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Sainte Catherine de Sienne
Lettres 262 à 290




CCLXII (254).- AU MEME ETIENNE DE CORRADO MACONI, pauvre de toute vertu, lorsqu’elle était à Florence. — Elle l’exhorte à souffrir avec une sainte patience.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de [1366] Jésus-Christ, je t’écris dans son, précieux sang, avec le désir de te voir souffrir avec une vraie et sainte patience, afin que tu creuses ce solide fondement que doivent avoir les vrais serviteurs de Dieu. Car dès qu’ils sont décidés à servir Dieu, ils sont décidés aussi à souffrir jusqu’à la mort pour la gloire et la louange de son nom. Ils s’éloigneraient autrement de la voie, et ne suivraient pas la doctrine de la douce Vérité. O très cher Fils, combien il te sera doux de te voir arrivé au terme tant désiré ! Que l’espérance te fasse souffrir sans ennui et sans trouble, mais avec une respectueuse résignation, avec une foi vive, croyant fermement que, quand Dieu verra que tu souffres pour son honneur et pour ton salut, sa bonté te donnera une autre vie.

2. Remplis avec respect tes devoirs envers ton père et ta mère, honore Dieu et travaille pour eux. C’est maintenant que s’acquièrent les vertus; et, afin de mieux souffrir, baigne-toi dans le sang de Jésus crucifié; c’est là qu’il faut noyer et détruire ta volonté. Je ne t’en dis pas ici davantage. Je te prie, si tu le peux sans scandale et si la voie est sûre, d’aller jusqu’à… Donne-lui cette lettre, aide-le aussi bien que tu le sauras et le pourras, dirige-le, etc. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1367].

Table des matières (2)





CCLXIII.- A ETIENNE DE CORRADO MACONI.- De la cité de l’âme, qui a trois portos, la mémoire, l’intelligence et la volonté.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir bien garder la cité de ton âme. O très cher Fils ! cette cité a bien des portes. Les trois principales sont la mémoire, l’intelligence et la volonté. Notre Créateur permet que toutes ces portes soient attaquées, et quelquefois ouvertes de force, excepté une seule, qui est la volonté. Il arrive souvent que l’intelligence ne voit que ténèbres; la mémoire est remplie de choses frivoles et passagères, de pensées confuses et déshonnêtes; et aussi tous les mouvements du corps sont déréglés et portés au mal; il est évident qu’aucune de ces portes n’est vraiment en notre pouvoir. Nous ne sommes maîtres que de la seule porte de la volonté, que garde le libre arbitre; et cette porte est si solides que ni les démons ni les créatures ne peuvent l’ouvrir, si celui qui la garde n’y consent pas et n’ouvre pas la porte à ce que la mémoire, l’intelligence et les autres portes ont laissé pénétrer. Notre cité sera ainsi toujours franche. Reconnaissons donc, mon Fils, reconnaissons un si grand bienfait, une si grande charité, que nous avons [1368] reçue de la Bonté divine, en nous assurant la libre possession de cette noble cité.

2. Appliquons-nous à faire bonne et fidèle garde; mettons à côté du libre arbitre le chien de la conscience lorsque quelqu’un viendra à la porte, il réveillera la raison en aboyant, pour qu’elle reconnaisse si c’est un ami ou un ennemi ; et alors la garde fera entrer les amis, en accomplissant les saintes et bonnes inspirations; elle chassera les ennemis, en fermant la porte de la volonté et en ne consentant pas aux pensées mauvaises qui se présentent tous les jours; et quand le Maître te demandera la ville, tu pourras la lui rendre libre et ornée des vraies et solides vertus obtenues par sa grâce. Je ne t’en dis pas davantage. Comme Je l’ai écrit, le premier jour de ce mois, dans ma lettre adressée à tous mes fils, nous sommes arrivés en paix et heureusement, le premier dimanche de l’Avent (Cette lettre est sans doute écrite de Rome, où sainte Catherine arriva le 28 novembre 1378. La lettre dont elle parle est peut-être la CCLVI, adressée à Sano de Maco). Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1369].

Table des matières (2)





CCLXIV (256).- A ETIENNE DE CORRADO MACONI.- De la connaissance de Dieu et de soi-même.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir hors des mains de tes ennemis. Il me semble, si je ne suis pas dans l’erreur, que la divine Bonté fait déjà apparaître l’aurore, et j’espère que bientôt viendra le jour, et que le soleil paraîtra. D’après ce que tu m’as écrit, tu as été fait prisonnier, non pendant la nuit, mais pendant le jour; puis, grâce à la clémence du Saint-Esprit, l’aurore s’est levée dans le cœur de ces démons incarnés, et tu as été délivré (La lettre de sainte Catherine à Sano de Maco (CCLIV) et à ses autres fils, parle d’un ami fait prisonnier, après la conclusion de la paix à Florence. Cet ami doit être Etienne Maconi. Burlamachi n’a pas remarqué le rapport qu’il y a entre ces deux lettres.). Pense, très doux Fils, que pendant que tu resteras dans la nuit de la vraie connaissance de toi-même, tu ne seras jamais captif; mais si la volonté propre voulait passer au jour de l’amour sensitif, ou si l’âme voulait jouir du jour de la connaissance de Dieu avant d’avoir été dans la nuit de la connaissance de soi-même, elle serait prise par ses ennemis. Il n’est pas douteux que si l’âme ne se [1370] tient pas avec un ardent désir dans la connaissance de soi-même et de la bonté de Dieu à son égard, elle se trouvera bientôt enchaînée par les ennemis de Dieu. aussitôt l’ennemi de la présomption viendra avec les liens de l’orgueil, avec les passions, les délices, les honneurs du monde; le démon et la chair te feront prisonnier. Je veux donc que tu te reposes le jour et la nuit dans la connaissance de toi-même en Dieu, et de Dieu en toi.

2. Alors tu trouveras que, quand même tes ennemis t’enchaîneraient et obscurciraient de pensées confuses ton cœur, l’aurore paraîtrait cependant; il te serait dit intérieurement, et tu dirais toi-même: Reste en paix et repose-toi sur la table de la Croix. ou tu trouveras la paix et le repos, au milieu même des tempêtes. Quelle paix n’avez-vous pas goûtée lorsque vous étiez des agneaux au milieu des loups, et qu’ils vous dirent: Allez en paix ! Vous étiez encore en guerre, et vous avez goûté la paix quand vous les avez entendus. Songe qu’il en sera ainsi de ton âme, assaillie par des pensées tumultueuses. Si elle se conforme à la volonté de Dieu, en voyant que son amour les envoie pour rendre plus parfaite sa sollicitude, et plus sincère son humilité, elle y trouvera la paix, même lorsqu’elle sera encore dans le temps de la guerre.

3. Maintenant, puisque le doux Epoux éternel vous a délivré miraculeusement et vous a tiré de leurs mains, mon âme désire et lui demande qu’il vous délivre de vos autres ennemis, qui sont plus grands et plus cruels que les autres : ceux-là étaient les ennemis du corps, mais ceux-ci sont les ennemis de [1371] l’âme. Car il est bien vrai que les serviteurs de l’homme selon le monde, sont nos ennemis, surtout ceux qui nous approchent le plus; et qui ne pensent qu’à leur intérêt. Quand tu seras délivré de leur captivité, alors le soleil se lèvera; maintenant tu n’es qu’à l’aurore, et tu ne peux pas encore bien discerner et goûter la vertu, parce que tu n’es pas arrivé à la grande lumière du soleil, où tu seras libre de tes ennemis. Mais je veux, très cher Fils, que tu prennes courage dans le temps de l’aurore, parce que viendra bientôt le temps du soleil, ou nous entendrons cette douce parole: " Laisse les morts ensevelir les morts, et suis-moi (Mt 8,22.- Sainte Catherine annonce ainsi ce qu’Etienne Maconi devait faire après sa mort.). " Je ne t’en dis pas davantage sur ce sujet. Plonge-toi dans le sang de Jésus crucifié, afin que les ennemis ne te trouvent plus. Il ne faut pas dormir dans le lit de la négligence, de peur qu’ils ne reviennent sur-le-champ et qu’ils ne te lient davantage. Je te réponds, au sujet de la messe, que vous avez bien fait de ne pas y aller. Quant à vous être faits les familiers de messire Jacomo, si je l’avais su, vous ne l’auriez pas fait, mais vous vous seriez humiliés et vous auriez obéi, attendant avec patience le moment de la paix. Maintenant je te dirai que, s’il lui semble que vous pouvez y aller en toute sûreté de conscience, vous le pouvez; autrement, non (Sainte Catherine répond ici aux questions d’Etienne Maconi sur l’observation de l’interdit. La paix était conclue. mais elle n’était pas encore ratifiée par Urbain VI, et l’interdit n’était pas levé. Messire Jacomo était un dignitaire qui avait le privilège de faire célébrer la messe pour lui et sa maison.) [1372] . J’ignore si sa dignité doit avoir des privilèges si étendus, et si on doit comprendre seulement par ses familiers tous ceux qui sont à son service. Peut-on prendre le titre de familiers quand on ne l’est pas et qu’on ne peut pas l’être? Sa dignité permet-elle de le faire, et vous en a-t-on donné l’assurance?

4. Quant à ton voyage, il n’est pas nécessaire pour l’affaire en question; je ne te demande donc pas de venir. J’aurais été très heureuse si tu étais venu, et je le serais encore si tu pouvais venir, mais sans scandale. Il ne faut pas irriter et troubler ton père et ta mère tant que ce ne sera pas nécessaire. Je veux que tu l’évites maintenant autant que tu le pourras, et je suis persuadée que si la Bonté divine voit que c’est le meilleur, elle fera cesser le scandale, et tu pourras venir en paix. Viens donc si tu peux. Si ma mère Lapa vient à Sienne, je te la recommande. Réponds à Pietro au sujet de l’argent qu’il m’envoie, en ne parlant pas du prix du cheval. Je n’en ai rien eu, et il n’en a jamais été question. Seulement, le jour ou j’ai reçu ces lettres, Mino de Simone est venu et m’a demandé si j’avais reçu cet argent. Je lui ai répondu que non. C’était la vérité, et je n’en avais pas entendu parler. Il me dit qu’il irait trouver Andrea, et qu’il lui dirait : S’il le demande, j’enverrai ce que je dois donner. S’il veut le donner, qu’il le donne à Nanni. Je termine. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Encourage Pietro et mes autres fils. Dis au Prieur qu’il fera de soeur Lapa ce qu’il jugera convenable (Lapa, la mère de sainte Catherine. avait revêtu l’habit des tertiaires de Saint-Dominique, en 1378.), et qu’il lui fasse connaître sa [1373] volonté. Je ne lui écris pas, ni à Pierre, parce que je n’ai pas le temps; je suis trop occupée. Barduccio, ton négligent frère, dit qu’il faut que tu viennes pour une chose qu’il doit faire, et qu’il voudrait bien ta présence; il lui paraît difficile de la faire si tu n’es pas avec lui; si bien que, si tu ne viens pas, il ira te trouver avant de la faire. Il se recommande à tes prières et à celles des autres; il en a grand besoin, car il sera maintenant toujours éprouvé. Lisa aussi demande que tu pries pour elle, toi et les autres. Doux Jésus, Jésus amour. Baptiste te répond que ce que vous lui mandez sera bien fait... Et ce sera une bonne plante nouvelle dans le corps mystique de la sainte Eglise. J’ajouterai que je voudrais qu’il fût ou comme messire Thomas, ou comme messire Martin; car ils sont bons, vertueux et parfaits en toute chose. Tu enverras demander à la comtesse mon livre (C’était le livre du Dialogue, qu’elle avait dicté à ses disciples avant son voyage de Rome.); je l’ai attendu tous les jours, et il ne vient pas. Si tu y vas, dis bien de me l’envoyer au plus tôt et fais en sorte que celui qui ira ne l’oublie pas [1374].

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CCLXV (257).- A ETIENNE DE CORRADO MACONI.- Du mépris du monde et de soi-même.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir mourir pour l’honneur de Dieu, de cette mort qui donne la vie à l’homme: c’est-à-dire que, pour l’honneur de Dieu, tu ne t’inquiètes plus de toi-même, mais que je te voie courir généreusement là où tu pourras mieux accomplir sa sainte volonté, Il est temps, mon doux Fils, de se perdre soi-même et de tout négliger pour rendre honneur à Dieu par tous les moyens. Je n’en dis pas davantage maintenant. Je te prie et je te commande de la part de Jésus crucifié, si le Prieur, ou d’autres pour lui, te demandent un service, de leur obéir comme à moi-même, voyant ma volonté dans tout ce qu’ils te demanderont. Qu’il en soit de même pour Thomas (Le B. Raymond de Capoue était alors prieur de la Minerve. Il allait en France pour les intérêts d’Urbain VI).

