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Saint François de Sales
docteur de l'église catholique
1567 - + 28 décembre 1622

Lettres - tome 1
1585 - 1598
Tome  XI de l'édition d'Annecy

Table des matières p.176

Index biographique et historique p.169

Glossaire p.172

AVANT-PROPOS

Les Lettres de saint François de Sales peuvent se passer de préface ; elles s'expliquent d'elles-mêmes, et expliquent admirablement toutes les grandes œuvres qu'il plut à Dieu d'opérer par son Serviteur et l'influence considérable qu'il lui donna d'exercer sur ses contemporains. Après avoir fait la part des réticences de son humilité, on peut affirmer que la correspondance de saint François de Sales est l'histoire de sa vie la plus complète qui existe et la plus fidèle. C'est là, et là seulement, qu'il se dévoile tout entier ; à son insu, il permet de contempler à l'aise, d'étudier sous tous ses aspects cette personnalité qui captive si puissamment.

Ailleurs, il se montre moins qu'il ne se laisse apercevoir ; ses divers ouvrages révèlent son caractère par quelque côté, permettent d'entrevoir un trait spécial de sa physionomie morale et intellectuelle, mais non pas de la saisir par un coup d'œil d'ensemble. On y verra tour à tour apparaître le polémiste, le théologien dogmatique, le moraliste, l'ascète, le prédicateur; dans ses lettres, il est en même temps tout cela, il est plus que cela. C'est encore et toujours le Saint et le Docteur de l'Eglise, mais c'est aussi l'homme, et l'homme doué de la nature la plus exquise qu'on puisse imaginer. La tendresse de l'amitié et de la piété filiale, l'ardeur du patriotisme, le dévouement au prince, l'attachement à l'Eglise, le culte de la Papauté, le zèle des âmes et un immense amour de Dieu : tous les sentiments les plus nobles, les plus purs, les plus élevés jaillissent de son cœur et coulent à flots dans ses lettres. Et ce n'est pas seulement à une époque déterminée qu'il se dévoile et se montre à découvert ; on le rencontre, on le suit à toutes les périodes de son existence. On peut constater le progrès, les transformations successives que la grâce de Dieu d'abord, puis l'expérience, son travail personnel et celui des années opérèrent en lui. Nous le voyons développer toutes ses qualités naturelles, et supprimer dans son style sinon des défauts qui lui soient propres, du moins le tribut payé dans sa jeunesse aux défauts du siècle.

Dans cette correspondance l'Auteur ne revit pas seul ; il anime, il ressuscite pour ainsi dire toute son époque : les personnages et les choses du temps, les grands évènements et les grands caractères qui l'ont illustré, les désastres qui l'ont assombri et les humbles vertus qui l'ont honoré reparaissent sous sa plume, contés ou jugés avec un charme infini, mais aussi avec une inépuisable indulgence. Tout est vu par le meilleur côté ; les intentions semblent épurées, et les hommes, grandis dès qu'ils sont en contact avec cet aimable Saint.

Cette réputation de bonté et de bienveillance universelle ne contribua pas peu à élargir le cercle de ses relations, que sa situation et ses divers mérites eussent suffi à créer très étendu. Les rois et les princes se faisaient gloire d'avoir part à l'amitié de l'Evêque de Genève : tels Henri IV en France et Charles-Emmanuel Ier en Savoie ; les membres les plus marquants de l'épiscopat le consultaient ; les Papes eux-mêmes recouraient à ses lumières. Et, après avoir satisfait avec une aisance parfaite tous ces illustres correspondants, il reprenait la plume pour consoler quelque douleur obscure ou diriger dans les voies de la perfection d'humbles religieuses, des chrétiennes ignorées. Notre Saint traite tous les sujets avec une attention égale, toutes les âmes avec un égal respect ; il descend à tous les détails, adapte ses conseils à toutes les conditions, harmonise ses encouragements ou ses leçons avec tous les genres de caractères. Il sait trouver la note juste, le mot qui éclaire et qui fortifie lorsqu'il écrit aux gens de petite et de moyenne condition tout aussi facilement que s'il s'adresse au gentilhomme ou à la dame du grand monde. Toujours semblable à lui-même, il domine de bien haut par l'intelligence et par le cœur la plupart de ses correspondants, et, loin de les intimider par cette supériorité incontestable, il a le rare talent de la leur faire oublier à force de grâce, d'indulgence et de bonté.

Mais c'est trop dire, puisque nous nous sommes promis d'épargner au lecteur l'ennui de lire une préface, pour lui laisser le plaisir de passer plus tôt à la correspondance du saint Evêque. Ajoutons néanmoins qu'une Etude historique et critique sur cette correspondance est. l'un des sujets les plus attrayants qui puisse tenter la plume d'un homme de talent et de loisir. Que si personne jusqu'ici n'a succombé à la tentation de l'entreprendre, c'est qu'on manquait de l'élément indispensable à un pareil travail, à savoir une édition authentique et complète des Lettres de saint François de Sales.

Le public la réclamait depuis longtemps, et lui promettait un accueil empressé. De toutes les Œuvres de notre Saint, il sentait que sa Correspondance était celle qui avait été publiée de la manière la moins consciencieuse, et celle pourtant qui offrait l'intérêt le plus universel. Parmi ses autres écrits, plusieurs en effet ne peuvent avoir d'attrait que pour une classe spéciale de lecteurs. Qu'ont affaire communément les simples fidèles des traités de controverse ? Et les hommes du monde se soucieront-ils beaucoup des quatre volumes de Sermons ? Mais les lettres possèdent un charme que tous peuvent apprécier. Pas n'est besoin pour les goûter et les comprendre d'être théologien ou littérateur de profession. Il suffit d'une intelligence, d'un cœur ouvert à toutes les impressions du vrai, du simple, du limpide, en un mot, à tout ce qui est bienfaisant et beau, et, quelque mal que l'on se plaise à dire de notre siècle, les gens de cette trempe n'y sont pas clair-semés.

Seulement, avant d'entreprendre la lecture de ce volume et des cinq ou six qui doivent suivre, chacun est en droit de nous poser deux questions: quels défauts peut-on reprocher aux précédentes éditions des Lettres de saint François de Sales, et de quelles ressources allez-vous disposer pour avoir la prétention de faire mieux ? A la première de ces questions nous répondrons par un coup d'œil rapide sur les collections les plus remarquables des Lettres : l'édition princeps de 1626, celle de Hérissant au XVIIIe siècle et, en celui-ci, celles de Blaise, de Vivès et de Migne. Un exposé des nombreuses découvertes d'Autographes et de documents authentiques faites en ces dernières années, avec un compte-rendu sommaire des méthodes adoptées et de la marche suivie pour la nouvelle Edition, sera notre réponse à la seconde question.

I

A Dieu ne plaise que nous imitions certains éditeurs qui, pour se faire valoir, ont la manie de dénigrer sans merci tous leurs devanciers ! Ce serait mal comprendre l'esprit du Saint dont nous reproduisons les Œuvres. Du reste, quel est l'éditeur qui n'ait besoin d'indulgence ?

Puis, la valeur d'une publication de ce genre peut rarement être appréciée d'une manière absolue ; il faut tenir compte, pour en juger équitablement, de l'époque et des circonstances dans lesquelles elle a paru, du but spécial que l'on s'est proposé, des méthodes qui avaient cours en ce temps-là. C'est en nous entourant de toutes ces réserves que nous dirons succinctement comment fut publiée l'édition princeps.

Bien que le chanoine Louis de Sales, cousin germain du Saint et son collaborateur dans la mission du Chablais, soit éditeur en titre, c'est par les soins et sous la haute direction de sainte Jeanne-Françoise de Chantal que parut ce recueil. Il est juste d'ajouter qu'il avait été préparé de longue main. Les lettres sorties de la plume du saint Evêque étaient communément reçues et conservées comme des reliques. Aussi n'eut-on qu'un mot à dire, et ces feuilles qui un jour ou l'autre s'étaient pour la plupart envolées d'Annecy, s'y donnèrent rendez-vous. Originaux ou copies, il en revint de Paris et de Lyon, de la Bourgogne et du Dauphiné, de la Franche-Comté et de l'Auvergne; il en revint des Flandres et de Rome. On n'eut que l'embarras du choix, car par malheur, on voulait choisir. D'une édition complète personne ne s'avisait, et les plus larges prétentions n'allaient qu'à donner au public ce qui alors se nommait Epistres spirituelles. Le titre explique le livre.

Six mois après la mort du Saint un nombre assez considérable d'Autographes avaient déjà été rassemblés, ainsi que le donne à entendre sainte Jeanne-Françoise de Chantal . La collection continua à s'enrichir et c'est avec un air de triomphe que la Sainte écrit le 7 avril 1624 : " Nous avons trouvé encore quantité de belles lettres qui font fort connaître l'esprit de notre Bienheureux Père." Faire connaître de plus en plus et propager cet esprit était bien le but que se proposaient surtout les éditeurs ; nulle part il ne se révélait mieux que dans les nombreuses pages adressées à la Fondatrice de la Visitation. Ces pages devaient donc constituer le fonds le plus riche de la collection ; mais avant d'y figurer, que de retranchements n'eurent-elles pas à subir ! Et combien de regrettables et vigoureux traits de plume furent tirés à travers les Autographes par la main virile de la Sainte, pour indiquer les passages à omettre !

Le chanoine de Sales faisait également, de son côté, œuvre d'élimination. Les lettres d'affaires, si ce n'est qu'elles s'adressassent à des personnages de marque, les lettres de famille ou d'amitié furent généralement écartées. Restaient les lettres de direction. Quelque intimes, quelque spirituelles qu'on les suppose, ces sortes de correspondances ne sont pas condamnées inexorablement à rouler sur un même sujet. Le directeur doit être père et, comme tel, s'intéresser à tout ce qui concerne l'âme ouverte devant lui. De là, dans les lettres de saint François de Sales, qui se montra plus père que nul autre, bien des détails jugés banals ou trop caractéristiques : on les supprima. Ce qui survécut à ces suppressions était souvent d'une si minime étendue que l'on ne pouvait convenablement le présenter comme une lettre. Que faire alors ? Le bon chanoine ne fut pas embarrassé. Sans scrupule, sans gêne aucune, il entreprend de réunir, de coordonner ces fragments d'après l'analogie des sujets, de manière à en composer des lettres d'une raisonnable longueur. Nul souci, bien entendu, de la diversité des destinataires, des différentes époques auxquelles remontaient les extraits ainsi fusionnés. Quelquefois, à la fin de ces mosaïques, on accolait la date de l'un des fragments dont elles étaient composées, on leur attribuait une adresse des plus vagues : A une Dame mariée ; à un Gentilhomme ; à une Religieuse ; puis, tout était dit. Les inconvénients d'une semblable méthode sont faciles à imaginer ; mais à cette époque, où l'on se préoccupait beaucoup moins de l'authenticité et de l'intégrité des textes que de l'édification du lecteur, le système était considéré comme excellent.

Hâtons-nous d'ajouter toutefois, pour être équitables, que toutes les pièces ne passaient point par ce laboratoire. Celles qui composent le Livre premier de l'édition princeps nous semblent être publiées assez intégralement, et si la plupart de celles que fournit sainte Jeanne-Françoise de Chantal ont subi bien des suppressions, elles n'accusent pas du moins des interpolations notables.

Le travail de préparation marcha rapidement ; en automne 1624, il s'agissait déjà de choisir l'imprimeur. Le bénéfice considérable que Rigaud avait réalisé dans l'impression de l'Introduction à la Vie devote, excitait à Lyon les prétentions de tous les gens du métier ; c'était à qui d'entre eux ferait des offres de service. La Sainte aurait voulu favoriser " le sieur Charvet," un pauvre savoisien établi dans la grande ville ; car à son avis, le livre des Epîtres était " capable de rendre un homme riche . " Néanmoins, à tout intérêt particulier, et même à tout acte de charité, elle préféra, comme il se devait, la perfection de l'œuvre : " Considérez bien, " écrit-elle à la Mère Marie-Aimée de Blonay , " si c'est chose qu'il puisse bien faire, et s'il aura des bons caractères pour cela, et moyen d'imprimer tout ce qui sera de notre Institut; car j'entends que celui qui imprimera les Epîtres imprime tout le reste pour rien. " Ce n'était pas se montrer trop exigeante. Mais, si faciles que fussent les conditions, le pauvre homme ne dut pas être en mesure de les remplir, puisque l'impression fut confiée à un autre.

Pendant que se discutait le côté matériel, les manuscrits de l'ouvrage étaient soumis à la révision des Pères Jésuites de Chambéry. Faute de loisir, ils firent traîner l'affaire en longueur. Enfin, au mois de mai 1625, M. Michel Favre, qui avait été longtemps le confesseur du Saint, et qui était encore celui de la Communauté d'Annecy, se rendit à Lyon pour surveiller l'impression . Néanmoins sainte Jeanne Françoise de Chantal ne se reposait pas complètement sur sa vigilance. Le 7 juin, elle mandait à la Mère de Blonay : " Vous ferez bien de retrancher les lettres de compliments, s'il y en a trop ; car il en faut laisser quelque peu, à ce que l'on dit, afin que l'on voie le bel esprit de ce Saint en tout. Je voudrais encore que vous prissiez garde s'il y en a d'autres où il n'y ait rien de remarquable, que l'on les retranchât. Il me semble que parmi les dernières que j'ai reçues, il s'en pourrait ôter quelques-unes. On les a laissées à cause de quelques points de l'Institut : elles sont au livre de l'Institut ; voyez-le, et accommodez. Ç'a toujours été mon sentiment que l'on mît le Livre des Lettres des Papes le premier ; c'est un ornement au livre que [ce] beau rencontre-là. " Ainsi fut-il fait.

La sainte Fondatrice ne perdait pas de vue l'impression de ce recueil qui lui tenait si fort au cœur ; les feuilles (non pas les épreuves) lui en étaient envoyées au fur et à mesure du tirage, lui apportant souvent beaucoup de joie, parfois une déception, comme il advint entre autres le 25 juin, où elle mande à la Mère de Blonay : " J'ai grande peine à me résoudre à la mortification que j'ai de ce que l'imprimeur n'a pas mis au titre des Epîtres que notre Bienheureux Père était notre Fondateur et Instituteur... Je ne le puis souffrir, et vous prie qu'il refasse cette feuille." Cet ordre fut exécuté, comme on le verra par la teneur du titre donné ci-après. Mais la Sainte crut avoir d'autres fois des protestations plus sérieuses à élever ; c'est ainsi qu'elle écrit encore à la Mère de Blonay : " Oh ! mon Dieu, ma très chère fille, jamais je ne me fierai à personne pour ce qui regarde les écrits de notre Bienheureux Père. Certes, je les verrai moi-même ; car voyez-vous, je ressens fort de ce que l'on a trop laissé dans les Epîtres des paroles d'affection. Le monde n'est pas capable de l'incomparable pureté de la dilection de ce Saint... Mandez-moi si en les corrigeant j'en retrancherai ; mais sachez cela de quelqu'un capable."

Des personnes très compétentes furent en effet consultées, et assurèrent qu'un tel retranchement eût été déplorable. C'est encore la Sainte qui nous l'apprend dans l'une de ses lettres : " J'en parlai à M. le Président de cette ville , qui est homme de très bon jugement. Il me dit que si on retranchait les paroles affectives, l'on en ôterait l'esprit de notre Bienheureux Père... Mgr de Genève dit le même, et disait que s'il n'y avait point de paroles de compliments et recommandations elles ne ressembleraient pas à des Epîtres. "

L'ouvrage, grand in-4° de 1012 pages, non compris les pièces préliminaires et les approbations, contient 519 Lettres. Il fut " achevé d'imprimer le 10eme jour de novembre I625, " et parut sous ce titre :

Les Epistres du Bien-Heureux Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, Instituteur de l'Ordre de la Visitation de saincte Marie. Divisees en sept Livres … Recueillies par Messire Louys de Sales, Prevost de l'Esglise de Geneve. A Lyon, par Vincent de Cœursilly. Et se vendent a Paris, chez Sebastien Huré, rue S. Jacques, au Cœur-bon. M.DC.XXVI. Avec Privilege du Roy.

Deux courtes épîtres dédicatoires, placées par l'éditeur au commencement du volume, sont adressées, l'une : " A Monseigneur Messire Jean François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, " et l'autre, " Aux devotes Religieuses de la Visitation de Saincte Marie . "

Le public accueillit avec faveur ce volume, tout en le trouvant " d'un prix excessif, " (il coûtait cinq livres) ce qui pourtant ne nuisit pas à l'écoulement, car en février 1626, on s'occupait déjà d'une seconde édition. C'était un peu prématuré; ainsi le jugeait sainte Jeanne Françoise de Chantal, qui voulait avoir le loisir d'améliorer le premier travail. Il lui fallut plus d'une année, et le 25 juin 1627, elle écrit encore à la Supérieure de la Visitation de Lyon : " Voilà les Epîtres rangées comme il faut. Je vous prie que l'on n'y touche point du tout, et que M. Coeursilly ait soin que l'on ne gâte point l'ordre, et qu'elles soient imprimées correctement, avec les observances que M. Michel marquera. "

La seconde édition parut en 1628, augmentée de douze lettres ; à la simple traduction des lettres latines et italiennes, qui forment presque en totalité le premier Livre, on joignit le texte original. De plus, une Table des matières contenant le sommaire de chaque lettre, et une Table analytique des sujets qui y sont traités, ajoutent considérablement à l'intérêt de l'ouvrage et en facilitent l'usage. Cette seconde édition fut réimprimée en 1629 ; rien n'est changé dans le cours du volume, à la fin duquel est scrupuleusement reproduite la formule insérée dans la première édition : " Achevé d'imprimer le 10eme jour de novembre 1625. " ; Il faut non moins se défier de l'indication qui figure sur chaque réimpression, à partir de 1628 : " Revue, corrigée et augmentée. " Ce n'est ordinairement qu'une répétition servile de la phrase ajoutée au titre de cette seconde édition.

Les réimpressions se succédèrent avec une telle rapidité qu'il serait fastidieux d'en donner ici la nomenclature. Parfois un éditeur publiait en même temps les Epistres spirituelles en deux formats différents ; c'est ce que fit Coeursilly en 1634. Souvent elles paraissaient la même année et dans la même ville chez trois imprimeurs, comme il advint à Paris en 1636 ; si bien que dans le courant du XVIIe siècle ce recueil fut réimprimé une quarantaine de fois. On l'inséra de plus dans toutes les collections d'Œuvres complètes du Bienheureux François de Sales, à partir de 1637. Celle de 1641 (tomeII) contient en plus que cette dernière 53 lettres inédites.

C'est vers le milieu du XVIIIe siècle que fut tenté pour la première fois un effort sérieux dans le but de donner une édition complète et fidèle des Lettres de saint François de Sales. L'abbé Corru, avec un zèle et une persévérance dignes d'éloges, entreprit ce travail. Il voulut remonter aux sources, et fit un appel aux divers Monastères de la Visitation, qui s'empressèrent de lui communiquer les originaux qu'ils possédaient ou des copies certifiées conformes. L'éditeur parvint ainsi à réunir 831 pièces, qu'il essaya de classer non plus par ordre de matières, comme on l'avait fait jusqu'alors, mais par ordre de dates ; il s'efforça de rétablir les adresses, fit précéder chaque lettre d'un sommaire assez diffus, et les accompagna de notes historiques, qui pour la plupart ne sont pas dépourvues d'intérêt. L'ouvrage parut en 1758 sous ce titre :

Lettres de S. François de Sales, Evesque et Prince de Genève, Instituteur de l'Ordre de la Visitation... Nouvelle édition. dans laquelle on a recueilli un très-grand nombre de ces Lettres qui ne se trouvent point dans les éditions précédentes ; revues sur les Originaux et enricbies de Sommaires, de Citations, de Notes et de Remarques. A Paris, chez Claude Hérissant, imprimeur de l'Ordre, rue neuve Notre Dame, à la Croix d'or, MDCCLVIII.

La collection se compose de six volumes in-126, dont les deux derniers contiennent les lettres sans date.

Cette édition marquait un progrès considérable sur toutes les précédentes; mais combien il restait encore à faire pour atteindre une parfaite exactitude ! Par exemple, l'éditeur insère au milieu des lettres du Saint, un certain nombre de celles de ses correspondants, sans interrompre les numéros d'ordre, absolument comme si elles appartenaient à une seule et même série de pièces identiques. De plus, il se permet de broder les canevas conservés par divers historiens, et fabrique ainsi de prétendues lettres de saint François de Sales ! Un tel travail ne pouvait être considéré comme définitif. Mais de longues années, des années troublées et orageuses, devaient s'écouler avant que personne songeât à le reprendre et à le parfaire.

En 1817, un éditeur de Paris, Blaise, reproduisit l'édition de 1758, et l'inséra quatre ans plus tard dans la collection des Œuvres complètes de saint François de Sales, qu'il publia en seize volumes in-8° et plusieurs tomes supplémentaires. On ne prit même pas la peine, pour expliquer l'origine de ce recueil et les méthodes suivies par les éditeurs, de rédiger un simple Avant-Propos. Ce qui porte le titre pompeux de Préface (une page et demie d'étendue), n'est autre qu'un emprunt fait textuellement à celle de l'abbé Corru. Suivent, sans explication aucune, les deux Epîtres dédicatoires de l'édition de 1625, qui font assez étrange visage dans une publication postérieure de deux siècles. En 1833 cette collection fut réimprimée et suivie d'un nouveau supplément dans lequel paraissent 37 lettres inédites.

Sur ces entrefaites, le comte Gloria, ayant découvert bon nombre de lettres autographes de notre Saint aux Archives de la Cour de Sardaigne, dont il était Président chef, obtint du roi Charles-Albert, alors régnant, l'autorisation de les publier. Non content de ces trésors, il fit pour les accroître de nouvelles perquisitions, auxquelles il intéressa spécialement Mgr Rey, alors Evêque d'Annecy. Ce Prélat envoya au comte Gloria des copies faites par lui-même sur les Autographes et le mit en relations avec un prêtre distingué de Genève, l'abbé de Baudry, qui, de son côté, préparait une nouvelle édition des Œuvres de notre Saint. Avec un désintéressement qui l'honore, cet ecclésiastique se dessaisit en faveur de l'éditeur piémontais d'une centaine de lettres inédites, prêtes à être mises sous presse. Ses propres découvertes et le concours si actif qu'il avait rencontré permirent au comte de réunir 329 pièces (parmi lesquelles plusieurs ne sont pas des lettres), dont il confia la révision et le classement à l'un de ses subalternes, le chevalier Datta. On fit imprimer cette riche collection chez Blaise, qui la donna comme un supplément de sa propre édition, sous ce titre :

Nouvelles Lettres inédites de saint François de Sales, Evêque et Prince de Genève, dédiées à Sa Majesté la Reine de Sardaigne, publiées par M. le Ch. P.-L. Datta, etc. Paris, Blaise, MDCCCXXXV.

Cette publication se ressent de la rapidité avec laquelle elle fut exécutée : les textes latins et italiens fourmillent d'inexactitudes et les traductions, faites à l'insu du comte Gloria, laissent beaucoup à désirer.

En 1856-1858 parut en douze volumes in-8° l'édition des Œuvres complètes de saint François de Sales, qui a été pendant quarante ans la plus connue et la plus appréciée : celle de Vivès. Le classement des Lettres y est fait d'une manière assez singulière. On regrette l'ancien recueil des Epistres spirituelles et on veut le reconstituer. Ces Lettres occupent trois volumes (X-XII) ; quant aux autres, elles sont disséminées dans les tomes VI-IX ; dont les deux premiers portent pour sous-titre : Opuscules relatifs à la vie publique du Saint, à l'administration de son diocèse et à la direction de diverses Communautés religieuses ; et les deux derniers : Pièces relatives à la conversion des hérétiques et aux matières théologiques. Les éditeurs ne durent pas aller loin avant de constater qu'un tel système de groupement ne pouvait s'appliquer sans amener des non-sens. Il était bien difficile, en effet, d'établir exactement une ligne de démarcation entre les Epîtres spirituelles et les Lettres d'affaires, tant les Saints mêlent à toutes les choses de la terre la pensée du Ciel. Etait-il bien rationnel surtout de ranger dans la dernière série celles adressées à des Supérieures de Communautés ? Enfin, par suite de ce procédé, l'ordre chronologique est sacrifie. Signalons encore, pour donner une idée complète de cette édition, que, tout en reproduisant pour le fond celle de Blaise, elle renchérit sur le tort qu'eut ce dernier d'intercaler parmi les Lettres bon nombre de pièces étrangères .

Bien avant qu'il fût question de la collection Vivès, un respectable ecclésiastique, l'abbé de Baudry, réunissait, comme nous l'avons dit, les éléments d'une publication identique. Il y consacra une partie de sa fortune et vingt années d'infatigables labeurs; surpris par la mort (2 avril 1854) avant d'atteindre au terme de son entreprise, il légua tous ses manuscrits au 1er Monastère de la Visitation. Un peu plus tard, par ordre de Mgr Rendu, alors Evêque d'Annecy, ils durent être envoyés à l'abbé Migne, l'auteur bien connu de la Bibliothèque universelle du clergé. Celui-ci, sans prendre le temps de réviser un travail auquel la dernière main n'avait pu être mise, se hâta d'éditer les Œuvres complètes de saint François de Sales (1861-1862), en six volumes grand in-8°, à deux colonnes, avec un tome supplémentaire (1864).

La Correspondance épistolaire est, quant au nombre des pièces, bien supérieure à tout ce qui avait paru jusque-là ; car, outre les lettres livrées, en 1835, au comte Gloria, l'abbé de Baudry en avait recueilli plus de 150 autres, auxquelles il faut en ajouter une cinquantaine réunies par les soins d'un Religieux Capucin. Quelle fortune pour un éditeur ! Mais à la condition de savoir l'exploiter. La première chose à faire eût été de fusionner toutes les diverses séries et de classer les Lettres qui les composaient, d'après l'ordre chronologique. L'idée n'en vint même pas. Le tome V contient l'édition de Blaise, avec addition de quelques pièces, et dans le tome VI sont placées successivement, comme formant des collections absolument indépendantes, quatre sections distinctes : 1. - Lettres inédites de saint François de Sales... publiées en I835 par le chevalier Datta ; 2. - Complément des Lettres inédites de saint François de Sales de l'édition Blaise; 3. - Nouvelles Lettres inédites , réunies ici pour la première fois... recueillies par les soins de l'abbé de Baudry... (Cette section est précédée d'un Avant-Propos dans lequel l'édition de 1758 est sévèrement appréciée) ; 4. - Nouvelles Lettres inédites, seconde série, recueillies par les soins du P. Camille de Thonon, prédicateur Capucin. Enfin, un dernier groupe de Lettres est inséré dans le tome supplémentaire.

Avec chaque série l'ordre chronologique recommence. Cette méthode, ou plutôt cette absence de toute méthode, diminue considérablement l'intérêt de l'ouvrage. Et encore ne parlons-nous pas de la falsification des textes, de la répétition double et parfois triple des mêmes lettres avec des adresses et des dates différentes, de l'intercalation de toutes sortes de pièces étrangères à la Correspondance. C'est au point que, si l'on défalque ces pièces et les lettres répétées, au lieu de dépasser 1600, résultat que donne une supputation faite à première vue, le chiffre des Lettres publiées par Migne s'abaisse à 1360 environ. Et la conclusion qui s'impose à tout lecteur intelligent, après avoir parcouru ces volumineux et indigestes recueils, est celle-ci: La Correspondance de saint François de Sales reste encore à éditer.

II

Mais, avant tout, elle était à compléter. Ce qu'on possède de lettres de notre Saint ne représente qu'une très minime partie de ce qu'il a écrit. " Il ne se passoit gueres de jours, " dépose le témoin habituel de sa vie , " qu'il ne fist vingt a vingt cinq lettres responsives a toutes sortes de personnes en France et en Savoye, et cecy je le sçay parce que c'estoit moy qui fermois toutes ses lettres et fesois ses paquets. "

La plupart de ces lettres, considérées comme un précieux héritage de famille, se transmirent de génération en génération; mais d'autres furent morcelées et distribuées en guise de reliques; d'autres enfin furent détruites par l'action du temps ou l'ignorance des hommes. On en rencontra dans des boutiques d'épiciers, employées aux plus vulgaires usages. Il importait de sauver de la destruction ce qui pouvait exister encore. La Providence y pourvut.

L'exaltation de saint François de Sales au rang des Docteurs de l'Eglise attira plus que jamais l'attention générale sur sa personne et sur ses écrits. Mus par le sentiment religieux ou par l'attrait littéraire, des hommes de conditions diverses poursuivirent une même fin : exhumer des archives où elles gisaient les lettres inédites de notre Saint, et les publier soit dans des Revues périodiques , soit dans des plaquettes spéciales . Plusieurs ecclésiastiques distingués par leur savoir et leur piété fondèrent dans ce but à Annecy même (1878) une Société qui prit le nom d'Académie Salésienne et qui, dans la collection de ses Mémoires et Documents, a donné déjà 35 lettres inédites, ou imprimées d'une manière inexacte dans les récentes éditions. Des écrivains savoisiens insérèrent des lettres de l'Evêque de Genève jusque-là inconnues, dans des ouvrages destinés à populariser quelqu'un de ses contemporains ; tel M. Jules Vuy, dans son intéressante histoire de la Philothée .

En 1885, M.Mugnier, conseiller doyen à la Cour d'appel de Chambéry, bien connu par sa patiente érudition et ses remarquables travaux, eut la bonne fortune de découvrir aux Archives de l'ancien Sénat de Savoie, douze lettres inédites de notre Saint. Il les inséra, en les accompagnant de documents historiques d'un haut intérêt, dans une brochure intitulée : Saint François de Sales, Docteur en droit, Avocat au Sénat et Sénateur, etc.

Vers le même temps, M. Pératé, lui aussi archéologue infatigable et écrivain de mérite, au cours de recherches faites dans les Archives Vaticanes, mit la main sur une série de pièces concernant la conversion du Chablais ; parmi ces pièces se trouvaient vingt lettres italiennes de notre saint Docteur, dont dix entièrement inédites. Des dix autres, une traduction française seulement avait été donnée par Migne. Ces lettres parurent dans le tome VI des Mélanges d'archéologie et d'histoire publiés par l'Ecole française de Rome (1886). Nous aimons à rendre hommage à l'exactitude avec laquelle fut faite cette reproduction qui n'était pas sans offrir bien des difficultés, vu les irrégularités de l'orthographe du Saint et les abréviations dont il émaille ses manuscrits.

Loin de satisfaire les pieuses ambitions des Filles de saint François de Sales, ces découvertes les excitèrent davantage. Après ces riches filons, ne resterait-il pas des mines plus riches encore à exploiter ? C'est la question que les Sœurs d'Annecy se posaient à elles-mêmes, et qu'elles adressèrent aux différentes Communautés de leur Institut. Presque toutes y répondirent en provoquant dans leur région des perquisitions ordinairement couronnées de succès inespérés. Des recherches aux Archives romaines mirent en lumière une vingtaine de pièces inédites insérées dans un des volumes du Procès de Canonisation, que personne n'avait jusque-là songé à consulter. Bien plus, Son Eminence le Cardinal Parocchi, avant de résigner la charge de Vicaire de notre Saint-Père Léon XIII, a daigné, avec l'assentiment de Sa Sainteté, adresser un appel à tous les Evêques d'Italie , appel qui amena la découverte de plusieurs Autographes inédits. D'autres admirateurs de notre grand Saint, des amis dévoués de la Visitation ont contribué avec un zèle et un désintéressement au-dessus de tout éloge à augmenter notre collection. Nous devons un témoignage de spéciale gratitude à bon nombre d'ecclésiastiques et de religieux, notamment à plusieurs Pères de la Compagnie de Jésus et à la Congrégation des Missionnaires de saint François de Sales d'Annecy.

Grâce à ce concours si bienveillant, près de 400 lettres inédites ont été réunies ; en ajoutant à ce nombre celles qui sont extraites des divers livres et Revues mentionnés ci-dessus, c'est une augmentation de plus de 500 lettres que notre Edition compte sur celle de Migne, la plus complète qui ait paru jusqu'ici; et l'on peut espérer encore de nouvelles découvertes.

Si la quantité des pièces constitue le premier mérite d'une collection épistolaire, la manière de les utiliser peut, sinon ajouter à leur valeur intrinsèque, du moins en augmenter singulièrement le relief; c'est pourquoi, les éditeurs de la présente publication se sont efforcés de ne pas rester au-dessous des exigences de la critique contemporaine. Et d'abord, afin d'assurer l'intégrité des textes, ils ont voulu remonter aux sources toutes les fois qu'il a été possible de le faire. Cette précaution est d'autant plus indispensable pour arriver à une parfaite exactitude, qu'il y a plus à se défier de l'édition de 1626, base de toutes les autres. C'est seulement en ayant sous les yeux les originaux ou des copies authentiques, qu'il est possible de reconstituer intégralement les lettres dont on a détaché tant d'extraits pour les agglomérer de la façon que nous avons décrite. Faute de ce soin, nos devanciers, après avoir donné les pièces de l'édition princeps, ont imprimé ensuite in extenso; en les présentant comme inédites, les lettres qui avaient servi à composer la première collection.

L'ordre chronologique s'imposait de lui-même dans le classement des pièces, et il était d'autant plus facile à suivre que la plupart sont datées. Quant aux autres, elles contiennent ordinairement des détails, des allusions qui permettent de fixer presque à coup sûr l'époque à laquelle elles remontent; souvent aussi le caractère de l'écriture, qui varie d'une manière assez sensible avec les années, autorise tout au moins des conjectures bien fondées. Les lettres pour lesquelles tout moyen d'information fait absolument défaut sont reléguées à la fin de la publication. Un travail non moins consciencieux préside à la restitution des adresses pour les lettres dont les Autographes n'en portent aucune, et pour celles qui sont empruntées aux anciennes éditions. C'est sur des preuves certaines, mais qu'il serait fastidieux d'exposer chaque fois, que nous avons basé l'attribution de ces adresses ; et, quand la certitude manque, on préfère s'abstenir de toute désignation plutôt que de hasarder quelque affirmation contestable.

Restituer dates et adresses aux pièces d'une collection épistolaire, c'est faire revivre l'auteur ; à ce prix seulement sa correspondance devient ce que nous avons dit plus haut, une sorte d'autobiographie dans laquelle il se peint lui-même. Mais à cette vie il faut un terrain sur lequel elle puisse évoluer. Scène, milieu sont créés par les notes biographiques et historiques qui groupent autour de l'écrivain tous les personnages auxquels il eut affaire. L'absence de ces données condamne le lecteur à errer dans un monde tellement impersonnel qu'il ne peut s'y intéresser ; en effet, lire les lettres de notre Saint dans la plupart des anciennes éditions, c'est se heurter à des tombes sans épitaphes. Notre prétention est de ressusciter ces morts, de transformer ce cimetière en une promenade publique où l'on ne rencontre que des visages connus.

Pour atteindre ce but, quel surcroît de travail il faut s'imposer et à quelles erreurs ne s'expose-t-on pas, surtout lorsqu'on se trouve, et c'est le cas présent, en face de plusieurs milliers de noms à identifier! Telles sont les objections très judicieuses qui nous ont été adressées. La majorité des lecteurs nous saura gré de passer outre. On allègue un surcroît de travail. C'est plus que cela (l'expérience faite au cours de ce premier volume nous permet de parIer en connaissance de cause) : annoter le texte dans la mesure où nous l'avons entrepris, c'est quadrupler sa peine. Mais le résultat est proportionné à l'effort.

On ajoute, et ceci est plus grave: Que d'erreurs possibles ! Ce serait témérité d'en disconvenir. Toutefois, il est des hardiesses que Dieu bénit, et du reste nous ne hasardons pas beaucoup, car les moyens d'information abondent ; telle est la sympathie qu'éveille le nom de saint François de Sales qu'il suffit de l'évoquer pour obtenir un concours bienveillant. Nous l'avons toujours trouvé, ce concours pour tout ce qui concerne notre pays, auprès du savant et regretté comte Amédée de Foras, qui se survit à lui-même dans son monumental ouvrage : Armorial et Nobiliaire de Savoie, malheureusement inachevé. Le comte de Mareschal de Luciane, continuateur de cette publication, ne fait pas à nos fréquents recours un accueil moins engageant . Monseigneur notre Evêque a daigné mettre à notre disposition les Registres de l'Evêché, contemporains de notre Saint. C'est une mine d'informations encore peu exploitée, où nous avons trouvé des documents utiles pour reconstituer la physionomie des membres les plus marquants du clergé à cette époque. Nombre d'érudits, dont il serait trop long de refaire ici la liste, veulent bien nous permettre de puiser dans les trésors de leurs connaissances sûres et étendues.

Les archives des anciennes familles en Savoie et ailleurs nous sont aussi très obligeamment ouvertes, sans parler des Archives et des Bibliothèques publiques, où des perquisitions soigneuses ont été faites et se continuent par nos correspondants. Les Archives Vaticanes, celles des diverses Congrégations romaines ; à Turin, celles de l'Etat et de la Chambre des Comptes ; à Paris, les Archives et la Bibliothèque Nationale ; celles de l'ancien Sénat de Savoie, à Chambéry, sont largement mises à contribution. Pour ce qui concerne l'établissement et le gouvernement de l'Ordre de la Visitation, sujet qui occupe une place considérable dans la correspondance du Fondateur, le 1er Monastère d'Annecy possède des manuscrits d'une autorité incontestable, qui permettront de redresser bien des erreurs commises par nos devanciers. Il n'est pas moins riche relativement à l'histoire locale, grâce à la générosité de feu M. Jules Vuy. Ce savant archéologue a remis aux Archives de cette Communauté la précieuse collection de documents, qui avait été la passion de sa vie. Ces documents sont fréquemment utilisés par les éditeurs.

Moyennant toutes ces ressources, ils sont en mesure de consacrer une note biographique non seulement à chacun des correspondants de notre Saint, mais encore à la plupart des personnes simplement nommées, la première fois qu'il est question d'elles. Néanmoins, si ces personnes doivent ensuite compter parmi les correspondants, la note qui les concerne est renvoyée à la première lettre qui leur est adressée.

Il nous a semblé trop encombrant d'indiquer chaque fois sur place nos sources d'information. Cette indication est donnée dans le cas seulement où nous avons puisé à des sources peu connues ou inaccessibles au public. Une Table générale de tous les auteurs qui nous ont fourni des éléments de notes historiques paraîtra à la fin du dernier volume de la Correspondance.

Après avoir expose les soins pris pour assurer l'exactitude du texte, la marche suivie pour le classement et l'annotation des lettres, il reste à édifier le lecteur sur quelques autres détails de notre méthode.

Parmi les lettres du Saint se trouve un petit groupe de pièces spéciales qui ne peuvent être logiquement éparpilles dans la correspondance: ce sont des brouillons écrits pour diverses personnes, notamment pour Mgr de Granier. Ces pièces seront renvoyées à la fin du volume auquel elles appartiennent par ordre de rédaction.

Il est un certain nombre de lettres dont une double et même une triple leçon manuscrite nous a été conservée . Les divergences qui existent entre les minutes et le texte définitif sont ordinairement signalées au-dessous de ce dernier. Quelquefois cependant, pour éviter un encombrement au bas des pages, où se rencontraient déjà notes et traduction, la minute est donnée in extenso à la suite du texte définitif, mais sans numéro d'ordre distinct, puisque dans ce cas les deux pièces ne forment qu'un seul tout.

Quelques lettres, dont les Autographes n'ont pu être recouvrés, sont insérées à la fois dans les deux Procès de Canonisation de notre Saint. Le texte du premier Procès, généralement le plus exact, est alors préféré, et mentionné seul dans l'indication de provenance. C'est seulement quand ce premier texte est complété et même, ce qui est rare, rectifié par l'autre, que nous les signalons tous deux.

Les lettres latines et italiennes, qui composent en majeure partie ce volume, ont été traduites avec soin, travail qui n'a pas été sans offrir quelque difficulté. Dans les premières, la clarté ne va pas toujours de pair avec l'élégance du style, et les jeux de mots, les allusions recherchées contribuent parfois à envelopper d'un certain nuage la pensée de l'Auteur.

Plus simples et plus claires sont les lettres italiennes; elles traitent pour la plupart d'affaires si sérieuses, qu'en les écrivant le Saint n'a garde de se préoccuper du style, et ne se donne même pas toujours le temps de songer aux règles de la grammaire. Personne ne lui en fera de reproches, tant il met de bonne grâce à confesser que ses lettres sont écrites dans un " italien francisé, ou un français italianisé. " Les phrases sont souvent enchevêtrées et l'orthographe assez irrégulière, quelquefois bizarre. Elle sera maintenue néanmoins, sauf le cas de faute évidente et avec les légères modifications que voici : Les accents graves seront suppléés dans le texte, partout où ils sont nécessaires, et régulièrement substitués aux accents aigus placés de loin en loin par l'Auteur. Ces derniers sont conservés dans les variantes, où même on a dû en ajouter quelquefois, quand l'absence d'accent change la signification des mots. Les apostrophes toujours omises dans les originaux pour l'article contracté de représentant dei, ont dû être suppléées afin de prévenir des équivoques. On a cru nécessaire aussi de substituer la lettre v à l'ü fréquemment employé par le Saint dans le substantif vescovo et l'adverbe dove. Pour plus de clarté, la plupart des abréviations ont été interprétées ; on les a conservées néanmoins dans les adresses, les variantes, et la formule si souvent répétée: V. S. Illma et Rma.

L'orthographe des originaux a été scrupuleusement reproduite dans le texte français. C'est bien cette orthographe essentiellement progressive dont il est parlé dans notre .Introduction générale . Nulle part, mieux que dans la correspondance, on en peut suivre les évolutions, ce qui, pour les linguistes, ajoutera un intérêt spécial à cette partie des Œuvres de notre Saint Docteur. Dans les lettres écrites par secrétaires, l'orthographe de ces derniers a été maintenue.

L'orthographe ancienne des noms propres est conservée dans le texte avec toutes les variations permises à cette époque ; seulement, pour éviter des équivoques, on a régularisé l'usage des capitales. Souvent le Saint les emploie pour les particules nobiliaires, et les supprime aux noms patronymiques ; d'autres fois il les place aux deux mots. Nous n'avons respecté cette irrégularité que dans sa propre signature.

Tout en réprouvant la liberté que se sont accordée nos devanciers, de mélanger aux lettres du Saint, celles de ses correspondants, nous n'avons garde de méconnaître le haut intérêt qu'offrent ces dernières. Loin donc de les rejeter de notre publication, nous en avons recueilli bon nombre d'autres inédites jusqu'ici ; elles seront données sous forme d'Appendice à la fin du volume auquel elles se rattachent, par ordre de date.

Une Table de correspondance permettra d'embrasser d'un coup d'œil la provenance de chaque pièce, de juger du nombre de celles qui sont inédites, de voir à quelle époque les autres ont été publiées une première fois et quelle place elles occupent dans les éditions Vivès et Migne.

Un mot maintenant sur le contenu de ce premier volume: il correspond aux années de la jeunesse de saint François de Sales, et, les dates fissent-elles défaut, on le devinerait au style, du moins pour les débuts. On y retrouve l'enthousiasme et, osons le dire, l'emphase pardonnable à cet âge, surtout à la fin du XVIe siècle, où le goût littéraire était si peu sûr. La langue vulgaire ne suffit pas au jeune Saint, spécialement pour ses relations avec le sénateur Favre. Les deux amis échangent dans un latin recherché, les témoignages d'une affection que le temps devait consacrer ; les jeux de mots abondent, et, si ces deux grands hommes ne nous étaient connus, la tentation viendrait de penser qu'ils visaient au bel esprit. Le Prévôt rédige avec soin des ébauches dont les surcharges et les ratures accusent le travail et le souci de bien dire. N'ayons garde cependant de nous en plaindre: nous devons à cette habitude de posséder les lettres du Saint à son ami, car les originaux ont disparu ; il ne nous reste que ces minutes oubliées par l'Auteur, au milieu d'autres papiers.

Cette période de jeunesse littéraire dura peu. Les travaux de l'apostolat mûrissent vite, surtout un apostolat aussi laborieux que fut celui du Chablais. Bientôt le style du Missionnaire s'élève, tout en se montrant plus limpide et plus naturel. Ce n'est plus alors le temps de songer aux fleurs de rhétorique ; le Saint ne pense qu'à Dieu et aux âmes, et, s'affranchissant de toute influence étrangère, il devient grave et simple parce qu'il est enfin devenu lui-même. Ses espérances et ses tristesses prennent vie sous sa plume, les dernières surtout, qui furent longtemps les plus nombreuses. Pendant près de deux ans ses lettres ne sont pour ainsi dire qu'un long gémissement sur la mauvaise foi des ministres et l'obstination des protestants qui refusent opiniâtrement de l'écouter. De loin en loin, quelques éclaircies dans ce ciel si noir, quelques conversions éclatantes, comme celles de l'avocat Poncet et du seigneur d'Avully ; puis de nouveaux déboires et de plus pénibles déceptions. Son voyage à Turin, dans l'automne de 1596, l'accueil empressé que lui font le duc de Savoie et le Nonce apostolique présagent un heureux revirement dans la marche des affaires ; on y compte, on l'attend, mais en vain. Et voilà notre saint Missionnaire réduit de nouveau à jeter des cris de détresse à Charles Emmanuel Ier, qui fait de magnifiques promesses, aux Chevaliers des saints Maurice et Lazare qui en empêchent la réalisation, à Mg, Riccardi lui-même, toujours prêt à lui compatir et souvent impuissant à le seconder. L'heure viendra cependant où il moissonnera dans la joie ce qu'il a si péniblement semé dans les larmes ;et les cérémonies triomphales des Quarante-Heures de Thonon seront le couronnement de son héroïque apostolat.

C'est bien dans ces lettres qu'il faut chercher l'histoire la plus vraie qui ait été composée de la mission du Chablais, et la plus palpitante d'intérêt. Elles sont écrites avec une émotion tellement communicative que l'on croit assister à cette lutte admirable où la vérité reconquiert pied à pied un terrain qui lui est si chèrement disputé par l'erreur. Le Saint réfute d'avance les récits calomnieux de nos adversaires, et ferme la bouche à ceux qui veulent insinuer que la conversion de cette province a été obtenue par intimidation militaire ou à prix d'argent.

Que de révélations ne contiendraient pas encore les lettres qui n'ont pu être recouvrées, et il en est un grand nombre ; car nous constatons avec peine que cette première période de la Correspondance offre des lacunes considérables. Et plût à Dieu qu'il n'y en eût pas d'autres ! Malgré toutes les recherches faites depuis vingt ans, il reste assurément encore un grand nombre d'épis ignorés à faire entrer dans la gerbe si belle déjà qu'est la collection des Lettres de saint François de Sales. Au nom de la Religion et de la littérature, nous adressons un pressant appel à tous les possesseurs de ces richesses, et nous pouvons promettre d'avance à ceux qui voudront bien y répondre, avec notre gratitude la plus profondément sentie, celle des lecteurs de cette Edition, et, ce qui est infiniment préférable, la protection spéciale du plus aimable des Saints.

DOM B. MACKEY, O. S. B.

 
 
 

LETTRE-CIRCULAIRE

DE S. EM. LE CARDINAL PAROCCHI, VICAIRE DE SA SAINTETÉ

AUX ÉVÊQUES D'ITALIE (en italien)

Du Vicariat, Rome, en la fête du Sacré-Cœur, 9 juin 1899.

Dès que parut le premier volume (1892) de la nouvelle édition des œuvres de saint François de Sales, publiée par les soins des Religieuses de la Visitation du 1er Monastère d'Annecy, avec l'intelligent concours du docte Bénédictin P. Mackey, il obtint l'applaudissement universel des érudits.

La solidité du papier, la clarté et l'élégance des caractères, la parfaite correction typographique, supérieures à tout ce que l'on pouvait attendre de ce petit bijou qu'on nomme la Savoie, furent considérées comme des avantages bien inférieurs à l'extrême diligence mise à assurer l'authenticité du texte. Cette diligence a obtenu des résultats si excellents que, du premier volume au dixième (1898) - et l'on espère qu'il en sera ainsi jusqu'au dernier - la pensée de saint François de Sales, celle qu'il confia lui-même à ses pages immortelles, s'y trouve fidèlement reproduite et d'une manière définitive.

Or, les principaux ouvrages du Saint ayant été déjà édités jusqu'aux Sermons, parmi lesquels il ne s'en est pas peu trouvé d'inédits, l'impression des lettres allait être commencée, lorsque les éditeurs constatèrent qu'un grand nombre demeurent encore cachées dans les bibliothèques et dans les archives des institutions publiques et privées. En conséquence, ils s'adressèrent à moi, comme au Supérieur des Salésiennes de Rome, afin que, faisant appel aux Evêques d'Italie, j'obtinsse leur concours pour cette entreprise. Ce qu'ayant moi-même exposé à Notre Saint-Père le Pape, si grand est son zèle pour la discipline sacrée et pour les lettres qu'il acquiesça de grand cœur à cette pensée. C'est pourquoi, non seulement en mon nom et au nom des Salésiennes d'Annecy, mais aussi, en quelque sorte, de la part du Saint-Père, j'invite et je prie les Evêques d'Italie de faire faire des recherches dans les bibliothèques et les archives dépendantes de leur juridiction, pour savoir s'il s'y trouve des Lettres ou autres écrits inédits du saint Evêque de Genève. Et en ayant trouvé, je les prie d'en tirer une copie authentique et de l'expédier ou directement à la Supérieure du ler Monastère des Salésiennes d'Annecy ou à moi.

En leur offrant à l'avance mes plus vifs remerciements, je confie à la gratitude de saint François de Sales le soin de rémunérer la peine qu'ils prendront pour procurer sa gloire.

Très dévoué et affectionné en Jésus-Christ.

LUCIDE-MARIE Cardinal PAROCCHI,

Vicaire général de Sa Sainteté, Supérieur des Salésiennes de Rome.

 
 
 

AVIS AU LECTEUR

La plupart des Lettres insérées dans ce volume ont été confrontées sur les originaux, comme l'atteste l'indication de provenance placée au bas de chacune. L'absence de cette indication distingue les Lettres empruntées à des publications antérieures.

Les éditeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui précédent chaque pièce; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original. Il n'y a d'exception que pour les lettres envoyées au duc de Savoie par intermédiaire. Ces lettres ne portant pour toute adresse que ces deux mots : A Monseigneur, ce serait embarrasser le lecteur de les placer après la clausule et la signature.

Quand la date attribuée à chaque lettre n'est pas absolument sûre, elle est insérée entre [ ]. Ces signes sont également employés pour les mots qu'il a fallu suppléer dans le texte.

Les divergences qui existent entre les minutes et le texte définitif sont données au bas des pages. Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italiques des mots qui la précèdent immédiatement au texte, à moins que le point de départ ne corresponde à un alinéa, ou que la corrélation ne soit évidente. La fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi. Celle-ci signale le commencement de la variante alors seulement que cette variante embrasse plus d'une page. Les passages biffés dans l'Autographe sont enchâssés dans des ? ?.

Dans les variantes des lettres latines et italiennes les seuls passages qui diffèrent considérablement du texte ou qui n'y figurent pas du tout ont été traduits. Il en est de même pour la minute de la Lettre LIV. Pour cette dernière, une † indique le commencement du passage à traduire.

On trouvera à la suite de la Table de correspondance un Index des notes historiques et biographiques contenues dans ce volume. Pour l'orthographe des noms propres, voir l'Avant-Propos, p. XXVII.
 
 







LETTRES
 
 

DE

SAINT FRANÇOIS DE SALES
 
 

ANNEES ANTERIEURES A 1593

(N.B.Les numéros des lettres ont été conformés à la " Table Générale des Lettres " : voir L11)

I

AU BARON D'HERMANCE

Protestations de respect et de dévouement.

Paris, 26 novembre 1585.
Monsieur, Despuys vostre dernier voyage en ceste ville j'avais tousjours bien bonne dévotion de vous escrire, ce que toutefoys je n'avoys osé fayre. Mays m'ayant escript un de mes amis de l'honneur et faveur que vous aves faict a une mienne seur , je me suys persuadé que le treuveries bon de moy, auquel vous fistes tant d'acueil dernierement en ceste ville ; joinct aussi que ne pouvant encores (Dieu m'en face la grace pour l'advenir) fayre paroistre l'affection que j'ay de vous fayre humble service, j'ay volu (comme il s'accoustume) vous en donner souvenance par lettres. Et maintenant que je suys au milieu et meillieur age de mes estudes, si je puys cognoistre seulement par presumption que prenies en bonne part mes lettres, ce me sera comme un aultre corage pour poursuyvre mon entreprise en l'estude, laquelle j'oseroys bien me promettre (sans me flatter) reussira au bien que je desire, Dieu aydant, qui est de le bien pouvoir servir; puys apres, vous fayre service, a qui j'ay tant de debvoir et obligation.

J'auroys bien bonne volonté de vous escrire des nouvelles de pardeça, mays les nostres ne sont que de colleges, outre ce qu'elles sont si incertaynes (on a faict le prince de Condé mille foys mort) que pour ce seul respect il me semble que je suys asses excusé d'en escnre.

Atant je vous bayse bien humblement les mains, et prie Dieu, Monsieur, qu'il vous tienne en santé et tres heureuse vie, vous suppliant de vous resouvenir de moy comme de celluy qui est et sera a jamays

Vostre plus humble serviteur

FRANÇOIS DE SALES.
Monsieur Deage vous bayse bien humblement les [mains]. De Paris, ce 26 novembre 1585.

