Guy PAGÈS
L’Enfer
et
l’Espérance
Réponse à Hans Urs von Balthasar
« Qui donc voudrait se former des idées
justes sur le présent sans connaître l’avenir ? »
J.G. Hamann
« Nous assistons
aujourd’hui à des efforts de plus en plus violents pour établir dans le monde
un état tel que l’humanité y puisse trouver son image finie et une paix
durable : mais sur ces efforts pèse un lourd paradoxe : si Dieu s’est fait homme, ce n’est pas l’humanité qui est le but de
l’Incarnation. »
Conrad Weiss
« Beaucoup sont appelés. Peu sont élus. »
(Mt
22 14)
Peut-on,
doit-on
espérer le salut de tous ?
La réponse apparaît bien évidente.
Nous voudrions y réfléchir à partir d’un
ouvrage célèbre de Hans Urs von Balthasar qui reflète bien l’opinion générale.
La présentation de la pensée de cet auteur servira de fil conducteur à notre
propre réflexion.
NOTE
Certains, en consultant la bibliographie, pourront s’étonner de ce que ne
s’y trouvent mentionnés que deux livres de Hans Urs von Balthasar, et ils risquent
fort de s’indigner d’une méthodologie qui ne prendrait pas en compte
l’ensemble des écrits d’un auteur avant que de se prononcer sur sa pensée.
Cependant, considérant que les deux ouvrages mentionnés ont été écrits à la fin
de la vie de l’auteur, et qu’ils ont été écrits tout spécialement pour traiter
du rapport de l’espérance et de l’enfer, nous tenons par aconséquence qu’ils
représentent bien l’achèvement et l’expression suffisante et valable de la
pensée de celui-ci sur le sujet.
Point nous
chaut de nous livrer à une recherche sur la genèse de cette pensée, ses tours
et ses détours, ses difficultés et ses surprises. Étude qui s’avère le plus
souvent aussi vaine que fastidieuse, toute infatuée de faire étalage d’un creux
et prétentieux verbiage, sans pitié ni respect pour ceux qui n’ont que peu de
temps à consacrer à la lecture et à la recherche de la vérité.
Ceux qui se réclament d’une telle érudition
sont en fait comparables à cet homme frappé par une flèche empoisonnée à qui
l’on amène un chirurgien, mais l’homme s’écrie : « Je ne laisserai pas retirer
cette flèche avant de savoir qui m’a frappé, si c’est un kshatriya ou un
brahmane [...], quelle est sa famille, s’il est grand, petit ou de taille
moyenne, de quel village ou de quelle ville il vient ; je ne laisserai pas
retirer cette flèche avant de savoir avec quelle sorte d’arc on a tiré sur moi,
[…], quelle corde a été employée sur la flèche […], de quelle manière était
faite la pointe de la flèche[1] ». Cet homme mourait sans savoir ces choses,
de même celui qui, refusant de reconnaître ce qui lui est donné, s’en va
chercher ce qu’il possède déjà. Oui, à celui qui a on donnera, mais à celui qui
n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a.
Que d’hommes, « toujours à s’instruire, et jamais capables de parvenir à la
connaissance de la Vérité[2] ! »
P L A N
Introduction |
p. 13 |
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I – Constat dogmatique |
p. 15 |
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A) Note
sur la Vie éternelle et l’au-delà de la Congrégation pour la Doctrine de
la Foi |
p. 15 |
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B) Quelques généralités : |
p. 18 |
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a) l’espérance |
p. 18 |
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b) le jugement |
p. 20 |
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c) l’enfer |
p. 21 |
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II – Présentation de l’espérance
balthaserienne |
p. 25 |
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A) Position du problème |
p. 25 |
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B) Base axiomatique de l’Espérance pour tous |
p. 32 |
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C) Conséquence obvie |
p. 35 |
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III – Examen critique |
p. 37 |
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A) Critique de l’axiomatique |
p. 39 |
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B) Critique de l’exégèse biblique |
p. 45 |
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C) Critique de l’interprétation des
témoignages |
p. 48 |
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Conclusion |
p. 55 |
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Postface |
p. 59 |
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Annexe : Note de la congrégation de la
Doctrine de la foi sur la Vie éternelle et l’au-delà |
p. 63 |
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Bibliographie |
p. 75 |
INTRODUCTION
«
La grâce de Dieu s’est manifestée source de salut pour tous les hommes[3]. »
L’espérance du salut universel apparaît ainsi
irrémédiablement fondée aux yeux de Hans Urs von Balthasar. Cependant, pour
certains : « Une telle espérance n’existe pas, car l’on ne saurait espérer
contre un savoir certain et contre la volonté déclarée de Dieu[4] ». Dieu aurait-Il donc une volonté
contradictoire ? Ou bien est-ce l’homme qui a « le langage d’un cœur double[5] »,
en sorte que :
« Dieu a dit une
chose,
deux choses j’ai
entendues.
Ceci : que la force
est à Dieu, à Toi, Seigneur, l’Amour
et cela : Toi, Tu
paies l’homme selon ses œuvres[6]. »
Et, de fait, le propos d’une espérance pour
tous ne peut pas ne pas rencontrer sur sa route un ennemi irréductible et fatal
: la croyance en l’existence effective
(non hypothétique) de l’enfer. Aussi bien Hans Urs von Balthasar va-t-il livrer
un combat sans merci pour réduire à rien un tel prédateur de son espérance, «
car alors notre espérance serait réduite à néant[7] ». C’est si vrai que non seulement le problème
de l’existence de l’enfer remplira tout le livre, intitulé Espérer pour tous, mais encore qu’un nouveau livre, suite expresse
de Espérer pour tous, portera le
titre L’Enfer une question.
On le voit donc bien, le lieu de la querelle est celui du déplacement
involontaire, mais inévitable, de la problématique qui tend d’abord seulement
à assurer les conditions de viabilité d’une espérance pour tous, pour
finalement se débattre aux prises avec un dogme qu’elle n’avait nulle intention
de rencontrer.
Le parti-pris méthodologique avoué de
l’auteur sera un critique épistémologique par laquelle il situera son
herméneutique loin d’« une affirmation théorique et systématique » pour
préférer le terrain « d’une affirmation existentielle, théologiquement possible[8] ».
Mais de cette façon se pose, en dernière analyse, la question de la compréhension
théologique de la vérité et de la réalité...
Pour étudier cette question du rapport entre
l’espérance du salut éternel pour tous et la foi en l’existence de l’enfer les
deux partis paraissant irrémédiablement antagonistes, nous commencerons par
rapporter ce que la doctrine de l’Église a définitivement tranché au niveau de
la foi en l’au-delà. En suite de quoi nous exposerons le travail de Hans Urs
von Balthasar. Puis nous en établirons une critique, pour finalement proposer une nouvelle formulation de l’espérance
chrétienne qui, nous l’espérons, réconciliera les deux partis opposés… sans
concession aucune de leur part.
-
Chapitre I -
CONSTAT DOGMATIQUE
A) Le 17 mai 1979, la Congrégation pour la
Doctrine de la Foi publie une Note sur
la Vie éternelle et l’au-delà[9]. Elle
le fait en ces temps de mutations profondes du milieu humain où le souci
d’intégrer la foi dans des univers culturels divers appelle « un souci plus
fort que jamais d’authenticité et d’intégrité de la Foi ». Elle déplore en
effet que le doute s’insinue subtilement jusqu’au plus profond des esprits et
cela, pour une part, en raison « des controverses théologiques largement
diffusées dans le public ». Non seulement « le peuple chrétien est désemparé de
ne plus retrouver son vocabulaire et ses connaissances familières », mais
encore sont « en péril la foi et le
salut des fidèles aujourd’hui plus que jamais »…
Des différents alinéas où l’Église expose ce
qu’elle « considère comme appartenant
à l’essence de sa foi », nous ne retiendrons que ce qui touche directement
à notre sujet, c’est-à-dire : le rapport entre l’espérance du salut éternel
pour tous et l’existence de l’enfer. Ainsi, au n. 2, est-il dit :
« L’Église entend cette résurrection de l’homme tout entier ; celle-ci
n’est pour les élus rien d’autre que
l’extension aux hommes de la résurrection même du Christ ». Cette phrase aurait
grammaticalement un sens sans le groupe de mot : pour les élus. Mais l’Église n’y aurait pas reconnu l’expression
de sa Foi ; aussi l’ajoute-t-elle et rend-elle compte par là de sa Foi en une
différentiation finale du genre humain…
À l’alinéa n. 7, nous lisons : « L’Église, dans la fidélité au Nouveau
Testament et à la Tradition, croit à la félicité des justes qui seront un jour
avec le Christ. Elle croit qu’une peine attend pour toujours le pécheur, qui sera
privé de la vue de Dieu, et à la répercussion de cette peine dans tout son
être. Elle croit enfin pour les élus
à une éventuelle purification préalable de la vision de Dieu, tout à fait
étrangère cependant à la peine des
damnés. C’est ce que l’Église entend lorsqu’elle parle d’enfer et de
purgatoire ». Nous remarquons que cet énoncé embrasse d’un même regard de foi
la différentiation finale du genre humain en nommant les uns élus ou justes et les autres damnés.
Autrement dit, n’intervient pas dans le discours une rupture ontologique par
laquelle seuls les premiers seraient reconnus participants de la réalité,
tandis que les autres le seraient selon leur mode particulier de manière
simplement hypothétique. En outre, le mode des verbes se rapportant aux damnés
est l’indicatif (présent, futur), et non le conditionnel… Ainsi l’Église
affirme-t-elle croire en l’existence
effective de l’enfer et non en sa seule possibilité…
C’est exactement ce que dit le Catéchisme de l’Église Catholique :
« L’enseignement de l’Église affirme l’existence
de l’enfer et son éternité » (n. 1035). Et ce propos contredit totalement sur
ce point le Catéchisme du catholique
adulte publié par la Conférence épiscopale d’Allemagne (1985) qui
enseigne : « L’enfer est toujours proposé comme une possibilité… ». Or
c’est sur ce dernier texte que s’appuie Hans Urs von Balthasar pour fonder
dogmatiquement sa foi[10]…
Le conflit se résout bien sûr en faveur du
premier énoncé en raison de l’autorité incomparable du Magistère Romain en la
matière, avec laquelle toute proposition de foi de quelque instance qu’elle
vienne, fût-ce de la Conférence épiscopale d’Allemagne, doit se trouver en
accord pour prétendre à la vérité de Foi[11].
Et, pour bien mettre en garde une lecture
délétère qui ne verrait qu’images dans son discours, l’Église prend la peine
dans cette note d’inviter à « saisir le sens profond » des « images
employées dans l’Écriture », afin d’éviter le risque de les atténuer, « ce qui
équivaut souvent à vider de leur substance les
réalités qu’elles désignent »…[12]
Ainsi l’Église donne-t-elle non seulement l’exposé de sa foi mais encore
fixe-t-elle la perspective d’interprétation dans laquelle il doit être reçu.
B) Rappelons quelques généralités.
a) L’espérance.
Le premier objet de l’espérance chrétienne est Dieu Lui-même. « Notre
espérance, c’est le Christ[13] ». Nous sommes faits pour Lui et tout autre
bien ne doit être espéré qu’en dépendance de ce bien suprême[14]. De ces
deux genres possibles d’objet pour l’espérance, le premier est absolu et ne saurait
manquer, le second n’est pas absolu et peut manquer…
Il est intéressant de noter que, dans la
pensée religieuse de l’humanité, « la progression de l’idée d’espérance est
liée à la prise de conscience du péché et surtout de l’injustice apparente et
immédiate : le bonheur des méchants et la détresse des justes[15] ». La doctrine de l’immortalité mettra le
point final à l’aspiration religieuse et en même temps aux angoisses relatives
aux problèmes du mal, du bonheur et de la sanction[16].
