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Sainte Catherine de Sienne
Lettres 110 à 129





CX (64]. - A UN RELIGIEUX CHARTREUX, retenu en prison. - Il faut se glorifier dans la tribulation par le souvenir de l'amour de Jésus-Christ, et par celui de nos péchés.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon très cher et bien-aimé Frère dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Dieu, je vous écris et je vous encourage dans le précieux sang de son Fils, avec le désir de voir votre cœur et votre âme unis et transformés dans l'amour consommé du Fils de Dieu, parce que, sans ce véritable amour, nous ne pouvons avoir la vie de la grâce, ni supporter les peines avec une bonne et parfaite patience. Je ne crois pas, mon très cher Frère, que nous puissions avoir cette vraie charité, si notre âme ne regarde pas l'ineffable amour que Dieu a eu à son égard, et surtout si elle ne contemple pas le doux Agneau immolé sur le bois de la très sainte Croix, où le seul amour l'a tenu attaché et cloué. Je vous assure, mon très cher Frère, qu'il n'y aura pas d'amertume qui ne devienne douce, ni de fardeau qui ne devienne léger.

2. J'ai appris la peine et les tribulations que vous avez; nous pensons que ce sont des tribulations, mais si nous ouvrons l'oeil de la connaissance de nous-mêmes et de la bonté de Dieu, nous y verrons de grandes consolations. La connaissance de nous-mêmes nous fera voir notre néant, et comment nous avons toujours commis le péché et l'iniquité. Quand l'âme [717] voit qu'elle a offensé son Créateur, le Bien souverain et éternel, elle se hait tellement elle-même, qu'elle veut s'en venger et se punir, et elle est contente de souffrir toutes sortes de peines et de fatigues pour satisfaire à l'offense qu'elle a faite à son Créateur. Elle pense que c'est une grande grâce que Dieu lui a faite, de la punir en cette vie, et de ne pas réserver ses châtiments pour l'autre vie, où les peines sont infinies. O mon très cher Frère dans le Christ Jésus, si nous considérions la grande utilité qui se trouve à souffrir des peines en cette vie, pendant que nous sommes des voyageurs qui s'avancent toujours vers la mort, nous ne les fuirions pas. Nous retirons bien des avantages d'être éprouvés maintenant. Un de ces avantages est d'être conformes à Jésus crucifié dans ses peines et ses opprobres ; et l'âme peut-elle trouver un plus grand trésor que d’être revêtue de ses opprobres et de ses peines ? Un autre avantage, c'est que la souffrance punit l'âme, et détruit ses péchés et ses fautes; elle augmente la grâce et procure des trésors dans la vie éternelle, par les adversités que Dieu lui envoie, pour pouvoir les récompenser un jour.

3. Ne craignez pas, mon très cher Frère, si vous avez vu ou si vous voyez que le démon, pour empêcher la paix et la patience de votre cœur et de votre âme, vous remplit de dégoûts et de ténèbres, vous trouble par des pensées et des tentations, et paraît même faire révolter le corps contre l'esprit. Quelquefois encore, l'esprit de blasphème voudra souiller votre cœur par ses attaques non pas qu'il espère faire tomber votre âme dans ces fautes, parce qu'il sait bien qu'elle est décidée à mourir plutôt que d'offenser Dieu par sa volonté; mais il agit ainsi pour lui causer une si grande tristesse, en lui montrant des péchés ou il n'y en a pas, qu'elle abandonne tous ses exercices. Je ne veux pas que vous agissiez ainsi. L'âme ne doit jamais s'attrister d'aucun combat, et ne jamais abandonner aucune prière, aucun exercice de piété, quand même elle devrait rester seulement devant la Croix, en disant Jésus ! Jésus ! Je me confie en notre Seigneur Jésus-Christ. Vous savez bien que si le mal se présente à votre pensée, et si la volonté n'y consent pas et préférerait mourir, il n'y a pas péché; il n'y a que la volonté qui puisse rendre coupable.

4. Fortifiez-vous donc dans une sainte et bonne volonté; ne vous inquiétez pas des pensées qui se présentent, et songez que la bonté de Dieu permet aux démons d'attaquer ainsi votre âme pour vous faire humilier et reconnaître sa bonté, pour vous faire recourir intérieurement à lui dans ses très douces plaies, comme le petit enfant recourt à sa mère. Nous serons toujours reçus avec tendresse par cette douce mère, la charité. Pensez que Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. Et son amour est si grand, qu'il nous envoie des tribulations. En permettant les tentations comme les consolations, il ne veut autre chose que notre sanctification, et c'est afin de procurer notre sanctification qu'il a pris pour lui-même des peines si grandes et la mort honteuse de la très Sainte Croix. Demeurez donc dans les douces plaies de Jésus-Christ et dans la sainte dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [719].

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CXI (61). - A L'ABBE DE SAINT-ANTHIME.- Il faut éviter de juger les autres, et profiter de la diversité des dons de chacun.

(L'abbaye de Saint-Anthime fut fondée par Charlemagne, et passa des Benédictins aux religieux de Saint-Guillaume. L'abbé auquel est adressée cette lettre est frère Jean de Gano, d'Orviete, disciple bien-aimé de sainte Catherine. Il lui administra les derniers sacrements, et fut un des témoins dans le procès de Venise.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon très cher Père dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir avec la vraie et douce lumière, qui est nécessaire à l'âme, pour que l'oeil de l'intelligence puisse voir, contempler et comprendre la souveraine et éternelle volonté de Dieu en nous. C'est cette vue qui instruit l'homme, le rend prudent et l'empêche de juger légèrement la volonté des hommes comme le font souvent les serviteurs de Dieu, sous l'apparence de la vertu et du zèle de la charité. Cette lumière rend l'homme courageux et sans crainte; elle lui fait juger avec le respect convenable la volonté de Dieu sur lui. Ce que Dieu permet, les persécutions ou les consolations, ce qui vient des hommes ou du démon, tout lui paraît arriver pour notre sanctification il se réjouit de l'amour infini de Dieu, et il espère en sa providence, qui pourvoit à toutes nos nécessités, donnant tout avec mesure, et augmentant [720] la force avec le besoin. L’âme voit et comprend ces choses quand son intelligence est éclairée et quelle connaît la volonté de Dieu; et alors elle l'aime.

2. Je dis que cette lumière empêche de juger la volonté des serviteurs de Dieu et des autres créatures; elle fait voir et respecter en eux le Saint-Esprit, qui les guide ; elle arrête les murmures et ne fait écouter que le jugement de Dieu, et non ceux des hommes. Nous pourrions bien dire Est-ce qu'un serviteur de Dieu est si éclairé qu'un autre ne puisse voir davantage ? Non. Il est nécessaire, pour manifester la magnificence de Dieu et pour conserver l'ordre de la charité, que les serviteurs de Dieu vivent et jouissent ensemble des lumières, des grâces et des dons qu'ils reçoivent de Dieu. Il en arrive ainsi afin que la lumière et la magnificence de la Vérité suprême se manifestent d'une manière infinie et digne d'elle, et afin que nous nous humilions en connaissant la lumière et la grâce de Dieu dans ses serviteurs, qu'il a établis comme des fontaines. Celui-ci verse une eau, celui-là une autre, et tous sont placés en cette vie pour s'alimenter eux-mêmes, et pour être la consolation et le rafraîchissement des autres serviteurs de Dieu qui ont soif de ces eaux, c'est-à-dire de ces dons, de ces grâces que Dieu met dans les âmes pour subvenir à tous nos besoins.

3. Il est vrai que personne n’est si éclairé qu'il n'ait souvent besoin de la lumière des autres. Mais celui qui est éclairé de la douce volonté de Dieu répand la lumière avec la lumière de la foi ; il ne juge pas en murmurant et en se scandalisant de celui qu'il veut conseiller, et quoi qu'il arrive, il n'en ressent pas de [721] peine. Si on suit son conseil, il s'en réjouit. Si on ne le suit pas, il s'en réjouit encore, parce qu'il pense doucement que ce n'est pas sans motif secret et sans nécessité que la providence de Dieu le veut ainsi. Il reste en paix et ne s'afflige pas, perce qu'il est revêtu de cette volonté divine. Il ne se tourmente pas à faire partager aux autres ses pensées, mais il s'applique, au contraire, à les perdre, à les anéantir dans la douce pensée de Dieu, en lui offrant les doutes et les craintes qu'il a eus, et en s'accusant devant lui de ce qu'il a pensé de son prochain. C'est avec cette douce prudence que vivent et agissent ceux qui sont éclairés de la vraie lumière ; aussi goûtent-ils, dès cette vie, la félicité suprême.

4. Le contraire arrive à ceux qui sont ignorants. Admettons qu'ils servent Dieu sans doute, mais ils ont encore conservé leur jugement et leurs opinions colorées de vertu et de zèle; et à cause de cela ils tombent souvent dans de grandes fautes; ils se scandalisent beaucoup et murmurent, parce qu'il leur manque la vraie et parfaite lumière. Mais pouvons-nous l'avoir? Tant que nous ne nous délivrons pas des nuages et des ténèbres intérieurs, notre jugement ne sera pas sûr et s'égarera. O lumière glorieuse ! O âme perdue et anéantie dans la lumière, tu ne te vois pas par toi, mais tu vois la lumière en toi, et dans cette lumière, tu vois et tu juges ton prochain. Aussi tu vois, tu aimes et tu respectes ton prochain dans la lumière, et non pas dans l'incertitude des jugements qu'inspire un faux zèle. Il est donc bien de voir et d'examiner avec l'oeil de notre intelligence, avec une volonté vaincue et anéantie [722], afin qu'à la lumière de l'amour véritable, en respectant la volonté de Dieu et celle de ses serviteurs, nous puissions acquérir la lumière et parvenir à la vraie et parfaite pureté. Nous ne nous scandaliserons pas des serviteurs de Dieu, parce que nous ne nous serons pas faits leur juge; mais nous serons consolés en eux; nous nous réjouirons de leurs voies différentes, de leurs progrès et de tout ce qu'ils feront, parce que nous verrons et nous reconnaîtrons en eux la volonté de Dieu.

5. Courage donc, mon cher Père, mon Fils; mettons-nous sur le sein de la divine charité, et goûtons-y le lait suave et délicieux qui fait parvenir à la perfection des saints, et qui fait suivre les traces et les enseignements de l'Agneau. Nous perdrons toute crainte, nous marcherons à travers les épines et les tribulations, et nous ne fuirons pas la peine; mais nous gémirons sur ceux qui murmurent et donnent le scandale ; nous en aurons compassion devant Dieu. Nous poursuivrons les œuvres saintes que nous avons commencées pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes, et nous les finirons selon sa douce volonté. Je ne vous en dirai pas davantage sur ce sujet. Noyons-nous dans le sang de Jésus crucifié. Oui, soyons sans crainte, sachant bien que si Dieu est pour nous, personne ne sera contre nous.

6. Je ne sais quand j'arriverai, et je ne puis prévoir combien je resterai. Je partirai le plus tôt possible, écoutant toujours, pour aller et rester, la douce volonté de Dieu, et non celle des hommes. Je vous dirai, à vous et à tous ceux qui laissent entrer tant de peines et de pensées dans leur esprit à mon sujet [723], que, si je voyage toujours et si je me fatigue, malgré toutes mes infirmités, c'est que Dieu m'y force pour son honneur et le salut des âmes. Si les faibles veulent trouver du mal dans le bien, je ne puis les empêcher; mais je ne dois pas regarder en arrière et abandonner la charrue. Il me semble qu'en écoutant les opinions des hommes, nous verrions la zizanie étouffer le bon grain. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CXII (66). - A L'ABBE DE SAINT-ANTHIME. – Du zèle des âmes et de la soif que Notre-Seigneur a eu de notre salut.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIÉ ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon vénérable et révérendissime Père dans le Christ Jésus, votre indigne petite fille, Catherine, la servante et l'esclave de Jésus-Christ, se recommande à vous, avec le désir de vous voir baigné et noyé dans le sang du Fils de Dieu. Ce sang vous fera paraître toute amertume douce et tout fardeau léger; il vous fera suivre les traces de Jésus, qui a dit : Je suis le bon Pasteur, qui donne sa vie pour ses brebis. C'est ainsi que mon âme désire vous voir, mon Père. Soyez un véritable pasteur dépouillé de tout amour-propre; ayez de généreux désirs, et que vos regards soient toujours fixés sur l'honneur de Dieu et le salut des âmes. Faites, faites bonne garde, afin que le démon [724] ne surprenne pas vos brebis. Oh! quelle douce chose pour vous et pour moi, si je voyais que vous ne craignez ni la mort ni la vie, ni les honneurs ni les reproches. les outrages, les injures et les persécutions qui peuvent vous venir du monde ou de ceux qui vous obéissent, mais que vous vous inquiétez seulement des injures qui sont faites à Dieu. C'est à cela, mon très cher Père, qu'il faut mettre tout votre zèle, afin de montrer que vous êtes un bon pasteur et un vrai jardinier un pasteur pour reprendre, et un jardinier pour retourner la terre, pour rétablir la régularité, pour arracher le vice, et planter la vertu autant qu'il vous sera possible, avec l'aide de la grâce divine, que reçoit en abondance l’âme qui a faim et désir de Dieu,

2. Nous acquérons cette faim sur le bois de la très sainte Croix; vous y trouverez l'Agneau immolé et percé pour nous, avec une telle faim et un tel désir de l'honneur de son Père et de notre salut. qu'il ne semblait pas pouvoir vous montrer assez, par les souffrances de son corps, le désir qu'il avait de donner. C'est ce qu'il paraissait vouloir dire, lorsqu'il criait sur la Croix : " J'ai soif. " Comme s'il disait : J'ai une si grande soif de votre salut, que je ne puis me désaltérer; donnez-moi à boire. Le doux Jésus demandait à boire à ceux qu'il voyait ne pas participer à la rédemption de son sang; et on ne lui donna d'autre chose à boire que de l'amertume. Hélas! mon très doux Père, nous voyons sans cesse que non seulement au moment de la Passion, mais depuis et maintenant, il nous demande à boire, et nous montre la même soif ! Hélas ! que je suis malheureuse! Il me [725] semble que la créature ne lui présente autre chose que l'amertume et la corruption du péché. Nous devons nous exciter avec ardeur à comprendre cette soif divine, afin que notre âme, hors d'elle-même, puisse uniquement désirer et aimer ce que Dieu aime, et détester ce qu'il déteste. Vous le devez, Vous surtout qui êtes pasteur. Courez, mon vénérable Père, courez sans négligence et sans ignorance, car le temps que nous avons est court.

3. Vous m'avez fait dire que vous n'avez pas trouvé de fleurs dans le jardin. Prenez courage, et faites ce que vous pourrez. J'espère de la bonté de Dieu que l'Esprit-Saint, comme un bon jardinier, garnira ce jardin, et le fournira de tout ce dont il a besoin. Je vous envoie celui qui vous remettra cette lettre; il causera avec vous de Mme Moranda, femme de messire François de Montalcino. Elle a entre les mains une jeune fille qui a bon désir de se donner à Dieu; et elle voudrait pour cela la mettre dans un couvent qui ne me plaît pas beaucoup. Je voudrais que vous puissiez la voir à ce sujet, et quand vous pourrez le faire, trouver un lieu convenable pour fonder un véritable et bon monastère, et y mettre deux bonnes têtes, car nous avons des membres en quantité. Je crois que cela serait pour la plus grande gloire de Dieu. Je prie sa souveraine Bonté qu'il vous donne ce qu'il y a de meilleur, et qu'il vous remplisse de tant de zèle pour cela et pour vos autres œuvres, que vous sacrifiiez, s'il le faut, votre vie pour Jésus crucifié. Je vous prie de me faire savoir si le monastère du Valdarno est sous votre juridiction pour le cas que vous fera connaître le porteur de cette lettre. Je ne [726] vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte. et douce dilection de Dieu. Je ne suis qu'une servante inutile, et je me recommande à vous. Doux Jésus, Jésus amour.

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CXIII (67).- A L'ABBE MARTIN DE PASSIGNANO, de l'Ordre de Vallombreuse. - Il faut se bien gouverner pour bien gouverner les autres.

(Le monastère de Passignano, de l'Ordre de Vallombreuse, est à douze milles de Florence, dans le diocèse de Fiesole.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon très cher Père dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir un vrai jardinier et un bon gardien du jardin de votre âme et de ceux qui vous sont confiés. Nous sommes tous un jardin, un parterre que la Vérité suprême fait cultiver par la raison et le libre arbitre. La raison et le libre arbitre avec le secours de la grâce divine doivent arracher les épines des vices, et planter les herbes odoriférantes des vertus.

2. Mais vous ne pourrez pas planter les vertus, si vous ne retournez pas, en arrachant les épines, la terre de la volonté sensitive, qui n'aime que les plaisirs terrestres et passagers, pleins des ronces du vice [727] et du péché. Retournez donc cette terre, mon très cher Père, par la force de l'amour, tandis qu'il en est temps encore. Plantons-y les douces et solides vertus, un amour ineffable inspiré par l'Agneau sans tache, la haine et le mépris de nous-mêmes, une patience sincère, une foi vivante et non pas morte, les bonnes œuvres, la fuite du monde et une justice unie à la miséricorde envers vos religieux; enfin une obéissance ardente au Christ et à l'Ordre, en y persévérant jusqu'à la mort. Je dis qu'il faut être obéissant à l’Ordre en observant ses règles avec un saint et vrai désir, en veillant et priant continuellement. L’intelligence doit toujours s'appliquer à connaître son néant, la bonté de Dieu à son égard, et la grandeur de Celui qui seul est véritablement. Il faut pratiquer peu à peu la prière continuelle, qui n'est autre chose qu'un saint désir et un doux mouvement d'amour, qui suit l'intelligence. Ce sont là les fleurs les plus parfumées de ce jardin, et je veux que vous les cultiviez avec plus de zèle, parce que vous y trouverez la faim de l'honneur de Dieu et du salut de ceux qui vous sont confiés. Vous accomplirez ainsi la volonté divine et mon désir, car je vous ai dit que je désirais vous voir un bon jardinier pour votre âme et pour vos religieux. Si vous avez faim de leur salut pour l'honneur de Dieu, vous serez zélé à les tirer de leurs misères, à punir leurs défauts et à élever ceux qui sont vertueux, et qui veulent vivre selon la règle.

