Chapitre
1 : La question du nombre des élus n'est pas une question purement
théorique, elle est riche en conclusions pratiques_p.13-26
Chapitre
2 : L'église penche en faveur du petit nombre des élus, bien
que ce nombre ne soit connu de Dieu seul_p.27-48
Chapitre
3 Ce que les Saints et les Pères de l’Eglise disent sur le petit
nombre des élus_p.49-124
Chapitre
4 : Les Théologiens et les Auteurs Ascétiques enseignent
que le petit nombre des élus est une doctrine commune et vraie
; cependant, quelques uns enseignent que le petit nombre des élus
est de foi_p.125-229.
Chapitre
5 : Le petit nombre des élus est une doctrine commune et vraie
selon les Exegètes (les interprètes de la Sainte Ecriture)_p.231-267.
Chapitre
6 : La façon dont les modernistes se comportent avec les Pères
de l'Eglise et Comment ils les interprètent_p.269-346.
Chapitre
7 : Les autres sophismes des modernistes_p.347-474.
Chapitre
8 Quelques points particuliers tirés de la doctrine du père
Castelein_p.475-508.
Epilogue_p.509-514.latin
Addition_p.515-518.latin
Table des matières_p.519-551.latin
Chapitre 1
Le problème
du petit nombre des élus est riche en conclusions pratiques, ce
n’est pas une question purement spéculative
1 La bonne semence est la doctrine du petit nombre de ceux qui doivent être sauvés. La doctrine contraire est la zizanie moderniste
2 Afin de tromper leur lecteurs inattentifs, les modernistes combattent le célèbre discours de Massillon Du petit nombre des élus
3 Mais ils passent sous silence le discours que saint Léonard de Port Maurice a tenu à Rome au sujet de cette même matière et que l’église a examiné et a approuvé indirectement.
4 Les écrits mêmes lorsqu’ils ont été approuvés par des supérieurs religieux ne livrent pas toujours une doctrine saine.
5 Les théologiens, l’utilité de notre question et l’expérience du confessionnal prouve cette utilité : ceux qui vont se confesser motivés par l’attrition.p.20
6 Les méditations judicieuses du très célèbre père Bourdaloue, S.J., dans sa prédication sur le petit nombre de ceux qui seront sauvés. p.22
Chapitre 2
Bien que le nombre
des élus soit connu de Dieu seul, toutefois la pensée de
l’église penche en faveur du petit nombre de ceux-ci
1 L’église approuvent les écrits qui enseignent que même parmi les catholiques bien peu sont sauvés
2 Et à l’inverse, en 1772, l’église a condamné complètement l’affirmation du père Gravina S.J., « il est vraisemblable que les élus sont de loin plus nombreux que les réprouvés. »
3 Déjà une décennie avant l’église a condamnée d’autres thèses tirées du même auteur relâché.
4 De la même manière, en 1761, Gravina a édité l’œuvre de Plazza, Du Paradis, dans le chapitre V duquel il s’efforce de rendre vraisemblable à ceux qui font des conjectures, l’opinion du plus grand nombre de ceux qui seront sauvés.
5 Il affirme que cette opinion déplait aux hérétiques et pourtant à l’aide d’arguments tirés des livres des hérétiques.
6 Trois arguments faux qui sont également produits par le père Castelein, etc.
7 Que « tous les païens et tous les infidèles obtiennent en masse le salut », Gravina qualifie cette proposition de scandaleuse pour les ignorants mais pas vraiment pour les théologiens
8 Il édite de manière séparée ce 5ème chapitre condamné, cette édition séparée a été condamnée.
9 Gravina a été réfuté immédiatement
10 Cette condamnation ne dérange pas du tout le Père Castelein qui, bien qu’il enseigne une doctrine pire, examine les motifs de la condamnation et trouve qu’ils n’ont pas été de mauvaise doctrine mais d’une foi informée [nourrie, animée] par des révélations privées ;
11 cependant ce sont des révélations de sainte Brigitte et des autres saints.
12 Les bons mots creux que dans le journal Le Patriote le [junior E.T. S.J.] alors qu’il entend défendre son maître le père Castelein.
13 Les deux citent faussement le père Monsabré en faveur de leur opinion.
14 L’église approuve l’opinion commune [du petit nombre ] de ceux qui seront finalement sauvés.
15 Quelques théologiens enseignent de manière libérale que la majorité des catholiques est sauvée, ce que cependant aucun saint n’enseigne.
16 Nos adversaires citent à
l’appui de leur opinion les deux derniers docteurs de l’église et
méprisent les autres
[Saint Alphonse de Liguori fut proclamé
docteur de l’église catholique en 1871 et Saint François
de Sales fut proclamé docteur de l’église catholique en 1877]
17 Mais saint Alphonse est cité faussement lui qui a écrit le contraire de leur opinion huit fois
18 Même saint François
de sales est cité faussement
p. 44 saint François de Sales
"les hommes sont tellement pervertis,
que dès leur adolescence ils ont quitté la voie du salut
et ont pris le chemin de perdition. Estant parvenus à l'aage de
raison ils prennent leur route à main gauche"
Sermon pour la présentation
édition 1839 T. II. p. 381 col 2.
19 Nous pourtant nous invoquons l’autorité authentique des saints pour cette question et pourquoi le faisons-nous ?
20 ainsi en le faisant, nous obéissons à Léon XIII
21 Et nous suivons le conseil de
saint Ignace de Loyola
p.27-48
retour
à la table des matières
p. 49.
Chapitre 3 Sentences
des Saints et des Pères de l’Eglise
§ 1 Saints postérieurs aux pères de l’église
N°1 Saint Alphonse-Marie de Liguori (+ 1787)
[mettre les 6 références que donnent Godts page 50]
« La majeure partie des âmes
va en enfer à cause des péchés sexuels [péchés
d'impureté] : qui plus est, je n'hésite pas à affirmer
que ceux qui se damnent vont en enfer ou bien pour ce seul péché
ou au moins pas sans lui. »
Theologie Morale de Saint
Alphonse de Liguori, livre 3, N°413, [Lib. III. N°413].
« La route du ciel est étroite
et pour me servir d'une expression familière, les carosses
n'y passent pas; en sorte que vouloir aller au ciel en carosse, c'est y
renoncer. Bien peu d'âmes y parviennent parce que bien peu veulent
se faire violence pour résister aux tentations. »
Sermon pour le troisième
dimanche de l'Avent.
Dans une lettre adressée à
un évêque, saint Alphonse a écrit qu'un catholique,
venant à mourir l'année où il a fait (et bien fait)
sa mission, se damnera difficilement. S'appuyant sur cette lettre,
Mgr Bougaud lui fait dire, absolument, qu'un catholique se damne difficilement.
Il s'agit là d'une fausse interprétation de texte. Saint
Alphonse, en plusieurs de ses oeuvres, insiste sur la doctrine traditionnelle
du petit nombre des élus, comme l'ont toujours soutenu les religieux
de son ordre.
« Eh quoi ! pensez-vous peut-être
qu'il n'y a point de religieux en enfer ? Ah ! combien n'en verrons-nous
pas qui y seront damnées au jour du jugement ! Comme beaucoup d'entre
elles [les âmes ayant fait les voeux religieux] mènent une
vie pleine de péchés, au moins véniels, on a raison
de craindre que Dieu ne les vomisse et ne les abandonne à cause
de leur tièdeur. »
oeuvres complètes de saint
Alphonse de Liguori, oeuvres ascétiques, tome XI p. 248
(Casterman 1879).
« Notre Dieu est si bon et
il a tant d'amour pour nous qu’il désire ardemment d'être
aimé de nous ; c'est pourquoi non seulement Il nous a appelés
à son amour par invitations si multipliées dans les Saintes
Ecritures et par tant de bienfaits communs et particuliers, mais Il a voulu
même nous obliger à L'aimer, par un commandement exprès,
en menaçant de l'enfer ceux qui ne L’aiment point et en promettant
le paradis à ceux qui L’aiment. Dieu veut que tous les hommes se
sauvent et qu'aucun ne se perde, comme l'enseigne très clairement
saint Paul ainsi que saint Pierre. Il veut que tous les hommes se sauvent.
Mais si Dieu veut que nous nous sauvions tous, pourquoi a-t-il créé
l'enfer ? Il a créé l'enfer, non pour nous voir damnés,
mais pour se voir aimé de nous. En effet, s'Il n'avait pas créé
l'enfer, qui L'aimerait en ce monde ? On voit la plupart des hommes
se livrer à la damnation éternelle plutôt que d'aimer
Dieu ; qui donc, je le répète, s'il n'y avait pas d'enfer,
qui L'aimerait ? Ainsi, le Seigneur a menacé d'un supplice éternel
quiconque refuse de L'aimer, afin que ceux qui ne L’aiment pas de leur
bon gré L'aiment au moins de force, par crainte de l'enfer. »
« Quand nous arrivons
en quelques lieu, - écrit saint Alphonse de Liguori à ses
missionnaires, - nous y trouvons le plus grand nombre des habitants dans
la disgrâce du Seigneur, où les tient enchaînés
le péché. » Circulaire 29 juin 1774. Et il parlait
de villageois aussi catholiques et aussi pieux du royaume de Naples au
XVIIIème siècle. Que dirait-il de nos Sodome et Gomorrhe
actuels ?
"Or, comment pourrait-on jamais dire
que les rites pratiqués à l'égard des défunts
sont un culte sacré, quand communément parlant, on n'a pas
connaissance de l'excellence de leurs vertus ? On doit savoir aussi que
parmi
les fidèles défunts, beaucoup sont damnés,
et cependant ces rites se pratiques indifféremment à l'égard
de tous; donc on doit dire que l'Eglise n'admet pas que ces rites constituent
un culte sacré."
Instruction Pratique pour les
Confesseurs, Chapitre V Du second principe, premier point du Blasphème,
tome 1, p.276, ce passage se trouve dans la Lettre réponse à
la lettre apologétique écrite pour la défense de la
dissertation sur l'abus de maudire les morts, Oeuvres Complètes,
tome 23, édition Parents-Desbarres, éditeur, Paris,
N°2 Saint Léonard de Port Maurice (+1751) p.51
"Pour résoudre le doute proposé,
déroulons d'un côté tous les saints Pères, tant
grecs que latins, de l'autre les théologiens les plus savants...Puis
faites attention, non à ce que moi je vais dire, mais à ce
que vont dire ces grands génies qui servent comme de phares dans
l'Eglise de Dieu pour éclairer les autres, afin qu'ils ne se trompent
pas sur le chemin qui mène au ciel.
Remarquez toutefois qu'il ne s'agit
pas ici de la masse du genre humain tout entière, ni de tous les
catholiques sans distinction, mais seulement des catholiques adultes.
Deux éminents cardinaux,
Cajetan et Bellarmin, appuyés sur le savant Jean d'Avila [déclaré
bienheureux par l'église catholique romaine en 1970], se prononcent
d'un commun accord contre le sentiment des libertins et déclarent
ouvertement que selon eux, la majeure partie des chrétiens adultes
se damnent.
Suarez, après avoir consulté
toutes les autorités, après avoir tout pesé, a écrit
ces mots: "le sentiment le plus commun tient que, parmi les chrétiens,
il y a plus de réprouvés que d'élus. Communior sententia
tenet ex christianis plures esse reprobos quam praedestinatos." (note de
Godts en bas de age 52 à traduire, cf. chapitre IV))
(à
suivre page 52)
( à
partir de la page 53)
Saint Léonard
confirme les déclarations de ces saints-là par un argument
terrible qui devrait exciter, en nous prêtres,
la peur du péché et des occasions de pécher,
et un zèle ardent pour l’obtention de notre sanctification
: (en français dans le texte).
N°3 Vénérable
Janvier-Marie Sarnelli, c.s.s.r. p.54. (+1744) p.54
déclaré vénérable
en 1874.
Vénérable Gennaro
Maria Sarnelli 1702-1744
Ami intime, « frère
jumeau » de saint Alphonse de Liguori, qu’il rencontra au palais
de Justice de Naples où tous les deux étaient avocats, il
fit parti du premier groupe de jeunes prêtres et séminaristes
autour de saint Alphonse. Mort d’épuisement à 42 ans
Ds D.S. T.XIV col.352-352
Sac. Cong. Rit. Proc. Beatif. Ejus.
Pos. Super dub. n°34 et 35
Pour célébrer la mémoire et le nom de cet illustre serviteur de Dieu, il suffira de dire une seule chose, à savoir qu’il a eu pour panégyriste et chantre de ses mérites et de ses vertus nul autre que saint Alphonse, éminent docteur de l’Eglise et son guide spirituel. Il brûla d’un zèle ardent pour la conversion des pécheurs, lequel il manifesta en se mettant à la recherche des brebis les plus égarées, c’est-à-dire, les prostituées, femmes qui se damnent elles-mêmes et qui en attirent un grand nombre au péché. Il l’a montré aussi par ses écrits raréfiés et vieillis, dont on continue à tirer profit, selon son propre aveu : « Je veux continuer à prêcher jusqu’au jugement dernier », de sorte que ceux qui sont instruits par les exhortations de cet homme apostolique gagnent sans cesse à Dieu d’innombrables âmes.
Cet apôtre docte et très zélé dans son livre intitulé le monde sanctifié, présente une méditation spéciale sur le plus grand nombre des damnés : «La plus grande partie des fidèles se damne. » Cette méditation commence ainsi : « Considère comment se précipitent d’eux-mêmes dans l’abyme des tourments éternels d’innombrables chrétiens ».
« L’opinion la plus commune des docteurs grecs et latins qui sont les interprètes des oracles et des mystères sacrés, opinion fondée en raison et sur les divines écritures, est que la plus grande partie des fidèles qui meurent après l’âge de raison sont damnés. Pour que quelqu’un soit sauvé, il faut qu’il s’abstienne du péché. Mais comme sont peu nombreux ceux qui font le bien et nombreux ceux qui font le mal ! »
Ensuite, parlant du tort
que se font tant de catholiques avec leurs mauvaises confessions,
il déclare, à la suite de saint Jean Chrysostome :
« Une telle confession n’est rien d’autre qu’une pénitence
théâtrale ! » Il conclut ensuite
ainsi en exhortant les lecteurs : « Rappelez-vous que
pendant notre vie on nous appelle des voyageurs parce
que nous tendons vers la patrie. Nous cheminons vers la bienheureuse
éternité ou vers l’éternité
de la damnation. Contemplez par la pensée l’ensemble
des hommes de la terre tombant en même temps que vous
dans l’une ou l’autre éternité. Innombrables
sont ceux qui se dirigent d’une course effrénée
vers l’éternité de l’enfer. Très peu de chrétiens
se dirigent vers l’éternité du paradis.
Et devant un spectacle si funeste , déplorez la damnation
de tant d’âmes malheureuses. Considérez
alors vers quelle éternité vous vous êtes
dirigés pendant la majeure partie de votre vie, et vers
laquelle vous vous dirigez encore. Si vous courez avec la multitude,
vous serez damnés avec la multitude. L’esprit contrit,
rebroussez chemin. Inaugurez une nouvelle forme de vie. Il se peut
que quand vous le voudrez vous ne le pourrez plus. «
Cherchez à entrer par la porte étroite, parce que beaucoup,
je vous le dis, chercheront à entrer et ne le pourront
pas ». Quel grand soin vous devez prendre pour
faire de bonnes confessions ! Confessions mauvaises, hélas
! combien d’âmes vous avez jetées en enfer ! Chrétiens,
efforcez-vous de faire de bonnes confessions, afin d’opérer
votre salut ! »
N°4 Saint Claude de la Colombière, s.j.= jésuite (+1682)
Aux saints déjà canonisée ajoutons ce serviteur de Dieu dont la cause est introduite à Rome et dont les écrits recevront bientôt l’approbation de l’Eglise, comme nous l’espérons. Entre autres choses, il enseigne ceci : (en français dans le texte)
(p.58) Cet homme savant et
très pieux a proféré ces terribles paroles
non sous le coup de l’improvisation , non dans l’emportement d’un mouvement
oratoire, mais il les a déposées sur le papier
calmement et paisiblement, lui, le directeur de conscience
de Marguerite Marie Alacoque, et le très doux ami du Cœur
de Jésus. A l’évidence, Claude de la Colombière
ne fut pas un bénigniste. Mais qui oserait
l’appeler un rigoriste, un terroriste ou un janséniste ?
N°5 Saint Vincent de Paul (+1660)
Aimé de Dieu et des
hommes, ce saint aimable dont la mémoire est en bénédiction,
affirme pourtant crument : (en français dans le texte voir
le livre en pdf)
N°6 Vénérable
Louis
de Ponte, s.j. (+1624)
Luis de la puente (nom espagnol)
1554-1624 jésuite espagnol qui a joué un rôle dans
le développement de la dévotion au Sacré Coeur de
Jésus
Novice sous la conduite
du maître des novices Balthazar Alvarez, qui fut parfois
un des confesseurs de sainte Thérèse, qui enseigna
ensuite la philosophie et la théologie, et qui remplit plusieurs
fois la fonction de maître des novices et de recteur,
il choisit judicieusement comme directeur spirituel
Suarez, qui était alors une lumière de la théologie.
« Etendons-nous sur l’autre partie de la sentence : beaucoup sont
appelés, mais peu sont élus. Comme
parmi tous les hommes de cet univers qui sont appelés par
Dieu à recevoir la foi et la grâce, plusieurs sont des
pécheurs, qui résistent à cet appel,
peu sont justes et peu sont élus pour parvenir
au ciel, après avoir répondu à l’appel,
de la même facon, même parmi les justes eux-mêmes,
qui sont appelés à la vie parfaite, plusieurs résistent
à cet appel, vivant dans la tiédeur et
se contentant de peu, et un petit nombre seul est vraiment appelé
et élu. Car ce qui est précieux est toujours
rare. O Dieu infini, toi qui appelles tous les
êtres humains et les invites à suivre le chemin de la
perfection, je supplie ta Majesté d’augmenter
le nombre des élus, pour que beaucoup soient parfaits comme
toi Tu es parfait. Fais en sorte, Seigneur, que
je sois un de ceux-là, répondant à la perfection
de ma vocation pour qu’en moi et par moi tu sois glorifié
pendant les siècles. Amen. »
N°7 Saint Robert Bellarmin,
Docteur
de l'église, s.j. (+1621)
cardinal.
Ce vénérable cardinal et serviteur de Dieu, gloire de la société de Jésus, que nous considérons devoir bientôt être béatifié, a développé cette thèse dans les termes suivants : « Que personne ne conclue du fait qu’on ne puisse compter le nombre des élus provenant des gentils, que le nombre des élus sera plus grand que le nombre des réprouvés. Certes, le nombre des élus chez les Gentils sera plus élevé que chez les Juifs. Mais le nombre des élus sera plus petit tant chez les Hébreux que chez les Gentils. » Un peu après, l’écrivain pieux et savant ajoute ceci : « La même idée peut trouver une confirmation auprès d’Isaïe dans sa description du petit nombre qui seront sauvés à la fin du monde au moyen de deux comparaisons , dont l’une est la vigne après la vendange et l’autre l’extraction des huiles , choses qui provoquent un sentiment d’horreur. C’est ainsi qu’Isaïe parle de la fin du monde : Voici que Dieu dévaste la terre et la ravage Et plus loin : Car il en est au milieu de la terre parmi les peuples comme au gaulage de l’olivier, comme pour les grappillons quand est finie la vendange.
Le nombre des réprouvés sera donc semblable à la multitude des olives qui tombent par terre quand on secoue l’arbre. Le petit nombre des élus, par contre, sera semblable au petit nombre d’olives qui échappent à l’abattage et demeurent à la cime des branches, et que l’ont fait tomber ensuite séparément. De la même façon, la multitude des réprouvés est comparable à la vendange au cours de laquelle on remplit des vases avec les grappillons (?) lesquels sont récoltés par beaucoup de vendangeurs (?) . Le petit nombre des élus est comparable au petit nombre des grappillons (?) que l’on trouve par hasard dans la vigne , une fois la vendange finie . » Et dans un autre livre, il dit non moins clairement : « Comme le nombre des damnés est plus grand que celui des élus. »
N°8 Saint Pierre Canisius, Docteur de l'église, s.j. (+1597)
Ce saint et ce savant, annotant l’évangile de la septuagésime : « Je reconnaîtrai, dit-il, et je prêcherai le juste jugement de Dieu qui venge sur les mortels ingrats le mépris de sa grâce et de sa bonté suprême en n’élisant qu’une petit nombre du grand nombre d’appelés à l’Eglise et à la profession de foi. » Et peu après : « Parce que le Christ affirme souvent dans l’Evangile que beaucoup sont appelés et que peu son élus, je devrai sans cesse me prémunir contre l’exemple de ceux qui, bien qu’ils soient appelés, qu’ils se maintiennent dans la vigne et qu’ils croient avec l’Eglise, répondent cependant mal à leur appel, et qui, en conséquence, comme des sarments rejetés parce qu’ils ne portent pas de fruit, seront jetés dans les flammes de l’enfer.. Comme se lamentant sur le petit nombre des élus, le Christ a dit : Comme elle est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie, et peu la trouvent. Je devrais encore être moins troublé par la foule et la multitude des pécheurs, qui s’imaginent avoir le droit de faire tout ce qui leur plaît. Le nombre des sots, en effet, est infini. » Voilà ce qu’avait à dire sur ce sujet Pierre Canisius qui est compté parmi les plus grands théologiens de la compagnie de Jésus, à cause de sa sainteté qui est jointe à une solide doctrine.
N°9 Saint Thomas de Villeneuve
(+1555)
Ce prédicateur évangélique
éloquent et miséricordieux parlait ainsi à ses
fidèles : « Comme nous désirons tous savoir si
beaucoup seront sauvés parmi ceux qui vivent la vie commune
au chrétiens ! Ils viennent dans les églises,
entendent les messes, ils reçoivent les sacrements,
ils conservent leur foi intacte. Est-ce que cette vie qui est
commune aux chrétiens suffit au salut ? O quelle
est la terrible l’invitation du Seigneur, combien elle est
redoutable : Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite.
Les apôtres posèrent autrefois cette question au Rédempteur
: Seigneur, sont-ils peut nombreux ceux qui seront sauvés
? Examinons avec soin ce qu’Il leur a répondu
: Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car resserrée
est la voie qui mène à la vie, et peu y entrent.
« La voilà la réponse : peu
seront sauvés. Quelqu’un pourrait penser que peu sont
sauvés parce qu’alors comme aujourd’hui, les infidèles
sont plus nombreux que les fidèles. Mais écoutez
attentivement ce qu’il dit des appelés, ce qu’il dit
des fidèles : Beaucoup sont appelés, peu son élus.
Même de ceux qui ne sont pas appelés seulement à la
foi mais à quelque genre de vocation. Hélas!
Hélas! Parmi beaucoup d’appelés, peu d’élus.
Parmi le grand nombre de ceux qui sont appelés à la
prêtrise et à la vie religieuse, peu d’élus
! Que faire alors ? Devons-nous nous
abandonner au désespoir ? Cela n’a pas été
dit pour que nous broyions du noir, mais pour que nous
veillions plus diligemment. Car si, parmi cette
grande multitude dont nous sommes, un seul devait
être sauvé, et si cela se savait, je n’hésiterais
pas à le proclamer. En toute sincérité,
pourquoi un Dieu dont on prêche par-dessus tout la miséricorde
permet-il qu’une si grande multitude périsse ?
Je réponds : la perversité des maux veut rejeter
sur Dieu sa faute. C’est un grand blasphème !
Si plusieurs se damnent, Dieu n’est pas la cause de la damnation,
mais du salut. Comme Il le dit lui-même par le Prophète
: Ta perte provient de toi, Israël, mais ton secours ne vient
que de moi. Il faut noter avec tremblement
que beaucoup sont appelés et peu d’élus.
Beaucoup d’ouvriers, et peu qui perçoivent le salaire.
O comme elle redoutable cette sentence et terrorisante !
Qui le dit si ce n’est l’employeur, à qui il revient
de remettre aux employés leur salaire ? Croyez-moi,
mes frères, croyez en ce que je vous ai souvent répété
et déclaré . A moins que vous ne travailliez courageusement,
en allant au-delà de ce que vit le peuple et la foule,
vous ne recevrez pas la récompense. Malheur aux miséreux
qui ont peiné, qui ont perdu le fruit de leurs labeurs,
et qui ont trouvé le feu pour leurs peines. Souvenez-vous,
mes frères, que vous êtes des ouvriers, que vous
avez été appelés à la vigne.. Un
ouvrier qui joue et gambade toutes la journée, mange et boit
et ne travaille pas, quelle récompense recevra-t-il la nuit
de son maître si ce n’est des verges et des bastonnades ?
L’employeur est le grand roi, l’ouvrier est l’évêque,
le religieux, la femme et l’homme ». Voilà ce
qu’a à dire ce coryphée éloquent et si
miséricordieux.
N°10 Vénérable Denis le Chartreux (+1471)
En Job, chapitre XX1, 33 : « Et il attire tout homme après lui ». i.e., dit-il, la peine infernale en acquiert et en accapare un grand nombre de tous les états, de tous les grades et de tous les genres. .Ils sont tellement nombreux que les autres en comparaison sont peu nombreux, et à cause de leur multitude , on dit « tous », comme dit l’Apôtre : « Tous recherchent leurs propres intérêts ». De même, dans le livre : de la voie étroite du salut et du salut du monde , en Matthieu V11 : Il y en a peu qui la trouvent . « C’est le Christ qui a prononcé ces paroles, et que pouvait-Il nous dire de plus horrible, et de plus terrible ? Certes, cela suffirait à terrifier nos cœurs si le Christ n’avait rien dit d’autre que : la voie du salut est étroit, et large celle de la perdition. D’où il appert à quel point il est difficile de se sauver, et facile de se perdre. Car, vraiment, en disant que peut trouvent la voie étroite du salut et qu’un grand nombre déambulent dans la voie large de la perdition, il insinue de toute évidence qu’il y en a peu de sauvés et beaucoup de damnés. »
Ce qu’il affirme plus clairement encore ailleurs : « Plusieurs etc », dit-il. « Qui, à l’audition de ce mot, ne tremblote pas de peur, et ne se lamente pas, si vraiment il est un fidèle et s’il a reçu en lot une foi éclairée ? La foi chrétienne est d’une telle nature, elle est tellement grande, si élevée et si ardue que même si nous savions en toute certitude que tous les hommes qui ont existé , existent et existeront seront sauvés à l’exception d’un seul, c’est avec raison que chacun des voyageurs craindrait avec véhémence que ce soit lui d’aventure le damné, et il n’en servirait Dieu qu’avec plus de crainte et de révérence. Cela devrait te faire réaliser, très cher, à quel point est étroite et resserrée la voie du salut. …L’Apôtre dit en effet : Ceux qui sont du Christ ont crucifié leurs chairs avec leurs vices et leurs convoitises. Il s’ensuit donc forcément que ceux qui n’éteignent pas leurs vices et leurs concupiscences, qui ne châtient pas non plus leurs corps, n’appartiennent pas au Christ ».
« De plus, la veuve la veuve, dit-il, qui vit dans les délices est morte quoiqu’encore vivante. Celle qui n’est vivante que de la vie de la nature, est morte de la mort causée par la faute. Si donc vivre luxueusement est un péché mortel pour les veuves, à plus forte raison pour les moines, les prêtres et les chanoines. …Lesquelles choses j’ai rappelées pour que tu ne te fies pas aveuglément sur la miséricorde divine, et que tu n’imites pas ceux qui marchent dans la voie spacieuse . »
N°11 Saint Antoine ou
Antonin o.p., archevêque de Florence, 1389-1459
« saint antonin
de Florence, une règle de vie au XVème siècle, Paris,
Perrin, 1921. Bilblio sulpice : cote 12H53
Saint Antonin a
aussi publié une « somme des mœurs », Catho dit «
summa theologica » ensemble de question morale pratique. Raoul Morçay
a fait livre
« Bienheureux celui que tu
as élu et élevé. Il demeurera toujours dans
ton temple. ps. 64. « C’est à dessein
qu’il emploie le singulier, car, comme dit le Sauveur en Mathieu,
20 et 22 : Il y a peu d’élus.
Et il réfute l’argument du Père Castelin (en
francais dans le teste). A la page 66 : « Ce que saint Jean
a dit dans l’apocalypse (j’ai vu une grande foule etc…) ne
contredit pas cette sentence. Car bien que les élus
en eux-mêmes nous paraissent innombrables en raison de leur
multitude, comparativement aux réprouvés ils sont peu
nombreux. Par exemple, un tas de sable contient
un nombre élevé de grains de sable, mais comparé
à tout le sable de la mer il est peu de chose.
De la même façon, les élus comparativement aux
damnés sont peu nombreux, mais bien-heureux d’après
ce que dit le psaume 64 : bienheureux celui que tu as élu et élevé.
Il demeurera dans son temple saint ». Et voilà
qui suffit pour l’archevêque de Florence.
N°12 Saint Laurent Justinien
Justinianus (+1455)
Ce saint patriarche dans son livre
sur la componction et la lamentation propres à la perfection chrétienne,
écrit : « Ils sont peu nombreux à pratiquer
la méditation et l’oraison, parce que la vie intérieure
est contraire aux plaisirs sensuels et à l’ensorcellement
de la bagatelle. Etroite, en effet, est la voie de l’esprit
qui mène à la perfection et fait posséder le Christ.
Mais celle où abonde les voluptés charnelles
est large, et innombrables sont ceux qui la parcourent. »
N°13 Saint Bernardin de
Sienne Senensis (+1444)
Celui qui était l’apôtre
ardent du nom de Jésus et qui brûlait d’amour pour le
Christ Jésus, dans le vingt- troisième sermon
parle ainsi franchement : « Il apparaît clairement pourquoi
plusieurs sont appelés à la foi, à la gloire
ou à la grâce, mais peu d’élus, si l’on
considère le très grand nombre des appelés.
Bien que le grain de froment soit abondant, il est cependant
rare par rapport à la paille (?) et à la poussière,
(?) lesquels signifient les mauvais que Dieu damne. »
Et dans le traité intitulé du miroir des pécheurs,
il écrit ce qui suit : « La raison pour laquelle un grand
nombre entrent dans la perdition de la damnation éternelle
par la porte large et la voie spacieuse, la voici, selon l’Ecclésiaste
1 : Les pervers se corrigent difficilement, et infini est le nombre des
insensés, lesquels, hélas! font plus de
cas de la vie présente que de celle qui suit après.
De ce tout ce qui précède on peut déduire ceci
: beaucoup courent dans ce siècle, mais peu parmi
eux font partie du nombre des élus. »
N°14 Saint Vincent Ferrier
(+1419)
Ce très grand prédicateur
interroge ainsi ses auditeurs : « Comment le Christ peut-il
dire que les élus sont peu nombreux alors qu’ils sont
innombrables selon l’apôtre Jean dans l’apocalypse ?
Et il répond ainsi : « On peut faire concorder ces deux textes
au moyen d’une distinction, parce que des élus nous
pouvons parler de deux façons : absolument parlant ou
en les comparant à autrui. Si on parle d’eux dans
l’absolu, ils sont nombreux, comme le dit Jean. Mais
si nous voulons parler des élus en les comparant aux damnés,
ils sont peu nombreux comparativement à ces derniers.
Ainsi en est-il des grains de sable que l’on tient dans la main .
On peut dire qu’il y en a beaucoup si la main en est pleine. Mais
ils sont en petit nombre si on les compare à ceux qui sont sur la
grève. Ainsi le genre humain est comparé
au sable pour la multitude, comme il appert de la promesse de Dieu
faite à Abraham : Je multiplierai ta descendance comme les
étoiles du ciel et comme le sable de la mer qui se trouve sur le
rivage. Dieu s’en emplit la main, car
les âmes des justes sont dans la main de Dieu lesquelles ,
prises absolument parlant, sont innombrables comme le dit saint Jean.
Mais en comparaison des damnés elles sont presque rien.
Le Seigneur a dit « Entrez par la porte étroite parce qu’elle est la large la porte et spacieuse la voie qui conduit à la perdition. Elle est étroite et resserrée celle qui conduit à la vie, et peu la trouvent. Ils sont encore moins nombreux ceux qui la conservent une fois trouvée. Ils sont très peu nombreux ceux qui se rendent jusqu’au bout. Chacun veut marcher selon son bon plaisir. La porte étroite du paradis est la volonté de Dieu. C’est à son observance que doit se contraindre celui qui veut entrer dans le ciel. La porte large est la volonté propre. La voie resserrée qui mène à la vie est la souffrance acceptée en expiation du péché. La voie spacieuse de l’enfer est la conversation mondaine, le bien manger, le bien boire, la luxure, la délectation malsaine, la vengeance des injures etc.. »
Ensuite ce saint très
éloquent résout ainsi l’objection habituelle
tirée de la miséricorde divine. « Comme chaque
chose agit naturellement selon sa vertu, étant par nature
d’une miséricorde infinie, Dieu doit sauver un nombre
infini d’âmes . Comment donc peut-on dire qu’il y a beaucoup
d’appelés et peu d’élus, alors que les élus
devraient être en nombre infini ? » En réponse,
on doit noter que Dieu est infini dans sa bonté, sa piété
et sa miséricorde, et qu’ Il a tout fait ce qu’Il pouvait
et devait faire, d’une façon même infinie, pour
que tous soient sauvés. Pourquoi donc tous ne
se sauvent pas ? Parce que tous ne veulent pas être sauvés.
Je dirais même plus : peu nombreux sont ceux qui veulent recevoir
le salut. Notez la ressemblance qu’il y a avec
ce que le roi a fait récemment pour le rapatriement
des captifs. Il a déboursé une somme considérable
pour le rachat de ceux qui étaient en barbarie. Il a mis à
leur disposition des navires et des galères pour leur faciliter
le retour à la patrie. Mais il ne voulurent pas
s’en retourner. Le Seigneur Jésus a payé
très abondamment le prix de la rédemption des
humains, même au cas où ils seraient infinis en nombre,
et nous a préparés les navires de l’innocence baptismale,
de la pénitence sacramentelle, et de l’obéissance en
tout. Mais les gens ne veulent pas sortir de la captivité,
comme les Juifs n’ont pas voulu sortir de la prison de Moïse,
ni les Agariens de la prison de Mahomet, ni les orgueilleux de la
prison de l’orgueil, et ainsi de suite pour les autres . »
N°15 Saint Albert le Grand
(+1280)
Cf. Commentaire de l'évangile
selon saint Matthieu. Commentarii in Matthaeum.
« En Matthieu 20,16, beaucoup d’appelés, etc... En 1 Corinthiens 9, 22 : Tous courent, mais un seul reçoit le prix. En Matthieu 22, 14, c’est encore plus clair : Jésus informe ses disciples d’une chose qui ne concernait qu’un seul disciple. A cause de cela, il désigne plutôt son apparence que sa personne. Tout ceux qui sont appelés et qui vivent une vie qui ne concorde pas à leur élection sont rejetés comme lui. Peu nombreux sont les élus. Eccli. 1, 15, Infini est le nombre des insensés. En Luc 13,23 ; lui-même prend les devants. Un avait posé la question pour tous et, verset 25, Jésus donne la première réponse selon laquelle peu sont sauvés : Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. Beaucoup sont appelés c'est à dire beaucoup professent la foi de bouche mais beaucoup renient la foi par leurs actes. Eccli. 1, 15.»
N°16 Saint Thomas d’ Aquin (+1274)
« Ecoutons donc avec révérence, comme il convient, la doctrine du docteur angélique qui est, comme le dit l’Eglise, le prince des théologiens et la norme des philosophes, l’honneur insigne de la chrétienté et la lumière de l’Eglise. « Se dissocier sans réflexion et d’une façon téméraire de la sagesse du docteur angélique, est une chose étrangère à notre volonté, --déclare le souverain pontife Léon X111---et remplie de périls . L’expérience ne nous montre que trop dans quels excès idéologiques nous entraîne la licence de spéculer quand on s’est affranchi de sa doctrine. Que soit donc sacré pour tous le nom de saint Thomas. Qu’ils redoutent de ne pas suivre le chef de file que Jésus lui-même attestait avoir bien écrit de Lui. »
Un docteur si éminent a enseigné par écrit - au grand scandale des nouveaux théoriciens-- que sont moins nombreux ceux qui se sauvent. Car, se posant la question : est-ce que le nombre des prédestinés est un nombre fixe , il se fait d’abord à lui-même une objection, comme le veut la méthode scolastique : il semblerait que non, car, (troisièmement) l’opération de Dieu est plus parfaite que celle de la nature. Or dans les œuvres de la nature, le bien se rencontre dans la majorité des cas, le mal ou les défauts sont l’exception. Si c’était Dieu qui déterminait le nombre des élus, les sauvés seraient plus nombreux que les damnés. Mais Matthieu dit le contraire au chapitre V11 : « Elle est large et spacieuse la voie qui conduit à la perdition et ils sont nombreux ceux qui entrent par elle. Etroite et resserrée est la voie qui mène à la vie, et peu nombreux sont ceux qui la trouvent ». Dieu n’a donc pas déterminé à l’avance le nombre des élus.
Mais s’oppose à cela ce qu’Augustin a dit dans le livre de la réprimande et de la grâce, c.13 : « Le nombre des prédestinés est un nombre fixe qui ne peut être ni augmenté ni diminué. »
A la troisième objection il faut répondre que le bien qui correspond à l’ordre normal de la nature se retrouve dans le plus grand nombre de cas, et fait défaut dans des cas particuliers. Mais le bien qui transcende l’ordre de la nature se retrouve dans le petit nombre et fait défaut dans le grand nombre. Comme il est clair que plusieurs hommes ont la science suffisante pour la conduite de leur vie et qu’un petit nombre en est dépourvu, ceux qu’on appelle fous ou insensés, il n’est pas moins évident que peu nombreux sont, du sein de la multitude, ceux qui parviennent à acquérir une science profonde des choses spirituelles. Comme la béatitude éternelle consiste dans la vision de Dieu, et transcende les capacités de la nature humaine, surtout du fait qu’elle est privée de la grâce par la corruption du péché originel, moins nombreux sont ceux qui sont sauvés. Et la miséricorde de Dieu apparaît surtout en ce qu’Il maintient un certain nombre dans la voie de laquelle un grand nombre dévient, suivant l’inclination de la nature et son cours ordinaire. »
De plus, dans son commentaire sur saint Matthieu, XX11, le docteur angélique écrit ceci : « Il conclut ensuite : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, parce qu’il y en a qui ne veulent pas venir et d’autres qui n’ont pas la robe nuptiale. » D’où, plus haut : V11,14 : Etroite est la voie qui conduit à la vie, et peu nombreux son ceux qui la trouvent ». Et dans le chapitre X11 de l’épitre aux Romains, lect. 2 : « Bien qu’ils soient peu nombreux comparativement à la multitude stérile des damnés, (selon ce que dit Matthieu V11 : peu la trouvent), cependant, absolument parlant, ils sont nombreux ».
On trouve la même chose dans la première épitre au Corinthiens, 1X : Ne savez-vous pas qu’au courses du stade, tous courent mais qu’un seul remporte le prix ? « Il faut d’abord, dit le docteur angélique, noter la condition des voyageurs , ensuite la multitude des appelés, enfin le petit nombre des élus ». L’autorité du prince des théologiens n’impressionne pas le moins du monde les « modernistes » Ils s’efforcent, au contraire, de l’amoindrir. (texte en français).
Il reconnaît d’abord que saint Thomas enseigne la doctrine antique et traditionnelle du petit nombre des élus. En second lieu, la raison pour laquelle il n’a pas traité cette question dans sa somme théologique n’est pas qu’il ne la considérait pas assez sûre et établie , mais parce qu’elle n’avait pas sa place dans ce livre. Car le saint Docteur a écrit sa somme théologique pour les commençants, comme il le déclare dans son prologue : « Le but que nous nous sommes proposé dans cette œuvre est de présenter ce qui se rapporte à la religion chrétienne d’une façon qui convienne à des débutants ». Ensuite, innombrables sont les vérités, et de grande importance théologique , que saint thomas enseigne non dans le corps de l’article mais seulement dans les réponses aux objections. Celui qui s’imagine que saint Thomas n’a présenté comme certaine et irrécusable que la seule doctrine qu’il expose dans le corps des articles, devra professer que celle qu’il enseigne dans ses réponses aux objections est douteuse et boiteuse.
Que l’on cesse d’écrire
ce genre de choses sur saint Thomas : (en français dans le
texte). Si le docteur angélique permet que
l’on considère notre opinion comme vraie, il considère
donc comme fausse l’opinion des « modernistes ». Car
il n’aurait certainement pas permis qu’on appelle vraie une opinion
que lui-même n’aurait pas estimée telle
Il faut donc dire que le saint docteur admet comme un fait réel
ce qu’il s’objecte à lui-même, à savoir
le plus grand nombre des damnés, qu’il démontre si
clairement se concilier avec la miséricorde divine.
Autrement, il aurait nié purement et simplement le fondement
même de l’objection. Ajoutons que nous avons entendu
plus haut Castelein reconnaître que saint Thomas épousait
l’antique opinion. De plus, comme il appert des
trois textes déjà cités, la somme théologique
n’est pas l’unique endroit où le docteur angélique
a exprimé son opinion sur le petit nombre des élus.
N°17 Pseudo Thomas d’Aquin probablement Thomas Anglus
Il affirme hautement le petit nombre des élus dans un ancien commentaire qu’on ne savait à qui attribuer, à saint Thomas, ou à cet autre Thomas du même ordre dominicain. Il s’agit de son commentaire sur les sept épitres canoniques, dans lequel à ces paroles de Pierre 1, 111, ( huit âmes ont été sauvées) il fait les remarques suivantes : « Notons que l’arche représente l’Eglise dans laquelle un petit nombre –comparativement au damnés—seront sauvés, parce qu’il est dit en Matth. V11 : Etroite est la voie qui mène à la vie et peu la trouvent. Moins nombreux sont ceux qui y cheminent, et très peu nombreux ceux qui y persévèrent….Dans l’arche, bien peu ont été sauvés , huit seulement, chiffre qui symbolise le petit nombre des élus : Matth. XX11 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Prends donc en note que le petit nombre des élus a été préfiguré au temps de la loi naturelle lorsque tous périrent à l’exception des huit qui furent sauvés dans l’arche, lors du déluge, comme il est marqué dans ce passage de l’évangile.
Il fut préfiguré
aussi au temps de la loi de Moïse où l’on lit dans les
Nombres, X1V, que de tous ceux que Dieu a fait sortir
d’Egypte (environ six cent mille) par le chemin du désert
---qui signifie la pénitence-- deux seuls entrèrent
dans la terre promise, Josué et Caleb. Il
fut également préfiguré au temps des Prophètes.
Quand les fils d’Israël furent conduits en captivité,
quelques-uns seulement furent laissés dans la terre promise.
Mais au temps de la grâce, le petit nombre des élus
a été enseigné clairement et explicitement
en Matth. XX11 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.
N°18 Saint Bonaventure (+1274)
Conclusion. Et celle élection diffère de l’appel, parce qu’ à plusieurs est donnée la grâce sans qu’ils y persévèrent. On dit donc qu’ils sont appelés mais non élus Et c’est de ceux-là dont parle Matthieu quand il dit : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. On trouve quelque chose de semblable dans le deuxième sermon sur la conversion de saint Paul : " Nous lisons une double élection dans l’écriture, l’une éternelle, l’autre temporelle. Par la première, nous sommes appelés pour toujours à la grâce et à la gloire. Par la seconde, nous sommes appelés à la grâce, mais pas à la gloire éternelle. La première élection est une seule et même chose avec la prédestination qui nous inscrit dans le livre de vie. La deuxième élection ne signifie qu’un appel temporaire qui se réalise dans la grâce mais non dans la gloire éternelle. Car ceux qui sont appelés dans le temps ne sont pas tous élus éternellement. Car il y a beaucoup d’appelés, a dit le Seigneur, et peu d’élus. "
N°19 Saint Antoine
de Padoue (+1231)
Dans le discours de la cène, Jésus compare la vocation à un banquet où tous sont convoqués. Il assimile le banquet à la vie éternelle à laquelle un petit nombre seul est élu. Voici ses propres paroles : " Il représente par l’invitation à un repas ( saint Luc X1V) l’appel qui s’adresse aux bienheureux que Dieu introduit à la réfection de la vie éternelle après une bonne mort : Un homme a fait un grand banquet. C’est un repas privé, car seul un nombre restreint y est admis, et tous des intimes. Ceux qui ont pris dans le palais le repas du matin sont exclus. Le banquet est la foi. Les mets sont les articles et les sacrements auxquels sont admis beaucoup de gens qui ne demeurent pas pour le banquet. Plusieurs sont donc appelés au repas qui symbolise la foi, peu sont élus au repas qui représente la vie éternelle. "
N°20 Innocent III (+1216)
Dans la parabole des vignerons, il dit au sujet des élus : " On dit qu’ils sont peu nombreux comparativement aux mauvais, car le nombre des insensés est infini, et les pervers se corrigent difficilement. " Il ajoute au sujet des autres : Tous ne croient pas l’évangile du Christ. ….Celui qui ne croit pas est déjà condamné. En conséquence, comme les incrédules sont plus nombreux que les fidèles, sans l’ombre d’un doute il y a plus d’appelés que d’élus. Et même parmi les fidèles, plusieurs se damnent, ceux dont les œuvres démentent leur foi, car il est préférable de ne pas connaître la voie de la vérité que de rebrousser chemin après trouver la vérité. Que le dispensateur de la vigne, Jésus-Christ, nous extirpe de ce nombre. "
Donc les vingt saints, les bienheureux et vénérables serviteurs de Dieu qui sont postérieurs aux Pères de l’Eglise proprement dits, sont manifestement de notre avis. Que les " modernistes " Bougaud, Mauran et Castelein en citent un seul qui partage leur avis " .
Dirigeons-nous donc maintenant vers
les Pères de l’Eglise pour entendre ce qu’ils pensent à ce
sujet.
p. 78
§ 2 les Pères de l’église p.79
On doit faire aussi grand cas de l’opinion des Pères de l’Eglise quand ils exercent leur rôle de docteurs à titre privé. Ceux que recommandent grandement non seulement leur connaissance de la doctrine révélée et leur maîtrise d’un grand nombre de choses qui sont utiles à la compréhension des livres apostoliques, mais aussi les hommes insignes par la sainteté de leur vie et par le zèle pour la vérité auxquels Dieu a accordé de plus grands secours de sa lumière. Qu’il les reconnaisse donc pour son interprète, et qu’ils sachent avec révérence marcher sur leurs traces et profiter de leurs labeurs, par un choix judicieux. ".
Comme le lecteur attentif a pu s’en convaincre surabondamment, l’ensemble des Pères de l’Eglise constitue une sorte de concile où tout se décide à l’unanimité. De tout le genre humain, plus nombreux sont ceux qui sont condamnés aux supplices éternels que ceux qui obtiennent le salut éternel. Chose terrible à dire, mais utile à savoir pour ne pas s’égarer, et qui peut être aussi une grande consolation pour ceux qui s’efforcent de vivre comme le petit nombre des élus. C’est un signe notoire de prédestination que de conformer sa vie à celle du petit nombre des élus.
Qu’il me soit permis, pour avertir les prêtres et les séminaristes, de me servir des paroles de l’épitre du synode des évêques de Gaule et de Germanie aux évêques d’Espagne, et de conclure ainsi : " Maintenez-vous à l’intérieur des limites marquées par les Pères, et ne cherchez pas à soulever des questions qui ne brillent que par leur nouveauté. Elles ne servent qu’à troubler la foi des auditeurs. Il vous suffit de suivre les traces des Pères de l’Eglise et d’accepter leurs enseignements d’une foi ferme. Car ce sont eux qui sont nos docteurs dans le Seigneur et Docteurs à vie ".
N°21 Saint Bernard, docteur de l’Eglise(+ 1153)
Dans son troisième sermon de la vigile de la nativité, il suppose que cette doctrine est communément reçue et archi connue : " Qui ne sait pas parmi les fidèles que le Seigneur viendra, car Il viendra juger les vivants et les mors et rendre à chacun selon ses œuvres. Non, tous ne le savent pas, mes frères, et je dirais même que beaucoup ne le savent pas. Ils ne sont pas nombreux ceux qui le savent, car, en vérité, il y en a peu qui se sauvent. "
N°22 Honorius Augustodunus
(+1152
Evêque de Reicherspens
"Tous sont morts dans le désert,
et deux seuls entrèrent avec la multitude de leurs fils. Ceux qui
sont morts dans le désert, ce sont eux les nombreux appelés
qui ne voulurent pas venir. Les deux qui entrèrent sont les actifs
et les contemplatifs qui, animés par un amour authentique, entrèrent
dans le repos du Seigneur ".
N°23 Rupert Tuitiensis (+1135)
" Beaucoup sont appelés,
peu sont élus. Un grand nombre dans l’église présente,
sont chrétiens de nom après s’être inscrits dans le
registre du baptême, mais un petit nombre, ce qui est à donner
des frissons, échapperont au déluge du jugement "
N°24 Cardinal Godefridus
Vindocinensis (+1132)
Seuls les bons, et un petit nombre
d’entre eux, et pendant très peu de temps, virent Le Christ après
sa résurrection. Car seuls les bons auront la gloire de la résurrection
future, et ils seront peu nombreux comparés aux méchants.
Car, il en est comme ce que dit Jésus dans son évangile :
Beaucoup
d’appelés et peu d’élus. ".
N° 25 Venerable Hildebertus (+1130)
Ce pieux archevêque de Tours explique ainsi la célèbre phrase de saint Paul dans son sermon de la septuagésime : Ne savez-vous pas qu’aux courses du stade, tous courent, mais qu’un seul remporte le prix ? Courez donc afin de remporter la victoire. Le terrain du stade qui a été réservé pour la course signifie le but de la vie présente qui nous est donnée pour la course de notre salut, selon les paroles et les avertissements de notre Seigneur : " Cours, malheureux, cours, hâte-toi pendant que tu en as le temps, de peur que tu ne tombes dans la mort ".
Le fait que, parmi un si grand nombre de coureurs, un seul ait remporté le prix, tous les autres ayant couru en vain, me remplit de frayeur, mes bien chers frères, quand je pense à nous tous. Il est fort à craindre que nous soyons tous déclassés par un seul, nous qui avons entrepris de courir pour la couronne. D’où l’avertissement de l’Apôtre : Courez ainsi pour que vous remportiez la couronne ".
N° 26 Wernerus Abbas (+1126)
Celui qui n’a pas moins brillé par l’érudition que par une insigne intégrité de vie, commente ainsi la parole de Jésus : Beaucoup d’appelés et peu d’élus. : " Cela, dit-il, ne s’applique pas aux grands saints, mais aux gens ordinaires, car plusieurs viennent à la foi, plusieurs remplissent les parvis des églises, mais peu se rendent jusqu’au règne. Qu’un grand nombre soit réprouvé tant parmi les premiers venus que parmi les derniers, se déduit de la terrible sentence du Seigneur : " Plusieurs sont appelés " à la foi, " peu sont élus " au règne. Ces paroles se trouvent dans le livre 1 des bouquets ou extraits de la doctrine suave de différents pères et d’autres docteurs orthodoxes . Ce livre nous fait entendre toute la vénérable tradition des douze premiers siècles.
27- Bruno Astensis ou Signensis, 1125
Abbé du Mont Cassin et évêque, il écrit les paroles suivantes dans son commentaire de Matthieu p.11, ch.7 : " Comme si quelqu’un disait : elle est étroite cette route, les commandements sont très difficiles à observer. Il ajoute ensuite : " Entrez donc… " Et cette voix, dit-il, est resserrée et cette porte étroite. Elle n’est donc trouvée que par un petit nombre. En vérité, voilà la porte et voilà la voie par lesquelles on parvient à la vie éternelle. Peu nombreux sont ceux qui sont sauvés en comparaison de ceux qui se damnent. C’est pourquoi le Seigneur dit ailleurs : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Cette voie , par contre, et cette porte qui mènent à la perdition sont larges et spacieuses et un grand nombre y entrent.
Car jeûner et veiller, s’abstenir des désirs charnels et de toutes les voluptés , ne pas faire sa propre volonté, à qui cela n’apparaît-il pas étroit, contraignant ? D’un autre côté, manger avec abondance et recherche, satisfaire tous les désirs de la chair et toutes les voluptés, ne jamais s’opposer à sa volonté propre, à qui cela n’apparaît-il pas agréable et aisé ? Il y en a donc plusieurs qui cheminent par cette voie et qui entrent par cette porte. Mais où entrent-ils ? Dans la cité de la perdition, dans le collège de la mort, dans la prison des angoisses, dans le lac de toutes les misères. "
Et en Matthieu ch.XX , ce qui suit ---- Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus----. nous démontre que peu se sauvent comparativement à ceux qui n’ont été appelés que pendant un certain nombre d’heures. Même chose en Matth. XX11 : En effet, beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. " Plusieurs sont appelés aux noces, peu sont introduits dans la chambre nuptiale du Roi, dans la gloire. " Et dans son premier livre de sentences ch. 2, au sujet de l’arche de Noé : " Cette arche est la sainte Eglise, hors de laquelle personne ne se sauve. Ne périra pas celui qui s’y trouvera au jour du jugement. Il y en a beaucoup qui semblent y demeurer mais qui résident plutôt à l’extérieur….Les mauvais sont beaucoup plus nombreux que les bons. Ceux qui convoitent les biens terrestres sont plus nombreux que ceux qui aspirent aux célestes. Etroite est la voie qui mène à la vie, large celle qui mène à la perdition . "
28- Euthyme, 1122
Dans son chapitre XL11 de la récompense aux ouvriers embauchés, il expose une parabole dans les termes les plus généraux, et sans référence particulière aux juifs ou aux gentils christianisés. Il parle quand même ainsi : " Plusieurs sont appelés à la foi, mais peu répondent à l’appel. Ici il s’agit de la foi vive à laquelle se joint l’observation des commandements jusqu’à la fin, et de la conservation de la robe nuptiale --- qui n’est autre que la grâce du baptême,--- jusqu’au jour du jugement. Ecoutons donc et excécrons combien de fois après le divin baptême, nous avons souillé notre âme, en perdant la vie. Nous méritions par là non seulement d’être éjectés de la salle des noces, mais surtout d’être précipités dans le supplice le plus horrible. Il faut donc avoir souci du vêtement intérieur, non de l’extérieur. Car il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Jésus dit cela en conclusion de la parabole des ouvriers embauchés à la vigne. "
29-Saint Anselme Cantuariensis, 1109
Dans sa lettre à Odon et Lanzon : " Que parmi le grand nombre d’appelés peu soient élus, nous le savons avec certitude au témoignage de la Vérité elle-même. C’est pourquoi celui qui ne vit pas encore comme le petit nombre des élus, ou qui ne se joint pas au petit nombre, en amendant sa vie, qu’il redoute une réprobation certaine. Celui qui estime faire partie du petit nombre, qu’il ne se sente pas assuré de la certitude de l’élection. Comme personne ne sait à quelle petitesse se réduit le nombre des élus, personne ne sait s’il est déjà parmi les élus, à moins qu’au milieu de tous les appelés, il ne se distingue par une ressemblance avec ceux du petit nombre. "
Cette idée fut si familière au saint docteur qu’il la reprend telle quelle, et, pour ainsi dire, dans les mêmes mots . Il parle ainsi à quelques moines (beccenses) : " Que parmi un grand nombre d’appelés, un petit nombre soit élu, nous le savons avec certitude, au témoignage de la Vérité elle-même. " Et à la comtesse Idam : " Amie très illustre dans le Seigneur ! Le Seigneur a dit : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Devez-vous, en toute sécurité, vous estimer faire partie des élus tant que vous n’aurez pas vécue de façon à ce qu’il y ait peu de personnes à qui votre vie puisse être comparée ? Et quand vous saurez que vous faites partie du petit groupe, vous devrez encore craindre, car vous pourrez toujours douter faire partie de ce nombre, tant que vous ne vous verrez pas parmi eux. Car celui qui a dit : peu nombreux sont élus, n’en a pas précisé le nombre. Quelques soient les progrès que nous pensons faire, pensons toujours que nous n’avons pas encore atteint le début du progrès.
Le pseudo-Anselme
Othlon 1073
Dans ces paroles de l’Apôtre, Cor. 1X, 24, tous courent, voici ce qui fait le plus réfléchir : tous et un. Il nous donne un message avec ces mots. Que devons-nous en effet entendre par cet un si ce n’est n’importe lequel élu qui, persévérant dans l’unité de la foi et dans les autres vertus, qui forment une seule et même chose dans leur concorde, demeure toujours un et toujours identique à lui-même ? Que faut-il entendre par ces autres qui courent ensemble, mais qui ne parviennent pas au mérite de la bravoure, si ce n’est ceux qui, après être venus à la foi sacrée, et ayant entrepris les tout débuts des bonnes œuvres, croient pour un temps, mais , reculant au temps de la tentation, négligent de persévérer dans le bien. ? " Et plus loin : " Le Seigneur et notre Sauveur voulant sauver quelques-uns de ceux qui sont voués à la damnation, prononce une sentence en disant : Beaucoup sont appelés et peu sont élus, comme s’Il disait : il y en a beaucoup qui savent bien faire, mais peu nombreux sont ceux qui font le bien "
Radulphe Flaviacensis : 12ème s.
Comme nous sommes enveloppés de ténèbres d’ignorance si épaisses qu’à peine une personne est en état de trouver la voie de la cité éternelle, ---ils sont peu nombreux, a dit le Seigneur, ceux qui la trouvent---aucun parmi les simples, et encore moins parmi les érudits, ne doit recevoir de lui-même la règle de la foi ou la norme de vie. Mais on doit respecter l’autorité des anciens, et tenir toujours ce qu’ils ont enseigné devoir être cru ou imité "
Saint Pierre Damien , docteur de l’église 1072
Il pense que le célèbre avertissement de Jésus sur l’entrée par la voie étroite ne s’applique pas seulement aux juifs, comme le pensent les novateurs, mais à tous les chrétiens de tous les siècles : " Bien que soit très diversifiée la troupe variée des voyageurs, le chemin cependant est unique qu’ils doivent fréquenter. Celui-là même que la Vérité indiquait à ses disciples quand Elle disait : Etroit est le chemin qui mène à la vie, et peu nombreux sont ceux qui passent par lui. Ce chemin, Jésus l’a suivi le premier, et il a ordonné de le parcourir à chacun de ceux qui voulaient le suivre "
Théophylacte 1070
En Matth. XX11 : le roi étant entré …etc. " L’entrée dans la salle des noces se fait sans discrimination. Il dit : c’est par la grâce seule que nous sommes tous appelés, les bons comme les mauvais. Mais après leur entrée, leur vie est soumise à un examen . Le Roi portera un jugement sévère sur ceux qui, après l’accès à la foi, se sont trouvés enlisés dans des vices. Tremblons donc à la pensée qu’à moins de vivre une vie pure , la foi nue ne servira à personne. On ne fera pas qu’expulser de la salle des noces, mais jeter dans le feu….Un grand nombre, donc, s’illusionnant de vaines espérances pensent qu’ils accèderont au royaume des cieux, qu’ils se faufileront parmi le chœur des convives, croyant avoir accompli des prodiges… Beaucoup sont appelés. Dieu appelle un grand nombre, ou plus précisément tous. Mais peu de gens sont sauvés . Car il y en a peu qui sont sauvés et qui sont dignes de l’élection divine.
Ratherius, évêque de Vérone, 974
Dans son premier sermon sur l’ascension, il a ainsi prêché : " Il y en a dont les mœurs détruisent la foi que professent leurs lèvres. Il est fort à craindre que ce soient de telles gens dont parlait le Seigneur en Luc X1, 24 : Quand un esprit immonde …etc . Et la dernière condition de cet homme est pire que la première. Si ces paroles si véritables ne s’appliquaient à aucun de ceux qui se disent croyants et qui sont baptisés, quel sens aurait la parole du Seigneur : il ya beaucoup d’appelés et peu d’élus ? Quels sont donc ceux qui sont appelés sinon ceux qui sont entrés dans l’église par le baptême ? Quels sont les rares élus, sinon ceux dont la vie à conservé le sacrement recu dans la foi ? Quels sont ceux qui ne sont pas élus, sinon ceux qui n’ont pas accompli ce qu’ils avaient promis ? Qu’est-ce qu’ils avaient promis ? Que chacun se remémore par la pensée ou ce qu’il a promis lui-même ou ce que son tenant- lieu à promis en son nom avant le baptême
Rémi, antissiodorensis 908
Dans le psaume XXX1X, 15 J’ai annoncé et j’ai parlé. Ils se sont multipliés au-delà de ce qu’on peut compter : " Moi, le Christ, j’ai annoncé, i.e., par mon œuvre, et j’ai parlé, i.e., avec ma bouche. Faites pénitence, le royaume des cieux approche. Ils se sont multipliés au-delà de ce que l’on peut compter en venant à la foi. Ils se sont développés au-delà du nombre des élus, parce qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Il y en a beaucoup qui remplissent les parvis des églises qui se délectent des vanités de ce siècle "
Paschasius ratbertus 865
Le livre quatre du commentaire de Matth : Entrez par la porte étroite. Même si la charité est vaste, elle est pourtant étroite puisque peu la trouvent. Et si le petit nombre la trouve, il s’efforce d’entrer par elle. Parce qu’elle est large la porte et spacieuse la voie qui conduisent à la perdition. Celles-là, tous les trouvent sans les chercher, parce que c’est en elles qu’ils sont nés, et s’ils s’en détournent, elles s’offrent d’elles-mêmes. Il est donc rare celui qui met la main à l’acquisition de la vertu. La volupté, à la façon d’une importune courtisane, invite tout le monde avec ses charmes. Et c’est pourquoi beaucoup entrent par elle. De plus, qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie qui mènent à la vie ! D’où l’étonnement de l’époux et de l’épouse dans le cantique : quelle est-celle-ci qui monte par la voie du désert, comme une colonne de fumée provenant de la myrrhe et de l’encens ? C’est comme si l’on disait : quelle est celle-ci qui chemine dans la voie que peu de monde trouve, même après l’avoir découverte ? Comment se fait-il qu’elle se rapetisse en progressant, au point d’être comparée à une colonne de fumée , et pas à n’importe laquelle mais à celle de la myrrhe et de l’encens ? Le Christ a enseigné plus haut que les aromates signifient que quand nous ceignons ses mortifications sur nos reins, nous devenons un sacrifice d’encens à sa gloire . Nous sommes si exténués que nous pouvons à bon droit être comparés à une colonne de fumée aromatique. Cette voie désertique, peu la trouvent, mais celle qui est très achalandée est fréquentée par un très grand nombre. La voie du désert, dans laquelle le Christ a lutté, est foulée aux pieds par un petit nombre. On dit qu’ils sont peu nombreux comparativement à ceux qui empruntent la voie large. Elles sont donc considérablement étroites la porte et la voie par lesquelles ne passe qu’un petit nombre.
Dans le livre dixième du même volume : Il y beaucoup d’appelés et peu d’élus . " On ne nous parle pas du petit nombre des invités, mais du petit nombre des élus. Car, lors d’une invitation qui ne comporte aucune exception, intervient seule la grandeur de l’immense bonté divine. Mais aux invités s’applique le judicieux discernement, et l’élection est réservée à la seule honnêteté. Cette sentence résume toutes les paraboles, comme celle du travail à la vigne, de la construction d’une maison , en plus de celle-ci, où c’est la fin qui couronne l’œuvre, mais non le commencement.
L’Evêque Haymon Halberstatensis , 856
La vingt et unième homélie, celle du dimanche de la septuagésime présente cet enseignement : " Matth. XX . En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole : le royaume des cieux est comparable à un père de famille….Le royaume des cieux en cet endroit représente l’Eglise, que l’on dit semblable à un père de famille, pour que nous apprenions à connaître l’inconnu par le connu. La vigne du père de famille est la sainte église qui, du début du monde jusqu’à la fin des siècles, engendre autant de saints qu’elle produit de sarments . Cette vigne fut d’abord plantée dans le peuple hébreu, mais après l’incarnation du Seigneur, elle s’est dilatée jusqu’aux confins de la terre. C’est ainsi que les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers. D’où il appert que la foi insuffisante des juifs est réprouvée, surtout si on ajoute cette autre sentence : " Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ". Phrase qui s’applique tout spécialement au peuple des nations qui ont été appelées en grand nombre, mais dont le nombre des croyants est infime. Cette parabole se prête à deux interprétations . Un jour ou l’autre, à chacun d’entre nous surviendra le terme de notre vie présente. Et bien que quelques-uns soient rappelés de cette vie avant d’être parvenus à la maturité, s’ils ne l’ont pas atteinte par l’âge, ils l’ont par la sortie elle-même. C’est le soir donc que les ouvriers sont invités à venir percevoir leur salaire, car les élus sont récompensés de leurs bonnes œuvres quand ils sont rappelés de cette vie.
C’est ainsi que les derniers sont premiers et les premiers derniers. A chaque jour, dans l’église, nous nous rendons compte que cela se produit, car ceux qui se sont convertis tardivement au Seigneur dépassent par la ferveur de l’esprit et la piété de la dévotion, beaucoup de ceux qui vivent dans la tiédeur et la négligence. Ce qui est dit après la parabole : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus devrait plus servir à susciter la crainte qu’à la production de beaux développements oratoires. Nous savons tous que nous sommes appelés. Mais nous ignorons encore si nous sommes élus. Dieu nous appelle de plusieurs façons : par la foi, etc…Il y en a quelques-uns qui excellent dans la foi et qui brillent par l’enseignement doctrinal, mais qui sont rejetés du nombre des élus parce qu’ils ont été avares de bonnes œuvres. C’est saint Jacques qui le dit : la foi sans les œuvres est morte. Saint Paul parle aussi de ces gens-là dans sa première épitre à Tite. …..Et le Seigneur dans l’évangile : Ce n’est pas celui qui me dira : Seigneur, Seigneur, qui entrera au royaume des cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là entrera dans le royaume des Cieux. ….Ces gens-là diront quand même au jour du jugement : Seigneur, nous avons prophétisé en ton nom etc… A quoi Il répondra : Je ne vous connais pas . Eloignez-vous de moi, artisans d’iniquité ! "
Christian Druthmarus , 850
Explication de l’évangile de saint Matthieu au chapitre treizième : Entrez pas la porte étroite. Voici la signification de la comparaison : par la porte, nous entendons la voie des commandements du Christ. La route est large et spacieuse qui conduit à la perdition. Voilà la volupté du siècle qui se présente d’elle-même et qui délecte le corps. Aucun besoin de chercher ou d’apprendre. Et c’est pour cela que beaucoup entrent par elle. Quelle est étroite la porte et resserrée la voie qui mènent à la vie ! C’est-à-dire, très étroite la voie qui permet, par les jeunes, la patience, et l’amour des ennemis, de traverser le siècle et de parvenir à la vie éternelle. La voie est resserrée. Le psalmiste lui-même dit : " J’ai persévéré dans des voies ardues. "…Et il y en a peu qui la trouvent. Il dit que peu la trouvent, et il faut ajouter que ce ne sont pas tous ceux qui la trouvent qui entrent par elle….Dans le même sens, Jésus dit en un autre endroit : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Appelés, cela veut dire devenus chrétiens. Mais il y a chez eux peu d’élus, parce qu’ils renient Dieu par leurs œuvres. Nous trouvons la même chose dans l’évangile de saint Matthieu au chapitre XL1111 : " Beaucoup sont appelés mais peu sont élus ". Cela s’applique aussi bien aux chrétiens qu’aux juifs. Il y a peu d’élus. Sentence redoutable, à savoir qu’ils sont peu nombreux ceux qui servent Dieu en évitant toute contamination, car, en plusieurs choses, nous offensons Dieu sans nous en rendre compte. Le plusieurs sont appelés peut s’entendre des seuls chrétiens, ceux qui sont appelés par la prédication, mais qui ne concrétisent pas cet appel par des œuvres. La plus grande partie de ceux-là déambulent par la voie large ".
Jonas Aurelianensis 842
Ambroise Autpertus 778
Apocalypse 1V, l5 : " Voici ceux qui vinrent de la tribulation ". " Ici-bas, certes, tous ceux qui sont élus souffrent une grande tribulation, du fait qu’ils ignorent s’ils sont dignes d’amour ou de haine. C’est à cause de cela qu’ils pleurent, qu’ils s’attristent, et qu’ils mangent leur pain à la sueur de leur front. Rares sont ceux qui se conduisent ainsi. Ce n’est pas moi, c’est le Seigneur lui-même qui en donne la raison : " Parce qu’il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus ". Il expose la même idée au livre septième, 25 : " Qui ne craindra pas ? " Parce que dans sa piété Dieu en appelle un grand nombre, mais sa justice exige l’élection d’un petit nombre , comme Il a dit lui-même : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Qui ne redoute de n’être pas admis parmi le nombre des élus ? Nous savons parfaitement bien que nous sommes appelés et que nous vivons parmi les saints. Mais nous ignorons totalement si nous sommes élus et si nous appartenons au nombre des élus, au témoignage de Salomon lui-même : Nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine.
Et dans le livre : de la cupidité, numéro 14, il répond ainsi aux objections des " modernistes " : Ils s’expriment ainsi peut-être ceux pour lesquels nous tirons de tels passages des saintes écritures : " Vous cherchez à nous terroriser, et c’est à peine si nous ne nous effondrons pas sous l’accablement du désespoir. S’il en était vraiment ainsi, qui de nous serait sauvé ? " Je réponds non pas avec mes paroles mais avec celles du Sauveur : " Entrez par la voie étroite ". Jésus nous a montré deux portes et deux voies. Il dit que beaucoup se dirigent vers la perdition en passant par la voie large et spacieuse . Il dit également que peu entrent dans la vie en passant par la voie étroite. Il ne nous indique aucune troisième porte ni aucune troisième voie. Partez à la recherche de la troisième si vous pensez pouvoir la découvrir, et quand vous l’aurez trouvée, entrez-y et marchez-y. Inutile de vous faire des illusions, il n’y en a pas, il n’en existe pas d’autre. Entrez par " la " voie. "
43-Theophylacias , archidiacre du saint siège 752
Dans l’épitre qui est la quatre-vingt troisième des épitres de saint Boniface, archevêque de Moguntini : " Jusqu’à présent, ce n’est pas sans une grande tristesse davidique, sans une souffrance du plus intime de mon cœur que me sens poussé à entonner des saints cantiques : " J’ai annoncé, et j’ai parlé et ils se sont multipliés au-delà du nombre . " Je voudrais aussi déclarer que beaucoup viennent à la foi et que peu parviennent au nombre des élus, selon la proclamation du Seigneur lui-même : " Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ".
44- Le Vénérable Bède 745
En Matth. XX, XV1 : " Il y a beaucoup d’appelés etc… " Parce que, dit-il, plusieurs viennent à la foi, mais peu se rendent au royaume des cieux. Jésus traite le même sujet au chapitre V11 : " Large est la voie qui tend aux voluptés du siècle, que l’on trouve sans investigation et sans recherche, car elles se présentent d’elles-mêmes. Tous, par contre, ne trouvent pas la voie étroite, et ceux qui la trouvent n’entrent pas tout de suite par elle. Car, un grand nombre de ceux qui sont rendus à mi chemin, séduits par les voluptés du siècle, font machine arrière. " Et en Luc, livre V, ch. I8 : " Au jour du jugement, --ce dont on doit se souvenir d’un cœur tremblant--- quand notre Créateur apparaîtra sous la forme de l’homme, le nombre des élus sera si rarissime que la ruine du monde devra être accélérée non pas tant à cause de la clameur des fidèles injustement damnés mais à cause de la corruption de ceux qui sont justement damnés ".
45- Saint Isidore d’Espagne, docteur de l’Eglise, 636
Dans le livre des questions sur les nombres, à la question 42 : " Le fait qu’on ait compté soixante mille hébreux armés qui sortirent d’Egypte, et que de tous ceux-là, pas plus de deux ne soient entrés dans la terre promise, constitue une figure qui enseigne qu’un grand nombre transitent au pays de la foi par le baptême, mais qu’un petit nombre parvient à la patrie céleste, selon les paroles de l’Evangile : " il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ".
Antiochus, moine palestinien, 7ème siècle
Saint Grégoire le Grand, docteur de l’Eglise, 604
Cet illustre docteur de l’Eglise s’est exprimé ainsi dans sa trente-huitième homélie évangélique , numéros 8 et 14 : " Le fait que dans l’Eglise, il y ait beaucoup de mauvais et peu de bons ne devrait pas vous terroriser. L’arche, dans les ondes du déluge, a accueilli des bêtes là où elle était large, mais elle a abrité les êtres humains là où elle était étroite, car l’Eglise obtient de l’ampleur dans et par les choses charnelles et se restreint dans et par les choses spirituelles. Il faut en effet souvent redire la parole du Seigneur et la graver dans sa mémoire : " Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ".
L’importance que le saint docteur attache à cette vérité saute aux yeux. C’est pourquoi, en plusieurs autres circonstances, il a cherché à l’inculquer aux fidèles . Ajoutons ce seul extrait de sa dix-neuvième homélie, no 5, où il commente ainsi les paroles de l’évangile : Il y a beaucoup d’appelés etc… " Parce que, dit-il, plusieurs viennent à la foi, mais peu parviennent au royaume céleste. En effet, en quel grand nombre vous êtes venus participer à la fête d’aujourd’hui ! L ’église est pleine à craquer ! Mais cependant, qui sait à quoi se réduit le petit nombre de ceux qui seront comptés dans le troupeau des élus de Dieu ! " Le pape saint Grégoire ne craignait donc pas de prêcher ouvertement à son peuple le mystère du petit nombre des élus. Il était éloigné de mille lieux de la prudence charnelle des " modernistes ".
Césaire d’Arles 542
Il y a deux sermons différents se rapportant respectivement aux deux voies dont l’une est large et l’autre étroite. Dans celui qui porte le numéro 68, après avoir exhorté ses auditeurs à entreprendre de gravir la voie étroite, par laquelle ils peuvent monter jusqu’au Paradis, il se met à décrire les marcheurs de l’une et l’autre voie d’une facon telle qu’après avoir observé ce qui passionne et intéresse les uns et les autres, il apparaît avec évidence qu’il y a plus de monde dans la voie large que dans l’étroite , et, qu’en conséquence il y a un plus grand nombre de damnés. Et parce qu’il prêche à des chrétiens et que c’est à eux qu’il applique la parabole, il est à mille milles lieux de l’interprétation fausse et laxiste du Père Castelein. (en francais dans le texte).
Saint Césaire dit donc : " Tous ceux qui raffolent de ce monde, les orgueilleux, les avares, les voleurs, les adultères, les envieux, les ivrognes, ceux qui ont des balances truquées, qui ont deux poids deux mesures, ceux qui rendent le mal pour le mal, qui se délectent de spectacles sanglants, barbares ou honteux, font la preuve qu’ils descendent par la voie large et spacieuse. Les chastes, par contre, et les sobres, les miséricordieux, ceux qui pratiquent la justice, ceux qui font l’aumône selon leurs ressources promptement et avec joie, ceux qui ne conservent pas de haine dans leur cœur envers personne , ces gens-là montent vers les sommets par la voie étroite et resserrée. Et bien qu’ils semblent habiter encore sur la terre avec leurs corps, leur conversation, selon l’Apôtre , est dans les cieux. De sorte que quand le prêtre les exhorte à élever leurs cœurs, ils répondent en toute confiance qu’ils sont déjà dirigés vers le Seigneur ".
Et dans le sermon 67 : " C’est Jésus qui préside à la voie auguste et resserrée, et le démon à la voie large et spacieuse. Le Christ invite au règne, celui-là entraîne à l’enfer. Si nous ne regardons la voie large et spacieuse qu’avec les yeux du corps, elle nous leurre. La voie étroite et resserrée contemplée avec les yeux du cœur fait naître en nous la sécurité ".
Saint Hormisdas 523
Voici ce qu’enseigne la vingt-troisième lettre adressée à tous les catholiques orientaux, et qui a été lue au cinquième synode, tenu en 518 , 2, comme le rapporte Baronius, n.2 : " Quel besoin y aura-t-il d’une récompense s’il n’existe pas d’occasions de pratiquer la vertu ? La porte est étroite mais elle mène au règne. L’entrée est réservée à peu de monde : à ceux qui ont été éprouvés. Ces paroles ne se rapportent-elles pas à ceux dont il est dit : " Ils vous persécuteront et vous flagelleront dans leurs synagogues ".
Rubicius senior 504
Seizième lettre à Turencium : " Comme le bon est rare, il est également si résistant qu’il est éternel. Elle est lisse et fleurie , selon la parole du Seigneur, la route qui précipite dans l’abîme. Raboteuse et pierreuse, celle qui débouche sur la gloire. Pour quelle raison, si ce n’est que beaucoup descendent dans la première, mais peu veulent gravir la seconde ".
Salvianus 464
Nous concédons très volontiers à nos adversaires que ce pieux prêtre a été le Jérémie de son temps. Il est permis de chercher à trouver une tache dans ses brillantes couleurs. Il n’en demeure pas moins évident qu’il n’a jamais entretenu d’espoir pour le salut du grand nombre, même pas des catholiques adultes, à tout le moins de ceux de son siècle. Cela suffit pour notre thèse. Il a écrit en effet dans son troisième livre du gouvernement du monde : " Ce que je m’apprête à vous dire est très lourd de conséquence et est matière à verser beaucoup de larmes. Cette église de Dieu qui doit par tous les moyens chercher à apaiser Dieu, que fait-elle d’autre que l’exacerber ? A par le très petit nombre de ceux qui fuient le vice, qu’est-elle d’autre qu’une sentine de vices ? J’irai encore plus loin . Tu trouveras plus facilement des gens coupables de tous les maux plutôt que de quelques-uns seulement. Tu trouveras plus facilement des gens coupables de grands crimes plutôt que de petits crimes. C’est-à-dire qu’il est plus facile de trouver des gens qui ont commis des grands crimes avec des petits, que de trouver des gens qui ont commis des petits crimes sans en commettre de grands. Presque tout le peuple chrétien est descendu à une telle dépravation des mœurs que ,dans toute la chrétienté, la sainteté consiste dans une moindre débauche ".
Le Pape saint Léon le Grand, docteur de l’Eglise, 461
Il dit les paroles suivantes dans son sermon XL1X , au deuxième chapitre : " Elle est maintes fois confirmée par l’expérience la parole du Sauveur qui nous enseigne que la voie est étroite et ardue qui conduit à la vie . Et comme la route large est fréquentée par de nombreuses armées, dans les sentiers du salut on ne voit les traces que du petit nombre de ceux qui entrent. Pourquoi donc la voie de gauche est-elle plus achalandée que celle de droite, sinon parce que la multitude a un penchant pour les joies mondaines et les biens corporels ? ….Comme ils sont innombrables ceux qui convoitent les choses visibles, c’est à peine si on en trouve quelques-uns qui fassent passer les biens éternels avant les temporels. "
Saint Isidore de Pelusiota, cinquième siècle
Il a écrit au prêtre Eusèbe : " Si, comme tu l’écris, la piété des rois envers Dieu a entraîné des marques d’irrévérence envers certains évêques, il demeure qu’un excès d’honneur à eux manifesté ne fait que les énerver. Ce zèle obséquieux ne va qu’à leur procurer délices et banquets. Toi, vois à ce que cela ne te porte pas à préjudice. Ce ne sont pas tous également qui luttent contre les vices, mais il y en a peu qui veulent vivre comme des apôtres. Si tu dis, il y en a, mais ils sont peu nombreux, tu cours le risque de ne pas te tromper. Mais admirons plus tôt la prescience du Sauveur : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. " Il s’agit ici d’évêques. A plus forte raison, ces paroles peuvent-elles s’appliquer à l’ensemble des fidèles .
Saint Pierre Chrysologue, docteur de l’Eglise, 450
Un grand nombre de fleurs laisse présager une multitude de fruits, mais disséminées par les rafales de vent, un petit nombre d’entre elles parviennent à maturité. De la même façon, beaucoup de ceux qui croient dans le Christ semblent dans la paix de l’Eglise. Quand l’étincelle de la persécution prend feu, on trouve peu de martyrs dans le fruit. "
Saint Cyrille d’Alexandrie, docteur de l’Eglise 444
En Isaïe, livre 2, XX1V, 6 A cause de cela, les pauvres habiteront la terre, et il restera peu d’hommes. " Comme, dit-il, la terre est devenue exécrable, parce qu’elle est infestée d’iniquités, même ceux qui sont inopinément réduits à la mendicité parviennent à peine à se sauver. Il n’en reste que quelques-uns et ils sont bien faciles à compter. Au sujet de la compréhension intime du mystère, nous disons de nouveau que bien peu en sont capables. Je parle de ceux qui ont plu à Dieu par la pratique des vertus et qui se sont procuré des trésors par des actions courageuses et honorables. Ils sont peu nombreux, en effet, selon la parole du Sauveur : " Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus ".
Jean Cassien, 434
Ce célèbre abbé de Marseille que saint Castor, évêque, son contemporain, disait être orné d’une gloire spéciale de sainteté et être digne de mémoire entre tous, dans son quatrième livre des institutions cénobitiques, au chapitre 38, parle ainsi du petit nombre qui doivent servir d’exemples : " C’est par un grand nombre de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume des cieux. Etroite, en effet, est la porte , et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Considère-toi donc comme un des leurs, et ne te laisse pas refroidir par l’exemple et la tiédeur de la multitude. Mais vis comme vivent le petit nombre d’élus, car peu nombreux sont les élus, et petit est le troupeau à qui il a plu au Père de donner l’héritage. "
Saint Nil, abbé 450
Etroite est la porte et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la prennent. Si ceux qui la prennent sont peu nombreux, moins nombreux encore sont ceux qui mériteront d’y entrer. La raison pour laquelle ils n’entrent pas est leur propre négligence. "
Saint Augustin, docteur de l’Eglise, 430
Ce très grand docteur de l’Eglise, dans plusieurs de ses écrits, défend notre opinion copieusement. Ainsi, au treizième livre contre le manichéen Faustus, au chapitre seizième, où il traite de la façon de catéchiser les païens, afin qu’ils n’hésitent pas à embrasser la foi catholique à cause des mauvaises mœurs des gens d’Eglise, " S’ils savaient (les païens) que l’héritage de Dieu est réservée à un petit nombre, et que le grand nombre ne fait qu’en arborer les signes; qu’un petit nombre seulement hérite de la sainteté de vie, mais que le grand nombre ne fait que participer à la sainteté du sacrement ….Et ce petit nombre, le Seigneur le dit petit en comparaison avec la multitude des mauvais. Mais si on considère les élus en eux-mêmes, répartis qu’ils sont dans tous les pays du monde, ils sont nombreux . Ils croissent au milieu de l’ivraie et de la zizanie jusqu’au jour de la moisson et du vannage ".
Contre le donatiste Cresconium, au chapitre soisante-sixième du troisième livre, il écrit : " La mer est pleine de flots salés , mais elle est aussi pleine de poissons comestibles. Tu as cité ce texte de l’évangile : car il y en a peu de sauvés. Réponds donc à cette question : comment le Seigneur lui-même a-t-il pu dire : la voie est étroite et resserrée qui conduit à la vie, et il y en a peu qui la trouvent? Et le même a dit ailleurs : " Beaucoup viendront de l’orient et l’occident et banquetteront avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux. (Id. V111, 11). Et comment dans l’Apocalypse peut-on nous montrer une multitude d’élus que nul ne peut compter ? Comment les mêmes peuvent-ils être en même temps nombreux et peu nombreux ? Nous n’avons pas à choisir entre ces deux affirmations comme si l’une était vraie et l’autre fausse, car c’est la Vérité elle-même qui les a énoncées toutes les deux. Ces mêmes chrétiens, bons et véritables, sont nombreux si on les considère en eux-mêmes, mais ils sont peu nombreux comparés aux mauvais et aux hypocrites. Ainsi, les nombreux grains dont la aire (?) est pleine sont peu nombreux en comparaison de la paille (?).
