Vénérables Frères,
Personne assurément n'ignore au
milieu de quelles tempêtes et de quelles effroyables perturbations sont
jetés, à la profonde douleur de Notre âme, Nos Etats pontificaux et
l'Italie presque tout entière. Et plaise au Ciel que les hommes, instruits
un jour par ces lamentables bouleversements, comprennent que rien ne peut
leur être plus pernicieux que d'abandonner les sentiers de la vérité,
de la justice, de l'honneur et de la Religion, d'écouter les détestables
conseils des impies, et de se laisser tromper et enlacer par leurs insidieuses
et perfides erreurs ! Tout l'univers sait et atteste combien grande a été
la sollicitude de Notre cœur paternel et de Notre ardent amour pour procurer
aux peuples de Notre domaine pontifical le bien solide et véritable, la
paix et la prospérité ; et quel a été ensuite le prix de tant d'indulgence
et de tendresse de Notre part. En condamnant par ces paroles les perfides
artisans de tant de malheurs, loin de Nous de vouloir en attribuer aucunement
la faute à la plus grande partie de la population. Toutefois, Nous sommes
forcé de déplorer que plusieurs parmi le peuple aient été abusés au
point de fermer l'oreille à Nos avis et à Nos exhortations, et d'avoir
écouté les fallacieuses doctrines de ces maîtres qui, s'écartant du
droit chemin et marchant dans les voies ténébreuses, tendaient uniquement
à séduire par de fausses et magnifiques promesses, les esprits et les
cœurs inexpérimentés, et à les jeter dans l'erreur et le mensonge.
Chacun sait parfaitement par quels concerts de louanges a été célébrée
partout cette mémorable et si large amnistie accordée par Nous pour la
paix, la sécurité et le bonheur des familles ; et personne n'ignore que
plusieurs de ceux à qui s'appliquait ce pardon, loin de changer en rien
d'esprit, comme Nous l'espérions, ont au contraire, multipliant de jour
en jour leurs trames et leurs complots, tout tenté, tout osé pour ébranler
et pour renverser de fond en comble, comme ils le méditaient depuis longtemps,
la souveraineté temporelle du Pontife Romain, et pour faire en même temps
à notre très sainte Religion la guerre la plus acharnée. Afin d'atteindre
plus facilement ce but, ils se sont surtout empressés d'abord de convoquer
les multitudes, de les enflammer et de les agiter par de grandes et fréquentes
manifestations qu'ils s'étudiaient à réitérer et à augmenter sans
cesse, en prenant pour prétexte les concessions mêmes que Nous faisions.
Aussi, ces concessions que dès l'origine de Notre Pontificat Nous avions
librement et volontairement accordées, non seulement ne purent produire
les fruits que Nous avions désirés, mais même ne purent jeter aucune
racine , puisque ces habiles artisans de fraude n'en usèrent que pour
exciter de nouvelles agitations. C'est pourquoi, Vénérables Frères,
Nous Nous sommes proposé, dans cette Assemblée, de rappeler brièvement
les faits et de les remettre rapidement en votre mémoire, afin que tous
les hommes de bonne volonté puissent voir avec évidence ce que veulent
les ennemis de Dieu et du genre humain, ce qu'ils souhaitent et ce qui
est le but fixe et permanent de leur ambition.
Notre singulière affection envers
Nos sujets, Nous faisait regretter vivement ces fréquentes agitations
populaires, si contraires à l'ordre, à la tranquillité publique, à
la paix et au repos des familles ; et Nous ne pouvions supporter ces (fréquentes
souscriptions pécuniaires qui étaient demandées, sous des prétextes
différents, au grand détriment de tous les citoyens. C'est pourquoi,
au mois d'Avril 1847, Nous avons, par un édit de Notre Cardinal secrétaire
d'Etat, averti tous nos sujets de s'abstenir de ces réunions populaires
et de ces souscriptions, les engageant à tourner enfin leur attention
et leurs efforts vers leurs propres affaires, à placer toute leur confiance
en Nous, à se persuader que Nos soins et Notre sollicitude paternelle
étaient uniquement consacrés au bien public, comme Nous l'avions déjà
montré par de nombreux et irrécusables témoignages. Mais ces salutaires
avis qui tendaient à calmer les mouvements populaires, à faire rentrer
les peuples dans l'ordre et la tranquillité, contrariaient les désirs
et les desseins de quelques hommes pervers. Aussi, à peine les infatigables
auteurs de ces agitations qui déjà s'étaient opposés à un autre édit
publié d'après Nos ordres par le même Cardinal pour la bonne éducation
du peuple, connurent-ils Nos avertissements, qu'ils ne cessèrent de faire
entendre de violentes clameurs, d'exciter avec plus d'ardeur les multitudes
imprévoyantes et de les entraîner par de trompeuses insinuations à ne
pas rentrer dans ce calme objet de tous nos vœux, comme si ce conseil
cachait le pernicieux dessein d'endormir les peuples, et de leur faire
accepter plus facilement dans la suite le joug d'une dure servitude. Dès
lors un grand nombre d'écrits pleins d'outrages, d'insultes amères et
de menaces Nous furent adressés; Nous les avons ensevelis dans un éternel
silence et livrés aux flammes. Or, pour que ces hommes ennemis pussent
faire croire aux faux dangers dont ils menaçaient le peuple, ils ne craignirent
pas d'accréditer le bruit forgé par eux d'une conjuration mensongère;
ils jetèrent la crainte dans le peuple, et, par le plus odieux mensonge,
ils proclamèrent que cette conjuration avait pour objet d'ensanglanter
la ville de Rome par la guerre civile, le meurtre et le carnage, d'anéantir
les institutions nouvelles, et de faire revivre la forme ancienne du gouvernement.
Mais sous le faux prétexte de cette conjuration, ces factieux n'avaient
d'autre but que de provoquer et d'exciter indignement le mépris, l'envie,
la fureur contre des personnages illustres par leur vertu, leur religion,
et revêtus des dignités ecclésiastiques. Vous savez qu'au milieu de
cette effervescence l'institution de la garde civique fut proposée et
réalisée avec tant de précipitation, qu'il ne fut pas possible de lui
donner une forme et une discipline régulière.
