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Sainte Catherine de Sienne
Lettres 150 à 165



CL (104). - AU FRERE THOMAS DELLA FONTE, de l'Ordre des Frères Prêcheurs.- Elle lui parle d'une vision qu'elle a eue le jour de Sainte-Lucie.

(Frère Thomas della Fonte était LIé à la famille de sainte Catherine, dont la sœur avait épousé un de ses parents. Il fut le premier confesseur de notre Sainte, et un des témoins dans le procès de VenIse. Cette lettre est probablement du mois de décembre 1377.)
 
 

QUE LOUÉ SOIT NOTRE DOUX SAUVEUR







1. Mon bien cher et très aimé Père dans le Christ Jésus, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, votre indigne petite fille, vous écrit dans le précieux sang du Fils de Dieu, avec le désir de vous voir transformé et enflammé dans les flots de son sang. Ce sang nous fera courir avec ardeur sur le champ de bataille, comme l'a fait cette douce et tendre Lucie, qui était si enivrée du souvenir continuel du sang du Fils de Dieu, qu'elle courut lui offrir avec courage le sacrifice de son corps. Je conjure notre doux Sauveur de nous apprendre aussi à sacrifier et à macérer nos corps. Et ne vous étonnez pas, mon très cher Père, si je ne puis me rassasier de ce sacrifice, car, le jour de sa fête, elle m'a fait goûter encore le fruit de son martyre. Je me retrouvais par le désir à la table de l'Agneau, qui me disait, à moi, misérable : Je suis la table, je suis la nourriture, et c'est la main du Saint-Esprit qui m'offre et me sert à ceux qui me goûtent véritablement; et je voyais l'accomplissement de cette [925] douce parole de la Vérité même: " Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. "

2. O très doux Père! combien étaient variés les fruits des vertus que les saints pratiquèrent en cette vie! Et chacun jouit maintenant avec les anges de la félicité suprême. Je voyais tellement la vérité, que mon âme confessait n'avoir jamais vraiment aimé; et je demandais par son intercession, en la présence de Dieu, qu'il nous revêtit du vêtement de la vérité. Je sentais un tel renouvellement dans mon Ame, que la langue serait incapable de l'exprimer. Hélas ! hélas! je ne veux dire autre chose si ce n'est que je prie cette douce lumière de nous conduire bientôt à la mort pour la vérité.

3. Vous me demandez d'écrire à Catherine et de venir bientôt, parce que Mme Agnès voulait faire son testament; soyez persuadé que si je n'ai pas écrit à Catherine et à mes autres filles bien-aimées, c'est que j'ai eu trop peu de temps; excusez-moi près d'elles, et bénissez-les toutes, de la part de Jésus-Christ et de la mienne, mille et mille fois.

4. Je vous annonce que l'honneur de Dieu gagne, parmi les supérieurs, plus que je ne l'ai jamais vu, et il me semble que Dieu veut nous donner de bons morceaux. Je vous dirai aussi que le monastère de Ripoli est sorti des mains du démon (Les religieux avaient sans doute violé l'interdit, à l'instigation des magistrats de Florence, et lis étaient ensuite rentrés dans le devoir.). Alessia, Catherine et Cecca, se recommandent bien à vous, comme le fait votre Catherine, l'esclave et la servante des serviteurs de Dieu [926].

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CLI (105). - A FRÈRE THOMAS DELLA FONTE, de l'Ordre des Frères Prêcheurs.- Quand elle était à Saint-Quirice, dans leur petit hospice. - Il faut s'unir à Dieu, et se transformer en lui par la volonté.

(Saint-Quirice est sur la route de Sienne à Rome. Les Dominicains et les Franciscains y possédaient un petit hospice depuis le XIIIe siècle.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







1. Très cher et très aimé Père de nos âmes dans le Christ Jésus, Catherine, Alessia et toutes nos autres filles se recommandent à vous, avec le désir de vous voir aussi sain d'âme et de corps qu'il plaira à Dieu. Moi, Catherine, la servante inutile de Jésus-Christ, votre fille, la dernière de vos filles, je suis bien peu affamée de l'honneur de Dieu, et je ne pense guère à la doctrine qu'il m'a souvent donnée. Je devrais vivre morte à ma volonté propre; et cette volonté, je ne l'ai pas soumise avec respect au joug de la sainte obéissance autant que je l'aurais dû et que je l'aurais pu. Hélas! que mon âme est à plaindre ! Je n'ai pas couru embrasser généreusement la Croix de mon très doux et très cher Epoux, Jésus crucifié; mais j'ai cherché mon repos par ignorance et négligence. Aussi je m'en repens, et j'en demande pardon à Dieu et à vous, mon très cher Père : je vous supplie de m'absoudre et de me bénir, moi et toutes les autres [927].

2. Je vous demande encore, mon très cher Père, de vouloir bien satisfaire le désir que j'ai de vous voir uni à Dieu, et transformé en lui; mais nous ne pouvons y parvenir si nous ne sommes pas unis à sa volonté. O très douce Bonté! vous nous avez enseigné le moyen de connaître votre sainte volonté; et si nous le demandons au très aimable Sauveur, au Père très clément, il nous répondra en nous disant: Si vous voulez connaître et sentir l'ardeur de ma volonté, faites en sorte d'habiter toujours la cellule de votre âme. Cette cellule est un puits et ce puits contient de l’eau et de la terre; par cette terre, mon Père bien-aimé, j'entends notre misère; nous devons reconnaître que nous n'avons pas l'être par nous-mêmes, mais que nous le tenons de Dieu. O ineffable et brûlante charité! l'eau vive, c'est la connaissance véritable de cette douce et sainte volonté, qui ne veut autre chose que notre sanctification. Entrons donc dans là profondeur de ce puits; et en y habitant, nous nous connaîtrons nécessairement nous-mêmes, et nous connaîtrons la bonté de Dieu. Et en connaissant notre néant, nous nous humilierons, nous nous abaisserons, et nous entrerons dans ce cœur enflammé, consumé, ouvert par cette blessure qui ne se ferme jamais; et en y fixant le regard de la volonté libre que Dieu nous donnera, nous connaîtrons et nous verrons que sa volonté ne veut autre chose que notre sanctification.

3. Amour, doux amour, agrandis, agrandis notre mémoire pour recevoir, pour contenir toute la bonté de Dieu, pour la comprendre; car en la comprenant, nous l'aimerons; en l'aimant, nous nous trouverons [928] unis, et transformés dans l'amour de la charité; nous passerons par la porte de Jésus crucifié, comme il l'a dit à ses disciples : " Je viendrai, et je ferai ma demeure avec vous. " Mon désir est de vous voir dans cette demeure et cette transformation; oui, c'est le désir de mon âme pour vous et pour toutes les créatures. Je vous conjure donc de rester attaché et cloué sur la Croix. Vous m'écrivez que vous avez été visiter le corps de sainte Agnès, et que vous nous avez recommandés à elle et à toutes ses religieuses; j'en suis vraiment bien consolée. Vous me dites que vous n'avez pas le désir de revenir, et que vous n'en savez pas la raison; je vous répondrai qu'il peut y en avoir deux raisons : l'une est que l’âme unie, transformée en Dieu, s'oublie elle-même avec toutes les créatures; l'autre est qu'on tombe quelquefois dans un lieu qui fait faire un retour sur soi-même. si ces deux causes se trouvent en vous, j'en serai très heureuse, car mon âme ne désire pas autre chose de vous. Mais j'ai cru bien souvent, et je crois encore que mn misère et mon ignorance sont cause de ce qui est arrivé; je crois que l'ineffable charité de Dieu veut châtier, et corriger mon iniquité, et il le fait par amour, pour que je me reconnaisse.