Il dit la même chose ailleurs, au chapitre cinquante-troisième du livre quatrième des élus : " Lesquels sont nombreux considérés en eux-mêmes, et peu nombreux au regard du beaucoup plus grand nombre de ceux qui sont punis avec le démon. " Et dans le sermon cent onze, ou dans les paroles du Seigneur XXX11 : " Certes, ils sont peu nombreux ceux qui se sauvent. Vous souvenez-vous de la question par nous posée à propos d’une parole du Saigneur ? Seigneur, sont-il peu nombreux ceux qui se sauvent ? Que répond le Seigneur à cela ? Il ne dit pas : peu de gens sont sauvés , tout en étant nombreux. . Non, il n’a pas dit cela. Mai qu’a-t-il dit ? Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. Quand donc tu entends : il y en a peu qui sont sauvés, le Seigneur confirme ce que tu as entendu. Peu entrent par la porte étroite. Il dit ailleurs : " Etroite et resserrée est la voie qui conduit à la vie et il y en a peu qui passent par elle. Large et spacieuse est la voie qui conduit à la perdition et il y en a beaucoup qui cheminent par elle. Pourquoi pavoiser à la pensée de multitudes ? Ecoutez-moi : ils sont en petit nombre. Je sais que vous êtes nombreux à écouter et peu à obéir. Je vois l’aire à battre le blé, mais je cherche les grains. Et c’est à peine s’ils ressemblent à des grains quand l’aire est battue. . Il y en a donc peu qui se sauvent en comparaison à la multitude de ceux qui périssent. N’est-ce pas plus clair que le jour ? "
Saint Jérôme, docteur de l’église, 420
Au chapitre vingt-quatrième, 13-15, Isaïe dit : " Le petit nombre des élus, dont parle le Seigneur dans l’Evangile, ---beaucoup d’appelés, peu d’élus---- sera tel qu’il peut être comparé au petit nombre des olives qui, quand elles ont été secouées et brassées restent en petit nombre fixées aux branches. Et de la façon dont ont coutume de procéder les pauvres gens après la récolte, , poussés par le besoin. Ils parcourent les lieux vides pour ramasser quelques graines d’olive (?). . Et dans son deuxième livre contre les Pélagiens, il commente ainsi les paroles de Jésus : " Il y en a peu qui la trouvent. Il demande : Veux-tu entendre parler de la facilité qu’il y a à observer les commandements ? Ecoute ce qui a été dit : " Comme elle est étroite la voie …. " Il n’a pas dit : ceux qui la gravissent, car c’est une chose très difficile. Mais ceux qui la trouvent. Il y en a peu qui la trouvent, et ils sont encore moins nombreux ceux qui entrent par elle. "
Le pseudo Jérôme, probablement saint Paulin de Nole
Un auteur ancien, instruisant une noble matrone du nom de Celantia : " Que ceux qui se déclarent les disciples de la Vérité ne suivent pas la foule erratique. Il est certain que le Seigneur , dans l’Evangile, indique deux voies qui sont deux façons diverses de vivre Observez quelle différence, quelle dichotomie il y a entre les deux ! L’une tend à la mort, l’autre à la vie. L’une est louangée, l’autre est redoutée par tous. Si nous préférons les plaisirs de ce monde aux joies du monde futur, c’est signe que nous descendons par la voie large et spacieuse. Nous avons pour compagnons de voyage la multitude et nous faisons partie de leurs bataillons. Mais si foulant aux pieds toute cupidité, nous ne cherchons à nous enrichir que des seules vertus, nous circulons par la voie étroite. C’est un mode de vie qui ne se trouve qu’en un petit nombre. Et ce nombre est rarissime.. Il est difficile de trouver des voyageurs aptes à suivre ce chemin. "
Saint Jean Chrysostome , docteur de l’Eglise, 407
Ce saint docteur à la bouche d’or nous a révélé sa pensée dans la célèbre homélie vingt-quatrième sur les actes des apôtres, homélie qu’il a prononcée devant les fidèles de l’église d’Antioche : " Je dis cela, non parce que je hais la multitude que vous formez, mais parce que je voudrais que tous soient éprouvés et que vous ne vous fiiez pas en la multitude. Il y a beaucoup de gens qui tombent dans la géhenne. Combien pensez-vous qu’il y a de nos concitoyens qui obtiendront le salut? Stupéfiant est ce je vais vous dire, mais je le dirai quand même . Parmi tant de milliers,----- (Cornelius a Lapide dit en note que la ville d’Antioche comptait au moins cent mille habitants)----il n’y en a pas cent qui parviendront au salut. Je doute même qu’il y en ait tant ! Quelle débauche chez les adolescents! Quelle perversité chez les plus âgés ! "
Ce jugement si notoire du saint docteur a suscité la réaction de certains théologiens, telle celle de l’auteur de la théologie à l’usage du séminaire de Mechline : " C’est de l’enflure verbale. Il ne faut pas prendre ces mots à la lettre. Il s’agit d’une condamnation conditionnelle : s’ils fréquentent les spectacles dégradants, s’ils recherchent les voluptés, les vices… " Il y a d’autres homélies de saint Jean Chrysostome sur les Actes des Apôtres dont l’authenticité, il est vrai, est contestée à cause de la pauvreté du style et de certaines contradictions apparentes. Mais les Bénédictins les reconnaissent comme étant bien de notre auteur. Il faut se rappeler, en outre, que nous avons, il n’y a pas si longtemps, entendu le vénérable Claude de la Colombière déclarer : " Je m’étonne que de cent mille il y en ait trois de sauvés ".
Le même Chrysostome prêche ailleurs ainsi à ses prêtres : " Ce sont eux que je déplore, c’est à cause d’eux que je pleure, quand il me vient à la pensée la grande quantité de ceux qui se perdent parmi les baptisés. Quelle séparation devrais-je faire entre les frères pour les réduire au petit nombre de ceux qui obtiennent le salut, afin que la plus grande partie du corps de l’Eglise ressemble à un corps mort et immobile ? En quoi cela nous concerne-t-il, dira quelqu’un. Cela vous concerne extrêmement vous qui ne vous souciez pas d’eux, qui ne les exhortez pas, qui ne les aidez pas de vos conseils, qui ne les secourez pas dans leurs besoins, qui ne les traînez pas par la force, et qui ne vous détournez pas de cette si grande négligence. Le Christ nous montre que nous ne devons pas nous soucier uniquement de nos intérêts mais aussi de ceux d’autrui, quand il nous compare au sel et au levain et à la lumière ".
Enfin, dans son livre : " Contre les adversaires de la vie monastique ", livre 1, 8 : " Etroite est la porte et resserrée est la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. S’il est vrai qu’il y en a peu qui la trouvent, ils sont encore moins nombreux veux qui peuvent parvenir au terme ". Et il répète qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. " Comme le Christ nous dit que la plus grande partie est constituée de ceux qui se perdent, et nous assure que le salut prédéterminé est le fait d’un petit nombre, pourquoi t’opposes-tu à moi ? Tu fais comme si ----que les " modernistes " bénignistes ouvrent leurs oreilles toutes grandes— dans ton étonnement de ce qui est arrivé à Noé au déluge, tu cherchais à me rendre responsable de ce que tous aient péri et de ce que deux ou trois seulement aient échappé au sinistre. C’est avec ce genre d’argument que tu penses nous réduire au silence, pour que nous n’ osions plus proclamer la damnation de la multitude. Mais de cette vérité nous sommes persuadé, et nous ne préférerons pas la multitude à la vérité. On ne peut pas non plus dire que les mœurs d’autrefois étaient pires que celles d’aujourd’hui. Celles d’aujourd’hui sont encore plus délétères, d’autant plus que même la menace de l’enfer ne parvient plus à détourner des vices ".
Saint Jean Chrysostome était donc un terroriste, lui qui prêchait au peuple l’enfer et le petit nombre des élus, ce qui n’est pas du tout du goût de nos modernistes.
L’évêque Philocarpasius, autour de 500
Dans son commentaire du cantique des cantiques, LXX111, verset 2 : je me lèverai et circulerai….et je ne l’ai pas trouvé quand…. " Elle dit qu’elle ne l’a pas encore trouvé, même si elle s’était réveillée et était précautionneusement partie à sa recherche. Pourquoi une fois de plus ne l’a-t-elle pas trouvé ? Elle en indique la cause dans ces mots : " Je me lèverai et parcourrai la ville . des magasins aux places publiques, ce qui revient à dire qu’elle se souciait des affaires du monde et du chemin qui mène à la perdition. C’est pour cette raison qu’elle déclare ne pas l’avoir trouvé, car étroite est la porte et resserrée la voie qui mène à la vie. "
Saint Ambroise, docteur de l’Eglise, 397
Il atteste entre autres choses que le culte de Dieu est plus rare chez les catholiques que celui du monde, dans son commentaire sur le psaume XL no 7 des mots suivants : Au jour mauvais, le Seigneur le libérera : " Parce qu’elles semblent amères les peines qu’Il nous inflige. Car la voie de la vertu est étroite , celle du crime est large. Pour cette raison, ils sont plus rares ceux qui marchent dans la voie de la vertu et plus nombreux ceux qui se repaissent des vices. Et la conséquence en est que le nombre de ceux qui obtiennent la récompense est inférieur au nombre de ceux dont la gravité des péchés entraînera un jugement de réprobation. Ensuite, dans son apologie de David, chapitre 1X : " Qui habitera dans ton tabernacle, ou qui montera sur la montagne du Seigneur ? ", On ne peut pas dire : personne, mais peu de monde ".
Saint Grégoire de Naziance, docteur de l’Eglise
Discours quarante-deuxième aux 150 évêques, numéros 7 et 8 , il se demande : " Comment penses-tu devoir interpréter ces paroles : Même si le nombre des fils d’Israël était aussi grand que celui du sable de la mer, un reste seul sera sauvé. " Et il répond : " En est-il bien ainsi ? Oui, non ? Il en est bien ainsi. Dieu ne se plaît pas dans le plus grand nombre. Toi, tu nommes des myriades, Dieu ceux qui parviennent au salut. Toi, la poussière sans limite, moi les vases d’élection. " La poussière ne désignait pas les infidèles mais les orthodoxes. Nous ne pouvons donc pas trouver de témoignage plus éloquent en faveur de notre opinion.
Pour mettre plus clairement en lumière sa doctrine, il vaut la peine de prêter attention à ce qu’il dit dans les scholies : " C’est à cause de cela que nous disons qu’ils sont peu nombreux à obtenir le salut. Tu ne dois donc pas te laisser leurrer par la multitude de ceux qui sont recensés parmi les pieux. Le nom du Christ est attribué à plusieurs, mais chez peu de personnes le témoignage des œuvres répond à la profession de foi. " Et dans son vingt-troisième discours qui est le premier prononce contre les Eunomiens, no. 8 : " Quant tu entends dire qu’il n y a qu’une seule voie et que celle-ci est étroite, que penses-tu que ces mots signifient ? Elle est unique, en effet, si tu regardes la vertu, et ardue à cause des sueurs, et parce qu’elle n’ est pas foulée aux pieds par un grand nombre, si tu as en tête la multitude de ceux qui, par un chemin contraire , avancent dans la voie du vice. Voila mon sentiment personnel. "
Saint Ephrem, 379
Il a enseigné trois fois notre doctrine quand il a écrit : " C’ est une voie de ce genre que le Seigneur a établie, une voie qui conduit à la vie, étroite et resserrée, selon ce qui est écrit : un petit nombre passe par elle ….. Notre Seigneur Jésus Christ et notre Dieu a dit dans ses évangiles : Efforcez-vous d’ entrer par la porte étroite. Allons mes frères par cette voie, pour que nous héritions de la vie éternelle. L’ accès a cette vie est la pénitence, le jeune, l’ oraison, la componction, les veilles, la pauvreté en esprit, le mépris de la chair, le soin de son âme. Voila par quoi on accède à la porte étroite et à la voie resserrée qui procure une grande récompense, le royaume des Cieux. Mais large et spacieuse est la voie qui conduit à la perdition. Le Seigneur de la gloire a dit : Entrez par la porte étroite.Que signifie cette voie étroite qui conduit à la vie éternelle, et que peu de personnes empruntent ? Et quel est celui qui la trouve et nous la décrit ? Tous les saints ".
Saint Basile le Grand, docteur de l’ Eglise, 379
Dans son sermon sur le renoncement au monde, il parle ainsi à un religieux : " Sois l’ émule de ceux qui vivent saintement, et grave leurs actions dans ton cœur. Choisis de faire partie du petit nombre. Car le bien est rare. C est pour cela qu’ ils sont peu nombreux, ceux qui entrent dans le royaume des cieux. Prends garde, penses-tu que tous ceux-là se sauveront qui habitent des cellules, les bons comme les mauvais ? Il n’en va pas ainsi. Il y en a beaucoup qui choisissent le saint et pieux état de vie, mais il y en a peu qui en portent le joug. Car le royaume des cieux appartient aux violents et ce sont les violents qui l’ emportent. Ces paroles sont celles de l’Evangile. "
Le pseudo Basile
C est un auteur anonyme du quatrième siècle . Dans son commentaire sur Isaïe, 253, il dit : " Beaucoup périssent à cause de la recherche du confort et du laxisme. Il y en a peu qui parviennent au royaume, i.e., qui supportent allègrement la fatigue et l’ âpreté de cette voie prescrite à la vertu ". Il dit la même chose ailleurs, au chapitre X, 246 : " Il n’ y a personne qui s’étonne qu’ une si grande quantité d’ Israélites ait été réduite à un si petit nombre. Ne fais pas attention à la multitude de ceux que l’ on appelle des adorateurs de Dieu. Plusieurs sont enregistrés au nom du Christ, mais dans un petit nombre seulement, cette appellation est corroborée par le témoignage des œuvres. Même si le peuple d Israël était nombreux comme le sable de la mer, un reste seulement serait sauvé. Que le salut ne se trouve pas dans la multitude, cette vérité a vu d’abord son application dans le premier peuple, mais elle vaut aussi pour les restes du second qui obtiennent le salut selon l’ élection de la grâce. "
Saint Hilaire, docteur de l Eglise 368
Dans son traité sur le psaume LX1V, au verset 5 : Bienheureux celui que tu as choisi et élevé, il demeurera dans ton temple, il donne l’opinion commune sur les paroles du Seigneur, car il écrit : " Toute chair viendra, i.e, nous nous réunirons du sein de toutes les races, mais bienheureux celui qui sera élu. Il y en a beaucoup qui sont appelés, selon l’ Evangile, mais il y a peu d’ élus. Matth. 22, 14. " Il reprend la même idée dans son commentaire sur saint Mathieu, XX11, no. 7 : " Celui-ci est enlevé et jeté dans les ténèbres extérieures, parce qu’ il y a beaucoup d appelés et peu d’ élus. Le petit nombre ne se trouve donc pas dans les invités, mais dans les élus se trouve la rareté. Car l’ humanité sans exception est invitée par la bonté divine, mais dans les invités, l élection est une équitable attribution de la justice divine ".
Athanase Vulgate
Dans sa première épitre à Castor, 13, " D’ après la sainte écriture, si tu rentres au service de Dieu, prépare-toi non à l’ insouciance, non au loisir, mais aux tentations, aux tribulations . Car, c est par un grand nombre de tribulations qu’ il nous faut entrer dans le royaume de Dieu, et la porte est étroite et la voie resserrée qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Emprunte donc l’âme de ce petit groupe de bons, et à partir de leurs exemples, trace- toi ta voie. Ne tiens pas compte des paresseux et des méprisants, même s’ il y en a beaucoup numériquement parlant. Car il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus, et il est petit le troupeau à qui il a plu au Père de donner le royaume. Ne va pas t’ imaginer que le péché est peu de chose. Recherche la perfection, et éloigne-toi des négligents et des hypocrites ".
Il dit la même chose dans le deuxième dialogue contre Macedonius , première réfutation : " Contre ceux qui jugent la vérité d’ après la seule multitude . " N’avons-nous pas entendu le Seigneur dire : Il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus ?. Et de nouveau, Etroite et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent . " Qui donc parmi les sains d’esprit ne préférerait pas être du groupe des peu nombreux , de ceux qui marchent vers le salut par la voie étroite , plutôt que des nombreux qui se ruent vers leur ruine par la voie large ? ".
Il affirme dans son commentaire du psaume 60 " : Paul gémissait. Malheureux homme. Qui me libérera de ce corps de mort ? Il gémissait comme si son âme était accablée par le poids de son corps, mais c’ est qu’ il entrevoyait la multitude de ceux qui périssent, selon la parole du Seigneur : la voie est large et spacieuse qui conduit à la perdition ".
N°71 Lactance (+317) p.117
Au livre six de ses institutions, chapitres 4 et 7 , traitant de la voie de la vertu et de la voie des vices, et avertissant qu’ aux uns est préparé le bonheur éternel, aux autres le malheur éternel, il conclut qu’ ils sont moins nombreux ceux qui marchent dans le chemin de la vertu , et c’est pour cela qu’on l’appelle étroite. Et nous, nous concluons a bon droit qu’ils sont moins nombreux à être sauvés. En conséquence, comme les biens et les maux sont proposés en même temps, il convient que chacun se pose à lui-même la question : est-il préférable de supporter des maux brefs en vue de biens éternels ou de s’ exposer à des supplices sans fin pour un bonheur caduc ? Cette voie qui est celle de la vérité, de la sagesse, de la vertu et de la sainteté est ardue, parce que la vertu est donnée à un petit nombre. Elle est épuisante aussi , car personne ne peut parvenir sans grande difficulté et sans labeur au bien suprême. "
N°72 Origène (+294) p.118
Dans son commentaire de saint Matthieu sur les invités aux noces : " Qu’ un grand nombre d’invités aient été appelés qui n’ en étaient pas dignes, (indignes du banquet céleste), toute la parabole le sous-entend. Car il y a beaucoup d’ appelés Et si l’ on compare le nombre de ceux qui sont entrés dans la salle du banquet à ceux qui ont pris place à table, on comprend le il y a peu d’élus. Si quelqu’un pense aux nombreuses assemblées chrétiennes et se demande combien mènent une vie pieuse et droite, combien vivent de l’ esprit du monde et se conforment
à ce siècle, c’ est alors qu’ il découvrira la pertinence de la parole du Seigneur : Il y a beaucoup d’ appelés et peu d’élus ".
Et dans sa quatrième homélie sur Jérémie, il donne un enseignement diamétralement opposé aux élucubrations du Père Castelein : " A la vérité, si nous avons égard à la foi et à la vérité et non à la multitude, et si nous prenons en compte la volonté des hommes et non leur rassemblement, nous constatons que dans un si grand nombre d’églises, il est difficile de trouver de la foi. C’ est autrefois qu’ il y avait de vrais fideles quand les martyrs étaient immolés comme des victimes, ou quand après avoir subi des supplices cruels, ils revenaient tout tristes à l’ église. Toute la multitude fondait en larmes lorsque les catéchumènes au tout début de leur foi étaient conduits au martyre ; quand des femmelettes et des femmes demeuraient intrépides jusqu’ à la mort. Alors apparaissaient des signes dans le ciel, alors surgissaient des prodiges. Les chrétiens étaient peu nombreux alors, mais c’étaient de vrais fideles qui marchaient par la voie étroite et resserrée qui conduit au ciel. Et maintenant, depuis que nous sommes devenus nombreux !…Oh qu il est difficile à plusieurs d’être bons ! Jésus n’ a pas menti quand il a dit : Il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus. Parmi ce si grand nombre de personnes qui professent la foi, on en trouve peu qui ont la foi et la vérité, et qui sont dignes de la béatitude. "
Commentaire sur saint Matthieu.
Les invités aux noces : «parce que plusieurs [de nombreux] sont invités, absolument aucun n’est trouvé digne (c’est à dire au banquet céleste), il ajoute ceci à la parabole : « beaucoup en effet sont appelés. » et à cause de ceux qui, entrés à la salle des noces, comme leur nombre est petit ce sont allongés pour manger, il dit cela : « peu en vérité sont élus. »
« Parce que si quelqu’un
considère les assemblées nombreuses dans les églises
et combien mènent une vie et droite et pieuse et se sont convertis
à la nouvelle loi et à l’inverse combien vivent mollement
et vivent comme la plupart des gens [se conforment à ce siècle]
, alors seulement il verra l’utilité de cette parole prononcée
par le Sauveur : « Beaucoup en effet sont appelés, mais peu
sont élus.»
« Ailleurs il a été
dit : « Beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas
; » et : « efforcez-vous de rentrer par la porte étroite,
parce qu’il y en a peu qui la trouveront. »
4ème Homélie sur
Jérémie : "En prenant le critère de la foi et
de la vérité, nous considérons, non la multitude mais
la volonté des hommes. Nous ne voyons pas l’assemblée elle-même
mais nous découvrons qu’il est difficile de trouver la véritable
foi dans une telle masse de gens dans les églises. Alors il y avait
vraiment des fidèles quand les martyrs étaient frappés
à mort, qu’ils subissaient une mort cruelle, les repentants revenaient
à l’église ; il y avait la multitude des gens qui se
lamentaient quand les catéchumènes qui venaient de recevoir
la foi étaient conduits immédiatement au martyre pour être
frappés à mort : quand les femmelettes et le sexe faible
demeuraient intrépides jusqu’à la mort.
Alors en vérité se
produisaient des signes dans les cieux, et des prodiges sur la terre, alors
les chrétiens étaient peu nombreux mais ils étaient
vraiment fidèles, lorsqu’ils passaient par la porte étroite
et resserrée qui conduit à la vie. Maintenant que nous
sommes devenus plus nombreux, comme il est difficile que beaucoup soient
vraiment bons et que Jésus ne ment pas en disant : Beaucoup sont
appelés, peu sont élus. De tant de personnes qui professent
la foi chrétienne, on en trouve peu qui aient la foi véritable,
et qui soient dignes de la béatitude".
N°73 Tertulien (+245) p.
Dans son livre sur la fuite pendant la persécution, au chapitre 14 : " Celui qui a peur de souffrir ne peut pas être celui qui souffre. Et celui qui n’ a pas peur de souffrir sera parfait dans l’ amour. …Et c’ est pourquoi il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus. On ne cherche pas celui qui est prêt à marcher sur la voie large, mais sur l’ étroite. "
N°74 Irénée (+177) p.120
Dans ses livres contre les hérésies, livre 4, chapitre 15 : " Si, à cause des Israélites désobéissants et obtus, ils incriminent le Docteur de la Loi, ils découvriront que dans notre appel à nous , il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus, et qu’ il y a des loups revêtus à l’ extérieur de peaux de mouton ". Et un peu après, au chapitre 27 : " De la même manière ici aussi, il y a beaucoup d’ appelés et peu d’élus. Comme autrefois, les injustes, les idolâtres et les fornicateurs perdaient la vie, à notre époque aussi, ---le Seigneur l’atteste--- de telles gens sont envoyées dans le feu eternel. " Enfin, plus loin, au chapitre 36 : " Comme dans le premier testament le Seigneur ne s’est pas plu en tous, il en est de même dans celui-ci : beaucoup d’ appelés et peu d’ élus " .
Conclusion p.121
Maintenant, donc, nous qui possédons une nuée si imposante de témoins, à savoir, les soixante-quatorze saints, docteurs et pères de l’Eglise, nous mettons au défi nos contradicteurs de citer ne fût-ce qu’un seul saint ou Père de l’Eglise qui soit de leur avis.
C’est pourtant ce que tente timidement Castelein en disant en termes très généraux : « Deux illustres docteurs de l’ère moderne, saint François de Sales et saint Alphonse de Liguori semblent incliner vers l’opinion opposée » (p.283 du livre du Père Castelein) Qu’un auteur érudit entreprenne donc de parcourir les œuvres de ces saints. Qu’il cherche, qu’il trouve, et, enfin, qu’il cite mot à mot leurs paroles. La question est digne d’une telle recherche.
Mauran cherche une autre façon de se libérer du joug de l’autorité : « Il faut bien le reconnaître, le moyen-âge avec ses grandes et terribles luttes contre les barbares du nord, les Sarrazins d’Espagne et ses démêlés avec les juifs ne pouvait être bien favorable à des idées libérales ». (sic p.239) Donc, la doctrine catholique, la vérité du Seigneur qui demeure éternellement dépendent d’un état de guerre ou de paix.
Le Père Castelein se révèle-t-il plus sensé lorsque, pour renverser le consensus unanime des Pères, il ose écrire : «Bien des Pères ont cru que le nombre des réprouvés l’emporterait sur celui des élus ? » (p.283) Qu’il dise donc franchement : tous les Pères, et non bien des Pères, laissant entendre par là que quelques-uns au moins étaient d’une opinion contraire. Qu’il ne dise pas non plus : « Mais cette opinion, motivée peut-être par leurs conjectures sur l’histoire du monde, telle qu’ils la connaissaient alors, avec ses quarante siècles de paganisme, ne saurait faire loi » (ibid.) Les Pères élaborent leur doctrine non d’après des conjectures plus ou moins probables, mais d’après des arguments tirés de l’Ecriture Sainte.
De plus, comme il a été dit plus haut, le Pape Léon XIII les recommande fortement non seulement à cause de leur science de la doctrine révélée, mais aussi à cause de leur connaissance de plusieurs choses très utiles à l’interprétation des livres apostoliques. Léon XIII ajoute que Dieu a aidé de plus puissants secours de sa lumière ceux qui étaient remarquables par la sainteté de leur vie et par leur zèle manifesté dans la recherche de la vérité. Les modernistes font peu de cas de cette vérité en négligeant les Pères, en dépouillant leurs écrits de leur esprit de foi et en les soumettant à une critique rationaliste, comme s’ils n’avaient à faire qu’à des œuvres profanes. « Que leur interprète sache poursuivre diligemment leurs traces », dit encore Léon XIII.
Puisqu’il en est ainsi, il nous est permis de dégager certaines conclusions du consentement unanime des Pères ci-haut démontré.
1- Nous constatons d’abord que pour les modernistes, la doctrine qui enseigne que le nombre des damnés est plus grand que celui des sauvés est toujours ouverte à la discussion. On devrait dire avec plus de justesse que cette doctrine reflète la pensée de l’Eglise puisqu’elle a pour elle le consentement universel et unanime des Pères.
2- Nous constatons ensuite qu’ils s’éloignent de la vérité et induisent le peuple en erreur en donnant la préférence à des idées à la mode qui n’ont pas été suffisamment prouvées.
3- Nous constatons que le consentement unanime des Pères provient de leur interprétation de textes très célèbres de l’Ecriture , notamment, de la porte étroite et il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.
4- Les Pères ne prêchent pas la doctrine du plus grand nombre des damnés à partir de la seule autorité de l’Ecriture, mais ils s’efforcent de démontrer cette triste vérité sur la constatation du fait que le plus grand nombre mène une vie qui ne convient pas du tout à un chrétien, et qui est à l’opposé des exemples et de la doctrine du Rédempteur.
5- Les témoignages réunis de tant et de si grands Pères nous font comprendre que la doctrine du petit nombre des élus a été présentée souvent et sans crainte par les prédicateurs et par les pieux auteurs. Il s’ensuit donc que les modernistes s’inventent à plaisir des cauchemars et ont peur de leurs ombres quand ils prétendent que cette doctrine ne doit jamais être enseignée pour ne pas terroriser les fidèles et pour que le désespoir ne les entraîne pas dans l’abime. Les évènements redoutables du futur n’arrivent pas parce qu’ils sont prédits. Mais on doit en parler pour qu’ils n’arrivent pas. Si dans l’Eglise primitive, après le refroidissement des siècles de ferveur, quand l’épouse du Christ était encore fortifiée par le sang des martyrs récemment versé, les hommes les plus saints et les plus sages jugeaient bon d’avertir les fidèles de ne pas parcourir la voie large et commune, mais de marcher avec le petit nombre, pour rendre certaine leur vocation, pourquoi devrions-nous nous taire à cette époque où croissent non seulement les mauvaises mœurs mais la licence des opinions les plus dangereuses ?
6- Que nos adversaire ne disent pas non plus que les saints, formés pour un grand nombre à l’école des rhéteurs, se sont laissés entrainer plus loin qu’ils auraient aimé et ont manié continuellement l’hyperbole dans leurs sermons. Car, un grand nombre de saints ont enseigné constamment cette vérité non pas seulement dans des mots lancés dans le feu de l’improvisation, mais dans des écrits qu’ils ont composés à froid et à tête reposée. Il faut de plus noter que l’Eglise n’a jamais récusé les Pères, ni refusé de les reconnaître comme des témoins authentiques de la tradition apostolique et des interprètes de l’Ecriture, sous prétexte qu’il auraient prêché la parole de Dieu avec zèle et chaleur.
7- Enfin, souvenons-nous que
les saints n’ont pas été des hypocrites. Ce qu’ils redoutaient
pour les autres, ils le redoutaient pour eux-mêmes. Comme l’a
dit l’un d’entre eux : « Est-ce que c’est moi qui ai écrit
cela ? Ai-je le pouvoir de l’effacer ? Si mes paroles suscitent de
la terreur chez autrui, je n’en suis pas moins troublé que
les autres. Si mes sermons terrifient autrui, je n’en suis
pas moins terrorisé moi-même ». Ce n’était pas
du tout des pharisiens, mais comme saint Paul, ils disaient et faisaient
: « Je châtie mon corps et le réduis en servitude,
de peur qu’après avoir prêché aux autres je ne
sois réprouvé ».
Soyons leurs auditeurs et leurs
imitateurs comme ils l’ont été du Christ.
p.124 fin.
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p.125-209
Chapitre 4
Cette doctrine
des saints est approuvée par les théologiens et les auteurs
ascétiques comme commune et vraie ;
cependant par quelques
uns elle est affirmée comme étant de foi.
p.210-229
Chapitre 4 Cette doctrine des Pères est approuvée par les théologiens et écrivains ascétiques. Ils la reconnaissent comme étant commune et vraie. Quelques-uns vont même jusqu’à la déclarer de foi.
Nos adversaires admettent en toute candeur que leur position est en retrait de la doctrine commune des théologiens.
Le Père Faber : « Parmi les théologiens, le sentiment rigoureux relatif à la masse entière du genre humain a une écrasante autorité. ---Le sentiment rigoureux concernant la damnation de la majorité des adultes catholiques a pour lui plus de théologiens que celui de l’opinion modérée ». C’est ce que dit le pieux Faber qui, comme nous le verrons plus bas, s’abstient, en traitant cette question, d’en faire l’application à l’ensemble de l’humanité.
Bougaud : « De là, l’opinion si générale des théologiens sur le petit nombre des élus dans l’humanité toute entière. On ne contredit qu’en tremblant une opinion si répandue ».
Mauran : « Hélas ! nous sommes obligés de l’avouer, la grande majorité nous dit avec saint Thomas d’Aquin : c’est le petit nombre qui est sauvé. Quelle épouvantable doctrine ! J’avoue qu’elle m’a toujours choqué. Pourtant, il est bien douloureux de voir une telle opinion enseignée par tout le moyen-âge. De nos jours encore, les traités de théologie qui sont classiques dans un grand nombre de grands séminaires, enseignent la même opinion. En particulier les théologies de Vincent et de Bonal. Le cardinal Gousset nous dit également « que le plus grand nombre des hommes se perdent ». Cependant, une réaction se fait dans les esprits contre ces désolantes doctrines ».
Le Père Castelein ne parle pas en termes aussi absolus : « Plusieurs de mes idées, je ne le sais que trop, sont en désaccord avec l’opinion de certains théologiens ». Ces théologiens-là seraient, selon son dire, peu nombreux, de peu de renommée et d’une infime autorité. Car le révérend Père ajoute aussitôt au sujet de ses idées : « Elles sont le fruit d’une étude approfondie …des enseignements de nos plus grands théologiens ». Quels sont donc ces éminents théologiens, le lecteur éprouvera quelque difficulté à les découvrir en scrutant les noms du catalogue suivant. La chose s’avère d’autant plus difficile que le Père s’abstient prudemment d’en citer un seul.
Pour mémoire, rappelons la doctrine authentique de l’Eglise au sujet de l’autorité dont jouissent les théologiens et les auteurs ascétiques. Il est de notoriété générale que, de la même façon que les saints Pères ont succédé aux apôtres en tant que docteurs de l’église, les théologiens scolastiques ont succédé aux Pères, à un degré d’autorité, cependant, moindre. Par contre, il y a d’autres docteurs catholiques d’un rang plus élevé qui siègent dans la chaire même des Pères, du fait qu’ils enseignent leurs doctrines.
Il faut compter également au nombre des théologiens les écrivains ascétiques. L’ascèse, en effet, est une partie de la théologie pratique ou morale. On peut la définir : la science de la sanctification, puisque son objet est de conduire l’homme à la perfection de la sainteté.
Dans les choses qui se rapportent
aux principes de la foi et des mœurs, et dans ce qui en découle
automatiquement, la sentence unanime des théologiens
jouit d’une telle autorité que la contredire équivaut
à une imputation d’erreur ou d’hérésie.
On trouve une unanimité de ce genre chez les théologiens
en ce qui à trait au petit nombre des élus provenant
du genre humain entier. Une certaine disparité se fait
jour relativement au salut du petit nombre des adultes catholiques.
Section 1 : Les théologiens
enseignant clairement le petit nombre des élus
1- Joannes Trithemius , 1516
Ce pieux et docte abbé Spanhemensis enseigna la doctrine unanime des saints en toute clarté, pieusement et avec énergie, en ces mots : « Il est vraiment petit le troupeau de ceux qui vont à la vie éternelle, parce qu’ils sont peu nombreux ceux qui s’efforcent de monter par la voie étroite et sublime des vertus. C’est en effet une voie resserrée que la résistance vigoureuse aux vices et aux plaisirs charnels, l’indifférence face aux catastrophes d’un monde déchaîné, le mépris des voluptés de la vie présente, à la pensée des biens éternels.
Ecoute maintenant la description de la voie de perdition et de mort, et examine attentivement les voyageurs de l’une et de l’autre voie. Spacieuse est la voie de la mort parce qu’elle est foulée aux pieds par un grand nombre. La largeur de la voie consiste dans l’assouvissement des désirs et des voluptés de la chair, dans la fuite des épreuves, dans la recherche des plaisirs de la vie présente et dans l’abondance des désirs charnels.
Toi, donc, découvre où se trouve le plus grand nombre des voyageurs, sans cesser d’écouter. Ceux qui aiment le monde ne sont-ils pas plus nombreux que ceux qui aiment Dieu ? N’est-il pas vrai qu’un grand nombre recherche ses propres intérêts plutôt que ceux de Dieu ! Pour employer les paroles du prophète, est-ce que tous ne s’adonnent pas à l’avarice, du plus petit jusqu’au plus grand ? N’y a-t-il pas plus d’orgueilleux que d’humbles, plus de révoltés que d’obéissants ?
Il est petit le troupeau qui avance par le chemin ardu des vertus, car le royaume des cieux souffre violence, et peu s’en emparent. Car il y a deux voies . Celle qui est ardue conduit à la vie, et celle qui est spacieuse conduit à la mort. Peu entrent par la voie étroite, ceux-là seuls qui ont su développer en eux la force de résister à l’attrait des plaisirs sensuels, qui font passer l’amour de Dieu avant toute chose, qui fuient les choses mondaines et le péché, et qui conservent la vérité avec tout le zèle de leur cœur.
Plusieurs marchent par la voie large : tous les adonnés aux plaisirs de la chair, ceux qui font peu de cas de l’amour de Dieu, qui aiment le monde, et négligent la pureté du cœur. Il n’y a pas de troisième voie dans laquelle ---les deux autres rejetées---tu puisses t’efforcer de marcher, parce que la voie des justes conduit à la vie, celle des impies à la mort. Plus petit est donc le nombre des élus. Car plusieurs sont appelés par la foi mais peu sont élus par la charité. Il est préférable d’entrer dans le royaume des cieux avec peu de monde que dans la géhenne avec un grand nombre. »
2- Lanspergius, 1539
Aimé de Dieu et des hommes, ce Père du nom de Jean Juste Lanspergius, juste par le nom et le surnom, énonce ainsi notre thèse : « Qui ne redouterait pas cette parole prononcée par Jésus à la fin de l’évangile : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ? Parole dure et redoutable, et ce qui est encore plus étonnant, si peu méditée et si vite oubliée. C’est la Vérité qui dit cela, qui ne peut mentir ni en faire accroire à personne. Elus sont ceux qui seront placés à droite au jugement dernier, et qui entendront ces paroles : « Venez, les bénis …etc » Ce sont ceux-là que le Seigneur prononce être peu nombreux. Tous sont appelés, combien reçurent la grâce de la profession de foi ! …D’un grand nombre d’appelés, donc, un petit groupe de choisis restera, parce que les hommes préfèrent presque tous les ténèbres à la lumière. Ils préfèrent les biens caducs de ce monde aux joies de l’éternité. Qu’on ne s’étonne donc pas qu’un petit nombre seul soit élu. Nous ignorons combien d’entre nous seront élus. »
3- Alvarez de Paz, jésuite, l580
Il avance les idées suivantes, dont la méditation pourrait être extrêmement profitable aux modernistes : « Si nous sommes tous des voyageurs, et s’il y a des voies réfractaires au sang et à la chair et fréquentées par un très petit nombre, (car elle est resserrée la voie qui mène à la vie et peu la trouvent) cherchons un guide pour cette voie, pour que nous ne déviions pas stupidement du but désiré. Tenez-vous sur les routes, dit le Seigneur à Jérémie, c.V111, regardez et informez-vous des chemins pratiqués par vos ancêtres, si est la bonne voie, et parcourez-la. Et vos âmes trouveront le rafraîchissement .
Que la perversité d’autrui ne nous détourne pas d’un projet de perfection, parce qu’il nous faut vivre à la façon du petit nombre, si nous voulons obtenir la dignité à laquelle parviennent un petit nombre d’élus qui ont lutté avec courage. Et Cassien dans ses institutions, livre 4, c. 38 : « Considère-toi comme faisant partie du petit groupe d’élus, et ne te laisse pas refroidir par la négligence que la multitude te donne en exemple. Mais vis à la façon du petit nombre, et comme le petit nombre, du mériteras d’être trouvé dans le royaume de Dieu. Car beaucoup sont appelés, peu sont élus. Et il est petit le troupeau à qui il a plu au Père de donner l’héritage ». (Luc X11)é
4- Lud Carbo a Costaciaro , 1584
« Ils sont moins nombreux ceux qui sont sauvés, parce que la béatitude éternelle transcende la condition normale de la nature humaine, surtout depuis qu’elle a été privée de la grâce par le péché originel. Et la miséricorde de Dieu apparaît principalement en cela qu’Il conduit quelques-uns au salut qui échappe au grand nombre ». Voici ce que l’on trouve dans le condensé très complet de toute la somme de saint Thomas écrit par ce professeur. Il est absolument évident que c’est la doctrine de saint Thomas exprimée dans ses propres mots ».
5- Salmeron, Jésuite, 1585,
Dans le texte : beaucoup d’appelés, peu d’élus, Matth.22, 13, des noces royales : « Il faut réunir à celui qui a été expulsé du banquet tous ceux qui ont d’abord été invités aux noces, et qui par la suite, s’en sont rendus indignes. C’est en pensant à eux qu’on peut déduire de la parole de Jésus que plusieurs sont appelés au royaume céleste . Et du sein de cette multitude, peu nombreux sont ceux qui sont élus, si on les compare au grand nombre des appelés. Les uns entrent, les autres sont rejetés. »
6- Ludovicus Granatensis 1588
Il écrit dans le même sens : « Regarde cette partie que le nom chrétien rend célèbre, et vois à quel état est réduite la chrétienté en ce siècle très misérable, et tu avoueras que c’est à peine si on peut trouver dans ce corps mystique quelques membres qui soient sains. Essaie de te revigorer à la pensée des villes les plus célèbres dans lesquelles demeurent encore au moins quelques vestiges de la doctrine; parcours ensuite les villes mineures, les villages, les faubourgs et les châteaux , et tu trouveras des peuples de qui Jérémie pourrait dire, c. V : « Parcourez les rues de Jérusalem, regardez, examinez et cherchez dans ses places si vous trouverez un homme qui pratique la justice et cherche la vérité, et Je lui serai propice ».
7- Alphonse Mendoza, O.S.A, 1591
Il réfute avec verve l’erreur du plus grand nombre des sauvés, et conclut ainsi : « Ajoute une grande partie des hommes et des fidèles, ajoute même leur plus grande partie tant qu’ils vivent sains et en santé . Le respect humain et la peur de l’enfer ne les empêchent pas de commettre une grande variété de péchés et les plus grands crimes, de telle sorte que très nombreux, si tu examinais leurs consciences au poids du sanctuaire, seraient ceux chez qui tu trouverais toujours et à n’importe lequel moment de l’année, l’un ou l’autre péché mortel . Surtout quand ils se préparent pour Pâque, à la réception du sacrement. Ce qui est confirmé par l’expérience quotidienne des missions. »
7- Ludovicus, Molina : jésuite, 1600
Celui qu’on dit être aussi laxiste qu’il est possible de l’être, réfute par ces paroles les laxistes modernes : « Moi personnellement, bien que je voie l’efficacité de la passion et des mérites du Christ et des sacrements, quand il m’arrive de jeter un regard sur la multitude des péchés, quand je considère le peu de cas que font les hommes de leur salut, et combien accèdent aux sacrements sans préparation, je crains fort que la plus grande partie des fidèles ne soient plutôt du nombre des réprouvés que du nombre des sauvés, surtout quand je pense qu’un seul péché mortel suffit à la condamnation éternelle. »
8- Gregorius a Valencia, jésuite, 1603
« Car il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Dieu réprouve à cause du péché une grande multitude d’hommes, i.e. le plus grand nombre des hommes ».
9- Vasquez, jésuite, l604
Il y a un plus grand nombre de réprouvés
que de prédestinés. Que le nombre absolu des
réprouvés et des damnés soit plus grand que
celui des prédestinés et de ceux qui se sauvent découle
en toute limpidité de l’Ecriture. Matth V11, la voie est resserrée
etc…, et ailleurs au même numéro. Il y a cependant
lieu de douter si la plus grande partie des fidèles se damne.
Il y en a qui mettent la piété à penser que
la plus grande partie des fidèles se sauve, car plusieurs
décèdent après avoir les reçu les sacrements
de l’Eglise. Ils pensent que la majorité de ces gens-là
sont sauvés. C’est ce que confirme la parabole en Matth.
X11 . Car, parmi tous les invités aux noces –image des
fidèles- un seul a été trouvé sans
la robe nuptiale. D’autres, qui ont l’approbation de
saint Grégoire et de saint Augustin, pensent que la
plus grande partie des fidèles est condamnée. Saint
Augustin lui-même invoque la parabole du semeur : une seule
partie du terrain sur les quatre qui avaient reçu la semence
a fructifié. Comme une seule a fructifié,
la parabole semble indiquer que les élus sont peu nombreux.
A cette sentence, se réfère la glose interlinéaire
de Lyranus dans ces passages de Matthieu. »
10- Zumel, O.B.M.V de Merc. 1607
Ce saint théologien fut professeur et supérieur général de son ordre. C’était un homme d’un jugement sûr et éprouvé, et il était d’un grand prix pour son ordre à cause de sa sublime doctrine et de son immense réputation. Il nous révèle avec la plus grande clarté sa compréhension du texte de saint Matthieu qui se rapporte à l’élection et à la prédestination divines . « A quoi furent-ils élus ? Saint Augustin répond sans hésiter : Ils ont été élus à prendre part au règne du Christ. Et il ajoute ailleurs : Il les a élus pour qu’ils prennent par à son royaume. La chose est donc évidente, Saint Augustin parle de l’élection à la gloire. Et c’est d’après son exégèse qu’on interprète plusieurs passages de l’Ecriture qui ne peuvent pas signifier autre chose qu’une élection à la gloire. Tel est celui de saint Paul aux Romains V111 : « Qui osera porter une accusation à charge contre les élus de Dieu ? » , et Matth. XX, 16, : « Il y a beaucoup de d’appelés et peu d’élus ». Peut-on s’exprimer plus clairement ? »
11- Estius, 1613
Ce docteur qu’on appelle justement le docteur délectable, écrit : « Si l’on prend en compte la totalité du genre humain, dire que le nombre des réprouvés est de loin plus grand que celui des élus, c’est faire une affirmation qui n’est ni fausse ni téméraire. Ce n’est malheureusement que trop vrai.
Cela va de soi, car, du début du genre humain jusqu’au Christ, un petit nombre seulement dans tout le monde entier furent des adorateurs du vrai Dieu, lesquels ne furent pas tous bons. Et bien qu’après l’avènement du Christ, la vraie religion a été largement répandue, dans tous les siècles, à toutes les époques ---y compris celle d’aujourd’hui—les infidèles furent plus nombreux que les fidèles.
En outre, parmi les fidèles eux-mêmes, l’autorité de l’Ecriture et des Pères démontre qu’il y a plus de mauvais que de bons, plus de réprouvés que d’élus. Il est impossible de trouver un seul Père qui ait pensé autrement. Si c’est ce que les Pères ont pensé de ceux qui appartenaient à l’Eglise, il n’y a plus lieu de douter que dans le tout le genre humain, les réprouvés ne soient en plus grand nombre que les élus. » Il essaie ensuite d’établir rationnellement la chose par un argument de saint Thomas . Le bien qui est proportionné à la condition de la nature humaine se rencontre dans la plupart des cas, et fait défaut dans quelques cas particuliers. Il en va autrement dans le bien surnaturel. On ne trouve ce dernier que dans un petit nombre, et dans plusieurs il fait défaut. A cet argument, il en rattache un autre qui se rapporte à la difficulté qu’il y a à se procurer le bien qui conduit à la vie éternelle. La cause de cette difficulté est la tendance au mal et l’ignorance du bien introduites dans le genre humain par la faute de nos premiers parents ».
13- Joannes a Jesu Maria , carme déchaussé, 1615
Homme d’une prudence singulière et d’une remarquable érudition, d’une grande régularité et pureté de vie, il était tenu en haute estime par le pape Paul V et par Bellarmin : « Il est certain que la doctrine évangélique enseigne que plus petit est le nombre des élus. La Vérité divine elle-même a déclaré : resserrée est la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Cette assertion du Christ a tant d’autorité et de poids que je pense que personne, parmi ceux qui se considèrent chrétiens, n’oserait la mettre en doute. Nous devons déduire de là qu’il n’y en a pas beaucoup parmi les chrétiens dont la conduite et les sentiments envers Dieu nous permettent de les compter en toute prudence, dans le nombre des élus ».
14- Suarez, jésuite, 1617
Le docteur sublime dans son traité de la divine prédestination et de la réprobation, livre V1 c. 3 : « Le nombre des élus est-il plus grand que le nombre des réprouvés ? » Voici comment il répond. « On peut faire ici plusieurs comparaisons. La première porte sur les seuls anges. A laquelle les théologiens dans leur ensemble répondent par l’affirmative , à la suite de saint Thomas. . La deuxième comparaison porte sur les hommes, sur la totalité des hommes, sur tous ceux qui ont vécu depuis le commencement du monde, qui vivent aujourd’hui et qui vivront dans le futur. La sentence vraie et unanime portée sur ces gens ne laisse pas de réplique : le nombre des réprouvés est plus grand. Cette façon de voir provient en droite ligne de Matth. V11 : resserrée est la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. C’est pour cette raison que l’écriture a coutume d’associer le petit nombre aux élus. Et c’est de cette façon que beaucoup interprètent ce passage du psaume XV11 : « De sur la terre, séparez-les du petit nombre », ainsi que cet extrait de l’Ecclésiaste, XV11 : « Purge-toi de la négligence avec le petit nombre ».
Dans le même sens,
dans le quatrième livre d’Esdras, C V111, il est dit
: « Dieu a fait le monde présent pour un grand nombre,
mais le monde futur pour un petit nombre ». Et, plus
bas, il dit encore plus clairement : « Beaucoup ont été
créés, mais peu seront sauvés ».
Sans être canonique, ce livre jouit pourtant d’une grande
autorité. Et ailleurs, il déclare au moyen
d’un exemple : « La terre produit de la matière en quantité
pour fair-e des choses périssables, mais elle en produit
peu de celle qui sert à l’or et à l’argent, etc… C’est
peut-être pour cette raison que dans l’Ecriture les élus
sont appelés des vases d’or, et sont comparés aux perles
et aux pierres précieuses, car celles-ci sont aussi rares
que ceux-là.
On peut arriver à la
même conclusion par le raisonnement, car, si nous considérons
l’état du genre humain jusqu’à l’avènement du
Christ, la connaissance de Dieu et la sainteté étaient
difficiles à trouver. Après l’avènement
du Christ, des nations innombrables ou ne croient pas ou n’ont
jamais encore entendu parler de l’Evangile. Et une grande partie
des croyants est condamnée, comme je le dis sur- le- champ.
Donc, tout bien considéré et sans l’ombre d’un
doute, le nombre des réprouvés est beaucoup plus grand.
Saint Thomas en a donné la raison. Une première
raison se tire de la condition de la nature humaine qui est
composée de tendances contraires. Et les objets
qui peuvent nous inciter au mal nous sont plus familiers et ils sont
plus à notre portée . A quoi s’ajoute
l’anarchie intérieure léguée par le péché
originel . Nous avons déjà dit plus haut que
le péché originel est une sorte de cause ou d’occasion
de réprobation pour beaucoup de monde. On peut
aussi apporter pour explication la hauteur et la sublimité
de la fin, à l’obtention de laquelle l’homme est
destiné par des moyens qui excèdent ses propres forces,
surtout celles des pécheurs.
Ces raisons semblent décisives d’un simple point de vue humain, mais insondable est le puits de la sagesse divine, et nous ne pouvons parler ainsi que pour témoigner que Dieu a voulu montrer l’excellence de sa grâce dans les élus.
Troisième comparaison. Première sentence. La troisième comparaison est entre les fidèles ou les chrétiens Y a-t-il plus de sauvés que de réprouvés, ou vice-versa. Certains pensent que la piété leur demande de croire que le nombre des sauvés est plus grand, chez les chrétiens, que le nombre des réprouvés. De ce nombre, est Sylvestre, dans la rose en or, vers la fin du dimanche de la septuagésime. Et il a coutume d’apporter en preuve la parabole (Matth. XX1) où, au cours du banquet de noces, le Père de famille n’en trouva qu’un à ne pas avoir la robe nuptiale, et celle des vierges (Matt. XX1) dont cinq furent sages et cinq folles. Cette interprétation semble corroborée par les faits, car plusieurs chrétiens meurent après avoir reçu les derniers sacrements, par la vertu desquels ils sont facilement justifiés. Et il conclut qu’il est vraisemblable qu’un grand nombre soit sauvé.
La position qui précède est plus vraie. La sentence contraire est plus commune, à savoir que les réprouvés sont en plus grand nombre. Ce que saint Grégoire affirme ouvertement , et saint Augustin exposant la parabole du blé et de la paille. Car, dit-il, l’aire où l’on bat le blé signifie l’Eglise, et la paille les réprouvés. De toute évidence, la paille est en plus grande quantité que n’est le blé. Saint Jean Chrysostome est du même avis. Les commentateurs et les exégètes dans leur ensemble citent Matthieu : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, et la parole du semeur (Luc,8) dont une partie du terrain sur quatre a donné du blé.
Cajetan, commentant la dite parabole des vierges, dit que même de ceux qui vivent médiocrement dans l’Eglise et qui ont un certain souci de leurs consciences, la moitié est damnée. Ce qui est très sévère. Les raisons invoquées sont l’expérience, la vie de tous les jours et la propension aux mœurs dépravées. Car, sans l’ombre d’un doute, le plus grand nombre des chrétiens vivent mal et persévèrent peu de temps dans l’état de grâce, et il est très vraisemblable qu’ils meurent comme ils ont vécu.
La chose est pourtant douteuse. J’aurai recours ici à une distinction. Nous pouvons dans le nom de chrétiens faire entrer tous ceux qui se glorifient du nom du Christ mais dont un grand nombre sont hérétiques, apostats ou schismatiques. Prenant le nom de chrétien dans ce sens général, il me semble probable que la plus grande partie soit réprouvée. Et c’est de cette façon que je consens à tout ce qui a été dit dans la seconde opinion. On peut confirmer mon avancé par la constatation que les hérétiques et les apostats ont toujours existé en plus grand nombre. Et si on y ajoute le nombre des fidèles impies qui connaissent une mauvaise mort , ce nombre global dépasse décidément le nombre de ceux qui meurent saintement.
Mais si par chrétiens on entend ceux-là seuls qui meurent à l’intérieur de l’Eglise catholique, il me semble plus vraisemblable de penser que dans l’ère de la grâce, un plus grand nombre sont sauvés. La raison en est que parmi ceux qui décèdent avant d’avoir atteint l’âge de raison, la plus grande partie décède avec le baptême. Quant aux adultes, s’il est vrai qu’une grande partie d’entre eux pèchent souvent mortellement, il leur arrive quand même souvent de se ressaisir, et ils traversent ainsi leur vie en chutes et en redressements. Enfin, il n’y en a peu à ne pas se préparer à la mort par la réception des sacrements, et qui n’ont pas le regret de leurs péchés, même s’il ne s’agit que de l’attrition. L’attrition suffit avec le sacrement, à l’article de la mort, pour l’obtention de la grâce sanctifiante. Et une fois justifiés à nouveau, il leur est facile de persévérer un certain temps sans nouveau péché mortel. Donc, tout bien considéré, il est plus vraisemblable que le plus grand nombre des chrétiens est sauvé ». Malheureusement, cette raison invoquée par Suarez ne vaut plus aujourd’hui pour des milliers d’hommes devenus indifférents.
On pourrait résumer ainsi la doctrine du docte Suarez. 1- Il qualifie de commune et vraie l’opinion qui tient que la plus grande partie du genre humain est réprouvée. 2- Il qualifie de plus commune celle qui tient que la majorité des chrétiens ---hérétiques, schismatiques et apostats inclus---se perd. 3- Mais Suarez estime qu’il est plus vraisemblable que la majorité des catholiques soient sauvés.
Mais, par la suite, l’omission de la distinction qu’il faisait entre catholiques d’une part, et chrétiens de tout acabit d’autre part, a déformé la pensée de Suarez.
15- Lessius, jésuite, 1623
Ce pieux auteur explique la raison pour laquelle le nombre des élus est restreint. Voici ses propres paroles : « Le fait que le nombre des élus soit si restreint ne provient pas d’une prédétermination numérique. N’importe quel chiffre plus grand que lui est digne du royaume de Dieu et lui est proportionné. Tous peuvent être des pierres dans ce palais et des membres dans ce corps, des citoyens dans cette Jérusalem céleste, et des convives au banquet de noces éternel. Le palais n’en serait pas pour cela surpeuplé, le corps du Christ n’en deviendrait pas pour autant disproportionné, la multitude n’encombrerait pas la cité, le nombre des élus ne manquerait pas de convenance et de pertinence. Mais, une telle petitesse du nombre des élus provient de la négligence des hommes et de leur stupidité. Ils préfèrent déambuler dans la voie large et spacieuse qui mène à la perdition et jouir des commodités de la vie, plutôt que de passer par la voie étroite et resserrée qui mène à la vie. Et les invités aux noces célestes défendent leur cause en plaidant la préférence qu’ils accordent à leurs affaires, à leurs entreprises et aux voluptés, comme le dit en toutes lettres, le Seigneur dans l’évangile ».
16- Becanus, jésuite, 1626
« Il est plus vraisemblable que le plus grand nombre soit damné plutôt que sauvé : Matth. 7,14 : Resserrée est la voie qui conduit à la vie et peu la trouvent, et Matth. XX, XV1 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Ce que saint Grégoire interprète des seuls fidèles. Donc, selon l’enseignement de saint Grégoire, il faut dire que le nombre des chrétiens réprouvés est plus grand que celui des élus. »
17- Smising, O.F.M. 1626
Cet auteur a brillé par la suavité de ses mœurs, par sa pitié et par son érudition . La vertu avait atteint en lui la maturité, et se dégageaient de lui des rayons de sainteté. Il n’avait qu’une seule occupation : l’étude et la prière. Et pourtant, dans son livre des disputes théologiques qui ont Dieu pour objet, il dit des choses tout à fait étonnantes en traitant de notre question : « Est-ce que l’homme, dans sa condition de voyageur, connaît suffisamment, grâce à la révélation, la providence divine, pour se faire une idée précise du nombre des élus et des réprouvés ? Je réponds qu’il est établi, par la révélation, qu’en dépit du fait que l’Apocalypse compte un grand nombre d’élus, que c’est la plus petite partie des humains qui est élue à la vie éternelle. Comme l’on voit en Matt. 7 : la voie resserrée…un petit nombre…et au chapitre XX, il y a peu d’élus. Cette conclusion est donc de foi.
Si donc seuls sont sauvés ceux qui conservent la foi et la rectitude de vie, comme nous l’apprenons d’autres passages de l’écriture, la conclusion s’impose : les prédestinés à la vie sont peu nombreux, si on les compare à la multitude des réprouvés. Il y a même des saints Pères qui, après avoir considéré la façon de vivre des chrétiens, estiment qu’il est plus probable que le petit nombre seul soit sauvé. Je parle de probabilité, car nous n’avons pas ici de certitude. Mais ne manquent pas les docteurs --remarquez qu’il ne dit pas Pères- qui estiment que la majorité des fidèles sont sauvés, comme Silvestre dans la rose d’or, Franciscus de Christo, Cartagena et Suarez.
Cependant, j’estime plus probable la sentence des Pères qui penchent pour le petit nombre des élus, quand je porte mon attention sur la très grande corruption des mœurs des chrétiens ou sur les passages de l’écriture qui semblent parler des fidèles.
Si tu demandes : d’où vient donc que tant de gens périssent, et dévient du terme auquel ils sont ordonnés, alors que l’efficacité de la grâce est plus grande que celle de la nature, et que la nature rarement se trouve en défaut, saint Thomas répond à cela magnifiquement. Il dit d’abord que la fin proposée est supérieure à la nature humaine et sans commune mesure avec cette nature laissée à ses propres forces, laquelle n’en est que plus encline aux biens inférieurs, qu’elle se propose comme fin suprême. Il dit ensuite que dans l’homme se livre continuellement une lutte constitutive de sa nature entre la raison et les sens. Dans ce combat, les sens l’emportent d’autant plus que les choses corporelles et sensibles lui sont apparentées, non seulement parce que toute connaissance naturelle origine des sens et est prise en charge par l’imagination, mais parce que la nature humaine dépend de l’usage des choses corporelles et sensibles pour sa conservation. Et bien que la grâce supplée l’inadéquation de la nature à la foi, et triomphe de la rébellion de l’appétit inférieur, quand elle est efficace, cette efficacité de la grâce est donnée à un petit nombre, après la chute d’Adam. Une ultime raison donnée par saint Thomas n’est autre que le bon plaisir de la volonté de Dieu, qui prend pitié de qui elle veut et qui endurcit qui elle veut. En fin de compte, c’est dans cet inscrutable bon plaisir de Dieu qu’il faut trouver la cause radicale du petit nombre des élus. Cf. saint Paul, épitre aux Romains 9 » Voilà ce qu’enseigne le pieux et docte Smissing.
18- Didacus Ruiz de Montoya, jésuite, 1632
Hurter nous déclare qu’il faut le compter parmi les toutes premières lumières de l’école. Didacus pousse l’audace jusqu'à s’opposer à l’opinion personnelle de Suarez relative au salut de la plus grande partie des catholiques adultes : « Cette opinion est plus du domaine du souhait que de la probabilité, et les autorités auxquelles il fait appel ont été choisies plus pour des raisons d’affinité que de compétence et de notoriété. Mais, comme dit saint Augustin, l’opinion humaine n’a pas le pouvoir de sauver qui que ce soit par le seul fait de le souhaiter, mais par l’aveuglement et la complaisance, elle entraîne au sommeil et à la mort. »
19- Drexelius, jésuite, 1638
Dans le livre dont le titre est : le zodiaque chrétien, le chapitre dernier s’intitule : de la prédestination à la couronne du petit nombre. Voici les paroles qu’on y lit : « Tous, nous nous proposons comme but le sommet, mais, hélas! par quels sentiers divergents nous cheminons, nous courons et nous périssons. Elle est resserrée la voie. Lisse et fleurie et spacieuse est la voie de la perdition. Nous trouvons ici l’aspérité des montagnes, là, les pentes douces des vallées. Il est facile de descendre l’Averne. La vérité crie, avertit et exhorte : « Entrez par la porte étroite, parce que large est la porte et spacieuse la voie qui conduisent à la perdition, et un grand nombre entrent par elle. Comme elle est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie, et il y en a peu qui la trouvent ! Il insiste de nouveau : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite parce que plusieurs, je vous le dis, cherchent à y entrer et ne le peuvent pas. En vérité le sentier est étroit, car on ne peut avancer que seul et sans compagnon. Chacun de nous devra rendre compte de ses actions à Dieu pour lui-même. Chacun doit porter son fardeau. Chacun reçoit sa récompense propre selon son travail. Et c’est ce que confesse Jésus en gémissant : «Nombreux sont les appelés, peu nombreux sont les élus ». Ce simple petit mot peu , émettant un son épouvantable et tonitruant, a détaché une bonne partie de la terre de l’emprise des vices. Il a expulsé des villes un grand nombre d’hommes vers les antres des cavernes et les horribles solitudes , et il a fortifié des centaines de milliers de martyrs sur les grilles et les chevalets, sur les roues et les feux, sur leurs croix et dans les dents des bêtes , devant des troupes armées de tortionnaires. Tous ces gens-là ne connaissent qu’une parole : il nous est facile de mourir pourvu qu’il nous soit permis de vivre avec le petit nombre des élus. Que le glaive se joue de nos gorges, pourvu que nous soyons comptés avec ceux qui sont peu nombreux mais bienheureux. Et lequel d’entre eux a hésité de dire : si je devais être seul à porter cent croix, je ne refuserais pas. Si je devais moi seul présenter à la hache du bourreau cent têtes à décapiter, je n’en exempterais aucune. . Mourir cent fois serait un jeu pour moi, je considérerai les tourments comme des faveurs pourvu que, dans le paradis, je sois admis en la compagnie des peu nombreux. N’est-ce pas ainsi que parlait le très généreux martyr Ignace : « Que le feu, la croix, les bêtes, que tous les tourments inventés par le diable s’approchent, pourvu seulement que j’hérite du Christ ! » Ce coup de tonnerre lancé de la bouche du Christ , -- ces mêmes paroles : peu sont nombreux –a détourné tant d’êtres humains de la vie impure et des prés verdoyants de la luxure pour les enfermer dans des maisons où l’on pleure et on fait pénitence ! Il leur suffisait à tous ceux-là d’être conservés en compagnie des peu nombreux plutôt que de périr avec le grand nombre. Il n’en périt pas moins qui périt dans la foule. Dieu ne prend soin que de ceux qui font partie du petit nombre. On ne peut même pas dire que la voie qui mène à l’enfer soit longue. On y va d’un seul souffle, un seul péché mortel nous rend coupables du crime de lèse majesté, et dignes du feu éternel. C’est ainsi qu’autrefois, à cause d’un seul crime libidineux, quarante mille hébreux, cinquante mille six cent Benjamins ont été décapités. Pour avoir regardé seulement avec trop de curiosité l’arche du Seigneur, par le carnage de combien de milliers des leurs les Bethsamites ont payé ce regard profane !
Fais pour moi le décompte des Juifs depuis Abraham jusqu’à la fin du monde, et dans les cent quarante quatre mille de l’Apocalypse c’est à peine si on retrouvera un millième des recensés, de telle sorte que de tout ce grand nombre un millième d’entre eux n’est pas compté parmi les prédestinés. Ce qui vaut pour les hébreux, vaut aussi, toute proportion gardée, pour le nombre de tous les autres groupes. Car ce que Jésus a prédit aux Juifs et à tous les autres est en tout semblable : ce n’est pas seulement aux Juifs que Jésus a dit que le chemin est ardu qui mène à la vie, mais il a parlé en général sans exclure personne : peu le trouvent. »
C’est de cette façon que Drexelius a réfuté à l’avance l’opinion du Père Castelein selon laquelle cette très sévère prédiction du Christ ne concerne que les Juifs, les contemporains du Christ : « Ce passage, prétend-il, serait bien alarmant s’il avait un sens absolu et une portée universelle. Mais le contexte prouve très clairement qu’il se restreint à l’entrée des Juifs contemporains de Notre-Seigneur dans le royaume du Messie ». (p.34)
20- Johannes a San Toma O.P. 1644
« Quelques-uns se posent ainsi la question sur le nombre des élus : le nombre des élus est-il plus grand que celui des réprouvés ? Cette difficulté, s’agissant des hommes --car il semble certain que dans le cas des anges la plus grande partie est sauvée- trouve facilement sa solution, si on parle des êtres humains en général, par la considération que dans tout le genre humain, moins nombreux sont ceux qui se sauvent : Beaucoup en effet, sont appelés mais peu sont élus. De plus : la porte est étroite et la voie est resserrée…et peu la trouvent. Et ce que l’ange dit à Esdras. 1V, V111
Il appert que les élus sont dits peu nombreux non absolument parlant, mais en comparaison du nombre des réprouvés. D’autres vont plus loin et entrent dans plus de détails. Ils s’imaginent pouvoir mesurer au cordeau la multitude des élus. Mais qui peut connaître les desseins de Dieu ? Tenons-nous en donc à la sentence pleine de sobriété de saint Thomas (art.V11) exprimant la pensée de l’Eglise : « Il est préférable de dire que le nombre des élus à la félicité éternelle est connu de Dieu seul. » N’essayez pas de chercher des motivations à votre incurie et à votre paresse à la pensée que le grand nombre se sauve sans trop d’effort, mais soyez attentifs à déployer l’énergie nécessaire à entrer par la porte étroite. Car un grand nombre chercheront à y entrer mais ne le pourront pas. Car même parmi ceux qui n’ont pas complètement chaviré, qui ne croupissent pas dans leurs vices, qui font quelque effort et cherchent à entrer, il y en a qui ne le pourront pas. Donc, ne mettons pas de contention à connaître dans le détail le nombre des élus, mais soucions-nous de marcher dans les sentiers des élus. »
21- Nazarius, O.F.P., 1646
« Si Dieu avait prédéterminé le nombre des élus, le nombre des élus serait plus grand que celui des damnés , (parce que Dieu veut sauver tout le monde). Mais nous trouvons le contraire chez saint Matthieu V11 : large est la route etc… »
22- Contenson, 1647
Ce pieux auteur abonde dans le sens des Pères, et il propose des réflexions qui sont dignes de méditation pour les prêtres et les religieux. « Puissent ceux qui sont tenus de donner l’exemple aux autres suivre toujours la voie ardue de l’édification chrétienne, et ne pas s’inventer une troisième voie que l’Evangile ne connaît pas. Bien qu’il ne soit pas possible de définir dans le détail le nombre précis des élus, la tradition des Pères et l’Ecriture nous présentent comme une chose certaine que les élus sont moins nombreux que les damnés.
Parmi les catholiques, mon affection va à ceux qui avancent par la voie étroite du salut et qui soumettent leurs vies aux maximes de l’Evangile, qui ne courent pas après les voluptés, qui conservent leur innocence baptismale, qui font une dure pénitence après une chute, et qui ne retombent pas continuellement, qui n’aiment pas le monde , qui recherchent la perfection sans laquelle personne ne verra Dieu. Vraiment, c’est un oiseau rare en ce monde quelqu’un qui se comporte comme je viens de le dire, puisque on peut dire de notre siècle avec plus de vérité ce que Salvianus déplorait du sien, liv. 3, de la providence : « Mis à part le très petit nombre qui fuient le mal, qu’est donc d’autre, après tout, la multitude des assemblées des fidèles qu’une sentine de vices ? C’est une chose qui requiert plus de larmes que d’arguments ! »
Que dis-je? Hélas!, dans l’ordre ecclésiastique lui-même, combien peut-on repérer de prêtres et d’évêques qui marchent sur les traces des saints ? Combien ont imité les vertus des apôtres après avoir hérité de leur autorité, combien ont la conduite et le train de vie que les Pères du quatrième concile de Carthage ont prescrits et que le concile de Trente a renouvelés dans des mots que tous devraient relire à tous les jours, et qu’ils devraient chaque jour mettre en pratique.
Que dirai-je des religieux, moi qui suis religieux par l’état de vie, et prêtre par le caractère, sans aucun mérite de ma part ? Quand nous voyons tant de monastères déchus de leur observance primitive, une augmentation de professeurs de vie religieuse, mais pas un ressourcement de vitalité , volontiers et en toute vérité j’écrirais avec saint Bernard dans son apologie de l’abbé Guillaume : « Qui aurait pu penser au tout début, à la naissance de l’ordre monastique, qu’il pût aboutir à une telle inertie ? A quelle distance nous sommes de ceux qui, du vivant d’Antoine, menèrent la vie monastique ! Macaire a-t-il vécu ainsi ? Est-ce donc là l’enseignement qu’a donné saint Basile ? Est-ce ainsi qu’ Antoine a institué la vie monastique ? Est-ce ainsi que les Pères d’Egypte vivaient en commun ? »
Que dirait aujourd’hui saint Bernard de tant de couvents -----je mets à part ceux donc la règle est conservée à la lettre, et nous nous réjouissons de leur nombre----dans lesquels l’or s’est obscurci, où la couleur est délavée, où sont dispersées les pierres du sanctuaire ? Le Pape Clément V11 lui-même déplorait avec larmes son incapacité à les réformer, d’après Prosper Fagnanus . Saint Augustin écrit qu’il n’a vu personne de meilleur que les moines fervents, et de pire que les relâchés. Il ne pouvait rien dire de plus vrai. C’est comme pour les figues de Jérémie, où les bonnes sont très bonnes, et les mauvaises très mauvaises. Et on peut dire en toute sureté de tout vrai religieux ce que saint Jérôme disait d’Origène : « Quand il parle bien, personne ne parle mieux que lui; mais quand il déraille, personne n’est pire que lui. » Comme le dit si bien l’adage philosophique : la corruption de ce qu’il y a de meilleur est la pire de toutes . Ajoutons encore le proverbe connu : plus le vin est généreux, plus âcre est le vinaigre.
Tu as entendu, lecteur, la parole du Christ : il y a peu d’élus. En voici le pourquoi. Un grand nombre périt éternellement parce qu’ils se sont inventé une troisième voie que l’Evangile n’enseigne pas. Au témoignage de la Vérité, la voie qui conduit à la perdition est large, et celle qui conduit à la vie est resserrée. Et nous voulons voyager par une troisième. Nous ne voulons pas emprunter une voie remplie de supplices inhumains. Nous ne voulons même pas avancer par les sentiers sinueux de la sainteté. Mais nous allons par une voie ni trop large ni trop étroite. Le péril est le même de ceux qui s’inventent une troisième voie et de ceux qui imaginent une troisième fin dernière, --deux seules ayant été préparées pour les adultes. Car il est écrit en Matth. 25 que les uns iront au supplice éternel et les autres à la vie éternelle. Les proverbes, 14, parlent de cette troisième voie inventée par les tièdes : « Il y a une voie qui semble juste à l’homme, les derniers pas conduisent à la mort ».
Le péril qui menace les inventeurs de cette troisième voie est d’autant plus grand qu’ils se sentent davantage en sécurité. Leur assurance vient de leur certitude de ne pas avoir commis les crimes les plus graves. Rares sont les hommes dont la conscience est complètement dépravée et prostituée. Car, comme dit saint Augustin dans son troisième sermon sur le Verbe de Dieu : « On trouve chez peu une grande piété, et chez un plus petit nombre encore une grande impiété ».
En dépit de cela, ils tombent bel et bien, et misérablement. Car quiconque n’avance pas par la voie étroite marche dans la voie large. Celui qui pense autrement se trompe lui-même, et son mal est d’autant moins guérissable qu’il le sent moins. Dans la mesure où il a la prétention de s’inclure dans le nombre des élus, il est renfermé dans le nombre des damnés. Si tu ne veux pas me croire, crois-en du moins la parole des Pères qui t’expliquera en quoi consiste la voie étroite. La loi de Dieu c’est la voie resserrée, dit saint Augustin, elle comprime nos passions. Ambroise dit la même chose ailleurs : « Il y a deux voies, celle des justes et celle des pécheurs. Une est celle de l’équité, l’autre de l’iniquité. La voie des justes est plus resserrée, celle des injustes est plus large. Ici, des banquets, là, des jeûnes. Ici, les joies de l’intempérance, là, les larmes de la persévérance. Et saint Grégoire dans son livre 27, chapitre 22, sur la morale : « N’est-ce pas marcher dans une voie resserrée que de vivre dans ce monde sans avoir aucune part à ses concupiscences ? Celui qui marche par cette voie sera compté parmi le petit nombre des élus. »
Saint Paulin dans son épitre cinquantième, développe excellemment cette idée : « Tout ce que nous faisons, tout ce que nous disons relève de l’une ou l’autre voie : l’étroite ou la large. Si, à la suite du petit nombre, nous faisons la découverte de la voie étroite et resserrée, nous tendons vers la vie. Si, au contraire, nous cheminons en compagnie du grand nombre, nous irons à la mort, selon la parole du Seigneur. Si, après avoir foulé aux pieds les passions, nous nous appliquons à n’être riches que de vertus, nous progressons par la voie étroite. Ce mode de vie est le fait d’un petit nombre. C’est très rarement et avec difficulté qu’on trouve des compagnons capables de ce trajet.
C’est donc avec une très grande sagesse que le concile de Trente nous met en garde afin que personne ne se croie assuré de son salut d’une certitude absolue, même si tous doivent placer dans le secours divin une espérance très ferme. Car, si nous ne repoussons pas la grâce de Dieu, Il portera à la perfection l’œuvre qu’Il a commencée, opérant en nous le vouloir et le faire.
Dans cette incertitude du salut, vivons avec le sentiment de la peur, et opérons notre salut avec tremblement, dans les labeurs et les veilles, les aumônes, les oraisons, les offrandes, les jeûnes, la chasteté, sachant que nous sommes renés dans l’espoir de la gloire, mais pas encore dans la gloire elle-même. Surtout parce que nous avons une lutte à mener avec trois ennemis devant lesquels trop souvent succombe l’infirmité humaine. Le combat est quotidien, mais la victoire est rare. Nous ne devons la demander qu’à Dieu, et ne l’espérer que de Lui seul. Car, qu’il s’agisse de petites ou de grandes choses, rien ne peut arriver sans Lui, par qui tout arrive.
Les choses étant ainsi, qui donnera à nos yeux un torrent de larmes pour pouvoir pleurer le malheureux état de la chrétienté, presque réduite au néant ? Hélas! notre terre, labourée par les conseils et les exemples du Christ, teinte de son sang, au lieu de produire du froment, ne fait pousser que des épines et des chardons. Quel homme sûr de lui-même ne tremblera pas au rappel de la doctrine du petit nombre des élus ? Mais le pire attend celui qui éprouve en lui les effets de la réprobation et ne se lamente pas. « Quelqu’un qui est tel, dit saint Grégoire (homélie 34), qu’il gémisse de ne pas gémir ! » Et parce que les soupirs interrompent mes gémissements, et interceptent mes paroles sur mes lèvres, à la pensée de tes péchés et des miens, lecteur, mon semblable, je mettrai fin ici à mon sermon. » Contenson se range donc à l’opinion du petit nombre des élus, et s’efforce en même temps de prémunir les religieux contre la présomption pharisaïque.
23- Turlotius, l651
Il enseigne et démontre que le plus grand nombre des catholiques adultes sont damnés plutôt que sauvés. Après s’être fait l’objection à lui-même qu’il y en a quelques-uns qui estiment que le plus grand nombre des fidèles sont sauvés, il propose son opinion en ces termes : « C’est le contraire qui est vrai. La raison et l’autorité fondée amplement sur l’Ecriture et les Pères de l’église semblent devoir nous mener à la conviction que les damnés sont plus nombreux que les sauvés. Et la raison en est que la plus grande, partie des chrétiens vivent en état de péché mortel, et que, selon la règle énoncée par saint Augustin, on meurt en général comme on a vécu, et que c’est l’exception qui meurt bien après avoir mal vécu, et vice versa. »
Il prouve cette assertion au long et au large au moyen d’extraits de la bible et des Pères.
24- Mathias Fabri, jésuite l655
Il consacre tout son premier sermon sur l’évangile du l9ième dimanche après la pentecôte à expliquer qu’il y a peu d’élus et beaucoup de damnés. Après avoir cité un grand nombre de textes qui font autorité : « Il ressort de là clairement que la plus grande partie des chrétiens vivent en état de péché mortel. Et pour compléter le tableau, il ne suffit que d’ajouter la règle de saint Augustin : en règle générale, on meurt comme on a vécu.
Et il conclut son sermon par ces mots : « Puisqu’il en est ainsi, mes chers auditeurs, qui ne tremblera pas pour lui-même ? Quand les disciples entendirent : un de vous me trahira, ils furent saisis de peur et se demandèrent : est-ce moi ? Qui ne tremblerait pas de tous ses membres quand on nous annonce la damnation non pas d’un des apôtres mais d’un très grand nombre ? C’est pourquoi, que chacun s’examine afin de découvrir de quel côté il tend. Vit-il avec le grand nombre ou avec le petit groupe ? »
25- Saint Jure, jésuite, 1657
« Comme le nombre de ceux qui se laissent aller à leurs passions, à leurs appétits déréglés, et qui transgressent les commandements de Dieu est beaucoup plus grand sans comparaison que le nombre des chrétiens qui suivent le mouvement de la raison et obéissent aux lois de leur Créateur; que tous, comme dit Jérémie, « du plus petit au plus grand s’adonnent à l’avarice, et, du prophète jusqu’au prêtre, tous font le mal », il n’est pas étonnant que le nombre de ceux qui se damnent soit incomparablement plus grand que celui de ceux qui se sauvent ».
Si vous me demandez comment il est possible que Dieu, qui aime les hommes d’un amour si grand, qui a tant de désir de les sauver tous, qui a tant souffert pour leur salut, puisse consentir à les voir presque tous damnés, je vous répondrai qu’il a encore plus d’amour pour eux, plus de désir de leur salut que nous ne saurions le dire et le penser…. Puisque le nombre des réprouvés est si grand, que celui des élus est si petit, qu’il en est tant qui se damnent et si peu qui se sauvent, quel est celui d’entre nous qui n’a pas sujet de craindre d’être compris dans cette prodigieuse multitude ? »
26- Engelgrave , jésuite, 1670
Cet homme docte et pieux , d’après De Backer, parle ainsi dans son livre célèbre intitulé : Luc l’évangéliste, à l’emblème 47 : « Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Matt. XX11 Dans le grand nombre d’appelés, il s’en trouvera peut-être un de sauvé ! Ils sont peu nombreux ceux qui sont prédestinés à la vie éternelle après avoir fait fructifié leurs bonnes œuvres. » Et dans une autre édition : « Des millions d’êtres humains, le Soleil de justice n’en accueille que très peu, de façon à ce que sur mille semences une à peine parviendra à maturité. Avec l’œil de l’esprit le plus aiguisé, contemple, si le cœur t’en dit, le vaste monde. Les immenses royaumes du Japon, de l’inde et de la Chine n’ont-ils pas été ensevelis dans les ténèbres du paganisme pendant au-delà de six mille ans ? Fais l’inventaire de tous les cultes païens de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, de la sentine de toutes les hérésies et de tous les crimes. Parmi ces chrétiens qui habitent le plus petit continent du monde, l’Europe, qui ne s’étonnera pas à la pensée que très peu seulement seront comptés parmi les élus ? C’est une chose horrible, mais c’est pourtant une estimation véritable que celle de saint Jean Chrysostome. Il prétend qu’un centième à peine des Antiochiens de son temps seront sauvés ! »
Il a encore deux autres paragraphes dont voici la teneur : l- Le thème du petit nombre des élus est développé par la comparaison avec les infidèles, les hérétiques, etc… 2- Les catholiques sont plus nombreux à être damnés qu’à être sauvés.
27- Philippe de la sainte Trinité , carmélite, 1671
Nommé général de son ordre, il a mené une vie pieuse et très remplie, non sans réputation de sainteté, et il a édité plusieurs œuvres dignes de la postérité, dans lesquelles, au dire de Gonetus, l’érudition et la piété se livrent une joute amicale. A la question : est-ce que le nombre des sauvés est plus grand que celui des damnés, il répond ainsi : « Je réponds en disant que si l’on a en vue la totalité du genre humain, le nombre des réprouvés est plus grand que celui des sauvés. Et si l’on n’envisage maintenant que les seuls chrétiens, encore là, il est plus probable que le nombre des réprouvés soit plus grand que celui des sauvés. »
28- Le cardinal Bona , 1674
C’était un homme, au dire de Renaudot, que n’illustrait pas tant sa dignité cardinalice que sa doctrine et la pureté de ses mœurs. Cet homme remarquable, dans son admirable traité intitulé : principes et documents de vie chrétienne, expose la doctrine des Pères relative au salut copieusement, avec précision et mordant. Plût à Dieu que les modernistes daignent l’étudier sérieusement, pour leur salut éternel et celui des autres !
Il intitule ainsi son chapitre : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Ensuite, le saint homme commence : « On ne peut pas rêver d’un stimulant plus efficace pour la correction des mœurs dépravés, pour l’amendement de notre vie selon la norme de l’Evangile, que cette sentence horrible et redoutable : il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus, si nous en pénétrons complètement le sens. Personne ne sait s’il est appelé de cet appel dont sont appelés selon le dessein divin, ceux donc il est écrit : « Ceux qu’il a appelés, Il les a aussi justifiés. Ceux qu’Il a justifiés, Il les a aussi glorifiés. (Romains, V111, 30). Et dans l’Ecclésiastique (1X,1) : « Personne ne sait s’il est digne d’amour ou de haine, mais tout ce qui concerne le futur est maintenu dans l’incertitude ». Personne ne sait si son appel est tel qu’il le fera persévérer jusqu’à la fin. Dans une si grande disparité de salut, dans une si grande incertitude de la persévérance finale, chaque chrétien doit être continuellement choqué d’horreur, s’efforçant d’assurer sa vocation dans la peur et le tremblement, pour que, vivant dans la foi qui opère par la charité, il se prouve à lui-même par ses bonnes œuvres qu’il est du petit nombre de ceux que la miséricorde de Dieu a élus avant la constitution du monde.
Il est restreint, en effet, le nombre des élus, et bien plus petit que celui des réprouvés, même si on ne tient compte que des seuls catholiques, à l’exclusion des enfants qui meurent avant l’âge de raison ». C’est ce qu’il développe dans son sermon par le témoignage infaillible de l’Ecriture et à l’aide de beaucoup d’exemples et de raisons. Et son expérience quotidienne des âmes l’amène à une observation diamétralement opposée à celle de Suarez, et, à juste titre : « L’opinion que je défends peut être confirmée par le petit nombre de ceux qui décèdent en possession d’une vraie contrition. Aux yeux de plusieurs, ils ont connu une bonne mort. Mais le regret des péchés qui procède de la seule peur de l’enfer parvient difficilement à la vraie pénitence. Car, comment le pécheur pourra-t-il entreprendre une bonne vie quand il parvient à la fin de celle-ci ? Comment pourra-t-il estimer que le péché est le plus grand de tous les maux et l’exécrer comme tel, avoir en horreur les délices de ce monde, qu’il a adulées pendant tout le cours de sa vie ? Comment pourra-t-il embrasser de tout son cœur cette pénitence qu’il a toujours eue en horreur ? Comment pourra-t-il affirmer avoir le ferme propos de rejeter, s’il survit, ces actions qui sont devenues une seconde nature ? Comment son esprit, torturé par les angoisses de la maladie et de la mort, pourra-t-il contempler les vérités surnaturelles, éloignées de plusieurs années lumière des choses sensibles, s’il n’y a jamais ou rarement pensé quand il était en bonne santé ? Comment, au milieu de tant de maladies et de tentations, pourra-t-il par des actes vertueux contraires, vaincre la tyrannie de l’habitude contractée par les actes de sa vie antérieure ?
L’expérience nous enseigne que c’est à peine si on peut en trouver un qui, une fois le péril passé, demeure ferme dans sa résolution. Tous retournent à leurs habitudes. Et tous ceux à qui la peur de la mort ou les exhortations des amis ou la prudence humaine avaient dicté un changement de vie, oublient tout instantanément. D’autant plus que, même réduit à l’extrémité, chacun s’accroche à la vie comme à une planche de salut, trompé en cela par le démon, et parfois même, entraîné par lui à l’abyme. Surviennent les langueurs de cette âme qui renâcle ou rechigne à la pensée de sortir du corps, et la déperdition des forces physiques et psychologiques , et la perte progressive de la conscience. Le moribond perçoit alors sans pouvoir leur donner un sens, les paroles de ceux qui sont présents, les actes de vertus suggérés : des sons, rien de plus.
Il est permis d’augurer une heureuse issue de la part de ceux qui à la fin de leur vie se sont livrés à la pénitence, mais on ne peut espérer aucune sureté de salut chez ceux qui suivent l’exemple trop célèbre du roi Antiochus chez les Macchabées, (11,1X). Quand il fut parvenu à sa dernière heure, il s’est humilié en priant sous la puissante main de Dieu, et il promit de réparer les torts faits aux Juifs, d’exonérer le temple de toute taxe, et s’engagea de plus à prélever de sa fortune personnelle les sommes nécessaires aux sacrifices destinés à Jérusalem. Il promit également de judaïser après avoir renoncé au culte des idoles, et de parcourir toute la terre pour y proclamer la puissance de Dieu.
Qui pourra exiger d’un pécheur de plus grands et de plus convaincants signes de pénitence ? Et pourtant, ce roi pénitent ne mérita pas le pardon, comme le dit l’Ecriture : « Le scélérat priait Dieu, de qui il ne pouvait pas espérer de pardon, parce qu’il était trop évident qu’une pénitence engendrée par la peur de la mort ne pouvait pas être sincère ». En conclusion, le très pieux cardinal nous invite à pondérer avec sérieux et réalisme les réflexions salutaires suivantes : « Qui ne tremblerait en considérant ce qui précède ? Qui parmi tant de difficultés et de traquenards osera se promettre un salut assuré ? Qui ne chancellerait pas dans l’ignorance où il est s’il est digne d’amour ou de haine ? Parce que les élus sont peu nombreux ----et peut-être beaucoup moins qu’on ne pense- il nous faut donc prendre nos distances d’avec la multitude, et fraterniser avec le petit nombre de saints, les élus et les innocents, pour que chacun puisse, à la fin de sa vie, sans être démenti par sa conscience, dire à Dieu le juste juge : « Rends-moi la récompense promise, parce que j’ai observé tes commandements ».
