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Dictionnaire de Théologie Catholique

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MORT. — I. Définition. II. Cause. III. Effets. IV. Moment.

I. DÉFINITION. — 1° Sens analogiques. — La mort s'opposant à la vie, le terme « mort » revêt des significations différentes en raison des « vies » différentes auxquelles on l'oppose. Ainsi : 1. la grâce sanctifiante étant la vie surnaturelle de l'âme, la privation de cette grâce est appelée mort. Eph., 2, 5. — 2. La perte de la vie glorieuse du paradis, c'est-à-dire la damnation éternelle est appelée la seconde mort. Apoc., XX, 6, 14; cf. Sap., I, 12. — 3. Par opposition à la vie de péché, la vie sainte est appelée mort en ou avec Jésus-Christ. Rom., VI, 2 sq.

2°. Sens propre. — La mort, prise en son sens propre, est la séparation de l'âme immortelle d'avec le corps. Cf. Eccl., XII, 7; I Reg., XV, 32. Aussi la sainte Écriture la désigne-t-elle sous des noms qui affirment cette séparation : dissolutio, Phil., I, 23; II Tim., IV, 6; depositio tabernaculi, II Pet., I, 14; terrestris domus dissolutio, exspoliatio; peregrinatio a corpore. II Cor., V, 1, 4, 8. La liturgie a conservé plus d'une de ces expressions dans l'office et la messe des défunts.

II. CAUSE. — Par rapport à sa cause, la mort peut être envisagée soit philosophiquement, comme conséquence naturelle de l'union de l'âme immortelle au corps corruptible; soit historiquement comme suite pénale du péché originel. Dans les deux cas, elle s'affirme comme une loi universelle de l'humanité.

La mort, conséquence naturelle de l'union de l'âme au corps. — La nature humaine est composée d'une âme immortelle, substantiellement unie à un corps mortel. Donc, par là-même que le corps est mortel, l'union substantielle de l'âme et du corps doit un jour se rompre, et chacun des deux éléments suivra alors sa destinée propre. A ce point de vue, l'homme est naturellement mortel : « Est dit naturel ce qui a sa cause dans les principes de la nature. Or, les principes essentiels de la nature sont la forme et la matière. La forme de l'homme est l'âme raisonnable, de soi immortelle; et, en conséquence, la mort n'est pas naturelle à l'homme, si l'on ne considère que sa forme substantielle. Mais la matière de l'homme est le corps, lequel, composé d'éléments contraires, est, par là même, de toute nécessité, sujet à corruption. C'est à cet égard que la mort est naturelle à l'homme. » S. Thomas, Sum. theol., IIa IIæ, q. CLXIV, a. 2. C'est donc à juste titre que l'Église a condamné la prop. 78 de Baïus : « L'immortalité du premier homme n'était pas un bienfait de la grâce, mais une condition naturelle. Voir BAÏUS, t. II, col. 72.

La mort, suite pénale du péché originel. — Historiquement considérée, la nature humaine doit être envisagée telle qu'elle fut constituée par le Créateur. Or, Dieu n'a pas fait la mort, Sap., I, 13; il a créé l'homme pour un état d'incorruptibilité, id., II, 23. S'emparant de cette donnée de la révélation, et faisant écho à la doctrine de saint Paul, l'Église anathématise « quiconque affirme qu'Adam a été créé mortel, en sorte que, pécheur ou non, il serait mort et qu'ainsi sa mort n'a pas été le salaire du péché, mais une nécessité de nature. » Concile de Carthage (dit autrefois de Milève); II° conc. d'Orange, can. 2; conc. de Trente, sess. V, can. 1-2; Denzinger-Bannw., n. 101, 175, 788-789. Ainsi, il est de foi divine et catholique que Dieu a créé l'homme immortel. Voir ADAM, t. I, col. 374; JUSTICE ORIGINELLE, t. VIII, col. 2025. Mais cette immortalité était conditionnelle : Adam pouvait ne pas mourir, s'il restait fidèle à Dieu. Cf. S. Augustin, De Genesi ad litt., l. VI, c. XXV, P. L., t. XXXIV, col. 354.

En fait, l'homme ayant péché, l'immortalité conditionnelle lui fut enlevée avec les autres dons préternaturels. Dieu prononça expressément la sentence de mort sur l'homme prévaricateur. Gen., III, 19; cf. II, 17; III, 3. Donc, sous cet aspect, la mort, toute naturelle qu'elle soit à la nature humaine philosophiquement considérée, devient une véritable peine, un châtiment, une « solde » du péché, par lequel elle est entrée dans le monde. Rom., V, 12; cf. VI, 23. Ainsi l'homme doit mourir, Heb., IX, 27; la mort arrache l'homme à ce qu'il possède ici-bas, Eccli., XLI, 1, comble le désir de celui qui veut être réuni au Christ. Phil., I, 23. Si longue que soit la vie de l'homme, l'heure de la mort sonnera; elle a sonné pour les patriarches dont la longévité était extraordinaire, Gen., V, 4 sq.; elle sonne pour tous les hommes, au plus tard après les tribulations de la vieillesse, Ps., LXXXIX, 10; Eccli., XVIII, 8; elle se présente à l'heure qu'on ignore, Matth., XXIV, 48 sq.; Apoc., III, 3; cf. XVI, 15; I Thess., V, 2; II Pet., III, 10; et il est insensé de compter sur la vie, si brève, et qui fut pareille à l'ombre, Job, XIV, 1, 2, pour se livrer sans crainte aux plaisirs d'ici-bas. Luc., XII, 19-20.