3. Puis, quand le jardin sera ainsi bien orné, je veux que vous en donniez la garde au chien de la conscience. Qu'il soit attaché à la porte; et, si l'ennemi vient pendant que l'intelligence sommeille, le [728] chien aboiera, la conscience sera éveillée, et l'intelligence sera sur ses gardes et tiendra tête à l'ennemi par la haine et le mépris; elle se défendra sur-le-champ, et s'armera des armes de l'amour. Il faut bien nourrir ce gardien, afin qu'il fasse bonne garde; sa nourriture n'est pas autre chose que la haine et l'amour qu'on porte dans le vase d'une humilité sincère, dans les mains d'une patience véritable, car avec la haine et l'amour se trouvent l'humilité et la douce patience. Plus on nourrit le chien de la conscience, plus il est vigilant; et il devient si zélé qu'il aboie, même lorsque ce sont des amis qui passent, afin que l'intelligence regarde s'ils viennent de la part de Dieu ou non. Le jardinier ne pourra pas ainsi être trompé, ni son jardin ravagé. L'ennemi nie viendra pas y semer la zizanie de l'amour-propre, qui fait naître les épines, et étouffe la semence des vertus. Donnez-lui à boire, donnez-lui à boire à ce gardien, c’est-à-dire emplissez votre mémoire du sang de Jésus crucifié, et mettez-le sans cesse devant lui, afin qu'il ne meure pas, et ne périsse pas de soif. Courage, mon cher Père, foulons aux pieds le monde, toutes ses pompes, ses délices, ses richesses, et suivons le pauvre Agneau immolé et abandonné pour nous sur le bois de la très sainte Croix. Ne différons pas davantage pour l'amour de Dieu, car le temps s'échappe des mains sans que l'homme s'en aperçoive; ce n'est pas raisonnable d'attendre ce qu'on n'a pas, et de perdre ce qu'on a. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [729].

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CXIV (68). - A DOM MARTIN, abbé de Passignano, de l'Ordre de Vallombreuse. - De la sève que nous devons puiser sur l'arbre de la très sainte Croix.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon révérend et très cher Père dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de voir votre cœur et vos affections greffés sur la douce et adorable Croix; car je vois que l'âme ne peut obtenir et posséder le fruit de la grâce, si le cœur et les affections ne sont pas greffés sur l'amour crucifié du Fils de Dieu. Sans cette greffe, il ne suffirait pas que la nature divine fût greffée sur la nature humaine, et la nature humaine unie à la nature divine. Aussi nous voyons l'Homme-Dieu courir à la mort honteuse de la Croix. Le Verbe s'est greffé sur l'arbre de la sainte Croix, et il nous a arrosés de son sang précieux en produisant les fleurs et les fruits des véritables et solides vertus. Et tout cela s'est fait avec le lien de l'amour; cet amour ardent, lumineux et entraînant, a mûri les fruits des vertus, et leur ôté toute aigreur. Cela s’est fait parce que le Verbe divin s'est greffé sur la nature humaine, et le Verbe sur le bois de la très sainte Croix. Vous savez que d'abord ces fruits étaient si aigres, qu'aucune vertu ne nous conduisait au port de la vie, parce que la tache de la désobéissance d'Adam n'était pas effacée par l'obéissance du Verbe, le Fils unique de Dieu. Je vous dis encore que, malgré cette douce et ineffable union, l'homme ne participe pas et ne peut participer à la grâce, s'il ne se revêt pas par un mouvement d'amour, de l’amour crucifié du Fils de Dieu, s'il ne suit pas les traces de Jésus-Christ. Nous sommes des arbres stériles; pour produire des fruits, il faut nous unir à l'arbre fertile qui est le Christ, le doux Jésus. O mon très cher et révérend Père, quel sera le cœur assez dur pour résister, s'il considère l'amour ineffable de son Créateur, et pour ne pas se lier et se greffer à lui par les liens de la charité? Je ne sais vraiment comment cela pourrait se faire.

2. Il n'y a, je pense, que ceux qui sont greffés et liés sur l'arbre mort du démon et sur l'amour d’eux-mêmes, tout entiers aux délices, aux honneurs et aux richesses du monde, pleins d'orgueil et de vanité. Hélas! ceux-là sont privés de la vie; ils ne sont pas seulement des arbres stériles, ils sont des arbres morts. En mangeant leur fruit, on arrive à la mort éternelle, car leurs fruits sont les vices et les péchés. Ceux-là ont abandonné la voie et la doctrine du doux et tendre Verbe incarné; ils marchent dans les ténèbres, et tombent dans la misère et la mort.

3. Il n'en est point ainsi de ceux qui suivent avec un tendre amour la voie de la vérité. Ils ont ouvert l'oeil de leur intelligence; ils connaissent leur néant, et ils connaissent la bonté de Dieu à leur égard. Ils attribuent à Dieu l'être et tous les dons qui y sont ajoutés, et ils confessent avoir tout reçu de lui par grâce et non par obligation. Alors se développent en eux une ardeur d'amour et une haine du péché et de [731] la sensualité; qui les greffe avec une humilité sincère à l'amour crucifié et consommé du Fils de Dieu, et les fruits des vrais vertus paraissent. Ces fruits nourrissent leur âme et celle de leur prochain, car ils deviennent avides de l'honneur de Dieu et du salut des âmes. Il est donc bien utile et bien nécessaire d'avoir cette union parfaite, parce que sans elle nous ne pouvons arriver à la fin pour laquelle nous avons été créés. Aussi, je vous ai dit que je désirais vous voir greffés sur l'arbre de la très sainte Croix. Je vous prie donc, pour l'amour de Jésus crucifié, d'être plein d'ardeur et de zèle; ne dormez plus du sommeil de la négligence, car le temps est court, et la route est longue.

4. Vous m'avez envoyé, mon révérend Père, une croix, qui m'est plus chère que tout ce que j'ai, et je suis touchée de la pensée qui vous porte à me l’envoyer (Cette croix était probablement faite avec un morceau du hêtre miraculeux qui poussa sur la grotte du bienheureux Gualbert, et qui se couvre tous les ans de feuillage, avant tous les autres on en fabrique des croix que bénissent et distribuent les religieux de Vallombreuse.). Vous offrez aux yeux de mon corps ce que je devrais toujours avoir présent aux yeux de mon âme. Misérable que je suis! je ne le fais jamais. Je vous prie instamment de demander à notre doux Sauveur de me changer. Je vous rends croix pour croix, un vous invitant à souffrir celle du Saint désir et celle du corps, en supportant avec une vraie et bonne patience toutes les fatigues que vous éprouverez pour l'amour de Dieu et le salut des âmes. Vous m'écrivez d'achever ce que j’ai commencé, et je vous promets [732] de le faire autant que je le pourrai, et que Dieu m'en donnera la grâce. Oui, je prierai toujours pour vous la Bonté divine et si Vous répondez avec un zèle ardent et sincère à Celui qui vous appelle avec un si grand amour, sa sainte volonté s'accomplira en vous; car il ne cherche et ne veut autre chose que notre satisfaction : c'est votre désir et le mien. Aussi, j'espère qu'il sera satisfait, et que nous nous retrouverons unis dans les doux liens de la charité. Ayez, ayez bien soin de corriger les défauts, et de cultiver les vertus de vos religieux par une vraie et sainte doctrine, en étant vous-même pour eux un miroir de vertu. Je ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CXV (69). - AUX RELIGIEUX DE PASSIGNANO, à Vallombreuse. - De la fidélité à la règle. – Des trois vœux d'obéissance, de pauvreté volontaire et de continence.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE.






1. Mes très chers Frères et Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je Vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir des fleurs odoriférantes dans le jardin de votre saint Ordre, et non pas des fleurs infectes. Vous savez, mes Fils bien-aimés, ce que sont les religieux qui ne Vivent pas selon les régies et les coutumes de l'Ordre mais [733] qui vivent sans aucune retenue et avec des goûts déréglés, supportant avec impatience les fatigues de leurs obligations, et accueillant avec une joie désordonnée les joies et les plaisirs du monde : ils sont pleins de cet orgueil et de cette vanité d'où naissent les souillures de l'esprit et du corps, et ils désirent les honneurs, les distinctions, les richesses du monde, qui sont la mort de l'âme, la honte et la confusion des religieux. Celui qui vit de la sorte est une fleur infecte qui répand sa mauvaise odeur devant Dieu, devant les anges et les hommes. Celui-là est digne de confusion; il va de lui-même à la mort éternelle. En désirant les richesses, il s'appauvrit; en voulant les honneurs, il se couvre de honte; en recherchant le plaisir des sens et en s'aimant lui-même sans Dieu, il se hait; en voulant se rassasier des délices et des plaisirs du monde, il reste dans le besoin et se laisse mourir de faim parce que toutes les choses créées, les délices, les plaisirs du monde ne peuvent rassasier l'âme, car toutes les choses créées sont faites pour la créature raisonnable, et la créature est faite pour Dieu. Les choses créées sensibles ne peuvent rassasier l'homme, parce qu'elles sont inférieures à l'homme; il n'y a que Dieu, le créateur et le maître de toutes les choses créées, qui puisse le rassasier.

2. Vous voyez donc bien qu'il se meurt de faim. Il n'en est pas de même des fleurs odoriférantes, de ces vrais religieux qui observent fidèlement la règle, et qui aimeraient mieux mourir que de la transgresser, surtout dans les vœux qu'ils ont faits à leur profession, lorsqu'ils ont promis l'obéissance, la pauvreté volontaire et la chasteté de l'esprit et du corps. Je dis [734] que ces vrais religieux, qui doivent être vos modèles, mes enfants, observent la règle et ne veulent jamais transgresser les ordres de leurs supérieurs; ils veulent toujours obéir, et n'examinent pas la volonté de celui qui commande, mais ils la suivent avec simplicité. Et c'est là le signe de l'humilité véritable; car l'humilité est toujours obéissante, et l'obéissance est toujours humble. L'obéissant est humble, parce qu'il a détruit en lui la volonté perverse qui rend l'homme superbe. L'humble est obéissant, parce que, par amour, il a renoncé à sa propre volonté, et il s'est délivré de son joug, c'est-à-dire de la révolte de la partie sensitive, qui veut résister à son Créateur. II brise le joug de sa volonté, en se soumettant volontairement à la volonté de Dieu et au joug de la sainte obéissance.

3. L'humble méprise ainsi les richesses et triomphe de l'orgueil, en désirant la vraie et sainte pauvreté; car il voit que la pauvreté volontaire du monde enrichit l'âme et la tire de l'esclavage; elle le rend doux et lui ôte la fausse foi de l'espérance dans les choses passagères, et elle lui donne une foi vive et une espérance vraie. Il espère dans son Créateur à cause de Jésus crucifié, et non à cause de lui-même; il voit bien le malheur qui attend celui qui se confie dans l'homme, et il met son espérance et sa foi en Dieu et dans les vraies et solides vertus; car la vertu est la richesse de l'âme, son honneur, sa joie, son repos et sa consolation parfaite. Aussi le vrai religieux cherche à en enrichir son âme; il méprise autant qu'il peut tout ce qui est contraire à la vertu, et il aime tout ce qui peut la lui faire acquérir. Il se [735] passionne pour les peines, les injures, les mépris, les affronts, parce qu'il comprend que ce sont ces choses qui éprouvent l'homme et le rendent vertueux. Aussi, vous voyez que par amour de la vraie richesse, il méprise les vaines richesses. Il cherche la pauvreté et la prend pour épouse, par amour de Jésus crucifié dont toute la vie ne fut que pauvreté. En naissant, en vivant et en mourant, il n'eût pas où reposer sa tête; et cependant il était Dieu, la richesse éternelle et suprême; mais il voulut être notre règle, et il aima la pauvreté pour nous l'enseigner, à nous, ignorants et. misérables.

4. Le vœu de continence s'observe ensuite naturellement; car celui qui est humble et obéissant, celui qui méprise les richesses et les délices du monde, celui qui aime la pauvreté et l'abaissement, et qui se plaît à garder sa cellule et à prier, celui-là est nécessairement chaste. Non seulement il ne se plonge pas dans la boue des plaisirs de la chair, mais la pensée même de ces plaisirs lui répugne; il se mortifie et évite toutes les occasions et toutes les causes qui peuvent le priver du trésor de la chasteté et de la pureté du cœur; il aime et recherche tout ce qui peut le lui conserver; et comme il voit que la société des méchants et des débauchés, la conversation et l'amitié des femmes sont nuisibles, il les fuit comme des serpents venimeux.

5. Il choisit la société de la très sainte Croix et celle de tous les serviteurs de Dieu qui aiment Jésus crucifié, les veilles et la prière, dont il ne se rassasie et ne se fatigue jamais, parce qu'il voit que la prière est une mère qui nous donne le lait des divines douceurs [736], et qui nourrit sur son sein les vertus, ses enfants; il l'aime tant parce qu'elle unit l'âme à Dieu; elle l'orne de pureté, elle lui donne la parfaite sagesse de la vraie connaissance de soi-même et de la bonté de Dieu à son égard. En un mot, mes Fils bien-aimés, tous les trésors et les jouissances qu'une âme peut avoir dans cette vie, on les trouve dans la sainte prière; ceux qui lui sont fidèles sont des fleurs odoriférantes qui répandent leurs parfums en présence de Dieu et des anges, et devant les hommes. Aussi je vous conjure, par l’amour de Jésus crucifié, si vous avez fait jusqu'à présent le contraire, de ne plus le faire maintenant. Regardez-vous comme des novices qui viennent d'entrer dans l'Ordre pour en observer avec dévotion la règle. Puisque Dieu vous a rendus dignes d'être parmi les anges, efforcez-vous de ne pas rester. parmi les hommes; les hommes, ce sont les séculiers qui sont appelés à. l'état commun; mais vous, vous êtes appelés à l'état parfait, et si Vous n'êtes pas parfaits, vous serez moins que des hommes, vous serez des animaux sans raison. Courage donc, mes enfants. Baignez-vous dans le sang de Jésus crucifié, qui fortifiera votre âme et guérira vos faiblesses. Soyez fidèles à votre cellule; aimez être au chœur, soyez obéissants, fuyez les conversations, et appliquez-vous aux veilles et à la prière. Je ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [737].

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CXVI (70). - A DOM JEAN, aux cellules de Vallombreuse . - Du zèle pour le salut des âmes, et des offenses contre Dieu.

(Dom Jean, ermite de Vallombreuse, fut un des hommes les plus remarquables du XIV siècle. Il était de Florence. Sa naissance et ses talents le placèrent a la tête de l’abbaye de la Sainte-Trinité. Il y tomba dans les plus honteux désordres, et s'abandonna aux pratiques de la magie. Le général de son Ordre l'ayant appris, lui ôta sa charge, et le condamna à une dure prison. Il rentra alors en lui-même, et embrassa les austérités de la pénitence. Lorsqu'il sortit de prison, il refusa de reprendre sa charge, et se retira dans un ermitage de Vallombreuse, où il vécut dans la contemplation et l'étude des saintes Ecritures. Il convertit un grand nombre de personnes, et mourut dans une extrême vieillesse. Il était très attaché à sainte Catherine, qui le guérit une fois miraculeusement. Il laissa sur les vertus de celle qu'il appelait sa mère plusieurs écrits, parmi lesquels se trouvait une relation de ses voyages qui a été perdue. - Gigli, t. I, p. 462.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIÉ ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon très cher Père dans le Christ, Je doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir vous rassasier des âmes, pour l'honneur de Dieu, sur la table de la très sainte Croix, en vous y unissant à l'humble Agneau sans tache. Je ne vois pas, mon Père, qu'on puisse prendre cette douce nourriture en un autre lieu. Pourquoi? Parce que nous ne pouvons véritablement la prendre [738] sans beaucoup souffrir. C'est avec les dents de la patience, et la bouche du saint désir qu'il faut s'en nourrir sur la croix des tribulations nombreuses; et de quelque côté qu'elles nous viennent, que ce soit des murmures ou des scandales du monde, il faut les supporter jusqu'à la mort. C'est le moment, mon très cher Père, de montrer si nous aimons ou non Jésus crucifié, et si nous goûtons cette nourriture; c'est le moment de rendre honneur à Dieu et de travailler pour le prochain. Il faut que le corps et l'âme travaillent pour lui : le corps, en souffrant beaucoup, et l’âme en offrant à Dieu, dans la douleur et l'amertume, les larmes et les sueurs d'une humble et continuelle prière et d'un ardent désir; car je ne vois pas d'autres moyens d'apaiser la colère de Dieu à notre égard et d'attirer sa miséricorde, pour sauver tant de brebis qui périssent entre les mains du démon. Oui, nous ne pouvons le faire que par une grande douleur, une compassion de notre âme, et par de ferventes prières.