2. Efforce-toi de quitter réellement le monde, afin d’observer en vérité les commandements et les conseils de Jésus crucifié. Tous ceux qui sont ici vous saluent et vous demandent de prier pour eux. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu [1375]. Oblige de nouveau tous mes fils à prier tous les jours spécialement pour la sainte Eglise et pour le Pape Urbain VI. Il vient encore d’accorder cent jours d’indulgences à tous ceux qui prient pour la sainte Eglise (Voir la lettre C). Doux Jésus, Jésus amour.

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CCLXVI (258). — A ETIENNE DE CORRADO MACONI, son ignorant et très ingrat fils. — Il faut préférer les tribulations aux consolations spirituelles.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir sortir de l’enfance, et être un homme courageux, te détachant du lait des consolations mentales et actuelles pour manger le pain dur et moisi des tribulations spirituelles et temporelles, pour souffrir les combats du Démon, les injures des créatures, de quelque manière que Dieu veuille te les envoyer, té réjouissant alors, les désirant même, et remerciant doucement la Bonté divine quand il lui plaît de te faire de si grands présents, ce qui arrivera toujours lorsqu’il te verra bien disposé. Que ton cœur, mon Fils, ne soit plus tiède; plonge-le dans le précieux Sang, afin qu’il brûle dans la fournaise [1376] de la divine charité. Qu’il aie en horreur les œuvres de l’enfance, et qu’il s’enflamme d’ardeur pour courir sur le champ de bataille et y faire de grandes choses en combattant généreusement pour Jésus crucifié. Saint Paul dit que celui qui n’aura pas bien combattu ne sera pas couronné. Ne faut-il pas plaindre celui qui fuit même le champ de bataille? Je ne t’en dis pas davantage ici.

2. J’ai reçu ta lettre, et je l’ai lue avec plaisir. Quant au projet, je te répondrai que tes dispositions me plaisent beaucoup. J’admire les ingénieux moyens que notre Dieu prend A l’égard de ses créatures pour les conduire à la fin pour laquelle nous sommes créés. Quand il ne réussit pas par les médecins agréables et la douceur des consolations, il nous envoie la tribulation: il brûle la plaie avec le feu pour qu’elle ne se corrompe pas. Je m’occuperai bien volontiers de cette affaire pour l’amour de Dieu et de ton salut, après les saints jours de fête.

3. Les indulgences que tu désires, je tâcherai de les joindre aux premières que je demanderai; je ne sais quand, parce que j’importune les écrivains de la cour; il faut patienter un peu. J’écris une lettre à Mathieu; en la lui donnant, encourage-le, et va le voir quelquefois pour soutenir et exciter son zèle dans l’entreprise commencée. J’ai appris l’infirmité que Dieu lui a envoyée, parce qu’il en avait besoin. Je te prie et te conjure de faire tout ton possible avec tes frères pour obtenir le secours de la Compagnie de la Vierge Marie. Il faut aussi avoir grande compassion de Catherine, qui est seule, pauvre et sans ressources Sois charitable à son égard. Je n’écris pas [1377] encore à Pietro. Faites en sorte que je ne m’aperçoive pas de vos négligences. Je termine. Demeure dans sa sainte et douce dilection de Dieu. Toute la famille te salue dans le Christ, et le secrétaire ingrat se recommande à toi (Néri ou Barduccio, ses secrétaires les plus ordinaires.). Doux Jésus, Jésus amour.

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CCLXVII (259).- A ETIENNE DE CORRADO MACCONI.- De la lumière qu’il faut avoir pour connaître la vérité.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir sortir des ténèbres pour te diriger vers la lumière, sans tarder davantage; car le temps fuit, et nous ne nous en apercevons pas dans notre aveuglement; il faut écarter le nuage, et contempler la vérité. La vérité est que Dieu ne veut et ne cherche autre chose que notre sanctification; c’est pour cela qu’il nous a créés à son image et ressemblance, et que le doux et tendre Verbe a voulu donner oea vie avec tant d’amour; il nous a manifesté ainsi sa vérité. L’âme qui la regarde à la lumière ne reste plus à dormir, mais elle secoue le sommeil et cherche avec un grand zèle la manière, la voie, le temps pour [1378] l’accomplir; et elle ne compte pas pour le faire sur le lendemain, parce qu’elle n’est pas sûre de l’avoir. Je veux que tu agisses ainsi; chasse de toi les ténèbres qui pourraient te priver de cette lumière. Apprends que Dieu te l’a montrée pour que tu sortes des ténèbres; car il t’a choisi pour connaître cette vérité; tu serais vraiment trop coupable si tu résistais: et tu résisterais si, par négligence, tu voulais dénouer au lieu de trancher. Il veut que tu tranches. puisqu’il t’a fait la grâce de terminer tes affaires, ce qui m’a causé une grande joie. Maintenant, mon Fils, presse-toi comme ceux qui sont à court de temps, et termine ce qui te reste à ‘faire, afin d’accomplir la volonté de Dieu en toi. Je ne t’en dis pas davantage. Recommande à Pietro de n’être pas négligent à se débarrasser de lui-même pour être libre et courir dans la voie de Jésus crucifié. Pour l’affaire de messire...- Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CCLXVIII (260).- A ETIENNE DE CORRADO MACCONI, pauvre de toute vertu.- Il ne faut pas résister à la voix de Dieu.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi. Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux Sang, avec [1379] le désir de te voir éclairé d’une si grande lumière et connaissance, que tu comprennes qu’il faut trancher et non pas dénouer; car celui qui ne tranche pas reste lié, et celui qui ne fuit pas reste toujours prisonnier. Ne résiste plus à l’Esprit-Saint qui t’appelle; il te serait dur de lutter contre lui. Ne te laisse pas engourdir par la tiédeur dans un amour lâche et dans une compassion de femme, qui prend souvent l’apparence de la vertu; mais sois comme un homme fort, qui combat généreusement sur le champ de bataille. Fixe le regard de ton intelligence sur ce sang répandu avec tant d’amour, et tu seras libre et plein d’ardeur pour le combat. Réponds, Fils négligent; ouvre la porte de ton cœur, car c’est une honte que Dieu se tienne à la porte de ton âme, et que tu ne lui ouvres pas. Ne sois donc pas mercenaire, mais fidèle. Baigne-toi dans le sang de Jésus crucifié, où tu trouveras le glaive de la haine et de l’amour pour trancher tous les liens qui te retiennent en dehors de la volonté de Dieu, et qui t’arrêtent dans la perfection. Tu trouveras aussi la lumière dont tu as besoin pour voir où il est nécessaire de trancher. Je ne t’en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1381].

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CCXIX (261).- A ETIENNE DE CORRADO MACONI.- Combien on doit éviter la tiédeur qui vient de l’ingratitude.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir sortir de la tiédeur, afin que tu ne sois pas vomi de la bouche de Dieu, et que tu n’entendes pas ce reproche : Malheur à vous qui êtes tièdes, il vaudrait mieux que vous fussiez glacés. Cette tiédeur vient de l’ingratitude, et l’ingratitude vient du peu de lumière, qui ne laisse pas voir l’ardent amour de Jésus crucifié, et les bienfaits infinis que nous en avons reçus ; car si nous les avions vus en vérité, notre cœur s’enflammerait d’amour, et nous serions avides de temps pour l’employer avec zèle à l’honneur de Dieu et au salut des âmes. Je t’y invite, très cher Fils, car voici une occasion nouvelle de travailler.

2. Je t’envoie une lettre que j’écris aux Seigneurs, et une autre à la Compagnie de la Vierge Marie. Tu les liras, et tu en feras ton profit; tu les remettras ensuite, et tu parleras à chacun selon l’occasion, d’après le contenu de ces lettres, conjurant tout le monde, de la part de Jésus crucifié et de la mienne, de travailler de tout leur pouvoir avec les Seigneurs et [1381] avec ceux que la chose regarde, à faire ce qu’il faut faire pour la sainte Eglise et le Vicaire du Christ, le Pape Urbain VI. Quant à moi, je regrette qu’il faille tout ce tourment lorsqu’il s’agit de l’honneur de Dieu et de l’intérêt spirituel et temporel de la ville. Tâche de n’être pas tiède, mais ardent à exciter les frères et les chefs de la Compagnie, pour qu’ils fassent tout leur possible au sujet de ce que j’écris. En étant ce que vous devez être, vous enflammerez toute l’Italie; ce n’est pas si difficile. Je termine. Demeure dans la sainte et douce dilection :de Dieu. Courage... Tous les frères et sœurs te saluent dans le Christ, et t’attendent. Doux Jésus, Jésus amour.

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CCLXX (262).- A ETIENNE DE CORRADO MACONI, son très indigne et ingrat fils, lorsqu’elle était à Rome.- Du renoncement au monde, et des moyens d’y parvenir.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir trancher et non pas dénouer; car dénouer prend du temps, et tu n’es pas sûr d’en avoir, le temps passe si vite; il vaut donc mieux trancher avec un véritable et saint zèle. Oh ! que mon [1382] âme sera heureuse quand je te verrai ainsi séparé réellement et spirituellement du monde et de l’amour de toi-même, et uni à la vie éternelle. Cette union est si bonne et si douce, qu’elle détruit toute amertume, et qu’elle rend tous les fardeaux légers. Qui ne voudrait donc prendre le glaive de la haine et de l’amour pour se séparer de soi-même, avec la main du libre arbitre; et la vertu de ce glaive est si grande, qu’aussitôt qu’il a tranché; il unit. Mais tu me diras, très cher Fils : Où trouver et préparer ce glaive? Je te répondrai : Tu le trouveras dans la cellule de la connaissance de toi-même, où tu concevras la haine du vice et de la faiblesse, et l’amour de ton Créateur et de ton prochain avec les vraies et solides vertus. où est-il préparé? dans le feu de la divine charité, en prenant pour enclume le corps du doux et tendre Verbe, du Fils de Dieu. Qu’ils sont ignorants et coupables, ceux qui ont de telles armes pour se défendre, et qui les jettent loin d’eux,

2. Non, je ne veux pas que tu sois de ces ignorants, mais je veux que tu te décides généreusement, et que tu répondes à Marie qui t’appelle avec tant d’amour. Le sang des glorieux martyrs qui sont morts ici à Rome (Sainte Catherine vénérait sans cesse le sang des martyrs qui a baigné la terre de Rome. Cornélius à Lapide. dans son commentaire sur Is 26, dit: Sancta Catharina Senensis, obiens Romae stationes, aiebat : Ego calco sanguinem martyrum.) avec tant d’ardeur, et qui ont donné leur vie par amour de la Vie, ce sang bout encore pour vous inviter, toi et les autres, à venir souffrir pour la gloire et l’honneur du nom de Dieu [1383] et de la sainte Eglise, à venir pratiquer la vertu sur cette sainte terre où Dieu a montré sa grandeur en la nommant son jardin, où il appelle ses serviteurs, en leur disant que voici le moment de venir éprouver l’or de la vertu. Ne faisons pas la sourde oreille; et si le froid nous empêche d’entendre, prenons ce sang brûlant d’ardeur, et lavons-nous avec, pour nous guérir de notre surdité. Cache-toi dans les plaies de Jésus crucifié, fuis le monde, sors de la maison de tes parents, retire-toi dans le côté de Jésus crucifié ; c’est le moyen d’arriver à la terre promise. Je dis la même chose à Pietro. Asseyez-vous à la table de la sainte Croix; et là, tout enivrés du précieux Sang, prenez la nourriture des âmes en souffrant les peines, les opprobres, les injures, la faim, la soit, la nudité, en vous glorifiant avec le doux saint Paul, ce beau vase d’élection, dans les opprobres de Jésus crucifié. Si tu tranches, comme je te l’ai dit, souffrir sera ta gloire, mais pas autrement; tu seras au contraire dans la peine, et ton ombre même te fera peur. C’est parce que mon âme le sait, et qu’elle a faim de ton salut, que je désire te voir trancher, et non pas dénouer, afin que tu puisses plus vite courir. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu.