Cependant l’essentiel de la Révélation ne
vise pas d’abord à exprimer et à satisfaire, comme le font les mythes des
religions naturelles, quelque exigence morale ou religieuse de l’homme, mais à
interpeller cet homme, hic et nunc,
pour lui faire entendre l’offre inattendue et les exigences insoupçonnées de
l’Amour divin.
Le développement dogmatique a de mieux en
mieux montré que l’espérance d’une rétribution, d’une récompense, est l’acte
d’une vertu authentiquement surnaturelle et théologale, et que, même chez un
chrétien parfait, il y a toujours place légitime pour le désir du Ciel et la
crainte de l’enfer[17].
b) le jugement. La doctrine du jugement final est centrale
dans la prédication de Jésus[18]. C’est
un des sens fondamentaux du verbe
que de vouloir dire trier, séparer
en vue de l’élimination des mauvais éléments[19].
À la mort, ramené à l’essentiel qui est, au
fond, sa relation à Dieu, l’homme se voit enfin tel qu’il est aux yeux de son
Créateur. Cette révélation est pour lui le Ciel, le purgatoire ou l’enfer, dont
il reconnaît la juste convenance, puisque lui-même y a adapté son cœur[20].
Il ne s’agit pas d’établir la balance du
mérite et du démérite de toute la vie. Car ce qui domine l’économie de la
Rédemption, c’est la miséricorde et la volonté salvifique de Dieu. Ce que le
Jugement divin consacre, c’est la suprême option de l’homme vis-à-vis de
l’amour de Dieu.
c) L’enfer. La raison nous dit qu’il doit y avoir une sanction au mal librement accompli ;
mais, laissée à ses seules lumières, elle ne peut affirmer que cette sanction
est l’enfer éternel.
Nous ne savons l’existence de l’enfer éternel que par la Révélation. Ni les
religions du paganisme, ni les mythologies, ni les philosophies ne l’ont connu.
Le déisme le rejette. Dans la plupart des religions anciennes, la vie
d’outre-tombe ne comportait pas de sanction pour les fautes de la vie terrestre.
Quand intervient l’idée de sanction, elle ne donne pas toujours naissance à un
enfer de châtiment. On pense parfois à une sentence d’anéantissement, ainsi
dans l’ancienne Égypte, ou chez notre contemporain l’historien J. Delumeau, ou
bien à une série de réincarnations purificatrices. Dans le christianisme même,
toutes les tentatives de rationalisation du dogme ont abouti à le nier.
Impuissante à découvrir l’enfer, la raison ne
peut pas le comprendre.
L’enfer est certain, mais la miséricorde est
certaine aussi.
Éternellement, Dieu est ensemble le Juste et
le Miséricordieux, en sorte que nous pouvons être sûrs que l’enfer est un lieu
de miséricorde autant que de justice (la chose étant vraie également pour le
Ciel). C’est là une exigence de la nature même de Dieu, tel qu’Il S’est révélé
à nous[21]. Ce
n’est pas Lui qui rejette le pécheur, c’est le pécheur qui rejette Dieu. Dieu
souffre ce rejet car Il ne veut pas d’une soumission qu’imposerait une
contrainte et qui ne serait plus un amour ; mais Il n’en est pas la cause[22]. Le
damné ne se repentira jamais. Éternellement, il restera fixé dans son refus[23]. En
lui, l’aversion a Deo ne se montre
pas seulement dans la malice d’actes particuliers ; elle est devenue son état.
Remarquons bien comment.
L’existence du malheur et de la souffrance
dans le monde est une preuve analogique
de la capacité de Dieu à souffrir le péché et ses conséquences, sans chercher à
les supprimer directement parce que contraires à Sa volonté de bonheur pour
ses créatures.
S’Il ne devait pas accepter l’existence de
l’enfer post-mortem, pourquoi accepte-t-il
celui ante-mortem[24] ?…
Depuis toujours, la théologie a compris certains phénomènes historiques
comme des préfigurations et des formes anticipées de l’état final.
Il est à noter que nous ne trouvons pas dans
les livres liturgiques de l’Église de formules de prière pour les damnés, ce
qui rejette toute idée d’une mitigation progressive indéfinie allant jusqu’à la
libération du damné qu’auraient pu valoir les prières de l’Église. D’ailleurs,
dans le cas contraire, on ne voit pas quelle serait la différence entre l’Enfer
et le Purgatoire[25]…
Dieu aurait pu, laissant les hommes
théoriquement libres, les combler de grâces si pressantes qu’ils se seraient
trouvés tous dans l’impossibilité pratique de ne pas Le servir. Ce n’est pas ce
que Dieu a fait. Parmi tous les mondes possibles, Dieu a donné la préférence à
celui dans lequel l’homme aurait la possibilité effective d’accepter Son amour
ou de Le repousser. L’enfer est l’inévitable risque que fait naître
l’inestimable bien qu’est la liberté : car le pouvoir de se dérober est
évidemment corrélatif à celui de se donner.
-
Chapitre II -
PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE
ESPÉRER POUR TOUS
A) Position du problème
Hans Urs von Balthasar pose le vieux problème
du rapport de la grâce et de la liberté : « La question est de savoir si, dans
son plan de salut, Dieu dépend en dernière instance du choix de l’homme, s’il
veut en dépendre, ou si sa liberté absolue, qui veut le salut et rien d’autre,
ne reste pas hors de la portée pour la liberté humaine, qui est liberté de
créature et donc relative[26] ».
Telle est la problématique de l’ouvrage.
De la gnose du Jugement dernier donnant la
répartition des hommes en justes et en
injustes, l’auteur induit une division dans la puissance divine opérante :
les sauvés le seraient par miséricorde, les réprouvés par justice. Cette
division permet alors à l’auteur de crier au scandale en affirmant que « poser
une telle finitude des attributs divins est impensable[27] ». Il faudra attendre le dernier chapitre du
livre pour que l’évidente solution de cette « importante question théologique »
soit formulée[28]. Cette
solution sera trouvée dans l’unité de la bonté de Dieu[29]. Mais
avant d’en arriver à la seule élémentaire et évidente réponse, la pointe de la
réflexion fera apparaître une hiérarchie entre ces valeurs de justice et de
miséricorde. Car « entre le démérite de la créature et la bonté de Dieu,
il n’y a pas égalité, de sorte que la justice à l’égard de la première nommée
est subordonnée à la miséricorde divine ; et même la justice doit être une modalité
de cette miséricorde[30] ».
Il en est bien ainsi en effet qu’un « être ne peut réclamer son dû que s’il y a
une réalité préalable (…) ainsi, en toute œuvre de Dieu, la première racine est
la miséricorde[31] ». Mais, affirmer une telle hiérarchie de ces
valeurs de justice et de miséricorde, n’est-ce pas contradictoire avec l’énoncé
péremptoire qui clôt le livre : « Seule l’espérance est à la hauteur de la
réalité de Dieu, qui réconcilie tous les contraires : sa miséricorde est sa
justice, et sa justice est sa miséricorde[32] » ?
Ce qui ne manque pas encore d’étonner dans
cette dernière phrase, c’est l’attribution à l’espérance de la capacité à
résoudre un problème relatif à l’Être même de Dieu, alors que le travail ne
peut être en fait accompli que par la
foi. En effet, c’est la foi qui est « la garantie des biens que l’on
espère, et la preuve des réalités que l’on ne voit pas[33] », non l’espérance qui, elle, désire, espère,
les réalités que connaît la foi. « L’espérance tend à sa fin avec
certitude, comme participant de la certitude de la foi, laquelle se trouve dans
la faculté de connaissance[34] ». Tout au long de l’ouvrage, le rapport de la
foi et de l’espérance demeurera toujours
troublé : l’auteur opposant certitude et espérance[35], alors
que le rapport de la foi et de l’espérance est celui qui révèle analogiquement
celui de l’intelligence et de la volonté. L’intelligence montre à la volonté
le bien qu’elle a reconnu comme désirable, de sorte que cette dernière puisse
désirer selon toute sa puissance ce bien que dès lors connaît l’âme.
Bref, ayant donc reconnu que la miséricorde
ne saurait avoir quelque limite, Urs von Balthasar pose « la question
litigieuse de savoir si, étant sous le jugement, le chrétien peut espérer pour
tous les hommes[36] ».
Le contexte qui motive et explique le
pourquoi de cette question ressortit de la crainte et des tremblements :
« Parce que nous sommes ainsi, craintifs et tremblants, sous le jugement,
la question se pose de savoir quelle figure et quelle étendue est en droit ou
n’est pas en droit de prendre l’espérance chrétienne[37] ».
Cherchant la réponse, l’auteur remarque que
l’Écriture offre deux séries d’affirmations. L’une d’elles énonce la
possibilité de l’enfer et évoque sa réalité (nous la citerons ainsi :
série A), l’autre rend compte de l’universalité du salut chrétien (nous la
citerons : série B). Pour Urs von Balthasar, leur dialectique ne peut se
résoudre en une synthèse unifiée[38]. Il
craint que « si nous faisons (de la série A) des faits objectifs, (la seconde)
perde tout sens et toute force[39] ».
Un argument très important dans la pensée de
l’auteur pour refuser pareille synthèse vient de ce que étant « sous le jugement[40] », nous ne pouvons savoir à l’avance ce qu’il
sera…
Affirmer l’existence de l’enfer serait alors
illégitime : le Jugement n’ayant pas encore eu lieu[41]… Être sous le Jugement est donc pour l’auteur
non seulement le contexte d’où jaillit sa problématique, mais encore celui,
nécessairement, de son traitement. Puisque le Jugement n’a pas encore eu lieu,
nous sommes libres de tout savoir concernant son verdict, nous ne sommes donc
pas fondés à admettre l’existence de l’enfer, l’espérance pour tous est donc
possible[42].
Deux textes[43] sont alors donnés comme mise en garde contre
la distinction entre la rédemption objective opérée par le Christ et la
réception effective de celle-ci par les individus[44] (nous examinerons bientôt cette exégèse). Par
suite est stigmatisée la distinction qui dit « relative » la volonté de Dieu
d’un salut universel, et absolue cette même volonté lorsqu’elle permet à
l’homme de contrecarrer la volonté de salut[45]. Cette
distinction est reconnue avoir conduit à l’idée d’une double prédestination[46].
Pour Balthasar, cette connaissance
anticipative du Jugement est synonyme de présomption, c’est-à-dire de désespoir
puisqu’elle sait « par avance qu’à la fin, il y aura le désespoir[47] ».
Comme telle elle serait donc « la grande ombre jetée sur l’histoire de l’Église
et de la théologie à partir d’une certaine époque[48] »…
Ce qui est tout de même étonnant, c’est cette
unilatéralité de la pensée de l’auteur qui apparaît ici : ou bien il s’agit
d’espérer pour tous, ou bien il s’agit de considérer la connaissance anticipative
du Jugement tout entière comme négative, assimilée au désespoir, faisant
totalement fi que si le Jugement peut condamner certains, il peut en acquitter
d’autres… Mais où est donc l’attention portée au salut des bienheureux échappés
« à la grande épreuve[49] » et la joie de leur salut ? Nulle part.
La chute des réprouvés suffit à entraîner dans son élan de tristesse toute joie
qui naîtrait dans le cœur d’Urs von Balthasar du salut du petit nombre. Il
importe de noter cette tendance à radicaliser, que nous avons déjà trouvée
lorsqu’il s’agissait de nous considérer uniquement
sous le jugement, et que nous retrouverons tout au long de son exégèse. Ainsi,
il est toujours nécessairement question pour lui du rejet automatique de
l’espérance du salut des autres si le salut est espéré pour soi[50], comme
s’il était impossible d’espérer « comme n’importe lequel des membres souffrants
de Jésus-Christ[51] » !