29- Fratres Van Walenburch 1669,1675
Tous les deux évêques suffragants, célèbres non pas tant par la noblesse et les fiefs que par l’érudition théologique, ils dissertent ainsi de l’appel en général à la grâce et de l’appel efficace à la gloire, apportant en preuve le texte archi connu de saint Matthieu XX11,14 : « Nous ne pouvons douter de ce que dit saint Paul : Nous savons que pour ceux qui aiment Dieu tout concourt au bien, ceux qui ont été appelés à la sainteté selon son dessein. . Il est manifeste que dans ce texte, saint Paul ne parle pas de l’appel en général, comme le fait sains Matthieu : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, mais il parle de l’appel selon le dessein divin . »
30- Le Frère de la bonne espérance, carme déchaussé,1677
Il fut longtemps lecteur de philosophie et de théologie à l’université de Louvain. Dans son œuvre dont le titre est : trois commentaires sur l’ensemble de la théologie scolastique, il écrit : « Il découle clairement de l’Ecriture que le nombre des damnés est plus grand que celui des élus. Matth. V11 : Entrez par la porte étroite etc… et X11 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. »
31- Ep. Herinckx, franciscain, 1677
« Le nombre des élus, absolument parlant, est grand, mais en comparaison avec celui des réprouvés il est petit. Car l’élection des élus n’est pas sans raison comparée au tirage au sort. Comme le même chiffre sort rarement , ainsi en va-t-il de l’élection divine : elle ne porte que sur un petit nombre. Soit que nous prêtions attention aux passages de l’Ecriture commentés par les Pères ou aux mœurs dépravées des chrétiens ou des catholiques, il n’est pas peu vraisemblable qu’un petit nombre d’entre eux soit élu ».
32- Gonet, 1681
« Il est certifié et reconnu par tous que le nombre des réprouvés est plus grand que celui des sauvés, si l’on considère la totalité du genre humain. Car les chrétiens sont peu nombreux comparés aux infidèles, et parmi les chrétiens eux-mêmes plusieurs sont hérétiques et schismatiques. » Il cite ensuite le livre (1V) si connu d’Esdras, et il ajoute les raisonnements suivants : « La raison elle-même apportera son concours. Il faut constater d’abord que les élus sont les amis de Dieu, et que la prédestination est une amitié de Dieu spéciale et tout à fait singulière. Or, une des conditions exigée par l’amitié est qu’elle soit limitée à un petit groupe, comme l’enseignent Aristote et saint Thomas. La conclusion s’impose : les élus comparativement aux réprouvés sont peu nombreux.
Deuxièmement, les élus sont assimilés à des rois et à des princes, les réprouvés aux serviteurs et aux esclaves de ces rois et de ces princes. Tous les rois doivent avoir un nombre considérable de serviteurs, et les serviteurs et les esclaves sont toujours beaucoup plus nombreux que les rois et les princes. Les réprouvés sont donc plus nombreux que les élus.
Troisièmement, tout ce qui a du prix a coutume d’être rare. On n’a qu’à penser aux pierres précieuses. Mais l’Ecriture compare les élus aux pierres précieuses , et les réprouvés au fumier et aux déchets. Les élus sont donc moins nombreux que les réprouvés. Ceci étant admis, reste une difficulté parmi les théologiens qui prend la forme d’une controverse : parmi les chrétiens qui sont vraiment tels, et qui vivent et meurent dans le sein de l’Eglise catholique, les élus sont-ils plus nombreux que les réprouvés ? Pour l’affirmative, nous avons Sylvestre, Suarez, Granado et Ruis : ils pensent que le nombre des catholiques à être sauvés est plus grand. Mais la négative est plus répandue : ils sont plus nombreux à penser que le nombre des élus est plus petit que celui des damnés. C’est cette position qu’enseignent Suarez, Molina et saint Thomas, Philippe de la sainte Trinité, et, parmi les exégètes : Nicolas de Lyre, Maldonatus, Cornelius a Lapide, Carthusianus, et les autres.
Il nous plaît de faire brièvement la démonstration que l’opinion selon laquelle le nombre des réprouvés, chez les fidèles, est plus grand que celui des sauvés est plus que l’autre ancrée dans l’Ecriture, les Pères et l’histoire ecclésiastique. » Il procède alors de la façon habituelle en exposant les textes les plus connus : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus, et Seigneur, sont-ils peu nombreux à être sauvés ? Efforcez-vous etc… et il appuie son interprétation sur des citations des Pères. Il ajoute ensuite Isaïe, XV11, et XX1V, où le nombre des élus est comparé aux rarissimes épis laissés dans le champ par les moissonneurs, et aux rarissimes olives, qui, une fois extraite l’huile, demeurent à la pointe des branches , ou au petit nombre de grappillons de raisin qui demeurent dans la vigne, après la vendange. Ce qui peut être confirmé par l’Epitre aux Colossiens (1,12) où, parlant des élus, l’Apôtre dit : « Qui nous a rendus dignes d’avoir part aux sort des saints ». Et : « Nous, c’est par le sort que nous sommes appelés ».(Eph. 1.1) Il dit qu’ils ont été élus par le sort pour nous faire comprendre qu’ils sont peu nombreux. Car, quand on tire au sort les noms de plusieurs milliers d’hommes , quelques-uns seulement sont favorisés, ainsi en est-il de l’élection divine : parmi plusieurs milliers d’hommes, quelques-uns seulement sont favorisés par le sort de la prédestination au ciel ».
33- Jean Bosco, 1684
Scotiste, de l’ordre des frères mineurs, lecteur très gouté à l’académie de théologie de Louvain, très profond théologien, au dire de Hurter, souvent consulté dans les questions disputées, dans sa théologie spirituelle, scolastique et morale, il soutient la doctrine commune des Pères selon l’esprit du docteur subtil et du docteur angélique. « Conclusion : dans le premier livre de la vie : la plus grande partie des anges, la plus petite partie des hommes, la plus grande partie des fidèles, à l’exclusion des adultes sont prédestinées à la vie. La plus petite partie des hommes se sauvent, même si tous sont ordonnés au salut et reçoivent les secours suffisants. Les anges se sauvent en plus grand nombre que les humains parce qu’ils n’ont pas rencontré sur leur chemin les obstacles que les humains ont rencontrés. L’obstacle le plus redoutable est la rébellion de l’appétit sensuel. Obstacle que, de toute évidence, les anges n’ont pas rencontré. La deuxième partie de notre conclusion –à savoir que les hommes sont peu nombreux à être sauvés---n’est pas en contradiction avec la première ---le plus grand nombre des anges est sauvé—et la première conclusion n’entraîne pas la seconde. L’Ecriture sainte va dans le sens de la deuxième conclusion Matth.. 7,13, Entrez par la porte étroite…XX,16 : Il y a beaucoup d’appelés, peu d’élus.
Cette partie de la conclusion
est donc de foi, à savoir que c’est la plus petite partie
des fidèles qui se trouve inscrite dans le livre de vie.
Au dire de Smising, l’expérience la confirme amplement.
Si l’on n’envisage que les seuls fidèles adultes, il est assez
probable que le nombre des réprouvés soit plus grand
que le nombre des élus. La façon habituelle de
vivre des chrétiens suffit à nous en persuader et les
textes de l’Ecriture en Matth : « la porte est étroite….et
peu la trouvent ».
34- Gervasius Brisacensis, 1690
l- « Si nous parlons de tous
les hommes, tant infidèles que fidèles, il est
certain que le nombre des réprouvés est plus grand que celui
des élus. C’est le sens obvie de l’Ecriture.
2-« La seule difficulté
vient des catholiques. A leur propos, deux opinions se font jour.
La première opte pour le plus grand nombre des sauvés,
et la raison en est que le plus grand nombre des enfants décèdent
avant l’âge de raison après avoir reçu le baptême.
Si vous me demandez maintenant ce que j’en pense, je répondrai que,
si je considère la bonté de Dieu, je penche plutôt
vers le plus grand nombre des élus. Mais je devrais
plutôt dire que cela nous est tout à fait inconnu ».
« Toi donc, qui es inscrit au petit troupeau par la grâce et la miséricorde de Dieu, vois à ce que sa grâce en toi ne soit pas vaine, de peur qu’un autre ne reçoive ton épiscopat. Combats vaillamment pour rendre certaine ta vocation par tes bonnes œuvres. Quelles que soient nos brillantes spéculations sur la gratuité de l’élection, il est certain et même de foi que la vie éternelle n’est attribuée qu’aux bonnes œuvres ».
35- Salmaticenses, 1630-1712
« On pourrait se demander si le nombre des réprouvés est plus grand que celui des élus. » Et plus loin : « Le plus grand nombre des fidèles fait-il partie des réprouvés ou des élus ? La première question trouve sa réponse en Matt. XX et XX11 et dans Isaïe XX1V où le petit nombre des élus mis en regard des réprouvés est comparé à quelques olives et aux grappillons qui demeurent après la vendange. A la deuxième question, il n’est pas possible de trancher à la lueur de la raison ou grâce à la tradition. Saint Thomas nous assure que la chose est connue de Dieu seul. Nous nous abstiendrons donc des arguties et des sophismes. »
36- Cardinal de Laura, 1693
Autrefois brancate,(?) consulteur du saint office, de la congrégation des rites, et examinateur des évêques, tenu en grande estime par les papes Alexandre V11, Clément 1X, Clément X et Innocent X1 autant à cause de l’éminence de sa vertu que de la profondeur de sa science, dans son livre sur la prédestination, chapitre X1X, il se demande : « le nombre des élus est-il plus grand que celui des réprouvés ? » Et il répond : « Prenez d’abord garde que cette comparaison peut être faite de trois façons. D’abord, entre les fidèles et les infidèles, puis entre les fidèles eux-mêmes, et enfin entre les anges et les hommes, avec les infidèles seuls, ou avec ceux-ci et les démons.
Je dis que si la comparaison se fait entre les fidèles ou entre les chrétiens seulement, les élus sont moins nombreux que les réprouvés. Le démontre l’affirmation très claire du Christ Matt. XX11, 16, XX,14 : Il y a beaucoup d’appelés etc… Lyranus explique que, moralement, cette parabole signifie qu’au tout début du monde, les hommes ont été appelés à la foi, comme Adam et ses fils etc…Ainsi en a-t-il été par la suite avec Enoch….De même avec Noé et ses fils…Et de même avec Abraham et les fils de la loi, ainsi que tous les chrétiens au temps de la grâce. De tous ces gens, appelés sous différentes lois à travailler dans la vigne du Seigneur qui est l’Eglise ou l’assemblée du Seigneur, peu sont élus. Plût à Dieu qu’il n’en fût pas ainsi !
Dans le second passage de Matt : beaucoup sont appelés ,etc. il ajoute en marge au règne. Et il commente : « Il y en a beaucoup qui sont appelés à la foi catholique, mais, en vérité, il y en a peu qui soient appelés à la gloire. Ils sont peu nombreux en comparaison de ceux qui se perdent. Je dis donc, deuxièmement, que si on envisage l’humanité dans son ensemble, le nombre des réprouvés est plus grand que celui des élus. Et je le prouve par des citations de saint Augustin. D’abord, dans son épitre 157 ou 190 à Désiré, on trouve ces mots : « En les créant, Il a voulu qu’un si grand nombre naissent qu’il savait d’avance ne jamais parvenir à sa grâce, des multitudes incomparablement plus nombreuses que les fils de la promesse qu’Il a daigné prédestiner à la gloire de son règne. Pour que cette multitude de rejetés elle-même démontre que cette innombrable quantité de gens justement condamnés n’est d’aucune valeur aux yeux de la justice divine. »
Deuxièmement, dans son livre XX1 de la cité de Dieu, chapitre 12 : « Plus grande a été son intimité avec Dieu, plus impie a été son rejet de Dieu , et il s’est rendu digne d’un mal éternel après avoir repoussé un bien qui pouvait être éternel. De là, la masse universellement damnée du genre humain. En perdant cela, le premier de la race fut puni dans sa descendance, présente en lui en germe, d’une façon telle que personne ne pouvait se soustraire au supplice qui lui était justement dû sans être libéré par la gratuité de la miséricorde et de la grâce. Le genre humain depuis, se trouve ainsi réparti : chez quelques-uns, est démontrée la valeur de la grâce miséricordieuse, et chez d’autres, la réalité de la juste punition. Dieu ne démontre pas sa miséricorde et sa justice en tous, car si tous demeuraient dans les châtiments de la juste condamnation, chez aucun n’apparaîtrait la grâce miséricordieuse du rédempteur; et si tous étaient transférés des ténèbres à la lumière, chez aucun n’apparaîtrait la sévérité de la condamnation. Le nombre des réprouvés est donc plus grand que celui des élus, afin de démontrer que la condamnation était dûe en justice à chacun. »
B. On peut aller en chercher des preuves dans l’histoire. En nous en tenant aux choses dont on nous a parlé. Avant le déluge, il y avait peu de justes. C’est Dieu lui-même qui témoigne de la malice universelle du genre humain. De Noé lui-même il est dit qu’il a trouvé grâce auprès de Dieu. Au temps du déluge, quelques-uns seulement ont été sauvés. Après le déluge, on ne nous parle pas d’un grand nombre de justes jusqu’à la confusion des langues. C’est à partir de ce temps qu’on nous apprend que l’idolâtrie était répandue sur toute la terre. » L’auteur poursuit son développement puis conclut : « Revenons donc à notre sujet. On peut facilement déduire de ce que raconte l’Ecriture, qu’avant le Christ, il n’y eut que peu de fidèles . Et il n’est pas invraisemblable que les réprouvés aient été innombrables , pour ne pas dire que presque tous ont été condamnés. Si donc on compare toutes les nations entre elles, les faits semblent laisser entendre que les élus ont été peu nombreux. Après l’avènement du Christ jusqu’à notre époque (le 17ième siècle), personne n’ignore le nombre ou l’identité des nations, parmi les fidèles ou les infidèles, qui sont mauvaises. Concluons donc que, abstraction faite des comparaisons, les réprouvés sont plus nombreux que les élus. »
37- Segneri, jésuite, l694
« Donc, ce que les saints docteurs nous enseignent d’une seule voix, nous devons l’accueillir comme étant l’expression de la vérité elle-même. Or, les saints docteurs estiment à la majorité que les chrétiens qui n’accèdent pas au Paradis sont plus nombreux que ceux qui y accèdent. »
38- Thomassinus, 1695
« De là vient que peu sont élus, que peu sont prédestinés à être extraits de cette masse de perdition, pour jouir de la gloire céleste, de telle sorte que ceux qui en sont extraits sont d’autant plus reconnaissants envers la divine miséricorde et enclins à l’humilité qu’ils comprennent n’être en rien dignes d’un meilleur sort ».
39- Thomas Muniessa, jésuite, 1696
Celui qui est appelé fameux par le célèbre Hurter, fut autrefois, en théologie, professeur de premier rang au collège de Barcinone, puis recteur du collège, puis inquisiteur d’Espagne et examinateur au synode de l’archidiocèse de César-Auguste. Il écrivit ce qui suit dans son livre rare et précieux dont le titre est disputations scolastiques sur la providence de Dieu : « Hilaire écrit à saint Augustin depuis la ville de Marseille : Voici une autre chose qu’ils n’acceptent pas non plus : devoir admettre qu’il existe un nombre déterminé et fixe de ceux qui sont élus.---« Contre ceux-ci et les autres, nous devons maintenir la certitude qu’il existe un nombre déterminé à l’avance d’élus et de réprouvés, bien qu’à nous ce nombre soit incertain et inconnu, et connaissable seulement à partir d’une révélation de Dieu. » Le fait d’admettre cela n’empêche pas les théologiens de se demander si le nombre des élus est plus grand que celui des réprouvés, ou vice-versa. Dans cette question, toutefois, nous ne possédons pas de certitude, et nous ne pouvons en parler qu’en faisant des distinctions. g
Il nous semble devoir dire d’abord qu’en réunissant les anges avec les hommes, le nombre des élus est plus grand que celui des réprouvés. Si on n’envisage que les hommes, mais tous les hommes absolument sans distinction de religion et d’époque, le nombre des réprouvés est plus grand. Car, il est évident qu’il y a toujours eu sur la terre un plus grand nombre d’infidèles et de païens que de fidèles. Et cela à un point tel que nous pouvons, pensant à eux, parler de petit troupeau. Nous parlons ici de ceux qui sont condamnés à la peine du dam, et non de ceux qui sont condamnés à la peine du dam et du sens. Car il faut tenir compte de la quantité énorme de tant d’enfants de parents infidèles qui meurent avec la seule tache du péché originel, et qui ne sont condamnés qu’à la peine du dam.
Troisièmement, si l’on ajoute aux catholiques adultes les enfants morts avant l’âge de raison après avoir reçu le baptême, il faut dire alors que le nombre des élus est plus grand que celui des réprouvés. Et la raison en est que, parmi les fidèles --ainsi que parmi les hérétiques et les schismatiques dont le baptême est valide---à peu près autant d’enfants baptisés meurent avant l’âge de raison qui sont certainement sauvés, que d’adultes, dont un grand nombre est très certainement sauvé, comme l’a observé judicieusement Montoya en scrutant avec soin les registres paroissiaux.
Quatrièmement, parmi les fidèles adultes, le nombre des élus est-il plus grand que celui des réprouvés ? Il y a d’abord la pieuse estimation de ceux qui suivent Suarez Granadus et le cardinal Pallavicinus. Pour eux, le nombre des élus est plus grand. Ceux qui tiennent que le nombre des réprouvés est plus grand forment la grande majorité des docteurs tant scolastiques qu’exégètes. Ils s’appuient sur l’Ecriture et les Pères comme sur un fondement solide, et sur des conjectures plus puissamment motivées. Il suffit de consulter le très érudit Montoyam (disputation 54) qui explique en cet endroit ce qu’on rencontre ailleurs ici et là tant dans les scolies des points disputés que dans les sermons adressés au peuple. En conclusion, je n’ose formuler d’opinion ».
Voilà ce qu’avait à dire Muniessa, qui appelle quand même notre opinion l’opinion commune des théologiens.
40- Boudon, 1702
Ce pieux archidiacre et ce docteur en théologie écrit sans ambages : « Ce ne sont pas seulement les Pères de l’Eglise, ce ne sont pas seulement les Prophètes et les plus grands saints qui nous appris qu’il y a peu de personnes sauvées; c’est un Dieu qui est venu de l’autre monde, qui sait toutes choses, à qui rien ne peut être caché, qui nous l’a révélé….Il n’y a donc plus à douter. C’est une chose infaillible et de la dernière certitude qu’il y a peu de personnes sauvées. Il faut que toutes les personnes en conviennent, mais qu’il y en a peu qui en soient fortement persuadés ! Cependant quoique nous devions être persuadés sans en pouvoir douter à moins que de donner un démenti à Dieu, qu’il y aura peu de personnes sauvées , nous vivons comme si nous n’avions aucun sujet de peur, et comme si le ciel nous était assuré…..O grande, o infiniment étonnante vérité, mais dont la certitude est infaillible : il y a peu d’élus. C’est ce qui a jeté la dernière terreur dans de grands saints, et des saints qui n’ont jamais perdu leur innocence baptismale; en des personnes qui ayant toujours vécu dans l’innocence, ont toujours vécu dans la pénitence. Dans quel état donc doivent être les pécheurs qui passent leur vie dans les plaisirs des sens ? »
41- Bourdaloue, jésuite, 1704
Au chapitre premier, nous l’avons déjà entendu dire en toute clarté : « Il est constant que le nombre des élus sera le plus petit et qu’il y aura incomparablement plus de réprouvés. ….Hé! qu’y a-t-il de plus marqué dans l’Evangile que ce petit nombre des élus ? Qu’y a-t-il que le Sauveur du monde dans ses divines instructions nous ait déclaré plus authentiquement, nous ait répété plus souvent, nous ait fait plus formellement et plus clairement entendre ? »
42- PP. Wirceburgences, Jésuite,
« Que le nombre des élus sera restreint en comparaison du nombre des réprouvés le Seigneur l’enseigne assez ouvertement . Les Pères y apposent leur signature, la raison le confirme par l’énoncé des considérations suivantes : avant la naissance du Christ, la presque totalité du monde était formée d’infidèles; après la naissance du Christ, la plus grande partie du monde gît encore dans l’infidélité; parmi les chrétiens, bon nombre sont hérétiques ou schismatiques; et parmi les fidèles le nombre des malhonnêtes est élevé. Il y en a cependant qui prétendent que le nombre des fidèles chrétiens sauvés est plus grand que le nombre des chrétiens damnés, en comptant avec les adultes les enfants baptisés. Mais même cela ne peut pas être défini avec certitude. »
43- Bossuet, 1604
Ce n’est pas sans raison que Hurter compte parmi les plus grands théologiens cet orateur sacré, que les Français portent aux nues et qu’ils ont coutume d’appeler l’aigle de Meaux à cause de la sublimité de son esprit. Voici ce qu’il écrit : « Le petit troupeau est partout, et partout il fait partie de la grande église. Comme les élus qui sont peu font partie de ces appelés qui sont en grand nombre, la voie étroite des commandements et la sévère vertu est aussi partout. Et quoique peut fréquentée par la malice des hommes, elle leur est montrée dans toute la terre . Le petit nombre de ceux qui y entrent, quoique grand en soi, plus ou moins, et petit seulement à comparaison de ceux qui périssent, écoute le même évangile qui les a appelés ».
Et dans ses méditations sur l’Evangile, il expose avec éloquence son point de vue : « Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, Jésus-Christ nous en a souvent avertis. Cela est vrai, premièrement parmi les Juifs…Mais le Sauveur ne parle pas seulement des Juifs à l’endroit que nous lisons de la parabole, car c’est après nous avoir fait voir les gentils appelés en la personne de ces aveugles et de ces boiteux, qui sont invités à son festin qu’il conclut qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Efforçons-nous donc d’entrer par la petite porte qui mène à la vie, car la voie qui mène à la mort est très spacieuse et plusieurs y entrent. Qu’il y en a peu, poursuit le Sauveur, qui entrent par la porte étroite !
Il y en a donc beaucoup d’appelés et peu d’élus. Mais la condition de ces appelés qui ne persévèrent pas dans leur vocation est plus terrible que celle des autres, car ils sont ces serviteurs qui ont connu la volonté de leur maître sans la faire, qui seront les plus punis. Tyr et Sidon et les Ninivites s’élèveront contre eux, et le jugement de ces villes ingrates sera léger en comparaison de celui que doivent attendre les chrétiens infidèles à la grâce qu’ils auront reçue. O Jésus! O Jésus! « sauvez-moi de l’iniquité du peuple pervers », sauvez-moi, car l’iniquité s’est multipliée parmi les enfants des hommes, « et on ne voit point de salut ». Tout est plein de ces appelés qui ne veulent pas seulement penser à leur vocation, ni se souvenir qu’ils sont chrétiens. Ne vivons pas comme la plupart. Ne disons pas : tels et tels font ainsi à qui on le souffre, et ne nous excusons pas sur la multitude, car la multitude elle-même est inexcusable. Si Dieu eût craint la multitude, il n’aurait point consumé par le feu ces villes abominables, ni noyé tout l’univers dans le déluge. N’alléguons point la coutume, car Jésus-Christ a dit : Je suis la Vérité. On ne prescrit pas contre Dieu. « Chacun portera son fardeau », et on ne jugera pas par les autres. Rangeons-nous avec ce petit nombre d’élus que le monde ne connaît pas, mais dont les noms sont inscrits dans le Ciel », à qui le sauveur a dit : petit troupeau, ne craignez pas. Petit en nombre, petit en éclat, et la balayure du monde, qui est caché avec Jésus-Christ, mais aussi qui paraîtra avec Lui.
O petit nombre, quel que tu sois, et en quelque coin de l’Eglise que tu te caches, je me joins à toi en esprit, et je veux vivre à ton ombre ».
44- F. Vershuren , docteur en théologie, début du 18ième siècle.
Nous allons citer cet auteur avec plus d’abondance puisqu’il a traité notre question au long et au large. Il a édité, en effet, un livre de 378 pages dont le titre est : « la voie étroite du ciel démontrée , dans lequel livre il réfute le docteur Steyaert en lui prouvant que le plus grand nombre des fidèles adultes se situent parmi les damnés plutôt que parmi les sauvés. Dans la préface de son livre, il définit ainsi la question : « Voici quel est l’objet de notre recherche : les catholiques adultes sont-ils plus nombreux à être sauvés qu’à être condamnés ? Ou vice-versa. »
Dans sa première phrase, il engage le combat avec quelques modernistes. Il est d’avis, en effet, que la voie qui mène au ciel et que la Vérité elle-même déclare étroite et resserrée et trouvée par peu, est foulée aux pieds par un petit nombre, si les fidèles vivent comme le grand nombre a l’habitude de vivre. Car la porte étroite, dont parle Matt.. en V11, affirme-t-il dans la défense de sa thèse le 16 juillet 1695, est la porte de la religion chrétienne elle- même envisagée selon la façon dont le peuple des fidèles,--- pour ne pas le restreindre à je ne sais quel conventicule ---l’observe. Il se conclut de là, selon Stayaert, que la plus grande partie des fidèles vivant dans les occasions de péché est sauvée.
Cette sentence est déjà assez bénigne, et il ne peut se faire autrement que la tourbe des fidèles qui vit de l’esprit du monde ne l’accueille les bras ouverts. Car ils ne peuvent entendre rien de plus réjouissant que de recevoir l’ordre de se considérer sûrs de leur salut, pourvu qu’ils observent les règlements de la religion catholique de la façon dont les observent les gens de même condition qu’eux avec lesquels ils vivent. Surtout, si, par-dessus le marché, on diabolise les partisans de la sentence contraire, les présentant comme des extrémistes, comme des gens qui compressent la vie chrétienne dans les voies de l’austérité.
Il nous serait facile de donner nous aussi notre assentiment à cette sentence si en plus d’être bénigne elle était vraie. Quel est donc le catholique qui ne jubilerait pas s’il se faisait dire que le plus grand nombre des fidèles parviendra au salut éternel ? Mais nous ne sommes pas de nature à rechercher ce qu’il y a de plus agréable mais ce qui est le plus vrai. Le grand nombre ne se sauvera pas parce qu’un auteur a décrété qu’ils devaient être sauvés. C’est tout le contraire. En accordant à tous, avec beaucoup de légèreté, le salut éternel, il est à craindre que plusieurs ignorants soient rendus pauvres de bonnes œuvres, et qu’en conséquence un nombre encore plus petit soit sauvé. Car, si on parvient à persuader aux fidèles une fois pour toutes que la plupart d’entre eux seront sauvés avec le grand nombre, aussi facilement qu’ils vivent, ils ne seront pas nombreux ceux qui chercheront à s’emparer du royaume par la force. Ils vivront ces gens-là comme ils voient vivre la multitude des autres dont la vie est éloignée du ciel de toute la distance qui sépare le ciel de la terre. Ils se croiront de bons chrétiens, même si de l’esprit du Christ ils possèdent peu ou prou. Mais cela ne les justifiera pas. Terrible est la sentence de l’Esprit de vérité : « Il y a une voie qui semble juste à l’homme , mais ses derniers pas conduisent à la mort ». C’est pourquoi, nous entreprenons ici de réfuter l’opinion de Steyaert parce que nous n’hésitons pas à la déclarer fausse et extrêmement pernicieuse ».
Il va même jusqu’à conseiller d’user avec prudence et sagesse de sa doctrine : « Nous souhaitons donc que l’on demande aux catholiques d’exposer aux fidèles notre sentence avec les arguments qui l’appuient. Ce serait faire preuve de prudence. Ils s’interdiront toutefois, de donner le chiffre précis de ceux qui seraient élus dans tel village ou dans telle cité. Ils ne décideront pas en chaire que le nombre des hommes à être sauvés est plus grand que celui des femmes, et vice-versa. Ils ne laisseront pas entendre non plus que quelques êtres humains seulement seront sauvés, puisque les élus sont innombrables. Car des prophéties de ce genre sont téméraires, fausses, odieuses, portent au rire et au libertinage, et sont de nature à réduire quelques personnes au désespoir. Que ces tribuns ne cherchent pas à prendre appui sur certaines paroles de saint Jean Chrysostome. Ce que ce guide incomparable a dit avec prudence lorsque la sublimité de sa sainteté rivalisait avec l’éclat de son éloquence ne peut pas être plagié servilement par des prêtres du commun des mortels qui ont peu ou rien en commun avec un si grand homme .
Nous reconnaissons volontiers que des phrases non seulement de cet illustre docteur, mais d’autres grands hommes que nous rapportons doivent être expliquées avec discernement , sans s’en tenir obstinément à la lettre. A moins que nous estimions devoir toujours approuver ce qui est approuvé par eux, dès que nous en découvrons le sens naturel et littéral. Pour cette raison, nous croyons même ne pas pouvoir recommander diverses révélations traitant du petit nombre des élus. Pas même celle que saint Nil rapportait que saint Siméon dit le stylite aurait eue. Selon cette révélation, à peine une âme sur dix mille serait conduite au ciel par les mains des saints anges, comme le narrait Baronius en l’an 976. Pas plus celle qui aurait été faite le jour de la mort de saint Bernard, selon laquelle cinq soldats seulement sur trente mille auraient été sauvés. Ni non plus celle que rapporte Platus dans son livre de l’état religieux, livre 1, ch. 5 selon laquelle trois soldats seulement sur soixante-dix mille auraient obtenu le salut. Nous ne croyons pas à tout cela. La révélation certaine n’a pas besoin de révélations incertaines. De ferme qu’elle est, elle est rendue suspecte par ces racontars.
Nous pensons donc que les ornements des instructions doivent être tels qu’ils enseignent aux fidèles à opérer leur salut dans la crainte et le tremblement, à ne pas suivre la foule dans la recherche du mal et à s’efforcer d’imiter et d’écouter les meilleurs. Que si un orateur chrétien se rend compte qu’il a ébranlé ses auditeurs d’un trop fort sentiment de crainte, il s’appliquera à les réconforter en les jetant dans les bras de la divine miséricorde, mettant l’accent sur la multitude des élus que Dieu s’est réservé à Lui-même de partout et jusqu’à la fin des siècles. Il serait très utile à ce sujet de se servir des paroles mêmes de saint Augustin (livre du don de la persévérance, ch. 22) pour morigéner les catholiques : « Vous devez espérer recevoir du Père des lumières la même persévérance dans l’obéissance. C’est de Lui que descend tout don excellent et parfait . Et, par des prières quotidiennes, vous devez demander avec foi et confiance d’être comptés parmi les élus . C’est Lui-même qui vous fait le Lui demander ». Ces paroles qui sont tellement conformes aux paroles et à la pensée de saint Alphonse de Liguori, nous les faisons très volontiers nôtres ».
45- Denys Werlensis, O.F.C, 1709
Selon Hurter, il était un homme d’un grand savoir, un artisan de paix et de concorde. Dans son livre intitulé : « le pseudo-pénitent, ou la doctrine de l’Eglise catholique et des docteurs les plus célèbres sur la vraie pénitence, il écrit ceci : « Plusieurs se damnent pour avoir mal reçu les sacrements. Ce docteur de tous les pays à qui saint Paul est apparu pendant un travail nocturne se tenant debout devant lui et lui dictant à l’oreille, saint Jean Chrysostome, veux-je dire, dans sa troisième homélie sur les Actes des Apôtres s’exprime ainsi : « Je ne parle pas d’une façon téméraire, mais je le dis comme je le ressens : je ne pense pas que parmi les prêtres il y en ait beaucoup de sauvés. Beaucoup plus nombreux sont ceux qui se perdent. » Et dans sa quarantième homélie au peuple d’Antioche, il dit, en termes généraux : « Combien pensez-vous qu’il y ait de membres de notre cité à être sauvés ? Ce que je vais dire est horrible, mais je le dis quand même . Parmi tant de milliers, je ne peux pas en trouver cent qui seront sauvés. Je doute même qu’il y en ait tant. »
La sentence la plus commune des Docteurs est qu’il y a plus de réprouvés que de sauvés non seulement chez les hommes en général, mais aussi chez les catholiques adultes. »
46- Henno, 1713
« En comparaison des damnés peu nombreux sont les sauvés. Mais, parmi les vrais fidèles, ceux qui se sauvent sont-ils plus nombreux que ceux qui se damnent ? La sentence la plus commune et la plus conforme à la pensée des Pères est que plus nombreux sont ceux qui se damnent. »
47- Pauwels ,1713
Cet auteur réaliste énonce d’abord la sentence commune : « Après tant de passages scripturaires qui sont d’une clarté aveuglante, il n’est pas permis de douter que le nombre des réprouvés est plus grand que celui des sauvés ». Ensuite, il se demande : « pourquoi Dieu permet-il que le nombre des réprouvés soit plus grand que celui des élus ? » Et il répond : « Pourquoi Dieu permet-il que les réprouvés existent et vivent ? » Puis, à la suite de saint Augustin, il indique quatre raisons. 1-« Pour que Dieu manifeste sa justice. 2- Pour montrer ce que vaut le libre arbitre s’il n’est pas aidé de Sa grâce toute-puissante. 3-Pour que celui qui est élu reconnaisse en lui l’œuvre de la miséricorde qui l’a extrait de la même masse de perdition. 4- Pour que les réprouvés fassent pratiquer la vertu aux élus, et leur permettent ainsi de faire des progrès dans la marche vers la sainteté. Comme le dit saint Paul : « Il faut qu’il y ait des hérésies, pour que ceux qui sont approuvés par Dieu parmi vous soient reconnus comme tels. Il faut dire sans hésiter avec saint Augustin : « Beaucoup forment le projet de connaître le plan de Dieu, mais le connaître véritablement est le fait de très peu de monde, ou de presque personne. » Nous non plus, dans ce livre sur la rareté de ceux qui doivent être sauvés , nous ne cherchons pas à scruter les insondables desseins de Dieu. Nous nous contentons de démontrer purement et simplement le fait du petit nombre. »
48- Ant. Ginther, (écrit en 1717)
C’est ainsi qu’il commence ses réflexions sur le nombre restreint des élus et sauvés : « J’ai beau me creuser la cervelle, je n’arrive jamais à trouver des raisons suffisantes pour expliquer pourquoi le chrétien qui a été créé par Dieu pour qu’il Le serve en cette vie, qu’il le loue et le révère, et soit à la fin sauvé, en arrive malgré tout à vivre en se souvenant si peu de sa fin qui est le salut éternel, et se rue à grand pas chaque jour vers sa ruine. O peuple sans jugement et sans prudence ! (Deut.XXX11, 28).
Vos deux oreilles ne tintent-elles pas quand résonne cette sentence véridique et incontournable sortie de la bouche de la Vérité elle-même : Entrez par la porte étroite. Saint Luc a : « Efforcez-vous », et le texte grec : «Luttez jusqu’à l’épuisement », c’est-à-dire, développez toutes vos forces jusqu’au bout pour que vous puissiez entrer dans la vie par cette porte étroite et resserrée. Et pourtant, hélas ! combien peu parmi les mortels la trouvent ! Et si cette voix est celle de la Vérité et de la Sagesse éternelle, je demande pourquoi nous ne faisons pas de sérieux efforts pour sauver notre âme ?
C’est qu’il nous arrive malheureusement ce qui arrive souvent aux arbres qui aux printemps sont ornés d’un grand nombre de fleurs éclatantes. Mais l’orage ou la grêle ou les vents furieux dispersent ces fleurs magnifiques, et à l’automne c’est à peine si une ou l’autre atteindra la maturité. Excellent exemple des élus. Tous sont appelés au salut, mais peu sont élus, parce qu’il y en a peu qui coopèrent jusqu’à la fin à la leur vocation et à l’aiguillon de la grâce de Dieu. »
49- Collet, 1718
« Tous les ministres sacrés soupèsent avec grand sérieux cette sentence. Tu demandes : est-ce que le nombre des prédestinés est plus grand que celui des réprouvés ? Et l’on répond. Absolument pas. C’est le contraire qui est vrai. » Après avoir cité des textes de l’Ecriture, il indique certains arguments dont le dernier est : « Parmi les fidèles et même parmi les ministres des autels, c’est en pleurant que je le dis, innombrables sont ceux qui ont renié la foi par leurs mœurs infâmes. »
50- Laselve, a écrit en 1727 (Godts, p.186).
Dans l’analyse de son discours sur la rareté de ceux qui doivent être sauvés, il écrit : « Il est de foi que le nombre des élus est plus petit que celui des réprouvés, puisque le Christ lui-même l’a dit. » Puis, dans le cours de son sermon : « Voici ce que la sainte Ecriture déclare en toute clarté, ce que les saints Pères ont expliqué avec beaucoup de précision, ce que les théologiens enseignent et ce que dicte la raison naturelle : 1- Parmi tous les hommes de l’univers, il y a peu d’élus. Car si celui qui ne croit pas est déjà jugé, il saute aux yeux que du sein du genre humain dans son ensemble il y aura peu d’élus et de sauvés comparativement aux réprouvés et aux damnés…Voilà une chose à croire que peut croient. Si nous pensions réellement qu’il y a peu d’élus et beaucoup de damnés, quel sujet de crainte et de tremblement ? Qui ne s’appliquerait pas à vitre pieusement et saintement ? Qui ne s’efforcerait pas d’entrer par la porte étroite que peu fréquentent ?
2- Parmi tous les chrétiens, il y a peu d’élus. O sentence qu’il faut pleurer avec des larmes de sang ! Si grande est l’astuce du démon, si grande la perversité du siècle, si grande la malice des hommes que peu de chrétiens se sauvent. Ce n’est pas que la grâce du salut leur fasse défaut, ce sont eux qui font défaut à la grâce. Ce n’est pas que la porte du ciel ne leur soit pas ouverte, ce sont eux qui ne veulent pas entrer. Ce n’est pas que les moyens nécessaires au salut ne leur soient pas donnés, ce sont eux qui n’en font pas de cas.
3- Peu d’adultes catholiques
d’élus. Si la question du salut porte sur les seuls
catholiques adultes, je dis qu’il y en a plus de réprouvés
que de sauvés. « Circule par la pensée,
dit Louis de Grenade, dans quelque ville célèbre qu’il
te plaît, où subsistent encore des vestiges de
la vraie, pure et sincère religion. Parcours je
ne dis pas les tavernes et les lieux mal famés, qui sont fréquentés
par les mendiants, les ivrognes et les imposteurs, mais les
maisons elles-mêmes du voisinage et tu entendras partout des
sacres, des jurons et des blasphèmes. Dirige-toi
vers les salles publiques, les tribunaux, les bureaux
d’avocat, vers les casernes de soldats, les places, vers
les bateaux, les charriots, les maisons privées,
et là tu observeras les vices des enfants, des adolescents,
des jeunes filles, des hommes et des vieillards : les faux
serments, les fraudes, les inimitiés, les haines,
l’ivrognerie, la paresse, etc etc…Entre, si tu l’oses, dans
les églises elles-mêmes et les lieux sacrés et ici
tu remarqueras les sacrilèges, les profanations, les irrévérences,
et d’autres choses indignes du nom du Christ. De quelque côté
que tu de tournes, si tu examines attentivement les mœurs chrétiennes,
(pas à la façon du P. Castelein), tu en verras un si
grand nombre qui vivent négligemment, honteusement, et sans
discipline que tu ne pourras pas douter que la parole du Christ ---beaucoup
d’appelés, peu d’élus---s’applique aussi aux catholiques
».
51- Daelman, 1731 (Godts, p.186)
« C’est d’en haut que nous vient la persuasion qu’un beaucoup plus grand nombre d’êtres humains périssent. C’est le sens naturel des paroles de Jésus : beaucoup d’appelés, peu d’élus. …la voie est étroite qui mène à la vie, mais large qui conduit à la perdition. Et cette vérité se déduit facilement de l’expérience.
Mais tu entends souvent cette question : parmi les catholiques, les sauvés sont-ils plus nombreux que les damnés, ou vice-versa. Je réponds : qui le sait ? De toute évidence, nous nageons ici dans le brouillard. Steyeart est d’opinion qu’un plus grand nombre de catholiques se sauvent. Mais le docteur Vershuren combat cette conjecture par des arguments d’autorité tirés tant de l’Ecriture que des Pères. Il ne faut pas omettre que même de nos jours, nombreux sont ceux qui soutiennent avec lui qu’il y a plus de damnés parmi les catholiques que de sauvés. Mais les arguments qu’ils utilisent pour parvenir à cette conclusion ne sont pas aussi contraignants qu’ils le prétendent. »
52- Judde, jésuite, 1735
Dans sa méditation sur le jugement particulier, au deuxième point, il met en scène le Juge suprême répliquant à l’excuse suivante : « J’ai vécu comme la multitude ». ---« N’était-ce pas une raison de vous défier de votre conduite ? Quelle autre marque plus sensible de réprobation avais-je donnée que celle d’aller avec la foule ? Selon moi, le chemin large où devait-il aboutir ? La porte est large et la voie est spacieuse qui mène à la perdition. »
Peu d’élus, même en religion, si l’on vit en religion à peu près comme dans le monde, sans faire tous ses efforts pour entrer par la porte étroite. Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite….Beaucoup d’appelés, peu d’élus ».
53- Le Cardinal Gotti, 1742
A la question : le nombre des réprouvés est-il plus grand que le nombre des élus, il répond par l’affirmative à la suite de son maître saint Thomas, et il cite les textes de référence. Il ajoute ensuite : « Dans le peuple d’Israël, combien d’idolâtres, combien d’impies nous montre l’Ecriture. Après l’avènement du Christ, la plus petite partie seulement adore le Christ, et ceci est tellement vrai que sur les quatre continents, tu n’en trouveras pas un qui soit intégralement chrétien. Une partie importante des chrétiens est soit schismatique, soit hérétique. Et si tu parcours les états de tous les chrétiens , combien en trouveras-tu qui se la coulent douce ? Qu’ils sont peu nombreux ceux qui observent la loi de Dieu selon l’esprit et la lettre ! Et pourtant la vie éternelle n’est accordée qu’à ceux qui mettent les commandements en pratique.
David décrivait ainsi son époque ps.13, v.3 : «Ils sont tous dévoyés, ils sont tous devenus inutiles. Il n’y a personne qui fasse le bien, pas un seul. »
54- Ant. Mayr, jésuite, l749
Eminent théologien, estimé pour la modération de sa doctrine et la sainteté de sa vie, et docteur de l’université de Fribourg et d’Ingostald, il se demande, dans son œuvre intitulée : théologie scolastique : « Dieu veut-Il sauver tout le monde ? » Et il répond : « Il est certain que si l’on considère la totalité du genre humain, le nombre des réprouvés est plus grand que celui des élus. » Et cela, il l’infère des paroles du Christ en Matt. V11, 13 et XX, 16 . « Le Père Segneri, dans son instruction chrétienne, p.1, basant son opinion sur les Pères, les théologiens et la raison, estime que les catholiques adultes sont plus nombreux à être damnés qu’à être sauvés. Quoiqu’il en soit finalement de tout cela, une chose est certaine : dans tout le genre humain, il y a plus de damnés que de sauvés. »
55- Dan Concina, O.P. 1756
Théologien hautement réputé, bien qu’il fût considéré par ses pairs comme un peu trop rigide, il n’en était pas moins loué pour ses vertus et sa piété. Le pape Benoit X1V le tenait en haute estime, et le consultait volontiers dans toutes sortes de questions de la plus grande importance. Dans son premier livre sur les lieux théologiques, diss. 11, il intitule ainsi le septième chapitre : que les catholiques adultes soient plus nombreux à être damnés qu’à être sauvés est ici démontré par différents arguments. Pui il demande : « En est-il ainsi des prêtres et des religieux ? »
« Au sujet de la première question, il convient de dire que les réprouvés sont de loin plus nombreux que les sauvés, si nous considérons l’humanité dans son ensemble : les catholiques, les hérétiques, les fidèles et les infidèles. Les saintes Ecritures, les saints Pères de l’Eglise, et la majorité des théologiens scolastiques enseignent qu’il y a plus d’adultes catholiques de damnés que de sauvés. Les théologiens de notre époque sont du même avis. Qu’il nous suffise de déclarer que tous partagent la même doctrine. Nous pressons nos adversaires de nous dénicher au moins un Père de l’église qui enseigne que le nombre des élus excède celui des réprouvés. » Par la suite, cet auteur érudit et fervent, enflammé de zèle pour le plus grand bien des modernistes, écrit les paroles suivantes que devraient lire attentivement ces malheureux prêtres qui se sont fourvoyés dans la lecture des livres des modernistes : « D’une part, je constate que les saintes Ecritures et les Pères de l’Eglise unanimement inculquent la rareté de ceux qui doivent être sauvés; d’autre part, je lis des auteurs qui, sans l’appui d’aucun docteur de l’antiquité, s’efforcent de ridiculiser les Ecritures par des interprétations tirées par les cheveux et abracadabrantes, comme s’ils ne cherchaient qu’à s’amuser. Si je disais que je n’en souffre pas, je mentirais.
Tous les Pères traitent de cette question bouleversante. Tous, sans exception, inculquent le petit nombre des élus, parce que toutes les Ecritures, au sens littéral ou figuré, enseignent cela. Néanmoins, des auteurs nés de la dernière pluie se trouvent qui annulent l’autorité des Pères avec des distinctions fumeuses et fantaisistes, qui présentent leurs rêveries dans la langue vernaculaire pour que le peuple ignorant s’en régale ! Quand je médite cela en présence de Dieu, je m’exclame avec le Christ : Quelle est étroite la porte ! et il y en a peu qui la trouvent ! Gardez-vous des faux prophètes qui voient la vanité et promettent la béatitude. Ferme tes oreilles à ces docteurs, et ouvre-les aux docteurs de l’Eglise, que nous savons être illuminés par Dieu. »
56- Billuart, 1757
« Comparativement aux réprouvés, ceux qui se sauvent sont moins nombreux que ceux qui se damnent, comme le dit saint Augustin dans son deuxième livre inachevé contre Julien, c. 142, au sujet de Matt. V1 : beaucoup d’appelés, peu d’élus. Cela est évident, parce que les chrétiens sont moins nombreux que les infidèles. Et même parmi les chrétiens, combien y a-t-il d’hérétiques étrangers à la communion de l’Eglise, hors de laquelle il n’y a point de salut . Les théologiens se demandent aussi si le nombre des catholiques réprouvés est plus grand que celui des sauvés, et vice-versa. Mais incertains sont les fondements des opinions contraires. Dans le doute, nous nous abstenons donc de conclure. »
57- Laur. Berti, O.S.A. 1764
« Grand est le nombre des élus, mais très restreint, s’il est mis en comparaison avec le nombre des réprouvés. On en fait la démonstration d’abord, par le recours aux saintes Ecritures. Car, en Matt. V11, 14, on lit : « La porte est étroite et la voie est resserrée qui conduit à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Et en Luc, V11,14, à quelqu’un qui interroge Jésus : « Seigneur, sont-ils peu nombreux à être sauvés ? », Jésus répond : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, parce que plusieurs, je vous le dis, chercheront à entrer et ne le pourront pas. On trouve la même chose en Matt. XX11,14 : Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Isaïe, au chapitre XV11 et XX1V, compare les prédestinés aux épis qui demeurent dans les champs après la moisson, aux graines d’olive et aux grappes dispersées qui demeurent dans les sarments après la vendange. Et dans l’Evangile les prédestinés sont appelés petit troupeau, par uniquement à cause de leur humilité, mais à cause aussi de leur petit nombre, commente Bède le Vénérable.
En second lieu, on le prouve par les Pères : saint Augustin dans le psaume 48, saint Grégoire X1V, saint Jean Chrysostome, 14 ième sermon. On peut en trouver une raison des plus évidentes. On distingue, en effet, trois états de l’humanité, celui de la nature, celui de la loi et celui de la grâce, c’est-à-dire, d’Adam à Moïse, de Moïse à Jésus et de Jésus à notre époque et jusqu’à la fin du monde. Il est constant que dans chacun de ces trois états, le troupeau des élus est manifestement petit. »
58- Berthier, jésuite, 1782
« Le Prophète Isaïe, LX1V, dit que le nombre des damnés sera très grand, et cela n’est pas difficile à concevoir puisque le nombre des ennemis de Notre-Seigneur surpasse presque infiniment celui de ses serviteurs ».
59- P.F. Foggini, 1783
Gardien de la bibliothèque vaticane, et adjoint par Benoit X1V à l’académie d’histoire pontificale, que le souverain Pontife lui-même avait instituée. En l’année 1752, il édita à Rome un livre en quatre tomes, qu’il fit, par la suite, imprimer à Paris en 1759, qu’il a fait l’année suivante traduire en français, dont le titre original est : « Il y a un consensus admirable et facilement démontrable chez les Pères au sujet du petit nombre d’adultes fidèles de sauvés et du grand nombre de réprouvés. » L’occasion de cette intervention a été un sermon prononcé par Alexandre Borgia, archevêque de Fermo qui s’exprimait ainsi : « Le nombre des élus qui est petit, ce n’est pas celui des chrétiens mais des êtres humains en général ».
Quelqu’un lui a fait le reproche suivant : « Il aurait dû distinguer les passage des Pères où tous les chrétiens adultes sont confondus avec les hérétiques, des autres passages qui ne se rapportent qu’aux seuls catholiques. Il devait aussi citer et expliquer les autres témoignages patristiques qui semblent favoriser l’opinion contraire. Ce n’est qu’en procédant ainsi qu’on pourra porter un jugement équilibré sur l’étonnant consensus constaté, lequel ne semble pas exister s’il n’est question que des seuls adultes ».
Voilà des paroles qui sonnent bien et qui semblent irréfutables ! Mais il y a deux questions préalables à se poser : Existe-t-il un seul Père de l’Eglise qui, en traitant du petit nombre des élus, fasse la distinction entre les catholiques et les hérétiques? Deuxième question : Y a-t-il jamais eu un seul Père de l’Eglise à favoriser l’opinion contraire ? Nous, pour notre part, nous n’en avons jamais trouvé.
Goffinius écrit avec raison : « Il n’est permis à personne de mettre en doute qu’il y a plus de damnés que de sauvés sur l’ensemble de la planète, puisque, de toute évidence, la plus grande partie du genre humain ne fait pas partie de l’Eglise catholique, hors de laquelle nul ne peut se sauver. Mais ce qui intrigue un bon nombre de théologiens est la question suivante : parmi les catholiques adultes, le nombre des damnés est-il plus élevé que celui des sauvés? Question épineuse, qu’il ne faut pas aborder légèrement, mais aidés de ceux qui doivent toujours nous servir de guides dans les choses qui relèvent de la foi et des mœurs, les Pères de l’Eglise. La sentence des Pères de l’Eglise sur cette question est que la majorité des adultes catholiques est damnée. On ne trouve absolument aucun Père qui parle autrement.
A dire vrai, quand nous pénétrons dans ces siècles où règne une si grande perversité d’opinions, à cause de l’immense latitude donnée à la liberté de nuire, - plus grande que jamais dans le passé, - on entreprend de mettre en doute la sentence unanime des anciens Pères. C’est, tout au plus, disent-ils, la sentence la plus commune. Et ils osent lui préférer en chœur l’opinion qu’ils appellent plus bénigne, ---meilleure que je ne sais quel bien—utile, plus digne de Dieu et plus adaptée à notre siècle. Ainsi, ce que l’on doit croire et en enseigner n’est plus ce qui est vrai mais ce qui est souhaitable. Parmi les fidèles adultes, il y aura autant de fidèles réellement sauvés que quelqu’un l’imaginera ou le désirera. »
60- Cl. Arvisenet 1831
Il mérite amplement d’être compté parmi les théologiens, lui qui fut très versé dans la théologie ascétique et la science des saints, comme font foi ses œuvres les plus connues : le mémorial de la vie sacerdotale, et la sagesse chrétienne. Dans le chapitre 5 de son mémorial intitulé du petit nombre des élus, le Christ interpelle ainsi le prêtre : « Mes fils ! combien peu nombreux les prêtres qui suivent la voie étroite ! Combien peu qui entrent par la porte étroite ! Il y a peu d’élus. Fils ! que la peur qu’engendre cette vérité te donne la chair de poule ! Tremble à la pensée que si peu de fidèles sont sauvés, peu de prêtres le seront Tremble ! Le prêtre a passé tout droit, le lévite a passé tout droit, mais c’est le samaritain qui fut digne de louange. Tremble, mon fils, car beaucoup de derniers seront premiers et de premiers derniers. Tremble, car beaucoup viendront de loin et prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, alors que les fils du royaume seront éjectés dans les ténèbres extérieures ». Voilà ce que l’on trouve dans ce mémorial si populaire.
Dans son livre dont le titre est : la sagesse chrétienne, dans la première partie, au chapitre 30ième, qui porte de nouveau le titre du petit nombre des élus, le divin Rédempteur admoneste ainsi un laïc : « Je veux, mon très cher, que tous les hommes soient sauvés, et c’est pourquoi je suis mort pour tous. Malgré cela, peu se sauvent : beaucoup d’appelés, peu d’élus. Efforce-toi d’entrer par la porte étroite, parce que plusieurs chercheront à y entrer et ne le pourront pas. Tu le vois, mon fils, voilà les paroles que j’ai dites. Rumine-les longuement et attentivement, et tremble de tous tes membres devant cette terrible prophétie qui, comme elle vient de Dieu, ne retournera sûrement pas au néant. Ils sont vraiment peu nombreux ceux qui sauvent. Les chrétiens sont nombreux, et un grand nombre d’entre eux mourront. A la vérité, nombreux sont ceux qui écoutent et professent la doctrine de vérité, qui fréquentent les sacrements de l’Eglise, et néanmoins, un très grand nombre d’entre eux iront au feu éternel. Ce n’est pas que, de ma part, quelque chose ait fait défaut, --puisque je leur ai donné la foi et la grâce---mais c’est qu’ils n’ont pas voulu connaître mes voies par la pratique des bonnes œuvres afin d’entrer dans mon repos ».
Voilà la doctrine ascétique saine et vraie qui ne plaira jamais aux modernistes laxistes.
61- Cardin Giraud, 1850
« Quels motifs d’encouragement, de confiance ! Quelle joie de pouvoir se dire : je suis appelé, je suis sur la voie du ciel ! Le Dieu bon, le Père tendre qui m’a mis dans cette voie, veut bien sans doute que j’arrive au terme. Se je n’y arrive pas, la faute en est à ma malice, et non à sa volonté toute de bienveillance et d’amour. Mais s’il est doux de penser que tous sont appelés, qui peut entendre sans frémir la suite des paroles de mon texte : tous sont appelés, mais peu son élus. Beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. J’ai hésité, je l’avoue, si je vous ferais partager la terreur dont mon âme est saisie quand je médite cette parole. J’ai craint d’alarmer sans fruit les consciences craintives, de décourager, peut-être, ce qui est faible encore dans la foi et dans la vertu. Mais je me suis rappelé que la crainte est le commencement de la sagesse. Je ne veux pas être plus prudent ni plus délicat que mon divin Maître qui n’a pas fait scrupule d’enseigner ces vérités, et qui nous a commandé de les prêcher en son nom,,,,Quand je dis que le nombre des élus sera petit, eu égard à la multitude des réprouvés, je n’ai pas besoin pour justifier ma proposition d’étendre les termes de cette comparaison à l’universalité du genre humain. La vérité que je prêche serait moins alarmante pour nous si ce qu’elle a d’exécutif et d’absolu ne s’appliquait qu’aux païens ou à ces peuples engagés par leur propre malice ou par un juste châtiment de Dieu dans les voies du schisme et de l’hérésie. Je parle ici des enfants mêmes de l’Eglise véritable. Je dis qu’au sein même de l’Eglise catholique, le nombre des élus sera le petit nombre, et je le prouve par l’Ecriture, par les sentiments des saints, et par la raison même éclairée des lumières de la foi. »
62- P. Ventura, l861
Il flagelle ouvertement les vices du siècle et tient notre doctrine. « Or, lorsque cette vie sensuelle, molle, dissipée où tout est pour le corps et rien pour l’âme, tout pour le monde et rien pour Dieu, tout pour le vice et rien pour la vertu; lorsque cette vie dans laquelle à l’omission de tout bien se joint la perpétration de tout ce qui est mal; lorsque cette vie est devenue la vie commune non seulement parmi les nobles mais encore dans les conditions moyennes; non seulement parmi les grands mais encore parmi le peuple; lorsque l’immense majorité des chrétiens passe les jours et les années dans une damnable inaction par rapport au salut éternel, et que loin de faire le plus petit sacrifice pour se sauver, ils font tous les jours leurs efforts pour se perdre, est-il bien étrange que ce soit le plus petit nombre qui se sauve ? La voilà donc expliquée la terrible énigme par laquelle J.C. conclut la parabole de ce jour : Beaucoup d’appelés, peu d’élus. C’est-à-dire que la vocation est pour un grand nombre, est pour tous. Elle est l’effet de la miséricorde divine. Et l’élection n’est que pour un petit nombre. Et si ce nombre est petit, il faut l’attribuer à la malice des hommes. Beaucoup d’appelés, peu d’élus. »
63- Le Cardinal Wiseman 1865
Ce cardinal illustre et savant a prononcé un discours dans lequel il transmet la doctrine commune du plus petit nombre des élus. Il débute ainsi : « L’Apôtre saint Paul compare la vie du chrétien à une course où tous prennent part pour gagner une couronne éternelle. Mais de tous ceux qui sont engagés dans la lutte, il n’y en a qu’un seul qui obtienne le prix. ,,,Il en est peu qui persévèrent jusqu’à la fin en dépit de la fatigue et des obstacles et qui atteignent le terme fixé. Telle est l’explication que nous donne le grand Apôtre des paroles de Jésus-Christ : il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Il y en a beaucoup qui sont appelés par Dieu à partager sa gloire et sa félicité, il en est peu qui soient dignes d’être élus à une si glorieuse destinée. …..C’est donc folie à l’homme de détourner ses yeux de cet avertissement terrible…En dépit de toutes nos illusions, chaque fois que nos yeux tombent sur ces paroles du Seigneur, nous ne pouvons qu’être frappés de crainte à la vue du petit nombre des élus, et la pensée terrible que les élus forment la plus petite partie du genre humain ne peut que nous donner de vives alarmes si nous l’approfondissons. »
Après quoi, il fait étalage de la miséricorde de Dieu qui veut sauver tout le monde et qui, à cette fin, n’a rien laissé sans le tenter. Mais il y en a peu de sauvés parce qu’il y en a peu qui coopèrent avec la grâce de Dieu. « Si la doctrine du petit nombre des élus n’avais pas été si clairement exprimée dans la sainte Ecriture, on aurait pu croire que c’était une pieuse invention pour ramener les méchants de leurs iniquités par la crainte des jugements de Dieu, et retenir les bons dans le devoir par le même motif. Mais si nous méditons un instant sur l’histoire de la Providence de Dieu, nous ne pouvons nous empêcher de voir que c’est le petit nombre qui peut espérer avec raison d’être admis dans la compagnie des élus. » Il prouve sa thèse par l’Ecriture de l’un et l’autre testament. »
64- Cardinal Gousset 1866
« D’autres croient que les damnés l’emportent en nombre sur les prédestinés. On invoque en faveur de ce sentiment ces paroles de Notre-Seigneur : beaucoup d’appelés, peu d’élus..Entrez par la porte étroite. Ce troisième sentiment est le plus commun, parce que les textes que l’on cite à l’appui, tout en prouvant que le plus grand nombre des hommes se perdent, ne détermine pas s’il y a moins d’élus que de réprouvés parmi les catholiques. La chose demeure douteuse, comme dit très bien Suarez. »
65- Le R.P. Eymard, 1868
« Il y a peu d’élus, a dit Notre-Seigneur. Des deux chemins qui conduisent l’un à la vie l’autre à la mort, le premier est peu suivi, le second couvert de monde. D’après ces paroles, la majeure partie des hommes serait damnée. Quand l’évangile ne le donnerait pas à entendre, ce que nous voyons parlerait assez fort pour le faire craindre ».
66- D. Guéranger, 1875
Ce grand et si catholique restaurateur de la sacrée liturgie romaine partage la sentence commune de tous les siècles précédents : « Le péché règne et triomphe au milieu du christianisme. Sans doute, les justes sont maintenant plus nombreux qu’aux jours de Noé …Oui, des chrétiens fidèles se rencontrent sur la terre , le nombre des élus se complète chaque jour, mais la multitude vit dans la disgrâce de Dieu, et mène une conduite en contradiction avec sa foi. » L’auteur enseigne la même doctrine en d’autres endroits.
67- Blieck , 1877
.
Ce théologien réaliste
, dans son livre : exposé méthodique et élémentaire
de la théologie universelle, tant dogmatique que morale,
demande : « Le nombre des élus est-il plus grand que celui
des réprouvés ? » Et il répond : «
Quant aux hommes, si on parle de tous les hommes depuis Adam jusqu’au
dernier, le nombre des réprouvés est supérieur
, puisque peu entrent par la porte étroite ».
68- Théologie mechilinienne, (surnommé Dieu)
Dans son traité sur Dieu, no 50, au sujet du plus grand nombre des damnés, il demande : l- « Les hommes en général sont-ils plus nombreux à être sauvés qu’à être damnés ? » Et il répond : « Saint Thomas enseigne que le nombre des damnés est plus grand, d’après Matt. V11, 14 : Qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Le même texte prouve surabondamment que le nombre des réprouvés est plus élevé chez les infidèles, les hérétiques et ceux qui meurent dans l’infidélité ou l’hérésie.
Deuxième question : parmi les catholiques adultes, y a-t-il plus de damnés que de sauvés ? Et il répond : « Suarez et Steyaert pensent que le plus grand nombre se sauve, parce que Jacques 11,13, dit que la miséricorde l’emporte sur la justice, et parce que dans la parabole du festin de noces, Matt. XX11, 13, on lit qu’un seul a été rejeté dans les ténèbres extérieures. Mais, pour qui cherche la vérité, cette parabole ne prouve rien, comme la parabole des cinq vierges folles et cinq vierges sages ne prouve pas que le nombre des sauvés et des condamnés est égal. Le texte de saint Jacques ne peut pas être revendiqué par la position contraire, car quelques-uns sont sauvés là où tous sont soumis au jugement de la condamnation. Godet. A. Lapide, Fermond disent que le nombre des damnés est plus grand. A. Lapide prouve cette sentence en écrivant sur le verset cité de Jacques plusieurs arguments, plusieurs textes des Pères et des exemples.
Cette sentence, de toute évidence, ne peut pas être fondée sue les seules paroles du Christ (Matt. XX,16) : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus, parce que ces paroles peuvent s’appliquer aux infidèles ou, à tout le moins, aux hérétiques qui, par leur baptême, sont sujets de l’Eglise. Elles peuvent aussi être appliquées à ces appelés qui sont réellement sauvés, parmi lesquels peu sont élus, voire, un nombre infime. »
Il ajoute ensuite cette conclusion pratique : « Celui qui dans l’incertitude de cette question veut voyager en terrain sûr, qu’il se contente de conclure que celui qui veut bien vivre et bien mourir doit choisir et conserver jalousement la voie qui est plus resserrée que l’autre. Car, il doit redouter que s’il vit comme presque tous vivent, il ne soit sévèrement condamné avec le grand nombre. »
69- Schouppe, jésuite
« Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Il est possible de donner à cette phrase deux interprétations probables à cause de la double signification que peut revêtir le mot élu. Si on entend par élus ceux qui sont prédestinés à la vie, deux dont on est sûr qu’ils obtiendront le salut, voici quel est le sens de la phrase : Beaucoup sont appelés au salut, mais peu y parviennent, et la condamnation affecte le plus grand nombre. 1-Beaucoup de pécheurs, peu de justes. 2- Plusieurs tièdes, peu de fervents. 3- Beaucoup de mercenaires, et peu qui travaillent pour le Seigneur gratuitement et par amour. 4- C’est alors avec raison que le Christ a averti chacun de nous de nous efforcer de faire partie du petit troupeau des élus. Entrez, dit-il, par la porte étroite. Matt. V11, 13.
Quant aux hommes, s’il s’agit de tous les hommes depuis Adam jusqu’au dernier à naître, le nombre des réprouvés est plus grand, car il y en a peu qui entrent par la porte étroite . »
70- Aloys Paquet
Voici le texte intégral de cet illustre théologien canadien, dans son commentaire de la somme théologique de saint Thomas (De Dieu un et trin, disp. V1, q.2, a. V, pag. 390) : « Il est plus probable de soutenir que le nombre des prédestinés à la vie excède celui des réprouvés si aux hommes on ajoute les anges; que ceux qui décèdent dans la paix de l’Eglise romaine sont plus nombreux à être sauvés; mais que les être humains dans leur totalité sont plus nombreux à être damnés.
Il reste à démontrer la troisième proposition. Il faut d’abord noter que la congrégation de l’Index a condamné en 1772 le cinquième chapitre du livre de Bend. Plazza de Paradiso commenté par J.M. Gravina, dans lequel chapitre était défendue avec force arguments la proposition suivante : Il est vraisemblable que, parmi les êtres humains, les élus soient plus nombreux que les damnés. »
Bien qu’il soit possible aux catholiques ---et on en trouve qui sont de ce sentiment--- de soutenir que le nombre des élus égale (Ita Gener, Hurter) ou surpasse (Bougaud) celui des réprouvés, cependant, la sentence la plus probable et la plus répandue (Suarez) est à l’effet que les réprouvés sont en plus grand nombre.
On peut s’en persuader en lisant l’Ecriture, notamment, Matt. V11,13,14, Luc X111, 23, 24, Matt. X11,14, Matt. XX, 16. 1Pierre 1V, 18. Chez les Pères, écoutons saint Augustin dans de la correction et de la grâce, chap. X, et contre Cresconium, livre 111 ch. 66. Ensuite, saint Thomas, 1(a) q. XX111 a. 7, ad. 3—LX111 a.9 ad l. ---l(a) 2(a) q. LXX1 a.2, ad 3.
L’histoire pitoyable de tous les temps et de tous les peuples le confirme. Plût à Dieu qu’ait été plus plausible et convaincante l’opinion de l’auteur français Bougaud qui se permet de rejeter l’opinion commune, de peur que le mal ne semble triompher du bien et du Christ Rédempteur. La vérité est que le bien ne se mesure pas mais se soupèse, surtout le bien de la grâce qui, même rétréci au salut d’un seul homme, rapporterait à Dieu un degré presque infini de gloire. En outre, le mal n’arrive que dans la mesure où la Providence suprême le permet. Enfin, tout concourt au bien des élus, et les œuvres de Satan et de ses satellites sont disposées et ordonnées, par l’opération de Dieu, de telle façon qu’elles contribuent à la plus grande gloire du Roi divin, comme des dépouilles triomphales suspendues aux chars des justes ».
71- C.M. Jansen
Ce professeur illustre de théologie dogmatique au séminaire archiépiscopal de Rysenberg, s’exprime ainsi dans son livre théologique : « Les Pères et les théologiens sont en désaccord sur la question qui porte sur le nombre des élus et des réprouvés. Quelques-uns estiment que le nombre des élus est plus petit que celui des réprouvés. Opinion qu’il n’est pas possible de mettre en doute si l’on parle de l’humanité dans son ensemble. »
72- D. Elias Méric
D. Méric est docteur en théologie et professeur de théologie morale à la Sorbonne . Dans son livre : l’autre vie, tome 11, chap. X, il traite de la question du nombre des élus. Après avoir exposé la doctrine du Père Faber, il conclut en embrassant la doctrine de Suarez , à savoir que la plus grande partie du genre humain est damnée et que la plus grande partie des catholiques est sauvée. « Si vous relisez maintenant les textes évangéliques, en les expliquant par la distinction si juste de Suarez, toute difficulté disparaît. Il y a beaucoup d’appelés, puisqu’il est de foi divine que Dieu veut le salut de tous les hommes. Il y aura peu d’élus si l’on considère le genre humain dans sa totalité : hérétiques, schismatiques, païens, c’est-à-dire, l’universalité des hommes que Dieu voudrait sauver. ….A ne considérer que les catholiques, il est permis de croire que le plus grand nombre, comme l’enseigne Suarez, sera sauvé… »
73- Recupito, Jésuite, 1647 (Godts, p.208)
Cet éminent professeur de
philosophie et de théologie a écrit deux traités
: Des signes de la prédestination et de la réprobation
et Du nombre des élus et des réprouvés.
Dans le dernier, il analyse la question et la résout ainsi
: « Il est certain que la plus grande partie des hommes est réprouvée
si, à la suite des infidèles, on compte tous les êtres
humains de tous les peuples et de tous les temps. Et si, maintenant,
notre regard se porte sur les fidèles de l’Eglise hors
de laquelle il n’est point de salut, ils ne forment qu’une
infime partie du genre humain au regard de la multitude des
infidèles, qu’ils soient mahométans, païens
ou hérétiques, dont la damnation est certaine.
Toute la discussion se réduit donc aux fidèles.
Il est certain que les fidèles sauvés sont plus nombreux,
si l’on inclut les enfants morts avant l’âge de la raison après
avoir reçu le baptême. La controverse ne porte donc
que sur les seuls catholiques adultes : sont-ils plus nombreux ou moins
nombreux à être sauvés qu’à être
réprouvés ? ».
`
Ensuite, l’auteur expose les
arguments à la base de l’opinion voulant que le nombre des
élus chez les adultes catholiques soit plus élevé,
et conclut : « Cette sentence est plus accommodée à
nos velléités qu’a la vérité.
Elle procède plus de l’optimisme que de la vertu surnaturelle
de l’espérance.
La proposition contraire semble plus vraie, à savoir que le nombre des réprouvés l’emporte sur le nombre des élus, parmi les adultes catholiques. Ce que démontrent abondamment l’Ecriture, les Pères et la difficulté des moyens de salut… »
Godts, fin de la page 209.
Godts, p.210
paragraphe 2
Théologiens
qu’on prétend être
de l’opinion de Castelein
Après avoir cité à la barre un si grand nombre de théologiens de premier plan, qui ne tirerait pas la même conclusion que Suarez : « En conséquence, tout bien pesé, et sans l’ombre d’un doute, le nombre des réprouvés est beaucoup plus grand que celui ces élus. Voilà la sentence commune et véritable ». Et avec Muniessa : « Voilà ce que soutiennent les docteurs, tant les scolastiques que les exégètes, lesquels sont puissamment enracinés dans l’Ecriture et les saints Pères.
Comment Castelein ose-t-il affirmer au sujet de ses idées personnelles : « Elles sont le fruit d’une étude approfondie de nos plus grand théologiens ». Qu’il cite donc ces illustres théologiens à nous inconnus ! J’en trouve quelques-uns, il est vrai, dans son livre dont le titre est : « la science du salut » : Aristote, Platon, Pythagore, Hésiode, Homère, Solon, Pindare, Eschyle, Sophocle, Euripide, Hérodote, Thucydide, Xénophon, Plutarque, Socrate, Anaxagore, Xénophane, Parménide, Chevreuil, Mayer, Faraday, Cuvier, Elie de Beaumont, les deux Geoffroy, Saint-Hilaire, Barrande, L. Aggassiz, de Quatrefages, A. Ampère, Becquerel, Regnault, Wurtz, Hirn, Clausius, J.B. Dumas, Cauchy, Foucault, Biot, Fresnel, Cl. Bernard, Leverrier, Pasteur, Fr. Arago, Darwin, Helmholtz, Virchow, Tyndall, Huxley, P. Bert, Dubois- Raymond, Hoeckel, Bertholet, Copernic, Képler, Galilée, Pascal, Descartes, Newton, Leibnitz, Linné, Huyghens, Euler… Mais c’est en vain que je cherche les noms des saints Pères et des théologiens… « Fruit d’une étude approfondie des enseignements de nos plus grands théologiens !!! »
Mais si, malgré toute son érudition, notre auteur a omis de citer nos plus grand théologiens, son disciple E.T.S.J. se charge de combler cette lacune. Il a l’audace d’écrire en toutes lettres : « L’auteur se trouve en excellente compagnie : Suarez, Cajétan, Saint François de Sales, Bergier, Lacordaire, Ravignan, Faber, Mgr. Besson, le P. Monsabré etc…(Lettre au Patriote , 19 mars 1899). E.T. ne semble pas très sûr de ses citations, car il n’indique aucun passage de ces auteurs que le lecteur pourrait vérifier. Nous, par contre, nous nous efforcerons de rechercher avec soin leur véritable pensée, et de citer leurs paroles mot pour mot.
Le résumé de la thèse du P. Castelein est que la plus grande partie du genre humain se sauvera.
1- Suarez : « La deuxième comparaison, dit-il, se prend entre les hommes qui existent depuis le début de la création et qui existeront jusqu’à la fin du monde. Pour ce qui à trait à l’humanité dans sa totalité, la sentence commune et véritable est que le nombre des réprouvés est plus grand. (se rapporter aux texte intégral donné plus haut, p. 136 et suivantes).
Suarez est donc d’avis que l’opinion de Castelein est particulière et fausse. Il est indécent de l’appeler en renfort de la doctrine de Castelein.
2--« Cajetan, dit Suarez — expliquant la parabole des dix vierges, dit que même parmi ceux qui, dans l’Eglise, vivent dans la tiédeur, et ont un certain soin de leur conscience, la moitié (5 sur 10) se perdent. Ce qui est très sévère, ajoute Suarez. Si la moitié des catholiques qui ont un certain soin de leur conscience se perdent, qu’en sera-t-il de la plus grand partie des catholiques qui n’en ont aucun soin ? Que dire des païens, des Juifs, des Mahométans, des Protestants, des schismatiques, etc ? .. Car ceux qui tiennent que la majeure partie des catholiques se damnent, enseignent la même chose à plus forte raison de tout le genre humain. »
Comment osent-il donc prétendre que Cajetan soutient la même doctrine que Castelein ?
3- Saint François de Sales : Où E.T. a-t-il trouvé dans les nombreux écrits du saint docteur le moindre petit mot favorisant la doctrine de notre adversaire ? Bien que je n’aie trouvé aucun endroit où le saint Docteur ait traité la question explicitement, je citerai quelques paroles dans la langue de son siècle : « Ceste, non jamais assez considéré proposition : il y en a beaucoup d’apellés mais peu de choysis . Tous ceux qui sont en église sont apellés. Mais tous ceux qui y sont ne sont pas esleuz. Aussi Eglise ne veut pas dire élection mais convocation. » « Qui aurayt les yeux assez clair voyans pour voir l’issue de la course des hommes, verrait bien dans l’Eglise de quoi s’escrier : plusieurs sont apellés et peu sont esleuz. c.à.d., plusieurs sont en la militante qui ne seront jamais dans la triomphante. Combien sont dedans qui seront dehors, comme saint Antoyne prévit d’Arrius, et saint Fulgère de Bérangaire. » « Au jour du jugement, les vertus des payens les défendront non afin qu’ils soient sauvés, mais afin qu’ils ne soient pas tant damnez. »
Je ne comprends donc pas ce qui donne au Père Castelein le front d’affirmer au sujet d’un si grand docteur : « S. François de Sales défendait même la pensée défavorable sur le salut de ceux qui, après avoir mal vécu, meurent sans témoigner leur repentir… Et pour confirmer cette vérité, il racontait ce qu’il avait entendu dire à un prédicateur sur la mort de Luther : « Qui sait, si à l’heure de sa mort, Dieu ne l’aura pas touché de sa grâce efficace ? »
Où le saint dit-il cela ? Au pseudo François de Sales imaginé par Castelein et les autres modernistes, j’opposerai le vrai et authentique saint, qui a osé assurer qu’un grand nombre d’évêques et de prélats étaient damnés. « Mays quand aurais-je faict, si je voulais entasser icy les noms de tant d’évesques et Prélats lesquelz après avoir été légitimement colloqués en cest office et dignité sont décheuz de leur première grâce, et sont mortz haeretiques ? ….Origène….fayre naufrage et se perdre au port de sa propre sépulture…Et quoy ? le voilà enfin haeritique, excommunié, hors de l’arche, périr du déluge de sa propre opinion. Non seulement, doncques, un réprouvé peut estre de l’Eglise, mais encore Pasteur en l’Eglise. »
Ces paroles, elles, sont authentiques ! Que le Père Castelein cite donc des paroles contraires du Saint ! Il ne s’est probablement pas rendu à la source. Trompé lui-même, il a trompé E.T. qui jurait de bonne foi sur la parole du maître. Et il a induit en erreur des centaines de milliers de lecteurs.
4- Bergier : Cet auteur érudit traite deux fois pour elle-même notre question dans ses œuvres. D’abord, dans son dictionnaire de théologie, il fait état de l’argument massue de notre adversaire érudit : « Si le Christ ne sauve pas effectivement la grande majorité des âmes, la conquête de Satan serait, dans son ordre, plus belle que celle de son vainqueur….Ne serait-ce pas Satan qui serait le vainqueur ? (pp.189, 190) Le lecteur est-il intéressé à apprendre ce que pense Bergier de cet argument ? Vite servi : « Absurde à tous égards! » (voir le texte intégral plus bas).
Bergier met toute son insistance à établir que dans les paraboles évangéliques, le mot élus n’est pas synonyme de sauvés. Il ne lui est pas non plus possible de rejeter l’enseignement donné par les paraboles au sujet du plus petit nombre des élus, même s’il pense qu’elles enseignent plutôt le contraire. Mais il ne tranche pas dans un sens ou dans l’autre, ni ne tente de faire la démonstration du plus grand nombre des élus. « Nous n’entrerons pas dans la question de savoir dans lequel de ces deux sens (fidèles ou prédestinés) l’on doit entendre le mot de Jésus-Christ en Matt. XX 16, et XX11, 14. Il y en faveur de l’un et de l’autre des autorités si nombreuses et si respectables qu’il n’est pas aisé de voir lequel des deux mérite la préférence. Nous devons donc nous borner à quelques réflexions. Un esprit solide et suffisamment instruit ne se laisse point ébranler par une opinion problématique et sur laquelle l’Eglise n’a point prononcé, telle qu’est celle du grand ou du petit nombre des élus. Quand cette dernière serait la plus vraie, il s’ensuivrait seulement que le très grand nombre serait de ceux qui ne veulent pas se sauver, qui résistent aux grâces que Dieu leur fait, qui meurent volontairement dans l’impénitence finale ».
Et, dans son livre : Traité de la vraie religion, répondant à une objection , il dit de nouveau : « La question est de savoir si par les élus on doit entendre ceux qui sont sauvés ou ceux qui sont seulement dans la voie du salut, les fidèles ». Mais il n’apporte pas de réponse à cette question, et il se contente de montrer qu’elle ne représente aucune objection à l’espérance chrétienne. « Mais supposons qu’il faille absolument prendre le mot peu d’ élus dans le sens le plus rigoureux, que s’ensuivra-t-il ? Que le plus grand nombre est de ceux qui n’ont pas voulu être sauvés. »
Bergier ne démontre donc pas que le plus grand nombre des êtres humains est sauvé. Il ne fait donc pas partie de ceux qui appuient Castelein.
5- Lacordaire , 71ième conférence : des résultats du gouvernement divin, enseigne ceci : « C’est dans l’éternité qu’il faut jeter nos regards pour juger définitivement la Providence, et c’est là, sans doute, que vous attendez ma parole, armés de ce mot fameux : beaucoup d’appelés, peu d’élus. J’obéis à votre impatience, et je peux la calmer par une simple déclaration : le petit nombre des élus n’est pas un dogme de foi, mais une question librement débattue dans l’Eglise. Je vous l’affirme, et je vous en donne immédiatement la preuve si vous le souhaitez. » La preuve consiste dans la démonstration que les textes de l’Ecriture allégués ne permettent pas de conclure à la rareté des élus. Ensuite il affirme qu’un tiers de l’humanité décède avant l’âge de raison, la moitié avant la puberté. Une moitié donc de l’humanité ou sont sauvés, ou ne sont pas condamnés. « Je sais bien, messieurs, que les habitants des limbes ne peuvent pas se ranger parmi les élus de la vie divine. Car, s’ils y prenaient place, la question du nombre des élus serait mathématiquement résolue. Mais, sans les y ranger, il reste vrai que la mort prématurée sert la clémence de Dieu, même quand elle ne la satisfait pas entièrement. »
Ensuite, le prédicateur
éloquent affirme que les femmes dans leur ensemble seront sauvées.
Il dit la même chose des pauvres. « Et qu’est-ce que
le reste en comparaison ? Qu’est-ce que le reste quand l’éternité
n’y moissonnerait pas une âme ? Mais il est loin d’en
être ainsi. …Il n’a pas abandonné au mal la richesse,
la science et le pouvoir. Le Christ a tout réparé,
tout guéri, tout vaincu, et ses mains généreuses
tiennent l’univers embrassé. Qui s’en échappe
périt par sa faute, et après ce que nous venons de
dire il est au moins douteux que le plus grand nombre appartienne à
ce triste sort. » Il ajoute ensuite ces deux considérations
: « La première, que beaucoup parmi ces peuples
(infidèles) ont pu se sauver par les voies providentielles
indiquées dans notre conférence antérieure.
La seconde, que nous ignorons la mesure des âges où
Dieu a circonscrit dans sa pensée l’action du christianisme,
et la mesure aussi de puissance et d’universalité que l’Eglise
atteindra dans l’avenir…..Ce secret peut tomber dans la balance du
bien avec autant de certitude que dans la balance du
mal, et ainsi la question reste voilée au profit de la liberté.
». En d’autres mots, il n’est pas certain que la plus
grande partie du monde sera damnée. C’est donc
sans raison que les rationalistes
insinuent qu’ils voient un
échec de la Providence dans le plus grand nombre des damnés.
Qu’est-ce qui va dans le sens de la thèse de Castelein dans tout cela ?
6- Ravignan : De ce prédicateur, je n’ai trouvé qu’une louange éloquente, faite en termes très généraux, de la miséricorde divine. Aucun passage ne touche à notre sujet. Si un pareil passage existe, que nos contradicteurs aient la gentillesse de nous l’indiquer.
7- Faber : Il faut noter deux choses au sujet de cet auteur qui nous font comprendre tout de suite que son nom est cité ici à contre sens. . En premier lieu, il déclare dans son livre : progrès de l’âme, ne pas vouloir examiner la question du salut éternel de tout le genre humain, mais borner son intervention aux seuls catholiques. « Nous examinerons une tentation de la vie spirituelle dans le catholicisme. Cette réserve nous dispense donc d’entrer dans des recherches sur le petit nombre des élus parmi l’humanité toute entière. Nous n’avons pas à nous occuper des destinées futures des païens et des hérétiques. Notre affaire à nous est de calculer s’il y aura peu d’âmes sauvées parmi les catholiques. » Il s’impose la même restriction dans son livre intitulé : le Créateur et la créature. C’est donc une aberration de le citer en faveur d’une opinion qu’il s’interdit expressément de traiter.
En second lieu, quant à sa doctrine du plus grand nombre de catholiques sauvés, qui ne sursauterait pas d’étonnement quand il entend l’auteur reconnaître la débilité de ses arguments ? Il l’admet lui-même dans ces mots : « Ce sont là de mauvais arguments si on les analyse séparément. Mais, pris collectivement, ils permettent d’établir une supposition aussi douce que légitime ». Je ne nierai pas que des arguments qui, pris séparément, ne démontrent absolument rien, peuvent allécher l’intelligence au nom d’une certaine vraisemblance, et engendrer un gendre de persuasion si l’un corrobore l’autre, mais s’ils ne sont d’aucune valeur , comme ceux que présente l’auteur, ils ne peuvent pas se fortifier l’un l’autre, et même pris collectivement, ils ne sont d’aucun profit.
8- Besson . Il est question dans son cas, si je ne me trompe, du livre : l’Eglise, de sa troisième conférence : Où va l’Eglise ? 2ième édition, Paris, 1865, p.52. Cette conférence est intitulée : hors de l’Eglise, point de salut. En voici l’analyse donnée par l’auteur lui-même. Premier point. Rien de plus certain que cette maxime. Elle est fondée sur l’Ecriture, sur l’enseignement des Pères, et sur les données mêmes de la raison. Deuxième point. Rien de plus mystérieux que l’interprétation de cette maxime, car on est arrêté par le mystère de la grâce, par le mystère de la bonne foi, et par le mystère de la mort. Conclusion, adorons la justice de l’Homme Dieu, mais ne jugeons pas ses mystères. » Dans la dernière partie, je lis également : « Voltaire est-il damné ? Je le suppose, dit la raison. Je le crains, dit la piété. Mais l’Eglise n’a qu’une réponse : je ne sais. »
Dans toute cette conférence, je cherche en vain l’affirmation du salut éternel de la plus grande partie de l’humanité. C’est donc en pure perte que Besson est appelé à la rescousse de Castelin.
9- Le Père Monsabré. Que le lecteur bienveillant veuille bien se remémorer ce que nous avons dit plus haut (p.38) du sentiment de cet éloquent apologète, et qu’il comprenne que non seulement il ne soutient pas la thèse du Père Castelein mais qu’au contraire il admet ouvertement que, malheureusement, la plus grande partie du genre humain se damne par sa faute.
Comme donc, aucun des théologiens faussement cités ne soutient la doctrine de notre contradicteur, passons aux noms de ceux qui, réellement, enseignent la position de Castelein relativement au plus grand nombre de personnes sauvées, et l’inanité de leurs arguments. Les seuls que nous avons pu trouver sont : Gravina, Bougaud et Mauran. Après avoir examiné leurs arguments, nous redonnerons la parole à Castelein et à E.T.
Godts, p.220
paragraphe 3 Théologiens
favorables au Père Castelein.
Paragraphe 3
THEOLOGIENS FAVORABLES
A
CASTELEIN
1- Gravina : Même s’il a été condamné par le Saint-Siège, ce malheureux auteur n’a jamais, comme Castelein, proposé sa sentence comme quelque chose de certain, mais de seulement probable. Il va même jusqu’à considérer notre sentence comme plus probable. Voici ses propres paroles : « Je ne prétends pas non plus que la plus grande probabilité de l’opinion contraire ruine la sienne (celle de Castelein). Je pousserai la courtoisie jusqu’à concéder que la position de nos adversaires est plus probable que la nôtre s’ils veulent bien, en retour, nous rendre la politesse de reconnaître que la nôtre est probable. J’ai entrepris ailleurs de démontrer au long et au large qu’une opinion plus probable ne rend pas improbable une opinion simplement probable. » Ai-je besoin de conclure qu’il n’admet la théorie de Castelein que comme probable, et qu’il considère la nôtre comme plus probable.
