Imprimatur donnée à Tournai, le 17 juillet 1923 pour l’édition de Desclée et Cie, dont nous reprenons le texte. Les définitions dogmatiques postérieures à la rédaction du Catéchisme du Concile de Trente (Immaculée Conception, Infaillibilité pontificale, Assomption) figurent en annexe.
Préface des Auteurs du Catéchisme
11
§ I. — L’ÉGLISE A BESOIN DE
PASTEURS. 11
§ II. — AUTORITÉ DES PASTEURS.
12
§ III. — FONCTIONS ET DEVOIRS DES
PASTEURS 12
§ IV. — MANIÈRE D’INSTRUIRE
LES FIDÈLES 15
§ V. — PRINCIPAUX ARTICLES DE LA
DOCTRINE CHRÉTIENNE. 16
Première partie — Du symbole des
Apôtres 18
Chapitre premier — De la Foi et du Symbole
en général 18
§ I. — DE LA F0I. 18
§ II. — DU SYMBOLE. 18
§ III — ARTICLES DU SYMBOLE. 19
Chapitre deuxième — Premier article
du Symbole 20
§ I. — JE CROIS. 20
§ II. — EN DIEU. 21
§ III. — LE PÈRE 24
§ IV. — TOUT PUISSANT 26
§ V. — CREATEUR DU CIEL ET DE LA
TERRE. 29
§ VI. — PROVIDENCE. 31
Chapitre troisième — Du second
article du Symbole 33
§ I. — PÉCHÉ ORIGINEL.
33
§ II. — EN JESUS-CHRIST. 35
§ III. — SON FILS UNIQUE. 37
§ IV. — NOTRE-SEIGNEUR. 38
Chapitre quatrième — Du troisième
article du Symbole 41
§ I. — QUI A ÉTÉ CONÇU
DU SAINT-ESPRIT. 41
§ II. — QUI EST NÉ DE LA VIERGE
MARIE- 43
Chapitre cinquième — Du quatrième
article du Symbole 48
§ I. — QUI A SOUFFERT SOUS PONCE-PILATE
48
§ II. — EST MORT, ET A ÉTÉ
ENSEVELI. 50
§ III. — CAUSES DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST.
52
§ IV. — DOULEURS DE JÉSUS-CHRIST
DANS SON CORPS ET DANS SON AME. 54
§ V. — FRUITS DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST.
55
Chapitre sixième — Du cinquième
article du Symbole 57
§ I. — IL EST DESCENDU AUX ENFERS.
57
§ II — IL EST RESSUSCITÉ DES
MORTS. 60
§ III. — LE TROISIÈME JOUR.
61
§ IV. — CAUSES, FIN ET FRUITS DE
LA RÉSURRECTION. 62
Chapitre septième — Du sixième
article du Symbole 66
§ I. — IL EST MONTÉ AU CIEL.
66
§ II. — IL EST ASSIS A LA DROITE
DU PÈRE TOUT-PUISSANT 66
§ III. — CAUSES ET RAISONS DE L’ASCENSION
DE NOTRE-SEIGNEUR. 68
Chapitre huitième — Du septième
article du Symbole 71
§ I. — CERTITUDE DU JUGEMENT. 71
§ II. — DEUX JUGEMENTS, L’UN PARTICULIER
ET L’AUTRE GÉNÉRAL. 71
§ III. — RAISONS DU JUGEMENT GÉNÉRAL.
72
§ IV. — POURQUOI LE JUGEMENT DONNÉ
A JÉSUS-CHRIST. 73
§ V. — SIGNES PRÉCURSEURS
DU JUGEMENT. 74
§ VI. — LA SENTENCE DES BONS ET CELLE
DES MÉCHANTS. 74
Chapitre neuvième — Du huitième
article du Symbole 77
§ I. — NÉCESSITÉ DE
LA FOI AU SAINT-ESPRIT. 77
§ II. — CE QUE C’EST QUE LE SAINT-ESPRIT.
77
§ III. — DES CHOSES QUI SONT SPÉCIALEMENT
ATTRIBUÉES AU SAINT-ESPRIT. 81
Chapitre dixième — Du neuvième
article du Symbole 83
§ I — CE QUE C’EST QUE L’EGLISE 83
§ II. — DEUX PARTIES DE L’ÉGLISE,
L’UNE TRIOMPHANTE, L’AUTRE MILITANTE. 85
§ III. — QUI SONT CEUX QUI N’APPARTIENNENT
PAS A L’ÉGLISE. 86
§ IV. — CARACTÈRES PROPRES
DE L’ÉGLISE, UNITÉ. 87
§ V. — SAINTETÉ DE L’ÉGLISE.
89
§ VI. — L’ÉGLISE EST CATHOLIQUE.
90
§ VII. — L’ÉGLISE EST APOSTOLIQUE.
91
§ VII. — FIGURES DE L’ÉGLISE
DANS L’ANCIEN TESTAMENT. 91
§ IX. — COMMENT LA VÉRITÉ
DE L’ÉGLISE EST UN ARTICLE DE FOI. 92
§ X. — LA COMMUNION DES SAINTS. 93
Chapitre onzième — Du dixième
article du Symbole 96
§ I. — IL Y A DANS L’ÉGLISE
UN POUVOIR DE REMETTRE LES PÉCHÉS. 96
§ II. — A QUI A ÉTÉ
CONFIÉ, DANS L’ÉGLISE, LE POUVOIR DE REMETTRE LES PÉCHÉS.
97
§ III. — LE POUVOIR DE REMETTRE LES
PÉCHÉS EST UN GRAND BIENFAIT. 97
§ IV. — COMMENT LES FIDÈLES
DOIVENT FAIRE USAGE DE LA RÉMISSION DES PÉCHÉS. 99
Chapitre douzième — Du onzième
article du Symbole 101
§ I. — PREUVE DE LA RÉSURRECTION.
101
§ II. — ÉTAT DES CORPS RESSUSCITÉS.
104
§ III. — QUALITÉS DES CORPS
RESSUSCITÉS. 106
§ IV. — FRUITS A TIRER DE CET ARTICLE.
108
Chapitre treizième — Du douzième
article du Symbole 110
§ I — QU’EST-CE QUE LA VIE ÉTERNELLE
? 110
§ II. — NATURE DU BONHEUR ÉTERNEL.
112
Deuxième partie — Des sacrements
117
Chapitre quatorzième — Des sacrements
en général 117
§ I. — EXPLICATION DU MOT SACREMENT.
117
§ II. — DÉFINITION DU SACREMENT.
118
§ III. — CE QUI EST SIGNIFIÉ
PAR LES SACREMENTS. 120
§ IV. — DES RAISONS QUI ONT FAIT
INSTITUER LES SACREMENTS. 121
§ V. — MATIÈRE ET FORME DES
SACREMENTS. 123
§ VI. — CÉRÉMONIES
EMPLOYÉES DANS L’ADMINISTRATION DES SACREMENTS. 124
§ VII. — DU NOMBRE DES SACREMENTS.
125
§ VIII. — DE L’AUTEUR ET DU MINISTRE
DES SACREMENTS. 126
§ IX. — EFFETS DES SACREMENTS 128
§ X. — CARACTÈRE IMPRIMÉ
PAR TROIS SACREMENTS 130
Chapitre quinzième — Du Sacrement
du Baptême 132
§ I. — CE QUE C’EST QUE LE BAPTÊME
POUR LE NOM ET POUR LA CHOSE. 132
§ II. — DE L’INSTITUTION DU BAPTÊME.
138
§ III. — DES MINISTRES DU BAPTÊME.
139
§ IV. — DES PARRAINS ET MARRAINES.
141
Chapitre seizième — Suite du sacrement
du Baptême 144
§ I. — NÉCESSITÉ DU
BAPTÊME. 144
§ II. — DES DISPOSITIONS NÉCESSAIRES
POUR RECEVOIR LE BAPTEME. 146
§ III. — DES EFFETS DU BAPTÊME.
148
§ IV. — DES PRIÈRES ET DES
CÉRÉMONIES DU BAPTÊME. 154
Chapitre dix-septième — Du sacrement
de Confirmation 159
§ I. — LA CONFIRMATION EST UN VRAI
SACREMENT. 159
§ II. — MATIÈRE ET FORME DE
LA CONFIRMATION. 161
§ III. — DES MINISTRES DE LA CONFIRMATION
163
§ IV. — NÉCESSITÉ DE
LA CONFIRMATION. 164
§ V. — DES EFFETS DU SACREMENT DE
CONFIRMATION. 165
§ VI. — DES CÉRÉMONIES
DU SACREMENT DE CONFIRMATION 166
Chapitre dix-huitième — Du sacrement
de l’Eucharistie 168
§ I. — INSTITUTION DE L’EUCHARISTIE
SES DIFFÉRENTS NOMS 168
§ II. — L’EUCHARISTIE EST UN VRAI
SACREMENT: SA MATIÈRE. 170
§ III. — FORME DE L’EUCHARISTIE.
174
Chapitre dix-neuvième — Du sacrement
de l’Eucharistie (suite) 179
§ I. — LA PRÉSENCE RÉELLE.
179
§ II — JÉSUS-CHRIST EST TOUT
ENTIER DANS L'EUCHARISTIE. 182
§ III. — DE LA TRANSSUBSTANTIATION.
184
§ IV. — COMMENT S’OPÈRE LA
TRANSSUBSTANTIATION 185
§ V. — DES ACCIDENTS DU PAIN ET DU
VIN. 187
Chapitre vingtième — Du sacrement
de l’Eucharistie (suite) 189
§ I. — DE LA VERTU ET DES FRUITS
DE L’EUCHARISTIE. 189
§ II. — TROIS MANIÈRES DE
PARTICIPER A L’EUCHARISTIE. 191
§ III. — DES DISPOSITIONS NÉCESSAIRES
POUR COMMUNIER. 192
§ IV. — DE L’OBLIGATION DE COMMUNIER.
194
§ V. — COMMUNION SOUS LES DEUX ESPÉCES.
196
§ VI. — MINISTRE DU SACREMENT DE
L’EUCHARISTIE. 197
§ VII. — DE L’EUCHARISTIE CONSIDÉRÉE
COMME SACRIFICE. 198
§ VIII. — LE SACRIFICE DE LA MESSE
EST LE MÊME QUE CELUI DE LA CROIX. 200
§ IX. — CÉRÉMONIES
DE LA MESSE. 201
Chapitre vingt-et-unième — Du sacrement
de Pénitence 202
§ I. — DU NOM ET DE LA VERTU DE PÉNITENCE.
202
§ II. — DE LA PÉNITENCE CONSIDÉRÉE
COMME SACREMENT. 205
§ III. — MATIÈRE ET FORME
DU SACREMENT DE PÉNITENCE. 207
§ IV. — DES EFFETS DU SACREMENT DE
PÉNITENCE. 208
Chapitre vingt-deuxième — Du sacrement
de Pénitence (suite) 212
§ I. — QU’EST-CE QUE LA CONTRITION
212
§ II. — QUALITÉS DE LA CONTRITION.
213
§ III. — DES EFFETS DE LA CONTRITION
ET DES MOYENS DE L’EXCITER. 217
Chapitre vingt-troisième — Du sacrement
de la Pénitence (suite) 219
§ I. — DE LA CONFESSION. 219
§ II. — UTILITÉ ET NÉCESSITÉ
DE LA CONFESSION. 219
§ III. — JÉSUS-CHRIST AUTEUR
LE LA CONFESSION. 220
§ IV. — DE L’OBLIGATION DE SE CONFESSER.
222
§ V. — DES QUALITÉS DE LA
CONFESSION. 223
§ VI. — DU MINISTRE DU SACREMENT
DE PÉNITENCE. 225
Chapitre vingt-quatrième — Du sacrement
de Pénitence (suite) 230
§ I. — QU’EST-CE QUE LA SATISFACTION
230
§ II. — NÉCESSITÉ DE
LA SATISFACTION. 231
§ III. — EFFETS ET AVANTAGES DE LA
SATISFACTION. 232
§ IV. — DIVERSES ESPÈCES D’ŒUVRES
SATISFACTOIRES. 235
Chapitre vingt-cinquième — Du sacrement
de l’Extrême-Onction 238
§ I. — DE L’EXTRÊME-ONCTION
ET DE LA NATURE DU SACREMENT DE L’EXTRÊME-ONCTION. 238
§ II. — QUI SONT CEUX A QUI L’EXTRÊME-ONCTION
DOIT ÊTRE ADMINISTRÉE. 240
§ III. — DES DISPOSITIONS NÉCESSAIRES
POUR RECEVOIR L’EXTRÊME-ONCTION. 242
§ IV. — QUELS SONT LES MINISTRES
DE CE SACREMENT 242
§ V. — DES EFFETS DE L’EXTRÊME-ONCTION.
243
Chapitre vingt-sixième — Du sacrement
de l’Ordre 245
§ I. — IL EST UTILE D’EXPLIQUER AUX
FIDÈLES LE SACREMENT DE L’ORDRE. 245
§ II. — DE LA PUISSANCE ECCLÉSIASTIQUE.
247
§ III. — L’ORDRE EST UN VRAI SACREMENT.
249
§ IV. — DE LA TONSURE. 250
§ V. — DES ORDRES MINEURS. 251
§ VI. — DES ORDRES MAJEURS. 252
§ VII. — DU SACERDOCE. 253
§ VIII. — DEGRÉS ET FONCTIONS
DU SACERDOCE 254
§ IX. — DES DISPOSITIONS NÉCESSAIRES
POUR LES ORDRES. 256
§ X. — DES EFFETS DE L’ORDRE. 258
Chapitre vingt-septième — Du sacrement
de Mariage 259
§ I. — QU’EST-CE QUE LE MARIAGE 259
§ II. — DU MARIAGE CONSIDÉRÉ
PAR RAPPORT A LA NATURE. 262
§ III. — DES MOTIFS ET DES FINS DU
MARIAGE. 263
§ IV. — DU SACREMENT DE MARIAGE.
264
§ V. — DES AVANTAGES ET DES BIENS
DU MARIAGE. 266
§ VI. — DEVOIRS RÉCIPROQUES
DES ÉPOUX. 269
§ VII. — DES FORMALITÉS DU
MARIAGE. 269
Troisième partie — Du Décalogue
272
Chapitre vingt-huitième — Des Commandements
de Dieu en général 272
§ I. — NÉCESSITÉ D’ÉTUDIER
ET D’EXPLIQUER LE DÉCALOGUE. 272
§ II. — DIEU AUTEUR DU DÉCALOGUE.
273
§ III. — NÉCESSITÉ
DE GARDER LES COMMANDEMENTS. 275
§ IV. — AVANTAGE DE LA LOI DE DIEU.
275
Chapitre vingt-neuvième — Du premier
Commandement 277
§ I. — RÉCIT ABRÉGÉ
DE L’HISTOIRE SACRÉE. 277
§ II. — APPLICATION DE CETTE HISTOIRE
AUX CHRÉTIENS. 278
§ III. — OBJET DU PREMIER COMMANDEMENT.
279
§ IV. — DU CULTE ET DE L’INVOCATION
DES ANGES ET DES SAINTS. 281
§ V. — CHOSES DÉFENDUES PAR
LE PREMIER COMMANDEMENT. 283
§ VI. — ON PEUT CEPENDANT CHEZ LES
CHRÉTIENS REPRÉSENTER LA DIVINITÉ PAR DES SYMBOLES.
285
§ VII. — LES IMAGES DE JÉSUS-CHRIST,
DE LA SAINTE VIERGE ET DES SAINTS SONT PERMISES. 285
§ VIII. – MOTIFS D’OBSERVER LA LOI
: RECOMPENSES ET CHATIMENTS 286
Chapitre trentième — Du second
Commandement 291
§ I. — CE QUI EST ORDONNÉ
PAR LE SECOND COMMANDEMENT. 291
§ II. — DU SERMENT. 293
§ III. — CONDITIONS NÉCESSAIRES
POUR QUE LE SERMENT SOIT PERMIS. 294
§ IV. — CE QUI EST DÉFENDU
PAR LE SECOND COMMANDEMENT. 297
§ V. — CHATIMENTS DE CEUX QUI VIOLENT
LE SECOND COMMANDEMENT. 299
Chapitre trente-et-unième — Du
troisième Commandement 301
§ I. — COMPARAISON DU TROISIÈME
COMMANDEMENT AVEC LES AUTRES. 301
§ II. — SOUVENEZ-VOUS DE SANCTIFIER
LE JOUR DU SABBAT. 303
§ III. — VOUS TRAVAILLEREZ PENDANT
SIX JOURS, ETC. 304
§ IV. — LE DIMANCHE SUBSTITUÉ
AU SABBAT. FÊTES DE L’ÉGLISE. 305
§ V. — DES ŒUVRES SERVILES. 306
§ VI. — QUELLES SONT LES ŒUVRES COMMANDÉES
LE DIMANCHE ? 307
§ VII. — PRINCIPAUX AVANTAGES DE
LA SANCTIFICATION DU DIMANCHE. 308
Chapitre trente-deuxième — Du quatrième
Commandement 310
§ I. — DIFFÉRENCE DES TROIS
PREMIERS COMMANDEMENTS ET DES SUIVANTS. 310
§ II. — HONOREZ VOTRE PÈRE
ET VOTRE MÈRE. 312
§ III. — EN QUOI CONSISTE L’HONNEUR
DÛ AUX PARENTS. 313
§ IV. — QUI SONT CEUX QUE L’ON DOIT
ENCORE HONORER AVEC LES PARENTS, ET COMMENT ? 315
§ VI. — CHATIMENT RÉSERVÉ
A CEUX QUI VIOLENT LE QUATRIÈME PRÉCEPTE. 318
§ VII. — DEVOIRS DES PARENTS ET DES
SUPÉRIEURS ENVERS LEURS ENFANTS ET LEURS INFÉR. 318
Chapitre trente-troisième — Du
cinquième Commandement 320
§ I. — QUELS SONT LES MEURTRES QUI
NE SONT POINT ICI DÉFENDUS. 320
§ II. — MEURTRES DÉFENDUS.
322
§ III. — AUTRES CHOSES DÉFENDUES
PAR CE PRÉCEPTE. 322
§ IV. — MOYENS D’ÉVITER LES
FAUTES CONTRAIRES AU CINQUIÈME COMMANDEMENT. 323
§ V. — CE QUI EST COMMANDÉ
PAR CE PRÉCEPTE. 324
Chapitre trente-quatrième — Du
sixième Commandement 328
§ I. — DE L’ADULTÈRE. 328
§ II. — CE QUI EST COMMANDÉ
PAR LE SIXIÈME COMMANDEMENT. 329
§ III. — REMÈDES CONTRE LES
MAUVAISES PENSÉES. 330
§ IV. — AUTRES REMÈDES CONTRE
L’IMPURETÉ. 331
Chapitre trente-cinquième — Du
septième Commandement 334
§ I. — QU’EST-CE QUE LE VOL ? 334
§ II. — LE VOL EST UN GRAND PÉCHÉ.
335
§ III. — DIFFÉRENTES ESPÈCES
DE VOL. 336
§ IV. — DE LA RAPINE. 337
§ V. — DE LA RESTITUTION. 339
§ VI. — DES ŒUVRES DE MISÉRICORDE.
340
§ VII. — IL FAUT SE METTRE EN ÉTAT
DE FAIRE L’AUMÔNE. 341
§ VIII. — CHATIMENTS DU VOL: RÉCOMPENSES
DES CEUVRES DE MISÉRICORDE. 341
§ IX. — EXCUSES DES VOLEURS. 342
Chapitre trente-sixième — Du huitième
Commandement 345
§ I. — DU FAUX TÉMOIGNAGE.
345
§ II. — DE LA MÉDISANCE ET
DE LA CALOMNIE. 347
§ III. — LA FLATTERIE, LE MENSONGE
ET LA DISSIMULATION. 348
§ IV. — A QUOI NOUS SOMMES OBLIGÉS
PAR CE COMMANDEMENT. 350
§ V. — MOTIFS DE DÉTESTER
LE MENSONGE. 351
§ VI. — VAINES EXCUSES DES MENTEURS.
353
Chapitre trente-septième — Du neuvième
et du dixième Commandement 355
§ I. — DIFFÉRENCE ET NÉCESSITÉ
DE CES DEUX COMMANDEMENTS. 355
§ II. — QU’EST-CE QUE LA CONCUPISCENCE
357
§ III. — QUELLE EST LA CONVOITISE
QUI EST ICI DÉFENDUE 358
§ IV. — DIFFÉRENTES ESPÈCES
DE BIEN D’AUTRUI QUE L’ON NE DOIT PAS DÉSIRER. 359
§ V. — IL EST DÉFENDU DE DÉSIRER
LA FEMME DE SON PROCHAIN. 360
§ VI. — CE QUE DIEU ORDONNE PAR CES
DEUX COMMANDEMENTS. 360
§ VII. — QUI SONT CEUX QUI PÈCHENT
CONTRE CES DEUX COMMANDEMENTS. 362
Quatrième partie — De la prière
363
Chapitre trente-huitième — De la
Prière en général 363
§ I. — DE LA NÉCESSITÉ
DE LA PRIÈRE. 363
§ II — UTILITÉ ET FRUITS DE
LA PRIÈRE. 364
§ III. — DES DIVERSES PARTIES DE
LA PRIÈRE. 367
§ IV. — CE QU’IL FAUT DEMANDER DANS
LA PRIÈRE. 370
§ V. — POUR QUI FAUT-IL PRIER 371
§ VI. — A QUI DOIT-ON ADRESSER DES
PRIÈRES 373
§ VII. — DE LA PRÉPARATION
A LA PRIÈRE. 374
§ VIII. — MANIÈRE DE PRIER:
QUALITÉS DE LA PRIÈRE. 377
Chapitre trente-neuvième — De l’Oraison
Dominicale 380
§ I. — NOTRE PÈRE. 380
§ II. — POURQUOI CHACUN DIT-IL NOTRE
PÈRE 385
§ III. — QUI ÊTES DANS LES
CIEUX. 387
Chapitre quarantième — Première
demande de l’Oraison Dominicale 390
§ I. — POURQUOI CETTE DEMANDE EST
LA PREMIÈRE ? 390
§ II. — QU’EST-CE QUE LA GLOIRE DE
DIEU ? 390
§ III. — OBJET DE LA PREMIÈRE
DEMANDE. 391
§ IV. — UN VRAI CHRÉTIEN DOIT
HONORER CE SAINT NOM PAR SES ACTIONS. 392
Chapitre quarante-et-unième — Seconde
demande de l’Oraison Dominicale 394
§ I. — DU ROYAUME DE DIEU. 394
§ II. — CE QUI EST COMPRIS DANS CETTE
DEMANDE. 394
§ III. — DES MISÈRES DE CETTE
VIE. 395
§ IV. — QUEL EST L’OBJET DE LA DEUXIÈME
DEMANDE 396
§ V. — DANS QUELS SENTIMENTS IL FAUT
FAIRE CETTE DEMANDE. 400
Chapitre quarante-deuxième — Troisième
demande de l’Oraison Dominicale 401
§ I. — MISÈRES DU GENRE HUMAIN,
LEUR CAUSE. 401
§ II. — NOUS DEMANDONS LE REMÈDE
A NOS MISÈRES PAR CES MOTS QUE VOTRE VOLONTÉ (…) 403
§ III. — CE QUE C’EST QUE LA VOLONTÉ
DE DIEU. 404
§ IV. — SUR LA TERRE COMME AU CIEL.
407
Chapitre quarante-troisième — Quatrième
demande de l’Oraison Dominicale 410
§ I. — DE QUELLE MANIÈRE IL
FAUT DEMANDER LES BIENS DE LA VIE. 410
§ II. — NOTRE PAIN QUOTIDIEN. 412
§ III. — DONNEZ-NOUS AUJOURD’HUI.
415
§ IV. — DU PAIN SPIRITUEL. 416
Chapitre quarante-quatrième — Cinquième
demande de l’Oraison Dominicale 419
§ I. — DES DISPOSITIONS NÉCESSAIRES
POUR FAIRE CETTE PRIÈRE. — REPENTIR. 419
§ II. — CONFIANCE EN DIEU. 422
§ III. — CE QU’ON ENTEND PAR LE MOT
DETTES. 423
IV. — COMME NOUS PARDONNONS A CEUX QUI
NOUS ONT OFFENSÉS. 425
§ V. — MOTIFS ET MANIÈRES
DE PARDONNER AU PROCHAIN. 426
§ VII. — DISPOSITIONS NÉCESSAIRES
POUR FAIRE CETTE PRIÈRE AVEC FRUIT. 427
Chapitre quarante-cinquième — Sixième
demande de l’Oraison Dominicale 429
§ I. — POURQUOI JÉSUS-CHRIST
NOUS A ORDONNÉ CETTE SIXIÈME DEMANDE ? 429
§ II. — DES TENTATIONS ; DE LEURS
CAUSES. 430
§ III. — DES DÉMONS. 430
§ IV. — QU’EST-CE QU’ÊTRE TENTÉ
ET INDUIT EN TENTATION. 432
§ V. — QU’EST-CE QU’ON DEMANDE A
DIEU PAR CES PAROLES NE NOUS INDUISEZ POINT EN TENT. 435
§ VI. — MOTIFS ET MOYENS DE RÉSISTER
AU DÉMON 435
Chapitre quarante-sixième — Septième
demande de l’Oraison Dominicale 439
§ I. — COMMENT ON DOIT DEMANDER D’ÊTRE
DÉLIVRÉ DU MAL. 439
§ II. — QUELS SONT LES MAUX DONT
NOUS DEMANDONS ICI D’ÊTRE DÉLIVRÉS. 441
§ III. — DE LA PATIENCE NÉCESSAIRE
DANS LES MAUX. 443
§ IV. — CONCLUSION DE L’ORAISON DOMINICALE.
AMEN. (AINSI SOIT-IL !) 444
Annexes 447
DÉFINITION DE L’IMMACULÉE
CONCEPTION 447
DÉFINITION DE L’INFAILLIBILITÉ
PONTIFICALE 448
DÉFINITION DE L’ASSOMPTION 448
PREFACE DES AUTEURS DU CATECHISME
NECESSITE DES PASTEURS DANS L’EGLISE.
— LEUR AUTORITE, LEURS FONCTIONS. — PRINCIPAUX ARTICLES DE LA DOCTRINE
CHRETIENNE.
Notre intelligence et notre raison sont
ainsi faites que lorsque nous voulons étudier les vérités
qui regardent Dieu, nous pouvons, grâce à un travail approfondi
et une sérieuse application, arriver à la connaissance d’un
certain nombre de ces vérités ; mais lorsqu’il s’agit de
l’ensemble des moyens capables de nous faire atteindre le salut éternel
pour lequel Dieu nous a créés et formés à son
image et à sa ressemblance, jamais aucun de nous n’a pu les découvrir
ou les apercevoir par la seule lumière naturelle.
Sans doute, selon l’enseignement de l’Apôtre
on voit se manifester, dans les œuvres visibles de la création,
certains attributs de Dieu tels que son éternelle Puissance et sa
Divinité. Mais ce mystère , qui est demeuré
caché aux générations des siècles antérieurs,
dépasse de beaucoup l’intelligence de l’homme ; et si Dieu n’eût
pas soin de le manifester à ses Saints — à qui il Lui a plu
de révéler avec le don de la foi les richesses et la gloire
cachées dans son Verbe fait homme, notre Seigneur Jésus-Christ,
— jamais notre esprit n’aurait pu parvenir à la connaissance d’une
Sagesse si parfaite.
§ I. — L’EGLISE A BESOIN DE PASTEURS.
Mais comme la Foi vient de l’ouïe,
il est facile de voir combien, dans tous les temps, il a été
nécessaire pour se sauver, d’avoir recours aux soins et au ministère
d’un maître autorisé. Car il est écrit:
Comment entendront-ils sans prédicateurs ? et comment y aura-t-il
des prédicateurs, si on ne les envoie ? Aussi bien depuis que le
monde est monde, le Dieu de toute clémence et de toute bonté
n’a-t-il jamais manqué à ceux qui sont les siens. Mais
Il a parlé à nos pères en plusieurs occasions, et
en diverses manières, par les Prophètes, et selon les temps
et les circonstances, Il leur a toujours montré un chemin sûr
et droit pour les faire arriver au bonheur du ciel. De plus, comme Il avait
promis d’envoyer un Docteur de la justice pour éclairer
les nations et porter le salut jusqu’aux extrémités de la
terre, Il nous a parlé en dernier lieu par la bouche
de son Fils, dont Il nous a ordonné d’observer les préceptes,
lorsqu’une voix descendue du ciel, partie du trône même
de la gloire, est venue nous enjoindre à tous de L’écouter.
Puis ce même Fils nous a donné des Apôtres, des Prophètes,
des Pasteurs et des Docteurs, pour nous faire entendre la parole
du salut, afin qu’on ne nous vit pas comme des enfants, emportés
de tous côtés et flottant à tout vent de doctrine,
mais qu’en nous tenant fermement attachés au fondement inébranlable
de notre Foi, nous fussions comme un véritable édifice
de Dieu, dans le Saint-Esprit.
§ II. — AUTORITE DES PASTEURS.
Et afin que personne ne fût tenté
de recevoir la parole de Dieu annoncée par les ministres de l’Eglise
comme la parole des hommes, et non comme la parole même de Jésus-Christ,
notre Sauveur a voulu attacher une si grande autorité à leur
enseignement qu’Il a dit un jour: qui vous écoute, M’écoute,
qui vous méprise, Me méprise. Et, sans aucun doute, Il ne
voulait pas appliquer cette déclaration à ceux-là
seuls à qui Il parlait alors, mais encore à tous ceux qui
succéderaient légitimement aux Apôtres dans les fonctions
de leur ministère. C’est à tous ceux-là qu’Il a promis
son assistance de tous les jours jusqu’à la consommation
des siècles.
§ III. — FONCTIONS ET DEVOIRS DES
PASTEURS
Jamais la prédication de la parole
de Dieu ne doit être interrompue dans l’Eglise. Mais c’est surtout
à l’époque où nous vivons que la piété
et le zèle doivent se renouveler en quelque sorte et s’augmenter
encore, pour nourrir et fortifier les Fidèles avec le pain vivifiant
d’une pure et saine doctrine. C’est qu’en effet nous avons vu se répandre
dans le monde ces faux prophètes dont le Seigneur a dit:
Je ne les envoyais pas, et cependant ils allaient ; Je ne leur parlais
pas, et cependant ils prophétisaient. Leur but est de dépraver
le cœur des Chrétiens, par des enseignements insolites et étrangers.
Leur impiété, fortifiée de tous les artifices de Satan,
s’est avancée si loin qu’il paraît presque impossible de l’arrêter
et de la borner. Et si nous n’avions pleine confiance dans la promesse
remarquable que notre Seigneur a faite de bâtir son Eglise sur un
fondement si solide que les portes de l’enfer ne pourront jamais
prévaloir contre elle, dans ce temps où elle est attaquée
de toutes parts par tant d’ennemis, et battue en brèche sur tant
de points, nous aurions raison de craindre de la voir succomber. Car, sans
parler de ces belles provinces qui gardaient jadis avec tant de respect
et de fermeté la vraie Foi catholique que leurs ancêtres leur
avaient transmise, et qui, après avoir déserté le
chemin de la vérité, marchent maintenant dans l’erreur, avec
la prétention de se rapprocher d’autant plus de la vraie piété,
qu’elles s’éloignent davantage de la Foi de nos Pères, y
a-t-il une contrée assez lointaine, un lieu assez fortifié,
un coin du monde chrétien assez reculé où cette peste
n’ait cherché à se répandre par des moyens cachés
?
En effet, ceux qui ont entrepris d’infester
l’âme des Chrétiens fidèles ont parfaitement compris
qu’ils ne pourraient jamais s’expliquer au grand jour avec eux, ni faire
arriver aux oreilles de tous leurs paroles pleines de poison. Aussi ont-ils
essayé d’un autre moyen pour semer plus facilement et plus su loin
leurs erreurs impies. Outre ces gros livres à l’aide desquels ils
ont essayé de détruire la foi catholique — livres faciles
à réfuter toutefois, avec un peu de travail et d’habileté,
à cause même des hérésies évidentes qu’ils
renfermaient — ils ont fait paraître un très grand nombre
de petits traités qui, sous les couleurs de la vraie piété,
ont surpris et égaré trop facilement la bonne foi des âmes
simples.
C’est pourquoi les Pères du Concile
oecuménique de Trente, voulant absolument combattre un mal si grandet
si funeste par un remède efficace, non seulement ont pris soin de
bien définir contre les hérésies de notre temps les
points principaux de la doctrine catholique, mais de plus ils se sont fait
un devoir de laisser, pour l’instruction des chrétiens sur les vérités
de la Foi, une sorte de plan et de méthode que pourraient suivre
en toute sûreté dans leurs églises ceux qui auraient
la charge de Docteur et de Pasteur légitime.
Un certain nombre d’auteurs, nous le savons,
ont déjà traité ces matières avec autant de
piété que de science, cependant ces Pères ont cru
qu’il importait extrêmement, que par l’autorité du Saint Concile,
on vit paraître un livre, où les Pasteurs et tous ceux qui
sont chargés d’enseigner pourraient puiser des vérités
d’une certitude absolue, et les transmettre ensuite aux Fidèles
pour leur édification.
Ainsi comme il n’y a qu’un
seul Seigneur et une Foi, il n’y aurait qu’une seule et même manière,
une seule et même règle, pour apprendre au peuple la Foi chrétienne
et tous les devoirs qu’elle impose.
Les vérités qui entreraient
dans ce plan sont très nombreuses. Il ne viendra à l’idée
de personne que le Saint Concile ait eu la prétention d’expliquer
dans le détail, et en un seul livre, tous les dogmes de notre Foi.
Ceci appartient aux théologiens, qui font profession de transmettre
par l’enseignement, la religion tout entière, avec son histoire
et ses dogmes. Au surplus, c’était un travail énorme et qui
n’aurait pas rempli le but du Concile. Cette sainte assemblée en
effet (en décrétant ce catéchisme) a voulu simplement
donner aux Pasteurs et aux autres Prêtres ayant charge d’âmes,
la connaissance des choses qui appartiennent en propre au ministère
d’une paroisse, et qui sont le plus à la portée des fidèles.
Voilà pourquoi ils n’ont dû s’occuper ici que de ce qui pourrait
seconder le zèle et la piété de certains Pasteurs
qui peut-être ne seraient pas assez sûrs d’eux-mêmes
dans les points les plus difficiles de la science divine.
Mais avant d’en venir à l’explication
de chacun des articles qui doivent composer cet abrégé de
notre Foi, l’ordre même de notre travail nous oblige à faire
ici quelques déclarations que les Pasteurs auront soin de ne pas
perdre de vue. Ces explications leur feront connaître exactement
quel doit être le terme de leurs pensées, de leurs labeurs
et de leurs études, et en même temps les moyens à employer
pour arriver sûrement au succès désiré.
Or ce qui semble primer tout le reste,
c’est qu’ils n’oublient jamais que toute la science du Chrétien,
ou plutôt, comme le dit notre Seigneur, que toute la
Vie Eternelle elle-même consiste en ce seul point: Vous connaître,
Vous, le seul Dieu véritable et Jésus-Christ que Vous avez
envoyé. Aussi le vrai Docteur de l’Eglise s’appliquera-t-il avant
toutes choses à faire naître dans l’âme des Fidèles
le désir sincère de connaître Jésus
Christ, et Jésus Christ crucifié. Il fera en sorte de leur
persuader et de graver dans leur cœur cette Foi inébranlable qu’
il n’existe point sous le ciel d’autre nom par lequel nous puissions nous
sauver, puisque c’est Lui qui est l’hostie de propitiation pour nos péchés.
Et comme on ne peut être
sûr de Le connaître véritablement qu’autant qu’on observe
ses commandements, la deuxième obligation, qui ne peut être
séparée de celle que nous venons de marquer, sera de bien
mettre en lumière que la vie des Fidèles ne doit point s’écouler
dans le repos et l’oisiveté, mais que nous devons marcher sur les
traces de notre Sauveur et chercher sans relâche et de toutes nos
forces la justice, la piété, la foi, la charité et
la douceur. Car si Jésus-Christ s’est livré Lui-même
pour nous, Il l’a fait pour nous arracher à toute sorte d’iniquité,
pour faire de nous un peuple pur, agréable à ses yeux, ami
fervent des bonnes œuvres. C’est ainsi que l’Apôtre ordonne aux Pasteurs
de Le faire connaître et de Le proposer en exemple.
Mais notre Maître et Sauveur ne
s’est pas contenté de parler, Il a voulu de plus prouver par sa
conduite que la Loi et les Prophètes se résumaient
tous dans l’amour. D’autre part l’Apôtre a formellement enseigné
que l’amour est la fin des commandements, et la plénitude
de la Loi. Personne ne peut donc mettre en doute que c’est un devoir, et
un devoir primordial d’exhorter le peuple fidèle à l’amour
de Dieu et de son infinie bonté pour nous. Ainsi, enflammé
d’une véritable ardeur divine, ce peuple pourra s’élancer
vers le Bien suprême, le Bien parfait dont l’amour et la possession
produisent la vraie et solide félicité dans le cœur de tous
ceux qui peuvent s’écrier avec le Prophète: Qu’y
a-t-il dans le ciel et qu’ai-je désiré sur la terre, si ce
n’est Vous, Seigneur ? C’est là en effet cette voie excellente que
nous montrait Saint Paul lorsqu’il résumait toute sa doctrine et
toute sa prédication, dans la charité, qui ne
périt point. Aussi qu’il soit question de Foi, d’Espérance
ou de toute autre vertu, il convient d’insister toujours avec tant de force
sur l’amour pour notre Seigneur Jésus-Christ, que chacun soit en
quelque sorte obligé de comprendre que toutes les œuvres de perfection
et de vertu chrétienne ne peuvent avoir d’autre source et d’autre
terme que ce saint Amour.
§ IV. — MANIERE D’INSTRUIRE LES FIDELES
Mais si dans toute espèce d’enseignement,
il importe de prendre telle ou telle méthode, cette vérité
trouve surtout son application lorsqu’il s’agit d’instruire le peuple chrétien.
C’est qu’en effet il faut tenir compte de l’âge, de l’intelligence,
des habitudes, de la condition. Celui qui enseigne doit se
faire tout à tous, pour gagner tout le monde à Jésus
Christ ; il doit se montrer lui-même un ministre et un
dispensateur sûr, et à l’exemple du serviteur
bon et fidèle, il doit mériter d’être établi
par notre Seigneur dans des fonctions plus considérables.
Surtout qu’il ne s’imagine pas qu’une
seule sorte d’âmes lui est confiée, et que par conséquent
il lui est loisible d’enseigner et de former également tous les
Fidèles à la vraie piété, avec une seule et
même méthode et toujours la même ! Qu’il sache bien
que les uns sont en Jésus-Christ comme des enfants nouvellement
nés, d’autres comme des adolescents, quelques-uns enfin, comme en
possession de toutes leurs forces. Il devra donc s’appliquer à reconnaître
et à distinguer ceux qui ont besoin du lait de la doctrine, et ceux
qui demandent une nourriture plus forte. Ainsi, il pourra distribuer à
tous et à chacun ces aliments spirituels qui augmentent la vie de
l’âme, jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus
à l’unité d’une même Foi, d’une même connaissance
du Fils de Dieu, à l’état d’hommes parfaits, et à
la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus Christ.
Au surplus, c’est à tous les Chrétiens que l’Apôtre
a voulu se donner lui-même en exemple sur ce point lorsqu’il dit
qu’ il se doit aux Grecs et aux Barbares, aux savants et aux ignorants.
Il voulait montrer à tous ceux qui sont appelés au ministère
de la prédication, qu’ils doivent, en transmettant l’enseignement
des mystères de la Foi et des règles des mœurs, proportionner
leurs paroles à l’esprit et à l’intelligence de leurs auditeurs.
Ainsi, après avoir nourri d’un aliment spirituel les esprits les
plus élevés, ils ne laisseront point périr de besoin
ceux qui, encore enfants demanderaient un pain qui ne leur
serait point rompu.
Personne ne doit donc laisser refroidir
son zèle pour instruire, parce que, de temps en temps, il faudra
expliquer ces vérités qui paraissent simples et élémentaires-
et que l’on aborde avec d’autant moins de plaisir qu’on se plait davantage
dans l’étude de vérités plus élevées.
Mais si la Sagesse elle-même du Père éternel a bien
voulu descendre ici-bas, dans l’abaissement de notre chair, pour nous enseigner
les lois de la vie surnaturelle, quel est celui que la charité de
Jésus-Christ ne portera pas à se faire petit parmi ses frères,
et à imiter comme lui les soins de la mère pour ses enfants
? quel est celui qui ne désirera assez ardemment le salut de son
prochain pour vouloir, comme Saint Paul le dit de lui-même,
leur donner non seulement l’Evangile de Dieu, mais encore sa propre vie
?
Or, toutes les vérités que
l’on doit enseigner aux Fidèles sont contenues dans la parole de
Dieu, soit celle qui est écrite, soit celle qui a été
conservée par tradition, L’Ecriture et la tradition voilà
donc ce que les Pasteurs devront méditer jour et nuit. Et ils n’auront
garde d’oublier cet avertissement que Saint Paul adressait à Timothée,
et qui s’applique à tous ceux qui ont charge d’âmes:
Appliquez-vous à la lecture, à l’exhortation et à
l’instruction ; car toute Ecriture inspirée de Dieu
est utile pour instruire, pour reprendre, pour corriger, pour former à
la justice, pour rendre l’homme de Dieu parfait, et propre à toutes
les bonnes œuvres.
§ V. — PRINCIPAUX ARTICLES DE LA
DOCTRINE CHRETIENNE.
Tout ce que Dieu nous a révélé
est considérable et varié. Et tout, dans cette révélation,
ne se comprend point assez facilement, et même, quand on l’a compris,
ne reste pas assez bien gravé dans la mémoire, pour qu’on
puisse en donner toujours une explication satisfaisante. C’est donc avec
une profonde sagesse que nos Pères ont ramené toute la doctrine
et toute la science du salut à quatre points principaux qui sont
le Symbole des Apôtres, les Sacrements, le Décalogue, et l’Oraison
Dominicale.
En effet tout ce que nous devons croire
et connaître de la doctrine, de la création et du gouvernement
du monde, de la récompense des bons et de la punition des méchants,
toute, cela est contenu dans le Symbole.
Quant aux signes et aux moyens que Dieu
nous donne pour obtenir sa grâce, nous les trouvons dans les sept
Sacrements.
Les préceptes divins qui ont tous
pour fin la Charité sont inscrits dans le Décalogue.
Enfin tout ce que nous pouvons désirer,
espérer ou demander pour notre bien est renfermé dans l’Oraison
Dominicale. Ainsi lorsque nous aurons expliqué ces quatre articles,
qui sont comme les lieus communs de la sainte Ecriture, il ne manquera
presque plus rien au Chrétien pour connaître ce qu’il est
obligé de savoir.
En conséquence, nous croyons devoir
avertir les Pasteurs que chaque fois qu’ils auront à mettre en lumière
un passage de l’Evangile ou de toute autre partie de l’Ecriture sainte,
ils pourront toujours le ramener à l’un de ces quatre points, et
y prendre comme à sa source l’explication désirée.
Par exemple, s’il s’agit d’interpréter
l’Evangile du premier Dimanche de l’Avent: Il y aura des signes
dans le soleil et dans la lune, etc., ils trouveront ce qui se rapporte
à cette vérité dans l’article du Symbole: Il viendra
juger les vivants et les morts. Par ce moyen ils feront connaître
en même temps aux Fidèles, et le Symbole, et l’Evangile. Ainsi,
dans tout son enseignement et ses commentaires, le Pasteur pourra prendre
et conserver l’habitude de tout ramener à ces quatre points principaux,
qui selon nous renferment toute la moelle des Saintes Ecritures et même
tout le Christianisme.
Quant à l’ordre de l’enseignement,
il y aura lieu de choisir celui qui paraîtra le mieux approprié
aux temps et aux personnes.
Pour nous, à l’exemple des saints
Pères qui, voulant initier les hommes à la connaissance de
Jésus-Christ et de sa doctrine, commencèrent toujours par
la Foi, nous avons jugé à propos d’expliquer tout d’abord
ce qui regarde cette vertu.
PREMIERE PARTIE — DU SYMBOLE DES
APOTRES
Chapitre premier — De la Foi et du Symbole
en général
§ I. — DE LA F0I.
Le mot de Foi dans la Sainte Ecriture
a plusieurs significations. Ici nous le prenons pour cette vertu par laquelle
nous donnons un assentiment plein et entier aux vérités révélées
de Dieu. Personne ne peut raisonnablement douter que cette Foi dont nous
parlons ne soit nécessaire pour le salut, car il est écrit:
Sans la Foi, il est impossible de plaire à Dieu . En effet,
la fin dernière de l’homme c’est-à-dire le bonheur auquel
il doit tendre — est beaucoup trop élevée pour qu’il puisse
la découvrir par les seules lumières de son esprit. Il était
donc nécessaire que Dieu Lui-même lui en donnât la connaissance.
Or cette connaissance n’est autre chose que la Foi, par laquelle, et sans
hésitation aucune, nous tenons pour certain tout ce que l’autorité
de la Sainte Eglise notre mère nous propose comme révélé
de Dieu. Car il est impossible de concevoir le moindre doute sur les choses
qui viennent de Dieu, puisqu’Il est la Vérité même.
De là, il est facile de comprendre combien la Foi que nous avons
en Dieu est différente de celle que nous accordons au témoignage
des historiens qui nous racontent des faits purement naturels. Mais si
la Foi admet des degrés divers en étendue et en excellence,
comme il paraît dans ces passages de l’Ecriture: Homme de peu de
Foi, pourquoi avez-vous douté ? — Votre Foi est grande.
— Augmentez en nous la Foi. — La Foi sans les œuvres est une
Foi morte. — La Foi qui opère par la charité.
— elle ne reconnaît aucune diversité d’espèces, et
la même définition convient parfaitement à tous les
degrés qu’elle peut avoir. Quant aux fruits qu’elle produit et aux
avantages qu’elle nous procure, nous le dirons dans l’explication de chacun
des articles.
§ II. — DU SYMBOLE.
Ce que les Chrétiens doivent savoir
tout d’abord, ce sont les vérités que les Saints Apôtres,
nos maîtres et nos guides dans la Foi, inspirés par l’Esprit
de Dieu, ont renfermées dans les douze articles du Symbole. Après
avoir reçu de Notre-Seigneur
l’ordre d’aller remplir pour lui les
fonctions d’ambassadeurs, et de se répandre dans le monde entier
pour prêcher l’Evangile à toute créature,
ils jugèrent convenable de composer une formule de Foi chrétienne,
afin que tous eussent la même croyance et le même langage,
qu’il n’y eût ni division ni schisme parmi ceux qu’ils -allaient
appeler à la même Foi, et que tous fussent consommés
dans un même esprit et un même sentiment. Et cette profession
de Foi et d’Espérance chrétienne qu’ils avaient composée,
ils l’appelèrent Symbole, soit parce qu’ils la formèrent
de l’ensemble des vérités différentes que chacun d’eux
formula, soit parce qu’ils voulurent s’en servir comme d’une marque, et
d’un mot d’ordre, qui leur ferait distinguer aisément les vrais
soldats de Jésus-Christ des déserteurs et des faux frères,
qui se glissaient dans l’Eglise, pour corrompre l’Evangile.
§ III — ARTICLES DU SYMBOLE.
Les vérités due la Foi chrétienne
enseigne et que les Fidèles sont obligés de croire fermement,
sort en particulier, soit en général, sont assez nombreuses.
Mais la première et la plus essentielle de toutes, celle qui est
en même temps comme le fondement et le faîte de l’édifice,
et que eu Lui-même nous a enseignée, c’est l’unité
de l’Essence divine, la distinction des trois Personnes, et la diversité
des opérations que l’on attribue plus particulièrement à
chacune d’Elles. Le Pasteur montrera que toute la doctrine de ce Mystère
est renfermée en abrégé dans le Symbole des Apôtres.
En effet, ainsi que l’ont remarqué nos ancêtres, qui ont traité
ces matières avec beaucoup de soin et de piété, le
Symbole semble précisément avoir été divisé
en trois parties, afin que dans la première il fut question de la
première Personne divine et de l’œuvre admirable de la Création
; dans la Seconde, de la seconde Personne divine et du mystère de
la Rédemption des hommes ; dans la troisième enfin, de la
troisième Personne divine, source et principe de notre Sanctification.
Ces trois parties sont distinctes quoique liées entre elles. D’après
une comparaison souvent employée par les Pères, nous les
appelons articles. De même, en effet, que dans nos membres il y a
certaines articulations qui les distinguent et les séparent, de
même, dans cette profession de Foi, on a donné avec beaucoup
de justesse et de raison le nom d’articles aux vérités que
nous devons croire en particulier et d’une manière distincte.
Chapitre deuxième — Premier
article du Symbole
JE CROIS EN DIEU LE PERE TOUT PUISSANT,
CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE.
Voici le sens de ces paroles: je crois
fermement et je confesse sans aucune hésitation Dieu le Père,
c’est-à-dire la première Personne de la Sainte Trinité,
qui par sa vertu toute puissante a créé de rien le ciel et
la terre et tout ce qu’ils renferment, et qui, après avoir tout
créé, conserve et gouverne toutes choses. Et non seulement
je crois en Lui de cœur et je Le confesse de bouche, mais encore je tends
à Lui de toute l’ardeur et de toute la force de mon âme, comme
au Bien souverain et parfait. Ce premier article n’est pas long ; mais
chacun des mots qui le composent cache de grands mystères. Et ces
mystères, c’est au Pasteur à les approfondir et à
les expliquer avec le plus grand soin, afin que les Fidèles ne viennent,
s’il plaît à Dieu, qu’avec crainte et tremblement, contempler
la gloire de son infinie Majesté.
§ I. — JE CROIS.
Croire ici n’est pas la même chose
que penser, imaginer, avoir une opinion. C’est, selon l’enseignement de
nos Saints Livres, un acquiescement très ferme, inébranlable
et constant de notre intelligence aux mystères révélés
de Dieu. Ainsi, en ce qui nous occupe en ce moment, celui-là croit
qui s’est formé sur une vérité quelconque une conviction
et une certitude exemptes de tout doute.
Et qu’on n’aille pas s’imaginer que la
connaissance qui nous vient de la Foi soit moins certaine, sous le prétexte
que nous ne voyons pas les vérités qu’elle nous propose à
croire. Si la lumière divine qui nous les fait connaître ne
nous en donne pas l’évidence, cependant elle ne nous permet pas
d’en douter: Car le même Dieu qui a fait sortir la lumière
des ténèbres, a éclairé assez nos cœurs pour
que l’Évangile ne fût point voilé pour nous, comme
il l’est pour ceux qui périssent.
Il suit de là que celui qui est
en possession de cette connaissance céleste de la Foi, est délivré
du désir des investigations de pure curiosité. Car lorsque
Dieu nous a ordonné de croire, Il ne nous a point proposé
de scruter ses jugements, ni d’en examiner les raisons et les motifs, mais
Il nous a commandé cette Foi immuable par laquelle notre esprit
se repose entièrement dans la connaissance qu’il a de la vérité
éternelle. En effet, Dieu seul est véritable, dit l’Apôtre,
et tout homme est menteur. Si donc il y a de l’orgueil et de l’insolence
à ne point ajouter foi aux affirmations d’un homme sage et prudent,
et à exiger qu’il prouve ce qu’il avance par des raisons ou par
des témoins, quelle ne sera pas la témérité,
ou plutôt la folie de celui qui, entendant la voix de Dieu Lui-même,
osera demander lek preuves de la céleste doctrine du salut ? II
faut donc faire notre acte de Foi, non seulement sans aucun doute, mais
encore sans chercher de démonstration.
Le Pasteur enseignera également
que celui qui dit: Je crois, exprimant par cette parole l’assentiment intime
de son esprit, qui est l’acte intérieur de la Foi, ne doit point
se borner à cet acte de Foi, mais qu’il est tenu de manifester au
dehors par une profession ouverte les sentiments qu’il porte dans son cœur,
comme aussi de les avouer et de les publier devant tout le monde avec joie
et empressement. tous les Fidèles doivent avoir cet esprit qui inspirait
le Prophète quand il disait: J’ai cru, et c’est pourquoi
j’ai parlé. Ils doivent imiter les Apôtres qui répondaient
aux princes du peuple: Nous ne pouvons pas ne pas dire ce que
nous avons vu et entendu, et s’encourager soit par ces admirables paroles
de Saint Paul: Je ne rougis point de l’Évangile, car
il est la force et la vertu de Dieu pour sauver tous les croyants ; soit
par celles-ci qui prouvent particulièrement la vérité
que nous établissons: On croit de cœur pour être
justifié, mais on confesse de bouche pour être sauvé.
§ II. — EN DIEU.
Ces paroles nous font connaître
immédiatement l’excellence et la dignité de la sagesse chrétienne,
et par là même tout ce que nous devons à la bonté
divine, qui daigne nous élever par les vérités de
la Foi, comme par autant de degrés, à la connaissance de
l’objet le plus sublime et le plus désirable. Il y a en effet une
différence énorme entre la philosophie chrétienne
et la sagesse du siècle. Cette dernière, guidée par
la seule lumière naturelle, peut bien, il est vrai, s’élever
peu à peu, à l’aide des effets et des perceptions des sens
; mais elle ne parvient qu’à force de travaux et de peines à
contempler les choses invisibles de Dieu, à Le reconnaître
et à Le comprendre comme la cause et l’Auteur de tout ce qui existe.
La première, au contraire, augmente tellement la pénétration
naturelle de l’esprit, qu’il peut aisément s’élever jusqu’au
ciel, et là, grâce à la splendeur divine qui l’éclaire,
contempler tout d’abord le foyer éternel de toute lumière,
et ensuite les autres choses placées au-dessous de lui. nous éprouvons
alors avec une joie parfaite que nous avons été
appelés réellement des ténèbres à une
admirable lumière, comme dit le prince des Apôtres, et que
notre Foi nous cause un ravissement ineffable.
C’est donc avec raison que les Fidèles
font d’abord profession de croire en Dieu, dont la Majesté, selon
l’expression de Jérémie est incompréhensible,
qui habite, dit à son tour l’Apôtre , une lumière
inaccessible, que personne n’a vu ni ne peut voir ; Dieu enfin que nul
homme ne pourrait voir sans mourir, comme II le dit lui-même à
Moïse. C’est qu’en effet, pour que notre âme puisse
s’élever jusqu’à Dieu qui est infiniment au-dessus de tout,
il faut de toute nécessité qu’elle soit entièrement
dégagée des sens. Mais cela ne lui est pas possible naturellement
en cette vie.
Malgré tout, Dieu ne s’est pas
laissé Lui-même sans témoignage, dit l’Apôtre
, car c’est Lui qui nous fait du bien, qui nous envoie les pluies du ciel
et les saisons favorables aux, fruits ; c’est Lui qui nous donne en abondance
la nourriture dont nous avons besoin et qui remplit nos cœurs de joie.
Voilà pourquoi les philosophes n’ont pu concevoir en Lui rien d’imparfait
; ils ont repoussé bien loin comme indigne de Lui toute idée
de corps, de mélange et de composition. Ils ont placé en
Lui la plénitude de tous les biens, et ils L’ont regardé
comme cette source inépuisable et perpétuelle de bonté
et de charité qui répand sur toutes les créatures
ce que nous y voyons de beau et de parfait ; ils L’ont appelé le
Sage, l’Auteur et l’Ami de la vérité, le Juste, le Bienfaiteur
suprême. Ils Lui ont donné plusieurs autres noms qui renferment
la souveraine et absolue perfection. Enfin ils ont reconnu en Lui une puissance
immense, infinie, qui s’étend à tout et partout.
Mais ces vérités sont bien
plus solidement établies, et plus clairement exprimées dans
nos saintes Lettres, comme par exemple dans ces passages: Dieu
est esprit ; ou bien, soyez parfait comme votre Père
céleste est parfait. — tout est à nu et à
découvert devant ses yeux. — Profondeur des trésors
de la sagesse et de la science de Dieu. — Dieu est Vérité.
— Je suis la Voie, la Vérité et la Vie. — Votre
droite, Seigneur, est pleine de justice. — Vous ouvrez la main
et Vous remplissez de bénédictions tout ce qui respire. —
Où irai-je pour me cacher à votre esprit ? Où
fuirai-je devant votre face ? Si je monte au ciel, Vous y êtes ;
si je descends dans les enfers, je Vous y trouve ; si le matin je prends
mes ailes pour voler jusqu’aux extrémités de la mer, c’est
votre main qui m’y conduit. Enfin Dieu nous dit Lui-même: est-ce
que Je ne remplis pas le ciel et la terre ?
Telles sont les conceptions vraiment grandes
et magnifiques que les philosophes eux-mêmes se sont formées
de la nature de Dieu par l’observation du monde créé, et
qui se trouvent si conformes à l’enseignement de nos Livres saints.
Et cependant, pour comprendre combien nous avions besoin, même sur
ce point, de la révélation d’en haut, il nous suffira de
remarquer que ce qui fait l’excellence de la Foi, ce n’est pas seulement,
comme nous l’avons déjà dit, de dévoiler promptement
et sans peine aux plus ignorants et aux plus grossiers la science que de
longues études seules pourraient faire connaître aux savants
; mais de plus la connaissance qu’elle nous donne de la vérité
est bien plus certaine, plus claire et plus exempte d’erreur, que si elle
était le résultat des raisonnements humains. Mais c’est surtout
dans la notion qu’elle nous fournit de la substance divine que nous touchons
du doigt sa supériorité. En effet, la simple contemplation
de la nature ne peut pas faire connaître Dieu à tout le monde,
tandis que la lumière de la Foi Le révèle toujours
d’une manière infaillible à ceux qui croient.
Or, tout ce que la Foi nous enseigne sur
Dieu est contenu dans les articles du Symbole. nous y trouvons l’unité
dans l’Essence divine et la distinction dans les trois Personnes. nous
y voyons de plus que Dieu est notre fin dernière et que c’est de
Lui que nous devons attendre un bonheur céleste et éternel,
selon la parole de Saint Paul, que Dieu récompense ceux
qui Le cherchent. Et bien longtemps avant l’Apôtre, le Prophète
Isaïe, pour faire entendre quelle est la grandeur de cette béatitude,
et combien l’intelligence humaine est incapable de la connaître par
elle-même, avait soin de nous dire: Non, depuis l’origine
des siècles, les hommes n’ont point conçu, l’oreille n’a
point entendu, aucun œil n’a vu, excepté vous, Seigneur, ce que
Vous avez préparé à ceux qui Vous aiment.
D’après ce que nous venons de dire,
il faut faire profession d’admettre qu’il n’y a qu’un seul Dieu, et non
plusieurs. nous reconnaissons que Dieu est la bonté souveraine et
la perfection même. Or, il est impossible que la perfection absolue
convienne à plusieurs. Car celui qui manque de la moindre chose
pour arriver jusqu’au souverain et à l’absolu, est par là
même imparfait, donc il ne saurait être Dieu. Cette vérité
est affirmée en maints endroits dans la sainte Ecriture. Ainsi,
il est écrit: Ecoute Israël, le Seigneur notre
Dieu est le seul Dieu. De plus, c’est un précepte du Seigneur:
Vous n’aurez point d’autres dieux devant Moi. Souvent Dieu nous fait entendre
par le Prophète Isaïe qu’Il est le premier et le
dernier, et qu’il n’y a point d’autre Dieu que Lui. Enfin l’Apôtre
Saint Paul atteste aussi très nettement qu’il n’y a
qu’un Seigneur, une Foi, un Baptême.
L’Ecriture sainte donne parfois le nom
de dieux à des êtres créés. n’en soyons pas
étonnés. Car lorsqu’elle appelle dieux les Prophètes
et les Juges, ce n’est pas dans le sens absurde et impie des païens
qui se sont forgé plusieurs divinités, c’est simplement pour
exprimer, selon cette façon habituelle de parler, ou quelque qualité
éminente, ou bien une fonction sublime à laquelle Dieu les
avait élevés. — La Foi chrétienne croit donc et professe
qu’il n’y a qu’un seul Dieu, par nature, par substance et par essence.
C’est la définition même du Concile de Nicée, qui a
voulu confirmer cette vérité dans son Symbole. Puis, s’élevant
encore plus haut, cette même Foi chrétienne reconnaît
l’unité de Dieu, tout en adorant en même temps la Trinité
dans son unité, et l’unité dans sa Trinité. C’est
le Mystère dont nous avons maintenant à nous occuper, d’après
les termes suivants du Symbole.
§ III. — LE PERE
On donne à Dieu le nom de Père
pour plusieurs raisons. Il convient donc d’expliquer tout d’abord en quel
sens on le Lui attribue plus spécialement ici. Quelques-uns, même
de ceux dont la Foi n’avait pas éclairé les ténèbres,
avaient compris cependant que Dieu est une substance éternelle,
que tout émane de Lui, qu’Il gouverne et conserve, par sa Providence,
l’ordre et l’état de tout ce qui existe. Et de là, voyant
que les hommes appellent Père celui qui est l’auteur d’une famille,
et qui continue de la diriger par ses conseils et par son autorité,
ils donnèrent également ce nom de Père à Dieu,
qu’ils reconnaissaient comme le Créateur et le Gouverneur de toutes
choses.
Les Saintes Ecritures elles-mêmes
emploient ce mot lorsque, en parlant de Dieu elles Lui attribuent la Création,
la Puissance suprême et cette Providence qui régit si admirablement
l’univers. nous y lisons en effet: N’est-ce pas le Seigneur
qui est votre Père, qui est votre Maître qui vous a faits
et tirés du néant ? Et aussi: N’est-ce pas Lui
qui est notre seul Père ? n’est-ce pas Dieu seul qui nous a créés
?
Mais c’est dans les livres du nouveau
testament qu’Il est appelé bien plus souvent et d’une manière
bien plus spéciale le Père des Chrétiens, puisqu’ils
n’ont pas reçu l’esprit de servitude qui fait vivre dans la crainte,
mais l’esprit d’adoption des enfants de Dieu, par lequel nous crions: Père
! Père ! — Car le Père nous a témoigné
tant d’amour que nous sommes appelés, et que nous sommes réellement
les enfants de Dieu. — Que si nous sommes enfants, nous sommes
héritiers de Dieu, et cohéritiers de Jésus Christ
, — qui est le premier-né de plusieurs frères
— et qui ne rougit pas de nous appeler ses frères.
Ainsi, soit que l’on considère
Dieu d’une manière générale par rapport à la
création et à la Providence, soit qu’on s’arrête spécialement
à l’adoption spirituelle (qu’il a faite) des Chrétiens, c’est
à bon droit que les Fidèles font profession de Le reconnaître
pour leur Père.
Mais outre ces explications que nous venons
de donner, le Pasteur ne manquera pas d’avertir les Fidèles qu’en
entendant prononcer ce nom de Père, ils doivent élever leurs
âmes vers des mystères plus sublimes encore. En effet tout
ce qu’il y a de plus caché et de plus impénétrable
dans cette lumière inaccessible que Dieu habite, ce
que la raison et l’intelligence humaine ne pouvaient ni atteindre, ni même
soupçonner, les oracles divins commencent à nous le faire
entrevoir par ce nom de Père.
Ce nom nous indique qu’il faut admettre
dans l’Essence divine, non une seule Personne, mais plusieurs réellement
distinctes. Il y a en effet trois Personnes dans une seule et même
Divinité: celle du Père qui n’est engendré d’aucune
autre ; celle du Fils qui est engendré du Père avant tous
les siècles ; celle du Saint Esprit qui procède du Père
et du Fils, de toute éternité. Le Père est dans l’unité
de la nature divine la première Personne, et avec son Fils unique
et le Saint Esprit il forme un seul Dieu, un seul Seigneur
non point une seule Personne, mais une seule nature en trois Personnes.
Et il n’est pas permis de penser qu’il y ait entre ces Personnes la moindre
différence, la moindre inégalité: toute la distinction
que l’on peut concevoir entre elles vient de leurs propriétés
respectives. Le Père n’est point engendré ; le Fils est engendré
du Père ; le Saint Esprit procède de l’un et de l’autre.
Ainsi nous reconnaissons une seule et même nature, une seule et même
substance pour les trois Personnes, mais de telle sorte que
dans notre profession de Foi relative au Dieu véritable et éternel,
nous adorons avec toute la piété et tout le respect possibles,
la distinction dans les Personnes, l’unité dans la Substance, et
l’égalité dans la Trinité.
Voilà pourquoi, lorsque nous disons
que le Père est la première Personne, il ne faut pas croire
que nous entendons supposer dans la Trinité quelque chose de premier
et de dernier, de plus grand et de plus petit. A Dieu ne plaise qu’une
pareille impiété entre jamais dans l’esprit des Fidèles,
puisque la Religion chrétienne proclame dans les trois Personnes
la même éternité, la même gloire et la même
majesté. Mais comme le Père est le principe sans principe,
nous affirmons avec vérité et sans aucune hésitation
qu’Il est la première Personne ; et parce qu’Il n’est distingué
des autres Personnes que par la propriété de Père,
c’est à Lui seul aussi qu’il appartenait d’engendrer le Fils de
toute éternité. Aussi c’est pour nous faire souvenir en même
temps que Dieu a toujours été, et qu’Il a toujours été
Père que nous joignons ensemble, dans cette profession de Foi, et
le nom de Dieu et le nom de Père.
Mais comme il n’y a rien de plus périlleux
que de chercher à pénétrer des vérités
si hautes et si délicates, ni de plus grave que de se tromper en
voulant les exprimer, le Pasteur aura soin d’enseigner aux Fidèles
qu’ils doivent retenir scrupuleusement les mots d’Essence et de Personne,
consacrés en quelque sorte à l’expression propre de ce Mystère,
et ne point oublier que l’unité est dans l’Essence et la distinction
dans les Personnes. De plus, il faut éviter sur ce point les recherches
subtiles et curieuses, selon cette parole: Celui qui voudra
scruter la majesté sera accablé par l’éclat de la
gloire. Il doit nous suffire de savoir d’une manière certaine par
la Foi que Dieu Lui-même nous a enseigné cette vérité,
(car ne pas croire à ses oracles serait une insigne folie et un
malheur extrême). Allez, dit Notre-Seigneur Jésus-Christ à
ses Apôtres, enseignez toutes les nations, baptisez-les
au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. — Et l’Apôtre
Saint Jean nous dit également: Il y en a trois qui rendent
témoignage dans le ciel, le Père, le Verbe et l’Esprit, et
ces trois ne font qu’Un.
Que celui donc qui par la grâce
de Dieu croit ces vérités, prie avec persévérance
et conjure Dieu le Père qui a créé toutes choses de
rien, qui dispose tout pour notre bonheur, qui
nous a donné le pouvoir de devenir ses enfants, qui a révélé
à l’esprit de l’homme le mystère de la Sainte Trinité,
oui, qu’il demande sans cesse la grâce d’être admis un jour
dans les tabernacles éternels, pour y contempler cette ineffable
fécondité du Père qui, en se considérant et
en se connaissant Lui-même, engendre un Fils qui Lui est égal
et semblable ; pour y contempler aussi ce bien éternel et indissoluble
par lequel l’esprit de charité qui est l’Esprit-Saint, amour parfaitement
égal du Père et du Fils, procédant de l’un et de l’autre,
unit ensemble et toujours Celui qui engendre et Celui qui est engendré
; pour y voir enfin l’unité d’Essence dans la Trinité divine
et la parfaite distinction dans les trois Personnes.
§ IV. — TOUT PUISSANT
Les Saintes Ecritures emploient ordinairement
différents mots pour exprimer la Puissance infinie de Dieu et sa
Majesté souveraine, afin de nous montrer avec quelle religion et
quelle piété nous devons honorer ce nom trois fois saint.
Mais le Pasteur aura soin d’enseigner avant tout que la perfection qui
Lui est le plus fréquemment attribuée est celle de Tout-Puissant.
Parlant de Lui-même Dieu dit Je suis le Seigneur Tout-Puissant.
Et Jacob envoyant ses fils vers Joseph faisait cette prière:
Puisse mon Dieu Tout-Puissant le fléchir à votre égard
! Il est écrit dans l’Apocalypse: Le Seigneur Tout-Puissant
qui est, qui était et qui doit venir. Ailleurs: Le grand jour est
appelé le jour du Dieu Tout-Puisssant. D’autres fois, plusieurs
mots servent à signifier la même chose. Ainsi par exemple:
Rien n’est impossible à Dieu. — La main de Dieu peut-elle,
être impuissante ? — Vous pouvez, Seigneur, tout ce que
Vous voulez. Et plusieurs autres expressions qui, sous des formes différentes,
sont de véritables synonymes du mot Tout-Puissant.
Nous entendons donc par là qu’il
n’existe rien, que l’esprit ne peut rien concevoir, que l’imagination ne
peut rien se figurer, que Dieu n’ait le pouvoir de réaliser. Car
non seulement il peut opérer tous ces prodiges qui tout grands qu’ils
sont, ne dépassent pas néanmoins nos conceptions d’une manière
absolue, comme de faire tout rentrer dans le néant, ou de créer
de rien, en un instant, plusieurs autres mondes ; mais sa Puissance s’étend
aussi à une foule d’autres choses beaucoup plus hautes que la raison
et l’intelligence de l’homme ne peuvent pas même soupçonner.
Cependant, quoique Tout-Puissant, Dieu
ne peut ni mentir, ni tromper, ni être trompé, ni pécher,
ni périr, ni ignorer quoi que ce soit. Ces choses ne se rencontrent
que chez les êtres dont l’action est imparfaite. Et précisément
parce que l’action de Dieu est toujours d’une perfection infinie on dit
qu’Il ne peut pas les faire. Réellement une pareille faculté
est un effet de la faiblesse, et non d’un pouvoir souverain et illimité,
tel qu’Il le possède. Ainsi donc nous croyons que Dieu est Tout-Puissant,
mais en ayant grand soin, dans notre pensée, d’écarter loin
de Lui tout ce qui ne serait pas en harmonie et en rapport avec la perfection
suprême de sa nature.
Mais que le Pasteur montre bien que l’on
a eu les plus sages raisons d’omettre dans le Symbole les autres attributs
de Dieu, et de ne proposer à notre Foi que celui de sa toute-Puissance.
En effet, dès que nous Le reconnaissons comme Tout-Puissant, nous
avouons par là même qu’Il a la science de tout et que tout
est soumis à son empire et à sa volonté. De plus,
si nous croyons fermement qu’Il peut tout faire, nous sommes obligés
par une conséquence nécessaire de tenir pour certaines en
Lui ces autres perfections sans lesquelles il nous serait impossible de
concevoir sa Puissance souveraine.
Enfin rien n’est plus propre à
affermir notre Foi et notre espérance que la conviction profondément
gravée dans nos âmes que rien n’est impossible à Dieu.
Car tout ce qu’on nous proposera ensuite à croire, les choses les
plus grandes, les plus incompréhensibles, aussi bien que les plus
élevées au-dessus des lois ordinaires de la nature, dès
que notre raison aura seulement l’idée de la toute-Puissance divine,
elle les admettra facilement et sans hésitation aucune. Et même,
plus les oracles divins annonceront des choses prodigieuses, plus nous
nous sentirons portés et empressés à les accepter
; que s’il s’agit de biens à espérer, jamais la grandeur
de l’objet promis à nos désirs ne rebutera notre confiance.
Au contraire, nous verrons s’agrandir nos désirs et nos espérances,
en nous rappelant souvent que rien n’est impossible à un Dieu Tout-Puissant.
Et cette Foi doit nous soutenir et nous
fortifier, surtout lorsque nous aurons à faire une œuvre difficile
(une sorte de miracle), pour le bien et l’utilité du prochain, ou
que nous voudrons obtenir de Dieu par la prière quelque grâce
spéciale. Notre-Seigneur a voulu nous enseigner lui-même le
premier de ces devoirs lorsque reprochant à ses Apôtres, leur
incrédulité, Il leur disait: Si vous avez de
la Foi comme un grain de sénevé, vous direz à cette
montagne Passe d’ici là, et elle y passera, et rien ne vous sera
impossible. Et l’Apôtre Saint Jacques nous rappelle ainsi le second:
Que celui qui prie le fasse avec Foi et sans hésiter ; car celui
qui hésite est semblable au flot de la mer qui est agité
et poussé par le vent de tous les côtés. Que cet homme-1&
donc ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur.
D’ailleurs, sous d’autres rapports, cette
Foi nous est également très utile et très avantageuse.
D’abord elle nous forme admirablement, et en toutes choses, à la
modestie et à l’humilité de l’âme, selon cette parole
du Prince des Apôtres: Humiliez-vous sous la main puissante
de Dieu. De plus, elle nous apprend à ne pas trembler
là où il n’existe aucun sujet d’effroi, et à ne craindre
que Dieu seul , qui nous tient en son pouvoir, nous et tous nos biens.
et notre Sauveur Lui-même n’a-t-il pas dit: Je vous montrerai
qui vous devez craindre: craignez celui qui après avoir tué
le corps peut vous précipiter dans l’enfer. Enfin cette même
Foi nous sert à nous rappeler et à célébrer
avec reconnaissance les immenses bienfaits de Dieu envers nous. Car il
pourrait croire à la toute-Puissance de Dieu, et en même temps
être assez ingrat pour ne pas s’écrier souvent:
Le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses.
Au surplus, si, dans cet article, nous
appelons le Père « tout Puissant », personne ne doit
s’imaginer — car ce serait une erreur — que nous lui attribuons ce nom,
à Lui-seul, et que nous refusons de le donner également au
Fils et au Saint-Esprit. Car de même que nous disons que le Père
est Dieu, que le Fils est Dieu, que le Saint-Esprit est Dieu, sans dire
pour cela qu’il y a trois Dieux, mais en confessant réellement un
seul Dieu ; de même lorsque nous affirmons que le Père est
tout Puissant, que le Fils est tout Puissant, que le Saint Esprit est tout
Puissant, nous ne reconnaissons pas trois tout puissants, mais un seul.
Et nous attribuons cette qualité au Père pour cette raison
particulière qu’Il est la source de tout ce qui existe ; comme nous
disons du Fils qu’il est la Sagesse, parce qu’Il est le Verbe éternel
du Père, et du Saint-Esprit, qu’il possède la bonté,
parce qu’Il est l’amour du Père et du Fils. Et cependant ces qualités,
et toutes les autres semblables, selon l’enseignement de la Foi catholique,
peuvent s’appliquer également aux trois Personnes divines.
§ V. — CREATEUR DU CIEL ET DE LA
TERRE.
Ce que nous avons à dire maintenant
de la création de toutes choses, nous fera aisément comprendre
combien il était nécessaire de donner tout d’abord aux Fidèles
la notion d’un Dieu Tout-Puissant. Car il est d’autant plus facile d’admettre
une œuvre si prodigieuse que l’on doute moins de la puissance infinie du
Créateur. Or Dieu n’a pas formé le monde avec une matière
préexistante, Il l’a tiré du néant, sans nécessité
ni contrainte, librement et de son plein gré. Le seul motif qui
L’a déterminé à l’œuvre de la création, c’est
sa bonté, qu’Il voulait répandre sur les êtres qu’Il
allait produire. Car Dieu, souverainement heureux en Lui-même et
par Lui-même, n’a besoin de rien, ni de personne, comme le proclame
David en ces termes: J’ai dit à mon Seigneur, Vous êtes
mon Dieu, et Vous n’avez pas besoin de mes biens. Et comme il n’a obéi
qu’à sa bonté, quand Il a fait tout ce qu’Il a voulu
, de même pour former l’univers, Il n’a pris ni modèle ni
dessein qui ne fût en Lui. Son intelligence infinie possède
en elle-même l’idée exemplaire de toute choses. Et c’est en
considérant au dedans de Lui cette idée exemplaire, c’est
en la reproduisant pour ainsi dire, que l’Ouvrier par excellence, avec
cette Sagesse et cette Puissance suprêmes qui Lui sont propres, a
créé dès le commencement l’universalité des
choses qui existent. Il a dit, et tout a été fait ; il a
ordonné, et tout a été créé .
Par ces mots « le ciel et la terre
», on entend tout ce que le ciel et la terre renferment. Car non
seulement Dieu a formé les cieux dont le Prophète a dit qu’ils
sont l’ouvrage de ses doigts , mais c’est Lui qui les a ornés
de la clarté du soleil, de la lune et de tous les autres astres,
pour les faire servir de signes, afin de distinguer les saisons. les jours
et les années . C’est Lui aussi qui a donné à
tous les globes célestes un cours si constant et si réglé,
qu’on ne peut rien voir de plus rapide que leurs perpétuels mouvements,
ni de plus régulier que ces mouvements eux-mêmes.
Dieu créa également de purs
esprits et des Anges innombrables pour en faire ses serviteurs et ses ministres.
Il les orna et les enrichit des dons de sa grâce et de sa puissance.
Quand la Sainte Ecriture nous raconte que le démon ne demeura pas
dans la vérité , Elle nous fait entendre clairement
que lui et les autres anges apostats avaient reçu la grâce
dès le commencement de leur existence. Saint Augustin l’affirme
nettement: Dieu, dit-il, créa les Anges avec une volonté
droite, c’est-à-dire avec un chaste amour qui les unissait à
Lui, formant à la fois leur nature, et y ajoutant la grâce
comme un bienfait. D’où il faut conclure que les Anges saints ne
perdirent jamais cette volonté droite, c’est-à-dire l’amour
de Dieu. Quant à leur science, voici le témoignage de nos
Saints Livres. O mon Seigneur et mon Roi, Vous avez la sagesse
d’un Ange de Dieu, et Vous connaissez tout ce qui est sur la terre. Pour
exprimer leur puissance, le saint roi David nous dit: Les Anges
sont puissants en vertu, et ils exécutent les ordres de Dieu. Aussi
l’Ecriture sainte les appelle souvent les vertus, et l’armée du
Seigneur.
Mais, bien qu’ils eussent tous reçu
ces dons célestes qui faisaient leur gloire, plusieurs cependant,
pour avoir abandonné Dieu leur Père et leur Créateur,
furent bannis de leurs sublimes demeures, et renfermés dans une
prison très obscure, au centre de la terre, où ils subissent
la peine éternelle due à leur orgueil. Ce qui a fait dire
au prince des Apôtres: Dieu n’a point épargné
les anges pécheurs, mais Il les a précipités dans
l’enfer et chargés de chaînes, pour y être tourmentés,
et pour y attendre le jugement.
Dieu affermit aussi la terre sur sa base,
et par sa parole Il lui fixa sa place au milieu du monde. Il éleva
les montagnes, Il creusa les vallées, et pour que la violence des
eaux ne pût l’inonder, Il posa des bornes à la mer pour l’empêcher
de la submerger. Ensuite Il la revêtit et la para de toutes sortes
d’arbres, de plantes et de fleurs, Il la peupla d’animaux de toute espèce,
comme il avait fait auparavant pour la mer et les airs.
Enfin Il forma le corps de l’homme du
limon de la terre et, par un pur effet de sa bonté, Il lui accorda
le don de l’immortalité et de l’impassibilité, qui n’était
pas essentiellement attaché à sa nature. Quant à l’âme
, Il la fit à son image et à sa ressemblance, la doua du
libre arbitre, et régla si bien tous les mouvements et tous les
désirs du cœur, qu’ils devaient toujours être soumis à
l’autorité de la raison. A cela Il voulut joindre le don admirable
de la justice originelle, et enfin Il lui soumit tous les animaux.
Pour instruire les fidèles de ces
vérités, le Pasteur n’aura d’ailleurs qu’à consulter
l’histoire sacrée de la Genèse.
Ainsi donc ces mots de création
du ciel et de la terre doivent s’entendre de la création de toutes
choses. Déjà le Prophète David l’avait dit en ce peu
de mots: Les cieux sont à Vous, et la terre Vous appartient.
C’est Vous qui avez formé le globe de la terre et tout ce qui le
remplit. Mais les Pères du Concile de Nicée l’ont exprimé
bien plus brièvement encore en ajoutant au Symbole ces simples mots:
visibles et invisibles. Et en effet tout ce que renferme l’ensemble des
choses, tout ce que nous reconnaissons comme l’œuvre de Dieu, peut, ou
bien tomber sous les sens, et nous l’appelons visible, ou seulement être
aperçu par l’intelligence et la raison, et alors nous l’appelons
invisible.
§ VI. — PROVIDENCE.
Mais en reconnaissant que Dieu est l’Auteur
et le Créateur de toutes choses, n’allons pas croire que son œuvre
une fois achevée et terminée par Lui, ait pu subsister sans
sa Puissance infinie. De même en effet que pour exister, tout a eu
besoin de la souveraine Puissance, de la Sagesse et de la Bonté
du Créateur, de même il est nécessaire que l’action
de la Providence s’étende constamment sur tout ce qu’Il a créé.
Et s’Il ne conservait son œuvre avec cette même force qu’Il a employée
pour la former au commencement, elle rentrerait aussitôt dans le
néant. L’Ecriture nous le déclare en termes formels, lorsqu’elle
dit à Dieu Comment quelque chose pourrait-il subsister,
si Vous ne le vouliez ainsi ? Ce que Vous n’avez pas appelé, comment
se conserverait-il ?
Et non seulement Dieu, par sa Providence,
soutient et gouverne toute la création ; mais c’est Lui qui en réalité
communique le mouvement et l’action à tout ce qui se meut et à
tout ce qui agit ; et de telle sorte qu’Il prévient, sans l’empêcher,
l’influence des causes secondes. C’est une vertu cachée, mais qui
s’étend à tout, et comme dit le Sage, qui agit
fortement depuis une extrémité jusqu’à l’autre et
qui dispose tout avec la douceur convenable. Ce qui a fait dire à
l’Apôtre en prêchant aux Athéniens le Dieu qu’ils adoraient
sans Le connaître: Il n’est pas éloigné
de chacun de nous ; c’est en Lui que nous avons la vie, le mouvement et
l’être.
Nous en avons assez dit sur ce premier
article. toutefois, il nous reste à ajouter que l’œuvre créatrice
est commune aux trois Personnes de la Sainte et indivisible Trinité.
Car si, d’après l’enseignement des Apôtres dans leur Symbole,
nous savons et proclamons que le Père est Créateur du ciel
et de la terre, d’autre part nous lisons du Fils dans les saintes Ecritures:
que tout a été fait par Lui ; et du Saint-Esprit:
que l’Esprit du Seigneur était porté sur les eaux. Et encore
que les cieux ont été affermis par le Verbe de. Dieu, et
que toute leur beauté est l’effet du Souffle de sa bouche.
Chapitre troisième — Du second
article du Symbole
ET EN JESUS-CHRIST SON FILS UNIQUE, NOTRE
SEIGNEUR.
Le genre humain trouve dans la foi et
la confession de cet Article des avantages immenses et merveilleux. nous
en avons une preuve dans cette parole de l’Apôtre Saint Jean:
Quiconque confessera que Jésus est le Fils de Dieu, demeurera en
Lui, et lui en Dieu. Mais notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même
avait pris soin de nous en donner une autre, lorsqu’Il avait proclamé
d’une manière si éclatante le bonheur du prince des Apôtres:
Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car ce n’est ni la chair ni le sang
qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est
dans les cieux. C’est ici en effet le fondement le plus solide de notre
Salut et de notre Rédemption.
§ I. — PECHE ORIGINEL.
Pour mieux apprécier les fruits
merveilleux que nous recueillons de cet Article, il faut nous rappeler
la perte lamentable que firent nos premiers parents de cet état
si heureux dans lequel Dieu les avait placés. Que le Pasteur s’applique
donc à bien expliquer aux Fidèles la cause commune de nos
misères et de nos malheurs. A peine Adam eut-il désobéi
à Dieu et transgressé le précepte qui lui disait:
Tu peux manger de tous les fruits du jardin, mais ne touche pas à
l’arbre de la science du bien et du mal ; car le jour où tu mangeras
de son fruit tu mourras de mort ; aussitôt il tomba dans cet affreux
malheur qui lui fit perdre la sainteté et la justice dans lesquelles
il avait été créé, et lui-même devint
sujet à une foule d’autres maux que le Saint Concile de Trente a
énumérés tout au long . D’autre part il ne faut
pas oublier que ce péché et son châtiment ne se sont
point arrêtés en Adam, mais qu’il a été, lui,
comme la source et le principe qui les a fait passer justement à
toute sa postérité.
Cependant le genre humain étant
tombé de si haut, rien ne pouvait le relever et le remettre dans
son premier état, ni les forces des hommes, ni celles des Anges.
A ses malheurs, à sa ruine il ne restait de remède que le
Fils de Dieu Lui-même, avec sa Puissance infinie. Seul Il pouvait,
en se revêtant de l’infirmité de notre chair, détruire
la malice infinie du péché, et nous réconcilier avec
Dieu dans son sang.
Or la foi et la confession de ce mystère
de la Rédemption est, et a toujours été si nécessaire
aux hommes pour les conduire au salut, que Dieu a voulu le révéler
dès le commencement: Au moment de la condamnation générale
qui suivit de si prés le péché, Il fit briller l’espérance
de la Rédemption dans les paroles dont Il se servit pour prédire
au démon sa propre ruine, par la délivrance même de
l’homme: Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme,
entre ta race et la sienne. Elle te brisera la tête, et toi tu chercheras
à la blesser au talon.
Souvent, dans la suite, Dieu confirma
cette promesse, et fit connaître ses desseins d’une manière
plus positive, surtout lorsqu’il voulait témoigner à certains
hommes une bonté particulière. Abraham entre autres parmi
les patriarches, reçut plusieurs fois de Lui la révélation
de ce mystère. Mais ce fut principalement à l’heure oh il
allait immoler son fils Isaac pour Lui obéir, qu’il Le connut clairement.
Dieu lui dit en effet: Puisque vous avez fait cela, et que
vous n’avez point épargné votre fils unique, Je vous bénirai,
et Je multiplierai votre race comme les étoiles et comme le sable
qui est sur le bord de la mer. Votre postérité possédera
les villes de vos ennemis, et toutes les nations de la terre seront bénies
en votre race, parce que vous avez obéi à ma voix. De telles
paroles faisaient aisément conclure qu’un des descendants d’Abraham
délivrerait un jour le genre humain de l’effroyable tyrannie de
Satan, et lui apporterait le salut. Or ce Libérateur annoncé
ne pouvait être que le Fils de Dieu, sorti, comme homme, de la race
d’Abraham. Peu de temps après, le Seigneur, pour conserver le souvenir
de cette promesse, refit la même alliance avec Jacob, petit-fils
d’Abraham. En effet ce patriarche vit dans un songe une échelle
dont le pied reposait sur la terre, dont le sommet touchait le ciel, et
le long de laquelle les Anges de Dieu montaient et descendaient .
Et Dieu Lui-même appuyé sur cette échelle lui disait:
Je suis le Seigneur Dieu d’Abraham ton père, et le Dieu d’Isaac.
La terre sur laquelle tu dors, Je te la donnerai à toi et à
ta postérité, et tes descendants seront comme la poussière
de la terre. tu t’étendras vers l’Orient et vers l’Occident, vers
le nord et vers le Midi, et toutes les tribus de la terre seront bénies
en toi et en ta race.
Et dans la suite Dieu continua de renouveler
le souvenir de sa promesse et d’exciter l’attente du Sauveur, non seulement
chez les descendants d’Abraham, mais chez beaucoup d’autres hommes. Dès
que le gouvernement juif, avec sa religion, fut bien établi, le
peuple connut plus clairement cette promesse. Car d’une part des objets
muets figuraient, et de l’autre des hommes prédisaient les biens
extraordinaires que Jésus-Christ notre Sauveur et Rédempteur
devait nous apporter. Les Prophètes, dont l’esprit était
éclairé par une lumière céleste, annoncèrent
d’avance au peuple la naissance du Fils de Dieu, ses œuvres admirables,
(œuvres qu’Il a opérées pendant sa vie humaine), sa doctrine,
ses mœurs, sa vie, sa mort, sa résurrection. Et tous ses autres
mystères. Et ils parlaient clairement de toutes ces choses, comme
s’ils les avaient eues sous les yeux. De sorte que si nous supprimons la
distance qui existe entre le passé et l’avenir, nous confondrons
ensemble les prédictions des Prophètes et les prédications
des Apôtres, la Foi des anciens patriarches et notre propre Foi:
Mais il est temps d’expliquer chacun des
mots de ce second article.
§ II. — EN JESUS-CHRIST.
Jésus est le nom propre de celui
qui est Dieu et homme tout ensemble. Il signifie Sauveur ; et ce n’est
ni le hasard, ni le jugement et la volonté des hommes qui Lui ont
donné ce nom, mais l’ordre et le dessein même de Dieu. L’Ange
Gabriel en effet avait dit à Marie, en annonçant qu’elle
serait sa Mère: Voilà que vous concevrez dans
votre sein. Et vous enfanterez un fils, et vous L’appellerez du nom de
Jésus. Plus tard ce même Ange, non seulement fit un devoir
à Joseph, Epoux de la Sainte Vierge, de donner ce nom à l’Enfant,
mais encore il lui apprit pourquoi Il devait être ainsi nommé
« Joseph, fils de David, lui dit-il , ne craignez point de
prendre avec vous Marie votre épouse, car ce qui est né en
elle est du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils, et vous L’appellerez
du nom de Jésus, parce que c’est Lui qui délivrera son peuple
de ses péchés. »
Il est vrai que plusieurs personnages
de nos Saintes Ecritures ont aussi porté ce nom. tel fut Josué,
fils de Navé, qui remplaça Moise, et qui eut le privilège,
refusé à son prédécesseur, d’introduire dans
la terre promise le peuple que ce dernier avait tiré de la servitude
d’Egypte. tel fut également Jésus, fils de Josédech,
le grand-prêtre.
Mais n’est-ce pas avec infiniment plus
de justesse que ce nom de Jésus convient à notre Sauveur
? Lui qui a donné la lumière, la liberté et le salut
non plus à un seul peuple, mais à tous les hommes de tous
les siècles: qui ne les a pas seulement délivrés de
la faim et de la domination de l’Egypte et de Babylone, mais qui les a
tirés des ombres de la mort où ils étaient assis,
qui a brisé les liens si durs du péché et du démon
; qui leur a rendu, après l’avoir reconquis pour eux, le droit à
l’héritage du royaume céleste, et les a réconciliés
avec Dieu le Père. Les personnages appelés aussi Jésus
n’étaient que la figure de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui
a comblé le genre humain de tous les bienfaits que nous venons de
rappeler. De plus, tous les autres noms sous lesquels les Prophètes
avaient prédit que Dieu voulait désigner son Fils, sont renfermés
dans le seul nom de Jésus. Car chacun d’eux n’exprime que sous un
point de vue spécial le salut qu’Il devait nous apporter, au lieu
que le nom de Jésus exprime, à Lui seul, toute l’étendue
et tous les effets de la Rédemption du genre humain.
Au nom de Jésus on a ajouté
celui de Christ qui signifie oint. C’est tout ensemble un titre d’honneur,
et un mot qui désigne une fonction. Ce n’est pas un nom propre,
car il est commun à beaucoup de personnes. Ainsi, dans l’antiquité,
nos pères appelaient Christs les Prêtres et les rois, parce
que, à cause de la dignité de leur charge, Dieu avait ordonné
qu’ils reçussent l’onction sacrée. Ce sont les Prêtres
en effet qui doivent recommander le peuple à Dieu par des prières
assidues, ce sont eux qui Lui offrent des sacrifices et apaisent son courroux
par leur intercession. Les rois sont chargés de gouverner les peuples
; c’est à eux qu’il appartient de faire respecter les lois, de protéger
la vie des innocents et de punir l’audace des coupables. Et comme chacun
de ces ministères semble représenter ici-bas la majesté
du très Haut, ceux que l’on choisissait pour en faire des Prêtres
ou des rois devaient recevoir l’onction de l’huile sainte. Ce fut également
la coutume de conférer cette onction aux Prophètes, véritables
interprètes et ambassadeurs du Dieu immortel, chargés de
nous découvrir les secrets du ciel, et de nous exhorter à
la réforme de nos mœurs par des instructions salutaires et par la
prédiction de l’avenir.
Or Jésus-Christ notre Sauveur en
venant dans le monde a pris tout à la fois ces trois charges, ces
trois fonctions de Prophète, de Prêtre et de Roi. Voilà
pourquoi Il a reçu le nom de Christ, et l’onction propre à
ces trois ministères. Et Il a reçu cette onction non de la
main des hommes, mais par la vertu même de son Père céleste,
non pas une onction d’huile terrestre, mais d’huile purement spirituelle
; c’est-à-dire que la grâce, les dons et la plénitude
du Saint-Esprit se répandirent dans son âme très sainte
avec une telle abondance, que jamais aucune autre créature ne sera
capable de les recevoir à un si haut degré. C’est ce que
le Prophète exprime très bien, lorsque s’adressant au Rédempteur
Lui-même, il Lui dit: Vous avez aimé la justice
et haï l’iniquité ; c’est pourquoi Dieu, votre Dieu Vous a
donné urge onction de joie plus excellente qu’à tous ceux
qui la partagent avec Vous. C’est ce que nous montre plus clairement encore
Isaïe par ces paroles qu’il fait dire au Sauveur: L’Esprit
du Seigneur est sur Moi parce que le Seigneur m’a donné l’onction,
et qu’Il m’a envoyé pour L’annoncer à ceux qui sont doux.
Jésus-Christ a donc été
le Prophète et le Maître suprême qui nous a enseigné
la volonté de Dieu, et dont la doctrine a fait connaître au
monde son Père céleste. Et ce nom de Prophète lui
convient avec d’autant plus de vérité et de justice, que
tous ceux qui ont eu l’honneur de le porter comme Lui, n’ont été
que ses disciples, envoyés spécialement pour annoncer la
venue de ce grand Prophète qui, Lui, venait sauver les hommes.
Le Christ a été Prêtre
aussi, non selon l’ordre des prêtres de la tribu de Lévi dans
l’ancienne Loi, mais comme l’a chanté David: Vous êtes
prêtre éternel, selon l’ordre de Melchisédech. Saint
Paul, dans son épître aux Hébreux, explique cette parole
avec le plus grand soin .
Enfin nous reconnaissons en Jésus-Christ
un Roi. non seulement comme Dieu, mais comme homme et revêtu de notre
propre nature. n’est-ce pas de lui que l’Ange a dit: Il régnera
à jamais dans la maison de Jacob, et son règne n’aura point
de fin. Or, ce règne est un règne spirituel et éternel.
Il commence sur la terre pour se consommer dans le ciel. Et on peut dire
que tous les devoirs que la royauté Lui impose, Jésus-Christ
les remplit d’une manière admirable envers son Eglise. Il la gouverne,
Il la protège contre les attaques et les embûches de ses ennemis
; Il lui communique non seulement la sainteté et la justice, mais
encore la force et les moyens de persévérer. Et bien que
tous les hommes, bons et méchants, soient également compris
dans ce royaume, bien que tous sans exception soient de droit ses sujets
et Lui appartiennent, cependant ceux d’entre eux qui observent ses préceptes
et mènent une vie pure et innocente, éprouvent d’une manière
particulière les effets de la bonté et de la bienfaisance
infinie de notre Roi. Au reste si ce royaume Lui est échu, ce n’est
ni par droit de succession, parce qu’Il descendait de rois illustres, ni
par aucun autre droit humain. II est Roi, parce que Dieu a réuni
dans sa personne tout ce que la nature humaine peut renfermer de puissance,
de dignité et de grandeur. Oui, c’est Dieu qui a mis entre ses mains
l’empire du monde, et si, dès cette vie, Il commence à exercer
son autorité sur toutes les créatures, ce n’est qu’au jour
du jugement que cette autorité obtiendra une soumission pleine et
entière.
§ III. — SON FILS UNIQUE.
Ces mots nous proposent à croire
et à contempler en Jésus-Christ des mystères plus
sublimes encore, à savoir qu’il est Fils de Dieu, et vrai Dieu comme
son Père qui L’a engendré de toute éternité.
De plus, nous reconnaissons et confessons en Lui la seconde Personne de
la Sainte Trinité, parfaitement égale en toutes choses aux
deux autres ; car aucune inégalité, aucune dissemblance ne
peuvent exister, ni même se concevoir entre les Personnes divines,
puisque nous faisons profession de croire qu’elles n’ont toutes trois qu’une
seule et même essence, une seule et même Volonté, une
seule et même Puissance. nous avons la preuve de cette vérité
dans un grand nombre de textes de la Sainte Ecriture, mais surtout dans
cette parole de Saint Jean, qui est si lumineuse : Au commencement
était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était
Dieu.
Mais lorsqu’on nous dit que Jésus
est le Fils de Dieu, il faut bien nous garder de penser qu’il y a quelque
chose de mortel et de terrestre dans sa naissance. L’acte par lequel Dieu
le Père engendre son Fils de toute éternité est incompréhensible
et dépasse absolument notre intelligence. nous devons le croire
fermement, l’honorer avec la plus sincère piété, et,
frappés d’étonnement devant un tel mystère, nous écrier
avec le Prophète: Qui pourra raconter sa génération
? — Ce qu’il faut donc croire, c’est que le Fils est de même nature
que le Père, qu’Il possède la même Puissance et la
même Sagesse, ainsi que nous le confessons d’une manière plus
explicite dans ces paroles du Symbole de Nicée: Et en Jésus-Christ,
son Fils unique, né du Père avant tous les siècles,
Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu,
engendré et non créé, consubstantiel au Père,
par qui tout a été fait.
On a coutume d’employer un certain nombre
de comparaisons pour essayer d’expliquer le mode et la nature de cette
génération éternelle, la plus juste semble être
celle qui se tire de la formation de notre pensée dans notre âme.
Aussi Saint Jean donne-t-il au Fils de Dieu le nom de Verbe . De
même en effet que notre esprit, en se comprenant et en se contemplant,
forme de lui-même une image, que les théologiens appellent
Verbe, ainsi nous pouvons dire — autant que les choses divines et les choses
humaines peuvent se comparer entre elles — que Dieu, en se connaissant
et en se contemplant Lui-même, engendre son Verbe éternel.
Au reste il est préférable de s’arrêter simplement
à ce que la Foi propose, c’est-à-dire croire et confesser
avec sincérité que Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai
homme tout ensemble ; que comme Dieu Il est engendré du Père
avant tous les siècles, que comme homme Il est né dans le
temps de la Vierge Marie sa mère. toutefois, en admettant cette
double naissance, nous ne reconnaissons qu’un seul Fils. Car Jésus-Christ
n’est qu’une seule et même Personne, qui réunit en elle la
nature divine et la nature humaine.
Du côté de la génération
divine, Il n’a ni frères ni cohéritiers, puisqu’Il est le
Fils unique du Père, tandis que nous, nous ne sommes que ses créatures
et le fragile ouvrage de ses mains. Du côté de sa génération
humaine, il en est beaucoup à qui non seulement Il donne le nom
de frères, mais qu’Il traite réellement comme tels, puisqu’Il
les admet à partager avec Lui la gloire de l’héritage de
son Père. Ce sont ceux qui. L’ont reçu par la Foi, et qui
manifestent cette Foi qu’ils professent, par leur conduite et par les œuvres
de la charité. C’est pourquoi l’Apôtre l’appelle le premier
né d’un grand nombre de frères .
§ IV. — NOTRE-SEIGNEUR.
Parmi toutes les choses que la Sainte
Ecriture nous dit de notre Sauveur, il n’est pas difficile de reconnaître
que les unes Lui conviennent comme Dieu, et les autres comme homme. Car
II a reçu nécessairement de ces deux natures distinctes leurs
propriétés différentes. Ainsi nous disons de Lui qu’Il
est Tout-Puissant, éternel, immense, parce qu’il est Dieu. Et nous
disons de Lui qu’Il a souffert, qu’Il est mort, qu’Il est ressuscité,
parce que ces vérités ne peuvent s’appliquer évidemment
qu’à la nature humaine. Mais il y a certains attributs qui conviennent
aux deux natures, comme par exemple le nom de Seigneur que nous Lui donnons
ici. Et si ce nom de Seigneur peut s’appliquer à la nature divine
et à la nature humaine, c’est avec grande raison que nous appelons
Jésus-Christ notre Seigneur.
Et d’abord, de même qu’Il est Dieu
éternel comme le Père, ainsi, comme le Père, Il est
le maître de toutes choses. Et comme Lui et son Père ne sont
pas l’un un Dieu, et l’autre un autre Dieu, mais absolument le même
Dieu, ainsi Lui et son Père ne sont pas deux Seigneurs différents,
mais le même Seigneur. Ensuite les raisons ne manquent pas pour Lui
faire donner comme homme le nom de Seigneur. En premier lieu, par cela
seul qu’Il a été notre Rédempteur et qu’Il nous a
délivrés de nos péchés, II a conquis sur nous
assez de puissance pour être vraiment notre Seigneur et pour en porter
le titre. C’est ce que l’Apôtre nous enseigne: Il s’est
humilié Lui-même ; Il s’est fait obéissant jusqu’à
la mort, et à la mort de la croix: c’est pourquoi Dieu L’a élevé,
et Lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au
nom de Jésus tout genou fléchît, au ciel, sur la terre
et dans les enfers, et que toute langue reconnût que le Seigneur
Jésus est dans la gloire de Dieu le Père. Enfin Lui-même,
après sa Résurrection, n’a-t-il pas dit: Toute
puissance M’a été donnée au ciel et sur la terre ?
— en second lieu, on L’appelle encore Seigneur, parce qu’Il a réuni
en Lui, dans une seule Personne, la nature divine et la nature humaine.
Union admirable qui Lui méritait, même sans mourir pour nous,
d’être établi comme souverain Seigneur de toutes les créatures
en général, et spécialement des Fidèles qui
Lui obéissent, et qui Le servent de toute l’affection de leur cœur.
Le Pasteur devra donc exhorter les Fidèles
à ne jamais perdre de vue, que c’est de Jésus-Christ que
nous avons pris notre nom de Chrétiens, que nous ne pouvons ignorer
les immenses bienfaits dont Il nous a comblés, puisque Lui-même
a bien voulu nous les faire connaître par la Foi, et que, par conséquent
nous sommes tenus en conscience, et plus que tous les autres hommes, de
nous consacrer pour toujours à notre Rédempteur et Seigneur,
et à nous dévouer à Lui, comme des esclaves à
leur maître.
Nous l’avons en effet promis à
la porte de l’Eglise, lorsque nous avons reçu l’initiation chrétienne
par le Baptême. nous avons déclaré que nous renoncions
à Satan et au monde, pour nous donner entièrement à
Jésus-Christ. Mais si, pour mériter d’appartenir à
la milice chrétienne, nous avons dû nous vouer à Notre-Seigneur
par des serments si solennels et si sacrés, de quel supplice ne
serions-nous pas dignes si après être entrés dans l’Eglise,
après avoir connu la Volonté de Dieu et sa Loi, après
avoir reçu la grâce des Sacrements, nous avions le malheur
de vivre selon les maximes et les préceptes du monde et du démon,
comme si, au jour de notre purification baptismale, nous nous étions
donnés au monde et au démon et non pas à Jésus-Christ
notre Seigneur et notre Rédempteur ? Quel cœur ne se sentirait enflammé
d’amour pour un Maître si grand, et en même temps si bon pour
nous, si dévoué à notre bonheur ? Car bien qu’Il nous
tienne en sa puissance et sous sa domination, comme des esclaves qu’Il
a rachetés par son Sang, cependant Il nous témoigne tant
de charité, qu’Il daigne nous appeler ses amis et ses
frères, et non point ses esclaves. Voilà sans contredit une
des raisons les plus fortes, et peut-être même la meilleure,
pour nous obliger à Le reconnaître, à L’honorer et
à Le servir toujours, comme notre véritable Seigneur.
Chapitre quatrième — Du troisième
article du Symbole
QUI A ETE CONÅU DU SAINT-ESPRIT,
EST NE DE LA VIERGE MARIE.
Les explications que nous venons de donner
(dans l’article précédent) sont très suffisantes pour
faire comprendre aux Fidèles quelle grâce immense et quel
bienfait signalé Dieu a accordés au genre humain, en nous
arrachant à la servitude du plus cruel tyran, et en nous rendant
la liberté. Mais si cous réfléchissons aux voies et
moyens qu’Il a employés spécialement pour arriver à
ce but, nous ne trouverons rien de plus frappant, rien de plus magnifique
que sa bonté et sa libéralité envers nous.
Ce sera donc dans ce troisième
article que le Pasteur commencera à montrer la grandeur de ce Mystère
que l’Ecriture Sainte nous invite si souvent à méditer, comme
le fondement même de notre Salut. Et d’abord, il enseignera, suivant
le sens des paroles qui l’expriment, que nous croyons, et faisons profession
de croire que Jésus-Christ notre Seigneur et le Fils unique de Dieu,
en prenant pour nous un corps humain dans le sein d’une Vierge, n’a pas
été conçu comme les autres hommes, humainement, mais
par une intervention surnaturelle, par la vertu seule du Saint-Esprit
. De sorte que la même Personne demeurant Dieu, comme elle l’était
de toute éternité, est devenue homme ce qu’elle n’était
pas auparavant .
Et ce qui prouve clairement que ces paroles
ont bien ce sens, c’est la profession de foi du Saint Concile de Constantinople:
Jésus-Christ, dit-il, est descendu des cieux pour nous autres hommes,
et pour notre salut ; Il s’est incarné dans le sein de la Vierge
Marie, par le Saint-Esprit, et Il s’est fait homme. C’est également
de cette manière que Saint Jean l’Evangéliste a expliqué
ce profond mystère. Il en avait puisé la connaissance sur
le sein même du Sauveur. Après avoir déclaré
la nature du Verbe divin en ces termes: Au commencement était
le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu,
il termine par ceux-ci: et le Verbe s’est fait chair, et Il a habité
parmi nous. En effet le Verbe, qui est une des Personnes divines, a pris
la nature humaine d’une manière si complète, que les deux
natures n’ont plus fait en Lui qu’une seule et même hypostase, une
seule et même Personne. Et toutefois dans cette admirable union,
chacune des deux natures a conservé ses opérations et ses
propriétés, et l’illustre Pontife Saint Léon a eu
raison de dire: La gloire de la nature divine n’a point absorbé
la nature humaine, et l’élévation de la nature humaine n’a
rien fait perdre à la nature divine.
§ I. — QUI A ETE CONÅU DU SAINT-ESPRIT.
Mais comme il est essentiel de bien expliquer
les mots, le Pasteur aura soin d’enseigner que si nous disons que le Fils
de Dieu a été conçu du Saint-Esprit, nous ne prétendons
pas dire pour cela que cette Personne de la Sainte Trinité ait seule
opéré le mystère de l’Incarnation. II est vrai que
le Fils seul a pris la nature humaine, mais les trois Personnes divines,
le Père, le Fils et le Saint-Esprit ont eu part à ce Mystère.
C’est en effet une règle absolue
de la Foi chrétienne que dans les choses que Dieu fait hors de Lui,
tout est commun aux trois Personnes ; que l’une n’agit point sans l’autre.
La seule chose qui ne soit pas commune aux trois Personnes divines, et
qui ne puisse pas l’être, c’est le mode de procession. En effet,
le Fils n’est engendré que du Père, tandis que le Saint-Esprit
procède du Père et du Fils. Mais dans tout ce qu’elles produisent
hors d’elles. les trois Personnes agissent également et sans aucune
différence. Et ceci s’applique précisément au mystère
de l’Incarnation.
Il n’en est pas moins vrai que parmi les
choses qui sont communes aux trois Personnes, c’est un usage dans nos Saints
Livres, d’attribuer les unes à telle Personne, les autres à
telle autre, par exemple au Père la souveraine Puissance, au Fils
la Sagesse, et l’Amour au Saint-Esprit. Et comme le mystère de l’Incarnation
est la preuve sans réplique de l’amour immense et particulier que
Dieu a pour nous, c’est pour cela que nous l’attribuons spécialement
au Saint-Esprit.
Au reste, il convient de remarquer que
dans ce mystère certaines choses sont au-dessus de la nature, tandis
que d’autres lui sont entièrement conformes. Ainsi nous croyons
que le corps de Jésus-Christ a été formé du
sang très pur de la Vierge sa mère. Et nous ne voyons en
cela qu’une œuvre purement naturelle, car c’est le propre de tout corps
humain d’être formé du sang de la mère. Mais ce qui
dépasse l’ordre naturel et même l’intelligence de l’homme,
c’est que la Bienheureuse Vierge n’eut pas plus tôt donné
son consentement aux paroles de l’Ange, en disant: Voici la
servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole, que sur-le-champ
le corps très saint de Jésus-Christ fut formé en elle,
qu’une âme jouissant pleinement de la raison fut unie à ce
corps et que dans un seul et même instant Il fut Dieu parfait et
homme parfait. Or personne ne saurait douter que cet effet si extraordinaire
et si admirable ne soit l’œuvre du Saint Esprit. Car selon les lois ordinaires
de la nature, l’âme raisonnable ne vient s’unir au corps qu’après
un temps déterminé.
Ce qui n’est pas moins digne de notre
admiration, c’est que, au moment même où l’âme de Jésus-Christ
s’unissait à son corps, la divinité s’unissait également
à l’un et à l’autre: et ainsi comme le corps fut aussitôt
animé que formé, de même aussitôt la divinité
fut unie au corps et à l’âme.
D’où il suit que dans le même
instant Jésus-Christ fut Dieu parfait et homme parfait, et que la
très Sainte Vierge put vraiment et proprement être appelée
Mère de Dieu, et Mère d’un homme, puisque dans le même
moment elle avait conçu un Dieu homme. C’est ce que l’Ange lui avait
bien marqué, en lui disant: Voilà que vous concevrez
dans votre sein et que vous enfanterez un fils à qui vous donnerez
le nom de Jésus. Il sera grand, et on L’appellera Fils du Très
Haut. L’événement d’ailleurs ne faisait que confirmer la
prophétie d’Isaïe: Une Vierge concevra et enfantera
un fils. Sainte Elisabeth avait la même pensée, lorsque, remplie
du Saint-Esprit et instruite par Lui de la conception du Fils de Dieu,
elle disait à Marie: D’où me vient ce bonheur
que la mère de mon Dieu daigne venir me visiter ?
Mais de même que le corps de Jésus-Christ
fut formé, comme nous venons de le dire, du plus pur sang de la
plus pure des Vierges, et cela non humainement, niais par la vertu seule
du Saint-Esprit ; de même aussi son âme, dès le premier
instant de sa conception, reçut la plénitude de l’Esprit
de Dieu, avec l’abondance de tous ses dons. Car, selon le témoignage
de Saint Jean, Dieu ne Lui donna pas son esprit avec mesure,
comme Il fait pour les autres hommes qu’Il veut bien enrichir et sanctifier
par sa grâce, mais Il versa dans son âme une telle abondance
de grâces, qu’il nous est possible à tous de recevoir de sa
plénitude.
Cependant il ne faut pas dire que Jésus-Christ
est le Fils adoptif de Dieu, quoiqu’Il ait reçu cet esprit qui confère
aux Saints la qualité d’enfants adoptifs de Dieu. Il est Fils de
Dieu par nature, et dès lors ni la grâce de l’adoption, ni
le titre de fils adoptif ne peuvent aucunement Lui convenir.
Telles sont les explications que nous
avons cru devoir donner sur l’admirable Mystère de la conception
du Fils de Dieu.
Et si les Fidèles veulent en retirer
des fruits salutaires, ils doivent se rappeler souvent et méditer
dans leur cœur ces vérités si importantes: que Celui qui
a pris notre chair est Dieu, qu’Il s’est fait homme d’une manière
si surnaturelle que notre esprit ne peut comprendre ce mystère,
et encore moins l’expliquer ; qu’enfin Il a voulu se faire homme, pour
nous faire redevenir enfants de Dieu. Et après avoir bien réfléchi,
et avec attention, sur les mystères renfermés dans cet article,
qu’ils s’appliquent à les croire et à les adorer d’un cœur
humble et soumis, sans chercher à les scruter et à les pénétrer.
(Ces sortes de curiosités sont rarement sans danger.)
§ II. — QUI EST NE DE LA VIERGE MARIE-
C’est la seconde partie de notre article.
Le Pasteur l’expliquera avec le plus grand soin. Car les Fidèles
Sont obligés de croire, non seulement que Notre-Seigneur Jésus
Christ a été conçu par l’opération du Saint-Esprit,
mais encore qu’il est né de la Vierge Marie, et que « est
elle qui L’a mis au monde. C’est avec une joie profonde et une vive allégresse
que nous devons méditer ce mystère de notre Foi. La parole
de l’Ange qui le premier en fit con naître au monde l’heureux accomplissement
nous y invite. Je vous annonce, dit-il, un grand sujet de joie
pour tout le peuple. Et avec cette parole, le cantique des Anges:
Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes
de bonne volonté. Alors en effet commençait à s’accomplir
la magnifique promesse que Dieu avait faite à Abraham
de bénir un jour toutes les nations dans sa postérité.
Car Marie que nous reconnaissons hautement et que nous honorons comme véritable
Mère de Dieu, puisque la personne qu’elle a enfantée est
Dieu et homme tout ensemble, Marie descendait de David.
Mais si la conception du Sauveur est au-dessus
de toutes les lois de la nature, sa naissance ne l’est pas moins ; elle
est divine. Et ce qui est absolument prodigieux, ce qui dépasse
toute pensée et toute parole, c’est qu’il est né de sa Mère
qui est demeurée toujours Vierge. De même que plus tard Il
sortit de son tombeau, sans briser le sceau qui Le tenait fermé,
de même qu’il entra, les portes fermées, dans la maison où
étaient ses disciples, de même encore — pour prendre nos comparaisons
dans les phénomènes ordinaires — que les rayons du soleil
traversent le verre sans le briser ni l’endommager, ainsi, mais d’une manière
beaucoup plus merveilleuse, Jésus-Christ naquit de sa Mère
qui conserva le privilège de la Virginité. nous avons donc
bien raison d’honorer Marie à la fois comme Mère et comme
Vierge. Ce privilège inouï fut l’œuvre de l’Esprit Saint, suivant
la profession de foi du Saint Concile de Constantinople citée plus
haut: « Jésus-Christ s’est incarné dans le sein de
la Vierge Marie, par le Saint-Esprit, et Il s’est fait homme ».
L’Apôtre Saint Paul appelle quelquefois
Jésus-Christ le nouvel Adam, et Le compare au premier. En effet,
de même que tous les hommes sont morts dans celui-ci,
ainsi tous sont rappelés à la vie dans Celui-là. Et
de même encore que le premier a été le père
du genre humain, selon l’ordre de la nature, de même le second est
pour tous les hommes l’Auteur de la grâce et de la gloire. Par analogie,
nous pouvons également comparer la Vierge-Mère à Eve,
et montrer les rapports qui existent entre la première Eve, et Marie
qui est la seconde ; comme nous venons de le faire entre le premier Adam
et le second qui est Jésus-Christ. Eve, en croyant au serpent,
attira sur le genre humain la malédiction et la mort ; Marie, en
ajoutant foi aux paroles de l’Ange, obtint pour les hommes, de la bonté
de Dieu, la bénédiction et la vie. Par Eve, nous
naissons enfants de colère ; par Marie, nous recevons Jésus-Christ,
qui nous fait renaître enfants de la grâce. A Eve il a été
dit: tu enfanteras dans la douleur ; Marie donne naissance
à notre Seigneur Jésus-Christ et elle ne souffre pas, et,
comme nous l’avons dit tout à l’heure, elle conserve le privilège
de la Virginité parfaite.
Mais puisque la conception et la naissance
du Rédempteur devaient renfermer des merveilles si grandes et si
profondes, ne convenait-il pas que la divine Providence nous en instruisît
d’avance par des figures nombreuses et des oracles formels ?
C’est pourquoi les Saints Docteurs ont
appliqué à ce mystère beaucoup de textes de la Sainte
Écriture, et principalement ceux-ci: cette porte du
sanctuaire qu’Ezéchiel vit fermée ; cette pierre
qui, dans Daniel se détache de la montagne, sans que les hommes
y mettent la main, et devient elle-même une grande montagne qui couvre
toute la terre ; cette verge d’Aaron qui fleurit seule au milieu
de toutes les verges des chefs d’Israël ; enfin ce buisson
que Moïse vit brûler sans se consumer.
Quant à la naissance même
du Sauveur, elle est racontée par Saint Lue dans tous ses détails.
nous n’avons donc pas à y insister ici davantage. Le Pasteur la
trouvera dans cet Evangéliste. Ce qui devra l’occuper surtout sera
de graver fortement dans l’esprit et le cœur des Fidèles la connaissance
de ces mystères qui ont été écrits pour notre
instruction ; afin que d’une part, le souvenir d’un si grand
bienfait les porte à la reconnaissance envers Dieu, qui en est l’auteur,
et d’autre part, que le spectacle d’une humilité si étonnante
et si parfaite, devienne pour eux un exemple à imiter.
En effet, quoi de plus utile, quoi de
plus propre à réprimer l’orgueil et la vanité de notre
esprit, que la pensée fréquente (et comme la vue) d’un Dieu
qui s’humilie jusqu’à communiquer sa gloire aux hommes, et se revêtir
de leur faiblesse et de leur fragilité ? d’un Dieu qui daigne se
faire homme ? d’une Majesté souveraine et infinie qui s’abaisse
à servir l’homme, pendant que les colonnes du ciel, comme dit l’Ecriture
tremblent de frayeur au moindre signe de sa Volonté, et qui consent
à naître et à vivre sur la terre, pendant que les Anges
L’adorent dans le ciel ? Or, puisque c’est pour nous que Dieu a fait toutes
ces choses, que ne devons-nous pas faire, nous, de notre côté,
pour Lui obéir ? Avec quel empressement, avec quelle allégresse
ne devons-nous pas aimer, embrasser et remplir tous les devoirs que l’humilité
nous impose ? Ah ! de grâce, recueillons les salutaires leçons
que Jésus-Christ nous donne en naissant, et avant même d’avoir
prononcé une seule parole ! Il naît pauvre ; Il naît
comme un étranger, dans un lieu qui ne Lui appartient pas ; Il naît
dans une vile étable ; Il naît au milieu de l’hiver. Car voici
ce que nous rapporte Saint Luc: Pendant qu’ils étaient
là, il arriva que le temps s’accomplit où elle devait enfanter,
et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’enveloppa de langes,
et elle le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait point de
place pour Lui dans l’hôtellerie. L’Évangéliste pouvait-il
cacher sous des termes plus humbles, cette majesté et cette gloire
qui remplissent le ciel et la terre ? Il ne dit pas seulement qu’il n’y
avait point de place dans l’hôtellerie, mais qu’il n’y en avait point
pour Lui, pour Celui qui a dit: La terre est à Moi et
tout ce qu’elle renferme. Et un autre Évangéliste a dit également:
Il est venu chez lui, et les siens ne L’ont pas reçu.
En contemplant ces mystères, les
Fidèles n’oublieront pas que si Dieu a daigné se revêtir
de la bassesse et de l’infirmité de notre nature, c’était
pour élever le genre humain au plus haut degré de gloire.
En effet, pour bien comprendre l’éminente dignité, même
la supériorité que Dieu, dans sa bonté, a voulu accorder
à l’homme, ne suffit-il pas de reconnaître que Jésus-Christ,
qui est véritablement Dieu, est aussi véritablement homme
?
Et cela est si vrai qu’il nous est permis
de nous glorifier que le Fils de Dieu est réellement notre chair
et nos os, privilège qui n’appartient pas aux esprits bienheureux,
car dit l’apôtre, Jésus-Christ ne s’est point
approprié la nature angélique, mais celle des enfants d’Abraham.
Enfin prenons garde qu’il ne nous arrive
pour notre malheur ce qui arriva à Bethléem, et que, comme
notre Seigneur ne trouva point de place dans l’hôtellerie pour y
naître, de même Il n’en trouve pas davantage dans nos cœurs
pour y prendre naissance, non plus selon la chair, mais selon l’esprit.
Car Il souhaite ardemment de venir en nous, à cause de l’extrême
désir qu’il a de notre salut. Et de même encore qu’il s’est
fait homme, qu’Il est né, qu’il a été sanctifié,
qu’il a été la sainteté même par la vertu du
Saint-Esprit, et d’une manière toute surnaturelle, ainsi il faut
que nous naissions non du sang et de la volonté de la
chair, mais de Dieu ; qu’ensuite nous marchions comme des créatures
nouvelles dans un esprit nouveau, et que nous conservions cette sainteté
et cette pureté de cœur, qui conviennent si bien à des hommes
régénérés par l’esprit de Dieu. De cette manière
nous pourrons reproduire en nous-mêmes quelque image de cette Conception
et de cette naissance si sainte du Fils de Dieu, que nous croyons d’une
Foi ferme, et que nous adorons et admirons en même temps comme la
Sagesse de Dieu qui est cachée dans ce Mystère.
Chapitre cinquième — Du quatrième
article du Symbole
QUI A SOUFFERT SOUS PONCE PILATE, A ETE
CRUCIFIE, EST MORT, ET A ETE ENSEVELI.
Pour montrer combien la connaissance de
cet article est nécessaire, et avec quel zèle le Pasteur
doit exhorter les Fidèles à se rappeler le plus souvent possible
la Passion du Sauveur, il suffit de citer ces paroles du grand Apôtre
dans lesquelles il fait profession de ne savoir rien autre
chose que Jésus-Christ crucifié. Le Pasteur devra donc employer
tous ses soins et tous ses efforts à bien faire ressortir cette
vérité, afin que le souvenir d’un si grand bienfait fasse
impression sur les Fidèles et les porte à reconnaître
et à admirer sans réserve la bonté et l’amour de Dieu
pour nous.
§ I. — QUI A SOUFFERT SOUS PONCE-PILATE
La première partie de cet article
(on parlera de la seconde un peu plus loin) nous propose à croire
que notre Seigneur Jésus-Christ a été crucifié
dans le temps où Ponce Pilate gouvernait la Judée, au nom
de l’empereur tibère. En effet Il fut arrêté, accablé
de railleries et d’injures, tourmenté de diverses manières,
et enfin attaché à une croix. Et il n’est pas permis de douter
que son âme, dans sa partie inférieure, n’ait été
sensible à ces tourments. Car par le seul fait qu’Il avait revêtu
la nature humaine, nous sommes obligés de reconnaître qu’Il
ressentit dans son âme la plus vive douleur. Aussi dit-il Lui-même:
mon âme est triste à en mourir. Sans doute la nature humaine
se trouvait unie en Lui à une personne divine, mais il n’en est
pas moins vrai qu’Il souffrit toute l’amertume de sa Passion, comme si
cette union n’avait pas existé. Les propriétés des
deux natures furent conservées dans la Personne unique de Jésus-Christ.
Par conséquent ce qui, en Lui, était passible et mortel,
demeura passible et mortel ; et ce qui était impassible et immortel,
c’est-à-dire la nature divine, ne perdit rien de ses qualités
essentielles.
Quant au soin particulier avec lequel
on a voulu rappeler ici que Jésus-Christ souffrit dans le temps
où Ponce Pilate gouvernait la Judée, réduite en province
romaine, le Pasteur ne manquera pas d’en donner la raison ; c’est que la
connaissance d’un événement si considérable, et en
même temps si nécessaire pour l’humanité, devenait
beaucoup plus facile pour tous, en précisant l’époque certaine
de son accomplissement. C’est ce que l’Apôtre Saint Paul avait fait.
De plus, il faut voir dans ces paroles l’accomplissement de cette prophétie
du Sauveur disant de Lui-même: Ils le livreront aux Gentils
pour être outragé, flagellé et crucifié.
Ce fut également par un conseil
particulier de Dieu qu’Il voulut mourir sur une croix. Ne fallait-il pas
que la vie nous revînt par où la mort nous était venue
? Le serpent qui avait triomphé de nos premiers parents
avec le fruit d’un arbre, fut vaincu à son tour par Jésus-Christ
sur l’arbre de la Croix. Les Saints Pères ont longuement développé
un bon nombre de raisons que nous pourrions reproduire, pour faire comprendre
toutes les convenances de ce genre de mort, plutôt que tout autre.
Mais le Pasteur avertira les Fidèles qu’il leur suffit de croire
que Jésus-Christ a choisi la Croix pour y mourir, parce qu’il la
trouvait la plus convenable et la mieux appropriée à la Rédemption
du genre humain. En effet, il n’y avait rien de plus honteux ni de plus
humiliant. Et ce n’étaient pas seulement les païens qui regardaient
ce supplice comme abominable, et Plein de honte et d’infamie ; la loi de
Moïse elle-même prononçait l’anathème contre celui
qui est pendu au bois.
Le Pasteur n’oubliera pas non plus de
raconter l’histoire des souffrances de Jésus-Christ, si soigneusement
décrites par les Évangélistes. tout au moins il fera
connaître aux Fidèles les points principaux de ce mystère,
c’est-à-dire ceux qui semblent plus nécessaires pour confirmer
la vérité de notre Foi. C’est sur cet article en effet, que
la Foi et la Religion chrétienne reposent comme sur leur base. Si
l’on a soin de bien l’établir, tout le reste se soutient parfaitement.
Car si l’esprit humain trouve ailleurs des difficultés, c’est sans
contredit dans le mystère de la Rédemption qu’il en rencontre
le plus. nous avons peine à concevoir que notre salut dépende
de la Croix et de Celui qui s’y laissa clouer pour notre amour. Mais c’est
en cela même, selon l’enseignement de l’Apôtre, qu’il faut
admirer la souveraine Providence de Dieu. Car voyant que le
monde, avec sa sagesse, ne L’avait point reconnu dans les œuvres de sa
divine Sagesse, il lui a plu de sauver par la folie de la prédication
ceux qui croiraient. Il n’y a donc pas lieu d’être surpris que les
Prophètes, avant son arrivée dans le monde et les Apôtres,
après sa Mort et sa Résurrection, aient fait tant d’efforts
pour persuader aux hommes que Jésus-Christ est leur Rédempteur,
et pour les amener à reconnaître la puissance de ce Crucifié,
et à Lui obéir.
On peut dire que le mystère de
la Croix, humainement parlant, est plus que tout le reste, en dehors des
conceptions de la raison ; voilà pourquoi, depuis le péché
d’Adam, Dieu n’a point cessé d’annoncer la mort de son Fils, tantôt
par des figures, tantôt par des oracles de ses Prophètes.
Ainsi, pour dire un mot des figures, Abel tué par la
jalousie de son frère, Isaac offert par son père
en sacrifice, l’agneau immolé par les Hébreux
à leur sortie d’Égypte, le serpent d’airain que
Moïse fit élever dans le désert, voilà bien autant
de figures qui représentaient par avance la Passion et la Mort de
notre Seigneur Jésus-Christ ! Quant aux Prophètes, presque
tous les ont prédites ; et leurs prophéties sont trop connues
pour que nous ayons à les rapporter ici. Mais outre celles de David
, qui a embrassé dans ses Psaumes tous les mystères de notre
Rédemption, est-il possible d’en trouver de plus claires et de plus
évidentes que celles d’Isaïe ? et ne dirait-on
pas que ce voyant raconte des faits accomplis, bien plus qu’il ne prophétise
des événements futurs ?
§ II. — EST MORT, ET A ETE ENSEVELI.
Le Pasteur enseignera que ces paroles
nous obligent à croire que Jésus-Christ, après avoir
été crucifié, mourut véritablement et fut enseveli.
Et ce n’est pas sans raison que les Apôtres ont fait de cette vérité
un article spécial de leur Credo. Car il s’est trouvé des
hommes, et en certain nombre, pour soutenir que notre Seigneur n’était
pas mort sur la Croix. Les Apôtres, ces personnages si saints et
si vénérables, ont donc fait preuve de sagesse en établissant
ce point particulier de notre Foi pour repousser cette erreur. Du reste,
l’authenticité du fait ne laisse aucune place au doute. tous les
Évangélistes sont d’accord pour dire que Jésus-Christ
rendit l’esprit. Au surplus, notre Sauveur étant vraiment et parfaitement
homme pouvait par là même mourir véritablement. Or
l’homme meurt, lorsque son âme se sépare de son corps. Ainsi
lorsque nous disons que Jésus-Christ est mort, nous entendons que
son âme a été séparée de son Corps. Mais
nous n’admettons pas que la Divinité en ait été séparée.
non, car nous croyons fermement, au contraire, et nous faisons profession
de croire qu’après la séparation du Corps et de l’Âme,
la divinité demeura inviolablement unie au Corps dans le sépulcre,
et à l’Ame dans les enfers. Or Il convenait que le Fils
de Dieu mourût, afin que par sa mort, Il détruisît celui
qui avait l’empire de la mort, c’est-à-dire le démon, et
qu’Il délivrât ceux que la crainte de la mort tenait pendant
toute la vie dans un état de servitude.
Mais ce qu’il y a d’extraordinaire dans
la Mort de Jésus-Christ, c’est qu’Il mourut précisément
en Maître de la mort, au moment même où Il avait décrété
de mourir, et de plus que sa mort fut l’effet de sa volonté, et
non de la violence de ses ennemis. Il avait, en effet, non seulement réglé
et arrêté sa mort, mais encore Il en avait fixé le
lieu et le moment. Isaïe avait dit de Lui: Il a été
offert (c’est-à-dire immolé), parce qu’Il l’a voulu. Lui-même,
avant sa Passion disait à son tour: Je laisse mon âme
pour la reprendre de nouveau. Personne ne Me l’enlève mais je la
quitte de Moi-même. J’ai le pouvoir de la quitter, et J’ai le pouvoir
de la reprendre. Et pour le temps et le lieu de sa mort, voici comment
Il s’en explique lorsque Hérode Lui tendait des embûches pour
Le faire périr: Allez dire à ce renard — Je chasse
les démons, et J’opère des guérisons aujourd’hui et
demain et le troisième jour Je mourrai. Et cependant il faut que
Je marche aujourd’hui et demain et le jour suivant: car il ne faut pas
qu’un Prophète périsse hors de Jérusalem.
Ce ne fut donc ni malgré Lui ni
par contrainte, ce fut au contraire par sa pleine volonté qu’Il
s’offrit Lui-même, et qu’il dit en s’avançant vers ses ennemis:
c’est Moi ! et ce fut de son plein gré qu’Il endura tous les tourments
injustes et cruels dont ils L’accablèrent.
Rien n’est plus capable de nous émouvoir
et de nous toucher profondément que le souvenir et la méditation
de toutes ses souffrances et de toutes ses tortures. Si quelqu’un avait
souffert pour nous toutes sortes de douleurs, non pas volontairement, mais
par nécessité et par contrainte, peut-être pourrions-nous
ne voir dans ces souffrances qu’un bienfait relatif. Mais au contraire,
s’il s’agissait de quelqu’un qui, pour nous, uniquement pour nous, aurait
bien voulu souffrir la mort de son plein gré, et lorsqu’Il pouvait
s’y soustraire, ce trait de bonté serait si beau et si grand, que
le cœur le plus reconnaissant, non seulement ne saurait exprimer, mais
même ressentir, toute la gratitude qu’Il mériterait. Quelle
est donc l’excellence de la charité de Jésus-Christ envers
nous, et comment mesurer tout ce qu’il y a d’immense et de divin dans le
bienfait de la Rédemption ?
Nous confessons ensuite qu’Il a été
enseveli. Mais nous ne considérons pas ces paroles comme une vérité
particulière qui offrirait des difficultés nouvelles, après
les explications que nous avons données sur sa mort. En effet dès
lors que nous croyons que Jésus-Christ est véritablement
mort, il n’est plus difficile de nous persuader qu’Il a été
enseveli. Si donc on a ajouté ces mots, c’est d’abord afin de supprimer
tout prétexte de doute sur sa mort, car l’une des plus grandes preuves
de la mort d’un homme, c’est le fait même de sa sépulture.
C’est en second lieu afin de rendre plus sensible et plus éclatant
le miracle de sa Résurrection.
Mais par ces paroles nous ne reconnaissons
pas seulement que le Corps de Jésus-Christ a été enseveli,
nous admettons de plus, et surtout ainsi que l’Église nous le propose
à croire , que c’est un Dieu qui a reçu la sépulture,
comme nous disons en toute vérité, selon la règle
de la Foi catholique, que Dieu est mort, que Dieu est né d’une Vierge.
Et de fait, puisque la Divinité de Jésus-Christ n’a pas été
séparée de son Corps renfermé dans le tombeau, nous
avons le droit de dire que Dieu a été enseveli.
En ce qui regarde le genre et le lieu
de cette sépulture, le Pasteur se contentera du texte des saints
Évangiles. toutefois il fera ici deux observations très importantes:
la première, que le Corps de Jésus-Christ dans le tombeau
fut exempt de toute corruption, ainsi que le Prophète l’avait annoncé
en ces termes: Vous ne permettrez point, Seigneur, que votre
Saint éprouve la corruption. La seconde, c’est que toutes les parties
de cet article, la Sépulture, la Passion et la Mort ne conviennent
à Jésus-Christ qu’en tant qu’Il est homme, et non en tant
qu’Il est Dieu. Car la souffrance et la mort sont le triste apanage de
la nature humaine. Cependant ces choses sont attribuées à
Dieu dans le Symbole, parce qu’il est clair qu’on peut les dire avec raison
de la Personne qui est tout à la fois Dieu parfait et homme parfait.
§ III. — CAUSES DE LA MORT DE JESUS-CHRIST.
Ces vérités ainsi exposées,
les Pasteurs auront soin de développer, sur la Passion et la mort
de Jésus-Christ, certaines considérations propres à
faire méditer aux Fidèles, la profondeur d’un si grand mystère.
Et d’abord, ils diront quel est Celui
qui a enduré toutes ces souffrances. C’est Celui dont la dignité
est telle que nous ne pouvons ni la comprendre ni l’expliquer -, Celui
dont Saint Jean a dit qu’Il est le Verbe qui était en
Dieu ; Celui dont l’Apôtre Saint Paul a fait ce magnifique éloge
, qu’il a été établi de Dieu héritier de toutes
choses, que les siècles ont été faits par Lui ; qu’Il
est la splendeur de la gloire et le caractère de la substance du
Père ; qu’Il soutient tout par la parole de sa Puissance, qu’Il
nous a purifiés de nos péchés, et qu’en conséquence,
Il est assis à la droite de la Majesté suprême, au
plus haut des cieux. Et, pour tout dire en un mot, Celui qui a souffert
pour nous, c’est Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble. Oui,
c’est le Créateur qui souffre pour ses créatures ; c’est
le Maître qui souffre pour ses esclaves. C’est Celui qui a créé
les Anges, les hommes, le ciel et tous les éléments, enfin
Celui en qui, par qui, et de qui toutes ces choses subsistent. Il ne faut
donc pas nous étonner que lorsque l’Auteur de la nature fut si violemment
agité par tant de tourments, l’édifice tout entier n’ait
été ébranlé, et que, selon le récit
de l’Ecriture, la terre ait tremblé, que les rochers
se soient fendus, que les ténèbres aient couvert toute la
surface de la terre, et que le soleil se soit obscurci. Mais si ces créatures
muettes et insensibles ont pleuré la mort de leur Créateur,
quelles larmes ne doivent pas verser les Fidèles, et de quelle douleur
ne doivent-ils pas être pénétrés, eux qui sont
les pierres vivantes de la maison de Dieu ?
Il faut ensuite exposer les causes de
la Passion, afin de rendre plus frappantes encore la grandeur et la force
de l’Amour de Dieu pour nous. Or, si on veut chercher le motif qui porta
le Fils de Dieu à subir une si douloureuse Passion, on trouvera
que ce furent, outre la faute héréditaire de nos premiers
parents, les péchés et les crimes que les hommes ont commis
depuis le commencement du monde jusqu’à ce jour, ceux qu’ils commettront
encore jusqu’à la consommation des siècles. En effet le Fils
de Dieu notre Sauveur eut pour but dans sa Passion et dans sa Mort de racheter
et d’effacer les péchés de tous les temps, et d’offrir à
son Père pour ces péchés une satisfaction abondante
et complète.
Il convient d’ajouter, pour donner plus
de prix à son Sacrifice, que non seulement ce divin Rédempteur
voulut souffrir pour les pécheurs, mais que les pécheurs
eux-mêmes furent les auteurs et comme les instruments de toutes les
peines qu’Il endura. C’est la remarque de l’Apôtre Saint Paul dans
son épître aux Hébreux: Pensez, dit-il,
en vous-mêmes à Celui qui a Souffert une si grande contradiction
de la part des pécheurs élevés contre Lui, afin que
vous ne vous découragiez point, et que vous ne tombiez point dans
l’abattement.
Nous devons donc regarder comme coupables
de cette horrible faute, ceux qui continuent à retomber dans leurs
péchés. Puisque ce sont nos crimes qui ont fait subir à
Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la Croix, à coup
sur ceux qui se plongent dans les désordres et dans le mal
crucifient de nouveau dans leur cœur, autant qu’il est en eux, le Fils
de Dieu par leurs péchés, et Le couvrent de confusion. Et
il faut le reconnaître, notre crime à nous dans ce cas est
plus grand que celui des Juifs. Car eux, au témoignage de l’Apôtre,
s’ils avaient connu le Roi de gloire, ils ne L’auraient jamais crucifié.
Nous, au contraire, nous faisons profession de Le connaître. Et lorsque
nous Le renions par nos actes, nous portons en quelque sorte sur Lui nos
mains déicides.
Enfin la Sainte Écriture nous enseigne
que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été livré
à la mort par son Père et par Lui-même. Le Prophète
Isaïe fait dire à Dieu le Père: Je L’ai
frappé à cause du crime de mon peuple. Et, quelques lignes
plus haut, le même Prophète plein de l’Esprit de Dieu, voyant
dans l’avenir le Sauveur couvert de plaies et de blessures, s’écriait:
Nous nous sommes tous égarés comme des brebis. Chacun de
nous a suivi sa voie, et le Seigneur a mis sur Lui les iniquités
de nous tous. Puis en parlant de Dieu le Fils, il dit: S’Il
sacrifie sa vie pour le péché, Il verra une longue postérit.
Et l’Apôtre Saint Paul confirme cette vérité par des
paroles encore plus décisives, tout en voulant nous montrer d’ailleurs
ce que nous avons à espérer de la Miséricorde et de
la Bonté infinie de Dieu: Celui, dit-il, qui n’a pas
épargné son Propre Fils, mais qui L’a libéré
pour nous tous, comment, avec Lui, ne nous aurait-il pas aussi donné
toutes choses ?
§ IV. — DOULEURS DE JESUS-CHRIST
DANS SON CORPS ET DANS SON AME.
Ici le Pasteur devra expliquer combien
furent cruelles les douleurs de la Passion. Hélas ! nous n’avons
qu’à nous rappeler cette sueur qui coulait du corps
du Sauveur jusqu’à terre en gouttes de sang, à la pensée
des tortures et des supplices qui L’attendaient pour comprendre qu’il était
impossible de rien ajouter à de pareilles souffrances. Car si la
seule pensée des tourments qui Le menaçaient fut assez douloureuse
pour exciter en Lui une sueur de sang, que ne souffrit-Il pas lorsqu’Il
les endura réellement ? Il est donc bien certain que notre Seigneur
Jésus-Christ ressentit dans son Corps et dans son Ame les plus cruelles
douleurs.
Et d’abord il n’y eut aucune partie de
son Corps qui n’éprouvât des tourments extrêmes. Ses
pieds et ses mains furent cloués à la Croix, sa tête
fut percée par la couronne d’épines et frappée à
coups de roseau ; son visage fut souillé de crachats, et meurtri
par les soufflets ; tout son Corps enfin fut battu de verges.
Ce n’est pas tout. Des hommes de tous
rangs et de toutes conditions conspirèrent contre le
Seigneur et contre son Christ. Juifs et Gentils furent également
les instigateurs, les auteurs et les ministres de sa Passion.
Judas Le trahi. Pierre Le renia. tous ses autres disciples L’abandonnèrent.
Voyons-Le maintenant sur la Croix. Faut-il
déplorer la cruauté, ou l’ignominie d’un tel supplice, ou
ces deux choses ensemble ? Certes, on ne pouvait inventer un genre de mort
ni plus honteux, ni plus douloureux. Il était réservé
aux grands criminels, aux derniers des scélérats, et la lenteur
de la mort y rendait encore plus aigu le sentiment des douleurs les plus
violentes.
Mais ce qui augmentait également
l’intensité de ses souffrances, c’était la constitution et
les qualités même du Corps de Jésus-Christ. Formé
par l’opération du Saint-Esprit ce Corps était incomparablement
plus parfait et plus délicatement organisé que celui des
autres hommes. Voilà pourquoi aussi sa sensibilité était
beaucoup plus vive, et Lui faisait ressentir plus profondément tous
ces tourments.
Quant aux souffrances intimes de l’âme,
personne ne peut douter qu’elles n’aient été extrêmes
en Jésus-Christ. Lorsque les Saints avaient à subir des persécutions,
ou étaient livrés aux supplices, leur âme recevait
de Dieu des consolations ineffables qui les ranimaient au milieu des tourments
et leur donnaient la force d’en supporter patiemment toutes les rigueurs.
On en vit même quelquefois qui éprouvaient alors dans leur
cœur la joie la plus vive. Je me réjouis, disait l’Apôtre
, dans les maux que j’endure pour vous, et je complète dans ma chair
ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ, en souffrant moi-même
pour son Corps qui est l’Église. Et ailleurs : Je suis
rempli de consolations, et je surabonde de joie dans toutes mes tribulations.
Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ voulut boire le calice amer de
sa Passion, sans mélange d’aucune douceur. Bien plus, Il laissa
goûter, en quelque sorte, à la nature humaine dont Il s’était
revêtu, toute la rigueur des tourments, comme s’Il n’avait été
qu’un homme, et non pas un Dieu.
§ V. — FRUITS DE LA MORT DE JESUS-CHRIST.
Arrivé ici le Pasteur n’a plus
qu’à expliquer — mais avec soin — les avantages et les biens que
la Passion du Sauveur nous a procurés.
En premier lieu, Jésus-Christ par
ses souffrances nous a délivrés du péché. Il
nous a aimés, dit Saint Jean et Il nous a lavés
de nos péchés dans son sang. Et encore, comme dit l’Apôtre
, Il nous a fait revivre avec Lui, nous remettant tous nos péchés,
effaçant l’arrêt de condamnation écrit et porté
contre nous, l’abolissant et l’attachant à la Croix.
Ensuite Il nous a arrachés à
la tyrannie du démon. Voici maintenant le jugement du monde, dit
le Sauveur Lui-même , et le prince de ce monde va en être
chassé, et Moi, quand j’aurai été élevé
de la terre, J’attirerai tout à Moi.
En troisième lieu, Il a payé
la peine qui était due pour nos péchés.
De plus, comme on ne pouvait offrir à
Dieu un sacrifice qui fût plus digne ou plus agréable, Il
nous a réconciliés avec son Père , Il L’a apaisé,
et nous L’a rendu favorable.
Enfin, en enlevant nos péchés,
Il nous a ouvert la porte du ciel que le péché commun à
tous les hommes avait fermée. C’est ce que l’Apôtre nous marque
bien dans ces paroles: Nous avons la confiance d’entrer dans
le Sanctuaire, par le Sang de Jésus-Christ. Et l’Ancien testament
ne manquait pas de symboles et de figures qui exprimaient la même
vérité. Ainsi les citoyens qui ne pouvaient rentrer
dans leur pays qu’à la mort du grand prêtre, étaient
l’image des Justes à qui l’entrée dans la Céleste
Patrie était interdite, malgré toute leur sainteté,
jusqu’à la Mort du Souverain et Eternel Pontife, Jésus-Christ.
Mais depuis que le Rédempteur l’a subie, cette Mort, les portes
du ciel sont ouvertes à tous ceux qui, purifiés par les Sacrements,
et possédant la Foi, l’Espérance et la Charité, deviennent
participants des mérites de sa Passion.
Le Pasteur montrera que tous ces avantages,
tous ces divins Bienfaits nous viennent de la Passion de notre seigneur.
En premier lieu, parce que sa mort fut une satisfaction pleine et entière
qui Lui fournit le moyen admirable de payer à Dieu son Père
toute la dette de nos péchés. Et ce prix qu’Il paya pour
nous, non seulement égale notre obligation, mais lui est infiniment
supérieur. En second lieu, parce que le sacrifice de la Croix fut
infiniment agréable à Dieu. A peine Jésus-Christ l’eut-Il
offert que la colère et l’indignation de son Père furent
entièrement apaisées. Aussi l’Apôtre a-t-il soin de
nous faire remarquer que la Mort du Sauveur fut un vrai Sacrifice
Jésus-Christ nous a aimés, dit-il, et Il s’est livré
Lui-même pour nous en s’offrant à Dieu comme une Victime et
une Oblation d’agréable odeur. En troisième lieu, enfin,
parce que la Passion fut pour nous cette Rédemption dont parle le
prince des Apôtres, quand il dit : ce n’est ni par l’or ni
par l’argent corruptibles que vous avez été rachetés
de la vanité de votre vie, que vous avez héritée de
vos pères, mais par le Sang précieux de l’Agneau Saint et
Immaculé, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et Saint Paul dit
à son tour : Jésus-Christ nous a rachetés de
la malédiction de la loi, en devenant malédiction pour nous.
Outre ces avantages si précieux,
la Passion nous en fournit encore un autre d’un prix inestimable. Elle
met sous nos yeux les exemples les plus frappants de toutes les vertus:
la patience, l’humilité, une charité admirable, la douceur,
l’obéissance, un courage surhumain à souffrir pour la justice,
non seulement des douleurs, mais la mort elle-même. Et nous pouvons
dire en vérité, que notre Sauveur, dans le seul jour de sa
Passion, voulut représenter en Lui toutes les vertus dont Il avait
recommandé la pratique pendant le cours entier de sa prédication.
Voilà ce que nous avions à
dire ici sur la Passion et la Mort si salutaires de Notre-Seigneur Jésus-Christ
! Puissions-nous méditer sans cesse ces mystères au fond
de nos cœurs ! Puissions-nous apprendre par là à souffrir,
à mourir, à être ensevelis avec ce divin Sauveur !
C’est alors que purifiés des souillures du péché,
et ressuscitant avec Lui à une vie nouvelle, nous mériterons,
par sa Grâce et par sa Miséricorde, de participer un jour
à la gloire de son Royaume céleste.
Chapitre sixième — Du cinquième
article du Symbole
QUI EST DESCENDU AUX ENFERS, ET LE TROISIEME
JOUR EST RESSUSCITE DES MORTS.
Il importe extrêmement, disons-le
bien haut, de connaître la gloire de la sépulture de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, dont nous venons de parler dans l’article précédent
; mais il importe bien plus encore de connaître les victoires éclatantes
qu’Il a remportées sur le démon vaincu et sur l’enfer dépouillé
! C’est ce que nous allons expliquer en même temps que sa Résurrection.
Sans doute ces deux vérités pouvaient fort bien être
séparées. Mais pour suivre l’usage et J’autorité des
Pères, nous avons cru devoir les réunir.
§ I. — IL EST DESCENDU AUX ENFERS.
La première partie de cet article
nous propose à croire qu’aussitôt après la Mort de
Jésus-Christ son âme descendit aux enfers, et y demeura aussi
longtemps que son Corps resta dans le tombeau.
Mais ces paroles nous obligent aussi à
reconnaître et à croire, que la même Personne de Jésus-Christ
était en même temps dans les enfers et au fond de son tombeau.
Et ce point de notre Foi n’étonnera personne, surtout si l’on veut
se rappeler comme nous l’avons dit tant de fois, que, bien que l’Ame eût
quitté le Corps réellement, jamais pourtant la Divinité
ne fut séparée ni de l’Ame ni du Corps.
Le Pasteur pourra jeter une grande lumière
sur les premiers mots de cet article, s’il a soin d’apprendre et de bien
expliquer aux Fidèles ce qu’ils doivent entendre par cette expression:
les enfers, qui ne signifient pas ici le sépulcre, comme quelques-uns
l’ont pensé avec autant d’impiété que d’ignorance.
En effet, l’article qui précède nous enseigne positivement
que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été enseveli. Par
conséquent les Apôtres n’avaient aucune raison, en nous transmettant
la règle de la Foi. de répéter la même vérité,
d’une manière différente et beaucoup plus obscure.
Ce mot: les enfers, désigne donc
ici ces lieux, ces dépôts cachés où sont retenues
prisonnières les âmes qui n’ont pas encore obtenu la béatitude
céleste. C’est dans ce sens que l’Ecriture Sainte l’emploie dans
beaucoup d’endroits. Ainsi nous lisons dans l’Apôtre Saint Paul:
Au nom de Jésus, tout genou fléchit au ciel, sur la terre
et dans les Enfers. Et dans le Livre des Actes, Saint Pierre nous assure
que Jésus-Christ ressuscita, après avoir été
délivré des douleurs de l’Enfer.
Mais ces lieux ne sont pas tous semblables.
L’un est une prison affreuse et obscure, où les âmes des damnés
sont tourmentées avec les esprits immondes par un feu perpétuel
et qui ne s’éteint jamais. Ce lieu porte le nom de géhenne,
d’abîme ; c’est l’Enfer proprement dit.
Il y a un autre enfer où est le
feu du Purgatoire. C’est là que les Aines des justes se purifient
dans des souffrances qui durent un temps déterminé, en attendant
qu’elles soient dignes d’entrer dans la Patrie éternelle,
car rien de souillé ne peut y pénétrer. Cette vérité
s’appuie sur le témoignage des Écritures et sur la tradition
apostolique en même temps qu’elle est confirmée par les décrets
des saints Conciles. Les Pasteurs auront soin de la prêcher
souvent et de l’établir sur les raisons les plus solides. Car nous
sommes dans un temps où les hommes ne veulent plus supporter la
saine doctrine.
Un troisième enfer est celui où
étaient reçues les Aines des Saints avant la venue de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, et où elles jouissaient d’un séjour
tranquille, exemptes de toute douleur, et soutenues par l’heureuse espérance
de leur rédemption. Or, ce sont précisément ces Aines
saintes, qui attendaient leur Libérateur dans le sein d’Abraham,
que Jésus-Christ délivra lorsqu’Il descendit aux enfers.
Et il ne faut pas s’imaginer que Notre-Seigneur
descendit aux enfers uniquement par sa Puissance et par sa Vertu, et que
son Ame n’y pénétra pas réellement. nous devons croire
au contraire, et de la manière la plus formelle, qu’elle y descendit
véritablement et qu’elle y fut présente substantiellement.
C’est le témoignage positif de David: Vous ne laisserez
pas mon Ame dans l’Enfer.
Mais en descendant aux enfers, Jésus-Christ
ne perdit rien de sa Puissance ; et l’éclat de sa Sainteté
ne fut point obscurci. Au contraire, cet événement ne servit
qu’à mettre en évidence la vérité des magnifiques
descriptions tracées par les Prophètes, et à faire
voir de nouveau qu’Il était vraiment le Fils de Dieu, comme Il l’avait
déjà prouvé Lui-même par tant de prodiges. C’est
ce que nous comprendrons aisément, si nous prenons soin de comparer
ensemble les différentes causes qui ont fait descendre aux enfers
Jésus-Christ et les autres hommes. Les hommes y étaient venus
en captifs. Lui, Il était libre au milieu des morts,
libre et vainqueur, puisqu’Il venait terrasser les démons qui y
retenaient les hommes enfermés et enchaînés à
cause de leurs péchés.
Parmi tous ces prisonniers, les uns enduraient
les peines les plus cruelles ; les autres, quoique exempts de châtiments,
souffraient cependant de la privation de Dieu, et ne pouvaient qu’espérer
sans cesse la Gloire qui devait les rendre heureux. Jésus-Christ,
Lui, non seulement n’y souffrit point, mais Il n’y parut que pour délivrer
les Saints et les Justes des douleurs de leur triste captivité,
et pour leur communiquer les fruits de sa Passion. Ainsi donc sa descente
aux enfers ne lui fit rien perdre de sa Dignité, ni de sa Puissance
souveraine.
Ces premières explications données,
le Pasteur devra ensuite exposer que Notre-Seigneur Jésus-Christ
descendit aux enfers, non seulement pour enlever aux démons leurs
dépouilles, et briser les chaînes des saints Patriarches et
des autres Justes, mais encore pour les introduire avec Lui dans le Ciel.
Ce qu’Il fit d’une manière admirable et infiniment glorieuse. Car
sa seule Présence répandit immédiatement au milieu
d’eux une lumière resplendissante, les remplit d’une joie et d’une
allégresse ineffable, et les mit en possession de cette béatitude
qu’ils désiraient tant, et qui consiste dans la vue de Dieu. Alors
se trouva vérifiée la promesse que Notre-Seigneur avait faite
au bon larron: Aujourd’hui même tu seras avec Moi en
Paradis.
Cette délivrance des Justes, le
Prophète Osée l’avait prédite longtemps auparavant:
ô Mort, avait-il dit, je serai ta mort ; ô enfer, je te déchirerai.
Le Prophète Zacharie l’avait également annoncée en
ces termes: Vous aussi, par le Sang de votre Alliance, vous
avez tiré vos captifs de la fosse, où il n’y a point d’eau.
Et enfin l’Apôtre Saint Paul exprime la même vérité
en disant de Notre-Seigneur Jésus-Christ: Il a désarmé
les Principautés et les Puissances, Il les a exposées en
spectacle avec une pleine autorité, après avoir triomphé
d’elles en sa propre personne. — Mais pour mieux comprendre encore la portée
de ce Mystère, nous devons nous rappeler souvent que les Justes,
non seulement ceux qui vécurent après Notre-Seigneur, mais
encore ceux qui L’avaient précédé depuis Adam, et
ceux qui viendront après Lui jusqu’à la fin des siècles,
tous ces justes, sans exception, ont été sauvés par
le bienfait de sa Passion. Voilà pourquoi avant sa Mort et sa Résurrection,
les portes du Ciel n’avaient jamais été ouvertes à
personne. Les Ames des Justes, en se séparant de leurs corps, étaient
portées dans le sein d’Abraham, ou bien comme il arrive encore aujourd’hui
à celles qui, en quittant ce monde, ont quelque souillure à
laver et quelque dette à payer, elles allaient se purifier par le
feu du Purgatoire.