Universalité de la mort. — In omnes homines mors pertransiit, in quo omnes peccaverunt, Rom., V. 12. L'universalité du péché entraîne l'universalité de la mort. Bien que la loi de la mort soit universelle, il existe des raisons de se demander si cette loi ne comporte pas quelques exceptions.

1. La question se pose pour Hénoch et Élie, que l'Écriture représente comme ayant été transportés vivants de cette vie en l'autre. Gen., V, 24; IV Reg., II, 11; Eccli., XLIV, 16; XLVIII, 13; Heb., XI, 5. Plusieurs Pères pensent qu'Hénoch et Élie ne mourront pas; d'autres estiment qu'ils mourront à la fin du monde, que l'Antéchrist les fera périr et qu'ils ressusciteront ensuite. Ainsi opinent Tertullien, De anima, c 50, P. L., t. II, col. 735, saint Augustin, Serm., XXIX, n. 11, P. L., t. XXXVIII, col. 1376, interprétant Apoc., XI, 3 sq., au sujet des deux témoins que la bête doit mettre à mort. Sur le retour d'Élie et d'Hénoch avant la fin du monde, sur l'interprétation des deux témoins de l'Apoc., XI, 3, voir Suarez, De mysteriis vitæ Christi, disp. LV, sect. III; Palmieri, De novissimis, § 39, 40; Stentrup, Soteriologia, th. CLX, p. 1021 sq. Bellarmin pense que nier la venue d'Hénoch et d'Élie, avant la

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fin du monde, serait une hérésie ou une erreur proche de l'hérésie. De romano pontifice, l. III, c. VI. Cf. Suarez, In IIIam part. Sum. S. Thomæ, disp. LV, sect. III, Lépicier, De novissimis, p. 36. C'est aller un peu loin, étant données les hésitations des commentateurs anciens et modernes.

Le texte grec de I Cor., XV, 51, : non omnes dormiemus, sed omnes immutabimur. Sur les remarques qu'appelle ce texte et la version de la Vulgate, voir Cornely, Comment. in I Cor., p. 506 sq. Ce texte semble indiquer que les justes, au second avènement de Jésus-Christ, passeront de la vie terrestre à la gloire céleste sans être soumis à la mort. C'est là le « mystère » dont parle saint Paul. Ainsi l'ont compris la plupart des Pères grecs, notamment saint Jean Chrysostome, In I Cor., hom. XLII, n. 2, P. G., t. LXI, col. 364, et, chez les latins, saint Jérôme, Epist., LIX, ad Marcellam, n. 3, P. L., t. XXII, col. 587. C'est l'interprétation des exégètes modernes et de plusieurs théologiens, par exemple Pesch, Prælectiones, t. IX, n. 565; Palmieri, De novissimis, § 7, n. 8. Il est assez commun de rencontrer chez les théologiens une autre interprétation laquelle laisserait subsister, sans exception, l'universalité de la loi : Les justes ne mourront pas, c'est-à-dire ne resteront pas longtemps sous le coup de la mort. Ainsi, commentant saint Thomas, Sum. theol., Suppl., q. LXXVIII, a. 1 : Billot, De novissimis, p. 147; Hurter, Theol. dogm. comp., t. III, n. 638; Lépicier, De novissimis, p. 19 sq.; Delattre, Le second avènement de Jésus-Christ, Louvain, 1891. C'est d'ailleurs l'interprétation du Catéchisme du concile de Trente, part. I, c. XII, se référant à saint Jérôme (lequel relate, sans la faire sienne cette opinion, Epist., CIX, n. 6, P. L., t. XXII, col. 971), à saint Ambroise (en réalité à l'Ambrosiaster, qui est très imprécis, In epist. I ad Cor., XV, 51-53, P. L., t. XVII, col. 270-271), à saint Augustin, De civitate Dei, l. XX, c. xx, n. 2, P. L., t. XLI, col. 688. Même en acceptant cette interprétation, l'universalité de la loi de la mort subsisterait : etsi non moriantur est tamen in eis reatus mortis, sed pœna aufertur a Deo. Sum. theol., Ia-IIæ, q. LXXXI, a. 3, ad 1um.

Dans la IIe Cor., V, 2 sq., l'apôtre écrit : « Nous gémissons, désirant être revêtus de notre habitation du ciel [notre corps glorieux ]...; nous qui sommes dans cette tente [notre corps terrestre ], nous gémissons de sa pesanteur, parce que nous ne voulons pas être dépouillés, mais revêtus par-dessus, afin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie. » C'est là évidemment le souhait de quelqu'un qui désire arriver à la vie glorieuse, sans passer par la mort, souhait qu'il faut rapprocher de l'idée exprimée dans le texte ci-dessus, et qui s'affirme plus encore dans le suivant. Ainsi ont interprété la pensée de saint Paul presque tous les exégètes catholiques. Cf. S. Augustin, Epist., CXL, n. 16, P. L., t. XXXIII, col. 544. Comment un tel désir aurait-il pu être formulé s'il avait été totalement irréalisable? Sur les difficultés de l'interprétation de ce texte, voir Cornely, In IIam epist. ad Cor., p. 137 sq. Saint Paul témoigne du désir qu'aurait le juste d'arriver au ciel sans passer par la mort : désir bien compréhensible au point de vue de la nature déchue, qui éprouve pour la mort un sentiment d'horreur, mais qu'en d'autres endroits saint Paul corrige, montrant le juste, aidé par la grâce, dans le désir de la mort, pour être réuni au Christ. II Cor., V, 8; Rom., VII, 24 sq.; et surtout Phil., I, 23.