2. Aussi, mon très cher Père, je vous en conjure de la part de Jésus crucifié, commençons donc de nouveau à nous perdre nous-mêmes, et à chercher uniquement l'honneur de Dieu dans le salut des âmes, sans aucune crainte servile des peines du jugement des créatures, et de la mort même qui peut nous menacer. Que rien n'arrête nos pas; mais courons, ivres d'amour et de douleur des persécutions dont le sang de Jésus crucifié est l'objet : car, de quelque côté que nous nous tournions, nous le voyons persécute;. si je jette les yeux sur nous-mêmes, qui sommes des membres corrompus, je vois que nous le persécutons [739] par de nombreux défauts, par les souillures du péché mortel et par le venin de l'amour-propre, qui empoisonne le monde entier. Si je considère les ministres du sang de l'humble et doux Agneau, je ne puis raconter leurs fautes et leurs vices; si je regarde ceux qui sont sous le joug de l'obéissance, la racine maudite de l'amour-propre, qui n'est pas encore morte en eux, les rend si imparfaits, qu'ils ne voudraient pas donner leur vie pour Jésus crucifié; ils éprouvent plutôt la crainte de la mort et de la peine, que la sainte crainte de Dieu et le respect du précieux Sang. Si je regarde les séculiers qui se sont séparés du monde, ils n'ont pas encore la vertu nécessaire pour fuir l'occasion, ou pour choisir la mort, plutôt que de faire ce qu'il ne faut pas faire; ils le font par imperfection, ou en suivant de mauvais conseils ( Il est sans doute question ici des désordres arrivés pendant l’interdit de Florence.). Si j'avais à leur en donner, je leur conseillerais de préférer la mort, s'ils veulent atteindre la perfection, et de fuir le lieu et l'occasion du péché autant que possible, s'ils se sentent faibles. Ce conseil, il me semble que vous et tous les serviteurs de Dieu, vous devez le donner, quand il peut être utile à quelqu'un; car vous savez bien que jamais, non seulement par crainte de la peine ou de la mort, mais encore pour faire un très grand bien, il n'est permis de commettre la moindre faute.

3. Ainsi donc, de quelque côté que nous nous tournions, nous ne trouvons que défauts. Je ne doute pas que si un seul eût été assez parfait pour sacrifier [740] sa vie dans les circonstances qui se sont présentées et qui se présentent chaque jour, le Sang eut crié miséricorde et lié les mains de la justice divine; il eût brisé les cœurs des Pharaons, qui sont plus durs que le diamant; et je ne vois pas d'autre moyen de les briser que le Sang. Hélas! hélas! hélas ! que mon âme est à plaindre ! Je vois la religion chrétienne tomber dans la mort, et je ne pleure pas, je ne gémis pas sur elle ! Je vois les ténèbres obscurcir la lumière: ceux qui avaient reçu la lumière de la très sainte Foi dans le sang du Christ deviennent aveugles; la pupille de leur intelligence s'éteint, et nous les voyons tomber dans la fosse, c'est-à-dire dans la gueule du loup infernal, dépouillés de vertu et morts de froid. Ils sont privés de la charité de Dieu et du prochain, ils en ont rompu les liens, et ils ont perdu le respect de Dieu et du précieux Sang. Hélas! je crois que mes iniquités en sont cause.

4. Aussi je vous conjure, mon très cher Père, de prier Dieu pour moi : demandez lui qu'il me délivre de tant d'iniquités, et que je ne sois pas cause de tant de mal, ou qu'il rue donne la mort. Je vous conjure de mettre ces enfants morts sur la table de la très sainte Croix, et de prendre cette nourriture en les baignant dans le sang de Jésus crucifié. Je vous assure que, si vous et les autres serviteurs de Dieu, vous ne vous appliquez pas par de ferventes prières et par d'autres moyens à corriger tant de désordres, le jugement de Dieu s'accomplira, la justice divine étendra sa verge; et si nous ouvrons les yeux, nous verrons déjà un des plus grands châtiments qui puissent nous frapper en cette vie, celui d'être privés [741] de la lumière, de ne pas voir la ruine et le malheur de l'âme et du corps Celui qui ne voit pas ne peut se corriger, car il ne hait pas le mal, et il n'aime pas le vrai bien. Dès qu'on ne se corrige pas, on devient pus mauvais, et il me semble que nous sommes pires que le premier jour. Il ne faut donc s'arrêter jamais. Il faut, si nous sommes les vrais serviteurs de Dieu, souffrir beaucoup avec une vraie patience, et travailler pour le prochain et pour l'honneur de Dieu, par de nombreuses prières et d'ardents désirs. Que les soupirs soient notre nourriture, et les larmes notre breuvage, sur la table de la Croix. Je ne vois pas d'autres moyens. Aussi, je vous ai dit que je désirais vous voir vous rassasier des âmes sur la table de la très sainte Croix.

5. Je vous prie de veiller sur ceux qui sont vos enfants et les miens, selon le besoin de chacun. Nourrissez-les, et rendez-les parfaits autant que vous le pourrez. Désirons avec ardeur mourir à toute volonté, spirituelle ou temporelle ne cherchant pas notre consolation, mais seulement le bien des âmes, et nous réjouissant d'être sur la Croix avec Jésus crucifié, et de donner notre vie, s'il le faut, pour la gloire et l'honneur de son Nom. Moi, je me meurs, et je ne puis mourir en entendant et en voyant offenser mon Seigneur et mon Créateur. Aussi je vous demande l’aumône de vos prières, pour moi et pour les autres. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [742].

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CXVII (71). - A DOM JEAN, religieux des ermites de Vallombreuse, que demandait le Pape Urbain VI. - De la vertu de charité et de ses effets. - La nourriture qu'elle prend est le salut des âmes.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon très cher Fils et Père dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir consumé dans la fournaise de la divine charité. La charité consume l'eau de l'amour-propre; elle fait que l'homme se perd lui-même, c'est-à-dire qu'il ne se cherche pas pour lui, mais pour Dieu, sans désirer sa propre consolation. Il aime le prochain, non pour lui, mais pour Dieu, travaillant à son salut autant qu'il lui est possible; et il aime Dieu pour Dieu, parce qu'il sait qu'il est la souveraine, l'éternelle. Bonté, si digne d'être aimée. Oh! que la charité est une douce et bonne mère! Elle nourrit sur son sein les vertus qu'elle enfante, et aucune vertu ne peut nous donner la vie de la grâce, si elle n'est élevée et nourrie par la charité. Elle est une lumière qui dissipe les ténèbres de l'ignorance, et qui fait connaître plus parfaitement la vérité; et en la connais saut, on l'aime davantage. Elle est un vêtement qui recouvre notre nudité. Oui, l'âme qui est privée de vertu en a honte, comme un homme a honte de sa nudité: la charité la couvre du vêtement des vraies [743] et solides vertus. Elle est une nourriture, qui nourrit l'âme et sa faim ; cars sans la faim, la nourriture ne serait point agréable. Aussi nous voyons que l'âme qui se nourrit dans cette fournaise veut toujours prendre cette nourriture; et plus elle en prend, plus elle a faim. Quelle est cette nourriture? C'est l'honneur de Dieu et le salut des âmes. Elle cesse de chercher sa propre gloire, mais elle court toute transportée chercher celle de Dieu sur la table de la Croix; elle se rassasie d'opprobres, elle embrasse la bonté, les humiliations, et se conforme entièrement à la doctrine du Verbe. En suivant fidèlement ses traces, elle ne trouve pas dures la peine et les fatigues; elle s'y complaît au contraire par ce qu'elle s'est abandonnée elle-même par une sainte haine. Aussi brille en elle la vertu de patience avec ses sœurs, la force et la longue persévérance.

2. Ceux qui agissent ainsi ont un avant-goût de la vie éternelle, et ceux qui restent dans l'amour-propre ont un avant-goût de l'enfer; car ils deviennent insupportables à eux-mêmes, en s'aimant d'une manière déréglée, ainsi que les créatures et les choses créées. Elle est donc bien bonne, la charité, cette douce mère? Il ne faut pas dormir; mais il faut la chercher avec un zèle ardent , si on l'a perdue par sa faute. Je dis perdue, car on peut la retrouver pendant qu'il en est temps encore. Si on l'a imparfaitement, il faut tâcher de l'avoir parfaitement. Ne dormons plus, lorsque nous sommes appelés et invités à secouer le sommeil. Dormirions-nous au moment où nos ennemis nous attaquent? Non. La nécessité nous appelle, le besoin nous presse, et l'amour doit nous [744] réveiller. A-t-on jamais vu plus de malheurs que nous n'en voyons aujourd'hui dans la sainte Église? Les enfants qu'elle avait nourris sur son sein se sont levés contre elle et contre leur Père; ils ont indignement attaqué le Christ sur terre, le Pape Urbain VI, le vrai Souverain Pontife, et ils ont nommé un antipape, un démon incarné, comme tous ceux qui le suivent. Nous devons nous hâter de secourir notre Père dans cette nécessité, puisqu'il demande avec douceur et humilité l'assistance des serviteurs de Dieu; il veut les avoir près de lui (Il s'agit du bref dont il est parlé dans la lettre XCIX.). Il faut répondre à son appel en nous consumant dans la fournaise de la charité. Ne restons pas en arrière, mais avançons toujours avec cette conviction parfaite, qui ne se laisse ébranler par aucune considération humaine. Entrons courageusement sur ce champ de bataille avec une humilité forte et sincère.

3. Répondez donc au Souverain Pontife Urbain VI, qui vous demande avec une grande humilité, non à cause de notre mérite ou de nos vertus, mais a cause de la bonté de Dieu et de son humilité. Aussi, je vous conjure par l'amour de Jésus crucifié d'accomplir promptement la volonté de Dieu et la sienne. Je verrai par là si vous aimez véritablement Dieu et la réforme de l'Église, et si vous n'êtes pas attaché à votre propre consolation. Je suis persuadée que, si vous avez consumé l'amour-propre dans la fournaise de la charité, vous n'hésiterez pas à abandonner votre cellule et. ses consolations; mais vous habiterez la cellule de la connaissance de vous-même, et vous [745] y serez prêt à donner votre vie pour la douce Vérité, s'il le faut autrement non. C'est ce qui me faisait dire que je désirais vous voir consumer tout amour-propre dans la fournaise de la divine charité. Que les serviteurs de Dieu paraissent et viennent annoncer la Vérité et souffrir pour elle, car c'est le moment. Venez sans balancer avec la ferme résolution de ne considérer que l'honneur de Dieu et le bien de la sainte Eglise, et d'y sacrifier, s'il le faut, votre vie. Je ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CXVIII (72).- A L'ABBÉ GÉNÉRAL DE L'ORDRE DU MONT-OLIVET, près de Sienne. - La charité se développe à la lumière de la foi. - Elle est surtout nécessaire à ceux qui gouvernent les âmes.

(L'ordre des Olivétains, fondé par le B. Bernard Tolomei, avait son chef-lieu à seize milles de Sienne, sur la route de Rome.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon très cher Père dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir dans la charité parfaite. Cette charité ne cherche pas ses intérêts ; elle est libre, et n'est pas l'esclave de la sensualité [746]; elle est généreuse, et dilate le cœur dans l'amour de Dieu et l'affection du prochain. Aussi elle sait porter et supporter les défauts des créatures par amour pour le Créateur. Elle est compatissante et non cruelle, parce qu'elle a retranché ce qui rend l'homme cruel, c'est-à-dire l'amour-propre, et elle reçoit toujours charitablement avec tendresse le prochain pour Dieu. Elle est bienveillante, pacifique et sans colère. Elle cherche les choses justes et saintes, et non les choses injustes; et comme elle les cherche, elle les accomplit en elle. Aussi la perle de la justice brille dans son cœur. Si la charité loue quelqu'un, ce n'est pas pour le tromper; si elle le réprimande, ce n'est pas par haine ou par colère. Mais elle aime les uns et les autres comme des fils, qu'ils méritent l'éloge ou le blâme. C'est une mère, qui fait naître les vertus dans l'âme, et les met au jour, pour l'honneur de Dieu, dans ses rapports avec le prochain.

2. Sa nourrice est l'humilité profonde. Et quelle nourriture lui donne sa nourrice? La nourriture de la lumière et de la connaissance de soi-même. Cette lumière fait connaître à l'âme sa misère et les faiblesses de la sensualité, qui la cause. Avec cette connaissance, elle s'humilie et conçoit contre elle-même une haine qui nourrit en elle le leu de la divine charité, en voyant l'ineffable bonté de Dieu, qui est le principe et la fin de toute connaissance. Après cette lumière et cette connaissance, elle se plaît à prendre la nourriture que Dieu aime davantage, celle de la créature qu'il a créée à son image et ressemblance, et qu'il aime tant, qu'il a livré à la mort son Fils unique [747] que pour qu'il apaisât sa colère, et qu'il terminât la longue guerre où elle était par la faute d'A dam, pour qu'il lavât dans son très doux sang la face de l'âme, que le péché avait couverte de souillure. Il a été notre paix et notre médiateur près de Dieu, en recevant lui-même les coups de sa justice. Il a été notre médecin, puisqu'il est venu guérir le genre humain de ses infirmités, comme l'a dit le glorieux apôtre saint Paul. Il est notre soutien, puisqu'il s'est donné à nous en nourriture. Ce doux Verbe, pour accomplir les ordres et la volonté de son Père sur la créature, a couru tout transporté d'amour vers la table de la très sainte Croix, et il y a pris la nourriture des âmes, en supportant les peines, les opprobres, les affronts, et enfin la mort honteuse, à laquelle il a livré son corps, tout inondé de sang. Il a tout fait pour manifester l'amour que Dieu a pour l'homme.

3. Aussi l'âme qui est dans la charité aime cette nourriture des âmes, et ne veut pas la prendre autrement que l'a prise le Christ, le doux et bon Jésus. Elle veut souffrir avec lui, et elle supporte avec joie la faim, la soif, les affronts et les persécutions des hommes et des démons. L'Agneau sans tache a supporté notre ingratitude, et n'a reculé devant rien pour nous sauver. De même, en toute occasion, l'âme qui est dans la charité veut, autant qu'il lui est possible, l'imiter et suivre ses traces. Elle reçoit avec douceur, sous l'aile de sa miséricorde, ceux qui l'ont offensée, parce qu'elle voit que la bonté de Dieu a fait la même chose à son égard. Oh! oui, que la charité est une bonne mère ! Y a-t-il des vertus hors d'elle? Non. Elle n'est pas dans les ténèbres, car elle [748] a pour guide la lumière de la très sainte Foi, qui est la pupille de l'oeil de l'intelligence, et qui mène le cœur vers ce qu'il doit aimer, en lui montrant l'amour de Dieu et la doctrine de Jésus crucifié. Aussi le cœur, en voyant à cette lumière qu'il est aimé, est forcé d'aimer son créateur, et il le prouve en suivant la doctrine de la vérité. Il faut donc secouer le sommeil de la négligence et de l'ignorance. Il faut chercher avez zèle la charité dans le sang de Jésus Crucifié, parce que dans ce sang nous trouverons ce doux et tendre feu d'amour; par ce moyen, nous acquerrons la vie de la grâce, et non par un autre.

4. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir dans la parfaite charité que toute créature raisonnable doit avoir en elle, si elle veut jouir de Dieu dans la vie durable. Mais elle est bien plus obligatoire et bien plus nécessaire à ceux qui ont à conduire et à gouverner les âmes; car c'est là un si grand fardeau, que ceux qui sont privés de la charité ne pourraient le porter sans offenser Dieu. La charité d'un supérieur ne doit pas être tiède et imparfaite, elle doit être parfaite et embrasée d'amour et de désirs pour le salut de ceux qui lui sont soumis; elle doit savoir, à la lumière de la discrétion, donner à chacun ce qui lui convient, reprenant avec douceur, se laissant faible avec les faibles, louant ou blâmant comme le veulent la justice et la miséricorde, cherchant la brebis perdue, et la portant sur ses épaules quand elle la retrouve, prenant son fardeau sur elle, se réjouissant et fêtant le retour de la brebis au bercail. Je vous invite à cette joie, mon très cher Père, au sujet de la brebis qui a fait si longtemps partie de votre [749] troupeau. Le frère P. est maintenant religieux de Saint-Laurent. Il paraît qu'il est prêt à se soumettre humblement à la verge de la justice, et qu'il veut revenir au bercail en rentrant dans l'Ordre et sous votre obéissance. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CXIX (73). - AU PRIEUR DES RELIGIEUX OLIVETAINS, près Sienne .- Un bon supérieur doit s'appuyer sur l'arbre de la Croix par le souvenir de la Passion et du Sang de Jésus-Christ.

(Ce couvent était près des murailles de Sienne. Le bienheureux Bernard, son fondateur, y mourut avec quatre-vingts religieux au service des pestiférés, en 1348.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon très cher et bien aimé Père, par le respect du très saint Sacrement, et mon Frère dans le Christ; le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir un bon et courageux pasteur, qui paissiez et gouverniez avec un zèle parfait les brebis qui vous sont confiées, imitant en cela le doux Maître de la vérité, qui a donné sa vie pour nous, ses brebis égarées hors de la voie de la grâce. Il est vrai, mon très doux Frère dans le Christ, le doux Jésus, que nous ne pouvons faire cela [750] sans Dieu, et que nous ne pouvons posséder Dieu en restant sur la terre. Mais voici un doux remède lorsque le cœur est bas et petit, il faut faire comme Zachée, qui n'était pas grand, et qui monta sur un arbre pour voir Dieu. Son zèle lui mérita d'entendre cette douce parole : Zachée, allez à votre maison, car aujourd'hui j'ai besoin de manger avec vous. Nous devons faire ainsi lorsque nous sommes bas, lorsque nous avons le cœur étroit et peu de charité; il faut monter sur l'arbre de la très sainte Croix, et là nous verrons, nous toucherons Dieu, là nous trouverons le feu de son ineffable charité, l'amour qui l'a fait courir jusqu'aux opprobres de la Croix, qui l'a exalté, et lui a fait désirer avec l'ardeur de la faim et de la soif l'honneur de son Père et notre salut.