Aussitôt que Nous avons pu croire
qu'il serait utile pour l'accroissement et la prospérité de l'administration
publique, d'établir une consulte d'Etat, ces implacables adversaires saisirent
sans retard cette occasion de frapper de nouveaux coups contre le gouvernement,
de dénaturer et d'anéantir cette institution qui pouvait être d'une
grande utilité pour les intérêts publics. Et comme déjà ils avaient
impunément répandu cette opinion que l’institution de la Consulte changeait
le caractère et la nature du gouvernement pontifical, et que Notre autorité
était soumise aux décisions des Consulteurs; le jour même de l'inauguration
de cette Consulte, Nous n'avons pas manqué d'avertir sérieusement, par
de sévères paroles, certains hommes qui accompagnaient les membres de
l'assemblée, et de leur déclarer clairement et ouvertement le but véritable
de cette institution. Mais les perturbateurs ne cessaient aucunement de
solliciter par des appels plus ardents la portion abusée de la multitude,
et pour augmenter plus aisément le nombre de leurs adeptes, ils publiaient,
tant dans Nos Etats pontificaux qu'auprès des nations étrangères, avec
la plus insigne et la plus audacieuse impudence, que Nous donnions un plein
assentiment à leurs desseins et à leurs opinions. Vous vous souvenez,
Vénérables Frères, par quelles paroles, dans Notre Allocution consistoriale,
prononcée le 4 octobre1847, en votre présence, Nous avons eu soin d'avertir
sérieusement tous les peuples, et de les exhorter à se garder avec la
plus grande vigilance de la perfidie de ces pervers. Cependant ces misérables
fauteurs de troubles, pour alimenter et exciter incessamment les craintes
et l'agitation, épouvantaient, au mois de janvier de l'année dernière,
les esprits sans défiance par de vains bruits de guerre extérieure, et
ils répandaient dans le public que cette guerre serait appuyée et soutenue
par des conspirations intérieures et par la malveillante inertie des gouvernants.
Afin de tranquilliser les esprits et de repousser les odieuses embûches
des traîtres, Nous Nous hâtâmes sans retard, le 10 février de cette
même année, de déclarer ces rumeurs entièrement fausses et absurdes,
et Nous le fîmes en des termes qui sont connus de tout le monde. Et dans
ce même temps Nous annoncions d'avance à Nos bien-aimés sujets, ce qui
arrivera maintenant avec l'aide de Dieu, à savoir que d'innombrables enfants
accourraient pour défendre la demeure du Père commun de tous les fidèles,
c'est-à-dire l'Etat de l'Église, si les liens étroits de la reconnaissance
qui devaient unir intimement entre eux les princes et les peuples de l'Italie,
venaient à se rompre, et si les peuples avaient le malheur de mépriser
la sagesse des princes et la sainteté de leurs droits, et cessaient de
les protéger et défendre de toutes leurs forces.
Que si les paroles que Nous venons
de rappeler, apportèrent pour un court espace de temps la tranquillité
à tous ceux dont la volonté était opposée aux perturbations, elles
ne purent rien cependant auprès de ces ennemis irréconciliables de l'Église
et de la société humaine, qui excitèrent de nouveaux troubles et de
nouveaux tumultes. Redoublant en effet les calomnies qui avaient été
propagées par eux et par leurs semblables contre des Religieux dévoués
au divin ministère et ayant bien mérité de l'Église, ils soufflèrent
et allumèrent contre eux la violence des colères populaires. Et vous
n'ignorez pas, Vénérables Frères, que Nos paroles adressées au peuple
le 10 mars, ont été impuissantes, malgré tous Nos efforts pour arracher
à l'exil et à la dispersion cette religieuse Famille.
Sur ces entrefaites, les révolutions
politiques que tout le monde connaît étant arrivées en Italie et en
Europe, Nous élevâmes de nouveau Notre voix apostolique le 30 mars de
cette année, et Nous primes soin d'exhorter plus vivement que jamais tous
les peuples à respecter la liberté de l'Église catholique, à défendre
l'ordre dans la société civile, à protéger tous les droits, à suivre
les préceptes de Notre très-sainte religion, et surtout à exercer envers
tous la charité chrétienne, puisque s'ils négligeaient d'agir ainsi,
ils devaient être assurés que Dieu montrerait qu'il est le maître des
peuples.
Chacun de vous sait ensuite comment
la forme du gouvernement constitutionnel fut importée en Italie, et comment
le Statut accordé le 14 mars de l'an dernier par Nous, à Nos sujets,
fut mis au jour. Comme les adversaires implacables du repos et de l'ordre
public n'avaient rien tant à cœur que de tenter les derniers efforts
contre le gouvernement pontifical, d'agiter le peuple par des mouvements
et par des soupçons continuels, ils ne cessaient soit par des écrits,
soit dans les Cercles et les associations, et par toute sorte d'entreprises,
de calomnier le gouvernement et de le flétrir du reproche d'inertie, de
dol et de fraude, quoique ce même gouvernement s'appliquât de tous ses
soins et de tout son pouvoir à mettre en activité le plus promptement
possible ce Statut si désiré. Et ici, Nous voulons faire savoir à tout
l'univers qu'en ce même temps ces hommes, persévérant dans leur dessein
de bouleverser l'État pontifical et toute l'Italie, Nous ont proposé
la proclamation non plus seulement de la Constitution, mais de la République,
comme l'unique refuge et l'unique ressource de salut pour Nous et pour
l'État de l'Église. Elle Nous est encore présente cette heure de la
nuit ; Nous les avons encore devant les yeux ces hommes qui, misérablement
trompés par les artisans de mensonge, osaient bien prendre leur parti
et Nous presser de proclamer la République. Cela seul, indépendamment
d'autres preuves innombrables et si graves, démontre évidemment que les
demandes d'institutions nouvelles et le progrès si hautement proclamé
par les hommes de cette espèce, tendent uniquement à exciter des troubles
perpétuels, à détruire totalement et partout les principes de la justice,
de la vertu, de l'honneur et de la religion ; à établir, à propager
et à assurer au loin, au grand dommage et à la ruine de toute société
humaine, la domination de cet horrible et lamentable système, radicalement
contraire à la raison et au droit naturel, et qu'on appelle le socialisme
ou le communisme.