4. Le passage le plus célèbre est I Thess., c. IV, 15-17 : « Nous vous le déclarons, d'après la parole du Seigneur, que nous qui vivons et qui sommes réservés pour l'avènement du Seigneur, nous ne préviendrons pas ceux qui se sont endormis. Car... ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront les premiers. Ensuite, nous qui vivons, qui sommes laissés, nous serons emportés avec eux dans les nues, au-devant du Christ, dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. » Ici encore, comme dans I Cor., XV, 51, le sens obvie paraît être que les justes que la fin du monde trouvera encore en vie, passeront de ce monde en l'autre sans être soumis à la mort. Cf. S. Augustin, Epist., CXCIII, n. 9, P. L., t. XXXIII, col. 872-873; S. Jérôme, Epist., LIX, n. 3, P. L., t. XXII, col. 587. Les mêmes observations et interprétations que pour I Cor., XV, 51, doivent être ici formulées. On interprétera également de même la formule judicaturus vivos et mortuos, II Tim., IV, 1, formule qu'on retrouve dans les symboles et les textes liturgiques.

En résumé, la loi de la mort est universelle; tous y sont sujets; en tous se retrouve la nécessité de s'y soumettre. Toutefois, il est possible que Dieu accorde à certains d'en être de fait exemptés. Mais dans l'Église latine, on s'est plutôt rallié à l'idée que tous les hommes, même les justes, mourront avant de ressusciter. Cf. S. Augustin, De civitate Dei, loc. cit.; Retract., l. II, c. XXXIII, P. L., t. XXXII, col. 644; Gennade, De eccl. dogm., c. VII, P. L., t. LVIII, col. 983. Parmi les théologiens, voir S. Thomas, Suppl., q. LXXVIII, a. 1; LXXIV, a. 8; Suarez, De mysteriis vitæChristi, disp. IV, sect. II. Saint Thomas expose les raisons de convenance de l'opinion qu'il défend comme plus sûre et plus commune : conformité à l'ordre de la justice divine, à cause de l'universalité du péché; conformité aux assertions de l'Écriture : la résurrection, à laquelle tous participeront, ne suppose-t-elle pas la mort ? conformité enfin à l'ordre de la nature, la mort étant naturelle au composé humain. Suppl., q. LXXVIII, a. 1. Les théologiens font aussi valoir que, si le Christ et la vierge Marie sont morts sans avoir connu le péché, à plus forte raison devront mourir tous les hommes qui précisément ont contracté la dette de la mort à cause du péché dont aucun n'est exempt.

III. EFFETS. — 1° Sur le corps. — Le corps, séparé de l'âme, doit être livré à la corruption et devenir la proie des vers du tombeau, en attendant la résurrection finale. Cf. Jac., II, 26, et surtout I Cor., XV, 37 sq.

Sur l'âme. — L'âme immortelle est placée par la mort dans l'état de terme, qui exclut désormais toute possibilité de changement de mérite ou de démérite. Sur ce point, on peut considérer le dogme et l'explication théologique.

1. Le dogme. — « Que la voie (préparatoire à la vie future) ne se continue pas au delà du terme de la vie présente, que de l'issue de notre pérégrination terrestre dépende notre état d'immobilité dans la félicité ou la damnation; qu'enfin on doive considérer comme une hérésie l'origénisme si malencontreusement ressuscité de nos jours par quelques écrivains...; c'est là une vérité que l'Église a toujours professée explicitement et expressément; et, si l'on ne peut en apporter de définition solennelle, cependant les Pères l'ont explicitement prêchée ou bien ouvertement supposée comme un dogme de la foi catholique. » Billot, De novissimis, Rome, 1921, q. 1, § 2, p. 33.

Cette vérité s'appuie principalement sur :

    Matth., XXV. Le jugement dernier est décrit comme devant avoir pour unique objet les actes de la vie présente, et pour terme la double sentence d'éternelle récompense ou d'éternel châtiment. Il y aura donc réellement un état immobile, soit de peine, soit de félicité, dépendant intégralement de la fin de notre vie présente.

    La parabole de Lazare et du mauvais riche, Luc., XVI. Lazare et le mauvais riche reçurent la récompense

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due aux actions de leur vie terrestre et sont dans un état qui ne comporte plus de changement; cf. V., 26. Le mauvais riche supplie Abraham d'envoyer quelqu'un à ses frères pour les exhorter à une pénitence que lui ne peut plus faire.

    Les graves avertissements du Christ : briser tout attachement et toute habitude scandaleuse, Matth., XVIII, 8-9; Marc., IX, 42-47; se renoncer à soi-même et prendre sa croix, Luc., XIV, 27; veiller et prier dans la continuelle attente du dernier jour, Matth., XXIV, 42-44, afin de ne pas être surpris dans la débauche, l'ébriété et les soucis de ce siècle et de ne pas encourir pour son âme un éternel dommage, Luc., XXI, 34. Tout cela, en effet, suppose clairement que l'instant de la mort est décisif, et qu'il devient ensuite impossible à l'homme de mériter ou de démériter, de faire pénitence de ses fautes ou, à l'inverse, de perdre la grâce de Dieu.