Enfin une dernière raison pour
laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ descendit aux enfers, c’est
qu’Il voulait y manifester sa Force et sa Puissance, aussi bien qu’au ciel
et sur la terre, afin qu’il fût absolument vrai de dire
qu’à son nom tout genou fléchit au Ciel, sur la terre et
dans les Enfers.
Qui n’admirerait ici la Bonté infinie
de Dieu envers les hommes ? qui ne serait saisi d’étonnement en
voyant son Fils unique non seulement endurer pour nous la mort la plus
cruelle, mais encore pénétrer jusqu’aux plus basses parties
de la terre, afin d’en arracher les Ames qui lui étaient chères
et de les conduire au séjour du bonheur ?
§ II — IL EST RESSUSCITE DES MORTS.
Cette seconde partie de l’article cinquième
veut être expliquée avec le plus grand soin. Le Pasteur y
prendra garde. C’est l’avertissement de l’Apôtre: Souvenez-vous
que Notre-Seigneur Jésus-Christ est ressuscité d’entre les
morts. Or cette recommandation de Saint Paul à Timothée s’applique
évidemment à tous ceux qui ont charge d’âmes.
Voici maintenant le sens de cette partie
de l’article: Après que Jésus-Christ, le sixième jour,
à la neuvième heure, eut rendu l’esprit sur la Croix, et
que le même jour, vers le soir, Il eut été enseveli
par ses disciples — lesquels avec la permission du Procurateur romain Ponce
Pilate, avaient descendu son Corps de la Croix, et L’avaient transporté
dans un sépulcre neuf, au milieu d’un jardin voisin — le troisième
jour après, qui était le Dimanche, de grand matin son âme
se réunit de nouveau à son corps. Ainsi, après être
resté mort durant ces trois jours, Il reprit la vie qu’Il avait
quittée en mourant, et ressuscita.
Et, par ce mot de Résurrection,
il ne faut pas seulement entendre que Jésus-Christ s’est réveillé
d’entre les morts, comme cela est arrivé à plusieurs autres,
mais qu’Il est ressuscité par sa propre Force, par sa Puissance
personnelle, ce qui ne peut convenir qu’à Lui seul, car il est contraire
à la nature, et personne n’a jamais eu ce pouvoir, de passer par
sa propre vertu de la mort à la vie. Cela était réservé
à Dieu seul, à sa souveraine Puissance. L’Apôtre nous
le dit: S’Il a été crucifié dans son infirmité
d’homme, c’est par sa Puissance de Dieu qu’Il est revenu à la vie.
Et en effet, la Divinité n’ayant jamais été séparée,
ni du Corps de Jésus-Christ pendant qu’Il était dans le tombeau,
ni de son Aine pendant qu’elle était descendue aux enfers, ce Corps
et cette Aine conservaient une Vertu divine. Et c’est par cette Vertu divine
que le Corps pouvait être réuni à l’Aine, que l’Aine
pouvait retourner au Corps, et que Jésus-Christ pouvait revivre
et ressusciter des morts par sa propre puissance.
David, rempli de l’Esprit de Dieu, avait
annoncé ce prodige quand il avait dit: Sa droite et
son bras puissant l’ont sauvé. Notre-Seigneur Lui-même nous
en avait donné l’assurance de sa propre bouche: Je quitte
mon âme pour la reprendre de nouveau. J’ai le pouvoir de la quitter,
et J’ai le pouvoir de la reprendre. C’est pour confirmer cette vérité
qu’Il disait aux Juifs: Détruisez ce temple, et dans
trois jours Je le rebâtirai. Sans doute les Juifs croyaient qu’Il
parlait de ce magnifique temple de pierre qu’ils avaient sous les yeux
; Lui, voulait parler du temple de son corps, comme le dit saint Jean en
termes formels. Et si nous lisons dans quelques passages de nos Saints
Livres que Jésus-Christ a été ressuscité par
son Père , ces paroles se rapportent à Lui, comme homme
; de même qu’il faut rapporter à sa divinité ces autres
paroles de la sainte Écriture Il s’est ressuscité
par sa propre vertu.
Il y a encore ceci de particulier dans
la Résurrection de Jésus-Christ, c’est qu’Il a été
le premier de tous qui ait participé à ce bienfait divin.
Voilà pourquoi la Sainte Écriture L’appelle le
premier né d’entre les morts, et le premier né des morts.
Et Saint Paul nous dit de Lui: Le Christ est ressuscité
d’entre les morts, comme les prémices de ceux qui dorment. Car si
la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’arrive la résurrection.
Et de même que tous meurent en Adam, ainsi tous revivront en Jésus-Christ,
mais chacun dans son rang, Jésus-Christ d’abord comme les prémices,
puis ceux qui sont à Jésus-Christ.
Ces paroles doivent s’entendre de la résurrection
parfaite, qui détruit pour nous toute espèce de nécessité
de mourir une seconde fois, et nous met en possession d’une vie immortelle.
Or, dans ce genre de résurrection, Jésus-Christ tient le
premier rang. S’il n’était question en effet que de ce retour à
la vie qui n’enlève pas la nécessité de mourir une
seconde fois, plusieurs, avant Jésus-Christ, étaient ressuscités
aussi ; mais en revenant à la vie ils étaient toujours obligés
de mourir de nouveau ; Jésus-Christ, au contraire, vainquit et dompta
tellement la mort par sa Résurrection qu’Il ne pouvait plus mourir.
C’est l’enseignement formel de Saint Paul: Jésus-Christ
ressuscité des morts ne meurt plus. Et la mort désormais
n’aura plus d’empire sur Lui.
§ III. — LE TROISIEME JOUR.
Ces mots sont ajoutés à
l’article. Le Pasteur aura soin de bien les expliquer aux Fidèles,
afin qu’ils ne s’imaginent point que Notre-Seigneur Jésus-Christ
demeura trois jours entiers dans le tombeau. En effet, Il n’y fut renfermé
qu’un jour entier, une partie du jour précédent et une partie
du jour suivant. Cela suffit pour que nous puissions dire en toute vérité
qu’Il resta trois jours dans le sépulcre et qu’Il ressuscita le
troisième jour.
Pour montrer qu’Il était Dieu,
Il ne voulut pas différer sa Résurrection jusqu’à
la fin du monde ; pour prouver qu’Il était vraiment homme, et réellement
mort Il ne ressuscita pas immédiatement après sa mort, mais
seulement le troisième jour après. Cet intervalle de temps
Lui parut suffisant pour garantir la réalité de sa mort.
Les Pères du premier concile de
Constantinople ont ajouté ceci: selon les Ecritures. Ces mots sont
empruntés à l’Apôtre, et les Pères dont nous
parlons ne les ont transportés dans le Symbole de leur Foi que parce
qu’ils avaient appris du même Apôtre combien le mystère
de la résurrection était nécessaire. Si
Jésus-Christ n’est pas ressuscité, dit Saint Paul aux Corinthiens,
notre prédication est vaine, et vaine aussi est votre Foi. Et encore:
Si Jésus-Christ n’est pas ressuscité, votre Foi est vaine,
vous êtes encore dans vos péchés. Aussi Saint Augustin
plein d’admiration pour cet enseignement de notre Foi, s’écriait:
C’est peu de croire que Jésus-Christ est mort ; les païens,
les Juifs, les méchants le croient. Oui, tous croient qu’Il est
mort, mais ce qui caractérise la Foi des Chrétiens, c’est
sa Résurrection. Ce qui fait sa grandeur, c’est que nous croyons
qu’Il est ressuscité. Voilà pourquoi Notre-Seigneur parlait
si fréquemment de sa Résurrection. Et même Il ne s’entretenait
pour ainsi dire jamais de sa Passion avec ses disciples, sans ajouter quelques
mots sur sa Résurrection. Ainsi, après avoir dit:
Le Fils de l’homme sera livré aux gentils, Il sera outragé,
fouetté, couvert de crachats, et mis à mort après
avoir été flagellé, Il terminait en disant: et le
troisième jour Il ressuscitera. Et lorsque les Juifs Lui demandaient
de prouver sa doctrine par un signe, par un prodige quelconque, Il leur
répondit: que nul autre signe ne leur serait donné
que celui du prophète Jonas, et que comme Jonas avait
été trois jours et trois nuits dans le ventre d’une baleine,
ainsi le Fils de l’homme serait trois jours et trois nuits dans le sein
de la terre.
Mais pour mieux pénétrer
la profondeur et le sens de cet article, nous devons étudier et
savoir trois choses: 1° le pourquoi la Résurrection de Jésus-Christ
était nécessaire ; 2° quels étaient la fin et
le but de cette Résurrection ; 3° enfin, quels fruits et quels
avantages nous en avons retirés.
§ IV. — CAUSES, FIN ET FRUITS DE
LA RESURRECTION.
Et d’abord, il était nécessaire
que Jésus-Christ ressuscitât, pour faire éclater la
justice de Dieu. En effet, Dieu se devait à lui-même de glorifier
Celui qui, pour obéir, S’était volontairement humilié
et avait accepté tous les outrages. C’est la raison même que
nous donne l’Apôtre écrivant aux Philippiens:
Il s’est humilié Lui-même, se rendant obéissant jusqu’à
la mort et à la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu L’a élevé.
Une seconde raison de la Résurrection,
c’est qu’elle était nécessaire pour fortifier en nous la
Foi sans laquelle l’homme ne saurait être justifié. Car ce
qui prouve le mieux que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, c’est
sa Résurrection d’entre les morts, et par sa propre vertu.
En troisième lieu, la Résurrection
de Notre-Seigneur était nécessaire pour nourrir et soutenir
notre espérance. En effet, par le seul fait que Jésus-Christ
est ressuscité, nous avons le droit d’espérer d’une manière
certaine que nous aussi nous ressusciterons. Car les membres doivent, de
toute nécessité, partager le sort de la tête. C’est
à cette conclusion que l’Apôtre veut arriver dans ses lettres
si motivées aux Fidèles de Corinthe et de Thessalonique
; c’est également le raisonnement du Prince des Apôtres, qui
nous dit: Béni soit Dieu le Père de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés
par la Résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, en
nous donnant l’espérance vive d’un héritage incorruptible
!
Enfin, ajoutons que la Résurrection
du Sauveur était nécessaire pour achever le mystère
de notre Salut et de notre Rédemption. Par sa mort, Jésus-Christ
nous avait délivrés de nos péchés ; par sa
Résurrection, Il nous rendait ces biens précieux que le péché
nous avait fait perdre. Voilà pourquoi l’Apôtre n’a pas manqué
de dire: Jésus-Christ a été livré
pour nos péchés, et Il est ressuscité Pour notre justification.
Afin que l’œuvre de notre salut fût complète, la Résurrection
de Notre-Seigneur était donc nécessaire, aussi bien que sa
mort.
Par tout ce que nous avons dit jusqu’ici,
il est facile d’apprécier les avantages considérables que
la Résurrection de Notre-Seigneur nous a procurés.
Et d’abord, nous voyons dans ce prodige
un Dieu immortel, plein de gloire, vainqueur de la mort et du démon,
car tous ces titres appartiennent à Jésus-Christ ; nous le
croyons fermement, et nous faisons profession de le croire.
Ensuite la Résurrection du Sauveur
nous mérite et nous assure notre propre résurrection. D’une
part elle en est la cause efficiente, et d’autre part elle est le modèle
d’après lequel nous devons tous ressusciter. Voici en effet ce que
nous affirme l’Apôtre en parlant de la résurrection des corps:
La mort est venue par un homme, et la résurrection des morts arrivera
aussi par un homme. Tant il est vrai que tout ce que Dieu a fait dans le
mystère de notre rédemption, Il l’a fait en se servant de
l’humanité de son Fils comme d’un moyen efficace. Ainsi sa résurrection
a été comme un instrument pour opérer la nôtre.
Et nous disons encore qu’elle est le modèle de la nôtre, parce
qu’elle est la plus parfaite. De même que le corps de Jésus-Christ,
en ressuscitant, s’est élevé dans sa transformation à
une gloire immortelle, de même aussi nos corps, aujourd’hui faibles
et mortels, seront, après la résurrection, revêtus
de gloire et d’immortalité. Car, dit l’Apôtre,
nous attendons le Sauveur Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui réformera
notre corps humilié, en le rendant semblable à son corps
de gloire.
Ce que nous venons de dire du corps peut
s’appliquer à l’âme morte par le péché. La Résurrection
de Jésus-Christ est le modèle de la sienne. L’Apôtre
nous l’enseigne clairement: De même, dit-il, que Jésus-Christ
est ressuscité d’entre les morts par la gloire de son Père,
ainsi devrons-nous marcher nous-mêmes dans une vie nouvelle. Car
si nous avons été entés en lui par la ressemblance
de sa mort, nous y serons entés aussi par la ressemblance de sa
Résurrection. Et un peu plus loin il dit encore : Nous savons
que Jésus-Christ ressuscité d’entre les morts ne meurt plus,
et que la mort n’aura plus d’empire sur Lui. Car s’Il est mort pour le
péché, Il n’est mort qu’une fois ; et maintenant qu’Il vit,
Il vit pour Dieu. Ainsi considérez-vous vous-mêmes comme morts
au péché, et comme ne vivant plus que pour Dieu en Jésus-Christ.
Nous avons donc deux choses à faire
pour imiter la Résurrection de Jésus-Christ. D’abord, après
nous être lavés des souillures du péché, nous
devons embrasser un nouveau genre de vie, où l’on puisse voir briller
la pureté des mœurs, l’innocence, la sainteté, la modestie,
la justice, la charité et l’humilité. Ensuite, il est nécessaire
de persévérer dans cette vie nouvelle, de manière
à ne jamais nous écarter, avec la grâce de Dieu, de
la voie de la justice.
Or, les paroles de l’Apôtre que
nous venons de citer ne nous apprennent pas seulement que la Résurrection
de Jésus-Christ nous est proposée comme modèle de
la nôtre, mais qu’elle nous donne en réalité la vertu
de ressusciter un jour, et que, en attendant, elle nous communique les
lumières et les forces nécessaires pour persévérer
dans la sainteté, dans la justice et dans l’accomplissement des
préceptes divins. De même en effet que la mort de notre Sauveur
est un modèle de la mort au péché, et que, de plus,
elle nous donne la vertu de réaliser en nous ce genre de mort ;
de même aussi sa Résurrection nous procure les forces suffisantes
pour acquérir la justice, pour servir Dieu dans la piété
et dans la sainteté, et pour marcher définitivement dans
cette vie nouvelle où nous entrons. Voilà en effet ce que
Notre-Seigneur a surtout voulu obtenir par sa Résurrection, c’est
que nous, qui auparavant étions morts avec Lui au péché
et au monde, nous puissions ressusciter avec Lui à une vie toute
nouvelle et parfaitement réglée.
Quelles sont les marques principales de
cette résurrection spirituelle ? L’Apôtre a voulu nous en
prévenir. Si, dit-il, vous êtes ressuscités
avec Jésus-Christ, cherchez ce qui est en haut, où Jésus-Christ
est assis à la droite de son Père. C’est bien nous montrer
clairement que ceux qui ne cherchent et désirent la vie, les honneurs,
le repos. les richesses que là où est Jésus-Christ,
ceux-là sont vraiment ressuscités avec Lui. Et quand il ajoute
: Aimez les choses du ciel et non celles de la terre, n’est-ce pas nous
donner encore une autre marque pour reconnaître si vraiment nous
sommes ressuscités avec Notre-Seigneur ? Comme le goût indique
habituellement les dispositions du corps, et son degré de santé,
de même dès que quelqu’un goûte tout ce
qui est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est juste, tout
ce qui est saint, dès qu’il éprouve au dedans de lui-même
la suavité des choses célestes, c’est la preuve qu’il est
vraiment ressuscité à une vie nouvelle et spirituelle, avec
Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Chapitre septième — Du sixième
article du Symbole
IL EST MONTE AUX CIEUX, IL EST ASSIS A
LA DROITE DE DIEU, LE PERE TOUT PUISSANT
Le Prophète David, rempli de l’Esprit
de Dieu, et contemplant l’Ascension si heureuse et si glorieuse de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, invite tous les hommes à célébrer
ce triomphe avec les transports de la joie la plus vive, de l’allégresse
la plus entière, et il s’écrie: Toutes les nations,
battez des moins pour applaudir, louez Dieu, et poussez des cris de joie:
Dieu est monté (au ciel) au milieu des acclamations. Ces paroles
peuvent faire comprendre au Pasteur avec quel soin il doit expliquer ce
mystère, et avec quel zèle il doit porter les Fidèles,
non seulement à le connaître et à le croire, mais encore
à l’exprimer autant qu’il est possible, avec la grâce de Dieu,
dans leurs actes et dans toute leur conduite.
§ I. — IL EST MONTE AU CIEL.
Pour expliquer comme il convient ce sixième
article, qui traite spécialement du grand mystère de l’Ascension,
il faut d’abord prendre les premiers mots: Il est monté au ciel,
et en faire voir clairement le sens et la portée.
Or voici ce que les Fidèles doivent
croire sans hésiter et très fermement sur la Personne de
Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est que, après avoir achevé
et consommé le mystère de notre Rédemption, Il monta
au ciel, comme homme, en corps et en âme. ? Car, comme Dieu, Il y
avait toujours été, puisque par sa divinité Il occupe
et remplit tous les lieux.
Mais que le Pasteur dise bien que Notre-Seigneur
est monté au ciel par sa propre vertu et non par une force étrangère,
comme Elie qui y fut transporté sur un char de feu,
ou comme le Prophète Habacuc , ou le diacre Philippe
, qui portés en l’air par la puissance divine, parcoururent ainsi
des distances considérables. Et ce n’est pas seulement comme Dieu
que Jésus-Christ fit son ascension par cette vertu toute-puissante
qu’Il tenait de sa divinité même, mais aussi comme homme.
Sans doute un pareil prodige dépasse les forces naturelles, mais
la puissance dont son âme bienheureuse était douée,
pouvait transporter son corps partout où elle voulait. Et son corps,
déjà glorifié, obéissait sans peine aux ordres
de l’âme dans tous les mouvements qu’elle lui imprimait.
Voilà pourquoi nous croyons que
Jésus-Christ est monté au ciel par sa propre vertu, et comme
homme et comme Dieu.
La seconde partie de notre article est
celle-ci:
§ II. — IL EST ASSIS A LA DROITE
DU PERE TOUT-PUISSANT
Remarquons tout d’abord que ces mots renferment
un trope, c’est-à-dire un de ces changements de signification très
usités dans la Sainte Écriture. Pour s’accommoder à
notre manière de nous représenter les choses, cette figure
prête à Dieu des membres d’homme, des affections humaines
, bien qu’il soit impossible de rien concevoir en Lui de corporel, puisqu’Il
est esprit. Mais parce que, parmi les hommes, placer quelqu’un à
sa droite, c’est lui donner la plus grande marque d’honneur, on a transporté
l’idée de cette coutume aux choses spirituelles, et pour mettre
dans tout son jour la gloire que Jésus-Christ s’est acquise, et
qui L’élève comme homme au-dessus de toutes les créatures,
nous disons qu’Il est assis à la droite de son Père.
De même encore cette expression
être assis ne représente pas ici la forme et la position du
corps, elle signifie la possession ferme et constante de la puissance royale
et de la gloire infinie que Jésus-Christ a reçue de son Père.
Car, dit l’Apôtre , son Père, après L’avoir ressuscité
d’entre les morts, L’a fait asseoir à sa droite dans le ciel, au-dessus
de toutes les Principautés, de toutes les Puissances, de toutes
les Vertus, de toutes les Dominations et de tout ce que l’on peut trouver
de plus grand, soit dans le siècle présent, soit dans le
siècle futur, et Il a mis toutes choses sous ses pieds. De telle
paroles font voir manifestement que cette gloire est tellement propre et
particulière à notre Seigneur, qu’elle ne peut convenir il
aucune autre créature. Et c’est ce qui a fait dire ait même
Apôtre dans un autre endroit : Qui est celui des Anges à
qui Dieu a jamais dit: asseyez-vous à ma droite ?
Les Pasteurs auront soin d’expliquer plus
longuement le sens de cet article, en rapportant l’histoire de l’Ascension,
telle que saint Luc l’a décrite avec une exactitude
admirable au livre des Actes des Apôtres ; et, dans leurs explications,
ils devront faire remarquer avant tout que les autres mystères de
Jésus-Christ se rapportent à l’Ascension comme à leur
fin, et qu’ils y trouvent leur perfection et leur complet achèvement.
De même en effet que tous les mystères de notre religion commencent
à l’Incarnation, de même aussi le séjour du Sauveur
parmi nous se termine à son Ascension.
Les autres articles du Symbole qui s’appliquent
à Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous montrent son humilité,
et ses prodigieux abaissements. En effet, on ne saurait rien imaginer de
plus bas et de plus abject pour le Fils de Dieu, que d’avoir pris notre
nature avec toutes ses faiblesses, et d’avoir bien voulu souffrir et mourir
pour nous. Mais aussi en proclamant dans l’article précédent
qu’Il est ressuscité d’entre les morts, et, dans celui-ci, qu’Il
est monté au ciel et qu’Il est assis à la droite de Dieu
son Père, nous ne pouvons rien dire de plus magnifique ni de plus
admirable pour célébrer sa Gloire et sa divine Majesté.
Ces développements une fois donnés,
il reste à expliquer soigneusement pourquoi Jésus-Christ
est monté aux cieux.
§ III. — CAUSES ET RAISONS DE L’ASCENSION
DE NOTRE-SEIGNEUR.
Notre-Seigneur est monté au ciel,
en premier lieu, parce que son Corps devenu glorieux et immortel par sa
Résurrection, ne pouvait plus se contenter du séjour de cette
terre basse et obscure, il Lui fallait désormais les hauteurs et
les splendeurs du ciel. Et cela, non seulement pour entrer en possession
de ce Royaume et de ce trône de gloire qu’Il avait conquis par son
Sang, niais encore pour y prendre soin de ce qui regarde notre Salut.
En second lieu, Jésus-Christ est
monté au ciel pour prouver que son Royaume n’était réellement
pas de ce monde . Les royaumes de ce monde sont terrestres et passagers
; ils ne se soutiennent que par l’argent et par l’épée. Le
Royaume de Jésus-Christ n’est pas terrestre, comme les Juifs l’attendaient
; il est spirituel et éternel. Et notre Sauveur nous a bien montré
que ses trésors et ses richesses sont purement spirituels, puisqu’Il
a voulu placer son trône dans le ciel, dans ce royaume où
les plus riches, et ceux qui possèdent une plus grande abondance
de biens sont ceux qui cherchent avec le plus de zèle les choses
de Dieu. L’Apôtre Saint Jacques ne nous assure-t-il pas que
Dieu a choisi les pauvres de ce monde, pour leur donner les richesses de
la Foi et l’héritage du Royaume qu’Il a promis à ceux qui
L’aiment ?
Il est une troisième raison pour
laquelle Jésus-Christ est monté au ciel, c’est qu’Il voulait
exciter dans nos cœurs la pensée et le désir de L’y suivre.
De même qu’Il nous avait laissé dans sa Mort et dans sa Résurrection
le modèle d’une mort et d’une résurrection spirituelles,
ainsi par son Ascension, Il veut nous apprendre et nous persuader que tout
en restant ici-bas, nous devons par la pensée nous transporter jusque
dans le ciel, et reconnaître, comme dit Saint Paul, que nous ne sommes
sur la terre que des hôtes et des étrangers, à
la recherche de notre patrie , et comme les membres de la cité
des Saints et de la maison de Dieu. En effet, dit encore le même
Apôtre , nous vivons déjà dans le ciel.
Quant aux biens ineffables que la Bonté
de Dieu a répandus sur nous par ce mystère, le divin Prophète
David, d’après Saint Paul lui ?même, les avait célébrés
longtemps auparavant quand il chantait: en montant au ciel,
Il a emmené captifs une multitude d’esclaves, et Il a versé
ses dons sur les hommes.
En effet, dix jours après son Ascension,
Il envoya le Saint-Esprit qui, par sa vertu et sa fécondité,
produisit cette multitude de fidèles que nous voyons. Ainsi Il accomplit
véritablement les magnifiques promesses qu’Il avait faites en disant
à ses Apôtres: Il vous est avantageux que Je m’en
aille, car si Je ne m’en vais point, le Consolateur ne viendra point vers
vous, mais si Je m’en vais, Je vous L’enverrai.
Il est encore monté au ciel, selon
la pensée de l’Apôtre, afin de se présenter
maintenant pour nous devant la Face de Dieu, et de remplir auprès
de son Père l’office d’Avocat, Mes petits enfants, dit Saint Jean
, je vous écris ceci, afin que vous ne péchiez point ; mais
si quelqu’un pèche, nous avons pour Avocat auprès du Père,
Jésus-Christ, qui est juste, et qui est Lui-même la Victime
de propitiation pour nos péchés. Or, rien n’est plus propre
a inspirer une joie solide et véritable aux Fidèles, que
de voir Jésus-Christ devenu le défenseur de leur cause et
leur intercesseur dans l’affaire du Salut, Lui qui jouit auprès
de son Père d’un pouvoir et d’une faveur sans bornes.
En dernier lieu, Jésus-Christ nous
a préparé dans le ciel la place qu’Il nous y
avait promise et c’est au nom de tous et comme notre Chef qu’Il a pris
possession de la gloire céleste.
En entrant dans le ciel, Il nous en a
ouvert les portes, que le péché d’Adam avait fermées,
et Il nous a préparé un chemin sûr pour nous conduire
au bonheur éternel, ainsi qu’Il l’avait prédit à ses
Apôtres pendant la Cène. Et ce fut pour montrer encore mieux
la sincérité de ses promesses par leur accomplissement, qu’après
avoir arraché à l’enfer les âmes des Saints, Il les
emmena avec Lui dans le séjour de la béatitude éternelle.
A tous ces dons célestes, si précieux
et si nombreux, qui sont pour nous le fruit de l’Ascension du Sauveur,
viennent encore se joindre plusieurs autres avantages.
D’abord, l’Ascension met le comble au
mérite de notre Foi, car la Foi s’applique aux choses qui ne se
voient point, et qui dépassent la raison et l’intelligence de l’homme.
C’est pourquoi notre Foi aurait perdu beaucoup de son mérite, si
Notre-Seigneur ne nous avait pas quittés, puisque Lui-même
proclame bienheureux ceux qui croient, quoiqu’ils n’aient point
vu !
Ensuite l’Ascension est très propre
à confirmer en nous la vertu d’Espérance. C’est qu’en effet,
si nous croyons que Jésus-Christ, comme homme, est monté
au ciel, et qu’Il a fait asseoir la nature humaine à la droite de
Dieu le Père, nous avons un puissant motif d’espérer que
nous, qui sommes ses membres, nous y monterons aussi, et que nous nous
réunirons à notre Chef. Lui-même d’ailleurs nous en
a donné l’assurance par ces paroles: Mon Père,
Je veux que là où Je suis, ceux que Vous M’avez donnés
soient avec moi.
Un des plus grands avantages que nous
procure encore l’Ascension, c’est d’avoir entraîné vers le
ciel l’amour de notre cœur et de l’avoir enflammé du feu du Saint-Esprit.
On a dit très justement que là où est
notre trésor, là aussi est notre cœur. Si donc Notre-Seigneur
Jésus-Christ eÛt continué à demeurer avec nous
sur la terre, nous aurions borné toutes nos pensées à
Le voir dans son humanité, et à vivre dans sa compagnie ;
nous n’aurions regardé en Lui que l’homme, qui aurait été
si bon pour nous, et notre affection pour Lui eût été
toute naturelle. Mais en montant au ciel, Il a spiritualisé notre
amour, et par le fait comme nous ne pouvons plus être avec Lui que
par la pensée à cause de son absence, nous l’honorons et
nous l’aimons comme Dieu. C’est ce que nous apprend, d’une part l’exemple
des Apôtres: tant que le Sauveur fut avec eux, ils n’avaient pour
Lui que des sentiments tout humains. C’est ce que nous confirme, d’autre
part, le témoignage de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même:
Il vous est avantageux que Je m’en aille, dit-il à ses Apôtres.
Car cet amour imparfait qu’ils avaient pour Lui, pendant qu’Il était
avec eux, devait être perfectionné par un amour divin, c’est-à-dire
par la venue du Saint-Esprit en eux. Aussi ajoute-t-il aussitôt:
si Je ne m’en vais point, le Consolateur ne viendra point vers vous.
Il convient d’ajouter à ce que
nous venons de dire que l’Ascension a marqué sur la terre le véritable
développement de la maison de Jésus-Christ, c’est-à-dire
de son Eglise, qui allait être dirigée et conduite par le
Saint-Esprit. Pour Le représenter auprès des hommes, il mit
à la tête de cette Eglise, comme premier Pasteur et comme
souverain Prêtre, Pierre le prince des Apôtres, et de plus
Il établit des Apôtres, des Prophètes,
des Évangélistes, des Pasteurs et des Docteurs: et de la
droite de son Père où il est assis, Il ne cesse de distribuer
à chacun les dons qui lui conviennent. C’est l’enseignement formel
de l’Apôtre. La grâce, dit-il, est donnée
à chacun de nous selon la mesure du don de Jésus-Christ.
Enfin ce que nous avons dit précédemment
de la Mort et de la Résurrection de Notre-Seigneur, est également
vrai de son Ascension: Il faut le faire remarquer aux Fidèles. C’est
qu’en effet, quoique nous soyons redevables de notre Salut et de notre
Rédemption à la Passion du Sauveur, quoique ses mérites
aient ouvert aux justes la porte du ciel, cependant son Ascension n’est
point seulement un modèle placé devant nos yeux pour nous
apprendre à élever nos âmes, et à monter en
esprit dans le ciel, elle nous donne aussi une force et une vertu divine
qui nous rend capables d’atteindre réellement le but.
Chapitre huitième — Du septième
article du Symbole
D’OU IL VIENDRA JUGER LES VIVANTS ET LES
MORTS.
Notre-Seigneur Jésus-Christ remplit
à notre égard trois offices, trois ministères d’une
importance capitale, et bien propres à relever l’honneur et la gloire
de l’Église, ce sont ceux de Rédempteur, d’Avocat et de Juge.
Dans les articles qui précèdent nous avons fait voir que
par sa Passion et sa Mort Il a racheté tous les hommes, que par
son Ascension Il est devenu à jamais leur Avocat et leur Défenseur.
Il nous reste à montrer maintenant qu’Il est aussi leur Juge.
§ I. — CERTITUDE DU JUGEMENT.
Voici le sens et la portée de cet
Article: Au dernier jour, Notre-Seigneur Jésus-Christ jugera le
genre humain tout entier. Les Saintes Écritures, en effet, mentionnent
deux avènements du Fils de Dieu: le premier, lorsque pour nous sauver
Il a pris notre nature, et s’est fait homme dans le sein d’une vierge ;
le second, quand, à la consommation des siècles, Il viendra
pour juger tous les hommes. Ce dernier avènement est appelé,
dans l’Ecriture, le jour du Seigneur. Le jour du Seigneur, dit l’Apôtre,
viendra comme un voleur dans la nuit, — personne ne connaît ce jour
ni cette heure, dit le Sauveur Lui-même . Pour prouver la réalité
de ce jugement, Il nous suffira de citer cette parole de l’Apôtre:
nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ,
afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises
actions qu’il aura faites, pendant qu’il était revêtu de son
corps. L’Ecriture est remplie d’une foule de témoignages que les
Pasteurs trouveront partout, et qui non seulement prouvent cette Vérité,
mais peuvent la rendre sensible aux Fidèles. Et si, d’après
ces témoignages, dès le commencement du monde, tous les hommes
ont désiré très ardemment ce jour du Seigneur où
Il revêtit notre chair, parce qu’ils mettaient dans ce mystère
l’espoir de leur délivrance, aujourd’hui que le Fils de Dieu est
mort et qu’Il est monté au ciel, nos soupirs et nos désirs
les plus ardents doivent être pour cet autre jour du Seigneur,
où nous attendons la réalisation de la bienheureuse espérance
et l’Avènement glorieux du grand Dieu.
§ II. — DEUX JUGEMENTS, L’UN PARTICULIER
ET L’AUTRE GENERAL.
Pour bien mettre en lumière cette
vérité, les Pasteurs auront soin de distinguer deux temps
différents où chacun de nous doit nécessairement comparaître
devant Dieu, pour rendre compte de toutes ses pensées, de toutes
ses actions, de toutes ses paroles, et pour entendre, séance tenante,
la sentence de son Juge.
Le premier arrive au moment où
nous venons de quitter la vie. A cet instant-là même, chacun
paraît devant le tribunal de Dieu, et là il subit un examen
rigoureux sur tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il a dit, tout ce qu’il
a pensé pendant sa vie. C’est ce qu’on appelle le Jugement particulier.
L’autre arrivera lorsque tous les hommes
réunis ensemble, le même jour et dans le même lieu,
comparaîtront devant le tribunal de leur Juge. Là, sous les
yeux de tous les hommes de tous les siècles, tous et chacun entendront
le Jugement que Dieu aura porté sur eux. Et cette sentence ne sera
pas la moindre peine et le moindre châtiment des impies et des scélérats.
Au contraire, les Saints et les Justes y trouveront une partie de leur
récompense, puisque leur conduite y sera manifestée, telle
qu’elle aura été pendant la vie.
Ce jugement s’appelle le Jugement général.
Mais ici il faut nécessairement montrer pourquoi, après un
Jugement particulier pour chacun, les hommes doivent subir encore un Jugement
général pour tous.
§ III. — RAISONS DU JUGEMENT GENERAL.
Les hommes, en mourant, laissent habituellement
des disciples, ou des amis qui imitent leurs exemples, s’attachent à
leurs maximes, défendent leur conduite et leurs actions. De là
une augmentation nécessaire dans leurs peines et leurs récompenses
d’outre-tombe. Mais cette influence bonne ou mauvaise que le plus grand
nombre d’entre eux continue d’exercer après la mort, ne peut finir
qu’au dernier jour du monde. La Justice demande donc qu’une enquête
rigoureuse soit faite sur toutes ces paroles, toutes ces actions dignes
de louange ou de blâme. Ce qui est impossible sans un jugement général
de tous les hommes.
Une autre raison, c’est que souvent la
réputation des bons est attaquée, pendant que les méchants
reçoivent les louanges dues à l’innocence. La Justice divine
veut que les bons recouvrent, dans une assemblée générale
de tous les hommes, et par un jugement solennel, l’estime qu’ils méritent,
et qui leur a été injustement ravie ici-bas.
D’autre part, chez les bons comme chez
les méchants, les corps ne sont jamais étrangers aux actes
de cette vie. Le bien et le mal appartiennent donc à nos corps d’une
certaine manière, puisque nos corps ont été l’instrument
de l’un et de l’autre. Voilà pourquoi il était de toute convenance
de décerner pour les corps, aussi bien que pour les âmes,
les récompenses ou les châtiments éternels que tous
les deux méritent. Or ce double but ne peut être atteint qu’avec
la Résurrection et le Jugement général de tous les
hommes.
Enfin, comme sur cette terre, l’adversité
et la prospérité, sont presque indifféremment le partage
des bons et des méchants, il fallait prouver que la Sagesse et la
Justice infinie de Dieu conduisent et gouvernent toutes choses.
Or ce n’était pas assez qu’il y
eût dans l’autre monde des récompenses pour les bons et des
châtiments pour les méchants, ces récompenses et ces
châtiments devaient être décernés dans un Jugement
publie et général. C’était le moyen de les faire connaître
à tous d’une manière très éclatante, et d’obliger
tous les hommes à rendre à la Justice et à la Providence
de Dieu les louanges qu’elle mérite. n’avait-on pas vu plus d’une
fois les justes eux-mêmes, pendant leur séjour sur cette terre,
se plaindre injustement de cette Providence, lorsque les méchants
auprès d’eux vivaient au sein de l’opulence et des honneurs ? Mes
pieds ont chancelé, disait le Prophète David lui-même
, mes pas se sont presque détournés de la voie, parce que
j’ai vu avec jalousie et avec regret la paix des pécheurs. Voilà,
dit-il un peu plus loin, voilà que les pécheurs et les heureux
du siècle ont acquis les richesses, et j’ai dit: C’est donc en vain
que j’ai gardé mon cœur pur et que j’ai conservé mes mains
innocentes, puisque je suis frappé de plaies tout le jour, et que
je suis châtié dès le matin. Et cette plainte. plusieurs
autres l’ont fait entendre comme lui. Il fallait donc de toute nécessité
un Jugement général, pour que les hommes ne disent pas: Dieu
se promène dans le ciel, sans se soucier des choses de la terre
. C’est donc avec raison que l’on a placé cette Vérité
au nombre des douze Articles de notre Foi, pour affermir la croyance de
ceux qui auraient pu douter de la Justice et de la Providence de Dieu.
D’ailleurs, il était souverainement
utile de proposer ce Jugement de Dieu aux bons et aux méchants,
pour consoler les uns et effrayer les autres, pour empêcher les premiers
de se décourager en leur faisant connaître la Justice de Dieu,
et pour détourner les seconds du mal par la crainte des éternels
supplices.
Aussi Jésus-Christ, notre Dieu
et Sauveur, en parlant du dernier jour, a-t-il déclaré Lui-même
qu’il y aurait un Jugement général. Il en a marqué
les signes avant-coureurs , afin qu’en les voyant arriver, il nous
fût possible de connaître que la fin du monde est proche. Puis
au moment même oÙ Il montait au ciel, il envoya des Anges
consoler par ces paroles ses Apôtres attristés:
Ce Jésus qui vient de vous quitter, et de s’élever dans le
ciel, reviendra un jour de la même manière que vous L’avez
vu y monter.
§ IV. — POURQUOI LE JUGEMENT DONNE
A JESUS-CHRIST.
Nos Saints Livres affirment que ce Jugement
a été réservé à Notre-Seigneur Jésus-Christ,
non seulement comme Dieu, mais comme homme. Il est vrai que le pouvoir
de juger est commun aux trois Personnes de la Sainte Trinité, cependant
nous l’attribuons spécialement au Fils, comme nous Lui attribuons
la Sagesse. Que le Fils doive donc juger le monde comme homme, c’est ce
qu’Il nous assure Lui-même: Comme le Père, dit-Il,
a la vie en Lui-même, ainsi il a donné au Fils d’avoir aussi
la vie en Lui-même ; et il lui a donné la puissance de faire
le Jugement, parce qu’il est le Fils de l’homme.
Il était d’ailleurs de toute convenance
que ce Jugement fût exercé par Jésus-Christ. Puisqu’il
s’agissait de juger des hommes, ces hommes ne devaient-ils pas voir leur
Juge des yeux de leur corps, entendre de leurs oreilles la sentence prononcée,
et connaître enfin leur Jugement par leurs propres sens ? n’était-ce
pas aussi une justice à rendre à Jésus-Christ ? Sur
la terre, Il avait été jugé et condamné de
la manière la plus inique par des juges pervers, ne devait-Il pas
après cela se montrer à son tour à tous les yeux,
assis sur son tribunal pour juger tous les hommes ? C’est pourquoi le prince
des Apôtres, après avoir exposé dans la maison de Corneille
les principales vérités de la Religion chrétienne,
après avoir enseigné que Jésus-Christ avait été
attaché à la Croix et mis à mort par les Juifs et
que le troisième jour Il était ressuscité, a soin
d’ajouter: Et Il nous a ordonné de prêcher au
peuple, rendre témoignage que c’est Lui qui a été
établi de Dieu le Juge des vivants et des morts.
§ V. — SIGNES PRECURSEURS DU JUGEMENT.
Trois principaux signes, nous dit la sainte
Écriture, doivent précéder le Jugement général:
la prédication de l’Évangile par toute la terre, l’apostasie,
et l’Antéchrist. En effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous
déclare que l’Evangile du Royaume sera prêché
dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes
les nations, et alors viendra la consommation. A son tour, l’Apôtre
nous prévient de ne pas nous laisser séduire,
en croyant que le jour du Seigneur est proche. Car tant que l’apostasie
ne sera point arrivée, et que l’homme dit péché n’aura
point paru, le Jugement n’aura pas lieu.
Pour ce qui regarde la forme et la nature
du Jugement, les Pasteurs s’en feront facilement une juste idée,
en l’étudiant dans les prophéties de Daniel, les saints Evangiles,
et l’Apôtre Saint Paul.
§ VI. — LA SENTENCE DES BONS ET CELLE
DES MECHANTS.
Il faut ici examiner et peser avec le
plus grand soin les termes mêmes de la sentence du Souverain Juge.
Jésus-Christ, notre Sauveur, jetant un regard de complaisance sur
les bons placés à sa droite, leur dira avec une bonté
infinie: Venez, les bénis de mon Père ; possédez
le Royaume qui vous a été préparé dès
le commencement du monde. Il est facile de comprendre que l’on ne peut
rien entendre de plus agréable que ces paroles, surtout si on les
compare à la condamnation des méchants, et si l’on réfléchit
en soi-même que cette sentence appelle les Saints et les Justes,
des fatigues au repos, d’une vallée de larmes à des joies
ineffables, de toutes les misères de la vie à la béatitude
éternelle qu’ils auront méritée par l’exercice de
la Charité.
Se tournant ensuite vers ceux qui seront
à sa gauche, Il laissera éclater contre eux sa Justice en
ces termes: Retirez-vous de Moi, maudits, dans le feu éternel
qui a été préparé au démon et à
ses anges. — Ces premiers mots: retirez-vous de Moi, expriment la plus
grande peine qui frappera les réprouvés, celle d’être
chassés et privés entièrement de la vue de Dieu, sans
être consolés par l’espérance de rentrer jamais en
possession d’un Bien si parfait. C’est cette peine que les théologiens
appellent la peine du dam, parce que les damnés dans l’enfer seront
privés pour toujours des splendeurs de la vue de Dieu ? Le mot qui
vient ensuite: maudits, augmente encore cruellement leur effroyable malheur.
En effet, si, au moment de les chasser de sa Présence, Dieu avait
daigné laisser tomber sur eux la moindre bénédiction,
ils en auraient éprouvé un grand soulagement. Mais, hélas
! ils n’ont rien de pareil à attendre pour adoucir leur souffrance,
et la Justice divine, en les bannissant, n’aura que trop raison de les
accabler de toutes ses malédictions.
Dans le feu éternel. Ces mots désignent
un autre genre de peine, que les théologiens appellent la peine
du sens, parce que les sens du corps en sont les organes, comme dans le
supplice des verges, des fouets, ou d’autres plus graves. Mais si, de tous
les tourments, le plus sensible et le plus douloureux est celui du feu,
et si, d’autre part, on ajoute à cela que ces tourments n’auront
jamais de fin, on demeurera convaincu que la punition des damnés
est le comble de tous les châtiments. Et ce qui fait mieux sentir
encore l’excès de leur malheur, ce sont ces mots qui terminent la
sentence du Souverain Juge: qui a été préparé
au démon et à ses anges. notre nature est ainsi faite que
nous supportons plus facilement tous les maux qui nous atteignent, lorsque
nous tombons sur des compagnons d’infortune dont la prudence et la bonté
peuvent les adoucir en quelque manière. Mais quel ne sera pas le
terrible malheur des réprouvés lorsque, au milieu de leurs
tortures, ils se verront dans l’impossibilité de s’arracher à
la compagnie des démons, ces êtres si pervers ? Cependant
la sentence de condamnation portée contre eux par le Sauveur sera
parfaitement juste, puisque, dans leur impiété, ils auront
négligé tous les devoirs que la vraie piété
leur imposait, refusé de donner à manger à celui qui
avait faim, à boire à celui qui avait soif, repoussé
les étrangers sans leur donner l’hospitalité, n’auront point
vêtu celui qui était nu, ni visité les prisonniers
et les malades.
Voilà des vérités
que les Pasteurs doivent redire aux Fidèles le plus souvent possible,
afin de les en pénétrer. Rien de plus puissant, si on les
croit fermement, pour réprimer les mauvaises passions du cœur, et
pour éloigner les hommes du péché. Aussi l’Ecclésiastique
nous dit-il: Dans toutes vos œuvres, souvenez-vous de vos fins
dernières, et vous ne pécherez jamais. C’est qu’en effet,
il faudrait être poussé au mal avec une violence extraordinaire,
pour n’être pas ramené à l’amour de la Vertu par cette
pensée qu’un jour il faudra paraître devant le Juge, qui est
la Justice même, et Lui rendre compte non seulement de toutes ses
actions, de toutes ses paroles, mais même de ses pensées les
plus secrètes, et subir le châtiment qu’elles auront mérité.
Le juste au contraire ne peut que se sentir de plus en plus porté
à la pratique de la Sainteté. Sa joie sera grande, même
au sein de la pauvreté, de l’ignominie et des tourments, s’il élève
ses pensées vers ce jour glorieux où, après les combats
de cette vie pleine de misères, il sera proclamé vainqueur
devant tout l’univers, introduit dans la Patrie céleste et comblé
d’honneurs divins et éternels. Ici les Pasteurs n’ont donc plus
qu’à exhorter les Fidèles, et ils n’y manqueront pas, à
ordonner leur vie le mieux possible, à s’exercer à toutes
les œuvres de la piété, afin qu’ils puissent attendre avec
une parfaite confiance ce grand jour du Seigneur, et même le désirer
avec la plus vive ardeur, comme il convient à des enfants (qui veulent
aller vers leur Père).
Chapitre neuvième — Du huitième
article du Symbole
JE CROIS AU SAINT-ESPRIT.
§ I. — NECESSITE DE LA FOI AU SAINT-ESPRIT.
Jusqu’ici nous avons parlé de la
première et de la seconde Personne de la Sainte Trinité,
et nous avons donné sur ce double sujet les explications convenables.
Il s’agit maintenant d’exposer ce que le Symbole nous enseigne sur la troisième
Personne qui est le Saint-Esprit. C’est un point qui réclame tout
le zèle et toute l’application des Pasteurs.
Car il n’est pas plus loisible aux Chrétiens
d’ignorer ou de mal connaître cet Article, que les Articles précédents.
Aussi l’Apôtre ne voulut-il point laisser un certain
nombre d’Ephésiens dans l’ignorance où ils étaient
par rapport au Saint-Esprit. Leur ayant demandé s’ils L’avaient
reçu, ils lui répondirent qu’ils ne savaient même pas
s’il y avait un Saint-Esprit. Aussitôt il leur fit cette question:
Quel Baptême avez-vous donc reçu ? Ces paroles nous montrent
que les Fidèles sont rigoureusement obligés d’avoir une connaissance
spéciale de cet Article. Et le premier fruit qu’ils en retireront
c’est que s’ils considèrent sérieusement que tout ce qu’ils
possèdent, ils le doivent à la libéralité et
à la bonté de l’Esprit-Saint ils deviendront plus humbles
et plus modestes dans leurs pensées et leurs sentiments sur eux-mêmes,
et ils placeront toute leur espérance dans le secours de Dieu. Or,
n’est-ce pas là, pour le Chrétien, le premier pas vers la
Sagesse, et par suite vers le Bonheur éternel ?
§ II. — CE QUE C’EST QUE LE SAINT-ESPRIT.
Pour commencer, il faut bien expliquer
d’abord quelle idée et quel sens on attache ici au mot Saint-Esprit.
C’est qu’en effet il peut s’appliquer aussi bien au Père et au Fils.
(Tous deux sont esprits, et tous deux sont Saints, et nous faisons profession
de croire que Dieu est esprit.) D’autre part, on donne également
ce nom aux Anges et aux âmes des justes. Il faut donc prendre garde
qu’il n’y ait ni équivoque, ni erreur dans l’esprit des Fidèles.
Par conséquent il est nécessaire de leur apprendre que par
le Saint-Esprit on entend ici la troisième Personne de la Sainte
Trinité. C’est ainsi qu’on L’appelle quelquefois dans l’Ancien testament,
et très souvent dans le nouveau. David dit à Dieu dans sa
prière: n’éloignez pas de moi votre Saint-Esprit.
Le Sage s’écrie: qui connaîtra vos desseins Seigneur,
sinon celui à qui Vous donnerez la Sagesse, et à qui Vous
enverrez d’en haut votre Esprit-Saint ? — Dans un autre endroit, il dit:
Dieu a créé la Sagesse dans le Saint-Esprit. — Dans le nouveau
testament Jésus-Christ ordonne de baptiser les nations
au nom du Père
et du Fils et du Saint-Esprit. Nous y lisons que
la très Sainte Vierge a conçu par le Saint-Esprit.
Enfin Saint Jean nous renvoie à Jésus-Christ pour qu’Il nous
baptise dans le Saint-Esprit ; sans parler d’un grand nombre
d’autres textes de nos Saints Livres où nous rencontrons la même
expression.
Et personne ne doit trouver étrange
qu’on n’ait pas donné de nom particulier à la troisième
Personne de la Sainte Trinité, aussi bien qu’à la première
et à la seconde. Si la seconde Personne a un nom qui Lui est propre,
si elle s’appelle le Fils, c’est que sa naissance éternelle du Père
s’appelle proprement génération, comme nous l’avons dit dans
les précédents articles. Et du moment que cette naissance
peut porter le nom de génération, nous avons le droit d’appeler
Fils la Personne qui émane, et Père, celle de qui elle émane.
Mais comme l’émanation de la troisième Personne n’a pas de
nom qui Lui soit propre, et qu’on L’appelle simplement aspiration et procession
(qui sont des noms communs), par cela même, la Personne ainsi produite
manque nécessairement de dénomination particulière.
Et la raison en est que tous les noms que nous donnons à Dieu, nous
sommes forcés de les emprunter aux choses créées.
Et comme d’autre part nous ne connaissons pas, dans les créatures,
d’autre communication de nature et d’essence que celle qui se fait par
voie de génération. il nous est impossible d’exprimer par
un nom propre cette communication que Dieu fait de Lui-même et de
son Etre tout entier par voie d’amour. C’est pourquoi la troisième
Personne de la Sainte Trinité porte la dénomination commune
d’Esprit-Saint ; dénomination d’ailleurs qui Lui convient parfaitement,
parce que, d’une part, c’est elle, la troisième Personne, qui répand
dans nos âmes la vie spirituelle (la vie de l’Esprit) et parce que,
d’autre part, sans le souffle et l’inspiration de cet esprit très
Saint, nous ne pouvons rien faire qui mérite la Vie Eternelle.
Le sens du mot Saint-Esprit étant
bien expliqué, il faut ensuite enseigner au peuple que le Saint-Esprit
est Dieu, comme le Père et le Fils, qu’Il leur est égal en
toutes choses, Tout-Puissant comme eux, éternel comme eux, et comme
eux d’une perfection, d’une grandeur, d’une bonté, d’une sagesse
infinie, en un mot qu’Il a la même nature. Cette égalité
est suffisamment indiquée par ce petit mot: en, que nous employons,
quand nous disons: Je crois en l’Esprit-Saint. Ce mot nous le plaçons
en effet devant le nom de chaque Personne de la Sainte Trinité:
(Je crois en Dieu, et en Jésus-Christ) c’est une manière
d’exprimer la plénitude et la force de notre Foi.
Du reste cette Vérité a
pour elle les témoignages les moins douteux de la Sainte Écriture.
Par exemple, lorsque Saint Pierre dans les Actes des Apôtres, dit:
Ananie, pourquoi Satan a-t-il tenté votre cœur, au point de vous
faire mentir au Saint-Esprit ? il ajoute aussitôt: ce n’est point
aux hommes que vous avez menti, mais à Dieu ; donnant ainsi le nom
de Dieu à Celui qu’il venait d’appeler le Saint-Esprit. De même
l’Apôtre écrivant aux Corinthiens applique au Saint-Esprit
le nom de Dieu qu’il venait de prononcer. Il y a, leur dit-il,
diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui
opère tout en tous. Et il ajoute: oui, c’est un seul et même
esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun
ses dons comme il Lui plaît. De plus, le même Apôtre
attribue au Saint-Esprit, dans le Livre des Actes, ce que les Prophètes
rapportent à Dieu seul. Isaïe avait dit: J’ai entendu
cette voix du Seigneur: qui enverrai-je ? Puis, Il me dit: Va, dis à
ce peuple: votre cœur s’appesantit, et vos oreilles deviennent sourdes,
et vous bouchez vos yeux pour ne pas voir, et vous fermez vos oreilles
pour ne pas entendre. Or, l’Apôtre, citant ces paroles, (et s’adressant
aux Juifs) s’exprime ainsi ce que le Saint-Esprit a dit par
la bouche du Prophète Isaïe est bien vrai.
D’un autre côté, lorsque
nous voyons la Sainte Écriture joindre la Personne du Saint-Esprit
à la Personne du Père et du Fils, comme dans l’endroit où
elle ordonne de conférer le Baptême au nom du Père,
et du Fils, et du Saint-Esprit, aucun doute n’est plus possible sur la
vérité de ce mystère ; car si le Père est Dieu,
et si le Fils est Dieu, nous sommes obligés de reconnaître
que le Saint-Esprit l’est aussi, puisque l’Ecriture Le met sur le même
rang que le Père et le Fils.
De plus, le fait d’être baptisé
au nom d’une créature quelconque ne peut procurer aucun avantage.
Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés,
dit l’Apôtre ? et en parlant ainsi, il voulait faire
entendre évidemment qu’un baptême de ce genre serait inutile
pour le Salut. Si donc nous sommes baptisés au nom du Saint-Esprit,
nous devons confesser qu’Il est Dieu.
Ce même ordre des trois Personnes
divines, qui nous fournit la preuve de la divinité du Saint-Esprit,
se remarque également dans cette Épître de Saint Jean,
où nous lisons Il y en a trois qui rendent témoignage
dans le ciel le Père, le Verbe et l’Esprit-Saint, et ces trois ne
sont qu’une seule et même chose. Cet ordre se retrouve aussi dans
cet éloge magnifique de la Sainte Trinité qui termine les
Psaumes et les Cantiques sacrés: Gloire au Père, et au Fils,
et au Saint-Esprit !
Enfin ce qui confirme puissamment cette
Vérité, c’est que l’Ecriture Sainte attribue d’une manière
formelle au Saint-Esprit tout ce qui, selon les données de la Foi,
n’est propre qu’à Dieu seul. Ainsi elle lui reconnaît des
temples: Ne savez-vous pas, dit l’Apôtre, que vos membres
sont les temples du Saint-Esprit ? elle lui attribue le pouvoir de sanctifier
, de vivifier et de scruter les profondeurs de Dieu ,
de parler par les Prophètes , d’être partout
; autant de perfections qui ne conviennent qu’à Dieu.
Ce n’est pas tout. Il faut de plus expliquer
aux Fidèles, et avec beaucoup de soin, non seulement que le Saint-Esprit
est Dieu, mais encore qu’il est la troisième Personne dans l’Essence
divine, parfaitement distincte du Père et du Fils, et produite par
la Volonté de l’un et de l’autre. C’est l’enseignement même
de la Foi. Car sans parler des autres témoignages de l’Ecriture,
la forme du Baptême que notre Sauveur nous a apprise,
montre très clairement que le Saint-Esprit est une troisième
Personne qui subsiste par elle-même dans la nature divine, et qui
est distincte des deux autres. Ainsi le déclare l’Apôtre,
quand il dit: que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
et la Charité de Dieu, et la communication du Saint-Esprit soient
avec tous. Amen ! Mais ce qui plus que tout le reste met cette vérité
en pleine lumière, c’est la déclaration formelle du premier
Concile œcuménique de Constantinople. Pour réfuter
l’hérésie absurde et impie de Macédonius, les Pères
de ce concile ajoutèrent au symbole de Nicée ces mots si
importants: je crois au Saint-Esprit Notre-Seigneur, qui donne la vie,
qui procède du Père et du Fils, qui est adoré et glorifié
avec le et le Fils, qui a parlé par les Prophètes. En confessant
que le Saint-Esprit est notre Seigneur, ils montrent par le fait combien
Il est au dessus des Anges, qui sont cependant les plus nobles esprits
que Dieu ait créés, tous, au témoignage de S Paul,
des esprits administrateurs, envoyés pour exercer leur ministère
en faveur de ceux qui doivent être les héritiers du salut.
Ils disent encore qu’Il donne la vie, parce que de son union avec Dieu
l’âme tire une vie plus réelle, que celle dont jouit le corps
par son union avec l’âme. Et comme l’Ecriture Sainte attribue au
Saint-Esprit cette union de l’âme avec Dieu, il est clair qu’on a
parfaitement raison de lui donner le nom d’Esprit vivifiant.
Pour expliquer les paroles qui suivent:
Qui procède du Père et du Fils, il faut bien faire entendre
aux Fidèles que le Saint-Esprit procède de toute éternité
du Père et du Fils comme d’un principe unique. Cette vérité
est proposée à notre Foi par les définitions mêmes
de l’Église, dont un Chrétien n’a jamais le droit de s’écarter,
et elle est confirmée par l’autorité de nos Saints Livres
et des Conciles. En effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ parlant du
Saint-Esprit, dit: Il Me glorifiera parce qu’Il recevra de
ce qui est à Moi. Et lorsque nous voyons dans la Sainte Écriture
qu’il est appelé tantôt l’Esprit du Christ, tantôt l’Esprit
du Père ; qu’Il est envoyé, tantôt par le Père,
tantôt par le Fils, c’est bien la preuve manifeste qu’il
procède également de l’un et de l’autre. Celui qui n’a pas
l’Esprit de Jésus-Christ, dit Saint Paul, n’est point à Lui.
et dans l’Épître aux Galates, il appelle encore le Saint-Esprit,
l’Esprit de Jésus-Christ: Dieu, dit-il, a envoyé
dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie, mon Père, mon Père.
De son côté, Notre-Seigneur, dans Saint Matthieu, l’appelle
l’Esprit du Père: Ce n’est pas Vous qui parlez, mais
l’Esprit de votre Père. Et dans la Cène, Il s’exprime ainsi:
le Consolateur que Je vous enverrai, C’est l’Esprit de vérité
qui procède du Père, et qui rendra témoignage de Moi.
Ailleurs, Il nous annonce en ces termes que le même esprit-Saint
sera envoyé par le Père: le Père L’enverra
en mon nom. toutes ces expressions s’entendent évidemment de la
procession du Saint-Esprit, il est donc bien clair et bien certain qu’Il
procède du Père et du Fils.
Voilà ce qu’il faudra dire de la
Personne du Saint-Esprit.
§ III. — DES CHOSES QUI SONT SPECIALEMENT
ATTRIBUEES AU SAINT-ESPRIT.
Mais de plus les Pasteurs devront expliquer
avec soin certains effets admirables, certains dons excellents que la Foi
lui attribue, et qui sortent et découlent de Lui comme de la source
éternelle de la Bonté. Il est vrai que toutes les opérations
extérieures de la Sainte-Trinité sont communes aux trois
Personnes. Cependant il en est quelques-unes que l’on attribue plus particulièrement
au Saint-Esprit, pour nous faire comprendre qu’elles viennent de l’immense
Charité de Dieu envers nous. Le Saint-Esprit en effet procède
de la Volonté de Dieu, comme par un embrasement d’amour, et dès
lors il est facile de concevoir que les effets qui Lui sont spécialement
attribués doivent découler de l’Amour infini de Dieu pour
nous.
C’est pour la même raison que le
Saint-Esprit est appelé don. Car on appelle don ce qui est accordé
libéralement gratuitement et sans espoir de récompense. Ainsi
tous les biens, toutes les grâces que nous avons reçues de
Dieu, et qu’avons-nous que nous n’ayons reçu de Lui, dit l’Apôtre
? ? nous les tenons de la libéralité du Saint-Esprit.
Et cela nous devons le reconnaître avec une sincère et pieuse
gratitude.
Les effets produits par le Saint-Esprit
sont nombreux. Car sans parler ici de la création, de la propagation
des créatures, du gouvernement du monde ? sujets que nous avons
traités dans le premier article du Symbole ? nous venons de démontrer
à l’instant qu’on Lui attribue proprement la vivification spirituelle,
et les paroles suivantes d’Ézéchiel sont un véritable
témoignage en faveur de cette Vérité:
Je vous donnerai mon esprit, et vous vivrez.
Voici comment Isaïe énumère
les effets (ou les dons) principaux du Saint-Esprit, et ceux qui Lui conviennent
plus spécialement: Il L’appelle: l’Esprit de Sagesse
et d’intelligence, l’Esprit de Conseil et de Force, l’Esprit de Science
et de Piété, l’Esprit de crainte du Seigneur. Effets que
l’on nomme communément les Dons du Saint-Esprit, et auxquels on
donne aussi quelquefois le nom même de Saint-Esprit. C’est pourquoi,
remarque judicieusement Saint Augustin, « lorsque nous
rencontrons le mot de Saint-Esprit dans la Sainte Écriture, il faut
bien voir s’il s’agit de la troisième Personne de la Sainte Trinité,
ou seulement de ses effets et de ses opérations. Car ces deux choses
diffèrent autant l’une de l’autre que Dieu Lui- même diffère
de la créature. »
Il convient de faire ressortir ces commentaires
avec un soin particulier, car ces dons du Saint-Esprit sont pour nous comme
une source divine où nous puisons les préceptes de la Vie
chrétienne, et par eux encore nous pouvons savoir si le Saint-Esprit
habite vraiment en nous.
Entre ces dons magnifiques celui qui,
dans notre esprit, doit passer avant tous les autres, c’est la Grâce
qui nous justifie, et qui nous marque du sceau de l’Esprit-Saint,
qui a été promis, et qui est le gage de notre héritage.
C’est cette grâce en effet qui nous attache à Dieu par les
liens les plus étroits de l’amour, qui allume dans nos cœurs le
zèle ardent de la piété, qui nous fait entreprendre
une vie nouvelle, qui nous rend participants de la nature divine,
et nous fait mériter le nom et la qualité réelle d’enfants
de Dieu .
Chapitre dixième — Du neuvième
article du Symbole
JE CROIS LA SAINTE EGLISE CATHOLIQUE,
LA COMMUNION DES SAINTS.
Pour comprendre immédiatement avec
quel soin, avec quelle attention les pasteurs devront travailler à
bien expliquer aux fidèles ce neuvième article du Symbole,
deux considérations sont nécessaires et suffisantes. La première,
c’est que, suivant la remarque de Saint Augustin, les prophètes
ont parlé plus clairement et plus longuement de l’Eglise que de
Jésus Christ, car ils prévoyaient qu’il y aurait beaucoup
plus d’erreurs volontaires et involontaires, sur ce point que sur le mystère
de l’Incarnation. En effet, il ne devait point manquer d’impies pour prétendre,
à l’imitation du singe qui veut faire croire qu’il est homme, pour
prétendre avec autant d’orgueil que de méchanceté
qu’eux seuls sont catholiques, que l’Eglise Catholique est parmi eux, et
seulement parmi eux. -- La seconde considération, c’est que celui
qui aura gravé profondément dans son cœur la foi à
la vérité de l’Eglise, n’aura pas de peine à éviter
le terrible danger de l’hérésie. On n’est pas hérétique
par le fait seul qu’on pèche contre la Foi, mais parce qu’on méprise
l’autorité de l’Eglise, et qu’on s’attache avec opiniâtreté
à des opinions mauvaises. Si donc il est impossible qu’un Chrétien
soit atteint de cette horrible peste de l’hérésie, tant qu’il
continue à croire ce que cet article propose à sa Foi, les
Pasteurs doivent redoubler d’efforts pour instruire les Fidèles
de ce mystère, les prémunir par là même contre
les artifices de l’ennemi, et les aider à persévérer
dans la Foi. Au reste cet article dépend du précédent.
Après avoir montré que toute sainteté vient de l’Esprit
Saint comme de sa source et de son Auteur, nous reconnaissons maintenant,
par voie de conclusion, que la sainteté qui est dans l’Eglise ne
peut sortir que de Lui.
§ I — CE QUE C’EST QUE L’EGLISE
Le mot Eglise vient du grec. les Latins
l’ont emprunté à cette langue, et après la publication
de l’Evangile, ils l’ont consacré exclusivement aux choses saintes.
Voyons quel en est le sens. Il signifie proprement convocation. Mais avec
le temps les auteurs l’ont emprunté souvent pour désigner
une assemblée, une réunion d’hommes, sans examiner si ces
hommes admiraient le vrai Dieu, ou les fausses divinités. nous lisons
au livre des actes que le greffier de la ville d’Ephèse, après
avoir apaisé le peuple, lui dit: Si vous avez quelque
autre affaire à proposer, nous pourrons la traiter dans une assemblée
légitime. Ainsi l’assemblée du peuple d’Ephèse est
appelée légitime, bien que ce peuple fût adonné
au culte de Diane. Et non seulement ce nom d’Eglise est donné aux
nations qui ne connaissent pas Dieu, mais quelquefois même il est
appliqué aux assemblées des méchants et des impies.
Je hais l’Eglise des méchants, dit le prophète,
et je ne m’assiérai point avec les impies. Mais dans la suite, l’usage
ordinaire de la Sainte Ecriture fut de consacrer ce mot à désigner
uniquement la société chrétienne et les assemblées
des fidèles, c’est à dire de ceux qui ont été
appelés par la foi, à la lumière de la vérité
et à la connaissance de Dieu, qui ont dissipé les ténèbres
de l’ignorance et de l’erreur, qui adorent avec piété et
sainteté, le Dieu Vivant et Véritable, et qui le servent
de tout leur cœur. Enfin, pour tout dire en un mot, l’Eglise, selon S Augustin
, c’est le peuple fidèle répandu dans tout l’univers. Mais
ce mot de l’Eglise renferme de véritables mystères, et des
mystères très importants. En effet, si nous l’entendons dans
le sens de convocation, nous voyons aussitôt briller à nos
yeux la douceur et la lumière de la Grâce divine, et nous
sentons combien l’Eglise diffère de toutes les autres sociétés.
Celles-ci ne se soutiennent que par la raison et la prudence humaines ;
celle là repose sur la Sagesse et le Conseil de Dieu même.
Car Dieu nous a appelés intérieurement par l’inspiration
de son Saint Esprit, qui ouvre les cœurs, et extérieurement par
les soins et le ministère des Pasteurs et des prédicateurs.
Et nous voyons bientôt que la fin de cette vocation, c’est la connaissance
et la possession des choses éternelles, si seulement nous remarquons
qu’autrefois le peuple fidèle, sous la loi de Moïse, se nommait
synagogue, c’est-à-dire troupeau. Car, dit Saint Augustin,
ce nom lui avait été donné parce que, comme les animaux
qui cherchent à se grouper pour vivre, il n’avait en vue que des
biens terrestres et périssables. Au contraire, le peuple chrétien
s’appelle non pas synagogue, mais assemblée, ou convocation, parce
qu’il méprise les choses terrestres et périssables, pour
ne s’attacher qu’aux biens célestes, et qui ne passent pas.
Il est encore d’autres noms mystérieux
qui servent à désigner la Société des Chrétiens.
Ainsi l’Apôtre Saint Paul l’appelle la Maison et l’Edifice de Dieu.
Je vous écris, dit-il à Timothée, afin
que, si je viens à tarder trop longtemps, vous sachiez comment vous
devez vous conduire dans la maison du Dieu Vivant, la colonne et le fondement
de la Vérité. L’Eglise est appelée ici maison parce
qu’elle est comme une famille, qui n’est gouvernée que par un seul,
le Père de famille, et dans laquelle tous les biens spirituels sont
communs. On lui donne encore le nom de troupeau des brebis de Jésus-Christ
qui en est le Pasteur et en même temps la porte de la bergerie ;
celui d’épouse de Jésus-Christ: Je vous ai fiancés,
dit l’Apôtre aux Corinthiens, à un Epoux unique, Jésus-Christ,
pour vous présenter à Lui comme une vierge pure. Ecoutons-le
dire aux Ephésiens: Maris, aimez vos épouses,
comme Jésus-Christ aime l’Eglise. Puis, en parlant du Mariage: Ce
Sacrement est grand, je dis en Jésus-Christ et dans l’Eglise. Et
enfin celui de Corps de Jésus-Christ, comme on peut le voir dans
les Epîtres aux Ephésiens et aux Colossiens
. Ces différents noms sont très propres à exciter
les Fidèles à se rendre dignes de la Clémence et de
la Bonté infinie de Dieu, qui les a choisis pour en faire son peuple.
§ II. — DEUX PARTIES DE L’EGLISE,
L’UNE TRIOMPHANTE, L’AUTRE MILITANTE.
Après ces explications, il sera
nécessaire d’énumérer les diverses parties qui composent
l’Eglise, et de marquer les différences qui existent entre chacune
d’elles. Ainsi les Fidèles connaîtront mieux la nature, les
propriétés, les dons et les grâces de cette Eglise,
si chère à Dieu, et ils ne cesseront de louer son nom trois
fois Saint.
Il y a dans l’Eglise deux parties principales:
l’une que l’on appelle triomphante, et l’autre militante.
L’Eglise triomphante est cette Société
si brillante et si heureuse des esprits célestes, et de tous ceux
qui ont remporté la victoire sur le monde, la chair, et le démon
notre ennemi acharné, et qui maintenant délivrés sans
re tour des misères de la vie, jouissent de la Béatitude
éternelle.
L’Eglise militante est la Société
de tous les Fidèles qui vivent encore sur la terre. On l’appelle
militante parce qu’elle est obligée de soutenir une guerre incessante
contre les ennemis les plus cruels, le inonde, la chair et Satan.
Toutefois, il ne faut pas pour cela croire
qu’il y a deux Eglises. non, l’Eglise est une, mais elle est composée
de deux parties. De ces deux parties, l’une a précédé
l’autre, et elle est déjà en possession de la céleste
Patrie. La deuxième marche chaque jour à la suite de la première,
jusqu’à ce que, enfin, elle se réunisse à notre Sauveur,
et se repose au sein de l’Eternelle Félicité.
L’Eglise militante renferme deux sortes
de personnes, les bons et les méchants. Les méchants participent
aux mêmes Sacrements et professent la même Foi que les bons
; mais ils diffèrent d’eux par la conduite et les mœurs. Les bons
ne sont pas ceux qui sont unis seulement par la profession de la même
Foi et la participation aux mêmes Sacrements, mais ceux qui sont
attachés les uns aux autres par l’esprit de Grâce et le lien
de Charité. C’est d’eux qu’il est dit: Le Seigneur connaît
ceux qui sont à Lui. Les hommes peuvent bien aussi, d’après
certaines conjectures, présumer qui sont ceux qui doivent être
rangés parmi les bons, mais ils ne peuvent jamais l’affirmer avec
certitude. Aussi faut-il se garder de penser que Notre-Seigneur Jésus
Christ a voulu parler de cette portion de l’Eglise, lorsqu’il nous renvoie
à l’Eglise et nous ordonne de lui obéir. Puis qu’elle est
inconnue, comment savoir, sans crainte de se tromper, à quel tribunal
il faudra recourir, et à quelle autorité on devra se soumettre
? L’Eglise comprend donc indistinctement les bons et les méchants,
comme la sainte Ecriture et les Pères nous l’enseignent, et comme
l’Apôtre le marquait en disant: Il n’y a qu’un corps
et qu’un esprit. Ainsi entendue, l’Eglise est connue de tout le mon de.
C’est la ville située sur la montagne, et que l’on aperçoit
de toutes parts. Elle ne doit être ignorée de personne, puisque
tous doivent lui obéir. Et ce qui prouve encore qu’elle comprend
non seulement les bons, mais même les méchants, c’est ce que
l’Evangile nous apprend par plusieurs paraboles, par exemple quand il nous
dit que le Royaume des cieux, c’est-à-dire l’Eglise militante,
est semblable à un filet jeté dans la mer, à
un champ dans lequel on a semé l’ivraie sur le bon grain,
à une aire où l’on garde la paille avec le froment,
à dix vierges dont les unes sont folles, et les autres prudentes.
Et, longtemps auparavant, l’Arche de Noé où étaient
renfermées toutes les espèces d’animaux, purs ou impurs,
était déjà la figure et l’image de l’Eglise. Cependant
quoique la Foi catholique enseigne comme une vérité constante
et hors de doute, que les méchants aussi bien que les bons font
partie de l’Eglise, elle veut aussi que l’on montre aux Fidèles
combien leur condition est différente. Les méchants en effet
ne sont dans l’Eglise que comme la paille confondue dans l’aire avec le
bon grain, ou comme des membres morts sur un corps vivant.
§ III. — QUI SONT CEUX QUI N’APPARTIENNENT
PAS A L’EGLISE.
De ce que nous venons de dire il résulte
que trois sortes de personnes seulement sont exclues de l’Eglise: premièrement
les infidèles, ensuite les hérétiques et les schismatiques,
et enfin les excommuniés. — Les infidèles, parce que jamais
ils n’ont été dans son sein, qu’ils ne l’ont point connue,
et qu’ils n’ont participé à aucun Sacrement dans la société
des Chrétiens. — Les hérétiques et les schismatiques,
parce qu’ils l’ont abandonnée, et que dès lors ils ne peuvent
pas plus lui appartenir qu’un déserteur n’appartient à l’armée
qu’il a quittée. Cependant, on ne saurait nier qu’ils ne restent
sous sa puissance. Elle a le droit de les juger, de les punir, de les frapper
d’anathème. — enfin les excommuniés, parce qu’elle les a
chassés de son sein par sa Communion, tant qu’ils ne se convertissent
pas. Pour tous les autres, quelque méchants et quelque criminels
qu’ils soient, il n’est pas douteux qu’ils font encore partie de l’Eglise.
Et c’est une vérité qu’on ne saurait trop redire aux Fidèles,
afin que si par malheur la vie de leurs Chefs spirituels devenait scandaleuse,
ils sachent bien que même de tels Pasteurs appartiendraient toujours
à l’Eglise, et ne perdraient rien de leur autorité.
Il est assez ordinaire de donner le nom
d’Eglise à de simples parties de l’Eglise universelle. Ainsi l’Apôtre
parle de l’Eglise de Corinthe, de la Galatie, de Laodicée, de Thessalonique.
Il appelle même Eglise des familles particulières de Chrétiens.
Ainsi il ordonne de saluer l’Eglise domestique de Prisca et
d’Aquila, et dans un autre endroit, Aquila et Priscilla, dit-il,
avec l’Eglise qui est dans leur maison, vous saluent très affectueusement
dans le Seigneur. II s’exprime de la même manière en écrivant
à Philémon.
Quelquefois le mot d’Eglise ne désigne
que les Prélats et les Pasteurs. S’il ne vous écoute
pas, dit Jésus Christ, dites-le à l’Eglise, c’est-à-dire
à ses Pasteurs. Enfin, le lieu où s’assemble le peuple pour
entendre la Parole de Dieu, ou pour accomplir quelque devoir religieux,
ce lieu même est appelé l’église: Mais dans cet article,
l’ensemble de tous les chrétiens bons et méchants, ceux qui
doivent obéir aussi bien que ceux qui commandent, tous sont également
compris sous le nom d’Eglise.
§ IV. — CARACTERES PROPRES DE L’EGLISE,
UNITE.
Le moment est venu de faire connaître
aux Fidèles les propriétés et les caractères
de l’Eglise. Rien n’est plus propre à leur faire sentir quel immense
bienfait Dieu leur a accordé en les faisant naître et grandir
dans son sein.
Le premier caractère que lui donne
le Symbole, de Nicée, c’est l’Unité. Ma colombe
est unique, dit l’Epoux des Cantiques, elle seule est belle. Or, lorsque
nous disons qu’une si grande multitude d’hommes, répandue en tant
de lieux divers, est une, c’est parce que, comme le dit l’Apôtre
écrivant aux Ephésiens, Il n’y a qu’un Seigneur,
une Foi, un Baptême. En effet, l’Eglise n’a qu’un seul Chef, un seul
conducteur invisible, Notre-Seigneur Jésus-Christ, établi
par le Père Eternel, Chef (ou tête) de toute l’Eglise
qui est son corps ; et un seul Chef visible qui est le successeur légitime
de Saint Pierre sur le siège de Rome.
Tous les Pères sont unanimes sur
ce point que ce Chef (cette tête) visible de l’Eglise était
nécessaire pour établir et conserver son unité. Saint
Jérôme l’avait admirablement compris, et il le dit très
bien contre Jovinien, un seul est choisi, afin que le Chef
une fois constitué, il n’y ait plus de prétexte au schisme.
Et dans sa lettre au Pape Saint Damase: que l’envie, que l’ambition et
la grandeur romaine disparaissent I je parle au successeur d’un pécheur
et au disciple de la Croix. ne suivant d’autre premier Chef que Jésus-Christ,
je suis uni de communion à votre Sainteté, c’est-à-dire
à la Chaire de Saint Pierre. Je sais que l’Eglise a été
bâtie sur cette pierre. Quiconque mange l’Agneau hors de cette Maison
est un profane ; tous ceux qui ne seront pas dans l’Arche de Noé
au temps du déluge, périront dans les eaux.
Longtemps avant Saint Jérôme,
Saint Irénée avait parlé dans le même sens ;
et Saint Cyprien traitant à son tour de l’Unité de l’Eglise
s’exprime ainsi: Le Seigneur dit à Pierre:
« Moi, je dis à toi que tu es Pierre, et que sur cette pierre
je bâtirai mon Eglise. » — Ainsi Il bâtit son Eglise
sur un seul. Et si, après sa Résurrection, Il accorde un
pouvoir égal à tous ses Apôtres ; s’Il leur dit:
comme mon Père M’a envoyé, Je vous envoie ; recevez le Saint-Esprit
; cependant pour rendre l’unité plus frappante, il veut dans son
Autorité souveraine, que cette unité, dés son origine,
ne découle que d’un seul.
Optat de Milève dit à Parménion:
Vous ne pouvez vous excuser sous prétexte d’ignorance ; car vous
savez que la chaire épiscopale de Rome a été donnée
d’abord à Saint Pierre, qui l’a occupée comme Chef de tous
les Apôtres. C’est dans cette chaire unique que l’unité devait
être conservée par tous, de peur que chacun des Apôtres
ne prétendit se rendre indépendant dans la sienne. Dés
lors celui-là est nécessairement schismatique et prévaricateur,
qui ose élever une autre chaire contre celle-ci qui est unique.
Puis c’est Saint Basile qui écrit:
Pierre a été placé pour être le fondement. Il
avait dit à Jésus-Christ: vous êtes le Christ, Fils
du Dieu Vivant: et à son tour il lui fut dit qu’il était
Pierre, quoiqu’il ne fût pas pierre de la même manière
que Jésus-Christ, qui est la figure immobile, mais seulement par
la Volonté de Jésus-Christ. Dieu communique aux hommes ses
propres dignités. Il est prêtre, et Il fait des prêtres,
Il est pierre, et Il donne la qualité de pierre, rendant ainsi ses
serviteurs participants de ce qui lui est propre.
Ecoutons enfin Saint Ambroise: Si quelqu’un
objecte à l’Eglise qu’elle peut se contenter de Jésus-Christ
pour Chef et pour Epoux unique, et qu’il ne lui en faut point d’autre,
la réponse est facile. Jésus-Christ est pour nous non seule
ment l’Auteur mais encore le vrai Ministre intérieur de chaque Sacrement.
C’est vraiment Lui qui baptise et qui absout, et néanmoins, Il n’a
pas laissé de choisir des hommes pour être les ministres extérieurs
des Sacrements. Ainsi, tout en gouvernant Lui-même l’Eglise par l’influence
secrète de son esprit, Il place aussi à sa tête un
homme pour être son Vicaire et le dépositaire extérieur
de sa Puissance. A une Eglise visible, il fallait un Chef visible. Voilà
pourquoi notre Sauveur établit Saint Pierre Chef et Pasteur de tout
le troupeau des Fidèles, lorsqu’Il lui confia la charge de paître
ses brebis. toutefois Il le fit en termes si généraux et
si étendus qu’il voulut que ce même pouvoir de régir
toute l’Eglise passât à ses successeurs.
Au surplus c’est un seul et même
esprit, écrit l’Apôtre aux Corinthiens, qui communique
la grâce aux Fidèles, comme l’âme anime tous les membres
d’un même corps. Travaillez, disait-il aux Ephésiens, en les
exhortant à conserver l’unité, travaillez avec
soin à conserver l’unité de l’esprit dans le lien de la paix,
vous ne faites qu’un corps et qu’un esprit. De même en effet que
le corps humain se compose de plusieurs membres, et que tous ces membres
sont animés par une seule âme qui communique aux différents
organes leurs propriétés spéciales, aux yeux celle
de voir, aux oreilles celle d’entendre, ainsi le Corps mystique de Jésus-Christ,
qui est l’Eglise, est composé de tous les Fidèles.
Il n’y a également qu’une seule
Espérance à laquelle nous sommes tous appelés comme
l’atteste encore l’Apôtre au même endroit, puisque
nous espérons tous la même chose, à savoir la Vie Eternelle
et Bienheureuse. Il n’y a qu’une seule Foi que tous doivent garder et professer
publiquement. Qu’il n’y ait point de schismes parmi vous, dit
Saint Paul. Il n’y a qu’un Baptême enfin qui est le sceau
de la Foi chrétienne.
§ V. — SAINTETE DE L’EGLISE.
Le second caractère de l’Eglise,
c’est la Sainteté. Vous êtes la race choisie, dit Saint Pierre,
la nation Sainte. — Or, nous disons que l’Eglise est sainte :
1° Parce qu’est est vouée et
consacrée à Dieu. C’est l’usage en effet d’attribuer cette
qualité aux objets corporels ou matériels, par le fait qu’ils
sont destinés et employés au culte de Dieu. Ainsi, par exemple,
dans la Loi ancienne, les vases, les vêtements et les autels, aussi
bien que les premiers-nés qui étaient consacrés au
très-Haut. étaient appelés Saints.
Et il ne faut pas nous étonner
que l’Eglise soit appelée sainte quoiqu’elle renferme beaucoup de
pécheurs. Les Fidèles sont saints, parce qu’ils sont devenus
le peuple de Dieu, et qu’ils sont consacrés à Jésus-Christ
par la Foi, et par le Baptême qu’ils ont reçu ;ils sont saints,
bien que trop souvent ils commettent des fautes et ne tiennent pas tout
ce qu’ils ont promis. Ainsi ceux qui ont embrassé un art, continuent
de porter le nom de leur profession, alors qu’ils n’en observent pas les
règles. Voilà pourquoi Saint Paul donne aux Corinthiens le
nom de sanctifiés et de saints, tout en trouvant au milieu d’eux
des Chrétiens qu’il traitait de charnels, et à qui il adressait
des reproches encore plus sévères.
2° L’Eglise est sainte parce qu’elle
est unie à un Chef saint dont elle est le Corps ; à
Notre-Seigneur Jésus Christ, Source de toute Sainteté, qui
répand sur elle les dons du Saint-Esprit et les trésors de
la Bonté divine. Aussi Saint Augustin, expliquant ces paroles du
Prophète David : « Conservez mon âme, parce que je suis
saint », dit-il admirablement: « Qu’il ne craigne
pas, ce corps mystique de Jésus-Christ, qui ne fait vraiment qu’un
seul homme, qu’il ne craigne plus d’élever la voix de toutes les
parties de la terre, et de dire avec son Chef, et sous son Chef: je suis
saint ; car il a reçu la grâce de la Sainteté, la grâce
du Baptême et de la Résurrection des péchés.
» Et un peu plus loin: « S’il est vrai que tous les Chrétiens
et les Fidèles baptisés en Jésus-Christ aient revêtu
Jésus Christ comme l’Apôtre l’assure dans ses paroles: Vous
tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ,
vous avez revêtu Jésus-Christ ; s’il est vrai
qu’ils soient devenus les membres de son Corps, et que cependant ils osent
dire qu’ils ne sont pas saints, ils font injure au Chef dont les membres
sont saints. »
3° enfin, l’Eglise est sainte parce
qu’elle seule possède le culte du Sacrifice légitime et le
salutaire usage des Sacrements, ces instruments efficaces de la Grâce
divine par lesquels Dieu nous communique la Sainteté. En dehors
d’elle, il est impossible d’être vraiment saint. II est donc de toute
évidence que l’Eglise est sainte . Oui, et elle est sainte,
précisément parce qu’elle est le Corps de Jésus Christ
qui la sanctifie, et qui la purifie dans son Sang .
§ VI. — L’EGLISE EST CATHOLIQUE.
Le troisième caractère de
l’Eglise, c’est qu’elle est catholique, c’est-à-dire Universelle.
Et ce nom lui convient parfaitement, car, dit Saint Augustin,
par la lumière seule de la Foi, elle s’étend depuis l’orient
jusqu’au couchant. Elle n’est point comme les Etats de la terre, ou les
diverses hérésies, bornée aux frontières d’un
royaume ou à une race d’hommes, Scythes ou barbares, libres ou esclaves,
homme ou femme, elle renferme tout dans les entrailles de,
sa charité. C’est pourquoi il est dit de notre Seigneur :
Vous nous avez rachetés et rendus à Dieu dans votre Sang,
en nous tirant de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, de toute
nation, et vous avez fait de nous un Royaume à notre Dieu. C’est
de l’Eglise que David disait: Demandez-moi, et je vous donnerai
les nations pour héritage, et les limites de la terre pour bornes
de votre empire. Et ailleurs: Je me souviendrai de Rahal et
de Babylone qui me connaîtront, et une multitude de nations naîtront
dans son sein.
D’ailleurs tous les Fidèles qui
ont existé depuis Adam jusqu’aujourd’hui, tous ceux qui existeront
tant que le monde sera monde, en professant la vraie Foi appartiennent
à cette même Eglise établie sur les Apôtres et
les Prophètes. Car tous ont été placés et fondés
sur Jésus Christ, la Pierre angulaire, qui des deux peuples n’en
a fait qu’un, et qui a annoncé la Paix à ceux qui étaient
loin. — Une autre raison qui fait nommer l’Eglise Catholique, c’est que
tous ceux qui désirent obtenir leur Salut éternel, doivent
s’attacher à elle, et entrer dans son sein, comme autrefois il fallut
entrer dans l’arche , pour éviter de périr dans les
eaux du déluge: C’est donc là une des marques les plus certaines
pour distinguer la véritable Eglise de celles qui sont fausses.
§ VII. — L’EGLISE EST APOSTOLIQUE.
Voici un dernier caractère propre
à nous faire distinguer la véritable Eglise, elle vient des
Apôtres, dépositaires du grand bienfait de la révélation.
Sa doctrine n’est point une chose nouvelle, et qui commence, non, c’est
la vérité transmise autrefois par les Apôtres, et répandue
par eux dans tout l’univers. Il est donc évident pour tous que le
langage impie des hérétiques d’aujourd’hui est absolument
contraire à la Foi de la véritable Eglise, puisqu’il est
si opposé à la doctrine prêchée par les Apôtres,
et depuis eux jusqu’à nous. Voilà pourquoi les Pères
du Concile de Nicée, pour faire comprendre à tous quelle
était l’Eglise catholique, ajoutèrent au symbole, par une
inspiration divine, le mot Apostolique. Et en effet, le Saint-Esprit qui
gouverne l’Eglise, ne la gouverne que par des ministres apostoliques (c’est-à-dire
par les successeurs légitimes des Apôtres). Cet esprit fut
d’abord donné aux Apôtres, mais ensuite, grâce à
l’infinie Bonté de Dieu, il demeura toujours dans l’Eglise
. Et comme elle est la seule qui soit gouvernée par le Saint-Esprit,
elle est aussi la seule qui soit infaillible dans la Foi et dans la règle
des mœurs. Au con traire toutes les autres qui usurpent le nom d’Eglises
sont sous la conduite de l’esprit du démon, et tombent nécessairement
dans les plus funestes erreurs de doctrine et de morale.
§ VII. — FIGURES DE L’EGLISE DANS
L’ANCIEN TESTAMENT.
Les figures de l’Ancien testament possèdent
une vertu merveilleuse pour toucher le cœur des Fidèles, et pour
leur remettre en mémoire les vérités les plus importantes.
Aussi les Apôtres n’ont-ils pas manqué de s’en servir dans
ce but. Voilà pourquoi à leur tour, les Pasteurs se garderont
bien de négliger un moyen d’instruction si utile.
Or, parmi toutes ces figures, la plus
expressive est l’Arche de Noé . Construite par l’ordre formel
de Dieu, elle était par là même une figure de l’Eglise.
Sur ce point aucun doute n’est possible. Dieu a établi et fondé
son Eglise dans des conditions telles que ceux qui y entreraient par le
Baptême seraient préservés de la mort éternelle,
tandis que ceux qui demeureraient hors de son sein périraient ensevelis
sous leurs crimes ; tel fut le sort de ceux qui n’étaient point
dans l’Arche.
Une autre figure encore, c’est cette grande
cité de Jérusalem dont les saintes Ecritures emploient souvent
le nom pour signifier la sainte Eglise. C’était dans ses murs seulement
qu’il était permis d’offrir des sacrifices à Dieu. C’est
également dans la Sainte Eglise de Dieu, et nulle part ailleurs,
que se trouve le véritable culte, le véritable Sacrifice,
le seul qui Lui soit agréable.
§ IX. — COMMENT LA VERITE DE L’EGLISE
EST UN ARTICLE DE FOI.
Enfin, les Pasteurs auront soin d’apprendre
aux Fidèles pourquoi c’est un article de Foi de croire à
l’Eglise. La raison et le sens sont bien suffisants pour s’assurer qu’il
y a sur la terre une Eglise c’est-à-dire une société
d’hommes dévoués et consacrés à Jésus-Christ.
Pour en être convaincu, la Foi ne semble pas nécessaire. Les
Juifs et les turcs eux-mêmes savent que l’Eglise existe. Mais pour
les Mystères qu’elle renferme, — ceux dont nous venons de parler,
et ceux dont nous parlerons dans le sacrement de l’Ordre — l’esprit a besoin
d’être éclairé par la Foi pour les saisir et la raison
seule ne saurait l’en convaincre. Ainsi cet article ne surpasse pas moins
que les autres la portée naturelle et les forces de notre esprit.
nous avons donc raison de dire que ce n’est point par l’intelligence, mais
par les lumières de la Foi que nous connaissons l’origine, les dons
et l’excellence de l’Eglise. C’est qu’en effet cette Eglise n’est pas l’œuvre
de l’homme. C’est le Dieu immortel qui l’a fondée sur la pierre
inébranlable. Le Prophète David nous le dit expressément:
Le très-Haut l’a établie Lui même. Aussi est-elle appelée
l’héritage de Dieu et le peuple de Dieu . Son
pouvoir ne lui vient pas non plus des hommes, mais de Dieu, et de même
que la nature est incapable de lui donner ce pouvoir, de même aussi,
c’est la Foi et non la nature qui nous fait admettre qu’elle a reçu
les clefs du Royaume des cieux , la puissance de re mettre les péchés
d’excommunier les pécheurs , de consacrer le vrai corps de
Jésus-Christ , et enfin que les citoyens qui demeurent dans
son sein, n’ont point ici-bas de demeure permanente, mais qu’ils cherchent
la cité future où ils doivent habiter un jour .
Nous sommes donc rigoureusement tenus
de croire que l’Eglise est Une, Sainte et Catholique.
Mais si, en croyant aux trois personnes
de la Sainte Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit,
nous mettons en elles notre Foi et notre confiance, ici au contraire, nous
parlons autrement, et nous faisons profession de croire une Eglise Sainte,
et non pas en une Eglise sainte. Et par cette manière différente
de nous exprimer, nous conservons la distinction nécessaire entre
le Créateur et les choses qu’il a créées, et nous
attribuons à sa divine bonté tous les dons que l’Eglise possède.
§ X. — LA COMMUNION DES SAINTS.
Saint Jean l’Evangéliste, écrivant
aux Fidèles sur les mystères de la Foi, leur donne la raison
pour laquelle il les instruit de ces vérités ;
c’est afin, leur dit-il, que vous en triez en société avec
nous, et que notre société soit avec le Père et avec
Jésus-Christ son Fils. Or, cette société est la Communion
des Saints, dont il est question dans cet article. Et plût à
Dieu que les Pasteurs eussent le même cèle que Paul et les
autres Apôtres, pour répandre cet enseignement ! Car ce n’est
pas seulement une sorte de développe ment de l’article précédent,
et une doctrine féconde par elle-même en fruits excellents,
cet enseignement est aussi pour nous un guide et un maître dans l’usage
que nous devons faire des vérités contenues dans le symbole.
En effet, nous ne devons les étudier et les sonder, ces vérités,
que pour nous rendre dignes d’être admis dans cette grande et heureuse
Société des Saints, et pour y persévérer ensuite
constamment, remerciant avec joie Dieu le Père, de nous avoir rendus
dignes, par la lumière de la Foi, du sort et de l’héritage
des Saints .
Il convient donc de bien montrer tout
d’abord aux Fidèles que cette partie de l’article est un développement
plus complet de ce que nous avons dit précédemment de la
Sainte Eglise catholique. Comme cette Eglise est gouvernée par un
seul et même esprit, tous les biens qu’elle a reçus deviennent
nécessairement un fonds commun.
Le fruit de tous les Sacrements appartient
à tous. Car les Sacrements, et surtout le Baptême qui est
comme la porte par laquelle les hommes entrent dans l’Eglise, sont autant
de liens sacrés qui les unissent tous et les attachent à
Jésus-Christ.
Et ce qui prouve que la Communion des
Saints n’est rien autre chose que la Communion des Sacrements, ce sont
ces paroles des Pères du Concile de Nicée ajoutées
au Symbole: Je confesse un seul Baptême . Car tous les autres
Sacrements, et l’Eucharistie en particulier, sont inséparables du
Sacreraient de Baptême. Et même le nom de communion peut s’appliquer
à chacun d’eux, car chacun d’eux nous unit à Dieu, et nous
rend participants de la nature divine, par la grâce qu’il nous communique.
Mais ce nom convient mieux à l’Eucharistie qu’à tout autre,
parce que c’est elle principalement qui consomme cette communion.
Il est encore une autre espèce
de communion à considérer dans l’Eglise. La Charité
en est le principe. En effet, comme cette vertu ne cherche jamais ses intérêts
propres , elle l’ait tourner au profit de tous les œuvres saintes
et pieuses de chacun. Ainsi l’enseigne Saint Ambroise, en expliquant ces
mots du Psalmiste: Je suis uni de cour à tous ceux qui
vous craignent. « Comme un membre, dit-il, participe à tous
les biens du corps, ainsi celui qui est uni à ceux qui craignent
Dieu, participe à toutes les bonnes œuvres. » C’est pourquoi
Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans la Prière qu’Il nous a
enseignée, nous ordonne de dire notre pain et non pas mon pain,
et ainsi du reste, pour nous montrer que nous ne devons pas seulement penser
à nous, mais encore au bien et au salut de tous les autres.
Pour marquer cette communauté de
biens dans l’Eglise, nos Saints Livres emploient souvent la comparaison
si juste des membres du corps humain. En effet, il y a plu sieurs membres
dans le corps de l’homme , et néanmoins, ils ne font qu’un
seul corps. Et ils remplissent tous, non la même fonction, mais la
fonction particulière qui leur est propre. tous non plus n’ont pas
la même dignité, et leurs fonctions ne sont ni également
utiles, ni également honorables ; cependant aucun d’eux ne se propose
son avantage et son utilité particulière, mais l’avantage
et l’utilité du corps tout entier. D’autre part, ils sont si étroitement
unis et si bien associés entre eux, que si l’un de ces membres éprouve
une douleur quelconque, tous les autres l’éprouvent de même
par affinité et par sympathie. Si au contraire il est heureux, tous
les autres partagent son bonheur . Or nous pouvons contempler ce
spectacle dans l’Eglise. Elle renferme bien des membres différents
et des nations diverses, des Juifs, des Gentils, des hommes libres et des
esclaves, des riches et des pauvres. Mais dès qu’ils ont reçu
le Baptême, ils ne font tous qu’un seul corps, dont Jésus-Christ
est le Chef.
De plus, chacun dans l’Eglise a sa fonction
déterminée . Les uns sont apôtres, les autres
sont docteurs, mais tous sont établis pour l’avantage de la Société
entière. Les uns ont la charge de commander et d’enseigner, les
autres ont le devoir d’obéir et de se soumettre.
Cependant ces biens si précieux
et si multiples, ces dons de la divine Largesse vont toujours à
ceux qui vivent chrétiennement, gardent la Charité, pratiquent
la Justice, et sont agréables à Dieu.
Quant aux membres morts, c’est-à-dire
les malheureux esclaves du péché et privés de la grâce
de Dieu, ils ne perdent pas, malgré tout, l’avantage de faire encore
partie du corps de l’Eglise ; mais comme ils sont morts, ils ne reçoivent
point les fruits spirituels qui appartiennent aux Chrétiens vraiment
justes et pieux. néanmoins, par cela seul qu’ils sont toujours membres
de l’Eglise, ils se trouvent aidés, pour recouvrer la Grâce
qu’ils ont perdue et la Vie spirituelle, par ceux qui vivent de la vie
de l’esprit ; et ils recueillent certains fruits de salut, dont demeurent
privés ceux qui sont entièrement retranchés du sein
de l’Eglise.
Les biens qui sont ainsi communs à
tous, ne sont pas seulement les dons qui nous rendent justes et agréables
à Dieu. Ce sont encore les grâces gratuites, comme la science,
le don de prophétie, le don des langues et des miracles, et les
autres dons de même nature. Ces privilèges qui sont accordés
quelquefois même aux méchants, ne se donnent jamais pour un
intérêt personnel, mais pour le bien et l’édification
de toute l’Eglise. Ainsi le don des guérisons n’est point accordé
pour l’avantage de celui qui en jouit, mais au profit des malades qu’il
guérit. Enfin tout ce que le vrai Chrétien possède,
il doit le regarder comme un bien qui lui est commun avec tous, et toujours
il doit être prêt et empressé à venir au secours
de l’indigence et de la misère du prochain. Car si celui
qui possède, voit son frère dans le besoin, sans le secourir,
c’est une preuve manifeste qu’il n’a pas la Charité de Dieu en lui.
De là il est évident que
ceux qui font partie de cette Communion jouissent déjà d’un
bonheur appréciable, et peuvent répéter en toute vérité
avec le Prophète David: Que vos tabernacles sont aimables,
Seigneur, Dieu des vertus ! Mon âme soupire et tombe comme en défaillance
en pensant à la Maison du Seigneur. Heureux, ô mon Dieu, ceux
qui habitent dans votre Maison !
Chapitre onzième — Du dixième
article du Symbole
JE CROIS LA REMISSION DES PECHES.
Il n’est personne qui, en voyant ce dogme
de la Rémission des péchés au nombre des articles
du Symbole, puisse douter un seul instant qu’il se trouve en face d’un
mystère tout divin, et absolument nécessaire au Salut. nous
l’avons démontré précédemment: sans une Foi
ferme à tout ce que le Symbole nous propose à croire, il
n’y a point de piété possible. Cependant, si cette vérité,
qui est déjà bien assez claire par elle-même, avait
encore besoin de quelques preuve, il suffirait de rapporter les paroles
que prononça notre Seigneur, peu de temps avant son Ascension, lorsqu’il
ouvrit l’intelligence de ses Apôtres, pour leur faire comprendre
les Ecritures: Il fallait, dit-il, que le Christ souffrît,
et qu’Il ressuscitât le troisième jour d’entre les morts,
et que la Pénitence et la Rémission des péchés
fussent prêchées en son nom, dans toutes les nations à
commencer par Jérusalem.
En méditant ces paroles, les Pasteurs
n’auront pas de peine à voir que s’ils sont obligés de transmettre
aux Fidèles toutes les Vérités de la Religion, le
Seigneur leur fait un devoir strict et rigoureux d’expliquer avec le plus
grand soin ce chapitre de la Rémission des péchés.
§ I. — IL Y A DANS L’EGLISE UN POUVOIR
DE REMETTRE LES PECHES.
Le devoir du Pasteur sera donc d’enseigner
ici que non seulement on trouve la Rémission des péchés
dans l’Eglise Catholique, selon cette prophétie d’Isaïe:
Le peuple qui habitera dans son sein sera purifié de ses péchés,
mais encore que l’Eglise elle-même a le pouvoir de remettre les péchés.
Et lorsque les prêtres usent légitimement de ce pouvoir, et
selon les règles prescrites par Notre-Seigneur Jésus-Christ,
nous devons croire que les péchés sont remis et pardonnés.
Au moment où nous faisons notre
première profession de Foi, en recevant le saint Baptême qui
nous purifie, le pardon que nous recevons est si plein et si entier, qu’il
ne nous reste absolument rien à effacer, soit de la faute originelle,
soit des fautes commises par notre volonté propre, ni aucune peine
à subir pour les expier. Mais néanmoins la grâce du
Baptême ne délivre personne des infirmités de la nature.
Au contraire nous avons encore à combattre les mouvements de la
concupiscence qui ne cesse de nous porter au mal ; et dans cette lutte,
à peine pourrait-on trou ver un homme dont la résistance
fût assez rigoureuse, et le soin de son salut assez vigilant, pour
échapper à toute blessure. Si donc il était nécessaire
que l’Eglise eût le pouvoir de remettre les péchés,
il fallait aussi que le Baptême ne fût pas pour elle l’unique
moyen de se servir de ces clefs du Royaume des cieux qu’elle avait reçues
de Jésus Christ ; il fallait qu’elle fût capable de pardonner
leurs fautes à tous les vrais pénitents, quand même
ils auraient péché jusqu’au dernier moment de leur vie. nous
avons dans nos Saints Livres les témoignages les plus positifs en
faveur de cette vérité. Ainsi dans Saint Matthieu le Seigneur
dit à Pierre: Je te donnerai les clefs du Royaume des
cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel,
et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié
dans le ciel. Il dit de même à tous les Apôtres:
Tout ce que vous lierez sur la terre, sera lié dans le. ciel, et
tout ce que vous délierez sur la terre, sera délié
dans le ciel. Saint Jean, de son côté, nous assure que Jésus-Christ,
après avoir soufflé sur les Apôtres, leur dit:
Recevez le Saint-Esprit: les péchés seront remis à
ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux
à qui vous les retiendrez.
Et il ne faut pas s’imaginer que ce pouvoir
de pardonner s’applique seulement à certaines espèces de
fautes. non. Il n’en est aucune, si criminelle qu’elle soit, ou qu’on la
suppose, que la Sainte Eglise ne puisse remettre. Il n’est
personne, si méchant et si coupable qu’il soit, qui ne doive espérer
avec assurance son pardon, pourvu que son repentir soit sincère.
Ce pouvoir non plus n’est point limité de telle sorte, que l’on
puisse en user seulement dans un temps déterminé. Quelle
que soit l’heure à laquelle le pécheur veuille revenir au
bien, il ne faut pas le rejeter. C’est le précepte formel de Notre-Seigneur
Lorsque le prince des Apôtres lui demanda s’il fallait pardonner
plus de sept fois, Il lui répondit: non pas sept fois, mais soixante-dix-sept
fois sept fois.
§ II. — A QUI A ETE CONFIE, DANS
L’EGLISE, LE POUVOIR DE REMETTRE LES PECHES.
Si nous envisageons ce pouvoir dans ceux
qui doivent l’exercer, nous lui trouvons des limites. En effet Notre-Seigneur
n’a pas voulu confier à tous les Chrétiens une fonction si
haute et si sainte, Il en a chargé uniquement les Evêques
et les Prêtres. — Si d’autre part nous considérons ce pouvoir
dans la manière de l’exercer, il est également limité.
Ce n’est que par les Sacrements administrés chacun selon la forme
requise, que les péchés peuvent être remis. L’Eglise
n’a pas reçu le droit de les pardonner autrement. Ainsi dans la
Rémission des péchés, les Prêtres et les Sacrements
sont de purs instruments dont Notre-Seigneur Jésus-Christ, unique
Auteur et Dispensateur de notre Salut, veut bien se servir, pour effacer
nos iniquités et nous donner la grâce de la justification.
§ III. — LE POUVOIR DE REMETTRE LES
PECHES EST UN GRAND BIENFAIT.
Afin que les Fidèles soient en
état d’apprécier, comme il convient, ce grand Bienfait de
l’infinie Miséricorde de Dieu envers son Eglise, et par suite d’en
profiter avec tout l’empressement du zèle et de la piété,
les Pasteurs s’efforceront de mettre en pleine lumière l’excellence
et l’étendue d’une pareille Grâce. Et ils n’auront pas de
peine à atteindre ce but, s’ils ont soin de bien montrer quelle
est la puissance capable de remettre les péchés, et de faire
passer les hommes du mal au bien. Il est certain que pour produire
un tel effet, il ne faut rien de moins que la Vertu de Dieu, cette Vertu
immense et infinie que nous croyons nécessaire pour ressusciter
les morts, et pour créer le inonde. Et même, au sentiment
de Saint Augustin , faire d’un impie un juste doit passer pour une
œuvre plus brande que de créer de rien le ciel et la terre. Si donc
il faut une puissance infinie pour créer, à plus forte raison,
une puissance infinie est nécessaire pour opérer la rémission
des péchés.
Nos pères ont donc eu grandement
raison d’affirmer que Dieu seul peut remettre aux hommes leurs péchés,
et qu’un si grand prodige ne peut être que l’ouvrage de sa Bonté
et de sa Puissance souveraines. C’est Moi, dit le Seigneur Lui-même
par un Prophète, c’est Moi-même qui efface les
iniquités. En effet la Rémission des péchés
semble soumise à la même loi que l’acquittement d’une dette.
Une dette ne peut être remise que par le créancier lui-même.
Or, c’est envers Dieu que nous contractons une obligation par le péché.
ne lui disons-nous pas tous les jours dans notre prière:
Remettez-nous nos dettes ? Il est donc bien clair que c’est Lui, et Lui
seul, qui peut nous pardonner nos péchés.
Avant l’Incarnation du Fils de Dieu, ce
pouvoir admirable et vraiment divin n’avait jamais été donné
à une créature. Jésus-Christ notre Sauveur, vrai Dieu
et vrai homme, est le premier qui l’ait reçu, comme homme, de Dieu
son Père. Afin que vous sachiez, dit-Il, que le Fils
de l’homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés,
levez-vous, dit-Il au paralytique, prenez votre lit et allez dans votre
maison. Il s’était fait homme pour accorder aux hommes le pardon
de leurs péchés.
Mais avant de remonter au Ciel, pour y
être assis à jamais à la droite de son Père,
Il laissa ce pouvoir dans son Eglise aux Evêques et aux Prêtres.
toutefois, comme nous l’avons déjà remarqué, Notre-Seigneur
Jésus-Christ remet les péchés, de sa propre autorité,
tandis que les autres n’exercent ce pouvoir que comme ses ministres. Si
donc tout ce qui porte le cachet de la Puissance infinie doit nous remplir
d’admiration et de respect, comment pour rions-nous ne pas sentir tout
le prix de ce Bienfait si pré cieux que Jésus-Christ dans
sa bonté a voulu nous accorder ?
Le moyen même que Dieu notre Père
a choisi dans sa Clémence, pour effacer les péchés
du monde, est aussi très propre à nous faire comprendre l’étendue
d’une pareille faveur. Car si son fils unique a versé son Sang,
c’était pour nous purifier de nos crimes ; Il a subi Lui-même
de sa pleine et propre Volonté le châtiment que nous avions
mérité par nos iniquités ; le Juste a été
condamné pour les pécheurs ; l’Innocent a souffert pour les
coupables la mort la plus affreuse. Réfléchissons
en nous-mêmes que nous n’avons pas été
rachetés par l’or ni par l’argent qui sont sujets à la corruption,
mais par le Précieux Sang de Jésus-Christ, le véritable
Agneau sans tache et sans souillure, et nous n’aurons pas de peine à
voir que rien de plus salutaire ne pouvait nous être accordé
que cette faculté de remettre les péchés. C’est qu’en
effet il y a dans ce pouvoir que Dieu nous a donné une preuve de
son admirable Providence et en même temps de son amour infini pour
nous.
Voici également une pensée
très précieuse en fruits de salut pour tous ceux qui voudront
s’y arrêter. Celui qui a le malheur d’offenser Dieu par un péché
mortel perd immédiatement tous les mérites qu’il avait pu
acquérir par la Mort et la Croix de Jésus-Christ, et l’entrée
du Ciel qui déjà lui avait été fermée
une fois, mais que la Passion du Sauveur avait de nouveau ouverte à
tous, lui est dès lors interdite. Comment ne pas être frappés
de la plus vive frayeur à la vue de notre misère lorsque
notre esprit s’arrête sur cette triste réalité ? C’est
alors qu’il faut reporter notre pensée sur ce pouvoir admirable
que Dieu a donné à son Eglise. Et si nous croyons fermement,
d’après cet article du Symbole, que la faculté a été
accordée à tous de rentrer avec le secours de la Grâce,
dans la dignité de leur premier état, il est impossible de
ne pas concevoir la joie la plus vive, l’allégresse la plus entière,
et de ne pus rendre à Dieu d’immortelles actions de grâces.
Et certes,’si nous avons l’habitude de trouver bons et désirables
les remèdes que l’art et la science des médecins nous préparent,
quand nous sommes attaqués de quelque maladie grave, combien ne
devons-nous pas trouver plus agréables encore les remèdes
que Dieu dans sa Sagesse a bien voulu mettre à notre disposition
pour guérir nos âmes et leur rendre la vie de la Grâce
? D’autant que ces divins remèdes ne donnent pas seulement une espérance
douteuse de guérison, comme ceux des hommes, mais qu’ils procurent
infailliblement la santé spirituelle à tous ceux qui la désirent.
§ IV. — COMMENT LES FIDELES DOIVENT
FAIRE USAGE DE LA REMISSION DES PECHES.
Après avoir fait connaître
aux Fidèles l’excellence d’un pouvoir si étendu et si admirable,
il y aura lieu de les exhorter à en profiter avec beaucoup de soin
pour le plus grand bien de leurs âmes. Il est difficile que celui
qui ne fait pas usage d’une chose utile et nécessaire, ne semble
pas la mépriser. Il ne faut pas oublier que Notre-Seigneur Jésus-Christ
n’a donné à son Eglise le pouvoir de remettre les péchés,
que pour mettre à la disposition de tous ce Remède salutaire.
Comme personne ne peut se purifier sans le Baptême, de même,
après avoir perdu la grâce baptismale par le péché
mortel, nul ne peut la recouvrer, qu’en recourant à cet autre moyen
d’expiation qui s’appelle le sacrement de Pénitence.
Mais il faut bien avertir les Fidèles
qu’une si grande facilité de pardon, si étendue du côté
des fautes, et si illimitée au point de vue du temps, ne doit point
les rendre plus libres pour se livrer au péché, ni plus lents
pour se repentir. Dans le premier cas ils seraient évidemment convaincus
de mépris injurieux pour cette Divine Puissance, et par conséquent
ils seraient indignes de la Miséricorde de Dieu. Dans le second
il y aurait grandement à craindre qu’ils ne fussent surpris par
la mort, et par conséquent que leur foi à la Rémission
des péchés ne devint inutile, parce que leurs retards et
leurs atermoiements leur en auraient justement fait perdre tous les avantages.
Chapitre douzième — Du onzième
article du Symbole
JE CROIS LA RESURRECTION DE LA CHAIR
§ I. — PREUVE DE LA RESURRECTION.
La preuve manifeste de la force et de
la valeur de cet article pour confirmer la vérité de notre
Foi, c’est que nos Saintes Ecritures ne se contentent pas de le proposer
à la croyance des Fidèles, mais ont soin de l’appuyer sur
plusieurs raisonnements. Ce qu’elles ne font presque jamais par rapport
aux autres articles. D’où nous devons conclure que la Résurrection
de la chair est en quelque sorte le fondement le plus solide de nos célestes
espérances. Si les morts ne ressuscitent point, dit très
bien l’Apôtre Saint Paul, Jésus-Christ non plus
n’est point ressuscité ; par conséquent, notre prédication
est vaine, et notre Foi est vaine aussi. Le Pasteur devra donc apporter
autant de zèle à établir et à expliquer cette
Vérité, que tant d’impies en ont mis à essayer de
la détruire. La connaissance en sera très utile et très
avantageuse aux Fidèles ; nous le ferons voir tout à l’heure.
Remarquons d’abord que la résurrection
des hommes prend ici le nom de résurrection de la chair. Et ce n’est
pas sans raison. Les Apôtres ont voulu par là confirmer cette
vérité — qu’il faut nécessairement admettre — l’immortalité
de l’âme. Et comme ils pouvaient craindre qu’on ne vînt à
s’imaginer que cette âme périssait avec le corps, et qu’ensuite
elle était rappelée à la vie avec lui, — malgré
les nombreux passages de l’Ecriture qui attestent son immortalité
— ils n’ont à dessein parlé dans cet article que de la Résurrection
de la chair. Il est vrai que nous voyons plus d’une fois dans la Sainte
Ecriture le mot chair désigner l’homme tout entier, comme dans ce
texte d’Isaïe: toute chair est comme du foin ; et dans
celui-ci de Saint Jean: Le Verbe s’est fait chair. Mais ici
il ne désigne que le corps afin de bien nous montrer que des deux
parties qui composent l’homme, l’âme et le corps, le corps seule
ment est sujet à la corruption et retourne à la poussière
d’où il a été tiré, tandis que l’âme
est absolument incorruptible. Dès lors, comme personne ne peut ressusciter
sans avoir auparavant passé par la mort, il est impossible, à
proprement parler, de dire que l’âme ressuscite.
Une autre raison encore a fait employer
ici ce mot, chair: on voulait réfuter l’hérésie d’Hyménée
et de Philéte, deux hérétiques du temps de Saint Paul,
qui prétendaient que lorsque la Sainte Ecriture nous parle de la
résurrection, il ne s’agit point de la résurrection des corps,
mais de cette résurrection spirituelle qui nous fait passer de la
mort du péché à la Vie de la Grâce. Or les termes
même du pré sent article ont précisément pour
effet de détruire cette hérésie, et d’établir
nettement la vérité de la Résurrection des corps.
Les Pasteurs auront soin de faire ressortir
cette vérité par des exemples tirés de l’Ancien et
du nouveau testament, ainsi que de l’histoire de l’Eglise. Elie et Elisée
dans l’Ancien testament, dans le nouveau, les Apôtres, et beau coup
d’autres personnages rappellent des morts à la vie, sans compter
ceux que Jésus-Christ a ressuscités Lui-même. toutes
ces résurrections confirment la doctrine enseignée dans cet
article. En effet si nous croyons qu’un bon nombre de morts ont été
rappelés à la vie, pourquoi ne pas croire également
que tous le seront un jour ? A vrai dire le premier fruit que nous devons
retirer de ces miracles est de croire plus fermement au dogme de la Résurrection.
Cette vérité d’ailleurs
a pour elle dans l’Ecriture de nombreux témoignages, qui se présenteront
naturellement à l’esprit de ceux qui sont quelque peu versés
dans la connaissance des Livres Saints. Les plus remarquables de l’Ancien
testament sont, dans le livre de Job: Je verrai mon Dieu dans ma chair
, et dans les prophéties de Daniel: Ceux qui dorment dans la poussière
se réveilleront, les uns pour la Vie Eternelle, les autres pour
l’Opprobre éternel . A son tour le nouveau testament nous
parle clairement de la Résurrection des corps en plusieurs en droits,
par exemple dans Saint Matthieu lorsqu’il nous rapporte la dispute de Notre-Seigneur
avec les Sadducéens . Et dans Saint Jean quand il nous raconte
le jugement dernier . A cela il faut joindre ce que l’Apôtre
écrivait aux Corinthiens et aux Thessaloniciens, en traitant spécialement
cette question , et bien que la Résurrection soit
absolument certaine par la Foi, cependant il sera très avantageux
de montrer par des exemples, et par le raisonnement, que ce que l’Eglise
nous propose à croire dans cet article n’a rien de contraire à
la nature, ni à la raison.
Saint Paul, répondant à
cette question: comment les morts ressusciteront-ils ? « Insensés
que vous êtes, dit-il, ne voyez-vous pas que ce que vous
semez ne prend pas de vie, s’il ne meurt auparavant ? et quand vous semez,
vous ne semez point le corps de la plante même qui doit naître,
mais la graine seulement, comme celle du blé ou d’autre chose semblable
; et Dieu lui donne le corps qu’Il veut. Un peu après il ajoute:
le corps est semé dans la corruption, et il ressuscitera incorruptible.
A cette comparaison de l’Apôtre,
Saint Grégoire fait voir qu’on en peut joindre beaucoup d’autres.
Tous les jours, dit-il, la lumière disparaît à nos
yeux, comme si elle mourait, et tous les jours elle se montre de nouveau,
comme si elle ressuscitait. Les plantes perdent leur verdure, et la reprennent
ensuite, comme si elles revenaient d la vie ; les semences meurent en pourrissant,
et elles ressuscitent, en germant.
Les écrivains ecclésiastiques
apportent en outre un certain nombre de raisons très propres, ce
semble, à démontrer la Résurrection des corps.
La première est que nos âmes,
qui ne sont qu’une partie de nous-mêmes, sont immortelles, et conservent
toujours leur propension naturelle à s’unir à nos corps.
Dés lors il paraîtrait contraire à la nature qu’elles
en fussent séparées à jamais. Or ce qui est contraire
à la nature, et dans un état de violence, ne peut pas durer
toujours. Par conséquent il est de toute convenance que l’âme
soit réunie à son corps, et par conséquent aussi il
faut que le corps ressuscite. C’est le raisonnement dont voulut se servir
notre Sauveur lui-même, dans sa dispute contre les Sadducéens,
lorsque de l’immortalité des âmes, il conclut à la
Résurrection des corps.
Une seconde raison se tire de la Justice
infinie de Dieu, qui a établi des châtiments pour les méchants
et des récompenses pour les bons. Mais combien quittent cette vie,
les uns avant d’avoir subi les peines dues à leurs péchés,
les autres sans avoir revu en aucune manière les récompenses
méritées par leurs vertus ? Il est donc de toute nécessité
que les âmes soient de nouveau unies à leurs corps, afin que
ces corps qui ont servi d’instruments pour le bien comme pour le mal, partagent
avec les âmes les récompenses et les punitions méritées:
C’est la pensée que Saint Jean Chrysostome a développée
avec le plus grand soin dans une homélie au peuple d’Antioche. De
son côté, l’Apôtre Saint Paul traitant le même
sujet, avait dit: Si c’est pour cette vie seulement que nous
espérons en Jésus Christ, nous sommes les plus misérables
des hommes. Paroles qui ne doivent point s’entendre des misères
de l’âme, car l’âme est immortelle, et quand même les
corps ne ressusciteraient pas, elle pourrait cependant posséder
le bonheur dans la Vie future. Il faut donc les rapporter, ces paroles,
à l’homme tout entier. Si en effet le corps ne doit pas recevoir
sa récompense pour les peines qu’il en dure, il est impossible d’échapper
à cette conclusion que ceux qui souffrent dans cette vie toutes
sortes d’afflictions et de maux, comme les Apôtres, sont, à
coup sûr, let plus malheureux de tous les hommes.
Le même Saint Paul enseigne cette
vérité aux Thessaloniciens, et en termes beaucoup plus clairs
encore: nous nous glorifions en vous, dans toutes les Eglises,
à cause de votre patience et de votre Foi, au milieu même
de toutes les persécutions et de toutes les tribulations qui vous
arrivent. Elles sont des marques du juste jugement de Dieu, et elles servent
à vous rendre dignes de son Royaume pour lequel aussi vous souffrez.
Car il est juste devant Dieu qu’il afflige à leur tour tous ceux
qui vous affligent maintenant, et que vous, qui êtes dans l’affliction,
Il vous fasse jouir du repos avec nous, lorsque le Seigneur Jésus
descendra du ciel avec les Anges, ministres de sa puissance, lorsqu’Il
viendra au milieu des flammes pour tirer vengeance de ceux qui ne connaissent
point Dieu, et qui n’obéissent point à l’Evangile de Notre-Seigneur
Jésus-Christ.
Ajoutez à cela qu’il n’est pas
possible à l’homme, tant que l’âme est séparée
du corps, de posséder une félicité entière,
et au comble de tous les biens. Si la partie, séparée du
tout, est nécessairement imparfaite, l’âme séparée
du corps est dans le même cas. D’où il suit que la Résurrection
du corps est nécessaire, pour que rien ne manque à la félicité
de l’âme. Avec ces raisons et d’autres du même genre, le Pasteur
pourra donner sur ce point aux Fidèles des lumières suffisantes.
Mais il faudra de plus qu’il leur explique
soigneusement, selon la doctrine de l’Apôtre, qui sont ceux qui doivent
ressusciter . De même que tous meurent en Adam, dit-il aux
Corinthiens, de même tous seront vivifiés en Jésus
Christ. tous ressusciteront donc, sans distinction de bons et de mauvais,
mais ils n’auront pas tous le même sort . Ceux qui auront fait
le bien ressusciteront pour la Vie Eternelle, et ceux qui auront fait le
mal ressusciteront pour leur condamnation.
Et quand nous disons tous, nous entendons,
et ceux qui seront morts avant le Jugement dernier, et ceux qui mourront
alors. L’opinion qui affirme que tous les hommes mourront, sans en excepter
un seul, est celle de l’Eglise, et la plus conforme à la vérité,
au dire de Saint Jérôme. Saint Augustin est du
même avis . Et ce sentiment n’est point en opposition avec
ces paroles de l’Apôtre aux Thessaloniciens: Ceux qui
sont morts en Jésus-Christ ressusciteront les premiers. Puis nous
qui sommes vivants, et qui seront demeurés en vie jusqu’à
ce moment, nous serons enlevés avec eux sur les nuées, pour
aller au devant de Jésus-Christ dans les airs. Saint Ambroise pour
expliquer ce passage, ajoute: La mort nous saisira comme un
sommeil dans cet enlèvement même. A peine l’âme sera-t
elle sortie du corps qu’elle y rentrera. nous mourrons pendant le temps
même que nous serons enlevés, afin qu’en arrivant devant le
Seigneur sa Présence nous rende nos âmes, parce que les morts
ne peuvent pas être avec le Seigneur. Cette opinion a pour elle aussi
le témoignage et l’autorité de Saint Augustin, dans son livre
« de la cité de Dieu. »
§ II. — ETAT DES CORPS RESSUSCITES.
Une autre chose très importante
à connaître, et que les Pasteurs devront expliquer avec tout
le soin possible, c’est que chacun de nous ressuscitera avec son propre
corps, c’est-à-dire avec le même corps que nous avons sur
la terre, et qui aura été corrompu dans le tombeau et réduit
en poussière. Ainsi l’enseigne l’Apôtre. Il faut,
dit-il, que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité.
Car le mot, ce corps, désigne nettement le corps que nous avons
maintenant. Job a prédit aussi le même miracle, et sans la
moindre obscurité. Je verrai Dieu dans ma chair, dit
il, je le verrai moi-même, je Le contemplerai de mes propres yeux,
moi et non un autre.
La même conclusion se déduit
de la définition même de la Résurrection. Qu’est-ce
en effet, selon Saint Jean Damas cène, que la Résurrection,
sinon le retour à l’état d’où l’on était déchu
? — enfin si nous voulons considérer les raisons que nous avons
établies plus haut de la nécessité de la Résurrection,
aucun doute sur ce point ne sera plus possible. nous devons tous ressusciter,
avons-nous dit, afin que nos corps reçoivent, suivant
ce qu’ils auront fait, le bien ou le mal. Donc il faut que l’homme ressuscite
avec ce même corps qu’il aura employé au service de Dieu,
ou au service du démon, afin que dans ce même corps égale
ment, il obtienne la couronne et la récompense de son triomphe,
ou bien qu’il ait le malheur de supporter les peines et les châtiments
qu’il aura mérités.
Et non seulement notre propre corps ressuscitera,
mais tout ce qui appartient à l’intégrité de sa nature,
à l’orne ment et à la beauté de l’homme lui sera restitué.
nous avons dans Saint Augustin un excellent témoignage en faveur
de cette Vérité. Alors, dit-il, il ne restera
rien de défectueux dans le corps. Ceux qui auront trop d’embonpoint
et d’obésité, ne reprendront point toute celte masse de chair:
tout ce qui dépassera une juste proportion sera réputé
superflu. Au contraire, tout ce que la maladie ou la vieillesse aura détruit
dans le corps, sera réparé par la Vertu divine de Jésus-Christ.
Il en sera de même des corps naturellement maigres et décharnés
; non seulement le Seigneur les ressuscitera, mais il leur rendra tout
ce que les maux de la vie leur avaient ôté. Dans un autre
endroit le même Saint Augustin dit encore: L’homme ne
renaîtra pas alors avec tous ses cheveux, mais avec tous ceux que
la convenance demandera, selon ce que nous lisons dans l’Evangile, que
tous les cheveux de notre tête sont comptés, c’est-à-dire
tous les cheveux que la Sagesse Divine jugera à propos de nous rendre.
Nos membres surtout seront rétablis
et remis tous en place, parce qu’ils sont tous nécessaires à
l’intégrité du corps humain. Ainsi les aveugles de naissance,
ou ceux qui le seront devenus par accident, les boiteux, les manchots,
les infirmes de toute sorte, tous ressusciteront avec un corps parfait
et complet. Autrement, l’âme qui a un si grand désir de s’unir
au corps, n’aurait pas la satisfaction qu’elle réclame. Et cependant
nous croyons fermement qu’à la Résurrection tous ses désirs
seront satisfaits et remplis.
De plus n’est-il pas certain que la Résurrection
est, avec la Création, l’un des principaux ouvrages de Dieu ? Si
donc au commencement tout fut créé dans un état parfait,
il faut bien reconnaître qu’il en sera de même dans la Résurrection.
Et cela n’est pas seulement vrai des Martyrs,
dont Saint Augustin a dit expressément: Ils ne resteront
pas sans leurs membres. Cette mutilation ne pourrait être dans leurs
corps qu’un défaut choquant. Et ceux qui auraient eu la tête
tranchée devraient ressusciter sans tête. Ils porteront encore,
il est vrai, dans leurs membres, les traces du glaive ; mais ces cicatrices
glorieuses, comme celles de Jésus-Christ, brilleront avec plus d’éclat
que l’or et les pierres précieuses. — Les méchants aussi
ressusciteront avec tous leurs membres, même avec ceux qu’ils auraient
perdus volontairement. Plus en effet ils auront de membres, plus leurs
souffrances seront multipliées. Ce ne sera pas pour leur avantage
qu’ils seront rétablis dans leur premier état, mais pour
leur malheur et leur châtiment. Le mérite de nos actes n’appartient
pas à nos membres, mais à la personne qui possède
ces membres. Par conséquent, ceux qui auront fait pénitence
recouvreront tous leurs membres pour que leur récompense en soit
augmentée, et ceux qui auront méprisé la pénitence,
pour l’augmentation de leur supplice. — Si les Pasteurs savent méditer
cette doctrine avec attention, ils ne manqueront ni de motifs, ni de paroles
pour exciter les Fidèles à la piété, et les
enflammer d’amour envers Dieu. Ainsi, en présence des peines et
des misères de la vie, ils tourneront leurs regards et leurs espérances
vers cette Résurrection si heureuse et si glorieuse qui est promise
aux Justes et aux Saints.
§ III. — QUALITES DES CORPS RESSUSCITES.
S’il est vrai que les corps qui ressusciteront
doivent être, quant à la substance, les mêmes que la
mort aura détruits, cependant il faut que les Fidèles sachent
bien que leur condition sera notablement changée. En effet, sans
parler ici de tout le reste, la différence capitale entre leur premier
et leur deuxième état, c’est que nos corps qui étaient
auparavant sujets à la mort, deviendront immortels, dés qu’ils
auront été rappelés à la vie, sans distinction
de bons et de méchants. Admirable restauration de notre nature dont
nous sommes redevables à la victoire que notre Seigneur Jésus-Christ
a remportée sur la mort. La Sainte Ecriture est formelle sur ce
point: Il anéantira la mort à jamais, dit Isaïe en parlant
de Jésus-Christ . Osée Lui fait dire: Ô
mort, Je serai ta mort. Saint Paul, expliquant cette parole, ne craint
pas d’affirmer qu’après tous les autres ennemis, la
mort même sera détruite.
Nous lisons dans Saint Jean:
Il n’y aura plus de mort. Il était en effet de suprême convenance
que les mérites de Jésus-Christ, qui ont détruit l’empire
de la mort, fussent infiniment plus efficaces et plus puissants que le
péché d’Adam . — enfin la Justice Divine demandait
que les bons fussent pour toujours en possession de la Vie. bienheureuse,
tandis que les méchants, souffriraient leurs éternels tourments,
chercheraient la mort sans la trouver, et la désireraient sans pouvoir
l’obtenir .
L’immortalité sera donc commune
aux bons et aux méchants.
De plus les corps des Saints, après
la Résurrection, posséderont certaines prérogatives,
certaines qualités très brillantes qui les rendront bien
plus excellents qu’ils n’étaient auparavant. nos Pères en
comptent quatre principales conformément à la doctrine de
l’Apôtre .
La première est l’impassibilité,
c’est-à-dire ce don précieux qui les préservera de
toute espèce de mal, de douleur, en un mot de toute chose fâcheuse.
La rigueur du froid, l’ardeur de la flamme, la violence des eaux, rien
ne pourra leur nuire. Le corps est semé corruptible, dit l’Apôtre,
il se relèvera incorruptible. Si les théologiens ont employé
ce mot d’impassibilité plutôt que celui d’incorruptibilité,
c’est qu’ils voulaient n’exprimer par là que ce qui convient aux
corps glorieux. Les damnés en effet ne partageront point avec les
Saints l’impassibilité. Au contraire leurs corps, malgré
leur incorruptibilité pourront souffrir du chaud, du froid, et de
mille autres tourments.
La seconde est la clarté qui rendra
les corps des Saints aussi brillants que le soleil. Notre-Seigneur l’affirme
nettement dans Saint Matthieu: Les justes brilleront comme
le soleil dans le Royaume de mon Père. Et pour enlever tout doute
sur ce point, il opère devant ses Apôtres le miracle de la
transfiguration . Saint Paul, pour exprimer cette qualité,
se sert tantôt du mot de clarté, tantôt du mot de gloire.
Jésus-Christ, dit-il, reformera notre corps vil et abject, en te
rendant semblable à son Corps glorieux. Et dans un autre endroit:
le corps est semé dans l’ignominie, il ressuscitera glorieux. Les
Israélites, dans le désert , virent une image de cette
gloire sur le front de Moise, lorsque sortant de l’entretien qu’il avait
eu face à face avec Dieu, il parut devant eux avec un visage si
lumineux, que leurs yeux ne pouvaient en soutenir l’éclat.
Or cette clarté n’est qu’un rayon
de la souveraine félicité de l’âme rejaillissant sur
le corps tout entier, et le corps sera heureux du bonheur de l’âme,
comme l’âme n’est heureuse que parce qu’elle participe à la
félicité même de Dieu. Mais il ne faut pas croire que
ce don de clarté sera également distribué à
tous, comme le don de l’impassibilité. Les corps des Saints seront
tous impassibles de la même manière, mais ils n’auront pas
tous le même degré de clarté. Car, dit Saint Paul
, autre est l’éclat du Soleil, autre celui de la lune, autre celui
des étoiles. Et de même qu’une étoile diffère
d’une autre en clarté, ainsi en sera-t-il de la Résurrection
des morts.
La troisième qualité des
corps des Saints sera l’agilité. Elle délivrera le corps
du poids qui l’accable dans la vie présente. Ainsi ce corps pourra
se porter partout où il plaira à l’âme avec une facilité
et une vitesse incomparables. C’est l’enseignement formel de Saint Augustin
dans son ouvrage de la Cité de Dieu, et de Saint Jérôme
dans son commentaire sur Isaïe - . C’est pourquoi l’Apôtre
a dit: Le corps est semé dans l’infirmité, mais
il ressuscitera dans la puissance.
La quatrième est la subtilité.
Elle rendra le corps entièrement soumis à l’empire de l’âme
; il sera son serviteur, toujours prêt à lui obéir
au moindre signe. C’est l’affirmation très nette de l’Apôtre
Saint Paul: ce qui est semé en terre, dit-il, est un
corps animal, et ce qui ressuscitera sera un corps spirituel. tels sont
à peu près les points principaux qu’il faudra mettre en lumière,
en expliquant cet article.
§ IV. — FRUITS A TIRER DE CET ARTICLE.
Afin que les Fidèles soient en
état de bien apprécier tous les fruits qu’ils peuvent retirer
de la connaissance de tant et de si grands Mystères, il y aura lieu
d’abord de leur déclarer qu’ils doivent toute leur reconnaissance
à Dieu qui a daigné révéler ces choses aux
petits, pendant qu’Il les a cachées aux sages . Combien en
effet d’hommes éminents par leur sagesse, et distingués par
leur science, qui n’ont été que de pauvres aveugles vis-à
-vis d’une Vérité si incontestable ? Si donc le Seigneur
nous a découvert ces secrets, auxquels nous n’avons pas même
le droit d’aspirer, quel motif pour nous d’exalter, par des louanges continuelles,
sa Bonté et sa Clémence infinies !
En second lieu, voici un autre avantage
très appréciable que nous retirerons de la méditation
de cet article, c’est que, à la mort de ceux qui nous sont unis
par les liens du sang ou de l’amitié, il nous sera plus facile de
consoler les autres, et de nous consoler nous-mêmes. L’Apôtre
Saint Paul ne manqua pas de se servir de ce moyen, lorsqu’il écrivit
aux Thessaloniciens sur les morts qu’ils pleuraient .
Troisièmement, la pensée
de la Résurrection nous apportera également la meilleure
consolation dans toutes les peines et les misères de la vie. C’est
l’exemple que nous a laissé le saint homme Job, qui ne se consolait
de ses afflictions et de ses malheurs, que par l’espérance de voir
le Seigneur son Dieu, au jour de la Résurrection .
Enfin il n’y a peut-être pas de
vérité plus capable de porter les fidèles à
faire tous les efforts possibles pour mener une vie sainte, et pure de
tout péché. En effet, s’ils pensent sérieusement à
ces richesses incalculables qui doivent suivre la Résurrection,
et qui les attendent, ils n’auront pas de peine à s’adonner avec
ardeur à la pratique de la vertu et de la piété. —
et au contraire, rien ne peut être plus efficace pour réprimer
les mauvaises passions, et pour détourner l’homme du mal, que de
lui rap peler fréquemment les châtiments et les supplices
qui frapperont les méchants, lorsque, au dernier jour, ils ressusciteront
pour être condamnés .
Chapitre treizième — Du douzième
article du Symbole
JE CROIS LA VIE ETERNELLE
Les Saints Apôtres, nos guides et
nos maîtres, ont voulu que le Symbole, cet abrégé de
notre Foi, se terminât par l’article de la Vie Eternelle. C’est qu’en
effet, d’une part, après la Résurrection de la Chair, les
Fidèles n’ont plus à attendre que la récompense de
la Vie Eternelle, et, d’autre part,. ils doivent sans cesse avoir devant
les yeux cette félicité si pleine et si complète,
et en faire le but et la fin de toutes leurs pensées et de tous
leurs désirs.
C’est pourquoi, en instruisant les peuples,
les Pasteurs ne perdront aucune occasion de leur rappeler ces magnifiques
récompenses de la Vie Eternelle, Par ce moyen ils les exciteront
sûrement, non seulement à supporter en leur qualité
de Chrétiens, les choses les plus difficiles, mais même à
les trouver faciles et agréables, et à servir Dieu avec une
obéissance plus prompte et plus joyeuse.
§ I — QU’EST-CE QUE LA VIE ETERNELLE
?
Les paroles qui servent à exprimer
dans cet article le bonheur qui nous attend cachent plus d’un mystère.
Il faut donc les expliquer avec soin, afin que chacun puisse les comprendre
selon la portée de son intelligence.
Les Pasteurs devront donc apprendre aux
Fidèles que ces mots, la Vie Eternelle, ne désignent pas
tant l’éternité de la vie des Saints — puisque les démons
et les méchants vivront éternellement comme les bons — que
l’éternité de leur béatitude ; béatitude qui
comblera tous leurs désirs. C’est ainsi que les comprenait ce docteur
de la Loi qui, dans l’Evangile, demanda à notre Divin
Sauveur ce qu’il avait à faire pour posséder la Vie Eternelle.
Comme s’il eût dit: que faut-il que je fasse pour parvenir au lieu
où l’on jouit d’une parfaite félicité ? C’est dans
ce sens que les Saintes Ecritures emploient ces paroles. On peut s’en convaincre
par de nombreux exemples.
La raison principale qui a fait donner
ce nom de Vie Eternelle au bonheur souverain et parfait, c’est qu’on voulait
écarter absolument l’idée que ce bonheur pût consister
dans des choses corporelles et caduques, qui ne peuvent être éternelles.
Ce mot de béatitude n’exprimait point assez par lui-même ce
que nous attendons, d’autant qu’il s’est rencontré des hommes enflés
d’une vaine sagesse, qui n’ont pas craint de placer le Souverain Bien dans
les choses sensibles. Mais chacun sait qu’elles vieillissent et passent
; tandis que le bonheur n’est limité par aucun temps. Au contraire
ces choses sensibles sont tellement opposées au bonheur, que plus
on se laisse prendre par le goût et l’amour du monde, plus on s’éloigne
de la félicité véritable. Aussi est-il écrit:
N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu’un
aime le monde, la Charité du Père n’est pas en lui. Et un
peu plus loin: Le monde passe et sa concupiscence avec lui.
Voilà ce que les Pasteurs s’efforceront
de graver dans le cœur des Fidèles, afin qu’ils n’aient que du mépris
pour les choses périssables, et qu’ils soient bien persuadés
qu’il n’y a point de vrai bonheur en ce monde, où nous ne sommes
que des étrangers, et non de vrais citoyens . Nous pouvons
sans doute nous dire heureux dès ce monde, par l’espérance,
lorsque, renonçant à l’impiété et aux désirs
du siècle, nous vivons ici-bas avec tempérance, justice et
piété, attendant la bienheureuse espérance et l’arrivée
de la gloire du grand Dieu, et de notre Sauveur Jésus-Christ
. Mais un grand nombre d’hommes, qui étaient pleins de sagesse à
leurs propres yeux, n’ont pas compris cette Vérité, et ils
ont cru qu’il fallait chercher le bonheur sur cette terre. En quoi ils
ont été de pauvres insensés qui sont tombés
ensuite dans les plus grands malheurs .
Ce mot de Vie Eternelle nous fait comprendre
également que le bonheur une fois acquis ne peut plus se perdre,
quoi qu’en aient dit plusieurs contre toute vérité. En effet,
la vraie félicité renferme tous les biens, sans aucun mélange
de mal. Et s’il est vrai qu’elle doit remplir tous les désirs de
l’homme, il faut nécessairement qu’elle soit éternelle. Celui
qui est heureux peut-il ne pas désirer ardemment de jouir sans fin
de ce qui fait son bonheur ? et sans l’assurance d’une félicité
stable et certaine, ne sera-t-il pas malgré lui en proie à
tous les tourments de la crainte ?
Enfin cette même expression de Vie
Eternelle est bien propre à nous faire concevoir combien est grande
la félicité des Bienheureux qui vivent dans la céleste
Patrie ; cette félicité est si grande que personne, excepté
les Saints eux-mêmes, ne saurait s’en faire une juste idée.
Car dès qu’on emploie, pour désigner un objet, un terme qui
est commun à plusieurs autres, c’est une marque évidente
qu’il manque un mot propre pour exprimer cet objet d’une manière
complète.
Si donc nous désignons le bonheur
des Saints par des mots qui ne s’appliquent pas plus nécessairement
à eux, qu’en général à tous ceux qui vivront
éternellement, nous sommes en droit d’en conclure que c’est une
chose trop élevée et trop excellente, pour qu’il soit possible
d’en donner, par un mot propre, une idée assez étendue. II
est vrai que dans la Sainte Ecriture, nous trouvons un bon nombre d’expressions
différentes pour le désigner, comme Royaume de Dieu
, de Jésus-Christ , des cieux , Paradis , cité
sainte, nouvelle Jérusalem , maison du Père .
Mais il est évident qu’aucun de
ces noms ne suffit pour en exprimer toute la grandeur.
Les Pasteurs ne laisseront donc point
échapper l’occasion qui leur est offerte ici d’exhorter les Fidèles
à la piété, à la justice, et à l’accomplissement
de tous les devoirs de la Vie Chrétienne, en faisant briller à
leurs yeux ces récompenses incomparables que l’on désigne
sous le nom de Vie Eternelle. La vie en effet compte toujours parmi les
plus grands biens que notre nature puisse désirer. C’est donc avec
raison que l’on a exprimé de préférence le souverain
Bonheur par l’idée de la Vie Eternelle. Et lorsque cette vie, qui
pourtant est si courte, si calamiteuse, si sujette à tant de misères,
qu’elle mériterait plutôt d’être appelée une
véritable mort, lorsqu’une pareille vie, disons-nous, ne laisse
pas d’être pour nous le bien le plus cher, le plus aimé, le
plus agréable, avec quel zèle, avec quelle ardeur ne devons-nous
pas nous empresser vers cette Vie Eternelle, qui détruit tous les
maux, et nous offre l’abondance parfaite de tous les biens ?
§ II. — NATURE DU BONHEUR ETERNEL.
Selon les saints Pères
la félicité de la Vie Eternelle, c’est à la fois la
délivrance de tous
les maux, et la possession de tous les biens.
En ce qui concerne les maux, nos Saints
Livres sont clairs et formels. Ainsi il est écrit dans l’Apocalypse:
Les Bienheureux n’auront plus ni faim, ni soif ; le soleil, ni aucune chaleur
ne les incommodera plus. Et ailleurs: Dieu essuiera toutes
les larmes de leurs yeux ; il n’y aura plus ni mort, ni deuil ni cris,
ni douleur, parce que le premier état sera passé.
En ce qui concerne les biens, leur gloire
sera immense, et en même temps ils posséderont tous les genres
de joie et de délices. Mais aujourd’hui il est impossible que nous
comprenions la grandeur de ces biens ; ils ne peuvent se manifester à
notre esprit.
Pour les goûter, il faut que nous
soyons entrés dans la joie du Seigneur. Alors nous en serons comme
inondés et enveloppés de toutes parts, et tous nos désirs
seront satisfaits.
L’énumération des maux dont
nous serons délivrés semble beaucoup plus facile à
faire, remarque Saint Augustin que celle des biens et des plaisirs
dont nous jouirons. Cependant les Pasteurs devront s’employer à
expliquer clairement et brièvement ce qu’ils croiront propre à
allumer dans le cœur des Fidèles le désir d’acquérir
cette félicité souveraine: Pour cela ils auront à
distinguer, avec les meilleurs auteurs ecclésiastiques, deux sortes
de biens qui composent la Béatitude éternelle, les uns qui
tiennent à la nature même du bonheur, les autres qui n’en
sont que des conséquences. D’où le nom de biens essentiels
qu’ils donnent aux premiers, afin que leur enseignement soit plus précis,
et le nom de biens accidentels qu’ils réservent aux seconds.
La véritable béatitude,
celle qu’on peut appeler essentielle consiste dans la vision de Dieu et
la connaissance de sa Beauté, principe et source de tout bien et
de toute perfection. La Vie Eternelle, dit Notre-Seigneur Jésus-Christ,
c’est de vous connaître, vous, le seul Dieu véritable, et
celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ. Paroles que saint
Jean semble expliquer quand il dit: Mes bien-aimés,
nous sommes maintenant les enfants de Dieu ; mais ce que nous serons un
jour ne paraît pas encore. nous savons que lorsque Jésus-Christ
se montrera, nous lui serons semblables, parce que nous Le verrons tel
qu’Il est. Il nous fait entendre en effet que la béatitude consiste
en deux choses: à voir Dieu tel qu’Il est en Lui-même et dans
sa propre nature et à devenir nous-mêmes comme des dieux.
Ceux qui jouissent de Dieu conservent toujours, il est vrai, leur propre
substance, mais en même temps ils revêtent une forme admirable
et presque divine, qui les fait paraître plutôt des dieux que
des hommes.
Et il n’est pas difficile de concevoir
la raison de cette transformation. Les choses ne peuvent se connaître
qu’en elles-mêmes et dans leur essence, ou bien par des images et
des ressemblances. Or, rien n’étant réellement semblable
à Dieu ; il n’y a aucune image, aucune ressemblance de Dieu capable
de nous donner de lui une connaissance parfaite. Par conséquent
personne ne peut voir sa nature et son essence, à moins que cette
essence divine elle-même ne vienne s’unir à nous. C’est ce
qui signifient ces paroles de l’Apôtre: Nous voyons maintenant
comme dans un miroir et par des énigmes, mais alors nous verrons
face à face.
Ce que Saint Paul entend par énigmes,
dit Saint Augustin, c’est une image propre à nous faire
connaître Dieu. Saint Denis l’enseigne nettement aussi
quand il assure que les images des choses inférieures ne peuvent
servir à faire connaître les choses supérieures. Et
en effet comment l’image d’une chose corporelle pourrait-elle nous révéler
la nature et la substance d’une chose incorporelle, puisque les idées
et les images doivent nécessairement être moins grossières
et plus spirituelles que les objets qu’elles représentent. Il est
facile de nous convaincre de cette vérité, en remarquant
ce qui se passe dans la connaissance que nous avons de chaque chose. Si
donc rien de créé ne peut nous fournir une image aussi pure,
aussi spirituelle que Dieu Lui-même, il s’ensuit qu’aucune image
ne peut nous donner une connaissance exacte de l’Essence divine.
D’ailleurs toutes les créatures
sont bornées et limitées dans les perfections qu’elles peuvent
avoir. Dieu au contraire est infini. Par conséquent l’image des
choses créées ne saurait représenter son immensité.
Il ne reste donc qu’un moyen, et un seul, de connaître l’Essence
divine, c’est que cette essence s’unisse à nous, qu’Elle élève
notre esprit d’une manière merveilleuse, et qu’Elle l’élève
assez haut pour nous rendre capables de la contempler en elle-même
et face à face.
C’est la lumière de la Gloire qui
réalisera en nous cette merveille, lorsque nous serons éclairés
par sa splendeur, et que nous verrons Dieu qui est la vraie lumière,
dans sa propre lumière. Les bienheureux contempleront
éternellement Dieu présent devant eux ; et ce don, le plus
excellent et le plus admirable de tous, les rendra participants de la nature
divine, et les mettra en possession de la vraie et définitive Béatitude.
Béatitude à laquelle nous devons avoir une foi si grande
que le Symbole des Pères de Nicée nous ordonne de l’attendre
de la Bonté de Dieu, avec la plus ferme espérance, j’attends
la Résurrection des morts et la Vie du siècle à venir.
Ces choses sont tellement divines qu’il
nous est absolument impossible de les concevoir et de les exprimer. Cependant
nous pouvons en trouver quelque image dans les choses sensibles. Ainsi
le fer que l’on soumet à l’action du feu, prend la forme du feu
; et bien qu’il ne change pas de substance, cependant il est tout autre,
et semble n’être plus que du feu. De même ceux qui ont été
introduits dans la gloire du Ciel sont tellement enflammés par l’amour
de Dieu que, sans changer de nature, ils diffèrent néanmoins
beaucoup plus de ceux qui vivent sur la terre que le fer incandescent ne
diffère de celui qui est froid. Pour tout dire en un mot, la félicité
souveraine et absolue, que nous appelons essentielle, consiste dans la
possession de Dieu. Que peut-il manquer en effet au parfait bonheur de
celui qui possède le Dieu de toute Bonté et de toute perfection.
A cette Béatitude essentielle,
il se joint encore quelques avantages accessoires, communs à tous
les Saints. Avantages qui sont plus à la portée de nos moyens,
et qui, par le fait, sont ordinairement plus puissants pour remuer nos
cœurs et exciter nos désirs. De ce nombre sont ceux que l’Apôtre
avait en vue, quand il écrivait aux Romains : Gloire,
honneur et paix à quiconque fait le bien ! en effet, outre cette
gloire qui se confond avec la béatitude essentielle, ou du moins
qui en est inséparable, il est une autre espèce de gloire
dont jouiront les Saints. C’est celle qui résultera de la connaissance
claire et distincte que chacun aura du mérite et de l’élévation
des autres.
Ne sera-ce pas aussi un très grand
honneur pour les Saints d’être appelés par le Seigneur, non
plus ses serviteurs, mais ses amis, ses frères,
et les enfants de Dieu ? et dans ces paroles que notre Sauveur
adressa aux élus: Venez, les bénis de mon Père,
possédez le Royaume qui vous a été préparé,
Il y a autant de tendresse et d’amour, elles sont si honorables et si glorieuses
que nous avons le droit de nous écrier: Seigneur, Vous
honorez vraiment trop vos amis !
De plus Jésus-Christ les comblera
de louanges devant son Père céleste et devant les Anges.
Enfin, si la nature a gravé dans
tous les cœurs le désir d’obtenir l’estime de ceux qui brillent
par leur sagesse — précisément parce qu’ils sont les témoins
et les juges les plus capables d’apprécier le mérite — quelle
augmentation de gloire pour les Bienheureux de ce qu’ils auront les uns
pour les autres l’estime la plus profonde ?
Ce serait un travail sans fin d’énumérer
les plaisirs dont les Saints seront comblés au sein de la gloire.
Il n’est même pas possible de les concevoir tous. Cependant les Fidèles
doivent être bien persuadés que tout ce qu’ils peuvent éprouver
et même désirer ici-bas d’agréable, qu’il s’agisse
des joies de l’esprit, ou bien des plaisirs qui se rapportent à
l’état normal et parfait du corps, ils possèderont tout sans
exception, et avec une pleine abondance, mais d’une manière si élevée
et si incompréhensible que, suivant l’Apôtre l’œil
n’a rien vu, l’oreille n’a rien entendu, et le cœur de l’homme n’a jamais
rien conçu de semblable.
Ainsi le corps, auparavant grossier et
matériel, quand il aura perdu sa mortalité dans le ciel,
et qu’il sera devenu subtil et spirituel, le corps n’aura plus besoin de
nourriture.
De son côté, l’âme
trouvera une volupté ineffable à se rassasier de cet aliment
éternel de la Gloire, que le Maître de ce grand festin distribuera
à tous.
Qui donc pourrait désirer encore
des vêtements précieux, ou les ornements des rois, alors qu’ils
ne seront plus d’aucun usage, et que tous les Saints se verront revêtus
d’immortalité, brillants de lumière et couronnés d’une
éternelle Gloire ?
Sur la terre, on est heureux de posséder
une maison vaste et magnifique, mais peut-on imaginer rien de plus vaste
et de plus magnifique que le Ciel qui brille de toutes parts, et qui reçoit
sa splendeur de la Lumière même de Dieu ? Aussi, lorsque le
Prophète se représentait la beauté de ce séjour,
et qu’il brûlait du désir d’arriver à ces heureuses
demeures: Que vos tabernacles sont aimables, s’écriait-il, Seigneur
Dieu des vertus ! Mon âme soupire et se consume du désir
de la maison du Seigneur. Mon cœur et ma chair brûlent d’ardeur pour
le Dieu Vivant.
Tels sont les sentiments et le langage
que les Pasteurs ne doivent pas seulement désirer pour les Fidèles,
mais travailler sans cesse à leur inspirer. Car, dit le Seigneur
Jésus, il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père
, et chacun, selon ses mérites, y recevra une récompense
plus ou moins grande. Celui qui sème peu recueillera
peu ; celui qui sème beaucoup, moissonnera beaucoup. Il ne suffira
donc pas d’exhorter les Fidèles à mériter cette béatitude.
Il faudra encore leur représenter fréquemment que le moyen
le plus sûr de l’acquérir, c’est de s’armer de la Foi et de
la Charité, de persévérer dans la prière et
dans la pratique si salutaire des Sacrements, et enfin de remplir, envers
le prochain, tous les devoirs de la Charité. C’est le moyen assuré
d’obtenir de la Miséricorde de Dieu, quia préparé
cette Gloire bienheureuse à ceux qui L’aiment, l’accomplissement
de cette prophétie d’Isaïe: Mon peuple habitera
dans une paix délicieuse ; il sera tranquille sous ses tentes, et
jouira du repos au milieu de l’abondance.
DEUXIEME PARTIE — DES SACREMENTS
Chapitre quatorzième — Des sacrements
en général
Toutes les parties de la Doctrine Chrétienne
exigent de la part des Pasteurs des connaissances et des soins. Mais la
science des Sacrements, si impérieusement prescrite par Dieu Lui-même,
et si féconde en grâces de salut, demande une instruction
et un zèle tout particuliers. Les Pasteurs devront donc traiter
fréquemment ce sujet, avec toute l’exactitude possible. C’est le
moyen de rendre les Fidèles dignes de participer comme il convient,
à des choses si excellentes et si saintes. C’est aussi pour eux-mêmes
l’assurance de rester fidèles à cette défense divine.
Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez point vos perles
devant les pourceaux.
§ I. — EXPLICATION DU MOT SACREMENT.
Puisque nous avons à parler des
Sacrements en général, il y a lieu d’expliquer tout d’abord
ce mot lui-même, d’en donner le sens, la portée, et d’exposer
clairement ses diverses acceptions. Il nous sera ensuite plus facile de
comprendre la signification spéciale qu’il doit avoir ici. Pour
atteindre ce but, il faudra faire remarquer aux Fidèles que le mot
de Sacrement n’a pas été pris dans le même sens par
les auteurs ecclésiastiques.
Les auteurs profanes entendaient par là
l’obligation que nous contractons, lorsque nous nous engageons au service
d’un autre, sous la foi du serment. Ainsi le serment que faisaient les
soldats de servir fidèlement l’Etat, s’appelait le sacrement militaire.
C’est du moins le sens le plus ordinaire que ce mot avait pour eux.
Les auteurs ecclésiastiques, et
principalement les Pères latins, emploient ce mot pour exprimer
une chose sacrée et strictement cachée. Chez les Grecs, il
a la même signification que le mot mystère. Et c’est précisément
le sens qu’il faut lui donner dans ces paroles de saint Paul aux Ephésiens:
Il a répandu sur nous la Grâce pour nous faire connaître
le Sacrement de sa Volonté, et dans celle-ci à Timothée.
C’est un grand Sacrement de piété, et enfin dans le Livre
de la Sagesse: Ils ont ignoré les Sacrements de Dieu.