Il est inutile de s’étendre sur la pauvreté des arguments de Gravina, puisque même nos adversaires l’avouent spontanément : « arguments peu théologiques, puérils même…dit E.T. dans Le Patriote, 19 mars, 1899.
Les voici brièvement exposés par les doctes rédacteurs du Belletin de Notre-Dame de la Sainte-Espérance. (1899, p.264) : « La volonté de Dieu et de Jésus-Christ de sauver les hommes est pour notre auteur un arsenal inépuisable. Mais ce mot de volonté lui paraît apparemment trop faible. Il y substitue celui d’étude, studium, qu’il définit d’après Cicéron : application assidue d’un esprit à un objet auquel on se porte avec ardeur, avec une grande volonté. « Ainsi, -ajoute-t-il- Dieu et Jésus-Christ sont tellement occupés, pour parler humainement, à procurer le salut des hommes qu’ils le veulent assidument, ardemment, de la plénitude du cœur. » Et pour prouver que la plupart des hommes sont sauvés en conséquence, voyez, dit-il, comment Dieu se félicite dans Habacuc, de sa très abondante pêche : il sacrifie à son filet, il offre de l’encens à ses rets. (Habacuc, ch.1, 15-16). Le Père Gravina n’a pas vu sans doute que c’est de l’impie et du Diable et non pas de Dieu que parle le Prophète. (Voyez le commentaire de saint Jérôme, Migne, t. XXV, col. 1287).
Ailleurs il suppose que le nombre des anges qui ont persévéré dans la justice est double de ceux qui sont tombés. Or, Dieu a plus aimé les hommes que les anges. Donc, conclut-il, il implique que parmi les hommes, les réprouvés soient en plus grand nombre que les élus. Raisonnement arbitraire et pur sophisme dans lequel d’ailleurs, comme dans toute la suite de son ouvrage, il ne tient aucun compte du péché originel.
Il soutient que depuis le commencement de la Genèse jusqu’au commencement de l’Apocalypse, on ne trouve pas un seul homme désigné par son nom comme réprouvé. (Il n’admet que l’Antéchrist comme l’étant certainement), au lieu qu’on y lit les noms d’une multitude d’élus. Donc, ---admirez cette conséquence---il y a beaucoup plus d’élus que de réprouvés.
Il tire une conséquence semblable des paraboles de Jésus-Christ. Dans les unes (l’enfant prodigue, la brebis perdue ) il ne paraît que des élus; dans d’autres (les dix vierges ), les élus et les réprouvés y sont en nombre égal. Enfin, dans d’autres, pour un serviteur paresseux, vous en voyez deux qui sont fidèles et prudents. Donc…
Jésus-Christ est le Rédempteur de tous. Il serait mal nommé, et le Diable pourrait lui en faire le reproche insultant si la plupart des hommes n’étaient pas sauvés.
Chaque homme a un ou plusieurs anges gardiens, les infidèles surtout, comme étant dépourvus d’autre secours. Or, les anges ont plus de puissance et de sagacité pour sauver que les démons pour perdre. Donc…
Les élus sont comme des étoiles, et ils doivent autant être supérieurs en nombre aux réprouvés que les étoiles le sont aux comètes. Cependant, comme si l’auteur lui-même était étonné de sa proposition, il fait semblant d’être frappé de voir le genre humain dans l’ignorance du vrai Dieu, connu presque uniquement dans la Judée avant Jésus-Christ. Ensuite, la vraie église ne renfermant qu’un petit nombre de nations, en comparaison de celles qui n’ont pas reçu l’évangile : dans tous les temps, un déluge de vices qui couvre la terre. Il paraît donc très difficile, ardu au plus haut point, que ceux qui parviennent au salut soient en si grand nombre. Mais Gravina se rassure sur la Providence, la puissance et la sagesse de Dieu.
Une autre source non moins féconde pour lui en conjectures , ce sont les Pères de l’Eglise qu’il divise en plusieurs classes :
51- Les uns, en parlant des miracles de guérison opérés par Jésus-Christ, disent que le Sauveur guérissait les âmes avant de guérir les corps. Or, les malades à qui Jésus a rendu la santé sont sans nombre; innombrables sont ceux qu’Il a guéris. Donc…
2- Une seconde classe des Pères est de ceux qui, parlant des méchants que Dieu a punis pendant leur vie, établissent –dit-il—comme règle générale que Dieu ne punit pas deux fois pour les mêmes péchés. Ainsi, il faut avoir beaucoup de confiance que tous les pécheurs qui ont essuyé en cette vie le châtiment de leurs crimes, seront sauvés. Les textes allégués parlent des habitants de Sodome consumés par le feu du ciel, des Egyptiens submergés dans la mer rouge, des Israélites frappés de mort dans le désert etc…
52- Il fait dire à d’autres Pères, et c’est ce qui forme chez lui la troisième classe, que beaucoup d’infidèles ont été sauvés, les uns à cause de leur ignorance, purement et simplement, les autres à cause de leur sagesse, tels que Platon, Socrate, et les Sibilles. En quoi il abuse visiblement des textes mêmes qu’il cite puisqu’ils n’ont parlé du salut possible de ces dernières (par exemple) qu’en supposant qu’elles avaient une foi explicite en Jésus-Christ.
Enfin, pour consolider sa thèse qu’il sent bien n’être pas ferme, Gravina cite plusieurs visions plus ou moins authentiques, tendant également à insinuer que quelque vie qu’on ait menée, Dieu et ses saints emploient tant de stratagèmes (c’est son expression) pour sauver un pécheur à l’article de la mort, que le plus souvent ils en viennent à bout. Cet avantage n’est point particulier aux chrétiens catholiques, toutes les sectes y ont part : mahométans, hérétiques, schismatiques, juifs, païens, personne n’est est exclu par le faux culte qu’il professe, parce que la plupart de ces gens-là ignorent que leur religion n’est point la bonne. Ils embrasseraient le christianisme et s’uniraient à l’Eglise si on leur en montrait la nécessité. Ce sont des chrétiens cachés. Ils sont infidèles seulement de nom. Car Gravina prétend bien ne mettre en Paradis que des chrétiens catholiques. Et, si après tous ces éclaircissements on a encore de la peine à comprendre que ces sortes de gens puissent appartenir à l’Eglise comme ses enfants, étant étrangers à son culte, n’en soyez pas surpris, dit-il, c’est un mystère , je vous dis un mystère . Or, l’obscurité est propre aux mystères. »
50- Bougaud : Il cite vilainement et en les déformant les propos de S. Alphonse, de saint François de Sales, de P. Ventura etc… Néanmoins, nous admettons que, féru d’arguments de cette farine, il a partagé l’opinion de Castelein : « Supposez que le monde dût encore durer des siècles, des milliers de siècles…supposez, donnez..etc…. » « Quand même nous serions dans l’erreur, etc.etc. »
3- Mauran : Ecoute, ami lecteur, les arguments de ce théologien : « Si Jésus affirme clairement qu’il y a peu d’élus, c’est justement parce que leur petit nombre n’a aucun rapport avec celui des âmes sauvées ».(Ceci n’est pas une traduction!!!)) (Elus et sauvés, p.16).
« Les impies et les incrédules, frappés au temps de Noé, ont été sauvés en vertu du sacrifice de Jésus, et tirés de la prison où la justice de Dieu les détenait captifs. » Petr. 111 (sic)—p.62.
« Il est prouvé que la tête du supplicié conserve pendant un certain temps la chaleur vitale. Le cerveau, vrai foyer de calorique, ne se refroidit que lentement et, selon quelque probabilité, la vie doit s’y réfugier et s’y maintenir un temps peut-être suffisant pour que l’âme puisse se tourner vers Dieu. (p.66)
« Ne sommes-nous pas dans l’erreur ? Quoiqu’il en soit, nous croyons qu’il vaut mieux se tromper en versant dans les âmes la consolation de l’espérance, que la peur et le désespoir ». (225)
« Je m’imagine que si Dieu avait consulté ses élus avant de les créer, ceux-ci se voyant si peu nombreux, auraient fait le sacrifice de leur bonheur éternel pour éviter à leurs frères, à la grande foule humaine, les tourments de l’enfer ». (p.150)
Si les arguments de Gravina sont puérils, que dire de ceux-ci? Et Mauran ose accuser saint Thomas de pétition de principe. Ce n’est pas l’intention du saint Docteur de prouver que le nombre des élus est plus petit que celui des réprouvés. Mais il explique un fait certain et admis par tous en le 8conciliant avec la providence et la miséricorde de Dieu. Avec quelle clairvoyance le Vicaire du Christ a parlé de ceux qui négligent saint Thomas !... »(texte cité plus haut)
Gravina, Bougaud et Mauran,
voilà donc les théologiens dont parlait Castelein :
« Je me rassure par la conviction intime que ces idées sont
vraies et justes. Elles sont le fruit d’une étude approfondie
de l’Ecriture Sainte et des enseignements de nos plus grands théologiens.
».( Intr. P.X) Qu’il se complaise en une si excellente compagnie
!
, pour emprunter l’expression
de l’apologète E.T.
Plût à Dieu qu’il ait fréquenté les théologiens de sa famille : Canisius, Bellarmin, Lessius, de la Colombière, De Paz, Salmeron, Valentia, Suarez, Vasquez, Becanus, Drexelius, Segneri, Muniessa, Wircegurgences, Bourdaloue, Saint-Jure, Judde, A Lapide, Knabenbauer, et le reste, et le reste… C’est alors qu’il aurait répondu aux mandements de Léon X111 qu’il nous plait de transcrire à l’avantage et à l’utilité de tous, d’autant plus qu’ils sont insuffisamment connus.
Ce sont des extraits des lettres apostoliques qui avaient pour but de confirmer les constitutions de la Société de Jésus dans les articles qui traitent de l’usage de la doctrine de saint Thomas. « Les prescriptions qui ont cours dans la compagnie de Jésus, -- et qui s’imposent à tous ses membres,-- qui lient par une loi perpétuelle et définitive le choix des doctrines… dont chacun des exemplaires doit être remis à chacun des membres ».
Ce qui compte d’abord et qui est universellement connu , est que l’auteur célèbre de cette Société, dans plusieurs articles de ses constitutions, a décrété qu’il fallait suivre dans l’une et l’autre discipline, la doctrine solide et sûre de saint Thomas, qui est en même temps la plus sûre et la plus approuvée Ce qu’il a réaffirmé périodiquement un grand nombre de fois par des décrets et des ordres donnés tant aux communautés qu’aux supérieurs provinciaux.
Il a de plus ordonné que la doctrine qu’adopterait la Compagnie serait unique et la même pour tous, dans l’accomplissement de toutes les fonctions. Goûtons tous la même chose, et, en autant que faire se peut, disons tous la même chose, à l’exemple de l’Apôtre. Que l’on n’admette donc pas des doctrines différentes, ni en paroles dans les sermons, ni dans les cours universitaires, ni dans les écrits. Et il ajoute : « Les Jésuites délégués des diverses nations pour l’approbation du livre sur le plan général des études, crurent devoir traiter en premier lieu du choix des opinions, et proposèrent comme fondement inébranlable que la doctrine de la société devait être unique, sûre et solide, selon les constitutions. Cette prescription de l’uniformité de la doctrine ne doit pas être entendue au sens restrictif de n’admettre que les sentences unanimement reçues dans les écoles. Non, elle doit ouvrir les portes aux opinions les moins réputées chez les docteurs catholiques . Et même aux opinions qui divisent les théologiens catholiques et les opposent les uns aux autres. C’est ainsi qu’on veillera à ce que la société demeure toujours conforme à ce qu’elle était à ses débuts.
Pour parvenir à cet esprit de concorde et de charité dont il avait doté sa société, Ignace s’était persuadé qu’était insuffisante la règle approuvée en chapitre de tolérer les opinions divergentes, selon l’adage, dans le doute, on est libre d’agir. Mais il ne voulut pas qu’existent dans sa société de telles opinions sur les choses qui sont essentielles et nécessaires, et il les interdit.
Et pour qu’à personne ne parût insupportable ce précepte d’uniformité de la doctrine, il a pourvu dans sa prudence à ce qu’on demandât à un aspirant quelconque, avant même qu’il se liât à la communauté par la promesse des vœux, s’il était prêt à soumettre son jugement à ce qu’a décidé la Société. De cette façon, une faculté est donnée de choisir librement une chose qui semble à peine tolérable quand elle se présente comme imposée par la règle.
Que soit donc de tout point étrangère à la nature, aux lois et aux écrits de cette société la prétention de trouver en elle la même liberté d’opinion dont jouissent la plupart à l’extérieur.
Même quand il s’agit d’opinions assez probables défendues par des auteurs graves, si elles ont le malheur d’être réfractaires à la doctrine prescrite, ceux qui les suivraient pourraient peut-être échapper à l’accusation de nouveauté, de témérité et d’erreur, mais ils se dissocieraient entièrement de la doctrine semblable et unique, tellement désirée et recommandée ».
p.229 = la fin du chapitre 4.
p.230 est blanche.
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Chapitre 5
Les Commentateurs
de la Sainte Ecriture
La doctrine du
petit nombre des élus est vraie et commune d'après un grand
nombre d’exégètes bibliques.
p.231-267
I
EXEGETES QUI L’ENSEIGNENT
EXPRESSEMENT.
1- Ludolphe de Saxe - Ludolphus de Saxonia (1330) :
Expliquant la parabole du salaire diurne, il met en garde : « Même si la parabole te montre l’égalité des salaires, ne va pas pour autant t’imaginer que tous ceux qui sont appelés à la foi obtiendront la vie éternelle. » Et il ajoute une phrase qui fait trembler : « Beaucoup sont appelés dès la première ou la troisième ou la sixième ou la neuvième heure ou à la toute fin, mais parmi tous ces gens, peu sont élus au règne et à la récompense de la béatitude. Plusieurs font partie de l’église militante qui ne feront pas partie de l’église triomphante. »
C’est par ces paroles qu’il enseigne que ceux qui sont sauvés sont peu nombreux par rapport à ceux qui sont appelés à des heures différentes. ..parce que spacieuse et large est la voie qui conduit à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par elle.
2- Nicolas de Lire - Nicolas de Lyre (+1349)
En Matt. V11, large et spacieuse
est la porte, etc…Il explique : « Parce qu’on découvre que
beaucoup sont vicieux, selon l’Ecclésiaste : « le nombre
des sots est infini » et on en trouve peu de vertueux
». Et il ajoute : Qu’elle est étroite !...
Et en Mattl X11 : « Beaucoup
sont appelés à la foi catholique, mais peu sont élus
à la gloire. Ils sont peu nombreux eu égard
à ceux qui sont appelés à la foi ».
3- Tostatus (évêque d’Avila, Espagne) + 1454
Cet évêque d’Abulensis, commentant le chapitre XX11 de Matt., fait l’observation suivante au verset quatorzième de la 69ième question : «Beaucoup sont convertis à la foi, c’est-à-dire se convertissent, mais peu sont élus, car moins nombreux sont les chrétiens qui se sauvent ».
4- Jansenius Gandavensis (+1577)
Jansen de Gand (fondateur du jansénisme)
Voici son commentaire sur les paroles : entrez par la porte étroite : « Parce que la norme de vie prescrite par Lui est contraignante, contrariante et rare, le Seigneur, redoutant que ses auditeurs s’en détournent et la prennent en horreur, autant à cause de sa difficulté et de son âpreté qu’à cause du petit nombre de ceux qui la fréquentent, nous exhorte à embrasser la voie resserrée plutôt que la voie spacieuse des impies, qui mène à la géhenne, tandis que l’autre mène à la vie.
Notons que plusieurs raisons nous permettent de comprendre pourquoi la voie de la vertu doit être étroite et resserrée . Premièrement, c’est parce qu’elle n’en reçoit et n’en admet que peu, si l’on fait la comparaison avec le nombre de ceux qui marchent sur la voie de l’iniquité, qui est appelée spacieuse pour cette raison. Ensuite, il faut noter avec saint Jérôme que c’est en connaissance de cause que Jésus nomme l’une et l’autre voie. Il dit que plusieurs marchent par la large, et que peu trouvent le sentier resserré. La large, nous n’avons pas à la chercher, et il n’est pas nécessaire de la découvrir, car elle s’offre à nous spontanément. Quant à l’étroite, ce ne sont pas tous qui la trouvent, et ceux qui la trouvent n’y entrent pas immédiatement, ou s’ils y entrent, ils ne persévèrent pas, car un grand nombre, après avoir trouvé la voie de la vérité, retournent bredouilles, devenus la proie des plaisirs du siècle. Jésus a donc raison de dire : il y en a peu qui la trouvent, nous indiquant par là que ceux qui la suivent sont moins nombreux. Jésus nous enseigne donc par cette parabole des deux voies de ne pas prendre pour modèle le mode de vie du grand nombre, mais d’imiter plutôt ceux qui sont en petit nombre.
Et voici son commentaire des paroles : « Seigneur, seront-ils peu nombreux à être sauvés ? Efforcez-vous d’entrer… « Le Seigneur, dit-il, vit dans la question posée une occasion d’enseigner la façon de parvenir au salut. Mais sa réponse est en même temps satisfaisante pour son interlocuteur, puisqu’elle laisse entendre qu’il y en aura peu à êtres sauvés, car plusieurs chercheront à y entrer et ne le pourront pas »
5- Salmeron, s.j., (+ 1585)
Il conclut ainsi son commentaire sur le banquet des noces de Matt. XX 13 : « Au convive éjecté, il faut réunir tous ceux qui, appelés d’abord aux noces , s’en sont par la suite rendus indignes. Il conclut de cela, selon la lettre, qu’un grand nombre sont appelés à la convivialité du royaume des cieux, et que parmi ces nombreux appelés, peu nombreux par rapport aux appelés sont ceux qui sont élus par Dieu . Quelques-uns refusent tout simplement de venir, et d’autres sont rejetés à cause de leur indignité. »
5- Thomas Stapelton, théologien anglais, Stapletonus, 1598
« Car, beaucoup sont appelés et peu sont élus. Pour quelle raison parler, dans un sermon, du petit nombre des élus ? Pour susciter la crainte qui est utile au salut…. Tout ce passage, dis-je, si favorable à entretenir la crainte, qui dépend de ce qui précède et qui en est la conclusion, nous montre dans cette énorme multitude de chrétiens appelés, une aussi énorme rareté d’élus. Le Prophète Isaïe dit au chapitre 1X : « Tu as multiplié le peuple mais tu n’as pas agrandi la liesse ». Tu as plutôt augmenté la crainte et la douleur à cause de la multitude des peuples qui, par toute la terre, t’honorent des lèvres, et du petit nombre de ceux qui croient de tout leur cœur, et prouvent leur foi par les bonnes œuvres,
Prévoyant ce petit nombre et voulant nous prémunir, Jésus a dit : Penses-tu que la Fils de l’Homme, quand Il viendra, trouvera de la foi sur la terre ? C’est pour cette raison que Jésus nous invite à entrer par la porte étroite, parce que resserrée est la voie qui conduit à la vie . Il ne parle pas ici de la voie de la foi, mais de celle des mœurs, de la charité, et de l’observation des commandements de Dieu, route fréquentée par peu. Le terme de cette route, qui est la vie éternelle, peu l’atteignent ».
7- Sébastiano Barrados s.j. - Barradius, portugais (théologien de papes , (+1615)
« Petit est le nombre des élus, s’il est mis en relation avec le nombre des damnés. » Et dans le texte de la vulgate : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, il recueille les commentaires des anciens. Celui de saint Grégoire : « La conclusion de la parabole est tout à fait terrible . Elle nous dit que beaucoup viennent à la foi, mais que peu se rendent au royaume des cieux. » Bède le Vénérable fait le même commentaire. Le même aussi, saint Jérôme : « Beaucoup sont appelés à la foi, mais peu aux bonnes œuvres. » Et entre les lignes, il note : « Beaucoup sont appelés à la foi, peu à la gloire ».
8- Luc de bruges - Lucas de
Bruges - Lucas Brugensis (+ 1619)
En Matt. XX : « Que personne ne se scandalise en pensant à ceux qui sont devenus les derniers. Ils sont exclus de la vie éternelle ceux qui ont été les adorateurs et les serviteurs de Dieu. Il y en a beaucoup, dit Jésus, qui ont été appelés par Dieu -- ou qui doivent l’être dans la suite des temps, -- à la connaissance de Dieu et au culte divin, comme les ouvriers qui ont été appelés par le Père de famille, chacun à son heure, pour le servir en cultivant sa vigne. Mais parmi ces gens-là, peu sont élus à la vie éternelle, c’est-à-dire peu sont fortifiés par la grâce de Dieu, au point de servir Dieu avec persévérance jusqu’à la mort, comme il convient et comme il le faut. Ainsi, le père de famille ne les avait pas acceptés tous à la même heure, afin de pouvoir verser sur tous sa magnificence gratuite.
On ne constate pas seulement que Dieu n’a pas élu tous ceux qu’Il a appelés, mais qu’il n’en a élu qu’un petit nombre. De cette constatation, nous vient à la pensée le terrible jugement de Dieu qui s’applique non seulement aux hommes en général, mais même à ceux qui ont été appelés, c’est-à-dire, à ceux qui ont reçu le don de la vraie foi envers Dieu, les Chrétiens et les Israélites et les fidèles des temps passés : peu sont élus, si on les compare avec les réprouvés. »
9- Jacques Tirin - Tirinus, s.j., (1580-1636).
En Matt. XX 16 : Beaucoup sont appelés. « Dieu et le Christ appellent tout le monde. Matt. X1, 28 : Venez à moi, vous tous Et, de fait, plusieurs ont suivi Celui qui les appelait à la foi et à la justice. Mais il y en a peu d’élus à la gloire éternelle, parce que ceux qui forment de loin la plus grande partie n’obéissent pas à Celui qui les avait appelés, et refusent de venir. Un bon nombre de ceux qui étaient venus rebroussent chemin. C’est donc un tout petit nombre , eu égard à ceux qui périssent, que l’on repérera à la fin des temps, et qui seront élus`à la gloire céleste. »
10- Cornelius A Lapide, Jésuite, 1637
L’érudit et judicieux Pape Benoit X1V a loué Cornelius A Lapide pour la façon dont il a traité la question présente : « Surtout parce qu’il traite cette question avec beaucoup d’érudition, et que c’est escorté par un grand nombre de Pères qu’il expose et défend sa position. »
Ce n’est pas dans un endroit seulement que le docte exégète approuve la sentence commune des Pères et des Théologiens Il se permet même de réfuter l’espérance dans le salut du plus grand nombre des catholiques. L’endroit le plus remarquable de notre Corneille est son commentaire sur les Nombres, X1V, 30 . Mais nous avons quelque scrupule de nous référer à ce passage, pour l’accablante raison que le Père Castelein demande une réponse docte (!) : « Je ne serai pas embarrassé pour répondre à mes contradicteurs. Je souhaite seulement que l’attaque soit savante et précise ». (Intr. P.11) Et la citation choisie ne semble pas assez savante pour l’érudition de notre adversaire : « Qu’on consulte, par exemple, le Père Cornelius A Lapide dans son commentaire sur les Nombres, X1V, V, 30 On y trouvera des sous-révélations au-dessous de toute créance, et cependant l’auteur est un érudit et un exégète de valeur , mais de temps à autre, dans son immense travail de compilation, le sens critique lui fait défaut. En admettant l’authenticité des visions qu’il rapporte, peut-être pourraient-elles s’entendre du petit nombre des âmes qui, après la mort, montent tout droit au ciel ». (p.285, note)
Citons donc le passage, sans aucun conteste possible le plus important, et loué par Benoit X1V, et passons sous silence les révélations que méprise souverainement la critique scientifique des modernistes. Sur la phrase de Jacques (11,13), la miséricorde surpasse la justice, Cornelius fait le long développement suivant : « Quelques-uns, s’appuyant sur Bède, commentent le texte en lui faisant dire : le nombre de ceux qui sont sauvés par la miséricorde de Dieu, -- surtout ceux qui ont été miséricordieux,-- est plus élevé que le nombre de ceux que condamne la justice divine. En d’autres mots, les élus sont plus nombreux que les damnés. Cela est vrai chez les Anges….Chez les hommes, c’est faux. Car il est certain que c’est de loin la plus grande partie des hommes qui est damnée, si l’on comprend dans le mot hommes les Gentils, les Sarrazins et tous les hérétiques. L’autorité de l’Ecriture et des Pères ainsi que la raison nous persuade que la plus grande partie des chrétiens adultes est damnée. Et la raison en est que la très grande partie des chrétiens vit en état de péché mortel. Selon la règle de saint Augustin, on meurt comme on a vécu, et ce n’est qu’exceptionnellement que meurt bien qui a mal vécu, et mal qui a bien vécu.
Tu m’objecteras que tous reçoivent les derniers sacrements. Et je te réponds que ce ne sont pas tous les chrétiens qui les reçoivent, car beaucoup meurent sans les sacrements dans les combats, sur les navires, en voyage, dans les campagnes…(Il est permis d’ajouter à ceux-ci les membres des sociétés secrètes et tous les autres impies et agnostiques , engeance inconnue de notre Corneille ). Et, à tout bien considérer, parmi ceux qui reçoivent les sacrements, plusieurs les reçoivent sans les dispositions requises , et donc sans fruit pour l’âme. Plusieurs portent le poids d’une ignorance crasse des sacrements et des articles de foi qu’ils sont formellement tenus de savoir et de croire. Ils ignorent principalement que le ferme propos de ne plus pécher est absolument nécessaire à la validité de l’absolution , et ils ne savent pas quelle force et quelle constance il faut déployer pour procurer au ferme propos la détermination et l’efficacité voulues.
Admettons qu’il y en ait qui connaissent tout ce qui est nécessaire au salut, mais qui vivent cependant sans aucun souci de leur salut, tout entiers employés à amasser des richesses et des honneurs, qui pensent rarement ou jamais à Dieu, à la vie éternelle et à leur conscience en dehors de la fête de Pâques, et cela uniquement parce que le précepte de l’Eglise les oblige à se confesser et à communier. Une fois la fête de Pâques passée, ils retournent sur-le-champ à leur bourbier et ils s’y vautrent. (Et que dire des soldats qui ne communient même pas à Pâques !... Le pourcentage de ceux qui remplissent ce précepte à Bruxelles et dans d’autres lieux peu connus pour leur piété, est de quatre pour cent pour les femmes et de cinq pour cent pour les hommes , et de zéro pour cent pour les maîtres officiels du jeu.(expression traduite littéralement dont j’ignore le sens). Et que deviendront leurs disciples ?)
D’autres sont pris dans les filets de l’usure, de la simonie, des biens mal acquis, qu’ils ne veulent pas restituer. D’autres ont des amants, ou sont enlisés dans des amours obscènes dont ils ne peuvent pas se désembourber, parce qu’ils n’en ont pas la volonté. D’autres fomentent les affrontements violents, les rixes, et les haines implacables.
Supposons même qu’un grand nombre connaissent la nécessité du ferme propos pour l’absolution, ils ne font cependant pas d’effort pour se le procurer, et vont même jusqu’à le simuler, et jusqu’à se persuader faussement de le posséder. Car ce ferme propos de ne plus jamais pécher est une chose ardue, sublime et difficile. Beaucoup refusent de se faire violence et d’y engager toutes leurs forces, surtout pendant la maladie et à l’article de la mort, car, alors, la raison, le jugement, les sens et les forces de l’homme périclitent et s’assoupissent. En conséquence, l’accoutumance de tant d’années engendre à l’article de la mort un ferme propos semblable au ferme propos pascal, superficiel, verbal et inefficace. (Tout le contraire de ces bonnes morts que prépare l’absence de foi : « Ah! Que cette foi plaît à Dieu ! Et que de bonnes morts elle prépare, malgré les défaillances de la vie ! » P. Castelein, p. 62)
Je ne sais pas où on pourra trouver parmi les missionnaires âgés, ou les pasteurs d’âmes d’expérience ce prêtre « qui a été des milliers de fois l’heureux témoin de ces bonnes morts ! » (ibidem) . L’expérience quotidienne confirme la doctrine du pieux et docte Corneille , qui est en même temps un proverbe éprouvé : « Telle vie, telle mort ».
Mais nous aurons profit à écouter de nouveau notre A Lapide qui poursuit ainsi : « Au dire de saint Grégoire et de saint Augustin, (livre 3 du libre arbitre) le pécheur est puni par une juste perte du sens de ses intérêts : vivant, il a vécu dans l’oubli de Dieu, mourant, il meurt dans l’oubli de lui-même. Cette peine imposée au péché est d’une grande justice, parce que quand il aurait pu bien faire il ne l’a pas voulu, et quand il l’a voulu il ne le pouvait plus. De plus, plusieurs indices nous laissent croire qu’un grand nombre ont été privés de ce ferme propos.
Le premier indice est que ce ferme propos n’est concocté par eux qu’à Pâques afin de recevoir l’absolution, et sous la contrainte des Pasteurs. C’est donc plus un ferme propos extorqué et forcé que libre et spontané. Si tôt terminée la confession pascale, ils retournent à leurs passions, à leurs vices et à leurs crimes, comme font beaucoup après la confession faite en danger de mort, s’ils en réchappent. Ce retour n’indique que trop clairement que leur ferme propos était contraint, qu’il avait été arraché par la crainte de la mort, qu’il n’était donc ni sincère ni sérieux.
Venons-en au second indice. Plusieurs ont développé de mauvaises habitudes d’ivresse, de luxure ou d’autres vices semblables, qu’ils ne veulent pas éradiquer. Ou s’ils en ont une velléité, ils ne sont pas prêts à prendre les remèdes nécessaires pour se désintoxiquer. Il reste à ajouter que les vices les plus dominants sont la luxure et l’orgueil. Ce sont les prédateurs par excellence, et ils emplissent l’enfer à eux seuls
Troisième indice. Plusieurs ont des principes politiques ou vicieux ou directement contraires à ce ferme propos de ne plus pécher, qui sont passés dans leur sang avec le lait maternel, qui ont pris corps dans l’adolescence et qui sont devenus par la suite une seconde nature. Comme, par exemple, l’obligation de venger, selon la loi du talion, une offense faite à soi ou aux siens. Selon ce code du faux honneur, est considéré dégénéré, vil et infâme celui qui ne se venge pas. L’obligation d’accepter l’offre d’un duel pour éviter le déshonneur. Dans les banquets, il faut rivaliser en dépenses somptuaires et en ripailles avec les plus huppés, et même aller jusqu’à l’ivresse. Avant toute chose, il faut satisfaire à sa condition sociale, à sa parenté et à sa famille. Tu dois pourvoir par tous les moyens possibles à maintenir et à hausser ton statut social et tes dignités, sans tenir aucun compte des lois de Dieu et de l’Eglise, si elles font obstacle. La priorité absolue doit être donnée à la conservation de la vie et de la fortune, même au détriment de la loi de Dieu. On ne doit pas tolérer les ignominies, les calomnies, les affronts, mais rendre œil pour œil et dent pour dent. Ces préceptes et ces principes, ils y pensent le plus souvent en acte, quand l’occasion se présente, c’est à l’action qu’ils sont destinés et c’est dans l’action qu’ils se formulent, et ils ne les remettent jamais en cause, même pas en confession. Et c’est au point que si un confesseur les interroge à ce sujet, ils répondent qu’ils persistent dans les mêmes sentiments. Car là où il est question d’honneur, de luxe ou de bien-être , ils ne se soucient ni de la conscience, ni de Dieu ni de l’enfer. Ce ferme propos issu du code du faux honneur qui demeure toujours en eux à l’état conscient ou de veille, est diamétralement opposé à la ferme volonté d’éviter les péchés et d’obéir en toutes choses aux lois de Dieu.
Que les écrivains et les prédicateurs modernes prêtent la plus grande attention à ce qui suit : « Il arrive souvent que les prédicateurs omettent d’enseigner ces choses, de les expliquer, de les inculquer. Aux pécheurs, ils recommandent la passion du Christ, la miséricorde de Dieu, les aumônes, le culte de la bienheureuse Vierge, laquelle ne permet pas que périssent ses dévots. Ils ne descendent pas jusqu’â cette sorte de vices, afin de tonner, de fulminer contre eux et de tenter de les extirper. C’est pourquoi, les villes et les peuples croupissent dans les mêmes mauvaises lois, coutumes, intentions, vices, et de leurs sermons ils ne retirent pas le moindre fruit. Qu’ils changent donc leur façon de prêcher, s’ils cherchent à répondre à ce qu’ils doivent à Dieu, à leur conscience, à l’Eglise et à leurs auditeurs, et qu’ils cherchent à extirper des âmes de leurs fidèles toute mauvaise semence qui trouve dans ce terrain de l’engrais et des fertilisants.
Quatrièmement . Admettons que parmi ceux qui se confessent à l’article de la mort, il y en ait qui bénéficient du ferme propos. Si, après la confession, ils demeurent alités pendant plusieurs jours, comme cela arrive souvent, reflue le souvenir des voluptés passées, qui fléchissent le consentement d’une âme habituée à s’en repaître. Et elle finit par consentir à sa pensée dépravée et à la délectation morose d’une volupté ancienne illicite qui lui était devenue habituelle. Il faut ajouter à cela l’action du démon. Il a coutume de rappeler lui-même à la pensée du moribond les voluptés passées, car c’est alors qu’il sort toutes ses batteries pour livrer à l’âme l’ultime bataille, au moment même de l’agonie quand l’âme se prépare à se séparer du corps. Le juste jugement de Dieu permet cela au démon en punition des crimes commis, et de la négligence apportée à réfréner nos passions, quand nous étions encore vigoureux et en bonne santé. Au lieu de les mortifier, combien s’y adonnaient comme des chevaux ou des mulets. Malheureusement, plusieurs succombent dans ce combat suprême et périssent, de quoi nous avons des exemples manifestes.
Cinquièmement. La vertu, le salut et la gloire céleste sont des choses sublimes et ardues qui transcendent toutes les forces de la nature humaine. D’un autre côté, la nature humaine est corrompue par le péché originel et s’est ravalée aux choses de la terre. L’amour des choses terrestres et la cupidité des richesses, des honneurs, du confort et des joies sensuelles sont tellement vivaces dans l’âme que c’est à peine si cette dernière peut seulement se faire une idée des choses célestes, ou parvenir à les comprendre. Il lui est encore moins possible de s’élever jusqu’à elles, et de déployer toutes ses énergies pour s’emparer du royaume des cieux qui souffre violence.
Admettons que la grâce de Dieu joue aussi son rôle. Mais, dans l’homme tombé, cette grâce ressemble plutôt à un remède qu’on donne à un infirme et à un moribond. Elle a à peine la force de le faire se mettre sur son séant. Et s’il parvient à se redresser, il retombe et s’écroule facilement. C’est pourquoi, dans cette corruption générale de la nature, il est aisé à quiconque, au milieu des occasions de péché et des tentations apportées par la chair, le monde et le démon, de tomber dans le péché mortel. Il est ardu et extrêmement difficile de s’en dégager par la pénitence et le ferme propos de ne plus pécher.
Et voici les deux causes et pour ainsi dire les deux pôles qui nous donnent la clef de cette question épineuse. Je parle de la parole de Jésus : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Véridique est la sentence de saint Justin : « L’âme ne peut être rappelée qu’avec grande difficulté aux biens qui excèdent sa nature, et elle ne peut pas être facilement arrachée aux maux auxquels elle était habituée. »
L’importance de ces raisons et leur valeur existentielle ont contraint de grands savants ----parmi lesquels notre Benoit Justinien---à changer d’idée. Après avoir pensé que la plupart des chrétiens seraient sauvés, il a soutenu le contraire. A Rome, j’en ai entendu plusieurs qui étaient de cet avis. Et parmi eux, un prédicateur de grande renommée qui était en même temps un docteur, enseignait que les confessions de ceux qui ont mal vécu faites à la dernière heure sont pires que celles qu’ils ont faites au cours de leur vie. C’est ce que confirme saint Augustin, au sermon 57 du temporal :« Il ne lui sert à rien, à la fin de sa vie, d’aspirer à une pénitence qu’il ne peut plus faire. Ce n’est qu’une illusion ». Et plus loin : « La pénitence que demande l’infirme est infirme comme lui. Quand c’est un mourant qui demande la pénitence, je crains fort qu’elle soit moribonde comme lui. En conséquence, mes bien chers frères, celui qui veut trouver la miséricorde de Dieu, qu’il fasse pénitence en ce monde quand il est encore sain, pour qu’il soit estimé sain dans l’autre. » Il dit la même chose dans une homélie, entre 41 et 50 : «Si celui qui, à l’article de la mort, fait pénitence et se réconcilie avec Dieu, se sent sûr de son salut, moi, je ne le suis pas . » Et il en donne la raison : « Si tu veux faire pénitence quand tu ne peux plus pécher, ce sont tes péchés qui t’ont quitté, ce n’est pas toi qui les as quittés . Choisis donc le certain, et laisse tomber l’incertain ». Il dit la même chose au sujet des paroles du Seigneur selon Luc , sermon 24 : « Vivez bien pour ne pas faire une mauvaise mort ».
Notre Corneille ajoute : « Les mêmes raisons me persuadent que bien que je croie que dans certaines villes ou en certains lieux ou chez certains peuples d’une éducation appropriée ----ici, c’est avec tristesse que je considère de nouveau l’éducation socialiste donnée, en Belgique, dans nos écoles neutres---où les professeurs sont remarquables, remarquables les pasteurs, les confesseurs, les sénateurs et les gouverneurs, qui enseignent le peuple fidèlement , le nourrissent et le stimulent , bien que je croie, dis-je, que chez ces gens la majorité sera sauvée, cependant, dans beaucoup d’autres lieux où tous ces secours font défaut, où l’ignorance est grande, grandes l’indifférence et l’insouciance, où les tendances perverses du peuple sont nourries et fortifiées par la dépravation de l’éducation et de la société, j’estime que le nombre des damnés est supérieur à celui des sauvés. »
L’heure est venue pour lui de prouver ce qui a été avancé par l’autorité de l’Ecriture ou des Pères. Il cite en premier lieu un passage du quatrième livre d’Esdras, allégué également par Suarez et Gonet où il est dit en toutes lettres : « Nombreux sont ceux qui ont été créés, mais peu nombreux ceux qui sont sauvés. » « Lequel livre, dit-il, bien qu’il ne soit pas canonique, jouit d’une certaine autorité ». Il présente ensuite trois arguments tirés de l’Ecriture et des Pères. Puis, il cite Alphonse Mendoza qui, en se servant à peu près des mêmes arguments, prouve éloquemment que le nombre des élus est inférieur au nombre des réprouvés.
Et enfin, ce pieux et docte interprète de l’Ecriture tire de ses enseignements une conclusion morale ou ascétique : « Que ces raisons et que cette sentence inspirent à chacun une crainte sainte et salutaire pour que tous opèrent leur salut ---selon l’exhortation de l’Apôtre---dans la crainte et le tremblement, pour qu’ils examinent leur conscience avec soin, et si dans ces principes et ces préceptes ils trouvaient jamais quelque chose de contraire à leur salut, qu’ils les rejettent loin d’eux, pourvu que de bouche et de volonté ils s’éloignent de l’amour des richesses et des honneurs, qu’ils résistent généreusement à l’attrait des cupidités, qu’ils se lient complètement à Dieu et à sa loi, préférant supporter toute chose , renoncer à tout et mourir mille fois plutôt que d’offenser Dieu et sa grâce et de perdre son amitié. Puisqu’un si grand nombre de chrétiens sont damnés, et si peu sont sauvés, qui ne doit pas craindre, qui ne doit pas faire tous ses efforts pour être compté parmi les élus, qui ne doit pas éviter avec le plus grand zèle tout ce qui peut mettre son salut en péril, qui ne doit pas prendre tous les moyens pour assurer son salut ? Nous n’avons qu’une seule âme, pas plusieurs. Qui que tu sois qui lis ces lignes, pense à cela . Vive Dieu, vive l’éternité ! »
11- Jansenius Leerdamensis, surnommé Iprensis, 1638
Entrez par la porte étroite. « La porte étroite et resserrée signifie la voie de la vertu, parce que d’après les paroles mêmes de la loi divine, et surtout de la chrétienne, qui nous a été transmise , la voie de la vertu est codifiée de telle sorte qu’elle ne permet à l’homme de vagabonder ni à droite ni à gauche, en vue de satisfaire à ses caprices et à ses passions. Ensuite, elle est dure d’accès, non en elle-même, puisqu’elle nous est connaturelle, mais à cause de la tendance de notre nature corrompue à tout ce qui est sensible, à laquelle tendance il est extrêmement difficile de s’opposer. Enfin elle est unique, et il ne nous est pas permis de nous en détourner d’un pouce.
Toutes les différentes sortes de passion peuvent nous devenir dommageables par excès ou par défaut, c’est pourquoi on dit qu’elle est large et spacieuse la voie qui conduit à la perdition, c’est-à-dire la voie d’iniquité, et qu’il y en a beaucoup qui entrent par elle, et qui, par conséquent, tendent à l’éternelle perdition. La plus grande partie des hommes est victime de la facilité de la route, et fait plus volontiers ce qui lui plait que ce qu’elle doit. C’est pourquoi le Sauveur dit avec étonnement : qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Peu nombreux ceux qui y entrent, encore moins nombreux ceux qui, une fois entrés, persévèrent jusqu’à la fin, comme le note saint Jérôme, dans son livre 11 contre Pélage. Aucun philosophe, aucun hérétique, aucun Turc, aucun païen ne la trouvent. Aucune mauvais catholique n’y entre . La voie spacieuse, elle, est très facile à trouver, car elle n’a pas d’autre guide que l’erreur et l’éloignement de la voie droite, chose qui peut se faire d’un nombre infini de manières. Les païens ont vu cette doctrine à la seule lumière de la raison.
Parce que cette voie est difficile
à trouver et que peu la trouvent, selon la parole du
Seigneur, et que c’est avec raison que chacun devrait rechercher
un guide, il ajoute avec à propos : « Gardez-vous
des faux prophètes ! etc…
Ces enseignements de Jansenius sont
approuvés et catholiques.
12- Fromondus , 1653
Il est certain qu’à
considérer le genre humain dans sa totalité, les hommes
qui se perdent sont plus nombreux que ceux qui se sauvent.
Si parmi les chrétiens, nous incluons les apostats et les
hérétiques qui usurpent faussement le nom de chrétiens,
le nombre des chrétiens damnés est de loin plus grand que
celui des sauvés. Saint Augustin et les autres saints
Pères s’appliquent à démontrer au moyen de différents
textes de l’Ecriture, que les fidèles qui meurent dans
la communion et la foi de l’Eglise sont plus nombreux à
à être damnés
qu’à être sauvés. Et même
s’il était vrai que la plus grande partie des chrétiens ne
meurt pas sans avoir reçu les derniers sacrements, plusieurs
mondains n’en reçoivent pas les fruits, parce qu’ils n’ont pas une
aversion sincère des péchés et le ferme propos de
s’amender, nécessaire à la justification. Une
très grande grâce de Dieu est donc ici nécessaire
pour que des hommes qui pendant longtemps ont été enchaînés
par les richesses, les honneurs, les plaisirs et toutes les
choses de la terre s’élèvent tout-à-coup à
la sublimité de la pénitence. Voilà ce
que Cornelius A Lapide établit bellement et savamment contre
Suarez, en s’appuyant sur les Pères et les autres théologiens.
Il ajoute qu’à Rome, il a entendu plusieurs théologiens
qui étaient de cet avis, à cause du laxisme et
de la corruption générale des mœurs ».
13 - Menochius, jésuite, 1655
En Matt. XX11, 14 : « Cette conclusion il y a beaucoup d’appelés, etc…doit être référée à l’ensemble de la parabole, dans laquelle nous voyons que beaucoup ont été appelés, mais que peu sont venus, et que parmi ceux qui sont venus, tous ne sont pas élus. »
14°/ Nicolas Talon, Jésuite, 1691
Voici comment parle cet auteur dans
son livre : l’histoire sainte du Nouveau-Testament, T.1, vie agissante
de Jésus-Christ, cap.52 : L’assurance du salut dans la voie
étroite, p.243 Entrez par la porte étroite, car
large est la porte et spacieuse la voie qui mène à
la perdition et il y en a beaucoup qui entrent par elle. Matt. V11,13.
« Taulère,
dont la vertu ne devait rien appréhender, ne pensait presque
jamais à ces paroles qu’avec quelque sorte de tremblement,
et, devant un jour prêcher sur ce sujet, il commença
sa prédication par ses larmes…et témoigna par là
la persuasion où il était du petit nombre de ceux qui
vont sur le chemin de la vertu ». Il cite ensuite
des figures de la porte étroite du Paradis, et conclut : «
Toutes ces choses sont des figures du petit nombre des élus,
dont nous avons des prophéties encore plus expresses dans Isaïe.
» Il cite des textes de l’Ecriture,
les témoignages des plus graves des Pères. «
C’est la pensée de tous les Pères de l’Eglise ».
15 Bernadinus a Piconio, 1709
« Beaucoup sont appelés au salut. Il n’y a pas un homme qui n’y soit pas appelé. Mais peu méritent d’être comptés parmi les élus. » « Beaucoup ne sont pas élus parce qu’ils ne l’ont pas voulu ». « Beaucoup sont appelés, en fait, tous sont appelés. Peu sont élus, qui, une fois appelés, sont fidèles à leur sainte vocation et y demeurent saintement. Et en Matt. V11, 13, 14 : entrez par la porte étroite. Choisissez , avec le petit nombre, de tendre à la vie éternelle. Retirez-vous de la voie qui précipite la multitude à la perdition éternelle. Large est la porte qui conduit à la perdition, et beaucoup entrent par elle. Cette porte est celle de la multitude, qui, ayant choisi comme sa règle de vie la mentalité, les usages et les coutumes du siècle, se livre sans frein aux passions de la nature corrompue.
Qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie ! Ces paroles de quelqu’un qui est en proie à l’ébahissement indiquent qu’il n’est accordé à personne d’élargir la voie étroite par laquelle on accède à la gloire céleste. » Enfin, en Luc X111,24, il répond d’avance à l’interprétation restrictive des modernistes, selon laquelle l’exhortation de Jésus : Efforcez-vous d’entrer par la voie étroite ne concernait que les Juifs contemporains de Jésus et, en aucune façon, les chrétiens des siècles postérieurs : « Ce sort infiniment déplorable qui attendait les Juifs, d’après la prédiction de Jésus, est un fatal présage du malheur éternel qu’attend les chrétiens qui n’ont pas voulu conformer leur vie à l’Evangile. »
16 Calmet, 1757
C’est dans le sens commun des Pères qu’il interprète sommairement les textes dont les modernistes veulent modifier l’exégèse : « Ce fut toujours une question importante la question de savoir si le nombre des sauvés est plus grand que celui des damnés. Mais l’évangile dans son ensemble démontre que le nombre des élus est restreint, que la porte du ciel est étroite, et qu’elle est trouvée par un petit nombre. La voie qui mène au ciel est resserrée et ardue, et tous ne la parcourent pas jusqu’à la fin. »
17 De Ligny, 1788
Matt. V11,13 : « Jésus-Christ déclare formellement que le grand nombre sera des prévaricateurs, et que celui des observateurs fidèles sera sans comparaison le plus petit. Qu’ainsi, sa loi doit être entendue et observée à la lettre, ou, si l’on veut l’expliquer par la pratique, ce n’est que dans la pratique du petit nombre qu’il faut en chercher le véritable sens ». Et en Matt. XX, XV1 : « C’est comme si Jésus disait : vous paraissez troublés de m’entendre dire que les premiers appelés seront renvoyés au dernier rang. Combien plus devez-vous l’être de ce que, parmi ce grand nombre d’hommes, qui ont été appelés et qui le seront encore, très peu auront part à la récompense. »
18- Fillion
« Porte large et voie spacieuse . Double figure des facilités, des libertés, de l’agréable aisance que procure une vie sans frein, livrée aux passions et au péché. Il n’y a rien de gênant à l’entrée de cette porte, ni sur cette route. « Qui conduit à la perdition ». Mais cette accueillante porte, une fois franchie, cette route facile une fois descendue, où arrive-t-on ? A la ruine éternelle. Et, ce qui est bien triste, c’est que la plupart des hommes se précipitent avec insouciance ou plutôt avec empressement, dans cette direction. Et ils sont nombreux. « Qu’elle est étroite la porte ! » Symbole des peines et des sacrifices qu’impose la justice chrétienne bien pratiquée…. Mais quelle récompense attend ceux qui surmontent courageusement ces obstacles !.... Elle conduit à la vie. La vie éternelle dans le sein de Dieu, les reposera de toutes leurs fatigues. Malheureusement, peu nombreux sont ceux qui la trouvent. Ces mots durent être prononcés avec un accent de profonde tristesse. De nos jours, comme au temps de Jésus, comme à toutes les époques, l’humanité se divise en deux catégories : la foule suit la voie large, sans s’inquiéter de l’abyme qui en est le terme. Le petit nombre gravit péniblement l’étroit sentier, se consolant à la pensée des joies futures. C’est à bon droit que les Pères et les Docteurs ont vu dans ce passage un argument favorable au sentiment d’après lequel le nombre des élus sera relativement restreint. »
19 Van Etten,
Celui qui pendant vingt cinq ans a enseigné l’Ecriture sainte à S.J. dit ceci dans son livre marqué par une grande érudition : ( courte phrase en flamand). Et de façon manifeste, et comme quelque chose d’inébranlable, il soutient que le nombre des élus, comme grand en lui-même, est petit comparé au nombre des condamnés.
Voici ses propres paroles : ( un assez long paragraphe en flamand). Il répète la même chose dans son commentaire de Matt. XX11, 16 : « Il y a beaucoup d’appelés »
20 Colleridge , Jésuite
Matt. V11,14 : « Cette doctrine qui ressort naturellement des paroles de Notre-Seigneur, que la majorité des hommes suit le chemin de la perdition, peut sembler dure et décourageante. Il ne manque pas d’esprits réfléchis qui cherchent à échapper aux conclusions qui paraissent en découler…Notre-Seigneur nous dit que l’immense influence de la majorité des hommes avec qui nous vivons, s’ajoutera encore à notre propre faiblesse et à nos inclinations mauvaises pour nous entraîner. Toujours nous aurons contre nous la multitude…Oui, prenons-en notre parti, toujours nous aurons à lutter contre la multitude. C’est l’exemple de la multitude qui toujours a retenu, comme il retient encore, tant d’âmes dans la poursuite de la perfection. C’est l’exemple de la multitude parmi les catholiques qui fournit toujours à ceux qui n’appartiennent pas encore au bercail de l’’Eglise un prétexte pour ne pas y entrer. C’est l’exemple de la multitude des soi-disant chrétiens qui ferme à toute l’évidence de l’Evangile les cœurs de millions d’incrédules ».
Et, parlant des monastères, notre pieux auteur ajoute ceci : « Eh bien! Là aussi, l’exemple de la multitude devient parfois funeste à la perfection…Ces négligences dans une vocation si haute, …supposent un manque de fidélité et de correspondance à la grâce dont il est impossible de prévoir toutes les conséquences ».
Luc X11, 24 : « Le sens paraît être assurément que ceux qui entrent par la voie étroite sont peu nombreux, tandis que la plupart suivent la voie large qui conduit à la perdition ».
21 Ceulemans, S.T.D.
Brillant professeur d’écriture sainte dans le séminaire de Mechlin, il commente ainsi : il y en a peu qui la trouvent, en Matt. V11,14 : « La voie spacieuse s’offre d’elle-même, mais celle qui est resserrée doit être cherchée avec zèle. Cette voie conduit à la vie éternelle, mais il y en a peu qui la trouvent et qui la suivent. De ces paroles du Christ, il nous semble pouvoir déduire que le nombre des réprouvés est de loin plus grand que celui des sauvés, à la condition d’inclure les hommes de tous les temps. S’il n’est question que des seuls chrétiens ou des seuls catholiques, c’est le doute qui a le dernier mot. »
22 Knabenbauer, Jésuite
Nos adversaires n’hésitent pas à crier sur les toits et à proclamer avec tambours et trompettes que cet exégète érudit et très célèbre est de l’avis que les élus sont en plus grand nombre que les damnés. Sur quelle base s’appuient-ils ? Que le lecteur en juge.
En Matt. V11 : il y en a peu qui la trouvent, il parle du petit nombre de ceux qui obtiennent le salut : « La difficulté de la chose est démontrée par le petit nombre qui la trouvent. Il faut donc la rechercher soigneusement, ce qui revient à dire qu’il faut opérer son salut dans la crainte et le tremblement. Quand Jésus dit : ils sont peu nombreux, il parle de la lâcheté d’un grand nombre, et met en garde ses auditeurs de ne pas s’attarder à la pensée du succès et de la prospérité du grand nombre, ni aux épreuves du petit nombre. Il ne faut pas faire de cas de la multitude, ni se troubler de sa désinvolture, mais imiter le petit troupeau. Il faut donc prêter attention non à ce qui change, mais à ce qui demeure.
Si l’on considère l’époque de la prédication de Jésus, ils étaient certainement peu nombreux les êtres humains pris dans leur ensemble qui obéissaient généreusement à loi naturelle inscrite dans leurs cœurs, et qui se gardaient à l’abri des voluptés illicites, des vices et des péchés. Parmi les Juifs eux-mêmes, les Pharisiens et les scribes qui rivalisaient entre eux dans l’observation littérale de la loi, étaient infectés de plusieurs vices. Que penser des autres, les Sadducéens et les Hérodiens, qui, après avoir méprisé la loi, se tenaient dans la zone d’influence des étrangers ? Que penser de la masse du peuple ? Voyez Matt. 11,21,23-37. Luc, 13,2,5, etc… C’est donc avec raison que Jésus dit : ils sont peu nombreux…
Et qu’en est-il aujourd’hui ? Qu’en est-il au cours des siècles en général ? Ce que saint Jérôme a écrit demeure vrai : « La voie large est la volupté du monde que convoitent les hommes. Beaucoup marchent par la large, peu par l’étroite. La large, point n’est besoin de la rechercher ni de la découvrir. Elle s’offre spontanément d’elle-même et elle est la voie des égarés. Celle qui est étroite, tous ne la trouvent pas , et ceux qui l’ont trouvée n’y entrent pas tout de suite. Bien plus, plusieurs, après avoir trouvé le chemin de la vérité, fascinés par les voluptés du siècle, rebroussent chemin. » Le Seigneur nous enseigne : « si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. Les commandements, voilà la voie et la porte étroite. Il est difficile à l’homme charnel de marcher sous la garde intégrale des commandements de Dieu , et, dans tout le genre humain, combien penses-tu qu’ils sont à marcher constamment dans cette voie ? Ne sont-ils pas peu nombreux ? »
23 Fr. Allioli, 1873
Il enseigna les langues orientales et occupa une chaire d’exégèse et d’archéologie . Mais il fut connu par sa traduction de l’Ecriture qu’il annota. En Matt. XX, 16 : beaucoup d’appelés, peu d’élus. « Beaucoup, il y a plus, tous sont appelés de Dieu à son Royaume, mais un petit nombre seulement arrivent à la félicité éternelle. Voici comment on peut joindre ensemble cette sentence de la sagesse : beaucoup d’appelés mais peu d’élus, et celle touchant les premiers et les derniers : les derniers seront les premiers et les premiers les derniers. Ne vous étonnez pas que les premiers soient les derniers et les derniers soient les premiers, comme l’expose au long la parabole. Car il arrive même que quelques-uns qui ne sont point du tout reçus, ne sont absolument rien. Plusieurs ne correspondant pas à la vocation, où, n’y coopérant pas fidèlement, d’où il suit qu’il n’y en a relativement qu’un petit nombre qui arrivent à la béatitude (Suarez).
Et au chap. XX11, 14 « …De sorte qu’on peut dire en général, qu’eu égard à l’humanité toute entière, le nombre de ceux qui sont élus pour la béatitude éternelle est petit. »
24 Van Steenkiste
Le saint Evangile selon saint Matthieu, troisième édition soigneusement revue, et réimprimée en 1880, aux numéros 267, 268. C’est le passage sur la porte étroite qui lui a donné l’occasion de dire ce qu’il pensait sur le sujet. En effet, cet auteur très érudit examine de près ce qu’il appelle lui-même la question scripturaire du nombre des élus. Il pose d’abord une question générale : « Qu’est-ce que la sainte Ecriture, et, en particulier, l’Evangile enseigne sur le petit ou le plus petit nombre des élus? » Cet illustre interprète formule sa question de plusieurs façons différentes et se réfère à plusieurs textes.
En premier lieu, il constate qu’on lit deux fois la phrase : beaucoup d’appelés et peu d’élus. Le contexte du discours semble donner raison à l’opinion de ceux qui prétendent que l’un et l’autre passage se réfèrent à l’élection à la foi et à la grâce. Mais d’autres paroles du Christ insinuent qu’il faut aussi y inclure l’élection à la gloire ou la prédestination au ciel. Et bien que Jésus applique sa sentence aux Juifs de son temps, nous considérons qu’elle a une valeur universelle, car celui qui prononce une phrase qui vise quelques-uns en particulier, peut très bien en même temps formuler une vérité générale. Cf. p.458. » Nous reviendrons bientôt sur cette question, ami lecteur.
« Deuxièmement. La déclaration de Jésus sur la porte étroite qui conduit à la vie et dans laquelle peu entrent, se trouve en deux endroits : en Matt. V11,14, et en Luc X111, 24. Luc affirme que ces paroles de Jésus se rapportaient aux juifs de son temps …mais il ne faut pas en exclure un sens beaucoup plus large ,qui est celui des paroles de Jésus dans Matt.
Troisièmement. Dans la parabole du semeur, ce n’est que la quatrième partie qui minote. Ce qui laisse entendre que même après l’avènement du Christ, et en plein Nouveau Testament, les bons sont en plus petit nombre. Donc, toujours et jusqu’à la fin des siècles, demeurera vrai ce qu’a écrit Jean (1,V,19) : Le monde entier est plongé dans le mal. » Il établit ensuite des comparaisons entre ceux qui sont sauvés après le Christ et ceux que le péché originel traîne jusqu’en enfer….Ensuite, entre ceux qui sont disciples du Christ, etc….Il continue :
« Quatrièmement. Dans plusieurs paraboles, l’Eglise est décrite d’une telle façon que les bons semblent dépasser les mauvais en nombre. » Ce qui le conduit à parler des catholiques adultes, à l’exclusion des hérétiques.
Cinquièmement. A la fin, l’auteur traite de l’opinion du petit nombre des élus, en particulier, de la façon dont Mabillon l’a développée : « Quoiqu’il en soit de cette opinion, je ne voudrais pas réduire le nombre des catholiques adultes d’après les règles comptables de Massillon, dans son célèbre sermon sur le petit nombre des élus. » S’étant ensuite demandé, en termes généraux, ce que l’Eglise enseigne du petit nombre ou du plus petit nombre des élus, il ne conclut pas que nous n’en savons rien, mais : « Concluons que nous n’en savons pas grand-chose et que ne n’est pas dans notre intérêt de le savoir. Une seule chose a de l’ importance, c’est que, quelle que soit l’étroitesse de la porte, nous devons faire tous nos efforts pour y entrer. » A la page précédente, il avait pourtant dit : « Les paroles de Jésus nous permettent de conclure avec certitude qu’à la fin des siècles, la masse des réprouvés sera plus grande que l’ heureux petit troupeau des élus. Ceci est la sentence commune et véridique, dit Suarez »
Consultons maintenant le passage particulier de la question 458 dans lequel l’auteur entreprend d’établir ce que nous savons, même si nous ne savons pas grand-chose. Ici, l’auteur explique clairement ce qu’il voulait dire au numéro 1, et pose carrément la question : « Les paroles de Jésus (beaucoup d appelés, peu d’ élus) nous permettent-elles de conclure avec certitude que le nombre des saints du Ciel est inférieur à celui des damnés ? » Et il répond : « Au sujet de cette question, j’ai déjà fait quelques remarques plus haut. Pp. 267,268. Nous répondons conformément à l’opinion que nous avons faite nôtre, que la conclusion qui s’ impose est celle du plus petit nombre des élus. Mais on objecte que cette conclusion ne s’accorde pas avec deux paraboles dont la conclusion est formulée par cette sentence : beaucoup d appelés et peu d’ élus. Je réponds que dans la première parabole, les gentils semblent jouir d une meilleure condition dans le royaume des cieux, duquel la plupart des juifs sont exclus. Dans la deuxième parabole, un seul est rejeté , mais plusieurs n’entrèrent pas.
Que dire donc de plus clair et de plus manifeste ? Que ces textes ont une valeur de preuve et non de démonstration, si l’ on considère la fin première et le sens spécial de la parabole, mais qu’ ils engendrent la certitude complète si l’on se réfère au sens secondaire de la parabole et au sens de l auteur, comme le veut Van Steenkiste. Il est donc permis de conclure : nous ne savons pas grand-chose là- dessus, et d’ ajouter qu’il est permis de conclure que le nombre des élus du ciel est inferieur à celui des damnés. C’est ainsi que parle Jean de saint Thomas et la plupart ».
Comment notre auteur entend-il l’interprétation de Beelen, non pas du premier passage Matt. XX,16, mais d’ un autre, ch. XX11,14 ? Ses paroles ne font que confirmer nos dires sur le professeur de Louvain : « Que signifie la conclusion de la parabole : beaucoup d appelés, , peu d’élus? » Il répond : « Luc. Brug. Klofutar, Beelen entendent la conclusion de la parabole dans ce sens : parmi les gentils appelés à la foi, les élus proprement dits seront peu nombreux, i.e. ceux qui sont admis au ciel. Il s’ensuit donc que parmi les catholiques ,-- ceux qui appartiennent à la vraie Eglise du Christ--, le nombre des bienheureux sera inférieur à celui des damnés. »
« Quelle fin se proposait le Christ, se demande Van Steekiste , quand il nous a présenté cette parabole ? » Et il répond : « La fin première est de déclarer aux Juifs qu’ils sont exclus du salut évangélique et sévèrement punis pour avoir prévariqué., et que les gentils seront admis en leur lieu et place. La fin secondaire repose dans la dernière partie de la parabole, et signifie que ne seront pas sauvés tous ceux qui embrassent la foi et deviennent membres de l’Eglise, mais qu’en plus de la foi, l’état de grâce ou la vie sainte est nécessaire au salut. »
25 Leonardus Klofutar
Ce docteur en théologie , professeur public et ordinaire des études bibliques du Nouveau Testament à l’ institut d’ études diocésain de Labacens, et conseiller épiscopal permanent et examinateur au synode, a eu accès à des sources et à des secours excellents , i.e. aux travaux exégétiques des Allemands qu’ ils viennent tout juste de mettre en circulation. Voici quelques noms : Aug. De Berlepsch, F. Xav Patrizzi, P. Schegg, Aug. Bisping, Wilh, Reischl, Jos. Langen , Allioli, Kistemaker, Massl, Adalbert Maier, Jord, Chr. Kuinoel, de Wette, G. Roshenmuller, Wieseler, Friedlieb, etc..
Il n’est donc pas étranger aux interprétations les plus modernes , et il a scruté à la loupe leurs méthodes exégétiques, de sorte qu’on peut dire , sans crainte de se tromper, que dans un seul auteur, nous avons le sentiment des modernes. Voici, donc, bienveillant lecteur, ses propres paroles en Matt : il y a beaucoup d’ appelés : « Ces paroles sont, la plupart du temps, expliquées ainsi : Beaucoup sont appelés à la béatitude éternelle, sans être élus, parce qu’ ils ne sont pas fidèles à leur vocation. Mais cette explication ne peut pas être encore admise. Dans ce passage, ceux qui sont invités sont les plus importants, l’élite. Mais si ces mêmes mots (beaucoup sont appelés) etc..et ces autres de Matt. (XX11,14,) reviennent ailleurs dans un autre sens, ce n’ est pas une objection à notre explication, parce que le contexte des deux passages est différent. Dans cet autre texte de Matt. de XX11,14 : car plusieurs sont appelés et peu sont élus, il faut lire : beaucoup sont appelés au royaume messianique, i.e. au salut, et seront damnés. Car, peu nombreux sont ceux qui, élus par un décret divin, participeront véritablement au salut dans l’autre vie. La cause de l’appel universel se trouve dans l’amour de Dieu qui veut sauver tous les hommes. La cause de l’élection d’un petit nombre est la prescience infaillible de Dieu du mépris par le grand nombre du salut offert. En outre, quand le Christ dit que beaucoup sont appelés, il ne faut pas en déduire que ce ne sont pas tous les êtres humains qui sont appelés à la béatitude éternelle. On dit beaucoup à la place de tous, pour les mettre en opposition avec les peu nombreux qui jouiront vraiment de la béatitude, car la totalité semble n’être qu’un grand nombre quand elle est mise en relation avec le petit nombre. L’intention du Christ n’était pas de mettre l’insistance sur la multitude. »
Enfin, en Luc, il parle
ainsi : « Seigneur, s’ils sont peu nombreux à
être sauvés, i.e., Seigneur, sont-ils
peu nombreux à parvenir à la béatitude éternelle
? i.e. qui seront les convives au royaume messianique consommé
? . L’ interrogateur était certainement un disciple
qui était bouleversé par la sévérité
des choses que Jésus imposait à ses disciples,
et par l’attitude récalcitrante de ceux qui refusaient d’accueillir
sa doctrine. La particule ei dans une interrogation directe
a la même valeur qu’en grec : Pereron, an, num.
A la question posée, Jésus répond de façon
à faire comprendre pourquoi il y en a plusieurs à ne
pas être sauvés, et, en même temps,
il exhorte tous et chacun à travailler de toutes leurs
forces pour devenir participants du salut. »
Paragraphe 2 UN ILLUSTRE EXEGETE MODERNE
REVENDIQUE PAR CASTELEIN
SANS DROIT
(p.264)
Notre contradicteur range parmi ses partisans « les deux plus savants exégètes du siècle, Mgr. Beelen et le P. Knabenbauer , jésuite », (p.64, et Le Patriote, 4 mars l899).
Nous avons déjà recensé la doctrine du P. Knabenbauer relative au petit nom de ceux qui passent à la vie éternelle. Il nous reste donc à nous prononcer sur Cl. Beelen.
Que le lecteur se rappelle avoir lu plus haut que le beaucoup- d’appelés- peu- d’élus, apparaît à deux reprises chez Matthieu, une fois au seizième verset du chapitre vingtième, et une autre fois au quatorzième verset du chapitre vingt-deuxième. Voici l’interprétation de Beelen pour chacun des deux textes. Dans le premier passage (XX,16), de l’authenticité duquel plusieurs ont l’audace de douter, le très célèbre exégète, avec hésitation et modestie, reconnaît là un degré plus ou moins grand de sainteté, comme le dit Castelein. Mais Beelen affirme formellement que le beaucoup- d’appelés- peu- d’élus, a un autre sens dans le second passage de Matthieu. Voici comment il s’exprimait en flamand : « Multi vocati…Ces paroles confirment ce qui précède immédiatement : c’est ainsi que les derniers seront les premiers, etc.. Le sens me semble être le suivant : parmi ceux qui ont été appelés tôt ou tardivement, généralement parlant, peu seulement porteront le nom de choisis ou d’augustes ou de saints. Dans le chapitre XX11, 14, la même sentence reparaît, mais avec un autre sens. Voyons donc quel est cet autre sens donné par le texte.
Dans le deuxième passage, (XX11,14), cet autre sens présenté par Beelen n’est autre que le sens communément reçu. Il ne s’applique pas aux Juifs, ni à ceux qui occuperont les meilleures places, mais à tous ceux qui sont appelés à la foi et au salut, et à ceux qui, parmi eux, remporteront le prix au jugement dernier. Voici les paroles de Beelen qui définissent cet autre sens : « Plusieurs appelés…Cette sentence ne porte pas sur la parabole dans son entièreté, (sur les invités aux noces royales) mais seulement sur les versets 9 à 13. » Et il explique le sens des paroles du Christ : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. « Dans cette partie de la parabole, dit-il, il s’agit de la vocation de tous indistinctement, et même des gentils, aux joies de la grâce et du salut éternel. La venue du Roi indique le jugement universel, et l’homme expulsé représente ceux qui, bien qu’ils furent autrefois appelés à la foi et au salut, sont diagnostiqués sans grâce sanctifiante…et il périront pour toujours. »
Voilà donc cet autre sens découvert par le très illustre exégète de Louvain . Dans le chapitre XX,16, le peu d’élus signifie peu de saints, et dans le ch. XX11, 14, l’auteur conserve aux mots leur sens propre et naturel, et peu d’élus signifie peu d’élus. (phrase entrelardée de mots flamands). Il convient d’ajouter que les paroles : beaucoup d’appelés, peu d’élus, sont associées par l’auteur aux paroles précédentes de Jésus, et expliquent pourquoi s’élèvera un tsunami de vociférations : là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Une lamentation si abyssale peut-elle s’expliquer par l’expulsion d’un seul ? Si l’on suppose une nuée cosmique de damnés, en comparaison desquels les élus paraissent peu nombreux, il est facile de comprendre la raison des pleurs désespérés. » Beelen répète ensuite la même chose en flamand.
Après avoir entendu ces paroles, que le lecteur studieux et consciencieux juge si elles donnent au P. Castelein le droit de tant fanfaronner à propos de l’interprétation que l’exégète donne au premier texte de Matthieu, quand on constate que l’illustre auteur, dans l’autre passage considéré comme plus authentique, non seulement n’appuie pas Castelein , mais se déclare en faveur de l’opinion communément admise. Cette doctrine de Beelen cadre parfaitement avec le commentaire qu’il donne aux épitres et aux évangiles de chacun des dimanches de l’année liturgique. Au dimanche de la Septuagésime, dans 1, Cor. 1X, 24---X,5, pour éviter la perdition éternelle et l’exclusion de la Béatitude, il prévient, comme saint Paul, que la profession de foi ne suffit pas, mais qu’est exigée une vie chrétienne saintement menée, avec toutes ses contraintes. En témoignage de quoi, il rappelle le décès de tous les juifs dans le désert et leur exclusion de la terre promise, parce que la plus grande partie d’entre eux n’avait pas plu à Dieu. (deux ou trois phrases en flamand)
Il semblerait donc que Castelein
cite Knabenbauer et Beelen comme il citait saint Alphonse et
saint François de Sales . N’affirme-t-il pas que ses
idées sont le fruit d’une étude approfondie de l’Ecriture
Sainte et des enseignements de nos plus grands théologiens
? L’étonnement que la vulgarisation de pareilles idées
suscite…etc » Et c’est avec le plus grand sérieux
du monde que E.T. se fait son chantre : « L’auteur fait preuve
d’une grande compréhension de l’Ecriture, d’une solide érudition
exégétique. Cet avantage lui permet des interprétations
que n’oserait pas un esprit moins armé, mais dont la sage
hardiesse se base sur des motifs qui entraînent la conviction
du lecteur instruit et non prévenu ».
p.267 fin.
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Chapitre 6
p.269-346
CHAPITRE 6 p.268
OBSERVONS LA FACON DONT LES
MODERNISTES SE COMPORTENT ENVERS LES PERES DE L’EGLISE
ET LA FACON DONT ILS LES INTERPRETENT.
Après avoir entendu la sentence commune des Pères de l’Eglise, des Docteurs et des théologiens au sujet du petit nombre des élus, nous nous apprêtons à mettre en pièces les sophismes des modernistes.
Ces sophismes, pour une disposition plus ordonnée de la matière, nous les distinguerons en diverses catégories. La première, qui se rapporte à l’autorité des saints Pères et à l’exégèse scripturaire, sera traitée par nous plus abondamment dans ce sixième chapitre, du fait qu’elle est la plus importante de toutes. Les autres seront exposées plus succinctement dans le septième chapitre.
A la vue de ces catégories, que le lecteur n’aille pas s’imaginer que tous les sophismes des modernistes seront exposés du premier jusqu’au dernier. Nous ne réfuterons que les principaux, et ceux qui sont de moindre importance nous les passerons tout simplement sous silence.
Certaines doctrines chères
à Castelein qui sont loin d’être édifiantes,
nous les réservons pour le huitième chapitre où
nous leur opposerons sans dérougir les citations des Pères
et des saints.
1 p.269
De façon gratuite et avec beaucoup d’insolence, nos adversaires rangent parmi les rigoristes, les terroristes, les pessimistes, et les reliquats du jansénisme tous les saints docteurs et les Pères de l’Eglise ainsi que les théologiens et les interprètes qui enseignent la sentence commune du petit nombre des élus.
« Ce vieux legs du Jansénisme ». (Castelein, édt. 2, p.10)---« Un rigorisme qui répand des idées étroites et de troublants préjugés ». (p.10). « Allons donc, messieurs les rigoristes, emportez vos balances de toiles d’araignée . Dieu n’en a que faire. Pour peser vos discours rigoristes, pessimistes, intolérants, désespérants, il faudra de plus fortes balances ». (p.53) « Théologiens trop étroits ou trop timides pour penser comme nous. » (p.114) « La théorie du rigorisme ne se soutient qu’à l’aide d’une incroyable confusion dans l’ordre des principes et d’une incroyable exagération dans l’ordre des faits ». (p.155) « Outre cette confusion et cette exagération, nous reprochons aux rigoristes une omission qui se conçoit moins encore chez des théologiens. C’est l’omission des causes du salut telles que Dieu nous les a révélées. » (p.157) « Un terrorisme que ne justifie pas l’Evangile ». (304) « Le rigorisme et le terrorisme que d’aucuns voudraient nous imposer. » (p.308) « Terrorisme mahométan dont bien souvent nos rigoristes semblent s’inspirer…Ce terrorisme moins digne de Dieu et de l’homme, qui violente trop notre raison et notre volonté. » (p.322) « Frères égarées dans les fausses théories du rigorisme et du terrorisme…vous empêchez l’amour de Jésus-Christ d’être au sein de son église un amour populaire. Voilà le forfait perpétré….. par votre malheureuse doctrine. » (pp.352-53). Ca devrait suffire comme ça.
Malheureusement, ces infâmes rigoristes et terroristes, avec leurs toiles d’araignée, leur étroitesse d’esprit et leur timidité, ces rigoristes, dis-je, dont la doctrine donne lieu à la confusion et à l’exagération, à qui une négligence incroyable fait omettre les causes du salut, telles qu’elles ont été révélées par Dieu, qui élaborent une doctrine qui mène au désespoir et un système odieux qu’ils ne peuvent absolument pas démontrer, ces rigoristes ignares sont tous ces Pères et docteurs de l’Eglise, tous ces théologiens et exégètes dont nous avons fait plus haut la longue recension.
Nous avons donc pour compagnons de route des gens nés et fieffés ! C’est en vain que nous demandons aux tenants de la position « laxiste » le nom d’un seul saint canonisé qui soit de leur avis. Selon certains de nos contradicteurs, le rigorisme des saints a été inventé non par les théologiens mais ---pinçons-nous pour ne pas rire---- par les mondains eux-mêmes ! « Cette doctrine du petit nombre des élus ce ne sont pas les sévérités de l’Evangile qui l’ont créée, ce sont les sévérités du monde. Le monde ne voit partout que du mal, et des damnés partout ! » Si le monde est si scrupuleux et timoré, pourquoi notre divin Maître nous dit-il « Malheur au monde à cause des scandales ! ».
Qu’il suffise de dire, pour enlever toute crédibilité à ces jactances , que l’Eglise qui est une colonne et un firmament de vérité, ne concède rien au rigorisme ni à l’esprit du siècle. Elle a chapeauté sans hésiter la doctrine commune des saints par le passé, et le fait encore à notre époque.
2, p.272
L’exégèse moderne est-elle un grand progrès théologique?
« Si les ombres du texte : beaucoup d’appelés, peu d’élus, alors mal compris par suite d’une exégèse encore imparfaite, n’avaient obscurci le regard de ces illustres docteurs… » (p.273) « Longtemps, la solution contraire à la nôtre a prévalu parmi les docteurs, à cause de l’interprétation défectueuse du célèbre texte que les progrès de l’exégèse expliquent tout autrement ». (p.283) « Nous avons à combler une immense lacune ». (p.157) « Frères égarés dans les fausses théories du rigorisme et du terrorisme…Je ne veux pas que vous gâtiez notre évangile ». (p.352)
D’entrée de jeu, nous admettons qu’un progrès scientifique a eu lieu à notre époque dans l’exégèse sacrée, surtout par le déchiffrement des hiéroglyphes et d’autres textes anciens de Ninive, de Babylone et d’Egypte. Mais jusqu’à présent, nous n’avons pas décelé de progrès théologique dû à l’exégèse, et nous doutons fort que les modernistes ne nous en procure jamais. Nous avons trop à la pensée les paroles de Léon X111, dans son encyclique : « Le Dieu très prévoyant », du 18 novembre 1893, qui traitait précisément des études de l’Ecriture sainte : « Les livres des scolastiques sur les saintes Ecritures représentent une abondance de saine doctrine, tant dans la théologie elle-même que dans leurs commentaires du texte sacré. Mais parmi tous ceux-ci, c’est Thomas d’Aquin qui a obtenu la palme. Il faut que l’exégète puisse revendiquer l’honneur d’être versé dans les commentaires des saints Pères et des Docteurs ainsi que des meilleurs commentateurs bibliques. …L’interprète doit donc comprendre qu’il est de son devoir de suivre pieusement leurs traces et de profiter de leurs labeurs, en faisant, il va de soi, un choix judicieux ».
Pour une exégèse normative de l’Ecriture Sainte, il faut donc faire le plus grand cas de la vénérable antiquité catholique, et se garder de la nouvelle interprétation des modernistes. Mais nos adversaires sont d’un autre avis. Ils prétendent que les Pères de l’Eglise ont ignoré la vraie interprétation de l’Ecriture, qu’ils se sont trompés, et qu’ils n’ont pas traité la question à fond. Toutes ces choses nous étaient réservées à nous ! ---« Nous avons à combler sur ce point une immense lacune. » (p.157) « Je ne veux pas que vous gâtiez notre évangile ». (p.352) « Pour nous qui ne sommes pas arrêtés par l’obstacle d’une interprétation si défectueuse. » (p. 190) etc.
Je voudrais savoir quelles sont « les règles d’exégèse actuellement adoptées » qui diffèrent de tout point avec les anciennes. Quels sont ces meilleurs exégètes, et quel est leur nom? « Le vrai sens que nous avons établi d’après des règles d’exégèse actuellement adoptées par les meilleurs exégètes ». (p.190) « Il ne faut pas accorder plus d’importance qu’il ne convient ---dit Léon X111--- à certaines sentences nouvelles qu’il serait préférable de laisser pour compte non parce qu’elles sont nouvelles , mais parce qu’elles n’ont de la vérité que l’apparence et n’en sont qu’une contrefaçon. »
Mauran admet sans difficulté cette nouveauté dans l’exégèse : « Une réaction se fait dans les esprits contre ces désolantes doctrines (de tout le Moyen-Age). Notre siècle a sans doute ses défauts, mais il faut reconnaître qu’il a aussi ses qualités, je dirai même ses vertus. L’intelligence humaine nous paraît embrasser aujourd’hui un horizon plus vaste. Un sentiment et un amour plus vrai du bien, du beau, du bonheur de tous, et une notion plus juste de l’éternelle justice s’empare de l’humanité. Voilà que de grands orateurs chrétiens combattent avec talent l’odieuse doctrine qui jette dans l’abîme de la réprobation la majorité des créatures humaines. Leur voix a trouvé un écho dans un grand nombre d’écrivains et de prédicateurs. Nous venons humblement nous placer à leur suite. Il est vrai que, telle que nous allons l’exposer, notre thèse a quelques traits qui la distinguent et qui lui sont propres. Sous plusieurs rapports, nous traitons la question à un point de vue nouveau ».
L’éclat de cette nouveauté aveugle tellement les modernistes que, sans perdre un moment, ils opposent les modernes aux anciens, les docteurs plus récents comme saint Alphonse, saint François de Sales aux premiers Pères; Lacordaire et Monsabré aux saints prédicateurs; Beelen et Knabenbauer aux interprètes des siècles passés. De quel droit le font-ils, et avec quelle entorse à la vérité , nous l’avons déjà expliqué plus haut. Mais vain est leur espoir, et c’est en pure perte qu’ils dépensent leurs énergies . Le consensus unanime des Pères au sujet du petit nombre des élus frustre à l’avance leurs vaines tentatives.
3 p.275
A en croire les modernistes, tous les textes habituellement utilisés pendant des siècles pour prouver le petit nombre des élus ne prouvent rien du tout.
« Si des théologiens à l’époque où l’exégèse était peu développée, où on ne connaissait pas les études faites avec les contextes et les parallélismes pour atteindre le vrai sens de certains textes à tournure elliptique, ont cru devoir prendre dans un sens absolu le fameux proverbe : beaucoup d’appelés, peu d’élus, au moins ils n’ont pas érigé cette interprétation en certitude théologique. » « Ne soupçonnant pas le vrai sens que nous avons établi d’après des règles d’exégèse actuellement adoptées par les meilleurs exégètes, ils se sont abstenus, pour la plupart, de traiter cette question à fond ».
Les Pères et les Docteurs, si on l’en croit, ont donc pataugé misérablement dans leur recherche du vrai sens des textes bibliques. Nous n’arrivons pas à comprendre comment il peut avoir l’impudence de proférer de pareilles insanités ! Nous ne nous lassons donc pas de montrer le consentement unanime des Pères et des docteurs dans l’affirmation du petit nombre des élus. Le lecteur de ces textes se rend tout de suite compte que les Pères ont transmis cette doctrine comme étant certaine et évidente, et qu’ils l’ont fondée sur l’interprétation des textes scripturaires. Le concile de Trente entreprend de refréner la pétulance et la présomption du jugement individuel afin que personne, appuyé sur sa seule raison, n’ose contraindre l’Ecriture à abonder dans son propre sens contre le sentiment unanime des Pères, dans les choses qui se rapportent à la foi, aux m?urs et à l’élaboration de la doctrine chrétienne. (sess. 1V, decr. De edit. et usu Sacr. Libr.) Leon X111 a donné un avertissement semblable dans l’Ecyclique : Providentissimus.
Donc.
De plus, si ces propos de Castelin devaient prévaloir, c’en serait fini du témoignage fondateur des Pères dans l’interprétation de l’Ecriture. Car chacun pourra tenir pour ringarde et déphasée leur interprétation de l’Ecriture , sous prétexte qu’ils ne connaissaient pas les règles de la véritable exégèse.
Revenons maintenant sur chacun des points pour prouver victorieusement l’autorité des Pères dans l’interprétation de ces textes.
1 p.276
De la voie étroite, et du petit nombre de ceux qui la trouvent. (Matt. V11,13-14, Luc, 12, 23-24)
Le Père Castelein cite en premier lieu Matt, et ajoute aussitôt : « Ce texte est reproduit par Luc avec une légère variante et une addition au commencement et à la fin. Citons ce passage d’après s. Luc pour en tirer toute la lumière qu’il renferme. » (p.33)
Que le P. Castelein note que le texte de s. Luc n’est pas une reproduction de celui de s. Matthieu, car les paroles du Seigneur, bien qu’elles soient identiques, ont été prononcées en une autre occasion et dans des circonstances différentes. Il se fourvoie donc et induit ses lecteurs en erreur, en allant quérir le sens de Matthieu auprès de Luc.
A- Quant à nous, examinons d’abord les paroles de Matt. (V11,13-14) et leur contexte. Nous sommes parvenus à la fin du sermon du Seigneur sur la montagne. Ce sermon est un bref exposé du royaume messianique ou de la législation de l’Eglise fondée par Dieu. En quoi consiste donc cette législation ? C’est le perfectionnement de l’ancien royaume de Jéhovah : « Ne pensez pas que je suis venu abolir la loi, ou les prophètes….mais la parfaire ». (Matt. V, 17) C’est donc une loi plus parfaite : Matt. V, 21-48 et qui doit être observée d’une façon plus parfaite :V1, 1-18. par la résolution , entre autres choses, de fuir un excès de sollicitude pour les biens étrangers au royaume de Dieu; 19-34, par la fuite de la sollicitude intempestive et déplacée pour la santé des autres. Et surtout par l’application à la prière , 7-11. Avant qu’Il passe aux exhortations de la fin, le divin Orateur, revenant au début de son sermon, embrasse tous ces préceptes dans une règle d’or : « Faites aux autres tout ce que vous voudriez qu’ils vous fassent. Voilà la loi et les prophètes ». (V11,12)
L’obéissance à de tels préceptes est chose difficile pour nous, hommes enclins au mal, fascinés par les séductions du vice, séduits par de nombreux exemples. Jésus n’est pas sans le savoir, car la règle de vie qu’Il nous prescrit, dans les mots qu’Il nous a transmis, il l’appelle une voie resserrée, i.e. enfermée dans les limites des commandements divins, au-delà desquels il n’est pas permis de s’aventurer. Il l’appelle également porte étroite, par laquelle l’homme ne peut pas entrer sans se mortifier, ni sans réprimer les passions dépravées. C’est pour cette raison qu’il y en a peu qui la trouvent et qui la suivent. Par contre, la voie qui mène à la punition éternelle est spacieuse et la porte en est large, et nombreux sont ceux qui y entrent. Ce qui n’empêche pas le Christ d’exhorter avec conviction ses auditeurs ---et c’est la première partie de son exhortation finale--- de faire virilement tous leurs efforts pour cheminer par cette voie qui est resserrée et foulée aux pieds par bien peu, et pour entrer par cette porte étroite, car ce n’est que par elle que l’on parvient à la vie éternelle. » C’est ainsi que s’exprime Cl. Liagre, h.1, qui, au dire de Castelein, pense comme eux, parmi un grand nombre d’autres , dont Beleen et Knabenbauer, « les deux plus savants exégètes de ce siècle », au dire encore de Castelein (p.64).