    II Cor., V, 10 : « Nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû à ses bonnes œuvres ou à ses mauvaises actions, pendant qu'il était revêtu de son corps. Notre état futur dérive de ce jugement. Mais ce jugement aura pour objet unique les actions de la vie présente, les actions que nous aurons accomplies quand notre âme était unie au corps, ut referat unusquisque propria corporis. Cette pensée fondamentale éclaire d'autres assertions de saint Paul : « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut », id. VI, 2. Et encore : « Pendant que nous en avons le temps, faisons du bien », Gal., VI, 10. Et encore : « Exhortez-vous chaque jour les uns les autres pendant le temps qui s'appelle aujourd'hui, de peur que quelqu'un de vous ne s'endurcisse par la séduction du péché. » Heb., III, 13. Le terme « aujourd'hui », emprunté au ps. XCIV, désigne ici la durée de la vie terrestre de l'homme. En sorte que le sens est clair : « Exhortez-vous... tant que Dieu vous accorde le « jour » de la présente vie, et avant que ne tombe sur vous la nuit de la mort, dans laquelle il devient impossible de travailler pour le ciel, etc. »

    Joa., V, 25-29. On distingue ici deux temps où la voix du Fils de Dieu se fera entendre. Le premier temps est le temps de la vie présente : « L'heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu. » 25. Il s'agit ici des morts spirituels par le péché. La voix du Fils de Dieu se fait entendre à eux, afin qu'ils ressuscitent spirituellement, « et ceux qui l'auront entendue, vivront », id.: la voix dirige son appel vers beaucoup de morts, mais tous ne l'entendent pas, c'est-à-dire n'y répondent pas. L'autre temps est celui de la consommation des siècles. De ce temps il est écrit : « L'heure vient (Mais ce n'est pas celle qui est déjà venue) où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la Voix du Fils de Dieu » V. 28. Il s'agit ici de ceux qui sont morts à la vie du corps. Mais la voix du Fils ne se fera plus entendre pour exciter leur libre arbitre vers le bien, et il n'y a plus place pour la distinction précédemment établie entre ceux qui répondent et ceux qui ne répondent pas à l'appel du Fils de Dieu. Il s'agira uniquement d'appeler au jugement les hommes ressuscités. « Et ceux qui auront fait le bien (pendant le temps de leur vie mortelle) sortiront des tombeaux pour la résurrection de la vie, mais ceux qui auront mal fait, pour la résurrection du jugement (qui confirmera leur damnation). » V, 29. Cf. Billot, loc. cit., p. 33-42.

L'Ancien Testament fournit plusieurs textes où se trouve exprimée la même vérité. Chr. Pesch, Prælectiones, t. IX, n. 572, cite Eccl., IX, 10; Eccli., IV, 33; XIV, 13; XVII, 26; XVIII, 22. Coll. XI, 22 sq.

C'est d'ordinaire en commentant Joa., lx, 4, venit nox quando nemo potest operari, que les Pères proclament la foi catholique. L'auteur de la IIaClementis, VIII, 2; Origène, In ps. XXXVI, homil. III, P. G., t. XII, col. 1346; In Levit., homil. III, n. 4; id., col. 429; S. Cyprien, De lapsis, c. XXIX, Hartel, t. III, p. 258; S. Hilaire, In ps. XLI, n. 23, P. L., t. IX, col. 323; S. Jean Chrysostome, In Joannem, homil. LVI, P. G., t. LIX, col. 309 : S. Cyrille d'Alexandrie, In Joannem, l. VI, P. G., t. LXXIII, col. 959; S. Augustin, Enchiridion, c. CX, P. L., t. XL, col. 283; In Joannem, tract. XLIV, n. 5-6, P. L., t. XXXV, col. 1715-1716; S. Grégoire le Grand, In Evang., homil. XIII, P. L., t. LXXVI, col. 1127.

L'Église n'a pas formulé sur ce point de définition solennelle. Léon X a condamné la proposition suivante de Luther (prop. 38) :Animæ in purgatorio non sunt securæ de earum salute, saltem omnes : nec probatum est ullis aut rationibus aut Scripturis, ipsas esse extra statum merendi vel augendæ caritatis, Denzinger-Bannwart, n. 778; et le concile du Vatican se proposait de promulguer cette définition dogmatique : Post mortem quæ est viæ nostræ terminus, illico omnes manifestari nos oportet ante tribunal Christi, ut referat unusquisque propria corporis prout gessit, sive bonum, sive malum (II Cor., V, 10); neque ullus post hanc mortalem vitam relinquitur locus pænitentiæ ad justificationem. Mansi-Petit, Concil., t. LIII, col. 175.