2. Oui, voilà notre doux et bon Pasteur qui a sacrifié sa vie avec tant d'amour, sans considérer ses peines, notre ignorance, notre ingratitude pour un si grand bienfait, et les reproches des Juifs. Il était transporté d'amour, et il obéissait à son Père avec une soumission parfaite. Si nous le voulons, si notre négligence n'y met pas d'obstacle, nous pourrons, en montant sur l'arbre de la Croix, accomplir en nous cette parole, sortie de la bouche de la Vérité " Quand je serai levé en haut, j'attirerai tout à moi. " En effet, lorsque l'âme s'élève ainsi, elle voit les bienfaits de la bonté et de la puissance du Père, qui a donné au sang du Fils de Dieu la vertu de laver nos iniquités. Là elle voit l'obéissance de Jésus crucifié, qui est mort pour obéir; et il a obéi avec un si ardent désir, que la peine de ce désir était plus grande que la peine de son corps. Elle voit la clémence et l'abondance [751] de l'Esprit-Saint, c'est-à-dire cet amour ineffable qui le tient attaché sur le bois de la très sainte Croix; les clous et les liens ne pouvaient l'y retenir; il n'y avait que la charité. Il faudrait un cœur dur comme le diamant pour n'être pas attendri par un si grand amour. Dès que le cœur est blessé de cette flèche, il monte de toutes ses forces, et non seulement l'homme se purifie, mais l'âme, pour laquelle Dieu a fait toute chose, se dépouille de ses imperfections.

3. Si vous me dites: Je ne puis monter, la Croix est trop haute, je vous répondrai qu'il y a trois degrés sur le corps de Jésus-Christ (Dialogue, ch. XXVI). Elevez votre affection aux pieds du Fils de Dieu, et montez à son cœur, qui est ouvert et consumé pour nous; vous arriverez à la paix de sa bouche, et vous pourrez vous y rassasier des âmes; et ainsi vous serez un vrai pasteur, vous donnerez votre vie pour votre troupeau. Ayez toujours l'oeil sur lui, afin d’en ôter les vices et d'y cultiver les vertus. Je vous envoie deux autres brebis; donnez-leur le repos de la cellule et de l'étude; ce sont deux brebis que vous nourrirez sans peine, et qui vous donneront beaucoup de joie et de consolation. Je termine. Fortifiez-vous mutuellement, en vous liant par le lien de la charité; montez sur cet arbre très saint, où sont les fruits mûrs de toutes les vertus que porte le corps du Fils de Dieu; courez avec ardeur. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [752].

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CXX (74). - AUX FRERES NICOLAS DE GUIDA, JEAN DE ZERRI, NICOLAS-JACQUES DE VANNUCIO, religieux Olivétains. - De l’imitation de Jésus-Christ, et de la manière d’aimer Dieu pour sa gloire.
 
 

AU NOM DE JÉSUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mes très chers Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir suivre l'humble Agneau sans tache, que l'Eglise nous montre avec une humilité et une douceur si grandes, que le cœur de toute créature devrait se rendre en dépouillant, en étouffant son orgueil. Ce petit enfant est venu nous enseigner la voie et la doctrine de la Vérité; car la voie était rompue par le pêché d’Adam, et personne ne pouvait arriver à la vie éternelle. Aussi Dieu le Père, poussé par le feu de sa charité, a envoyé le Verbe, son Fils unique, qui est venu comme un char de feu, répandant les flammes de l'amour ineffable et la miséricorde éternelle du Père, nous enseignant la doctrine de la Vérité, et nous montrant la voie de l'amour que nous devions suivre. Il a dit: " Je suis la voie, la vérité, la vie; celui qui va par moi ne va pas par les ténèbres, mais arrive à la lumière." Et il en est ainsi, car celui qui suit cette voie en vérité, reçoit la vie de. la grâce et marche à la lumière de la sainte Foi; et avec cette lumière il arrive à l'éternelle vision [753] de Dieu. D'où le tendre Verbe nous enseigne-t-il cette doctrine? De la chaire de la très sainte Croix; c'est là qu'il purifie la face de notre âme avec son précieux sang. Je dis qu'il enseigne la voie de l'amour et la doctrine de la vertu ; il nous montre comment nous devons aimer et vouloir posséder la vie. Aussi nous sommes obligés de le suivre; et celui qui ne le suit pas par la voie de la vertu, suit nécessairement le sentier du vice.

2. Il y en a beaucoup qui veulent s'éloigner et ne pas le suivre; ils veulent marcher sans guide, et non derrière lui, prenant une voie nouvelle, et voulant servir Dieu et acquérir la vertu sans fatigue; mais ils se trompent, car il est la voie. Ceux-là ne sont pas forts et persévérants; ils faiblissent, et au moment du combat, ils jettent à terre leurs armes, les armes d'une humble et continuelle prière, d'une ardente charité, le glaive de la volonté, avec lequel on se défend, et qui a deux tranchants, la haine du vice et l'amour de la vertu; ils le prennent avec la main du libre arbitre, et le livrent à l'ennemi; ils perdent ainsi les armes avec lesquelles ils paraient les coups des tentations des révoltes de la chair et les persécutions des hommes; ils donnent le glaive avec lequel ils se défendaient, et alors ils sont vaincus et terrassés; ils n'obtiennent pas la gloire, mais la honte et la confusion, parce qu'ils ne Suivent pas la doctrine du Verbe, mais ils s'en éloignent, en voulant aller par une autre voie que la sienne.

3. Il faut donc lui être fidèle et l'aimer en vérité, non par crainte de la peine dont est puni celui qui n'aime pas, ni pour l'utilité et le plaisir que trouve [754] l'âme dans l'amour, mais seulement parce que le souverain Bien est digne d’être aimé; nous devons l’aimer, lors même que nous n en retirerions aucun avantage, et que nous n'aurions à craindre aucun châtiment pour ne pas le faire. Nous devons l'aimer comme il nous a aimés; il nous a aimés sans être aimé de nous, sans espérer en recevoir quelque avantage, et sans craindre de se nuire en ne nous aimant pas car il est notre Dieu, qui n'a pas besoin de nous; notre bonheur ne lui est pas utile, et notre perte ne lui cause aucun dommage. Il nous aime donc par bonté, et nous devons l'aimer de la même manière Le bien que nous ne pouvons lui faire, nous devons le faire à notre prochain; nous devons l'aimer avec charité, et ne pas laisser diminuer notre amour envers lui à cause de ses injures, ou de son ingratitude, mais nous devons être constants et persévérants dans la charité de Dieu et du prochain. C'est l'exemple que nous a donné le doux et tendre Verbe, qui ne voulait autre chose que l'honneur de son Père et notre salut. Il courut vers la mort honteuse de la Croix, et il ne se laissa pas arrêter par l'ingratitude de ceux qui méprisaient ton sang, et par les peines et les opprobres qui le menaçaient. Pourquoi? Parce qu'il nous aimait uniquement pour l'honneur de son Père et pour notre salut.

4. Telle est la voie qu'il nous a enseignée en nous donnant la doctrine de l'humilité, de l’obéissance, de la patience, de la force, de la persévérance. Il n'abandonna pas le joug de l'obéissance qu'il avait reçu de son Père; il poursuivit notre salut, malgré toutes les peines, et avec une telle patience, qu'on n'entendit [755] jamais sortir de sa bouche le moindre murmure; mais il fut fort et persévérant jusqu'au moment suprême ou il remit l’Epouse du genre humain entre les mains du Père éternel. Vous voyez donc bien, mes enfants, qu'il nous a montré la voie et enseigné la doctrine; vous devez la suivre généreusement, sans crainte servile, mais avec une sainte crainte, avec une espérance et une foi vives, car Dieu ne vous donnera jamais un fardeau au-dessus de vos forces. C'est avec cette foi que vous répondrez au démon quand il effraiera votre esprit en vous disant ces combats et ces fatigues de la règle, ces fardeaux de l'obéissance, tu ne pourras jamais les porter; il vaudrait mieux y renoncer, et rester dans la charité commune, ou aller dans un autre Ordre qui serait plus doux et plus utile au salut de ton âme. Ne le croyez pas, mais persévérez dans votre état jusqu'à la mort, avec la lumière de la Foi. Mes enfants bien-aimés, la bonté de Dieu vous a déjà séparés de la corruption du siècle, et vous êtes entrés dans la barque de la sainte religion pour traverser cette mer orageuse, conduits par les bras de l'Ordre, et non par les vôtres: le gouvernail est l'obéissance, et le mât l'arbre de la très sainte Croix. Déployez la voile de son ardente charité; cette voile vous conduira au port du salut, si vous l'enflez avec le vent du saint désir, avec la haine, le mépris de vous-mêmes, avec une humble, obéissante et continuelle prière.

5. C'est avec ce bon vent et avec la persévérance, qu’on arrive au port de la vie éternelle. Mais prenez garde que le gouvernail de l'obéissance ne sorte de vos mains, car aussitôt vous seriez en danger de mort [756]. Si vous avez dépouillé votre cœur de l'amour-propre sensitif, si vous vous êtes véritablement revêtus de Jésus crucifié, en l'aimant parfaitement, sans considérer la peine et le plaisir, je suis persuadée que vous arriverez au terme dans cette barque de l'Ordre. Vous embrasserez l'arbre de la très sainte Croix en suivant la doctrine et les traces de l'humble Agneau sans tache, en tuant et en détruisant la volonté propre par cette prompte obéissance que n'arrêtent aucune peine, aucun ordre quelque impossible qu'il paraisse, mais qui obéit toujours jusqu'à la mort, O glorieuse vertu, tu portes avec toi l'humilité, car l'homme est humble autant qu'il est obéissant, et il est obéissant autant qu'il est humble. Le signe de l'obéissance dans l'inférieur est la patience; cette patience ne voudra jamais résister à la volonté de Dieu, ni à celle du supérieur: elle regarde seulement si ce qu'on lui commande est une offense contre Dieu; et alors elle ne doit pas obéir mais dans tous les autres cas elle obéit. Cette vertu n'est pas seule quand elle est parfaite dans l'âme; elle est accompagnée de la lumière de la Foi, fondée sur l'humilité, parce qu’autrement elle n'obéirait pas avec la force, la longue persévérance et la pierre précieuse de la patience.

6. Courez donc ainsi dans la voie de l'amour, en suivant fidèlement la voie du Verbe, le Fils unique de Dieu; vous suivrez la doctrine de l'obéissance en courant, pour l'honneur de Dieu, pour votre salut et celui du prochain, à la mort honteuse de la Croix, par l'ardent désir que vous aurez de souffrir toutes les peines que Dieu vous accordera, que ce Soit par les tentations du démon, par les infirmités du corps [757] par les murmures ou les injures des créatures, et vous supporterez tout jusqu'à la mort pour l'amour de Jésus crucifié. Ne vous laissez abattre par aucun combat qui se présente, mais faites-le connaître à votre supérieur; résistez avec courage, et que votre volonté ne donne jamais son consentement. De cette manière, vous ne pécherez pas, mais Vous recevrez le fruit de vos fatigues, et vous suivrez la doctrine de l'humble Agneau sans tache. Autrement, vous seriez vaincus, vous ne persévéreriez pas dans votre vocation, et le moindre choc vous renverserait par terre. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir suivre l'humble Agneau sans tache. C'est la seule voie que je connaisse, et celui qui en cherche une autre se trompe. Mes chers enfants, accomplissez généreusement la volonté de Dieu en vous; soyez fidèles à la promesse que vous avez faite lorsque vous avez quitté les ténèbres du monde pour entrer dans la lumière de la religion. Je recommande Jean à vos prières; il retourne au bercail; humiliez-vous, à son exemple, et ne soyez pas faibles de cœur. Doux Jésus, Jésus amour [758].

Table des Matières








CXXI (75). A FRERE NICOLAS DE NANNI, religieux Olivetain et à DOM PIERRE-JEAN DE VIVA, religieux Chartreux de Maggiano, près Sienne. - Comment l’âme se fortifie contre les tentations, en les découvrant à son directeur.

(Cette lettre fut adressée à deux religieux : seulement celle destinée à Nicolas Nanni était plus longue. Frère Nicolas était probablement fils de Jean Nanni, converti par sainte Catherine. (Vie de sainte Catherine, II e p., ch. 7.) La chartreuse de Maggiano était à un mille de Sienne.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je Vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir constant et persévérant dans la sainte et bonne résolution que vous avez prise dans votre cœur et votre esprit de servir Dieu en vérité dans votre saint Ordre. Car, sans la persévérance, vous ne recevriez pas le fruit de vos peines la persévérance seule est couronnée. Aussi, voyez combien cette glorieuse vertu de la persévérance est nécessaire. Puisque nous en avons si grand besoin, comment pouvons-nous l’avoir? Je vous le dirai : toute vertu tire sa vie de l'ardeur de la charité, et sans la charité il n'y a pas d'acte de vertu qui puisse mériter à l'âme le fruit de la grâce. Il faut donc acquérir la vertu par l'ardeur de l'amour; mais il est impossible d'arriver à l'amour véritable, si le [759] cœur ne se dépouille pas de l’amour-propre. L'amour-propre et la tendresse que l'homme a pour sa passion sensitive, ôtent la vie de la grâce et obscurcissent la lumière de l'intelligence ( Dialogue, ch. IV, VII, XLV); c'est un nuage placé sur la pupille de la lumière de la très sainte Foi, qui fait perdre le goût des saints désirs. La vertu, qui paraissait bonne, qu'on aimait à voir dans les autres, et qu'on s’efforçait de trouver en Jésus crucifié, ne semble plus la même à celui qui s'abandonne à l'amour-propre. Il devient faible et timide; son ombre lui fait peur, et c'est ce qui empêche l'homme de persévérer dans ce qu'il a commencé, tant que la racine de l'amour-propre vit en lui; car, n'ayant plus la lumière qu'il a perdue, comme je l'ai dit, il marche dans les ténèbres, et ne connaît pas la vérité. Il ne connaît pas ses défauts, les grâces et les bienfaits qu'il a reçus de l'infinie bonté de Dieu. S'il avait cette connaissance, il ne serait pas faible, mais fort et persévérant, et il ne céderait pas aux pernicieuses tentations du démon, aux importunités de sa propre faiblesse, aux séductions du monde et aux difficultés de la règle; mais il surmonterait tout avec courage à la lumière de la très sainte Foi.

2. Ainsi donc, mon très cher Fils, le moyen d'arriver à une persévérance parfaite est de dépouiller votre cœur et votre affection de tout amour de vous-même et de toute faiblesse pour votre corps; fuyez le souvenir du monde, de votre père, de vos frères et sœurs, de vos parents; ne vous les rappelez que pour [760] désirer leur salut par de saintes prières, mais retranchez tout autre sentiment. Vous savez que notre Sauveur l'a dit: Nous devons renoncer à notre père, à notre mère, à nos sœurs, à nos frères, à nous-mêmes, c'est-à-dire à notre volonté propre, si nous voulons être dignes de lui; nous ne pouvons pas d'une autre manière. Vous avez commencé à renoncer au monde, à votre propre volonté, et vous avez pris le joug de la vraie obéissance. Pour y être fidèle, et accomplir cette résolution jusqu'à la mort, il faut chaque jour, renoncer de nouveau au monde et à toutes ses jouissances. Mais remarquez qu'on ne peut ni prendre ni laisser ce qu'on ne connaît pas. La lumière de la très sainte Foi est donc nécessaire, et il faut, à cette lumière, fixer le regard de votre intelligence sur Jésus crucifié; c'est en le contemplant que vous connaîtrez combien est odieux et coupable le péché mortel, qui se commet par la volonté et l'amour déréglé que l'homme a pour lui-même, pour les créatures raisonnables, ou pour les choses créées.

3. La malice du pêché mortel est si grande, qu'un seul suffit pour mériter l'enfer à l'âme qui en est souillée. Le péché déplaît tant à Dieu, que, pour punir le péché d'Adam, il a envoyé le Verbe, son Fils unique, et a voulu satisfaire sa justice sur son corps Le poison du pêché n'était pas en lui; mais, pour expier la faute de l'homme et ne pas la laisser impunie, il l'a châtiée sur le Verbe, son Fils unique. Ainsi le Christ béni a été notre justice; le juste châtiment que l'homme devait souffrir, il l'a souffert; et dans son amour, pour obéir à son Père et nous [761] sauver, il a couru à la mort honteuse de la très sainte Croix. Nous voyons donc, en regardant le Christ, combien le péché mortel est coupable. Des que l'âme comprend, à la lumière de la Foi, l'horreur que Dieu en a, elle déteste aussi le péché et la cause du péché; et, perce qu'elle voit une loi mauvaise dans son corps, un poids qui l'incline au péché, un mouvement qui combat contre l'esprit, la raison se lève avec le libre arbitre, avec une volonté sainte et bonne, avec la haine et le mépris, pour mortifier son corps et sa chair, pour tuer la volonté propre avec le glaive de l’obéissance.

4. Le religieux alors ne se révolte jamais contre la règle et son supérieur, mais il persévère et doit toujours persévérer dans l'amour de l'obéissance qu'il a choisi le premier jour; il doit y rester fidèle avec une sainte crainte jusqu'au dernier moment de sa vie, s'appliquant à une humble et continuelle prière, afin que son esprit ne soit jamais oisif. Il veut toujours l'occuper en psalmodiant, en élevant son cœur à Dieu, en s'efforçant d'acquérir cette ardente charité qu'elle voit et qu'elle trouve dans le sang du Verbe, le Fils de Dieu, qui nous a fait un bain de ce sang pour laver nos fautes.

5. Quand l'âme voit et pense qu'elle est tant aimée de Dieu, elle ne peut s'empêcher de l'aimer; et dès qu'elle l'aime, l'esprit s'occupe de son amour. Comme il est impossible de vivre sans aimer, et que deux amours contraires ne peuvent exister ensemble, il faudra que l'âme se dépouille de l'amour coupable et se revêtir de l’amour de Dieu. Alors le cœur, qui ne peut oublier ce qu'il aime, chasse avec les saintes [762 pensées, les pensées mauvaises que le démon voulait lui donner; et le démon, trouvant un cœur qu'embrase le feu de la divine charité, ne s'en approche que comme la mouche d'un vase d'eau qui bout; mais si le démon le trouvait tiède et timide, il y entrerait avec ses pensées mauvaises et ses fantômes. Nous devons donc tâcher de ne pas être trouvés tièdes et vides, mais toujours pleins de Dieu par nos saints désirs, en méditant, en nous rappelant les bienfaits que nous avons reçus de lui. Et si d'autres pensées nous viennent, parce que le démon ne dort jamais et nous poursuit toujours, nous ne devons pas nous décourager et nous troubler; mais nous devons résister et empêcher notre volonté de consentir. Car tant que la volonté ne consent pas aux pensées du démon et aux faiblesses de la chair, l'homme ne pèche pas. Il mérite au contraire par la peine qu'il souffre; et s'il ne tombe pas dans la négligence, s'il ne se laisse point aller au trouble et au découragement, s'il n'abandonne pas l'exercice de la prière, il acquiert une vraie et solide vertu, parce que c'est au milieu des combats qu'il se connaît mieux lui-même, qu'il connaît sa faiblesse et la bonté de Dieu à son égard. Il voit que Dieu par sa grâce a conservé sainte et bonne sa volonté et c'est par la volonté qu'on offense ou qu'on mérite. Vous voyez donc que C'est au tempe des grands combats que l'âme acquiert une plus grande perfection, et donne des preuves de sa vertu.