Ces textes que nous venons de citer, et beaucoup d’autres nous présentent
tous le mot de Sacrement avec le même sens, c’est-à-dire une
chose sacrée, mais inconnue et mystérieuse.
Aussi les Docteurs latins ont-ils pensé
que certains signes sensibles, qui produisent la grâce, en même
temps qu’ils la représentent et la mettent sous les yeux, pouvaient
très bien s’appeler Sacrements. Cependant saint Grégoire
le Grand prétend que ce nom de Sacrement leur a été
donné, parce qu’ils renferment, sous une enveloppe corporelle et
sensible, une Vertu divine qui opère invisiblement le salut
.
Et qu’on ne s’imagine pas que cette expression
est nouvelle dans l’Eglise. II suffit de lire Saint Augustin et Saint Jérôme
pour se convaincre que nos Docteurs les plus anciens, en parlant de ce
qui nous occupe, ont employé le plus souvent le mot de Sacrement,
quelquefois celui de Symbole, de signe mystique, ou de signe sacré.
Ces explications suffisent. Elles conviennent
aussi d’ailleurs aux Sacrements de l’Ancienne Loi. Mais comme ces Sacrements
ont été abolis par l’Evangile et la loi de Grâce, les
Pasteurs n’ont rien à en dire .
§ II. — DEFINITION DU SACREMENT.
Nous n’avons expliqué que le mot,
il faut maintenant examiner avec soin la nature et les propriétés
de la chose, et bien apprendre aux Fidèles ce que c’est qu’un Sacrement.
Personne ne peut douter que les Sacrements ne soient nécessaires
pour obtenir la Justice et le Salut. Mais de toutes les définitions
que l’on peut en donner, pour les expliquer clairement, il n’en est point
de plus lumineuse et de plus parfaite que celle de Saint Augustin,
et que tous les Docteurs et théologiens ont adoptée après
lui. Le Sacrement, dit-il, est le signe d’une chose sacrée, ou,
en d’autres termes: un Sacrement est le signe visible d’une Grâce
invisible, institué pour notre sanctification.
Mais pour rendre cette définition
encore plus lumineuse, les Pasteurs doivent en exposer toutes les parties,
les unes après les autres.
Et d’abord, il faut enseigner que les
choses perçues par nos sens sont de deux sortes. Les unes n’ont
été inventées que pour signifier quelque chose ; les
autres au contraire ont été faites uniquement pour elles-mêmes,
et non pour en signifier d’autres.
Presque toutes les choses que produit
la nature appartiennent à cette deuxième catégorie.
Mais il faut ranger dans la première les mots, l’écriture,
les enseignes, les images, les trompettes et une foule d’autres objets
du même genre. Si l’on ôte aux mots par exemple leur signification,
ne semble-t-il pas que l’on détruit du même coup la raison
qui les avait fait inventer ? toutes ces choses ne sont donc que des signes.
Car, d’après Saint Augustin, « le signe est quelque
chose qui, outre l’objet qu’il offre à nos sens, nous fait penser
à une chose différente de lui-même. Ainsi lorsque nous
trouvons des pas marqués sur le sol, nous concluons aussitôt
que quelqu’un a passé par là, et qu’il y a laissé
ces traces. »
Ceci posé, il est clair que les
Sacrements se rapportent à ces choses qui ont été
instituées pour en signifier d’autres. Ils représentent
à nos yeux, par une image sensible et une sorte d’analogie, ce que
Dieu opère dans nos âmes par sa Vertu invisible. Un exemple
fera toucher du doigt cette vérité. Lorsque, dans le Baptême,
on verse l’eau sur la tête, comme pour la laver, et qu’on prononce
en même temps les paroles prescrites et consacrées, c’est
un signe sensible que la Vertu du Saint-Esprit lave intérieurement
toutes les taches et les souillures du péché, et qu’elle
enrichit et orne nos âmes du don précieux de la Justice céleste.
Mais, comme nous l’expliquerons en temps et lieu, ce que cette ablution
du corps signifie, elle le produit en même temps dans l’âme.
Au surplus il résulte clairement
de l’Ecriture Sainte elle-même que les Sacrements doivent être
regardés comme des signes. Dans son épître aux Romains,
l’Apôtre Saint Paul parlant de la circoncision prescrite à
Abraham, le Père de tous les croyants, s’exprime ainsi:
il reçut la marque de la circoncision, comme signe de la justice
qu’il avait acquise par la Foi. Et lorsque, dans un autre endroit, il dit
que tous, tant que nous sommes qui avons été
baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés
dans sa mort, il est facile de conclure qu’il regarde le Baptême
comme un signe que nous avons été ensevelis avec
Jésus-Christ par le Baptême pour mourir au péché.
Ce n’est pas peu de chose pour le Fidèle
de savoir que les Sacrements sont des signes. Ils comprendront mieux la
sainteté et l’excellence des effets qu’ils signifient, renferment
et produisent tout à la fois. Dès lors ils seront plus portés
à honorer et à reconnaître, comme elle le mérite,
l’infinie Bonté de Dieu pour nous.
Il nous reste maintenant à expliquer
ces mots: d’une chose sacrée, qui sont la seconde partie de notre
définition. Et pour le bien faire, nous reprendrons les choses d’un
peu plus haut, en rapportant ce que Saint Augustin a dit, avec autant de
finesse que de vérité sur la diversité des signes.
Il y a des signes naturels qui nous conduisent
à la connaissance d’une chose, tout en se faisant connaître
eux-mêmes. — et, en général, tous les signes ont cette
propriété, comme nous l’avons déjà dit. — Ainsi,
quand on voit de la fumée, on conclut aussitôt qu’il y a du
feu . Ce signe est appelé naturel, parce que la fumée
ne révèle point le feu par convention, mais parce que l’expérience
fait qu’en apercevant seulement de la fumée, on conclut aussitôt
qu’il y a au-dessous un feu réel et actif, quoiqu’on ne le voie
pas encore.
Il est d’autres signes qui ne viennent
pas de la nature. Ce sont les hommes qui les ont inventés et établis
pour s’entretenir entre eux, pour communiquer aux autres leurs pensées,
et pour connaître à leur tour les sentiments et les desseins
des autres. Ces signes sont nombreux et variés. Pour en avoir une
idée, il suffit de remarquer qu’il y en a beaucoup qui s’adressent
aux yeux, un plus grand nombre encore à l’ouïe, et d’autres
enfin aux autres sens. Ainsi lorsque voulant faire entendre quelque chose
à quelqu’un, nous. élevons un étendard, évidemment
ce signe ne se rapporte qu’à la vue. Au contraire les sons de la
trompette, de la flûte et de la guitare. qui servent non seulement
à nous charmer, mais encore le plus souvent à signifier quelque
chose, sont du ressort de l’ouïe. C’est en ce sens que les paroles
aussi sont des signes, parce qu’elles expriment d’une manière admirable
les pensées les plus intimes de l’âme.
Mais, outre ces signes naturels ou de
convention purement humaine, il en est d’autres, et de plus d’un genre
— tout le monde en convient — qui viennent de Dieu Lui-même. Les
uns ont été institués pour signifier seulement ou
rappeler quelque chose, comme les purifications de la Loi,
le pain azyme, et la plupart des cérémonies du culte mosaïque.
Les autres ont été établis, non seulement pour représenter,
mais encore pour produire quelque chose. tels sont évidemment les
Sacrements de la Loi nouvelle. Car ce sont vraiment des signes d’institution
divine, et non point d’invention humaine, et nous croyons fermement qu’ils
possèdent en eux-mêmes la vertu d’opérer les effets
sacrés qu’ils expriment.
Il y a plusieurs sortes de choses sacrées,
comme il y a plusieurs sortes de signes. En ce qui concerne notre définition
du Sacrement en général, les auteurs ecclésiastiques
entendent par les mots de chose sacrée, la Grâce de Dieu qui
nous sanctifie et qui embellit notre âme, en l’ornant de toutes les
vertus. Et ils ont eu grandement raison de donner cette dénomination
de chose sacrée, à une grâce dont le propre est de
consacrer et d’unir notre âme à Dieu.
Pour faire mieux comprendre encore ce
que c’est qu’un Sacrement, il faut ajouter que c’est une chose sensible
à laquelle Dieu a voulu attacher la vertu de signifier et en même
temps de produire la justice et la sainteté. D’où il est
facile de conclure que les images des Saints, les croix et autres choses
de ce genre, qui sont des signes de choses saintes, ne sont cependant point
des Sacrements. Il est aisé également de prouver la justesse
de cette définition, en montrant que dans tous les Sacrements --
et on peut le vérifier — il y a une chose sensible qui signifie,
et qui en même temps produit la Grâce. C’est ce que nous avons
dit en parlant du Baptême, lorsque nous avons vu que l’ablution extérieure
est tout à la fois le signe et la cause formelle d’un effet sacré
produit à l’intérieur, c’est-à-dire dans l’âme,
par la Vertu du Saint-Esprit.
§ III. — CE QUI EST SIGNIFIE PAR
LES SACREMENTS.
Ces signes mystiques, qui sont l’œuvre
de Dieu, sont destinés, d’après leur institution même,
à signifier non pas une, mais plusieurs choses à la fois.
Il est facile de s’en rendre compte, en étudiant les Sacrements
qui, outre la sainteté et la justification qu’ils expriment, figurent
encore deux autres choses intimement liées à la Sainteté
elle-même: la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui en
est le principe, et la Vie éternelle, la Béatitude céleste,
à laquelle la sainteté se rapporte comme à sa fin
nécessaire. Cette propriété est commune à tous
les Sacrements. Voilà pourquoi les saints Docteurs ont enseigné
avec raison que chacun d’eux possède trois significations différentes,
l’une pour rappeler une chose passée, l’autre pour indiquer et exprimer
une chose présente, et la troisième pour annoncer une chose
future. Et il ne faut pas croire que leur doctrine ne repose pas sur le
témoignage des Saintes Ecritures. Lorsque l’Apôtre dit:
Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ,
nous avons été baptisés en sa Mort, n’enseigne-t-il
pas clairement que l’on doit voir dans le Baptême un signe qui nous
fait souvenir de la Passion et de la Mort de Notre-Seigneur ? ensuite,
quand il ajoute: Nous avons été ensevelis avec
Jésus-Christ par le Baptême pour mourir, afin que, comme Jésus-Christ
est ressuscité d’entre les morts par la Gloire du Père, nous
marchions aussi nous-mêmes dans les voies d’une vie nouvelle, ces
paroles ne disent-elles pas ouvertement que le Baptême est un signe
de la Grâce céleste répandue dans nos âmes, et
qui nous donne la force de commencer une vie nouvelle, et d’accomplir avec
autant de facilité que de joie tous les devoirs de la piété
? enfin lorsque le même Apôtre écrit encore:
Si nous avons été entés sur Lui, par la ressemblance
de sa mort, nous le serons aussi un jour par la ressemblance de sa Résurrection,
il nous apprend évidemment que le Baptême figure sans équivoque
la Vie éternelle qu’il doit nous faire obtenir un jour.
Mais outre ces trois sortes de significations
générales, il arrive souvent qu’un Sacrement exprime et figure
en même temps plusieurs choses actuelles et présentes. Ainsi,
pour peu que l’on s’arrête à considérer le très
saint Sacrement de l’Eucharistie, il est facile de s’en convaincre. En
effet, ce Sacrement exprime tout à la fois la présence du
vrai Corps et du vrai Sang de Jésus-Christ, et la Grâce que
reçoivent ceux qui participent dignement à cet auguste Mystère.
— D’après ce que nous venons de dire, il ne sera pas difficile aux
Pasteurs de trouver d’excellentes raisons pour montrer aux Fidèles
tout ce qu’il y a de Puissance divine et de merveilles cachées dans
les Sacrements de la Loi nouvelle, et pour leur persuader qu’il faut les
traiter et les recevoir avec la piété la plus respectueuse
et la plus sincère.
§ IV. — DES RAISONS QUI ONT FAIT
INSTITUER LES SACREMENTS.
Pour apprendre aux Chrétiens à
faire des Sacrements un saint usage, rien ne semble plus convenable que
de leur exposer soigneusement les motifs qui les ont fait instituer. Ces
motifs sont multiples.
Le premier est la faiblesse de l’esprit
humain. Cette faiblesse est telle, naturellement parlant, qu’il nous est
impossible de parvenir à la connaissance des choses spirituelles
et purement intelligibles, sans le secours de celles qui sont perçues
par quelques-uns de nos sens. Aussi, le Souverain Auteur de toutes choses,
pour nous aider à comprendre plus facilement les effets invisibles
et cachés qu’Il opère dans nos âmes, a voulu, dans
sa Sagesse et dans sa Bonté infinies, nous les figurer par certains
signes qui tombent sous nos sens. Comme l’a si bien dit Saint Jean Chrysostome,
« si l’homme n’avait point eu de corps, les vrais Biens lui eussent
été offerts et donnés à découvert et
sans voile ; mais puisque l’âme est unie à un corps, c’était
une nécessité pour elle de s’élever de la notion des
choses sensibles, à la connaissance des « choses invisibles.
»
Le second motif, c’est que notre esprit
n’est pas très porté à croire les choses qui ne lui
sont que promises. Voilà pourquoi, dès le commencement du
monde, Dieu prit soin de rappeler très souvent par des paroles d’abord,
ce qu’il avait promis de faire. Et s’il arrivait qu’Il annonçât
un événement dont la grandeur et la difficulté pouvaient
ébranler la foi à ses promesses, Il ajoutait aux paroles
certains autres signes qui revêtaient souvent le caractère
du miracle. Ainsi quand II envoya Moise pour délivrer les Hébreux,
celui-ci se défiant du secours même de Dieu qui lui donnait
des ordres, craignit qu’un tel fardeau ne fût au-dessus de ses forces,
ou bien que ce peuple ne refusât d’ajouter foi aux oracles divins.
Alors le Seigneur daigna confirmer sa Promesse par un grand
nombre de prodiges divers. Or, de même que Dieu, dans l’Ancien testament,
confirmait par des signes miraculeux la certitude de ses plus grandes promesses,
de même, dans la Loi nouvelle, Jésus-Christ notre Sauveur,
en nous promettant le pardon de nos fautes, la Grâce céleste,
et la communication de l’Esprit-Saint, a établi certains signes
qui devaient frapper la vue et les autres sens, et nous servir comme de
gage des obligations qu’Il contractait, sans nous permettre de douter jamais
de sa fidélité à tenir sa promesse.
Troisième motif: Dieu voulait que
les Sacrements, comme des préservatifs et comme les remèdes
salutaires du Samaritain de l’Evangile, selon l’expression
de Saint Ambroise, fussent toujours à notre disposition, soit pour
entretenir, soit pour recouvrer la santé de l’âme. La Vertu
qui découle de la Passion de Jésus-Christ, c’est-à-dire
cette Grâce qu’il nous a méritée sur l’autel de la
Croix, doit passer par les Sacrements comme par un canal, pour arriver
jusqu’à nous. Autrement il n’y a d’espoir de salut pour personne.
C’est pourquoi l’infinie Clémence de Notre-Seigneur a voulu laisser
dans son Eglise des Sacrements revêtus du sceau de sa Parole et de
sa Promesse ; ainsi nous n’aurions pas de peine à croire qu’Il voulait
nous communiquer réellement par eux les fruits de sa Passion. Il
suffit que chacun de nous use avec foi et piété de ce moyen
de guérison.
Voici un quatrième motif qui semble
avoir rendu nécessaire l’institution des Sacrements. Il fallait
des marques et certains signes pour distinguer les Fidèles des autres
hommes. Jamais, dit Saint Augustin, soit au, nom d’une religion
vraie, soit au nom d’une religion fausse, jamais société
humaine ne saurait faire un corps, si les membres de cette société
ne sont pas liés entre eux par quelque signe, ou marque sensible.
Or, les sacrements de la Loi nouvelle produisent ce double effet: d’une
part ils distinguent les Chrétiens des infidèles ; et d’autre
part ils sont comme un lien sacré qui les unit entre eux.
Cinquième motif ; on trouve encore
un excellent motif de l’institution des sacrements dans ces paroles de
l’Apôtre saint Paul: par le cœur on croit pour être
justifié, mais on professe de bouche pour être sauvé.
Par les Sacrements nous professons extérieurement notre Foi, et
nous la faisons connaître devant les hommes. Ainsi en allant recevoir
le Baptême, nous faisons publiquement profession de croire que par
la Vertu de cette eau qui lave notre corps, notre âme est purifiée
de ses souillures spirituelles. Les sacrements d’ailleurs ont une grande
efficacité, non seulement pour exciter et nourrir la Foi dans nos
esprits, mais encore pour allumer dans nos cœur s le feu de cette Charité
que nous devons avoir les uns pour les autres, en nous souvenant que la
participation aux mêmes Sacrements nous unit tous par les liens les
plus étroits, et qu’elle nous fait membres d’un seul et même
corps.
Enfin, — précieux avantage pour
la Piété chrétienne -les Sacrements domptent et répriment
l’orgueil de notre esprit, en même temps qu’ils nous obligent à
pratiquer l’humilité. Par eux, en effet, nous sommes contraints
de nous déprendre des éléments de ce monde pour obéir
à Dieu, nous qui l’avions abandonné d’une manière
outrageante pour nous asservir à ces éléments grossiers.
Voilà ce qui nous a paru le plus
digne d’être enseigné sur le nom, la nature et l’institution
des Sacrements. Mais après avoir donné ces explications avec
tout le soin possible, les Pasteurs auront encore à bien apprendre
aux Fidèles de quoi se compose chaque Sacrement, quelles en sont
les parties, et enfin quels sont les rites et les cérémonies
que l’on doit observer en les administrant.
§ V. — MATIERE ET FORME DES SACREMENTS.
Les Pasteurs expliqueront d’abord que
la chose sensible dont nous parlons — ce mot se trouve dans la définition
du Sacrement — n’est pas simple, quoiqu’elle ne constitue réellement
qu’un seul signe. En effet tout Sacrement se compose de cieux choses, l’une
qui est comme la matière et que l’on appelle élément
; l’autre qui est la forme, et qui consiste dans des paroles. Ainsi l’enseignent
les Pères, et particulièrement Saint Augustin, par ces mots
que tout le monde connaît: La Parole s’unit à
l’élément, et le Sacrement existe. Par conséquent,
sous le nom de choses sensibles, les Sacrements comprennent d’abord la
matière ou élément, comme l’eau dans le Baptême,
le chrême dans la confirmation, l’huile sainte dans l’Extrême-Onction,
toutes choses qui tombent sous le sens de la vue ; ensuite les paroles
qui sont comme la forme, et qui s’adressent au sens de l’ouïe. C’est
ce que l’Apôtre a indiqué très clairement quand il
a dit: Jésus-Christ a aimé l’Eglise ; et il s’est
livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant dans le baptême
de l’eau, par la parole de Vie. Dans ce passage, la matière et la
forme sont nettement exprimées.
Il fallait ajouter les paroles à
la matière, afin de rendre plus claire et plus certaine la signification
de l’élément qu’on employait. De tous les signes, le plus
expressif est évidemment la parole. Si on la supprimait dans les
Sacrements, il serait très difficile de deviner ce que désigne
et signifie la matière en elle-même. nous en avons une preuve
dans le Baptême. L’eau n’est pas moins propre à rafraîchir
qu’à purifier. Elle peut donc signifier également ces deux
effets. Et si l’on n’avait pas joint des paroles, à l’effusion de
l’eau, peut-être aurait-il été possible de trouver
par conjecture sa véritable signification, mais il eût été
impossible de rien affirmer de certain à cet égard. Au contraire,
ajoutez les paroles, et l’on comprend immédiatement que la propriété
et la signification de l’eau du Baptême, c’est de purifier.
Et c’est en cela que nos Sacrements l’emportent
de beaucoup sur ceux de la Loi ancienne, qui n’avaient, croyons-nous, aucune
forme déterminée d’administration. Voilà pourquoi
ils étaient si incertains et obscurs. Les nôtres, au contraire,
possèdent une forme de paroles si précise, que si par hasard
on s’en écarte, l’essence du Sacrement disparaît. Aussi, et
pour cette raison ils sont très clairs, et ne laissent aucune place
à l’incertitude.
Telles sont les parties qui constituent
la nature et la substance des Sacrements, et sans lesquelles ils ne peuvent
exister en aucune façon.
§ VI. — CEREMONIES EMPLOYEES DANS
L’ADMINISTRATION DES SACREMENTS.
A la matière et à la forme
on a joint des Cérémonies, que l’on ne peut omettre sans
péché à moins d’y être contraint par la nécessité.
Cependant, comme ces cérémonies ne touchent point à
l’essence du Sacrement, si par hasard on les omettait, la matière
et la forme ne perdraient rien de leur vertu. C’est un usage très
sage, et qui remonte aux premiers temps de l’Eglise, d’administrer les
sacrements avec des cérémonies solennelles.
D’abord il était de toute convenance
d’environner d’un culte particulier les Mystères de la Religion,
afin de traiter saintement, aux yeux de tous, les choses sacrées.
Ensuite les Cérémonies font bien mieux connaître les
effets de chaque Sacrement ; elles les mettent en quelque sorte sous les
yeux, et elles impriment plus profondément dans l’esprit des Fidèles
l’idée de leur sainteté. Enfin, ceux qui en sont témoins
et qui les observent avec soin, s’élèvent facilement à
la contemplation des choses célestes, en même temps qu’ils
sentent croître dans leurs cœur s la Foi et la Charité. C’est
pourquoi il est nécessaire de ne rien négliger pour bien
expliquer aux Fidèles la portée des cérémonies
qui font partie de l’administration de chaque Sacrement.
§ VII. — DU NOMBRE DES SACREMENTS.
Le moment est venu de parler du nombre
des Sacrements. Il sera très utile aux Fidèles de le connaître.
Car ils s’empresseront de louer et de reconnaître l’infinie Bonté
de Dieu envers eux, avec une piété d’autant plus sincère
et plus vive, qu’ils verront un plus grand nombre de moyens mis à
leur disposition par la Sagesse Divine pour les conduire au Salut et à
la Vie bienheureuse.
Les Sacrements de l’Eglise catholique,
d’après les témoignages de la sainte Ecriture, la tradition
des Pères et la décision des Conciles, sont au
nombre de sept. Mais pourquoi sept, ni plus, ni moins ? en voici une raison
assez plausible, tirée de l’analogie qui existe entre la vie naturelle
et la vie spirituelle. Pour vivre, pour conserver la vie, pour l’employer
utilement, tant pour lui-même que pour la société,
l’homme a besoin de sept choses: Il faut qu’il naisse, qu’il croisse, qu’il
se nourrisse, qu’il se guérisse. s’il tombe malade, qu’il répare
ses forces, lorsqu’elles ont été affaiblies. Ensuite au point
de vue social, il faut encore qu’il ne manque jamais de magistrats investis
de l’autorité nécessaire pour commander, et enfin qu’il se
perpétue, lui-même et le genre humain, par la génération
légitime des enfants. Or, ces sept conditions semblent répondre
assez bien à la vie spirituelle, c’est-à-dire à la
vie de l’âme pour Dieu, et par conséquent, il est facile de
trouver dans ce que nous venons de dire la raison du nombre des Sacrements.
Le Baptême, qui est le premier et
comme la porte des autres, nous fait naître à Jésus-Christ.
La Confirmation vient ensuite. Elle augmente
en nous la Grâce de Dieu et nous fortifie par sa vertu. Les Apôtres
étaient déjà baptisés, au témoignage
de Saint Augustin, lorsque Notre-Seigneur Jésus-Christ
leur dit: Demeurez dans la ville, jusqu’à ce que vous
soyez revêtus de la Vertu d’en haut.
Puis l’Eucharistie qui, comme un aliment
vraiment céleste, nourrit et soutient nos âmes. C’est d’elle
que le Sauveur dit: Ma Chair est véritablement une nourriture,
et mon Sang est vraiment un breuvage.
En quatrième lieu vient la Pénitence,
qui rend la santé à nos âmes, quand elles ont été
blessées par le péché.
Ensuite l’Extrême-Onction, qui enlève
les restes du péché, et renouvelle les forces de l’âme.
L’Apôtre Saint Jacques a dit de ce Sacrement qu’il remet nos péchés,
si nous en avons.
Le sixième est l’Ordre. C’est lui
qui perpétue dans l’Eglise le ministère des Sacrements, en
donnant à ceux qui le reçoivent le pouvoir de les administrer
publiquement, et d’exercer toutes les autres fonctions du culte.
Enfin le Mariage. Ce sacrement est institué,
afin que, dans une union légitime et sanctifiée, l’homme
et la femme puissent donner des enfants pour le service de Dieu et pour
la conservation du genre humain, et aussi afin qu’ils soient capables de
les élever chrétiennement.
Mais ce qu’il faut bien remarquer, c’est
que si tous les Sacrements possèdent en eux-mêmes une Vertu
divine et admirable, cependant ils ne sont pas tous d’une égale
nécessité, pas plus qu’ils n’ont ni la même dignité,
ni la même signification. Ainsi il y en a trois qui sont regardés
comme vraiment nécessaires quoique
à des titres différents. Le Baptême est absolument
nécessaire à tous sans aucune exception: Le Sauveur l’a déclaré
Lui-même dans ces paroles: Si quelqu’un ne renaît pas de l’eau
et de l’esprit, il ne peut point entrer dans le Royaume de Dieu.
La Pénitence est nécessaire aussi, mais seulement à
ceux qui ont commis quelque péché mortel après leur
Baptême. Ils ne sauraient éviter la damnation éternelle,
s’ils ne font pas une véritable pénitence. Enfin l’Ordre
est également d’une nécessité rigoureuse, non pas
aux Fidèles en particulier, mais à l’Eglise en général.
Si l’on considère dans les Sacrements
leur dignité et leur excellence, l’Eucharistie l’emporte de beaucoup
sur tous les autres par la sainteté, le nombre et la grandeur des
Mystères qu’elle contient.
Tout cela se comprendra mieux, lorsque
nous expliquerons ce qui se rapporte à chaque Sacrement en particulier.
§ VIII. — DE L’AUTEUR ET DU MINISTRE
DES SACREMENTS.
Nous avons à voir maintenant de
qui nous avons reçu ces sacrés et divins Mystères.
Car, on n’en saurait douter, la dignité et la grandeur de celui
qui donne, ajoutent singulièrement à l’excellence du bienfait.
Or cette question ne peut soulever aucune difficulté. Puisque c’est
Dieu qui nous rend justes, et que les Sacrements ne sont autre chose que
des instruments merveilleux qui nous communiquent la justice, il est évident
que nous sommes obligés de reconnaître le même Dieu
comme Auteur en Jésus-Christ de la justification et des Sacrements.
D’ailleurs ces Sacrements possèdent une vertu et une efficacité
qui pénètrent jusqu’au fond de notre âme. Or Dieu seul
a le pouvoir de descendre ainsi dans les esprits et dans les cœurs. C’est
donc Dieu Lui-même qui a institué les Sacrements par Jésus-Christ,
comme nous devons croire d’une Foi ferme et inébranlable, que c’est
Lui qui en dispense intérieurement les effets.
C’est le témoignage que Jésus-Christ
Lui-même en donna à Saint Jean-Baptiste Celui
qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit, assure le précurseur,
Celui sur qui vous verrez le Saint-Esprit descendre et se reposer, Celui-là
baptise dans le Saint-Esprit.
Mais quoique Dieu soit le véritable
Auteur et Dispensateur des Sacrements, Il n’a pas voulu qu’ils fussent
administrés dans l’Eglise par des Anges, mais par des hommes. Et
la tradition constante des saints Pères nous apprend que pour produire
un Sacrement, l’office du Ministre est aussi nécessaire que la matière
et la forme.
Or, ces Ministres, dans l’exercice de
leurs fonctions saintes, n’agissent pas en leur propre nom, mais au nom
de Jésus-Christ, dont ils représentent la Personne. Et c’est
pourquoi, qu’ils soient bons ou qu’ils soient mauvais, pourvu qu’ils emploient
la matière et la forme que l’Eglise Catholique a toujours employées,
d’après l’institution de Jésus-Christ, et qu’ils aient l’intention
de faire ce que fait l’Eglise elle-même en les administrant, les
Sacrements qu’ils produisent et confèrent, sont de véritables
Sacrements. D’où il suit que rien ne peut empêcher le fruit
de la Grâce, si ceux qui reçoivent les Sacrements ne veulent
se priver eux-mêmes d’un si grand bien, et résister au Saint-Esprit.
telle a toujours été la Foi très explicite de l’Eglise.
Saint Augustin le démontre très clairement dans
ses disputes contre les Donatistes. Et si nous voulons recourir au témoignage
de l’Ecriture Sainte, écoutons l’Apôtre lui-même qui
nous dit: C’est moi qui ai planté, c’est Apollon qui
a arrosé, mais c’est Dieu qui a donné l’accroissement. Or,
ce n’est pas celui qui plante qui est quelque chose, ni celui qui arrose,
mais Dieu qui donne l’accroissement. De même donc que les arbres
ne peuvent souffrir en rien de la perversité de celui qui les plante,
de même, d’après le texte que nous venons de citer, ceux qui
sont entés en Jésus-Christ par le ministère d’hommes
coupables, ne peuvent recevoir aucun dommage spirituel de fautes qui leur
sont étrangères. Judas, par exemple, comme l’ont enseigné
nos saints Pères, d’après l’Evangile de Saint Jean, baptisa
plusieurs personnes, et cependant nous ne lisons nulle part qu’aucune d’elles
ait été baptisée de nouveau. Ce qui a fait dire à
Saint Augustin ces paroles remarquables: Judas a donné
le Baptême, et l’on n’a point baptisé après Judas.
Jean l’a donné aussi, et l’on a baptisé après Jean.
C’est que le Baptême que donnait Judas était le Baptême
de Jésus-Christ, tandis que celui que donnait Jean était
le baptême de Jean. Certes, nous ne préférons point
Judas à Jean, mais nous préférons à bon droit
le Baptême de Jésus-Christ, donné par Judas, au baptême
de Jean donné par les mains de Jean lui-même.
Mais que les Pasteurs et les autres Ministres
des Sacrements, en entendant ces choses, n’aillent pas s’imaginer qu’ils
peuvent négliger la pureté de la conscience et l’intégrité
de la vie, et qu’il leur suffit d’observer -exactement les règles
prescrites par l’administration des Sacrements. A coup sûr ce point
mérite toute leur attention, mais il est loin de renfermer toutes
les obligations qui se rapportent à ce ministère. Les Sacrements
ne perdent jamais leur divine Vertu, mais les Pasteurs ne doivent jamais
oublier non plus qu’ils causent la mort et le malheur éternel de
ceux qui les administrent avec une conscience souillée. Il faut
le répéter en effet, et on ne saurait trop le redire: Les
choses saintes doivent être traitées saintement, et avec un
profond respect. nous lisons dans le Prophète David:
Dieu a dit au pécheur : Pourquoi annoncez-vous mes préceptes,
pourquoi parlez-vous de mon alliance, vous qui haïssez ma Loi ? Mais
si c’est un péché de parler des choses de Dieu, quand on
n’a pas le cœur pur, que ne sera pas le crime de celui qui sentant sa conscience
chargée d’une foule d’iniquités ne craint pas cependant de
prononcer de sa bouche impure les paroles sacrées, de prendre dans
ses mains souillées, de toucher, de présenter et d’administrer
les sacrés Mystères ? surtout quand nous entendons Saint
Denis affirmer qu’il n’est pas même permis aux méchants de
toucher les Symboles. (C’est le nom qu’il donne aux Sacrements.) Que les
Ministres des choses saintes s’appliquent donc avant tout à acquérir
la Sainteté, qu’ils apportent un cœur pur à l’administration
des Sacrements, et qu’ils s’exercent à la Piété avec
un zèle si parfait, qu’ils ne manquent pas, avec le secours de Dieu,
de retirer de l’administration fréquente et de l’usage des saints
Mystères, une Grâce de jour en jour plus abondante.
§ IX. — EFFETS DES SACREMENTS
Après ces explications, il y aura
lieu de bien marquer les effets des Sacrements. Ainsi l’on mettra encore
plus en lumière la définition que nous avons donnée
plus haut. Ces effets sont au nombre de deux principaux: Le premier sans
contredit est la Grâce, que tous les Docteurs appellent sanctifiante,
et que l’Apôtre Saint Paul exprime très clairement quand il
dit: Jésus-Christ a aimé son Eglise, il s’est
livré pour elle, pour la sanctifier, en la Purifiant par le Baptême
de l’eau dans la Parole de vie. Mais comment s’opère un effet si
merveilleux, et si étonnant ? Comment se fait-il, dit très
bien Saint Augustin, que l’eau touche le cœur, en lavant le corps ? La
raison et l’intelligence de l’homme ne peuvent le comprendre. C’est un
principe incontestable que nul objet sensible n’a, par lui-même et
de sa nature, la force de pénétrer jusqu’à l’âme.
Mais à la lumière de la Foi nous découvrons que la
toute Puissance de Dieu a déposé dans les Sacrements une
vertu surnaturelle, qui précisément leur fait opérer
ce que les choses sensibles ne pourraient naturellement atteindre.
Et pour que les Fidèles ne fussent
jamais tentés de concevoir des doutes sur cette vérité,
Dieu, dans son infinie bonté pour nous, lorsque son Eglise se mit
à administrer les Sacrements, Dieu daigna manifester par des miracles
les effets qu’ils opéraient dans les cœur », et nous convaincre
que ces effets ne changeraient pas, qu’ils seraient toujours les mêmes,
bien qu’ils dussent rester absolument cachés à nos sens.
Ainsi, sans rappeler qu’au Baptême de notre Sauveur les
cieux s’ouvrirent, et que l’Esprit Saint descendit sur Lui sous la forme
d’une colombe, pour nous avertir qu’au moment même où nous
sommes lavés par l’eau sainte du Baptême, la Grâce est
répandue dans nos âmes ; sans rappeler ce prodige qui d’ailleurs
se rapporte à la sainteté du Sacrement plus encore qu’à
ses effets, ne lisons-nous pas que le Jour de la Pentecôte
lorsque les Apôtres reçurent le Saint-Esprit qui allait leur
donner la force et l’ardeur de prêcher la Foi, et le courage d’affronter
tous les périls pour la gloire de Jésus-Christ, il se fit
tout à coup un grand bruit venant du ciel, comme le souffle d’un
vent violent, et que l’on vit comme des langues de feu se partager, et
se reposer sur chacun d’eux ? Et n’est-ce pas là pour nous une preuve
que, dans le Sacrement de Confirmation, nous recevons le même esprit
et les mêmes forces pour résister avec courage à la
chair, au monde et à Satan, nos éternels ennemis. Aux premiers
temps de l’Eglise, lorsque les Apôtres administraient les Sacrements,
on voyait se renouveler ces sortes de miracles, et ils ne cessèrent
qu’au moment où la Foi fut suffisamment affermie et consolidée.
Ce que nous venons de dire de la Grâce
sanctifiante, qui est le premier effet des Sacrements, nous montre clairement
que les Sacrements de la Loi nouvelle ont une force et une efficacité
bien supérieures à celles qu’avaient jadis les Sacrements
de l’ancienne Loi, Eléments stériles, sans force et sans
vertu, dit l’Apôtre saint Paul qui ne purifiaient que
les souillures du corps et non celles de l’âme. Aussi n’avaient-ils
été institués que comme des signes, pour figurer les
effets que les nôtres devaient opérer. Mais dans la Loi nouvelle,
les Sacrements sortis du côté de Notre-Seigneur Jésus-Christ
, qui s’est offert lui-même à Dieu, par le Saint-Esprit, comme
une Victime sans tache, purifient nos consciences des œuvres de. mort,
pour nous consacrer au service du Dieu Vivant, et opèrent par la
vertu du Sang de Jésus-Christ la Grâce qu’ils signifient.
Si donc nous les comparons aux Sacrements anciens, nous leur trouverons
tout ensemble plus d’efficacité et de vertu, des fruits plus abondants,
et une sainteté bien plus auguste.
§ X. — CARACTERE IMPRIME PAR TROIS
SACREMENTS
Le second effet des Sacrements ne leur
est point commun à tous ; il n’appartient qu’à trois d’entre
eux, au Baptême, à la Confirmation et à l’Ordre. Cet
effet, c’est le caractère qu’ils impriment dans l’âme. Lorsque
l’Apôtre dit: Dieu nous a oints de son onction. Il nous
a marqués de son sceau, et Il a mis comme gage le Saint-Esprit dans
nos cœur, ces paroles: Il nous a marqués de son sceau, désignent
clairement un caractère, puisque l’effet propre du caractère
est de marquer et de former une empreinte. Or ce caractère est comme
une marque imprimée dans l’âme, qui ne peut s’effacer ni être
détruite: elle y demeure éternellement. Les Sacrements de
la Loi nouvelle auraient-ils moins de force, dit Saint Augustin, que cette
marque corporelle dont les soldats sont honorés ? Cependant si le
soldat quitte les armes, et les reprend, on ne lui imprime point une marque
nouvelle ; on reconnaît l’ancienne et l’on l’admet.
Ce caractère a deux effets: l’un
nous rend capables de recevoir et de faire certaines choses du domaine
de la Religion, l’autre est comme un signe qui nous distingue de ceux qui
n’en ont pas été marqués. Double résultat que
nous retrouvons dans le caractère du Baptême. D’un côté
il nous rend propres à recevoir les autres Sacrements, de l’autre
il sert à distinguer les Fidèles des nations qui n’ont pas
la Foi. II serait facile de découvrir les mêmes effets dans
le caractère de la Confirmation et dans celui de l’Ordre. Le premier
nous arme et nous munit, comme des soldats de Jésus-Christ, pour
confesser et défendre publiquement son nom, et pour combattre contre
les ennemis qui sont au dedans de nous, et contre les esprits
mauvais qui sont dans l’air ; ensuite il nous sépare des nouveaux
baptisés qui ne sont que des enfants nouvellement nés. Le
second, (c’est-à-dire le caractère du sacrement de l’Ordre),
donne le pouvoir de produire et d’administrer les Sacrements, et il distingue
du reste des Fidèles ceux qui en sont revêtus. Il faut donc
croire, comme une vérité constante dans l’Eglise catholique,
que ces trois Sacrements impriment un caractère, et qu’ils ne doivent
jamais être renouvelés.
Voilà ce qu’il y a lieu d’enseigner
sur les Sacrements en général. Et en traitant ce sujet, les
Pasteurs feront tous leurs efforts pour obtenir surtout deux choses: la
première, de faire comprendre aux Chrétiens combien ces dons
célestes et divins méritent d’honneur, de respect et de vénération
; la seconde, de les amener à faire un pieux et saint usage de ces
moyens surnaturels que l’infinie Bonté de Dieu a préparés
pour le salut de tous, et d’allumer en eux un tel désir de la perfection,
qu’ils regardent comme un très grand dommage pour leurs âmes
d’être privés pendant quelque temps de l’usage si salutaire
du sacrement de Pénitence, et principalement de la sainte eucharistie.
Or, ils obtiendront facilement ce double résultat, s’ils répètent
souvent aux Fidèles ce crue nous avons dit de la divinité
et de l’utilité des Sacrements, à savoir, qu’ils ont été
institués par Jésus-Christ notre Sauveur, qui ne peut rien
produire que de très parfait ; que, quand nous les recevons, la
Vertu toute puissante de l’Esprit Saint pénètre jusqu’au
fond de nos cœur s ; qu’ils possèdent la propriété
merveilleuse et infaillible de nous guérir ; qu’ils sont comme autant
de canaux qui nous communiquent les richesses infinies de la Passion de
Notre-Seigneur Jésus-Christ ; et qu’enfin, si l’édifice de
la Religion repose sur le fondement inébranlable de la pierre angulaire
qui est Jésus-Christ, il a besoin cependant d’être soutenu
de tous les côtés par la prédication de la Parole de
Dieu, et par l’usage des Sacrements. Sans quoi il serait bien à
craindre qu’il ne vint à tomber en ruine en grande partie. Car si
les Sacrements nous font entrer dans la Vie spirituelle, ils sont aussi
l’Aliment qui nous nourrit, nous conserve, et nous donne l’accroissement.
Chapitre quinzième — Du Sacrement
du Baptême
Ce que nous avons dit jusqu’ici des Sacrements
en général, suffit pour faire comprendre combien il est nécessaire
de savoir ce que la Foi catholique enseigne sur chaque Sacrement en particulier,
si l’on veut être instruit comme il convient de la Doctrine chrétienne,
et pratiquer la vraie piété. Il y a plus: quiconque lira
Saint Paul avec un peu d’attention sera forcé de conclure qu’une
connaissance parfaite du Baptême est absolument requise pour les
Fidèles ; tant il rappelle souvent, en termes solennels et remplis
de l’Esprit de Dieu, le souvenir de ce Mystère ! tant il en relève
avec soin le côté divin, et s’efforce de le mettre sous nos
yeux, pour nous y faire contempler et imiter la Mort, la Sépulture
et la Résurrection de notre Rédempteur . C’est pourquoi
les Pasteurs ne doivent jamais croire qu’ils ont trop fait, ou déployé
trop de zèle, pour parler de ce Sacrement. Ils ne se contenteront
pas d’en expliquer, à l’exemple de nos ancêtres, les divers
mystères, la veille de Pâques ou de la Pentecôte, dans
ces deux jours où l’Eglise autrefois avait coutume d’administrer
ce Sacrement avec un respect si profond et des cérémonies
solennelles, — ils devront encore saisir dans les autres temps toutes les
occasions d’en dire quelque chose. Une des plus favorables sera la circonstance
du Baptême à administrer à quelqu’un, et lorsqu’ils
verront un certain nombre de personnes assister à cette cérémonie.
Alors il leur sera facile, sinon de passer en revue tous les points qui
se rapportent à ce Sacrement, du moins d’en développer un
ou deux, avec d’autant plus de fruit que les Fidèles auront sous
les yeux des rites sacrés, où ils verront exprimées
d’une manière sensible les vérités qu’ils entendront,
et qu’ils seront occupés à les contempler avec plus d’attention
et de piété. De là il résultera que chacun,
frappé de ce qui se fera pour un autre sous ses yeux, ne manquera
pas de se rappeler les obligations qu’il a contractées lui-même
avec Dieu au jour de son Baptême, et il sera amené à
se demander si sa vie et ses mœurs sont bien celles que suppose et exige
la profession de Chrétien.
§ I. — CE QUE C’EST QUE LE BAPTEME
POUR LE NOM ET POUR LA CHOSE.
Pour mettre de l’ordre et de la clarté
en cette matière, il convient d’expliquer d’abord la nature et l’essence
du Sacrement, après avoir donné toutefois le sens du mot
lui-même.
Ce mot de Baptême est comme on le
sait un mot grec, qui, dans les Saintes Ecritures, ne signifie pas seulement
cette ablution qui est unie au Sacrement, mais encore toute sorte d’ablution,
et quelquefois même la Passion. toutefois les Auteurs
ecclésiastiques s’en servent pour exprimer, non une ablution corporelle
quelconque, mais uniquement celle qui se fait dans le Sacrement, et qui,
de plus. Est toujours accompagnée de la forme prescrite des paroles.
C’est dans ce sens que les Apôtres l’ont employé très
souvent, après Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Les Saints Pères ont encore donné
au Baptême d’autres dénominations. Ainsi, parce que, en recevant
le Baptême, on fait en même temps profession de toute la Foi
chrétienne, Saint Augustin l’appelle le Sacrement de la Foi.
et parce que la foi que nous professons dans le Baptême illumine
nos cœur », d’autres lui ont donné le nom d’illumination.
Souvenez-vous, dit l’Apôtre aux Hébreux, de ces
premiers jours, où après avoir été illuminés,
vous avez soutenu la grande épreuve des afflictions. Saint Paul
parle évidemment du temps où les Hébreux avaient reçu
le Baptême. Saint Jean Chrysostome, dans un discours qu’il prononça
devant les Catéchumènes, l’appelle encore, tantôt
sépulture, plantation, croix de Jésus-Christ. Expressions
dont il est facile de trouver la raison dans l’Epître aux Romains.
Enfin Saint Denys le nomme le principe des saints Commandements,
parce qu’il est comme la porte par laquelle on entre dans la Société
chrétienne, et que c’est par ce Sacrement que l’on commence à
obéir aux préceptes divins. Voilà en peu de mots ce
que l’on pourra dire sur le nom de Baptême.
Quant à la définition de
la chose, on peut en trouver plusieurs dans les Auteurs ecclésiastiques.
La plus juste et la plus convenable est celle qui se tire des paroles de
Notre-Seigneur dans Saint Jean, et de l’Apôtre dans l’Epître
aux Ephésiens. Quand le Sauveur dit: Celui qui ne sera
pas régénéré par l’eau et par l’Esprit, ne
pourra pas entrer dans le Royaume de Dieu ; lorsque l’Apôtre,
parlant de l’Eglise, nous enseigne que Jésus-Christ l’a purifiée
par l’eau dans la parole ; n’en résulte-t-il pas que le Baptême
peut très bien et avec justesse se définir le Sacrement de
la Régénération dans l’eau par la parole ? Par la
nature, nous naissons d’Adam, et nous naissons enfants de colère
; mais par le Baptême nous renaissons en Jésus-Christ, comme
enfants de la miséricorde, car Dieu a donné le
pouvoir de devenir enfants de Dieu à tous les hommes qui croient
en son nom, qui ne sont nés ni du sang, ni de la volonté
de la chair, ni de. la volonté de l’homme, mais de Dieu.
Au reste, quelles que soient les expressions
que l’on emploie pour définir le Baptême et l’expliquer, ce
qu’il faut apprendre au peuple, c’est que ce Sacrement consiste dans une
ablution à laquelle doivent nécessairement s’unir les paroles
solennelles que Notre-Seigneur a déterminées et fixées
Lui-même. Ainsi l’ont toujours enseigné les Saints
Pères ; et Saint Augustin en particulier l’affirme de la manière
la plus formelle et la plus nette: La parole, dit-il, s’unit
à l’élément, et le Sacrement existe. Les Fidèles
ont besoin d’être parfaitement instruits sur ce point. Autrement,
ils pourraient tomber dans cette erreur assez commune, et qui consiste
à croire que l’eau conservée dans les Fonts baptismaux pour
l’administration du Sacrement est le Sacrement lui-même. Le Baptême
n’existe que lorsque l’on verse l’eau sur quelqu’un, en prononçant
au même moment les paroles instituées par Notre-Seigneur.
Nous avons dit, en traitant des Sacrements
en général, que chacun d’eux se compose de la matière
et de la forme. Les Pasteurs auront donc soin de bien faire connaître
la matière et la forme du Baptême.
La matière, ou l’élément
de ce Sacrement, c’est toute espèce d’eau naturelle, eau de mer,
de rivière, de marais, de puits, de fontaine, en un mot tout ce
qui porte simplement le nom d’eau, et rien de plus. En effet notre Sauveur
a dit: Celui qui ne sera pas régénéré
par l’eau et par l’Esprit, ne pourra pas entrer dans le Royaume de Dieu.
Saint Paul enseigne que l’Eglise a été purifiée
par l’eau. Et nous lisons aussi dans Saint Jean: qu’il y en
a trois qui rendent témoignage sur la terre, l’esprit, l’eau et
le sang. Plusieurs autres endroits de l’Ecriture renferment la même
vérité.
S. Jean-Baptiste, il est vrai, disait
que notre Seigneur viendrait, et qu’Il baptiserait dans le Saint-Esprit
et dans le feu. Mais ces paroles ne doivent nullement s’entendre de la
matière du Baptême. Il faut les rapporter à l’effet
intérieur que le Saint-Esprit opère dans l’âme, ou
plutôt au miracle qui se manifesta le jour de la Pentecôte
, lorsque le Saint-Esprit descendit du ciel sur les Apôtres, sous
la forme du feu, miracle que Notre-Seigneur leur avait prédit, en
disant: Jean a baptisé. dans l’eau, mais vous, sous
peu de jours, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit.
C’est également cette matière
de notre Sacrement que Dieu, selon les Saintes Ecritures, a voulu exprimer
par des figures, et par les oracles des Prophètes. Ainsi le Déluge
qui purifia la terre, parce que la malice des hommes était à
son comble, et que toutes leurs pensées étaient tournées
vers le mal, le Déluge était une figure et une image de l’eau
du Baptême. C’est le témoignage formel du Prince des Apôtres,
dans sa première épître. et Saint Paul,
écrivant aux Corinthiens, leur déclare que le passage de
la mer Rouge avait la même signification. Et nous ne
parlons pas de l’ablution du Syrien Naaman, ni de la vertu miraculeuse
de la piscine probatique, ni de plusieurs autres choses de ce genre dans
lesquelles il est facile d’apercevoir autant de symboles de ce Mystère.
Quant aux Prophètes qui l’avaient
annoncé, personne ne peut en douter. Et ces eaux auxquelles le Prophète
Isaïe invite avec tant de zèle tous ceux qui ont soif
et celles qu’Ezéchiel voyait en esprit sortir du temple ,
et cette fontaine que Zacharie montrait dans l’avenir à
la maison de David, et aux habitants de Jérusalem, comme une source
préparée pour purifier le pécheur et la femme impure,
toutes ces eaux excellentes n’étaient-elles pas la figure et le
signe de l’eau salutaire du Baptême ?
Au reste, la nature même et la vertu
de ce Sacrement demandaient que l’eau en fût la matière propre.
Saint Jérôme, écrivant à Océanus
, le démontre très bien, et par de nombreuses raisons.
Mais les Pasteurs, traitant le même
sujet, enseigneront avant tout aux Fidèles que ce Sacrement étant
absolument nécessaire à tous sans aucune exception, pour
obtenir la Vie éternelle, rien n’était plus indiqué
ni plus convenable, pour en devenir la matière, que l’eau, qui se
trouve partout et que l’on peut se procurer si facilement. Au surplus l’eau
représente admirablement l’effet du Baptême. Elle lave les
souillures du corps, et par là elle exprime très bien l’action
et l’efficacité de ce Sacrement sur l’âme, qu’il purifie de
ses péchés. Enfin l’eau a la propriété de rafraîchir
les corps, comme le Baptême a la vertu d’éteindre en grande
partie l’ardeur des passions.
Mais si l’eau naturelle et sans aucun
mélange est une matière suffisante pour administrer le Baptême
dans tous les cas de nécessité, cependant c’est un usage
constant dans l’Eglise catholique, fondé sur la tradition des Apôtres,
d’ajouter à l’eau le saint Chrême, quand on donne ce Sacrement
avec les cérémonies prescrites ; ce qui en représente
plus clairement encore les effets. Le peuple doit savoir également
que, si dans la nécessité, on peut employer une eau dont
on doute si elle est telle que le Sacrement l’exige, c’est cependant une
vérité incontestable que jamais et pour aucune cause le Baptême
ne peut exister, s’il n’est administré avec de l’eau naturelle.
Après avoir expliqué la
première des deux choses qui constituent le Baptême, c’est-à-dire
la matière, les Pasteurs n’auront pas moins de zèle pour
instruire les Fidèles de la forme, seconde partie du Sacrement,
tout aussi indispensable que l’autre. Ils devront même apporter à
ces explications un soin et un labeur d’autant plus soutenus, que la connaissance
d’un aussi saint Mystère n’est pas seulement propre à donner
par elle-même à leurs peuples une vive satisfaction — effet
ordinaire de la science des choses de Dieu — mais qu’elle est encore infiniment
désirable, à cause de l’usage presque journalier qu’on est
obligé d’en faire. Il arrive souvent en effet, comme nous le verrons
plus tard, et plus en détail, que des gens du peuple, et presque
toujours de simples femmes, sont obligés d’administrer le Baptême.
C’est donc une chose nécessaire d’apprendre et d’expliquer à
tous les Fidèles sans exception, et d’une manière bien exacte,
tout ce qui tient à l’essence de ce Sacrement.
Ainsi les Pasteurs enseigneront, en termes
très clairs et à la portée de tous, que la forme essentielle
et parfaite du Baptême est dans ces mots: Je te baptise au nom du
Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. C’est en ces termes en effet
qu’elle fut donnée par Jésus-Christ, notre Sauveur et notre
Dieu, lorsqu’Il dit formellement à ses Apôtres
Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père,
et du Fils, et du Saint-Esprit. Par ce mot : baptisez, l’Eglise catholique,
inspirée de Dieu, a toujours compris que dans la forme de ce Sacrement,
il fallait exprimer l’action du ministre. Et c’est ce que l’on fait, en
disant: Je te baptise. Mais, outre les ministres, il fallait encore exprimer
et la personne qui reçoit le Baptême, et la cause principale
qui produit le Sacrement. Voilà pourquoi l’on ajoute le mot: te,
et le nom de chacune des trois Personnes de la Sainte Trinité. De
sorte que la forme entière et complète du Sacrement est renfermée
dans ces paroles que nous venons de citer: Je te baptise au nom du Père,
et du Fils, et du Saint-Esprit. Ce n’est pas en effet la Personne seule
du Fils qui opère l’effet de ce Sacrement, quoique Saint Jean dise:
c’est Lui qui baptise , mais ce sont les trois Personnes de la Sainte
Trinité ensemble. Et si l’on dit: Au nom, et non pas, dans les noms,
c’est pour marquer qu’il n’y a qu’une seule nature et une seule divinité
dans la Trinité. Ce mot ne se rapporte donc point aux Personnes
; il désigne la substance, la vertu, la puissance divine qui est
une et la même dans les trois Personnes.
Dans cette forme que nous venons de donner,
comme entière et parfaite, il y a des mots tellement nécessaires
que l’on ne pourrait les supprimer sans détruire la validité
du Sacrement, mais il y en a d’autres qui ne sont point aussi essentiels,
et dont l’omission n’empêche point la validité. De ce nombre
est (dans la langue latine) le mot ego, dont le sens est renfermé
dans le verbe baptizo. Il y a plus ; les Eglises Grecques ont varié
la tournure, et sont dans l’usage de supprimer complètement ce pronom,
persuadées qu’il n’était pas nécessaire de faire mention
du ministre. Ainsi, dans ces Eglises, on se sert généralement
de cette forme: Que le serviteur de Jésus-Christ soit baptisé
au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ces paroles suffisent
pour que le Sacrement soit conféré validement ; le Concile
de Florence en a ainsi décidé. Et en effet, elles expriment
assez clairement la vraie propriété de ce Sacrement, c’est-à-dire
l’ablution qui se fait réellement quand on les prononce.
Si l’on est obligé d’avouer qu’à
un moment donné les Apôtres baptIsaïent seulement au
nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous devons tenir pour certain
qu’ils ne l’ont fait que par l’inspiration du Saint-Esprit. Dans ces commencements
de l’Eglise, ils voulaient donner plus d’éclat à leur prédication
par le nom de Jésus-Christ, et faire connaître davantage sa
puissance divine et sans bornes. D’ailleurs, en examinant la chose à
fond, on voit bientôt qu’il ne manque rien à cette formule
de ce qui a été prescrit par notre Sauveur Lui-même.
En effet dire Jésus-Christ c’est dire par là même la
Personne du Père de qui Il a reçu l’onction sacrée,
et la Personne du Saint-Esprit par lequel Il l’a reçue.
Au reste il est très permis de
douter que les Apôtres aient conféré le Baptême
de cette manière. Saint Ambroise, Saint Basile et plusieurs autres
Pères d’une sainteté et d’une autorité considérables,
croient que ce Baptême donné au nom de Jésus-Christ,
n’est autre chose que le Baptême institué par Jésus-Christ,
et qu’il fut ainsi appelé pour le distinguer du Baptême de
Jean, sans qu’il s’ensuive que les Apôtres se soient écartés
pour le conférer de la forme ordinaire et commune, qui exprime distinctement
les trois Personnes. Saint Paul semble se servir de la même manière
de parler dans son épître aux Galates: Vous tous
qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous
vous êtes revêtus de Jésus-Christ. Que signifient ces
paroles, sinon que les Galates avaient été baptisés
dans la Foi de Jésus-Christ, mais non avec une formule différente
de celle que notre Dieu et Sauveur avait Lui-même prescrite ?
Ce que nous venons de dire suffit pour
instruire les Fidèles sur la matière et la forme, ces deux
parties si importantes de l’essence même du Baptême. Mais pour
produire le Sacrement, il y a une manière d’employer l’eau — manière
déterminée par l’Eglise — dont il n’est pas permis de s’écarter.
Les Pasteurs auront donc soin de donner la doctrine sur ce point, et d’expliquer
en peu de mots l’usage et la pratique de l’Eglise. Elle admet trois manières
de baptiser: ou bien en plongeant dans l’eau ceux que l’on baptise, ou
bien en versant l’eau sur eux, ou enfin en les arrosant par aspersion.
Mais de ces trois rites, quel que soit celui qu’on suive, il est certain
que le Baptême est valide. L’eau n’est employée dans le Baptême
que pour signifier l’ablution intérieure de l’âme, que ce
Sacrement opère. Voilà pourquoi Saint Paul l’appelle un bain.
Or il y a également ablution, soit qu’on plonge dans l’eau, comme
on le fit longtemps dans les premiers siècles de l’Eglise ; soit
qu’on verse l’eau, comme c’est aujourd’hui l’usage général
; soit enfin qu’on fasse seulement une aspersion, comme Saint Pierre, dit-on,
lorsqu’il convertit et baptisa en un seul jour trois mille personnes.
Peu importe d’ailleurs que l’on fasse
une ou trois ablutions. Saint Grégoire le Grand, écrivant
à Léandre, dit que le Baptême s’est donné dans
l’Eglise, et peut se donner de deux manières. néanmoins les
fidèles devront observer le rite en usage dans leurs églises
particulières.
Mais il faut avoir grand soin d’apprendre
au peuple que l’eau doit être versée, non sur une partie quelconque
du corps, mais principalement sur la tête, parce que la tête
est comme le siège où aboutissent tous les sens intérieurs
et extérieurs. De plus, les paroles de la forme du Sacrement doivent
être prononcées non pas avant ou après l’ablution,
mais dans le moment même où cette ablution se fait et par
celui-là même qui la fait.
§ II. — DE L’INSTITUTION DU BAPTEME.
Après ces explications, il importe
d’enseigner — et de rappeler aux Fidèles — que le Baptême,
comme tous les autres Sacrements, a été institué par
Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais ce qu’il faut expliquer souvent
et avec soin, c’est que pour le Baptême, il y a deux choses bien
différentes à distinguer: d’une part le temps précis
où Notre-Seigneur l’institua, et de l’autre celui où l’obligation
de le recevoir a été imposée à tous.
Et d’abord, en ce qui regarde le premier
objet, il apparaît clairement que ce Sacrement fut institué
par Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsque recevant Lui-même
le Baptême par le ministère de Jean, Il voulut bien donner
à l’eau la vertu de nous sanctifier. Saint Grégoire de Nazianze
et Saint Augustin nous assurent que ce fut en ce moment-là
même que l’eau reçut la vertu de nous régénérer
pour la vie spirituelle. nous lisons dans Saint Augustin: Depuis que Jésus-Christ
a été plongé dans l’eau, l’eau a le pouvoir d’effacer
tous les péchés. Et encore: Le Seigneur s’est fait baptiser,
non qu’Il eût besoin d’être purifié, mais pour purifier
l’eau au contact de sa Chair sans tache, et pour lui communiquer la vertu
de nous purifier ensuite.
Mais ce qui nous fournit une preuve sans
réplique de cette vérité, c’est que, à ce moment
solennel, la Sainte Trinité tout entière, au nom de laquelle
on confère le Baptême, manifesta sa présence. On entendit
la voix du Père, le Fils était là en personne, et
le Saint-Esprit descendit en forme de colombe. De plus les cieux s’ouvrirent,
comme ils s’ouvrent pour nous par le Baptême.
Que si quelqu’un demande pourquoi il a
plu à notre Seigneur d’attribuer à l’eau une vertu si admirable
et si divine, il faut répondre que cela dépasse notre intelligence.
Mais ce que nous pouvons comprendre d’une
manière suffisante, c’est que, notre Sauveur s’étant fait
baptiser, l’eau, en touchant sa Chair très sainte et très
pure, se trouva consacrée à l’usage de ce Sacrement. Mais
nous ne devons pas perdre de vue que pour avoir été institué
avant la Passion, le Baptême ne laissa pas d’en tirer toute sa vertu
et toute son efficacité, parce que la Passion était comme
la fin à laquelle le Rédempteur rapportait toutes ses actions.
Quant au temps où l’obligation
de recevoir le Baptême a été imposée à
tous, il ne peut y avoir aucun doute. Les Auteurs ecclésiastiques
conviennent que lorsque notre Seigneur, après sa Résurrection,
dit à ses Apôtres: Allez, enseignez toutes les
nations, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,
au même moment, l’obligation de recevoir le Baptême fut imposée
à tous les hommes qui voudraient se sauver. Cette conclusion peut
se tirer également de ces paroles si autorisées du Prince
des Apôtres: Il nous a fait renaître à l’espérance
de la nie par la Résurrection de Jésus-Christ d’entre les
morts ; et aussi de ces paroles de Saint Paul, qui, en parlant de l’Eglise,
s’exprime ainsi: Il s’est livré pour elle, afin de la
sanctifier en la purifiant par le Baptême de l’eau dans la parole
de vie. tous les deux, en effet, semblent rapporter l’obligation du Baptême
au temps qui suivit la mort du Sauveur, de sorte que ces paroles de Jésus-Christ:
Celui qui ne renaîtra point de l’eau et de l’esprit, ne pourra entrer
dans le Royaume de Dieu, s’appliquent évidemment au temps qui devait
suivre sa Passion.
Si les Pasteurs ont soin de traiter ce
sujet comme il convient, il est impossible que les Fidèles ne reconnaissent
point l’excellence et la dignité du Baptême, et ne conçoivent
point des sentiments profonds de vénération et de reconnaissance
pour un bienfait si admirable et si étonnant, surtout s’ils veulent
réfléchir que les effets miraculeux, qui se manifestèrent
au Baptême de Notre-Seigneur Jésus-Christ, se produisent intérieurement
par la vertu du Saint-Esprit dans l’âme de tous ceux qui reçoivent
le Baptême. Et de fait, si, comme il arriva au serviteur d’Elisée,
nos yeux pouvaient s’ouvrir de manière à voir les choses
célestes, il n’est personne assez dépourvu de sens commun,
pour ne pas être saisi d’admiration en présence des divins
mystères du Baptême. Mais pourquoi n’en serait-il pas de même,
si les Pasteurs exposaient toutes les richesses de ce Sacrement avec une
clarté si parfaite que les Fidèles fussent capables de les
contempler, sinon avec les yeux du corps, du moins avec les yeux de l’esprit
éclairé par la Foi ?
§ III. — DES MINISTRES DU BAPTEME.
Voyons maintenant quels sont les Ministres
de ce Sacrement. non seulement il est utile, mais il est nécessaire
de le dire, d’une part, afin que ceux qui sont chargés de cette
fonction, s’appliquent à la remplir saintement et avec piété
; de l’autre, afin que personne ne sorte des limites de ses attributions,
et ne cherche à s’introduire à contretemps, ou à pénétrer
avec insolence sur le terrain d’autrui. Car, dit l’Apôtre,
il faut garder l’ordre en toutes choses.
Les Fidèles doivent donc savoir
qu’il y a trois classes de Ministres du Baptême. A la première
appartiennent les Evêques et les Prêtres, qui exercent ce ministère
de plein droit, et non en vertu d’un pouvoir extraordinaire. C’est aux
Evêques que Notre-Seigneur a dit dans la personne des Apôtres:
Allez, baptisez ! et si, dès les premiers temps, ils
ont pris l’habitude de laisser aux Prêtres l’administration du Baptême,
c’était uniquement pour ne pas être obligés d’abandonner
la charge plus importante encore de la prédication. Quant aux Prêtres,
la doctrine des Pères et l’usage constant de l’Eglise
attestent qu’ils exercent cette Fonction en vertu d’un droit qui leur est
tellement propre, qu’ils peuvent baptiser même en présence
de l’Evêque. Et de fait, puisqu’ils étaient établis
pour consacrer l’Eucharistie qui est le Sacrement de la paix
et de l’unité, il était tout naturel qu’ils reçussent
en même temps le pouvoir de faire tout ce qui est nécessaire
pour mettre les hommes en participation de cette paix et de cette unité.
Et si quelques Pères ont pu dire que les Prêtres n’avaient
pas le droit de baptiser sans la permission de l’Evêque, cela doit
s’entendre seulement du Baptême que l’on avait coutume d’administrer
plus solennellement à certains jours de l’année.
La seconde classe est celle des diacres.
Mais ils ne peuvent baptiser qu’avec le consentement de l’Evêque,
ou du Prêtre. De nombreux textes des Pères ne laissent aucun
doute sur ce point.
En troisième et dernier lieu, viennent
ceux qui dans le cas de nécessité, peuvent administrer ce
Sacrement, sans les cérémonies habituelles. De ce nombre
sont tous les humains, hommes ou femmes, même les derniers du peuple
et de quelque religion qu’ils soient. En effet, Juifs, infidèles,
hérétiques, quand la nécessité l’exige, tous
peuvent baptiser, pourvu qu’ils aient l’intention de faire ce que fait
l’Eglise, en administrant ce Sacrement. Ainsi l’avaient déjà
décidé plusieurs fois les Pères et les anciens Conciles.
Mais la sainte Assemblée de Trente vient au surplus de prononcer
l’anathème contre tous ceux qui oseraient soutenir que le Baptême
donné par les hérétiques au nom du Père, et
du Fils, et du Saint-Esprit, avec l’intention de faire ce que fait l’Eglise,
n’est pas un Baptême valide et véritable.
Et certes, c’est là pour nous une
belle occasion d’admirer la Bonté parfaite et l’infinie Sagesse
de notre Dieu. Parce que le Baptême est nécessaire à
tous, Il a choisi et institué pour matière de ce Sacrement
l’eau, que l’on trouve partout, et en même temps II n’a voulu refuser
à personne le pouvoir de l’administrer. Seulement, comme nous l’avons
déjà dit, tous n’ont pas le droit de le conférer avec
les cérémonies établies par l’Eglise ; non que ces
rites et ces cérémonies soient quelque chose de plus auguste
que le Sacrement lui-même, mais parce qu’elles sont moins nécessaires.
Au reste, s’il est permis à tous
de baptiser, les Fidèles ne doivent point s’imaginer pour cela que
les convenances n’obligent pas à établir un certain ordre
parmi les divers Ministres de ce Sacrement. Une femme, par exemple. ne
doit pas se permettre d’administrer le Baptême, s’il y a un homme
présent ; ni un Laïque, s’il y a un Clerc ; ni un Clerc s’il
y a un Prêtre. Cependant les sages-femmes qui sont accoutumées
à baptiser ne sont nullement répréhensibles, si dans
certains cas, et en présence d’un homme qui ne sait pas conférer
ce Sacrement, elles se chargent elles-mêmes de cette fonction, qui
dans d’autres circonstances semble convenir beaucoup mieux à l’homme.
§ IV. — DES PARRAINS ET MARRAINES.
Outre ces différents Ministres
qui peuvent, comme nous venons de le dire, administrer le Baptême,
il en est d’autres qu’un usage très ancien de l’Eglise catholique
fait concourir à la cérémonie de la sainte et salutaire
Ablution. Ce sont ceux que nous appelons aujourd’hui Parrains, et que les
auteurs ecclésiastiques appelaient communément autrefois
receveurs, répondants, ou cautions. Comme ces sortes de Fonctions
peuvent être remplies par presque tous les laïques, les Pasteurs
devront les passer en revue avec soin, afin que les Fidèles sachent
bien ce qu’il faut faire pour les remplir convenablement. Avant. tout,
il sera nécessaire d’expliquer pour quelles raisons on a joint aux
Ministres du Sacrement des Parrains et des répondants. Et cette
raison paraîtra très juste et très sage à tous
ceux qui voudront se souvenir que le Baptême est une régénération
spirituelle, par laquelle nous naissons véritablement enfants de
Dieu. C’est ainsi que l’enseigne Saint Pierre: Comme des enfants
nouvellement nés, désirez le lait spirituel, et pur de tout
mélange.
Dès qu’un enfant a vu le jour,
il a besoin des secours et des soins d’une nourrice et d’un maître,
pour s’élever d’abord, et ensuite pour s’instruire dans les sciences
et dans les arts. Ainsi ceux qui commencent à vivre de la vie spirituelle
puisée aux Fonts du Baptême, ont besoin d’être confiés
à une personne remplie de Foi et de prudence, capable de les instruire
des préceptes de la religion chrétienne, de les former à
la pratique de toutes les Vertus, et de les faire croître peu à
peu en Jésus-Christ, jusqu’à ce qu’ils deviennent, avec la
Grâce de Dieu, des hommes (des Chrétiens) parfaits.
Et cela est d’autant plus nécessaire
que les Pasteurs chargés de la conduite des Paroisses, n’ont généralement
pas assez de loisir pour se charger du soin d’instruire les enfants en
particulier sur les éléments de la Foi. Saint Denys nous
a laissé un témoignage remarquable de l’ancienneté
de cet usage: Nos divins Maîtres, dit-il, car c’est ainsi
qu’il appelle les Apôtres, ont eu la pensée, et ont jugé
à propos de donner des répondants aux enfants, conformément
à cette sainte coutume qui porte les parents naturels à choisir
pour leurs enfants des personnes éclairées dans les choses
de Dieu, capables de leur tenir lieu de maîtres, et sous la direction
desquels ces enfants doivent passer le reste de leur vie, comme sous les
auspices d’un père spirituel, et du gardien de leur salut. Le Pape
Hygin dit la même chose, et son autorité confirme notre doctrine.
C’est donc avec une profonde sagesse que
la sainte Eglise a décrété que les liens de l’affinité
spirituelle existeraient non seulement entre celui qui baptise et celui
qui est baptisé, mais encore entre le Parrain, son Filleul. Et les
Parents de ce dernier. De sorte qu’il ne peut y avoir de légitime
mariage entre ces différentes personnes, et que si par hasard un
mariage était contracté dans ces conditions, il serait nul
de plein droit.
Puis il faudra instruire les Fidèles
sur les obligations des Parrains ; on s’acquitte aujourd’hui de ce devoir
avec tant de négligence, qu’il ne reste plus de cette charge que
le nom. On ne paraît même pas soupçonner qu’elle renferme
quelque chose de sacré. Or, en général, les Parrains
ne doivent jamais perdre de vue qu’ils ont contracté l’obligation
spéciale et rigoureuse de considérer dans leurs enfants spirituels
des personnes confiées pour toujours à leurs soins, de les
former avec un grand zèle à toutes les pratiques de la Vie
chrétienne, et de faire tous leurs efforts pour les engager à
remplir fidèlement, pendant leur vie, ce qu’ils ont si solennellement
promis pour eux au Baptême. Ecoutons là-dessus saint Denys.
Voici ce qu’il fait dire à un répondant (au Parrain): Je
promets d’exhorter et d’engager soigneusement cet enfant, lorsqu’il sera
en âge de comprendre la Religion, à renoncer à tout
ce qui est contraire au bien, à professer et à remplir exactement
les promesses qu’il fait maintenant à Dieu. — Vous tous, s’écrie
à son tour saint Augustin , hommes et femmes qui avez reçu
des enfants au Baptême, je vous en avertis, surtout n’oubliez pas
que vous êtes devenus auprès de Dieu les cautions de ceux
qu’on vous a vus recevoir sur les Fonts sacrés. Et en effet n’est-il
pas bien juste que celui qui s’est chargé d’un emploi, ne se lasse
jamais de s’en acquitter avec exactitude, et que celui qui a promis publiquement
d’être le maître et le guide d’un autre, ne se permette point
d’abandonner celui qu’il a pris sous sa garde et sous sa protection, tant
qu’il sait que ce dernier a besoin de ses services et de son appui ? —
Mais quels sont les enseignements que les Parrains doivent donner à
leurs Filleuls ? Saint Augustin nous le dit en peu de mots, en traitant
de leurs obligations. Ils doivent les avertir de garder la
chasteté, d’aimer la justice, de conserver la charité, et
leur apprendre le plus tôt possible, et avant tout le reste, le symbole,
l’Oraison Dominicale, le Décalogue et les premiers Principes de
la Religion chrétienne.
D’après cela, il est facile de
voir à quelles personnes on ne doit point confier la direction de
cette sainte tutelle. Ce sont toutes celles qui ne veulent pas, ou qui
ne peuvent pas s’en acquitter fidèlement et avec zèle. D’abord
le père et la mère sont exclus. Il ne leur est pas permis
d’être les Parrains de leurs enfants. L’Eglise veut nous faire comprendre
par là combien l’éducation spirituelle diffère de
l’éducation selon la chair. Ensuite, on ne doit jamais confier cette
fonction aux hérétiques, aux Juifs, aux infidèles,
puisqu’ils ne pensent et ne cherchent qu’à obscurcir la vérité
de la Foi par leurs mensonges, et à détruire toute la piété
chrétienne.
Le Concile de Trente défend également
de faire tenir le même enfant sur les Fonts du Baptême par
plusieurs Parrains ou Marraines. On doit se borner à un seul Parrain,
ou à une seule Marraine, ou du moins prendre seulement l’un et l’autre.
Et en voici la double raison: D’une part la multitude des maîtres
pourrait introduire de la confusion dans la direction et l’instruction
des enfants, de l’autre il était bon de restreindre les affinités
provenant de ce chef, entre un trop grand nombre de personnes, pour ne
point gêner le développement des alliances dans la société
par légitime mariage.
Chapitre seizième — Suite
du sacrement du Baptême
§ I. — NECESSITE DU BAPTEME.
Ce que nous avons dit jusqu’ici de ce
Sacrement est très utile à connaître pour les Fidèles.
Mais ce qu’il est absolument nécessaire de ne pas leur laisser ignorer,
c’est que Notre-Seigneur a fait à tous les hommes une loi de se
faire baptiser, loi si rigoureuse que ceux qui ne seraient pas régénérés
en Dieu par la grâce de ce Sacrement, ne viendraient au monde que
pour leur malheur et leur perte éternelle, que leurs parents d’ailleurs
fussent chrétiens ou païens. C’est pourquoi les Pasteurs ne
sauraient expliquer trop souvent ces paroles de l’Evangile.
Si quelqu’un n’est pas régénéré par l’eau et
par l’Esprit, il ne peut entrer dans le Royaume des cieux.
Et cette loi ne regarde pas seulement
les adultes, l’autorité et les témoignages des Pères
établissent qu’elle atteint même les petits enfants, et que
l’Eglise l’a reçue de la tradition apostolique. D’ailleurs, est-il
possible de croire que Notre-Seigneur Jésus-Christ eût refusé
aux enfants le sacrement et la grâce du Baptême, Lui qui disait:
Laissez les petits enfants, et ne tes empêchez pas de venir n moi,
parce que le Royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent ; Lui
qui les embrassait, qui leur imposait les mains, et les bénissait
?
Nous lisons que Saint Paul
baptisa un jour une famille tout entière. Or n’est-il pas assez
naturel de supposer que les enfants qui faisaient partie de cette famille
furent également purifiés par cette eau salutaire ?
La Circoncision qui était la figure
du Baptême apporte aussi son témoignage, et un témoignage
considérable, en faveur du Baptême des enfants. En effet,
personne n’ignore que l’on avait coutume de donner la Circoncision aux
enfants le huitième jour après leur naissance. Or, puisque
la Circoncision, qui dépouille la chair par la main des hommes
, était utile à ces enfants, pourquoi le Baptême, qui
est la circoncision spirituelle de Jésus-Christ, ne produirait-il
pas en eux ses effets ?
Enfin, comme l’enseigne l’Apôtre
, si la mort a régné par un seul, et par le péché
d’un seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l‘abondance
de la Grâce et du don de la Justice, doivent régner dans la
vie par un seul qui est Jésus-Christ. Or les enfants, par le péché
d’Adam, ont contracté la tache originelle ; à plus forte
raison donc peuvent-ils recevoir la Grâce et la Justice par Notre-Seigneur
Jésus-Christ, pour régner dans la vie ; ce qui est absolument
impossible sans le Baptême.
C’est pourquoi les Pasteurs enseigneront
qu’il est de toute nécessité de baptiser les enfants, et
ensuite de les former peu à peu dés l’âge le plus tendre,
et par les préceptes de la Religion chrétienne, à
la pratique de la vraie piété. Car, comme le Sage l’a très
bien dit: Le jeune homme, même quand il aura vieilli,
ne quittera point la voie qu’il aura suivie dans sa jeunesse. On ne peut
douter que les enfants, au moment où ils reçoivent le Baptême,
ne reçoivent en même temps le don mystérieux de la
Foi ; non pas qu’ils croient par l’adhésion de leur intelligence,
mais parce qu’ils sont comme revêtus
et imprégnés de la Foi de leurs Parents, si leurs Parents
sont croyants, ou s’ils sont infidèles, de la Foi de toute la société
des Saints. (C’est la parole même de Saint Augustin). Car on peut
dire avec vérité que les enfants sont présentés
au Baptême par tous ceux qui désirent les y voir présenter,
et dont la charité les fait admettre dans la Communion du Saint-Esprit.
Il faut donc engager fortement les Fidèles
à porter leurs enfants à l’Eglise, et à les faire
baptiser avec les cérémonies consacrées, dès
qu’ils pourront le faire sans danger. Les enfants n’ont pas d’autre moyen
de salut que le Baptême. Ce serait une faute, et une faute grave,
de les laisser dans la privation de la grâce de ce Sacrement plus
longtemps que la nécessité ne l’exige. Et il ne faut pas
oublier que la faiblesse de leur âge les expose à une infinité
de périls mortels.
Quant aux adultes qui ont le parfait usage
de leur raison, et qui sont nés de parents infidèles, la
conduite à tenir est toute différente. Selon la coutume de
la primitive Eglise, il faut les instruire d’abord des vérités
de la Foi chrétienne, et puis les exhorter, les exciter, les inviter
avec la plus grande ardeur à l’embrasser. S’ils se convertissent
au Seigneur, on les avertira de ne pas différer à recevoir
le Baptême au-delà du temps prescrit par l’Eglise. Car il
est écrit: ne tardez pas à vous convertir au
Seigneur, et ne différez pas de jour en jour. Il faut leur apprendre
que la conversion complète ne se trouve que dans la régénération
baptismale. Que plus ils viendront tard au Baptême, plus longtemps
aussi ils demeureront privés de l’usage et de la grâce des
autres Sacrements, qui sont l’âme, en quelque sorte, de toute la
Religion chrétienne, puisque le Baptême seul ouvre les portes
qui conduisent jusqu’à eux ; enfin qu’ils renonceraient également
aux avantages immenses que ce premier Sacrement renferme. C’est qu’en effet
l’eau salutaire du Baptême efface et détruit les taches et
les souillures de tous les péchés commis auparavant, en même
temps qu’elle orne notre âme de cette Grâce divine dont le
secours et la force nous font désormais éviter le mal et
conserver la justice et l’innocence, — deux choses dans lesquelles se résume
toute la Vie chrétienne, comme il est facile de le voir.
Malgré cela l’Eglise n’est pas
dans l’usage de donner le Baptême aux adultes aussitôt après
leur conversion. Elle veut au contraire qu’on le diffère un certain
temps. Ce retard n’entraîne point pour eux les dangers qui menacent
les enfants, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Comme ils ont l’usage
de la raison, le désir et la résolution de recevoir le Baptême,
joints au repentir de leurs péchés, leur suffiraient pour
arriver à la grâce et à la justification, si quelque
accident soudain les empêchait de se purifier dans les Fonts salutaires.
Au contraire, ces retards ont bien leur utilité. Puisque l’Eglise
est chargée de veiller, et avec la plus grande sollicitude, à
ce que personne ne s’approche de ce Sacrement par un esprit de dissimulation
et d’hypocrisie, elle connaît et apprécie mieux, en différant
le Baptême, la sincérité de ceux qui le demandent.
Voilà pourquoi les anciens Conciles avaient décrété
que les Juifs qui se convertiraient à la Foi catholique, resteraient
pendant plusieurs mois au rang de simples Catéchumènes, avant
d’être admis à recevoir le Baptême. D’un autre côté
ce retard permet d’instruire les Adultes d’une manière plus parfaite
des règles de la Vie chrétienne, et des principes de la Foi
dont ils doivent faire profession. Enfin on rend à ce Sacrement
tout l’honneur qu’il mérite, en le recevant d’une manière
solennelle, et avec les cérémonies de l’Eglise, aux fêtes
de Pâques et de la Pentecôte.
Cependant il y a quelquefois des raisons
graves et même nécessaires de ne pas différer le Baptême
aux Adultes, par exemple s’ils se trouvent en danger de mort, ou s’ils
sont parfaitement instruits des Mystères de la Foi. C’est ce que
firent Saint Philippe et le prince des Apôtres. Saint Philippe baptisa
le serviteur de la reine d’Ethiopie, et Saint Pierre le centurion Corneille,
l’un et l’autre sans aucun retard, et dès qu’ils eurent déclaré
qu’ils étaient prêts à embrasser la Foi.
§ II. — DES DISPOSITIONS NECESSAIRES
POUR RECEVOIR LE BAPTEME.
Il faut aussi apprendre au peuple, et
bien lui expliquer quelles doivent être les dispositions de ceux
qui se présentent au Baptême. La première de toutes,
c’est le désir et la volonté ferme d’être baptisés.
Puisque par le Baptême on meurt au péché, et on embrasse
une vie nouvelle, et des principes nouveaux, il est juste de ne le conférer
à qui que ce soit malgré lui, et de ne le donner qu’à
ceux qui l’acceptent volontairement et avec plaisir. La tradition nous
apprend que la coutume a toujours existé de demander à celui
que l’on va baptiser s’il a la volonté de l’être. Et il ne
faut pas penser que cette volonté manque, même chez les plus
jeunes enfants, puisque l’Eglise répond pour eux, et que sa propre
volonté à cet égard est bien évidente.
Les insensés et les fous qui ont
joui quelque temps de leur bon sens, et l’ont perdu ensuite, ne peuvent
pas avoir dans cet état la volonté de recevoir le baptême.
Ils ne doivent donc pas être baptisés, à moins qu’ils
ne soient en danger de mort. Car dans ce cas il faut les baptiser, pourvu
toutefois qu’ils aient manifesté le désir de recevoir ce
Sacrement avant de tomber en démence. Dans le cas contraire, on
ne doit pas les baptiser. Il en est de même de ceux qui sont en enfance.
S’ils n’ont jamais joui de leur bon sens, s’ils n’ont jamais eu l’usage
de leur raison, la coutume et l’autorité de l’Eglise demandent qu’on
les baptise comme les enfants qui viennent de naître.
Mais outre le désir formel du Baptême
que doivent avoir ceux qui sont raisonnables, la Foi leur est également
nécessaire pour recevoir la grâce du Sacrement, et nécessaire
au même titre que la volonté. Car ce n’est pas sans motif
que Notre-Seigneur a dit: Celui qui croira et qui sera baptisé
sera sauvé. De plus il faut qu’ils aient un repentir sincère
de tous leurs péchés, de toute leur mauvaise conduite antérieure,
et une ferme résolution de ne plus pécher à l’avenir.
Celui qui demanderait le Baptême, sans avoir la volonté bien
arrêtée de corriger, ses habitudes coupables, devrait être
absolument écarté. Rien n’est plus opposé à
la grâce et aux effets du Baptême que les dispositions et les
sentiments d’un pécheur qui ne veut mettre aucun terme à
ses désordres. Puisqu’on ne désire ce Sacrement que pour
revêtir Jésus-Christ, et pour s’unir à Lui, c’est donc
un devoir indispensable d’éloigner de l’Ablution sacrée celui
qui se propose de persévérer dans ses vices et dans ses fautes.
D’ailleurs on ne doit jamais abuser en aucune façon de ce qui touche
à Jésus-Christ et à son Eglise. Or ce serait abuser
du Baptême, et le recevoir en vain, du moins en ce qui concerne la
sanctification et le salut, que dé conserver, en le recevant, la
volonté de vivre selon la chair et non pas selon l’esprit. toutefois,
même avec cette disposition, on recevrait véritablement le
caractère du Sacrement, pourvu que le Baptême fût administré
régulièrement, et que l’on eût l’intention de recevoir
ce que l’Eglise elle-même a l’intention de donner. Voilà pourquoi
le Prince des Apôtres répondit à cette multitude d’hommes
qui, nous dit l’Ecriture, étaient venus, le cœur contrit, lui demander,
à lui et aux autres Apôtres, ce qu’ils avaient à faire
(pour être sauvés) : Faites pénitence,
et que chacun de vous reçoive le Baptême ; et dans un autre
endroit: Repentez-vous, et convertissez-vous, afin que vos
péchés soient effacés. — De même Saint Paul,
dans son épître aux Romains, fait voir clairement que celui
qui est baptisé doit absolument mourir au péché. Voilà
pourquoi il nous avertit de ne point abandonner nos membres
au péché, comme des armes d’iniquités, mais de nous
donner à Dieu, comme étant revenus de la mort à la
vie.
Si les Fidèles savent méditer
fréquemment ces Vérités, ils seront d’abord forcés
d’admirer sans réserve la bonté infinie de Dieu, qui sans
aucun mérite de notre part, et par la seule inspiration de sa miséricorde,
a bien voulu nous accorder le bienfait si extraordinaire et si précieux
du baptême. Et s’ils viennent ensuite à considérer
combien doit être pure et éloignée de tout mal la vie
de ceux qui ont reçu un présent si magnifique, ils n’auront
aucune peine à comprendre qu’un vrai Chrétien doit passer
tous les jours de sa vie aussi saintement, et avec autant de piété,
que s’il venait seulement de recevoir ce jour-là le sacrement et
la grâce du Baptême.
§ III. — DES EFFETS DU BAPTEME.
Un des moyens les plus efficaces pour
allumer dans le cœur des Chrétiens le feu du véritable amour
de Dieu, c’est de leur expliquer avec soin les effets du Baptême.
Il faudra donc revenir souvent sur ce sujet, afin qu’ils sachent bien que
ce Sacrement les a élevés à un très haut degré
de dignité, et qu’ils ne doivent jamais souffrir que les artifices,
ou la violence de leurs ennemis les en fassent déchoir.
La première chose à leur
apprendre sur ce point, c’est que tous. nos péchés, soit
le péché originel qui nous vient de nos premiers parents,
soit le péché actuel que nous commettons par notre propre
volonté, — quand même ce péché dépasserait
en malice tout ce qu’on peut imaginer, — tous nos péchés,
disons-nous, nous sont remis et pardonnés par la vertu merveilleuse
du Sacrement de Baptême. Longtemps avant Notre-Seigneur, Ezéchiel
avait prédit cet effet: Je verserai sur vous une eau
pure, dit Dieu Lui-même, par la bouche du Prophète, et vous
serez purifiés de toutes vos souillures. Et l’Apôtre saint
Paul, après avoir fait aux Corinthiens une longue énumération
de diverses sortes de péchés, ajoute: C’est ce
que vous avez été autrefois: mais vous avez été
lavés, vous avez été sanctifiés. Telle a été
en effet, et manifestement, la doctrine constante de l’Eglise. Saint Augustin,
dans son livre du Baptême des enfants, dit que par la
qénération du Saint-Esprit, on obtient la rémission
des péchés volontaires, avec celle du péché
originel. Et saint Jérôme à Océanus:
Tous les crimes, dit-il, sont pardonnés dans le Baptême. Et
pour qu’il ne put rester aucun doute sur cette vérité, même
après les définitions des autres Conciles, la sainte assemblée
de Trente a prononcé l’anathème contre ceux qui oseraient
penser autrement, et qui auraient la témérité de soutenir
que la rémission des péchés par le Baptême
n’est pas entière, et qu’ils ne sont pas absolument effacés
et comme déracinés de l’âme, mais seulement coupés
et rasés en quelques sortes, de manière que les racines en
demeurent encore dans notre cœur. Car, pour employer les propres expressions
du Concile, Dieu ne hait rien dans ceux qui sont régénérés,
parce qu’il n’y a aucune cause de condamnation dans ceux qui ont été
véritablement ensevelis avec Jésus-Christ par le Baptême,
pour mourir ait péché ; qui ne vivent plus selon la chair
; qui ont dépouillé le vieil homme ; qui se sont revêtus
de l’homme nouveau qui a été créé selon Dieu
; et qui sont devenus innocents, purs, sans tache, et agréables
à Dieu.
Cependant il faut le reconnaître,
et le saint Concile l’a formellement décrété dans
le même endroit, la concupiscence ou le foyer du péché
subsiste encore chez les baptisés ; mais la concupiscence n’est
point le péché. Saint Augustin enseigne que chez les enfants
le Baptême remet la faute de la concupiscence, mais qu’il leur laisse
la concupiscence, pour les exercer. Et ailleurs il dit positivement que
la faute est détruite dans le Baptême, mais que la faiblesse
reste. La concupiscence qui vient du péché n’est autre chose
en effet qu’une inclination ou tendance de l’âme, essentiellement
contraire à la raison ; mais cette tendance cependant est bien différente
de la véritable nature du péché, quand il ne s’y joint
ni consentement de la volonté pour la suivre, ni négligence
pour la combattre. Et lorsque saint Paul a dit: « Je
n’aurais pas connu la concupiscence, si la Loi ne m’avait dit: tu ne convoiteras
pas » il a voulu parler, non des mouvements mêmes de la concupiscence,
mais du vice de la volonté. Nous trouvons la même doctrine
dans saint Grégoire: Si quelqu’un prétend, dit-il,
que par le baptême les péchés sont remis seulement
jusqu’à la surface, qu’y a-t-il de moins chrétien que cette
opinion ? Car, par le sacrement de la Foi, l’âme, entièrement
dégagée de ses fautes, n’est plus attachée qu’à
Dieu. Puis, en preuve de ce qu’il affirme, il rapporte les paroles de Notre
Sauveur dans saint Jean: Celui qui a été lavé,
n’a plus besoin que de se laver les pieds, et il est pur dans tout le reste.
Si l’on veut une image sensible et une
figure frappante de cette vérité, il n’y a à considérer
ce que l’Ecriture rapporte de Naaman, le lépreux de Syrie. Après
s’être baigné sept fois dans le Jourdain, il fut si parfaitement
guéri que sa chair semblait être celle d’un enfant. Pareillement
l’effet propre du Baptême est de nous remettre tous nos péchés,
aussi bien le péché originel que ceux que nous avons commis
par notre propre faute. C’est pour cette fin-là même que notre
Sauveur l’a institué. Le Prince des Apôtres, pour n’en point
citer d’autres, nous l’apprend formellement, quand il dit:
Faites pénitence, et que chacun de vous reçoive le Baptême
au nom de Jésus-Christ, pour la rémission de ses péchés.
Et non seulement le Baptême remet
tous les péché., priais grâce à l’infinie bonté
de Dieu, il remet en même temps toutes les peines qui leur sont dues.
Il est vrai que les Sacrements ont la vertu de nous communiquer les mérites
de la Passion de Jésus-Christ. Mais c’est du Baptême que l’Apôtre
a dit que par lui nous mourons et sommes ensevelis avec Jésus-Christ.
Voilà pourquoi la sainte Eglise a toujours compris qu’on ne pouvait,
sans faire une très grande injure à ce Sacrement, imposer
à celui qui doit le recevoir et être purifié par lui,
ces œuvres de piété que les saints Pères appellent
communément des œuvres satisfactoires. Et ce que nous disons ici
n’a rien de contraire à l’usage de la primitive Eglise, qui ordonnait
aux Juifs. lorsqu’ils recevaient le Baptême, de jeûner pendant
quarante jours. Ce jeune n’avait point rapport à la satisfaction
; mais c’était un moyen de rappeler à ceux qui recevaient
le Baptême, que par respect pour la dignité de ce Sacrement,
ils devaient se livrer sans interruption pendant quelque temps au jeûne
et à la prière.
Mais s’il est absolument certain que le
Baptême remet toutes les peines dues aux péchés, cependant
il n’exempte point de ces châtiments que les tribunaux humains infligent
aux grands criminels. Ainsi celui qui aurait mérité la mort
ne pourrait se soustraire par le Baptême au supplice ordonné
par la loi. Mais on ne saurait trop louer la religion et la piété
de ces princes qui, pour faire éclater davantage la gloire de Dieu
dans ses Sacrements, accorderaient sa grâce au coupable en cette
circonstance, et lui remettraient sa peine.
De plus le Baptême, après
le court passage de cette vie, nous délivre de toutes les peines
qui sont dues au péché originel. C’est une grâce que
la mort de Jésus-Christ nous a méritée. Comme nous
l’avons dit plus haut, par le Baptême nous mourons avec Jésus-Christ
; or, dit l’Apôtre, si noirs sommes entés en Lui,
par la ressemblance de sa Mort, nous le serons aussi par la ressemblance
de sa Résurrection.
Pourquoi donc, dira peut-être quelqu’un,
ne sommes-nous pas, aussitôt après le Baptême, et dès
cette vie mortelle, délivrés de tous les inconvénients
qui l’accompagnent et rétablis par la vertu de l’ablution sacrée
dans cet état de dignité et de perfection, où Adam
le père du genre humain avait été placé avant
son péché ? nous pouvons donner de ce fait deux principales
raisons
La première, c’est que nous sommes
unis au corps de Jésus-.Christ, et que nous en devenons les membres
par le Baptême. Or il ne convenait pas de nous accorder plus de privilèges
qu’à notre Chef lui-même. Notre-Seigneur Jésus-Christ,
tout en possédant dés le premier instant de sa conception,
la plénitude de la Grâce et de la Vérité, n’a
point déposé pour cela la fragilité de la nature humaine
qu’il avait prise, avant d’avoir enduré les tourments de sa Passion
et de sa Mort, et avant de s’être ressuscité Lui-môme
à la vie glorieuse de l’immortalité. Dès lors, qui
pourrait s’étonner de voir les Fidèles, qui possèdent
déjà par le Baptême la grâce de la justice céleste,
continuer de vivre encore dans une chair périssable et fragile ?
Quand ils auront supporté pour Jésus-Christ toutes sortes
de peines et de travaux, quand ils auront subi la mort, et qu’ils seront
ensuite revenus à la vie, alors ils seront dignes de jouir avec
Lui de l’éternité bienheureuse.
La seconde raison qui a fait laisser en
nous après le Baptême l’infirmité du corps, les maladies,
le sentiment de la douleur et les mouvements de la concupiscence, c’est
que Dieu voulait nous ménager comme une ample moisson de mérites
de toute sorte, et par ce moyen, nous faire obtenir un jour des fruits
plus abondants de gloire, et de plus magnifiques récompenses. Si
nous souffrons patiemment toutes les misères de la vie, si avec
l’aide de Dieu, nous soumettons les affections déréglées
de notre cœur à l’empire de la raison, nous avons le droit d’espérer
fermement, avec l’Apôtre, que, ayant bien combattu, achevé
notre course et conservé la Foi, le Seigneur nous réservera
la couronne de justice, et que ce juste Juge nous la rendra au dernier
jour. C’est de la même manière que Dieu semble avoir agi avec
les enfants d’Israël. Il les délivra de la servitude d’Egypte,
de la poursuite de Pharaon et de son armée, qu’Il précipita
dans la mer ; et cependant Il ne les introduisit point immédiatement
dans l’heureuse terre de la promesse ; mais auparavant, Il les fit passer
par plusieurs épreuves, et les exposa à de nombreux périls.
Et plus tard, lorsqu’Il les mit en possession de la terre promise, Il chassa,
il est vrai, de cette terre la plupart de ses habitants, mais II y conserva
cependant quelques nations, qu’on ne put jamais détruire, afin que
le peuple de Dieu eût sans cesse l’occasion d’exercer son courage,
et sa vertu guerrière.
Joignons à cela que si le Baptême,
tout en ornant l’âme des dons célestes, procurait en même
temps les biens du corps, plusieurs probablement voudraient le recevoir.
plutôt à cause de ces avantages temporels et présents,
que par l’espérance de la gloire future. Et cependant les biens
que le Chrétien ne doit jamais perdre de vue, ne sont pas ces biens
faux et incertains qui se voient, mais les biens véritables et éternels
qui ne se voient pas.
Toutefois, la vie présente, si
remplie de misères qu’elle soit, n’est pas sans joies et sans douceurs.
Pour nous en effet, qui sommes comme des branches entées sur Jésus-Christ
par le Baptême, que peut-il y avoir de plus doux, et de plus désirable,
que de prendre la croix sur nos épaules, de suivre notre Sauveur
comme un chef, sans nous laisser ni rebuter par la fatigue, ni arrêter
par les dangers, et de tendre sans cesse de toutes nos forces à
la récompense céleste à laquelle Dieu nous appelle,
pour recevoir de sa main, ceux-ci le laurier de la virginité, ceux-là,
la couronne de la science et de la prédication, les uns la palme
du martyre, les autres enfin les récompenses dues à leurs
vertus ? Or, tous ces titres et tous ces insignes ne pourraient nous être
accordés, si auparavant nous ne nous étions point exercés
dans la carrière de cette vie si pénible, et si nous n’avions
pas remporté la victoire dans le combat.
Pour en revenir aux effets du Baptême,
il faudra expliquer que ce Sacrement, non seulement nous délivre,
par la vertu qui lui est propre, de tout ce que l’on peut vraiment appeler
les maux, mais qu’il nous enrichit encore des biens et des dons les plus
précieux. Ainsi il remplit notre âme de cette Grâce
divine qui nous rend justes, et nous fait enfants de Dieu, héritiers
du salut éternel. Car, comme il est écrit: celui
qui croira et qui sera baptisé sera sauvé ; et l’Apôtre
affirme que l’Eglise a été Purifiée par
le Baptême de l’eau par la parole. Or, d’après le décret
du Concile de Trente, qui nous oblige de le croire sous peine d’anathème,
la grâce reçue dans le Baptême n’efface pas seulement
nos péchés, mais elle est encore comme une qualité
divine qui s’attache à l’âme, c’est comme un rayon, une lumière
qui en absorbe toutes les taches, et qui la rend plus belle et plus brillante.
Cette vérité se déduit aussi très clairement
de l’Ecriture sainte, lorsqu’elle dit que « la grâce
est répandue dans nos cœurs, et qu’elle est un gage
du Saint-Esprit. »
Mais cette grâce que le Baptême
communique est accompagnée du glorieux cortège de toutes
les vertus qui, par un don spécial de Dieu, pénètrent
dans l’âme en même temps qu’elle. L’Apôtre écrivait
à Tite: « Dieu nous a sauvés par l’eau
de la régénération et du renouvellement du Saint-Esprit,
qu’Il a répandu sur nous avec abondance, par Jésus-Christ
notre Sauveur. » Et Saint Augustin affirme que ces paroles, Il a
répandu en abondance, doivent s’entendre de toute la rémission
des péchés et de l’abondance de toutes les vertus.
Le Baptême nous unit aussi et nous
attache à Jésus-Christ comme des membres à leur chef.
C’est la tête qui communique à chaque partie du corps la force
et le mouvement nécessaires pour remplir les fonctions oui lui sont
propres. De même aussi c’est de la plénitude de notre Seigneur
Jésus-Christ que se répand sur tous ceux qui sont justifiés,
cette Vertu, cette Grâce divine qui nous rend capables d’accomplir
tous les devoirs de la Piété chrétienne.
Et personne ne doit trouver étrange
qu’avec une aussi grande abondance de vertus qui viennent orner et fortifier
notre âme, nous ne puissions cependant commencer. ou du moins achever
aucune bonne œuvre, sans les peines et les difficultés les plus
grandes. Ce n’est pas que Dieu dans sa bonté ne nous ait accordé
réellement les vertus qui engendrent les bonnes œuvres. Mais c’est
crue, même après le Baptême, la lutte acharnée
de la chair contre l’esprit n’est pas finie. Au contraire. Et il serait
indigne d’un Chrétien de se décourager dans cette lutte,
ou de se laisser abattre. S’il s’appuie sur la bonté de Dieu, et
s’il s’applique chaque jour à bien vivre, il doit garder dans son
cœur l’espérance certaine que bientôt il trouvera facile et
agréable tout ce qui est honnête, tout ce qui
est juste, tout ce qui est saint. Méditons souvent ces saintes pensées,
pratiquons avec joie ce qu’elles nous enseignent, et le Dieu
de la paix sera avec nous.
En outre le Baptême imprime dans
notre âme un caractère ineffaçable. Mais nous n’avons
plus besoin d’en parler ici. Car nous avons développé plus
haut, en traitant des Sacrements en général, toutes les explications
qui se rapportent à cet objet. II est facile de les y trouver. Cependant,
comme c’est en se fondant sur la nature et la vertu de ce caractère
que l’Eglise a décidé que le Baptême ne pouvait jamais
être réitéré, les Pasteurs ne négligeront
pas de le rappeler souvent aux Fidèles, afin de prévenir
toute erreur à cet égard. Au reste, cette doctrine est celle
que professe l’Apôtre dans ces paroles: « il n’y
a qu’un Seigneur, une Foi, un Baptême. » Ensuite quand il exhorte
les Romains à conserver soigneusement la vie, qu’ils ont reçue
de Jésus-Christ, en mourant avec Lui par le Baptême, ce qu’il
ajoute , si Jésus-Christ est mort pour le péché,
il n’est mort qu’une fois, ne semble-t-il pas vouloir dire ouvertement
que si Jésus-Christ ne peut mourir une seconde fois, il ne nous
est pas permis non plus à nous-mêmes de mourir deux fois par
le Baptême. Aussi la Sainte Eglise fait-elle publiquement profession
de n’admettre qu’un seul Baptême. Et pour trouver cette doctrine
absolument conforme à la raison et à la nature de ce Sacrement,
il suffit de se rappeler que le Baptême est une régénération
spirituelle. De même que selon l’ordre de la nature nous ne naissons
et ne venons au monde qu’une seule fois, de même encore, pour parler
le langage de Saint Augustin, qu’il est impossible de rentrer dans le sein
de sa mère, ainsi il ne peut y avoir non plus qu’une seule génération
spirituelle, et dans aucun cas, le Baptême ne peut être renouvelé.
Et que personne ne s’imagine que l’Eglise
le renouvelle, lorsque dans l’incertitude si le Baptême a eu lieu,
elle fait l’ablution sacrée, en disant: si tu as été
baptisé, je ne te baptise pas de nouveau, mais si tu ne l’as pas
été, je te baptise au nom du Père, et du Fils, et
du Saint-Esprit. Ce n’est point là recommencer le Baptême
d’une manière criminelle, c’est au contraire remplir un devoir très
saint que de l’administrer ainsi sous condition.
Cependant les Pasteurs ont quelques précautions
à prendre sur ce point, pour éviter des fautes journalières
qui sont très contraires au respect dû au Sacrement. Ainsi,
il en est qui ne croient pas commettre la moindre faute en baptisant sous
condition tous ceux qu’on leur présente indistinctement. Si on leur
apporte un enfant, ils ne songent point du tout à s’informer, s’il
a été baptisé auparavant, mais ils le baptisent eux-mêmes
sur le champ. Bien plus, s’ils savent que le Sacrement a été
administré à la maison, ils n’hésitent point à
réitérer l’Ablution sainte, en y joignant les cérémonies
prescrites. Cependant ils ne sauraient agir ainsi sans faire un sacrilège,
et sans contracter cette indignité que les Auteurs ecclésiastiques
appellent une irrégularité. Le Pape Alexandre
n’autorise cette manière de baptiser qu’à l’égard
de ceux sur le Baptême desquels, après un examen attentif,
il reste encore quelque doute. Dans tous les autres cas, il n’est lainais
permis d’administrer de nouveau ce Sacrement, même sous condition.
Enfin après tous les avantages
que nous retirons du Baptême, il en est un dernier auquel tous les
autres se rapportent, c’est de nous ouvrir la porte du ciel, que le péché
nous tenait auparavant fermée. Au reste, ces effets que nous attribuons
à l’efficacité du Baptême, nous pouvons parfaitement
les inférer de ceux qui, au témoignage de l’Evangile, se
manifestèrent au Baptême de Notre-Seigneur. Les cieux s’ouvrirent
alors, et l’on vit le Saint-Esprit descendre sur Jésus-Christ
sous la forme d’une colombe. Ce prodige signifiait que ceux qui sont baptisés
reçoivent les dons du Saint-Esprit, et que la porte du ciel leur
est ouverte, non à la vérité pour qu’ils entrent dans
la jouissance de la gloire céleste, immédiatement après
leur Baptême,. mais quand le temps sera venu ; c’est-à-dire,
lorsque délivrés de toutes les misères terrestres,
qui ne sauraient atteindre la vie des bienheureux, ils se dépouilleront
de leur condition mortelle, pour jouir de l’immortalité.
Tels sont les effets du Baptême.
A ne considérer que la vertu du Sacrement, ils sont, sans aucun
doute, les mêmes pour tous. Mais si l’on s’arrête aux dispositions
de ceux qui le reçoivent, il est bien certain que chacun en tire
une grâce céleste, et des fruits plus ou moins abondants,
suivant l’état particulier de son cœur.
§ IV. — DES PRIERES ET DES CEREMONIES
DU BAPTEME.
Il ne nous reste plus maintenant qu’à
parler en peu de mots et d’une manière claire, des Prières,
des Rites et des Cérémonies du Baptême. Ce que l’Apôtre
dit du don des langues qu’il est inutile quand les Fidèles
ne comprennent pas ce que l’on dit, peut s’appliquer presque aussi bien
aux Rites et aux Cérémonies du Baptême. Ce sont là
en effet les signes et l’image visible des effets invisibles de ce Sacrement.
Mais si les fidèles ignorent le sens et la portée de ces
signes, on ne voit plus guère à quoi les Cérémonies
peuvent être utiles. Il faut donc que les Pasteurs travaillent à
les faire bien comprendre, et à persuader aux Chrétiens que
si elles ne sont pas absolument nécessaires, elles sont cependant
très importantes, et dignes de toute notre vénération.
C’est de quoi il est aisé de les convaincre en leur rappelant et
l’autorité de ceux qui les ont établies, (et qui ne sont
autres que les Apôtres), et la fin pour laquelle elles ont été
instituées. Elles nous portent en effet à administrer le
Baptême plus religieusement, et plus saintement ; elles placent pour
ainsi dire sous nos yeux les effets admirables et les dons divins renfermés
dans ce Sacrement ; enfin elles impriment plus fortement dans nos cœurs
le souvenir des immenses bienfaits de Dieu.
Mais pour mettre un certain ordre dans
leurs explications, et pour aider en même temps la mémoire
de leurs auditeurs, les Pasteurs devront ramener à trois catégories
toutes les Cérémonies et toutes les Prières dont l’Eglise
se sert dans l’administration du Baptême. La première renfermera
les Cérémonies qui ont lieu avant que l’on soit arrivé
aux Fonts, la seconde celles qui se pratiquent aux Fonts mêmes, et
la troisième celles qui suivent l’administration du Sacrement.
En premier lieu, il faut préparer
l’eau que l’on doit employer dans le Baptême. On la consacre en y
mêlant l’huile de l’Onction mystique, mais cette consécration
ne se fait point dans tous les temps. Selon la coutume de nos ancêtres,
on attend pour cela certains Jours de Fêtes qui passent à
bon droit pour les plus saints et les plus solennels de l’année.
C’est aux vigiles de ces Fêtes que l’on bénit l’eau de l’Ablution
sacrée ; et même autrefois, dans la primitive Eglise, le Baptême
n’était administré que ces jours-là, quand la nécessité
n’obligeait point d’agir autrement. Et quoique l’Eglise n’ait pas jugé
à propos de conserver cet usage, à cause des dangers habituels
de la vie, cependant elle a toujours religieusement gardé la coutume
de ne bénir l’eau et les Fonts du Baptême, que dans les saints
jours de Pâques et de la Pentecôte.
Après cette bénédiction
de l’eau, il faut expliquer les autres Cérémonies qui précèdent
immédiatement le Baptême. On apporte, ou l’on conduit ceux
qui doivent être baptisés, aux portes de l’église ;
et là on les oblige à s’arrêter, parce qu’ils sont
indignes d’entrer dans la Maison de Dieu, tant qu’ils n’ont pas brisé
le joug de l’esclavage le plus honteux, et qu’ils ne se sont pas consacrés
entièrement à Notre-Seigneur Jésus-Christ, et à
son très légitime empire. Alors le Prêtre leur demande
ce qu’ils désirent de l’Eglise. Sur leur réponse, il les
instruit d’abord de la Foi Chrétienne dont ils doivent faire profession
au Baptême. Cette instruction se fait sous forme de catéchisme.
On ne peut douter que cette coutume ne soit un effet du commandement même
que fit notre Sauveur aux Apôtres, quand Il leur dit : «
Allez par tout le monde, enseignez toutes les nations, les baptisant au
nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, leur apprenant à
observer tout ce que Je vous ai commandé. » Ces paroles font
bien voir qu’il ne faut pas administrer le Baptême, avant d’avoir
exposé, au moins en abrégé, les principaux articles
de notre sainte Religion.
Or cette instruction se faisant par manière
de catéchisme, c’est-à-dire, par une suite de plusieurs interrogations,
les réponses doivent être données par celui qui veut
être baptisé, s’il est adulte, et, s’il est enfant, par le
répondant ou Parrain, qui s’engage solennellement pour lui.
Vient ensuite l’Exorcisme, qui a pour
objet de chasser le démon, de détruire ses forces, et d’affaiblir
son pouvoir ; il consiste en prières et en Formules sacrées
et religieuses.
A l’Exorcisme se joignent d’autres Cérémonies,
qui, pour être mystiques, n’en ont pas moins une signification propre
et très claire. Ainsi le sel que l’on met dans la bouche de celui
que l’on baptise, signifie évidemment que par la profession de la
Foi et par le don de la Grâce il va être délivré
de la corruption de ses péchés, prendre le goût des
œuvres saintes, et aimer à se nourrir de la divine Sagesse. — ensuite
on fait le signe de la Croix sur son front, sur ses yeux, sur sa poitrine,
sur ses épaules et sur ses oreilles, pour montrer que l’effet du
Baptême est d’ouvrir et de fortifier les sens, afin que le Chrétien
puisse recevoir Dieu en lui, comprendre ses Commandements et les observer.
Aussitôt après on lui met de la salive sur les narines et
sur les oreilles, et on l’introduit aux Fonts baptismaux. Cette cérémonie
nous rappelle l’aveugle de l’Evangile sur les yeux duquel Notre-Seigneur
mit un peu de boue faite avec de la salive, et qu’Il envoya ensuite se
laver dans la piscine de Siloe, où il recouvra aussitôt la
vue. Ainsi telle est la vertu de l’eau sacrée du Baptême,
qu’elle éclaire notre âme d’une Lumière céleste
et lui fait comprendre la doctrine sainte du Salut.
Ces préliminaires achevés,
on se rend aux Fonts. Là, on accomplit encore d’autres Rites et
d’autres Cérémonies, qui comprennent en abrégé
les obligations imposées au Chrétien. D’abord le prêtre
demande par trois fois, à celui qui va être baptisé:
« Renoncez-vous à Satan, à toutes ses œuvres, et à
toutes ses pompes ? » et à chaque demande il répond,
lui, ou le Parrain en son nom: « Oui, j’y renonce. » Ainsi
donc celui qui se consacre au service de Jésus-Christ doit promettre
en premier lieu, avec toute la sincérité et toute la religion
possibles, d’abandonner le démon et le monde, et désormais
de les regarder sans cesse comme ses plus cruels ennemis. Puis, le Prêtre
l’arrête devant les Fonts sacrés, et lui fait cette question
« Croyez-vous en Dieu le Père tout Puissant ? » Il répond
« Oui, j’y crois. » Interrogé de même sur chacun
des autres Articles du Symbole, il fait une profession solennelle de Foi,
profession qui, avec la promesse précédente, contient certainement
toutes les obligations et tous les principes de la Loi chrétienne.
Mais lorsque le moment d’administrer le
Baptême est enfin arrivé, le Prêtre lui demande s’il
veut être baptisé. Sur l’affirmation qu’il en donne lui-même,
ou que le Parrain donne en son nom, s’il ne parle pas encore, aussitÔt
on fait couler sur lui l’eau salutaire, au nom du Père, et du Fils,
et du Saint-Esprit. L’homme n’avait été si justement condamné
que pour avoir volontairement obéi au serpent, ainsi Notre-Seigneur
n’a voulu inscrire au nombre des siens que le soldat de bonne volonté
qui mériterait le salut éternel, en obéissant de son
plein gré à ses divins Commandements.
Le Baptême étant achevé,
le Prêtre fait sur le haut de la tête du baptisé une
onction avec le saint Chrême, afin qu’il sache que dès ce
moment il est uni et attaché à Jésus-Christ, comme
un membre à son chef, qu’il vient d’être enté sur son
Corps, et que son nom de Chrétien lui vient de Christ, comme celui
de Christ vient de chrême.
Quant à la signification du saint
Chrême, elle se révèle très bien, dit Saint
Ambroise , dans la Prière que fait alors le Prêtre.
Il revêt le nouveau baptisé
d’une robe blanche, en disant: « Recevez cet habit blanc, et portez-le
sans souillure ou tribunal de Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin
que vous obteniez la Vie éternelle. » Aux enfants qui ne portent
pas encore la robe, on donne un petit linge blanc, qu’on leur met sur la
tête, en prononçant les mêmes paroles. Ce symbole représente
tout à la fois, selon les Saints Docteurs, la gloire de la Résurrection,
pour laquelle nous venons de naître par le Baptême ; l’éclat
et la beauté dont ce Sacrement orne notre âme après
l’avoir purifiée des souillures du péché ; et enfin
l’innocence et l’intégrité des mœurs, que le nouveau baptisé
doit conserver toute sa vie.
Puis, on lui met à la main un cierge
allumé. C’est la figure de la Foi embrasée par la Charité,
qui lui a été communiquée par le Baptême, et
qu’il doit ensuite entretenir et augmenter par la pratique des bonnes œuvres.
Enfin, on donne un nom au baptisé,
mais ce nom, on doit toujours l’emprunter à un personnage que sa
piété et ses vertus éminentes ont fait placer au nombre
des Saints. La ressemblance du nom le portera à imiter sa justice
et sa sainteté ; et non seulement il l’imitera, mais encore il voudra
l’invoquer comme un Protecteur et un Avocat auprès de Dieu, qui
l’aidera à sauver tout ensemble, et son âme et son corps.
On doit donc blâmer fortement ceux
qui affectent de donner aux enfants des noms de personnages païens,
et particulièrement de ceux qui ont été les plus impies.
Ils font bien voir par là le peu d’estime et de respect qu’ils ont
pour la Piété chrétienne, puisqu’ils prennent plaisir
à rappeler la mémoire de ces hommes mauvais, et qu’ils veulent
que les Fidèles aient continuellement les oreilles frappées
de ces noms profanes.
Si les Pasteurs ont soin d’expliquer tout
ce que nous venons de dire du Sacrement de Baptême, ils n’auront
pas de peine à voir qu’il ne manque rien d’essentiel à l’instruction
des Chrétiens sur cette matière. En effet nous avons montré
ce que signifie le nom de ce Sacrement, quelle est sa nature et son essence,
et de quelles parties il se compose. nous avons dit par qui il a été
institué, qui sont ceux qui peuvent et qui doivent l’administrer,
et quelles personnes il faut admettre comme guides pour soutenir la faiblesse
des nouveaux baptisés. nous avons dit aussi à qui le Baptême
peut être donné, quelles doivent être les dispositions
de ceux qui le reçoivent, quelle est sa vertu et son efficacité.
Enfin nous avons expliqué, autant que notre sujet le demandait,
les Rites et les Cérémonies qui en accompagnent l’administration.
Et la raison principale qui oblige les Pasteurs à ne point négliger
l’enseignement de ces vérités, c’est qu’elles doivent faire
l’objet continuel des pensées et de la sollicitude des Chrétiens,
qui voudront rester fidèles aux promesses solennelles et sacrées
de leur Baptême, et mener une vie qui réponde è la
profession si sainte du nom qu’ils ont l’honneur de porter.
Chapitre dix-septième — Du
sacrement de Confirmation
Si ce fut toujours un devoir pour les
Pasteurs d’expliquer avec soin ce qui concerne le sacrement de Confirmation,
jamais ce devoir n’a paru plus nécessaire qu’aujourd’hui, où
l’on voit un si grand nombre de Chrétiens, au sein même de
l’Eglise de Dieu, négliger entièrement de le recevoir, et
un si petit nombre s’appliquer à en retirer les fruits salutaires
qu’il peut produire. II faut donc que les Pasteurs instruisent les Fidèles
de sa nature, de son efficacité et de son excellence, soit au jour
de la Pentecôte, qui est le temps principal où on l’administre,
soit à d’autres jours où ils pourront le faire commodément.
Ils doivent leur persuader non seulement de ne point le négliger,
mais encore de le recevoir avec beaucoup de respect et de piété
; autrement il arriverait, par notre faute et pour notre malheur, que ce
grand bienfait de Dieu nous aurait été accordé en
vain.
§ I. — LA CONFIRMATION EST UN VRAI
SACREMENT.
En commençant par le mot même,
on devra dire que l’Eglise a donné le nom de Confirmation à
ce Sacrement, parce que celui qui après son Baptême reçoit
de l’Evêque l’onction du Saint Chrême avec ces paroles sacramentelles
« Je vous marque du Signe de la Croix et je vous confirme par le
Chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit
», reçoit aussi, quand rien n’arrête l’efficacité
du Sacrement, une Vertu nouvelle qui le rend plus fort, et qui en fait
un parfait soldat de Jésus-Christ.
Or que la Confirmation soit un Sacrement
réel et véritable, la sainte Eglise catholique l’a toujours
reconnu ; et le pape Melchiade et plusieurs autres Souverains Pontifes
très anciens, et d’une sainteté éminente, l’ont enseigné
clairement.
S. Clément ne pouvait pas l’affirmer
d’une manière plus positive : « Tous doivent se hâter,
dit-il, de se régénérer en Dieu, et de se faire marquer
par l’Evêque, c’est-à-dire de recevoir la Grâce et les
sept Dons du Saint-Esprit ; autrement, si on néglige de recevoir
ce Sacrement, non par nécessité, mais par mépris et
volontairement, il est impossible que l’on soit parfait Chrétien,
comme nous l’apprenons de Saint Pierre et des autres Apôtres, qui
le tenaient de Jésus-Christ Lui-même. »
Les Papes Urbain, Fabien, Eusèbe,
qui, animés du même esprit, ont répandu leur sang pour
Jésus-Christ, confirment la même vérité par
leurs décrétales. tous les Pères l’ont aussi soutenue.
Saint Denys l’Aréopagite, évêque
d’Athènes, expliquant comment on prépare le saint Chrême,
et la manière de s’en servir, dit : « Les Prêtres
revêtent le nouveau baptisé d’un habit conforme à son
innocence, et le conduisent à l’Evêque. Celui-ci le marque
d’une Onction sacrée et toute divine, et le fait participer de la
très sainte Communion. » Eusèbe de Césarée
attribue tant de vertu à ce Sacrement qu’il ne craint pas de dire
que l’hérétique Novat ne peut obtenir le Saint-Esprit, parce
qu’étant malade, quand il reçut le Baptême, il ne fut
pas marqué par le signe du saint Chrême.
Mais les témoignages les plus formels
que nous possédons sur ce point, sont celui de Saint Ambroise dans
le livre qu’il écrivit sur les nouveaux baptisés, et celui
de Saint Augustin dans les traités qu’il composa contre les lettres
du donatiste Pétilien. tous deux étaient si persuadés
de la vérité de ce Sacrement, qu’il l’ont prouvée
et appuyée par plusieurs textes de la Sainte Ecriture. Saint Ambroise
rapporte à la Confirmation ces paroles de l’Apôtre
: « ne contristez pas l’Esprit-Saint de Dieu, dans lequel vous avez
été marqués. » Et Saint Augustin en fait autant
des passages suivants, dont l’un se lit dans les Psaumes : Comme
l’huile répandue sur la tête d’Aaron, et qui coule jusque
sur sa barbe ; et l’autre dans Saint Paul : L’Amour de Dieu a été
répandu dans nos cœur s par le Saint-Esprit qui nous a été
donné.
Et quoique le Pape Melchiade ait dit que
le Baptême est intimement lié avec la Confirmation, il ne
faut pas croire pour cela que l’un ne soit pas tout à fait distinct
de l’autre. La différence des grâces que chacun d’eux communique,
les signes sensibles que représentent ces grâces établissent
nettement que ce sont aussi deux Sacrements différents.
Par le Baptême les hommes sont engendrés
à une vie nouvelle ; par la Confirmation au contraire, déjà
engendrés auparavant, ils deviennent des hommes faits, en laissant
ce qui tient de l’enfance ; dès lors, autant il y a de différence
entre la naissance et l’accroissement dans la vie naturelle, autant il
y en a entre le Baptême qui nous régénère spirituellement
et la Confirmation qui nous fait croître, et nous donne la force
parfaite de l’âme.
D’ailleurs, ne fallait-il pas établir
une espèce particulière de Sacrement, là ou l’âme
rencontre une espèce particulière et nouvelle de difficulté
? Si nous avons d’abord besoin de la grâce du Baptême pour
réformer notre âme par la Foi, n’est-il pas également
très convenable que nos cœur s soient affermis par une autre grâce,
afin que rien, ni la crainte des châtiments, des supplices et de
la mort, ne puisse nous empêcher de confesser la vrai Foi. Or c’est
ce dernier effet qui est produit par la Confirmation.
D’où l’on doit conclure qu’elle
est un Sacrement différent du Baptême. Et voici comment le
Pape Melchiade exprime cette différence d’une manière très
précise : « Au Baptême, dit-il, l’homme est enrôlé
dans la milice ; et dans la Confirmation il est armé pour le combat.
Sur les fonts du Baptême, le Saint-Esprit accorde la plénitude
de l’innocence ; et dans la Confirmation il perfectionne pour conserver
la Grâce. Dans le Baptême nous sommes régénérés
pour vivre ; après le Baptême, confirmés pour combattre.
Dans l’un, nous sommes lavés ; dans l’autre, nous sommes fortifiés.
La régénération sauve par et le même dans la
paix ceux qui reçoivent le Baptême, et la Confirmation donne
des armes et prépare les combats. » — Cette Vérité,
enseignée déjà par plusieurs Conciles, a été
l’objet d’un décret spécial du saint Concile de Trente ;
de sorte que loin qu’une opinion contraire soit permise sur ce point, le
doute même ne l’est pas. Mais puisque nous avons dit plus haut combien
il est important d’apprendre aux Fidèles par qui tous les Sacrements
en général ont été institués, il faut
faire connaître aussi l’Auteur de la Confirmation. C’est un moyen
de donner une plus haute idée de sa sainteté. Les Pasteurs
enseigneront donc que non seulement Notre-Seigneur Jésus-Christ
l’a instituée, mais qu’Il a déterminé Lui-même,
au témoignage du Pape Saint Fabien, l’usage du saint Chrême,
et les paroles que l’Eglise catholique emploie pour l’administrer. Ils
n’auront pas de peine à en convaincre tous ceux qui voient dans
la Confirmation un Sacrement véritable. En effet, tous les Sacrements
sont au-dessus des forces de la nature, et par conséquent ils ne
peuvent avoir pour Auteur que Dieu seul.
§ II. — MATIERE ET FORME DE LA CONFIRMATION.
Voyons maintenant quelles sont les parties
qui composent ce Sacrement, et parlons d’abord de ce qui en fait la matière.
La matière du Sacrement de Confirmation
s’appelle Chrême. Ce mot tiré du grec, est employé
par les écrivains profanes ; pour désigner toute espèce
de parfums. Mais les Auteurs ecclésiastiques ne l’appliquent communément
qu’à cette composition d’huile et de baume, qui se fait avec la
bénédiction solennelle de l’Evêque. Ainsi, deux choses
sensibles mêlées ensemble sont la matière de ce Sacrement.
Et par le mélange des éléments différents qui
la composent, cette matière nous montre la diversité des
dons du Saint-Esprit, communiqués au confirmé. Elle fait
voir très bien également l’excellence de la Confirmation.
L’Eglise, dans ses Conciles, a toujours
enseigné que cette matière était bien telle que nous
venons de la décrire. nous en trouvons la tradition dans les écrits
de Saint Denys, de beaucoup d’autres Pères d’une grande autorité,
et surtout du Pape Saint Fabien, qui assure que Notre-Seigneur
Jésus-Christ a prescrit Lui-même la composition du baume aux
Apôtres, et qu’ils l’on ensuite transmise à l’Eglise.
Il n’y avait en effet aucune matière
plus propre que le saint Chrême à représenter les effets
de la Confirmation. L’huile, qui de sa nature est grasse, qui coule et
se répand facilement, exprime la plénitude de la grâce
qui, par le Saint-Esprit déborde et s’étend de Jésus-Christ
notre Chef sur nous comme ce parfum « qui coule sur la
barbe d’Aaron, et jusque sur ses vêtements ». — Dieu, en effet
, a versé l’huile de joie sur son Fils avec plus d’abondance que
sur tous les autres, et nous avons tous reçu de sa plénitude.
Le baume dont le parfum est très
agréable, signifie la bonne odeur de toutes les vertus que les Fidèles
répandent, après avoir été rendus parfaits
par la Confirmation, et qui leur permet de dire avec Saint Paul :
« nous sommes la bonne odeur de Jésus-Christ devant Dieu ».
— Une autre propriété du baume, c’est de ne pas laisser corrompre
les choses qui en ont été enduites ; ce qui exprime admirablement
la vertu du sacrement de Confirmation, puisqu’il est constaté que
les cœur s des Fidèles, prémunis par la grâce céleste
qu’il communique, se préservent facilement de la contagion du péché.
Quant à la consécration
du saint Chrême, c’est l’Evêque qui la fait avec des cérémonies
solennelles. Et cet usage vient de notre Sauveur Lui-même, qui l’enseigna
et le prescrivit aux Apôtres, dans la dernière Cène.
nous le savons par le pape Fabien, aussi illustre par sa sainteté
que par la gloire de son martyre. Mais d’ailleurs, la raison seule suffirait
pour nous montrer qu’il devait en être ainsi. Pour la plupart des
autres Sacrements, Jésus-Christ a choisi une matière qu’Il
avait sanctifiée Lui-même. Ainsi, il ne s’est pas contenté
d’instituer l’eau pour la matière du Baptême, en disant:
« Si quelqu’un n’est pas régénéré par
l’eau et par l’esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ; »
mais quand il fut baptisé lui-même, Il communiqua à
l’eau la vertu de sanctifier. Ce qui a fait dire à Saint Jean Chrysostome:
« Que l’eau ne pourrait pas effacer les péchés de ceux
qui croient, si elle n’avait été sanctifiée en touchant
le corps de Notre-Seigneur. » Comme donc Il n’a point consacré
Lui-même la matière du Chrême, n’en ayant fait aucun
usage, il était nécessaire qu’elle le fût par des Prières
saintes et sacrées, et qu’une telle consécration fût
réservée spécialement à l’Evêque, qui
est le Ministre ordinaire de ce Sacrement.
Après cela il faudra expliquer
la seconde partie de la Confirmation, c’est-à-dire la forme, ou
les paroles qui accompagnent l’onction sainte. Il y aura lieu d’avertir
les fidèles qui doivent recevoir ce Sacrement, que l’instant où
ils entendent prononcer ces paroles est aussi celui où ils doivent
exciter dans leurs cœurs des sentiments de Foi, de Piété,
de Religion, afin qu’il n’y ait rien en eux qui puisse mettre obstacle
à la Grâce. Voici ces paroles qui contiennent la forme entière
de ce Sacrement: « Je vous marque du signe de la Croix, et je vous
confirme par le Chrême du salut, au nom du Père, et du Fils,
et du Saint-Esprit. »
Et il est facile de montrer par la raison
que c’est bien là la forme essentielle. En effet la forme d’un sacrement
doit renfermer tout ce qui peut en faire connaître la nature et la
substance. Or, qu’y-a-t-il de plus important à remarquer dans la
Confirmation ? trois choses: la Puissance divine qui y opère comme
cause principale, la force de l’esprit et du cœur que l’Onction sainte
communique aux Fidèles pour leur salut, et enfin le signe dont celui
qui va entrer dans la milice chrétienne demeure marqué, ces
trois choses sont clairement exprimées, dans les paroles que nous
venons de citer ; la première dans ces mots qui se trouvent à
la fin, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; la seconde
dans ceux-ci, placés au milieu: Je vous confirme par le Chrême
du salut ; et la troisième par ces mots qui sont au commencement:
Je vous marque du Signe de la Croix. Au reste, quand même la raison
ne pourrait pas prouver que telle est la véritable forme du sacrement
de Confirmation, l’autorité de l’Eglise catholique qui a toujours
officiellement enseigné cette doctrine, ne nous permettrait pas
d’avoir le moindre doute sur ce point.
§ III. — DES MINISTRES DE LA CONFIRMATION
Les Pasteurs doivent enseigner aussi à
qui l’administration de ce Sacrement a été plus spécialement
confiée.
« Il y en a plusieurs, dit le prophète,
qui courent sans être envoyés ? » Il faut donc apprendre
au peuple quels sont les Ministres véritables et légitimes
de la Confirmation, afin qu’il puisse en recevoir la grâce et les
effets. Or, d’après la Sainte Écriture, l’Evêque seul
est le Ministre ordinaire de ce Sacrement. nous lisons dans les Actes des
Apôtres, que les habitants de Samarie, ayant reçu
la parole de. Dieu, on leur envoya « Pierre et Jean qui prièrent
pour eux, afin qu’ils reçussent le Saint-Esprit ; car Il n’était
pas encore descendu sur aucun d’eux, et ils n’avaient reçu que le
Baptême » On peut voir par ce passage que celui qui les avait
baptisés, n’étant que Diacre, n’avait pas le pouvoir de confirmer
et que cette Fonction était réservée à des
Ministres d’un ordre supérieur, c’est-à-dire aux Apôtres.
On pourrait faire la même observation partout où l’Ecriture
fait mention de ce Sacrement.
Les témoignages des saints Pères
et des Souverains Pontifes ne manquent pas non plus pour prouver cette
vérité. nous en trouvons de très clairs dans les décrets
des Papes Urbain, Eusèbe, Damase, Innocent et Léon. Saint
Augustin en particulier se plaint fortement de la coutume tout-à-fait
abusive de l’Egypte et d’Alexandrie, où les Prêtres avaient
la témérité d’administrer la Confirmation.
Voici une comparaison que les Pasteurs
pourront employer pour faire comprendre combien il était raisonnable
et légitime de réserver aux Evêques cette fonction.
Quand on élève un édifice, les ouvriers, qui sont
comme des ministres inférieurs, préparent et disposent le
ciment, la chaux, le bois et tous les autres matériaux ; mais c’est
à l’architecte qu’il appartient de mettre la dernière forme
et la perfection à l’ouvrage. De même aussi ce Sacrement,
qui est comme le couronnement de l’édifice spirituel du salut, devait
être administré par l’Evêque, comme souverain Prêtre,
et non par d’autres ministres inférieurs. - Pour la Confirmation,
comme pour le Baptême, on prend aussi un Parrain. Si ceux qui exercent
le métier de gladiateurs ont besoin d’un maître, dont la science
et les conseils leur apprennent à diriger une attaque, et à
porter des coups pour abattre leurs adversaires, sans se laisser blesser
eux-mêmes, combien, à plus forte raison, les Fidèles
n’ont-ils pas besoin d’un chef qui les guide et qui les instruise, lorsqu’ils
ont été couverts et revêtus des armes puissantes que
donne la Confirmation, et qu’ils sont descendus dans cette arène
spirituelle où le salut éternel est en jeu ? C’est donc avec
raison que l’on fait venir des Parrains pour l’administration de ce Sacrement.
Ils contractent les mêmes affinités que les Parrains de Baptême,
et le mariage leur est interdit avec les mêmes personnes. (Voir au
chapitre du Baptême, ce que nous avons dit sur ce même point.)
§ IV. — NECESSITE DE LA CONFIRMATION.
Il arrive souvent que les Fidèles
apportent trop de précipitation, ou une molle insouciance et une
lenteur paresseuse à recevoir ce Sacrement. (Quant à ceux
qui sont tombés assez bas dans l’impiété pour le mépriser
et s’en moquer, nous n’avons point à nous en occuper ici.) Les Pasteurs
auront donc soin de dire qui sont ceux à qui on doit donner la Confirmation,
à quel âge, et avec quelles dispositions il convient de la
recevoir. Et d’abord ils apprendront aux Fidèles que ce Sacrement
n’est pas d’une nécessité absolue qu’il soit impossible de
se sauver sans lui. Mais quoiqu’il ne soit pas nécessaire, personne
cependant ne doit s’en abstenir ; loin de là ; il faut craindre
au contraire, clans une chose si sainte qui nous communique d’une manière
si abondante les dons de Dieu, de commettre la moindre négligence.
Ce que Dieu a établi pour la sanctification de tous, tous doivent
aussi le rechercher avec le plus grand empressement.
Saint Luc, racontant l’effusion miraculeuse
du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte, s’exprime ainsi:
« II se fit tout à coup dans le ciel comme le bruit d’un vent
violent qui approchait et qui remplit toute la maison ; » — puis,
peu après, il ajoute que « tous furent remplis
du Saint-Esprit ». Or, il est permis de conclure de ces paroles que
cette maison étant l’image et la figure de l’Eglise, tous les Fidèles
ont droit au sacrement de Confirmation dont la première application
date de ce jour.
La même conclusion se tire encore
sans peine de la nature même du Sacrement. Ceux-là en effet
doivent être confirmés par le saint Chrême, qui ont
besoin de croître spirituellement, et de tendre à la perfection
chrétienne. Or tous les Fidèles sont évidemment dans
ce cas. De même que le but de la nature est de donner l’accroissement
à ceux qui naissent et de les amener à l’âge parfait,
quoiqu’elle n’y réussisse pas toujours ; ainsi l’Eglise catholique,
notre mère commune, désire ardemment que le Chrétien
parfait se forme et s’achève dans ceux qu’elle a régénérés
par le Baptême. Or cet effet ne peut se produire que par le sacrement
de Confirmation ; dès lors il est manifeste que ce Sacrement doit
être reçu par tous.
Mais ici il y a une observation à
faire. tous ceux qui sont baptisés peuvent être confirmés
; cependant il ne convient pas d’administrer ce Sacrement à ceux
qui n’ont pas encore l’usage de la raison ; et si l’on ne croit pas qu’il
soit nécessaire d’attendre l’âge de douze ans, au moins est-il
convenable de ne pas l’administrer avant l’âge de sept ans. D’ailleurs
la Confirmation n’a pas été instituée comme chose
nécessaire au salut, mais pour nous donner le courage et les armes
dont nous avons besoin, dans les combats qu’il nous faut soutenir pour
la Foi de Jésus-Christ. Or les enfants qui n’ont pas l’âge
de raison, ne soutiennent pas encore ces sortes de combats.
Il faut conclure de ce que nous venons
de dire, que ceux qui, parvenus à l’âge adulte, veulent être
confirmés, ne peuvent obtenir la grâce et les effets du Sacrement,
qu’autant qu’ils apportent à sa réception la Foi et la Piété,
et surtout qu’ils se repentent sincèrement des fautes graves qu’ils
ont commises. Les Pasteurs travailleront donc à les faire confesser
auparavant, ils les exhorteront à jeûner, à pratiquer
d’autres œuvres de piété, et à se conformer à
la louable, coutume de la primitive Eglise, en recevant la Confirmation
à jeun. Et il sera facile d’obtenir tout cela des Fidèles,
si on leur fait bien comprendre les effets admirables de ce Sacrement,
et les grâces qu’il nous apporte.
§ V. — DES EFFETS DU SACREMENT DE
CONFIRMATION.
On leur apprendra donc que la Confirmation
a cela de commun avec les autres Sacrements, qu’elle donne une grâce
nouvelle, si elle ne trouve aucun empêchement dans celui qui la reçoit.
nous l’avons démontré plus haut: tous les Sacrements sont
des signes mystiques et sacrés, qui signifient et produisent tout
à la fois la Grâce sanctifiante. Ainsi la Confirmation remet
et pardonne les péchés, puisqu’il est impossible de supposer
un instant la grâce avec le péché. Mais outre ces effets
qui sont ceux de tous les Sacrements en général, la Confirmation
a d’abord cela de particulier, qu’elle perfectionne la grâce du Baptême.
Ceux qui sont devenus Chrétiens par le Baptême demeurent encore
faibles et sans énergie, comme des enfants nouvellement nés,
mais ensuite le sacrement du saint Chrême les rend plus forts pour
résister aux attaques de la chair, du monde et du démon ;
il fortifie la foi dans leurs cœur », pour qu’ils puissent confesser
et glorifier le nom de notre Seigneur Jésus-Christ ; et c’est pour
cela sans doute que ce Sacrement a reçu le nom de Confirmation.
Car il ne faut pas croire, comme quelques-uns
l’ont supposé avec autant d’ignorance que d’impiété,
que ce mot de Confirmation vienne de ce qu’autrefois ceux qui avaient été
baptisés dans leur enfance étaient conduits à l’âge
adulte devant l’Evêque pour confirmer en sa présence la profession
de Foi qu’ils avaient faite au Baptême ; autrement il faudrait dire
qu’il n’y avait aucune différence entre la Confirmation et l’instruction
que l’on faisait aux Catéchumènes ; ce qui ne peut se soutenir
par aucun témoignage certain. non ; la Confirmation tire son nom
de ce que Dieu, par la vertu de ce Sacrement, confirme en nous ce que le
Baptême a commencé d’y produire, et nous conduit à
la perfection de la Vie chrétienne. Et non seulement ce Sacrement
confirme en nous la Grâce, mais il l’augmente encore. Le Pape Melchiade
nous l’assure en ces termes: « l’Esprit Saint, en descendant sur
les eaux du Baptême, les rend salutaires, et leur communique la plénitude
de la Grâce pour réparer l’innocence de l’homme ; mais par
la Confirmation Il donne une augmentation de grâce. » Et non
seulement Il l’augmente, mais II l’augmente d’une manière admirable.
C’est ce que l’Ecriture a parfaitement exprimé par l’image d’un
vêtement nouveau, dans ces paroles de notre Sauveur à ses
Apôtres : « Demeurez dans la ville, jusqu’à ce
que vous soyez revêtus de la Vertu d’en haut. »
Si les Pasteurs veulent faire connaître
la divine efficacité de ce Sacrement (et rien assurément
ne sera plus propre à toucher le cœur des Fidèles) il leur
suffira d’expliquer ce qui arriva aux Apôtres. Avant la Passion,
et à l’heure même de la Passion, ils étaient si timides
et si faibles, qu’ils prirent la fuite aussitôt qu’ils virent arrêter
Jésus-Christ. Pierre lui-même, qui avait été
désigné pour être la pierre fondamentale de l’Eglise,
qui avait montré d’ailleurs beaucoup de courage et de grandeur d’âme,
Pierre s’effraye à la voix d’une simple femme, et soutient non pas
une fois, ni deux, mais trois fois de suite, qu’il n’est point le disciple
de Jésus-Christ. tous enfin, après la Résurrection,
se retirent dans une maison et s’y renferment par la crainte qu’ils ont
des Juifs. Le jour de la Pentecôte, au contraire ils sont tellement
remplis de la vertu du Saint-Esprit, qu’ils se mettent à prêcher
hardiment, et en toute liberté, l’Evangile qui leur a été
confié non seulement aux Juifs, mais à l’univers tout entier,
et qu’ils ne trouvent pas de plus grand bonheur que « celui d’être
jugés dignes de souffrir pour le nom de Jésus-Christ, les
affronts, » la prison, les tourments et les croix.
Enfin la Confirmation a la vertu d’imprimer
un caractère qui fait qu’on ne peut la recevoir plus d’une fois,
ainsi que nous l’avons déjà dit du Baptême, et comme
nous le dirons encore plus au long, en parlant du sacrement de l’Ordre.
Si les Pasteurs expliquent souvent, et
avec soin, ces vérités aux Fidèles, il est impossible
que, après avoir connu l’excellence et l’utilité de ce Sacrement,
ils ne s’empressent pas de le recevoir avec beaucoup de zèle, de
piété, et de foi.
§ VI. — DES CEREMONIES DU SACREMENT
DE CONFIRMATION
Il nous reste maintenant à dire
quelques mots des rites et des cérémonies de l’Eglise dans
l’administration de ce Sacrement. Les Pasteurs. comprendront très
bien les avantages de ces sortes d’explications, s’ils veulent se rappeler
ce que nous avons dit plus haut en traitant ce sujet.
D’abord les personnes que l’on confirme
reçoivent sur le front l’onction du saint Chrême. Par la vertu
de ce Sacrement le Saint-Esprit se répand dans le cœur des Fidèles
; Il augmente leur force et leur courage, afin qu’ils puissent combattre
vaillamment dans la lutte spirituelle, et résister invinciblement
aux ennemis du salut. L’onction faite sur le front marque qu’ils ne doivent
jamais être empêchés de confesser librement la foi du
nom Chrétien, ni par la crainte, ni par la honte, parce que c’est
sur le front que se manifestent le plus sensiblement ces diverses affections
de l’âme.
D’ailleurs cette marque qui distingue
un Chrétien confirmé de ceux qui ne le sont pas, comme certains
insignes distinguent un soldat des autres, devait être imprimée
sur la partie la plus noble et la plus visible du corps, qui est le front.
Il est encore un usage religieusement
conservé dans l’Eglise de Dieu, c’est d’administrer la Confirmation
de préférence le jour de la Pentecôte. C’est surtout
en ce jour que la vertu du Saint-Esprit fortifia et confirma les Apôtres
; et le souvenir de cet événement miraculeux fait très
bien comprendre aux Fidèles la grandeur et l’excellence des Mystères
qui sont renfermés dans l’onction sacrée.
L’onction étant faite, et la Confirmation
donnée, l’Evêque frappe légèrement avec la main
la joue du nouveau confirmé pour lui faire entendre que, comme un
athlète généreux, il doit être prêt à
souffrir avec un courage invincible toutes les contradictions, pour le
nom de Jésus-Christ.
Enfin il lui donne la Paix, pour lui rappeler
qu’il vient de recevoir la plénitude de la grâce divine, et
« cette paix qui surpasse toutes nos pensées ».
Telles sont, en abrégé,
les Vérités que les Pasteurs doivent enseigner sur le Sacrement
de Confirmation, non pas d’une manière sèche et nue, et uniquement
en paroles, mais avec le zèle d’une piété capable
d’enflammer les cœurs: De cette manière ils réussiront à
les imprimer profondément dans l’esprit des Fidèles.
Chapitre dix-huitième — Du
sacrement de l’Eucharistie
Parmi les signes mystiques et sacrés
institués par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour être
comme les canaux fidèles de sa Grâce, il n’en est aucun que
l’on puisse comparer à l’auguste sacrement de l’Eucharistie. Mais
aussi il n’est pas de crime dont les Fidèles doivent craindre d’être
plus sévèrement punis, que de manquer de respect et de piété
envers un Sacrement qui renferme tant de sainteté, ou plutôt
qui contient l’Auteur même, et le Principe de toute sainteté.
C’est ce que l’Apôtre avait bien compris, et dont il nous a expressément
avertis. Car après avoir montré combien est énorme
le crime de ceux qui « ne discernent pas le Corps du Seigneur, »
il ajoute aussitôt: « c’est pourquoi plusieurs
parmi cous sont malades et languissants, et plusieurs sont morts ».
Par conséquent, pour que les Fidèles puissent retirer des
fruits abondants de grâce, et se mettre à l’abri de la juste
colère de Dieu, en rendant à ce céleste Sacrement
les honneurs divins qu’il mérite, il sera nécessaire que
les Pasteurs développent avec le plus grand soin tout ce qui est
capable de faire ressortir davantage la majesté de l’Eucharistie.
§ I. — INSTITUTION DE L’EUCHARISTIE
SES DIFFERENTS NOMS
Pour cela, ils suivront la marche de l’Apôtre
Saint Paul, qui proteste n’avoir transmis aux Corinthiens que ce qu’il
avait appris du Seigneur, et ils expliqueront en premier lieu comment ce
Sacrement fut institué. Voici ce que l’Evangéliste en rapporte
; rien de plus clair: « Le Seigneur ayant aimé les siens,
les aima jusqu’à la fin ; » et pour leur donner un gage tout-à
-fait divin et admirable de cet amour, sachant que l’heure était
venue pour Lui de passer de ce monde à son Père, il employa,
pour être toujours avec les siens, un moyen incompréhensible
et infiniment au-dessus de toutes les choses naturelles. Après avoir
célébré la Pâque en mangeant l’agneau pascal
avec ses disciples, voulant enfin mettre la vérité à
la place des figures, et la réalité à la place de
l’ombre, « Il prit du pain, puis rendant grâces
à Dieu, il le bénit, le rompit, le donna à ses disciples,
et leur dit: prenez et mangez, ceci est mon Corps qui sera livré
pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. Ensuite Il prit pareillement
la coupe, après avoir soupé, et Il dit: ce calice est le
nouveau testament dans mon sang. toutes les fois que vous Le boirez, faites-le
en mémoire de Moi ».
Convaincus qu’ils ne pourraient jamais
avec un seul mot donner une assez haute idée de l’excellence et
de la dignité de ce Sacrement, les Auteurs sacrés ont essayé
de l’exprimer par des dénominations nombreuses. Ainsi ils l’appellent
quelquefois l’Eucharistie, mot que nous pouvons traduire en français
par Grâce excellente, ou Action de grâces: deux choses qui
lui conviennent parfaitement. C’est une grâce excellente, soit parce
qu’Il figure la Vie Eternelle, dont il a été dit:
« la grâce de Dieu est la Vie Eternelle ; » soit parce
qu’il contient Jésus-Christ qui est la grâce même, et
la source de toutes les grâces. C’est encore évidemment une
action de grâces, puisque en immolant cette victime de toute pureté,
nous rendons tous les jours à Dieu d’infinies actions de grâces
pour tous les bienfaits dont Il nous comble, et spécialement pour
le don si parfait de la grâce qu’Il nous communique par ce Sacrement.
De plus, ce nom s’accorde aussi très bien avec les circonstances
qui en accompagnèrent l’institution. Car Jésus-Christ «
ayant pris du pain, le rompit et rendit grâces ». Et David
en contemplant la grandeur de ce Mystère, s’écrie:
« le Seigneur, le Dieu de bonté et de miséricorde a
perpétué la mémoire de ses merveilles ; Il a donné
la nourriture à ceux qui Le craignent. » Mais ce chant, il
le fait précéder de celui de l’action de grâces, et
il dit: « la magnificence et la gloire du Seigneur reluisent
dans ses ouvrages ».
Souvent aussi, on lui donne le nom de
Sacrifice ; mais nous parlerons bientôt de ce Mystère avec
plus d’étendue.
On le nomme encore Communion, mot évidemment
emprunté à ce passage de l’Apôtre: «
le calice de bénédiction que nous bénissons, n’est-il
pas la communication du Sang de Jésus-Christ ? et le pain que nous
rompons, n’est-il pas la participation du Corps du Seigneur ? » Car,
comme l’explique Saint Jean Damascène, ce Sacrement nous unit à
Jésus-Christ, et nous fait participer à sa chair et à
sa divinité ; puis il nous rapproche, il nous unit en Lui, pour
ne plus faire de nous tous qu’un seul corps.
C’est pour cette raison qu’on l’appelle
aussi le Sacrement de la Paix et de la Charité. Et ces mots nous
font comprendre combien sont indignes du nom de Chrétiens ceux qui
entretiennent des inimitiés les uns contre les autres, et avec quel
zèle nous devons bannir loin de nous les haines, les dissensions,
et les discordes, qui sont une peste si terrible ; d’autant, que par le
Sacrifice quotidien de notre Religion nous protestons hautement que nous
voulons avant tout conserver la Paix et la Charité.
Les Auteurs sacrés lui donnent
encore souvent le nom de Viatique, soit parce qu’il est la nourriture spirituelle,
qui nous soutient dans le pèlerinage de cette vie ; soit parce qu’il
nous prépare et nous assure le chemin qui conduit à la gloire
et à la félicité éternelle. C’est pour cela
que la coutume a toujours été observée dans l’Eglise,
de ne laisser mourir personne sans l’avoir muni de ce Sacrement.
Enfin il y a des Pères de l’Eglise
très anciens, qui, fondés sur l’autorité de l’Apôtre
ont donné quelquefois à l’Eucharistie le nom de Cène
parce que Notre-Seigneur Jésus-Christ l’institua dans le mystère,
si précieux pour nous, de la dernière Cène.
Toutefois, il ne faudrait pas conclure
de là qu’il est permis de consacrer, ou de recevoir, la sainte eucharistie,
après avoir pris quelque nourriture ou quelque boisson. On a toujours
retenu et conservé ce salutaire usage, introduit (selon les anciens
Auteurs) par les Apôtres eux-mêmes, de ne la donner, qu’à
ceux qui sont à jeun.
§ II. — L’EUCHARISTIE EST UN VRAI
SACREMENT: SA MATIERE.
Après ces explications sur le sens
du mot, il faudra enseigner que l’Eucharistie est un véritable Sacrement,
et l’un des sept que l’Eglise a toujours reconnus et vénérés.
D’abord dans la consécration. du calice, il est appelé le
mystère de la Foi. Ensuite, sans parler de ces témoignages
presque innombrables des Auteurs ecclésiastiques qui ont constamment
placé l’Eucharistie au rang des vrais Sacrements, on trouve une
preuve de son existence dans sa propre essence. En effet, nous y voyons
des signes extérieurs et sensibles ; la Grâce y est figurée
et produite ; enfin les Evangélistes et l’Apôtre ne laissent
aucun lieu de douter que Jésus-Christ n’en soit l’Auteur. Or, ce
sont là précisément les caractères qui conviennent
exclusivement aux Sacrements, et là où ils se rencontrent,
il n’est pas besoin de chercher d’autres preuves.
Mais il faut observer, et avec soin, qu’il
y a plusieurs choses dans ce Mystère auxquelles les Auteurs ecclésiastiques
ont donné le nom de Sacrement. Ainsi ils ont appelé Sacrement
la Consécration, la Communion, et souvent même le Corps et
le Sang de Notre-Seigneur qui sont renfermés dans l’Eucharistie.
Saint Augustin dit que ce Sacrement consiste en deux choses,
l’apparence visible des éléments, et la vérité
invisible de la chair et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
C’est dans le même sens que nos disons qu’il faut adorer ce Sacrement,
c’est-à-dire, le Corps et le Sang de Notre-Seigneur. Mais il est
évident que toutes ces choses ne s’appellent Sacrement que d’une
manière impropre. Ce nom ne convient essentiellement et réellement
qu’aux seules espèces du pain et du vin.
On voit par là combien l’Eucharistie
diffère de tous les autres Sacrements. Ceux-ci ne subsistent que
par l’emploi de la matière, c’est-à-dire, à l’instant
même où ils sont administrés. Le Baptême, par
exemple, ne s’élève à l’état de Sacrement,
que dans le moment où l’on emploie l’eau pour baptiser quelqu’un.
Mais pour compléter et parfaire l’Eucharistie, il suffit de la consécration
de la matière, laquelle ne cesse point d’être un vrai Sacrement,
dans le vase même où on la tient en réserve.
De plus dans les autres Sacrements, la
matière et les éléments employés ne se changent
point en une autre substance. L’eau du Baptême et l’huile de la Confirmation
ne perdent point leur nature primitive d’eau et d’huile, lorsqu’on administre
ces Sacrements. Mais dans l’Eucharistie, ce qui était du pain et
du vin avant la consécration, change après la consécration
et devient véritablement le Corps et le Sang de Notre-Seigneur.
Cependant, quoiqu’il y ait deux éléments,
le pain et le vin, pour faire la matière intégrale de l’Eucharistie,
il n’y a qu’un seul Sacrement et non pas plusieurs, selon la doctrine enseignée
par l’Eglise. Autrement, on ne pourrait plus soutenir, avec toute la tradition,
avec les Conciles de Latran, de Florence et de Trente, qu’il y a sept Sacrements,
ni plus ni moins. D’ailleurs la grâce de ce Sacrement a pour but
de faire de nous tous un seul corps mystique. Mais. pour qu’il soit. lui-même
en harmonie avec l’effet qu’il produit, il faut qu’il soit un, non qu’il
ne puisse être composé de plusieurs parties, mais parce que
tout doit n’y représenter qu’une seule chose. La nourriture et la
boisson qui sont deux choses différentes, s’emploient pour une seule
et même fin, qui est de réparer les forces du corps. Pareillement
il était de toute convenance d’instituer de Sacrement avec deux
matières différentes entre elles, mais analogues aux substances
dont nous venons de parler, pour représenter l’Aliment spirituel
qui soutient nos âmes et répare leurs forces. Aussi le Seigneur
a-t-il dit : « Ma chair est véritablement une nourriture,
et mon sang est vraiment un breuvage. »
Les Pasteurs auront ensuite à expliquer
avec un grand soin ce que signifie ce Sacrement, afin que les Fidèles,
en voyant les saints Mystères des yeux de leurs corps, nourrissent
en même temps leur âme par la contemplation des Vérités
divines que ces Mystères rappellent.
Or l’Eucharistie exprime principalement
trois choses la première est une chose passée ; c’est la
Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il nous l’apprend Lui-même
par ces paroles: faites ceci en mémoire de moi. Puis,
l’Apôtre dit positivement: toutes les fois que vous mangerez
ce pain et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort de Jésus-Christ,
jusqu’à ce qu’Il vienne.
La seconde est une chose présente.
C’est la Grâce divine et céleste que ce Sacrement nous communique
pour nourrir et conserver nos âmes. Dans le Baptême nous sommes
engendrés à une vie nouvelle ; dans la Confirmation nous
sommes fortifiés, afin de pouvoir résister à Satan,
et confesser publiquement Jésus-Christ. Mais dans l’Eucharistie
nous recevons la nourriture qui entretient en nous la Vie spirituelle.
La troisième regarde l’avenir,
ce sont les délices et la gloire éternelle dont Dieu a promis
de nous faire jouir dans la céleste patrie.