2. Explication théologique. — Les théologiens enseignent unanimement cette doctrine. Cf. Suarez, De gratia, l. XII, c. XV; De angelis, l. VI, c. IV, n. 9 sq.; Ripalda, De ente supernaturali, disp. LXXVII, sect. 1 sq. Tous professent même que la raison dernière du terme imposé par la mort à l'état de voie, est la volonté souveraine de Dieu, qui, absolument parlant, aurait pu faire qu'après la mort l'homme pût encore mériter, ou qu'avant la mort fût déjà fixé un terme au mérite ou démérite possible. Mais, à ne consulter que l'ordre de la sagesse divine, l'instant de la mort parait très convenablement choisi pour fixer le terme de la voie, tant au point de vue du sujet, qui, à ce moment là, se trouvant privé du corps, cesse d'être principe total d'activité, qu'au point de vue de la sanction morale nécessaire dès l'entrée en l'autre vie.

Lorsqu'il s'agit de donner la raison prochaine de l'état de terme, dans lequel le changement moral, le mérite et le démérite sont devenus impossibles, les théologiens ne sont plus d'accord. Les thomistes font procéder la fixité des volontés humaines dans le bien ou dans le mal après la mort des lois psychologiques qui régleront, indépendamment même de l'état de béatitude surnaturelle ou de damnation, la connaissance et l'amour des âmes séparées. A l'instant de la mort sera fait par l'âme le choix de sa fin dernière, ou plutôt l'âme sera fixée dans le choix qu'elle se sera librement déterminé avant la mort : à l'instant de la mort, « notre âme change de mode de connaissance. Le corps n'étant plus là pour lui fournir les images et les émotions sensibles qui pendant cette vie éveillent, précisent, rectifient ou pervertissent nos idées et nos inclinations volontaires, elle reçoit directement, du même influx divin qui la soutient dans l'être, l'ensemble des idées qu'appelle l'état actuel de son intelligence, état individuellement déterminé par le résultat dernier de toute l'expérience de sa vie terrestre et consacré par son acte suprême d'acceptation ou de refus de l'autorité du Père céleste ». Hugueny, O. P., Critique et catholique, t. III, p. 337. Cf. S. Thomas, Cont. Gentes, l. IV, c. XCV; De veritate, q. XXIV, a. 1; le commentaire de Sylvestre de Ferrare sur la Somme contre les Gentils, loc. cit.; Bellarmin, De gratia, l. V, c. XIV. Billot a développé cette preuve dans De personali et originali peccato, Rome, 1924, th. VII, § 2, et dans La Providence de Dieu et le nombre infini d'hommes en dehors de la voie normale du salut,

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IX, Catégorie des adultes, pour lesquels il n'est plus de milieu entre le ciel et l'enfer, dans Études, 1923, t. CLXXVI, p. 385-408.

Beaucoup de théologiens, en dehors de l'école de saint Thomas, n'estiment pas philosophiquement évidente ou même simplement probable la raison psychologique apportée par les thomistes. Les uns confessent leur ignorance à ce sujet. Cf. B. Romeyer, art. Ame, dans le Dictionnaire pratique des connaissances religieuses, t. I, col. 204. D'autres, tout au moins pour les damnés et pour les élus, recourent à des raisons extrinsèques : fixation de l'âme dans le vrai et le bien surnaturels par la vision intuitive; obstination des damnés dans le mal par la soustraction de toute grâce, et par le désespoir dans lequel la connaissance de leurs fautes les plonge. Suarez, De angelis, l. III, c. X; 1. VIII, c. X, n. 18; c. XI, n. 5 sq. Voir Chr. Pesch, op. cit., n. 574-575; 669-670. Ces raisons extrinsèques et d'ordre surnaturel sont d'ailleurs acceptées par les thomistes à la suite de saint Thomas; voir par exemple, pour les damnés, De veritate, q. XXIV, a. 10; De malo, q. XVI, a. 5.

IV. MOMENT. — Le moment de la mort appelle une discussion théologique à cause de la distinction établie par certains auteurs, entre le moment de la mort apparente ou relative et le moment de la mort réelle.

Cette distinction présente une importance capitale pour l'administration des derniers sacrements. En droit, tous les théologiens sont d'accord. S'il y a un doute qu'on se trouve en face d'un être humain encore vivant, on peut lui administrer sous condition les sacrements. Mais, en fait, se pose la question : la mort simplement apparente peut-elle se produire? Se produit-elle en réalité? Se produit-elle dans tous les cas?

1° Observations de la science médicale. — 1. La mort d'après les médecins, peut être simplement apparente : « La suppression absolue de l'une des trois fonctions essentielles à la vie commune (fonctions du cerveau, du cœur, des poumons, simultanément nécessaires pour assurer la vie de l'organisme entier) entraîne promptement l'arrêt des autres et la mort de l'ensemble. Cette suppression radicale est parfois remplacée par un simple affaiblissement de l'une de ces fonctions, qui en rend à nos yeux la persistance inappréciable. En pareil cas, les autres activités vitales peuvent continuer à se dérouler et à témoigner par là du maintien de la vie; mais dans certains autres, elles se dépriment à leur tour sous l'effet neutralisant de la défection précédente et répandent un silence trompeur sur l'économie tout entière. C'est la mort apparente. » Em Berlin, art. Mort (Physiologie) dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales de Dechambre, t. IX, p. 557. Dans le cas de la mort simplement apparente, le cœur n'a pas cessé complètement de battre; mais ses battements sont devenus pour ainsi dire imperceptibles. Cette mort apparente se produit dans certains cas : syncope, asphyxie, léthargie, etc. La rigidité cadavérique peut même parfois être simulée.

