon, car il s’enorgueillissent de la beauté de leur membres, de leurs biens, de leur sang, de leur race, et changent tous les jours d’état selon les inventions de leur orgueil ; mais quand il meurent, ils  ne sont que terre et cendre.
  En troisième lieu, quand les superbes sont montés au plus haut ascendant de superbe, ils tombent en un moment et avec un grand danger dans les abîmes de la mort.
   Partant, ô ma fille, donnez-vous garde de la superbe, d’autant qu’elle ôte de la présence de Dieu tous les hommes, ni ma grâce n’entre point en l’homme que possède la superbe.
426 :
113

Notre-Seigneur avertit son épouse de vivre humblement ; qu’elle ne se soucie point d’une grande renommée, d’autant que lui n’a point choisi de grand docteurs pour prêcher son évangile, mais bien d’humbles pêcheurs, car ceux qui travaillent en ce monde à acquérir au monde une grande renommée, seront grièvement punis en enfer.

 La Sapience éternelle, le Fils de Dieu, parle : Que celui-là lise les écritures, et il trouvera que j’ai fait d’un pasteur un grand prophète, et que j’ai rempli de l’esprit de prophétie les jeunes et les idiots. Mais bien que tous n’aient pas mes paroles de salut, néanmoins, afin que ma charité fût plus connue, mes paroles sont parvenues à plusieurs : semblablement, pour prêcher l’Evangile, je n’ai pas choisi des docteurs, mais des pêcheurs, afin qu’ils ne se glorifiasses de leur sagesse, et afin que tous entendent que, comme Dieu est en soi admirable et au-delà de nos pensées, de même ses œuvres sont inscrutables, et il opère de grades choses dans les choses les plus petites. Que tout homme donc qui va par le monde pour acquérir da propre volonté, pose sur ses épaules un faix dur et pesant.
  Voici un exemple d’un certain homme qui allait par le monde avec de grands désirs de s’agrandir. Il acquit une grande renommée, et en même temps il mit sur son dos un grand et pesant fardeau de péchés ; c’est pourquoi il a aussi maintenant un grand nom dans l’enfer, un
427 :
faix lourd et accablant pour sa récompense, et un lieu fort excellent pour son supplice, car en ce lieu, quelques-uns étaient descendus avant lui, et quelques uns avec lui, et quelques autres après lui. Or, ceux-là y sont descendus devant lui, qui l’avaient affermi en la malice et en l’augmentation d’icelle par leur secours et par leurs conseils. Ceux qui descendirent avec lui furent les complices de ses œuvres misérables, mais ceux-là descendirent après lui, qui avaient suivi ses mortifères exemples. C’est pourquoi les premiers crient à lui comme de combat, et lui disent : Parce que vous avez obéi et consenti à nos conseils, nous brûlons de votre présence avec plus d’ardeur. Partant, maudit soyez-vous, vous qui êtes digne de ce supplice et de ce gibet, où les cordes ne se rompent jamais, mais où le feu dévorant afflige éternellement ! Que la confusion la plus honteuse vous soit au front, en récompense de votre superbe ambition ! Or, ses œuvres crient et disent d’un accent de désespoir : O misérables que vous êtes ! la terre ne vous a pas pu repaître de ses fruits, c’est pourquoi vous avez insatiablement désiré toutes choses. L’or ni l’argent n’ont pu satisfaire vos misérables désirs, c ‘est aussi pour cela que vous êtes vide et privé de toutes choses, et que les corbeaux vivants et insatiables déchireront éternellement votre âme, qui, étant toujours déchirée, pourtant ne diminuera pas, étant fondue, ne mourra pas, mais vivra d’une vie animée de tourments. Ceux qui sont descendus après lui en ces fondrières effroyables, crient d’une triste accent : Malheur à toi que tu sois né ! Ta volupté s’est convertie en haine de Dieu, en sorte que vous ne voudriez pas dire une parole pour l’honorer.
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Partant, comme en l’amour et en l’honneur de Dieu est toute sorte de consolation, de délectation, de bien et de joie ineffable, dont nous sommes indignes pour vous avoir imité, que de même vous avez éternellement une tristesse et une dissension immortelle avec la compagnie des démons, difformité pour l’honneur, ardeur pour la volupté, froid pour l’amour et nul repos pour les satisfactions charnelles. Et d’ailleurs, pour la grande renommée que vous avez eue indignement, il vous soit malédiction ; pour siège glorieux, un lieu méprisé de tous. Voici que parlant par similitude, méritent telles choses ceux-là qui s’intriguent et s’enveloppent de ces affaires contre les volontés divines.