Ces trois choses, qui ont évidemment
rapport au passé, au présent et à l’avenir, sont néanmoins
si bien signifiées par le mystère sacré de l’Eucharistie,
que le Sacrement, quoique composé d’espèces différentes,
représente chacune d’elles en particulier, comme si elles n’en faisaient
qu’une seule.
Mais avant tout, il est nécessaire
aux Pasteurs de bien connaître la matière de l’Eucharistie,
soit afin qu’ils puissent la consacrer eux-mêmes comme l’Eglise le
demande, soit afin qu’ils puissent faire comprendre aux Fidèles
ce que signifie ce Sacrement, et exciter dans leurs cœur s le désir
et l’ardeur d’en recueillir les fruits.
Ce Sacrement a deux matières: la
première dont nous allons parler, c’est le pain de pur froment ;
puis, la seconde que nous verrons plus loin. Les Evangélistes Saint
Matthieu, Saint Marc et Saint Luc nous apprennent que Notre-Seigneur Jésus-Christ
prit du pain, le bénit et le rompit en disant : « Ceci
est mon corps. » — Dans Saint Jean, le Sauveur se donne à
Lui-même le nom de pain : « Je suis, dit-il, le Pain
vivant descendu du ciel. » Mais il y a plusieurs sortes de pain.
tantôt c’est dans la matière qu’il varie ; il peut être
de froment, d’orge ou de légumes, ou d’autres fruits de la terre.
tantôt ce sont les qualités seules qui seront différentes
; l’un renfermera du levain, tandis que l’autre n’en contiendra point.
Or, pour l’Eucharistie, les paroles de Notre-Seigneur font voir que le
pain doit être de pur froment. Dans le langage ordinaire, ce mot
employé simplement et sans modification, signifie le pain de froment
seul. Une figure de l’Ancien testament vient encore confirmer cette Vérité.
Le Seigneur avait ordonné que les pains de proposition, qui figuraient
le sacrement de l’Eucharistie, fussent de pure fleur de froment.
Mais si le pain de froment doit seul être
regardé comme la matière de l’Eucharistie, (conformément
à la tradition apostolique et à l’enseignement formel de
l’Eglise catholique), il est facile de se convaincre que ce pain doit être
sans levain, d’après ce que fit Notre-Seigneur le jour où
Il institua ce Sacrement. C’est en effet le premier des azymes, et chacun
sait que ce jour-là il était défendu aux Juifs d’avoir
du pain levé dans leurs maisons.
Si l’on oppose à cette doctrine
l’autorité de Saint Jean l’Evangéliste, qui rapporte que
tout cela se fit avant la fête de Pâques, il est facile de
détruire cette objection. La fête des azymes commençait
dès le soir de la cinquième férie, temps où
le Sauveur célébra la Pâque. Et ce que les autres Evangélistes
ont appelé le premier jour des azymes, Saint Jean l’appela la veille
de Pâques, parce qu’il crut devoir noter surtout le jour naturel,
dont la durée commence au lever du soleil. C’est pourquoi Saint
Jean Chrysostome entend par le premier des azymes le jour où l’on
devait, sur le soir, manger les azymes. D’ailleurs la consécration
du pain sans levain est en parfaite harmonie avec la pureté et l’innocence
de cœur que les Fidèles doivent apporter à la réception
de ce Sacrement. C’est ce que l’Apôtre nous apprend par ces paroles
: « Purifiez-vous du vieux levain, afin que vous soyez une pâte
nouvelle, comme vous êtes un pain azyme ; car Jésus-Christ
est l’Agneau pascal immolé pour nous. Célébrons donc
notre Pâque ; non avec le vieux levain, ce levain de malice et d’iniquité,
mais avec les azymes de la sincérité et de la vérité.
»
Cependant cette qualité (pour le
pain) d’être sans levain n’est pas tellement nécessaire, que
le Sacrement ne puisse exister, si elle venait à manquer. Le pain
azyme et le pain levé conservent également le nom, les propriétés
et toute la nature du pain véritable, toutefois il n’est permis
à personne, de changer de son autorité privée, ou
pour mieux dire d’avoir la témérité de changer la
sainte coutume de son Eglise. Et cela est d’autant moins permis aux Prêtres
de l’Eglise latine, que les Souverains Pontifes ont ordonné de ne
célébrer les saints Mystères qu’avec le pain azyme.
— Mais en voilà assez sur cette première partie de la matière
eucharistique. Remarquons cependant encore, en finissant, qu’on n’a jamais
déterminé une quantité particulière de pain
pour la consécration, par la raison que l’on ne peut déterminer
davantage d’une manière précise le nombre de ceux qui peuvent
et doivent participer à ces sacrés Mystères.
Venons maintenant à l’autre matière
de l’Eucharistie. Cette seconde matière est le vin exprimé
du fruit de la vigne, mais auquel il faut mêler un peu d’eau. L’Eglise
catholique a toujours enseigné que notre Sauveur avait employé
du vin dans l’institution de ce Sacrement, puisqu’il dit Lui-même
« Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’à cet autre
jour... » Si c’est le fruit de la vigne, remarque Saint Jean Chrysostome,
c’est donc du vin et non pas de l’eau, comme s’il eût voulu détruire
longtemps d’avance l’hérésie de ceux qui prétendaient
que l’eau seule devait être employée dans le mystère
de l’Eucharistie.
Cependant l’usage a toujours été
dans l’Eglise de mêler un peu d’eau au vin. D’abord parce que l’autorité
des Conciles et le témoignage de Saint Cyprien nous apprennent que
Notre-Seigneur le fit Lui-même ; ensuite parce que ce mélange
nous rappelle le Sang et l’eau qui coulèrent du côté
de Jésus-Christ. Enfin l’eau, comme nous le voyons dans (Apocalypse,
représente le peuple. L’eau mêlée au vin, exprime très
bien l’union du peuple fidèle avec Jésus Christ son Chef.
Au reste cet usage est de tradition apostolique, et l’Eglise l’a toujours
observé. Mais quelques graves que soient les raisons de mettre de
l’eau dans le vin, et bien qu’on ne puisse la supprimer sans pécher
mortellement, si elle venait à manquer, le Sacrement n’en existerait
pas moins. Enfin ce que les Prêtres devront bien observer, c’est
que si dans la célébration des saints Mystères, il
est nécessaire de mêler un peu d’eau au vin, ce ne doit être
qu’en petite quantité, puisque, au jugement des théologiens,
cette eau se change en vin. Voilà pourquoi le Pape Honorius écrivait
: « Il s’est introduit un abus très répréhensible
parmi vous, c’est de mettre beaucoup plus d’eau que de vin, contre la coutume
très raisonnable de toute t’Eglise, qui est de mettre beaucoup plus
de vin que d’eau. »
Il n’y a donc que le pain et le vin qui
soient la matière de l’Eucharistie ; et c’est à bon droit
que l’Eglise a défendu, par plusieurs décrets, d’offrir autre
chose que le pain et le vin, comme quelques-uns avaient la témérité
de, le faire.
Voyons maintenant combien les deux symboles
du pain et du vin sont propres à représenter la nature et
les effets que nous reconnaissons dans ce Sacrement.
Et d’abord ils nous représentent
Jésus-Christ comme notre vie véritable. Lui-même n’a-t-Il
pas dit: « Ma Chair est véritablement une nourriture,
et mon Sang est vraiment un breuvage ? » Le Corps de Jésus-Christ
est donc, pour ceux qui Le reçoivent saintement et avec piété,
un Aliment qui donne la Vie éternelle, et par là même
il était de toute convenance que ce Sacrement fût constitué
précisément avec les éléments qui servent à
soutenir la vie présente. Cela fait très bien comprendre
aux Fidèles que l’esprit et le cœur sont rassasiés par la
communion du Corps et du Sang du Seigneur.
Cas deux éléments avaient
encore cet avantage qu’ils pouvaient servir à convaincre les hommes
de la présence réelle du Corps et du Sang de Jésus-Christ
dans l’Eucharistie. tous les jours nous voyons le pain et le vin se changer,
par les seules forces de la nature, en notre chair et en notre sang. C’est
une image qui peut facilement nous amener à croire que la substance
du pain et du vin est changée, par les paroles de la Consécration,
au vrai Corps et au vrai Sang de Notre-Seigneur.
Le changement miraculeux de ces éléments
peut servir aussi à nous faire entrevoir ce qui se passe dans l’âme.
De même, en effet, que- la substance du pain et du vin est changée
réellement au Corps et au Sang de Jésus-Christ, quoiqu’il
n’y ait aucune apparence visible de ce changement ; de même, quoique
rien ne paraisse changer en nous au dehors, cependant nous nous trouvons
intérieurement renouvelés pour la Vie spirituelle, en recevant
la Vie véritable, dans le sacrement de l’Eucharistie.
Enfin l’Eglise est un seul corps composé
de plusieurs membres, dont l’union ne pouvait être plus parfaitement
représentée que par les éléments du pain et
du vin. Le pain est fait d’une multitude de grains, et le vin de plusieurs
grappes ; ils nous rappellent donc très bien que, si nombreux que
nous soyons, le mystère divin de l’Eucharistie nous unit par le
lien le plus étroit, et fait de nous tous comme un seul corps.
§ III. — FORME DE L’EUCHARISTIE.
Il nous reste maintenant à parler
de la forme qu’il faut employer pour la Consécration du pain, non
pas qu’il soit utile de livrer ces Mystères, même au peuple
fidèle, sans nécessité — puisqu’il n’est pas nécessaire
que ceux q i ne sont pas dans les Ordres sacrés les connaissent
-mais de peur que certains Prêtres ne l’ignorent, et ne commettent
quelque faute considérable dans la Consécration.
Les Evangélistes Saint Matthieu,
Saint Luc et l’Apôtre Saint Paul, nous apprennent que cette forme
consiste dans ces paroles : Ceci est mon Corps, car voici ce qui est écrit:
« pendant qu’ils soupaient, Jésus prit du pain, le bénit,
le rompit et le donna à ses disciples en disant: prenez et mangez
; ceci est mon Corps. » Cette forme, employée par notre Seigneur
Jésus-Christ Lui-même pour la consécration de son Corps,
a été constamment en usage dans l’Eglise catholique. nous
passons ici sous silence les témoignages des Saints Pères,
qu’il serait beaucoup trop long de rapporter, ainsi que le décret
du Concile de Florence, que tout le monde connaît, et nous nous bornons
à rappeler encore ces mots de Notre-Seigneur: «
faites ceci en mémoire de Moi. » (Ils établissent clairement
le point que nous traitons.) Cet ordre qu’Il donna à ses Apôtres
doit se rapporter non seulement à ce qu’Il avait fait Lui-même,
mais encore à ce qu’Il avait dit, et spécialement aux paroles
qui furent prononcées, autant pour produire que pour signifier l’effet
du Sacrement.
D’ailleurs, on pourrait encore aisément
se convaincre v de cette vérité par la raison. La forme d’un
Sacrement consiste dans les paroles qui expriment l’effet produit par ce
Sacrement. Or, les paroles que nous avons citées indiquent et signifient
très bien ce qui s’opère dans l’Eucharistie, à savoir
le changement du pain au vrai Corps de Notre-Seigneur, et par conséquent
elles en sont véritablement la forme. On peut entendre dans ce sens
ce qui est dit dans l’Evangéliste: « qu’Il bénit
le pain. » C’est la même chose, ce semble, que s’Il eût
dit qu’Il bénit le pain en disant: ceci est mon Corps. Il est vrai
que l’Evangéliste, avant les paroles que nous venons de citer, dit
également: « prenez et mangez » ; mais ces deux mots
ne regardent que l’usage de la chose, et non la consécration de
la matière. Aussi, quoique le Prêtre soit obligé de
les prononcer, ne sont-elles pas nécessaires à l’existence
du Sacrement, pas plus que la conjonction car, que l’on prononce néanmoins
dans la consécration du Corps et du Sang de Jésus-Christ.
Autrement s’il n’y avait personne pour recevoir l’Eucharistie, on ne devrait,
et on ne pourrait même pas la consacrer. Et cependant, il est incontestable
que le Prêtre qui prononce les paroles du Seigneur suivant l’usage
et la coutume de l’Eglise, sur un pain propre à devenir la matière
de l’Eucharistie, consacre réellement et validement cette matière
quand même il arriverait que l’Eucharistie ne serait administrée
à personne.
Quant à la Consécration
du vin qui est la seconde matière du Sacrement, il faut pour les
mêmes raisons que nous avons apportées plus haut, que le Prêtre
en connaisse parfaitement la forme: Or, nous devons tenir pour certain
qu’elle est ainsi formulée: « Ceci est le Calice
de mon Sang, de la nouvelle et éternelle Alliance, le mystère
de la Foi, qui sera versé pour vous et pour plusieurs, pour la rémission
des péchés: » De ces paroles plusieurs sont tirées
de l’Ecriture, et l’Eglise à reçu les autres d’une tradition
apostolique: On trouve dans Saint Luc et dans l’Apôtre:
Ceci est le Calice ; et dans Saint Luc ainsi que dans Saint Matthieu:
de mon sang, ou mon Sang de la nouvelle Alliance, qui sera versé
pour vous et pour plusieurs, pour la rémission des péchés.
Quant à ces autres expressions, éternelle, et, mystère
de la Foi, nous les tenons de la tradition interprète et gardienne
de la Vérité catholique.
Personne ne pourra douter que ces paroles
ne soient la forme de la Consécration du vin, s’il se rappelle ce
que nous avons dit sur la forme de la Consécration du pain, car
il est certain qu’elle consiste dans les paroles qui expriment le changement
de la substance du vin au Sang de Notre-Seigneur. Or, celles que nous venons
de rapporter indiquent clairement ce changement ; et par conséquent
il ne saurait y avoir d’autre forme que celle-là, pour consacrer
le vin. Ces paroles expriment en outre quelques effets admirables du Sang
de Jésus-Christ répandu dans sa Passion, et qui appartiennent
d’une manière spéciale à ce Sacrement. Le premier
de ces effets c’est l’accès à l’héritage éternel,
auquel nous donne droit l’Alliance nouvelle et éternelle. Le second,
c’est l’accès à la justice par le mystère de la Foi.
Car Dieu a établi Jésus-Christ pour être
la Victime de propitiation, par la Foi dans sort Sang, montrant tout ensemble
qu’Il est juste. Lui-même, et qu’Il justifie celui qui a la Foi en
Jésus-Christ. Le troisième effet est la rémission
des péchés.
Mais comme ces paroles de la Consécration
du vin sont pleines de mystères ; et qu’elles sont parfaitement
appropriées à ce qu’elles expriment, il y a lieu de les examiner
avec le plus grand soin. Quand on dit: « Ceci est le
calice de mon Sang », ces mots signifient ceci est mon Sang qui est
contenu dans ce calice. Et c’est avec beaucoup de sagesse et de raison
que l’on fait mention du calice, en consacrant le Sang qui doit être
le breuvage des Fidèles. Le Sang par lui-même n’exprimerait
pas assez nettement qu’il doit être bu, s’il ne nous était
présenté dans une coupe. Ensuite on ajoute: « de la
nouvelle Alliance », pour nous faire comprendre que le Sang de Jésus-Christ
ne nous est pas seulement donné en figure, comme dans l’ancienne
Alliance dont Saint Paul a dit: « qu’elle ne fut point
confirmée sans effusion de Sang », mais en vérité
et réellement. Ce qui ne convient qu’à l’Alliance nouvelle.
Voilà pourquoi Saint Paul a écrit:
Jésus-Christ est le Médiateur du nouveau testament, afin
que, par sa mort ; ceux qui noter appelés reçoivent l’héritage
éternel qui leur a été promis: quant au mot éternel,
il se rapporte précisément à cet héritage éternel
qui nous est échu par le droit que nous confère la mort:
de Jésus-Christ notre testateur éternel.
Les mots qui suivent, à savoir:
« Le Mystère de la Foi », n’excluent pas la réalité
de la chose, ils indiquent seulement qu’il faut admettre un effet caché
et infiniment éloigné de la portée de nos yeux. Le
sens qu’on leur donne ici est tout différent de celui qu’ils ont,
quand on les applique au Baptême. Comme c’est par la Foi que nous
voyons le Sang de Jésus-Christ caché sous l’apparence du
vin, c’est pour ce motif que nous l’appelons le mystère de la Foi.
Le Baptême, au contraire, s’appelle chez nous le sacrement de la
Foi, ou chez les grecs, le mystère de la Foi, parce qu’il contient
une profession entière de la Foi chrétienne. — Ce qui fait
encore que nous appelons mystère de la Foi le Sang du Seigneur,
c’est que la raison a beaucoup de difficulté et de peine à
admettre et à croire, d’après l’enseignement de la Foi, que
Notre-Seigneur Jésus-Christ, véritable Fils de Dieu, vrai
Dieu Lui-même et vrai homme tout ensemble, a souffert la mort pour
nous. Or cette mort nous est représentée par le Sacrement
de son Sang. C’est pourquoi il était de toute convenance de rappeler
ici, plutôt que dans la consécration du pain, la Passion du
Sauveur par ces paroles: « Qui sera répandu pour la rémission
des péchés. » Le Sang, consacré séparément,
possède beaucoup plus de force et plus d’efficacité pour
mettre sous les yeux de tous la Passion de notre Seigneur, sa Mort et la
nature de ses souffrances. Les autres mots: « pour vous et pour plusieurs
», sont empruntés les uns à saint Matthieu,
et les autres à saint Luc . Et c’est l’Eglise qui, inspirée
par l’esprit de Dieu, les a réunis. Ils servent à exprimer
les fruits et les avantages de la Passion. Si nous en considérons
en effet la vertu et l’efficacité, nous sommes obligés d’avouer
que le Sang du Seigneur a été répandu pour le salut
de tous. Mais si nous examinons les fruits que les hommes en retirent,
il est évident que plusieurs seulement, et non pas tous, en profitent.
Lorsque Jésus-Christ dit: pour vous, Il entendait par là,
à l’exception de Judas, ceux qui étaient présents,
et à qui il parlait, ou bien les élus d’entre les Juifs,
tels que ses disciples. En ajoutant: « pour plusieurs », Il
voulait désigner tous les autres élus, soit d’entre les Juifs,
soit d’entre les Gentils. Ainsi c’est avec raison qu’il n’a pas été
dit: pour tous, puisqu’il s’agissait en cet endroit du fruit de la Passion,
qui n’a procuré le salut qu’aux élus seulement. C’est dans
ce sens qu’il faut entendre ces paroles de l’Apôtre:
« Jésus-Christ n’a été immolé qu’une
fois pour effacer les péchés de plusieurs » ; et ce
que dit Notre-Seigneur dans Saint Jean: « Je prie pour
eux, je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que Vous m’avez donnés,
parce qu’ils sont à vous. »
Il y a encore beaucoup d’autres Mystères
renfermés dans ces paroles de la Consécration. Mais les Pasteurs
zélés, et fidèles à méditer souvent
les choses célestes, les découvriront aisément d’eux-mêmes
avec l’aide de Dieu.
Chapitre dix-neuvième — Du
sacrement de l’Eucharistie (suite)
§ I. — LA PRESENCE REELLE.
Le moment est venu de reprendre l’explication
de certains points de doctrine que, pour aucun motif, on ne doit laisser
ignorer aux Fidèles.
L’Apôtre nous enseigne que ceux
qui ne discernent point le Corps de Notre-Seigneur, commettent
un grand crime. Les Pasteurs devront donc, avant tout, exhorter les Chrétiens
à faire tous leurs efforts pour élever ici leur esprit et
leur raison au-dessus des choses sensibles. S’ils se persuadaient que le
sacrement de l’Eucharistie ne contient que ce que les sens y aperçoivent,
ils tomberaient fatalement dans cette impiété énorme
de croire qu’il ne renferme que du pain et du vin, puisque les yeux, le
toucher, l’odorat, le goût ne rapportent que des apparences de pain
et de vin. Il faut donc faire en sorte qu’ils renoncent, autant que possible,
au jugement des sens, pour s’élever uniquement à la contemplation
de la Vertu et de la Puissance infinie de Dieu ; car la Foi catholique
enseigne et croit, sans hésitation aucune, que les paroles de la
Consécration produisent spécialement trois effets admirables.
Le premier, c'est que le vrai corps de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, Celui-là même qui: est
né de la Vierge Marie, qui est assis à la droite du Père,
est contenu dans l'Eucharistie.
Le second c'est que dans le Sacrement
il ne reste rien de la substance des deux éléments, quoique
cela semble tout-à-fait opposé et contraire au rapport des
sens.
Le troisième, qui se, déduit
aisément des deux autres, et qui est positivement exprimé
par les paroles de la Consécration, c'est que par une disposition
inexplicable et toute miraculeuse, les accidents qui apparaissent aux yeux,
et que les autres sens perçoivent aussi, se soutiennent sans le
secours d'aucun sujet. Ils présentent encore toutes les apparences
du pain et du vin. Mais ils ne tiennent à aucune substance ; ils
subsistent par eux-mêmes. Quant à la substance même
du pain et du vin, elle est tellement changée au Corps et au Sang
de Jésus-Christ, qu'il n'en reste absolument rien, et qu'il n'y
a réellement plus ni substance du pain, ni substance du vin.
Parlons d'abord du premier de ces effets.
Les Pasteurs s'efforceront de faire comprendre combien sont claires et
positives les paroles de Notre Sauveur, qui établissent la présence
réelle de son Corps dans l'Eucharistie. En effet, il a dit :
« Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang. » Or, il n'est personne
de bon sens qui ne comprenne immédiatement ce que ces paroles signifient
: d'autant plus qu'il est ici question de la nature humaine, et qu'il est
hors de doute, dans la Foi catholique, que Jésus-Christ était
véritablement homme. Aussi saint Hilaire, ce personnage si distingué
par sa sainteté et par sa science, parlant de la présence
réelle de la Chair et du Sang de Jésus-Christ, a-t-il dit
nettement : « qu'il est impossible pour nous de douter
de cette vérité, puisque Jésus-Christ a déclaré
lui-même, et que la Foi nous enseigne, que sa Chair est vraiment
une nourriture. »
Les Pasteurs auront encore à développer
un autre passage dont l'explication fera aisément conclure que l'Eucharistie
contient vraiment le Corps et le Sang de Jésus-Christ. Saint Paul,
après avoir rappelé la consécration que le Seigneur
avait faite du pain et du vin, et la distribution des saints Mystères
à ses Apôtres, ajoute : « que l'homme s'éprouve
donc lui-même, et qu'après cela il mange de ce pain et boive
de ce calice : car celui qui le mange et le boit indignement, mange et
boit sa propre condamnation, ne discernant pas le corps du Seigneur ».
Si, comme le prétendent les hérétiques, nous n'avions
autre chose à vénérer dans ce Sacrement que le souvenir
et le signe de la Passion de Jésus-Christ, pourquoi l'Apôtre
se servirait-il d'expressions aussi fortes pour exhorter les Fidèles
à s'éprouver ? Ce mot terrible de condamnation, employé
par lui, montre que c'est un crime abominable de recevoir indignement le
Corps du Seigneur caché sous les espèces eucharistiques,
et de ne pas distinguer cette o Triture e toutes les autres. Mais le même
Apôtre s'exprime encore plus formellement dans le Chapitre précédent
de la même Epître, lorsqu'il dit : « Le calice
de bénédiction que nous bénissons, n'est-il pas la
communication du Sang de Jésus-Christ ? et le pain que nous rompons,
n'est-ce pas la participation du Corps du Seigneur ? »
On ne peut désigner plus clairement
la véritable substance du Corps et du Sang de Jésus-Christ.
Mais en expliquant ces passages de la sainte Ecriture, les Pasteurs auront
soin de faire remarquer aux Fidèles, qu'ils ne renferment rien de
douteux ni d'incertain, surtout parce que l'Eglise de Dieu, avec son autorité
infaillible, les a toujours entendus dans le sens que nous venons d'exposer.
Pour nous en convaincre nous avons deux moyens faciles.
Le premier, c'est de consulter les Pères
qui ont fleuri à l'origine et dans tous les âges de l'Eglise,
et qui sont les meilleurs témoins de sa doctrine. Or, ils ont tous
enseigné, et d'un accord unanime, la vérité du dogme
en question. Mais ce serait un travail infini de citer tous les témoignages.
Il nous suffira d'en rapporter, ou d'en indiquer quelques-uns, qui nous
permettront de juger des autres. Que Saint Ambroise produise, le premier
sa profession de Foi : dans le livre qu'il a écrit sur ceux qui
sont initiés aux Mystères , il affirme que «
l'on reçoit dans l'Eucharistie le vrai Corps de Jésus-Christ,
comme Il l'avait pris lui-même très réellement dans
le sein de la bienheureuse Vierge et que c'est un article de Foi incontestable
». – « Avant la Consécration, dit-il ailleurs, il n'y
a que du pain, mais après la Consécration, il n'y a que la
Chair de Jésus-Christ ».
Que S. Jean Chrysostome se présente
ensuite ; c'est un autre témoin non moins digne de confiance, et
d'une autorité non moins grande. II professe et enseigne la même
vérité dans une foule de passages, mais surtout dans la 60e
homélie, « de ceux qui participent indignement aux saints
Mystères » et dans les homélies 41 et 45, sur Saint
Jean. « Obéissons à Dieu, dit-il, et ne refusons pas
de Le croire, lors même qu'Il semble dire des choses contraires à
la raison et aux sens. Sa parole est infaillible, tandis que notre jugement
s'égare facilement. »
Et Saint Augustin, ce défenseur
si zélé de la Foi catholique, a toujours pensé et
parlé de même, mais spécialement dans son commentaire
sur le Psaume 33 : « se porter soi-même dans ses mains est
impossible à l'homme, dit-il, cela ne peut convenir qu'à
Jésus-Christ ; car il se portait dans ses propres mains, lorsque,
donnant son Corps, il dit : ceci est mon Corps. »
Enfin, sans parler de Saint Justin et
de Saint Irénée, Saint Cyrille, dans son 4e livre sur Saint
Jean, affirme si clairement que la véritable Chair de Jésus-Christ
est dans l'Eucharistie, que nulle interprétation fausse et captieuse
ne pourra jamais obscurcir ses paroles.
Si les Pasteurs désiraient connaître
encore d'autres témoignages des Pères, il serait facile de
leur citer Saint Denys, Saint Hilaire, Saint Jérôme, Saint
Jean Damascène et une foule d'autres dont les sentiments si importants
sur cette matière ont été réunis en corps d'ouvrage,
par des hommes pieux et savants, et se lisent partout.
Le second moyen de connaître la
doctrine de l'Eglise dans les choses de la Foi, c'est la condamnation qu'elle
a faite des doctrines et des opinions contraires. Or, il est impossible
de le nier, le dogme de la Présence réelle de Jésus-Christ
dans l'Eucharistie a toujours été tellement répandu
et popularisé dans toute l'Eglise, il a toujours été
si universellement reçu par tous les Fidèles, qu'au moment
où Bérenger, dans le onzième siècle, osa l'attaquer
et prétendre qu'il n'y avait là qu'un signe, il fut aussitôt
condamné, et d'une voix unanime, au Concile de Verceil, convoqué
par le Pape Léon IX, et lui-même y anathématisa son
hérésie. Et lorsque plus tard il revint encore à cette
erreur impie, il fut de nouveau condamné par trois autres Conciles,
l'un de Tours, et les deux autres de Rome, ces deux derniers assemblés
successivement par les Papes Nicolas II et Grégoire VIII. Toutes
ces décisions furent confirmées ensuite par Innocent III
dans le Concile général de Latran. Enfin les Conciles de
Florence et de Trente sont venus tour à tour fixer ce dogme avec
une clarté et une précision invincibles.
Si les Pasteurs ont soin de bien mettre
en lumière toutes ces autorités, ils pourront, non pas ramener
les hérétiques qui, aveuglés par leurs erreurs, ne
baissent rien tant que la vérité, mais affermir les faibles,
et remplir les âmes pieuses de consolation et de joie : d'autant
plus — et cela est évident pour les Fidèles — que la foi
de cette vérité est renfermée dans les autres articles
de la Doctrine chrétienne. Quiconque en effet croit et confesse
que Dieu est Tout Puissant, croit par là-même qu'Il n'a pas
manqué de pouvoir pour opérer le chef-d’œuvre que nous admirons
et que nous révérons dans l'Eucharistie. Quiconque encore
croit la sainte Eglise catholique, doit nécessairement reconnaître
pour vraie la doctrine que nous venons d'expliquer.
Mais ce qui met le comble au bonheur et
à l'édification des âmes pieuses, c'est de contempler
la sublime dignité (le ce Sacrement. Par là elles comprennent
d'abord toute la perfection de la Loi évangélique, laquelle
possède en réalité ce que la Loi de Moise n'avait
qu'en figures et en images. Ce qui a fait dire admirablement à Saint
Denys que « Notre Eglise tient le milieu entre la Synagogue
et la Jérusalem céleste, et qu'elle participe de l'une et
de l'autre ». Les fidèles ne sauraient donc trop admirer la
perfection, la gloire et la grandeur de la sainte Eglise, puisqu'il n'y
a, pour ainsi dire, qu'un seul degré qui la sépare de la
béatitude céleste. Nous avons cela de commun avec les habitants
des cieux, que les uns et les autres nous possédons Jésus-Christ
; Dieu et homme, présent au milieu de nous. Le seul degré
qui nous sépare d'eux, c'est qu'ils jouissent de la Présence
de Jésus-Christ par la vision béatifique, tandis que nous,
nous adorons seulement sa Présence, Présence invisible à
nos yeux, et cachée sous le voile miraculeux des saints Mystères,
mais que cependant nous confessons avec une Foi ferme et inébranlable.
Enfin Jésus-Christ nous a laissé
dans ce Sacrement, la preuve de l'immense amour qu'Il a pour nous. N'était-ce
pas en effet un des plus beaux traits de cet amour, de n'avoir pas emporté
loin de nous cette nature qu'Il nous avait empruntée, mais d'avoir
voulu, autant Rue cela était possible, demeurer sans cesse avec
nous, afin que sans cesse on pût dire de Lui en toute vérité
: « mes délices sont d'être avec les enfants des hommes
? ».
§ II — JESUS-CHRIST EST TOUT ENTIER
DANS L'EUCHARISTIE.
Ici les Pasteurs auront à expliquer
que l'Eucharistie ne contient pas seulement le Corps de Jésus-Christ
avec tout ce qui constitue un corps véritable, comme les os et les
nerfs, mais encore Jésus-Christ tout entier. Il faut enseigner que
Jésus-Christ, c'est le nom d'un Dieu et d'un homme tout à
la fois, c'est-à-dire d'une personne dans laquelle la nature divine
et la nature humaine son ; réunies ; Jésus-Christ possède
les deux substances et ce qui les caractérise, la divinité
d'abord, puis la nature humaine tout entière avec l'âme, les
parties du corps et le sang qui la composent. Nous devons donc croire que
toutes ces choses se trouvent dans l'Eucharistie. Car de même qu'au
ciel l'humanité de Jésus-Christ est unie à la divinité
dans une seule personne, (et dans une seule hypostase). de même ce
serait un crime de supposer que le Corps, présent dans l'Eucharistie,
y est séparé de la divinité.
Cependant les Pasteurs auront soin de
faire observer que toutes ces choses ne sont point contenues de la même
manière et par la même raison dans ce Sacrement. II en est
qui s'y trouvent en vertu, et par la force même de la Consécration.
Ces paroles en effet produisent ce qu'elles signifient, et les Théologiens
disent qu'une chose se trouve dans le Sacrement, par la force du Sacrement,
quand elle est exprimée par la forme des paroles. Selon eux, s'il
pouvait arriver que les choses fussent détachées les unes
des autres, il y aurait dans le Sacrement uniquement ce que sa forme signifie
; le reste ne s'y trouverait point. Au contraire, il est certaines choses
qui sont renfermées dans le Sacrement, par cette seule et unique
raison qu'elles. sont inséparablement liées avec celles que
la forme exprime. Ainsi, comme la forme employée pour la Consécration
du pain exprime le Corps de Notre-Seigneur, puisqu'on y dit : ceci est
mon Corps, c'est donc par la force même du Sacrement que le Corps
de Jésus-Christ est renferme dans l'Eucharistie. Mais parce que
le Sang, l'âme et la Divinité sont inséparables du
Corps, toutes ces choses seront aussi dans le Sacrement, non en vertu de
la Consécration, mais par l'union qu'elles ont avec le Corps, ou
comme disent les Théologiens, par concomitance. C'est de cette manière
que manifestement Jésus-Christ est tout entier dans l'Eucharistie.
Car lorsque deux choses sont absolument liées entre elles, il faut
que l'une soit partout où l'autre se trouve. Il suit de là
que Jésus-Christ est tellement tout entier, (si nous pouvons ainsi
dire), et sous l'espèce du pain et sous l'espèce du vin,
que, comme l'espèce du pain contient non seulement le Corps, mais
le Sang, et Jésus-Christ tout entier, de même l'espèce
du gyrin renferme non seulement le Sang, mais aussi le Corps et toute la
Personne de Jésus-Christ.
Quoique les Fidèles doivent avoir
la certitude et la persuasion que les choses se passent ainsi, cependant
l'Eglise a été très sage de faire séparément
les deux Consécrations. D'abord cela exprime bien mieux la Passion
du Sauveur, dans laquelle le Sang fut séparé du Corps. C'est
même pour cette raison que l'on fait mention de l'effusion du Sang,
dans la Consécration. Ensuite, comme ce Sacrement était destiné
à nourrir nos âmes, il était convenable qu’il fût
établi sous la forme de nourriture et de breuvage, puisque ces deux
choses constituent évidemment l’aliment complet de nos corps.
Il ne faut pas non plus oublier de dire
que non seulement Jésus-Christ est tout entier dans chacune des
espèces du pain et du vin, mais qu’Il est aussi tout entier dans
la moindre parcelle de chaque espèce. « Chacun reçoit
Jésus-Christ, écrivait Saint Augustin., et Jésus-Christ
est tout entier dans la portion de chacun ; Il ne se divise pas entre tous,
mais il se donne tout II tous. » nous avons d’ailleurs une preuve
de cette vérité dans les Evangélistes. Il n’est pas
à croire en effet que Jésus-Christ ait consacré séparément
chacun des morceaux de pain qu’Il distribua aux Apôtres ; il paraît
au contraire qu’il consacra, en prononçant une seule fois les paroles
de la forme, tout le pain qui était nécessaire, et qu’Il
le distribua ensuite à chacun. C’est évidemment ce qui eut
lieu pour le calice, c’est-à-dire pour l’espèce du vin, puisque
Jésus-Christ lui-même dit: « prenez et partagez
entre vous »
Tout ce que nous avons dit jusqu’ici a
pour but de faire enseigner par les Pasteurs que le vrai Corps et le vrai
Sang de Jésus-Christ sont contenus dans l’Eucharistie.
§ III. — DE LA TRANSSUBSTANTIATION.
Les Pasteurs enseigneront également
— et c’était là notre second point, — qu’après la
Consécration il ne reste absolument rien de la substance du pain
et du vin dans le Sacrement. Si extraordinaire, si prodigieux que puisse
nous paraître ce miracle, cependant il est une conséquence
nécessaire de ce que nous venons de démontrer. En effet,
si après la Consécration le Corps et le Sang de Jésus-Christ
sont réellement présents sous les espèces du pain
et du vin où Ils n’étaient pas auparavant, ce ne peut être
que par changement de lieu, ou par création, ou par le changement
d’une autre substance en la sienne. Or il est impassible que le Corps de
Jésus-Christ soit présent dans l’Eucharistie, en y venant
d’un autre lieu, puisque autrement Il devrait quitter le ciel, un corps
ne pouvant être mis en mouvement sans s’éloigner du lieu d’où
part le mouvement. Il est encore bien moins croyable que le Corps de Jésus-Christ
soit dans l’Eucharistie par création, ou plutôt il n’est même
pas permis de le penser. Que reste-t-il donc, sinon que le pain soit changé
en son Corps, et par conséquent que la substance du pain soit totalement
détruite par la Consécration ? Aussi les Pères du
Concile général de Latran, et ceux du Concile de Florence
ont-ils nettement enseigné cette vérité. Et après
eux, le Concile de Trente l’a définie plus formellement encore en
ces termes: « Si quelqu’un dit que dans le très saint sacrement
de l’Eucharistie, la substance du pain et du vin demeure avec le Corps
et le Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu’il soit anathème
! » Il est très facile d’ailleurs d’arriver à
la même conclusion par les textes mêmes de la Sainte Ecriture.
Et d’abord Notre-Seigneur, en instituant ce Sacrement, s’exprime ainsi:
« ceci est mon Corps »: Or la propriété du mot:
ceci, est d’exprimer toute la substance de l’objet présent. Si donc
la substance du pain était demeurée, Jésus-Christ
n’aurait pas pu dire avec vérité: ceci est mon Corps. D’un
autre côté, le Seigneur dit, dans Saint Jean «
le pain que Je donnerai, c’est ma Chair pour la vie du monde » désignant
ainsi sa Chair par le nom du pain ; puis un instant après, II ajoute
« Si vous ne mangez la Chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez
son Sang, vous n’aurez point la vie en vous ; » et encore
« ma Chair est véritablement une nourriture, et mon Sang est
vraiment un breuvage » Or appeler en termes si clairs et si formels
sa Chair un vrai pain, une véritable nourriture, et son Sang un
vrai breuvage, n’est-ce pas évidemment pour nous apprendre que ni
la substance du pain ni celle du vin ne demeurent dans ce Sacrement ?
Ceux qui auront seulement parcouru les
Saints Pères, reconnaîtront sans peine que telle a toujours
été leur croyance unanime. Voici ce qu’écrit Saint
Ambroise: « vous direz peut-être: ce pain est tout
ordinaire. Oui c’est du pain ordinaire avant la Consécration ; mais
aussitôt après la Consécration, ce pain devient la
Chair de Jésus-Christ ». Puis, pour rendre ses preuves plus
sensibles, il apporte plusieurs exemples et plusieurs comparaisons. Dans
un autre endroit, en expliquant ces paroles du Psalmiste: «
le Seigneur a fait dans le ciel et sur la terre tout ce qu’Il a voulu,
il dit: quoique l’on voie la figure et la forme du pain et du vin, il n’y
a cependant rien autre chose après la Consécration, que la
Chair et le Sang de Jésus-Christ ». Saint Hilaire s’est servi
presque des mêmes termes pour exprimer la même vérité,
il enseigne que « le Corps et le Sang du Seigneur sont
réellement dans l’Eucharistie, quoique, au dehors, on n’aperçoive
que du pain et du vin »
Ici les Pasteurs feront bien d’avertir
les Fidèles qu’ils ne doivent pas s’étonner qu’on ait conservé
le nom de pain à l’Eucharistie, même après la Consécration.
La raison en est que l’Eucharistie garde les apparences du pain et même
la propriété naturelle du pain, qui est de nourrir et de
fortifier le corps. C’est d’ailleurs une coutume de la Sainte Ecriture
de nommer les objets d’après leurs formes extérieures. C’est
ce qu’on voit dans la Genèse, où il est dit que trois hommes
apparurent à Abraham, et cependant c’étaient trois Anges.
De même nous lisons dans les Actes que deux hommes apparurent aux
Apôtres, au moment où Notre-Seigneur Jésus-Christ venait
de monter au ciel, et ces hommes étaient des Anges.
§ IV. — COMMENT S’OPERE LA TRANSSUBSTANTIATION
L’explication de ce Mystère est
extrêmement difficile. Cependant les Pasteurs tâcheront de
faire comprendre à ceux qui sont assez avancés dans la connaissance
des Vérités saintes, comment s’opère ce changement
admirable. Car pour ceux qui sont encore faibles dans la Foi, il serait
à craindre qu’ils ne fussent accablés sous le poids d’une
Vérité si haute. Ce changement est tel que, par la puissance
de Dieu, toute la substance du pain est convertie en la substance entière
du Corps de Jésus-Christ, et toute la substance du vin en la substance
entière de son Sang, sans aucun changement de la part de Notre-Seigneur
Lui-même. En effet, Il n’y est ni engendré, ni changé,
ni augmenté ; mais Il demeure intact dans sa substance. C’est ce
qui a fait dire à Saint Ambroise, en parlant de ce Mystère
: « vous voyez combien la parole de Jésus-Christ est efficace.
Si elle a eu assez de force pour faire exister ce qui n’était pas,
le monde, par exemple, combien ne lui en a-t-il pas fallu pour donner un
nouvel être aux choses qui existaient déjà et pour
les changer en d’autres ? »
Plusieurs autres Pères très
anciens, et d’une grande autorité, ont parlé dans le même
sens. « nous le déclarons sans hésiter, dit Saint Augustin
avant la Consécration, il n’y a que le pain et le vin formés
par la nature ; mais après la Consécration, il n’y a plus
que la Chair et le Sang de Jésus-Christ, rendus présents
par les paroles sacrées. » — Le Corps de Notre-Seigneur
, dit de son côté Saint Jean Damascène, « Celui-là
même qui est né d’une Vierge, est véritablement uni
dans l’Eucharistie à sa divinité ; non qu’Il descende du
ciel où Il est monté, mais parce que le pain et le vin sont
transsubstantiés au Corps et au Sang du Seigneur. »
C’est donc avec beaucoup de raison et
de justesse que l’Eglise catholique appelle ce merveilleux changement transsubstantiation,
comme l’enseigne le Concile de Trente. En effet de même que la génération
naturelle peut très bien s’appeler transformation, parce qu’il s’y
fait un changement de forme ; de même le mot de transsubstantiation
a été très convenablement créé par nos
Pères, pour exprimer le changement d’une substance tout entière
en une autre substance, tel que celui qui s’opère dans l’Eucharistie.
Mais ainsi que les Saints Pères
l’ont très souvent recommandé, il faut avertir les Fidèles
de ne pas rechercher avec trop de curiosité comment un tel changement
peut se faire. Il nous est impossible de le comprendre, et nous ne pouvons
en trouver aucune image ni aucun exemple dans les changements naturels,
ni même dans la création. La Foi nous apprend que la chose
est ainsi, nous ne devons point chercher avec curiosité pourquoi
ou comment la chose est ainsi.
Il ne faudra pas moins de prudence aux
Pasteurs, lorsqu’ils expliqueront comment dans ce Mystère le Corps
de Jésus-Christ se trouve contenu tout entier dans chacune des plus
petites parcelles du pain eucharistique. Autant qu’on le peut il faut éviter
soigneusement ces sortes de discussions ; cependant, si la Charité
chrétienne en-fait un devoir, qu’on n’oublie pas tout d’abord de
prémunir et de fortifier l’esprit des Fidèles par ces paroles
de l’Evangile « Rien n’est impossible à Dieu.
» Après cela les Pasteurs pourront enseigner que Notre-Seigneur
Jésus-Christ n’est point dans ce Sacrement comme dans un lieu. Les
choses ne sont dans un lieu qu’autant qu’elles ont quelque étendue.
Or, quand nous disons que Jésus-Christ est dans l’Eucharistie, nous
ne faisons pas attention à l’étendue plus ou moins grande
de son Corps, mais à la substance elle-même, considérée
indépendamment de l’étendue. Car la substance du pain est
changée en la substance, et non pas en la quantité, ni en
la grandeur du Corps de Jésus-Christ. Or personne ne doute qu’une
substance ne puisse être également renfermée dans un
petit espace aussi bien que dans un grand. Ainsi la substance de l’air
est aussi entière dans une petite partie d’air que dans une grande
; la nature (ou la substance) de l’eau n’est pas moins entière dans
un petit vase que dans un grand. Et comme le Corps de Notre-Seigneur remplace
la substance du pain dans l’Eucharistie, on est obligé de convenir
qu’Il est dans le Sacrement de la même manière que la substance
du pain y était avant la Consécration. Or la substance du
pain était aussi bien et aussi entière dans la plus petite
partie que dans le tout. Cela ne se discute même pas.
§ V. — DES ACCIDENTS DU PAIN ET DU
VIN.
La troisième merveille de ce Sacrement,
la plus grande et la plus étonnante de toutes, mais que les Pasteurs
pourront aborder plus aisément, après avoir expliqué
les deux précédentes, c’est que les espèces du pain
et du vin y subsistent sans être soutenues d’aucun sujet. En effet,
nous avons démontré d’une part que le Corps et le Sang de
Notre-Seigneur sont véritablement présents dans ce Sacrement,
et de manière qu’il ne reste absolument rien de la substance du
pain et du vin. Mais d’autre part il est impossible que les accidents qui
demeurent, s’attachent à son Corps et à son Sang. Par conséquent
il est de toute nécessité que, contre toutes les lois de
la nature, ces accidents subsistent en eux-mêmes, et sans être
soutenus par aucune substance. telle a toujours été la doctrine
constante de l’Eglise catholique, doctrine qui peut du reste se déduire
des témoignages que nous avons rapportés plus haut en faveur
de la vérité qui nous occupe, à savoir qu’après
la Consécration, il ne demeure plus rien de la substance du pain
et du vin dans l’Eucharistie.
Mais rien ne convient mieux à la
piété des Fidèles que de laisser de côté
ces questions difficiles, et de se borner à vénérer,
à adorer la majesté de ce Sacrement, et ensuite à
admirer la souveraine Providence de Dieu, qui a établi ces sacrés
Mystères, pour être administrés sous les espèces
du pain et du vin. toutefois, comme il répugne absolument à
la nature de manger la chair et de boire le sang de l’homme, c’est une
grande marque de Sagesse de la part de Notre-Seigneur de nous avoir donné
sa Chair et son Sang adorables sous les apparences du pain et du vin, qui
sont notre nourriture journalière, la plus ordinaire, et en même
temps la plus agréable.
Nous trouvons encore en cela deux autres
avantages ; le premier, c’est d’être à l’abri d’accusations
calomnieuses, et qu’il nous eût été difficile d’éviter
de la part des infidèles, s’ils nous avaient vus manger la Chair
de Jésus-Christ dans sa propre forme. Le second, c’est qu’en prenant
le Corps et le Sang de Notre-Seigneur, sans que nos sens puissent saisir
la réalité de leur existence, c’est un puissant moyen d’augmenter
la Foi dans nos âmes. « Car la Foi, dit Saint Grégoire
ne mérite plus, quand la raison démontre. »
Tout ce que nous avons dit sur ces vérités
si profondes ne doit être présenté aux Fidèles
qu’avec de grandes précautions, et en tenant compte du développement
de leur intelligence, aussi bien que des circonstances.
Chapitre vingtième — Du sacrement
de l’Eucharistie (suite)
DE LA COMMUNION ET DU SACRIFICE DE LA
MESSE
§ I. — DE LA VERTU ET DES FRUITS
DE L’EUCHARISTIE.
La vertu et les fruits du sacrement de
l’Eucharistie méritent toute notre admiration. Il n’est personne,
à coup sûr, à qui il ne soit utile et même nécessaire
de les connaître. Et même toute la doctrine que nous avons
exposée jusqu’ici sur ce Sacrement avait principalement pour but
de mettre les Pasteurs en état de mieux en instruire les Fidèles.
Mais comme les biens et les avantages qu’ils renferment sont presque infinis,
les plus beaux et les plus longs discours ne pourraient les expliquer en
détail. Voilà pourquoi les Pasteurs seront forcés
de s’attacher à une ou deux considérations principales qui
suffiront pour montrer l’étendue et l’abondance des fruits salutaires
contenus dans ce sacré Mystère.
Voici un moyen d’atteindre en partie ce
but: c’est de faire voir, en comparant entre elles la nature et l’efficacité
de tous les Sacrements, que l’Eucharistie est comme la source, tandis que
les autres sont les ruisseaux. En effet l’Eucharistie est vraiment la source
de toutes les grâces, puisqu’elle renferme d’une manière admirable
Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Source même de tous les dons
célestes, l’Auteur de tous les Sacrements, le Principe enfin d’où
dérive tout ce qu’il y a de bien et de parfait dans les autres Sacrements.
Après cela il ne sera pas difficile de comprendre combien sont magnifiques
les dons de la Grâce divine que nous communique la sainte eucharistie.
On pourra encore en juger aisément,
en examinant la nature du pain et du vin, qui sont les symboles de l’Eucharistie.
Ce que le pain et le vin produisent pour le corps, l’Eucharistie le produit
également, mais d’une manière infiniment plus parfaite, pour
le salut et le bonheur de l’âme. Ce n’est pas le Sacrement qui se
convertit comme le pain et le vin en notre substance, c’est nous-mêmes
au contraire qui sommes changés pour ainsi dire en sa nature. En
sorte que l’on peut très bien appliquer ici ces paroles que Saint
Augustin met dans la bouche de Notre-Seigneur : « Je
suis la nourriture des hommes faits ; croissez, et nous Me mangerez ensuite.
Et vous ne Me changerez point en vous, comme il arrive d la nourriture
de votre corps mais c’est vous qui vous changerez en Moi. »
« Si la Grâce et la Vérité
ont été apportées par Jésus-Christ
», ne doivent-elles pas nécessairement se répandre
dans l’âme de celui qui reçoit ce Sacrement avec un cœur pur
et saint ? Car Notre-Seigneur a dit : « Celui qui mange ma
Chair et qui boit mon Sang, demeure en Moi, et Moi en lui. s Personne ne
doit douter que ceux qui participent à ce Sacrement avec des sentiments
de Foi et de piété, ne reçoivent le Fils de Dieu,
de manière à se trouver en quelque sorte greffés sur
son Corps, comme des membres vivants. » Celui qui Me mange, dit le
Sauveur vivra aussi pour Moi. Le pain que je donnerai, c’est
ma Chair pour la vie du monde. » Sur quoi Saint Cyrille a fait cette
remarque : « Le verbe de Dieu, en s’unissant à sa propre
chair, l’a rendue vivifiante. il était donc convenable qu’Il s’unît
à nos corps d’une manière admirable. par sa Chair sacrée
et par son Sang précieux qu’Il nous livre sous les espèces
du pain et du vin, pour nous sanctifier et nous donner la vie. »
Mais en disant que l’Eucharistie donne
la Grâce, que les Pasteurs fassent bien entendre aux Fidèles
que pour recevoir ce Sacrement d’une manière vraiment utile, il
est nécessaire de la posséder auparavant. De même que
les aliments naturels ne servent de rien aux morts, de même aussi
il est certain que les saints Mystères sont inutiles à celui
qui n’a pas la vie de l’âme. Si même ils se présentent
sous les apparences du pain et du vin, c’est précisément
pour nous faire comprendre qu’ils n’ont pas été institués
pour rendre la vie à l’âme, mais seulement pour la lui conserver.
On veut donc dire par là que la
première grâce nécessaire à tous ceux qui veulent
recevoir ce Sacrement, sans manger et boire leur condamnation, ne se donne
qu’à ceux qui ont le désir et la résolution bien arrêtée
d’y participer, car il est la fin de tous les autres Sacrements, le symbole
de l’unité et de l’union de tous les membres ale l’Eglise, hors
de laquelle il est impossible d’obtenir la Grâce.
D’un autre côté, la nourriture
naturelle n’est pas destinée seulement à la conservation
du corps, mais aussi à son accroissement, et même à
ses jouissances et à son plaisir. De même la nourriture eucharistique
non seulement soutient l’âme, mais la fortifie et lui donne plus
de goût pour les choses spirituelles. nous avions donc raison de
dire que ce Sacrement communique la Grâce, et qu’on peut le comparer
justement à la manne, dans laquelle on trouvait les délices
de toutes les saveurs.
On ne peut douter non plus que l’Eucharistie
ne remette et pardonne les péchés légers, que l’on
appelle ordinairement véniels. tout ce que l’âme entraînée
par l’ardeur de la concupiscence, a perdu de la vie de la Grâce en
commettant des fautes légères, ce Sacrement le lui rend en
effaçant ces petites fautes. De même aussi, pour nous servir
toujours de notre comparaison, la nourriture corporelle répare peu
à peu et nous rend ce que nous perdons tous les jours par l’effet
de la chaleur naturelle. Ce qui a fait dire si justement à Saint
Ambroise, parlant de ce céleste Sacrement : « Ce pain
de chaque jour est an remède aux infirmités de chaque jour.
» toutefois ceci ne s’applique qu’aux péchés dont le
sentiment et l’attrait n’émeuvent plus l’âme.
C’est encore un autre effet de l’Eucharistie
de nous conserver exempts et purs de tout péché, de nous
sauvegarder contre les attaques furieuses des tentations, et de nous servir
comme d’un céleste antidote qui nous empêche d’être
infectés et corrompus par le venin mortel des mauvaises passions.
Aussi, au rapport de Saint Cyprien, lorsque dans les premiers temps de
l’Eglise, les Fidèles étaient condamnés par les tyrans
aux supplices et à la mort pour avoir confessé la Foi de
Jésus-Christ, les Evêques avaient coutume de leur administrer
le sacrement du Corps et du Sang de Notre-Seigneur, de peur que vaincus
par la violence des tourments ils ne vinssent à succomber dans ce
combat suprême du salut.
L’Eucharistie réprime et modère
aussi l’ardeur des désirs de la chair. Par cela même qu’elle
augmente dans les cœur s le feu de l’Amour de Dieu, elle éteint
nécessairement celui de la concupiscence. Enfin, pour exprimer en
un seul mot tous les avantages et tous les bienfaits de ce Sacrement, il
suffit de dire qu’il possède une puissance souveraine pour nous
faire acquérir la gloire éternelle. Car il est écrit,
(et c’est une parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ): « Celui
qui mange ma Chair, et qui boit mon Sang, a la Vie Eternelle, et Je te
ressusciterai au dernier jour. » A en effet, par la grâce
de l’Eucharistie, les Fidèles jouissent déjà dès
cette vie d’une paix et d’une tranquillité de conscience parfaites.
Puis, quand il faut mourir, c’est encore par sa Vertu qu’ils s’élèvent
à la gloire et à la béatitude éternelle ; semblables
à Elie « qui fortifié par le pain cuit sous la cendre
marcha jusqu’à Horeb, la montagne de Dieu ».
Il sera facile aux Pasteurs d’expliquer
plus longuement tous ces bienfaits de l’Eucharistie, s’ils veulent commenter
devant les Fidèles le sixième chapitre de l’Evangile de Saint
Jean, où un grand nombre des effets de ce Sacrement se trouvent
marqués ; ou bien encore, si en parcourant la suite admirable des
actions de Notre-Seigneur, ils comparent le bonheur de ceux qui Le reçurent
dans leur maison, pendant sa vie mortelle, ou qui recouvrèrent la
santé « en touchant ses vêtements et le bord de sa robe,
» avec le bonheur beaucoup plus considérable de ceux qui Le
reçoivent dans leur cœur, (maintenant qu’Il est en possession de
la gloire immortelle), pour guérir toutes leurs blessures et enrichir
leur âme de ses dons les plus excellents.
§ II. — TROIS MANIERES DE PARTICIPER
A L’EUCHARISTIE.
Il faut montrer à présent
qui sont ceux qui reçoivent véritablement tous ces fruits
admirables de l’Eucharistie. Il faut faire voir également qu’il
y a plus d’une manière de participer à ce Sacrement, afin
que les Fidèles s’efforcent d’employer celle qui est la plus salutaire.
Or, dans leur sagesse, nos pères ont très bien distingué,
et le Concile de Trente après eux, qu’il y a trois manières
de recevoir l’Eucharistie.
Les uns reçoivent seulement le
Sacrement. Ce sont ces pécheurs qui ne craignent pas de prendre
les saints Mystères avec une bouche et un cœur impurs, et dont l’Apôtre
a dit: « Qu’ils mangent et boivent indignement le Corps
du Seigneur. » C’est à eux aussi que s’appliquent ces paroles
de Saint Augustin .: « Celui qui ne demeure pas en Jésus-Christ,
et en qui Jésus-Christ ne demeure pas, ne change certainement point
sa Chair spirituellement, quoique matériellement et visiblement
il presse sous ses dents les Sacrements de son Corps et de son Sang. »
Mais ceux qui reçoivent les saints Mystères dans cette disposition,
non seulement n’en retirent aucun fruit, mais même, au témoignage
de l’Apôtre, « ils mangent et boivent leur propre
condamnation. »
Il y en a d’autres qui ne participent
à l’Eucharistie que spirituellement: ce sont ceux qui, animés
« de cette Foi vive qui opère par la Charité »,
se nourrissent de ce Pain céleste par des désirs et des vœux
ardents. S’ils ne retirent pas de ce Sacrement tous les fruits qu’il contient,
ils en reçoivent néanmoins de très considérables.
Enfin il en est qui participent à
l’Eucharistie réellement et spirituellement tout à la fois.
Fidèles aux avertissements de l’Apôtre, ils ont soin de s’éprouver
eux-mêmes, et de se revêtir de la robe nuptiale, avant de s’approcher
de la sainte table. Aussi ils ne manquent jamais d’en recueillir les avantages
si abondants dont nous avons parlé.
Voilà pourquoi ceux qui peuvent
se mettre en état de recevoir le sacrement du corps de Notre-Seigneur,
et qui se contentent de faire la Communion spirituelle, se privent eux-mêmes
volontairement de biens immenses et célestes.
§ III. — DES DISPOSITIONS NECESSAIRES
POUR COMMUNIER.
Mais il est temps de dire comment les
Fidèles doivent se préparer à recevoir le sacrement
de l’Eucharistie. Et d’abord, afin de les bien convaincre de la nécessité
de cette préparation, il convient de leur proposer l’exemple de
notre Sauveur. Lorsqu’Il voulut donner à ses Apôtres le sacrement
de son Corps et de son Sang précieux, bien qu’ils fussent déjà
purs, (Il le leur avait dit Lui-même), Il ne laissa pas néanmoins
de leur laver les pieds, afin de nous faire comprendre par là que
nous ne devons rien négliger pour nous mettre en état de
grâce, et de grâce parfaite, lorsque nous allons recevoir les
saints Mystères. n’oublions pas non plus que si l’on reçoit
toute l’abondance des dons `de Dieu, quand on participe à l’Eucharistie
avec un cœur bien disposé et parfaitement préparé,
on y trouve au contraire les inconvénients et les malheurs les plus
grands — bien, loin d’en retirer 1e moindre fruit -lorsqu’on la reçoit
sans la préparation nécessaire. Les choses les plus excellentes
et les plus salutaires ont cela de particulier qu’elles produisent les
plus heureux effets, si l’on s’en sert à propos, et qu’elles sont
au contraire funestes et pernicieuses, si on les emploie à contretemps.
Il n’est donc pas étonnant que ces dons si précieux et si
brillants de la pure bonté de Dieu, lorsque nous les recevons dans
un cœur bien préparé, soient pour nous un puissant secours
capable de nous faire obtenir la gloire du ciel, mais que par contre ils
nous apportent la mort -et la mort éternelle — si nous avons le
malheur de les recevoir indignement.
Nous voyons une preuve frappante de cette
vérité dans l’Arche d’alliance. Les Israélites n’avaient
rien de plus sacré. Dieu s’en était servi souvent pour leur
accorder les plus signalés bienfaits. Mais enlevée un jour
par les Philistins, elle fit tomber sur eux un terrible fléau, aussi
affligeant que honteux, et qui les couvrit d’opprobre. De même aussi
la nourriture, qui arrive dans un estomac bien préparé, soutient
et fortifie le corps, mais au contraire elle engendre de graves maladies,
si l’estomac est mal disposé et plein d’humeurs mauvaises.
La première disposition nécessaire,
c’est de savoir distinguer entre table et table, c’est-à-dire, discerner
cette table sacrée des tables profanes, ce Pain céleste du
pain ordinaire. Pour cela, il faut croire fermement que l’Eucharistie renferme
le vrai Corps et le vrai Sang du même Dieu que les Anges adorent
dans le ciel, qui fait trembler par ses ordres les colonnes du ciel, dont
la gloire remplit le ciel et la terre. C’est là discerner en effet,
comme le recommande l’Apôtre, le Corps du Seigneur. Mais il faut
se contenter d’adorer la profondeur de ce Mystère, sans chercher
à en pénétrer l’essence par des recherches trop curieuses.
Une seconde disposition absolument indispensable,
c’est de nous demander à nous-mêmes si nous sommes en paix
avec les autres, si nous aimons notre prochain sincèrement, et du
fond du cœur. « Si en offrant votre don à l’autel, vous vous
souvenez que votre frère a quelque chose contre vous, laissez-là
votre don devant l’autel, et allez vous réconcilier avec votre frère,
puis après vous viendrez faire votre offrande. »
En troisième lieu, nous devons
examiner notre conscience avec le plus grand soin, de peur qu’elle ne soit
souillée de quelque faute mortelle, dont il soit nécessaire
de nous repentir et d’obtenir le pardon par la contrition et la confession.
Le saint Concile de Trente a décidé en effet, qu’«
il m’était point permis à celui qui a sur la conscience un
péché mortel, de recevoir la sainte Communion, quelque repentir
qu’il croie éprouver, avant de s’être purifié par la
confession, si toutefois il a pu trouver un Confesseur. »
La quatrième disposition, c’est
de réfléchir en silence au-dedans de nous-mêmes combien
nous sommes indignes de ce bienfait divin que nous recevons dans la sainte
eucharistie. Comme le Centurion, auquel Notre-Seigneur Jésus-Christ
Lui-même rendit ce témoignage, « qu’Il n’avait
point trouvé une si grande Foi en Israël », nous devons
répéter du fond du cœur : « Seigneur, je ne suis pas
digne que Vous entriez dans ma maison. » Demandons-nous également
si nous aurions le droit de dire avec Saint Pierre : « Seigneur,
Vous savez que je Vous aime ! » Car n’oublions pas que celui qui
était allé s’asseoir au festin de son maître «
sans la robe nuptiale », fut jeté dans une prison ténébreuse,
pour y subir d’éternels châtiments.
Mais la préparation de l’âme
ne suffit pas ; il faut aussi apporter à la Communion certaines
dispositions du corps. Ainsi nous devons nous approcher de la sainte table
à jeun, c’est-à-dire sans avoir rien mangé ni rien
bu depuis le milieu de la nuit, jusqu’au moment où nous recevons
l’Eucharistie. La sainteté d’un si grand Sacrement demande en effet
que le corps lui-même qui va devenir le temple de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, soit purifié, et autant que possible conservé
digne de l’Hôte divin qui daigne descendre en lui. Voilà,
à peu près, ce qu’il y a de plus nécessaire à
observer pour se préparer à recevoir utilement les saints
Mystères. toutes les autres dispositions peuvent facilement se rapporter
et se réduire à celles que nous venons d’indiquer ici.
§ IV. — DE L’OBLIGATION DE COMMUNIER.
Il peut arriver que certains Chrétiens
montrent de la négligence, et même de la lâcheté,
à recevoir ce Sacrement, sous prétexte que la préparation
qu’il demande est trop pénible et trop difficile. Il est donc nécessaire
de rappeler aux Fidèles que l’obligation de communier atteint tout
le monde. Il y a plus ; car l’Eglise a décrété que
celui qui ne s’approche pas de la sainte table au moins une fois chaque
année dans le temps de Pâques, doit être excommunié.
Mais n’allons pas croire qu’il suffit d’obéir à ce Commandement
et de recevoir une fois seulement chaque année le Corps de Notre-Seigneur.
Soyons bien persuadés au contraire qu’il faut renouveler très
souvent la sainte Communion. Mais faut-il communier tous les mois, toutes
les semaines ou tous les jours ? on ne saurait établir là
dessus une règle précise et générale. Ce que
l’on peut prescrire de mieux: « Vivez de manière
à pouvoir communier tous les jours ! »
C’est pourquoi les Pasteurs auront soin
d’exhorter souvent les Fidèles à ne point négliger
de nourrir chaque jour leur âme de ce Pain salutaire, en leur représentant
qu’ils ne manquent pas de donner chaque jour à leur corps les aliments
dont il a besoin., et que la nourriture spirituelle n’est pas moins nécessaire
à l’âme que la nourriture matérielle au corps. Il sera
aussi très utile de leur rappeler en même temps ces immenses
et divins bienfaits que nous procure la Communion eucharistique, ainsi
que nous l’avons montré plus haut. On pourra invoquer encore, et
le pain figuratif de la manne, dont les Israélites étaient
obligés de se nourrir tous les jours, pour réparer les forces
de leur corps, et l’autorité des Saints Pères qui recommandent
fortement la réception fréquente de ce Sacrement. Ce n’est
pas seulement Saint Augustin qui a dit: « Vous péchez
tous les jours ; communiez tous les jours » Quiconque voudra étudier
sérieusement les Pères qui ont écrit sur ce sujet,
se convaincra facilement qu’ils sont tous du même avis.
Aussi voyons-nous dans les Actes des Apôtres
qu’il fut un temps autrefois où les Fidèles communiaient
tous les jours. tous ceux qui professaient alors la Religion chrétienne
étaient enflammés d’une Charité si vraie et si sincère,
que sans cesse appliqués à la prière et aux autres
devoirs de la piété, ils se trouvaient prêts à
s’approcher chaque jour des saints Mystères. Cet usage ayant paru
s’affaiblir, le très saint Pape et martyr Anaclet le renouvela en
partie. Il ordonna que tous les ministres de l’Eglise qui assisteraient
au Sacrifice de la Messe, y communieraient, suivant l’institution des Apôtres.
Au reste ce fut pendant longtemps un usage dans l’Eglise que le Prêtre,
après avoir achevé le Sacrifice, et pris lui-même l’Eucharistie,
se tournait vers le peuple et invitait les Fidèles à la table
sainte par ces paroles: « Venez, mes frères, à la Communion
», et alors ceux qui étaient préparés recevaient
les saints Mystères, avec de grands sentiments de religion.
Mais ensuite la Charité et l’amour
de la piété se refroidirent tellement que les Fidèles
n’approchaient plus que très rarement de la sainte Communion. C’est
pourquoi le Pape Fabien décréta que tous les Chrétiens
devraient recevoir d’Eucharistie au moins trois fois par an, aux fêtes
de la naissance de Notre-Seigneur, de sa Résurrection, et de la
Pentecôte. Cette règle fut confirmée plus tard par
plusieurs Conciles, et spécialement par le premier Concile d’Agde.
Enfin les choses en étant venues
à ce degré de relâchement que non seulement on n’observait
plus cette ordonnance si sainte et si salutaire, mais qu’on différait
même pendant plusieurs années de communier, le Concile général
de Latran porta ce décret que tous les Fidèles devraient
recevoir au moins une fois par an, à Pâques, le Corps sacré
de Notre-Seigneur, et que ceux qui négligeraient de le faire seraient
exclus de l’entrée de l’Eglise.
Cependant quoique cette Loi, fondée
également sur l’autorité de Dieu et sur celle de l’Eglise,
s’étende à tous les fidèles, il faut excepter de l’obligation
qu’elle impose ceux qui n’ont point encore l’usage de la raison, à
cause de la faiblesse de leur âge. Ils sont incapables en effet de
discerner la sainte eucharistie d’un pain ordinaire et profane, et par
suite de la recevoir avec les sentiments de religion et de piété
qu’elle demande. Il semble même qu’il serait absolument contraire
à l’institution de ce Sacrement d’agir d’une autre manière
; Notre-Seigneur Jésus-Christ ayant dit, en l’instituant :
« Prenez et mangez », paraît avoir exclu les enfants
qui ne peuvent d’eux-mêmes ni prendre ni manger. Il est vrai qu’anciennement
quelques Eglises étaient dans l’usage de donner la sainte eucharistie
aux enfants ; mais il y a longtemps que l’autorité de l’Eglise a
fait disparaître cet usage, soit pour les raisons que nous venons
de dire, soit pour d’autres motifs très conformes à la piété
chrétienne.
Quant à l’âge où l’on
doit donner les saints Mystères aux enfants, personne ne peut mieux
le déterminer que leurs parents, et le Prêtre auquel ils confessent
leurs péchés. C’est à eux qu’il appartient d’examiner
et d’interroger les enfants pour savoir s’ils ont une connaissance suffisante
de cet admirable Sacrement, et s’ils sont capables d’en goûter les
fruits.
On ne doit point non plus administrer
l’Eucharistie aux insensés, parce qu’ils sont incapables d’aucun
sentiment de piété. Cependant, si avant de tomber en démence,
ils avaient montré de la piété et des sentiments religieux,
on pourrait, à l’article de la mort, leur donner la sainte Communion,
suivant le décret du Concile de Carthage, pourvu que l’on n’eût
à craindre ni vomissement, ni indécence, ni aucun autre inconvénient.
§ V. — COMMUNION SOUS LES DEUX ESPECES.
En ce qui regarde la manière de
communier, les Pasteurs auront soin d’enseigner que l’Eglise a défendu
la Communion sous les deux espèces à tous les Chrétiens,
excepté aux Prêtres lorsqu’ils consacrent l’Eucharistie dans
le Sacrifice de la Messe ; car, comme l’explique le Concile de Trente,
quoique Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la dernière Cène,
ait institué cet auguste Sacrement sous la double espèce
du pain et du vin, et qu’Il l’ait donné ainsi à ses Apôtres,
il ne s’ensuit pas néanmoins qu’Il ait voulu faire une loi d’administrer
les saints Mystères aux Fidèles sous ces deux espèces.
Lui-même d’ailleurs, quand Il parle de ce Sacrement, ne fait le plus
souvent mention que d’une seule espèce : « Si
quelqu’un mange de ce pain, dit-Il, il vivra éternellement. Et ce
pain que Je donnerai, c’est ma Chair, pour la vie du monde. Celui qui mange
ce Pain vivra éternellement. »
Ce n’est pas sans motifs — et les motifs
les plus graves — que l’Eglise s’est déterminée non seulement
à approuver, mais encore à sanctionner par l’autorité
d’un décret la coutume de ne communier que sous une seule espèce.
D’abord il fallait prendre les plus grandes
précautions pour que le Sang de Notre-Seigneur ne se répandit
point à terre, ce qu’il était très difficile, pour
ne pas dire impossible, d’éviter lorsqu’on, avait à le distribuer
à une grande multitude de peuple.
En second lieu, l’Eucharistie devant être
toujours réservée et prête pour les malades, il était
bien à craindre que l’espèce du vin conservée un peu
longtemps ne vînt à s’aigrir.
Troisièmement, il est un grand
nombre de personnes qui ne peuvent supporter ni le goût, ni même
l’odeur du vin. Voilà pourquoi l’Eglise a très sagement ordonné
que les Fidèles ne recevraient, dans la sainte Communion, que l’espèce
du pain. Autrement ce que l’on donnait pour le salut de l’âme aurait
pu nuire à la santé du corps.
Ajoutons à toutes ces raisons que
dans beaucoup de contrées, on trouve difficilement du vin, et que
l’on ne peut s’en procurer qu’à grands frais, à cause de
l’éloignement des lieux et de la difficulté des chemins.
Enfin — et c’est là le point principal
dans cette question — il fallait abattre l’hérésie de ceux
qui prétendaient que Jésus-Christ n’est pas tout entier sous
chaque espèce ; que l’espèce du pain contenait seulement
son Corps, séparé de son Sang, et l’espèce du vin
son Sang, séparé de son Corps. Et dès lors, pour manifester
d’une manière plus sensible aux yeux de tous la vérité
de la Foi catholique, l’Eglise a très sagement ordonné la
Communion sous une seule espèce, qui est celle du pain.
Il est encore d’autres raisons de cet
usage, rapportées par ceux qui ont traité cette matière,
et que les Pasteurs pourront leur emprunter, s’ils le jugent à propos.
§ VI. — MINISTRE DU SACREMENT DE
L’EUCHARISTIE.
Nous avons à parler maintenant
du Ministre de l’Eucharistie, non qu’il soit possible à personne
de l’ignorer, mais pour ne rien omettre de tout ce qui semble se rattacher
à la doctrine de ce Sacrement. On enseignera donc que les Prêtres
seuls ont reçu le pouvoir de consacrer l’Eucharistie, et de la distribuer
aux Fidèles. L’usage de l’Eglise a toujours été, dit
le Concile de Trente, que le peuple reçût la communion des
mains des Prêtres, et que les Prêtres se communiassent eux-mêmes,
quand ils célèbrent les saints Mystères ; usage que
ce saint Concile fait remonter aux Apôtres et qu’il ordonne de conserver
religieusement, d’autant plus qu’il est fondé sur l’exemple si frappant
de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même, qui consacra son
Corps adorable et Le présenta aux Apôtres de ses propres mains.
Et même afin de rehausser encore par tous les moyens possibles, la
dignité d’un Sacrement si auguste, non seulement le pouvoir de l’administrer
n’a été donné qu’aux Prêtres, mais l’Eglise
a défendu par une loi, à tous ceux qui ne sont pas dans les
Ordres, de manier ou de toucher les vases sacrés, les linges et
autres choses nécessaires pour la Consécration, sauf le cas
de quelque grave nécessité. Et c’est ce qui doit faire comprendre,
tant aux Prêtres eux-mêmes, qu’aux simples Fidèles,
avec quels sentiments de piété et quelle innocence il convient
de consacrer, d’administrer et de recevoir l’Eucharistie. néanmoins,
ce que nous avons dit plus haut des autres Sacrements, qu’ils peuvent être
administrés validement, même par des Ministres indignes, pourvu
que la matière et la forme soient exactement employées, n’est
pas moins vrai du Sacrement de l’Eucharistie. La Foi nous enseigne que
leur effet ne dépend pas du mérite de celui qui les administre,
mais de la puissance et des mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Voilà ce qu’il faudra dire de l’Eucharistie
considérée comme Sacrement. Il reste à la considérer
maintenant comme Sacrifice. Après cela, les Pasteurs n’ignoreront
rien de ce qu’ils sont obligés, d’après le décret
du Concile de Trente, d’enseigner aux peuples sur ce Mystère ; les
jours de Dimanches et de Fêtes.
§ VII. — DE L’EUCHARISTIE CONSIDEREE
COMME SACRIFICE.
L’Eucharistie n’est pas seulement le trésor
des richesses spirituelles dont le bon usage nous assure la grâce
et l’amitié de Dieu. Elle possède en outre une vertu particulière
qui nous donne le moyen de témoigner à Dieu notre reconnaissance
pour les immenses bienfaits que nous avons reçus de Lui. Or, pour
comprendre combien ce Sacrifice Lui est agréable et cher, lorsqu’on
le Lui offre comme il convient, il suffit de se rappeler les sacrifices
de l’ancienne Loi. De ces sacrifices les Prophètes avaient dit
: « Vous n’avez voulu ni sacrifices ni offrandes. » «
Si vous aimiez les sacrifices, je Vous en offrirais ; mais les holocaustes
ne Vous sont point agréables. » Et cependant le Seigneur les
agréait, puisque l’Ecriture atteste qu’Il « les
a reçus en odeur de suavité », c’est-à-dire
qu’ils Lui ont été réellement agréables. Dès
lors que ne devons-nous pas attendre d’un Sacrifice où l’on immole
et où l’on offre Celui dont une voix céleste a dit deux fois
: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui J’ai mis foutes
mes complaisances ? » Les Pasteurs devront donc expliquer soigneusement
ce Mystère aux Fidèles, afin que, lorsqu’ils assisteront
à la Messe, ils soient capables de méditer avec attention
et avec piété sur ce très saint Sacrifice.
Ils enseigneront avant tout que Notre-Seigneur
Jésus-Christ a institué l’Eucharistie pour deux raisons:
la première, afin qu’elle servit à notre âme de nourriture
spirituelle pour soutenir et conserver en elle la vie de la grâce
; la seconde, afin que l’Eglise possédât un Sacrifice perpétuel,
capable d’expier nos péchés, et au moyen duquel notre Père
céleste, trop souvent offensé d’une manière grave
pour nos iniquités, pût être ramené de la colère
à la miséricorde et des justes rigueurs du châtiment
à la clémence. Double effet dont nous avons une figure et
une image dans l’Agneau pascal que les enfants d’Israël avaient coutume
d’offrir comme sacrifice, et de manger comme sacrement. Et à coup
sûr, au moment de s’offrir Lui-même à son Père
sur l’Autel de la Croix, notre divin Sauveur ne pouvait nous donner une
marque plus éclatante de son immense Charité que de nous
laisser ce Sacrifice visible, afin de renouveler sans cesse cette immolation
sanglante qu’Il allait offrir une fois le lendemain sur la Croix, afin
aussi d’en conserver la mémoire jusqu’à la fin des siècles
et d’en répandre chaque jour les fruits infinis dans tout l’univers,
par le moyen de son Eglise.
Mais il y a une grande différence
entre le Sacrement et le Sacrifice. Le Sacrement a lieu par la Consécration,
et le Sacrifice consiste surtout dans l’Offrande. Ainsi, pendant qu’elle
est conservée dans le ciboire, ou bien quand on la porte aux malades,
l’Eucharistie n’a que le caractère de Sacrement, et non celui de
Sacrifice. De plus, en tant que Sacrement, elle est une cause de mérite
pour ceux qui la reçoivent, et leur procure tous les avantages dont
nous avons parlé plus haut. Mais, en tant que Sacrifice, elle possède
outre la vertu de nous faire mériter, celle de satisfaire. De même
en effet que Notre-Seigneur Jésus-Christ a mérité
et satisfait pour nous dans sa Passion, ainsi ceux qui offrent ce Sacrifice,
par lequel ils communiquent avec nous, méritent de participer aux
fruits de la Passion de Notre-Seigneur, et ils satisfont pour leurs péchés.
Quant à l’institution de ce Sacrifice,
il n’est pas permis d’avoir le moindre doute, après la déclaration
du Concile de Trente ; en effet cette sainte assemblée dit formellement
que Jésus-Christ l’institua dans la dernière Cène,
et elle frappe d’anathème ceux qui prétendent qu’on n’offre
point à Dieu de Sacrifice véritable dans l’Eglise, ou du
moins que celui qu’on offre consiste uniquement à donner la Chair
de Notre-Seigneur à manger.
Le Concile n’a point oublié non
plus de rappeler soigneusement que le Sacrifice ne s’offre et ne peut s’offrir
qu’à Dieu. Quoique l’Eglise ait coutume de célébrer
de temps en temps des Messes en mémoire et à l’honneur des
Saints, le saint Concile nous enseigne que ce Sacrifice ne leur est point
offert, mais à Dieu seul qui les a couronnés
d’une gloire immortelle. C’est pourquoi
le Prêtre ne dit pas: Pierre, ou Paul, je vous offre ce Sacrifice
; mais en sacrifiant à Dieu seul, il Lui rend des actions de grâces
pour les victoires signalées des bienheureux Martyrs, et il implore
leur protection, afin qu’ils daignent intercéder pour nous dans
le ciel, pendant que nous honorons leur mémoire sur la terre. Au
surplus, cette doctrine sur la réalité du Sacrifice eucharistique,
l’Eglise l’a reçue de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même,
lorsque dans cette nuit suprême, où Il ordonna à ses
Apôtres de célébrer les saints Mystères, Il
leur dit : « Faites ceci en mémoire de Moi. »
En effet, comme l’a déclaré
le saint Concile, c’est en ce moment-là même qu’Il les institua
Prêtres, et qu’If leur ordonna, à eux et à leurs successeurs,
d’immoler et d’offrir le sacrifice de son Corps. On tire également
une autre preuve de cette vérité de ces paroles de l’Apôtre
aux Corinthiens : « Vous ne pouvez pas boire le Calice du Seigneur,
et le calice des démons ; vous ne pouvez pas participer à
la table du Seigneur, et à la table des démons. » Or,
par la table des démons, il faut nécessairement entendre
l’autel sur lequel on leur immolait des victimes, donc, pour que le raisonnement
de l’Apôtre soit concluant, la table du Seigneur ne peut signifier
rien autre chose que l’Autel sur lequel on Lui sacrifie.
Si nous cherchons dans l’Ancien testament
des figures et des prophéties de ce Sacrifice, nous y trouvons d’abord
ces paroles de Malachie, qui l’annoncent avec une clarté parfaite
: « Depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, mon nom
est grand parmi les nations: en tout lieu on sacrifie et on offre à
mon Nom une victime pure, parce que mon nom est grand parmi les nations,
dit le Seigneur des armées. » Cette même victime était
figurée par tous les sacrifices qui eurent lieu, soit avant, soit
après la promulgation de la Loi. C’est que, en effet, tous les biens
qui étaient signifiés par ces sacrifices se trouvent renfermés
dans celui de l’Eucharistie, qui est la perfection et l’accomplissement
de tous les autres.
Mais de toutes les figures qui l’ont annoncé,
il n’en est point de plus frappante que le sacrifice de Melchisédech,
puisque Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même, pour bien nous
marquer qu’Il avait été établi « Prêtre
pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech
», offrit à Dieu son Père, dans la dernière
Cène, son Corps et son Sang sous les espèces du pain et du
vin.
§ VIII. — LE SACRIFICE DE LA MESSE
EST LE MEME QUE CELUI DE LA CROIX.
Nous reconnaissons donc que le Sacrifice
qui s’accomplit à la Messe, et celui qui fut offert sur la Croix
ne sont et ne doivent être qu’un seul et même Sacrifice, comme
il n’y a qu’une seule et même Victime, Notre-Seigneur Jésus-Christ,
qui s’est immolé une fois sur la Croix d’une manière sanglante.
Car il n’y a pas deux hosties, l’une sanglante, et l’autre non sanglante,
il n’y en a qu’une ; il n’y a qu’une seule et même Victime dont l’immolation
se renouvelle tous les jours dans l’Eucharistie depuis que le Seigneur
a porté ce Commandement « Faites ceci en mémoire
de Moi. »
Il n’y a non plus qu’un seul et même
Prêtre dans ce Sacrifice, c’est Jésus-Christ. Car les Ministres
qui l’offrent n’agissent pas en leur propre nom. Ils représentent
la Personne de Jésus-Christ, lorsqu’ils consacrent son Corps et
son Sang, comme on le voit par les paroles mêmes de la Consécration.
Car les prêtres ne disent pas : Ceci est le Corps de Jésus-Christ,
mais, Ceci est mon Corps : se mettant ainsi à la place de Notre-Seigneur,
pour convertir la substance du pain et du vin en la véritable substance
de son Corps et de son Sang.
Les choses étant ainsi, il faut
sans aucune hésitation enseigner avec le saint Concile que l’auguste
Sacrifice de la Messe n’est pas seulement un Sacrifice de louanges et d’actions
de grâces, ni un simple mémorial de celui qui a été
offert sur la Croix, mais encore un vrai Sacrifice de propitiation, pour
apaiser Dieu et nous le rendre favorable. Si donc nous immolons et si nous
offrons cette victime très sainte avec un cœur pur, une Foi vive
et une douleur profonde de nos péchés, nous obtiendrons infailliblement
miséricorde de la part du Seigneur, et le secours de sa Grâce
dans tous nos besoins. Le parfum qui s’exhale de ce Sacrifice lui est si
agréable qu’Il nous accorde les dons de la grâce et du repentir,
et qu’Il pardonne nos péchés. Aussi l’Eglise dit-elle dans
une de ses Prières solennelles : « Chaque fois que nous renouvelons
la célébration de ce sacrifice, nous opérons l’œuvre
de notre salut. » Car tous les mérites si abondants
de la Victime sanglante se répandent sur nous par ce Sacrifice non
sanglant.
Enfin, telle est la vertu de ce Sacrifice,
— et les Pasteurs ne doivent pas manquer de l’enseigner — qu’il profite
non seulement à celui qui l’immole et à celui qui y participe,
mais encore à tous les Fidèles, soit à ceux qui rivent
avec nous sur la terre, soit à ceux qui déjà sont
morts dans le Seigneur, mais sans avoir suffisamment expié leurs
fautes. Car c’est une tradition très certaine des Apôtres
que le saint sacrifice de la Messe s’offre avec autant d’avantage pour
les morts, que pour les péchés, les peines, les satisfactions
et tous les genres de calamités et d’afflictions des vivants. D’où
il suit clairement que toutes les Messes sont communes, (ou générales)
puisqu’elles s’appliquent au bien général, et au salut commun
de tous les Fidèles.
§ IX. — CEREMONIES DE LA MESSE.
Ce sacrifice est accompagné de
cérémonies imposantes et majestueuses. Et non seulement il
n’en est aucune qui puisse être regardée comme inutile et
superflue, mais encore elles ont toutes pour but de faire briller davantage
la majesté d’un si grand Sacrifice, et de porter les Fidèles
par ces signes salutaires et mystérieux qui frappent la vue, à
la contemplation des choses divines voilées dans le Sacrifice. Mais
nous ne croyons pas devoir nous arrêter plus longtemps sur ce sujet,
qui demanderait des développements trop considérables pour
le travail que nous avons en vue. D’autre part il existe, — dans le même
ordre d’idées — un très grand nombre de traités et
de commentaires qui sont l’œuvre d’hommes aussi pieux que savants, et que
tous les Prêtres peuvent se procurer. nous nous en tiendrons donc
à ce que nous avons exposé jusqu’ici, avec la grâce
de Dieu, sur les points principaux de la Doctrine catholique par rapport
à la sainte eucharistie considérée comme Sacrement,
et comme Sacrifice.
Chapitre vingt-et-unième
— Du sacrement de Pénitence
La faiblesse et la fragilité de
la nature humaine sont assez connues, et chacun en éprouve assez
les effets en soi-même, pour que personne ne puisse ignorer combien
le sacrement de Pénitence est nécessaire. Si donc le zèle
que les Pasteurs sont obligés d’apporter dans leurs explications,
doit se mesurer sur la grandeur et l’importance de la matière qu’ils
traitent, nous conviendrons volontiers qu’ils ne pourront jamais paraître
assez empressés à faire connaître le sujet que nous
abordons. Le sacrement de Pénitence demande même à
être expliqué avec plus de soin que le Baptême, car
le Baptême ne s’administre qu’une seule fois et ne peut se réitérer,
tandis que le sacrement de Pénitence devient nécessaire,
et veut être renouvelé, toutes les fois que l’on tombe dans
le péché après le Baptême. C’est ce qui a fait
dire au Concile de Trente que la Pénitence n’est pas moins nécessaire
pour le salut à ceux qui pèchent après le Baptême,
que le Baptême à ceux qui ne sont pas encore régénérés.
De là aussi cette parole si remarquable de Saint Jérôme,
parole approuvée ensuite sans réserve par tous ceux qui ont
écrit sur cette matière : « La pénitence est
une seconde planche . » En effet, lorsque le vaisseau se brise,
l’unique ressource pour sauver sa vie, c’est de pouvoir saisir une planche
au milieu du naufrage ; ainsi, quand on a perdu l’innocence baptismale,
si on n’a pas recours à la planche de la pénitence, il n’y
a plus de salut possible. Et ce que nous disons ici ne s’adresse pas seulement
aux Pasteurs, mais aux Fidèles eux-mêmes qui ont besoin qu’on
excite leur zèle, afin qu’on n’ait jamais à blâmer
en eux d’incurie pour une chose aussi nécessaire. Pénétrés
de la fragilité humaine, leur premier et plus ardent désir
doit être de marcher dans la voie de Dieu, avec le secours de sa
Grâce, sans faux pas et sans chute. Mais cependant s’ils viennent
à tomber quelques fois, qu’ils tournent alors leurs regards vers
l’infinie bonté de Dieu, qui, comme un bon Pasteur, daigne panser
les plaies de ses brebis et les guérir, et qu’ils comprennent que
le remède si salutaire du sacrement de Pénitence ne doit
pas être renvoyé à un autre temps.
§ I. — DU NOM ET DE LA VERTU DE PENITENCE.
Mais pour entrer immédiatement
en matière, il convient d’expliquer d’abord les différentes
significations du mot de Pénitence, afin que l’ambiguïté
de cette expression n’induise personne en erreur. Les uns prennent la Pénitence
pour la Satisfaction. D’autres, d’un sentiment tout opposé à
la doctrine de la Foi catholique, prétendent que la Pénitence
n’est autre chose qu’une vie nouvelle, sans repentir du passé. Voilà
pourquoi il faut montrer que ce mot a plusieurs sens différents.
Premièrement, on dit de quelqu’un
qu’il se repent lorsqu’une chose qui lui était agréable auparavant,
commence à lui déplaire ; que cette chose soit bonne ou mauvaise,
peu importe. tel est le repentir de ceux « dont la tristesse est
selon le monde », et non selon Dieu ; repentir qui opère
la mort, et non le salut.
Un autre repentir, c’est la douleur que
l’on éprouve non pas à cause de Dieu, mais à cause
de soi-même, après avoir commis une mauvaise action, qui auparavant
nous souriait.
Un troisième repentir enfin, est
celui qui ne se borne pas au regret sincère et profond du mal que
l’on a fait, ni même à des signes extérieurs qui expriment
ce regret, mais qui vient principalement ou uniquement de ce que nous avons
offensé Dieu.
Le nom de Pénitence convient également
à ces trois sortes de repentir.
Mais quand nous lisons dans les Saintes
Ecritures que Dieu se repentit , évidemment ce n’est là
qu’une métaphore. Cette manière de parler est toute humaine
et conforme à nos habitudes. Nos Livres Saints l’emploient pour
exprimer que Dieu a résolu de changer quelque chose, parce qu’en
cela Dieu semble ne pas agir autrement que les hommes qui, après
avoir fait une chose dont ils se repentent, travaillent de toutes leurs
forces à la changer. C’est dans ce sens qu’il est écrit que
Dieu « se repentit d’avoir créé l’homme
», — « et d’avoir fait roi Saül . »
Cependant il faut observer une grande
différence entre ces trois sortes de Pénitence. La première
est un défaut ; la seconde n’est que l’affliction d’une âme
agitée et troublée. Et la troisième est tout ensemble
une Vertu et un sacrement. C’est dans ce dernier sens que nous allons entendre
ici le mot de Pénitence.
Mais d’abord nous avons à parler
de la Pénitence considérée comme vertu non seulement
parce que les Pasteurs sont obligés de former les Fidèles
à toutes les vertus en général, mais encore parce
que les actes de cette vertu sont comme la matière sur laquelle
s’exerce l’action du sacrement de Pénitence. Et de fait, si l’on
ne connaît d’abord la vertu de Pénitence, il est impossible
de jamais bien comprendre l’efficacité du Sacrement.
En premier lieu on doit donc exhorter
les Fidèles à faire tous leurs efforts et à déployer
toute leur ardeur pour obtenir ce repentir du cœur, que nous appelons la
vertu de Pénitence. Sans lui, la Pénitence extérieure
est peu profitable. Or cette Pénitence intérieure consiste
à retourner à Dieu du fond du cœur, à détester
sincèrement les péchés que nous avons commis, et à
être fermement décidés et absolument résolus
à réformer nos mauvaises habitudes et nos mœurs corrompues.
Mais en même temps nous devons avoir l’espérance que Dieu
nous pardonnera, et nous fera miséricorde. A cette Pénitence
vient toujours se joindre, comme inséparable compagne de la détestation
du péché, une douleur, une tristesse, qui est une véritable
émotion, un trouble, et même une passion, comme plusieurs
l’appellent. Voilà pourquoi quelques saints Pères définissent
la Pénitence par ces sortes de tourments de l’âme. Cependant
il est nécessaire que la Foi précède la Pénitence.
Personne sans la Foi ne peut se convertir à Dieu. D’où il
suit qu’on ne peut en aucune façon considérer la Foi comme
une partie de la Pénitence. Mais que cette Pénitence intérieure
soit une vertu, comme nous l’avons dit, c’est ce que démontrent
clairement les nombreux Commandements que Dieu nous en fait. Car la Loi
ne prescrit que les actes qui s’accomplissent par vertu. Or, personne ne
peut nier qu’il ne soit bon et louable de se repentir quand, comment, et
comme il le faut. Et c’est là précisément ce qui fait
la vertu de Pénitence.
Il arrive quelquefois que les hommes n’ont
pas un repentir proportionné à leurs péchés
; et même, comme le dit Salomon : « Il y en a qui se
réjouissent, lorsqu’ils ont fait le mal. » D’autres, au contraire,
s’abandonnent à tel point au chagrin et à la désolation,
qu’ils viennent à désespérer entièrement de
leur salut. Tel semble avoir été Caïn, qui disait
: « Mon crime est trop grand pour obtenir le pardon. » Et tel
fut certainement Judas que « le repentir de son crime
conduisit à se pendre lui-même, » perdant ainsi la vie
et son âme tout ensemble. La vertu de Pénitence nous aide
donc à garder une juste mesure dans notre douleur.
Ce qui prouve encore que la Pénitence
est une vertu, c’est la fin que se propose celui qui se repent véritablement
de son péché. Il veut d’abord effacer sa faute et laver toutes
les taches et toutes les souillures de son âme. Ensuite il désire
satisfaire à Dieu pour ses iniquités. Or c’est là
évidemment un acte de justice. Car s’il ne peut y avoir de justice
stricte et rigoureuse entre Dieu et les hommes, puisqu’ils sont séparés
par un intervalle infini, cependant il est certain qu’il existe entre eux
une sorte de justice, que l’on peut comparer à celle que nous trouvons
entre un père et ses enfants, entre un maître et ses serviteurs.
La troisième fin que se propose
celui qui se repent, c’est de rentrer en grâce avec Dieu, dont il
a encouru l’inimitié et la disgrâce par la laideur de son
péché. toutes choses qui montrent assez que la Pénitence
est véritablement une vertu.
Mais il est nécessaire d’apprendre
aux Fidèles par quels degrés on peut s’élever jusqu’à
cette vertu divine.
D’abord la miséricorde de Dieu
nous prévient, et tourne nos cœur s vers Lui, pour nous convertir.
C’est cette grâce que demandait le Prophète, quand il disait
: « Convertissez-nous à vous, Seigneur, et nous serons convertis
! »
Ensuite illuminés par cette lumière,
nous tendons vers Dieu par la Foi. Car comme l’Apôtre nous l’assure
: « Celui qui veut aller à Dieu doit croire qu’il existe,
et qu’il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. »
Puis viennent les mouvements de crainte,
c’est alors que frappé par la considération des supplices
rigoureux qu’il a mérités, le pécheur détache
son cœur du péché. C’est à cet état d’âme
que semblent se rapporter ces paroles d’Isaïe: «
Nous sommes devenus comme celle qui approche du temps où elle doit
enfanter, et qui crie au milieu des douleurs qu’elle ressent. »
A ces sentiments se joint l’espérance
d’obtenir miséricorde du Seigneur, espérance qui nous relève
de notre abattement, et nous fait prendre la résolution d’amender
notre vie et nos mœurs.
Enfin la Charité enflamme nos cœur
s et fait naître en nous cette crainte filiale qui convient à
des enfants généreux et bien nés. Dés lors
ne craignant plus qu’une seule chose, qui est de blesser en quoi que ce
soit la majesté de Dieu, nous abandonnons entièrement l’habitude
du péché.
Tels sont les degrés par lesquels
on parvient à cette sublime vertu de la Pénitence, vertu
qui doit être à nos yeux toute céleste et toute divine,
car la sainte Ecriture lui promet le Royaume des cieux. Ainsi il est écrit
dans Saint Matthieu: « Faites pénitence, car le
Royaume des cieux est proche. » Et dans Ezéchiel:
« Si l’impie fait pénitence de tous les péchés
qu’il a commis ; s’il garde tous mes préceptes ; s’il accomplit
le jugement et la justice, il vivra et ne mourra point. » Et dans
un autre endroit: « je ne veux point la mort de l’impie,
mais qu’il se convertisse de sa voie, et qu’il vive » Or, toutes
ces paroles doivent évidemment s’entendre de la Vie Eternelle et
bienheureuse.
§ II. — DE LA PENITENCE CONSIDEREE
COMME SACREMENT.
Quant à la Pénitence extérieure,
il faut enseigner que c’est elle qui constitue, à proprement parler,
le Sacrement, et qu’elle consiste dans certaines actions extérieures
et sensibles qui expriment ce qui se passe dans l’intérieur de l’âme.
Mais avant tout il nous semble qu’il faut instruire les Fidèles
des raisons pour lesquelles Notre-Seigneur Jésus-Christ a placé
la Pénitence au nombre des Sacrements. Or la raison principale a
été certainement de lever tous les doutes que nous aurions
pu concevoir sur la rémission de nos péchés. Quoique
Dieu en effet nous l’ait promise (cette rémission) dans ces paroles
du Prophète : « Si l’impie fait pénitence, etc.,
», nous n’en serions pas moins dans de continuelles inquiétudes
sur la vérité de notre repentir, car personne ne peut se
fier au jugement qu’il porte sur ses propres actions. C’est donc pour détruire
toute inquiétude à cet égard, que notre Seigneur a
fait de la Pénitence un Sacrement capable de nous donner la confiance
que nos péchés nous sont pardonnés par l’absolution
du Prêtre, et par suite de mettre plus de calme dans notre conscience
par cette Foi légitime que nous devons avoir dans la vertu des Sacrements.
Lorsqu’en effet le Prêtre nous absout de nos fautes suivant la forme
du Sacrement, ses paroles n’ont point d’autre sens que celles de Notre-Seigneur
au paralytique : « Mon fils, ayez confiance, vos péchés
vous sont remis ! »
En second lieu, personne ne peut obtenir
le salut que par Jésus-Christ, et par les mérites de sa Passion.
Il était donc très convenable en soi, et très utile
pour nous qu’il y eût un Sacrement qui ferait couler sur nos âmes
le Sang de Jésus-Christ ; un Sacrement qui par sa vertu et son efficacité
serait capable d’effacer tous les péchés commis après
le Baptême, et nous obligerait à reconnaître que c’est
à notre divin Sauveur, et à Lui seul, que nous devons le
bienfait de notre réconciliation.
Or, que la Pénitence soit un véritable
Sacrement, c’est ce que les Pasteurs n’auront pas de peine à démontrer.
Le Baptême est un Sacrement parce qu’il efface tous les péchés,
et spécialement celui que nous contractons à notre origine.
Par la même raison, la Pénitence qui efface tous les péchés
de désirs et d’actions volontairement commis après le Baptême,
doit être un véritable Sacrement, au sens propre du mot. D’ailleurs,
(et c’est ici la raison principale), dès lors que ce que le Prêtre
et le pénitent font au dehors et d’une manière sensible,
exprime nettement les effets qui s’opèrent dans l’âme, qui
oserait soutenir que la Pénitence ne renferme pas toutes les propriétés
d’un véritable Sacrement ? Un Sacrement est le signe d’une chose
sacrée. Or, d’une part, le pécheur qui se repent exprime
très bien par ses paroles et par ses actions qu’il a détaché
son cœur du péché, et d’autre part les paroles et les actions
du Prêtre expriment aussi sensiblement que Dieu, par sa miséricorde,
remet Lui-même les péchés. Au reste une preuve évidente
de cette vérité se trouve dans ces paroles du Sauveur
: « Je vous donnerai les clefs du Royaume des cieux ; et dans celles-ci:
Tout ce que vous délierez sur la terre, sera délié
dans le ciel. » Car l’absolution prononcée par le Prêtre
exprime la rémission des péchés qu’elle produit dans
l’âme.
Mais il ne suffit pas d’apprendre aux
Fidèles que la Pénitence est un Sacrement, ils doivent savoir
encore qu’elle est du nombre de ceux qui peuvent se réitérer.
L’Apôtre Saint Pierre ayant demandé à Notre-Seigneur
si l’on pouvait accorder jusqu’à sept fois le pardon d’un péché,
reçut cette réponse « Je ne vous dis pari
jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.
» Si donc on doit traiter avec des personnes qui paraissent se défier
de la bonté et de la clémence infinie de Dieu, il faut raffermir
leur courage, et relever leurs espérances vis-à -vis de la
Grâce divine. Et l’on obtiendra facilement ce but, soit en leur citant
ce passage que nous venons de rappeler, et une foule d’autres qui se rencontrent
si souvent dans la sainte Ecriture, soit en empruntant les arguments et
les raisons de Saint Jean Chrysostome, dans son livre: De ceux qui sont
tombés, et ceux de Saint Ambroise, dans ses traités: De la
Pénitence.
§ III. — MATIERE ET FORME DU SACREMENT
DE PENITENCE.
Rien ne doit être plus connu des
Fidèles que la matière du Sacrement de Pénitence.
Il faut donc leur faire remarquer que la grande différence entre
ce Sacrement et les autres, c’est que la matière de ces derniers
est toujours une chose naturelle ou artificielle, tandis que les actes
du pénitent, la Contrition, la Confession, et la Satisfaction sont,
dit le Concile de Trente, comme la matière de ce Sacrement. Et ces
actes sont nécessaires, de la part du pénitent, pour l’intégrité
du Sacrement, et pour l’entière rémission des péchés.
Ceci est d’institution divine. Aussi bien les actes dont nous parlons sont
regardés comme les parties mêmes de la Pénitence. Et
si le saint Concile dit simplement qu’ils sont comme la matière
du Sacrement, ce n’est pas à dire qu’ils ne sont pas la vraie matière
; mais c’est qu’ils ne sont pas du genre des autres matières sacramentelles,
lesquelles se prennent au dehors, comme l’eau dans le Baptême et
le chrême dans la Confirmation. Que si quelques-uns ont regardé
les péchés eux-mêmes comme la matière du sacrement
de Pénitence, leur sentiment ne paraît pas contraire au nôtre,
si l’on veut y regarder de près. De même que nous disons du
bois, qu’il est la matière du feu, parce que le feu le consume ;
ainsi nous pouvons très bien dire des péchés, qu’ils
sont la matière de la Pénitence, puisque ce Sacrement les
efface et les consume en quelque sorte.
Les Pasteurs ne doivent pas négliger
non plus d’instruire les Fidèles de la forme de ce Sacrement. Cela
ne peut qu’exciter davantage leur ferveur quand ils voudront le recevoir,
et leur inspirer plus de respect et de vénération pour s’en
approcher. Or voici cette forme: Je vous absous. On pourrait déjà
la tirer de ces paroles du Sauveur : « Tout ce que vous
délierez sur la terre, sera délié dans le ciel. »
Mais les Apôtres nous l’ont transmise comme l’ayant reçue
de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même. D’ailleurs puisque
les Sacrements signifient ce qu’ils produisent, ces paroles: Je vous absous,
montrent très bien que la rémission des péchés
s’opère par l’administration de ce Sacrement ; par conséquent
il est clair qu’elles en sont la forme complète. Les péchés,
en effet, sont comme des liens qui tiennent nos âmes enchaînées,
et que le sacrement de Pénitence vient briser. Et le Prêtre
ne dit pas moins la vérité, lorsqu’il prononce ces paroles
sur un pénitent qui par la vivacité d’une Contrition parfaite,
accompagnée du vœu de la Confession, a déjà obtenu
de Dieu le pardon de ses péchés.
A ces paroles, on ajoute plusieurs prières
qui ne sont pas nécessaires pour la forme du Sacrement, mais qui
ont pour but d’écarter tout ce qui pourrait empêcher sa vertu
et son efficacité par la faute de celui auquel il est administré.
Quelles actions de grâces ne doivent
donc point rendre à Dieu les pécheurs, de ce qu’Il a donné
un si grand pouvoir aux Prêtres de son Eglise ? Il ne s’agit plus
maintenant comme autrefois, sous la Loi ancienne, du témoignage
du Prêtre qui se bornait à déclarer que le lépreux
était guéri. non, le pouvoir des Prêtres dans l’Eglise
est si étendu qu’ils ne se contentent pas de déclarer que
le pécheur est absous de ses péchés, mais qu’ils donnent
réellement, comme Ministres du Seigneur, l’Absolution qui est ratifiée
en même temps par Dieu Lui-même, Auteur et Principe de la grâce
et de la justification.
Quant aux rites prescrits pour la réception
de ce Sacrement, les Fidèles auront soin de s’y conformer exactement.
Par là ils graveront plus profondément dans leurs cœur s
le souvenir de ce qu’ils lui devront, c’est-à-dire la grâce
d’avoir été réconciliés, comme des serviteurs
avec le plus doux des maîtres, ou plutôt comme des enfants
avec le meilleur des pères ; et puis ils comprendront mieux aussi
comment ceux qui le veulent, (et tous doivent le vouloir), peuvent prouver
à Dieu leur reconnaissance pour un si grand bienfait.
Tout pécheur qui se repent, doit
donc en premier lieu se jeter aux pieds du Prêtre, avec des sentiments
d’humilité et d’abaissement, afin qu’en s’humiliant ainsi, d’une
part il apprenne à reconnaître plus aisément qu’il
doit arracher de son cœur jusqu’à la racine de l’orgueil qui a été
la source et le principe de toutes les fautes qu’il déplore, et
d’autre part qu’il sache révérer dans le Prêtre, qui
est son juge légitime, la Personne et la puissance de Jésus-Christ
Lui-même. Car dans l’administration du sacrement de Pénitence,
comme dans tous les autres Sacrements, le Prêtre tient la place de
Notre-Seigneur.
Puis il confessera tous ses péchés
les uns après les autres, de manière à convenir qu’il
mérite les châtiments les plus grands et les plus rigoureux.
Ensuite, il implorera le pardon de ses fautes. nous trouvons dans Saint
Denys les témoignages les plus formels sur l’antiquité de
toutes ces pratiques.
§ IV. — DES EFFETS DU SACREMENT DE
PENITENCE.
Mais rien ne sera plus utile aux Fidèles,
rien ne leur donnera plus d’empressement à recevoir le sacrement
de Pénitence que d’entendre les Pasteurs expliquer souvent les grands
avantages que nous en retirons. Ils comprendront alors que la Pénitence
est comme un arbre, dont les racines sont amères, mais dont les
fruits sont pleins de douceur.
Et d’abord la Pénitence possède
la vertu de nous rétablir dans la grâce de Dieu, et de nous
unir à Lui par une étroite amitié.
Ensuite cette réconciliation produit
ordinairement chez les personnes pieuses, qui reçoivent ce Sacrement
avec Foi et piété, une paix profonde, une tranquillité
parfaite de conscience, et des joies ineffables de l’Esprit Saint.
Il n’y a point d’ailleurs de crime si
grand et si horrible, qui ne puisse être effacé par le sacrement
de Pénitence, non seulement une fois, mais deux fois, mais toujours.
Dieu Lui-même nous en donne l’assurance par ces paroles du prophète:
« Si l’impie fait pénitence de tous les péchés
qu’il a commis, s’il garde mes commandements, s’il pratique le jugement
et la justice, il vivra de la vie et il ne mourra point ; et Je ne me souviendrai
point de toutes les iniquités qu’il a commises. » C’est là
ce qui a fait dire à Saint Jean: « Si nous confessons
nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous les
pardonner. » Et plus loin : « Si quelqu’un a péché,
dit-il, sans excepter aucune sorte de péché, nous avons pour
avocat auprès du Père, Jésus-Christ qui est juste,
qui est Lui-même propitiation pour nos péchés, et non
seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde entier. »
Si nous lisons dans l’Ecriture que certains
personnages n’ont point obtenu de Dieu miséricorde, bien qu’ils
l’eussent demandée avec ardeur, nous savons que cela tenait à
ce qu’ils n’avaient pas un repentir et une douleur sincères de leurs
fautes. Ainsi lorsque nous trouvons dans nos Saints Livres, ou dans les
saints Pères, quelques passages qui semblent affirmer que certains
péchés sont irrémissibles, il faut entendre par là
que le pardon de ces péchés est extrêmement difficile
à obtenir. De même qu’il est des maladies que l’on dit incurables
parce qu’elles inspirent au malade l’horreur des médicaments qui
pourraient le guérir ; de même il y a des péchés
dont on n’obtient pas le pardon parce qu’ils font repousser la grâce
de Dieu, cet unique remède du salut. C’est dans ce sens que Saint
Augustin disait: « Lorsqu’un homme arrivé à
la connaissance de Dieu par la grâce de Jésus-Christ, blesse
ensuite la Charité fraternelle, et que s’élevant contre la
grâce même, il s’abandonne aux fureurs de l’envie, le mal de
son péché est tel qu’il ne peut même s’abaisser à
en demander pardon, quoique d’ailleurs les remords de sa conscience le
forcent à reconnaître et à avouer sa faute. »
Mais pour revenir aux effets du sacrement
de Pénitence, la vertu d’effacer les péchés lui est
tellement propre, qu’il est impossible de l’obtenir, ni même de l’espérer
par un autre moyen. « Si vous ne faites pénitence, dit notre
Seigneur, vous périrez tous. » II est vrai que
ces paroles ne s’appliquent qu’aux péchés graves et mortels.
Cependant les péchés légers, que l’on nomme véniels,
exigent aussi leur genre de pénitence. « Car,
dit Saint Augustin, cette espèce de pénitence qui se fait
tous les jours dans l’Eglise pour les péchés véniels
serait tout-à -fait vaine, si ces péchés pouvaient
se remettre sans pénitence. »
Mais comme ce n’est pas assez, dans les
choses qui sont de pratique, de donner des notions et des explications
générales, les Pasteurs auront soin d’expliquer séparément
tout ce que les fidèles ont besoin de savoir sur les qualités
de la véritable et salutaire Pénitence. Or ce Sacrement a
cela de particulier que, outre la matière et la forme qui sont communes
à tous les Sacrements en général, il contient de plus,
comme nous l’avons déjà remarqué, la Contrition, la
Confession, la Satisfaction, qui sont nécessaires pour le rendre
entier et parfait. Ce qui a fait dire à Saint Jean Chrysostome
« La Pénitence porte le pécheur à tout endurer
volontiers. La Contrition est dans son cœur, la Confession sur les lèvres,
et l’humilité ou la Satisfaction salutaire dans toutes ses œuvres.
» Or ces trois parties sont semblables à celles qui entrent
nécessairement dans la composition d’un tout. De même que
le corps humain est formé de plusieurs membres, les mains, les pieds,
les yeux, et d’autres parties semblables dont une seule ne saurait lui
manquer sans que nous le trouvions imparfait, — tandis qu’il est parfait
lorsqu’il les possède toutes, — de même aussi la Pénitence
est tellement composée de ces trois parties que si la Contrition
et la Confession qui justifient le pécheur sont seules requises
d’une manière absolue pour la constituer dans son essence, elle
n’en reste pas moins nécessairement imparfaite et défectueuse,
quand elle ne possède point en même temps la Satisfaction.
Ces trois parties sont donc inséparables et si bien liées
les unes aux autres, que la Contrition renferme la résolution et
la volonté de se confesser et de satisfaire, que la Contrition et
le désir de satisfaire impliquent la Confession, et que la Satisfaction
est la suite des deux autres.
La raison que l’on peut donner de la nécessité
de ces trois parties, c’est que nous offensons Dieu de trois manières,
en pensées, en paroles et en actions. Il était donc juste
et raisonnable, en nous soumettant aux clefs de l’Eglise, d’apaiser la
colère de Dieu et d’obtenir de Lui le pardon de nos péchés
par les mêmes moyens que nous avons employés à outrager
son infinie Majesté. Mais on peut encore donner une autre raison
de cette nécessité. La Pénitence est une sorte de
compensation pour les péchés, émanant du cœur du pécheur,
et fixée au gré de Dieu, contre qui le péché
a été commis. II faut donc d’une part que le pénitent
ait la volonté de faire cette compensation, ce qui implique spécialement
la Contrition, et que de l’autre il se soumette au jugement du Prêtre
qui tient la place de Dieu, afin que ce même Prêtre puisse
fixer une peine proportionnée à la grandeur de ses offenses.
De là il est facile de voir le principe et la nécessité
de la Confession et de la Satisfaction.
Mais puisque l’on doit faire connaître
distinctement aux Fidèles la nature et les propriétés
de chacune de ces parties, il faut commencer par la Contrition, et l’expliquer
avec le plus grand soin.. Avec un soin d’autant plus grand que nous devons
l’exciter immédiatement dans notre cœur, si le souvenir de nos péchés
passés se présente à notre esprit, ou si nous avons
le malheur d’en commettre de nouveaux.
Chapitre vingt-deuxième —
Du sacrement de Pénitence (suite)
DE LA CONTRITION
§ I. — QU’EST-CE QUE LA CONTRITION
Voici comment la définissent les
Pères du Concile de Trente: « La Contrition est
une douleur de l’âme et une détestation du péché
commis, avec un ferme propos de ne plus pécher à l’avenir.
» Puis parlant un peu plus loin du mouvement de la Contrition, ils
ajoutent: Ce mouvement prépare à la rémission des
péchés, pourvu qu’il soit accompagné de la confiance
en la miséricorde de Dieu et de la volonté de faire tout
ce qui est nécessaire pour bien recevoir le sacrement de Pénitence.
Cette définition fera très
bien comprendre aux Fidèles que l’essence de la Contrition ne consiste
pas seulement à cesser de pécher, à prendre la résolution
de mener une vie nouvelle, ou même commencer déjà ce
nouveau genre de vie, mais encore et surtout à détester et
à expier le mal de la vie passée. C’est ce que prouvent parfaitement
ces gémissements des Saints que nous retrouvons si souvent dans
nos saintes Lettres. « Je m’épuise à gémir,
dit David , je baigne toutes les nuits mon lit de mes larmes. Et
encore Le Seigneur a écouté la voix de mes pleurs.
»
Isaïe s’écrie à son
tour: « Je repasserai en votre présence, Seigneur,
toutes mes années dans l’amertume de mon âme. » Paroles
qui, comme tant d’autres semblables, sont l’expression évidente
d’un repentir profond des fautes commises et de la détestation de
la vie antérieure.
Mais quand on dit que la Contrition est
une douleur, il faut avertir les Fidèles de ne point s’imaginer
qu’il est ici question d’une douleur extérieure et sensible. La
Contrition est un acte de la volonté. Et Saint Augustin nous avertit
que « la douleur accompagne le repentir, mais qu’elle n’est pas le
repentir. » Les Pères du Concile se sont servis
du mot douleur pour exprimer la haine et la détestation du péché,
soit parce que la sainte Ecriture s’en sert elle-même: « Jusques
à quand, s’écrie David, mon âme sera-t-elle
agitée de pensées diverses, et mort cœur en proie à
la douleur durant le jour entier ? » soit aussi parce que la Contrition
engendre la douleur dans cette partie inférieure de l’âme
qui est le siège de la concupiscence. Ce n’est donc pas à
tort qu’on a défini la Contrition une douleur, puisqu’elle produit
précisément de la douleur, et que les pénitents, pour
exprimer plus sensiblement celle qu’ils ressentent, ont coutume de changer
même leurs vêtements ; ainsi qu’on le voit par ces paroles
de notre Seigneur dans Saint Matthieu: « Malheur à
toi Corozaïn ! Malheur à toi Bethsaide ! parce que si les miracles
qui ont été faits au milieu de vous, avaient été
accomplis Tyr et à Sidon, ces villes auraient fait pénitence
sous le cilice et la cendre. »
C’est encore avec raison que la détestation
du péché dont nous parlons a reçu le nom de Contrition.
On voulait exprimer par là la violence de la douleur qu’elle cause.
Il y a dans ce mot une figure empruntée aux choses matérielles
qui se brisent en morceaux, quand on les frappe avec une pierre ou un autre
corps plus dur. De même le mot de Contrition signifie que nos cœur
s endurcis par l’orgueil sont brisés et broyés par la force
du repentir. Et c’est pourquoi aucune autre douleur, — qu’elle soit causée
par la mort de parents et d’enfants chéris, ou par toute autre calamité
— ne prend jamais ce nom ; il est absolument réservé à
cette douleur que nous fait éprouver la perte de la grâce
de Dieu et de l’innocence.
Il est encore d’autres termes que l’on
emploie assez fréquemment pour désigner cette détestation
du péché. tantôt elle s’appelle brisement du cœur,
parce que l’Ecriture Sainte prend souvent le cœur pour la volonté.
De même que le cœur est le principe des mouvements du corps, de même
aussi la volonté règle et gouverne toutes les autres puissances
de l’âme. tantôt les Pères lui donnent le nom de componction
du cœur, en sorte qu’ils ont donné ce titre aux ouvrages qu’ils
ont écrits sur la Contrition. De même en effet qu’on ouvre
avec le fer un ulcère qui est enflé, afin que le pus qu’il
renferme puisse en sortir, ainsi le scalpel de la Contrition, — si l’on
peut parler de la sorte — ouvre les cœurs, pour en faire sortir le poison
mortel du péché. Aussi le Prophète Joël
appelle-t-il la Contrition « un déchirement du cœur »
« Convertissez-vous n moi de tout votre cœur, dans le jeune, dans
les pleurs et dans les gémissements, et déchirez vos cœurs.
»
§ II. — QUALITES DE LA CONTRITION.
La douleur d’avoir offensé Dieu
par le péché doit être souveraine, et telle que l’on
ne puisse en concevoir de plus grande. Il est facile de démontrer
cette vérité par les considérations suivantes
Puisque la vraie Contrition est un acte
de Charité qui procède de la crainte filiale, il est évident
que la Contrition ne doit point avoir d’autre mesure que la Charité
elle-même. Et comme la Charité par laquelle nous aimons Dieu
est l’amour le plus grand, il s’en suit que la Contrition doit emporter
avec elle la douleur de l’âme la plus vive. Dès lors que nous
devons aimer Dieu plus que toutes choses, plus que toutes choses aussi
nous devons détester ce qui nous éloigne de Lui. Et ce qui
confirme notre raisonnement, c’est que les saintes Ecritures emploient
les mêmes termes pour exprimer l’étendue de la Charité
et celle de la Contrition. Ainsi, en parlant de la première elles
disent : « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre
cœur ; » et, quand il s’agit de la Contrition le Seigneur nous crie
par la bouche du Prophète : « Convertissez-vous
de tout votre cœur. »
En second lieu, de même que Dieu
est le premier de tous les biens que nous devons aimer, de même aussi
le péché est le premier et le plus grand de tous les maux
que les hommes doivent haïr. Et par conséquent la même
raison qui nous oblige à reconnaître que Dieu doit être
souverainement aimé, nous oblige également à concevoir
pour le péché une haine souveraine. L’amour de Dieu doit
être préféré à tout. Même pour
conserver sa vie il n’est pas permis de pécher. Il y a là
pour nous un devoir formel. Ecoutons plutôt ces paroles de Notre-Seigneur
: « Celui qui aime son père ou sa mère plus que Moi
n’est pas digne de Moi. » Et encore : « Celui qui voudra
sauver sa vie la perdra. »
Remarquons encore que la charité,
au témoignage de Saint Bernard, ne peut avoir ni limite, ni mesure.
Car, dit-il: « La mesure d’aimer Dieu, est de L’aimer sans mesure.
» Par conséquent il doit en être de même de la
détestation du péché. Elle ne peut être limitée.
Ce n’est pas assez que cette détestation
du péché soit souveraine, il faut encore qu’elle soit si
vive et si profonde, qu’elle exclue toute négligence et toute paresse.
Il est écrit dans le Deutéronome : « Lorsque
vous chercherez le Seigneur votre Dieu, vous Le trouverez, pourvu cependant
que vous Le cherchiez de tout votre cœur, et dans toute la douleur de votre
âme. » Et dans Jérémie : «
Vous Me chercherez, et vous Me trouverez lorsque vous M’aurez cherché
de tout votre cœur ; car alors Je me laisserai trouver par vous, dit le
Seigneur. »
Mais, quand même notre Contrition
ne serait pas aussi parfaite que nous venons de le dire, notre repentir
pourrait cependant être véritable et efficace. Il arrive souvent
que les choses sensibles font sur nous des impressions plus vives que les
choses spirituelles. Et l’on voit des personnes à qui la mort de
leurs enfants, par exemple, cause une douleur plus vive que la laideur
du péché. II n’est pas non plus nécessaire, pour que
la Contrition soit réelle, qu’elle fasse verser des larmes. toutefois
ces larmes sont bien désirables dans la Pénitence, et il
faut y exciter fortement. « Vous n’avez point les entrailles de la
piété chrétienne, dit très bien Saint Augustin
, vous qui pleurez un corps que l’âme a quitté, et qui ne
pleurez point une âme dont Dieu s’est éloigné. »
C’est aussi ce que signifient ces paroles de notre-Sauveur que nous avons
rapportées plus haut : « Malheur à toi, Corozaïn
! Malheur à toi, Bethsaïde ! parce que si les miracles qui
ont été faits au milieu de vous s’étaient accomplis
dans Tyr et dans Sidon, ces villes auraient fait pénitence sous
le cilice et la cendre. » Mais il nous suffit, pour établir
cette vérité, de rappeler les exemples fameux des ninivites
, de David , de la femme pécheresse et du prince
des Apôtres , qui tous implorèrent avec des larmes abondantes
la miséricorde de Dieu, et obtinrent par là le pardon de
leurs péchés.
Il sera bon d’apprendre aux Fidèles
et de les exhorter de la manière la plus pressante à former
un acte particulier de Contrition pour chaque péché mortel.
nous le concluons de ces paroles d’Ezéchias :, « Je
repasserai en votre Présence toutes les années de ma vie
dans l’amertume de mon âme. » Repasser toutes ses années
dans son esprit, c’est rechercher ses péchés les uns après
les autres, pour les déplorer du fond du cœur, chacun en particulier.
nous lisons encore dans Ezéchiel : « Si l’impie fait
pénitence de tous ses péchés, il vivra. » C’est
dans le même sens que Saint Augustin dit: « Que
le pécheur examine la qualité de son péché
d’après le lieu, le temps, la chose et la personne. »
Mais que les Fidèles ne désespèrent
jamais de la bonté et de la clémence infinie de notre Dieu,
souverainement désireux de notre salut. Ce Dieu n’apporte jamais
de retard à nous accorder notre pardon ; Il étend sa tendresse
paternelle sur le pécheur aussitôt qu’il rentre en lui-même
et qu’il déteste tous ses péchés en général,
pourvu seulement qu’il ait l’intention de les rappeler plus tard, s’il
le peut, à son souvenir, et de les détester chacun en particulier.
C’est ce que le Seigneur Lui-même
nous ordonne d’espérer, quand Il dit par son Prophète
: « Du jour où l’impie se sera converti, son impiété
ne lui nuira plus. »
Après ce que nous venons de dire,
il est facile de voir quelles sont les conditions nécessaires à
une véritable Contrition. Ces conditions doivent être expliquées
aux Fidèles avec le plus grand soin, afin que tous sachent par quels
moyens ils pourront l’acquérir, et qu’ils aient une règle
sûre pour discerner jusqu’à quel point ils peuvent être
éloignés de la perfection de cette vertu.
La première chose nécessaire,
c’est de haïr et de détester tous les péchés
que nous avons eu le malheur de commettre. Si nous n’éprouvions
de repentir que pour quelques-uns seulement, notre Pénitence ne
serait point salutaire. Elle serait fausse et simulée. Car, comme
il est écrit dans l’Apôtre Saint Jacques: «
Celui qui observe toute la Loi excepté en un seul point qu’il transgresse
est coupable de la Loi tout entière. »
La seconde, c’est que notre Contrition
renferme la volonté de nous confesser et de satisfaire: deux points
dont nous parlerons tout à l’heure.
La troisième, c’est que le pénitent
prenne la résolution ferme et sincère de réformer
sa conduite. Le Prophète nous l’enseigne clairement par ces paroles:
« Si l’impie fait pénitence de tous les péchés
qu’il a commis, s’il observe tous mes Commandements, et qu’il pratique
la justice et le jugement, il vivra de la vie, et il ne mourra point ;
et Je ne me souviendrai point de toutes les iniquités qu’il a commises.
» Et un peu plus loin il dit encore : « Lorsque l’impie aura
quitté l’impiété qu’il a commise, et qu’il pratiquera
la justice et le jugement, il donnera la vie à son âme. »
Et enfin il ajoute: « Convertissez-vous et faites pénitence
de tous vos péchés, et votre iniquité ne tournera
pas à votre raine. Jetez loin de vous toutes vos prévarications,
par lesquelles vous avez péché, et faites vous un cœur nouveau
et un esprit nouveau. » C’est là aussi ce que Notre-Seigneur
ordonne Lui-même à la femme oui avait été surprise
en adultère: « Allez, lui dit-il, et ne péchez
plus, » et au paralytique qu’Il avait guéri près de
la piscine: « Voilà que vous êtes guéri,
prenez garde de ne plus pécher. »
D’ailleurs la nature et la raison elle-même
nous montrent clairement qu’il y a deux choses absolument nécessaires
pour rendre la Contrition sincère et véritable, à
savoir le repentir des péchés commis, et la résolution
de n’en plus commettre à l’avenir. Quiconque veut se réconcilier
avec un ami qu’il a offensé doit tout ensemble déplorer l’injure
et l’outrage dont il s’est rendu coupable à son égard, et
ne rien négliger dans la suite pour éviter de blesser en
quoi que ce soit la religion de l’amitié.
Mais ces deux choses doivent encore être
nécessairement accompagnées de l’obéissance, car il
est juste que l’homme obéisse à la loi naturelle, divine
ou humaine à laquelle il est soumis. Si donc un pénitent
a dérobé quelque chose à son prochain par violence
ou par fraude, il est obligé de restituer. De même il doit
faire satisfaction par quelque service et quelque bienfait à celui
qu’il a lésé, en parole ou en action, dans ses emplois ou
dans sa vie. tout le monde connaît cette parole de Saint Augustin
qui est devenue un véritable axiome: « Le péché
n’est point remis, si ce que l’on a pris n’est point rendu. »
Mais parmi les conditions que la Contrition
exige, il ne faudrait pas considérer comme peu important et peu
essentiel de remettre et de pardonner entièrement toutes les injures
qu’on a reçues. Notre-Seigneur et Sauveur nous en avertit et nous
dénonce Lui-même cette obligation: « Si
vous remettez aux hommes leurs offenses envers vous, votre Père
céleste vous remettra les vôtres ; mais si vous ne pardonnez
pas aux hommes, mon Père non plus ne vous pardonnera point. »
Voilà ce que les Fidèles
ont à observer dans la Contrition. toutes les autres dispositions
que les Pasteurs pourront facilement déduire de celle-ci peuvent
bien rendre la Contrition plus parfaite et plus entière en son genre
; mais elles ne doivent pas être regardées comme absolument
nécessaires, et l’on peut, sans elles, avoir un repentir véritable
et suffisant.
§ III. — DES EFFETS DE LA CONTRITION
ET DES MOYENS DE L’EXCITER.
Mais comme ce n’est pas assez pour les
Pasteurs d’enseigner sua Fidèles toutes les obligations qui ont
trait au salut, et qu’ils doivent encore, par toute sorte de soins et d’efforts
les amener à conformer leur vie tout entière sua devoirs
qui leur sont prescrits, ils feront une chose extrêmement utile,
s’ils leur rappellent souvent la vertu et les effets de la Contrition.
Les autres œuvras de piété, comme le soulagement des pauvres,
les jeûnes, la prière et beaucoup d’autres choses semblables,
d’ailleurs très bonnes et très saintes de leur nature, sont
quelquefois rejetées de Dieu par la faute de ceux qui les font.
Mais la Contrition ne saurait jamais cesser de Lui être chère
et agréable. « Vous ne rejetterez point, ô mon Dieu,
dit le Prophète, un cœur contrit et humilié.
» Bien plus mous n’avons pas plus tôt conçu cette Contrition
dans notre cœur, que Dieu sur le champ nous accorde la rémission
de nos péchés. C’est ce que nous déclare le même
Prophète dans un autre endroit: « J’ai dit, je
confesserai cotre moi mon iniquité au Seigneur, et Vous, Vous m’avez
remis aussitôt l’impiété de mon péché.
» Et nous avons une figure sensible de cette vérité
dans les dix lépreux que Notre-Seigneur envoya vers les Prêtres,
et qui furent guéris avant d’arriver jusqu’à eus. Ce qui
fait voir que la véritable Contrition dont nous venons de parler
possède une vertu si grande qu’à cause d’elle le Seigneur
nous accorde immédiatement la rémission de tous nos péchés.
Un autre puissant motif pour stimuler
le zèle des Fidèles, sera de leur donner une méthode
pour s’exciter à la Contrition. II faudra donc les avertir d’examiner
souvent leur conscience et de voir s’ils ont gardé fidèlement
les Commandements de Dieu et de l’Eglise. S’ils se reconnaissent coupables
de quelque faute, qu’ils s’en accusent aussitôt devant Dieu, et qu’ils
Lui demandent très humblement pardon. Qu’ils Le conjurent de leur
accorder le temps de se confesser et de satisfaire. Et surtout qu’ils implorent
le secours de sa Grâce pour ne plus retomber dans des péchés
qu’ils ont un si grand regret d’avoir commis.
Enfin les Pasteurs tâcheront d’inspirer
aux Fidèles une haine souveraine pour le péché, soit
à cause de la honte et de l’infamie qu’il porte avec lui, soit à
cause des inconvénients et des maux extrêmes qu’il attire
sur noua. Car il éloigne de nous la bonté infinie de Dieu,
de qui nous avons reçu les plus grands biens, et qui nous en promettait
encore de plus précieux ; et il nous voue à la mort éternelle,
à des tourments sans fin, à des supplices infinis.
Voilà ce que nous avions à
dire sur la Contrition. Venons maintenant à la seconde partie du
sacrement de Pénitence, qui a besoin d’être expliquée
par les Pasteurs avec le plus grand soin et la plus grande exactitude,
comme on le verra facilement par ce qui va suivre.
Chapitre vingt-troisième
— Du sacrement de la Pénitence (suite)
§ I. — DE LA CONFESSION.
Tous les Chrétiens croyants et
pratiquants sont persuadés que tout ce qu’il a plu à la bonté
de Dieu de conserver, en ce temps-ci, dans son Eglise, de sainteté,
de piété et de religion, on le doit en grande partie à
la Confession. Il ne faut donc pas s’étonner que l’ennemi du genre
humain, qui voudrait par ses satellites et ses ministres détruire
la Foi catholique jusque dans ses fondements, ait fait tous ses efforts
pour renverser cette sorte de citadelle de la Vertu chrétienne.
§ II. — UTILITE ET NECESSITE DE LA
CONFESSION.
II faudra enseigner tout d’abord que l’institution
de la Confession ne nous était pas seulement avantageuse ; mais
qu’elle nous était même nécessaire. Sans doute, — et
nous le reconnaissons — la Contrition efface les péchés,
mais ne voit-on pas qu’elle doit être dans ce cas, si forte, si vive,
si ardente, que la violence de la douleur puisse égaler et atteindre
l’énormité des fautes commises ? et comme il y en a peu qui
soient capables de parvenir à un si haut degré de repentir,
il y en a peu aussi qui doivent espérer par ce moyen le pardon de
leurs péchés. II était donc nécessaire que
Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans son infinie clémence, pourvût
au salut de tous par une voie plus facile. Et c’est ce qu’il a réalisé
d’une manière admirable, en donnant à son Eglise les clefs
du Royaume des cieux. En effet, l’enseignement de la Foi catholique est
formel. nous devons tous croire et affirmer sans réserve, que si
quelqu’un est sincèrement repentant de ses péchés,
s’il est bien résolu à ne plus les commettre à l’avenir,
— lors même qu’il ne ressentirait pas une Contrition suffisante pour
obtenir son pardon — tous ses péchés lui sont remis et pardonnés
par le pouvoir des clefs, s’il les confesse à un Prêtre approuvé.
Aussi tous les saints Pères ont eu soin de proclamer, et avec raison,
que le ciel nous est ouvert par les clefs de l’Eglise, et le Concile de
Florence a mis cette vérité hors de doute en décrétant
« que l’effet du sacrement de Pénitence est de purifier du
péché. »
Voici encore une autre considération
qui nous montre les avantages et l’utilité de la Confession. L’expérience
prouve que rien n’est plus propre à réformer les mœurs des
personnes corrompues, que la confidence réitérée de
leurs pensées, de leurs paroles et de leurs actions à un
ami sage et fidèle qui peut les aider de ses services et de ses
conseils. De même, et pour la même raison, nous devons regarder
comme très salutaire à ceux qui sont troublés des
remords de leurs fautes, de découvrir les maladies et les plaies
de leur âme au Prêtre qui tient la place de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, et qui est soumis par les lois les plus sacrées
au plus inviolable silence. Ils trouveront aussitôt par ce moyen
des remèdes tout prêts, et qui possèdent une vertu
céleste, non seulement pour guérir les maladies dont ils
souffrent, mais encore pour les fortifier en vue de l’avenir, et rendre
leurs rechutes très difficiles.
Il ne faut pas oublier non plus un autre
avantage de la Confession, qui intéresse vivement la société
tout entière. En effet, retranchez de la Religion chrétienne
la Confession sacramentelle, et bientôt le monde sera inondé
de crimes cachés et monstrueux. Puis, en peu de temps l’habitude
du mal rendra les hommes si dépravés qu’ils ne rougiront
plus de commettre publiquement ces iniquités, et d’autres beaucoup
plus graves encore. Au contraire, la honte salutaire attachée à
la Confession est un frein à la licence et à l’audace du
vice, et elle retient les plus pervertis.
Ces avantages une fois exposés,
les Pasteurs auront à faire connaître la nature et la vertu
de la Confession. Voici comment on la définit: une accusation de
ses péchés faite pour en recevoir la rémission par
la vertu des clefs, dans le sacrement de Pénitence.
Et d’abord, c’est avec raison qu’on l’appelle
une accusation, parce que nous ne devons point confesser nos péchés,
comme pour en faire parade, à l’exemple de ceux «
qui se réjouissent quand ils ont fait le mal » ; ni pour faire
un récit, comme s’il s’agissait d’amuser des auditeurs oisifs ;
mais il faut les énumérer avec l’intention de nous avouer
coupables, et le désir de les venger sur nous-mêmes par la
Pénitence.
Mais si nous confessons nos péchés,
c’est pour en obtenir le pardon. Car le tribunal de la Pénitence
est bien différent des tribunaux humains. Là, en effet, la
peine et la confusion des aveux sont loin de compter pour l’acquittement
de la faute, et pour le pardon des égarements.
Les Saints Pères semblent avoir
donné de la Confession une définition semblable à
la nôtre, quoique en termes différents, quand ils disent comme
Saint Augustin: « La Confession, c’est la révélation
d’une maladie cachée, avec l’espoir d’en obtenir la guérison.
» ; ou bien, comme Saint Grégoire: « C’est
la détestation des péchés, » Ces deux définitions
peuvent facilement se rapporter à la nôtre, puisque la nôtre
les contient.
§ III. — JESUS-CHRIST AUTEUR LE LA
CONFESSION.
Mais ici, — et c’est une de leurs obligations
les plus importantes, — les Pasteurs auront soin d’enseigner aux Fidèles,
et sans la moindre hésitation, que la Confession a été
instituée par Notre-Seigneur Jésus-Christ (qui a bien fait
toutes choses, et uniquement pour notre salut), et qu’elle est un effet
de sa bonté et de sa miséricorde infinies envers nous. En
effet, un jour que ses Apôtres, après sa Résurrection,
étaient réunis dans le même lieu, Il souffla sur eux,
en disant: « Recevez le Saint-Esprit, les péchés
seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront
retenus à ceux à qui vous les retiendrez. »
Mais si Notre-Seigneur a donné
aux Prêtres le pouvoir de retenir et de remettre les péchés,
évidemment Il les a aussi établis juges en cette matière.
C’est ce qu’Il semble avoir voulu exprimer, lorsque, au moment de la résurrection
de Lazare, II chargea les Apôtres de le dégager des liens
qui le tenaient enseveli, Voici en effet comment Saint Augustin explique
ce passage: « Maintenant, dit-il, les Prêtres peuvent
eux-mêmes être encore plus utiles et remettre beaucoup plus
aux pénitents dont ils pardonnent les péchés dans
la Confession ; car en donnant à délier à ses Apôtres
Lazare qu’Il venait de ressusciter, Jésus-Christ montrait par là
que les Prêtres ont reçu le pouvoir de délier. »
C’est encore pour nous apprendre la même vérité que
le Sauveur ayant guéri les dix lépreux, sur le chemin, leur
ordonna « d’aller se faire voir aux Prêtres » et de se
soumettre à leur décision. Et comme, selon la sage remarque
du Concile de Trente, il est impossible de porter un jugement équitable,
et de garder les véritables règles de la justice en punissant
le crime dans une cause qui n’est point suffisamment instruite, et que
l’on ne connaît point à fond, il s’ensuit que les pénitents
sont obligés de révéler aux Prêtres, par la
Confession, tous leurs péchés les uns après les autres.
Voilà donc ce que les Pasteurs
enseigneront, conformément aux décisions du Concile de Trente.
Et à la doctrine constante de l’Eglise catholique. Partout en effet
nous trouvons, en lisant les Saints Pères avec attention, les témoignages
les plus clairs pour établir que le sacrement de Pénitence
a été institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ,
et qu’il faut regarder comme vraiment évangélique la loi
de la Confession sacramentelle, appelée par les Grecs exomologèse
et exagoreuse (c’est-à-dire, confession et manifestation d’une chose
secrète.) et même, si nous consultons les figures de l’Ancien
testament, nous n’aurons pas de peine à reconnaître que c’est
encore à la Confession qu’il faut rapporter ces sacrifices si variés
qui étaient offerts par les Prêtres, pour expier les différentes
sortes de péchés.
Mais s’il faut apprendre aux Fidèles
que Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même a institué
la Confession, il faut aussi les avertir que l’Eglise y a ajouté
de son autorité certains rites, certaines cérémonies
consacrées, qui, sans tenir à l’essence même du Sacrement,
ne servent pas moins à en faire ressortir davantage la dignité
et l’excellence ; toutes choses qui excitent la piété des
pénitents, et qui disposent mieux leur cœur à recevoir la
grâce de Dieu. En effet, lorsque nous confessons nos péchés,
prosternés aux pieds du Prêtre, la tête découverte,
les yeux baissés vers la terre, élevant des mains suppliantes,
et donnant d’autres marques semblables d’humilité chrétienne
qui ne sont pas essentielles, tout cela nous fait entendre clairement que
nous devons reconnaître dans ce Sacrement une vertu vraiment céleste,
et solliciter, en l’implorant avec la plus vive ardeur, la miséricorde
divine.
Et qu’on se garde bien de penser que la
Confession a été instituée par Notre-Seigneur Jésus-Christ
dans des conditions telles que nous ne serions pas obligés d’en
faire usage. Au contraire il faut que les Fidèles soient bien persuadés
que tout homme coupable d’un péché mortel ne peut revenir
à la vie de la Grâce que par la Confession sacramentelle.
Et nous en avons une preuve sensible dans la figure employée par
Notre-Seigneur pour exprimer le pouvoir d’administrer ce Sacrement ; il
l’appelle « la clef du Royaume des cieux. » De même en
effet qu’il n’est pas possible de pénétrer dans un endroit
fermé sans le secours de celui qui en a la clef, de même aussi
personne ne peut entrer au ciel, si les portes n’en sont ouvertes par les
Prêtres à qui Jésus-Christ en a confié les clefs.
Autrement l’usage des clefs semblerait nul dans l’Eglise, et ce serait
en vain que celui qui aurait reçu le pouvoir de ces clefs voudrait
interdire à quelqu’un l’accès du ciel, s’il y avait un autre
moyen de s’en faire ouvrir l’entrée. Saint Augustin comprenait admirablement
cette vérité, lorsqu’il s’écriait: «
non, que personne ne se dise: Je fais en secret pénitence devant
le Seigneur, et Dieu de qui vient le pardon connaît bien ce que j’éprouve
au fond du cœur. Car alors on aurait dit sans raison: ce que vous délierez
sur la terre sera délié dans le ciel ; sans raison aussi
les clefs auraient été confiées à l’Eglise
de Dieu ». Tel est également le sentiment exprimé par
Saint Ambroise, dans son livre de la Pénitence, livre qu’il écrivit
pour détruire l’erreur des Novatiens qui prétendaient que
Dieu seul a le pouvoir de remettre les péchés. « Lequel
des deux, dit-il, honore Dieu davantage, de celui qui obéit à
ses Commandements, ou de celui qui y résiste ? Dieu nous a ordonné
d’obéir à ses Ministres, et lorsque nous leur obéissons,
c’est Dieu seul que nous honorons. »
§ IV. — DE L’OBLIGATION DE SE CONFESSER.
Puisqu’il est impossible de douter que
la loi de la Confession a été portée et établie
par Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même, il reste à
examiner qui sont ceux que cette loi oblige, à quel âge, et
en quel temps de l’année on doit la remplir.
Et d’abord, d’après le Canon du
Concile de Latran, qui commence par ces mots: « Tout Fidèle
de l’un et de l’autre sexe, » il est sûr et certain que personne
n’est tenu à la loi de la Confession avant l’âge de raison.
Mais cet âge ne peut être fixé d’une manière
générale et positive. La règle en cette matière
est de faire confesser les enfants, dès le moment où ils
distinguent le bien du mal, et commencent à être capables
de quelque ruse. Lorsqu’un homme est parvenu à cette époque
de la vie où il peut et doit penser à son salut éternel,
dès lors il est obligé de confesser ses péchés
à un Prêtre, puisqu’il n’y a pas d’autre moyen de salut pour
lui s’il est coupable de quelque péché mortel.
Quant au temps où il est particulièrement
nécessaire de se confesser, l’Eglise l’a décidé et
décrété dans le Canon dont nous avons déjà
parlé. Elle ordonne à tous les Fidèles de confesser
leurs péchés au moins une fois chaque année. Mais
si nous faisons attention à ce que réclament les intérêts
de notre salut, sans aucun doute, toutes les fois que nous sommes en danger
de mort, ou bien que nous sommes obligés de faire une chose qu’un
homme souillé de péchés n’est pas digne d’accomplir,
comme par exemple d’administrer et de recevoir les Sacrements, toujours
alors nous devons recourir à la Confession. Mais surtout nous devons
user de ce moyen lorsque nous craignons d’oublier quelque faute. Car nous
ne pouvons confesser que les péchés dont nous nous souvenons
; et nous n’obtenons point du Seigneur le pardon de nos fautes, si le sacrement
de Pénitence ne les efface par la Confession.
§ V. — DES QUALITES DE LA CONFESSION.
Il y a encore plusieurs choses à
observer dans la Confession. De ces choses, les unes sont nécessaires
pour la validité du Sacrement, et les autres ne le sont pas absolument.
toutes néanmoins doivent être expliquées avec exactitude.
Il ne manque ni de traités, ni de commentaires où l’on peut
puiser facilement, sur ces différents points, les explications désirables.
Les Pasteurs enseigneront avant tout que nous devons nous efforcer de rendre
nos confessions entières et complètes. nous sommes obligés
de découvrir au Prêtre tous nos péchés mortels.
Pour les fautes vénielles, qui ne nous font pas perdre la grâce
de Dieu, et dans lesquelles nous tombons plus souvent, s’il est bon et
utile de les confesser, comme le prouve la pratique des personnes pieuses,
cependant on peut les omettre sans péché, et les expier par
beaucoup d’autres moyens. Mais pour les péchés mortels, il
faut, comme nous venons de le dire, les énumérer tous, les
uns après les autres, quand même ils seraient extrêmement
secrets, et du genre de ceux qui sont défendus par les deux derniers
Commandements du Décalogue. Car il arrive assez souvent que ces
sortes de péchés blessent plus dangereusement l’âme
que ceux que l’on commet ouvertement et en public. Et c’est ce que le Saint
Concile de Trente a défini, et que l’Eglise catholique a toujours
enseigné, comme on peut le voir par le témoignage des saints
Pères. Saint Ambroise dit: « Nul ne peut être
justifié de son péché, s’il ne le confesse. »
Saint Jérôme, commentant l’Ecclésiaste, confirme pleinement
la même vérité. « Quand le serpent infernal,
dit-il, a mordu quelqu’un secrètement et sans témoin et qu’il
l’a infecté du venin du péché, si celui-ci se tait,
qu’il ne fasse point pénitence et qu’il ne veuille point découvrir
sa blessure à son frère ou à son supérieur,
le supérieur qui avait les paroles pour le guérir, ne pourra
lui être utile en rien. » Saint Cyprien enseigne clairement
la même chose dans le traité « de Lapsis », (c’est-à-dire
de ceux qui sont tombés, dans la persécution.) « Quoique
ces personnes, dit-il, n’aient point commis en effet le crime de sacrifier
ou de recevoir un certificat, néanmoins, parce qu’elles en ont eu
la pensée, elles doivent s’en confesser avec douleur au Prêtre
de Dieu. » Enfin tel est le sentiment et la voix unanime de tous
les Docteurs de l’Eglise. D’où il suit qu’il faut apporter dans
la Confession la même application et le même soin que l’on
a coutume de donner aux affaires les plus importantes, et de concentrer
si bien ses efforts sur ce point que l’on puisse guérir les plaies
de son âme, et arracher de son cœur les racines du péché.
Mais ce n’est pas assez de confesser et
d’expliquer les fautes graves ; nous devons également faire connaître
les circonstances qui les ont accompagnées, et qui en augmentent
ou en diminuent notablement la malice. Car il y a des circonstances si
considérables qu’elles suffisent seules pour imprimer à une
faute le caractère du péché mortel. C’est pourquoi
on est toujours obligé de les confesser. Si par exemple quelqu’un
a tué un homme, il doit dire si cet homme était laïque
ou ecclésiastique. De même, si le péché a entraîné
un complice, il est nécessaire de faire connaître si cette
personne était libre, mariée, parente, ou consacrée
à Dieu par un vœu. Car toutes ces circonstances sont autant de péchés
d’espèce différente. C’est pourquoi les Docteurs dans la
science sacrée distinguent toujours les fautes en les désignant
suivant les circonstances qui les accompagnent et qui peuvent augmenter
ou diminuer le degré de culpabilité. Le vol aussi est un
péché, mais celui qui vole un écu fait un péché
moins grave que celui qui en prend cent, deux cents, ou davantage, ou qui
s’empare des biens d’Eglise. Il faut dire la même chose des circonstances
de temps et de lieu ; mais on trouve là -dessus dans un grand nombre
de livres des exemples trop connus pour que nous les citions ici. On est
donc obligé, avons-nous dit, de déclarer toutes ces circonstances.
Quant à celles qui n’augmentent pas beaucoup la malice du péché,
on peut les omettre sans crime. Mais c’est une chose tellement nécessaire
que la Confession soit entière et parfaite, comme nous le disions
plus haut, que si quelqu’un omettait exprès et de propos délibéré,
quelqu’une de ces circonstances, en confessant les autres d’ailleurs, non
seulement il ne tirerait aucun fruit de cette Confession, mais encore il
commettrait un nouveau péché. Une semblable déclaration
ne saurait être regardée comme une véritable Confession
sacramentelle. Bien plus le pénitent est obligé de recommencer
cette Confession, et de s’accuser spécialement d’avoir profané
la sainteté du sacrement de Pénitence par une Confession
simulée. Mais s’il arrive pour quelque autre motif que la Confession
ne soit pas entière, soit parce que le pénitent aura oublié
quelque péché, soit parce qu’il aura mis quelque négligence
à examiner sa conscience, lorsque cependant il avait l’intention
positive de confesser entièrement tous ses péchés,
il ne sera point nécessaire de la recommencer ; et si ces péchés
oubliés lui reviennent à la mémoire, il suffira de
les déclarer au Prêtre dans un autre moment. toutefois il
faut bien voir ici si l’on n’a point examiné sa conscience avec
trop de mollesse et de lâcheté, et si le peu de soin qu’on
a mis à se rappeler ses péchés ne montre pas que précisément
l’on n’avait point la volonté de s’en souvenir. S’il en était
ainsi, il faudrait absolument recommencer la Confession.
Il est nécessaire en second lieu
que l’accusation soit claire, simple et sincère. Elle ne doit point
être faite avec art, comme il arrive à quelques-uns qui semblent
plutôt exposer la justification de leur conduite que confesser leurs
péchés. non, la Confession doit être telle qu’elle
nous fasse connaître au Prêtre, comme nous nous connaissons
nous-mêmes, et qu’elle donne le certain pour certain, et pour douteux
ce qui n’est pas sûr. Qualité qui manque évidemment
à la Confession, quand on ne passe pas en revue chacun de ses péchés,
ou que l’on dit des choses étrangères à ce que l’on
doit dire.
D’autre part, on ne saurait trop louer
ceux qui mettent de la discrétion et de la modestie dans l’accusation
et l’explication de leurs fautes. trop de paroles ne valent rien. Il faut
dire brièvement et avec retenue ce qui est nécessaire pour
faire connaître la nature et la qualité de chaque faute.
En quatrième lieu, un des principaux
soins, aussi bien du pénitent que du Confesseur, c’est de faire
en sorte que tout ce qui se dit en Confession reste enseveli dans le secret.
C’est pourquoi il n’est pas permis de se confesser par procureur ou par
lettre, parce que le secret ne peut être assez exactement gardé
par ces deux moyens.
Mais ce que les Fidèles doivent
avoir le plus à cœur, c’est de purifier souvent leur conscience
par la confession de leurs fautes. Dès qu’on a eu le malheur de
tomber en quelque péché mortel, rien ne peut être plus
salutaire, à cause des dangers nombreux qui nous menacent sans cesse,
que de s’en confesser sans retard. Et d’ailleurs, quand même nous
pourrions tous nous promettre une longue carrière ici-bas, ne serait-ce
pas une chose vraiment honteuse que, nous qui sommes si empressés
à enlever les taches de nos corps et de nos vêtements, nous
fussions moins zélés pour purifier notre âme des hideuses
souillures du péché ?
Parlons maintenant du Ministre du sacrement
de Pénitence.
§ VI. — DU MINISTRE DU SACREMENT
DE PENITENCE.
Ce Ministre, c’est le Prêtre qui
a le pouvoir ordinaire ou délégué d’absoudre. Sur
ce point les Lois ecclésiastiques sont très claires. toutefois,
pour remplir la fonction dont il s’agit, le pouvoir d’Ordre ne suffit pas,
il faut de plus le pouvoir de juridiction. nous avons une preuve très
frappante de cette vérité dans les paroles que Saint Jean
met dans la bouche de Notre-Seigneur « Les péchés
seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront
retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » Or, ce
pouvoir n’a pas été donné à tous les hommes,
mais seulement aux Apôtres. Et les Apôtres ont eu les Prêtres
pour successeurs dans ce ministère. C’est d’ailleurs une chose très
naturelle et entièrement conforme à la raison. Car les grâces
que nous recevons dans ce Sacrement nous viennent toutes de Jésus-Christ,
comme d’un Chef dont nous sommes les membres ; et par conséquent
ceux-là seuls doivent administrer la Pénitence au corps mystique
de Jésus-Christ, c’est-à-dire aux Fidèles, qui possèdent
le pouvoir de consacrer son véritable Corps ; d’autant plus que
c’est par ce même Sacrement que les Chrétiens se rendent capables
et dignes de recevoir la sainte eucharistie.
Pour comprendre combien en cette matière
le droit du Prêtre ordinaire était réservé et
sacré dans la primitive Eglise, il suffit de connaître les
anciens Décrets des Pères, qui défendaient à
tout évêque et à tout Prêtre d’exercer le moindre
ministère dans la Paroisse d’un autre, sans l’autorisation de celui
qui la gouvernait, ou bien sans une pressante nécessité.
Ainsi l’avait réglé l’Apôtre Saint Paul lui-même,
lorsqu’il ordonnait à Tite « d’établir des Prêtres
dans toutes les villes », pour nourrir et fortifier les
Fidèles par le céleste Aliment de la Doctrine et des Sacrements.
Cependant quand il y a danger de mort
et que l’on ne peut se confesser à son propre Pasteur, le Concile
de Trente nous enseigne que l’Eglise, pour ne laisser perdre aucune âme
dans ces circonstances, a toujours été dans l’usage de permettre
à tous les Prêtres d’absoudre de toutes sortes de péchés,
quel que fût le pouvoir nécessaire à cet effet, et
même de l’excommunication.
Ce n’est pas assez que le Prêtre
soit revêtu des pouvoirs d’Ordre et de juridiction, qui d’ailleurs
lui sont absolument nécessaires ; il est indispensable qu’il possède
les lumières, la science et la prudence de son état, puisqu’il
remplit en même temps les fonctions de juge et de médecin.
Comme juge, il est évident qu’il lui faut une science plus qu’ordinaire,
soit pour découvrir les péchés, soit pour distinguer,
au milieu de leurs nombreuses espèces, ceux qui sont graves de ceux
qui sont légers, selon la condition, le rang et la classe de chacun.
Comme médecin, il a besoin aussi de la plus grande prudence, puisqu’il
doit mettre tous ses soins à donner au malade les remèdes
les plus propres à guérir son âme, et à le prémunir
contre les rechutes dans le mal. Et c’est ce qui doit faire comprendre
aux Fidèles avec quelle attention chacun d’eux doit se choisir un
Prêtre recommandable par l’intégrité de sa vie, par
sa science, sa sagesse, son jugement sûr, un Prêtre enfin qui
se rende compte de l’importance et de la gravité du ministère
qui lui est confié, qui sache appliquer dans les divers cas les
pénitences convenables, et reconnaître qui sont ceux qu’il
faut lier, ou délier.
Mais comme il n’y a personne qui ne désire
très vivement cacher ses crimes et la honte de ses fautes il faut
avertir les Fidèles qu’ils ne doivent craindre en aucune façon
que le Prêtre à qui ils se seront confessés révèle
jamais à personne les péchés qu’ils lui auront fait
connaître, ni qu’il puisse jamais leur arriver aucun mal par suite
de la Confession. Les lois et décrets de l’Eglise veulent que l’on
sévisse de la manière la plus rigoureuse contre les Prêtres
qui ne tiendraient pas ensevelis dans un silence éternel et sacré
tous les péchés qu’ils auraient connus par la Confession.
Aussi lisons-nous dans les actes du Concile général de Latran:
« Que le Prêtre tremble de jamais trahir le pécheur
par un mot, -par un signe, ou de toute autre manière. »
Après avoir parlé du ministre
du sacrement de Pénitence, l’ordre des choses demande que nous expliquions
certains points principaux, qui ont rapport à l’usage de la Confession
et à la manière dont le Prêtre doit agir dans l’administration
de ce Sacrement. Un grand nombre de Fidèles, hélas ! ne désirent
rien tant que de voir s’écouler les jours fixés par l’Eglise
pour la Confession. Ils sont si éloignés de la perfection
chrétienne qu’ils cherchent à peine à se rappeler
leurs péchés pour les accuser au Prêtre, bien loin
d’apporter la diligence et le soin qui seraient nécessaires pour
attirer sur eux la grâce de Dieu.. néanmoins, comme les Prêtres
ne doivent rien négliger pour le salut de leurs pénitents,
leur premier soin sera d’examiner attentivement s’ils ont une véritable
Contrition de leurs péchés, et s’ils sont sincèrement
et fermement résolus à ne plus pécher dans la suite.