L’illustre Van Steenkiste, en réponse à sa question : « Peut-on, à partir des textes par nous expliqués , parvenir avec certitude à la conclusion qu’il est petit le nombre de ceux qui sont prédestinés à la gloire céleste ? » dit : « Les interprètes catholiques ont raison d’enseigner, à la suite des saints Pères, que cette sentence s’applique non seulement aux contemporains de Jésus, mais à tout le genre humain de tous les siècles. C’est donc en toute légitimité qu’ils concluent que le nombre de ceux qui entrent au ciel est petit, si on le compare à la multitude de ceux qui sont condamnés à l’enfer. »
Le même auteur, parlant de notre interprétation, qu’il représente quand même un peu différemment, dit : « Il serait téméraire de la laisser tomber, à cause du consentement unanime des saints Pères. » En dépit de tout cela, le R.P. Castelein enseigne : « Ce passage -------(il s’agit de Luc, X, 23-24. Mais comme il confond celui de Matt, et celui de Luc, ses paroles peuvent s’appliquer également à Matt. V11, 13,14), comme il apparaîtra clairement par la suite)------ serait bien alarmant s’il avait un sens absolu et une portée universelle. Mais le contexte prouve clairement qu’il se restreint à l’entrée des Juifs contemporains de Notre-Seigneur dans le royaume du Messie. » (p.34) Pour bien comprendre son énoncé, il faut se rendre compte que l’auteur distingue entre royaume visible du Messie (p.27, note,p.35) et l’Eglise, royaume éternel du Messie. (p.34), i.e. le ciel, et le royaume du Messie pris dans son sens complet. (p.25). i.e. l’Eglise et le Ciel. Parfois, il se contente de dire tout simplement : royaume du Messie (p.25,27, note 34) et le sens de cette expression doit être déterminé par le contexte. Ici, par exemple, le contexte nous fait comprendre que ces paroles signifient le ciel. Car il continue : « On ne peut soutenir que cette image de voie étroite …s’applique à l’Eglise catholique et aux fidèles. Jésus peint ici l’état malheureux du peuple juif auquel Il prêchait son évangile. Cet état était un état de décadence. Les docteurs de la loi, avec leur formalisme vain et leurs vices invétérés, menaient la foule à la perdition. Ils prétendaient que leur seul titre de fils d’Abraham leur assurerait l’entrée dans le royaume éternel du Messie, et qu’ils y seraient conduits par la voie et la porte….par où peuvent passer tous les vices ». (p.34) Cette restriction aux seuls contemporains de Jésus en plus d’être téméraire, au jugement de Van Steenkiste, nous la considérons fausse et intolérable.
Premièrement, elle est fausse, et n’est en aucune façon « indiquée par tous les traits du texte et du contexte de S. Matthieu. » Car le texte, ou les mots eux-mêmes, indique la voie qui mène à la vie éternelle, et la voie opposée qui conduit à la perdition éternelle. De la première voie, Jésus a dit ailleurs : Si tu veux entrer dans la Vie, observe les commandements. (Matt. X1X, l7) et : Il est préférable pour toi d’entrer dans la vie débile…plutôt que d’être envoyé dans le feu éternel . (Matt. XV111,8). Et Il ne dit pas ici : il y a en a plusieurs parmi vous qui entrent par elle et il y en a peu parmi vous qui la trouvent. Mais Il dit simplement et universellement : beaucoup, peu. Le contexte ne se prête pas plus que le texte à ce genre de restriction. Les Pères et les commentateurs bibliques ont coutume d’appeler le sermon sur la montagne une charte contenant les principaux articles de loi du royaume messianique . Ce royaume dont s’étaient déjà emparé depuis le temps de Jean le Baptiste ceux qui avaient été déjà évangélisés et avaient déployé de la force pour s’en emparer , de même que les apôtres et les disciples qui se trouvaient parmi les auditeurs de Jésus. Le Seigneur enseigne à eux et à tous ceux qui au cours des siècles seraient appelés à entrer dans l’Eglise, une voie dans laquelle ils sont tenus de marcher jusqu’à la fin, s’ils veulent construire la maison de leur salut sur la pierre, et entrer dans le royaume des cieux. (Matt. V11, 24-22) Ceci est d’une évidence criante , et émane de tout le sermon, lequel ne laisse jamais entendre que les paroles avec lesquelles Il exhorte ses auditeurs à marcher dans cette voie, --bien que difficile et par peu fréquentée---dussent ou même pussent être limitées à ses seuls contemporains.
En ce qui a trait à S. Matt. V11, 15,16, ce sont les seules paroles de tout le sermon sur la montagne qui, si on en croit Castelein, ont un rapport avec v v.13,14 : «Aussi dans le texte de saint Mathieu, après avoir dit que peu trouvent la vraie voie, ajoute-t-il aussitôt : gardez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous sous la peau de brebis…Evidemment, le Maître vise ici ces Pharisiens dont Il avait dit au chapitre V 20 : Je vous le dis, en vérité, si votre justice ne surpasse pas celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. ». (p.35) Mais le lien n’est pas si étroit qu’il ne doive par la suite préciser : « aussi ajoute-t-il aussitôt ». Les versets 15,16 ne sont pas tant reliés aux versets 13, 14, qu’à tout le sermon. Ils constituent une nouvelle exhortation de l’épilogue. Voici leur sens selon Knabenbauer : « Il dénonce un autre péril particulièrement dangereux (v. 15) : gardez-vous des faux prophètes. Comme le Christ dans ce sermon expose la justice de son royaume, et par conséquent ne parle pas seulement pour ses contemporains , on a toutes les raisons du monde de soutenir qu’il ne décrit pas seulement les pharisiens de son temps, mais tous ceux qui, dans les siècles à venir, mettront leur étude à dévoyer les âmes des fidèles et à les induire en erreur ». Etc…
Il faut en conclure que la restriction apportée par le P. Castelein est intolérable. Qu’en sera-t-il, je vous le demande, de tant de doctrines morales disséminées par le Seigneur dans toute la Palestine au cours de sa vie apostolique, si nous devons restreindre les paroles du Sauveur et les écrits de ses biographes à ceux à qui ils s’adressaient directement ? Le Seigneur qui, à la dernière cène, a prié non seulement pour ses Apôtres mais pour tous ceux qui croiraient en Jésus grâce à l’enseignement des Apôtres, ne pense-t-Il pas la plupart du temps, si non toujours, lorsqu’il prêche, aux futurs croyants ? Les enseignements moraux de Jésus interpellent directement notre doctrine morale. Nous n’avons pas, en philosophant sur eux, à en déduire des conclusions plus ou moins pratiques qui nous engagent ou ne nous engagent pas, selon notre bon plaisir. Il importe peu que le Seigneur dans ses discours tantôt s’adresse directement à ceux qu’Il a devant Lui, tantôt adapte son enseignement à un groupe ciblé, ou développe sa pensée en tenant compte de l’époque, du lieu ou d’autres circonstances. Ne faisons-nous pas cela, nous aussi, les prédicateurs ? La doctrine que nous prêchons s’en trouve-t-elle à cause de cela particularisée, est-elle vraie uniquement pour nos auditeurs du moment ?
B- p.282 Il nous reste à élucider le texte de saint Luc (X111,23,24) : « L’évangile de Saint Luc fait précéder ce texte si énergique (Matt. V11,13,14), par cette demande, qui semble en mieux déterminer le sens et la portée : Seigneur, seront-ils en petit nombre ceux qui se sauveront ? (p.33) Cependant Castelein ne fait pas usage de cette question qui chez le troisième Evangéliste, précède les paroles du Seigneur, pour en mieux déterminer le sens et la parole. Semblablement, bien qu’il ait promis de tirer de ce texte toute la lumière qu’il contenait, il interpose, dans cette péricope, d’autres paroles dont il attend de puissants secours. Par suite de quoi, il est à redouter que la réponse du Seigneur ne reçoive plutôt le sens désiré par le P. Castelein que le sens obtenu par une investigation scientifique. A notre tour, investiguons.
« Nous n’avons pas à nous casser la tête pour savoir pour quelle raison quelqu’un a posé la question, puisque l’Evangéliste n’en dit mot » , dit Knabenbauer. Mais il ne sera pas inutile de nous enquérir du sens de la question, en dépit de ce qu’avance Mauran : « Jésus a raison de ne point répondre au naïf qui l’interroge, et s’il affirme clairement dans une autre circonstance qu’il y a peu d’élus, c’est justement parce que leur petit nombre n’a aucun rapport avec celui des âmes sauvées. » Il nous semble à nous qu’il doit forcément exister une relation entre la question adressée au Seigneur et la réponse qu’en donne Jésus, toute indirecte, incomplète et obscure qu’elle soit. Filion estime « que ceux qui sont sauvés » a le même sens que « ceux qui le deviennent » . (1 Cor. 1 ; 2 Cor. 11,15; cf. aussi Actes 11 47), en opposition avec ceux qui périssent. Clar. Liagre entend tout naturellement : « sont-ils peu nombreux à obtenir le salut éternel? » De toute évidence, si la question porte sur le salut, d’après le principe énoncé plus haut, la réponse doit porter sur le même salut.
Or, les paroles de la première partie de la réponse du Seigneur doivent être comprises de ce salut, comme le confirme le parallélisme avec Matt. V11,13, déjà démontré. Efforcez-vous (en grec : luttez jusqu’au bout de vos forces pour entrer) d’entrer par la porte étroite. C’est la même chose que : entrez par la porte étroite, , mais exprimée avec plus d’intensité. Bien plus, selon le judicieux cardinal Bellarmin, les autres, c. 24, sont la raison des précédentes : parce que plusieurs, je vous le dis, chercheront à entrer et ne le pourront pas. Ces paroles ont la même signification que celles du Seigneur dans le premier évangile : et il y en a peu qui la trouvent. (Matt. 7,14), c’est-à-dire que peu sont sauvés. Ce que le Seigneur dit en Matthieu et Luc de la voie et de la porte étroite qui conduit à la vie, par laquelle peu entrent et ce qu’Il dit de la porte large et de la voie spacieuse qui conduisent à la perdition, par lesquels plusieurs entrent, s’applique aux chrétiens aussi bien qu’aux Juifs. Car celui qui a demandé au Seigneur : sont-ils nombreux à être sauvés, ne s’est pas informé du nombre des Hébreux . Il a parlé dans des termes très généraux qui visaient tout le monde. Et le Seigneur, dans sa réponse, n’a pas précisé que la porte qui mène à la vie était celle par laquelle entraient peu d’Hébreux. Il a parlé sans exclure aucun peuple : peu y entrent.
L’ingénieux Mauran insinue et propose une autre interprétation de ces paroles du Seigneur : « Jésus-Christ ne voudrait-il pas nous dire discrètement, dans un sous-entendu confidentiel : «Ayez confiance ! Ne vous inquiétez pas de la destinée de l’humanité ! » (p.18) Comme si la Vérité suprême qui parle en toute franchise au genre humain, pratiquait la restriction mentale des casuistes.
Le même auteur, à la suite du P. Castelein, a l’audace d’affirmer : « Ne l’oublions pas, il ne s’agit ici que des contemporains de Jésus. Le nombreux ne porte que sur eux. Les textes qui suivent le prouvent clairement ».(p.17) Parcourons donc ce qui reste, et en tenant compte du contexte, scrutons les versets de 25 à 30. Dans ces versets, le Seigneur déclare comment beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas : « Sous une vivante allégorie, --dit Filion---dont nous avons déjà rencontré dans s. Matthieu les éléments principaux, …(Matt. XXV, 10,11; V11,21,23; XXV, 41; V111,11,12; X1X,28-30) Jésus représente une scène terrible de la fin des temps ». Notez comment le Seigneur ici interpelle directement ses auditeurs juifs, en fait les destinataires de sa prédication, commémore le souvenir de leurs ancêtres et des prophètes, et les oppose aux gentils. Que faut-il en conclure ? Que « le texte si terrible sur la voie étroite » et « le petit nombre qui la trouve » (dans Luc et Matthieu) a en vue une situation déterminée et exceptionnelle, l’état de dépendance et de corruption qui caractérisait le peuple juif à l’avènement du Messie ? »
Jamais, au grand jamais. Il faut plutôt dire avec Cl. Van Steenkiste : « Le sentence du petit nombre des élus, ici, (23-24) s’applique en premier lieu à tous en général, comme en saint Matthieu, et, par la suite, aux versets qui vont de 25 à 30, elle s’applique aux Juifs en particulier, les contemporains de Jésus , et même au rejet de toute la nation. » Il ne suffit que de lire les commentaires des grands exégètes Beelen et Knabenbauer pour se rendre compte qu’ils ne pensent pas autrement. Si le contexte avait une telle influence sur le sens des premières paroles (23,24) qu’il le particulariserait , --ce qui serait à prouver--- n’avons-nous pas déjà lu que celui qui explique une vérité à quelques-uns en particulier peut très bien en même temps énoncer une vérité générale ?
En conclusion, si les
paroles du Seigneur en saint Luc ne s’adressaient qu’aux Juifs, le
sens plus général que ces mêmes paroles ont chez
Matthieu ne serait pas à exclure.
II p.286
Beaucoupd’appelés,
peu d’élus
(Matt. XX,
1-16; XX11,1-14)
Les paroles dont nous cherchons le sens dans le deuxième texte sont qualifiées par Castelein de « célèbre texte où le rigorisme se retranche comme dans sa citadelle ». Ce qu’il y a de vrai dans cette formule à l’emporte-pièce, nous l’avons consigné en partie dans les premiers chapitres de cette ?uvre. Nous y avons entendu les « rigoristes » contre lesquels milite le Père Castelein exposer leur opinion avec l’aide de ces paroles du Seigneur. Voici ce que pense Castelein de ces textes : « Il semble qu’il y faille voir un proverbe ayant cours parmi le peuple, mais pour un autre ordre d’application. …Les deux fois que Notre-Seigneur s’en sert, c’est comme conclusion d’une parabole qui ne se prête pas au sens apparent de ce proverbe ». (p.34)
Bien que prononcées deux fois par le Seigneur, « rien n’est moins sûr que le sens de ces mots. » (p.24) Mais, et cela lui suffit : « Il est évident que ce proverbe, pour s’appliquer à la première parabole, ne peut avoir le sens qu’on lui donne communément. Bien au contraire….Si la parabole s’appliquait au salut de toute l’humanité, il faudra conclure que tous sont sauvés ». (p.25) Et : « Si la seconde parabole prouvait quelque chose sur le nombre relatif des sauvés et des damnés, il en faudrait conclure que ces derniers ne constituent qu’une infime minorité ». (p.30) Dans les autres (pages), il expose ce que ces mots pourraient peut-être signifier. Attaquons donc les deux paraboles successivement, en commençant par la deuxième, qui a l’avantage d’être plus claire.
A. On a coutume de répartir les paraboles du Seigneur en trois catégories, selon les différentes années de sa vie publique et les progrès de la fondation et de la prédication du Royaume auxquels correspond leur édition. La parabole du banquet de mariage se rapporte à la troisième catégorie, qui regroupe les paraboles de la dernière année de la vie de Jésus. Elles traitent de la consommation du règne messianique, c’est-à-dire de la réprobation des Juifs et du jugement dernier. Une inspection attentive du texte (Matt. XX11,2-14) nous fait découvrir un double argument. Du deuxième verset au dixième, le rejet du peuple juif et, à leur place, l’élection des gentils sont annoncés avec toute la clarté possible. Dans les versets qui suivent, de onze à treize, le jugement dernier est esquissé. L’union du Christ avec l’Eglise et l’humanité, qui doit être portée à son terme dans le ciel, les noces de l’Agneau auxquelles les Juifs ont été invités les premiers, puis, tous les peuples de la terre après le rejet du peuple juif. Les invités se rassemblent dans l’Eglise, qui est le porche de la salle du banquet céleste. Quand tous les convives seront rassemblés dans le cénacle céleste, n’y seront admis que ceux qui en sont dignes, ceux qui sont revêtus de la robe nuptiale.
Nous estimons que l’interprétation donnée à cette parabole est tout ce qu’il y a de plus sur et de plus certain, et nous sommes médusés par l’hésitation et le doute que révèle l’explication de la première partie par Castelein : « Il est très vraisemblable que cette seconde parabole …ait eu en vue le rejet du peuple Juif…de l’Eglise », et par son commentaire erroné et obscur de la seconde partie : « …un convive est renvoyé… : allusion aux Gentils qui entreront dans l’Eglise sans que tous y demeurent ». (27-28)
Que dire alors du verset 14 ? A quoi devons-nous référer cette conclusion ? Quelques-uns veulent que ce soit à toute la narration, d’autres à la seconde partie de la parabole, et d’autres encore, parmi lesquels Castelein, à la première. C’est sans conviction qu’il établit sa position : saint Luc, évangéliste de la miséricorde et des Gentils, raconte la même parabole (X1V, 16-24) en omettant l’expulsion et la punition de l’homme non revêtu de la robe nuptiale et sans le proverbe : beaucoup… Donc. « Saint Luc, en ne citant pas le proverbe, …semble marquer par là que ce proverbe ne s’appliquait pas aux Gentils pour lesquels il écrivait ». (28-29, note) Il ne se rend pas compte que par ce même argument, il fait la preuve que l’expulsion et la punition d’un seul convive ne peut pas représenter « une allusion aux Gentils qui rentreront dans l’Eglise sans que tous y demeurent ».—Mais déjà il affirme, et sans la moindre hésitation, que le sens de la conclusion controversée est le suivant : plusieurs Juifs sont appelés à l’Eglise visible du Christ, mais peu sont élus. : « dans la seconde parabole, ce proverbe doit ainsi s’interpréter ». (27, note)
Il se réfère donc ou à la dernière partie de la parabole ou à la parabole en son entier. Pour ce qui est du sens, cela est indifférent. Les versets qui ont les paroles : beaucoup d’appelés etc.. comme conclusion de toute la parabole, il les comprend de la façon suivante : « beaucoup sont appelés, i.e., tous, Juifs et Gentils, mais peu sont des élus proprement dits, parce que quelques-uns n’ont pas voulu venir, d’autres n’ont pas la robe nuptiale. » (S. Thomas). D’autres cherchent parmi les seuls Gentils des « élus » chez les invités négligents qui ont décliné l’invitation, et qui ne sont certainement pas élus. Les Juifs ne sont pas assez nombreux et ne le seront pas, si on en fait le décompte à partir du temps de leur réprobation jusqu’à la fin du monde, pour changer le nombre général et relatif des élus, vu que leur réprobation n’est pas celle des individus mais d’un peuple.
La première opinion se base sur l’idée que le déroulement normal d’une parabole implique qu’on y ajoute à la fin une conclusion. Ainsi, en Matthieu, la parabole constitue une entité organique complète . La deuxième opinion attire l’attention sur le fait que la conclusion : car beaucoup…est en lien direct avec la dernière partie de la parabole , le quatorzième verset. Relisez ce lien exposé plus haut par Beelen. Mais le Père Castelein y trouve une faille : « Si Notre Sauveur avait voulu nous enseigner par cette parabole que le grand nombre de cette multitude appelée pour remplacer le peuple Juif est réprouvé, Il eût évidemment modifié le dernier trait de sa parabole. Il nous eût représenté le plus grand nombre des nouveaux arrivants ou de la multitude des Gentils dans l’état où se trouvait celui qui a été rejeté, pour n’être point vêtu convenablement ». (p.30) La réponse est que l’intention du Seigneur n’était pas de nous enseigner dans ces versets combien parmi les appelés ne seraient pas élus, mais lesquels, à savoir ceux qui lors de l’avènement du Fils de Dieu seront trouvés sans la grâce sanctifiante. On doit tenir comme règle d’interprétation des paraboles qu’il n’y a pas lieu de trouver une explication pour chaque détail, -- car il y en a manifestement qui ne signifient rien, -- mais qu’il convient de s’attacher aux seuls détails signifiants , comme le dit saint Augustin. Les détails superflus doivent donc être laissés de côté, et surtout ne pas être mis au premier plan. Donc, comme il n’est pas permis de déduire de la première partie de la parabole que tous les Juifs sans aucune exception sont rejetés, il ne faut pas non plus faire dire aux versets ll,12,13 qu’un seul juif ou qu’un tout petit nombre sera condamné, puisque le contraire apparaît avec évidence dans les versets suivants. Dans ce chiffre un, une multitude de fidèles est représentée qui se sont montrés indignes du banquet céleste.
B- Math. XlX, 1-16, ou la parabole des ouvriers, difficile d’interprétation, est classée par plusieurs dans la même catégorie de paraboles que le passage de Matthieu : XX11,2-14. Le Père Castelein en expose ainsi le sens général : « Aussi croyons-nous avec des interprètes autorisés, que la parabole s’applique à l’entrée successive des peuples dans le Royaume du Messie, pris dans son sens complet, et que le but visé par le divin Maître dans cette figure était de réprimer sur ce point une prétention des Juifs, surtout des Docteurs de la Loi…De là des conclusions : Dieu traitera les derniers appelés comme les premiers. Il appellera à Lui la multitude…Mais dans cette multitude, l’élite qui prétendait constituer tout le peuple juif, ne se composera que d’un petit nombre. C’était assez dire que le peuple juif , comme peuple, n’aurait plus aucun privilège, ne formerait plus l’élite de l’humanité. Les saints qui forment l’élite, ne se composent dans chaque siècle parmi la multitude des fidèles, que d’un petit nombre de personnes. » (p.25,26). A part l’argument d’autorité,---« avec des interprètes autorisés »---(qui sont-ils, je l’ignore)---il n’ajoute pas autre chose que : « saint Matthieu, évangéliste des Juifs, est le seul à rapporter cette parabole, et mon explication est logique et claire. » De cette dernière assertion, toutefois, il n’est pas certain. Il ajoute ces mots en note : « Beaucoup sont appelés…cette phrase peut avoir le même sens que celui de la parabole du banquet des noces, cité plus tôt. » (p.27, note)
La difficulté du commentaire de ce passage provient du fait que si on met en évidence tous les moindres détails , on aboutit à une contradiction ou à une erreur. Il y a donc des mots de moindre importance à ignorer, mais lesquels ? Dieu est le père de famille, les ouvriers sont des hommes appelés au salut, le procurateur est le Christ à qui tout jugement est référé, le jugement est la remise des salaires, sur ces points tous les interprètes sont d’accord. Qu’est-ce qu’un denier, et que faut-il entendre par les heures du jour ? Il n’y a pas là-dessus de consensus. Demandons à saint Augustin d’ouvrir le débat : « Ce denier est la vie éternelle. » Mais on lui objecte avec raison que : a) tous reçoivent un denier, même s’ils le font en en bougonnant ou en bourassant. Dans l’hypothèse où le denier signifie la vie éternelle, tous seraient donc sauvés. Or, nous dit saint Grégoire : « personne n’entre en possession du royaume en maugréant. Personne de ceux qui en bénéficient ne peut ruer dans les brancards. . » Tous reçoivent-ils le même denier, ni plus ni moins ? Où seraient les premiers, où seraient les derniers ? Où est donc le petit nombre des élus, où sont les damnés ?
Clar. Knabenbauer, Klofutar et les autres sont de l’opinion que tous les ouvriers de la parabole qui ont reçu un denier sont sauvés, et que leurs récriminations sont sans importance, car elles n’auraient servi qu’à provoquer la réponse du Maître. Ils prétendent que tous reçoivent véritablement un même salaire qui correspond à un mérite égal, l’égalité du mérite provenant du fait qu’un travail plus court fait avec le secours d’une grâce très abondante, a produit des ?uvres plus méritoires que celles des autres. Mais il faut faire grand cas de la fin de la parabole, dans laquelle apparaissent trop clairement et fortement pour être passés sous silence. la condamnation de certains ouvriers de la première heure et l’indignation du propriétaire. Ce comportement s’accorde mal avec le statut de sauvés. Rien donc n’empêche que la conclusion de la parabole, qui est la même que celle du banquet de noces, et dont le sens général est très proche de celui de la parabole présente, rien donc n’empêche de lui donner la même explication.
En conclusion, les premiers appelés qui avaient été suffisamment rémunérés, et qui pour avoir rouspété ont été morigénés, ne reçoivent pas de récompense, mais sont plutôt déclarés punis et rejetés, ---comme chez Matthieu, il sera appelé dernier, signifie il ne sera même pas appelé. Pour les autres docteurs, le denier ne peut pas du tout représenter la vie éternelle : « Tous les saints règneront sans fin, mais tous n’auront pas la même magnificence, comme les étoiles, à qui il est donné à toutes de luire indéfiniment, sont les unes plus brillantes que les autres. » (St. Augustin)
Pour se faire une idée de la sorte de priorité qui est indiquée par les différentes heures des jours ouvrables, remontons jusqu’à l’occasion qui a donné naissance à la parabole. Après que Jésus eut exposé sa doctrine sur la difficulté du salut des riches, saint Pierre l’a questionné sur la sorte de récompense que sont en droit d’attendre les disciples qui ont tout laissé pour le suivre. La réponse du Maître est une promesse des plus libérales , à laquelle, toutefois, est joint un grave avertissement : car beaucoup de derniers seront premiers, et beaucoup de premiers, derniers. » (Matt. X1X,30; Marc X,31) La parabole des ouvriers dans la vigne est une amplification de cet avertissement, repris à nouveau à la fin par le Sauveur. Il ajoute une raison qui devait prévenir chez les siens toute tiédeur qu’engendre une fausse sécurité, et stimuler leur ardeur. Le fait d’avoir tout quitté ne leur donne aucune assurance du salut et de la récompense. Ce qu’ils ont fait jusqu’ici, c’est le don de Dieu : tous ne comprennent pas cette parole, ceux-là seulement à qui cela a été donné . (Matt. X1X,11) Et, ce ne sont pas les disciples qui ont choisi Jésus, mais Jésus qui les a choisis. (Jean, XV,16,2) Ils sont tout à fait premiers par l’origine, le temps et la dignité de la vocation, par la promesse. Un de ceux-ci est devenu dernier : Judas Iscariotes. C’est lui qui allait le trahir, lui, un des douze »
Cet avertissement a. une portée plus générale que ne le laisse penser l’application que nous en avons faite aux Apôtres, comme les paroles elles-mêmes et leur destination le démontrent. Elle embrasse, en réalité, toutes les priorités de vocation, que cette priorité soit temporelle, ou honorifique, ou d’un ordre quelconque, qu’elle soit individuelle ou nationale. Il s’avère que cette parabole contient, même si elle est voilée, la prédiction du rejet du peuple Juif. Voyez Filion, h.1.
Après avoir interprété les versets X1X,30 et XX,16 comme j’ai démontré qu’il fallait les comprendre, il est non seulement permis mais il est obligatoire d’interpréter les versets XX, 16 de la même façon qu’à la fin de la parabole précédente, c’est-à-dire , dans le sens patristique et traditionnel. Car, pourquoi plusieurs premiers seront-ils les tout derniers, et pourquoi ces mêmes premiers verront-ils les publicains et les prostituées les précéder dans le royaume où ils n’entreront pas, si ce n’est parce que il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.
En ce qui a trait au sens patristique et traditionnel, il ne nous est pas possible de ne pas rapporter les paroles suivantes de Castelein : « Pour que l’interprétation des saints Pères fixe le sens d’un texte de la Sainte Ecriture, il faut que cette interprétation soit moralement unanime sur un sens déterminé et déclaré par eux comme étant le sens même de la révélation. Une opinion exprimée à propos d’un texte ne s’identifie pas toujours avec l’interprétation du texte ». (p. 64, note) Donc, même dans l’hypothèse où n’existerait pas une communauté de vues dans l’interprétation de ce texte faite par les Pères, et où nos raisons et nos preuves seraient dépourvues de toute valeur, demeure toujours la doctrine unanime des Pères sur le petit nombre des élus, exposée à l’occasion de ce texte ou d’autres. C’est à cette doctrine que s’oppose le Père Castelein, et c’est elle qui a donné naissance à la sienne.
Nous ne nous éterniserons pas sur les paraboles dont se sert le P. Castelein pour corroborer son interprétation. Un simple examen fait, selon les règles de l’art, de la visée de ces paraboles nous donnera une idée de la façon dont elles militent en sa faveur.
111 p.295
Le royaume des cieux souffre violence, et ce sont les violents qui l’emportent. (Matt. X1, 12)
L’explication correcte de ces paroles, nous dit le P. Castelein, doit tenir compte du contexte et des paroles parallèles de Luc (XV1,16). « Notre Seigneur compare donc ici les deux religions …Cette première religion…avait été confiée aux seuls Juifs…Depuis saint Jean-Baptiste, dit l’Evangile, le royaume du ciel ou la religion définitive… est prêché. Pour qui? Pour tous. Ce n’est plus un privilège pour personne, mais aussi personne n’est plus exclu. Voilà pourquoi Jésus-Christ le compare à un butin de guerre, dont tout le monde peut s’emparer. Les termes « violents » et « violence » ne sont pas là pour signifier qu’il faut un effort plus ou moins grand pour se sauver, comme s’il n’en fallait pas auparavant. Le salut, au contraire, est rendu plus facile. Le but de cette métaphore est simplement de redresser l’erreur des Juifs qui croyaient avoir droit au Royaume du ciel par privilège de naissance, et cela, à l’exclusion des autres hommes ». (p.43)
C’est ainsi que selon ses lumières personnelles et fort maladroitement ---comme il l’avait fait pour la parabole des ouvriers de la vigne--- il commente ce texte de l’Ecriture. Et il ajoute : « Nous prenons ici le texte dans son sens traditionnel, mais le grand exégète contemporain, le P. Knabenbauer, Jésuite, reprenant l’explication de Don Calmet, a établi par l’analyse des mots grecs un sens tout différent, à savoir que le royaume du Ciel est persécuté et que des hommes violents (les Pharisiens) veulent le détruire. L’objection alors tombe d’elle-même ». (p.44)
Il suffira de dire, croyons-nous,
ce que Knabenbauer lui-même pense de cette exégèse
: « Je sais qu’il y en a peu à revendiquer la paternité
de cette interprétation. Calmet est un de ceux-là et
Wilke, auteur d’un lexique gréco-latin, dans ses livres n.t.s.v.
Parmi les protestants, Cremer, Hingelfeld et Ludovic de Dieu, qui
interprète Luc XV1, 16 de la même façon
que Calmet. Cette interprétation est donc suspecte
aux yeux de ceux qui aiment les interprétations des saints,
et il est moralement certain que ce n’est pas le sens voulu par Jésus,
en d’autres termes, ce n’est pas le sens révélé
par la parole de Dieu. »
Castelein ne fait pas mention
d’une troisième interprétation que le R.P. Bainvel
déclare « certainement fausse », mais qu’il
admet, cependant, en tant que découlant forcément
d’une opinion plus commune. Le P. Knabenbauer la trouve apparentée
à l’opinion plus commune et assez heureusement ajoutée.
Un Van Steenkiste va même jusqu’à la préférer
et il cite comme étant de son avis, Allioli et
Bisping. Le célèbre chanoine de Bourges,
autrefois professeur d’Ecriture Sainte dans un séminaire,
s’exprime ainsi en français : « Depuis que Jean a commencé
à prêcher, jusqu’au jour d’aujourd’hui, il n’y
a eu, et il n’y a encore maintenant, qu’un seul moyen d’entrer
dans le royaume des cieux : il faut le prendre d’assaut, il faut
se faire une sainte violence pour y pénétrer ».
La façon donc ceux qu’on appelle Rigoristes interprètent Matt. X1,12 ne les contraint en aucune façon à patronner cette dernière explication. Il leur est permis d’embrasser l’opinion la plus commune, la meilleure, celle qui ne violente pas les textes, qui convient parfaitement au contexte, et qui bénéficie de l’autorité des Pères, lesquels ont été les meilleurs interprètes du sens littéral de l’Ecriture. Cette interprétation nous allons donc la donner en toute rectitude, en tenant compte à la fois du contexte et de la similitude que l’on constate avec Luc.
Le Seigneur proclame, dans ce passage, la dignité de Jean. Il est plus qu’un prophète, il a fait lui-même l’objet d’une prophétie par les Prophètes, (v.10), il n’est pas seulement le chantre du Messie futur, mais il L’indique du doigt.(v.11-13) Il Le précède spirituellement dans la sainteté d’Elie. Tandis que saint Matthieu nous donne la première raison de l’excellence de Jean et un peu de la deuxième (Matt. 10,11), saint Luc (V11,27-28) rapporte la dernière partie de la seconde, XV1,16 : « la loi est les prophètes jusqu’à Jean (ont prophétisé le royaume des cieux), et a partir de là le royaume de Dieu est évangélisé (par Jean et par le Christ) , et chacun déploie de l’énergie pour l’obtenir ». Voici donc le sens de Matthieu après l’avoir surimposé au texte parallèle de Luc ,-- ce que permet le lien existant entre ses versets 12,13 : « Tous les Prophètes, hommes suréminents de l’ancien testament, la Loi elle-même et Moïse avaient la charge de prophétiser le royaume du Messie, royaume qu’ils ne pouvaient, eux , que regarder et saluer de loin. (Hebr. X1) Jean a eu pour fonction d’annoncer la présence du Messie, et d’être le premier prédicateur de son Règne. Depuis le début de cette prédication jusqu’à nos jours, ont commencé à entrer dans le Royaume non pas les Scribes et les Pharisiens qui, les premiers, avaient le devoir d’y entrer, mais les humbles et les pauvres, les publicains et les pêcheurs, ceux précisément à qui l’accès du royaume semblait interdit. Il souffre violence, et les violents qui se font violence à eux-mêmes plutôt qu’au règne, en faisant pénitence et en amendant leurs vies, s’en emparent. Consultez les passages qui confirment cette interprétation : Matt. 111,5,6; V111, 10; XX1,32; XX111,13; Luc 111,10-14; etc… et surtout Luc V11,29-30; versets qui rapportent des paroles de Jésus, et les versets suivants : V11,27-29.
Au bout du compte, le Seigneur ne promulgue pas ici une loi qui énoncerait que n’échapperont aux peines de l’enfer que ceux qui feront pénitence, et se feront violence en vivant saintement. Mais il sanctionne de son autorité l’affirmation voulant que ceux qui agissent ainsi s’emparent effectivement du royaume. Car : « Si le salut se laisse emporter d’assaut, si ceux-là n’y arrivent pas, faut de correspondance à la grâce, qui auraient pu y prétendre par droit d’héritage, il s’ensuit qu’il faut travailler et faire effort pour entrer au ciel, comme il faut aussi travailler et faire effort pour gagner le prix de la lutte ». On aurait intérêt à rapprocher ce texte de la doctrine de la voie resserrée et de la porte étroite.
Knabenbauer (1.c.) nous démontre suffisamment que le passage du royaume de Dieu terrestre à celui des bienheureux ne se fait pas sans difficulté.
En outre, l’assertion de notre Révérend contradicteur ---« le salut, au contraire, est rendu plus facile »---nous renvoie à l’enseignement de saint Thomas : la loi nouvelle est-elle plus lourde que l’ancienne ? Réponse : « relativement aux ?uvres de vertus qui se rapportent aux actes intérieurs, les préceptes de la loi nouvelle sont plus exigeants que ceux de l’ancienne ». Saint Augustin répondait ainsi à la même question : « Ils ne sont pas plus pénibles à celui qui aime, mais à celui qui n’aime pas, ils le sont ».
IV p.299
Il est difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. (Matt. X1X, 23-26; Marc X, 23-27; Luc XV111,24-27)
Trois remarques préliminaires s’imposent d’abord : 1- Ceux que Castelein appelle rigoristes et terroristes n’ont pas recours à ce texte pour démontrer que ce n’est que le petit nombre qui est sauvé. Il ne s’en servent que pour illustrer la difficulté qu’ont les riches à se sauver. 2- Aucun des saints n’a jamais déclaré que la possession légitime et l’usage des richesses constituaient un péché et un empêchement dirimant au salut. Les saints ont toujours été de l’avis de saint Ambroise : « Que les riches apprennent non pas à taxer de crime les richesses, mais à criminaliser ceux-là seulement qui ne savent pas s’en servir. Car les richesses sont des obstacles aux malhonnêtes, mais un stimulant à la vertu des bons. » Il est vrai que les saints ont connu aussi d’autres sermons de Jésus contre les richesses , comme la parabole du semeur qui enseigne que les richesses sont des épines qui étranglent la parole de Dieu et rendent ainsi le salut problématique. ----le terrible : malheur à vous, les riches, parce que vous avez votre consolation. ---le misérable sort du riche banqueteur -----il est appelé sot « celui qui thésaurise et n’est pas riche des choses divines », comme le raconte la parabole du riche qui détruit ses greniers etc.
3- L’évangile nous révèle que certains hommes riches et nobles ont été appelés par Dieu et ont été aimés par Jésus. Comme Zachée, le prince des publicains qui était cossu. Joseph d’Arimatie, homme fortuné. Nicodème, prince des Juifs, Lazare, Marthe et Marie, d’une famille seigneuriale et noble, Jeanne, femme de Chouza, procurateur d’Hérode, etc…Cependant, les pauvres et les gens du peuple avaient sa prédilection. Le Père Chastelein défonce donc des portes ouvertes et part en guerre contre des moulins à vent quand il lance : « Allons à ce passage et ici encore, cherchons à dissiper d’aveuglants préjugés par un examen dont la vérité soit le seul souci ». (p.36) Il aurait du citer cet extrait pour illustrer son propre chapitre 1V : les obstacles humains au salut, où les paroles de Jésus lui causent de l’embarras. Il n’est que trop vrai que l’auteur termine en catastrophe ses présentes admonestations de la façon suivante : « Mais à plus tard les développements de cette belle doctrine (!) avec les preuves fondées en foi et en raison qui l’appuient. » (p.40) Mais, ici, au chapitre 1V, il dit : « Je puis être ici plus court, car j’ai déjà indiqué le sens et la portée (?) du célèbre texte qui condamne les mauvais riches…Je me suis déjà expliqué sur ce point dans mon premier chapitre ».(pp.256,258)
Mais, 1- il n’est arrivé à aucun Père ou à aucun docteur de rétrécir le sens du passage pour n’en faire tout simplement qu’un simple avertissement du Christ et une application particulière de la doctrine générale du salut : « Ce texte ne forme pas d’argument nouveau pour la théorie du rigorisme. Il signale un empêchement au salut, qui ne peut faire doute pour aucun chrétien, car il rentre dans la doctrine générale qu’il est impossible de se sauver si on préfère un bien créé au Créateur ».(p.38) Ce n’est pas ainsi qu’ont parlé les Saints. Saint Jean Chrysostome : « Grande est la tyrannie des richesses. Même si l’on cultive les autres vertus, les richesses polluent tout ce qu’il y a de bien, car ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans le filet du diable, et dans une foule de désirs inutiles et nuisibles qui plongent les hommes dans la perdition de la géhenne. » « C’est un lourd poids que doit porter l’innocence accaparée par l’augmentation des richesses. ---dit saint Hilaire---car les richesses sont une incitation et une provocation à l’orgueil, à la gloutonnerie, à la luxure et à d’autres vices. Comme, donc, la nature humaine est encline au mal, les richesses ne font qu’attiser et exacerber le péril. »
Jésus indique par trois fois, avec insistance, la difficulté que représentent les richesses pour le salut des riches. D’abord, en débutant par ces paroles solennelles : en vérité je vous le dis. Ensuite, par la tournure exclamative employée : qu’il est difficile ! puis, devant la stupeur de ses disciples, répétant l’exclamation : mes fils, comme il est difficile ! Enfin, s’exprimant à la façon du peuple par un proverbe qui marque l’extrême difficulté de la chose : il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille » En résumé : il est très difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux, comme le dit si bien Maldonatus.
Mais pourquoi cela a-t-il été dit des richesses plutôt que de l’ambition, de la luxure, ou de la vengeance ? etc..…Maldonatus répond que ces autres choses entravent bien un certain nombre de personnes, mais qu’elles ne sont pas un obstacle pour le grand nombre. Tandis que les richesses sont un boulet de canon pour la presque totalité des nantis. Il ne faut pas omettre la considération que les richesses excitent et alimentent toutes les autres passions de l’âme.
2- Castelein se trompe donc royalement en disant : « Ce texte ne forme donc pas d’argument nouveau ». A une première erreur, il en ajoute une seconde en nous resservant son explication du mot « riche » ---préférer un bien créé au Créateur---- sans admettre le péril de la damnation provenant des richesses, à moins que ces très riches ne soient impies ou que les avares ne soient par trop cupides : « Cette notion prise au sens absolu, comme l’expression est absolue, signifie un attachement total du c?ur qui s’attache à la richesse comme un bien suprême , prêt à tout lui sacrifier ». (p.37) ---« Riches, disposés et décidés à y (aux biens terrestres) sacrifier la loi de Dieu et les biens du ciel….Passion poussée à cette extrémité ». (p.38)etc… Un péril prochain de damnation éternelle guette même les riches modérés, ces adeptes de la troisième voie qui « sont d’autant plus exposés au péril qu’ils se pensent plus en sécurité, qui se croient d’autant plus sûrs qu’ils n’ont pas commis les plus grands crimes. Rares en effet sont les hommes dont la conscience est complètement prostituée et dépravée. » Même les riches modérés sont exposés aux tentations d’orgueil, de gourmandise, de luxure…
3- Il récidive en enseignant que les mauvais riches sont extrêmement rares, abondant dans le sens de sa définition de riches pour se convaincre lui et ses lecteurs : « Non, la plupart des hommes ne sont pas prêts à vendre leur âme pour une poignée d’or, et la possession de cet or ne les rend pas tellement durs et inhumains qu’ils se refusent à soulager la misère du prochain….Que l’on prenne au hasard une centaine de riches, je suis intimement convaincu que parmi ces hommes la majorité, et dans les milieux chrétiens, la grande majorité est honnête et charitable ». Nous ne voulons pas prouver que tous les riches sont en état de péché mortel, mais la plus grande partie vraisemblablement, surtout quand on considère le mode de vie peu chrétien d’un si grand nombre de riches. Nous reconnaissons volontiers que tous ces riches que fréquente le docte jésuite sont des chrétiens exemplaires. Est-ce qu’un autre jésuite, issu lui-même de famille opulente et noble, n’a pas soutenu en termes généraux son opinion bénigne quand il écrivait : « Mais, me diras-tu, ceux que le Seigneur appelle riches, ce sont ceux qui sont épris des richesses, et qui ne s’en servent que pour leur propre jouissance, sans aucun égard pour les pauvres ou les ?uvres pies. »--« Il en est bien ainsi. Mais comme ils sont peu nombreux les riches de cette sorte ! Donc, au moins en raison de sa rareté, le salut des riches relève du miracle ! » Bellarmin était sans illusion sur les riches de son temps et de son pays qui, sans contredit, étaient meilleurs que ceux de notre temps.
4-
(suite)
4- Il erre encore davantage en exagérant la valeur salvifique de l’aumône : « La où la charité habite, l’égoïsme et la cupidité ne revêtent pas ce caractère exclusif et absolu qui est inconciliable avec les conditions du salut ». (p.258) « Nous avons contre la rigueur de ces jugements de Dieu une compensation facile et magnifique dans les ?uvres de charité ».(p.55) « J’estime que cette sentence du jugement dernier où saillit en si vif relief le grand rôle de la charité et le remède efficace qu’elle renferme contre nos manquements dans les autres vertus, nous rassure contre les troubies (?) du rigorisme. (p.57)
Pas tout à fait, révérend Père. Que la charité sécurise ceux qui aiment leur Dieu de tout leur c?ur, et leur prochain, à cause de Dieu, je le reconnais. Qu’elle rende sûrs de leur salut les philanthropes qui passent leurs journées sans penser à Dieu et sans L’aimer, je le nie. Et voici ce qu’enseigne le docteur angélique sur le pouvoir de libération des ?uvres de miséricorde relativement à la damnation éternelle : « Objection : on aurait lieu de penser que tous ceux qui font des ?uvres de miséricorde ne peuvent pas encourir la damnation éternelle et que seuls seraient damnés ceux qui les négligent . Réponse : Mais saint Paul enseigne le contraire dans sa première épitre aux Corinthiens, au verset 6 : « Ni les fornicateurs ni les adultères etc..ne posséderont le royaume des cieux. Or, plusieurs parmi ceux qui s’adonnent aux ?uvres de miséricorde sont tels. Donc, il est faux de dire que tous les miséricordieux entrent dans le royaume des cieux. Saint Jacques est encore plus tranchant : « Quiconque n’observe pas la loi dans sa totalité, mais enfreint un seul commandement, se rend coupable de tous. » (Jacques 2) Donc, celui qui observe la loi relative aux actes de miséricorde et néglige les autres vertus, se rend coupable d’avoir transgressé la loi. Il sera ainsi puni éternellement. »---« A la première objection, il faut répondre que seuls ont le mérite de la miséricorde ceux qui la pratiquent dans l’ordre. Ceux qui se négligent eux-mêmes en faisant la miséricorde n’exercent pas cette vertu d’une façon ordonnée, mais ils ne font qu’aggraver leur cas par leurs mauvaises actions. Leur miséricorde n’a donc pas le pouvoir d’absoudre leurs péchés, même si elle peut diminuer les peines dues au péché. »
Et puis, quant à la dernière partie du texte : cela est impossible aux hommes, mais à Dieu tout est possible, le Père Castelein en fait un usage abusif en promettant inconsidérément un secours gratuit de la grâce efficace, qui réduit à rien la terrible semonce du Christ aux riches : « Le passage donc, à première vue, le plus effrayant de l’Evangile renferme le principe le plus consolant et le plus rassurant….L’homme est faible…il ne peut par lui-même rompre sa chaîne, mais Dieu le peut, Il le peut toujours . Dieu usera-t-Il de ce pouvoir ? Jésus-Christ évidemment le fait entendre en employant une formule qui ne souffre ni limite, ni exception. La puissance de Dieu ne se laissera pas vaincre par la faiblesse humaine ». (p.39) Bienheureux donc les riches, car, après les royaumes terrestres, le Père Castelein leur promet le royaume éternel !
Les exégètes
sérieux et de métier raisonnent tout autrement : «
L’intention du Christ, nous dit D. Van Steenkiste, est que
cela ne se fera pas selon les normes d’action humaines coutumières,
mais peut quand même avoir lieu grâce à une aide spéciale
extraordinaire de Dieu. En un mot, rare ne signifie rien
d’autre ici que très difficile…Par une grâce spéciale
de Dieu, cela peut être obtenu et porté à la
perfection. Ainsi en est-il allé de Zachée qui,
bien que riche, a été converti au Christ »
« Le texte veut nous inculquer l’idée qu’il faut
avoir recours à l’aide de Dieu . Dieu nous donnera un c?ur
nouveau et il placera un esprit nouveau au milieu de nous.
C’est ainsi que l’âme humaine redimensionne les biens
terrestres et qu’elle peut dire avec saint Paul : je vis, mais
ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.
V p.307
Du renoncement chrétien
(Matt. X, 37-39)
« Le second texte qu’on nous objecte, dit le Père Castelein, vise la doctrine du renoncement. Evidemment, pour mériter le salut, il faut pratiquer le renoncement. Mais voyons si dans son triple objet, la famille, les biens terrestres et la vie, ce renoncement est si affreux et si rare. » (p.44) Il cite ensuite les paroles de Matt. : celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Il explique la parole haine qui se trouve dans le texte parallèle de Luc de la même façon que tous le font, y compris les rigoristes et les terroristes, afin de réfuter les objections de ces derniers. Dans le même but, il démontre ---ce que tout le monde admet- que la perfection du renoncement que Jésus propose au jeune homme riche en Matt. X1X,17 n’est exigée que de ceux qui sont appelés à une vocation supérieure. Des autres, Il n’exige que le renoncement spirituel …disposition du c?ur à ne pas vouloir s’emparer, disposer ou jouir de ces biens de façon à violer en matière grave la loi divine. Qui prétendra que cette disposition est pénible et rare parmi les chrétiens ? Il est même faux de dire que le mouvement de l’opinion et des m?urs est sur ce point contraire à l’Evangile. » C’est ainsi que notre adversaire évacue le renoncement à la vie au nom du Christ, dont l’occasion « est extrêmement rare » et qu’accompagnent « des grâces exceptionnelles pour triompher ». Et il ajoute : « Le conflit entre le salut et les jouissances de la vie est fréquent. C’est là que se révèle le plus la faiblesse humaine. Mais nous prouverons que la miséricorde divine est ici incomparablement plus large en secours et en pardon que les rigoristes le supposent ». (p.47)
Le sens complet de ce passage (X,37-39) est livré par l’exégète que Castelein estime le plus, Knabenbauer, qui conclut ainsi : « Ces versets nous font comprendre quelle force d’âme est nécessaire à qui veut adhérer étroitement au Christ : c’est une nouvelle illustration du verset 14 du chapitre 7 (la porte étroite et la voie resserrée). Il donne en même temps la raison pour laquelle plusieurs seront étrangers au salut. »
Mais Castelein soutient qu’ils
sont nombreux ceux qui trouvent la voie resserrée et qui entrent
par la porte étroite, tellement est universelle chez
lui l’abnégation évangélique.
V1 p.308
De l’humilité
évangélique (Matt. XV111.3)
L’astuce de nos adversaires consiste à restreindre aux juifs, aux Pharisiens, aux contemporains de Jésus et aux païens les paroles de Jésus dérangeantes. L’ultimatum de Jésus : à moins que vous ne deveniez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux par Lui lancé à l’occasion d’une dispute fomentée par l’ambition des apôtres, ne s’adresse, selon eux, qu’à ces derniers et aux seuls fidèles qui, par une vocation spéciale, sont « appelés à des cimes de vertus où Dieu voulait les continuateurs de son ?uvre et les chefs de son Eglise (p.46) Aux autres, suffit l’humilité « qui est l’aveu de notre néant devant Dieu, et la foi en la divinité et à la doctrine de Jésus-Christ. …Or, ces conditions, par l’effet de notre éducation chrétienne et de tant de grâces reçues, ….nous sont rendues plus faciles qu’elles ne l’étaient aux disciples ». (p.48)
Nous récusons
et nous rejetons loin de nous cette interprétation laxiste .
L’humilité n’est pas seulement un conseil évangélique
comme la pauvreté volontaire, le célibat et l’obéissance
religieuse, c’est une vertu chrétienne fondamentale,
absolument nécessaire à tous. C’est l’enseignement
des saints. Les obligations spéciales des Apôtres
sont la conséquence de leur vocation spéciale à
l’apostolat. Ce sont des moyens nécessaires à
une fin particulière.
V11 p.309
L’antithèse entre le
Christ et le monde
«Mais que dire de l’antithèse entre Jésus-Christ et l’esprit du monde ? C’est que les rigoristes la comprennent très mal. Le monde que nous devons abandonner pour ne pas nous perdre …c’est le monde qui hait, qui combat et persécute Jésus-Christ. …De quel droit ces rigoristes affirment-ils que ce monde ainsi défini est…la société publique parmi les chrétiens. Ce milieu, cette société publique au sein desquels nous vivons, ne seraient donc autres qu’au temps du paganisme ?...Est-il concevable qu’un théologien fasse pareille confusion, et de l’identité du même mot, monde ou siècle, conclue à l’identité des deux sociétés, de la société païenne et de la société chrétienne ». (pp.49-50) Comme le fait remarquer le R.P. Copin fort pertinemment , il ne s’agit pas ici d’histoire, mais de morale. Ce n’est pas une société particulière, celle de son temps, que le Seigneur a stigmatisée, mais les maximes néfastes qui régissent les hommes de tous les temps. « Le monde, tel qu’il faut l’entendre ici, ---disait Monsabré---ce n’est pas l’ensemble des êtres, ce n’est pas la terre qui nous porte, ce n’est pas l’espèce humaine, ce n’est pas telle ou telle société policée dans laquelle se trouvent mêlés les bons et les mauvais. Le monde, c’est tout ce qui, dans l’humanité, prend le parti d’un esprit destructeur dont la vie n’est occupée qu’à troubler les desseins de Dieu….Le monde, au sens évangélique, c’est tout ce qui , par pensées, paroles et actions, proteste contre Dieu, contre sa loi, contre sa grâce, contre la vie supérieure qu’Il nous communique, contre les espérances qu’Il nous donne, contre les destinées qu’Il nous a faites. Ce monde, Jésus-Christ l’a montré du doigt et nous a révélé ses tendances, ses maximes et ses vices. …Si vous m’avez bien compris, Messieurs, cette malédiction du Seigneur tombe plutôt sur un ensemble de maximes et d’?uvres d’iniquité que sur un ensemble d’individus ».
Faut-il ajouter que ces principes mondains qui sont contraires aux principes chrétiens proviennent de quelque part ? « Le monde est corrompu dans ses maximes, corrompu dans ses ?uvres qui ne sont que la publique et désespérante confirmation de ses maximes… Quelles sont les maximes du monde touchant le service de Dieu , la dignité de l’homme, le but de la vie, les rapports sociaux ?...Oeuvres corrompues : avoir, pouvoir, paraître, telle est, selon la maxime du monde, la véritable dignité de l’homme. Donc, il faut arriver là. … »[ibid p.48 et 59] Toutes ces choses sont exposées avec clarté et éloquence par Monsabré, un auteur que tous auraient profit à pratiquer.
Q’il nous soit permis à
nous de dire : «Est-il concevable qu’un théologien fasse une
pareille confusion ! »
V111 p.311
L’obligation de rendre compte de toute parole oiseuse.
Demeure la sévérité du jugement de Dieu en Matt. X11,13 : je vous dis que les hommes auront à rendre compte au jour du jugement de toute parole oiseuse qu’ils auront prononcée. Cela n’aide personne de répondre étourdiment : « Le divin Maître sera indulgent pour les femmes. Beaucoup d’hommes, parmi les- quels je me range très humblement, pourront compter sur une indulgence semblable ». (première éd. P.49) Pour ma part, je préfère appeler le jugement de Dieu un jugement terrifiant, et prier avec l’Eglise : [Dies irae dies illa...] « Jour de colère que ce jour-là ! Quelle sera grande la terreur qui nous attend quand le Juge viendra tout juger avec la plus grande minutie ! Rien ne sera laissé impuni. Que dirai-je, misérable ? Quel avocat demanderai-je au tribunal où même le juste ne se sentira pas en sécurité ? Je gémis comme un coupable, la faute me fait rougir de honte. O mon Dieu, épargne celui qui te supplie ! »
« J’ai trop péché
pendant ma vie, J’ai honte de mes manquements, et devant
toi, la rougeur me monte au visage. La peur de la mort
me tourmente à cause de mes péchés quotidiens
et de mon refus de faire pénitence. Seigneur,
n’aie pas la volonté de me juger selon mes actions, car je
n’ai rien accompli qui vaille en ta présence ». [cf. Missa
et offic. pro defunctis]
4 p.312
Les modernistes s’efforcent d’atténuer les faits qui témoignent du petit nombre des élus, et semblent mépriser leur sens typique.&
IV
Les modernistes s’efforcent d’atténuer les faits qui témoignent du petit nombre des élus, et semblent mépriser leur sens typique.
Expliquons d’abord en quoi consiste le sens typique. Ce ne sont pas seulement les exégètes catholiques qui affirment qu’il se trouve dans l’Ecriture, à la suite de l’ancienne Synagogue,----(dont l’interprétation a été confirmée par le Seigneur et les Apôtres en donnant un sens mystique à certains passages de l’ancien Testament)---- mais les tout premiers exégètes protestants, qui diffèrent avec nous plus dans les mots que sur le fond. Le Jésuite érudit Cornely, ainsi que Molina, Bannez, Vasquez et de nombreux autres estiment qu’il est de foi que se trouvent dans l’Ecriture des types, de sorte que ce qui est dit des types doit être considéré se rapporter aussi aux antitypes.
On est donc forcé d’admettre qu’en tant que vrai sens de l’Ecriture le sens typique, aussi bien que le sens littéral, possède le pouvoir de prouver et de démontrer, partout où apparaît assez clairement l’intention du saint Esprit de destiner certaines choses ou personnes à en signifier d’autres. Cette intention apparaît avec le maximum de certitude quand un des Apôtres explicitement ou implicitement nous la déclare. Nous avons alors une déclaration authentique de l’Auteur lui-même de l’Ecriture, qui est le Saint-Esprit, de son intention à Lui.
Pour découvrir le sens mystique, à la règle déjà formulée nous en ajoutons une autre, transmise par la majorité des herméneutes sacrés. S’il s’avère par un passage quelconque, qu’une chose ou une personne de l’Ancien Testament a été un type d’une chose ou d’une personne du Nouveau, nous sommes fondés à attribuer une signification mystique spéciale à cette chose où à cette personne à toutes les fois qu’un rapport de similitude sûr et obvie se constate entre le type et l’antitype. N’allons surtout pas nous imaginer que la sainte Ecriture ou la Tratidion ont épuisé le mystère de chacun des types. Les saints Pères et les interprètes n’ont fait que nous donner des exemples d’une façon de procéder.
Après en avoir omis plusieurs, nous n’allons présenter que trois types de l’Ancien Testament qui de toute évidence sont tels, et qui sont avec raison souvent employés pour prouver la petitesse du nombre des élus. Le Père Castelein passe ces types sous silence, ou parce qu’il ne comprend pas ce que c’est que le sens typique ou parce qu’il n’en a que du mépris. Il parle ainsi des " rigoristes " qui les utilisent comme objections à sa thèse : " Le châtiment du déluge, qui ensevelit à travers ses eaux , dans l’abîme éternel, le genre humain tout entier, à l’exception d’une famille privilégiée, la pluie de feu qui consuma les cinq villes de la Pentapole à l’exception de la famille de Loth….enfin, les multiples châtiments à si vastes dimensions qui frappèrent le peuple juif…constituent des objections poignantes et terribles contre la doctrine du salut telle que vous l’exposez " (p.65) Il répond lui-même : " Non, ces objections ne sont ni si poignantes ni si terribles qu’on se l’imagine à première vue. Nous espérons dissiper les objections de l’Ancien Testament comme nous avons dissipé les objections du Nouveau Testament. " (p.66)
Pour parvenir à ses fins,
il emprunte deux voies différentes. A l’aide de sa raison, il réduit
d’abord au minimum le nombre de ceux qui périrent dans ces châtiments
divins. Puis il gonfle au maximum le nombre de ceux qui, par les voies
secrètes de la divine miséricorde, sont parvenus au salut
par le moyen de la pénitence. Mais toutes ces tentatives ne font
que démontrer que le P. Castelein n’a pas compris l’argument qu’il
s’efforce de réfuter. Il est clair que les horribles spectacles
que la Justice de Dieu expose devant nos yeux dans l’Ecriture, pour imprimer
la crainte dans notre chair, sont des faits historiques que ne doit pas
négliger celui qui suppute le nombre de damnés par siècle,
quoiqu’enseigne le P. Castelein là-dessus. Ils fournissent en plus
aux " rigoristes " un argument supplémentaire en ceci qu’ils sont
des figures d’évènements semblables à venir. Exposons-les
donc sous ce double aspect, et voyons quelle eau ils apportent à
notre moulin.
1
Le déluge
(Gen. V1,V111)
A. " Je suis porté à croire qu’au déluge, moins d’hommes ont péri qu’il n’en meurt actuellement chaque jour. Où sont les preuves de cette opinion à première vue si hardie, peut-être, parce qu’elle est neuve ? Je les découvre dans le texte de ma Bible soigneusement interrogé et posé " (p.70) Il parle ainsi, en note, de ses arguments : " Aucun exégète n’ayant traité cette question, à ce que sache, je ne puis la traiter qu’au moyen des arguments que j’ai invoqués….C’en est assez pour justifier mon hypothèse contre laquelle je n’ai pu découvrir aucune preuve plausible ".(p.71)
Voici donc ses arguments : 1- Le temps du déluge indiqué par l’auteur de la Genèse ch. V1,1 : quand les hommes commencèrent à se multiplier sur la terre. " Evidemment, -dit-il- ces mots ne sauraient signifier une bien grande population ". Que le R. P. note que l’auteur ne parle pas ici du temps du déluge mais du premier décret divin de punition des hommes, et que les mots cumque coepissent multiplicari ne se rendent pas en français par : commençaient à se multiplier, mais par eurent commencé . De plus, la Vulgate utilise un hébraïsme selon lequel ce qui existe déjà est dit commencer à exister. Le sens véritable est donc : les hommes s’étaient déjà multipliés, étaient déjà nombreux sur la terre. A des réfutations mineures on oppose des arguments mineurs.
2- La cause du déluge, qui " est un crime de même espèce, un désordre de mœurs collectif. Or la propagation ou la contagion d’un même désordre suppose l’humanité suffisamment rapprochée et faisant encore un même tout moral. " (p.70) De la valeur de cet argument que le lecteur soit juge, comme de l’usage du mot collectif au lieu d’universel, qui serait plus correct. La genèse (V1,11) exprime ainsi la cause du déluge : " La terre est corrompue devant Dieu, et remplie d’iniquité ".
3- La computation établie par Castelein des hommes vivant à l’époque du déluge : " quelques centaines de tribus ou de familles patriarcales, composées chacune également de quelques centaines de membres et disséminées sur les vallées et sur les montagnes de l’Arménie. Voilà, selon toute probabilité, ce qu’était alors l’humanité ". (p.72) Comme ce constat lui est propre et qu’il est tout à fait gratuit, et comme il est impossible d’établir avec certitude le nombre des vivants au temps du déluge, nous n’engagerons donc pas de discussion avec lui là-dessus. Mais nous ne pouvons toutefois pas admettre ce qu’il ajoute pour corser sa thèse : " Rien ne nous autorise à supposer que Dieu ait favorisé outre mesure la fécondité d’une race qu’il avait résolu de sacrifier. " (p.71) Le commandement de Dieu ---croissez et multipliez-vous---permet de supposer une très grande fécondité. Mais rien ne nous laisse supposer que Dieu ait accordé à l’humanité un faible taux de natalité pour la raison spécieuse qu’il avait décrété de l’exterminer.
Le P. Castelein poursuit sa réfutation de l’objection tirée du déluge : " Nous savons au reste par un texte de la première épitre de saint Pierre (111,19-20) qu’un certain nombre de victimes ont bénéficié de ces pardons…nous ignorons s’il y en eut beaucoup ou peu…Dieu…a voulu graver dans les souvenirs de l’humanité …une leçon de haute morale …conciliée dans son exécution avec un nombre de victimes relativement restreint… "(p.74) Personne parmi les soi disant rigoristes ne soutient que toutes les victimes du déluge ont été damnées. On peut conclure avec quelque raison de l’épitre de saint Pierre (11,4-5) que leur nombre a été relativement grand. On peut même en déduire que tous, à part quelques exceptions, ont été projetés dans le tartare en compagnie des anges prévaricateurs.
B.- Cette lettre de saint Pierre , par notre contradicteur ci-haut alléguée, nous convainc davantage que la narration de la Genèse (V1-V111) possède, en plus du sens littéral et historique, un sens mystique, lequel est ainsi exposé par le docte Recupito, jésuite . Il dit que l’arche par laquelle Noé a été sauvé grâce à l’eau . avec peu de gens, est une figure de l’Eglise dans laquelle les fidèles sont sauvés par le baptême. C’est à dessein que peu, i.e. huit ont été sauvés, pour que soit signifiée la rareté de ceux qui doivent être sauvés. Bien qu’il ne s’agisse pas ici de comparer les fidèles entre eux, le fait de dire que peu se sauveront dans l’Eglise comme peu -- (huit)--ont été sauvés dans l’arche respectivement à tous les autres hommes qui ont péri alors dans le déluge, laisse assez entendre que la rareté de ceux qui doivent être sauvés est telle que, les enfants mis à part, elle ne peut pas comprendre la majorité des adultes. Autrement, il n’y aurait aucun rapport de similitude entre les quelques huit sauvés du déluge et le petit nombre de sauvés de la fin du monde. Comment alors le déluge pourrait-il être une image du jugement dernier ? ….De ce déluge, peu sont sauvés dans l’arche de l’église, bien qu’elle en héberge un grand nombre. C’est pourquoi saint Pierre continue dans la même veine : " Le fait que, maintenant, le baptême vous a sauvés, vous qui leur êtes semblables, ne provient pas d’ une opération magique mais du témoignage d’une bonne conscience ". Ce que commentant, Augustin dit que tous les hommes baptisés dans l’unité catholique, qui renoncent au siècle en paroles mais non en actes, n’appartiennent pas au mystère de cette arche, gens dans lesquels n’existe pas le témoignage d’une bonne conscience.
Saint Jean Chrysostome présente cette figure de l’arche pour montrer le petit nombre des élus. (Reportez-vous à ses paroles p.111) On peut ajouter le développement suivant. Le toit de l’arche était très étroit, mais la partie inférieure était très large pour exprimer que dans l’Eglise, il y en a peu qui s’élèvent jusqu’aux réalités célestes mais que beaucoup descendent jusqu’aux enfers. " Qu’ils sont peu nombreux---dit Origène---ceux qui se sauvent . Mais même dans l’arche construite par Noé, dont le plan vient du Ciel, la longueur des parties inférieures est de cent coudées et la largeur de cinquante. Les dimensions du sommet sont renfermées dans une seule coudée. " De la même manière, saint Grégoire le grand : " L’arche…était large à l’endroit où stationnaient les bêtes, mais là où elle abritait les hommes, elle était étroite…..Il y a beaucoup d’appelés etc….(relire plus haut p.99)
En bref, comme au temps de Noé,
un nombre limité d’animaux et huit personnes furent sauvés
dans l’arche des eaux du déluge et de la mort corporelle, de la
même manière dans l’Eglise, hors de laquelle il n’es point
de salut, entre une part minime des êtres humains, et une part minime
de ceux-ci est sauvée de la damnation éternelle.
II
La destruction de Sodome
(Gen. XV111.16; X1X,20)
A. " Quelques siècles après le déluge, un châtiment moins étendu --- (que le déluge, réduit par le P. Castelein à quelques familles patriarcales)----mais d’une forme plus effrayante, s’abattit sur un coin de la Palestine. Le feu du ciel, peut-être sous la forme d’explosion volcanique, produite par les lois de l’ordre naturel en harmonie préétablie par Dieu avec les lois et les desseins de l’ordre moral, détruisit Sodome et les bourgades voisines. Pourquoi ? Pour des crimes inouïs….Le châtiment semble s’être limité cette fois à quelques milliers de victimes ". (pp.75-76) C’est par ces paroles que le Père Castelein relate à sa manière un fait rapporté ainsi par le Saint Esprit : " Le seigneur a fait pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu provenant du Dieu du ciel, et Il détruisit toutes ces cités et toute la région environnante, tous les habitants des villes et tous les produits de la terre ". (X1X,24-25). Puis il continue : " Toutefois, ici encore la miséricorde de Dieu traverse sa justice, pour en prévenir l’éclat. Qui ne se rappelle …cette miséricorde divine s’inclinant vers la prière d’Abraham et ne demandant, pour contrebalancer le plateau chargé de tous les crimes de Sodome que les mérites de dix justes ? (p.75) Dieu voulut ce châtiment moins pour se venger de cette multitude de pécheurs, puisqu’il l’aurait épargnée…moins encore pour les damner tous, puisqu’Il leur offrit à tous des pardons selon le livre de la Sagesse (voir plus bas, p. 336) , que pour assainir le genre humain et lui laisser…un nouvel avertissement . " (p.76)
Voici quelques remarques là-dessus. 1- Nous admettons volontiers l’intention divine de nous inculquer une peur salutaire, mais nous pensons que la fin primaire de Dieu fut la punition elle-même des impies. Le Seigneur a dit : la clameur venant de Sodome et de Gomorrhe s’est amplifiée, et leur péché a dépassé la limite. Je descendrai et je constaterai si la clameur qui m’arrive est corroborée par leurs œuvres….(Gen. XV111, 20 et les suivants). Voir également le Deutéronome XX1X, 23. Sagesse X, 6-9; 11 Pier. 11 6-9 et Jude 7
4- Et puis, n’oublions pas de dire un mot en passant de la façon naturaliste avec laquelle le P. Castel explique le souffre et le feu que le Seigneur fait pleuvoir du ciel. " Or, sur ce point, le texte sacré ne permet pas le doute. Il nous y montre clairement une intervention immédiate de la divinité, un miracle ", dit Grelier en h.1.
B.-- L’épitre de saint Jude nous enseigne que ce texte a une signification typique (Jude, v.7) : " Sodome et Gomorrhe et les cités limitrophes de la mer morte sont devenus un exemple de ceux qui subissent le feu éternel. " Bien plus encore, saint Pierre (11 11 V1) commenté par Este : " Pierre a compris que ce n’est pas un exemple banal que Dieu nous a donné avec ces villes. Elles sont semblables à ceux à qui on inflige des supplices publics servant d’exemples pour détourner les autres de pareils crimes. Mais c’est un exemple typique comme le dit Paul : toutes ces choses-là leur arrivaient en figure. 1. Cor.10 Car, par cette punition horrible mais temporelle, comme par quelque exemple typique, la peine éternelle a été représentée, combien plus redoutable, qui attend tous les impies, surtout les maîtres de l’impiété. " Ensuite, l’auteur hésite à choisir une traduction plutôt que l’autre : " On ne sait trop à quel mot référer le génitif : du feu éternel. A exemple ou à peine. Si on le rattache à exemple, le sens sera : ces cités qui ont subi les peines décrites dans la Genèse , i.e. du feu et du soufre, sont proposées comme un exemple du feu éternel, i.e. de la punition des impies dans le feu éternel. Car la punition horrible de ces cités fut une figure insigne de la géhenne. …Ce premier sens et cette lecture conviennent mieux aux paroles de l’Apôtre Pierre. " Calmet et Beelen font le même commentaire de l’épitre de Jude. Ainsi que Van de Putte (Genèse et ailleurs) parmi les auteurs les plus récents.
Comme les habitants de la Pentapole
qui ont tous péri par le feu représentent une figure de ceux
qui sont condamnés au feu éternel, au témoignage d’Isidore
(alleg. sur l’Ecriture sainte), de la même manière, Loth et
les siens qui furent les seuls à être libérés
du feu embrasé , sont un type des saints qui à la fin du
monde seront libérés de l’incendie des impies, quand le Seigneur,
comme le chante l’Eglise, viendra juger le siècle par le feu.
III
L’entrée de deux seuls survivants dans la terre promise
Voici le troisième fait historique de l’Ancien Testament dont ils essaient de diminuer l’importance, et dont ils nient le sens spirituel présenté par les Pères, pour prouver la petitesse du nombre des élus. Nous traiterons ce sujet selon l’ordre inverse, i.e. nous parlerons d’abord du sens typique, ensuite seulement du fait en lui-même, avec un œil sur l’interprétation qu’en donne notre contradicteur.
A. L’Apôtre a présenté ainsi le sens typique dans 1 Cor. X 1-6 : " Je ne veux pas vous laisser ignorer, mes frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous traversé la mer rouge à pieds, et qu’en Moïse, ils ont tous été baptisés dans la nuée et dans la mer. Ils ont tous mangé la même nourriture spirituelle, et ont tous bu le même brevage spirituel….mais la majorité d’entre eux n’a pas plu à Dieu, car leurs corps ont jonché le désert. Ces évènements ont été des figures des nôtres… " Et plus loin : " Toutes ces choses leur sont arrivées en figure, car elles ont été écrites pour notre amendement à nous des derniers temps. Donc, que celui qui pense être debout prenne garde de ne pas tomber " (11-12) Pour mieux comprendre la force de ce type, servons-nous du contexte pour voir comment il est amené par l’Apôtre.
Après s’être donné à eux en exemple, il les exhorte à l’imiter. Car, pour atteindre le salut, il ne suffit pas d’être chrétiens. Il est absolument nécessaire, qu’à l’exemple de saint Paul, ils travaillent de toutes leurs forces, s’ils veulent assurer leur salut. L’exhortation se divise en deux parties : l- Il utilise l’image de la course olympique pour montrer que seul remporte le prix celui qui a concouru avec une grande énergie. 2- Il confirme ensuite cette doctrine par la valeur typique qu’il donne à la narration de la sortie de l’Egypte. Donc, après avoir dit : je châtie mon corps et je le réduis en servitude de peur qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même rejeté, afin que les néophytes Corinthiens n’aillent pas s’imaginer que sa peur est vaine et sans fondement, et afin qu’ils veillent de près sur eux-mêmes, en confirmation de ses paroles, il présente l’exemple des Israélites dont un petit nombre seulement----Josué et Caleb-- parvinrent à la terre promise, en dépit du fait que tous ceux qui avaient sorti d’Egypte avaient joui des mêmes avantages.
" Saint Paul, --explique Cornely--- présente les immenses bienfaits qui ont été accordés par Dieu à tous les Israélites qui sont sortis de l’Egypte, comme préfigurant les grâces encore plus sublimes qui sont accordées dans le Nouveau-Testament à tous ceux qui sortent de l’Egypte, i.e., du monde. Avertissant à l’avance que la mort des Israélites sur les sentiers du désert provenait de leurs péchés et en était la punition, saint Paul enseigne que cette mort et cette punition sont de vraies prophéties qui se rapportent aux chrétiens. Ensuite, passant à l’exhortation directe, il inculque à tous la vigilance, et promet le secours divin, en leur assurant qu’ils ne seront pas tentés au-delà de leurs forces.
Deux grands bénéfices sont octroyés aux chrétiens : le baptême dans l’eau et le Saint-Esprit, par lequel l’homme renaît à une nouvelle vie, et l’Eucharistie qui alimente cette nouvelle vie. La figure de l’un et l’autre a été accordée aux Israélites. A tous ceux qui sont sortis d’Egypte a été donné le baptême typique, de même que tous ceux qui sont sortis d’Egypte ont été fortifiés par la nourriture et le brevage typiques. " Dans la section précédente, l’Apôtre s’étant fait grec avec les grecs, était allé chercher un exemple dans leurs jeux, et il rappelait que parmi tous ceux qui couraient dans le stade, un seul remporte le prix. Maintenant, se faisant Juif avec les Juifs, il tire son exemple de l’histoire des Juifs : des six cent mille environ qui sont sortis d’Egypte –sans compter les femmes et les enfants----deux seulement entrèrent dans la terre promise. Les Israélites qui sont sortis d’Egypte ont donc été tous comblés des mêmes bénéfices spirituels. Mais Dieu ne s’est pas complu dans la plupart d’entre eux. Saint Paul emploie deux litotes : plusieurs a le même sens que la plus grande partie d’entre eux. Ensuite, au lieu de ils ont offensé Dieu, il dit : Dieu ne s’est pas complu en eux. Car leurs corps ont jonché le désert. Cornely enchaîne : " Le peuple en son entier a provoqué la justice divine par son incrédulité et son entêtement, par ses critiques continuelles et ses péchés, de sorte que tous ceux qui étaient âgés de vingt ans et plus au sortir de l’Egypte se sont vus refuser l’entrée de la terre promise, et les cadavres de ceux qui sont morts de toutes sortes de calamités emplirent les déserts. Seulement deux sur six cent mille hommes (603550), Josué et Caleb, sont entrés en Palestine. "
Toutes ces choses sont arrivées en figure pour nous pour que nous ne convoitions pas le mal comme eux l’ont fait. " Dans son admirable providence, Dieu a voulu planifier et conduire les évènements du peuple antique pour qu’ils préfigurent et prédisent les évènements de la nouvelle Eglise. Donc, comme l’Apôtre a vu dans les bienfaits spirituels octroyés au peuple sorti d’Egypte, des figures prophétiques de bienfaits incomparablement plus grands qui seraient octroyés aux chrétiens, de la même façon il a vu dans le châtiment de tout un peuple exterminé dans le désert à cause de ses péchés, une figure des châtiments incomparablement plus grands que Dieu infligerait aux Chrétiens, s’ils commettaient des péchés semblables. Comme les dons --dit saint Jean Chrysostome—sont des figures, les supplices le sont également. Et comme le baptême et l’Eucharistie sont décrits à l’avance, les versets suivants prédisent que ceux qui seront indignes d’un pareil don subiront également des supplices . Afin que, avertis par de tels exemples, nous soyons plus circonspects et plus tempérants. Car comme dans les bienfaits, les types sont venus d’abord, et qu’ensuite est venue la Vérité, dans les supplices aussi, la Vérité viendra après le type. Ne vois-tu pas qu’il ne montre pas seulement qu’ils seront punis, mais qu’ils seront punis plus gravement. Si cela est le type et ceci la Vérité, il est nécessaire que dans les supplices comme dans les dons, il y ait un paroxysme. "
" Pour expliquer avec saint Thomas ces dernières paroles qui insinuent que le type diffère de l’antitype comme l’ombre de la chose dont elle est l’ombre, il faut noter que dans les biens, la chose figurée est de loin meilleure que la figure, comme le Royaume de Dieu est supérieur à la terre promise. Dans les maux, également, ce qui est figuré est de loin pire que la figure. Saint Augustin ne dit-il pas que ces supplices que les Israélites eurent à subir ont été des figures de la géhenne, qui est la plus grande de toutes les punitions. " Tous les interprètes plus anciens ont parlé ainsi, dit Cornely, excellent interprète lui-même, et dont Castelein fait le plus grand cas.
B. Renversantes sont les assertions que se permet notre adversaire au sujet d’un tel type, après avoir balayé les interprètes vieillots et s’être armé de ses seules lubies qu’il appelle : étude approfondie de l’Ecriture Sainte et règles d’exégèse actuellement adoptées par les meilleurs exégètes. " Massillon pour prouver que dans tous les temps les élus sont rares, nous signale l’exemple de Josué et Caleb, seuls de 600000 Hébreux introduits dans la terre de promesse. Mais suit-il de là que tous ces Héreux, parmi lesquels se trouvent Moïse et Aaron, soient damnés ? Evidemment non. Moïse est loué partout dans les saintes Ecritures comme un saint Prophète. Dieu a pu refuser aux autres comme à lui cette suprême récompense d’entrer dans la terre promise pour un manque même léger de foi ou de fidélité à sa loi. Au reste, durant les quarante ans de fatigante pérégrination dans le désert, sous le climat brûlant de l’Arabie, le plus grand nombre de ces milliers d’Hébreux qui avaient quitté l’Egypte ne durent-ils pas mourir de mort naturelle ? " (p.143)
Autant de mots autant d’erreurs capables de séduire les laïcs, même les plus instruits ".
Comment Castelein peut-il oser taxer ces trois péchés contre Dieu et la fornication, d’un manque léger de foi ou de fidélité à sa loi ?
3- " Le plus grand nombre de ces milliers d’Hébreux ne durent-ils pas mourir durant ces quarante ans ? " D’accord pour la plus grande partie, mais pas du tout pour les 600 000, ni pour que tous leurs jeunes soient tous morts avant soixante ans, à l’exception de deux. Vingt trois mille seulement, de sexe masculin de un mois et plus, sont entrés dans la terre promise, dont aucun n’avait été recensé dans le désert. Car le Seigneur avait prédit que tous mourraient dans le désert. Aucun d’eux, donc, ne survécut en dehors de Josué et Caleb. "
4- " Ne durent-ils pas mourir de mort naturelle ? " Je demanderai d’abord à mon docte contradicteur dans quel but Dieu a fait errer si longtemps dans le désert un peuple si nombreux : quarante ans. Le trajet de l’Egypte à la Palestine en ligne droite ne prend pas tant de temps. Le R. P. n’a-t-il pas lu ces terribles paroles du livre des Nombres : " Jusques à quand cette multitude perverse murmurera-t- elle contre moi ? J’ai entendu les plaintes des fils d’Israël et je leur dis : Je suis vivant, moi, dit le Seigneur. Je vous traiterai selon les paroles mêmes que vous avez prononcées à mes oreilles. Vos cadavres tomberont dans le désert, vous tous les recensés, vous tous qu’on a dénombrés depuis l’âge de vingt ans et au-dessus, vous qui avez murmuré contre moi….Vous n’entrerez pas dans cette terre…à part Caleb, fils de Séphorie et Josué fils de Nun. Vos cadavres tomberont dans le désert et vos fils seront nomades dans le désert pendant quarante ans, portant le poids de votre infidélité jusqu’à ce que vos cadavres soient au complet dans le désert. Vous avez reconnu le pays pendant quarante jours. Chaque jour vaut une année : quarante ans, vous porterez le poids de vos fautes et vous saurez ce que c’est que m’abandonner. Je traiterai comme j’ai dit cette multitude perverse qui s’est révoltée contre moi. C’est dans cette solitude qu’elle défaillira et mourra ". " Il les fit tournailler dans le désert pendant quarante ans jusqu’à ce fût éteinte la génération qui avait commis le mal ". Cette mort, toute naturelle qu’elle ait pu avoir été , n’avait-elle pas été décrétée par Dieu, en punition du péché ?
Qu’est-ce qu’il y a eu de naturel dans cette mort ? Ecoutons un témoin oculaire, Moïse, parlant à Dieu, à la fin de sa vie ,de ceux qui étaient ainsi morts dans le désert : " Nous sommes tombés dans ta colère, dans ta fureur nous avons été ravagés. Dans ta colère nous sommes tombés. La limite de nos ans est 70. Les plus résistants qui se rendent à 80 et 90 n’en récoltent que des tracas et des douleurs. " Et pour que cette interprétation n’indispose pas ceux qui ne reconnaissent pas l’authenticité du psaume LXXX1X, bien qu’il porte le titre d’oraison de Moïse, homme de Dieu, je dirai avec le judicieux Hummelauer : " Ceux qui n’avaient pas encore complété la vingtaine ont du tous mourir avant soixante ans révolus. Cette mortalité, certes, était extraordinaire, à une époque surtout où les octogénaires et les nonagénaires étaient loin d’être rares. D’un peuple qui avait vécu une vie sédentaire en Egypte et qui a été condamné à tourner en rond sous le ciel de feu du désert pendant quarante ans, on pouvait s’attendre, selon les lois de la nature, à une grande mortalité. Mais la mortalité de tous, comme on nous la décrit, est quelque chose d’inouï. Vos cadavres joncheront le désert. Vous ne retournerez plus en Egypte. Le peuple se lamenta grandement, ajoute le texte sacré, et non sans raison, après l’audition de la sentence de mort. "
En plus de ces trois figures typiques, on en compte encore plusieurs autres qui ont été alléguées par les Pères pour appuyer la thèse de la rareté de ceux qui doivent être sauvés. En voici quelques unes L’effondrement de la ville de Jéricho où une seule petite demeure est restée debout, celle de Rahab. L’élection de 300 soldats sur les 32000 qui étaient dans l’armée de Gédéon. La figure symbolique en Ezéchiel du chapitre neuf où un seul ange reçoit mission de marquer du signe du Tau les fronts de ceux qui gémissaient et se lamentaient sur les abominations qui étaient commises, pendant que six recevaient l’ordre de tuer ceux qui restaient, à commencer par le sanctuaire. Le lieu de l’Apocalypse C. XX où il n’est question pour les vivants que d’un seul livre, alors que les livres des morts, i.e. des réprouvés sont nombreux. La piscine probatique à cinq piscines où gisaient plusieurs infirmes attendant le mouvement de l’eau. Et d’un si grand nombre, à la descente de l’ange, un seul était sauvé. La quatrième partie de la semence qui tombe sur de la bonne terre. Saint Paul compare les élus aux vases d’or et d’argent, et les dit plus rares, et les réprouvés aux vases de bois et de paille, lesquels sont en grand nombre etc…Mais ces types et ces symboles n’ont pas le même degré de certitude que les trois lieux mystiques que nous avons exposés et qui sont présentés comme tels par le Nouveau Testament. Que ces exemples suffisent.
Que le Père Castelein se glorifie d’avoir triomphé de tous les arguments des Pères avec sa science sublime de l’Ecriture et de la tradition !
p.333
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Les arguments des saintes
Ecritures et de la théologie, prétendent nos adversaires,
sont incomparablement plus favorables au plus grand nombre des élus.
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Les arguments des saintes Ecritures et de la théologie, prétendent nos adversaires, sont incomparablement plus favorables au plus grand nombre des élus.
Après l’inanité de sa performance, le P. Castelein n’hésite pas à écrire : " Les arguments tirés de l’Ecriture et de la théologie catholique sont incomparablement plus expressifs en faveur du grand nombre des élus. Les textes si nombreux, si variés, si clairs que j’ai réunis doivent dissiper tout doute sur ce point ". (p.266) Quelle est donc cette incomparable évidence que n’a pas décelée saint Thomas, qui a échappé à tant d’autres théologiens et qui n’a ébloui aucun des saints ? Et quels sont donc ces textes si nombreux, si variés, si clairs dont la seule lumière dissipe tout doute, et que les théologiens n’ont pas dépistés ? Comme l’écrit avec humour notre confrère Coppin : " Les saints auraient donc erré dans la pleine lumière que l’écrit du P. Castelein prétend révéler au monde ? "
Là où il établit directement sa doctrine du nombre des élus, il ne cite aucun texte de l’écriture ni aucun argument théologique. Mais il présente des textes qui nous révèlent la grande, l’infinie miséricorde divine, et la rédemption, universelle selon le plan de Dieu, comme s’il avait démontré par là que tous les hommes devaient être sauvés de fait. " Castelein conclut de tous ces enseignements le grand nombre des élus. Et l’on sent que s’il n’était retenu par les décrets de l’Eglise, il conclurait volontiers au salut réel de tous. Car enfin, le bon Père accable ses adversaires d’une vraie grêle de tout, de tous et de toutes. Il cite une multitude de textes des deux testaments où le mot tout intervient, et il a soin de mettre toujours ce mot en italiques afin que son évidence scripturaire et typographique crève les yeux de ses lecteurs.
