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Saint François de Sales
Introduction à la Vie Dévote


CHAPITRE XXX
QUELQUES AUTRES ADVIS TOUCHANT LE PARLER

Que vostre langage soit doux, franc, sincere, rond, naif et fidelle. Gardés-vous des duplicités, artifices et feintises ; bien qu'il ne soit pas bon de dire tous-jours toutes sortes de ventés, si n'est-il jamais permis de contrevenir a la verité. Accoustumes-vous a ne jamais mentir a vostre escient, ni par excuse ni autrement, vous resouvenant que Dieu est le Dieu de verité (215). Si vous en dites par mesgarde et vous pouves les corriger sur le champ par quelque explication ou reparation, corriges les : une excuse veritable a bien plus de grace et de force pour excuser, que le mensonge.

Bien que quelquefois on puisse discretement et prudemment desguiser et couvrir la venté par quelque artifice de parolle, si ne faut-il pas prattiquer cela sinon en chose d'importance, quand la gloire et service de Dieu le requierent manifestement : hors de la, les artifices sont dangereux, car, comme dit la sacree Parolle (216), le Saint Esprit n'habite point en un esprit feint et double. Il n'y a nulle si bonne et desirable finesse que la simplicité. Les prudences mondaines et artifices charnelz appartiennent aux enfans de ce siecle ; mais les enfans de Dieu cheminent sans destour et ont le coeur sans replis. Qui chemine simplement, dit le Sage (217), il chemine confidemment. Le mensonge, la duplicité,

la simulation tesmoignent tous-jours un esprit foible et vil.

Saint Augustin avoit dit au quatriesme Livre de ses Confessions (218), que son ame et celle de son ami n'estoyent qu'une seule ame, et que cette vie luy estoit en horreur apres le trespas de son ami, parce qu'il ne vouloit pas vivre a moitié, et que aussi pour cela mesme il craignoit a l'adventure de mourir, affin que son ami ne mourust du tout. Ces parolles luy semblerent par apres trop artificieuses et affectees, si qu'il les revoque au livre de ses Retractations (219) et les appelle une ineptie. Voyés-vous, chere Philothee, combien cette sainte belle ame est douillette au sentiment de l'affaiterie des paroles ? Certes, c'est un grand ornement de la vie chrestienne que la fidelité, rondeur et sincerité du langage. ]'ay dit, je prendray garde a mes voyes pour ne point pecher en ma langue ; Hé, Seigneur, mettes des gardes a ma bouche et une porte qui ferme mes levres, disoit David (220).
 
 

C'est un advis du roy saint Louys, de ne point des-dire personne, sinon qu'il y eust peché ou grand dommage a consentir (221) : c'est affin d'eviter toutes contestes et disputes. Or, quand il importe de contredire a quelqu'un et d'opposer son opinion a celle d'un autre, il faut user de grande douceur et dexterité, sans vouloir violenter l'esprit d'autruy ; car aussi bien ne gaigne-on rien prenant les choses asprement. Le parler peu, tant recommandé par les anciens sages, ne s'entend pas qu'il faille dire peu de paroles, mais de n'en dire pas beaucoup d'inutiles ; car en matiere de parler, on ne regarde pas a la quantité, mais a la qualité. Et me semble qu'il faut fuir les deux extremi tés : car de faire trop l'entendu et le severe, refusant de contribuer aux devis familiers qui se font es conversations, il semble qu'il y ait ou manquement de confiance, ou quelque sorte

de desdain ; de babiller aussi et cajoler tous-jours, sans donner ni loysir ni commodité aux autres de parler a souhait, cela tient de l'esventé et du leger.

Saint Louys ne treuvoit pas bon qu'estant en compaignie l'on parlast en secret et en conseil, et

particulierement a table, affin que l'on ne donnast soupçon que l'on parlast des autres en mal : "Celuy, " disoit il (222), " qui est a table en bonne compaignie, qui a a dire quelque chose joyeuse et plaisante, la doit dire que tout le monde l'entende ; si c'est chose d'importance, on la doit taire sans en parler."
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XXXI
 
 
 
 
 
 
 
 

DES PASSETEMS ET RECREATIONS, ET PREMIEREMENT
 
 
 
 
 
 
 

DES LOYSIBLES ET LOUABLES
 
 
 
 
 
 
 
 

Il est force de relascher quelquefois nostre esprit, et nostre cors encores a quelque sorte de
recreation. Saint Jean l'Evangeliste, comme Cassian (223), fut un jour treuvé par un chasseur tenant une perdrix sur son poing, laquelle il caressoit par recreation ; le chasseur luy demanda pourquoy, estant homme de telle qualité, il passoit le tems en chose si basse et vile ; et saint Jean luy dit : Pourquoy ne portes-tu ton arc tous-jours tendu ? De peur, respondit le chasseur, que demeurant tous-jours courbé il ne perde la force de s'estendre quand il en sera mestier. Ne t'estonne pas donq, repliqua l'Apostre, si je me demetz quelque peu de la rigueur et attention de mon esprit pour prendre un peu de recreation, affin de m'employer par apres plus vivement a la contemplation. C'est un vice, sans doute, que d'estre si rigoureux, agreste et sauvage qu'on ne veuille prendre pour soy ni permettre aux autres aucune sorte de recreation.

Prendre l'air, se promener, s'entretenir de devis joyeux et amiables, sonner du luth ou autre instrument, chanter en musique, aller a la chasse, ce sont recreations si honnestes que pour en bien user il n'est besoin que de la commune prudence, qui donne a toutes choses le rang, le tems, le lieu et la mesure.
 
 

Les jeux esquelz le gain sert de prix et recompense a l'habilité et industrie du cors ou de l'esprit comme les jeux de la paume, ballon, paillemaille, les courses a la bague, les eschecz, les tables, ce sont recreations de soy mesme bonnes et loysibles. Il se faut seulement garder de l'exces, soit au tems que l'on y employe soit au prix que l'on y met ; car si l'on y employe trop de tems, ce n'est plus recreation, c'est occupation : on n'allege pas ni l'esprit ni le cors, au contraire on l'estourdit, on l'accable. Ayant joüé cinq, six heures aux eschecz, au sortir on est tout recreu et las d'esprit ;

jouer

longuement a la paume, ce n'est pas recreer le cors, mais l'accabler. Or, si le prix, c'est a dire ce qu'on joüe est trop grand, les affections des joüeurs se desreglent, et outre cela, c'est chose injuste de mettre de grans prix a des habilités et industries de si peu d'importance et si inutiles, comme sont les habilités des jeux.
 
 

Mays sur tout prenés garde, Philothee, de ne point attacher vostre affection a tout cela ; car pour honneste que soit une recreation, c'est vice d'y mettre son coeur et son affection. Je ne dis pas qu'il ne faille prendre playsir a joüer pendant que l'on joüe, car autrement on ne se recreeroit pas ; mais je dis qu'il ne faut pas y mettre son affection pour le desirer, pour s'y amuser et s'en empresser.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XXXII
 
 
 
 

(224) DES JEUX DEFENDUS
 
 
 
 
 
 

Les jeux des dés, des cartes et semblables, esquelz le gain depend principalement du hazard, ne sont pas seulement des recreations dangereuses , comme les danses, mais elles sont simplement et naturellement mauvaises et blasmables ; c'est pourquoy elles sont defendues par les lois tant civiles qu'ecclesiastiques. Mais quel grand mal y a-il, me dires-vous ? Le gain ne se fait pas en ces jeux selon la rayson, mais selon le sort, qui tombe bien souvent a celuy qui par habilité et industrie ne meritoit rien : la rayson est donq offensee en cela. Mais nous avons ainsy convenu, me dires-vous. Cela est bon pour monstrer que celuy qui gaigne ne fait pas tort aux autres , mais il ne s'ensuit pas que la convention ne soit desraysonnable et le jeu aussi ; car le gain qui doit estre le prix de l'industrie, est rendu le prix du sort, qui ne merite nul prix puisqu'il ne depend nullement de nous.
 
 

Outre cela, ces jeux portent le nom de recreation et sont faitz pour cela ; et neanmoins ilz ne le sont nullement, mais des violentes occupations. Car, n'est-ce pas occupation de tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions et empressemens ? Y a-il attention plus triste, plus sombre et melancholique que celle

des joüeurs ? c'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voyla a despiter.

En fin, il n'y a point de joye au jeu qu'en gaignant, et cette joye n'est-elle pas inique puisqu'elle ne se peut avoir que par la perte et le desplaysir du compaignon ? cette res-jouissance est certes infame. Pour ces trois raysons les jeux sont defendus. Le grand roy saint Louys sçachant que le comte d'Anjou son frere et messire Gautier de Nemours joüoyent, il se leva, malade qu'il estoit, et alla tout chancelant en leur chambre, et la, print les tables, les dés et une partie de l'argent, et les jetta par les fenestres dans la mer, se courrouçant fort a eux (225). La sainte et chaste damoiselle Sara parlant a Dieu de son innocence : Vous sçaves, dit-elle, o Seigneur, que jamais je n'ay conversé entre les joueurs (226).
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XXXIII
 
 
 
 
 
 
 

DES BALZ ET PASSETEMS LOYSIBLES
 
 
 
 

MAIS DANGEREUX
 
 
 
 
 
 
 
 

Les danses et baiz sont choses indifferentes de leur nature ; mais selon l'ordinaire façon avec laquelle cet exercice se fait, il est fort penchant et incliné du costé du mal, et par consequent plein de danger et de peril. On les fait de nuit, et parmi les tenebres et obscurités il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux et vicieux, en un sujet qui de soy mesme est fort susceptible du mal ; on y fait des grandes veilles, apres
lesquelles on perd les matinees des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles : en un mot, c'est tous-jours folie de changer le jour a la nuit, la lumiere aux tenebres, les bonnes oeuvres a des folastreries. Chacun porte au bal de la vanité a l'envi ; et la vanité est une si grande disposition aux mauvaises affections et aux amours dangereux et blasmables, qu'aysement tout cela s'engendre es danses.

Je vous dis des danses, Philothee, comme les medecins disent des potirons et champignons :

les meilleurs n'en valent rien, disent-ilz ; et je vous dis que les meilleurs balz ne sont gueres bons. Si neanmoins il faut manger des potirons, prenés garde qu'ilz soyent bien apprestés : si par quelque occasion de laquelle vous ne puissies pas vous bien excuser, il faut aller au bal, prenés garde que vostre danse soit bien apprestee. Mais comme faut-il qu'elle soit accommodee ? de modestie, de dignité et de bonne intention. Manges-en peu et peu souvent, disent les medecins parlans des champignons, car, pour bien apprestés qu'ilz soyent, la quantité leur sert de venin : dansés peu et peu souvent, Philothee, car faisant autrement vous vous mettres en danger de vous y affectionner.

Les champignons, selon Pline (227), estans spongieux et poreux comme ilz sont, attirent aysement toute l'infection qui leur est autour, si que estans pres des serpens ilz en reçoivent le venin. Les balz, les danses et telles assemblees tenebreuses attirent ordinairement les vices et pechés qui regnent en un lieu : les querelles, les envies, les moqueries, les folles amours ; et comme ces exercices ouvrent les pores du cors de ceux qui les font, aussi ouvrent-ilz les pores du coeur, au moyen dequoy, si quelque serpent sur cela vient souffler aux oreilles quelque parole lascive, quelque muguetterie, quelque cajolerie, ou que quelque basilic vienne jetter des regards impudiques, des oeillades d'amour, les coeurs sont fort aysés a se laisser saisir et empoisonner. O Philothee, ces impertinentes recreations sont ordinairement dangereuses : elles dissipent l'esprit de devotion, allanguissent les forces, refroidissent la charité et resveillent en l'ame mille sortes de mauvaises affections ; c'est pourquoy il en faut user avec une grande prudence.

Mais sur tout on dit qu'apres les champignons il faut boire du vin pretieux ; et je dis qu'apres les danses il faut user de quelques saintes et bonnes considerations, qui empeschent les dangereuses impressions que le vain playsir qu'on a receu pourroit donner a nos espritz. Mais quelles considerations ?
 
 

1. A mesme tems que vous esties au bal, plusieurs ames brusloyent au feu d'enfer pour les pechés commis a la danse ou a cause de la danse. 2. Plusieurs religieux et gens de devotion estoyent a mesme heure devant Dieu, chantoyent ses loüanges et contemployent sa beauté. O que leur tems a esté bien plus heureusement employé que le vostre ! 3. Tandis que vous aves dansé, plusieurs ames sont decedees en grande angoisse ; mille milliers d'hommes et femmes ont souffert des grans travaux, en leurs lictz, dans les hospitaux et es rües : la goutte, la gravelle, la fievre ardente. Helas, ilz n'ont eu nul repos ! Aures vous point de compassion d'eux ? et penses vous point qu'un jour vous gemirés comme eux, tandis que d'autres danseront comme vous aves fait ? 4. Nostre Seigneur, Nostre Dame, les Anges et les Saintz vous ont veu au bal : ah, que vous leur aves fait grande pitié, voyans vostre coeur amusé a une si grande niayserie, et attentif a cette fadayse. 5.Helas, tandis que vous esties la, (228) le tems s'est passé, la mort s'est approchee ; voyes qu'elle se moque de vous et qu'elle vous appelle a sa danse, en laquelle les gemissemens de vos proches serviront de violon, et ou vous ne ferés qu'un seul passage de la vie a la mort. Cette danse est le vray passetems des mortelz, puisqu'on y passe en un moment du tems a l'eternité ou des biens ou des peynes.