3. J’ai reçu tes lettres, et j’ai été bien consolée au sujet de Baptiste, qui est guéri, parce que j’espère que ce sera une bonne plante, et parce que j’avais compassion de dame Giovanna (Baptiste était frère d’Etienne Maconi, et Giovanna sa mère.); mais je me suis plus réjouie encore de ce que Dieu te donne le moyen [1384] de quitter le monde, et aussi de ce que tu m’écris de la bonne disposition des Seigneurs de Sienne et de nos concitoyens à l’égard de notre doux Père, le Pape Urbain VI. Que Dieu dans son infinie miséricorde le conserve et augmente toujours le respect et l’obéissance pour lui. Soyez maintenant pleins de zèle pour répandre la vérité et confondre le mensonge autant que vous le pourrez.

4. Recommande-moi bien à dame Giovanna, à Corrado; encourage aussi Baptiste et le reste de la famille. Encourage tous mes Fils, et dis-leur surtout qu’ils me pardonnent si je ne leur écris pas; j’en suis très peinée moi-même. Encourage messire Matthieu; dis-lui qu’il nous envoie une note sur ce qu’il veut, car je l’ai oubliée, et frère Raymond part si promptement que nous ne pourrons l’avoir de lui (Sainte Catherine arriva à Rome le 28 novembre. et le bienheureux Raymond partit dans les premiers jours de décembre 1378.). Je ferai ensuite tout mon possible. Quant à frère Thomas, que je ne lui écris pas, parce que je ne sais où il se trouve, mais s’il est prêt de toi, encourage-le et dis-lui de me donner sa bénédiction. Notre Lisa et toute la famille se recommandent à toi. Néri ne t’écrit pas, parce qu’il a été bien près de mourir; mais maintenant il est guéri. Que Dieu te donne sa douce, son éternelle bénédiction. Dis à Pierre que, s’il peut venir, il nous vienne pour une affaire qui est très urgente. Doux Jésus, Jésus amour. Donne ou fais donner toutes ces lettres, et prie Dieu pour nous. Il y a aussi d’autres lettres scellées; donne-les dans cet état à dame Catherine de Giovanni : elle les distribuera [1385].

Table des matières (2)





CCLXXI (263). A ETIENNE DE CORRODA MACONI, lorsqu’elle était à Rome. Ce fut la dernière lettre qu'elle lui écrivit.- Il faut se parer de vertu pour attirer les âmes à Dieu par l’exemple et par le talent reçu de Dieu.

(Cette lettre est de 1380. Sainte Catherine était près de mourir lorsque le bienheureux Etienne Maconi reçut miraculeusement l’ordre d’aller la rejoindre a Rome. Il obéit sur-le-champ. (Gigli, t. II, p. 388.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher et très doux Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir un miroir de vertus, afin que par l’exemple de ta vie, l’enseignement de ta parole, par tes humbles et continuelles prières, tu deviennes un instrument pour tirer les âmes des mains du démon et les amener à la vertu, au Christ, le doux Jésus, comme Dieu nous. le demande; car il faut faire valoir le talent que Dieu nous a donné pour pratiquer la vertu et développer la vie de l’âme. Sans cela nous serons privés de la vie de la grâce, et dès cette vie nous goûterons les arrhes de l’enfer.

2. Oh ! combien est douce et utile la vertu qu’on acquiert par le moyen de la prière faite dans la cellule de la connaissance de soi-même ! Nous trouvons dans cette connaissance, le feu de la divine charité [1386], en voyant notre misère, notre ignorance, notre ingratitude. Nous y trouverons la source de l’humilité par la connaissance que nous aurons de nous-mêmes dans l’infinie bonté de Dieu; et par l’épreuve et la foi, nous nourrirons notre cœur du feu de la charité. Alors notre prière sera humble, fidèle, persévérante, pleine du souvenir et de l’amour de l’humble Agneau, et nous arriverons ainsi à la vertu parfaite.

3. Et je ne m’étonne pas si par la connaissance que l’âme a d’elle-même, elle arrive â l’amour parfait et h la vertu; car en aucun lieu nous ne trouvons l’amour de Dieu comme en nous-mêmes, puisque toutes les choses créées, Dieu les a faites pour la créature raisonnable, et cette créature raisonnable, il l’a créée pour lui-même, pour qu’elle l’aime, le serve de tout son cœur, de toutes ses forces. Aussi l’âme qui se voit tant aimée ne peut se défendre d’aimer, car c’est une loi de l’amour. L’amour de Dieu pour nous a été si grand, si incompréhensible, qu’il a voulu nous rendre ses amis lorsque nous étions devenus ses ennemis par la faute commise, et il nous a envoyé le Verbe son Fils, afin qu’il payât la dette que la créature avait contractée, nous montrant par la valeur du prix la grandeur de notre dignité et l’énormité de la faute. Ne doit-il pas vaincre et détruire la dureté du cœur de la créature raisonnable, lorsqu’elle voit à la lumière de la raison et de la très sainte Foi, l’amour de Dieu à son égard et le prix de la rançon qu’il a payée pour elle? Mais celui qui vit sans raison ne peut jamais le voir, le connaître ne le connaissant pas, il ne l’aime pas, et ne l’aimant pas, il lui est impossible d’arriver à aucune vertu [1387].

4. Toute vertu tire sa vie de l’amour acquis dans l’ardeur de la charité. Lorsque nous avons la charité en nous, il faut nous en servir à l’égard de notre prochain, spirituellement et temporellement, selon ses besoins et selon que Dieu nous en charge, avec un ardent désir du salut du monde entier pour l’honneur de Dieu, nous réjouissant de. souffrir les peines, les fatigues, la mort, s’il le faut, pour la gloire et la louange de son nom; c’est ainsi que nous deviendrons semblables au doux Agneau. Voici maintenant le temps, très cher Fils, ou Dieu nous demande ce sacrifice, puisque nous voyons le monde dans de si épaisses ténèbres, et principalement la douce Epouse du Christ. Je veux que tu te donnes à lui avec ardeur; et comme sans le moyen des vertus tu ne le pourrais pas, j’ai dit que je désirais te voir un miroir de vertus; et je veux que tu fasses tous tes efforts pour le devenir. Je ne te dis rien de plus ici.

5. Hier j’ai reçu une de tes lettres, à laquelle je réponds en peu de mots. Pour les indulgences que je t’avais promises, je te réponds de ne rien attendre de moi, pas plus qu’un autre service, si tu ne viens toi-même. Je ne dis pas que je refuse de t’assister dans tes besoins spirituels ; jamais je n’ai plus désiré le faire et t’instruire selon ce que Dieu mettra dans mon âme ; jamais je ne t’ai offert avec plus d’ardeur en sa douce présence, car je vois que jamais tu n’en as eu plus besoin. Tu dis que ton état te déplaît; quand il te déplaira en vérité, je m’en apercevrai, tu le quitteras tout à fait. Alors tu montreras que tu connais ton état; mais jusqu’à présent il parait peu que tu le connaisses. J’espère dans la douce bonté de [1388] Dieu que, comme tu as un peu commencé à écarter le voile qui couvre tes yeux, tu l’ôteras enfin entièrement. Tu verras alors ton état, et ce sera bientôt, pourvu que tu ne fasses pas résistance, ou que mes péchés ne soient pas un obstacle.

6. Je te réponds, au sujet de messire Mathieu, que je suis bien affligée des peines et des ennuis qu’il a supportés à cause de mon ignorance et de ma négligence. Sois persuadé que sa peine est plus la mienne que la sienne. Que Dieu me fasse la grâce de nous en délivrer bientôt, lui et moi. Si cette lettre, etc. Ayez patience, etc. J’ai reçu une lettre de l’abbé, qui me parle des plantes qu’il a plantées dans son jardin et dans le mien. Il espère en planter d’autres, parmi lesquelles il vous compte, vous et vos compagnons. Vous seriez déjà engagés... C’est une grande joie pour moi de vous voir sortir de l’imperfection et avancer vers la perfection; mais je suis bien surprise que tu te sois engagé sans nous en rien faire savoir; il y a là quelque mystère (Etienne Maconi ne s’était pas engagé, et l’abbé, qui était celui des Olivétains, prenait ses espérances pour une certitude.). Je prie la Bonté divine de faire ce qui sera le mieux pour son honneur et pour ton salut.

7. Je n’ai jamais voulu ni désiré autre chose depuis Je jour où je t’ai connu, que de te voir sortir de la fange du monde. J’ai encore aujourd’hui le même désir, et j’espère, avec la grâce de Dieu, le conserver jusqu’à la fin, si tu crois que le Saint-Esprit t’appelle et te choisit pour cet état, tu as bien fait de ne pas [1389] résister, et j’en serai consolée. Dès que tu t’entends appeler, il faut répondre. J’aurais beaucoup de choses à te dire, mais je ne puis et ne veux pas te les écrire. Néri est à Naples, où il a été envoyé avec l’abbé Lisolo. Je crois qu’ils ont bien des peines, surtout spirituelles, à cause de toutes les offenses qu’ils voient commettre contre Dieu. Je termine. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Encourage tous mes enfants, et surtout Pierre; dis-lui qu’en disant que Dieu aime peu de paroles et beaucoup d’œuvres, je ne lui impose pas silence, et je ne l’empêche pas de parler et de m’écrire, si c’est sa paix et sa consolation. J’ai été même quelquefois surprise de ce qu’il ne m’avait pas écrit. Doux Jésus, Jésus amour.

Table des matières (2)





CCLXXII (264). — A PIERRE, fils de Jean Venture, et à Etienne de Corrado, lorsqu’elle était à Rome.- Des trois grands ennemis de l’homme, qui sont le monde, le démon et la chair.

(Voir la lettre LIII.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très chers Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir des chevaliers généreux, capables de vaincre vos trois grands ennemis. O très [1390] doux Fils, ces trois ennemis sont le démon, le monde et la chair. Les deux premiers sont faciles à vaincre, car le démon a perdu la puissance qu’il avait sur nous, et, grâce au sang du Fils de Dieu, il peut nous attaquer et nous troubler par des pensées mauvaises, mais il ne peut nous forcer à la moindre faute, parce que le sang de l’Agneau sans tache nous a fortifiés et délivrés de la servitude. Que peut faire aussi le monde? absolument rien. Il peut frapper l’écorce et accabler notre corps de persécutions, d’injures, d’opprobres et de mauvais traitements. Mais qu’est-ce que reçoit le serviteur de Dieu de toutes ces choses dans le fond de son âme? rien. Le monde se fatigue à le persécuter, et lui se réjouit, parce qu’il a mis son amour en Dieu, d’où vient toute sa joie; il a choisi de souffrir avec Jésus crucifié, et plus il souffre sans le mériter, plus il est heureux, parce qu’il ressemble plus alors à son modèle.

2. Il est donc vrai que ces deux ennemis sont faciles à vaincre, Mais il n’en est pas de même du troisième, qui est la chair, c’est-à-dire la sensualité, cette loi mauvaise qui combat toujours contre l’esprit. Il n’y a pour ainsi dire pas un instant où elle ne veuille en quelque manière se révolter contre la volonté de Dieu, c’est-à-dire contre toutes les bonnes inspirations que la Bonté divine nous envoie dans notre cœur; elle les écarte tellement, que nous ne pouvons en suivre aucune tant que nous l’écoutons. Mais, au contraire, toutes les pensées coupables que le démon nous donne et que Dieu permet pour augmenter la perfection et la grâce en nous, et non pas pour que nous nous laissions vaincre, cette malheureuse passion [1391] sensitive nous les fait écouter; c’est elle, en un mot, qui nous prive de Dieu, et qui dans cette vie nous cause des peines continuelles. Nous devons donc bien nous armer contre cet ennemi.

3. Je veux que chacun de vous sépare en lui la sensualité et la raison, et qu’il en fasse des ennemis irréconciliables. Que la raison s’arme du glaive de la haine et de l’amour cette guerre ne doit pas être entreprise avec mollesse, mais avec vigueur; il faut absolument tuer la sensualité, parce que. c’est elle qui nous ôte la vie de la grâce, en nous faisant résister à Dieu. Cette loi maudite use quelquefois d’un grand artifice pour nous faire tomber plus dangereusement. Elle sommeille et paraît morte en nous; nous ne ressentons aucun combat; nous sommes, au contraire, pleins de ferveur, tous nos actes, toutes nos pensées sont dirigées vers Dieu avec une douceur qui semble un avant-goût de la vie éternelle; mais si nous ralentissons la guerre, si nous déposons le glaive et si nous manquons de vigilance, elle se lève plus forte que jamais et nous fait faire des chutes terribles. Je veux donc, mes enfants, que vous entrepreniez cette guerre avec l’intention de ne jamais faire la paix. Combattez toujours, faites toujours ce qui lui déplaît, et ne lui accordez jamais ce qui lui plaît. Que le chien de la conscience fasse bonne garde, et qu’il ne laisse entrer aucune pensée dans le cœur sans que la raison l’examine, et qu’aucun mouvement coupable ne passe sans qu’il soit sévèrement puni; que cette misérable sensualité soit servante, et que la raison soit maîtresse,. comme cela doit être. Mais si vous étiez négligents ou tièdes, vous ne vaincriez [1392] jamais cet ennemi ni les deux autres. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir de généreux chevaliers, afin que vous soyez vainqueurs. Courage donc, mes Enfants; prenez ce glaive, et qu’il ne sorte jamais de votre libre arbitre jusqu’à la mort. Votre ennemi ne vous quittera pas jusqu’au dernier moment. Dieu nous le laisse pour notre bien, pour que nous acquerrions la vertu avec peine au moyen de sa grâce. Je ne vous en dis pas davantage maintenant.