Apparaît en premier chez le P. Castelein " une doctrine aussi claire que consolante, formulée aux chapitres X1 et X11 du livre de la Sagesse : " Dieu, y est-il dit, a pitié de tous. " " Il dissimule les péchés des hommes pour leur donner le temps de se repentir. " " Il aime toutes ses créatures ". " Il épargne les hommes pare qu’ils Lui appartiennent, et qu’Il aime les âmes ". Laquelle doctrine de la Sagesse il brandit comme un flambeau et un radar pour " bien expliquer les châtiments que nous objecte le rigorisme ". (p.66), comme nous avons déjà vu plus haut. Ensuite, à la p. 160, il y revient en disant : " Ne nous lassons pas d’opposer à tous les rigoristes présents et futurs ces mots si clairs ". Mais il y a des choses qui méritent l’attention dans la façon dont notre auteur traite ce texte. Il ne livre qu’une seule partie de la doctrine exposée, et ferme les yeux sur son application aux cas particuliers, notamment sur ces punitions que lui objectent les " rigoristes ".
Dans les chapitres X-X11, ----dont le P. Castelein ne semble avoir lu que les X1 et X11, v.21-----l’auteur du livre de la Sagesse démontre à partir de l’histoire, l’utilité de la sagesse. " Par elle, en effet, ont été assainis et sauvés tous ceux qui ont plu à Dieu dès le début, (Sag. 1X, 16) alors qu’au contraire tous les impies et les injustes qui s’en sont éloigné ont connu la perdition. (X,3) Cette punition venant de Dieu est causée par leurs iniquités. Et Dieu en l’exécutant ,i.e., en les punissant, n’agit pas de la même façon d’une part envers ses enfants et ses serviteurs, et envers les ennemis de ses serviteurs d’autre part. A ses enfants, il donne la discipline pour les corriger, les autres il les flagelle de plusieurs façons. Il a quand même encore pitié de ces derniers parce qu’Il peut tout, et qu’Il dissimule les péchés des hommes à cause de la pénitence (11,24). Ceux qui reviennent de leurs erreurs, il les corrige en partie. (X11,11) Mais Il montre sa force quand on ne se croit pas consommé en vertu, et des ignorants il dénonce l’audace (17.) Ceux que les épreuves ne corrigent pas expérimentent le digne jugement de Dieu, la condamnation finale (26-27). Selon le commentaire de Jansénius Gandavensis, ils sont punis sur la terre par une condamnation totale et complète, et au-delà par une peine éternelle, s’ils meurent dans l’endurcissement.
C’est cette doctrine que le Sage développe à partir de faits historiques en se référant aux annales des Hébreux. D’un seul mot, il indique la raison de la condamnation par le déluge du genre humain perverti. Après avoir parlé de l’eau qui purifiait la terre, (X,4), il fait brièvement allusion à la destruction de Sodome dont il appelle les habitants des impies bestiaux. Mais il parle surtout de la punition infligée aux peuples cananéens, (X11) de laquelle punition le P. Castelein dit : " C’est ainsi ---partiellement et d’après sa fausse interprétation---qu’il nous fait envisager les châtiments infligés avec de grandes lenteurs aux peuples cananéens ". (p.76)
Quelle signification et quelle valeur accorder aux paroles de notre adversaire ? : " Ces châtiments publics et collectifs, dont le récit semble si effrayant dans la Bible, n’entraînent donc pas de leur nature la perte du salut éternel. "(p.69) " Fin de la condamnation " (Sag. X11, 27)
Mais poursuivons dans notre recherche des citations de la Sainte Ecriture faites par nos adversaires. Une simple indication devrait suffire. " Commençons par l’Ancien Testament. Nous y découvrons tout d’abord deux témoignages à part, d’un incomparable éclat dans deux célèbres visions de Dieu accordées à Moïse et à Elie, au représentant de la Loi, et au représentant de la Prophétie. Ces deux visions, l’une au chapitre XXX1V de l’Exode, l’autre au 3ième livre des Rois, chap. X1X, ont eu pour objet les attributs de Dieu tels que Dieu a résolu de les manifester, et de les glorifier parmi les hommes ". (p. 161 et suivantes) De la première vision incomplètement racontée, se dégage cette prière : " Seigneur Dieu, que vous êtes miséricordieux et clément, patient et abondant en pardons ! Vous faites sentir votre miséricorde sur des milliers; vous effacez l’iniquité, le crime et la faute. Toutefois, ajoute Moïse, vous savez punir aussi le péché, et vous châtiez les crimes des pères sur les enfants et les petits enfants jusqu’à la troisième et quatrième génération. " Vous le voyez, la miséricorde divine est énoncée en premier lieu, et sous des termes absolus et illimités. Puis, Moïse ajoute un correctif, le correctif des châtiments divins. Mais la supériorité de la miséricorde sur la justice est marquée par la différence des nombres symboliques ".
Disons donc quelques mots sur cette vision. Il s’agit h.1 de la part qui revient à Dieu dans l’instauration d’une alliance avec Moïse, de la communication de la loi en deux nouvelles tables écrites , les premières ayant été fracassées. Les paroles citées par le P. Castelein selon le texte hébreu et d’après le contexte de l’oraison, ne sont pas de Moïse, mais de Dieu. C’est Dieu qui décrit l’alliance qu’il contracte avec les Hébreux. Le jésuite Hummelauer le commente ainsi : " Dieu proclame d’abord sa propre essence en trois mots : Dominateur, Seigneur, Dieu. …Ensuite, il indique l’attribut divin qui brille le plus dans cette instauration d’une alliance : la miséricorde et la clémence, ou, plus véritablement, la longanimité et la grandeur de la miséricorde, lequel attribut divin s’exerce de préférence envers ceux qui payent d’ingratitude les pardons qu’ils en ont reçus. Il est ajouté : et véridique (mot hébreu) . Cette véracité se comprend d’abord et avant tout par rapport à la promesse, mais aussi aux menaces…Donc, fidèle, qui exerce sa miséricorde sur mille générations. Bien que la parole hébraïque se réfère d’abord à la sauvegarde de l’alliance, elle exprime le maintien de la miséricorde promise. Ensuite, la miséricorde se manifeste par la remise du péché. Toi qui enlèves l’iniquité, les crimes et les péchés. Mais comme cette miséricorde est tempérée de tout point par la fidélité, elle n’est pas dépourvue non plus de justice. Aucun auprès de Toi n’est innocent par lui-même. Hebr. : en justifiant, cependant, il ne justifiera pas, i.e. qu’il ne pardonne pas toujours et sans discernement, mais qu’Il punit même sévèrement et avec persévérance. Toi qui rends l’iniquité aux fils et aux petits fils jusqu’à la troisième et la quatrième génération ".
Cette exposition ne convient ni à la traduction française ni aux explications données par Castelein, ni avec le sens et l’intention de cette vision selon lui : " Ces deux visions ont pour objet les attributs de Dieu tels que Dieu a résolu des les manifester et de les glorifier parmi les hommes ". Et plus bas : " C’est donc surtout de sa miséricorde que Dieu veut tirer sa gloire ".(p.164)
Cette intention n’apparaît pas plus clairement dans la deuxième vision présentée. Clair en expose le sens ainsi : " Le seigneur ne se trouve dans aucun de ces phénomènes, c’est-à-dire, ses justices procèdent de Lui, le précèdent et rendent témoignage de Lui mais ne Le font point connaître dans son essence. Au contraire, sa nature se manifeste plutôt dans la brise vivifiante qui accompagne le calme qui succède à l’orage…Le Dieu d’Israël prouve que dans sa puissance, il peut châtier et anéantir ses contempteurs, mais dans sa nature et son essence, il est la grâce et l’amour qui vivifient. Que si son peuple a rompu le pacte de l’alliance, Il le maintient fidèlement comme Il l’a promis ".
Ce qui n’empêche pas le P. Castelein de s’exclamer : " Qui n’admire le magnifique enseignement qui se dégage de cette double vision de Dieu ? Qui n’en saisit la portée universelle ? " (p.166) Il a omis de dire comme son confrère Bainvel en h.1 : " C’est presque toujours au milieu des éclats et des tonnerres que Yahvé se montre, et la terre tremble en sa présence ",
Il confirme sa conclusion par un assez bon nombre de textes du Nouveau Testament qui enseignent la miséricorde de Dieu, que nous aussi nous appelons infinie. Parmi ces textes, il cite le psaume CXL1V, 9, dont parle ainsi le jésuite Bainville : " On ne doit pas citer ce texte pour montrer que la miséricorde est l’attribut dominant de Dieu, celui qui dépasse tous les autres ". C’est pourtant ce que fait Castelein. Ensuite, il passe au Nouveau-Testament, et parmi plusieurs, il signale : " Il y aura plus de joie dans le ciel sur un seul pécheur qui fait pénitence ". Et de nous comparer aux pharisiens avec tous les saints de tous les siècles : " Contre qui cet enseignement était-il tourné ? Contre les rigoristes de ce temps-là, les Pharisiens ". (p.173)
Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin d’un médecin, mais les malades. En chemin, apprenez ce que signifie : je veux la miséricorde et non le sacrifice, car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. " Que pourrait-on rêver de plus touchant et de plus consolant que ces paroles ? "(p.174)
La parabole de l’enfant prodigue.
(p. 174)etc.etc, [= p.340 Godts]
(p.176), La nativité
du Christ au sujet de laquelle l’Ange dit : " Il y aura de la joie pour
tout le peuple ". Le Christ Lui-même invite tout le monde à
Lui : " Venez à moi, vous tous ! ". P.179, Les paroles de saint
Pierre : " Dieu ne fait pas acception des personnes, mais dans toutes la
nations celui qui Le craint et pratique la justice Lui est agréable
". p. 180, Les paroles de saint Paul : Dieu ne fait pas acception des
personnes ". " Il n’y a pas de gentil et de Juif , de circoncision et de
prépuce, de barbares et de Scythes, d’esclaves et d’hommes libres,
mais le Christ en tout et en tous ". " Tous tant que vous êtes, vous
êtes une seule et même chose avec le Christ ". " Dieu veut
sauver tous les hommes ". " Il s’est donné en rachat pour tous ".
" Le Christ est mort pour tous ". p.181 : " Lui-même est une propitiation
pour nos péchés, non pour les nôtres seulement, mais
pour ceux du monde entier ".etc…etc…
Ces textes ne prouvent-ils pas éloquemment le salut de tous les chrétiens ? Que notre lecteur lui fasse l’objection suivante : le P. Castelein ne parvient qu’à prouver là l’immensité de la miséricorde Dieu, et, dans la mesure où il n’en tient qu’à Lui seul, l’universalité de la rédemption etc. Ces textes font la preuve de ce qui a été dit plus haut. ---Tu as raison, mais il conclut faussement de ces textes, même indirectement, au plus grand nombre des élus. Je dis faussement, car ses conclusions dépassent ses prémisses. En agissant ainsi, il se joue de ses lecteurs les plus frustres et même des laïcs. Car dans l’introduction, sa doctrine qu’il appelle nouvelle et singulière, il la déclare être le fruit d’une étude très approfondie des saints livres. Au début de son chapitre V : derniers considérants---conclusions théoriques, il reprend les mêmes paroles : " Les arguments de l’Ecriture sainte …sont incomparablement plus expressifs en faveur du grand nombre des élus. Les textes si nombreux, si variés, si clairs que j’ai réunis doivent dissiper tout doute sur ce point ". (p.266) Et plus bas : " A tous ces textes si explicites en faveur de Jésus-Christ et des âmes sauvées par Lui, vous ne pouvez opposer dans toute l’Ecriture en faveur de Satan et du mal rien de semblable ".(p.287) Après avoir fait l’étalage de ses citations invincibles, il lance son exclamation triomphante : " Comment les rigoristes soutiendraient-ils en présence de pareils textes leur désespérante doctrine du petit nombre des élus ? " (p.189) Le lecteur n’en tirera-t-il pas la conclusion que l’auteur présentera ou qu’il a déjà présenté des arguments scripturaires positifs et directs ?
Au sujet de ce qu’il appelle une doctrine désespérante, il faut noter avec soin qu’il n’y a personne qui prétende que l’espoir de salut des voyageurs est frustré par Dieu, mais nous enseignons tous comme saint Thomas : " Le fait que certains croyants soient privés de la récompense céleste provient d’une défaillance du libre arbitre qui implante l’obstacle du péché, non d’une défaillance de la puissance divine ou de la miséricorde, qui sont le fondement de notre espérance. "
N’a-t-on pas raison de penser que la doctrine du P.Castelein peut diminuer la ferveur ou le zèle à déployer pour l’obtention du salut éternel ? Ne va-t-il pas jusqu’à éliminer un des fondements de notre espérance , rendant par là-même sa doctrine présomptueuse ? La présomption pèche contre l’espérance par excès, et se trouve ainsi à détruire la vraie espérance.
Il convient d’insérer le texte cité par Bougaud après M. Camus : " Rien ne peut servir à la condamnation de ceux qui sont dans le Christ Jésus . " Parfaitement ! Mais continue, je te prie, et avance dans ta lecture. Voici qui vient tout de suite après : " ceux qui ne marchent pas selon la chair ". Mais comment marchent les infidèles ? Comme de vrais chrétiens ?
Aux modernistes qui se glorifient de leur interprétation moderne des textes de l’Ecriture qui servaient autrefois à démontrer la difficulté du salut éternel et le petit nombre des élus, il serait bon de rappeler les avertissements suivants du Vicaire du Christ : " Dans l’exégèse biblique, il faut mettre toute son application et tout son soin à ne pas pécher par orgueil ou légèreté d’esprit ou imprudence ". Appeler rigoristes les interprètes anciens et éprouvés, et mépriser le consensus de leurs interprétations en les taxant d’erronées et de contraires à l’esprit du Christ, n’est-ce pas un péché d’orgueil, de légèreté d’esprit et d’imprudence ? Le Souverain Pontife continue : " En premier lieu, il ne faut pas attribuer plus qu’il n’est juste à certaines nouvelles sentences, qu’il suffirait de citer en passant, non parce qu’elles sont neuves mais parce que le plus souvent elles n’ont de la vérité que l’apparence et qu’elles en sont une contrefaçon . Certains, à qui cela ne convenait pas du tout, ont mis à la mode un genre d’interprétation audacieux inspiré par une liberté sans frein. " Les modernistes reconnaissent que leur interprétation est neuve, ils osent en faire l’éloge en tant que fruit du progrès de l’exégèse. Il sont audacieux et sont immodérément libres. Ils jettent ainsi leur dévolu sur une doctrine fausse qu’ils prêchent au peuple, ceux à qui cela ne convenait pas du tout. " Avec une telle crânerie ! " (E.T. jésuite)
" Que ceux qui commentent les livres divins le comprennent et en fassent leur méditation ! Qu’ils se souviennent toujours de procéder avec prudence et sûreté dans leurs études , si seulement ils ont le souci d’obéir à l’Eglise comme leur devoir le leur prescrit. Nous ne nous tairons pas….Il n’est permis à aucun catholique de négliger les décisions et les documents du Souverain Pontife ". Tout cela a été dit aux modernistes. Avec quel résultat?
Qui ne serait pas ébahi ou renversé en lisant cet aveu : Mauran rapporte lui-même s’être fait répondre par de savants théologiens à qui il avait présenté son œuvre : élus et sauvés : " L’auteur explique dans le sens de sa thèse certains textes de l’Ecriture sainte, tandis que rien ne prouve que tel est le véritable sens. " " A cela j’ai répondu que rien ne m’empêche d’expliquer dans mon sens des passages de l’Ecriture obscurs, renfermant des sous-entendus, et dont le vrai sens n’a jamais été donné officiellement par l’Eglise ". (préf. P. 1, note de l’auteur)
Avec une telle exégèse, il est facile de prouver le plus grand nombre des élus contre l’interprétation unanime et le consensus des saints et des anciens commentateurs bibliques. Et ce Mauran est cité avec révérence dans le grand œuvre : dictionnaire de la Bible, publié par Vigouroux, art. élus, col. 711 comme une autorité , immédiatement après Knabenbauer, favorisant les modernistes ! Et le rédacteur de cet article, Parochus Lesêtre ajoute : " Parmi les modernes, il y une tendance marquée à interpréter d’une manière plus large la sentence qui termine les deux paraboles évangéliques ".
Tout cela devrait suffire surabondamment
au lecteur pour juger la façon dont les modernistes ont tenu compte
de l’enseignement des saints, des Pères et des docteurs de l’Eglise
et de leur interprétation de la parole écrite de Dieu. Nous
réduirons en poudre leurs sophismes dirigés contre eux.
Fin p.345, fin du chapitre 6.
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Chapitre 7
les autres sophismes
des modernistes
p.347-474
Godts, chapitre 7 : Les Sophismes,
page 347
VII
Autres sophismes des modernistes
Après avoir examiné la façon cavalière dont les modernistes se comportent envers les Pères et l’Ecriture sainte, et éventé la futilité de leurs arguments, nous exposerons notre réfutation dans cet ordre :
L’opinion du plus grand nombre des élus peut être discutée librement dans l’Eglise.
Ayant mis dans la balance sur un plateau, les témoignages innombrables des Pères, des saints et des docteurs, et dans l’autre, les aperçus sophistiques contre la sentence commune, voire même unanime des Saints, si nous traitions cette question d’après les règles éprouvées de la saine théologie, nous ne pourrions en aucune façon concéder que l’opinion du nombre incomparablement plus grand des élus soit encore sujette à la libre discussion.
Le P. Castelein et autres comparses se fourvoient donc lamentablement quand ils affirment que la thèse du plus grand nombre des élus bénéficie d’un statut de libre discussion parce qu’elle n’a pas encore été définie par l’Eglise. Comme si seule une décision infaillible de l’Eglise entraînait l’adhésion. " L’Eglise catholique qui progresse constamment dans l’intelligence de la doctrine révélée, laisse cette question libre. (285) " " Nous pouvons, en toute liberté d’esprit, adopter sur la question du nombre des élus, question au reste librement discutée au sein des écoles théologiques, la solution qui se réclame des puissants arguments que nous développons ". (190) " L’Eglise catholique laisse libre la question, objet de notre travail ". (p.283) " La question d’autorité bien éclaircie et résolue en faveur de la liberté du théologien ". (p.286) " La question reste libre ". (Epitre à Ephem. La patriote, Le XX ième siècle,etc,etc,)
Bougaud est du même avis : " Qu’on veuille bien nous permettre d’user de la liberté qui a toujours été accordée à tous dans les questions douteuses. Dans le doute, la liberté. Le jugement de l’Eglise ne ressemble pas à celui des hommes. Elle a des intuitions de mère. " (p.363) Mauran ne parle pas autrement : " Entendons-nous bien. Ce n’est point ici une doctrine enseignée par l’Eglise….C’est une opinion privée, libre, et qu’il est permis de combattre et de repousser ". (opus cité, p.V111)
Notons en passant le conseil très sage de saint Ignace qui a stipulé dans plusieurs articles de ses constitutions : " nous devons suivre la doctrine solide et sûre, et même celle qui n’est que plus sûre et plus solide que les autres ". Le saint Père Léon X111 a rappelé cette décision aux Pères de la société de Jésus dans ses lettres sur l’enseignement de la doctrine de saint Thomas. Il leur a indiqué par la même occasion, comme un écueil à éviter, la soif des nouveautés exaltée comme un chemin menant au progrès de la doctrine.
Voici des exemples de sujets librement disputés : différentes positions sur la prédestination avant ou après la prévision des mérites. De l’incarnation après ou sans la faute d’Adam. Du mode de l’efficacité de la grâce, etc…
Ceci étant dit et admis, je prétends que la doctrine du petit nombre des élus de tous les êtres humains n’est pas du tout ouverte à la libre discussion. Car, quelques théologiens, comme Laselve, Smising, et Bosco, la considèrent de foi. Selon Suarez, Estium, Gonet et un grand nombre d’autres théologiens, elle est vraie, elle est tout à fait vraie et certaine. Enfin, elle n’est contredite par aucun Père.
Admettons qu’elle n’est pas de foi, --- (car elle n’apparaît pas avec une évidence fulgurante provenir de la révélation, et le sens du texte, bien que certain, n’a pas été défini ex cathedra par l’Eglise.) --- peut-on déclarer contraire à l’intégrité de la foi une doctrine qui bénéficie du consentement inconditionnel et éclairé des Pères et des théologiens ? N’appelle-t-on pas téméraire une opinion qui, en matière théologique ou connexe, est présentée ou recommandée de façon arbitraire ou imprudente ou téméraire, sans aucune justification rationnelle autre que sa nouveauté ? Une opinion, dis-je, qui a contre elle ---comme je l’ai souvent dit---la doctrine commune des saints, des Pères et des docteurs , et la censure de la faculté théologique de la Sorbonne contre le livre de Marmontel intitulé Bélisaire, sans compter l’interprétation constante des théologiens et des exégètes, ni les raisons les plus graves qui sont rejetées d’un revers de main sans justification et sans raison, cette opinion, dis-je, n’a pas volé l’épithète de téméraire.
Bien que, sur le plan spéculatif, l’opinion de nos adversaires ne s’oppose pas directement aux bonnes mœurs, --ce qui apparemment la qualifie et la recommande---elle ne peut pas ne pas avoir recours à des arguments que je ne crains pas d’appeler immoraux et scandaleux. Telle que présentée, n’est-elle pas, de fait, contraire aux bonnes mœurs une doctrine qui souille l’amour et l’estime dus à la foi et à l’Eglise catholique en enseignant que le salut est facile, même en dehors de l’Eglise ? Une doctrine qui ne distingue pas suffisamment l’ordre surnaturel de l’ordre naturel, en laissant entendre que l’observation de la religion naturelle suffit, dans l’ordre actuel, au salut éternel ? Qui diminue la révérence et le respect envers les pasteurs et les docteurs en enseignant qu’ils ont erré pendant tant de siècles, en exposant la doctrine catholique sur ce qui est nécessaire au salut ? Qui diminue l’horreur du péché en ne diabolisant que les crimes les plus horribles, en négligeant les péchés mortels ordinaires, en dégonflant la malice de la luxure ? Qui diminue la vigilance des chrétiens sur tout ce qui se rapporte au salut, en mettant la pédale douce sur le danger que pose la triple concupiscence , et en niant que le monde représente un danger et un exemple de ce qui est mauvais ? Qui attiédit la ferveur des chrétiens à opérer leur salut avec les bonnes œuvres, l’oraison et la fréquentation des sacrements, en n’enseignant que le minium là-dessus ? Qui finit par communiquer aux fidèles une sécurité présomptueuse ?
Est-ce que l’opinion du Père Castelein est enseignée dans les facultés théologiques par un grand nombre ouvertement et sans danger ? On pourra citer l’un ou l’autre apologiste qui, polémiquant contre les incrédules, les âmes inquiètes, et les ennemis de la religion ont concédé à leurs adversaires que la doctrine du petit nombre des élus n’était pas de foi, ne formait pas un dogme de la religion catholique. Mais on n’a trouvé aucun théologien qui prêche aux fidèles la doctrine du P. Castelein ou qui l’enseigne dans les écoles catholiques. Il n’y a donc aucune raison pour lui reconnaître le statut de libre discussion.
Quel sens donner à ces paroles : l’Eglise laisse libre ? Est-ce que l’Eglise laisse au libre jugement de chacun de cracher sur les décisions communiquées par les congrégations ou de violer les lois qui servent de critères pour déterminer les doctrines catholiques ? N’existe-t-il pas une déclaration de la Congrégation de l’Index qui requiert des fidèles catholiques une soumission pieuse et filiale ? Voici les paroles mêmes de Pie 1X qui se rapportent à ce genre de décisions ainsi qu’aux vérités théologales : " S’agissant de cette soumission à laquelle tous les catholiques sont astreints en conscience, ainsi que les théologiens à qui il incombe de présenter à l’Eglise leurs essais, les hommes d’église doivent savoir qu’il ne suffit pas aux savants catholiques d’accepter et de révérer les dogmes définis par l’Eglise, mais il est de leur devoir de se soumettre tant aux décisions qui se rapportent à la foi , déclarées par les congrégations pontificales, qu’aux autres points de doctrine tenus par un consensus des catholiques commun et constant, comme les vérités théologiques et les conclusions qui sont si certaines que les opinions qui leur sont contraires , bien qu’on ne puisse les dire hérétiques, méritent quand même une censure théologique. "
Des règles sont bel et bien en vigueur dans l’église catholique qui ne demandent qu’à être observées. L’Eglise laisse-t-elle au bon vouloir de chacun le droit de les violer et d’agir à sa guise ? Le sens de ces sources que sont l’Ecriture et la tradition des Pères, ---même là où il n’y a pas de certitude absolue--doit mouler notre façon de penser. Auprès de ces sources, dis-je, se trouve un sens catholique qu’il n’est pas permis de contester sans grande témérité. Voici, à ce sujet, les paroles du docteur Scheeben : " On peut concevoir aussi, même pour le présent immédiat, une espèce de foi, et même une règle vivante, fournissant une direction à l’égard des décisions juridiques. Nous voulons parler du sentiment unanime des fidèles et des docteurs, en tant qu’il est l’écho d’une prédication ecclésiastique antérieure, ou le témoignage de l’Esprit Saint agissant dans l’Eglise ". Sont toujours en vigueur des règles proprement théologiques à partir desquelles l’Eglise inflige certaines censures, et veut que soient rédigées les doctrines à être enseignées aux fidèles : " Il y a, en dehors de la vérité rigoureusement catholique, une autre vérité catholique, une doctrine ecclésiastique, une théologie dans le sens large, qu’un vrai catholique doit accepter avec une respectueuse confiance, qu’il ne peut nier sans offusquer le sens catholique, et qui restreint encore le terrain des libres opinions ".
A cette déclaration, se rattachent les propos de Melchior Cano à l’effet que le consensus unanime des saints et des Pères présente au théologien un argument tout ce qu’il y a de plus certain pour confirmer ses assertions, car un tel sens n’est autre que celui du Saint-Esprit, ou, comme le veut Duplessis d’Argentré, celui des Apôtres. L’existence d’un consensus patristique unanime en faveur de notre opinion est attestée par Estius en ces termes : " Absolument aucun des Pères ne peut être trouvé qui pense le contraire ". Comme le dit avec raison Vacant : " Il y a obligation de respecter ou même d’admettre, sous peine de témérité, un enseignement des saints Pères ou des théologiens qui se rapproche sensiblement de l’accord unanime . "
C’est donc sans aucun fondement que
le P. Castelein claironne que la question du petit ou du grand nombre des
élus est laissée par l’Eglise à la libre discussion
d’un chacun.
2
Sophismes particuliers relatifs
à l’honneur de Dieu
La doctrine du petit nombre des élus ne peut se concilier avec la doctrine de l’universalité du salut.
" La théorie du petit nombre des élus est inconciliable avec la doctrine de la Rédemption, étudiée dans ses causes divines, ses caractères surnaturels et sa portée universelle ". (p.301) Aucun des Pères, des saints, des docteurs de l’Eglise , ni saint Augustin, ni saint Thomas, ni saint Anselme, ni saint Alphonse n’ont jusqu’ici rien compris dans la doctrine fondamentale de toute la religion chrétienne! Ils ont ignoré les causes de la rédemption, ses traits surnaturels, son extension universelle ! Heureux notre siècle séculier qui nous a délivrés d’une si grande ignorance ! Mais pourquoi donc se permet-il ce genre d’affirmation gratuite ? Où sont ses arguments, ses autorités ? La rédemption devrait-elle forcer les impies à entrer dans le royaume des cieux , et les contraindre à pratiquer malgré eux les commandements de Dieu? La grâce du Rédempteur devrait-elle avoir une efficacité telle qu’elle détruirait le libre arbitre de l’homme ?
On peut ajouter cet autre argument.
C’est une sentence commune chez les théologiens, tout à fait
conforme à la tradition et à l’Ecriture, que le Christ a
offert le prix de sa rédemption même pour les petits morts
sans baptême. Le fait qu’ils n’en perçoivent pas le prix nous
permet-il d’y voir un accroc à l’universalité de la rédemption
? Pas le moins du monde ! De la même façon, ne porte pas obstacle
à l’universalité de la rédemption le fait que, d’après
la sentence commune des théologiens, la tradition et l’Ecriture,
la plus grande partie des hommes, ou même des catholiques, soit damnée.
Mauran, qui pour augmenter le nombre des élus, a recours au salut
éternel des habitants des autres planètes, présente
ainsi son argument de l’universalité du salut en termes pathétiques
à défaut d’être théologiques : " Le Sauveur
ne cesse de dire qu’il est le Fils de l’Homme. Ainsi que nos voisins inconnus
des sphères planétaires ne prétendent pas nous ravir
ce qui est à nous, notre bien, notre don, notre Jésus Crucifié….
" " Quel avantage a-t-on de se représenter la Rédemption
comme un sauvetage qui a échoué? L’humanité ayant
pour fin dernière le sort de Sodome et de Gomorrhe ? Cette terre,
consacrée par la vie humaine d’un Dieu, unie à Lui par la
chair, arrosée de son sang, un sang d’un prix infini, et puis…et
puis, finissant son histoire par la damnation et le désespoir suprême
! Et pendant que cette grande catastrophe se consumerait, les autres mondes
s’en iraient à leurs joies éternelles ? Quelle ironie ! "
L’ironie facétieuse ne consiste-t-elle pas à proposer sérieusement
de tels arguments ?
3
Si le nombre des sauvés ne surpasse pas celui des damnés, alors ce ne sera pas le Christ qui aura triomphé du démon, mais le démon du Christ.
" Le Christ doit remporter sur Satan un triomphe éclatant…et Il ne parviendrait pas à convaincre la moitié des âmes que Satan a enlevées au Père céleste ? Mais alors, la conquête de Satan serait, dans son ordre, plus belle que celle de son vainqueur ! Si le Christ ne sauve pas effectivement la grande majorité des âmes….je ne saurais comprendre que son triomphe soit digne de Lui. " (p.189)
" Dans ses efforts persévérants pour sauver les âmes qu’Il a créées, Il n’aboutirait pas à en sauver la moitié . Est-ce vraisemblable ? Encore une fois, ne serait-ce pas Satan qui serait le vainqueur et le conquérant ? Arrière cette affreuse image et cette odieuse hypothèse ! " (p.190) " Je ne saurais le croire. Je suis persuadé, tout au contraire, que le Christ emportera entre ses bras sanglants au trône de son Père incomparablement plus d’âmes qu’Il ne s’en laissera ravir. Ce n’est pas seulement l’amour du Christ pour l’homme, mais son honneur qui l’exige ". (p.267) " La conquête de Jésus-Christ l’emportera dans toute l’humanité de beaucoup sur la conquête de Satan. J’en suis même intimement convaincu que le Christ saura pour la gloire de sa miséricorde et de ses mérites tirer de tout peuple et de tout milieu humain plus d’élus qu’Il n’y laissera de réprouvés ". (p.301)
Bougaud avance un argument de même farine : " Dieu ne peut pas être vaincu sur toute la ligne. …Il faut que la bataille soit gagnée. Dieu ne peut pas clore la création sur une défaite universelle! Autrement, je le répète, à quoi bon avoir commencé la création ? Pourquoi avoir livré la bataille? Les mesures n’ont donc pas été bien prises ! Le plan a donc été mal conçu ! Les soldats étaient donc mal équipés, les grâces bien insuffisantes ! L’immense et magnifique création n’a été en somme qu’une immense déroute, une immense et magnifique victoire du mal sur le bien, de Satan sur Dieu ! Pour moi, je ne le crois pas. Oh! non, je ne le comprendrais pas . J’y verrais compromises la sagesse, la puissance et la bonté de Dieu . Il me semblerait etc…etc… " (p.364)
Et Mauran : " Si la majorité des âmes devait appartenir réellement au démon dans l’enfer, au grand ennemi de Dieu, où serait la victoire de Jésus-Christ ? Depuis quand un roi qui perd sur le champ de bataille les trois quarts de ses soldats et de son royaume peut-il se dire victorieux ? " Cet argument qui est l’arme secrète des modernistes se trouve tel quel dans le libelle hérétique : de l’ampleur du bienheureux royaume de Dieu, auquel Gravina donne un oscar, et que les incrédules se sont forts d’objecter contre la Providence de Dieu, comme nous verrons bientôt.
Ce qui n’empêche pas l’argument d’être absurde. Les auteurs cités parlent du Christ et de Lucifer comme s’ils étaient deux dieux égaux , à la façon dont les manichéens admettent deux principes suprêmes égaux, dont l’un est bon et l’autre, mauvais. " Si le Christ ne l’emporte pas sur Lucifer , il sera vaincu par son adversaire ! " Je sais très bien que saint Ignace dans sa méditation sur les deux étendards, a comparé Satan à un chef guerrier. Mais il ne lui accorde aucune égalité avec le Fils de Dieu.
Je réponds donc. Toujours et en toute occasion, le Christ a vaincu, vainc et vaincra pleinement le diable. Il doit régner éternellement et au-delà. Ses ennemis sont l’escabeau de ses pieds. Donc, même les suppôts de Satan sont soumis au Christ triomphant, avec leur chef et ses mauvais anges. Bergier écrivait autrefois avec beaucoup de bon sens : " Le prétendu triomphe que Bayle attribue au démon sur Jésus-Christ au jugement dernier, en conséquence du grand nombre des damnés, est absurde à tous égards ".
" Une autre absurdité est d’envisager le sort des bons et des méchants comme un combat entre Jésus-Christ et le démon, dans lequel Jésus-Christ fait tout ce qu’Il peut pour sauver une âme, sans en venir à bout, comme si le salut était l’œuvre de la seule puissance du Sauveur sans la coopération libre de l’homme. Le démon a-t-il donc plus de pouvoir qu’il ne permet à Dieu de lui en accorder ?----Il suppose que par la perte d’une âme Jésus-Christ perd quelque chose de son bonheur ou de sa gloire; qu’Il en a du regret comme le démon a du dépit lorsqu’il n’a pas réussi à pervertir un juste; que Jésus est trompé dans ses mesures comme Satan est confondu dans ses projets. Parallèle insensé ! Jésus-Christ, en tant que Dieu, a su de toute éternité quel serait le nombre des élus et des réprouvés. Quand le genre humain tout entier périrait, le Sauveur n’y perdrait rien pour Lui-même, et le démon n’en serait pas moins malheureux pour l’éternité. La victoire de Jésus-Christ sur le démon n’a donc pas dû consister en ce que aucun homme ne puisse se damner par sa faute. Alors, la vertu ne saurait d’aucun mérite, et le salut ne serait plus une récompense. Mais elle consiste en ce que le genre humain, banni entièrement du ciel par le péché d’Adam, a recouvré par la rédemption le pouvoir d’y entrer, et que chaque particulier reçoit pas les mérites de Notre Seigneur toutes les grâces dont il a besoin pour se sauver, de manière qu’il est inexcusable lorsqu’il se damne ".
Je réponds ensuite que la justice est un attribut divin comme la miséricorde. L’un et l’autre doivent être glorifiés. Pendant que les bienheureux dans le ciel glorifient la miséricorde éternellement, les damnés glorifient à contre cœur et à leur corps défendant la justice infinie de Dieu, pour qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse dans les cieux et dans les enfers. La gloire de Dieu ne peut en aucune façon être diminuée par un grand nombre de damnés. Le pieux et docte Lessius expose très bien cette même idée : " Dieu a permis à une multitude innombrable d’hommes de se ruer dans le châtiment éternel. Même s’Il avait prévu l’apparition de tant de maux au cas où Il retirerait la justice originelle et la providence spéciale du début, cela ne L’empêcha pas, en punissant ce péché, de laisser apparaître les tragiques conséquences qui en résulteraient. Comme le ministre d’un roi, qui a à punir la désobéissance d’un prince, se refuse à remettre la peine, même s’il prévoit la dévastation future de tout le royaume et l’extermination d’une grande partie du peuple " Et il parle ainsi a Dieu : " A ton tour, tu as montré la même justice, quand, à cause du péché de nos premiers parents, tu as dépouillé le genre humain de la justice originelle et de la félicité du premier état, et tu les as livrés à d’innombrables misères en plus de la mort. Dans cette punition, tu prévoyais qu’une multitude innombrable d’hommes serait damnée et qu’à peine un centième obtiendrait le salut ".
Ecoutons le très célèbre Monsabré : " Prétendrez-vous, messieurs, que le nombre des élus, si grand qu’il soit, est inférieur à celui des réprouvés ? Qu’importe ! Vous n’avez plus le droit d’accuser le gouvernement de Dieu d’avoir échoué dans son action providentielle. Dieu a voulu le salut de tous. A tous Il a offert ses secours et ses grâces. Il n’y a de damnés que ceux qui n’ont pas voulu se laisser sauver. A chaque plainte des victimes de son éternelle justice, Dieu peut répondre : Tu t’es perdu toi-même : la perdition vient de toi. Non, le malheur des réprouvés ne le déshonore pas, non plus que le supplice des scélérats ne déshonore pas un grand roi. N’ayant pas obtenu le triomphe de sa miséricorde sur ces rebelles, Il est assuré du triomphe de sa justice, et peut dire avec l’auguste majesté du plus grand, du plus sage, du meilleur des maîtres : la gloire de mon gouvernement est d’être bon et miséricordieux pour ceux qui se soumettent à ma volonté sainte, et de combattre éternellement les superbes : épargner ceux qui se soumettent et poursuivre la guerre contre ceux qui se révoltent. "
Je réponds avec le Père Paquet : " le bien ne se mesure pas mais se soupèse, surtout le bien de la grâce ". Celui de la gloire aussi. Ainsi, l’immaculée Mère de Dieu glorifie plus l’adorable Trinité que ne l’auraient fait tous les damnés s’ils avaient été élus. Le bienheureux Clemens Hofbauer enseigne la même chose. Et le grand Monsabré illustre merveilleusement cette réponse : " Si nombreux qu’ils soient, ces superbes, ils ne peuvent tenir en échec l’immense armée des élus. Une seule âme sauvée est un chef-d’œuvre auquel concourent toutes les perfections divines, de concert avec la liberté humaine. Une seule créature glorifiée et admise à la vision béatifique est une merveille de beauté, plus étonnante et plus ravissante que toutes les merveilles réunies de la terre et des cieux. Et l’on voudrait déshonorer Celui qui l’a produite en lui reprochant la quantité numérique des misérables qui se sont déformés eux-mêmes par l’abus des dons divins et de leur liberté ? Autant voudrait dire qu’il n’y a plus de génies dans l’humanité, parce que les chefs-d’œuvre sont moins nombreux que les œuvres avortées, dont la maladroite ambition des esprits médiocres inonde le monde. Ici, messieurs, il ne s’agit pas de compter, mais de peser. Un seul élu pèse plus dans la balance divine que l’enfer tout entier. "
Une fois réfuté l’argument des adversaires, nous profitons de cette occasion pour faire une observation sur la façon dont ils raisonnent . Très souvent, au cours de cette discussion, nous sommes nous trouvés face à cette locution qui leur tient lieu d’argument : Moi, je ne comprends pas. Ce qui implique indirectement que ce que je ne comprends pas, moi, ne peut pas exister, et n’existe donc pas. Que le lecteur rappelle à sa pensée les citations faites au début de ce développement. Que dirons-nous à de tels et à de si grands arguments ? Il y a beaucoup de choses que nous devons croire même si nous ne les comprenons pas. C’est ainsi que raisonnent les incrédules devant les mystères : " la transmission du péché d’Adam, une damnation éternelle causée par une délectation libidineuse d’un bref moment, je ne les comprends pas. Je n’y crois donc pas. Elles n’existent donc pas.
A ces modernes renégats, on devrait dire ce que saint Augustin a écrit autrefois des miséricordieux de son temps : " Si cette sentence est bonne et vraie parce qu’elle est miséricordieuse, elle sera d’autant meilleure et d’autant plus vraie qu’elle sera plus miséricordieuse. Que l’on étende donc et que l’on approfondisse ce fond de miséricorde jusqu’à la libération des anges damnés après un nombre considérable de siècles. Pourquoi n’en viendra-t-on pas jusqu’à la nature humaine dans son ensemble, et pourquoi s’arrêter à la nature angélique ? Ils n’osent pas cependant aller jusqu’au bout dans cette voie et en venir à la libération du démon. Si quelqu’un l’osait, il l’emporterait sur les miséricordieux, mais il n’est jamais rendu plus difforme par son erreur et perverti par son opposition aux droites paroles de Dieu que quand il se sent plus miséricordieux ". En vérité, comme l’écrit de nos adversaires D. Emmanuel : " Tous leurs raisonnements se réduisent à ceci : Dieu sauve la plus grande partie des hommes parce que cela paraît convenable à ma raison ". Pourquoi saint Augustin, saint Thomas et des centaines d’autres saints très instruits n’ont pas fait cause commune avec nos modernistes ? Parce que leur humilité leur a fait soumettre leur raison à la révélation et à la tradition. Resserrée est la voie…peu la trouvent.
Il est permis de répondre
aux modernistes ce que de Maistre a répondu à Fleury qui
prétendait : " Nous croyons qu’on peut appeler du Pape au Concile
". ---" Voilà d’abord un nous ---répondit de Maistre----dont
l’Eglise catholique doit très peu s’embarrasser….Fleury réfuté
par Mosheim et Bossuet, sur le point d’être remis dans la droite
route par les Centuriateurs de Magdebourg, voilà où l’on
est conduit par l’envie de dire
nous.
Ce pronom est terrible en
théologie ".
4
Puisque le nombre des anges bienheureux est plus grand, je dis qu’à parité, le nombre des hommes à être sauvés devrait être plus grand.
" Cherchons une nouvelle lumière pour éclairer la solution de notre problème dans un argument d’analogie tiré de la nature angélique…(p.272) " " Comme le grand Suarez, en considérant les seules lois de la création, a conclu que dans la nature angélique la bénédiction l’emporterait de loin sur la malédiction, nous, en considérons ces mêmes lois, etc "…
Que le docteur angélique lui-même
réplique non pas à Suarez qui n’a jamais tiré cette
conclusion, mais à Castelein. Saint Thomas se fait cette objection
: " Il semblerait que les anges qui ont péché sont plus nombreux
que ceux qui ont persévéré, selon l’adage du Philosophe
: le mal existe dans le plus grand nombre, le bien dans le petit nombre.
" Et il répond : " Il faut dire que le Philosophe parle des
hommes à qui le mal survient du fait qu’ils poursuivent les biens
sensibles qui sont connus du plus grand nombre, sans faire nul cas du bien
de la raison qui est connu de peu. Or, dans les anges, n’existe que la
nature intellectuelle. L’argument ne vaut donc pas. " De plus, une autre
raison lui fait rejeter l’argument d’analogie tiré de la nature
angélique. Car : " l’ange qui est supérieur à l’homme
dans l’ordre de la nature, a obtenu la béatitude, en vertu d’un
décret de la divine sagesse, par un seul acte méritoire.
Mais les hommes parviennent au ciel à la suite d’un très
grand nombre d’actes méritoires. " Donc, même à ce
point de vue, l’analogie fait défaut.
5
Les docteurs qui admettent le
plus grand nombre de sauvés chez les anges doivent être rangés
parmi ceux qui enseignent le plus grand nombre de sauvés chez les
humains, même s’il enseignent expressément le contraire. C’est
qu’ils ont mal interprété l’Ecriture.
" Si les ombres du texte ---pauci
electi—alors mal compris par suite d’une exégèse encore
imparfaite, n’avaient obscurci le regard de ces illustres docteurs, S.
Thomas, Suarez, nul doute qu’ils n’eussent raisonné sur le salut
final de la nature humaine comme ils l’ont fait sur celui de la nature
angélique. Je puis donc m’abriter derrière leur autorité!
" (p. 273) Quelle logique ! Saint Thomas et Suarez enseignement formellement,
comme nous l’avons vu plus haut, que la plus grande partie du genre humain
est damnée, sans baser leur opinion sur un seul texte, dont les
modernistes se vantent d’avoir enfin trouvé le sens après
dix-neuf siècles.
6
Qu’en la matière présente, l’erreur de la doctrine désespérée du petit nombre d’élus l’emporte à la plus grande gloire de Dieu !
" Je me rassure par la conviction intime que ces idées sont vraies et justes. Elles sont le fruit d’une étude approfondie de l’Ecriture sainte et des enseignements de nos plus grands théologiens (X) . Doctrine comprise selon les saines traditions de la théologie catholique. (355)---Aux théologiens trop étroits ou trop timides pour penser comme nous, nous pouvons opposer les grands docteurs de l’école. " (114) Assurément, par cette vertu attribuée à la doctrine de Castelein, ils montrent leur bonne foi.
Mais que dirai-je de ces modernistes qui, bien qu’ils reconnaissent ouvertement que sa doctrine est vulnérable et probablement erronée, ne la préfèrent pas moins à la doctrine commune et certaine ? Ainsi Bougaud : " Il y a sans doute ici une part conjecturale considérable. Le P. Faber ne le nie pas. Mais, dit-il, si nous parlons de choses que nous ne savons pas, il doit nous être permis d’opposer ces considérations à ceux qui nous donnent sur Dieu des pensées dures et insupportables à notre faiblesse. Ce ne sont pas des doctrines, ce ne sont pas des certitudes. Ce sont des inductions, des espérances, des théories. " Le Père Faber lui-même confesse : " Ce sont là de mauvais arguments , si on les examine séparément. "
Mais c’est à Mauran qu’on doit décerner la palme : " Je vais dire une chose impossible. Je m’imagine que si Dieu avait consulté ses élus avant de les créer, ceux-ci, se voyant si peu nombreux, auraient fait le sacrifice de leur bonheur éternel pour éviter à leurs frères, à la grande foule humaine, les tourments de l’enfer. Que le lecteur indulgent me pardonne cette boutade. Ces quelques mots suffisent pour montrer etc "… Mais ils sont si montés sur leurs grands chevaux qu’ils considéreront comme utile leur opinion même s’ils la jugent fausse : " Et quand même nous serions dans l’erreur, nous aimerions mieux avoir cherché à inspirer sur Dieu des pensées qui le fassent plus honorer parmi les hommes , et nous portent à L’aimer davantage ".(1) Et D. Mauran : " Et pourtant, qui sait ! Cette thèse n’est-elle pas un sophisme, et notre espoir une illusion ? Ne sommes-nous pas dans l’erreur ? Eh! bien, quoi qu’il en soit, nous croyons qu’il vaut mieux se tromper en versant dans les âmes la consolation et l’espérance que la peur et le désespoir ". (2)
A cela nous répondons en trois temps. Intention excellente, mais oiseuse. Car quel peut être le bon effet de cette doctrine qui présente un Dieu, non seulement bon et miséricordieux, mais tellement oublieux de son honneur et de son droit qu’Il jette aux porcs les perles de la grâce et de la gloire, et qui permet d’espérer le salut à ceux qui se détournent de la seule voie de vérité, et qui se vautrent dans la luxure ? Chacun n’ira-t-il pas immédiatement en tirer la conclusion : donc, les moyens de salut, la fréquentation des sacrements, la fuite des occasions de péché, la haine du monde, les macérations corporelles, les pratiques de piété et les prières, rien de tout cela n’est recommandé par les Pères et par l’Eglise ! A quoi bon tous ces fardeaux ! Sans eux, nous saurons bien quand même nous sanctifier ! Dieu pardonne si facilement le péché de luxure. " Venez, donc, et jouissons des biens qui existent vraiment, et usons des créatures avec l’impétuosité de la jeunesse…Qu’il n’y ait pas de pré vert où ne se roule notre luxure. Que personne ne soit à l’abri de notre débauche ! Laissons partout des signes de joie. Car voilà notre lot et notre sort ! "
Dans son travail remarquable : la question de l’Evangile, etc…Nos conclusions, le P. Coppin, comme nous l’avons déjà vu, démontre avec bonheur le danger de leur approche : " Son premier fruit naturel et nécessaire sera d’affaiblir dans une foule d’esprits le respect et la soumission à l’égard des prédicateurs et écrivains pieux, passés, présents et futurs. Un second funeste effet sera d’affaiblir en bien des âmes l’horreur du péché. Funeste, il l’est encore parce qu’il rabaisse l’idée vraie de la vie chrétienne. Parce qu’il raffermira et accroîtra l’esprit mondain dans les âmes. Parce qu’il amoindrit l’idée de l’Eglise catholique , et diminue l’estime que nous devons avoir de la faveur de lui appartenir par la foi. " Notre auteur traite chaque aspect de la question avec vigueur et éloquence. Ses développements sont trop longs pour que nous les reproduisions ici, mais nous les recommandons fortement au lecteur.
Quelqu’un pourra-t-il nier la rigueur et le bien- fondé de ces déductions ? Et même si l’enchaînement logique était moins évident, qui peut nier que de fait, elles seront déduites par le plus grand nombre ? Quelles embûches sont dressées sur cette voie, même un aveugle s’en rendrait compte. Les modernistes veulent propager l’amour de Dieu dans le peuple de Dieu. Mais quel est donc cet amour qui peut cohabiter avec l’esprit de ce monde vain, superbe et sensuel; qui n’a en horreur que les péchés monstrueux et obstinés ? Comment ce qui diminue l’horreur du péché peut-il augmenter l’amour de Dieu ?
Ils veulent fouetter la foi des fidèles, mais ils engendrent la présomption. " Quel appoint les âmes inclinées à la funeste présomption ne trouvent-elles pas dans le livre du P. Castelein, dans ses enquêtes bénignes sur les quartiers moyens de Bruxelle, dans ses considérants sur les péchés de faiblesse, dans son refrain perpétuel de la prépondérance de la grâce, dans ses voies secrètes, ses apparitions de Notre Seigneur aux âmes qui franchissent le seuil de l’éternité pour les conquérir d’un coup de main victorieux, dans les multitudes innombrables de gens qu’il met en Paradis sans qu’ils aient jamais rien fait pour le mériter ? " Comme a dit Jésus : " Vous les reconnaîtrez à leurs fruits ". Cette doctrine, qui ne peut être pour le grand nombre qu’une pierre d’achoppement, qui prétend à plus de certitude que la certitude même, peut-elle, je le demande, être dépourvue de scandale ?
C’est donc gratuitement et insolemment que la doctrine des saints Pères est accusée de freiner l’amour de Dieu et l’espérance chrétienne. Il s’agit là d’une grave accusation contre tous les docteurs catholiques qui tiennent et prêchent cette doctrine, et contre l’autorité ecclésiastique qui lui a donné un consentement tacite. Car éloigner de l’amour de Dieu et de l’espérance chrétienne c’est empêcher le salut éternel, ce qui est contraire à la fin de l’Eglise. Mais cette accusation ne fait que trahir la témérité de leurs auteurs. Les saints ont toujours prêché le véritable amour de Dieu qui a le péché en horreur et la punition qui le suit, qui exige donc une grande renonciation et un effort vigoureux contre la triple concupiscence. Le peuple n’a cure de cette renonciation, et c’est pourquoi l’amour de Dieu n’est pas populaire. Nous savons que les modernistes rendent cette renonciation facile , en en atténuant les exigences. Mais, par le fait même, cette renonciation n’est plus celle que prescrit l’Evangile, et sans laquelle l’amour de Dieu véritable ne peut pas exister. Les saints ont toujours prêché l’espérance chrétienne fondée sur les promesses de Dieu et sur la miséricorde. Mais ils se sont dressés contre la présomption et la témérité. Ont-ils jamais prêché que les moyens de salut faisaient défaut à celui qui fait tout ce qui est en lui ? Si donc quelqu’un s’est abandonné au désespoir, est-il allé chercher la cause ou l’occasion de ce péché dans la doctrine des saints bien comprise ?
" Et quand même nous serions dans l’erreur ! " Il n’est pas permis de prêcher au peuple ce qui est une erreur, même si, par accident, il devait en ressortir du bien. On ne peut pas commettre le mal pour qu’il en ressorte du bien. La vérité vous libèrera, non l’erreur, qui, quand bien même elle nous apparaîtrait douce et avantageuse, serait toujours un mirage nuisible. Comme l’apôtre zélé de l’Italie, le grand Segneri, jésuite, a écrit avec plus de justesse, et tout à fait selon l’esprit du divin Sauveur des âmes : " Si je faisais partie de cette génération de médecins qui préfèrent voir un malade mort plutôt que souffrant, je mettrais ici un point final à mon sermon. Car je sais que les paroles que je vais prononcer auront un goût amer dans la bouche de certains. Mais à qui profiterait-il de se taire ? Si je me taisais, je ne ferais que donner l’occasion au démon, au témoignage d’Eusèbe, d’insuffler une fausse sécurité qui aboutit à la perdition. Soyons donc sur nos gardes. Les saints docteurs ont été placés par Dieu dans l’Eglise pour nous frayer la voie du Paradis. Pour que les pèlerins qui circulaient de Constantinople à Jérusalem ne s’égarent pas en route, Hélène, la sainte mère de Constantin avait pris soin de dresser des tours élevées dont les phares permettaient de circuler en toute sécurité la nuit. Dieu a agi ainsi dans son église. A l’instar des tours, Il a suscité des âmes robustes qu’il a dotées d’une lumière resplendissante qui peuvent éclairer le chemin des voyageurs qui s’efforcent d’ atteindre la sainte cité du paradis. Ce que donc les saints docteurs nous enseignent d’une seule voix, nous devons l’embrasser comme la vérité, à la norme de laquelle il nous faut avancer dans cette randonnée d’un monde à l’autre. Ces saints docteurs , d’un commun conseil, estiment que les damnés sont plus nombreux que les sauvés. Si nous voulons donc progresser avec prudence sur un tel chemin sans nous égarer, il faut organiser notre vie d’après cette opinion ". = page 373 (partie) Godts.
111
Sophismes relatifs à la
foi et à l’Eglise
Pour que le lecteur ne se scandalise pas de tant et de si nombreux sophismes proférés sur ce sujet par un auteur par ailleurs docte et pieux, qu’il ait toujours présent à la pensée le but que se propose Castelein. Il n’a jamais voulu, par ses pirouettes et ses sortilèges, détourner les âmes de la pénitence, de la voie étroite, de la crainte de Dieu, de la fuite du monde et des occasions de péché, de l’oraison ou de la fréquentation des sacrements. Il n’a cherché qu’à dire : " gardez-vous des prédicateurs rigoristes, terroristes, de la race des jansénistes. "
Que le lecteur note bien ceci . Il
écrit sans passion, sans polémique, sur un sujet abstrait,
en langue vernaculaire, à des laïcs en plein laïcisme,
pour qu’ils marient leur foi avec leur raison. Il affirme que la plus grande
partie des chrétiens sont sauvés, même ceux qui ont
mal vécu. En ce qui a trait aux non catholiques, il donne une extension
indue à l’âme de l’Eglise, afin d’introduire dans le ciel
par le chemin de la bonne foi, les païens, les mahométans,
et les Juifs. Il aurait été plus sain pour lui de suivre
cet avertissement de son saint Père saint Ignace : " Il arrive assez
souvent que des louanges démesurées accordées à
la foi, sans les distinctions et les explications nécessaires, détourne
le peuple de la pratique laborieuse des bonnes œuvres, qui précèdent
et suivent la foi par le lien de la charité. "
7
Notre époque attend de
nous que nous harmonisions la foi avec les postulats de la raison naturelle
et les besoins du cœur.
" Nous nous proposons de traiter dans la revue générale certaines questions religieuses sur lesquelles les laïcs, même les plus instruits, ne possèdent généralement que des idées confuses et incomplètes, alors qu’il leur faudrait sur ce point des notions nettes, précises, et beaucoup plus complètes pour mettre en harmonie leur foi et les exigences de leur raison. Ces exigences de la raison doivent être satisfaites. Plus l’esprit est cultivé, plus la foi doit être éclairée. La foi du charbonnier n’est louable que dans le charbonnier. Elle ne doit pas être l’idéal des classes instruites ". Et pour harmoniser la foi avec la raison naturelle de ses lecteurs et avec les besoins de leurs cœurs, (p.9) il leur dévoile une doctrine singulière inconnue aux saints et aux Pères, et il met son zèle à la farcir de nombreux sophismes.
Et pourtant, le P. Castelein n’est pas un rationaliste. Il n’a pas pour but de diminuer ou d’affaiblir la foi ou de la soumettre au joug de la raison naturelle. Avec la meilleure intention du monde, pour gagner des âmes au Christ ---surtout celles qu’il appelle les classes instruites, les laïcs éclairés---il veut démontrer que le progrès des sciences ne permet plus à notre époque de soutenir la terrible doctrine du petit nombre des élus, qui se trouve en fait rejetée par les plus récents docteurs de l’Eglise et par les meilleurs exégètes modernes. Donc, même à son insu, il semble vouloir harmoniser la foi avec les options rationalistes des docteurs laïcs et avec les besoins de leur cœur.
Je ne suis pas le seul, à la vérité, qui comprenne ainsi la visée du docte Jésuite. Au mois d’avril, a écrit dans mon sens D. Emmanuel, Abbé Olivetain, du livre du P. Castelein : " Le langage du P. Castelein n’est pas sans rapport avec les expressions du Bélisaire de Marmontel : Dieu, dit le philosophe déiste du 18ième siècle, nous a donné deux guides qui doivent être d’accord ensemble : la lumière de la foi et celle du sentiment. Ce qu’un sentiment naturel et irrésistible nous assure, la foi ne peut le désavouer. ..C’est la même voix qui se fait entendre du haut du ciel et du fond de mon âme. Il n’est pas possible qu’elle se démente; et si d’un côté je l’entends me dire que l’homme juste et bienfaisant est cher à la divinité, de l’autre, elle ne me dit pas qu’il est l’objet de ses vengeances. …Est-il besoin qu’il y ait tant de réprouvés ?... "
Gardons-nous de la tendance moderniste qui cherche à harmoniser la foi avec la raison. Avec quelle maîtrise la décrit le P. Tournebize, jésuite : " C’est d’abord au nom du progrès qu’on adjure l’Eglise de modifier son enseignement sur les châtiments d’outre-tombe. On lui dit : tout évolue dans l’univers, il y a des transformations incessantes à tous les degrés de la nature. Comment le dogme religieux demeurerait-il immobile ? ---Il y a plus. La nature de Dieu comme celle de l’esprit humain exige cette évolution. Aussi, l’enseignement sur la nature des tortures de l’enfer qui était docilement accepté au Moyen-Age, ne convient plus à notre époque. Il faut chercher de nouvelles formules mieux adaptées aux mœurs actuelles ".
Plus que jamais, il faut prêcher avec saint Paul : " Détruisant toute hauteur qui s’élève contre la science de Dieu, et réduisant en captivité toutr intelligence en hommage au Christ ". Il faut répéter souvent aux fidèles qui s’estiment savants, ce canon du concile du Vatican : " Si quelqu’un disait qu’il peut arriver que le sens des dogmes présentés par l’Eglise soit modifié par le progrès des sciences, ou que lui soit attribué un sens différent de celui que l’Eglise lui a toujours donné et lui donnera toujours, qu’il soit anathème. "
Et que dire des besoins du cœur, surtout de ceux des femmes dévotes ? Qu’on les soumette à la vraie et antique doctrine de l’Eglise ! Voici un fait que j’ai vécu moi-même. A cause de la délicatesse de son cœur, une noble anglaise très instruite, convertie sous peu de l’hérésie anglicane, ne voulait pas admettre l’éternité des peines de l’enfer. " Comment, disait-elle, moi qui suis tenue par ordre de Dieu d’aimer mes parents, pourrais-je être heureuse au ciel, tant que je verrais mon père et ma mère torturés en enfer ? " Et moi de lui montrer les textes explicites de l’Ecritiure : " Peu importe, me répondit-elle. Il ne s’agit pas là d’un décret de Dieu ferme, irréformable, mais d’un décret conditionnel, comme fut celui de détruire Ninive. Après quelques siècles d’éternité, à la prière de la Sainte Vierge, et grâce aux demandes des saints et de tous les anges, Dieu révoquera son dessein primitif, remettra aux damnés leurs peines et les admettra dans son ciel, et c’est alors seulement qu’il y aura grande liesse , et, comme il a été écrit, un seul pasteur, un seul pasteur ". Les besoins impératifs de son cœur postulaient cela, et elle ne se rendit que devant des impératifs de foi encore plus exigeants. Cette pieuse matrone était, sans s’en douter le moins du monde, de la même race que ces miséricordieux dont parle saint Augustin dans la cité de Dieu, liv. 21, c.18 : " de ceux qui pensent qu’au jugement dernier, à cause des supplications des saints, personne ne sera damné ". Saint Augustin réfute ces miséricordieux aux pages 23,24.
" La foi du charbonnier n’est louable
ou plutôt tolérable que dans le charbonnier. Ne la vantons
jamais comme l’idéal des classes instruites. " Les laïcs les
plus instruits n’ont aucune obligation de faire leur la doctrine " rigoriste
" du petit nombre des élus. Le Père Castelein pourvoit d’une
façon louable aux nécessités sociales de notre époque,
mais, sans aucun doute, il hallucine s’il s’imagine que les laïcs
d’aujourd’hui sont angoissés par le nombre des élus. Et s’il
s’en trouve qui prennent la chose à cœur, ils n’ont rien de mieux
à
faire que de suivre le conseil de Bourdaloue en professant le petit nombre
des élus d’après l’Ecriture et les Pères, et en en
découvrant les causes, pour qu’ils s’en détournent et opèrent
leur salut avec effort. Cette explication suffit même aux plus savants
des savants. Car au temps où vivait Bourdaloue, les laïcs connaissaient
la religion beaucoup mieux que ceux d’aujourd’hui, même ceux qui
étaient les plus versés dans les choses profanes. Combien
sont-ils aujourd’hui parmi les laïcs instruits à bien connaître
tous les articles de foi, et à en saisir le sens théologique
? Il serait beaucoup plus utile de mettre fin à leur ignorance des
choses nécessaires au salut, que d’agiter devant eux des disputes
théologiques qui ne peuvent que nourrir leur vanité et leur
présomption.
8
Le peuple chrétien pris
dans son ensemble a une foi vive.
La plus grand partie du peuple chrétien doit nécessairement être sauvée, car : " La foi simple et humble est loin d’être rare. Le peuple chrétien, pris dans sa masse, croit à Jésus-Christ d’une foi simple, humble, vive. " " Quelle que soit sa faiblesse dans sa lutte contre les vices, à la vue de la croix, il sent qu’il aime son Sauveur " " Ah! que cette foi plaît à Dieu ! Et que de bonnes morts elle prépare malgré les tristes inconséquences et les déplorables défaillances de la vie! " " Quel prêtre blanchi dans le ministère des âmes n’a été des centaines, des milliers de fois l’heureux témoin de ces bonnes morts ! " (p.62)
Quelle est cette foi vive qui n’opère presque jamais par la charité ? La foi sans les œuvres n’est-elle pas morte, et pourra-t-elle jamais mériter le nom de foi vive. ? Et pourtant, n’est-il pas permis d’affirmer en gros que la plus grand partie du peuple vit habituellement en état de péché mortel ? " Quand nous arrivons en quelque lieu, écrit saint Alphonse à ses missionnaires, nous y trouvons le plus grand nombre des habitants dans la disgrâce du Seigneur où les tient enchaînés le péché. " Et ceci est dit des villages si catholiques et si pieux du royaume napolitain du dernier siècle. Que dire donc de nos modernes Sodome et Gomorrhe ? Le Père Hoppenot donne un excellent avertissement : " Les chrétiens étourdis , par une sélection criminelle, prennent de la religion ce qui leur convient, rejettent ce qui les gêne et les incommode. Ils admettent l’Evangile de la charité, non pas celui de la chasteté. Ils admettent l’Evangile qui nous dit : aimez-vous les uns les autres, mais non celui qui répète : portez votre croix, faites-vous violence, haïssez le monde. Ils se disent croyants, mais ne sont plus pratiquants ".
Dans le magnifique livre sagesse chrétienne écrit par le pieux Claudio Arvisenet, voici ce qu’objecte au Christ l’âme fidèle pour avoir enseigné le petit nombre des élus. " Seigneur, c’est vrai. C’est écrit ainsi. Mais il est écrit aussi que qui croira et sera baptisé sera sauvé. N’y en a-t-il pas beaucoup qui croient et ont été baptisés ? " Et le divin Maître de lui répondre : " Il en est ainsi, mon fils, mais cette foi dont tu parles, qui opère le salut avec le baptême n’est pas une simple connaissance des mystères, une simple adhésion à leur vérité. Cette foi-là les démons la possèdent, et leur supplice et leurs tortures continuent. La seule foi qui sauve est celle dont la ferveur nourrit les œuvres enseignées par la doctrine crue. La béatitude céleste n’a été promise qu’à ceux qui feront ce qui a été enseigné. De celui seul qui observe les commandements il est dit : tu vis. " Comme nous lisons dans le bréviaire romain : " Que personne ne se croit sûr de la vie éternelle à cause d’une foi qui est morte sans les œuvres. …La combustion sera donc éternelle comme le feu le sera. Et la Vérité a dit qu’iraient dans cette combustion ceux dont non pas la foi mais les bonnes œuvres ont fait défaut. "
Le grand thaumaturge saint Vincent Ferrier qui a ressuscité tant de morts déclarait : " que ceux qui ont mal vécu fassent une bonne mort est un miracle plus grand que de ressusciter des morts. " Et saint Alphonse dans son livre si salutaire préparation à la mort ne cesse de répéter qu’il est téméraire à un pécheur d’espérer une bonne mort après une vie peccamineuse, quelle que soit la grandeur de sa foi. Quelques pages plus loin dans le même livre, on lit une considération sur la mort du pécheur (V1) qui nous enseigne cette doctrine : " Le pécheur cherchera Dieu en mourant et ne Le trouvera pas ". Et dans le bréviaire romain, nous lisons : " La mort du Christ libère-t-elle de la mort éternelle ceux qui ont mené une mauvaise vie jusqu’à la mort ? "
Que penser de la coutume de toujours remettre à plus tard la pénitence ? Ce qu’il faut tenir de la façon fructueuse de recevoir les derniers sacrements est parfaitement bien exposé par le Père Bourdaloue, illustre orateur de la société de Jésus : " Si l’on se retranchait à dire que c’est la mort, après tout, qui décide du sort éternel des hommes, et que tout consiste à mourir dans des dispositions chrétiennes, il est vrai, répondrai-je, mais on ne peut guère espérer de mourir dans ces dispositions chrétiennes qu’après y avoir vécu. Et puisqu’il y en a très peu qui y vivent, je conclurais qu’il y en a très peu qui y meurent.
Il me serait aisé de détruire
la fausse opinion des mondains qui se persuadent que, pour bien finir,
il n’est question que de recevoir, dans l’extrémité de la
maladie, les derniers sacrements de l’Eglise, et de donner certains signes
de repentir. Ah! qu’il y a là-dessus d’illusions ! A peine oserai-je
déclarer tout ce que pense. Il ne s’agit point seulement de les
recevoir ces sacrements si saints, mais il faut les recevoir saintement,
c’est-à-dire, avec une vraie conversion du cœur, et voilà
le point de la difficulté. N’ignorant pas à quoi se réduisent
la plupart de ces conversions de la mort, de ces conversions précipitées,
de ces conversions commencées, exécutées et consommées
dans l’espace de quelques moments, où l’on ne connaît plus
guère ce que l’on fait.---de ces conversions qui seraient autant
de miracles si c’étaient de bonnes et de vraies conversions; et
sachant combien il y a souvent de politique, de sagesse mondaine, de cérémonie,
de respect humain, de complaisance pour des amis ou des parents, de crainte
servile et toute naturelle, de demi-christianisme, je m’en tiendrais au
sentiment de saint Augustin, ou plutôt à celui de tous les
Pères, et je dirais en général qu’il est bien à
craindre que la pénitence d’un mourant qui n’est pénitent
qu’à la mort, ne meure avec lui, et que ce ne soit une pénitence
réprouvée. A ce nombre presque infini de faux pénitents
à la mort, j’ajouterais le nombre très considérable
de tant d’autres que la mort surprend, qu’elle enlève tout d’un
coup, qui meurent sans sacrements, sans secours, sans connaissance, sans
aucune vue ni aucun sentiment de Dieu. Et de tout cela je viendrais sans
hésiter, après le Sauveur du monde, à cette affreuse
conséquence : beaucoup d’appelés et peu d’élus.
"
9
L’église visible n’est
que le moyen le plus efficace et le plus sûr de sauver des âmes,
dont un nombre énorme est sauvé par l’âme invisible
de l’Eglise.
Il est loisible à chacun, si le cœur lui en dit, de lire toutes les tentatives faites par le P. Castelein pour exhumer la pureté de la religion de plusieurs païens ayant vécu en plein paganisme. Que le lecteur se souvienne ici comment notre auteur fonde l’utilité de la religion chrétienne pour le salut des individus et sa nécessité, pour ainsi dire, sociale en lui attribuant la mission d’amener des nations et des peuples entiers au sommet de la civilisation. " N’est-ce rien que de nous trouver dans les conditions normales de la vis spirituelle, et à la source de tous les progrès humains ? " (p.289)
Que le lecteur se rappelle de nouveau comment le P. Castelein qualifie l’Eglise visible et l’institution catholique : de plus sûre et plus facile pour le salut. " N’est-ce rien que de jouir de ces lumières, et de ces secours plus efficaces, qui rendent le salut plus sûr, et les mérites du salut plus abondants ? (p.224)---" Le salut étant bien plus facile aux membres de l’Eglise visible " (p.289) En voici d’autres dans le même style : " Pour que leur exclusion (des Juifs) de l’Eglise visible du Christ entraînât nécessairement leur exclusion de cette église invisible et leur damnation éternelle, il faudrait que ce " bandeau d’incrédulité " ne s’explique que par une mauvaise foi poussée jusqu’à la faute mortelle. …Et on aurait le droit de conclure à la mauvaise foi de ces foules ignorantes ? " (p.153) " Au reste, pour tous ceux qui ne peuvent recevoir le sacrement de pénitence, chrétiens ou non-chrétiens, le retour à Dieu est accessible à toute l’humanité par l’acte de contrition parfaite ou par le regret et par le propos qu’inspire l’amour de Dieu ". " Aimons à espérer que parmi ces vastes foules que tient éloignées de l’Eglise catholique le préjugé aveuglant des erreurs religieuses, les clartés, quoique amoindries, de la révélation, grâce à la vertu toujours active et efficace de la révélation, sauvent des multitudes d’âmes "….. " Ce que je dis des chrétiens dissidents, je le dis, bien qu’avec quelque différence, des non-chrétiens ". " Comment croire que Dieu leur fera expier ces fatales erreurs , dont ils sont inconsciemment victimes, par les supplices d’une éternelle damnation ? " " Arrière ces théories cruelles ! Elles n’ont rien de commun avec l’Evangile et la théorie catholique ! " (p.223)
Mais Castelein fait cette affirmation d’une importance capitale que je soumets au jugement de tous les théologiens : " Pour appartenir à l’âme de l’Eglise, il faut pratiquer la vérité et tendre à sa fin dernière comme elle nous est connue ". (214) Remarquez que le R. Père n’exige pas la grâce sanctifiante ni même le plus infime degré de foi surnaturelle pour que quelqu’un soit de l’âme de l’Eglise.
D. Mauran fraternise dans la même erreur : " Notre Seigneur nous enseigne que pour être sauvé, il suffit d’observer la loi naturelle, sous-entendu selon la connaissance et les moyens de chacun, personne n’étant tenu à l’impossible ". (p.114) Ensuite, il exalte ainsi l’âme de l’Eglise : " Pas une seule créature humaine ne pourra échapper à l’action de l’Eglise . Il est vrai qu’en tant que société visible et organisée, ….elle demeure enfermée en d’étroites limites. Mais son âme, impossible de la retenir captive ! L’âme de l’église ! Quelle admirable et profonde expression. Une âme, rien ne l’arrête. Il n’y a pour elle ni frontière infranchissable, ni continent inaccessible. Et pourquoi ne croirions-nous pas que les âmes conquises par la grâce en dehors de l’Eglise, sont la grande majorité de l’humanité ? Jésus-Christ est la lumière illuminant tout homme venant en ce monde. Il est vrai que les âmes sauvées en dehors du corps social de l’Eglise sont privées de grâces précieuses et éminentes. Leurs mérites et leurs vertus sont donc bien inférieurs à ceux des élus. Mais qu’importe. Il y a dans le plan divin une partie accessoire et secondaire . Le Créateur l’a établie en faveur de ces âmes inférieures dont la foule innombrable dépasse le nombre irrévocablement fixé des élus ". (pp. 207-209) Et Bougaud écrit : " On a bientôt fait de dire : hors de l’Eglise, point de salut. Et les ignorants ont encore plus tôt fait de conclure que quiconque, païen, hérétique, schismatique, qui ne fait pas partie de l’Eglise est infailliblement damné. Mais, si cela était, où serait la justice de Dieu ? " (p.366)
Une réfutation de ces sophismes des modernistes bénins nous demande de distinguer avec soin le corps et l’âme de l’Eglise. Le corps de l’Eglise est la société visible des baptisés qui professent la vraie foi et vivent dans la communion et l’obéissance au pontife romain. Le baptême est la porte d’entrée de cette société. Un délit contre la foi, ou une hérésie en sépare, ainsi qu’un délit contre l’obéissance, ou schisme, ou une excommunication. Au corps de l’Eglise n’appartiennent donc pas les infidèles, les hérétiques publics, les schismatiques et les excommuniés. Dans cette société visible, Jésus a établi des moyens ordinaires de salut. En elle, sont les voies ordinaires qui communiquent la grâce aux hommes dans l’ordre présent de la Providence, i.e., la parole de Dieu et les sacrements.
Pour se faire une juste idée de l’âme de l’Eglise, il faut absolument insister sur le fait qu’on ne peut la dissocier de la vie spirituelle, interne, surnaturelle. Cette âme de l’Eglise germe, se développe et parvient à maturité là ou germe, croît et murit la vie intérieure. Elle s’implante chez tous ceux qui se préparent et se disposent à la justification. Son essence est portée à la perfection par la justification elle-même, et elle se développe en plusieurs étapes qui aboutissent à la béatitude céleste. Il ressort de ces principes, que les justes qui vivent déjà une vie surnaturelle appartiennent immédiatement, par eux-mêmes, et formellement à l’âme de l’Eglise. En second lieu, comme par degrés et à la façon d’un fœtus, tous ceux qui jouissent d’un certain don de grâce intérieure, qui dispose à la vie habituelle de la grâce. "
L’âme de l’Eglise est donc la société invisible parfaite ou complète des justes en état de grâce, nourris des autres dons surnaturels. A ces dons, plusieurs peuvent participer sans appartenir au corps visible de l’Eglise. Néanmoins, il faut reconnaître ---ce qu’oublient les modernistes--- que dans l’ordre actuel de la Providence, ces grâces concédées en dehors de l’Eglise tendent la plupart du temps à faire entrer les infidèles dans l’Eglise catholique, et dans des cas plus rares, à communiquer la justification en dehors de l’Eglise. Ceci peut arriver, car la grâce de Dieu, bien qu’elle soit régulièrement et habituellement communiquée par le moyen de l’Eglise instituée par le Christ, peut être dispensée autrement. Mais il est absurde de rendre ce moyen extraordinaire si commun que la très grande majorité des hommes qui se sauvent le soient autrement que par les moyens publics divinement institués. Ce serait, en effet, ériger l’exception en règle générale, ce qui répugne à la sagesse et à la providence de Dieu, qui a institué l’Eglise visible. Pour que quelqu’un, donc, soit sauvé, en dehors du corps visible de l’Eglise, il doit participer à son âme, i.e., être justifié par la grâce sanctifiante. Sans la robe nuptiale, personne n’est admis au banquet.
Parlons maintenant des conditions de salut de ceux qui sont à l’extérieur du corps de l’Eglise. En premier lieu, du salut lui-même des infidèles. Les miséricordieux ou les bénignistes parlent avec admiration de ces nombreux philosophes qui, avec leur seule raison, développée par l’entraînement, sont parvenus à la connaissance de Dieu à partir des créatures, et sans foi surnaturelle ou révélée, confectionnèrent leur vie d’après un certain patron d’honnêteté. Dans cette catégorie, ils se vantent de pouvoir faire entrer Socrate, Platon, Aristote, Sénèque, Trajan, Confucius etc… Ces gens-là, disent les bénignistes, observaient la loi naturelle. Faites-nous la démonstration, ô terroristes, qu’ils ont été damnés !
A Platon ils confèrent des honneurs tout particuliers. " Le platonisme constitue une doctrine religieuse éminemment moralisatrice "….. " Sous ces vertus principales (la foi, le respect, la confiance envers les dieux inférieurs), clef de voûte de tout l’ordre religieux et moral, que Platon identifie avec la piété, se rangent les vertus à exercer envers soi et le prochain. Ces vertus sont ramenées à la justice intérieure, la sagesse, la force, la tempérance, et la justice extérieure, ou justice proprement dite, doublée de la charité ! " (p.135) On va plus loin encore : " Le culte de Jupiter avec quelques compléments et quelques correctifs que les lumières de la raison et de la grâce pouvaient suggérer aux âmes droites, a pu se transformer facilement dans le culte du vrai Dieu ". (81)----" Les païens ont pu se former une idée suffisamment pure de la divinité ". (p.83) Après plusieurs développements érudits, l’auteur conclut : " Dieu a concilié avec ce dessein de providence générale, un dessein de providence spéciale et privée pour le salut de toutes les âmes ". (p.131) Ce qu’il confirme, comme D. Mauran, par le célèbre texte de saint Jean : " Cette doctrine s’éclaire admirablement bien du texte à portée si universelle : " La vraie lumière illumine tout homme venant en ce monde. " Jamais donc les ténèbres du milieu où naît un homme ne peuvent enténébrer sa conscience au point de ne pouvoir connaître cette vraie lumière, du moins aux époques décisives de sa vie ". (p.135)
Et Bougaud : " Les païens ont peu reçu. Ils n’ont eu que la loi naturelle. Ils seront jugés sur la loi naturelle. La loi naturelle leur a appris qu’il y a un Dieu créateur, sauveur, rémunérateur de tous les hommes. Voilà qui est écrit dans leurs entrailles, et qu’ils ont dû croire. Mais quand, comment, de quelle manière ce Dieu créateur sauvera-t-Il les âmes ? On ne leur demande pas de le savoir explicitement. O toi, qui que tu sois, tu as créé les hommes, je me confie en toi. Tu les sauveras comme tu l’entendras. Je suis prêt à prendre les moyens de salut que tu m’indiqueras, ou qui me seront démontrés comme venant de toi. C’est assez. Cette foi implicite , ce baptême de désir suffit, au dire des plus graves théologiens, pour les mettre sur le chemin du Ciel ". (p.367) Mauran considère que le baptême de désir est, à toute fin pratique, un moyen aussi universel pour sauver la multitude que le sacrement de baptême lui-même : " En fait, n’y a-t-il pas une foule d’âmes –et pourquoi ne serait-ce pas la majorité (sic)---qui doivent se contenter du baptême de désir ? (p.212)—" Car il faut bien le remarquer, nous nous garderions de soutenir qu’on peut faire son salut en dehors de la religion véritable et de l’Eglise ".(p.208)
Nous dissoudrons ces aphorismes par une double considération, à savoir, la nécessité de la religion surnaturelle, et la distinction entre fidèles négatifs et fidèles positifs. La religion naturelle par elle-même ne peut sauver personne. L’honnêteté nous oblige à penser que, dans l’ordre providentiel présent, la fin de l’homme est un bien surnaturel à atteindre par des moyens surnaturels. La religion naturelle ne peut donc en aucune façon sauver. Tout ce qu’elle peut c’est de conduire sur le parvis de l’édifice surnaturel mais non d’y introduire. L’élévation de quelqu’un par la grâce et la foi à l’ordre surnaturel nécessite une intervention gratuite de Dieu. La condition absolument nécessaire au salut, d’une nécessité de moyen, c’est la grâce sanctifiante avec les vertus qui lui sont inséparables, la foi, l’espérance et la charité. Qui les possède, appartient à l’âme de l’Eglise et sera sauvé. "
De plus, les enfants des infidèles qui décèdent avant l’âge de raison --- qui forment la grande majorité des enfants,---ne peuvent pas être justifiés. Ils seraient donc exclus de la vision béatifique et ne pourraient être comptés parmi les élus. Les adultes, eux, ne parviennent à la justification que par la foi surnaturelle qui ne peut absolument pas être obtenue par les forces de la nature, comme l’enseigne leCconcile de Trente, session V1, de la justification, can.3 : " Si quelqu’un prétend, que, sans l’inspiration prévenante du Saint Esprit et son aide, l’homme peut croire, espérer, aimer et se repentir comme il le faut pour que lui soit conférée la grâce de la justification, qu’il soit anathème ". ---" Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu. Celui qui recherche Dieu doit croire qu’Il existe, et qu’Il est la récompense de ceux le désirent. (Hebr. X1, 6) La foi à laquelle l’Apôtre promet le salut est surnaturelle et divine, elle est comme la substance des choses espérées, et un argument, ou une conviction ou une démonstration des choses non visibles. La raison démontre que Dieu est l’auteur de la nature. Mais elle ne démontre pas que Dieu soit le pourvoyeur de la grâce et la gloire, qui sont des choses invisibles. A bon droit, personne ne soutient que Dieu exige des païens cette grâce, encore moins du naturaliste indigne de la grâce de Dieu.
Voilà la vraie doctrine catholique qu’expose ainsi le cardinal Magella, jésuite : " La foi que l’on dit nécessaire au salut, d’une nécessité de moyen, est une foi surnaturelle fondée sur l’autorité de Dieu révélant. Elle existe en tant qu’habitus et surtout en tant qu’acte chez les adultes à être justifiés. Elle existe réellement ou en désir, mais il est toujours absolument nécessaire qu’elle existe de fait. . Le cardinal explique en quatre articles les deux premiers énoncés, à savoir que la foi est nécessaire au salut, de nécessité de moyen : " La foi explicite en l’existence de Dieu est nécessaire au salut de nécessité de moyen. Nécessaire également au salut de nécessité de moyen est la foi explicite dans le Dieu rémunérateur surnaturel. Quant aux mystères de la Trinité et de l’Incarnation qui ne vont pas l’un sans l’autre, car, comme dit saint Thomas, le mystère de l’incarnation du Christ ne peut pas être cru sans la foi dans la Trinité, tous conviennent que, après une promulgation suffisante de la loi évangélique, une foi explicite en eux est nécessaire à tous de nécessité de précepte.
Quant à la nécessité de moyen, quatre sont les opinions divergentes des théologiens, " selon Mazella. Tu devras observer avec attention que, pour être surnaturelle, la foi doit se réclamer d’un motif surnaturel, qui est la véracité surnaturelle du Dieu révélant. En conséquence, un philosophe qui admet un dogme quelconque, mettons l’existence de Dieu parce qu’il peut se la démontrer avec sa raison, n’a pas franchi le seuil du monde surnaturel, ni ne possède la foi qui justifie. Il ne l’admet pas à cause de l’autorité de Dieu révélant. Donc, si les gentils glorifient le Dieu, dont leur sagacité naturelle a puisé la connaissance dans les créatures, s’ils L’implorent assidument en observant la loi naturelle et l’œuvre de Dieu, Lui, qui est riche en tous ceux qui L’invoquent, ne déniera pas des grâces plus abondantes à ceux qui font tout leur possible, des images internes et même une prédication extérieure qui les conduisent à une fin surnaturelle. S’il en est parmi eux qui font vraiment tout ce qui est en eux, nous dit saint Thomas, Dieu pourvoira selon sa miséricorde, en leur envoyant un prédicateur de la foi, comme Pierre à Corneille (Actes X) et Paul aux Macédoniens (Actes, XV1). Mais le fait que quelques-uns fassent tout ce qu’ils peuvent pour se tourner vers Dieu, cela également est un don de Dieu qui meut leurs cœurs vers le bien. " " Si quelqu’un élevé dans les forêts sauvages ou parmi les animaux sans raison, suivait les directives de sa raison en aimant le bien et en fuyant le mal, il est absolument certain que par une inspiration interne ---donc par une voie extraordinaire----Dieu lui révèlerait les choses qu’il est nécessaire de croire, ou dirigerait vers lui un prédicateur de la foi---voie ordinaire---comme Il a envoyé Pierre à Corneille ".
Le Cardinal de Lugo s’exprime avec toute la correction voulue : " En outre, selon l’avertissement de notre Molina, rarement ou jamais trouve-t-on quelqu’un qui se convertit sans que la prédication ne lui parvienne par des êtres humains. Parce que, s’il en est à qui la connaissance de la foi ne soit jamais parvenue, dans la plus grande partie des cas, ils n’ont pas fait tous les efforts qu’il pouvait faire. Il est donc rarissime que Dieu ait à leur révéler par Lui-même ou par un ange ce qu’il est nécessaire de croire. " Un infidèle qui, mu par la grâce, soit par une voie ordinaire soit par une voie extraordinaire, croit ce qui est nécessaire de nécessité de moyen, et cela, à cause de l’autorité de Dieu révélant, par le fait même, croit implicitement au dépôt de la foi en son entier, voit croître en lui l’espérance de sa destinée surnaturelle, et s’enflammer le désir de l’atteindre. Car la charité expulse le péché et opère la justification. Voilà ce que c’est qu’un infidèle qui appartient à l’âme de l’Eglise.