4. Il me semble que vous avez l'intention d'aller autre part; mon avis est que vous ne devez pas le faire avant d'avoir accompli la volonté de Dieu et la vôtre. Dieu vous donne à choisir le meilleur en ceci et dans toutes les autres œuvres, pour son honneur et pour le bien de votre àme. Que loué soit Jésus crucifié. Je vous recommande votre Catherine [928]; Alessia vous recommande de prier Dieu pour elle, et de la bénir de la part de Jésus crucifié. Priez Dieu pour Jeanne Pazza, et pour Catherine, la servante et l'esclave rachetée avec le sang du Fils de Dieu. pardonnez-moi, si je vous ai parlé avec présomption. Que Dieu vous consume d'amour. Doux Jésus, Jésus amour.

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CLII (106). - A FRÈRE THOMAS DELLA FONTE, de l'Ordre des Frères Prêcheurs, à Sienne.- De la joie au milieu des épreuves qui viennent du monde.
 
 

 QUE LOUÉ SOIT NOTRE DOUX SAUVEUR







 1. Mon très cher et très aimé dans le Christ Jésus, Catherine, la servante inutile, et votre fille indigne, se recommande à vous dans le précieux sang du Fils de Dieu. Je désire avec désir vous voir, mais non pas sans moi, attaché à l'arbre de la très douce et très aimable Croix. Oui, très cher Père, je ne vois pas d'autre consolation que de s'y consumer dans l'ardeur de l'amour. Là, les démons visibles et invisibles ne pourront pas nous enlever la vie de la grâce; car, élevés à cette hauteur, la terre ne pourra pas nous faire obstacle, comme l'a dit la Vérité même : " Lorsque je serai élevé en haut, j'attirerai tout à moi; " et il attire le cœur, l’âme, la volonté et toutes ses forces. Ainsi donc, mon doux Père, faisons là notre lit. Je me réjouis, et je suis dans [930] l'allégresse, de ce que vous me faites dire, en pensant que le monde nous est contraire: je me reconnais indigne d'une si grande miséricorde, puisqu'ils me donnent le vêtement qu'a porté notre très doux Père, le Fils de Dieu. Oui, mon cher Père, que c'est peu de chose ! si peu de chose, que ce n'est pour ainsi dire rien. O douce et éternelle Vérité! donnez-nous à manger de bons morceaux. Je ne puis plus que vous inviter de la part de Jésus crucifié d'approvisionner la barque de votre âme de foi et de faim. Le Maître a eu connaissance de votre lettre, et il a donné la réponse à son compagnon. Je ne sais si vous l'avez reçue de manière à pouvoir pacifier les choses.

2. Quant à lui, je vous dirai qu'il me semble meilleur qu'il soit reçu dans l'Ordre: ce sera un lien de plus pour lui; si c'est votre avis et celui du prieur, j'en serai très heureuse. Dites-lui qu'il n'hésite plus à prendre l'habit. Je prie notre doux Sauveur qu'il vous fasse faire ce qui l'honorera davantage.

3. Je crains de ne pouvoir être fidèle à l'obéissance; l'Archevêque a demandé en grâce au Général de me faire rester encore plusieurs jours. Priez ce vénérable Espagnol de ne pas nous faire revenir inutilement; je crois bien que Dieu nous en accordera la grâce. Bénissez-nous toutes, nous vous le demandons avec instance. Encouragez, et bénissez-nous de la part de Jésus-Christ, ma mère Lapa, Lisa, et tous vos fils et vos filles. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

CATHERINE, la servante inutile[931].
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CLIII (1). - A FRERE THOMAS DELLA FONTE, de l'ordre des Frères Prêcheurs, à Sienne. - Il faut se dépouiller de soi-même pour se revêtir Jésus crucifié.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







1. Mon très cher Père dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir entièrement dépouillé de vous-même, afin que vous vous trouviez parfaitement revêtu de Jésus crucifié. Pensez, mon doux Père, que nous serons privés de lui autant que nous nous garderons nous-mêmes. Combien donc devons-nous déraciner de nos âmes la volonté propre ! Nous devons la tuer, l'anéantir, parce qu'elle nous prive de ce riche vêtement, qui illumine l'âme, l'enflamme, la fortifie, et l'éclaire de l'éternelle Vérité. Il lui montre que tout ce qui arrive en cette vie est pour notre sanctification, et pour nous conduire à la vertu; il l’enflamme du désir de faire de grandes choses pour Dieu, de donner sa vie pour son honneur et pour le salut des âmes; il la fortifie, parce qu'il n'y a pas de lumière et de feu sans force. La lumière et l'amour supportent de grands fardeaux, la guerre, la paix, la tempête, le calme; ils acceptent aussi bien de la main droite que de la main gauche, autant l’adversité que la prospérité, parce que l'âme voit qu'elles procèdent l'une et l'autre de la même source, et vont au même but [932].

2. Oh ! qu'elle navigue avec courage l'âme qui s'est si bien dépouillée et si bien revêtue; elle ne peut vouloir et désirer autre chose que la gloire et la louange du nom de Dieu, qu'elle cherche dans le salut des âmes. Elle en fait sa nourriture; elle ne veut rien prendre que sur la table de la Croix, c'est-à-dire au milieu des peines, des mépris et des injures. Plus Dieu veut lui en accorder, plus elle se réjouit, quand elle voit qu'elle les souffre sans les mériter. Il est impossible d'arriver à cet état avec le poids de notre vêtement ; et c'est pour cela que je vous ai dit que je désirais vous voir dépouillé entièrement de vous-même, et je vous conjure de vous appliquer à le faire pour l'amour de Jésus crucifié. Nous avons reçu, le 13 juin, votre lettre... Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CLIV (108). - A FRÈRE THOMAS DELLA FONTE, de l'Ordre des Frères Prêcheurs, à Saint-Quirice. - Le sang de Jésus-Christ donne à l’âme la lumière et la force.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







 1. Très cher Père dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir baigné dans le sang de Jésus crucifié. Ce sang précieux enivre, fortifie, réchauffe l'âme il l'éclaire des rayons de la vérité [933], et l'empêche de tomber dans le mensonge. O sang qui fortifie l'âme, et lui ôte sa faiblesse! Cette faiblesse procède de la crainte servile, et la crainte servile vient du manque de lumière. L’âme est forte, parce que dans ce sang, elle est éclairée de la Vérité; elle comprend et voit avec l'oeil de l'intelligence que la Vérité suprême l'a créée pour lui donner la vie éternelle, à la gloire et à la louange de son nom. Qui nous montre qu'il en est ainsi? Le sang de l'Agneau sans tache ce sang nous montre que toutes les choses que Dieu nous accorde, les choses prospères et contraires, les consolations, les tribulations, la honte, le blâme, les mépris, les outrages, les injures, tout nous vient du feu de son amour pour accomplir cette Vérité première, pour laquelle nous avons été créés. Qui nous le prouve? Le sang. Car si Dieu avait voulu autre chose de nous, il ne nous eut pas donné son Fils, et son Fils ne nous eut pas donné sa vie.