6. Je veux aussi que vous soyez bien persuadé que Dieu ne nous impose pas plus de fardeau que nous n'en pouvons porter; il les mesure à nos forces, car [763] il est notre Dieu, et ne veut pas autre chose que notre sanctification. Délivrez-vous donc par la lumière de la Foi de tout amour-propre, et tâchez d'arriver à l'amour parlait. Fixez le regard de votre intelligence sur Jésus crucifié et sur l'ineffable charité qu'il nous a montrée en répandant son sang avec un si ardent amour. La lumière vous fera voir dans le doux Verbe la gravité du péché, votre faiblesse et sa charité. Dans cette charité, vous aimerez et vous chercherez la vertu ; vous voudrez souffrir toute sorte de peines pour pouvoir l'acquérir, et vous aimerez votre prochain. Vous devez surtout vous appliquer à aimer Dieu en vérité, et le prochain comme vous-même, à être humble et obéissant avec une vraie patience, supportant les peines, les injures, les mépris, les affronts, les charges de l'Ordre, les obligations pénibles qui vous seront imposées par votre supérieur, et les tentations du démon; vous souffrirez tout avec une vraie persévérance jusqu'à la mort, et vous recourrez, au moment de la fatigue et du combat, à la lumière de la sainte Foi. Vous embrasserez la très sainte Croix, et vous vous y attacherez avec une ferme espérance dans le sang de Jésus crucifié. Je n'en doute pas, si vous êtes humble, l'humilité nourrira la charité dans votre âme; vous obéirez avec une vraie patience, et par la vertu de ce sang, vous triompherez de vos ennemis, du monde, de la chair du démon, et vous retournerez victorieux dans votre ville de Jérusalem, qui est la vision de la paix. Mais sans la force et la persévérance, qui se perd par l'amour-propre, vous n'y reviendrez jamais.

7. Je vous ai dit que je désirais vous voir constant [764] et persévérant dans vos saintes résolutions jusqu'à la mort, et je vous conjure de le faire, mon très cher Fils, car Dieu vous a fait de grandes miséricordes. Le glorieux saint Nicolas vous a retiré de la corruption du monde et de toutes les misères où vous étiez plongé (Ce qui suit était seulement écrit au religieux olivétain.). Il vous a placé dans le jardin de la vie religieuse pour combattre les vices et la propre volonté, pour acquérir les vertus, et pour accomplir la douce volonté de Dieu en vous. Combattez donc généreusement sans tourner la tête en arrière, avec le bouclier et la lumière de la Foi; portez le joug de la sainte obéissance, et aimez mieux mourir que de ne pas lui être fidèle. Si quelquefois il vous paraît dur à porter, si quelquefois votre âme est découragée. par les pensées qui se présentent à l'esprit, et lui ôtent la paix qu'il désire, relevez-vous alors par une humilité sincère, vous trouvant indigne de la paix et du repos de l'esprit, digne au contraire de toutes les peines que Dieu vous envoie, vous rappelant les peines que le Fils de Dieu a souffertes pour nous, et considérant aussi les peines que vous supportiez au service du démon. Vous vous direz alors à vous-même : Pauvre nature, qui as souffert tant de peines quand tu étais dans les ténèbres du pêché mortel, ne dois-tu pas en supporter bien davantage pour Jésus crucifié, maintenant que Dieu t'a donné la lumière? Souffre donc aujourd'hui, mon âme, et demain tu feras ce que Dieu te fera faire. Demain peut-être ta vie sera terminée, et tu recevras la récompense de tes fatigues par la vertu du Sang [765].

8. C'est ainsi que vous vous rendrez digne de souffrir par amour pour Jésus crucifié; la considération de vos fautes vous fera supporter les fatigues, et vous trouverez le joug du Christ doux et léger en développant dans votre âme l'ardeur de son ineffable charité. Baignez-vous dans le sang de Jésus crucifié, afin d'être constant et persévérant, et vous mettrez le comble à la joie, que j'ai ressentie de votre salut, lorsque vous avez' pris le saint habit et le joug de l'obéissance. Pensez combien serait grande ma douleur, Si, après avoir retiré par la bonté de Dieu un fils des mains du démon; je ne le voyais pas persévérer, si vous n'étiez pas dans votre Ordre un miroir d’humilité et d'obéissance! Je vous en conjure donc, je vous le commande autant que je le sais et que je le puis, ne tournez pas la tète en arrière pour regarder la charrue; mais allez toujours devant vous sans aucune crainte servile. Je vous prie de savoir mettre un frein à votre langue; et quand des pensées ou de fortes tentations viennent troubler votre cœur sur quelque chose en particulier, ne les cachez pas, lors mêmes qu'elles vous seraient odieuses, mais faites-les connaître au Père de votre âme. Car le démon aime beaucoup que nous les cachions, et craint beaucoup que nous, les révélions, parce que l'âme en les cachant se trouble, se décourage, abandonne ses exercices spirituels, et tombe souvent dans le désespoir; le démon ne veut que nous faire tomber dans ce désespoir. Il est donc nécessaire de ne pas craindre de découvrir toutes nos infirmités au médecin de notre âme, avec l'espérance du sang de Jésus-Christ. Je ne vous en dis pas davantage [766]. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

Table des Matières








CXXII (78). - AU PRERE JEAN BINDO, de Duccio, religieux Olivétain. - La persévérance s’obtient en souffrant beaucoup. - Il faut souffrir, ou pour Dieu ou pour le démon.
 
 

AU NOM DE JÉSUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir constant et persévérant dans la vertu, afin que vous ne tourniez pas la tète en arrière pour regarder le sillon, mais que vous suiviez avec persévérance la voie de la vérité; car la persévérance, seule est couronnée, et sans la persévérance nous ne pouvons plaire et être agréables a Dieu. C'est cette vertu qui, avec l'abondance de la charité, porte le fruit de nos peines dans l'intérieur de nos âmes. Oh! combien est heureuse l'âme qui court, et qui consume sa vie dans la vraie et sainte vertu! Dés cette vie, elle goûte les arrhes de la vie éternelle. Mais nous ne pourrons jamais arriver à cette perfection sans beaucoup souffrir, parce que cette vie ne se passe pas sans peine; et celui qui veut fuir la peine, fuit la récompense sans éviter la peine; car nous devons la supporter, dans quelque [767] condition que nous soyons. Il est vrai que nous la supportons avec mérite ou sans mérite, selon que notre volonté est soumise à Dieu. Les hommes du monde, parce que le principe de leur amour est corrompu, font des œuvres mauvaises et corrompues; ils souffrent aussi sans aucun mérite. Combien sont grandes les fatigues et les peines qu'ils endurent au service du démon, puisque souvent, pour commettre un péché mortel, ils s'exposent à des souffrances cruelles et à la mort même ! Ces martyrs du démon et ces enfants des ténèbres doivent instruire les enfants de la lumière, et les faire rougir de honte et de confusion devant Dieu.

2. O mon Fils bien-aimé ! combien sont grandes notre ignorance et notre misère, lorsque nous pensons qu'il est dur et insupportable de souffrir pour Jésus crucifié, et pour obtenir la vie éternelle; et il ne répugne pas aux hommes du monde de tant souffrir pour le service du démon! Tout cela vient de ce que nous n’avons pas pris pour fondement la vérité et la connaissance de nous-mêmes; nous ne Sommes pas appuyés sur la pierre vivante, qui est le Christ, le doux Jésus. Car celui qui ne se connaît pas ne peut connaître Dieu; et ne connaissant pas Dieu, il ne peut l'aimer. Dès qu'il ne l'aime pas, il ne peut avoir la charité parfaite et la haine de soi-même; et c'est cette haine qui fait supporter avec une véritable patience toutes les peines, les fatigues, les tribulations des hommes et des démons. Car, si souvent nous sommes poursuivis par les injures, les paroles et les actions des hommes, Dieu le permet pour éprouver notre vertu; quelquefois le démon [769] nous attaque par un grand nombre de pensées pour nous priver de la grâce et nous conduire à la mort. Ces combats sont variés : quelquefois il nous tentera contre notre Supérieur, en nous faisant paraître indiscrets les ordres qu'il nous donne; il nous inspire du dégoût pour lui et pour notre Ordre, afin de nous éloigner de l'obéissance; et dès que le démon est entré par la porte de la désobéissance, nous ne nous apercevons pas qu'il nous tire hors de l’Ordre en nous disant intérieurement : puisque tes supérieurs sont si indiscrets, et que tu es jeune, tu ne peux souffrir ainsi; tu trouveras quelque moyen d'obtenir la permission de t'absenter, de te retirer. Et il persuade ainsi qu'on peut en conscience quitter l'Ordre.

3. Tous ces combats et toutes les autres misères, qui viennent assaillir l'âme, ne lui nuisent pas si la volonté résiste; car Dieu ne nous les donne pas pour la mort, mais pour la vie; non pour que nous soyons vaincus, mais pour que nous soyons vainqueurs, et pour éprouver notre vertu. Combattons donc avec courage à la lumière de la très sainte Foi; fixons les regards de notre intelligence sur le sang de Jésus crucifié, afin qu'il fortifie notre faiblesse, et que nous connaissions la vertu et la persévérance dans ce glorieux et précieux sang. Dans le sang de Jésus-Christ se montrent la grandeur et l'horreur du péché; là se manifeste la justice, là se manifeste la miséricorde. Nous savons bien que si Dieu n'avait pas détesté le péché, s'il n'avait pas vu la perte de notre salut, il ne nous eut pas donné le Verbe, son Fils unique, dont il a voulu faire une enclume pour punir [769] nos fautes sur son corps. C'est ainsi qu'il a fait justice du péché : le Fils non plus n'aurait pas sacrifié sa vie en versant son sang avec tant d'amour, pour nous en faire un bain, et nous purifier de la lèpre du péché. Il l'a fait par grâce et par miséricorde, et non par obligation.

4. Il est donc vrai que dans ce Sang, nous trouvons l'horreur et la gravité de la faute, la justice, l'abondance de la miséricorde, et cette prompte obéissance, qui l'a fait courir avec humilité jusqu'à la mort honteuse de la Croix. Je dis donc que c'est le moyen d'arriver à la persévérance, de résister aux hommes et aux attaques du démon. Nous nous humilierons à la lumière de la vraie Foi, et avec la connaissance de nous-mêmes; et avec cette connaissance nous arriverons à la haine parfaite de la sensualité. Cette haine fera justice de la faute, et donnera la vraie patience pour supporter l'injure, les coups, les mépris, les affronts, les ordres indiscrets, les difficultés de la règle et tous les autres combats, de quelque part qu'ils viennent; et de cette manière, l'âme goûtera le fruit de la divine miséricorde qu'elle a trouvé par un mouvement d'amour, et qu'elle a vu avec l'oeil de l'intelligence.

5. Ainsi, mon très cher Fils, je ne veux pas que vous tombiez dans la négligence en vous privant de cette sainte connaissance, et en détachant le regard de votre intelligence de ce glorieux et précieux Sang; car si vous n'y mettez du zèle, vous tomberez dans une grande ignorance, et vous méconnaîtrez la vérité. Votre vue sera couverte d'un nuage, et vous vous tromperez en cherchant le bonheur où il n'est [770] pas, en aimant les choses créées plus que le Créateur et en vous attachant à la créature. Quelquefois l'âme commence à aimer les créatures sous l'apparence d'un amour spirituel; et si elle n'y fait pas attention, si elle ne pratique pas les vertus, elle ne connaît pas la vérité, et ne contemple pas le sang de Jésus crucifié. Alors l'amour devient tout sensuel ; et lorsque le démon l'a conduite où il voulait, c'est-à-dire lorsqu'il lui a fait rechercher les rapports avec la créature sous des apparences spirituelles, lorsqu'il lui a fait négliger le saint exercice de la prière, le désir des vertus et la connaissance de la vérité, il lui inspire aussitôt un ennui, une tristesse d'esprit et un découragement si grand, qu'elle veut secouer le joug de l'obéissance et quitter le jardin de l'Ordre, où elle goûtait des fruits si doux et si savoureux, avant de perdre le saint désir qu'elle éprouvait, quand les difficultés et les fardeaux de la règle lui semblaient d'une douceur extrême. Vous voyez bien le mal qui peut résulter de tout ceci, et je veux que vous vous appliquiez de toutes vos forces et de tout votre cœur à éviter tout ce qui pourrait vous arriver de semblable. Que votre esprit ne tombe pas dans la confusion, mais contemplez ce Sang, et concevez une grande et douce espérance; prenez tous les moyens d'éloigner toutes les choses qui mettent obstacle à la vérité. Vous recevrez alors des grâces extraordinaires de Dieu, et vous commencerez à goûter le fruit de vos peines en recevant l'abondance de la charité dans votre âme.

6. Réfugiez-vous donc, mon cher Fils, dans la cellule de la connaissance de vous-même; embrassez le bois de la très sainte Croix, baignez-vous dans le [771] sang de l'humble Agneau sans tache, et fuyez toutes les conversations qui pourraient nuire à votre salut. Ne vous arrêtez pas a dire : Que pensera-t-on, si je quitte ces personnes? Je leur déplairai, et elles y trouveront du mal. N'oubliez pas que nous sommes faits pour plaire au Créateur, et non aux créatures. Vous savez bien que devant le Juge suprême, personne ne répondra pour vous au moment de la mort; il n'y aura que la vertu qui élèvera la voix avec la miséricorde. Combien la vertu est nécessaire! Sans la vertu, nous ne pouvons vivre de la vie de la grâce. Aussi je vous disais que je désire vous voir constant et persévérant dans la vertu jusqu'à la mort; ne tournez donc pas la tête en arrière, pour quelque cause que ce soit. J’espère de la bonté de Dieu que vous ferez ce que doit faire un bon fils; vous ferez ce que vous êtes obligé de faire, et vous accomplirez mon désir. Je ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CXXIII (77). - AUX FRERES PHILIPPE DE VANNUCCIO, ET NICOLAS DE PIERRE, de Florence, religieux Olivétains- Lettre dictée en extase.-De la véritable obéissance, et de la lumière nécessaire pour l’obtenir. - Des malheurs de la désobéissance.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mes très chers Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine la servante et l'esclave des [772] serviteurs de Jésus-Christ crucifié, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir affermis dans la vraie et parfaite patience; car, sans la patience, vous ne serez pas agréables à Dieu, et vous ne porterez pas le joug de la sainte obéissance, mais vous résisterez avec impatience à votre supérieur et à votre Ordre. La patience ne peut exister que dans celui qui est dans la parfaite charité; celui qui aime ne ressent pas la peine qu'on trouve à supporter les obligations de la règle, et les commandements pénibles et quelquefois indiscrets. Mais parce que l'amour fait disparaître la peine et supporter tout avec patience, le religieux devient humble et obéissant; s'il est humble, l'orgueil ne lui fera jamais lever la tête contre son supérieur, et il sera aussi humble qu'il sera obéissant, et aussi obéissant qu'il sera humble. Oh! combien est douce, mes Fils bien aimés, cette douce vertu de la prompte obéissance! Cette obéissance ôte toute fatigue parce qu'elle est fondée sur la charité, et la charité n'est jamais sans la patience et sans l'humilité; car l'humilité est la nourrice et la gouvernante de la charité. Mais voyons un peu les fruits de cette vertu de l'obéissance, si ce sont des fruits de vie, et voyons ceux que donne la désobéissance.

2. Toute créature raisonnable, mes très chers fils, doit être obéissante aux commandements de Dieu. Cette obéissance préserve du péché mortel et reçoit la vie de la grâce. Il n'y a pas d'autre moyen d'éviter la faute et de ne pas commettre l'offense. Dans l’obéissance on évite la faute parce qu'on observe les commandements de la loi; et dans la désobéissance [773] on commet l'offense parce qu'on ne fait pas ce qui est commandé, et qu'on fait ce qui est défendu; de là vient la mort. L'âme choisit ce que le Christ a fui, et elle fuit ce qu'il a choisi. Le Christ a fui les délices et les honneurs du monde, et l'âme les recherche, se livrant ainsi aux mains des démons pour satisfaire ses désirs déréglés, et fuyant ce que le Fils de Dieu a embrassé, c'est-à-dire le mépris, les coups, les outrages, qu'il a supportés avec patience jusqu'à la mort honteuse de la Croix, et cela si humblement, qu'on n'a pas entendu sortir un seul murmure de sa bouche; il a souffert jusqu'à la mort pour obéir à son Père et nous sauver. Celui qui est obéissant suit les traces de ce doux et tendre Verbe; il cherche l'honneur de Dieu et le salut des âmes. Vous voyez donc bien que toute créature raisonnable, si elle veut la vie de la grâce, doit passer sous le joug de l'obéissance; mais remarquez que c'est là une obéissance générale qui oblige tous les hommes.