A Monsieur

Monsieur le baron d'Armence

a la Chapelle.

Revu sur l'Autographe conservé à Genève, Archives de l'Etat. (fac-simile placé en tète de ce volume).
 
 
 
 
 
 

ANNEE 1590
 
 

I bis

A UN ANCIEN PROFESSEUR

(MINUTE INÉDlTE) (en italien, variantes italiennes non numérisées)

Succès des armes du roi de Navarre. - Epidémie parmi les étudiants.
Padoue, 26 juillet 1590.
Je me tiens spécialement obligé de remercier Votre Seigneurie, puisqu'elle a fait une mention particulière de ses Savoisiens dans sa très aimable lettre adressée à tous nos condisciples. Je vous remercie donc d'avoir quelque souvenir de nous, et tant de sollicitude pour notre bien, que vous trouvant au milieu d'une ville où, si je ne me trompe, on se réjouit beaucoup de la nouvelle Navarraise qui s'y est répandue, par affection pour nous vous n'en éprouvez aucun contentement. Il est bien vrai que le zèle de Votre Seigneurie pour notre foi catholique est la cause principale qui l'empêche de se réjouir d'un évènement si affligeant pour quiconque ne l'envisage pas au travers des lunettes du propre intérêt. Je ne tiens pas cette nouvelle comme absolument certaine, bien que, la sachant si répandue, je n'ose pas y refuser foi. Je ne sais ce que Dieu veut faire de la France, car les péchés y sont très grands.

Il y a ici jusqu'à quarante-deux de nos Français atteints de la fièvre ; et, d'après ce que l'on dit, vous avez encore chez vous grand nombre de maladies ; c'est pourquoi nous avons tous reçu beaucoup de contentement de votre lettre qui nous assure de votre bonne santé. A la première occasion j'en ferai part à M. Benoît Pracho, car nous ne nous voyons jamais sans parler de Votre Seigneurie, dont je baise les mains, en mon nom et au nom de M. Jean Déage ; pareillement je me recommande à sa bienveillance et m'offre à son service.

Le 26 juillet 1590. Je vous prie d'excuser notre italien francisé, ou plutôt notre français italianisé.
 
 

II

A DOM FRANÇOIS DE LA FLÉCHÈRE, PRIEUR DE CONTAMINE

ET DE SILLINGY

(MINUTE INÉDITE)

Regret de n'avoir pas reçu de réponse à ses lettres.

Padoue, [automne 1590 ]
Monsieur mon Parrein, Si ceste mienne lettre prend plus heureusement port que plusieurs autres que je vous ay escrit, elle vous asseurera de deux choses. Premierement, que comme je croys que n'ayes receu aucune de mes lettres, bien que realement je vous en aye envoyé plusieurs a diverses foys, aussy n'en ay je receu aucune des vostres despuys que j'estoys malade, comme si je ne devoys avoyr ces deux consolations ensemble, santé et vos lettres. Les lettres que je vous ay envoyëes se sont peut estre perduës, pour autant que nous payons le port avant qu'elles partent, et partant besogne païee, malfaicte. Seulement, je me plains de celles que monsieur Cadel et autres amys ont porté, que j'eusse pensé devoir estre fidellement rendues. Et de vos nouvelles nous en avons tousjours eu nostre part quand vous escrivies a monsieur Coppier, car de vostre grace vous faysies tousjours mention et de moy et de tous ces autres messieurs ausquels je ne cede poinct en ce faict, et sans ceremonie je me nomme. . . .

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 

III

A UN INCONNU

(MINUTES INÉDITES)

Remerciements pour une lettre reçue de lui.
Padoue, [vers octobre 1590 ]
Monsieur, Je ne fis jamais chose qui meritasse que vous prissies la peine de m'escrire avec tant de caresses comme vous aves faict le 24 de septembre [ bien que tousjours j'aye eu extreme affection a vostre service...], dont je vous remercie d'autant plus humblement de ceste vostre faveur, pour laquelle je m'offriroys a vous humblement si je ne vous estoys desja tout obligé et dedié. Or, vostre lettre me servira au moins de tesmoignage que vous prenes a gré l'affection que je vous porte, et partant j'ay pris un tres grand contentement de voir que desires que je retourne bien tost par devers vous, tout plein de belles qualités... Monsieur, Vous pouves bien tant quil vous playra accroistre le monde d'obligations que je vous ay, comme vous aves faict prenant la peyne de m'escrire le 24 septembre avec tant de caresses comme vous aves faict ; mays vous ne pouves plus accroistre l'affection que je vous porte, et a vostre service, icelle estant aussy grande qu'on la pourroit avoir

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
 
 

IV

A UN INCONNU

(MINUTE INÉDITE)

Témoignages de respect et d'affection.
Padoue, [octobre ou novembre 1590 ]
Monsieur, Je me fais accroyre que monsieur des Granges , present porteur, m'ayme beaucoup, comme j'en ay eu de fort bons signes; dont l'ayant prié fort instamment qu'estant de pardela il me recommandasse fort affectionnement a vostre bonne grace, je ne doute poinct que sil vous peut trouver et se souvient, il ne face cela pour moy. Toutefoys, pour autant que peut estre ne vous trouvera il pas comme il desire, et aussy quil est fort aysé a oublier si peu de chose comme je suys, ? je luy ballie ceste lettre..? affin d'asseurer mon intention j'ay escrit ces deux mots que je vous addresse, par lesquels je vous saluë tres humblement et affectionnement, et vous remercie de la memoyre que vous eustes de moy quand monsieur de la Chapelle print congé de vous pour venir icy, lequel m'a encores dict que d'autrefoys vous luy avies parlé de moy ; [ faveur laquelle bien que je ne merite, si ne laysse je pas d'en estre tres ayse...] ce que cognoissant ne venir de mes merites, j'en honore d'autant vostre bonté, delaquelle je reconnoys toutes ces faveurs.

On a dict que le duc de Florence s'en alloit mourir et quil se traittoit de fayre Pape le Cardinal de Sens , ce que n'estant asseuré je m'en rapporte a l'evenement. Je presuppose que deux de mes lettres vous auront estëes donnëes

Revu sur l'Autographe couservé à la Visitation de Turin.
 
 

ANNÉE 1591

V

A UN GENTILHOMME

(MINUTE INÉDITE)

Remerciements pour la bienveillance que lui témoigne ce gentilhomme et pour la lettre qu'il en a reçue.

Padoue, [1591]
Monsieur,

Despuys lhonnorable memoyre que vous fistes de moy par lettre a monsieur de Marry, il y a quelque tems, qui me fut comme un'arre de vos graces, le grand desir que ja auparadvant j'avoys d'estre accepté pour vostre serviteur tres humble s'estoit extremement accreu. Et pourtant j'avoys a plusieurs foys prié monsieur de la Tornette et monsieur de la Porte de vous fayre present, de ma part, et de moy mesme et de mon service, pensant par ce moyen, sans que je vous importunasse par lettres (que je craignoys fort), vous pouvoir fayre sçavoyr combien je me connoissois honnoré de vostre mention et combien humblement je vous en remercioys. D'autre part j'estimoys que sous l'adveu de ceux qui m'eussent presenté a vous, j'eusse esté beaucoup mieux receu que je n'eusse osé me promettre sans presomption. ? Voyla, Monsieur, qui me garda de vous bayser les mains en escrit, que je vous ay baysees mille foys humblement en mon affection. Et de la, Monsieur, ny je ne vous diray plus avec quelle mesme satisfaction j'ay leue et releu vostre si courtoyse lettre...? Dont vous pourres asses connoistre, sans que je vous en die autre, avec combien de satisfaction j'ay receu vostre lettre, combien j'en fays d'estat et combien estroittement je m'en sens obligé, mays beaucoup plus de ce que par icelle vous me presentes. Dequoy je prendray et retiendray bien cherement tout ce dont je seray capable ; car il ne messied pas a vostre grande humanité de beaucoup presenter, mays ce seroit grande insolence a moy de ? penser a les accepter...? n'en vouloir refuser.

Et maintenant, puys quil vous a pleu me monstrer de si bons signes, ains de me fayre fayre de si bonnes asseurances de vostre amitié en mon endroit, je vous supplieray tres humblement de me fayre ce bien que de continuer, et me mettre en conte comme vostre tres humble et serviteur. Et bien que je n'aye autre ? qualité qui me puysse pousser en ce lieu la..? merite, si est que la grande et bonne affection que j'ay est suffisante pour me fayre avoyr un lieu de mortepaÿe en vostre service, affin que j'aye le contentement, par la continuation de ceste vostre faveur……

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 

VI

A UN AMI

(MINUTE INÉDITE) (en latin, variantes latines non numérisées)

Assurances d'amitié.- Désir d'être connu d'un personnage de grand mérite. Nouvelles d'un condisciple. - Message de son précepteur. - Un mot sur son frère Gallois.

Padoue, 25 mars 1591.
J'ai reçu à la fois, ces jours-ci, les lettres que vous m'avez écrites le 29 novembre 1590 et le 23 janvier 1591. Cette abondance momentanée compensait ainsi la pénurie dans laquelle vous m'aviez laissé. A qui la faute si j'ai reçu si tard la première lettre ? Je n'ai pas voulu le rechercher, de peur que cette recherche ne fit retomber un peu de mon mécontentement sur quelqu'un de mes amis. Vous avez grandement craint, dites-vous, que je n'eusse conçu à votre égard quelque indignation, car dans mes dernières lettres je semblais fâché de ce que vous n'êtes pas ardent à m'aimer ou diligent à m'écrire. Je m'étonne d'autant plus qu'une telle crainte ait pu exister en vous, qu'elle ne peut assurément "s'emparer d'un homme fort et constant." (Innocent.III in Decretal 1,11,4) Si vous l'expliquez de la sorte : " Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, " c'est bien, (Ovide Metamorph. 7,719) mais à la condition que vous me dispenserez de vous prouver mon affection en redoutant tout de votre part.

Votre dernière lettre m'a été plus agréable. Vous m'écrivez, en effet, que rien ne vous persuadera que j'aie pu vous oublier le moins du monde. Je voudrais que cette conviction demeurât en vous le plus fermement possible et prévint toute ombre de défiance. Le fait est que je vous ai écrit, que je vous ai expédié plus d'une fois des lettres, sans savoir jamais si elles vous étaient parvenues. J'ai demandé ensuite de vos nouvelles d'ici, de là, tantôt à un ami, tantôt à un autre, jusqu'à me rendre presque importun ; mais partout, silence étonnant sur vous (peu s'en faut-il que je ne dise contre vous). J'apprends que vous êtes en France. Je cesse de vous écrire, je ne cesse pas de demander de vos nouvelles. Quelle faute ai-je commise ? Ces preuves de mon affection sont plus fortes que toutes vos accusations. Donc, quelle que soit votre affection, ne cédez plus désormais à ces craintes. En effet, bien qu'elles semblent au début engendrées par l'amour, souvent dans la suite, par de très petits, d'insensibles changements, elles tuent, avec le temps, celui-là même qui les a engendrées. Toutefois, ne croyez pas que votre crainte m'inspire une crainte équivalente. Je la mentionne simplement, je ne l'éprouve nullement. Quant aux paroles que vous semez sur mon compte, par ci par là, auprès de vos amis, surtout auprès de celui que vous appelez votre maître, prenez garde qu'on ne les interprète comme si vous semiez votre champ pour que les autres pensent ce que je pense moi-même, c'est-à-dire que vous proclamez vos vertus, que vous savourez votre propre miel. Ceci entre nous. Si cet homme consentait à m'accepter comme sien ce serait pour moi un bien préférable à tout autre bien; rien donc ne me sera aussi avantageux que de lui être connu, au moins de nom, par votre entremise . Sur ce sujet, je garde en mon cœur bien des choses que je ne puis entièrement révéler, et, le pourrais-je, que le temps laissé par le porteur ne me permettrait pas de les écrire.

Antoine de Mérindol que, par sympathie, vous appelez François, de sa propre main se consigne entièrement entre les vôtres. C'est un jeune homme bon, prudent et philosophe à un degré bien supérieur à son âge. Une seule chose est à regretter en lui, c'est qu'il ait un corps chétif, peu proportionné à ses grandes qualités, à sa belle nature. Il est fort porté à engendrer la pierre (que chez lui on pourrait appeler pierre philosophale). Il a été retenu au lit par cette maladie très douloureuse pour lui et pour tous ses amis. Je l'assistai. Nous parlâmes beaucoup de vous, ce qui le fit soupirer après vous tout autant qu'après la santé.

M. Déage notre précepteur m'ordonne de vous saluer mille fois. Mon frère me ressemble assez, je crois, pour demeurer toujours des vôtres . Pendant que son âge le tient en dépendance de nous, il suit comme un accessoire son frère aîné. Sachez que, pour n'importe quel service, vous avez droit d'user de moi, non il est vrai en qualité de parrain, mais à titre de maître. Et sur ce, je vous dis adieu.

Padoue, jour de l'annonce de notre salut et de la salutation donnée à la Vierge.

Revu sur l'autographe conservé à la Visitation de Turin
 
 




ANNÉE 1593
 
 

VII

A UN ANCIEN CONDISCIPLE

(MINUTE INÉDlTE) (en latin, sans variantes latines)

Remerciements pour l'attention qu'a eue ce personnage de lui dédier ses thèses de théologie. - Espoir de le voir prochainement à Annecy.

[Annecy, 1593]
Depuis longtemps déjà vos mérites et vos vertus, homme très savant, auraient suffi pour m'attacher à vous sans réserve ; mais aujourd'hui vous vous êtes acquis sur toute ma personne un droit sans égal par la bienveillance qui vous a porté à me dédier si amicalement vos très savantes thèses théologiques. En effet, que pouvait-il humainement m'arriver de plus glorieux que de m'entendre donner le titre d'ami par un personnage si docte et si accompli ? Il n'est rien en moi, homme obscur, qui puisse ainsi me concilier vos bonnes grâces. Sans doute, nous sommes compatriotes et nous avons commencé ensemble nos études littéraires; mais vous m'avez tellement dépassé, votre génie et votre savoir ont établi une si grande distance entre nous, que je m'étonne de l'intime amitié que vous voulez contracter avec moi.

Quoi qu'il en soit, le procureur principal du Patrimoine ducal , votre parent, qui a si bien mérité de l'Etat et de moi en particulier, nous fait justement espérer votre retour parmi nous. J'appelle donc chaque jour avec plus d'impatience cette heure de bonheur où il me sera permis de vous voir, de vous entendre, de vous serrer le plus affectueusement possible dans mes bras. En attendant, daignez agréer mes plus vifs remerciements pour la sympathie que vous me témoignez, et croyez-moi. très digne Monsieur, votre plus dévoué serviteur. Que Notre-Seigneur Jésus-Christ vous soit [propice] .

Revu sur l'autographe appartenant à Mme Doroz, née d'Arcine, à Besançon
 
 
 
 

VIII

AU RÉGENT MÉNENC

(MINUTE INÉDITE) (en latin, sans variantes latines)

Excuses pour le retard mis à répondre à deux lettres. - Immunités assurées aux docteurs en droit et en médecine et aux maîtres d'école.

[Eté de 1593.]
François au très docte Monsieur Ménenc.

J'ai reçu vos deux lettres qui m'ont été très agréables, surtout par les assurances qu'elles me donnent de votre affection pour moi. La raison pour laquelle je n'ai pas répondu à la première est que j'espérais, avec mon Révérendissime Evêque , avoir une occasion prochaine de vous voir ici. Et voici ce que je réponds brièvement à votre seconde lettre. Il ne faut pas trop ajouter foi aux paroles d'un père aussi indulgent que l'est mon Evêque lorsqu'il rend témoignage de son fils ; car bien souvent les parents les plus prudents se persuadent trouver dans leurs enfants les qualités qu'ils désirent. Enfin vous savez du moins que tout ce que je suis est entièrement vôtre. Je vous remercie de tout mon cœur des paroles si aimables que vous m'écrivez, et je ferai tout ce qui dépendra de moi pour les mériter.

Comme j'entends dire que les populations auxquelles vous consacrez vos talents sont si grossières qu'elles ne veulent pas vous affranchir des charges publiques, et n'ayant nulle autorité pour le faire par moi-même, je le fais du moins par l'autorité de l'empereur Constantin, qui a édicté le décret suivant dans la VIe Loi du Titre LII, intitulée: De Professoribus et Medicis, Livre X du Code : " Les médecins, les maîtres d'école et les docteurs en droit avec leurs femmes, leurs enfants et les biens qu'ils possèdent dans la ville (ce mot-là vous affranchit complètement) sont exempts de tout impôt et charge soit municipale, soit publique, de toute corvée et obligation de logement. " C'est le sens qui est par la Glose attribué au décret de l'empereur (au mot Muneribus). La dernière Loi du même Titre, si l'on compare exactement le commencement avec la fin, et les derniers mots de la dernière Loi du Titre des Pandectes, De Muneribus et Honoribus, le confirment. Ainsi la Majesté impériale vous déclare absolument affranchi de tout impôt.

Ceci à la hâte ; car mes occupations ne me permettent pas d'écrire davantage. Portez-vous donc bien; demeurez exempt de toute charge publique et de tout mal, et continuez à bien aimer celui qui est tout vôtre.

Revu sur l'autographe conservé à la Visitation d'Annecy

IX

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(MINUTE) (en latin)

Réponse affectueuse aux avances du sénateur Favre. - Regret de n'avoir pu le rencontrer lors de deux voyages faits à Chambéry. - Protestations d'estime et d'attachement.

[Août 1593.]
Au très illustre et très vertueux Sénateur Antoine Favre.

J'ai reçu votre lettre, très illustre et vertueux Sénateur, et ce gage précieux et inattendu de votre bienveillance pour moi m'a tellement rempli de joie et d'admiration que mon esprit demeure impuissant à vous exprimer ces sentiments. La bonté qui vous porte, homme vénérable de l'ordre des sénateurs, à rechercher l'amitié d'un novice inexpérimenté, et mon désir déjà ancien de mériter votre affection excitent dans mon cœur un, contentement égal à ma surprise.

Si j'avais pu vous témoigner l'inclination que j'éprouve depuis longtemps à vous honorer et à vous aimer, vous auriez compris que j'avais moins besoin d'être excité à vous aimer, comme vous le dites avec tant de modestie, que d'obtenir la permission de vous exprimer ouvertement les sentiments intimes de mon âme.

Puisque vous êtes un arbre excellent, et, par ses fruits, reconnu comme tel dans tout le monde savant, depuis longtemps je me propose votre exemple, et, jour et nuit, je tâche autant que faire se peut de me conformer à ce modèle (cf note 43). Je le fais non seulement parce qu'il est impossible de rencontrer ailleurs des talents supérieurs aux vôtres, et difficile d'en rencontrer de semblables, mais surtout parce que les exemples que nous trouvons dans nos provinces, dans nos villes, et pour ainsi dire à notre foyer, ont plus de force, d'énergie et d'efficace.

Cependant, après plusieurs années ne voyant pas paraître en moi, je ne dis pas l'image, mais le moindre indice d'un tel mérite, tout en étant convaincu de mon impuissance, je n'en ai pas moins gardé le désir de vous voir et de vous entretenir. Ce désir de me concilier votre bienveillance, s'il était possible, était si ardent que mon âme ne pouvait plus se contenir ; et si l'occasion ne s'en était présentée, en dépit de toute modestie, je n'aurais pas hésité, moi faible jeune homme, à venir à temps ou à contre-temps vous provoquer, vénérable Sénateur, à cette douce lutte d'amitié.

Alors que j'aspirais avec ardeur à saisir cette occasion, je ne sais par quel contre-temps elle m'a échappé. Lorsque je suis allé à Chambéry me faire inscrire au nombre des avocats , j'espérais qu'une fois admis, je pourrais saluer tous les Sénateurs, les remercier selon l'usage, et, à cette occasion, obtenir place parmi vos amis en vous laissant mon nom écrit de ma main ; mais voilà que la noblesse est appelée aux armes , et que je suis contraint de partir à une heure indue, sans vous avoir vu ; car j'aurais considéré comme un plus grand mal de vous saluer seulement à la hâte, surtout vous étant inconnu, que de ne pas vous saluer du tout. Aux dernières fêtes de Pâques, me trouvant à Chambéry, je me présentai chez vous, conduit par le médecin Coppier ; ce fut encore inutilement, car vous étiez absent.

Maintenant que par votre lettre, comme par un cartel signé, vous avez provoqué un combattant qui par nature est très ardent dans ces sortes de luttes, prenez garde d'avoir bientôt à considérer moins lequel de nous deux est le premier descendu dans l'arène que celui qui y demeurera le dernier.

Ne prétendez pas cependant, comme vous le faites, avoir été le premier à m'aimer, et ne croyez pas par suite que je vous doive moins ou que vous deviez davantage à mon mérite. J'ai admiré et aimé vos éclatantes qualités avant même que mon nom vous fût connu, mais non point avant que vous ne fussiez enrichi de ces dons éminents innés en votre âme, et qui, en tout temps, ont fait qu'il a été impossible de ne vous pas aimer. Si, par une bienveillance extrême, vous avez été le premier à m'écrire, cela prouve seulement que vous avez donné le premier, ce qui est plus divin, et que j'ai été le premier à recevoir, comme il sied à mon infériorité. (Ac 20,35 ; cf note 53) Et pour ne pas paraître honorer en vous la dignité sénatoriale plutôt que la vertu consommée du sénateur, je n'estimais pas convenable de vous adresser mes hommages à distance, car je ne me croyais pas un jeune homme assez important pour mériter que mon nom eût été prononcé ou entendu par quelqu'un des membres de votre illustre corps. Mais puisqu'il en est autrement, je me réjouis d'avoir pu acquérir aussi facilement votre bienveillance, ce qui sera pour moi, non tant un sujet d'orgueil (bien que mon amour-propre ait droit d'en être flatté) qu'un stimulant à mieux faire.

En même temps, j'ai toutefois à redouter que, lorsque je me présenterai à vous, constatant l'infériorité de mon mérite qu'à distance vous vous figurez si grand, vous ne regrettiez de m'avoir témoigné tant d'affection. J'ai à craindre que, cueilli prématurément, le fruit si doux que me faisait goûter cette affection ne vienne à se flétrir. Mais cette crainte sera modérée par la connaissance que j'ai de votre grande bonté, laquelle est unie à une prudence telle qu'aucune exagération, addition, diminution, aucun artifice et habileté de langage en ceux qui vous parleront de moi, soit en bien soit en mal, ne saurait vous tromper. Je ne m'informerai donc pas si c'est pour m'exciter à la vertu que, non content de m'aimer, vous daignez encore m'écrire, ou (comme vous vous y croyez obligé par ce qu'on vous a rapporté de moi) si c'est pour satisfaire votre propre inclination envers ceux qui ont en eux-mêmes quelque faible semence de cette probité et de ces talents qui fructifient si abondamment en vous. Quoi qu'il en soit, je ne craindrai plus que vous ne cessiez désormais de m'aimer.

Pour mon compte, moins j'attendais de vos lettres, ne croyant pas vous être connu même de nom, plus j'ai admiré votre extrême bonté, et plus a grandi le désir que j'éprouvais de vous voir et de vous parler. Que l'admiration excite le désir de connaître, c'est une maxime assurée qui s'apprend avec les rudiments de la philosophie.

En attendant le bonheur de vous voir, je vous remercie de ce que vous avez bien voulu m'écrire le premier, et je vous promets de ne me laisser surpasser par qui que ce soit dans le soin de vous honorer et de correspondre à votre amitié. Je le ferai de toute l'étendue de ma volonté, bien que cette si petite lettre ne puisse répondre à l'amabilité et à l'élégance de la vôtre. Toutes les fois que je la prends (je la lis et relis sans fin) je me sens pris de la volonté et de la joie de vous estimer davantage, à tel point que mon âme reste prise dans son impuissance. Ainsi est-il vrai que celui-là est pris qui croyait prendre...(Is 14,1)….
 
 



X

AU MÊME

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Remerciements pour lui avoir procuré l'amitié de François Girard.

[Fin octobre 1593.]

C'est bien l'œuvre d'un [habile] artisan, très digne Monsieur, de parvenir, grâce à votre éloquence, à faire aimer des personnages les plus illustres ceux que vous aimez vous-même. Je ne puis nullement à cet égard vous rendre pareille faveur ; car, bien qu'en affection je n'hésiterais pas à lutter même avec vous, que je reconnais par des signes indubitables être un homme des plus aimants, toutefois la prétention de vous concilier l'amitié de qui que ce soit n'est compatible ni avec la médiocrité de mon mérite, ni avec l'éclat de vos vertus. Auprès de personne, en effet, je n'ai l'autorité suffisante; aussi vous dois-je une reconnaissance d'autant plus grande que je puis moins vous offrir de retour. Tout le monde peut aimer ; beaucoup à mon avis peuvent se faire aimer ; mais susciter aux autres des amis est au pouvoir de ceux-là seulement qui jouissent d'une autorité transcendante et reconnue. Il faut pour cela posséder une vertu dont la splendeur non seulement illustre celui qui en est doué, mais encore rejaillisse sur tous les autres.

C'est pourquoi je vous rends des actions de grâces d'autant plus vives pour m'avoir procuré un ami tel que, dussé-je vivre toute la vie d'un Nestor, je n'eusse pu l'acquérir par mes propres mérites. Du reste, eussé-je l'autorité suffisante pour cela, n'espérez pas que je vous rende jamais pareil service ; car, à moins de sortir de notre hémisphère, il serait impossible de trouver un homme de science et de probité qui ne vous vénère, ne vous aime, et ne se propose vos exemples pour modèle. Et si vous n'aviez pas toutes les qualités qu'on vous attribue, c'est précisément à François Girard , d'après ce que vous me dites de lui dans votre lettre, que je devrais aller pour les rencontrer... Vous voyez donc que ma preuve ressort plus évidemment par sa propre force que par l'habileté de celui qui l'expose.

Pour en venir à une conclusion déjà manifeste, comme il n'est plus personne qui ne vous honore grandement, comme il ne reste plus d'autre François Girard, je déclare que, dans cette affaire, je vous dois absolument tout. Je ne vois rien en moi qui puisse provoquer (pour me servir de la propre expression de François Girard) l'amitié de ce personnage si grave, déjà vénérable par l'âge, et si magnifiquement orné de toutes les sciences et de toutes les vertus. C'est en vous, c'est dans l'affection singulière que vous me témoignez qu'il faut chercher la cause de mon bonheur. Tous m'aiment pour cela seulement qu'ils me voient honoré de votre estime, tant il est vrai qu'on suit facilement les grands hommes, même quand ils se trompent.

Il convient donc que vous appeliez compagnon celui qui veut bien m'aimer, il est vrai, mais seulement par amour pour vous, puisqu'il ne me connaît pas personnellement, mais seulement d'après l'opinion que vous avez conçue de moi. Certes, pour moi l'affaire est terminée. ………..

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Doroz, née d'Arcine, à Besançon.
 
 

XI

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Exposition des mêmes pensées.

[Fin octobre, 1593)
Au très illustre Sénateur Antoine Favre, François de Sales, Prévôt de l'Eglise de Genève,

présente ses salutations.

Si vos vertus et votre bienveillance pour moi ne vous assuraient depuis longtemps des droits à mon dévouement, il vous serait acquis aujourd'hui à juste titre en retour des agréables relations que vous m'avez procurées avec François Girard ; car, d'après sa lettre, c'est à l'influence et à l'autorité que vous avez sur lui que j'en suis redevable. Que pouvait-il, en effet, m'arriver de plus heureux, humainement parlant ? La rareté de ce don suffirait seule à le rendre glorieux, tellement précieux qu'il ne saurait être estimé à sa juste valeur, et d'autant plus flatteur pour moi que j'étais loin de le mériter.

Ne craignez pas toutefois d'être taxé d'imprudence pour avoir oublié la disproportion qui existe entre le don et l'homme qui le reçoit; car Alexandre le Grand pensait avec raison qu'un présent doit être plutôt digne de celui qui l'offre que de celui qui l'accepte. Vous avez donc fait une chose bien supérieure à mes mérites, mais bien digne de la bonté de François Girard et de l'amitié qui existe entre vous et moi, en me faisant participer à ce trésor singulier de votre âme, c'est-à-dire à l'intimité de votre ami. Par suite, me mettant en union de sentiments avec vous, vous m'y mettez aussi avec François Girard, de telle sorte que tout, jusqu'à la moindre bagatelle, vous devient commun.

Certes, je ne crains pas qu'à ce sujet survienne entre vous la moindre division; car si l'amitié que vous vous portez mutuellement vous rend indivisibles, il en sera de même de votre bienveillance pour moi. Pareillement l'estime que je vous porte à tous deux étant établie comme elle l'est dans mon âme, s'identifie avec elle, et participe à sa nature qui est, selon les termes de l'école, d'être tout entière dans le tout et tout entière dans chaque partie. D'où il suit que si, d'après la sentence de Salomon ( 3 R 3,25) , un même bien peut appartenir à deux personnes à la fois, c'est assurément une intimité de ce genre.

Le désir qui, dans mon cœur, demeurera toujours très ardent est de conserver toutes mes amitiés, surtout celle de François Girard, et, excellent Artisan , toutes celles qu'il vous plaira me fabriquer. Afin qu'il en soit ainsi, puissé-je vous ressembler non seulement dans la manière d'exprimer mes sentiments (comme a coutume de faire le Prévôt François, et en cela, ainsi qu'en plusieurs autres choses, il existe entre nous un certain air de famille), mais encore en réalité et par le mérite, comme vous vous persuadez que je le fais. Alors je serais moins indigne de l'amitié d'hommes aussi éminents que vous l'êtes. Que du moins cette indignité soit atténuée par l'aveu que j'en fais, et que je compense les qualités qui me manquent par le vif désir que j'éprouve de les acquérir.

Du reste, si j'ai mis quelque retard à répondre soit à votre lettre soit à celle de François Girard, la raison de ce délai, qui vient de ma famille, est, je pense, également légitime en soi et agréable pour vous qui aimez à remplir les devoirs de l'amitié. Vos deux lettres me sont parvenues le jour des saints Simon et Jude. Après les avoir relues plus de dix fois, comme j'ai coutume de faire pour toutes les vôtres, pendant que je remettais d'y répondre au lendemain, afin qu'en un jour où la plupart des avocats vont prêter serment entre vos mains, j'eusse aussi moi-même des protestations à vous faire.....

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin

Archives de l'Etat.
 
 

XII

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Prières publiques ordonnées à l'occasion de la détention du duc de Nemours; sermon prononcé à cette occasion. - Naissance de Jeanne de Sales. Affaire litigieuse d'un paysan de Thorens. - Témoignages d'affection. Désir de le voir prochainement.

Annecy, commencement de décembre 1593.
Notre Evêque vient d'ordonner une neuvaine de prières publiques pour le duc de Genevois fait prisonnier . (Ce Prince a sollicité lui-même par lettres ces prières.) Afin que le peuple s'attachât avec plus d'ardeur à fléchir la justice de Dieu, un sermon a été annoncé pour le Dimanche suivant, et on a imposé le soin de le prononcer à votre apprenti qui, hors de l'école, ne sait guère refuser. J'ai donc été obligé, pour préparer ce sermon, de renvoyer ma lettre à la semaine suivante, car ni mon caractère ni mon talent ne me permettent de prêcher sans avoir consulté les Docteurs.

Délivré de ce souci, j'apprends que ma très chère mère, étant déjà dans sa quarante-deuxième année, doit prochainement donner le jour à son treizième enfant , et qu'elle est si fortement travaillée de douleurs aiguës qu'elle appréhende d'en mourir. Dès lors, remettant toute autre affaire, je me rends en grande hâte auprès d'elle, car ma présence lui donne toujours beaucoup de consolation. Je ne revins chez moi que lorsque je la vis beaucoup mieux, grâces à Dieu, quoiqu'elle approchât de son terme. A peine avais-je eu le temps de m'asseoir à mon foyer que voilà venir un messager m'annonçant qu'elle était délivrée presque sans peine, comme si ce qu'elle avait enduré auparavant avait été pris en déduction de ce qu'elle aurait dû souffrir à ce moment. Je retournai donc visiter celle qui était pour ainsi dire revenue à la vie. En chemin, je rencontrai M. Portier , l'un de nos chanoines, que je priai de vous saluer en mon nom, puisque je n'avais aucune facilité pour vous écrire.

Me voici maintenant dans la condition que vous aviez la bienveillance de me poser en disant : "Ecrivez-moi quand vous le pourrez. " C'était, ce me semble, me demander de vous écrire tant que je ne serais pas retenu par un empêchement qui arrêterait même " l'homme fort et constant. " (cf lettre VI; Digest.4,2,6).

Je ne sais si je dois m'estimer heureux ou malheureux d'avoir dans cet intervalle reçu trois de vos lettres tandis que je n'ai pas même pu vous en adresser une seule. Si d'une part il m'a été très pénible de ne pouvoir répondre à un homme tel que vous, j'oserais même dire (pour employer un terme plus doux qu'autorise votre extrême obligeance) à un tel ami, qui m'écrit avec tant d'affection, d'un autre côté ce m'a été une immense joie au milieu de préoccupations très pénibles de savourer le miel qui découle de votre plume, et de vous entendre en quelque sorte parler par vos lettres.

On me sollicite en ce moment d'intercéder auprès de vous en faveur d'un de nos paysans de Thorens au sujet du différend qu'il a avec Soudan, notaire dans la même localité, et de vous prier de faire prévaloir les droits du villageois. La requête de cet homme rustique est rustique elle-même, mais juste. Toutefois, si je vous la recommandais, je passerais pour un sot ; car ce que vous ne prenez pas à cœur

n'est pas juste, toute cause juste, quelle que soit la personne intéressée, étant toujours patronnée par vous. De plus, j'ai entendu dire qu'il y a en cette affaire je ne sais quoi qui relève de la justice criminelle, c'est pourquoi j'ai été près de m'exclamer : Eloignez-vous de moi, hommes de sang ; (Ps 138,19) car en telles matières les ecclésiastiques ne doivent pas intervenir.

Ayant reçu trois lettres de vous, je n'estime pas, seulement par celle-ci, m'acquitter à votre égard. Je compte vous en adresser, illustre Artisan, au sujet de la question que vous soulevez à votre apprenti, à savoir s'il doit désirer ou refuser la dignité sénatoriale ; à moins que je n'aie, comme je l'espère, la possibilité de vous entretenir de vive voix; car je pressens que j'aurai bientôt ce plaisir, et je ne manquerai pas d'en faire naître l'occasion , Si nous trouvons quelque difficulté dans cette négociation, nous aurons recours à un juge tout désigné pour cela, François Girard, qui est versé dans le droit aussi bien que dans la théologie et nous aime tous deux également, quoique à des titres divers. Mais nous parlerons de cela une autre fois………..

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 

XIII

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Sentiments qui se pressent dans l'âme du Saint à l'approche de son ordination sacerdotale.

Annecy, vers le 15 décembre 1593.
A l'approche de ce jour terrible, de ce jour effroyable, comme l'appelle saint Chrysostome, (Hom 1 in Mt 3) où d'après la volonté de notre Evêque, c'est-à-dire d'après la volonté de Dieu (car je ne cherche pas d'autre interprète de cette divine volonté), à l'approche de ce jour, dis-je, où après avoir passé par tous les degrés des saints Ordres, je vais être promu à l'auguste dignité du sacerdoce , je ne puis me dispenser de vous annoncer l'insigne honneur et le bien excellent qui m'attendent. Il ne convient pas en effet qu'une telle transformation s'opère à votre insu dans un homme qui est tout vôtre.

On peut améliorer, il est vrai, la condition d'un autre sans qu'il le sache, et le changement que je vais subir est le plus glorieux qui puisse m'arriver en ce monde ; néanmoins votre sympathie me sera très avantageuse, car je suis assailli par la plus grande inquiétude que j'aie jamais ressentie. La frayeur et le tremblement se sont emparés de moi (Ps 54,6) : plus que jamais, j'ai donc besoin de votre bienveillance. C'est l'usage entre ceux qui s'aiment de se confier leurs soucis et leurs appréhensions au moment d'entreprendre une œuvre ardue et périlleuse, afin d'obtenir quelque consolation. Leurs craintes s'apaisent par cette communication. Et certes, si je ne me trompe, il ne saurait rien arriver de plus difficile et de plus périlleux à l'homme que d'être appelé à tenir entre ses mains et à produire par sa parole, selon l'expression de saint Jérôme (Epist. 146 ad Evang 1), Celui que les Anges, ces intelligences que nous sommes incapables de concevoir ou de louer dignement, ne peuvent pas même embrasser par la pensée ni célébrer par de justes louanges.

Assurément je n'ignorais pas, mon vénérable Ami, que d'effroyables responsabilités ne fussent jointes à une si sainte et si auguste dignité ; mais l'éloignement trompe les yeux, et c'est chose bien différente de mesurer un objet de près ou de l'apprécier de loin. Vous êtes le seul, Monsieur le Sénateur, qui me paraissiez capable de comprendre le trouble de mon esprit ; car vous traitez les choses divines avec tant de respect et de vénération que vous pouvez facilement juger combien il est dangereux et redoutable d'en présider la célébration, combien il est facile de pécher et de pécher gravement, et combien difficile de remplir dignement ces saintes fonctions. Si vous connaissiez aussi bien ma faiblesse, je solliciterais seulement sur ma situation actuelle votre commisération qui m'est bien due. Cependant je ne manque pas de courage; jusqu'à présent il ne m'a jamais abandonné.

Mais c'est assez. Je vous ai déclaré mes sentiments uniquement pour exciter votre sympathie ; c'est un remède utile, je le sais, pour soulager le cœur souffrant. Et pourtant, comment se fait-il (ici je m'éloigne insensiblement des considérations qu'il me suffit de vous avoir indiquées), comment se fait-il que si un ami s'efforce par la compassion qu'il porte à son ami malheureux d'éloigner de lui les maux qui le menacent, celui-ci se sente réconforté par cette compassion même, bien qu'en s'apitoyant sur lui, le premier n'ait pu s'empêcher de ressentir les mêmes maux ? Sans doute cela vient de ce que la commisération est la marque incontestable de l'amitié, ce sentiment le plus exquis de tous, lequel, dans nos amis, nous est bien plus précieux étant mêlé de compassion que s'il se terminait à une froide bienveillance qui ne participerait en rien à nos douleurs.

D'autre part, ne vous persuadez pas que les saints mystères m'inspirent un effroi tel qu'il ne laisse en moi place à une espérance et à une allégresse bien supérieures à ce que pourraient me valoir mes propres mérites. Je me réjouis spécialement et j'exulte de pouvoir correspondre au moins par cet office le plus sublime de tous, je veux dire par des sacrifices et par le sacrifice de la plus auguste des victimes (Ps 65,15)……………..

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.



 
 
 
 
 
 
 
 

ANNEE 1594
XIV

AU MÊME (en latin)

(MINUTE)

Espoir d'une prochaine réunion à Sales. - M. et Mme de Boisy contraints de s'absenter à cette époque. - Envoi d'une lettre de M. de Montrottier. - Le Saint part pour Seyssel où il doit prêcher le Dimanche suivant.



 
 
 
 
 
 

[Annecy,] commencement de février 1594.
Au Sénateur Antoine Favre, François de Sales, Prévôt de l'Eglise de Genève, présente ses salutations.

Moi au contraire, mon excellent Frère, je me suis senti inondé d'une si grande joie en lisant votre lettre, que je n'aurais pu désirer aucun remède plus efficace pour rétablir ma santé, si, grâces à Dieu, elle n'eût été déjà remise. En effet, quoi de plus doux, de plus avantageux pour un convalescent que de quitter l'obscurité d'une maisonnette pour aller souvent contempler des jardins les plus agréables et les plus émaillés de fleurs et d'y respirer à souhait l'air embaumé des parfums les plus suaves Telle est l'impression que me fait éprouver la lecture de votre lettre si amicale.

Cependant une chose m'attriste, c'est d'apprendre les angoisses que vous a causées ma maladie, d'autant plus que je n'ai rien ou presque rien souffert. Même, comme par l'effet d'une souveraine affection vous ressentiez ma fièvre, je dirais presque notre fièvre, si entre nous les maux étaient communs comme les biens (et de ceux-là je pourrais vous enrichir sans m'appauvrir, car j'en suis de beaucoup le mieux pourvu), j'en aurais été pour ma part tout glorieux ; mais alors j'aurais souffert à mon tour de vos douleurs, à moins qu'il n'eût été préférable de mettre un terme à cette communication de peines.

Chappaz vous a bien représenté au festin antonien ; je dis vraiment bien antonien par la sincérité de la tendresse fraternelle. Si vous vouliez faire remonter à saint Antoine l'origine de ce mot, vous vous tromperiez ; car dans la vie de ce Saint il n'est question d'aucun banquet, si ce n'est celui dont l'amphytrion était un corbeau, les convives, Paul et Antoine, et où, à la place de mets somptueux, l'on ne servait que du pain et de l'eau pour boisson.

Puisque vous me donnez espoir que nous passerons ensemble et en bonne santé le carnaval prochain, mon cœur est rempli d'une si douce joie qu'aucun de ceux qui sont dégoûtés du maigre quadragésimal ne désire plus vivement les fêtes de Pâques que je ne soupire après le carnaval. Alors renaîtra pour nous cette antique forme de l'urbanité chrétienne selon laquelle les amis avaient coutume, aux approches du jeûne de la sainte Quarantaine, de s'accorder quelque honnête récréation en s'invitant à de gracieux festins, et de diminuer aussi quelque chose du travail ordinaire. C'était afin d'avoir l'esprit plus libre pendant le temps de pénitence pour s'asseoir dans la solitude, se taire et s'élever au-dessus de soi-même.(Lm 3,28) Ils prenaient en quelque sorte congé les uns des autres avant cette longue retraite.

Quant à ce qui fait à vos yeux le principal charme du séjour habité par ma famille, le plaisir de nous y voir tous réunis, je crains que nous en soyons privés ; car vers ce même temps de carnaval, M. le sénateur Roget , un ami qui nous est si cher, devant célébrer le mariage de sa fille aînée avec le juge-mage du Faucigny, mes parents, qui ont déjà reçu des lettres d'invitation, ne pourront se dispenser d'assister à ce mariage sans manquer aux égards qu'ils doivent à la famille du Sénateur.

Si vous venez ici je me garderai bien d'aller ailleurs, si ce n'est avec vous. Et, lors même que vous ne viendriez pas, je n'assisterais pas à cette fête ; car comment aller aux noces, moi qui n'ai pas la robe nuptiale ? ( Mt 22,12)D'ailleurs, je redoute ces réunions et ces festins.

M. de Montrottier écrit encore une fois, mais il me dit que désormais il ne répondra que par le silence à vos lettres, dont le style élégant et délicat le remplit d'admiration. Je confie ma lettre et la sienne au procureur Chappaz, et je pars à l'instant pour Seyssel, où je dois prêcher Dimanche . C'est ainsi que je vous écris familièrement. Le baron de Chivron a facilement obtenu que nos princes entrassent dans les vues de notre Evêque, relativement à l'affaire dont il vous a entretenu. Plût à Dieu que le bon sens y trouvât son compte! Ceci à la hâte.

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin,

Archives de l'Etat.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XV

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Rendez-vous à Faverges. - Salutations faites à M. de Montrottier de la part du sénateur Favre.

[Annecy,] mi-février 1594 .

 
 
 
 

Pour ne pas garder un silence absolu, j'ai jugé à propos de vous écrire cette courte lettre comme avant-coureur de salutations que je pense vous adresser sous peu de vive voix ; car voici où en sont les choses. Je devais représenter ma mère à ces noces auxquelles elle croyait ne pouvoir assister, et j'étais bien désolé de devoir être ailleurs, même pour représenter ma mère, puisqu'il en résulterait pour moi la privation d'une rencontre avec vous, le meilleur de mes amis. Les choses se sont arrangées autrement, et c'est ma mère elle-même qui me remplace. Ainsi, comme nous l'avions espéré, mon bien aimé Frère, nous passerons ensemble ces jours de liberté si les Favergiens ont le bonheur de voir Favre à Faverges. Quant à moi, dès que j'aurai connaissance de votre arrivée dans cette ville, je prendrai mes mesures pour que vous puissiez voir parmi les Favergiens votre inhabile mais diligent apprenti ; nous irons ensuite à la maison Tulliane , qui ne saurait être plus illustrée que de recevoir son nom de vous. Nous dirons le surplus quand nous nous verrons.

J'ai remis hier votre lettre à mon Evêque, qui l'a lue plusieurs fois avec un plaisir extraordinaire. M. de Montrottier retournait aujourd'hui chez le marquis de Saint-Sorlin . j'ai eu l'occasion la plus favorable de le saluer de votre part. Ce qui m'a le plus réjoui, c'est qu'à son départ d'Annecy, j'ai pu, dans les derniers mots que nous avons échangés, jeter, en lui parlant de vous, comme le parfum d'un baume odorant dans son esprit………..

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy
 
 
 
 

XVI

AU MÊME

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Excuses au sujet d'une lettre écrite à la hâte. - Remerciements pour celle que le Saint a reçue du Sénateur.

Sales, 24 février 1594.
Vous avez reçu ma lettre, mais assurément plus tard que je n'eusse voulu. En effet, d'après celle qui précédait l'avant-dernière, remise à mon précepteur, je croyais, comme il me l'avait dit, que vous demeureriez à Chambéry toutes ces vacances, et j'ai confié ma lettre à Jean-Baptiste de Valence, qui, en qualité d'ancien condisciple, me reste spécialement cher. A peine ai-je eu le temps d'écrire ; il accompagnait son oncle, M, de Passier , qui était sur son départ, et je craignais, si je l'eusse prié d'attendre, qu'il ne parût plus empressé à m'obliger qu'à répondre aux désirs de son oncle. Du reste, je n'eusse pas confié ma lettre à un homme qui me pressait de la sorte, s'il n'eût importé davantage de vous écrire qu'il n'était regrettable de le faire d'une manière trop précipitée. Il avait surtout insisté pour être mon intermédiaire auprès de vous parce que, étant lui-même ami des lettres , il vous a voué une spéciale admiration, et qu'il pensait vous être agréable en vous remettant mon message.

Mais comment se fait-il que le vôtre ne me soit pas arrivé assez tôt, à moi qui l'ai reçu avec un plaisir tel que je n'en éprouverai jamais de plus grand en recevant tout autre envoi ? C'est que vos lettres ne sont pas seulement merveilleusement écrites et pensées (personne en effet ne saurait assez, je ne dis pas apprécier, mais même savourer l'extrême douceur de ces rayons de miel) ; elles sont aussi des chefs-d'œuvre d'élégance et des monuments d'amitié, Par une heureuse coïncidence assurément, votre lettre précédente me parvint au moment où je me retirais dans ma maison paternelle de Sales. Lorsque je la reçus, je me pris à la lire avec une avidité telle que je ne pus la savourer; mais quand le loisir me permit de la relire, alors un bonheur incomparable s'empara de tout mon être…..

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Doroz, née d'Arcine, à Besançon
 
 
 
 
 

XVII

AU MÊME

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Recommandation en faveur de Mme de Ville. - Eloge du P. Chérubin.

Annecy, commencement de mars 1594.
Une noble femme, Mme de Ville, veuve de celui qui par suite des embûches des hérétiques périt. il y a quelques années, dans l'incendie de son château, attendait ces jours derniers la sentence d'un procès qui se plaidait devant le Sénat entre ses fils et M. Bessonnet, procès dans lequel vous êtes rapporteur , Cette dame, que je n'ai jamais vue, a été informée je ne sais comment de la très grande affection que vous me portez. Elle a jugé qu'il lui serait fort utile et avantageux d'implorer l'autorité de mon excellente mère, pour me décider à vous demander de faire en sa faveur ce que, de votre propre aveu, l'ami le plus loyal peut solliciter du juge le plus intègre : que vous patronniez sa cause. C'est ce qu'elle a fait.

Quant à moi, je me suis déterminé à vous écrire pour qu'on ne puisse mettre en doute le crédit que me donne sur vous l'amitié que vous me portez. Il me semblait à peine nécessaire de le faire parce que nos dernières lettres, comme les précédentes, témoignent si bien de l'unité de nos esprits, que volontiers je croirais superflu de vous communiquer mes pensées autrement qu'en concentrant sur elles une profonde attention. Toutefois cette hypothèse est détruite par votre vif désir d'assister à mes petites prédications, lesquelles vous devriez pouvoir entendre de la seule oreille spirituelle, puisque je les prononce avec autant d'attention que de force. Vous ferez mieux de ne prêter l'esprit et l'oreille qu'au Franciscain Chérubin . J'apprends qu'il prêche avec une si grande ferveur qu'elle semble réaliser cette parole : Dieu s'élève et prend son vol, porté sur les Chérubins. (Ps 17,11)

Mais M. de Chavanes , notre si cher ami, attend pour joindre sa lettre à la mienne. j'ai remis aujourd'hui votre lettre à notre Evêque ; elle lui a causé le plus grand plaisir. Quant à M. de Montrottier, les siens jusqu'à présent n'ont encore rien appris sur son état…….

Revu sur l'Autographe conservé au 1er Monastère de la Visitation de Naples
 
 
 
 

XVIII

AU MÊME

(MINUTE ) (en latin)

Envoi d'une lettre de Mgr de Granier.

Annecy, mars 1594.
Au très illustre Sénateur Antoine Favre,

son excellent Frère, François de Sales présente ses salutations.

J'ai reçu hier de mon Révérendissime Evêque une lettre à vous transmettre, et maintenant je n'ai que le temps de vous l'envoyer car ce bon homme qui vous la portera est venu me saluer au moment de son départ, et en chemin plutôt qu'en ville. Cependant je préfère vous écrire non seulement d'une façon laconique, mais à la hâte et avec précipitation, que de ne pas le faire du tout ; car, dans ce temps de jeûne, j'ai pensé que je serais excusable de vous adresser une lettre un peu maigre, moi surtout qui rarement en écris d'autres, et qui, moins par la suppression des mets, que par la récente privation de votre présence, trouve tout fade et insipide.

En ce moment, je suis encore à jeun de corps et d'âme; mais je ne tarderai pas à rompre le jeûne spirituel en me nourrissant à la table du Seigneur de cette très sainte graisse de la terre,(Gn 27,28 ; Ps 65,15 cf Lettre XIII)de cette victime de choix que j'offrirai, comme j'ai coutume de le faire toujours, en votre nom et au mien…….

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy
 
 
 
 

XIX

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

La brièveté de cette lettre est occasionnée par le départ précipité du porteur. Témoignages d'affection.

Annecy, mars 1594.
Je vous prie et vous conjure. mon très bon et très aimant Frère, d'accueillir avec votre bienveillance accoutumée le laconisme auquel je suis obligé de revenir ; car le départ de cet homme de la Thuille, qui est aussi notre domestique, m'oblige à vous écrire. Comment en effet laisser partir l'un de nos serviteurs sans lui remettre une lettre pour vous ? Mais son départ précipité m'a ôté le loisir et la facilité d'écrire à mon gré ; en l'absence de mes parents, il doit aller à Chambéry traiter une affaire au nom des paysans de la Thuille. Il était presque résolu à prendre une autre route [lorsqu'il s'est décidé à passer par Annecy].

Quant à votre dernière lettre, elle offre une telle harmonie de pensées avec celle que je vous ai adressée le même jour, qu'elle montre clairement la parfaite unanimité de sentiments qui existe entre les deux frères, surtout en matière d'amitié, bien que ces sentiments ne soient pas exprimés de la même manière, car par l'élégance de votre style vous me laissez bien loin derrière vous. En conséquence, il est juste qu'à votre tour vous fassiez pour moi ce que j'ai fait jusqu'à présent pour vous : puisque je vous tiens pour un ami hors de pair, que vous me considériez aussi comme tel ; vous devenez donc ainsi pour moi le frère le plus aimant, et tout mien de la meilleure manière possible, et je me sens devenu le vôtre, au point de me croire un autre homme que moi-même. En effet, si je n'étais pas différent de moi-même, qui ne suis qu'un apprenti du commun, je ne saurais être une même chose avec un tel artisan.

Adieu, mon excellent Frère; faites en sorte que nous vous ayons en ces fêtes de Pâques; votre présence augmentera pour nous les charmes du printemps.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 

XX
 
 

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Remerciements pour la protection accordée à diverses personnes. Attente de la prochaine visite du Sénateur.

Annecy, vers le 28 mars 1594.
C'est non seulement avec empressement, mon très bon et très doux Frère, mais avec une véritable anxiété que j'ai cherché tous ces jours derniers à rencontrer un des nombreux personnages qui se sont rendus auprès de vous ; mais, par un regrettable contretemps, aucun ne m'a prévenu. Je ne pouvais supposer que les gens de M. de Charmoisy , de M. de Beaumont , que M. Portier, chanoine de notre Eglise, aussi bien que Chappaz, dussent partir sans m'avertir, et c'est. la principale raison pour laquelle je ne m'informai pas de l'époque de leur départ. Enfin Chappaz me donne un court moment pour vous tracer quelques lignes. J'en profite, mon excellent Frère, et je vous prie de croire que, bien que vous me combliez de vos lettres, vous ne parviendrez pas à m'en rassasier; car telle en est la douceur que, loin d'accabler jamais, elles charmeraient toujours l'esprit le plus blasé, tandis qu'une douceur trop fade inspire le dégoût. La seule chose dont je sois accablé, ce sont les bienfaits si nombreux et si grands par lesquels, non sans peine, vous avez montré à nos gens de la Thuille votre amitié pour la famille de Sales ; et si d'une part cette preuve d'affection me réjouit, de l'autre je déplore le sacrifice de vos précieux instants de loisir.