2. Dès que l’âme, avec l'oeil de l'intelligence, a connu cette vérité, elle reçoit aussitôt la force qui la rend capable de supporter et souffrir de grandes choses pour Jésus crucifié; elle ne se refroidit pas, mais elle se réchauffe au feu de la divine charité, avec la haine et le mépris d'elle-même. Elle tombe peu à peu dans l'ivresse; car, comme l'homme ivre perd le sentiment de lui-même, elle n'a plus que le sentiment de Dieu; tout autre sentiment y est confondu. C'est ainsi que mon âme, enivrée du sang de Jésus-Christ, perd tout sentiment propre; elle est privée de l'amour sensitif, privée de la crainte servile; car là ou n'est pas l'amour sensitif, là n'est pas [934] la crainte servile. Elle se réjouit de la souffrance, et ne veut se glorifier qu'en la Croix de Jésus crucifié. C'est là sa gloire; toutes les puissances de l'âme sont concentrées sur son unique objet. La mémoire s'est remplie du Sang; elle l'a reçu avec reconnaissance, et dans ce sang se trouve l'amour divin qui chasse l'amour-propre. Elle aime les opprobres, et souffre des honneurs; elle aime la mort, et souffre de la vie. Comment s'est remplie la mémoire? avec les mains de l'amour et du saint désir. Cet amour lui vient de la lumière de l'intelligence qui connaît la vérité et la douce volonté de Dieu. O très cher Père, c'est ainsi que je veux que nous nous enivrions, et que nous nous baignions dans le sang de Jésus crucifié, afin que les choses amères nous paraissent douces, et les grands fardeaux légers. Des épines et des tribulations nous tirerons les roses, la paix, le repos. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CLV (109). – A FRERE BARTHELEMI DOMINICI, de l’Ordre des Frères Prêcheurs, pendant qu'il prêchait à Ascanio . - De la divine charité qui nous a créés et rachetés.

(Frère Barthélemi Dominici était de Sienne et un des confesseurs de sainte Catherine. Il remplit plusieurs charges importantes de son ordre, et écrivit sur le tiers ordre de Saint-Dominique un traité qui est joint aux constitutions des Frères Prêcheurs. Il fut témoin dans le procès de Venise et mourut à Rimini, le 3 juillet 1417, à l’âge de soixante-douze ans.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







1. Mon très aimé Frère dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de [935] Jésus-Christ, je vous écris et je vous encourage dans le précieux sang de Dieu, avec le désir de vous voir si enflammé et si anéanti dans le Christ Jésus, que vous vous perdiez entièrement vous-même. Mais je ne vois pas que vous puissiez le faire, si l'oeil de l'intelligence ne s'élève au-dessus de vous par un vrai désir, pour rencontrer le regard ineffable de la divine charité, que Dieu jette et a jeté sur sa créature, avant de la créer, lorsqu'il la voyait en lui-même. Il se passionna tellement pour elle, qu'il nous créa par amour, voulant que nous jouissions de ce bien qu'il avait en lui. Mais le péché d’Adam fut un obstacle a l'accomplissement de son désir. Alors Dieu, poussé par le feu de la divine chanté, envoya le doux Verbe son Fils incarné, pour racheter l’homme et le tirer de la servitude; et son Fils courut se livrer a la mort honteuse de la Croix. Il conversa avec les pécheurs, les publicains, les excommuniés, avec toutes sortes de personnes, parce que la charité n'a pas de bornes et de mesure; elle ne se voit pas elle-même, et ne cherche jamais son avantage. Et perce que le premier homme tomba de la hauteur de la grâce par l'amour de lui-même, il fallut que Dieu usât d'un moyen contraire, et il envoya cet Agneau sans tache, dont l'immense et ineffable charité ne cherchait uniquement que l'honneur de son Père et notre salut. O doux et généreux chevalier! vous n'avez tenu [936] compte ni de la mort ni de la vie, ni des outrages ; vous avez lutté corps a corps sur la Croix avec la mort du péché; la mort a vaincu la vie de votre corps, mais votre mort a détruit notre mort. Oui, sa mort a été cause que vous voyez, parce que son regard ne s'arrêtait que sur l'honneur de son Père; et il accomplit ainsi son désir en nous, car nous pouvons jouir de Dieu, qui est la fin pour laquelle il nous a créés.

2. O mon très cher et très doux Fils, je veux que vous deveniez semblable a ce Verbe, qui est notre règle, la règle des saints qui l'ont suivi; vous deviendrez ainsi une même chose avec lui, vous participerez a ses richesses et vous ne serez pas dans la pauvreté. Oui, je vous répète ce que je vous ai dit si votre âme ne se réveille pas et ne fixe pas son regard sur la bonté infinie de Dieu et sur l'amour qu'il témoigne a sa créature, elle n'arrivera jamais a cette générosité et a cette perfection, mais elle sera si étroite, qu'elle ne pourra contenir ni Dieu ni le prochain. Aussi je vous le dis, je veux que vous soyez anéanti et consumé en Dieu, suivant toujours les doux regards de sa charité, parce qu'alors vous aimerez parfaitement ce qu'il aime, et vous détesterez ce qu'il déteste. Repoussez donc les faiblesses de cœur et les égarements d'une conscience étroite; ne vous arrêtez pas aux suggestions coupables du démon, qui s'efforce d'empêcher tant de bien, et qui ne voudrait pas être chassé de cette ville qu'il possède. Je veux que vous agissiez avec un cœur généreux et un zèle parfait, comprenant bien que la loi de l'Esprit-Saint est différente de celle des hommes [937]. Imitez l'ardent saint Paul, et soyez un vase d'élection pour porter et répandre le nom de Jésus-Christ. Il me semble que Paul s'était contemplé dans ce regard, qu'il s'y était perdu, et qu'il y avait puisé tant de générosité, qu'il désirait et voulait être anathème pour ses frères (Rm 9,3). Paul s'était passionné pour ce que Dieu aime, et il voyait que la charité ne s'offense et ne se trouble jamais. Moïse ne pensait qu'à l'honneur de Dieu, et voulait être rayé du livre de vie plutôt que de voir périr son peuple (Ex 33, 32).

3. Aussi, je vous prie et je vous conjure de vous appuyer toujours sur le Christ Jésus, pour arracher les vices et planter les vertus, suivant la Vérité première et les saints qui ont suivi ses traces, ne mettant pas de bornes et de mesure au désir, qui doit être sans mesure, Pensez que vous êtes au milieu d'un peuple infidèle, excommunié, plein d'iniquités, et qu'il faut que, par la force de l'amour, vous preniez part à leurs faiblesses, parce que, je vous le dis, vous vous unirez ainsi à la charité et à eux par l'amour que vous avez de leur salut. Si nos rapports venaient de l'amour-propre, ou du plaisir spirituel ou temporel que nous y trouvons en dehors de cette faim, il faudrait les fuir et les craindre. Eloignez donc tout chagrin qui pourrait vous arrêter, et croyez plus les autres que vous-même; et si le démon veut troubler votre conscience, dites-lui qu'il vienne me demander des explications sur cela et sur d'autres choses; car une mère doit répondre pour [938] son fils. Ainsi donc, je veux que vous soyez plein de zèle; la charité vaincra tous les obstacles et vous fortifiera. Bénissez pour moi, mon Fils, le frère Simon, et dites-lui de courir avec le bâton du saint désir, avec le bâton de la Croix. Faites-moi savoir comment vous vous trouvez, et où en est l'honneur de Dieu. Alessia la puissante (Alessia grassotta. Alessia Saracini était une des plus fidèles compagnes de Sainte Catherine. L’épithète grassotta pouvait faire allusion à sa fortune. Cette lettre était sans doute écrite par Cecca, qui s’appelle perditrice di tempo.) vous demande de prier pour elle et pour Cecca, qui perd toujours le temps. Priez Dieu pour Lisa. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CLVI (110). - A FRÈRE BARTHELEMI DOMINICI, de l'Ordre des Frères Prêcheurs, à Asciano.- De la force et de l'abondance du Saint-Esprit nécessaires pour procurer le salut des âmes.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE.