Cette exégèse enseigne qu’il « ne faut pas
lire (la scène du Jugement Dernier) comme un reportage anticipé de ce qui sera
un jour, mais comme le dévoilement de la situation véritable où l’homme
interpellé se trouve actuellement[52] ». Mais
ce qui n’est pas pensé, c’est la raison qui rendrait non contradictoire
l’interprétation articulant ces deux sens…
L’herméneutique de Urs von Balthasar se
penche sur une liste de textes bibliques[53], puis
sur des documents doctrinaux de l’Église et de sa liturgie, qui conduisent à
« confronter le croyant aux deux voies, aux deux issues possibles de sa
destinée[54] ». La réflexion aboutira à conclure que « personne
d’autre que l’homme n’est responsable de l’existence de l’enfer[55] ». Ce qui n’est pas tout à fait exact, puisque
Satan y est tout de même pour quelque chose[56]. La
« question centrale » apparaîtra être celle de l’éternité de l’enfer[57]. Des
témoignages pris au « cœur de la vie de l’Église » seront censés confirmer
l’auteur de se démarquer alors « loin de l’excès de savoir d’Augustin ».
B) Base axiomatique de l’Espérance
pour tous
Trois raisons majeures vont être évoquées par
Urs von Balthasar pour asseoir son espérance sur des bases telles « qu’un
prétendu “savoir certain” ne saurait sans plus (la) remettre en cause et encore moins (l’)effacer[58] ».
1) L’existence de l’enfer et de ses occupants
demeurant hors sujet de pensée, « Augustin et tous ceux qui se réclament
de son autorité » sont hors jeu, du fait même qu’ils ont l’outrecuidance de
dire savoir ce qui n’est pas encore ! D’ailleurs, n’est-il pas vrai que
l’Écriture n’a « aucune certitude que tous ne seront pas sauvés[59] »
? « Cela suffit bien pour espérer que le salut de tous ne soit pas en
contradiction avec la Parole de Dieu[60] ». En sorte que le paradoxe pour l’auteur est
qu’il y a « des saints qui ont cru que certaines âmes étaient damnées[61] ». Mystère !
2) À cette raison anthropologique s’ajoute
une raison théologique : « puisque Dieu exprime sa volonté[62] que tous les hommes soient sauvés et qu’Il
demande à l’Église de prier pour tous les hommes[63] », comment pourrait-il y avoir des damnés ? «
En effet, qui résiste à sa volonté[64] ? ». Et ce ne sont pas les arguments de la
série A[65] qui résisteront puisque l’auteur a fourbi son
imparable herméneutique, aiguisée tout exprès pour l’occasion : « Mais pourquoi
les paroles de Dieu ne seraient-elles pas de pures et simples menaces[66] ? ». La preuve ? Les Ninivites ! Disons tout
de suite que si les affirmations de la série A n’étaient que de simples menaces, le dogme de l’enfer
serait la seule réalité révélée par l’Écriture, le seul dogme, à être l’outil
d’un langage nominaliste ! Outre l’inexplicable hapax que cela constituerait, cette phénoménale exception serait
totalement contraire à « l’interprétation des dogmes (qui) ne va pas d’un mot, d’une formule
particulière à d’autres termes, (mais qui) va plutôt du mot, des images et des
concepts à la vérité de la chose qu’ils
contiennent[67] » !
C’est pourquoi, parler de l’enfer, étant donné que ce n’est pas Dieu qui a créé
l’enfer mais l’homme par son refus de Dieu, c’est nécessairement évoquer un tel
refus ex-is-ten-tiel. Si donc
l’enfer existe, c’est un dogme de notre foi[68], il y a
donc nécessairement au moins un damné… celui par lequel il existe. Sinon
personne ne parlerait de l’enfer, car il n’existerait pas ! Et surtout pas
Dieu. En effet, comment penser que Dieu puisse imaginer une telle abomination ?
N’est-Il pas sans idée du mal ?
Certains voudraient croire que l’enfer n’est
peuplé que par les démons, mais les pleurs et les grincements de dents que
Jésus entend en enfer ne peuvent être le fait du diable, qui ne pleure ni n’a
de dents. Cette parole révèle (à
l’indicatif) la présence humaine en enfer[69].
3) Une troisième raison d’ordre théologal
milite en faveur de l’espérance pour tous. Il s’agit de l’amour du prochain «
ne pouvant bien sûr se fonder que sur l’invocation à l’Unique[70] »,
par lequel « chacun peut souhaiter et espérer pour l’autre ce qu’il espère pour
lui-même[71] ». De la nature expansive de l’amour découle
l’universalité de l’espérance.
L’auteur se range lui-même parmi les
« compatissants[72] »
et son langage révèle sa pitié pour les damnés[73], tandis
que les tenants d’une justice éternelle lui paraissent n’avoir du « double
jugement » de Mt 24 qu’une « interprétation tout simplement littérale[74] ».
De cette triple argumentation ressort que
l’enfer selon « le christianisme authentique[75] » (!) n’est rien d’autre qu’une « conséquence
justement possible[76] ». Néanmoins, même si la part de l’aléatoire
est justement reconnue[77], elle
qui ne rend pas automatique le salut mais laisse à chacun le soin de se l’approprier,
« la possibilité du Non conscient de la créature face à Dieu ne doit pas être
comprise comme une possibilité de la liberté ayant une puissance existantiale
et ontologique équivalente à celle du Oui de Dieu, car le Non n’est jamais
compréhensible qu’à partir du Oui[78] ».
C) Conséquence obvie
Si la doctrine de l’apocatastase est
formellement rejetée[79], la
quête de sa légitimité ne peut manquer de faire sentir partout sa présence,
même si « ce qu’on pourrait dire sur le sujet ne saurait être proclamé devant
tous ni entendu partout (… car) la plupart ont simplement besoin de savoir que
les pécheurs seront châtiés. Il est inutile pour eux d’aller au-delà[80] ». Tout un chapitre sera consacré à l’
[81]. Deux
raisons majeures travailleraient à cette légitimité.
a) La première a trait à l’amour de Dieu en
Christ qui « l’emporte sur tout ce qui lui résiste[82] ». « Est-il possible que la dernière des
brebis perdues de son troupeau manque à Dieu ? Cette brebis n’est-elle pas
la créature pour qui il a répandu son sang et souffert l’abandon par le Père[83] ? » Ainsi « l’espoir d’un tel retour à
Dieu n’est pas vain[84] ». Car « l’interprétation historique
linéaire ne peut être rigoureusement séparée de l’interprétation cyclique[85] ».
b) La deuxième raison s’adosserait à la
phrase de Saint Paul qui va « jusqu’à souhaiter être séparé du Christ au profit de ceux qui lui tiennent tant à cœur[86] ». De
sorte qu’ « aujourd’hui encore, il est permis de nourrir cette espérance,
à condition de présupposer que la solidarité avec tous les hommes exprimée par
cette espérance soit objet d’effort, de lutte, de passion[87] ».
Ainsi, la question ne peut pas ne pas se
poser : comment espérer le salut de tous et admettre en même temps la condamnation
par l’Église de l’espérance en « la restauration des démons et des impies[88] » ?
-
Chapitre III -
EXAMEN CRITIQUE
Dans le cadre volontairement limité de ce
travail, nous n’allons pas rapporter chaque affirmation du texte de Urs von
Balthasar. Nous présenterons une critique des plus caractéristiques. Nous ne
cherchons pas à justifier la foi en l’existence de l’enfer, puisque, comme nous
l’avons rappelé[89], elle
est donnée par la Révélation. Simplement, nous voulons apporter une critique de
l’exégèse de Hans Urs von Balthasar dans sa tentative d’ignorer ce dogme sous
prétexte que sans cela son « espérance serait réduite à néant[90] ». Car, selon nous, s’il y a des paroles dites
par Dieu qui semblent se contredire, il vaut mieux les laisser subsister l’une
à côté de l’autre, comme expression de la richesse de la réalité qui dépasse
l’homme, plutôt que de les soumettre à une herméneutique d’orientation
anthropocentrique qui « réduit la connaissance du réel à la connaissance
de sa signification pour la subjectivité humaine ; la question de la vérité du
réel étant alors réduite à celle de son sens pour l’homme[91] ». C’est d’ailleurs ainsi que se conduit
l’Église lorsque simultanément, elle « affirme l’existence de l’enfer et son
éternité[92] », et cependant « prie pour que personne
ne se perde[93] ».
L’intelligence de foi qui lève cette
apparente contradiction est très justement exprimée par Saint Augustin : «
Certes, l’Église prie actuellement pour les hommes qui la haïssent, car il est
encore temps pour une pénitence portant ses fruits. Mais si elle savait en
toute certitude que certains, qui vivent encore, sont prédestinés à aller au
feu éternel avec le Diable, elle prierait pour eux aussi peu que pour lui. Mais
cette certitude, elle ne l’a pour personne ; elle prie donc pour tous ses
ennemis encore vivants, même si elle n’est pas exaucée pour tous[94] ». Notons que c’est bien là ce que demande
Saint Jean : « Quelqu’un voit-il son frère commettre un péché ne conduisant pas
à la mort, qu’il prie et Dieu donnera la vie à ce frère. Il ne s’agit pas de
ceux qui commettent le péché conduisant à la mort ; car il y a un péché qui
conduit à la mort, pour ce péché-là, je ne dis pas qu’il faut prier[95] ».
A) Critique de l’axiomatique
a) Le fondement de l’exégèse de l’auteur
repose sur la conviction appuyée[96] que nous sommes sous le Jugement et que dès lors il ne nous est pas possible de
savoir ce qui n’est pas encore. À cela nous objectons :
1) si cela est vrai pour nous, cela ne
l’était pas pour Jésus, de sorte qu’Il a pu prédire l’avenir et révéler ce qui
n’était pas encore[97]. Nulle
part l’auteur ne prend en considération la capacité de la Parole divine à être Verbum prognosticum, « affirmations
eschatologico-anticipatives[98] ».
2) Cela n’est pas vrai non plus pour
l’Esprit-Saint que le Seigneur a donné à Son Église pour qu’Il l’enseigne de tout[99].
3) Dieu peut également nous instruire de tout
ce que bon Lui semble par l’intermédiaire de révélations privées accordées aux
Saints, ainsi le fit-Il par Sainte Catherine de Sienne, Docteur de l’Église[100], Sœur
Josepha Menendez[101], et
tant d’autres.
4) Ce n’est pas davantage vrai pour nos frères trépassés pour qui le Jugement
a déjà eu lieu en particulier et qui, jouissant sans entrave de la Vérité en
Paradis, ont toute liberté en Dieu, en vertu de la Communion des Saints, de
nous révéler ce que sera l’issue du Jugement ; ainsi la Vierge Marie dans ses
nombreuses apparitions, et notamment à Fatima.
À cette argumentation fait corps la foi vécue
de l’Église telle qu’elle s’exprime non seulement dans ses formulations
dogmatiques, son art, mais encore son culte. En effet, s’il était vrai qu’un
mur infranchissable se dressât entre cette vie et l’au-delà de sorte « qu’étant
sous le Jugement » nous ne puissions rien dire de ce qu’il en sera après
celui-ci[102], alors,
nous posons la question : comment est-il possible à l’Église, lorsqu’elle
canonise un de ses enfants, d’affirmer connaître
l’après-Jugement pour cet élu ?
Ainsi donc la praxis de l’Église révèle qu’elle connaît l’après-Jugement dans une
certaine mesure.