2. D'autres fois, la mort apparente devient même relative. C'est lorsque le cœur a cessé complètement de battre : mais les centres nerveux sont encore doués de vie : le cas peut se produire quand la mort est violente ou subite : « On peut supposer qu'il est possible de ranimer un sujet tant que les centres nerveux ne sont pas morts. Dans ce cas, le rétablissement de la circulation provoquera le retour des fonctions organiques. Les seuls cas favorables ou susceptibles d'être traités de la sorte seront évidemment les cas de morts violentes, morts déterminées par une syncope cardiaque en particulier, morts sans altération matérielle incompatible avec la vie. Cette hypothèse n'est pas une simple vue de l'esprit. Brown-Séquard l'a déjà envisagée et il a réalisé expérimentalement de vraies résurrections (Journal de la physiologie de l'homme et des animaux, 1858, p. 666 : Recherches sur la possibilité de ramener momentanément à la vie des individus mourant de maladie). Il opérait sur des animaux mourant de maladies et porteurs de lésions fatalement mortelles. Souvent, dans ces expériences, la respiration était arrêtée depuis un nombre variable de minutes (17' dans un cas), les dernières convulsions de l'agonie avaient eu lieu, la pupille était dilatée ou se dilatait. Malgré ces circonstances extrêmement défavorables, il e pu ranimer ces animaux agonisants. Les uns sont revenus complètement à eux pour plusieurs heures; les autres ont recouvré la respiration et la faculté réflexe; chez d'autres, il n'y eut qu'une augmentation de la vitalité du cœur. L'auteur introduisait dans la carotide de ces animaux une canule en T, et par là leur transfusait du sang frais d'un animal sain, simultanément vers l'encéphale, et vers le cœur ». D'Halluin, La vie du cœur isolé, Lille, 1903. On est arrivé par le massage du cœur à réaliser ces « résurrections » chez des êtres humains, et les résultats ont été tels que M. d'Halluin n'hésite pas à écrire : « Nous pouvons conclure, que la mort ne survient pas au moment où le cœur s'arrête. Il existe une période plus ou moins prolongée durant laquelle le retour à la vie peut être provoqué par le massage du cœur, méthode exceptionnellement réalisable et complexe. » Op. cit., p. 66. Une méthode plus récente a donné, elle aussi, des résultats tangibles. Par le système de l'injection intracardiaque d'adrénaline, le Dr Petit-Dutaillis a obtenu des réanimations temporaires, même après 20 ou 30 minutes d'attente après la syncope, des réanimations définitives, quand l'injection a été pratiquée moins de 6 minutes après l'arrêt du cœur. Notes cliniques sur « les injections intracardiaques d'adrénaline », dans Archives des maladies du cœur, des vaisseaux et du sang, publiées sous la direction du Dr H. Vasquez, Paris, 1925, p. XVII sq. Cf. Paris médical, 5 juillet 1924.

Faut-il étendre à tous les cas de mort sans exception l'explication de la mort relative? La question est beaucoup plus complexe à résoudre. Tous les médecins admettent que la mort de l'organisme entier ne supprime pas immédiatement toutes les vies particulières des organismes inférieurs. On est arrivé, en effet, à faire revivre des organes, même séparés de l'organisme entier, et qui, pendant un temps notable, avaient conservé toutes les apparences de la mort. D'Halluin, Le problème de la mort. Extrait de la Revue de philosophie, t. XXIII, p. 23. Les expériences, renouvelées fréquemment et souvent avec succès, fournissent, dit-on, une base suffisante d'argumentation. S'il est possible d'entretenir ou même de rappeler la vie en des organes soit encore unis à l'organisme entier déjà mort, soit même séparés de cet organisme, c'est que la vie ne s'est pas complètement retirée; c'est que le principe vital agit encore; c'est que la mort relative ne marche elle-même que progressivement vers la mort absolue : « La mort de l'ensemble n'est pas une véritable mort, et la nature de cette redoutable transformation se présente à nous sous un jour tout nouveau : l'extinction réelle de l'existence s'opère dans les éléments anatomiques, dans les assises cellulaires qui ont été aussi les seuls témoins de sa genèse. A son tour, la mort de ces organismes simples apparaît comme le résultat de l'abandon où ils tombent après la rupture de leur association, comme l'effet mécaniquement nécessaire des provocations externes que le défaut d'accord les empêche désormais d'utiliser pour la manifestation des phénomènes vitaux... » E. Bertin, art. cité, p. 567. On peut donc parler des « étapes de la mort ». D'après le Dr d'Halluin, la mort, que nous avons

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appelée apparente, se produit rarement; mais la mort relative est le sort de tous : « Nous pouvons, écrit cet auteur, définir la mort apparente un état accidentel où les manifestations vitales sont réduites, au point de donner durant un temps prolongé l'illusion plus ou moins complète de la mort réelle. Le retour à la vie peut se produire spontanément ou être provoqué par la mise en oeuvre de moyens simples, tels la ventilation pulmonaire, les injections médicamenteuses, la provocation des réflexes divers. La persistance de l'activité cardiaque (difficile à diagnostiquer dans certains cas par les procédés courants) est la caractéristique de cet état décrit sous le nom de mort apparente.