3. Il y a une obéissance particulière pour ceux qui, après avoir observé les commandements, veulent suivre les conseils et marcher réellement dans la voie de la perfection ce sont ceux qui entrent dans le jardin de la vie religieuse. Il sera facile d'obéir à la règle et à son supérieur, pour celui qui a observé l'obéissance générale, et qui va de l'obéissance générale à l'obéissance particulière. S'il y va avec une volonté morte, comme il le doit, il est heureux; il goûte la douceur dans l'amertume, et la paix au moment de la guerre; il traverse sans crainte les orages de la mer, parce que le souffle de l'obéissance est si fort, qu'il conduit l'âme dans la barque de l'Ordre [774], et aucun vent contraire qui s'élève ne peut l'arrêter. Ce ne sera pas le vent de l'orgueil, car il est humble; autrement, il ne serait pas obéissant; ce ne sera pas l'impatience, car il aime, et par amour il se soumet à l'Ordre et à son supérieur, et non seulement à son supérieur, mais à toute créature, pour Dieu. La patience est la moelle de la charité. Il ne peut être ébranlé ni par le vent de l'infidélité ni par celui de l'injustice, car il accomplit fidèlement son devoir; il se hait lui-même et déteste sa sensualité, qui se révolte contre l'obéissance lorsqu'elle n'est pas soumise au frein de la raison; il rend gloire à Dieu et à son nom; il est plein de bienveillance pour son prochain, dont il supporte les défauts. Alors, avec cette foi vive qui produit toujours les œuvres, il espère, jusqu'au dernier moment de sa vie, arriver enfin à la vie éternelle, comme le lui a promis son supérieur lors de sa profession, car il lui a promis de lui donner la vie éternelle s'il observe véritablement ces trois grands vœux, l'obéissance, la continence et la pauvreté volontaire; et celui qui est vraiment obéissant les observe. Sa barque va si directement au port de la vie éternelle avec le vent de l'obéissance, qu'elle ne touche jamais à aucun écueil.

4. Beaucoup d'écueils se trouvent dans la mer orageuse de cette vie, et nous nous y brisons si nous n'avons pas le bon vent de l'obéissance. Combien est terrible l'écueil des tentations du démon, qui ne dort jamais, assiégeant toujours l'aine d'une foule de pensées mauvaises, surtout quand l'âme veut profiter du vent de l'obéissance, et se préserver par une humble prière, qui est le moyen de nourrir les vertus. La malice [775] du démon n'a d'autre but que de nous dégoûter de la prière et de la sainte obéissance, pour nous faire croire à l'impossibilité de persévérer dans ce que nous avons commencé, et de supporter davantage les obligations de l'Ordre. Il nous fait prendre une paille pour une poutre, et une parole prononcée au moment de l'épreuve pour un coup de poignard. Il lui dit : Que fais-tu au milieu de tant de peines? Il vaudrait mieux suivre une autre route. Mais c'est là un piège grossier pour celui qui a un peu d'intelligence; car l'homme voit. bien qu'il est meilleur pour son âme de persévérer avec constance dans le chemin de la vertu, ou il est engagé. Alors le démon lui présente une tentation plus spécieuse, sous l'apparence de la haine qu'il a de ses défauts, et du désir qu'il éprouve de servir son Créateur parfaitement; il lui dit intérieurement Misérable, tu devrais faire toutes tes œuvres et tes prières avec une grande pureté d'esprit et une grande simplicité de cœur, sans penser à des choses étrangères, et tu fais tout le contraire; tu ne fais donc pas ce que tu devrais faire; tu ne peux plaire à Dieu; il vaudrait mieux ne pas continuer. Mes chers enfants, c'est là un piège caché; il nous montre d'abord la vérité et nous la fait connaître, puis il nous attaque avec le mensonge, qui engendre le poison du trouble. Le trouble fait négliger les saints exercices, et quand on les abandonne, on est près de tomber dans toutes sortes de misères, et enfin dans le désespoir. Tous les artifices du démon ont pour but de conduire l'âme où elle n'aurait pas consenti d'aller avant d'avoir ces pensées. Quel est celui qui évite et ne touche pas cet écueil? le seul obéissant, parce [776] qu'il est humble, et que l'humble évite et brise tous les filets du démon.

5. Vous voyez bien que l'obéissant n'a pas besoin de craindre, d'une crainte servile, les tentations et les attaques du démon. Que sa volonté soit ferme et ne faiblisse jamais; qu'elle soit trempée dans le sang de Jésus crucifié, et enchaînée avec la lumière de la véritable obéissance, par l'amour et par le respect du Verbe, le Fils unique de Dieu. On trouve encore l'écueil de la chair faible et misérable, qui veut combattre contre l'esprit ; elle est revêtue de l'amour sensuel, qui entraîne au pêché, parce que la chair se révolte toujours et cause souvent la corruption. Mais il n'y a péché que quand la volonté, liée par l'amour-propre sensuel, cède aux faiblesses de la chair, et se plaît dans la corruption. Si la volonté est morte a l'amour sensuel et a son propre plaisir, si elle est liée par l'obéissance, comme nous l'avons dit, toutes les révoltes ne peuvent lui nuire et arrêter Sa barque. Elles augmentent, au contraire, la force du vent, et la font arriver au but plus promptement, parce que l'âme qui se sent attaquée, secoue le sommeil de la négligence par la haine et la connaissance de soi-même et par la véritable humilité. S'il n'en était pas ainsi, elle s'endormirait dans la négligence, l'ignorance et la présomption. La présomption nourrirait l'orgueil; elle compterait sur elle-même en quelque chose, tandis que les combats la rendent humble. Si donc la vertu de l'humilité augmente, la vertu de l’obéissance augmentera aussi vous voyez bien qu'on avance avec plus de rapidité.

6. Il y a encore l'écueil du monde, qui nous trompe [777] en s'offrant à nous tout paré de plaisirs, de richesses et d'honneurs. Il n'y a pourtant en lui que chagrins continuels. Il n'a aucune puissance, aucune durée, et tout son bien-être, toutes ses jouissances disparaissent bientôt. Il ressemble à la beauté des fleurs quand on les cueille dans les champs, elles réjouissent la vue et l'odorat; mais, dès qu'elles sont cueillies, leur beauté disparaît avec leur parfum, et il n'en reste rien. La beauté et les honneurs du monde séduisent comme les fleurs; mais, dès que l'âme les prend avec un amour déréglé; elle les trouve vides, sans beauté, sans parfum. Le parfum des choses terrestres vient de la sainte pensée de Dieu, d'où elles sortent; mais il se perd pour celui qui les cueille et les possède avec un amour déréglé; ce n'est pas leur faute, ni celle du Créateur, qui les a données, mais c'est la faute de celui qui les a prises, et qui ne les a pas laissées où elles devaient être, c'est-à-dire qui ne les a pas aimées pour la gloire et l'honneur du nom de Dieu.

7. Qui évite cet écueil ? l'obéissant, qui observe le vœu de la pauvreté volontaire (Dialogue, ch. CLIV, et suivants). Vous voyez donc bien que vous n'avez à craindre aucun écueil, si vous avez pour vous conduire le bon vent de la véritable obéissance. L'obéissant est heureux parce qu'il ne compte pas, pour arriver au port, sur ses propres forces, mais sur celles de l'Ordre. Il ne ressent aucune peine sensible, parce que la volonté propre qui les cause est morte en lui; les peines ne sont pénibles qu'autant que la volonté les trouve pénibles; mais pour l'obéissant, qui n'a pas de volonté, les peines sont [778] un plaisir, les gémissements une nourriture, les larmes un breuvage; il se met sur le sein de la divine charité, et savoure le lait des douceurs célestes par le moyen de Jésus crucifie, dont il suit fidèlement les traces et la doctrine.

8. O obéissance ! toujours unie à la paix et à l'obéissance du Verbe, tu es une reine couronnée de puissance, tu tiens le sceptre de la persévérance, tu portes sur ton sein les fleurs des vraies et solides vertus; tu fais goûter les biens éternels à l'homme mortel, tu en fais un ange; oui, l'homme devient l'ange de la terre; tu mets la paix et l’union au milieu des discordes, celui qui te possèdes se soumet au plus petit; et, plus il se soumet, plus il est maître, car plus il triomphe de la sensualité; il en éteint le feu avec la divine charité, parce qu'il obéit par amour; il se fait de sa cellule un ciel; Il ne sort jamais de la cellule de la connaissance de lui-même, et il se nourrit, sur la table de la Croix avec l'obéissant Agneau, de l'honneur de Dieu et du salut des âmes. Obéissance ! tu ne fais aucun jugement sur les créatures, et surtout sur ton supérieur, parce que tu rapportes tout à la douce volonté de Dieu, jugeant que Dieu ne veut autre chose que ta sanctification; tout ce qu'il donne ou permet est dans ce but. Tu as compassion du prochain, sans le juger et sans murmurer contre lui; tu ne veux pas discuter la volonté de celui qui te commande, mais tu obéis avec simplicité de cœur et prudence, en tout ce qui n'est pas péché; et rien ne peut t'arrêter. Il est donc bien vrai que l'obéissance goûte la douceur dans l'amertume, et la vie de la grâce au milieu de la mort. O mes enfants bien-aimés ! qui ne [779] se passionnerait pas pour les fruits si suaves et si doux que l’âme trouve dans la vertu de l'obéissance? Savez-vous qui les recueille? Celui dont l'oeil de l'intelligence et la pupille de la très sainte Foi contemplent la vérité : il connaît dans cette vérité la bonté de Dieu à son égard, et dans cette bonté se trouve l'excellence de cette douce et royale vertu.

9. Quel est celui qui ne la voit pas? Celui qui n'a pas la lumière et ne la connaît pas; ne la connaissant pas, il ne l'aime pas; et ne l'aimant pas, il n'est pas revêtu, mais il est dépouillé de l'obéissance; il est couvert de la désobéissance, qui donne un fruit de mort : c'est un vent contraire qui brise la barque, en la jetant contre des écueils signalés. Ainsi l'âme privée de la grâce se perd au milieu des flots et des malheurs où l'entraîne le péché mortel; elle devient insupportable à elle-même, parce qu'elle n'a plus la charité fraternelle; elle oublie le vœu qu'elle a fait, et ne l’observe pas. En manquant à l'obéissance, elle manque à la continence. Il est impossible à celui qui n'obéit pas d'être chaste, et, s'il l'est de corps, il ne le sera pas d’esprit. Il n'observe pas le vœu de pauvreté volontaire, parce que l'amour-propre lui fait désirer les plaisirs du monde, et il s'ennuie de la prière et de la cellule, parce qu'il se plaît à la conversation des hommes : quelle misère ne lui cause-t-elle pas ! Il perd son temps, il tourne la tête en arrière pour regarder la charrue, et il ne persévère pas; il devient faible, et la moindre chose le renverse; il se prive de toute vertu, et il discute toujours avec orgueil les intentions des autres, et surtout celles de son supérieur.

10. La langue, mes chers enfants, ne saurait dire [780] tous les maux que cause la désobéissance. Le désobéissant est impatient et ne peut supporter une parole ; il est entouré de liens nombreux et ne peut s’en débarrasser ; il goûte dès cette vie, les arrhes de l’enfer. Que dire enfin ? Nous dirons que tout mal vient de la désobéissance, parce qu’elle est privée de la charité et de l’humilité, qui sont les deux ailes qui servent à voler jusqu’à la vie éternelle. Elle n’a pas non plus la patience qui est la moelle de la charité ; c’est par la charité que l’âme arrive à l’obéissance. Aussi, c’est en voyant qu’il n’y a pas d’autres moyens d’éviter tous ces maux et d’acquérir tous les biens que donne l’obéissance, que je vous ai dit que je désirais vous voir affermis dans la vraie et sainte patience, car on ne peut avoir l’obéissance sans la patience, et la patience procède de la charité. C'est l'amour qui rend patient, obéissant, et qui remplit du parfum de l'humilité. Ainsi donc, mes enfants, puisque vous êtes entrés dans la barque de la vie religieuse, courez avec le bon vent de l'obéissance jusqu'à la mort, afin d'arriver sans péril au port de la vie éternelle. Baignez-vous dans le sang de Jésus cruel lié. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour. Recommandez-moi particulièrement au prieur et à tous ses enfants, et soyez des miroirs d'obéissance. Doux Jésus, Jésus amour [781].

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CXXIV (78). - A FRERE NICOLAS DE GHIDA, religieux Olivétain .- Pendant l’extase .- De la cellule extérieure. - Combien il est dangereux d'en sortir.

(Nicolas de Ghida était un médecin très célèbre de Sienne, il devint disciple de sainte Catherine, et quitta le monde. )
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE.






1. Mon très cher Fils dans le Christ,le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux Sang, avec le désir de vous voir habiter la cellule de la connaissance de vous-même et de la connaissance de Dieu à votre égard. Cette cellule est une demeure que l'homme porte avec lui partout où il va. Dans cette cellule s'acquièrent les vraies et solides vertus, surtout la vertu de l'humilité et de l'ardente charité. Car, dans la connaissance de nous-mêmes, l'âme s'humilie en voyant son imperfection et son néant; elle voit qu'elle a reçu l'être de Dieu. Elle connaît ainsi la bonté de son Créateur envers elle; elle lui rapporte l'être et toutes les grâces qui y ont été ajoutées. Elle acquiert ainsi la vraie et parfaite charité, elle aime Dieu de tout son cœur, de toutes ses forces; et comme elle l'aime, elle conçoit aussi la haine de la sensualité. Celui qui se hait lui-même est content que Dieu veuille et puisse le punir de ses iniquités de la manière qui lui convient; il est [782] alors patient dans toutes les tribulations qui lui viennent du dedans ou du dehors. S'il est troublé à l'intérieur par diverses pensées, il le souffre volontiers, se regardant indigne de la paix et du repos d'esprit dont jouissent les autres serviteurs de Dieu. Il se trouve digne de la peine, et indigne du fruit qui récompense la peine. D'où cela vient-il? De la sainte connaissance de lui-même. Celui qui se connaît, connaît Dieu et la bonté de Dieu pour lui; c'est pourquoi il l'aime. Qu'est-ce qui réjouit alors son âme? Il se réjouit de souffrir pour Jésus crucifié sans l’avoir mérité. Il ne s'inquiète pas des persécutions du monde, ni de la calomnie des hommes, mais il se plaît à supporter les défauts de son prochain. Il cherche à suivre fidèlement les obligations de la règle, et il aimerait mieux mourir que de secouer le joug de l'obéissance. Il est toujours soumis non-seulement aux supérieurs, mais encore aux plus petits. il n'est pas présomptueux, et ne s'estime en rien. Il s'abaisse devant tout le monde pour Jésus crucifié, non par complaisance ou par faiblesse, mais par humilité et par amour de la vertu. Il fuit les conversations du siècle et de ses partisans; il fuit jusqu’au souvenir de ses proches, et il évite leur société comme il craindrait des serpents dangereux.

2. Il s'est passionné pour sa cellule, et il se plaît à y réciter des psaumes, d'humbles et continuelles prières; il s'est fait de sa cellule un ciel, et il aime mieuxy rester au milieu des peines et des tentations du démon, que de trouver au dehors la paix et le repos. D'où lui vient cette connaissance, ce désir? Il [783]  l’acquiert dans la cellule de la connaissance de lui-même; car s'il ne s'était pas fait d'abord cette cellule spirituelle, il n'aimerait pas sa cellule matérielle. Mais, parce qu'il voit et qu'il comprend combien il est dangereux de parler et de quitter sa cellule, il s'y affectionne; et en effet un religieux hors de sa cellule meurt, comme un poisson hors de l'eau. Quel danger pour un religieux de se répandre au dehors! Combien avons-nous vu de colonnes renversées par terre pour avoir voulu fréquenter le monde, et sortir de leurs cellules sans y être obligées. Lorsqu'on le fait par obéissance ou par des motifs pressants de charité, l'a me n'en reçoit aucun dommage; mais elle en souffre lorsque c'est par légèreté de cœur ou par une charité mal entendue, que le démon lui inspire souvent pour lui faire abandonner la cellule, et l'occuper du prochain. Elle ne voit pas que la charité doit d'abord s'occuper d'elle-même, c'est-à-dire, qu'elle ne doit pas se nuire en faisant dès choses qui empêchent sa perfection, pour être utile à son prochain. Pourquoi est-il si nuisible au religieux de quitter sa cellule? Parce qu'avant d'en sortir, il est sorti de la cellule de la connaissance de lui-même. S'il n'en était pas sorti, il aurait connu sa faiblesse; et à cause de cette faiblesse, il n'aurait pas voulu sortir, mais rester.

3. Savez-vous quels fruits on cueille en sortant ainsi? Des fruits de mort, parce que l'esprit se dissipe; en recherchant la société des hommes, il abandonne celle des anges. L'esprit se vide de la sainte pensée de Dieu, pour s'emplir de l'amour des créatures L'imagination troublée diminue la dévotion [784] et le zèle pour la prière. Elle refroidit les bons désirs de l’âme, et elle ouvre la porte des sens; l'oeil voit ce qu'il ne doit pas voir, l'oreille entend ce qui est contraire à la volonté de Dieu et au bien du prochain, la langue parle de choses inutiles, et oublie de parler de Dieu. Le religieux se nuit à lui-même, et nuit au prochain en le privant de prières; car c'est le temps où il devrait prier pour lui qu'il emploie à discourir, et souvent à le mal édifier. Jamais la langue ne pourra dire tout le mal qui en résulte. Il ne voit pas que, s'il n'y prend pas garde, il glissera tant qu'il abandonnera le bercail de la vie religieuse. Celui au contraire qui se connaît voit le danger et se réfugie dans sa cellule; là il occupe son esprit en embrassant la Croix, et en conversant avec les saints docteurs, qui, tout enivrés de la lumière surnaturelle, parlaient de la bonté de Dieu et de leur bassesse, et se passionnaient pour la vertu, se nourrissant de l'honneur de Dieu et du salut des âmes sur la table de la très sainte Croix, en supportant les peines avec une vraie persévérance jusqu'à la mort. C'est cette société qu'il aime.