Il est
vrai que l’Église ne se préoccupe pas de savoir dans quelle mesure la
possibilité de la damnation devient réalité, car cela pourrait la conduire à
arracher le blé avec l’ivraie. Une telle connaissance a par ailleurs un objet
tellement épouvantable qu’elle préfère ne pas y attirer l’esprit de ceux
qu’elle doit conduire à réaliser la possibilité contraire. Mais cela ne veut
pas dire pour autant que la chose lui est impossible ! Car si elle est capable
de reconnaître comme définitivement accomplie l’œuvre de sainteté en tel ou tel
de ses enfants lorsqu’elle le canonise, elle est par là-même tout autant
capable de ne pas la reconnaître dans tel autre. Et, de fait, si l’Église
célèbre la fête de chaque apôtre, elle ne fête pas celle de Judas… En vérité,
l’Église a reçu le pouvoir non seulement de délier mais aussi de lier.
En sens contraire, s’il était vrai qu’étant
sous le Jugement nous ne puissions rien savoir de ce qu’il sera, alors, nous ne
pourrions pas même croire qu’il y aura des sauvés ! L’espérance reposerait non sur la foi en l’existence du Ciel, mais sur
sa seule hypothèse ! Autrement dit, la foi ne serait plus la foi, elle qui
est « la garantie des bien qu’on espère et la
preuve des réalités qu’on ne voit pas[103] », et
l’espérance ne serait plus cette assurance « sûre autant que solide et pénétrant par-delà le voile[104] ».
Tenir la foi sous l’impératif du pas encore et lui dénier l’assurance du déjà, c’est briser le mouvement
dialectique qui unit ces deux pôles et la constitue telle. Si la foi n’était
pas ce mouvement, elle n’existerait pas et il n’y aurait pas non plus
d’eschatologie. Elle est passage, tension, dialectique qui « franchit la
muraille[105] ». C’est pourquoi d’ailleurs elle ne vient
même pas en jugement[106]. Ou, si
elle y vient[107], c’est
pour y recevoir « la couronne de justice » dont elle ne doute pas[108] et même la faveur d’être conduite « à cheval,
sur la grand-place, par Aman qui crie : “Voyez comment l’on traite quiconque le
roi veut honorer[109]” ».
Il est donc faux d’affirmer comme le fait Urs von Balthasar que nous sommes
uniquement sous le Jugement, de sorte que nous ne puissions rien savoir de ce
qui le suivra. Mais si l’axiomatique s’effondre, tout ce qui est bâti dessus
s’effondre aussi[110] !
b) Cette obstination à ne rien savoir de
l’après-Jugement se retrouve chez l’auteur lorsqu’il dénie à Saint Augustin et
à « tous ceux qui se réclament de son autorité[111] » la prétention à savoir, et à « consciemment
ou inconsciemment s’exclure de la massa
damnata », et, « la main sur le cœur », ne se point faire de souci pour
leur « salut personnel[112] ». Mais, si cette assurance[113] et cette « joyeuse fierté de l’espérance[114] » sont refusées à Augustin et à ses amis,
comment les tolérer alors chez Saint
Paul[115], Saint Pierre[116], Saint Jean[117] et tous
les apôtres[118] ?
c) Comment Urs von Balthasar peut-t-il penser
sans croire ? N’est-il pas vrai que lorsque « je dirige mon regard vers
les choses, cette réalité qui est sous mes yeux est éclairée par une lumière
que je ne regarde pas, mais qui se trouve derrière mon dos, et qui n’éclaire
les choses que si je “crois” ? Un exemple : je saisis par l’intuition
d’expérience que les choses sont connaissables, pénétrables, accessibles à la
faculté humaine de connaissance ; mais cet état de choses, à savoir que celui
qui connaît peut “entrer” dans les choses (possibilité qui, à coup sûr, ne peut
être donnée que dans les choses elles-mêmes) cet état de choses n’est vraiment
appréhendable dans son noyau que lorsqu’il se trouve dans le faisceau lumineux
de la Parole révélée, du Logos, en qui toutes choses ont leur origine. Car
cette Parole dit ceci : la révélabilité intérieure, l’accessibilité, la clarté
des choses leur a été infusée par la connaissance créatrice du Logos divin, en
même temps que leur être, et même comme leur être même ; elle dit encore :
c’est cette clarté, originaire du Logos, par laquelle les choses deviennent perceptibles
à la connaissance humaine, et encore : c’est en ce sens, selon la formule si
grandiose et si simple de saint Thomas d’Aquin, que “la réalité des choses est
leur lumière même”. Donc, tandis que je considère cette forme architectonique
des choses, leur cognoscibilité, leur vérité, leur clarté, nul doute que je ne
regarde les choses elles-mêmes, en face ; mon regard est dirigé vers la réalité
qui se trouve devant mes yeux ; mais : il est également hors de doute que je ne
verrais pas cette structure la plus intime des choses qui sont, si elles
n’étaient pas dans la lumière du Logos qui, derrière mon dos, les éclaire,
comme par-dessus mon épaule, dans la lumière du logos par qui, au commencement,
tout a été fait. Il s’agit donc parfaitement d’un intelligere, d’une perception, réalisée dans la rencontre avec les
choses mais c’est un intelligere sur
la base d’un credere[119] ».
B) Critique de l’exégèse biblique
a) « …À la question des disciples :
“Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ?” (Lc 13
23), Jésus répond en exhortant à entrer par la porte étroite»[120], point
final. Comment qualifier une telle lecture de l’Écriture Sainte faite par Urs
von Balthasar qui, allègrement et sans scrupule, supprime la deuxième partie du
verset original : « Beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas » ?
Comment supporter que la Parole de Jésus soit ainsi volontairement censurée,
falsifiée[121] ? Certes, pour quiconque refuse le dogme de
l’enfer, cette parole est dure à entendre, elle qui n’établit pas seulement un
rapport de l’eschatologie à la praxis (« Luttez
pour entrer par la porte étroite »), mais encore – et sans ambages ! – à la
gnose demandée par les disciples...
b) Relevons un autre exemple de la lecture si
particulière que fait l’auteur de l’Écriture. Il affirme[122] que « selon 1 Co 3 12, tous
devront passer, lors de la fin, par le feu, et selon qu’ils auront bâti ou non
sur le Christ, leur œuvre sera conservée ou brûlée tandis qu’eux-mêmes “seront
sauvés, mais comme à travers le feu” ». Le sens de cette phrase est clair ;
l’auteur fait dire à l’Écriture que finalement tous – que leurs œuvres soient
brûlées ou non – seront sauvés. Or, le texte biblique parle de « ceux qui
auront bâti sur ce fondement » unique qu’est le Christ Jésus[123]. Il ne
parle pas de ceux qui auront bâti ailleurs, contrairement à ce que lui fait
dire Urs von Balthasar (« bâti ou non
sur le Christ »), réduisant par là à rien la spécificité chrétienne…
Deux exemples de cette exégèse suffiraient !
Mais les prochains nous permettront d’expliciter notre propre pensée.
c) Nous lisons : « Le mot “tous” qui revient
sans cesse ne saurait se restreindre à une "simple rédemption
objective", laissant à chaque individu la possibilité de l’accepter ou non[124] ».
Pour dire cela, l’auteur s’autorise l’appui de deux textes : Rm 5
12-21 et Jn 12 32[125]. Du
premier qui annonce que « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé
», Urs von Balthasar déduit que « l’équilibre conservé jusque là est rompu
définitivement par un “d’autant plus” qui nous mène au-delà de tout[126] ». Mais, emporté par son élan, l’auteur oublie
de remarquer que Saint Paul parle bien d’une rédemption objective et non automatique,
puisque, dans le texte même, au verset 17b, le salut n’intervient concrètement
que pour « ceux qui reçoivent avec
profusion la grâce et le don de la justice ». Il ne s’agit donc pas de tous, mais de « ceux qui… » Saint Paul
sait bien que tous n’ont « pas accueilli l’amour de la vérité qui leur
aurait valu d’être sauvés[127] », « en sorte qu’ils sont inexcusables[128] ».
d) Le deuxième texte auquel fait référence
Balthasar pour affirmer une rédemption automatique est Jn 12 32 : « Et
moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tout à moi ». De cette venue de tous
à Jésus, chacun recevrait ipso facto
le salut. Or, telle n’est pas l’interprétation indiquée par le contexte qui,
lui, parle sans équivoque possible de « Jugement ». Le verset précédent (v. 31)
annonce le jugement présent du monde et du Prince de ce monde. Autrement dit,
Jésus annonce que Sa Croix étant le jugement de ce monde, il attirera toutes
créatures à Lui pour rendre « à chacun selon ses œuvres[129] », à « chacun selon ce qu’il aura fait
quand il était dans son corps, soit en bien soit en mal[130] ».
Nous voyons donc qu’il n’y a pas de
contradiction véritable entre les séries A et B si l’on accepte la « Rédemption
objective », s’adressant à la liberté, en vertu de la nature même de l’amour[131].
C) Critique de l’interprétation des témoignages
a) Hans Urs von Balthasar utilise des
témoignages de poids. À commencer par celui de Mechtilde de Hackeborn[132]. Or,
les paroles de Jésus entendues par Sainte Mechtilde de Hackeborn concernant la
rétribution qu’Il donnera et qui « ira au-delà, et même infiniment au-delà
de ce qu’ils pouvaient croire et espérer mériter » s’appliquent à : « tous
ceux qui croient qu’après cette vie je les exaucerai ». Encore une fois,
il ne s’agit pas de tous
indistinctement. Et si pour le Seigneur « il est impossible qu’un homme
n’obtienne pas ce qu’il a cru et espéré », encore faut-il que cet homme croie
et espère. Ce témoignage de Mechtilde, contrairement à ce qu’il prétend,
n’apporte donc pas d’eau au moulin de notre auteur…
b) Et l’auteur de continuer à citer les
paroles de Jésus à propos de Judas rapportées par Sainte Mechtilde : « Lors de
ce baiser, mon cœur a été pris d’un sentiment d’amour tel qu’en vertu de ce
baiser, eût-il simplement manifesté du repentir, je faisais de son âme mon épouse[133] ». On voit ici encore à l’envi qu’il ne suffit
pas que Dieu offre sans cesse à tous Sa miséricorde et Son amour pour qu’une
âme devienne bienheureuse. Car il faut – condition sine qua non – que celle-ci manifeste d’abord « du repentir »…
c) Hans Urs von Balthasar continue à chercher
chez les autorités spirituelles des témoignages en faveur de son espérance. Il
cite un propos mis par une autre Mechtilde, celle de Magdebourg, dans la
bouche du Père et selon lequel Dieu garde le pécheur « en un lieu secret
qu’aucune raison humaine » ne peut Le suivre jusque-là[134]. Notons
d’abord qu’il s’agit du pécheur et non du damné. C’est-à-dire de celui qui
dispose encore de sa faculté de repentir,
faculté dont nous venons de voir l’importance à propos du baiser de Judas. Quel
est donc ce lieu si secret, sinon le Cœur de Dieu ? Qu’est-ce à dire par ces
mots sinon que Dieu nous aime tous et chacun, quelque pécheur que nous soyons ?
Mais, souvenons-nous que si Dieu nous garde ici-bas en son Cœur, nous L’avons
cependant cloué sur la Croix et que nous Lui avons crevé le Cœur… afin de
pouvoir précisément nous en échapper ! Dieu, tel le Père du fils prodigue, ne
saurait nous garder contre notre gré !
d) La bienheureuse Angèle de Foligno, quant à
elle, distingue explicitement (au nez et à la barbe de l’auteur aurait-on envie
de dire), l’« homme bon et saint » et « le réprouvé[135] ».