Je ne vous parle pas de la noble veuve Mme de Ville, puisque sa cause est en si bonne voie, soit parce qu'elle est juste, soit aussi parce que, en ma faveur, vous avez bien voulu la prendre en considération. J'en viens maintenant à Rodolphe Démeiller, ce bon paysan de Thorens ; en le recommandant à votre bonté, je vous rends d'avance mille actions de grâces de ce que vous avez déféré à ma recommandation dans une mesure bien supérieure à mes mérites. Je ne crains pas qu'on m'accuse de vouloir favoriser une mauvaise cause, si par ignorance je vous en recommandais une qui fût telle; car celui qui présenterait du cuivre pour de l'or à un orfèvre aussi habile que vous ne saurait être soupçonné d'agir de mauvaise foi. Mais laissons tout cela ; " soyez-moi indulgent. "(Terent. Andria act. 1 sc.2,33)

Vous viendrez donc immédiatement après les fêtes de Pâques: je ne pouvais recevoir de M. de Charmoisy une nouvelle plus agréable. Nous avons passé hier une bonne partie de la nuit à nous entretenir de vous. L'un et l'autre nous vous attendons avec une vive impatience ; mais avec cet inconvénient pour moi, que les jours solennels consacrés au divin Crucifié, lesquels m'auraient paru bien courts à raison des cérémonies si graves et si belles qui les remplissent, me paraîtront d'autant plus longs que je vous attends avec plus d'impatience.

Adieu, mon Frère deux fois aimé.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 

XXI

AU MÊME

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Désir de profiter des nombreuses occasions que procurera la belle saison pour se voir plus fréquemment. - Nouvelles de plusieurs amis communs.

Annecy, vers le 16 avril 1594.
A mon avis, très aimable Frère, il serait tout à fait injuste et absolument en dehors de toutes les lois de la bienséance d'assimiler au temps du Carême, par je ne sais quel triste silence, ces jours de Pâques si pleins de joie, alors surtout que les prairies, les arbres, les oiseaux célèbrent le printemps avec tant de suavité. Le silence entre frères est toujours pénible, inopportun (voyez que je suis loin du sentiment que parfois je craignais un peu vous voir adopter) ; mais ce silence serait bien plus amer, plus dur, aujourd'hui que les lois de la saison printanière semblent nous permettre non seulement une conversation sérieuse, mais un babillage amical.

Si je n'ai pas profité du retour de M. Monod , c'est seulement, croyez-moi, parce que je l'ai ignoré. D'ailleurs, la saison si favorable aux voyages nous fournira plus d'une occasion de nous rapprocher, alors que les plaideurs, même par simple divertissement, se rendront bien souvent auprès de vous. Pour ma part, je veillerai avec grand soin à ce que des amis comme nous ne le cèdent pas à cette malheureuse sorte de gens. Puisqu'ils se donnent volontiers tant de peine pour entretenir leurs discordes et leurs inimitiés, la bienséance et la noblesse exigent que des amis très affectionnés prennent au moins autant de soin pour conserver entre eux la concorde et l'amitié, à raison de la souveraine jouissance attachée à ce bien.

J'ai déjà sur ce point incliné le consentement de mon père, et je l'obtiendrai tout à fait pour m'adjoindre à la famille de notre Sénateur en qualité d'aumônier, pourvu qu'il me donne, ainsi que je l'espère, quelque avis de son départ. S'il en va autrement, je le suivrai le plus tôt possible ; les mets de Carême chargeraient trop douloureusement mon estomac, si, au commencement et à la fin, je ne les relevais par le condiment très salutaire de votre présence. J'imiterai en cela certains gourmands lesquels ont la coutume extravagante de célébrer les fêtes de Pâques à la manière du carnaval, et semblent vouloir retenir le Carême comme prisonnier, en le faisant précéder et suivre de bacchanales.

Notre Evêque, qui est l'un de vos meilleurs amis, se porte bien. Il en est de même de M. de Chavanes; mais la goutte fait terriblement souffrir notre parent M. de Charmoisy. Notre Président part demain pour visiter ses Parisiens; j'ignore l'époque de son retour. Portez-vous bien, Frère très aimable, et que le Christ vous protège!

Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 

XXII

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Prochaine réunion du synode diocésain. - Obstacle imprévu qui a empêché le Saint de se rendre à Chambéry. - Ses regrets en apprenant que le Sénateur est allé inutilement à sa rencontre.

Annecy, vers le 23 avril 1594.
Que ferais-je, mon Frère, et de quel côté me tourner, moi qui n'ai pas encore satisfait à votre désir, et qui ne puis maintenant y répondre, faute de temps ? Car nous voici à l'époque très solennelle du synode , auquel tous les membres de notre clergé sont tenus d'assister ; et m'en dispenser, ce serait attirer sur moi l'excommunication. Ensuite, vient pour quelques jours le règlement des affaires de notre Eglise; et encore que j'y sois inutile, notre Révérendissime Evêque et père ne permet absolument pas que je m'absente pendant tout ce temps.

Avant-hier, me rendant ici dans l'intention d'aller à vous le lendemain avec M. Coppier, après environ trois milles de marche sous une pluie torrentielle, je fus arrêté par un obstacle que je n'avais pas prévu, je vous assure : le torrent était si enflé qu'il ne présentait aucun endroit guéable, et je fus forcé de rebrousser chemin. C'est ce qui m'empêcha de rejoindre M. Coppier, lequel faisait route sans difficulté par le côté opposé du lac.

Je suis pressé par un incroyable désir de tenir ma promesse, et je le ferai aussitôt que je le pourrai ; mais je me garderai bien de vous indiquer le jour, de peur que vous ne veniez encore à ma rencontre. Vraiment, si cette amitié extrême (je dirais aveugle ou presque aveugle) que vous me portez ne vous servait d'excuse, je jugerais intolérable qu'un sénateur aussi distingué que vous l'êtes se fût dérangé une fois déjà pour moi avec toute une illustre compagnie. Lorsque je l'appris (c'était hier au soir), je sentis la rougeur me monter au visage, à tel point que je n'osais plus jeter les yeux sur votre lettre.

Après avoir été attendu avec tant d'impatience, je suis on ne peut plus confus, mon excellent Frère, d'avoir manqué au rendez-vous. Que dirai-je ? Eh quoi ! si dans une aussi mauvaise cause je suis dépourvu d'un bon avocat, c'en est fait de moi. Mais il est digne de Salteur de plaider victorieusement une cause désespérée, et d'obtenir un pardon qui ne peut nuire à personne, pour celui qui est déjà puni de sa faute par la confusion qu'il en éprouve et par la perte qu'il a faite. Qu'il plaise à Dieu, mon Frère, me délivrer au plus tôt du trouble que je ressens jusque dans les profondeurs de mon être, sans quoi je cours risque de ne plus oser vous regarder en face ! …………

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 

XXIII

AU MÊME (en latin)

Projet d'un pèlerinage à l'église de la Sainte-Croix d'Aix. - Ordre que doivent suivre pendant le trajet les pèlerins d'Annecy et de Chambéry.

Annecy, vers le 28 mai 1594.
Au très illustre Sénateur Antoine Favre,

François de Sales, Prévôt de l'Eglise de Genève,

présente ses salutations.

J'avais presque achevé une autre lettre qui vous était destinée, mon très aimable Frère, lorsque Soudan m'a remis de votre part cette dernière, qui est toute remplie de la très suave odeur de l'EspritSaint. Laissant de côté la première, je réponds à celle-ci.

Louange soit donc à Dieu pour vous tous par Jésus-Christ, vous dirai-je avec saint Paul (Rm 1,8) parce que votre foi est maintenant annoncée partout. Le mardi de la Pentecôte, Dieu aidant, nous ferons à Aix , ainsi que vous l'écrivez, le pèlerinage convenu. Le cérémonial ne sera pas différent de celui que vous avez vu dernièrement quand vous étiez ici, et nous dirons les mêmes Litanies de Jésus crucifié. Nous ôterons les souliers de nos pieds, car nous regardons comme saint le lieu où nous nous rendons, ce lieu orné du bois très précieux sur lequel Dieu s'est montré à nos pères avec une charité bien plus ardente que dans le buisson de Moïse.(Ex 3,2) Toutefois nous ne ferons pas tout le chemin pieds nus, mais seulement quelques milles, car ce n'est pas sans raison que nous l'avons ainsi réglé. Comme il sera nécessaire de réparer nos forces en prenant un peu de nourriture, nous avons résolu de nous retirer tous sous un même toit, où nous dînerons ensemble modestement et frugalement, écoutant la lecture de quelque livre de dévotion, afin que nul discours profane ne se mêle aux conversations pendant ce saint voyage. Je ne puis guère vous dire l'heure précise, puisque, contre notre gré, une foule nombreuse s'est jointe à nous pour ce pèlerinage, principalement quelques dames que tous nos arguments n'ont jamais pu faire changer de résolution, notre Confrérie les ayant, dès le commencement, admises à la Communion et autres pieux exercices . Nous entendrons la Messe en l'église de la Sainte-Croix d'Aix sûrement avant midi, et même nous croyons pouvoir arriver à dix ou onze heures du matin, peut-être plus tôt. Puisque vous venez le même jour, vous aurez à nous attendre là, parce que vous êtes plus rapprochés et que vous n'êtes point embarrassés d'un si grand nombre de personnes étrangères au pèlerinage.

Ainsi, mon Frère, il sera impossible qu'elle ne soit pas véritable cette fraternité, laquelle doit être jurée en la présence de ce bois qui a réconcilié les immortels des Cieux avec les mortels d'ici-bas. Et il ne faut pas que j'oublie une chose merveilleuse: vous avez su que notre pèlerinage était décidé au moment où nous venions à peine de prendre cette détermination, car c'est mercredi soir seulement que nous avons délibéré à ce sujet ; de sorte qu'on peut attribuer à une inspiration divine ce fait que, portant les regards sur la même Croix, nous avons eu les uns et les autres le même sentiment. A Dieu seul en soit la gloire.(1 Tm 1,17)

Je vous envoie les Statuts de notre Confrérie mis en ordre ; si quelque point vous paraît offrir des inconvénients à cause de la variété des lieux, vous le modifierez. Il faut seulement que vous et nous ayons à jamais cette unique loi, d'être non seulement appelés, mais d'être en effet tous frères et enfants de Dieu.(1 Jn 3,1)

Mais il est temps de nous mettre en chemin. Adieu, mon très aimable, très aimant et très doux Frère, et que le divin Crucifié vous soit propice. Nous vous saluons encore une fois, tous tant que nous sommes, et nous saluons aussi tous les autres enfants de la très sainte Croix, espérant de vous voir au plus tôt et de vous parler bouche à bouche, afin que notre joie soit pleine dans le Seigneur. (2 Jn 12)
 
 








XXIV

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Le Sénateur est attendu à Annecy ; plusieurs maisons lui sont offertes. Il est instamment prié d'amener sa femme.

Annecy, vers le 7 juin 1594.

 

A son très doux Frère Antoine Favre, très illustre Sénateur,

François de Sales présente ses salutations.

Bon nombre de nos amis vous attendront le 17 juin au soir ; mais notre parent, M. de Charmoisy, et moi nous vous attendrons de meilleure heure. Il est juste que ceux dont le bonheur doit être plus grand devancent, en vous attendant plus tôt, le moment de le goûter.

Ne vous mettez nullement en souci de ce que, dans votre lettre à M. de Charmoisy, vous appelez une maison de ville. Nous en avons non seulement deux toutes prêtes, mais trois, puisque je ne dois pas vouloir que la mienne porte ce nom, et je vois que vous n'avez pas voulu celle de M. de Charmoisy. Je vise à la brièveté, faute de loisir et non de choses à vous dire.

Adieu, mon Frère impatiemment attendu. Je ne sais trop si je dois envoyer mes salutations à ma très aimable sœur, votre épouse très distinguée et très chère , car je ne voudrais pas la reconnaître pour vôtre si, à votre tour, vous ne la rendiez nôtre ainsi que vous. Je prie Jésus-Christ de vous être propice à tous deux et à vos très nobles enfants.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 

XXV

AU MÊME

( MINUTE ) (en latin)

Déception du Saint et de ses amis en ne voyant pas arriver le Sénateur. Le Prévôt va prêcher

à La Roche.

Annecy, 13 juin 1594.
Comme vous aviez écrit à notre parent, M. de Charmoysi, que vous viendriez vendredi ou samedi soir, M. de Chissé , grand-vicaire de notre Révérendissime Evêque, M. de Montrottier, M. de Novery et moi nous sommes tenus chaque jour en embuscade entre les deux chemins jusqu'au coucher du soleil, afin de vous attendre, ainsi que je vous l'avais écrit précédemment, un peu plus tôt qu'un grand nombre d'autres. Notre déconvenue ne nous a pas empêchés de vous envoyer force compliments en soupant chez M. de Charmoisy, où nous avons discuté jusque bien avant dans la nuit sur les raisons qui vous avaient arrêté, mon Frère. On pensait à la solennité du Dimanche du Saint-Sacrement; mais, d'après la lettre qu'il a reçue de vous, M. de Charmoisy réfutait cette supposition.

Quoi qu'il en soit, alors même que vous arriveriez aujourd'hui, ce retard peut être bien fâcheux pour moi qui me rends mercredi à La Roche pour prêcher . M'en irai-je donc quand vous venez ? Assurément je ne le ferais pas sans la raison du scandale à éviter, et si je n'avais cru que vous arriveriez plus tôt, rien n'aurait pu me déterminer à cette absence. A vous maintenant de voir comment vous me dédommagerez d'une perte si considérable. Songez seulement que les sept premières heures du jour en constituent la majeure partie.

Si donc vous ne voulez pas venir, laissez-moi saluer cordialement votre digne épouse et vos nobles enfants. Je réprime autant que je le puis, et avec bien des efforts, la peine que j'éprouve, ne pouvant en même temps, dans une lettre écrite à la hâte, allier le courroux et la modération. Adieu.

Ne vous laissez pas arrêter par la crainte de n'avoir pas d'appartement; si vous venez, vous aurez des maisons de ville à votre disposition. " Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, " parce qu'il est facile, quand on n'a pas une très bonne volonté, de trouver des excuses. Je n'ai aucune inquiétude au sujet de votre santé, car nous avons entendu dire à un voyageur qu'il vous a vu vendredi vous promener en grande tenue.

Adieu, et attendez un troisième arrêt du prince pour venir, s'il vous semble à propos.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XXVI

A FRANÇOIS GIRARD

PRÉVÔT DE L'ÉGLISE NOTRE-DAME DE BOURG

(MINUTE) (en latin)

Gracieuses excuses de n'avoir pas écrit plus tôt. - Le Saint est à Hautecombe avec le sénateur Favre.

Hautecombe, vers le 24 juillet 1594.

 

Après être demeuré si longtemps sans vous écrire, mon très bon et très respectable Girard, je suis à peu près dans la situation où se trouvent parfois de bons écoliers qui, n'étant pas arrivés aux heures fixées, ont manqué inconsidérément certaines leçons. Ils voudraient bien rentrer dans le devoir et reconquérir les bonnes grâces de leur professeur; mais flottant entre la crainte et l'espérance, ils ne savent se déterminer pour l'heure où ils devront paraître en présence du maître irrité : faut-il éviter sa colère présente en sacrifiant le pardon espéré, ou obtenir leur pardon en s'exposant à être punis ? Dans une telle hésitation l'esprit de l'enfant a bien de la peine à discerner ce qui lui est plus avantageux. A quel point j'ai été jusqu'ici inconsidéré et coupable en passant tant de mois sans vous écrire, je le sens mieux que personne, et j'en suis d'autant plus affligé que personne n'apprécie mieux que moi les grands avantages de votre amitié. Aussi, dans la confusion que j'éprouve de vous avoir donné un pareil sujet de mécontentement, à peine aurais-je osé, même par lettre, diriger sur vous mes regards, si le souvenir de votre douceur et de votre indulgence ne m'avait encouragé.

Me voici donc reconnaissant volontiers ma faute, implorant votre pitié, afin que la clémence et la bonté m'accordent la totale restitution que la justice et l'équité refusent aux majeurs. Ainsi moi, qui me devais déjà une fois tout entier à vous, à raison de la bienveillance dont vous m'avez entouré, et à notre très digne Favre parce qu'il m'a obtenu cette faveur, je me devrai désormais tout entier à vous seul, et cela avec d'autant plus de raison que je me trouve dans ce magnifique monastère où l'on ne peut entrer sans se rappeler cette sentence : " Il est plus difficile de réformer que de former. "

C'est aujourd'hui le dix-neuvième jour que je passe la vie la plus douce avec mon frère notre cher Favre ; il ne manquait, ce semble, à notre bonheur que de vous avoir avec nous. Nous sommes venus hier dans cette sainte et auguste solitude d'Hautecombe pour voir l'Evêque d'Albi, prélat aussi savant que très affectionné à ce cher Favre. Avant que j'aie la peine d'être séparé d'un très aimable frère, je me suis persuadé que je pourrais obtenir le pardon de mon silence prolongé en vous promettant de vous dédommager à l'avenir par ma diligence et mon exactitude. La majesté de ce lieu, le caractère sacré de cet excellent et très vertueux Pontife vous feront croire à ma parole ; pour le même motif aussi, je l'espère, vous recevrez amicalement un coupable qui en vous écrivant revient au devoir, et j'aurai moi-même plus de soin de rester fidèle à ce devoir……

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 

XXVII

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(MINUTE) (en latin)

Compliments affectueux.

[Annecy, vers le 13 août 1594 ]
Il ne faut rien moins que la très grande autorité que vous avez sur moi pour me convaincre, comme vous me l'écrivez, qu'il est toujours plus facile de répondre à un ami que de le provoquer ; car lorsque j'étais sur le point de vous prévenir, votre lettre si gracieuse et, qui plus est, si amicale, m'est parvenue. L'éclat de votre érudition m'a si fort ébloui l'esprit, que, tout en me disposant à vous écrire, je désespérais de pouvoir m'élever à la hauteur de votre savoir. C'est ainsi que l'oracle d'Apollon répondait, dit-on, avec tant de subtilité, que s'i! eût posé lui-même des questions, la sagesse humaine aurait été incapable de les résoudre. Vous nous êtes tellement supérieur sous tous rapports que nous ne pouvons en aucune façon nous mesurer avec vous, à moins toutefois que nous n'entamions la correspondance ou que nous n'en choisissions le sujet.

Si grande est l'estime que je vous ai vouée, que sur ce point on peut tout au plus rivaliser avec moi, mais l'emporter, jamais. Cette estime n'a pas besoin d'un monument qui en conserve le souvenir ; elle est gravée en caractères assez durables pour défier l'action du temps. Adieu ; que Jésus-Christ vous soit propice !

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 

XXVIII

AUX FILS DU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Remerciements pour une lettre reçue d'eux. - Encouragements à suivre les exemples de leur père. - Message pour leur mère.

[Annecy, vers le 15 août] 1594.
Deux raisons principales me portent à vous écrire, mes très chers Amis : la première est de répondre à la lettre dont vous m'avez favorisé récemment, et qui m'a causé tant de plaisir ; la seconde est de vous demander une nouvelle lettre, car celle que vous m'avez écrite est tout endommagée par la lecture répétée que j'en ai faite. Ce double motif s'appuie sur un même fondement.

Vous faites très bien d'imiter l'exemple de votre illustre et excellent père en m'écrivant si affectueusement. Ayez jour et nuit, mes très chers Amis, les yeux fixés sur le modèle éclatant qui resplendit devant vous ; suivez-le religieusement. En agissant de la sorte, vous qui êtes dans son atelier d'excellents apprentis, vous en sortirez très nobles ouvriers, et spécialement vous aurez appris de lui à m'aimer.

Saluez en mon nom votre illustre mère à qui j'ai voué un respect si grand qu'il ne peut être justement comparé qu'à la piété filiale. Saluez-la donc en mon nom.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 

XXIX

A FRANÇOIS GIRARD

PRÉVÔT DE L'ÉGLISE NOTRE-DAME DE BOURG

(MINUTE) (en latin)

Congratulations pour le zèle qu'il déploie au service de Jésus crucifié, et pour son agrégation à la Confrérie de la Sainte Croix.

Annecy, fin août 1594.
Il faut maintenant vous féliciter du fond du cœur, excellent Girard, puisque nous vous voyons combattre de toutes vos forces sous l'étendard du très saint Crucifié ; car n'est-ce pas combattre pour le Christ que de haïr ceux que Dieu hait, et de sécher de douleur à cause des ennemis de la Croix ? (Ps 138,21). Vous ne pourrez jamais rencontrer une occasion plus glorieuse pour bien mériter de Dieu et de l'Eglise que celle qui vous est présentement offerte par la souveraine providence divine. Oui sans doute, il est très facile à un Chrétien, et c'est une chose pour ainsi dire à la portée de tous, de suivre Jésus-Christ guérissant les infirmes, ressuscitant les morts ; mais de suivre JésusChrist souffrant et mourant, voilà ce qui n'est accordé qu'à un fort petit nombre. Il n'est pas très pénible d'embrasser la Croix lorsqu'elle est debout, que personne ne l'ébranle et ne s'efforce de la renverser ; mais la soutenir contre le choc des assaillants pour qu'elle ne tombe pas, voilà le propre d'un courage éprouvé. 0 bienheureux combat dans lequel à la fois nous mourons et nous vivons (Rm 14,8) pour le Christ ! Qu'est-ce qui a, je vous le demande, environné de tant de gloire et d'une si religieuse vénération la mémoire des anciens Pères de l'Eglise ? C'est que jamais aucune menace n'a pu les empêcher de patronner (permettez-moi cette expression) la cause de Jésus crucifié. Ce n'est certainement pas la science seule qui a élevé si haut les Martin, les Chrysostome, les Hilaire, les Damascène; mais bien plutôt cette magnanimité chrétienne avec laquelle ils ont déclaré la guerre pour le Christ aux empereurs et aux autres faux frères, (2 Co 11,26 ; Ga 2,4) et se sont montrés intrépides à combattre les combats du Seigneur.

Ne vous persuadez pas, du reste, qu'en vous disant ces choses je prétende exciter votre courage. Le disciple n'est pas au-dessus du maître.(Lc 6,40) Il serait en effet déraisonnable qu'un vétéran accoutumé à porter la plus lourde armure reçût les leçons d'un nouvel enrôlé. Bien plutôt, je vous félicite hautement de ce que, dans un âge avancé, vous avez entrepris et poursuivez si hardiment la guerre pour le Christ. Nous pouvons avec vérité vous appliquer la parole de saint Jérôme (Epist 102 ad Augustin 2) : " Le bœuf fatigué enfonce plus fortement le pied. " Votre gloire me devient d'autant plus douce que l'excellent Jean Tissot , déjà vénérable par ses cheveux blancs, très digne prieur de notre Confrérie, vous a dernièrement inscrit avec plus de bonheur au nombre des confrères de la Croix ; car maintenant il y a entre nous une certaine communauté de biens à divers titres, et principalement parce que nous sommes frères dans la Croix. En conséquence nous participons aux avantages les uns des autres : nous, à la gloire de vos combats, vous, au mérite de nos prières et de nos sacrifices.

0 bien aimé de Dieu, que le Ciel vous soit en aide!

Le Seigneur est votre défenseur, vous ne craindrez pas ce que l'homme fera contre vous. (Ps 117,6 ; He13,6) Je salue votre compagnon d'armes, l'illustre seigneur Favre. Adieu.

Revu sur l'Autographe, dont la partie déjà publiée est conservée à la Visitation d'Annecy et la partie inédite à la Visitation de Turin.
 
 

XXX

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Explications amicales.

Remerciements pour l'envoi de Méditations sur la pénitence.

[Annecy, août] 1594.
Que j'étais donc simple et ingénu, mon Frère, quand je vous conseillais si naïvement d'être un peu condescendant envers ma sœur, [votre femme,] comme si jamais vous aviez eu d'autres pensées ! Je serais déjà plein de confusion d'avoir été trompé en chose aussi évidente si je ne l'avais été par un artisan tel que vous. Je m'en réjouis vivement et je vous félicite tous deux de ce que, suivant le proverbe, (Pr 4,12) vous ne jetez pas des épines sous les pieds du voyageur de bonne foi.

Certes, je félicite aussi grandement ma sœur de pouvoir jouir longuement de votre agréable présence; mais pourquoi vouloir être prié, pressé et presque contraint dans cette affaire ? Pourquoi n'occuper qu'après les nombreuses instances de plusieurs, la place que vous avez choisie vous-même, si ce n'est par une extrême finesse digne des hommes de cour, à la manière de notre Locatel ? C'est bien. Le plus sage peut être trompé une fois ; mais si je me laisse tromper de nouveau, que je sois tenu pour un apprenti bien indigne de votre atelier.

Vous m'avez envoyé fort à propos les Méditations sur la pénitence , afin que je m'y exerce pendant que je suis privé de votre présence. Mais je ne vois pas ce qui peut m'être attribué dans cet ouvrage, car vous l'avez vous-même tissé et enrichi de tant de belles pierreries, que, par une heureuse transformation, il a perdu son ancien nom et sa première forme.

Je vous ai transmis dernièrement la lettre de l'Evêque d'Albi, je ne sais si vous l'avez reçue. Portez-vous bien et à souhait, ainsi que votre illustre épouse.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.

XXXI

AU MEME

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Les prévenances d'un ami commun attribuées à la recommandation du Sénateur. Désir de se procurer quelques formules de prières.

[Annecy, fin août] 1594.

J'ai reçu votre lettre par le porteur à qui vous l'aviez remise. Qu'est-ce qui m'agréa davantage, ou de voir votre envoyé ou de lire votre lettre ? Tout ce qui vient de vous ne peut que m'être extrêmement agréable.

En vérité, autant que j'ai pu le conjecturer, François Chosal désirait lier amitié avec moi pour cette seule raison que je suis votre ami. Du reste, comme il aura trouvé en moi si peu des qualités que vous m'avez attribuées, il ne voudra plus être ni votre ami ni le mien, à moins que, pour s'expliquer l'amour que vous me portez, il ne vous considère avec beaucoup d'indulgence, moi avec beaucoup de bienveillance, et tous deux avec quelque surprise. Cette bienveillance dont je suis l'objet de sa part m'est d'autant plus douce qu'elle procède uniquement de celle que vous avez pour moi et qu'elle se rapporte immédiatement à celle-ci, puisque " la première chose en chaque genre sert de mesure à tout le reste. " (Aristot. Physica 4,14). A vous maintenant de me conserver ce bien dont je vous suis redevable.

Je poursuis. Nous avons entendu dire que notre confrère, votre fils dans la Croix, l'excellent Saldoz , possède une centaine de formules de prières à Notre-Seigneur crucifié. Nous ne voyons pas le moyen de nous en procurer, à moins qu'il ne nous en cède dix ou douze exemplaires, dont le prix.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
 
 
 
 
 
 
 
 

XXXII

A UN GENTILHOMME DE LA COUR DU DUC DE SAVOIE

(MINUTE)

Prière d'intervenir auprès du duc de Savoie en faveur du Chapitre de Genève.

Annecy, [vers la fin août 1594.]
Monsieur, Il pleut a Son Altesse, il y a quelque tems despuys ces guerres, declairer pour l'eglise de ce diocœse estre de son intention et playsir que tous les biens qui se trouveroyent en ses estats avoir esté de l'eglise anciennement, devant que Geneve eut chassé les ecclesiastiques, retournassent a l'eglise, comme vray patrimoyne de Jesuchrist. Qui a faict que le Chappitre de Saint Pierre ayant esté advisé, ou pensant quil se devoit tenir quelque journëe a Thurin touchant ces balliages et autres affayres , il a pris resolution, en l'asseurance de vostre zele et pieté, de vous supplier tres humblement de leur faire ausmosne de vostre credit et intercession en cest endroict, affin qu'en cas de quelque restitution de païs, ils ressentent le prouffit de la devote intention de sa dicte Altesse, et que les biens qui se trouveront avoir esté dudict Chappitre au tems de la subversion de Geneve leur soient restitués.

Ils vous supplient donques, Monsieur, tres humblement, tous en general et moyen particulier, comm'ayant cest honneur d'estre Prevost en leur compaignie, de prendre ce leur affere en main ; se promettans que si la bonne intention de Son Altesse, dressëe sur la pieté de la cause, est aydëe de vostre faveur et authorité, elle sortira en son effect avec grand merite de sa dicte Altesse, qui nous aura remis nostre pain en la main, et de vous, Monsieur, qui nous aures procuré ce bien, duquel je puys bien vous asseurer avec verité que nous avons bon besoin, pour s'estre la pauvreté de cest'eglise cathedrale de trente chanoynes, quasi tous gentilhommes ou gradués, fort rengregëe par ces guerres, sans avoir voulu jamais diminuer aucune chose de ce qui s'observoit pour la decoration du service divin.

Vous suppliant donques nous avoir pour recommandés, nous recommanderons de toute nostre devotion vostre santé et prosperité a Nostre Seigneur, et demeurerons obligés a jamais de prier plus particulierement sa divine [Majesté] qu'elle vous comble de ses benedictions. Et pour mon regard, Monsieur, continuant en la condition de monsieur de Boysi mon pere, je demeureray

Vostre tres humble serviteur.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 

XXXIII

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(MINUTE) (en latin)

Nouvelles de la mission du Chablais. - Premières difficultés suscitées par les ministres protestants. - Energique résolution du Saint.

[Forteresse des Allinges,] commencement d'octobre 1594 .
Je n'ai pu, mon Frère, répondre à votre délicieuse lettre, avant que le porteur retournât à Chambéry. Certes, je l'eusse fait plus tôt très volontiers, car nulle autre pensée ne m'est aussi douce, ne me récrée autant que celle par laquelle je tâche chaque jour de vous représenter à mon esprit le plus fidèlement qu'il m'est possible ; il me semble alors qu'après de très épaisses ténèbres, une certaine lumière luit pour moi, tant me paraît sombre le nuage auquel commande sans doute le prince de ces ténèbres (Ep 6,12) dont vous me parlez . Après votre départ, il n'a pas cessé de voiler de plus en plus les esprits de ces hommes. Le gouverneur , avec quelques autres Catholiques, n'a rien négligé pour attirer, par de secrètes persuasions, les paysans des environs et les bourgeois d'Evian à nos sermons, et pour faire avancer, avec un zèle ardent et éclairé, les affaires de la religion. Mais le démon s'en est bien vite aperçu ; car les principaux de Thonon ayant assemblé leur conseil, se sont juré, par une souveraine perfidie, que ni eux ni le peuple n'assisteraient jamais aux prédications catholiques. Ce ne serait pas assez, sans doute, de l'obstination privée de chacun, s'ils ne se moquaient des désirs du prince aussi bien que de nos efforts, et ne s'acharnaient à leur perte par une abominable entente. Cela fut fait, à ce que l'on m'a dit, avant-hier à la maison de ville, et plusieurs avaient déjà pris cette résolution à l'assemblée des impies,(Ps 1,1,5) qu'ils nomment leur consistoire, où ils s'étaient réunis sous prétexte d'invalider, selon leur coutume, certain mariage.

Que feriez-vous, mon Frère? Leur cœur est endurci (Ex 7,22; 12,40 ) ils ont dit à Dieu : Nous ne servirons pas ; retirez-vous de nous, nous ne voulons point marcher dans la voie des commandements de Dieu.( Jr2,20; 21,14) Ils ne veulent pas nous écouter parce qu'ils ne veulent pas écouter Dieu. (Ez 3,7). Certes, il me semble voir où tendent les desseins de ces hommes perdus. Ils voudraient assurément nous faire perdre l'espérance de mener nos affaires à bonne fin, et partant nous contraindre à nous retirer. Mais il n'en sera pas ainsi ; car aussi longtemps qu'i! nous sera permis par les trêves et par la volonté du prince tant ecclésiastique que séculier, nous sommes absolument résolus de travailler sans relâche à cette œuvre, de ne pas laisser une pierre à remuer, de supplier, de reprendre avec toute la patience et la science que Dieu nous donnera.(1 Tm 4,2).

Je soutiens à quiconque voudra discuter avec moi sur cette affaire, que non seulement les prédications sont nécessaires, mais encore qu'il faut rétablir la célébration du saint Sacrifice le plus tôt qu'il se pourra, afin que l'homme ennemi (Mt 13,28) voie que par ses artifices il nous donne du courage au lieu de nous l'enlever. Mais en cela, il faut user d'une grande prudence dans l'attente de cette condition, à savoir : si la paix temporaire dont nous jouissons sera durable.
 
 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 

XXXIV

A UN RELIGIEUX

(FRAGMENT INEDlT)

Octobre 1594
. .. ………que vous sçaves trop mieux comme l'on manie ces affaires, et que l'affection et devotion que vous y aves vous y conseille asses. Mays seulement je vous rends ainsy conte de mes pensers, lesquelz vous advoueres ou rayeres comm'il vous playra.

Ce pendant je prieray Dieu pour vostre heureuse santé et longue vie, vous suppliant tres humblement me continuer en lhonneur que j'ay de vostre Reverende Paternité, et lequel je prise tant, d'estre advoüé pour

Vostre tres humble filz selon Dieu et tres obeissant serviteur.

Revu sur l'Autographe appartenant à Dom B. Mackey, O. S. B.
 
 
 
 
 
 
 

XXXV
 
 

A MONSEIGNEUR CLAUDE DE GRANIER, ÉVÊQUE DE GENÈVE

Endurcissement. des hérétiques. - Aveu des ministres en faveur des missionnaires.

Fin octobre 1594
Monseigneur,

Je diray donq simplement a Vostre Seigneurie Illustrissime que l'opiniastreté de ce peuple est si grande, qu'ilz ont derechef confirmé l'ordonnance publique que personne n'ayt a revenir a nos predications catholiques ; et lhors que nous croyions que plusieurs viendroyent a nous, soit par curiosité, soit par quelque reste du goust de l'ancienne religion, nous avons experimenté leur endurcissement commun par leurs mutuelles exhortations. Et apportent pour excuse le mauvais traittement qu'ilz recevroyent des Bernois et Genevois, qui les traitteroyent comme des deserteurs de leur creance, s'ilz les voyoyent seulement venir a nous d'autre façon qu'avec des injures a la bouche ou des pierres a la main. Et non seulement il faut que nous ostions l'heresie, mais tout premierement l'amour du siecle.

Dans les discours familiers, les ministres mesmes ont confessé que nous tirions de tres bonnes conclusions des Saintes Escritures touchant nostre foy, mesme sur le tres auguste Mistere de l'autel (cf Tome VII, serm XXVI) ; les autres confessent la mesme chose, et plusieurs viendroyent a nous s'ilz n'estoyent empeschés par ceste trop grande crainte du monde. Mais, Monseigneur, nous esperons avec patience que ce fort armé qui garde sa mayson sera chassé par un plus fort que luy (Lc 11,21), qui est Nostre Seigneur Jesus Christ. Voyla l'estat de nos affaires………………………..

Revu sur le texte inséré dans un ancien Manuscrit de l'Année Sainte de la Visitation, conservé au Monastère d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XXXVI

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

( INEDlTE ) (en latin)

Heureux présages pour le succès de la mission du Chablais.

Evian, 2 novembre 1594.
Aujourd'hui enfin il m'est permis de bien augurer des affaires de Thonon, et je dois vous faire savoir, très aimable Frère, qu'avant-hier l'un de ces messieurs m'a témoigné tant de bienveillance et d'amabilité qu'il ne se peut rien dire de plus. Ils ont donc en partie changé de dessein, car ils s'étaient fait une loi non seulement de ne point me rendre de bons offices, mais de ne pas même m'adresser la parole. Voilà qui est de bon augure, sans doute, si d'après le vieux proverbe, par un individu on peut juger de tous. Quelques Thononais avaient donc apporté votre lettre : je vous le demande, pouvait-il y avoir rien de plus efficace que ce présent qui relevait mon courage pour aller à eux ? En effet, je me trouve tellement devenu un autre vous-même, que sans vous je ne pourrais traiter avec ces hommes.

Vous me demandiez de vous écrire au sujet des affaires de notre Rolland , mais je l'ai déjà fait. D'ailleurs, la solennité des fêtes de la Toussaint et des Fidèles Trépassés me laisse à peine le loisir de m'entretenir avec vous, à moins que ce noble M. de Blonay ne remette son départ à une autre heure. S'il m'eût été possible, j'aurais écrit aussi à M. Guichard , comme vous me l'avez recommandé, et je le ferai au plus tôt, pourvu qu'auparavant vous vous engagiez de bonne foi à l'assurer que j'ai écrit, et à lui laisser ignorer que j'ai l'habitude d'écrire si mal. Il connaîtra par là combien je désire l'honorer, et ne me jugera pas tout à fait inculte. Adieu.

Evian, le 2 novembre 1594.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation,
 
 
 
 

XXXVII

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Témoignages d'estime et de reconnaissance pour le P. Chérubin. Envoi de plusieurs lettres. - Premiers fruits des prédications.

Forteresse des Allinges, milieu de novembre 1594.
... …Tandis que [la mère] pensera au père et au parrain, la ressemblance avec tous les deux se produira chez l'enfant, car vous savez que l'imagination fait son œuvre. Mais ces choses-là sont de votre ressort.

Je viens à votre dernière lettre qui m'apportait un témoignage très manifeste du souvenir que me conserve notre P. Chérubin . Pour moi, j'estime d'autant plus précieuse son affection si aimable et si bienfaisante qu'il me fait partager cet avantage avec vous. Cet homme est vraiment notre père en Jésus-Christ ; sa charité envers Dieu et envers ceux qui sont à Dieu lui donne droit à la vénération de tous, et il ne peut être aimé dignement que par des hommes qui aiment comme nous. Permettez-moi de vous confier une lettre pour lui, ainsi que d'autres pour notre Guichard, pour Girard et pour l'Evêque d'Albi. Je ne tarderai pas à vous écrire de nouveau pour vous parler de ce qui se passe ici et des affaires de la religion. Il me semble que cette divine rosée de la parole de Dieu va porter chaque jour de plus heureux fruits. Lorsque je l'aurai mieux constaté, je ne manquerai pas de vous le faire savoir, à vous qui avez employé votre conseil, votre autorité, votre action pour favoriser cette entreprise.

En attendant, portez-vous bien, et que le Christ nous soit de plus en plus propice à vous et à moi. Veuillez saluer de ma part ma sœur et commère et tous mes neveux.

De la forteresse des Allinges .
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
XXXVIII

A MONSEIGNEUR ALPHONSE DELBENE, ÉVÊQUE D'ALBI

(MINUTE) (en latin)

Protestations de respect et de dévouement.

Forteresse des Allinges, milieu de novembre 1594,

 

Le très grand respect et la profonde vénération dont je suis pénétré à votre égard m'ont seuls empêché jusqu'à présent de vous prévenir par mes lettres, sachant Votre Seigneurie toujours appliquée à des études ou à des occupations très importantes. La même cause me presse à bon droit de vous écrire aujourd'hui. J'ai entendu dire en effet que vous vous préparez à votre départ pour Albi, et, s'il ne m'est pas possible d'aller, comme il conviendrait, baiser religieusement vos mains sacrées, il est au moins de mon devoir de vous en demander pardon, et je ne voudrais pas y manquer. Ce faible témoignage de gratitude vous prouvera l'imp6rissable souvenir que je garde de la bienveillance dont vous m'avez précédemment honoré; il vous montrera également mon désir d'être à jamais le très humble serviteur de Votre Révérendissime Paternité.

Les choses étant ainsi, il appartiendra à votre bonté et à votre magnanimité, Monseigneur, de m'attribuer entre ceux qui vous sont dévoués une place si sûre et si stable que je ne puisse jamais être moins vôtre que vous n'aurez daigné me croire. En conséquence, lorsqu'il vous plaira de faire le dénombrement de vos Allobroges, je me présenterai enfin le dernier à votre mémoire; je serai d'ailleurs facilement des premiers si vous voulez bien prendre en considération non pas le mérite personnel, mais l'estime et l'affection dont tous ces cœurs vous entourent.

Pour nous, unissant nos prières à celles de tous vos Albigeois et de ceux qui cultivent les lettres, nous demanderons au Seigneur de vous conserver longues années et de rendre vos diocésains parfaitement soumis au joug de la religion. Ils retireront ainsi de votre présence autant de bien et de plaisir que votre absence nous causera de douleur.

De la forteresse des Allinges.
 
 
 
 
XXXIX

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(FRAGMENT)

Prédications de l'Avent.

[Thonon,] 27 novembre 1594 .
………………………………………………………………………………………………………….

Dieu me faict icy entreprendre une besoigne digne de la seule vertu de sa droitte. Je commence aujourd'huy a prescher l'Avent a quatre ou cinq petites personnes; tout le reste ignore malicieusement que veut dire Avent, et ce tems si auguste dans l'Eglise est en opprobre et en derision parmy ces infidelles. L'orayson, l'aumosne et le jeusne sont les trois parties qui composent le cordon difficilement rompu par l'ennemi (Eccles 4,12) ; nous allons, avec la divine grace, essayer d'en lier cest adversaire...…………………………….
 
 


XL

A UN CURIAL

(MINUTE)

Réponse obligeante à la demande de quelque service.

8 décembre 1594.
Monsieur le Curial, Celuy auquel vous voulies que je parlasse pour vous n'estant icy, je n'ay peu fayre ce dont vous m'avies escrit; mays en toute sorte d'occasion vous me trouveres tousjours prompt a vous servir. Je prie Dieu quil vous doint parfaitte santé et sa grace, et me recommande bien fort a vostre bonne grace, de Madame lacuriale et de vostre beaufilz et fille, attendant de bien tost aller voir mes pere et mere et leur……………………………..

Le 8 decembre 94.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le Chanoine Collonges, aumônier de la Visitation de Chambéry.
 
 

XLI

AU PÈRE ANTOINE POSSEVIN, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

(MINUTE)

Assurance de respectueux attachement, - Le Saint parle de son ordination et de ses débuts dans le ministère.

[Entre le 8 et le 20 décembre 1594]
Monsieur [mon Reverend Pere], Je fays tant d'estat de lhonneur que j'ay eu a Padoue d'estre receu en roole avec vos enfans spirituelz, que je penserais avoir faict une perte signalëe si j'estois rayé de ce nombre, Pour me nourrir en vostre memoyre [et] conserver ce bien pour moy, je vous ay voulu addresser ceste lettre comm'une humble requeste, pour vous supplier m'entretenir tousjours en la faveur laquelle une foys vous m'avies accordëe, n'ayant rien faict des lors qui m'en puysse priver, sinon que ce fut d'avoir tant attendu de vous escrire et salluer. En quoy, le peu d'asseurance que j'avoys du lieu ou vous esties et le respect que je dois a vos occupations me pourroit beaucoup excuser, puysque je n'ay pas layssé de demander a toutes occasions de vostre santé, tant quil y a quelques moys que j'en eus des nouvelles par le P. Jean Lorrini . Mays le seul souvenir de vostre bonté m'en promet un total pardon.

Et au reste, pour vous rendre quelque conte du vostre despuys que je suys de retour d'Italie, je me suys tellement faict ecclesiastique que j'ay celebré Messe le jour de saint Thomas l'Apostre dernier, en nostre eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, ou je suys indigne Praevost, qui est la premiere dignité apres l'episcopale, et, par le commandement de mon Evesque, des demy annee en ça j'ay prcesché icy et ailleurs parmi le diocaese la parole de Dieu ; en quoy je m'accuseroys bien fort de temerité si l'obeissance ne m'en avoit osté le scrupule. C'est ce que j'ay faict et que je fays encores le mieux que je scay, vous portant bien souvent avec moy en imagination en chaire. Pleut a Dieu seulement que j'y portasse quelque mediocrité de vos perfections pour le service [de] sa divine Majesté, laquelle je prie continuer longuement en santé Vostre Paternité, a laquelle baysant les mains, je demeureray

tres humble filz et serviteur.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le Chanoine Collonges, aumônier de la Visitation de Chambéry

ANNEE 1595

XLII

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(MINUTES INEDITES) (en latin)

Commencement de la rédaction des Controverses.

Vers la fin de janvier 1595.
Je dois de fait maintenant écrire à la française, comme je vous le disais dernièrement, mon Frère, par manière de plaisanterie, car j'ai appris seulement pendant le souper que Thovex doit retourner vers vous cette nuit même. Je ne puis à une heure si tardive écrire gravement à l'espagnole. C'est assez, et même trop, de ressentir avec une peine très vive mon récent éloignement de vous. Après ces jours délicieux, toutes choses sont pour moi comme la nuit. Aussi je sens péniblement, moi qui écris si légèrement …………………………………………………………………………..

J'espérais, mon Frère, vous envoyer dès maintenant quelque chose de notre travail ; mais, changeant d'avis, j'ai résolu d'attendre qu'il formât pour ainsi dire un corps, plutôt que de vous le soumettre pièce à pièce . Aussi bien suis-je si peu diligent que, partagé entre diverses autres occupations, je n'ai pas même bien commencé. Je vous avais cependant écrit avant-hier une lettre que Thovex devait vous porter ; mais contre sa promesse il n'est pas venu la prendre. Vous ne vous étonnerez donc pas si, comme je vous le disais récemment par manière de plaisanterie, je dois maintenant de fait écrire à la française. Notre ami de la Servette est sur le point de partir ; d'autre part je roule en mon esprit des Méditations sur les mutations des hérétiques de notre temps. Je ne vois donc pas la possibilité d'écrire gravement à l'espagnole. Ce que je ressens, ce qui me peine gravement c'est mon récent éloignement de vous.

Quant à vous, mon Frère, portez-vous bien en la compagnie de votre illustre .artisane Benoîte et de tous vos artisans grands et petits. et aimez-moi comme vous le faites.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Paul Waille à Poligny.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XLIII

AU MÊME

(MINUTE INEDlTE) (en latin)

Ingénieuses excuses pour un silence trop prolongé.

Forteresse des Allinges, février 1595.
Je suis très confus d'avoir tant tardé jusqu'ici de répondre à votre aimable lettre par laquelle vous réclamiez la mienne. Mais dans ce temps vraiment favorable. m'adressant à un homme si pieux, il n'y aurait de difficulté à obtenir le pardon de ma faute en ce retard que si je refusais de l'avouer. En effet, j'ai pensé que dans ce temps solennel de pénitence où vous me remettriez même les péchés commis contre vous, j'obtiendrais facilement grâce pour les omissions. Le retard existe, je le confesse, et il n'est pas sans coulpe ; mais voici une raison qui m'excuse un peu. Vos lettres me sont si agréables que, bien que le papier en soit tout endommagé par un continuel maniement, je trouve chaque jour tant de charme à les relire qu'elles me paraissent toujours récentes, surtout lorsqu'elles ne sont pas datées. En somme, parce que vous avez aimé la paix au milieu des guerriers, vous vous montrez bon soldat. C'est ce qu'enseigne saint Augustin (Epist 189 ad Bonifac.6) : " Nous devons vouloir la paix toujours, et la guerre seulement quand elle est nécessaire. " Puisque me voilà prêt à recevoir toutes les conditions que vous voudrez m'imposer, oubliez tout. Adieu dans le Christ, très illustre Ami.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 

XLIV

AU MÊME

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Difficultés qu'offre la rédaction des Controverses.

Forteresse des Allinges, milieu de février 1595.
J'écrirai maintenant, mon Frère, plus brièvement que ne le demanderait le grand et immense plaisir que m'a fait éprouver votre dernière lettre. Vous désirez voir les premières pages de mon ouvrage contre les hérétiques ; je le désire aussi extrêmement, et je ne porterai pas mes enseignes dans les rangs de l'ennemi avec toute l'ardeur que mérite cette cause, avant que vous ayez approuvé mon dessein, le plan de la bataille et la tactique adoptée. Mais je sens la difficulté de l'entreprise, et de plus, il me manque les troupes auxiliaires dont j'aurais besoin : je veux dire les livres nécessaires à un homme qui ne garde en sa mémoire qu'un très petit bagage de connaissances.

J'ai cependant commencé, et commencé de telle façon qu'il sera un peu plus difficile que je ne pensais de mener mon affaire à bonne fin. La guerre " est douce à qui n'en a pas l'expérience. "(cf Horat.Epist.lib.1, epist 18,86) Aussitôt qu'il se pourra facilement faire, vous verrez quelque chose de mon travail. Je vais passer à Thonon le reste du Carême ; c'est ce qui me paraît être le meilleur. Pressé par ma conscience, j'ai enfin écrit à notre Guichard, mais à la hâte, ayant employé la première partie de la journée à des conférences sur la doctrine chrétienne et à un sermon. Je vous le dis parce que je voudrais que vous fussiez instruit de ce que je fais à toute heure du jour.

Adieu, mon Frère.

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XLV

AU MÊME

(INÉDITE) (en latin)

Détermination de lutter intrépidement contre l'hérésie. Avis du P. Chérubin pour assurer le succès de la mission.

Thonon, 7 mars 1595.
Au très illustre Antoine Favre,

François de Sales présente ses salutations.

Je commençais à m'affliger de votre départ pour la Bresse, lorsque j'ai vu, par la date de votre lettre, que vous étiez de retour au moment où je la recevais. Je craignais en effet que, selon notre habitude de ne regarder comme étranger à nous-mêmes rien de ce qui touche l'humanité (Terent. Heaut. Act 1 sc.1,25), votre cœur si tendre eût un peu plus de peine à supporter la vue des misères de notre chère patrie qu'à en entendre le récit.

Pendant que je suis dans ces pensées, mes yeux tombent sur un livre dont je remarque tout d'abord cette première ligne : " Nul n'est blessé que par soi-même. " 0 maxime bien propre à notre temps et digne du grand Chrysostome, dont une certaine homélie (Patr.Gr. 2,459), vous le savez mieux que personne, est illustrée par ce célèbre frontispice. En présence d'un avertissement aussi solennel, j'ai senti s'évanouir aussitôt toute la sollicitude prématurée qui avait d'abord agité mon cœur à votre sujet. Je le savais, mon Frère : par l'observation attentive et le mépris des choses périssables du temps, par l'attente et l'amour des biens incorruptibles de l'éternité, vous avez porté jusqu'au dernier degré de perfection cette force d'âme dont la nature vous a gratifié. Supposer que, si bien protégé et défendu, vous pouviez être blessé par quelque changement survenu dans les choses d'ici-bas, ce ne pouvait être que vaine imagination d'un esprit faible. J'étais donc blessé par moi-même, moi dont la blessure venait de ce que je vous croyais blessé. Si quelqu'un a jamais su le moyen de mettre à profit l'adversité, si quelqu'un a jamais pu remédier aux ruines et aux désastres de son époque, c'est de vous (dois-je dire sénateur ou bien artisan expérimenté ?) qu'il faut attendre cela.

" Dieu mettra encore un terme au malheur présent ; ... et un jour ce souvenir ne sera pas sans charmes. " (Virg.Aen.1,199,203)

J'étais blessé par moi-même, moi qui l'étais parce que je vous croyais aussi blessé ; c'est qu'il appartient non à un apprenti, mais à un artisan de prévenir par la raison ces premiers mouvements de l'âme.

Enfin je suis descendu à Thonon ; que l'ennemi s'attende à une lance très excitée par l'ennui du retard. Attaqué des hauteurs lointaines de ma citadelle, il a méprisé de justes conditions ; maintenant je lui livrerai de près le dernier assaut. Il l'emporte par le nombre, nous l'emportons par la cause. Ceux-ci se confient dans des chariots et ceux-là dans des chevaux ; mais nous, c'est dans le nom du Seigneur que nous espèrerons (Ps 19,8), si toutefois les paroles de David peuvent être citées au milieu de ces rodomontades.

Des prédications plus nombreuses m'empêchent de donner à nos Méditations contre les hérétiques toute l'attention qu'il faudrait. Je n'ignore pas, mon Frère, combien mes lettres vous sont agréables; je le devine en effet facilement, puisque les vôtres me causent un si vif plaisir. D'où il suit que, nonobstant mon grand empressement à saisir toute occasion favorable d'écrire, [je ne crois jamais] avoir assez écrit.

J'ai reçu aujourd'hui une lettre de notre R. P. Chérubin. Il m'écrit qu'il a un très ardent désir de donner à l'œuvre commencée ici une plus grande impulsion par son industrie et son action personnelles, et voici ce qu'il nous recommande : Si ceux qui sont conviés à la noce refusent l'invitation d'un premier, d'un deuxième, d'un troisième serviteur, il faut en appeler un quatrième qui les force à entrer. Qu'il vienne donc lui-même, qui vaudra tous les autres ensemble, et qu'un quatrième lui succède enfin, Je ne m'étonne pas qu'ils refusent de venir sur l'invitation d'un homme aussi froid que je le suis ; mais s'ils refusaient encore après avoir été appelés par des hommes qui ont bien fait leurs preuves, alors je n'hésiterais pas à adopter le sentiment du P. Chérubin. Ceci soit dit par plaisanterie, car ce n'est pas en comptant sur la force de mon esprit, ni sur aucune science, mais sur la patience, que je suis descendu dans l'arène. Attends, attends encore ; commande, commande encore ; et plaise au ciel, pour continuer à employer les paroles d'Isaïe, qu'ils ne se retirent pas, qu'ils ne tombent pas en arrière et qu'ils ne se brisent. (Is 28,10)

Encore un mot : je voudrais apprendre de vous comment il faut traduire en latin commissaire des guerres, et si procureur du Prince a la même signification que procureur fiscal. Je n'ai jamais su cela, ou, si je l'ai su, j'en ai perdu le souvenir. j'ai bien vu l'expression de recuperatores Prœfecti, et autres semblables, mais ces titres répondent-ils très exactement à ce sens ? J'attends votre réponse.