ADDITION

Un certain soldat s’étudiait incessamment à trouver diverses manières de vanité, et il entraîna plusieurs à la damnation éternelle par ses paroles et par ses maudits exemples. Celui-ci portait une grande envie à sainte Brigitte des paroles fort contumélieuses. Cette sainte étant assise à table, il vint à elle et lui dit, en présence des plus grands : Madame, vous songez trop , vous veillez trop. Il vous est expédient que vous mangiez, buviez et dormiez davantage. Mais quoi ! Dieu n’a-t-il pas laissé les religieux ? et il parle avec les superbes du monde !C’est vanité de croire à vos paroles.
  Or, ceux qui étaient là présents voulaient venger l’injure, mais sainte Brigitte le défen-
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dait disant : Permettez-lui de parler, car Dieu l’a envoyé ; car moi qui en tout le cours de ma vie , ai cherché ma propre louange, j’ai blasphémé Dieu : pourquoi n’oirai-je pas ma justice ? Certes, celui-ci dit la vérité.
  Ce que ce soldat oyant, il s’en repentit, se réconcilia avec sainte Brigitte, vint à Rome et y mourut d’une fin louable.

chapitre 114

Jésus-Christ avertit son épouse de prendre garde à la conversation des choses mondaines, qui sont les affections de Satan. La Vierge Marie l’instruit aussi d’avoir en toutes ses actions l’intention droite, afin que l’honneur de Dieu s’augmente, car plusieurs servent Dieu par œuvres, mais leur intention, étant corrompue, offusque toute sorte de biens.

  Le Fils de Dieu parle et dit : Prenez garde aux affectations du diable, qui les a cuites dans les feux de luxure et de cupidité ; car quand on met de la graisse dans le feu, il est nécessaire que quelque chose en distille : de même les péchés détestables distillent de la conversation et société mondaine ; et bien que les consciences nous soient cachées, néanmoins, les actions extérieures nous manifestent beaucoup l’intérieur et ce qui est caché en notre sein.
  D’ailleurs, la Mère de celui qui est de toute éternité dans le sein du Père, parle et dit : Que toutes vos actions soient raisonnables et vos intentions droites, afin que tout ce que vous faites, vous le fassiez pour l’honneur de Dieu et l’utilité de l’âme soient préférés à la détestation
430 :
corporelle. De fait , plusieurs servent Dieu par œuvres, mais leur intention n’est pas pure, mais contamine tout le bien, comme vous le pourrez mieux comprendre par un exemple.
  Il y a un animal qui s’appelle ours. Quand il est pressé par la faim et qu’il voit la proie désirée, il met un pied sur la proie , et de l’autre, il cherche un lieu propre pour enfoncer ses griffes fortement, afin que la proie ne lui échappe ou qu’on ne lui la ravisse, et qu’il puisse assouvir ses appétits. Cet ours regarde sa proie sans intermission, ne cherche no l’or, ni les herbes odoriférantes, ni les arbres aromatiques, mais seulement un lieu caché et sûr pour dévorer la proie qu’il a ravie. De même plusieurs me servent par oraisons et par jeûnes, mus à cela par la crainte, d’autant qu’ils considèrent les peines horribles de l’enfer et ma miséricorde très grande. Ils me cherchent par des œuvres extérieures, mais par la volonté, ils font contre les commandements de mon Fils, car comme l’ours, ils ont leur volonté portée à  la volupté de la chair et à la cupidité du monde ; mais d’autant qu’ils craignent la perte de la vie et le supplice futur, ils me servent en intention de ne perdre la grâce et de n’encourir la peine. Et ceci est clair, d’autant qu’ils ne considèrent jamais la passion de mon très-cher Fils, qui est comme un or précieux, ni n’imitent les vies des saints, qui sont comme des pierres précieuses, ni ne considèrent point les dons du Saint-Esprit comme des herbes odoriférantes, et ne laissent leur propre volonté, ils ne font point les volontés de mon Fils, mais ils veulent seulement s’appuyer au monde, afin de pécher plus sûrement et avec plus de prospérité. Leur récompense
431 :
sera brève, car leur œuvre procède d’un cœur froid ; et comme l’ours, ayant consommé sa proie, ce se soucie plus d’assurer ses griffes, de même, l’heure venant, il faut mourir, et leurs voluptés charnelles ayant été accomplies, l ‘appui qu’ils prennent sur moi leur sert de peu, attendu qu’ils n’ont pas voulu renoncer à leur propre volonté pour faire la mienne, ni ne m’ont pas cherché, mûs à cela par amour, mais par crainte. En vérité néanmoins, s’ils s’amendent et s’ils changent leur volonté, leurs œuvres seront bientôt renouvelées, et leurs volonté bannie sera réputée pour l’effet, si les œuvres manquent.