Mais bien que cette noire conspiration
ou plutôt cette série non interrompue de conspirations fût claire et
manifeste, cependant, par la permission de Dieu, elle demeura inconnue
à beaucoup de ceux à qui la tranquillité publique devait pour tant de
causes être principalement chère. Et bien que les infatigables fauteurs
d'anarchie donnassent lieu aux plus graves soupçons, il ne manqua pas
de certains hommes de bonne volonté qui leur tendirent une main amie,
espérant sans doute qu'ils pourraient les ramener dans le chemin de la
modération et de la justice.
Cependant, un cri de guerre éclata
tout à coup dans l'Italie entière : une partie de Nos sujets s'en émut
et courut aux armes, et voulut, malgré Notre volonté, passer les frontières
de l'État Pontifical. Vous savez, Vénérables Frères, comment, remplissant
nos devoirs de Souverain Pontife et de Prince, Nous avons résisté aux
injustes désirs de ceux qui prétendaient Nous entraîner à faire cette
guerre, et qui demandaient que Nous envoyassions au combat, c'est-à-dire
à une mort certaine, une jeunesse inexpérimentée, recrutée tout d'un
coup, sans aucune habitude de l'art militaire, sans discipline, et privée
de chefs capables et de subsides de guerre. Et on Nous demandait cela,
à Nous qui, élevé malgré Notre indignité, et par un impénétrable
dessein de la Providence, au faîte de la dignité apostolique, à Nous
qui, tenant la place de N. S. J. C. sur cette terre, avons reçu de Dieu,
auteur de la paix et ami de la charité, la mission d'embrasser dans l'égale
tendresse de Notre paternel amour tous les peuples, toutes les nations,
toutes les races, de pourvoir de toutes nos forces au salut de tous, et
de ne jamais appeler les hommes au carnage et à la mort ! Que si chaque
prince ne peut jamais entreprendre la guerre sans de légitimes motifs,
qui donc sera assez privé de jugement et de raison pour ne pas voir que
l'univers catholique est en droit de demander, et à bien plus juste titre,
des motifs beaucoup plus graves au Pontife Romain, s'il le voit déclarer
et entreprendre la guerre ? C'est pourquoi, dans Notre Allocution prononcée
en Votre présence le 29 avril de l'an passé, Nous avons déclaré publiquement
que Nous étions complètement étranger à cette guerre. Et dans ce même
temps, Nous avons répudié et rejeté le rôle qui Nous était insidieusement
offert, tant de vive voix que par écrit, et qui était aussi injurieux
à Notre personne que pernicieux à l'Italie, à savoir de présider au
gouvernement de la République italienne. C'est ainsi que Nous avons pris
soin, par une singulière miséricorde de Dieu, d'accomplir la charge que
Dieu lui-même Nous a imposée, de parler, d'avertir et d'exhorter ; et
Nous avons la confiance qu'on ne pourra pas Nous adresser comme un reproche
la parole d'Isaïe : «Malheur à moi, parce que je me suis tu !» Plut
à Dieu qu’à nos discours, à nos avertissements, à nos exhortations
paternels, tous nos fils eussent prêté l'oreille !
Vous vous souvenez, Vénérables
Frères, quelles clameurs, quel tumulte furent excités par les hommes
de cette turbulente faction après Notre Allocution, et comment on Nous
imposa un ministère laïque en opposition, non seulement à Nos vues et
à Nos principes, mais encore aux droits du Siége Apostolique. Nous avions
prévu l'issue malheureuse de la guerre d'Italie, lorsqu'un de ces ministres
n'hésita point à affirmer qu'on prolongerait cette guerre malgré Nous,
malgré Notre résistance, et sans la bénédiction pontificale. Ce ministre,
faisant la plus grave injure au Siège Apostolique, ne craignit point de
proposer la séparation de la puissance temporelle d'avec la puissance
spirituelle du Pontife Romain. Peu de temps après, ce même ministre alla
même jusqu'à dire de Nous des choses qui mettaient pour ainsi dire le
Souverain Pontife en dehors du droit des gens. Le Seigneur juste et miséricordieux
a voulu Nous humilier sous sa main puissante, lorsqu'il permit que pendant
plusieurs mois la vérité d'une part, et le mensonge de l'autre, se livrassent
un violent combat terminé par l'élection d'un ministère nouveau, qui
lui-même fit bientôt place à un autre, dans lequel se trouvaient réunis
le talent, le zèle du bien public et privé, et le respect pour les lois.
Mais la licence effrénée et l'audace des passions perverses, élevaient
de jour en jour une tête plus menaçante ; les ennemis de Dieu et des
hommes enflammés du désir insatiable de tout dominer, de tout dévaster,
de tout détruire, n'avaient plus d'autre pensée que de fouler aux pieds
les lois divines et humaines pour satisfaire leurs passions. De là ces
machinations ourdies d'abord dans l'ombre, puis bientôt éclatant en public,
ensanglantant les rues, multipliant des sacrilèges à jamais déplorables,
et se portant contre Nous, dans le palais du Quirinal, à une violence
jusqu'alors inconnue.
C'est pourquoi, opprimé par tant
d'angoisses, ne pouvant plus remplir librement ni les devoirs du Prince,
ni même ceux du Pontife, Nous avons dû, non sans une amère tristesse,
Nous éloigner de Notre Siège. Nous ne voulons point ici rappeler ces
faits déplorables déjà rapportés dans Nos solennelles protestations,
de peur que leur cruel souvenir n'augmente Notre douleur et la vôtre.
A peine les séditieux connurent-ils Nos protestations, que leur audace
devint plus furieuse : ils n'épargnèrent ni les menaces, ni le mensonge,
ni la fraude pour augmenter les terreurs des gens de bien déjà trop frappés
de stupeur. Après avoir établi cette nouvelle forme de gouvernement qu'ils
appelèrent Junte d'Etat, après avoir supprimé les deux Conseils que
Nous avions institués, ils firent tous leurs efforts pour réunir un nouveau
conseil, qu'ils ont voulu appeler Constituante romaine. Notre esprit se
refuse à redire toutes les fraudes dont ils ont usé pour amener leur
dessein à terme. Ici Nous voulons adresser des éloges mérités à la
plus grande partie des magistrats de l'État pontifical qui, fidèles à
leur honneur et à leur devoir, aimèrent mieux abdiquer leurs fonctions
que de prêter la main à une œuvre qui dépouillait leur Prince et leur
Père, qui les aimait si tendrement, de sa légitime puissance temporelle.