S’ils les trouvent réellement dans ces dispositions, ils s’appliqueront
de toutes leurs forces à les exhorter vivement à rendre grâces
à Dieu de tout leur cœur, pour un bienfait si grand et si précieux,
et à implorer sans cesse le secours de la grâce céleste,
afin que protégés et couvert par elle, ils puissent résister
et tenir tête à leurs mauvaises passions.
Une autre pratique qu’il faut également
recommander aux pénitents, c’est de ne passer aucun jour sans méditer
quelqu’un des Mystères de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
et sans s’exciter, avec toute l’ardeur possible, à L’imiter et à
L’aimer d’un amour souverain. Cette méditation les rendra de jour
en jour plus forts contre les tentations du démon. En effet si nous
succombons si promptement et si facilement à la moindre attaque
de l’ennemi, c’est que nous négligeons d’entretenir et d’exciter
dans nos cœur s par la contemplation des choses du ciel le feu de cet amour
divin qui seul peut raffermir et relever notre courage. Mais si le Confesseur
s’aperçoit que celui qui lui accuse ses péchés n’est
pas véritablement contrit et repentant, il doit s’efforcer de lui
inspirer un amour très vif de la Contrition, afin qu’enflammé
par le désir d’obtenir un don si excellent, il se mette aussitôt
à l’implorer et à le solliciter humblement de la miséricorde
de Dieu.
Mais il faut particulièrement s’attacher
à réprimer l’orgueil de ceux qui cherchent par des excuses,
soit à justifier, soit à diminuer leurs péchés.
Il en est, par exemple, qui, en s’accusant de s’être mis dans une
violente colère, en rejettent aussitôt la cause sur un autre
dont ils se plaignent d’avoir reçu les premiers une injure. Il faut
les avertir que ces sortes d’excuses sont la marque d’un esprit orgueilleux,
et d’un homme qui ne réfléchit pas à la grandeur de
son péché, ou qui ne la comprend nullement ; et qu’elles
sont bien plus propres à augmenter leurs fautes qu"à les
diminuer. Car prétendre justifier ainsi sa conduite, c’est sembler
dire ouvertement que l’on aura de la patience quand on ne sera injurié
par personne. Y a-t-il rien qui soit plus indique d’un Chrétien
? Au lieu de déplorer le sort de celui qui a fait l’injure, et d’être
affligé de la perversité de son action, on s’irrite contre
lui, contre son frère ; est bien loin de profiter d’une si belle
occasion d’honorer Dieu par la patience, et de corriger son frère
par mansuétude, on fait tourner à sa perte un sujet de mérites.
Cependant, c’est une faute bien plus funeste
encore de ne pas oser confesser ses péchés, parce qu’on est
retenu par une mauvaise honte. Il faut encourager ceux qui ont ce malheur,
et leur représenter qu’ils n’ont rien à craindre en découvrant
leurs fautes, puisque leur Confesseur ne s’étonnera jamais de trouver
les hommes pécheurs: c’est là en effet un mal qui est commun
à tous, et qui est une suite naturelle de la faiblesse et de la
fragilité humaine.
Il en est d’autres qui, parce qu’ils se
confessent trop rarement, ou parce qu’ils n’ont pris aucune peine, pour
examiner leur conscience et reconnaître leurs péchés,
ne savent ni expliquer leurs fautes, ni par où commencer l’accomplissement
de ce devoir. Ceux-là doivent être repris plus vivement, et
surtout il faut bien leur montrer qu’avant de se présenter au Prêtre,
chacun de nous doit faire tous ses efforts pour avoir la Contrition de
ses péchés et que l’on ne peut jamais atteindre ce but, si
l’on ne s’applique à les reconnaître en les repassant dans
sa mémoire les uns après les autres. C’est pourquoi, lorsque
le Confesseur rencontrera des pénitents aussi peu préparés,
ils les renverra dans les termes les plus bienveillants, et il les exhortera
à prendre quelque temps pour penser à leurs fautes, et à
revenir ensuite. Mais si ces pénitents affirment qu’ils ont apporté
à cette affaire tous leurs soins et toute leur diligence, le Prêtre
— dans la crainte trop fondée qu’une fois renvoyés, ils ne
reviennent plus — se fera un devoir de les entendre, surtout s’ils montrent
quelque désir de s’amender, et si lui-même peut les amener
à reconnaître leur négligence, et à promettre
qu’une autre fois ils feront un examen plus soigné et plus exact.
Cependant ceci demande beaucoup de précautions: car si après
avoir entendu la Confession de ces pénitents, le Prêtre juge
qu’ils n’ont manqué ni d’exactitude en accusant leurs péchés,
ni de douleur et de Contrition en les regrettant, il pourra les absoudre.
Mais s’il s’aperçoit que l’une et l’autre de ces deux choses ont
fait défaut, il leur conseillera et tâchera de les persuader
d’examiner leur conscience avec plus d’attention, ainsi que nous venons
de le dire, et il les renverra, après leur avoir parlé avec
toute la douceur possible.
Et comme il arrive quelquefois aux femmes,
lorsqu’elles ont oublié quelque péché en Confession,
de n’oser pas retourner au Confesseur dans la crainte d’être soupçonnées
de quelque grand désordre, ou de chercher à se donner la
réputation d’une piété extraordinaire, il faudra enseigner
souvent, et en public et en particulier, que personne ne peut avoir assez
de mémoire pour se rappeler toutes ses actions, toutes ses paroles,
et toutes ses pensées ; que par conséquent rien ne doit empêcher
les Fidèles d’aller de nouveau trouver le Prêtre, lorsqu’ils
se souviennent de quelque péché oublié auparavant.
Telles sont en général les
règles que les Prêtres ont à observer dans la Confession.
Venons maintenant à la troisième partie du sacrement de Pénitence,
qui s’appelle la Satisfaction.
Chapitre vingt-quatrième
— Du sacrement de Pénitence (suite)
DE LA SATISFACTION
Il convient d’abord d’expliquer le mot
de Satisfaction, et d’en préciser la portée. Car les ennemis
de la Foi catholique ont pris occasion de ce mot pour semer la division
et la discorde parmi les Chrétiens, et au grand détriment
de la Religion.
§ I. — QU’EST-CE QUE LA SATISFACTION
La Satisfaction est le paiement intégral
d’une dette: Car qui dit satisfaction, dit une chose à laquelle
rien ne manque. Par exemple, en matière de réconciliation,
satisfaire signifie accorder à un cœur irrité tout ce qu’il
faut pour le venger de l’injure qu’on lui a faite. D’où il suit
que la satisfaction n’est pas autre chose que la compensation, (ou réparation)
de l’injure faite à quelqu’un. Et pour en venir à l’objet
qui doit nous occuper ici, les Docteurs de l’Eglise ont employé
ce mot de Satisfaction pour exprimer cette compensation qui s’établit,
lorsque l’homme paie quelque chose à Dieu pour les péchés
qu’il a commis.
Et comme cette compensation peut avoir
plusieurs degrés différents, on a distingué aussi
plusieurs sortes de Satisfaction. La première et la plus excellente
est celle qui a payé suffisamment à Dieu tout ce que nous
devions pour nos péchés, quand même il aurait voulu
traiter avec nous en toute rigueur de justice. Mais nous ne regardons comme
telle que la Satisfaction qui a apaisé Dieu et nous L’a rendu propice.
Et c’est à Jésus-Christ seul que nous en sommes redevables.
Car c’est Lui qui sur la Croix a payé la dette de nos péchés,
et a satisfait surabondamment à la justice de Dieu pour nous. Rien
de créé n’aurait pu être d’un pria assez grand pour
nous libérer d’une dette si considérable. Mais, comme dit
Saint Jean : « Jésus-Christ est Lui-même la Victime
de propitiation pour nos péchés, et non seulement pour tes
nôtres, mais encore pour ceux du monde entier. » Cette Satisfaction
est donc pleine et complète. Elle est proportionnée d’une
manière parfaite et adéquate au poids de tous les crimes
qui ont été commis, et qui se commettent en ce monde. C’est
elle seule qui donne du prix et du mérite à nos actions devant
Dieu. Sans elle, elles seraient vaines et dénuées de toute
valeur réelle. C’est là ce que David semblait avoir en vue
quand, se recueillant en lui-même, il s’écriait : «
Que rendrai-je au Seigneur pour tous tes bienfaits qu’Il m’a accordés
? » et que ne trouvant, pour reconnaître tant de faveurs, que
la Satisfaction dont nous parlons, et à laquelle il donne le nom
de calice, il ajoutait: « Je prendrai le calice de salut, et j’invoquerai
le nom du Seigneur. »
Une autre espèce de Satisfaction
est celle que l’on appelle canonique, et qui s’accomplit dans un temps
fixe et déterminé. C’est un usage suivi dés la plus
haute antiquité dans l’Eglise, d’infliger quelque peine aux pénitents,
lorsqu’ils reçoivent l’Absolution de leurs péchés,
et l’accomplissement de cette peine s’est toujours appelé Satisfaction.
Enfin on donne encore le nom de Satisfaction
à toutes les peines que nous subissons pour nos péchés,
sans les recevoir des mains du Prêtre, mais en nous les imposant
nous-mêmes, et en nous les infligeant par notre propre volonté.
Mais ces peines ne font point partie du sacrement
de Pénitence. Celles-là
seules lui appartiennent qui nous sont imposées par l’autorité
du Prêtre, pour payer à Dieu ce que nous Lui devons pour nos
péchés: encore faut-il que nous ayons dans l’âme la
résolution très sincère et très ferme de faire
tous nos efforts pour éviter de l’offenser à l’avenir. En
effet quelques-uns ont dit que satisfaire, c’est rendre à Dieu l’honneur
qui lui est dû. Mais il est évident que nul ne peut Lui rendre
cet honneur, s’il n’est résolu à fuir absolument le péché.
Par conséquent satisfaire, c’est détruire les causes du péché,
et lui fermer l’entrée de nos cœurs. Dans le même ordre d’idées,
d’autres ont affirmé que la satisfaction purifie notre âme
des restes de souillures que la tache du péché y avait laissées
et qu’elle acquitte les peines temporelles qui nous restaient à
supporter.
§ II. — NECESSITE DE LA SATISFACTION.
Les choses étant ainsi, il ne sera
pas difficile de faire sentir aux Fidèles combien il est nécessaire
aux pénitents de s’exercer à cette pratique de la Satisfaction.
Il faudra leur apprendre que le péché entraîne après
lui deus choses, la tâche et la peine. Et bien que la remise de la
faute renferme toujours en elle celle du supplice de la mort éternelle,
préparé dans les enfers, cependant il arrive souvent, comme
l’a déclaré le Concile de Trente que Dieu ne
remet pas en même temps certains restes du péché, et
la peine temporelle qui lui est due. nous avons des preuves non équivoques
de cette vérité dans plusieurs endroits de nos Saintes Lettres,
au 3e chapitre de la Genèse, aux 12e et 22e chapitres des nombres,
et dans beaucoup d’autres passages, mais dont le plus célèbre
et le plus frappant est celui de David. Le Prophète Nathan lui avait
dit: « Le Seigneur n’a point retenu votre péché,
vous ne mourrez point. » Et cependant il s’imposa volontairement
des peines très grandes, implorant jour et nuit la miséricorde
de Dieu en ces termes: « Lavez-moi de plus en plus de
mon iniquité, et purifiez-moi de mon péché ; parce
que je connais mon iniquité, et mon péché est toujours
devant moi. » Par ces paroles il demandait au Seigneur, non seulement
le pardon de son crime, mais encore la remise de la peine qu’il avait méritée
; et il Le conjurait de le purifier de tous les restes de ses fautes, et
de le rétablir dans son premier état d’innocence et de gloire.
Cependant, malgré toute la ferveur de ses prières, le Seigneur
ne laissa pas de le punir, et par la perte de l’enfant né après
sa faute, et par la révolte et la mort d’Absalon qu’il aimait tendrement,
et par plusieurs autres peines et châtiments, dont II l’avait...auparavant
menacé. nous voyons encore dans l’Exode que le Seigneur apaisé
par les prières de Moïse, pardonna au peuple son idolâtrie:
ce qui ne L’empêcha pas d’annoncer qu’Il en tirerait une vengeance
très sévère et Moïse lui-même déclara
que le Seigneur le punirait de ce crime, avec la dernière rigueur,
jusqu’à la troisième et quatrième génération.
Quant à l’Eglise catholique, sa Doctrine n’a jamais varié
sur ce point, et tous les écrits des Pères prouvent qu’elle
n’a pas cessé de croire cette vérité.
Mais comment se fait-il que le sacrement
de Pénitence ne remette pas avec le péché toutes les
peines qui lui sont dues, aussi bien que le Baptême ? C’est ce que
nous explique fort bien le Concile de Trente, en ces termes: « La
justice divine semble exiger, dit-il, que la réconciliation soit
accordée différemment à ceux qui ont péché
par ignorance avant le Baptême, et d ceux qui, délivrés
du péché et de l’esclavage du démon, après
avoir reçu le don du Saint-Esprit, ne craignent pas cependant de
profaner sciemment le temple de Dieu, et de contrister le Saint-Esprit.
»
D’ailleurs, il convient à la clémence
divine de ne pas nous remettre nos péchés, sans exiger de
nous quelque satisfaction. Autrement nous serions exposés à
regarder nos fautes comme moindres qu’elles ne sont, et, à la première
occasion, à tomber dans d’autres plus graves, par un mépris
souverainement injurieux au Saint-Esprit, nous amassant ainsi à
nous-mêmes un trésor de colère pour le jour de la vengeance
. II est hors de doute que les peines satisfactoires sont comme un frein
puissant pour nous retenir, et nous empêcher de retomber dans le
mal. Par la même raison elles rendent les pénitents beaucoup
plus circonspects et plus vigilants pour l’avenir.
On peut ajouter que ces pénitences
sont comme des
témoignages Publics de la douleur
que nous font éprouver nos péchés, et par là
même un moyen de satisfaire à l’Eglise qui a été
grièvement offensée par nos crimes. Car, comme dit Saint
Augustin, Dieu ne rejette point un cœur contrit et humilié.
Mais comme la douleur d’un cœur est ordinairement cachée pour un
autre, et qu’elle ne se manifeste au dehors ni par des paroles ni par d’autres
signes, c’est avec raison que les Pasteurs de l’Eglise ont établi
des temps de Pénitence, pendant lesquels on satisfait à l’Eglise,
de qui l’on reçoit la rémission de ses péchés.
§ III. — EFFETS ET AVANTAGES DE LA
SATISFACTION.
D’un autre côté, nos exemples
de pénitence apprennent aux autres comment ils doivent régler
leur conduite et pratiquer la piété. Lorsque nos semblables
sont témoins des peines qui nous sont infligées pour nos
péchés, ils en concluent qu’ils doivent vivre toujours dans
la plus grande vigilance et réformer leurs mœurs. Voilà pourquoi
l’Eglise avait voulu avec beaucoup de sagesse imposer une pénitence
publique à celui qui avait commis publiquement quelque faute, afin
que les autres, frappés d’une salutaire terreur, fussent désormais
plus attentifs à éviter le péché. Cette loi
s’étendait même quelquefois aux crimes secrets, lorsqu’ils
étaient très graves. Mais pour les fautes publiques, c’était
un usage constant et invariable de ne point absoudre ceux qui en étaient
coupables, avant qu’ils n’eussent subi et achevé leur pénitence
publique. Pendant ce temps, les Pasteurs priaient Dieu pour leur salut,
et ils ne cessaient d’exhorter les pénitents à faire de même.
C’est en cela que l’on vit briller surtout le zèle et la sollicitude
de Saint Ambroise. Ses larmes, dit-on, attendrissaient tellement certains
pécheurs qui venaient lui demander l’Absolution avec un cœur endurci,
qu’il leur inspirait la douleur d’une véritable Contrition. Mais
dans la suite, il y eut tant de relâchement dans la sévérité
de l’ancienne discipline, et la Charité se trouva si refroidie que
la plupart des fidèles ne regardent plus la douleur intérieure
de l’âme et les gémissements du cœur comme nécessaires
pour obtenir le pardon de leurs péchés, et qu’ils croient
suffisant de montrer les dehors et les apparences du repentir.
Les peines satisfactoires qui nous sont
imposées ont encore cet avantage de nous faire retracer l’image
et la ressemblance de Jésus-Christ notre Chef, qui Lui-même
a été éprouvé, et a subi toutes sortes de souffrances.
« On ne peut rien voir de plus difforme, dit Saint Bernard, qu’un
membre délicat sous un chef couronné d’épines. »
D’ailleurs au témoignage de l’Apôtre, « nous ne sommes
les cohéritiers du Sauveur, qu’autant que nous souffrons avec Lui
; et comme il est écrit dans un autre endroit: Si nous
mourons avec Lui, nous vivrons aussi avec Lui ; si nous souffrons avec
Lui, nous régnerons aussi avec Lui. »
Saint Bernard établit encore que
l’on trouve deux choses dans le péché: une tache pour l’âme,
et une plaie ; qu’à la vérité la miséricorde
de Dieu enlève la tache, mais que pour guérir la plaie du
péché, il faut nécessairement ce traitement que l’on
emploie comme remède dans la Pénitence. Lorsqu’une blessure
est guérie, il demeure encore des cicatrices, qui elles-mêmes
ont besoin de guérison
ainsi l’âme, après la remise
de sa faute, conserve encore quelques restes de ses péchés,
dont elle a besoin de se purifier. C’est ce que dit très bien Saint
Jean Chrysostome en ces termes: « Ce n’est pas assez
d’arracher la flèche du corps ; il faut de plus guérir la
blessure qui a été faite par la flèche. » De
même, après avoir reçu le pardon de ses péchés,
il faut encore traiter par la Pénitence la plaie qui reste dans
l’âme. Saint Augustin ne cesse de nous représenter qu’il y
a deux choses à considérer dans le sacrement de Pénitence:
la miséricorde de Dieu et sa justice ; la miséricorde qui
remet les péchés et les peines éternelles qui leur
sont dues, la justice qui inflige à l’homme des peines limitées
par le temps.
Enfin lés Satisfactions du Sacrement
de Pénitence nous font éviter les châtiments de Dieu
et les supplices qui nous étaient réservés. Ainsi
l’enseigne l’Apôtre: : « Si nous nous jugions nous-mêmes,
dit-il, nous ne serions certainement point jugés ; mais lorsque
nous sommes jugés, c’est le Seigneur qui nous châtie, afin
que nous ne soyons pas condamnés avec le monde. »
Si les Pasteurs expliquent avec soin ces
vérités, il est presque impossible que les Fidèles
n’embrassent pas avec ardeur les œuvres de la Pénitence. Mais ce
qui démontre parfaitement l’efficacité de cette Pénitence,
c’est qu’elle tire toute sa vertu des mérites de la Passion de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. Ces mérites communiquent à nos bonnes
œuvres en général deux immenses avantages: l’un est de nous
faire mériter les récompenses et la gloire éternelle,
au point qu’un verre d’eau froide, donné au nom du Sauveur, ne sera
pas perdu ; et l’autre de satisfaire à Dieu pour nos péchés.
Et n’allons pas croire que nos satisfactions
diminuent celle de Notre-Seigneur, si abondante et si parfaite. Au contraire
elles ne servent qu’à la rendre plus éclatante et plus glorieuse
encore, s’il est possible. En effet la grâce de Jésus-Christ
paraît d’autant plus abondante qu’elle nous fait participer non seulement
à ce qu’Il a mérité et payé Lui-même,
mais encore aux mérites et au prix qu’Il a communiqués aux
Justes et au Saints, comme un Chef à ses membres. Et voilà
évidemment ce qui donne tant de valeur et d’importance aux bonnes
œuvres des vrais Chrétiens ! Comme la tête communique la vie
aux membres, comme la vigne fait passer la sève dans toutes ses
branches, ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ ne cesse de répandre
sa Grâce sur ceux qui Lui sont unis par la Charité. Et cette
grâce précède, accompagne et suit toujours nos œuvres.
Sans elle nous ne pouvons ni mériter, ni satisfaire en aucune façon
à la justice de Dieu. Ainsi rien ne manque aux justes: par les œuvres
qu’ils opèrent avec le secours divin, ils peuvent d’un côté
satisfaire à Dieu et à sa Loi, autant que le comporte la
fragilité humaine, et de l’autre mériter la Vie Eternelle
dont ils entreront en possession, s’ils meurent en état de grâce.
La parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ est formelle:
« Celui qui boira l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif ;
et cette eau que je lui donnerai deviendra en lui une fontaine qui jaillira
pour la Vie Eternelle. »
Mais il y a deux choses nécessaires
dans la Satisfaction la première, que celui qui satisfait soit juste
et ami de Dieu. Les œuvres qui ne sont pas faites dans la Foi et dans la
Charité ne sauraient être agréables à Dieu ;
la seconde, que les œuvres que l’on accomplit soient de nature à
causer de la douleur et de la peine. Puisqu’elles sont une véritable
compensation des péchés passés et, comme parle le
martyr Saint Cyprien « la rançon des péchés
», il est de toute nécessité qu’elles présentent
quelque chose de difficile et de pénible — bien qu’il n’arrive pas
toujours à ceux qui s’exercent à ces œuvres de mortification
d’éprouver le sentiment de la douleur. Souvent l’habitude de souffrir,
ou une Charité ardente empêchent de sentir les choses les
plus dures à supporter par elles-mêmes. Cependant ces sortes
d’actions ne laissent pas de posséder la vertu de satisfaire. C’est
même le propre des enfants de Dieu d’être tellement enflammés
des sentiments de l’amour et de la piété, qu’au milieu des
plus cruelles souffrances, ils ne ressentent aucune douleur ou du moins
qu’ils supportent tout avec un cœur plein de joie.
§ IV. — DIVERSES ESPECES D’ŒUVRES
SATISFACTOIRES.
Les Pasteurs enseigneront que tous les
genres de Satisfactions peuvent se ramener à trois sortes d’œuvres:
la Prière, le Jeûne et l’Aumône, lesquels répondent
parfaitement aux trois sortes de biens que nous avons reçus de Dieu,
les biens de l’âme, les biens du corps et ceux que l’on appelle les
avantages extérieurs. Rien n’est plus propre ni plus efficace que
ces trois sortes d’œuvres pour extirper les racines de tous les péchés.
Puisque, selon l’Apôtre Saint Jean, « Tout ce qui
est dans le monde est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux,
ou orgueil de la vie », il n’est personne qui ne voie qu’à
ces trois sources de maladies, on a eu bien raison d’opposer trois excellents
remèdes, à la première le Jeûne, à la
seconde l’Aumône, et à la troisième la Prière.
D’autre part, si nous considérons ceux que nos péchés
offensent, il nous sera facile de comprendre pourquoi toute satisfaction
se rapporte à ces trois choses. En effet le péché
offense Dieu, le prochain et nous-mêmes ; or par la Prière
nous apaisons Dieu, par l’Aumône nous donnons satisfaction au prochain,
et par le Jeûne nous nous mortifions nous-mêmes.
Mais comme une foule de peines et de calamités
diverses nous accablent tant que nous sommes dans cette vie, il faut bien
apprendre aux Fidèles que ceux qui supportent avec patience tout
ce que Dieu leur envoie de pénible et d’affligeant trouvent précisément
là une source abondante de satisfaction et de mérites ; tandis
que ceux qui n’endurent ces sortes d’épreuves qu’avec répugnance
et malgré eux se privent de tous les avantages des œuvres satisfactoires,
et ne font que subir la punition et le juste châtiment de Dieu qui
se venge de leurs péchés.
Mais ce qui doit nous faire exalter, par
les louanges et les actions de grâces les plus vives, l’infinie bonté
et la miséricorde de Dieu, c’est qu’Il a bien voulu nous accorder
à nous si faibles et si misérables de pouvoir satisfaire
les uns pour les autres. C’est là en effet une propriété
spéciale qui n’appartient qu’à la Satisfaction. S’il s’agit
de la Contrition et de la Confession, personne ne peut ni se repentir,
ni se confesser pour un autre ; mais ceux qui possèdent la Grâce
divine peuvent au nom d’un autre payer à Dieu ce qui Lui est dû:
C’est ainsi que nous portons en quelque sorte le fardeau les uns des autres.
Et personne parmi nous ne saurait douter de cette vérité,
puisque nous confessons dans le Symbole des Apôtres la communion
des Saints. Dès lors que nous renaissons tous à Jésus-Christ,
purifiés par le même Baptême, que nous participons tous
aux mêmes Sacrements, et surtout que nous avons pour aliment et pour
breuvage réparateurs le même Corps et le même Sang de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, il est aussi certain qu’évident
que nous sommes tous les membres d’un seul et même corps. Et si le
pied, par exemple, ne remplit pas ses fonctions uniquement pour lui, mais
encore au profit des yeux, et si les yeux ne voient pas pour eux seuls,
mais aussi pour l’avantage commun de tous les membres, les œuvres satisfactoires
peuvent être également communes entre nous tous.
Cependant ceci, pour être vrai,
ne doit pas s’entendre sans restriction, si nous envisageons en général
tous les avantages que la satisfaction nous procure. Car les œuvres satisfactoires
sont aussi comme un traitement et un remède prescrits au pénitent
pour guérir les affections déréglées de son
âme. Mais il est évident que cet effet particulier ne peut
s’appliquer à ceux qui ne satisfont point par eux-mêmes.
Voilà donc ce que les Pasteurs
auront à exposer d’une manière claire et détaillée
sur les trois parties du sacrement de Pénitence: La Contrition,
la Confession et la Satisfaction. toutefois il est une chose que les Confesseurs
doivent observer avec le plus grand soin, c’est après avoir entendu
l’aveu des fautes du pénitent, et avant de l’absoudre, de l’obliger
à la réparation suffisante des torts qu’il a pu faire au
prochain, dans ses biens ou dans sa réputation, si ces torts semblent
assez grands pour l’exposer à la damnation éternelle. nul
ne doit être absous, s’il ne promet de restituer à chacun
ce qui lui appartient. Et comme il s’en trouve plusieurs qui s’engagent
par beaucoup de paroles à s’acquitter de ce devoir, mais n’en sont
pas moins décidés et résolus à ne point tenir
leurs promesses, il faut absolument les obliger à restituer, et
leur rappeler souvent ces mots de l’Apôtre: « que
celui qui dérobait, ne dérobe plus, mais qu’il s’occupe plutôt
à travailler de ses mains à quelque ouvrage bon et utile,
afin qu’il ait de quoi donner à ceux qui sont dans le besoin. »
Quant aux pénitences à imposer
aux pécheurs, les confesseurs ne les prescriront point d’une manière
arbitraire ; ils suivront en cela les règles de la justice, de la
prudence et de la piété. Et pour montrer aux pénitents
qu’ils mesurent leurs fautes d’après ces règles, comme aussi
pour leur en faire sentir davantage la gravité, il sera bon qu’ils
leur rappellent de temps en temps les peines que les anciens Canons Pénitentiaux
avaient fixées pour certains péchés. En un mot la
nature de la faute doit être la mesure générale de
la Satisfaction.
Mais de toutes les œuvres satisfactoires
que l’on peut imposer aux pénitents, la plus convenable, c’est qu’ils
s’appliquent à la Prière à certains jours et pendant
un certain temps, et qu’ils prient pour tout le monde, et surtout pour
ceux qui sont morts dans le Seigneur.
Il faut aussi les exhorter à reprendre
quelquefois et à recommencer d’eux-mêmes les œuvres de satisfaction
prescrites par le Confesseur, et à acquérir des dispositions
telles qu’après avoir accompli tout ce qui se rapporte au Sacrement
de Pénitence, ils n’abandonnent jamais les pratiques de la vertu
de Pénitence.
Si quelquefois pour un crime public on
se voit dans l’obligation d’infliger une pénitence publique, et
que le pénitent la repousse et supplie d’en être exempté,
on ne devra point l’écouter trop facilement ; au contraire, il faudra
lui persuader de se soumettre volontiers et avec empressement à
une peine qui doit être salutaire et à lui et aux autres.
En enseignant ces choses sur le sacrement
de Pénitence, et sur chacune de ses parties, le Pasteur aura pour
but non seulement de les faire connaître exactement, mais encore
d’amener les Fidèles à les mettre e pratique avec un véritable
esprit de religion et de piété.
Chapitre vingt-cinquième
— Du sacrement de l’Extrême-Onction
Lorsque les saints Oracles des Ecritures
nous disent : « Dans toutes vos actions, souvenez-vous de vos
fins dernières, et jamais vous ne pécherez », ils avertissent
assez les Pasteurs de ne laisser échapper aucune occasion d’exhorter
les Fidèles à méditer sans cesse sur la mort. Et comme
l’Extrême-Onction rappelle nécessairement la pensée
de notre dernier jour, il est facile de comprendre qu’il y a lieu de parler
souvent de ce Sacrement, non seulement parce qu’il est très convenable
de faire connaître et d’expliquer les Mystères qui ont rapport
au salut, mais encore parce que les Fidèles en se souvenant que
c’est pour tous une nécessité de mourir, s’appliqueront à
réprimer leurs passions déréglées. Dés
lors la pensée, et l’attente de la mort les troublera beaucoup moins.
Et même ils rendront à Dieu d’immortelles actions de grâces
de ce que, après nous avoir ouvert par le sacrement du Baptême
l’entrée dans la vie véritable, il a bien voulu instituer
encore le sacrement de l’Extrême-Onction, afin qu’en sortant de cette
vie périssable nous eussions un chemin plus facile et plus sûr
pour aller au ciel.
§ I. — DE L’EXTREME-ONCTION ET DE
LA NATURE DU SACREMENT DE L’EXTREME-ONCTION.
Afin d’exposer à peu près
dans le même ordre que nous avons suivi pour les autres Sacrements
ce qu’il y a de plus nécessaire à expliquer ici, nous disons
d’abord que ce sacrement est appelé extrême-Onction, parce
que de toutes les Onctions saintes qui ont été prescrites
par Notre-Seigneur Jésus-Christ à son Eglise, c’est celle
qui s’administre la dernière. C’est pourquoi nos pères dans
la Foi donnaient encore à ce Sacrement le nom d’Onction des Malades
et de Sacrement des Mourants. Et ces paroles sont bien propres à
rappeler aux Fidèles la pensée de leurs derniers moments.
Mais il faut montrer, en premier lieu,
que l’Extrême-Onction est un véritable Sacrement. Et il ne
peut y avoir aucun doute sur ce point, si l’on veut faire attention aux
paroles dont l’Apôtre Saint Jacques s’est servi pour promulguer la
loi de ce Sacrement : « Si quelqu’un est malade parmi vous,
dit-il, qu’il fasse venir les Prêtres de l’Eglise, et qu’ils prient
sur lui en l’oignant d’huile au nom du Seigneur ; et la prière de
la Foi sauvera le malade: et le Seigneur le soulagera ; et s’il a des péchés,
ces péchés lui seront remis. » Puisque, suivant l’Apôtre,
les péchés sont remis par cette Onction, elle a donc la nature
et la vertu d’un Sacrement. telle a toujours été d’ailleurs
la Doctrine de l’Eglise catholique sur l’Extrême-Onction ; un grand
nombre de Conciles en font foi. Mais celui de Trente l’a déclaré
si formellement qu’il prononce l’anathème contre ceux qui auraient
la témérité d’enseigner ou de penser le contraire.
Le Pape Innocent Ier recommande également ce Sacrement aux Fidèles,
avec beaucoup de force.
Il faut donc que les Pasteurs enseignent
sans aucune hésitation que l’Extrême-Onction est un Sacrement
véritable ; et de plus un seul Sacrement, quoiqu’on l’administre
avec plusieurs Onctions différentes, dont chacune se fait avec des
prières et une forme particulière. Ce Sacrement est un, non
en ce sens que les parties qui le composent ne puissent être divisées,
mais parce que ces parties contribuent chacune à sa perfection.
C’est ce qui se voit dans tout ce qui est composé. Ainsi une maison
est composée de beaucoup de choses et de parties différentes,
mais sa perfection n’est que dans l’unité de la forme. De même
le sacrement de l’Extrême-Onction renferme plusieurs choses et plusieurs
paroles, et cependant ce n’est qu’un signe unique de l’unique effet qu’il
a la vertu de produire.
Les Pasteurs ne manqueront pas de dire
quelles sont les parties de ce Sacrement, à savoir la matière
et la forme. Car l’Apôtre Saint Jacques n’a pas négligé
de nous en instruire, et chacune de ces deux parties renferme des Mystères
qu’il est utile de méditer.
L’élément, ou la matière
de ce Sacrement, comme l’ont déclaré plusieurs Conciles,
et spécialement le Concile de Trente, c’est l’huile consacrée
par l’Evêque, non toute sorte d’huile en général, extraite
d’une substance adipeuse, mais seulement l’huile d’olive. Cette matière
exprime parfaitement les effets que la vertu de l’Extrême-Onction
opère dans l’âme. De même que l’huile est très
propre à adoucir les douleurs du corps, ainsi la vertu de ce Sacrement
diminue la tristesse et les douleurs de l’âme. De plus l’huile rend
la santé, donne la joie, et sert d’aliment à la lumière,
mais surtout elle est très efficace pour renouveler les forces du
corps abattu par la fatigue. Or tous ces effets représentent sensiblement
ce que la puissance divine opère chez les malades par l’Extrême-Onction.
— Mais en voilà assez sur la matière de ce Sacrement.
Quand à la forme qui lui est propre,
elle consiste dans ces paroles et ces prières consacrées
que le Prêtre prononce en faisant chacune des Onctions, et en disant:
« Par cette sainte Onction que le Seigneur vous pardonne tout ce
que vous avez fait de mal, par la vue, par l’odorat ou par le toucher.
» Et ce qui nous indique que c’est bien là la forme propre
et véritable du Sacrement dont nous parlons, ce sont ces paroles
de Saint Jacques: « Et qu’ils prient sur lui, et la prière
de la Foi sauvera le malade. »
En effet, ce texte nous montre que la
forme doit ressembler à une Prière, quoique l’Apôtre
ne nous ait pas laissé les termes mêmes dans lesquels elle
doit être conçue. Mais pour ceux que nous venons d’employer,
nous les avons reçus d’une tradition constante des Pères,
et toutes les Eglises se servent de cette même forme qui leur vient
de la sainte Eglise romaine, mère et maîtresse de toutes les
autres Eglises. Quelques-uns, il est vrai, au lieu de ces mots: Que le
Seigneur vous pardonne tout le mal que vous avez fait, disent: Qu’Il vous
remette, ou qu’Il guérisse tout le mal que vous avez commis. Mais
le sens est toujours le même ; et l’on peut dire que partout on emploie
religieusement la même forme.
Et personne ne doit être surpris
que dans les autres Sacrements la forme signifie d’une manière absolue
ce qu’elle opère, comme lorsque nous disons: Je te baptise, ou,
je te marque du signe de la Croix, ou encore qu’elle soit impérative,
comme dans le sacrement de l’Ordre, où l’on dit: recevez le Pouvoir,
etc., tandis que la forme seule de l’Extrême-Onction s’exprime en
une Prière. Et c’est avec beaucoup de raison qu’elle a été
ainsi établie. Car outre la grâce spirituelle que ce Sacrement
confère, il a également pour but de rendre la santé
aux malades. Cependant, comme il n’arrive pas toujours que les malades
guérissent, on lui a donné pour forme une Prière,
afin que par ce moyen nous obtenions de la bonté de Dieu un effet
que la vertu du Sacrement ne produit pas nécessairement, ni toujours.
II y a aussi des Cérémonies
particulières qui accompagnent l’administration de ce Sacrement.
Ce sont, pour la plupart, des formules de prières que le Prêtre
récite pour obtenir le salut du malade. Il n’y a point de Sacrement
qui s’administre avec plus de prières. Et certes ce n’est pas sans
motifs. Il n’est pas de moment en effet où les Fidèles aient
un besoin plus grand de ce pieux secours. C’est pourquoi tous ceux qui
se trouvent présents, et surtout les Pasteurs, doivent alors prier
Dieu de tout leur cœur, et recommander à sa miséricorde la
vie et le salut du malade avec toute la ferveur possible.
Mais puisque, comme nous venons de le
démontrer, l’Extrême-Onction est un Sacrement réel
et véritable, il faut en conclure qu’elle a été instituée
par Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même, et que Saint Jacques
plus tard n’a fait que la publier en quelque sorte, et la porter à
la connaissance des Fidèles. Au surplus, notre Sauveur Lui-même
semble avoir donné déjà comme une image de cette Onction,
lorsqu’Il envoya devant Lui ses disciples deux à deux. L’Evangile
nous dit en effet que: « Etant partis, ils prêchaient
la pénitence, chassaient un grand nombre de démons, oignaient
d’huile beaucoup de malades et tes guérissaient. » Or cette
Onction n’était certainement pas de l’invention des Apôtres
; elle était prescrite par notre Seigneur Lui-même, douée
d’une vertu mystérieuse et non point naturelle, instituée
enfin plutôt pour guérir les âmes que pour soulager
le corps. Ainsi l’affirment Saint Denys, Saint Ambroise, Saint Jean Chrysostome
et Saint Grégoire le Grand. Il n’est donc pas possible de douter
que l’Extrême-Onction soit un des sept Sacrements de l’Eglise catholique,
et que nous devions la recevoir avec de profonds sentiments de religion.
§ II. — QUI SONT CEUX A QUI L’EXTREME-ONCTION
DOIT ETRE ADMINISTREE.
Il convient d’apprendre aux Fidèles
qu’il y a un certain nombre de personnes auxquelles il n’est pas permis
d’administrer ce Sacrement, bien qu’il ait été institué
pour tous les Chrétiens sans exception. Et d’abord, on ne peut le
donner à ceux qui sont en bonne santé. Les paroles de l’Apôtre
Saint Jacques sont formelles: « Si quelqu’un est malade parmi vous,
» etc. Mais d’un autre côté la raison elle-même
nous le montre, puisque ce Sacrement a été institué
pour servir de remède non seulement à l’âme mais aussi
au corps. Or il n’y a que les malades qui aient besoin de remèdes
; et par conséquent on ne doit administrer ce Sacrement qu’à
ceux qui sont dangereusement malades et pour lesquels on peut craindre
que le dernier jour soit proche. C’est cependant une faute très
grande de ne donner l’Extrême-Onction au malade qu’au moment où
tout espoir de guérison est perdu, et où la vie semble déjà
l’abandonner avec l’usage de sa raison et de ses sens. Car il est certain
que la grâce communiquée par ce Sacrement est beaucoup plus
abondante, lorsque le malade possède encore, en le recevant, sa
raison pleine et entière, et qu’il peut encore exciter en lui une
Foi vive et une Religion sincère. Il faut donc que les Pasteurs
aient grand soin d’administrer toujours ce Remède Divin, et Si salutaire
par sa propre vertu, dans le moment où ils jugeront que la piété
et la Foi des malades pourront le rendre utile et plus efficace.
On ne doit pas administrer l’Extrême-Onction
à celui qui n’est point attaqué d’une maladie grave, quand
même il serait en danger de perdre la vie, comme, par exemple, s’il
était sur le point d’entreprendre une navigation très dangereuse,
s’il partait pour un combat où il devrait trouver une mort certaine,
ou bien si condamné à la peine capitale il était prêt
à marcher au supplice, De plus ce Sacrement ne peut être donné
ni à ceux qui sont privés de l’usage de leur raison, ni aux
enfants qui ne pèchent point encore. Et qui n’ont pas besoin, par
conséquent, de ce moyen pour effacer les restes de leurs fautes
; ni aux insensés, ni aux furieux, à moins qu’ils n’aient
des intervalles de raison, qu’ils ne témoignent alors des sentiments
de piété, et qu’ils ne demandent l’Onction sainte. Car celui
qui n’a jamais eu ni son esprit ni sa raison ne saurait recevoir ce Sacrement
; mais il n’en est pas de même, si le malade n’était tombé
dans l’état de folie ou de fureur qu’après avoir demandé
lui-même l’Extrême-Onction, lorsqu’il jouissait encore de toutes
ses facultés.
On ne fait pas l’Onction sacrée
sur toutes les parties du corps, mais seulement sur celles que la nature
a données à l’homme pour servir d’instrument aux sens, comme
sur les yeux, pour la vue, sur les oreilles, pour l’ouïe, sur les
narines, pour l’odorat, sur la bouche, pour le goût et la parole,
sur les mains pour le toucher qui, tout en étant répandu
sur tout le corps, a néanmoins son principal organe dans cette partie.
L’Eglise a adopté cette manière de donner l’Extrême-Onction,
parce qu’elle est très conforme à la nature même de
ce Sacrement qui s’administre comme un véritable remède.
En effet dans les maladies corporelles, quoique le corps entier soit malade,
on n’applique cependant le traitement que sur la partie qui est comme le
siège et la source du mal. Ainsi ce n’est pas non plus le corps
tout entier qui reçoit l’Onction sacrée, mais seulement les
membres, qui sont les organes principaux des sensations, puis les reins
comme siège de la concupiscence et de la volupté, et enfin
les pieds, ces instruments naturels de nos pas et de nos démarches.
Mais il faut remarquer ici que lorsque
le même danger de mort se renouvelle dans une seule et même
maladie, le malade ne doit recevoir l’Onction sainte qu’une seule fois.
toutefois si après l’avoir reçue, il recouvre la santé,
autant de fois aussi il pourra recevoir le secours du même Sacrement.
C’est assez dire que l’Extrême-Onction doit être mise évidemment
au nombre des Sacrements qui peuvent se réitérer.
§ III. — DES DISPOSITIONS NECESSAIRES
POUR RECEVOIR L’EXTREME-ONCTION.
Comme il faut travailler avec le plus
grand soin à ce que la grâce du Sacrement ne soit point arrêtée
dans son cours, comme d’autre part rien ne lui est plus contraire que le
péché mortel, il faut se conformer exactement à l’usage
constant de l’Eglise catholique d’administrer les sacrements de Pénitence
et d’Eucharistie avant celui de l’Extrême-Onction. Ensuite les Pasteurs
s’appliqueront à persuader au malade de s’offrir au Prêtre
pour recevoir l’Onction sainte avec l’esprit de Foi de ceux qui se présentaient
aux Apôtres pour être guéris: On doit demander d’abord
et avant tout le salut de l’âme, puis la santé du corps, à
la condition toutefois qu’elle tournera au profit du bonheur éternel.
Les Fidèles doivent être bien persuadés d’ailleurs
que Dieu est toujours prêt à exaucer ces prières solennelles
et sacrées que le Prêtre lui adresse, non point en son nom
propre, mais au nom de l’Eglise et de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Enfin on doit les exhorter vivement à demander eux-mêmes,
avec piété et avec Foi, fonction de cette huile si salutaire,
dès que le combat semble devenir plus violent, et que les forces
de l’esprit et du corps commencent à leur manquer.
§ IV. — QUELS SONT LES MINISTRES
DE CE SACREMENT
Quant à celui qui doit être
le Ministre de l’Extrême-Onction, le même Apôtre qui
a promulgué cette institution de Notre-Seigneur, nous l’apprend
quand il dit: « Que le malade fasse venir les Prêtres
» ; et par ce mot il n’entend point les plus avancés en âge,
comme l’a très bien expliqué le Concile de Trente, ni ceux
qui occupent le premier rang parmi le peuple, mais les Prêtres, qui
ont été légitimement ordonnés par les Evêques
eux-mêmes avec l’imposition des mains. C’est donc aux Prêtres
que l’administration de ce Sacrement a été confiée,
non à tout Prêtre indistinctement, ainsi que l’a décrété
la sainte Eglise, mais seulement au propre Pasteur qui a juridiction sur
le malade, ou à un autre Prêtre autorisé par lui à
exercer cette Fonction. — Mais gardons-nous d’oublier que le Prêtre,
dans ce Sacrement comme dans tous les autres, agit au nom de Jésus-Christ
et de la sainte Eglise son épouse.
§ V. — DES EFFETS DE L’EXTREME-ONCTION.
Il faut aussi développer avec beaucoup
de soin les avantages que nous retirons de ce Sacrement, afin que si les
Fidèles n’ont point d’autre motif pour désirer de le recevoir,
ils v soient portés du moins par leur utilité personnelle,
puisque telle est notre nature, que nous faisons tout dépendre de
notre intérêt. Les Pasteurs enseigneront donc qu’à
ce Sacrement se trouve attachée une grâce qui remet les péchés,
et même directement les péchés légers ou véniels,
comme on les appelle communément ; car, pour les fautes mortelles,
elles sont effacées par le sacrement de Pénitence. L’Extrême-Onction
n’a pas été instituée directement pour remettre ces
sortes de fautes ; le Baptême et la Pénitence seuls ont la
vertu de produire cet effet.
Un second avantage de l’Extrême-Onction,
c’est de guérir l’âme de cette langueur et de cette infirmité
qu’elle a contractées par ses péchés, et de la délivrer
de tous les autres restes de ses fautes. Or le temps le plus propre pour
opérer cette guérison, c’est celui d’une maladie grave où
la vie est en danger. Rien n’est plus naturel à l’homme que de craindre
la mort, surtout lorsqu’il se rappelle ses péchés passés,
et que sa conscience les lui reproche plus vivement. « Ils se souviendront
de leurs crimes en tremblant, dit l’Ecriture, et leurs iniquités
se lèveront contre eux pour les accuser. »
Une autre pensée, un autre souci
qui tourmente encore violemment les malades, c’est que bientôt il
leur faudra paraître devant le tribunal de Dieu, qui prononcera sur
eux, dans sa justice infinie, la sentence qu’ils auront méritée.
Souvent il arrive que, sous le coup de cette terreur, les Fidèles
se troublent étrangement. Or rien n’est p:us propre à faire
rentrer l’âme dans la tranquillité à l’heure de la
mort, que d’éloigner d’elle toute tristesse, de lui faire attendre
avec un cœur plein de joie la venue du Seigneur, et de la disposer à
Lui rendre volontiers le dépôt qui lui était confié,
dès qu’il le redemandera. Et précisément l’Extrême-Onction
possède la vertu de délivrer les Fidèles de cette
anxiété, et de remplir leurs cœur s d’une pieuse et sainte
joie.
Elle nous procure en outre un autre avantage
qui peut passer à bon droit pour le plus grand de tous. tant que
nous vivons, l’ennemi du genre humain ne cesse de méditer notre
défaite et notre ruine. Mais jamais toutefois. pour nous perdre
entièrement et nous ôter s’il est possible toute espérance
en la miséricorde de Dieu ; il ne redouble ses efforts avec plus
d’énergie que lorsqu’il sent approcher notre dernier jour. Aussi
les Fidèles sont-ils heureux, de trouver dans ce Sacrement des armes
et des forces pour abattre son ardeur et son impétuosité,
et pour lui résister victorieusement. Avec l’Extrême-Onction,
en effet, l’espérance en la bonté de Dieu ranime et relève
le courage du malade, qui se sent rassuré, et qui supporte dès
lors avec plus de patience et de force les douleurs qu’il endure, de même
qu’il évite plus aisément les pièges et les artifices
du démon qui cherche à le perdre.
Enfin un dernier effet de l’Extrême-Onction,
c’est de rétablir la santé du corps, quand cela est avantageux
aux malades. Si de nos jours la guérison du corps s’obtient moins
souvent, croyons bien que cela ne provient point de l’impuissance du Sacrement,
mais de ce que la plupart de ceux qui reçoivent l’Extrême-Onction
ou qui l’administrent ont une Foi trop faible. nous lisons dans l’Evangile
que Notre Seigneur fit peu de miracles parmi les siens, à
cause de leur incrédulité. Au reste on peut bien dire aussi
que la Religion chrétienne, depuis qu’elle a jeté dans les
cœur s de plus profondes racines, a moins besoin du secours des miracles
que dans le temps oh elle ne faisait que de naître. néanmoins
il faut à cet égard stimuler fortement la Foi des Fidèles:
et quoi qu’il plaise à Dieu d’ordonner dans sa Sagesse par rapport
à la santé du corps, ils doivent conserver la ferme espérance
que par la vertu de l’Huile sainte ils obtiendront la santé de l’âme,
et qu’ils éprouveront, s’ils viennent à mourir, la vérité
de cet oracle sacré: « Heureux ceux qui meurent
dans le Seigneur ! »
Nous avons exposé en peu de mots
ce qui regarde l’Extrême-Onction ; mais si les Pasteurs développent
chacun de nos points principaux, d’une manière plus étendue,
et avec tout le zèle que le sujet demande, il est hors de doute
que les Fidèles retireront de cet enseignement les avantages les
plus considérables pour leur avancement dans la piété.
Chapitre vingt-sixième —
Du sacrement de l’Ordre
Si l’on veut examiner avec attention la
nature et l’essence des autres Sacrements, on reconnaîtra aisément
qu’ils dépendent tous du sacrement de l’Ordre ; puisque sans lui,
les uns ne pourraient jamais ni exister, ni être administrés,
et que les autres demeureraient privés de toutes cérémonies
solennelles, ainsi que d’un certain culte et de certains rites religieux.
C’est donc un devoir pour les Pasteurs, lorsqu’ils traitent la matière
des Sacrements, d’expliquer avec le plus grand soin tout ce qui concerne
le sacrement de l’Ordre.
§ I. — IL EST UTILE D’EXPLIQUER AUX
FIDELES LE SACREMENT DE L’ORDRE.
Cette explication leur sera très
utile à eux-mêmes d’abord, puis aux autres ecclésiastiques,
et même aux simples Fidèles: à eux-mêmes, parce
qu’en traitant cette matière ils seront plus portés à
réveiller en eux la Grâce qu’ils ont reçue dans ce
Sacrement: aux autres ecclésiastiques appelés comme eux à
l’héritage du Seigneur, parce qu’ils se sentiront animés
du même zèle, et qu’en même temps ils pourront acquérir
la connaissance des choses qui leur sont nécessaires pour s’élever
plus facilement aux Ordres supérieurs: enfin aux simples Fidèles,
d’abord parce qu’ils comprendront combien ils doivent respecter les Ministres
de la Religion, et ensuite parce que cette explication pourra souvent être
entendue de personnes qui ont l’intention ou le désir de faire entrer
leurs enfants dans l’Etat ecclésiastique, ou d’embrasser eux-mêmes
ce genre de vie de leur propre mouvement. Or il ne serait pas convenable
de laisser ces personnes dans l’ignorance des choses qui regardent particulièrement
cette vocation.
En premier lieu, il faut enseigner aux
Fidèles quelle est l’excellence et la dignité de ce Sacrement,
considéré dans son degré le plus élevé,
c’est-à-dire dans le Sacerdoce. En effet si nous admettons — et
il le faut bien — que les Evêques et les Prêtres sont comme
les interprètes et les ambassadeurs de Dieu, chargés de nous
enseigner en son nom la Loi divine et les règles de notre conduite,
en un mot de tenir sur la terre la place de Dieu Lui-même, il est
évident qu’on ne saurait imaginer des Fonctions plus nobles que
les leurs. Ainsi l’Ecriture leur donne-t-elle quelquefois, et à
juste titre, les noms d’anges et même de dieux, parce qu’ils exercent
en quelque sorte au milieu de nous la Puissance même du Dieu immortel.
Dans tous les temps le Sacerdoce a été
entouré des plus grands honneurs ; mais les Prêtres du nouveau
testament l’emportent infiniment sur tous ceux qui les ont précédés.
Le pouvoirs qu’ils ont de consacrer et
d’offrir le Corps et le Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et
celui de remettre les péchés, dépasse toutes nos conceptions
humaines. On ne peut rien trouver de comparable sur la terre. Enfin, comme
notre Sauveur a été envoyé par son Père, comme
les Apôtres et les disciples à leur tour ont été
envoyés par Jésus-Christ dans le monde entier ; ainsi tous
les jours les Prêtres sont envoyés avec les mêmes pouvoirs,
pour travailler à la perfection des saints, à l’œuvre du
Ministère, à l’édification du Corps de notre Seigneur.
On ne doit donc imposer témérairement
à personne le fardeau de Fonctions si augustes. Ceux-là seuls
doivent en être revêtus qui peuvent le soutenir par la sainteté
de leur vie, par leur science, leur Foi et leur prudence. « Que nul
ne vienne (donc) s’attribuer d lui-même cet honneur s’il n’y est
appelé de Dieu comme Aaron » c’est-à-dire
s’il n’y a été appelé par les Ministres légitimes
de l’Eglise. Quant aux téméraires qui osent s’ingérer
et s’introduire d’eux-mêmes dans ce ministère, il ne faut
pas manquer de faire observer que Dieu les avait en vue, quand Il disait:
« Je n’envoyais point ces Prophètes, et ils couraient. »
Il n’y a rien tout à la fois de plus pitoyable et de plus misérable
que ces intrus, ni de plus funeste à l’Eglise.
Et comme dans tout ce que l’on entreprend,
il est de la plus haute importance de se proposer une bonne fin, puisque
c’est de la bonté de la fin que dépend en grande partie la
bonté des actes, la première recommandation à faire
à ceux qui veulent entrer dans les Ordres, c’est qu’ils n’aient
en vue rien qui soit indigne de si hautes Fonctions. — Ce point demande
à être traité avec un soin d’autant plus grand que
de nos jours, les Fidèles ont l’habitude de manquer d’une manière
plus grave à cet égard. — Les uns en effet n’embrassent l’Etat
ecclésiastique que pour se procurer ce qui est nécessaire
à la nourriture et au vêtement, ils ne cherchent que le gain
dans le Sacerdoce, comme font la plupart de ceux qui prennent les métiers
les plus vulgaires. Il est bien vrai comme l’enseigne l’Apôtre, d’après
la loi naturelle et la Loi divine, que « celui qui sert
à l’Autel, doit vivre de l’Autel », cependant c’est un grand
sacrilège d’approcher de l’Autel en vue du profit qui en résulte.
D’autres sont
conduits au Sacerdoce par la soif des
honneurs et par l’ambition. Il en est enfin qui ne recherchent les Ordres
que pour s’enrichir ; et la preuve c’est que, si vous ne leur offrez quelque
bénéfice considérable, ils ne songent même pas
à recevoir un seul des Ordres sacrés. Ce sont ceux-là
que notre Sauveur appelle des mercenaires, et dont le Prophète Ezéchiel
disait: « Ils se paissent eux-mêmes, et non leurs
brebis. » Leur bassesse et leur avidité a déshonoré
l’Etat ecclésiastique aux yeux des Fidèles, qui le regardent
maintenant presque comme la profession la plus vile et la plus méprisable.
Aussi ne tirent-ils point d’autre fruit de leur Sacerdoce, que celui que
recueillit Judas de son apostolat, c’est-à-dire leur perte éternelle.
Il n’y a donc que ceux qui, étant
légitimement appelés de Dieu, embrassent la carrière
ecclésiastique dans le seul but de travailler à sa Gloire,
il n’y a que ceux-là dont on peut affirmer qu’ils entrent vraiment
par la porte dans l’Eglise .
Ce n’est pas dire toutefois que l’obligation
d’honorer Dieu en toutes choses ne soit pas commune à tous les hommes.
tous en effet ont été créés pour honorer Dieu
et Le servir ; et les Fidèles surtout, qui ont reçu -la Grâce
du Baptême, doivent remplir ce devoir de tout leur cœur, de tout
leur esprit et de toutes leurs forces. Mais ceux qui veulent recevoir le
sacrement de l’Ordre, doivent se proposer non seulement de chercher la
Gloire de Dieu en toutes choses, (obligation qui leur est évidemment
commune avec le reste des hommes, et spécialement avec les Fidèles),
mais encore de Le servir dans la sainteté et la justice,
en remplissant l’un ou l’autre des ministères de l’Eglise. Dans
une armée, tous les soldats obéissent aux ordres du Général.
Cependant ils n’ont pas tous les mêmes fonctions à remplir
; l’un est Capitaine, l’autre Commandant. De même tous les Fidèles
doivent faire tous leurs efforts pour vivre dans la piété
et l’innocence, (vertus qui honorent vraiment Dieu) ; et cependant il faut
aussi que ceux qui sont engagés dans les Ordres exercent certaines
Fonctions et certains Ministères particuliers. Ainsi ils offrent
les saints Mystères pour eux-mêmes et pour tout le peuple
; ils enseignent la Loi de Dieu ; ils exhortent et forment les Fidèles
à l’observer avec joie et empressement ; ils administrent les Sacrements
de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui nous donnent la Grâce,
la conservent et l’augmentent en nous: enfin pour tout dire en un mot,
ils vivent séparés de tout le reste du peuple, pour remplir
le plus grand et le plus excellent de tous les ministères.
Ces explications une fois données,
les Pasteurs passeront à celles qui se rattachent, à proprement
parler, à la nature même du Sacrement, afin que les Fidèles
qui désirent entrer dans l’Etat ecclésiastique, sachent bien
à quel genre de dignité ils sont appelés, et quelle
est l’étendue de la puissance que Dieu a donnée à
son Eglise et à ses Ministres.
§ II. — DE LA PUISSANCE ECCLESIASTIQUE.
La puissance ecclésiastique est
double ; elle se partage 1° en pouvoir d’Ordre, 2° en pouvoir de
Juridiction.
Le pouvoir d’Ordre a pour objet le Corps
adorable de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la Sainte eucharistie.
Le pouvoir de Juridiction s’exerce tout
entier sur son Corps mystique. C’est à lui qu’il appartient de gouverner
le peuple chrétien, de le conduire et de le diriger dans la voie
de la céleste et éternelle félicité.
Le pouvoir d’Ordre n’a pas seulement la
vertu et la propriété de consacrer l’Eucharistie ; il prépare
encore les cœur s à recevoir ce Sacrement, il les en rend dignes,
et, en général, il s’étend à tout ce qui peut
avoir quelque rapport avec l’Eucharistie.
Nos Saints Livres parlent de ce pouvoir
en beaucoup d’endroits. Mais nulle part il n’est exprimé plus clairement,
ni d’une manière plus expresse, que dans Saint Matthieu et dans
Saint Jean . « Comme mon Père m’a envoyé. dit
Notre-Seigneur, ainsi je vous envoie: recevez le Saint-Esprit: les péchés
seront remis d ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus
à ceux d qui vous les retiendrez. » Ailleurs, il disait:
« En vérité Je vous le dis ; tout ce que vous lierez
sur la terre sera lié dans le ciel ; et tout ce que vous délierez
sur la terre sera délié dans Ie ciel. » Ces deux textes
pourront jeter une lumière très grande sur la Vérité
que nous exposons, si les Pasteurs ont soin de les expliquer d’après
la doctrine et l’autorité des saints Pères. Combien une telle
puissance ne l’emporte-t-elle pas sur celle qui fut accordée sous
la loi de nature aux hommes chargés du soin des choses sacrées
! Car l’âge qui précéda la Loi écrite, eut,
lui aussi, son sacerdoce et son pouvoir spirituel, puisqu’il est certain
qu’il avait sa loi: loi et sacerdoce tellement inséparable, au témoignage
de l’Apôtre, que le changement de l’une entraîne nécessairement
le changement de l’autre. Guidés par un instinct, ou plutôt
par une inspiration naturelle, les hommes de ce temps-là sentaient
qu’ils devaient honorer Dieu, et, par une conséquence nécessaire,
ils durent, dans chaque pays, confier à quelques personnes choisies
le soin des choses saintes et du service divin: ce qui constitue par le
fait une sorte de pouvoir spirituel.
Chez les Juifs, on vit aussi un pouvoir
sacerdotal, bien supérieur, il est vrai, à celui dont les
Prêtres étaient revêtus sous la loi de nature, et cependant
infiniment moins excellent que la puissance spirituelle de la Loi Evangélique
; puissance toute céleste, qui surpasse celle des Anges mêmes,
qui d’ailleurs vient, non de Moise, mais de Jésus-Christ, Prêtre
selon l’ordre de Melchisédech, et non selon l’Ordre d’Aaron. Oui,
c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, possédant le pouvoir
de conférer la Grâce et de remettre les péchés,
a laissé à son Eglise ce même pouvoir, en le limitant
il est vrai dans son exercice, et en l’attachant aux Sacrements.
C’est pour exercer ce pouvoir que des
Ministres particuliers ont été institués et consacrés
avec des Cérémonies solennelles. Cette Consécration
a reçu le nom de sacrement de l’Ordre ou de sainte Ordination. Et
si les saints Pères ont cru devoir employer cette expression dont
la signification est très étendue, c’est que précisément
ils voulaient faire mieux apprécier la dignité et l’excellence
des Ministres de Dieu.
L’Ordre en effet, à prendre ce
mot dans sa force et dans son acception propre, est un arrangement de choses
supérieures et de choses inférieures, disposées entre
elles de telle sorte que l’une se rattache à l’autre. Par conséquent,
puisque dans ce ministère il y a plusieurs degrés et plusieurs
fonctions différentes, et que tout est distribué et arrangé
selon un ordre déterminé, le nom d’Ordre lui a été
très bien et très justement appliqué.
§ III. — L’ORDRE EST UN VRAI SACREMENT.
Que l’Ordre, ou l’Ordination sacrée,
soit un véritable Sacrement de l’Eglise, le saint Concile de Trente
le prouve par ce raisonnement que nous avons déjà employé
plusieurs fois: le Sacrement est le signe d’une chose sacrée ; or
ce qui se fait extérieurement dans cette Consécration signifie
la grâce et la puissance qui sont accordées à celui
que l’on ordonne. Il est donc bien évident d’après cela que
l’Ordre est un vrai Sacrement dans toute la rigueur du terme. Aussi quand
l’Evêque ordonne un Prêtre, il lui présente le Calice
avec le vin et l’eau, et la Patène avec le pain en disant: Recevez
le pouvoir d’offrir le Sacrifice, etc... Car l’Eglise a toujours enseigné
que ces paroles, jointes à la matière, confèrent réellement
le pouvoir de consacrer l’Eucharistie, et qu’elles impriment dans l’âme
un caractère qui porte avec lui la grâce nécessaire
pour s’acquitter dignement et légitimement de cette Fonction. Ainsi
le déclare l’Apôtre lui-même : « Je vous
avertis, dit-il à Timothée, de ressusciter la grâce
de Dieu qui est en vous par l’imposition de mes mains ; car Dieu ne nous
a pas donné un esprit de crainte, mais un esprit de force, d’amour
et de sagesse. »
Ainsi, pour nous servir des expressions
du saint Concile, l’exercice d’un Sacerdoce si sublime étant une
chose toute divine, il était de toute convenance, pour y attacher
plus de dignité et lui attirer plus de vénération,
qu’il y eût dans l’Eglise plusieurs sortes de Ministres de rangs
différents, et destinés à assister les Prêtres,
chacun selon ses fonctions propres. Voilà pourquoi ces fonctions
sont distribuées de telle sorte que ceux qui ont reçu la
tonsure cléricale, sont élevés ensuite aux Ordres
supérieurs, en passant par les Ordres inférieurs.
II faudra donc enseigner, et l’Eglise
catholique l’a toujours fait, que ces Ordres sont au nombre de sept, désignés
sous les noms de Portier, de Lecteur, d’Exorciste, d’Acolyte, de Sous-Diacre,
de Diacre et de Prêtre. Et c’est avec une grande sagesse que ces
Ordres ont été établis en pareil nombre. Il est facile
de le prouver par les différents ministères qui sont nécessaires
pour célébrer le Saint Sacrifice de la Messe, et pour administrer
la Sainte eucharistie. Car c’est pour ces deux fins qu’ils ont été
spécialement institués. Ces Ordres se divisent en majeurs,
et en mineurs. Les Ordres majeurs, qu’on appelle aussi Ordres sacrés,
sont la Prêtrise, le Diaconat et le Sous-diaconat. Les Ordres mineurs
sont ceux d’Acolyte, d’Exorciste, de Lecteur et de Portier. nous allons
dire un mot de chacun d’eux, afin que les Pasteurs puissent les expliquer,
surtout à ceux qui, selon eux, seraient appelés à
les recevoir.
§ IV. — DE LA TONSURE.
Parlons d’abord de la tonsure, qui est
comme une préparation à la réception des Ordres. (Car
c’est ainsi qu’il faut l’envisager). Or on prépare au Baptême
par les exorcismes, au Mariage par les Fiançailles. De même
aussi ceux à qui on coupe les cheveux, en les consacrant à
Dieu, sont introduits par là dans la voie du sacrement de l’Ordre:
car cette Cérémonie est la figure des dispositions que doit
avoir celui qui désire se vouer aux ministères sacrés.
Le nom de Clerc qu’on reçoit alors
pour la première fois vient de ce que le tonsuré commence
à prendre le Seigneur pour sa portion et pour son héritage.
Ainsi chez les Hébreux, ceux qui étaient attachés
au culte divin, ne devaient avoir aucune part dans le partage de la terre
promise, d’après l’ordre même du Seigneur qui leur avait dit
: « C’est Moi qui suis ta portion et ton héritage. »Et,
bien que ces paroles puissent s’appliquer à tous les Fidèles
sans exception, il est certain qu’elles conviennent particulièrement
à ceux qui se sont consacrés au service de Dieu.
On coupe les cheveux de telle sorte que
la tonsure forme une couronne, qu’il faut conserver toujours, et qui doit
être plus grande à mesure que l’on avance dans les Ordres.
L’Eglise enseigne que cet usage lui vient des Apôtres ; il en est
fait mention dans les Pères les plus anciens et les plus considérables,
tels que Saint Denys l’Aréopagite, Saint Augustin, et Saint Jérôme.
On dit même que Saint Pierre, le
prince des Apôtres, fut le premier qui introduisit cette coutume,
en mémoire de la couronne d’épines qui fut placée
sur la tête de notre Sauveur, afin que ce qui avait servi à
l’humiliation et au tourment de Jésus-Christ, dans les mains des
impies, fût pour les Apôtres un signe d’honneur et de gloire.
C’était en même temps un moyen de rappeler aux Ministres de
l’Eglise qu’ils doivent s’étudier à imiter Notre-Seigneur
et à le représenter en toutes choses.
Quelques-uns veulent que la tonsure soit
la marque de la dignité royale qui semble l’apanage réservé
à ceux que Dieu appelle à Le prendre pour leur héritage.
Car ce que l’Apôtre Saint Pierre attribue au peuple chrétien
tout entier, quand il dit : « Vous êtes la race choisie,
le sacerdoce royal, la nation sainte », convient bien mieux encore,
et d’une manière toute particulière — on le comprend aisément
— aux Ministres de la Sainte Eglise.
Il en est d’autres qui prétendent
que la tonsure ou couronne des Clercs est le signe de la vie plus parfaite
dont ils font profession. (La figure circulaire étant la plus parfaite
de toutes les figures). Enfin quelques autres pensent que la tonsure marque
le mépris des choses de ce monde et l’abandon de tous les soins
terrestres, parce qu’elle retranche une partie des cheveux qui sont en
effet quelque chose de superflu dans le corps humain.
§ V. — DES ORDRES MINEURS.
Après la tonsure, le premier degré
pour entrer dans les Ordres, c’est l’Ordre des Portiers. Le Portier a pour
Fonction de garder les clefs et la porte de l’Eglise, et d’empêcher
d’entrer ceux qui n’en sont pas dignes. Autrefois il assistait au Saint
Sacrifice de la Messe pour veiller à ce que personne n’approchât
trop près de l’Autel, et ne vînt troubler le Prêtre
occupé à célébrer les saints Mystères.
On lui confiait encore d’autres charges comme on peut le voir par les Cérémonies
qui s’observent à son Ordination. L’Evêque en effet prend
les clefs sur l’Autel, les met entre les mains de celui qu’il institue
Portier, et lui dit: « Conduisez-vous comme devant rendre compte
à Dieu des choses qui sont enfermées sous ces clefs. »
Dans l’ancienne Eglise, la dignité de cet Ordre était très
grande. On le voit par les objets qui se gardaient alors dans les temples.
Les Portiers réunissaient la charge de trésorier à
celle de Gardien du tabernacle et des vases sacrés. Aujourd’hui
encore d’ailleurs ces Fonctions sont des plus honorables dans l’Eglise.
Le second degré de l’Ordre est
celui de Lecteur. La fonction de Lecteur est de lire dans l’Eglise, d’une
voix claire et distincte, les Livres de l’Ancien et du nouveau testament,
et surtout ceux qui se récitent pendant la Psalmodie de la nuit.
Autrefois il était encore chargé d’enseigner aux Fidèles
les premiers éléments de la Religion chrétienne. C’est
pourquoi l’Evêque, quand il l’ordonne, lui remet en présence
du peuple le Livre où sont renfermées les choses qui regardent
ce ministère, et lui dit: « Recevez et transmettez la parole
de Dieu ; si vous remplissez fidèlement et avec fruit votre ministère,
vous aurez part avec ceux qui ont dignement annoncé la parole divine
dés le commencement. »
Le troisième Ordre est celui des
Exorcistes. Ils ont le pouvoir d’invoquer le nom du Seigneur sur ceux qui
sont possédés par des esprits immondes. C’est pourquoi l’Evêque,
en les ordonnant, leur présente le Livre où sont contenus
les exorcismes, et prononce en même temps ces paroles: « Prenez
ce Livre, et gardez-le dans votre mémoire, et recevez le pouvoir
d’imposer les mains sur les énergumènes, tant ceux qui sont
baptisés, que ceux qui sont encore catéchumènes. »
Enfin le quatrième et dernier des
Ordres mineurs est celui des Acolytes. Ils accompagnent les Ministres supérieurs,
Diacres et Sous-Diacres, dans le service de l’Autel, et ils ont pour charge
de les aider. En outre ils portent et gardent des cierges allumés,
pendant la Messe, et surtout pendant la lecture de l’Evangile, ce qui leur
a fait donner aussi le nom de Céroféraires, et voici le rite
que l’Evêque a coutume d’observer pour leur Ordination. D’abord il
les instruit des devoirs de leur charge, puis il donne à chacun
d’eux un flambeau allumé, en disant: « Recevez ce chandelier
avec ce cierge, au nom du Seigneur, et sachez que vous êtes chargé
d’allumer les Cierges de l’Eglise. » Ensuite il leur présente
vides les burettes dans lesquelles on met le vin et l’eau du sacrifice,
et il ajoute: « Recevez au nom du Seigneur ces burettes, pour servir
l’eau et le vin nécessaires à la Consécration de l’Eucharistie
de notre Seigneur. »
§ VI. — DES ORDRES MAJEURS.
Des Ordres mineurs et non sacrés
dont nous venons de parler, on peut s’élever légitimement
et parvenir aux Ordres majeurs et sacrés. Au premier degré
de ces Ordres, on rencontre le Sous-Diacre dont les Fonctions, comme le
nom l’indique, sont de servir le Diacre à l’Autel. C’est lui qui
doit préparer les linges sacrés, les vases, le pain et le
vin nécessaires à la célébration du Sacrifice.
Aujourd’hui c’est lui qui présente l’eau à l’Evêque
et au Prêtre, lorsqu’ils se lavent les mains à la Messe. C’est
à lui également de réciter l’Epître, qui était
lue autrefois par le Diacre. Il assiste aux saints Mystères comme
témoin, et il est chargé de veiller à ce que personne
ne vienne troubler le Célébrant.
Ces différentes Fonctions qui appartiennent
au Sous-Diacre sont toutes indiquées dans les Cérémonies
sacramentelles de son Ordination. Et d’abord l’Evêque l’avertit qu’une
chasteté perpétuelle est imposée au Sous-Diaconat:
il déclare que personne ne doit être admis à cet Ordre,
sans avoir la volonté sincère de se soumettre à l’obligation
du Célibat ; puis après avoir récité solennellement
les Litanies des Saints, il énumère et il expose les obligations
et les charges du Sous-Diacre.
Ensuite chacun des Ordinands reçoit
des mains de l’Evêque le Calice et la Patène ; et pour leur
faire comprendre que le Sous-Diacre doit servir le Diacre, l’Archidiacre
leur fait toucher les burettes pleines de vin et d’eau, un bassin avec
un linge pour s’essuyer les mains. En même temps l’Evêque prononce
ces paroles: « Voyez quel ministère vous est confié.
Je vous conjure de vous montrer digne de plaire à Dieu. »
On ajoute encore d’autres Prières.
Et enfin, quand l’Evêque a revêtu le Sous-Diacre des ornements
sacrés pour chacun desquels il y a des paroles et des cérémonies
particulières, il lui donne le Livre des Epîtres en disant:
« Recevez le Livre des Epîtres, avec le pouvoir de les lire
dans la sainte Eglise de Dieu, tant pour les vivants que pour les morts.
»
Le second des Ordres sacrés, c’est
le Diaconat, dont les fonctions sont beaucoup plus étendues et ont
toujours été regardées comme beaucoup plus saintes.
Le Diacre doit toujours être à côté de l’Evêque
; garder sa personne pendant qu’il prêche ; le servir, lui et le
Prêtre, dans la célébration du sacrifice comme dans
l’administration des Sacrements, et de plus lire l’Evangile à la
Messe. Autrefois il avertissait de temps en temps les Fidèles de
se rendre attentifs aux saints Mystères. Il distribuait aussi le
Sang du Seigneur dans les Eglises où les Chrétiens avaient
l’habitude de recevoir l’Eucharistie sous les deux espèces. En même
temps la dispensation des biens ecclésiastiques lui était
confiée et il devait fournir à chacun ce qui lui était
nécessaire pour son entretien. C’est encore au Diacre, comme l’œil
de l’Evêque en quelque sorte, de voir quels sont ceux qui dans les
temps marqués vont aux Sacrifices et aux Sermons, et ceux qui y
manquent ; ensuite il doit en rendre compte à l’Evêque, afin
qu’il puisse exhorter, avertir, reprendre, blâmer, soit en particulier,
soit en public, suivant qu’il le jugera plus utile et plus convenable.
Le Diacre lit aussi les noms des Catéchumènes
et il présente à l’Evêque ceux qui doivent être
admis au sacrement de l’Ordre. Enfin, à défaut de l’Evêque
et du Prêtre, il peut encore expliquer l’Evangile, mais non pas du
haut de la chaire, afin qu’il soit bien compris que cette Fonction n’appartient
pas proprement à son ministère.
On doit au reste prendre les plus grandes
précautions pour ne pas élever des indignes à ce degré
de (Ordre. Saint Paul nous le montre dans son Epître à Timothée
en lui exposant ce que doivent être les mœurs, la vertu et (intégrité
du Diacre. nous le voyons aussi par les rites et les cérémonies
solennelles qui se pratiquent à son Ordination. Les prières
de l’Evêque sont plus longues et plus augustes que pour l’ordination
du Sous-Diacre. II ajoute pour lui de nouveaux ornements sacrés.
Il lui impose les mains, comme nous lisons que les Apôtres le firent,
en instituant les premiers Diacres. Enfin il lui remet le Livre des Evangiles
en disant: « Recevez, au nom du Seigneur, le pouvoir de lire l’Evangile
dans l’Eglise de Dieu, pour les vivants et pour les morts. »
§ VII. — DU SACERDOCE.
Le troisième et le plus élevé
des Ordres sacrés, c’est le Sacerdoce. Ceux qui en sont revêtus
sont désignés communément sous deux noms distincts
par les Pères des premiers siècles. tantôt ils sont
appelés Prêtres, d’un mot grec qui signifie anciens: et cela
non seulement à cause de la maturité de l’âge si nécessaire
pour cet Ordre, mais beaucoup plus encore à cause de leur savoir,
de leur prudence et de la gravité de leurs mœurs. Car il est écrit:
« La vieillesse vénérable n’est point celle qui se
compte par le nombre des années et la longueur du temps ; c’est
la prudence qui est la vieillesse de l’homme, et la vie sans tache est
une longue vie. »
Tantôt, on les nomme Sacerdotes,
mot latin qui veut dire ou qu’ils sont consacrés à Dieu,
ou bien qu’ils administrent les Sacrements, et qu’ils sont chargés
de toutes les choses sacrées et divines.
Mais comme les saintes Lettres distinguent
deux Sacerdoces, l’un intérieur et l’autre extérieur, il
est nécessaire de les caractériser tous deux, afin que les
Pasteurs puissent expliquer de quel Sacerdoce il est ici question.
Ainsi lorsqu’on dit des Fidèles
purifiés par l’eau du Baptême qu’ils sont prêtres, c’est
d’un Sacerdoce intérieur que l’on veut parler. Dans le même
ordre d’idées, tous les justes sont prêtres, qui ont l’esprit
de Dieu en eux, et qui sont devenus par un bienfait de la Grâce,
membres vivants du souverain Prêtre qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ.
En effet, ils immolent à Dieu, sur l’autel de leur cœur, des hosties
spirituelles, toutes les fois que, éclairés par la Foi et
enflammés par la Charité, ils font des œuvres bonnes et honnêtes
qu’ils rapportent à la gloire de Dieu. C’est pourquoi nous lisons
dans l’Apocalypse: « Jésus-Christ nous a lavés
de nos péchés dans son Sang, et Il nous a faits rois et prêtres
pour Dieu son Père. » C’est aussi ce qui a fait dire au prince
des Apôtres: « vous êtes posés sur
Lui comme des pierres vivantes, pour former un édifice spirituel
et un Sacerdoce saint afin d’offrir à Dieu des sacrifices spirituels
qui lui soient agréables par Jésus-Christ. » C’est
encore pour cette raison que l’Apôtre nous exhorte «
à offrir à Dieu nos corps comme une hostie vivante, sainte
et agréable à ses yeux, et à Lui rendre un culte spirituel.
» Enfin, longtemps auparavant, David avait dit: «
le sacrifice que Dieu demande est une âme brisée de douleur,
vous ne dédaignerez pas, ô mon Dieu, un cœur contrit et humilié.
» Tout cela, évidemment, se rapporte au Sacerdoce intérieur.
Quant au Sacerdoce extérieur, il
n’appartient point à tous les Fidèles, mais seulement à
certains hommes qui ont reçu l’imposition des mains d’une manière
légitime ; qui ont été ordonnés et consacrés
à Dieu avec les Cérémonies solennelles de la Sainte
Eglise, et qui, par le fait, se trouvent dévoués à
un ministère sacré, et d’une nature toute particulière.
Cette distinction des deux Sacerdoces
peut déjà se remarquer dans l’ancienne Loi. David, comme
nous venons de le montrer, a parlé du Sacerdoce intérieur.
D’autre part personne n’ignore combien le Seigneur fit d’ordonnances relatives
au Sacerdoce extérieur, par le ministère de Moïse et
d’Aaron. Il y a plus, II attacha au service du temple la tribu de Lévi
tout entière, et II défendit par une Loi d’admettre à
ces Fonctions sacrées aucun homme d’une autre tribu. Ainsi le roi
Osias, ayant usurpé le ministère sacerdotal, fut frappé
de lèpre par le Seigneur en punition de sa témérité
et de son sacrilège. Et comme nous découvrons dans la Loi
Evangélique cette même distinction d’un double Sacerdoce,
il importe d’avertir les Fidèles qu’il s’agit ici du Sacerdoce extérieur,
conféré seulement à certains hommes. Lui seul, en
effet, appartient au sacrement de l’Ordre.
§ VIII. — DEGRES ET FONCTIONS DU
SACERDOCE
Les Fonctions du Prêtre sont d’offrir
à Dieu le St Sacrifice de la Messe et d’administrer les Sacrements
de l’Eglise. C’est ce qu’il est facile de voir par les Cérémonies
mêmes de son Ordination.
D’abord, lorsque l’Evêque ordonne
un Prêtre, il lui impose les mains, ainsi que tous les autres prêtres
qui sont présents à la Cérémonie.
Ensuite il lui met sur les épaules
une étole qu’il ramène et dispose sur sa poitrine en forme
de croix pour lui faire entendre qu’il est revêtu de la Fonce d’en
haut avec laquelle il pourra porter la Croix de Jésus-Christ et
le joug, plein de douceur, de la Loi divine, et aussi enseigner cette Loi
non seulement par ses paroles mais encore par l’exemple d’une vie très
sainte et très pure.
Après cela, il fait sur ses mains
l’Onction de l’Huile sainte ; puis il lui remet le Calice avec du vin et
la patène avec une hostie, en disant: « recevez le pouvoir
d’offrir à Dieu le Sacrifice, et de célébrer la Messe
tant pour les vivants que pour les morts. » Ces cérémonies
et ces paroles font du Prêtre l’interprète et le médiateur
entre Dieu et les hommes: ce qui est sa principale Fonction.
Enfin l’Evêque impose une seconde
fois les mains sur sa tête, en lui disant: « Recevez le Saint-Esprit,
les péchés seront remis à ceux à qui vous les
remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous tes retiendrez.
» C’est par là qu’il lui communique le pouvoir divin de remettre
et de retenir les péchés que Notre-Seigneur donna à
ses Apôtres.
Telles sont les Fonctions propres et les
principaux apanages de l’ordre sacerdotal. Cet Ordre est un en lui-même.
toutefois cette unité n’exclut pas différents degrés
de dignité et de puissance.
Le premier de ces degrés est celui
de la Prêtrise proprement dite. nous venons d’en parler.
Le second est celui de l’Episcopat. Les
Evêques sont placés à la tête des Diocèses,
pour gouverner non seulement les autres Ministres de l’Eglise, mais encore
le peuple fidèle et pour s’occuper de leur salut avec une vigilance
et un soin extrêmes. C’est ce qui les a fait appeler souvent dans
l’Ecriture les Pasteurs des brebis ; et Saint Paul a tracé leurs
devoirs et leurs fonctions dans ce discours qu’il adressa aux Ephésiens,
et que nous lisons dans les Actes des Apôtres.
Saint Pierre a donné aussi lui-même
une règle toute divine pour l’exercice du ministère épiscopal,
et si les Evêques s’étudient à y conformer leur conduite,
il est impossible qu’ils ne soient pas de bons Pasteurs, et qu’ils ne passent
pour tels.
Les Evêques s’appellent encore Pontifes.
Ce nom vient des païens. C’est ainsi qu’ils nommaient les premiers
de leurs prêtres.
Le troisième degré est celui
des Archevêques. Ils sont à la tête d’un certain nombre
d’Evêques. Ils portent aussi le nom de Métropolitains, parce
que les villes dont ils sont Evêques sont considérées
comme les mères de la province. Leur dignité est plus élevée
et leur puissance plus étendue que celle des Evêques, quoique
leur Ordination soit absolument la même.
En quatrième lieu viennent les
Patriarches, c’est-à-dire les premiers et les plus élevés
des Pères. Autrefois, en dehors du Pontife de Rome, on ne comptait
que quatre Patriarches dans l’Eglise universelle. Mais ils n’étaient
pas tous égaux en dignité. Celui de Constantinople, bien
qu’il n’eût obtenu cet honneur qu’après tous les autres, avait
le premier rang, à cause de la majesté de la Capitale de
l’empire. Le second était celui d’Alexandrie dont l’Eglise avait
été fondée par S: Marc l’Evangéliste, et sur
l’ordre du prince des Apôtres. Le troisième était celui
d’Antioche où Saint Pierre avait établi son premier siège.
Enfin le quatrième était celui de Jérusalem, dont
l’Eglise avait été gouvernée d’abord par Saint Jacques,
frère du Seigneur.
Mais au-dessus de tous, l’Eglise catholique
a toujours placé le Pontife Romain, que Saint Cyrille d’Alexandrie,
au concile d’Ephèse, appelait le Père et le Patriarche de
tout l’univers. En effet, il est assis sur le siège de Saint Pierre,
sur lequel il est certain que le prince des Apôtres demeura jusqu’à
la fin de sa vie. Et c’est pour cette raison que l’Eglise reconnaît
en lui la Primauté d’honneur et l’universalité de Juridiction
qu’il tient, non des décrets des Conciles, ou d’autres constitutions
humaines, mais de Dieu Lui-même. Il est le Père et le Guide
de tous les Fidèles, de tous les Evêques et de tous les autres
Prélats, quelles que soient leurs dignités et leurs fonctions.
Et en cette qualité, comme successeur de Saint Pierre, comme Vicaire
légitime et véritable de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
il gouverne l’Eglise tout entière.
Les Pasteurs se serviront de cet exposé.
pour enseigner aux Fidèles quels sont les principaux devoirs et
les principales attributions des différents Ordres ecclésiastiques.
Et aussi quel en est le véritable Ministre.
Ce Ministre, c’est l’Evêque. Car
il est certain qu’il n’appartient qu’à lui de conférer les
saints Ordres. On le prouve de la manière la plus facile et la plus
incontestable par l’autorité de la sainte Ecriture, par la tradition,
par les saints Pères, par les décisions des Conciles, et
par l’usage et la coutume de l’Eglise. Il est vrai que certains Abbés
dans leurs monastères, ont été autorisés parfois
à conférer les ordres mineurs, à l’exclusion des Ordres
sacrés. Mais cette Fonction n’en est pas moins réservée
absolument à l’Evêque, qui d’ailleurs peut seul conférer
les Ordres majeurs ou sacrés. Pour ordonner les Sous-Diacres, les
Diacres et les Prêtres, un seul Evêque suffit ; mais pour consacrer
les Evêques, une tradition apostolique, qui s’est toujours maintenue
dans l’Eglise, veut qu’il y en ait trois.
§ IX. — DES DISPOSITIONS NECESSAIRES
POUR LES ORDRES.
Il nous reste maintenant à parler
de ceux qui sont aptes à recevoir le sacrement de l’Ordre et spécialement
la Prêtrise, ainsi que des dispositions que l’on doit exiger d’eux.
Ce que nous dirons de ces dispositions suffira pour faire aisément
concevoir celles que demandent les autres Ordres, chacun suivant son rang
et sa dignité. Or, ce qui nous montre combien il faut prendre de
précautions pour administrer l’Ordination, c’est que tous les autres
Sacrements donnent à ceux qui les reçoivent des Grâces
de sanctification et d’utilité personnelles, tandis que ceux qui
sont initiés aux Ordres sacrés participent à la Grâce
céleste pour que leur ministère profite au salut de l’Eglise
et de tous les hommes.
C’est pour cela qu’il y a eu de tout temps
dans l’Eglise des jours spécialement marqués pour les Ordinations,
et même selon un antique usage, des jeûnes solennels attachés
à ces jours-là. On a voulu porter les Fidèles à
demander à Dieu, par de saintes et ferventes prières, des
Ministres sacrés capables d’exercer dignement, et pour le bien de
l’Eglise, la puissance que donne un ministère aussi sublime.
La première qualité requise
dans celui qui aspire au Sacerdoce, c’est la pureté de vie et de
mœurs. En effet celui qui se ferait ou seulement se laisserait ordonner
dans l’état de péché mortel, se rendrait coupable
d’un crime nouveau et très grave. Mais de plus le Prêtre est
obligé de donner aux autres l’exemple d’une vie vertueuse et innocente.
Les Pasteurs auront donc soin de faire connaître les règles
que Saint Paul prescrivait à cet égard à Tite et à
Timothée. Ils enseigneront en même temps que les défauts
corporels qui excluaient du service des Autels d’après les prescriptions
du Seigneur dans la Loi ancienne doivent s’entendre des vices de l’âme
dans la Loi Evangélique. C’est pourquoi cette sainte coutume s’est
établie dans l’Eglise de n’admettre aux Ordres sacrés que
ceux qui auparavant purifient soigneusement leur conscience dans le sacrement
de Pénitence.
En second lieu le Prêtre est obligé
non seulement de connaître ce qui regarde l’usage et l’administration
des Sacrements, mais encore d’être assez versé dans la science
des saintes Ecritures, pour pouvoir apprendre au peuple les Mystères
de la Foi chrétienne avec les préceptes de la Loi divine,
l’exhorter à la Piété et à la Vertu, le retirer
et l’éloigner du vice. Car le Prêtre a deux grands devoirs
à remplir: l’un de produire et d’administrer les sacrements, l’autre
d’enseigner aux Fidèles confiés à sa garde les choses
et les règles de conduite nécessaires au salut. Ainsi le
demande le Prophète Malachie: « Les lèvres du
Prêtre, dit-il, seront dépositaires de la science ; c’est
de sa bouche qu’on attendra l’explication de la Loi, parce qu’il est l’ange
du Seigneur des armées. »
Pour remplir le premier de ces devoirs,
il n’est pas besoin, il est vrai, d’une science extraordinaire, mais d’autre
part une science commune ne suffit point pour s’acquitter convenablement
du second. Cependant on ne demande pas également à tous les
Prêtres de savoir le dernier mot sur les points les plus obscurs.
C’est assez que chacun connaisse ce qui est indispensable pour l’exercice
de sa charge et de son ministère. On ne doit point conférer
les saints Ordres aux enfants, ni aux frénétiques, ni aux
insensés, parce qu’ils sont tous privés de l’usage de la
raison. néanmoins s’ils venaient à les recevoir, ils en recevraient
aussi le caractère, qui demeurerait imprimé en eux.
Quant à l’âge précis
qu’il faut avoir pour s’approcher de chacun de ces Ordres, nous renvoyons
aux décrets du saint Concile de Trente.
On n’ordonne pas davantage les esclaves,
car on ne peut vouer au service divin ceux qui ne s’appartiennent pas,
et qui sont en puissance d’un autre ; ni les homicides et les hommes de
sang, la Loi de l’Eglise les repousse et les déclare irréguliers
; ni ceux dont les parents n’ont pas été mariés selon
les lois de l’Eglise ; il convient que ceux qui sont attachés au
service divin n’aient rien en eux qui puisse les exposer d’une manière
quelconque à la déconsidération et au mépris
publics.
Enfin on n’ordonne pas non plus les estropiés,
ni ceux qui ont quelque difformité corporelle considérable.
Une laideur et une infirmité de cette nature, ont, l’une, quelque
chose de choquant, et l’autre, quelque chose de gênant dans l’administration
des Sacrements.
§ X. — DES EFFETS DE L’ORDRE.
Ces explications données, les Pasteurs
n’ont plus qu’à faire connaître les effets de ce Sacrement.
Or il est certain que l’Ordre, quoique destiné directement, comme
nous l’avons dit, au bien et à l’avantage de l’Eglise, produit néanmoins
dans l’âme de celui qui le reçoit, la Grâce de la sanctification
qui le rend propre et habile à remplir ses Fonctions et à
administrer les Sacrements d’une manière convenable, de même
que la grâce du Baptême rend propre à recevoir tous
les autres Sacrements.
Il est encore une autre Grâce que
l’Ordre confère, c’est une puissance particulière par rapport
au très saint sacrement de l’Eucharistie ; puissance pleine et parfaite
dans le Prêtre, parce qu’il peut seul consacrer le Corps et le Sang
de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; mais plus ou moins grande dans
les Ordres inférieurs, selon que leur ministère les rapproche
plus ou moins du sacrement de l’Autel. C’est
cette grâce que l’on appelle caractère
spirituel, parce qu’elle est comme une marque imprimée dans l’âme
de ceux qui ont été ordonnés, qui sert à les
distinguer des simples Fidèles, et qui les consacre au service divin.
C’est cette Grâce que l’Apôtre avait sans doute en vue, quand
il écrivait à Timothée : « Ne négligez
pas la Grâce qui est en vous, qui vous a été donnée
suivant une révélation prophétique, avec l’imposition
des mains des Prêtres ; » et encore : « Je vous
avertis de ressusciter la Grâce de Dieu qui est en vous par l’imposition
de mes mains. »
Nous en avons assez dit sur le sacrement
de l’Ordre, ne voulant présenter ici que les points principaux de
la doctrine qui s’y rapporte, et fournir aux Pasteurs un moyen d’instruire
les Fidèles à cet égard, en les formant à la
Piété chrétienne.
Chapitre vingt-septième —
Du sacrement de Mariage
S’il est vrai que les Pasteurs ne doivent
se proposer que le bonheur et la perfection des Fidèles, leur vœu
le plus ardent pour eux devrait être celui de l’Apôtre écrivant
aux Corinthiens : « Je voudrais que tous les hommes fussent
comme moi, » c’est-à-dire, je voudrais les voir vivre toujours
chastes. Il n’y a pas en effet de bonheur plus grand en ce monde que d’avoir
l’âme tranquille, dégagée des soins et des soucis de
ce monde, en paix du côté de la concupiscence et des convoitises
coupables, uniquement occupée de la piété et de la
méditation des choses du ciel.
Mais, dit le même Apôtre
: « Chacun a reçu de Dieu un don particulier, l’un d’une manière,
et l’autre d’une autre. » D’ailleurs le Mariage possède des
grâces et des biens tout célestes ; il est devenu l’un des
sept Sacrements de l’Eglise catholique ; Notre-Seigneur voulut bien un
jour honorer de sa présence la solennité des noces. tous
ces motifs nous prouvent suffisamment que les Pasteurs doivent instruire
les Fidèles sur cette matière, surtout en voyant Saint Paul
et le Prince des Apôtres consigner avec le plus grand soin dans plusieurs
passages de leurs écrits ce qui a rapport non seulement à
la dignité mais encore aux devoirs du Mariage. Inspirés tous
deux par le Saint-Esprit, ils comprenaient très bien les immenses
avantages qui rejailliraient sur la société chrétienne,
si les Fidèles connaissaient et conservaient sans tache la sainteté
de cet état, comme aussi ils pouvaient prévoir combien l’ignorance
et les fautes, à cet égard, seraient funestes à l’Eglise,
et attireraient sur elle les plus grandes calamités.
§ I. — QU’EST-CE QUE LE MARIAGE
Parlons d’abord de la nature et des propriétés
du Mariage. Le vice se cache souvent sous les dehors de la vertu, et il
est à craindre que les Fidèles trompés par une fausse
apparence de Mariage, ne vivent dans le péché en suivant
l’entraînement de leurs caprices. Mais pour donner ces explications
il faut voir d’abord ce que signifie ce mot de Mariage.
Le Mariage s’appelle en latin matrimonium,
du mot mater, mère, parce que la femme se marie surtout pour devenir
mère, ou bien de ces deux mots: matris munus, fonction de la mère,
parce que en raison de la maternité elle doit supporter les plus
lourdes charges que lui imposent les enfants.
On l’appelle aussi conjugium, union conjugale,
d’un mot latin qui veut dire: placer sous le joug, parce que le même
joug lie entre eux la femme et le mari légitimes.
Enfin on le nomme encore nuptiae, noces,
qui signifie voiler, soit parce que les jeunes filles en se mariant se
voilaient par modestie, comme dit Saint Ambroise ; soit pour marquer par
là l’obéissance et la soumission que la femme doit au mari.
Voici maintenant la définition
ordinaire que les Théologiens nous en donnent: le Mariage est l’union
conjugale de l’homme et de la femme, contractée selon les Lois de
l’Eglise, et constituant une communauté de vie inséparable.
Pour bien comprendre toutes les parties
de cette définition, il faut remarquer que si, dans un Mariage parfait,
on trouve tout d’abord le consentement intérieur des personnes,
puis un pacte, ou convention extérieure exprimée par des
paroles, ensuite l’obligation et le lien qui naît de la convention,
et enfin les rapports des Epoux qui achèvent le Mariage, rien de
tout cela cependant n’en renferme la nature et l’essence, excepté
cette obligation, ce lien qui est indiqué dans le mot d’union.
On ajoute le mot conjugale, parce que
les autres contrats ou conventions pour lesquels l’homme et la femme s’obligent
à se prêter un mutuel secours, par argent, ou autrement, n’ont
rien de commun avec le Mariage.
Ces mots qui viennent ensuite, contractée
suivant les lois, ou bien, entre personnes légitimes, nous montrent
qu’il est des personnes à qui les lois interdisent absolument le
Mariage, et par conséquent qui ne peuvent contracter validement
cette sorte d’union ; et celle qu’elles tenteraient serait nulle. Ainsi
par exemple le Mariage ne peut être contracté légitimement
ni validement entre personnes parentes au quatrième degré,
ni entre celles qui n’auraient point l’âge fixé par les lois
qui régissent la matière et que l’on doit toujours observer
fidèlement.
Enfin nous avons dit que le Mariage oblige
l’homme et la femme à vivre dans une communauté inséparable,
parce que le lien qu’il établit entre eux est absolument indissoluble.
D’où il suit nécessairement
que l’essence même du Mariage est dans ce lien dont nous parlons.
Et si quelques théologiens, et non des moindres, semblent la faire
consister dans le consentement, lorsqu’ils disent que l’union conjugale,
c’est le consentement de l’homme et de la femme, cela doit s’entendre en
ce sens que c’est le consentement qui est la cause efficiente du Mariage.
Ainsi l’ont enseigné les Pères du Concile de Florence. Et
en effet il n’y a ni obligation, ni lien possibles sans consentement, et
sans pacte.
Mais il est essentiel que le consentement
soit exprimé par des paroles qui marquent un temps présent.
Le Mariage n’est pas une simple donation, c’est un pacte mutuel, par conséquent
le consentement d’un seul ne saurait suffire pour le former, il faut le
consentement des deus parties. Or il est clair que la parole est nécessaire
pour manifester le consentement réciproque des cœurs.
Si le mariage pouvait exister avec un
consentement purement intérieur, et sans aucun signe sensible, il
s’en suivrait par exemple, que si deux personnes habitant des pays très
éloignés et très différents, venaient à
avoir la volonté de s’épouser, il y aurait réellement
Mariage entre eux dès ce moment, et Mariage réel et solide,
avant même de s’être fait connaître réciproquement
leur volonté, par lettre ou autrement. Ce qui est contraire à
la raison, à la coutume et aux ordonnances de l’Eglise.
Mais de plus il est nécessaire
que le consentement mutuel se donne en des termes qui indiquent le présent.
Des paroles qui marqueraient le futur promettraient simplement le Mariage,
mais ne le formeraient point. D’ailleurs ce qui est à venir, n’existe
pas encore ; et ce qui n’est pas encore doit être considéré
comme ayant peu ou point de consistance et de stabilité. C’est pourquoi
celui qui a seulement promis d’épouser une femme, n’a point encore
acquis à son égard les droits du Mariage, puisque ce qu’il
a promis n’est pas exécuté: Cependant il doit tenir sa parole,
autrement il commettrait le crime de parjure.
Quant à celui que le pacte du Mariage
a une fois uni à une autre, il ne peut plus dans la suite ni changer,
ni invalider, ni annuler cette alliance, quand même il se repentirait
de l’avoir contractée. L’obligation du Mariage n’est donc point
une simple promesse ; c’est une cession véritable que l’homme et
la femme se font mutuellement d’eux-mêmes ; et par conséquent
elle doit être nécessairement formulée par des paroles
qui indiquent le présent ; paroles dont l’effet subsiste ensuite
d’une manière permanente, puisqu’elles tiennent l’Epoux et l’Epouse
enchaînés dans un indissoluble lien. Cependant ces paroles
peuvent être remplacées par des signes et des mouvements,
qui exprimeraient clairement le consentement intérieur. Le silence
même suffirait, si, par exemple, une jeune fille ne répondait
point par modestie, et si ses parents parlaient pour elle en sa présence.
Les Pasteurs enseigneront donc aux Fidèles,
d’après ce que nous venons de dire, que le Mariage consiste essentiellement
dans l’obligation ou lien qui unit les Epoux ; que le
consentement, exprimé comme nous
l’avons dit, suffit pour produire un véritable Mariage, et qu’il
n’est point nécessaire pour cela que le Mariage soit effectif. Avant
leur péché, nos premiers parents étaient certainement
unis par un mariage réel, et cependant ce Mariage n’avait point
reçu son achèvement. C’est l’enseignement formel des Saints
Pères. Aussi n’hésitent-ils pas à dire que le Mariage
consiste non dans l’usage mais dans le consentement. Ainsi le répète
entre autres Saint Ambroise dans son Livre des Vierges.
Après ces explications il faudra
faire remarquer que le Mariage a un double caractère: on peut le
considérer comme une union naturelle, (car ce n’est pas une invention
des hommes, mais une institution de la nature), ou bien comme un Sacrement,
dont la vertu est supérieure aux choses purement naturelles. Et
comme la grâce perfectionne la nature, et que, au témoignage
de l’Apôtre « le spirituel ne précède point ce
qui est animal, mais qu’il ne vient qu’après », l’ordre logique
demande que nous traitions d’abord du Mariage, en tant qu’il est fondé
sur la nature et qu’il produit des obligations naturelles. nous exposerons
ensuite ce qu’il est comme Sacrement.
§ II. — DU MARIAGE CONSIDERE PAR
RAPPORT A LA NATURE.
Les Fidèles doivent savoir tout
d’abord que le Mariage a été institué par Dieu. En
effet nous lisons dans la Genèse: « Dieu créa
l’homme et la femme. Il les bénit et leur dit: croissez et multipliez.
Et encore: Il n’est pas bon que l’homme soit seul: faisons-lui un aide
qui lui ressemble. Puis un peu plus loin: Il ne se trouvait point pour
Adam d’aide qui fut semblable à lui. Le Seigneur lui envoya un doux
sommeil, et pendant qu’il dormait Il lui tira une côte, et mit de
la chair à la place, et de la côte qu’Il venait d’enlever
à Adam Il forma la femme qu’Il lui présenta, et Adam, la
voyant, s’écria: c’est l’os de mes os et la chair de ma chair. Elle
sera appelée d’un nom pris de l’homme parce qu’elle a été
tirée de l’homme. C’est pourquoi l’homme abandonnera son père
et sa mère, et il s’attachera à sa femme, et ils seront deux
dans une même chair. »
Ces paroles, selon le témoignage
même de notre Sauveur dans Saint Matthieu , prouvent que Dieu
Lui-même est l’Auteur du Mariage. Et non seulement Dieu est l’Auteur
du Mariage, mais encore, comme l’enseigne le Concile de Trente ,
Il a voulu que cette union eût un lien perpétuel et indissoluble.
« Ce que Dieu a joint, dit le Sauveur Lui-même , que
l’homme ne le sépare point ! » Bien que l’indissolubilité
convienne parfaitement au Mariage comme œuvre de la nature, c’est surtout
à son titre de Sacrement qu’il la doit. C’est ce même titre
qui élève à leur haute perfection toutes ses propriétés
naturelles. toutefois, l’éducation des enfants et les autres fins
du Mariage répugnent à la dissolution du lien qui le constitue.
Quant à ces paroles du Seigneur:
« Croissez et multipliez », elles ont pour but de faire connaître
la cause de l’institution du Mariage, et non d’en imposer l’obligation
à tout le monde. Le genre humain étant multiplié comme
il l’est, non seulement personne n’est tenu par aucune loi à se
marier, mais encore la virginité est hautement célébrée
et conseillée dans nos Saints Livres, comme supérieure à
l’état du Mariage, c’est-à-dire plus parfaite et plus sainte.
Ainsi l’a enseigné Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même
par ces paroles: « Que celui qui peut comprendre, comprenne.
» Et Saint Paul a dit après Lui: « Je n’ai
point reçu de commandement du Seigneur relativement aux vierges
; mais voici le conseil que je donne, comme ayant reçu de Dieu la
grâce d’être son fidèle Ministre. »
§ III. — DES MOTIFS ET DES FINS DU
MARIAGE.
Nous avons maintenant à exposer
les motifs qui doivent déterminer l’homme et la femme à se
marier.
Le premier, c’est l’instinct naturel,
qui porte les deux sexes à s’unir, dans l’espoir de s’aider mutuellement,
et de trouver dans cette réciprocité de secours plus de forces
pour supporter les incommodités de la vie et les infirmités
de la vieillesse.
Le second est le désir d’avoir
des enfants, moins il est vrai pour laisser des héritiers de ses
biens et de ses richesses, que pour donner à Dieu des serviteurs
croyants
et fidèles. telle était,
avant tout, l’intention des saints Patriarches de l’ancienne Loi, lorsqu’ils
prenaient des épouses. nos Saints Livres ne nous laissent aucun
doute sur ce point. Et c’est pourquoi l’Ange Raphaël, apprenant à
Tobie le moyen de se défendre contre les violences du démon,
lui disait: « Je vous montrerai qui sont ceux sur qui
le démon a de la puissance. Ce sont ceux qui entrent dans le mariage,
sans penser à Dieu et à son amour, uniquement pour satisfaire
leurs passions, comme des animaux sans raison. Le démon est tout
puissant contre eux. » — Puis l’Ange ajoutait: « mais vous,
vous prendrez cette jeune fille avec la crainte du Seigneur, dans le désir
d’avoir des enfants, et non de satisfaire vos passions, afin que vous obteniez
dans vos enfants la bénédiction promise à la race
d’Abraham. »
Et c’est là, en effet, la fin véritable
pour laquelle Dieu institua le Mariage au commencement. Aussi ceux-là
commettent une faute très grave qui s’opposent volontairement à
cette fin du mariage ; elle a été voulue et ordonnée
par Dieu qui unit inséparablement les droits et les devoirs.
A ces deux premiers motifs un troisième
est venu s’adjoindre depuis le péché du premier homme, après
qu’il eut perdu l’innocence dans laquelle il avait été créé,
et que la concupiscence eut commencé à se révolter
contre la droite raison. Dès lors celui qui a conscience de sa faiblesse,
et qui ne veut point combattre les révoltes de la chair, doit trouver
dans le mariage un secours pour son salut. Et c’est ce qui a fait dire
à l’Apôtre : « dans la crainte du péché,
que chaque homme vive avec sa femme, et chaque femme avec son mari. »
Puis après avoir dit « qu’il est bon de ne pas toujours user
de tous ses droits afin de vaquer plus librement au devoir de la prière
», il ajoute encore « que les Epoux ne doivent pas cesser dans
leur vie commune de se prêter un mutuel appui contre les tentations
et la faiblesse d’ici-bas. »
Voilà donc les motifs qui doivent,
l’un ou l’autre, déterminer ceux qui veulent contracter Mariage
d’une manière sainte et pieuse, comme il convient aux enfants des
Saints. Mais si quelques-uns étaient portés par d’autres
causes à se marier, et si dans le choix d’une épouse ils
avaient principalement en vue l’espérance de laisser des héritiers,
ou encore les richesses, la beauté, l’éclat de la naissance,
la ressemblance des caractères. de tels motifs ne seraient point
blâmables pour cela, parce qu’ils ne sont pas contraires à
la sainteté du Mariage. Ainsi la Sainte Ecriture ne nous dit pas
que le patriarche Jacob ait été coupable pour avoir préféré
Rachel à Lia, à cause de sa beauté.
§ IV. — DU SACREMENT DE MARIAGE.
Après avoir expliqué ce
qui regarde le Mariage considéré comme union naturelle, il
faut l’étudier maintenant comme Sacrement, et montrer que sous ce
rapport il est beaucoup plus excellent, et qu’il tend à une fin
beaucoup plus élevée. Le but du mariage, en tant qu’union
naturelle, c’est la propagation de la race humaine. Dieu l’avait ainsi
voulu dès le commencement ; mais ensuite, le Mariage a été
élevé à la dignité de Sacrement, afin qu’il
en sortit un peuple engendré et formé pour le culte et la
religion du vrai Dieu et de Jésus-Christ notre Sauveur. Aussi cette
union sainte de l’homme et de la femme est-elle donnée par Notre-Seigneur
Jésus-Christ Lui-même comme le signe visible de cette union
si étroite qui existe entre Lui et son Eglise, et de l’immense Charité
qu’Il a pour nous. C’est ainsi qu’il a symbolisé la divinité
d’un si grand mystère. Et en effet ce choix était de toute
convenance, puisque de tous les liens qui enchaînent les hommes entre
eux. Et qui les rapprochent les uns des autres, il n’en est pas de plus
étroit que le Mariage ; l’Epoux et l’épouse sont attachés
l’un à l’autre par la charité et la bonté la plus
grande. Voilà pourquoi nos Saints Livres nous représentent
si souvent l’Union divine de Jésus-Christ avec son Eglise sous l’image
de noces ou Mariage.
Maintenant, que le Mariage soit un Sacrement,
l’Eglise, appuyée sur l’autorité de l’Apôtre, l’a toujours
tenu pour certain et incontestable. Voici en effet ce que Saint Paul écrivait
aux Ephésiens: « Les maris doivent aimer leurs
épouses comme leurs propres corps. Celui qui aime son épouse,
s’aime lui-même. Car personne ne hait sa propre chair, mais il la
nourrit et l’entretient, comme Jésus-Christ fait pour son Eglise,
parce que nous sommes les membres de son corps, formés de sa Chair
et de ses os. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère,
et il s’attachera à son épouse ; et ils seront deux dans
une même chair. Ce Sacrement est grand, je dis en Jésus-Christ
et dans l’Eglise. » Or ces mots: ce Sacrement est grand se rapportent
à coup sûr au Mariage ; puisque l’union de l’homme et de la
femme dont Dieu est l’Auteur, est précisément le Sacrement,
c’est-à-dire le signe sacré de cet autre lien si saint qui
unit Jésus-Christ à son Eglise. Et tous les anciens Pères
qui ont interprété ce passage démontrent que c’est
là son sens propre et véritable. Et le Saint Concile de Trente
l’explique de la même manière. Il est donc certain que l’Apôtre
compare « l’homme à Jésus-Christ », et la femme
à l’Eglise ; que l’homme est le chef de la femme, comme Jésus-Christ
est le Chef de l’Eglise ; que pour cette raison l’homme doit aimer sa femme,
et la femme aimer et respecter son mari car « Jésus-Christ,
dit l’Apôtre, a aimé son Eglise, et Il s’est livré
pour elle: » et l’Eglise à son tour, selon la doctrine du
même Apôtre, est soumise à Jésus-Christ. De plus
ce Sacrement signifie et produit la grâce ; deux propriétés
qui constituent, à proprement parler, l’essence même du Sacrement.
C’est ce que nous enseignent ces paroles du Concile de Trente:
« Jésus-Christ Lui-même, Auteur et Instituteur des Sacrements,
nous a mérité, par sa Passion, la grâce propre à
perfectionner l’amour naturel des Epoux, à affermir l’union indissoluble
qui existe entre eux, et à les sanctifier. » Il faut donc
enseigner que l’effet de la grâce produite par ce Sacrement, c’est
de fixer et d’arrêter dans les douceurs d’un bonheur tranquille la
tendresse mutuelle et l’amour réciproque des deux Epoux, de maintenir
leur cœur et de le préserver de toute affection déréglée,
afin « qu’en toutes choses le Mariage soit honorable, et le foyer
toujours digne . »
Il est aisé de juger maintenant
combien le Mariage chrétien l’emporte sur ces unions qui se faisaient,
soit avant, soit après la Loi de Moise. Sans doute les Gentils étaient
convaincus qu’il y avait quelque chose de divin dans le Mariage, aussi
réprouvaient-ils comme contraires à la nature les unions
qui avaient lieu hors du mariage, et même ils jugeaient dignes de
châtiment l’adultère, la violence et les autres genres de
libertinage, mais néanmoins le Mariage n’eut jamais chez eux le
caractère du Sacrement.
Les Juifs, il est vrai, observaient les
lois du Mariage avec un respect vraiment religieux, et il n’est pas douteux
que leurs alliances eussent un degré de sainteté beaucoup
plus élevé. Comme ils avaient reçu de Dieu la promesse
« qu’un jour toutes les nations seraient bénies dans la race
d’Abraham », ils considéraient avec raison comme un devoir
de haute piété d’avoir des enfants et de contribuer à
l’accroissement du peuple choisi d’où Jésus-Christ notre
Sauveur, dans sa nature humaine, devait tirer son origine. Mais ces unions-là
même ne renfermaient point la véritable essence du Sacrement,
Il faut joindre à cela que, sous
la Loi de nature, après le péché de nos premiers parents,
soit même sous la loi de Moïse, le Mariage avait singulièrement
dégénéré de sa première Sainteté
et de sa pureté originelle. Ainsi sous la Loi de nature, nous voyons
que beaucoup de Patriarches avaient plusieurs femmes à la fois ;
et sous la Loi de Moïse il était permis de répudier
une femme pour certaines raisons, en lui délivrant un billet de
divorce. Mais la Loi Evangélique a supprimé cette double
liberté, et a ramené ainsi le Mariage à son premier
état. Ce n’est pas qu’on puisse blâmer ces anciens Patriarches
d’avoir eu plusieurs femmes, car ils n’avaient agi ainsi qu’avec la permission
divine. Mais Jésus-Christ a montré clairement que la polygamie
est contraire à la nature même du Mariage, quand il a dit:
« L’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera
à son épouse, et ils seront deux ne faisant qu’un. »Ainsi,
ajoute-t-il, « ils ne sont plus deux, mais un seul . »
Ces paroles font voir évidemment
que Dieu a institué le Mariage pour en faire l’union de deux personnes,
et non davantage. D’ailleurs Notre-Seigneur Jésus-Christ l’enseigne
très nettement dans ce même passage de Saint Matthieu:
« Quiconque renvoie sa femme, et en épouse une autre, commet
un adultère ; et si une femme quitte son mari et en épouse
un autre, c’est une adultère. » Car s’il était permis
à l’homme d’avoir plusieurs femmes, on ne voit pas pour quelle raison
il serait moins adultère en épousant une autre femme avec
celle qu’il aurait déjà, que s’il en prenait une seconde
après avoir renvoyé la première. C’est pour cela que
si un infidèle, qui d’après les mœurs et les usages de son
pays a épousé plusieurs femmes, vient à se convertir
à la vraie Religion, l’Eglise lui ordonne de les renvoyer toutes,
à l’exception de celle qu’il a eue la première, et elle veut
qu’il tienne celle-ci pour sa véritable et légitime épouse..
Le même témoignage de Notre-Seigneur
Jésus-Christ prouve également qu’aucun divorce ne saurait
rompre le lien du Mariage. Car si le divorce affranchissait la femme de
la Loi qui l’attache à son mari, elle pourrait sans adultère
se marier à un autre. Or, notre Seigneur dit positivement que
« quiconque renvoie sa femme et en prend une autre, commet un adultère.
» Il est donc évident que la mort seule peut briser le lien
du Mariage. C’est ce que l’Apôtre vient confirmer quand il dit:
« La femme est enchaînée à la Loi, tant que son
mari est vivant ; s’il vient à mourir, elle est affranchie, elle
peut alors se marier à qui elle veut, pourvu que ce soit selon le
Seigneur. » Et encore: « Quant à ceux qui sont mariés,
j’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que l’épouse ne se sépare
point de son mari ; si elle en est séparée, il faut qu’elle
reste sans mari, ou qu’elle se réconcilie avec le premier. »
L’Apôtre laisse donc à la femme qui a quitté son mari,
pour une cause légitime, cette alternative, ou de vivre comme n’étant
point mariée, ou de se réconcilier avec lui. On dit: pour
une cause légitime, car la sainte Eglise ne permet point à
l’homme et à la femme de se séparer sans les plus graves
motifs.
Et pour que personne ne trouve trop dure
cette Loi qui rend le Mariage absolument indissoluble, il faut montrer
maintenant quels en sont les avantages.
§ V. — DES AVANTAGES ET DES BIENS
DU MARIAGE.
Le premier c’est de faire comprendre aux
Fidèles que dans un Mariage à conclure on doit considérer
la vertu et la conformité de mœurs, plutôt que les richesses
et la beauté: Rien n’est plus propre évidemment à
entretenir la bonne harmonie entre le mari et la femme.
D’ailleurs si le Mariage pouvait se dissoudre
par le divorce, les Epoux ne manqueraient presque jamais de raisons pour
se séparer. L’antique ennemi de la paix et de la vertu leur en fournirait
tous les jours de nouvelles. Mais quand ils viennent à réfléchir
que même en cessant la vie commune, et tous les rapports de l’union
conjugale, ils n’en restent pas moins enchaînés par les liens
du Mariage, sans aucune espérance de pouvoir jamais se marier à
d’autres, cette pensée les rend moins prompts à se diviser
et à se fâcher l’un contre l’autre. Si même il arrive
qu’ils se séparent, et qu’ils ne puissent supporter longtemps la
privation du Mariage, ils se laissent réconcilier par des amis,
et reprennent la vie commune.
Les Pasteurs ne doivent pas omettre ici
l’exhortation si salutaire de Saint Augustin. Pour montrer aux Fidèles
qu’ils ne devaient pas faire trop de difficultés pour se réconcilier
avec leurs épouses, lorsqu’ils s’en étaient séparés
pour cause d’infidélité, et qu’elles se repentaient de leur
crime : « Pourquoi, disait-il, le mari fidèle ne recevrait-il
pas une épouse que l’Eglise reçoit ? et pourquoi l’épouse
ne pardonnerait-elle pas à son mari coupable, mais repentant, lui
à qui Jésus-Christ même a pardonné ? »
— Quand l’Ecriture appelle insensé celui qui garde une
femme adultère, elle a en vue celle qui, après sa faute,
refuse de se repentir et de sortir de sa honte et de son péché.
D’après tout ce que nous venons
de dire il est bien évident que le Mariage des chrétiens
est infiniment plus parfait et plus digne que celui des infidèles
et même des Juifs.
Il y a de plus trois biens particuliers
propres au Mariage, et dont il faut parler aux Fidèles ; c’est à
savoir les enfants, la fidélité et le Sacrement, qui sont
comme une compensation des peines et des ennuis dont parle l’Apôtre,
quand il dit : « Les personnes mariées éprouveront
des tribulations de toutes sortes. » De là encore il résulte
que l’union de l’homme et de la femme qui serait condamnable à juste
titre en dehors du Mariage, est permise et légitime entre les Epoux.
Le premier bien du Mariage, c’est la famille,
c’est-à-dire les enfants nés d’une épouse légitime
et véritable. L’Apôtre Saint Paul l’élève si
haut qu’il va jusqu’à dire : « La femme sera sauvée
par les enfants qu’elle mettra au monde. » Paroles qui doivent s’entendre,
non pas seulement de la génération des enfants, mais encore
de leur éducation et du soin de les former à la piété
; car il ajoute aussitôt « s’ils persévèrent
dans la Foi. » D’ailleurs, l’Ecriture dit positivement:
« Avez-vous des enfants ? sachez les instruire, et les plier au joug
dés leur enfance. » L’Apôtre Saint Paul enseigne la
même doctrine, et l’Histoire sainte nous montre dans le saint homme
Job, dans Tobie, et dans plusieurs autres saints Patriarches, des exemples
admirables de l’éducation que les parents doivent donner à
leurs enfants, — Au reste, nous exposerons plus longuement, au quatrième
Commandement de Dieu, les devoirs des parents et des enfants.
Le second bien du Mariage, c’est la Foi
; non pas cette vertu de Foi que nous recevons, et qui nous pénètre,
en quelque sorte, dans le Baptême ; mais cette Foi mutuelle qui lie
si étroitement le mari à l’épouse, et l’épouse
au mari, qu’ils se donnent entièrement l’un à l’autre, avec
la promesse de ne jamais violer la sainte alliance du Mariage. Cette conclusion
se déduit aisément des paroles prononcées par notre
premier père en recevant Eve pour son épouse, paroles que
Notre-Seigneur a confirmées Lui-même dans l’Evangile, en les
répétant : « L’homme, dit-il, abandonnera son
père et sa mère, et il s’attachera à son épouse,
et ils seront deux ne faisant qu’un. »
De même l’Apôtre déclare
que « La femme ne s’appartient pas, mais qu’elle appartient
à son mari ; et que l’homme ne s’appartient pas, mais qu’il appartient
à sa femme. » C’est donc avec une parfaite justice que, dans
la Loi ancienne, le Seigneur avait porté des peines si sévères
contre les coupables qui violeraient la foi conjugale.
La fidélité du Mariage demande
en outre que le mari et la femme s’aiment d’un amour particulier, tout
chaste et tout pur, bien différent de l’amour déréglé,.
mais d’un amour semblable à celui de Jésus-Christ pour son
Eglise. C’est la règle que prescrit l’Apôtre quand il dit
« Maris, aimez vos épouses comme Jésus-Christ a aimé
son Eglise. » Or si Jésus-Christ a eu pour son Eglise un amour
si grand et si étendu, ce n’est point assurément pour son
propre avantage, mais uniquement pour le bien de son épouse.
Le troisième bien du Mariage, c’est
le Sacrement, c’est-à-dire, le lien indissoluble qui unit les Epoux.
Ainsi que nous le lisons dans l’Apôtre , « Le Seigneur
a ordonné à l’épouse de ne point se séparer
de son Epoux ; ou si elle vient à s’en séparer, de rester
sans mari ou de se réconcilier avec le premier, et au mari de ne
point renvoyer son épouse. » En effet, si le Mariage en tant
que Sacrement représente l’Union de Jésus-Christ avec son
Eglise, n’est-il pas nécessaire que comme Jésus-Christ n’abandonne
jamais son Eglise, l’épouse ne puisse jamais non plus être
séparée de son Epoux, au point de vue du lien conjugal.
Mais pour conserver plus aisément
la paix dans cette sainte société, il y aura lieu de faire
connaître les devoirs du mari et de la femme, tels qu’ils nous ont
été transmis par Saint Paul, et par Saint Pierre le prince
des Apôtres.
§ VI. — DEVOIRS RECIPROQUES DES EPOUX.
Le premier devoir du mari est de traiter
sa femme avec douceur et d’une manière honorable. Il doit se souvenir
qu’Adam appela Eve sa compagne, quand il dit : « La femme
que Vous m’avez donnée pour compagne. » C’est pour cette raison,
disent quelques saints Pères, que la femme ne fut pas tirée
des pieds de l’homme, mais de son côté: comme aussi elle ne
fut point tirée de sa tête, afin qu’elle comprit bien qu’elle
ne devait point dominer son mari, mais plutôt lui être soumise
En second lieu, il convient que le mari
soit occupé à quelque travail honnête, tant pour fournir
à sa famille ce qui est nécessaire à son entretien,
que pour ne point languir dans une molle oisiveté, source de tous
les vices.
Enfin il doit régler sa famille,
corriger et former les mœurs de tous ceux qui la composent, et contenir
chacun dans son devoir.
Quant à la femme, voici quelles
sont ses obligations, d’après l’Apôtre Saint Pierre
: « Que les femmes soient soumises à leurs maris, afin que,
s’il en est qui ne croient point à la Parole, ils soient gagnés,
sans la Parole, par la bonne vie de leurs femmes, lorsqu’ils considéreront
la pureté de vos mœurs unie au respect que vous avez pour eux. ne
vous parez pas au dehors par l’art de votre chevelure, par les ornements
d’or ni par la beauté des vêtements ; mais ornez l’homme invisible
caché dans le cœur, par la pureté incorruptible d’un esprit
de douceur et de paix: ce qui est un riche ornement aux yeux de Dieu. Car
c’est ainsi que se paraient autrefois les saintes femmes qui espéraient
en Dieu, et qui obéissaient à leurs maris. telle était
Sara qui obéissait à Abraham, qu’elle appelait son Seigneur.
»
Un autre devoir essentiel des femmes c’est
l’éducation religieuse des enfants, et le soin assidu des choses
domestiques. Elles aimeront aussi à rester chez elles, à
moins que la nécessité ne les oblige à sortir, et
même alors elles, devront avoir l’autorisation de leurs maris.
Enfin, — et ceci est le point capital
dans le Mariage — elles se souviendront que, selon Dieu, elles ne doivent
ni aimer ni estimer personne plus que leurs maris, et qu’elles sont obligées,
en tout ce qui n’est point contraire à la piété chrétienne,
de leur être soumises et de leur obéir avec joie et empressement.
§ VII. — DES FORMALITES DU MARIAGE.
Comme complément naturel des explications
qui précèdent, les Pasteurs auront à faire connaître
les formalités que l’on doit observer en contractant Mariage. Mais
il ne faut pas s’attendre que nous parlions ici de ces règles, car
le Concile de Trente les a déterminées en détail et
avec la plus grande exactitude, au moins dans leurs points principaux.
Et les Pasteurs ne peuvent ignorer ce qu’il a prescrit à cet égard.
Il suffit donc de les avertir en ce moment qu’ils doivent s’appliquer à
étudier la doctrine du Saint Concile sur cette matière, et
puis de l’exposer aux Fidèles avec le soin qu’elle mérite.
Et pour empêcher les jeunes gens
et les jeunes filles — qui réfléchissent si peu — de se laisser
tromper par une fausse apparence de Mariage, et d’ériger en alliance
des relations qui ne seraient pas légitimes, ils ne se lasseront
point de répéter qu’il ne peut y avoir de légitime
et véritable Mariage que celui qui est contracté en présence
du propre Curé, ou d’un autre Prêtre délégué
par lui, ou par l’Ordinaire, et devant un certain nombre de témoins.
Il ne faut pas oublier non plus les empêchement
du Mariage. C’est un sujet qui a été traité avec tant
de soin par la plupart des Docteurs les plus savants, (qui ont écrit
sur les vices et sur les vertus), que chacun pourra aisément se
servir ici de ce qu’ils ont laissé sur ce point, d’autant plus que
leurs livres doivent rester entre les mains des Pasteurs. Ils les liront
donc avec la même attention sérieuse que les décrets
du Concile de Trente sur les empêchements qui naissent de la parenté
spirituelle, ou de l’honnêteté publique, ou de l’adultère,
pour pouvoir en instruire ensuite les Fidèles.
D’après ce que nous venons de dire,
il est facile de voir dans quelles dispositions il faut être pour
s’engager dans le Mariage. Les Fidèles doivent se rappeler que cette
union n’est point une chose purement humaine. non, le Mariage est une alliance
toute divine qui exige une grande pureté de cœur, et une piété
toute particulière. C’est ce que nous montrent clairement les exemples
des Patriarches de l’ancienne Loi. Car, bien que leurs Mariages ne fussent
point élevés à la dignité de Sacrement, cependant
ils ne les célébraient qu’avec une religion profonde et une
pureté parfaite.
Il faut encore, entr’autres recommandations,
exhorter les fils de famille à témoigner à leurs parents,
ou à ceux qui les remplacent, assez de considération pour
ne jamais
contracter de Mariages à leur insu,
ni, à plus forte raison, contre leur volonté et malgré
leur opposition. nous voyons que dans l’Ancien testament c’étaient
toujours les parents qui mariaient eux-mêmes leurs enfants. Et l’Apôtre
fait bien entendre que leur volonté en cette matière mérite
la plus grande déférence, lorsqu’il dit : « Celui
qui marie sa fille fait bien ; et celui qui ne la marie pas, fait mieux.
»
Enfin il nous reste à parler de
l’usage du Mariage. En traitant cet article, les Pasteurs prendront bien
garde de ne laisser tomber de leurs lèvres aucune parole indigne
d’un auditoire chrétien, capable de blesser les âmes pures,
ou d’exciter le rire. De même que les paroles du Seigneur sont des
paroles chastes , de même aussi il convient que celui qui est
chargé d’instruire le peuple chrétien ne tienne que des discours
qui montrent une gravité d’esprit et une pureté de cœur toutes
particulières. Voici donc sur ce sujet la double recommandation
à faire aux Fidèles
D’abord, ils ne doivent point user de
leurs droits pour leur seule satisfaction ; mais suivant les fins que Dieu
Lui-même a prescrites, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Ils
ne doivent pas non plus oublier cette exhortation de Saint Paul :
« Que ceux qui ont des épouses, soient comme n’en ayant point.
» « L’homme sage, dit Saint Jérôme , aimera
son épouse par raison, et non par passion ; il maîtrisera
les entraînements de la nature, et ne se laissera point emporter
par un aveuglement coupable ; car il n’y a rien de plus honorable que d’aimer
son épouse d’un amour toujours digne. »
D’autre part, comme tous les biens s’obtiennent
du Seigneur par de saintes prières, il faut enseigner aux Fidèles
qu’il est à propos de vivre dans leur état de manière
à accomplir leurs exercices religieux et spécialement la
fréquentation des Sacrements. Il convient aussi de ne pas perdre
de vue les lois de la Pénitence et des temps qui lui sont consacrés.
telle est la sainte et excellence inspiration souvent suggérée
par les Pères de l’Eglise.
Les Epoux fidèles à ces
recommandations verront s’accroître de jour en jour les biens du
Mariage par une plus grande abondance de Grâces divines. Et tout
en remplissant leurs devoirs avec une vraie piété, non seulement
ils passeront cette vie dans la tranquillité et dans la paix. mais
encore ils se reposeront dans cette véritable et ferme espérance,
qui ne trompe point , d’obtenir de la bonté de Dieu la félicité
éternelle.
TROISIEME PARTIE — DU DECALOGUE
Chapitre vingt-huitième — Des Commandements
de Dieu en général
Saint Augustin n’a pas craint de dire
que le Décalogue est le sommaire et l’abrégé de toutes
les Lois. Bien que Dieu eût fait pour son peuple un grand nombre
de prescriptions, néanmoins Il ne donne à Moïse que
les deux tables de pierre, appelées les tables du témoignage,
pour être déposées dans l’Arche. Et en effet, il est
facile de constater que tous les autres Commandements de Dieu dépendent
des dix qui furent gravés sur les tables de pierre, si on les examine
de près, et si on les entend comme il convient. Et ces dix Commandements
dépendent eux-mêmes des deux préceptes de l’amour de
Dieu et de l’amour du prochain, dans lesquels sont renfermés la
Loi et les Prophètes.
§ I. — NECESSITE D’ETUDIER ET D’EXPLIQUER
LE DECALOGUE.
Le Décalogue étant l’abrégé
de tous les devoirs, les Pasteurs sont obligés de le méditer
jour et nuit, non seulement pour y conformer leur propre vie, mais encore
pour instruire dans la Loi du Seigneur le peuple qui leur est confié.
Car « les lèvres du Prêtre sont dépositaires
de la science, et les peuples recevront de sa bouche l’explication de la
Loi, parce qu’il est l’ange du Seigneur des armées. » Ces
paroles s’appliquent admirablement aux Prêtres de la Loi nouvelle,
parce qu’étant plus rapprochés de Dieu que ceux de la Loi
ancienne, ils doivent « se transformer de clarté
en clarté, comme par l’Esprit du Seigneur. » D’ailleurs, puisque
Jésus-Christ Lui-même leur a donné le nom de
« lumière », leur devoir et leur rôle, c’est d’être
« la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres,
les docteurs des ignorants, les maures des enfants ; et si
quelqu’un tombe par surprise dans quelque péché, c’est à
ceux qui sont spirituels à le relever. »
Au tribunal de la Pénitence ils
sont de véritables juges, et la sentence qu’ils portent est en raison
de l’espèce et de la grandeur des fautes. Si donc ils ne veulent
ni s’abuser eux-mêmes, ni abuser les autres par leur ignorance, il
est nécessaire qu’ils étudient la Loi de Dieu avec le plus
grand soin, et qu’ils sachent l’interpréter avec sagesse, afin de
pouvoir rendre sur toute faute, action ou omission, un jugement conforme
à cette règle divine, et encore comme dit l’Apôtre
afin de pouvoir donner « la saine Doctrine », c’est-à-dire,
une doctrine exempte de toute erreur, et capable de guérir les maladies
de l’âme, qui sont les péchés, et de faire des Fidèles
« un peuple agréable à Dieu par la pratique des bonnes
œuvres. »
§ II. — DIEU AUTEUR DU DECALOGUE.
Mais dans ces sortes d’explications, le
Pasteur doit rechercher, tant pour lui-même que pour les autres,
les motifs les plus propres à obtenir l’obéissance à
cette Loi. Or, parmi ces motifs, le plus puissant pour déterminer
le cœur humain à observer les prescriptions dont nous parlons, c’est
la pensée que Dieu Lui-même en est l’Auteur. Bien qu’il soit
dit « que la Loi a été donnée par
le ministère des Anges », nul ne peut douter qu’elle n’ait
Dieu Lui-même pour auteur. nous en avons une preuve plus que suffisante,
non seulement dans les paroles du législateur que nous allons expliquer,
mais encore dans une multitude de passages des saintes Ecritures, qui sont
assez connus des Pasteurs.
Il n’est personne en effet qui ne sente
au fond du cœur une Loi que Dieu Lui-même y a gravée, et qui
lui fait discerner le bien du mal, le juste de l’injuste, l’honnête
de ce qui ne l’est pas. Or la nature et la portée de cette Loi ne
diffèrent en rien de la Loi écrite, par conséquent
il est nécessaire que Dieu, Auteur de la seconde, soit en même
temps l’Auteur de la première.
Il faut donc enseigner que cette Loi intérieure,
au moment où Dieu donna à Moise la Loi écrite, était
obscurcie et presque éteinte dans tous les esprits par la corruption
des mœurs, et par une dépravation invétérée
; on conçoit dès lors que Dieu ait voulu renouveler et faire
revivre une Loi déjà existante plutôt que de porter
une Loi nouvelle. Les Fidèles ne doivent donc pas s’imaginer qu’ils
ne sont pas tenus d’accomplir le Décalogue, parce qu’ils ont entendu
dire que la Loi de Moïse était abrogée. Car il est bien
certain qu’on doit se soumettre à ces divins préceptes, non
pas parce que Moïse les a promulgués, mais parce qu’ils sont
gravés dans tous les cœur », et qu’ils ont été
expliqués et confirmés par Notre-Seigneur Jésus-Christ
Lui-même.
Toutefois, (et cette pensée aura
une grande force de persuasion), il sera très utile d’engager les
Fidèles à se rappeler que Dieu Lui-même est l’Auteur
de la Loi ; Dieu dont nous ne pouvons révoquer en doute la Sagesse
et l’équité, Dieu enfin dont la Force et la Puissance sont
telles qu’il nous est impossible d’y échapper. Aussi, quand Il ordonne
par ses Prophètes l’observation de sa Loi, nous l’entendons dire:
« Je suis le Seigneur Dieu. » Et au commencement du Décalogue:
« Je suis le Seigneur votre Dieu » et ailleurs:
« si Je suis le Seigneur, où est la crainte que vous avez
de moi » ?
Mais cette pensée n’excitera pas
seulement les Fidèles à garder les Commandements de Dieu,
elle les portera encore à Le remercier d’avoir fait connaître
ses volontés qui nous donnent les moyens d’opérer notre salut.
L’Ecriture, dans beaucoup d’endroits, rappelle aux hommes ce grand bienfait,
et les exhorte à sentir tout ensemble leur propre dignité
et la bonté de Dieu comme dans ce passage du Deutéronome:
« Telle sera votre Sagesse et votre Intelligence devant nous les
peuples, que tous ceux qui auront connaissance de ces commandements diront:
voilà un peuple sage et intelligent, voilà une grande nation.
» Et dans celui-ci du Psalmiste: « Il n’a pas agi
de la sorte avec toutes les nations ; Il ne leur a pas ainsi manifesté
ses jugements. »
Si le Pasteur a soin de rapporter et de
dépeindre ensuite, d’après l’autorité de la Sainte
Ecriture, la manière dont la Loi fut donnée, les Fidèles
n’auront pas de peine à comprendre avec quelle piété
et quelle soumission ils doivent accomplir des Commandements qui leur viennent
de Dieu.
Trois jours avant la promulgation du Décalogue,
sur l’ordre formel de Dieu, tous les Hébreux furent obligés
de laver leurs vêtements et de garder la continence, afin d’être
purs et plus prêts à recevoir la Loi du Seigneur. Quand les
trois jours de préparation furent passés, ils vinrent tous
au pied de la montagne, où Dieu avait résolu de leur donner
sa Loi par l’intermédiaire de Moise. Moise en effet fut appelé
seul sur la Montagne. Alors Dieu lui apparut dans tout l’éclat de
sa Majesté. Il se mit à parler avec lui et lui donna les
préceptes du Décalogue au milieu des tonnerres, des feux,
des éclairs, et d’un nuage épais qui couvrit toute la Montagne.
Or, que voulait la Sagesse divine par tous ces prodiges ? Sinon de montrer
avec quelle pureté de cœur et quelle humilité nous devons
accueillir sa Loi, et quels châtiments terribles sa justice nous
réserve, si nous n’y faisons pas attention.
Ce n’est pas assez ; le Pasteur devra
faire voir aussi que cette Loi n’est pas difficile à accomplir.
Il lui suffira pour cela d’apporter cette raison donnée par Saint
Augustin: « Comment, dit-il, peut-il être impossible
à l’homme d’aimer son Créateur qui le comble de tant de biens,
d’aimer un père qui l’a tant aimé, d’aimer sa propre chair
dans ses frères ? Or, celui qui aime accomplit la Loi. » C’est
ce qui faisait dire à l’Apôtre Saint Jean: «
Les Commandements de Dieu ne sont point pénibles. » En effet,
dit à son tour Saint Bernard, « on ne pouvait
exiger de l’homme rien de plus juste, rien de plus digne, rien de plus
avantageux pour lui. » De là aussi cette exclamation de Saint
Augustin, admirant la Bonté infinie de Dieu: «
Qu’est-ce que l’homme, ô mon Dieu, pour que Vous lui ordonniez de
Vous aimer, et que Vous le menaciez des plus grands châtiments, s’il
ne Vous aime pas ? n’est-ce pas déjà un assez grand châtiment
de ne Vous aimer pas ? »
Si quelqu’un s’excusait de ne pouvoir
aimer Dieu, en alléguant la faiblesse de sa nature, il faudrait
lui apprendre que Dieu qui exige que nous L’aimions, allume Lui-même
le feu de son Amour dans nos cœurs par le Saint-Esprit, et que le Père
céleste communique toujours cet esprit de bonté et d’amour
à ceux qui le Lui demandent. Saint Augustin avait donc bien raison
de dire: « Seigneur, donnez-moi tout ce que Vous exigez,
et exigez tout ce que Vous voulez. » Ainsi donc, puisque Dieu est
toujours disposé à nous aider, surtout depuis que son divin
Fils Notre-Seigneur Jésus-Christ est mort pour nous, et a chassé
loin de nous par sa Mort le prince des ténèbres, personne
ne peut plus s’écarter de la Loi de Dieu par la difficulté
de l’observer. II n’y a rien de difficile pour celui qui aime.
§ III. — NECESSITE DE GARDER LES
COMMANDEMENTS.
Le Pasteur disposera d’un moyen très
puissant pour obtenir ce qu’il demande ici, s’il a soin de bien montrer
que l’observation des Commandements de Dieu est d’une nécessité
absolue. Et il insistera d’autant plus sur ce point qu’aujourd’hui il ne
manque pas d’hommes, qui ne craignent pas de soutenir, pour leur malheur,
que cette Loi, facile ou difficile, n’est pas nécessaire au salut.
Pour réfuter cette doctrine impie et criminelle, il n’aura qu’à
invoquer le témoignage de la Sainte Ecriture, et particulièrement
de ce même Apôtre sur l’autorité duquel on s’efforce
d’appuyer cette erreur funeste. Que dit en effet l’Apôtre:
« Il importe peu d’être circoncis, ou incirconcis, ce qui est
absolument nécessaire, c’est l’observation des Commandements de
Dieu. » Quand ensuite il répète ailleurs la même
maxime et nous dit que « La nouvelle créature
en Jésus-Christ vaut seule quelque chose », il nous fait clairement
entendre que par cette nouvelle créature en Jésus-Christ
il veut signifier celui qui observe les Commandements de Dieu. Car avoir
reçu les Commandements de Dieu et les observer, c’est L’aimer, d’après
ce témoignage de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même
dans Saint Jean: « Celui qui M’aime gardera ma parole.
» En effet, quoique l’homme puisse cesser d’être impie, avant
d’avoir accompli des actes extérieurs de chaque précepte
de la Loi, cependant il est impossible à celui qui a l’usage de
sa raison, de passer de l’impiété à la justice, sans
avoir le cœur disposé à garder tous les Commandements de
Dieu.
§ IV. — AVANTAGE DE LA LOI DE DIEU.
Enfin, pour ne rien omettre de ce qui
peut amener le peuple chrétien à pratiquer la Loi, le Pasteur
aura soin de montrer combien les fruits qu’elle porte sont nombreux et
consolants. A cette fin il n’aura qu’à citer le Psaume dix-huitième
qui célèbre les mérites de la Loi de Dieu. Et le plus
grand des mérites de cette Loi, c’est de révéler la
gloire de son Auteur et de faire ressortir sa divine Majesté, bien
mieux encore que les corps célestes eux-mêmes dont la beauté
éclatante et l’ordre magnifique frappent d’admiration les peuples
les plus barbares et les obligent à reconnaître la Gloire,
la Sagesse et la Puissance de l’Artiste incomparable, Créateur de
toutes choses. Cette Loi élève et convertit les
âmes à Dieu ; c’est elle qui nous instruit de ses Voies, nous
révèle sa très sainte Volonté, et nous fait
marcher dans le chemin que Lui-même nous a tracé. Mais comme
il n’y a que ceux qui craignent Dieu qui sont les vrais sages, le Psalmiste
attribue encore à la Loi cette vertu singulière « de
donner la sagesse aux petits. » Et enfin, dit-il, ceux
qui l’observent fidèlement possèdent des joies pures, des
consolations abondantes puisées dans la contemplation des divins
Mystères, des récompenses infinies en cette vie et en l’autre.
Cependant prenons garde d’accomplir cette
sainte Loi moins pour notre avantage que pour l’amour que nous devons à
Dieu, précisément parce qu’Il a bien voulu nous exprimer
sa Volonté en nous la donnant. Et puisque toutes les autres créatures
Lui sont soumises, n’est-il pas bien plus juste encore que nous-mêmes
Lui obéissions en toutes choses
Mais il ne faut pas passer sous silence
une réflexion qui nous fait sentir vivement la Clémence de
Dieu à notre égard, et apprécier les trésors
de son infinie Bonté. Ce Dieu pouvait nous obliger à servir
les intérêts de sa Gloire, sans aucune récompense,
néanmoins il Lui a plu de rapprocher tellement sa Gloire de notre
avantage, que ce qui sert à Le glorifier, sert aussi à notre
propre bien. Cette considération est très forte et très
frappante. Le Pasteur ne manquera pas de montrer aux Fidèles avec
le Prophète que « Dans l’accomplissement de la
Loi se trouvent d’abondantes récompenses. » Dieu ne nous promet
pas seulement les bénédictions qui semblent se rapporter
plutôt au bonheur terrestre, comme « les bénédictions
de nos villes et de nos champs », mais II nous propose encore
« un immense trésor dans le ciel, et cette mesure
pleine, pressée, entassée, coulant par-dessus les bords »,
que nous méritons avec l’aide de sa divine miséricorde, par
des œuvres de justice et de piété.
Chapitre vingt-neuvième —
Du premier Commandement
« Je suis le Seigneur ton Dieu,
qui t’ai tiré de la terre d’Egypte, de la maison de servitude ;
tu n’auras point de dieux étrangers devant Moi ; tu ne te feras
point d’idoles », etc.
Cette Loi que Dieu donna aux Juifs sur
le mont Sinaï, la nature l’avait imprimée et gravée
longtemps auparavant dans le cœur de tous les hommes, et tous les hommes
pour ce motif étaient obligés de l’accomplir. Dieu l’avait
ainsi voulu. II sera donc très utile d’expliquer avec soin aux Fidèles
les termes mêmes dans lesquels elle fut promulguée par Moïse,
qui en fut le ministre et l’interprète, et de leur faire connaître
l’histoire si pleine de mystères du peuple hébreu.
§ I. — RECIT ABREGE DE L’HISTOIRE
SACREE.
Les Pasteurs commenceront par raconter
que de toutes les nations qui vivaient sur la terre, Dieu en choisit une
qui descendait d’Abraham. Ce saint Patriarche, pour obéir à
Dieu, avait habité comme étranger la terre de Chanaan, et
Dieu lui avait promis de lui donner cette terre ; mais ni lui ni ses descendants
ne la possédèrent qu’après avoir erré pendant
plus de quatre cents ans. Durant ce long pèlerinage, Dieu ne les
abandonna jamais. Ils allaient de nation en nation, de peuple en peuple,
mais nulle part II ne souffrit qu’on leur fît aucun mal, et même
Il punit les rois qui voulaient leur nuire. Avant qu’ils descendissent
en Egypte, Il envoya dans ce pays un homme dont la sagesse devait les préserver,
eux et les Egyptiens, des suites de la famine. Il les entoura tellement
de sa Bonté protectrice, que malgré la résistance
de Pharaon et son acharnement à les perdre, ils se multiplièrent
prodigieusement. Puis quand Il les vit dans l’affliction et soumis au plus
dur esclavage, Il suscita un chef dans la personne de Moïse pour les
tirer d’Egypte par la puissance de son bras. C’est de cette délivrance
que Dieu fait mention au commencement de la Loi. quand Il dit:
« Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai tiré de la terre d’Egypte,
de la maison de servitude. »
Ici le Pasteur fera remarquer avec soin
que si Dieu choisit cette nation entre toutes, pour l’appeler son peuple,
et pour être plus spécialement connu et servi par elle, ce
n’est point qu’elle fût plus nombreuse ou plus juste que les autres,
comme Dieu ne manque pas de le lui rappeler ; mais c’est qu’Il le voulut
ainsi pour rendre plus sensible et plus éclatante aux yeux de tous
sa Puissance et sa Bonté, en comblant de bienfaits et de richesse
une nation si peu nombreuse et si pauvre. Quelque misérable que
fût l’état des Hébreux, Dieu s’attacha à eux,
et les aima, au point que le Maître du ciel et de la terre ne rougit
point d’être appelé leur Dieu. Son but était
de provoquer les autres peuples à les imiter, et d’amener tous les
hommes à embrasser son culte, par le bonheur dont Il comblait les
Israélites sous leurs yeux. De même l’Apôtre Saint Paul
déclarera plus tard qu’Il a excité l’émulation
de son peuple, en lui représentant le bonheur des Gentils, et la
connaissance du vrai Dieu qu’Il leur avait donnée.
Ensuite le Pasteur enseignera aux Fidèles
que Dieu laissa longtemps les Patriarches hébreux errer comme des
voyageurs en pays étranger, et leurs descendants gémir sous
l’oppression et l’accablement de la plus dure servitude, pour nous apprendre
qu’on ne peut être ami de Dieu, sans être ennemi du monde et
étranger sur la terre, et par conséquent qu’il est d’autant
plus facile de gagner son amitié qu’on est plus détaché
et séparé du monde. En même temps, Il voulait nous
faire comprendre, à nous qui Lui rendons le culte qu’Il mérite,
qu’il y a infiniment plus de bonheur à Le servir, qu’à servir
le monde. C’est ce que l’Ecriture nous rappelle quand elle dit:
« Les enfants de Judas seront soumis à Sésac, afin
qu’ils apprennent quelle différence il y a entre mon service et
le service des rois de fa terre ».
Il expliquera aussi que Dieu n’accomplit
sa promesse qu’après plus de quatre cents ans, afin d’entretenir
son peuple dans la Foi et l’Espérance. Le Seigneur en effet veut
que ses enfants dépendent continuellement de Lui et qu’ils mettent
tout leur espoir dans sa bonté, comme nous le dirons en développant
le premier Commandement.
Enfin il marquera le temps et le lieu
où le peuple d’Israël reçut de Dieu cette Loi. Ce fut
après sa sortie d’Egypte et dès qu’il fut entré dans
le désert, afin que le souvenir de sa récente délivrance
et la vue d’une région si sauvage le rendît plus propre à
recevoir ses Commandements. Les hommes en effet s’attachent fortement à
ceux dont ils viennent d’éprouver la bonté, et ils se réfugient
sous la protection de Dieu, lorsqu’ils se voient privés de tout
secours humain. Et c’est ce qui nous fait conclure que nous sommes d’autant
mieux disposés à recevoir les Vérités divines,
que nous fuyons davantage les attraits du monde et les plaisirs mauvais.
Aussi est-il écrit dans le Prophète: «
A qui le Seigneur enseignera-t-il sa Loi ? A qui donnera-t-il l’intelligence
de sa parole ? Aux enfants sevrés et arrachés du sein de
leurs mères. »
§ II. — APPLICATION DE CETTE HISTOIRE
AUX CHRETIENS.
Que le Pasteur s’efforce donc, autant
qu’il le pourra, d’amener les Fidèles à avoir toujours présentes
à l’esprit ces paroles si graves: Je suis le Seigneur votre Dieu.
Elles leur feront comprendre qu’ils ont pour législateur le Créateur
Lui-même, Celui qui leur a donné la vie et qui la leur conserve,
et leur permettront de répéter en toute vérité
: « Oui, il est notre Seigneur et notre Dieu: nous sommes
le peuple de ses pâturages, le troupeau de sa droite. » Ces
paroles souvent répétées, et avec une sainte ardeur,
auront la vertu de les rendre plus prompts à obéir à
la Loi, et de les éloigner du péché.
Quant aux suivantes: « Qui vous
ai tirés de la terre d’Egypte, de la maison de servitude, »
bien qu’elles semblent s’appliquer uniquement aux Hébreux délivrés
de la domination des Egyptiens, néanmoins si l’on considère
ce qu’est en elle-même l’œuvre du salut de tous, il est facile de
voir qu’elles se rapportent infiniment mieux aux Chrétiens qui ont
été arrachés par Dieu Lui-même non pas à
la servitude d’Egypte, mais à la région du péché
et à la puissance des ténèbres, pour être introduits
enfin dans le Royaume de son Fils bien-aimé. C’est ce grand bienfait
qu’avait en vue le Prophète Jérémie quand il disait:
« Voici que des jours viennent, dit le Seigneur, oie l’on ne dira
plus: Vive le Seigneur, qui a tiré les enfants d’Israël de
la terre d’Egypte ! mais vive le Seigneur, qui a rappelé les enfants
d’Israël du Septentrion, et de toutes les parties de la terre où
ils avaient été dispersés, pour les réunir
dans la terre qui avait été donnée à leurs
pères ! Voilà, dit le Seigneur, que J’enverrai des pêcheurs
en grand nombre, et ils pêcheront les enfants d’Israël. »
En effet, ce Père infiniment bon
a rassemblé, par son Fils,. ses enfants dispersés ,
afin que désormais esclaves de la justice et non plus du péché
, nous le servions en marchant devant Lui tous les jours de notre vie dans
la sainteté et la justice .
Ainsi à toutes les tentations sachons
opposer, comme un bouclier, ces paroles de l’Apôtre : «
Etant mort au péché, comment pourrions-nous vivre encore
dans le péché ? » nous ne sommes plus à nous,
mais à Celui qui est mort et qui est ressuscité pour nous.
C’est le Seigneur notre Dieu Lui-même qui nous a achetés au
prix de son Sang. Comment pourrions-nous pécher encore contre Lui,
et de nouveau l’attacher à la croix ? puisque nous sommes vraiment
libres, de cette liberté que Jésus-Christ Lui-même
nous a rendue , faisons servir nos membres à la justice, et
à notre propre sanctification, comme nous les avons fait servir
à l’injustice et à l’iniquité.
§ III. — OBJET DU PREMIER COMMANDEMENT.
« Vous n’aurez point de dieux étrangers
devant Moi. » Le Pasteur fera remarquer que dans le Décalogue
la première place est pour les choses qui regardent Dieu, et la
seconde pour celles qui regardent le prochain. C’est qu’en effet Dieu est
la cause des devoirs que nous accomplissons envers le prochain. Et ce prochain
nous ne l’aimons conformément à l’ordre de Dieu que si nous
l’aimons pour Dieu. — On sait que la première des deux tables de
pierre renfermait les Commandements qui ont Dieu pour objet. — Le Pasteur
montrera ensuite que les paroles qui expriment le premier Commandement
contiennent deux préceptes, dont l’un a pour but de commander et
l’autre de défendre.
Car en se servant de ces mots: vous n’aurez
point de dieux étrangers devant Moi, Dieu disait en d’autres termes
: vous M’adorerez, Moi le Dieu véritable, mais vous n’aurez point
de culte pour les dieux étrangers.
Le premier de ces préceptes embrasse
la Foi, l’Espérance et la Charité. Qui dit Dieu, en effet,
dit un être constant, immuable, toujours le même, fidèle,
parfaitement juste. D’où il suit que nous devons nécessairement
accepter ses oracles, et avoir en Lui une Foi et une confiance entières.
Il est Tout-Puissant, clément, infiniment porté à
faire du bien. Qui pourrait ne pas mettre en Lui toutes ses espérances
? et qui pourrait ne pas l’aimer en contemplant les trésors de bonté
et de tendresse qu’Il a répandus sur nous ? de là cette formule
que Dieu emploie dans la sainte Ecriture soit au commencement, soit à
la fin de ses préceptes: Je suis le Seigneur.
Voici la seconde partie du précepte:
vous n’aurez point de dieux étrangers devant Moi. Si le Législateur
l’a aussi formulée, ce n’est pas que sa volonté n’eût
été assez clairement expliquée dans cette partie impérative
et positive de son Commandement: Vous M’adorerez, Moi le seul Dieu. Car
s’il y a un Dieu, il n’y en a qu’un. Mais c’était pour dissiper
l’aveuglement d’un grand nombre d’hommes, qui, tout en faisant profession
d’adorer le vrai Dieu, avaient cependant des hommages pour une multitude
de divinités ; et il y avait quelques Juifs dans ce cas ; on le
voit par ces reproches que leur faisait le Prophète Elie :
« Jusques à quand boiterez-vous des deux côtés
? » Ce fut aussi le crime des Samaritains , qui adoraient en
même temps et le Dieu d’Israël et les divinités des nations.
A ces explications il faudra ajouter que
ce Commandement est le premier et le plus grand de tous, non seulement
par le rang qu’il occupe, mais encore par sa nature, sa dignité,
et son excellence. nous devons à Dieu infiniment plus d’amour, de
respect et de soumission qu’à nos supérieurs et à
ceux qui nous gouvernent. C’est Lui qui nous a créés ; c’est
Lui qui nous conserve, qui nous a nourris dès le sein de nos mères,
qui ensuite nous a appelés à la lumière ; c’est Lui
enfin qui nous fournit toutes les choses nécessaires à notre
vie et à notre entretien.
Ceux-là donc pèchent contre
ce premier Commandement, qui n’ont ni la Foi, ni l’Espérance, ni
la Charité. Et leur nombre, hélas ! est extrêmement
considérable. Ce sont ceux qui tombent dans l’hérésie,
qui ne croient pas ce que la sainte Eglise notre mère nous propose
à croire ; ceux qui ont foi aux songes, aux augures et à
toutes les vaines superstitions de ce genre ; ceux qui désespèrent
de leur salut, qui manquent de confiance dans la miséricorde divine
; ceux qui ne s’appuient que sur les richesses, la santé et les
forces du corps. On peut voir, pour plus de détails, les Auteurs
qui ont écrit sur les vices et les vertus.
§ IV. — DU CULTE ET DE L’INVOCATION
DES ANGES ET DES SAINTS.