Je vous remarque ces petites considerations, mais Dieu vous en suggerera bien d'autres a mesme effect, si vous aves sa crainte.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XXXIV
 
 
 
 
 
 
 
 
 

QUAND ON PEUT JOUER OU DANSER
 
 
 
 
 
 
 
 

Pour joüer et danser loysiblement, il faut que ce soit par recreation et non par affection ; pour peu de tems et non jusques a se lasser ou estourdir, et que ce soit
rarement; car, qui en fait ordinaire, il convertira la recreation en occupation. Mais en quelle occasion peut-on joüer et danser? Les justes occasions de la danse et du jeu indifferent sont plus frequentes ; celles des jeux defendus sont plus rares, comme aussi telz jeux sont beaucoup plus blasmables et perilleux. Mais, en un mot, dansés et joüés selon les conditions que je vous ay marquees, quand pour condescendre et complaire a l'honneste conversation en laquelle vous seres, la prudence et discretion vous le conseilleront ; car la condescendance, comme surgeon de la charité, rend les choses indifferentes bonnes, et les dangereuses, permises. Elle oste mesme la malice a celles qui sont aucunement mauvaises : c'est pourquoy les jeux de hazard qui autrement seroient blasmables, ne le sont pas, si quelquefois la juste condescendance nous y porte.

J'ay esté consolé d'avoir leu en la vie de saint Charles Borromee qu'il condescendoit avec les Suisses en certaines choses esquelles d'ailleurs il estoit fort severe, et que le bienheureux Ignace de Loyola estant invité a joüer l'accepta. Quant a sainte Elizabeth d'Hongrie, elle joüoit et dansoit parfois se treuvant es assemblees de passetems, sans interest de sa devotion, laquelle estoit si bien enracinee dedans son ame que, comme les rochers qui sont autour du lac de Riette croissent estans battus des vagues (229), ainsy sa devotion croissoit emmi les pompes et vanités ausquelles sa condition l'exposoit ; ce sont les grans feux qui s'enflamment au vent, mays les petitz s'esteignent si on ne les y porte a couvert.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XXXV
 
 
 
 

QU'IL FAUT ESTRE FIDELE ES GRANDES
 
 
 
 
 
 

ET PETITES OCCASIONS
 
 
 
 
 
 
 
 
 

L'Espoux sacré, au Cantique des Cantiques (230), dit que son Espouse luy a ravi le coeur par un de ses yeux et l'un de ses cheveux. Or, entre toutes les parties exterieures du cors humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice soit pour l'activité, que l'oeil, ni point de plus vile que les cheveux ; c'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement aggreable les grandes oeuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus basses ; et que pour le servir a son goust, il faut avoir grand soin de le bien servir aux choses grandes et hautes et aux choses petites et abjectes, puysque nous pouvons egalement, et par les unes et par les autres, luy desrober son coeur par amour.
 

Preparés-vous donq, Philothee, a souffrir beaucoup de grandes afflictions pour Nostre Seigneur, et mesme le martyre ; resoulvés-vous de luy donner tout ce qui vous est de plus pretieux, s'il luy plaisoit de le prendre

: pere, mere, frere, mari, femme, enfans, vos yeux mesme et vostre vie, car a tout cela vous deves apprester vostre coeur. Mais tandis que la divine Providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnes-luy pour le moins vos cheveux : je veux dire, supportes tout doucement les menues injures, ces petites incommodités, ces pertes de peu d'importance qui vous sont journalieres ; car par le moyen de ces petites occasions, employees avec amour et dilection, vous gaigneres entierement son coeur et le rendres tout vostre. Ces petites charités quotidiennes, ce mal de teste, ce mal de dens, cette defluxion, cette bigearrerie du mari ou de la femme, ce cassement d'un verre, ce mespris ou cette moue, cette perte de gans, d'une bague, d'un mouchoir, cette petite incommodité que l'on se fait d'aller coucher de bonne heure et de se lever matin pour prier, pour se communier, cette petite honte que l'on a de faire certaines actions de devotion publiquement : bref, toutes ces petites souffrances estans prinses et embrassees avec amour contentent extremement la Bonté divine, laquelle pour un seul verre d'eau a promis la mer de toute felicité a ses fideles (231); et parce que ces occasions se presentent a tout moment, c'est un grand moyen pour assembler beaucoup de richesses spirituelles que de les bien employer.

Quand j 'ay veu en la vie de sainte Catherine de Sienne tant de ravissemens et d'eslevations d'esprit, tant de paroles de sapience, et mesme des predications faites par elle, je n'ay point douté qu'avec cet oeil de contemplation elle n'eust ravi le coeur de son Espoux celeste ; mais j'ay esté egalement consolé quand je l'ay veuë en la cuisine de son pere tourner humblement la broche, attiser le feu, apprester la viande, petrir le pain et faire tous les plus bas offices de la mayson, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu. Et n'estime pas moins la petite et basse meditation qu'elle faisoit parmi les offices vilz et abjectz, que les extases et ravissemens qu'elle eut si souvent, qui ne luy furent peut estre donnés qu'en recompense de cette humilité et abjection. Or sa meditation estoit telle : elle s'imaginoit qu'apprestant pour son pere elle apprestoit pour Nostre Seigneur, comme une sainte Marthe ; que sa mere tenoit la place de Nostre Dame, et ses freres, le lieu des Apostres, s'excitant en cette sorte de servir en esprit toute la cour celeste, et s'employant a ces chetifz

services avec une grande suavité, parce qu'elle sçavoit la volonté de Dieu estre telle(232) J'ay dit cet exemple, ma Philothee, affin que vous sçachies combien il importe de bien dresser toutes nos actions, pour viles qu'elles soient, au service de sa divine Majesté.

Pour cela, je vous conseille tant que je puis d'imiter cette femme forte que le grand Salomon a tant loüee, laquelle, comme il dit (233), mettoit la main a choses fortes, genereuses et relevees, et neanmoins ne laissoit pas de filer et tourner le fuseau: Elle a mis la main a chose forte, et ses doigtz ont prins le fuseau. Mettes la main a chose forte, vous exerçant a l'orayson et meditation, a l'usage des Sacremens, a donner de l'amour de Dieu aux ames, a respandre de bonnes inspirations dedans les coeurs, et en fin a faire des oeuvres grandes et d'importance selon vostre vacation ; mais n'oublies pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille, c'est a dire, prattiqués ces petites et humbles vertus lesquelles comme fleurs croissent au pied de la Croix : le service des pauvres, la visitation des malades, le soin de la famille, avec les oeuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui ne vous laissera point oysive ; et parmi toutes ces choses-la, entrejettés des pareilles considerations a celles que je viens de dire de sainte Catherine.
 
 

Les grandes occasions de servir Dieu se presentent rarement, mais les petites sont ordinaires : or, qui sera fidelle en peu de chose, dit le Sauveur mesme (234), on l'establira sur beaucoup. Faites donq toutes choses au nom de Dieu (235) et toutes choses seront bien faittes. Soit que vous mangies, soit que vous beuvies (236), soit que vous dormies, soit que vous vous recreiés, soit que vous tournies la broche, pourveu que vous sçachies bien mesnager vos affaires, vous prouffiterés beaucoup devant Dieu, faisant toutes ces choses parce que Dieu veut que vous les facies.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XXXVI
 
 
 
 

QU'IL FAUT AVOIR L'ESPRIT JUSTE ET RAYSONNABLE
 
 
 
 
 
 
 
 

Nous ne sommes hommes que par la rayson, et c'est pourtant chose rare de treuver des hommes vrayement raysonnables, d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la rayson, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites, mais dangereuses injustices et iniquités qui, comme les petitz renardeaux desquelz il est parlé aux Cantiques (237), demolissent les vignes car, d'autant qu'ilz sont petitz on n'y prend pas garde, et parce qu'ilz sont en quantité ilz ne laissent pas de beaucoup nuire. Ce que je m'en vay vous dire, sont-ce pas iniquités et desraysons ?

Nous accusons pour peu le prochain , et nous nous excusons en beaucoup ; nous voulons vendre fort cher, et acheter a bon marché ; nous voulons que l'on face justice en la mayson d'autruy, et chez nous, misericorde et connivence ; nous voulons que l'on prenne en bonne part nos parolles, et sommes chatouilleux et douilletz a celles d'autruy. Nous voudrions que le prochain nous laschast son bien en le payant, n'est-il pas plus juste qu'il le garde en nous laissant nostre argent ? nous luy sçavons mauvais gré dequoy il ne nous veut pas accommoder, n'a-il pas plus de rayson d'estre fasché dequoy nous le voulons incommoder ? Si nous affectionnons un exercice, nous mesprisons tout le reste et contrerollons tout ce qui ne vient pas a nostre goust. S'il y a quelqu'un de nos inferieurs qui n'ait pas bonne grace ou sur lequel nous ayons une fois mis la dent, quoy qu'il face nous le recevons a mal, nous ne cessons de le contrister et tousjours nous sommes a le calanger ; au contraire, si quelqu'un nous est aggreable d'une grace sensuelle, il ne fait rien que nous n' excusions. Il y a des enfans vertueux que leurs peres et meres ne peuvent presque voir, pour quelque imperfection corpordle ; il y en a des vicieux qui sont les favoris, pour quelque grace corporelle.
 
 

En tout nous preferons les riches aux pauvres, quoy qu'ilz ne soyent ni de meilleure condition, ni si vertueux ; nous preferons mesmes les mieux vestus. Nous voulons nos droitz exactement, et que les autres soyent courtois en l'exaction des leurs ; nous gardons nostre rang pointilleusement, et voulons que les autres soyent humbles et condescendans ; nous nous plaignons aysement du prochain, et ne voulons qu'aucun se plaigne de nous ; ce que nous faisons pour autruy nous semble tous-jours beaucoup, ce qu'il fait pour nous n'est rien , ce nous semble. Bref, nous sommes comme les perdrix de Paphlagonie qui ont deux coeurs (238); car nous avons un coeur doux, gracieux et courtois en nostre endroit, et un coeur dur, severe, rigoureux envers le prochain. Nous avons deux poids : l'un pour peser nos commodités avec le plus d'advantage que nous pouvons, l'autre pour peser celles du prochain avec le plus de desadvantage qu'il se peut ; or, comme dit l'Escriture (239), les levres trompeuses ont parlé en un coeur et un coeur, c'est a dire elles ont deux coeurs ; et d'avoir deux

poids, l'un fort pour recevoir et l'autre foible pour delivrer, c'est chose abominable devant

Dieu (240).

Philothee, soyes egale et juste en vos actions : mettes-vous tous-jours en la place du prochain, et le mettes en la vostre, et ainsy vous jugerés bien ; rendes-vous vendeuse en achetant et acheteuse en vendant, et vous vendres et acheteres justement. Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas a restitution, d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable ; mais elles ne laissent pas de nous obliger a nous en amender, car ce sont des grans defautz de rayson et de charité ; et, au bout de la, ce ne sont que tricheries, car on ne perd rien a vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un coeur royal, egal et raysonnable. Resouvenés-vous donq, ma Philothee, d'examiner souvent vostre coeur s'il est tel envers le prochain comme vous voudries que le sien fust envers vous si vous esties en sa place, car voyla le point de la vraye rayson. Trajan estant censuré par ses confidens dequoy il rendoit, a leur advis, la majesté imperiale trop accostable : Ouy dea, dit-il (241), ne dois-je pas estre tel empereur a l'endroit des particuliers, que je desirerois rencontrer un empereur si j'estois particulier moy mesme ?
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XXXVII
 
 
 
 

DES DESIRS
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Chacun sçait qu'il se faut garder des desirs des choses vicieuses, car le desir du mal nous rend mauvais. Mais je vous dis de plus, ma Philothee ne desires point les choses qui sont dangereuses a l'ame, comme sont les balz, les jeux et telz autres passetems ; ni les honneurs et charges, ni les visions et extases, car il y a beaucoup de peril, de vanité et de tromperie en telles choses. Ne desires pas les choses fort esloignees, c'est a dire qui ne peuvent arriver de long tems, comme font plusieurs qui par ce moyen lassent et dissipent leurs coeurs inutilement, et se mettent en danger de grande inquietude. Si un jeune homme desire fort d'estre pourveu de quelque office avant que le tems soit venu, dequoy, je vous prie, luy sert ce desir ? Si une femme mariee desire d'estre religieuse, a quel propos ? Si je desire d'acheter le bien de mon voysin avant qu'il soit prest a le vendre, ne perds-je pas mon tems en ce desir ? Si estant malade, je desire prescher ou dire la sainte Messe, visiter les autres malades et faire les exercices de ceux qui sont en santé, ces desirs ne sont-ilz pas vains, puysqu'en ce tems-la il n'est pas en mon pouvoir

de les effectuer ? Et ce pendant ces desirs inutiles occupent la place des autres que je devrois avoir, d'estre bien patient, bien resigné, bien mortifié, bien obeissant et bien doux en mes souffrances, qui est ce que Dieu veut que je prattique pour lhors. Mais nous faysons ordinairement des desirs des femmes grosses, qui veulent des cerises fraisches en l'automne et des raisins frais au printems (242).

Je n'appreuve nullement qu'une personne attachee a quelque devoir ou vacation, s'amuse a desirer une autre sorte de vie que celle qui est convenable a son devoir, ni des exercices incompatibles a sa condition presente ; car cela dissipe le coeur et l'allanguit es exercices necessaires. Si je desire la solitude des Chartreux, je perds mon tems, et ce desir tient la place de celuy que je dois avoir de me bien employer a mon office present. Non, je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit ni meilleur jugement, car ces desirs sont frivoles et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est; ni que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or, cela s'entend des desirs qui amusent le coeur ; car quant aux simples souhaitz, ilz ne font nulle nuysance, pourveu qu'ilz ne soyent pas frequens.
 