4. Quand l'obéissance l'oblige de sortir, il en souffre; mais quand il est dehors, il reste toujours dans sa. cellule par un vrai et saint désir; il s'y nourrit du précieux Sang, et s'unit par l'amour au Bien suprême et éternel. Il ne fuit pas, et ne refuse pas le travail; mais en vrai chevalier, il reste dans sa cellule comme sur le champ de bataille, se défendant contre l'ennemi avec le glaive de la haine et de l'amour, avec le bouclier de la très sainte Foi. Il ne tourne jamais la tête en arrière; mais avec l'espérance et la [785] lumière de la Foi, il persévère jusqu'à ce que la persévérance lui mérite la couronne de la gloire. Il acquiert la richesse des vertus, mais il ne l'acquiert et ne l'achète pas autre part que dans la connaissance de lui-même et de la bonté de Dieu à son égard. C'est cette connaissance qui le fait demeurer dans sa cellule intérieure et extérieure, et il ne pourrait autrement s'enrichir. C'est parce que j'ai vu qu'il n'y avait pas d'autre moyen, que je vous ai dit que je désirais vous voir habiter la cellule de la connaissance de vous-même et de la bonté de Dieu à votre égard; sachez bien qu'en dehors de cette cellule, vous ne pourrez acquérir de vertu. Aussi je veux que vous vous renfermiez en vous-même, que vous gardiez votre cellule, qu'il vous soit pénible d'en sortir, à moins que l'obéissance ou quelque motif impérieux ne vous y oblige. Craignez de vous exposer à un incendie en allant dans le monde, et que la conversation des séculiers vous paraisse un poison. Réfugiez-vous en vous-même, et ne soyez pas cruel pour votre âme. Mon Fils bien-aimé, je ne veux pas que nous dormions plus longtemps; éveillons-nous dans la connaissance de nous-mêmes, et nous y trouverons le sang de l'humble Agneau sans tache. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Recommandez-nous bien au prieur et aux autres religieux. Doux Jésus, Jésus amour [786].

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CXXV (79). - A FRÈRE JACQUES DE PADOUE, prieur du monastère des Olivétains de Florence .- De la Foi, et des vertus qu'elle produit.

(Les Olivétains occupaient, à l’époque de sainte Catherine, le célèbre monastère de Saint-Miniato, qui domine Florence.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE.






1. Mon très révérend Père dans le Christ Jésus, par respect pour l'auguste Sacrement, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je me recommande à vous dans le précieux sang du Fils de Dieu, avec le désir de vous voir le serviteur vraiment fidèle de notre doux Sauveur. Il a dit: "Si vous aviez de la foi, gros comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Avance, et elle avancerait (Mt 17, 19)." Oui, mon très cher Père, je crois que c'est la vérité; car, lorsque l'âme fidèle met toute sa foi et son espérance sur le bois de la très sainte Croix, où nous trouvons l'Agneau consumé par le feu de la divine charité, elle acquiert une foi si grande, qu'il n'y aura pas de montagne, c’est-à-dire de péché, montagne d'orgueil, d'ignorance, ou de négligence, qu'elle ne puisse déplacer par la vertu de la très sainte Croix. Notre volonté fera aller cette montagne du vice à la vertu, de la négligence au zèle, de l’orgueil à la vraie et parfaite humilité. En contemplant Dieu abaissé jusqu'à l'homme, nous soulèverons [786] la montagne de l'ignorance, et nous nous humilierons dans la vraie et parfaite connaissance de nous-mêmes; nous verrons que nous ne sommes rien, et que nous ne faisons que des œuvres de néant.

2. Alors l'âme trouve en elle les preuves de la bonté de Dieu et de son ardent amour; elle voit qu’elle en est aimée avant même d'être créée, et, parce qu'elle voit sa misère et la bonté de Dieu à son égard, elle arrive à la haine d’elle-même et à l'amour du doux Jésus. Et parce qu'elle voit qu'elle s'est révoltée contre Dieu, et qu'elle n'a pas fait le bien qu'elle devait faire, elle voudra faire justice d'elle-même; elle ne se contentera pas de cette justice, mais elle désirera que les créatures la punissent aussi. Elle supportera les injures, les coups, les mépris, les outrages; elle ne pourra se plaire qu'à souffrir et à endurer les fatigues avec une vraie et sainte patience.

3. L'âme prouve ainsi que sa foi est vivante, et non pas morte; elle montre qu'elle a conformé sa volonté à celle de Dieu. Elle a commandé aux montagnes de se lever, et les montagnes se sont levées; elle est devenue puissante en se réglant sur la sainte volonté de Dieu. De cette volonté vient la lumière, car elle voit que tout ce qui lui arrive des hommes, du démon, de quelque manière que ce soit, ne peut jamais venir que de la sainte volonté de Dieu. Aucune chose ne peut être pénible à cette âme, dans aucun moment, dans aucune position. Elle ne suit pas son goût, mais elle fait ce qui plaît à la bonté de Dieu, parce qu'elle voit que Dieu est souverainement bon, et qu'il ne [788] peut vouloir autre chose que notre bien et notre sanctification, ainsi que l'a dit le doux et passionné saint Paul : " La volonté de Dieu est que nous soyons sanctifiés en lui (1 Th 4,3) ". Puisque l'âme a vu l'amour ineffable de Dieu, qui fait et permet tout ce qui nous arrive pour notre bien, elle doit s'appliquer avec zèle à se revêtir et à s'envelopper de ce doux et suave vêtement, qui fait accomplir cette douce parole des Psaumes : " Goûtez et voyez (Ps 33, 9) ".

4. Il est bien vrai, mon très cher Père, que si l'homme ne goûte pas Dieu par amour et par désir, il ne pourra le goûter dans la vie éternelle. Oh ! combien notre âme sera heureuse, si nous le goûtons en revêtant cette sainte et douce volonté ! Ce vêtement est le signe par lequel nous montrons à notre Sauveur l'amour que nous lui portons. De l'amour naît la foi vive; car plus j'ai la foi et l'espérance, plus j'ai d'amour; et l'amour, c’est-à-dire la charité divine, enfante des vertus vivantes, et non pas mortes. Ainsi donc, mon Père, transformons notre cœur et notre âme dans cet ardent et violent amour. Cachons-nous dans les plaies du cœur embrasé du Fils de Dieu. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Courons, courons, car le temps fuit. Doux Jésus, Jésus amour [789].

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CXXVI (80). - A FRÈRE NICOLAS, religieux Olivétain du monastère de Florence. - Combien le cœur doit s'enflammer d'amour en contemplant la Passion et le Sang de Jésus-Christ.
 
 

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1. Mon très révérend et très cher Père dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Dieu, je vous écris et je me recommande à vous dans le précieux sang de son Fils, avec le désir de vous voir attacher votre cœur, votre amour, votre désir à notre doux chef; le Christ Jésus, avec tous ceux qu'il a tirés des limbes, où ils attendaient depuis si longtemps leur rédemption, dans des ténèbres profondes. Elevons donc nos cœurs vers lui, et considérons le tendre et parfait amour que Dieu a montré à l'homme dans toutes ses œuvres. Regardons aussi le doux désir qu'eurent ces saints et vénérables patriarches qui attendaient la venue du Fils de Dieu. Que notre ignorance, notre froideur, notre négligence soient confondues et détruites en nous, en nous qui avons goûté, vu et senti le feu de la divine charité. Oh! quelle chose admirable de voir qu'ils se réjouissaient de la seule pensée de ce que nous contemplons maintenant, un Dieu greffé sur notre chair, un Dieu fait homme! et nous ne nous étonnons pas. O douce et bonne greffe! L'homme était stérile, parce qu'il ne participait pas à la sève de la grâce, qui fait porter des fruits. Qu'il étende maintenant les ailes du saint [790] désir, et qu'il s'élève sur l'arbre de la très sainte Croix, ou il trouvera cette sainte et douce greffe du Verbe incarné, du Fils de Dieu; nous trouverons là les fruits des vertus mûris sur le corps de l'Agneau immolé et consumé pour nous.

2. Elevons donc nos cœurs et nos désirs, et recevons avec un saint empressement les fruits de la grâce. Si nous ne les attendons pas avec l’ardent de nos pères, nous devons rougir de notre négligence. Ce sont ces doux fruits qu'il faut cueillir. Il faut absolument aussi que l'homme ait le fruit de la vraie patience. Ce fruit a été si mûr dans le Verbe, qu'il n'éprouva jamais d'impatience, ni à cause de notre ingratitude, ni à cause de notre ignorance; mais, tout plein d'amour, il souffrit et porta nos iniquités sur le bois de la très sainte Croix. C'est là que vous trouverez le fruit qui donne la vie à ceux qui sont morts, la lumière à ceux qui sont aveugles, la santé à ceux qui sont malades. Ce fruit est celui de la très sainte charité, qui a pu triompher de Dieu, car les clous étaient incapables de l'attacher sur la Croix; il n'y avait que le seul lien de la charité capable de l'y retenir. Oui, ces fruits sont bien mûrs. Que vos cœurs ne tardent pas davantage, mais qu'ils s'appliquent avec ardeur à contempler cet amour ineffable que Dieu a eu pour l'homme; et je vous dis que si nous le faisons, ni le démon ni les créatures ne pourront empêcher nos saints désirs, car les démons fuient un cœur embrasé du feu de la divine charité: la mouche fuit et ne s'approche pas d'un vase d'eau bouillante, parce qu'elle voit que la chaleur et la flamme pourraient lui donner la mort; mais, si le vase est tiède, elle y court pour y séjourner [791] et s'y nourrir (Dialogue, XC). Plus de tiédeur pour l'amour de Dieu; mais courons à la chaleur de la divine charité, en suivant les traces de Jésus crucifié. Entrons dans ses plaies, afin d'être prêts à Supporter tout pour lui, et à faire le sacrifice de nos corps. Je termine. Approvisionnez votre barque, car le temps est court. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CXXVII (81). - A QUELQUES NOVICES du couvent des Olivétains à Pérouse. - De la reconnaissance envers Dieu.- Des obligations de la vie religieuse, et des moyens de les remplir.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mes très chers Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir remplis de gratitude et de reconnaissance envers votre Créateur pour les bienfaits sans nombre que vous avez reçus de lui. Que l'ingratitude ne dessèche pas en. vous la source de la piété, mais que la gratitude l'alimente, au contraire.

2. Mais faites attention que ce ne sont pas les seules paroles qui peuvent prouver la reconnaissance; ce sont les bonnes et saintes œuvres. Comment la montrerez-vous? En observant les [792] doux commandements de Dieu; et outre ses commandements, vous devez observer les conseils mentalement et réellement. Vous avez choisi la voie parfaite des conseils, et il faut la suivre jusqu'à la mort. Autrement, vous offenseriez Dieu; que votre âme reconnaissante y soit donc toujours fidèle. Vous savez que dans votre profession vous avez promis d'observer l'obéissance, la continence et la pauvreté volontaire, et si vous ne les observez pas, vous dessécherez en vous la source de la piété. C'est une grande honte pour un religieux de désirer ce qu'il a méprisé. Non seulement il ne doit pas désirer et posséder les biens temporels, mais il doit bannir de sa mémoire le souvenir du monde, de ses richesses et de ses plaisirs, pour la remplir de la pensée du pauvre, de l'humble Agneau sans tache, et pour vivre tout embrasé de la charité fraternelle.

3. La charité doit vouloir être utile au prochain; car, lorsque l'âme voit et comprend qu'elle ne peut être utile à Dieu, parce qu'il n'a. pas besoin de nous, elle veut cependant lui prouver sa reconnaissance pour les grâces qu'elle a reçues et qu'elle reçoit de lui; elle la lui montre au moyen des créatures raisonnables; elle s'applique en toutes choses à lui témoigner sa reconnaissance dans ses rapports avec son prochain. Ainsi, toutes les vertus se développent par la reconnaissance, c'est-à-dire que, par l'amour que l'âme a pour son Créateur, elle devient reconnaissante, parce qu'elle a reconnu à la lumière toutes les grâces qu'elle a reçues et qu'elle reçoit de lui. Qui la rend patiente à supporter les injures, les outrages, les mauvais traitements des hommes, et les tentations [793], les attaques du démon? la reconnaissance. Qui lui fait détruire et soumettre. sa volonté à la sainte obéissance, qui la fait obéir fidèlement jusqu'à la mort? la reconnaissance. Qui lui fait garder aussi le troisième vœu de la continence? la reconnaissance, qui, pour y être fidèle, mortifie son corps par les veilles, les jeûnes, par une humble et continuelle prière. Avec l'obéissance, elle tue la volonté propre; et quand le corps est dompté et que la volonté est morte, l'âme peut observer la continence, et en l'observant, elle montre sa reconnaissance.

4. Ainsi, les vertus sont une preuve qui montre que l'âme n'est pas ingrate et n'oublie pas qu'elle a été créée à l'image et ressemblance de Dieu, qu'elle a été régénérée dans le sang de l'humble, du doux, du tendre Agneau, immolé pour lui rendre la vie de la grâce, qu'elle avait perdue par sa faute. Toutes les autres grâces, spirituelles ou temporelles, générales ou particulières, elle se rappelle avec reconnaissance qu'elle les a reçues de son Créateur; et alors se développe dans l'âme le feu d'un très saint désir, qui se nourrit sans cesse du zèle pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes, en souffrant jusqu'à la mort. Si elle était ingrate, non seulement elle ne se réjouirait pas de souffrir pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes, mais si une paille se rencontrait sous ses pieds, elle serait hors d'elle-même. Elle voudrait arriver aux honneurs en se nourrissant du fruit de mort, c'est-à-dire de l’amour-propre, qui enfante l'ingratitude et prive l'âme de la grâce. Aussi j'ai compris combien est dangereuse cette nourriture qui donne la mort, et je vous ai dit que je désirais vous voir reconnaissants [794] de tant de grâces que vous avez reçues de notre Créateur, mais surtout de la grâce inappréciable qu'il vous a faite en vous tirant des misères du monde et en vous plaçant dans le jardin de la vie religieuse, pour être en cette vie les anges de la terre.

5. C'est là une grâce à laquelle Dieu vous commande de répondre par une vraie et sainte obéissance, qui montre que le religieux sait apprécier son état. Il le prouve quand il est obéissant, tandis qu'il montre son ingratitude quand il désobéit. Le véritable obéissant le comprend bien, lorsqu'il met tout son zèle à observer la règle, les coutumes et les cérémonies de l'Ordre, à faire avec joie la volonté de son supérieur, ne voulant pas juger et examiner son intention, et ne disant pas: Pourquoi m'impose-t-il un plus grand fardeau qu'à celui-ci? Mais il obéit simplement, avec paix, calme et tranquillité d'esprit; et ce n'est pas étonnant, parce qu'il a détruit en lui la volonté propre qui lui faisait la guerre. Le désobéissant ne fait pas de même; il n'a d'autre guide que sa volonté propre, et il prend tous les moyens possibles pour la satisfaire; il viole la règle qu'il devrait observer, et il juge la volonté de son supérieur. Il goûte les arrhes de l'enfer; il est toujours dans le chagrin et prêt à tomber dans toute sorte de péchés. Il n'est pas constant et persévérant, mais il tourne la tête en arrière pour regarder la charrue; il recherche la société et fuit la solitude; il désire la paix de sa volonté, qui donne la mort, et il fuit ce qui donne la vie, c’est-à-dire la paix de la conscience, le secret de la cellule et le plaisir qu'on trouve au chœur. Le chœur lui parait un serpent venimeux, ou une nourriture [795] qui doit lui donner la mort, parce que l'orgueil, la désobéissance et l'ingratitude dont il est rempli ont altéré le goût de son âme.

6. L'obéissant, au contraire, se fait du chœur un jardin, de l’office un fruit délicieux, et de sa cellule un ciel. Il aime la solitude pour mieux s'unir à son Créateur, et n'en être séparé par rien. Il fait de son cœur le temple de Dieu, et il cherche, à la lumière de la très sainte Foi, où il trouvera le mieux cette vertu de l'obéissance, et quelle est la manière la plus parfaite de la pratiquer quand il l'a trouvée. Il la trouve dans l'humble et doux Agneau immolé par amour, lorsque, pour obéir à son Père et pour nous sauver, il courut à la mort honteuse de la très sainte Croix, avec une telle patience, qu'on n'entendit pas sortir de sa bouche le moindre murmure. Qu'ils rougissent donc, et qu'ils soient confondus dans leur orgueil, tous les désobéissants, en voyant l’obéissance du Fils de Dieu. Quand on a trouvé l'obéissance, comment l'acquiert-on? Par le moyen de la prière : c'est la mère qui conçoit et enfante les vertus dans l'âme, parce que plus nous nous approchons de Dieu, plus nous participons à sa bonté, et plus nous sentons l'odeur des vertus, parce que Dieu seul est le maître des vertus; c'est de lui que nous les recevons, et c'est la prière qui nous unit au Souverain Bien.

7. C'est donc par son moyen que nous acquérons la vertu de la véritable obéissance, qui nous rendra forts et persévérants dans la vie religieuse, et nous empêchera de tourner la tête en arrière, pour quelque cause que ce soit. Elle nous donne la lumière pour nous connaître, pour connaître la charité de Dieu et les [796] artifices du démon; elle nous rend tellement humbles, que l'âme, par humilité, veut servir ceux qui servent; elle s'ouvre tout entière à ses supérieurs, et si, dans le passé ou dans le présent, le démon a troublé sa conscience par des tentations, ou si même. elle est tombée dans le péché mortel, elle découvre humblement son infirmité à son médecin, autant de fois que ce malheur lui arrive; elle ne se cache jamais par honte, elle ne doit pas le faire, mais elle reçoit avec patience la médecine et la correction que son médecin spirituel lui donne, parce qu'elle sait avec une foi vive que Dieu lui communique toutes les lumières nécessaires à son salut. Elle doit agir ainsi afin de couper le chemin au démon, qui ne cherche qu'à obscurcir notre vue par la honte, afin que nous renfermions dans notre âme nos défauts et nos pensées, et que nous ne les fassions pas connaître. La prière nous délivre de cette honte, comme une bonne mère; elle est si douce, que notre langue ne pourra jamais assez le dire. Nous devons nous y appliquer avec zèle, nous reposer sur son sein et ne jamais l’abandonner.