1. Mon très cher et très aimé Fils en Jésus-Christ, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Dieu, je vous écris et je vous encourage dans le précieux sang de son Fils, avec le désir de voir en vous la force, l'abondance, la plénitude du Saint-Esprit, qui est descendu sur les disciples pour que la douce parole de Dieu puisse croître et fructifier en [939] vous et dans votre prochain. Car,dès que le feu de l'Esprit-Saint fut venu sur eux, ils montèrent à la tribune de l'ardente Croix, et là ils sentirent et goûtèrent la Faim du Fils de Dieu, et l'amour qu'il avait pour l'homme. Alors leurs paroles sortaient comme sort le glaive préparé dans la fournaise, et avec cette chaleur ils fendaient le cœur de ceux qui les entendaient; ils chassaient les démons et se sacrifiaient eux-mêmes, s'oubliant pour ne penser qu’à la gloire, à l'honneur de Dieu et au salut des âmes.

2. Vous aussi, mon Fils bien-aimé, je vous prie et je vous conjure dans le Christ Jésus, de vous reposer à la tribune de la Croix, de vous y perdre entièrement1 de vous y anéantir dans un insatiable désir. Tirez le glaive ardent, et frappez les démons visibles et invisibles, qui souvent veulent troubler votre conscience pour empêcher le fruit qui se fait dans la créature. N'écoutez donc pas cet esprit pervers, surtout maintenant qu'il faut semer et recueillir. Dites au démon qu'il dispute avec moi, et non pas avec vous. Oui, du courage; ne dormons plus, car le temps s'approche.

3. J'ai éprouvé une grande joie, parce qu'il me semble qu'il se fait beaucoup de bien. Frère Raymond m'a écrit de bonnes nouvelles qu'il a eues de messire Nicolas d'Osimo, sur l'affaire de la croisade (Lettres LXXXV et LXXXVI). Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que nos désirs s'accompliront. Je n'ai pas le temps de vous en écrire davantage. Nanni se porte très bien et est très content. Bénissez mon fils Simon dites-lui [940] qu'il ouvre la bouche du saint désir pour prendre le lait que sa mère lui enverra. Pensez à cette jeune fille qui vous fut recommandée dans le testament, et aussi à ma Sainte-Agnès (Sainte Catherine s’intéressait beaucoup au couvent de Sainte-Agnès de Montepulciano.), s'il se présentait l'occasion de donner. Alessia, et celle qui perd toujours beaucoup de temps, se recommandent beaucoup à vous. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CLVII (111). - A FRÈRE BARTHELEMI DOMINICI, de l'Ordre des Frères Prêcheurs, à Asciano. - Du sang de Jésus-Christ à la table de la très sainte Croix.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







1. Très cher et très aimé Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Dieu, je vous bénis et je vous encourage dans le précieux sang de Jésus-Christ. J'ai désiré avec désir faire la pâque avec vous avant de mourir. Cette pâque que je voudrais faire, c'est de nous voir à la table de l'Agneau sans tache, qui est à la fois la nourriture, la table et le serviteur. C'est sur cette table que sont les fruits des vraies et solides vertus. Toute autre table est sans fruit; mais celle-ci offre un fruit parfait, car il donne la vie. Cette table est toute percée de veines qui répandent le sang, et [941] parmi les veines, il y a un canal qui verse le sang et l’eau mêlés avec le feu; et l'oeil qui se fixe sur ce canal découvre le secret du cœur. Ce sang est un vin qui enivre l'âme; plus elle en boit, plus elle veut en boire, et jamais elle ne s'en rassasie, parce que le sang et la chair sont unis au Dieu infini. O mon très doux Fils dans le Christ Jésus, courons avec zèle à cette table; accomplissez mon désir en vous, afin que je fasse la pâque, comme je l'ai dit. Faites comme celui qui boit tant qu'il s'enivre et s'oublie lui-même; il ne se voit plus, et il se passionne tellement pour le vin, qu'il boit encore davantage, et son estomac s'échauffe tellement qu'il ne peut le retenir et qu'il le rejette.

2. Oui, mon Fils, la table où nous trouverons ce vin, c'est le côté ouvert du Fils de Dieu. C'est son sang qui réchauffe, qui détruit toute faiblesse; il rend claire la voix de celui qui an boit, il réjouit l'âme et le cœur, car ce sang a été répandu avec le feu de la divine charité; il excite tant l'homme, qu'il le met hors de lui-même, et il en arrive à ne pouvoir plus se voir pour lui-même; il se voit pour Dieu, il voit Dieu pour Dieu, et le prochain pour Dieu; et quand il a pris ce sang, il le répand sur la tête de ses frères, à l'exemple de Celui qui, sur cette table, le verse continuellement, non pour son utilité, mais pour la nôtre. Nous qui mangeons à cette table, devenons semblables à cette nourriture et faisons de même, non pour notre utilité, mais pour l'honneur de Dieu et pour le salut du prochain. C'est pour cela que vous êtes envoyé. Du courage donc, car le feu nous rendra la voix et détruira votre enrouement [942]. Si je le pouvais, je vous verrais bien volontiers; demandez à Jésus qu'il me fasse venir.

3. Dites à messire Béranger qu'il se fortifie dans le Christ Jésus, et qu'il pense à la brièveté du temps et au prix qui a été payé pour lui. J'irai le voir si je puis. Dites à frère Simon que je prendrai les liens de la charité, et que je l'attacherai à son sein comme une mère à son fils. Je suis consolée de ce prêtre, parce qu'il me semble avoir bonne volonté; menez-le aux Frères Olivétains, et faites-le recevoir le plus tôt que vous le pourrez. Soyez, soyez plein de zèle. Sœur Jeanne vous encourage et vous bénit. N'oubliez pas Jeanne, toute perdue et tout enivrée dans le feu du merveilleux Agneau. Lisa, Mme Alessia et Cecca se recommandent à vous mille fois. Loué soit Jésus, Jésus, Jésus.

Table des Matières









CLVIII (112).- A FRERE BARTHELEMI DOMINICI, de de l'Ordre des Frères Prêcheurs, à Asciano. - De la parfaite lumière, et de l'ardeur du Saint-Esprit.
 
 

 AU NOM DE JÉSUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







 1. Mon très cher et très aimé Frère et Fils dans e Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Dieu, je vous écris et je vous encourage dans le précieux sang de son Fils, avec le désir de voir s'accomplir an vous cette parole que notre Sauveur disait à ses disciples: "Vous êtes la [943] lumière du monde et le sel de la terre. Aussi mon âme désire d'un grand désir, vous voir le fils illuminé de la lumière et de l'ardeur, de l'Esprit-Saint, préparé avec le sel de la vraie connaissance et de la vraie sagesse, afin que vous chassiez avec un zèle parfait le péché et le démon des âmes ténébreuses des créatures. Mais je ne crois pas que vous puissiez le faire et accomplir mon désir, si, par un amour ardent et persévérant, vous ne vous approchez pas continuellement, et vous ne vous unissez pas sans négligence à la vraie lumière, à la sagesse, au feu, à l'ardeur de la divine charité, qui nous a été manifestée par l'union que Dieu a faite avec l'homme.