Nous avons dit un état accidentel, car tous les êtres vivants ne passent pas fatalement par cette étape de la mort apparente. On peut, il est vrai, l'observer lors de la période agonique, quand le dernier soupir précède l'arrêt du cœur, mais sa durée est alors de quelques minutes, et il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Habituellement, la mort apparente, véritable état syncopal, se produit à la suite d'un choc nerveux traumatique ou psychique, ou dans des circonstances accidentelles : asphyxie, intoxication, hémorragie, ou enfin au cours de maladies variées.

Dans la mort relative, on observe une suspension des manifestations vitales, complète, totale et prolongée. Le cœur peut être mis à nu : son immobilité est absolue. Dans ces conditions, tout retour spontané à la vie est impossible. La constatation certaine de l'arrêt du cœur permet de délivrer le permis d'inhumer et cette mesure peut être prise sans inhumanité: cependant le sujet qui pratiquement peut être traité comme mort ne l'est pas en réalité, puisque l'expérimentation et la clinique démontrent la possibilité, dans certaines circonstances favorables, de rappeler à la vie un sujet dont le cœur a subi un arrêt prolongé qui semblait devoir être définitif.

La mort absolue, c'est la mort proprement dite, c'est l'impossibilité de la vie caractérisée par la destruction autolytique et bactériolytique des cellules, entraînant des lésions incompatibles avec la vie quand elles sont généralisées. Il semble que ces lésions se produisent normalement au moment de l'arrêt du cœur, mais elles n'envahissent pas brusquement toutes les cellules; c'est la raison d'être de cette période plus ou moins longue, mais toujours appréciable, que nous avons appelée la mort relative. Il ne peut donc y avoir de délimitation fixe entre la mort relative et la mort absolue, Il existe de nombreux signes de la mort relative; il n'y a qu'un signe de la mort absolue : c'est la putréfaction, manifestation évidente de la destruction de l'édifice organique. » D'Halluin, Le problème de la mort, p. 50-51, 68-69; cf. Lettre à l' Ami du clergé, 1906, p. 188.

2°. Application de ces observations aux différents genres de mort. — Em. Bertin traitant de la mort de l'organisme entier, marque que la mort peut être naturelle, violente ou causée par la maladie.

    La mort naturelle est extrêmement rare chez les hommes. C'est la mort qui provient, aux dernières limites de la vieillesse, de l'usure de tous les organes élémentaires dont se compose le tout humain. L'ensemble meurt parce que meurent en lui toutes les parties dont il est formé. En cas de mort naturelle, pas de mort relative, pas de mort apparente possible.

    La mort violente est la conséquence d'une perturbation des fonctions communes, perturbation produite brusquement par un agent extérieur et assez intense pour anéantir d'un seul coup, soit l'être entier, soit une des conditions physiologiques essentielles de la vie dans l'organisme complet : mort provoquée par la foudre (action directe sur le système nerveux); mort par pendaison ou décollation; mort par un coup d'arme à feu (désorganisation de la pulpe cérébrale); par perforation du cœur (coup de couteau), ou par ouverture des gros vaisseaux (perte totale des provisions sanguines et suppression de la circulation); mort causée par la chute d'un lieu élevé (commotion universelle, obstacle respiratoire); enfin, mort par asphyxies diverses. Dans ces cas de morts violentes, les seuls à l'occasion desquels aient été tentées des expériences concluantes, on doit admettre le fait d'une mort relative, même après la cessation des battements. du cœur. Et cette persistance latente de la vie existe, semble-t-il, dans la plupart sinon dans la totalité des cas de mort violente.

    La mort par maladie est la suite d'une succession de ravages dans l'organisme, aboutissant à la suppression d'une des fonctions essentielles de la vie. Plus et plus longtemps la maladie opère de ravages dans l'organisme entier, et moins il y a de chance de mort relative, les vies locales étant supprimées presque aussitôt que la vie générale. Plus le déclenchement de la perturbation est brusque et plus la perturbation est profonde, et plus aussi la mort comportera de progression avant d'être absolue. En sorte que les morts subites (qui sont cependant des morts provenant de maladie, car elles supposent toutes un défaut grave dans l'organisme) doivent être, sous le rapport qui nous occupe, considérées à peu près comme les morts accidentelles.

Critiques et conclusions de la théologie.— 1 La théologie n'accepte pas uniformément et sans discussion ces conclusions. Elle rappelle que l'âme est l'unique principe vital du composé humain, principe non immédiat des opérations vitales, mais agissant par l'intermédiaire des facultés. Voir FORME DU CORPS HUMAIN, t. VI, col. 363; cf. S. Thomas, De anima, a. 12, ad 10um. De plus, d'après saint Thomas, si, dans l'homme, l'âme est à la fois principe de vie intellectuelle, de vie animale, de vie végétative, ces trois fonctions vitales. comportent en l'âme même non une distinction réelle, mais une distinction virtuelle entre leurs principes premiers. Rien ne s'oppose donc, dans la conception thomiste du principe vital, qu'à l'âme, principe de vie, simple et complet, mais virtuellement complexe, succèdent au moment de la mort, des. principes partiels et imparfaits de vie inférieure, principes transitoires et destinés à disparaître progressivement jusqu'à la dissociation complète du composé en ses éléments premiers. Cf. S. Thomas, In lib. IumDe generatione et corruptione, lect. 8. Ce rappel de la doctrine thomiste (les anciens théologiens n'admettaient-ils pas d'ailleurs, dans la formation de l'embryon humain, la succession réelle des trois âmes, végétative, sensitive, intellective ?) énerve singulièrement l'argument qu'en faveur de la mort relative, on pense tirer du fait de la persistance d'une certaine vie dans les organes séparés. On fera difficilement admettre à un philosophe catholique que cette vie persistante est encore due à la présence de l'âme spirituelle, puisque les organes sont séparés du tout substantiel dont l'âme est la forme. Il faudrait — chose impossible — démontrer que ces manifestations vitales appartiennent à une vie formellement humaine. Nous admettrions donc plus volontiers que les organes séparés ont acquis;après la séparation de l'âme et du corps, un principe partiel de vie, imparfait et destiné à disparaître progressivement.