 

Ne desirés pas les croix, sinon a mesure que vous aures bien supporté celles qui se seront presentees ; car c'est un abus de desirer le martyre et n'avoir pas le courage de supporter une injure. L'ennemi nous procure souvent des grans desirs pour des objetz absens et qui ne se presenteront jamais, affin de divertir nostre esprit des objetz presens esquelz, pour petitz qu'ilz soyent, nous pourrions faire grand prouffit. Nous combattons les monstres d'Afrique en imagination, et nous nous laissons tuer en effect aux menus serpens qui sont en nostre chemin, a faute d'attention. Ne desirés point les tentations, car ce seroit temerité ; mais employés vostre coeur a les attendre courageusement, et a vous en defendre quand elles arriveront.
 
 

La varieté des viandes (si principalement la quantité en est grande) charge tous-jours l'estomac, et s'il est foible, elle le ruine : ne remplisses pas vostre ame de beaucoup de desirs, ni mondains car ceux la vous gasteroyent du tout, ni mesme spirituelz car ilz vous embarrasseroyent. Quand nostre ame est purgee, se sentant deschargee de mauvaises humeurs, elle a un appetit fort grand des choses spirituelles, et comme tout affamee elle se met a desirer mille sortes d'exercices de pieté, de mortification , de penitence, d'humilité , de charité, d'orayson. C'est bon signe, ma Philothee, d'avoir ainsy bon appetit, mais regardes si vous pourres bien digerer tout ce que vous voules manger. Choisisses donq, par l'advis de vostre pere spirituel, entre tant de desirs ceux qui peuvent estre prattiqués et executés maintenant ; ceux-la, faites les bien valoir : cela fait, Dieu vous en envoyera d'autres, lesquelz aussi en leurs saisons vous prattiqueres, et ainsy vous ne perdres pas le tems en desirs inutiles. Je ne dis pas qu'il faille perdre aucune sorte de bons desirs, mais je dis qu'il les faut produire par ordre ; et ceux qui ne peuvent estre effectués presentement, il les faut serrer en quelque coin du coeur jusques a ce que leur tems soit venu, et ce pendant effectuer ceux qui sont meurs et de saison ; ce que je ne dis pas seulement pour les spirituelz, mais pour les mondains : sans cela nous ne sçaurions vivre qu'avec inquietude et empressement.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XXXVIII
 
 
 
 

ADVIS POUR LES GENS MARIES
 
 
 
 
 
 
 
 

Le Mariage est un grand Sacrement, je dis en Jesus Christ et en son Eglise (243); il est honnorable a tous (244), en tous et en tout, c'est a dire en toutes ses parties. A tous, car les vierges mesmes le doivent honnorer avec humilité ; en tous, car il est egalement saint entre les pauvres comme entre les riches ; en tout, car son origine, sa fin, ses utilités, sa forme et sa matiere sont saintes (245)

. C'est la pepiniere du Christianisme, qui remplit la terre de fideles pour accomplir au Ciel le nombre des esleuz ; si que la conservation du bien du mariage est extremement importante a la republique, car c'est sa racine et la source de tous ses ruisseaux.

Pleust a Dieu que son Filz bienaymé fust appellé a toutes les noces comme il fut a celles de Cana : le vin des consolations et benedictions n'y manqueroit jamais, car ce qu'il n'y en a pour l'ordinaire qu'un peu au commencement, c'est d'autant qu'en lieu de Nostre Seigneur on y fait venir Adonis, et Venus en lieu de Nostre Dame. Qui veut avoir des aigneletz beaux et mouchetés, comme Jacob, il faut comme luy presenter aux brebis quand elles s'assemblent pour parier, des belles baguettes de diverses couleurs (246); et qui veut avoir un heureux succes au mariage, devroit en ses noces se representer la sainteté et dignité de ce Sacrement ; mais en lieu de cela il y arrive mille desreglemens en passetems, festins et paroles : ce n' est donq pas merveille si les effectz en sont desreglés (247) .

J'exhorte sur tout les mariés a l'amour mutuel que le Saint Esprit leur recommande tant en l'Escriture. O mariés, ce n'est rien de dire : aymes vous l'un l'autre de l'amour naturel, car les pairs

de tourterelles font bien cela ; ni de dire, aymes vous d'un amour humain, car les payens ont bien prattiqué cet amour la ; mais je vous dis, apres le grand Apostre (248) : Maris, aymes vos femmes comme Jesus Christ ayme son Eglise ; o femmes, aymes vos maris comme l'Eglise ayme son

Sauveur (249). Ce fut Dieu qui amena Eve a nostre premier pere Adam et la luy donna a femme : c'est aussi Dieu, mes amis, qui de sa main invisible a fait le noeud du sacré lien de vostre mariage, et qui vous a donné les uns aux autres; pourquoy ne vous cherisses vous d'un amour tout saint, tout sacré, tout divin ?

Le premier effect de cet amour, c'est l'union indissoluble de vos coeurs. Si on colle deux pieces de sapin ensemble, pourveu que la colle soit fine, l'union en sera ssi forte qu'on fendroit beaucoup plus tost les pieces es autres endroitz, qu'en l'endroit de leur conjonction ; mais Dieu conjoint le mari a la femme en son propre sang, c'est pourquoy cette union est si forte que plustost l'ame se doit separer du cors de l'un et de l'autre, que non pas le mari de la femme. Or cette union ne s'entend pas principalement du cors, ains du coeur, de l'affection et de l'amour (250).
 
 

Le second effect de cet amour doit estre la fidelité inviolable de l'un a l'autre. Les cachetz estoyent anciennement gravés es anneaux que l'on portoit aux doigtz, comme mesme l'Escriture Sainte tesmoigne (251) ; voyci donq le secret de la ceremonie que l'on fait es noces : l'Eglise, par la

main du prestre, benit un anneau, et le donnant premierement a l'homme, tesmoigne qu'elle seelle et cachette son coeur par ce Sacrement, affin que jamais plus ni le nom ni l'amour d'aucune autre femme ne puisse entrer en iceluy, tandis que celle la vivra laquelle luy a esté donnee ; puys, l'espoux remet l'anneau en la main de la mesme espouse, affin que reciproquement elle sache que jamais son coeur ne doit recevoir de l'affection pour aucun autre homme, tandis que celuy vivra sur terre que Nostre Seigneur vient de luy donner (252)
 
 

Le troysiesme fruit du mariage c'est la production et legitime nourriture des enfans. Ce vous est grand honneur, o mariés, dequoy Dieu voulant multiplier les ames qui le puissent benir et loüer a toute eternité, il vous rend les cooperateurs d'une si digne besoigne par la production des cors dans lesquelz il respand, comme gouttes celestes, les ames en les creant, comme il les cree en les infusant dedans les cors (253) .

Conservés donq, o maris, un tendre, constant et cordial amour envers vos femmes : pour cela la femme fut tiree du costé plus proche du coeur du premier homme, afin qu'elle fust aymee de luy cordialement et tendrement. Les imbecillités et infirmités, soit du cors soit de l'esprit de vos femmes ne vous doivent provoquer a nulle sorte de desdain, ains plustost a une douce et amoureuse compassion, puisque Dieu les a creées telles afin que, dependant de vous, vous en receussies plus d'honneur et de respect, et que vous les eussies tellement pour compaignes que vous en fussies neanmoins les chefz et superieurs. Et vous, o femmes, aymes tendrement, cordialement, mays d'un amour respectueux et plein de reverence, les maris que Dieu vous a donnés ; car vrayement Dieu pour cela les a crees d'un sexe plus vigoureux et predominant, et a voulu que la femme fust une dependance de l'homme, un os de ses os, une chair de sa chair (254), et qu'elle fust produitte d'une coste d'iceluy, tiree de dessous ses bras, pour monstrer qu'elle doit estre sous la main et conduitte du mari ; et toute l'Escriture Sainte vous recommande estroittement cette subjection, laquelle neanmoins la mesme Escriture vous rend douce, non seulement voulant que vous vous y accommodiés avec amour, mais ordonnant a vos maris qu'ilz l'exercent avec grande

dilection, tendreté et suavité : Maris, dit saint Pierre (255), portes vous discretement avec vos femmes, comme

avec un vaisseau plus fragile, leur portant honneur. Mais tandis que je vous exhorte d'aggrandir de plus en plus ce reciproque amour que vous vous deves, prenes garde qu'il ne se convertisse point en aucune sorte de jalousie ; car il arrive souvent que comme le ver s'engendre de la pomme la plus delicate et la plus meure, aussi la jalousie naist en l'amour le plus ardent et pressant des mariés, duquel neanmoins il gaste et corrompt la substance, car petit a petit il engendre les noises, dissensions et divorces. Certes, la jalousie n'arrive jamais ou l'amitié est reciproquement fondee sur la vraÿe vertu, c'est pourquoy elle est une marque indubitable d'un amour aucunement sensuel, grossier et qui s'est addressé en lieu ou il a rencontré une vertu manque, inconstante et sujette a defiance. C'est donq une sotte ventance d'amitié que de la vouloir exalter par la jalousie, car la jalousie est voirement marque de la grandeur et grosseur de l'amitié, mais non pas de la bonté, pureté et perfection d'icelle ; puisque la perfection de l'amitié presuppose l'asseurance de la vertu de la chose qu'on ayme, et la jalousie en presuppose l'incertitude.
 
 

Si vous voulés, o maris, que vos femmes vous soyent fideles, faites-leur en voir la leçon par

vostre exemple. " Avec quel front, " dit saint Gregoire Nazianzene (256), " voules vous exiger la pudicité de vos femmes, si vous mesmes vives en impudicité ? comme leur demandes vous ce que vous ne leur donnes pas ? " Voules vous qu'elles soyent chastes ? comportes vous chastement envers elles, et, comme dit saint Paul (257), Qu'un chacun sçache posseder son vaisseau en sanctification. Que si au contraire vous mesmes leur apprenés les fripponneries, ce n'est pas merveille que vous

ayes du deshonneur en leur perte.
 
 

Mais vous, o femmes, desquelles l'honneur est inseparablement conjoint avec la pudicité et honnesteté, conserves jalousement vostre gloire et ne permettes qu'aucune sorte de dissolution ternisse la blancheur de vostre reputation. Craignes toutes sortes d'attaques pour petites qu'elles soyent, ne permettes jamais aucune muguetterie autour de vous. Quicomque vient loüer vostre beauté et vostre grace vous doit estre suspect, car quicomque loüe une marchandise qu'il ne peut acheter il est pour l'ordinaire grandement tenté de la desrober. Mais si a vostre loüange quelqu'un adjouste le mespris de vostre mari, il vous offence infiniment, car la chose est claire que non seulement il vous veut perdre, mais vous tient des-ja pour demi perdue, puisque la moitié du marché est faite avec le second marchand quand on est desgousté du premier. Les dames tant anciennes que modernes ont accoustumé de pendre des perles en nombre a leurs oreilles pour le playsir, dit Pline (258), qu'elles ont a les sentir grilloter, s'entretouchant l'une l'autre. Mais quant a moy, qui sçay que le grand ami de Dieu Isaac envoya des pendans d'oreilles pour les premieres arres de ses amours a la chaste Rebecca (259) , je croy (260)que cet ornement mystique signifie que la premiere chose qu'un mari doit avoir d'une femme, et que la femme luy doit fidelement garder, c'est l'oreille, affin que nul langage ou bruit n'y puisse entrer, sinon le doux et amiable grillotis des paroles chastes et pudiques, qui sont les perles orientales de l'Evangile : car il se faut tous-jours resouvenir, que l'on empoisonne les ames par l'oreille, comme le cors par la bouche.

L'amour et la fidelité jointes ensemble engendrent tous-jours la privauté et confiance ; c'est pourquoy les Saintz et Saintes ont usé de beaucoup de reciproques caresses en leur mariage, caresses vrayement amoureuses mais chastes, tendres mais sinceres. Ainsy Isaac et Rebecca, le plus chaste pair des mariés de l'ancien tems, furent veus par la fenestre se caresser en telle sorte, qu'encor qu'il n'y eust rien de deshonneste, Abimelech conneut bien qu'ilz ne pouvoyent estre sinon mari et femme (261). Le grand saint Louys, egalement rigoureux a sa chair et tendre en l'amour de sa femme, fut presque blasmé d'estre abondant en telles caresses, bien qu'en verité il meristat plustot loüange de sçavoir demettre son esprit martial et courageux a ces menus offices requis a la conservation de l'amour conjugal ; car si bien que ces petites demonstrations de pure et franche amitié ne lient pas les coeurs, (262) elles les approchent neanmoins, et servent d'un ageancement aggreable a la mutuelle conversation.

Sainte Monique estant grosse du grand saint Augustin, le dedia par plusieurs offres a la religion Chrestienne et au service de la gloire de Dieu, ainsy que luy mesme le tesmoigne (263) disant que des-ja il avoit gousté " le sel de Dieu dans le ventre de sa mere. " C'est un grand enseignement pour les femmes chrestiennes d'offrir a la divine Majesté les fruitz de leurs ventres, mesme avant qu'ilz en soyent sortis, car Dieu qui accepte les oblations d'un coeur humble et vdontaire, seconde pour l'ordinaire les bonnes affections des meres en ce tems la : tesmoin Samuel, saint Thomas d'Aquin, saint André de Fiesole et plusieurs autres. La mere de saint Bernard, digne mere d'un tel filz, prenant ses enfans en ses bras incontinent qu'ilz estoyent nais, les offroit a Jesus Christ, et des lhors les aymoit avec respect comme chose sacree et que Dieu luy avoit confiee ; ce qui luy reussit si heureusement qu'en fin ilz furent tous sept tressaintz.