Mais enfin cette Assemblée fut réunie, et il se trouva un avocat romain
qui, dès le début de son premier discours à cette Assemblée, déclara
ouvertement ce que pensaient, ce que voulaient, ce qu'ambitionnaient et
lui-même et ses odieux complices, les fauteurs de cette horrible agitation.
«La loi du progrès moral est impérieuse et inexorable», disait-il,
et en même temps il déclarait que son intention et celle de ses adhérents
étaient de renverser complètement la puissance temporelle du Siege Apostolique,
quoique Nous eussions condescendu, autant qu'il était en Nous, à leurs
désirs. Nous avons voulu faire mention de cette déclaration dans votre
Assemblée, pour que tous comprennent que Nous n'avons point attribué
cette volonté perverse aux auteurs du désordre par un simple soupçon
ou une conjecture incertaine, mais qu'ils l'ont eux-mêmes manifestée
et proclamée hautement à tout l'univers, quand le respect d'eux-mêmes
eût dû suffire pour les empêcher de faire une semblable déclaration.
Ce n'était donc ni des institutions plus libérale, ni une meilleure administration,
ni de sages règlements que voulaient ces hommes, mais l'attaque, la ruine,
la destruction absolue de la puissance temporelle du Saint-Siège. Autant
que cela dépendit d'eux, ils exécutèrent leur dessein par un édit du
9 février de cette année, proclamé par ce qu'ils appellent la Constituante
romaine, et dans lequel ils déclarèrent les Pontifes Romains déchus
en fait et en droit de leur puissance temporelle, sans que l'on puisse
dire si cette audacieuse entreprise lésa davantage ou les droits de l'Église
romaine et la liberté du ministère apostolique qui y est unie, ou les
intérêts de Nos sujets des domaines pontificaux. Ces faits déplorables
ont rempli, Vénérables Frères, Notre âme d'une grande amertume, et
Nous fûmes surtout profondément affligé en voyant la ville de Rome,
centre de l'unité et de la vérité catholique, maîtresse de la sainteté
et de la vertu, devenir, par l'affluence des impies qui y accourent chaque
jour, la cause d'une si grande affliction pour les peuples et les nations.
Cependant, au milieu de Notre immense douleur, il Nous est doux de pouvoir
affirmer que l'immense majorité du peuple romain et des autres sujets
pontificaux, Nous est restée fidèlement attachée, ainsi qu'au Siège
Apostolique, ayant dans une profonde horreur ces noirs complots, quoiqu'elle
soit restée spectatrice de ces tristes événements.
Nous avons encore trouvé une grande
consolation dans le zèle de l'Épiscopat et du clergé de Nos domaines
pontificaux; en face des périls et des difficultés de tout genre, ils
n'ont pas cessé de remplir les devoirs de leur ministère et de détourner
les peuples par leurs discours et par leurs exemples de ces mouvements
et des conseils impies de la faction.
Pour Nous, au milieu de ces luttes
et de ces graves conjonctures, Nous n'avons rien négligé pour veiller
au maintien de l'ordre et de la sécurité. Longtemps avant qu'arrivassent
les tristes événements de novembre, Nous employâmes tous nos efforts
à faire entrer dans la Ville les troupes suisses engagées au service
du Saint-Siège et cantonnées dans Nos provinces ; ordre qui, malgré
Notre volonté, ne put être exécuté, par la résistance de ceux qui
étaient ministres au mois de mai. Ce n'est pas tout : avant cette époque
, et plus tard encore, Nous eûmes soin, soit pour maintenir l'ordre public
à Rome, soit pour comprimer l'audace des factieux, de réunir d'autres
forces militaires, qui, Dieu l'ayant ainsi permis, Nous ont fait défaut,
à cause des vicissitudes des temps et des choses. Enfin, après les très
déplorables événements de novembre, Nous n'avons pas négligé, par
Nos lettres en date du 5 janvier, de rappeler à tous Nos soldats indigènes
leurs devoirs de religion et d'honneur militaire, les excitant à garder
la foi jurée à leur Prince, et à faire les plus énergiques efforts
pour maintenir partout la tranquillité publique, l'obéissance et le dévouement
envers le gouvernement légitime. De plus, Nous ordonnâmes à Nos troupes
suisses de venir à Rome ; Nous ne fûmes point obéi, et leur chef, dans
cette circonstance, manqua à son devoir et à son honneur.
Cependant, les chefs de la faction,
poussant leur entreprise avec une audace plus persistante, ne cessèrent
de déchirer Notre Personne, et les personnages qui Nous entouraient, par
d'odieuses calomnies et des injures de toute nature. Et par un coupable
abus des paroles et des pensées du très saint Évangile, ils n'ont pas
craint, loups ravisseurs déguisés en agneaux, d'entraîner la multitude
inexpérimentée dans leurs desseins et leurs entreprises, et de verser
dans les esprits imprévoyants le poison de leurs fausses doctrines. Les
sujets fidèles de notre Domaine temporel pontifical, Nous ont à juste
titre demandé de les délivrer des angoisses, des périls, des calamités
et des dommages auxquels ils étaient exposés. Et, puisqu'il s'en trouve
parmi eux qui Nous regardent comme la cause (innocente, il est vrai) de
tant d'agitations, Nous les prions de considérer, qu'à peine élevé
sur le Siège Apostolique, Notre paternelle sollicitude et toutes Nos entreprises
n'ont eu d'autre objet, comme Nous l'avons déclaré plus haut, que d'améliorer
par tous les moyens la condition des peuples soumis à Notre autorité
pontificale ; mais que les menées d'hommes ennemis et séditieux ont rendu
inutiles tous nos efforts ; et qu'au contraire, par la permission du Ciel,
ces factieux sont parvenus à mener à leur fin les desseins que dès longtemps
ils ne cessaient de méditer et d'essayer avec toutes les ressources de
leur malice. C'est pourquoi Nous répétons ici ce que Nous avons dit ailleurs,
à savoir que dans cette violente et funeste tempête qui ébranle l'univers
presque entier, il faut reconnaître la main de Dieu, et entendre la voix
de celui qui a coutume de punir par de tels châtiments les iniquités
et les crimes des hommes, afin de hâter leur retour dans les sentiers
de la justice. Qu'ils écoutent donc cette parole ceux qui se sont écartés
de la vérité, et qu'abandonnant leurs voies impies, ils reviennent au
Seigneur ; qu'ils l'écoutent aussi Ceux qui, au milieu de ces funestes
événements, sont plus inquiets de leurs propres intérêts que du bien
de l'Église et du bonheur de la chrétienté, et qu'ils se souviennent
«qu'il ne sert de rien à l'homme de gagner tout l'univers, s'il vient
à perdre son âme». Qu'ils l'écoutent encore ces pieux enfants de l'Eglise
; qu'attendant avec patience le salut de Dieu, et purifiant chaque jour
avec plus de soin leurs consciences de toute souillure du péché, ils
s'efforcent d'implorer les miséricordes du Seigneur, de lui plaire de
plus en plus et de le servir avec persévérance.