2. La persistance d'une certaine vie dans quelques parties, tissus ou organes du corps apparemment mort, mais parties non séparées, n'apporte pas non plus un argument apodictique en faveur de la présence latente de l'âme spirituelle en ce corps sans vie générale. A la rigueur, en effet, on pourrait ici expliquer de la même façon que précédemment les phénomènes

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de vie partielle observés. Toutefois, on ne saurait se montrer aussi catégorique. Peut-être, en effet, n'est-il pas imprudent d'affirmer que l'âme, principe vital de l'organisme complet, est encore, par sa présence latente, du moins pendant une courte durée immédiatement consécutive au dernier soupir, le principe premier des manifestations de vie inférieure et partielle qu'on peut encore observer en certains tissus ou organes. En tout cas, cette explication est plausible en soi : elle est possible, elle est peut-être probable.

    Quant aux cas où une réviviscence soit temporaire, soit surtout définitive pourrait se produire à l'aide de massages du cœur ou d'injections intracardiaques d'adrénaline, la théologie catholique doit reconnaître qu'on ne saurait les expliquer, sinon par la persistance de l'âme spirituelle dans le corps soumis à une mort simplement relative. Or, ces réviviscences semblent toujours possibles après une mort subite ou accidentelle. Il s'agit ici, rappelons-le, non de réviviscences tardives, qui se traduisent par de simples mouvements automatiques, cf. Roure, Études, 25 novembre 1904, p. 589, mais de réviviscences précoces où la véritable vie humaine se manifeste. D'Halluin, Le problème de la mort, p. 67.

    En conséquence, il paraît raisonnable de tirer cette conclusion : si, dans les cas de mort causée par une maladie, il y a, pendant une durée à la vérité fort restreinte, une probabilité extrêmement réduite, mais enfin, une probabilité quand même, de mort relative, dans le cas de mort subite et accidentelle, la mort relative et progressive existe presque à coup sûr.

Aussi les théologiens récents ont-ils formulé, relativement à l'administration des sacrements en cas de mort apparente ou relative, des règles prudentes qu'il n'est pas permis de négliger. Dans son livre : La mort réelle et la mort apparente et leurs rapports avec l'administration des sacrements, trad. de J.-B. Geniesse, Paris, 1906, le P. Ferreres, S. J., a proposé la règle pratique suivante : « Le prêtre pourra toujours ou presque toujours et même devra administrer les sacrements à celui qui ne les a pas reçus, bien qu'il le trouve mort en apparence, pourvu qu'il ne soit pas entré dans la période de putréfaction. En effet, s'il s'agit de mort subite, tous conviennent aujourd'hui que la période de la vie latente peut durer des heures et même des jours entiers; s'il s'agit de longue maladie, étant donné qu'elle laisse du temps et que l'on voit arriver de loin la mort, le malade ordinairement aura déjà reçu les sacrements, quand il était certainement vivant; et, si dans quelque cas cela n'a pas eu lieu, le prêtre, arrivé peu de minutes après que le moribond aura rendu le dernier soupir, pourra en conséquence lui conférer les sacrements... Quand même le prêtre arriverait une ou deux heures après, il pourrait aussi, généralement parlant, les conférer. » Op. cit., n. 138, 139.

Genicot-Salsmans accorde une demi-heure après le dernier soupir, en cas de mort de maladie, plus longtemps, en cas de mort subite ou accidentelle. Institutiones theologiæ moralis, Bruxelles, 1922, t. II, n. 422. Bucceroni arrive aux mêmes conclusions. Institutiones theologiæ moralis, part. II, vol. III, n. 754 ter; 6° éd. Rome, 1915. Vermeersch opine dans le même sens que Ferreres, Theologia moralis, Paris-Bruges-Rome, 1923, t. III, n. 661.

Tous ces auteurs recommandent de n'administrer sous conditions les sacrements à ceux qui peut-être ne sont morts qu'en apparence, qu'à la condition expresse d'instruire les fidèles et de leur exposer combien leur conduite serait blâmable s'ils attendaient, après le dernier soupir de leurs mourants pour appeler le prêtre. Cf. Ferreres-Geniesse, p. 139, 446.

A titre d'indication, signalons que le rituel de Cambrai, approuvé par la S. C. des Rites, ajoute au texte du rituel romain, titre V, c. I, n. 21, cette recommandation : Hic animadvertere oportet mortem veram cum specie mortis non necessario congruere, ac proinde extremam unctionem quibusdam esse ministrandam qui spiritum jam emisisse videntur. Cf. Ami du clergé, 28 février 1927.
 

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