Et dans le sort de l’un comme de l’autre, elle adore l’Unique Bonté de Dieu.
Elle comprend et magnifie l’unité de ce glaive « à deux tranchants[136] »
qu’est la parole de Dieu. Elle sait maintenir, elle, la distinction sans
séparation, comme l’unité sans confusion de ses opérations[137].
e) Le témoignage rapporté par Lady Julian de
Norwich montre bien que Jésus serait mort sur la croix ne fût-ce que pour le
salut d’un seul, puisque « Dieu est dans l’homme et donc l’homme inclut toute
chose[138] ». Ainsi, si Son intention vise la totalité
des individus, elle est cependant parfaitement accomplie, dans l’absolu, par le
salut d’un seul…
Par ailleurs, lorsque Jésus dit : « Je
réparerai toute défaillance[139] », il faut reconnaître qu’une défaillance ne
peut être dite telle que située dans une démarche positive (d’acceptation de la
grâce). Elle ne saurait viser le refus délibéré de celle-ci (ce qui n’est
pardonné « ni en ce monde ni en l’autre »).
f) Sainte Thérèse de Lisieux établit son acte
d’offrande à l’amour miséricordieux qu’elle qualifie d’« espérance
aveugle », sur cette parole de Saint Jean de la Croix : « On reçoit de
Dieu autant qu’on espère ». Mais cette phrase ne doit pas être comprise selon
le sens commun de l’espérance où l’on pourrait espérer n’importe quoi. Car
c’est seulement lorsque l’âme « détourne
les yeux de toute créature et ne s’attache qu’à Dieu seul (…) qu’on peut
dire en toute vérité qu’elle obtient de Lui autant qu’elle espère[140] ».
Le but de l’espérance chrétienne est bien Dieu seul. Cet amour et cette espérance
de Dieu ne nous privent pas de l’amour que nous devons à toute créature, mais
alors nous le lui donnons selon Dieu. C’est pourquoi l’on peut si fortement
désirer le salut de tous, ainsi que Saint Paul qui aurait souhaité être séparé
du Christ pour le salut de ses frères de race, si cela avait pu leur être
utile. Mais cela ne l’était pas, parce Dieu ne veut pas plus la damnation de
Paul que celle de quiconque.
En fait, « il peut arriver qu’il y ait un
obstacle de la part de celui dont un saint désire la justification[141] ». Comment expliquer qu’il puisse en être
ainsi ? Nous proposons l’explication suivante : par la foi je crois en Dieu,
croyant en Dieu j’espère de Lui, croyant en Dieu et espérant de Lui, je m’unis
à Lui par l’amour. Uni à Lui je possède l’objet de mon désir et en même temps
je me reçois moi-même possesseur de
Dieu « la bienheureuse espérance[142] ». Ainsi, l’espérance véritable, indissociable
de la foi et de l’amour, ne donne pas seulement l’objet espéré, Dieu, mais
encore recrée celui qui espère, en le rendant à lui-même, nouveau[143]. Une
telle démarche impliquant le don de soi, il est impossible d’imaginer qu’un tel
bien puisse être donné à quiconque ne s’engage pas existentiellement dans ce
cheminement générateur d’un nouveau lui-même[144]. Car il
n’est personne qui puisse désirer pour un autre sa propre mort (même si c’était
dans l’espérance qu’il renaisse, car alors il sera autre…)… Et cependant,
« cette mort est la seule voie par laquelle la miséricorde de Dieu puisse
restaurer la justice violée par la liberté finie[145] ». Tel est le seuil où ne peut que s’arrêter
la liberté d’autrui, fût-elle divine – parce que nécessairement autre – et où
commence le mystère de chacun avec le respect infini qui lui est dû.
g) Terminons la série de ces témoignages que
nous examinons, en évoquant la foi de Urs von Balthasar, reprise à Louis
Lochet, selon laquelle « l’enfer est sans doute une partie de l’univers assumée
par le Christ[146] ». Il est parfaitement contradictoire de
parler ainsi, pour la raison suivante :
Jésus S’est fait en tout semblable à l’homme,
à l’exception du péché[147], de
sorte que n’ayant jamais cessé d’aimer Dieu, Il n’a point pu connaître l’enfer
en damné. Il l’a seulement connu en Sauveur des justes du temps précédant Sa
venue et qui attendaient leur libération – ainsi que l’enseigne l’Église
catholique : « Jésus n’est pas descendu aux enfers pour y délivrer les damnés
ni pour détruire l’enfer de la damnation, mais pour libérer les justes qui
L’avaient précédé[148] ».
L’enfer où se trouvaient ces âmes n’avait
rien à voir avec celui où s’enferment celles qui ont refusé une fois pour
toutes l’offre universelle et inconditionnelle du Salut… Ce sont deux réalités
bien différentes, puisque l’une n’existe plus depuis que le Christ l’a vidée de
ceux qui L’attendaient, tandis que l’autre a précisément commencé à exister le
jour où le Christ a ouvert la bouche : « Si je n’étais pas venu et ne leur
avais pas parlé, ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant ils n’ont pas
d’excuse à leur péché[149] ».
CONCLUSION
Nous nous
abstiendrons de commenter l’utilisation qu’un aussi grand penseur et cardinal
de l’Église fait de ses sources… mais trois questions en tiendront lieu.
1) Dans quelle mesure l’auteur ne
participe-t-il pas de cette mentalité par laquelle « nous nous croyons
tellement bons que nous ne pouvons que mériter le ciel[150] » ? Ainsi il lui paraît impensable « que les
élus puissent se réjouir d’être libérés du souvenir de leurs amis consumés en
enfer », car « quel homme n’est pas mon ami[151] ? ». Mais que vaut cette bonté au regard de
celle des bienheureux dont « la volonté est si unie à la Mienne – dit Dieu
le Père à Sainte Catherine de Sienne – que si un père, une mère voit son fils
en enfer, si un fils voit en enfer son père ou sa mère, ils n’en éprouvent
aucun souci, ils sont même contents de les voir punis, parce que ce sont mes
ennemis. Rien ne peut les mettre en désaccord avec moi, et tous leurs désirs
sont satisfaits[152] ». Et Jésus dans l’Évangile ne contredit pas
Son Père : « Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme,
ses enfants, ses frères, ses sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être
mon disciple[153] ».
2) Dans quelle mesure cette mentalité « plus
royaliste que le roi » n’est-elle pas comparable à celle des Cathares ? Ceux-ci
« prêchaient qu’il n’existait pas d’enfer éternel ; que toutes les âmes
étaient bonnes et égales entre elles et que toutes seraient sauvées[154] ». Ils se nommaient eux-mêmes « les Bons
Chrétiens, les Vrais Chrétiens, les Amis de Dieu, etc. », membres d’une «
Église chrétienne au message parfaitement espérant et ouvert[155] ». Leurs attitudes ne sont pas sans évoquer
les « attitudes possibles » que Urs von Balthasar évoque au sujet de
l’apocatastase lorsqu’il écrit par exemple que Maxime « a réservé cette
doctrine à ceux qui sont devenus parfaits dans l’amour, tandis qu’il annonce au
titre d’un avertissement ascétique la doctrine, devenue courante, de l’enfer[156] ».
3) Plus profondément encore, on peut se demander dans quelle mesure est
acceptée la Révélation d’un Dieu crucifié, d’un Dieu qui échoue, et conserve
dans l’éternité la marque des clous qui L’ont transpercé, la marque de Son
échec, Lui qui était venu pour sauver et non pour juger ?
Pour ne pas clore ce travail sur « une
querelle de théologiens[157] », nous voudrions proposer une nouvelle
formulation de l’espérance chrétienne qui ait le mérite d’intégrer dans la
totalité de leur particularité les différentes données apparemment contradictoires
de la Révélation au sujet de l’avenir eschatologique, et qui mette par là un
terme à la pénible polémique de chrétiens sur un même dogme de leur foi. Ainsi,
nous proposons d’espérer pour que le
plus grand nombre possible d’hommes soient sauvés.
Cette
formulation présente les avantages suivants :
1) Elle n’exclut pas que la totalité des
hommes puisse être sauvée. Elle permet de l’espérer. Le plus grand nombre peut
être celui de la totalité. De ce fait, elle fait droit entièrement à l’exigence
de la série B[158].
2) Elle est en harmonie cependant avec la foi
en l’existence des damnés de la série A[159].
3) Cette expression de l’espérance est
celle-là même qui est donnée par l’Écriture. Ainsi Saint Paul travaillait-il «
afin d’en sauver à tout prix quelques-uns[160] ».
4) Cette formulation respecte :
l’unité entre l’avant et l’après-Jugement,
la nature même de la foi qui est tension
dialectique entre le déjà et le pas encore,
et par là le dogme de la Communion des
Saints.
5) Elle s’harmonise avec et harmonise entre
elles les données de l’Écriture au sujet du Salut – moyennant la doctrine de la
Rédemption objective – et ainsi rend-elle honneur au travail théologique qui
n’aurait pas de raison d’être s’il ne tendait pas à résoudre les incompréhensions.
6) Notre formulation est une source de
dynamisme unique et inépuisable pour travailler au salut des hommes. Et ceci,
contrairement d’une part à l’espérance qui espérait « d’une manière trop
individualiste, comme seulement notre salut personnel[161] », et d’autre part, à l’espérance pour tous qui ne peut manquer de tenter la paresse
humaine de se bercer « dans le sentiment de sécurité », croyant, par exemple, «
pouvoir trouver le salut simplement grâce aux mérites d’autrui[162] ». Avec l’espérance
pour le salut du plus grand nombre, il n’y a de cesse tant qu’il y a du
possible…
Cette nouvelle formulation est donc bien loin
de manquer à la fonction parénétique propre aux discours eschatologiques de la
Révélation, dont la formulation de Urs von Balthasar revendiquerait volontiers
le privilège.
7) Notre formulation de l’espérance respecte encore la non-absoluité de son
objet. Dieu étant le seul Absolu, rien en dehors de Lui seul ne peut être espéré
absolument.
Le Salut
est toujours une grâce.
POSTFACE
Dans les nouvelles spiritualités, dans les
anciens et traditionnels systèmes religieux comme le bouddhisme, ainsi que tout
ce qui relève du panthéisme, on trouve cette constante conception selon
laquelle l’être humain, étant une parcelle de la divinité, doit, après purification
nécessaire, ré-intégrer l’unité divine primordiale. En fin de compte, le
raisonnement est le suivant : pour atteindre au bonheur, à la réalisation de
soi, pour devenir dieu, il faut l’être déjà.
Pour le christianisme et la tradition judéo-chrétienne, l’homme n’est pas
un avatar de la divinité ou de l’Esprit comme l’avait imaginé Hegel, mais est,
bien simplement et humblement, une créature de Dieu à Son image et à Sa
ressemblance. La nature divine ne lui est offerte en participation que par un
don ineffable de la Miséricorde dans le Christ Jésus, et Lui seul.
Le dogme de l’Enfer, qui brise cette croyance
en un retour obligatoire de la parcelle de la divinité à l’Unité première –
moyennant la purification nécessaire – s’inscrit donc a contrario de tout le mouvement spontané de la religiosité humaine
telle qu’elle apparaît dans tous ces systèmes philosophico-religieux – et
aussi, hélas, chez nombre de chrétiens.
On voit donc à quel point le message chrétien s’inscrit en faux par rapport
à la pente naturelle de l’esprit humain et comment le dogme de l’enfer le
révèle pour sa part dans sa spécificité : si des âmes sont damnées,
c’est-à-dire vouées au malheur parce que séparées à jamais de Dieu, qu’elles
ont refusé, preuve est faite qu’elles ne sont et n’ont jamais été Dieu. Ne
serait-ce pas là un message opportun à rappeler en notre temps où de plus en
plus de gens se mettent en recherche de la Déité ? Et sans parler de ceux
qui ne recherchent rien, et pensent qu’après la mort il n’y a rien du tout.