Cependant, malgré l'ardeur de nos
désirs, Nous ne pouvons nous dispenser d'adresser, en particulier, Nos
plaintes et Nos reproches à ceux qui applaudissent au décret par lequel
le Pontife de Rome est dépouillé de toute dignité et de toute puissance
temporelle, et qui affirment que ce même décret est le moyen le plus
efficace de procurer le bonheur et la liberté de l'Église. Mais Nous
déclarons ici hautement que ni le désir du commandement, ni le regret
de la perte de Notre pouvoir temporel ne nous dicte ces paroles, puisque
Notre nature et Notre inclination sont entièrement éloignées de tout
esprit de domination. Néanmoins, les devoirs de notre charge réclament
que, pour protéger l'autorité temporelle du Siége Apostolique, Nous
défendions de tous Nos efforts les droits et les possessions de la sainte
Église Romaine, et la liberté de ce Siège qui est inséparable de la
liberté et des intérêts de toute l'Église. Et les hommes qui, applaudissant
à ce décret, affirment tant d'erreurs et d'absurdités, ignorent ou feignent
d'ignorer que ce fut par un dessein singulier de la Providence divine que
dans le partage de l'empire romain en plusieurs royaumes et en diverses
puissances, le Pontife de Rome, auquel Notre-Seigneur Jésus-Christ a confié
le gouvernement et la conduite de toute l'Église, eut un pouvoir civil,
afin sans doute que, pour gouverner l'Église et protéger son unité,
il pût jouir de cette plénitude de liberté nécessaire à l'accomplissement
de son ministère apostolique. Tous savent, en effet, que les peuples fidèles,
les nations, les royaumes n'auraient jamais une pleine confiance, une entière
obéissance envers le Pontife romain, s'ils le voyaient soumis à la domination
d'un prince ou gouvernement étranger, et privé de sa liberté. En effet,
les peuples fidèles et les royaumes ne cesseraient de craindre que le
Pontife ne conformât ses actes à la volonté du prince ou de l'État
dans le domaine duquel il se trouverait, et ils ne manqueraient pas de
s'opposer souvent à ces actes sous ce prétexte. Que les ennemis mêmes
du pouvoir temporel du Siège Apostolique, qui règnent en maîtres à
Rome, disent avec quelle confiance et quel respect ils recevraient les
exhortations, les avis, les ordres et les décrets du Souverain Pontife,
s'ils le voyaient soumis aux volontés d'un prince ou d'un gouvernement,
surtout s'il était sous la dépendance d'une puissance qui fût depuis
longtemps en guerre avec le pouvoir pontifical.
Cependant, il n'est personne qui
ne voie les cruelles et nombreuses blessures qui accablent maintenant l'Épouse
immaculée du Christ dans le domaine pontifical lui-même, ses chaînes
et la honteuse servitude qui l'oppriment de plus en plus, et les maux qui
écrasent son Chef visible. Qui donc ignore que toute communication avec
la ville de Rome, avec son clergé bien-aimé, avec tout l'Épiscopat de
Nos États, avec tous les fidèles, a été tellement entravée, que nous
n'avons pu ni envoyer ni recevoir librement les lettres qui traitaient
d'affaires ecclésiastiques ou spirituelles ? Qui donc ignore que maintenant,
ô douleur ! la ville de Rome, siège principal de l'Église catholique,
est devenue une forêt pleine de monstres frémissants, puisque les hérétiques,
les apostats de toutes les nations, les maîtres de ce qu'on appelle le
socialisme ou le communisme, animés contre la vérité catholique d'une
haine profonde, s'efforcent par leurs discours, par leurs écrits, par
tous les moyens en leur pouvoir, d'enseigner, de propager leurs fatales
erreurs, et de corrompre les esprits et les cœurs, afin que dans Rome
même, si cela était possible, la sainteté de la Religion catholique
et la règle irréformable de la foi soient perverties ? Qui ne sait, qui
n'a entendu dire que dans Nos États pontificaux les biens, les revenus,
les possessions de l'Église ont été envahis par une audace téméraire
et sacrilège ; que les temples les plus augustes ont été dépouillés
de leurs ornements, que les monastères ont été employés à des usages
profanes, que les vierges consacrées à Dieu ont été tourmentées, que
les ecclésiastiques les plus vertueux, les plus distingués, ont été
cruellement persécutés, que les religieux ont été poursuivis, jetés
dans les fers ou mis à mort, que d'illustres Évêques, revêtus même
du cardinalat, ont été violemment enlevés à leurs troupeaux et plongés
dans les cachots.
Ces attentats contre l'Église,
contre ses droits et sa liberté, sont commis soit dans nos Etats. soit
au dehors, partout où dominent ces hommes ou leurs pareils, au moment
même où ils proclament partout la liberté, et où ils feignent de désirer
que la puissance du Souverain Pontife s'exerce en toute liberté et absolument
dégagée de toute entrave.