Adieu, et que le Christ vous soit propice, ainsi qu'à vos grands et petits artisans.

Thonon, le 7 mars 1595.

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XLVI

A MONSIEUR DE BOISY SON PÈRE

Courage invincible en face des dangers que présente la mission du Chablais.

Thonon, milieu de mars 1595.
Monsieur mon tres honnoré Pere,

Si Roland estoit vostre filz aussi bien qu'il n'est que vostre valet, il n'auroit pas eu la coüardise de reculer pour un si petit choc que celuy ou il s'est trouvé, et n'en feroit pas le bruit d'une grande bataille. Nul ne peut douter de la mauvaise volonté de nos adversaires ; mays aussi vous faict on tort quand on doute de nostre courage. Par la grace de Dieu, nous sçavons que celuy qui perseverera sera sauvé (Mt 10,22 ; 24,13), et que l'on ne donnera la couronne qu'a celuy qui aura legitimement combattu (2 Tm 2,5), et que les momens de nos combatz et de nos tribulations operent le prix d'une gloire eternelle (2 Co 4,17).

Je vous supplie donq, mon Pere, de ne point attribuer ma perseverance a la desobeyssance, et de me regarder tous jours comme

Vostre filz le plus respectueux.

Revu sur un ancien Manuscrit de l'Année Sainte de la Visitation, conservé au Monastère d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XLVII

A MONSEIGNEUR CLAUDE DE GRANIER, ÉVÊQUE DE GENÈVE

Difficulté et lenteur des conversions.

[Thonon, vers le commencement d'avril 1595.]
Monseigneur,

Si vous desires de sçavoir, comme il est convenable que vous le sçachies, ce que nous avons faict et ce que nous faisons maintenant, vous le trouveres tout en la lecture des Epistres de saint Paul. Je suis indigne d'estre mis en comparayson avec luy, mais Nostre Seigneur sçait fort bien se servir de nostre infirmité pour sa gloire (2 Co 12,9). Nous marchons, mais a la façon d'un malade qui, apres avoir quitté le lict, se trouve avoir perdu l'usage de ses piedz et, dans son infirme santé, ne sçait s'il est plus sain que malade.

C'est la verité, Monseigneur, ceste province est toute paralytique, et devant qu'elle puisse marcher, je pourray bien penser au voyage de la vraye patrie. Une pieté semblable a la vostre me peut obtenir ce que je ne meriteray jamais. Je suis pecheur (Lc 5,8), et rien plus, indigne tout a faict des graces que Dieu espanche sur moy. Vous le sçaves plus que tous, Monseigneur, aussi bien que ceste verité, que toutes choses me rendent plus fort de jour en jour,

Vostre tres humble et tres obeissant filz et serviteur.
 
 






XLVIII

AU PÈRE ANTOINE POSSEVIN, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

(MINUTE)

Témoignages de reconnaissance et désir d'une prochaine entrevue. Etat des affaires religieuses en Chablais. - Nouvelles intimes.

Thonon, commencement d'avril 1595.
Monsieur mon Reverend Pere,

Je ne vous sçaurois dire, et ne sçay si vous sçauries croire, combien j'ay receu de consolations de vostre lettre, car il y a long tems que je desirois infiniment d'estre asseuré de vostre santé ; mays en avoir l'asseurance de vous mesme, et de si pres comme je l'ay eüe, je ne l'eusse pas osé si tost esperer. J'en loüe Dieu mille fois, et vous remercie tres humblement de la souvenance que vous daignés avoir de si peu de chose que je suys et du desir que vous aves de me voir, que je ne pense pas pouvoir estre plus grand que celuy que j'ay de jouir de vostre praesence, quoy qu'on die que l'amitié descend plus vistement qu'elle ne monte. Et si ce n'estoit que je suys icy engagé en un jeu ou qui la quitte la perd, je me serois desja rendu par devers vous ; ce que je me prometz de faire, Dieu aydant, plus tost que je ne vous puys promettre et non jamays si tost que je souhaitteroys. Si ne veux je pas m'en remettre du tout a ce tems la de vous dire de mes affaires spirituelz.

Monsieur le senateur Favre, mon frere, vous aura bien dict, a ce que je voys, comme je suys venu en ce païs, voyci desja le septiesme moys. Et toutefois, ayant presché en ceste ville ordinairement toutes les festes, et bien souvent encor parmi la semayne, je n'ay jamays esté oüy des huguenotz que de troys ou quatre qui sont venuz au sermon quatre ou cinq fois, sinon a cachetes, par les portes et fenestres, ou ilz viennent presque tousjours, et les principaux. Ce pendant je ne perds point d'occasion de les accoster ; mays une partie ne veulent pas entendre, l'autre partie s'excuse sur la fortune quilz courroyent quand la trefve romproit avec Geneve, silz avoyent faict tant soit peu semblant de prendre goust aux raysons catholiques ; qui les tient tellement en bride quilz fuyent tant quilz peuvent ma conversation. Neantmoins il y en a quelques uns qui sont desja du tout persuadés de la foy; mays il ni a point de moyen de les tirer a la confession d'icelle pendant l'incertitude de l'evenement de ceste trefve. C'est grand cas combien de pouvoir a la commodité de ceste vie sur les hommes. Et ne faut pas penser d'apporter aucun remede a cela, car de leur apporter en jeu l'enfer, la damnation, ilz se couvrent de la bonté de Dieu ; si on les presse, ilz vous quittent tout court. Et cest'occasion seule me prive pour quelques jours du bien que je recevray de vous ouyr, parce que Son Altesse ayant un gentilhomme en Suysse qui doit bien tost revenir, si par fortune il apportoyt point de bonnes nouvelles, je pourrois, me trouvant icy, fair'esclorre ceste foy secrette. Quand aux vilages il ni aura pas grand peyne.

J'en dis trop, a vous qui sçaves bien de quell'estouffe doit estre la resolution qui faict abandonner le soucy des biens de ce monde et de la famille. C'est tout ce qu'on peut faire que de faire garder aux Catholiques, naiz et nourrys, leur foy a ce pris la. Au reste, tous les benefices de ce pais sont es mains des seculiers, ou bien peu s'en faut ; on attendoit que leurs Altesses en fissent lascher quelques uns pour l'entretenement de quelques praedicateurs, mays nous en sommes encor la, sans autre ordre que celuy que le Gouverneur ya mis par provision.

Au reste, j'ay icy quelques parens et d'autres qui me portent respect pour certaynes raysons particulieres que je ne puys pas resigner a un autre ; et c'est ce qui me tient du tout engagé sur l'œuvre. Je m'y fascherois desja beaucoup, si ce n'estoit l'esperance que j'ay de mieux ; outre ce, que je sçay bien que le munier ne perd pas tems quand il martelle la meule. Aussy seroit il bien dommage qu'un autre employast icy sa peyne pour neant, qui pourroit faire plus de fruict ailleurs que moy, qui ne suys encor gueres bon pour praecher autre que les murailles, comme je fais en ceste ville.

Voyla ce que pour cest'heure je puys escrire, me reservant de vous dire le reste a bouche plus seurement et bien tost, Dieu aydant, quand vous me favoriseres de vos saints conseilz et instructions, qui ne seront jamays recueillys plus humblement et affectionnement que de moy. Je prie Nostre Seigneur quil vous conserve longuement pour son service, et demeure,

Monsieur mon Reverend Pere, Vostre tres humble filz et serviteur.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XLIX

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(en latin)
Eloge d'un ouvrage du P. Possevin. - Motifs qui retardent la conversion de Pierre Poncet. - Présents des PP. Possevin et Chérubin. - Encouragements reçus d'un ami au sujet de la mission.
Thonon, 11 avril 1595.
Au très illustre Sénateur Antoine Favre, son très doux Frère,

François de Sales présente ses salutations.

Dirai-je, mon Frère, avec quelle joie intime j'ai reçu avant-hier votre lettre et celle du très digne P. Antoine Possevin ? Si le seul souvenir de l'un de vous séparément suffit d'ordinaire pour délecter toute mon âme, qu'en a-t-il été, je vous le demande, non du souvenir seulement, mais de ce gage précieux de la bienveillance de l'un et de l'autre à mon égard ? Une lettre est déjà comme un portrait de celui qui écrit ; mais l'image de Possevin est si naturelle dans ce charmant ouvrage de la Poésie et de la Peinture que, pour se représenter et se peindre soi-même avec tant de grâce et d'exactitude, il n'a certainement pas emprunté les pensées d'autrui. Il ne m'est guère moins présent par cet écrit qu'il ne vous l'est en réalité. N'allez pas croire cependant que, pour l'avoir vu dans son livre, j'éprouve un désir moins vif de le voir en personne ; au contraire, l'appétit est aiguisé par un si agréable alléchement. Une seule chose m'est pénible dans cette jouissance, c'est qu'elle m'est offerte en un temps où je dois rester de pied ferme dans ce champ, au moins pour quelques jours.

En effet, voici enfin que commencent à jaunir quelques épis de cette grande moisson (Jn 4,35), et si, à cette époque malheureuse, je ne les recueillais à temps, il serait à craindre que les grains de la vraie foi ne fussent dispersés, surtout si le vent du nord venait à souffler plus fort en ces quartiers ; car tout mal vient du côté de l'aquilon, selon l'expression du Prophète (Jr 1,14). Au nombre des épis dont je parle, est Pierre Poncet , savant jurisconsulte et cœur droit. Malgré ses erreurs grossières sur presque tous les points de notre croyance, il avait depuis longtemps des idées justes sur la présence réelle du corps de Jésus-Christ dans l'Eucharistie ; ainsi ce fut chose aisée de le détacher de la secte de Calvin, laquelle se trompe et trompe les autres en ce qui concerne cet auguste Sacrement. Mais il fut plus difficile de le faire rentrer au bercail de l'Eglise. La crainte de la perte de ses biens, les reproches des amis, l'incertitude de la durée des trèves, tout se réunit pour entraver sa conversion. Si jamais on put appliquer ailleurs le conseil de saint Jérôme : " Foulez aux pieds votre père et courez vous réfugier sous l'étendard de la Croix, " c'est bien ici en particulier le cas de le faire. Mais le vieux proverbe est également vrai : "Le mal vient à cheval et s'en retourne à pied. " Je m'arrête donc ici à cause des tranchées de cet enfantement qui arrive au septième mois. Je m'échapperai bientôt, d'autant plus vite que jamais ma patience n'a été mise à plus cruelle épreuve que par cet ennuyeux retard. Le plaisir compensera la longueur de l'attente.

Cependant je ne veux pas vous laisser ignorer avec quelle unanimité de sentiments les PP. Possevin et Chérubin m'ont prévenu. Celui-ci m'a envoyé une image de la Vierge Mère adorant l'Enfant Jésus qui dort. Comme je n'ai ici presque aucun autre objet pour reposer ma vue, je me plais à prendre en main de temps en temps ce cher et pieux présent d'un très tendre ami. De Possevin j'ai reçu un livre magnifique, et, à peine l'ai-je ouvert, que j'y trouve la charmante berceuse de la Vierge Mère au Christ enfant, composée par Horace Torsellini . L'un m'a donc donné un portrait parlé, l'autre, un portrait véritable et naturel. L'un a charmé mes yeux, que fatigue la vue de nos temples déserts et ruinés, l'autre a récréé mes oreilles, continuellement étourdies par d'horribles blasphèmes. Ainsi, par leurs présents si pieux et si saints, tous les deux, remplis de bienveillance à mon égard, impriment plus profondément Jésus-Christ dans mon cœur. Pensez vous-même quelle conclusion je tirerai de ceci par rapport à vous qui êtes l'auteur de ces biens.

Le chevalier de Compois m'a apporté votre lettre et m'a exhorté à concevoir de meilleures espérances de nos affaires religieuses. Il se fonde sur je ne sais quelles prédictions, favorables assurément si elles sont vraies. Comme c'est un homme éminemment catholique et savoyard, il y croit lui-même très facilement et a fortement insisté auprès de moi afin que je croie aussi. Ce même chevalier se chargera de vous porter cette lettre et, si vous le voulez, de m'en rapporter une autre de vous. Le baron d'Hermance vous salue affectueusement.

Adieu, veillez, comme vous le faites, à ce que le P. Possevin ne diminue rien de sa bienveillance à mon endroit. Que le Christ vous soit propice !

Thonon, le 11 avril 1595.
Revu sur l'Autographe conservé à Enghien (Belgique), chez les RR. PP. Jésuites, maison Saint-Augustin.
 
 

L

AU MÊME

(MINUTB) (en latin)

L'avocat Poncet promet d'abjurer prochainement le protestantisme.

Thonon, vers le 15 avril 1595.
Comme le chevalier de Compois n'a pas envoyé son serviteur en ville au jour convenu, j'ai eu soin d'expédier tout récemment par une autre voie des lettres pour vous et pour le P. Possevin. Mais le chevalier lui-même se mettant en route maintenant, n'a pas voulu partir sans une lettre de moi, afin de n'être pas privé, à cause de son retard, d'une occasion de vous saluer. Et parce qu'il a, comme vous voyez, une stature et une voix de géant, je n'ai pas osé refuser tout à fait, moi petit homme sans défense, bien que, pris ainsi à l'improviste, je n'aie rien de nouveau à vous écrire, si ce n'est que Poncet, dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre, a maintenant promis de faire publiquement profession de la foi catholique d'ici à peu de temps. Cette promesse fut faite d'abord à Compois, qui la lui extorqua en premier lieu, puis à moi sur l'heure même. Vous verrez que notre chevalier, avec son langage militaire, ne se vante pas peu de m'avoir devancé dans la joie de cette conversion.

Au reste, il me serait difficile de dire si j'aime mieux voir le P. Possevin à Annecy ou à Chambéry, si vous n'êtes pas en l'un et l'autre endroit. Mais je dois prévenir les Annéciens du jour de son arrivée, afin que, si sa bienveillance pour moi le décide à venir, ils aillent l'attendre à mi-chemin et ne soient pas privés de la visite d'un tel homme..Vous salue…………………………………….

Revu sur l'Autographe conservé à Enghien (Belgique), chez les RR. Pl'. Jésuites, maison Saint-Augustin.
 
 
 
 

LI

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Arbitrage du Sénateur réclamé par le Chapitre de Genève et un ecclésiastique qui demande à en faire partie.

Annecy, [mai] 1595.
La négligence de ceux que j'avais chargés de vous remettre ma dernière lettre sera cause, mon Frère, que vous recevrez celle-ci en même temps. M. Portier, au nom de notre Chapitre, portera peut-être devant vous une affaire concernant un certain prêtre. Cet ecclésiastique veut être chanoine, mais nous nous y opposons ; car, en vertu de nos Constitutions, confirmées par un décret apostolique, nous devons exclure tout candidat qui ne serait pas noble dans les deux souches ou n'aurait pas le grade de docteur. Le Souverain Pontife seul peut nous délier de cette obligation de conscience; mais la Bulle par laquelle Sa Sainteté admet ce prêtre au canonicat, stipule expressément qu'il sera reçu docteur dans l'espace d'une année. Le candidat ne se trouve donc dans aucune des conditions voulues, et nous savons qu'ayant sollicité une dispense en Cour de Rome, il a subi un refus. Néanmoins il veut être chanoine et en porter le titre. Martin V menace d'excommunication les chanoines, et le Prévôt nommément, s'ils donnent leur consentement en telle occasion .

Le postulant a demandé enfin que vous soyez juge en cette discussion. Personne ne s'y est opposé. Ainsi donc la Bulle étant pour lui comme pour nous la base du jugement, qu'il la produise. C'est à vous de décider. Si la chose peut se faire en sûreté de conscience, je n'y mets pas d'obstacle, les autres non plus ; au contraire, nous désirons tous qu'il soit chanoine dans les meilleures conditions, car c'est un homme docte et pieux. Mais nous sommes dans l'odieux , eu égard au respect dû à nos Constitutions, et dans le dangereux si vous considérez le grand malheur d'une excommunication. En conséquence, nous ne voudrions pas voir la question tranchée par un autre que par vous, en qui nous honorons non seulement un très habile artisan, mais un très religieux confrère.

Voilà ce qui concerne le général. Pour moi, j'attends de vous des nouvelles de notre Possevin, car j'en ai eu du Chantre, notre frère , et de Girard par un certain chanoine de Bresse qui est auprès de nous. Adieu, Frère mille et mille fois très aimable; que le Christ vous soit propice.

Annecy, de la maison de notre Evêque, 1595.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy

LII

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Visite à Sales.- Remerciements pour l'envoi de la Centurie premiere de Sonnets.

Annecy, 16 mai 1595.
Je vais de nouveau m'absenter, mon Frère, mais pour revenir bientôt. Mon père m'appelle, et je n'ai pas voulu partir à votre insu, de peur que si Possevin venait, vous ne sussiez où je suis. Aussitôt averti par vous, j'accourrai.

Je passerai donc quelques jours chez nos parents de Sales. Je ne sais si je dois maintenant, ayant presque le pied à l'étrier, vous remercier de ces poésies sacrées que vous me dédiez si affectueusement ; certes, l'occasion est bonne, car la pénurie de temps m'autorise à faire plus courtement ce que je ne croirai pas avoir bien fait une seule fois, alors même que je le ferais toujours. Personne plus que moi n'a besoin d'être exhorté à la pénitence et à l'amour divin. Mais je vous dirai cela plus au long lorsque j'aurai considéré un peu plus attentivement l'ouvrage entier pendant ces quatre ou cinq jours. A peine ai-je pu jusqu'ici en savourer quelques pages, entraîné que j'étais, soit par les prédications, soit par d'autres affaires. Je m'acquittais de votre commission chez M. de Montrottier lorsqu'il reçut votre opuscule et votre lettre.

Vous aurez reçu maintenant enfin, je pense, ma précédente lettre ; plût à Dieu que j'eusse pu la remettre à notre ami Portier ! II m'aurait sans doute rapporté la réponse au sujet de nos affaires du Chablais. Fallait-il les poursuivre ou les abandonner ?

" Le froid luttait contre la chaleur. " (Ovide Met. 1,19)

Certainement, tôt ou tard, quelque changement aura lieu ; la chose n'a pas dépendu de moi.

Portez-vous bien, mon Frère, et que le Christ vous soit propice. Je salue avec effusion ma très illustre sœur et nos grands et petits artisans.

Annecy, au moment même de partir, le 16 mai, troisième jour de Pentecôte 1595.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Chaval, à Genève, église Notre-Dame.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

LIII

AU MÊME

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Emotion causée par le malheur d'un ami commun ; vif désir de défendre sa cause. - Eloge de l'ouvrage du Sénateur - Pénible situation du Saint en Chablais,

Annecy, fin mai 1595
Lorsque j'ai appris l'accident de notre Guichard j'ai été comme un homme frappé de la foudre, ma langue est restée sans paroles et mes yeux fixes , Aucune nouvelle triste ou joyeuse n'a jamais pu m'impressionner à l'égal de celle que vous me donnez d'un si grand ami. Je comprends donc à peine l'estime que vous faites de moi, lorsque vous voulez substituer mon zèle au vôtre en cette affaire, Mais serais-je le plus diligent des mortels, que je ne pourrais témoigner tout ce que je porte de respect et d'affection à ce très illustre Guichard. Et d'ailleurs, comment, je vous prie, suppléer à un zèle tel que le vôtre?

J'avais résolu cependant de tenter ce qu'un suprême effort de mes aptitudes et de mon dévouement pouvait tirer de moi. Jamais tâche plus haute ni plus délicate ne s'offrirait à mon activité; aucune occasion comparable ne pourrait faire, dirai-je plus heureusement ou plus malheureusement, d'un clerc que je suis un courtisan. Je sais, en effet, que le premier à qui il appartient de venir en aide à Guichard, c'est vous, et par ordre de nature, comme on dit, et par ordre d'ancienneté ; moi, je ne suis que le second; mais au point de vue de l'affection, que je ne sois, je vous prie, ni le premier ni le second, et que rien n'altère l'unité qui existe entre vous et moi. Je rends les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant qui n'a pas permis que notre amitié mesurât ses forces à des efforts suscités par le malheur d'un ami commun. C'est ainsi que le prêtre de cette ville qui m'apporta hier votre lettre, me tranquillisa l'esprit de votre part touchant cette affaire. Toutefois, je ne puis me calmer entièrement avant d'avoir compris d'une manière plus précise ce dont il s'agit.

Je ferai injure à ce très noble M. de Montrottier, qui vous est des plus attachés, si je ne vous dis combien il a dépensé d'énergie pour soutenir cette cause par son éloquence lorsqu'il ne pouvait le faire par l'action. Ou plutôt, si je ne me trompe, ce serait déjà une grande injure que de vouloir rendre la grâce, la douceur toute de miel de ce plaidoyer ; vous vous le représenterez mieux par la pensée que je ne pourrais vous le redire de mémoire.

Oui, comme vous l'écrivez d'ailleurs, mon Frère, il est vrai que j'ai répondu à votre précédente lettre sans entreprendre de louer ni de blâmer votre œuvre poétique , car je n'en avais pas encore examiné chaque partie isolément. Du reste, notre louange, la mienne surtout, si j'en mérite quelque peu, est malséante dans ma propre bouche. Pour le dire en un mot, j'aime la modestie. Mais quelle est l'opinion du public ? La voici : on admire le charme du style, la richesse et l'élévation des pensées; on semblait même dire que si vous ne m'eussiez appelé votre frère, l'obscurité de mon nom aurait rabaissé un ouvrage si excellent et fait de main de maître.

J'avouerai volontiers encore qu'autant la dédicace que vous m'en faites m'a merveilleusement charmé par sa grâce, autant elle laisse à désirer pour la franchise. Qui ne sait, en effet, que des écrits tels que les vôtres ne sortent pas de mon pauvre atelier et que de petits esprits ne peuvent traiter de si grands sujets ? Et en vérité, si j'ai énoncé le premier ou rappelé à votre mémoire quelques idées que sans doute vous connaissiez déjà, soit, attribuez-le moi ; mais ce ne sont là que des tables rases et brutes qui doivent disparaître sous une peinture si achevée. Vous, au contraire, vous nommez fond ce qui n'est que partie, et, pour que l'hyperbole amicale corresponde en tout point à votre affection, vous semblez affirmer que la façon même est de moi. Eh bien ! qu'on n'entende plus entre nous ces mots mien et vôtre, ou qu'ils ne se profèrent en toute vérité que lorsque vous voudrez me dire vôtre, ou vous dire mien.

Vous attendiez-vous, pour un si beau présent, à un si grave réquisitoire ? Mais c'est la vieille coutume des débiteurs insolvables de recourir à cette adresse ordinaire de la diversion. Pour moi, étant chez nos parents de Sales, au milieu des oiseaux qui chantent le printemps, j'ai admiré et admiré encore dans tous ses détails ce très suave poème, et il ne faut pas que vous ignoriez ceci : je ne crois pas qu'on ait jamais chanté plus belle ode que celle où, avec autant d'esprit que d'élégance, vous rappelez les larmes d'Alexandre le Grand, au point

" Qu'à tel récit nul ne retient ses pleurs. " (Aen. 2,6,8)

Je me dispose, mon Frère, à regagner Thonon. Vous êtes à peu près le seul qui m'approuviez, mais c'est assez, et voici ma résolution : dans quatre mois, c'est-à-dire mon année achevée, si chacun ne remplit pas fidèlement son devoir en cette affaire, je ne souffrirai plus qu'aucun autre que vous me retienne dans cette charge. Parlons plus ouvertement. On croit communément que nous travaillons dans cette province en dehors du prince; bon nombre même disent, non sans raison, contre sa volonté. Quand le moindre mot suffirait, son silence est en effet un grand argument. C'en est un aussi de voir des hommes au milieu des domaines de l'Eglise, sous un prince catholique, vivre d'une vie précaire et pour ainsi dire au jour le jour. Je ne voudrais cependant pas que vous en parlassiez à personne, car, vous le voyez, ces propos pourraient être mal interprétés.

Si vous apprenez quelque chose de Possevin, dites-le-moi. Portez-vous bien; aimez, comme vous le faites, votre très humble frère, et s'il vous plait, saluez en mon nom tous les nôtres, en particulier ma très illustre sœur qui ne m'est pas autrement…………………..

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Voiron.
 
 

LIV

AU BIENHEUREUX PIERRE CANISIUS DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

(en latin)
Vénération qu'inspire sa vertu. - Désir d'entrer en relations avec lui. Nouvelles de la mission; conversion de Pierre Poncet. - Question de controverse.
Thonon, 21 juillet 1595.
Tel est l'éclat de la vertu, vous le savez mieux que personne, très vénéré Père, qu'aucune distance ne peut l'empêcher d'être aperçue et, par sa lumière, d'illustrer ceux qui la possèdent et les rendre aimables à quiconque honore au moins le nom de la vertu. C'est pourquoi je ne pense pas avoir besoin d'excuse quand j'ose vous écrire, moi, homme de rien, inconnu et obscur ; car vous n'êtes pas également un homme inconnu et obscur, vous qui vous êtes signalé auprès de tous les fidèles du Christ par tant de choses (j'emploie le terme le plus modéré) si bien faites, dites et écrites pour le Christ. Il n'est pas étonnant que celui qui a écrit si souvent à tous les Chrétiens reçoive aussi des lettres de plusieurs, pour cela seul qu'ils sont Chrétiens.

Ayant donc su que je n'étais pas à une grande distance de vous, et que nous n'étions séparés, pour ainsi dire, que par le seul lac Léman, j'ai pensé ne point vous être désagréable et m'être extrêmement utile à moi-même, si, ne pouvant m'entretenir avec vous, je vous adressais par lettres, à l'occasion, des questions sur les matières théologiques et sur les difficultés qu'elles présentent, afin de recevoir aussi par lettres vos instructions. Il est écrit en effet : Interroge l'ancienne génération, recueille avec soin les souvenirs de nos Pères, et ils t'enseigneront ; ils te parleront et te feront entendre le langage de leur cœur.(Jb 8,8)

‡ Or, voici le neuvième mois que je suis au milieu des hérétiques, et si vaste que soit la moisson, je n'ai pu renfermer que huit épis dans le coffre du Seigneur ; encore est-ce un grand bienfait de Dieu en faveur d'un homme qui est moins un ouvrier qu'un avant-coureur d'ouvriers. Au nombre de ces convertis se trouve un certain Pierre Poncet, jurisconsulte très érudit et, pour ce qui concerne l'hérésie, beaucoup plus savant que le ministre calviniste du lieu. Voyant dans des entretiens familiers, que le témoignage de l'antiquité faisait impression sur lui, je lui prêtai votre Catéchisme qui contient les enseignements des Pères rapportés au long par Busée , Cette lecture le tira de l'erreur et le ramena dans la voie frayée qui conduit à l'Eglise. Enfin il s'est rendu, ce dont nous vous sommes l'un et l'autre très redevables.‡ (Voir la minute ci-après)

Comme dernièrement j'appliquais au libre arbitre de l'homme ce passage de la Genèse : Ton appétit sera sous ta puissance et tu le domineras, Poncet objecta, d'après Calvin, que les mots ejus et illius se rapportent à Abel, en sorte qu'on doit interpréter : tu domineras ton frère, et non le péché. Il en donnait cette raison, empruntée à Calvin, qu'en hébreu ces deux pronoms sont du masculin, tandis que le mot hébraïque qui désigne le péché est du féminin. Or, je ne pouvais suffisamment réfuter cette objection, même avec le secours des œuvres de Bellarmin ; les livres nécessaires pour cela me manquent ici, car il est arrivé que je n'en ai apporté avec moi qu'un petit nombre traitant des controverses de notre temps. Je m'adresse donc à vous, qui êtes un docteur très habile et très obligeant, et je vous demande, moi pauvre débutant sans aucune science ni expérience, l'interprétation de cette phrase hébraïque ; je l'attends de l'inclination que vous avez d'aider tout le monde.

Il me reste à souhaiter que notre bon et grand Dieu conserve longuement à la république chrétienne votre vénérable vieillesse exempte d'infirmités. Veuillez vous-même me tenir, comme l'a fait depuis longtemps Antoine Possevin, de votre Société, pour votre très humble et très dévoué serviteur et fils en Jésus-Christ.

Votre très humble serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prévôt de l'église cathédrale de Saint-Pierre de Genève.

Thonon, le 21 juillet 1595.
Au très vénéré et très Révérend Père en Jésus-Christ,

Le Père Pierre Canisius, très digne théologien de la Société de Jésus.

A Fribourg.

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 

MINUTE DE LA LETTRE PRÉCÉDENTE

(Partie comprise entre : ‡ et ‡ )

‡ Voici donc le neuvième mois que je suis au milieu de ces hérétiques de Thonon, par ordre du Révérendissime Evêque de Genève, pour examiner et examiner encore s'il y a quelque moyen de les convertir au Christ par prédications et conférences, puisque le sérénissime prince de Savoie ne veut point qu'on les ramène par la force au bercail de l'Eglise, à cause du traité conclu à cet effet entre lui et les Bernois. Dès que j'aurai trouvé ce moyen, Dieu enverra dans cette moisson grand nombre d'ouvriers capables (Mt 9, 38), ou de votre Société ou d'autres encore; mais ces négociations traînent en longueur depuis plusieurs jours, et, bien que la mission ait été commencée par l'ordre du prince, il ne s'en occupe plus, absorbé qu'il est par d'autres affaires. Au milieu des bruits de guerre qui courent, les habitants de ce pays craignent que, si les armes des Bernois et des Genevois se tournent de nouveau contre nous, il suffise pour être cruellement maltraité, je ne dis pas seulement d'être revenu à l'Eglise (ce que tous promettent hautement de ne jamais faire), mais même d'avoir écouté les théologiens catholiques.

Cela ne m'a point empêché de prêcher, aussi bien que me l'a permis mon incapacité, au moins deux fois chaque Dimanche, et publiquement dans l'église, afin d'ouvrir la voie à des hommes plus puissants que moi en œuvres et en paroles. Le peu de Catholiques qui restent ici sont les seuls que ces exhortations aient encouragés ; presque aucun hérétique n'y est encore venu, si ce n'est pour me voir, bien plutôt que pour m'entendre (car cette espèce de gens est portée à la curiosité). Néanmoins voici que, par la grâce de Dieu, plusieurs âmes, au nombre de huit, se sont soumises à Jésus_Christ. ‡

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 

LV

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI

ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(MINUTE) (en italien)

Violation des immunités ecclésiastiques ; le Saint sollicite l'intervention du Nonce auprès du duc de Savoie.



 
 
 
 
 
 

Chambéry, [fin juillet 1595.]
Illustrissime et Révérendissime Monseigneur,

Les officiers de l'illustrissime duc de Nemours et de Genevois (Cf note 63) commençaient à faire la recherche des délits d'usure commis par les ecclésiastiques dans le diocèse de Genève, et même de la contravention faite à un édit annuel de Son Altesse Sérénissime défendant la vente des blés et autres grains hors du marché. Ces officiers laïques croyaient pouvoir châtier indifféremment pour ces délits aussi bien les ecclésiastiques que les laïques, et cela en vertu d'un privilège spécial accordé par Sa Sainteté aux sérénissimes prédécesseurs de Son Altesse. Mgr l'Evêque de Genève, voyant que ce privilège serait contre l'un et l'autre droit et contre la liberté ecclésiastique, m'a envoyé ici à Chambéry auprès du souverain Sénat de Son Altesse afin que, si ce privilège existait, je pusse le voir, pour en avertir ensuite Votre Seigneurie. Or, le Sénat ne trouve aucun semblable privilège dans les archives ducales, et sachant que depuis peu en pareil cas Son Altesse avait interdit à ses ministres de porter la main sur l'Arche du Seigneur, et que même elle avait ordonné qu'on laissât cette affaire aux prélats, il a écrit encore sur ce sujet à Son Altesse pour connaître d'une manière générale sa volonté.

J'ai jugé à propos de donner promptement connaissance de cela à Votre Seigneurie 1llustrissime et Révérendissime afin qu'elle daigne prendre le fait en main auprès de Son Altesse, puisque vous êtes notre refuge et le protecteur de la liberté ecclésiastique. Il ne sera pas difficile à Son Altesse d'interdire de nouveau de tels actes à ses ministres et subordonnés, puisqu'une fois déjà elle les a défendus et qu'elle a toujours porté un grand respect à la sainte Eglise. Quant à l'illustrissime duc de Nemours, il n'y mettra aucun empêchement; au contraire, il nous aidera de toute manière, car il est fort timoré et doué d'une grande délicatesse de conscience ; il m'a même dit que si le privilège du Saint-Siège Apostolique ne se trouve pas très clair et très positif, il n'en veut point jouir ni s'en prévaloir.

Je présume que Mgr l'Evêque de Genève étant averti de ce que nous avons fait ici auprès du Sénat, écrira très amplement sur cela à Votre Seigneurie . Néanmoins je n'ai pas voulu laisser de vous en écrire, afin que Son Altesse ne donnât pas une réponse à son Sénat avant que Votre Seigneurie Illustrissime en fût informée. En implorant pour vous de Dieu notre Seigneur tout contentement, je baise humblement vos mains vénérées et je demeure,

De votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,

Le très dévoué et petit serviteur

FRANÇOIS DE SALES,

très indigne Prévôt de la cathédrale de Genève.
LVI

AU CHANOINE GALLOIS DE MONTHOUX

(INÉDITE)

Recommandation en faveur de l'abbé de Ronis.

Annecy, 31 juillet 1595.
Monsieur mon Cosin,

Je voudrois bien vous salluer avec autre occasion que cellecy, mays les occasions ne sont pas en nostre pouvoir; elles viennent, nous ne les allons pas querir.

Monsieur de Ronis m'est venu voir ce matin et m'a monstré une vostre lettre par laquelle il semble que vous aves desp1aysir de le voir poursuyvre le droict que son neveu a sur la cure d'Argonnay. Et par ce que d'un costé il desire infiniment ne faire chose qui vous despleut, et de l'autre il est obligé au proufit de son neveu, tant qu'il se peut maintenir avec rayson, il m'a prié d'employer mon credit vers vous affin qu'il vous p1ayse ne vous desp1aire point s'il met a effect le droit de son neveu, quil a desja acheminé si avant et avec tant de frais quil demeureroit en grosse perte sil1e quittoit ainsy tout court, sinon que sa partie voulut entendre a ce que Monseigneur le Reverendissime et monsieur d'Angevine en avoyent une fois ordonné a l'amiable. L'obligation que j'ay a monsieur de Ronis et a Monseigneur le Reverendissime, chez qui son neveu sert, m'a faict aysement vous prier, comme je fays, que si1 ny a point d'autre interest pour vous que pour l'affection que vous pourries avoir a celuy qui est leur competiteur, il vous playse leur permettre la poursuitte de leur praetention ; quilz vous rendront autant de service que l'autre.

Pour moy, je n'employe point autre merite vers vous pour estre continué en vostre bonne grace, que lhonneur que j'ay de ma nature d'estre a jamays,

Monsieur,

Vostre plus humble cosin et serviteur

FRANÇOIS DE SALES.

A Necy, le dernier julliet 95, ou je bayse bien humblement les mains de monsieur et madame de Monthou, mes cosin et cosine .

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le baron Ludovic de Viry, au château de Cohendier (Haute-Savoie).
 
 

LVII

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(MINUTE) (en latin)

Souffrances du saint Apôtre ; il désire s'adjoindre d'autres missionnaires. Remerciements pour un ouvrage de Sponde ; calomnies des hérétiques contre ce personnage et contre Pierre Poncet. - Sentiments de foi et de confiance.

Annecy, 2 août 1595.
Je n'ignore pas, mon très doux Frère, que le silence entre nous vous est aussi pénible qu'à moi ; aussi je ne viens nullement m'excuser. J'ai passé tout le mois soit en pèlerinages soit en courses indispensables, et si je me suis arrêté quelquefois, je n'ai trouvé personne qui se chargeât de vous porter ma lettre.

La moisson de Thonon est un fardeau qui dépasse mes forces, mais j'ai résolu de ne l'abandonner qu'avec votre agrément, par votre ordre. Cependant, je continue à préparer par toutes sortes d'expédients et d'industries de nouveaux ouvriers pour cette œuvre, et à leur chercher des moyens de subsistance. Je n'aperçois nul terme, nulle issue parmi ces ruses infinies de l'ennemi du genre humain. J'ai été tourmenté et je le suis encore, mon Frère, en voyant que parmi tant de catastrophes qui menacent nos têtes, il nous reste à peine un moment pour cultiver la dévotion dont nous aurions un si pressant besoin. II faut cependant, comptant sur la miséricorde de Notre-Seigneur, élever nos cœurs à de meilleures espérances. Lorsque vous entendrez parler de guerres et de séditions, n'en soyez point effrayés (Lc 21,9).

Je suis extrêmement réjoui du fidèle souvenir que me conserve notre Possevin (cf note 143). J'ai reçu en effet son petit présent, comme vous le dites, et le Sponde envoyé par notre Girard, double hommage dont je vous suis redevable, à vous qui avez fait valoir auprès de tous deux le respect que je leur ai voué. Quant au Sponde avec sa nouvelle préface, vous pourrez juger par un seul fait combien il est arrivé à propos. Les prédicants de Genève et du Chablais, ne sachant comment tondre un personnage si important, disaient qu'en punition du serment violé, cet homme, devenu fou furieux, était caché dans quelque coin de la France. Bien plus, les Genevois allaient répétant avec orgueil qu'un certain Démosthène de leur école avait réfuté les arguments de Sponde avec tant d'éloquence et des raisons si probantes que l'auteur avait d'abord renoncé à sa religion, puis, bientôt après, perdu la raison . Ce qui m'empêchait de m'en rapporter à leur témoignage, c'était d'une part leur supériorité dans l'art de mentir, et de l'autre, l'insigne impudence avec laquelle ces mêmes hommes affirmaient dernièrement que Poncet était affreusement tourmenté du démon, et que je passais les nuits à l'exorciser en secret pour chasser l'esprit immonde. Quand on calomnie si audacieusement ses proches voisins, que n'osera-t-on pas inventer contre un homme qui se trouve à une si grande distance ?

Je retourne demain à ma Sparte (si ce n'est pour l'embellir, plaise au Ciel que ce soit du moins pour la conserver à de meilleurs ouvriers), et je ferai en sorte qu'il ne soit plus question entre nous de ces silences d'un mois entier. Cependant, mon Frère, parmi ces désordres (dirai-je plutôt cette ruine de la patrie ?), alors que nos yeux ne rencontrent que des sujets de tristesse, fixons plus attentivement nos regards sur notre patrie céleste, et souvenons-nous toujours qu'Hélie le Thesbite n'est monté au ciel que dans un tourbillon. (4 R 2,11)

Portez-vous bien, mon Frère, et que le Christ vous protège et vous conserve !

Annecy, le 2 août 1595.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation
 
 
 
 
 
 

LVIII

AU MÊME

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Troubles qui règnent à Annecy.

Sales, commencement d'août 1595.
N'avais-je pas raison de vous dire, mon Frère, que je ferais en sorte désormais qu'il ne fût plus question de silence entre nous ? Comme au milieu de nos gens de Thonon, je puis à peine vous écrire une fois par mois, je vous écris maintenant de ma maison paternelle de Sales, par Coquin , avec d'autant plus de plaisir que je viens de recevoir des nouvelles un peu meilleures de nos affaires. On disait hier à Annecy que tout était à peu près sens dessus dessous , tellement le vulgaire a coutume d'exagérer extrêmement soit en bien soit en mal. On ne saurait croire combien de pensées inquiétantes agitaient mon âme attristée, relativement à vous et à tous les vôtres, qui deviez, des premiers, comme il arrive, être mis en péril. Je ne suis pas cependant privé de tout espoir ; aussi, en apprenant que la chose se passe plus facilement, je m'en félicite beaucoup pour vous et pour moi. Puisque notre siècle est si infortuné, on s'accoutume à tenir pour heureux tout ce qui n'est pas absolument malheureux.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le baron Ludovic de Viry, au château de Cohendier (Haute-Savoie).
 
 
 
 
 
 

LIX

AU MÊME

(MINUTE) (en latin)

Ebranlement qui se produit parmi les hérétiques ; ingénieuse tactique du Saint pour les provoquer à la discussion.

Thonon, 18 septembre 1595.
Voici enfin, mon Frère, qu'une porte plus large et plus belle s'ouvre à nous pour entrer dans cette moisson de Chrétiens, car il s'en fallut peu hier que M. d'Avully et les syndics de la ville, comme on les appelle, ne vinssent ouvertement à la prédication, parce qu'ils avaient ouï dire que je devais parler du très auguste Sacrement de l'autel. Ils avaient un si grand désir d'entendre de moi l'exposé de la croyance des Catholiques et leurs preuves touchant ce mystère, que n'ayant osé venir publiquement, crainte de paraître oublieux de la loi qu'ils se sont imposée, ils m'entendirent d'un certain endroit où ils ne pouvaient être vus, si toutefois la faiblesse de ma voix n'y a pas mis obstacle.

De mon côté, j'ai fait encore ceci dans cette chasse : j'ai promis qu'à la prédication suivante je mettrais, par les Ecritures, ce dogme en plus grande lumière que le plein midi, et que je l'appuierais d'arguments si puissants que nos adversaires, sans aucune exception, à moins qu'ils n'aient renoncé au bon sens et à la raison, reconnaitraient qu'ils sont aveuglés par les épaisses ténèbres dans lesquelles ils sont plongés. Ils savent bien que ces espèces de rodomontades les invitent à descendre dans l'arène, en sorte que s'ils ne venaient pas ils seraient tenus pour gens tout à fait pusillanimes, qui redouteraient de se mesurer avec la religion catholique, même quand elle est défendue par je ne sais quel homme de rien.

C'est une chose assurée: puisqu'ils consentent déjà à parlementer, bientôt, suivant le proverbe, ils en viendront à capituler. En effet, ainsi que nous l'a appris l'avocat du Crest , les Thononais ont résolu d'un commun accord de nous présenter par écrit leur confession de foi dans les points où elle diffère de la nôtre, afin que nous puissions les discuter en particulier ou dans des entretiens familiers ou par écrit. Quelques-uns voulaient charger le ministre de cette négociation, mais d'autres plus prudents furent d'avis contraire, craignant qu'il n'engageât la lutte avec nous et ne fût vaincu par les subtilités scholastiques, car il ne sait rien de la philosophie.

Assurément nous sommes en bonne voie puisqu'ils acceptent le combat par leur lieutenant, que nos si petites forces les effraient et qu'ils pensent à nous proposer des conditions. Pour nous, ayant grand courage par la grâce de Dieu, nous attendons avec empressement et avec joie cette lutte qui donne bon espoir.

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 

LX

AU MÊME

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Attente de quelques lettres attardées.- Allusion à la bénédiction apostolique envoyée à Henri IV. – Suite du travail des Controverses. - Accueil fait par les hérétiques à la Centurie premiere. - L'avocat de Prez adresse des vers à l'auteur.

Thonon, commencement d'octobre 1595.
Mon Frère, je n'ai reçu que votre dernière lettre du 2 octobre, et cela tout récemment. Quant à la première dont vous me parlez, et à celle du P. Possevin, qui avaient été confiées à notre Portier, je n'en ai pas entendu souffler le moindre mot jusqu'ici. Si vous pesez toutes choses, comme il convient, à la juste balance de l'estime et de l'affection que j'ai pour vous et pour notre Possevin, vous comprendrez combien je souffre maintenant dans la longue attente de lettres d'une telle importance.

Je suis très heureux de savoir que vous avez trouvé vos affaires en meilleur état que vous ne pensiez. Voilà bien en effet un des grands malheurs de notre temps : la crainte est plus nuisible que le mal lui- même à ceux qui, entre les honnêtes gens, ou pour employer l'expression du Texte sacré (Jr 5,21), les hommes de cœur, voient les choses de loin. Quant à ce que vous m'écrivez de notre baron , c'est une mauvaise nouvelle pour les méchants qui suivent une religion de fer ; et moi je souffre parce que 1'espérance différée afflige l'âme (Pr 13,12), j'apprends, il est vrai, que le très Saint-Père aurait tout dernièrement envoyé à Henri l'heureux message : " Salut et bénédiction apostolique au Roi de France ." S'il en est ainsi, que la paix règne par la force du Seigneur (Ps 121,7) ! J'augure que cette paix sera d'autant plus heureuse que je la vois être plus désagréable à tous les hérétiques de Genève.

Je presse maintenant davantage ces messieurs de Thonon, et les presserai encore beaucoup plus lorsque j'aurai conduit à terme, suivant ma capacité, le petit ouvrage que je méditais depuis longtemps (cf note 129), et que vous aurez approuvé mon entreprise. En effet, j'ai résolu ainsi à part moi de ne rien publier sans le soumettre à votre censure. Ces messieurs de Thonon possèdent vos premières méditations sur la Pénitence et l'Amour de Dieu (cf note 102).Tous admirent la beauté de l'œuvre. Seul, un pauvre ministre insensé ayant lu que vous nommez " heureuse la faute qui nous a valu un tel et si grand Rédempteur, " s'est écrié comme un homme tout à fait stupide et extravagant : " 0 blasphème ! ô athéisme ! ô Papisme ! " Mais avec toute la modération possible, j'ai, par un tiers, remis à la raison cet effronté, car lui-même n'a pas encore osé en venir aux mains avec moi.

Cependant l'avocat de Prez m'a envoyé quelques vers, à votre louange, dit-il. Son désir serait, si j'ai bien compris, que je vous les fisse parvenir pour vous féliciter non pas en son nom, mais au mien. Acceptez donc, s'il vous plaît, avec bienveillance cette poésie telle qu'elle est. Cet homme est enfoncé dans l'hérésie ; toutefois je lui ai témoigné beaucoup d'affection dans l'espoir de le ramener à de meilleurs sentiments, et parce qu'il y a en lui bien des germes de vertu. Si vous voulez me faire à part, lorsque vous m'écrirez, une aimable allusion à ses vers (dans le même style que lui), il me semble que vous ferez quelque chose digne de votre caractère. Je profiterai de cette occasion, comme je l'ai déjà fait plus d'une fois à son égard, pour lui prêcher la parole de Dieu. Je voudrais en effet, s'il était possible, le retirer de cette obstination d'esprit. Mais parce qu'il sent sa conscience ébranlée par les arguments des Catholiques, il fuit le Christ Notre-Seigneur qui le poursuit (Pr 28,1).

Portez-vous bien.

Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de canonisation.
 
 

LXI

AU MEME

(INÉDITE) (en latin)

Prochain envoi d'une partie de son introduction au Code Fabrien. Question de droit.

Thonon, 14 octobre 1595.
A Antoine Favre, très illustre Sénateur, François de Sales présente ses salutations.

J'ai enfin reçu votre trop courte lettre avec le livre et la lettre de notre Possevin. Ma réponse ne sera pas beaucoup plus longue, parce que je dois composer mes sermons de demain , et le temps presse. Je désirerais vous tenir ainsi au courant de ce que je fais à chaque heure, à chaque instant.

Je vous enverrai le plus tôt possible un chapitre de mes Commentaires contre les hérétiques , dans lequel je m'efforcerai de montrer que, loin d'être les vrais réformateurs de l'Eglise, ils font revivre les anciennes hérésies. Et afin que, même ici, rien ne se fasse sans vous, je vous demande, très doux Frère, de donner son vrai sens à cette règle : " La preuve incombe à celui qui affirme et non à celui qui nie. " Veuillez ajouter les preuves a priori et a posteriori, et cela en français. J'ai en effet, dans mes Commentaires, un chapitre où, d'après cette règle, je voudrais forcer les hérétiques à produire leurs preuves, bien que leur théologie soit plus négative qu'affirmative . Mettez, s'il vous plaît, tous vos soins à le bien établir, afin que désormais les ministres me redoutent d'autant plus qu'ils verront plus clairement que je combats sous votre égide.

Portez-vous bien, très doux Frère, aimez-moi comme vous le faites, et surtout que le Christ vous protège et vous conserve, vous et toute votre très noble famille.

Thonon, le 14 octobre 1595.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 

LXII

AU PÈRE ANTOINE POSSEVIN, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

(INÉDITE)

Nécessité pour le Saint d'obtenir la permission de lire les livres hérétiques. - Remarques sur les Institutions de Calvin et sur un ouvrage de Théodore de Bèze. - Témoignages de respectueuse confiance.

Thonon, 14 octobre 1595.
Monsieur mon Reverend Pere,

Je receu seulement avanthier vostre lettre et le livre. Je prie Dieu qu'il vous rende la peyne et le soin que vous prenes pour son honneur, et vous remercie tres humblement de l'affection qu'il vous plaict prendre a ce dont je vous avois prié.

Pour vray, mon Pere, si mon insuffisance n'est point l'occasion que Sa Sainteté me refuse ces graces, il n'y a point faute [ de] tres urgente necessité. Je n'ose reprendre Calvin ni Beze en façon que ce soit, la ou ilz sont imposteurs et blasphemateurs, que chacun ne veuille sçavoir ou ce que je dis se trouve; dequoy j'ay desja receu deux affrontz que je n'eusse pas eu si ne me fusse pas fié aux citations des livres qui m'ont faict faute. Et quoy que toutes ces gens ne disent ni escrivent rien de nouveau, si escrivent ilz en nouvelle façon qui requiert quelque prœlusion. En fin, en ce balliage chacun manie les Institutions ; je suis es lieux ou chacun sçait ses Institutions par cœur. Au reste, vostre livre me fera un tres grand office, quoy que j'eusse desja vostre Musaeum et alia opera de statu hujus sœculi. Quant a Beze, j'ay sceu despuis,. que tant s'en faut qu'il escrive pour appoincter de religion, que son livre monstre le differend estre inappoinctable et rejette l'opinion d'un autre de mesme forme qui vouloit mesler les tenebres avec la lumiere ; mays comme je n'en sçavois rien que par ouy dire, aussy j'avois esté trompé de l'autre costé pour trois relaps, gens de simple condition et de peu d'importance.

Je ne pense pas que Sa Sainteté refuse. Si mon esperance reussit, je ne doute point que Sa Sainteté mesme ne reçoive grand contentement de ceste besoigne. Mays il seroit requis pour la gloire de Dieu et le salut des ames que, selon la malice du tems et la distance des lieux, Sa Sainteté nous ouvrist par deça un peu liberalement la main de sa clemence in fora conscientiœ.

Je parle a vous comme a celuy duquel j'attens toute correction, laquelle je subiray tous jours sans replique. Si est il, a mon advis, necessaire que les necessités particulieres [soient] sceües, et revelees par ceux qui les voyent. Je vous entretiens comme celuy que je sçay se trouver en des grandes occasions d'y prester ayde et avoir sur tout en zele le salut des ames. Ce pendant je ne lairray pas de solliciter vers Monseigneur de Geneve affin qu'il procure vers Monseigneur le Prince, de son costé, a ce qu'il soit prouveu a ces pauvres ames tant desolees et affiigees, avec toute la charité qu'il sera possible.

Excuses moy, Monsieur mon Reverend Pere, si j'use tant librement avec vous. Je ne laisse pas d'estre tres humble en l'affection que j'ay de vivre et mourir

Vostre serviteur et filz en Nostre Seigneur,

FRANÇOIS DE SALES.

De Thonon, le 14 octobre 1595.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 

LXIII

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL 1er

Exposé des mesures à prendre pour assurer la conversion du Chablais. Heureuse influence de M. d'Avully.

Thonon, 29 décembre 1595.
Monseigneur, Puysqu'il plaict a Vostr'Altesse de sçavoir les moyens que je pense estre plus pregnans pour faire sortir en effect le. saint desir qu'ell'a de voir ces peuples de Chablaix reünis a l'Eglise Catholique, comme j'ay appris de monsieur d'Avully auquel il vous a pleu d'en escrire, je diray purement et fidellement ce que j'en crois.

Il est du tout necessaire qu'il y aye un revenu certain et infallible pour l'entretenement de quelque bon nombre de prœdicateurs qui soyent debrigués de tout autre soucy que de porter la sainte parole au peuple. A faute dequoy voyci la second'annëe qui se passe des qu'on a commencé de precher icy a Thonon, sans jamais interrompre, avec fort peu de fruict, tant par ce que les habitans n'ont voulu croire qu'on prechast par commandement de Vostr'Altesse, ne nous voyans entretenir que du jour a la journee, qu'aussy par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni dequoy les nourrir, puysque les frais mesmes qui s'y sont faitz jusqu'a present ne sont encor payés. Et a cecy pourroyent suffire les pensions qu'on employoit avant la guerre a l'entretenement de passé vingt ministres huguenotz qui prechoyent en ces balliages, sil playsoit a Vostr'Altesse de commander qu'avec une prompt'execution elles y fussent appliquëes.

Encores seroit il necessaire de faire redresser les eglises et y establir revenu convenable pour les curés qui en auront la charge, ne pouvans les precheurs s'attacher a aucun lieu particulier, mays devans estre libres pour aller par tous ces balliages comme la necessité portera. Et sur tout il est besoin au plus tost de dresser et parer les eglises de ceste ville de Thonon et de la parroisse des Alinges, et y loger des curés pour l'administration des Sacremens, veu qu'en l'un et en l'autre lieu il y a ja bon nombre de Catholiques et plusieurs autres bien disposés qui, faute de commodités spirituelles, se vont perdans; outre ce, que cela servira beaucoup pour apprivoiser le peuple a l'exercice de la religion Catholique, principalement sil y a moyen de faire les offices honnorablement, comm'avec orgues et semblables solemnités, au moins en ceste ville qui est le rapport de tout le duché.