4. Je réponds aux lettres que toi, Pierre, tu m’as envoyées. Je suis persuadée que, si tu avais le désir de quitter ta maison et de venir ici, tu te hâterais de terminer promptement tout ce qui te reste à faire, afin de pouvoir suivre librement et entièrement Jésus crucifié. Mais tu es négligent, et tu n’as pas pris l’arme dont j’ai parlé; aussi, tu ne mets pas à exécution le saint désir que Dieu t’a donné. Je sais bien que tu ne crois pas que je veuille t’abandonner et que je te laisse périr; toi et les autres; car chaque jour je vous enfante de nouveau, en présence de Dieu, par de continuelles prières, et je prie surtout pour ceux qui en ont plus grand besoin. Tâche donc de te renouveler. Je te dis la même chose, Etienne. Appliquez-vous avec zèle à quitter le monde et à courir vers Dieu, qui vous attend les bras ouverts. Venez bien vite.

5. La sainte Eglise et le Pape Urbain VI, grâce à la douce Bonté divine, ont reçu, ces jours-ci, les meilleures nouvelles qu’ils aient reçues depuis bien longtemps (Il s’agit sans doute des lettres d’adhésion de l’Empereur, des rois de Hongrie et d’Angleterre.). Je vous envoie avec cette lettre une [1392] autre lettre pour le Bachelier (Fr. Guillaume d’Angleterre. (Voir la lettre CLXX.), dans laquelle vous pouvez voir comment Dieu commence à répandre ses grâces sur sa douce l’Epouse. J’espère de sa miséricorde qu’il continuera, et qu’il multipliera ses bien. faits de jour en jour. Je sais que sa vérité ne peut mentir, et il a promis de réformer l’Eglise par les souffrances de ses serviteurs, par leurs humbles et continuelles prières, faites avec les larmes et les angoisses du désir. Aussi je vous invite à frapper de nouveau à la porte de sa miséricorde avec persévérance; et je vous promets que si nous continuons à frapper, il nous sera ouvert. Dites-le bien à mes autres fils, et bénissez-les de notre part. Nonna, Lisa et toute la pauvre famille vous saluent dans le Christ, etc. Demeurez tous dans la sainte et douce dilection de Dieu. Toi, Etienne, tu ne viens pas... Doux Jésus, Jésus amour. Donnée à Rome, le 1er janvier 1378.

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CCLXXIII (265).- A NICOLACCIO CATERINO PETRONI, de Sienne.- De l’obéissance aux divins préceptes nécessaire pour avoir la vie de la grâce.
 
 

 AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Frère dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs [1394] de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir Observer les doux commandements de Dieu, afin que vous puissiez participer à la vie de la grâce. Mais vous ne pourrez le faire en méprisant et en haïssant votre prochain, car le second commandement est d’aimer le prochain comme nous-mêmes. Cet amour de la créature a sa source dans la charité divine, et celui qui n’est pas dans la charité de Dieu, n’est pas dans celle du prochain; et n’y étant pas, il est comme un membre retranché du corps, qui perd aussitôt la vie et se dessèche, parce qu’il est séparé de son principe. De même l’âme séparée par la haine de la charité divine meurt aussitôt à la grâce, et le bien qu’elle fait ne lui sert pas pour la vie éternelle.

2. Il ne faut pas cependant cesser de faire le bien dans quelque état qu’on se trouve, parce que tout bien est récompensé, et toute faute est punie. Si le bien n’est pas récompensé dans la vie éternelle, Dieu le récompense en celle-ci, en accordant le temps de se convertir à celui qui le fait, en le retirant des mains du démon par le moyen de ses serviteurs, ou en le comblant de biens temporels; et s’il meurt, lors même qu’il est en enfer, il le punit moins; il le punirait davantage s’il avait employé au mal le temps où il a fait un peu de bien. Aussi pour cette raison et pour d’autres, il ne faut jamais cesser le bien, dans quelque état qu’on se trouve. Il faut penser que Dieu est si généreux, qu’il récompense une bonne œuvre, même lorsqu’elle est faite en péché mortel. Il veut toujours la récompenser en quelque manière.

3. Mais combien sera plus grande la récompense de [1395] ceux qui font le bien en état de grâce, avec un bon et saint désir dans la charité de Dieu et l’amour du prochain ! Ils en reçoivent un fruit infini, puisqu’ils reçoivent la grâce en cette vie, et la vie éternelle dans l’autre. Je veux donc que vous vous appliquiez avec zèle à conserver la grâce, en observant les doux commandements de Dieu: vous ne le pourriez autrement. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir observer ces commandements. Je ne vous en dis pas davantage ici, et je verrai à ce que je vous demande, si vous êtes vraiment dans cette charité. Ce que je vous demande, c’est la paix. Demeurez dans la sainte et douce dilection de bleu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CCLXXIV (266).- A FRANCOIS, fils de messire Vanni Malavolti, de Sienne.- Elle l’exhorte à revenir à Dieu avec confiance, et elle le reprend de sa vie coupable.

(Carissimo e sopra carissimo figliuolo. François Malvolti appartenait à une des familles puissantes de Sienne. Sainte Catherine l’avait converti, mais il retombait sans cesse dans ses premières fautes; elle lui prédit que Dieu serait enfin vainqueur. Après la mort de sainte Catherine, il fut ramené à la vertu par le B. Etienne Maconi, qui venait de se faire chartreux. Il entra chez les Olivétains, où il vécut saintement jusqu’à sa mort, arrivée en 1410.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Cher et très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus (1), moi, Catherine, la servante et l’esclave des [1396] serviteurs de Jésus-Christ, je t’écrie dans son précieux sang, avec le désir de te ramener au bercail avec tes autres compagnons. Il me semble que le démon t’a tellement enchaîné, qu’il ne te laisse pas revenir; et moi, ta pauvre mère, je vais te cherchant et te demandant, car je voudrais te porter sur les épaules de la douleur et de la compassion que j’ai pour ton âme. Ouvre donc, très cher Fils, l’oeil de ton intelligence; sors des ténèbres et reconnais ta faute, non pour te désespérer, mais pour te connaître et pour espérer dans la bonté de Dieu. Les richesses de la grâce que ton Père céleste t’avait données, tu les as perdues misérablement. Fais donc comme l’enfant prodigue, qui avait dépensé sa fortune en vivant mal. Lorsqu’il se vit tombé dans la misère, il reconnut sa faute et implora la miséricorde de son père. Fais de même, car tu es pauvre et dans le besoin; ton âme meurt de faim. Recours donc à la miséricorde du Père; il te secourra, et ne méprisera pas ton désir fondé sur le regret du péché commis : il t’accueillera même avec amour.

2. Hélas ! hélas ! où sont tes bons désirs? Que je suis à plaindre ! je vois que le démon a ravi ton âme et ses saints désirs. Le monde et ses serviteurs les ont pris et enchaînés par leurs plaisirs et leurs affections déréglées. Hâte-toi donc de prendre le remède et de ne plus dormir; console mon âme, et ne sois plus assez ennemi de ton salut pour me refuser de venir. Ne te laisse pas tromper par le démon, par la crainte et la honte; romps cette chaîne; viens, viens, très cher Fils. Je puis bien t’appeler cher, tu me coûtes tant de larmes, de pleurs et d’angoisses. Oui, viens, retourne [1397] au bercail. Mon excuse devant Dieu est que je ne puis faire davantage. Que tu viennes ou que tu restes, je ne te demande autre chose que de faire la volonté de Dieu. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CCLXXV (267).-A AGNOLINO, fils de Jean Agnolino de Salimbeni, de Sienne.- Il faut combattre avec courage, contre la chair, le monde et le démon.

(Agnolino de Salimbeni était un des nobles les plus puissants de Sienne; dans un différend que sa famille eut avec la république, il alla, en 1375, soumettre sa cause aux magistrats de Florence, qui avaient été pris pour arbitres. Il servit ensuite sa patrie autant par ses conseils que par sa valeur.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir combattre généreusement, et ne pas craindre les coups comme un chevalier sans cœur. Mon doux Fils, nous sommes sur un champ de bataille, et il nous faut toujours combattre, en tout temps et en tous lieux. Nous avons des ennemis qui assiègent la cité de notre âme ce sont la chair avec ses jouissances déréglées, le monde avec ses honneurs [1398] et ses plaisirs, le démon avec sa malice. Pour empêcher les saints désirs de l’âme, il l’entoure de pièges, ou par lui-même ou par le moyen des créatures, en mettant sur la langue de ses serviteurs, des paroles trompeuses, des louanges, des menaces, des murmures ou des injures; et il agit ainsi pour troubler l’âme et la dégoûter de ses bonnes et saintes œuvres.

2. Mais nous, comme de généreux chevaliers, nous devons défendre et garder la cité; nous devons fermer la porte aux sentiments déréglés, et y mettre pour garde le chien de la conscience, afin que, quand l’ennemi passe, il aboie, pour que l’intelligence veille et regarde si c’est un ami ou un ennemi, un vice ou une vertu qui se présente. A .ce chien, il faut lui donner à boire et à manger; il faut lui donner le sang pour boisson, et le feu pour nourriture, afin qu’il secoue le froid de la négligence et qu’il soit vigilant.

3. Oui, je te le dis, mon fils Agnolino, nourris le chien de la conscience avec le feu d’une très ardente charité et avec le sang de l’Agneau sans tache, répandu sur la Croix, de toutes les parties de son corps, pour que nous puissions lui donner à boire; et en le faisant, il sera plein de vigueur, et vous combattrez bien. Prenez le glaive de la haine et de l’amour, c’est-à-dire la haine et l’horreur du vice, et l’amour de la vertu; et la chair, l’ennemi le plus mauvais et le plus perfide que nous puissions avoir, sera tuée en la frappant de ce glaive. La conscience fera voir à l’oeil de l’intelligence combien est dangereux le plaisir de la chair qui se présente à l’âme, et pour le tuer elle regardera la chair flagellée de Jésus crucifié, et elle [1399] aura honte de s’attacher aux jouissances déréglées et aux délices du corps. Le démon, avec ses ruses et les pièges qu’il tend pour faire périr les âmes, sera vaincu par la vertu de la véritable humilité. Que le chien de la conscience aboie donc pour tenir l’intelligence éveillée et, lui faire voir combien il est dangereux d’écouter les tentations et d’espérer en soi-même. Que l’homme reconnaisse son néant, afin de ne pas tomber dans l’orgueil c’est l’humilité qui brise tous les filets du démon. L’homme ne devrait pas avoir honte de s’humilier en s’oyant son néant, en voyant qu’il tient l’être de Dieu et non de lui-même, et que Dieu s’est humilié jusqu’à lui. Par un acte d’humilité profonde, il est descendu des hauteurs infinies de sa divinité jusqu’à la bassesse de notre chair.

4. Ce doux et tendre Agneau, le Verbe incarné, est notre force, car c’est de lui que vient tout secours. Il a voulu être notre chef, et avec sa main désarmée, percée et clouée sur la Croix, il a défait tous nos ennemis. Son sang est resté sur le champ de bataille pour nous animer à combattre en bons chevaliers, généreusement et sans crainte. Le démon est devenu impuissant par le sang de l’Agneau; il ne peut faire que ce que Dieu permet, et Dieu ne permet jamais que le fardeau soit au-dessus de nos forces. La chair aussi a été vaincue par la flagellation et les tourments du Christ, et le monde par les opprobres, les mépris, les injures et les outrages qu’il a reçus. La richesse a été vaincue par la pauvreté volontaire de Jésus crucifié. La richesse suprême est devenue si pauvre, qu’elle n’avait pas où reposer sa tête sur le bois de la [1400] très sainte Croix. Oui, mon Fils, quand l’ennemi voudra entrer dans ton âme par l’amour des honneurs et des biens du monde, fais en sorte que le chien de la conscience éveille l’intelligence, et qu’elle voie qu’il n’y a ni durée ni stabilité dans les honneurs et les biens du monde, de quelque côté qu’ils viennent. Vous le savez bien, vous l’avez vu et vous l’avez éprouvé. Et puis je veux que vous compreniez qu’en se donnant d’une manière déréglée à ces choses passagères, on n’arrive pas à la gloire, mais à la honte; car l’homme devient l’esclave de ce qui est moins que lui; il sert les choses finies, et Il est infini; car l’homme ne finit jamais quant à l’être, quoiqu’il finisse à la grâce par le péché mortel. Si nous voulons trouver l’honneur, le repos et le contentement, il faut servir et aimer ce qui est plus grand que nous.