Voilà pourquoi ne nous est pas étranger le vœu que le Magistère de l’Église
définisse dogmatiquement l’enfer comme un lieu non pas hypothétique ou vide de
présence humaine, mais que la notion même d’enfer implique au moins un refus
ex-is-ten-tiel du salut de Dieu.
Par là, non seulement la tradition constante
de l’Église en la matière, depuis les énoncés de la Sainte Écriture, en passant
par les enseignements des saints et des Docteurs de l’Église, jusqu’aux
révélations reconnues authentiques, se verrait confirmée, mais encore, comment
douter qu’une telle proclamation dogmatique mettrait un sacré coup de frein à
la chute des âmes qui tombent en enfer « comme des flocons de neige en hiver »
(dixit Marie à Fatima) ?
Le Royaume de Cieux est encore semblable à un filet qu’on jette en mer et
qui ramène toutes sortes de choses. Quand il est plein, les pêcheurs le tirent
sur le rivage, puis ils s’asseyent, recueillent dans des paniers ce qu’il y a
de bon, et rejettent ce qui ne vaut rien. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde
: les anges se présenteront et sépareront les méchants des justes pour les
jeter dans la fournaise ardente: là seront les pleurs et les grincements de
dents.
Mt 13 47-50
ANNEXE
Note de la congrégation de la Doctrine de la foi,
sur la Vie éternelle et l’au-delà
À TOUS LES ÉVÊQUES
MEMBRES
DES CONFÉRENCES ÉPISCOPALES
Les récents synodes, consacrés respectivement
à l’Évangélisation et à la catéchèse, ont fait prendre une conscience plus vive
de la nécessité d’une fidélité parfaite aux vérités fondamentales de la foi,
surtout aujourd’hui où les mutations profondes du milieu humain et le souci
d’intégrer la foi dans les univers culturels divers imposent un effort plus
grand qu’autrefois en vue de rendre cette foi accessible et communicable. Cette
dernière exigence, actuellement si pressante, appelle en effet un souci plus
fort que jamais d’authenticité et d’intégrité de la foi.
Les responsables doivent donc se montrer
extrêmement attentifs à tout ce qui pourrait causer dans la conscience commune
des fidèles la lente dégradation et l’extinction progressive de quelque élément
du Symbole baptismal indispensable à la cohérence de la foi et lié
inséparablement à des usages importants dans la vie de l’Église.
Précisément sur l’un de ces points, il a paru
opportun et urgent d’attirer l’attention de ceux à qui Dieu a confié le soin de
promouvoir et de défendre la foi, afin qu’ils préviennent les dangers qui
pourraient mettre en cause cette même foi dans l’âme des fidèles.
Il s’agit de cet article du Credo qui concerne la vie éternelle et donc, généralement,
l’au-delà de la mort. Sur une telle question, l’enseignement ne peut pas se
permettre de défaillances ; il ne peut même pas rester déficient ou incertain,
sans mettre en péril la foi et le salut des fidèles.
L’importance de ce dernier article du Symbole baptismal n’échappe à personne
: il exprime le terme et le but du dessein de Dieu dont le Symbole trace le
déroulement. S’il n’y a pas de résurrection, tout l’édifice de la foi
s’effondre, comme le dit si vigoureusement saint Paul (cf. 1 Co 15). Si le
chrétien ne peut plus donner aux mots « vie éternelle » un contenu certain, les
promesses de l’Évangile, le sens de la création et de la rédemption s’évanouissent,
la vie présente elle-même est privée de toute espérance (cf. He 11 1).
Or, comment ignorer sur ce point le malaise
et l’inquiétude de beaucoup ? Qui ne constate que le doute s’insinue
subtilement et jusqu’au plus profond des esprits ? Même si heureusement, dans
la plupart des cas, le chrétien n’en est pas encore arrivé au doute positif,
souvent il s’abstient de penser à ce qui suit la mort, car il commence à sentir
se lever en lui des questions auxquelles il redoute de devoir répondre :
existe-t-il quelque chose au-delà de la mort ? subsiste-t-il quelque chose de
nous-mêmes après cette mort ?
n’est-ce pas le néant qui nous attend ?
Il faut voir là pour une part la répercussion
non voulue, dans les esprits, de controverses théologiques largement diffusées
dans le public, et dont la plupart des fidèles ne sont en mesure de discerner
ni l’objet précis ni la portée. On entend discuter l’existence de l’âme, la
signification d’une survie, on se demande ce qui se passe entre la mort du
chrétien et la résurrection générale. Le peuple chrétien est désemparé de ne
plus retrouver son vocabulaire et ses connaissances familières.
Il ne peut assurément être question de
limiter ou même d’empêcher une recherche théologique dont la foi de l’Église a
besoin et dont elle doit pouvoir profiter. Mais on ne saurait non plus se
dispenser d’affermir en temps voulu la foi des chrétiens sur les points qui
sont mis en doute.
De ce double et difficile devoir, nous
voudrions rappeler sommairement la nature et les aspects en cette situation
délicate.
Il faut d’abord que tous ceux qui ont à enseigner discernent bien ce que
l’Église considère comme appartenant à l’essence de sa foi ; la recherche
théologique ne peut avoir d’autres vues que de l’approfondir et le développer.
Cette congrégation, qui a la responsabilité
de promouvoir et de protéger la doctrine de la foi, veut ici rappeler
l’enseignement que donne l’Église au nom du Christ, spécialement sur ce qui
advient entre la mort du chrétien et la résurrection générale.
1. L’Église croit (cf. Credo) à une résurrection
des morts.
2. L’Église entend cette résurrection de l’homme tout entier; celle-ci n’est pour
les élus rien d’autres que l’extension aux hommes de la résurrection même du
Christ.
3. L’Église affirme la survivance et la
subsistance après la mort d’un élément spirituel, qui est doué de conscience et
de volonté, en sorte que le « moi » humain subsiste. Pour désigner cet élément,
l’Église emploie le mot « âme », consacré par l’usage de l’Écriture et de la
tradition. Sans ignorer que ce terme prend dans la Bible plusieurs sens, elle
estime néanmoins qu’il n’existe aucune raison sérieuse de le rejeter et
considère même qu’un outil verbal est absolument indispensable pour soutenir la
foi de chrétiens.
4. L’Église exclut toute forme de pensée ou
d’expression qui rendrait absurdes ou inintelligibles sa prière, ses rites
funèbres, son culte des morts, lesquels constituent, dans leur substance, des
lieux théologiques.
5. L’Église, conformément à l’Écriture,
attend « la manifestation glorieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ » (Dei Verbum, I 4), considérée cependant
comme distincte et différée par rapport à la situation qui est celle des hommes
immédiatement après leur mort.
6. L’Église, dans la fidélité au Nouveau
Testament et à la tradition, croit à la félicité des justes qui seront un jour
avec le Christ. Elle croit qu’une peine attend pour toujours le pécheur qui
sera privé de la vue de Dieu, et à la répercussion de cette peine dans tout son
être. Elle croit enfin pour les élus à une éventuelle purification préalable à
la vision de Dieu, tout à fait étrangère cependant à la peine des damnés. C’est
ce que l’Église entend lorsqu’elle parle d’enfer et de purgatoire.
En ce qui concerne les conditions de l’homme
après la mort, le danger de représentations imaginatives et arbitraires est
particulièrement à redouter, car leurs excès entrent pour une grande part dans
les difficultés que rencontre souvent la foi chrétienne. Les images employées
dans l’Écriture méritent cependant le respect. Il faut en saisir le sens
profond, en évitant le risque de trop les atténuer, ce qui équivaut souvent à
vider de leur substance les réalités qu’elles désignent.
Ni les Écritures ni la théologie ne nous
fournissent de lumières suffisantes pour une représentation de l’au-delà. Le
chrétien doit tenir solidement deux points essentiels : il doit croire
d’une part à la continuité fondamentale qui existe, par la vertu de
l’Esprit-Saint, entre la vie présente dans le Christ et la vie future – en
effet, la charité est la loi du royaume de Dieu et c’est la mesure de notre
charité ici-bas qui sera celle de notre participation à la gloire du ciel – ;
mais, d’autre part, le chrétien doit discerner la rupture radicale entre le
présent et l’avenir du fait que, au régime de la foi, se substitue celui de la
pleine lumière : nous serons avec le Christ et nous « verrons Dieu » (cf. 1 Jn 3 2), promesse et mystère inouïs en quoi consiste essentiellement
notre espérance. Si l’imagination ne peut y arriver, le cœur y va d’instinct et
à fond.
Après avoir rappelé ces données, qu’il soit permis maintenant d’évoquer les
aspects principaux de la responsabilité pastorale telle qu’elle doit se
traduire dans les circonstances actuelles et à la lumière de la prudence
chrétienne.
Les difficultés inhérentes à ces problèmes
créent de graves devoirs aux théologiens, dont la mission est indispensable.
Aussi ont-ils droit à nos encouragements et à la marge de liberté qu’exigent
légitimement leurs méthodes. De notre part, cependant, il est nécessaire de
rappeler aux chrétiens sans nous lasser les enseignements de l’Église qui
constituent la base aussi bien de la vie chrétienne que de la recherche des
experts. Il faut aussi arriver à faire partager aux théologiens nos soucis
pastoraux pour que leurs initiatives de recherches ne soient pas témérairement
répandus parmi les fidèles dont la foi est mise en péril aujourd’hui plus que
jamais.
Le dernier synode a manifesté l’attention que
l’épiscopat porte au contenu essentiel de la catéchèse, en vue du bien des
fidèles. Il est nécessaire que tous ceux qui sont chargés de le transmettre en
possèdent une idée très claire. Aussi devons-nous leur donner les moyens d’être
en même temps très fermes sur l’essentiel de la doctrine et attentifs à ne pas
laisser des représentations enfantines ou arbitraires se confondre avec la
vérité de la foi.
Une vigilance constante et courageuse doit s’exercer à travers une commission
doctrinale diocésaine ou nationale sur la production littéraire, non pas
seulement pour prévenir à temps les fidèles contre des ouvrages peu sûrs, mais
surtout pour leur faire connaître ceux qui sont capables d’alimenter et de
soutenir leur foi. C’est là une tâche lourde et importante, rendue urgente par
la vaste diffusion de la presse et par une décentralisation des responsabilités
que les circonstances rendent nécessaire et que le Concile a voulue.
Au cours d’une audience accordée au préfet soussigné, le pape Jean-Paul II
a approuvé cette lettre adoptée en réunion ordinaire de la congrégation pour
la Doctrine de la foi, et en a ordonné la publication.
À Rome, au
siège de la Congrégation, le 17 mai 1979.
FRANJO CARD. SEPER
Préfet
JÉRÔME HAPER, O. P.,
Secrétaire
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« Chacun sait combien la question de la fin
de l’histoire agite aujourd’hui les esprits. En un temps où la tentation du
désespoir est particulièrement forte, il me semble nécessaire de nous mettre devant
les yeux une représentation de la fin, parfaitement réaliste en ce sens qu’elle
ne comporte aucune illusion, mais où cette absence d’illusion n’exclut pas l’espérance, mais au contraire, en est
le fondement et la confirmation. »
Joseph Pieper
[1] Éliade (Mircéa), Histoire des croyances et des idées religieuses, Payot, 1986, t.1, p. 93
[2] 2 Tm 3 8
[3] Tt 2 11.
[4] Balthasar (Hans Urs von), Espérer pour tous, Paris, DDB, 1987, p. 14.