Mays l'on prechera pour neant si les habitans fuyent la prédication et conversation des pasteurs, comm'ilz ont faict cy devant en ceste ville. Playse donques a Vostr'Altesse fair'escrire une lettre aux scindiques de ceste ville, et commander a l'un des messieurs les Senateurs de Savoye de venir icy convoquer genera1ement les bourgeois, et en p1eyn'assemb1ëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr'Altesse a prester l'oreille, entendre, sonder et considerer de pres les raysons que les precheurs leur proposent pour l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz furent arrachés sans rayson, par la pure force des Bernois ; et ce, en termes qui ressentent la charité et l'authorité d'un tres bon prince, comm'est Vostr'Altesse, vers un peuple desvoyé. Ce leur sera, Monseigneur, une douce violence qui les contraindra, ce me semble, de subir le joug de vostre saint zele, et fera une grand' ouverture en leur obstination. Et s'il p1aict a Vostr'Altesse y employer monsieur le senateur Favre, je tiens que son affection et sa suffisance y seroit extremement sortable.

Monsieur d'Avully aussy, avec son exemple et la sollicitation familiere quil pourra faire vers les particuliers, aydera beaucoup a l'œuvre ; ce que je crois quil fera volontiers selon la bonne volonté et disposition quil a, en laquelle mesme je l'ay tous-jours veu des le commencement que je vins icy.

Apres cela, dresser une compaignie de gens d'armes ou cavallerie pour engager la jeunesse, suyvant l'advis de feu monsieur le baron d'Hermance, pourveu qu'elle fut dressëe religieusement, avec quelques institutions chrestiennes, ne seroit pas un moyen inutile d'attirer les courages a la religion ; ny aussy, en cas d'obstination, de priver a forme des edictz de tous offices de justice et charges publiques les persistans en l'erreur. En fin, qui adjousteroit a tout cecy un college de Jesuites en ceste ville, feroit ressentir de ce bien tout le voysinage, qui, quand a la religion, est presque tout morfondu.

Reste, Monseigneur, que je remercie Dieu qui vous presente de si signalëes occasions, et allum'en vous de si sains desirs de luy faire le service pour lequel il vous a faict naistre prince et maistre des peuples. Il y a de la despence en ceste poursuite, mais c'est aussy le supreme grade de l'aumosne chrestienne que de procurer le salut des ames. Le glorieux saint Maurice, auquel Vostr'Altesse porte tant d'honneur, sera nostr'advocat en ceste cause pour impetrer de son Maistre toute benediction a Vostr'Altesse, qui est l'instrument principal et universel de l'establissement de la foy catholique en ces contrëes, lesquelles il arrousa de son sang et de ses sueurs pour la confession de la mesme foy. Ainsy prie je sa divine Majesté pour la prosperité de Vostre Altesse, comme je dois, puysque je suis né et mourray,

Monseigneur, de Vostr'Altesse,

Tres humble et tres obeissant sujet et serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

indigne Praevost de l'Eglise de Geneve .

De Thonon, le 29 decembre 1595 .
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.
 
 
 
 
 
 

MINUTE DE LA LETTRE PRÉCÉDENTE

Monseigneur, Puysque il plaict a V. A. de sçavoir quelz moyens je cuyderoys estre plus preignans pour la reduction de ces peuples a la foy catholique, comme j'ay appris de monsieur d'Avully auquel il vous a pleu d'en escrire, je produyray purement et fidellement ce qu'il m'en semble.

Voicy la second'annëe que, par vostre bon playsir et le. commandement de Monseigneur le Rme. Evesque de Geneve, quelques vertueux personnages et moy avons preché icy a Thonon et es Alinges. Il est du tout necessaire quil y ait un revenu certain et infallible pour l'entretenement de quelque bon nombre de predicateurs, puysque pour croire il faut ouïr et l'on ne peut ouyr sans precheur (Rm 10,14), et que ceux qui viendront icy pour precher doivent estre debrigués de tout autre soucy que de porter la parole de Dieu. A faute dequoy voicy la second'annëe que l'on preche icy a Thonon sans beaucoup de fruict, tant par ce que les habitans ne peuvent croire que ce soit par l'aveu ou bon playsir de V. A., ne nous voyans entretenir que du jour a la journee, que par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste sainte besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni moyen de les y nourrir, mesme que la despence qui s'y est faite jusqu'a present n'a encor esté payëe. A quoy pourroyent suffire les pensions qu'on employoit avant ces guerres a l'entretenement de vingt et tant de ministres huguenotz qui prechoyent en ce duché, sil playsoit a V. A. de commander qu'avec une prompt'execution elles y fussent appliquëes.

Encores seroit il necessaire de faire redresser quelques eglises en quelques lieux qui seroyent jugés plus a propos, avec les autelz bien proprement parés, pour apprivoyser les habitantz a l'exercice de la religion catholique; et en ces lieux la establir revenu competent pour les curés qui en auront charge, ne pouvans les precheurs demeurer fermes en aucun lieu, mays devans discourir de costé et d'autre pour l'instruction de tout le duché, et mesme des deux autres balliages, s'il yeschoit. Mays sur tout il faudroit qu'au plus tost on dressat l'autel et fit on parer l'eglise en ceste ville et de la parroisse des Alinges, et qu'on y logeat des prestres pour y administrer les Sacremens, y ayant en l'un et en l'autre lieu bon nombre de Catholiques, et plusieurs autres prestz a se convertir quand ilz verront bon ordre en cest affaire, qui, faute de ce secours, se perdent bien souvent. Et puys, de main en main, a mesure qu'on jugera convenable, faudra ainsy par toutes les parroisses remettre sus l'exercice de la foy catholique et y colloquer des pasteurs.

Et par ce que l'on precheroit pour neant, sur tout en ceste ville, si les habitans fuyoyent les precheurs et la predication, comm'ilz ont faict cy devant, et ne veulent prester l'oreille a l'instruction ni conferer avec ceux qui viendront, je crois, Monseigneur, que sil plaict a V. A. fair'escrire une lettre au cors de ceste ville, et commander encores a l'un de messieurs les Senateurs de Savoye de venir icy faire assembler le conseil general des bourgeois de ceste ville, et en pleyne assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr'Altesse a prester l'oreille, ouyr, sonder et considerer de pres les raysons et predications de l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz ont estés arrachés par les Bernoys sans aucune rayson, et ce en termes qui ressentent et la charité et l'authorité d'un tres bon prince, vrayement catholique comm'est V. A., vers un peuple desvoyé, ce leur sera une douce violence qui les contraindra de subir librement le saint joug de vostre zele. Ceste bonté et authorité fera, ce me semble, une bien grande ouverture a leur obstination, et mettra les voysins en admiration de la suavité de vostre domination. Et pour ceste negociation je tiens la devotion et la suffisance de monsieur le senateur Favre pour extremement sortable.

Monsieur d'Avully aussy, avec son exemple et la sollicitation familiere quil pourra faire vers les particuliers, aydera beaucoup a l'œuvre, ce que je crois quil fera volontiers, selon la bonne volonté et disposition quil a, en laquelle mesme je l'ay tousjours veu des le commencement que je vins icy.

Mays qui adjousteroit a tout cecy un college de Jesuites en ceste ville, feroit ressentir de ce grand bien tout le voysinage, qui, quand a la religion, est quasi tout morfondu.

Reste, Monseigneur, que je remercie de tout mon cœur nostre Sauveur qui vous presente de si grandes occasions, et donne de si ardantz desirs de luy faire le service pour lequel il vous a faict naistre prince et maistre des peuples. Il va de la despence en ceste poursuite, mays c'est le supreme grade de l'ausmone chrestienne que de procurer le salut des ames. Le glorieux Martir saint Maurice, auquel vous portes tant d'honneur, demandera vangeance a son Maistre contre ceux, quelz quilz soyent, qui empecheront et retarderont l'establissement de la foy catholique en ces contrëes, lesquelles il a arrousëes de ses sueurs et de son sang pour le tesmoignage de ceste mesme foy. Au contraire, il attirera par ses prieres la benediction du Pere celeste a quicomque l'advancera, et particulierement sur Vostre Altesse qui en est la cause principale et universelle, pour la prosperité de laquelle je prie ordinairement Dieu, comme je dois, puys que j'ay ce bien d'estre né et nourry, ainsy que je vivray et mourray, sil plaict a sa divine bonté,

Monseigneur, Vostre tres humble et tres obeissant serviteur

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 

ANNEE 1596
 
 

LXIV

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(INÉDITE) (en latin)

Rencontre avec Martinengo. - Visite du Saint à sa famille et au baron de Chevron. - Bienveillance que manifestent à son égard le duc de Savoie et le Nonce apostolique. - Désir de recevoir le douzième Livre des Conjectures.- Encouragement à dédier à l'Evêque la Centurie seconde de Sonnets.

Annecy, 6 février 1596.
Je l'avoue sans peine, très aimable Frère, vous avez sujet de vous plaindre de moi, car vous n'avez pas encore, cette année, reçu de ma part la moindre lettre. Et moi aussi j'aurais raison de me plaindre de cette année dont le début m'a mis et remis en tourment par toutes sortes de courses, au point de ne pas me laisser, pour ainsi dire, deux jours de tranquillité de suite. On espérait que Martinengo viendrait au fort Sainte-Catherine. Sur les instances de nos amis, je fus obligé de me rendre, partie de jour et partie de nuit, au lieu et au jour convenus pour y traiter certaines affaires concernant le clergé . Au matin, comme nous longions les remparts de Genève, j'appris que vous en étiez parti à l'aube de ce même jour . J'en ai ressenti un regret d'autant plus vif que moindre était l'espace qui nous séparait, et pour atteindre celui qui semblait, ainsi qu'il arrive souvent, courir devant moi, j'ai voyagé une bonne partie de la nuit, mais en vain. Comme pour attiser, si toutefois la chose eût été possible, le désir dont je brûlais de jouir de votre présence, vous sembliez imiter l'industrie de celle " qui s'enfuyait vers les saules, tout en cherchant auparavant à se faire voir. " (Virg Eclog 3,65)

Quant à moi, ne voulant pas m'enfoncer dans un buisson d'épines sans rose (car ce n'était pas la malheureuse cité qui m'attirait pour se faire admirer, c'était la présence de cet homme qui seul a pour moi plus d'attraits que la foule), et afin de compenser en quelque sorte la perte que j'avais faite de vos embrassements, j'allai chez nos parents à Sales. Bientôt après je me rendis chez notre baron de Chevron, qui me fit un accueil bienveillant au dessus de toute expression, et me retint plusieurs jours. pour règlement d'affaires avec quelques-uns de ses frères et autres parents. Ainsi je n'ai reçu qu'hier votre très suave lettre du 26 janvier. Toutefois Locatel, que je considère presque comme un second frère, m'avait beaucoup parlé de vous. Je l'ai vu lire et relire attentivement cette lettre où il était question de moi, et grâce à elle, vous auriez semblé partager notre causerie, si, en nous entretenant de vous, nous n'eussions dit des choses que votre modestie n'eût pas souffert être dites en votre présence.

Mais aujourd'hui aucune modestie ne pourra me contenir plus longtemps. Il faut que je me fâche un peu contre vous. Comment ? Je vous ai entendu dire si souvent et sérieusement que votre ardent désir était que votre nom fût écarté le plus possible de la bouche et de l'oreille des princes, et voici que je vous vois dans la plus grande joie parce que vous avez appris que notre prince manifestait parfois dans ses paroles de magnifiques sentiments à mon égard ! Et moi au contraire, mon Frère, je considère aussi bien que vous, comme le plus heureux le parti choisi par notre Genand , dont vous me dites plus loin envier le bonheur, ou plutôt essayer de ne pas l'envier. Si notre nacelle occupe un rang inférieur, que du moins elle soit en sécurité dans le port, de peur que si elle voulait livrer sa voile au vent, elle ne s'exposât à une grande tempête et ne fût couverte par les flots. (Jonas 1,4 ; Mt 8,24 ; Mc 4,37).

Pour la question des prieurés, je suis le premier persuadé qu'elle ne me concerne aucunement , Une chose pourtant m'intéresse : je ne voudrais pas que Chavent, le secrétaire du prince , me crût ingrat. Récemment, dans une lettre très élégante et très aimable, il m'a écrit les jugements avantageux que portaient sur moi le prince et le Nonce apostolique, et exposé amplement son inclination personnelle pour moi, qui lui suis d'ailleurs inconnu. Je dois le remercier par une lettre, et, afin de lui être plus agréable, si vous le trouvez bon, vous le ferez aussi en mon nom, après avoir retenu pour vous-même une part de mes remerciements.

Vous m'avez dédié, dites-vous, le douzième livre des Conjectures. Je désire le voir avec autant d'ardeur que d'autres aiment à voir les enfants légitimes de leurs amis. C'est le livre douzième, nombre parfait qui prouvera qu'entre nous existe la somme parfaite de toute amitié. Rien ne saurait me donner plus de gloire. Quant au poème sur les mystères de l'Eucharistie , je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez le dédier à l'Evêque. Cette œuvre est, en effet, plus élevée et plus profonde que la première; d'ailleurs, c'est dans l'ordre de ne pas toujours descendre des plus hauts degrés aux plus bas, mais de monter parfois des degrés inférieurs aux degrés supérieurs.

Je n'ai pas apporté avec moi le chapitre sur l'accord discordant des hérétiques entre eux. C'est la faute d'un serviteur qui l'a oublié, quoique je lui eusse donné la liste de ce que je voulais emporter ; mais je prendrai mes mesures pour que votre attente ne soit pas trop longue. Je retourne en effet à l'œuvre de Thonon et, avant toute autre chose, je vous expédierai cette pièce. Il est bon toutefois que vous seul sachiez que j'en suis l'auteur.

Je reçois de cette noble et bonne veuve de Planaz une lettre par laquelle elle réclame très respectueusement au seigneur de Chissé l'argent qu'elle a prêté. Adieu donc, et veuillez m'excuser, car je vous écris sans loisir. Mille saluts à tous les nôtres.

Annecy, le 6 février 1596.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 

LXV

A MONSIEUR CHAVENT
 
 

(MINUTE INÉDITE)

Témoignages de reconnaissance et d'affection.-Eloignement du Saint pour les dignités; ecclésiastiques.

Annecy, vers le 8 février 1596 .
Monsieur, Mon insuffisance ne me despleut onques tant qu'elle fit quand je vis avanthier la lettre que vous aves daigné m'escrire; car j'eus tant d'honte de me voir si peu de chose au pris de l'opinion que Son Altesse, de sa bonté, en a conceu et qu'avec son authorité il m'a faict valoir vers Monseigneur le Nonce, que l'honneur lequel j'en reçois ne m'en peut pas relever.

J'ay receu la faveur avec laquelle vous m'offres vostre amitié avec d'autant plus d'humilité que j'en ay moins de merite, avec ceste seule apprehension, que peut estre la connoissance du sujet pourroit cy apres apporter du changement a ceste vostre volonté ; si ce n'est que vous y regardies l'affection que j'ay de me rendre capable de vous faire humble service, puisque vous me verries aussi bien assorti de ce costé la que vous pourries jamais voir homme. Mais quant a la coadjutorie, toutes raysons et ma propre experience me defend de la desirer ; et le devoir, l'honneur et le zele que j'ay a Monseigneur le Reverendissime Evesque m'empechera tous jours de penser a l'evesché pendant que Dieu le me prestera pour Prelat, et mon incapacité, quand Dieu m'en aurait privé.

Je supplie sa divine Majesté pour vostre santé, et vous, de me faire cest honneur de vous asseurer que je vivray tousjours,

Monsieur, Vostre tres humble et affectionné frere et serviteur.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 
 

LXVI

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI

ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(MINUTE) (en italien)

Joie qu'éprouvent les Savoisiens de la nomination du Nonce. - Récit de l'apostasie du Chablais et des tentatives faites pour la conversion de cette province. - Mesures à prendre pour en assurer le succès.

Thonon, 19 février 1596.

 

Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

Nous devons tous, tant que nous sommes de Savoisiens, et moi particulièrement, louer Dieu et nous réjouir de l'heureux choix que Sa Sainteté fit de Votre Seigneurie pour l'accréditer en qualité de Nonce apostolique auprès de Son Altesse Sérénissime ; car ces pauvres églises de Savoie si affligées ne pouvaient désirer un protecteur, un médecin plus zélé, plus prudent et plus compatissant. Que les autres disent ce que bon leur semble ; quant à moi je dis que pour remédier aux maux et aux afflictions de ces églises savoisiennes, il fallait un guide, un médecin qui fût non seulement capable et très prudent, mais encore zélé et compatissant.

Loué soit le Dieu béni qui nous a donné Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime laquelle, dans la lettre qu'elle m'adressa il y a longtemps et que j'ai reçue depuis peu, montra quel est son zèle pour secourir cette province désolée en m'écrivant, et traitant si cordialement avec moi qui, mettant à part ma qualité de prédicateur, suis une personne privée et peu digne de considération. C'est pourquoi je regrette infiniment de ne posséder aucune des autres conditions qui justifieraient l'opinion avantageuse que vous avez conçue de moi, si ce n'est un ardent désir de servir la sainte Eglise et d'obéir avec une grande promptitude aux commandements de mes supérieurs, surtout à ceux de Votre Seigneurie. Afin de commencer à exécuter les ordres qui me sont intimés par sa lettre, je la renseignerai fidèlement, et aussi souvent que faire se pourra, sur tout ce que je jugerai digne d'être porté à sa connaissance et à celle de Sa Sainteté pour le bien spirituel de la Savoie. Mais, pour le moment, il suffira que je lui rende compte de l'œuvre à laquelle il plut à Monseigneur le Révérendissime Evêque de Genève me destiner, il y a un an et demi.

Une partie de ce diocèse de Genève fut envahie par les Bernois, il y a soixante ans, et demeura hérétique ; mais, ces années passées, ce pays, par la force des armes, rentra sous la domination de Son Altesse et fut réuni à son antique patrimoine. Bon nombre des habitants, plus touchés du fracas des arquebuses que des prédications qui leur étaient faites par ordre de Monseigneur l'Evêque, revinrent à la foi et rentrèrent dans le sein de notre mère la sainte Eglise ; mais ensuite ces contrées ayant été infestées par les incursions des Genevois et des Français, le peuple retomba dans son bourbier. Son Altesse Sérénissime d'un côté, et Monseigneur notre Révérendissime Evêque de l'autre, voulant remédier à ce mal, je vins ici par ordre de mondit Révérendissime Evêque, non comme médecin capable de guérir tant d'infirmités, mais plutôt comme explorateur et comme fourrier, afin d'examiner les moyens à prendre pour pourvoir le pays de remèdes et de médecins. Cependant, inspiré par l'occasion et invité par le petit nombre de Catholiques qui se trouvaient là, je commençai à faire plusieurs prédications, non sans quelque espérance de leur voir produire d'heureux fruits ; dès lors, soit par moi-même le plus souvent, soit par d'autres prêtres, en partie chanoines et en partie curés de ce diocèse, l'exercice de la prédication s'est continué sans interruption tous les jours de fête, si ce n'est deux fois que nous avons été contraints de l'omettre. Bien que la crainte des hérétiques nos voisins ait grandement nui au succès de cette entreprise, on obtient néanmoins toujours quelques fruits par la conversion de plusieurs personnes, parmi lesquelles il s'en trouve deux des plus versées dans l'hérésie.

Nous sommes maintenant, grâce à cette nouvelle d'une prochaine paix , à la veille de récolter ce que nous avons semé jusqu'ici. Pour que le saint désir de Son Altesse Sérénissime s'effectue, plusieurs mesures sont à prendre, selon les articles que je lui en envoyai, il y a longtemps, dans lesquels je lui indiquai ce que j'estimais nécessaire. Il faudrait avoir des moyens et des revenus assurés pour nombre de prédicateurs qui pussent répandre la sainte parole dans les diverses parties de cette province hérétique. Il faudrait d'autres revenus destinés aux prêtres qui doivent demeurer dans les paroisses converties pour y administrer les Sacrements ; car les prédicateurs ne peuvent se fixer dans un lieu particulier, mais doivent être libres pour se rendre là où les besoins des populations les réclameront. Mais surtout en cette ville de Thonon, qui est le rendez-vous de toute la province, on doit très promptement ériger l'autel, restaurer l'église et se procurer des ornements et des revenus pour y faire l'office convenablement, avec accompagnement d'orgue et choses semblables. Et en outre, il devrait être pourvu dans le même temps aux besoins de quatre ou cinq paroisses qui ont demandé des prêtres pour les desservir. Ce serait un grand secours pour nous si Son Altesse commandait au gouverneur de la province de favoriser les convertis, d'inviter les obstinés, et de les priver [en cas de refus] de toute charge et de tout honneur public, et surtout s'il ordonnait à l'un des membres du souverain Sénat de Savoie de venir ici à Thonon exhorter les habitants.

Le plus important consiste à prendre les moyens pour avoir les revenus nécessaires ; car bien qu'il y ait en ce pays bon nombre de bénéfices, ils sont détenus par diverses personnes, et surtout par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare . Mais le service de Dieu, de la très sainte Eglise et de Son Altesse Sérénissime exige que premièrement on rétablisse notre sainte religion, toute autre considération étant laissée de côt酅………………………………..

A mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Monsieur l'Archevêque de Bari,

Nonce apostolique auprès de Son Altesse Sérénissime.

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 

LXVII

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL Ier

Nécessité de rendre une des églises de Thonon au culte catholique. Ebranlement général parmi les hérétiques du Chablais.

Thonon, 19 mars 1596.
Monseigneur, La disposition en laquelle je vois maintenant ce peuple de Chablaix est telle que si, en execution de la sainte intention de Vostr'Altesse, on dressoit prontement l'eglise a Thonon et quelques autres lieux, je ne doute point d'asseurer Vostr'Altesse qu'elle verroit dans peu de moys le general de tout ce pais reduict, puysqu'en la ville plusieurs sont si bien disposés et les autres, tant esbranlés en leur conscience, que si on leur presente l'occasion ilz prendront infalliblement le port que Vostr'Altesse leur desire. Et quand au reste du pais, ilz sont venus pieça de dix ou douze parroisses prier qu'on leur donnast l'exercice de la foy catholique. Si que le tems est venu de voir Dieu loüé et le zele de Vostr'Altesse en effect, de laquelle j'attens l'ordre et provision necessaire ; et la supplie tres humblement croire, quoy que peut estr'on luy die le contraire, que je ne luy escris qu'avec la realité et conscience en laquelle il faut servir son sauverain Prince et Dieu mesme.

Je prie sa divine Majesté qu'ell'accroisse tousjours ses benedictions en Vostr'Altesse, de laquelle j'ay cest honneur d'estre,

Monseigneur,

Tres humble et tres obeissant serviteur et sujet,

FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prœvost de St Pierre de Geneve.

De Thonon, 19 mars 1596.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

LXVIII

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI,

NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(en italien)

Instances pour obtenir l'intervention du Nonce auprès du duc de Savoie. Opposition à redouter de la part des Chevaliers de Saint-Lazare. - On découvre en Chablais quantité de personnes possédées du démon.

Thonon, 19 mars 1596.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, L'espérance en laquelle je me trouve maintenant de moissonner bon nombre d'âmes dans cette province du Chablais, si l'on donne des ordres conformes au zèle de Son Altesse Sérénissime, me fait prier en toute humilité Votre Seigneurie de daigner intercéder, afin que non seulement ce bien s'effectue, mais encore que ce soit avec cette promptitude si agréable au Seigneur. Dans cette ville de Thonon, rendez-vous de toute la province, beaucoup sont bien disposés, et presque tous les autres, si ébranlés dans leur conscience que s'ils voyaient l'exercice de la religion catholique rétabli, ils se rendraient facilement et en peu de jours. Quant aux lieux circonvoisins, les principaux de dix ou douze paroisses sont déjà venus demander l'exercice du culte catholique, si bien que différer en semblable affaire me paraît grand dommage.

En outre, Son Altesse est fort affectionnée à cette entreprise ; reste à l'exécuter diligemment. Il pourra se faire qu'on en soit empêché par les Chevaliers de Saint-Lazare qui détiennent les revenus ecclésiastiques de ce pays, revenus nécessaires pour la réparation des églises et pour l'entretien des curés et des prédicateurs. Mais Son Altesse se souviendra que la religion catholique est le fondement de tous les Ordres religieux, et que jamais les intérêts du prince ne seront aussi bien servis par aucune autre croix que par celle que nous tâchons de graver dans les cœurs de ses sujets. De plus, la divine Majesté montre qu'elle réclame maintenant ce service, en permettant qu'il y ait parmi ces gens tant de possédés et que chaque jour on en découvre davantage. Ils ne peuvent trouver remède et soulagement que dans le signe de la Croix, l'eau bénite, les cierges bénits, les Agnus Dei et semblables pratiques sacrées que jusqu'ici ils avaient en si grande horreur. Je crois voir en cela une douce invitation de la souveraine Providence pour engager ce peuple à rentrer dans le giron de la sainte Eglise, et pour déterminer ceux qui en ont le pouvoir à leur procurer les secours nécessaires. Je prie donc Votre Paternité Illustrissime de vouloir bien nous obtenir promptement un ordre de la part de Leurs Altesses.

Et moi, persévérant dans la soumission que je dois à Votre Seigneurie, je ne manquerai pas de lui donner avis dans la suite de certaines choses importantes pour le bien spirituel de ce diocèse et des autres de la Savoie.

En attendant, je prierai le Dieu éternel de vous conserver pour l'avantage de l'Eglise, et baisant respectueusement vos mains sacrées et paternelles, je demeurerai,

De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,

Le perpétuel et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prévôt de Saint-Pierre de Genève.

A Thonon, le 19 mars 1596.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.

LXVII bis (lettre MMXI du volume XXI reclassée) (1)

A UN COUSIN (2)

(INÉDITE)

François de Sales se rappelle au souvenir de son cousin sans se reconnaître d'autre titre à ce bonheur que son affection.

Thonon, 19 mars 1596.
Monsieur,

Je ne vivrois pas a mon gré par deça si je ne vis par dela en vostre souvenance. Si aurois je occasion de craindre que n'y languissies, si vous n'avies infiniment plus de courtoisie que je n'ay de merite. Au moins ay je asses de discretion pour me contenter si vous vous en souvenes par fois, a tems perdu. Et, a parler realement, encores aves vous quelque devoir de priser l'affection que j'ay, aussy grande que la valeur des plus grans, de meriter d'estre ce que ne pouvant meriter je ne laisse pas,

Monsieur,

Vostre tres humble cousin et serviteur,

FRANÇOIS DE SALES, prestre.

Le 19 mars 96.
Revu sur une ancienne copie qui se conservait à Belley, chez les RR. PP. Maristes.

(1) Lettre découverte tardivement et reclassée à la date voulue

(2) Ce cousin serait-il Louis de Sales, le compagnon d'apostolat du saint Missionnaire ? (L2, note 14). A cette date, il pouvait être momentanément à Annecy, ou encore auprès de sa famille, au château de Brens.
 
 




LXIX

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Ardent désir de voir le duc de Savoie effectuer un voyage projeté en Chablais. Envoi d'une lettre pour le P. Chérubin.



 
 
 
 
 
 
 
 

Thonon, 16 avril 1596.

 

Combien il est vrai que l'espérance différée afflige l'âme ! (Pr 13,12). Je le savais très certainement par les Livres Saints ; mais aujourd'hui, en punition de mes péchés, j'en fais personnellement une dure expérience. Ce demain, ce sempiternel demain auquel est toujours remise l'arrivée du prince me cause depuis longtemps une vive douleur ; car ce retard renvoie aussi au lendemain ce qui devrait être fait aujourd'hui : l'achèvement de nos affaires religieuses.

" Dis-moi donc, Posthumus, quand viendra ce demain? " (Martial.Epigr.5,58).

Quand arrivera-t-il, Frère très aimable ? J'ai eu, c'est tout naturel, un immense désir de vous voir et de m'excuser de vive voix de mon retard à écrire, car je ne puis en aucune façon satisfaire par lettres mon affection pour vous. Je n'avais d'ailleurs ni loisir ni courrier, et, je l'avouerai naïvement, pas même de courage, étant pour ainsi dire préoccupé à chaque instant de mon départ, tant nous croyons ce que nous souhaitons.

Mais voici que le loisir m'est rendu, que le courrier va partir, qu'en même temps mon espérance de voyage s'évanouit, et je vous envoie cette brève expression de ma pensée. Si le prince vient, j'accours aussitôt vers vous ; si, ce qu'à Dieu ne plaise, il ne vient pas, je ne manquerai pas de me détourner de mon chemin, s'il m'est possible, pour me rendre auprès de vous. Puisque je ne puis savoir par lettres quels sont ses sentiments, j'ai résolu de lui en extorquer l'aveu au nom du Seigneur. Cet état de choses ne peut se prolonger sans un grave dommage. Selon vos désirs, j'écris au R. P. Chérubin au sujet de cette démonomanie . La chose est digne de mémoire. Lisez attentivement la lettre, s'il vous plaît, avant de chercher l'occasion de la faire parvenir.

Cependant, Frère très aimable, aimez-moi beaucoup, comme vous le faites, et portez-vous bien, ainsi que toute votre très noble famille, que je désire en excellente santé. Que le Christ vous soit propice!

Thonon, troisième jour des fêtes de la Résurrection du Sauveur, 1596.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 

LXX

A M0NSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI,

NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

Séjour à Annecy, à l'occasion du synode.- Remerciements pour trois lettres reçues du Nonce.- Conversions qui s'opèrent en Chablais. - Nécessité d'y envoyer un nombre suffisant de prédicateurs, et de nommer aux cures des prêtres dignes de les occuper.

Annecy, 6 mai 1596.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

M'étant rendu ici auprès de Monseigneur notre Révérendissime Evêque pour le synode et pour d'autres affaires, j'ai reçu trois des lettres qu'il plut à Votre Seigneurie lllustrissime m'écrire : deux du 8 avril, traitant du même sujet, et une autre du 3. Je vous en remercie avec toute humilité, comme du souvenir que vous avez eu de moi en la nécessité dans laquelle je me trouve d'obtenir la licence de lire les livres défendus. J'attends encore cette permission aussi bien que la dispense pour le mariage contracté entre parents. Je ne puis néanmoins indiquer à Votre Seigneurie Illustrissime, ainsi qu'elle me l'a ordonné, les noms, prénoms, patrie et diocèse des intéressés, faute d'avoir reçu la réponse de leur curé qui demeure assez loin.

Quant aux fruits de salut qui se produisent et se multiplient de plus en plus dans le Chablais, je ne puis vous donner des renseignements détaillés, ni vous envoyer la liste des convertis, car je l'ai laissée à Thonon. J'espère vous annoncer bientôt des nouvelles qui seront pour Votre Seigneurie Illustrissime le sujet d'une joie parfaite, si on nous procure le moyen d'envoyer un nombre convenable de prédicateurs en cette province. Nous attendons ce résultat de la venue de Son Altesse et de la conclusion de cette bénite paix.

Et pour ce qui est des bénéfices, je ne crois pas expédient de les rendre à ceux qui précédemment en avaient été pourvus, même par Sa Sainteté, à moins qu'ils ne mettent à leur place d'autres prêtres capables. Encore qu'ils fussent aptes au ministère des âmes dans les lieux où tout est en paix, beaucoup d'entre eux toutefois ne sauraient s'en acquitter convenablement où l'on doit lutter et combattre. Il importe infiniment de prendre des mesures éclatantes et absolues, cette province de Chablais étant environnée d'un si grand nombre d'hérétiques.

Ce serait hors de propos de vous communiquer les renseignements promis, jusqu'à ce que la paix soit rendue à ce pays désolé. Je le ferai alors avec le plus grand soin, avec tout le dévouement que je dois au service de la sainte Eglise, et peut-être pourrai-je les porter moi-même à Votre Seigneurie Illustrissime.

Je prie sans cesse le Seigneur notre Dieu de vous combler de toute sorte de contentement, demeurant,

De Votre Paternité Illustrissime et Révérendissime,

Le perpétuel et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prévôt de la cathédrale de Genève.

Annecy, le 6 mai 1596.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 
 

LXXI

A MONSIEUR D'AVULLY

Envoi d'un commentaire de saint Jérôme. - Joie d'apprendre la conversion de Mme de Rovorée.- Attente de l'arrivée du duc à Thonon.

Sales, 10 mai 1596,
Monsieur, Je vous envoye le commentaire de saint Hierosme (In Eccles 9) tout au long, duquel ont estés tirees les paroles qui vous faysoyent difficulté . Il est clair et net, plein de doctrine catholique, puysque la parole de l'Apostre (Ga 6,8) demeure : Quœ seminaverit homo, hœc et metet. Et le secours que les ames qui sont en Purgatoire reçoyvent, n'est autre qu'une recompense de la communion de l'Eglise en laquelle les personnes chrestiennes meurent, communion par laquelle elles ont merité d'estr'aydëes par nos prieres. Et c'est la ou se rapporte la premiere partie du commentaire, quand il dict : " Mortui vero nihil valent adjicere; " c'est a dire, ilz ne peuvent plus acquerir de merites ni de justice, mais ilz peuvent bien percevoir le fruict de celle quilz ont eu en ce monde, et en vertu de la communion des Saintz, en laquelle ilz sont decedés, peuvent estr'aydés par les prieres, ausmones et satisfactions. Le dernier sens quil apporte du chien mort et lion vivant (Eccles 9,4) est mistique ou allegorique ; mays vous considereres mieux que moy tout cecy.

J'ay eu ceste bonne nouvelle que madame de Ravoyrëe et sa :fille de chambre avoyent abjuré l'heresie. Je ne sçai si elles auront este instruittes a plein fons, et partant je vous supplie, ou par lettre ou autrement, les consoler. Que si l'occasion se prœsentoit, je voudrois bien sçavoir s'il leur sera point demeuré de scrupule, car il est mal aysé a personnes qui ne sçavent pas poiser la fermeté de la vraye Eglise de demordre ainsi tout a coup. Or, Monsieur, c'est chose vostre, que je ne vous dois pas recommander si je ne vous estois tant serviteur que je suis.

Je languis en ceste si longu' attente de Son Altesse, laquelle ne venant pas ceste prochaine semayne, comme on prœtend, je retourneray a Thonon pour l'attendre. Ce pendant j'y envoye mon cosin . Monseigneur le Nonce m'escrit que Son Altesse est tres bien resolue pour le revenu des benefices et affectionnëe a ceste besoigne.

Je prie Dieu nostre Createur quil nous face vivr'et mourir pour son service, et vous supplie croire que je suys,

Monsieur, Vostre humble serviteur, FRANCOIS DE SALES.

A Sales, le 10 may 96, ou je bayse les mains de madame vostre compaigne et de toute vostre honorable brigade.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 





LXXII

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI,

NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(MINUTE INÉDITE) (en italien)

Calomnies répandues à la cour de Savoie contre M. d'Avully et l'Apôtre du Chablais. - Abandon dans lequel on laisse ce dernier. - Désir de faire un voyage à Turin.

Thonon, septembre 1596.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Je reçus hier, par M. d'Avully, la lettre que Votre Seigneurie Illustrissime eut la bonté de m'écrire le 27 août, et j'éprouvai une entière et parfaite allégresse du contentement que vous donna la conversion de ce chevalier. j'espérais qu'il aurait rendu compte au Sérénissime Prince du peu qu'il nous a été possible de faire jusqu'ici dans ce pays, et de ce qui est nécessaire pour voir en peu de mois cette bénite œuvre achevée et affermie. Mais, d'après ce qu'il m'a dit, on l'a prévenu qu'il ne manquait pas de gens à cette cour pour calomnier sa conversion à la sainte Eglise, et mon intention dans ce peu de fatigues que j'ai soutenues. Il se persuada pour cette raison qu'il n'aurait pas été cru facilement; aussi laissa-t-il d'en parler davantage. C'est ce qui me fait toujours plus désirer d'aller moi-même à Turin afin d'obtenir une déclaration du bon plaisir de Son Altesse sur cette affaire si importante .

Que si, comme il convient, on donne promptement des ordres, je reviendrai sûr et certain de voir bientôt mûrir une heureuse moisson de plusieurs milliers d'âmes ; si au contraire on ne les donne pas, je demanderai votre bénédiction et la permission d'abandonner cette entreprise à d'autres plus capables que moi. J'ai le cœur brisé de me voir hors d'état de satisfaire des paroisses entières qui désirent être rassasiées de la sainte doctrine catholique, faute d'avoir les moyens de leur envoyer à cet effet un nombre suffisant de prédicateurs et de pasteurs. Je ne puis plus rester seul ici pour devenir la fable de nos ennemis, qui, voyant qu'on ne donne plus aucun ordre, méprisent mon ministère, dont cependant je dois être jaloux de toute manière. Quant aux calomniateurs, j'espère qu'à la fin on connaîtra, et Dieu le sait, combien en ceci je suis libre de toute ambition, et que, par ces quelques travaux, je ne cherche pas à être bien vu de mes supérieurs, sinon autant qu'il le faut pour remplir cette mission et d'autres semblables. Contre toutes ces langues je trouve une protection suffisante dans la bonté de Votre Seigneurie ; du reste, les calomniateurs ne lanceront jamais les eaux de leurs détractions avec tant de profusion qu'elles puissent éteindre le zèle dont brûle le cœur de leurs Altesses Sérénissimes.

J'écrivis dernièrement à Votre Seigneurie au sujet de la conversion de M. d'Avully, et je vous en rendrai un compte plus particulier encore ; car vraiment ce n'est pas seulement à lui et à moi, mais c'est au général de la mission, que ces médisants portent un grand préjudice. Ils sont en cela favorables aux hérétiques, qui calomnient toutes les conversions opérées de notre temps afin d'empêcher l'effet que produit ordinairement l'exemple des plus notables sur les consciences du peuple. Mais pour ceci et beaucoup d'autres choses qui regardent le service de Dieu et de la sainte Eglise, j'espère que bientôt Votre Seigneurie me donnera audience selon cette bienveillance avec laquelle elle daigne m'inviter en son palais, afin que je puisse m'honorer non seulement d'être, comme je le suis, votre très humble et tout dévoué, mais encore votre serviteur familier. En cette qualité je baise humblement vos mains vénérées et reste,

De Votre Seigneurie Illustrissime, Le très obéissant et très indigne serviteur,

FRANÇOIS DE SALES, Prévôt.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Rennes.
 
 
 
 
 
 
 

LXXIII

AU MÊME

(en italien)

Instances pour obtenir le rétablissement du culte catholique dans quelques paroisses du Chablais.

Sales, 14 novembre 1596.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

Ce délai apporté à la conclusion de la paix me fait grandement redouter que Son Altesse Sérénissime ne diffère de venir au secours de ces populations du Chablais. Ne sachant de quel côté me tourner, je supplie humblement, pour l'amour de Dieu, Votre Seigneurie de ne pas permettre que l'Avent s'achève sans que je voie Notre-Seigneur rentrer en ces contrées. Veuillez donc nous obtenir qu'on commence l'exercice du culte catholique au moins dans trois ou quatre localités, si à cause du froid on ne peut faire davantage.

C'est beaucoup de commencer : si le Christ vient à nous comme petit enfant en ces fêtes de Noël, il grandira ensuite peu à peu jusqu'à la parfaite plénitude de la maturité. ( Ep 4,13) Et en cela, il n'y a de toute façon aucun péril à courir, si ce n'est celui d'abandonner l'entreprise et de fuir de Bethléem, au cas où ces négociations de paix aboutiraient à une guerre ; ce qui traverserait [les intérêts de la religion] non seulement en Chablais, mais dans plusieurs autres lieux de ce diocèse. Qui sait si Dieu ne veut pas que la paix spirituelle soit la préparation et le fondement de la temporelle ?

Je suis sur le point de me rendre à Thonon, bien que je sois certain d'être la fable de nos ennemis jusqu'à ce que nous arrive l'ordre de Son Altesse. Je l'attends toujours avec joie et assurance, me souvenant du zèle très ardent que Votre Seigneurie déploie dans cette poursuite; je crois donc superflu de la lui recommander encore. Je dirai seulement que l'espérance différée afflige incroyablement mon âme ( Pr 13,12) et celles de beaucoup de bons Catholiques, surtout des nouveaux convertis ; peut-être même sera-t-elle la cause de la désolation éternelle d'un grand nombre d'autres.

Je termine en priant le Seigneur de nous conserver Votre Seigneurie Illustrissime, de laquelle je suis pour jamais

Le très humble et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

Prévôt de Genève.

De Sales, ma maison paternelle, le I4 novembre 1596.

 

Revu sur une copie authentique conservée à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 
 
 

LXXIV

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(MINUTE) (en latin)

Désir de lui voir accepter la charge de Président du Conseil de Genevois. - Délais apportés aux affaires du Chablais. - Projet d'un pèlerinage au tombeau de saint Claude.

Annecy, 23 ou 24 novembre 1596 .
Vous serez étonné, mon Frère, et avec raison, que j'aie pu passer huit jours à Annecy sans vous donner de mes lettres ; mais ce n'a pas été sans vous donner de mes pensées, car vous êtes perpétuellement présent à mon esprit. Les affaires m'assiégeaient de toutes parts, à tel point que, je vous le dis en parfaite sincérité, je ne me suis pas appartenu un seul instant à Annecy. Maintenant toutefois j'obtiens au moment du départ ce que je n'ai pu me procurer en le différant: le loisir de vous écrire un mot n'importe comment.

Vous occupez la première place dans l'estime de notre duc de Genevois, et il ne porte personne aussi haut que vous dans ses louanges. Si vous permettez que l'on vous considère comme Président (c'est ainsi que je parle à la façon des hommes de cour), nous aurons un Président non seulement très désiré ici, mais tel qu'il nous le faut dans les circonstances où nous nous trouvons. Je ne puis vous en dire davantage par le moyen de l'encre et du papier.(2 Jn 12 ; 3 Jn 13).

J'ai vu notre frère avec une très grande satisfaction : on ne saurait trouver quelqu'un de plus aimable, de plus simple, de plus gracieux. Cependant c'est à peine si je puis dire l'avoir vu, car notre rencontre eut lieu en plein crépuscule, de telle sorte que nous nous sommes entendus plutôt que nous ne nous sommes vus, bien que nous ayons passé deux heures ensemble.

De notre affaire de Thonon, que vous dirai-je, mon Frère ? M. de Jacob nous a fait les plus belles promesses. Nous saisissons toutes les occasions d'intéresser le prince à notre cause, soit par l'entremise du Nonce apostolique, soit par celle des Jésuites et des Capucins. Je commençais à espérer un succès favorable, mais j'entends je ne sais quelles annonces de guerre qui ébranlent mes espérances. Dieu très bon et très grand disposera de tout dans sa miséricorde.

Je vous écrirai après le pèlerinage que je me propose de faire aux reliques de saint Claude. Je partirai, s'il plaît à Dieu, après le sermon que je dois prêcher Dimanche à Thonon.

Adieu, mon très doux Frère, aimez-moi toujours comme vous le faites ; c'est la seule consolation que j'aie en ces temps malheureux.

Annecy.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 

LXXV

A UN COUSIN

(INÉDITE)

Témoignages d'affection. - Annecy est menacé de la peste. Message pour le P. de Lorini.

Coursinge, 25 novembre 1596.
Monsieur mon Cosin, Je vous escris avec cest'asseurance que le peu de loysir et de commodité que j'ay ne vous empechera pas de croire a bon escient que vous n'aves point de parent qui soit plus vostre affectionné que je suis.

Madame vostre mere, ma cosine, se porte tres bien, Dieu mercy. A Necy il y a eu quelque soupçon de contagion, mays ce ne sera rien, Dieu aydant. Je ne sçay si le R. P. Jan de Lorini se resouviendra point de moy; a toutes fortunes je vous prie le saluer de ma part.

J'ay voulu vous saluer par ce mot de mauvays ancre et de mauvays papier, mais avec autant de bonne affection que peut et doit un qui desire de vous estre irrevocablement,

Monsieur mon Cosin,

Vostre tres humble et affectionné serviteur et cosin, FRANÇOIS DE SALES,

Praevost de St Pierre de Geneve.

A Coursinge, le jour sainte Catherine 1596, ou je salue tres affectionnement messieurs nos cosins.

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.
 
 
 
 
 

LXXVI

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(INÉDITE)

Recommandation en favenr de M. de Coursinge.

Fin novembre 1596.
Monsieur mon Frere, L'obligation que j'ay d'affectionner le service de monsieur de Coursinge faict que sçachant qu'il .alloit au Senat pour un sien affaire d'importance, je vous supplie que son droict vous soit en recommandation. Et bien que la singuliere recommandation en laquelle vous aves la justice soit un'inseparable proprieté de vostre vie et.qui vous rend digne de recommandation immortelle, si est ce que pour rendre l'amitié de laquelle vous m'honnores et l'honneur que je vous porte plus recommandable, j'ay deu, ce me semble, vous faire, et vous prie de recevoir, ceste humble recommandation qui part de celuy qui ne pense en rien estre recommandable qu'en l'honneur qu'il a d'estre advoüé de vous, Monsieur mon Frere, Vostre tres humble et tres affectionné

frere et serviteur.

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

LXXII

MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(en italien)

Réclamations au sujet d'un legs fait à trois églises de Savoie.

Thonon, 29 novembre 1596.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

La bonté de Votre Seigneurie Illustrissime m'encourage toujours plus à me prévaloir de ses faveurs. Un gentilhomme savoisien, nommé M. de Vignod , habitant à Rome, légua, il y a longtemps, quatre cents écus à deux églises de ce diocèse, et deux cents à une autre de Tarentaise. Or, il existe à Rome, à ce que l'on dit, un décret d'après lequel les legs pour œuvres pies qui ne sont pas acquittés dans le cours de l'année, doivent être appliqués à la fabrique de [Saint-Pierre de] Rome. Les administrateurs de cette fabrique, voyant que ces legs n'ont pas été payés au temps marqué, prétendent les retenir. Je supplie donc très humblement Votre Seigneurie de vouloir bien écrire à qui de droit, afin que ces si pauvres petites églises de notre pays ne soient pas privées du secours qui peut leur revenir de ces legs. Il faut faire à ce sujet les considérations suivantes : l'une, que les curés de ces églises n'ont eu que depuis peu de temps connaissance de ces legs et qu'ils connaissaient moins encore le décret romain ; c'est donc de leur part une ignorance invincible. L'autre, que si les susdits curés ont été dans une ignorance crasse, ce n'est pas aux paroisses ni aux églises à en subir le dommage et la peine. En outre, cet héritage est contesté, le procès n'est pas terminé . L'on doit aussi avoir égard à la calamité qui a jusqu'ici fermé les passages d'Italie ; ces curés de campagne n'étaient pas obligés à des démarches pour obtenir des passeports de Son Altesse, car ainsi ces legs auraient été consumés en dépenses qu'ils ne sont pas en mesure de faire.

Pressé par ces raisons et par la compassion que m'inspire la pauvreté de ces églises, j'ose adresser en leur nom cette supplique à Votre Seigneurie. Je ne laisserai pas de la prier en toute humilité de poursuivre, avec son zèle accoutumé, les instances auprès du duc pour la restauration spirituelle de cette province du Chablais. Si Son Altesse veut en chose aucune témoigner de la piété héréditaire dans sa Maison, elle peut et doit le faire en cette occasion, avec la promptitude et la diligence si agréables à Dieu.

Je n'ai pas encore été à Annecy à cause des soupçons de peste, bien qu'en ce moment il n'y ait aucun cas de cette maladie . Je me dispose à faire l'information secrète que vous m'avez confiée , et, aussitôt terminée, je vous l'enverrai. En attendant, je prie le Dieu éternel de bénir tant de travaux que Votre Seigneurie Illustrissime entreprend pour notre bien et pour celui de la sainte Eglise, et, baisant très humblement vos mains vénérées, je demeurerai à jamais,

De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,

Le très dévoué et très humble serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

Prévôt de Genève.

De Thonon en Chablais, le 29 novembre 1596.

 
 
 

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 
 
 

LXXVIII

AU SÉNATEUR ANTOINE FAVRE

(MINUTE INÉDITE) (en latin)

Espoir de solenniser à Thonon les fêtes de Noël. - Recommandation en faveur des nouveaux convertis de la paroisse de Mésinge.

Thonon, vers le 7 décembre 1596 .

 

Comme je le souhaitais ardemment, très aimable Frère, j'ai reçu avant-hier votre lettre attestant votre bonne santé. Elle m'a fait d'autant plus de plaisir qu'elle me permet de conjecturer votre arrivée auprès de nous ; car, ainsi qu'il advient ordinairement dans les grands désirs, le moindre indice de leur réalisation produit une espérance qui tient de la certitude. Si donc ce que nous attendons s'effectue par la grâce de Dieu : qu'en ces lieux, durant les jours consacrés aux fêtes de sa Nativité, le Christ, redevenant pour ainsi dire petit enfant, naisse enfin de nouveau parmi ce peu de fidèles qu'il a ici, je vous préviendrai très certainement de tout, puis je vous appellerai pour être témoin oculaire. Dans le cas où vous échangeriez difficilement la compagnie des pasteurs de la ville contre la société de ceux de la campagne, nous comptons du moins que vous viendrez avec les Rois de l'Orient. Plaise au Dieu très bon et très haut que nos péchés ne ruinent pas l'espoir d'une telle félicité !

Cependant ces hommes de Mésinge qui, dans notre maison forte de Marclaz , me parlaient en votre présence d'abjurer l'hérésie, ont fait ce qu'on appelle la due profession de foi. Ils vont solliciter du procureur principal du patrimoine ducal la ratification des immunités qu'ils ont obtenues du prince en conséquence de cet acte . Je vous supplie donc instamment de les aider de votre action et de votre influence en cette affaire. Mais un si fidèle disciple de la Croix n'a pas besoin d'exhortation sur ce sujet. J'écris à plusieurs personnes pour recommander ces hommes, mais à condition qu'ils remettront immédiatement mes lettres à qui de droit, si vous le jugez utile; sinon, ils les rapporteront………..

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Amiens.
 
 

LXXIX

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(en italien)

Remerciements pour l'autorisation d'absoudre des cas réservés. - Conversions opérées en Chablais;état

des esprits dans cette province. - Calomnies répandues contre M. d'Avully.- Nomination du nouvel Abbé d'Abondance.

Thonon, 12 décembre 1596.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, J'ai reçu l'ordre de Son Altesse pour percevoir les trois cents écus destinés à couvrir les dépenses déjà faites, en même temps que la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime. J'en remercie très humblement votre bonté, ainsi que de l'autorisation d'absoudre les relaps : j'userai avec toute la discrétion qu'il plaira au Seigneur m'accorder de cette permission dont nous avions vraiment grand besoin.

Depuis que je suis revenu ainsi dépourvu des expéditions nécessaires pour cette œuvre, j'ai été la fable de ces mécréants, et néanmoins quatre-vingts personnes ont été gagnées, tant parmi les petits que parmi les grands. Si, conformément à son saint zèle, Son Altesse envoie ici un sénateur pour inviter les habitants de Thonon à l'audition de la sainte parole, ainsi que je le marquai dans le mémoire que je lui ai laissé, j'espère que cela produira un très bon effet.

Votre Seigneurie m'a rendu la vie en m'assurant que, nonobstant les plaintes des Chevaliers, nous aurons bientôt le moyen de commencer à donner un peu d'extension au culte catholique parmi ces populations ; car je me suis convaincu plus que jamais qu'il est extrêmement nécessaire de leur ouvrir de saints pâturages. Un certain nombre sont catholiques depuis que Son Altesse a passé ici ; beaucoup, contraints par la force et par la violence des armées ennemies, sont relaps au for extérieur seulement; quantité d'autres sont indifférents, ne sachant pas même à quelle religion ils appartiennent, et tous sont sans pasteur comme des brebis errantes. (Mt 9,36 ; 1 P 2,22)

Je suis bien aise que messieurs les Chevaliers estiment peu considérables les biens ecclésiastiques du Chablais, car étant si généreux, ils les cèderont volontiers pour le service de Dieu. Cette huile, qui leur paraît peu de chose, suffira pour produire une lumière de saints exercices qui projettera ses rayons jusqu'au milieu des Bernois et des Genevois, pourvu qu'ils nous laissent ce revenu sans contestation.

J'ai retrouvé encore ici nombre de personnes et des paroisses entières bien disposées à l'égard de notre sainte foi. Si les intentions de Son Altesse s'exécutent avec zèle, il se produira un grand mouvement de conversions, surtout les négociations pour le traité de paix étant confiées à de si pieuses et saintes mains .

Votre Seigneurie aura reçu maintenant la lettre de M. d'Avully en réponse au Bref de Sa Sainteté ; car il y a quelque temps qu'il vous l'a adressée. Mais je ne laisserai pas de vous dire que l'ennemi ne manque point de diriger contre ce chevalier tous les assauts possibles, afin d'obscurcir l'éclat qu'a eu sa conversion ; il suscite contre lui beaucoup de haines, tant de la part des hérétiques que de celle des Catholiques. Et particulièrement Berne veut, par des menaces, l'empêcher d'en solliciter d'autres à se convertir à notre foi. Il le fait néanmoins en toute sorte d'occasions, et s'estime plus heureux d'endurer des tribulations étant catholique, que s'il jouissait de grandes prospérités étant hérétique. C'est une mauvaise bête que l'hérésie : elle sait exploiter tout évènement fâcheux.