Personne non plus n'ignore l'affreuse
et lamentable condition à laquelle, par le fait des hommes qui commettent
tant de crimes contre l'Église, se sont trouvés réduits Nos bien-aimés
sujets. Le trésor public dissipé, épuisé, le commerce interrompu et
presque anéanti, des impôts énormes levés sur les plus riches et bientôt
sur tous les citoyens, les propriétés particulières pillées par ceux
qui s'appellent les chefs du peuple et les conducteurs de bandes effrénées,
la liberté de tous les gens de bien troublée, leur sécurité mise en
question, leur vie exposée au poignard des sicaires, voilà les maux intolérables
qui sont venus jeter l'épouvante et l'effroi au milieu de nos sujets.
Telles sont les prémices sans doute de cette prospérité que les ennemis
du Souverain Pontificat annoncent et promettent au peuple de notre Etat
pontifical.
Dans la grande et amère douleur
qui Nous accablait à la vue des calamités de l'Église et de nos États,
convaincu que Notre devoir Nous impose la charge d'employer tous les moyens
pour prévenir ou repousser tant de malheurs, déjà, dès le 4 décembre
de l'année dernière, Nous avons demandé et sollicité le secours de
tous les princes et de toutes les nations. Nous ne pouvons donc, Vénérables
Frères, Nous empêcher de vous faire part de la consolation singulière
que Nous avons éprouvée, lorsque les princes et les peuples, même ceux
qui ne Nous sont point unis par le lien de l'Unité catholique, se sont
empressés de Nous donner les témoignages les plus éclatants de leur
bonne volonté pour Nous. Ce fait, tout en apportant un merveilleux adoucissement
à l'amère douleur de Notre âme, Nous a montré de plus en plus comment
Dieu veille toujours à l'assistance de sa sainte Église. Nous nous relevons
donc dans cette espérance qu'à l'aspect de ces maux terribles qui dans
ces jours si difficiles éprouvent les États et les peuples, tous comprendront
que ces calamités prennent leur source dans le mépris de notre sainte
Religion, et ne pourront trouver de remède et d'adoucissement que dans
la divine doctrine de Jésus-Christ, dans sa sainte Église qui, mère
féconde, nourricière de toutes les vertus, et ennemie de tous les vices,
forme les hommes à la justice et à la vérité, et, en les unissant par
les liens d'une charité mutuelle, procure et soutient admirablement le
bien et l'ordre de la société temporelle.
Après avoir imploré le secours
de tous les Princes, Nous avons demandé l'assistance de l'Autriche, qui
touche à nos États du côté du Nord. Nous l'avons fait d'autant plus
volontiers que, non-seulement elle a toujours mis un grand zèle à défendre
le domaine temporel du Saint-Siège, mais encore qu'elle Nous a laissé
l'espérance de la voir, suivant Nos très ardents désirs et Nos très
justes demandes, repousser de son sein des principes bien connus et toujours
désapprouvés par le Saint-Siège, et rendre à l'Église sa liberté
pour le bien et l'utilité des fidèles. Cette grande consolation de notre
âme sera, Nous n'en doutons pas, une vive satisfaction pour vous.
Nous avons demandé le même secours
à la France, nation pour laquelle Nous avons un sentiment spécial de
bienveillance et de tendresse paternelle, car le Clergé et le peuple fidèle
s'y est étudié à adoucir et à consoler Nos calamités et Nos angoisses
par tous les témoignages de respect et de filial dévouement.
Nous avons invoqué également le
secours de l'Espagne qui, très touchée de nos malheurs, excita la première
par sa sollicitude les autres nations catholiques à former un pacte filial
pour s'efforcer de ramener sur son Siège le Père commun des fidèles
et le premier Pasteur de l'Église.
Nous avons enfin demandé ce secours
au royaume des Deux-Siciles, dans lequel nous avons reçu l'hospitalité,
auprès d'un monarque dont les efforts pour le vrai et solide bonheur de
ses peuples, dont la religion et la piété brillent avec un éclat tel
qu'il peut servir d'exemple à ses sujets. Quoique Nous ne puissions par
des paroles exprimer le soin, le zèle, les bons offices de tout genre,
les actions remarquables par lesquelles il s'est plu sans cesse à témoigner
sa filiale dévotion envers notre personne, cependant Nous n'oublierons
jamais les illustres services qu'il Nous a rendus. Nous ne pouvons non
plus taire les marques de piété, d'amour, d'obéissance que le clergé
et le peuple de ce royaume nous ont données du moment où nous avons mis
le pied sur son sol.
Nous embrassons donc cette espérance
qu'avec le secours de Dieu ces nations catholiques, prenant en main la
cause de l'Église et du Pasteur, Père commun des fidèles, se hâteront
d'accourir pour rétablir la puissance temporelle du Siège Apostolique,
ainsi que la paix et la tranquillité de nos sujets. Nous avons la ferme
confiance que les ennemis de notre sainte Religion, qui sont aussi ceux
de la société temporelle, seront éloignés de la ville de Rome et de
tous les États de l'Église. Quand cet heureux moment sera arrivé, Nous
aurons à consacrer toute Notre vigilance, toute Notre sollicitude et tous
Nos efforts à détruire toutes les erreurs et effacer les scandales que
Nous avons eus à déplorer si vivement avec tous les gens de bien. Il
Nous faudra travailler principalement à ce que les esprits et les volontés
des hommes, trompés d'une manière si malheureuse par les mensonges, les
pièges et les calomnies des impies, soient éclairés par la lumière
de la vérité éternelle, afin qu'ils reconnaissent quels sont les fruits
funestes de leurs erreurs et de leurs vices, et que par elle ils soient
excités et enflammés à rentrer dans les sentiers de la vertu, de la
justice et de la religion. En effet, Vénérables Frères, ils vous sont
parfaitement connus ces monstrueux systèmes de toute nature qui, sortis
du puits de l'abîme pour la dévastation et la ruine de tous, se sont
répandus de tous côtés, au grand détriment de la religion et de la
société civile, et se déchaînent aujourd'hui avec fureur. Ces doctrines
perverses et empoisonnées, les hommes ennemis les sèment sans relâche
parmi les multitudes, soit par la parole, soit par des écrits, soit par
des spectacles publics, afin d'accroître de jour en jour et de propager
une haine qui s'emporte sans frein à toute espèce d'impiété, de passions
et de désordres. De là toutes les calamités, tous les renversements,
toutes les douleurs qui ont ensanglanté et qui ensanglantent encore le
genre humain, et presque toute la surface de la terre. Vous n'ignorez pas
non plus quelle espèce de guerre on fait à notre très sainte religion,
même au sein de l'Italie, par quels artifices, par quelles machinations
ces implacables ennemis de la religion et de la société civile s'efforcent
de détourner les âmes inexpérimentées de la sainteté de notre foi
et de la pureté de la doctrine, de les plonger dans le tourbillon de l'incrédulité,
et de les pousser à l'accomplissement des plus exécrables forfaits. Et
afin de parvenir plus facilement aux fins qu'ils se proposent, pour exciter
plus de séditions et déchaîner plus de tempêtes, marchant sur les pas
des hérétiques, et affichant le mépris le plus absolu pour l'autorité
souveraine de l'Église, ils ne craignent pas d'invoquer, d'interpréter,
de pervertir et de détourner de leur sens véritable les paroles, les
témoignages et les déclarations des saintes Écritures, pour les appliquer
à leur sens privé et criminel, et, dans l'excès de leur impiété, ils
ne reculent pas devant le sacrilège abus du très saint nom de Jésus-Christ.