Mays les enfans estans venus au monde et commençans a se servir de la rayson, les peres et meres doivent avoir un grand soin de leur imprimer la crainte de Dieu au coeur. La bonne reyne Blanche fit ardemment cet office a l'endroit du roy saint Louys son filz, car elle luy disoit souventefois : " J'aymerois trop mieux, mon cher enfant, vous voir mourir devant mes yeux, que de vous voir commettre un seul peché mortel ; " ce qui demeura tellement gravé en l'ame de ce saint filz que, comme luy mesme racontoit (264), il ne fut jour de sa vie auquel il ne luy en souvint, mettant peyne, tant qu'il luy estoit possible, de bien garder cette divine doctrine. Certes, les races et generations sont appellees en nostre langage, maysons (265) , et les Hebreux mesme appellent la generation des enfans, edification de mayson, car c'est en ce sens qu'il est dit (266) que Dieu edifia des maysons aux sages femmes d'Egypte. Or c'est pour

monstrer que ce n'est pas faire une bonne mayson de fourrer beaucoup de biens mondains en icelle, mais de bien eslever les enfans en la crainte de Dieu et en la vertu : en quoy on ne doit espargner aucune sorte de peyne ni de travaux, puisque les enfans sont la couronne du pere et de la mere (267). Ainsy sainte Monique combattit avec tant de ferveur et de constance les mauvaises inclinations de saint Augustin, que l'ayant suivi par mer et par terre elle le rendit plus heureusement enfant de ses larmes, par la conversion de son ame, qu'il n'avoit esté enfant de son sang par la generation de son cors.

Saint Paul laisse en partage aux femmes le soin de la mayson (268), c'est pourquoy plusieurs ont cette veritable opinion, que leur devotion est plus fructueuse a la famille que celle des maris qui, ne faisans pas une si ordinaire residence entre les domestiques, ne peuvent pas par consequent les addresser si aysement a la vertu. A cette consideration, Salomon en ses Proverbes (269) fait dependre le bonheur de toute la mayson, du soin et industrie de cette femme forte qu'il descrit.
 
 

Il est dit au Genese (270) qu'Isaac , voyant sa femme Rebecca sterile, pria le Seigneur pour elle, ou, selon les Hebreux, il pria le Seigneur vis a vis d'elle, parce que l'un prioit d'un costé de l'oratoire et l'autre de l'autre :

aussi l'orayson du mari faitte en cette façon fut exaucee. C'est la plus grande et plus fructueuse union du mari et de la femme que celle qui se fait en la sainte devotion, a laquelle ilz se doivent entreporter l'un l'autre a l'envi. Il y a des fruitz, comme le coing, qui pour l'aspreté de leur suc ne sont gueres aggreables qu'en confiture ; il y en a d'autres qui pour leur tendreté et delicatesse ne peuvent durer, s'ilz ne sont aussi confitz, comme les cerises et abricotz. Ainsy les femmes doivent souhaitter que leurs maris soyent confitz au sucre de la devotion, car l'homme sans devotion est un animal severe, aspre et rude ; et les maris doivent souhaitter que leurs femmes soyent devotes, car sans la devotion la femme est grandement fragile et sujette a deschoir ou ternir en la vertu. Saint Paul a dit (271) que l'homme infidelle est sanctifié par la femme fidelle, et la femme infidelle par l'homme fidelle, parce qu'en cette estroitte alliance du mariage, l'un peut aysement tirer l'autre a la vertu. Mais quelle benediction est-ce, quand l'homme et la femme fidelles se sanctifient l'un l'autre en une vraye crainte du Seigneur

Au demeurant, le support mutuel de l'un pour l'autre doit estre si grand, que jamais tous deux ne soyent courroucés ensemble et tout a coup, affin qu'entre eux il ne se voye de la dissention et du desbat. Les mouches a miel ne peuvent s'arrester en lieu ou les echos et retentissemens et redoublemens de voix se font, ni le Saint Esprit certes en une mayson en laquelle il y ait du desbat, des repliques et redoublemens de crieries et altercations (272) .
 
 

Saint Gregoire Nazianzene tesmoigne (273) que de son tems les mariés faisoyent feste au jour anniversaire de leurs mariages. Certes, j'appreuverois que cette coustume s'introduisist, pourveu que ce ne fust point avec des appareilz de recreations mondaines et sensuelles, mais que les maris et femmes, confessés et communiés en ce jour la, recommandassent a Dieu plus fervemment que l'ordinaire le progres de leur mariage, renouvellans les bons propos de le sanctifier de plus en plus par une reciproque amitié et fidelité, et reprenans haleyne en Nostre Seigneur pour le support des charges de leur vacation.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XXXIX
 
 
 
 

DE L'HONNESTETÉ DU LICT NUPTIAL
 
 
 
 
 
 

Le lict nuptial doit estre immaculé; comme I'Apostre l'appelle (274), c'est a dire exempt d'impudicités et autres souïlleures prophanes. Aussi le saint Mariage fut premierement institué dedans le Paradis terrestre, ou jamais, jusques a l'heure, il n'y avoit eu aucun desreglement de la concupiscence, ni chose deshonneste.
 
 

Il y a quelque ressemblance entre les voluptés honteuses et celles du manger, car toutes deux regardent la chair, bien que les premieres, a rayson de leur vehemence brutale, s'appellent simplement charnelles. J'expliqueray donques ce que je ne puis pas dire des unes, par ce que je diray des autres.
 
 

1. Le manger est ordonné pour conserver les personnes : or, comme manger simplement pour nourrir et conserver la personne est une bonne chose, sainte et commandee, aussi ce qui est requis au mariage pour la production des enfans et la multiplication des personnes est une bonne chose et tressainte, car c'est la fin principale des noces.
 
 

2.Manger, non point pour conserver la vie mais pour conserver la mutuelle conversation et condescendance que nous nous devons les uns aux autres, c'est chose grandement juste et honneste et de mesme, la reciproque et legitirne satisfaction des parties au saint Mariage est appellee par saint Paul devoir (275) ; mais devoir si grand, qu'il ne veut pas que l'une des parties

s'en puisse exempter sans le libre et volontaire consentement de l'autre, non pas mesme pour les exercices de la devotion (276), qui m'a fait dire le mot que j'ay mis au chapitre de la sainte Communion pour ce regard combien moins donq peut-on s'en exempter pour des capricieuses pretentions de vertu ou pour les choleres et desdains.

3.Comme ceux qui mangent pour le devoir de la mutuelle conversation doivent manger librement et non comme par force, et de plus s'essayer de tesmoigner de l'appetit, aussi le devoir nuptial doit estre tous-jours rendu fidellement, franchement, et tout de mesme comme si c'estoit avec esperance de la production des enfans, encor que pour quelque occasion on n' eust pas telle esperance.
 
 

4. Manger non point pour les deux premieres raysons, mais simplement pour contenter l'appetit, c'est chose supportable mais non pas pourtant louable ; car le simple playsir de l'appetit sensuel ne peut estre un objet suffisant pour rendre une action louable, il suffit bien si elle est supportable.
 
 

5. Manger non point par simple appetit, mais par exces et desreglement, c'est chose plus ou moins vituperable, selon que l'exces est grand ou petit.
 
 

6. Or, l'exces du manger ne consiste pas seulement en la trop grande quantité, mais aussi en la façon et maniere de manger. C'est grand cas, chere Philothee, que le miel si propre et salutaire aux abeilles leur puisse neanmoins estre si nuisible que quelquefois il les rend malades, comme quand elles en mangent trop au printems, car cela leur donne le flux de ventre, et quelquefois il les fait mourir inevitablement, comme quand elles sont emmiellees par le devant de leur teste et de leurs aislerons.
 
 

A la verité, le commerce nuptial qui est si saint, si juste, si recommandable, si utile a la republique, est neanmoins en certain cas dangereux a ceux qui le prattiquent ; car quelquefois il rend leurs ames grandement malades de peché veniel, comme il arrive par les simples exces, et quelquefois il les fait mourir par le peché mortel, comme il arrive lhors que l'ordre establi pour la production des enfans est violé et perverti, auquel cas, selon qu'on s'esgare plus ou moins de cet ordre, les pechés se treuvent plus ou moins execrables, mais tous-jours mortelz. Car d'autant que la procreation des enfans est la premiere et principale fin du mariage, jamais on ne peut loysiblement se departir de l'ordre qu'elle requiert, quoy que pour quelque autre accident elle ne puisse pas pour Ihors estre effectuee, comme il arrive quand la sterilité ou la grossesse des-ja survenue empesche la production et generation ; car en ces occurrences le commerce corporel ne laisse pas de pouvoir estre juste et saint, moyennant que les regles de la generation soyent suivies, aucun accident ne pouvant jamais prejudicier a la loy que la fin principale du mariage a imposee. Certes, l'infame et execrable action que Onan faisoit en son mariage estoit detestable devant Dieu, ainsy que dit le sacré Texte du trente huitiesme chapitre de Genese ; et bien que quelques heretiques de nostre aage (277), cent fois plus blasmables que les Cyniques desquelz parle saint Hierosme sur l'Epistre aux Ephesiens *, ayent voulu dire que c'estoit la perverse intention de ce meschant qui desplaisoit a Dieu, l'Escriture toutefois parle autrement, et asseure en particulier que la chose mesme qu'il faisoit estoit detestable et abominable devant Dieu.

7. C'est une vraye marque d'un esprit truant, vilain, abject et infame de penser aux viandes et a la mangeaille avant le tems du repas, et encores plus quand apres iceluy on s'amuse au playsir que l'on a pris a manger, s'y entretenant par parolles et pensees, et vautrant son esprit dedans le souvenir de la volupté que l'on a euë en avalant les morceaux, comme font ceux qui devant disner tiennent leur esprit en broche et apres disner dans les platz ; gens dignes d'estre souillars de cuisine, qui font, comme dit saint Paul (278), un dieu de leur ventre. Les gens d'honneur ne pensent a la table qu'en s'asseant, et apres le repas se lavent les mains et la bouche pour n'avoir plus ni le goust ni l'odeur de ce qu'ilz ont mangé. L'elephant n'est qu'une grosse beste, mais la plus digne qui vive sur la terre et qui a le plus de sens ; je vous veux dire un trait de son honnesteté : il ne change jamais de femelle

et ayme tendrement celle qu'il a choisie, avec laquelle neanmoins il ne parie que de trois ans en trois ans, et cela pour cinq jours seulemeut et si secrettement que jamais il n'est veu en cet acte; mais il est bien veu pourtant le sixiesme jour auquel avant toutes choses il va droit a quelque riviere en laquelle il se lave entierement tout le cors, sans vouloir aucunement retourner au troupeau qu'il ne se soit auparavant purifié (279). Ne sont-ce pas de belles et honnestes humeurs d'un tel animal, par lesquelles il invite les mariés a ne point demeurer engagés d'affection aux sensualités et voluptés que selon leur vocation ilz auront exercees, mais icelles passees de s'en laver le coeur et l'affection, et de s'en purifier au plus tost, pour par apres avec toute liberté d'esprit prattiquer les autres actions plus pures et relevees.
 
 

En cet advis consiste la parfaitte prattique de l'excellente doctrine que saint Paul donne aux

Corinthiens : (280) Le tems est court, dit-il ; reste que ceux qui ont des femmes soyent comme n'en ayans point. Car, selon saint Gregoire (281), celuy a une femme comme n'en ayant point qui prend tellement les consolations corporelles avec elle que pour cela il n'est point destourné des pretentions spirituelles ; or, ce qui se dit du mari s'entend reciproquement de la femme. Que ceux qui usent du monde, dit le mesme Apostre (282), soyent comme n'en usans point. Que tous donques usent du monde, un chacun selon sa vocation, mais en telle sorte que n'y engageant point l'affection, on soit aussi libre et prompt a servir Dieu comme si l'on n'en usoit point. " C'est le grand mal de l'homme, " dit saint Augustin (283), "de vouloir jouir des choses desquelles il doit seulement user er de vouloir user

celles desquelles il doit seulement jouir : " nous devons jouir des choses spirituelles et seulement user des corporelles ; desquelles quand l'usage est converti en jouissance, notre ame raysonnable

est aussi convertie en ame brutale et bestiale.

Je pense avoir tout dit ce que je voulois dire, et fait entendre sans le dire ce que je ne voulois pas dire.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XL
 
 
 
 
 
 

ADVIS POUR LES VEFVES
 
 
 
 
 
 

Saint Paul instruit tous les prelatz, en la personne de son Timothee (284), disant : Honnore les vefves qui sont vrayement vefves. (285) Or, pour estre vrayement vefve ces choses sont requises

:

1. Que non seulement la vefve soit vefve de cors, mais aussi de coeur, c'est a dire qu'elle soit resolue d'une resolution inviolable de se conserver en l'estat d'une chaste viduité ; car les vefves qui ne le sont qu'en attendant l'occasion de se remarier ne sont separees des hommes que selon la volupté du cors, mais elles sont des-ja conjointes avec eux selon la volonté du coeur.
 
 

Que si la vraye vefve, pour se confirmer en l'estat de viduité, veut offrir a Dieu en voeu son cors et sa chasteté, elle adjoustera un grand ornement a sa viduité et mettra en grande asseurance sa resolution ; car voyant qu'apres le voeu il n'est plus en son pouvoir de quitter sa chasteté sans quitter le Paradis, elle sera si jalouse de son dessein qu'elle ne permettra pas seulement aux plus simples pensees de mariage d'arrester en son coeur un seul moment, si que ce voeu sacré mettra une forte barriere entre son ame et toute sorte de projetz contraires a sa resolution.
 