Je vous envoie ci-joint l'information secrète faite par ordre de Votre Seigneurie. Je vous prie de me pardonner si elle n'est pas bien rédigée, soit parce que je m'acquitte pour la première fois de semblable commission, soit parce que je n'ai pu avoir de secrétaire capable. Mais, à ce que je vois, cette information ne sera pas très nécessaire, puisqu'on va donner l'abbaye à un autre. Je loue Dieu de la bonne pensée qu'il a inspirée à Son Altesse Sérénissime de proposer à Sa Sainteté un gentilhomme si bien qualifié , ainsi que me l'écrivit Votre Seigneurie. J'ai une certaine espérance que l'exécution de ce dessein contribuera à l'accroissement de la gloire de Dieu, à la prospérité de leurs Altesses et de ces pays. Néanmoins, la visite apostolique ne laisse pas d'être nécessaire à ces abbayes et à d'autres lieux de Savoie, car, si je ne me trompe, pour remédier à de tels dérèglements il est besoin d'une autorité supérieure à celle d'un simple prélat.

Je ne crois pas que Sa Sainteté puisse faire chose plus avantageuse à cette contrée que d'y envoyer un Visiteur apostolique. Plût à Dieu que ce fût Votre Seigneurie, dont je baise les mains sacrées avec un très humble respect, suppliant le Seigneur de vous combler de bonheur.

Je suis de votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très humble et très dévoué serviteur, françois de sales

Prévôt de Genève.

Thonon le 12 décembre 1596.
Revu sur l'autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 

LXXX

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL Ier

Opposition apportée par les syndics de Thonon à l'érection d'un autel. Combien la protection du duc est nécessaire aux nouveaux Catholiques. - Conversion d'un ministre protestant.

Thonon, 21 décembre 1596.
Monseigneur, J'attens le bon playsir de Vostre Altesse pour le restablissement de la religion catholique en ce balliage de Thonon, et ce pendant je pensois dresser un autel en l'eglise Saint Hypolyte, en laquelle je preche ordinayrement des deux ans en ça, affin d'y pouvoir celebrer Messe ces bonnes festes de Noel. Les scindiques de ceste ville y ont apporté de l'opposition, a laquelle par apres ilz ont renoncé. Je ne puis sçavoir avec quel fondement ilz se sont osés produir'en cest affaire, puysqu'on ne violoit point le traitté de Nion ; et, quand on l'eust violé, ce n'estoit pas a eux d'y prouvoir. On ne forçoit personne, et ne faisoit on autre que se mettr'en la posture et au train auquel Vostre Altesse avoit laissé les Catholiques despuys ne fut elle icy, duquel ayant esté levés par force, on ne sçauroit dire pourquoy ilz ne puyssent s'y remettre toutes les fois qu'ilz en auront commodité, sous l'obeissance de Vostre Altesse.

Le zele que j'ay au service de Vostre Altesse me faict oser dire qu'il importe, et de beaucoup, que layssant icy la liberté qu'ilz appellent de conscience, selon le traitté de Nyon, elle prcefere neanmoins en tout les Catholiques et leur exercice ; et que partant elle se layss'entendre a ces gens quilz doivent simplement et seulement user de la permission quilz ont, sans se mesler d'empecher ceux qui, par toute rayson et par l'exemple mesme de leur souverain Prince, taschent d'avancer la foy catholique. Je ne pense point qu'il y ait aucune rayson qui puisse retarder l'affection sainte de Vostre Altesse en la sollicitation de [ce] grand bien, ni qui la rend'autre qu'aymable et admirable a ses plus endurcis ennemis.

M.de Lambert veut user de liberalité a l'endroit d'un ministre qui se convertit et qui par sa sollicitation en tirera beaucoup avant quil se descouvre ; je crois que Vostre Altesse l'aura agreable et luy commandera quil en face encores davantage . Je supplie donq Vostre Altesse commander comm'il luy plaira sur ce sujet, et. priant Dieu tres affectionnement pour sa santé, je m'honnoreray du bien que j'ay d'estr'advoué,

Monseigneur,

De Vostre Altesse,

Tres humble sujet et serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

Praevost de S' Pierre de Geneve.

A Thonon, jour S' Thomas, 96.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

LXXXI

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(en italien)

Instances pour obtenir la protection du Nonce auprès du duc de Savoie.

Thonon, 21 décembre 1596.
Mon très-honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, J'écris à Son Altesse Sérénissime au sujet de l'opposition que m'ont faite les habitants de Thonon quand j'ai voulu, pour célébrer ces fêtes de Noël, commencer à dresser un autel dans l'église où j'ai prêché jusqu'à présent. Je supplie Votre Seigneurie Illustrissime de me procurer des lettres que je puisse montrer à ce petit nombre d'opposants, pour leur prouver qu'il leur doit suffire d'avoir la liberté appelée de conscience, sans troubler l'exercice du culte catholique. Ceci est le dernier effort que le démon tente contre cette œuvre, en mettant à profit les délais que l'on apporte à l'exécution des bonnes intentions de Son Altesse. Mais ce ne sera rien si Votre Seigneurie nous secourt de ses faveurs accoutumées, et si elle intercède pour qu'au plus tôt on établisse ici d'une manière honorable et convenable l'exercice du culte catholique. Je vois toujours un plus grand nombre de personnes disposées à embrasser notre sainte foi, bien que d'autres nous suscitent des orages par les propos de leur mauvaise langue, des calomnies et semblables autres artifices diaboliques.

J'ai préféré vous écrire ainsi à la hâte, plutôt que de ne pas vous avertir de nos besoins. Je supplie donc Votre Seigneurie de me pardonner si je suis importun, car je n'ai humainement autre refuge à la cour que votre bonté et sollicitude, devant laquelle m'inclinant très humblement, je baise vos mains vénérées.

Priant le Seigneur vous combler de tout bonheur, je reste à jamais,

De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,

Le perpétuel et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

Prévôt de Genève.

A Thonon, le jour de saint Thomas, 96.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

ANNEE 1597

LXXXII

A MONSIEUR BOCHUT, CURÉ D'AYSE

(FRAGMENT INÉDIT)

Invitation à venir desservir la paroisse de Thonon.

Thonon, commencement de 1597.
Monsieur Bochut, En fin, Dieu soit beni. Je voy bien que vous et moy sommes condamnés a porter le tracas et difficultés de l'eglise de Thonon. C'est pourquoy je vous escris ceste [lettre], par laquelle je vous invite de nouveau m'estre en secours, attendu que la charge et distraction des affaires de l'Eglise me levent la commodité de m'arrester dans Thonon pour la continuation des divins offices et administration des saintz Sacremens. Et parce que vous estes desja en ce lieu conneu et aymé, pour y avoir prattiqué ceste mesme charge, si daignes prendre ceste peyne, je mettray ordre a la cuisine et obtiendray de Monseigneur Reverendissime vostre cong酅……………

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 

LXXXIII

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL Ier

(MINUTE INÉDITE)

Erection d'un autel dans l'église Saint-Hippolyte. - Recommandation en faveur du ministre Petit. - Combien il importe que les Chevaliers de Saint-Lazare cèdent les revenus ecclésiastiques qu'ils détiennent en Chablais.

Thonon, vers le 21 février 1597.
Monseigneur, J'ay receu un'incroyable consolation quand j'a y veu par celle qu'il a pleu a Vostre Altesse signer le 7 janvier , qu'elle trouvoit bon que l'on aye dressé un autel en l'eglise Saint Hypolyte de Thonon. Pour vray, l'evenement a monstré qu'on n'a rien faict de trop ; et je puis dire a Vostre Altesse que je vay tant retenu en ceste besoigne que je ne crains point d'autre juste accusation que de trop de lascheté.

Monsieur de Lambert ayant receu advis que Vostre Altesse avoit agreable qu'il eust secouru le ministre qui se veut catholizer n'a pas osé tirer consequence de la pour la continuation de ce bienfaict, qui me faict supplier Vostre Altesse de la luy declairer. Le seigneur chevalier Bergere , connoissant bien que l'assignation des six pensions que l'on a faicte sur les revenus de la Religion de Saint Lazare ne peut pas joindre a l'œuvre de la reduction de ces peuples a la foy catholique, a trouvé raysonnable la proposition que je luy ay faicte que la Religion rendist absolument les cures a cest effect. Plaise a Vostre Altesse se resouvenir qu'elle la trouva desja juste quand j'eus cest honneur de la luy representer, et d'employer autant de son authorité qu'elle jugera necessaire pour reduire messieurs du Conseil de la Religion a ceste resolution.

Et louant Dieu de tout mon cœur du saint zele dont je voy devoré le cœur de Vostre Altesse, je me resjouis d'estre comme je suis,

Monseigneur,

De Vostre Altesse,

Tres humble et tres fidelle sujet et serviteur.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 
 

LXXXIV
 
 

AU CONSEIL DES CHEVALIERS DES SAINTS MAURICE ET LAZARE
 
 

(MINUTE INÉDITE) (en italien)
 
 

Instances afin d'obtenir que les revenus ecclésiastiques dont les Chevaliers jouissent en Chablais soient affectés au rétablissement du culte catholique.

Thonon, vers le 21 février 1597.
Illustrissimes Seigneurs,

Puisque M. le chevalier Bergera s'en retourne, je n'ai pas besoin de vous renseigner sur ce qui a été établi ici, par ordre de Vos Seigneuries Illustrissimes, à l'honneur de Dieu et pour la propagation de la sainte foi catholique. Je dis seulement que, de mon côté, je ferai, s'il plaît au Seigneur, tout ce qu'on peut justement espérer d'un homme aussi incapable que je le suis.

Néanmoins, puisque je me vois destiné à être le fourrier et le procureur d'un grand nombre de prédicateurs et d'autres honorables ecclésiastiques qui viendront ici combattre les combats du Seigneur des armées, je ne saurai manquer de me rendre peut-être importun à Sa Sainteté, à Leurs Altesses et à Vos Seigneuries pour leur demander de nous alléger les dépenses qui croîtront de jour en jour, selon le nombre des ouvriers nécessaires au progrès de cette œuvre. Il m'a donc semblé devoir proposer une fois pour toutes à Vos Seigneuries Illustrissimes un expédient qui nous mettrait à l'abri du besoin dans l'accomplissement de cette œuvre, et préviendrait l'importunité que leur occasionneraient les demandes de secours que nous serions obligés de faire de temps en temps. Cet expédient consiste en ce que, étant donné le traité de paix désiré, Vos Seigneuries voulussent bien céder absolument toutes les cures dont elles jouissent en ce pays avec leurs dépendances ; en y ajoutant celles qui sont provenues des particuliers, on pourrait faire en ce bailliage un service religieux si éclatant que la lumière s'en répandrait de tous côtés.

Et pour cette proposition je n'ai pas besoin d'autre intercesseur, puisqu'elle est si raisonnable et que le zèle et la justice de Vos Seigneuries ne se démentiront pas en cette occasion. Baisant très humblement leurs mains et leur souhaitant du Seigneur notre Dieu tout vrai contentement, je les prie de me tenir pour

Leur très dévoué...
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 

LXXXV
 
 

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(MINUTE INÉDITE) (en italien)

Excuses pour le délai mis à répondre aux lettres du Nonce. - Proposition d'une conférence publique avec les ministres. - Instante prière de lui obtenir la collaboration du P. Chérubin, du P. Esprit et de plusieurs autres missionnaires. - Moyens à prendre pour fournir aux frais de la mission.

Thonon, vers te 21 février 1597.

 

Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

Je vois par votre dernière lettre du 4 février que Votre Seigneurie Illustrissime s'étonnait de ce que lorsque je lui écrivis la dernière fois le 27 janvier, je n'avais pas encore reçu ses deux dernières lettres du 4 et du 6. A la vérité, lesdites lettres me parvinrent le jour même où j'expédiai les miennes ; mais j'attendais mon retour ici pour y répondre, et à mon retour j'attendis de jour en jour la mise à exécution de l'ordre donné pour les six curés, ce qui n'a pas encore été fait jusqu'à présent : telle est la raison pour laquelle j'ai tant tardé à vous écrire. S'il y a en ce délai quelque péché de ceux qui constituent un cas réservé, j'implore en toute humilité mon pardon. Il me semble qu'il n'était nullement besoin d'user à mon égard du commandement in virtute sanctœ obedientiœ pour m'obliger à vous donner plus souvent des nouvelles de nos affaires, puisque votre simple volonté me presse assez fortement pour me faire accomplir les plus grandes choses qui soient en mon pouvoir.

J'ai été bien consolé en voyant que Votre Seigneurie Illustrissime goûte le projet de la conférence, pourvu qu'elle se fasse dans les conditions voulues ; car je persiste à dire que depuis longtemps il ne se sera rien fait de plus avantageux à la gloire de Dieu, si les Genevois persévèrent dans cette intention, comme il me semble qu'on peut l'espérer d'après une lettre écrite au P. Chérubin le 19 février par un bourgeois de Genève . Quoi qu'il advienne, soit que cette conférence se fasse ou qu'elle ne se fasse pas, je supplie Votre Seigneurie d'employer son autorité afin que cette année nous ayons ici en Chablais le P. Chérubin et le P. Esprit, du même. Ordre . Il nous faudrait encore d'autres missionnaires en aussi grand nombre que possible, soit de l'Ordre des Capucins, soit de la Compagnie de Jésus, afin qu'unis aux prêtres séculiers qui viendront, nous puissions livrer un vigoureux assaut à l'hérésie en ces petits pays ; ainsi, peu à peu, l'odeur s'en répandra dans tout le voisinage, tant à Berne qu'à Genève. Et pour les défrayer (car ils chercheraient en vain l'aumône parmi ces gens-ci), il faudra faire l'une de ces deux choses : ou réserver à cet effet, pendant quelque temps, deux des six pensions, ou bien prélever par voie de contribution une partie des revenus que les particuliers tirent des biens ecclésiastiques de ce bailliage; car des Chevaliers ilne faut rien espérer de plus.

Il est vrai que M. le chevalier Bergera, porteur de ces lettres, m'a promis, moyennant l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime, de faire tous ses efforts auprès du Conseil de l'Ordre des Chevaliers, afin que toutes les cures de ce bailliage nous soient complètement abandonnées pour que le service divin puisse s'y faire entièrement; mais cela, à la condition qu'on ne leur demanderait plus rien. Il m'a pressé de vous communiquer cette proposition, ce que je fais très volontiers, la jugeant juste et très utile à cette entreprise ; car il ne faut pas que nous ayons à devenir courtisans et pensionnaires des Chevaliers, ce qui, s'il m'est permis de le dire, serait inconvenant et préjudiciable au fruit qu'on peut espérer. Il a encore voulu que j'en écrivisse à Son Altesse et au Conseil des Chevaliers, ce que j'ai fait pour ne pas négliger de mon côté le peu qui est en mon pouvoir. Il voulait aussi m'engager à écrire à Sa Sainteté; mais quant à cela je ne me sens pas le courage de faire voler directement mes lettres si haut, d'autant plus que Votre Seigneurie peut et veut tout ce qui est nécessaire à cet égard. De même, je ne vous ai point encore parlé des trois cents écus destinés à couvrir les dépenses faites jusqu'ici, vu que le paiement n'en est pas achevé. Toutefois, ce bienfait et tous les autres qui nous sont venus de Son Altesse, je reconnais les devoir à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime………………………

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.

LXXXVI

AU MÊME

( MINUTE) (en italien)

Lettres reçues du Nonce. - Remerciements pour la protection accordée à trois églises de Savoie. - Eloge du chevalier Bergera. - Difficultés qui retardent l'établissement des curés en Chablais. - Pauvreté des paroisses. - Prétentions injustes des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare relativement à la nomination des curés. - Pension due au prédicateur d'Evian.

Thonon, 2 mars 1597.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

Depuis quinze jours j'ai reçu les trois lettres qu'il plut à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime m'écrire: l'une du 10 décembre de l'année passée, la seconde du 4 janvier et la troisième du 6, et la quatrième du 4 février. Quant à la première, par laquelle Votre Seigneurie m'ordonnait de revenir ici à Thonon, je n'ai pas à y répondre par écrit, puisque j'y ai répondu de fait en obéissant à votre intention.

Pour la seconde, j'ai à vous remercier le plus humblement que je le puis d'avoir, avec tant de bienveillance, pris sous votre protection les intérêts de ce diocèse, surtout en procurant que le legs de Rome nous soit réservé, nonobstant les prétentions de la fabrique de Saint Pierre. Puisque Votre Seigneurie me commande par sa dernière lettre d'écrire à quelque savoyard habitant Rome, afin qu'il traite de cette affaire avec les mandataires de la fabrique et qu'il recoure au Cardinal Aldobrandino, ainsi sera-t-il fait.

Je vois les grands embarras que Votre Seigneurie Illustrissime aura eus pour obtenir la provision en faveur des six curés, et je ne puis que m'étonner du peu de zèle de ceux qui font des difficultés en un pareil sujet. Loué soit le Dieu éternel de la patience et du zèle qu'il vous a départis pour faire, par un modeste commencement, éclore enfin cette bénite entreprise. Afin de vous donner pleine connaissance des choses, je dirai que M. le chevalier Bergera est arrivé ici depuis longtemps, muni de l'ordre dont vous m'avez écrit. Je me trouvais alors à Annecy pour quelque affaire, mais je revins aussitôt afin de ne pas causer de retard dans un aussi important service. Cependant j'étais sûr que le séjour de ce chevalier serait de longue durée, car il avait à percevoir pour son Ordre sept mille ducats, somme qui ne peut se toucher si vite parmi ces troubles de guerre. Or, à mon arrivée, ce gentilhomme me parut si bien disposé, que je dois lui rendre ce témoignage : si tous les membres du même Ordre lui ressemblaient, Votre Seigneurie Illustrissime n'aurait pas été si fort importunée. Hier on commença le paiement du blé : demain, à ce qu'il m'a dit, on commencera les paiements en vin et en argent.

Quant à la valeur de ces pensions, elle ne peut, au rapport de ces habitants de Thonon, dépasser en moyenne quatre-vingts écus. J'avoue que cela pourrait suffire là où les desservants auraient la jouissance d'une maison et habitation et la facilité de demeurer plusieurs ensemble. Cependant messieurs les Chevaliers devraient penser que, dans ce pays, les prêtres souffriront disette de toutes choses, si ce n'est de procédés désobligeants. Mais, comme Votre Seigneurie me l'écrit, le même Dieu qui, avec le temps, fait sortir de très grands arbres des petites semences, donnera aussi, moyennant le temps et votre travail, un accroissement convenable à ce faible commencement.

J'ai un bon nombre de prêtres qui se dégageront bientôt pour venir s'exercer ici à la patience et à la mortification ; je mettrai tous mes soins afin qu'ils soient riches de bonne vie et du moins, bien pourvus de savoir. Ce Carême, j'espère en placer quatre en divers endroits, et si je le pouvais je les placerais tous six. Mais on ne saurait les introduire sans leur préparer d'abord les voies par quelques sermons catéchistiques faits par un prédicateur expérimenté ; et maintenant il est impossible d'en avoir parce qu'ils sont tous retenus par les prédications quadragésimales. Pour moi, je suis contraint de passer le Carême ici; je ne puis non plus beaucoup me déplacer, étant désormais obligé, à défaut d'autres, d'entendre les confessions pascales.

Au reste, il n'y a ni église restaurée ni autel dressé; nous n'avons pas même des calices, missels et tels autres objets indispensables aux six paroisses. J'en ai parlé au chevalier Bergera; mais n'étant pas chargé de nous délivrer de l'argent à cet effet, il s'est borné à dépenser huit ou dix ducatons pour l'église de Thonon où tout était sens dessus dessous, sans autre ameublement qu'un simple autel de bois, mal fait, qui a été construit pour Noël. Afin d'aider à nous pourvoir de ce qui est encore requis, soit à Thonon soit dans les autres paroisses, il a bien voulu affecter à cette dépense le montant des six pensions à partir du 15 janvier jusqu'au 1er mars, époque à laquelle on a commencé le paiement. Depuis le 1er mars jusqu'à ce que les six curés soient installés, ces pensions courant toujours, nous pourrons peut-être réaliser une avance de soixante à soixante et dix écus pour acheter les choses les plus nécessaires et faire le moins mal possible. Mais afin que messieurs les Chevaliers n'excitent pas la compassion de Sa Sainteté par leur pauvreté prétendue, j'assure Votre Seigneurie Illustrissime que le revenu qu'ils tirent des biens ecclésiastiques de ce bailliage est en moyenne de quatre mille bons ducats.

Par un billet de M. de Rulfia, les Chevaliers témoignent désirer que plusieurs curés qui prêtent leur nom à des laïques, possesseurs actuels de certaines cures en ces bailliages, remettent ces cures, s'ils ne sont pas aptes à les desservir, à l'Ordre qui est propriétaire, par concession de Sa Sainteté, des bénéfices des bailliages ; et, s'ils ont les qualités requises, qu'ils soient compris au nombre des six curés pensionnés. Le chevalier Bergera ne m'a fait aucune proposition à ce sujet. A la vérité, je ne puis comprendre comment ces clercs armés prétendent qu'un curé confidentiaire puisse être capable de compter parmi les six, qui doivent avoir des mœurs un peu plus réglées que n'en ont d'ordinaire les confidentiaires.

Je loue le Dieu béni de ce que Sa Sainteté a quelque intention de placer dans l'abbaye d'Abondance les réformés de Saint-Bernard, et je supplie le Seigneur lui en donner une volonté absolue pour le bien des âmes. Quant au nouvel Abbé, je voudrais supplier Votre Seigneurie Illustrissime de lui ordonner de payer exactement et entièrement la pension que l'Abbé de ce monastère a coutume de délivrer au P. Prédicateur ordinaire d'Evian. Celui-ci est actuellement un très digne docteur de l'Ordre de Saint-Dominique : on l'a déjà fait endurer l'année dernière, et on le fait encore plus endurer cette année. J'ai en ceci un certain intérêt particulier, parce qu'Evian est une ville de notre voisinage, catholique autant qu'on peut le dire ; elle a donc grand besoin d'un bon prédicateur, qu'elle ne saurait avoir sans cette pension. Je vois de plus la peine que Son Altesse a éprouvée en apprenant l'opposition apportée par ces gens de Thonon à l'érection de l'autel ; j'en ai reçu une lettre qui m'a bien consolé. Nous ne laissâmes pas pour autant d'ériger l'autel, malgré cette opposition, car elle ne se faisait pas du

consentement public de la ville, mais seulement par la passion de quelques particuliers…………….

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

LXXXVII

AU MÊME

(MINUTE INÉDITE) (en italien)

Protestations d'obéissance et de dévouement. - Nouvel exposé des difficultés de la mission. - Promesse faite par les Religieux d'Ainay. - Prédication du Saint à Cervens. - Destination du chanoine Roget. - Les hérétiques prétendent retirer à M. d'Avully la dignité de juge de leur consistoire.

Thonon, 12 mars 1597.
Mon très honoré, lllustrissime et Révérendissime Seigneur,

J'ai reçu aujourd'hui votre lettre en date du 25 février, avec la triple copie des précédentes ; elle m'a causé autant de douleur que Votre Seigneurie Illustrissime me montre d'étonnement du retard de ma réponse aux lettres précédentes, car elle m'inspire la crainte d'être tenu pour peu empressé à exécuter vos ordres. Je supplie très humblement votre bonté de croire plutôt toute autre chose d'un serviteur qui vous a tant d'obligations et qui vous est si attaché, et d'être persuadé que c'est l'occasion et non la volonté qui m'a manqué. C'est surtout que j'attendais de jour en jour le départ du chevalier Bergera et la mise à exécution de l'ordre donné pour les six curés, afin de faire ensuite une réponse plus satisfaisante, plus sûre et plus complète.

Maintenant je remercie très humblement Votre Seigneurie Illustrissime de la protection accordée à ces églises du diocèse de Genève et de la réponse du Cardinal Aldobrandino.

Depuis le départ de M. le chevalier Bergera je n'ai plus reçu ni argent ni autre chose, sinon les trente coupes de froment qu'il laissa. Ce n'est pas la faute dudit chevalier, qui est bon et bien intentionné, mais celle des gens qui ont affermé les biens de la Religion et auxquels déjà il avait ordonné de payer ; néanmoins ils diffèrent tant qu'ils peuvent d'un jour à l'autre. C'est pourquoi je ne puis appeler des prêtres et des curés, n'ayant pas d'argent à leur donner pour commencer à établir leur résidence dans ce bailliage. Je n'espère donc pas un grand résultat de ces pensions avant la fin du Carême, soit parce que je manque d'argent, soit parce que nous ne pourrions retirer les prêtres des églises où ils sont occupés à entendre les confessions et à exercer d'autres ministères. Quant à moi, je ne puis les accompagner ni les installer, me trouvant retenu ici pour la même raison.

Outre les six pensions assignées par l'Ordre de Saint-Lazare, nous en aurons après Pâques une septième des Religieux d' Ainay, de Lyon , qui, ayant ici un bon prieuré, m'ont promis d'en donner une telle que je la demanderai, sans se régler sur les pensions des Chevaliers.

Dimanche dernier, troisième de Carême , ayant prêché le matin de bonne heure, selon la coutume, dans la paroisse des Allinges, je passai dans une autre paroisse distante de trois milles, appelée Cervens, où je n'avais pas encore été. Et ayant averti le peuple que je souhaitais prêcher, j'eus une nombreuse et bienveillante assistance qui, au sortir du sermon, me témoigna un ardent désir de ce pain des enfants. (Mt 15,26). Mais j'eus grand'peine à me rendre à temps pour le sermon de Thonon, qui est à cinq ou six milles de Cervens, de sorte que, étant fixé ici, il m'est presque impossible d'évangéliser plusieurs localités. Ayant donc sondé la disposition du peuple de cette paroisse, j'ai résolu d'y placer un des six curés pensionnés et un autre aux Allinges. C'est le docteur Roget qui viendra ici, selon la promesse qu'il m'en a faite, lequel doit vous être certainement connu, puisqu'il a été député pour le voyage de Piémont ; étant bon et très expérimenté prédicateur, il pourra desservir deux paroisses. Mais je suis résolu de n'admettre à l'abjuration que des personnes véritablement bien instruites, dans la mesure que leur capacité comportera. Votre Seigneurie Illustrissime voit donc la cause pour laquelle les affaires de la religion ne se font pas avec l'ardeur désirable : c'est l'avarice de ceux qui détiennent les biens ecclésiastiques et le mauvais usage qu'ils en font.

Je ne veux pas omettre de vous dire que M. d'Avully ayant été jusqu'ici juge du consistoire suprême des hérétiques, ceux-ci prétendaient le récuser ces jours passés. Il n'a point voulu le souffrir, disant que ce consistoire n'étant établi que pour la correction des vices, sa conversion au catholicisme ne lui a point ôté le zèle et le jugement nécessaires à cette correction, mais qu'elle les lui a grandement augmentés, en sorte qu'il ne doit point être tenu pour incapable.

Je viens supplier encore une fois Votre Seigneurie de vouloir bien presser le nouvel Abbé (cf note 215), ou l'ancien, n'importe lequel, de faire payer exactement la pension due au prédicateur ordinaire d'Evian, parce que cette ville mérite d'être aidée, et le prédicateur qu'ils ont maintenant est digne d'égards sous plusieurs rapports. N'ayant présente à l'esprit aucune autre particularité qui vaille la peine d'être signalée, je prie Notre-Seigneur vous donner tout vrai contentement, et je serai toujours,

De Votre Seigneurie Illustrissime ……………………….

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Doroz, née d'Arcine, à Besançon.
 
 
 
 
 
 
 

LXXXVIII

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL Ier

Demande de secours pour des indigents. - Requête en faveur de quelques hameaux des Allinges. - Menées des protestants contre M. d'Avully.

Thonon, 12 mars 1597.
Monseigneur, Dernierement, quand j'eu (sic) cest honneur de bayser les mains a Vostre Altesse, je luy reprœsentay six ou sept pauvres gens, vieux et impuyssans a gaigner leur vie, qui ont vescu icy avec une admirable constance en la foi catholique. Et parce que leur pauvreté pourroit estre secourue avec une petite piece des graines de Ripaille et Filly qui sont destinees aux aumosnes, je suppliay tres humblement Vostre Altesse, a leur nom, de leur en assigner quelque portion ; et selon la pieté dont Dieu l'a enrichie elle le trouva raysonnable. Maintenant je sçai que ces aumosnes se reduysent aux Alinges pour la munition de la garnison ; mays je ne laisseray pour cela d'oser supplier Vostre Altesse quil luy plais'ordonner que, d'une si grande quantité, quattre ou cinq muys en soyent appliqués a ces pauvres gens vieux et a un autre qui, estant encores de bon aage, ne laisse pas d'estre pauvre et, moyennant cest'aumosne, pourra servir au clocher pour les catholiques.

Il y a aussi certains petits vilages qui estoyent anciennement de la parroisse d'Alinges, et personne ne leur contredisoit d'en estre encores maintenant ; mays par ce que Vostre Altesse, selon son saint zele, a gratiffié la paroisse d'Alinges d'un'immunité de toutes charges pour quattre ans a venir, en contemplation de leur retour a l'Eglise, on a opposé a ces petitz vilages que du tems de l'occupation des Bernois on leur commanda d'aller ailleurs a la praeche. Je supplie donques tres humblement Vostre Altesse d'eslargir plus tost sa liberalité sur ces vilages par une declaration, que d'estressir ceste premiere parroisse qu'on a dressé en ce païs a la foy catholique.

Les gens du consistoire supreme de ce balliage taschent de lever a monsieur d'Avully la judicature qu'il y tient de Vostre Altesse ; mays puysque ce consistoire n'est que pour la correction des meurs et qu'il n'en est faitte aucune mention au traitté de Nion, a ce que j'ay peu apprendre, comm'on ne perd pas le jugement pour se faire catholique, aussy n'en devrait on pas perdre la judicature, specialement quand elle depend de la volonté de Vostre Altesse, pour la santé de laquelle je ne cesseray de prier Dieu nostre Seigneur, comm'ayant ce bien [de] me pouvoir et devoir dire,

Monseigneur,

De Vostre Altesse,

Tres fidelle et tres humble sujet et serviteur, FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prevost de S' Pierre de Geneve .

A Thonon, le 12 mars 97.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.
 
 
 
 
 
 

LXXXIX

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

( INÉDITE) (en italien)

Installation d'un curé à Cervens. - Eloge de M. de Blonay.

Thonon, 16 mars 1597.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Je crois que tous ceux à qui j'ai confié des lettres pour être présentées à Votre Seigneurie Illustrissime rivalisent entre eux pour me faire paraître très négligent, puisque, d'après ce qu'on me dit, M. le chevalier Bergera n'est pas encore parti de Chambéry, et on laisse assez de temps à ce gentilhomme qui devait se mettre en route la semaine dernière, pour me permettre d'ajouter ceci à mes lettres précédentes.

Je suis retourné aujourd'hui, quatrième Dimanche de Carême, dans la paroisse de Cervens où ce peuple m'a consolé en montrant tant d'avidité pour la parole de Dieu et tant d'attention à l'écouter. En somme, si l'on en excepte Thonon, les âmes nous sont partout offertes comme une proie ; il ne manque que des chasseurs. J'ai placé à Cervens un bon prêtre qui, au commencement de ces guerres, avait déjà été nommé pour desservir cette paroisse si les choses réussissaient et il était connu d'une grande partie des habitants . J'ai reçu cent florins des pensions et pas davantage. J'en ai donné une partie pour certaines provisions nécessaires ; je donnerai l'autre après-demain à ce prêtre de Cervens afin qu'il commence sa résidence. Hier on fit circuler de telles rumeurs de guerre que ces pauvres Catholiques en ont été tout effrayés. Si par hasard le porteur des présentes, M. de Blonay , avait besoin de recourir à votre protection, je vous supplie très humblement la lui accorder, car il est un bon et zélé catholique. Je prie le Seigneur de conserver Votre Seigneurie pour la gloire de sa divine Majesté et pour notre avantage, et je demeure à jamais,

De Votre Seigneurie lllustrissime et Révérendissime,

Le très dévoué et très humble serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prévôt de Genève.

Thonon, le 16 mars 1597.
Revu sur une copie déclarée authentique de l'Autographe conservé à la cathédrale de Nardo (Italie, Pouille).
 
 
 
 
 
 

XC

AU MÊME

(MINUTE INÉDITE) (en italien)

Mesures à prendre pour pourvoir à la subsistance des curés du Chablais. Voyage du chanoine Louis de Sales à Genève.- Désignation des PP. Capucins et Jésuites dont le concours serait le plus utile à la mission ; frais que nécessiterait leur entretien.

Thonon, 25 mars 1597.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Je supplie très humblement pour l'amour de Dieu Votre Seigneurie Illustrissime de daigner me pardonner si elle n'a pas reçu de mes lettres aussi souvent qu'Elle le souhaitait ; le peu de facilité que nous avons ici, moi surtout, d'en envoyer à Chambéry ou à Aoste en a été la cause principale. Je crois que tous ceux à qui je confie mes lettres pour être présentées à Votre Seigneurie Illustrissime s'efforcent à l'envi de me faire paraître très négligent ; car, il y a trois jours, l'un d'entre eux m'en renvoya une qu'il avait depuis quelque temps pour la porter en Piémont, assurant qu'il ne pouvait passer outre, et, d'après ce qui m'a été dit, le chevalier Bergera, qui en a une autre, était encore naguère à Chambéry. Hier je reçus, par l'entremise d'un exprès que m'envoya M.le Vicaire de Genève , celle que Votre Seigneurie m'écrivit le 12 de ce mois, avec une autre pour M. d'Avully et la copie de la lettre de M. le Cardinal de Santa-Severina .

M. d'Avully a raison de dire que vingt-deux curés seraient nécessaires en Chablais puisque, pour en venir à quelque particularité, cette province comprend environ quarante-cinq paroisses . Mais parce que je ne sais qui voudrait fournir les revenus nécessaires à tant de personnes, j'ai toujours été d'avis qu'environ dix-huit curés suffiraient. Pour dire ce que je crois, les paroisses étant très étendues, ils doivent avoir une pension convenable, suffisant à leur entretien et à celui d'un vicaire qui les seconde, en sorte qu'ils puissent remplir leur ministère avec bienséance, et qu'ils n'aient pas à exiger des aumônes pour les confessions, sépultures, Messes et autres choses ; car si cela est peut-être licite, toutefois il n'est en aucune manière expédient (1 Co 6,12). Si les Chevaliers consentaient à céder les cures et les bénéfices-cures, et si les particuliers qui en détiennent ici faisaient de même, on pourrait les réunir en un lot qu'on diviserait en parties égales entre les paroisses rurales ; car à Thonon l'exercice du culte demande plus de solennité. Je crois que cet arrangement serait avantageux; mais je ne voudrais pas que les Chevaliers eussent le droit de patronage sur ces cures : ce serait ruiner le concours, et, avec le temps, on verrait des nominations peu avouables. Du reste, ils ne sont ni fondateurs ni restaurateurs de ces cures.

Quant aux considérations faites à Rome au sujet de la conférence, elles sont vraiment très sages ; j'ai écrit de très amples mémoires sur ce qu'il m'en semble, et je les ai envoyés à M. Louis de Sales, chanoine de Genève, homme. expérimenté, zélé, éloquent dans la prédication, très prudent pour ce qui regarde le service de Dieu et qui connaît mes pensées aussi bien que moi-même. Ayant été naguère mandé à Genève, du commun consentement de Mgr notre Evêque et du P.Chérubin, pour approfondir un peu mieux cette affaire, il vit en cette ville une grande porte ouverte au très saint Crucifix, pourvu qu'il y soit porté secrètement par des personnes humbles, patientes et familiarisées avec les mœurs des hérétiques. Il faut faire comme nous faisons pendant la Semaine Sainte : découvrir un bras de la Croix, puis l'autre, et ainsi peu à peu, la Croix tout entière, en chantant doucement : Ecce lignum Crucis, venite adoremus.

Je serais allé volontiers jusqu'à Annecy pour me consoler un peu avec Mgr le Révérendissime et ces bons Pères, puisque je suis seul ici, comme un lépreux hors de l'armée ; mais un petit ressentiment de fièvre que j'eus ces jours passés, les confessions que je dois forcément entendre, et d'autres devoirs me tiennent lié ici jusqu'à Pâques. Je dirai ingénument mon avis: Sa Sainteté ne pourrait faire mieux que de laisser toute autorité et liberté d'action en cette affaire et en d'autres semblables à Votre Seigneurie et à Mgr notre Evêque, puisque cette guerre doit se diriger par l'œil et non par l'oreille ; car bien souvent les occasions se présentent et passent sans retour pour ceux qui ne savent pas les saisir. Ceci soit dit de ma part avec une très humble obéissance. Cette province est tellement malade que le moindre accident qui surviendrait empêcherait un grand succès.

Je suis retourné le quatrième Dimanche de Carême à Cervens, et j'ai eu un auditoire plus nombreux que le premier. J'y ai laissé un bon prêtre, qui déjà au commencement de ces guerres avait été désigné pour être curé de cette paroisse si les affaires réussissaient; il était déjà connu d'un grand nombre d'habitants. Hier les paroissiens me firent inviter à y retourner parce qu'ils désirent se faire catholiques ; mais mon insuffisance d'une part, et de l'autre les affaires spirituelles et les confessions pascales de Thonon et des Allinges m'ont contraint de différer ce bien jusqu'après Pâques, où nous serons aidés par d'autres prédicateurs.

Les Pères Capucins que, pour le moment, je voudrais voir destinés à cette œuvre sont le P. Chérubin, le P. Esprit, l'un et l'autre très doctes, très saints, très humbles ; tous deux prêchent dans ce diocèse . Quant aux Pères Jésuites, je voudrais le P. Jean Saunier , un des premiers qu'ils aient envoyés ici, et un autre qui a prêché ce Carême à Rumilly, mais dont je ne me rappelle pas le nom . Je prierai Mgr le Révérendissime de le demander. Cependant il me semble qu'on ne devrait pas se limiter à ce petit nombre, mais l'augmenter d'autres encore si les âmes en avaient besoin, car en ceci je ne vois pas qu'il puisse y avoir aucun abus. Partant, on pourrait procéder ainsi : Votre Seigneurie Illustrissime donnerait ordre aux Provinciaux d'envoyer des Religieux selon les occasions ; nous ferons ensuite venir autant de prêtres séculiers que nous pourrons.

Votre Seigneurie m'ordonne de lui dire jusqu'où montera la dépense pour l'entretien de ces Pères. Je dis en vérité que cent écus par tête sont nécessaires, parce qu'il faudra à chacun un compagnon, et à ceux qui ne sont pas Capucins il faut encore un cheval pour aller d'un lieu à un autre ; mais les cures fourniront à cette dépense, pourvu qu'elles nous soient cédées, jusqu'à l'établissement des curés. Je ne saurais sur cette réduction rien dire de plus spécial que le contenu des mémoires laissés à Votre Seigneurie Illustrissime et au P. Jules Coccapane pour être présentés à Son Altesse.

Je n'ajouterai qu'une seule chose: c'est qu'il importe infiniment de réformer les abbayes de ce pays pour répandre dans tout le voisinage un parfum d'édification……………………………….

Revu sur une copie déclarée authentique de l'Autographe conservé à la cathédrale de Nardô (Italie, Pouille).
 
 
 
 
 
 
 
 

XCI

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL Ier

(MINUTE INÉDITE)

Instances pour obtenir quelques libéralités déjà sollicitées en faveur de nouveaux Catholiques.

Sales, 11 avril 1597.
Monseigneur, Je suppliay nagueres Vostre Altesse par une lettre ( Epist. LXXXVIII) qu'il luy pleust accorder une portion de cinq ou six muys de froment des aumosnes de Ripaille et de Filly pour le soulagement de sept ou huit vieux bons Catholiques, pauvres et indigens, et pour un qui servist a Thonon au clocher pour les Catholiques. Quand j'eus ce bonheur d'approcher Vostre Altesse l'annee passee a Turin elle eut aggreable la proposition que je luy en fis, et maintenant j'ay prié M. de Blonnay de la luy representer. Plaise donq lautrefois a Vostre Altesse de faire ceste aumosne a ces pauvres gens, puisque c'est d'un bien qui est desja destiné aux pauvres.

Je supplie encor Vostre Altesse pour certains petitz vilages qui estoyent anciennement de la parroisse des Alinges et en furent distraitz sous les Bernois, lesquelz desirent estre reunis a leur ancienne eglise et y faire l'exercice catholique ; a quoy personne ne contrediroit, si ce n'estoit que Vostre Altesse a, par sa liberalité, exempté la parroisse des Alinges des charges et subsides, a quoy ilz auroyent part par consequent. Plaise donq a Vostre Altesse estendre plustost sa liberalité sur ces petitz vilages, qu'accourcir la premiere parroisse qui s'est faitte catholique par deça.

Ces huguenotz ont intention de priver monsieur d'Avully de la judicature du supreme consistoire parce qu'il est catholique ; mais puysque cecy ne touche en rien au traitté de Nion et qu'il a esté institué en cest office par Vostre Altesse, je cuyde que ce soit pour l'honneur de Dieu et de Vostre Altesse qu'il y soit expressement continué. Le ministre qui se veut catholiser et s'y dispose de plus en plus fut secouru de quelque peu de bled par monsieur de Lambert, et Vostre Altesse declaira l'avoir aggreable ; mais monsieur de Lambert n'a pas osé en tirer consequence qu'il failloit continuer, qui me faict encor supplier VostreAltesse de le luy faire entendre.

Ainsy ne cessé-je de demander a Vostre Altesse, mays je ne cesse aussi de demander a Dieu qu'il la conserve longuement en tres parfaitte santé, puysque j'ay l'honneur d'estre,

De Votre Altesse, Tres humble sujet.

Revu sur le texte inséré da us les deux Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 
 

XCII

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN









(en italien)

Difficultés que présente la mission du Chablais.- Intérêt du Pape pour cette œuvre. - Il est urgent de réformer quelques abbayes de la contrée.

Sales, 11 avril 1597.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

J'ai reçu hier votre lettre du 4 avril, et j'ai vu dans la copie de celle du Cardinal Aldobrandino qui s'y trouvait jointe combien Sa Sainteté a pour agréable d'être tenue au courant de nos affaires. Je voudrais pouvoir lui en donner chaque jour de vraies et réjouissantes nouvelles ; mais jusqu'ici les choses sont allées si lentement et si tristement qu'elles fatiguaient les estomacs les plus sains et les plus forts. Comme je l'écrivais à Votre Seigneurie Illustrissime, je n'ai encore reçu pour les curés que cent florins et trente coupes de froment, dont je rendrai bon et fidèle compte afin que les Chevaliers sachent que notre pauvreté ne recherche pas leurs biens pour s'enrichir et devenir opulente. Je loue le Seigneur de ce qu'il a donné à Sa Sainteté l'intention de rendre au service de Dieu et des âmes les revenus des cures, ainsi que le demande la justice.

J'ai écrit ( Epist LXXXVIII) à Votre Seigneurie au sujet de la judicature du consistoire du Chablais que l'on veut ôter à M. d'Avully ; c'est déraisonnable. J'en écris de nouveau à Son Altesse afin qu'elle prononce un arrêt à cet égard. Je ne veux pas manquer de vous recommander l'affaire de la prébende d'Abondance que l'on a coutume d'appliquer au P. Prédicateur d'Evian. Jamais non plus je ne cesserai de presser, voire même de crier afin d'obtenir par les entrailles de Jésus-Christ, (Ph 1,8) que l'on prenne des mesures pour la réforme ou le changement des Religieux des abbayes d'Aulps, d'Abondance , et d'autres encore qui sont en cette province des séminaires de scandales.

M. de Blonay, porteur de cette lettre, est un gentilhomme de grand mérite, qui peut nous rendre bien des services. Par conséquent, s'il avait besoin de la protection de Votre Seigneurie Illustrissime, en quelqu'une de ses affaires, je vous prierais de nous en accorder la grâce à lui et à moi. J'ai été contraint de m'absenter quelques jours afin d'assister au synode, mettre ordre à certaines choses, et prévenir une maladie dont je suis menacé depuis longtemps. Mais cette absence sera courte et je retournerai ensuite reprendre avec plus d'ardeur mes travaux interrompus.

En attendant, je prie le Seigneur de vous conserver pour l'utilité de son Eglise, et je baise en toute humilité vos mains vénérées.

De Votre Seigneurie lllustrissime et Révérendissime,

Le très humble et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prévôt de Genève.

De Sales, le 11 avril 1597.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XCIII

A SA SAINTETÉ CLÉMENT VIII

(en latin)

Entrevue avec Théodore de Bèze; endurcissement de ce vieillard. - Tyrannie exercée par les Genevois sur les Catholiques. - Espoir d'obtenir la liberté de conscience à Genève moyennant la médiation du roi de France.

Annecy, 21 avril 1597.
Très Saint Père, L'année dernière le P. Esprit de Beaume, prédicateur de l'Ordre des Capucins, et moi-même, persuadés par les sérieuses affirmations d'un grand nombre, avions commencé à bien espérer de la conversion de Bèze et de son retour à l'Eglise Catholique. Pour contribuer à un évènement si désirable, nous ne pouvions épargner notre industrie ni négliger aucun autre moyen. Comme ce Religieux devait se rendre à ce qu'ils appellent le Chapitre général de leur Ordre, lequel se tenait à Rome, nous avions convenu que, pour lui, il traiterait de toute cette affaire en présence de Votre clémente Béatitude, et qu'il vous prierait de ne pas refuser (si toutefois ce bruit de conversion se réalisait) votre bienveillance apostolique à cet hérésiarque rentrant au bercail. Quant à moi, ma mission devait être de profiter, aussi prudemment et aussi soigneusement que possible, de la première occasion pour apprendre de la bouche même de Bèze ses sentiments intimes et m'expliquer avec lui.

A cette fin, prétextant diverses affaires, je suis entré fort souvent à Genève ; mais je n'ai pu trouver ouverture à un entretien particulier et secret avec l'homme que je cherchais, jusqu'à la troisième fête de Pâques. J'ai rencontré Bèze seul et d'un accès d'abord assez facile. Quand enfin je me retirai après avoir tenté tous les moyens de lui arracher l'aveu de sa pensée, sans avoir laissé une pierre à remuer, je trouvai en lui un cœur de pierre,(Ex 11,19 ; 36,16) jusqu'ici immobile, ou, du moins, insuffisamment remué ; c'est-à-dire, un vieillard endurci, plein de jours mauvais.(Dn 13,52). Autant que ses paroles me permettent de le juger, voici quelle serait mon appréciation : s'il était possible de l'aborder et plus fréquemment et avec plus de sécurité, peut-être pourrait-on le ramener au bercail du Seigneur ; mais pour un octogénaire, tout retard est périlleux. J'ai dû mettre Votre Béatitude au courant de toute cette affaire, car je ne voudrais pas passer pour négligent ou peu attentif à exécuter les ordres qui m'ont été transmis, soit par les Lettres Apostoliques de Votre Clémence, soit par la bouche du P. Esprit.

Et puisque votre bonté si grande m'y autorise, je ne veux pas manquer l'occasion de vous dire que les populations hérétiques jusqu'ici, qui de tous côtés environnent Genève, celles des pays qu'on nomme bailliages de Gex et de Gaillard, demandent avec les plus humbles prières, le rétablissement de la foi et du culte catholiques afin de pouvoir vivre en catholiques. J'ai entendu bon nombre d'hommes de ces pays se plaindre chaque jour de ce qu'étant catholiques, ils sont empêchés par la tyrannie de la république de Genève de remplir leurs devoirs de catholiques, d'autant plus que cette république opprime ces peuples non pas en son nom, mais au nom du très chrétien roi de France. Le roi connaît-il cette tyrannie que l'on fait peser sur les consciences catholiques ? Ce n'est pas probable, puisque tout récemment il a poursuivi avec tant d'ardeur sa réunion à l'Eglise Catholique. Je croirais volontiers que si le roi lui-même était averti par le Siège Apostolique, les choses se passeraient tout autrement . Et d'ailleurs, si le roi faisait quelques efforts plus pressants afin d'obtenir que la république de Genève accordât dans cette ville même ce qu'ils appellent liberté de conscience, il ne serait pas tout à fait improbable qu'il y réussît. Aussi bien, Très Saint Père, vaut-il déjà la peine d'avoir tenté un essai dans les choses difficiles et graves. Si j'ai osé présenter à Votre Béatitude ce trop long exposé, c'est que je n'ignore pas quel zèle Sa Clémence apporte à restaurer la discipline chrétienne, et que, dans les conditions de cette vie mortelle, on ne peut apprendre ce qui se passe au loin que par ceux qui sont présents.

Très Saint Père, que le Christ très bon et très grand conserve longuement à Votre Béatitude une heureuse vie !

Prosterné très humblement à vos pieds que je baise, je suis,

De Votre Sainteté,

Le très humble serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prévôt de l'Eglise de Genève.

Annecy, diocèse de Genève, le 21 avril 1597.
A Sa Sainteté.

Au Très Saint Père Clément VIII,

Souverain Pontife des Chrétiens.

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican .
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XCIV

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(en italien)

Heureux résultats que promet la conférence projetée avec les hérétiques. Lettre du Saint au Pape. - Pression qu'exercent les Genevois sur les Catholiques de Gex et de Gaillard. - Etat des affaires du Chablais.

Annecy, 23 avril 1597.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

Nous étant retrouvés ensemble ces jours passés, le P. Chérubin, le P. Esprit et moi, et conférant des incidents particuliers qui sont arrivés dans les localités où nous avons prêché le Carême, nous avons jugé que la conférence pour laquelle on attend l'autorisation de Rome sera, moyennant la grâce de Dieu, une chose très fructueuse. Ceux de Genève poursuivaient fort pendant ce Carême pour qu'elle se fit ; mais ne pouvant tirer des nôtres une réponse précise, que nous n'étions pas à même de donner, il me semble qu'ils se sont un peu refroidis. N'importe: si elle a lieu, elle sera fructueuse, et si c'est par leur faute qu'elle ne se fait pas, ce sera glorieux pour la cause catholique. Ce que je regrette incroyablement, c'est que cette affaire ait été divulguée à grand bruit par notre cour, qui est si discrète qu'elle suffirait à révéler les mystérieux secrets de l'Apocalypse ; et nous avons à traiter avec des animaux auxquels le moindre bruit est suspect.

J'écris à Sa Sainteté sur le sujet que Votre Seigneurie verra ; je vous envoie à cet effet la lettre sous cachet volant, en vous priant de la fermer aussitôt après l'avoir lue, afin que personne autre ne la voie, parce qu'il est très important pour moi que l'on ne sache pas d'où viennent les avis qu'elle contient. Mais Votre Seigneurie acquerra un grand mérite en sollicitant fortement auprès de Sa Sainteté l'affaire de Gex et de Gaillard; car à la vérité c'est une chose honteuse que les Genevois, occupant ces pays au nom du roi de France, contraignent les Catholiques à mal vivre. Lorsque le roi le saura, il donnera sans doute ordre de les laisser jouir au moins de la liberté de conscience ou de l'Intérim , comme ils l'appellent.

Plût à Dieu qu'il eût aussi l'inspiration de demander la même liberté pour la ville de Genève, ce que peut-être il ne serait pas impossible d'obtenir en traitant l'affaire un peu énergiquement. Ces jours passés le bruit s'en étant répandu à Genève, je ne sais de quel côté ni sur quel fondement, on voyait déjà de nombreux dissentiments surgir entre les citoyens. Certes, dans ces choses si importantes, il vaut mieux tenter et espérer beaucoup, lorsque l'échec ne peut apporter grand dommage, que de perdre par trop de discrétion les occasions de faire le bien.

Quant à notre Chablais, je suis un peu arrêté jusqu'à la conclusion de la trêve, qui, me dit-on, se négocie maintenant. J'espère y conduire, au commencement du mois de mai, les PP. Capucins et les autres prêtres nécessaires en plus grand nombre possible ; et si on nous procure la paix et le moyen de continuer, je crois que le Seigneur en sera bien servi. Ces fêtes, les nouveaux Catholiques m'ont lassé par leurs confessions générales ; mais j'ai éprouvé une immense consolation de les voir si pieux, M. d'Avully à leur tête, lequel n'a pas manqué une seule occasion de donner le bon exemple. Que le Seigneur notre Dieu en soit loué !

Me confiant en votre bonté, je vous remémorierai la réforme des abbayes de cette contrée, particulièrement de celles d'Aulps et d'Abondance, ainsi que la provision pour le P. Prédicateur d'Evian, afin qu'on lui paie exactement la prébende accoutumée.

Je prie le Seigneur notre Dieu de donner à Votre Seigneurie tout vrai contentement et de la conserver longtemps pour le bien et la consolation de ces petites églises si affligées, et je demeure à jamais,

De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très humble et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prévôt de Genève.

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 
 

XCV
 
 

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL Ier

(INÉDITE)

Le curé de Saint-Julien est contraint de se retirer. - Requête des habitants de Bernex. - Incident survenu entre le P. Esprit et le ministre protestant. - Combien il est désirable que le duc signifie aux Thononais le désir qu'il a de leur conversion.