5. Dieu est notre Rédempteur, notre Seigneur, notre Père, la souveraine, l’éternelle Bonté, digne d’être aimé et servi par tous; c’est une obligation pour nous, si nous voulons participer à la grâce divine. Il est la puissance suprême et le bonheur; c’est lui qui rassasie l’âme et soutient toute faiblesse; c’est en lui qu’on trouve la paix, le repos, la sûreté, le rassasiement que rien ne peut donner, parce que toutes les créatures sont moins que l’homme. Ainsi donc, le mépris du monde est un honneur, une richesse; mais les fous, les insensés ne le reconnaissent pas, et pensent tout le contraire. Pour vous, comme de généreux combattants, élevez-vous au-dessus des affections sensuelles, et connaissez la vérité. Ne croyez pas les hommes méchants et pervers; le démon se sert de leur bouche pour nuire à votre [1401] vie et à votre salut, pour vous exciter à la colère et vous révolter contre la volonté de Dieu. N’écoutez pas ces conseillers du démon, mais écoutez et répondez à l’Esprit-Saint, qui vous appelle. Montrez que vous n’hésitez pas, et répondez-leur généreusement; dites-leur que vous ne voulez pas résister à Dieu, que vous ne pouvez pas.

6. Je sais ce qui a été dit, et la Comtesse sera bien tourmentée par les uns et les autres, parce qu’elle veut être la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ (La comtesse Bandoccia de Salimbeni, soeur d’Agnolino, voulait se faire religieuse. (Voir la lettre CCCXXX). Les méchants, pour vous arrêter, elle et vous, voudront vous inspirer des craintes et des regrets; ils vous présenteront comme une honte et une bassesse le plus grand honneur que vous puissiez avoir, non seulement maintenant mais pour toujours. Devant Dieu et devant les hommes, votre gloire surpassera celle de tous vos ancêtres. Que nous serions fous et insensés si nous mettions notre amour et notre espérance dans un feu de paille? Une grande flamme parut la première fois que vous vous êtes marié, mais elle disparut bientôt, et il ne resta que la fumée de la douleur. Le feu parut ensuite vouloir se rallumer, mais il s’est éteint, le vent de la mort l’a dissipé. Il serait donc bien plus simple, pour elle et pour vous, de répondre à l’appel du Saint-Esprit. Vous voyez que le monde la repousse et la renvoie à Jésus crucifié. J’espère bien de la Bonté divine que vous n’oublierez jamais la volonté de Dieu, et que vous ne vous laisserez pas entraîner par les jugements [1402] du monde. Fermez, fermez la bouche à vos vassaux, et empêchez leurs murmures, en vous montrant ferme. Je ne doute pas que vous ne le fassiez, si le chien de la conscience ne dort pas, et si l’oeil de l’intelligence reste ouvert; car autrement vous ne seriez pas un généreux chevalier, et vous montreriez une grande lâcheté. Tout mon désir est de vous voir courageux; et je vous ai dit que je désirais vous voir. bien combattre sur le champ de bataille, surtout dans ce combat nouveau que vous avez à soutenir maintenant au sujet de la Comtesse. Le démon voit qu’il la perd, c’est pour cela qu’il vous tourmente tant par les créatures. Mais courage, méprisez tous les jugements du monde, et que Jésus crucifié vive en vous. Je ne vous dis pas autre chose. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

Table des matières (2)





CCLXXVI (568). A MATTHIEU DE THONUCIO, d’Orviete. — Nous devons bâtir solidement sur la Pierre vive, qui est le Christ.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Frère et Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir une pierre ferme et non pas une feuille qui vole à tous les vents [1403]. Car l’âme qui n’est pas fondée sur la Pierre vive, sur le Christ, le doux Jésus, en plaçant son amour et ses désirs en Dieu, et non pas dans les choses passagères du monde qui disparaissent comme le vent, cette âme se meurt, parce qu’elle est privée de la grâce divine; et c’est cette grâce qui conserve l’âme, et lui donne la vie et la lumière parfaite, en éloignant d’elle les ténèbres, et en l’affermissant dans la vraie patience et la sainte crainte de Dieu, par l’humilité par. faite. et la charité fraternelle à l’égard du prochain. Elle ne s’abandonne pas par l’impatience au vent de la tribulation, et elle ne se laisse pas agiter par le vent de la consolation en jouissant d’une manière déréglée; elle ne s’enfle pas d’orgueil au vent de la richesse et à la fumée des honneurs du monde.

2. Il en est ainsi parce qu’elle est ferme, et que son fondement est Jésus crucifié. Aussi lorsque soufflent les trois vents dangereux d’où vient tout le mal, elle ne s’en inquiète pas. Le démon souffle de sa bouche le vent des pensées tumultueuses et des combats. Tantôt ce sont les combats de la vanité qui rend le cœur inconstant et léger, et cette vanité augmente l’ambition et le désir des honneurs du monde; tantôt ce sont des apparences de vertu, et ce vent est le plus dangereux et le plus difficile à connaître; il n’y a que l’humble qui le connaît, et ne se laisse pas tromper. C’est par l’apparence de la vertu que le démon cherche à séduire l’âme ignorante qui n’est pas humble, et qui ne se connaît pas elle-même. Supposons qu’elle commence à désirer Dieu et à donner quelques signes de vertu, mais parce qu’elle est encore imparfaite, et qu’elle ne se connaît pas assez [1404], elle examine les actions du prochain temporellement et spirituellement, c’est-à-dire dans les choses temporelles et spirituelles. Alors le démon lui souffle le vent des faux jugements; elle juge son prochain, les serviteurs de Dieu et ceux du monde injustement, et elle ne s’en aperçoit pas. Elle veut ainsi ôter à Dieu sa puissance de juge, car lui seul doit juger.

3. Pourquoi ne s’en aperçoit-elle pas? Parce que le démon a caché son jugement sous le manteau de la vertu. Elle croit bien faire, et il lui semble quelquefois être agréable à Dieu; mais elle s’abuse à cause de l’orgueil qui est en elle. Si elle était véritablement humble et si elle se connaissait mieux elle-même, elle aurait honte de tomber dans de pareils jugements, parce qu’elle verrait qu’elle veut donner des lois à Dieu, quand elle se scandalise de ses serviteurs, et qu’elle veut conduire les créatures à sa manière, et non comme Dieu les appelle. Celui nu contraire qui sera fondé sur la Pierre vive, sur le Christ, résistera à ces mouvements et n’y consentira pas; mais il s’appliquera avec une humilité sincère à se réjouir et à rendre grâces à Dieu des actions et de la conduite de ses serviteurs. Il aura compassion des imparfaits, et il priera la Bonté divine de jeter un regard de miséricorde sur eux pour les retirer du péché et les conduire à la vertu. Il tire ainsi de l’épine la rose, et il a toujours l’esprit libre; il ne s’égare pas, et ne remplit pas sa mémoire de fantaisies spirituelles et temporelles, comme le font les fous, les insensés, les présomptueux, qui ne se connaissent pas eux-mêmes et qui veulent juger les actions des autres, sous prétexte de bien ; ils se laissent aller à ce [1405] vent coupable, qui est si dangereux. O bouche maudite ! comme tu as empoisonné le monde, et corrompu ceux qui sont dans le siècle et ceux qui sont hors du siècle. Celui qui juge intérieurement répand ensuite l’infection du murmure; il est dans le trouble, et son esprit est vide de Dieu et du prochain. Il faut donc éviter ce vent avec une vraie et sainte sollicitude.

4. L’autre vent dangereux est le monde, qui nous tente par l’amour déréglé de nous-mêmes, et nous offre ses plaisirs et ses consolations, cachant aux yeux de l’intelligence ses ténèbres, sa misère, son peu de durée, sous l’apparence de la beauté et de la joie. Il trompe en promettant une vie longue, tandis qu’elle est courte, et en faisant croire que tous ses plaisirs, ses jouissances, ses richesses sont durables, tandis qu’ils changent à chaque instant. Tout nous est prêté pour notre usage, pour nos besoins; mais il faut que ces choses quittent l’homme, ou que l’homme les quitte. Elles nous quittent quand nous les perdons, et qu’elles nous sont enlevées par quelqu’un ou par quelque accident; elles s’usent, et disparaissent. Nous les quittons aussi lorsque la Vérité suprême nous appelle en séparant l’âme et le corps. Avec le corps on abandonne le. monde et ses délices; et dans cette séparation, personne ne peut conserver ses richesses et ses honneurs. L’âme est bien faible et bien aveugle, si elle n’écarte pas de l’oeil de son intelligence la poussière du monde, si elle en fait au contraire l’objet de ses désirs. Elle vole alors comme la feuille de l’arbre au gré du vent, de l’amour déréglé de soi-même et du monde; et de cette bouche maudite sort l’envie [1406] contre le prochain et l’estime de soi-même ; elle murmure, et bien souvent elle tombe dans la haine et la vengeance. Souvent aussi elle s’approprie les biens des autres. Pour le faire, elle emploiera les serments, les parjures, les faux témoignages; et le mal deviendra si grand, qu’elle désirera la mort de son prochain. Ceux qu’elle doit aimer comme elle-même, elle les déchire et les ruine. Elle n’a aucune force; et la bonne œuvre qu’elle entreprend, elle la conduit rarement à fin. Celui qui agit de la sorte bâtit sur le sable, où tout ce qu’on élève est bientôt renversé. Il est privé de la vie de la grâce, et il a perdu la lumière de la raison; il vit comme la brute, et non comme une créature raisonnable.

5. Il est donc absolument nécessaire de bâtir sur la Pierre vive. Ceux qui ont ainsi fixé là le regard de leur intelligence et les saints désirs de leur cœur ne peuvent être renversés, et ne se laissent pas ébranler par ce vent mauvais. Ils résistent, et se défendent en méprisant le monde, ses vanités, ses jouissances; ils abattent l’orgueil par une humilité profonde et par l’amour de la pauvreté volontaire. Celui qui possède la richesse et les grandeurs les conserve, mais il ne les possède pas avec un amour déréglé, en dehors de la volonté de Dieu; il les garde avec une tendre et sainte crainte, se considérant comme l’économe du Christ. Il secourt les pauvres, nourrit les serviteurs de Dieu, et les vénère en pensant qu’ils offrent sans cesse en la présence de Dieu des prières, d’ardents désirs, des sueurs, des larmes pour le salut de toute créature. Ceux-là sont heureux en tout temps et en toute position, parce qu’ils sont exempts des chagrins [1407] que cause la volonté déréglée, qui a pour fondement l’amour-propre. Puisqu’il est si avantageux de prendre pour fondement la Pierre vive, hâtons-nous de profiter du temps, car nous ne sommes pas sûrs de l’avoir.

6. Le troisième vent est la chair, qui répand une infection telle, que non seulement elle déplaît à Dieu, mais qu’elle répugne au démon même; elle abrutit l’homme, et le rend semblable à l’animal. Il fait comme le pourceau, qui se roule dans la fange; il se roule dans la fange de l’impureté, et s’avilit dans quelque état qu’il se trouve. S’il est lié à l’état du mariage, il le corrompt par un amour déréglé; il devrait user de ce sacrement avec la Crainte de Dieu, et il le souille par ses désordres et ses excès. Le malheureux ne considère pas à quelle dignité a été élevée notre humanité par l’union que Dieu a contractée avec notre misérable chair; s’il ouvrait l’oeil de l’intelligence pour la regarder, il aimerait mieux mourir que. de s’abandonner à une telle misère. Et savez-vous quelle corruption répand cette bouche, qui empoisonne tous ceux qui l’approchent? Le cœur devient soupçonneux, la langue murmure et blasphème. Il juge les autres d’après lui-même, comme le malade dont l’estomac dérangé trouve mauvais tous les aliments, surtout ceux que le médecin lui a ordonnés; et lorsqu’il les voit prendre par ceux qui se portent bien, il le souffre avec peine, et ne comprend pas qu’ils n’y trouvent pas le même goût que lui-même.