8. Si quelquefois le démon, pendant que nous sommes à prier ou à dire l'office, obscurcit notre esprit par des distractions et des mauvaises pensées, nous ne devons jamais laisser notre prière, mais il faut y persévérer, et chasser par de saintes pensées les pensées coupables, et ne pas y consentir, en conservant toujours une volonté bonne et sainte. L'âme ne tombera jamais ainsi dans la confusion, mais elle espérera en Dieu, et supportera avec patience toutes les peines de son esprit; elle dira, en s'humiliant [797] : Mon Seigneur, je reconnais que je suis indigne de la paix, du repos d'esprit dont jouissent vos autres serviteurs; conservez-moi seulement une bonne et sainte volonté, pour que je ne vous offense jamais. Alors Dieu, qui récompense la persévérance et l'humilité de ses serviteurs, donne à cette âme le don de force, et lui communique plus abondamment la lumière de la vérité et le désir de la vertu; il inonde son cœur d'une telle joie, qu'il semble prêt à se briser par l'ardeur de la charité envers Dieu et envers le prochain.

9. Les grâces et les faveurs qu'on reçoit de Dieu par le moyen de la prière sont si grandes, qu'il est impossible de les exprimer. Mais la prière doit être humble, fidèle, continuelle, et toujours accompagnée d'un saint désir. En faisant toutes nos œuvres manuelles ou spirituelles avec ce saint désir, nous prierons toujours, parce que le vrai et saint désir est une prière continuelle en la présence de Dieu. Vous vous réjouirez ainsi dans la peine, et vous rechercherez l'abaissement; vous aimerez les mortifications qui vous seront imposées par votre supérieur. Je ne m'étends pas davantage sur ce sujet, nous en aurions trop à dire, mais je vous conjure de vous enivrer du sang de Jésus crucifié, où vous trouverez l'ardeur de l'obéissance. Obtenez cette ardeur au moyen de la prière, afin de témoigner a' Dieu la reconnaissance qu'il vous demande pour la grâce que vous avez reçue. En ne le faisant pas, vous changeriez en poison ce qui vous a été donné pour la vie. le ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [798].

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CXXVIII (82). - A FRÈRE JUSTE, prieur des Olivétains.- De la soif de Notre-Seigneur sur la Croix. - Comment il faut, pour l'apaiser, le désaltérer de nos âmes.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mon très cher Père dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir avide et affamé des âmes, à l'exemple de la Vérité suprême, que la faim et la soif qu'il avait de notre salut tourmentaient tant sur le bois de la très sainte Croix, qu'il criait : J'ai soif, comme s'il eût dit : J'ai plus soif et désir de votre salut que je ne puis vous le montrer par la peine de mon corps. Car la peine du saint désir était infinie, et ses souffrances ne l'étaient pas. Il avait soif surtout de sauver le genre humain, tout en admettant qu'il souffrait aussi de la soif corporelle. O doux et bon Jésus! vous montrez votre soif, et vous demandez aussi qu'on vous donne a boire. Et quand demandez-vous a boire aux âmes? C'est, mon Seigneur, quand vous nous montrez tout votre amour, toute votre charité.

2. Vous voyez bien, mon très cher Père, que le Sang nous manifeste l'amour ineffable, que le Sang a été donné par amour, et que c'est avec le même amour qu'il nous demande a boire, car celui qui aime demande à être aimé et servi. N'est-il pas juste que celui qui aime soit aimé? L'âme donne ainsi à boire [799] à son Créateur, en lui rendant amour pour amour; elle ne peut le servir lui-même et faire quelque chose pour lui, mais elle le peut par le moyen du prochain. Il faut donc que l’âme se consacre avec zèle à servir son prochain, et tout ce qui lui paraîtra le plus agréable à Dieu, il faut qu'elle s'y exerce. Ce qui peut plaire davantage à notre Sauveur, c'est d'arracher les âmes des mains du démon, c'est de les retirer des dangers du siècle, des vanités du monde, et de les attacher à la vie religieuse. Non seulement il ne faut pas les abandonner et les fuir lorsqu'elles se présentent avec un ardent désir, mais il faut s'exposer à la mort même pour pouvoir les aider. C'est là le saint breuvage que le Fils de Dieu demande sur la Croix, et nous ne devons pas être négligents à le lui donner, mais nous devons le faire avec zèle, car vous voyez bien qu'il se meurt de soif; nous ne devons pas faire comme les Juifs, qui lui donnèrent du vinaigre et du fiel.

3. Il reçoit de nous du fiel et du vinaigre quand nous nous abandonnons à l'amour-propre sensitif, a une négligence habituelle, a une vaine complaisance pour le monde, veillant et priant peu, sans rechercher avec zèle l'honneur de Dieu et le salut des âmes. C'est vraiment là un fiel et un vinaigre d'une grande amertume; et si cette amertume lui est pénible, c'est qu'elle cause notre malheur. Que faut-il donc faire pour ne pas lui présenter ce breuvage? Il suffit d’aimer : l'amour ne peut venir que de l'amour; l'amour grandit à la lumière, en attirant à lui l'amour. C'est en élevant le regard de notre intelligence avec un ardent désir, et en le fixant sur Jésus crucifié [800], que nous verrons manifestés la volonté et l'amour du Père éternel, qui nous a uniquement créés pour que nous ayons la vie éternelle. Le sang du Verbe, son Fils unique, nous montre cet amour et la fin pour laquelle nous avons été créés. Alors notre cœur, en fixant le regard de l'intelligence dans le cœur de Jésus crucifié, acquiert l'amour; il aime ce que Dieu aime, et il déteste ce qu'il déteste; et parce que le péché est une séparation de Dieu, il l'a en une telle horreur, que non seulement il ne peut s'y plaire mais qu'il donnerait mille vies, s'il les avait, pour retirer les âmes du péché mortel.

4. O mon très cher Père! donnez donc à boire à Notre-Seigneur, qui, vous le voyez, vous le demande avec tant d'amour! Excitez en vous le saint et bon désir du salut des âmes; qu'il soit pour vous comme une douce nourriture. Ne vous arrêtez jamais a la dignité, à la bassesse, à la grandeur, à la naissance légitime ou illégitime de personne; car le Fils de Dieu, dont nous devons suivre les traces, n'a méprisé et ne méprise personne pour sa position ou sa naissance; justes ou pécheurs, il les reçoit tous avec amour, parce qu'il veut les retirer de la corruption du péché mortel, de la vanité du siècle, et les faire vivre à la grâce. C'est la doctrine qu'il a donnée, et s'il l'a donnée à tous, à bien plus forte raison l'a-t-il donnée à vous et à ceux qui gouvernent les Ordres. Quand il se présente à vous de bons sujets, qui viennent avec un ardent désir de la vie religieuse, qui fuient le siècle par amour de la vertu, et qui soupirent après le joug de l'obéissance, il ne faut les refuser et les éloigner pour aucune raison quelle [801] que soit leur naissance; Car Dieu ne méprise pas plus l'âme de celui qui a été conçu dans le péché mortel, que l'âme de celui qui est né du Sacrement de mariage. Notre Dieu accepte les bons et saints désirs.

5. Aussi je vous demande et je veux : que cette plante nouvelle, que le prieur vous envoie pour que vous la receviez dans l'Ordre, soit accueillie par vous avec charité; car c'est une âme pleine de bonne volonté, ayant des qualités naturelles excellentes, et beaucoup d'attrait pour la vie religieuse. L'Esprit-Saint l'appelle particulièrement à votre Ordre; vous ne devez pas, et je sais que vous ne voulez pas résister au Saint-Esprit. Je m'étonne beaucoup de votre réponse négative, elle m'a bien surprise; peut-être est-ce la faute de celui qui a fait la demande, et qui n'a pas bien su la faire, malgré ses bonnes intentions. Maintenant je vous prie, pour l'amour de Jésus crucifié, de vous préparer à le bien recevoir; ce sera l’honneur de Dieu et de l'Ordre. Ne me refusez pas, car c'est un bon jeune homme: s'il n'était pas bon, je ne vous l'enverrais pas. Je vous le demande en grâce, et vous devez le faire, d'après la loi de la charité. Ne repoussez pas celui qui vous demande à boire. En lui en donnant, je verrai si vous voulez désaltérer Celui qui est sur la Croix, et qui vous demande à boire; et je ne vois pas que nous puissions autrement plaire à Dieu. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir affamé et rassasié de la nourriture des âmes, pour l'honneur de Dieu. Je ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [802].

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CXXIX (83). - A QUELQUES NOVICES de Sainte Marie-du-Mont-des-Oliviers.- Des sûretés qu'on trouve dans la véritable obéissance.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE






1. Mes très chers Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir des enfants obéissants jusqu'à la mort, à l'exemple de l'Agneau sans tache, qui obéit à son Père jusqu'à la mort honteuse de la Croix. Pensez qu'il est la voie et la règle que vous et toutes créatures devez suivre. Je veux qu'il soit l'objet continuel de vos pensées. Voyez combien ce Verbe a été obéissant il n'a pas fui l'immense fardeau des peines que son Père lui imposait; il y a couru, au contraire, avec grand désir. C'est ce qu'il a montré dans la Cène du Jeudi Saint, quand il a dit : "J'ai désiré d'un grand désir faire cette pâque avec vous, avant de mourir. " Il entendait par cette pâque l'obéissance à son Père et l'accomplissement de sa volonté. Il voyait que le temps était arrivé de faire le sacrifice de son corps a son Père pour nous, et il se réjouissait; il disait, plein d'allégresse J'ai désiré avec désir. La pâque dont il parlait était de se donner lui-même en nourriture, et de sacrifier son corps pour obéir à son Père. Il avait mangé souvent l'autre pâque avec ses disciples, mais non pas celle-là [803].

2. O ineffable, très douce et très ardente charité! vous ne pensiez pas à vos peines et à votre mort honteuse; si vous y aviez pensé, vous n'auriez pas été si joyeux et vous ne l'auriez pas appelée une pâque. Comprenez, mes enfants, que ce doux Agneau était comme l'aigle véritable; il ne regardait pas la terre de son humanité, mais il fixait son regard sur le disque du soleil, sur le Père éternel, et il voyait en lui-même que sa volonté était que nous soyons sanctifiés en lui. Cette sanctification ne pouvait s'accomplir à cause du péché de notre premier père Adam. Il fallait qu'il y eût un moyen, un intermédiaire pour accomplir cette volonté de Dieu. Le Verbe vit que c'était lui, et il s'est uni à la nature humaine par obéissance, parce que c'était au moyen de son sang que la Volonté divine devait s'accomplir en nous; c'était dans son sang que nous devions être Sanctifiés; et c'était cette douce pâque que l'Agneau sans tache désirait avec tant d'ardeur pour accomplir la volonté du Père en nous, et pour lui obéir entièrement.

3. O doux amour! amour ineffable! vous avez uni et attaché la créature au Créateur. Vous avez fait comme on fait d’une pierre qu'on unit à une autre pierre; pour que le vent ne puisse pas les séparer, on les cimente avec la chaux vive détrempée dans l'eau. O Verbe incarné! vous avez affermi la pierre de la créature en l'attachant à son Créateur; vous l'avez unie au moyen du sang mêlé à la chaux vive de la divine Essence par votre union avec la nature humaine. Vous l'avez ainsi mise en état de résister aux vents contraires, aux attaques, aux tentations [805], aux peines qui tourmentent notre âme, et qui lui viennent du démon, de la créature et de la chair. Oui, je vois, la Vérité suprême, que votre sang nous a entourés d'un rempart si fort et si solide, qu'aucun vent contraire ne peut le renverser. N'est-ce pas là un motif pour la créature, ô très doux Amour, e n'aimer que vous seul, et de ne craindre aucune des illusions qui se présentent?

4. Aussi, mes bien-aimés Fils dans le Christ, le doux Jésus, je vous prie de ne jamais craindre, et d'espérer dans le sang de Jésus crucifié. Ne vous laissez pas vaincre par les tentations, les illusions, et la peur que vous pourriez avoir de ne pas persévérer; ne vous effrayez pas des peines que vous croyez rencontrer dans l'obéissance et dans votre Ordre; ne redoutez rien de ce qui pourrait vous arriver. Conservez en vous la bonne et sainte volonté, qui seule est maîtresse de ce rempart, que renversa ou conserve le libre arbitre, selon la décision toute-puissante de la volonté.

5. Je ne veux donc pas que vous craigniez; toute crainte servile doit être bannie de votre esprit. Vous direz avec le doux, l'ardent saint Paul, en répondant aux défaillances du cœur et aux illusions du démon: Souffre aujourd'hui, mon âme, pour Jésus crucifié; je puis tout, car j'ai en moi, par le désir et l'amour, Celui qui me fortifie. Aimez, aimez, aimez, enivrez-vous du sang du tendre Agneau, qui a fait de votre âme un rocher inébranlable, qui l'a tirée de l'esclavage du démon. Oui, votre âme est libre et maîtresse, et personne ne peut l'asservir, si elle ne le veut pas. C'est le privilège de toute créature raisonnable [805].

6. Mais je vois que la divine Providence vous a placés dans une barque pour que vous ne périssiez pas sur la mer orageuse de cette triste vie. Cette barque est la vie religieuse, que dirige la vraie et sainte obéissance. Comprenez combien est grande la grâce que Dieu vous a faite, en songeant à votre faiblesse. Celui qui vit dans le siècle n'a que ses bras pour se soutenir sur les flots agités; mais celui qui est dans la vie religieuse est soutenu par les bras des autres; S'il est véritablement obéissant, il n'a pas à rendre compte de lui-même, il n'a qu'à obéir à son supérieur. C'est à votre obéissance que je verrai si vous suivez l'Agneau immolé pour nous. Je vous ai dit que je voulais que vous imitiez le doux et bon Jésus, qui a été obéissant jusqu'à la mort, et qui accomplit en tout la volonté de son Père. Dieu veut que vous fassiez la même chose, et que vous accomplissiez sa volonté en observant fidèlement votre règle, aimant mieux mourir que de ne pas obéir à votre supérieur. Si cependant il se présentait une circonstance (que Dieu ne le permette pas!) ou le supérieur vous commanderait des choses contraires à Dieu, vous ne devez pas alors obéir, et je ne le veux pas, parce que la créature ne doit jamais obéir à ce qui est opposé au Créateur; mais, en tout autre chose, il faut toujours obéir, sans jamais vous arrêter à votre consolation spirituelle ou temporelle.

7. Je vous dis cela parce que souvent le démon, sous des apparences de vertu et de perfection, nous fait désirer un lieu, un moment plutôt qu'un autre, en nous disant : Dans ce moment, dans ce lieu, j'ai plus de consolation, et mon âme est plus tranquille. Mais [806] l'obéissance ne doit pas avoir de préférence; et je vous répète que vous devez plutôt suivre l'obéissance que la consolation. Songez que c'est là un piège caché où tombent beaucoup de serviteurs de Dieu qui, sous prétexte de le mieux servir, le servent plus mal. Vous savez bien que c'est par la seule volonté qu'on plaît ou qu'on déplaît à Dieu. Si vous, qui êtes religieux, vous avez bonne volonté, le démon ne vous tentera pas avec les choses grossières que vous avez abandonnées, en quittant le siècle, mais il le fera par des motifs spirituels; il vous dira: Il me semble que j'aurais plus de paix et d'amour de Dieu dans ce lieu que dans un autre; et, pour y arriver, vous résisterez à l'obéissance, ou, si vous obéissez, vous le ferez avec peine, et vous perdrez la paix en voulant l'avoir. Il vaut bien mieux renoncer à sa propre volonté, et ne penser à autre chose qu'à faire la volonté de Dieu, en suivant la règle et les ordres de son supérieur. Je suis persuadée que vous serez des aiglons dignes de l'Aigle véritable (Les saints Pères disent que l'aigle éprouve ses aiglons en leur faisant contempler le soleil; il précipite du haut des airs ceux qui ne peuvent en soutenir les rayons. (S. Ambroise, in Comm. Psalm. CX VIII, p.429.- S. Augustin, Tract. XVI, in Job.).

8. Les hommes du monde s'éloignent de la volonté de leur Créateur. Lorsque Dieu permet qu'il leur arrive quelques épreuves et quelques persécutions, ils disent: Je ne les voudrais pas, moins parce que je souffre, que parce qu'il me semble qu'elles me séparent de Dieu. Mais ils se trompent; c'est la passion sensuelle qui les fait tomber dans les pièges du [807] démon, et fuir la peine, qu'ils craignent plus que le péché. L'ennemi se sert de ce moyen pour tromper tous les hommes. Il faut donc vaincre notre volonté. Les séculiers obéissants observent les commandements de Dieu, et les religieux les commandements et les conseils, comme ils l'ont promis à leur profession. Ainsi donc, mes enfants, soyez obéissants jusqu'à la mort, pour acquérir les véritables et solides vertus. Pensez que vous serez aussi humbles que vous serez obéissants; car de l'obéissance vient l'humilité, et de l'humilité l'obéissance, et toutes les deux viennent de la source d'une ardente charité; vous trouverez cette source de la charité dans le côté de Jésus crucifié, et c'est là que je veux vous voir chercher votre refuge et votre demeure. Sachez que le religieux hors de sa cellule meurt comme le poisson qui est hors de l'eau, et je vous parle de la cellule du côté de Jésus, où vous trouverez la connaissance de vous-mêmes et de sa bonté.

9. Soyez donc embrasés d'un ardent désir, courrez, entrez et restez dans cette douce retraite, et ni les démons ni les créatures ne pourront vous ravir la grâce, et vous empêcher d'atteindre votre but, qui est de voir et de goûter Dieu. Je termine. Obéissez jusqu'à la mort en suivant l'Agneau, qui est la voie et la règle. Baignez-vous dans le sang de Jésus crucifié; cachez-vous dans les plaies de Jésus crucifié. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Aimez-vous, aimez-vous les uns les autres. Doux Jésus, amour [808].

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