ADDITION

  Celui-ci fut un prévôt qui a vécu selon son vouloir, qui, venant à Rome, corrigea sa vie très louablement , qui, ayant visité le mont Gargan et Saint-Nicolas par le conseil de sainte Brigitte, et étant retourné à elle, dit, entre autres choses, qu’il admirait que la grande et fameuse cité de Sisipont fût détruite, où tant de corps saints reposent. Lors , le jour suivant, Notre-Seigneur, apparaissant à sainte Brigitte, dit : Ce votre ami admire que cette ville-là soit détruite et ruinée. En vérité, ma fille, les péchés des habitants d’icelle l’ont mérité de la sorte, et les autres, certes, n’ont par mérité les mêmes choses, mais un de mes amis visitait là les corps saints ; ayant envers moi une parfaite charité, il reprenait les mœurs insolents des habitants, et voyant leur obstination, me priait avec larmes, afin que le lieu fût plus désolé et déplorable, puisque tant d’âmes s’y perdaient et étaient en danger se d’y perdre. Et moi, regardant les
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larmes et qu’aucun ne se mettait parfaitement en devoir de ma plaire, j’ai permis que ce que maintenant fût exécuté.
  Notre-Dame lui dit : O Seigneur , il est déplorable que plusieurs reliques de tant de saints et tant de corps soient là gisant comme des immondices et sans murailles.
  Jésus-Christ répondit : Comme j’ai les âmes des élus en moi-même, j’ai soin aussi des reliques de mes amis, qui sont mes trésors, jusques à tant qu’ils reçoivent ma double promesse.
  Notre-Dame parla encore : O Seigneur, mon très-cher ami, je crois qu’en ce lieu, les saints pontifes avaient donné plusieurs grâces et rémissions : eh quoi ! d’autant que les murailles sont entièrement ruinées , les grâces seraient abolies ?
  Notre-Seigneur repartit : Quel lieu y a-t-il eu plus saint que Jérusalem, où moi, Dieu ai imprimé mes vestiges ? Quel lieu y a-t-il maintenant plus méprisé, qui est maintenant habité et foulé par les infidèles ? Néanmoins, tous ceux qui viennent en Jérusalem trouvent la même première grâce et la même rémission. Le semblable est de ce même lieu, car quiconque vient en celui-là, mû par une volonté parfaite, participera à la même grâce et bénédiction que cette cité avait , lorsqu’elle était sur pied et en sa gloire magnifique, à raison de la foi et du labeur amoureux de ceux qui y viennent.

FIN DU TOME DEUXIEME
 

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