En expliquant ce Commandement, le Pasteur
fera soigneusement remarquer aux Fidèles que le culte et l’invocation
des Saints, des Anges et des Ames bienheureuses qui jouissent de la Gloire
du ciel, comme aussi le respect pour les corps mêmes et les reliques
des Saints, tel que l’Eglise l’a toujours pratiqué, ne sont nullement
contraires à l’esprit de ce premier Commandement. Est-il un homme
assez insensé pour s’imaginer qu’un souverain qui interdirait à
ses sujets de prendre la qualité de roi, et d’exiger les hommages
et les honneurs qui ne sont dus qu’à cette dignité suprême,
défendrait par là -même d’honorer les magistrats ?
Quoiqu’il soit dit que les Chrétiens, à l’exemple des Saints
de l’Ancien testament, adorent les Anges, cependant ce culte qu’ils leur
rendent diffère essentiellement de celui qu’ils offrent à
Dieu. Et si quelquefois nous voyons les Anges refuser les honneurs qui
leur étaient rendus par des hommes, cela signifie simplement qu’ils
ne voulaient point prendre pour eux la gloire qui n’est due qu’à
Dieu. Car le même esprit-Saint qui a dit : « A Dieu seul
honneur et gloire », nous ordonne néanmoins d’honorer nos
parents et les vieillards. Les Saints n’adoraient que Dieu seul, et cependant
comme le remarque l’Ecriture, ils avaient pour les rois une espèce
d’adoration, en ce sens qu’ils les honoraient assez pour se prosterner
devant eux. Or si les rois par qui Dieu gouverne le monde ont droit à
de tels honneurs, les esprits angéliques que Dieu a faits ses ministres,
qu’Il emploie non seulement dans le gouvernement de son Eglise, mais encore
dans celui de l’univers entier, et dont la protection nous délivre
tous les jours des plus grands dangers et de l’âme et du corps, ces
esprits bienheureux ne recevront-ils pas de nous, bien qu’ils ne se montrent
point visiblement à nos yeux, des honneurs d’autant plus grands
qu’eux-mêmes l’emportent en dignité sur tous les rois de la
terre ?
Ajoutez à cela la Charité
qu’ils ont pour nous. C’est cette Charité qui les fait prier, comme
nous le voyons dans la sainte Ecriture, pour les provinces dont ils sont
les protecteurs. Et il n’est pas permis de douter qu’ils n’agissent de
même envers ceux dont ils sont les Gardiens, puisqu’ils présentent
à Dieu nos prières et nos larmes. Voilà pourquoi le
Seigneur nous enseigne dans l’Evangile : « Qu’il ne faut point
scandaliser même les plus petits enfants, parce que leurs Anges qui
sont dans le ciel voient sans cesse la face du Père qui est dans
le ciel. »
Il faut donc invoquer les Anges, et parce
qu’ils voient Dieu continuellement, et parce qu’ils se chargent avec joie
du soin qui leur est confié de veiller à notre salut. L’Ecriture
sainte nous rapporte des exemples de ces invocations. Ainsi Jacob prie
l’Ange avec lequel il avait lutté, de le bénir. Il lui fait
même une sorte de violence, car il proteste qu’il ne le laissera
point aller, avant d’avoir reçu sa bénédiction. Et
non seulement il invoqua l’Ange qu’il voyait, mais encore il en invoqua
un autre qu’il ne voyait pas, le jour où il disait : «
Que l’Ange qui m’a délivré de tout mal bénisse mes
enfants ! »
D’où l’on peut conclure aussi que
les honneurs rendus aux Saints qui sont morts dans le Seigneur, les invocations
qu’on leur adresse, la vénération dont on entoure leurs reliques
et leurs cendres sacrées, toutes ces pieuses pratiques, loin de
diminuer la Gloire de Dieu, l’augmentent au contraire, parce qu’elles élèvent
et confirment les espérances des hommes, et qu’elles les excitent
à marcher sur les traces des Saints. Au reste ce culte est approuvé
par le second Concile de Nicée, ceux de Gangres et de Trente, et
par l’autorité des Saints Pères.
Mais afin que le Pasteur soit en état
de mieux réfuter les adversaires de cette vérité,
il devra lire surtout Saint Jérôme contre Vigilance, et Saint
Jean Damascène. Et encore aux raisons qu’ils apportent il faut joindre
une considération qui prime toutes les autres: nous sommes ici en
présence d’une coutume qui remonte aux Apôtres, et qui s’est
maintenue et conservée sans interruption dans l’Eglise de Dieu.
toutefois, aucune autre preuve ne peut être plus évidente
ni plus solide que le témoignage même de la sainte Ecriture,
laquelle célèbre d’une manière admirable les louanges
des Saints. Il est des Saints en effet dont la Parole de Dieu même
dans nos Livres sacrés a publié hautement la gloire. Dés
lors pourquoi les hommes ne leur rendraient-ils pas des honneurs particuliers
? — enfin un autre motif plus puissant encore d’honorer et d’invoquer les
Saints, c’est qu’ils prient continuellement pour le salut des hommes, et
que nous devons à leurs mérites et à leur crédit
un grand nombre des bienfaits que Dieu nous accorde.
S’il y a dans le ciel une grande joie
pour un pécheur qui fait pénitence, peut-on douter que les
Saints ne viennent en aide aux pénitents qui les invoquent, qu’ils
ne répondent à leurs prières en obtenant le pardon
de leurs péchés et la grâce de la réconciliation
avec Dieu ?
Si on prétend, comme quelques-uns
l’ont fait, que la protection des Saints est inutile, attendu que Dieu
n’a pas besoin d’interprète pour recevoir nos prières, c’est
une assertion fausse et impie, réfutée d’ailleurs par ce
mot de Saint Augustin: « Il est beaucoup de choses que
Dieu n’accorderait pas sans le secours et les bons offices d’un médiateur
et d’un intercesseur. » Remarque pleinement justifiée par
les exemples fameux d’Abimélech et des amis de Job. Ce ne fut en
effet que par les prières de ces deux Patriarches qu’ils obtinrent
le pardon de leurs péchés.
Voudrait-on alléguer encore que
c’est l’affaiblissement ou le défaut de Foi qui nous font recourir
au patronage et à l’intercession des Saints ? mais que répondre
alors à l’exemple du Centurion ? nous connaissons l’éloge
admirable que Notre-Seigneur fait de sa Foi. Et pourtant cet homme lui
avait envoyé quelques anciens d’entre les Juifs pour le prier de
guérir son serviteur qui était malade.
Sans doute nous devons reconnaître
« que nous n’avons qu’un seul Médiateur, Notre-Seigneur Jésus-Christ,
qui nous a réconciliés par son Sang avec le Père
céleste, et qui, nous ayant rachetés pour l’éternité,
est entré une seule fois dans le Sanctuaire, où il ne cesse
d’intercéder pour nous. » Mais ceci ne prouve nullement que
nous ne devions pas recourir à l’intercession des Saints. Si nous
n’avions pas le droit d’implorer leur protection, par cela seul que nous
avons Jésus-Christ pour Avocat, l’Apôtre Saint Paul n’eût
jamais témoigné tant d’empressement à se faire recommander
et aider auprès de Dieu par les prières de ses Frères
encore vivants. Car il est bien évident que les prières des
Justes qui sont encore en ce monde ne diminueraient pas moins que celles
des Saints du ciel la gloire et la dignité de notre Médiateur
Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Mais quel est celui qui, au récit
des merveilles opérées sur les tombeaux des Saints, ne voudrait
pas reconnaître le culte qu’on leur rend, et n’aurait pas pleine
confiance dans leur protection ? c’est là que les aveugles ont recouvré
la vue, que les infirmes et les paralytiques ont repris l’usage de leurs
membres ; c’est là que la vie a été rendue aux morts,
et que les démons ont été chassés des corps
qu’ils possédaient. Et ces miracles nous sont attestés par
des témoins dignes de foi. Des hommes comme Saint Ambroise et Saint
Augustin nous les racontent dans leurs écrits , non pas, comme
un grand nombre, pour en avoir entendu parler, non pas même, comme
un bien plus grand nombre encore pour les avoir lus, mais pour les avoir
vus de leurs propres yeux.
Enfin, que dirons-nous de plus ? si les
vêtements et les ombres même des Saints pouvaient, avant leur
sortie de ce monde, chasser les maladies et rendre les forces perdues,
qui oserait soutenir que Dieu ne peut opérer les mêmes prodiges
par le moyen de leurs cendres sacrées, de leurs
ossements et de leurs autres reliques
? On eut un jour une preuve de ce que nous disons, lorsque le cadavre jeté
par hasard dans le tombeau d’Elisée revint tout à coup à
la vie, au seul contact du corps du Prophète.
§ V. — CHOSES DEFENDUES PAR LE PREMIER
COMMANDEMENT.
« Vous ne ferez point d’images
taillées, ni de figures des créatures qui sont dans le ciel
et sur la terre, dans les eaux et sous la terre ; vous n’adorerez point
toutes ces choses et vous ne les honorerez point. »
Quelques-uns ont vu dans ces paroles un
second précepte différent du premier, et en même temps
ils ont prétendu que les deux derniers Commandements du Décalogue
n’en faisaient qu’un. Au contraire Saint Augustin maintient la séparation
de ces deux derniers préceptes, et soutient que notre texte fait
partie du premier. nous nous rangeons volontiers à son sentiment,
parce qu’il est consacré dans l’Eglise. Au surplus, nous avons une
excellente raison de penser de la sorte: c’est qu’il était convenable
de joindre au premier Commandement les récompenses et les punitions
qui s’y rapportent.
Mais que personne ne s’imagine que Dieu
défend par ce Commandement la peinture, la sculpture et la gravure.
Car nous lisons dans la Sainte Ecriture que sur l’ordre de Dieu même
les hébreux firent des figures et des images, par exemple les Chérubins
et le serpent d’airain. Les images étaient défendues uniquement
pour empêcher qu’on ne retranchât quelque chose du culte dû
à Dieu, pour le leur attribuer comme à de vraies divinités.
Or, il y a évidemment, par rapport
à ce précepte, deux manières principales d’outrager
la Majesté de Dieu. La première c’est d’adorer des idoles
et des images comme on adore Dieu Lui-même, de croire qu’il y a en
elles une sorte de divinité et de vertu spéciale qui méritent
qu’on leur rende un culte, ou bien encore de leur adresser nos prières
et de mettre en elles notre confiance, comme autrefois les païens
mettaient leurs espérances dans leurs idoles. La Sainte Ecriture
leur en fait souvent le reproche.
La seconde c’est de vouloir représenter
Dieu sous une forme sensible, comme si la Divinité pouvait être
vue des yeux du corps, ou exprimée avec des couleurs et par des
figures. « Qui pourrait, comme dit Saint Jean Damascène,
représenter Dieu qui ne tombe point sous le sens de la vue, qui
n’a pas de corps, qui ne peut être limité en aucune manière,
ni dépeint par aucune figure ? » Cette pensée est développée
en détail dans le second Concile de Nicée . C’est pourquoi
l’Apôtre a très bien dit des Gentils « qu’ils
avaient transporté la gloire d’un Dieu incorruptible à des
figures d’oiseaux, de quadrupèdes et de serpents. » Car ils
adoraient tous ces animaux comme la Divinité même dans les
images qu’ils en faisaient. C’est pour cela qu’on appelle idolâtres
les Israélites qui s’écriaient devant la statue du veau d’or:
« Israël, voilà. les dieux, voilà ceux qui t’ont
tiré de la ferre d’Egypte » car par là
« ils changeaient le Dieu de gloire contre la figure d’un veau qui
mange l’herbe des champs. »
Ainsi donc après avoir défendu
d’adorer des dieux étrangers, Dieu, voulant détruire toute
idolâtrie, défendit aussi de tirer de l’airain ou de toute
autre matière une image de la Divinité. Ce qui a fait dire
à Isaïe: « A qui ferez-vous ressembler Dieu
? quelle forme et quelle image Lui donnerez-vous ? »
Il est certain que tel est le sens de
ce Commandement. Car outre les Saints Pères qui l’interprètent
de cette manière, comme on peut le voir dans les actes du septième
Concile général, les paroles suivantes que nous lisons dans
le Deutéronome et que Moïse adressa au peuple pour le détourner
de l’idolâtrie, nous en donnent une autre preuve : «
Vous n’avez pas vu que Dieu ait pris aucune forme le jour où, sur
la montagne d’Horeb, Il vous parla au milieu des éclairs. »
Ce sage législateur leur tenait ce langage pour les empêcher
de se laisser tromper et séduire et d’en venir à représenter
la Divinité par des images, et à rendre à la créature
l’honneur qui n’est dû qu’à Dieu.
§ VI. — ON PEUT CEPENDANT CHEZ LES
CHRETIENS REPRESENTER LA DIVINITE PAR DES SYMBOLES.
Cependant il ne faudrait pas croire qu’on
pèche contre la Religion et la Loi de Dieu, lorsqu’on représente
quelqu’une des trois Personnes de la Sainte Trinité par certaines
figures sous lesquelles elles apparurent dans l’Ancien et dans le nouveau
testament. nul n’est assez ignorant pour croire que ces images soient l’expression
réelle de la Divinité. Le Pasteur aura soin de déclarer
qu’elles servent seulement à rappeler certaines propriétés
et certaines opérations qu’on attribue à Dieu. C’est ainsi
que le Prophète Daniel le dépeint « comme
un vieillard (l’ancien des jours) assis sur un trône avec des livres
ouverts devant Lui. » Il voulait par là nous représenter
son Eternité et cette Sagesse infinie qui considère toutes
les pensées et toutes les actions des hommes pour les juger.
On donne également aux Anges la
forme humaine à laquelle on ajoute des ailes. C’est pour nous faire
comprendre toute leur bienveillance pour le genre humain, et toute leur
promptitude à exécuter les ordres de Dieu . «
Ils sont tous des esprits au service du Seigneur, envoyés pour remplir
un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut.
» La colombe et les langues de feu qui figurent le Saint-Esprit dans
l’Evangile et les Actes des Apôtres indiquent des attributs qui lui
sont propres, et qui sont trop familiers à tout le monde pour qu’il
soit nécessaire de nous y arrêter plus longtemps.
§ VII. — LES IMAGES DE JESUS-CHRIST,
DE LA SAINTE VIERGE ET DES SAINTS SONT PERMISES.
En ce qui regarde Notre-Seigneur Jésus-Christ,
sa très Sainte et très chaste Mère, et tous les autres
Saints, comme ils ont été revêtus de la nature humaine,
non seulement il n’est pas défendu par ce commandement de représenter
et d’honorer leurs images ; mais au contraire ces actes ont toujours eu
un caractère de piété sincère et de vive reconnaissance.
Aussi bien les monuments des temps apostoliques, les conciles œcuméniques
et un grand nombre de Saints Pères et de Docteurs sont d’accord
pour déposer en leur faveur.
Le Pasteur ne se contentera donc pas d’enseigner
qu’il est permis d’avoir des images dans les églises et de leur
rendre des honneurs et un culte, puisque ce culte se rapporte à
la personne même des saints ; mais il établira encore les
grands avantages que cette pratique a procurés aux Fidèles
jusqu’à ce jour, comme on le voit dans le livre de Saint Jean Damascène
qui a pour titre du Culte des images, et comme l’enseigne le septième
Concile général, c’est-à-dire le second Concile de
Nicée.
Toutefois, comme l’ennemi du genre humain
cherche sans cesse à corrompre par ses ruses et ses tromperies les
institutions les plus saintes, si le Pasteur vient à remarquer qu’il
s’est glissé sur ce point quelque erreur parmi le peuple, il fera
tous ses efforts pour le corriger, conformément au décret
du Concile de Trente. Et même si les circonstances le permettent,
il devra expliquer le décret lui-même. Ainsi il apprendra
aux ignorants et à ceux qui ne comprennent pas le but de l’institution
des images, qu’elles ont pour objet de nous faire connaître l’histoire
des deux testaments, et de nous en renouveler de temps en temps le souvenir,
afin que la pensée des bienfaits de Dieu nous excite à L’honorer
davantage et augmente dans nos cœur s le feu de l’amour que nous avons
pour Lui. Le Pasteur montrera aussi que si l’on place dans nos temples
les images des Saints, c’est afin que nous honorions ceux qu’elles représentent,
et que, avertis par leur exemple, nous soyons capables de former sur eux
notre vie et nos mœurs.
§ VIII. – MOTIFS D’OBSERVER LA LOI
: RECOMPENSES ET CHATIMENTS
« Je suis le Seigneur votre Dieu,
le Dieu fort et jaloux, qui poursuis l’iniquité des pères
dans les enfants jusqu’à la troisième et quatrième
génération de ceux qui me haïssent ; et qui fais miséricorde
jusqu’à mille générations à ceux qui M’aiment
et qui gardent mes préceptes. »
Il y a deux choses, dans cette dernière
partie du premier Commandement. qui demandent à être expliquées
avec grand soin.
La première, c’est que la menace
ici accompagne très justement le précepte, parce que la violation
de ce premier Commandement est le plus grand des crimes, et que les hommes
sont très portés à le commettre. Cependant la question
des peines est l’appendice obligé de tous les préceptes.
Il n’y a pas de loi en effet qui n’ait ses châtiments et ses récompenses
pour amener les hommes à observer ses prescriptions. Voilà
pourquoi on rencontre si souvent dans l’Ecriture Sainte tant de promesses
de la part de Dieu. Et sans nous arrêter aux témoignages presque
innombrables que nous trouverions dans l’Ancien testament, méditons
ceux que l’Evangile nous fait lire: « Si vous voulez
entrer dans la vie, observez les Commandements. » Et ailleurs:
« Celui-là entrera dans le Royaume des Cieux qui fait la volonté
de mon Père qui est dans le ciel. » « Tout
arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au
feu. » « Quiconque se fâchera contre son
frère méritera d’être condamné par le jugement.
» « Si vous ne pardonnez point les péchés
d’autrui, votre Père ne vous pardonnera point les vôtres.
»
La seconde chose, c’est qu’il faut expliquer
ces paroles d’une manière bien différente, à ceux
qui sont parfaits. Et à ceux qui sont encore charnels.
Les hommes parfaits, qui se laissent conduire
par l’esprit de Dieu et qui Lui obéissent avec joie et empressement,
reçoivent la menace de ces châtiments comme une nouvelle très
agréable et comme une grande preuve de la bienveillance divine à
leur égard. Ils y voient la sollicitude d’un Père plein de
tendresse, qui oblige en quelque sorte les hommes, tantôt par des
récompenses, tantôt par des châtiments, à L’adorer
et à Le servir. Ils reconnaissent dans ce Commandement qu’Il veut
bien leur faire, un effet de cette bonté infinie du Seigneur qui
se sert de ses créatures pour procurer la gloire de son nom. Et
non seulement ils reconnaissent en cela sa bonté, mais ils ont encore
la ferme espérance qu’en ordonnant ce qu’Il veut, II leur accordera
les forces nécessaires pour exécuter ce qu’Il demande.
Les hommes charnels au contraire, qui
ne sont pas encore délivrés de l’esprit de servitude, et
qui s’abstiennent de faire le mal plutôt par la crainte des châtiments
que par l’amour de la vertu, trouvent l’appendice dont nous parlons très
dur et très sévère. Le Pasteur ne manquera pas d’élever
leurs âmes par de pieuses exhortations, et de les conduire comme
par la main à l’accomplissement de la Loi. Au surplus, toutes les
fois qu’il aura l’occasion d’expliquer quelque précepte, il devra
tenir compte de ces observations.
Remarquons encore qu’il y a dans ces paroles
qui terminent le premier Commandement, ce qu’on pourrait appeler deux aiguillons,
capables d’exciter les hommes charnels aussi bien que les hommes spirituels
à l’observation de la Loi.
Et d’abord, ces mots, « le Dieu
fort, » doivent être expliqués avec d’autant plus de
soin, que souvent la chair, trop peu effrayée des menaces divines,
invente pour son usage différentes raisons qui la feront échapper
sûrement à la colère de Dieu, et éviter ses
châtiments. Mais quiconque est assuré que Dieu est le Dieu
fort, redit avec David: « Où irai-je pour m’éloigner
de votre esprit ? Où fuirai-je pour me dérober à votre
vue ? » D’autres fois la chair se défie des promesses divines,
exagère les forces de l’ennemi, et s’imagine qu’elle ne pourra jamais
résister à ses efforts. Au contraire, ceux qui ont une Foi
vive, ferme et solide, une Foi qui s’appuie sur la Force même et
la Vertu de Dieu, sentent leur courage se ranimer et se fortifier car ils
se disent à eux-mêmes: « Le Seigneur est
ma lumière et mon salut. Qui craindrai-je ? »
Le second aiguillon, c’est la jalousie
divine. très souvent les hommes s’imaginent que Dieu ne s’occupe
point des choses humaines, pas même de notre fidélité
ou de notre négligence à garder sa Loi. De là de graves
désordres dans leur vie. Mais quand on est convaincu que Dieu est
un Dieu jaloux, cette pensée retient facilement dans le devoir.
Toutefois la jalousie que nous attribuons
à Dieu n’est point celle qui agite et trouble l’esprit. La jalousie
de Dieu, c’est cet Amour, cette Charité qu’il a pour nous, et qui
l’empêche de laisser jamais personne s’éloigner de Lui impunément.
En effet, dit le Prophète David, « Il perd fous
ceux qui Le renient »
Ainsi la jalousie dont nous parlons, n’est
rien autre chose que cette justice toujours calme et sereine. qui répudie
l’âme corrompue par l’erreur et les passions, et qui la repousse
parce qu’elle est indigne de rester l’épouse de son Dieu. A coup
sûr, elle doit nous paraître bien douce et bien agréable,
cette jalousie de Dieu, puisqu’elle est une preuve assurée de l’immense,
de l’incroyable Amour qu’Il a pour nous. Et comme parmi les hommes il n’y
a point d’amour plus vif, d’union plus forte et plus étroite que
celle qui est cimentée par le mariage, Dieu nous montre combien
Il nous aime, lorsqu’il se compare si souvent, vis-à-vis de nos
âmes, à un fiancé, ou à un Epoux, et s’appelle
Lui-même un Epoux jaloux. C’est pourquoi le Prêtre ne manquera
pas d’apprendre aux Fidèles qu’ils doivent être tellement
passionnés pour tout ce qui regarde le culte et l’honneur de Dieu,
qu’on puisse dire d’eux avec vérité que non seulement ils
Lui sont attachés, mais même qu’ils L’aiment d’un amour de
jalousie, à l’exemple de celui qui disait de lui-même:
« J’ai été rempli de zèle pour le Seigneur le
Dieu des armées, » et comme Jésus-Christ Lui-même
dont il est écrit: « Le zèle de votre Maison
me dévore. »
Quant à la menace qui termine ce
précepte, elle signifie que Dieu ne laissera point les pécheurs
impunis, mais qu’Il les châtiera comme un bon Père, ou qu’Il
les punira sévèrement et sans pitié comme un juge.
C’est ce que nous déclare positivement Moise: «
et vous saurez que le Seigneur votre Dieu est un Dieu fort et fidèle,
gardant son alliance en faisant miséricorde d ceux qui L’aiment
et qui gardent ses préceptes, jusqu’à mille générations,
et punissant sur-le-champ ceux qui le haïssent. » C’est aussi
ce que dit Josué: « Vous ne pourrez servir le
Seigneur, car c’est un Dieu saint, un Dieu fort et jaloux, et Il ne pardonnera
point vos crimes, ni vos péchés. Si vous abandonnez le Seigneur,
et si vous servez des dieux étrangers, Il se tournera contre vous,
II vous affligera et Il vous renversera. »
Mais il faut bien montrer au peuple que
si Dieu, à la fin de ce premier précepte, menace de punir
les méchants et les impies jusqu’à la troisième et
quatrième génération, cela ne veut pas dire que tous
les descendants portent toujours la peine des crimes de leurs ancêtres,
mais que si les coupables et leurs enfants pèchent impunément,
jamais leur postérité entière n’échappera à
la colère de Dieu. Et n’évitera ses châtiments. C’est
ce qui arriva pour le roi Josias. A cause de sa piété extraordinaire,
Dieu l’avait épargné. Il lui avait accordé de mourir
en paix, d’être enseveli dans le tombeau de ses pères et de
ne pas être témoin des malheurs qui devaient bientôt
tomber sur Jérusalem et la tribu de Juda, à cause des impiétés
de Manassès. Mais à peine fut-il mort que la vengeance de
Dieu s’exerça contre sa postérité et n’épargna
pas même ses enfants.
Comment concilier maintenant ces paroles
que nous venons d’expliquer avec ce qui est dit dans le prophète
Ezéchiel: « C’est l’âme qui a péché
qui mourra ? » Saint Grégoire, d’accord sur ce point avec
tous les Pères de l’antiquité, répond admirablement:
« Quiconque imite l’iniquité d’un père corrompu, est
enchaîné à son sort ; mais quiconque n’imite point
cette iniquité, n’est point accablé par le poids des crimes
de son père. Ainsi le fils pervers d’un père pervers comme
lui, paie non seulement pour ses fautes, mais encore pour celles de son
père, puisque, aux crimes de celui-ci qu’il savait avoir provoqué
le courroux du Seigneur, il n’a pas craint d’ajouter sa propre perversité.
Et c’est justice que celui qui, en présence d’un Juge inflexible,
ose néanmoins suivre les voies iniques de son père, soit
forcé d’expier les fautes de ce père dans la vie présente.
»
Enfin le Pasteur aura grand soin de rappeler
combien la bonté et la miséricorde de Dieu l’emportent sur
sa justice. Car si sa colère s’étend jusqu’à la troisième
et quatrième génération, sa miséricorde va
jusqu’à la millième.
Ces paroles, « de ceux qui Me haïssent
» nous montrent toute la grandeur du péché de ceux
qui transgressent ce premier Commandement. Qu’y a-t-il en effet de plus
détestable et de plus odieux que de haïr la souveraine bonté.
la souveraine vérité ? Or c’est ce que font tous les pécheurs.
Car de même que « Celui qui a reçu les Commandements
et qui les observe, aime Dieu », de même celui qui méprise
la Loi de Dieu et qui n’observe point ses Commandements doit passer à
bon droit pour un homme qui hait Dieu.
Quant aux mots de la fin, « à
ceux qui M’aiment, » ils nous apprennent de quelle manière
et pour quel motif nous devons garder la Loi. Il est nécessaire
que ce soit le motif de la Charité, c’est-à-dire de l’amour
même que nous avons pour Dieu. C’est ce qu’il faudra rappeler dans
l’explication de chacun des Commandements.
Chapitre trentième — Du second
Commandement
VOUS NE PRENDREZ POINT EN VAIN LE NOM
DU SEIGNEUR VOTRE DIEU.
Le premier Commandement, que nous venons
d’expliquer, et qui nous ordonne de rendre à Dieu un culte saint
et plein de respect, renferme nécessairement le Commandement dont
nous avons à parler maintenant, et qui est le second. Qui veut être
honoré, en effet, veut par là -même qu’on parle de
lui avec une déférence parfaite, et il défend même
le contraire. C’est ce que nous indiquent clairement ces paroles du Seigneur
dans Malachie: « Le fils doit honorer son père,
et le serviteur son maître ; si donc Je suis votre Père, où
sont les honneurs qui me sont dus ? » Mais Dieu, pour nous faire
comprendre la grandeur du devoir qu’Il nous impose ici, a voulu nous prescrire,
sur l’honneur qui doit environner la sainteté de son, nom divin,
un précepte spécial, et qu’Il a exprimé en termes
très clairs et très formels. Et cette raison doit suffire
pour montrer au Pasteur que ce n’est pas assez de parler de ce Commandement
d’une manière générale, mais qu’il faut au contraire
s’y arrêter assez longtemps, afin de pouvoir donner aux Fidèles
les explications particulières claires et précises dont ils
ont besoin. Et il ne peut apporter à ce travail trop de diligence
et de zèle, puisque, malheureusement, il est des hommes tellement
aveuglés par l’erreur, qu’ils ne craignent pas de maudire Celui
que les Anges glorifient. Loin d’être retenus par la Loi donnée
par Dieu Lui-même, ils ont l’audace et la témérité
d’avilir la Majesté divine par leurs blasphèmes de tous les
jours, et presque de tous les instants. Qui ne voit en effet qu’on affirme
tout avec serment ? qu’on met des imprécations et des exécrations
partout ? Presque tous ceux qui vendent, qui achètent, ou qui traitent
quelque affaire, ont recours au serment, et prennent mille fois en vain
le nom du Seigneur, même dans les choses les plus légères
et les plus frivoles. C’est donc un véritable devoir pour le Pasteur
de redoubler de soin et de zèle, afin de rappeler souvent aux Fidèles
combien ce crime est énorme et détestable.
La première chose à faire
remarquer dans l’explication de ce précepte c’est que s’il est certaines
choses qu’il défend, il en est d’autres qu’il commande, et que les
hommes sont obligés d’accomplir. Ces deux points veulent être
traités séparément. Et pour que cet enseignement soit
plus facile et plus clair, il faut commencer par les choses que la Loi
commande, pour parler ensuite de celles qu’elle défend. Or ce qu’elle
commande, c’est d’honorer le saint nom de Dieu et de ne jurer par ce nom
qu’avec un religieux respect. Ce qu’elle défend, c’est que personne
n’ose mépriser ce nom sacré, ne le prenne en vain, et ne
jure à faux par Lui, témérairement ou sans motif.
§ I. — CE QUI EST ORDONNE PAR LE
SECOND COMMANDEMENT.
Dans la partie de ce précepte qui
nous ordonne d’honorer le saint nom de Dieu, le Pasteur ne manquera pas
de faire observer aux Fidèles que ce ne sont pas les lettres, ni
les syllabes qu’il faut considérer, ni le nom en lui-même,
mais la chose exprimée par ce nom, c’est-à-dire la toute
Puissance, et l’éternelle Majesté d’un seul Dieu en trois
Personnes. Cette déclaration nous montre immédiatement combien
était vaine la superstition d’un certain
nombre de Juifs qui voulaient bien écrire
le nom de Dieu, mais qui n’osaient pas Le prononcer, comme si la vertu
de ce nom eût été dans les lettres qui Le composent,
et non pas dans la chose qu’Il signifie. Et quoiqu’il soit écrit
au singulier, dans la Loi, « Vous ne prendrez point le nom de Dieu
en vain, » cela ne doit pas s’entendre d’un nom unique, mais de tous
ceux que l’on donne habituellement à la Divinité. Car la
vérité est que nous Lui donnons beaucoup de noms, comme ceux
de Seigneur, de tout Puissant, de Seigneur des armées, de Roi des
Rois, de Fort et plusieurs autres de ce genre que nous lisons dans la Sainte
Ecriture et qui sont tous également respectables.
Ensuite il faut apprendre aux Fidèles
comment on rend au nom adorable de Dieu l’honneur qu’Il réclame
; car il n’est pas permis à des Chrétiens qui doivent avoir
sans cesse à la bouche les louanges de Dieu d’ignorer une chose
si utile et si nécessaire au salut.
Or il y a plusieurs manières de
louer ce divin nom, cependant on peut dire qu’elles sont toutes renfermées,
en ce qu’elles ont d’essentiel, dans celles que nous allons expliquer.
Premièrement, nous louons Dieu.
quand nous confessons hardiment devant tout le monde, qu’Il est notre Seigneur
et notre Dieu, et quand, reconnaissant Jésus-Christ pour l’Auteur
de notre salut, nous Le proclamons notre Sauveur.
Nous Le louons encore, lorsque nous étudions
avec autant de respect et d’attention sa Parole sainte, expression de sa
sainte Volonté ; lorsque nous méditons cette Parole avec
assiduité ; lorsque nous cherchons avec tout le zèle possible
à nous en instruire, soit en la lisant, soit en l’écoutant,
selon que nos emplois et notre état nous le permettent.
Enfin nous honorons, nous vénérons
ce nom sacré, lorsque par devoir ou par dévotion nous célébrons
ses louanges, et Lui rendons des Actions de grâces particulières
pour tout ce qui nous arrive, l’adversité comme la prospérité.
Ainsi le roi Prophète disait: « Mon âme,
bénis le Seigneur, et m’oublie jamais les grâces que tu as
reçues de Lui. » Et dans plusieurs autres Psaumes ce même
Prophète célèbre les louanges de Dieu dans les chants
les plus suaves, et avec l’accent de l’amour et de la reconnaissance. Ainsi
Job, cet admirable modèle de patience, étant tombé
dans les plus grandes et les plus horribles calamités, ne cessa
jamais de louer Dieu avec une grandeur d’âme étonnante et
un invincible courage. Ainsi nous-même, si nous souffrons cruellement
dans notre corps et dans notre âme, si les misères et les
afflictions de la vie nous accablent, hâtons-nous d’employer ce qui
nous reste de volonté et de courage, pour louer Dieu quand même
et répéter avec Job: « que le nom du Seigneur
soit béni ! »
Mais nous ne L’honorons pas moins, ce
nom adorable, lorsque nous implorons son secours avec confiance, soit afin
d’être délivrés de nos maux, soit afin d’obtenir de
Lui la constance et la force dont nous avons besoin pour les supporter
sans faiblir. Dieu Lui-même veut que nous agissions ainsi :
« Invoquez-Moi, dit-Il, au jour de la tribulation ; Je vous délivrerai,
et vous Me glorifierez. » Il y a dans l’Ecriture, et spécialement
dans les Psaumes 26, 43 et 118, de nombreux et magnifiques exemples de
cette invocation.
C’est encore traiter ce nom divin avec
honneur que de Le prendre à témoin pour faire croire à
notre parole. Mais cette manière diffère beaucoup des précédentes.
Car celles dont nous venons de parler sont de leur nature si excellentes
et si désirables, que rien ne peut être plus avantageux pour
l’homme, et que ce qu’il doit rechercher avec le plus d’empressement, c’est
de s’y exercer et le jour et la nuit. « Je bénirai le Seigneur
en tout temps, disait David , sa louange sera toujours dans ma bouche.
» Au contraire, quoique le serment soit bon en lui-même, l’usage
fréquent ne peut en être louable.
Et voici la raison de cette différence.
Le serment n’a été institué que pour servir de remède
à la faiblesse humaine, et comme un moyen nécessaire pour
prouver ce que nous avançons. De même qu’il ne faut donner
aux corps que les remèdes nécessaires, et que l’application
trop fréquente de ces mêmes remèdes serait dangereuse
; de même aussi il n’est pas utile de jurer sans raison grave et
légitime. Et si l’on a trop souvent recours au serment, loin d’être
avantageux, il entraîne avec lui les plus graves inconvénients.
C’est pourquoi Saint Jean Chrysostome
dit très bien que l’usage du serment ne remonte point au commencement
du monde, mais à des temps bien postérieurs, lorsque la malice
des hommes, propagée en tout sens, couvrait l’univers entier ; que
plus rien n’était ni dans son ordre ni à sa place, que la
perturbation et la confusion étaient partout ; qu’en haut, en bas
tout était emporté pèle-mêle dans un désordre
universel, et que pour comble de tous les maux, presque tous les hommes
s’étaient livrés au culte honteux des idoles. Ce ne fut qu’après
cet intervalle, bien long sans doute, que le serment se glissa dans les
rapports des hommes entre eux. La perfidie et la corruption devinrent telles
que les hommes se décidaient difficilement à croire à
la parole les uns des autres, et ils furent obligés de prendre Dieu
à témoin de ce qu’ils disaient.
§ II. — DU SERMENT.
Le point capital dans cette partie du
second Commandement que nous expliquons, est d’apprendre aux fidèles
la manière de jurer religieusement et saintement. Le Pasteur devra
donc enseigner que jurer, c’est simplement prendre Dieu à témoin,
quels que soient d’ailleurs la formule et les mots qu’on emploie. Ainsi,
dire: Dieu m’est témoin, et dire, par Dieu, c’est tout un. C’est
encore jurer que de prendre à témoins, pour se faire croire,
des créatures comme les saints Evangiles, la Croix, les Reliques
des Saints, leurs noms et autres choses de ce genre. Car ce ne sont pas
ces objets pris en eux-mêmes qui donnent au serment force et autorité,
c’est Dieu seul dont la souveraine Majesté brille dans ses créatures.
Ainsi jurer par l’Evangile, c’est jurer par Dieu même dont la Vérité
est contenue et exprimée dans l’Evangile. Il en est de même
quand on jure par les Saints qui sont les temples de Dieu, qui ont en Foi
dans la Vérité Evangélique, qui L’ont environnée
de tous leurs respects, qui L’ont répandue par toute la terre, et
au sein des nations les plus éloignées.
Il en faut dire autant du serment que
l’on fait avec imprécation, comme Saint Paul par ces paroles
: « Je prends Dieu à témoin, sur ma vie. » Un
serment de cette nature nous livre au jugement de Dieu, comme au vengeur
du mensonge. toutefois nous reconnaissons que plusieurs de ces formules
ne sauraient passer pour de véritables serments ; mais il est bon
d’observer vis-à -vis d’elles ce qui a été dit du
serment, et de leur appliquer exactement les mêmes principes et les
mimes règles.
II y a deux sortes de serments. Le premier
est le serinent d’affirmation. II consiste à affirmer par jurement
une chose présente ou passée. L’Apôtre nous en donne
un exemple dans son Epître aux Galates, quand il dit
: « Je prends Dieu à témoin que je ne mens pas. »
— Le second est le serment de promesse, ou de menace. II se rapporte entièrement
à l’avenir. On l’emploie pour promettre, — et confirmer sa promesse,
— qu’une chose se fera de telle ou telle manière. Ce fut le serment
de David. Jurant par le Seigneur son Dieu , il promit à Bethsabée,
son épouse, que Salomon, son fils, serait son héritier, et
son successeur sur le trône.
§ III. — CONDITIONS NECESSAIRES POUR
QUE LE SERMENT SOIT PERMIS.
Quoiqu’il suffise, pour qu’il y ait serment,
de prendre Dieu à témoin, cependant pour que ce serment soit
légitime et saint, plusieurs conditions sont requises, qui veulent
être expliquées avec soin.
Le Prophète Jérémie
les énumère, comme le remarque Saint Jérôme,
en peu de mots, quand il dit : « Vous jurerez par cette parole:
Vive le Seigneur ! mais avec hérité, avec jugement et avec
justice. » Et il faut reconnaître que ce texte est un véritable
résumé de tout ce qui rend un serment parfait, c’est-à-dire
précisément la vérité, le jugement et la justice.
La première condition du serment
est donc la vérité. Il faut que ce qui est avancé
soit vrai, et que celui qui jure, le regarde comme tel, non pas témérairement,
et sur de vaines conjectures, mais en s’appuyant sur les raisons les plus
solides. — La même condition est requise pour le serment qui accompagne
une promesse. Celui qui promet doit être disposé à
tenir sa parole et à s’exécuter quand le temps sera venu.
Et comme on ne peut supposer qu’un homme de bien s’engage jamais à
faire une chose qu’il regarderait comme contraire sua Commandements et
à la tris sainte Volonté de Dieu, tout ce qu’il aura pu promettre
et jurer par serment, il ne manquera pas de l’accomplir ; à moins
que les circonstances n’aient tellement changé les choses qu’il
ne puisse garder sa parole et rester fidèle à ses promesses,
sans encourir le mécontentement et l’indignation de Dieu. David
montre parfaitement combien la vérité est nécessaire
au serment, quand il dit : « Celui qui jure à son prochain,
et qui tient sa parole. »
En second lieu il faut jurer avec jugement
; c’est-à-dire qu’il ne faut point recourir au serment d’une manière
téméraire et inconsidérée, mais après
examen, et mûre réflexion. Ainsi, avant de jurer, il faut
voir s’il y a nécessité ou non ; peser attentivement l’affaire
pour s’assurer qu’elle a besoin d’être prouvée par serment
; considérer le lieu, le temps et toutes les autres circonstances
qui s’y rattachent ; ne se laisser entraîner ni par la haine, ni
par l’amitié, ni par aucun mouvement déréglé
de l’âme, mais uniquement par la nécessité et l’importance
de ce qui est en question. Si on néglige de faire ces réflexions
et de prendre ces précautions scrupuleuses, on fera nécessairement
un serment précipité et téméraire. tels sont
les serments sacrilèges de ces hommes qui pour les choses les plus
légères et les plus futiles, jurent sans raison, sans examen,
mais uniquement par une coupable habitude. C’est ce que nous voyons chaque
jour et partout, entre vendeurs et acheteurs. Ceux-là pour vendre
plus cher, ceux-ci pour acheter à meilleur marché, ne craignent
pas d’employer le serment pour vanter ou déprécier la marchandise.
— C’est parce que le jugement et la prudence sont nécessaires pour
jurer, et que les enfants n’ont pas encore assez de perspicacité
et de discernement en pareil cas, que le Pape Saint Corneille défendit
par décret d’exiger d’eux le serment avant l’âge de puberté,
c’est-à-dire avant l’âge de quatorze ans.
La troisième et dernière
condition est la justice. Et c’est surtout quand il s’agit de promesses
que cette justice est requise. Si quelqu’un promet avec serment une chose
injuste et déshonnête, il pèche d’abord en jurant,
et il commet un second crime en accomplissant sa promesse. L’Evangile nous
fournit un exemple de ce double crime dans la personne du roi Hérode.
Ce malheureux s’était lié d’abord par un serment téméraire,
puis, pour tenir son serment il osa donner à une danseuse, comme
pria de sa danse, la tête de Saint Jean Baptiste. tel fut encore
le serment de ces Juifs, dont nous parlent les Actes des Apôtres,
qui « avaient juré de ne prendre aucune nourriture, avant
d’avoir fait périr Saint Paul. »
Après ces explications, il est
hors de doute que l’on peut jurer en sûreté de conscience
quand on observe religieusement toutes les conditions dont nous venons
de parler, et qui en effet entourent le serment comme d’une espèce
de sauvegarde. — Au surplus, nous ne manquons pas d’arguments pour prouver
ce que nous avançons. Ainsi la Loi du Seigneur « qui est sainte
et sans tache » renferme ce Commandement:
« Vous craindrez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que
Lui, et vous jurerez par son Nom. » Le Prophète David nous
dit : « Ceux qui jurent par le Seigneur seront loués. »
On voit aussi, dans le nouveau testament,
que les Saints Apôtres, ces éclatantes lumières de
l’Eglise, ont eux-mêmes usé du serment dans l’occasion.. Les
Epîtres de Saint Paul ne nous laissent aucun doute sur ce point.
Il convient d’ajouter que les Anges eux-mêmes
font quelquefois des serments. Il est écrit dans l’Apocalypse de
Saint Jean que « l’Ange jura par Celui qui vit dans les
sicles des siècles. »
Enfin Dieu Lui-même, le Roi des
Anges, a recours au serment. Dans plusieurs endroits de l’Ancien testament
II s’en sert pour confirmer ses promesses à Abraham et à
David. Celui-ci nous dit dans le Psaume 109: « Le Seigneur
l’a juré, et Il ne s’en repentira point: vous êtes le Prêtre
éternel selon l’ordre de Melchisédech. » — Si l’on
considère en effet ce qu’est le serment en lui-même dans sa
cause et dans sa fin, il est facile de montrer que c’est un acte très
louable. II a sa cause et son principe dans la Foi qui porte les hommes
à croire que Dieu est la Source de toute vérité, qu’Il
ne peut par conséquent ni être trompé, ni tromper personne,
que tout est à nu et à découvert devant ses yeux,
que son admirable Providence veille sur toutes choses et gouverne le monde
entier. C’est sous l’empire de ces sentiments que nous invoquons Dieu comme
témoin de la vérité. Il serait donc impie et criminel
de n’avoir pas confiance en Lui. — La fin du serment, le but spécial
qu’il se propose c’est de prouver la justice et l’innocence, de terminer
les procès et les différends. Ainsi l’enseigne l’Apôtre
lui-même dans son Epître aux Hébreux.
Et cette doctrine n’est nullement contraire
à ces paroles de notre Sauveur en Saint Matthieu: «
Vous avez appris qu’il a été dit aux Anciens: Vous rte vous
parjurerez point, vous vous acquitterez des serments que vous aurez faits
au Seigneur. Et mot je vous dis que vous ne devrez jurez aucunement: ni
par le ciel qui est le trône de Dieu ; ni par la terre qui est son
marchepied ; ni par Jérusalem, parce que c’est la ville du grand
roi: ni même par votre tête, parce qu’il ne dépend pas
de vous d’en rendre un seul cheveu blanc ou noir. Bornez-vous à
dire: cela est, cela n’est pas. S’il y a quelque chose de plus, il vient
du mal. » En effet on ne saurait soutenir que ces paroles condamnent
le jurement en général et d’une manière absolue, puisque,
comme nous l’avons vu plus haut, notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même
et les Apôtres ont juré, et même fréquemment.
Notre-Seigneur n’avait donc pour but en parlant de la sorte que de réfuter
la coupable erreur des Juifs qui se figuraient que dans le serment il n’y
avait qu’une seule chose à éviter, le mensonge, et qui dés
lors juraient et faisaient jurer les autres à tout propos pour les
choses les plus vaines et les moins importantes. C’est cette coutume que
le Sauveur blâme et réprouve ; et voilà pourquoi Il
enseigne qu’il faut s’abstenir entièrement de jurer, à moins
que la nécessité ne le demande.
D’ailleurs le serment est un effet de
la faiblesse humaine, et, à ce point de vue, il procède réellement
du mal. C’est une marque de l’inconstance de celui qui jure, ou de l’obstination
de celui qui fait jurer, puisqu’il na, veut pas se laisser persuader autrement.
toutefois, nous le répétons, le serment trouve son excuse
dans la nécessité. Et lorsque notre Sauveur nous dit: «
bornez-vous à ces mots, cela est, cela n’est pas, » Il nous
montre assez, par cette manière de parler, que ce qu’Il veut défendre
c’est l’habitude de jurer dans les entretiens familiers, et pour des choses
de peu d’importance. En somme Il nous avertit de ne pas être trop
faciles et trop enclins à faire serment. Et c’est aussi ce qu’il
faut enseigner avec le plus grand soin, et répéter souvent
aux Fidèles, car selon l’Ecriture et le témoignage des Pères,
la trop grande facilité à jurer engendre une infinité
de maux. Il est écrit dans l’Ecclésiaste: «
N’habituez point votre bouche au serment, car il en résulterait
de grands maux. » Et encore « l’homme qui jure souvent sera
rempli d’iniquités, l’affliction ne s’éloignera point de
sa maison. » On peut lire dans Saint Basile et dans Saint Augustin
tout ce qu’ils ont écrit à ce sujet dans leurs livres contre
le mensonge.
Mais c’est assez sur ce que ce précepte
ordonne, voyons maintenant ce qu’il défend.
§ IV. — CE QUI EST DEFENDU PAR LE
SECOND COMMANDEMENT.
Il nous est défendu par ce Commandement
de prendre en vain le nom du Seigneur. Celui qui se laisse aller à
jurer sans réflexion et avec témérité, se rend
évidemment coupable d’un péché grave, et la grièveté
de ce péché est facile à établir d’après
ces paroles: Vous ne prendrez point en vain le nom du Seigneur. Il semble
en effet que Dieu Lui-même vient nous dire en d’autres termes que
ce qui rend cette faute si odieuse et si impie, c’est qu’elle diminue en
quelque sorte sa Majesté, la Majesté de Celui que nous reconnaissons
pour notre Seigneur et pour notre Dieu.
Ce précepte nous défend
encore de jurer à faux, c’est-à-dire contre la vérité.
Celui qui ne recule pas épouvanté devant un pareil crime,
et qui ose prendre Dieu à témoin d’un mensonge, Lui fait
une injure infinie. Il l’accuse, ni plus ni moins, d’ignorance en pensant
qu’il est des vérités qui peuvent Lui échapper, ou
bien de malice et d’iniquité, comme si Dieu était capable
de confirmer un mensonge par son propre témoignage. Or on jure à
faux non pas seulement quand on jure qu’une chose est vraie, sachant bien
qu’elle est fausse, mais aussi quand on affirme avec serment la vérité
d’une chose que l’on croit fausse, encore qu’elle soit vraie au fond. Mentir
c’est parler contre sa pensée et contre ses sentiments intimes ;
par conséquent dans le cas présent il y a évidemment
mensonge et parjure.
Par la même raison il y a aussi
parjure quand on affirme par serment une chose que l’on croit vraie, et
qui cependant est fausse, à moins que l’on ait mis tous ses soins
et tout son zèle à s’en assurer et à la vérifier.
Bien que les paroles soient ici d’accord avec la pensée, néanmoins
il y a violation du précepte.
Il y a encore parjure dans celui qui a
fait une promesse avec serment, sans avoir l’intention de l’accomplir,
ou qui, s’il a eu cette intention, n’accomplit pas ce qu’il a promis. C’est
le péché de ceux qui se sont liés envers Dieu par
des vœux qu’ils n’exécutent point.
Une autre manière de pécher
contre ce précepte, c’est d’émettre un serment qui ne serait
point accompagné de la justice, laquelle est une des conditions
nécessaires du serment légitime. Ainsi celui qui promet avec
serment de commettre un péché mortel, un meurtre par exemple,
viole incontestablement le précepte:, lors même qu’il parlerait
sérieusement et du fond du cœur, et que son serment aurait pour
lui la vérité, celle des trois conditions exigées,
à laquelle nous avons donné le premier rang.
A ces serments défendus il faut
encore ajouter ceux qui naissent d’une sorte de mépris, comme les
serments de ne point obéir aux conseils de l’Evangile, par exemple
ceux qui exhortent au célibat et à la pauvreté. Sans
doute personne n’est rigoureusement tenu de suivre ces conseils, mais jurer
de ne pas vouloir s’y soumettre, c’est mépriser et violer les conseils
de Dieu par cet indigne serment.
C’est violer également le deuxième
précepte, et pécher contre le jugement, que de jurer pour
une chose qui est vraie et que l’on croit telle, mais en ne s’appuyant
que sur de simples conjectures et sur des raisons prises de trop loin.
Quoique la vérité accompagne un serment de cette nature,
il s’y mêle néanmoins une sorte de fausseté, puisque
celui qui fait serment avec témérité, s’expose grandement
à faire un parjure.
Celui-là jure encore contre la
vérité, qui jure par les faux dieux. Qu’y a-t-il en effet
de plus opposé à la vérité que de prendre à
témoin des divinités mensongères et imaginaires, comme
si elles étaient le vrai Dieu Lui-même ?
Mais si l’Ecriture nous dit, en nous défendant
le parjure: « Vous ne déshonorerez point le Nom
de votre Dieu, » elle condamne par là même toute espèce
de négligence dans tous les devoirs que ce précepte nous
impose, et spécialement en ce qui concerne la Parole de Dieu, dont
la Majesté est infiniment respectable non seulement auprès
des personnes de piété, mais quelquefois même auprès
des impies, ainsi que nous l’apprend l’exemple d’Eglon, roi des Moabites,
au Livre des Juges. Or, c’est traiter la Parole de Dieu d’une manière
absolument injurieuse que de détourner la sainte Ecriture de son
sens droit et naturel, pour lui donner un sens conforme à la doctrine
des impies et des hérétiques. Le Prince des Apôtres
nous met en garde contre ce crime dans ce texte qu’il faut citer:
« Il y a quelques endroits difficiles à entendre, que des
hommes ignorants et légers détournent à de mauvais
sens aussi bien que les autres Ecritures, pour leur propre ruine. »
C’est encore déshonorer honteusement
l’Ecriture que d’en employer les maximes et les paroles, qui sont dignes
de toute notre vénération, à des choses purement profanes,
comme aussi de s’en servir dans des contes, dans des fables ridicules et
vaines, pour des flatteries, des médisances, des sorts, des libelles
diffamatoires et autres choses de cette nature. Le Concile de Trente condamne
ces pratiques détestables et veut qu’on les punisse.
Enfin, de même que ceux qui réclament
et implorent le secours de Dieu dans leurs infortunes, L’honorent et Lui
rendent hommage ; de même ceux qui n’invoquent point son appui, Le
privent d’un honneur auquel Il a droit. C’est de ces malheureux que David
veut parler, quand il dit : « Ils n’ont pas invoqué
le Seigneur, c’est pourquoi ils ont tremblé d’épouvante,
là où il n’y avait rien à craindre. »
Mais il en est qui sont enchaînés
dans les liens d’un crime beaucoup plus détestable encore ; ce sont
ceux qui d’une bouche impure et souillée osent blasphémer
et maudire le nom adorable de Dieu, ce nom digne de toutes les bénédictions
et de toutes les louanges des créatures, ainsi que le nom des Saints
qui règnent avec Lui dans le ciel. Ce crime est si horrible et si
monstrueux, que parfois nos Saints Livres pour le nommer se servent du
mot (contraire) bénédiction.
§ V. — CHATIMENTS DE CEUX QUI VIOLENT
LE SECOND COMMANDEMENT.
La crainte des peines et du châtiment
est d’ordinaire un excellent moyen de réprimer le penchant que nous
avons à désobéir à Dieu. C’est pourquoi le
Pasteur pour toucher davantage les cœurs et disposer plus facilement les
Fidèles à l’observation de ce précepte, devra leur
expliquer avec soin ces paroles qui en sont comme une dépendance
nécessaire: « Le Seigneur ne tiendra point pour
innocent celui qui aura pris en vain le nom du Seigneur son Dieu. »
Et d’abord il leur montrera combien Dieu a eu raison de joindre des menaces
à ce Commandement. Ces menaces en effet nous font connaître
et la gravité du péché et la bonté de Dieu,
qui bien loin de se réjouir de notre perte, cherche par des menaces
salutaires à nous détourner du mal, afin que nous ne devenions
point l’objet de sa colère, mais plutôt de sa clémence
et de sa miséricorde. II convient que le Pasteur insiste fortement
sur ce point, afin que les Fidèles, connaissant l’énormité
de ce crime, en conçoivent une horreur plus vive et mettent tous
leurs soins à l’éviter.
Il fera remarquer ensuite que le penchant
des hommes à commettre ce péché est si grand, qu’il
n’eût pas suffi de le défendre simplement, mais que la Loi
avait besoin d’être accompagnée de menaces. On ne saurait
croire combien cette pensée peut être utile aux Fidèles.
Car de même que rien ne nous est plus nuisible qu’une téméraire
confiance en nos propres forces, de même le sentiment de notre faiblesse
nous est extrêmement avantageux.
Le Pasteur ajoutera enfin que si Dieu
n’a point décerné de châtiment particulier contre ce
crime, Il a affirmé d’une manière générale
que ceux qui s’en rendraient coupables ne resteraient pas impunis.
Nous avons donc lieu de croire que les
maux dont nous souffrons chaque jour sont pour nous avertir de nos désobéissances
en cette matière. Il est permis de penser en effet que les hommes
ne sont sujets à de si grandes calamités, que parce qu’ils
manquent à ce Commandement. Et l’on peut s’attendre qu’en mettant
sous leurs yeux le tableau de ces malheurs, on les rendra plus sages, et
mieux avisés pour l’avenir. Que les Fidèles, frappés
d’une sainte frayeur, évitent donc ce péché avec tout
le soin possible ! Car s’il est vrai qu’au jugement dernier il faudra rendre
compte de toute parole oiseuse, que sera-ce de ces crimes affreux qui font
un tel mépris du nom adorable de Dieu ?
Chapitre trente-et-unième
— Du troisième Commandement
« Souvenez-vous de sanctifier le
jour du Sabbat, vous travaillerez et vous ferez tous vos ouvrages pendant
six jours: mais le septième jour est le Sabbat du Seigneur votre
Dieu. Vous ne ferez aucune œuvre servile en ce jour, ni vous, ni votre
fils, ni votre fille, ni votre serviteur, ni votre servante, ni vos bêtes
de somme, ni l’étranger qui est parmi vous ; car le Seigneur a fait
en six jours le ciel, et la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment,
et Il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur
a béni le jour du sabbat. »
Le troisième Commandement a pour
objet le culte extérieur que nous devons à Dieu. Ce culte
est une conséquence naturelle des obligations imposées par
le premier. Il vient donc ici parfaitement à sa place. Car si nous
honorons Dieu pieusement au fond de nos cœur », comment pourrions-nous,
avec la Foi et l’Espérance que nous avons en Lui, ne pas L’environner
d’un culte extérieur et Lui témoigner ouvertement notre reconnaissance
? Mais comme ces devoirs sont difficiles à remplir pour ceux qui
sont occupés des affaires de ce monde, il s’agissait de leur rendre
cette obligation plus facile en la fixant à des époques déterminées.
Ce Commandement, s’il est bien pratiqué,
est de nature à produire des fruits et des avantages admirables.
Il importe donc grandement que le Pasteur déploie, pour l’expliquer,
tout le zèle dont il est capable. Et un premier et puissant motif
pour lui d’enflammer ce zèle sera dans ces paroles: souvenez-vous
; car si les Fidèles sont obligés de se souvenir de ce précepte,
c’est au Pasteur à le leur remettre en mémoire par des avertissements
et des instructions souvent répétés.
Et ce qui fait voir combien il est important
pour les Fidèles d’observer ce Commandement, c’est que, en l’accomplissant
avec soin, ils se rendront facile et aisée la pratique de tous les
autres. Ainsi une des obligations qu’ils ont à remplir aux jours
de Fêtes, c’est de se réunir à l’Eglise pour y entendre
la Parole de Dieu. Or il est bien certain que plus ils feront de progrès
dans la connaissance de la Loi divine, plus ils seront disposés
à la garder de tout leur cœur. C’est pourquoi la solennité
et le culte du Sabbat sont très souvent recommandés dans
nos Saints Livres. L’Exode, le Lévitique, le Deutéronome,
les Prophètes Isaïe, Jérémie, Ezéchiel,
rapportent tous expressément le précepte de la sanctification
du Sabbat.
Il faut aussi avertir et exhorter les
princes et les magistrats d’avoir à seconder de toute leur autorité
les Pasteurs de l’Eglise dans tout ce qui intéresse le maintien
et le développement de ce culte, et même de faire des lois
pour assurer l’observation du précepte ecclésiastique.
§ I. — COMPARAISON DU TROISIEME COMMANDEMENT
AVEC LES AUTRES.
En expliquant ce précepte, il ne
faut pas négliger d’enseigner aux Fidèles en quoi il ressemble
aux autres, et en quoi il diffère. Ce sera un moyen de leur faire
connaître clairement les motifs pour lesquels nous ne sanctifions
plus le jour du Sabbat, mais le jour du Dimanche.
Il y a cette différence capitale
entre ce Commandement et les autres, que ceux-ci étant fondés
sur la nature elle-même, sont de tous les temps, et ne peuvent jamais
changer. Aussi, quoique la Loi de Moïse soit abrogée, le peuple
chrétien continue d’observer tous les préceptes des deux
tables de la Loi. Et cela, non pas parce que Moise l’a ordonné,
et pour lui obéir, mais parce qu’ils tiennent à la nature,
et que les hommes sont obligés de se conformer à ce qu’elle
demande. Mais le précepte de la sanctification du Sabbat, si on
le considère uniquement par rapport à ce jour, n’est ni fixe
ni constant. Au contraire il peut changer, et c’est plutôt une loi
cérémonielle qu’une loi morale. II n’a pas non plus sa raison
d’être dans la nature ; car ce n’est pas elle qui nous enseigne et
qui nous dispose à choisir un jour plutôt qu’un autre pour
rendre à Dieu un culte extérieur. Aussi bien les Israélites
ne sanctifièrent le jour du Sabbat qu’après avoir été
délivrés de la servitude de Pharaon. Mais ce précepte
devait être aboli su moment où le culte et les cérémonies
mosaïques allaient tomber en désuétude, c’est-à-dire
à la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ces cérémonies
n’étaient en effet que des images et des ombres de la lumière
et de la vérité ; il fallait nécessairement qu’elles
disparussent devant cette Lumière, cette Vérité même
qui est Jésus-Christ. C’est pourquoi Saint Paul reprenait les Galates
de ce qu’ils étaient encore attachés aux cérémonies
de la Loi: « Vous observez les jours et les mois, leur
disait-il, les semaines et les années ; mais je crains pour vous
que je n’aie travaillé en vain parmi vous. » II parle de la
même manière au Colossiens.
Voilà en quoi ce précepte
diffère des autres, c’est qu’il regarde directement le culte et
les cérémonies. Mais il a cela de commun avec tous, qu’à
un autre point de vue il se rapporte à la morale et au droit naturel.
Car le culte divin et la vertu de religion, prescrits par ce Commandement,
sont de droit naturel, puisque la nature veut que nous employons certaines
heures de notre temps aux choses qui regardent le culte du Seigneur. Et
la preuve, c’est que chez toutes les nations nous trouvons des Fêtes,
et des Fêtes publiques, établies en l’honneur de la Divinité.
Et de même qu’il est naturel à l’homme de réserver
un certain temps pour les fonctions nécessaires à la vie
du corps, comme le repos, le sommeil, et autres choses semblables, de même
la nature demande qu’il y ait certains moments déterminés,
pendant lesquels l’âme puisse se retremper dans la contemplation
de Dieu. Si donc une certaine partie de notre temps doit être employée
au culte que nous devons à Dieu, le précepte qui l’ordonne
appartient évidemment à la loi morale.
C’est pour cette raison que les Apôtres
résolurent de consacrer au culte de Dieu le premier des sept jours
de la semaine, et l’appelèrent le jour du Seigneur. Saint Jean dans
son Apocalypse fait mention de ce jour ; et l’Apôtre
veut qu’on recueille les aumônes des Fidèles le
premier jour après le Sabbat, c’est-à-dire, comme l’explique
Saint Jean Chrysostome, le jour du Dimanche. Ce qui nous montre que déjà,
dans ce temps-là, le jour du Seigneur était un jour saint
dans l’Eglise. — Mais afin que les Fidèles sachent parfaitement
ce qu’ils ont à faire, et ce qu’ils ont à éviter,
en ce jour, il ne sera pas hors de propos, que le Pasteur explique soigneusement
chacune des paroles du précepte tout entier — lequel se divise très
bien en quatre parties.
§ II. — SOUVENEZ-VOUS DE SANCTIFIER
LE JOUR DU SABBAT.
La première chose à expliquer
ici, c’est le sens précis de ces paroles: souvenez-vous de sanctifier
le jour du Sabbat. Le mot souvenez-vous, placé, non sans motif.
En tête du précepte, nous indique que la sanctification de
ce jour appartient aux lois cérémonielles. C’est un point
qu’il semblait utile de rappeler au peuple ; car encore que la loi naturelle
nous enseigne que nous sommes obligés de consacrer un certain temps
à rendre à Dieu un culte extérieur, elle ne prescrit
point le jour où il convient le mieux de le faire.
En second lieu il faut montrer aux Fidèles
que ces mêmes paroles nous avertissent de quelle manière nous
devons travailler pendant la semaine ; en d’autres termes, elles nous rappellent
l’obligation où nous sommes de ne jamais perdre de vue le jour de
Fête pendant notre travail. Le Dimanche étant un jour où
nous avons, en quelque sorte, à rendre compte à Dieu de nos
actions et de notre travail, il importe extrêmement que ces actions
et ce travail soient tels que Dieu ne les répudie pas, et qu’ils
ne deviennent jamais pour nous, comme dit l’Ecriture , un sujet de
sanglots et de remords.
Enfin, ces mots, souvenez-vous, etc. nous
remettent en mémoire une vérité bien frappante, c’est
que nous ne manquerons pas d’occasions d’oublier ce précepte. nous
y seront sollicités, tantôt par l’exemple de ceux qui n’en
tiennent aucun compte, tantôt par
l’amour des spectacles et des jeux qui nous détournent si souvent
du culte de religion et de piété que nous devons à
Dieu en ce saint jour. — Venons maintenant à ce qu’il faut entendre
par Sabbat.
Sabbat est un mot hébreu qui signifie
en latin cessatio, c’est-à-dire, repos. Ainsi sabbatiser, dans la
langue latine, s’appelle cessare et requiescere, c’est-à-dire cesser
d’agir, se reposer. Le septième jour a reçu le nom de Sabbat,
parce que Dieu, après avoir achevé entièrement l’œuvre
de la création du monde, se reposa en ce jour de tous ses travaux.
D’ailleurs le Seigneur Lui-même lui donne ce nom dans l’Exode. Plus
tard le nom de Sabbat a été attribué non seulement
au septième jour, mais encore, à cause de sa dignité,
à la semaine elle-même. C’est en ce sens qu’il faut entendre
les paroles du Pharisien : « Je jeûne deux fois pendant
le Sabbat. » Voilà pour la signification du mot.
Quant à la sanctification du Sabbat,
d’après la sainte Ecriture, c’est la cessation des travaux du corps
et des affaires temporelles. Cette vérité est clairement
exprimée dans les paroles suivantes du précepte: Vous ne
travaillerez pas. Mais il y a autre chose ; sans quoi il eût suffit
de dire dans le Deutéronome : « Observez le jour du
Sabbat. » Et puisqu’on ajoute dans le même endroit «
pour le sanctifier », cela nous fait bien voir que le Sabbat est
un jour saint, consacré à des actes religieux et au service
du Seigneur. nous célébrons donc le Sabbat d’une manière
pleine et parfaite, lorsque nous rendons à Dieu des devoirs de piété
et de religion. C’est vraiment là le Sabbat qu’Isaïe appelle
: « Le jour des délices », parce qu’en effet les jours
de Fêtes sont des jours de délices pour le Seigneur et pour
les hommes pieux. Et si à ce culte religieux et sacré du
Sabbat nous joignons des œuvres de miséricorde, ce même Prophète
nous promet au même endroit les récompenses les plus belles
et les plus précieuses.
Ainsi le sens propre et précis
de ce Commandement est que l’homme, en un temps déterminé,
interrompe ses affaires ordinaires et les travaux manuels, pour s’appliquer
d’esprit et de corps à honorer Dieu et à Lui rendre tous
les hommages qu’Il réclame.
§ III. — VOUS TRAVAILLEREZ PENDANT
SIX JOURS, ETC.
La seconde partie du précepte nous
dit positivement que Dieu a consacré le septième jour à
son culte. Il est écrit en effet: « Vous travaillerez pendant
six jours, vous ferez fous vos ouvrages pendant ce temps, mais le septième
jour est le Sabbat du Seigneur votre Dieu. » Ces paroles nous ordonnent
en d’autres termes de considérer le Sabbat comme consacré
au Seigneur, de nous acquitter en ce jour des devoirs religieux qui lui
sont dus et enfin de voir dans ce septième jour un mémorial
du repos du Seigneur.
Ce jour fut donc dédié au
culte divin, parce qu’il ne convenait pas de laisser à un peuple
grossier la faculté de fixer ce temps à son gré. On
pouvait craindre que, pour honorer le vrai Dieu, il n’imitât les
fêtes sacrées des Egyptiens. Ainsi Dieu voulut que le septième
jour, qui est le dernier de la semaine, fût réservé
pour son culte. Et il y avait là plus d’un mystère. Voilà
pourquoi dans l’Exode et dans Ezéchiel Il appelle ce jour un signe
. « Ayez soin, dit-il, d’observer mon Sabbat, parce qu’il est le
signe de l’alliance qui existe entre Moi, vous et toute votre postérité
; afin que vous sachiez que c’est Moi qui vous sanctifie. »
C’était un signe, parce qu’en voyant
ce jour consacré au service divin, les hommes devaient apprendre
par là à se consacrer eux-mêmes à Dieu et à
se sanctifier devant Lui. Car ce qui fait qu’un jour est vraiment saint,
c’est qu’on l’emploie spécialement à la pratique de la Sainteté
et de la Religion.
C’était aussi un signe et comme
un monument de la création de cet admirable univers.
Un signe encore, destiné à
rappeler aux Israélites qu’ils n’avaient été déliés
et délivrés du joug si dur de la servitude d’Egypte que par
le secours de Dieu. C’est ce que le Seigneur Lui-même atteste par
ces paroles : « Souvenez-vous que vous avez été
esclaves en Égypte, et que vous avez été tirés
de la servitude par la main puissante de votre Dieu, et par la force de
son bras. C’est pourquoi Il vous a commandé de garder le jour du
Sabbat. »
Enfin ce jour était le signe du
Sabbat spirituel et céleste. Or le Sabbat spirituel consiste dans
un saint et mystérieux repos, dans lequel les Fidèles se
trouvent quand, dépouillés du vieil homme enseveli avec Jésus-Christ,
ils reviennent à une vie nouvelle, et s’appliquent avec soin à
faire des actions conformes à la piété chrétienne:
« Car ceux qui autrefois n’étaient que ténèbres
, devenus lumière en Notre-Seigneur, doivent marcher comme des enfants
de lumière dans la voie de tout bien et de foute justice et n’avoir
rien de commun avec les,. ouvres infructueuses des ténèbres.
»
Mais le Sabbat céleste, comme le
remarque Saint Cyrille , en expliquant ces paroles de l’Apôtre
, il est encore un Sabbat pour le peuple de Dieu, consiste dans cette autre
vie, où, réunis à Jésus-Christ, nous serons
comblés de toutes sortes de biens et délivrés entièrement
du péché. C’est ce que le Prophète nous apprend par
ces paroles : « Il n’y aura en ce lieu ni lion ni autre bête
dangereuse, mais tout y sera pur et saint. » Lorsqu’en effet les
élus jouiront de la vue de Dieu, ils seront remplis de toutes sortes
de biens. C’est ce qui doit engager les Pasteurs à presser les Fidèles
par ces paroles : « Hâtons-nous d’entrer dans ce repos.
»
Outre le septième jour, le peuple
Juif avait encore d’autres jours de Fête qui appartenaient à
Dieu et qu’Il avait établis pour ne pas laisser perdre la mémoire
de ses immenses bienfaits.
§ IV. — LE DIMANCHE SUBSTITUE AU
SABBAT. FETES DE L’EGLISE.
L’Eglise a jugé à propos
de transporter le culte et la solennité du Sabbat au jour du Seigneur,
c’est-à-dire, au Dimanche. De même que ce fut en ce jour que
la lumière commença à éclairer le monde, de
même aussi ce fut en ce jour que notre Rédempteur, en nous
ouvrant l’entrée de la Vie Eternelle par sa Résurrection,
nous fit passer des ténèbres à la vie véritable.
C’est pour cela que les Apôtres l’appelèrent le jour du Seigneur.
De plus, nous voyons dans nos Saints Livres
que ce jour est grand et solennel, parce qu’il marque le commencement de
la création du monde, et nous rappelle la descente du Saint-Esprit
sur les Apôtres.
Aux premiers temps de l’Eglise et dans
les âges suivants, les Apôtres et nos Pères établirent
d’autres jours de Fêtes, pour célébrer pieusement et
saintement la mémoire des bienfaits de Dieu. Parmi ces Fêtes,
les plus solennelles sont celles qui ont été instituées
en l’honneur des mystères de notre Rédemption. Ensuite viennent
celles qui ont été établies pour honorer la très
sainte Vierge, les Apôtres, les martyrs, et tous les autres saints
qui règnent avec Jésus-Christ. nous y louons la puissance
et la bonté de Dieu qui a donné la victoire à ses
élus. nous leur rendons les honneurs qu’ils méritent, et
leurs exemples nous excitent à les imiter.
Et comme l’un des plus puissants motifs
d’observer ce précepte est contenu dans ces paroles: « Vous
travaillerez six jours, mais le septième jour est le Sabbat du Seigneur
votre Dieu, » le Pasteur aura soin de les expliquer avec toute la
précision possible. En les méditant, il verra sans peine
qu’il doit exhorter les Fidèles à ne point mener une vie
oisive et paresseuse, mais au contraire à se souvenir du Commandement
de l’Apôtre qui veut que « chacun travaille de
ses propres mains, selon son état ».
Enfin si le Seigneur nous ordonne par
ce précepte de faire notre ouvrage pendant six jours, c’est pour
que nous ne soyons pas tentés de renvoyer au jour de Fête
ce qui doit se faire pendant les six jours de la semaine, et aussi pour
que notre esprit ne soit pas détourné, le Dimanche, du soin
et de l’attention qu’il doit aux choses divines.
§ V. — DES ŒUVRES SERVILES.
Nous voici à la troisième
partie du précepte, qui décrit en quelque sorte la manière
dont nous devons sanctifier le jour du Sabbat, mais qui s’applique surtout
à exposer ce qu’il nous est défendu de faire en ce jour.
Ainsi dit le Seigneur: « vous ne ferez aucune œuvre servile en ce
jour, ni vous, ni votre fils, ni votre fille, ni votre serviteur, ni votre
servante, ni vos bêtes de somme, ni l’étranger qui est parmi
vous ». Ces paroles nous montrent d’abord que nous devons éviter
tout ce qui peut entraver le culte divin. D’où il est aisé
de conclure que les œuvres serviles de toute espèce sont défendues
(en ce jour), non parce qu’elles sont indignes ou mauvaises de leur nature,
mais parce qu’elles seraient capables de détourner notre esprit
du service de Dieu, qui est la fin du précepte. A plus forte raison
devons-nous éviter le péché qui non seulement éloigne
notre esprit du goût des choses saintes, mais nous détache
entièrement de son amour.
Les actions et les œuvres, quoique serviles,
qui intéressent le culte, comme par exemple la décoration
d’un autel ou d’une église pour un jour de Fête, et autres
travaux du même genre ne sont point défendues par ce Commandement.
Voilà pourquoi Notre-Seigneur a dit: : « Les Prêtres
dans le temple violent le Sabbat, et pourtant ils ne sont point coupables.
»
Il ne faut pas non plus considérer
comme prohibés par cette Loi, les travaux accomplis pour sauver
des choses qui autrement seraient en danger de se perdre. Les saints Canons
les ont permis expressément. Et il est encore beaucoup d’autres
œuvres que dans l’Evangile Notre-Seigneur a déclarées licites
pour les jours de Fêtes. C’est ce que le Pasteur pourra facilement
remarquer dans Saint Matthieu et Saint Jean.
Pour ne rien omettre de ce qui pourrait
empêcher la célébration du Sabbat, Dieu, dans son précepte,
a fait mention même des bêtes de somme. Leurs travaux, en effet,
détourneraient l’homme de la sanctification de ce saint jour. Car
si pendant le Sabbat on emploie les bêtes pour n’importe quel ouvrage,
il est nécessaire que l’homme soit là pour les conduire.
Elles ne peuvent rien par elles-mêmes, elles ne font qu’aider l’homme.
Or ce dernier n’a pas le droit de travailler ce jour-là, par conséquent
les animaux à son service ne l’auront pas non, plus. — et puis,
si Dieu veut par cette défense nous faire épargner les animaux
dans le travail, il veut bien plus encore que nous évitions d’être
inhumains envers ceux qui sont à notre service.
§ VI. — QUELLES SONT LES ŒUVRES COMMANDEES
LE DIMANCHE ?
Le Pasteur n’aura garde d’oublier qu’il
doit très soigneusement faire connaître aux Fidèles
les œuvres et les actions qu’ils sont tenus d’accomplir les jours de Fête.
C’est à savoir: d’aller à l’Eglise, d’assister au très
saint sacrifice de la Messe avec une piété sincère
et une attention soutenue, et de recevoir fréquemment les divins
Sacrements institués pour guérir les blessures de notre âme,
et pour nous aider à opérer notre Salut.
Mais comme il n’y a rien de meilleur ni
de plus utile aux Chrétiens que de confesser souvent leurs péchés
aux Prêtres, le Pasteur ne manquera pas de les exhorter à
-remplir ce devoir. Il pourra d’ailleurs puiser ses preuves et ses raisons
dans ce que nous avons enseigné et prescrit à cet égard,
en parlant du sacrement de Pénitence. Mais il ne se bornera pas
à les exciter à la Confession fréquente, il multipliera
ses instances les plus pressantes pour leur faire recevoir le plus souvent
possible le très saint sacrement de l’Eucharistie.
Ils doivent aussi écouter avec
attention et exactitude les instructions religieuses. Il n’est rien de
plus insupportable et de plus indigne que de mépriser la Parole
de Jésus-Christ, ou de l’entendre avec négligence. — enfin
ils voudront s’exercer et s’appliquer fréquemment à prier
et à louer Dieu, mettre tous leurs soins à s’instruire des
règles de la vie chrétienne, et pratiquer de leur mieux toutes
les œuvres de vraie piété, comme l’aumône aux pauvres
et aux nécessiteux, la visite des malades, les consolations portées
aux affligés et à ceux qui gémissent sous les coups
de la douleur. Car il est écrit dans Saint Jacques:
« La Religion pure et sans tache aux yeux de Dieu notre Père,
consiste à venir au secours des orphelins et des veuves qui sont
dans l’affliction. » — Il sera aisé de conclure de ce que
nous venons de dire quelles sont les actions contraires à ce Commandement.
§ VII. — PRINCIPAUX AVANTAGES DE
LA SANCTIFICATION DU DIMANCHE.
Il est encore du devoir du Pasteur de
garder sous la main un certain nombre d’Auteurs où il pourra puiser
les arguments et les motifs les plus propres à persuader aux Fidèles
qu’ils doivent observer ce troisième Commandement avec tout le zèle,
et toute l’exactitude possible. Or, le meilleur argument est celui-ci:
leur faire sentir et comprendre pleinement combien il est juste et raisonnable
qu’il y ait certains jours entièrement consacrés au culte
divin, et pendant lesquels nous nous appliquerons spécialement à
connaître, à aimer et adorer un Dieu qui nous a comblés
de grands et innombrables bienfaits. S’Il tous avait ordonné de
Lui rendre chaque jour un culte religieux, ne devrions-nous pas faire tous
nos efforts pour remplir un pareil ordre avec joie et empressement, surtout
en considérant les bienfaits immenses et inappréciables que
nous avons reçus de Lui ? Mais puisqu’Il n’a réservé
à son culte qu’un petit nombre de jours, pourrions-nous nous montrer
négligents, ou trouver des difficultés dans l’observation
d’un devoir, que d’ailleurs nous ne pouvons omettre sans nous rendre coupables
d’un péché très grave ?
Le Pasteur fera ensuite connaître
combien est grande l’excellence de ce Commandement, puisque ceux qui l’accomplissent
avec fidélité, semblent jouir de la Présence de Dieu
et converser avec Lui. Quand nous prions, en effet, nous contemplons la
Majesté divine et nous nous entretenons réellement avec Dieu.
En écoutant les prédicateurs qui nous parlent pieusement
et saintement des vérités religieuses, c’est encore la Voix
de Dieu que nous entendons par leur organe. Enfin dans le Sacrifice de
la Messe nous adorons Notre-Seigneur Jésus-Christ véritablement
présent sur l’Autel. — tels sont les avantages dont jouissent principalement
ceux qui observent ce précepte avec fidélité.
Mais ceux qui le négligent complètement,
par le fait qu’ils désobéissent à Dieu et à
l’Eglise, en méprisant ce Commandement, deviennent les ennemis de
Dieu et de ses saintes Lois ; d’autant que ce précepte est de ceux
dont l’accomplissement n’impose aucune peine. En effet, Dieu ne nous commande
rien de pénible, Lui pour qui nous devrions supporter même
ce qu’il y aurait de plus dur, s’Il nous le commandait. Au contraire Il
veut que nous passions les jours de Fête dans le repos, et sans aucune
préoccupation des choses de la terre. Dés lors, refuser de
nous soumettre à une Loi si douce, ne serait-ce pas faire preuve
d’une insolente témérité ? Pensons donc à ces
terribles châtiments dont Dieu a frappé ceux qui l’ont foulée
aux pieds, comme nous pouvons le voir dans le Livre des nombres .
Cet exemple nous sera utile.
Et pour ne point tomber dans un si grand
péché, il sera très avantageux que nous ayons souvent
à l’esprit les premiers mots de ce troisième Commandement:
« souvenez-vous ». Puis nous nous remettrons devant les yeux
le tableau des avantages et des privilèges que nous assure l’observation
du Dimanche, ainsi que nous l’avons dit plus haut, et nous ne manquerons
pas de nous arrêter à une foule d’autres considérations
de ce genre, qu’un Pasteur sage et appliqué saura développer
dans l’occasion avec toute l’ampleur nécessaire.
Chapitre trente-deuxième
— Du quatrième Commandement
Honorez votre Père et votre mère,
afin que vous viviez longtemps sur la terre que le Seigneur Dieu vous donnera.
Les trois Commandements que nous venons
d’expliquer sont les premiers à cause de la dignité. Et de
l’excellence de leur objet. Ceux que nous abordons maintenant ne tiennent
que le second rang, mais on peut dire qu’ils ne sont pas moins nécessaires.
Les premiers se rapportent directement à notre fin qui est Dieu
; les seconds ont pour objet immédiat la Charité envers le
prochain, mais logiquement, c’est-à-dire, s’ils atteignent leur
but, ils nous mènent aussi à Dieu, ce but suprême pour
lequel nous aimons le prochain lui-même. Ce qui a fait dire à
Notre-Seigneur Jésus-Christ que le précepte d’aimer
Dieu et le précepte d’aimer le prochain sont deus Commandements
semblables. Quant à celui que nous expliquons ici, à peine
peut-on dire et énumérer les avantages immenses qu’il renferme.
Ses fruits sont abondants et exquis. Il est comme le signe qui fait briller
notre soumission et notre attachement au premier Commandement. «
Celui qui n’aime point son frère qu’il voit, dit l’Apôtre
Saint Jean, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ?
» On peut dire de même: si nous n’avons ni respect ni amour
pour nos parents, que nous devons aimer selon Dieu, eux que nous avons
presque continuellement sous les yeux, quel honneur et quel culte aurons-nous
pour Dieu qui est aussi notre Père — Père tout puissant et
infiniment bon, mais qui ne tombe jamais sous nos regards ? On voit par
là combien ces deux Commandements ont de rapports l’un avec l’autre.
Ce quatrième précepte est
d’une application très étendue. Outre ceux qui nous ont donné
la vie, il est un grand nombre de personnes qu’il nous fait un devoir d’honorer
comme nos pères et nos mères, à cause de leur autorité,
de leur dignité, du besoin que nous avons d’elles, ou de l’excellence
de leurs fonctions. II rend aussi moins lourde la charge des parents et
des supérieurs, dont le soin principal est d’amener ceux qui sont
placés sous leur autorité à vivre dignement et d’une
manière conforme à la Loi divine. Or il est évident
que cette tâche leur deviendra très facile si leurs inférieurs
sont convaincus que c’est Dieu Lui-même qui leur impose l’obligation
d’honorer leurs pères et leurs mères.
Pour atteindre ce but, il est nécessaire
de connaître la différence qui existe entre les préceptes
de la première table et ceux de la seconde.
§ I. — DIFFERENCE DES TROIS PREMIERS
COMMANDEMENTS ET DES SUIVANTS.
Voici ce que le Pasteur expliquera tout
d’abord. Il enseignera que les divins préceptes du Décalogue
furent gravés sur deux tables différentes. La première,
comme nous l’apprennent les Saints Pères, contenait les trois Commandements
que nous venons de commenter, et la seconde les sept autres. Cet ordre
est absolument logique, et nous fait comprendre par avance l’importance
relative des préceptes, par la place même qu’ils occupent.
tout ce que la Loi divine, en effet, ordonne ou défend dans nos
Saints Livres se rapporte toujours à deux catégories. L’amour
de Dieu ou l’amour du prochain, voilà le fond de toutes ses prescriptions.
Or, les trois Commandements précédents nous apprennent quel
amour nous devons à Dieu, et les sept qui suivent renferment les
devoirs de Charité que les hommes sont obligés de pratiquer
les uns envers les autres. Ce n’est donc pas sans raison qu’on les a divisés
en préceptes de la première table, et en préceptes
de la seconde.
Les trois premiers Commandements dont
nous avons parlé ont Dieu pour objet, c’est-à-dire le souverain
bien. L’objet des autres est le bien du prochain. Les premiers proposent
l’amour souverain, les seconds, l’amour le plus grand après l’amour
souverain. Les uns regardent la fin suprême elle-même, les
autres seulement ce qui se rapporte à cette fin.
Au reste l’amour de Dieu ne dépend
que de Lui-même, puisque c’est pour Lui-même et non à
cause d’un autre que Dieu doit être souverainement aimé. L’amour
du prochain, au contraire, a sa source dans l’amour de Dieu qui doit être
en effet sa règle invariable. Car si nous aimons nos parents, si
nous obéissons à nos supérieurs, si nous respectons
ceux qui sont au dessus de nous, ce doit être principalement parce
que Dieu est le Créateur, parce qu’Il a voulu les élever
au dessus de nous, et que par leur entremise II veille sur les autres hommes,
les gouverne et les conserve. Et comme c’est Dieu lui-même qui nous
commande de les honorer, nous devons le faire précisément
par le motif qui les a rendus dignes de cet honneur. D’où il suit
que l’honneur que nous rendons à nos pères et mères
semble plutôt se rapporter à Dieu qu’à eux personnellement.
C’est ce qu’on peut voir dans Saint Matthieu, quand il est question du
respect envers les supérieurs. « Celui qui vous
reçoit me reçoit. » L’Apôtre Saint Paul, dans
son Epître aux Ephésiens, ne craint pas de dire:
« Serviteurs, obéissez à ceux qui sont vos maîtres
selon la chair, avec crainte, avec respect, et dans la simplicité
de votre cœur, comme à Jésus-Christ Lui-même. ne les
servez pas seulement lorsqu’ils ont l’œil sur vous, comme si vous ne vouliez
que plaire aux hommes, mais comme vrais serviteurs de Jésus-Christ.
»
Mais remarquons-le bien, ni nos hommages,
ni notre piété, ni le culte que nous rendons à Dieu
ne seront jamais parfaits, car l’amour que nous Lui devons n’a pas de limites
et peut s’accroître indéfiniment. Il est même nécessaire
que cet amour devienne de jour en jour plus ardent et plus fort, puisque
Lui-même veut que nous L’aimions de tout notre cœur,
de toute notre âme et de toutes nos forces. Au contraire l’amour
que nous avons pour le prochain a ses limites ; vu que le Seigneur nous
ordonne de l’aimer comme nous-mêmes. Celui donc qui dépasserait
ces bornes, et qui en viendrait à aimer Dieu et le prochain d’un
amour égal, commettrait un grand crime. « Si quelqu’un vient
à Moi, dit le Seigneur, et ne hait pas son père,
sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sueurs et
même sa propre vie, celui-là ne saurait être mon disciple.
»
Et c’est dans ce même esprit qu’Il
dit à un jeune homme qui voulait d’abord inhumer son père,
et Le suivre, après « Laissez les morts ensevelir
les morts. » Mais cette vérité devient plus claire
encore par ces paroles que Saint Matthieu met dans la bouche de Notre-Seigneur:
« Celui qui aime son père ou sa mère plus que Moi,
n’est pas digne de Moi. »
Nous ne pouvons douter cependant que nous
ne soyons obligés d’avoir pour nos parents un amour très
grand et un respect très profond. Mais avant tout la piété
exige que nos premiers hommages et notre principal culte appartiennent
à Dieu, qui est le Principe et le Créateur de toutes choses.
Elle exige également que nous aimions nos parents mortels d’ici-bas,
de manière que tout, dans cet amour, ait pour fin dernière
notre Père céleste et éternel. — Que si, d’aucunes
fois, il nous commandent des choses contraires aux préceptes divins,
il est hors de doute que nous devons absolument préférer
la volonté de Dieu à leurs caprices. C’est le moment de nous
rappeler cet oracle de l’Esprit Saint: : « Il vaut mieux obéir
à Dieu qu’aux hommes. »
§ II. — HONOREZ VOTRE PERE ET VOTRE
MERE.
Après ces préliminaires,
le Pasteur expliquera les mots de ce Commandement, et d’abord ce que signifie
le premier: honorez. Honorer quelqu’un c’est avoir pour lui des sentiments
d’estime, et faire très grand cas de tout ce qui se rapporte à
lui. Cet honneur suppose nécessairement l’amour, le respect, l’obéissance,
le service. Ce n’est pas sans motif que Dieu en nous donnant cette Loi
a employé ce mot honorez, au lieu de aimez ou craignez, bien que
cependant nous soyons obligés d’aimer fortement et de craindre nos
parents. Car celui qui aime n’honore pas toujours, et celui qui craint
n’honore pas non plus nécessairement. Mais celui qui honore du fond
du cœur, possède par là -même l’amour et la crainte.
Après avoir donné ces explications
le Pasteur devra dire quels sont ceux qui sont désignés par
le nom de pères dans ce Commandement.
Or, quoique la Loi entende principalement
ici ceux qui nous ont donné la vie, néanmoins ce nom de pères
s’applique encore à d’autres que la Loi semble aussi avoir en vue,
comme il est facile de le conclure de plusieurs endroits de la Sainte Ecriture.
En effet, outre nos pères naturels, nos Livres sacrés, ainsi
que nous l’avons vu plus haut, nous donnent encore d’autres pères
que nous devons respecter et honorer d’une manière spéciale.
tels sont les chefs de l’Eglise, les Pasteurs et les Prêtres, comme
l’attestent ces paroles de l’Apôtre aux Corinthiens: : «
Je ne vous écris point ces choses, pour vous causer de la honte
; mais je vous avertis comme mes plus chers enfants. Quand même vous
auriez dix mille maîtres en Jésus-Christ, vous n’auriez pas
plusieurs pères, puisque c’est moi qui, par l’Evangile, vous ai
engendrés en Jésus-Christ. » On dit encore dans l’Ecclésiastique:
« Honorons la mémoire des hommes illustres et de nos pères
dans leur postérité. »
Ceux qui exercent un commandement, une
magistrature, une autorité, ceux qui gouvernent la chose publique,
reçoivent aussi le nom de pères. C’est ainsi que Naaman était
appelé père de ses serviteurs.
Nous nommons encore pères les personnes
au soin, à la fidélité, à la probité
et à la sagesse desquelles d’autres sont confiés, comme par
exemple les tuteurs, les curateurs, les précepteurs, les maîtres.
C’est ainsi que les enfants des prophètes appelaient Elie et Elisée
leurs pères.
Enfin nous donnons également ce
nom aux vieillards, à ceux qui sont très avancés en
âge et que nous devons particulièrement respecter.
Le Pasteur, dans ses instructions, insistera
donc sur ce point que nous devons honorer tous ceux à qui on donne
le nom de pères, mais surtout ceux qui sont pères selon la
chair, puisque c’est d’eux avant tout que parle la Loi. Ils sont en effet
pour nous comme une personnification du Dieu immortel ; nous contemplons
en eux l’image de notre origine. Ce sont eux qui nous ont transmis la vie.
C’est d’eux que Dieu s’est servi pour nous donner une âme et une
intelligence. Ce sont eux qui nous ont ouvert la porte des Sacrements,
qui nous ont instruits de la Religion, qui ont formé en nous l’homme
et le citoyen, qui nous ont élevés dans la pureté
des mœurs et la vraie Vie chrétienne. — Le Pasteur n’oubliera pas
de faire remarquer ici que le mot de mère a été inséré
très justement dans ce Commandement. Dieu voulait nous rappeler
par là tous les services et tous les bienfaits dont nous sommes
redevables à nos mères, les soins et la sollicitude avec
lesquels elles nous ont portés, les peines et les douleurs au milieu
desquelles elles nous ont mis au monde et élevés.
§ III. — EN QUOI CONSISTE L’HONNEUR
DU AUX PARENTS.
[Si nous voulons pratiquer ce Commandement
comme Dieu nous le demande], il faut que l’honneur et les égards
que nous témoignons à nos pères et mères procèdent
de l’amour que nous avons pour eux, c’est-à-dire d’un sentiment
sincère et profond de l’âme. Et certes, nous le leur devons
bien, à cause de la tendresse qu’ils ont pour nous ; tendresse telle
qu’ils ne reculent devant aucune fatigue, aucun effort, aucun danger pour
nous la prouver, et que rien ne peut leur être plus agréable
que de se sentir aimés par des enfants que de leur côté
ils aiment si vivement. Joseph qui, après le Pharaon, était
le plus puissant et le plus honoré de toute l’Egypte, reçut
son père à son arrivée dans ce pays avec les plus
grandes marques d’honneur. Salomon, voyant un jour sa Mère venir
à lui, se leva, la salua avec un profond respect, et la fit asseoir
à sa droite sur le trône royal.
Il est encore d’autres devoirs que nous
devons accomplir envers nos parents, si nous voulons leur rendre tout l’honneur
auquel ils ont droit. Ainsi nous les honorons
lorsque nous demandons humblement à
Dieu que tout leur réussisse très heureusement, qu’ils soient
environnés de la faveur et de la considération publiques,
et surtout aimés de Dieu, et agréables aux Saints qui sont
dans le ciel.
Nous les honorons aussi, lorsque nous
réglons nos dispositions sur leur jugement et sur leur volonté.
C’est le conseil de Salomon: « Ecoutez, ô mon fils,
les instructions de votre père, et n’abandonnez point la loi de
votre mère. Ces instructions et cette obéissance seront un
ornement pour votre tête et comme un collier à votre cou.
» Saint Paul a des recommandations du même genre
: « Enfants, dit-il, obéissez à vos parents dans le
Seigneur ; car cela est juste. » Et encore : « Enfants,
obéissez en tout à vos parents, car cela est agréable
à Dieu. » D’ailleurs ces maximes trouvent leur confirmation
dans l’exemple des plus saints personnages. Quand Isaac fut
lié par son père pour être sacrifié, il obéit
humblement et sans résistance. Et les Réchabites,
pour ne jamais désobéir à leur père, s’abstinrent
pour toujours de l’usage du vin.
Nous honorons encore nos parents, lorsque
nous imitons leurs bonnes actions, et leur conduite vertueuse. En effet,
la plus grande marque d’estime que l’on puisse donner à quelqu’un,
c’est de vouloir lui ressembler.
C’est encore les honorer que de demander
leur avis, et surtout de le suivre.
Nous les honorons enfin, si nous avons
soin de subvenir à leurs besoins, en leur procurant ce que réclament
la nourriture et l’entretien. C’est ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ
Lui-même nous enseigne, quand II reproche aux Pharisiens leur impiété.
« Pourquoi vous-mêmes, leur dit-Il, violez-vous le Commandement
de Dieu, pour suivre votre tradition ? Car Dieu a dit: honorez votre père
et votre mère: celui qui maudira son père et sa mère
sera puni de mort. Mais vous, vous dites: quiconque dira à son père
ou à sa mère: toute offrande que je présenterai, vous
servira ; celui-là n’honorera pas son père et sa mère
; et vous avez rendu vain le Commandement de Dieu à cause de votre
tradition. »
Accomplir nos devoirs envers nos pères
et mères est pour nous une obligation de tous les instants, mais
surtout dans leurs maladies graves et dangereuses. C’est alors que nous
devons faire le nécessaire pour qu’ils ne soient point privés
de la Confession et des autres Sacrements que les Chrétiens sont
tenus de recevoir aux approches de la mort. Il faut aussi veiller de très
près à ce qu’ils reçoivent fréquemment la visite
d’hommes pieux et craignant Dieu, capables de les fortifier s’ils sont
faibles et de les aider de leurs conseils, et s’ils sont déjà
bien disposés, d’élever de plus en plus leur âme par
l’espérance de l’immortalité, afin que, entièrement
détachés des choses humaines, ils se confient uniquement
à Dieu. Ainsi fortifiés et comme environnés de ce
magnifique cortège des vertus de Foi, de Charité et de Religion,
non seulement ils ne craindront pas la mort puisqu’elle est inévitable,
mais même ils la désireront puisqu’elle ouvre directement
l’éternité.
En dernier lieu, nous honorons encore
nos parents après leur mort, en leur faisant des funérailles
dignes d’eux, en leur donnant une sépulture convenable, en faisant
célébrer pour eux des Sacrifices anniversaires, et en exécutant
avec fidélité leurs dernières volontés.
§ IV. — QUI SONT CEUX QUE L’ON DOIT
ENCORE HONORER AVEC LES PARENTS, ET COMMENT ?
Ce n’est pas seulement envers ceux qui
nous ont transmis la vie naturelle que nous sommes redevables des devoirs
dont nous venons de parler, c’est aussi envers ceux qui portent le nom
de pères, c’est-à-dire les Evêques, les Prêtres,
les rois, les princes, les magistrats, les tuteurs, les curateurs, les
maîtres, les précepteurs, les vieillards et autres semblables.
tous méritent de ressentir les effets, de notre charité,
de notre obéissance et de nos efforts, mais pas au même degré.
Voici ce qui est écrit des Evêques
et des Prêtres: « Que les Prêtres qui gouvernent
bien soient doublement honorés, principalement ceux qui travaillent
à prêcher et à instruire. » Et quelles marques
d’affection profonde les Galates ne donnèrent-ils pas à l’Apôtre
Saint Paul, pour qu’il pût rendre à leur bienveillance ce
témoignage incroyable : « Oui, je l’atteste, vous
étiez prêts alors, si la chose eût été
possible, à vous arracher les yeux pour me les donner ? »
Il faut aussi fournir aux Prêtres
les choses qui leur sont nécessaires pour vivre. « Quel est
le soldat, demande l’Apôtre, , qui fait la guerre à
ses dépens ? » et n’est-il pas écrit dans l’Ecclésiastique
? « Honorez les Prêtres purifiez-vous par les oblations
présentées de vos mains, donnez-leur la part des prémices
et des hosties d’expiation, comme il a été ordonné.
» L’Apôtre enseigne qu’il faut aussi leur obéir.
« Obéissez, dit-il, à vos conducteurs et soyez-leur
soumis, car ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte.
» Bien plus, Notre-Seigneur Jésus-Christ commande d’obéir
même aux mauvais Prêtres, lorsqu’il dit, en parlant des Scribles
et des Pharisiens : « Ils sont assis sur la chaire de
Moise ; en conséquence, faites tout ce qu’ils vous ordonnent, mais
ne faites point ce qu’ils font ; car ils disent ce qu’il faut faire et
ne le font point. »
Il en faut dire autant des rois, des princes,
des magistrats et de tous ceux à qui nous devons être soumis.
L’Apôtre Saint Paul, dans son Epître aux Romains,
s’étend longuement sur l’honneur, les égards et le respect
qui leur sont dus. Ailleurs, il nous avertit que nous devons
prier pour eux. Saint Pierre nous dit à son tour: «
Soyez soumis, pour l’amour de Dieu, à toute créature revêtue
du pouvoir, soit au roi comme au souverain, soit au gouverneur, comme étant
envoyé par lui. » — Car si nous leur rendons honneur, c’est
à Dieu que cet honneur s’adresse. Les dignités humaines,
si hautes qu’elles soient, n’obtiennent nos respects et nos hommages, qu’autant
que nous voyons en elles l’image de la puissance même de Dieu. Et
en agissant ainsi, nous vénérons en même temps la divine
Providence qui confie à quelques hommes la charge des fonctions
publiques, et qui se sert d’eux comme d’autant de ministres qui tiennent
d’Elle leur pouvoir.
S’il se rencontre parfois des magistrats
indignes, ce n’est ni leur perversité, ni leur malice que nous honorons,
mais l’autorité divine qui est en eux. Et même, ce qui paraîtra
peut-être incroyable, les inimitiés, les colères, les
haines implacables qu’ils peuvent nourrir dans leur cœur contre nous, ne
sont point des raisons suffisantes pour nous dispenser de nos devoirs envers
eux. David ne rendit-il point les plus grand services à Saül,
quoique celui-ci fût son plus cruel ennemi ? C’est ce qu’il nous
rappelle lui-même par ces paroles: « J’étais
pacifique avec ceux qui haïssent la paix. »
Cependant, s’ils avaient le malheur d’ordonner
quelque chose de mauvais ou d’injuste, comme alors ils n’agiraient plus
de par cette autorité légitime qu’ils ont reçue de
Dieu, mais en suivant leurs sentiments injustes et pervers, nous ne serions
obligés en aucune façon de leur obéir.
Quand le Pasteur aura exposé successivement
les différents points que nous venons de traiter, il ne manquera
pas de faire remarquer combien est belle et convenable la récompense
réservée à ceux qui observent ce quatrième
Commandement de Dieu. Or le premier fruit de leur obéissance, c’est
une longue vie. On mérite en effet de jouir très longtemps
d’un bienfait dont on garde fidèlement la mémoire. Ceux donc
qui honorent leurs parents et qui leur témoignent une vive reconnaissance
pour le bienfait de la vie et de la lumière, ont droit à
jouir de la vie jusqu’à la plus grande vieillesse. Mais cette promesse
divine veut être expliquée plus au long. Il faut savoir qu’elle
n’a pas seulement pour objet la Vie Eternelle et bienheureuse, mais encore
cette vie que nous avons à passer sur la terre. Saint Paul exprime
très bien cette vérité quand il dit: «
La piété est utile à tout: elle a les promesses de
la vie présente et celles de la vie future. »
Et qu’on veuille bien le croire, cette
récompense n’est ni vile, ni méprisable, encore que de très
saints personnages comme Job , David , et Saint Paul
aient désiré la mort, et qu’il soit peu agréable de
voir sa vie se prolonger, quand on est accablé de chagrin et de
misère. Car ces paroles qui accompagnent la promesse divine : Que
le Seigneur voire Dieu vous donnera, n’assurent pas seulement la longueur
de la vie mais encore le repos, la tranquillité, la santé
nécessaires pour vivre heureusement. Aussi bien le Deutéronome
ne dit pas seulement: « afin que vous viviez longtemps,
» il ajoute: « afin que vous soyez heureux sur la terre. »
Et l’Apôtre, plus tard, redit la même chose.
Dieu accorde ces biens à ceux dont
Il veut récompenser la piété, autrement Il ne serait
ni fidèle ni constant dans ses promesses ; puisqu’il arrive quelquefois
que les enfants qui se distinguent le plus par leur piété
filiale, ne jouissent pas pour cela d’une longue existence. Si Dieu le
permet ainsi, c’est à coup sûr pour leur plus grand bien.
Ils sortent de la vie, avant d’avoir abandonné le chemin de la vertu
et du devoir . « Ils sont enlevés, disent nos Saints
Livres, de peur que la malice ne corrompe leur esprit, et que l’illusion
ne séduise leur âme. » Ou bien encore parce que, au
moment où la ruine et le bouleversement de toutes choses menacent
le monde, ils sont dégagés des liens du corps pour échapper
aux calamités publiques. Le juste, dit le Prophète
, « a été soustrait à la malice des hommes,
» de peur que son innocence et son salut même ne fussent en
danger, lorsque Dieu par ses châtiments punirait les crimes des hommes
; ou enfin, pour leur épargner dans les temps de grande désolation,
les douleurs, les deuils et les amertumes que nous cause la mort de nos
amis et de nos proches. C’est la raison pour laquelle nous devons être
saisis de crainte lorsque Dieu rappelle à Lui les gens de bien par
une mort prématurée.
§ VI. — CHATIMENT RESERVE A CEUX
QUI VIOLENT LE QUATRIEME PRECEPTE.
Mais si Dieu promet une récompense
et des avantages aux enfants qui sont reconnaissants envers leurs parents,
il réserve des peines terribles aux fils ingrats et dénaturés.
Il est écrit: « Celui qui aura maudit son père
ou sa mère sera puni de mort ; et celui qui afflige
son père et chasse sa mère est un misérable et un
infâme ; puis encore: « Celui qui maudit son père
ou sa mère, verra sa lampe s’éteindre au milieu des ténèbres.
» Et enfin que l’œil qui insulte à son père,
et qui tourne en dérision l’enfantement de sa mère, soit
arraché par les corbeaux des torrents °t dévoré
par les fils de l’aigle. » nous voyons dans l’Ecriture que souvent
la colère de Dieu s’est appesantie sur les enfants qui avaient outragé
leurs parents. David ne reste point sans vengeance. Son fils révolté
Absalon meurt percé de trois coups de lance: juste punition de son
crime.
De même il est écrit de ceux
qui n’obéissent point aux Prêtres : « Celui qui
s’enorgueillira, ne voulant point obéir au commandement du Prêtre
qui en ce temps-là sera ministre du Seigneur notre Dieu, ni d la
sentence du juge ; celui-là mourra. »
§ VII. — DEVOIRS DES PARENTS ET DES
SUPERIEURS ENVERS LEURS ENFANTS ET LEURS INFERIEURS.
Si la Loi divine ordonne aux enfants d’honorer
leurs parents, de leur obéir, de les respecter, elle fait aussi
aux parents une obligation et une charge spéciale d’élever
leurs enfants dans des principes parfaits et des mœurs pures, de leur donner
d’excellentes règles de conduite, de les habituer à la pratique
des devoirs de la Religion, et de leur inspirer pour Dieu un profond et
inviolable respect. Ainsi, nous dit l’Ecriture, firent les parents de la
chaste Suzanne.
Que le Pasteur ait donc soin de rappeler
aux pères et mères qu’ils sont obligés de donner à
leurs enfants des leçons de vertu, de justice, de continence, de
modestie et de sainteté. Ils doivent surtout éviter trois
défauts, qui ne sont que trop communs
Le premier, de les traiter trop durement,
soit en paroles, soit en actions. Saint Paul, dans son Epître aux
Colossiens ne dit-il pas : « Vous, pères, ne provoquez
point vos enfants à la colère, de peur qu’ils ne tombent
dans l’abattement. » Car s’ils craignent tout, ils sont en grand
danger de perdre tout courage. Le Pasteur leur recommandera donc d’éviter
une trop grande sévérité, et de corriger leurs enfants
plutôt que de s’en venger.
Le second défaut, d’user d’une
molle indulgence, quand les enfants ont commis quelque faute, et qu’il
faudrait les réprimander et sévir contre eux. Il arrive souvent
que la trop grande douceur, et la trop grande facilité des parents
dépravent les enfants. Pour les détourner de cette indulgence
mauvaise, le Pasteur n’hésitera pas à leur citer l’exemple
du grand prêtre Héli qui, pour avoir été trop
bon envers ses fils, fut frappé par Dieu du dernier châtiment
.
Le troisième enfin, et c’est le
plus honteux, de se proposer dans l’éducation et l’instruction de
leurs enfants des desseins condamnables, comme le font, hélas !
un trop grand nombre de parents, qui n’ont d’autre pensée et d’autre
soin que celui de laisser à leurs enfants des richesses, de l’argent,
un vaste et magnifique patrimoine. Ils ne les forment point à la
religion, à la piété, pas même à l’exercice
d’un emploi honorable, mais au contraire à l’avarice et à
l’augmentation de leur fortune, peu jaloux de la considération et
du salut de leurs enfants, pourvu qu’ils soient riches et opulents. Peut-on
dire, peut-on imaginer rien de plus déplorable ? C’est ainsi qu’ils
en font plutôt les héritiers de leurs crimes et de leurs désordres
que de leur opulence ; et au lieu de les guider vers le ciel, ils les entraînent
aux supplices éternels de l’enfer.
Que le Prêtre donc fasse entendre
aux parents les meilleures instructions ! qu’il les excite à imiter
le saint homme Tobie et ses vertus, afin qu’ayant formé leurs enfants
comme il convient au service de Dieu et à la sainteté, ils
en recueillent à leur tour les fruits les plus abondants d’amour,
de respect et d’obéissance.
Chapitre trente-troisième
— Du cinquième Commandement
VOUS NE TUEREZ POINT.
Le grand bonheur promis aux pacifiques,
puisqu’ils seront appelés enfants de Dieu , est pour les pasteurs
un motif bien puissant de faire connaître ce Commandement aux Fidèles
avec tout le soin et toute la clarté possibles. Car pour établir
la concorde entre les hommes, il n’est pas de moyen plus efficace que de
les amener tous, par une explication parfaite, à l’observer religieusement
comme ils le doivent. Alors il sera permis d’espérer que vivant
dans une conformité parfaite de sentiments, ils s’appliqueront à
entretenir au milieu d’eux l’union et la paix.
Ce qui montre encore combien il est nécessaire
d’insister sur ce précepte, c’est qu’aussitôt après
le déluge, la première et l’unique défense que Dieu
fit aux hommes fut la transgression de ce Commandement : «
Je demanderai compte de votre sang à quiconque l’aura versé,
soit l’homme, soit la bête. » Et dans l’Evangile, lorsque Notre-Seigneur
rappelle les Commandements de la Loi de Moise, le premier qu’Il explique,
nous dit Saint Matthieu, est précisément celui-ci :
« Il a été dit aux anciens: vous ne tuerez point »,
et le reste qui est rapporté au même endroit.
De leur côté les Fidèles
doivent écouter avec attention et empressement ce qu’on leur dit
de ce précepte, puisqu’il est fait pour protéger la vie de
chacun de nous en particulier et que ces paroles: Vous ne tuerez point,
défendent absolument l’homicide. Ainsi donc chaque homme doit recevoir
ce Commandement avec autant de joie que si Dieu lui défendait, sous
les peines et les menaces les plus terribles, d’attenter à sa propre
vie. Mais si nous devons aimer à entendre parler de ce précepte
nous devons aimer également à éviter le mal qu’il
défend.
En expliquant Lui-même cette Loi,
Notre-Seigneur Jésus-Christ a montré qu’elle renferme deux
choses: l’une qui nous est défendue, c’est de tuer ; l’autre qui
nous est commandée, c’est d’avoir une charité et un amour
sincères pour nos ennemis, de vivre en paix avec tout le monde,
et de supporter patiemment toutes les souffrances de la vie.
§ I. — QUELS SONT LES MEURTRES QUI
NE SONT POINT ICI DEFENDUS.
Dans la partie du précepte qui
défend le meurtre, il faut d’abord faire remarquer aux Fidèles
qu’il y a des meurtres qui ne sont point compris dans cette défense.
Ainsi il n’est pas défendu de tuer les bêtes ; puisque Dieu
nous a permis de nous en nourrir, Il nous a permis par là -même
de les tuer. Ce qui a fait dire à Saint Augustin : «
Lorsque nous lisons ces paroles: Vous ne tuerez point, cela ne peut s’entendre
des arbres qui n’ont aucune sensibilité, ni des animaux sans raison,
parce qu’ils ne nous sont unis par aucun lien social. »
Il est une autre espèce de meurtre
qui est également permise, ce sont les homicides ordonnés
par les magistrats qui ont droit de vie et de mort pour sévir contre
les criminels que les tribunaux condamnent, et pour protéger les
innocents. Quand donc ils remplissent leurs fonctions avec équité,
non seulement ils ne sont point coupables de meurtre, mais au contraire
ils observent très fidèlement la Loi de Dieu qui le défend.
Le but de cette Loi est en effet de veiller à la conservation de
la vie des hommes, par conséquent les châtiments infligés
par les magistrats, qui sont les vengeurs légitimes du crime, ne
tendent qu’à mettre notre vie en sûreté, en réprimant
l’audace et l’injustice par les supplices. C’est ce qui faisait dire à
David : « Dés le matin je songeais à exterminer
tous les coupables, pour retrancher de la cité de Dieu les artisans
d’iniquité. »
Par la même raison, ceux qui, dans
une guerre juste, ôtent la vie à leurs ennemis, ne sont point
coupables d’homicide, pourvu qu’ils n’obéissent point à la
cupidité et à la cruauté, mais qu’ils ne cherchent
que le bien public. Les meurtres qui se font par la volonté formelle
de Dieu ne sont point non plus des péchés. Les enfants de
Lévi qui firent périr en un seul jour tant de milliers d’hommes
ne commirent aucune faute. Après le massacre, Moïse leur dit:
« Vous avez aujourd’hui consacré vos mains au Seigneur. »
Celui qui involontairement et sans préméditation donne la
mort à quelqu’un, n’est pas coupable non plus. Voici ce que le Deutéronome
dit à ce sujet: « Celui qui, sans y penser, aura
frappé un autre avec lequel il n’aura point eu de dispute les deux
jours précédents, et qui étant allé avec lui
dans une forêt simplement pour y couper du bois, lui aura donné
un coup et l’aura tué avec sa cognée qui lui aura échappé
des mains, ou qui a quitté son manche, ne sera point coupable de
la mort de cet homme. » Ces sortes de meurtres ne sont ni volontaires
ni commis à dessein, ils ne sauraient donc être mis au nombre
des péchés. C’est ce que nous confirme Saint Augustin:
« Si contre notre volonté, dit-il, il arrive du mal des actions
que nous faisons licitement et pour le bien, ce mal ne doit pas nous être
imputé. »
Toutefois il est deux cas où nous
pouvons être coupables d’homicide, sans qu’il y ait eu préméditation
de notre part
En premier lieu, si quelqu’un vient à
tuer son semblable, en faisant une action injuste ; par exemple, en frappant
une femme enceinte à coups de pied, ou à coups de poing,
de manière à causer la mort de son enfant ; sans doute il
n’est pas volontairement cause de cette mort, mais il en est coupable,
par la raison qu’il lui est absolument défendu de frapper une femme
enceinte. En second lieu, si on donne la mort à quelqu’un par imprudence,
et faute d’avoir pris les précautions et les soins nécessaires,
pour éviter un tel malheur.
De même encore, celui qui en défendant
sa propre vie tue son agresseur, malgré les précautions qu’il
prend pour ne le point frapper mortellement, n’est nullement coupable d’homicide.
tous ces meurtres dont nous venons de parler ne tombent point sous les
prescriptions de la Loi. Mais les autres sont absolument défendus,
soit qu’on les considère du côté de celui qui donne
la mort, ou du côté de celui qui la reçoit, ou enfin
selon les différentes manières dont l’homicide peut être
commis.
§ II. — MEURTRES DEFENDUS.
Et d’abord la loi défend le meurtre
à tout le monde. Elle n’excepte personne ; ni riches, ni pauvres,
ni puissants, ni maîtres, ni parents. Elle ne fait aucune distinction.
Défense à tous de tuer.
Défense de tuer qui que ce soit
! La Loi s’étend à tous. Il n’est personne, quelle que soit
la bassesse de sa condition, qui ne soit protégé par elle.
Bien plus, défense de se tuer soi-même.
nul n’a assez de pouvoir sur sa propre vie, pour se donner la mort quand
il lui plait. C’est pour cela que la Loi ne dit pas: vous ne tuerez point
les autres, mais simplement: vous ne tuerez point.
Si maintenant nous examinons les différentes
manières de commettre un meurtre, il n’en est point qui ne soit
interdite par ce précepte. non seulement il n’est permis à
personne d’ôter la vie à son semblable de ses propres mains,
ou avec le fer, la pierre, le bâton, le lacet ou le poison, mais
il est encore défendu d’y contribuer de ses conseils, de ses moyens,
de son secours ou de quelque manière que ce soit. C’est pourquoi
les Juifs firent preuve d’un aveuglement bien étrange, en s’imaginant
qu’ils observaient ce précepte, pourvu seulement qu’ils n’eussent
pas commis le meurtre de leurs mains.
§ III. — AUTRES CHOSES DEFENDUES
PAR CE PRECEPTE.
Un Chrétien qui sait, par l’interprétation
de notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même, que la Loi dont nous
parlons est spirituelle, c’est-à-dire qu’elle nous ordonne d’avoir
non seulement les mains pures, mais encore le cœur droit et irréprochable,
ce Chrétien, disons-nous, ne peut se contenter de ce que les Juifs
regardaient comme surabondant. Ainsi, d’après l’enseignement de
l’Evangile, nous n’avons même pas le droit de nous mettre en colère
contre notre frère. Notre-Seigneur ne dit-il pas ? «
Mais Moi Je vous le dis, quiconque se met en colère contre son frère,
sera condamné par le jugement ; celui qui dira à son frère:
Raca, sera condamné par le conseil ; et celui qui l’appellera fou,
méritera d’être condamné au feu éternel de l’enfer.
»
Ces paroles nous montrent clairement que
celui qui se met en colère contre son frère, même s’il
tient sa colère renfermée dans son cœur, ne laisse pas d’être
coupable ; que celui qui la fait éclater au dehors d’une manière
quelconque, commet un péché grave, et son péché
est bien plus grave encore s’il ne craint pas de traiter son frère
avec dureté, et de le charger d’injures.
Ceci est vrai, lorsque nous nous mettons
en colère sans raison. Mais il y a une colère légitime
et selon Dieu c’est celle qui nous fait réprimander, quand elles
sont en faute, les personnes placées sous nos ordres et qui nous
doivent obéissance. La colère du Chrétien ne procède
point des sens, ni des émotions de la passion, elle vient du Saint-Esprit,
dont nous sommes les temples, et il faut que Jésus-Christ habite
dans ces temples.
Il est encore beaucoup d’autres choses
que notre Seigneur nous a recommandées, et qui tiennent à
l’observation parfaite de ce Commandement. Par exemple: «
Ne résistez pas à ceux qui vous maltraitent. Si quelqu’un
vous a frappé sur la joue droite, présentez-lui encore l’autre.
Si quelqu’un veut plaider contre vous pour vous prendre votre tunique,
abandonnez-lui encore votre manteau. Et si quelqu’un vous force de faire
mille pas avec lui, faites-en deux mille. »
De tout ce que nous venons de dire il
est aisé de conclure combien les hommes sont enclins aux péchés
défendus par ce Commandement, et par conséquent combien il
s’en trouve, hélas ! qui sont homicides, non de la main, mais du
cœur.
§ IV. — MOYENS D’EVITER LES FAUTES
CONTRAIRES AU CINQUIEME COMMANDEMENT.
L’écriture ne manque pas de remèdes
à opposer à un mal si funeste. Le devoir du Pasteur sera
donc de les indiquer soigneusement aux Fidèles. Or, le remède
le plus efficace est de leur faire comprendre combien l’homicide est un
crime énorme ; et cette vérité peut se prouver par
plusieurs passages très importants de nos Saints Livres, où
nous voyons Dieu détester tellement l’homicide qu’il nous assure
qu’Il vengera la mort de l’homme sur les bêtes, et qu’Il ordonne
de tuer l’animal qui aura seulement blessé un homme. Et si Dieu
a voulu inspirer à l’homme tant d’horreur du sang, c’est uniquement
pour le détourner par tous les moyens du crime affreux de l’homicide,
et en préserver autant son cœur que ses mains.
Les homicides sont les ennemis les plus
acharnés du genre humain et même de la nature ; car ils détruisent,
autant qu’il est en eux, l’œuvre de Dieu, en détruisant l’homme
pour lequel Il nous atteste qu’Il a fait toutes choses. Il y a plus: comme
il est défendu dans la Genèse de tuer l’homme, parce que
Dieu l’a créé à son image et à sa ressemblance,
celui-là Lui fait une injure insigne, qui porte pour ainsi dire
sur Lui une main criminelle, en faisant disparaître son image du
milieu du monde. C’est en méditant devant Dieu cette triste vérité
que David se plaint si amèrement des hommes sanguinaires.
« Leurs pieds, dit-il, sont agiles pour répandre le sang.
» Il ne dit pas simplement: ils tuent, mais: ils répandent
le sang. Or il emploie ces mots pour faire ressortir davantage l’énormité
de cet abominable crime et la cruauté insensée de ceux qui
le commettent. De même encore pour montrer avec quelle précipitation
ils sont poussés au mal par une sorte de violence diabolique, il
dit: leurs pieds sont agiles.
§ V. — CE QUI EST COMMANDE PAR CE
PRECEPTE.
Cette deuxième partie du précepte
ne défend pas ; elle commande. Et ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ
exige de nous, c’est que nous vivions en paix avec tout le monde. Voici
d’ailleurs comme Il explique ce commandement: « Si lorsque
vous présentez votre offrande à l’Autel, vous vous souvenez
que votre frère a quelque chose sur le cœur contre vous, laissez
là votre offrande devant l’Autel et allez d’abord vous réconcilier
avec votre frère, puis vous viendrez faire votre offrande. »
Le Pasteur aura soin d’expliquer ces paroles de manière à
faire comprendre que notre Charité doit s’étendre à
tous les hommes sans exception. Et il multipliera ses exhortations pour
porter les Fidèles à cette grande vertu de l’amour du prochain
si visiblement contenue dans ce précepte. En effet, la haine y étant
clairement défendue, puisque « celui qui hait son frère
est homicide, » il s’ensuit nécessairement que l’amour et
la charité envers le prochain y sont commandés. Ce n’est
pas tout, car en même temps que ce précepte nous fait un devoir
de la Charité universelle, il nous ordonne également toutes
les obligations et toutes les œuvres qui en sont une suite naturelle. Ainsi,
« la Charité est patiente », dit Saint Paul ,
donc la patience nous est commandée, cette patience dans laquelle
Notre-Seigneur nous assure que nous posséderons nos âmes.
Il en est de même de la bienfaisance, qui est l’amie et la compagne
de la Charité, car la Charité est bienfaisante . Or
la bienfaisance et la bonté vont très loin. Ce sont elles
principalement qui font que nous soulageons les pauvres en ce qui leur
est nécessaire, que nous donnons à manger à ceux qui
ont faim, à boire à ceux qui ont soif, des vêtements
à ceux qui sont nus, en un mot que nos libéralités
sont d’autant plus grandes que nous constatons des besoins plus étendus.
tous ces actes de bonté et de bienfaisance, déjà très
beaux et très méritoires par eux-mêmes, le deviennent
bien davantage encore, lorsque nous les exerçons envers des ennemis.
Car notre Sauveur nous dit: « Aimez vos ennemis, faites
du bien à ceux qui vous haïssent. » Et Saint Paul ajoute:
« Si votre ennemi a faim, donnez-lui d manger ; s’il a soif, donnez-lui
à boire ; en agissant ainsi vous amasserez des charbons de feu sur
sa tête. ne vous laissez point vaincre par le mal, mais cherchez
à vaincre le mal par le bien. »
Si nous considérons enfin la loi
de la Charité, toujours par rapport à la bienveillance, nous
n’aurons pas de peine à comprendre qu’elle nous oblige à
pratiquer en toutes choses la douceur, la retenue, la réserve et
toutes les autres vertus de ce genre.
Mais le devoir qui l’emporte, et de beaucoup,
sur tous les autres, le devoir de Charité par excellence, celui
auquel nous devons nous exercer le plus, c’est de remettre et de pardonner
d’un bon cœur les injures qu’on nous a faites. Pour nous amener à
la pratique de cette vertu, la Sainte Ecriture, comme nous l’avons dit
plus haut, multiplie les recommandations et les exhortations. non seulement
elle appelle heureux ceux qui pardonnent en toute sincérité,
mais elle leur promet de la part de Dieu la rémission de leurs péchés
; tandis que cette rémission est refusée à ceux qui
négligent ou refusent de remplir ce devoir.
Mais comme le désir de la vengeance
est pour ainsi dire inné dans le cœur de l’homme, le Pasteur mettra
tous ses soins, non seulement à rappeler aux Fidèles qu’ils
doivent oublier et pardonner les injures, mais encore à faire en
sorte de le leur persuader. Et comme les Saints Pères ont beaucoup
parlé de cette matière, il ne manquera pas de les consulter,
pour vaincre l’opiniâtreté de ceux qui veulent s’obstiner
et s’endurcir dans la résolution de se venger. Il devra tenir toujours
prêts les arguments si concluants que leur piété leur
a suggérés, et qu’ils ont si bien appropriés à
la question.
Il pourra se servir utilement des trois
considérations suivantes :
D’abord il importe grandement de bien
persuader à celui qui se croit offensé que l’auteur principal
de l’injure ou du dommage qu’il a reçu, n’est pas celui sur lequel
il désire se venger. C’est ainsi que l’avait compris Job, cet homme
admirable qui, accablé des traitements les plus cruels par les Sabéens,
les Chaldéens et le démon, ne tient d’eux aucun compte, mais
se contente, en homme droit et vraiment pieux, de prononcer ces paroles,
si dignes de sa vertu et de sa Foi: « Le Seigneur m’avait
tout donné, le Seigneur m’a tout ôté. »
De te !les paroles et un tel exemple de
patience sont bien propres à convaincre les Chrétiens que
tout ce que nous souffrons en cette vie vient de Dieu, Père et Auteur
de toute justice et de toute miséricorde. Et sa bonté pour
nous est si grande qu’Il ne nous punit point comme des ennemis, mais qu’Il
nous corrige et nous châtie comme ses enfants.
Et de fait, si nous voulons y réfléchir,
nous devons reconnaître que les hommes, dans les maux que nous souffrons,
ne sont que les ministres et les exécuteurs de la justice divine.
On peut en venir à concevoir contre quelqu’un une haine criminelle,
et même lui souhaiter le plus grand mal, mais on ne peut lui nuire
qu’avec la permission de Dieu. Voilà pourquoi Joseph supporta patiemment
les traitements impies de ses frères, et David les injures de Séméi.
Il est encore un raisonnement qui s’applique très bien à
notre sujet, c’est celui de Saint Jean Chrysostome, et qu’il a développé
avec tant de bonheur et d’habileté. « Personne, dit-il, n’éprouve
de mal que celui qu’il se fait à lui-même. Car ceux qui croient
avoir été traités d’une manière injurieuse
n’auront pas de peine à comprendre, s’ils y pensent en toute sincérité,
qu’ils n’ont reçu des autres aucune injure, aucun dommage pour leur
âme, encore qu’on leur ait fait quelques maux qui sont purement extérieurs.
Au contraire, ils se font à eux-mêmes le plus grand mal, quand
ils souillent leur âme par la haine, la cupidité et la jalousie.
»
En second lieu, il y a deux grands avantages
pour ceux qui en vue de plaire à Dieu pardonnent volontiers les
Injures qu’on leur a faites. Le premier, c’est le pardon de nos fautes
que Dieu nous a promis, si nous pardonnons celles des autres envers nous:
d’où il est aisé de conclure combien cet acte de Charité
lui est agréable. Le second, c’est que nous nous élevons
à un nouveau degré de dignité et de perfection, car
en pardonnant nous devenons en quelque sorte semblables à Dieu,
qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et qui
fait pleuvoir sur les pécheurs comme sur les justes.
Enfin il faut avoir soin de bien montrer
les inconvénients qui nous attendent, si nous ne voulons point pardonner
les injures que nous avons reçues. Le Pasteur représentera
donc à ceux qui ne peuvent se déterminer à pardonner
à leurs ennemis, que la haine n’est pas seulement un péché
grave, mais encore un péché qui tire de sa durée même
une gravité sans cesse croissante. Car celui qui a le malheur de
nourrir cette passion dans son âme, a soif en quelque sorte du sang
de son ennemi. Il passera, en vue de sa vengeance, ses jours et ses nuits
à rouler dans son esprit quelque projet mauvais, toujours occupé
de, pensées de meurtre et de choses détestables. C’est pourquoi
il devient impossible, ou du moins très difficile de l’amener à
pardonner, en tout ou en partie, les injures qu’il a reçues. Aussi
on a comparé très justement la haine à une plaie dans
laquelle le trait reste enfoncé.
Il est encore beaucoup d’autres inconvénients
et de péchés dont la haine devient pour ainsi dire le lien
et le centre. C’est ce qui a fait dire à Saint Jean:
« Celui qui hait son frère est dans les ténèbres,
et il marche dans les ténèbres, et il ne sait où il
va, parce que les ténèbres l’ont aveuglé. »
Par conséquent, il est condamné à des chutes fréquentes
; car comment approuver les paroles ou les actes de quelqu’un qu’on déteste
? De là des jugements téméraires et injustes, des
colères, des jalousies, des médisances et autres péchés
semblables, qui n’épargnent pas même — cela ne se voit que
trop souvent — ceux qui sont unis par les liens du sang ou de l’amitié.
C’est ainsi qu’un seul péché en engendre beaucoup d’autres.
Et certes, ce n’est pas sans motif que
ce péché de la haine est appelé péché
diabolique, puisque « le diable est homicide dès
le commencement » Voilà pourquoi notre Seigneur Jésus-Christ,
voyant que les Pharisiens voulaient Le faire mourir, leur disait:
« Le démon est votre père, et vous êtes de lui.
»
Outre ce que nous venons de dire et toutes
les raisons que nous avons apportées pour faire détester
ce crime, nos Saints Livres nous proposent encore contre lui plusieurs
remèdes d’une grande efficacité.
Le premier, et le meilleur de tous, est
l’exemple de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que nous devons faire
en sorte d’imiter. Lui qui ne pouvait pas même être soupçonné
du moindre péché, Lui, (l’innocence même), après
avoir été indignement battu de verges, couronné d’épines
et cloué à une croix, laisse tomber de ses lèvres
cette prière si pleine de Charité: « mon
Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font, »
bien que son sang répandu parlât déjà,
au témoignage de l’Apôtre, plus éloquemment que celui
d’Abel.
L’Ecclésiastique nous propose un
autre remède. C’est la pensée de la mort et du jugement.
« Souvenez-vous de vos fins dernières, dit-il, et jamais vous
ne pécherez. » En d’autres termes, pensez souvent, ou mieux
ayez sans cesse dans la pensée que vous devez mourir bientôt.
Et comme alors il sera très désirable et même très
nécessaire pour vous d’obtenir la très grande miséricorde
de Dieu, vous devez dès maintenant et toujours vous remettre sous
les yeux cette miséricorde dont vous avez tant besoin. C’est le
moyen d’éteindre dans votre âme ce feu infernal de la haine
et de la vengeance. Rien n’est plus propre en effet à vous faire
obtenir la divine miséricorde que l’oubli des injures et l’amour
de ceux qui vous ont offensé, vous ou les vôtres, soit en
paroles, soit en actions.
Chapitre trente-quatrième
— Du sixième Commandement
VOUS NE SEREZ POINT
ADULTÈRES.
Le lien qui unit le mari et la femme est très étroit. Partant, rien ne peut leur être plus agréable que de se sentir aimés l’un de l’autre d’un amour tendre et loyal. Au contraire, rien ne saurait leur être plus pénible que de voir cet amour, qu’ils se doivent et qui est si légitime, s’en aller honteusement vers d’autres. Il était donc juste et absolument dans l’ordre qu’après la Loi qui protège la vie de l’homme contre le meurtre. Dieu plaçât immédiatement celle qui défend l’adultère, afin que personne n’osât violer ou détruire cette union si sainte et si honorable du Mariage, ce foyer si ardent de Charité et d’amour.
Mais en traitant cette matière, le Pasteur ne devra manquer ni de circonspection ni de prudence. Il traitera ce sujet avec la réserve la plus mesurée. n’est-il pas à craindre en effet qu’en voulant expliquer longuement et en détail les différentes manières de transgresser ce précepte, il ne vienne à dire des choses qui pourraient troubler les âmes délicates au lieu de les éclairer ?
Or, ce Commandement est très étendu
et fort complexe. Et pourtant le Pasteur ne doit rien passer sous silence.
Chaque chose doit venir à sa place.
Il se divise en deux parties, l’une qui
défend formellement l’adultère, l’autre qui nous commande
implicitement la chasteté de l’âme et du corps.
Commençons d’abord par ce qui est
défendu.
§ I. — DE L’ADULTERE.
L’adultère est la violation du droit
le plus sacré qui unit par serment inviolable les Epoux l’un à
l’autre. L’Epoux qui manquerait de fidélité à son
Epouse commettrait une faute très grave ; quiconque libre pécherait
avec une personne non libre, se rendrait gravement coupable aux yeux de
Dieu.
Selon Saint Ambroise et Saint Augustin,
ce Commandement porté contre l’adultère s’étend à
tout ce qui est déshonnête et impur. Et nos Saints Livres,
ceux de l’Ancien, comme ceux du nouveau testament, ne nous permettent pas
d’être d’un avis différent. Ainsi, outre l’adultère,
d’autres genres de libertinage sont encore punis dans Moise. La Genèse
nous rapporte un jugement de Juda contre sa belle-fille , et le Deutéronome
défend positivement qu’aucune des filles d’Israël ne se livre
au mal . Tobie faisait cette exhortation à son fils
: « Gardez-vous, ô mon fils, de toute impudicité »
; et l’Ecclésiastique nous dit : «Rougissez de jeter
les yeux sur une femme de mauvaise vie. »
Dans l’Evangile, Notre-Seigneur Jésus-Christ
nous assure « que du cœur sortent les adultères
et les intentions mauvaises qui rendent l’homme coupable. » Quant
à Saint Paul, c’est dans une foule de passages, et dans les termes
les plus sévères, qu’il flétrit ce péché.
Ici il dit : « La volonté de Dieu est que vous soyez
saints et que vous évitiez l’impudicité ; là
Fuyez ce vice ; ailleurs Evitez les impudiques ; puis
Qu’on n’entende pas même parler parmi vous de ce péché,
ni d’impureté de quelque sorte, ni d’avarice ; puis encore
: ni les impudiques, ni les adultères, ni les efféminés,
ni les abominables ne seront héritiers du Royaume de Dieu. »
La principale raison pour laquelle l’adultère
est expressément défendu dans ce Commandement, c’est que,
outre la turpitude qui lui est commune avec toutes les autres espèces
d’impuretés, il est en même temps un acte d’injustice flagrante
non seulement contre le prochain, mais même contre la société
civile. Il est certain d’ailleurs que celui qui ne sait pas s’abstenir
des autres péchés d’impureté sera bien vite entraîné
jusqu’à l’adultère.
Il est donc facile de comprendre qu’en
défendant l’adultère, Dieu a défendu en même
temps toute sorte d’impureté, capable de souiller le corps. De plus
le libertinage intérieur du cœur est également défendu,
car cette Loi est essentiellement spirituelle. nous en avons la preuve
dans ces paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ : «
Vous savez qu’il a été dit aux Anciens: vous ne serez point
adultères ; mais Moi Je vous dis que quiconque regarde une femme
avec une intention mauvaise, a déjà commis t’adultère
dans son cœur. »
Voilà ce qu’il nous a semblé
que le Pasteur pouvait dire en public sur cette matière, en y ajoutant
toutefois ce que le Saint Concile de Trente a décrété
contre les adultères, et contre ceux qui s’exposent à vivre
dans l’habitude du mal et des fréquentations mauvaises. Il laissera
de côté toutes les autres variétés de péchés
contre ce Commandement, pour n’en parler qu’en particulier, et encore,
selon que les circonstances et la situation des personnes lui en feront
un devoir:
Il reste à expliquer maintenant
la partie du précepte qui commande.
§ II. — CE QUI EST COMMANDE PAR LE
SIXIEME COMMANDEMENT.
Il faut donc apprendre aux Fidèles
et les exhorter très vivement à pratiquer avec tout le soin
possible la vertu de pureté , « à se purifier
de tout ce qui souille la chair et l’esprit, poursuivant l’œuvre de leur
sanctification dans la crainte de Dieu. » Il faut surtout leur faire
remarquer que, si la vertu de chasteté brille d’un éclat
particulier dans ceux qui gardent religieusement l’excellente et divine
vertu de virginité, elle peut aussi être pratiquée
par ceux qui vivent dans le célibat, et même par les personnes
mariées qui savent se conserver pures et innocentes de tous les
excès défendus.
Les saints Pères nous indiquent
un grand nombre de remèdes pour nous apprendre à réprimer
et à dompter nos passions. Le Pasteur ne manquera pas de les faire
connaître aux Fidèles, en les expliquant avec tout le soin
possible.
§ III. — REMEDES CONTRE LES MAUVAISES
PENSEES.
Ces remèdes sont de deux sortes:
les uns sont du domaine de la pensée, les autres appartiennent à
l’action.
Les remèdes qui procèdent
de la pensée consistent principalement en ce que nous comprenions
très bien tout ce qu’il y a de honteux et de pernicieux dans le
péché d’impureté. Cette connaissance une fois acquise,
il nous sera plus facile de le détester. Or ce qui nous fait sentir
combien ce crime est funeste, c’est que ceux qui ont le malheur de le commettre,
sont par le fait repoussés et exclus du Royaume de Dieu. Voilà
bien le dernier de tous les maux.
Sans doute, ce malheur est commun à
tous les péchés mortels, mais le péché dont
nous parlons a cela de particulier que ceux qui s’en rendent coupables,
pèchent contre leur propre corps. C’est l’enseignement de l’Apôtre.
Il dit expressément : « Fuyez l’impudicité ;
tous les autres péchés se commettent hors de nous ; mais
celui qui s’abandonne à l’impudicité pèche contre
lui-même, » c’est-à-dire qu’il se fait injure en profanant
sa sainteté. Voilà pourquoi Saint Paul dit encore aux Thessaloniciens
: « La volonté de Dieu c’est que vous deveniez des Saints,
et que vous évitiez l’impudicité, et que chacun de vous sache
posséder son corps dans la sainteté et l’honnêteté,
ne suivant point les entraînements de la passion, comme font les
nations qui ignorent Dieu. » Ensuite, ce qui est plus criminel encore,
c’est que le Chrétien qui pèche honteusement avec une femme
de mauvaise vie, profane ses membres qui sont les membres de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. « Ne savez-vous pas, dit l’Apôtre
, que vos corps sont les membres de Jésus-Christ ? Peut-on transformer
des membres de Jésus-Christ en instruments de péché
? A Dieu ne plaise I ne savez-vous pas que celui qui pèche avec
une femme de mauvaise vie se réduit au plus honteux esclavage ?
» D’ailleurs, au témoignage du même Apôtre
, le Chrétien est le Temple du Saint-Esprit, et violer ce temple,
n’est-ce pas en chasser cet esprit de Dieu.
En ce qui concerne l’adultère,
il ne faut pas oublier qu’il renferme en lui-même une injustice très
grande. Car, suivant la doctrine de Saint Paul, ceux que le mariage unit
sont tellement soumis au pouvoir l’un de l’autre , qu’ils ne sont
plus seuls maîtres d’eux-mêmes. Ils sont au contraire enchaînés
entre eux et asservis l’un à l’autre, au point que le mari doit
se conformer à la volonté de la femme, et la femme à
celle du mari. Et par conséquent, celui des deux qui viole un droit
légitime en devenant infidèle à son serment, commet
une injustice très criminelle. Et comme la crainte de l’infamie
est un motif très puissant pour porter les hommes à l’accomplissement
de ce qui est ordonné, et pour les détourner de ce qui est
défendu, le Pasteur aura grand soin de montrer aux Fidèles
que l’adultère imprime sur le front de celui qui le commet un stigmate
d’ignominie. nos Livres saints nous disent expressément:
« Celui qui est adultère perdra son âme par la folie
de son cœur. Il amassera sur sa tête l’opprobre et la honte, et son
infamie ne s’effacera jamais. »
Enfin la sévérité
des châtiments réservés aux adultères nous démontre
suffisamment la grandeur de leur crime. On sait que la Loi de Moïse
les condamnait à être lapidés. Bien plus, ne lisons-nous
pas que pour le crime d’un seul, non seulement Dieu a frappé le
coupable, mais une ville tout entière, celle des Sichimites ? La
Sainte Ecriture nous fournit encore plusieurs autres exemples des châtiments
exercés par Dieu contre ceux qui violent ce Commandement. Le Pasteur
fera bien de les rassembler et de les raconter aux Fidèles, pour
les détourner de plus en plus de ces excès abominables. Ainsi
furent détruits les habitants de Sodome et des villes voisines,
les israélites qui avaient péché avec les filles de
Moab dans le désert, et les Benjamites.
Et même ceux qui échappent
à la mort, n’échappent ni aux douleurs, ni aux tourments
cruels dont ils sont souvent la victime. Ils sont punis du plus terrible
des châtiments, l’aveuglement de l’esprit. Dès lors ils ne
tiennent plus compte de rien. Dieu, réputation, dignité,
enfants, eux-mêmes, tout est oublié. Ils deviennent ainsi
tellement pervers et incapables, qu’on, ne peut leur confier rien d’important,
et qu’ils ne sont plus guère propres à aucune fonction sérieuse.
L’exemple de David et de Salomon nous le prouve bien. Le premier, après
son adultère, se trouva tout à coup si différent de
lui-même, que de très doux qu’il était, il devint cruel
et barbare, et qu’il fit exposer à une mort certaine un de ses plus
zélés serviteurs, le fidèle Urie. Le second, livré
tout entier à ses honteuses passions, en vint à cet excès
d’abandonner sa religion et d’adorer les faux dieux. tant il est vrai que
ce péché, comme dit le Prophète Osée
, « emporte le cœur de l’homme, » et le plus souvent même,
« le rend aveugle ».
§ IV. — AUTRES REMEDES CONTRE L’IMPURETE.
Venons maintenant aux remèdes qui
sont du domaine de l’action.
Le premier est de fuir l’oisiveté.
C’est en s’énervant dans ce vice, comme dit Ezéchiel
, que les Sodomites se précipitèrent dans les désordres
si honteux de leurs horribles débauches,
Le second est d’éviter l’intempérance
avec le plus grand soin. « Je les ai rassasiés, dit le Prophète,
et ils ont commis l’adultère. » En effet, c’est une cause
d’impureté que de prendre des aliments avec excès. C’est
ce que notre Seigneur veut nous faire entendre, quand Il nous dit:
« prenez garde de laisser vos cœurs s’appesantir dans l’intempérance
et l’ivresse. » Saint Paul nous dit aussi: « Ne
vous enivrez point par le vin, d’où naît la luxure. »
Mais ce qui allume le plus ordinairement
la passion impure dans les cœur », ce sont les regards. C’est pourquoi
Notre-Seigneur nous dit: « Si votre œil vous scandalise,
arrachez-le, et jetez-le loin de vous. » Les Prophètes avaient
parlé dans le même sens. « J’ai fait un pacte avec mes
yeux, dit Job , pour éviter toute pensée dangereuse.
» Et d’ailleurs, nous avons des exemples presque innombrables des
désordres qui ont eu leur source dans la curiosité mauvaise
des regards. Il n’y a qu’à se rappeler le péché de
David, celui du roi de Sichem, et enfin celui des vieillards qui se firent
les calomniateurs de Suzanne.
Les parures trop élégantes,
si bien faites, malheureusement, pour attirer les regards, sont encore
une des sources les plus ordinaires de l’impureté. De là
cet avertissement que nous donne l’Ecclésiaste: «
détournez vos yeux d’une femme parée ». Et comme les
femmes sont d’ordinaire trop attachées aux ornements du corps, il
est nécessaire que le Pasteur les avertisse de temps en temps d’éviter
ce défaut, et même de leur faire entendre sur ce point le
langage sévère de l’Apôtre Saint Pierre:
« Que les femmes ne se parent point au dehors par l’art de leur chevelure,
par les ornements d’or, ni par la beauté des vêtements. »
Et Saint Paul, de son côté, leur défend
« les cheveux frisés, les ornements d’or, les pierres précieuses,
les vêtements somptueux. » Souvent en effet ces ornements extérieurs
ont fait perdre le véritable ornement de l’âme et du corps.
Mais si la trop grande recherche dans
la parure porte habituellement au péché de l’impureté,
les discours et entretiens déshonnêtes n’y conduisent pas
moins. Les propos obscènes sont comme une flamme ardente qui allume
dans le cœur des jeunes gens le feu de l’impureté. « Les entretiens
mauvais corrompent les bonnes mœurs, » dit l’Apôtre .
Il en est de même des chants trop tendres, et trop efféminés,
des danses, des livres licencieux ou peu chastes, ainsi que des tableaux
qui représentent quelque chose de honteux. toutes ces choses doivent
être évitées avec le plus grand soin, car elles sont
capables d’éveiller des sentiments dangereux dans le cœur de la
jeunesse et de l’exposer au péril. Sur ce point le Pasteur doit
surtout recommander aux Fidèles d’observer religieusement ce que
le saint Concile de Trente a réglé avec tant de sagesse et
de piété.
Si l’on met tous ses soins à éviter
tout ce que nous venons de rappeler, on ne laisse presque pas de place
à la passion impure. Mais il ne faut pas oublier que les moyens
les plus puissants pour la comprimer et la réduire sont la Confession
fréquente et la fréquente Communion, avec des prières
assidues et ferventes, l’aumône et le jeûne. La chasteté
est un don de Dieu ; qu’Il ne refuse jamais à ceux qui
le demandent comme il faut. « Il ne permet pas que nous soyons tentés
au-dessus de nos forces. »
Enfin il faut exercer le corps non seulement
par des jeûnes, et spécialement par ceux que l’Eglise prescrit,
mais aussi par des veilles, par de pieux pèlerinages, et par d’autres
mortifications. C’est le moyen de dompter nos appétits mauvais,
et de produire des actes très méritoires de la vertu de tempérance.
« Ceux qui combattent dans l’arène, dit Saint Paul ,
[en parlant de la mortification], s’abstiennent de toutes choses, et cependant
ce n’est que pour obtenir une couronne corruptible, au lieu que la nôtre
est incorruptible. » Peu après il ajoute: « Je châtie
mon corps et je le réduis en servitude, de crainte qu’après
avoir prêché aux autres, je ne sois réprouvé
moi-même. » Ailleurs il dit encore: « ne
cherchez pas à contenter votre choir dans ses désirs ».
Chapitre trente-cinquième
— Du septième Commandement
VOUS NE DÉROBEREZ POINT.
C’est une pratique fort ancienne dans
l’Eglise que de chercher à pénétrer les Fidèles
de la nature et de l’importance de ce Commandement. nous en avons pour
preuve ce reproche adressé par l’Apôtre à des hommes
qui détournaient les autres des vices dont ils étaient eux-mêmes
tout couverts. « Vous instruisez les autres, et vous
ne vous instruisez pas vous-mêmes. Vous prêchez qu’il ne faut
pas voler, et vous volez vous-mêmes. » Grâce à
cet enseignement, non seulement on parvenait à corriger les hommes
de ce péché alors très fréquent, mais même
on réussissait à apaiser les querelles, les procès
et tous les autres maux que le vol amène ordinairement avec lui.
Mais puisque malheureusement l’époque où nous vivons nous
donne le spectacle des mêmes fautes avec les mêmes inconvénients
et les mêmes malheurs qui en sont la suite, les Pasteurs se feront
un devoir, à l’exemple des Saints Pères et des Maîtres
de la discipline chrétienne, d’insister fortement sur ce point,
et d’expliquer en détail, et avec tout le zèle possible,
la nature et la portée de ce Commandement. Leur première
occupation et leurs premiers soins seront de bien faire ressortir l’amour
immense de Dieu pour nous. Il ne s’est pas contenté, en effet, ce
Dieu infiniment bon, de mettre en sûreté notre vie, notre
corps, notre honneur et notre réputation par ces deux préceptes:
Vous ne tuerez point ; vous ne serez point adultère. Mais Il a voulu
aussi par cet autre commandement, Vous ne déroberez point, entourer
d’une sorte de garde, protéger et défendre tous nos biens
extérieurs. Car quelle idée attacher à ces paroles,
sinon celle que nous avons indiquée plus haut, en traitant des Commandements
qui précèdent, à savoir, que Dieu défend de
prendre ou d’endommager les biens d’autrui dont Il se déclare le
Protecteur ? Or, plus le bienfait de la Loi divine est étendu, plus
aussi nous devons être reconnaissants envers Dieu, qui en est l’Auteur.
Et comme la meilleure manière d’avoir cette reconnaissance et de
la Lui prouver, c’est non seulement de recevoir avec joie ses préceptes,
mais encore de les pratiquer fidèlement, il faudra exciter (et enflammer)
les Fidèles à observer exactement celui dont nous parlons.
Le septième Commandement — comme
les précédents — se divise en deux parties: la première
qui défend le vol, et qui est explicitement formulée ; la
seconde qui est implicitement contenue et renfermée dans la première,
et qui nous ordonne d’être bienfaisants et généreux
envers nos semblables. Parlons d’abord de la première, Vous ne déroberez
point.
§ I. — QU’EST-CE QUE LE VOL ?
Il y a lieu de faire remarquer tout d’abord
que voler ne signifie pas seulement prendre quelque chose à quelqu’un,
secrètement et malgré lui, mais encore retenir une chose
contre la volonté de celui à qui elle appartient. Car il
est impossible de s’arrêter même à la pensée
que Dieu qui défend le vol, puisse approuver la rapine, qui est
un vol commis avec violence et outrage. Et Saint Paul n’a-t-il pas dit,
en propres termes: « Les ravisseurs du bien d’autrui
ne posséderont point le Royaume de Dieu. » C’est pourquoi
il ajoute que nous devons éviter avec soin de les fréquenter
et de les imiter. Cependant, quoique la rapine soit un péché
plus grave que le simple vol — puisque non seulement elle enlève,
mais enlève avec violence et insulte — ce n’est pas sans une raison
profonde que Dieu, dans ce Commandement, s’est servi du mot vol qui est
un terme plus adouci, et en même temps plus général
et plus étendu que celui de rapine ; la rapine en effet ne peut
être commise et consommée que par des êtres plus forts
et plus audacieux que leur victime. Au surplus, tout le inonde comprendra
que là où les fautes légères sont défendues,
les fautes graves de même espèce le sont aussi, et nécessairement.
La possession et l’usage injustes du bien
d’autrui prennent des noms différents, selon la diversité
des choses qui sont soustraites à leur propriétaires, malgré
eux et à leur insu. Ainsi enlever quelque chose à un particulier,
cela s’appelle un vol. Enlever le bien public, c’est un péculat.
Réduire en servitude une personne libre ou s’approprier l’esclave
d’un autre, c’est un plagiat. Dérober une chose sacrée, c’est
un sacrilège. C’est le péché le plus énorme
et le plus détestable qu’on puisse commettre contre ce Commandement:
et pourtant, hélas ! il est très commun de nos jours. Des
biens que la sagesse et la piété avaient voulu absolument
consacrer au service divin, aux Ministres de l’Eglise et au soulagement
des pauvres ne sont-ils pas détournés trop souvent pour satisfaire
les passions et les plaisirs coupables de ceux qui les ont ravis ?
Mais ce précepte ne défend
pas seulement le vol proprement dit, c’est-à-dire l’action extérieure
du vol, il en défend aussi le désir et la volonté.
C’est qu’en effet, il y a une loi spirituelle qui atteint le cœur, source
de nos pensées et de nos résolutions. « Car c’est du
cœur, dit Notre-Seigneur dans Saint Matthieu , que viennent tes mauvaises
pensées, tes homicides, tes impudicités, tes vols et les
faux témoignages. »
§ II. — LE VOL eST UN GRAND PECHE.
Les lumières naturelles et la raison
seule suffisent pour nous faire comprendre la gravité de ce péché.
En effet, le vol est entièrement contraire à la justice,
qui attribue à chacun ce qui lui appartient. La distribution et
le partage des biens, établis dès l’origine par le droit
des gens, confirmés d’ailleurs par les Lois divines et humaines,
doivent être tellement inviolables, que chacun puisse posséder
paisiblement ce qui lui appartient de droit ; sans quoi la société
est impossible.. Aussi, comme le dit l’Apôtre , « Ni
les voleurs, ni les avares, ni tes ivrognes, ni les médisants, ni
les ravisseurs du bien d’autrui ne posséderont le Royaume de Dieu.
»
L’énormité de ce péché
et l’horreur qu’il doit inspirer se révèlent encore par les
suites funestes qu’il trame après lui. Il est la source d’une foule
de jugements indiscrets et téméraires sur un grand nombre
de personnes ; il produit des haines, des inimitiés, et quelquefois
même des condamnations terribles de personnes innocentes.
D’ailleurs Dieu ne fait-il pas une obligation
rigoureuse de réparer le dommage qu’on a causé à son
semblable en lui dérobant son bien ? « Point de rémission
du péché, dit Saint Augustin , sans lu restitution
de l’objet enlevé. » Mais cette restitution, pour les personnes
habituées à s’enrichir aux dépens du prochain, ne
présente-t-elle pas les plus grandes difficultés ? chacun
peut en juger par soi-même et par la conduite ordinaire des autres.
Dans tous les cas, voici ce qu’en pense le Prophète Habacuc
: « Malheur à celui qui amasse des biens qui ne lui appartiennent
pas, et qui ne cesse de s’entourer d’une boue épaisse ! »
Cette boue épaisse, c’est la possession du bien d’autrui. Il est
bien difficile d’en sortir et de s’en débarrasser.
§ III. — DIFFERENTES ESPECES DE VOL.
Il y a tant d’espèces différentes
de vols, qu’il serait très difficile de les énumérer
toutes. II suffira d’expliquer avec soin le vol et la rapine, qui sont
les deux espèces auxquelles se rapporte tout ce que nous allons
dire sur ce sujet. Le Pasteur fera donc tous ses efforts et ne négligera
rien pour inspirer aux Fidèles une vive horreur de ce crime et pour
les en détourner. Parlons d’abord de la première espèce.
On se rend coupable de vol, quand on achète
des choses volées, ou que l’on garde celles qui ont été
trouvées, saisies, ou enlevées de quelque manière
que ce soit. « Trouver et ne pas rendre, dit Saint Augustin
, c’est prendre ! » Toutefois, si l’on ne peut en aucune façon
découvrir celui à qui appartient l’objet trouvé, il
faut en faire profiter les pauvres. Celui qui ne veut pas restituer dans
ce cas montre bien qu’il serait prêt à dérober tout
ce qui lui tomberait sous la main, s’il pouvait l’emporter.
On commet le même crime lorsque,
en vendant, ou en achetant, on a recours à la fraude et à
des paroles mensongères. Ces fraudes et ces mensonges sont toujours
punis de Dieu. Mais les plus coupables et les plus iniques en ce genre
de vol sont ceux qui vendent comme bonnes et parfaites, des marchandises
falsifiées et corrompues, ou qui trompent les acheteurs sur le poids,
la mesure, le nombre et la règle. On lit dans le Deutéronome
: « Vous n’aurez point dans votre sac deux poids différents
; » et dans le Lévitique : « Ne faites point tort
par vos jugements, par vos poids et vos mesures. Que vos balances, vos
poids, vos setiers et vos boisseaux soient justes ! » on lit aussi
dans un autre endroit : « Le double poids est une abomination
aux yeux de Dieu ; la balance frauduleuse n’est pas bonne. »
Il y a encore vol évident, lorsque
des ouvriers et des artisans n’ont pas travaillé d’une manière
suffisante et comme ils le devaient, et que néanmoins ils exigent
leur salaire en entier. Il faut dire la même chose des serviteurs
et des gardiens infidèles. Et même ces sortes de voleurs sont
beaucoup plus condamnables que les autres, car les clés défendent
au moins contre les voleurs ordinaires, tandis qu’il n’y a rien de caché,
ni de fermé pour le voleur domestique.
Sont aussi probablement coupables de vol,
ceux qui par des discours pleins de dissimulation et d’artifice, ou par
une feinte pauvreté, parviennent à extorquer de l’argent
; et même leur faute est d’autant plus grave qu’ils joignent le mensonge
au vol.