 

Certes, saint Augustin conseille extremement ce voeu a la vefve chrestienne (286); et l'ancien et docte Origene passe bien plus avant (287), car il conseille aux femmes mariees de se voüer et destiner a la chasteté viduale en cas que leurs maris viennent a trespasser devant elles, affin qu'entre les playsirs sensuelz qu'elles pourront avoir en leur mariage, elles puissent neanmoins jouir du merite d'une chaste viduité par le moyen de cette promesse anticipee. Le voeu rend les oeuvres faittes en suite d'ice-luy plus aggreables a Dieu, fortifie le courage pour les faire, et ne donne pas seulement a Dieu les oeuvres, qui sont comme les fruitz de nostre bonne volonté, mais luy dedie encores la volonté mesme, qui est comme l'arbre de nos actions. Par la simple chasteté nous prestons nostre cors a Dieu, retenans pourtant la liberté de le sousmettre l'autre fois aux playsirs sensuelz ; mais par le voeu de chasteté nous luy en faisons un don absolu et irrevocable, sans nous reserver aucun pouvoir de nous en desdire, nous rendans ainsy heureusement esclaves de Celuy la servitude duquel est meilleure que toute royauté. Or, comme j'appreuve infiniment les advis de ces deux grans personnages, aussi desirerois-je que les ames qui seront si heureuses que de les vouloir employer le facent prudemment, saintement et solidement, ayans bien examiné leurs courages, invoqué l'inspiration celeste et prins le conseil de quelque sage et devot directeur, car ainsy tout se fera plus fructueusement.

2.Outre cela, il faut que ce renoncement de secondes noces se face purement et simplement pour,

avec plus de pureté, contourner toutes ses affections en Dieu, et joindre de toutes pars son coeur avec celuy de sa divine Majesté ; car si le desir de laisser les enfans riches ou quelqu 'autre sorte de pretention mondaine arreste la vefve en viduité, elle en aura peut estre la loüange, mais non pas certes devant Dieu (288), puisque devant Dieu rien ne peut avoir une veritable loüange que ce qui est fait pour Dieu.

3.Il faut de plus que la vefve, pour estre vrayement vefve, soit separee et vdontairement destituee des contentemens prophanes. La vefve qui vit en delices, dit saint Paul (289) , est morte en vivant(290). Vouloir estre vefve et se plaire neanmoins d'estre muguettee, caressee, cajolee; se vouloir treuver aux balz, aux danses et aux festins ; vouloir estre parfumee, attifee et mignardee, c'est estre une vefve vivante quant au cors, mais morte quant a l'ame. Qu'importe-il, je vous prie, que l'enseigne du logis d'Adonis et de l'amour prophane soit faite d'aigrettes blanches perchees en guise de pennaches, ou d'un crespe estendu en guise de retz tout autour du visage ? ains souvent le noir est mis avec advantage de vanité sur le blanc pour en rehausser la couleur. La vefve ayant fait essay de la façon avec laquelle les femmes peuvent plaire aux hommes, jette de plus dangereuses amorces dedans leurs espritz. La vefve donq qui vit en ces folles delices, vivante est morte, et n'est a proprement parler qu'une idole de viduité.

Le tems de retrancher est venu, la voix de la tourterelle a esté ouïe en nostre terre, dit le

Cantique (291). Le retranchement des superfluités mondaines est requis a quicomque veut vivre pieusement ; mays il est sur tout necessaire a la vraye vefve qui, comme une chaste tourterelle, vient tout fraischement de pleurer, gemir et lamenter la perte de son mari. Quand Noémi revint de Moab en Bethleem, les femmes de la ville qui l'avoyent conneuë au commencement de son mariage s'entredisoyent l'une a l'autre : N'est-ce point ici Noémi ? Mais elle respondit : Ne m'appelles point, je vous prie, Noëmi, car Noëmi veut dire gracieuse et belle, ains appelles moy Mara, car le Seigneur a rempli mon ame d'amertume (292) : ce qu'elle disoit d'autant que son mari luy estoit mort. Ainsy la vefve devote ne veut jamais estre appellee et estimee ni belle ni gracieuse, se contentant d'estre ce que Dieu veut qu'elle soit, c'est a dire humble et abjecte a ses yeux (293).

Les lampes desquelles l'huyle est aromatique jettent une plus suave odeur quand on esteint leurs flammes

: ainsy les vefves desquelles l'amour a esté pur en leur mariage respandent un plus grand parfum de vertu de chasteté quand leur lumiere, c'est a dire leur mari, est esteinte par la mort. D'aymer le mari tandis qu'il est en vie, c'est chose asses triviale entre les femmes ; mais l'aymer tant qu'apres la mort d'iceluy on n'en veuille point d'autre, c'est un rang d'amour qui n'appartient qu'aux vrayes vefves. Esperer en Dieu tandis que le mari sert de support, ce n'est pas chose si rare ; mais d'esperer en Dieu quand on est destitué de cet appuy, c'est chose digne de grande loüange c'est pourquoy on connoist plus aysement en la viduité, la perfection des vertus que l'on a euës au mariage (294)

La vefve laquelle a des enfans qui ont besoin de son addresse et conduitte , et principalement en ce qui regarde leur ame et l'establissement de leur vie, ne peut ni doit en façon quelconque les abandonner ; car l'apostre saint Paul dit clairement (295) qu'elles sont obligees a ce soin la, pour rendre la pareille a leurs peres et meres, et d'autant encores que si quelqu'un n'a soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il est pire qu'un infidelle (296). Mais si les enfans sont en estat de n'avoir pas besoin d'estre conduitz, la vefve alhors doit ramasser toutes ses affections et cogitations pour les appliquer plus purement a son avancement en l'amour de Dieu (297).

Si quelque force forcee n'oblige la conscience de la vraye vefve aux embarrassemens exterieurs, telz que sont les proces, je luy conseille de s'en abstenir du tout, et suivre la methode de conduire ses affaires qui sera plus paisible et tranquille, quoy qu'il ne semblast pas que ce fust la plus fructueuse. Car il faut que les fruitz du tracas soyent bien grans, pour estre comparables au bien d'une sainte tranquillité ; laissant a part que les proces et telles brouilleries dissipent le coeur et ouvrent souventefois la porte aux ennemis de la chasteté, tandis que, pour complaire a ceux de la faveur

desquelz on a besoin, on se met en des contenances indevotes et desaggreables a Dieu.

L'orayson soit le continuel exercice de la vefve ; car ne devant plus avoir d'amour que pour Dieu, elle ne doit non plus presque avoir des parolles que pour Dieu. Et comme le fer qui estant empesché de suivre l'attraction de l'aymant a cause de la presence du diamant, s'eslance vers le mesme aymant soudain que le diamant est esloigné, ainsy le coeur de la vefve, qui ne pouvoit bonnement s'eslancer du tout en Dieu, ni suivre les attraitz de son divin amour pendant la vie de son mari, doit soudain apres le trespas d'iceluy courir ardemment a l'odeur des Parfums celestes, comme disant, a l'imitation de l'Espouse sacree (298) : O Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevés-moy pour toute vostre ; tirés-moy apres vous, nous courrons a l'odeur de vos onguens.
 
 

L'exercice des vertus propres a la sainte vefve sont ]a parfaitte modestie, le renoncement aux honneurs, aux rangs, aux assemblees, aux tiltres et a telles sortes de vanités ; le service des pauvres et des malades, la consolation des affligés, l'introduction des filles a la vie devote, et de se rendre un parfait exemplaire de toutes vertus aux jeunes femmes. La netteté et la simplicité sont les deux ornemens de leurs habitz, l'humilité et la charité les deux ornemens de leurs actions, l'honnesteté et debonnaireté les deux ornemens de leur langage, la modestie et la pudicité l'ornement de leurs yeux, et Jesus Christ crucifié, l'unique amour de leur coeur.
 
 

Bref, la vraye vefve est en l'Eglise une petite violette de mars, qui respand une suavité nompareille par l'odeur de sa devotion, et se tient presque tous-jours cachee sous les larges feuilles de son abjection, et par sa couleur moins esclatante tesmoigne la mortification ; elle vient es lieux frais et non cultivés, ne voulant estre pressee de la conversation des mondains, pour mieux conserver la fraischeur de son coeur contre toutes les chaleurs que le desir des biens, des honneurs ou mesme des amours luy pourroit apporter. Elle sera

bien heureuse, dit le saint Apostre (299), si elle persevere en cette sorte.

J'aurois beaucoup d'autres choses a dire sur ce sujet ; mais j'auray tout dit quand j'auray dit que la vefve jalouse de l'honneur de sa condition lise attentivement les belles epistres que le grand saint Hierosme escrit a Furia et a Salvia, et a toutes ces autres dames qui furent si heureuses que d'estre filles spirituelles d'un si grand Pere, car il ne se peut rien adjouster a ce qu'il leur dit, sinon cet advertissement que la vraye vefve ne doit jamais ni blasmer ni censurer celles qui passent aux secondes ou mesme troisiesmes et quatriesmes noces ; car en certains cas Dieu en dispose ainsy pour sa plus grande gloire. Et faut tous-jours avoir devant les yeux cette doctrine des Anciens, que ni la viduité ni la virginité n'ont point de rang au Ciel que celuy qui leur est assigné par l'humilité.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CHAPITRE XLI
 
 
 
 
 
 
 
 
 

UN MOT AUX VIERGES
 
 
 
 
 
 

O vierges, si vous pretendés au mariage temporel, gardes donq jalousement vostre premier amour pour vostre premier mari. Je pense que c'est une grande tromperie de presenter, en lieu d'un coeur entier et sincere, un coeur tout usé, frelaté et tracassé d'amour. Mais si vostre bonheur vous appelle aux chastes et virginales noces spirituelles, et qu'a jamais vous veuilles conserver vostre virginité, o Dieu, conservés vostre amour le plus delicatement que vous pourres pour cet Espoux divin qui, estant la pureté mesme, n'ayme rien tant que la pureté (300), et a qui les premices de toutes choses sont deuës, mais principalement celles de l'amour. Les epistres de saint Hierosme vous fourniront tous les advis qui vous sont necessaires ; et puisque vostre condition vous oblige a l'obeissance, choisisses une guide, sous la conduitte de laquelle vous puissies plus saintement dedier vostre coeur et vostre cors a sa divine Majesté (301).
1. - Ps 1,3

2. - Qo 22,6

3. - Héraclite et Démocrite.

4. - Rm 12,15

5. - 1 Co 13,4

6. -Liv I ch 24

7. - Ac 6,2

8. - Variante: [ et fera bien plus d'estat de la souffrance volontaire des peynes exterieures, que de la souffrance des injures et mespris qui semble ne toucher que le coeur, et estime plus la patience d'un travail volontaire que celle d'une longue maladie ; et a la verité...] neanmoins, l'aumosne spirituelle et la mortification du coeur sont [ tous-j ours preferables a...] bien plus excellentes que l'aumosne et mortification du cors, [ et la resignation est bien plus excellente en la douce et amiable acceptation des peynes et travaux que Dieu nous envoye, qu' elle n'est pas a l'election et au choix des peynes volontaires.] Choisissés donq, ma Philothee (Ms.)

9. -Variante : [ On ne peut avoir la charité sans avoir toutes les autres vertus, comme j'ay dit, et on ne les a que pour les exercer en tems et lieu, et en l'exercice d'icelles il faut donner le premier rang a celle qui regarde notre devoir, et donner le second rang.....apres lesquelles il faut preferer les spirituelles, interieures et plus excellentes : c'est cela que j'ay dit jusques a present. J'adjouste maintenant que] (Ms).

10. - Vitae Patrum, I, Vita S.Joann.Eleemos. 7.

11. ,- Vitae Patrum, 7,19; 8,26.

12. - Collat. Patrum, 18,14

13. - Variante : [et par cet exercice bienaymé elles tiennent leurs espritz et... ] tenans par ce moyen leurs actions et affections mieux unies et rangees [ les conduisant toutes a ce dessein comm 'a leur rendes vous ; si qu'on void leur esprit ] (Ms.)

14. - Ps 44,10

15. - Orat. 14,2

16. - Jos 6; He 11,31; Jc 2,25.

17. - Sermo 20 in Ps 118,1

18. - Vita Ia S.Bern., I,4 et 6 (Patrologia latina tom. 185)

19. - 1 Co 9,22

20. - Liv I ch 24

21. 21- Variante: [Avec la leçon correspondante du texte, le Ms. donne l' ébauche suivante de l'alinéa qu'on vient de lire :]

En fin, si vous me croyes, Philothee, vous vous employeres fort aux simples et petites vertus : a l'humilité, au mespris du monde et de vous mesme, au service des pauvres, des malades, en la patience, la debonnaireté, la pauvreté, l'obeissance, et choisirés tous-jours les offices bas, vilz et abjectz autant que vostre condition vous le permettra. Car, quant a ces nudités de coeur purement pures, [a ces] insensibilités, deiformités, unions deifiques, eslevations transformantes, impassibilités de coeur et telles autres [grandes] vertus, il les faut laisser... ce sont des vertus de l'autre monde : que s'il s'en treuve quelque eschantillon en cestui ci, ce n'est justement que pour en faire monstre, affin d'inciter nos coeurs a l'amour du siecle futur ou les pieces sont toutes entieres.

22. - I R 9,10

23. - Gn 24, 44

24. - Rt 2,4

25. - He 10,36

26. - Lc 21,19

27. - Variante : Il nous faut donq perfectionner en cette sainte vertu. (Ms.) - Il nous faut donq perfectionner en cette vertu. (A-B)

28. - Variante : bienheureux Cardinal (Ms A-B). [ Voir liv 2, ch 17]

29. - Moral. in Job, 22,30

30. - Rm 4,2

31. - Jn 16,21

32. - Le mot espines, qui se lit dans le Ma. et les éditions (A), (B), a paru préférable à celui de peines donné par les éditions suivantes.