Il y a plus : ils n'ont pas honte d'affirmer ouvertement et en public que
la violation du serment le plus sacré, que l'action la plus criminelle,
la plus honteuse, et en opposition avec la nature elle-même de la loi
éternelle, non seulement n'est pas condamnable, mais même est entièrement
licite, ou mieux encore digne de toute espèce de louanges, lorsque, pour
parler leur langage, elle est entreprise pour l'amour de la patrie. Par
ce raisonnement impie et pervers, ces sortes d'hommes anéantissent à
la fois l'honnêteté, la vertu, la justice ; et le vol du brigand ou l'assassinat
du meurtrier se trouve défendu et consacré par cet excès inouï d'impudence.
Aux artifices innombrables que les
ennemis de l'Eglise catholique emploient constamment pour enlever et arracher
du sein de cette même Église les âmes qui ne sont pas sur leurs gardes
et qui manquent d'expérience, viennent se joindre les plus violentes et
les plus odieuses calomnies qu'ils ne rougissent pas d'inventer et de diriger
contre Notre personne. Pour Nous, appelé sans aucun mérite de Notre part
à tenir ici-bas la place de Celui «qui ne maudissait pas lorsqu'il était
maudit, et qui ne menaçait pas quand il souffrait», Nous n'avons opposé
aux plus violentes injures que le silence et la patience, et Nous n'avons
pas cessé de prier pour ceux qui Nous persécutaient et Nous calomniaient.
Mais, comme Nous sommes le débiteur du sage et de l'insensé, comme Nous
devons veiller au salut de tous, Nous ne pouvons Nous défendre, surtout
pour prévenir la chute des faibles, de repousser loin de Nous, en présence
de cette assemblée, l'imputation la plus fausse et la plus révoltante
de toutes qu'une feuille publique a récemment avancée contre la personne
de Notre humilité. Sans doute Nous avons été saisi d'une incroyable
horreur en lisant le libelle par lequel ces hommes ennemis essayent de
Nous porter un coup funeste, à Nous et au Siège Apostolique. Toutefois
Nous n'avons pas à craindre que de pareilles infamies puissent atteindre,
même légèrement, ce Siège suprême de la vérité, et Nous qui y avons
été élevé sans le concours d'aucun mérite. Oui, par une singulière
miséricorde de Dieu, Nous pouvons redire avec notre divin Rédempteur
: «J'ai parlé publiquement au monde ; je n'ai jamais rien dit en secret».
Et ici, Vénérables Frères, Nous croyons à propos d'insister de nouveau
sur la déclaration que Nous avons faite dans l'Allocution que Nous vous
avons adressée le 7 décembre de l'année 1847, à savoir que les hommes
ennemis, pour parvenir plus facilement à corrompre la pure et inaltérable
doctrine de la religion catholique, pour mieux tromper les autres et les
attirer dans le piège de l'erreur, n'épargnent aucunes manœuvres et
aucunes ruses pour que le Siège Apostolique lui-même paraisse en quelque
sorte le complice et le protecteur de leur démence. Personne n'ignore
combien de sociétés secrètes et pernicieuses, combien de sectes furent
créées et établies, sous différents noms et à différentes époques,
par ces artisans de mensonge, ces propagateurs de dogmes pervers, aspirant
par là à glisser plus sûrement dans les esprits leurs extravagances,
leurs systèmes et leurs désirs criminels, à corrompre les cœurs sans
défiance, et à ouvrir à tous les crimes la large voie de l'impunité.
Ces sectes abominables de la perdition, aussi fatales au salut des âmes
qu'au bien et à la tranquillité de la société temporelle, ont été
condamnées par les Pontifes Romains, Nos prédécesseurs. Nous-même Nous
les avons eues constamment en horreur. Nous les avons condamnées dans
notre Lettre encyclique du 9 novembre 1846, adressée à tous les Évêques
de l'Église catholique ; et aujourd'hui encore, en vertu de Notre suprême
autorité apostolique, Nous les condamnons, les prohibons et les proscrivons.
Mais dans cette Allocution, Nous
n'avons voulu certainement ni énumérer toutes les erreurs, qui en se
glissant dans l'esprit des peuples les poussent à tant de ruines, ni parcourir
les unes après les autres toutes les machinations par lesquelles les hommes
ennemis s'efforcent de renverser la religion catholique, et d'envahir la
citadelle de Sion. Les faits que Nous avons rapportés avec douleur prouvent
suffisamment et plus qu'il n'est nécessaire que c'est du progrès des
mauvaises doctrines, du mépris de la justice et de la religion que sortent
les calamités et les bouleversements qui agitent si cruellement les peuples.
Pour écarter de si grands fléaux, il ne faut donc épargner ni soins,
ni conseils, ni travaux, ni veilles, afin que ces pernicieuses doctrines
une fois extirpées jusqu'à la racine, tous reconnaissent que la véritable
et solide félicité repose sur la pratique de la vertu, de la justice
et de la religion.