Enfin il faut mettre aussi au nombre des
voleurs ceux qui, étant payés pour remplir quelque fonction
particulière ou publique, n’y donnent que peu ou point de temps,
négligent leur charge, mais n’oublient point d’en toucher les profits
et les émoluments.
Il existe une multitude d’autres manières
de voler. toutes viennent de l’avarice si ingénieuse à découvrir
les moyens d’avoir de l’argent. II serait trop long, et même presque
impossible, comme nous l’avons dit, d’en faire l’énumération.
§ IV. — DE LA RAPINE.
La rapine est la seconde espèce
de vol. Mais avant de l’expliquer aux Fidèles, il importe grandement
que le Pasteur leur rappelle ces paroles de l’Apôtre : «
Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans le piège
du démon. » Qu’il ne laisse jamais non plu: oublier ce précepte
. « Tout ce que vous voulez que le ; hommes vous fassent, faites-le
leur aussi ; » ni cet autre : « Ne faites pas à
autrui ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fit à vous-même.
»
La rapine s’étend très loin.
Ainsi, ceux qui ne paient point leur salaire aux ouvriers, sont de véritables
ravisseurs. Saint Jacques les invite à la pénitence en ces
termes: « Allons, riches, pleurez maintenant, poussez
des cris et des hurlements à cause des malheurs qui doivent fondre
sur vous. » Et il leur en donne la raison en disant: « Voilà
que le salaire que vous dérobez aux ouvriers qui ont moissonné
vos champs crie contre vous, et que ces cris sont montés jusqu’aux
oreilles du Dieu des armées. » Ce genre de rapine est absolument
réprouvé dans le Lévitique, dans le Deutéronome,
dans Malachie et dans Tobie.
Sont également coupables de rapine:
ceux qui ne paient point à l’Eglise et aux princes les impôts,
les tributs, les dîmes et tout ce qui leur est dû, ou bien
qui le détournent à leur profit: les usuriers, ces ravisseurs
si durs et si cruels qui pillent le pauvre peuple, et l’écrasent
de leurs intérêts exorbitants. — L’usure est tout ce qui se
perçoit au delà de ce qui a été prêté,
soit argent, soit autre chose qui puisse s’acheter et s’estimer à
prix d’argent. — II est écrit dans le Prophète Ezéchiel
: « Ne recevez ni usure ni rien au delà de votre prêt.
» Et Notre-Seigneur nous dit dans Saint Luc : « Prêtez
sans rien espérer de là. » Ce crime fut toujours très
grave et très odieux, même chez les païens. De là
cette maxime: Qu’est-ce que prêter à usure ? Qu’est-ce que
tuer un homme ? pour marquer qu’à leurs yeux, il n’y avait pas de
différence. En effet, prêter à usure, n’est-ce pas,
en quelque sorte, vendre deux fois la même chose, ou bien vendre
ce qui n’est pas ?
Sont coupables aussi de rapine ces juges
à l’âme vénale, qui vendent la justice, qui se laissent
corrompre par l’argent et les présents, et font perdre les meilleures
causes aux petits et aux pauvres.
Il en est de même de ceux qui trompent
leurs créanciers, qui nient leurs dettes, ou qui, ayant obtenu du
temps pour payer, achètent des marchandises sur leur parole, ou
sur la parole d’un autre, et qui finalement ne paient point. Leur faute
est d’autant plus grave, que les marchands prennent occasion de leur infidélité
et de leurs tromperies pour vendre tout beaucoup plus cher au détriment
de tous. C’est bien à eux que semble s’appliquer cette plainte de
David : « Le pécheur empruntera, et il ne paiera point.
»
Que dirons-nous de ces riches qui poursuivent
des débiteurs insolvables, leur réclament avec la dernière
rigueur ce qu’ils ont prêté, et ne craignent pas de retenir
pour gage, contre la défense de Dieu, même les choses qui
sont nécessaires à ces malheureux ? « Si vous prenez
en gage, dit le Seigneur , le vêtement de votre prochain, vous
le lui rendrez avant le coucher du soleil, car c’est le seul qu’il possède
pour se couvrir et sur quoi dormir. S’il crie vers Moi, Je l’exaucerai
parce que Je suis miséricordieux. » Nous n’avons donc pas
tort d’appeler rapacité, et par conséquent rapine, la dureté
de créanciers si cruels.
Les saints Pères mettent aussi
au nombre des ravisseurs, ou hommes de rapine, ceux qui dans une disette
accaparent le blé, et sont cause que la vie devient chère
et très dure. Il en est de même pour toutes les autres choses
nécessaires à la nourriture et à la subsistance. C’est
sur eux que tombe la malédiction de Salomon : « Quiconque
cache le blé, sera maudit du peuple. » Les Pasteurs ne craindront
point de les avertir du mal énorme qu’ils font, de les reprendre
sans ménagement, et de mettre sous leurs yeux tous les châtiments
réservés à de pareils crimes.
Voilà ce que le septième
Commandement nous défend. Venons maintenant à ce qu’il nous
ordonne.
§ V. — DE LA RESTITUTION.
La première chose que ce Commandement
nous ordonne, c’est la restitution. [Rappelons-nous le mot de Saint Augustin]:
« Point de rémission du péché, sans la restitution
de l’objet volé. » Et comme l’obligation de restituer n’atteint
pas seulement celui qui a perpétré le vol [de ses propres
mains], mais encore tous ceux qui y ont participé de quelque manière
que ce soit, il est nécessaire que les Pasteurs enseignent clairement
comment on peut tremper dans le vol et la rapine, afin qu’on sache bien
quelles sont les personnes qui ne peuvent se soustraire à cette
loi de la satisfaction et de la restitution.
Nous nous trouvons ici en face de plusieurs
catégories.
La première comprend ceux qui commandent
expressément de voler. Ceux-là non seulement sont les complices
et les auteurs du vol, mais à vrai dire, ils sont plus coupables
que tous les autres.
La seconde renferme ceux qui se bornent
à être les conseillers et les instigateurs du vol, parce qu’ils
n’ont pas assez d’autorité pour le commander ; ils sont aussi coupables
que les premiers, et doivent être placés sur la même
ligne, quoique leur action ne soit pas la même.
La troisième se compose de ceux
qui sont d’intelligence avec les voleurs.
La quatrième, de ceux qui participent
au vol et qui en retirent quelque profit, si toutefois il est permis d’appeler
profit ce qui leur vaudra un éternel supplice, à moins qu’ils
ne viennent à résipiscence. C’est de cette espèce
de voleurs que David vent parler quand il dit: : « Lorsque
vous voyiez un voleur, vous couriez avec lui. »
La cinquième compte ceux qui, pouvant
parfaitement empêcher le vol, le souffrent et le permettent, bien
loin de s’y opposer et de le rendre impossible.
La sixième, ceux qui, sachant très
bien qu’un vol a été commis, et où il a été
commis, non seulement n’en disent rien, mais même vont jusqu’à
feindre de n’en rien savoir.
La septième et dernière,
tous ceux qui se font les aides des voleurs, leurs gardiens, leurs protecteurs,
qui au besoin leur fournissent asile et domicile. — tous ceux qui participent
au vol de l’une ou l’autre de ces manières, sont tenus de satisfaire
à ceux qui ont été volés, et il ne faut pas
négliger de les exhorter fortement à l’accomplissement de
cet indispensable devoir.
Il est difficile d’exempter entièrement
du péché de vol ceux qui le louent et l’approuvent. Et il
faut dire la même chose des enfants de famille et des femmes qui
ne craignent pas de dérober de l’argent à leurs parents et
à leurs maris.
§ VI. — DES ŒUVRES DE MISERICORDE.
Le septième Commandement nous impose
encore une autre obligation. Il veut que nous ayons compassion des pauvres
et des malheureux, et que nous sachions employer nos ressources et nos
moyens pour les soulager dans leurs besoins et leur détresse. Or,
ce sujet étant un de ceux qui demandent à être traités
très fréquemment, d’une manière très étendue,
les Pasteurs puiseront leurs développements dans les ouvrages de
très saints Auteurs, comme Saint Cyprien, Saint Jean Chrysostome,
Saint Grégoire de Naziance et d’autres encore qui ont écrit
de si belles pages sur l’aumône. Ainsi ils n’auront aucune peine
à s’acquitter de leur devoir. Ils chercheront à enflammer
les Fidèles du désir et de l’ardeur de secourir ceux qui
ne vivent que de la charité d’autrui. Mais surtout ils voudront
leur montrer clairement combien il est pour eux nécessaire de faire
l’aumône — c’est-à-dire de venir généreusement
en aide aux malheureux, et par leur argent et par leurs soins — en leur
rappelant cette vérité, impossible à nier, que Dieu,
au jour suprême du jugement, repoussera honteusement et enverra au
feu éternel de l’Enfer ceux qui auront omis et négligé
le devoir de l’aumône, tandis qu’au contraire il comblera de louanges
et introduira dans le ciel ceux qui auront fait du bien aux indigents.
C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même qui a prononcé
cette double sentence: « Venez, les bénis de mon
Père, possédez le Royaume qui vous a été préparé
» et « Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel
! »
En outre les Prêtres auront soin
de citer aux Fidèles d’autres textes de la Sainte Ecriture, bien
faits pour les convaincre. « Donnez, et l’on vous donnera
! »
Ils insisteront sur cette autre promesse
de Dieu, la plus riche et la plus magnifique qui se puisse imaginer:
« Personne ne quittera pour Moi (ce qu’il possède), qu’il
n’en reçoive cent fois autant dans cette vie, et le salut éternel
dans l’autre. »
Il ne manquera pas d’ajouter ces autres
paroles du Sauveur: « Employez les richesses d’iniquité
à vous acquérir des amis, afin que lorsque vous viendrez
à manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels.
»
Puis, en développant les différentes
parties de ce devoir sacré, ils s’appliqueront à bien faire
comprendre que ceux qui ne sont pas en situation de donner aux pauvres,
doivent au moins leur prêter de bonne grâce, selon ce Commandement
du Seigneur: « Prêtez, sans rien espérer
de votre prêt. » Et David a exprimé en ces termes le
mérite d’une telle conduite: « Heureux celui qui
a compassion des pauvres et qui leur prête ! »
§ VII. — IL FAUT SE METTRE EN ETAT
DE FAIRE L’AUMONE.
Si l’on n’a pas les moyens de venir en
aide à ceux qui attendent leur vie de la compassion des autres,
la piété chrétienne veut qu’on se mette en état
de soulager leur détresse, en s’occupant pour eux, en travaillant
de ses mains, s’il le faut. Ce sera en même temps un excellent moyen
de fuir l’oisiveté. C’est à quoi l’Apôtre Saint Paul
exhorte tous les Fidèles par son propre exemple, quand il écrit
aux Thessaloniciens: « Vous savez bien que vous êtes
obligés de nous imiter. » Et dans une autre Epître il
dit encore aux mêmes: « Appliquez-vous à
vivre en repos, faites ce qui est de votre devoir, et travaillez de vos
propres mains, ainsi que nous vous l’avons commandé. » Et
aux Ephésiens: « Que celui qui dérobait,
ne dérobe plus désormais, mais plutôt qu’il s’occupe
en travaillant des mains à quelque ouvrage utile, afin qu’il ait
de quoi soulager celui qui est dans le besoin. »
Enfin il faut vivre avec frugalité,
et faire en sorte d’épargner le bien d’autrui, afin de n’être
pas à charge, ni insupportable aux autres. Cette vertu, qui est
la tempérance, brille d’une manière admirable dans la personne
de tous les Apôtres, mais elle éclate surtout dans Saint Paul,
qui a le droit d’écrire en ces termes aux Thessaloniciens:
« Vous vous souvenez, mes Frères, des peines et des fatigues
que nous avons essuyées en travaillant jour et nuit, pour n’être
à charge à aucun de vous pendant que nous vous annoncions
l’Evangile de Dieu », et qui répète dans un autre endroit:
« Nous avons été accablé de travail le jour
et la nuit pour n’être à charge à personne. »
§ VIII. — CHATIMENTS DU VOL: RECOMPENSES
DES CEUVRES DE MISERICORDE.
Mais afin d’inspirer aux Fidèles
une horreur plus vive encore pour toute espèce de vols, les Pasteurs
auront soin de leur montrer dans les Prophètes et les autres Auteurs
sacrés, combien ces actions criminelles sont en exécration
devant Dieu, et quelles menaces effrayantes Il a voulu faire à ceux
qui les commettent: « Ecoutez ceci, s’écrie le
Prophète Amos, vous qui dévorez le pauvre et qui faites languir
tous les indigents ; vous qui dites: quand sera passée la néoménie,
afin que nous puissions vendre nos récoltes ? quand finira le Sabbat,
afin que nous puissions ouvrir nos greniers ? Vous qui diminuez l’Epha,
qui augmentez le poids du sicle et qui vous servez de balances trompeuses.
»
Les mêmes menaces se trouvent dans
Jérémie, dans les Proverbes et dans l’Ecclésiastique.
Et on ne peut douter que la plupart des maux dont souffre notre siècle
ne remontent à ces causes.
Au surplus, afin d’accoutumer les Chrétiens
à exercer envers les pauvres et les malheureux tous les offices
de libéralité et de bienfaisance qui se rapportent à
cette seconde partie du septième Commandement, les Pasteurs ne manqueront
pas de faire briller à leurs yeux les splendides récompenses
que Dieu réserve en cette vie et en l’autre à ceux qui se
seront montrés bons et charitables envers les pauvres.
§ IX. — EXCUSES DES VOLEURS.
Il ne manque pas de gens qui cherchent
à excuser même leurs vols. Aussi bien, faut-il leur déclarer
positivement que leur péché sera sans excuse devant Dieu.
II y a plus loin de diminuer leur faute, ils l’aggravent singulièrement
en voulant la justifier. Il ne faut donc pas tolérer le luxe et
les plaisirs de certains nobles, qui pensent atténuer leur crime
en soutenant que s’ils s’emparent du bien d’autrui, ce n’est ni par cupidité,
ni par avarice, mais seulement pour conserver la grandeur de leur famille
et de leurs ancêtres, dont la considération et la dignité
périraient, s’ils ne pouvaient plus les maintenir avec le bien des
autres. Il faut détruire cette erreur pernicieuse, en leur faisant
voir qu’il n’y a qu’un moyen légitime de conserver et d’augmenter
leurs biens, la puissance et la gloire de leurs ancêtres, c’est d’obéir
à la volonté de Dieu et d’observer ses Commandements. Que
le mépris de ces Commandements peut causer la ruine des familles
les plus riches et les mieux établies, précipiter les rois
de leur trône, et du faîte des honneurs, et obliger Dieu, en
quelque sorte, à élever à leur place des hommes de
basse extraction. Et pour qui ils n’avaient que de la haine et du mépris.
C’est ainsi que ces orgueilleux enflamment contre eux la colère
de Dieu, et d’une manière terrible. Ecoutons plutôt ces paroles
que le Prophète Isaïe met dans la bouche de Dieu même:
« Tes princes sont infidèles ; ils sont d’intelligence avec
les voleurs ; ils aiment les présents ; ils recherchent les récompenses
; c’est pourquoi voici ce que dit le Seigneur, le Dieu des armées,
le Dieu fort d’Israël malheur à eux ; le temps viendra où
Je me réjouirai de la perte de mes ennemis, et où Je me vengerai
d’eux ; au lieu que Je te prendrai sous ma protection, et Je te purifierai
de toutes tes souillures. »
D’autres, [pour essayer de se justifier]
ne parlent pas de la splendeur et de la gloire de leur maison ; ils ne
prennent le bien d’autrui, disent-ils, que pour mener une vie plus facile
et plus élégante. Il faut les réfuter aussi et leur
montrer combien leurs paroles et leurs actions sont impies, puisqu’ils
ne craignent pas de mettre les avantages
et les douceurs de la vie au-dessus de
la volonté et de la gloire de Dieu, que nous offensons étrangement
en négligeant ses préceptes. D’ailleurs, quels avantages
peut-il y avoir dans le vol qui a des conséquences si funestes ?
« Le voleur, dit l’Ecclésiastique , sera couvert de
confusion et dévoré par les remords. » Mais en supposant
même qu’il n’y ait rien de semblable à craindre, est-ce que
le vol ne déshonore point le nom adorable de Dieu ? n’est-il pas
contraire à sa très sainte volonté ? ne méprise-t-il
pas ses préceptes les plus salutaires ? et par le fait, ne devient-il
pas la source de toutes les erreurs, de tous les crimes, de toutes les
impiétés ?
Faut-il ajouter que l’on entend quelquefois
des voleurs soutenir qu’ils ne sont aucunement coupables, parce que s’ils
prennent quelque chose, c’est à des gens riches et dans l’abondance,
tellement riches, qu’ils n’en éprouvent aucun dommage, si même
ils s’en aperçoivent. Cette excuse n’en est pas une. Elle est aussi
misérable que criminelle.
Un autre va jusqu’à s’imaginer
qu’il est parfaitement excusé, parce que, dit-il, il a contracté
une si grande habitude de prendre le bien d’autrui qu’il ne peut plus s’en
empêcher. Mais si ce malheureux n’écoute pas le conseil de
l’Apôtre qui lui dit: « Que celui qui dérobait,
ne dérobe plus, » il faudra bien qu’il s’habitue, qu’il le
veuille ou non, à endurer les éternels supplices.
Plusieurs, pour excuser leurs larcins,
se rejettent sur l’occasion. C’est en effet un proverbe banal, à
force d’être répété, que « l’occasion
fait le larron ». Mais il faut absolument les détromper, en
leur rappelant que nous sommes obligés de résister à
nos penchants déréglés. Car en vérité
s’il fallait mettre sur-le-champ à exécution tout ce que
la passion inspire, où s’arrêterait-on dans le crime, le désordre
et l’infamie ? c’est donc une excuse tellement honteuse, qu’elle est plutôt
l’aveu d’une extrême faiblesse de volonté, et d’une injustice
criante.
D’autre part, prétendre qu’on ne
pèche point, parce qu’on ne se trouve pas dans l’occasion, n’est-ce
pas avouer, pour ainsi dire, que l’on pécherait sans cesse, si l’occasion
ne cessait de se présenter ?
Il en est aussi qui soutiennent qu’ils
sont en droit de voler pour se venger des torts dont ils ont été
victimes. Il faut leur répondre, premièrement qu’il n’est
permis à personne de se venger, ensuite que nul n’est juge dans
sa propre cause, et que par conséquent il est encore bien moins
permis de punir quelqu’un pour des injustices que d’autres auront commises
contre vous.
Enfin on en rencontre qui croient que
leur vol est assez justifié et non répréhensible,
parce qu’ils le commettent pour payer des dettes accablantes dont ils ne
pourraient se libérer autrement. A de tels hommes il faut montrer
que de toutes les dettes, la plus lourde, la plus accablante pour le genre
humain est celle dont nous parlons à Dieu chaque jour dans l’Oraison
dominicale: Remettez-nous nos dettes ; que par suite, c’est
une insigne folie d’augmenter sa dette envers Dieu, c’est-à-dire
ses péchés, pour s’acquitter envers les hommes ; qu’il vaut
infiniment mieux être jeté dans un cachot que d’être
un jour livré aux feux éternels de l’enfer ; qu’il est bien
plus terrible d’être condamné au tribunal de Dieu qu’au tribunal
des hommes ; et enfin qu’ils doivent recourir avec confiance à la
bonté de ce même Dieu, toujours prêt à les assister
et à leur accorder tout ce qui leur est nécessaire.
Il ne manque pas d’autres prétextes
dont on se sert pour essayer de justifier le vol. Des Pasteurs zélés,
habiles et appliqués, les réfuteront sans peine, de manière
à former et à posséder un peuple «
fidèle à pratiquer les bonnes œuvres »
Chapitre trente-sixième —
Du huitième Commandement
VOUS NE PORTEREZ POINT DE FAUX TEMOIGNAGE
CONTRE VOTRE PROCHAIN.
Voici une raison capable de nous faire
comprendre qu’il est non seulement utile, mais nécessaire d’expliquer
très souvent ce précepte, et de rappeler à tous les
devoirs qu’il impose. nous voulons parler de la déclaration si autorisée
de l’Apôtre Saint Jacques, lequel ne craint pas d’affirmer que «
celui qui ne pèche point en paroles est un homme parfait »
et un peu plus loin ajoute: « La langue n’est qu’une petite partie
du corps, et cependant quels effets ne produit-elle pas ! Il ne faut qu’une
étincelle pour embraser une grande forêt », et le reste
qui est dans le même sens. — Ces paroles nous apprennent deux choses:
la première, que le péché de la langue est extrêmement
répandu. C’est ce que nous confirme de son côté le
Prophète David. « Tout homme est menteur », dit-il
, comme si ce péché était le seul qui pût s’étendre
à tous les hommes. La seconde, c’est qu’il est la source de maux
innombrables. Car souvent le coup de langue du médisant cause la
perte de la fortune, de la réputation, de la vie, du salut même,
soit pour celui qui est atteint par la médisance, parce qu’il supporte
mal l’injure qu’on lui fait, et qu’il manque de courage pour ne s’en point
venger, soit pour celui qui est l’auteur de l’offense, parce que, victime
d’une mauvaise honte et de la crainte exagérée du qu’en dira-t-on,
il ne peut se déterminer à donner satisfaction à celui
qu’il a blessé. C’est pourquoi il ne faut pas manquer d’exhorter
les Fidèles à rendre à Dieu les plus vives actions
de grâces de ce qu’il a défendu expressément le faux
témoignage, en nous donnant un précepte très salutaire,
qui ne nous interdit pas seulement d’injurier les autres, mais qui nous
protège encore, si on l’observe, contre les injures que les autres
seraient tentés de nous faire.
Afin de garder, en expliquant ce précepte,
le même ordre et la même marche que dans ceux qui précèdent,
nous avons à remarquer qu’il renferme deux prescriptions distinctes:
l’une négative, qui nous défend de porter faux témoignage,
l’autre positive, qui nous ordonne d’écarter résolument de
notre conduite toute dissimulation et tout mensonge, et de mesurer nos
paroles et nos actes sur la simple vérité. Double devoir
que l’Apôtre Saint Paul rappelait aux Ephésiens, quand il
leur disait: « Ne séparons pas la vérité
de la charité, afin de croître en Jésus-Christ dans
toutes choses. »
§ I. — DU FAUX TÉMOIGNAGE.
On entend ordinairement par faux témoignage
tout ce qui est affirmé et soutenu de quelqu’un, contre la vérité,
en bonne ou en mauvaise part, devant la justice ou non. Cependant le faux
témoignage qui nous est spécialement défendu par ce
précepte, c’est celui qui se fait en justice, avec serment, contre
la vérité. Car si le témoin jure par le nom même
de Dieu, c’est parce qu’un témoignage qui s’appuie sur ce nom sacré
n’en acquiert que plus de poids et d’autorité. Mais d’autre part
comme ce témoignage est très dangereux dans ses conséquences,
Dieu le défend d’autant plus fortement. C’est qu’en effet le juge
lui-même n’a pas le droit de récuser des témoins qui
affirment avec serment, s’ils ne tombent pas sous les exceptions prévues
par la Loi, ou bien s’ils ne sont pas reconnus pour gens de mauvaise foi
et sans aucune probité. Et la raison en est que la Loi divine nous
ordonne expressément de tenir « pour constant et véritable
le témoignage de deux ou trois perssonnes » . — Mais
afin que les Fidèles comprennent parfaitement la nature et l’étendue
de ce précepte, il importe avant toutes choses de bien leur apprendre
ce qu’il faut entendre par le prochain, contre qui il est défendu
de porter faux témoignage.
Or, le prochain, selon l’enseignement
de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est tout homme quia besoin de
nous, qu’il nous soit proche ou éloigné, concitoyen ou étranger,
ami ou ennemi.
C’est un crime en effet de penser qu’on
puisse faire un faux témoignage contre des ennemis, lorsque Dieu
et notre Seigneur nous font un précepte de les aimer.
Mais il y a plus ; comme chacun de nous,
dans un certain sens, est à soi-même son prochain, personne
n’a le droit de porter contre soi-même un faux témoignage.
Ceux qui ont le malheur de commettre un pareil crime, en se diffamant et
en se couvrant de honte, se nuisent à eux-mêmes d’abord, et
en même temps ils font tort à l’Eglise, comme ceux qui se
suicident nuisent à la société. C’est l’enseignement
formel de Saint Augustin: « Les personnes peu éclairées,
dit-il, pourraient penser qu’il n’est pas défendu de se porter comme
faux témoin contre soi-même, parce que dans la formule du
Commandement il est dit seulement: contre le prochain ; mais que celui
qui a fait contre lui-même une déposition fausse n’aille pas
se croire innocent, puisque la règle de l’amour du prochain, c’est
de l’aimer comme soi-même. »
Et parce qu’il nous est défendu
de faire tort au prochain par le faux témoignage, il faut bien nous
garder d’en conclure que le parjure nous est permis pour rendre quelque
service ou procurer quelque avantage à ceux qui nous sont unis par
les liens du sang ou de la Religion. Il ne faut être utile à
personne par le mensonge, encore moins par le parjure. C’est pourquoi Saint
Augustin, dans une lettre à Crescence sur le mensonge , ne
craint pas de dire, en s’appuyant sur l’autorité de l’Apôtre
Saint Paul, que le mensonge doit être mis au nombre des faux témoignages,
quand même il décernerait à quelqu’un de fausses louanges.
Il rapporte d’abord les paroles de l’Apôtre: nous serons nous-mêmes
convaincus d’avoir été de faux témoins, parce que
nous avons porté témoignage contre Dieu même, en disant
qu’Il a ressuscité Jésus-Christ, qu’Il n’a cependant pas
ressuscité, si les morts ne ressuscitent pas, puis il ajoute : l’Apôtre
regarde comme faux témoignage de dire une chose fausse de Jésus-Christ,
quoiqu’elle soit à sa Gloire .
N’arrive-t-il pas très souvent
d’ailleurs que celui qui favorise quelqu’un par son faux témoignage,
porte par là même préjudice à un autre ? ne
met-il pas le juge dans une sorte d’erreur invincible ? Aussi qu’arrive-t-il
? le juge trompé par de faux serments est forcé de prononcer
contre le droit en faveur de l’injustice.
Quelquefois même celui qui a gagné
sa cause en justice, grâce au faux témoignage d’un complice,
et cela impunément, celui-là, disons-nous, est tout fier
de sa victoire, dès lors il rend l’habitude de corrompre des témoins,
dans l’espoir qu’avec leur aide, il réussira dans toutes ses entreprises.
Le faux témoignage est également
très funeste au témoin lui-même. Aux yeux de celui
qu’il a criminellement servi par son serment, il n’est plus qu’un parjure
et un vil imposteur ; mais par contre, en voyant que son mensonge a réussi,
il se trouve encouragé au mal et prend de jour en jour des habitudes
plus grandes de hardiesse et d’impiété.
Mais si la fausseté, le mensonge
et le parjure sont nettement défendus aux témoins, ils le
sont tout autant aux accusateurs, aux accusés, aux protecteurs,
aux parents, aux procureurs, aux avocats, en un mot à tous ceux
qui ont part aux jugements.
Enfin Dieu défend, non seulement
devant les juges, mais même partout ailleurs, un témoignage
quelconque capable de porter préjudice ou de causer quelque dommage
au prochain. Il est écrit en effet dans le Lévitique, à
l’endroit même où ces défenses sont faites à
plusieurs reprises: « Vous ne déroberez point,
vous ne mentirez point ; et personne ne trompera son prochain. »
Des paroles si claires ne permettent pas de douter que Dieu, par ce précepte,
ne réprouve et ne condamne absolument tout mensonge, quel qu’il
soit. David dans ses Psaumes nous l’atteste aussi, et très clairement
: « Vous perdrez, dit-il, tous ceux qui profèrent le mensonge.
»
§ II. — DE LA MEDISANCE ET DE LA
CALOMNIE.
Le huitième Commandement de Dieu
ne nous défend pas seulement le faux témoignage, il nous
interdit de plus le vice et l’habitude détestables de la médisance,
cette véritable peste, qui donne naissance à une multitude
incroyable d’inconvénients très fâcheux et de maux
de toute espèce. Cette habitude criminelle de déchirer et
d’outrager secrètement son prochain est vigoureusement condamnée
en beaucoup d’endroits de nos Saints Livres. David nous dit:
« Je ne recevais pas le médisant à ma table. »
Et l’Apôtre Saint Jacques ajoute de son côté:
« Mes Frères, ne parlez point mal les uns des autres. »
Mais l’Ecriture Sainte ne se borne pas
à condamner la médisance, elle nous fournit des exemples
qui mettent en pleine lumière toute l’énormité de
ce crime. Ainsi Aman, par ses infâmes calomnies, enflamme tellement
la colère d’Assuérus contre les Juifs, que ce prince ordonne
de les faire tous périr. L’Histoire sainte est remplie de traits
semblables. Les Pasteurs ne manqueront pas de les rappeler aux Fidèles,
afin de les détourner de cet horrible péché.
Pour comprendre et pénétrer
toute la malice de la médisance, il faut savoir qu’on blesse la
réputation du prochain, non seulement en employant contre lui la
calomnie, mais encore en augmentant et en exagérant ses fautes réelles.
Et même si quelqu’un a commis un péché très
secret dont la révélation doit nécessairement être
préjudiciable à son honneur et le couvrir de honte, celui
qui fait connaître ce péché, dans un lieu, dans un
temps et à des personnes qui ne sont pas obligées de le savoir,
doit passer à juste titre pour un calomniateur et un médisant.
Mais de toutes les calomnies, la plus
coupable, à coup sûr, est celle qui s’en prend à la
Doctrine catholique, et à ceux qui la prêchent. Et quiconque
accorde des éloges aux propagateurs de l’erreur et des mauvais principes
commet la même faute. Il faut en dire autant de ceux qui, en entendant
la détraction et la médisance, non seulement ne blâment
point les calomniateurs, mais les écoutent avec plaisir. C’est ce
qui a fait dire à Saint Bernard et à Saint Jérôme,
qu’il n’est pas facile de distinguer lequel est le plus coupable de celui
qui médit, ou de celui qui écoute la médisance ; «
car, disent-ils, il n’y aurait point de médisant s’il
n’y avait personne pour écouter la médisance ».
On désobéit également
à ce précepte, si par ses artifices on met la désunion
et le désaccord entre les hommes ; si l’on se plaît à
semer des dissensions, à miner et à détruire, par
des rapports mensongers, les liaisons et les sociétés les
mieux établies, à pousser les meilleurs amis à des
inimitiés irréconciliables, et même à les armer
les uns contre les autres. Détestable peste que Dieu condamne et
défend quand il dit: « Vous ne serez ni délateur,
ni détracteur au Milieu de mon peuple. » C’était le
crime d’un bon nombre de conseillers de Saül qui s’efforçaient
de le détacher de David, et l’animaient contre lui.
§ III. — LA FLATTERIE, LE MENSONGE
ET LA DISSIMULATION.
Nous trouvons encore, parmi ceux qui pèchent
contre ce huitième Commandement, les flatteurs, les adulateurs qui,
par des complaisances et des louanges hypocrites, cherchent à s’insinuer
dans l’esprit et le cœur de ceux dont ils attendent la faveur, de l’argent
et des honneurs. Vils complaisants qui appellent, comme le dit le Prophète
, « mal ce qui est bien, et bien ce qui est mal ». Tristes
gens que David nous avertit d’éloigner et de chasser de notre société,
lorsqu’il nous dit: « que le juste me reprenne par charité
et qu’il me corrige, mais que le pécheur ne répande point
ses parfums sur ma tête ! » encore que les flatteurs dont nous
parlons ne disent point de mal de leur prochain, ils ne laissent pas de
lui être très nuisibles, puisque, en le louant jusque dans
ses fautes, ils sont cause qu’il persévère dans le mal, jusqu’à
la fin de sa vie.
La flatterie, ou l’adulation la plus coupable
en ce genre, est celle qui n’a en vue que le malheur et la ruine des autres.
Ainsi Saül, pour exposer David à la fureur et au glaive des
Philistins, c’est-à-dire selon lui, pour l’envoyer a une mort certaine,
le flattait par ces belles paroles: « Voici Mérob
ma fille aînée ; je vous la donnerai comme épouse.
Soyez seulement homme de cœur, et combattez les combats du Seigneur ! »
Ainsi les Juifs pour surprendre Notre-Seigneur dans ses paroles Lui disaient
insidieusement: « Maître, nous savons que vous
êtes sincère, et que Vous enseignez la Voie de Dieu selon
la Vérité. »
Et cependant il y a quelque chose de bien
plus pernicieux encore, ce sont ces discours que des amis, des alliés,
des parents n’ont pas honte de tenir à un malade mortellement atteint,
et déjà prêt à rendre le dernier soupir, discours
dans lesquels ils affirment à ce moribond qu’il n’est pas en danger,
lui ordonnent d’être gai et souriant, le détournent de la
Confession de ses péchés, comme d’une pensée trop
triste, et enfin écartent de son esprit tout souci et toute idée
des terribles dangers dans lesquels il se trouve.
II faut donc éviter toute espèce
de mensonge, et avant tout, celui qui peut causer au prochain un dommage
considérable. Mais ne pas craindre de mentir contre la Religion
ou dans des choses qui s’y rapportent, c’est joindre l’impiété
à la fourberie.
II ne faut pas oublier que Dieu est encore
grièvement offensé par les injures et les outrages qu’on
répand dans les libelles diffamatoires et autres productions du
même genre.
Il est même indigne d’un chrétien
de chercher à tromper son prochain par un mensonge joyeux ou officieux,
encore que ce mensonge n’entraîne pour personne ni profit, ni perte.
L’avertissement de Saint Paul sur ce point est formel. « Evitez le
mensonge, dit-il , que chacun de vous parle selon la vérité
! » C’est qu’en effet, du mensonge pour rire au mensonge grave, la
pente est très rapide. Le mensonge joyeux fait contracter l’habitude
de mentir. Dès lors on passe pour n’être point sincère
et l’on est obligé d’affirmer sans cesse avec serment pour faire
croire à sa parole.
Enfin ce Commandement nous défend
toute espèce d’hypocrisie ou de dissimulation. La dissimulation
dans les paroles aussi bien que dans les actions est également condamnable,
puisque les unes et les autres sont comme le signe et la marque de ce que
nous avons dans le cœur. Voilà pourquoi Notre-Seigneur, dans ses
fréquents reproches aux Pharisiens, les traite d’hypocrites.
Nous avons expliqué ce que le huitième
Commandement défend. Voyons maintenant ce qu’il ordonne.
§ IV. — A QUOI NOUS SOMMES OBLIGES
PAR CE COMMANDEMENT.
L’objet propre de cette deuxième
partie du précepte est que les tribunaux jugent avec équité
et conformément aux Lois: elle a également pour but d’empêcher
qu’on n’attire les causes à soi en empiétant sur les juridictions.
« Car il n’est pas permis, comme le dit l’Apôtre , de
juger le serviteur d’autrui, » de peur de prononcer sans une connaissance
suffisante de la cause. Ce fut le crime précisément de cette
assemblée des prêtres et des scribes qui condamnèrent
Saint Etienne, comme ce fut aussi le péché de ces magistrats
de Philippes, dont l’Apôtre a dit: « Après
nous avoir publiquement battus de verges, et sans jugement préalable,
nous qui sommes citoyens romains, ils nous ont jetés en prison,
et maintenant ils nous en font sortir en secret. »
Il ne faut ni condamner les innocents,
ni renvoyer les coupables, ni se laisser séduire par des présents
ou par la faveur, par la haine ou par l’amitié. Aussi Moise ne manque
pas d’adresser aux vieillards qu’il avait établis juges d’Israël,
cet avertissement célèbre: « Jugez toujours
selon la justice le citoyen comme l’étranger ; ne mettez point de
différence entre les individus ; écoutez le petit comme le
grand ; ne faites acception de personne, parce que vous jugez pour Dieu.
»
Quant aux accusés et aux criminels,
Dieu leur fait un devoir de confesser la vérité, lorsqu’ils
sont interrogés selon les formes de la justice. Cette confession
est un hommage éclatant à la Gloire de Dieu. C’est la pensée
de Josué : Lorsqu’il exhorte Achan à dire la vérité,
il lui parle de la sorte: « Mon fils, rendez gloire au
Seigneur, Dieu d’Israël. »
Et parce que ce précepte s’adresse
spécialement aux témoins, le Pasteur aura grand soin d’en
parler comme il convient. C’est qu’en effet ce huitième Commandement
n’a pas seulement pour but de défendre le faux témoignage,
mais encore de nous commander de dire la vérité. Dans les
affaires humaines, le témoignage conforme à la vérité
est extrêmement important. Il y a une multitude de choses que nous
ne pouvons connaître que sur la bonne foi des témoins. Rien
donc n’est plus nécessaire qu’un témoignage véridique
dans ces choses que nous ne savons pas, et que cependant nous n’avons pas
le droit d’ignorer. De là ce mot de Saint Augustin:
« Celui qui tait la vérité, et celui qui profère
le mensonge sont également coupables, le premier parce qu’il ne
veut pas être utile, le second parce qu’il cherche à nuire.
»
Il peut être permis quelquefois
de taire la vérité, mais il faut que ce soit hors des tribunaux.
En justice, un témoin interrogé par un juge compétent,
doit faire connaître la vérité tout entière,
mais à condition de ne pas trop se fier à sa mémoire,
et de prendre garde d’affirmer comme certain ce dont il n’est pas absolument
sûr.
Les autres personnes que ce précepte
oblige également à dire la vérité sont les
avoués et les avocats, les procureurs et les accusateurs.
Les avoués et les avocats ne refuseront
ni leurs services ni leur appui à ceux qui en ont besoin ;ils se
chargeront généreusement de la défense du pauvre ;
ils ne prendront point de mauvaises causes pour les soutenir, ils ne feront
point durer les procès par calomnie, ou par avarice, et ils auront
soin de régler leurs honoraires selon le droit et la justice.
De leur côté, les procureurs
et accusateurs devront prendre bien garde de ne point se laisser entraîner
par affection, par haine, ou par quelque autre passion, à poursuivre
qui que ce soit sur d’iniques imputations,
Enfin la Loi de Dieu ordonne à
toutes les personnes pieuses d’être toujours sincères et véridiques
dans leurs entretiens et leurs discours, et de ne jamais rien dire qui
puisse blesser la réputation d’autrui, pas même de ceux qui
les auront offensées ou maltraitées. Elles ne doivent pas
oublier en effet qu’il y a entre elles et ces malheureux l’union et les
rapports qui existent entre les membres d’un même corps.
§ V. — MOTIFS DE DETESTER LE MENSONGE.
Afin que les Fidèles se détournent
plus facilement du vice abject du mensonge, le Pasteur leur en fera voir
toute la honte et l’énormité. Dans nos Saints Livres, le
démon est appelé le père du mensonge. «
Parce qu’il n’est point demeuré dans la vérité, nous
dit l’Apôtre Saint Jean , il est menteur et père du
mensonge. »
Pour essayer de détruire un désordre
si funeste, le Pasteur ajoutera à cette parole de Saint Jean, tous
les maux que le mensonge apporte avec lui ; et comme ces maux sont innombrables,
il lui suffira de faire connaître ceux d’entre eux qui sont autant
de sources d’où dérivent tous les autres.
Et d’abord, pour montrer combien l’homme
faux et menteur offense Dieu grièvement, et à quel degré
il encourt sa haine, il citera cette parole de Salomon dans les Proverbes:
« Il y a six choses que le Seigneur hait, et une septième
qui est en abomination devant Lui: des yeux altiers, une langue calomniatrice,
des mains qui versent le sang innocent, un cœur qui médite des pensées
mauvaises, des pieds prompts II courir au mal, un homme menteur, un témoin
faux. » Dés lors qui pourrait préserver des derniers
châtiments celui que Dieu poursuit d’une haine si terrible ?
Et puis, comme le dit l’Apôtre Saint
Jacques , « Quoi de plus odieux et de plus infâme que
d’employer la même langue à bénir Dieu votre Père
et à maudire les hommes qui sont créés à son
image et à sa ressemblance, comme si une fontaine pouvait, par la
même ouverture, donner une eau douce et une eau amère ! »
Et en effet, cette langue qui tout à l’heure louait Dieu et Le glorifiait,
ne Le couvre-t-elle pas maintenant de honte et d’opprobre, autant qu’elle
le peut, par les mensonges qu’elle profère ? Aussi les menteurs
sont-ils exclus de la béatitude céleste. Car à cette
demande que David fait à Dieu: « Seigneur, qui
demeurera dans vos tabernacles ? » le Saint-Esprit répond
« Celui qui dit la vérité dans la sincérité
de son cœur, et dont la langue ne connaît pas l’artifice. »
Ce qui fait encore que le mensonge est
un très grand mal, c’est qu’ils constitue une maladie de l’âme
presque incurable. Car le péché que l’on commet en accusant
quelqu’un d’un faux crime, ou bien en blessant son honneur et sa réputation,
ce péché ne peut être remis qu’autant que le calomniateur
a réparé son tort envers sa victime. Mais précisément,
ainsi que nous l’avons déjà remarqué, cette réparation
est très difficile à faire, parce qu’on se trouve retenu
par une fausse honte ou par un faux point d’honneur. D’où il suit
que celui qui est coupable de ce péché est pour ainsi dire
voué aux supplices éternels de l’enfer. Personne en effet
n’a le droit d’espérer qu’il obtiendra le pardon de ses calomnies
et de ses diffamations, tant qu’il n’aura pas satisfait à celui
dont il a souillé l’honneur et la réputation, soit publiquement
et en justice, soit dans des entretiens privés et familiers.
Enfin les suites funestes du mensonge
s’étendent très loin, et nous atteignent tous. La fausseté
et le mensonge font disparaître la vérité et la confiance,
qui sont les liens nécessaires de la société, et sans
lesquels les rapports entre les hommes tombent dans une confusion telle
que le monde ressemble à un véritable enfer.
Le Pasteur comprendra dés lors
qu’il doit exhorter les Fidèles à éviter de trop parler.
La modération dans les paroles fait fuir les autres péchés,
et surtout elle est un préservatif assuré contre le mensonge,
vice auquel échappent difficilement ceux qui parlent trop.
§ VI. — VAINES EXCUSES DES MENTEURS.
Le Pasteur s’appliquera également
à détruire l’erreur de ceux qui s’excusent sur le peu d’importance
des conversations, et qui prétendent autoriser leurs mensonges par
l’exemple de ces sages du monde qui ont pour maxime, disent-ils, de savoir
mentir à propos. Il leur fera observer, ce qui est très vrai
« que la prudence de la chair est la mort de l’âme »
. Il les exhortera à mettre en Dieu leur confiance, au milieu des
difficultés et des extrémités les plus fâcheuses,
et à ne recourir jamais au grossier artifice du mensonge ; car ceux
qui se servent de ce subterfuge, laissent voir clairement qu’ils comptent
plus sur leur prudence personnelle que sur la Providence de Dieu.
Ceux qui rejettent la cause de leur mensonge
sur les menteurs qui les ont trompés les premiers, ont besoin qu’on
leur rappelle qu’il n’est pas permis à l’homme de se venger lui-même
; qu’il ne faut point rendre le mal pour le mal, mais au contraire chercher
« à vaincre le mal par le bien » ; et que,
quand même la vengeance serait permise, il ne peut jamais être
utile à personne de se venger à ses dépens, ce qui
arriverait sûrement et avec un préjudice considérable
si l’on avait recours au mensonge.
Si on en trouve qui apportent pour excuse
l’infirmité et la fragilité naturelles, il faut leur remettre
en mémoire l’obligation où ils sont d’implorer le secours
divin, et de ne point se laisser vaincre par la nature. D’autres diront
qu’ils ont contracté l’habitude de mentir. Il faut les exhorter
à multiplier leurs efforts pour contracter l’habitude contraire,
de dire toujours la vérité, d’autant que ceux qui pèchent
par habitude, sont plus coupables que les autres. Quant à ceux —
et ils ne sont pas rares — qui prétendent se justifier sur l’exemple
des autres hommes qui, selon eux, mentent et se parjurent à tout
propos, il faut les détromper par cette considération, que
nous ne devons point imiter les méchants, mais bien plutôt
les reprendre et faire en sorte de les corriger ; que si, par malheur,
nous mentons nous-mêmes, notre parole aura bien moins d’autorité
pour faire accepter nos reproches et nos bons conseils.
Ceux qui défendent leurs mensonges
en alléguant qu’ils ont éprouvé souvent de graves
ennuis parce qu’ils avaient dit la vérité, les Prêtres
les réfuteront en leur montrant que par de telles paroles ils s’accusent,
bien plus qu’ils ne s’excusent. Le devoir du vrai Chrétien en effet,
n’est-il pas de tout souffrir plutôt que de mentir ?
Enfin nous avons encore deux sortes de
personnes qui veulent excuser leurs mensonges: celles qui prétendent
ne mentir que par plaisanterie, et celles qui le font pour leur utilité,
parce que, disent-elles, elles ne pourraient ni bien vendre ni bien acheter,
si elles n’avaient recours au mensonge. Les Pasteurs les tireront de leur
erreur les unes et les autres. Ils écarteront les premières
de ce vice en leur remontrant que rien n’augmente plus l’habitude du mensonge,
que de mentir sans aucune retenue. Ils ajouteront « qu’il
leur faudra rendre compte de toute parole oiseuse ». Et pour les
secondes, ils ne craindront point de les reprendre fortement, et de leur
montrer qu’une excuse d’un pareil genre ne fait qu’augmenter leur faute,
puisqu’elles prouvent bien par là qu’elles n’accordent ni autorité
ni confiance à ces paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ
: « Cherchez premièrement le Royaume de Dieu et sa justice
et tout le reste vous sera donné par surcroît. »
Chapitre trente-septième
— Du neuvième et du dixième Commandement
Vous ne convoiterez point la maison de
votre prochain, et vous ne désirerez point sa femme, ni son serviteur,
ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui lui appartient.
La première chose à remarquer
dans ces deux derniers Commandements, c’est qu’ils nous donnent pour ainsi
dire, le moyen infaillible de garder tous les autres. Car ils ont pour
objet et pour fin de prescrire à celui qui veut fidèlement
observer les Commandements précédents, d’éviter avec
le plus grand soin les désirs déréglés. Celui
qui ne convoite rien, est content de ce qu’il possède, il ne désire
point le bien des autres, il se réjouit de leurs avantages, rend
gloire au Dieu immortel, et lui témoigne les plus vives actions
de grâces ; il observe le Sabbat, c’est-à-dire, qu’il jouit
d’un repos perpétuel, il respecte ses supérieurs, et enfin
il ne blesse personne ni en paroles, ni en actions, ni d’aucune autre manière.
La convoitise est la racine et la source de tous les maux, et ceux dont
elle enflamme les passions se précipitent dans tous les désordres
et dans tous les crimes.
Ces réflexions ne peuvent que rendre
le Pasteur plus zélé à expliquer ces deux Commandements,
et les fidèles plus attentifs à l’écouter et à
le suivre.
Nous avons réuni ces deux préceptes
parce qu’ils se ressemblent du côté de leur objet, et que
la manière de les expliquer est la même ; cependant le Pasteur
pourra les traiter ensemble ou séparément, selon qu’il le
trouvera plus commode pour ses exhortations et ses instructions. Mais s’il
a entrepris d’expliquer en détail le Décalogue, il devra
montrer la différence réelle de ces deux Commandements et
des deux genres de convoitise qu’ils condamnent. C’est ce que Saint Augustin
met très bien en lumière dans son Livre des Questions sur
l’Exode .
§ I. — DIFFERENCE ET NECESSITE DE
CES DEUX COMMANDEMENTS.
L’une des convoitises dont nous parlons
ne voit et ne cherche que ce qui est utile et avantageux, l’autre court
après le plaisir et la volupté. Celui qui désire la
maison ou la terre de son voisin, poursuit ce qui est utile et profitable
plutôt que la volupté. Au contraire celui qui désire
la femme d’autrui, cherche le plaisir et non pas l’utilité.
Ces deux Commandements étaient
nécessaires. En voici la double raison: la première, c’est
qu’il fallait expliquer le sens du dixième et du septième
précepte. Sans doute, en voyant l’adultère défendu,
on pouvait en conclure, avec les seules lumières naturelles, qu’il
est défendu également de désirer la femme d’un autre
; car il est permis d’user de ce que l’on peut désirer sans crime.
Cependant la plupart des Juifs, aveuglés par le péché,
ne pouvaient se persuader que Dieu eût fait cette défense.
Et même un bon nombre d’entre eux, qui se donnaient comme interprètes
de la Loi, et qui par conséquent devaient bien la connaître,
étaient tombés dans cette erreur, comme on peut le voir par
ces paroles de Notre-Seigneur dans Saint Matthieu : « Vous
savez qu’il a été dit aux Anciens vous ne commettrez point
d’adultères ; mais moi, je vous dis... etc. ».
La seconde raison [de la nécessité
de ces deux Commandements] c’est qu’ils défendent d’une manière
claire et distincte des choses que le sixième et le septième
ne défendaient que d’une manière générale.
Ainsi, par exemple, le septième Commandement défend de désirer
injustement ou de ravir le bien d’autrui ; mais ici il est défendu
de le désirer de quelque manière que ce soit, même
si l’on pouvait l’acquérir justement et légitimement, dés
que cette acquisition pourrait causer quelque dommage au prochain.
Avant d’en venir à l’explication
de ce 9° et 10° précepte, il faudra, avant toutes choses,
faire remarquer ana fidèles non seulement qu’ils nous obligent à
réprimer nos convoitises, mais encore à reconnaître
l’infinie bonté de Dieu envers nous. Par les Commandements précédents,
II nous avait entourés comme d’une sorte de garde pour nous mettre,
nous et nos biens, à l’abri des violences du prochain ; par ces
deux derniers, II nous défend contre nous-mêmes et contre
nos convoitises mauvaises, qui ne pouvaient manquer de nous nuire, s’il
nous eût été loisible de tout désirer et de
tout souhaiter. Dès lors par le seul fait que Dieu nous défend
la convoitise, l’aiguillon des passions malsaines qui nous pousse d’ordinaire
à toute sorte d’actions répréhensibles, se trouve
émoussé pour ainsi dire ; il nous presse moins, et délivrés
de ses sollicitations importunes, nous avons plus de temps pour remplir
les devoirs nombreux et si importants que la Religion et la piété
nous prescrivent envers Dieu.
Et ce n’est pas là seulement ce
que ces deux Commandements nous apprennent. ils nous montrent encore que
la Loi de Dieu, pour être observée comme il convient, non
seulement exige l’accomplissement extérieur du devoir mais encore
les sentiments intimes de l’âme. Et c’est ce qui met une grande différence
entre les lois humaines et les lois divines. Les premières se contentent
des actes extérieurs, les secondes, par cela même que «
Dieu voit au fond du cœur », demandent, avec la préparation
de l’âme, une grande pureté et intégrité de
cœur.
La Loi de Dieu est donc comme un miroir
où nous apercevons les vices de notre nature. Ce gui a fait dire
à l’Apôtre : « Je n’aurais point connu la concupiscence,
si la Loi ne m’avait dit: vous ne convoiterez point. » En effet la
concupiscence, qui est comme le foyer du péché, et qui tire
son origine du péché même, demeure perpétuellement
fixée en nous ; et c’est ce qui nous fait sentir que nous naissons
dans le péché. Dès lors nous recourons en suppliants
à Celui qui peut seul en laver les souillures.
Autre reste ces deux Commandements ont
cela de commun avec les huit autres, qu’ils sont tout à la fois
positifs et négatifs ; ils commandent et ils défendent. Et
pour bien les faire comprendre, le Pasteur doit les expliquer séparément.
§ II. — QU’EST-CE QUE LA CONCUPISCENCE
Il ne faut pas s’imaginer que ce précepte
condamne tous les désirs, ni qu’il considère comme vicieuse
une concupiscence qui ne l’est pas. « L’esprit convoite contre la
chair », dit Saint Paul ; David « désirait
en tout temps les ordonnances de Dieu avec la plus vive ardeur »
. Le Pasteur devra donc faire connaître aux Fidèles quelle
est cette concupiscence qui est ici défendue.
Il faut entendre par ce mot, comme un
mouvement, un élan de l’âme qui nous porte vivement à
désirer les choses agréables que nous n’avons pas. Et de
même que les autres mouvements de notre âme ne sont pas nécessairement
et perpétuellement mauvais, de même l’ardeur de la concupiscence
n’est pas nécessairement vicieuse. Ainsi ce n’est pas un mal de
désirer de manger et de boire, de se chauffer quand on a froid,
ou de chercher le froid quand on a chaud. Il faut dire au contraire que
ces désirs sont bons en eux-mêmes, car c’est Dieu qui les
a mis en nous. Mais le péché de nos premiers parents a dépravé
ces désirs légitimes, ils se sont élancés au-delà
des bornes naturelles, et maintenant ils nous poussent trop souvent à
convoiter des choses que l’esprit et la raison condamnent.
Toutefois, si nous savons modérer
cette ardeur et la contenir dans les justes limites, elle nous devient
souvent très utile. D’abord, elle est cause que nous adressons à
Dieu des prières assidues, pour Lui demander humblement
et instamment ce que nous désirons
le plus. La prière est l’interprète naturel de nos désirs,
et si cet élan légitime n’existait pas, les prières
ne seraient pas si nombreuses dans l’Eglise de Dieu.
Ensuite elle nous rend plus chers et plus
précieux les dons de Dieu ; car plus nous désirons une chose
avec ardeur, plus l’objet de notre désir nous devient cher et agréable
lorsque nous l’avons obtenu.
Enfin le plaisir même que nous procure
la chose désirée lorsque nous la possédons, nous porte
à remercier Dieu avec une piété beaucoup plus grande.
Si donc il est quelquefois permis de convoiter, nous sommes obligés
d’avouer que tout élan de convoitise n’est point défendu.
Et quoique l’Apôtre Saint Paul dise que « la convoitise est
un péché » , il faut entendre cette parole dans
le sens que lui donne Moise, puisqu’il cite son témoignage.
D’ailleurs lui-même laisse voir clairement qu’il pense de même.
Dans son Epître aux Galates, il appelle cette convoitise
« la convoitise de la chair. Conduisez-vous, dit-il, par le mouvement
de l’esprit, et vous n’accomplirez point les désirs de la chair.
»
On ne défend donc point ici ce
désir naturel et modéré, qui ne sort point de ses
limites, et bien moins encore cette convoitise toute spirituelle d’une
âme pure, qui nous fait soupirer après les choses qui combattent
la chair. nos Saints Livres eux-mêmes nous y exhortent. « Désirez
mes entretiens, » et encore: « venez
à Moi, vous tous qui Me désirez avec ardeur. » Ainsi
ce que Dieu nous interdit dans ce Commandement, ce n’est pas cette puissance
même de convoiter dont nous pouvons user pour le bien et pour le
mal, mais bien l’exercice de cette convoitise déréglée
que l’on appelle la concupiscence de la chair, et le foyer du péché
; convoitise qui nous rend toujours coupables, dés que notre cœur
y donne son consentement.
§ III. — QUELLE EST LA CONVOITISE
QUI EST ICI DEFENDUE
Dieu défend donc ici uniquement
cette ardeur de convoitise que l’Apôtre appelle concupiscence de
la chair, c’est-à-dire ces élans de désirs qui ne
sont point modérés par la raison, et qui ne restent point
dans les limites que Dieu a établies. Cette convoitise est réprouvée,
ou parce qu’elle désire le mal, comme l’adultère, l’intempérance,
l’homicide, et autres crimes abominables dont l’Apôtre a dit:
« ne nous livrons point aux mauvais désirs, comme les Juifs
s’y livrèrent ; » ou parce que, si les choses que l’on désire
ne sont pas mauvaises de leur nature, il est cependant défendu de
les désirer pour d’autres motifs
telles sont les choses que Dieu et l’Eglise
nous défendent de posséder. Car il ne peut nous être
permis de désirer ce qu’il ne nous est point permis de posséder.
tels furent, dans la Loi de Moise, l’or et l’argent dont les idoles étaient
faites, et que Dieu, dans le Deutéronome, défendait aux Juifs
de convoiter.
Une troisième raison qui rend cette
convoitise coupable et absolument défendue, c’est lorsqu’elle désire
des choses qui appartiennent à autrui, comme sa maison, son serviteur,
sa servante, son champ, sa femme, son bœuf, son âne et tous les autres
biens que la Loi de Dieu nous défend de convoiter, uniquement parce
qu’ils ne sont pas à nous.
Le désir de toutes ces choses est
criminel, et il est compté parmi les péchés les plus
considérables, lorsque le cœur y donne son consentement formel.
Car le péché excité par les désirs déréglés
de la concupiscence, prend plaisir au mal, soit qu’il l’approuve, soit
seulement qu’il n’y résiste point. Ainsi l’enseigne l’Apôtre
Saint Jacques, dans ce texte célèbre Où il nous montre
l’origine et le progrès du péché: «
Chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l’emporte et l’attire.
Ensuite, quand la concupiscence produit son effet, cet effet est le péché,
et le péché, lorsqu’il est accompli, produit la mort. »
Ainsi donc, quand la Loi nous dit: Vous
ne convoiterez point, elle nous dit. En d’autres termes, d’éloigner
nos désirs de tout ce qui ne nous appartient pas. Car la soif du
bien du prochain est immense, infinie, et jamais rassasiée, ainsi
qu’il est écrit: « l’avare ne sera jamais rassasié
d’argent », ce qui a fait dire à Isaïe: «
Malheur à vous qui joignez maison à maison, et un champ à
un autre ! »
Mais chacun des termes du précepte
veut être expliqué séparément. Ainsi l’on comprendra
mieux la laideur et l’énormité du péché dont
nous parlons.
§ IV. — DIFFERENTES ESPECES DE BIEN
D’AUTRUI QUE L’ON NE DOIT PAS DESIRER.
Le Pasteur enseignera aux Fidèles
que ce mot de maison désigne non seulement le lieu ou l’on habite,
mais en général tous les biens que l’on possède. C’est
dans ce sens que les Ecrivains sacrés l’ont employé le plus
ordinairement. Ainsi il est dit dans l’Exode: « Dieu
bâtit des maisons aux sages femmes. » Ces paroles signifient
évidemment que Dieu étendit et augmenta leurs biens. Cette
interprétation du mot maison nous montre que la Loi de Dieu nous
défend de désirer avec avidité les richesses,
et de porter envie à la fortune,
à la puissance, à la noblesse des autres. Dieu veut que nous
soyons contents de notre condition, quelle qu’elle soit, basse ou élevée.
nous devons voir aussi dans ce mot la défense de désirer
la gloire du prochain, car la gloire fait partie de la maison.
Les mots qui suivent: le bœuf, l’âne,
indiquent qu’il nous est défendu de convoiter non seulement les
choses considérables, comme la maison, la noblesse, la gloire, parce
qu’elles appartiennent à autrui ; mais même les petites, et
n’importe lesquelles, animées ou inanimées.
Vient ensuite le mot serviteur. Il faut
l’entendre aussi bien des captifs que des serviteurs de toutes sortes et
autrefois des esclaves ; nous n’avons pas le droit de les convoiter, pas
plus que ce qui appartient à un autre. Quant aux hommes libres qui
servent volontairement, soit par intérêt, soit par affection
ou par dévouement, on ne doit rien employer, ni paroles, ni craintes,
ni promesses, ni argent pour les corrompre et les engager à quitter
ceux à
qui ils se sont spontanément attachés.
Et même s’ils viennent à les quitter avant le temps qu’ils
avaient promis de rester à leur service, il faut les avertir que
ce précepte leur fait une obligation formelle de rentrer chez leurs
maîtres.
Que si, dans ce même précepte,
il est fait mention du prochain, — c’est pour rendre plus évident
le mauvais penchant des hommes qui ont l’habitude de jeter leurs désirs
sur les terres, les maisons ou toute autre chose qui les touche. Et en
effet le voisinage, qui est d’ordinaire un des éléments de
l’amitié, devient souvent une source de haines par le dérèglement
de la cupidité.
Toutefois, ce n’est pas violer ce Commandement
que de désirer d’acheter des objets que nos voisins ont à
vendre, ou de les acheter à leur juste pria. non seulement nous
ne faisons point tort au prochain en agissant de la sorte, mais nous lui
rendons un grand service, puisque l’argent qu’il reçoit lui sera
plus avantageux et plus commode que ce qu’il met en vente.
§ V. — IL EST DEFENDU DE DESIRER
LA FEMME DE SON PROCHAIN.
Après la Loi qui nous défend
de désirer en général le bien d’autrui, vient celle
qui nous interdit de convoiter sa femme. Cette Loi n’atteint pas seulement
la passion coupable qui fait désirer la femme d’un autre en vue
de l’adultère, mais encore le simple désir de l’épouser.
Car lorsqu’il était permis de répudier sa femme, il pouvait
arriver facilement que celle qui était répudiée par
l’un, fût épousée par l’autre. Et c’est pourquoi Notre-Seigneur
a voulu porter cette défense, pour que les maris ne fussent point
tentés de laisser leurs femmes, ni les femmes de se montrer difficiles
et fâcheuses afin de mettre leurs maris dans la nécessité
de leur donner le billet de répudiation.
Mais aujourd’hui ce péché
est beaucoup plus grave, puisqu’il est défendu d’épouser
une femme même répudiée, tant que son mari n’est pas
mort. Celui qui aura le malheur de désirer la femme de son prochain,
tombera facilement dans l’un de ces deux crimes, ou de souhaiter la mort
du mari, ou de désirer l’adultère.
Il en faut dire autant des femmes qui
sont fiancées. La Loi de Dieu interdit de les convoiter, puisque
chercher à rompre ces sortes de promesses c’est fouler aux pieds
le plus sacré des engagements.
Cependant si quelqu’un désirait
avoir pour épouse une femme mariée, mais qu’il croirait libre,
et qu’il fût résolu à ne pas la demander en mariage,
dans le cas où il saurait qu’elle est déjà l’épouse
d’un autre, cet homme, avec des intentions telles, ne violerait certainement
point le précepte que nous expliquons. Ce fut le cas, comme nous
le voyons dans l’Ecriture, de Pharaon et d’Abimelech, qui désiraient
prendre Sara pour femme, parce qu’ils ne la croyaient pas mariée,
la regardant comme la sœur, et non comme l’épouse d’Abraham.
§ VI. — CE QUE DIEU ORDONNE PAR CES
DEUX COMMANDEMENTS.
Pour faire connaître aux Fidèles
les remèdes que Dieu a préparés pour détruire
l’effet de nos convoitises mauvaises, le Pasteur devra leur expliquer la
seconde disposition de la Loi. Or, d’après cette disposition, «
si les richesses abondent dans notre maison, nous ne devons pas attacher
notre cœur ». Au contraire nous devons être prêts
à les sacrifier dans l’intérêt de la Foi et de notre
Salut. De même nous devons nous en servir généreusement
pour venir en aide à la détresse du pauvre. Mais si les biens
de la fortune nous manquent, nous saurons supporter de bon cœur et même
avec joie notre indigence. D’ailleurs, si nous nous dépouillons
charitablement de ce qui nous appartient, nous aurons bientôt éteint
en nous le désir de ce qui ne nous appartient pas.
Ajoutons que le Pasteur trouvera facilement,
soit dans l’Ecriture Sainte, soit dans les Pères tout ce que l’on
peut dire au peuple sur l’éloge de la pauvreté et sur le
mépris des richesses.
Cette Loi nous ordonne également
de désirer de tout notre cœur et avec la plus vive ardeur l’accomplissement,
non de nos propres vœux, mais de la volonté de Dieu, ainsi qu’il
est dit dans l’Oraison Dominicale. Or la volonté de Dieu, c’est
que nous travaillions d’une manière toute particulière à
devenir des saints ; que nous conservions la sincérité du
cœur, avec une pureté parfaite ; que nous nous exercions à
ces œuvres de l’esprit, qui sont contraires à celles des sens ;
qu’après avoir dompté nos appétits, nous suivions
toujours le droit chemin en toutes choses, avec la lumière et le
jugement de la saine raison ; et que enfin, nous sachions réprimer
vigoureusement tout sentiment qui pourrait devenir une occasion funeste
pour nos convoitises et nos passions.
Or, pour éteindre cette ardeur
des passions, il nous sera très utile de considérer attentivement
les inconvénients qui en sont la suite.
Le premier de ces inconvénients,
c’est que, si nous obéissons à nos convoitises déréglées,
le péché dominera dans notre âme, avec toute sa puissance
et toute sa tyrannie. Voilà pourquoi l’Apôtre nous fait cette
recommandation: « Que le péché ne règne
point dans votre corps mortel, en sorte que vous obéissiez à
ses mauvais désirs. » De même, en effet, qu’en résistant
aux passions, on détruit la force du péché, de même
en y succombant, on chasse le Seigneur de son royaume, pour installer le
péché à sa place.
Le second inconvénient, c’est que
la concupiscence est comme une source intarissable qui donne naissance
à tous les autres péchés, ainsi que nous l’enseigne
l’Apôtre Saint Jacques ; et Saint Jean dit de son côté:
« Tout ce qui est dans le monde, est concupiscence de la chair, concupiscence
des yeux, et orgueil de la vie. »
Le troisième, c’est que les passions
mauvaises obscurcissent la raison et faussent le jugement. Les hommes sont
aveuglés par les ténèbres de la convoitise, dès
lors, tout ce qu’ils désirent devient pour eux honnête et
parfait.
Enfin, cette même convoitise étouffe
en nous la parole que Dieu Lui-même — ce grand cultivateur -- a déposée
dans nos âmes. « Le grain semé dans les épinces,
dit Saint Marc, est la figure de ceux qui entendent la parole et qui la
laissent étouffer par les maux de la vie, par l’illusion des richesses,
et par tous les effets des passions ; ce qui fait qu’elle ne porte aucun
fruit. »
§ VII. — QUI SONT CEUX QUI PECHENT
CONTRE CES DEUX COMMANDEMENTS.
Le Pasteur ne manquera pas de dire, en
terminant cette explication, qui sont ceux qui ont le plus à lutter
contre leurs convoitises criminelles, et que par conséquent il doit
exhorter le plus à observer ce précepte.
Ce sont ceux qui se plaisent à
des divertissements indécents, ou qui se livrent sans modération
aux jeux même permis ; les marchands, qui désirent la disette,
ou la cherté des marchandises, qui voient avec chagrin qu’ils ne
sont pas les seuls pour acheter et pour vendre, ce qui leur permettrait
de vendre plus cher et d’acheter à plus bas prix ; ceux qui souhaitent
que leurs semblables soient dans la misère, afin de réaliser
du profit soit en leur vendant, soit en leur achetant ; les militaires
qui demandent la guerre pour avoir la licence de voler et de piller ; les
médecins qui désirent des malades ; les hommes de loi qui
réclament des causes, et des procès importants et nombreux
; les ouvriers qui voudraient qu’il y eût rareté et disette
de tout ce qui est nécessaire à la nourriture et à
l’entretien, pour gagner davantage.
Sont encore très coupables en ce
genre ceux qui sont désireux et avides de la gloire et de la considération
des autres, et qui ne se privent pas de les attaquer par la calomnie ;
surtout s’ils sont eux-mêmes des êtres lâches et sans
mérite, car la considération et la gloire sont le prix de
la vertu et du talent, et non celui de la lâcheté ou de la
paresse.
QUATRIEME PARTIE — DE LA PRIERE
Chapitre trente-huitième — De la
Prière en général
L’un des devoirs les plus sacrés
du ministère pastoral, l’un des plus indispensables au salut du
peuple, c’est, à coup sûr, l’enseignement de la Prière
chrétienne. Si un Pasteur pieux et zélé ne met pas
tous ses soins à en instruire les Fidèles, beaucoup d’entre
eux n’en connaîtront jamais la nature et l’importance. C’est pourquoi
le Prêtre, digne de ce nom, s’appliquera de toutes ses forces à
bien faire comprendre à ses auditeurs religieux ce qu’il faut demander
à Dieu, et comment il convient de le demander.
Toutes les qualités de la Prière
parfaite se trouvent réunies dans cette divine formule que Notre-Seigneur
Jésus-Christ voulut bien enseigner à ses Apôtres, et,
par eux ou par leurs successeurs, à tous ceux qui dans la suite
devaient embrasser la Religion chrétienne ; formule dont les paroles
et les pensées doivent être gravées si profondément
dans notre esprit et dans notre cœur, qu’elles nous soient toujours présentes.
Et pour faciliter aux Pasteurs les moyens d’instruire les Fidèles
sur cette Prière particulière, nous avons réuni, dans
cette dernière partie de notre Catéchisme, tout ce qui nous
a paru se rapporter davantage à notre sujet. Dans ce but, nous avons
emprunté largement aux Auteurs les plus savants et les plus célèbres
en cette matière. Pour le surplus, les Pasteurs (s’ils en ont besoin),
pourront aller le puiser eux-mêmes, et aux mêmes sources.
§ I. — DE LA NECESSITE DE LA PRIERE.
La première chose à enseigner,
dans ce sujet, c’est la nécessité de la Prière, car
la recommandation qui nous en est faite n’est pas un simple conseil, mais
bien un précepte rigoureux et formel. Notre-Seigneur Jésus-Christ
l’a déclaré expressément: « Il faut
toujours prier. »
Cette nécessité de la Prière
ressort également de la petite Préface que l’Eglise nous
fait dire à la Messe, avant l’Oraison Dominicale: Notre-Seigneur,
nous ayant commandé de prier, et nous ayant donné Lui-même
un modèle de prière, nous osons dire, etc C’est donc parce
que la Prière est nécessaire d’une part, et parce que d’autre
part, ses disciples Lui avaient dit: « Seigneur, apprenez-nous
à prier », que le Fils de Dieu leur prescrivit une formule
de prière, en leur donnant l’espoir qu’ils obtiendraient tout ce
qu’ils demanderaient. Bien plus, Il voulut confirmer son précepte
par son propre exemple, non seulement en priant avec assiduité,
mais même en passant des nuits entières à prier.
Les Apôtres ne manquèrent
pas de transmettre ce précepte de Jésus-Christ à ceux
qui embrassaient la Foi chrétienne. C’est ainsi que Saint Pierre
et Saint Jean se font un devoir de le rappeler très exactement aux
âmes croyantes ; et l’Apôtre Saint Paul s’empresse de les imiter,
en exhortant fréquemment les Chrétiens à cette salutaire
obligation de la Prière.
Il est, en outre, tant de biens et de
secours dont nous avons besoin et pour l’âme et pour le corps, qu’il
nous faut absolument recourir à la Prière. Elle seule, en
effet, est capable d’exposer fidèlement à Dieu notre détresse.
Elle seule peut en obtenir tout ce qui nous manque. ne l’oublions pas,
Dieu ne doit rien à personne, et par conséquent, si nous
voulons qu’Il nous accorde ce dont nous avons besoin, nous devons nécessairement
le solliciter de Lui par la Prière. La Prière est comme un
instrument qu’Il nous a donné, afin que nous nous en servions pour
obtenir ce que nous désirons. Sans la Prière — cela n’est
que trop certain — il est des choses que nous n’aurions jamais. Ainsi,
l’un de ses effets les plus extraordinaires, c’est qu’elle possède
la vertu de chasser les démons. Car, dit Notre-Seigneur dans Saint
Matthieu: « Il est un genre de démons qui ne peut
se chasser que par le jeûne et par la Prière. »
C’est donc se priver d’un grand nombre
de faveurs particulières, que de négliger ce pieux exercice
de la Prière, de n’en point prendre l’habitude, de ne pas s’en acquitter
avec tout le soin qu’il mérite. Pour obtenir, au contraire, ce que
l’on demande, il ne faut pas seulement une Prière convenable, il
faut une prière persévérante. Comme le dit très
bien Saint Jérôme: il est écrit:
« On donne à quiconque demande. Si donc on ne vous donne pas,
c’est que vous ne demandez pas. Demandez donc, et vous recevrez. »
§ II — UTILITE ET FRUITS DE LA PRIERE.
Si la Prière est nécessaire,
elle est aussi extrêmement utile. Ses fruits sont très agréables
et très abondants. Les Pasteurs en trouveront le détail dans
les Saint Pères, lorsqu’ils auront à les expliquer aux Fidèles.
Pour nous, nous nous sommes bornés à en choisir quelques-uns
qui nous ont paru convenir aux besoins des temps présents.
Le premier fruit que nous retirons de
la Prière, c’est que notre Prière honore Dieu, car elle est
un Acte de religion que les Saintes Lettres comparent à un parfum.
« Que ma Prière s’élève vers Vous, dit le Prophète
, comme la fumée de l’encens ! » en priant, nous reconnaissons
que nous dépendons de Dieu, nous confessons et proclamons qu’Il
est l’Auteur de tous les biens, nous n’espérons qu’en Lui, et nous
Le regardons comme le seul refuge et l’unique soutien de notre existence
présente et
3. Matth., 17, 21.
5. Matth., 7,
8. Luc., 11,
10. Joan., 16, 23.
4. Hier. in cap.,
7. Matth.
6. Ps., 140 ; 2.
de notre vie future. Du reste, ce fruit
de la Prière est clairement marqué dans ces paroles:
« Invoquez-moi au jour de la tribulation, Je vous en tirerai, et
vous M’honorerez ! »
Un second fruit de la Prière, —
fruit infiniment avantageux et consolant, et qu’on en retire lorsque Dieu
l’exauce — c’est qu’elle ouvre le ciel dont elle est la clef, selon Saint
Augustin. « La Prière monte, dit-il, et la miséricorde
divine descend. Si basse que soit la terre, si élevé que
soit le ciel, Dieu entend néanmoins la parole de l’homme. »
La Prière est d’une vertu et d’une
utilité si grandes, que par elle nous obtenons la plénitude
des dons célestes. C’est à cause de nos Prières que
Dieu nous donne l’Esprit Saint pour guide et pour appui. Par elle encore
nous conservons la pureté de notre Foi, nous écartons les
dangers, nous évitons les peines, nous sommes protégés
de Dieu dans la tentation et nous triomphons du démon. En un mot,
la Prière est la source des joies les plus pures. C’est pourquoi
Notre-Seigneur disait: « Demandez et vous recevrez, afin
que votre joie soit parfaite. »
D’ailleurs, il n’est pas possible de douter
un seul instant que Dieu dans sa Bonté ne réponde et ne se
rende à l’appel de la Prière. nous en trouvons la preuve
en maints endroits de nos Saints Livres. Et comme ces textes sont sous
la main de tous, nous nous bornerons à citer les paroles suivantes
d’Isaïe: « Alors vous invoquerez, dit-il, et le
Seigneur vous exaucera: vous crierez, et le Seigneur dira: Me voici ! »
Et ailleurs: « avant qu’ils ne crient, Je les entendrai
; ils parleront encore, que déjà Je les aurai exaucés
» Quant aux exemples de ceux qui ont obtenu de Dieu ce qu’ils demandaient,
ils sont si nombreux et si connus que nous n’avons pas besoin de les rapporter
ici.
Il arrive quelquefois cependant que nous
n’obtenons pas de Dieu ce que nous Lui demandons. C’est vrai. Mais Dieu
n’en veut pas moins notre bien. Ou Il nous accorde des grâces plus
grandes et plus précieuses que celles que nous sollicitons, ou l’objet
de notre Prière n’est ni nécessaire ni utile, ou peut-être
même, si Dieu nous l’avait accordé, il nous serait devenu
funeste et nuisible. « Car, dit Saint Augustin , il y a des
choses que Dieu refuse dans sa bonté et qu’Il accorde dans sa colère.
» D’autres fois aussi notre Prière est si tiède et
si nonchalante que nous ne pensons pas même à ce que nous
disons. Cependant la Prière est l’élévation de notre
âme vers Dieu. Mais si, en priant, l’esprit qui devrait ne s’occuper
que de Dieu, s’égare sur toutes sortes d’objets, et si l’on débite
sans attention, sans piété, presque au hasard, les formules
qu’on récite, comment donner le nom de Prière chrétienne
à ce vain bruit de paroles ? est-il étonnant dès lors
que Dieu se montre insensible à nos désirs, puisque par notre
négligence et notre indifférence même, nous semblons
prouver que nous ne tenons pas du tout à ce que nous demandons,
ou bien que nous sollicitons des choses qui nous seraient nuisibles ?
Au contraire, quand on prie avec attention
et ferveur, on obtient de Dieu beaucoup plus qu’on ne demande. Saint Paul
nous l’atteste dans son Epître aux Ephésiens. nous en avons
la preuve également dans la Parabole de l’enfant prodigue. Ce malheureux
jeune homme se serait cru très bien traité, si seulement
son père avait voulu l’admettre au rang de mercenaire.
Quelquefois même Dieu met le comble
à ses faveurs, en nous accordant ses. dons non seulement en abondance,
mais encore avec promptitude, non seulement sur notre demande, mais sur
un simple désir de notre part.
C’est ce que nous voyons dans nos Saints
Livres, où nous trouvons des formules de ce genre: «
Dieu a exaucé les vœux du pauvre. » Oui vraiment notre Dieu
répond aux désirs intimes et secrets de ceux qui ont besoin,
avant même qu’ils ne Lui aient exposé leur détresse.
Un troisième fruit de la Prière,
c’est qu’elle est un exercice et un accroissement de toutes les vertus,
en particulier de la Foi. Le mayen de prier, en effet, et de bien prier,
si l’on n’a pas foi en Dieu ? C’est la parole de l’Apôtre Saint Paul:
« Comment invoqueront-ils Celui auquel ils ne croient point ? »
Dès lors plus les Fidèles mettent d’ardeur à prier,
plus ils ont une foi grande et ferme dans la Bonté et la Providence
de Dieu, et par suite plus ils sont disposés à Lui obéir,
c’est-à-dire à s’en rapporter à Lui pour tous leurs
besoins, et à Lui demander toutes choses.
Dieu pourrait, à coup sûr,
répandre sur nous tous ses dons, sans prières et même
sans désirs de notre part. C’est ainsi qu’Il en agit envers les
animaux privés de raison, à qui Il donne tout ce qui est
nécessaire à leur existence. Mais ce Père d’une Bonté
parfaite veut être prié par ses enfants. Il veut qu’en L’invoquant
chaque jour, notre Prière s’élève chaque jour jusqu’à
Lui avec une confiance plus grande. En un mot Il veut, en exauçant
nos Prières, affirmer de plus en plus et proclamer en quelque sorte
son infinie Bonté envers nous.
La Prière augmente aussi la Charité.
En effet, lorsque nous reconnaissons Dieu comme l’Auteur de tous les biens
et de tous les avantages dont nous jouissons ici-bas, nous nous attachons
à Lui de tout l’amour dont notre cœur est capable. Les affections
humaines grandissent et s’enflamment par les conversations, les visites,
les rapports fréquents. Il en est de même de l’Amour de Dieu.
Plus les hommes pieux multiplient leurs prières, en implorant la
Bonté de Dieu, et en s’entretenant avec Lui, plus ils sentent croître
en eux-mêmes une joie pénétrante, en même temps
qu’ils sont portés à aimer et à servir Dieu de tout
leur cœur.
Si donc Dieu nous oblige à Le prier,
c’est afin que nous soyons plus ardents à Lui demander ce que nous
désirons ; c’est aussi [selon la pensée de Saint Augustin]
« afin que nous ne soyons redevables qu’à la constance et
d la vivacité de nos désirs, de ces faveurs signalées
dont notre cœur, auparavant sec et resserré, n’aurait pas été
digne ».
Il veut aussi nous faire comprendre et
toucher du doigt, en quelque sorte, cette vérité capitale,
que si le secours de la Grâce céleste venait à nous
manquer, nous ne pourrions absolument rien par nous-mêmes. Quel motif,
par conséquent, de nous appliquer à prier avec toute la ferveur
possible 1
La Prière est encore une arme très
puissante contre les ennemis les plus dangereux de notre nature: «
contre le démon et ses attaques, dit saint Hilaire , combattons
par le bruit de nos prières. »
Un autre fruit bien précieux que
nous assure la prière, c’est que malgré notre dégradation
originelle, et par suite notre inclination au mal et aux divers appétits
déréglés de la concupiscence, Dieu nous permet néanmoins
d’élever nos pensées jusqu’à Lui. Et s’il nous permet
d’agir de la sorte, c’est qu’il veut par là nous faire mériter
ses bienfaits, sanctifier notre volonté, purifier nos souillures
et détruire en nous les effets malheureux du péché.
Enfin la Prière, selon la pensée
de Saint Jérôme, résiste à la colère
divine elle-même. « Laisse-Moi », disait Dieu à
Moise , qui L’arrêtait par sa Prière, au moment où
Il voulait châtier son peuple. C’est qu’en effet pour apaiser la
colère de Dieu irrité, pour l’amener à suspendre ses
coups, lorsqu’il se prépare à frapper le coupable, et même
pour Le faire revenir de sa « fureur », rien n’est plus efficace
que la Prière des âmes pieuses.
§ III. — DES DIVERSES PARTIES DE
LA PRIERE.
Après avoir parlé aux Fidèles
de la nécessité et de l’utilité de la Prière
des Chrétiens, il faut aussi leur apprendre quelles sont les diverses
parties qui la composent. D’après le témoignage de l’Apôtre,
cette science importe extrêmement au parfait accomplissement du devoir
de la Prière. Dans son épître à Timothée,
où il exhorte son disciple à prier saintement et avec piété,
il distingue avec soin les différentes parties de cet exercice.
« Je recommande avant toutes choses, dit-il, que l’on
fasse des supplications, des prières, des demandes, et des actions
de grâces pour tous les hommes. » Et comme la différence
entre ces quatre mots employés par l’Apôtre est assez difficile
à établir, les Pasteurs qui croiront utile de l’expliquer
à leurs auditeurs ne manqueront pas de consulter, entre autres,
Saint Hilaire et Saint Augustin.
A vrai dire les deux parties principales
de la Prière sont la demande et l’action de grâces. Les autres
en dérivent comme de leur source. Voilà pourquoi nous n’avons
pas cru devoir les passer sous silence. nous allons à Dieu, et nous
Lui rendons un culte d’hommage et de respect, soit pour obtenir de Lui
quelque bienfait nouveau, soit afin de Lui témoigner notre reconnaissance
pour tous ceux dont sa Bonté ne cesse de nous enrichir et de nous
combler. toute Prière revêt nécessairement ce double
caractère. Dieu Lui-même nous l’a marqué en ces termes
par la bouche de David: « Invoquez-Moi au jour de la
tribulation, Je vous délivrerai, et vous M’honorerez. »
Et d’abord est-il possible d’ignorer combien
nous avons besoin de la Libéralité et de la Bonté
de Dieu, pour peu que l’on considère l’excès de nos misères
et de notre pauvreté ? D’autre part tous ceux qui voient et qui
pensent se rendent bien compte que le cœur de Dieu est très favorablement
disposé pour le genre humain et qu’Il se plaît à répandre
sur nous ses largesses. De quelque côté en effet que nous
portions nos regards et nos pensées, partout nous voyons éclater
les preuves les plus admirables de la Bonté et de la Générosité
divines. Qu’avons-nous en effet que nous n’ayons reçu de la Libéralité
de Dieu ? et si tous les biens que nous possédons. ne sont que des
présents de sa Munificence, pourquoi tous ensemble, dans la mesure
de nos forces, n’exalterions-nous point par nos louanges un Dieu si infiniment
bon, pourquoi ne ferions-nous pas monter vers Lui de continuelles actions
de grâces ?
Mais, soit que l’on demande, soit que
l’on remercie, il y a dans la Prière différents degrés,
plus élevés et plus parfaits les uns que les autres. Afin
donc que les Fidèles puissent non seulement prier, mais encore prier
très bien et comme il convient, les Pasteurs auront soin de leur
proposer la méthode la meilleure et la plus parfaite, et ils les
exhorteront de toutes leurs forces à la mettre en pratique.
Mais précisément quelle
est la meilleure manière de prier ? quel est le degré le
plus élevé en matière d’Oraison ? évidemment
c’est celui des âmes pieuses et justes qui, appuyées sur le
fondement inébranlable de la vraie foi, arrivent graduellement,
par la pureté de leur conscience et par la ferveur de leurs vœux,
à ce point d’élévation où elles peuvent contempler
l’infinie Puissance de Dieu, avec son immense bonté et sa sagesse
suprême. Là elles acquièrent l’espérance certaine
d’obtenir tout ce qu’elles demanderont présentement, et cette abondance
incalculable de biens que Dieu a promis d’accorder à ceux qui sauront
implorer son secours avec une piété sincère et fervente.
C’est ainsi que, portée en quelque
sorte sur deux ailes, l’âme prend son essor vers le ciel et s’élève
jusqu’à Dieu, pour Le louer et Le remercier tout ensemble des bienfaits
si précieux qu’elle a reçus. Ensuite avec une piété
ardente et une profonde vénération, elle Lui parle en pleine
confiance de tous ses besoins, comme le ferait un fils unique au plus aimé
des pères.
Cette manière de prier prend dans
la Sainte Écriture le nom d’effusion ou d’épanchement. «
Je répands ma Prière en sa présence, dit le prophète,
et j’exprime devant Lui ma tribulation. » Ceci revient à dire
que celui qui se présente devant Dieu pour le prier, ne doit rien
taire, rien cacher, mais épancher tout son cœur dans le sien, et
se réfugier avec confiance dans le sein de Celui qui est le plus
aimant des Pères. C’est ainsi en effet que l’Esprit Saint Lui-même
règle notre conduite sur ce point: « Répandez
vos cœurs devant Dieu, dit le Psalmiste, et mettez vos peines dans le sein
du Seigneur. »C’est aussi de ce degré d’Oraison que Saint
Augustin veut nous parler dans son enchiridion, quand il dit:
« Ce que la Foi croit, l’Espérance et la Charité le
demandent. »
Un autre degré de la Prière,
c’est celui où se trouvent certaines personnes que le poids de leurs
péchés mortels écrase, mais qui néanmoins font
tous leurs efforts pour se relever avec cette Foi qu’on appelle morte,
et remonter jusqu’à Dieu. Mais comme leurs forces sont presque anéanties,
et leur Foi très affaiblie, elles ne peuvent se soulever de terre.
Cependant elles reconnaissent leurs fautes, le remords les déchire,
la contrition est dans leur cœur, et tout éloignées qu’elles
sont de Dieu, elles s’humilient et s’abaissent devant Lui en implorant
la grâce du pardon et de la paix. Une telle prière obtient
toujours
son effet devant Dieu, qui non seulement
l’exauce, mais qui pousse la miséricorde envers ces âmes pécheresses
jusqu’à les appeler à Lui en ces termes: «
Venez à Moi, dit-Il, vous tous qui êtes fatigués et
courbés sous le fardeau, et Je vous soulagerai. » De ce nombre
était ce Publicain qui n’osait pas même lever les yeux vers
le ciel, et qui cependant sortit du temple, dit l’Evangile, plus justifié
que le Pharisien.
Un troisième degré de Prière
se trouve dans ceux qui n’ont pas encore la Foi. Grâce à la
Bonté divine qui rallume en eux les faibles restes de la lumière
naturelle, ils se sentent entraînés avec une grande ardeur
à l’étude et à l’amour de la vérité,
et ils demandent par de ferventes Prières la faveur d’en être
instruits. S’ils persévèrent dans ces bonnes dispositions,
la Clémence divine ne rejettera point leurs instances. nous en avons
une preuve remarquable dans l’exemple du centurion Corneille. Aussi bien
qui donc a jamais fait cette Prière du fond du cœur, et a trouvé
fermées les portes de la Miséricorde divine ?
Enfin le dernier degré de la Prière
est celui de ces pécheurs qui non seulement ne se repentent point
de leurs mauvaises actions et de leurs infamies, mais encore entassent
crimes sur crimes. Et cependant ils n’ont pas honte de solliciter de Dieu
le pardon de ces péchés dans lesquels ils veulent persévérer
! Certes, ils n’oseraient pas, dans de pareilles dispositions, demander
aux hommes un pardon semblable. Aussi, qu’arrive-t-il ? Leur Prière
n’est point exaucée. « Ce scélérat, dit la Sainte
Ecriture, en parlant d’Antiochus, priait le Seigneur de qui
il ne devait point obtenir miséricorde. » C’est pourquoi les
Pasteurs ne manqueront pas d’exhorter fortement ceux qui sont dans ce triste
état, à renoncer définitivement à la volonté
de pécher, et à se convertir à Dieu dans toute la
sincérité de leur cœur.
§ IV. — CE QU’IL FAUT DEMANDER DANS
LA PRIERE.
Lorsque nous expliquerons en détail
l’Oraison Dominicale, nous dirons exactement ce qu’il faut demander dans
la Prière, et ce qu’il ne faut pas demander. Pour l’instant, il
suffit de rappeler aux Fidèles d’une manière générale
qu’ils ne doivent demander
à Dieu que des choses justes et honnêtes.
S’ils demandaient ce qui ne convient pas, ils auraient à craindre
d’être repoussés avec cette réponse: «
Vous ne savez ce que vous demandez. » Or, tout ce qu’on peut désirer
légitimement, il est permis également de le demander. La
promesse si étendue de Notre-Seigneur ne nous permet pas d’en douter.
« Vous demanderez fout ce que vous voudrez, et il vous sera donné.
» Il s’engage en effet à tout accorder.
Ainsi donc, en premier lieu, nous dirigerons
nos vœux et nos désirs de telle sorte que Dieu, qui est notre plus
grand Bien, soit aussi l’objet de notre amour et de nos désirs les
plus grands. nous désirerons ensuite tout ce qui peut nous unir
le plus étroitement à Dieu. Mais nous éloignerons
soigneusement de notre cœur et de nos affections tout ce qui pourrait nous
séparer de Lui, ou seulement affaiblir notre union mutuelle.
En prenant pour règle suprême
ce Bien souverain et parfait, il est facile de déterminer dans quelle
mesure il faut désirer et demander à Dieu notre Père
les autres choses qu’on appelle aussi des biens. Ainsi, les biens du corps,
comme les autres biens extérieurs, c’est-à-dire, la santé,
la force, la beauté, les richesses, les honneurs, la gloire, ne
sont que trop souvent des occasions et des instruments de péché,
et par conséquent il est difficile de les demander d’une manière
conforme à la piété et au salut. C’est pourquoi il
faut en réduire la demande dans des limites telles que nous ne désirions
ces avantages de la vie présente qu’autant qu’ils nous sont nécessaires.
Dès lors notre Prière se rapporte à Dieu. Il nous
est bien permis en effet de demander ce qui faisait l’objet de la prière
de Jacob et de Salomon. Or le premier disait: « Si le
Seigneur me donne du pain pour me nourrir et des vêlements pour me
couvrir, Il sera toujours mon Dieu. » Et le second: «
Donnez-moi seulement ce qui est nécessaire à la vie. »
Mais comme Dieu, dans sa Bonté, veut bien pourvoir à notre
nourriture et à notre entretien, n’est-il pas bien juste que nous
ne pendions jamais de vue cette recommandation de l’Apôtre:
« Que ceux qui achètent soient comme s’ils ne possédaient
pas ! que ceux qui usent des choses de ce monde, soient comme s’ils n’en
usaient pas ; car la figure de ce monde passe ; » et cette autre
du Prophète David, (que nous avons déjà citée):
« Si les richesses nous viennent en abondance, n’y attachons point
notre cœur. » Dieu Lui-même a voulu nous l’apprendre nous n’en
avons que l’usufruit, et encore à la condition d’y associer les
autres. Si nous avons la santé, si nous possédons en abondance
les autres biens du corps et de la fortune, souvenons-nous que Dieu ne
nous les a donnés que pour nous aider à Le mieux servir et
à soulager davantage le prochain.
Quant aux biens et aux ornements de l’esprit,
comme les arts et les sciences, nous pouvons les demander, mais seulement
à la condition qu’entre nos mains ils tourneront à la Gloire
de Dieu et au salut de notre âme. La seule chose que nous puissions
souhaiter, rechercher, demander d’une manière-absolue, sans condition
et restriction, c’est, nous l’avons déjà dit, la Gloire de
Dieu, et ensuite tout ce qui peut nous rattacher et nous unir à
ce souverain Bien, comme la Foi, la crainte du Seigneur et son amour ;
vertus dont nous parlerons plus longuement lorsque nous expliquerons toutes
les demandes de l’Oraison Dominicale.
Ce n’est pas tout ; après avoir
appris aux Fidèles ce qu’ils doivent demander, il faut aussi leur
faire connaître pourquoi ils doivent demander. Or, la Prière
se compose précisément de la demande et de l’action de grâces.
Parlons d’abord de la demande.
§ V. — POUR QUI FAUT-IL PRIER
Il faut prier pour tous les hommes sans
exception ennemis, étrangers, ou d’une religion différente
de la nôtre. Car l’ennemi, l’étranger, l’infidèle,
sont également notre prochain. Or, d’après l’ordre formel
de Dieu, nous devons aimer notre prochain, et par conséquent prier
pour lui, puisque la Prière pour les autres est un des devoirs de
la Charité. Cette recommandation de l’Apôtre:
« Qu’il se fasse, je vous en prie, des Prières pour tous les
hommes, » n’a pas d’autre but.
Il n’est pas inutile de faire remarquer
que dans la Prière on doit demander d’abord ce qui intéresse
le salut de l’âme, puis ce qui se rapporte au bien du corps.
Les premiers pour qui nous sommes obligés
de prier sont les Pasteurs des âmes. L’Apôtre Saint Paul nous
l’apprend par son propre exemple ; il écrit aux Colossiens
« de prier pour lui, afin que Dieu lui ouvre une entrée pour
prêcher sa parole ». Il agit de même avec les Thessaloniciens.
nous lisons dans les Actes des Apôtres: « qu’une
prière continuelle se faisait dans l’Eglise pour Pierre »
; et Saint Basile, dans ses traités des Mœurs, nous rappelle qu’«
il faut prier pour ceux qui président à la Parole de vérité
».
En second lieu, il faut prier pour les
Princes. C’est encore l’enseignement de Saint Paul. nul n’ignore en effet
combien il importe au bien public d’avoir des Princes pieux et zélés
pour la justice. Il faut donc demander à Dieu de les rendre tels
qu’ils doivent être pour commander aux autres.
Plusieurs saints personnages nous avertissent
par leurs exemples de prier aussi pour les bons et les justes. Ils ont
besoin en effet des Prières des autres. Dieu l’a voulu ainsi, afin
de prévenir dans leur cœur les mouvements de l’orgueil, en leur
faisant sentir qu’ils ont besoin des suffrages de leurs inférieurs.
Notre-Seigneur nous ordonne également
de prier pour ceux « qui nous persécutent et nous
calomnient ».
Selon le témoignage de Saint Augustin,
— et ce témoignage a une grande valeur — l’Eglise a reçu
des Apôtres la coutume de faire des Prières et des vœux pour
ceux qui sont hors de la vraie Religion, afin que les infidèles
obtiennent la Foi, que les adorateurs des idoles soient arrachés
à leurs erreurs impies ; que les Juifs déchirent le voile
épais qui leur cache la vérité, et la reconnaissent
enfin ; que les hérétiques, revenant à la saine raison,
s’instruisent, comme ils le doivent, de la Doctrine catholique ; que les
schismatiques, qui se sont séparés de la Communion de la
très sainte Eglise leur mère, se rattachent à elle
de nouveau par les liens d’une véritable Charité. Les Prières
qui sont ainsi faites avec une Foi ardente, pour toutes ces sortes de personnes,
sont d’une grande efficacité. On peut le constater par cette multitude
d’hommes de toutes conditions que Dieu arrache chaque jour à la
puissance des ténèbres, pour les faire entrer dans le Royaume
de son Fils bien aimé, et dont Il fait des vases de miséricorde,
de vases de colère qu’ils étaient auparavant. tout Chrétien
intelligent et pieux sera toujours convaincu que les Prières des
âmes justes ont une très large part à ces conversions.
Les Prières que l’on adresse à
Dieu pour les âmes des trépassés, afin de les faire
sortir du Purgatoire, sont une tradition et une conséquence de la
doctrine des Apôtres. nous avons dit tout ce qu’il fallait rappeler
sur ce point, en traitant du saint Sacrifice de la Messe.
Quant à ceux qui ont le malheur
d’être en état de péché mortel, c’est à
peine s’ils peuvent retirer quelque utilité des Prières et
des vœux. Cependant la Charité chrétienne demande qu’on prie
pour eux, et qu’on en vienne aux larmes et aux gémissements devant
Dieu pour leur obtenir pardon et miséricorde.
Si donc les Saints ont fait quelquefois
des imprécations contre les impies, les Pères de l’Eglise
veulent que nous les regardions comme des prédictions du sort qui
les attend, ou des souhaits de mort qui ne s’adressent qu’au péché,
pour le détruire, et par là sauver les pécheurs.
Dans la 2° partie de la Prière,
nous rendons à Dieu les actions de grâces les plus vives pour
les divins et immortels bienfaits dont Il a comblé sans cesse, et
dont II comble encore tous les jours le genre humain.
Mais surtout nous Le remercions, et d’une
manière spéciale, pour tous les Saints ; nous Le louons et
Le bénissons, autant qu’il est en nous, de la victoire et du triomphe
que sa paternelle Bonté leur a fait remporter sur tous leurs ennemis,
intérieurs et extérieurs.
C’est là ce que nous faisons en
particulier dans la Salutation Angélique, lorsque nous disons à
la Ste Vierge, en forme de prière: Je vous salue, Marie, pleine
de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie
entre toutes les femmes. Par ces paroles en effet nous rendons à
Dieu un splendide hommage de louanges et d’actions de grâces, pour
tous les dons célestes dont Il a bien voulu combler la très
sainte Vierge, et en même temps nous la félicitons elle-même
de son incomparable bonheur.
Et ce n’est pas sans raison que la sainte
Eglise a ajouté, à cette action de grâces, des Prières
et des invocations à la très sainte Mère de Dieu.
Elle veut que nous ayons recours à elle avec une pieuse confiance
et une profonde humilité, afin d’obtenir par son intercession que
Dieu veuille bien se réconcilier avec nous malgré toutes
nos fautes, et nous accorder les biens qui nous sont nécessaires
pour cette vie et pour l’autre. Oui, nous devons, enfants d’Eve exilés
dans cette vallée de larmes, invoquer, sans jamais nous lasser,
celle qui est la Mère de la miséricorde, l’avocate du peuple
fidèle, afin qu’elle prie pour nous, pauvres pécheurs ; nous
devons en un mot réclamer sans cesse par nos Prières le secours
et l’assistance de celle dont les mérites sont si éminents
devant Dieu, et dont on ne peut sans impiété et sans crime
révoquer en doute la volonté parfaite et formelle de nous
venir en aide.
§ VI. — A QUI DOIT-ON ADRESSER DES
PRIERES
Que ce soit pour nous un devoir de prier
Dieu et d’invoquer son saint nom, c’est non seulement ce que nos Saints
Livres nous enseignent, mais encore ce que proclame l’instinct naturel
de notre cœur, qui ne cesse de nous rappeler cet ordre de Dieu :
« Invoquez-Moi au jour de la tribulation » Au reste, en disant
qu’il faut prier Dieu, nous entendons par là les trois Personnes
divines.
En second lieu, nous recourons aux Saints
qui sont dans le ciel. C’est un article de Foi dans l’Eglise de Dieu qu’on
doit les prier. Et un vrai Chrétien ne peut avoir le moindre doute
à ce sujet. Mais comme nous avons déjà traité
cette question en son lieu, nous y renvoyons les Pasteurs et les Fidèles.
toutefois pour prévenir les erreurs dans lesquelles pourraient tomber
les ignorants, il sera nécessaire de montrer aux Chrétiens
la différence qui existe entre la Prière que l’on fait à
Dieu, et celle que l’on adresse aux Saints. C’est qu’en effet, nous ne
prions pas Dieu et les Saints de la même manière. nous demandons
à Dieu qu’Il nous donne lui-même les biens, ou qu’Il nous
délivre des maux ; et nous demandons aux Saints, comme jouissant
de la faveur et de l’amitié de Dieu, de nous prendre sous leur protection,
et de nous obtenir les choses dont nous avons besoin. De là deux
formules de Prières très différentes. A Dieu nous
disons proprement: ayez pitié de nous, exaucez-nous ; aux Saints:
priez pour nous. Cependant nous pourrions aussi, dans un autre sens, demander
aux Saints d’avoir pitié de nous, parce qu’ils sont très
miséricordieux. Ainsi il nous est permis de les prier de prendre
compassion de nos misères, et de nous aider de leur crédit
et de leur intercession auprès de Dieu.
Mais ici prenons bien garde, tous tant
que nous sommes, de ne pas attribuer à qui que ce soit ce qui n’appartient
qu’à Dieu. Par exemple, si quelqu’un récite l’Oraison Dominicale
devant l’image d’un saint, qu’il n’oublie pas qu’il demande uniquement
à ce saint de prier avec lui, et de solliciter pour lui les choses
qui sont contenues dans cette formule, en un mot de vouloir bien se faire
son interprète et son intercesseur auprès de Dieu. Saint
Jean, dans l’Apocalypse, nous apprend en effet que les saints dans le ciel
remplissent ce ministère auprès de Dieu.
§ VII. — DE LA PREPARATION A LA PRIERE.
Nos Saints Livres nous disent :
« Avant la Prière, préparez votre âme, et ne
soyez pas comme un homme qui tente Dieu ! » en effet, c’est tenter
Dieu que de prier bien et d’agir mal, ou bien de laisser égarer
son esprit, quand on s’entretient avec Lui. Puis donc que les dispositions
avec lesquelles on doit prier Dieu sont si importantes, les Pasteurs ne
manqueront pas d’enseigner à leurs pieux auditeurs les règles
de la Prière.
La première de ces règles,
ou dispositions, c’est une véritable humilité, avec l’abaissement
du cœur et la reconnaissance des fautes qu’on a commises. Ces fautes doivent
faire comprendre à celui qui vient à Dieu pour Le prier,
que non seulement il ne mérite pas d’obtenir quelque chose, mais
qu’il n’est pas même digne de paraître devant Lui. La sainte
Ecriture nous parle très souvent de cette disposition. « Le
Seigneur a regardé la Prière des humbles, dit le Psalmiste
, et Il n’a point méprisé leurs supplications. » L’Ecclésiastique
nous dit de son côté : « Que la Prière
de celui qui s’humilie pénétrera les nues. » Au reste
les Pasteurs instruits dans la sainte Ecriture, trouveront d’eux-mêmes
une foule de passages qui se rapportent à cette Vérité,
et que nous n’avons pas besoin de citer ici. Cependant nous ne voulons
pas passer sous silence deux exemples que nous avens rapportés ailleurs,
mais qui sont parfaitement appropriés à notre sujet. Le premier,
que tout le monde connaît, est celui du Publicain qui se tenait si
loin du sanctuaire, et qui n’osait même pas lever les yeux. Le second
est celui de la femme pécheresse qui, pénétrée
de douleur, vint arroser de ses larmes les pieds du Seigneur. tous les
deux nous montrent clairement quel poids immense l’humilité chrétienne
ajoute à la Prière.
Une seconde disposition, c’est la douleur
de nos fautes, ou du moins un certain sentiment de peine en voyant que
nous ne sommes pas assez repentants. Sans cette double disposition intérieure,
ou du moins sans l’une d’elles, il est impassible d’obtenir le pardon de
nos péchés. Et comme il y a des crimes qui par eux-mêmes
empêchent Dieu, en quelque sorte, d’exaucer nos Prières, par
exemple, le meurtre et la violence, nos mains doivent s’abstenir entièrement
de toute espèce de cruauté et de mauvais traitements, en
un mot de ces crimes dont Dieu nous parle en ces termes par la bouche d’Isaïe
: « Lorsque vous étendrez vos mains vers Moi, Je détournerai
mes yeux de vous, et lorsque vous multiplierez votre Prière, Je
ne vous écouterai point, parce que vos mains sont pleines de sang.
»
II faut fuir également la colère
et la discorde, qui sont de grands obstacles au succès de nos Prières.
Voici ce que l’Apôtre en dit : « Je veux que les hommes
prient en tout lieu, élevant vers Dieu des mains pures, sans colère
et sans dissension. »
Prenons garde aussi de rester implacables
envers ceux qui ont eu des torts envers nous. Dans cet état d’âme,
nos Prières ne pourraient déterminer Dieu à nous pardonner.
« Lorsque vous vous présenterez pour prier, dit-Il Lui-même
, pardonnez si vous avez quelque chose contre quelqu’un. » Et encore
: « Si vous ne remettez pas aux hommes leurs fautes, votre Père
ne vous remettra point non plus les vôtres. »
II est indispensable aussi que nous n’ayons
ni dureté, ni inhumanité envers les pauvres. C’est contre
ces hommes au cœur dur qu’il a été dit dans nos Saints Livres
: « Celui qui ferme l’oreille au cri du malheureux, criera d son
tour, et il ne sera point écouté. »
Que dirons-nous de l’orgueil ? II déplait
tant à Dieu ! C’est pourquoi il est écrit: «
Dieu résiste aux superbes, et il donne sa grâce aux humbles.
» Que dirons-nous enfin de celui qui méprise les oracles divins
? Salomon lance contre lui cet anathème: « La
prière de celui qui détourne l’oreille pour ne pas écouter
la Loi sera exécrable. » Ce n’est pas à dire pour cela
que Dieu condamne et repousse la Prière d’un homme coupable d’injures
envers le prochain, de meurtre, de haine, de dureté à l’égard
des pauvres, d’orgueil, de mépris pour la Parole sainte, et enfin
de tous les péchés, quels qu’ils soient, pourvu que cet homme
prie pour obtenir le pardon de ses fautes.
La Foi est aussi un élément
essentiel de cette préparation. Sans elle en effet, nous ne pouvons
connaître ni la toute Puissance de notre Père suprême,
ni sa Miséricorde, qui sont précisément les deux sources
de la confiance. Aussi Notre-Seigneur Jésus-Christ a-t-Il pris soin
de nous dire Lui-même: « Tout ce que vous demanderez
dans la prière avec Foi vous l’obtiendrez. » Et Saint Augustin,
à propos de ces paroles du Sauveur, ne craint pas de nous dire:
« Si la Foi manque, il n’y a plus de Prière. » La condition
essentielle pour bien prier, c’est donc d’être ferme et inébranlable
dans la Foi. Saint Paul le prouve indirectement en disant:
« Comment invoqueront-ils Celui en qui ils ne croient point ? »
Ainsi donc, il faut croire, et pour que nous puissions prier, et pour que
la Foi qui nous fait prier avec succès ne nous manque jamais. Car
c’est la Foi qui engendre la Prière, mais c’est la prière
qui lève à son tour tous les doutes, et qui rend la Foi stable
et invincible. C’est dans cette conviction que Saint Ignace exhortait ceux
qui vont à Dieu pour le prier: « Gardez-nous bien,
leur disait-il, de porter l’esprit de doute dans la Prière. Heureux
celui qui n’aura jamais douté ! » Par conséquent, pour
obtenir de Dieu ce que nous Lui demandons, la Foi et l’Espérance
certaine d’être exaucés passent avant tout le reste. C’est
que l’Apôtre saint Jacques nous rappelle par ces paroles:
« Que le Fidèle demande avec Foi et sans hésiter. »
Et en effet il est bien des motifs capables d’exciter en nous la confiance
dans la Prière.
D’abord, c’est la Bienveillance et la
Bonté parfaite que Dieu nous témoigne, puisqu’Il nous ordonne
de L’appeler notre Père, pour nous montrer que nous sommes ses enfants.
C’est le nombre presque infini de ceux
qui ont obtenu l’effet de leurs Prières.
C’est ce Médiateur souverain qui
se tient sans cesse à notre disposition, Notre-Seigneur Jésus-Christ,
dont Saint Jean a dit: « Si quelqu’un a péché,
nous avons auprès du Père un Avocat, Jésus-Christ
qui est juste ; et il est Lui-même propitiation pour nos péchés.
» Saint Paul, de son côté, dit aux Romains:
« Jésus-Christ qui est mort, qui est ressuscité, qui
est à la droite de son Père et qui y intercède pour
nous ; » et puis à Timothée: « Il
n’y a qu’un Dieu et un seul Médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ,
qui est homme ; » et enfin aux Hébreux: «
Il a dû se rendre semblable en toutes choses il ses frères,
afin qu’Il fût un Pontife miséricordieux et fidèle
auprès de Dieu. » Dès lors, quoique indignes par nous-mêmes
d’obtenir quelque chose, cependant à cause des mérites infinis
de notre divin Médiateur et Intercesseur, de Jésus-Christ,
nous devons espérer, avec une confiance entière, que Dieu
voudra bien nous accorder tout ce que nous Lui demanderons de légitime
par son entremise.
Enfin, c’est l’âme même de
nos Prières, c’est-à-dire le Saint Esprit qui nous les inspire,
et qui fait qu’elles sont toujours recevables. « Car, dit l’Apôtre
Saint Paul, Dieu nous a envoyé l’Esprit d’adoption de
ses enfants, dans lequel nous crions: Père, Père ! »
C’est cet esprit qui vient en aide à notre faiblesse et à
notre ignorance dans le devoir de la Prière, ou plutôt, dit
encore Saint Paul: « Il est l’Esprit qui prie pour nous par des gémissements
ineffables. »
Que si quelques-uns chancellent encore,
et ne se sentent pas assez fermes dans la Foi, qu’ils disent avec les Apôtres
« Seigneur, augmentez notre Foi ; » ou avec l’aveugle
« aidez mon incrédulité ».
Animés d’une Foi vive et d’une
espérance ferme, nous obtiendrons infailliblement de Dieu tout ce
que nous désirons, si nous avons soin de conformer à sa Loi
et à sa volonté toutes nos pensées, toutes nos actions
et toutes nos Prières. « Si vous demeurez en Moi,
dit notre Seigneur, et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez
tout ce que vous voudrez, et il vous sera accordé. » n’oublions
pas toutefois que pour obtenir de Dieu toutes les grâces que nous
demandons, il faut avant tout, comme nous l’avons déjà dit,
l’oubli des injures, la bienveillance, et la volonté de faire du
bien au prochain.
§ VIII. — MANIERE DE PRIER: QUALITES
DE LA PRIERE.
Il importe extrêmement de savoir
bien prier. Car, quoique la Prière en elle-même soit une chose
très salutaire, cependant si on ne la fait pas comme il convient,
elle ne produit aucun fruit. Souvent, comme le dit l’Apôtre Saint
Jacques, nous n’obtenons pas ce que nous demandons, parce que
nous demandons mal. Les Pasteurs auront donc à cœur d’enseigner
aux Fidèles quelle est la meilleure manière de demander et
de prier, soit en particulier, soit en public, en un mot ils leur apprendront
les règles de la Prière chrétienne, d’après
Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même.
Il faut donc prier en esprit et en vérité
; car le Père céleste demande des adorateurs
en esprit et en vérité. Or c’est prier ainsi que de parler
à Dieu avec toute l’ardeur de son esprit, et toute l’affection de
son cœur. Certes, nous sommes loin de dire que la Prière vocale
ne puisse revêtir aussi cette qualité. Cependant nous croyons
devoir accorder la première place à la Prière qui
part d’un cœur enflammé d’amour, et que Dieu — qui connaît
les plus secrètes pensées des hommes — sait toujours entendre,
sans même que la bouche la prononce. C’est ainsi qu’Il entendit,
qu’Il exauça, la Prière intérieure d’Anne, la mère
de Samuel, dont nos Saints Livres nous disent qu’elle pleura pour prier,
et que ses lèvres remuaient à peine . C’est ainsi encore
que priait David: « Mon cœur Vous a parlé, dit-il
à Dieu, mes yeux Vous ont cherché. » La sainte Ecriture
est remplie d’exemples semblables.
La Prière vocale, elle aussi, a
son utilité propre, et même sa nécessité. Elle
excite la ferveur de l’âme, et elle enflamme la piété
de celui qui prie. C’est ce que Saint Augustin écrivait en ces termes
à Proba: « Quelquefois les paroles ou d’autres
signes excitent plus vivement et augmentent nos saints désirs. Quelquefois
nous sommes forcés, par l’ardeur qui nous anime et la piété
qui nous enflamme, d’exprimer par des paroles ce qui se passe dans notre
cœur. Quand le cœur en effet est plein de joie et qu’il le manifeste, il
est juste aussi que la bouche elle-même se réjouisse. Par
ce moyen nous faisons tout ensemble à Dieu le sacrifice de notre
corps et de notre âme, et nous imitons les Apôtres qui priaient
de cette manière, comme on le voit dans les Actes, et dans Saint
Paul, en plusieurs endroits. »
Comme il y a deux sortes de Prières,
l’une privée, l’autre publique, nous pouvons dans la Prière
privée prononcer telles paroles qui nous plaisent, pour seconder
nos sentiments intérieurs et notre piété. Quant à
la Prière publique instituée par l’Eglise pour augmenter
la dévotion des Fidèles, on ne peut en aucune façon
s’abstenir d’employer des paroles, et dans les temps qu’elle a fixés.
C’est le propre des Chrétiens seuls
de prier en esprit, et les infidèles ne connaissent point cette
coutume. C’est d’eux que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous dit:
« Quand vous priez, ne multipliez point les paroles comme les païens,
qui croient qu’en parlant beaucoup ils seront exaucés. ne les imitez
point ; car votre Père connaît vos besoins, avant que vous
Lui ayez rien demandé. » Cependant en condamnant les paroles
trop multipliées, notre Seigneur ne réprouve point les longues
Prières, lorsqu’elles sont le fruit d’un sentiment profond et durable
; au contraire Il nous y exhorte pas ses propres exemples. Car non seulement
Il passait des nuits à prier, mais Il répéta
jusqu’à trois fois de suite la même demande. Il
faut donc retenir de cette parole de Notre-Seigneur, que ce n’est point
le vain bruit des mots qui touche le Cœur de Dieu.
Les hypocrites ne prient point non plus
du fond de leur cœur, et Jésus-Christ. nous met en garde contre
leurs détestables habitudes. « Lorsque vous priez,
nous dit-il, ne soyez point comme les hypocrites, qui aiment à prier
debout dans les synagogues et aux coins des places publiques, enfin d’être
vus des hommes. En vérité, Je vous le dis ; ils ont reçu
leur récompense. Pour vous, quand vous priez, entrez dans votre
chambre, et, la porte étant fermée, priez votre Père
en secret, et votre Père qui voit dans le secret vous accordera
votre demande. » Le mot chambre. que Notre-Seigneur emploie dans
ce passage, peut très bien s’entendre du cœur de l’homme. Et il
ne suffit pas d’entrer dans son cœur, pour prier, mais de plus il faut
le fermer, de peur qu’il ne s’y glisse et qu’il n’y pénètre
quelque chose du dehors, qui pourrait altérer la pureté de
la Prière. Si nous sommes fidèles à cette recommandation
de son divin Fils, le Père céleste qui connaît parfaitement
notre cœur et ses plus secrètes pensées se plaît à
exaucer nos supplications.
La Prière exige également
la persévérance. C’est par là surtout qu’elle est
efficace. Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même a voulu nous
le montrer par l’exemple de ce juge qui, ne craignant ni Dieu, ni les hommes,
se laissa vaincre pourtant par la persévérance et les instances
de la veuve, et lui accorda sa requête. Prions donc avec assiduité.
n’imitons pas ceux qui après avoir prié une ou deux fois,
sans être exaucés, se fatiguent de la Prière. Un devoir
que l’autorité de Notre-Seigneur et des Apôtres nous recommande
si expressément ne doit point connaître la fatigue et la lassitude.
Si parfois nous sentons quelque faiblesse dans notre volonté, adressons-nous
à Dieu, prions-Le de nous donner la force de persévérer.
Le Fils de Dieu veut aussi que ce soit
en son nom que notre Prière arrive à Dieu son Père.
C’est uniquement par le mérite et le crédit d’un tel Médiateur
que nous pouvons être exaucés. Ecoutons ce qu’Il dit Lui-même
dans Saint Jean : « En vérité, en vérité,
Je vous le dis ; si vous demandez quelque chose à mon Père
en mon nom, Il vous le donnera. Jusqu’ici vous n’avez rien demandé
en mon nom, demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite.
» Et encore: « Tout ce que vous demanderez à mon Père
en mon nom, Je le ferai. »
Imitons le zèle et la ferveur des
Saints dans la Prière Joignons l’action de grâces à
la demande, à l’exemple des Apôtres, qui conservèrent
fidèlement cette pratique, comme nous le voyons dans Saint Paul
.
Ajoutons à la Prière le
Jeûne et l’Aumône. Le Jeûne va très bien avec
la prière. Lorsque le corps est appesanti par la nourriture, l’esprit
n’est plus libre ; il ne peut ni contempler Dieu, ni se plonger dans l’oraison.
L’Aumône aussi s’allie admirablement avec la Prière. Car comment
oser se dire animé d’une vraie Charité, quand on a les moyens
de faire du bien aux nécessiteux, et que l’on néglige de
secourir son prochain et son frère ? Ou comment celui qui manque
de Charité osera-t-il réclamer l’assistance divine ? à
moins qu’en demandant pardon de sa faute, il ne demande aussi très
humblement à Dieu de lui accorder la Charité.
Voilà donc le triple remède,
que Dieu dans sa Clémence a préparé pour sauver les
hommes. nos péchés sont toujours, ou des offenses envers
Lui, ou des torts envers le prochain, ou des attentats contre nous-mêmes.
Et bien ! Il nous a donné la Prière pour L’apaiser, l’Aumône
pour réparer nos torts envers les autres, et le Jeûne pour
effacer les souillures de nos fautes personnelles. On peut dire, il est
vrai, que ces trois remèdes peuvent servir à tous les péchés,
quels qu’ils soient. Mais il faut reconnaître que chacun d’eux s’applique
plus spécialement à l’une des trois espèces de fautes
que nous venons d’indiquer.
Chapitre trente-neuvième
— De l’Oraison Dominicale
Cette formule de prière chrétienne
nous vient de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même. Et elle
est composée de telle sorte qu’avant de nous donner à exprimer
nos désirs et nos demandes, elle nous oblige à réciter
une sorte de Préface, qui a pour but d’augmenter encore notre confiance
envers Dieu et notre piété, au moment où nous allons
Lui parler dans la Prière. C’est donc un véritable devoir
pour le Pasteur d’expliquer chacun des mots de cette Préface, avec
toute la clarté et toute la précision possible, afin que
les Fidèles se portent à la Prière avec joie et empressement,
sachant bien qu’ils vont traiter avec un Dieu, qui est aussi un Père.
Cette Préface est très courte,
si nous ne faisons attention qu’au nombre des paroles qu’elle emploie.
Mais si nous allons au fond des choses qu’elle exprime, elle est extrêmement
importante, et toute pleine de mystères.
§ I. — NOTRE PERE.
Le premier mot que nous prononçons
dans cette prière, par l’ordre et l’institution même de Dieu,
c’est celui-ci: Pater, Père.
Notre Sauveur aurait pu commencer cette
divine Oraison par une expression qui aurait eu plus de majesté,
par exemple celle de Créateur et de Seigneur. Il ne l’a pas voulu,
parce que de telles expressions pouvaient nous inspirer des sentiments
de crainte. Il a choisi un terme qui inspire nécessairement la confiance
et l’amour à ceux qui prient, et qui demandent quelque chose à
Dieu. Qu’y a-t-il en effet de plus doux que ce nom de Père, qui
rappelle tout ensemble l’indulgence et l’amour ? Mais comment ce nom de
Père convient-il à Dieu ? C’est ce qu’il est facile d’apprendre
aux Fidèles, en leur parlant des mystères de la Création,
de la Providence et de la Rédemption.
Dieu a créé l’homme à
son image, et II n’a point accordé cette faveur aux autres êtres
animés. C’est donc avec raison que pour ce privilège unique
dont il a honoré l’humanité la Sainte Eglise l’appelle le
Père de tous, aussi bien des Fidèles que des infidèles.
Le gouvernement de ce monde nous fournit
un argument semblable. En veillant aux intérêts des hommes,
sans jamais les perdre de vue, Dieu par ces soins touchants et cette Providence
assidue, ne nous donne-t-Il pas la preuve d’un Amour vraiment paternel
?
Mais pour mettre plus en lumière
cette vigilance paternelle de Dieu sur tous les hommes, et pour la rendre
plus sensible, il nous semble qu’il y a lieu de dire ici quelque chose
des Anges Gardiens qui sont donnés à chacun de nous.
C’est qu’en effet la Providence divine
a confié à des Anges la garde du genre humain. Elle les a
chargés de protéger sans cesse tous les hommes pour les préserver
des dangers qui pourraient les menacer. De même que les parents donnent
des gardes et des défenseurs à leurs enfants, lorsqu’ils
les voient entreprendre quelque voyage difficile et périlleux, ainsi
dans ce voyage que nous faisons tous vers la céleste Patrie, Dieu
notre Père nous a confiés à la garde d’un Ange, afin
que son secours et sa vigilance nous fissent éviter les embûches
secrètement préparées par nos ennemis, repousser les
plus terribles attaques dirigées contre nous, marcher constamment
dans le droit chemin, et empêcher que quelque piège tendu
par notre perfide adversaire ne nous fît sortir de la voie qui mène
au ciel.
Et ce qui prouve combien est utile aux
hommes cette attention, cette Providence spéciale de Dieu, dont
l’exercice et l’application sont confiés aux Anges — lesquels sont
de véritables intermédiaires entre Dieu et nous — c’est cette
foule d’exemples que nos Saints Livres nous rapportent, et qui nous montrent
clairement que la Bonté divine a permis souvent aux Anges d’opérer
des prodiges sous les yeux des hommes. Or, pourquoi ces mêmes exemples
ne nous convaincraient-ils pas que nos Anges Gardiens font tous les jours,
pour notre utilité et pour notre salut, une multitude de choses
aussi extraordinaires, bien que nous ne les voyons pas.
Ainsi l’Ange Raphaël, que Dieu donna
pour compagnon et pour guide à Tobie dans son voyage, le conduisit
et le ramena sans qu’il lui fût arrivé aucun mal. C’est lui
qui l’empêcha d’être dévoré par un poisson énorme,
et lui fit connaître les vertus secrètes du foie, du fiel
et du cœur de ce monstre. C’est lui qui chassa le démon, enchaîna
sa puissance et préserva Tobie de ses atteintes. C’est lui qui apprit
à ce jeune homme les droits légitimes et l’usage du Mariage.
C’est lui enfin qui rendit au père de Tobie la vue dont il avait
été privé.
Il en est de même de cet autre Ange
qui délivra le prince des Apôtres. L’histoire de ce miracle
est un thème admirable, pour convaincre les pieux Fidèles
des effets extraordinaires de la vigilance et de la protection de nos Anges
Gardiens. Les Pasteurs ne manqueront pas de montrer l’Ange de Saint Pierre
illuminant les ténèbres de sa prison, touchant son côté
et le secouant en quelque sorte pour l’éveiller, puis dénouant
ses chaînes, brisant ses liens, lui commandant de se lever, de prendre
ses chaussures et ses vêtements et de le suivre, puis enfin le conduisant
et le faisant passer sans obstacle au milieu des gardes, lui ouvrant les
portes de la prison, et ne le quittant qu’après l’avoir fait sortir,
et l’avoir mis en sûreté.
Nos Saints Livres, comme nous l’avons
déjà remarqué, sont pleins d’exemples semblables et
bien propres à nous faire comprendre la grandeur des bienfaits que
nous recevons de Dieu par le ministère des Anges. Et ce n’est pas
seulement pour quelque affaire particulière et déterminée
que Dieu nous confie à eux, ou qu’Il les députe vers nous.
non, dès notre naissance, Il les prépose à notre garde,
et les établit individuellement pour veiller au salut de chacun
de nous.
Cette doctrine clairement expliquée
aura pour conséquence d’exciter le courage des auditeurs et de les
amener à reconnaître et à vénérer avec
un plus grand respect les soins paternels et la Providence de Dieu à
leur égard.
Ici le Pasteur mettra en pleine lumière
et exaltera de toutes ses forces l’immense Bonté de Dieu envers
les hommes. II dira que depuis le péché de notre premier
père jusqu’à ce jour, Il n’a point cessé d’être
outragé par toutes sortes de désordres et de crimes, et que
néanmoins Il nous conserve tout son amour, et ne dépose jamais
cette sollicitude si touchante qu’Il a pour nous. Penser qu’Il nous oublie
serait une folie et en même temps le plus cruel outrage. Dieu s’irrite
contre Israël, parce que ce peuple L’avait blasphémé,
en s’imaginant que le secours du ciel lui avait été retiré.
Ecoutons ce que nous dit l’Exode à ce sujet: «
ils ont tenté le Seigneur en disant: Dieu est-Il avec nous, ou n’y
est-Il pas ? » et dans Ezéchiel la colère divine s’enflamme
de nouveau contre ce même peuple, parce qu’il avait osé dire:
« Le Seigneur ne nous voit point, le Seigneur nous a abandonnés
; le Seigneur a abandonné cette terre. » L’autorité
de ces exemples suffit pour détourner les Fidèles de cette
pensée abominable, que Dieu puisse jamais oublier les hommes. Dans
le Prophète Isaïe nous lisons les plaintes insensées
du peuple d’Israël contre Dieu, et la réponse pleine de bonté
que Dieu voulait bien y faire par une comparaison touchante.
« Sion dit: Le Seigneur m’a délaissée ; mon Dieu m’a
oubliée. Mais, répond le Seigneur, une mère peut-elle
oublier son enfant, et n’être pas émue par le fils de ses
entrailles ? et cependant quand elle l’oublierait, Moi Je ne t’oublierai
jamais. Je te porte gravée dans mes mains. »Les textes que
nous venons de citer établissent très clairement que Dieu
n’oublie jamais les hommes, et que, en tout temps, Il leur prodigue les
témoignages de sa tendresse paternelle. Mais pour convaincre davantage
encore le peuple fidèle de cette double vérité, les
Pasteurs apporteront en preuve l’exemple si connu de nos premiers parents:
ils avaient méprisé et violé les ordres formel de
Dieu ;ils avaient été sévèrement blâmés
et condamnés, et cette sentence effrayante était tombée
sur eux: « La terre est maudite dans votre travail ;
vous n’en tirerez chaque jour votre nourriture qu’avec un grand labeur.
Elle ne produira pour vous que des épines et des chardons ; et vous
vous nourrirez de l’herbe de la terre. » Ils avaient été
chassés du paradis terrestre ; et pour leur ôter tout espoir
d’y jamais rentrer, Dieu avait placé à l’entrée du
jardin de délices un Chérubin de feu, tenant à la
main un glaive flamboyant qu’il brandissait toujours ; enfin Dieu, pour
se venger contre eux de leur outrage, les avait accablés de tous
les maux intérieurs et extérieurs. A la vue de ces terribles
châtiments, ne dirait-on pas que c’en est fait de l’homme ? ne croirait-on
pas qu’il est pour toujours dénué de tout secours divin,
et réservé à toutes les misères ? et cependant,
au milieu de tant et de si cruelles preuves de la colère et de la
vengeance divines, on vit paraître comme une lueur de la Bonté
de Dieu à leur égard. « Le Seigneur Dieu, nous dit
la Genèse , fit à Adam et à sa femme des tuniques
de peau, et Il les en revêtit. » Marque évidente, entre
tant d’autres, que Dieu n’abandonnera jamais les hommes.
Cette pensée, si belle et si vraie,
que jamais l’iniquité humaine n’épuisera la Bonté
de Dieu, David l’exprimait aussi en ces termes: « La
colère de Dieu enchaînera-t-elle ses miséricordes ?
» Habacuc l’énonçait également quand il disait
en s’adressant à Dieu: « Même au temps de
votre colère, Vous Vous souviendrez de votre miséricorde
» et Michée la rendait ainsi: « Qui est
semblable à Vous, ô Dieu, qui ôtez l’iniquité,
et qui oubliez les péchés du reste de votre héritage
? Le Seigneur n’enverra plus désormais sa fureur, parce qu’Il veut
la miséricorde. »
Oui, c’est bien ainsi que les choses se
passent. C’est au moment où nous nous croyons perdus et absolument
délaissés de Dieu, c’est alors qu’Il nous cherche avec une
Bonté infinie, et qu’Il prend soin de nous. Il suspend dans sa colère
le glaive de sa justice, et II ne cesse de répandre sur nous les
inépuisables trésors de sa miséricorde.
La Création d’une part, et la Providence
de l’autre, sont donc très propres à faire ressortir les
dispositions particulières de Dieu à aimer et à protéger
le genre humain. Mais sous ce rapport, l’œuvre de notre Rédemption
l’emporte tellement sur les deux autres, que c’est par ce troisième
bienfait que notre Dieu infiniment bon, et qui est en même temps
notre Père, met vraiment le comble à tous ses bienfaits.
Le Pasteur enseignera donc aux Fidèles,
qui sont ses enfants spirituels, et il leur rappellera sans cesse cet effet
incomparable de la Charité divine à notre égard, afin
qu’ils comprennent bien que la Rédemption a fait d’eux, d’une manière
merveilleuse, de vrais enfants de Dieu. « Car le Verbe, dit Saint
Jean , leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,
et ils sont nés de Dieu. » C’est pourquoi le Baptême,
qui est le premier gage et le premier effet de notre Rédemption,
est appelé le Sacrement de la régénération
; car c’est par lui que nous naissons enfants de Dieu. « Ce qui est
né de l’esprit, est esprit, dit Notre-Seigneur Lui-même
. » Et encore: « Il faut que vous receviez une nouvelle naissance.
» Et Saint Pierre dit aussi: « Vous êtes
nés de nouveau, non point d’une semence corruptible, mais d’une
semence incorruptible, par la parole du Dieu vivant. »
C’est par le mérite de cette Rédemption
que nous avons reçu le Saint-Esprit et que nous avons été
jugés dignes de la Grâce de Dieu. C’est ce don aussi qui nous
a valu l’être adoptés pour ses enfants, ainsi que l’Apôtre
Saint Paul l’écrit aux Romains. « Vous n’avez point reçu,
dit-il , l’esprit de servitude pour vous conduire encore par la crainte,
mais vous avez reçu l’esprit d’adoption des enfants par lequel nous
crions: Père, Père ! » et Saint Jean explique la force
et l’efficacité de cette adoption, en disant : «
Considérez quel amour le Père a eu pour nous, de vouloir
que nous soyons appelés, et que nous soyons vraiment enfants de
Dieu. »
Ces explications données, il ne
faut pas manquer de représenter aux Fidèles ce qu’ils doivent
en retour à Dieu, le plus aimant des Pères, c’est-à-dire
leur faire sentir combien ils ont à témoigner d’amour, de
piété, d’obéissance, et de respect à Celui
qui les a créés, qui les gouverne et qui les a rachetés,
et avec quel espoir et quelle confiance ils doivent L’invoquer. Mais pour
éclairer les ignorants. Et pour redresser les idées fausses
de ceux qui pourraient considérer la prospérité et
le cours d’une vie heureuse comme l’unique preuve que Dieu nous continue
son amour, et l’adversité et les malheurs qui nous éprouvent,
comme un signe qu’Il nous a complètement retiré son attachement
et qu’Il a contre nous des dispositions hostiles, il sera nécessaire
de démontrer que lorsque la main du Seigneur nous frappe, elle ne
frappe jamais en ennemie ; qu’elle guérit en frappant, et qu’une
plaie qui vient de Dieu est un véritable remède.
C’est qu’en effet, Il châtie ceux
qui pèchent, afin que la punition les rende meilleurs, et que la
peine présente les délivre de la peine éternelle.
« Il visite, il est vrai, nos iniquités la verge à
la main, et Il frappe nos péchés, mais Il ne nous retire
point sa Miséricorde »
II faut donc recommander aux Fidèles
de voir dans ces sortes de châtiments l’effet de la paternelle Bonté
de Dieu, d’avoir par conséquent, et dans le cœur et sur les lèvres,
ces paroles de Job, le plus patient des hommes : « Il
blesse, et Il guérit ; Il frappe, et sa maint applique le remède
», de se redire souvent ce que Jérémie écrivait
sous le nom des enfants d’Israël : « Vous m’avez frappé,
et je me suis instruit, comme un jeune taureau indompté ; convertissez-moi,
et je serai converti, parce que Vous êtes le Seigneur mon Dieu »,
de se proposer enfin l’exemple de Tobie qui, étant devenu aveugle,
reconnut la main paternelle de Dieu dans ce malheur, et s’écria
: « Je Vous bénis, Seigneur, Dieu d’Israël, parce que
Vous m’avez châtié, et que Vous m’avez sauvé. »
Enfin les Fidèles doivent bien
se garder de croire que, quels que soient leurs revers ou leurs malheurs,
Dieu puisse les ignorer. Certes, Il a dit Lui-même : «
Il ne tombera pas un cheveu de votre tête », à mon insu.
Qu’ils se consolent donc bien plutôt par cet oracle divin que nous
lisons dans l’Apocalypse : « Ceux que J’aime, Je les reprends
et Je les châtie. » Qu’ils se tiennent en paix, en relisant
cette exhortation de Saint Paul aux hébreux : «
Mon fils, ne négligez point la correction du Seigneur, et ne vous
laissez point abattre lorsqu’Il vous reprend. Car c’est celui qu’Il aime
qu’Il châtie, et il frappe à coups de verge tous ceux qu’il
reçoit parmi ses enfants. Si vous n’êtes point châtiés,
vous êtes donc des enfants étrangers à Dieu et qu’Il
n’a pas adoptés. nous avons eu du respect pour les pères
de nos corps, lorsqu’ils nous corrigeaient, combien ne devons-nous pas
avoir plus de soumission pour Celui qui est le Père de nos âmes,
afin d’avoir la vie ? »
§ II. — POURQUOI CHACUN DIT-IL NOTRE
PERE
Lorsque nous prions Dieu le Père,
chacun en notre particulier, nous L’appelons néanmoins notre Père,
nous sommes donc bien avertis par là que le privilège et
les droits de l’adoption divine font que tous les Fidèles sont frères,
et qu’ils doivent s’aimer en frères. « Vous êtes tous
frères, dit Jésus-Christ , et vous n’avez qu’un seul
Père dans les cieux. » C’est pourquoi, dans leurs Epîtres,
les Apôtres donnent aux Fidèles le nom de frères.
Une autre conséquence nécessaire
de cette adoption, c’est que non seulement tous les Fidèles sont
unis entre eux par les liens de la fraternité, mais que le Fils
de Dieu étant homme, ils sont encore appelés des frères,
et le sont en effet. Dans son épître aux Hébreux, l’Apôtre
Saint Paul, parlant de Notre-Seigneur Jésus-Christ, écrit
ces paroles remarquables : « Il n’a point rougi d’appeler les
hommes ses frères, en disant: J’annoncerai votre nom à mes
frères. » Et bien longtemps auparavant David avait mis ces
mêmes paroles dans sa bouche . Mais du reste, ne savons-nous
pas en quels termes Jésus-Christ Lui-même s’adresse aux saintes
Femmes : « Allez, annoncez à mes frères de se
rendre en Galilée ; c’est là qu’ils Me verront. »
Or, chacun sait que Notre-Seigneur prononça
ces paroles après sa Résurrection, lorsque déjà
il était devenu immortel. Ainsi personne n’aurait le droit de croire
que les liens de fraternité qui nous unissaient à Lui avaient
été brisés par sa Résurrection et par son Ascension.
Et non seulement ces liens n’ont pas été rompus, non seulement
notre union avec Lui et la Charité fraternelle qu’Il a pour nous
n’ont pas été détruites, mais nous savons qu’un jour,
lorsque du haut de son trône de gloire et de majesté Il jugera
tous les hommes rassemblés devant Lui, ce jour-là, Il donnera
ce doux nom de frères aux moindres d’entre les Fidèles.
Au surplus, comment pourrait-il se faire
que nous ne fussions pas les frères de Jésus-Christ, nous
dont il est dit que nous sommes ses cohéritiers ? Sans
doute, Il est le premier né, l’héritier constitué
de tout ; mais nous avons été engendrés après
Lui, pour être ses cohéritiers, dans la mesure des dons de
Dieu, et selon l’étendue de la Charité avec laquelle nous
aurons coopéré à la vertu du Saint Esprit et à
l’action de la grâce. Car, [ne l’oublions pas] c’est le Saint Esprit
qui nous porte à la vertu, qui nous pousse aux bonnes œuvres, qui
enflamme notre ardeur, qui nous fortifie par sa Grâce et nous donne
le courage de descendre dans l’arène pour les combats du salut.
C’est Lui qui nous aide à les soutenir jusqu’au bout avec constance
et habileté. C’est Lui enfin qui, après cette vie, nous fait
obtenir du Père céleste la juste récompense de la
couronne promise à tous ceux qui auront fourni la même carrière.
« Car, dit l’Apôtre , Dieu n’est pas injuste pour oublier
nos bonnes œuvres et notre amour pour Lui. »
Saint Jean Chrysostome nous dit en fort
bons termes avec quels sentiments du cœur nous devons prononcer le mot
notre. « Dieu, dit-il , écoute volontiers le Chrétien
qui ne prie pas seulement pour lui-même, mais encore pour les autres.
Prier pour soi, c’est l’inspiration de la nature, prier pour les autres,
c’est l’inspiration de la grâce. En priant pour soi, on obéit
d la nécessité, en priant pour les autres, on cède
aux exhortations de la Charité fraternelle. » Or, ajoute-t-il
« La Prière qui vient de la Charité fraternelle est
plus agréable à Dieu que celle qui procède de la nécessité.
»
En traitant une si importante matière,
le Pasteur ne manquera pas d’engager et même d’exhorter fortement
tous les Fidèles, sans distinction d’âge, de rang et de condition,
à ne jamais oublier qu’ils sont unis entre eux par les liens d’une
fraternité universelle, et que, par conséquent, ils doivent
se traiter mutuellement comme des amis et des frères, et ne pas
chercher à s’élever orgueilleusement les uns au-dessus des
autres. Et en effet, bien qu’il y ait dans l’Eglise de Dieu des fonctions
de différents degrés, cependant cette diversité de
dignités et d’emplois ne détruit en aucune façon les
rapports d’union fraternelle qui existent entre nous. Ainsi, dans le corps
humain, la variété des fonctions et des destinations de chaque
membre, n’empêche nullement que toutes les parties du corps n’en
soient de véritables membres. Prenons un homme revêtu de l’autorité
royale. S’il est Chrétien, n’est-il pas le frère de tous
ceux qui comme lui font partie de la Communion chrétienne ? Oui,
sans aucun doute, et pourquoi ? parce qu’il n’y a pas un Dieu pour les
pauvres, et un Dieu pour les riches et les rois, un Dieu qui a fait les
pauvres, et un Dieu qui a créé les rois et leur a donné
la puissance. non, il n’y a qu’un seul Dieu, un seul Père, un seul
Seigneur de tous les hommes.
De là pour tous sans exception,
dans l’ordre spirituel, même noblesse d’origine, même dignité,
même splendeur de race, puisque tous nous avons été
régénérés par le même esprit, puisque
tous nous sommes devenus enfants de Dieu par le même sacrement de
la Foi, et cohéritiers du même héritage avec Jésus-Christ.
Il n’y a pas un Christ Rédempteur pour les riches et les puissants,
et un autre pour les pauvres et les petits. tous participent aux mêmes
Sacrements, tous attendent le même héritage, c’est-à-dire
le Royaume céleste. nous sommes tous frères, et comme le
dit l’Apôtre Saint Paul aux Ephésiens : « Nous
sommes les membres du corps de Jésus-Christ, formés de sa
chair et de ses os. » Vérité que le même Apôtre
exprime encore en ces termes, dans son Epître aux Galates :
« Vous êtes tous enfants de Dieu par la Foi en Jésus-Christ
; car vous tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ,
vous êtes revêtus de Jésus-Christ. Il n’y a plus ni
Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme ; vous n’êtes
tous qu’un en Jésus-Christ. »
Ce point veut être traité
et établi avec le plus grand soin. C’est pourquoi les Pasteurs devront
y revenir souvent, comme sur une vérité bien propre à
relever et à encourager les pauvres et les malheureux, et en même
temps capable de réprimer et d’abattre l’arrogance des riches et
des puissants. C’est précisément pour remédier à
ce mal que l’Apôtre Saint Paul revenait si souvent et avec tant de
force et d’instance sur cette Charité fraternelle, qu’il voulait
faire pénétrer dans le cœur des Fidèles.
Souvenez-vous donc, ô Chrétien,
au moment d’adresser cette Prière au Seigneur, que vous devez parler
à Dieu comme un enfant à son père. Dès lors,
en la commençant, et en prononçant ces mots: Notre Père,
pensez à quelle dignité Dieu dans sa Bonté infinie
a voulu vous élever ! Il vous ordonne de vous présenter devant
Lui, non par contrainte et en tremblant, comme un esclave devant son maître,
mais de vous réfugier auprès de Lui en toute liberté
et en parfaite confiance comme un enfant auprès de son père.
Que ce souvenir et cette pensée vous fassent comprendre avec quelle
ferveur et quelle piété vous devez prier. Efforcez-vous d’être
tel qu’il convient à un enfant de Dieu, c’est-à-dire que
vos Prières et vos actions ne soient jamais indignes de la divine
origine qu’il a plu à sa Bonté de vous donner. C’est là
en effet ce que nous recommande l’Apôtre, quand il dit:
« Soyez donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien aimés.
» Alors on pourra dire de nous avec vérité ce que le
même Apôtre écrivait aux Thessaloniciens:
« Vous êtes tous les enfants de la lumière, et les fils
du jour. »
§ III. — QUI ETES DANS LES CIEUX.
Tous ceux qui ont de Dieu l’idée
qu’il en faut avoir sont d’accord pour reconnaître qu’Il est partout
et en tous lieux. Ce n’est pas à dire pour cela qu’Il soit dans
tous les lieux d’une manière partielle, comme si sa substance était
partagée et distribuée en quelque sorte entre toutes les
parties de l’espace, pour las occuper et les protéger. non, Dieu
est un esprit, et Il ne souffre peint de division. Qui oserait Lui assigner
une place particulière et Le circonscrire dans certaines limites,
lorsqu’Il dit de Lui-même: « Est-ce que Je ne remplis
pas le ciel et la terre ? » Paroles qui, à leur tour, doivent
s’entendre en ce sens que Dieu, par sa Puissance et son Immensité,
embrasse le ciel et la terre, et tout ce que le ciel et la terre renferment,
mais sans être Lui-même contenu dans aucun lieu. Il est présent
à tout, soit pour créer, soit pour conserver ; mais Il n’est
ni circonscrit, ni borné dans telle ou telle contrée ou dans
telles ou telles limites ; Il est présent partout par sa substance
et par son pouvoir. C’est ce que le Saint roi David exprimait en ces termes:
« Si je monte au ciel, Vous y êtes. »
Mais si Dieu est présent partout,
en tout lieu et en toutes choses, sans être borné, comme nous
l’avons dit, par aucune limite, cependant nos Saints Livres nous répètent
souvent qu’Il a son séjour dans le ciel. La raison
en est que les cieux que nous voyons au-dessus
de nos têtes sont la plus noble partie du monde, qu’ils demeurent
incorruptibles, qu’ils surpassent tous les autres corps en force, en grandeur,
en beauté, et qu’ils sont doués de certains mouvements réguliers
et constants. C’est donc pour exciter les hommes à contempler sa
Puissance infinie et sa Majesté, qui brillent surtout dans l’œuvre
des cieux, qu’Il nous atteste dans la Sainte Ecriture que le ciel est son
séjour. toutefois, Il déclare souvent aussi qu’il n’y a réellement
aucune partie du monde, où Il ne soit présent par sa nature
et par sa Puissance.
Au reste en méditant ces choses,
les Fidèles chercheront à se représenter Dieu non
seulement comme le Père commun de tous les hommes, mais encore comme
Celui qui règne dans les cieux. Dès lors, à l’heure
de la Prière, ils se souviendront qu’ils doivent porter vers le
ciel leur esprit et leur cœur ; et plus le nom de Père leur inspirera
d’espoir et de confiance, plus les sentiments de l’humilité et du
respect croîtront en eux à la vue de l’Etre souverainement
parfait, et de la Majesté infinie de Notre Père qui est dans
les cieux.
Ces mêmes paroles déterminent
encore ce que nous devons demander à Dieu dans la Prière.
toute demande qui porterait sur les besoins et les nécessités
de la vie, sans avoir aucun rapport aux besoins spirituels et aux biens
du ciel, serait vaine et indigne d’un Chrétien. C’est pourquoi les
Pasteurs se feront un devoir d’enseigner à leurs pieux auditeurs
cette manière de prier, et ils pourront s’appuyer en cela sur l’autorité
de l’Apôtre Saint Paul, qui disait: « Si vous êtes
ressuscités avec Jésus-Christ, cherchez les choses d’en haut
où Jésus-Christ est assis à la droite de Dieu ; n’ayez
de goût que pour les choses du ciel, et non pour celles de la terre.
»
Chapitre quarantième — Première
demande de l’Oraison Dominicale
QUE VOTRE NOM SOIT SANCTIFIE.
§ I. — POURQUOI CETTE DEMANDE EST
LA PREMIERE ?
Notre-Seigneur Jésus-Christ, Maître
et Seigneur universel, a voulu nous enseigner et nous prescrire Lui-même
ce que nous devons demander à Dieu, et l’ordre dans lequel nous
devons le demander. La Prière, en effet, n’est que l’expression
de nos vœux et la manifestation de nos désirs. Dès lors,
pour qu’elle soit bien faite, d’une manière convenable et raisonnable,
nos demandes, c’est-à-dire nos vœux et nos désirs, doivent
suivre l’ordre même dans lequel les choses sont désirables.
Or, la vraie Charité nous fait
un devoir de rapporter tout notre cœur et toutes nos affections à
Dieu. Dieu en effet n’est-Il pas en Lui-même le seul et souverain
Bien ? et à ce titre, ne mérite-t-Il pas d’être aimé
d’un amour supérieur et tout particulier ?
D’autre part, il nous est impossible de
L’aimer de tout notre cœur et plus que toutes choses, si nous ne préférons
son honneur et sa gloire à tout ce qui existe. Car tous les biens,
quels qu’ils soient, les nôtres, ceux du prochain, enfin tout ce
que nous appelons de ce nom de biens, tout vient de Lui, et est infiniment
au-dessous de Lui, le souverain Bien. Aussi, pour mettre de l’ordre dans
nos Prières, le Sauveur a fait de la demande du souverain Bien la
première et la principale de nos requêtes. Il a voulu nous
apprendre qu’avant de demander ce qui nous est nécessaire, à
nous ou à notre prochain, nous devons demander ce qui se rapporte
à la Gloire de Dieu, et présenter à Dieu Lui-même
nos affections et nos désirs à cet égard. De cette
manière nous resterons dans les règles de la Charité,
qui nous ordonne d’aimer Dieu plus que nous-mêmes, et de demander
d’abord ce que nous désirons pour Lui, avant ce que nous souhaitons
pour nous.
§ II. — QU’EST-CE QUE LA GLOIRE DE
DIEU ?
On ne désire et on ne demande que
ce qu’on n’a pas. Mais à Dieu rien ne manque ; Il ne peut recevoir
ni accroissement, ni augmentation, puisqu’Il est infini et parfait sous
tous les rapports. Et par conséquent ce que nous demandons à
Dieu pour Lui-même n’intéresse ni ses perfections, ni sa nature,
mais uniquement sa Gloire extérieure. nous désirons et nous
demandons que son nom soit connu davantage dans le monde ; que son Règne
s’étende ; et que chaque jour de nouveaux serviteurs obéissent
à sa sainte Volonté. Or ces trois choses, le nom, le Règne,
l’Obéissance, ne font point partie du bien intérieur même
de Dieu: ce sont au contraire des choses qui lui sont tout-à-fait
extérieures.
Mais pour mieux faire comprendre la force
et la valeur de cette demande, le Pasteur aura grand soin de montrer aux
Fidèles que ces mots: sur la terre comme au ciel peuvent s’appliquer
et s’étendre à chacune des trois premières parties
de l’Oraison Dominicale, et signifier: que votre Nom soit sanctifié
sur la terre comme au ciel ; que votre Royaume arrive sur la terre comme
au ciel ; que votre Volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Ainsi donc, lorsque nous disons: que votre
Nom soit sanctifié, nous désirons de voir augmenter la sainteté
et la gloire du nom divin. Ici le Pasteur n’oubliera pas d’enseigner à
ses pieux auditeurs que Notre-Seigneur Jésus-Christ, en employant
ces expressions, n’a pas entendu dire que ce nom devait être sanctifié
sur la terre comme Il l’est au ciel, c’est-à-dire que la sanctification
terrestre devait égaler en intensité, la sanctification céleste
— ce qui est radicalement impossible — mais seulement Ruelle devait procéder
de la Charité et des plus profonds sentiments de l’âme. Sans
doute il est très vrai de dire, car la chose est réelle,
que ce nom adorable n’a pas besoin en Lui-même de sanctification,
puisqu’Il est Saint et terrible, comme Dieu Lui-même est Saint par
sa nature, qu’Il ne peut recevoir du dehors aucune sainteté qu’Il
ne possède déjà de toute éternité. Mais,
il faut bien le dire, sur la terre Il est loin d’être honoré
comme Il mérite de l’être ; quelquefois même, hélas
! II est outragé par des malédictions et des blasphèmes.
Et voilà pourquoi nous désirons et demandons qu’Il soit ici-bas
loué, honoré, glorifié, comme Il est honoré,
loué et glorifié dans le ciel. En un mot, nous voulons que
l’honneur et le culte que nous Lui rendons soit tout à la fois dans
notre cœur et sur nos lèvres, afin que nous puissions Lui offrir
les hommages de notre vénération intérieure et extérieure,
célébrer de toutes nos forces, à l’exemple des Saints
et des Anges, la grandeur, la sainteté et la gloire de son nom.
§ III. — OBJET DE LA PREMIERE DEMANDE.
De même que les habitants du ciel
exaltent la Gloire et les louanges de Dieu dans un concert parfait, de
même nous demandons que toute la terre ait le même bonheur,
que toutes les nations connaissent, honorent et servent Dieu, qu’il ne
se rencontre nulle part un seul homme qui ne soit Chrétien, que
tous se consacrent entièrement à Dieu, qu’ils soient convaincus
que toute sainteté vient de Lui comme de sa source, et qu’il n’y
a de pur et de saint que ce qui procède de la sainteté du
nom divin. En effet, au témoignage de l’Apôtre Saint Paul:
« L’Eglise a été purifiée par l’eau dans la
Parole de vie ; or la Parole de vie, c’est le nom du Père, du Fils,
et du Saint-Esprit, » dans lequel nous sommes baptisés et
sanctifiés.
Ainsi, puisqu’il n’y a ni expiation, ni
pureté, ni sainteté en celui sur qui le nom adorable de Dieu
n’a pas été invoqué, nous souhaitons et nous demandons
que le genre humain tout entier abandonne les ténèbres impures
de l’infidélité, qu’il soit éclairé des splendeurs
de la Lumière divine, et qu’il reconnaisse si bien la vertu de ce
nom, qu’il cherche en Lui la véritable sainteté, et enfin
qu’après avoir reçu le Baptême au nom de la Sainte
et indivisible Trinité, il parvienne avec l’aide de Dieu à
la plénitude de cette sainteté, qui doit être l’objet
de tous ses vœux.
Nos désirs et nos supplications
s’étendent également ceux qui sont souillés de désordres
et de crimes, qui ont perdu la pureté du Baptême et la robe
d’innocence, et qui ont été assez malheureux pour tomber
de nouveau sous la puissance du démon. nous souhaitons — et demandons
à Dieu — que son nom soit sanctifié en eux, c’est-à-dire
qu’ils rentrent en eux-mêmes, qu’ils reviennent à de meilleurs
sentiments, qu’ils recouvrent par la Pénitence leur ancienne innocence,
et qu’ils redeviennent enfin de vrais temples saints, de dignes habitations
de Dieu, sans tache et sans souillures.
Nous demandons en outre que Dieu veuille
bien éclairer tous les esprits de sa Lumière, afin qu’ils
puissent voir et constater, que « tout bien excellent et tout don
parfait, descendant du Père des lumières, vient de Lui, »
et arrive jusqu’à nous par sa divine Volonté, que c’est à
Lui qu’ils sont redevables de la tempérance, de la Justice, de la
vie, du salut, enfin en général de tous les biens du corps
et de l’âme, biens extérieurs et biens intérieurs.
Et tout ce qu’ils ont ainsi reçu, ils ne doivent pas oublier de
le rapporter « à Celui de qui tout procède, »
comme le proclame l’Eglise. Car si le soleil avec sa lumière, si
les autres astres avec leur mouvement et leur cours régulier nous
sont d’une utilité admirable ; si l’air qui nous environne sert
à nous nourrir ; si la terre, avec l’abondance de ses moissons et
de ses fruits fournit à la subsistance de tous les hommes ; si les
magistrats avec leur vigilance nous permettent de jouir du repos et de
la tranquillité, c’est à l’infinie Bonté de Dieu que
nous devons tous ces avantages, et une foule innombrable d’autres du même
genre. Et même les causes secondes, ainsi que les philosophes les
appellent, ne doivent être à nos yeux que comme autant de
mains admirablement façonnées et préparées
en vue de nos besoins, par lesquelles Dieu nous distribue ses bienfaits,
et les répand à profusion dans toutes les parties de l’univers.
Mais ce que nous demandons plus particulièrement
par cette première partie de l’Oraison Dominicale, c’est que tous
reconnaissent et révèrent la très Sainte Epouse de
Jésus-Christ, l’Eglise notre Mère. Car seule elle possède
cette source surabondante et intarissable de Grâce divine capable
de purifier et de laver toutes les souillures d péché, cette
source surnaturelle d’où jaillissent tous le Sacrements de la sanctification
et du salut, lesquels, coin me autant de canaux sacrés, font couler
dans nos âme la céleste rosée, l’eau vivifiante de
la sainteté. Seule enfin avec les enfants qu’elle tient réunis
dans ses bras et su son sein, elle a le droit d’invoquer ce nom adorable
qui « est le seul sous le ciel par Lequel il soif donné aux
hommes d’opérer leur salut. »
§ IV. — UN VRAI CHRETIEN DOIT HONORER
CE SAINT NOM PAR SES ACTIONS.