Thonon, 27 mai 1597.
Monseigneur, Ce pendant que j'attens plusieurs graces de la liberalité de Vostre Altesse, desquelles je l'ay suppliee ci devant, les occasions me naissent tous les jours de luy en demander des autres. On avait establi un curé a Saint Jullin pres Geneve , qui jusques a prœsent a fort bien fait son devoir, selon le tesmoignage de plusieurs gens de bien ; le peuple tout autour en estoit fort consolé. Maintenant, Monseigneur, le voyla contraint d'abbandonner pour n'avoir dequoy vivre ; et neanmoins la cure, qui est en commande a messieurs de Saint Lazare, est de fort bon revenu. Cecy n'est pas un petit scandale. Ceux de Bernex, qui sont une liëue pres de Geneve, au balliage de Ternier, m'ont addressé une requeste pour avoir l'exercice catholique, commE si j'avois ou le moyen ou l'authorité de ce faire. Je represente volontiers toutes ces necessités a Vostre Altesse delaq uelle seule en depend le remede.

Aussy ne dois je pas oublier la necessité du lieu ou je suis. Le P. Esprit, docte et signalé prœdicateur Cappucin, estant icy ces festes, ou il a apporté tres grande consolation a tous les gens de bien, et a luy mesme esté consolé d'y en voir plus qu'il ne pensoit, voyant que ceux de la ville s'opiniastroyent si fort a ne point ouyr les prœdicateurs catholiques, voulut vendredy dernier remonstrer publiquement, mais gratieusement, au ministre la fauseté de sa doctrine. Sur quoy les bourgeois dirent que Son Altesse ne vouloit pas quilz traittassent avec nous. Je repliquay qu'au contraire Son Altesse l'auroit tres aggreable. Ilz respondirent que Vostre Altesse ne leur en avoit donné d'advis, et que quand il l'auroit fait ce seroit autre chose, et qu'au reste ilz ne m'en croyoient pas. Mays un bourgeois plus impatient vint tirer par force le ministre de la compaignie affin qu'on ne sceut ce qu'il sçavoit faire . La ou, Monseigneur, je me sens obligé en mon ame de supplier tres humblement Vostre Altesse de faire meshuy sçavoir a ces gens qu'elle aura aggreable qu'ilz oyent et sondent les raysons catholiques, sans plus alleguer de si impertinentes excuses comm'est cellecy, de mettr'en doute le bon desir que Vostre Altesse a de leur conversion. Le traitté avec les Bernois ne peut en estr'alteré puysque, sans forcer personne au changement de religion, on les invite seulement a la consideration de l'estat de leur conscience.

Je ne lairray pas encores de remettr'en memoyre a Vostre Altesse la pauvreté du ministre qui se recatholise, duquel je luy ay ja si souvent escrit, qui ne peut estre secouru d'ailleurs, et celle de ces set ou huict personnes catholiques qui sont en extreme disette, pour lesquelz aussy j'ay ci devant supplié a Vostre Altesse, affin que quattr'ou cinq muis des aumosnes de Ripaille et Filly leur soyent appliqués en pension leur vie durant, qui ne peut plus guere durer puysque ce sont presque tout gens vieux; et ces aumosnes ne touchent en aucune façon la Religion de Saint Lazare. Ce sera un'aumosne des plus fleuries qui puissent partir de la main de Vostre Altesse.

Je prie Nostre Seigneur Jesus Christ qu'il accroysse de plus en plus ses benedictions sur elle, comm'estant et devant estr'a jamais,

Monseigneur,

De Vostre Altesse,

Tres humble et tres obeissant sujet et serviteur,

FRANÇ' DE SALES,

indigne Praevost de Geneve.

A Thonon, le 27 may 97.
Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Biblioteca Civica.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XCVI

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(en italien)

Mêmes sujets. - Installation d'un curé à Brens.

Thonon, 27 mai 1597.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

Deux craintes m'ont empêché jusqu'ici d'écrire à Votre Seigneurie Illustrissime : l'une provenant des bruits de guerre, l'autre, de la peste, dont on a été un peu menacé de nos côtés. Je vous dirai maintenant qu'on vient de m'adresser une requête de la paroisse de Bernex, au bailliage de Ternier, distante de Genève d'environ trois milles. Sur cette déraisonnable supposition que j'ai reçu de Son Altesse le moyen et l'autorité d'avancer les affaires de la religion, on me demande l'exercice du culte catholique.

De Saint-Julien, qui n'est guère plus éloigné de Genève, me sont arrivées des lettres du juge-mage de Gex et autres en faveur du curé dudit lieu. Il y fut installé depuis peu, et avait jusqu'à présent fort bien rempli sa charge; mais, n'ayant pas de quoi vivre, il est contraint de laisser la paroisse sans pasteur. Cette cure appartient à l'Ordre de Saint-Lazare qui donnait une certaine pension au curé ; maintenant on vient de la lui ôter, d'où résulte ce scandale qui ne pourrait être plus grand. On m'a raconté que le peuple, les larmes aux yeux, priait à genoux le curé de rester ; mais, voyant bien que tant que les prêtres seront regardés comme des agneaux le loup les mangera, il résolut, malgré tout, de quitter ses paroissiens, avec l'intention néanmoins de retourner chaque Dimanche les consoler.

Ces choses arrivent hors du Chablais, tout près de Genève. J'ai donc recours à la bonté de Votre Seigneurie l1lustrissime, lui envoyant à cet effet la requête des gens de Bernex et celle du curé de Saint-Julien qui, une fois déjà présentée à Son Altesse, est demeurée sans réponse sur son principal objet. je vous adresse aussi les lettres du juge-mage de Gex et du baron de Viry , personnage distingué et influent, afin que les Chevaliers voient que je suis seulement avocat et non point partie, car la partie n'est autre que le bien public. Ces lettres sont en français, mais Votre Seigneurie pourra se les faire lire par M. de Lullin ou par d'autres. Je vous prie instamment de ne pas les égarer, afin que je puisse m'en servir contre ceux qui trouveraient mauvais que je m'entremette en tant de choses. J'écris à ce sujet un mot à Son Altesse, suppliant Votre Seigneurie de daigner, par charité, nous obtenir une courte mais efficace réponse.

Le bon et docte P. Esprit, Capucin, étant venu ici ces fêtes de Pentecôte et ayant prêché soit en cette ville, soit dans la paroisse des Allinges, est demeuré fort consolé de ce nouveau peuple, et le peuple, à son tour, l'a été incroyablement de ses fructueuses prédications. Pendant ce temps je suis allé visiter la nouvelle paroisse de Cervens, où j'ai reçu aussi beaucoup de consolation. Toutefois, les fruits seront encore plus abondants lorsque ces prédicateurs et d'autres viendront ici pour y séjourner ; ce que le P. Esprit n'a pu faire, ayant été rappelé par le P. Provincial .

Sur ces entrefaites, un incident est survenu: le Père, voyant les habitants de Thonon suivre si opiniâtrement leur ministre hérétique sans vouloir écouter nos prédications, résolut vendredi passé de démontrer à celui-ci la fausseté de sa doctrine, et cela en public. Mais un des plus obstinés de la ville, s'apercevant que l'issue de la dispute ne pouvait être à l'honneur du ministre, l'entraîna de force hors de la place, disant que Son Altesse n'entendait pas qu'ils traitassent avec nous des choses de la religion. Or, comme nous répliquions que néanmoins nous n'étions pas venus en ces pays dans un autre but, plusieurs entre autres repartirent que je ne saurais le prouver, et qu'au reste ils refusaient de me croire là-dessus, mais que si Son Altesse leur signifiait son intention, ce serait autre chose.

Voilà l'excuse d'un petit nombre d'obstinés de la ville (dans la campagne nous n'avons pas ces difficultés), lesquels ensuite, par divers moyens et sous divers prétextes, empêchent les autres de se convertir. De sorte que si Son Altesse donnait le moindre témoignage du désir qu'elle a de leur salut, sans rompre avec les Bernois, on en verrait d'heureux fruits. Je lui écris aussi à ce sujet. Chose étrange, mais non point miraculeuse, car elle est ordinaire : ces misérables enfants de ténèbres sont plus avisés et prudents dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière ! (Lc 16,8) Pour mon compte, j'ai été très consolé de voir ici ce bon P. Esprit qui pourra certifier de l'état des choses.

Cette semaine je placerai un curé dans la paroisse de Brens : c'est la quatrième de ce bailliage qui sera pourvue . M. Roget viendra dans quelques jours, comme Votre Seigneurie Illustrissime le lui a commandé ; il serait déjà venu sans certaines affaires du clergé qui le retiennent encore. Je vous dirai de plus que les choses vont mal au sujet de ces pensions ; jusqu'ici je n'ai pu en tirer que cent soixante florins et trente-cinq coupes de froment. Il est vrai qu'on m'en a offert environ soixante-quinze, mais de si mauvaise qualité que je n'ai pu les accepter. Je poursuivrai mes sollicitations ; puis, ayant fait tout mon possible, je serai dispensé d'en faire davantage. Nous manquons de logements pour les curés, nous manquons de tout ameublement pour les églises et il faut tout acheter : je vous laisse à penser en quel état nous nous trouvons. Je craignais beaucoup qu'avec ces retards la conférence de Genève ne fût allée en fumée; mais, d'après ce que j'apprends, elle pourra avoir lieu et d'une manière convenable : elle sera très fructueuse.

Votre Seigneurie m'encourage si fort à lui écrire souvent, que je lui parlerai librement même des choses les plus minimes (bien que dans le service de Dieu les moindres choses soient importantes), comme au Père très affectionné de ces populations. Je baise en toute humilité vos mains vénérées et, priant le Seigneur de vous conserver longtemps, je demeure à jamais,

De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

Prévôt de Genève.

Thonon, le 27 mai 1597.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 
 
 

XCVII

AU MÊME

(en italien)

Maladie de l'Evêque de Genève. - Obligations de l'Abbé d'Abondance envers le prédicateur d'Evian. - Indigence des Religieuses de Sainte-Claire.- Poursuites à faire pour obtenir la conférence avec les ministres. - Le Saint sollicite l'autorisation de concourir pour la cure du Petit-Bornand. La permission de lire les livres hérétiques est nécessaire aux missionnaires.



 
 
 
 
 
 

Annecy, 31 mai 1597.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Après avoir écrit de Thonon à Votre Seigneurie Illustrissime le 27 de ce mois, je reçus la nouvelle que Mgr notre Révérendissime Evêque était très malade, et que, se sentant en danger de mort, il désirait extrêmement me voir. Je partis aussitôt, et à peine arrivé ici j'y trouvai votre lettre du 12 courant. Vous ayant exposé dans la précédente l'état des affaires du Chablais, je n'ai maintenant aucune réponse à vous faire, si ce n'est au sujet du prédicateur d'Evian.

J'envoie à Votre Seigneurie Illustrissime une copie du Bref de Sa Sainteté en faveur du feu P. Papard : vous y verrez les motifs pour lesquels le Pape jugea raisonnable que l'Abbé donnât cette prébende, motifs qui actuellement sont plus pressants que jamais. Ce pays est dans la gueule des hérétiques et n'a aucun autre moyen d'entretenir un prédicateur ; l'Abbé perçoit toutes les dîmes, c'est donc justice qu'il paisse la brebis dont il tond la laine. C'est le plus grand service qui soit rendu au Seigneur en toute cette abbaye. L'Abbé d'Aulps , lequel n'y est pas si fort tenu, donne une pension entière pour l'école des enfants. Le prédicateur actuel est un homme de grand mérite; quoiqu'il soit vicaire général de la province Gallicane de son Ordre, il n'a pas laissé néanmoins cette année de prêcher l'Avent et le Carême, et quand il sera déchargé de son office il fera encore plus de bien. S'il n'est pas allé à Abondance, ce sera sans doute ou parce qu'il n'aura pas été invité, ou parce que la cessation de la prébende aura précédé la cessation des prédications. Quant à l'autre prédicateur que l'Abbé dit être obligé d'entretenir dans son abbaye, je crois que cela doit se faire, mais je sais et je crois que cela ne se fait pas. A la vérité, l'Abbé ne serait pas trop chargé d'avoir deux prédicateurs à son compte ; il me semble, au contraire, qu'il le serait bien davantage s'il ne les avait pas.

Les Religieuses d'Evian sont non seulement pauvres, mais elles endurent la faim, et je sais que l'Abbé leur fait l'aumône ; pour ce qui est de leur donner une prébende, comme il le prétend, je pense qu'il faut distinguer entre prébende et prébende. J'aurai bientôt des renseignements vrais et détaillés à ce sujet.

Quant à l'opinion que M. l'Abbé prétend donner si gratuitement à Votre Seigneurie Illustrissime, qu'en général il ne faut pas se fier aux Savoyards, je la regarde comme une impertinence telle qu'elle ne mérite pas de réponse. Qu'il s'efforce tant qu'il voudra d'insinuer de semblables opinions ; pour moi je suis sûr de convaincre du contraire par des effets : c'est-à-dire, qu'en cela ni en chose quelconque je n'use point de mensonge ou d'artifice auprès de Votre Seigneurie, et que je ne demande pas un seul denier des revenus de son abbaye.

Hier je reçus l'autre lettre de Votre Seigneurie Illustrissime et je vis la copie de celle de M. le Cardinal de Santa-Severina. Mgr le Révérendissime manda aussitôt le P. Provincial des Capucins , qui était ici, pour le charger d'écrire au P. Chérubin, actuellement à Montmélian, et lui ordonner de venir rendre une réponse positive à ceux de Genève. Cette réponse n'a pu être donnée jusqu'à présent; cependant il faut au plus tôt prendre de part et d'autre une résolution définitive. Ce Père est très diligent et adroit, il traitera donc promptement l'affaire. Dès qu'il aura achevé, Votre Seigneurie sera informée par le menu de nos moindres projets afin qu'ils soient tous dirigés par vous. Nous vous demanderons plus ou moins de théologiens selon le nombre de conférenciers voulu par ceux de Genève, et nous tâcherons de toute façon qu'il y ait deux ou trois Jésuites. Nous ne nous endormirons point en cette négociation, et vous en serez averti immédiatement, dans le plus grand détail. Je me félicite de ce que Sa Sainteté en a laissé le soin à Votre Seigneurie et à Mgr le Révérendissime, car ainsi tout se fera d'une manière plus expéditive et plus fructueuse.

Depuis vingt jours Monseigneur est au lit très malade ; il a reçu pendant ce temps deux lettres de Votre Seigneurie, l'une le 26, l'autre hier par M. le chanoine Floccard , et regrette beaucoup de n'avoir pu vous répondre, parce que le médecin n'a pas voulu le lui permettre. Il espère néanmoins recouvrer un peu de force et vous donner, dans quelques jours. pleine et entière satisfaction au sujet de vos lettres et de celles de M. Giustiniani, lequel n'est certainement pas bien informé des affaires de ce pays ni des comptes de Monseigneur son oncle . Mgr notre Révérendissime Evêque vous prie donc de patienter un peu jusqu'à ce qu'il puisse vous répondre,

Un bénéfice-cure, c'est-à-dire une cure, est maintenant vacant ; il peut rapporter environ deux cents écus de revenu les bonnes années, et doit, comme de coutume, se donner au concours. Plusieurs de mes amis, même spirituels, m'engagent à me prévaloir de cette occasion, car nous n'en avons pas de meilleure dans ce pays. Pour ne point mépriser leur avis, je le ferai, mais à la condition de ne jouir de ce bénéfice que sous le bon plaisir et avec l'assentiment de Votre Seigneurie Illustrissime, puisque je ne puis avoir et conserver avec cette cure la prévôté de l'église cathédrale. Il est bien vrai que la prévôté n'a pas un liard de rente et le canonicat que l'on donne au Prévôt ne rapporte en moyenne que soixante écus par an; j'estimerais donc plus avantageux d'être un curé renté, que d'être un pauvre Prévôt, n'était l'espoir de notre retour à Genève, lequel soutient encore maintenant plusieurs docteurs distingués et nobles qui ont appartenu à notre Eglise. Mais, pour parler clairement, je suis presque contraint de céder cette prévôté à quelqu'un qui puisse résider ici plus assidûment que je ne le fais moi-même pendant que je suis occupé en Chablais, et qui ait en même temps de quoi vivre sans ce revenu. J'ai à la vérité vécu jusqu'à présent, et mieux que je ne le mérite, mais d'une manière précaire ; c'est pourquoi, toutes choses bien pesées, je me résous à demander la cure, qui est le plus riche bénéfice de ce diocèse parmi ceux qu'il m'est possible et permis d'espérer.

Je désire aussi prier Votre Seigneurie Illustrissime d'obtenir qu'il me soit loisible, avec l'agrément de Sa Sainteté, de garder le canonicat simple, afin que, venant ici, j'aie une place dans notre chœur ; car les offices s'y célèbrent si dignement que c'est là une de mes plus grandes consolations. Ayant ainsi de quoi vivre selon ma condition, je ne chercherai plus autre chose sinon de servir le Seigneur et l'Eglise de ce diocèse par les petits travaux auxquels je serai employé. Que votre bonté daigne me pardonner si, au milieu de tant de graves sollicitudes qui l'accablent, je l'entretiens d'une affaire qui m'est personnelle ; mais, dans mes doutes, je ne sais où me reposer si ce n'est dans le cœur de Votre Illustrissime et Révérendissime Paternité.

Je ne sais pas encore s'il aura plu à Sa Sainteté d'accorder à MM. Grandis et Roget, docteurs en théologie, la permission de lire les livres défendus ; mais je sais bien que, sans cette permission, il ne faut pas se mêler de prêcher parmi les hérétiques. La conférence me retiendra longtemps ici ; en attendant, M. Roget ira à Thonon pour remplir les devoirs du ministère.

Je prie le Seigneur de vous conserver longues années pour l'utilité de ces provinces, et baisant très humblement vos mains vénérées, je demeure à jamais,

De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très humble et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prévôt de Genève.

Annecy, le 31 mai 1597.
Cette lettre était écrite et non encore expédiée, quand le P. Esprit m'en a fait remettre une que je joins à celle-ci ; je crois qu'il vous renseignera sur les affaires de Thonon. .
 
 


Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 
 
 

XCVIII

AU MÊME

(MINUTE) (en italien)

Affaires du Chablais : démêlés avec les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare ; encore la conférence de Genève.

Sales, 29 juin 1597.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Les lettres de Votre Seigneurie et le Bref de Sa Sainteté me furent envoyés si promptement par M. le président Pobel , qu'ils me parvinrent à Thonon le 23 juin. Je vous remercie infiniment du zèle avec lequel vous vous employez pour ces pauvres populations.

Quant à l'ordre que M. Ripa dit avoir été donné, soit pour le maintien de M. d'Avully dans la charge de chef du consistoire du Chablais, soit encore pour la restitution du traitement dû au curé de Saint-Julien, je n'en ai jusqu'ici reçu aucune nouvelle.

Au sujet de ce qui a été promis par les Chevaliers, il est vrai que le chevalier Bergera obligea les fermiers en ma faveur ; mais il est vrai aussi que j'ai protesté ne point vouloir plaider avec ces gens, qui sont tous habitants de Thonon ; et il ne faut pas que ceux qui tâchent de les convertir aient ces démêlés avec eux, surtout en des temps si calamiteux, et en des pays où tout le monde est pauvre.

Pour ce qui est d'augmenter le nombre des curés, je persiste à dire qu'il est très convenable que non seulement les Chevaliers, mais encore tous ceux qui détiennent des bénéfices en Chablais les remettent à Mgr le Révérendissime afin qu'il les donne ensuite aux plus capables. Toutefois, il me semble que MM. les Chevaliers ne doivent pas, sous de vains prétextes, retarder cette œuvre et dire que presque toutes les cures sont entre les mains des ecclésiastiques ; car il n'y a pas cinq prêtres qui jouissent paisiblement de ces bénéfices. Sur les cinq je n'en connais qu'un qui ne soit pas molesté par les Chevaliers mêmes, et celui-ci n'en a pas tiré un seul liard parce qu'il en a été empêché par les Genevois. Du reste, il a suffisamment dépensé de son bien et de celui de ses amis dans la mission du Chablais, pour qu'on ne lui reproche pas ce bénéfice .

J'ai reçu en toute humilité le Bref de Sa Sainteté ; je tâcherai d'exécuter avec grande diligence ce qu'il m'enjoint. Il est vrai que les temps sont bien mauvais pour ce pays. Mgr notre Révérendissime Evêque m'a envoyé, pour faire parvenir à Votre Seigneurie, une lettre dans laquelle il vous annonce que, par la grâce de Dieu, il a recouvré la santé.

Le P. Chérubin vous écrit où nous en sommes touchant la conférence. Je crains que les mouvements des troupes en Maurienne ne nous causent de grands embarras , surtout pour la venue du P. Jésuite que Votre Seigneurie Illustrissime veut nous envoyer. Puisque vous me demandez lequel serait le plus utile, du Recteur de Turin ou du français, lecteur de théologie à Milan , je crois que le français nous conviendra mieux, soit à cause de la langue, soit aussi pour qu'il y ait moins d'affectation de notre côté; car cette conférence ne doit se faire que sous le nom de Mgr notre Evêque. Mais il faudrait prévenir ce Père afin qu'il vînt sans retard au premier appel : tout délai ne pourrait être que nuisible. Nous avons à Chambéry deux Pères Jésuites de grand mérite : le P. Saunier et le P. Alexandre, écossais ; si les passages et les routes [d'Italie] étaient fermés, il me semble que ces Religieux suffiraient. Les Genevois, il est vrai, font grande difficulté d'admettre des Jésuites à cette conférence, disant qu'ils sont hommes d'Etat et explorateurs d'Espagne ; cependant nous emploierons de notre côté toutes sortes d'instances.

Quant à la paroisse pour laquelle je désirais avoir une dispense, le frère du défunt prétend en être pourvu de Rome par résignation. S'il est vrai, je ne voudrais pas importuner inutilement Votre Seigneurie ; j'attendrai donc pour vous supplier à ce sujet la décision de Rome à l'égard du prétendant.

On m'avertit que M. le chantre de la métropole de Lyon adresse à Mgr l'Illustrissime Cardinal Légat de France certains avis touchant les affaires de Genève ; comme il est un homme digne de foi, j'ai cru devoir vous en informer, afin que si par hasard Votre Seigneurie écrit audit Légat et qu'Elle en ait occasion, Elle daigne le favoriser. ………………

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XCIX

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL Ier

(MINUTE)

Témoignages de reconnaissance.

[Juillet] 1597.

Monseigneur, Je remercie tres humblement Vostre Altesse du favorable jugement qu'elle fit de moy dernierement , quand la nouvelle se donna que Monseigneur le Rme Evesque de Geneve estait en danger de mort . Et sachant que cest heur de comparoistre en vostre memoire en une si honnorable occasion ne peut partir que de la bonté de Vostre Altesse, qui aura peut [être] esté persuadëe qu'il y aye quelque suffisance en moy, proportionëe a ceste sienne faveur, je rougis d'honte d'en estre tant indigne (un léger trait deplume a été passé probablement par distraction sur les sept mots qui précèdent), et loue Dieu neanmoins qui a donné a Vostre Altesse ceste resolution de vouloir procurer des bons pasteurs a vostre peuple ; car encores que je soys le plus indigne de tous ceux qu'elle pouvait se reduyr'en souvenance, si est ce que l'intention droitte de Vostre Altesse ne laisse pas d'en estre tres recommandable.

J'ay escrit pieça a Vostre Altesse des necessités du Chablais, et quoy que je ne doute point que le zele dont Nostre Seigneur a eschauffé son coeur ne luy en tienne tousjours la memoyre fraiche, si ay je prié monsieur le baron de Chevron de la luy reprcesenter.

Je prie sa divine Majesté qu'elle conserve et confere toute benediction a Vostre Altesse, delaquelle je suis,

Monseigneur,

Tres humble et tres obeissant serviteur et sujet.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

C

A UN GENTILHOMME DE LA COUR DU DUC DE SAVOIE

(MINUTE INÉDITE)

Même sujet.

[Juillet] 1597.
Monsieur,

Je ne puys penser d'ou me vient la faveur [par laquelle] il vous pleut embrasser dernierement l'honnorable souvenance que Son Altesse eut de moy sur la nouvelle qui courut de la maladie de Monseigneur l'Evesque de Geneve, si ce n'est vostre bonté, qui vous sollicite a bienfaire jusques aux inconneuz. Mays je sçai bien que ceste vostre courtoisie ne se pouvoit adresser a sujet qui s'en tint plus indigne et plus obligé a vous rendre humble service.

Je prie Dieu quil vous conserve longuement en prospérité, et m'offre meshuy a vous pour demeurer a jamais,

Monsieur ,

Vostre tres humble serviteur.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 

CI
 
 
 
 

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN.

(MINUTE) (en italien)

Assemblée faite à Annemasse pour traiter des intérêts de la religion en Chablais. - Le P. Chérubin député auprès du duc. - Succès prodigieux des Quarante-Heures d'Annemasse.

[Thonon,] 14 septembre 1597.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Pendant que je différais de jour en jour d'écrire à Votre Seigneurie Illustrissime en attendant que je pusse me concerter avec le P. Chérubin pour le faire plus amplement, il est arrivé tant de choses dignes de vous être communiquées, que je ne sais si je pourrai les rappeler toutes à mon souvenir.

Comme je vous l'écrivais dans ma dernière lettre, les RR. PP. Jean Saunier, Jésuite, Esprit et Chérubin, Capucins, le chanoine de Sales, le curé d'Annemasse , tous prédicateurs, et le baron de Viry, conseiller d'Etat de Son Altesse, se sont réunis à Annemasse afin d'aviser aux moyens les plus convenables pour ramener à la foi les populations des environs de Genève ; voici ce qui a été conclu. Il est absolument nécessaire que les Chevaliers de Saint-Lazare et autres cèdent les cures qu'ils possèdent; qu'un collège de PP. Jésuites, ou du moins une résidence ad tempus soit établie à Thonon. Il faudrait appliquer à cela le revenu d'un prieuré conventuel qui appartient à la commune dudit lieu. Mais afin d'empêcher les habitants de conserver quelque froideur à l'égard des Pères, ce qui entraverait beaucoup le progrès de leur conversion, on proposa de prier Son Altesse de vouloir bien, en dédommagement de ce prieuré, abandonner à la commune l'impôt ou taille qu'elle perçoit maintenant de la ville de Thonon. Tel est le résumé des propositions faites unanimement par les Pères et autres qui assistaient à l'assemblée.

On traita ensuite des moyens à prendre pour acheminer le projet de la conférence ; mais je laisserai le P. Chérubin écrire sur ce sujet, puisque c'est à lui que les réponses ont été données. En somme, les ministres redoutent incroyablement cette entreprise. Le P. Chérubin m'a dit que Votre Seigneurie Illustrissime se proposait de prier Sa Sainteté de vouloir bien écrire à M. le Cardinal Légat de France, afin qu'il tâche d'obtenir que le roi ordonne aux Genevois de venir à la conférence ; or, je ne puis omettre de vous prévenir que, de cette manière, elle se ferait avec beaucoup plus de fruit et dans des conditions plus avantageuses.

De tout ce qui a été proposé à Annemasse, on a dressé un écrit ou mémoire pour être présenté à Son Altesse. Le P. Esprit avait d'abord été désigné pour aller en cour traiter de cette affaire ; mais ensuite Monseigneur voulut, et cela très prudemment, que le P. Chérubin entreprît ce voyage. Il avait été aussi question de célébrer les prières des Quarante-Heures audit lieu d'Annemasse pour réveiller les ministres de Genève. Le Père se trouvant donc à la cour, obtint sur chaque proposition une très pieuse et très agréable réponse. Mais les projets relatifs aux cures et au collège ont été remis entre les mains de MM. de Lullin et de Jacob, qui doivent aviser comment on pourrait les mettre à exécution ; maintenant, à ce qui m'est dit, on attend pour en finir l'arrivée de M. le chevalier de Ruffia.

Cet exercice des Quarante-Heures se fit à Annemasse le premier Dimanche de septembre et le jour de la Nativité de Notre-Dame, avec un fruit beaucoup plus, grand que celui que nous en espérions ; il tient même un peu du miracle. Annemasse est une paroisse de la campagne, à trois milles de Genève, où il n'y a pas moyen de loger quatre personnes. Là, autour de l'église, qui a été tout endommagée par les huguenots, on construisit avec des toiles, des boiseries, des tapisseries et autres choses semblables une tente très vaste, afin que tout le peuple pût demeurer………..
 
 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

ANNEE 1598

CII

A MONSIEUR CLAUDE MARIN, PROCUREUR FISCAL EN CHABLAIS

(INÉDITE)

Prochain retour du P. Chérubin à Thonon. - Promesse du président Favre.

Annecy, 3 janvier 1598.
. Monsieur,

L'ayse que j'attendois de vostre presence m'a fait moins gouster celluy que j'ay accoustumé de prendre quand je reçois de vos lettres, a la reception de vostre derniere, laquelle neanmoins, a faute de vous, a esté la tres bien venue en une heure en laquelle j'estois en conversation avec le Pere Cherubin, vers lequel je me suis servi de vostre authorité pour luy persuader de retourner bien tost par dela, ce quil fera. Monsieur le president Favre est a Chambery, et m'asseure qu'il mettra au jour les calomnies de ceux qui n'ont point d'autre religion que le mensonge, et reformera les accusations de ces si mal formés reformateurs.

Faites moy cest honneur de croire que la nouvelle santé que Dieu me donne vous est toute acquise, puisque je suis

Vostre plus humble serviteur, FRANçs DE SALES,

Prœvost de Geneve.

Annecy, 3 janvier 1598.
A Monsieur Marin,

Procureur fiscal du Chablais.

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CIII
 
 

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(INÉDITE) (italien)

Le voyage du Saint à Rome retardé par une maladie grave. - Envoi de trois lettres du duc. - Bonnes dispositions des habitants du Chablais. Intervention en faveur de deux religieux qui ont encouru des censures ecclésiastiques.

Annecy, 14 janvier 1598.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

Après avoir été visité de la bonté de Dieu notre Seigneur par une fièvre continue, j'ai fait récemment une rechute si dangereuse que pendant sept jours consécutifs on n'attendait guère autre que ma mort . Maintenant que, par la même divine bonté, je suis en convalescence, il m'est resté une telle faiblesse, surtout aux jambes, que je ne sais si je pourrai faire le voyage de Rome avant Pâques, quoique je désire infiniment de m'y trouver pour la Semaine Sainte; aussi ferai-je tous mes efforts à cette fin.

C'est dans cette prévision que je m'étais rendu au camp avant de tomber malade : d'abord pour avoir un passeport de Son Altesse, et ensuite pour obtenir la déclaration de son consentement à la restitution des cures du Chablais aux curés qui s'y établiront aussitôt que cette restitution sera faite. Son Altesse, avec toutes les démonstrations de piété que l'on pouvait espérer, donna ordre d'écrire trois lettres, l'une à Sa Sainteté et les autres à deux Cardinaux, afin de prier instamment le Saint-Siège de révoquer l'union de ces bénéfices avec ceux des Chevaliers. Or, parce que dans ces lettres je suis mentionné comme devant en être le porteur, avec charge d'expliquer la nécessité de la révocation désirée, j'ai différé jusqu'à présent de les expédier, espérant pouvoir les remettre moi-même sous peu. Mais voyant que lesdites lettres vieillissent, je crains qu'il y ait quelque danger en ce retard, et il me semble devoir les envoyer à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, protectrice très dévouée de toute cette affaire, afin qu'Elle les retienne si Elle le juge bon, ou qu'Elle les expédie pour hâter cette œuvre, laquelle ne se terminera jamais aussi promptement qu'on peut le désirer.

J'espère que Sa Sainteté ne verra pas de difficulté en cela ; mais Son Altesse m'a dit en particulier que cette affaire doit être traitée sans en souffler mot à M. Arconato , son ambassadeur auprès de Sa Sainteté, parce qu'il s'y opposerait en vue de son intérêt personnel. Il y a vraiment urgence : ce qui le prouve, c'est que pendant les fêtes de Noël, Son Altesse ayant envoyé à Thonon M. le président Favre, homme d'une piété singulière et d'un grand mérite, pour connaître le sentiment des habitants du Chablais sur l'exercice du culte catholique, presque tous ont témoigné le désirer et ils attendent d'heure en heure qu'il soit rétabli.

Le P. Chérubin a prêché l'Avent à Thonon, et il doit arriver ici demain ; il renseignera plus particulièrement Votre Seigneurie illustrissime. On m'a dit que Son Altesse a saisi à son profit le revenu des Chevaliers, et je l'ai fait prier de donner la provision nécessaire aux ecclésiastiques qui sont dans les trois cures déjà établies.

Mais je ne puis finir sans demander, selon mon habitude, quelque faveur à Votre Seigneurie. Deux pauvres et vertueux religieux de l'abbaye de Notre-Dame de Sixt ont célébré avant le Temps : l'un, appelé François Biord, dans sa dix-neuvième année ; l'autre, Nicolas Desfayet, dans sa vingt-troisième ; et cela après la Bulle de Sixte V , dont ils n'avaient toutefois aucune connaissance. Aussitôt qu'ils ont connu l'existence de cette Bulle, touchés d'un grand sentiment de pénitence, les larmes aux yeux, ils ont eu recours à moi pour recevoir quelque consolation. Et moi je ne puis faire autre chose que de recourir à la bonté de Votre Seigneurie afin de leur obtenir l'absolution. Sixt est un monastère de Chanoines réguliers, sous la juridiction de l'abbaye d'Abondance ; mais les moines qui l'habitent sont des hommes de bien, vivant en la crainte de Dieu, ainsi que me l'a rapporté M. le chanoine de Sales qui a prêché là ces fêtes passées.

Et finalement, Dieu m'ayant donné ce peu de vie qui me reste, je reconnais devoir l'employer au service de sa divine Majesté, de la sainte Eglise et tout particulièrement à me témoigner,

De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très humble et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

Prévôt de Genève.

Annecy, le 14 janvier 1598.
Les médecins, qui ne trouvent pas bon que j'écrive, m'ont obligé à me servir de la main d'autrui. Que Votre Seigneurie Illustrissime me le pardonne.

Revu sur les deux textes insérés dans le Ier Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 
 

CIV

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL Ier

(MINUTE)

Instantes prières pour que les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare soient contraints à payer les pensions dues aux curés du Chablais. - Députation des villageois de cette province pour obtenir du duc la restauration de leurs églises. - Maladie du Saint.

Annecy, janvier 1598.
Je crois que Vostre Altesse se resouviendra que l'annee passee, appres plusieurs declarations de la bonne intention qu'elle avoit de prouvoir a l'entretenement des gens d'Eglise qui seroient emploiés pour le service de Dieu au duché de Chablais, messieurs les Chevaliers de Saint Lazare promirent en fin finale a Monseigneur le Nonce de donner chasque annee six pensions pour autant de gens d'Eglise ; mais pour ne se forcer pas de premier coup, ilz ne firent ceste premiere annee la que la moytié de ce quilz avoient promis, qui fut cause de reduire les six a troys. Or pensois je que ceste annee ilz envoieraient les commandementz necessaires a leurs fermiers pour faire delivrer tout entierement les six pensions promises, affin non seulement de conserver l'exercice commencé en trois lieux par les trois ecclesiastiques dejaz establys.......

Mais voiant quilz n'en tiennent aucun conte, je suis contraint de recourir a la bonté de Vostre Altesse pour la supplier tres humblement que, comme par son authorité et zele elle tira la promesse desditz seigneurs Chevaliers, il luy plaise aussy d'en faire sortir l'effait, commandant a ses officiers et ministres de Chablais de faire saisir sur le revenu des cures ces six pensions, au prouffit des trois curés dejaz constitués et de trois autres qu'on y establira tout aussi tost que l'on aura le moien de les entretenir. Autrement, Monseigneur, le service cessera tout a coup la ou il est commencé, qui sera un grand scandale et perte d'ames, et ne se trouvera personne qui veullie plus y aller pour y estre a la mercy de la provision de messieurs les Chevaliers.

Ce pendant, voicy une preuve certaine de la necessité que l'on a en ce pais la de beaucoup d'ouvriers spirituelz. Ces bons paisans, deputés de plusieurs parroisses, vont supplier Vostre Altesse de leur doner moyen de refaire leurs eglises et d'avoir des pasteurs catholiques. Je puis dire avec verité que la pluspart des vilages du balliage de Thonon sont de mesme vollonté ; pour tous lesquelz je prie Dieu de tout mon cœur quil les fasse jouir des desirs quil a mis en eux, et supplie Vostre Altesse en toutte humilité qu'elle leur fasse voir la grandeur de l'affection qu'ell'a a l'honneur de Dieu, puisque l'acueil et faveur que leur simplicité recepvra de Vostre Altesse servira de mesure et de reigle a tout le reste de Chablais, et en fin mesme a ceux de la ville de Thonon, quoy quilz semblent maintenant revesches et rebelles a la lumiere. Aussi est ce l'ordinaire que les pauvres et simples embrassent plus vollontiers le Crucifix que les riches et sages mondains (1 Co 1,23). Ce furent des bergers qui les premiers adorerent Nostre Seigneur né.

Je pensois bien obtenir de Sa Sainteté la restitution universelle des cures des balliages, suivant l'expres con sentement que Vostre Altesse en avoit donné par escrit, si Dieu n'eust retardé par une longue maladie le voiage de Rome pour lequel j'avois prins a Barraux les commandementz et le congé de Vostre Altesse. Ce sera incontinant que je me verray asses fort pour l'entreprendre.

Je prie tres instamment Nostre Seigneur quil vous doint……………

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 

CV

A MONSIEUR LOUIS DE PINGON, BARON DE CUSY

Requête présentée au duc de Savoie pour obtenir que l'usage de la cloche de l'église Saint-Hippolyte soit interdit aux hérétiques.

Annecy, 12 février 1598.
. Monsieur,

On avoit defendu aux huguenotz de Thonon de sonner la cloche qui est en l'eglise des Catholiques. Ilz sont sur le point de demander a Son Altesse qu'il leur soit permis de s'en servir autant qu'a nous, et sont si outrecuydés qu'ilz pensent de l'obtenir. Certes, ilz ont gasté desja une autre plus grosse cloche, en haine de nous autres Catholiques qui la sonnions. Leur presche ne se fait pas en ceste eglise la ni en la ville, car il leur est defendu ; pourquoy leur permettra on de le sonner la ou ilz ne le disent ni peuvent dire ? Une cloche ne peut servir a Dieu et a Belial (2 Co 6,15). C'est ce que j'escris a Son Altesse, et la supplie que si ceux de Thonon s'addressent a elle pour luy presenter requeste de ceste affaire, elle les renvoye sans decret ou avec nouvelle defense de sonner. La cloche n'est pas si legere qu'elle semble ; car ilz sçavent faire valoir la moindre chose qu'on leur accorde pour contrister les bons Catholiques.

Desirant donq infiniment, pour l'honneur de Dieu, que Son Altesse daigne lire ou faire lire promptement ma lettre affin que je ne sois prevenu par les requestes de ces huguenotz, je n'ay sceu a qui mieux m'addresser qu'a vous, pour vous supplier tres humblement de bailler ma lettre et prier Son Altesse la voir, et, s'il ne la veut voir, luy discourir du sujet. La grande confiance que j'ay en vostre bonté me fait ainsy vous importuner, ayant mesme ce bien et honneur d'estre et devoir estre a jamais,

Monsieur,

Vostre tres humble neveu et serviteur,

FRANs DE SALES,

Indigne Praevost de Saint Pierre de Geneve.

A Necy, le 12 fevrier 98.

 
 
 
 
 
 
 
 
 

CVI

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(MINUTE) (italien)

Projet de célébrer les Quarante-Heures à Thonon, et de les faire suivre de disputes publiques sur les matières controversées. - Une conférence de ce genre vient d'avoir lieu entre le P. Chérubin et le professeur Lignarius.

[Sales,] 17 mars 1598.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

J'ai reçu des lettres du P. Chérubin et de M. d'Avully touchant le dessein qu'ils ont conçu ensemble de célébrer les prières des Quarante-Heures à Thonon le plus dignement possible ; puis, après les Quarante-Heures, de proposer officiellement des disputes théologiques. Tous les hérétiques des environs seraient invités à y assister, afin de ne négliger aucune tentative pour ébranler ces âmes infectées d'hérésie.

J'envoie donc leurs lettres à Votre Seigneurie Illustrissime; et, pour dire en même temps ce qu'il m'en semble, je vous prie de croire que, quant à l'exercice des Quarante-Heures, il ne peut être que très fructueux. Nous en avons déjà fait l'expérience l'année dernière à celles d'Annemasse. Un grand mouvement se produisit alors dans les consciences des hérétiques qui en furent témoins ; un certain nombre d'entre eux se convertirent, et les Catholiques en reçurent une grande consolation. j'espère qu'à Thonon, cette dévotion sera encore plus opportune et plus utile.

Quant aux disputes, j'ai la ferme confiance qu'elles apporteront une très grande édification, malgré toutes les raisons qui sembleraient contraires ; car, ou les hérétiques ne viendront pas, et alors la victoire nous demeurera, ou bien ils viendront, et dans ce cas, nous prouverons que la raison et la vérité sont de notre côté ; nous aurons de plus le grand avantage de nous tenir sur la défensive et de pouvoir, en répondant, faire de petites exhortations. Du reste, ce n'est pas chose nouvelle d'inviter les hérétiques à des disputes, puisque les ministres du Vivarais et du Languedoc y ont été invités fort souvent par le collège de Tournon . Ayant traité en particulier avec Bèze, La Faye , Perrot , Beauchâteau et autres principaux ministres, je ne vois pas qu'il y ait grand péril. Or, si Votre Seigneurie est de cet avis, il serait très à propos que le R. P.Jean de Lorini, qu'on dit être actuellement à Milan, se trouvât à cette assemblée. Veuillez maintenant en ordonner comme bon vous semblera.

Pendant que j'écrivais, M. le procureur fiscal du Chablais, homme très catholique , est arrivé ici. Il m'apprend que samedi, 14 courant, quatre personnes vinrent de Genève à Thonon, parmi lesquelles se trouvait un certain Herman Lignarius, allemand, très célèbre professeur de théologie à Genève. Samedi et Dimanche il se prit à argumenter et disputer avec le P. Chérubin en présence d'un grand nombre d'assistants ; l'on écrivit de part et d'autre les réponses et les arguments . M. le procureur fiscal m'a communiqué le commencement de cette dispute dans laquelle le P. Chérubin a fait preuve d'une science et d'une dextérité très grandes. J'aurai bientôt, je l'espère, une relation et un mémoire plus détaillés de tout ce qui s'est passé, et j'en donnerai de suite connaissance à Votre Seigneurie. Cet Herman, qui jouit d'une très grande réputation auprès des hérétiques, a été appelé d'Allemagne parce qu'on le tient pour très subtil ; toutefois, au témoignage dudit procureur fiscal, il s'est trouvé fort embarrassé avec le P. Chérubin.

Je me dispose tout doucement au voyage, avec un grand désir de baiser vos mains sacrées………..

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
 
 
 
 
 

CVII

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL Ier

(MINUTE INÉDITE)

Rumeurs inquiétantes qui circulent en Chablais ; alarmes des Catholiques.

[Sales,] fin mars 1598.
Monseigneur,

Ce pendant que je ne puis aller en Chablais, les bons Catholiques qui y sont me font part a toutes heures de leurs nouvelles, et sur tout de leurs ennuis, leur semblant bien qu'ilz en sont a moitié allegés quand ilz les ont declairés. Maintenant ilz m'escrivent de trois ou quattre endroitz que le bruit y est bien gros qu'a la sollicitation des Bernois, on y redoublera le nombre des ministres pour y accroistre l'exercice de la nouvelle religion. Je les ay asseurés que Vostre Altesse a trop de fermeté et reconnoist trop bien les obligations qu'elle a a la faveur que Dieu luy a fait en ces dernieres victoires , pour vouloir accorder aux Bernois chose qui apportast aucune incommodité au service de sa divine Majesté, et que je ne croyois pas qu'il y eust personne aupres de Vostre Altesse, si mal appris de son zele et sa pieté, qui osast entreprendre d'en faire la proposition.

Je supplie tres humblement Vostre Altesse d'avoir aggreable ceste mienne responce, et l'advoüer pour la consolation de ces pauvres gens, lesquelz ne se laissent aller a ces craintes que par une grande jalousie qu'ilz ont de l'honneur de Dieu. Ainsy prie je Dieu tout puissant qu'il la conserve tres longuement et luy face voir tous ses Estatz entierement affermis et dediés a son obeissance………

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 
 

CVIII
 
 

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN
 
 

(en italien)

Affaire de la cure du Petit-Bornand. - Peste à Annecy. - Mauvais vouloir des Chevaliers. - Ebranlement produit par l'annonce des Quarante-Heures à Thonon. - Faveurs spirituelles qui sont à désirer pour cette occasion. Zèle du duc de Savoie mal secondé par ses officiers.

Sales, 10 avril 1598.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Ayant été averti de Rome que les expéditions de la cure du Petit-Bomand en ma faveur sont déjà depuis longtemps entre les mains de M. Favret, j'ai envoyé l'argent nécessaire par deux voies, sans que malgré cela j'aie pu jusqu'ici recevoir ces expéditions, ni un seul mot dudit Favret. En attendant, le frère du curé défunt jouit du bénéfice, plaidant pour ne pas l'abandonner jusqu'à ce que les expéditions soient arrivées . Il administre même les Sacrements, nonobstant la défense très expresse du Révérendissime Ordinaire, ce qui ne se fait pas sans scandale. Craignant que M. Favret ne retienne ces provisions pour quelque somme que lui doit son commettant ou correspondant d'ici, je suis contraint de recourir à votre très bienveillante bonté, afin que, soit en partie, soit en entier, je ne tienne ce bénéfice que de la faveur de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime. Je vous prie très humblement de commander à votre agent à Rome, de retirer lesdites expéditions des mains de Favret et de vous les envoyer. Et s'il faut de l'argent, il sera aussitôt délivré à Turin par M. Lucien Gilli là où il plaira à Votre Seigneurie l'ordonner. Je ne voudrais pas vous occasionner cet embarras, mais votre bonté et la nécessité m'en donnent le courage.

J'espérais pouvoir aller bientôt moi-même traiter ces affaires sur les lieux ; mais la peste ayant éclaté à Annecy après mon départ, Mgr notre Révérendissime Evêque n'a pas voulu en sortir ; ainsi je crains beaucoup que nous ne puissions partir de sitôt, faute d'obtenir de la part de Monseigneur les papiers nécessaires. J'ai su qu'il se porte très bien, sans éprouver aucune appréhension, mais non sans courir quelque danger. Dieu soit son protecteur et son conservateur !

A ce que je vois, rien ne manquera du côté de MM. les Chevaliers pour ruiner les affaires du Chablais, puisqu'ils ne se mettent aucunement en peine de faire payer les pensions promises, sans lesquelles on ne peut continuer l'exercice du culte commencé dans les trois paroisses, et bien moins encore l'augmenter. Il ne se peut dire quelles excellentes dispositions on trouve en ce pays pour la foi catholique; mais elles demeurent infructueuses par le manque d'exercice du culte, lequel ne peut être rétabli sans des ecclésiastiques, et les ecclésiastiques ne peuvent être envoyés sans faire des dépenses et avoir besoin de revenus. J'ai les lettres que Son Altesse Sérénissime adressait à Sa Sainteté pour prier le Saint-Siège de daigner retirer les paroisses du Chablais des mains profanes et les remettre à la disposition de l'Evêque ; mais, par suite de ma maladie, elles sont restées ici. Si Votre Seigneurie juge bon de les envoyer avant que j'entreprenne le voyage [de Rome], afin d'accélérer cette affaire, qui ne peut être retardée d'une seule heure sans compromettre le salut de beaucoup d'âmes, je me ferai un devoir de les lui expédier aussitôt.

Le R. P. Chérubin est ici avec nous depuis deux jours, attendant des nouvelles du couvent d'Annecy ; ce qui, à mon grand contentement, m'a donné lieu d'être renseigné sur la marche de sa conférence avec Herman Lignarius, fameux lecteur de théologie parmi les huguenots. Il en enverra la relation à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, et lui dira le résultat qu'il en espère.

Cependant, il se prépare à célébrer les Quarante-Heures à Thonon avec la plus grande solennité possible. La nouvelle s'en étant répandue dans les environs, on se dispose de tous côtés à venir assister à cette dévotion, non seulement des régions catholiques, comme de Fribourg, de Schwitz et du Valais ; mais aussi des territoires hérétiques, comme de ceux de Berne et de Genève, ce qui nous donne une très grande espérance de recueillir beaucoup de fruits, à la grande confusion des ministres. Il serait très à propos que Sa Sainteté voulût bien pour la circonstance accorder, outre l'indulgence plénière, quelque grâce spirituelle, comme l'absolution des cas réservés ; car en vérité, de ces côtés il y a beaucoup de gens qui, en ayant sur la conscience depuis dix et vingt ans, s'en déchargeraient en cette occasion. Comme il me semble que la faculté communiquée à Mgr le Révérendissime de déléguer des ecclésiastiques pour l'absolution de l'hérésie expire à la fin de ce mois, il serait surtout urgent de la renouveler.

Je vais aujourd'hui à Thonon où, pendant quelque temps, je suis nécessaire. J'y dresserai la liste des personnes rentrées dans le sein de l'Eglise durant ces trois dernières années, pour en informer Votre Seigneurie, afin que par ce moyen Sa Sainteté soit encouragée à nous accorder les grâces qui sont nécessaires à cette entreprise.

Nous n'avons presque pas d'autre ami à la cour que Son Altesse Sérénissime, ce qui ne nous sert pas beaucoup puisque ses ordres ne s'exécutent pas. Le duc est très zélé, il est vrai, mais ne peut se faire obéir. Si on lui obéissait comme on le devrait, nous serions bien plus avancés que nous ne le sommes et, de plus, nous n'aurions pas à causer tant d'ennui à Votre Seigneurie au sujet des pensions. Il a déjà commandé plusieurs fois de les saisir, cette mesure étant justifiée par la promesse que nous avons reçue des Chevaliers ; mais les subordonnés font tant de considérations pour ne pas offenser celui-ci et celui-là, qu'ils finissent par offenser grièvement le Seigneur.

Le R. P. Chérubin m'a donné parole de vous écrire touchant plusieurs choses très dignes d'attention dont nous avons traité ensemble. Votre Seigneurie est notre seul protecteur et consolateur en ces occasions ; aussi prions-nous continuellement la divine Majesté pour votre santé et conservation. C'est en baisant très humblement vos mains vénérées, que je suis,

De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très humble et très dévoué serviteur, FRANÇOIS DE SALES,

indigne Prévôt de Genève.

De Sales, le 10 avril 1598.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 
 
 

CIX

AU MÊME

(en italien)

Voyage du président Favre à Turin et à Ferrare. - Nouvelles poursuites au sujet de la cession des cures du Chablais. - Mesures à prendre pour assurer le triomphe du catholicisme sur l'hérésie.

Sales, 18 mai 1598.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, M. le président Favre, personnage d'une piété et d'un mérite singuliers, et, pour le dire à ma façon, le phénix de notre Savoie, se rend à Turin, puis à Ferrare . Je désirais extrêmement entreprendre ce voyage avec lui, parce qu'étant le seul laïque bien au courant de ce qui s'est fait et de ce qui reste encore à faire pour la sainte foi dans ces pays, il nous aurait certainement été d'un grand secours dans les affaires que nous devrons traiter à ce sujet auprès de Sa Sainteté. Mais Mgr notre Révérendissime Evêque n'ayant pas terminé la quarantaine usitée en temps de peste , n'a pas voulu préparer les écritures nécessaires à ce voyage, ni demander la permission de Son Altesse pour le passage, afin de ne donner aucune alarme au Saint-Père ni à Votre Seigneurie Illustrissime.

J'ai entre les mains les lettres que Son Altesse a écrites à Sa Sainteté et à MM. les Cardinaux, pour prier instamment le Saint-Siège de rendre la jouissance des cures des bailliages aux prêtres qui doivent y faire le service divin. Je n'ai pas voulu les exposer au danger qui jusqu'ici a été sur les routes, d'autant plus que je croyais de jour en jour pouvoir en être le porteur. Mais maintenant je vois que ces lettres vieillissent ; en outre, si le décret de Sa Sainteté touchant la restitution des bénéfices ne nous parvient pas avant la récolte, cette affaire sera retardée jusqu'à l'année prochaine, et Dieu seul sait si nous serons en vie ! Pour toutes ces raisons, j'ai donné lesdites lettres à M. le Président afin qu'il les remette à Votre Seigneurie, protectrice de l'entreprise. Vous pourrez ensuite, les accompagnant d'une très pressante et très chaude recommandation, en rendre porteur le même Président ; car l'on ne saurait trouver quelqu'un de plus fidèle et de plus zélé.

Si à la faveur de la paix qui nous est annoncée , l'exercice du culte catholique est rétabli définitivement dans ces bailliages, on obtiendra bientôt un résultat que tout retard pourrait compromettre. Quant au payement des six pensions promises en 1596 par les Chevaliers, aucun ordre n'a été donné, sinon l'année dernière pour trois ; et cette année, pour aucune. Il est temps désormais de presser d'un côté Genève à recevoir au moins l'Intérim, grâce à cette paix, et de l'autre, de faire aux alentours de cette ville des œuvres pies en grand nombre : réforme d'abbayes, prédications, disputes, publication d'opuscules et choses semblables ; car ainsi le renard crèvera dans sa tanière.