33. - Variante: [Outre la leçon correspondante du texte insérée dans le Ms., il existe deux ébauches des chapitres sur l'Humilité. Elles sont reproduites intégralement la première, ici, la seconde, plus loin p.74.]

Empruntes, dit Helisee a une pauvre vefve(voir p.74) , et prenes force vaysseaux vuiles et verses l'huyle en iceux. Pour recevoir la grace de Dieu en nos coeurs il les faut avoir vuides de nostre propre gloire. La cresserelle [ contre-garde les colombes espouventant les oyseaux de proye par son cry et son regard, qui, a cet effeet, ont une proprieté secrette pour cela ; et les colombes aussi ayment cet oyseau sur tous autres. ] a une secrette proprieté d'espouvanter les oyseaux de proye par son cri ; c'est pourquoy les colombes l'ayment sur tous les autres oyseaux et vivent en asseurance aupres d'icelle. Ainsy l'humilité repousse [les malins espris] Satan et conserve [en nos ames toutes les autres vertus ] en nous les graces et dons du St Esprit ; c'est pourquoy tous les Sains [l'honnorent et cherissent plus qu'aucun'autre vertu moralle ; c'est la vertu bienaymee du Sauveur et de sa Mere. ] mais particulierement le Saint des Sains et sa Mere, l'ont honnoree et cherie sur toutes les vertus morales. [ Le St Esprit, duquel la colombe est le symbole, voulant loger le Fils de Dieu en terre, il luy dressa son sejour en la plus humble creature du monde, et ce Sauveur, qui s'est exalté par son humilité, veut que sur tout nous apprenions de luy quil est debonhaire et humble de coeur. ]

34. - 4 R 4,3

35. - Pline Hist.Nat. 10,37- voir p. 74, 75

36. - voir p.75,76

37. - cf Préface.

38. - voir p.76

39. - IIa Iiae, q.82, art 3

40. - voir p.75

41. - 1 Co 4,7

42. - Lc 1,46

43. - Variante : ce qui se peut, et quelque petite partie. (Ms.)

44. - Is 7,11

45. - Mt 5,48

46. - Pline, Hist. Nat. 12,11

47. - 2 R 6,14

48. - 2 R 6,20

49. - Lc 1,48

50. - Ps 83,11

51. - Ps 21,7

52. - Qo 41,15

53. - voir p.76

54. - voir p.76

55. -voir p.77

56. - voir p.77

57. - Ps 51,2

58. - 2 Co 6,8

59. - Ps 68,8

60. - Variante : C'est l'abeille qui fait le miel, et rien ne l'attire si fort que le miel ; le S' Esprit est doux, rien ne l'attire tant en un'ame que la douceur. Le saint chresme par lequel on faisoit l'onction sacerdotale en l'ancienne Loy estoit composé de plusieurs sortes d'huyles pretieuses, mais principalement... (Ms.)

61. - Mt 11,29

62. - ch 4

63. - Tract. de Charit., 5

64. - Vide Mattioli, in Dioscorid., 6,11

65. - Gn 45,24

66. - Jc 1,20

67. - De Civitate Dei, l.14, ch.19

68. - Ep.38,2

69. - Ep 4,26

70. - Variante : les forces de vostr' ame pour l'ernpescher de passer outre, quittant pour un peu l'attention que vous pourries avoir a toute autre chose. Mais le secret en cett' occasion est d'employer nos (Ms.)

71. - Ep 250,3

72. - Ps 30,10

73. - Mt 8,24

74. - 4,11

75. - Ps 42,5

76. - Lc 10,41

77. - Pr 19,2

78. - Ph 2,8

79. - Tr. De mor. et officio Episc., ch.9

80. - Voir note n°6

81. - [Avec la leçon correspondante de ce chapitre, insérée dans le Ms., il existe une ébauche, reproduite intégralement ici.] En la page deux cent et vingt et un (renvoi à l'édition Princeps part.2, ch.18)
 
 

An reste, toutes sortes de personnes ont grandement besoin de cette vertu, et ce que peu de gens pensent, la necessité en est plus grande au mariage qu' en aucune autre condition de vie; car encor que la sacree et benite licence que ce mariage donne aye une particuliere force d'esteindre le feu voluptueux de la concupiscence, si est ce que, pour peu que le coeur qui en use soit desordonné, il passe fortasysement les bornes de la juste permission qui luy est donnee et la convertit en dissolution. David avoit presque excessivement dequoy assouvir tous ses appetitz, et neanmoins il poursuivit plus ardemment le dessein de son adultere qu'aucun autre n'eust sceu faire celuy de quelque simple fornication. Il y a bien plus de peril de se noyer a ceux qui cinglent en haute mer, pour bon que soit le navire, que non pas a ceux qui sont en terre ; il est vray que tandis qu'on demeure dans le navire... C'est tous-jours chose dangereuse de prendre des medecines desquelles la qualité est veneneuse medicarnens violens, parce que si l'on en prend plus qu'il ne faut, ou qu'ilz ne soyent pas bien preparés, on en reçoit tous-jours beaucoup de nuisance. Il est bien plus aysé de s'abstenir des playsirs que de se contenir entre les playsirs, plus aysé d'eviter la cholere que de regler la cholere et de ne la point recevoir que de ne point recevoir de mal par elle quand on l'a receue, et bien plus malaysé, quoy qu'il soir possible, de se courroucer sans pecher . Je treuve bien plus difficile ce commandement :Courrouces vous et ne peches pas, que cet autre : Ne vous courrouces point. L'usage du mariage est sacré sans doute, c'est cela qui oblige a le respecter. C'est grand cas que les abeilles puissent estre empoisonnees de leur propre miel, ce qui leur arrive en deux façons, ou pour en trop manger dessus les fleurs, ou se treuvans emmiellees du costé de l'avant ; mais pour la premiere façon elles en deviennent seulement malades, et pour la seconde elles en meurent soudainement : les playsirs pris, ou avec exces, demesurement ou contre l'ordre, tiennent lieu de poison en ceux mesme auxquelz ilz sont donnés pour remedes.

L'honneur, la reputation, l'apprehension mesme plus vive du peché servent de bouclier et de defenses pour les autres sortes de chastetés, mais celle cy ne peut estre conservee que par le seul amour de Dieu. Les fruitz qui ont encor leurs escorces, leurs pelures ou leurs coques peuvent estre conservés quelque tems, les uns dedans le sable, les autres en la paille, les autres en leur propre feuillage; mais estans hors leurs escorces ou de leurs pelures, ilz ne peuvent estre conservés que par le sucre, le miel, ou le vinaigre, bien que la conservation faite par le vinaigre soit plustost un empirement que non pas une conservation. La chasteté tandis qu'elle est entiere comme elle est es vierges, ou qu'elle est absolue es vefves et autres qui sont en estat d'une continence totale, elle peut estre conservee par plusieurs considerations humaines, quoy que non pas sans la grace de Dieu mais la mesme chasteté demeurant sans ses defenses exterieures ne peut estre conservee que par le sucre ou le miel de la devotion. Le feu sacré de l'ancienne Loy n'estoit point different en matiere du feu prophane...j
 
 

Pour tout cela je dis que les mariés ont besoin d'une plus forte et constante chasteté que lea autres, mays ilz en ont besoin encor pour les longues absences et separations que la varieté des affaires humaines causent bien souvent, et pour les maladies de longue duree qui peuvent arriver ou a l'une ou a l'antre des parties. C'est pourquoy ilz ont besoin de deux chastetés l'une pour la moderation en leur train ordinaire, l'autre pour l'abstinence totale en ces cas de necessité. Certes, sainte Catherine de Sienne vit entre les damnés plusieurs ames grandement tourmentees pour avoir violé la sainteté du mariage, et disoit que cela n'arrivoit pas tant pour la grandeur du peché, car les meurtres, les enchantemens et antres impietés sont plus enormes, comme " parce que pour l'ordinaire ceux qui le commettent n'en font point de scrupule ", et par consequent le commettent frequemment.
 
 

Les vefz neaumoins et les vefres ont cette particuliere difficulté en leur chasteté, que leur imagination est plus sysee a estre tronblee par le souvenir des voluptés qu'ilz ont experimentees, et quant aux vierges, leur difficulté vient de ce que maintesfois l'esprit immonde j
 
 

Les vefz et les vefves ont besoin d'une chasteté fort pure, et laquelle ne resiste pas seulement aux assautz que les objetz presens et futurs leur peuvent donner, mais aussi aux imaginations que les playsirs qu'elles ont loysiblement experimentés au mariage peuvent produire en leur esprit, lequel pour ce regard est plus tendre aux amorces voluptueuses si elles ne sont grandement jalouses de leur pureté.
 
 

Et quant aux vierges, leur chasteté doit estre extremement simple et pudique, affin de n'estre point surprise d'une ruse que l'ennemy a accoustumé de leur dresser pour les surprendre : c'est qu'il leur represeote les voluptés pour infiniment plus voluptueuses qu'elles ne sont, et par ce moyen, comme dit St Hierosme, il leur excite plus violemment l'appetit des choses deshonnestes, " pendant qu'elles estiment plus doux ce qu'elles ignorent. " Il faut donq qu'elles se gardent de ces curieuses imaginations, et qu'avec une extreme pudicité elles bannissent de leur coeur toutes ces vaynes et frivoles pensees, plantant an milieu de leur coeur cette vraye et solide venté : que les playsirs qui sont communs aux pourceaux et aux hommes ne meritent pas d'estre desirés par les hommes, et que le playsir sans lequel les plus heureux et sages hommes ont vescu, ne peut point tenir de rang en la felicité et contentement de l'homme; ne mettant jamais en compromis que le choix qu'elles ont fait de la chasteté ne soit incomparablement meilleur que tout ce qui luy est incompatible.

82. -Confess. 6,12

83. - Ep 117 ad Matrem et Filiam §6

84. -Ps 4,5

85. - B. Raym. De Cap., Vita S.Cath. Sen., 2,6

86. - He 12,14

87. - l.c.

88. - Hom. 15 in Mt § 4

89. -Ps 14,1

90. - Ps 23,4

91. - Ap 22,15

92. - Mt 5,8

93. - Ep 5,3

94. - Ct 5,5 ; 4,3 et 1 ; 1,10 ; 7,4

95. - Inst. 6,19

96. - ch.4

97. - Pline Hist Nat 17, 24 et 37

98. - l c : 8, 21 et 32 et 33

99. - Ps 11,7

100. - Ps 118,127

101. - Vinc. Bellov. Speculum naturae 8,106

102. - Pline Hist Nat 24, 19 et 38 ; Mattioli in Dioscor. 1, 116

103. - Mt 5,3

104. - Pline Hist nat. 10, 23 et 47

105. - Ex 3,2

106. - 3 R 21,2

107. - Mt 5,3

108. - Pline Hist Nat. 35,10 et36

109. - Os 9,10

110. - 2 Co 11,29

111. - Jn 13,16

112. - Dans le Ms., tout l'alinéa est condensé an cette seule phrase :

Saint Louys, tout grand roy qu'il estoit, et sainte Elizabeth, fille de roy, le prattiquoient avec un zele et perseverance nompareille. (Ms.)

113. - Mt 5,3

114. - Mt 25,34

115. - Gn 27

116. - Os 9,10

117. - Pline HistNat. 21, 13 et 14 ; Mattioli in Diosc. 6,8

118. - Avec la leçon du Ms. correspondant au texte, il existe une ébauche de ce chapitre, qui est reproduite intégralement ici : Il y a des certains avortons, ou plustost fantosmes d'amitié qui pour leur incomparable vanité et imperfection ne peuvent porter le nom ni d'amour ni d'amitié, ains seulement celuy d'amouretres. Ce sont certaines vaines, folles, folastres affections par lesquelles les coeurs des personnes de divers sexe s'entretiennent, pris, engagés et entrelacés les uns avec les autres. Ces folles affections vont fondre et aboutissent pour l'ordinaire en des charnalités et lascivetés fort vilaines; neanmoins ce n'est pas le premier dessein de ceux qui les prattiquent, autrement ce ne seroient plus amourettes ains impudicités et paillardises.

[Leurs premiers desseins donques sont divers : les uns praetendent d'assovir leurs coeurs a donner et recevoir de l'amour, leurs yeux a s'entreregarder, leurs espritz a s'entrecommuniquer leurs pensees, leurs cogitations, lestime reciproque qu'ilz font l'un de l'autre; et tout cela a leur advis sans autre pretention de leur costé. Je dis de leur costé, parce que le Diable a tous-jours un dessein dangereux et pernicieux sur ces maudites amourettes.J

[Ah que je souhaiterois de pouvoir dignement detester cet infame amusement; Philothee, c'est la peste des coeurs

et le jouet des cours c'est le malheur des ames, et la ruine de toutes leurs facultés.] Tout cela, Philothee, est un tres infame amusement ; c'est le jouet des cours, mais la peste des coeurs. Helas, on s'y engage par imprudence, et on le poursuit avec impudence. L'herba aproxis reçoit et conçoit le feu tout aussi tost qu'elle le void : nos coeurs sont comme cela, incontinent quils voyent un'ame qui a conçu de l'amour pour eux, ilz en reçoivent soudainement [en contrechange] pour elle. Que voules-vous donq faire, o hommes, o femmes ? Vous voules donner de l'amour saches que personne n'en donne qui n'en prenne reciproquernent: vous en voules donq prendre. Ah, vous mettes un serpent dans vostre sein qui vous mordra et fera mourir de son venin. I! vous est advis que vous borneres et limiteres l'enibrasement de ce feu, et que vous le contiendres dans l'enclos d'un simple passetems ; mais vous ne sçaves donq pas sa force. Vous seres tout estonnés qu'en moins de rien il aura reduit an cendre vostre coeur, vostr'entendement et vostr'honneur.