2. Je vous le dis, mon Fils bien-aimé, toute âme qui contemplera ce Dieu fait homme qui court à l'opprobre de la sainte Croix et qui verse l'abondance de son sang, ne pourra résister, et se remplira de l'amour véritable; il aimera la nourriture que Dieu aime; il aimera les âmes et s'en nourrira. Cette nourriture est si douce, si agréable, qu'elle engraisse l'âme, qui ne peut jamais s'en rassasier. Je vous dis que vos faibles dents se fortifieront là, et vous pourrez manger les gros et les petits morceaux. Appliquez-vous donc à faire généreusement toute chose, à chasser les ténèbres et à répandre la lumière, sans vous arrêter à notre faiblesse; mais pensez qu'en Jésus crucifié vous pouvez toute chose. Je serai toujours près de vous, et je ne m'en éloignerai jamais, au moyen de cette vue invisible que donne le Saint-Esprit; car je vois bien maintenant que je ne pourrai venir, si Dieu n'en dispose autrement.

3. Je serais venue bien volontiers ai Dieu l'avait [944] permis, soit pour son honneur, soit pour votre satisfaction ou la mienne, qui ait été bien grande; mais le temps est tout à fait à la pluie, et mon corps est bien accablé depuis plus de dix jours, tellement que je puis à peine aller à l'église le dimanche. Frère Thomas a eu compassion de moi, et a pensé que je ne devais pas me mettre en route, parce que je n'étais pas en état. Je ferai donc invisiblement tout ce que je pourrai, et soyez bien persuadé que, si Dieu m'avait ordonné de venir, je ne lui aurais pas résisté, et je l'aurais fait. Priez donc Dieu de faire ce qui l'honorera davantage. Tâchez que ceux dont vous me parlez se réconcilient avant votre retour; bénissez et encouragez toutes ces brebis affamées et altérées dans le Christ Jésus, messire Bérenger et l'autre famille; dites-leur à tous qu'ils fuient avec empressement les ténèbres, les embarras du monde et les iniquités du pêché mortel qui ôte la vie, mais qu'ils acquièrent la grâce et la lumière de l'Esprit-Saint. Bénissez frère Simon, mon Fils dans le Christ Jésus. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Dites à Néri qu'il s'applique à suivre les traces de Jésus crucifié. Alessia, Lisa et Gecca se recommandent à vous. Doux Jésus, Jésus amour [945].

Table des Matières









CLIX (113). - AU MEME FRERE BATHELEMI, quand il était à Asciano. - Du mépris de soi-même et de l'humilité de Jésus-Christ.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







1. Très cher et bien-aimé Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Dieu, je vous écris et vous encourage dans son précieux sang, avec le désir de vous voir un zèle ardent et une humilité profonde pour recevoir notre Roi, qui vient à nous dans son humilité et sa douceur assis sur une ânesse ( Zac 9,9). O ineffable et bien-aimée Charité ! vous confondez aujourd'hui l'orgueil humain en nous montrant le Roi des rois qui s'humilie sur cette pauvre bête, et qui est traité si simplement. Que ceux-là rougissent qui cherchent les honneurs et la gloire du monde! Allons, mon Fils bien-aimé, excitez le feu du saint désir, et détruisez toute froideur; montez sur l'ânesse de notre humanité, pour qu'elle n'aille jamais que conduite par la raison, et qu'elle ne recherche que l'honneur de Dieu et le salut des âmes. Je veux que vous le fassiez avec un grand zèle, en ressentant l'ardeur de notre Roi. De cette manière, nous triompherons de notre sensualité et de notre froideur avec un cœur généreux, et vous goûterez la véritable et tendre nourriture que le Fils de Dieu a mangée sur la table de la sainte Croix [946].

2. Vous le ferez, vous et Néri; et faites-le avec tout le zèle que vous pourrez, rendant gloire à Dieu, et travaillant avec foi pour le prochain; le Saint-Esprit accomplira ce qui vous paraissait impossible. Quant à vous assister, je le fais invisiblement par une prière continuelle pour vous et pour tout le peuple; et je le ferai visiblement, lorsqu’il me sera possible de le faire, et que Dieu le voudra. Pour le voyage de Sainte-Agnès, je ne vois pas le moyen d'y aller maintenant pour la fête, parce que je n'ai pas préparé ce que je voulais, si Dieu l’avait permis. Si vous voyez que l'honneur de Dieu le demande, ne craignez pas de rester un peu davantage. Faites ce qui est nécessaire avec joie, et soyez toujours plein d’ardeur. Dites au frère Simon, mon Fils dans le Christ Jésus, que le fils ne craint jamais d’aller trouver sa mère,et qu'il court surtout quand il se voit frappé. Et la mère le reçoit dans ses bras, le porte sur son sein, et le nourrit; et moi, quoique je sois une mauvaise mère, je le porterai toujours sur le sein de la Charité. Oui, du zèle, pas de négligence, et mon âme sera dans la joie devant Dieu. Je n'ai pas eu le temps de lui écrire; bénissez-le mille fois de la part du Christ Jésus. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Alessia, Cecca et moi nous nous recommandons bien à vous. Doux Jésus, Jésus amour [947].

Table des Matières









CLX (114). – A FRERE BARTHELEMI DOMINICI, de l’Ordre des Frères Prêcheurs, quand il était bachelier à Pise.- Il faut s’unir à Dieu, et se transformer en lui par un véritable amour.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







1. Mon très cher et très aimé Frère, et mon Père par respect pour le très saint Sacrement, Alessia, Catherine, et Catherine l'inutile servante de Jésus-Christ, se recommandent à vous, avec le désir de vous voir uni et transformé dans l'unique désir de Dieu. O feu très ardent qui brûlez toujours ! vous êtes véritablement un feu. Il me semble que la Vérité a dit : " Je suis le feu, et vous êtes les étincelles. " Il est dit que le feu veut retourner à son principe, et qu'il s'élève toujours en haut. Ineffable amour de la charité, qu'il est vrai de dire que nous sommes tes étincelles! et nous ne devons pas en être orgueilleux, car comme l'étincelle reçoit l'être du feu, nous recevons l'être de notre premier Principe qui nous dit: Je suis le feu, et toi l'étincelle; que ton âme ne s'élève pas avec orgueil, qu'elle fasse comme l'étincelle, qui monte d'abord, et descend ensuite. Le premier mouvement de notre saint désir doit être vers la connaissance de Dieu et son honneur; mais quand nous sommes montés, il faut descendre pour connaître notre misère et notre négligence. O vous qui êtes endormis, réveillez-vous, et nous deviendrons humbles dans l'abîme de sa charité [948].

2. 0 Charité, tendre mère! Il n'y a pas d'âme assez dure, assez engourdie, pour ne pas se réveiller, se fondre à l'ardeur de tant d'amour. Dilatez, élargissez votre âme pour recevoir le prochain par amour et par désir; mais je ne vois pas que nous puissions avoir ce désir, si notre regard ne se tourne comme celui de l'aigle vers l'Arbre de vie. O Jésus, très doux amour! vous avez dit : Veux-tu brûler pour mon honneur et pour le salut des créatures, veux-tu être fort pour supporter toutes les tribulations avec patience? Regarde-moi, moi l'Agneau immolé sur la Croix pour toi; comme le sang m'a couvert de la tête aux pieds, et on ne m'a pas entendu proférer une seule plainte. Je ne me suis pas arrêté à ton ignorance et à ton ingratitude; la faim que j’avais de toi m'avait rendu comme insensé, et je n'en ai pas moins opéré ton salut.