7. Les insensés qui s’abandonnent aux jouissances de la chair ont le goût si dépravé, qu’ils ne se scandalisent [1408] pas de ceux qui vivent dans les mêmes défauts, mais de ceux qui sont sains, et de leur propre nourriture, c’est-à-dire de la femme que Dieu leur a donnée pour condescendre à leur faiblesse. Cette nourriture leur fait mal, parce qu’ils sont soupçonneux et jaloux, jugeant mauvaise une chose bonne, et ayant de la haine et du mépris où ils devraient avoir de l’amour. Celui-là voit mal, parce que son œil est malade; s’il était sain, il n’en serait pas ainsi. Que de malheurs et de ruines cause ce vent maudit ! Lorsqu’il a péché par la langue et mal jugé sa femme, il tombe dans une autre faute. Si, par l’inspiration divine, il a conçu d’embrasser un état plus parfait, le ver rongeur du soupçon qui est entré en lui détruit le parfum de la vertu, et il retourne à ses premières faiblesses. Ce qui lui plaisait d’abord lui déplaît; il n’est ni constant ni persévérant dans la vertu; il tourne la tête en arrière, et il ne s’examine pas lui-même pour connaître ses défauts et ses infirmités. Et tout cela lui arrive parce qu’il n’a pas pris pour fondement la Pierre vive, et qu’il est assailli et attaqué par le vent contraire.

8. Il ne faut donc pas qu’il s’appuie sur cette chair corrompue, mais bien sur la Pierre vive, qui est le Christ. Alors le vent aura beau s’élever, il ne pourra lui nuire; niais il lui résistera par la vertu de continence et de la pureté, en réglant sa volonté déréglée selon les 1.ois de la raison et de la sainte crainte de Dieu. Il se dira à lui-même: " N’as-tu pas honte, mon âme, de vouloir souiller ton visage et corrompre ton corps par la débauche? N’es-tu pas faite à l’image et ressemblance de Dieu? Et toi, chair, n’es-tu pas [1409] ennoblie par l’union de la nature divine faite en toi avec la nature humaine, qui est élevée au-dessus du chœur des anges? "Alors il sentira le parfum de la pureté et le désir de se corriger au moyen des veilles et des prières, par la haine et le mépris de ce vice; il se servira des instruments de pénitence pour châtier son corps lorsqu’il voudra se révolter contre l’esprit, mais il emploiera surtout les veilles, les humbles prières et la parfaite connaissance de lui-même. Qu’il ne s’arrête jamais à discuter les pensées qui l’agitent et les mouvements qui peuvent le troubler; mais qu’il recoure sur-le-champ aux remèdes qui peuvent les chasser, et qu’il les emploie comme l’eau, pour éteindre le feu de la sensualité. Qu’il ne craigne rien; mais qu’il prenne généreusement l’étendard de la très sainte Croix, et qu’il s’appuie sur elle. Ceux qui s’avancent ainsi prennent pour fondement la Pierre vive, et persévèrent jusqu’à la mort, parce qu’ils voient bien que ce n’est pas en commençant, mais en persévérant qu’on obtient la couronne.

9. Je veux donc, très cher Frère et Fils, que vous ne soyez plus inconstant, et que vous commenciez à rentrer en vous-même; car il me semble, d’après ce que me montre la Bonté divine, qu’il y a déjà longtemps que vous en êtes sorti. Et cela, parce que, dès le principe, vous n’avez pas véritablement plis pour fondement la Pierre vive. Ce qui empêche les serviteurs de Dieu de persévérer, c’est qu’ils n’ont pas de fondements solides; ils sont faibles, et lorsque viennent les vents impétueux du démon, du monde et de la chair, ils succombent, parce qu’ils sont sans force et sans vertu. J’ai cherché les moyens qu’il [1410] faut prendre pour vous relever et vous affermir davantage dans une humilité plus profonde et dans le mépris de vous-même, et je vous ai dit que je
désirais vous voir une pierre inébranlable fondée sur la Pierre vive, sur le Christ, le doux Jésus, et non pas sur le sable. J’espère de la bonté infinie de Dieu que, si vous voulez vous humilier et vous connaître, vous accomplirez sa volonté et mon désir; vous acquerrez la vie de la grâce, vous serez délivré des ténèbres, et vous aurez la parfaite lumière. Je ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

Table des matières (2)





CCLXXVII (269). — A LEONARD FRESCOBALDI, de Florence.- Des vertus et de la paix de ceux qui suivent la volonté de Dieu.

(Léonard Frescobaldi fut un des hommes les plus remarquables de Sienne. Sainte Catherine l’aimait à cause de se grande piété. Il dit, en 1389, le pèlerinage de la terre sainte.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir baigné et plongé dans le sang de Jésus crucifié, afin que là se consume tout défaut, et surtout la volonté propre, qui est la cause et [1411] l’instrument de la mort de l’âme. Quand notre volonté est ainsi toute consumée dans ce sang, l’âme possède la vie, parce qu’elle est revêtue de la souveraine et éternelle volonté.

2. O très douce volonté, qui donnes la vie et éloignes la mort, qui donnes la lumière et qui dissipes les ténèbres, tu détruis toutes les afflictions de l’âme et tu l’engraisses du parfum des vertus; tu la revêts du vêtement nuptial, du feu de la divine charité, et tu lui fais prendre à la table de la Croix la nourriture de l’honneur de Dieu et du salut des âmes; tu lui donnes le très doux baume de la paix, du repos de l’âme et du corps, de sorte qu’elle navigue tranquille au milieu des tempêtes de la mort. Ce sont là les trésors et les présents que Dieu donne à l’âme, quand elle est revêtue de l’éternelle volonté et qu’elle s’est dépouillée de la volonté propre; car la volonté propre cause toujours et enfante les tempêtes et les chagrins. Il s’ensuit que celui qui noie sa volonté dans le Sang, demeure dans une paix parfaite. Il n’y a pas d’autre moyen de goûter en cette vie, les arrhes de la vie éternelle et de l’avoir ensuite pour récompense. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir baigné et noyé dans le sang de Jésus crucifié. Je ne vous dis rien de plus. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1412].

Table des matières (2)





CCLXXVIII (270).- A NIGI, fils de Docci Arzocchi.- Des exemples et des enseignements de Jésus-Christ. — De la charité envers le prochain.

(Nigi est le diminutif de Dionigi. Ce disciple de sainte Catherine était parent de Bérenger Arzocchi, auquel est adressée la lettre XC.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus moi, Catherine, la servante et l’eslave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir suivre les traces de Jésus crucifié, car nous n’avons pas d’autre moyen d’en recevoir la vie. Et quelle est cette vie? La voici les mépris, les opprobres, les injures, les mauvais traitements, et il faut les supporter avec une parfaite patience jusqu’à la mort, sans jamais tourner la tête en arrière à cause des injustices du monde; il ne faut jamais ralentir le pas, mais, au contraire, rendre toujours le bien à ceux qui nous font le mal. C’est la voie que nous enseigne et nous trace le doux et tendre Agneau. Il a dit : " Je suis la voie, la vérité, la vie; " et il donne véritablement la vie à ceux qui marchent dans cette voie. Il nous donne la doctrine qui nous fait goûter en cette vie, les arrhes de la vie éternelle, en nous communiquant la vie de la grâce. Ce doux Maître est monté à la tribune de la Croix [1413] afin de nous enseigner sa doctrine, fondée sur la vérité.

2. Nous sommes ses disciples, nous devons nous abaisser pour l’apprendre, nous devons être humbles, car on ne saurait l’apprendre avec l’orgueil. L’orgueil épaissit l’intelligence de l’homme et la rend incapable de connaître Dieu; mais il n’en est pas ainsi de l’humble: l’oeil de son intelligence est pur, il en a ôté la poussière de l’amour-propre et de la sensualité, et il l’a fixé dans la vraie connaissance de lui-même. C’est dans cette connaissance qu’il voit mieux et qu’il connaît plus parfaitement l’éternelle bonté de Dieu; et en la connaissant mieux, il l’aime davantage; en l’aimant davantage, il acquiert plus parfaitement l’humilité, la patience. L’humilité est la gouvernante, la nourrice de la charité. Vous voyez bien, très cher Fils, qu’il faut s’asseoir humblement, comme de vrais disciples, et de cette manière, nous apprendrons la doctrine, et nous courrons, en mourant à toute volonté, dans la voie de la douce vérité. Nous nous plairons sur la Croix, avec d’ardents et saints désirs, cherchant l’honneur de Dieu et le salut des âmes.

3. Il est temps, très cher Fils, de secouer le sommeil de la négligence et de l’ingratitude, et de montrer notre reconnaissance par notre zèle, en recherchant, en servant et en aimant notre prochain. Car nous ne pouvons témoigner notre reconnaissance à Dieu en lui étant utiles, mais nous pouvons le faire en servant le prochain. Mon Fils bien aimé, Dieu nous a-t-il jamais plus demandé que maintenant, le zèle de son honneur et du salut des âmes [1414] ?

4. Dieu nous le. demande en tout temps, parce que sans la charité du prochain nous ne pouvons avoir la vie éternelle; mais combien cela est-il plus nécessaire et plus exigé, maintenant que nous voyons parmi les chrétiens, des besoins plus grands qu’ils n’ont jamais été? Pouvons-nous cesser d’offrir continuellement des larmes et d’humbles prières? C’est à cela qu’on verra si nous sommes les vrais serviteurs de Dieu, si nous
suivons la voie de la vérité et si nous savons bien sa doctrine. Hélas ! ce n’est plus le temps de se rechercher soi-même; mais il faut chercher Jésus crucifié, et ne jamais cesser de pleurer sur les malheureuses âmes qui tombent entre les mains du démon, jusqu’à ce que Dieu jette un regard de miséricorde sur nous et apaise sa colère contre nos fautes. Hélas ! le monde périt au milieu de tous les crimes qui se commettent par ses révoltes et ses persécutions contre la sainte Eglise ! Et moi, misérable cause de tout mal, je vous demande par l’amour de Jésus crucifié, que vous et mes autres fils vous employiez les gémissements, les larmes, les humbles et saintes prières pour demander au doux et tendre Agneau sans tache de nous rendre dignes de sa miséricorde et de nous accorder la réforme de son Epouse, et aussi la lumière, l’intelligence, l’obéissance, le respect envers la sainte Eglise. Que les chrétiens vivent dans la paix et l’union, comme les vrais enfants d’un même père, et que nous ne soyons plus comme les membres du démon. Hélas ! comment le cœur n’éclate-t-il pas d’amour pour Jésus crucifié? Oui, voici le moment; honorez Dieu et servez le prochain : je verrai par là si vous êtes ou non de vrais enfants. Je vous assure [1415] que si nous ne le faisons pas, la Vérité suprême nous en demandera un compte sévère.

5. Dieu veut que nous le priions avec ferveur. Il l’a dit à un de ses serviteurs : "C’est par le moyen des prières continuelles et des ardents désirs de mes serviteurs que je ferai miséricorde au monde. " Ne soyez donc pas avare, mais généreux; donnez les trésors de la charité: c’est d’elle que toutes les vertus tirent leur vie, c’est par elle que toute bonne œuvre porte des fruits de grâce. De cette manière vous deviendrez bon et parfait, vous ne serez plus ignorant, négligent et ingrat; vous vous assoirez humblement par terre, et vous suivrez les enseignements de Jésus. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Recommandez-nous à tous mes fils et à toutes mes filles; dites-leur que c’est le moment de gémir et de prier pour la douce Epouse du Christ, et pour tout le peuple chrétien, qui est plongé dans de si grandes afflictions à cause de nos péchés. Encouragez dans le Christ, le doux Jésus, Thomas Corradino, et dites-lui qu’il ait toujours Dieu devant les yeux, afin qu’il agisse toujours avec la sainte crainte de Dieu; qu’il supporte avec une vraie patience ce que Dieu permet. qu’il méprise le monde, et qu’il embrasse les persécutions avec un saint désir jusqu’à la mort. Doux Jésus, Jésus amour [1416].

Table des matières (2)





CCLXXIX (271). A HIPPOLYTE UBERTINI, à Florence. — Elle l’exhorte à abandonner le monde.