Qui aura, dit-il, compassion d'un enchanteur piqué par le serpent, et de tous ceux qui s'approchent des bestes ? O folz et insensés, vous voules charmer par amour les personnes, et ce mesme serpent vous mordra, vous en seres empoisonnés; et chacun dira : son dam, il a tendu des pieges aux autres, il est bien juste quil y soit loy mesme surpris ; il a voulu folastrer avec les lyons et les tigres, s'ilz l'ont offencé c'est sa faute. Sçaves vous ce que je veux dire ? Je veux dire quil ne faut jamais [faire cette folie de vouloir,.. ] s'exposer a cette folie d'amourettes.

Mais, mon Dieu, quelle rayson y a-il de joüer la principale piece de son ame ? car 1'amour est le roy de nos affections, c'est l'unique [joyau] morceau du coeur que nostre Dieu se reserve pour sa bouche. Il ne veut l'homme que pour le coeur ni le coeur que pour l'amour ; et faire un jouet de ceste noble perle n'est ce pas un detraquement insupportable ? Il est

impossible, mais je dis de toute impossibilité, que la vraye vertu ni la vraye devotion [soit en

un coeur] se treuve avec cette folie [qui] obscurcit l'esprit [de discours, fumee] , souille l'imagination [de fantosmes,chimeres

] et dissipe le coeur.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

119. - Carm l.1, sect 2, §29 vv 89-98

120. - Pline Hist nat. 24,17 et101

121. - Mt 12,36

122. - Ps 132,1

123. - id 4

124. - Jn 13,23 ; 11,5

125. - Orat. 43,20

126. - Confess. 6,1 et 2

127. - Rm 1,31

128. - 2a 2ae qu.23 art..3 ad 1

129. - In X lib Ethic. Arist. L. IX lect XII et quaest. Disput. De Malo qu. VII art II ad 12

130. - voir note n°117

131. - voir note n°119

132. - Ps 57, 5

133. - Ct 2,15

134. - Hist anim. 1,11

135. -Variante : d'autant que, comme l'on empoisonne le cors par la bouche, on empoisonn'aussi le coeur par l'oreille.

136. - Part. 2, ch.12

137. - Ps 115,7

138. - Ces paroles, qui ne se trouvent pas dans la Sainte Ecriture, sont rapportées par Origéne, Clément d'Alexandrie, saint Ambroise, saint Jérôme et plusieurs antres Pères. Voir les passages cités par Alardus Gazaeus, dans ses Commentaires aur les Collationes Patrum (in lib. I, cap. XX) de Cassien.

139. - Jr 15,19

140. - Orat.43, 77

141. - Pline Hist Nat. 10,67 et 86

142. - Le Ms. donne ici, dans une triple ébauche, l'exposition d'une pensée qui ne se trouve pas dans le texte elle est reproduite intégralement :

Les Philosophes ont dit qu'elle pouvoit malaysement finir ; mais St Àugustin a dit quell'estoit " eternelle ", et St Hierosme escrit a Rufin que " l'amitié qui peut finir ne fut jamais vraye. " Cela s'entend de l'amitié parfaitte des Chrestiens, laquelle estant entee sur la charité prend la vraye nature de la charité, ains est un des plus excellens fleurons de la charité : or la charité ne decheoit jamais, ni donq par consequent l'amitié parfaitte des Chrestiens.

Mais si l'un des amis devient vicieux ? La charité ne laissera pas de l'aymer luy procurant la sainte poenitence, mais sil ne s'amende l'amour d'amitié ne le regardera plus. Et que deviendra donq ...

..........luy defaille, ainsy la grande et parfaitte [amitié] est imperissable et ne ma,nque jamais que par le manquement de sa matiere qui est la vraye vertu : or la vraye vertu est fondee reciproquement surla charité. St Augustin [escrit en grosse lettre au milieu...] faitle centre de son traitté De l'Amitié par cette sentence : "L'amitié est aeternelle ; " et St Hierosme, escrivant a Rufin finit sa lettrepar ces paroles : "L'amitié qui peut finir ne fut jamais vraye."
 
 

143. - Qo 6,17

144. - Jc 4,4

145. - A partir d'ici, il y a interruption dansle Ms jusqu'au chapitre 36, sauf pour certains fragments sur les chapitres 27 et 33.

146. - Palladius, De Re rustica 2,15

147. - Jl 2,12

148. - Pr 23,26

149. -Ct 8,6

150. - Ga 2,20

151. - Ep. 107, 10

152. - voir note n°18

153. - Lc 10,8

154. -Za 3,8 ; 6,12

155. - Ct 6,9

156. - Nb 22,21

157. - 2 R 12,16

158. - Jl 2,13

159. - Mt 22,39

160. - Variante: il se faut plaire avec soy mesme (A-B) - on y doit demeurer (C)

161. - De Consid. 1,3

162. - Rm 12,15

163. - Ph 4,4

164. - Part 2 ch. 12

165. - Part 2, ch.13

166. - Confess. 6,3

167. - Mc 6,31

168. - Ce chapitre est l'un des trois qui ont été " oubliés par mesgarde " dans la seconde édition. Voir l'Avis au Lecteur de la troisiéme édition.

169. - 1 Tm 2,9

170. - Is 52,11

171. - Ep. 1 3,3 ; cf 1 Tm 2,9

172. - Part. 3, ch. 27

173. - Joinville, Hist. De S.Loys Part. 1

174. - Mt 12,37

175. - Ps 36,30

176. - S.Bonaventure, Vita S.Franc. 10

177. - Ct 4,11

178. - Jc 3,2

179. - Mt 12, 34

180. - Ep 5,1

181. - 1 Co 15,33

182. - 2a 2ae qu. 23 art.3 ad 1

183. - Joinville, His. S.Loys part 1

184. - Lc 6,37

185. - 1 Co 4,5

186. - 1 Co 11, 31

187. - Am 6,13

188. - Lc 18, 11

189. - Pline Hist. Nat. 24,17 et 102

190. - Pline ibid.

191. - Variante : elle ne s'en res-jouit point, mais avec toute diligence se retourne du costé du bien et.. (Ms)

192. - Variante: Provoques donq vostre coeur a la ste charité, et vous ne jugeres point temerairement.( Ms)

193. - Variante:On dit que pour guerir de la jaunisse il faut porter l'herbe nommee esclere sous la plante des pieds : le peché du jugement temeraire est la jaunisse spirituelle, car comme ceux qui ont la corporelle voient toutes choses comme si elles estoyent jaunes, ainsy ceux qui ont ce peché voyent ordinairement les prochains comme pecheurs... Les icteriques qui ont la grande jaunisse voyent toutea choses comme jaunes... (Ms.)

194. - Mattioli in Dios. 2,176

195. - Gn 26, 7

196. -Variante: et n'osa pourtant jamais la diffamer; et neanmoins, pressé de la violence de largument que la manifeste apparence faysoit a son esprit, il se resolut de la quitter plustost... (Ms.)

197. -Mt 1,19

198. -Variante: ayant conceu une bonne estime d'une personne n'en peut jamais croire le mal, encor presque quil le voye de ses yeux; mais en laisse a Dieu d'en juger. Sil ne peut plus excuser... (Ms.)

199. - Lc 23,34

200. - Jn 3,18

201. - Gn 29,11

202. - Gn 24,22

203. - Variante: de blasmer un homme pour un acte, comme je diray tantot. (Voir p. 126) Aves vous veu un homme ivre blasmes cett'action, mais ne dites pourtant pas quil est ivroigne , car ni Noe ni Loth ne furent pas ivroignes pour s' estr'enivrés chacun une fois. (Ms.)

204. - Is 6,6

205. - In Cantica Sermo 24,3

206. - Ps 139,3

207. - De Hist anim. 1, 11

208. - Pline Hist nat. 25,13 et 95

209. - Ps 13,3 ; 139,3

210. - Voir note n° 203

211. - Jos 10,13

212. - Lc 23,45

213. - Lc 7,39

214. - Lc 18,11

215. - Ps 30,6

216. -Sg 1,5

217. - Pr 10,9

218. - ch.6

219. - Liv. 2, ch. 6

220. - Ps 38,1 : 140, 3

221. - Joinville Part 1

222. -Joinville id

223. - Collat. Patrum 24,21

224. - Ce chapitre, qui se trouve dans l'Edition Princepa, est omis dans les deux éditions suivantes.

225. - Joinville Hist de S.Loys part.2

226. - Tb 3,16

227. - Hist nat. 22,22 et 46

228. 228- Variante le ciel rouloit sur vous et le tems que tant de gens employoyent pretieusement s'est escoulé

inutilement pour vous, et vous en rendra encor inutile un'autre piece que vous passeres a suppleer le repos... pour prendre plus de repos apres ce tracas. Dites moy, je vous pris, penses vous que la mort ayt dansé ? Ah non; elle s'est advancee dautant de terris. N'est ce pas une folie ? Helas, ce tems si vaynement passé eut esté suffisant pour achetter...

plusieurs ont gaigné le Paradis et... voyes la qu elle se moque de vous et qu'elle vous appelle a sa danse, en laquelle avec une chandelle benite en la main elle vous fait voir..(Ms)

229. - Pline Hist nat. 2,34 et 106

230. - Ct 4,9

231. - Mt 10,42

232. - B. Raym. De Cap .voir Part.2, ch 12

233. - Pr 31,19

234. - Mt 25,21

235. - Col 3,17

236. - 1 Co 10, 31

237. - Ct 2,15

238. - Pline Hist.nat. 11, 37 et 70

239. - Ps 11,2

240. - Dt 25, 13 - Pr 20,10 et 23

241. - Eutropius Hist Rom. 8,5

242. - Variante : Si estant malade je des ire de faire les offices de ceux qui sont en santé, cela ce sont des desirs des femmes grosses, qui desirent les cerises fraisches en hiver et la neige en esté. On perd le tems en des vains desirs qui occupent la place des autres qui seroient plus utiles. (Ms.)

243. - Ep 5,32

244. - He 13,4

245. -Variante: Le Ms. donne, avec la leçon correspondant au texte, une ébauche de ce chapitre qui est reproduite intégralement ici.

Le Mariage est un grand Sacrement, je dis en Jesuschriat et en l'Egtise. Il est honnorable a tous, et la couche sans souïlleure, dit l'Apostre... Il est honnorable a tous, par ce que chacun le doit honnorer; il est bonnorable en tous, par ce quil est autant [Sacrement] saint entre les pauvres qu'entre les riches; il est honnorable en tout, par ce que toutes ses parties sont benites.
 
 

....... A tous car chacun le doit honnorer ; en tous, car il est aussi saint entre les pauvres comm'entre les riches; et en toutes ses parties, par ce que son Autheur est saint, sa fin, ses effectz, sa forme et sa matiere, saintes. C'est la pepiniere du Christianisme, qui remplit la terre de fideles pour accomplir au Ciel le nombre des esleuz. Rien n'est plus important a la republique que [ le bon establissement des familles] la conservation du bien du mariage, car c'est [le fondement de toute societé] sa racine et la source de tous ses ruisseaux.

246. - Gn 30,38

247. - Variante : Si Nostre Seigneur estoit appellé a toutes les noces comm'il fut a celles de Cana, le vin des consolations et benedictions n'y manqueroit jamais et il ni en a pour l'ordinaire qu'un peu au commencement, par ce qu'en lieu de N. S, on y appelle [Cupidon] Adonis, et Venus en lieu de N. Dame. On ne fait pas cette si sainte liayson avec la reverence requise. Qui veut avoir des [brebis taquetees] aigneaux bravement tachetés et mouchetés, comme Jacob, il faut presenter des baguetes de diverses couleurs aux brebis quand elles s'assemblent. Ah, qui voudroit avoir un heureux succes au mariage il faudroit [faire paroistre toute vertu et honnesteté aux espoux... aux hommes et femmes... ] que ceux qui se marient regardassent a la sainteté et honnesteté de ce Sacrement quand on les assemble ; mais en lieu de cela , mille desreglemens en passetems , en festins, en paroles : c'est pourquoy les effectz en sont desordonnés.

248. - Ep 5,25

249. -Variante : Vostr'amour, o mariés, peut estre de trois sortes: le premier est naturel, car et les pairs des tourterelles [lentre les oyseaux] et ceux des elephans [entre les animaux] ,les plus honnestes animaux de la terre, monstrent, pour leur inviolable et reciproque amour, que la nature veut que la conjunction [de l'homme a la femme] faitte pour la production des enfans produise quant et quant un amour extreme. Le second est moral, car si aucune liayson humaine doit avoir de 1' amour, c 'est celle ci par laquelle on s'entrecommunique le coeur, le cors et les biens [de tontes sortes] . Mais le troysiesme [amour est celuy qui seul peut perfectionner les autres et leur donner un'entiere fermeté, c'est l'amour... ] est tout sacré et divin; avec lequel les autres sont heureux, et sans lequel ilz sont tres imparfaitz.

O mariés, ce n'est rien de dire : aymes vous l'un lautre de l'amour naturel, car les pairs des tourterelles et des elephaus ont bien cet amour la; ni de dire, aymes vous d'un amour humain, car les payens ont bien fait cela ; mais l'Apostre vous dit le grand mot : O maris, aymes vos femmes comme Jesuschrist ayme son Eglise, et vous laisse [conclure] dire lautre:

: O femmes, symes et respectes vos maris comme l'Eglise ayme son [cher] Sauveur. Mais cet amour auquel je vous exhorte est un amour divin et sacré, c'est pourquoy il doit estre exercé saintement, et mesme en vostre lict nuptial, lequel, comme dit S' Paul, doit estre une couche immaculee, c'est a dire exempte d'impudicités et autres souilleures prophanes.