3. 0 mes très chers et très aimés Frères, sortons, sortons de tant de négligence, et courons avec zèle en mourant à nous-mêmes, et que l'ingratitude des créatures ne nous arrête pas. Semez, semez la parole de Dieu, et faites valoir les talents qui vous sont confiés. Dieu ne vous a pas confié qu'un seul talent; il vous en a confié dix à vous et au prochain; ce sont les dix commandements qui sont la vie de votre âme. Appliquez-vous à les faire valoir; n'oubliez pas d'habiter saintement la cellule de votre âme et de votre corps. Dites-le à frère Thomas et à nos autres frères. Je vous conjure d'être pleins de zèle; le temps est court et le chemin est long. Je ne suis qu'une pauvre misérable, et mes péchés se sont tellement multipliés, que depuis votre départ, je n'ai pas été [949] digne de recevoir l'auguste et doux Sacrement. Je vous le dis pour que vous m'aidiez à gémir; demandez que je sois secourue, afin que je reçoive la plénitude de la grâce. Pardonnez, mon Père, à mon ignorance, et recommandez-moi en célébrant la sainte messe; je recevrai de vous spirituellement le doux corps du Fils de Dieu.

4. Moi, soeur Alessia (Sœur Alessia avait servi de secrétaire à sainte Catherine; elle termine la lettre en son nom.),je vous conjure de demander au doux Agneau qu'il me fasse vivre avec vous, et me transforme dans l'amour de Dieu et dans la connaissance de moi-même. Je me recommande à vous mille fois. Je m'étonne que vous ne nous ayez pas donné de vos nouvelles, comme je vous en avais prié; d'après ce que j'ai entendu dire, il y aurait beaucoup de mortalité. Recommandez-moi à frère Thomas. S'il y a de la mortalité, et si c'est l'avis de frère Thomas, vous pourriez venir tous les deux. Je termine. Je vous recommande votre frère Thomas, ainsi que vos autres frères et soeurs ou filles. Je vous prie d'écrire une lettre à dame Gemmina, car vous méritez des reproches de ne lui avoir pas donné signe de vie depuis votre départ. Que loué soit Jésus crucifié! Aimez-vous, aimez-vous les uns les autres [950].

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CLXI (115). - AU FRERE BARTHELEMI DOMINICI, de l'Ordre des Frères Prêcheurs, lorsqu'il était lecteur à Florence. - De l'amour et des bienfaits de Dieu.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIÉ ET DE LA DOUCE MARIE







1. Mon très cher et très aimé Père par respect pour le très doux Sacrement, et mon Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris et vous encourage dans son précieux sang, avec le désir de vous voir brûlé, embrasé, consumé dans son ardente chanté, sachant que celui qui est brûlé et consumé par cette charité ne se voit plus lui-même; c'est ce que je veux que vous fassiez. Je vous invite à entrer dans un océan paisible et profond par cette très ardente charité. Voici ce que j'ai trouvé de nouveau, non pas que cet océan soit nouveau, mais ce qui est nouveau, c'est le sentiment de mon âme à cette parole: Dieu est amour. Comme un miroir représente le visage de l'homme, et le soleil sa lumière sur toute la terre, cette parole montre à mon âme que toutes ses œuvres sont tout amour; car elles viennent uniquement de l'amour, et il le dit lui-même : Je suis Dieu amour.

2. De là naît une lumière qui éclaire le mystère ineffable du Verbe incarné. Car c'est par la force de l'amour qu'il s'est donné avec une humilité si grande qu'elle confond mon orgueil, et qu'elle apprend à ne pas nous arrêter à ses œuvres, mais seulement à [951] l'amour enflammé du Verbe qui s'est donné à nous. Il nous dit de faire comme celui qui aime quand l'ami lui apporte un présent, il ne regarde pas la main pour ce qu'elle donne, mais il ouvre l'oeil de l'amour, et il regarde le cœur et l'affection; c'est ce que nous devons faire quand l'éternelle et souveraine Bonté visite notre âme; elle la visite par d'immenses bienfaits. Faites aussitôt que la mémoire reçoive ce que l'intelligence comprend dans la divine charité. Que la volonté s’excite par d'impétueux désirs à recevoir et à contempler le cœur consumé du doux Jésus; vous serez délivré de tout chagrin et de toute peine. Ce fut ce qui consola les saints disciples, lorsqu'ils furent obligés do quitter Marie, et do se séparer les uns des autres pour semer la parole de Dieu, et ils le firent avec joie. Courez donc, courez, courez.

3. Quant à l'affaire de Benincasa, je ne puis répondre si je ne suis pas à Sienne. Remerciez messire Nicolas de la charité qu'il a eue pour eux. Alessia, Cecca et moi nous nous recommandons mille fois à vous dans notre misère. Dieu soit toujours dans votre âme ! Amen, Jésus, Jésus.

CATHERINE, la servante des serviteurs de Dieu [952].

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CLXII (116)- A FRÈRE BARTHELEMI, de l'ordre des Frères Prêcheurs, à Florence. - Comment l'âme qui aime Dieu triomphe de toute adversité et de toute tentation.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







1. Mon très cher et très aimé Frère et Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Dieu, je vous écris et je vous encourage dans le précieux sang de son Fils, avec le désir de vous voir anéanti et embrasé dans le feu de l'ardente charité de Dieu, dépouillé de votre mauvais vêtement, et vêtu, couvert du feu de l'Esprit-Saint. Ce vêtement est si fort et si solide, que le cœur qui en est revêtu ne mollit et ne faiblit jamais; et il est capable de supporter les coups et les persécutions du monde, du démon et de la chair, qui ne peuvent. l’atteindre intérieurement, perce que le vêtement de la charité résiste. L'amour, c’est-à-dire l'Esprit-Saint, triomphe de tout; il est la lumière qui chasse les ténèbres, il est la main qui soutient le monde.

2. Je me souviens qu'il y a peu de temps, il me disait: " Je suis Celui qui soutient et gouverne le monde; je suis le médiateur qui unit la nature divine à la nature humaine, je suis la main puissante qui tient l'étendard de la Croix, et qui en a fait un lit où est attaché et cloué l'Homme-Dieu. Et sa force est si grande que si le lien de la charité, le feu de l'Esprit-Saint, ne l'eût pas attaché, les clous eussent [953] été insuffisants pour le retenir. O doux Amour, ineffable Charité ! vous êtes le ministre et le serviteur des plus viles créatures. Quel cœur pourra se défendre de se dépouiller du vêtement du vieil homme, du vêtement de l'amour-propre, et ne courra pas à un tel foyer pour revêtir l'homme nouveau! Hélas ! les coeurs tièdes, froids et négligents ne le feront pas, et cela vient de la racine mauvaise de l'amour-propre. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir anéanti et revêtu de la force et de la plénitude de l'Esprit-Saint, perce que l'âme qui a détache son affection d'elle-même, et qui la perd dans le désir parfait de Dieu, ne tombe pas dans ce défaut, et en est délivrée.

3. Je vous prie donc, mon cher Fils, puisque l'Esprit l'a dit, de porter généreusement le vêtement puissant qui résiste à tous les coups. O amour! le Verbe s'est donné en nourriture, et le Père est le lit ou l'âme se repose par l'amour. Rien ne nous manque donc ; ce vêtement de feu nous préserve du froid, cette nourriture nous empêche de mourir de faim, et ce lit nous défend contre la fatigue. Soyez, soyez passionné pour Dieu; dilatez votre âme et votre conscience en lui. Ne vous contentez pas de prendre le strict nécessaire, puisque nous voyons que sa générosité est si grande. Nous sommes des pèlerins, et le Verbe incarné nous accompagne dans notre pèlerinage; il se donne à nous en nourriture pour nous faire avancer avec courage; et il est de si bonne compagnie à l'âme qui le suit, qu'au moment de la mort, il nous fait trouver notre repos dans la mer pacifique de la divine Essence, où nous recevrons [954 l'éternelle vision de Dieu. Il me semble que c'est ce qu'a voulu dire la douce Vérité sur l'arbre de la très sainte Croix, lorsque le Christ disait : In manus tuas Domine, commendo spiritum meum, Seigneur, je remets mon esprit en vos mains.