(La famille des Ubertini était une des plus nobles de Florence; elle se divisait en plusieurs branches, dont l’une était établie à Sienne.)
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LÀ DOUCE MARIE

1. Très cher Frère dans le Christ, le doux Jésus, moi Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir un cœur généreux, libre de toute passion et de toute tendresse sensible; car cette tendresse vient de l’amour-propre, qui arrête les saints désirs et causa toute sorte de maux. Celui qui s’aime est toujours tiède de cœur. Dieu l’appelle et lui fait voir le peu de temps qu’il a à vivre, les misères et la fragilité du monde, son inconstance et son peu de durée. Il lui montre que le moindre plaisir que l’homme goûte en dehors de la bonté de Dieu est sévèrement puni; il lui inspire aussi la haine et le mépris du monde. L’homme voudrait volontiers le quitter, parce qu’il voit qu’en laissant le monde on en est le maître, puisqu’on foule aux pieds ses grandeurs, ses richesses et ses délices; il voit aussi que Dieu récompense et rend tout au centuple. Il se dispose alors à tout abandonner ; mais l’amour-propre vit encore dans l’âme; ce désir se refroidit, la tendresse [1417] qu’il a pour lui-même le retient, et il s’accorde des délais.

2. Il ne faut pas faire ainsi, mais il faut tuer l’amour-propre, en considérant que le temps est incertain; si nous étions sûrs de l’avoir, nous pourrions dire: Je dénouerai le lien qui me retient au monde, et, quand je serai libre, j’irai me lier avec Jésus crucifié, et je me mettrai sous le joug de son obéissance. Très cher Frère, puisque vous avez le temps maintenant, détruisez tout amour-propre et toute tendresse sensible; ne vous arrêtez pas à dénouer, mais coupez; prenez avec la main du libre arbitre le glaive à deux tranchants de la haine et de l’amour, l’amour de la vertu, et la haine, l’horreur du vice, du monde et de la sensualité. De cette manière vous montrerez que vous êtes courageux, et non pas tiède et négligent. Répondez, répondez à Dieu qui vous appelle par ses bonnes et saintes inspirations. Vous avez une retraite, un lieu de bénédiction bien séparé du monde, et un père, le prieur de la Gorgone, un ange véritable, un modèle de vertus (Voir la lettre C). Vous trouvez une bonne et sainte famille; ne résistez pas à la grâce de Dieu, qui ‘vous demande avec tant de bonté d’habiter votre cœur.

3. D’après la lettre que vous m’avez envoyée, je vois que vous avez une bonne et sainte intention; mais vous tardez trop en demandant deux ans. C’est le démon qui s’irrite de votre bonheur, et qui vous montre des obstacles pour troubler votre paix et votre repos. Il me semble que vous ferez bien de placer le plus tôt possible votre jeune fille, et de vous [1418] délivrer de cet embarras. Vous pourrez ensuite facilement terminer le reste. Pour vos autres affaires, vous pourrez les confier à quelqu’un que vous jugerez capable de s’en charger pour l’amour de Dieu et de vous; mais occupez-vous vous-même de cette jeune fille. Je vous prie de la part de Jésus crucifié de vous hâter. N’attendez pas le temps, car le temps n’attend pas. Vous verrez le prieur de la Gorgone; ouvrez-vous entièrement à lui, et prenez une solide et ferme résolution. Si vous vous décidez à choisir cette sainte retraite, qui sera la vie de votre âme, ou si, de quelque manière que ce soit, vous voulez abandonner vos biens aux pauvres, faites des aumônes au couvent de la Gorgone, car il a besoin d’être secouru, pour vivre selon la règle de l’ordre des Chartreux. Courage donc; j’espère de la bonté de Dieu, qu’en vous baignant dans le sang de Jésus crucifié, vous ferez ceci et le reste sans tarder davantage. Je ne dis rien de plus. Recommandez- moi à Léonard et à Nicolas Soderini, à Mme Antonia. Bénissez toute la famille au non du Christ, le doux Jésus. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1419].

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CCLXXX (272).-A NERI DE LANDOCCIO, des Pagliaresi.- De l’opposition qu’il y a entre Jésus-Christ et le monde.

(Néri, ou Ranieri de Landoccio, fut un des premiers et des plus dévoués disciples de sainte Catherine; il lui servit habituellement de secrétaire, et souvent d’intermédiaire auprès de Grégoire XI. d’Urbain VI, et de la reine de Naples. Après la mort de sainte Catherine, il se fit ermite et mourut en odeur de sainteté. (Voir le procès de Venise, déposition de Thomas Caffarini, de Sienne, et la Vie de sainte Catherine, p. III, ch. 2. )
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Mon très cher et très aimé Frère et Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris et je vous encourage dans son précieux sang, avec le désir de vous voir uni et tout transformé dans le Christ Jésus; et cela, mon très doux Fils, l’âme ne peut le faire, c’est-à-dire être parfaitement semblable au Christ, si elle ne se détache entièrement de toute ressemblance avec le siècle, car Je monde est opposé à Dieu, et Dieu est opposé au monde. lis ne peuvent avoir aucun rapport ensemble, et c’est pourquoi nous voyons l’Homme-Dieu choisir la pauvreté complète, les Injures, les mauvais traitements, la honte, la faim, la soif; il a méprisé la gloire et les honneurs des hommes; toujours il a cherché la gloire de son Père et notre salut, toujours il a persévéré dans la vraie [1420] et parfaite patience; il n’y avait pas d’orgueil en lui, mais une humilité parfaite. O ineffable charité ! combien vous êtes contraire au siècle ! Le siècle cherche la gloire, les honneurs, les délices, l’orgueil, l’impatience, l’avarice, la haine, la vengeance, l’amour de soi-même, qui rétrécit le cœur au point de ne plus laisser de place pour le prochain. Oh ! combien sont insensés ceux qui suivent ce siècle maudit ! En voulant les honneurs, ils trouvent la honte; en voulant les richesses, ils deviennent pauvres, parce qu’ils ne cherchent pas la vraie richesse; en voulant la joie et les jouissances, ils n’éprouvent que tristesse et amertume, parce qu’ils sont privés de Dieu, qui est la joie suprême. Ils ne veulent ni la mort ni la peine, et ils tombent dans la mort et la peine; ils veulent la force et la stabilité, et ils s’éloignent de la Pierre vive.

2. Vois donc, mon très cher Fils, quelle différence il y a entre le Christ et le siècle. Aussi les vrais serviteurs de Dieu, en voyant que le monde n’a aucune ressemblance avec le Christ, font tous leurs efforts pour n’avoir aucune ressemblance avec ce monde, qu’ils veulent haïr et mépriser. Ils aiment ce que Dieu aime, et n’ont d’autres désirs que de se conformer à Jésus crucifié en suivant ses traces; ils se passionnent pour les vraies et solides vertus; et ce qu’ils voient que le Christ a choisi pour lui, ils le veulent pour eux : mais ils ont tout le contraire. Ils ont choisi la pauvreté, l’abaissement, et ils sont toujours glorifiés; ils ont la paix, le bonheur, la joie, la consolation, et n’éprouvent jamais la tristesse. Et ce n’est pas étonnant, car ils sont tout transformés par la souveraine, l’éternelle Vérité et par la bonté de [1421] Dieu, qui renferme tous les biens et satisfait tous les saints désirs.

3. Il est donc bon de suivre le Christ, pour tout quitter et se séparer de la vie ténébreuse du monde; il faut nous en retrancher avec le glaive de la haine et du mépris de nous-mêmes et du pur amour de Dieu. Je vous dis, très cher Fils, que vous ne pourrez prendre ce glaive sans vous rappeler sans cesse la pensée de Dieu et surtout l’abondance du sang de son Fils, dont il a été inondé lorsqu’il s’est immolé avec un si ardent amour sur le bois de la très sainte Croix. C’est là que vous trouverez le glaive de la haine, car c’est à cause de la haine et de l’horreur du péché qu’il est mort. L’amour le tenait attaché; et, comme le disent les saints, ni les clous ni la Croix n’auraient pu le retenir s’il ne l’avait été parles liens de la divine charité.

4. Oui, c’est là que je veux fixer et reposer toujours le regard de votre intelligence; c’est là que vous vous passionnerez pour la vertu et que vous trouverez la persévérance; et ni les démons ni les créatures ne pourront vous en détourner. Vous voudrez vous soumettre et vous assujettir à toute créature, à cause de Dieu, avec une vraie et parfaite humilité; vous aurez en dégoût et en abomination le monde et toutes ses œuvres, en vous souvenant de ce précieux sang, et vous aurez faim et soif des âmes, qui sont la nourriture des serviteurs de Dieu.

5. Je vous prie et vous conseille de prendre sans cesse avec amour cette nourriture. Que la connaissance de vos défauts ne vous arrête pas, car Dieu regarde plus à notre bonne volonté qu’à nos défauts [1422]. Je vous le répète vous trouverez dans l’amour du prochain pour Dieu, le feu qui purifie l’âme. Pour que l’a vôtre soit bien purifiée, aidez frère Barthélemy de tout votre pouvoir, pendant qu’il travaille à retirer les âmes des mains du démon. Si je pouvais venir l’aider, je le ferais bien volontiers, mais il ne me semble pas que ce soit la volonté de Dieu. Maintenant nous avons peu de temps, nous n’en ferons pas moins ce que Dieu nous promet de faire; mais sachez, Frère, que ce que je ne fais pas visiblement, je le fais et je le ferai invisiblement.

6. Vous ma demandez que je vous reçoive pour mon fils; j’en suis, il est vrai, indigne; je ne suis qu’une pauvre misérable, mais je vous ai reçu et je vous revois avec un tendre amour. Je m’engage devant Dieu à répondre pour vous de toutes les fautes que vous avez commises et que vous commettez mais je vous en conjure, satisfaites mon désir, devenez conforme à Jésus crucifié, et séparez-vous entièrement du siècle, comme je vous l’ai dit, car nous ne pouvons être autrement semblables à Jésus-Christ. Revêtez-vous, revêtez-vous de Jésus crucifié c’est là le vêtement nuptial qui vous donnera la grâce, et vous permettra de vous asseoir à la table de ta vie éternelle avec les bienheureux. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Bénissez et encouragez frère Barthélemy et frère Simon dans le Christ Jésus [1423].

Table des matières (2)





CCLXXXI (273). A NERI DE LANDOCOCCIO. — De la lumière qui donne la charité.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir employer la lumière que Dieu t’a donnée, afin d’augmenter en toi la parfaite lumière, parce que sans la parfaite lumière, nous ne pourrons jamais posséder la vérité, l’aimer et nous en revêtir; et si nous n’en sommes pas revêtus, notre première lumière deviendra ténèbres; et il faut arriver à la parfaite lumière, puisque Dieu nous y appelle. Je veux donc que tu t’appliques avec zèle à contempler la vérité dans l’abîme de la charité divine; tu arriveras ainsi à la parfaite lumière surnaturelle, à l’amour très parfait de ton Créateur et à l’amour du prochain, et tu accompliras ainsi en toi la volonté de Dieu et mon désir. Je ne t’en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1424].

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CCLXXXII (274).- A NERI DE LANDOCCIO. — La considération de notre misère et de la miséricorde de Dieu donne la paix de l’âme.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE.

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir posséder la vraie lumière; afin que par cette lumière, tu connaisses la vérité de ton Créateur. Cette vérité est qu’il nous a créés pour nous donner la vie éternelle; mais par la révolte de l’homme contre Dieu, cette vérité ne s’est pas accomplie. Alors il s’est abaissé autant qu’il pouvait le faire, puisque la Divinité s’est revêtue de notre humanité. Nous voyons aussi à cette glorieuse lumière que Dieu s’est fait homme, et cela pour accomplir la vérité en nous. Le sang du tendre Verbe nous l’a bien montré; et ce que nous croyons par la Foi nous est garanti par le prix de ce sang. La créature raisonnable ne peut nier qu’il n’en soit ainsi.