Les Pasteurs auront soin d’insister très
spécialement sur ce point qu’il est d’un bon fils de ne pas prier
Dieu son Père, uniquement en paroles, mais de faire en sorte, par
sa conduite et ses actes, que la sanctification du nom divin brille dans
toute sa personne.
Et plut à Dieu qu’il ne se trouvât
point de Chrétiens qui, tout en demandant dans leur Prière
la sanctification de ce nom béni, Le déshonorent par leurs
actions, autant qu’il est en eux, et quelquefois même sont cause
des malédictions qu’on prononce contre Lui ! C’est d’eux que l’Apôtre
a dit: « on blasphème le nom de Dieu à
cause de vous, parmi les nations », et auparavant Ezéchiel
avait écrit : « ils se sont mêlés avec
les nations, et ils ont habité avec elles, et ils ont rendu mon
nom méprisable ; ce qui a fait dire d’eux à ces nations:
ce peuple est le peuple du Seigneur et il est sorti de la terre qui lui
appartenait » en effet, telles la vie et les mœurs de ceux qui professent
une religion, tels aussi, pour l’ordinaire, et cette religion, et son auteur,
au jugement de la multitude ignorante.
Aussi bien ceux qui vivent selon la Religion
chrétienne qu’ils ont embrassée, et qui règlent leurs
Prières et leurs actions sur ses préceptes, fournissent-ils
aux autres un des plus grands moyens de louer, d’honorer et de glorifier
e nom du Père céleste. C’est un devoir que Notre-Seigneur
Lui-même nous a imposé ; Il a voulu que par des actes éclatants
de vertu nous portions tous les hommes à louer t à glorifier
le nom adorable de Dieu. ne dit-II pas en flet dans l’Evangile:
« Que votre Lumière brille devant les hommes, afin qu’ils
voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est
dans les cieux ; » et Saint Pierre après Lui : «
conduisez-vous parmi les Gentils d’une manière pure, afin que, vous
jugeant d’après vos œuvres saintes, ils glorifient Dieu ».
Chapitre quarante-et-unième
— Seconde demande de l’Oraison Dominicale
QUE VOTRE ROYAUME ARRIVE.
§ I. — DU ROYAUME DE DIEU.
Le royaume de Dieu, qui fait l’objet de
cette seconde demande, est le but et la fin de toute la Prédication
Evangélique. C’est par là que Saint Jean Baptiste commença
à prêcher la Pénitence. « Faites pénitence,
disait-il , parce que le Royaume des cieux est proche. » Ce
fut aussi le commencement de la Prédication du Sauveur du monde.
Et lorsque, dans cet admirable Sermon sur la Montagne, Il montre à
ses disciples les voies de la béatitude, II leur parle d’abord du
Royaume des cieux comme du sujet fondamental de son discours. « Bienheureux
les pauvres en esprit, dit-Il , parce que le Royaume des cieux leur
appartient. » Bien plus, un jour que la foule voulait Le retenir,
voici la raison qu’Il donne de la nécessité de son départ:
« il faut que J’annonce aussi le Royaume de Dieu aux autres villes,
car Je suis envoyé pour cela. » Plus tard, c’est encore ce
même Royaume qu’Il ordonne à se Apôtres de prêcher
; et à celui qui voulait aller enseveli son père:
« allez, dit-Il, et annoncez le Royaume de Dieu ». Et après
sa Résurrection, pendant ces quarante jours où II apparaît
à ses Apôtres, c’est du Royaume d Dieu qu’Il leur parle.
Les Pasteurs voudront donc expliquer cette
second demande avec tout le soin possible, afin que les Fidèle en
comprennent bien l’importance et la nécessité.
Et pour atteindre ce but, ils pourront
se servir avec habileté et profit de cette considération
si frappante, à savoir que Notre-Seigneur Jésus-Christ a
voulu et ordonné formellement que cette demande, quoique liée
avec les autres, en fût séparée et distincte dans son
expression, et cela afin de nous faire désirer et rechercher plus
ardemment ce que nous demandons. Il nous dit en effet: «
Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous
sera donné par surcroît. »
§ II. — CE QUI EST COMPRIS DANS CETTE
DEMANDE.
Les dons célestes compris dans
cette demande sont si précieux et si abondants qu’ils embrassent
même tout ce qui est nécessaire pour soutenir la vie du corps
aussi bien que celle de l’âme. trouverions-nous digne du nom de roi,
celui qui n’aurait aucun souci du bien et du salut de l’Etat ? Mais si
les hommes ont tant de sollicitude pour garder un royaume terrestre, avec
quelle vigilance, quelle paternelle Providence ne devons-nous pas croire
que le Roi des rois s’occupe de la vie et du salut de ses créatures
?
En demandant le Royaume de Dieu, nous
réclamons donc par le fait tout ce dont nous avons besoin dans notre
pèlerinage, ou plutôt dans notre exil. Et notre Prière
s’appuie sur cette promesse si consolante et si positive du Seigneur: «
et tout le reste vous sera donné par surcroît. »
De telles paroles prouvent bien que Dieu
est vraiment le Roi du genre humain, et qu’Il répand sur lui tous
ses biens en abondance et avec libéralité. Et c’est précisément
la pensée de cette infinie Bonté de Dieu qui mettait sur
les lèvres de David ce chant de reconnaissance: «
Le Seigneur est mon Roi, et rient ne me manquera. »
Mais, (ne l’oublions pas), ce n’est pas
assez de demander instamment le Royaume de Dieu, il faut encore joindre
à cette demande tous les moyens nécessaires pour le chercher
et pour le trouver. Hélas ! les cinq vierges folles, elles aussi,
le demandaient avec instance: « Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous
! » et cependant, parce qu’elles n’avaient pas tout ce qu’il fallait,
pour accompagner leur Prière, et être exaucées, elles
ne furent point admises. Et ce ne fut point une injustice. Car c’est Notre-Seigneur
Jésus-Christ Lui-même qui a prononcé cette sentence:
« Tous ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur, n’entreront point
dans le Royaume des cieux. »
§ III. — DES MISERES DE CETTE VIE.
Les Prêtres chargés du soin
des âmes, (les Curés), ne manqueront pas de puiser en abondance
aux sources fécondes de nos Saints Livres, les vérités
les plus propres à exciter dans le cœur des Fidèles le désir
et le goût du Ciel. En même temps ils auront soin de mettre
sous leurs yeux les accablantes misères de notre vie mortelle, et
ils feront en sorte de les toucher assez pour qu’ils se recueillent, qu’ils
rentrent en eux-mêmes et qu’ils se souviennent que le ciel, la maison
de Dieu, la maison de leur Père est le séjour du bonheur
suprême, et la possession des biens infinis.
Ici-bas, en effet, nous ne sommes que
des exilés. nous habitons la même terre que les démons,
animés contre nous d’une haine que rien ne peut apaiser, nos implacables
et éternels ennemis.
Et que dire de ces combats domestiques,
de ces luttes intérieures que se livrent sans cesse en nous le corps
et l’âme, la chair et l’esprit ? Combats terribles où nous
avons toujours à craindre de succomber, où nous succomberions
même sur le champ, si la main du Seigneur n’était pas là
pour nous défendre. Ah ! certes, l’Apôtre Saint Paul sentait
bien tout le poids de ces misères, quand il s’écriait:
« Malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps
de mort ? »
Ces misères de notre race, déjà
si sensibles par elles-mêmes, ressortent bien plus vivement encore
de la comparaison de notre état avec celui des autres créatures.
Que ces créatures en effet soient privées de raison ou même
de sentiment, il est bien rare que quelques-unes d’entre elles s’éloignent
assez des actions, des sentiments et des mouvements qui leur sont propres,
pour manquer la fin qui leur a été assignée. La chose
est si évidente dans les animaux terrestres, dans les poissons et
dans les oiseaux, qu’elle n’a besoin d’aucune explication. Que si nous
portons nos regards vers le ciel, ne sentons-nous pas aussitôt la
vérité de ce Cantique de David: « Votre
Parole, Seigneur, demeure à jamais dans le ciel. » Le ciel,
en effet, est emporté par un mouvement qui ne s’arrête jamais
; mais ce mouvement est si constant et si réglé, qu’il ne
sort jamais de la ligne que Dieu lui a tracée. Si nous regardons
la terre et tout le reste de l’univers, nous reconnaîtrons aisément
qu’ils n’éprouvent point d’altération dans leur état.
Mais que la misère de l’homme est
grande ! que ses chutes sont profondes et fréquentes ! s’il conçoit
de bons projets, rarement il les exécute. Souvent il abandonne et
méprise le bien qu’il vient de commencer. Ce qui lui plaisait tout
à l’heure et lui semblait excellent, lui déplait tout à
coup. Il le rejette, et se laisse entraîner aux résolutions
honteuses et nuisibles.
Quelle est donc la cause de cette inconstance
et de cette misère ? Evidemment c’est le mépris de l’inspiration
divine. nous fermons l’oreille aux avertissements que Dieu nous donne ;
nous refusons d’ouvrir les yeux aux lumières surnaturelles qu’Il
nous offre, et nous n’écoutons point les préceptes salutaires
de notre Père du ciel.
Ici donc les Pasteurs devront s’appliquer
à mettre sous les yeux des Fidèles ce tableau des misères
humaines. Ils tâcheront d’en expliquer les causes et d’en indiquer
les remèdes. Ce qui leur sera facile, s’ils ont soin d’aller puiser
;dans les œuvres des grands docteurs Saint Jean Chrysostome et Saint Augustin,
et surtout dans ce que nous avons dit nous-mêmes en parlant du symbole
des Apôtres. Car ces vérités une fois connues, quel
est l’homme si coupable et si pervers qui ne voudrait s’efforcer avec la
Grâce prévenante de Dieu, et l’exemple de l’enfant prodigue,
de se lever et de revenir avec confiance se jeter entre les bras de son
Roi, de son Père céleste ?
§ IV. — QUEL EST L’OBJET DE LA DEUXIEME
DEMANDE
Après avoir montré par ces
explications tous les avantages que renferme cette Prière des Fidèles,
les Pasteurs feront voir ensuite ce que nous demandons par ces paroles
; que votre Royaume arrive. Elles ont plusieurs significations différentes,
dont la détermination sera très utile pour comprendre les
autres passages de la Sainte Ecriture, et nécessaire spécialement
pour celui qui nous occupe. Or, la première signification du Royaume
de Dieu — signification ordinaire et fréquente dans nos Saints Livres
— c’est d’exprimer non seulement ce pouvoir que Dieu exerce sur tous les
hommes et sur tout l’univers, mais encore cette Providence spéciale
par laquelle Il dirige et gouverne toutes choses. « Il tient dans
ses mains, dit le Prophète, la terre avec. ses extrémités
les plus reculées. » Ce qu’il faut entendre même des
choses cachées dans les profondeurs de la terre et dans toutes les
parties du monde les plus secrètes. C’est d’après cette idée
que Mardochée disait: « Seigneur Dieu, roi très
puissant, toutes choses sont en votre Puissance, et il n’est personne qui
puisse résister à votre Volonté. Vous êtes maître
de tous, et rien ne résiste à votre Majesté. »
En second lieu ces mots de Royaume de
Dieu signifient cette Providence particulière et très spéciale,
par laquelle Dieu prend soin des hommes pieux et fidèles, et les
couvre de sa protection: Providence admirable et unique, qui faisait dire
à David: « Le Seigneur prend soin de moi et rien
ne me manquera ; » et au Prophète Isaïe:
« Le Seigneur est notre roi, il nous sauvera. »
Or, quoique Dieu exerce son pouvoir en
ce monde sur les saints et les gens de bien, cependant Notre-Seigneur Jésus-Christ
Lui-même avertit Pilate que son Royaume n’est pas de
ce monde, c’est-à-dire qu’Il ne tire nullement son origine de ce
monde qui a été créé et qui est périssable,
et qu’Il ne domine point à la façon des empereurs, des rois,
des républiques, des présidents et de tous ceux que le vœu
général ou l’élection appelle à gouverner les
états et les provinces, ou qui s’emparent du pouvoir par la force
et par la violence. non, Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est Dieu
qui l’a établi Roi, dit le Prophète, et au témoignage
de l’Apôtre, son Royaume est la justice, car il dit:
« Le Royaume de Dieu, c’est la justice, la paix et la joie dans le
Saint Esprit. »
Or, Jésus-Christ règne en
nous par les Vertus intérieures de la Foi, de l’Espérance
et de la Charité. C’est par ces Vertus que nous devenons en quelque
sorte partie de ce Royaume, et en même temps, les sujets privilégiés
de Dieu. Elles nous consacrent à son culte et à son service,
de telle sorte que si l’Apôtre Saint Paul a pu dire:
« Je vis, ou plutôt ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus-Christ
qui vit en moi, » chacun de nous peut dire aussi: « Je règne,
ou plutôt, ce n’est pas moi qui règne, c’est Jésus-Christ
qui règne en moi. »
Ce Royaume est appelé la justice,
parce qu’il est fondé sur la justice de Jésus-Christ. C’est
de lui que le Sauveur parle dans Saint Luc, quand Il dit: «
Le Royaume de Dieu est au dedans de vous. »
Quoique Notre-Seigneur Jésus-Christ
règne par la Foi en tous ceux que l’Eglise, notre très sainte
Mère, regarde comme ses enfants, cependant II est plus spécialement
le Roi de ceux qui, remplis des dons de la Foi, de l’Espérance et
de la Charité, sont devenus en quelque sorte comme des membres vivants
et sanctifiés de Dieu Lui-même. C’est dans ces parfaits Chrétiens
que règne vraiment la Grâce de Dieu.
Le Royaume de Dieu est encore le royaume
de la Gloire. C’est de lui que Notre-Seigneur parle dans Saint Matthieu,
lorsqu’Il dit: « Venez, les bénis de mon Père,
possédez le Royaume qui vous a été préparé
dés le commencement du monde. » C’est ce Royaume aussi que
le larron pénitent demandait à Jésus sur la croix,
en disant « Souvenez-vous de moi quand Vous serez dans
votre Royaume. » Et les paroles suivantes de Saint Jean se rapportent
au même objet: « Si quelqu’un ne renaît de
l’eau et de l’Esprit, il ne saurait entrer dans le royaume de Dieu. »
C’est également la pensée
de Saint Paul dans ce passage de son Epître aux Ephésiens:
« Ni les impudiques, ni les avares (qui sont des idolâtres)
n’ont point d’héritage dans le Royaume de Jésus-Christ et
de Dieu. » Il faut encore entendre dans le même sens quelques-unes
des paraboles de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsqu’Il parlait
du Royaume des cieux.
Mais il est nécessaire que le Règne
de la Grâce soit d’abord établi dans nos âmes. Car il
est impossible de régner un jour dans la Gloire, si l’on n’a eu
soin, tout d’abord de faire régner la Grâce en soi-même.
Or, la Grâce, au témoignage de Notre-Seigneur Lui-même
, « est une source d’eau vive qui jaillit jusqu’à la Vie Eternelle
»
La Gloire, elle, n’est autre chose que
la Grâce consommée, et portée à sa perfection.
Tant que nous sommes revêtus de
ce corps fragile et mortel, tant que nous vivons dans les ténèbres
d’ici-bas, pèlerins, exilés, errants, sans forces et loin
de Dieu, on nous voit souvent, hélas ! faillir et tomber, parce
que nous repoussons le secours de la Grâce d’en haut, qui nous soutenait.
Mais lorsque la lumière du royaume de la Gloire, qui est le Royaume
parfait, aura brillé à nos yeux, nous serons à jamais
fermes et invariables dans le bien et la perfection. tous les vices et
toutes les incommodités auront cessé. notre faiblesse sera
changée en une force inaltérable. Dieu, enfin, Dieu Lui-même
régnera dans notre âme et dans notre corps, comme nous l’avons
expliqué avec les développements convenables dans le symbole
des Apôtres, en parlant de la Résurrection de la chair.
Telles sont les différentes significations
de ces mots Royaume de Dieu. Voyons maintenant à quoi tend particulièrement
cette demande.
Premièrement nous demandons à
Dieu que le Royaume de Jésus-Christ, qui est l’Eglise, s’étende
au loin ; que les infidèles et les Juifs se convertissent à
la Foi chrétienne et à la connaissance du vrai Dieu ; que
les schismatiques et les hérétiques rentrent en eux-mêmes
et reviennent à la Communion de l’Eglise dont ils se sont séparés,
afin que soit accomplie et réalisée cette parole du Seigneur
dans le Prophète Isaïe: « Elargis l’enceinte
de ton pavillon, et développe les voiles de tes tentes ; allonge
tes cordages ; affermis tes pieux ; tu pénétreras à
droite et à gauche, parce que Celui qui t’a créé sera
ton Seigneur »: et celle-ci: « Les nations marcheront à
ta lumière, et les rois d l’éclat de ta splendeur. Lève
les yeux autour de toi, et vois: tous ces peuples s’avancent vers toi ;
tes fils viendront de loin ; tes filles s’élèveront à
tes côtés. »
Mais il y a dans l’Eglise des Chrétiens
qui confessent Dieu de bouche, et qui Le renient par leurs œuvres, des
Chrétiens, dont la Foi est défigurée et morte, en
qui le démon habite, par suite de leurs péchés, et
règne dans sa propre maison. nous demandons que le Royaume de Dieu
leur arrive aussi, afin que, s’arrachant aux ténèbres du
mal, et éclairés par la Lumière divine, ils soient
rétablis dans leur première dignité d’enfants de Dieu
; nous demandons que le Père céleste, en chassant de son
Royaume les hérésies, les schismes, le péché
et toutes les causes du péché, nettoie l’aire de son Eglise,
et lui permette de jouir d’une paix douce et tranquille, en servant Dieu
dans la piété et l’innocence.
Nous demandons, enfin, que Dieu vive et
règne seul en nous, afin que la mort n’ait plus sur nous aucun droit,
qu’elle soit observée par la victoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
et qu’ainsi, après avoir renversé et anéanti l’autorité,
la domination et la puissance de ses ennemis, II demeure le seul et unique
Souverain de toutes choses.
Les Pasteurs ne manqueront pas d’apprendre
aux Fidèles quel est l’esprit et le sens de cette demande, et par
suite avec quelles pensées et quelles dispositions ils doivent adresser
à Dieu cette Prière. Ils les exhorteront d’abord à
bien peser toute la force et la portée de cette parabole du Sauveur:
« Le Royaume des cieux est semblable à un trésor caché
dans un champ. Un homme vient-il à le trouver, il le cache de nouveau,
et dans sa joie, il s’en va, vend tout ce qu’il possède et achète
ce champ. » Ainsi celui qui connaîtra les richesses de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, pour elles, méprisera tout le reste. Biens,
fortune, puissance, tout sera vil à ses yeux. Rien ne saurait être
comparé à ce souverain Bien, ou plutôt rien ne saurait
tenir devant Lui. C’est pourquoi ceux qui auront le bonheur de connaître
ces richesses du Royaume de Dieu, s’écrieront avec l’Apôtre:
« Je me suis dépouillé de tout, je fais cas de toutes
choses comme de la boue, pour gagner Jésus-Christ. » C’est
la perle précieuse de l’Evangile. Celui qui aura dépensé
pour l’acheter tout l’argent qu’il avait retiré de la vente de tous
ses biens jouira d’un bonheur éternel. Heureux serions-nous, si
Notre-Seigneur Jésus-Christ daignait nous éclairer assez
pour faire voir cette perle de la Grâce divine, par laquelle Il règne
en tous ceux qui Lui appartiennent ! nous serions prêts à
tout vendre et à tout donner, jusqu’à nous-mêmes, pour
l’acquérir et pour la conserver. C’est alors que nous pourrions
dire, sans la moindre crainte: « Qui pourra nous séparer
de la Charité de Jésus-Christ ? » Que si nous voulons
savoir quelle est l’excellence de la gloire du Royaume céleste,
et combien elle l’emporte sur tout le reste, écoutons ce que dit
le Prophète Isaïe, et après lui l’Apôtre Saint
Paul: « L’œil n’a point vu, l’oreille n’a point entendu,
le cœur de l’homme n’a jamais conçu ce que Dieu a préparé
pour ceux qui l’aiment. »
§ V. — DANS QUELS SENTIMENTS IL FAUT
FAIRE CETTE DEMANDE.
Mais pour obtenir plus sûrement
l’effet de notre demande, il sera très utile de nous redire à
nous-mêmes qui nous sommes, c’est-à-dire les enfants d’Adam,
trop justement chassés du paradis, condamnés à l’exil,
et dignes par nos misères et nos péchés, de toute
la haine de Dieu et des éternels supplices. Alors nous nous tiendrons
dans l’abaissement et l’abjection. notre Prière sera pleine d’humilité.
nous nous défierons de nous-mêmes, pour nous jeter, comme
le Publicain de l’Evangile, dans le sein de la Miséricorde de Dieu.
nous rapporterons tout à sa Bonté, et nous lui rendrons d’immortelles
actions de grâces, d’avoir bien voulu « nous donner son esprit
dans lequel nous avons la confiance de crier: Père, Père
! »
Nous cherchons ensuite à bien connaître
ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter pour parvenir au Royaume
céleste. Car Dieu ne nous a pas appelés à l’oisiveté
et à la paresse ; Il nous dit au contraire: «
Le Royaume des cieux souffre violence, et ce sont les violents qui l’emportent.
» Et ailleurs: « Si vous voulez entrer dans la
vie, gardez les Commandements. »
Ce n’est donc point assez de demander
le Royaume de Dieu, si en même temps on ne travaille avec soin et
avec zèle à le mériter. Il faut aider la grâce,
et devenir les coopérateurs de Dieu dans la route à suivre
pour arriver au ciel. Dieu ne nous abandonne jamais. Il nous a promis d’être
toujours avec nous. A nous de prendre garde de ne point quitter Dieu et
de ne point nous abandonner nous-mêmes. Dieu a mis dans son Eglise,
qui est son Royaume ici-bas, tout ce qui est nécessaire pour protéger
notre vie mortelle et assurer notre Salut éternel: et ces légions
d’Anges invisibles, et ce trésor visible des Sacrements, si riches
en grâces célestes. Avec de tels secours, que la bonté
de Dieu nous a ménagés, non seulement nous n’avons rien à
craindre de la puissance de nos ennemis acharnés, mais même
nous pouvons terrasser le tyran des enfers et le fouler aux pieds avec
ses cruels satellites.
Demandons donc très instamment
au Saint Esprit qu’Il nous enseigne à faire toutes choses selon
sa volonté ; qu’Il détruise l’empire de Satan, afin qu’au
dernier jour il n’ait aucun pouvoir sur nous. Demandons que Jésus-Christ
soit vainqueur, et qu’Il triomphe ; que ses lois soient en vigueur par
toute la terre, que ses décrets soient partout exécutés,
qu’il n’y ait ni traître ni déserteur parmi les siens, et
que tous se montrent tels qu’ils puissent se présenter avec confiance
devant Dieu leur Souverain, et entrer ensuite en possession du Royaume
céleste qui leur a été préparé de toute
éternité, et où ils jouiront avec Jésus-Christ
d’un bonheur qui n’aura point de fin.
Chapitre quarante-deuxième
— Troisième demande de l’Oraison Dominicale
QUE VOTRE VOLONTE SOIT FAITE SUR LA TERRE
COMME AU CIEL.
Puisque Notre-Seigneur Jésus-Christ
nous assure que « tous ceux qui lui disent: Seigneur,
Seigneur, n’entreront point dans le Royaume des cieux ; mais que celui-là
seul y entrera qui fait la Volonté de son Père qui est dans
le ciel », il est donc de toute nécessité que tous
ceux qui désirent parvenir à ce Royaume céleste, demandent
à Dieu que sa Volonté soit faite. Voilà pourquoi cette
demande vient immédiatement après celle du Royaume des cieux.
Mais pour mieux faire comprendre aux Fidèles
combien ce que nous demandons par cette Prière nous est indispensable,
et quelle abondance de salutaires faveurs elle nous obtient, les Pasteurs
auront soin de bien montrer toutes les misères et toutes les calamités
qui ont accablé le genre humain, depuis le péché de
nos premiers parents.
§ I. — MISERES DU GENRE HUMAIN, LEUR
CAUSE.
Dès le commencement, Dieu donna
à chaque créature le désir du bien qui lui est propre
; de sorte que par une inclination naturelle, toute créature désire
et cherche sa fin, dont, au reste, on ne la voit jamais s’écarter,
à moins qu’un obstacle étranger ne vienne l’en détourner.
Pour l’homme sortant des mains de son Créateur, cette inclination
qui le poussait vers Dieu, le Principe et l’Auteur de sa félicité,
était d’autant plus noble et plus ardente, qu’il était doué
de raison et de jugement.
Mais tandis que les autres créatures
qui ne jouissaient pas de la raison, conservaient cette disposition de
la nature et cette bonté première que Dieu leur avait données
en les créant, et qu’elles possèdent encore maintenant, l’infortuné
genre humain sortit de sa voie. Et non seulement il perdit les biens de
la justice originelle dont Dieu l’avait orné et enrichi par un privilège
qui dépassait sa nature, mais il affaiblit encore ce goût
de la vertu qui avait été gravé dans son mur. «
Tous se sont éloignés, dit le Prophète , ils
se sont corrompus ; ils n’y en a plus qui fassent le bien, il n’y en a
plus un seul. »
En effet, « l’esprit et le cœur
de l’homme sont inclinés vers le mal dés sa jeunesse.
» D’où il est facile de voir que nul, par lui-même,
ne saurait avoir le goût des choses du salut, mais au contraire que
tons les hommes sont portés au mal ; que leurs passions déréglées
sont innombrables et les entraînent, et les précipitent avec
une force incroyable dans la colère, dans la haine, dans l’orgueil,
dans l’ambition, en un mot dans toutes sortes de vices.
Toutes ces misères ne sont que
trop réelles, nous les sentons sans cesse en nous. Et pourtant notre
plus grande misère c’est qu’un bon nombre de ces maux sont loin
de nous paraître de véritables maux. témoignage effrayant
de notre malheureuse condition ! Aveuglés par nos passions et nos
excès, nous ne voyons pas que ce qui nous paraît bon et salutaire
est trop souvent détestable. Bien plus, nous courons avec empressement
après ces biens funestes comme s’ils étaient vraiment désirables
et parfaits ; et nous n’éprouvons que de l’éloignement et
de l’aversion pour ce qui constitue le vrai Bien et la Vertu même,
comme s’ils étaient contraires à notre bonheur. Mais Dieu
ne peut souffrir ces pensées fausses, ces jugements corrompus. Il
les condamne et les maudit par la bouche d’Isaïe: «
Malheur à vous qui appelez le mal un bien, et le bien un mal ; qui
prenez la lumière pour les ténèbres, et les ténèbres
pour la lumière ; qui choisissez l’amer pour le doux et le doux
pour l’amer ! »
Aussi, pour nous faire mieux comprendre
l’énormité de nos misères, nos Saints Livres ne craignent
pas de nous comparer à ceux qui ont perdu le sens du goût,
et qui repoussent la nourriture saine et fortifiante, pour lui préférer
des mets pernicieux. Ils nous comparent également à des malades,
lesquels, tant que dure leur maladie, sont incapables d’accomplir les devoirs
et de remplir les fonctions des personnes qui jouissent de leurs forces
et de leur santé. Ainsi nous-mêmes, sans le secours de la
Grâce de Dieu, nous ne pouvons rien faire qui lui soit agréable.
Que si dans cet état nous entreprenons
ou faisons quelque bien, ce bien sera sans importance, et nous servira
à peine pour le ciel. Mais aimer Dieu et Le servir comme il convient,
c’est quelque chose de trop noble et de trop sublime pour que, dans l’état
de faiblesse et d’abaissement où nous sommes, nous puissions le
faire de nous-mêmes. Pour atteindre à cette hauteur, il faut
que nous soyons soulevés en quelque sorte par la Grâce de
Dieu.
Voici encore une comparaison bien propre
à faire ressortir la misère de notre condition. Un peut dire
que nous ressemblons à des enfants qui, abandonnés à
eux-mêmes, se portent sans réflexion sur toute sorte d’objets.
Oui, nous sommes de vrais enfants, des êtres inconsidérés,
tout entiers aux entretiens frivoles et aux actions futiles, si le secours
de Dieu nous abandonne. De là ce reproche que nous adresse la Sagesse:
« Jusques à quand aimerez-vous la vanité comme des
enfants ? Jusques à quand les insensés désireront-ils
ce qui leur est pernicieux ? » et cette recommandation de l’Apôtre:
« Ne vous faites pas enfants, sans prudence et sans discernement.
»
Au surplus, notre vanité et notre
aveuglement surpassent de beaucoup les illusions des enfants. Car ils ne
manquent, eux, que de la sagesse humaine qu’ils peuvent acquérir
avec le temps. nous, au contraire, sans le secours et la grâce de
Dieu, nous ne pouvons pas même aspirer à cette prudence divine
qui pourtant est nécessaire au salut. Et si ce secours cesse de
nous soutenir un seul instant, nous repoussons aussitôt les biens
véritables, et nous nous précipitons de nous-mêmes
dans la mort.
Mais que, grâce à la Lumière
divine qui dissipe les ténèbres de l’esprit, un Chrétien
aperçoive nos misères trop réelles ; que, secouant
son insensibilité, il se rende compte de l’opposition de nos passions
et de la loi des membres contre la loi de l’esprit ; qu’il considère
enfin la violence de notre entraînement naturel vers le mal, comment
pourra-t-il ne pas chercher avec le plus vif empressement le remède
à ces maux si grands dont la nature nous accable, et ne pas désirer
ardemment de trouver enfin une règle salutaire pour y conformer
sa conduite et sa vie ?
§ II. — NOUS DEMANDONS LE REMEDE A NOS MISERES PAR CES MOTS QUE VOTRE VOLONTE SOIT FAITE, ETC...
Or, voilà précisément
ce que nous demandons à Dieu, quand nous lui disons: Que votre volonté
soit faite ! C’est en désobéissant à Dieu et en méprisant
sa volonté, que nous sommes tombés dans toutes ces misères
; dés lors l’unique, le véritable remède à
tous nos maux, celui que Dieu Lui-même nous a donné, sera
de vivre enfin selon cette Volonté divine que nous avons foulée
aux pieds en nous livrant au péché, et de régler désormais
toutes nos pensées et toutes nos actions sur ce qu’elle prescrit.
C’est pour arriver à ce but que nous disons humblement à
Dieu dans notre prière : Que votre Volonté soit faite !
Et les justes eux-mêmes, ceux en
qui Dieu règne déjà, et qui ont été
éclairés des rayons de la divine Lumière, doivent
demander avec ardeur la grâce dont ils ont besoin pour demeurer soumis
à sa sainte Volonté. Car, malgré leurs bonnes dispositions
actuelles, ils n’en ont pas moins à lutter contre leurs propres
passions, à cause de l’inclination au mal que nous portons tous
en dedans de nous-même. Et cela est si vrai que, fussions-nous réellement
justes, nous serions encore pour nous-mêmes un très grand
danger ici-bas. Oui, nous devrions craindre « qu’entraînés
et séduits par les convoitises qui combattent dans nos membres »
nous n’abandonnions le chemin du salut. C’est pour nous prémunir
contre ce danger que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous dit
: « Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation ; car l’esprit
est prompt, mais la chair est faible. »
C’est qu’en effet il n’est pas donné
à l’homme, même à celui qui a été justifié
par la Grâce de Dieu, et qui la possède, de dompter les appétits
de la chair au point qu’ils ne se révoltent plus jamais. La Grâce
de Dieu, à la vérité, guérit l’âme de
ceux qui ont été justifiés par elle, mais elle ne
guérit point la chair. Et c’est ce qui a fait dire à l’Apôtre
Saint Paul : « Je sais que le bien n’habite point en moi, c’est-à-dire
dans ma chair. » Dés le moment même où le premier
homme eut perdu la justice originelle, qui, comme un frein, retenait toutes
ses passions dans l’ordre, la raison est devenue radicalement impuissante
à les contenir dans le devoir, et à les empêcher de
désirer ce qu’elle-même repousse. C’est pourquoi l’Apôtre
nous dit que le péché, c’est-à-dire, un foyer de péché,
habite dans la chair de l’homme, afin de nous faire bien comprendre qu’il
n’est pas en nous pour un temps et comme un hôte qui passe, mais
que, tant que nous vivons, il demeure en nous comme dans sa propre et perpétuelle
habitation.
Ainsi donc, puisque nous sommes sans cesse
aux prises avec des ennemis domestiques et intérieurs, il nous est
facile de comprendre que nous devons chercher et trouver en Dieu notre
secours, en Lui demandant que sa Volonté se fasse en nous.
§ III. — CE QUE C’EST QUE LA VOLONTE
DE DIEU.
Il ne faut pas laisser ignorer aux Fidèles
quelle est la portée de cette demande. Sans entrer dans toutes les
explications que les Docteurs scolastiques ont données sur cette
question avec autant d’utilité que d’abondance, disons que la Volonté
de Dieu dont il s’agit ici, est celle que l’on appelle communément
la volonté de signe, c’est-à-dire ce que Dieu nous a ordonné
ou conseillé de faire ou d’éviter.
Ainsi, sous le nom de volonté,
nous comprenons tout ce qui a été établi, soit dans
l’ordre de la Foi, soit dans l’ordre des mœurs, pour nous procurer le bonheur
céleste ; enfin tout ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous
a ordonné ou défendu soit par Lui-même, soit par son
Eglise. C’est de cette volonté que l’Apôtre nous dit
: « Ne soyez point impudents, mais comprenez quelle est la Volonté
de Dieu. »
Lors donc que dans notre Prière
nous disons à Dieu que votre Volonté soit faite, nous demandons
avant tout à notre Père céleste de nous donner la
force d’obéir à ses Commandements et de le servir dans la
sainteté et la justice tous les jours de notre vie.
De faire tout selon sa volonté
et son bon plaisir. De nous acquitter de tous les devoirs qui nous sont
prescrits dans nos Saints Livres.
D’accomplir sous sa conduite et par son
impulsion tout ce qui convient à ceux qui sont nés non de
la chair, mais de Dieu , suivant l’exemple de Jésus-Christ,
qui s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort de la
Croix. . Enfin d’être prêts à tout souffrir plutôt
que de nous écarter en rien de sa Volonté:
Mais nul ne saurait réciter cette
demande avec un amour plus intense et une ardeur plus vive que celui à
qui il a été donné de comprendre la dignité
sublime du Chrétien qui obéit à Dieu. Celui-là
sent toute la vérité de cette parole: servir Dieu et Lui
obéir, c’est régner ; et de celle-ci de Notre-Seigneur
: « Quiconque fera la Volonté de mon Père qui est dans
les cieux, sera mon frère, ma sœur, et ma mère, c’est-à-dire.
Je lui demeurerai attaché par les liens les plus étroits
de la bienveillance et de l’amour. »
Parmi les saints, il n’en est presque
point qui n’aient fait de la précieuse faveur renfermée dans
cette demande, l’objet de leurs prières les plus instantes. très
souvent même ils se sont servis pour cela de paroles aussi belles
que variées. Mais l’un des plus admirables et des plus touchants
dans cette diversité de prières, c’est David. tantôt
il dit : « Faites que mes voies se dirigent vers l’observation
de vos Commandements ; tantôt: conduisez-moi dans la voie de vos
Commandements ; d’autres fois: dirigez mes pas selon votre parole et ne
permettez pas que l’in justice domine en moi ; ou bien: donnez-moi l’intelligence,
pour que je connaisse vos préceptes. Enseignez-moi vos jugements,
et donnez-moi l’intelligence pour que j’entende vos témoignages.
» Il répète et retourne la même pensée
dans une multitude d’autres endroits, qu’il sera bon de signaler et d’expliquer
avec soin aux fidèles, afin qu’ils comprennent parfaitement la grandeur
et l’abondance de tous les biens renfermés dans cette demande.
En second lieu, lorsque nous disons: que
votre Volonté soit faite, nous détestons les œuvres de la
chair, dont l’Apôtre a dit: les œuvres de la chair, c’est-à-dire
toutes sortes d’impuretés sont manifestes, etc. Et: si vous vivez
selon la chair, vous mourrez. Dés lors nous demandons à Dieu
de ne pas nous laisser accomplir ce que les sens, les passions et notre
faiblesse pourraient nous conseiller, mais de régler notre volonté
sur la sienne.
Les voluptueux, dont les pensées
et les affections sont absorbées tout entières par l’amour
du plaisir, sont bien éloignés de cette sainte Volonté
de Dieu. Emportés par leurs passions, ils se précipitent
à la conquête de ce qu’ils ont désiré, et placent
le bonheur dans la satisfaction de leurs criminelles convoitises. Et ils
en viennent à cet excès, de regarder comme heureux quiconque
possède tout ce qu’il désire. nous, au contraire, nous demandons
à Dieu, comme dit l’Apôtre , « de ne point noue
laisser aller à contenter la chair dans ses convoitises ; mais de
faire la Volonté de Dieu. » Cependant, il faut convenir que
c’est une chose difficile pour nous de demander à Dieu qu’Il ne
contente pas nos passions. Sous ce rapport, notre esprit est difficile
à persuader. D’une part, en faisant cette demande, nous paraissons
avoir de la haine contre nous-mêmes ; et, de l’autre, ceux qui sont
entièrement attachés à leurs corps, nous en font un
crime et une folie. Mais subissons volontiers ce reproche de folie pour
l’amour de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous dit clairement
: « Si quelqu’un veut venir après Moi, qu’il se renonce lui-même.
» ne savons-nous pas, d’ailleurs, qu’il vaut infiniment mieux désirer
ce qui est juste et raisonnable que d’atteindre et posséder ce qui
est contraire à la raison, à la vertu et à la Loi
de Dieu ? Et celui-là n’est-il pas bien plus à plaindre,
qui a obtenu ce qu’il recherchait inconsidérément et sous
l’impulsion de la passion, que celui qui demeure privé même
des choses légitimes qu’il souhaitait ? Au reste, non seulement
nous demandons à Dieu de nous refuser l’objet de nos désirs
naturels, puisqu’il est constant que nos désirs sont déréglés,
mais encore de ne pas nous accorder ce que parfois nous demandons comme
une chose qui nous paraît bonne, sous l’inspiration et la suggestion
du démon, qui se transforme alors en ange de lumière.
Certes, le Prince des Apôtres paraissait
animé du zèle le plus pur et de l’amour le plus vrai, lorsqu’il
s’efforçait de détourner Notre-Seigneur de ce voyage qui
ne pouvait que Le conduire à la mort. Et cependant, comme il était
mû par des sentiments trop humains, et non point par une raison surnaturelle,
il en est vivement repris par Jésus-Christ.
Et pouvait-on, ce semble, faire une demande
dictée par un amour plus sincère envers Notre-Seigneur, que
celle de Saint Jacques et de Saint Jean, lorsque, remplis d’indignation
contre les Samaritains qui avaient refusé de recevoir leur Maître,
ils Le conjuraient de faire descendre le feu du ciel pour punir ces êtres
durs et inhumains. Et pourtant Jésus-Christ les condamne en ces
termes : « Vous ne savez point à quel esprit vous
appartenez ; le Fils de l’homme n’est pas venu pour perdre les âmes,
mais pour les sauver. »
Et ce n’est pas seulement quand l’objet
de nos désirs est mauvais, ou bien quand il a quelque apparence
de mal, que nous devons demander à Dieu que sa Volonté soit
faite ; mais encore lorsque la chose que nous désirons n’est point
mauvaise en réalité, comme, par exemple, lorsque la volonté,
suivant le premier mouvement de la nature, se jette sur ce qui peut nous
sauver la vie, et repousse au contraire ce qui semble lui -être nuisible.
Si donc nous nous trouvons dans le cas
de demander à Dieu quelque chose de ce genre, disons-lui du fond
du cœur: que votre Volonté soit faite ! imitons Celui qui nous a
donné le salut, et la science du salut. Lorsque la nature Lui inspira
cette crainte si vive de la mort cruelle qui L’attendait, et que son âme
fut en proie à la tristesse la plus accablante, Il soumit entièrement
sa Volonté à celle de Dieu son Père, en disant:
« Que votre volonté se fasse, et non pas la mienne. »
Mais, hélas ! notre nature a été
si profondément atteinte par le péché d’Adam, que,
même après avoir courageusement résisté à
nos passions, après avoir humblement soumis notre volonté
à celle de Dieu, il nous est impossible d’éviter le péché
sans un secours surnaturel qui nous protège contre le mal et nous
dirige vers le bien. nous avons donc besoin de recourir à cette
Prière et de demander à Dieu d’achever en nous ce qu’il a
commencé, de comprimer les mouvements impétueux de notre
cœur. de soumettre nos appétits à la raison, et enfin de
nous rendre en tout conformes à sa Volonté.
Nous demandons aussi que la terre entière
connaisse la Volonté de Dieu, afin que le Mystère divin,
qui demeura caché à tant de générations et
à tant de siècles, soit maintenant révélé
et manifesté à tous les hommes.
§ IV. — SUR LA TERRE COMME AU CIEL.
Nous demandons, de plus, la forme et la
mesure de notre obéissance, c’est-à-dire qu’elle soit semblable
à cette règle, que les saints Anges et tout le chœur des
Bienheureux observent dans le ciel. nous demandons en un mot que si les
Anges et les Saints se conforment spontanément et avec un souverain
plaisir à la très sainte Volonté de Dieu, nous, de
notre côté, nous obéissions
volontiers à tous
ses ordres, et de la manière qui Lui plaît le plus.
Et de fait, dans tout ce que nous faisons
et accomplissons à son service, Dieu demande de nous une véritable
plénitude de Charité et d’amour ; de telle sorte que si nous
nous consacrons entièrement à Lui par l’espoir des récompenses
d’outre tombe, nous ne devons cependant les espérer que parce qu’il
a plu à sa divine Majesté de nous donner cette espérance.
Il faut donc que notre espérance soit tout entière fondée
sur notre amour pour Dieu, puisqu’Il n’a promis qu’à l’amour la
béatitude éternelle.
Il en est qui obéissent avec amour,
mais cependant en vue de la récompense qui les attend. D’autres,
uniquement conduits par l’amour et le dévouement, ne voient dans
Celui qu’ils servent que sa Bonté et ses perfections dont la pensée
les ravit d’admiration, et ils se trouvent très heureux de pouvoir
Lui marquer leur soumission, en se consacrant à son service. Voilà
le sens dans lequel nous disons: sur la terre comme au ciel. Car nous devons
nous efforcer d’obéir à Dieu sur la terre, comme les Bienheureux
lui obéissent dans le ciel. Or, n’oublions pas que David célèbre
leur parfaite soumission dans ce beau cantique: « Bénissez
le Seigneur, vous qui êtes ses Anges et ses Ministres, et qui faites
sa Volonté. »
Il est permis d’adopter ici l’interprétation
de Saint Cyprien, qui par le ciel entend les bons et les justes, et par
la terre, les méchants et les impies. On peut penser aussi comme
lui que le ciel, c’est l’esprit, et la terre, la chair. En sorte que le
fruit de cette demande est que tous les hommes et toutes les créatures
soient en toutes choses parfaitement soumis à Dieu.
Cette même demande contient aussi
une action de Grâces. Par elle, en effet, nous témoignons
notre vénération pour la très sainte Volonté
de Dieu, et dans le transport de notre joie, nous exaltons toutes ses œuvres
par la louange et la reconnaissance la plus vive, nous qui savons mieux
que personne qu’Il a bien fait toutes choses. Dieu est tout Puissant, cela
est certain. Dès lors nous sommes obligés de reconnaître
que tout a été fait par sa Volonté. Et comme d’autre
part nous affirmons, sans crainte de nous tromper, qu’Il est infiniment
bon, nous proclamons par là même qu’il n’y a rien dans ses
œuvres qui ne soit bon, puisqu’Il a dû nécessairement leur
communiquer sa Bonté. Mais comme, malgré tout, nous sommes
loin de saisir les raisons de Dieu en toutes choses, cependant nous devons
reconnaître sans hésitation, et en dépit de l’obscurité,
que les voies de Dieu sont impénétrables.
Nous avons encore un autre puissant motif
de vénérer la Volonté de Dieu, c’est qu’Il a daigné
nous éclairer de sa céleste Lumière, et nous arracher
à la puissance des ténèbres, pour nous transporter
dans le Royaume de son Fils bien aimé.
Mais, pour terminer ici ce qui se rapporte
à l’explication de cette demande, il nous faut revenir à
ce que nous avons dit au début, et rappeler aux Fidèles qu’ils
doivent faire cette Prière avec une profonde humilité d’esprit
et de cœur, réfléchissant en eux-mêmes à la
violence de leurs passions naturelles, si opposées à la Volonté
divine, et ne doutant point que dans les hommages rendus à cette
Volonté sainte, ils sont inférieurs à toutes les créatures,
dont l’Esprit Saint a dit: « elles lui obéissent
toutes », reconnaissant enfin qu’il faut être bien faible pour
ne pas pouvoir sans le secours du ciel, non seulement achever, mais même
entreprendre une seule action qui puisse être agréable à
Dieu.
Mais puisqu’il y a rien de plus grand,
rien de plus noble, comme nous l’avons dit, que de servir Dieu, et de régler
sa vie sur ses Commandements, que peut-il y avoir de plus désirable
pour un Chrétien que de marcher dans les voies du Seigneur, de ne
rien penser, de ne rien faire qui s’écarte en quoi que ce soit de
sa divine Volonté ?
Et pour adopter ces saintes habitudes,
et pour y persévérer plus fidèlement, le Chrétien
aura soin de chercher dans nos Saints Livres les exemples de ceux qui,
n’ayant pas voulu soumettre tous leurs desseins à la Volonté
de Dieu, ont vu tout se tourner contre eux.
Enfin il faut recommander aux Fidèles
de se reposer uniquement et absolument dans la Volonté de Dieu.
Que celui-là donc supporte patiemment
sa condition, qui se croit dans une situation inférieure à
son mérite. Qu’il n’abandonne point son état, mais qu’il
demeure dans celui où Dieu l’a placé. Qu’il soumette son
propre jugement à la Volonté de Dieu, car Dieu veille mieux
sur tous nos intérêts que nous ne pouvons le désirer
nous-mêmes. Si la pauvreté, si la maladie, si les persécutions,
les chagrins ou d’autres peines nous écrasent, n’oublions jamais
que rien de tout cela ne peut nous arriver sans la Volonté de Dieu,
qui est la raison souveraine et dernière de toutes choses. Et bien
loin d’en être troublés ou de nous en affliger trop, supportons
tout, avec un invincible courage et ces paroles sur les lèvres:
« Que la volonté du Seigneur se fasse », ou le mot du
saint homme Job: « Comme le Seigneur a voulu, il a été
fait: que le nom du Seigneur soit béni ! »
Chapitre quarante-troisième
— Quatrième demande de l’Oraison Dominicale
DONNEZ-NOUS AUJOURD’HUI NOTRE PAIN QUOTIDIEN
La quatrième demande, et les autres
qui suivent ont pour objet spécial, et nettement exprimé,
les biens propres de l’âme et du corps. Elles se rattachent de très
près et logiquement aux trois précédentes. tel est
en effet l’ordre et la disposition de l’Oraison Dominicale, qu’après
avoir demandé à Dieu ce qui se rapporte directement à
Lui, nous passons ensuite à ce qui regarde le corps et la conservation
de la vie présente.
De même en effet que les hommes
doivent se porter vers Dieu, comme vers leur fin dernière, de même
aussi, et par une raison identique, les biens de la vie humaine sont subordonnés
aux biens du ciel, et nous ne devons les désirer et les demander
qu’autant que l’ordre providentiel le permet, ou bien parce qu’ils nous
servent de moyens pour acquérir les biens divins, et pour atteindre
le but que nous devons toujours nous proposer. Ce but, c’est notre fin
dernière ; en d’autres termes, le Royaume et la Gloire du Père
céleste. Et cette fin nous ne pouvons l’obtenir que par l’observation
des Commandements de Dieu et de toutes ses volontés. Ainsi tout
ce qui est renfermé dans cette demande, avec toute la portée
qu’elle possède, nous devons le rapporter exclusivement à
Dieu et à sa Gloire.
§ I. — DE QUELLE MANIERE IL FAUT
DEMANDER LES BIENS DE LA VIE.
Les Pasteurs devront s’appliquer à
bien faire comprendre aux Fidèles qu’en demandant des choses qui
touchent à l’usage et à la jouissance des biens terrestres,
nous devons toujours diriger notre cœur et nos désirs sur les prescriptions
de Dieu, sans nous en écarter aucunement. Car c’est principalement
en demandant ces biens vains et fragiles que nous tombons dans la faute
que nous reproche l’Apôtre: « Nous ne savons point
ce que nous devons demander ni le faire comme il faut. » II faut
donc demander ces choses d’une manière convenable. Autrement, si
nous les demandons mal, Dieu pourrait nous répondre
« Vous ne savez pas ce que vous demandez. »
Nous possédons une marque certaine
pour juger notre Prière, et savoir si elle est bonne ou mauvaise
; nous n’avons qu’à consulter notre intention et notre dessein.
Ainsi demander les biens de la terre comme s’ils étaient des biens
véritables, s’y arrêter et s’y reposer comme dans sa fin dernière,
sans rien désirer au delà, ce n’est évidemment pas
prier comme il faut. « En effet, dit Saint Augustin,
nous ne demandons point ces choses temporelles comme des biens mais comme
des besoins. » Et l’Apôtre Saint Paul, écrivant aux
Corinthiens, enseigne positivement que tout ce qui regarde les nécessités
de la vie, doit être rapporté à la Gloire de Dieu.
« Soit que vous mangiez, dit-il, soit que vous buviez, soit que vous
fassiez quelqu’autre chose, faites tout pour la Gloire de Dieu. »
Afin de faire sentir aux Fidèles
l’extrême nécessité de cette demande, les Pasteurs
leur mettront sous les yeux. En quelque sorte, les choses dont nous avons
besoin pour la nourriture et la conservation de notre vie. Et pour leur
rendre cette démonstration plus sensible, ils feront bien de comparer
les besoins de notre premier Père avec ceux de ses descendants.
Il est vrai que dans cet état de parfaite innocence où il
avait été créé, et dont il fut privé
par sa faute avec toute sa postérité, il eût été
obligé de recourir à la nourriture pour réparer ses
forces ; mais quelle différence entre ses besoins et les nôtres
! Il ne lui fallait ni vêtements pour se couvrir, ni habitation pour
s’y retirer, ni armes pour se défendre, ni remèdes pour se
guérir, ni beaucoup d’autres choses qui nous sont nécessaires
à nous, pour protéger notre faiblesse et notre fragilité
naturelle. II lui suffisait, pour se rendre immortel, de manger le fruit
précieux que l’arbre de vie lui aurait procuré sans aucun
travail de lui ou de ses descendants.
Cependant, au milieu de toutes les délices
de ce paradis, l’homme ne devait point rester oisif. C’était pour
travailler que Dieu l’avait placé dans ce séjour du bonheur.
Mais mille occupation ne lui eût été pénible,
nul devoir désagréable. Il aurait recueilli perpétuellement
les fruits les plus délicieux de la culture de ses heureux jardins
; ni ses espérances, ni son travail ne l’auraient jamais trompé.
Mais sa postérité n’a pas
été seulement privée du fruit de l’arbre de vie, elle
s’est encore vue condamnée par cette sentence effroyable:
« La terre est maudite dans votre travail ; vous mangerez de ses
fruits dans vos travaux tous tes jours de votre vie ; elle vous produira
des ronces et des épines, et vous mangerez tes herbes de la terre:
à la sueur de votre front vous vivrez de votre pain jusqu’à
ce que vous retourniez à la terre d’où vous avez été
tiré ; vous êtes poussière et vous retournerez en poussière.
»
Il nous est donc arrivé tout le
contraire de ce que nous eussions éprouvé, Adam et nous,
s’il eût été fidèle au Commandement de Dieu.
tout a été retourné et changé de la manière
la plus déplorable. Et ce qu’il y a de plus malheureux pour nous,
c’est que, très souvent, les plus grandes dépenses, les travaux
les plus durs, les sueurs elles-mêmes, tout reste vain et sans résultat.
Les grains confiés à une terre ingrate sont étouffés
par les mauvaises herbes qui les couvrent, ou bien ils périssent
détruits par les pluies, le vent, la grêle, la chaleur ou
la rouille, de sorte que l’on voit le labeur de toute une année
réduit à rien en un instant par quelque injure de l’air ou
des saisons. Malheur trop mérité, par l’énormité
de nos fautes qui éloignent Dieu de nous, et L’empêchent de
bénir nos efforts. Ainsi s’accomplit la terrible sentence prononcée
contre nous dés le commencement.
Les Pasteurs voudront bien insister sur
ce point, afin que les Fidèles n’ignorent pas que c’est par leur
faute que les hommes éprouvent ces maux et ces calamités
; afin qu’ils comprennent aussi que si d’une part il faut travailler et
souffrir pour se procurer les choses nécessaires à la vie,
de l’autre toute espérance sera trompeuse, tout effort inutile,
si Dieu ne bénit nos travaux. Car ni celui qui plante, n’est quelque
chose, ni celui qui arrose ; mais Dieu qui donne l’accroissement
. Et: si Dieu Lui-même ne bâtit point la maison, ceux qui l’élèvent
travaillent en vain .
C’est pourquoi les Pasteurs enseigneront
que nous avons besoin d’une multitude de choses, soit pour conserver notre
vie, soit pour la passer d’une manière agréable. Lorsque
les Fidèles auront conscience de ces besoins et de l’infirmité
de notre nature, ils se sentiront obligés de recourir au Père
céleste, et de Lui demander humblement les biens de la terre et
du ciel, ils imiteront l’enfant prodigue qui, pressé par le besoin
dans une contrée lointaine, et ne trouvant personne pour apaiser
sa faim, même en lui donnant la plus vile nourriture, rentra enfin
en lui-même et comprit qu’il ne trouverait qu’auprès de son
Père le remède à ses maux.
Mais ce qui augmentera encore la confiance
des Fidèles dans cette Prière, ce sera de penser que Dieu,
dans sa Bonté infinie, est toujours attentif à la voix de
ses enfants. Et de fait, puisqu’il nous exhorte à Lui demander notre
pain, n’est-ce pas une véritable promesse qu’Il nous fait de l’accorder
en abondance à tous ceux qui le demanderont comme il convient ?
en nous apprenant à prier, Il nous exhorte à le faire ; en
nous exhortant, II nous y porte ; en nous y portant Il promet, et en promettant
Il fait naître en nous l’espérance certaine d’être exaucés.
Après avoir excité et enflammé
l’ardeur des Fidèles, le Pasteur ne manquera pas de leur expliquer
ensuite ce que l’on sollicite comme fruit de cette demande, et d’abord
quel est ce pain que nous demandons.
§ II. — NOTRE PAIN QUOTIDIEN.
Ce nom de pain, dans la sainte Ecriture,
signifie beaucoup de choses, mais spécialement les deux suivantes
premièrement tout ce qui sert à notre nourriture, et en général
à tous les besoins du corps, secondement toutes les grâces
que Dieu nous accorde pour la vie de notre âme et pour notre salut.
C’est sur l’autorité des saints
Pères, très affirmatifs sur ce point, que nous demandons
tout ce qui est nécessaire pour notre vie terrestre. Il ne faut
donc pas écouter ceux qui prétendent qu’il n’est pas permis
à des Chrétiens de demander à Dieu les biens matériels
de cette vie. C’est une erreur combattue par tous les saints Pères,
et contraire à un grand nombre d’exemples de l’Ancien et du nouveau
testament. Ainsi Jacob, en faisant son vœu, disait: «
Si le Seigneur est avec moi, qu’Il me garde dans la route que je fais,
et qu’Il me donne du pain pour me nourrir et des vêtements pour m’habiller,
et que je retourne heureusement à la maison de mon père,
le Seigneur sera mon Dieu, et cette pierre que j’ai élevée
pour témoignage sera appelée maison de Dieu, et je Lui ofrirai
la dfme de tout ce, qu’Il m’aura donné. »
Salomon demandait aussi ce qui est nécessaire
à la vie matérielle, lorsqu’il faisait cette Prière:
« Ne me donnez ni la pauvreté, ni les richesses, mais accordez-moi
seulement les choses nécessaires pour ma subsistance. »
Et notre Sauveur Lui-même ne nous
ordonne-t-Il pas de demander des choses dont personne n’oserait nier qu’elles
se rapportent à la vie du corps ? Priez, disait-il , que votre
fuite n’arrive pas en hiver, ni le jour du Sabbat. Que dirons-nous de Saint
Jacques, dont voici les paroles: « Si quelqu’un de vous
est triste, qu’il prie ; s’il est dans la joie, qu’il chante. » Que
dirons-nous enfin de l’Apôtre Saint Paul, qui parlait ainsi aux Romains:
« Je vous conjure, mes Frères, par Notre-Seigneur Jésus-Christ,
et par la Charité du Saint-Esprit, de m’aider dans vos Prières
pour moi auprès de Dieu, afin que je sois délivré
des infidèles qui sont en Judée. »
Ainsi donc, puisque Dieu permet aux Fidèles
de Lui demander le secours des biens temporels, et que d’autre part Notre-Seigneur
nous a laissé une formule de prières qui renferme tous nos
besoins, il est impossible de douter que sur les sept demandes, il n’y
en ait une pour ces sortes de biens.
Nous demandons le pain quotidien, c’est-à-dire
ce qui est nécessaire à la vie, et par là nous devons
entendre les vêtements pour nous couvrir et les aliments pour nous
nourrir, quelle que soit d’ailleurs cette nourriture, pain ; viande, poisson
ou toute autre chose. C’est dans ce sens que nous voyons ce mot employé
par le Prophète Elisée, lorsqu’il avertit le Roi d’Israël
de fournir du pain aux soldats Assyriens: car on leur donna toutes sortes
d’aliments en abondance. Voici également ce que nous lisons de Jésus-Christ:
« Il entra un jour de Sabbat dans la maison de l’un des principaux
Pharisiens pour y manger le pain, » c’est-à-dire pour y prendre
un repas, lequel se compose du boire et du manger.
Mais pour bien marquer le sens précis
de cette demande, il ne faut point perdre de vue que par ces mots de pain
nous entendons signifier non des mets et des vêtements recherchés
et nombreux mais seulement le simple nécessaire.
C’est la pensée de l’Apôtre
Saint Paul, dans ce passage « ayant de quoi nous nourrir
et nous vêtir, soyons, contents ». Et Salomon que nous avons
déjà cité, ne demandait pas autre chose:
« donnez-moi seulement, disait-il ce qui est nécessaire pour
sa subsistance »
Le mot notre qui accompagne celui de pain
nous rappelle aussi cette modération et cette frugalité dont
nous parlons. En effet, lorsque nous disons notre pain, nous demandons
positivement le pain de la nécessité, et non pas le pain
du luxe. Et il faut remarquer de plus que nous disons notre, non point
parce que nous pouvons nous le procurer par notre travail et sans le secours
de Dieu — car toutes les créatures, dit David en s’adressant à
Dieu, attendent que Vous leur donniez leur nourriture au temps marqué.
Vous la donnerez, et elles la recevront ; Vous ouvrirez votre main, et
elles seront toutes rassasiés de vos biens. Ailleurs il dit encore:
les yeux de toutes les créatures espèrent en vous, Seigneur,
et Vous leur donnez leur nourriture au temps convenable — nous disons notre
pain, parce qu’il nous est nécessaire, et que Dieu seul nous le
donne, Dieu qui est le Père de toutes choses et qui nourrit tous
les êtres animés par sa sainte Providence.
Nous l’appelons encore notre, ce pain,
parce que nous ne devons l’acquérir que par des moyens légitimes,
et ne pas nous le procurer par l’injustice, la fraude, ou le vol. Ce que
nous obtenons par des voies coupables, n’est point à nous, mais
aux autres ; et trop souvent de graves ennuis en accompagnent l’acquisition,
ou la possession ou à coup sûr la perte. Au contraire les
richesses honnêtement acquises par le travail sont, au témoignage
du Prophète, une source de paix et de grande satisfaction pour les
gens vertueux. « Parce que vous vous nourrirez du travail de vos
mains, dit-il , vous serez heureux et comblés de biens. »
C’est qu’en effet Dieu dans sa Bonté promet de bénir et de
faire fructifier le travail de ceux qui ne voient dans leurs fatigues quotidiennes
que le moyen providentiel de gagner leur vie. « Le Seigneur, est-il
dit dans nos Saints Livres , versera ses bénédictions
sur vos celliers, et sur tous les ouvrages de vos mains, et Il vous bénira.
» Et non seulement nous demandons à Dieu qu’Il nous permette
d’user de ce que nous avons acquis grâce à Lui, par nos sueurs
et notre énergie — et qu’à ce titre nous appelons vraiment
notre — mais encore nous Lui demandons la bonne disposition du cœur qui
nous fera user avec sagesse et légitimement de ce que nous aurons
légitimement acquis.
Quotidien. Ce mot nous rappelle aussi
cette frugalité et cette modération dont nous pariions tout
à l’heure. nous ne demandons ni la variété, ni la
délicatesse des mets, mais uniquement ce qui est nécessaire
aux besoins de la nature. nous ne craignons pas de faire rougir de honte
certaines personnes qui dédaignent une nourriture et une boisson
communes, et sont toujours en quête de ce qu’il y a de pies exquis
dans les aliments et dans les vins.
Ce même mot: quotidien, n’est-il
pas aussi la condamnation de ceux à qui s’adressent ces terribles
menaces d’Isaïe: « Malheur à vous, qui joignez
une maison à une autre, un champ à un autre, jusqu’à
l’extrémité du pays où vous êtes ? est-ce que
vous habiterez seuls au milieu de la ferre ? » Ces hommes en effet,
sont d’une avidité insatiable ; et c’est d’eux que Salomon disait:.
« L’avare ne sera jamais rassasié d’or », et Saint Paul:
« Ceux qui veulent devenir riches tomberont dans la tentation et
dans les filets du démon. »
Nous appelons encore ce pain quotidien,
parce que nous nous en nourrissons, pour réparer le principe vital
qui se consume tous les jours par l’effet de la chaleur naturelle.
Enfin, une dernière raison de nous
servir de ce mot quotidien, c’est que nous devons demander ce pain tous
les jours, afin de nous retenir dans l’habitude d’aimer et d’adorer Dieu
tous les jours, et de nous convaincre absolument de cette vérité
essentielle, que notre vie et notre salut dépendent entièrement
de Dieu.
§ III. — DONNEZ-NOUS AUJOURD’HUI.
Donnez-nous. Dans ces deux simples mots,
quelle abondante matière offerte aux Pasteurs pour exhorter les
Fidèles à honorer et à respecter, avec toute la piété
possible, l’infinie Puissance de Dieu qui dispose de tout absolument. Et
à détester le crime exécrable de Satan, l’orgueilleux
et le menteur qui osa dire à Jésus-Christ: «
Toutes choses m’ont été livrées, et je les donne à
qui je veux. » Car c’est le seul bon plaisir de Dieu qui distribue,
qui conserve, et qui augmente tout.
Mais, dira-t-on, pourquoi imposer aux
riches la nécessité de demander leur pain quotidien, puisqu’ils
sont dans l’abondance de toutes choses ? C’est, répondons-nous,
non afin qu’ils obtiennent des biens dont la bonté de Dieu les a
comblés, mais afin qu’ils ne les perdent point. Au surplus c’est
pour eux que l’Apôtre Saint Paul a écrit: «
Que les riches ne devaient point être orgueilleux, ni mettre leur
confiance dans l’incertain des richesses, mais dans le Dieu vivant qui
nous donne abondamment de quoi fournir à nos besoins. » Une
autre raison que donne Saint Chrysostome, de la nécessité
de cette Prière: « C’est que nous devons demander,
non pas seulement que la nourriture nous soit donnée, mais qu’elle
nous soit donnée par la main du Seigneur qui, en lui communiquant
une vertu bienfaisante et tout à fait salutaire, fait que cette
nourriture profite au corps, et que le corps sert l’âme. »
Mais pourquoi disons-nous: donnez-nous,
au pluriel, et non pas: donnez-moi ? Parce que c’est le propre de la Charité
chrétienne, que chacun ne songe pas seulement à soi-même,
mais qu’il s’intéresse aussi au prochain, et qu’en s’occupant de
ses propres intérêts, il se souvienne aussi de ceux des autres.
Joignez à cela que lorsque Dieu accorde des avantages à quelqu’un,
ce n’est pas pour que celui-là en profite seul, ou qu’il en jouisse
avec intempérance, mais pour qu’il distribue aux autres son superflu
. « Car, disent Saint Basile et Saint Ambroise, C’est le pain de
ceux qui ont faim que vous retenez, c’est le vêtement de ceux qui
sont nus que vous cachez, et cet argent que vous enfouissez dans la terre,
c’est le rachat, c’est la délivrance des malheureux. »
Aujourd’hui. Ce mot nous avertit tous
de notre commune faiblesse. Car quel est l’homme qui, même s’il n’espère
pas pouvoir par ses seules ressources s’assurer pour un temps un peu long
les choses nécessaires à la vie, ne se flatterait du moins
de se suffire à lui-même durant l’espace d’un jour ? et cependant
Dieu n’autorise pas cette confiance en nous, puisqu’Il nous a fait un commandement
de Lui demander notre pain de tous les jours. Et ceci est fondé
sur cette raison capitale, qu’ayant tous et chaque jour besoin de nourriture,
chaque jour aussi nous devons tous la demander dans l’Oraison Dominicale.
Voilà ce@ que nous avions à
dire du pain matériel qui nourrit et soutient le corps, qui est
commun aux Fidèles et aux infidèles, aux justes et aux impies,
qui est distribué à tous par l’admirable bonté de
Dieu, « qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants,
et qui fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. »
§ IV. — DU PAIN SPIRITUEL.
Reste le Pain spirituel dont nous avons
également à parler ici. Or, ce Pain signifie et comprend
tout ce don nous avons besoin en cette vie pour le salut et la sanctification
de notre âme. Car de même qu’il y a différente espèces
d’aliments propres à nourrir notre corps, de même aussi il
existe plus d’un. genre de nourriture capable d’entretenir la vie de l’esprit
et de l’âme.
Et d’abord la Parole de Dieu est véritablement
une nourriture de l’âme. « Venez, dit la Sagesse , mangez
mon Pain et buvez le Vin que j’ai préparé pour vous. »
Et lorsque Dieu enlève aux hommes
le bienfait de sa Parole — ce qu’Il fait ordinairement pour les punir de
quelque grand crime — on dit alors qu’Il les afflige par la famine. Ecoutons
le Prophète Amos: « J’enverrai la famine sur la
terre ; non la famine du pain, ni la soif de l’eau, mais celle de la parole
de Dieu. »
Et comme c’est un signe certain de mort
prochaine de ne pouvoir plus prendre de nourriture, ou de ne plus supporter
celle que l’on a prise, ainsi c’est une marque presque certaine d’éternelle
réprobation de ne point rechercher la Parole de Dieu, de ne la point
supporter, lorsqu’on l’entend, et d’oser répéter à
Dieu ces paroles épouvantables « Retirez-Vous
de nous, nous n’avons que faire de connaître la science de vos voies.
»
On trouve cet aveuglement, cette fureur
insensée, chez ceux qui abandonnent leurs chefs légitimes,
c’est-à-dire les Evêques et les Prêtres, qui se séparent
de la sainte Eglise Romaine, pour se faire les disciples des hérétiques
qui ne savent que corrompre la Parole de Dieu. Ensuite Notre-Seigneur Jésus-Christ
Lui-même est ce Pain qui est vraiment la nourriture de l’âme.
n’a-t-il pas dit Lui-même: « Je suis le pain vivant
descendu du ciel » ? et il est impossible d’imaginer la joie et le
bonheur que ce Pain surnaturel procure aux âmes pieuses, même
lorsqu’elles sont aux prises avec les plus grands chagrins et les plus
cruels mécomptes. nous le voyons par l’exemple des saints Apôtres
dont il est dit: « qu’ils sortirent du conseil, et s’en
allèrent pleins de joie. » Les vies des Saints sont remplies
de traits semblables ; et Dieu Lui-même, en parlant de ces délices
intérieures des âmes justes, nous dit: «
Je donnerai au vainqueur une manne cachée. »
Mais c’est principalement dans le Sacrement
de l’Eucharistie, où il est substantiellement présent, que
notre Seigneur Jésus-Christ est, à proprement parler, notre
Pain, [le Pain de nos âmes]. Et c’est lorsqu’Il était sur
le point de retourner à son Père qu’Il nous donna ce gage
incompréhensible de son amour, dont Il a dit Lui-même:
« Celui qui mange ma Chair et qui boit mon Sang, demeure en Moi,
et Moi en lui ; venez et mangez, ceci est mon Corps. »
Pour l’utilité et l’instruction
des Fidèles, les Pasteurs feront bien, sur le point qui nous occupe,
de consulter le chapitre de ce catéchisme, où nous traitons
séparément de la nature et de la vertu de l’Eucharistie.
Ce Pain, que nous appelons notre Pain
n’est cependant que le Pain des Fidèles, c’est-à-dire de
ceux qui, remplis de Foi et de Charité, effacent les souillures
de leurs péchés dans le sacrement de Pénitence, et
qui, se gardant bien d’oublier qu’ils sont les enfants de Dieu, honorent
et reçoivent ce divin Sacrement avec toute la piété
et le respect dont ils sont capables.
Mais pourquoi Jésus-Christ est-il
notre Pain quotidien ? en voici deux raisons excellentes: La première,
c’est que chaque jour, dans les sacrés Mystères de l’Eglise,
on L’offre à Dieu, et on Le distribue à ceux qui Le demandent
avec innocence et piété. La seconde, c’est que. nous devrions
chaque jour prendre cette nourriture, ou tout au moins vivre de telle sorte
que nous puissions tous les jours nous en nourrir, si cela nous était
possible. Ecoutez, vous qui prétendez que l’on ne doit prendre cette
nourriture de l’âme qu’à de longs intervalles, écoutez
Saint Ambroise: « Si c’est un Pain quotidien, dit-il,
pourquoi ne le mangez-vous qu’une fois l’an ? »
Mais, en expliquant cette demande, l’un
des points sur lesquels il importe le plus de donner une conviction aux
Fidèles, c’est que, après avoir employé toute leur
sagesse et toute leur habileté pour se procurer les choses nécessaires
à la vie, ils doivent en remettre le succès à Dieu,
et régler leurs désirs sur sa Volonté. Car Dieu, dit
le Prophète , ne laissera point le juste dans une éternelle
agitation. En effet, ou bien Dieu leur accordera ce qu’ils Lui demandent,
et alors leurs désirs seront satisfaits ; ou bien Il ne l’accordera
pas, et alors ils auront une preuve manifeste qu’il n’y avait rien ni de
salutaire ni d’utile dans ce qu’Il aura refusé à ses justes.
Car Il a bien plus de sollicitude pour leur salut, qu’ils ne peuvent en
avoir eux-mêmes. Les Pasteurs, pour développer davantage cette
considération et la mettre en lumière, pourront consulter
avec fruit la remarquable lettre de Saint Augustin à Proba.
Enfin, nous terminons ce que nous avions
à dire sur cette quatrième demande, en rappelant aux riches
qu’ils doivent rapporter à Dieu, de qui ils les tiennent, leur fortune
et leurs grandes ressources, et ne jamais oublier qu’ils n’ont été
comblés de tous ces biens que pour en faire part aux indigents.
Ainsi l’enseigne l’Apôtre Saint Paul dans sa première épître
à Timothée. Les Pasteurs n’ont qu’à la consulter ;
ils y trouveront en abondance tout ce dont ils ont besoin, pour expliquer
clairement aux Fidèles un si important sujet.
Chapitre quarante-quatrième
— Cinquième demande de l’Oraison Dominicale
PARDONNEZ-NOUS NOS OFFENSES COMME NOUS
PARDONNONS A CEUX QUI NOUS ONT OFFENSES.
Il n’y a qu’à ouvrir les yeux pour
apercevoir la Puissance infinie, la Sagesse et la Bonté de Dieu.
Elles éclatent de toutes parts, dans une multitude de choses. Partout
où nous pouvons porter nos regards et notre pensée, nous
sommes en face des preuves les plus admirables et les plus certaines de
ce pouvoir et de cette bienveillance sans bornes. néanmoins, rien
ne manifeste mieux l’amour immense que Dieu a pour nous, et son incompréhensible
Charité, que l’ineffable mystère de la Passion de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. Voilà la Source intarissable qui purifie les
souillures de nos péchés, et où nous demandons à
Dieu la grâce d’être plongés et purifiés quand
nous disons: pardonnez-nous nos offenses.
Cette Prière renferme donc, comme
en une sorte d’abrégé, tous les biens dont le genre humain
a été comblé par Jésus-Christ. C’est l’affirmation
formelle d’Isaïe: « L’iniquité de la maison
de Jacob, dit-il, lui sera pardonnée et le comble des avantages
pour elle, c’est que son péché sera effacé. »
David dit aussi la même chose, en chantant le bonheur de ceux qui
ont pu participer à cette faveur si précieuse:
« Heureux, ceux dont les iniquités ont été remises.
»
Les Pasteurs auront donc à étudier
et à expliquer avec beaucoup de soin cette cinquième demande
dont nous connaissons l’extrême importance au point de vue du Salut.
Ici, nous entrons dans un nouvel ordre
de Prière. Jusqu’ici en effet, nous avons demandé à
Dieu non seulement les biens éternels et spirituels, mais encore
les avantages périssables qui se rapportent à cette vie.
Maintenant nous Le prions d’éloigner de nous les maux de l’âme
et ceux du corps, les maux du temps et ceux de l’éternité.
Mais comme il est nécessaire, pour être exaucé, de
demander convenablement, il nous parait utile de bien marquer les dispositions
dans lesquelles il faut être pour adresser à Dieu cette Prière.
§ I. — DES DISPOSITIONS NECESSAIRES
POUR FAIRE CETTE PRIERE. — REPENTIR.
Les Pasteurs ont donc à prévenir
les Fidèles que celui qui veut s’approcher de Dieu pour Lui faire
cette demande, est obligé d’abord de reconnaître ses propres
fautes, puis de ressentir une véritable douleur de les avoir commises,
et en même temps d’être bien persuadé que Dieu a la
volonté de pardonner à tous les pécheurs qui sont
dans les dispositions que nous venons de rappeler. Autrement, le souvenir
plein d’amertume et la vue effrayante de tous nos péchés
pourraient nous jeter dans le désespoir de Caïn et de Judas,
qui ne voulurent voir en Dieu qu’un Vengeur et un Justicier, et non point
la Bonté même de la Miséricorde infinie.
La principale disposition que nous devons
apporter à cette Prière est donc de reconnaître nos
fautes avec une vraie Contrition, et de nous adresser à Dieu comme
à un Père et non point comme à un Juge. En un mot
nous devons Lui demander de nous traiter non d’après sa Justice,
mais selon sa Miséricorde.
Or, nous n’aurons aucune peine à
confesser que nous sommes de pauvres pécheurs, si nous voulons écouter
ce que Dieu Lui-même nous dit dans nos Saints Livres par la bouche
de David: « Ils se sont tous égarés ; tous
se sont corrompus. Il n’en est pas qui fasse le bien, non, pas un seul,
» Salomon dit dans le même sens: « Il n’y
a point de juste sur la terre qui fasse le bien et ne pèche jamais
; » puis encore: « Qui peut dire: mon cœur est
pur ; je suis exempt de péché ? » et pour détourner
les hommes de l’orgueil, Saint Jean a écrit: «
Si nous nous disons sans péché nous nous trompons nous-mêmes,
et la vérité n’est pas en nous ; » enfin Jérémie:
« Tu as dit: Je suis sans péché, je suis innocent,
éloignez donc de moi votre colère. Eh bien ! voilà
que Je vais entrer en jugement avec toi, parce que tu as dit: Je n’ai pas
péché. »
Tous ces témoignages que Notre-Seigneur
Jésus-Christ avait donnés au monde par la bouche des Prophètes,
II a voulu les confirmer Lui-même en nous prescrivant une Prière
qui nous oblige à confesser nos fautes. Il est défendu d’entendre
cette demande dans un autre sens, le décret du Concile de Milève
est formel: « Si quelqu’un interprète ces paroles
de l’Oraison Dominicale: pardonnez-nous nos offenses, comme si les Saints
ne les prononçaient que par humilité et non point avec sincérité
et vérité, nous voulons qu’il soit anathème. »
Et en effet, qui pourrait souffrir un homme capable de mentir non aux hommes
mais à Dieu même, et affirmant de bouche qu’il veut être
pardonné, pendant que dans son cœur il prétendrait n’avoir
pas besoin de pardon !
Mais dans cette reconnaissance nécessaire
de nos péchés, il ne suffit pas de nous les rappeler légèrement,
il faut que ce souvenir nous soit amer, qu’il pénètre au
fond de notre cœur, y éveille le remords et nous inspire une vive
douleur. Aussi bien les Pasteurs auront grand soin d’insister sur cette
vérité, pour convaincre les Fidèles qui sont obligés
non seulement de se rappeler leurs iniquités et leurs désordres,
mais de se les rappeler avec une douleur profonde et un repentir sincère.
Ainsi, le cœur vraiment contrit, ils se jetteront dans les bras de Dieu
leur Père, et ils Le supplieront en toute humilité d’arracher
de leurs âmes les terribles aiguillons du péché.
Et ils ne se contenteront pas de mettre
sous les yeux des Fidèles toute la laideur du péché,
ils leur représenteront encore l’indignité et la bassesse
de l’homme, qui n’étant rien par lui-même que corruption et
péché ne laisse pas d’offenser lâchement l’incompréhensible
Majesté, l’Excellence infinie de ce Dieu qui l’a créé,
qui l’a racheté et l’a enrichi d’une multitude innombrable de grâces
et de bienfaits.
Et pourquoi ? pour se séparer de
Dieu son Père qui est le souverain Bien, et pour aller, séduit
par la honteuse récompense du péché, se vouer au démon
et à la plus misérable des servitudes. Car on ne saurait
dire avec quelle cruauté Satan règne sur l’esprit de ceux
qui ont abandonné le joug si léger de la Loi de Dieu, et
rompu le lien si doux qui nous attache à Lui, pour passer à
cet ennemi acharné que nos Saints Livres appellent:
« Le prince et le maître de ce monde, le prince
des ténèbres, le roi de tous les fils de l’orgueil.
» Car c’est bien aux malheureux opprimés sous la tyrannie
du démon, que peuvent s’appliquer les paroles d’Isaïe:
« Seigneur notre Dieu, d’autres maîtres que vous nous ont possédés.
»
Si nous sommes peu touchés d’avoir
perdu la Charité de Dieu et d’en avoir brisé les liens, soyons-le
du moins par les calamités et les misères dans lesquelles
nous précipite le péché. Il viole la sainteté
de notre âme que nous savons être l’épouse de Jésus-Christ,
il profane en elle le temple du Seigneur, et l’Apôtre prononce contre
ceux qui souillent ce temple, ce terrible anathème:
« Si quelqu’un viole le temple du Seigneur, le Seigneur le perdra.
» Enfin les maux que le péché attire sur l’homme sont
innombrables ; c’est comme une peste générale que David a
exprimée en ces termes: « A la vue de votre colère,
il ne reste rien de sain dans mon corps ; et il n’y a plus de paix dans
mes os à la vue de mes péchés. » Pouvait-il
mieux caractériser la gravité du mal que le péché
lui avait fait, que d’avouer qu’il n’y avait aucune partie de son corps
qui n’en eût été blessée, que cette peste avait
pénétré jusque dans ses os, c’est-à-dire, avait
infecté sa raison et sa volonté qui sont les deux parties
les plus fortes de l’âme ? La sainte Ecriture nous peint bien l’étendue
des ravages du péché, quand elle donne au pécheur
le nom de boiteux, de sourd, de muet, d’aveugle, et de paralytique de tous
les membres.
Mais il faut le dire, outre la douleur
que David ressentait de la grandeur de son crime, il était surtout
plongé dans la plus cruelle affliction à la vue de la colère
de Dieu qu’il savait avoir allumée par son péché.
Car Dieu, qui se sent offensé par nos crimes, au delà de
ce que nous pouvons concevoir, déclare au pécheur une guerre
implacable, Saint Paul le dit: « La colère et
l’indignation, la tribulation et l’angoisse, voilà le partage de
tout homme qui fait le mal ! »
Sans doute l’acte du péché
passe, mais la tache et la culpabilité restent ; et la colère
de Dieu, toujours menaçante, suit le pécheur comme l’ombre
suit le corps. David se sentant pressé par les aiguillons de cette
redoutable colère, demandait avec ardeur le pardon de ses fautes.
Il nous a laissé dans le Psaume cinquantième un modèle
de douleur, avec les raisons et les motifs de cette douleur. Les Pasteurs
feront bien de le mettre sous les yeux des Fidèles afin qu’à
l’exemple du Prophète ils puissent s’exciter à un véritable
repentir, à une douleur sincère de leurs péchés,
et concevoir l’espérance du pardon.
II est en effet très utile d’enseigner
aux Fidèles les moyens d’exciter en eux le repentir de leurs fautes
; et Dieu Lui-même, par la bouche du Prophète Jérémie,
exhortant les enfants d’Israël à faire pénitence, leur
recommandait de bien méditer sur les effets toujours désastreux
du péché. « Voyez, leur dit-Il, les maux
et les afflictions qui vous arrivent pour avoir abandonné le Seigneur
votre Dieu, et pour n’avoir pas conservé ma crainte en votre cœur,
dit le Seigneur Dieu des armées. »
Ceux qui ne reconnaissent point leurs
péchés et n’en éprouvent point un sincère repentir,
n’ont qu’un cœur dur , un cœur de pierre , un cœur de diamant
, selon les expressions d’Isaïe, d’Ezéchiel et de Zacharie.
Semblables en effet à la pierre, aucune douleur ne les amollit ;
ils n’ont aucun sentiment de vie véritable, précisément
parce qu’ils manquent de ce double sentiment dont nous venons de parler,
l’aveu et le repentir de leurs péchés.
§ II. — CONFIANCE EN DIEU.
Mais dans la crainte que les Fidèles,
épouvantés à la vue de leurs péchés,
ne désespèrent d’en obtenir le pardon, les Pasteurs ne manqueront
pas de les rappeler à l’Espérance par les considérations
que voici: d’abord, notre Seigneur Jésus-Christ a donné à
l’Eglise le pouvoir de remettre les péchés, comme le déclare
le dixième article du Symbole des Apôtres ; ensuite, dans
cette demande même, II nous montre clairement combien Dieu est bon
et généreux envers le genre humain. Car s’il n’était
pas toujours prêt et empressé à pardonner à
ceux qui se repentent, jamais Il ne nous eût imposé cette
formule de Prière : pardonnez-nous nos offenses.
Croyons donc fermement et sans aucun doute,
que Celui-là ne manquera jamais d’étendre sur nous sa paternelle
Miséricorde, qui nous ordonne de L’implorer en ces termes. Car le
vrai sens attaché à cette demande, c’est que Dieu a pour
nous des sentiments tels qu’Il nous pardonne volontiers dès que
notre repentir est sincère.
Sans aucun doute, c’est un Dieu que nous
offensons par notre désobéissance, un Dieu dont nous troublons,
autant qu’il est en nous, l’ordre si sage qu’il a établi, un Dieu
que nous outrageons par nos paroles et par nos actes, mais ce Dieu est
en même temps le plus tendre des Pères. Il peut tout nous
pardonner ; et non seulement il nous a déclaré qu’Il en avait
la Volonté, mais encore Il nous oblige à Lui demander pardon
et nous apprend même en quels termes nous devons le faire, pour être
exaucés. Il n’est donc pas douteux qu’avec l’aide de Dieu il est
toujours en notre pouvoir de nous réconcilier avec Lui.
Cette certitude que nous avons des dispositions
constantes de Dieu à nous pardonner ne peut qu’augmenter notre Foi,
nourrir notre espérance et enflammer notre Charité. C’est
pourquoi il est bien à propos que les Pasteurs, en traitant cette
matière, rapportent quelques-uns des témoignages divins et
des exemples les plus frappants pour prouver que Dieu a accordé
le pardon des plus grands crimes. Mais cette considération ayant
été développée par nous, autant qu’elle pouvait
l’être, dans la préface de l’Oraison Dominicale, et dans l’article
du Symbole sur la rémission des péchés, les Pasteurs
pourront prendre en ces deux endroits ce dont ils auront besoin pour leurs
explications. Le reste, ils le puiseront aux sources mêmes de la
Sainte Ecriture.
§ III. — CE QU’ON ENTEND PAR LE MOT
DETTES.
Et ils voudront bien suivre le même
ordre que celui que nous leur avons indiqué dans les demandes précédentes.
De cette manière les Fidèles comprendront ce qu’il faut entendre
par le mot dettes, ils ne seront pas trompés par une équivoque
et ils ne demanderont pas autre chose que ce qu’ils doivent demander.
Et d’abord il faut leur apprendre que
nous ne demandons pas du tout à Dieu de nous dispenser de L’aimer
de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Cette
dette est irrémissible. nous sommes obligés de la payer,
si nous voulons être sauvés.
Ce mot de dette exprime aussi, comme il
les renferme, l’obéissance, le culte, l’adoration, et tous les autres
devoirs de ce genre envers Dieu. Par conséquent nous ne demandons
pas non plus ici d’en être dispensés. Mais nous prions Dieu
de nous délivrer de nos péchés. Ainsi l’a compris
Saint Luc, qui s’est servi du mot de péché au lieu de celui
de dette. C’est qu’en effet par le péché nous devenons coupables
devant Dieu, nous contractons une véritable dette de peines que
nous acquittons soit par la satisfaction, soit par la souffrance. C’est
de cette dette que parlait Notre-Seigneur quand Il disait par la bouche
du Prophète: «J’ai payé ce que Je ne devais
pas. »
Il suit de ces paroles, entendues en ce
sens, que non seulement nous sommes débiteurs envers Dieu, mais
même des débiteurs insolvables, puisque le pécheur
ne saurait en aucune façon satisfaire par lui-même. Voilà
pourquoi nous avons besoin de nous réfugier dans le sein de la Miséricorde
de Dieu. Et comme cette Miséricorde ne va pas en Dieu sans une Justice
non moins grande, et dont Dieu est aussi très jaloux, nous devons
employer en même temps la Prière et l’appui de la Passion
de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sans laquelle nul n’obtient jamais
le pardon de ses péchés, et qui est le principe et la source
de toutes nos satisfactions.
Le prix que le Sauveur a payé sur
la Croix, et que nous nous approprions par les Sacrements, lorsque nous
les recevons en réalité, ou même lorsque nous désirons
seulement les recevoir, ce prix est d’une valeur si haute qu’il obtient
et qu’il opère ce que nous demandons ici: la Rémission de
nos péchés. Et non seulement la Rémission de nos péchés
légers, et dont le pardon est très facile à obtenir,
mais encore des fautes graves et mortelles. toutefois, quand il s’agit
de péché mortel, notre Prière n’a de vertu que celle
qui lui vient du sacrement de Pénitence reçu au moins en
désir, sinon dans la réalité.
Mais nous disons: nos dettes, bien autrement
que plus haut nous disions: notre pain. Ce pain est notre pain, parce que
Dieu dans sa Bonté veut bien nous le donner, mais les péchés
sont nos péchés, parce que la culpabilité en réside
en nous: C’est notre volonté qui les fait ce qu’ils sont. Ce ne
seraient point des péchés, s’ils n’étaient point volontaires.
C’est donc en nous avouant coupables,
et en assumant la responsabilité de nos fautes, que nous implorons
la Clémence divine seule capable de nous purifier. nous n’apportons
aucune excuse, nous ne rejetons notre faute sur personne, comme firent
Adam et Eve, nos premiers parents ; mais nous nous accusons nous-mêmes,
si nous avons la vraie sagesse, et nous empruntons au Prophète sa
Prière: « Seigneur, ne permettez pas que mon cœur
s’égare dans des paroles de malice, pour chercher des excuses à
mes iniquités. »
Nous ne disons pas non plus: pardonnez-moi,
mais pardonnez-nous, parce que l’union et la Charité fraternelle
qui doivent exister entre tous les hommes exigent de chacun de nous que
nous nous intéressions au salut de tous, et que, en priant pour
nous, nous n’oublions pas de prier pour les autres. C’est Notre-Seigneur
Jésus-Christ Lui-même qui nous a appris cette manière
de prier ; puis, l’Eglise de Dieu l’a reçue et conservée
fidèlement, et le Apôtres l’ont pratiquée et enseignée
aux Fidèles. L’Ancien et le Nouveau testament nous fournissent deux
beaux modèles de ces Prières vraiment brûlantes de
charité pour le salut du prochain. L’une est de Moise:
« ou pardonnez-leur cette faute, ou, si Vous ne la leur pardonne
pas, effacez-moi de votre livre », l’autre est de Saint Paul:
« Je souhaitais que Jésus-Christ me rendit moi-même
anathème pour mes Frères. »
IV. — COMME NOUS PARDONNONS A CEUX QUI
NOUS ONT OFFENSES.
Ce mot comme peut s’entendre ici de deux
manières d’abord, dans le sens de comparaison. nous demandons à
Dieu que, de même que nous pardonnons les injures et les outrages
de ceux qui nous ont offensés, de même aussi Il nous pardonne
nos offenses envers Lui. En second lieu ce mot marque une condition, et
c’est précisément le sens que Notre-Seigneur lui donne dans
ces paroles: « Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes
envers vous, votre Père céleste vous pardonnera aussi les
vôtres contre Lui ; mais si vous ne pardonnez rien aux hommes, votre
Père ne pardonnera point non plus vos péchés. »
Or ces deux choses sont également
nécessaires pour obtenir de Dieu le pardon de nos infidélités.
Si nous voulons que Dieu nous pardonne, il est de toute nécessité
que nous pardonnions à ceux de qui nous avons reçu quelque
offense. Dieu exige de nous d’une part l’oubli des injures, et de l’autre
des sentiments de Charité mutuelle, et ces deux choses Il les exige
à tel point qu’Il repousse et méprise. les sacrifices et
les offrandes de ceux qui ne veulent pas se réconcilier ensemble.
C’est aussi une loi de la nature que nous soyons envers les autres tels
que nous désirons qu’ils soient pour nous. Et celui-là serait
un parfait impudent, qui demanderait à Dieu de lui remettre la peine
de son péché, pendant qu’il conserverait, dans son cœur des
sentiments d’inimitié pour son prochain.
Ainsi donc nous devons être toujours
disposés et prêts à pardonner les injures que nous
avons reçues. La Prière que nous récitons nous en
fait un devoir, et Dieu Lui-même nous l’ordonne dans Saint Luc:
« Si votre frère a péché contre vous, reprenez-le,
et s’il se repent, pardonnnez-lui ; et s’il pèche contre vous sept
fois le jour, et que sept fois le jour il se retourne vers vous en disant:
Je me repens, pardonnez-lui. » Saint Matthieu nous dit de même:
« Aimez vos ennemis ; » et Saint Paul, après Salomon,
veut que « nous donnions à manger à notre
ennemi s’il a faim, et à boire s’il a soif. » Enfin Notre-Seigneur,
dans Saint Marc, nous dit: « Quand vous serez au moment
de prier, si quelqu’un vous a offensé, pardonnez-lui, afin que votre
Père qui est dans les cieux, vous pardonne aussi vos péchés.
»
§ V. — MOTIFS ET MANIERES DE PARDONNER
AU PROCHAIN.
Mais comme il n’y a rien de plus difficile
à notre nature dégradée que de pardonner les injures,
les Pasteurs se feront un devoir d’employer toutes les ressources de leur
zèle et de leur intelligence pour changer le cœur des Fidèles
et pour les plier à cet esprit de douceur et de miséricorde
si nécessaire au Chrétien. Ils insisteront le plus possible
sur ces oracles divins dans lesquels Dieu Lui-même commande expressément
de pardonner aux ennemis. Ils proclameront cette Vérité incontestable
que l’une des meilleures preuves que nous sommes vraiment les enfants de
Dieu, c’est que nous pardonnons facilement les injures, et que nous aimons
nos ennemis du fond du cœur. C’est qu’en effet, l’amour pour nos ennemis
fait briller en nous une ressemblance particulière avec Dieu notre
Père qui s’est réconcilié avec les hommes, ses ennemis
acharnés, en les rachetant de la damnation éternelle par
la mort de son propre Fils. Enfin ils termineront leurs instructions et
leurs exhortations par ce précepte de Notre-Seigneur, que nous ne
pourrions repousser sans nous couvrir de honte, et sans nous condamner
aux plus grands malheurs: « Priez pour ceux qui vous
persécutent et qui vous calomnient, afin que vous soyez les enfants
de votre Père qui est dans les cieux. »
C’est ici qu’il faut aux Pasteurs une
prudence consommée pour ne porter personne au découragement
et au désespoir, en faisant connaître d’une part la difficulté.
Et de l’autre la nécessité de ce devoir. Car il en est qui,
comprenant fort bien qu’ils doivent ensevelir les injures dans un oubli
volontaire, et aimer ceux qui les ont offensés, désirent
de le faire, et le font en effet autant qu’ils le peuvent. Mais cependant
ils se sentent dans l’impossibilité d’épuiser jusqu’au dernier
souvenir des injures reçues, et parce qu’ils trouvent encore dans
leur cœur certains restes d’inimitié, ils s’agitent et se tourmentent
d’une manière terrible, craignant de n’avoir point pardonné
avec assez de franchise et de sincérité, et d’avoir ainsi
résisté au commandement de Dieu.
C’est alors que les Pasteurs devront expliquer
clairement l’opposition constante de la chair et de l’esprit. La chair
est portée à la vengeance, mais l’esprit est enclin au pardon.
De là entre eux ces luttes incessantes, ces combats sans trêve.
Ils diront et enseigneront aux Fidèles qu’ils n’ont rien à
craindre pour leur Salut, malgré l’opposition et les combats de
la nature corrompue contre la raison, pourvu que l’esprit persiste dans
le devoir, et dans la volonté sincère de pardonner les injures
et d’aimer le prochain.
Que si, par hasard, il s’en rencontrait
quelques-uns, qui n’auraient pu se résoudre encore à oublier
les injures reçues, et à aimer leurs ennemis, et qui par
suite négligeraient de réciter l’Oraison Dominicale, précisément
parce qu’ils ne peuvent remplir la double condition exigée, — il
faudrait, pour détruire en eux cette erreur funeste, employer les
deux raisons suivantes :
Premièrement, chaque Fidèle
fait cette Prière au nom de toute l’Eglise: Or il est certain qu’il
y a nécessairement dans l’Eglise un grand nombre de Fidèles
qui remettent à leurs débiteurs ces sortes de dettes que
nous rappelons ici.
Secondement, en faisant cette demande,
nous prions Dieu en même temps de nous accorder tout ce qui nous
est nécessaire pour mériter d’être exaucés.
nous demandons en effet et le pardon de nos péchés et le
don d’une vraie pénitence ; nous demandons la douleur intérieure,
l’horreur et la détestation de nos fautes, et la grâce d’en
faire au Prêtre une pieuse et sincère confession. Et comme
il est nécessaire que nous pardonnions à ceux qui nous ont
fait quelque tort, ou causé quelque dommage, lorsque nous prions
Dieu de nous pardonner, nous Lui demandons en même temps qu’Il nous
accorde la grâce de nous réconcilier avec ceux que nous haïssons.
Il y a donc lieu d’arracher à leur opinion ceux qui sont frappés
de cette crainte mal fondée et même criminelle, qu’en priant
ainsi ils ne feraient qu’irriter Dieu davantage. Il faut même les
exhorter à réciter souvent l’Oraison Dominicale, pour demander
à Dieu leur Père cet esprit qui nous fait pardonner à
ceux qui nous offensent, et aimer même nos ennemis.
§ VII. — DISPOSITIONS NECESSAIRES
POUR FAIRE CETTE PRIERE AVEC FRUIT.
Mais pour faire cette Prière avec
tout le fruit possible, il faut d’abord y entrer avec cette pensée
et cette préoccupation très vives que nous nous présentons
devant Dieu comme des suppliants, et que nous Lui demandons un pardon qui
ne s’accorde qu’au vrai pénitent. Dès lors notre cœur doit
être rempli de cette Charité et de cette piété
qui vont si bien avec le repentir. Et rien ne convient mieux au pénitent
sincère que d’expier dans les larmes les iniquités et les
crimes dont le triste tableau afflige ses regards.
A cette pensée il faut joindre
certaines précautions pour éviter à l’avenir ce qui
a été pour nous une occasion de péché, et qui
pourrait l’être encore, vis-à -vis de Dieu, notre Père.
Ces sentiments étaient ceux de David, quand il disait:
« Mon péché est toujours devant moi ; » et dans
un autre endroit: « chaque nuit ma couche est baignée
de mes pleurs, et mon lit est arrosé de mes larmes. »
Chacun de nous pourra se rappeler très
utilement que ceux qui ont obtenu de Dieu le pardon de leurs péchés
le Lui avaient demandé avec les désirs les plus ardents.
Par exemple, ce Publicain qui restait loin de l’Autel, tout pénétré
de confusion et de douleur, les yeux humblement baissés, et se frappait
la poitrine en disant: « Mon Dieu, ayez pitié
de moi qui ne suis qu’un pécheur ! » Par exemple encore, cette
pécheresse qui se tenait derrière le Sauveur, arrosait ses
pieds de ses larmes, les essuyait avec ses cheveux et les baisait. Et enfin
Pierre, le Prince des Apôtres qui, « étant
sorti, pleura amèrement ».
Il faut bien voir aussi que plus les hommes
sont faibles et prédisposés aux maladies de l’âme,
qui sont le péché, plus ils ont besoin de remèdes
nombreux et fréquents. Or, les remèdes de l’âme malade
sont la Pénitence et l’Eucharistie. Les Fidèles ne sauraient
donc y recourir trop souvent.
L’Aumône ensuite, comme nous le
disent nos Saints Livres, est également un remède très
salutaire pour guérir les plaies de l’âme. C’est pourquoi
ceux qui désirent réciter cette Prière avec une parfaite
piété, n’oublieront pas de faire aux pauvres tout le bien
possible. L’Aumône possède une vertu merveilleuse pour effacer
les taches du péché. C’est la parole de l’ange Raphaël
au jeune Tobie « L’Aumône délivre de la
mort, c’est elle qui lave les péchés et fait trouver la miséricorde
et la Vie Eternelle. »C’est aussi celle de Daniel au Roi nabuchodonosor:
« Rachetez vos péchés par des aumônes, et vos
iniquités par la miséricorde envers les pauvres. »
Mais la meilleure Aumône, la meilleure
manière d’exercer la miséricorde, c’est d’oublier les injures
et de vouloir du bien à ceux qui nous ont fait tort à nous,
ou aux nôtres, dans nos biens, dans notre réputation et dans
notre personne. Quiconque veut trouver Dieu miséricordieux pour
soi-même, doit Lui sacrifier généreusement toutes ses
inimitiés, pardonner toute espèce d’offense, prier très
volontiers pour ses ennemis, et profiter de toutes les occasions pour leur
rendre service.
Mais comme nous avons déjà
traité ce sujet, en parlant de l’homicide, nous y renvoyons les
Pasteurs.
En terminant l’explication de cette demande,
ils ne manqueront pas de faire voir qu’il n’y a rien, qu’on ne peut même
imaginer rien de plus injuste que de demander à Dieu d’être
pour nous plein de douceur et de miséricorde, si nous-mêmes
nous sommes durs pour notre prochain, et ne pratiquons la douceur envers
personne.
Chapitre quarante-cinquième
— Sixième demande de l’Oraison Dominicale
ET NE NOUS INDUISEZ POINT EN TENTATION.
Lorsque les enfants de Dieu ont obtenu
la Rémission de leurs péchés, ils se sentent embrasés
du désir de Lui rendre l’adoration et le culte qu’Il mérite,
ils soupirent après le Royaume céleste, ils s’acquittent
fidèlement envers la Majesté divine de tous les devoirs de
la piété, et ils en viennent à être entièrement
soumis à sa Volonté paternelle et à sa sainte Providence.
Mais c’est alors aussi, cela est bien connu, que l’ennemi du genre humain
déploie tous ses artifices, met en œuvre toutes ses ruses et apprête
toutes ses machines de guerre, pour les attaquer. Il y a donc lieu de craindre
que leurs résolutions ne soient ébranlées et changées,
qu’eux-mêmes ne retombent de nouveau dans le mal et ne deviennent
pires qu’auparavant. C’est d’eux que le Prince des Apôtres a pu dire
avec raison: « Il eût mieux valu pour eux qu’ils
n’eussent point connu la voie de la justice, que de retourner en arrière
après l’avoir connue, et d’abandonner la Loi Sainte qui leur avait
été donnée. »
§ I. — POURQUOI JESUS-CHRIST NOUS
A ORDONNE CETTE SIXIEME DEMANDE ?
Aussi Notre-Seigneur Jésus-Christ
nous a-t-Il fait de cette Prière un Commandement, afin de nous obliger
à implorer tous les jours le secours de Dieu, et à nous recommander
à sa Bonté paternelle. Car il n’est pas douteux, s’Il vient
à nous abandonner, que nous ne soyons bientôt pris dans les
filets de nos perfides ennemis. Et ce n’est pas seulement dans l’Oraison
Dominicale que Jésus-Christ nous a ordonné de demander à
Dieu de ne pas nous induire en tentation ; Il a porté le même
Commandement dans cet entretien qu’Il eut avec ses Apôtres, quelques
heures avant sa Mort. Après leur avoir dit en effet:
« qu’ils étaient tous purs, » Il ajouta:
« priez, pour que vous n’entriez point en tentation ». Ce double
Commandement de notre Seigneur est pour les Pasteurs un motif très
pressant d’exhorter avec le plus grand soin les Fidèles à
réciter fréquemment cette Prière. Puisque le démon
notre ennemi sème à toute heure sous nos pas les plus terribles
dangers, il faut qu’à toute heure aussi nous puissions nous adresser
à Dieu, qui seul peut nous en préserver, et Lui dire: ne
nous induisez point en tentation.
Or les Fidèles comprendront parfaitement
tout le besoin qu’ils ont de l’assistance divine, s’ils se souviennent
de leur faiblesse et de leur ignorance, s’ils se rappellent cette maxime
de Notre-Seigneur Jésus-Christ: « L’esprit est prompt, et
la chair est faible ; » et s’ils considèrent enfin que nos
chutes, avec la malice et la haine du démon, sont presque toujours
graves et mortelles, si la main de Dieu ne nous soutient. Quel exemple
plus sensible de la faiblesse humaine que celui du collège sacré
des Apôtres ! Ils avaient fait preuve de la plus grande fermeté,
et un instant après, au premier péril, ils abandonnent le
Seigneur, et prennent la fuite. Exemple plus frappant encore ! Saint Pierre,
le Prince des Apôtres, avait tiré de son cœur une magnifique
profession de courage et en même temps de l’amour le plus sincère
pour Jésus-Christ, il avait dit, plein de confiance en ses propres
sentiments: « Quand même il me faudrait mourir
avec Vous, je ne Vous renierai point, » et une heure plus tard, à
la voix d’une servante, il se trouble, et va jusqu’à jurer qu’il
ne connaît point le Seigneur. Ses forces, à coup sûr,
ne répondaient pas à la vivacité de ses sentiments.
Mais si les hommes les plus saints ont
été les victimes de la fragilité humaine, dont ils
ne se défiaient pas assez, et sont tombés dans les fautes
les plus humiliantes, que ne doivent pas craindre les autres qui sont si
éloignés de leur sainteté !
§ II. — DES TENTATIONS ; DE LEURS
CAUSES.
Il importe donc que les Pasteurs montrent
bien aux Fidèles les combats et les dangers auxquels nous sommes
sans cesse exposés. tant que notre âme habite dans ce corps
mortel, la chair, le monde et le démon nous attaquent de toutes
parts.
Quel est celui qui ne connaît point,
à ses dépens, les effets de la colère et de la cupidité
! qui ne s’est senti blessé de leurs traits, déchiré
de leurs aiguillons, et brûlé de leurs flammes ? et en effet,
les coups qu’elles frappent sont si variés, leurs attaques si diverses,
qu’il est bien difficile de ne pas recevoir quelque grave blessure.
Mais outre ces ennemis qui habitent et
vivent avec nous, il en est d’autres plus terribles encore dont il est
écrit: « Nous n’avons pas à combattre contre
la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances,
contre les maîtres des ténèbres de ce monde, contre
les esprits de malice répandus dans les airs. » Aux combats
intérieurs se joignent les attaques et les coups des démons,
qui tantôt se précipitent sur nous à découvert,
et tantôt se glissent si furtivement dans nos âmes que nous
pouvons à peine nous en défendre.
§ III. — DES DEMONS.
L’Apôtre les appelle princes à
cause de l’excellence de leur nature. Par ce côté, ils l’emportent
en effet sur l’homme, et sur toutes les autres créatures. Il les
nomme aussi puissances, parce qu’ils nous surpassent non seulement par
la supériorité de leur nature mais encore par leur réel
pouvoir ; puis, maîtres des ténèbres de ce monde, parce
qu’ils régissent non pas le monde de la lumière et de la
clarté, c’est-à-dire les bons et les justes, mais le monde
sombre et obscur, c’est-à-dire ceux qui vivent plongés dans
les souillures d’une vie criminelle, aveuglés par leurs passions
ténébreuses et sans autre guide que le démon, ce prince
des ténèbres ; enfin, esprits de malice, parce qu’il y a
une malice de l’esprit, comme il y a une malice de la chair.
La malice de la chair allume les appétits
déréglés des passions, et le désir des voluptés
sensibles.
La malice de l’esprit se confond avec
les passions et les inclinations dépravées de l’âme,
mais qui toutefois appartiennent à sa partie supérieure.
Elles sont d’autant plus dangereuses et plus criminelles que la raison
et l’esprit sont au-dessus de la nature et des sens. Et comme la malice
de Satan a pour but principal de nous priver de l’héritage du ciel,
l’Apôtre a ajouté, à cause de cela, qu’ils sont «
répandus dans l’air ».
Il n’est que trop aisé de conclure
de là que nos ennemis sont forts et redoutables, qu’ils ont une
ardeur invincible et sont animés contre nous d’une haine furieuse
et inimaginable. Aussi bien ils nous font une guerre sans relâche,
sans paix ni trêve possible. Leur audace est incroyable, nous en
pouvons juger par cette parole que le Prophète fait dire à
Satan: « Je monterai au ciel. » Au surplus le démon
a attaqué nos premiers parents dans le paradis, il a livré
combat aux Prophètes, « il a cherché les
Apôtres, pour les cribler comme le froment, » c’est l’expression
même de Notre-Seigneur dans l’Evangile ; Il n’a même pas rougi
de tenter Jésus-Christ. L’Apôtre Saint Pierre a donc bien
exprimé ses désirs insatiables et son activité inouïe
quand il a dit: « Le démon votre ennemi tourne
autour de vous comme un lion rugissant cherchant quelqu’un à dévorer.
»
Et Satan n’est pas seul pour attaquer
les hommes, c’est en troupe quelquefois que les démons fondent sur
chacun de nous. On le vit bien par l’aveu de celui à qui Jésus
demanda: quel est ton nom ? et qui répondit: mon nom est légion
, c’est-à-dire qu’une multitude de démons tourmentaient ce
malheureux. Et puis, l’Evangile ne dit-il pas d’un autre démon:
« qu’il prend avec lui sept autres esprits plus méchants que
lui, qu’ils entrent dans la maison (c’est-à-dire dans l’âme)
et qu’ils y habitent » ?
Il n’est pas rare de rencontrer des Chrétiens
qui, ne sentant pas en eux-mêmes ces attaques du démon, s’imaginent
que notre Doctrine est fausse. Mais peut-on s’étonner que les démons
n’attaquent point des hommes qui se sont volontairement donnés à
eux, et dans lesquels on ne trouve ni piété, ni Charité,
ni aucune vertu digne d’un Chrétien ? Ils appartiennent entièrement
à Satan. Comment aurait-il besoin de les tenter pour les vaincre,
puisque, de leur plein consentement, il règne déjà
dans leur cœur.
Mais ceux qui se sont consacrés
à Dieu, et qui mènent sur la terre une vie toute céleste,
sont plus que tous les autres en butte aux assauts du démon. C’est
pour eux qu’il réserve toute sa haine, c’est contre eux qu’à
chaque instant il dresse des pièges et des embûches.
L’Histoire Sainte est pleine d’exemples
de grands et vertueux personnages qui même en se tenant sur leurs
gardes ont été victimes de sa rage ou de sa duplicité.
Adam, David, Salomon et tant d’autres qu’il serait trop long de citer ont
éprouvé la violence de ses attaques et la perfidie de ses
ruses, auxquelles ni la prudence ni les forces humaines ne sauraient résister.
Qui oserait après cela se croire en sûreté avec ses
seules forces ? Demandons donc à Dieu avec Foi et pureté
de cœur: « qu’Il ne permette pas que nous soyons tentés
au-dessus de nos forces, et qu’Il nous donne, dans la tentation, le secours
de son assistance, afin que nous puissions résister. »
Mais s’il se rencontre des Fidèles
qui par faiblesse d’esprit ou par ignorance sont épouvantés
de la puissance des démons, il faut leur persuader de se réfugier
dans le port de la Prière, quand ils sont agités par les
flots de la tentation.
Car Satan, quelles que soient sa puissance,
son obstination, et sa haine contre nous ne peut cependant nous tenter
et nous tourmenter ni autant ni aussi longtemps qu’il le voudrait. tout
son pouvoir est subordonné à la Volonté et au bon
plaisir de Dieu. Qui ne connaît l’histoire de Job, que Satan n’eût
jamais touché, si le Seigneur ne lui eût dit: « Voilà
que Je te livre tout ce qu’il possède. » Mais si au contraire,
Dieu n’avait point ajouté: « seulement n’étends pas
la main sur lui », Satan l’eût fait périr d’un seul
coup avec ses enfants et tous ses biens. Et même Dieu a enchaîné
tellement la puissance des démons que, sans sa permission, ils n’auraient
pas pu passer dans ces pourceaux, dont il est question dans l’Evangile.
Mais pour mieux faire comprendre le sens
et la portée de cette demande, nous avons à expliquer ce
que l’on doit entendre par tentation, et par être induit en tentation.
§ IV. — QU’EST-CE QU’ETRE TENTE ET
INDUIT EN TENTATION.
Tenter, c’est mettre quelqu’un à
l’épreuve, pour tirer de lui ce que nous désirons savoir,
et par là connaître la vérité. On ne peut pas
dire que Dieu puisse tenter en ce sens, car, y-a-t-il quelque chose qu’Il
ignore ? « Tout, dit l’Apôtre, est à nu
et à découvert devant ses yeux. »
Il y a une autre manière de tenter
qui va beaucoup plus avant, c’est de mettre quelqu’un à l’épreuve,
soit en vue du bien, soit en vue du mal.
On tente un homme en vue du bien, lorsqu’on
l’éprouve dans le but de constater et de manifester sa vertu, afin
de la récompenser ensuite par des avantages et des honneurs, de
proposer son exemple à imiter aux autres et par suite d’engager
tout le monde à louer et à bénir le Seigneur.
Cette manière de tenter est la
seule qui convienne à Dieu. Et nous en trouvons un exemple dans
le Deutéronome ; « Le Seigneur votre Dieu vous
tente, dit Moise aux Hébreux, pour qu’il apparaisse visiblement
si vous L’aimez. » On dit encore que Dieu tente les siens, lorsqu’Il
les accable par la pauvreté, la maladie et autres calamités
de ce genre. Mais Il n’agit ainsi envers eux que pour éprouver leur
patience, et afin qu’ils deviennent pour les autres des modèles
de vertu chrétienne. C’est ainsi que nous voyons Abraham tenté
par Dieu, lorsqu’il reçoit de Lui l’ordre d’immoler son propre fils.
Mais cet acte d’obéissance fait de lui un exemple immortel de soumission
et de patience.
C’est dans le même sens qu’il est
dit de Tobie dans nos Saints Livres: « Parce que vous
étiez agréable à Dieu, il était nécessaire
que la tentation vînt vous éprouver. »
On tente les hommes en vue du mal, lorsqu’on
les éprouve pour les pousser au péché ou à
leur perte. Il appartient au démon de nous tenter de la sorte ;
car il ne s’adresse à nous que pour nous perdre et nous jeter dans
le précipice. Aussi l’Ecriture Sainte l’appelle-t-elle d’un seul
mot: le tentateur.
Tantôt il excite en nous les désirs
et les mouvements déréglés de nos passions et de nos
affections mauvaises ; tantôt, il nous attaque par le dehors, et
se sert des choses extérieures pour nous enorgueillir, si elles
sont heureuses, ou nous abattre, si elles sont malheureuses. D’autres fois
il a pour agents et émissaires des hommes pervertis, et surtout
des hérétiques, qui sont assis dans la chaire de pestilence,
et répandent le poison mortel de leurs doctrines malsaines pour
perdre entièrement les hommes qui ne font aucun choix et aucune
différence entre le vice et la vertu, et qui de leur naturel ne
sont déjà que trop enclins au mal et toujours prêts
à succomber.
Etre induit en tentation, c’est succomber
à la tentation. Or nous y sommes induits en deux manières,
premièrement lorsque, renversés par le choc, nous tombons
dans le mal où veut nous jeter notre tentateur. En ce sens Dieu
ne tente et n’a jamais tenté personne, car Il n’est l’Auteur du
péché pour personne: au contraire, « Il
déteste tous ceux qui commettent l’iniquité. » Aussi
bien, dit l’Apôtre Saint Jacques, « que personne
ne dise, quand il est tenté, que c’est Dieu qui le tente ; car Dieu
n’est point tentateur pour le mal. »
On dit en second lieu que nous sommes
induits en tentation par quelqu’un qui, sans nous tenter lui-même,
sans même contribuer à nous tenter, passe cependant pour nous
éprouver réellement parce qu’il n’empêche ni la tentation
ni la victoire de la tentation sur nous, bien qu’il le puisse. C’est de
cette manière que Dieu permet que les bons et les justes soient
tentés ; mais alors Il les soutient de sa Grâce et ne les
abandonne point. Quelquefois aussi, par un secret et juste jugement, si
nos crimes le demandent, Il nous abandonne à nous-mêmes, et
nous succombons.
On dit encore que Dieu nous induit en
tentation, lorsque nous abusons pour notre malheur des bienfaits qu’Il
nous avait accordés en vue de notre Salut, et qu’à l’exemple
de l’enfant prodigue nous dissipons l’héritage de notre Père
en vivant dans la luxure, et en esclaves de toutes nos passions. C’est
alors que nous pouvons nous appliquer ce que l’Apôtre disait de la
Loi de Dieu: « Il est arrivé que le Commandement
qui devait servir à nous donner la vie, a servi à nous donner
la mort. »
Jérusalem en est pour nous un exemple
bien frappant. Au témoignage d’Ezéchiel, Dieu l’avait enrichie
et parée de tous les genres d’ornements, et Il lui disait par la
bouche de son Prophète: « Vous étiez parfaitement
belle, de cette beauté que Moi-même Je vous avais donnée.
» Et cependant cette ville comblée de tous les bienfaits divins,
bien loin de rendre grâces à Dieu des faveurs qu’elle en avait
reçues, bien loin d’employer tous ces dons pour acquérir
le bonheur du ciel, cette ville par une horrible ingratitude envers son
Père et son Dieu, repousse l’espérance et même la pensée
du bonheur éternel, et ne songe, dans l’abondance des biens terrestres,
qu’à s’abandonner au plaisir et à la débauche ! Mais
il faut lire tout le passage dans Ezéchiel.
Ceux-là ressemblent à cette
ville ingrate qui, pour offenser Dieu, se servent précisément
des moyens si nombreux qu’Il leur avait donnés de faire le bien.
Mais il est un usage de la Sainte Ecriture
qu’il faut signaler avec soin. Pour exprimer ce qui n’est qu’une permission
de la part de Dieu, elle emploie quelquefois des termes qui, pris à
la lettre, désigneraient une action. Ainsi il est dit dans l’Exode
: « J’endurcirai le cœur de Pharaon ; » dans Isaïe
. « Aveuglez l’esprit de ce peuple ; » dans l’Epître
aux Romains : « Dieu les a livrés aux passions ignominieuses
et à leur sens réprouvé. » Dans ces passages,
et dans les autres semblables, il ne s’agit point d’une action positive
de Dieu, mais d’une simple permission.
Ceci bien compris, il ne sera point difficile
de savoir ce que nous devons demander à Dieu dans cette sixième
partie de l’Oraison Dominicale.
§ V. — QU’EST-CE QU’ON DEMANDE A
DIEU PAR CES PAROLES NE NOUS INDUISEZ POINT EN TENTATION.
Nous ne demandons point de n’être
jamais tentés. Car la vie de l’homme sur la terre n’est qu’une tentation.
Et il nous est utile et avantageux qu’il en soit ainsi. C’est dans la tentation
en effet que nous nous connaissons nous-mêmes, c’est-à-dire
nos propres forces. C’est dans la tentation par conséquent que nous
nous humilions sous la main puissante de Dieu, et que, combattant généreusement,
nous méritons la couronne de gloire qui ne se flétrira jamais.
Car, dit Saint Paul , « celui qui combat dans la carrière
ne sera couronné qu’après avoir légitimement combattu.
» Saint Jacques dit à son tour: « Bienheureux
l’homme qui souffre la tentation, parce qu’après avoir été
éprouvé, il recevra la couronne de vie que Dieu a promise
à ceux qui L’aiment. » Que si parfois la tentation de l’ennemi
est trop pressante, nous penserons, pour soutenir notre courage, que
« nous avons pour nous aider un Pontife qui peut compatir à
nos infirmités, ayant été Lui-même tenté
et éprouvé en toutes choses. »
Que demandons-nous donc ici ? nous demandons
d’être toujours assistés par le Secours divin, afin de ne
pas consentir à la tentation en nous laissant séduire par
elle, et de n’y point céder non plus par faiblesse. Et si nos forces
venaient à nous manquer, nous demandons que la Grâce de Dieu
soit toujours avec nous pour les réparer et les ranimer immédiatement.
C’est pourquoi nous devons implorer le
Secours de Dieu d’une manière générale dans toutes
les tentations, et quand l’une d’elles nous tourmente davantage, recourir
contre elle à la Prière, et d’une manière très
expresse. C’est ce que pratiquait David dans presque toutes ses tentations.
Ainsi contre le mensonge, il disait: « N’ôtez point
de ma bouche la parole de vérité ; » contre l’avarice:
« Inclinez mon cœur vers vos préceptes et non vers l’avarice.
» Contre les futilités de la vie et l’attrait des passions
: « Détournez mes yeux pour qu’ils ne voient point
la vanité. » En somme nous demandons de ne pas obéir
à nos passions, de ne pas nous lasser de résister aux tentations.,
de ne pas nous écarter de la voie du Seigneur, de conserver l’égalité
d’âme et la constance dans les succès et dans les malheurs,
de n’être jamais, en aucune manière, privés de la protection
de Dieu.
Nous Le prions enfin d’abattre Satan sous
nos pieds.
§ VI. — MOTIFS ET MOYENS DE RESISTER
AU DEMON
Le Pasteur n’a plus maintenant qu’à
exhorter les Fidèles aux pensées et aux considérations
qui doivent principalement accompagner cette demande.
Dans cette ordre d’idées, rien
de plus avantageux d’abord que de bien se pénétrer de la
grande faiblesse de l’humanité, de nous défier de nos forces
et de mettre en Dieu seul et en sa Bonté l’espérance de notre
Salut. Si nous avons la sagesse de nous appuyer sur Lui, nous ferons preuve,
même au milieu des plus grands périls, d’un courage d’autant
plus invincible que nous pourrons nous rappeler alors combien avant nous,
avec le même courage et la même confiance que nous, ont été
retirés par Dieu Lui-même — il faut dire le mot — de la gueule
béante de Satan. n’avons-nous pas vu Joseph en butte à la
passion insensée d’une femme, arraché par Dieu à ce
pressant péril, et élevé par Lui au faîte de
la gloire ? n’avons-nous pas vu Suzanne, victime innocente de véritables
suppôts de l’enfer, sur le point de périr d’une mort infâme,
ne l’avons-nous pas vue, rendue par Lui à la vie et à l’honneur
? Sans doute, il devait en être ainsi, car son cœur était
plein de confiance dans le Seigneur. C’est aussi la gloire immortelle du
saint homme Job d’avoir triomphé du monde, de la chair et du démon.
Il est encore une foule d’autres exemples de ce genre dont le Pasteur saura
se servir pour inspirer aux Fidèles cet espoir et cette confiance.
Il importe également de ne jamais
perdre de vue le Chef que nous devons suivre dans ce combat acharné
contre les tentations, c’est-à-dire Notre-Seigneur Jésus-Christ
qui nous a montré comment on remporte la victoire.
C’est qu’en effet Il a vaincu le démon.
Il est « cet homme plus fort qui survient, qui ferrasse le fort armé
et qui lui arrache ses armes et ses dépouilles » . Voici
ce que dit Saint Jean de la victoire qu’Il a remportée sur le monde:
« Ayez confiance, j’ai vaincu le monde. » Et dans l’Apocalypse,
il est appelé le lion vainqueur qui est sorti victorieux pour vaincre
encore , parce que dans sa victoire il a acquis à ses partisans
le pouvoir de vaincre à leur tour.
L’Epître de Saint Paul aux Hébreux
est toute pleine des victoires des Saints qui par la Foi ont vaincu les
royaumes, qui ont fermé la gueule des lions, etc. .
Ces victoires que nous raconte l’histoire,
doivent nous faire penser à celles que les hommes remplis de Foi,
d’Espérance et de Charité, remportent tous les jours dans
ces combats intérieurs et extérieurs que leur livre le démon.
Victoires si nombreuses et si belles que si nous pouvions les contempler
de nos yeux, nous ne pourrions rien voir en même temps de plus fréquent
et de plus glorieux. C’est en parlant de ces sortes d’ennemis et de leur
honteuse défaite que l’Apôtre Saint Jean a dit:
« Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes très
forts, parce que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu
l’esprit malin. »
Or ce n’est ni par l’oisiveté,
le sommeil, le vin, la bonne chère, les plaisirs que l’on triomphe
de Satan, mais par la Prière, le travail, les veilles, la tempérance
et la vertu de pureté. « Veillez et priez, est-il
dit, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, afin de
ne point entrer en tentation. »
Employons ces armes pour combattre, et
nous mettrons nos ennemis en fuite. Car « ceux qui résistent
au démon, le verront fuir devant eux »
Cependant, à la vue de ces magnifiques
triomphes des Saints, prenons garde de nous complaire en nous-mêmes.
Que nul d’entre nous ne soit assez présomptueux pour s’imaginer
qu’avec ses seules forces il sera en mesure de résister aux tentations
et aux attaques de l’ennemi. non, ces succès-là ne sont point
le fait de notre nature ni de l’humaine faiblesse ; les forces avec lesquelles
nous terrassons les satellites de Satan, c’est Dieu qui nous les donne,
Dieu qui fait de nos bras comme autant d’arcs d’airain ; qui, dans sa Bonté,
brise l’arc des forts, et revêt de force les faibles ; qui prend
notre Salut sous sa protection ; dont la droite nous soutient ; qui forme
nos bras aux combats et nos mains à la guerre.
C’est donc à Dieu seul que nous
devons rendre grâces pour nos victoires, car c’est par Lui seul.
Et avec son secours, que nous pouvons vaincre. Saint Paul n’y manque pas:
« Grâces soient rendues à Dieu, dit-il, qui nous a donné
la victoire par Jésus-Christ Notre-Seigneur ! » Après
lui, la voix céleste de l’Apocalypse célèbre à
son tour le triomphe de notre Dieu: « Voici le temps
du Salut,
de la Puissance et du Règne de notre Dieu, et de la Puissance
de son Christ, parce que l’accusateur de nos frères a été
précipité, et qu’ils l’ont vaincu par le Sang de l’Agneau.
» Remarquons encore un passage du même Livre qui atteste la
victoire que Jésus-Christ a remportée sur la chair et sur
le monde: « Ceux-ci combattront contre l’Agneau, mais
l’Agneau les vaincra. »
Mais c’est assez sur les motifs et les
moyens de vaincre le tentateur.
Après ces explications, les Pasteurs
ne manqueront pas de montrer aux Fidèles les couronnes que Dieu
prépare aux vainqueurs et les récompenses infinies qu’Il
leur réserve dans l’éternité. Ce même livre
de l’Apocalypse leur en fournira les preuves. « Celui
qui sera victorieux, y est-il dit, ne sera point frappé de la seconde
mort ; et ailleurs: Celui qui sera victorieux, sera ainsi vêtu de
blanc, et Je n’effacerai point son nom du Livre de vie, et Je confesserai
son nom devant mon Père et devant ses Anges. » Puis un peu
après, Jésus-Christ notre Dieu, Notre-Seigneur Lui-même,
s’adresse en ces termes à Saint Jean: « Celui
qui sera victorieux, J’en ferai une colonne dans le temple de mon Dieu,
et il n’en sortira plus ; » puis encore: « Celui
qui sera victorieux, Je lui donnerai de s’asseoir avec Moi sur mon trône,
comme J’ai vaincu Moi-même et Me suis assis avec mon Père
sur son trône. » Enfin, après avoir fait le tableau
de la gloire des Saints et de l’immensité de ces biens éternels
dont ils jouiront dans le ciel, il ajoute : « Celui qui vaincra possédera
ces choses. »
Chapitre quarante-sixième
— Septième demande de l’Oraison Dominicale
DELIVREZ-NOUS DU MAL.
Cette dernière demande, par laquelle
le Fils de Dieu a voulu finir sa divine Prière, est comme le résumé
et la résultante de toutes les autres. Pour en montrer l’importance
et la vertu, Il l’employa Lui-même, la veille de sa mort, en priant
Dieu son Père pour le salut des hommes. « Je Vous
prie, dit-Il, de les préserver du mal. » Nous avons donc ici,
dans cette Prière qu’Il nous a enseignée par ses préceptes
et qu’Il a confirmée par ses exemples, une sorte d’abrégé
qui renferme en substance la force et l’esprit de toutes les autres demandes.
Lorsque, au témoignage de Saint Cyprien, nous avons obtenu ce qu’elle
renferme, nous n’avons plus rien à demander. Par le seul fait que
nous avons imploré et obtenu la Protection de Dieu contre le mal,
nous sommes tranquilles et en sûreté contre tous les assauts
du monde et du démon.
Mais si cette demande a l’importance que
nous venons de dire, le Pasteur se fera un devoir de l’expliquer aux Fidèles
avec le plus grand soin.
§ I. — COMMENT ON DOIT DEMANDER D’ETRE
DELIVRE DU MAL.
Dans la demande précédente
nous sollicitons la grâce d’éviter la faute, et dans celle-ci
nous prions Dieu de nous délivrer de la peine.
Il ne paraît pas nécessaire
ici de rappeler aux Fidèles les maux dont ils souffrent, les ennuis
qui les dévorent, les calamités qui les accablent, et par
suite le besoin pressant qu’ils ont du secours d’En-Haut. La vie humaine
est en proie à toutes les misères, les écrivains sacrés
et profanes sont d’accord sur cette triste vérité qu’ils
ont développée de toutes manières. Personne du reste
ne peut en douter raisonnablement ; qu’il le sache par sa propre expérience
ou par celle des autres. tout le monde est convaincu que Job, cet admirable
modèle de patience, n’a rien exagéré. « L’homme
né de la femme, dit-il, ne vit que peu de temps, et
ce peu de temps est rempli de beaucoup de misères. Il est comme
une fleur qui serait foulée aux pieds en naissant, il fuit comme
l’ombre, et jamais ne demeure dans le même état. » Nous
ne pouvons en effet passer aucun jour sans chagrin et sans afflictions.
Notre-Seigneur nous en avertit: « A chaque jour suffit
sa peine. » Au surplus, n’était-ce pas assez nous avertir
de la misère de notre condition en nous disant que chaque
jour il faut prendre notre croix et marcher à sa suite ?
Mais comme chacun sent par lui-même
toutes les charges et tous les dangers de la vie, il ne sera pas difficile
de persuader aux Fidèles qu’ils doivent demander à Dieu d’être
délivrés de leurs maux. Et cela est d’autant plus vrai que
rien ne porte plus les hommes à la Prière que le désir
et l’espoir d’être à l’abri des maux qui les affligent, ou
qui les menacent. nous sommes naturellement portés à recourir
à Dieu à l’heure de l’épreuve, et sans aucun délai.
C’est pour cela sans doute qu’il est écrit
« Couvrez leur visage d’ignominie,
Seigneur, et ils invoqueront votre Nom. » Mais si nous nous portons
presque spontanément à invoquer le secours de Dieu, dans
les périls et dans les calamités, nous avons besoin d’être
instruits, par ceux à qui notre salut a été confié,
sur la méthode à suivre, pour le faire dignement.
Il n’est pas rare en effet de trouver
des Chrétiens qui renversent l’ordre établi par Jésus-Christ.
Car, en nous ordonnant de recourir à Lui au jour de la tribulation
, Il nous a prescrit en même temps l’ordre à suivre pour faire
cette Prière. Avant donc de Le prier de nous délivrer du
mal, Il nous oblige à Lui demander que son nom soit sanctifié,
que son Royaume arrive, en un mot Il veut que nous fassions toutes les
autres demandes, qui sont comme autant de degrés pour arriver à
celle-ci. Mais si l’on souffre de la tête, de la poitrine, ou d’ailleurs,
si l’on éprouve quelque perte dans ses biens, si les ennemis font
des menaces et nous mettent en danger, si la famine, la guerre et la peste
se font sentir, aussitôt on voit des Chrétiens qui ne tiennent
plus aucun compte des degrés intermédiaires de la Prière
et qui songent uniquement à solliciter la délivrance de leurs
maux. Une telle conduite est contraire au Commandement de Notre-Seigneur
Jésus-Christ: « Cherchez d’abord le Royaume de
Dieu ».
Ainsi donc, pour bien prier, il faut tout
rapporter à la Gloire de Dieu, même lorsqu’on Lui demande
d’éloigner les peines, les calamités et les maux présents.
Lorsque David disait à Dieu: Seigneur, ne me reprenez pas dans votre
colère, il ajoutait immédiatement à cette Prière
une raison qui prouvait bien l’ardent désir qu’il avait de la Gloire
de Dieu. La mort, disait-il , ne garde pas votre souvenir, et qui
est-ce qui chantera vos louanges dans le tombeau ? De même lorsqu’il
implorait la Miséricorde de Dieu, il avait soin d’ajouter:
« J’enseignerai vos voies aux pécheurs, et les impies se convertiront
à Vous. »
Il faut engager fortement les Fidèles,
à l’exemple du Prophète, à prier de cette manière
vraiment salutaire, et bien leur montrer la différence qui existe
entre la prière des infidèles et celle des Chrétiens.
C’est qu’en effet les infidèles prient aussi et avec ardeur. Ils
demandent à la Divinité la guérison de leurs plaies
et de leurs maladies, ils la supplient de les faire sortir des maux qui
les accablent, ou qui les menacent. Mais en même temps, ils placent
le principal espoir de leur délivrance dans les remèdes de
la nature ou de l’art. Ils vont plus loin même, car ils acceptent
sans scrupule les remèdes du premier venu, quand même ils
sauraient que ces remèdes ont été préparés
avec sortilèges, magie et intervention du démon. Il suffit
pour les déterminer qu’ils aient le moindre espoir de recouvrer
la santé.
Mais la conduite des Chrétiens
est bien différente. Dans leurs maladies, dans leurs adversités,
Dieu est leur principal refuge et, à vrai dire, leur seul soutien.
Précisément parce qu’ils Le reconnaissent, et L’adorent comme
l’Auteur de tout bien, et leur Libérateur, ils n’oublient point
que les remèdes n’ont de vertu curative que celle que Dieu leur
a donnée, et par suite qu’ils ne sont utiles aux malades qu’autant
que Dieu le veut. La médecine en effet vient de Dieu, qui l’a donnée
Lui-même aux hommes pour guérir leurs maladies. De là
ces paroles de l’Ecclésiastique: « Le très
Haut a fait produire à la terre les remèdes, et l’homme prudent
ne les dédaignera pas. » Aussi ceux qui appartiennent à
Jésus-Christ ne mettent point dans ces remèdes leur principal
espoir de guérison ; mais ils se confient surtout en Dieu qui est
le Créateur même de la médecine.
C’est pourquoi nos Saints Livres reprennent
fortement ceux qui ont trop de confiance dans la science, et ne demandent
aucun secours à Dieu. Il y a plus, ceux qui mènent une vie
conforme aux préceptes du Seigneur, s’abstiennent de tous les remèdes
que Dieu n’a pas destinés à cette fin ; quand même
ils seraient assurés de guérir par ce moyen, ils ne laisseraient
pas de les avoir en horreur comme des artifices et des enchantements du
démon.
Il faut donc exhorter les Fidèles
à mettre en Dieu toute leur confiance. En nous ordonnant de Lui
demander la délivrance de nos maux, ce Père, plein de Bonté,
nous donne par là même l’espérance d’être exaucés.
nous trouvons dans la Sainte Ecriture un grand nombre d’exemples où
brille cette confiance dont nous parlons, et qui sont très propres
à l’inspirer, même à ceux que le raisonnement ne convaincrait
pas. n’avons-nous pas dans la personne d’Abraham, de Jacob, de Lot, de
Joseph et de David autant de précieux témoins de la Bonté
divine ? et le nouveau testament ne nous montre-t-il pas un très
grand nombre de personnes qui ont échappé aux plus grands
dangers par la vertu de la Prière ? Aussi bien, nous n’avons pas
à les nommer ici. nous nous bornerons donc à rapporter ces
paroles du Prophète, bien capables de nous rassurer tous, même
les plus faibles: « Les justes ont crié, et le
Seigneur les a exaucés ; et Il les a délivrés de toutes
leurs tribulations. »
§ II. — QUELS SONT LES MAUX DONT
NOUS DEMANDONS ICI D’ETRE DELIVRES.
Il nous reste à parler du sens
et de l’étendue de cette demande. C’est le moyen de bien faire comprendre
aux Fidèles que nous ne demandons pas d’être absolument délivrés
de tous les maux. Car il y a des choses que l’on regarde habituellement
comme des maux, et qui, néanmoins, sont très utiles à
ceux qui les endurent. Ainsi cet aiguillon de la chair, que ressentait
si vivement Saint Paul, servait, avec le secours de la grâce, à
affermir sa vertu dans la faiblesse . Voilà pourquoi les personnes
de piété, connaissant le prix et les avantages de ces épreuves.
les supportent avec une très grande joie, bien loin de demander
à Dieu d’en être délivrées.
Nous nous bornons donc à conjurer
par la Prière ces sortes de maux sans profit pour notre âme,
mais nullement ceux qui peuvent nous apporter quelques fruits de salut.
Le véritable sens de cette demande
est donc qu’après avoir été délivrés
du péché et du danger des tentations, nous soyons aussi préservés
de tous les maux, tant intérieurs qu’extérieurs, de l’eau,
du feu et de la foudre ; que la grêle n’atteigne point nos moissons,
et que nous n’ayons à souffrir ni de la disette, ni de la sédition,
ni de la guerre.
Nous demandons à Dieu d’éloigner
de nous les maladies, la peste, les ravages, les chaînes, la prison,
l’exil, les trahisons, les embûches, et en général
tous les maux qui épouvantent et désolent le plus la vie
humaine.
Enfin nous Lui demandons d’anéantir
toutes les causes d’iniquités et de crimes.
Mais nous ne demandons pas seulement d’être
préservés de ces choses qui, de l’aveu de tout le monde,
sont des maux véritables. nous demandons aussi que ce que l’on regarde
généralement comme des biens, à savoir les richesses,
les honneurs, la santé, la force, la vie même, ne tournent
point à notre malheur, ni à la perte de notre âme.
Nous prions Dieu de ne point être
frappés de mort subite, de ne point soulever contre nous sa colère,
de ne point encourir les châtiments réservés aux impies,
de ne point passer par le feu du purgatoire. nous le supplions en même
temps, avec toute la piété possible, de délivrer les
âmes qui y sont détenues. Enfin le sens que l’Eglise donne
à cette demande, à la Messe et dans ses Litanies, c’est que
nous soyons délivrés des maux passés, présents
et futurs.
Mais Dieu, dans sa Bonté infinie,
nous délivre des maux, de plus d’une manière. Il éloigne
les calamités qui nous menacent. C’est ainsi qu’Il sauve le grand
Patriarche Jacob des ennemis que le meurtre des Sichimites avait soulevés
contre lui ; car nous lisons: « La terreur de Dieu se
répandit sur toutes les villes d’alentour, et nul n’osa poursuivre
les enfants de Jacob, au moment de leur retraite. » Tous les Bienheureux
qui règnent dans le ciel avec Notre-Seigneur Jésus-Christ
ont été eux-mêmes délivrés de tous les
maux par la Miséricorde de Dieu ; pour nous, tant que nous sommes
dans notre pèlerinage, ce même Dieu ne veut pas que nous soyons
exempts de toutes les misères. II veut seulement nous préserver
de quelques-unes.
Au reste, les consolations qu’il accorde
parfois à ceux que l’adversité accable, sont comme une véritable
délivrance de tous les maux. C’est ainsi que David se consolait
en disant: « Vos consolations, Seigneur, ont rempli mon
âme de joie, à proportion même des cruelles douleurs
que j’éprouvais. » Dieu délivre encore les hommes du
mal lorsqu’Il les retire sains et saufs, du milieu des dangers les plus
grands, auxquels ils se trouvaient exposés, comme Il fit pour les
trois jeunes gens dans la fournaise, et pour Daniel dans la fosse aux lions.
Les lions le respectèrent, comme les flammes avaient respecté
les jeunes gens.
Saint Basile le Grand, Saint Jean Chrysostome
et Saint Augustin nous disent que le mal dont il est question dans cette
demande, serait particulièrement le démon, parce que le démon
fut l’auteur des péchés et des crimes des hommes, et que
Dieu se sert de lui pour punir les criminels et les impies. Car c’est Dieu
qui nous envoie tous les maux que nous souffrons pour nos péchés:
« Y aura-t-il dans la ville un mal qui ne vienne du Seigneur ? dit
le Prophète Amos. C’est Moi qui suis le Seigneur , est-il
dit dans Isaïe, et il n’y en a point d’autre. Je forme la lumière
et Je crée les ténèbres, Je fais la paix et Je produis
le mal. »
Le démon est encore appelé
le mal, parce que sans aucune agression de notre part, il nous fait une
guerre sans relâche et nous poursuit d’une haine mortelle. Et, bien
qu’il soit incapable de nous nuire, lorsque nous avons en mains les armes
de la Foi, et le bouclier de l’innocence, cependant, il ne cesse de nous
tenter par les maux extérieurs et de nous tourmenter par tous les
moyens possibles. Voilà pourquoi nous supplions Dieu de nous délivrer
du mal ; (ou du méchant, ou du malin).
Nous disons du mal et non pas des maux,
parce que les maux qui nous viennent du prochain, doivent être imputés
au démon. II en est sûrement l’auteur et l’instigateur. Ainsi
loin de nous irriter contre nos Frères, nous devons tourner notre
colère et notre haine contre Satan lui-même qui a poussé
les hommes à commettre l’injustice envers nous. Si donc votre prochain
vous a offensé en quelque manière, lorsque vous priez Dieu
votre Père, demandez-Lui non seulement de vous délivrer du
mal, c’est-à-dire des injustices dont vous avez été
victime, mais encore d’arracher votre prochain des mains du démon,
qui ne cherche qu’à précipiter les hommes dans le vice.
§ III. — DE LA PATIENCE NECESSAIRE
DANS LES MAUX.
Enfin il importe de savoir que si nos
Prières et nos vœux ne nous délivrent point des maux que
nous souffrons, nous devons alors les supporter avec patience, et aussi
avec cette conviction que Dieu désire extrêmement nous les
voir endurer de la sorte. Donc pas d’indignation, pas de tristesse, si
Dieu ne nous exauce pas ! Ne devons-nous pas tout soumettre à sa
sainte Volonté et à son bon plaisir ? ne devons-nous pas
regarder comme utiles et salutaires les choses que Dieu approuve et non
pas celles qui nous plaisent ?
Que les Pasteurs s’appliquent donc à
bien représenter aux Fidèles qu’ils doivent être prêts,
tant qu’ils sont sur la terre, à supporter les incommodités
et les calamités de tout genre, non seulement sans se plaindre,
mais même avec une certaine joie. Tous ceux, est-il dit dans nos
Saints Livres, qui veulent vivre avec piété en
Jésus-Christ, souffriront persécution. C’est
par beaucoup de tribulations que nous devons entrer dans le Royaume de
Dieu. Ne fallait-il pas que le Christ souffrît, et qu’il
entrât ainsi dans sa Gloire ? Or, il n’est pas juste que le serviteur
soit au-dessus du maître ; il est même honteux, dit Saint Bernard,
que les membres soient délicats sous un Chef couronné d’épines.
Nous avons à cet égard un
bel exemple dans la personne d’Urie. Pressé par David d’aller se
reposer dans sa maison, il répondit: « L’Arche
de Dieu, Israël et Juda habitent sous des tentes, et moi, j’irais
dans ma maison ? »
Si nous savons nous présenter devant
Dieu avec les pensées et les dispositions que nous venons de marquer,
nous obtiendrons infailliblement, ou d’être entièrement délivrés
de tous les maux qui nous assiègent, comme les trois jeunes gens
furent préservés du feu dans la fournaise ; ou du moins comme
les Macchabées, de supporter l’adversité avec un courage
à toute épreuve.
Au milieu des mépris et des tourments,
nous imiterons les saints Apôtres qui, accablés de coups de
fouets, se réjouissaient vivement , parce qu’ils avaient été
trouvés dignes de souffrir des affronts pour Jésus-Christ.
Remplis des mêmes sentiments, nous chanterons avec allégresse
ce cantique de David: « Les princes m’ont persécuté
sans sujet, mais mon cœur n’a craint qu’Il cause de votre parole. Je me
réjouis de vos oracles, comme celui qui a trouvé de riches
dépouilles. »
§ IV. — CONCLUSION DE L’ORAISON DOMINICALE.
AMEN. (AINSI SOIT-IL !)
Saint Jérôme, dans ses commentaires
sur Saint Matthieu, nous dit — et il ne se trompe pas — que ce mot Amen
est comme le sceau de l’Oraison Dominicale. Aussi, comme nous avons prévenu
les Fidèles de la nécessité de se préparer
à la Prière, avant de l’entreprendre, nous avons à
leur expliquer maintenant quelle est la raison et le sens de cette conclusion
; car il n’est pas plus important de bien commencer la Prière que
de la bien finir.
Que les. Fidèles sachent donc que
nous retirons des fruits nombreux et excellents de l’Oraison Dominicale.
Mais le meilleur et le plus agréable de tous c’est l’assurance que
nous obtiendrons ce que nous avons demandé. nous avons suffisamment
parlé plus haut de cette consolante vérité, mais nous
devons ajouter ici que par cette dernière partie de notre Prière,
nous n’obtenons pas seulement que nos demandes soient exaucées,
nous recueillons encore des avantages si grands et si remarquables, que
la parole peut à peine en donner une idée.
Lorsque les hommes conversent avec Dieu
par la Prière, dit Saint Cyprien, la Majesté divine se rapproche,
d’une manière incompréhensible, de celui qui prie, bien plus
que de tous les autres hommes, et elle l’enrichit des dons les plus précieux.
On peut comparer celui qui prie avec piété à un homme
qui s’approche du feu. Le feu échauffe celui qui a froid ; il fait
suer celui qui a déjà chaud: de même ceux qui s’approchent
de Dieu par la Prière en deviennent plus ardents, selon la mesure
de leur piété et de leur Foi. Leur cœur s’enflamme pour la
Gloire de Dieu ; leur esprit est éclairé d’une lumière
admirable ; et en outre ils sont comblés des dons célestes.
La Sainte Ecriture nous le dit: « Vous l’avez prévenu
des bénédictions de votre douceur. » Moïse, cet
illustre personnage, en est un exemple des plus remarquables. Au sortir
de ses entretiens intimes avec Dieu, son front et son visage resplendissaient
d’une lumière si éclatante que les Israélites ne pouvaient
pas le regarder. tous ceux qui prient avec cette piété, avec
cette sainte ardeur, participent aux effets admirables de la Bonté
et de la Majesté de Dieu. « Dés le matin, dit le Prophète,
je me présenterai devant Vous, et je verrai que Vous n’êtes
pas un Dieu qui aime l’iniquité. »
Plus nous connaissons ces merveilles,
plus aussi nous sommes pénétrés d’amour et de respect
pour Dieu, plus nous goûtons combien le Seigneur est doux, et combien
sont heureux ceux qui espèrent en lui.
A la clarté de cette lumière
incomparable qui nous environne, nous commençons à comprendre
le néant que nous sommes, devant l’infinie Grandeur et la Majesté
de Dieu. nous faisons ce que demande Saint Augustin: « Seigneur,
faites que je Vous connaisse et que je me connaisse moi-même ! »
Dès lors nous avons de nous-mêmes et de nos propres forces
une juste défiance, et nous nous confions entièrement en
la Bonté de Dieu, ne doutant point qu’Il ne nous reçoive
avec une Charité toute paternelle et une admirable tendresse, et
qu’il ne nous donne en abondance tout ce qui nous est nécessaire
pour la vie et pour le salut. Alors nous rendons à Dieu toutes les
actions de grâces dont notre cœur et notre bouche sont capables,
heureux d’imiter en cela le saint roi David, qui, après avoir commencé
sa Prière par ces mots: « Sauvez-moi de tous ceux
qui me persécutent, » finit par ceux-ci: « Je rendrai
grâces à Dieu selon sa justice, et je chanterai à l’honneur
du nom du Seigneur très Haut. »
Presque toutes les Prières des
Saints commencent par la crainte et finissent par l’espérance et
la joie. Mais les plus remarquables en ce genre sont celles du Prophète
David. Après avoir commencé à prier sous l’empire
de la crainte et du trouble, en disant : Combien qui s’élèvent
contre moi ! combien qui crient à mon âme: point de salut
pour toi en Dieu, bientôt il se rassure, et dans la joie qui l’inonde,
il ajoute : Je ne craindrai pas les milliers d’ennemis qui m’environnent.
Dans un autre Psaume, après avoir déploré sa misère,
nous le voyons plein de confiance en Dieu faire éclater une joie
extraordinaire dans l’espérance de la béatitude éternelle.
Je m’endormirai, dit-il , et je reposerai dans la paix. Et ce cri:
Seigneur, ne me reprenez point dans votre colère, ne me châtiez
point dans votre fureur, avec quelle terreur, avec quel effroi n’est-il
pas à croire qu’il le prononça ! Mais aussi quelle confiance
et quelle joie dans les paroles qui suivent: Retirez-vous de moi, vous
tous qui commettez l’iniquité, car le Seigneur a exaucé la
voix de mes pleurs ! enfin lorsqu’il avait à redouter la colère
et la fureur de Saül, avec quelle humilité n’implorait-il pas
le secours de Dieu ! Seigneur, disait-il , sauvez-moi par votre nom,
et défendez ma cause par votre Puissance. Puis la confiance et la
joie revenant, il ajoute dans le même Psaume: Voilà que Dieu
est mon aide, et que le Seigneur est le défenseur de ma vie.
Que celui donc qui, le cœur plein de Foi
et d’Espérance, se dispose à prier, se présente devant
Dieu son Père avec la confiance ferme qu’il obtiendra ce dont il
a besoin.
Or ce mot Amen, qui termine l’Oraison
Dominicale, contient en germe toutes les pensées et toutes les considérations
que nous venons d’exposer.
D’autre part Notre-Seigneur Jésus-Christ
s’en sert si souvent dans l’Evangile, qu’il a plu à l’Esprit-Saint
de le conserver dans l’Eglise de Dieu.
Voici donc, en quelque sorte, le sens
qui y est attaché: Sachez que vos prières sont exaucées.
C’est comme la réponse de Dieu renvoyant gracieusement celui qui
priait, en lui accordant ce qu’il demandait.
Cette interprétation a pour elle
la coutume constante de l’Eglise. Et en effet, dans le saint Sacrifice
de la Messe, lorsqu’elle récite l’Oraison Dominicale, l’Eglise n’a
pas laissé le mot amen aux assistants qui doivent simplement dire
: mais délivrez-nous du mal ; elle l’a réservé pour
le Prêtre qui, étant Médiateur entre Dieu et les hommes,
répond au peuple que le Seigneur est apaisé.
Cette règle n’est cependant point
commune à toutes les Prières, puisque dans les autres, c’est
le peuple qui répond: Amen, elle ne s’applique qu’à l’Oraison
Dominicale. Et en voici la raison, c’est que dans toutes les autres Prières,
ce mot exprime seulement un assentiment ou un désir, tandis qu’ici
il signifie que Dieu exauce les demandes de ceux qui prient.
Il faut dire d’ailleurs que les interprètes
traduisent diversement ce mot amen. Les Septante lui ont donné le
sens de: ainsi soit-il ! D’autres ont dit: vraiment. Aquila le traduit
par fidèlement. Mais il importe peu qu’on l’entende de telle ou
telle manière, pourvu que l’on reconnaisse que dans la bouche du
Prêtre, à la Messe, il exprime bien l’assurance que ce qu’on
a demandé est obtenu. Saint Paul autorise ce sens en disant aux
Corinthiens : « Toutes promesses de Dieu ont en Jésus-Christ
leur vérité ; et c’est par Lui aussi que nous disons ; Amen
à Dieu pour la gloire de notre ministère. »
Ce mot est encore pour nous comme la confirmation
de toutes nos demandes. Le fait seul de le prononcer rend plus attentifs
ceux qui s’adonnent au saint exercice de la Prière, où il
arrive trop souvent, hélas ! que l’esprit est distrait et entraîné
par toutes sortes de pensées étrangères.
Enfin, dans cette courte parole nous demandons
avec une nouvelle et instante ardeur que tout ce que nous venons de solliciter
soit fait, c’est-à-dire accordé.
Ou bien, ou mieux, reconnaissant déjà
que nous avons tout obtenu, la présence du secours divin nous pénètre
de joie, et nous chantons avec le Prophète : « Voici
que Dieu vient à mon aide et que le Seigneur est le défenseur
de ma vie. »
Personne en effet n’a le droit de douter
que Dieu ne soit touché tout ensemble et du nom de son Fils, et
d’une parole qu’Il a si souvent proférée ; puisque ce divin
Fils, comme dit Saint Paul , a toujours été exaucé
à cause de son respect pour son Père.
ANNEXES
DEFINITION DE L’IMMACULEE CONCEPTION
Bulle « Inefabilis Deus »
Pie IX — 8 décembre 1854
...Pour l’honneur de la sainte et indivisible
Trinité, pour l’honneur et la gloire de la Vierge Marie Mère
de Dieu, pour l’exaltation de la foi catholique et l’accroissement de la
religion chrétienne, par l’autorité de notre Seigneur Jésus-Christ,
des bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et la nôtre, nous déclarons,
prononçons et définissons que la doctrine, qui tient que
la bienheureuse Vierge Marie a été, dans le premier instant
de sa conception, par une grâce et une faveur singulières
du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ,
Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure
du péché originel, est une doctrine révélée
de Dieu, et qu’ainsi elle doit être crue fermement et constamment
par tous les fidèles. C’est pourquoi, s’il en était, ce qu’à
Dieu ne plaise, qui eussent la présomption d’avoir des sentiments
contraires à ce que nous venons de définir, qu’ils sachent
très clairement qu’ils se condamnent eux-mêmes par leur propre
jugement, qu’ils ont fait naufrage dans la foi et se sont séparés
de l’unité de l’Église, et que, de plus, par le fait même,
ils encourent les peines portées par le droit s’ils osent manifester
par parole, par écrit ou par quelque signe extérieur, ce
qu’ils pensent intérieurement.
DEFINITION DE L’INFAILLIBILITE PONTIFICALE
Constitution dogmatique « Pastor
aeternus » — 1er concile du Vatican — 18 juillet 1870
C’est pourquoi, nous attachant fidèlement
à la tradition reçue dès l’origine de la foi chrétienne,
pour la gloire de Dieu notre Sauveur, pour l’exaltation de la religion
catholique et le salut des peuples chrétiens, avec l’approbation
du saint Concile, nous enseignons et définissons comme un dogme
révélé de Dieu: le Pontife romain, lorsqu’il parle
ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur
et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu
de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine sur la
foi ou les mœurs doit être tenue par toute l’Église, jouit,
par l’assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre,
de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu
que fût pourvue son Église, lorsqu’elle définit la
doctrine sur la foi et les mœurs. Par conséquent, ces définitions
du Pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non
en vertu du consentement de l’Église.
Si quelqu’un, ce qu’à Dieu ne plaise,
avait la présomption de contredire notre définition, qu’il
soit anathème.
DEFINITION DE L’ASSOMPTION
Constitution apostolique « Munificentissimus
Deus » — Pie XII — 1er novembre 1950
...Après avoir très souvent
adressé à Dieu nos supplications, invoqué la lumière
de l’Esprit de Vérité, pour la gloire du Dieu tout-puissant
qui a répandu sur la Vierge Marie les largesses d’une bienveillance
toute particulière, pour l’honneur de son Fils, Roi immortel des
siècles et vainqueur du péché et de la mort, pour
une plus grande gloire de son auguste Mère et pour la joie et l’exultation
de toute l’Église, par l’autorité de notre Seigneur Jésus-Christ,
des bienheureux Apôtres Pierre et Paul et par notre propre autorité,
nous affirmons, nous déclarons et nous définissons comme
un dogme divinement révélé que: l’Immaculée
Mère de Dieu, Marie toujours Vierge, après avoir achevé
le cours de sa vie terrestre, a été élevée
en corps et en âme à la gloire céleste.
Par conséquent, si quelqu’un, ce
qu’à Dieu ne plaise, osait volontairement mettre en doute ce qui
a été défini par nous, qu’il sache qu’il a totalement
abandonné la foi divine et catholique.