4. O doux Jésus! vous étiez dans le Père, et non pas nous; car nous étions des membres corrompus, privés de la grâce par le péché; et vous parliez pour nous, parce que dans votre union intime avec l'homme, qui était devenu une même chose avec vous, vous regardiez comme à vous ce qui était à nous, ô Feu d'amour! Je ne veux pas en dire davantage; car je ne cesserais pas jusqu'à la mort, tant que je ne verrais pas votre cœur se briser. J'ai reçu votre lettre, et j'ai compris ce que vous me disiez du doute que vous avez, et bientôt Dieu nous fera la grâce d'en causer ensemble. Je suis persuadée que la divine Providence ne vous fera pas rester sans fruit; vous obtiendrez ce fruit abondamment à votre insu, et par une humilité profonde. Je veux que vous le fassiez, et je vous le demande avec tendresse comme à un fils; et moi, votre pauvre et misérable mère, je vous offrirai et je vous présenterai au Père, le Dieu éternel. Si jamais j'ai été affamée de votre âme, c'est bien surtout aujourd'hui. Vous avez pu vous en apercevoir à Pâques, et c'est tous les jours Pâques maintenant; vous ne pouvez être sans moi, car je suis continuellement près de vous pour le saint désir.

5. Quant au voyage de Rome, je crois que Dieu vous fera la grâce d'y aller, car je vois la volonté de frère Thomas incliner de ce côté. Notre Christ sur [955] terre vient prochainement, comme je l'ai appris; c'est pourquoi je vous prie et je vous conjure de venir le plus tôt possible. Vous m’avez fait savoir que messire Nicolas était mort, ainsi que Mme Lippa; et j'en ai eu grande joie, parce que tout s'est fait par la Providence de Dieu. Sachez si Mme Lippa laisse quelque chose par testament, et si vous pouvez obtenir quelque secours pour sainte-Agnès; travaillez-y, car il y a de grands besoins. J'ai écrit à Monabilia et à Madeleine; l’Evêque ne m'a pas répondu. Je vous prie d'aller le trouver; forcez-le à faire ce que je lui demande, et qu'il vous donne tout ce qu'il peut vous donner; prenez, car il y a de pressantes nécessités. Parlez également à Nicolas Soderini le plus tôt que vous le pourrez, et faites en sorte qu'ils donnent. Dites à Élisabeth, à Christophana et à toutes les autres, qu'elles prennent mille fois courage dans le Christ Jésus, qu'elles courent généreusement à la suite du doux Époux, le Christ Jésus. Priez-les de me pardonner d'avoir oublié la manne que je leur avais promise. Dites à Nicolino Strozzi qu'il avance de vertu en vertu, car celui qui n'avance pas recule; encouragez-le beaucoup de ma part. Vous savez que le jour où Dieu a épousé le genre humain avec sa chair, nous avons été de nouveau lavés dans le Sang et unis à sa chair. Anéantissez-vous, consumez-vous dans le feu du saint désir. Demeurez dans la sainte dilection de Dieu. Alessia, Catherine et moi, la pauvre Cecca, nous nous recommandons bien à vous. Jésus, Jésus ! Catherine, la servante inutile des serviteurs de Dieu, frère Raymond et frère Thomas se recommandent à vous [957].

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CLXIII (117).- FRERE BATHELEMI DOMINICI, et à FRERE THOMAS D’ANTONIO, de l’Ordre des Frères Prêcheurs, quand ils étalent à Pise.- Il faut s’anéantir dans le sang de Jésus-Christ pour faire de grandes choses en l'honneur de Dieu.

(Frère Thomas d’Antonio est le même frère Thomas Caffarini dont nous avons parlé. Lettre CXLVIII page 387.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







1. Mes très chers et très aimés Pères, par respect pour le très doux Sacrement, et mes bien aimés Frères dans le très précieux et très généreux Sang, votre très cher Père et vos Frères vous envolent mille saluts, vous encouragent et vous bénissent dans cette ardente Charité qui a tenu attaché et cloué le Christ sur la Croix. O Feu, abîme de charité ! vous êtes un feu qui toujours brûle et ne se consume jamais; vous êtes plein de joie, de douceur, de félicité. Pour le cœur blessé de cette flèche, toute amertume paraît douce, tout fardeau devient léger. O doux Amour ! qui nourrit et engraisse notre âme ! Nous disions qu'il brûlait sans consumer; mals il faut dire qu'il brûle, consume, détruit tous les défauts, toute l'ignorance, toutes les négligences qui sont dans l'âme; car la charité n'est point oisive, mais elle opère de grandes choses. Pour moi, Catherine, la servante inutile, je me meurs de désirs, en considérant le fond de mon âme, dans les gémissements [957] et la douleur, perce que je vois et je sens notre ignorance, notre négligence, notre refus d'aimer Dieu, lorsqu'il nous accorde tant de grâces avec tant d'amour.

2. Ainsi donc, très chers Frères, ne soyez pas ingrats et oublieux; car la source de la piété pourrait bien se tarir en vous. O négligents! négligents! sortez de ce coupable sommeil! Allons, et recevons notre Roi, qui vient à nous avec humilité et douceur, à nous, orgueilleux! Voici le maître de l'humilité qui vient assis sur une ânesse. Notre Sauveur a voulu nous apprendre une des raisons qui l'ont fait venir ainsi c'était pour nous faire comprendre que, comme il a pris notre humanité à cause du péché, il faut prendre l'ânesse de notre humanité, la monter et nous en rendre maître, à son exemple. Et il n'y a vraiment entre nous et la bête aucune différence, puisque par le péché la raison devient animal. O Vérité ancienne ! qui nous avez enseigné le moyen! Je veux, a-t-elle dit, que tu montes cette ânesse et que tu te possèdes toi-même dans l'humilité et la douceur. Mais comment monterons-nous, très doux Amour? Avec la haine de la négligence et l'amour de la vertu.

3. N'en disons pas davantage, car nous aurions trop de choses à dire, et je ne le peux pas; mais faisons cela, mes Fils et mes Frères; le canal est ouvert et se répand. Nous avons besoin d'approvisionner la barque de notre âme; allons puiser à ce doux canal, c'est-à-dire au cœur, à l'âme, au corps de Jésus-Christ. Il répand ses largesses avec tant d'amour, que nous pourrons remplir abondamment [958] nos âmes. Je vous le dis, hâtez-vous de regarder à la fenêtre, car la souveraine Bonté a préparé les moyens et les circonstances pour faire de grandes choses. Aussi, je vous ai dit d'être pleins de zèle pour augmenter en vous le saint désir; et ne vous contentez pas de petites choses, car Dieu en veut de grandes. Je vous annonce que le Pape envoie ici un de ses vicaires c'est le père spirituel de cette comtesse qui est morte à Rome, et il a refusé d'être évêque par vertu (Il s’agit du saint ermite espagnol Alphonse de Vadadatera, qui fut confesseur de sainte Brigitte. Sainte Brigitte mourut à Rome le 23 juillet 1373. (Voir Gigli, t. I, page 692.). il est venu me trouver de la part du Saint-Père, en me disant que je devais prier particulièrement pour lui et la sainte Eglise, et, pour signe de sa mission, il m'a apporté la sainte indulgence plénière. Réjouissez-vous donc et soyez dans l'allégresse, parce que le Saint-Père a commencé à tourner ses regards vers l'honneur de Dieu et la sainte Église. Lorsque vous verrez le jeune homme qui vous remettra cette lettre, ajoutez foi à tout ce qu'il vous dira. Il a un grand désir d'aller au Saint Sépulcre, et il va maintenant trouver le Saint-Père pour lui et pour quelques personnes religieuses et séculières.