2. Je veux donc que le trouble de ton âme soit détruit et disparaisse dans l’espérance du Sang et dans le feu de l’ineffable charité de Dieu, et qu’il reste seulement la vraie connaissance de toi-même. Cette connaissance, en t’humiliant, augmentera et nourrira la lumière. Dieu n’est-il pas plus disposé à pardonner que nous à pécher? N’est-il pas notre médecin [1425] et nous ses malades? N’a-t-il pas porté nos iniquités? Et le trouble de l’âme n’est-il pas le pire des défauts? Si assurément, très cher Fils. Ouvre donc l’oeil de l’intelligence à la lumière de la très sainte Foi, et regarde combien tu es aimé de Dieu; et en regardant son amour, l’ignorance et la froideur de ton cœur, ne te trouble pas, mais que cette connaissance augmente le feu du saint désir et ton humilité, comme je te l’ai dit. Et plus tu verras combien tu réponds mal aux grandes grâces que t’a faites et que te fait ton Créateur, plus tu devras t’humilier et dire avec une sainte résolution Ce que je n’ai pas fait jusqu’à présent, je veux le faire maintenant. Considère que le trouble d’esprit fait oublier entièrement la doctrine qui t’a été toujours donnée c’est une lèpre qui dessèche l’âme et le corps, et qui nous cause une affliction continuelle. Ce trouble enchaîne les bras du saint désir, et nous empêche de faire ce que nous voulons; il rend l’âme insupportable à elle-même, et l’agite sans cesse par des combats et des fantômes; il ôte la lumière surnaturelle et obscurcit la lumière naturelle. Et l’âme tombe ainsi dans des infidélités nombreuses, parce qu’elle ne connaît plus la vérité pour laquelle Dieu l’a créée il l’a créée pour lui donner la vie éternelle. Courage donc! que la foi vive, les saints désirs et la ferme espérance dans le Sang précieux triomphent du démon qui te trouble. Je ne t’en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Je le prie qu’il te donne sa douce bénédiction. Doux Jésus, Jésus amour [1426].

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CCLXXXIII (275). — A NERI DE LANDOCCIO.- Il faut avancer dans le renoncement de soi-même pour arriver à la paix.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher et très doux Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir toujours croitre de vertu en vertu jusqu’à ce que je te voie arriver à l’océan de la paix, où tu ne craindras plus d’être séparé de Dieu. Alors la corruption de la loi mauvaise, qui combat contre l’esprit, sera détruite et la dette sera payée. Je veux, mon très doux Fils, que tant que tu seras en cette vie, tu t’appliques à vivre mort à toute volonté propre. C’est par cette mort que tu acquerras les vertus; et c’est en vivant ainsi que tu vaincras la loi de la volonté mauvaise. Tu ne craindras plus que Dieu permette pour toi ce qu’il a permis pour d’autres, et tu ne t’affligeras plus de ce que tu es séparé pour un peu de temps de moi et de l’autre congrégation. Courage, et rappelle-toi ce que la Vérité a dit: Qu’aucun ne sera ravi de ses mains (Jn 17,12.- Sainte Catherine, au témoignage de Christophe de Gano, aurait reçu de Notre-Seigneur la promesse du salut éternel de tous ses disciples.). Je dis de ses mains, parce que tout lui appartient, et je sais que tu comprends sans beaucoup [1427]de paroles. Ainsi je n’en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CCLXXXIV (276).- A NERI DE LANDOCCIO.- Des grâces que le cœur reçoit de Dieu dans la prière.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher et très doux Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris clans son précieux sang, avec le désir de te voir disposer le vase de ton cœur et de ton âme pour recevoir ce que Dieu veut te donner par le moyen de la prière. Pourquoi vouloir que tu te prépares ainsi ? Parce que tu ne pourrais autrement rien recevoir, et, comme Dieu est toujours disposé à donner, il faut que l’âme aussi se dispose toujours elle-même à recevoir. Et comment s’y disposera-t-elle? Avec les moyens que nous avons reçus de Dieu lorsque nous avons été créés à son image et ressemblance. Nous recevons avec la lumière la mémoire, qui est le vase pour la contenir, l’intelligence, qui reçoit la lumière de la Foi dans le saint baptême, et la volonté, qui est capable d’aimer, car il n’est pas possible de vivre sans amour.

2. Puisque nous avons reçu de Dieu avec l’être cette disposition à l’amour, lorsque nous avons été faits par amour, nous devons par le libre arbitre présenter [1428] et offrir en la présence de Dieu cet être donné par amour, et recevoir avec amour l’amour. Je parle de l’amour général que Dieu a pour toutes les créatures raisonnables, et les dons, les grâces particulières que lame reconnaît avoir reçus, Alors nous invitons Dieu à répandre sur nous le feu et l’abime de son ineffable charité, avec une lumière surnaturelle, une plénitude de grâce et une parure de vertu, que l’âme reçoit, en étant lavée dans le précieux sang de l’humble Agneau sans tache. Elle a faim de l’honneur de Dieu et du salut des âmes, elle court à la table des douloureux désirs, et elle y prend cette nourriture en si grande abondance, que la sensualité en est étouffée et détruite. La volonté meurt à tout amour-propre, à tout mouvement sensitif, et elle est prête comme une épouse fidèle à mourir et à donner mille fois sa vie, si elle le pouvait, pour la Vérité. Voici le temps, très cher et très doux Fils, d’offrir ta vie; et tu seras prêt à la donner, lorsque tu seras dans la disposition dont je t’ai parlé. Je termine. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1429].

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CCLXXXV (277).- A NERI DE LANDOCCIO.- Elle désire le voir éclairé par la lumière de la très sainte Foi.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher et très doux Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de voir en toi la lumière de la très sainte Foi, afin que jamais rien de ce qui t’arrive ne te scandalise, mais que ton âme conserve la paix dans tous les mystères de Dieu, et qu’elle considère l’amour ineffable qu’il a montré en nous faisant des créatures raisonnables, en nous donnant son image et sa ressemblance, et en nous rachetant avec le sang de l’humble Agneau sans tache. Cette vue te fera recevoir avec respect tout ce qui t’arrive ; et tu renonceras à ton jugement avec une humilité sincère toutes les fois que, par une illusion du démon, il te semblera que les choses ne sont pas ce qu’elles devraient être au milieu de tes peines spirituelles et corporelles. Je ne t’en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1430] .

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CCLXXXVI (278).- A NERI DE LANDOCCIO.- Du feu de la charité qui naît de la contemplation de Jésus crucifié.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Mon cher et bien-aimé Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir uni et transformé dans le feu de la plus ardente charité, afin que tu sois un vase d’élection capable de porter la parole de Dieu selon ses grands desseins, en la présence de notre doux Christ de la terre, et que tu parviennes à embraser son cœur (Néri avait été envoyé à Avignon par sainte Catherine porter une lettre à Grégoire XI (lettre IIIe); il s’était arrêté à Pise pour prendre la voie de mer.). Aussi je veux, mon Fils, que tu fixes le regard de ton intelligence sur Jésus crucifié il est la source où l’âme s’enivre et se consume d’ardents désirs. Ces désirs, je veux que tu les étendes au corps mystique de la sainte Eglise, pour l’honneur de Dieu et le salut de toute créature. En le faisant, tes œuvres et tes paroles seront comme la flèche qu’on retire d’un foyer bien embrasé et qu’on jette : elle embrase ce qu’elle touche, car elle ne peut faire autrement que de donner ce qu’elle a. De même, mon Fils, si ton âme entre dans la fournaise de la charité divine, elle sera toute changée par l’ardeur de l’amour, et en s’élançant elle communiquera ce que tu as trouvé dans le feu [1431].

2. Et qu’as-tu trouvé en Dieu? la haine et le mépris de toi-même, l’amour de la vertu, la faim du salut des âmes, et de l’honneur du Père éternel. Tu ne peux trouver autre chose dans le doux Verbe. Tu vois bien qu’il est mort de la faim qu’il avait de notre salut, et il en était si tourmenté, qu’il a sué non pas de l’eau, mais des gouttes de sang par la violence de l’amour. Quel cœur serait assez dur, assez obstiné pour ne pas ressentir le feu et ne pas se fondre à sa chaleur? En regardant, vous ne pourrez vous empêcher d’être comme l’étoupe qu’on met dans le feu, et qui ne peut y être sans brêler; car la nature du feu est de brûler et de convertir en lui tout ce qui en approche, De même l’âme qui considère l’amour de son Créateur est aussitôt entraînée à l’aimer et à changer tout son cœur en lui. C’est là que se consume toute l’humidité de l’amour-propre, et que l’âme perd la ressemblance du feu de l’Esprit-Saint; et le signe qu’elle l’a, c’est qu’elle aime aussitôt tout ce que Dieu aime, et qu’elle déteste tout ce qu’il déteste.

3. Voilà pourquoi mon âme désire te voir uni et transformé dans le feu de la charité divine. Travailles-y de tout ton pouvoir, de toutes tes forces, mon Fils bien aimé, afin d’accomplir la volonté de Dieu et celle de ta pauvre et triste mère. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Dis à Nanni et à Papi de crier si bien, que j’aie enfin de leurs nouvelles. Dis à mon fils Gherad qu’il réponde à la voix de sa mère, qui l’appelle, et qu’il vienne bientôt, car je l’attends. Vanni, messire François, Mme Nella et Catherine me sont toujours chers. Bénis-les au nom de la très sainte Croix; j’en fais de même pour le [1432] père (Les personnes dont sainte Catherine parle étaient de la famille Buonoconti, de Pise. )... Jésus, doux Jésus. François dit qu’il n’est obligé à rien; François, le méchant, le paresseux, dit que tu salues mille fois le frère Raymond dans le Christ Jésus. Dis-lui de prier Dieu pour lui. Jésus, Jésus. Tu sais que quand j’ai obtenu l’indulgence plénière du Saint-Père (Cette indulgence avait été demandée par le confesseur de sainte Brigitte, Alphonse de Vadaterra. (Lettre CLXIII) Sainte Catherine demandait un changement dans les conditions de l’indulgence, parce ce qu’elle avait peine à réciter un Pater sans entrer en extase. Son jeûne du reste était continuel. (Vie de sainte Catherine, IIe p., ch. 5.), il m’a obligée de dire, tous les vendredis, trente-trois Pater et trente-trois Ave Maria et ensuite soixante-douze Ave Maria. Maintenant je désirerais, si tu veux bien le demander, qu’il m’oblige à jeûner, tous les vendredis, au pain et à l’eau; n’oublie pas de le demander, si tu le peux. Doux Jésus, Jésus amour.

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CCLXXXVII (279).- A NERI DE LANDOCCIO.- De la persévérance et du progrès dans la vertu.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang [1433], avec le désir de voir croître en toi les bons et saints désirs, avec une douce et vraie persévérance jusqu’à la mort. Pense, mon Fils, que, chaque jour, nous devons nous appliquer à croître en vertu ; car, si nous n’avançons pas, nous reculerons. J’espère de la divine Bonté que mon désir s’accomplira en toi, pour ceci et pour d’autres choses. Je n’ajoute rien maintenant, parce que le temps presse et que j’ai beaucoup d’affaires qui ne peuvent attendre. Mets ta force en Jésus crucifié, et sois bien patient. Encourage et bénis mille fois de ma part Simon; recommande-lui de prier Dieu pour tous tes frères, qui t’envoient bien des compliments, surtout ce négligent d’Etienne. Barduccio et François se portent bien et te saluent. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CCLXXXVIII (280). — A NERI DE LANDOCCIO.- Du renoncement à soi-même.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher. Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir posséder la parfaite lumière et la connaissance de l’éternelle vérité, afin que toutes tes œuvres soient faites avec lumière et discernement. Sans la lumière, tout est fait dans les [1434] ténèbres ; et tu ne pourras avoir parfaitement cette lumière si tu ne dissipes, par la haine, le nuage de l’amour-propre. Applique-toi donc avec un grand zèle à te perdre toi-même, afin que tu puisses acquérir cette lumière, et que toutes tes pensées soient anéanties dans la pensée et la volonté de la Bonté divine. Je ne t’en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.

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CCLXXXIX (281). — A NERI DE LANDOCCCIO.- Elle l’exhorte à se dépouiller de l’amour-propre, et à faire la communion fréquente.
 
 

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE

1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l’esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t’écris dans son précieux sang, avec le désir de voir mourir en toi tout sentiment propre, afin que ton esprit et tes désirs ne soient lamais souillés par l’intérêt personnel, mais qu’au contraire. la vertu augmente toujours en toi. Tu le feras, si avec l’oeil de ton intelligence, tu te regardes dans l’éternelle Vérité; tu ne pourras autrement déraciner l’amour-propre. Je veux donc, mon doux Fils, que tu regardes dans la suprême et éternelle Vérité; ne perds pas de temps, et applique-toi de toutes tes forces à supporter, autant que tu le [1435] pourras, les défauts des créatures. Tâche de ne pas négliger la sainte oraison, et de faire tous les dimanches la sainte Communion. Ne t’inquiète pas de te voir éloigné de moi corporellement, car par le saint désir et la sainte prière, je serai toujours près de toi. Courage; agis avec force et violence, afin de ravir le royaume des cieux. Je termine. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Que Dieu te donne sa douce et éternelle bénédiction. Mme Lisa, Alessia, François et Barduccio te saluent. Doux Jésus, Jésus amour.
 
 

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