C'est pourquoi c'est un devoir pour
Nous, pour vous et pour tous les autres Evêques de l'univers catholique,
nos Vénérables Frères, de travailler avant tout, par tous les moyens
qui sont en notre pouvoir, à ce que les peuples fidèles, retirés par
nos soins des pâturages empoisonnés, pour être conduits dans des pâturages
salutaires, et nourris de plus en plus des paroles de la foi, reconnaissent
enfin et évitent les artifices des hommes qui leur tendent des pièges.
Bien convaincus enfin que la crainte de Dieu est la source de tous les
biens, et que le péché et l'iniquité attirent les fléaux de Dieu, qu'ils
s'appliquent de toutes leurs forces à s'éloigner du mal et à faire le
bien.
Aussi, au milieu de tant de douloureuses
angoisses, avons-Nous ressenti une joie qui n'a pas été légère, en
apprenant avec quelle constance et quelle fermeté d'âme Nos vénérables
Frères les Évêques du monde catholique, inébranlablement attachés
à la Chaire de Pierre, et à Notre personne, combattent, de concert avec
le clergé qui leur est soumis, pour défendre la cause de l'Église, et
pour assurer sa liberté, et avec quel zèle sacerdotal ils s'appliquent
à affermir de plus en plus dans les voies du bien ceux qui sont bons,
à ramener dans les sentiers de la justice ceux qui les ont abandonnés,
et à réfuter, soit par leurs discours, soit par leurs écrits, les ennemis
acharnés de la religion. En payant avec joie à Nos vénérables Frères
le tribut de louanges qu'ils ont si bien méritées, nous ranimerons en
même temps leur courage pour qu'appuyés sur l'assistance divine, ils
continuent de remplir avec plus de zèle encore leur ministère, de combattre
les combats du Seigneur, d'élever la voix avec sagesse et force pour évangéliser
Jérusalem, pour guérir les blessures d'Israël. De plus, qu'ils ne cessent
pas de s'approcher avec confiance du trône de la grâce, de redoubler
l'instance de leurs prières publiques et privées, et d'avertir fréquemment
les peuples fidèles de faire pénitence en tous lieux, pour obtenir de
Dieu sa miséricorde et trouver grâce en temps opportun. Qu'ils n'oublient
pas non plus d'exhorter les hommes éminents par leurs lumières et la
pureté de leurs doctrines à travailler, sous leur conduite et celle du
Siege Apostolique, à éclairer l'esprit des peuples et à dissiper les
ténèbres dont s'entourent d'insidieuses erreurs.
Ici Nous adjurons également dans
le Seigneur Nos bien-aimés fils en Jésus-Christ, les princes et chefs
des peuples, et Nous leur demandons de réfléchir sérieusement sur tous
les maux que produit pour la société l'amas impur des erreurs et des
vices ; cela suffira pour leur faire comprendre la nécessité de consacrer
tous leurs soins, toute leur étude, tous leurs efforts à assurer partout
et à accroître l'empire de la vertu, de la justice et de la religion.
Que tous les peuples, que ceux qui les gouvernent y songent, que cette
vérité leur soit toujours présente : Tous les biens sont renfermés
dans la pratique de la justice ; tous les maux viennent de l'iniquité
: car «la justice élève une nation, mais le péché fait le malheur
des peuples».
Avant de finir, Nous éprouvons
le besoin d'exprimer hautement et solennellement Notre profonde gratitude
à tous nos chers et bien-aimés enfants qui, dans leur vive préoccupation
pour Nos malheurs, par un sentiment tout particulier de piété filiale,
ont voulu Nous envoyer leurs offrandes. Ce pieux tribut est pour Nous bien
consolant, mais Nous devons avouer que Notre cœur paternel ne saurait
se défendre d'une peine réelle, parce que Nous craignons fort que, dans
la triste situation des affaires publiques, Nos très-chers fils, entraînés
par un élan d'amour, n'aillent, dans leurs généreux sacrifices, jusqu'à
s'imposer une gêne véritable.
Enfin, Vénérables Frères, acquiesçant
entièrement aux impénétrables desseins de la sagesse et de la justice
de Dieu, par lesquels il opère sa gloire, et Lui rendant, dans l'humilité
de notre cœur, de très grandes actions de grâces de ce qu'il Nous a
jugé digne d'endurer l'outrage pour le nom de Jésus-Christ, et de devenir
en quelque chose conforme au modèle de sa Passion, Nous sommes prêts
à supporter, en toute foi, espérance, patience et mansuétude, les plus
grandes disgrâces et les plus douloureuses épreuves, et à donner même
Notre vie pour l'Eglise, si l'effusion de notre sang peut apporter quelque
remède aux maux qui l'affligent. En attendant, Vénérables Frères, ne
nous lassons point d'implorer humblement et de conjurer nuit et jour, par
les plus ferventes prières, le Seigneur, qui est riche en miséricordes,
afin que les mérites de son Fils unique, couvrant son Église sainte de
sa main toute-puissante, il la délivre de la violente tempête à laquelle
elle est en butte, afin que d'un rayon de sa grâce il éclaire tous les
esprits égarés, que, dans son infinie miséricorde, il se rende maître
de tous les cœurs rebelles, de telle sorte que, toutes les erreurs étant
dissipées et tous les malheurs finis, tous voient et reconnaissent la
lumière de la vérité et de la justice, et accourent dans l'unité de
la foi et de la connaissance de Jésus-Christ. Ne cessons de supplier Celui
qui établit la paix dans les hautes régions, et qui lui-même est notre
paix, d'extirper tous les maux qui désolent la république chrétienne,
et de ramener partout le calme et la tranquillité, objet de nos vœux
ardents. Pour que Dieu se rende plus propice à Nos supplications, recourons
à des intercesseurs, et surtout à l'immaculée Vierge Marie, qui est
la Mère de Dieu et la nôtre, la Mère de miséricorde ; Elle trouve ce
qu'Elle cherche ; ses demandes ne peuvent être repoussées. Réclamons
aussi les suffrages du bienheureux Pierre, prince des Apôtres, et de saint
Paul, le compagnon de son apostolat, ainsi que de tous les Saints, qui,
dès à présent, devenus les amis de Dieu, règnent avec lui dans les
cieux, afin que, par l'entremise de leurs mérites et de leurs prières,
le Seigneur délivre les peuples fidèles des fléaux de sa colère, les
protège sans cesse et les réjouisse par l'abondance de sa propitiation
divine.
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