[5] Ps 12 3.
[6] Ps 62 12.
[7] Balthasar (Hans Urs von), L’enfer une question, Paris, DDB, 1988, p. 32.
[8] Espérer pour tous, p. 35, 67 et 144 ; L’Enfer une question, p. 59 et 85.
[9] Nous donnons ce texte en annexe, et ce texte seulement, sans rappeler tout ce qui a été proposé par le Magistère avec autorité sur ce sujet.
[10] Cf. p. 10 de L’enfer une question et en exergue de Espérer pour tous. Permettons-nous une critique de cette affirmation de la Conférence épiscopale d’Allemagne lorsqu’elle dit que : « Ni la Sainte Écriture, ni la Tradition de foi de l’Église ne disent avec certitude de quiconque qu’il soit effectivement en enfer ». En effet, nous lisons dans l’Écriture qu’un des sept frères martyrs lance à Antiochus Épiphane : « Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l’espoir d’être ressuscité par lui, car pour toi, il n’y aura pas de résurrection à la vie » (2 M 7 14). Sans plus évoquer le cas d’Ahitophel (2 S 17 23), rappelons ce que Jésus nous dit de Judas : il est un démon (Jn 6 70), et « mieux eût valu pour lui de n’être pas né » (Mt 26 24). Qu’implique de telles affirmations ? Un malheur insondable. Car, s’il eût été préférable à Judas de n’être pas né, c’est non seulement son existence terrestre qu’il a à regretter (et, de fait, il la rejettera) mais, par conséquence, lui est échu de se haïr lui-même pendant l’éternité, puisque notre éternité est fonction de notre temporalité. Notre vie éternelle prend naissance dans notre vie mortelle ou elle ne sera jamais. Or le temps de Judas étant déclaré par Jésus pire que le non-être, il résulte qu’il ne peut rien en sortir de bon pour l’éternité… Si la considération de cette réalité est épouvantable, n’oublions pas qu’elle le fut d’abord pour Jésus Lui-même, et que nous ne serions pas Ses disciples si nous rougissions de Ses paroles (Lc 9 26).
[11] FC 510/18
[12] a) Nous allons voir avec quelle pertinence cette mise en garde s’applique à l’endroit de la pensée balthasérienne
b)
Notons sur ce sujet qu’au siècle dernier, la Pénitencerie a déclaré qu’il
fallait non pas absoudre, mais instruire un pénitent qui ne croirait pas à cette
réalité du feu de l’enfer (30 avril 1890).
[13] « Dieu a bien voulu leur faire connaître de quelle gloire est riche ce mystère chez les païens : c’est le Christ parmi vous ! l’espérance de la gloire ! » (Col 1 27) ; « Pour moi, certes, la vie c’est le Christ et mourir représente un gain » (Ph 1 21) ; « Bien plus, je tiens tout désormais pour désavantageux au prix du gain suréminent qu’est la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. Pour lui j’ai accepté de tout perdre, je regarde tout comme déchets, afin de gagner le Christ » (Ph 3 8) ; « Yahvé, ma part d’héritage et ma coupe, c’est toi qui garantis mon lot » (Ps 16[15] 5)…
[14] « Aussi bien, cherchez son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît » (Lc 12 31).
[15] Morienval (J.), article « Espérance », Catholicisme, VI, Paris, Letouzey et Ané, 1967, p. 450.
[16] « Oui, Dieu a créé l’homme incorruptible, il en a fait une image de sa propre nature » (Sg 2 23) ; « Les âmes des justes, elles, sont dans la main de Dieu, et nul tourment ne les atteindra. Aux yeux des insensés ils ont paru mourir, leur sortie de ce monde a passé pour un malheur et leur départ d’auprès de nous pour un anéantissement, mais ils sont dans la paix. S’ils ont, aux yeux des hommes, connu le châtiment, leur espérance était pleine d’immortalité ; pour une peine légère ils recevront des grands bienfaits. Dieu les a soumis à l’épreuve et les a trouvés dignes de lui ; comme l’or au creuset, il les a éprouvés, comme un holocauste, il les a agréés. Au jour de sa visite ils resplendiront, ils courront comme des étincelles à travers le chaume. Ils commanderont aux nations et domineront les peuples, et le Seigneur régnera sur eux pour toujours. Ceux qui mettent en lui leur confiance comprendront la vérité et ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans l’amour ; car ses élus trouvent grâce et miséricorde » (Sg 3 1-9).
[17] Un exemple : en 1699 la condamnation des Maximes des Saints de Fénelon. Par ailleurs, rappelons-nous cette parole de Saint Pierre : « Et si vous appelez Père celui qui, sans acception de personnes, juge chacun selon ses œuvres, conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre exil » (1 P 1 17).
[18] «
Jésus dit alors : “C’est pour un jugement que je suis venu en ce monde pour que
voient ceux qui ne voient pas et pour que ceux qui voient deviennent
aveugles” » (Jn 9 39) ; « Syméon les bénit et dit
à Marie, sa mère : “Vois ! cet enfant doit amener la chute et le relèvement
d’un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction” »
(Lc 2 34) ; « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs
au repentir » (Lc 5 32).
[19] « De même donc qu’on enlève l’ivraie et qu’on la consume au feu, de même en sera-t-il à la fin du monde : le Fils de l’homme enverra ses anges, qui ramasseront de son Royaume tous les scandales et tous les fauteurs d’iniquité, et les jetteront dans la fournaise : là seront les pleurs et les grincements de dents » (Mt 13 41).
[20] Cf. Dumeige (Gervais), La Foi Catholique, Paris, l’Orante, 1975, n. 36.
[21] Cf. S. Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, Q. 21, a. 4.
[22] Cette doctrine ne s’accorde pas avec celle d’Adrienne von Speyr rapportée par Urs von Balthasar, Adrienne von Speyr et sa mission théologique, Paris, Médiaspaul, 1985, p. 190 : « Le Père par amour pour le Fils et les hommes a créé l’enfer » !
[23] « Si quelqu’un dit ou pense que le châtiment des démons et des impies est temporaire et qu’il prendra fin après un certain temps, ou bien qu’il y aura restauration des démons et des impies, qu’il soit anathème » (La Foi Catholique, op. cit., n. 951).
[24] C’est là un argument qui n’est jamais pris en considération par Urs von Balthasar, d’aucune façon.
[25] Jean Elluin, dans son livre Quel enfer ?, imagine une purification qui, détruisant « le péché et la part endurcie qui s’y rattache, libérera enfin le bon reste inaliénable de toute image de Dieu » (p. 174). Un enfer « chirurgical » qui, pour lui, « satisfait la sévérité la plus exigeante sans falsifier l’Amour » (p. 167). Mais comment trouver que cette chirurgie ne falsifie pas l’Amour alors qu’elle implique « une perte à jamais de nos plus hautes virtualités d’union à Dieu » (p. 167) ? Comment se satisfaire d’un Dieu qui mutilerait pour l’éternité l’obstiné, lui infligeant une « perte incomplète (certes, mais) définitive » (p. 169) ? Un Dieu qui restaure à moitié (et contre la volonté du patient) Sa créature, est-il préférable à Celui qui donne l’être et la liberté et ne les reprend jamais ?
Par ailleurs, toute la conception «
chirurgicale » de l’Enfer de Jean Elluin repose sur une confusion du rapport du
temps à l’éternité, puisqu’il fait intervenir le facteur « temps » dans la
notion d’« enfer », qui est éternel (Catéchisme, n. 1035). Il oublie la distinction que l’Église a faite
et enseignée au long des siècles, entre le dogme du Purgatoire et celui de
l’Enfer. L’Église croit bien en un enfer « chirurgical » et elle l’appelle
Purgatoire, elle croit aussi en un
enfer éternel, et elle l’appelle
l’Enfer.
[26] Espérer pour tous, p. 12.
[27] Ibid., p. 13.
[28] L’Enfer une question, p. 11. En attendant, maints chapitres se succéderont, sans lien direct avec la résolution dudit problème. Et le lecteur aura, à la fin du livre, le désagréable sentiment d’avoir été promené, mené en bateau.
[29] Espérer pour tous, p. 137.
[30] Ibid., p. 142.
[31] Ibid., p. 143.
[32] Ibid., p. 144.
[33] He 11 1.
[34] S. Thomas d’Aquin, Somme théologique, II-II, Q. 18, a. 4.
[35] Espérer pour tous, p. 14.
[36] Ibid., p. 13.
[37] Ibid. p. 12.
[38] Cf. ibid., pp. 17 et 25 ; L’Enfer une question, p. 23.
[39] Espérer pour tous, p. 11.
[40] Ibid. pp. 11-13, 17, 20-22, 42, 67.
[41] Mais, ce disant, à quoi assistons-nous sinon à un effort de rationalisation du dogme ?
[42] Espérer pour tous, p. 13.
[43] « Voilà pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort a passé en tous les hommes, du fait que tous ont péché ; car jusqu’à la loi il y avait du péché dans le monde, mais le péché n’est pas imputé quand il n’y a pas de loi ; cependant la mort a régné d’Adam à Moïse même sur ceux qui n’avaient point péché d’une transgression semblable à celle d’Adam, figure de celle qui devait venir…
Mais il n’en va pas du don comme de
la faute. Si, par la faute d’un seul, la
multitude est morte, combien plus la grâce de Dieu et le don conféré par la
grâce d’un seul homme, Jésus Christ, se sont-ils répandus à profusion pour la
multitude. Et il n’en va pas du don comme des conséquences du péché d’un seul :
le jugement venant après un seul péché aboutit à une condamnation, l’œuvre de
grâce à la suite d’un grand nombre de fautes aboutit à une justification. Si,
en effet, par la faute d’un seul, la mort a régné du fait de ce seul homme,
combien plus ceux qui reçoivent avec profusion la grâce et le don de la justice
régneront-ils dans la vie par le seul Jésus Christ.
Ainsi donc, comme la faute d’un seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même l’œuvre de justice d’un seul procure à tous une justification qui donne la vie. Comme en effet par la désobéissance d’un seul homme la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle constituée juste.
La Loi, elle, est intervenue pour
que se multipliât la faute ; mais où le péché s’est multiplié, la grâce a
surabondé ; ainsi, de même que le péché a régné dans la mort, de même la grâce
régnerait par la justice pour la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur
» (Rm 5 12-21).
« Et moi, élevé de terre,
j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn
12 32)
[44] Espérer pour tous, p. 37.
[45] Cependant, cela peut se comprendre ainsi : Dieu étant libre, maître et souverain de Lui-même, aucune volonté ne saurait s’imposer à Lui-même, fût-elle la Sienne. C’est ainsi qu’Il a pu renoncer à la destruction de Ninive après l’avoir annoncée. Toute volonté divine est donc pour Dieu Lui-même nécessairement relative. Par contre, considérée du point de vue humain, la volonté divine ne peut pas ne pas être absolue.
[46] Il serait intéressant d’étudier quel rapport la crainte entretient avec cette idée. Comment la peur de se damner peut-elle conduire à la volonté de se dé-responsabiliser de ses choix et options fondamentales pour remettre son destin et l’exercice de sa liberté entre les mains d’une absolue prédestination. Semblablement, on pourrait se demander dans quelle mesure ce n’est pas la peur de se damner soi-même qui est à l’origine de la croyance en la restauration de toutes choses…
[47] Espérer pour tous, p. 22.
[48] Ibid., p. 22.
[49] Ap 7 14.
[50] Espérer pour tous, pp. 66, 77, 100, et L’Enfer une question, pp. 12 et 35s.
[51] Ratzinger (Joseph, Cardinal), Les principes de la Théologie catholique, Paris, Téqui, 1982, p. 85.