Que signifient donc ces choses que nous objectent nos adversaires au sujet de la pureté de la religion des païens et de la bonne foi des Mahométans ? A supposé même qu’elles soient véritables, elles ne suffisent pas par elles-mêmes au salut, comme nous l’avons vu. Mais écoutons donc ce que le bénin, débonnaire et suave François de Sales pense des vertus des païens. " Digression sur l’imperfection des vertus des païens. Pour Dieu, Théotime, je vous prie, quelle vertu pouvaient avoir ces gens-là qui volontairement et comme à prix fait, renversaient toutes les lois de la religion ?...Et pour les vertus qui regardent le prochain, ils foulèrent aux pieds et fort effrontément par leurs lois mêmes la principale qui est la pitié. Car Aristote, le plus grand cerveau d’entre eux, prononce cette très horrible et impieuse sentence : " Touchant l’exposition, i.e., l’abandonnement des enfants ou leur éducation, la loi soit telle : qu’il ne faut rien nourrir de ce qui est privé de quelque membre . Et quant aux autres enfants, si les lois et coutumes de la cité défendent qu’on abandonne les enfants, et que le nombre des enfants se multiplie à quelqu’un en sorte qu’il en ait déjà au double de la porté de ses facultés, il faut prévenir et pratiquer l’avortement ". " Sénèque, ce sage tant loué : Nous tuons, dit-il, les monstres. Et nos enfants, s’ils sont manqués, débiles, imparfaits ou monstrueux, nous les rejetons et les abandonnons ". " De sorte que ce n’est pas sans cause que Tertullien reproche aux Romains qu’ils exposaient leurs enfants aux ondes, au froid, à la faim et aux chiens. Et cela, non par force de pauvreté, comme il dit, les présidents mêmes et les magistrats pratiquaient cette dénaturée cruauté. O vrai Dieu ! Théotime, quels vertueux que voilà ! " " Certes, si les païens ont pratiqué quelques vertus, ça a été pour la plupart en faveur de la gloire du monde, et par conséquent, ils n’ont eu de la vertu que l’action, et non pas le motif et l’intention. Or la vertu n’est pas vraie vertu si elle n’a pas la vraie intention. Les vertus des païens, dit saint Augustin, ont été non vraies, mais vraisemblables, parce qu’elles ne furent pas exercées pour la fin convenable, mais pour des fins périssables. Si bien qu’au jour du jugement les vertus des païens les défendront non afin qu’ils soient sauvés, mais afin qu’ils ne soient pas tant damnés. Ces vertus païennes ne sont vertus qu’en comparaison des vices, mais en comparaison des vertus des vrais chrétiens, ne méritent nullement le nom de vertus ".
Lorsque les modernistes exaltent indument la valeur des vertus naturelles des païens, des Juifs, des Mahométans etc…il ne sera pas inutile de leur remettre en mémoire ce que le Magistère suprême de l’Eglise a enseigné récemment au sujet de la rareté de ces vertus, et même de leur inutilité relativement au salut éternel : " Ceux qui sont friands de nouveauté ---dit Léon X111 dans sa lettre du 22 Janvier 1899 au Cardinal Gibbons traitant de l’américanisme,---valorisent les vertus naturelles beaucoup plus qu’il ne faut,….Et quoiqu’il soit permis d’admirer certains actes héroïques qui sont les rejetons légitimes des vertus naturelles, combien parmi tous ces grands hommes possédaient les vertus naturelles à l’état d’habitus ? …Les actes ponctuels, s’ils sont scrutés à la loupe, manifestent plutôt l’apparence de la vertu que la vertu elle-même. Accordons que leur vertu soit réelle. Qui ne sait qu’il court en vain et qu’il oublie la béatitude éternelle celui qui n’y a pas été destiné débonnairement par Dieu ? Quelle utilité peuvent avoir les vertus naturelles si la grâce divine ne les fortifie et ne les redimensionne ? Saint Augustin remarque pertinemment : " De grandes vertus, et une course extrêmement rapide, mais en dehors de la route. "
Au sujet du platonisme, en particulier, ---quelle que soit sa valeur--- nous avons un témoin particulièrement qualifié en la personne du P. Castelein , qui s’est laissé aller à déclarer en un autre endroit : " Les meilleurs systèmes de philosophie pure, élaborés par les plus beaux génies hors des lumières de la révélation chrétienne, renferment sur les vérités les plus importantes de l’ordre religieux et moral les plus regrettables aberrations. Donnons seulement quelques exemples significatifs : " Platon l’un des génies les plus puissants, les plus complets et les plus équilibrés qui furent jamais, lui qui s’est aidé de tant de secours étrangers pour ne pas s’égarer, se révèle comme le père du communisme, l’apologiste de la promiscuité des sexes, le patron de l’esclavage, et le proscripteur étroit et systématique des arts comme des libertés civiles et politiques. Il admet la préexistence des âmes avec l’hypothèse de fautes commises par chacun de nous dans une vie antérieure, d’où il conclut que nous sommes tous dans un état contre nature et qu’il y a en nous un désordre et des vices positifs sur lesquels notre liberté n’a pas prise. Enfin, il énerve la sanction d’une vie immortelle par l’utopie de la métempsychose, et il même à sa théodicée une théorie panthéistique qui ne peut tenir devant un regard ferme et pénétrant ".
C’est ta propre bouche qui te condamne.
Au sujet de la bonne foi des Mahométans, Castelein écrit : " Ce que je dis des chrétiens dissidents, je le dis, bien qu’avec quelque différence, des non-chrétiens. Parcourez, par exemple, les pays mahométans, et voyez avec quel respect et quelle foi ces pauvres égarés invoquent le vrai Dieu : Allah. Voyez avec quel courage ils subissent les épreuves du Ramadan. Comment croire que Dieu leur fera expier leurs fatales erreurs, dont ils sont inconsciemment victimes, par les supplices d’une éternelle damnation ? Arrière ces théories cruelles ! Elles n’ont rien de commun avec l’évangile et la théorie catholique !| " (p.223) " Je crois que les populations mahométanes respectent de bonne foi et en conscience la loi morale du Coran ". (p.253)
Les saints et les théologiens donnent un autre enseignement . Selon saint Alphonse, le Coran accorde toute licence à la chair. " " Il approuve tout culte dans lequel un seul Dieu est adoré ". " Il admet des dogmes ridicules, frivoles et contradictoires ". " Il promet un ciel qui conviendrait à peine à des animaux ". " Admet la peur comme excuse des transgressions de la loi naturelle " etc…
De plus, comme il a été observé fréquemment par les explorateurs, la polygamie est rendue chez les Mahométans licite et habituelle, ainsi que des crimes atroces comme l’onanisme, l’avortement, l’infanticide, et le renvoi par la force des concubines qui ne plaisent plus à leur héro. Leur jeûne du Ramadan, les pérégrinations religieuses, leur audace et leur vertu militaire contre les chrétiens relèvent plus du fanatisme que de la foi. Comme le dit avec raison le P. Ottiger, jésuite : " Mahomet a transmis une doctrine contraire à la saine raison, selon laquelle tout arrive par un décret absolu de Dieu, absolument et irrévocablement. La liberté humaine ayant été déposée, il lui substitue une nécessité inéluctable ou un destin. Il va même jusqu’à affirmer que Dieu a créé les autres hommes pour les peines de l’enfer. Il autorise le concubinage, et la peine du talion, du moins pour l’homicide. Au sujet de la répudiation, il a établi des lois qui répugnent à toute équité naturelle. Il permet la luxure avec les vaincus et les servantes. Il ordonne de décapiter par l’épée les infidèles. "
Elle est extraordinaire cette bonne foi mahométane, si contraire aux principes de la loi naturelle. Elle ne les introduit qu’avec difficulté dans le ciel, et ne laisse pas présager être en état d’augmenter de beaucoup le nombre des élus.
B. Tout ce que nous avons dit jusqu’ici des païens peut s’appliquer de tous les non-catholiques qui se situent en dehors de l’Eglise. Ils peuvent d’autant plus facilement obtenir le salut qu’ils admettent un plus grand nombre de dogmes fondamentaux de notre religion et lorsqu’ils conservent le baptême et les autres sacrements et moyens de salut, etc… Mais ici il y a une distinction capitale à faire entre tous ces infidèles et qui concerne surtout les hérétiques, les schismatiques, et les infidèles de nos régions, les rationalistes, les athées et les agnostiques. Il faut distinguer les infidèles ----par ce mot j’entends tous ceux à qui font défaut la foi et l’appartenance à l’Eglise catholique--- en deux catégories : les négatifs et les positifs. Les infidèles négatifs sont tous ceux qui n’admettent pas la foi dans son ensemble ou un dogme en particulier, ou qui rejettent l’autorité du Pape, ou bien parce qu’ils ne sont pas assez familiarisés avec la doctrine catholique, ou bien parce que, de bonne foi, ils ne perçoivent pas la vérité ou la nécessité de ces points. Les infidèles positifs sont ceux que la mauvaise foi entraîne en dehors de la foi et de l’appartenance à l’Eglise. Je ne parle pas de ceux qui connaissent très bien la vérité catholique, mais de ceux qui la repoussent ou la combattent par malice ou contumace. De ceux surtout qui végètent dans une ignorance crasse, et dont l’ignorance confine au vice, du fait qu’ils ont négligé les moyens établis par Dieu pour parvenir à la foi, ou qu’ils en ont fait un mauvais usage.
Il ne suffit donc pas de se demander si les infidèles et les hétérodoxes pratiquent dévotement leur religion, et ne font rien qui répugne aux lois de la nature suprême. Il faut pousser plus loin l’enquête. Il faut se demander si leur erreur ou ignorance ne leur est pas imputable. S’ils sont eux-mêmes la cause de leur erreur en ce qui a trait à la vraie religion, toutes les offenses contre le culte de Dieu, qui procèdent d’une erreur coupable, doivent leur être imputées en tant que péchés indirectement volontaires. Or, le péché exclut l’état de grâce. Celui qui n’est pas en état de grâce n’appartient pas à l’âme de l’Eglise. A l’extérieur de l’âme de l’Eglise, il n’existe aucune sorte de salut.
Tous les hommes , infidèles, non-catholiques ou autres du même acabit, sont obligés directement par Dieu d’entrer dans l’Eglise catholique : " Aucun homme sensé ne peut admettre…qu’on est libre de penser de Dieu ce qu’on veut, et de l’honorer à sa guise… Aucun homme sensé ne peut nier que Dieu ait le droit et le pouvoir de se faire connaître aux hommes mieux qu’Il n’ait connu par les seules lumières de la raison, et de demander, en échange de ces révélations, des actes qui L’honorent. Aucun homme sensé ne peut professer, de parti prix, l’indifférence quant à la connaissance du fait historique de l’intervention positive de Dieu dans la vie religieuse de l’humanité. Car cette indifférence l’expose à négliger des devoirs dont dépendent l’honneur de la vie présente et le bonheur de la future. En fait, aucun homme sensé, s’il a reconnu le fait de l’intervention positive de Dieu dans la vie religieuse de l’humanité, ne peut croire que l’humanité soit libre d’en tenir ou de n’en pas tenir compte publiquement. Ces principes posés, je vous rappelle, Messieurs, que Dieu est intervenu par son Fils Jésus-Christ. Il est intervenu non seulement comme révélateur mais comme Rédempteur. A ce double titre, Il a acquis des droits authentiques, auxquels correspondent de notre côté, des devoirs incontestables : le devoir de croire les vérités qu’Il a révélées, le devoir de nous appliquer les vertus de son Sacrifice. Le salut n’existe pas en un autre que Lui.
Mais comment Jésus-Christ a-t-il pourvu à la communication singulière de sa vérité et de la vérité de son sacrifice ? En créant une société spirituelle, religieuse, surnaturelle…Il a donné à son Eglise les deux forces qui éclairent et qui purifient : la parole et les sacrements. C’est donc que dans son église on doit recevoir la vérité qu’il faut croire, et la vertu divine qui délivre du péché…Hors de l’Eglise, point de salut. …Le salut dans l’Eglise et rien que dans l’Eglise, voilà la loi. Ce ne sont point les hommes qui l’ont faite, sous l’inspiration d’un rigorisme outré; elle émane de Celui qui avait le droit de nous dicter les conditions auxquelles nous devions jouir du bénéfice de la Rédemption.. " (Monsabré)
Pour remplir cette obligation, Dieu établit des moyens multiples et variés, qui démontrent à l’évidence la vérité de la religion catholique à ceux qui enquêtent de bonne foi, sans passion et sans préjugé. Car, comme le dit Vatican 1 : " Pour que nous puissions satisfaire au devoir d’embrasser la vraie foi, et d’y persévérer constamment, Dieu, par son Fils unique, a institué l’Eglise et l’a marquée de notes visibles de son institution, pour qu’elle puisse être reconnue par tous comme gardienne et maîtresse de la parole révélée. " Le schéma ajoute que " l’Eglise du Christ, sur la terre, n’est ni invisible ni cachée, mais qu’elle est placée bien en vue, comme une ville construite sur une haute montagne, qui ne peut pas se cacher, ou comme la flamme sur un candélabre, qui, illuminée du Soleil de Justice, éclaire l’univers de la lumière de sa vérité ".
Quels sont donc les gens qui n’ont jamais entendu parler du catholicisme ? Quels sont ceux qui n’ont jamais senti l’aiguillon d’un doute cuisant ? Quels sont ceux qui n’ont jamais perçu aucune lueur des signes de crédibilité de la vérité catholique qui sont l’évidence même ? Que dire de ceux qui se sont précipités hors du catholicisme ? Qu’est-ce qui fut l’origine de leur hérésie ou de leur apostasie ? Quelle en fut la cause ? Il est absolument évident que quiconque est responsable, dans cette affaire, d’une grave négligence, ou d’une démarche passionnelle, est sorti du champ de la bonne foi, et doit assumer la responsabilité des erreurs qui en découlent. . Des peines lui seront dues pour chacune de ces erreurs. Tant qu’il n’aura pas secoué le joug de cette négligence, il est maintenu dans un état de péché mortel, et n’appartient donc en aucune façon à l’âme de l’Eglise, et ne peut donc pas bénéficier du salut.
Castelein est allé dénicher un texte de saint Thomas qui enseigne qu’il n’est pas possible de trouver chez quelqu’un un péché véniel accompagné du seul péché originel, i.e., sans aucun péché mortel. Notre contradicteur en tire la conclusion suivante : " La docteur angélique enseigne donc clairement que la grâce du salut est donnée de fait à tout homme qui n’y oppose pas l’obstacle d’une faute mortelle ". Et il ajoute : " Nous dirons même que c’est cette doctrine large et élevée qui nous a le plus enhardi à combattre si énergiquement le rigorisme ". Mais saint Thomas, en tant que chef de cordée, n’enseigne rien d’autre que ce que nous avons enseigné nous-mêmes, à savoir que celui qui tâtonne dans les ténèbres de l’erreur, sans faute de sa part, et observe de bonne foi les préceptes de la loi naturelle et de sa religion putative, et n’est coupable d’aucune faute grave, parviendra à la justification, non par les propres forces de sa nature, ---ça, c’est l’hérésie condamnée par le concile de Trente à la 6ième session, de la justification, canon 3----- mais par une grâce surnaturelle à lui communiquée même par le miracle, s’il le faut. Qui a jamais nié cela ? Mais, de fait, qui demeure avec le seul péché originel sans péché mortel ? Voilà quelle est la question que nous débattons présentement. Dans le passage cité, saint Thomas ne parle pas du tout de ce qui nous intéresse, et Castelein s’égare en se réclamant de son sentiment pour rabrouer les " rigoristes ".
Ecoutons la solution qu’apporte à cette question le P. Monsabré, l’illustre disciple de saint Thomas dont les modernistes ont l’audace de revendiquer le patronage. " Cette maxime ---hors de l’Eglise, point de salut---ne condamne que ceux qui, par négligence coupable, mauvaise volonté notoire, entêtement criminel, n’entreront ni dans le corps ni dans l’âme de l’Eglise. S’indigner à propos de pareils gens et s’attendrir sur leur sort jusqu’à nous le reprocher, c’est indignation et attendrissement parfaitement injustes et parfaitement ridicules. Croyez-le bien, la plupart du temps, on ne s’abandonne à ces sentiments que pour masquer ses torts envers l’Eglise, dont on s’est séparé par une sorte d’apostasie. L’incrédulité contemporaine est généralement représentée par des infidèles qui ne peuvent reprocher à Dieu de ne pas avoir connu ou de n’avoir pas pu connaître la vérité. Le temps efface en leur âme le souvenir des fautes d’où procède leur aveuglement, et ils finissent par se croire loyaux et sincères dans leurs préjugés et dans leur haine contre l’Eglise, qu’ils accusent de rigueur outrée. C’est pour eux qu’un sceptique, peu soucieux de condamner les méprisables fluctuations de son esprit, écrivait ses graves paroles : " On rendra compte un jour à Dieu de tout ce qu’on aura fait en conséquence des erreurs qu’on aura prises pour des dogmes véritables. Et malheur, dans cette terrible journée, à ceux qui se sont aveuglés volontairement. A ceux qui, plongés dans une lâche oisiveté, n’auront pas voulu prendre la peine d’examiner leur créance. A ceux qui auront favorisé l’introduction des erreurs dans leur esprit parce qu’elles s’accordent avec leurs passions déréglées.
Qu’il y ait parmi les incrédules des hommes honnêtes dont on ne peut suspecter ni les mœurs ni la bonne foi, victimes d’une mauvaise éducation et des milieux pervers qu’ils ont traversés, retenus dans l’erreur par des obscurités involontaires, tourmentés du désir de connaître la vérité, la cherchent avec droiture sans pouvoir la trouver, se plaignant sincèrement de l’inutilité de leurs efforts et de l’incertitude ou ils vivent, allant ainsi jusqu’aux portes du tombeau, recevant dans un suprême instant la lumière qu’ils ont demandée, mourant convertis et sanctifiés par la grâce, entrant mystérieusement dans l’Eglise lorsqu’on les en croit encore séparés, c’est possible. Je n’ai jamais encore rencontré ces perles cachées, et j’estime qu’elles sont rares. Mais des hommes graves affirment qu’ils ont mis la main dessus. Je respecte leur témoignage. Toutefois, j’invite ceux qui rôdent autour de l’Eglise et se plaignent de ne pas trouver des portes pour entrer, à méditer ces humbles aveux d’un converti (Pellissson) : " Si vous voulez entrer en compte avec Dieu, Il vous confondra, et de mille articles de votre compte bien débattu, vous n’en gagnerez pas un seul. Vous avez fait ce que vous pouviez, dites-vous, Il vous montrera que vous n’en avez pas fait la centième partie. N’avez-vous rien préféré au plaisir de Lui plaire ? N’avez-vous pas eu plus d’ardeur pour quelque autre chose que pour Lui, et quelque autre affaire plus importante pour vous que celle de connaître la vérité ? L’impénitence, la vanité, la dureté de votre cœur n’ont-elles mis aucun obstacle aux lumières qu’Il voulait répandre dans votre esprit ? Vous en direz ce qu’il vous plaira. Pour moi, à qui Il a fait cette grâce de me ramener à son Eglise, je sais que je n’ai pas fait la millième partie de ce que je pouvais pour obtenir cette grande et infinie miséricorde ".
Encore un petit mot du fameux texte
dont abusent Castelein et les autres modernistes : Il était la
vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde. Il
suffit de dire avec Liagre : " Elle illumine, c’est-à-dire qu’elle
a tout ce qu’il faut pour illuminer, à elle seule, et qu’elle est
prête à le faire pour tous. Les verbes du temps présent
sont souvent usités de cette manière, signifiant non pas
tant une action présentement effectuée, que la capacité
d’agir d’une nature toujours prête à passer à l’acte.
Comme lorsqu’on dit que le soleil éclaire toute chose, ou que le
feu consume tout.
10
L’église primitive était moins fervente que l’église contemporaine.
Pour promettre le ciel à ses contemporains mondains, en dépit de l’affaiblissement de leur foi et du refroidissement de leur charité, le Père Castelein place leur sainteté au-dessus de la sainte vie de l’Eglise primitive. " Ecartons ici cette grosse question de fait, savoir la comparaison entre l’état passé et l’état présent de l’Eglise. Je la traiterai plus tard dans un écrit que je pense devoir être très instructif et très intéressant. Je dirai alors , ce qu’était alors l’Eglise des premiers siècles, et pourquoi je préfère l’état présent de l’Eglise à son état passé ". (p.17) Et comme preuve, l’érudit professeur apporte les épitres aux Corinthiens, et deux versets, l’un tiré de l’épitre aux Philippiens, et l’autre de la seconde à Timothée. Je m’étonne qu’il n’ait pas ajouté à ce groupe, l’épitre aux Galates insensés. Les endroits cités lui donnent le droit de conclure : " Quelles plaies ces quelques mots ne découvrent-ils pas ?...Ce qui met sous sou vrai et triste jour l’état de l’Eglise primitive….Si tel était généralement le clergé du temps de saint Paul, que devait être le peuple fidèle ? …Tous ces fidèles l’avaient donc renié ? …C’est donc en de tels temps et à des pareils chrétiens que saint Paul adresse ses exhortations toutes pleines de douceur, de consolation et d’espérance ? Assurément, je puis me réclamer de ce grand exemple contre nos rigoristes passés, présents et futurs ".(pp.311,312,note). En avant ! Réfutons dans l’ordre ces sophismes. 1- Selon le P. Castelein, " nous voyons par tant de passages de ses épitres, que les chrétiens auxquels saint Paul écrit ou dont il parle étaient loin de valoir les chrétiens pratiquants de notre époque ". (p.311) Par chrétiens pratiquants, le P. Castelein entend aussi les catholiques qui s’avancent une fois par an à la sainte table, comme noue le verrons. Parmi les premiers fidèles auxquels s’adressait saint Paul, tiennent une place de choix les baptisés de Jérusalem, car " les premiers interprètes catholiques tiennent que l’Epitre aux Hébreux était destinée aux fidèles de Jérusalem. " Présidait alors à cette église en tant qu’Evêque saint Jacques dit le Mineur, apôtre, auteur d’une épitre catholique qui porte son nom. Selon le témoignage des saints Pères, il avait été désigné par Jésus Lui-même. Dans l’église primitive, il jouissait d’une telle autorité, que saint Paul lui donne le nom de colonne de l’Eglise. Il jouissait d’une autorité à peine moins grande sur les Juifs non convertis, et, d’après le bréviaire romain, " à lui seul, il était permis d’entrer dans le Saint des Saints. " Il fut à la tête de l’Eglise de Jérusalem pendant trente ans, qui, sous une telle direction, atteint un sommet de sainteté que le Saint- Esprit lui-même décrit dans les mots suivants : " Ils persévéraient dans la doctrine des apôtres et dans la communion de la fraction du pain, et dans les prières…Tous les croyants étaient égaux et mettaient tout en commun, Ils vendaient leurs biens et leurs possessions et les répartissaient entre eux, selon les besoins de chacun. Chaque jour, s’attardant en grand nombre dans le temple, et fractionnant le pain dans leurs maisons, ils prenaient leur nourriture dans l’allégresse et la simplicité du cœur, louant Dieu et rendant grâce pour tout le peuple. Le seigneur augmentait à chaque jour le nombre de ceux qui seraient sauvés ". (Actes 11, 42-47) " La multitude des chrétiens n’avait qu’un cœur et qu’une âme, et personne ne disait siennes les choses qui lui appartenaient, mais tout était mis en commun. …Il n’y avait pas de pauvres parmi eux. Tous les possesseurs de champs ou de maisons les vendaient, en retiraient les prix des vendeurs, et les déposaient aux pieds des apôtres. On distribuait à chacun selon ses besoins ". (Ibid, 1V,32-35).
Puisque de tels chrétiens, au dire de Castelein, " étaient loin de valoir les chrétiens pratiquants de notre époque ", je lui demande de me montrer dans toute l’église d’aujourd’hui un seul diocèse où fleurit une telle sainteté parmi les laïcs. Qu’il ne nous raconte pas que l’Epitre aux Hébreux a été écrite après la mort de saint Jacques, car nous savons que le martyre de ce dernier eut lieu en l’an 62, ou à l’année suivante.
Parlons maintenant des autres fidèles " auxquels saint Paul écrit ou dont il parle ". L’Apôtre loue les Romains pour leur foi, qu’il dit être célèbre dans tout l’univers, et pour leur science chrétienne. (Rom.1,8; XV1,9; XV,14) Aux Ephésiens, dont il avait lui-même fondé l’église, mais qu’il avait été trois ou quatre ans sans revoir, il écrit pour leur dire qu’il avait entendu parler de leur foi dans le Christ et de leur amour mutuel. (1,15) Il appelle ses très chers et très aimés Philippins " sa joie et sa couronne ". (1V,1) Il déclare les tenir constamment dans son cœur et nourrir pout eux un amour très tendre. Il fait leur éloge non seulement parce qu’ils croient dans le Christ, mais parce qu’ils souffrent pour Lui, livrant le même combat qu’ils avaient vu l’Apôtre livrer. Il ne leur rend pas seulement le témoignage de leur foi et des souffrances supportées pour la foi, mais il loue leur reconnaissance plusieurs fois exprimée envers lui. Ecrivant aux Colossiens, il rend grâce à Dieu pour leur vertu de foi, d’espérance et de charité dans lesquelles ils excellent depuis le moment où ils ont accueilli l’Evangile de la bouche d’Ephrata qui lui rend témoignage de tout le bien qui se fait dans l’Eglise de Colosse. Il lui a parlé d’une façon toute particulière de l’amour spirituel qui fleurissait entre eux tous. (1.8) Aux Thessaloniciens, il dit : " Nous nous souvenons des preuves que vous avez données de votre foi, de votre endurance, de votre charité et du maintien de votre espérance en notre Seigneur Jésus-Christ. Nous connaissons, frères, aimés de Dieu, votre appel…et vous êtes devenus nos imitateurs et les imitateurs du Seigneur…de sorte que vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et de la Grèce…de telle sorte qu’il n’est pas besoin de vous dire quoi que ce soit... " (Thes. 1.3-8) " La croissance de votre foi a dépassé toutes les espérances, et l’abondance de votre charité les uns envers les autres…de sorte que même nous, nous nous glorifions dans les églises de Dieu pour votre patience, votre foi, et pour toutes les persécutions et tribulations que vous supportez ". (11,Thes. 1,3,4)
De tels fidèles, sans compter Tite, Thimotée, et Philémon à qui écrit saint Paul ne peuvent pas supporter la comparaison avec les chrétiens de notre temps ? Les chrétiens dont parle l’Apôtre, Pheben, sa sœur, Prisca et Aquila, ses collaborateurs Luc et tant d’autres, n’étaient-ils pas des saints à canoniser ?
" Il est difficile de croire que les fidèles de cette Eglise née d’hier, que l’Apôtre dans son épitre (1,4 et suivants), avait comblée de tant d’éloges, ait dégénéré à un point tel qu’un grand nombre d’entre eux n’auraient pas hésité à se présenter à la sainte Eucharistie en état de péché mortel. Il est plus simple et plus juste d’admettre, si je ne me trompe, que la façon dont se comportaient les Corinthiens avant la réception de l’Eucharistie, faisait en sorte que plusieurs manquaient à la révérence nécessaire dans la célébration elle-même des mystères, et se révélaient des témoins bien peu crédibles de la passion du Sauveur. La description elle-même nous persuade de ne pas comprendre cette sentence de la seule communion indigne, vu que les peines imposées, qui ne sont que temporelles, n’appellent pas une interprétation plus stricte et plus sévère. Bien que ces peines temporelles n’excluent pas la peine éternelle, je suis d’opinion que l’Apôtre l’aurait fulminée s’il avait pensé que cette grande quantité de croyants s’aprochaient de la table du Seigneur en état de péché mortel.
Dormir, que l’on traduit mourir, ne s’emploie dans le Nouveau Testament que pour ceux qui sont morts de telle façon qu’ils reposent jusqu’au second avènement du Christ dans l’attente de la glorieuse résurrection. Ce vocabulaire peut correspondre à la peine d’une mort prématurée, peut-être, mais certainement pas malheureuse. " Il appert donc que l’interprétation docte, sage et raisonnable de Cornely des soi disant scandales des Corinthiens est plus bénigne que celle du Père Castelein .
B- --Ce bénin transformé tout à coup en rigoriste poursuit : " Plus loin, (XV,12-34) il reproche à plusieurs de nier le dogme capital de la résurrection des morts, et il sent le besoin d’en fournir une longue démonstration " (p.311, note). L’interprétation de Cornely est encore plus bénigne et plus vraie : " Le dogme de la résurrection, jadis répudié par les Sadducéens, posait un problème quasi insurmontable aux philosophes païens, qui étaient unanimes à repousser la résurrection de la chair. Témoins les Athéniens qui se sont moqué de Paul et l’ont traité de logomache, de mythomane quand il la leur a annoncée. Il ne faut donc pas s’étonner s’il n’a pas manqué de chrétiens à qui la résurrection des corps semblait si difficile à croire que, la convertissant en une allégorie, ils aient pu s’imaginer qu’elle s’était déjà produite. Il n’est pas non plus étonnant-- (que le P. Castelein écoute de ses deux oreilles!)—que certains néophytes corinthiens, imbus de fausses doctrines philosophiques, aient été jusqu’à déclarer qu’il n’y aura pas de résurrection des morts. "
C—" Au chapitre V, il se plaint qu’ils acceptent dans leurs assemblées avec qui ils communient un chrétien vivant dans l’inceste. Saint Paul excommunie ce pécheur public. " (p.311, note) Quatre réflexions s’imposent là-dessus : l- Parmi les 12 apôtres figura un Judas, et un Ananie et une Saphire dans la fervente église de Jérusalem. Il ne faut jamais dire : à partir de un, connaissons-les tous. 2- Saint Paul a grossi le nombre des préposés à l’Eglise qui ne veillaient pas suffisamment aux mœurs des gens à eux confiés. 3- On peut à bon droit conclure que la femme était une non-juive ou à tout le moins une non-chrétienne, parce que l’Apôtre ne la fustige même pas d’une parole. Ce qu’il n’aurait certainement pas omis si elle avait été chrétienne. 4- L’Apôtre ne connaissait l’état des églises que par les rapports de légats, qui pouvaient accuser certaines divergences.
D—" Plus loin (11, chap. X11, 21), il exprime son opinion sur l’état mauvais d’un grand nombre : " A mon retour, que Dieu ne m’humilie pas de nouveau à votre sujet et que je ne pleure pas sur beaucoup de ceux qui avaient péché et n’ont pas fait pénitence pour leur immondices, leurs fornications et leurs impudicités. " Ici, nous déposons les armes, et nous reconnaissons que le P. Castelein a raison de blâmer l’iniquité des néophytes Corinthiens. Ils ne produisirent pas le fruit que Paul était en droit d’attendre de sa prédication. L’Apôtre se dit humilié par Dieu, car dans cette humiliation permise par Dieu, il voit l’insigne bénéfice de la divine bonté. ----Mais, avant de jeter la pierre, il faut noter avec soin que dans cette cité, dédiée au culte d’Aphrodite, les chrétiens eux-mêmes étaient entraînés à la luxure. Et un grand nombre de Corinthiens, avant leur vocation à la foi, étaient adonnés aux débauches sexuelles. Au sommet de la ville, était érigé le très célèbre temple d’Aphrodite, où servaient la déesse des milliers d’escortes qui se prostituaient au désir de jouissance du peuple. Le R. P. n’a pas le droit de tirer un exemple ou un modèle pour les autres églises de ce terrain si peu fertile, comme il ne nous est pas permis à nous de comparer les mœurs des cités balnéaires avec la vie des agriculteurs croyants.
E—" Mais ce qui met sous vrai et triste jour l’état de l’Eglise primitive, après sont premier temps de ferveur, c’est ce que saint Paul atteste dans son épitre aux Philippiens, (11,21) en faisant l’éloge de Timothée, que généralement les autres ministres de l’Evangile cherchent leur propre intérêt plutôt que ceux de Jésus-Christ; " Tous, en effet, recherchent leurs propres intérêts non ceux de Jésus-Christ. " Si tel était généralement le clergé du temps de Paul, que devait être le peuple fidèle ? " (p.312, note)
Ces accusations portées par le Père Castelein sont de nature à scandaliser grandement ses lecteurs et ses pieuses lectrices. Il y a trois choses à relever : l- Le professeur affirme ici sans preuve que l’Apôtre ne se plaint que des ministres de l’Evangile. Comme le note Estius, h.1, les paroles de l’Apôtre désignent des chrétiens laïcs. 2- Est-ce que l’amour propre ou la recherche de soi se rend jusqu’au péché mortel ? Cajetan et plusieurs autres estiment que ce que l’Apôtre déplore ici, ne constitue pas un péché mortel en soi, mais représente plutôt le zèle de ceux qui sont encore imparfaits, c’est-à-dire de ceux qui ne mettent pas leurs efforts à l’augmentation des mérites d’autrui, ayant suffisamment à faire à conserver les leurs propres. 3- Le sens de la phrase ne peut pas être que tous, absolument tous, fidèles ou ministres de l’Evangile, Timothée excepté, étaient tels. Car Epaphrodite n’était pas ainsi, qu’il loue dans les versets suivants, ni les autres de qui il dit aux chapitres 15,16 : " Quelques-uns prêchent le Christ de par leur propre bonne volonté, d’autres mus par la charité, sachant que j’ai été placé à la défense de l’Evangile " Ceux-là, de toute évidence, ne faisaient pas partie de ceux qui ne recherchent que leurs intérêts, non ceux de Jésus-Christ. Tous, en grec, se dit pour la plupart en latin. Saint Jérome montre que le mot tout a été employé dans ce sens par l’Ecriture, dans l’épitre aux Ephésiens, c.1, à la fin, et saint Augustin au livre de l’unité de l’Eglise, ch. X11. Castelein ne mérite donc aucune créance quand il déclare présenter l’état de l’Eglise primitive " sous son vrai et triste jour ". Il affirme faussement que l’ensemble du clergé était corrompu : " si tel était généralement le clergé au temps de saint Paul ".
F---Il ne s’éloigne pas moins de la vérité l’érudit professeur quand il dit : " Mais un témoignage encore plus attristant nous vient de la 2ième épitre à Timothée (1,15). Saint Paul y dit que les chrétiens d’Asie mineure ont tous fait scission avec lui…Tous ces fidèles l’avaient donc renié ! " (p.312,note) Ce que l’Apôtre enchaîné écrivait de Rome à son disciple préféré, qui était alors en Asie :-- Sache que tous ceux qui sont en Asie se sont détournés de moi,-- rappelle la défection d’un grand nombre, pour fortifier et consoler Timothée qui pouvait, en l’apprenant, se troubler ou se décourager. Mais ici encore, il y a trois observations à faire : 1- L’Apôtre ne parlait que des Juifs convertis, non des Gentils. 2- Il ne parle pas de toute l’Asie Mineure dans son entier, mais seulement de ceux qui ont commencé à croire en Asie Mineure et qui, à leur arrivée à Rome, à la vue de la déchéance physique du prisonnier, l’ont méprisé comme inconnu. Car en Grec, le verbe être n’est pas au présent, d’où la traduction de plusieurs : ceux qui étaient en Asie.. 3- Il ne dit pas qu’ils ont abandonné la foi, mais qu’ils se sont détournés de sa personne . " Il est vraisemblable, dit Estius, qu’ils n’aient voulu que dire qu’ils se sont détournés de lui par la crainte de partager son supplice, ou qu’ils reprochaient à Paul d’être tombé dans cette disgrâce par sa faute ou sa témérité. C’est comme si l’on disait que toutes les nations chrétiennes se désolidarisent de la captivité de Pie 1X et de Léon X111. Il est certain qu’ils ont mal agi ces Asiatiques présents à Rome, mais comment qualifier l’interprétation terroriste de Castelein ? : " Les chrétiens d’Asie mineure ont tous fait scission …Tous ces fidèles l’avaient donc renié ? "
G—" C’est donc en de tels temps et à de pareils chrétiens que saint Paul adresse ses exhortations toutes pleines de douceur … " L’Apôtre n’est pas toujours si doux et si suave quand, par exemple, il écrit aux Corinthiens : " Que voulez-vous ? Que je vienne à vous avec la verge ou dans la charité ? " (1. Cor.1V, 21) " Ses lettres sont graves et fortes " (11,Cor. X,10), et aux Galates : " O Galates insensés, qui vous a entraînés à désobéir à la vérité ? " (111,1) et à Tite : " Crétois toujours menteurs, méchantes bêtes, ventres de paresseux…Reprends-les durement ". (1,12,13)
Quant à la conclusion finale du Révérend Père : " Ces citations suffisent pour mettre à néant le panégyrique sur l’Eglise primitive… " (p.312, note) Je préfère l’état présent de l’Eglise à son état passé ". Ecoutons le jugement d’autorités plus qualifiées . Sa Sainteté le Pape Léon X111 a écrit : " Qui donc, après avoir déroulé l’histoire des Apôtres, la foi de l’Eglise naissante, les tourments et les supplices des très courageux martyrs, les nombreux siècles fécondés par des hommes hors du commun, osera comparer les temps passés aux nôtres, et les déclarer gratifiés d’une moindre effusion de l’Esprit Saint ? "
Le cardinal Hergenroether écrit de l’Eglise primitive : " En face de la corruption morale et des vices de ses contemporains, elle conserve sa sainteté…Elle contient les fidèles dans le devoir par la sainteté de sa discipline. Dans cet âge florissant des premiers chrétiens, où les dons supérieurs de la grâce sont encore si fréquents, les chefs apparaissent rarement avec la plénitude de leur autorité. …Cette période de l’Eglise naissante, cet âge des martyrs, offre donc, malgré la rareté des documents, une image sublime et consolante. " De même, Fouard : " L’Apôtre s’éloignant de ses églises d’Orient, avait donc l’assurance de leur laisser la pleine foi au Christ, affranchie et dégagée de toute compromission. Il avait de plus, la grande joie de la voir triomphante et féconde dans la moitié du monde qu’il venait d’évangéliser ".
Le Père Castelein nous promet
sur le sujet " un écrit que je pense devoir être très
instructif et très intéressant. " pour prouver la supériorité
de l’Eglise actuelle sur celle des premiers temps. L’amour de la vérité
et du salut des âmes nous pousse à souhaiter qu’il ne puisse
pas remplir cette promesse. Mais si, par malheur, il l’achevait, nous attendrons,
impavides, ses élucubrations, et, s’il le faut, en fils dévots
de l’Eglise apostolique, nous louerons, dans leurs générations,
les glorieux hommes qui sont aussi nos parents.
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II
Dans l’église primitive, il n’y avait ni éducation ni formation cléricale.
" Au fond, l’Eglise est persuadée que le salut est facile. Cet argument acquiert une grande force pour celui …au manque de formation régulière pour le clergé. (de l’église primitive) " (p.278)
Nous donnerons une brève réponse à une si grande calomnie. Jésus-Christ Lui-même, directement, par Lui-même, et après, par le Saint-Esprit a formé les Apôtres. Les Apôtres ont choisi parmi les clercs des hommes de bonne réputation, pleins de la sagesse du Saint-Esprit. Ensuite : " Le choix des clercs se faisait avec beaucoup de soins. Ils ne devaient pas être novices dans la foi, ignorants, vicieux, mal famés auprès du peuple. Les évêques s’appliquèrent ensuite à élever les jeunes gens pour la cléricature, et des établissements particuliers furent créés pour eux dans les grandes villes, telles que Rome, Antioche, Alexandrie, Césarée. On mettait autant de soins à cultiver en eux l’esprit de chasteté et de continence qu’à leur distribuer les connaissances nécessaires. On voulait surtout des hommes capables d’enseigner, de mœurs irréprochables, et bienfaisants. Plusieurs clercs dénués de fortune vivaient du travail de leurs mains, à l’exemple des Apôtres ".
Voilà la vérité. Les clercs des premiers siècles instruits s’initiaient aux doctrines profanes et divines; ils menèrent une vie sainte que plusieurs couronnèrent par le martyre, quoique puisse dire de la déficience de leur éducation le Père Castelein.
1V
Sophismes reliés au péché originel et à ses effets, ainsi qu’à la justification.
12
" Le péché originel est transcendé par l’efficacité de la grâce du Rédempteur envers tout le monde ".
Dans le péché originel, le docte professeur rencontre un obstacle de taille à sa thèse, dans lequel péché gît la masse damnée du genre humain, comme le rappelle l’Eglise, à la suite de saint Augustin, en ces mots : " La masse damnée de tout le genre humain gisait dans les maux, s’y enlisait , et se précipitait de maux en maux ". Il n’est malheureusement que trop certain qu’une grande partie du genre humain a été et est encore aujourd’hui infectée du péché originel, et est assise dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. Le péché originel, donc, qui a dépouillé l’homme de ses dons surnaturels et a exténué ses dons naturels, est un grand empêchement au salut universel du genre humain qu’il a grandement débilité.
Pour pouvoir enseigner avec certitude le salut de la plus grande partie de ceux qui continuent à vivre avec le péché originel non remis, le Père Castelein doit prouver que les effets débilitants du péché originel n’existent plus, ou qu’ils ont été neutralisés par une force mystérieuse dans le plus grand nombre des adultes baptisés, quand ils parvinrent à l’âge de raison. C’est précisément ce qu’il tente de faire. Nous citerons mot à mot cette nouvelle doctrine qu’il qualifie lui-même de " si hardie ". " Mais, dira-t-on peut être, le péché originel a fait l’homme si faible, si porté au mal ". (p.198) Alors, il montre que le remède contre le péché originel est la grâce du Rédempteur. Au sujet de cette grâce, il se demande : " Demandons-nous quelles en sont l’efficacité et l’extension, ou, en d’autres mots, quelles sont l’énergie et l’étendue de son action dans l’humanité rachetée par le sang de Jésus-Christ et que le Père céleste désire sauver tout entière ". " D’une manière générale, saint Paul dit dans son épitre aux Ephésiens, que les richesses de cette grâce sont insondables, " incalculables ". Mais c’est dans son épitre aux Romains qu’il prend à tâche de nous en découvrir, sous les vives clartés de la révélation, toute l’efficacité et l’universalité ".(p.200) C’est cette universalité qui est précisément requise pour sauver toute l’humanité. " Or, saint Paul noua apprend que cette grâce nous est donnée et opère en nous avec une efficacité et une étendue illimitée ". " Cependant, dans son chapitre V, les deux Adam ….il atteste que ce nouvel Adam nous a été plus utile pour la vie et pour le salut que le vieil Adam ne nous a été nuisible pour la mort et pour la damnation. Cette comparaison, notons-le bien, porte coup pour l’humanité tout entière. L’humanité, prise dans son ensemble, a plus gagné pour son salut aux mérites du nouvel Adam qu’elle n’a perdu aux fautes du vieil Adam. L’efficacité en bien de la grâce rédemptrice l’emporte pour l’humanité sur l’efficacité en mal du péché originel, et cela, pour la multitude. Cette multitude est évidemment la même de part et d’autre, donc, tout le genre humain. (p.202) Qu’est-ce à dire ? Qu’au point de vue du salut final et pour l’ensemble de l’humanité, l’état de justice originelle eût été moins favorable que ne l’est l’état de rédemption. (203) Dans le premier état, il y aurait probablement eu moins de fautes personnelles, mais ces fautes auraient produit leur fruit de mort éternelle dans un plus grand nombre d’hommes. C’est ainsi que le nouvel Adam a été plus salutaire au genre humain , pris dans son ensemble, que le vieil Adam qui lui a été funeste ".
Selon Castelein, donc, si je ne m’abuse, l’universalité du genre humain, païens, mahométans, Juifs, en un mot tous les infidèles sont de fait dans une situation meilleure maintenant, dans l’état de nature tombée, qu’ils ne l’auraient été dans l’état d’innocence, dans ce sens qu’ils sont en possession d’un plus grand secours qu’il appelle secours réparateur. Cela est vrai en acte premier Mais ce ne peut absolument pas être vrai en acte second, i.e. de fait, et c’est là que se trouve le motif de la dissension ou du litige entre moi et le docte professeur.
Il est certain que dans l’état actuel de la Providence, c’est-à-dire, après le péché originel, à tous les pécheurs adultes, même endurcis, et aux infidèles négatifs, est toujours donnée la grâce actuelle suffisante. Mais il n’est pas moins certain que tous ne sont pas les bénéficiaires de cette grâce efficace spéciale qui mène à la foi et à la justification. Maintenant, le drame de notre professeur de philosophie et de théologie consiste en ceci qu’en ne faisant pas la distinction qui s’impose entre la volonté antécédente et la volonté conséquente, il persuadera facilement ses lecteurs que, de fait, tous les êtres humains reçoivent le bienfait de la mort du Christ comme tous ont reçu d’Adam le péché originel, et que c’est une chose facile pour les infidèles que de se sauver.
Il s’étonne lui-même de son audace et de la nouveauté de sa doctrine. Il prétend l’avoir puisée dans le chapitre V de l’épitre aux Romains : " Cette doctrine si hardie, mais si consolante et si rassurante, est dans son sens clair, formel, explicite, logiquement tirée de la doctrine de Paul ". (p.204) " Doctrine qu’affirme le témoignage de saint Paul dans sa comparaison entre la faute d’Adam et la grâce du Christ, où celle-ci apparaît aussi étendue que celle-là dans son application à toute l’humanité ". (p.208) " D’après saint Paul, le Christ se montre en toute réalité plus puissant pour nous sauver qu’Adam ne s’est montré puissant pour nous perdre. Donc, au point de vue du salut, ou du règne effectif de la grâce qui nous sauve ( ils règneront dans la vie) le Christ a plus rendu à toute l’humanité qu’Adam ne lui avait enlevé. C’est
là une démonstration que nous trouvons irréfutable ". (p.203, note)
De cette démonstration le Père Coppin écrit excellemment : " Peut-on prétendre qu’il s’agit ici du nombre, et que l’Apôtre a en vue le salut final, comme le prétend étrangement notre écrivain ? Dès lors, la faute ayant damné tous les hommes, en principe et en droit, il faut que le don, pour l’emporter quant au nombre, sauve plus que tous les hommes. Cette sorte de conclusion nous prouve à l’évidence que le R. P. raisonne mal quant il conclut ainsi quant au nombre "
Mais le professeur de théologie, à sa manière accoutumée, fonce tête baissée sur les " rigoristes " qu’il contemple étendus à ses pieds : " Que peuvent toutes les lamentations des rigoristes et des pessimistes contre cette forte doctrine ? Rien ". (p.204) " Que les rigoristes ne me reprochent pas d’avoir essayé de mettre dans tout son jour cette admirable doctrine qui réfute de si haut leurs déplorables théories ". (p.208) Nous nous comptons, nous, parmi ce groupe de " rigoristes " qui craignons comme la peste ---surtout là où il s’agit de la prédestination, du péché originel et de la distribution des grâces--- toute doctrine nouvelle et audacieuse, fût-elle géniale et révolutionnaire. Nous préférons suivre la doctrine sûre et certaine, et même celle qui n’est que plus sûre et plus certaine que les autres.
Et puisqu’il en appelle à saint Paul, examinons ce passage de l’Apôtre dans une paraphrase de l’illustre Beelen . Voici d’abord le texte de saint Paul aux Romains, V,15 : " Mais il n’en va pas du don comme de la faute. Si par la faute d’un seul, la multitude est morte, combien plus la grâce de Dieu et le don conféré par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, se sont-ils répandus à profusion sur la multitude. " Et voici la paraphrase : " Le dommage causé au genre humain par Adam ne peut pas être comparé au don de la grâce divine octroyée par le Christ. Il n’y a pas entre les deux de commue mesure. Car si nous comparons le profit que nous avons reçu de la faute d’un seul homme, --la mort de toute l’humanité, un tort fait à l’humanité---avec celui reçu par l’amour de Dieu : le bienfait de la grâce s’est répandu sur tous les hommes par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ.
Texte de saint Paul : "Et il n’en va pas du don comme des conséquences du péché d’un seul : le jugement venant après un seul péché aboutit à une condamnation, l’œuvre de grâce à la suite d’un grand nombre de fautes aboutit à une justification. " Praphrase : " Le tort causé par Adam n’est pas égal au profit apporté par le Christ. Le profit, en réalité, est plus grand que le tort, car la cause de notre condamnation provient de la culpabilité d’ un seul, et ce don efficace gratuit est en vue de la justification d’un grand nombre de pécheurs. "
Texte de saint Paul : "Si en effet par la faute d’un seul homme, la mort a régné du fait de cet homme, combien plus ceux qui reçoivent avec profusion la grâce et le don de la justice règneront-ils dans la vie par le seul Jésus-Christ. ". Paraphrase : " Il n’y a pas de commune mesure entre le don et la faute, car si ce que nous a rapporté la faute d’un seul homme est la mort, à plus forte raison ceux qui de jour et jour participent à l’abondance du divin amour et en retirent le don de la justice, déborderont de vie, et, une fois détruite la mort, règneront par un seul, Jésus Christ.
Texte de saint Paul : "Ainsi donc, comme la faute d’un seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même l’œuvre de justice d’un seul procure à tous une justification qui donne la vie " Paraphrase : " Comme un seul péché à conduit à la condamnation et à la mort de tous , de la même façon un acte vertueux a conduit les hommes à la justification qui vaut pour l’obtention de la vie éternelle. "
Texte de saint Paul : "Comme en effet par la désobéissance d’un seul homme, la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul, la multitude sera-t-elle constituée juste. " Comme par la désobéissance d’un seul, tous ont été constitués pécheurs, de la même façon, par l’obéissance d’un seul, tous ont été constitués justes ". Paraphrase : " Comme par la désobéissance d’un seul tous ceux qui sont nés de lui sont constitués pécheurs, de la même façon, par l’obéissance d’un seul, tous sont constitués justes, i.e., tous ceux qui renaissent de Lui par la foi ".
8- Ecoutons une autre praphrase : " Plaçons ici pour les théologiens, dit le Père Castelein, les mots dont je tire ma conclusion : " Car si par le péché d’un seul multi (la multitude, en grec, i.e, le genre humain) sont morts… la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, sur un grand nombre (la multitude, donc le genre humain) abondera. Plusieurs (la multitude, le genre humain) sont constitués pécheurs , de la même façon, par l’obéissance d’un seul plusieurs (le genre humain) sont justifiés.
" Donc au point de vue du salut ou du règne effectif de la grâce qui nous sauve (ils règneront dans la vie), le Christ a plus rendu à l’humanité qu’Adam lui avait enlevé. C’est là une démonstration que nous croyons irréfutable. " (p.203, note) " Ainsi doit être compris l’enseignement du Docteur des gentils dans sa magnifique épitre aux Romains. Voilà, il termine toute la partie dogmatique de cette épitre en s’écriant à la fin du chapitre X1, 5,32 : " Dieu a laissé tomber toute l’humanité dans l’abîme du mal pour montrer sa miséricorde vis-à-vis de tous ". (p.206)
De grand cœur, nous accordons à notre docte contradicteur que le péché ou la faute d’Adam a été transcendé par le don du Christ, parce que d’abord le don du Christ nous assainit non seulement du péché que nous avons contracté d’Adam, mais de tous que nous commettons de notre propre volonté, ensuite parce que le Christ nous a donné une vie nouvelle plus excellente que celle dont nous avait privée Adam. Mais le Père Castelein ne se satisfait pas de cette réponse. Pour appuyer sa thèse boiteuse, il ne sait pas se contenter de l’excellence ou de l’intensité de notre rédemption. Il lui faut l’extension ou l’application actuelle de l a grâce sanctifiante à l’immense multitude des non- baptisés. C’est pourquoi il veut que le premier plusieurs (toute l’humanité)—marqué de la lettre A---ait la même extension que le second plusieurs (tous) marqué de la lettre B. En quoi il se trompe, comme nous le démontrerons par l’autorité des plus grands interprètes de la sainte Écriture.
Saint Augustin : "En la justification pour tous les hommes. En la justification pour tous les hommes. Non pas parce que tous les hommes viennent à la grâce de la justification du Christ, mais parce que tous ceux qui renaissent dans la justification ne peuvent le faire que par Jésus-Christ. Comme tous ceux qui sont condamnés, à la naissance, ne le sont que par Adam. " " Saint Paul a dit que la grâce avait abondé en plusieurs, non pas en un très grand nombre, i.e. non dans le plus grand nombre ".
Saint Bruno : " Il ne dit pas que ceux en qui la grâce a abondé sont plus nombreux que ceux qui ont été perdus par la faute. Il parle de plusieurs, ou de beaucoup, car tous ne sont pas sauvés, parce qu’ils ne l’ont pas voulu ". " La justice d’un seul, le Christ, se transmet à tous les hommes en puissance non en acte, même si le Christ a payé un prix suffisant pour tous ". " Plusieurs sont constitués justes, plusieurs seulement, parce que tous n’ont pas voulu être sauvés ". " C’est en ce sens qu’il dit que la grâce de Dieu a abondé plus que sous la loi, car, le péché sous la loi régnait avec la justification, conduisant ainsi à la mort. Après la rémission des péchés, la grâce régnait par la justice acceptée, qui, bien conservée, mène à la vie éternelle ".
Saint Thomas : " Il faut comprendre que comme tous les hommes qui naissent corporellement d’Adam encourent la condamnation à la mort à cause du péché d’Adam, de la même façon tous ceux qui renaissent spirituellement du Christ obtiennent la justification de la vie. Même s’il est possible de dire que la justification du Christ aboutit à la justification de tous, quant à sa suffisance, rien n’empêche que quand à sa mise en application, elle ne se transmette qu’aux seuls fidèles ".
Les interprètes plus récents ne parlent pas autrement.
Estius : " En plusieurs en grec, en beaucoup. Même si dans l’autre partie du chapitre, l’interprète retrouve le même mot à traduire, qu’il ne traduise pas beaucoup par le plus grand nombre. Comme si le Christ avait sauvé plus d’hommes qu’il n’en était mort par Adam. Alors que c’est l’inverse qui est vrai. " " Il saute aux yeux que l’Apôtre ne veut pas mettre ici l’accent sur le grand nombre de ceux qui participeront à la grâce du Christ, mais sur l’abondance des bienfaits du Christ, qui est rendue par beaucoup plus. Voici donc quel est le sens. Par la faute ou le péché d’un seul, beaucoup , i.e., tous ceux qui naissent de lui, encourent la mort. Mais par la grâce d’un homme, i.e. à cause de ses mérites, Dieu a octroyé les dons de sa grâce libéralement avec encore plus d’abondance sur beaucoup, i.e. sur tous les élus, tous ceux qui appartiennent au Christ ". " On pourrait dire que tous les hommes, dans l’un et l’autre membres de la phrase, se rapportent au genre humain mais pas avec la même ampleur ou la même extension dans les deux cas. Dans le premier membre de la phrase, le tous se prend au sens strict, parce qu’il est question là de l’ancêtre de tout le genre humain qui a communiqué la mort à toute sa descendance sans exception. Dans l’autre, d’après une façon de parler fréquente dans l’Ecriture, le tous signifie beaucoup ".
B. a Piconio en V ,18 : " Dans tous les hommes qui croient en Lui ".
Van Steenkiste : " Les paroles de saint Paul aux Romains V, 15, ne prouvent pas que ceux qui sont sauvés par le Christ sont plus nombreux que ceux que le péché mortel précipite dans l’enfer ". Je suis contraint d’en omettre tellement… Je citerai encore Knabenbauer dont les paroles montrent clairement que le P. Castelein s’est fourvoyé royalement en voulant attribuer aux mots beaucoup et tous la même extension, qu’ils se rapportent au salut éternel ou au péché originel, et en ne faisant pas la distinction entre la suffisance intrinsèque et l’efficacité actuelle. La difficulté vient du fait qu’on ne sait trop si l’on doit accorder la même extension au mot tous dans les deux cas. Il ne fait aucun doute que, dans le premier cas, il faille entendre tout le genre humain, i.e. tous et chacun qui ont Adam pour ancêtre, et qu’on puisse donner dans l’autre cas la même extension au mot tous si on ne parle que de la seule suffisance des mérites que l’obissance du Christ a acquis au genre humain. Car en mourant sur la croix, il a payé un prix plus que suffisant pour le rachat de tous et de chacun des hommes, et il a accompli cela avec l’intention bien arrêtée que tous et chacun y trouvent la rémission de leurs péchés et la vraie justice. Mais il n’est pas question ici de la suffisance de la rédemption, mais de son efficacité actuelle, qui ne s’applique qu’aux seuls fidèles. A ceux, principalement, qui entreprennent une nouvelle naissance dans et par le Christ, après avoir fait bon usage des moyens institués par Lui. " Knabenbauer affirme ensuite que telle est l’opinion de saint Thomas,---que nous avons vue d’ailleurs. Il affirme que le docteur angélique a bien expliqué ce texte, à la suite des saints Pères et de plusieurs interprètes.
11- Mais le Père Castelein découvre dans les écrits de saint Thomas et d’autres saints des nouveautés que personne d’autre n’a jamais flairées.. Chacun juge d’après ses sympathies, et notre professeur de philosophie et de théologie désamorce un peu partout des arguments en faveur du petit nombre des damnés, même chez les infidèles. Après avoir déliré dans son interprétation de saint Paul, il s’applaudit lourdement : " Faut-il s’étonner maintenant de la large doctrine de saint Thomas d’Aquin sur la distribution de la grâce? Cette grâce qui sanctifie et sauve l’âme est donnée à tout homme adulte sans exception, dans tous les temps et dans tous les pays, pourvu qu’il n’y oppose pas l’obstacle d’une faute mortelle par le refus de suivre sa fin, telle qu’elle lui est connue C’est ce fameux texte de la Somme où saint Thomas démontre que le péché originel ne saurait coexister dans un homme arrivé à l’âge du discernement requis pour qu’il puisse pécher, qu’avec la faute mortelle et non avec la faute vénielle. Le docteur angélique enseigne donc clairement que la grâce du salut est donnée de fait à tout homme qui n’y oppose pas l’obstacle d’une faute mortelle. Nous dirons même que c’est cette doctrine large et élevée qui nous a le plus enhardi à combattre le rigorisme ". Il dit plus haut : " J’ignore pourquoi on ne cite jamais ce texte si décisif " (p.136)
Pour répondre à cette difficulté, je dirai que ce texte de saint Thomas est très étudié par les théologiens, mais qu’ils ne le considèrent pas " si décisif ". En réalité, ce texte (1,2, q.89, a.6) enseigne que le péché véniel ne peut exister en quelqu’un avec le seul péché originel, et il le démontre ainsi : car, dès le premier instant de l’usage de sa raison, l’homme est tenu de se tourner vers Dieu. Cependant, il ne manque pas de théologiens qui récusent cette preuve, qui n’est donc pas approuvée par tous. Ils disent à la suite de Sylvio : " Il est fort probable, donc sûr en conscience, qu’il n’y ait aucune obligation à l’enfant de se tourner vers Dieu, dès le premier moment où il fait l’usage de sa raison. Rien n’empêche donc que le péché véniel existe avec le seul péché originel, comme l’enseignent saint Bonaventure, Durand, Richard et d’autres parmi les plus récents ". Les thomistes eux-mêmes ne considèrent que probable la doctrine thomiste selon laquelle le péché véniel ne peut pas exister avec le seul péché originel.
Pour quelle raison revendiquer ce texte de saint Thomas ? Serait-ce pour prouver que la majorité des humains parvient au salut ? C’est ce qu’affirme le Père Castelein : " Même, c’est cette doctrine large et élevée qui nous a le plus enhardi à combattre si énergiquement le rigorisme. " Mais ce texte du docteur angélique ne peut pas être présenté comme un argument en faveur du plus grand nombre des élus. Vouloir à tout prix le déduire du texte c’est tirer une conclusion qui déborde les prémisses. C’est à peu près comme déduire le salut de tous les êtres humains de l’infinie miséricorde de Dieu.
Si l’argument de saint Thomas suffisait par lui-même a démontrer le plus grand nombre des élus, comment se fait-il qu’il ne s’en soit pas aperçu lui-même ? Comment expliquer que la docte et vénérable école thomiste ne l’ait pas remarqué ? Comment donc ont-ils pu tous enseigner avec le maître le petit nombre des élus ?
Le docteur angélique est loin de partager l’interprétation que donne Castelein de l’épitre aux Romains . Dans son propre commentaire des épitres de saint Paul, , et dans sa somme théologique, il commente les paroles de l’Apôtre, comme nous l’avons exposé plus haut. Dans la somme, (1,2,q.109, a.10), il se fait l’objection suivante : " L’Apôtre dit que l’homme a plus reçu par le don du Christ qu’il n’avait perdu par le péché d’Adam. Or, Adam avait reçu le don de persévérance, donc, à bien plus forte raison, la grâce du Christ nous donnera-t-elle le don de persévérance. " -----(Pour pouvoir parvenir à sa conclusion rêvée, notre illustre professeur de philosophie ajouterait très volontiers : par conséquent, le nombre des sauvés est plus grand après la rédemption du Christ qu’avant la faute d’Adam). Saint Thomas répond : " Je dis avec les mots mêmes de saint Augustin que dans le premier état l’homme a reçu en don la capacité de persévérer, mais non la persévérance effective. Maintenant, la grâce du Christ nous octroie en don et la capacité de persévérer et la persévérance finale. C’est en cela que le don du Christ l’emporte sur la faute d’Adam. Et pourtant, dans l’état d’innocence, le don de la grâce, en l’absence de toute rébellion de la chair contre l’esprit, rendait la persévérance plus facile qu’à nous, puisque la réparation entreprise par la grâce du Christ est loin d’être encore complétée dans la chair, même si elle est déjà commencée dans l’esprit. "
De plus, qu’on lise ce que nous avons déjà cité de saint Thomas aux pages 71 et 72 au sujet de la condition humaine privée de la grâce par la corruption du péché originel, de laquelle Dieu rescape quelques-uns, et dans laquelle plusieurs succombent.
Le P. Castelein se fourvoie étrangement dans son interprétation de l’épitre aux Romains, dans sa doctrine du péché originel; et comme il veut à toute force sauver la plus grande partie du genre humain empoisonnée par le serpent, la prudence devrait lui faire craindre que sa doctrine ne soit qu’une suggestion diabolique, comme la nomme Recupito.
Saint Augustin s’objecte à
lui-même la compassion ou le bénignisme cueilli de la
bouche même de ses adversaires : " Loin de nous de telles pensées
! --disent-ils---Lorsqu’à sa venue, le Christ verra une si grande
multitude à sa gauche, il en aura pitié et leur pardonnera
à tous ". Voici la réfutation de saint Augustin : " N’est-ce
pas ce que le serpent a promis au premier homme ? Il avait été
menacé de mort par Dieu s’il goûtait. Qu’a dit le serpent
? Loin de vous cette pensée ! Vous ne mourrez pas de mort. C’est
tout comme s’il avait dit : vous ne serez pas damnés. C’est toujours
la même voix du démon qui cherche à perdre les hommes
"
13
Les bons exemples font plus de bien que les mauvais ne font de mal.
" C’est un problème de haute philosophie morale que celui qui a pour objet la comparaison du bien produit par les bons exemples et du mal produit par les mauvais. Laquelle des deux influences est la plus efficace pour reculer ou avancer l’humanité sur la voie de ses destinées ? Les pessimistes se hâteront de dire que ce sont incontestablement les mauvais exemples. Les optimistes que ce sont les bons. Je me rangerai avec une entière conviction du côté des optimistes. " (pp.232-233) Si on cherche des faits, l’évangile répond : " Malheur au monde à cause des scandales ! " La sagesse populaire aussi a sa réponse : " pomme pourrie gâte sa compagnie ". Et que dit l’historien Tacite? : " Corrompre et être corrompu, voilà le vrai nom du siècle ". Quelle est la personne saine d’esprit qui n’admet pas que les mauvais exemples ont plus d’influence que les bons ?
Si on cherche le pourquoi de tout cela, c’est dans l’Ecriture qu’il faut le chercher : " Les sens et la pensée de l’homme sont portés au mal dès l’adolescence ". Ce problème, tout compte fait, est moins philosophique que théologique. Il ne peut pas recevoir de réponse convenable, il demeure même une énigme inexplicable si on envisage la nature humaine dans une approche rationaliste, sans tenir aucun compte du dogme catholique du péché originel. " Une de nos erreurs les plus communes, dit le célèbre Monsabré, est de nous imaginer que notre nature, telle que nous la recevons actuellement de la génération, est équilibrée de façon à ce qu’on puisse la tourner aussi bien vers le bien que vers le mal, et qu’il suffit pour cela d’un acte de volonté, qu’il nous est loisible de produire quand il nous plaira. Nous avons bien entendu parler d’un certain péché originel, qui, dit-on, a diminué l’empire des hautes facultés de notre âme, et renforcé les exigences des passions, mais pratiquement on n’en tient guère compte. C’est à tort, messieurs, car ce premier aveuglement élargit singulièrement pour nous le chemin de la perdition. Rien n’est plus certain que la blessure dont notre nature a été atteinte par la prévarication de notre premier père; que le trouble de l’harmonie primordiale qui était la raison même de la justice originelle; que la déchirure de ce merveilleux tissu de vie divine et de vie humaine où la subordination créait l’unité; que la privation des dons gratuits en vertu desquelles les puissances supérieures de notre être gouvernaient despotiquement les inférieures. Rien n’est plus certain que l’aveugle impétuosité avec laquelle les passions , originairement enchaînées par la raison et soumises au libre arbitre, se portent vers leur propre bien "…Il suit de là, Messieurs, l’impuissance d’observer tous les commandements de Dieu, et par conséquent, d’éviter tous les péchés graves sans le secours de la grâce. D’où l’obligation pour chacun de nous de résister de bonne heure aux entraînements de nos convoitises, et de demander à Dieu les grâces dont nous avons besoin pour en triompher ".
Incité au mal par sa propre concupiscence interne, et entraîné par des exemples dépravés, comment l’homme pourra-t-il résister ? Quelques-uns pâtissent plus de l’ignorance que de la malice, et réputent facilement licite ce qu’ils ne voudraient pas que les autres leur fassent. D’autres, à force de voir l’absence de réaction au mal commis par les autres, finissent par lui attacher peu d’importance. Il y en a qui ne sont victimes ni d’ignorance ni de passion, mais qui , par respect humain, rougissent de ne pas conformer leur vie à celles d’autrui. D’autres laissent libre cours à leurs passions, à la pensée que ce que tout le monde fait ne peut pas avoir chez eux valeur de vice. Rien n’est plus commun que d’être entraîné par l’exemple. C’est ici qu’intervient la séparation du bien et du mal : les maux conspirent avec l’impulsion intérieure de la nature tombée, et les biens attirent vers ce dont se détournent la fragilité humaine et la concupiscence.
La vie sociale est de soi le moyen par lequel les hommes atteignent le mieux leur fin temporelle et même leur fin spirituelle. Mais qui ignore que ce moyen est souvent contaminé par la malice et la fragilité humaines, et est détourné au détriment de la vie spirituelle ? Que signifient d’autre les pressantes objurgations par lesquelles l’Ecriture, les saints Pères, les prédicateurs et les confesseurs s’efforcent de détourner les fidèles des mauvaises rencontres et des occasions de péché, si ce n’est que tous ces hommes de Dieu savent par expérience quel empire, quelle fascination exercent sur l’esprit humain les mauvais exemples ? " Ne vous illusionnez-pas ! les conversations mauvaises corrompent les bonnes mœurs ! En conséquence, l’Eglise a toujours maintenu cette règle que l’on doit s’abstenir de socialiser avec les hérétiques et les excommuniés ".
14
Le mal moral n’est rien d’autre qu’une exception, qui ne représente aucune adéquation à la somme totale des applications de la règle.
" Le mal moral est un accident, et une exception. Or, dans un ordre bien conçu, les accidents et les exceptions ne sauraient égaler dans leur somme totale les applications de la règle. " (p.235) La réponse vient du docteur Angélique qui s’était fait à lui-même cette objection : " Les vices existent dans l’humanité dans un grand nombre, selon Matt. V11 : large est la voie qui conduit à la perdition, et beaucoup la trouvent. Le vice n’est donc pas contre nature. " Il solutionne ainsi le problème : " Dans l’homme se trouvent deux natures, la rationnelle et la sensitive. Et parce que l’homme raisonne à partir du témoignage de ses sens, un plus grand nombre suivent les penchants de la nature sensitive plutôt que l’ordre de la raison. Ceux qui entreprennent quelque chose sont plus nombreux que ceux qui terminent. "
De nouveau le P. Castelein raisonne
comme si le péché originel n’existait pas ! Pour sûr,
si l’ordre présent des choses était tel que Dieu l’a conçu
et institué, le mal ferait partie de ces choses qui arrivent rarement.
Mais cet ordre a été pourri par le péché. La
raison ne règne plus en despote sur les sens, lesquels ne pervertissent
que trop le libre arbitre. Voilà pourquoi il est arrivé avant
le déluge que très grande était la malice des hommes,
et que toutes les pensées du cœur, en tout temps, étaient
tournées vers le mal. Toute chair avait corrompu sa voie sur
la terre. A ne pas attribuer à l’ordre divin, mais au désordre
engendré par le péché. Ce qui a déjà
eu lieu, qui le réputera impossible ?
15
Une concupiscence excessive des biens terrestres n’est pas, pour la plus grande partie des hommes, une cause efficiente de damnation éternelle.
" Assurément, le désir immodéré de la richesse n’est pas rare. Qui en est totalement exempt dans le monde ? Une infime minorité. Mais un tel désir atteint-il chez un grand nombre cette malice extrême et cette gravité monstrueuse qui créent l’obstacle insurmontable au salut ? " (p.257) " Jugeons le sort final des pécheurs, victimes plutôt de la faiblesse que de la malice, selon les miséricordieuses inspiration de la bonté divine. Et alors nous ne conclurons pas que l’attrait trop grand des biens terrestres est pour le plus grand nombre, une cause effective de damnation éternelle ". (p.259)
Ecoutons un autre juge, qui est un missionnaire expert et un docteur de l’Eglise : " La troisième porte de l’enfer, dit saint Alphonse, est le vol. S’il y en a tellement qui entrent par , c’est qu’un grand nombre ont l’argent pour fin ultime à la façon d’un dieu. " Les dieux des gentils, dit la sainte Ecriture, sont l’argent et l’or. " Elle dit aussi : " Ni les voleurs, ni les requins de la finance n’entreront dans le royaume des cieux ". Même si le vol n’était pas le plus grand péché, il est le plus dangereux. " Il n’y a pas de péché plus périlleux que le vol ", dit saint Antoine. En voici la raison : la contrition suffit pour obtenir la rémission des autres péchés, mais pour le vol, la contrition est tout à fait insuffisante, la restitution est nécessaire, et cela est très difficile "
Ils se trompent et ils se trompent lourdement ceux qui prétendent que le vol, l’injustice et toutes les sortes de concupiscences enfiévrées des biens terrestres ne sont pas pour un grand nombre des causes de damnation éternelle. Pour un lucre sordide, combien ont sacrifié leur pudeur, combien ont négligé les devoirs de religion, combien ont laissé tomber l’éducation chrétienne de leurs enfants, combien ont manqué à la charité, combien ont détruit la paix et la concorde familiale ? etc.. Celui qui ignore ces choses est un aveugle ! Sans l’ombre d’un doute, ce sont des péchés dignes de la damnation éternelle ! Les filles de l’avarice sont la dissimulation, la fraude, les faux rapports, les parjures, l’inquiétude maladive, la violence, et l’endurcissement du cœur , toutes choses qui éloignent du salut éternel. Relire la page 299 : Le riche entrera difficilement dans le royaume des cieux.
16
Rare est l’orgueil qui mène à la damnation
" Ce qui me semble incontestable, c’est que le vice qui constitue le plus grand obstacle au salut, celui qui écarte le plus les pardons de Dieu est, à son degré extrême, relativement rare au sein du genre humain. " (p.262)
Tous les théologiens enseignent
communément que l’orgueil que l’on dit parfait ou consommé
est un péché mortel dans son genre. Il se produit quand quelqu’un
est si épris du désir d’exceller qu’il ne veut se soumettre
ni à Dieu, ni à ses supérieurs ni à leurs lois.
Il est classé péché mortel dans son genre parce qu’il
répugne à la charité envers Dieu qui est méprisé
par l’orgueil. Parlant des superbes aux Romains (1,32) et de ceux qui ont
la tête enflée, il dit : ceux qui font de pareilles choses
sont dignes de mort. Voilà l’orgueil qui engendre les schismes
et les hérésies et qui retient un grand nombre d’âmes
dans le schisme et l’hérésie. " Le schisme grec, dit saint
Alphonse, trouva son principe dans l’orgueil d’un Arius, d’un Nestorius,
d’un Macédonius, et d’autres semblables agents de Lucifer . C’est
encore l’orgueil qui donna naissance aux sectes de Luther, de Zwingle,
de Calvin. ". " C’est l’humilité qui distingue le catholique d’avec
le protestant ". C’est cet orgueil qui produit chez les catholiques tant
de libéraux, tant de socialistes, tant d’athées. C’est cet
orgueil qui éloigne des milliers de mille catholiques du culte public
de leur religion, et en particulier, de la confession pascale. C’est cet
orgueil qui étouffe, qui étrangle la sincérité
dans les confessions, et qui est la cause d’un grand nombre de sacrilèges.
C’est cet orgueil qui engendre le respect humain. Et comment peut-on dire
qu’il est si rare dans le monde ?
17
La justification du pécheur
est facile.
Que de fois l’Ecriture ne dit-elle pas que pour être sauvé, il suffit de croire ? Il suffit d’invoquer avec foi le nom de Jésus-Christ ? " (pp.59,60) " Les rigoristes ne peuvent se réclamer de l’épitre de saint Jacques . Il ne s’y trouve pas un mot pour nous insinuer qu’il est difficile de rentrer en grâce auprès de Dieu et de se sauver. Au contraire…ce que l’apôtre dit des effets de l’Extrême Onction dénote une conviction tout opposée à celle des rigoristes ". (p.318)
Saint Thomas enseigne : " Ressusciter du péché n’est pas la même chose que cesser de péché. Ressusciter du péché c’est réparer ce que l’homme a perdu par le péché. Les pertes provoquées par le péché sont triples , il y a la tache, la corruption du bien naturel et la peine. Il est manifeste qu’aucune de ces trois choses ne peut être restaurée que par Dieu ". Pour la restauration de ces trois choses, la pénitence est requise. La pénitence est donc absolument nécessaire à tous les hommes qui ont été pollués par le péché mortel pour obtenir la grâce et la justification; nécessaire
à un double titre, de nécessité de moyen et de nécessité de précepte.
De nécessité de moyen. Quand l’offense du péché mortel consiste en ce que la volonté de l’homme s’est détournée de Dieu pour se recentrer sur un bien corruptible, il ne peut se faire que l’offense soit remise, sans que la volonté par une transformation intérieure se retourne vers Dieu, avec une détestation de la conversion vers un bien corruptible qui s’est produite , et avec le ferme propos de s’amender. Voilà ces trois choses absolument nécessaires, qui sont censées s’obtenir facilement par la simple invocation du très saint nom de Jésus.
De nécessité de précepte. La pénitence véritable et sérieuse est nécessaire de nécessité de précepte, tant de précepte naturel qui oblige tout le monde à satisfaire pour injustice commise, que de précepte positif, souvent rappelé dans les saintes lettres. Comment prétendre que ces deux préceptes sont suffisamment remplis par la seule invocation du très saint nom de Jésus ? Pourquoi donc saint Paul a-t-il dit : " Tous ceux qui invoqueront le nom de Jésus seront sauvés ". Voici les paroles du prophète Joël (11,28-32) que saint Pierre a citées en entier dans son premier discours (actes,11,17-21), et qui signifient une foi vive dans le Christ et la profession de cette foi, la foi, il va de soi, qui opère par la charité. " Invoquer le nom de Jésus, --note avec raison Drach. Dans h.1.---signifie ici croire, espérer en Lui, L’aimer. Et Il nous a déclaré Lui-même (Jean X1V, 15, 21) que L’aimer c’est observer ses commandements. L’amour doit être démontré par les œuvres pour que l’appellation du nom ne soit pas illusoire. ". C’est ce que dit saint Augustin.
Venons-en à la justification par l’extrême onction. " Ce que l’apôtre dit des effets de l’extrême onction dénote une conviction tout opposée à celle des rigoristes ". Nous pensons, nous, que les " rigoristes " et tous les théologiens pensent exactement comme saint Jacques. Voici notre doctrine, et je me gratte la tête pour trouver ce que le P. Castelein y voit de trop rigoureux.
L’Extrême Onction, en soi et de par la première fin de son institution, est un sacrement des vivants. Elle suppose donc que le moribond a déjà reçu la rémission de ses péchés mortels. Ceci se dégage de la doctrine constante de l’Eglise et de cette pratique traditionnelle selon laquelle l’extrême onction est administrée après l’absolution sacramentelle et après le saint viatique.
Non par accident, mais en vertu de la deuxième fin de son institution, ce sacrement a aussi pour effet d’effacer même les péchés mortels, si le malade est resté en état de péché mortel sans faute de sa part, et s’il a une vraie attrition des péchés commis. Cet effet ne se produit pas avec la même certitude avec laquelle les autres sacrements produisent leur effet. Que ce sacrement ait cet effet n’est qu’une pieuse conjecture. Le texte lui-même de saint Jacques et la doctrine du concile de Trente nous éclairent suffisamment pour dire qu’il est assez certain que ce sacrement produise cet effet. C’est pourquoi, à tous ces fidèles qui ne peuvent plus parler et qui n’ont pu ni par eux-mêmes ni par d’autres, manifester le désir de recevoir l’absolution sacerdotale, l’extrême onction demeure un remède plus sûr que l’absolution ou le viatique pour obtenir l’absolution de leurs péchés. L’extrême onction justifiera le malade à condition que soit présente l’attrition. Que l’extrême onction puisse produire cet effet est une chose qui est tout au plus probable, du fait qu’un élément essentiel fait défaut, l’aveu des fautes. Il n’est également que probable que l’eucharistie le puisse.
Il est absolument évident que nous professons que le malade en état de péché mortel doit se réconcilier avec Dieu avant de recevoir l’extrême onction, ou par la confession sacramentelle ou par la contrition parfaite. Cela découle des paroles conditionnelles de saint Jacques : S’il est en état de péchés. Cela suit de la nécessité du sacrement de pénitence qui, en tant que moyen nécessaire de salut, doit être reçu, réellement ou en désir, par tous ceux qui ont péché mortellement après le baptême. Donc, si la fin première du sacrement d’Extrême Onction était d’effacer les péchés graves, la définition du sacrement de pénitence faite par l’Eglise s’avèrerait fausse.
Quant à ce qui a trait à la facilité de la justification des pécheurs, il est impossible de passer sous silence que la grande partie des hommes, même des catholiques, ne sont pas seulement des pécheurs occasionnels, mais des pécheurs qui ont fait du péché une seconde nature, qui vivent habituellement en état de péché mortel. Ce dont est témoin Suarez : " Même si la plus grande partie des hommes pèchent souvent mortellement, ils se redressent souvent, et ils passent leur vie dans une alternance de chutes et de redressements. ". (Voir plus haut, p.140) Mais comment se redressent-ils ? En quoi consiste leur conversion ? Quelle douleur, quelle exécration du péché commis ? Quel ferme propos sérieux, efficace, de ne plus pécher de nouveau et de fuir les occasions prochaines de péché ? Et que dire de la dernière résurrection spirituelle qui doit précéder la mort ? Je ne fais que transmettre ce que Monsabré disait en reproduisant les paroles de Bourdaloue : " Prétendre que des habitudes contractées pendant la vie se détruisent aux approches de la mort; prétendre que, dans un moment, on se fasse alors un autre esprit, un autre cœur, une autre volonté, c’est la plus grossière des erreurs… Nous mourrons comme nous avons vécu, et la présence de la mort, bien loin d’affaiblir les habitudes déjà formées, semble encore davantage les réveiller et les fortifier ". C’est avec raison qu’un grand nombre de jésuites rejettent l’opinion de Suarez , tels que Bellarmin, Claude de la Colombière, Bourdaloue, Cornelius a Lapide, que nous avons vus plus haut. Ajoutons Recupito que nous citerons bientôt.
Il n’y a rien d’étonnant à cela. Que disent les saintes écritures des récidivistes ? Qu’en disent les Pères ? Dans le proverbe XXV1, 11, le saint Esprit dit : " Comme le chien qui retourne à son vomissement, il devient plus haïssable qu’avant, et il devient fils de la géhenne à plusieurs titres celui qui, après avoir obtenu l’indulgence de ses péchés, retombe dans les mêmes crimes ". Qu’es-ce donc qu’un fils de la géhenne sinon un réprouvé ? " Il se rit des dons de Dieu ----dit saint Augustin—celui qui n’ayant pas de vrai repentir, retombe dans le péché dont il s’était repenti. Ce faisant, il ne diminue pas ses péchés mais les multiplie ". Quand le Seigneur a guéri le paralytique, Il lui a dit : " Te voilà sain, ne pèche plus désormais, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire ". (Jean V,14) Saint Bernard, commentant ce texte, a dit : " Il faut redouter d’avoir besoin de nouveau de la grâce du pardon, car il est plus dommageable de retomber que de tomber " Et comme le dit saint Paul : " La terre qui boit toujours la pluie qui se pose sur elle et qui produit de l’herbe pour ceux qui la cultivent, est bénie de Dieu. Si elle fait germer des épines et des chardons, elle est réprouvée et proche d’être maudite. Elle sera consumée dans le feu ". (Hébreux, V1,7,8)
De tous les textes, le plus connu et le plus terrible est celui de l’Ecclésiastique V ,5 : " Au sujet du péché qui t’a été pardonné ne sois pas sans crainte, ni n’ajoute péché sur péché. Et ne dis pas : la miséricorde de Dieu est grande, il aura pitié de la multitude de mes péchés. La miséricorde et la colère se suivent de près, et sa colère surveille les pécheurs. Ne tarde pas de te convertir au Seigneur, et ne diffère pas ta conversion de jour en jour. Sa colère frappera subitement, et, dans le temps de la vengeance, il te dépouillera "
Voici le raisonnement avec lequel Recupito réfute Suarez : " Tout coopère au bien des adultes prédestinés, même les péchés, comme il appert de Saint Augustin, qui a traité plusieurs fois ce thème. Entre autres, au livre X1V de la cité de Dieu, ch, 13 : " J’ose dire qu’il est utile aux orgueilleux de tomber dans un péché public manifeste pour qu’ils apprennent à se désaffectionner d’eux-mêmes. Il était plus avantageux à Pierre de se déprendre de lui-même en pleurant que de se complaire en lui-même dans la présomption. " Ce que Suarez confirme hautement : " Je dis que l’autorisation du péché est et peut souvent être un effet de la prédestination. Les théologiens modernes proposent souvent cette interprétation qu’un saint Anselme et un saint Thomas avaient amorcée, dans leurs commentaires des paroles de saint Paul aux Romains V111 : tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, ou la glosse ajoute : même les péchés. " Cette interprétation (même les péchés) n’est pas à être rejetée d’un revers de main, même si l’intention première de l’Apôtre se rapporte aux tribulations et aux maux qui sont des peines du péché. " Mais les péchés des récidivistes ne coopèrent pas au bien, donc, en règle générale, les récidivistes n’ont pas à être comptés parmi les prédestinés.
Je prouve la mineure. Les péchés coopèrent au bien de quelqu’un dans la mesure où ils aident à produire une pénitence fructueuse après le péché. Or, en règle générale, les péchés des récidivistes ne stimulent pas la pénitence . Autant parce qu’un des premiers fruits de la pénitence est la non-rechute, autant parce que la pénitence ne coopère au bien du pécheur que dans la mesure où elle apporte une purification, une amélioration de la conduite. Non seulement la vraie pénitence élimine tout obstacle érigé par la faute, mais elle propulse en avant à une plus grande vitesse. " Je confirme ce qui précède en constatant que la répétition du même péché engendre facilement une habitude. La jonction de celle-ci avec la tendance au péché de la nature corrompue conduit presque fatalement à l’état permanent de péché. " L’action suit l’habitude, la nécessité l’habitude, le désespoir la nécessité, et la damnation le désespoir "
Je confirme en second lieu, par les choses qui sont requises, selon les Pères, pour que la pénitence après le péché soit un signe de prédestination : la douleur continuelle, les œuvres de pénitence, les aumônes, la fuite des occasions…Or, dans les récidivistes, la plupart de ces signes brillent par leur absence. Je couronne enfin le tout dit Recupito, par ce dernier argument. Si l’on plaçait au nombre des prédestinés, comme le veulent nos adversaires, ceux qui passent toute leur vie dans des chutes et des rechutes, qui sont des récidivistes par habitude, il s’ensuivrait forcément que cette même récidivité, devenue une habitude, devrait être un des signes de la prédestination, ce qui est absurde.
S’il est vrai que la vie de la majeure
partie des fidèles adultes est faite de chutes et de rechutes, il
faut malheureusement conclure que cette majeure partie est alignée
vers la réprobation.
V
Sophismes qui enlèvent au péché de luxure selon la nature la culpabilité de la peine éternelle.