4. J'ai écrit une lettre au Saint-Père (Cette lettre écrite à Grégoire XI a été perdue.), et je le conjure, par l'amour du très doux Sang. de nous permettre de livrer nos corps à toutes sortes de tourments. Priez l'éternelle et souveraine Vérité que, si le bien le demande, sa miséricorde nous fasse cette grâce, à nous et à vous, afin que nous puissions [959] donner notre vie pour lui en bonne compagnie. Je suis persuadée que, si c'est le meilleur, Dieu nous l'accordera. Je ne vous en dis pas davantage. Alessia se recommande à vous mille fois, avec le désir de vous retrouver et de vous voir embrasés d'une ardente charité; elle s'étonne beaucoup de ce que vous ne lui avez pas encore écrit. Que Dieu nous conduise dans le lieu où nous nous verrons face à face avec notre Dieu.

5. Alessia la négligente voudrait bien s'envelopper dans cette lettre pour pouvoir vous visiter. Mme Giovanna vous envoie mille bénédictions, et vous prie de vous souvenir d'elle en présence de Dieu. Jésus, Jésus, Jésus, Moi, Catherine, la servante inutile de Jésus-Christ, je vous encourage et je vous bénis mille fois. - CATHERINE. - Marthe vous supplie de prier Dieu pour elle. Recommandez-nous à frère Thomas, à votre prieur et à tous les autres. Doux Jésus, Jésus amour.

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CLXIV (118).- A FRERE THOMAS D'ANTONIO, de Sienne, de l'Ordre des Frères Prêcheurs. - Des conditions d'une bonne prière.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE







 1. Mon très cher Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir mourir de cette mort qui [960] donne la vie et la grâce à l'âme, c'est-à-dire de la peine que causent l'offense de Dieu et la perte des âmes. Je veux que cette douce peine augmente continuellement en vous; elle vient de la douleur de la charité divine. Loin d'affecter l'âme, elle l'engraisse, perce que la compassion la fait tenir continuellement en la présence de Dieu, par une humble et fidèle prière, pour lui demander le salut du monde entier, pour le supplier d'éclairer l'aveuglement de ceux qui sont ensevelis dans la mort du péché mortel, et de rendre parfaits ses serviteurs. Cette prière est humble, perce qu'elle vient de la connaissance que l'homme a de lui-même; il voit qu'il n'aurait pas l'être si Dieu ne l'avait pas fait et créé. Elle est continuelle, parce qu'elle vient de la connaissance de la bonté de Dieu à son égard ; il voit que Dieu agit continuellement en lui, en le comblant de grâces et de bienfaits. Elle est fidèle, parce qu'il espère en vérité; il croit avec une foi vive et ferme que Dieu sait, peut et veut exaucer nos justes demandes, et nous donner les choses nécessaires à notre salut. C'est cette prière qui vole et arrive jusqu'à l'oreille de Dieu, et qui est toujours écoutée; mais je ne vois pas qu'elle puisse être faite par un cœur froid. Aussi, je vous disais que je désire vous voir mourir de ce violent désir que l'âme a pour Dieu. Oui, mon très cher Fils, souffrons de tous les besoins que nous voyons dans la sainte Eglise. Que votre désir gémisse sur ces morts, et ne cessons pas jusqu'à ce que Dieu jette sur eux un regard de miséricorde.

2. Le Saint-Père Urbain VI m'a accordé une indulgence [961] plénière pour vous et pour plusieurs autres, à la condition que, dans les confessions et les prédications, vous engagerez le peuple à faire tout son possible pour que la Commune rende ce qui est dû au Saint-Père, et l'aide dans une si grande nécessité. Vous y êtes obligé, vous et tous les autres frères auxquels l'indulgence est accordée. Annoncez donc courageusement la vérité. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CLXV (119). - A FRÈRE NICOLAS DE MONTALCINO, de l'Ordre des Frères Prêcheurs. - Les traces de Jésus-Christ sont les épreuves supportées pour son amour. - La croix sert d'échelle pour arriver à la charité parfaite.

(Frère Nicolas de Montalcino fut un religieux d'une grande vertu. Il mourut en 1398, et on lui donna dans son ordre le titre de bienheureux.)
 
 

AU NOM DE JÉSUS CRUCIFIÉ ET DE LA DOUCE MARIE







1. Mon très cher et très aimé Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir assis à la table de la très sainte Croix, où se trouve l'Agneau sans tache qui s'est fait la nourriture, la table et le serviteur. En voyant que l'âme ne peut se réjouir et se rassasier d'une autre nourriture, je dis qu'il faut [962] aller par la voie qu'il a montrée lui-même. Et quelle a été cette voie? Ce fut ce dont il s'est nourri, les peines les opprobres, les affronts, les outrages jusqu'à la mort honteuse de la Croix. Nous devons y monter pour nous unir à notre objet. C'est ce que fait l'âme lorsqu'elle a vu la voie tracée par son Maître. Oh! qui pourra comprendre cet amour si parfait qui lui a fait faire de lui-même, c'est-à-dire de son corps, une échelle pour nous retirer des peines et nous procurer le repos?

2. O mon Fils bien-aimé! qui ne sait que les commencements de la route sont fatigants? Mais quand on est arrivé aux pieds de l'affection, de la haine et de l'amour, toute chose amère devient douce; car le premier échelon du corps de Jésus-Christ sont les pieds. C'est ce qu'il a enseigné une fois à une des servantes (Dialogue, XXVI-LIX) . " Ma fille, disait-il, élève-toi au-dessus de toi-même, et monte en moi. Pour que tu puisses monter, je t'ai fait une échelle, lorsque j'ai été cloué sur la Croix oui, monte d'abord aux pieds, c'est-à-dire à l'affection et au désir : car, comme les pieds portent le corps, l'affection porte l'âme. A ce premier degré tu te connaîtras toi-même. Tu arriveras ensuite à l'ouverture de mon côté, et par cette ouverture je te montrerai mon secret ; tu verras que ce que j'ai fait, je l'ai fait par amour. Votre âme s'y enivrera, vous goûterez dans la paix l'Homme-Dieu, et vous trouverez l'ardeur de la divine charité. Vous connaîtrez l’infinie bonté de Dieu, et quand nous nous connaîtrons nous-mêmes, quand nous connaîtrons [963] sa bonté,nous arriverons à la paix de la bouche. L'âme goûte alors une telle paix, un tel repos; elle est élevée si haut, qu'aucun malheur qui arrive ne peut l'atteindre. Jésus est le doux lit ou l'âme se repose, C'est pourquoi je vous ai dit que je désirais vous voir assis a la table de la très sainte Croix.

3. Courage, mon Fils; ne soyons plus négligents, car le temps des fleurs est venu. Ayez un grand soin de vos brebis,et ne vous éloignez pas. a moins que l'obéissance ne vous y oblige. Dites à ces dames qu'elles se reposent sur la Croix avec leur Epoux, Jésus crucifié. Dites a frère Jean de s'abandonner et de s'étendre sur la Croix pour le Christ. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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