[52] Espérer pour tous, p. 28.
[53] « Je recommande donc avant tout, qu’on fasse des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces pour tous les hommes » (1 Tm 2 1), ainsi que Rm 5 12-21 et Jn 12 32 cités en note 43 page 29.
[54] Espérer pour tous, p. 42.
[55] Ibid., p. 47.
[56] « C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde : ils en feront l’expérience, ceux qui lui appartiennent ! » (Sg 2 24).
[57] Espérer pour tous, p. 48.
[58] Ibid., p. 70.
[59] Ibid., p. 98.
[60] Ibid., p. 99.
[61] Ibid., p. 99.
[62] 1 Tm 2 24.
[63] Espérer pour tous, p. 53.
[64] Rm 9 19.
[65] Cf. p. 30.
[66] Espérer pour tous, p. 54.
[67] Commission Théologique Internationale, L’interprétation des dogmes, D.C., 20 mai 1990, p. 496.
[68] Catéchisme de l’Église catholique, Paris, Mame-Plon, 1992, n. 1035.
[69] Cf. Mt 25 30 : « Et ce propre à rien de serviteur, jetez-le dehors, dans les ténèbres : là seront les pleurs et les grincements de dents » et note 12b page 18.
[70] Espérer pour tous, p. 68.
[71] Ibid., p. 64.
[72] Ibid., p. 51.
[73] Ibid., p. 50.
[74] Ibid., p. 51.
[75] Ibid., p. 105.
[76] Ibid., pp. 105, 109, 129.
[77] Ibid., p.77.
[78] Ibid., p. 83.
[79] Ibid., pp. 82 et 142 ; L’enfer une question, p. 11.
[80] L’enfer une question, p. 81.
[81] Ibid., p. 69.
[82] Espérer pour tous, p. 87.
[83] Ibid., p. 85.
[84] Ibid., p. 111.
[85] L’enfer une question, p. 71.
[86] Espérer pour tous, p. 87.
[87] L’enfer une question, p. 61.
[88] F.C. 951.
[89] P. 21 de notre texte.
[90] L’enfer une question, p. 32.
[91] Commission Théologique Internationale, op. cit., p. 490.
[92] Catéchisme de l’Église Catholique, n. 1035.
[93] Ibid., n. 1058.
[94] S. Augustin, De Civ. Dei XXI, 24, cité dans Espérer pour tous, p.61.
[95] 1 Jn 4 16 ; cf. aussi Mt 15 12-14 : « Alors, s’approchant, les disciples lui disent : “Sais-tu que les Pharisiens sont choqués de t’entendre parler ainsi ?” Il répondit : “Tout plant que n’a point planté mon Père céleste sera déraciné. Laissez-les : ce sont des aveugles qui guident des aveugles ! Or si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou” ».
[96] Cf. note 40 page 28.
[97] « De tout ce que vous contemplez, des jours viendront où il ne restera pas pierre sur pierre ; tout sera détruit » (Lc 21 6) ; « Je te le dis, Pierre, le coq ne chantera pas aujourd’hui que par trois fois tu n’aies nié me connaître » (Lc 22 24) ; « Jésus leur dit clairement : “Lazare est mort, et je me réjouis pour vous de n’avoir pas été là, pour que vous croyiez” » (Jn 11 15) ; « Je vous le dis dès maintenant, avant que la chose n’arrive, pour qu’une fois celle-ci arrivée, vous croyiez que Je Suis » (Jn 13 19) ; « Ainsi je vous l’ai dit avant que cela n’arrive, pour qu’à l’heure ou cela arrivera, vous croyiez » (Jn 14 29) ; « Mais je vous ai dit cela, pour qu’une fois cette heure venue, vous vous rappeliez que je vous l’ai dit » (Jn 16 4) ; « Le Royaume des Cieux est encore semblable à un filet qu’on jette en mer et qui ramène toutes sortes de choses. Quand il est plein, les pêcheurs le tirent sur le rivage, puis ils s’asseyent, recueillent dans des paniers ce qu’il y a de bon, et rejettent ce qui ne vaut rien. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges se présenteront et sépareront les méchants des justes pour les jeter dans la fournaise ardente : là seront les pleurs et les grincements de dents. » (Mt 13 47-50), etc.
[98] Commission Théologique Internationale, op. cit., p. 495.
[99] Par exemple : « Mais le Paraclet, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jn 14 26) ; « Comprends ce que je veux dire. D’ailleurs le Seigneur te fera tout comprendre » (2 Tm 2 7).
[100] « Aussi, dit Dieu le Père à Sainte Catherine de Sienne, je veux que tu saches (il est donc question de savoir…) ce qui arrive, au moment de la mort, à ceux qui se sont mis pendant leur vie sous la domination du démon. Ce n’est pas par contrainte, car nul ne peut les y forcer, comme je te l’ai dit, c’est volontairement qu’ils se sont livrés entre ses mains et qu’ils ont porté jusqu’aux approches de la mort, le joug honteux de cet esclavage. À ces derniers instants ils n’ont pas besoin d’un jugement étranger, leur conscience est à eux-mêmes leur propre juge, et c’est en désespérés qu’ils se jettent dans l’éternelle damnation. Aux portes de la mort, ils se cramponnent à l’enfer par la haine, avant même d’y pénétrer. » (Sainte Catherine de Sienne, Dialogues, Paris, Téqui, 1976, t. 1, p. 144s. Cf. aussi p. 124s.).
[101] Menendez (Sr Josepha), Un appel à l’amour, Toulouse, 1972, pp. 277, 225, 215s.
[102] Espérer pour tous, p. 22.
[103] He 11 1.
[104] He 6 11.
[105] Ps 18 30.
[106] Jn 5 24.
[107] « Car il faut que nous tous soyons mis à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun retrouve ce qu’il aura fait pendant qu’il était dans son corps, soit en bien, soit en mal » (2 Co 5 10).
[108] 2 Tm 4 8.
[109] Esd 6 11.
[110] « Si les fondations sont ruinées, que peut le juste ? » (Ps 11 3)…
[111] Espérer pour tous, p. 51.
[112] L’enfer une question, p. 38.
[113] « Ne perdez donc pas votre assurance; elle a une grande et juste récompense » (He 12 35).
[114] He 3 6.
[115] « Et maintenant, voici qu’est préparée pour moi la couronne de justice, qu’en retour le Seigneur me donnera en ce Jour-là, lui, le juste Juge, et non seulement à moi mais à tous ceux qui auront attendu avec amour son Apparition » (2 Tm 4 8) ; « Telle est l’attente de mon ardent espoir : rien ne me confondra, je garderai au contraire toute mon assurance et, cette fois-ci comme toujours, le Christ sera glorifié dans mon corps, soit que je vive soit que je meure » (Ph 1 20) ; « Avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus » (Ep 2 6).
[116] « Les anciens qui sont parmi vous, je les exhorte, moi, ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ, et qui dois participer à la gloire qui va être révélée » (1 P 5 1) ; « Je crois juste, tant que je suis dans cette tente, de vous tenir en éveil par mes rappels, sachant, comme d’ailleurs notre Seigneur Jésus Christ me l’a manifesté, que l’abandon de ma tente est proche. Mais j’emploierai mon zèle à ce qu’en toute occasion, après mon départ, vous puissiez vous remettre ces choses en mémoire » (2 P 1 13-15).
[117] « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous Lui serons semblables, parce que nous Le verrons tel qu’Il est. (…) À ceci sont reconnaissables les enfants de Dieu et les enfants du diable : quiconque ne pratique pas la justice n’est pas de Dieu, ni celui qui n’aime pas son frère. (…) Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort » (1 Jn 3 2-14) ; « En ceci consiste l’accomplissement de l’amour en nous : que nous ayons pleine assurance au jour du Jugement, car tel est celui-là, tels aussi nous sommes en ce monde » (1 Jn 4 17) ; « Je vous ai écrit ces choses afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui croyez au nom du Fils de Dieu» (1 Jn 5 13) ; « …en raison de la vérité qui demeure en nous et demeurera éternellement en nous » (2 Jn 2).
[118] « Vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes, pour juger les douze tribus d’Israël » (Lc 22 30).
[119] Pieper (Joseph), La fin des temps, Fribourg, Suisse, Éditions Universitaires, 1982, pp. 66-67.
[120] Espérer pour tous, p. 98
[121] Cf. 2 Co 4 2 : « Mais nous avons répudié les silences de la honte, ne nous conduisant pas avec astuce et ne falsifiant pas la parole de Dieu », et Ap 22 19 : « Et qui oserait retrancher aux paroles de ce livre prophétique, Dieu retranchera son lot de l’arbre de Vie et de la Cité Sainte, décrits dans ce livre ! »
[122] Espérer pour tous, p. 49
[123] 1 Co 3 12
[124] Espérer pour tous, p. 29.
[125] Cités en note page 29.
[126] Espérer pour tous, p. 31.
[127] 2 Th 2 10.
[128] Rm 1 20.
[129] Ap 20 12.
[130] 2 Co 5 10.
[131] « Si Je vous ai créés sans vous, Je ne vous sauverai sans vous », dit Dieu le Père à Sainte Catherine de Sienne, op. cit., I, p. 77.
[132] Espérer pour tous, p. 88.
[133] Ibid., p. 89.
[134] Ibid.
[135] Ibid., p. 108.
[136] Ap 2 12.
[137] Ajoutons qu’elle ne tremble pas à écrire : « Beaucoup semblent damnés qui sont sauvés devant Dieu. Beaucoup semblent sauvés qui sont damnés devant Dieu » (Angèle de Foligno, Le livre des visions et instructions, Le Seuil, 1991, p. 223)…
[138] Espérer pour tous, p. 90.
[139] Ibid., p. 91.
[140] S. Jean de la Croix, Œuvres complètes, Paris, Le Seuil, 1947, p. 649.
[141] S. Thomas d’Aquin, op. cit., I-II, Q. 114, a.6.
[142] Tt 2 13.
[143] « Il vous faut (...) vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l’homme nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité » (Ep 4 22-24) ; « Il s’agit d’être une créature nouvelle» (Ga 6 15) ; « Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau » (Col 3 10).
[144] Ap 2 17.
[145] Espérer pour tous, p. 140.
[146] Ibid., p. 98.
[147] He 4 15.
[148] Catéchisme de l’Église catholique, n. 633.
[149] Jn 15 22. Généralement, pour distinguer ces deux réalités, on parle « des enfers » pour signifier la première et de « l’Enfer » pour la seconde.
[150] Ratzinger (Joseph Cardinal), Messori (Vittorio), Entretien sur la foi, Paris, Fayard, 1985, p. 177.
[151] Espérer pour tous, p. 21.
[152] Sainte Catherine de Sienne, op. cit., p. I, p. 133.
[153] Lc 14 26.
[154] Breton (Anne), « Les Cathares », Historama, n° 24, p 19.
[155] Ibid.
[156] L’enfer une question, p. 83.
[157] Ibid., p. 9.
[158] Cf. page 30.
[159] Ibid.
[160] « Je me suis fait faible avec les faibles afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver à tout prix quelques-uns » (1 Co 9 22) ; « … mais c’est avec l’espoir d’exciter la jalousie de ceux de mon sang et d’en sauver quelques-uns » (Rm 11 14) ; « Le langage de la croix est en effet folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance de Dieu » (1 Co 1 18) ; « Et que sais-tu, femme, si tu sauveras ton mari ? Et que sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme ? » (1 Co 7 16) ; « Car nous sommes bien, pour Dieu, la bonne odeur du Christ parmi ceux qui se sauvent et parmi ceux qui se perdent » (2 Co 2 15).
[161] Espérer pour tous, p. 12.
[162] Ibid., p. 53.