250. - Variante : Ce fut Dieu qui amena Eve a nostre premier pere Adam et la luy donna [en mariage] pour femme c'est aussi Dieu, Philothee, qui de sa main invisible fait tous les noeuds du sacré lien des mariages, et qui ameyne les femmes aux maris [et les leur donne. O Dieu, quel honneur, quelle grace a cette sainte union] C'est Dieu, o femmes, qui vous a donnés vos maris, pourquoy ne les [cherires vous] respectes vous ? C'est Dieu, o maris, qui vous a donné vos femmes, pourquoy ne les cherisses vous?

[Le sappin, ce beau bois blanc, est admirable a se joindre indissolublernent l'un a lautre, car...] Si on colle deux pieces de sapin ensemble, pourveu que la colle soit fine, l'union en sera [indissoluble] si forte que l'on [separeroit] fendroit beaucoup plus cysement [un bois entier] les pieces es autres endroitz, qu'en l'endroit de leur conjunction; mais Dieu a conjoint les maris aux femmes [par] en son propre sang, c'est pourquoy cett'union duit estre Si forte, et plus tost l'anse se separe du cors des parties, que non pas Vune des parties de lautre mais je ne dis pas de cors, je dis de coenr, d'affection, d'amour.

251. - Est 8,8 ; Dn 6,17; 14,10

252. - Variante : [Vous ressouvenes vous de ce qu'on fit en vostre Mariage?] Aves vous remarqué la ceremonie de l'anneau nuptial ? On le benit, puis ou le met en la main de l'esponx qui le remet en celle de son espousee. [Sçaves vous que cela veut dire ?] Anciennement les cachetz estoyent gravés en l'anneau que l'on portoit au doigt, comme mesme l'Escriture Sainte tesmoigne. Voyci donq le secret de la ceremonie : l'Eglise, benissant l'anneau et le donnant premierement au mari, monstre qu'elle seelle et cachete son coeur par ce Sacrement, affin que jamais plus ni le nom, ni l'amour d'ancun'autre femme ni entre, taudis que celle vivra alaquelle il vient de promettre fidelité. Puys il le remet en la main de l'espouse, affin que reciproquement elle sache que jamais sou coeur ne doit recevoir de l'affection pour aucun autre homme, tandis que celuy que Dieu luy vient de donner vivra sur terre. Aussi l'Espoux sacré, aux Cantiques, vouloit que son Espouse eut le coeur et le bras cacheté et seellé de luy mesme.

253. - Variante : Dieu a principalement establi le Mariage pour la production et honneste nourriture des enfans, et c'est sa premiere fin. La seconde est accidentaire, a rayson du peché ; c'est affin de donner en iceluy un legitime moyen d'accoyser la rebellion de la chair. Or, la fin principale des choses donne la loy et la regle a tout ce qui en depend, car l'accessoire, comme dit la regle, doit suivre la nature de son principal ; c'est pourquoy toutes les actions du Mariage qui ne sont pas conformes a celle qui est ordonnee pour la production des enfans sont vicieuses et damnables [puisque la production des enfans est la principale fin du Mariage]. Mais il faut que je me face mieux entendre, puisque........

254. - Gn 2,23

255. - 1 P 3,7

256. - Orat.37,7

257. - 1 Th 4,4

258. Hist nat. 9,35 et 56

259. - Gn 24,22

260. - Variante : Isaac envoya a sa Rebecca des pendans d'oreilles d'or pour les premieres arres de ses amours, lesquelles soudain elle mit en ses oreille (Ms)

261. - Gn 26,8

262. - Variante : ces petites demonstrations de pure et franche amitié sont comme des fleurs semees sur des fruitz pour en rendre aggreable la veuë (Ms)

263. - Confess. 1,11

264. - Joinville part. 2

265. - Variante : les enfans en hebreu sont appellés rnaysons, parce que les peres et meres, apres qu'ilz ont des enfans, doivent plus soigneusement vaquer a les edifier et orner de vertus. (Ms.)

266. - Ex 1,21

267. - Pr 17,6

268. - Tt 2,5

269. - Pr 30

270. - Gn 25,21

271. - 1 Co 7,14

272. - Variante : Plutarque dit que le mari et la femme se doivent comporter ensemble comme le mirouer et celuy qui se regarde dans le mirouer. (Ms.)

273. - Orat. 40,1

274. - He 13,4

275. - 1 Co 7,3

276. - 1 Co 7,5

277. - Le Saint fait probablement allusion aux sectes des Illuminés et des nouveaux Adamites. Voir le P. Archange Ripault, L'abomination des abominations des fausses devotions de ce tems (Paris, 1632), Traités I, Il.

278. - Ph 3,19

279. - Pline Hist nat. 8,5

280. - 1 Co 7,29

281. - Hom in Evang. 2, hom 16,12

282. - 1 Co 7,31

283. - De octoginta tribus quaest. 30

284. - 1 Tm 5,1

285. - Variante: Honnore les vefves qui sont vrayement vefves, dit l'apostre St Paul, parlant a tous les praelatz de 1'Eglise, en la personne de son Timotbee. Or, les vefves sont vrayement vefes quand elles sont parfaittement divisees, separees et destituees des consolations mondaines, non point par la force de leur condition, niais par le renoncement et abnegation qu'elles ont fait des choses qui pouvoyent leur donner des contentemens prophanes. S' Ambroise et St Augustin ont fait des livres expres Des Vefves et Du Bien de la Viduité, et St Hierosme a escrit plusieurs epistres sur le mesme sujet; et bien que les Peres appreuvent avec PEglise les secondes, troisiesmes, qustriesmes et cinquiesmes, et en fin toutes les noces qui se font en la crainte de Dieu, si est-ce que pour mille raysons ilz conseillent aux vefves, avec l'apostre S' Paul, de demeurer vefves : Elle sera plus heureuse, dit l'apostre St Paul, si elle demeure ainsy ; je le dis selon mon conseil.

286. - De Bono viduit. 19

287. - Homil. 17 in Lc

288. - Rm 4,2

289. - 1 Tm 5,6

290. - Variante: la vefve qui vit an delices, dit l'apostre St Paul, est morte en vivant. Il parle des vefves lesquelles, faisant semblant de vouloir tous-jours estre vefves, se plaisent neanmoins d'estre recherchees et muguettees, et pour cet effect tendent leurs crespes comme des retz autour de leur visage, et mettent le noir sur le blanc pour rehausser les couleurs de leur visage; et ayant [passé par l'experience] fait les essays de la façon avec laquelle les femmes peuvent plaire aux hommes, jettent des plus dangereuses amorces en l'esprit des hommes que ne font les filles a marier. Telles vefves vivantes sont mortes, et ne sont a proprement parler que des idoles de viduité; car, comme le feu du ciel tua et brisa l'enfant de Martiale dedans son ventre sans que son cors en fut aucunement interessé, ainsy faut il bien croire que le feu de la terre c'est a dire de la concupiscence, brusle et tue le coeur de ces vefves mondaines, qnoy qu'il ne brusle point leurs habits ni leurs voiles de viduité.

291. - Ct 2,12

292. - Rt 1,19

293. - Variante: Le tems de retrancher est venu, la voix de la tourterelle a esté ouïe en nos tre terre, dit le Cantique. Le retranchement des superfluités mondaines est requis a quicomque desire dc vivre pieusement, ainsy que j'ay dit ailleurs; mays il est sur tout requis a la vefve qui, comme une chaste tourterelle, vient tout fraischement de pleurer, gemir et lamenter la perte de son mari; sinon qu'elle se declare de ne vouloir pas demeurer vefve. Quand Noëmi revint de Moab en Bethleem, les femmes de la ville qui l'avoyent conneut au commencement de son mariage disoyent toutes entre elles N'est-ce point ici, Noëmi ? Or Noëmi veut dire gracieuse et plaisante; et elle respondit Ne m'appelles point Noëmi, appelles moy plustost Mara, car le Seigneur m'a remplie d'amertume. Ainsy la chaste vefve ne souhaittera plus d'estre appellee [ou] paroistre ni belle ni gracieuse, ains elle voudra estre ce que Dieu veut qu'elle soit, c'est a dire humble et abjecte a ses yeux.

294. - Variante : Les lampes desquelles l'huyle est aromatique jettent une plus suave odeur quand on esteint leurs flammes : ainsy les vefves desquelles l'amour a esté pur en leur mariage respandent un plus grand parfum de vertu, et tesmoignent plus abondamment l'amour qu'elles portoyent a leurs maris, et que leur coeur vivoit chaste emmi les embrasemens de leur cors, quand leurs lumieres, c'est a dire leurs maris, sont esteints par la mort; la ou les vefves qui vivantes sont mortes monstrent que les amorces et pastures de leur feu n'estoyent qu'un suif rance et puant.

Voyes, o chastes vefves, deux grans exemplaires qui doivent reluire en vous: Judith de l'ancienne Loy, et Anne la prophetesse pour la nouvelle; toutes deux demeurerent vefves bien jeunes et passerent leur viduité en prieres, en jeusnes et en toutes sortes de bons exercices; mais la viduité de Judith a ce grand advantage, qu'elle estoit grande dame, riche, opulente, tresbelle et tresaggreable. A la suite de celles cy et a leur imitation, la primitive Eglise fleurit en un nombre infini de saintes vefves, desquelles les unes furent deputees au service des pauvres, et les autres a la garde des portes de l'eglise et a la visitation des malades et autres offices de pieté.
 
 

S. Augustin conseille aux vefves de non seulement garder leur chasteté a Dieu, mais aussi de la luy voüer, affin que le voeu leur serve de preservatif contre toutes sortes de pensees contraires a la chasteté, lesquelles, tandis qu'elles sont en liberté de faire a leur gré, sont tous-jours fort dangereuses, la ou le voeu sert de barriere entre l'ame et les tentations. Aussi le voeu rend les oeuvres faittes en suite d'iceluy tous-jours plus aggreables a la divine Majesté, et fortifie le courage pour l'exercice de la vertu; c'est un acte grandement recommandable, de non seulement donner a Dieu nostre chasteté, mais aussi de luy donner la liberté qu'il nous avoit laissee de la garder ou de ne la garder pas, et de nous obliger a suivre la perfection. Ceux qui gardent la chasteté sans la voüer prestent leur cors a Nostre Seigneur, mais ceux qui en la gardant font voeu de la garder le luy donnent d'un don irrevocable, et, sans se reserver aucun pouvoir de s'en desdire, se rendent heureusement esclaves de Celuy le service duquel est meilleur que toutes les royautés de ce monde. Mays Origene passe bien plus avant, car il conseille aux femmes mariees de se destiner et voüer a la chasteté vîduale en cas que leurs maris viennent a trespasser devant elles, affin qu'emmi les playsîrs qu'elles peuvent avoir en leur mariage, par le moyen de cette bonne intention, elles jouissent des fruits et des merites de la chasteté qu'elles promettent. Or, comme je loüe infiniment les advis de ces deux grans personnages, aussi desire-je que les ames qui les voudront employer, avant que de faire le voeu qu'ilz conseillent, conferent avec leurs directeurs, facent beaucoup de prieres et examinent bien leurs courages avant que de venir au voeu, affin que le tout se face plus saintement et solidement, et plus fructueusement.

295. - 1 Tm 5,4

296. - 1 Tm 5,8

297. - Variante : La vefve qui a des enfans lesquelz, pour la tendreté de leur aage, ont besoin de son addresse et conduitte, ne peut loysiblement les abandonner; car l'apostre S' Paul dit clairement qu'elles sont obligees a ce soin la, pour rendre lapareille a leurs pere et meres, d'autant que si quelqu'un n'a soin des siens, et prîncipalement de ceux de sa famille, il semble estre pire qu'un infidelle. Mais si les enfans sont telz qu'ilz n'ayent plus besoin de telle conduitte, la vefve fera bien de contourner toute son ame a des plus pures occupations, pour joindre de toutes pars son coeur avec celuy de Dieu. (Ms.)

298. -Ct 1,3

299. 1 Co 7,40

300. - Ct 2,16

301. - Variante: O que la parfaitte virginité est rare ! car [pour estre entiere] elle requiert non seulement l'integrité du cors, mais encor la pureté du coeur. Quelles larmes devroit on respandre sur la perte de tant de virginités que l'impudicité des mauvaises compaignies a fauchees comme des lis avant mesme qu'elles parussent bonnement sur terre ? O jeunes gens, qui comme lys ornes de vostre blancheur le jardin de l'Eglise, conserves saintement vos coeurs et vos cors des souilleures de ce monde, ou pour un st mariage corporel, ou pour les sacrees noces spirituelles de vostr'ame avec son Dieu.

[Je Iaysse a part... Le lys craint l'haleyne mesme des boucs, et y a, dit Pline, des hommes qui ont les dens si veneneuses que les faysans voir au mirouer, il en demeure taché et gasté ; ne permettes donq nulle sorte d'approches aux impudiques ames... J

Vostre jeunesse vous rend aggreables a tout le reste des hommes : chacun s'empresse de vous, chacun vous environne, comme des jeunes arbrisseaux, pour voir comme vous commences a fleurir; mais prenes garde que les boucs ne s'approchent, car leur haleyne seulement vous est pernicieuse. Mais je vous ay donné des advis pour vostre chasteté ailleurs. Gardes vos coeurs des amours de toutes...(Ms)

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