Castelein attaque cette matière ainsi : " Des trois concupiscences, c’est celle de la chair où se trahit le plus la faiblesse humaine….Aussi un pareil affranchissement est-il rare ". (p.246) Ne résulte-t-il pas de ce seul fait que le plus grand nombre d’hommes se perd ? Non, nous ne l’admettrons jamais. Pourquoi? Parce que ce serait méconnaître l’efficacité prépondérante de la grâce et de la miséricorde divine pour sauver l’humanité….Nous nous expliquerons là-dessus avec une grande franchise, sans redouter les calomnies des pharisiens, à quelque camp qu’ils appartiennent ". (p.247)
Ce prologue est contraire à la sentence commune des théologiens et à l’expérience des pasteurs d’âmes que saint Alphonse résume ainsi : " La luxure précipite en enfer le plus grand nombre d’âmes. J’irai même jusqu’à dire sans hésitation que tous ceux qui sont condamnés le sont à cause de ce vice d’impudicité, ou du moins, non sans lui. " Le docteur angélique donne une excellente explication de ce verdict : " On dit que le diable a un béguin tout particulier pour le péché de luxure, parce qu’il crée une très grande dépendance, et que fort difficilement on s’en arrache. Car l’appétit de jouissance est insatiable ". Il cite également la raison donnée par saint Isidore : " le genre humain est soumis au démon plus par le péché de la chair que par tout autre. "
Avant d’entreprendre la réfutation point par point, nous plaçons ici une observation générale du docte professeur de philosophie que nous avons souvent cité en le louant : " A propos de la distinction que fait l’auteur entre deux genres de désordres (p.248), on doit lui reprocher entre autre choses, de n’être pas assez précis. Il mêle plusieurs distinctions : péchés de faiblesse ou de malice; péchés d’intermittence ou d’habitude, péchés selon nature ou contre nature, péchés hors mariage ou contre mariage, crises de péché ou confirmation dans l’iniquité. Toutes ces distinctions chevauchent pêle-mêle les unes sur les autres. L’importance de cette page exigeait plus de netteté; l’auteur devait appeler les choses par leur nom. " " Le P. Castelein en ce passage et souvent ailleurs, ne trouve la damnation convenable que pour les péchés de pure malice , de révolte ouverte contre Dieu et ses avances. Encore, la menace n’est-elle exécutée que de temps en temps (p.270) pour la plupart de ces péchés comme à Sodome et Gomorrhe et au déluge. Pour tous les péchés mortels moins graves, la justice cède à la miséricorde , et se borne, pour l’expiation, aux maux temporels et au purgatoire. " " N.B. J’ai cherché vainement dans ces passages scabreux le nom de pénitence ou de mortification. Cette condition sine qua non du salut du pécheur, l’auteur a jugé bon de la sous-entendre, car nous ne pouvons lui prêter la pensée que le purgatoire enlève la tache du péché mortel. Cette omission, en pareil endroit, est ce que je trouve de plus scandaleux dans tout l’ouvrage. Que de présomptueux ne fera-t-elle pas ? Que d’âmes faibles à qui elle va enlever un dernier reste d’effort et de retenue !...Triste, triste !!! "
De plus, je sais par expérience, que les propositions suivantes du P. Castelein sont devenues la lecture favorite de certains jeunes de Bruxelles, qui se les passent de main en main comme des petits pains chauds.
18
Le péché de luxure est prohibé par la nature parce qu’il conduirait de lui-même au péché contre nature.
La concupiscence de la chair produit deux genres de désordres. Un désordre de mœurs très fréquent entre la puberté et le mariage, sous forme de faiblesses et de chutes intermittentes, qui peuvent se concilier avec un état de résistance habituelle, et ne vont pas au renversement complet des lois de la nature, --et un désordre pleinement voulu, désordre de tout temps et de toute forme, où la volonté se fixe sans effort pour en sortir, et qu’elle pousse jusqu’au renversement complet de ses lois. Or, le premier genre de désordres, effet de la fragilité plutôt que de la malice, est incomparablement moins grave et moins funeste à l’humanité que le second. Il n’est même prohibé d’une manière absolue que parce que, sans cette prohibition, il mènerait d’instinct au second. Le second genre qui consiste en ces fautes graves que Dieu a punies par les eaux du déluge et le feu de Sodome, telles que les fautes de l’habitude vicieuse pleinement consentie ainsi que les fautes contre les lois du mariage et les relations naturelles des sexes, provoque à un titre tout spécial les châtiments éternels de Dieu ". (p.248)
Donc, selon le Père Castelein, la raison fondamentale pour laquelle la fornication est défendue n’est rien d’autre que parce que de soi elle conduirait au péché mortel contre nature : " Il n’est même prohibé d’une manière absolue que parce que, sans cette prohibition, il mènerait d’instinct au second ".
Je nie d’abord qu’un acte conforme à la nature tende et conduise instinctivement à un acte contre nature. Il faudrait autrement conclure que l’union maritale crée un péril de péché grave contre nature pour les époux. Ce qui est absurde, injurieux à la Providence et contraire à l’expérience. Car la relation conjugale est ordonnée naturellement non seulement à la procréation mais à l’entretien, l’éducation et l’instruction des enfants. Car il ne servirait à rien de mettre au monde les enfants si on ne devait les nourrir, pour assurer leur croissance, et les instruire pour que les enfants puissent vivre selon la raison. Cette éducation et cette instruction exigent naturellement le concours de l’homme et de la femme, et la permanence de leur société. Il est clair que l’éducation des enfants ne fait pas appel seulement à la mère, qui les nourrit pour un temps, mais beaucoup plus au père qui doit instruire, interdire, corriger et faire la promotion des valeurs naturelles et surnaturelles. Il est donc nécessaire qu’entre les parents, il y ait un lieu naturel qui unisse le mari avec une femme particulière. Et pas pour un jour, mais longtemps, pour toute la vie. Voilà ce qu’exige l’obligatoire éducation des enfants. Cette société voulue et instituée par Dieu nous l’appelons, nous, mariage. Et selon le commandement de Dieu, seul est licite l’ensemencement humain. La fornication ou les relations de gens dissolus excluent d’elles-mêmes ce type de société. La fornication implique donc un grave désordre, qui cause un immense tort non seulement à celui qui doit naître de cette aventure, mais au bien commun de la société humaine, dans laquelle les maux les pires et les plus grands surgissent de cette procréation d’enfants en dehors du mariage, et de la mauvaise éducation qu’ils en reçoivent. La fornication est donc un péché mortel en elle-même, et non parce qu’elle conduit à une impudicité contre nature. Voilà la vraie doctrine catholique transmise par saint Thomas : " Pour nous en convaincre, considérons que tout péché est mortel qui porte atteinte directement à la vie humaine. La fornication comporte un désordre nuisible à la vie de celui qui doit naître. " Et plus longuement encore, il montre que saint Paul, dans sa première épitre aux Corinthiens , lect. 111 : " réprouve la fornication pour quatre raisons, dont la première se tire de l’ordre établi par Dieu, la deuxième de l’union avec le Christ, la troisième de la pollution du corps, la quatrième, de la dignité de la grâce. "
Je demande donc à tous les
confesseurs sérieux . Les impudiques qui font leur la doctrine de
Castelein sur la fornication comment peuvent-ils prêter foi à
la condamnation de la proposition qui s’énonce comme suit : " n’est
qu’un péché véniel le baiser qui provoque une délectation
corporelle et sensible ". Que sera donc ce baiser ? Et comment une telle
doctrine peut-elle augmenter le nombre des sauvés ?
19
Pourvu qu’elle ne soit pas poussée à l’extrême, la concupiscence de la chair incline d’elle-même Dieu à une immense miséricorde envers les pécheurs.
" Quant cette passion n’est pas poussée aux extrêmes désordres, par la malice réfléchie et persistance de la volonté, elle incline Dieu à une immense pitié ". (p.255)
Je réponds d’abord que même s’il n’a péché que selon la nature, il n’est pas permis au voluptueux de tant présumer de la miséricorde divine. Comme l’écrit un fils érudit de saint Alphonse : " Il est certain que Dieu abomine le péché mortel, quel qu’il soit, autant qu’Il s’aime Lui-même, i.e., d’une façon infinie. En aucun autre péché cette abomination ne se manifeste avant autant de force qu’à l’occasion du péché de luxure. Il n’a puni aucun autre péché comme celui-là par un supplice si horrible, si inouï, si universel comme Il a fait quand le déluge a détruit le genre humain, parce que " toute chair avait corrompu sa voie ". Ce péché a fait en sorte qu’Il s’est, pour ainsi dire, repenti d’avoir créé l’homme : Il s’est repenti d’avoir créé l’homme sur la terre. Son cœur a été affligé de douleur. " Blessé au-dedans de moi par une grande blessure au cœur, je détruirai l’homme sur toute la surface de la terre. " Il s’est plaint de l’homme : " Mon esprit ne demeurera pas dans l’homme pour toujours, parce qu’il est chair ". Quand Il vit que toutes les pensées du cœur étaient tournées vers le mal en tout temps.
Que les pécheurs se le tiennent pour dit : Dieu, pour pardonner le péché d’impudicité, commis même selon la nature, exige une contrition vraie et sérieuse, la détestation du péché commis, accompagnée du ferme propos de ne plus pécher. Et une telle contrition est fort problématique chez le malheureux impudique dont le péché développe une dépendance, à cause de la violence de la passion et de la délectation sensuelle, et à cause de cette habitude qui se contracte si facilement et débilite toute velléité de résistance. La contrition est difficile aussi parce que les effets de la luxure sont accablants: la cécité spirituelle, l’indifférence, la précipitation, l’inconstance, l’égocentrisme, la haine de Dieu, l’attachement au monde présent, la peur de l’avenir et le désespoir.
Revenons au premier point. " Il n’y a pas d’affection vicieuse –observe le P. Aertnys, --- qui lie plus fortement la volonté de l’homme que la luxure, car ses actes sont plus fréquents et plus intenses. Il est donc presque fatal que ce genre de péché ne développe très tôt un mauvais habitus, qui est comme un amas de liens et de chaînes dont l’homme a toutes les peines du monde à se dégager. L’esprit perd de jour en jour sa lucidité , la volonté devient anémique , elle s’étiole progressivement, le salut devient toujours de plus en plus difficile à saisir, et le vice finit pas se révéler être un puits en forme d’entonnoir inversé, car autant il est facile d’y descendre, il est difficile d’en remonter. "
Passons au deuxième point. Comme l’écrit à bon droit le professeur de philosophie qui mérite des louanges : " Le Père oublie que le vice impur, fût-il accompagné d’ignorance invincible, plonge à la longue les âmes dans les ténèbres, dégrade le sens moral, étend la nuit des bêtes sur la raison, et rend moralement impossible un relèvement même naturel. Dieu peut tout, mais à moins d’un miracle, ce dépravé n’en reviendra pas. Or, le miracle n’est que l’exception. A qui vit pieusement et s’est attaché à Dieu, il semble que la contrition parfaite doive jaillir comme de source après la faute. C’est oublier que le premier effet de cette faute est d’amoindrir nos lumières, nos goûts surnaturels, nos forces morales, et rendre malaisé ce retour, ce repentir, dont notre intégrité actuelle nous fait présumer l’extrême facilité ".
En conséquence, il est difficile au luxurieux de retourner à la vie vertueuse, et d’opérer son salut avec fermeté, sincérité et efficacité.
p.463 Partie Godts.
20
Dieu peut punir suffisamment
de tels péchés par une expiation temporelle, en cette
vie ou en l’autre, sans avoir à recourir aux peines
éternelles.
« Dieu sait punir de pareilles fautes par une expiation temporelle suffisamment efficace, en cette vie ou en l’autre, sans devoir recourir aux peines éternelles ». (255)
Castelein donne l’impression
d’avoir bien pesé ses mots, car le texte qu’il avait édité
auparavant dans un périodique, Revue générale,
mai 1898, p.651 ne comporte pas les mots : dans cette vie ou dans
l’autre. Néanmoins, cette assertion
est erronée et scandaleuse. Car, tout péché
de luxure est mortel de lui-même, ou en son genre. Une saine
théologie ne permet pas de mettre cette vérité en
doute. Le péché mortel en tant que détournement
volontaire de Dieu mérite, en toute justice, la peine de la
damnation éternelle. En d’autres termes, que la
peine éternelle due au péché mortel puisse être
expiée par une peinte temporelle, dans cette vie ou dans le
purgatoire, est une prétention étrangère à
la doctrine catholique.
p.464
Je dis étrangère
et en même temps scandaleuse. Quelle dissolution
des mœurs n’éclaterait pas, si la fornication et les
autres péchés de luxure , perpétrés selon
la nature, ne conduisaient qu’au purgatoire, et non à
la géhenne du feu éternel !
V1
Des sophismes quelconques, étrangers au sujet
21
Le salut promis aux religieux par leurs saints fondateurs.
Pour démontrer le plus grand nombre des élus, on agite trois autres arguments que l’on voudrait percutants : un tiré d e la promesse du salut éternel fait par les fondateurs d’ordre à leurs sujets; un autre tiré de la facilité de la canonisation des Pontifes dans les premiers siècles; et un dernier, de la durée illimitée du monde. Ces arguments, qui sont étrangers à notre propos, et qui ne prouvent donc rien sont exposés ainsi. « Un considérant de nature tout autre que j’aime à invoquer en faveur du plus grand nombre des élus c’est le privilège que certains grands ordres comme celui de saint Benoit et celui de saint Ignace, prétendent avoir reçu par révélation, quant au salut final de leurs membres. Il a été révélé, d’après des documents dignes de foi, que tous les membres qui de fait sont morts ou mourront dans ces deux ordres sont parmi les élus. Je pense que ce privilège s’étend à d’autres ordres religieux ».
Je dois confesser que notre humble congrégation du très saint Rédempteur a reçu plusieurs fois, en la personne de son fondateur, la promesse explicite du salut éternel de tous ceux qui mourraient dans son sein. Cette promesse est loin d’être insolite : elle est fondée en théologie, elle jouit de la promesse du Christ Lui-même.
Elle est fondée en théologie. Pour qu’ils puissent persévérer dans un ordre caractérisé par l’observance, les Religieux doivent observer les conseils évangéliques en plus des dix commandements : l’éloignement continuel du mal, et la recherche persévérante de la perfection. Mais cette prédiction des fondateurs d’ordres s’appuie sur un fondement incomparablement plus solide : la parole de Jésus. Le Christ a fait cette promesse nette et précise : « Celui qui, à cause de mon nom, abandonnera maison, frères, sœurs, père, mère, épouse ou champs aura la vie éternelle. » Cela, les religieux l’ont fait. Si donc ils demeurent fidèles à observer leurs engagements, Dieu s’en tiendra à sa promesse et ils seront sauvés. Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé.
Mais si on demande : est-ce que la promesse des fondateurs vaut de fait pour tous leurs fils ? Pas du tout. Une distinction s’impose ici : elle vaut seulement pour ceux qui sont véritablement leurs fils, i.e., qui vivent selon l’esprit et la règle de leurs ordres. Elle ne vaut en aucune façon pour ceux qui n’appartiennent que de corps à leur ordre; qui disent avoir pour père Abraham, mais qui ne font pas les œuvres d’Abraham; qui sont semblables à des sépulcres blanchis qui semblent magnifiques à l’extérieur, mais qui à l’intérieur sont pleins de toutes sortes d’immondices. Nous rejetons donc avec énergie la conclusion qu’il en tire : « Evidemment, parmi les centaines de milliers de religieux qui ont bénéficié de ce privilège, tous n’ont pas été des saints. Il y en a eu, sans nul doute, quelques-uns qui ont été très tièdes, qui sont tombés dans de grandes fautes, et qui ont étrangement abusé de la grâce de leur vocation. S’il en est ainsi, cette garantie si précieuse ne peut-elle pas être invoquée comme un signe de la facilité avec laquelle Dieu accorde la grâce du salut final ? » (p.277)
Pas le moins du monde ! Pour le religieux qui ne l’est que matériellement, vaut aussi la menace terrible du juste Juge : le maître de ce serviteur arrivera au jour qu’il n’attend pas, et à l’heure qu’ile ne connaît pas. viendra au jour qu’il n’a pas prévu, à une heure qu’il ne connaît pas. Il le retranchera, et lui assignera sa part parmi les infidèles. Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’aura rien préparé ou fait selon sa volonté, recevra un grand nombre de coups. Quant à celui qui, sans la connaître, aura par sa conduite mérité des coups, il n’en recevra qu’un petit nombre. A qui on aura donné beaucoup, il sera beaucoup demandé, et à qui on aura confié beaucoup on réclamera davantage » (Luc,12, 46-48)
Ma réfutation de l’opinion de Castelein, d’une façon tout à fait extraordinaire, se trouve appuyée par l’écrit d’un membre de sa compagnie, le bollandiste Van der Moeren, jésuite. Voici ce qu’il rapporte dans la vie de sainte Thérèse : « L’occasion m’est ici offerte de faire mention d’une certaine vision relatée dans L’image du premier siècle de la compagnie de Jésus (pp.648,49) et qui fut transcrite par la suite par le Père Lancicio dans son opuscule de l’importance de l’institut des Jésuites (livre 11,ch.1) et par le Cardinal Cienfuegos dans sa Vie de saint François Borgia (liv. V,ch.10) : « Dans cette vision, il est rapporté que sainte Tihérèse, en mission alors à Cordoue, aurait reçu la révélation que les religieux de la société de Jésus jouissaient du privilège , à leur décès, d’entrer directement dans le ciel après avoir paru devant Jésus. Que si quelqu’un m’importune en cherchant à tout prix à savoir de moi ce qu’il faut penser du bien fondé d’un tel privilège, il recevra de moi la réponse qu’a donnée autrefois le prudent P. Joannes Pinius (tome V11, p.852) après avoir entendu des récits de visions semblables de la mort bienheureuse de tous les jésuites : « Je n’attacherai pas plus d’importance à cette prédiction—dit-il—qu’aux raisons qui la soutiennent. Et pour que cette prédiction se réalise à la lettre et dans tous les cas, il faudrait des raisons paradoxales, controuvées, farfelues. Comme je n’arrive pas à trouver de bonnes raisons sur le moment, il ne me reste plus qu’à continuer mon récit le plus fidèlement et le plus sobrement du monde, en laissant à chacun la pleine liberté de penser ce qu’il voudra sur le sujet. Il faut pourtant ajouter que cette promesse vaut en toute rigueur pour tout jésuite qui sera fidèle à sa vocation et qui s’efforcera de rendre certaine son élection par les bonnes œuvres.
Je trouve une autre raison de mettre en doute la prétendue vision de sainte Thérèse sur le salut éternel de tout Jésuite, car dans la chronique (l.XV1,ch. XXX11,XXX1V), on raconte avec une grande abondance de détails qu’en l’année 1594, s’était répandue, dans le Carmel déchaussé, l’opinion d’une prérogative concédée à sainte Thérèse selon laquelle aucun membre revêtu de l’habit du Carmel ne serait damné. Or, la sainte, apparaissant à Anne de saint Augustin lui ordonna de désavouer cette prétendue promesse, lui disant qu’est destiné à l’enfer quiconque ne remplit pas ses devoirs, et que le ciel et le purgatoire étaient réservés à ceux qui le méritent. Comme Anne se réfugiait dans son indignité pour ne pas obtempérer au mandement de sa fondatrice, cette dernière lui a enjoint par trois fois de dire qu’il existait trois lieux pour chaque personne, à savoir le ciel, le purgatoire et l’enfer, et, par les traits de son visage autant que par son regard courroucé, elle la menaçait de croupir dans la médiocrité et la tiédeur si elle ne changeait pas de cap, et si elle ne détournait pas ses sœurs de cette confiance téméraire, tellement nuisible au salut et à la recherche héroïque de la perfection. Quand Anne se fut décidée à révéler à son confesseur le contenu de la vision de sa fondatrice, celui-ci le fit savoir à tous les prélats. Et les prélats communiquèrent à toute la congrégation cet avis céleste qu’on ne peut rejeter sans dommage spirituel, pour que toutes se souviennent, -rapporte la chronique---que ce n’est pas l’habit qui sauve, mais les bonnes œuvres faites avec l’habit. Si une prophétie du salut de religieux requérait explicitement l’observance généreuse des conseils évangéliques, j’y acquiescerais volontiers, pourvu quand même qu’elle soit confirmée par des témoins fiables. Tout comme on voit que Stillingus, le 28 aoùt, dans la vie de saint Augustin, n’a pas estimé devoir douter de la prophétie que saint Augustin a faite à saint Norbert : « Si tes frères, mes fils, militent courageusement d’après la règle que je vous ai écrite, ils pourront se ternir debout en toute sécurité devant le Juge au jour du jugement ».
Donc, la soi disant promesse
du paradis à quiconque meurt dans le sein d’un ordre
religieux, doit être interprétée à la
lumière de l’Evangile, et n’a aucune incidence sur le
débat en cours.
30
La facilité de la canonisation dans l’Eglise primitive.
Cet argument n’est pas plus pertinent que le précédent . Il ne fait que jeter de la poudre aux yeux. « Un autre considérant, semblable au précédent, peut se tirer de la facilité avec laquelle l’Eglise catholique, dans les premiers siècles, permettait d’invoquer et d’honorer comme élus les évêques décédés dans son sein. A Rome, le Pape, et dans chaque église particulière, l’Evêque du lieu, à leur mort, voyaient insérer leurs noms dans les sacrés dyptiques…à moins de quelque manquement très grave à leur devoir, sans rétractation suffisante. Plus tard, cette coutume a été abolie. L’Eglise n’a réservé les honneurs des autels qu’à un petit nombre de chrétiens parfaits et dignes d’être proposés aux fidèles comme des modèles accomplis de toutes les vertus. Mais ce premier usage prouve qu’au fond, l’Eglise est persuadée que le salut est facile, et surtout, qu’il n’y faut pas de conditions exceptionnelles. Cet argument acquiert une grand force pour celui qui est au courant des mœurs rudimentaires de cette époque, et qui réfléchit à la manière si sommaire parfois et si peu éclairée dont l’élection du Pape et des évêques se fait par le peuple ». (pp.277-78)
Le mode plus ou moins solennel de la canonisation ou de l’élection pontificale importe peu. Ils n’étaient donc pas des saints ces quarante-six papes dont les corps ont été inhumés dans le cimetière romain de saint Calliste, qui ont tous subi un supplice mortel pour pouvoir hériter de la maison de Dieu ? Ne sont-ils pas dignes des cieux ces premiers pasteurs de la primitive Eglise qui ont été canonisés par le peuple, avec l’approbation de l’Eglise ? Ne furent-ils pas des chrétiens parfaits et dignes d’être proposés en modèle avant autant de raisons que nos saints modernes ?
Quelle logique dans cette déduction : « Mais ce premier usage prouve qu’au fond, l’Eglise est persuadée que le salut est facile . » A nous, une seule conclusion s’impose : l’Eglise est persuadée que ces saints des premiers siècles sont de vrais saints, et qu’autant que ceux d’aujourd’hui, ils sont des chrétiens parfaits et dignes d’être proposés en modèles accomplis de toutes les vertus. En outre, quel manque de respect envers les saints antiques marque cette assertion : « Cet argument acquiert une grande force pour celui qui réfléchit …au manque de formation régulière pour le clergé » Un mépris indigne !
Notre contradicteur les considère-t-il
de médiocre vertu ou indignes de lui ?
23
Si le nombre des élus n’était pas plus grand, il serait à souhaiter que les enfants ne grandissent jamais.
« Si le nombre de ceux qui se perdent était aussi considérable qu’on se plaît à le dire, les parents chrétiens bien inspirés devraient souhaiter que leurs enfants mourussent avant l’âge de raison; par suite, ils devraient se borner au strict nécessaire pour entretenir une santé et une vie qui exposeraient le salut à de si grands périls. Or, faut-il dire que Dieu réprouve ce souhait et cette incurie qui en serait la suite ? » (p.281)
Que répondre à ce genre d’arguments si ce n’est qu’il n’est jamais permis de faire le mal pour qu’il en ressorte du bien.
24
La multiplication du genre
humain et le maintien des galaxies pendant encore 2000 ans.
Comme appui à leur thèse, les modernistes pronostiquent une longévité remarquable à notre cosmos, qui ne périra pas, selon eux, avant encore un autre 2000ans. « Sans doute, si le monde doit finir demain, on pourrait volontiers souscrire à l’hypothèse des théologiens. Mais doit-il finir demain ? Supposez qu’il dût encore durer des milliers de siècles ? Supposez que toutes les nations de la terre dussent successivement connaître le christianisme, en vivre, en imprégner leurs institutions et leurs mœurs. Donnez aux Etats-Unis quinze siècles d’un catholicisme aussi ardent que l’a été celui de la France. Donnez-en autant à la Chine qui a 377 millions d’habitants, au Japon qui en a 250. Laissez le christianisme pénétrer dans les Indes, dans les îles de l’Océanie, et qu’il y ait 2000 ans, 3000 ans de durée…..Nous jugeons notre globe comme ces lecteurs légers qui ne connaissent encore que la préface d’un livre et ses deux premiers chapitres, et qui prétendent juger tout l’ouvrage. La préface du monde catholique a été de 4000 ans. Puis, a commencé le livre dont deux feuilles à peine ont été déroulées. Attentons, et avouons que nous ne pouvons pas dire ce que sera le petit ou le grand nombre des élus dans l’humanité tout entière ». « La terre convenablement cultivée d’après des méthodes scientifiques, pourra facilement fournir l’alimentation à douze milliards d’habitants. Quelle perspective grandiose pour l’avenir du christianisme, qui, en perfectionnant sans cesse son esprit, sa doctrine, son culte…apparaît de plus en plus la puissance du salut sociale ». (P.Castelein, l96,l97)
Il manque une chose essentielle à cet argument hypothétique, la preuve qu’au fil des années, les hommes de demain seront meilleurs que ceux d’aujourd’hui, de telle sorte que ce ne sera plus le petit nombre d’entre eux qui parviendront au salut, mais le plus grand nombre. Cet argument ne parvient sûrement pas à démontrer sa « doctrine du ciel au rabais » Et puis, il n’est pas permis, à partir d’une simple hypothèse, de conclure au fait du plus grand nombre des élus.
Même si on accordait
que tous les hommes des siècles futurs sans exception sont
saints et seront saints, qu’est-ce que cela a à voir avec
les gens de notre siècle, que vous voulez rendre sûrs
de leur salut ? S’ils sont saints, ils seront sauvés;
s’ils vagabondent par la voie large, ils périront.
CONCLUSION
Voilà donc quels sont les arguments avec lesquels les modernistes conspirent pour renverser la doctrine commune des saints et des Pères sur le petit nombre des élus. Ils les croit incontournables. « Il ne suffit pas de nier ces preuves pour les supprimer. Elles se tiennent. Elles se soutiennent par le poids de leur masse ». (p.246) Comment elles se tiennent, que le lecteur impartial en juge ! Et après ces tours de passe- passe qu’ils pourraient avec plus de raison que la doctrine commune des saints, appeler « toiles d’araignée », ils ne craignent pas d’écrire pour entraîner les laïcs dans leurs filets, lecteurs de revues dénués de toute formation théologique : « Ma solution se réclame d’arguments de premier ordre. » Et encore : « Je ne serai pas embarrassé pour répondre à mes contradicteurs. Je souhaite seulement que l’attaque soit savante et précise. »
Je peux me rendre le témoignage d’avoir donné une réponse précise, et même scientifique, quand il le fallait. Ceux qui prétendront avoir besoin d’un étalage plus luxuriant de science et d’érudition pour faire crever ces nuages de fumée, je les considérerai des victimes de la vanité plutôt que des gens épris de certitude, et assoiffés de savoir.
Ce que nous avons dit devrait suffire amplement à l’édification des lecteurs de bonne foi, et à les détourner de cette nouveauté périlleuse. Que si cela jamais arrive, nous nous réjouirons d’avoir atteint notre but.
p.474 fin
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p.475
Chapitre 8 Quelques
points particuliers tirés de la doctrine du père Castelein
Des points particuliers de
la doctrine du P. Castelein
Après avoir réfuté ces sophismes que d’autres modernistes ont en commun avec le R. P. Castelein, nous expliquerons pourquoi nous avons choisi de réfuter cet auteur de préférence à d’autres. D’abord, parce que son livre est plus accrocheur, plus séduisant en même temps que plus pernicieux que les écrits des autres modernistes, comme il apparaîtra par ce que nous dirons bientôt. Ensuite parce que son livre a reçu un accueil inhabituel. Il a été loué, exalté, commenté et largement propagé. L’auteur le reconnaît humblement : « Le freeman catholic de New York l’a reproduit tout entier pour ses cent mille lecteurs….Il répond aux doutes et aux inquiétudes d’un grand nombre d’âmes en quête de lumière et d’espérance immortelle ». (page V11)
Nous n’avons aucun doute que
le Père était, en écrivant son œuvre,
mu par la meilleure intention du monde. Ce n’est donc pas la
personne de ce vénérable et respectable religieux que
nous attaquons, nous n’en voulons qu’à son livre, que
nous jugeons dangereux et nocif pour les âmes. Avant
d’en venir aux détails, je citerai des observations
générales qu’un professeur émérite a
daigné me transmettre sur le titre lui-même de l’œuvre.
Du titre et du but de
l’œuvre
« Le rigorisme, la question du petit nombre des élus, et la doctrine du salut ».
« Le premier titre est mal choisi. Le rigorisme. Le rigorisme désigne un système de casuistique condamné et aujourd’hui entièrement tombé en désuétude, du moins dans les écoles catholiques. Tout au plus survit-il comme tendance chez tel ou tel directeur de conscience, sans oser s’affirmer encore au grand jour. Or ce n’est pas contre cette hérésie que s’insurge l’auteur, mais bien contre le pessimisme qui voit l’humanité en noir et s’exagère la perversité du siècle pour conclure au petit nombre des élus. Tout rigoriste tiendrait pour le petit nombre des sauvés. Mais on peut soutenir ce point sans être rigoriste, c’est-à-dire sans forger aux consciences des obligations chimériques. Le but pratique de l’ouvrage n’est pas en rapport avec la doctrine qu’on y défend. En effet, l’auteur indique dans son introduction (p.V11) qu’il entreprend de répondre aux doutes et aux inquiétudes d’un grand nombre d’âmes en quête de lumière et d’espérance immortelle. Quelles sont les âmes dont le sort l’a touché et qui se tranquilliseront en apprenant que le P. Castelein opine pour un nombre restreint de damnés ? Sont-ce les âmes timorées et pures, plus sensibles aux terreurs qu’à l’amour divin ? Mais de ces âmes, il ne s’en rencontrera guère parmi les lecteurs du bon Père. Ces sortes d’âmes vivent à l’ombre du cloître dont le présent ouvrage, je l’espère, ne franchira pas la grille. Du reste, leur épreuve est d’une nature trop intime, trop personnelle pour s’évanouir à la lecture d’accents si profanes, si raisonneurs, si présomptueux. A ces peines, il faut des consolations plus particulières, plus surnaturelles.
Où sont donc les victimes que l’auteur veut soulager ? Sont-ce les bons chrétiens appliqués à fuir le péché ? Mais s’ils connaissent les justices du Seigneur et les craignent, ceux-là n’ignorent pas non plus sa volonté salvifique, ni les miséricordes infinies, ni les mérites de Jésus-Christ, ni la valeur des sacrements, ou l’efficacité de la prière, dont le Père ne dit rien. S’ils lisent le R. P. ils n’apprendront rien de nouveau sur cela. Où s’égare donc l’intention de l’auteur ? Aux mauvais chrétiens, aux tièdes, aux consciences relâchées, aux ignorances affectées. Ou bien encore aux mahométans, aux Juifs, aux gens de Sodome et de Gomorrhe, aux protestants, aux incrédules qui sont les infidèles de nos régions. Assurément, parmi cette foule tumultueuse du siècle, l’auteur sera reçu comme un libérateur; les faibles y trouveront des excuses à leurs défaillances; les libres-penseurs se rassureront dans leurs ténèbres. Chacun se croira suffisamment de foi et de morale pour compter sur les grâces secrètes et sur quelque contrition in extremis, et ne se jugera pas assez mauvais pour être parmi l’élite des réprouvés.
C’est là de l’apostolat à rebours. Désormais, c’est la doctrine du petit nombre des sauvés qui empêche les pécheurs de se convertir. En apprenant qu’il y a peu de damnés, ils reviendront aux espérances éternelles. Les méchants y puiseront une fausse sécurité, les bons une pierre d’achoppement. Quant à ranimer les âmes déprimées par le terrorisme, c’est un résultat que ne saurait avoir la thèse de l’auteur, auquel même elle reste absolument étrangère. Lui-même se charge de le faire voir dans le chapitre V aux conclusions pratiques où il se défend contre l’incrimination de laxisme. En effet, qu’on admette le petit nombre des élus ou des damnés, les motifs de confiance et les motifs de crainte restent les mêmes. L’infinie bonté de Jésus, ses promesses, les mérites de Jésus-Christ, les grâces inépuisables, le témoignage de la bonne conscience, voilà pour nous rassurer et nous inspirer confiance, disent les rigoristes aussi bien que le P. Castelein. ---Le mystère de la justice divine, l’inconstance de notre volonté, d’une part. De l’autre, le mystère de la rédemption, la répartition des grâces tant préservatrices que réparatrices, mesurée, limitée, malgré l’infinie puissance et miséricorde, voilà de quoi nous tenir dans la crainte tempérée par la confiance, la confiance modérée par la crainte. Voilà les sentiments par lesquels l’Esprit de Dieu conduit les vrais chrétiens.
Eh! Bien, alors, à quoi rime la thèse du petit nombre des damnés ? N’est-ce pas un hors-d’œuvre ? La doctrine du salut en est-elle changée ? A-t-on ouvert une source nouvelle d’espérance? S’il y a effectivement peu de damnés, cela me rassure pour la masse humaine, non pour moi-même, car je dois craindre d’en faire partie si j’allais épuiser la mesure des grâces qui m’est réservée. La confiance en plus que je retirerais de cette statistique pour tempérer ma crainte de la justice divine, ne saurait être que fausse, téméraire et périlleuse. De même, s’il y a effectivement peu de sauvés, cela m’inquiète pour la masse humaine, non pour moi-même. Car je dois espérer en faire partie si je suis de bon vouloir et mets à profit les grâces qui me sont fournies surabondamment. La terreur que je ressentirais de cette statistique pour rabattre ma confiance en Dieu et ses miséricordes, serait vaine, coupable et périlleuse.
Concluons. Le Père Castelein, en soutenant le petit nombre des damnés, ne peut se flatter d’apporter aux âmes craintives aucun nouveau motif de confiance chrétienne et d’espérance surnaturelle, ni reprocher à la thèse adverse de leur en enlever. Il s’ensuit ce que nous disions plus haut. Cet ouvrage n’a aucun rapport avec son but avoué. En cela, il est absurde, comme serait une cause étrangère à l’effet que l’on en attend. Il aura des effets, mais bien différents, qu’on ne saurait trop déplorer.
Désormais, tous les libertins du monde et du demi, auront barre contre les missionnaires et les pasteurs. Ils diront avec plus de confiance : toutes ces menaces d’enfer sont des contes, des menaces inventées par les prêtres. Le bon Dieu n’est pas si méchant que les curés… »
Après cet exorde,
dénonçons certains points pernicieux, et opposons-leur
la vraie et salutaire doctrine.
2
La raison invoquée par le P. Castelein pour éviter la condamnation du 17ième article du Syllabus ne nous édifie guère.
« L’Eglise n’a condamné que le laxisme et l’indifférentisme absolu, formulés dans la 17ième proposition du Syllabus : « on doit au moins bien espérer du salut de tous ceux qui ne vivent pas dans l’Eglise catholique ». Ce qui est l’objet de la condamnation dans cette proposition, c’est l’universalité illimitée de cette espérance. Si je disais que dans les mauvais milieux seulement le tiers des hommes se perd, et dans les bons milieux le dixième, voire même le centième comme quelques Pères l’ont cru de la nature angélique, je serais à l’abri de cette condamnation qui atteint la 17ième proposition ». (pp..285,286)
Je citerai de nouveau le professeur de philosophie digne d’éloges : « L’auteur se flatte de ne pas encourir la condamnation infligée par la proposition 17 du Syllabus, même s’il disait qu’un centième seulement des non-catholiques se perdent. Or, cela n’est pas évident. En effet la proposition : « il y a lieu d’entretenir au moins un bon espoir du salut éternel de ceux qui n’appartiennent pas à la véritable Eglise du Christ » étant condamnée, on se demande quel est dans cette proposition complexe l’élément d’erreur. Le Père déclare que c’est l’universalité illimitée de tous ceux-là qui tombe sous la condamnation. Si la proposition était simple, si elle disait : tous les catholiques sont sauvés, sans exception, le Père aurait raison, parce que la contradictoire serait : au moins un non-catholique n’est pas sauvé. Mais la proposition condamnée est complexe , et son erreur pourrait tenir au au moins , insinuant que l’espoir est une terme modéré, et qu’à la rigueur on pourrait avoir l’entière assurance. En sorte que la vérité serait : tout au plus doit-on bien espérer… » L’erreur pourrait être aussi dans le verbe espérer exprimant nécessité, de façon qu’en disant on peut espérer, on serait dans le vrai. Mais c’est là plutôt une subtilité de logique.
Admettons que l’erreur git
dans le tous ceux-là . L’universalité,
énoncée ici par le latitudinarisme, ne peut être
l’universalité absolue, illimitée, sans exception.
Le laxisme n’a jamais prétendu qu’aucun non-catholique n’était
damné. C’est l’universalité morale, la généralité,
la masse le grand nombre que marquent ces mots « tous
ceux-là. » Donc, ce que le Syllabus a condamné
c’est qu’il faille au moins bien espérer du salut éternel
du plus grand nombre des non-catholiques. Si, comme dit
le Père, le tiers seulement des hommes, et dans les
bons milieux, le dixième, voire le centième se perd,
il resterait vrai que la masse (de ceux qui n’appartiennent pas à
la vraie Eglise) se sauvent, ce qui est condamné .
Le Père Castelein ne pourrait pousser la prétention jusque
là sans tomber sous l’anathème ».
3
Le minimisme n’édifie
pas.
La doctrine moderne et si peu édifiante du minimisme en religion plaît énormément à notre contradicteur, et, en plusieurs lieux, il s’efforce de l’inculquer à ses lecteurs mondains. Nous en avons déjà eu un aperçu suffisant dans ses sophismes relatifs à la nécessité de la révélation, au péché de luxure, au pouvoir salvifique de la foi, au salut de tous ceux qui ne sont religieux que matériellement.
Il ressort également de plusieurs de ses déclarations, tellement que le minimisme semble être une tendance générale de sa doctrine, lequel est plus nuisible que profitable au salut des âmes.
1- Il n’édifie pas son minismisme relatif à la très sainte communion. « Nous pouvons conclure de la doctrine et du précepte de l’Eglise sur la communion pascale, qu’une communion par an est nécessaire et suffisante en règle générale pour bénéficier de cette parole du Christ : celui qui manage ma chair… Si, en effet, cette communion unique n’était pas un moyen suffisant pour les fidèles qui vivent dans le monde, l’Eglise renforcerait son précepte. Or, le précepte de l’Eglise statue que la communion annuelle suffit pour accomplir le précepte divin de la communion. » Voici, à ce sujet, un excellent éclairage que donne un critique maintes fois cité : « De ce que l’Eglise exige une communion par an le P. Castelein conclut en d’autres termes que, d’après le sentiment de l’Eglise, ceux qui se contentent de faire leurs Pâques sont presque tous sauvés. Cette conséquence me paraît faible. C’est par souci des âmes, sans doute, que l’Eglise impose ses préceptes positifs, mais, avant tout, c’est pour préciser et régler l’accomplissement de certains devoirs fondamentaux, l’exercice de certaines vertus. Sanctifier les dimanches et exercer la vertu de religion sont de droit naturel et divin. L’Eglise règlemente et dit : assistez au moins à la messe le dimanche. Voilà le droit positif. Le droit divin et naturel dit : pratiquez la pénitence et la tempérance. L’Eglise dit positivement : jeûnez et abstenez-vous au moins tels jours. Confessez-vous une fois l’an.
De même Notre Seigneur dit : si vous ne mangez pas ma chair vous n’aurez pas la vie en vous. L’Eglise détermine et dit : communiez au moins à Pâques. Les préceptes de l’Eglise imposent le minimum en deça duquel on transgresse la loi divine en ces matières. Elle croit avoir ainsi fixé suffisamment la mesure du droit divin pour que la conscience des fidèles soit en paix sous ce rapport et ne se croie pas obligée à davantage. »
Mais il n’est absolument pas
permis de conclure que l’Eglise a défini que cette communion
annuelle suffisait pour communiquer aux fidèles les forces
spirituelles. Après avoir pris soin de satisfaire au précepte
divin, l’Eglise ne veut pas pousser plus avant, d’abord,
parce que les dispositions de chacun sont trop différentes
pour qu’elle puisse pourvoir aux besoins de tous dans une règle
générale, et parce que la prudence ne permet pas d’espérer
de la part de chrétiens de jour en jour moins pratiquants,
une démarche plus fréquente. Voilà la saine
doctrine qui est exposée dans le catéchisme romain : «
De peur que certains seigneurs, pour la réception de ce sacrement,
ne soient rendus….on rappelle souvent aux fidèles que la même
obligation de recevoir l’Eucharistie est imposée à tous.
De plus, l’Eglise a stipulé que celui qui ne communierait
pas, au moins une fois par année, à Pâques,
serait exclu de l’Eglise. Mais que les fidèles ne se
contentent pas, en obtempérant à l’autorité
de ce décret, de ne communier qu’une fois par année.
Mais qu’ils estiment plutôt que cette communion doit être
réitérée plusieurs fois. Convient-il que ce
soit à tous les mois, à toutes les semaines, à tous
les jours, il n’est pas possible de prescrire une loi qui vaudrait
pour tous. Pour qui cherche une norme, qu’il prenne celle
de saint Augustin qui est on ne peut plus certaine : «
vivre de façon à pouvoir communier à tous les jours.
» C’est pourquoi le devoir pastoral imposera
aux curés d’exhorter souvent les fidèles à ne
pas omettre de prendre soin de leurs âmes en la nourrissant
chaque jour du saint sacrement, de la même façon qu’ils
jugent nécessaire de pourvoir chaque jour à l’alimentation
de leurs corps. Il est clair comme le jour que l’âme
a autant besoin de se nourrir que le corps. Il sera bon d’apporter
l’exemple biblique de la manne qu’il fallait manger à
chaque jour pour refaire ses forces. Sans omettre les enseignements
des saints Pères qui recommandaient avec force la réception
fréquente de ce sacrement. Saint Augustin n’a pas été
le seul à dire : « pour éviter le péché
à chaque jour, communie à chaque jour. »
Tous les autres Pères ont été du même avis,
comme s’en apercevra rapidement celui qui les fréquente.
Les Actes des Apôtres
nous laissent entendre qu’il fut un temps où les fidèles
communiaient à tous les jours. Car, tous ceux
qui professaient, alors, la foi chrétienne, brûlaient
d’une charité si vraie et si sincère qu’ils s’adonnaient
sans interruption aux prières et aux autres devoirs de piété.
Rien d’étonnant à ce qu’ils aient été toujours
prêts à recevoir les saints mystères du Corps
du Seigneur. Par la suite, cette coutume qui semble
avoir été mise en veilleuse, a été
en partie rénovée par le saint pape martyr Anaclet.
Il prescrivit de communier aux ministres qui participaient au sacrifice
de la messe, en affirmant que c’était là une institution
des Apôtres eux-mêmes. Pendant longtemps dans l’Eglise
a été en vigueur cette coutume selon laquelle le prêtre,
si tôt terminé le sacrifice, prenait l’hostie,
se tournait vers le peuple présent, et invitait les fidèles
à la sainte table par ses paroles : Venez, frères,
à la communion. Alors, ceux qui avaient les dispositions
requises, recevaient les saints mystères avec un très grand
respect.
Mais lorsque la charité et la ferveur religieuse se furent refroidis à un point où les fidèles avançaient de plus en plus rarement à la sainte table, il fut décrété par le pape Fabien que l’on communierait trois fois par année, à Noël, à Pâques et à la Pentecôte, ce qui fut par la suite confirmé par plusieurs conciles surtout par celui d’Agathensis.
Enfin, quand on en vint au point où non seulement cette dernière prescription si sainte et si salutaire n’était point observée, mais où la réception du très saint sacrement était différée d’année en année, le concile du Latran statua que tous les fidèles devaient recevoir la sainte communion au moins une fois par année, à Pâques, et qu’on interdirait l’entrée de l’église à quiconque négligerait ce devoir. »
Cette nécessité spirituelle qui devrait être la première norme que s’imposent les fidèles pour la réception du saint sacrement, est ainsi exposée par Lehmkukl : « En troisième lieu, il faut noter l’effet qui, selon la volonté du Christ, rend l’Eucharistie un moyen moralement nécessaire à la conservation de la grâce sanctifiante. Car, selon l’ordre commun de la Providence surnaturelle, sont communiquées à l’homme adulte par la réception du sacrement des secours plus abondants de grâce, à l’aides desquels il surmonte les épreuves et les tentations qui mettent le salut en péril, sans lesquels secours l’homme ne peut pas ou ne peut que difficilement éviter de tomber dans un péché grave.
L’Eucharistie, à ceux qui la reçoivent dignement, ne fait pas que procurer des secours plus abondants de grâce qui leur sont moralement nécessaires, mais elle invente d’autres moyens de détourner les périls qui menacent notre âme. Par exemple, elle tempère et comprime la concupiscence latente dans l’homme, surtout la concupiscence de la chair. Cela est si vrai que les saints Pères en grand nombre insistent sur cet effet, et vont jusqu’à promettre le don de continence à ceux qui vont communier fréquemment et avec la ferveur requise. La doctrine des théologiens et l’expérience des confesseurs sont d’accord pour témoigner que la communion fréquente est le remède le plus efficace et le plus puissant contre la concupiscence. En plus d’avoir un effet sur la concupiscence, elle agit directement sur le démon, en le maîtrisant, lui qui s’empare de l’homme par les embûches et les pièges, comme fait l’araignée avec les mouches. »
On lit plus bas « L’usage fréquent de l’Eucharistie n’est pas de soi un précepte. Néanmoins, il peut arriver qu’un recours plus fréquent à l’Eucharistie devienne pour quelqu’un moralement nécessaire. Prenons un homme vicieux et affaibli par une habitude dépravée. A ce malade, tout bien considéré, il est difficile de trouver des remèdes qui s’avèrent efficaces. Il serait téméraire de penser qu’il les trouvera à la portée de la main. Il ne reste plus qu’à lui prescrire avec urgence un usage fréquent des sacrements de pénitence et d’eucharistie, pour qu’il mette à l’épreuve et conserve la sincérité de son ferme propos. Bien plus, s’il est prudent de se fier à ceux qui sont le plus versés en la matière, unanime est leur recommandation : un jeune adonné à la débauche ne peut espérer d’amélioration que par la réception fréquente du très saint sacrement. Pour lui, la confession hebdomadaire, loin d’être trop fréquente, est à peine suffisante. Cf. Tolet. La formation des prêtres 1, 5 c 13,n.11. C’est donc le devoir du confesseur d’engager un tel pénitent à fréquenter les sacrements, autant que faire se peut, en usant de différents moyens, et même de la menace de lui refuser l’absolution. Aux autres hommes qui, pour surmonter de graves tentations, n’ont pas un besoin aussi urgent de la communion fréquente, on doit inculquer le recours fréquent à l’eucharistie, selon la pensée de l’Eglise, pour que la vertu chrétienne puisse se maintenir en eux et croître. »
Cette pensée de l’Eglise est exprimée par le concile de Trente : « Le concile avertit ensuite avec un amour tout paternel, exhorte, prie, supplie par les entrailles de la miséricorde de Dieu notre Seigneur, tous et chacun de se souvenir de l’amour extrême de Jésus-Christ Notre-Seigneur manifesté dans les saints mystères de son corps et de son sang. Qu’ils y croient et qu’ils les vénèrent avec respect, piété et une grande dévotion de l’âme, afin de pouvoir recevoir fréquemment ce pain supersubstanciel. Qu’il soit pour eux la vraie vie de l’âme et la perpétuelle santé de l’esprit. Qu’il les fortifie de sa vigueur, pour que le chemin de ce triste pèlerinage puisse les conduire à la céleste patrie, et que ce pain des anges, que jusqu’à présent ils mangent sous de saints voiles, leur soit enfin donné à manger à découvert. »
C’est à bon droit que continue le professeur émérite : « Cette conduite de l’Eglise ne prouve pas qu’elle estime le salut des âmes généralement assuré par une seule communion annuelle. La vérité est que la communion est le moyen le plus puissant pour nous protéger contre la mort du péché; que l’Eglise, au nom du Sauveur, a voulu nous amener de force à ce banquet divin. Forcez-les d’entrer une fois l’an; que, pour le reste, c’est aux nécessités spirituelles d’un chacun de régler le recours aux remèdes opportuns, sans nous astreindre à la communion plutôt qu’au jeûne, à la prière, aux aumônes, ou à d’autres moyens d’utiliser les grâces de Dieu.
Le Père Castelein a donc tort de conclure que l’Eglise juge la communion pascale un moyen nécessaire et suffisant pour sauver la généralité de ceux qui se bornent à cette seule pratique. »
Mais ce que l’on doit surtout ici déplorer c’est qu’aux nombreuses âmes tièdes parmi les chrétiens, un prétexte est offert qui les autorise à répliquer aux avertissements salutaires des confesseurs et des prédicateurs et à les contester.
Ce minimisme dans les choses de la foi proprement dite est apparenté à un autre qui diminue les miracles éclatants, les peines infligées par Dieu, les révélations… « Quant au miracle de la chute des feuilles durant un sermon du Père Baldinucci, pour représenter le grand nombre des réprouvés, je doute que ce miracle ait été admis dans le procès de la béatification du Bienheureux ». (p.285, note 1) La bulle de béatification d’un sien confrère en religion a donc échappé à l’attention de l’auteur et de ses censeurs ? Qu’ils apprennent donc qu’on lit les paroles suivantes dans les lettres apostoliques Ce que le Rédempteur , données le 25 mai 1893, qui décernent les honneurs des bienheureux célestes au Vénérable serviteur de Dieu, Antonio Baldinucci, jésuite : « On affirme qu’un jour où il passait par un certain château proche de Velitre, surnommé Guilianello, le peuple le pressa de monter en chaire , ce qu’il accepta avec empressement. A cause de la petitesse de l’église, le rassemblement se fit dans une plaine. La prédication eut lieu à l’ombre d’un orme à l’énorme frondaison, en plein mois d’avril. Il parlait avec véhémence contre ceux que la confiance présomptueuse dans la miséricorde de Dieu endurcissait dans le mal jusqu’au moment où ils devaient paraître devant Dieu. Puis, tout à coup, sous l’inspiration du Saint-Esprit, il s’exclama : « Combien d’âmes, pensez-vous, sont en train de tomber dans l’enfer en ce moment ? Autant, à la vérité, qu’il y a de feuilles qui tombent de cet arbre. ». Et aussitôt, la plus grande partie des feuilles se détachèrent de l’arbre. L’importance de ce fait n’échappa pas à ces hommes frustres. Ils furent fortement secoués, et leurs cris et leurs gémissements ne tarirent pas avant d’avoir expié leurs fautes avec une componction et contrition des plus sincères.
Notre contradicteur n’en continue
pas moins. « On pourrait en contester la force démonstrative
pour fixer d’une manière générale la proportion
des réprouvés et des sauvés. Nous ne nous appuyons
donc pas sur des documents de ce genre, à cause de la difficulté
d’en établir l’authenticité et le sens précis ».
(p.285,note 1)
Je laisse cela au jugement
du lecteur.
Est aussi redoutable le bénignisme qui ne voit que dans les péchés monstrueux une matière à la damnation éternelle. Voici ce qu’écrit notre auteur des diverses concupiscences : « Quand cette passion n’est pas poussée aux extrêmes désordres par la malice réfléchie et persistante de la volonté, elle incline Dieu à une immense pitié. » (p.255) « Un tel désir aurait-il chez un grand nombre cette malice extrême et cette gravité monstrueuse qui créent l’obstacle insurmontable au salut ? (p.257) « L’orgueil pleinement développé et fixement retenu dans l’âme est rare ». (p.261) « Peu d’hommes se fixent dans l’erreur et le mal résolument et irrévocablement ». (p.270) etc…
Voilà donc la science du salut telle que codifiée par notre contradicteur ? Quelle est donc l’utilité de cette sévère admonition du divin Rédempteur ? : Celui qui est fidèle dans les petites choses le sera aussi dans les grandes, et celui qui est infidèle dans les petites choses le sera aussi dans les grandes. (Luc XV1,10)
C’est avec beaucoup de sagesse qu’écrit notre confrère R.P. Coppin : « Je demande à tout lecteur attentif et réfléchi du livre du P. Castelein, je demande surtout à tout prêtre qui, en chaire ou au confessionnal, s’est efforcé cent fois de faire comprendre la laideur du péché mortel, une seule considération dans ce livre qui soit capable de faire cette lumière dans les esprits et de mettre cette horreur dans les cœurs.—Pas une. Ce n’est pas tout. Le ton général du livre et une multitude de phrases et de considérants sont un peu au diapason des réflexions des pécheurs que nous avons citées tantôt. Ce sont péchés de faiblesse ! Illogisme !...Ce ne sont habituellement que péchés mortels ordinaires. . « .Comment rigoristes, irez-vous mettre ces gens en enfer pour ces fautes, résultats de l’éducation, des préjugés ? ..Dieu n’a que faire de vos balances de toiles d’araignée…. Et puis, comment me ferez-vous admettre que Dieu va damner une masse de ces gens du peuple qui auront peiné, travaillé, la sueur au front, toute la vie! ..Qu’on dise donc tout d’un coup que ces gens ne commettent pas de péchés mortels, qu’il n’y a de péchés mortels que les désordres monstrueux, et dans lesquels on se fixe obstinément. »
Monsabré a cent fois raison de dire : « Vous vous imaginez par exemple qu’il n’y a de mortel et de digne de damnation que les péchés monstrueux par lesquels l’homme se déclare ennemi de Dieu, Le renie, se sépare de Lui, renonce à Lui. Ou bien encore ces crimes abominables que le monde frappe d’une universelle réprobation. Vous vous imaginez qu’il n’y a pas dans les instincts vicieux de la nature une si grande malice que Dieu soit obligé de recourir aux rigueurs barbares d’une éternité malheureuse, pour punir ceux qui obéissent à leur entraînement. Vous vous imaginez que si l’on conserve la foi ou un certain amour du juste et de l’honnête, on peut être à l’abri de l’éternel supplice dont doivent pâtir les réprouvés…..Erreur, messieurs. Le péché, d’après la théologie est une transgression d’une loi divine. Que la loi divine soit inscrite dans notre conscience, qu’elle nous soit intimée par ceux qui ont reçu de Dieu mission de nous faire connaître ses volontés, il n’importe. Dès que la transgression est grave, clairement connue de l’intelligence et pleinement consentie par la volonté, elle constitue une faute mortelle et damnable, parce qu’elle produit, quoique nous ne le voulions pas directement et formellement, ce criminel renversement des fins qui met la créature à la place de Dieu. Dans ces conditions, comptez, si vous le pouvez, toutes les transgressions graves dont vous vous êtes rendus coupables, et qui n’ont pas encore été réparées par une sincère pénitence. Et, je vous en prie, ne vous laissez pas aveugler, dans cet intéressant calcul, par des préjugés grossiers qui réduisent le nombre des fautes mortelles que vous pouvez commettre à quelques méfaits ou forfaits que châtie la justice humaine.
On entend souvent dire qu’un homme est irréprochable parce que son exacte probité, l’urbanité de son caractère, la correction de sa vie publique ne donnent prise à aucune loi de nos codes criminels. Ce que le peuple traduit couramment dans son langage par ce dicton : je n’ai ni volé ni tué, je suis un honnête homme. Je ne prendrai pas la peine, messieurs, de faire une thèse de morale, pour discuter cette honnêteté à bon marché. Il me suffit de faire appel à vos consciences de chrétiens, et de les mettre en face du code criminel de Dieu, pour vous convaincre que l’on vole et que l’on tue plus souvent qu’on ne croit, et que l’on peut, quoique pense de nous le monde, tomber sous le coup des peines terribles que Dieu tient en réserve pour châtier les transgresseurs de ses commandements ».
4
Le Père est loin de nous édifier lorsque le rejet de la méthode de saint Ignace dans les exercices spirituels et le mépris de la pratique des saints prédicateurs le portent à déclarer que la crainte servile de Dieu est un obstacle à la charité. Il ose même appeler la prédication de cette crainte : le forfait.
« J’en veux encore plus au rigorisme parce qu’il paralyse l’action de la charité dans les âmes. » (348) « Frères égarés dans les fausses théories du rigorisme et du terrorisme, …quand par vos fausses théories et votre pessimisme outré, vous faites dominer dans les âmes la crainte de l’enfer…vous empêchez les fidèles d’aimer Jésus-Christ, comme Il veut être aimé d’eux ». (p.352) « Vous empêchez l’amour de Jésus-Christ d’être dans son église un amour populaire. Voilà le forfait perpétré malgré vous, je le veux bien, par votre malheureuse doctrine. Aussi longtemps que prédomine dans une âme le mobile de la crainte des châtiments divins, cette âme ne saurait faire un acte de cet amour que Jésus nous demande. Serions-nous réduits à devoir nous contenter d’un simulacre de charité ? Serions-nous réduits à devoir extorquer des aumônes en menaçant les fidèles des peines de l’enfer ? » (p.353)
La méthode adoptée par sans Ignace dans ses exercices spirituels est beaucoup plus édifiante. Car là, lors de la première semaine, i.e., la voie purgative, il s’efforce de mener l’âme à l’amour de Dieu par la crainte, par la considération des vérités terribles. Plus édifiante est la doctrine authentique du saint fondateur de la société de Jésus. Voici ses propres paroles qui proclament nécessaire la crainte de Dieu, et pas seulement la crainte filiale, mais la crainte servile, ou la peur de l’enfer. Elles sont tirées des règles qui nous mettent sur la même longueur d’onde que l’Eglise. « Dixième octave. Bien que soit souverainement à louer et souhaitable le service de Dieu inspiré par le pur amour, néanmoins, la crainte de Sa Majesté est fortement recommandée. Pas seulement cette peur que nous appelons filiale, qui est pieuse et sainte à souhait, mais également celle qui est dite servile. Elle est en effet fort utile à l’homme, et souvent même nécessaire, pour que nous ayons le ressort capable de nous propulser en avant, quand il nous arrive de tomber dans le péché mortel. La crainte servile, quand nous nous en serons éloignés et que nous en serons immunisés, nous rendra plus facile la montée vers le don divin de la crainte filiale, qui prépare et conserve l’union amoureuse de la créature avec Dieu. »
L’exemple et l’enseignement de saint Ignace furent ceux de tous les saints missionnaires, surtout de saint Léonard de Port-Maurice et de saint Alphonse, dont le propos fut toujours d’amener les âmes à l’amour par la crainte. Ce qui est conforme à l’esprit de l’Eglise exprimé par le concile de Trente : « Les pécheurs seront avec profit aiguillonnés par la crainte de la justice divine »…De cette crainte, elle en a fait un canon : « Si quelqu’un dit que la peur de la géhenne est un péché, ou qu’elle ne fait qu’empirer le mal , qu’il soit anathème. » Et dans le concile de Pistoie : « Selon l’ordre habituel de la préparation à la justice, il faut que la crainte entre d’abord, par laquelle vient la charité. La crainte est le médicament, l’amour la santé ».
Combien plus édifiante que celle de Castelein la doctrine en or du docteur angélique lequel, se demandant si la crainte servile demeure avec la charité, répond affirmativement : « parce que la crainte servile est elle-même un don du Saint-Esprit. Or les dons du Saint-Esprit ne sont pas enlevés par l’avènement de la charité. par qui le Saint-Esprit habite en nous. Donc, l’arrivée de la charité n’expulse pas la crainte servile de Dieu ». Et puis il explique en ces termes : « La peur servile est une peur qui porte sur soi, parce qu’elle est la peur de la peine qui s’exerce au détriment de notre propre bien. De cette façon, la peine servile peut cohabiter avec la charité, comme le peut l’amour de soi. Le désir du bien chez l’homme et la peur d’en être privé procèdent d’un même principe…..La peur de la peine est incluse dans la charité, car la séparation d’avec Dieu est une peine dont a horreur la charité. Cela donc s’applique à la chaste peur. »
Encore beaucoup plus édifiant ce que sainte Thérèse d’Avila écrit à son sujet, elle qui a été réformatrice de l’ordre du mont Carmel. Dans l’appendice du bréviaire romain, l’Eglise lui rend ce témoignage : « Parmi toutes les vertus de Thérèse, brillait particulièrement l’amour de Dieu. » Cependant, parmi les grâces innombrables et sublimes que Dieu lui a accordées, elle plaçait en premier lieu la très célèbre vision qu’elle eût de l’enfer, dont elle a parlé un grand nombre de fois avec beaucoup de fruits. Mais écoutons-là plutôt en faire l’aveu elle-même : « Longtemps après que le Seigneur m’eût accordé un grand nombre de ces grâces que j’ai racontées, et quelques-unes tout à fait singulières, comme j’étais un jour plongée en oraison, subitement et instantanément, je me suis sentie ainsi positionnée, sans que je sache comment, que je me croyais en enfer. J’ai compris immédiatement que c’était la volonté du Seigneur que je contemple de mes yeux le lieu qui m’était assigné, que les démons et mes péchés m’avaient ici préparé. Je m’y suis précipité pendant un peu de temps. Même si ma vie devait durer de nombreuses années, je n’oublierai jamais ce trou. »
Après la description
de l’entrée dans l’enfer, et de certaines peines infernales
d’une grande atrocité, elle continue : « J’étais
tellement consternée, et je le suis encore aujourd’hui
au moment où j’écris, ---même s’il s’est écoulé
seize ans depuis cette vision,--- que j’ai l’impression que la peur
éteint en moi la chaleur naturelle. Cette expérience
fut tellement traumatisante que quand je me sens accablée
de tribulations, d’angoisses et de douleurs, je n’ai
qu’à me rappeler cette vision pour que, immédiatement,
tout ce qu’un être humain peut ressentir de pire me paraisse
une vétille. De cette façon, sans mérite
de notre part et sans nul apparat, nous pouvons triompher des douleurs
qui sont notre sort ici-bas. Je le répète donc,
voilà un des plus grands dons et grâces dont le
Seigneur m’a comblé. Cette vision m’a aidé grandement
à dissiper la peur des tribulations et des adversités
de cette vie, à me fortifier pour que je les supporte
avec équanimité , et à rendre grâces à
Dieu de m’avoir délivré de maux si horribles et si
interminables. A partir de ce moment, comme je l’ai déjà
dit, tout me paraissait plus qu’aisé, quand je
comparais mes souffrances présentes à un moment des
peines que j’ai souffertes là-bas. Je m’étonnais même
que la lecture fréquente des peines de l’enfer ne parvenait
pas à me terrifier, et que je n’y attachais pas l’importance
que j’aurais du. Et comment, dans l’état où
je suis, pourrais-je retirer une volupté quelconque
d’une chose qui me conduirait dans un lieu si horrible ! »
5
L’assimilation de la doctrine catholique de l’enfer à celle des Musulmans n’édifie personne, ni l’atténuation des peines traditionnelles de l’enfer, pour ne pas heurter le scepticisme de notre siècle.
« Nous n’avons pas le droit, pour frapper plus vivement les imaginations, et dompter plus énergiquement les volontés, d’inventer un terrorisme que ne justifie pas l’Evangile…Pour mieux comprendre sur ce point l’Evangile, interrogeons d’abord le Coran. Voyons quel est l’esprit de Mahomet et la méthode du Coran pour détourner les hommes du péché, par la sanction pénale qui le frappe. (pp.303, 304) « Evitons de donner comme réelles, et surtout comme étant de foi, les descriptions du genre de celles du Coran. » (p.208, note) « Jésus n’apostrophe pas la multitude avec les menaces et les foudres qui caractériseront le procédé du rigorisme mahométan ou pseudo-chrétien. » (p.309) « Son joug n’a rien de commun avec les procédés du rigorisme mahométan, dont bien souvent nos rigoristes semblent s’inspirer. (pp.321,322) « Quant à la nature des peines représentées par le feu de l’enfer, ou les ténèbres extérieures, contentons-nous de dire que la principale est la douleur et le remords causés par la privation éternelle de la félicité surnaturelle du Ciel….En ces temps d’examen et de doute, évitons de donner comme réelles les descriptions…du genre de celles du Coran ». (p.398,note)
Notre professeur a compté les vers du Coran et ceux de l’Evangile où il est fait mention des peines de l’enfer. « Rien que dans les 500 premiers versets du Coran, j’en trouve 55 consacrés aux menaces de l’enfer. » Et puis, avec son érudition connue, il indique tous les numéros des vers et des surates, et conclut : « En moyenne, en dehors des parties historiques, sur 100 versets du Coran, 15 ont l’enfer pour objet. » (p.304)
Le Professeur de philosophie souvent cité par moi s’exprime ainsi : « Le R.P. s’est donné la peine de compter aussi les passages du N.T. où Notre-Seigneur et les Apôtres ont poussé jusqu’au terrorisme de l’enfer. Il n’en a trouvé que 8 en saint Matthieu, (p.305), un seul en saint Marc, 4 en saint Luc, à peine un demi en saint Jean, en saint Paul de simples allusions, n’était-ce de deux textes de l’Epitre aux Hébreux. « Ils sont si clairsemés », dit-il. (p.307) A cet égard, le Père semble avoir mal compté. Il paraît avoir omis les paraboles où le Sauveur conclut par la damnation. Celles-ci, par exemple : l’ivraie, les talents, les mines, le figuier stérile, le filet, le riche insensé, l’économe infidèle, et les dix vierges qui sont autant de prédications sur l’enfer. En outre, dans les passages qu’il signale, il ne compte que le verset final où la menace de l’enfer est exprimée : « 10 versets sur 28 chapitres d’environ 40 versets chacun », s’écrit-il, « un rien! » (p.305) Pour être juste, il devrait compter tous le contexte où ces versets sont encadrés. Par exemple, la parabole de la robe nuptiale est tout entière sur l’enfer, quoique les ténèbres extérieures soient indiquées en un seul verset. Avec cette arithmétique, on pourrait soutenir que le livre de l’auteur n’a qu’une vingtaine de pages, celles qui expriment ses conclusions, et que tout le reste est un pur hors-d’œuvre. Mais, soyons sérieux. Le Père semble oublier que la révélation n’était pas tout entière dans les livres saints, et que tout ce que Jésus a fait et dit n’a pas été écrit; qu’il y a des traditions apostoliques. Or, les premiers Pères de l’Eglise qui en sont l’écho, n’ont pas prêché à la manière du Père Castelein. Ils ont « terrorisé » tant et plus. La crainte de l’enfer a été un puissant levier chez les Chrétiens du temps des persécutions et de tous les temps. Au reste, si le N.T. est le fond principal de la prédication apostolique, il n’est qu’un thème à interpréter et à appliquer aux diverses situations de la vie. En accordant que le Saint-Esprit ait particulièrement insisté sur la miséricorde et les mystères de la Bonté divine, ce n’est point pour nous engager à prêcher moins, ni moins fort sur l’enfer. Mais s’il est permis d’en conjecturer le motif, c’est peut-être que ces mystères de grâce et d’amour sont plus inouïs et plus incroyables pour l’homme déchu que les mystères de la justice éternelle. Le Dieu juste, les purs païens ne l’ignoraient pas. Le Dieu Bon leur était quasi inconnu.—La règle fondamentale pour prêcher avec fruit me semble être d’adapter le fond et la forme à l’auditoire que l’on a devant soi. Sans ce discernement élémentaire, on s’expose à beaucoup d’inconvénients. Les principaux semblent être de troubler les âmes timorées, et de tranquilliser les âmes relâchées. Aux âmes en voie de sanctification, que la menace de l’enfer ne soit plus qu’un lointain grondement de tonnerre, et que le ciel distille avec sa rosée la joie et la paix de l’amour. Aux âmes convalescentes, épaves de récents naufrages, que la miséricorde du Seigneur rayonne à travers les foudres et la tempête pour inspirer confiance et courage. Mais pour les âmes qui folâtrent au bord de l’abîme, et vivent dans l’occasion prochaine, pour les pécheurs en putréfaction dans le tombeau de leurs vices, que l’éclair déchire leurs ténèbres, que des cris d’alarme s’élèvent en puissantes clameurs, pour les avertir du péril ou les réveiller du sommeil fatal. Le Père n’a pas seulement le tort de blâmer la fréquente prédication des fins dernières, il a tort de nous interdire ce qu’il appelle le terrorisme inventé. Puisque l’enfer est une réalité, l’orateur sacré n’a pas à inventer en cette matière. Il n’a qu’à donner des images, des comparaisons, des analogies. Il doit craindre de manquer aux règles du bon goût par une diction, un geste, un accent où des expressions qui choqueraient l’auditoire, et compromettraient le fruit de sa parole. Mais il n’a pas à craindre d’exagérer jamais l’horreur des supplices éternels. Car, en retournant le texte de saint Paul, on peut dire que l’œil n’a rien vu, l’oreille n’a rien entendu, le cœur humain n’a jamais rien ressenti qui puisse servir à nous donner une image même lointaine des châtiments que Dieu réserve aux réprouvés. Toute description n’approchera jamais de l’épouvantable réalité ».
Examinons maintenant, l’autre avertissement du Père Castelein : « En ce temps d’examen et de doute, évitons de donner comme réelles les descriptions du genre de celles du Coran. » (p.308,nota) Il convient de se rappeler le cinquième exercice de la première semaine des exercices spirituels de son Père, saint Ignace, lequel est une contemplation très réaliste de l’enfer et qui, même à notre époque, pourrait être bénéfique pour tous. Le premier prélude comprend la composition du lieu, la longueur, la largeur et la profondeur de l’enfer rendus présente aux yeux de notre imagination. Il consiste ensuite à éprouver l’appréhension intime des peines qui affligent les damnés, pour que si jamais s’empare de moi l’oubli de l’amour divin, la peur des supplices éternels me retienne de commettre le péché. Le premier point nous incite à contempler par l’imagination les vastes incendies de l’enfer et les âmes ignées semblables à des tisons ardents roulant dans les flammes. Il nous pousse ensuite à écouter les délires, les lamentations, les hurlements, les vociférations et les blasphèmes contre le Christ et ses saints. En troisième lieu, il nous fait sentir la fumée, le soufre, les odeurs de pourriture et de putréfaction. Quatrièmement, il nous fait éprouver l’amertume des larmes, de la rancœur, et l’action du vers rongeur de la conscience. Enfin, il nous fait toucher ces brasiers ardents qui brûlent les âmes elles-mêmes. Cet exercice est-il un procédé du rigorisme mahométan ou pseudo-chrétien ? (p.309)
Je me demande si saint Ignace approuverait la prochaine déclaration du P. Castelein : « Nous le demandons avec insistance, n’est-il pas indigne d’un chrétien de se préoccuper presque exclusivement, dans l’effroi et le trouble de l’âme, des moyens d’échapper aux peines éternelles ? » (p.334) Le saint auteur des exercices dirige dans cette voie le retraitant de la première semaine, en lui faisant ce genre de propositions : « Je dois fuir les pensées qui me réjouissent, car de telles pensées tarissent les pleurs et les douleurs de mes péchés…Dans le même but, j’éteindrai toute lumière, et, portes, fenêtres closes, je me tiendrai là dans la noirceur….Je m’abstiendrai avec soin du rire, et de toute parole qui le provoque. »
Dans la science du salut, il est judicieux de toujours s’en tenir aux doctrines des Saints, qui sont à la fois nos maîtres et nos modèles.
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EPILOGUE
Donc, puisque selon la sentence commune des saints et des théologiens, il est certain que la majeure partie du genre humain est damnée, ---et les théories des modernistes ne pourront jamais changer ce fait---il est plus édifiant d’admettre humblement ce mystère redoutable et de diriger notre vie et notre doctrine d’après lui, que d’en discuter dans des revues pour chatouiller les oreilles des laïcs à l’esprit cultivé.
Si nous pensons le petit nombre des élus dans une perspective divine, gardons-nous de toute curiosité indiscrète et des reproches voilés. Adorons Dieu, le Bien suprême, le Saint, le Juste. Disons avec l’Apôtre : « O altitude des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! Comme sont incompréhensibles tes jugements, et inscrutables tes voies ! Qui a connu la pensée du Seigneur ? Ou qui a été son conseiller ? » (Rom. 11, 33,34) Et si l’orgueil soulève des objections et des murmures, répondons comme le pieux et docte Père Saint-Jure, Jésuite : « Si vous me demandez comment il est possible que Dieu qui aime les âmes d’un si grand amour, qui a tant de désir de les sauver tous, qui a tant souffert pour leur salut, puisse consentir à les voir presque tous damnés, je vous dépondrai qu’Il a encore plus d’amour pour eux, plus de désir de leur salut que nous ne saurions le dire et le penser. Dieu, dit Jésus à Nicodème, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais afin que le monde fût sauvé par Lui. D’autant que personne ne veut perdre ce qui lui a coûté très cher, et comme le dit Salomon, la gloire du Roi est dans le nombre de ses sujets. Ainsi, Dieu ne désire rien avec autant d’ardeur que de conserver les hommes qui lui ont coûté si cher et d’augmenter sa cour dans le ciel, où les élus doivent l’honorer et le servir pendant toute l’éternité. Mais il faut considérer que la volonté qu’Il a de les sauver est conditionnelle, qu’Il veut les sauver pourvu qu’ils le veuillent eux-mêmes, qu’ils y travaillent de leurs côtés et qu’ils gardent ses lois. Rien n’est plus raisonnable puisqu’ils le peuvent, et qu’il ne leur manque rien de tout ce qui est nécessaire pour cela; parce qu’Il est leur Dieu et leur Souverain Seigneur, qu’ils Lui doivent une obéissance entière, d’autant plus que ses lois sont toutes équitables, conformes à leur nature et à leur raison. Parce que ces lois ne sont pas comme celles des princes de la terre, qui ne sont sanctionnées que par des menaces, et qui ne promettent aucune récompense. Car Dieu promet des honneurs, des richesses et des honneurs infinis à ceux qui les observeront. Enfin, parce que ce serait vraiment une dérision de vouloir acquérir sans aucun travail les trésors inestimables des biens éternels tandis que nous ne pouvons pas obtenir sans peine la plus petite chose sur la terre. Il est donc très raisonnable que les hommes observent les lois de Dieu. Dieu est très juste en les châtiant s’ils les transgressent, comme en les récompensant s’ils y sont fidèles. C’est ce que nous voyons en usage parmi les hommes parmi tous les états policés où l’on pèse le mérite des personnes pour récompenser les bonnes actions et punir les mauvaises ».
Le pieux ascète répond ensuite à une objection péremptoire : « Oui, me direz-vous, mais Dieu qui est si bon, devait nous sauver par force et ne pas nous laisser perdre ! Non, cela ne peut pas être ainsi, « Nous n’approuvons pas, dit saint Denis, ce que quelques-uns disent sans aucun fondement de raison, qu’il faudrait que la Providence divine nous entraînât malgré nous à la pratique de la vertu. Car ce n’est pas le propre de la Providence de détruire la nature des choses, mais au contraire, elle la conserve, elle la laisse agir, et agit avec elle selon le degré de force qu’elle a. Ainsi, Il permet à l’homme qu’Il a créé libre d’user de sa liberté pour se livrer à la vertu ou au vice, pour travailler à son salut ou à sa condamnation sans le contraindre. » « Dieu veut sauver tous les hommes, dit saint Ambroise, mais pourvu qu’ils aillent à Lui, et qu’ils montrent qu’ils Le désirent. Il ne veut pas les sauver malgré eux. » Et en effet, quel est l’homme qui traîne liés et garrotés ceux qu’il a invités à un festin ? Ce serait les outrager au lieu de les honorer. On punit bien les hommes contre leur volonté, on ne les récompense pas de même, car, pour qu’ils soient récompensés il faut qu’ils l’aient mérité, et ils ne peuvent le mériter sans le vouloir et sans s’en donner la peine. Ainsi Dieu précipite bien les hommes dans l’enfer contre leurs volontés, mais Il ne reçoit dans le ciel que ceux qui le veulent. Puisque le nombre des réprouvés est si grand, que celui des élus est si petit, qu’il en est tant qui se damnent et si peu qui se sauvent, quel est celui d’entre nous qui n’a pas sujet de craindre d’être compris dans cette prodigieuse multitude ? »
Si nous considérons le petit nombre des élus par rapport à nous, écoutons ce que nous dit le premier vicaire du Christ : « Frères, faites de grands efforts pour que vos bonnes œuvres rendent votre vocation et votre élection certaines. En les pratiquant, ces bonnes œuvres, il ne vous arrivera pas de pécher et c’est ainsi que, avec abondance, vous sera assurée l’entrée dans le royaume éternel de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ». (Pierre, 11P. l, 10,11) Faites tous vos efforts. Agissez avec de plus en plus d’énergie pour que vous ayez, autant que faire se peut, des signes certains de votre prédestination. Car, comme dit saint Thomas, « c’est par les bonnes œuvres, que la prédestination obtient son effet en toute certitude ».
Et pour que nous, prêtres,
nous ne soyons pas réprouvés après avoir prêché
à d’autres, gardons-nous du laxisme de la vie et de la doctrine.
Prêchons et mettons en pratique non les principes des modernistes,
mais ceux des saints et des Docteurs de l’Eglise. N’ayons pas
en horreur leur sainte et apostolique sévérité, dans
le but de complaire à ce siècle amolli et dépravé.
Et dans le gémissement de notre cœur, prions tous les jours
Dieu notre Sauveur : arrache-nous à la damnation éternelle,
et ordonne que nous soyons comptés dans le troupeau de tes élus.
A ceux qui espèrent dans la multitude de tes miséricordes,
daigne en donner une part; dans la compagnie de tes saints
daigne nous admettre, non à cause de nos mérites mais
de la grandeur de ton pardon. Par le Christ notre Seigneur,
et par les prières et les larmes de Marie, notre Médiatrice.
Amen.
QUE JESUS SOIT LOUE ET MARIE TOUJOURS VIERGE, MAINTENANT ET TOUJOURS.
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AJOUTS
A la page 196,
Viator a Cocaleo O.F.C. 1793
Il fait de cette proposition une thèse : « Je suis forcé d’admettre avec douleur que le nombre des élus à être logés dans la patrie céleste est fort probablement inférieur à la foule des réprouvés qui sont membres de l’Eglise catholique elle-même. A noter. Je ne parle pas ici du nombre des réprouvés, que l’absence de la vraie foi ou l’hérésie maintiennent en dehors du sein de l’Eglise catholique, et font d’eux des infidèles, Une discussion en bonne et due forme à leur sujet ne serait qu’une perte de temps. Car celui qui ne croit pas est déjà jugé.
Preuve. Parlant du nombre des élus, le Christ en Luc X111, affirme qu’ils sont peu nombreux. Des raisons pour prouver cette thèse nous en avons plus qu’il n’en faut. L’ignorance et la concupiscence sont aussi importantes et aussi grandes chez les catholiques qu’ailleurs. En conséquence, les promesses faites au baptême ne sont pas respectées par la plupart. Les commandements de Dieu et de l’Eglise ne sont pas mieux observés que ceux de la nature. En un mot, il y en a peu qui conforment leur vie au Christ. » Et puis, il répond aux modernistes par ces mots : « Nos adversaires ne cessent de nous opposer certaines images ou paraboles dans lesquelles la sentence opposée semble être illustrée. Ils disent, par exemple, que parmi les invités au repas de noce, un seul a été expulsé pour ne pas avoir été vêtu de la robe nuptiale. Sur les douze apôtres, un seul, Judas, a été traître. Parmi les adultes, il s’en trouve peu à ne pas recevoir l’extrême onction. Nous répondons que si le débat porte sur les figures, notre avis l’emporte amplement. Dans l’arche de Noé, huit personnes seulement ont été sauvées. Deux seulement sur des milliers sont entrés dans la terre promise, etc… Il ne fait aucun doute qu’il faille porter plus d’attention à la tradition qu’à l’interprétation des modernes. Plût à Dieu que nos adversaires soient dans le vrai ! Mais j’ai terriblement peur du contraire. Car aucun texte de l’Ecriture ne rapporte leur sentence à la lettre. Nous ne pouvons pas non plus lui reconnaître le mérite d’être la sentence des Pères. »
A la page 252 Joan Gagnieus (a écrit en 1552)
Le théologien du roi français, François premier, ecclésiastique chargé des aumônes royales, en Matt. V11,15 : « L’étroitesse de la porte et le resserrement du chemin nous font comprendre que le début de la vertu est un chemin difficile que très rarement le peuple entreprend. La largeur de la porte et les charmes de la route nous font penser à la route de la volupté qui conduit à la mort ceux qui s’y engagent. Mais ce n’est que le petit nombre qui choisit la vertu , qui entre par la porte étroite de la vertu, et progresse dans la voie resserrée. »
Et en Luc X111, 23 : « Le Christ ne fait que chercher le moyen par lequel on puisse être sauvé et parvenir au salut éternel quand il persuade de l’obligation qu’il y a à entrer par la porte étroite. Plusieurs chercheront à entrer et ne le pourront pas, parce que l’effort et le zèle faisaient défaut, là où la mollesse et la négligence abondaient. »
A la page 236 J. Haraeus, (van der Haer, 1632)
Ce docteur érudit de l’université de Louvain écrit dans son commentaire de Matt. XX,16, comme saint Grégoire : « Plusieurs viennent à foi, mais peu sont conduits jusqu’au royaume céleste. Car la plupart suivent Dieu en paroles, mais le fuient par leurs mœurs ».
A la page 250 Natalis Alexander O.P. (1724)
Dans son commentaire du sens littéral de Matt. V11 : « Peu trouvent ou découvrent la route resserrée, parce qu’ils ne jugent pas correctement de la fin à se proposer ni des moyens pour y parvenir. Ils ne font pas non plus l’effort voulu pour juger sainement, la capacité de juger droitement ayant été altérée par les affections déréglées et les cupidités effrénées. Quant à la porte large et la voie spacieuse : « Il y en a beaucoup qui entrent par elle, et qui se dirigent vers la damnation éternelle. La plus grande partie des hommes, entraînée et alléchée par les passions déréglées, par les mœurs mondaines, corrompue par la fausse gloire et les exemples abrutissants, (ce que nie le P. Castelein) , secouée par les tentations démoniaques, (ce dont ne parle par le P. Castelein) parcourt cette voie. »
En Matt. XX, Car plusieurs… « Plusieurs sont appelés à la foi et à la charité par la prédication de l’Evangile, extérieurement, par les secours de la grâce, intérieurement, mais un petit nombre d’entre eux sont choisis pour régner avec le Christ ». En Matt. XX11 : « Plusieurs parmi les appelés répondent à l’appel et se rendent aux noces. Mais peu sont choisis pour se réjouir avec l’époux et faire partie de ses amis. » « Il y en a peu qui se sauvent en comparaison avec la multitude de ceux qui périssent ».
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Addition_p.515-518.latin
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par JesusMarie.com.
ajout le 10 mars 2011 (figure dans Ricart Torrens et non dans Godts)
Saint Antoine Marie Claret :
« Je me dis souvent :
il est de foi qu'il y a un ciel
pour les bons et un enfer pour les mauvais ;
il est de foi que les peines de
l'enfer sont éternelles ;
il est de foi qu'il suffit d'un
seul péché mortel pour offenser un Dieu infini.
Me rendant compte que ces principes
sont très sûrs,
voyant la facilité avec laquelle
on pèche - aussi facilement que si l'on buvait un verre d'eau, comme
pour rire ou par diversion -
voyant la multitude qui est continuellement
en état de péché mortel
et va ainsi à la mort et
en enfer,
je ne puis rester en repos, je sens
que je dois courir et crier et je me dis :
Si je voyais quelqu'un tomber dans
un puits ou dans un brasier, je courrais certainement et je crierais pour
l'avertir et l'empêcher de tomber ?
Pourquoi n'en ferais-je pas autant
pour empêcher quelqu'un de tomber dans le puits et le brasier de
l'enfer ?
Je ne puis comprendre comment les
autres prêtres qui croient aux mêmes vérités
que moi - vérités que tous doivent croire - ne font ni prêches
ni exhortations pour empêcher les gens de tomber en enfer.
Je m'étonne même que
les laïcs, hommes et femmes, qui ont la foi ne crient pas, et je me
dis : si une maison se mettait à brûler de nuit, ses habitants
et les autres habitants du quartier étant endormis et ne voyant
pas le péril, le premier qui s'en apercevrait ne courrait-il pas
dans les rues en criant : au feu ! au feu ! dans telle maison ? Alors,
pourquoi ne pas crier au feu de l'enfer pour réveiller tant de dormeurs
assoupis dans le sommeil du péché et qui, au réveil,
se trouveront dans les ffammes du feu éternel ? » Cf. Autobiographia,
II, 11, 2-3-4.
« Ce qui m'oblige également
à prêcher sans arrêt c'est de voir la multitude d'âmes
qui tombent en enfer, car il est de foi que tous ceux qui meurent en état
de péché mortel se damnent. Hélas ! chaque jour meurent
quatre vingt mille personnes selon des calculs approximatifs ; et combien
mourront en état de péché, combien se damneront ?
Car talis vita, finis ita ! Telle vie, telle mort.
Et quand on voit comment vivent
les gens, quand on les voit en très grand nombre vivre de façon
stable et habituelle en état de péché mortel, on peut
dire qu'il ne se passe pas de jour sans qu'augmente le nombre de leurs
fautes. Il pèchent aussi facilement qu'on boit un verre d'eau, comme
par jeu et pour rire. Ces malheureux vont de leur propre mouvement enfer,
selon ce que dit le prophète Sophonie 1, 17 : ils marcheront
comme des aveugles parce qu'ils ont péché contre le Seigneur
Peut-être me direz-vous que
le pécheur ne pense pas à l'enfer et même n'y croit
pas. Situation pire encore. Vous pensez peut-être que le pécheur
cesse, pour ce motif, de se damner ? Non, certainement pas ; au contraire,
c'est là un signe plus clair de sa damnation d'après l'Evangile
: Qui ne croit pas sera condamné, citation de l’Evangile
selon saint Marc, chapitre 16, verset 16. Et comme le dit Bossuet,
cette vérité est indépendante du fait qu'on y croit
; celui qui ne croit pas à l'enfer ne manquera pas pour autant d'y
aller s'il a le malheur de mourir en état de péché
mortel ; et ceci bien qu'il ne croie pas à l'enfer et n'y pense
pas. » Cf. Autobiographia, XI, 205-6-10