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Saint Augustin
Sermon 101 Sur le Nombre des Elus
 

ANALYSE. — Ce petit discours, prononcé à Carthage, comme le montrent les paroles qui le suivent, constate que si les trois mesures de farine dont par-le Notre-Seigneur, désignent le genre humain, ce n'est pas une preuve que tous les hommes soient sauvés. Jésus-Christ l'indique clairement dans les versets qui suivent la parabole de la farine. Ailleurs, il est vrai, il enseigne que les élus seront en grand nombre. C'est que leur nombre est réellement fort considérable, si on l'examine en lui-même, mais bien petit, si on le compare à la multitude des réprouvés. Le saint Docteur terminé en excitant à la pratique de l'hospitalité comme moyen de se faire recevoir parmi les élus.

 

1. Les trois mesures de farine dont vient de nous parler le Seigneur, désignent le genre humain. Rappelez-vous le déluge; il n'y survécut que trois hommes pour repeupler la terre, car Noë eut trois fils qui furent les souches de l'humanité nouvelle. Quant à cette sainte femme qui cacha son levain, elle figure la sagesse, qui fait crier partout, au sein de l'Eglise de Dieu : « Je sais que le Seigneur est grand (1). »

Assurément les élus sont peu nombreux. Vous vous rappelez la question qui vient de nous être rappelée dans l'Evangile. « Seigneur, y est-il dit, est-ce que les élus sont peu nombreux? » Que répond le Seigneur ? Il ne dit pas qu'au contraire les élus sont en grand nombre, non; mais après avoir entendu cette question : « Est-ce que les élus sont peu nombreux? » il réplique : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite. » N'est-ce pas confirmer dans l'idée du petit nombre des élus ? Il dit encore ailleurs : « Etroite et resserrée est la voie

 

1. Lc, XIII, 21-24. — 2 Ps. CXXXIV, 5.

 

qui mène à la vie, et il y en a peu pour y marcher; tandis que la voie qui mène à la perdition est large et spacieuse, et il y en a beaucoup pour la suivre (1). » Pourquoi donc chercher notre joie dans les multitudes? Vous qui êtes en petit nombre, écoutez-moi. Beaucoup en effet prêtent l'oreille, et peu sont dociles. Je vois une aire et mes yeux y cherchent le grain. On l'aperçoit difficilement tant qu'il est sous le fléau, mais viendra le moment de le vanner. C'est ainsi que comparés aux réprouvés, les élus sont en petit nombre ; tandis que considérés en eux-mêmes, ils formeront une quantité considérable lorsque le Vanneur viendra, le van à la main, nettoyer son aire, serrer le froment au grenier et brûler la paille au feu inextinguible z. Que la paille ne se rie pas du bon grain: cet oracle est véritable, Dieu ne trompe personne.

Soyez nombreux au sein des nombreux élus, et toutefois vous ne serez qu'en petit nombre;

 

1. Mat. VII, 13, 14. — 2 Luc, III, 17.

 

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comparés à une grande multitude . De l'aire du Seigneur doit sortir une telle quantité de bons grains, qu'ils rempliront les greniers célestes. Le Christ effectivement ne saurait se contredire. S'il a dit qu'il y en a peu pour entrer par la porte étroite et beaucoup pour périr en suivant la voie large; ailleurs il a dit aussi : « Beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident (1). » C'est que ceux-ci sont aussi en petit nombre; ils sont à la fois nombreux et peu nombreux. Les nombreux et les peu nombreux seraient-ils différents les uns des autres? Non. Les mêmes sont en même temps nombreux et peu nombreux; peu nombreux comparativement aux réprouvés, et nombreux absolument dans la société des Anges. Ecoutez, mes bien-aimés, voici ce qu'on lit dans l'Apocalypse: « Je vis venir ensuite, avec des robes blanches et des palmes, des élus de toute langue, de toute race et de toute tribu ; c'était une multitude que personne ne saurait compter (2). » Cette multitude est la grande assemblée des saints.

Quand donc l'aire sera vannée; quand cette multitude sera séparée de la foule des impies, des chrétiens mauvais et hypocrites ; quand seront jetés aux feux éternels ces hommes perdus qui pressent Jésus-Christ sans le toucher, car l'hémorrhoïsse touchait la frange du Christ tandis que la foule le pressait à l'importuner (3) ; quand enfin tous les réprouvés seront éloignés, et que debout à la droite du Sauveur, la masse purifiée des élus ne craindra plus ni le mélange d'aucun homme méchant,ni la perte d'aucun homme de bien et qu'elle commencera à régner avec le Christ, quel éclat et quelle force ne prendra point sa voix et avec quelle confiance ne s'écriera-t-elle pas : « Je sais que le Seigneur est grand! »

2. Par conséquent, mes frères, si j'ai ici de bons grains devant moi, s'ils comprennent ce que je dis et sont prédestinés à l'éternelle vie, qu'ils s'expriment par leurs oeuvres plutôt que par des applaudissements.

 

1. Matt. VIII,         11. — 2 Apoc. VII, 9. — 3. Luc, VIII, 44, 42

 

Nous sommes forcés de vous parler comme nous n'aurions pas dû le faire; car nous aurions dû trouver de quoi louer en vous sans être obligés de chercher à vous reprendre. Je vais expliquer ma pensée sans différer plus longtemps.

Reconnaissez la vertu d'hospitalité, elle a mené jusqu'à Dieu. Recevoir un hôte, c'est recevoir un compagnon de voyage, puisque nous sommes tous voyageurs; et au sein de son pays, dans sa propre demeure, le vrai chrétien se considère comme voyageur. Notre, vraie patrie n'est-elle pas le ciel ? C'est là seulement que nous ne serons pas étrangers; car chacun l'est ici, même auprès de son foyer. Si quelqu'un ne l'est pas, qu'il ne quitte donc pas sa demeure; et s'il doit la quitter, n'est-ce pas une preuve qu'il est voyageur? Qu'on ne se fasse pas illusion, bon gré, mal gré, on est étranger ici bas. Car on laisse sa maison à ses enfants, comme un hôte laisse l'hôtellerie à d'autres hôtes. Pourquoi? Si tu étais réellement dans une hôtellerie, ne la quitterais-tu pas, pour faire place à d'autres? C'est ainsi que tu sors de ta maison. Ton père a dû te faire place, tu feras place aussi à tes enfants. Tu demeures pour ne pas demeurer toujours et ceux qui te succèderont seront comme toi.

Si donc nous passons tous, faisons des oeuvres qui ne passent pas, afin de les trouver lorsque nous aurons passé et que nous serons parvenus au séjour heureux où rien ne passe. Le Christ s'est fait lui-même le gardien de tes mérites; pourquoi craindre de perdre ce que tu donnes? Tournons-nous vers le Seigneur (1). etc. Après- le discours : Nous allons vous rappeler ce que sait déjà votre charité. C'est demain l'anniversaire de la consécration du vénérable Aurèle (2) : il a daigné s'adresser à mon humilité pour vous prier et vous prévenir de vouloir bien vous rendre, avec la plus grande piété, à la basilique de Fauste. — Grâces à Dieu.

 

1. Ser. I. — 2. Evêque de Carthage.
 

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