Entre autres, il faudrait avoir un imprimeur à Annecy. Les hérétiques publient à chaque instant des livres très pernicieux, tandis que plusieurs ouvrages catholiques demeurent entre les mains de leurs auteurs parce qu'on ne peut les envoyer sûrement à Lyon, et qu'ils n'ont pas d'imprimeur à leur disposition. Si l'on prélevait sur les abbayes et autres bénéfices les plus considérables du diocèse une certaine somme chaque année jusqu'à la concurrence de cent écus, cela ne chargerait personne et suffirait à l'entretien d'un imprimeur.

Je crois que la durée des pouvoirs accordés à Mr le Révérendissime touchant l'absolution des hérétiques est près d'expirer. Ces pouvoirs sont pour nous de première nécessité, car à toute heure on a besoin d'en user dans ces pays. J'ai déjà par trois fois envoyé les autres lettres ci-jointes, mais elles n'ont pu passer.

Que votre bonté daigne me pardonner de lui être si importun. Je m'en remets au porteur des présentes pour vous donner une plus grande connaissance des affaires dont elles traitent et d'autres semblables ; et priant le Dieu tout-puissant de vous conserver heureux et content de très longues années pour l'utilité de la sainte Eglise, je baise très humblement vos mains vénérées.

De Votre Seigneurie lllustrissime et Révérendissime, Le très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

Prévôt de Genève.

De Sales, le 18 mai 1598.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CX

AU MÊME

(en italien)

Espérance d'obtenir, moyennant la médiation du roi de France, le libre exercice du culte catholique à Genève.

Sales, 13 juin 1598.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Entre les incalculables avantages spirituels que plusieurs serviteurs de Dieu espèrent de cette bénite paix , ils se promettent que le roi de France, sur l'invitation du Saint-Siège Apostolique, s'emploiera vigoureusement pour obtenir que la ville de Genève ouvre ses portes à l'exercice du culte catholique au moyen de l'Intérim , afin que le Seigneur et Prince de paix ait sa place dans une pacification si importante et tant désirée. Ce serait couper le calvinisme par la racine. Je sais que, de son côté, Son Altesse fera toute sorte d'instances, comme pour une œuvre d'une importance incroyable. Le R. P. Chérubin a plusieurs vues spéciales et bonnes sur ce sujet ; je suis sûr qu'il les communiquera à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime , partant je la supplie de les prendre en grande considération.

Pour moi, qui n'ai en telles rencontres d'autre pouvoir que celui des soupirs et des désirs, il me suffit d'ouvrir mon cœur à Votre Seigneurie. En attendant le jour où je pourrai la voir et lui offrir les hommages qui lui sont dus, je baise très humblement ses mains vénérées, priant le Seigneur de la conserver de très longues années pour le service de sa divine gloire.

De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très humble et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

Prévôt de Genève.

De Sales, le 13 juin 1598.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.

CXI

A MONSIEUR AMÉDÉE DE CHEVRON SEIGNEUR DE VILLETTE

(INÉDITE)

Témoignages de respect et de reconnaissance. - Annonce de sa visite.

Sales, 7 juillet 1598.
Monsieur, Je me garderay bien, Dieu aydant, d'attribuer a mes merites, qui sont ou petitz ou nulz, la faveur avec laquelle il vous plait recueillir mes importunités. Je la dois du tout a vostre bonté, laquelle j'honnore d'autant plus que je me vois tous les jours obliger davantage a elle par tant d'effetz, qui me fait extremement desirer d'estre tel que je devrois estre pour estre digne sujet de ses bienfaitz ; la ou je n'ay rien de sortable a ce bon heur qu'une tres humble affection d'estre et vouloir estre, et confesser devoir estre vostre tres redevable.

Je desirois bien fort de vous baiser les mains en prœsence, mais je suis lié sur le banq pour ceste semaine. Que si je puys, a la prochaine je me rendray par dela, et sans honte ni autre apprehension je prendray logis chez vous, comme vous me commandes ; car puysque je suis des-ja tant insolvable des obligations que je vous ay, il ne m'importe meshuy de rien de l'estre tous-jours plus ; et quoy qu'on me juge importun, je ne lairray d'estre bien glorieux si par la je me puys faire connoistre tel que je suis, Monsieur, non seulement vostre tres et tres obligé, mais encores

Votre domestique serviteur et neveu, FRANçs DE SALES, A Sales, ou mes pere et mere et toutes leurs gens vous saluent tres humblement.
Le 7 juillet 98.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Milan.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

CXI bis (lettre MMXII du volume XXI reclassée) (1)

A MONSIEUR CLAUDE MARIN PROCUREUR FISCAL EN CHABLAIS (2)

(FRAGMENT)

Audience et promesses du duc de Savoie.

Chambéry, 3 aout 1598 (3).
………………………………………………………………..

La bonté de Son Altesse Serenissime a esté si grande qu'elle a desrobbé un moment de loysir pour me donner une petite audience. Elle m'en a promis une plus grande a Thonon (4), et d'estre favorable a tous nos convertis, notamment aux pauvres,……………………………..

Revu sur un ancien Manuscrit de l'Année Sainte de la Visitation, conservé au Monastère d'Annecy.

(1) Lettre découverte tardivement et reclassée à la date voulue

(2) L1, note 287. C'est sur la foi du Ms. auquel nous empruntons ces lignes que nous leur attribuons cette adresse; elle y est indiquée en ces termes : " Nous avons veu une lettre ecrite de la propre main de ce Saint a M, Marin, procureur fiscal en Chablais, où il lui dit ces mots : La bonte.., " etc. Il faut remarquer toutefois, qu'à la fin de sa lettre du 6 août au même destinataire (L1,note 318), saint François de Sales fait mention de l'audience reçue du Prince comme s'il ne lui en avait pas encore parlé ; dès lors, doit-on supposer qu'il y a erreur dans le Ms. pour l'attribution de ces lignes et qu'elles furent adressées à un autre ami de Thonon ?

(3) Charles-Emmanuel était alors à Chambéry et y reçut, le lundi 3 août, la visite de l'Apôtre du Chablais.

(4) Le souverain comptait s'y rendre pour les Quarante-Heures; il arriva à Thonon le 28 septembre.
 
 




CXII
 
 

A MONSIEUR CLAUDE MARIN, PROCUREUR FISCAL EN CHABLAIS

Préparatifs à faire en vue des Quarante-Heures qui doivent se célébrer à Thonon. - Indications pour le logement de l'Evêque. - Audience du duc de Savoie. - Destination de deux ecclésiastiques.

Sales, 6 août 1598.
Monsieur , Puisque Son Altesse veut que les Quarente Heures se facent le quinziesme de ce moys, et qu'elle veut qu'elles se facent le plus solemnellement que l'on pourra, baillant partant esperance de vouloir rembourser les frais qui s'y feront, ne voyant point d'argent prest, il m'a semblé que on ne pouvoit point avoir de meilleur moyen pour loger les musiciens et autres semblables personnes necessaires et les nourrir, que de faire que les fermiers qui sont reliquateurs de plus de mille florins vaillant pour les pensions de ceste annee, respondent vers quelqu'un de la despence que lesditz musiciens pourront faire, a rate dequoy je les dechargeray de ladite dette. Et a ces fins je fais trois mandatz : un a Meynet, l'autre a Vernaz et l'autre a Castellani , affin quilz respondent vers quelqu'un [de] la despence qui se fera par lesditz musiciens, chacun jusques a la somme de cent florins. Restera qu'il vous plaise d'essaier si l'on pourra trouver qui veuille fournir aux frais a ceste condition, en advançant, et je tiendrais main a les faire bien paier dans le terme quilz prendraient ; et si vous le trouvies, il faudrait faire marcher (sic) a combien par jour ilz entretiendroient la personne honnestement et sans superfluité.

Item, je vous prie de trouver un logis parmi les Catholiques pour Monseigneur l'Evesque. On paiera le louage a tant par jour, en fournissant seulement le bois, linge et vaiselle, car quant au reste, Monseigneur le Reverendissime. fera sa despence luy mesme ; mais il faut que ce soit chez un Catholique et qu'on aye pour le moins trois chambres. Si ce n'estait qu'il m'a tant recommandé que son hoste fut catholique, j'eusse nommé monsieur d'Alemand ; touttefois, au pis aller, encor ne seroit il pas mal la, si autrement ne se peut faire. Jamais Quarente Heures n'eurent tant de difficultés que celles cy, qui m'en fait tant mieux esperer.

J'ay esté beaucoup deplaisant de ne m'estre pas trouvé icy quand vous y aves esté, pour jouir de vostre conversation et apprendre a sohait de voz nouvelles. Son Altesse, quoy que tres empeché, me bailla une audience de quattre motz lundi , et entre autres choses me promit de m'en bailler une plus grande aux Quarente Heures de Thonon ou elle esperoit se trouver. Dieu le voulust, mais je crains fort quil n'en sera rien.

Je vous salue de tout mon cœur avec toutte vostre compagnie, et suis,

Monsieur,

Vostre plus humble serviteur,

FRANÇs DE SALES.

Je baise tres humblement les mains a madame ma tante , a madamoyselle du Maney et a toutte la conversation, a laquelle je me rendray dans quattre ou cinq jours. .
A Sales, le 6 d'aust 98.
Il m'est advis quil seroit bon que monsieur Chevallier , qui a commencé a Bellevaux, poursuivit, et que monsieur Clerici fut curé a Thonon ou il feroit rage a bien tenir l'eglise et instruire la jeunesse; mais il faudroit que le P. Cherubin fit un peu de disposition a cela tout bellement.

Encor aurons nous besoin d'un logis pour sept ou huit personnes ecc1esiastiques qui iront la, en payant comme dessus ; sinon que celuy qui fournira pour les musiciens fournit encor a cela, comm'il se pourroit bien faire.

A Monsieur

Monsieur Marin,

Procureur fiscal en Chablaix.

Revu sur l'original conservé à la Visitation de Turin.
 
 
 
 
 
 
 
 

CXIII

A M0NSIEUR SÉBASTIEN WERRO ADMINISTRATEUR APOSTOLIQUE DU DIOCÈSE DE LAUSANNE PRÉVÔT DE SAINT-NICOLAS DE FRIBOURG

Les exercices des Quarante-Heures à Thonon sont fixés aux 23 et 24 août.

Thonon, 12 août 1598.
Monsieur,

La devotion des Quarante Heures a esté retardee jusques au Dimanche et jour de saint Barthelemi, 23 et 24 de ce moys. C'est pour un beaucoup plus grand bien. Je vous ay bien voulu faire ce mot d'advis, affin que si quelcun de dela desiroit honnorer cest'action de pieté de sa pnesence, il ne s'acheminast pas en vain ceste semayne. Mais aussi je voudrois que personne ne perdit courage de venir pour ceste retardation, puisque la tardiveté sera recompensee d'une bien grande consolation si Dieu nous fait les graces que nous esperons.

Je bayse tres humblement vos mains sacrees, et me dis a jamais,

Monsieur,

Vostre plus humble confrere et serviteur,

FRANCs DE SALES,

Praevost de S' Pierre de Geneve.

Le R. P. Cherubin et toute la brigade des serviteurs de Dieu que nous avons icy vous salue tres affectionnement.

A Thonon, le 12 aoust 1598.
A Monsieur le Prevost de St Nicolas de Fribourg.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le docteur Jean Schaller, à Fribourg.
 
 
 
 
 
 

CXIV









A DON JUAN DE MENDOÇA COMMANDANT DES TROUPES ESPAGNOLES

(MINUTE) (en italien)

Supplications collectives des missionnaires du Chablais pour obtenir que les troupes espagnoles ne traversent pas cette province.

Thonon, 16 août 1598.
Excellentissime et très honoré Seigneur, Nous sommes sur le point de célébrer Dimanche, 23 de ce mois, les prières des Quarante-Heures en cette ville, avec l'agrément de Sa Sainteté et de Son Altesse. Les préparatifs nécessaires à cette solennité n'ont pas été faits sans de grandes dépenses, couvertes en partie par les aumônes du Saint-Siège, en partie par celles de Son Altesse. Des multitudes considérables, venues soit du côté du Valais, soit du côté de Fribourg, comme aussi de tous les environs, se mettront en route cette semaine afin d'assister à une fête qui a été préparée pour la conversion de ces hérétiques. On en espère un très grand fruit, à la gloire de Dieu et au salut des âmes.

Or, nous apprenons que Votre Excellence se dispose à prendre ce chemin pour s'en retourner avec ses troupes , S'il en est ainsi, très certainement la célébration des Quarante-Heures ne pourra aucunement se faire, car les habitants, chargés de soldats, ne sauront y assister ; au contraire, comme ils l'ont déjà résolu, ils laisseront les maisons vides et passeront de l'autre côté du lac. Quant aux étrangers, ils ne viendront pas. Ainsi cette dévotion, préparée avec tant de frais et de fatigues, tant d'espoir de succès, avec une spéciale autorisation de Sa Sainteté et de Son Altesse et un si grand retentissement parmi les ennemis de notre sainte foi, s'en ira en fumée. Cela n'arrivera pas sans produire un très mauvais exemple et même sans occasionner un très grand scandale parmi les Catholiques et les hérétiques. Ce sera aussi, au très grand regret de Sa Sainteté et de Mgr le Nonce, perdre une occasion qui ne se retrouvera peut-être jamais de recueillir quelques fruits parmi ces gens.

C'est pourquoi, nous supplions avec toute l'humilité possible Votre Excellence, et nous la conjurons par les entrail1es de Jésus-Christ, (Ph 1,8) par tout le sang qu'il a répandu pour ces âmes dont nous tâchons de procurer le salut au moyen de ces exercices, de daigner prendre un autre chemin pour son voyage et de laisser celui-ci libre au Sauveur. Soyez du reste assuré que, s'il vous plaît en agir ainsi, Dieu le regardera comme un grand service rendu à sa divine Majesté et vous en tiendra bon compte au jour du jugement. Que Votre Excellence, avec ce courage vaillant et zélé dont Elle est douée, rende donc ce service à l'honneur de Dieu. Nous dirons de plus que nous ne savons qui a pu lui indiquer cette route ; car il y a près du lac, entre Evian et Saint-Maurice, un passage le plus horrible et le plus dangereux qu'on puisse imaginer, en cette saison de la crue des eaux.

Nous confiant donc dans la piété, la bonté et le zèle de Son Excellence, nous lui envoyons ce prêtre, notre compagnon et frère, qui pourra aussi lui exposer verbalement de quelle conséquence serait le scandale qui résulterait de la suppression de la solennité préparée. En attendant, nous nous tiendrons assurés que, pour l'honneur de Dieu et de la Cour céleste, Votre Excellence nous accordera ce que nous lui demandons avec une ardeur et une humilité qui n'ont point d'égales. Nous demeurerons à jamais, soit en considération de son mérite, soit pour ce bienfait et cet acte si éclatant de zèle,

De Votre Excellence, Les très humbles et très dévoués serviteurs en Jésus-Christ.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
 
 

CXV

A MONSIEUR SÉBASTIEN WERRO ADMINISTRATEUR APOSTOLIQUE DU DIOCÈSE DE LAUSANNE PRÉVÔT DE SAINT-NICOLAS DE FRIBOURG

(en latin)

Remerciements. - Retard des Quarante-Heures projetées à Thonon.

Thonon, 20 août 1598.
Révérendissime et très respectable Seigneur en Jésus-Christ, C'est avec une joie incroyable que j'ai reçu la lettre que vous m'avez adressée le lendemain de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie ; j'y ai reconnu clairement combien grande est votre piété envers Dieu et votre bienveillance à notre égard. D'après vos paroles, je vois que vous avez mis le comble à la solennité projetée de nos fêtes, non seulement par vos prières, mais encore par celles du peuple qui vous est confié. Vous les auriez même ornées de votre présence, si la chose eût été possible. C'est agir assurément de la façon la plus généreuse et la plus chrétienne, et nous vous en rendons les plus vives actions de grâces.

Du reste, telle est l'inconstance des choses humaines, qu'à l'heure même où je vous écris, survient un ordre de nos supérieurs qui, pour les motifs les plus graves, nous enjoignent de remettre à la fête de la Nativité de la Sainte Vierge, les supplications solennelles que nous préparions . C'est certainement fâcheux ; mais nous devons obéir et croire, comme il convient, que ce retard apportera des fruits plus abondants.

J'ai voulu que vous en fussiez averti l'un des premiers, et, tant en mon nom qu'en celui du P. Chérubin, je vous offre nos meilleures salutations.

De Votre Révérence, l'humble serviteur en Jésus-Christ,

FRANÇOIS DE SALES,

Prévôt de l'Eglise de Genève.

Au Révérend et très respectable en Notre-Seigneur Jésus-Christ, Seigneur Sébastien Werro,

très illustre docteur en théologie et très méritant Prévôt

de l'Eglise de Fribourg.

Revu sur l'Autographe conservé au Musée cantonal de Fribourg.
 
 
 
 
 
 

CXVI

A MONSIEUR AMÉDÉE DE CHEVRON SEIGNEUR DE VILLETTE

(INÉDITE)

Prière de se rendre en Chablais pour protéger les habitants si les troupes espagnoles traversent la province. - Recommander au duc les intérêts de la mission et l'engager à assister aux Quarante-Heures de Thonon.

Thonon, 23 août 1598.
Monsieur, Ceste infinité de peyne que vous aves pour l'affaire de Dieu vous sera recompensee par Celuy pour lhonneur duquel vous le faittes. Ces gens de Thonon desirent quil vous plaise leur faire ce bien qu'au cas que le seigneur Dom Joan veullie passer icy resolument, il vous plaise d'assister a son passage, estimans que vostre praesence adoucira l'aigreur quilz en pourroyent sentir. Leur religion ne merite pas ceste faveur ; mais qui sçait si Dieu se veut servir de vostre courtoisie pour les faire penser a leur conscience? Ilz promettent bien quilz n'en seront pas ingratz. Si donq cela ne vous incommode pas beaucoup, je vous supplie tres humblement de le faire. Nous solliciterons vivement l'exacteur pour la partie quil vous doit , comme pour celuy auquel nous avons de si grosses obligations.

Mais pour Dieu, escrivant a Son Altesse, touchés vivement un mot affin quil vienne a ces 40 [heures]. Sil nous baille moyen de loger honnestement des curés par tout ce balliage apres les 40 heures, tout est emporté pour la foy catholique. Il ne se fera jamais plus a propos, et sans offencer personne, car cela viendra au desir de presque tous. Il ne coste rien a Son Altesse, car ces benefices de ce pais ne peuvent avoir moindre emploite que de demeurer aux Chevalliers de Saint Lazare ; il sera bien employé qu'on les reduyse a leur premier usage en une si belle occasion. Sa Sainteté approuvera tout indubitablement.

Je pensais partir passé demain, aller vers vous et a Sales ; mais j'attendray jusques a mercredi, par ce que le P. Cherubin me vient de dire qu'a son advis il ne serait que bon que vous donnies un coup d'esperon jusques icy pour voir tant plus briefvement ouverture a vostre payement. Que Son Altesse ne perde pas cest'occasion de reduire ses peuples en unité de foy ; Nostre Seigneur mesprise ceux qui mesprisent le jour de sa visitation (Is 10,3 ; Lc 19,41).

Quand au bruit qui a couru que les Bernois avoyent des trouppes de reitres dela le lac, c'est une bride a veau : est spaventa velliacho. Ilz ont bien fait leurs monstres de la milice ordinaire, que je metz en mesme conte que les monstres du papegai de Neci .

Or sus, Monsieur, je prie Dieu pour vostre santé, et suis irrevocablement

Vostre tres humble et tres asseuré serviteur et neveu,

FRANçs DE SALES.

Thonon, 23 aoust 98.
Je salue monsieur et madame de la Faverge, mes oncle et tante .

A Monsieur

Monsieur de Vilette,

Maistre d'hoste! de S. A.

Revu sur l'Autographe conservé à Gênes, Sanctuaire de la Madonnetta.
 
 
 
 
 
 
 

CXVII
 
 

A MONSIEUR JEAN SARASIN

Invitation à exposer par écrit la mission dont il est chargé.

Thonon, entre le 18 et le 24 septembre 1598.
Monsieur, Puysque nous avons observé jusques a praesent de mettre nos dires de part et d'autre par escrit, je vous prie d'escrire le vostre encores sur le particulier de l'intention des messieurs vos superieurs touchant vostre venue, ce pendant qu'en responce (sachans que ce ne sera autre que ce que vous aves proposé a bouche) nous dressons les articles demandés.

A tant, me voyla tous-jours, M.onsieur,

Vostre tres affectionné et humble serviteur en Dieu,

FRANÇs DE SALES.

A Monsieur

Monsieur Sarazin.

Revu sur l'Autographe conservé à Genève, Bibliothèque publique.
 
 
 
 
 
 

CXVIII
 
 

A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE .DARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

(en italien)

Recours à la protection du Nonce. - Pouvoirs spéciaux nécessaires aux missionnaires. - Mesures à prendre contre les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.- Admirables résultats des Quarante-Heures de Thonon. - Zèle des Evêques de Genève et de Saint-Paul-Trois-Châteaux. - Alarmes au sujet de Genève.

Thonon, 13 octobre 1598.
Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, L'heureuse moisson de plusieurs milliers d'âmes qui s'est faite ces jours passés dans ce bailliage de Thonon, nous a donné une consolation incroyable ; consolation qui eût été vraiment à son comble, si la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, reçue aujourd'hui par le P. Chérubin, nous fût arrivée en ce même temps. Mais je suis contraint de dire que Nosseigneurs de Genève et de Saint-Paul et nous tous qui vous sommes dévoués ici, avions été fort étonnés et non moins affligés de ne recevoir aucune nouvelle de votre santé. Si toujours elle nous fut chère, elle doit maintenant nous être très chère, puisque nos affaires sont dans un tel état que nous avons besoin plus que jamais d'un protecteur et promoteur tel que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime l'a toujours été à notre égard ; car du côté de Son Altesse on ne peut, on ne doit même espérer ni désirer que la continuation des œuvres très chrétiennes qu'elle a déjà accomplies. Il n'y a autre chose à demander sinon un concours actif, prompt et libéral du Saint-Siège Apostolique, afin qu'il embrasse cette entreprise du même bras favorable avec lequel il a coutume de soutenir les œuvres de Dieu. Or, si ce bien ne nous arrive par l'intermédiaire de Votre Seigneurie, je ne sais par quelle voie il peut nous venir.

Nous avons besoin de grâces spirituelles relativement aux absolutions, afin qu'elles puissent être accordées en toute liberté à ces peuples grossiers et nouvellement convertis, non seulement par Mgr notre Révérendissime Evêque et par moi, mais aussi par tous ceux qu'il sera nécessaire de déléguer à cet effet ; car pour recueillir une telle moisson un grand nombre de moissonneurs peut à peine suffire.(Mt 9,37 ; Lc 10,2) De même encore, nous avons besoin de quelques pouvoirs qui puissent être communiqués, selon les occurrences particulières, à une ou plusieurs personnes ; et si nous n'étions pas aussi proches de l'année du Jubilé, je dirais qu'il serait nécessaire pour nous d'obtenir une année de parfait et grand Jubilé.

C'est non seulement pour les grâces spirituelles, mais encore pour les temporelles que nous avons besoin d'un Jubilé, et ceci ne se peut différer qu'au grand détriment des consciences. Il faudrait que Sa Sainteté, conformément à la bonne intention de Son Altesse, fît restituer les bénéfices détenus par MM. les Chevaliers, aux pasteurs et ecclésiastiques qui s'établiront maintenant en ce bailliage par manière de provision. Il n'est pas nécessaire de procéder en ceci selon les formalités ordinaires qui exigent beaucoup de temps, puisque en attendant les âmes rachetées par Jésus-Christ se perdent, et il est très vrai que " le salut du peuple doit être la suprême loi. " En cela il ne faut point user de ménagements, car tout délai est un péril. Les intérêts de Jésus-Christ sont maintenant en tel état dans ces provinces, que si nous pouvons donner au culte la splendeur convenable, la tête du serpent sera brisée. Malheur à qui s'opposera à une œuvre aussi sainte !

Les Bulles par lesquelles Sa Sainteté concède aux Chevaliers de Saint-Lazare les bénéfices de cette province exigent que dans le cas où la sainte foi y serait rétablie, ils donnent à chaque curé une provision de cinquante ducats. Voici que la sainte foi est rétablie à peu près partout, mais les églises sont ruinées, sans ornements sacrés, sans calices, sans croix. Où en prendrons-nous ? Les curés que l'on aura à placer ici ne doivent pas être des personnes à cinquante ducats ; ils doivent avoir un autre ecclésiastique avec eux. Malheur à l'homme seul,(Eccles 4,10)surtout dans le voisinage des léopards, des ours et des loups ! Il faut même, au besoin, vendre les calices et objets précieux non nécessaires aux autres églises, pour faire ces dépenses et nourrir ces âmes affamées, qui autrement sont exposées d'heure en heure à périr, afin qu'on ne puisse pas nous appliquer ces paroles : " Vous avez tué ceux que vous n'avez pas nourris. " Je veux dire qu'il faut que Sa Sainteté, ayant égard à l'importance de cette affaire, intime des ordres pour que les Chevaliers permettent que les revenus des biens donnés à cet effet par la piété et la religion de nos pères et de nos ancêtres soient employés au service de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Que la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime veuille bien me pardonner si, transporté du désir de voir ce glorieux commencement aboutir à une fin plus glorieuse encore, je lui écris avec une si grande liberté et peut-être même trop d'importunité ; mais Votre Seigneurie, habituée à recevoir la confidence de mes pensées souvent bien mal exprimées, ne le prendra pas en mauvaise part.

Je voudrais pouvoir et savoir vous donner la relation de ce que Dieu a fait ici pendant les premières Quarante-Heures célébrées le 20 et 21 du mois dernier, avant l'arrivée de Son Altesse, et pendant les secondes célébrées le 1er et le 2, courant; je suis sûr que je vous dédommagerais de l'ennui que je vous ai causé par mes désirs de jubilés. Je voudrais pouvoir vous dire la joie de Mgr de Genève, notre Evêque, en voyant revenir entre ses bras tant d'enfants prodigues, et avec quelle peine il se dévoue à cette heureuse entreprise. Je voudrais pouvoir vous rendre compte de la dextérité, de la prudence et du courage avec lesquels Mgr de Saint-Paul a travaillé pour avancer ces conversions et œuvres pies, le zèle avec lequel il a traité cette affaire auprès de Son Altesse et celui qu'il déploie en toute occasion. Si l'amitié de Votre Seigneurie pour ce Prélat pouvait s'accroître, je suis sûr qu'elle s'augmenterait d'autant. Je ne parle pas du P. Chérubin, tellement consolé jusqu'ici, que, n'étaient les fatigues très grandes qu'il ressent, il croirait que Thonon est un paradis, voyant tant de conversions et recueillant en pleine maturité le fruit de ses sueurs.

Je dirais encore de moi-même que je suis très consolé, si un bruit qui se répand de nos côtés ne m'attristait beaucoup : c'est que le roi très chrétien veut que l'infâme Babylone de Genève soit comprise dans la paix honorable faite par la médiation du Saint-Siège entre les puissances catholiques. Je ne puis y croire, car il serait trop inconvenant que cette terre maudite reçût la paix par l'entremise du Saint-Siège ; je ne puis absolument pas le comprendre. Dieu nous donnera de plus réjouissantes nouvelles. Quoi qu'il en soit, nous lui ferons la guerre par la prédication, et puisqu'on nous appelle à une conférence nous nous préparons à faire tous nos efforts. Mais, de grâce, que le P. de Lorini vienne de Milan nous apporter sa coopération chaque fois qu'il sera appelé ; ce que Votre Seigneurie peut obtenir par son autorité, ainsi que Son Altesse se propose de faire de son côté.

Je supplie Votre Seigneurie de me pardonner une fois encore et de croire que la liberté avec laquelle je répands mon âme en sa présence (1 R 1,15 ; Ps 141,3)ne provient que de la vive et sincère affection avec laquelle je suis,

De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime Le très dévoué et très humble serviteur,

FRANÇOIS DE SALES,

Prévôt de Genève.

Thonon, le 13 octobre 1598.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives du Vatican.
 
 
 
 
 
 

MINUTES

ÉCRITES PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES POUR MONSEIGNEUR DE GRANIER
 
 

CXIX

A SA SAINTETÉ CLÉMENT VIII

(en latin)

Fruits merveilleux produits par les Quarante-Heures de Thonon. - Prière d'intervenir auprès du roi de France et du duc de Savoie pour que Genève ne soit pas comprise dans le traité de Vervins.

Thonon, vers le 20 octobre 1598.

 

Votre Sainteté aura appris, je l'espère, par le rapport de l'Illustrissime Père et Seigneur en Jésus-Christ, le Cardinal de Médicis, son Légat a latere, quelle belle et abondante récolte d'âmes nous venons de faire ces jours passés dans la vigne de ce diocèse. En effet, Dieu a disposé si heureusement les choses, que ce grand Cardinal a pris la route de son retour par cette ville, où il s'est rencontré avec le duc au temps où l'on y célébrait les Quarante-Heures. Une multitude innombrable d'hommes, qui avaient résolu de renoncer à l'hérésie et d'embrasser la foi catholique, ont fait leur abjuration, partie entre les mains de 1'Illustrissime Légat, partie entre les miennes. L'influence de notre sérénissime duc a beaucoup contribué à ce résultat. Celui que nous députons aux pieds de Votre Sainteté, ayant été témoin de tout ce qui s'est passé, lui en fera un exposé plus complet et plus fidèle.

Mais pendant que nous nous réjouissons heureusement devant le Seigneur comme ceux qui se réjouissent au temps de la moisson, comme se réjouissent les victorieux lorsqu'ils se partagent les dépouilles de l'ennemi, ( Is 9,3) voici que nous arrive une nouvelle fort inopportune et affligeante : le roi très chrétien prévient sérieusement par lettres le duc de Savoie qu'il entend que Genève, mère et source de l'hérésie calviniste, soit comprise dans le traité de paix que Votre Sainteté a fait conclure à la grande satisfaction de l'univers catholique, bien que, comme il était raisonnable, nulle mention n'ait été faite de cette ville dans les articles du traité , Cette nouvelle inspire une incroyable audace à tous les hérétiques et leur ferme l'entrée à la foi catholique ; si elle n'abat pas entièrement le courage des nouveaux convertis, du moins les trouble-t-elle grandement, et nous ôte, aussi bien à moi qu'à mes chanoines, tout espoir de recouvrer les biens ecclésiastiques que les Genevois retiennent par une souveraine injustice.

C'est pourquoi, tant que nous sommes ici d'ecclésiastiques, nous vous avons député le plus promptement qu'il a été possible, le Prévôt de mon Eglise cathédrale qui, en notre nom à tous, se prosternera aux pieds de Votre clémente Béatitude, et lui exposera combien grand serait le dommage qu'une telle paix, si elle vient à se conclure, causerait à la république chrétienne et la tache honteuse qu'elle imprimerait à un si grand et si heureux succès. Que, selon la clémence paternelle qu'Elle témoigne à toute la Catholicité et surtout à cette province agitée par tant de maux, Votre Sainteté daigne intervenir sérieusement auprès du roi très chrétien et du sérénissime duc, afin qu'une telle paix ne soit pas accordée aux impies,(Is 48,fin ; 57,fin) et qu'ils n'en goûtent point les avantages ceux qui s'efforcent de bouleverser par tant de divisions la paix de l'Eglise ; mais que plutôt ils soient contraints de rendre l'honneur à qui ils doivent l'honneur, le tribut à qui ils doivent le tribut, (Rm 13,7) et que, par ce moyen, la paix vienne sur eux en la vertu du Seigneur ( Ps 121,7) et par l'autorité du Siège Apostolique que Votre Sainteté occupe si heureusement et avec tant de clémence, et sur lequel nous supplions le Dieu très grand et très bon de vous conserver de longues années pour le bien de son Eglise.
 
 


Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 

CXX
 
 

AU MÊME

(en latin)

Raisons qui ont contraint le Prévôt de différer le voyage de Rome. - Envoi des documents qui doivent être présentés à Sa Sainteté.

Fin 1598.

 

Il y a longtemps que Révérend François de Sales, Prévôt de ma Cathédrale, aurait visité en mon nom les tombeaux des Apôtres, s'il n'en avait été empêché par une très dangereuse maladie qui l'a tenu alité plusieurs mois, et si les voies d'Italie ne nous eussent été fermées par la peste qui a affligé et afflige encore presque toute cette province. Mais enfin il s'est mis en route, et ayant, comme je l'espère, surmonté les difficultés des chemins, il a dû se prosterner déjà aux pieds de Votre Sainteté.

Or, parce que l'affaire pour laquelle il est allé à Rome ne pouvait être différée sans un très grand danger, et que je n'avais pas, lors de son départ, tous les documents nécessaires pour un voyage ad limina, j'ai jugé bon de les envoyer maintenant, afin qu'en mon nom il rendit ses devoirs à Votre Sainteté, espérant que Sa Clémence l'aura pour agréable. C'est autant pour ne pas employer plusieurs moyens là où un seul suffit dans les temps si difficiles où nous vivons, que pour donner occasion à mon procureur, qui n'a pas travaillé inutilement dans le champ du Seigneur, de se délasser par divers pèlerinages des fatigues qu'il a soutenues.

Je prie le Dieu très bon et très grand de conserver longuement Votre Sainteté à son Eglise.
 
 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

APPENDICE
 
 

LETTRES

adressees a saint francois de sales par quelques correspondants

(N.B. Seules les lettres en français sont reproduites ; les autres sont seulement indiquées. On a indiqué, pour toutes, la corrélation avec les lettres de saint François de Sales.)

A : LETTRES D'ANTOINE FAVRE (en latin)

I - Chambéry 30 juillet 1593, (cf lettre IX)

II- Octobre 1593 (cf lettre XII)

III- Chambéry 30 novembre 1593 (cf lettre XII)

IV- Chambéry 11 décembre 1593 (cf lettre XII)

V- Chambéry 20 décembre 1593 (cf lettre XIII)

VI- Chambéry 31 mars 1594 (cf lettres XIX, XX)

VII- Chambéry 2 septembre 1594

VIII-Bonneville 27 septembre 1594 (cf lettre XXXIII)

IX- Annecy 10 octobre 1594

X- Annecy 31 poctobre 1594 (cf lettres XXXVI, XXXVII)

XI- Chambéry 8 novembre 1594 (cf lettre XXXVI)

XII- Chambéry 25 novembre 1594

XIII- Chambéry 3 décembre 1594 (cf lettre XXXVII)

XIV- Chambéry 1 jenvier 1595

XV- Chambéry 26 janvier 1595

XVI- Chambéry 3 février 1595 (cf lettres XLII, XLIV)

XVII- Chambéry 18 mars 1595

XVIII- Chambéry 19 avril 1595 (cf lettre XLIX)

XIX- Chambéry 20 juin 1595 ( cf lettre LIII)

XX- Chambéry 3 août 1595 (cf lettre LVII)

XXI
 
 

Monsieur mon Frere, Je ne suis plus marry que, pour faute de porteur, j'aye retardé plus que je ne voulois de respondre a voz premieres lettres, qui me furent rendues ces jours passés avec les sonnetz de ma Seconde Centurie (cf note 182) par monsieur de Chavanes (cf note 80) ; car je me fusse plaint fort aigrement de nostre monsieur Portier, auquel j'avois remis mes precedentes lettres, avec celles du Pere Possevin et le livre quil m'avoit adressé pour vous faire tenir. Maintenant je suis hors de ceste peine, voyant par les vostres dernieres qu'en fin le tout vous a esté rendu.

J'ay pris fort a mon avantage ce que vous m'escrivez, que noz messieurs de Tonon facent estat de ma Premiere Centurie (cf note 102) ; car outre ce, que malaisement peut il estre ainsy quilz ne facent sans comparaison plus d'estat de vous a qui je la rapporte toute, comme je doy, il me semble que c'est un commencement de tesmoignage quilz donnent de leur resipiscence, sil est vray ce que j'ay tousjours ouy dire, que les heretiques ne veullent point ouyr parler de penitence, du moins en la façon que j'en parle.

Les vers desquelz monsieur Després ( cf note 168) m'a honoré m'ont esté fort aggreables, et vous remercie de la recommandation que vous y avez adjousté du vostre, et luy de la faveur. C'est un personnage duquel j'ay desja ouy souvent parler, et tousjours en bonne part, osté le poinct, qui est le principal, de la religion. Ce seul poinct a esté cause que je n'en ay peu faire l'estat que j'eusse voulu ; car, comme il me souvient de vous avoir autrefois dit, je ne peux me commander de croire qu'un heretique puisse rien avoir de bon, du moins que l'heresie ne gaste et corrompe. Non que j'estime quil y aye en tous de la malice (j'en ay congnu qui, hors le faict de la religion, pouvoient passer en monstre pour honestes hommes) ; mais je ne peux les excuser que je ne les accuse tous, et tant plus ceux qui sont les plus habiles entre eux, d'un grand deffaut de jugement et de trop de presomption en ce quilz osent faire plus d'estat de leur jugement particulier que de celuy de l'Esglise universelle, fondés seulement sur l'opinion d'un homme, lequel sil eust esté de moins ilz seroient maintenant des nostres.

Toutefois, je veux bien esperer de sa conversion puis que vous qui le voyez de plus pres en concevez ceste esperance. Aussy me semble il bien difficile qu'un honeste et si habile homme comme i! est puisse croupir longuement en telle misere, pour peu quil veuille ouyr parler de la religion a un vostre semblable. Je remetray a ce tems là de l'embrasser et de recueiIlir avec plus de demonstration l'amitié que sa poesie me presente, vous priant toutefois de l'en remercier de ma part. Si j'estois venu a bout de ma Seconde Centurie, je luy escrirois tres volontiers pour le prier de l'avoir aggreable. Si ainsy estoit nous aurions tout gaigné, puis qu'elle sera toute en l'honneur du Sainct Sacrement; et non moins sil fait estat de la troisieme, laquelle je pretens faire, Dieu aydant, en l'honneur de Nostre Dame.

J'attens de bon cœur l'ornement que vous m'avez promis pour mon Code Savoysien (cf note 170), lequel je vay avançant de jour a autre le plus que je peux pendant le loisir que m'en donnent ces feries.

Entre autres poinctz, n'oubliez pas, sil vous plait, celuy là, que noz heretiques font mestier de nier tout et ne rien dire. llz le font sans doubte par art et par finesse, affin quilz ne soyent tenus de rien preuver et quilz nous chargent tant plus de preuve, dautant quil est beaucoup plus aisé de nier la verité que de preuver le mensonge. llz se fondent sur la reigle qui dit que aienti, non neganti, incumbit probatio : mais vous sçavez mieux que moy comment telle reigle est entenduë en nostre jurisprudence, a laquelle proprement elle appertient. Noz loix dient que celuy qui dit et afferme quelque chose est tenu de le prouver, mais que celui qui soutient la négative n'est tenu de la preuver ; la raison est parce que la preuve d'une negative semble estre impossible par la nature mesme, dautant que ce n'est qu'une pure privation qui en somme n'est rien selon les philosophes. Mais ceste raison mesme monstre que la reigle doit estre entenduë d'une pure negative qui ne puisse estre circunstantiee de point de façon ; car quand ell'est coarctee, comme parlent noz maistres, de la circonstance de quelque lieu ou de quelque tems, la preuve s'en peut faire, et faut qu'elle se face par celuy qui nie : comme si quelqu'un nioit d'avoir esté a Romme un tel jour, il pourroit et devroit preuver en quel autre lieu il fut ce jour là.

Il y a de plus que la negative mesme qui est pure privation, et quœ nihil ponit, nec includit affirmativam contrariam, doit estre neantmoins preuvee par celuy qui l'avance, toutes et quantes fois que c'est le fondement de son intention ; et en ce poinct s'accordent tous noz docteurs, fondés sur ce que tousjours le demandeur doit estre chargé de preuver son intention et ce sur quoy il la fonde.ll y en a une infinité d'exemples ramassez par le premier Marian Socin en ses Commentaires sur le Droit canon, qui traite ceste matiere plus amplement qu'autre docteur quelconque qui jamais en aye parlé. Il me souvient de l'y avoir veu autrefois a plein fonds, combien que je n'aye pas a present le livre.

Je me suis fort appuyé autrefois sur ceste derniere consideration pour conclurre que noz heretiques, pour nieurs quilz soyent, sont tenus de preuver toutes leurs negatives ; car ilz ne peuvent nier quilz ne soyent demandeurs, puis qu'ilz viennent a nous troubler en nostre possession de sezecentz ans qui nous rend deffendeurs ; et vous sçavez que c'est la principale commodité de la possession, qu'elle decharge le possesseur de toute necessité de preuve jusques a ce que le demandeur aye fondé et preuvé son action : de là vient que adversus extraneos, id est, nihil juris habentes actores, etiam viciosa possessio prodest. Mais c'est trop faire le docteur avec vous; aussy me faites vous dottor in volgar. Escrivez moy si vous voulez que je le tire en consequence, affin que je n'en abuse.

Je feray tenir voz lettres a Pere Possevin et a nostre frere monsieur de Locatel. J'ay esté presque botté pour vous aller voir affin de vous conduire au Baptesme de nostre neveu, lequel nous esperions devoir estre fait le jour de la Toussainctz ; mais j'ay esté retenu par une infinité d'incommodités, et pour avoir sceu aussy que monsieur le Commandeur doit partir aujourdhuy pour Lyon, et qu'a ceste occasion la solemnité du Baptesme sera remise en autre tems.

Vous me treuverez aussy long en françois qu'en latin, mais je ne sçaurois qu'y faire. Encor avois je a vous prier de m'ayder a me faire avoir responce des lettres que j'ay escrit a Geneve et addressé a l'hoste du Lyon d'Or, pour sçavoir si ces imprimeurs mettront la main a imprimer mes derniers Livres de Conjectures suyvant les promesses qu'ilz m'en ont faites toute ceste annee. Je ne peux attendre davantage pour le desir que j'ay de faire sçavoir en Allemagne et en l'Italie, aussy bien qu'en France, que nous sommes freres; et comme tel je vous baise les mains. Aussy font ma belle mere et ma maistresse , avec noz escoliers, qui prient tous Dieu avec moy quil vous conserve, Monsieur mon Frere, a longues annees en sa grace, et nous, en la vostre.

Vostre plus humble et plus intime frere et serviteur,

A. FAVRE.

De Chambery, en haste, ce 25 octobre 1595.
Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.









XXII- Chambéry 22 novembre 1595

XXIII- Chambéry 1 janvier 1596 (cf lettre LXIV)

XXIV- Chambéry 19 février 1596 (cf lettre LXIV)

XXV- Chambéry 27 mars 1596 (cf lettre LXIX)

XXVI
 
 

Monsieur mon Frere, Je me doubte fort que la lettre que je vous escrivis la semaine derniere par la voye de monsieur de Crans ne vous are pas esté rendue, par les dangers de contagion continués et accreus, comme l'on nous dit, du costé de Necy (cf note 205). Je porteray la perte fort patiemment, pourveu que vous croyez que je n'ay pas esté si paresseux d'attendre jusques a present de me conjouir avec vous de vostre heureux retour (car aussy n'estoit elle pour autre), en attendant qu'avec plus de loisir je puisse vous escrire. Despuis, j'ay eu quelques heures de meilleur loisir, mais point de commodité de porteur qui s'en allast du costé de Sales ou de Tonon.

Je m'asseure que vous n'aurez pas esté moins impatient en l'attente de recevoir de mes nouvelles que moy, en l'attente de pouvoir vous faire part des miennes et d'avoir des vostres, combien que pour ma consolation j'aye veu nostre bon frere (cf note 200), qui m'a bien au long entretenu, et discouru plusieurs particularités de vostre voyage, toutes tres aggreables, mesme celle du françois converti ; car elle vise a l'honneur de Dieu premierement, puis au vostre, qui sont les deux plus grandes grandeurs que j'apprehende dans ce monde. Bref, il me semble que je vous ay veu et que je vous voy, et peut estre encor que je vous verray en brief.

Au reste, j'ay a vous dire pour bonne nouvelle, et meilleure pour moy que pour vous, que monsieur de Jacob (cf note 201), venant de France, m'a fait entendre que Madame de Nemours l'avoit prié fort affectionnement de sçavoir de Son Altesse si elle auroit aggreable que je fusse convié d'estre President du Genevois (cf note 85) ; a quoy s'accorde un billet escrit par monsieur de Charmoisy, nostre parent, a monsieur son pere (cf note 81), qui adjouste que Monsieur et Madame de Nemours estoyent sur le poinct de m'en prier. Je serois trop long a vous conter tout ce qui a esté dit sur ce propos entre luy et moy ; tant y a, que son advis a esté que je peux et doy entendre a ceste condition, et que Son Altesse l'aura tres aggreable, et a resolu de faire l'office a ce voyage qu'il fait en nostre court, ou il s'est acheminé despuis deux jours. Je m'asseure que le commandement ne tardera gueres de venir ; il ne restera sinon que de l'autre costé on m'escrive. Et voyla ma cause gaignee. Apprestes vous seulement d'estre le president du President, et de rabbattre trois ou quattre heures tous les jours de vostre plus serieuse estude. Je ferois tort a ceste lettre, pleine d'un sujet tant desiré, si je la chargeois d'autre matiere, sinon pour vous dire que j'ay fait tenir voz pacquetz a monsieur de Lullin par le secretaire mesme de monsieur de Jacob, qui m'a promis de les delivrer en mains propres.

Nostre santé est tres bonne en general, graces a Dieu, lequel vueille qu'ainsy soit de celle de Necy bien tost. Quant a la vostre, je la tiens et desire toute telle que celle de l'autre vous mesme, sinon que de plus il est

Vostre serviteur,

A.FAVRE. Ma maistresse avec toute la suite vous salue; ainsy madame du Foug (cf note 319), et moy encores plus, sans oublier l'advocat du Crest (cf note 165), et monsieur le Procureur fiscal (cf note 287).
De Chambery, en haste, ce 21 novembre 1596.
Monsieur mon Frere,

Monsieur De Sales,

Prevost de l'Esglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve.

A Tonon.

Revu sur le texte inédit, inséré dans le 1er Procès de Canonisation.

XXVII

Monsieur mon Frere, Combien que je vous aye escrit ny a que deux ou trois jours par l'homme de monsieur de Coudree bien amplement, et avec beaucoup de contentement pour la bonne nouvelle de laquelle je vous ay fait part de ma promotion a l'estat que je desirois, tousjours plus pour m'approcher de vous, qui m'estes et serez in œternum instar omnium, que pour m'esloigner du reste de mes amis, si est ce que j'ay recherché encores ceste commodité de vous pouvoir escrire par monsieur le Gouverneur (M. de Lambert), pour me reintegrer en la possession de noz premieres diligences, autant que la commodité ou, pour mieux dire, l'incommodité et le malheur du tems le pourra permettre ; car Necy est maintenant plus decrié que jamais pour le mal qui est naguieres survenu pres du pont de Nostre Dame. Nous sommes de par deça assez asseurés, mais non pas entierement, parce qui! y a deux villages ausquelz le mal va encores s'entretenant.

Tout mon train se porte bien, graces a Dieu, et sur toutz celuy que vous tenez et recognoissez pour

L'autre vous mesme et rien moins qu'autre,

A.FAVRE. Tous mes gens se recommandent, et moy particulierement, mesmes a monsieur d'Avully, monsieur du Crest, a monsieur le Procureur fiscal et a madame du Foug.
De Chambery, en haste, ce 25 novembre 1596.
A Monsieur mon Frere,

Monsieur De Sales,

Prevost de l'Esglise Cathedrale de Genevc. A Tonon.

Revu sur l'original inédit, conservé à la Visitation de Rennes.
 
 
 
 
 
 

XXVIII

Monsieur mon Frere, (cf lettre LXXXVIII) Je n'eusse pas laissé partir ces bons villageois sans les charger de mes lettres si j'eusse esté ad vert y de leur des part; mais la faute n'en est qu'a leur procureur qui m'avoit promis de me les faire voir, ce qu'il n'a fait. Je sçay qu'ilz ont esté depechés a leur contentement, mais non pas sans beaucoup de despence : en quoy peut estre que j'eusse peu leur apporter quelque soulagement, si leur procureur m'en eust parlé avant que l'argent eust esté deboursé, s'estant aussy en cela comporté plus nonchalamment qu'il ne devoit ; combien qu'a la verité, en semblables matieres d'argent, si peu de gens ont le credit d'en faire rien rabbattre.

Je feray voir au Conseil d'Estat la requeste du gentilhomme duquel vous m'escrivez (cf Lettre LXXVI) a la premiere assemblee qui se fera, qui ne peut estre devant demain, 15e de ce mois, et n'oublieray rien de ce que je pourray pour luy faire ressentir quelque bon effect de vostre recommandation ; me resjouissant au reste des bonnes esperances que vous donne Monsieur le Nonce, ne pouvant croire qu'elles doivent plus longuement demeurer sans effect en chose de telle importance, et laquelle je ne doubte point que Son Altesse, aussy bien que luy, n'affectionne beaucoup plus qu'auparavant des qu'ilz vous ont veu : et me semble qu'icy l'autheur doit admirer leur tardiveté autant que son sçavoir.

Je m'estois bien promis que je me treuverois a la premiere grand'Messe que vous diriez a Tonon pour ces festes de Noel, mais a ce que je voy, la chose sera remise a l'an qui vient. Bon Dieu, que le tems m'en dure, et de vous voir et en cest acte là ! l'un et l'autre sera quand il plaira a Dieu. Je suis retenu plus que jamais d'aller en Genevois jusques a ce que j'y aille pour une bonne fois, pour ne sembler vouloir courir au devant des honneurs ; sinon que les lettres de monsieur de Charmoisy, mon cousin, ou quelque sien commandement ou vostre m'en fist naistre l'occasion. Ce pendant, pour accroistre ce contentement qui n'est qu'un a vous et a moy, je vous diray que je viens de recevoir lettres de monsieur de Jacob, par lesquelles il m'asseure que Son Altesse a tres aggreable que j'aille en Genevois et qu'elle m'en priera (voyez quelz termes) ; et qu'en tesmoignage de cela, mes gaiges de senateur me demeureront. Mais tenez, je vous prie, ce dernier poinct secret, car il m'importe affin qu'on ne me rabbatte rien dans cela des gaiges qu'avoit monsieur Poille (cf note 85), qui est le plus haut degré d'ambition et d'avarice auquel ma pauvreté aspire. Il ne reste sinon que je reçoive mes depeches et d'une part et d'autre. ]'espere que de nostre court monsieur de Jacob les apportera a son retour ; mais ce ne sera pas, comme je croy, avant Pasques, car il fait estat de se treuver a Paris seulement pour le quinziesme du mois prochain, a ce que dit monsieur de Trollioux qui est passé pour luy aller preparer son logis. Cela me fait tres bien esperer de noz affaires, quoy qu'on veuille dire ou gazouiller au contraire. Autres advis n'en ay je desquelz je puisse vous faire part.

Ma maistresse et tous vos neveux qui sçavent parler vous saluent, mais le pere sur tous et plus que tous, comme celuy qui est et sera a jamais,

Monsieur mon Frere, Vostre tres humble frere et serviteur,

FAVRE.

Je resalue infiniment tous ces messieurs qui se resouviennent de moy, et outre les messieurs, madame du Foug, de laquelle je suis bien humble et obligé serviteur.

De Chambery, ce 14 decembre 1596.
Monsieur mon Frere,

Monsieur De Sales,

Prevost de l'Esglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve. A Tonon.

Revu sur le texte inédit, inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 

XXIX

Monsieur mon Frere, Estant au plus fort des Meditations poetiques que j'ay commencees despuis quelques jours sur les misteres du tressainct Rosaire, pour faire quelque provision de devotion pour ces bonnes festes, j'ay sceu par monsieur l'advocat Salteur (cf note 88), lequel m'a remis vos dernieres lettres, quil y avoit commodité de vous faire responce par le greffier de Thonon; et a l'instant, sans poser la plume, j'ay seulement changé de papier pour vous faire ce mot, non moins pour accroistre en moy cet esprit de devotion par l'imagination que je conçoy de vostre conversation, que pour vous advertir comme du jour mesme que je receus vostre pacquet, ou, pour ne mentir, du lendemain, je le remis a la poste avec les autres que le Conseil d'Estat depechoit par courrier expres a Son Altesse et soubs une mesme couverture, de sorte que je m'asseure quil aura esté bien et seurement rendu ; dequoy je n'eusse pas tant tardé de vous advertir si j'eusse heu la commodité d'un porteur.

Car, quant au reste que vous vouliez sçavoir de moy, de la negotiation de monsieur de Jacob pour moyen nostre court, je vous ay ja escrit, et m'asseure qu'aurez receu la lettre, que Son Altesse treuve tout bon et me laisse, avec l'estat de senateur, mes gaiges. On m'en escrit en ces termes : " Vous irez, vous demeurerez et tirerez voz gaiges." Toutefois, je n'ay encor point receu de lettres de Son Altesse, non plus que de Leurs Excellences, tellement que, non sans beaucoup de peine, je suis contraint de dissimuler et ne faire pas semblant que je desire de voir la chose executee, quand ce ne serait que pour empecher que noz confreres ne vous veullent mal, pour l'asseurance quilz ont que la force de nostre amitié m'attire a ceste resolution autant qu'autre chose quelconque. J'espere que le retour de monsieur de Marclaz, mon cousin, m'apportera ce contentement avec les autres.

Cependant, felix nobis de la lettre de nostre Sainct Pere (cf note 214). C'est maintenant, a ce que je voy, quil fera bon estre de voz amis a qui en voudra avoir a Romme et a Turin. Je ne pers point pour cela courage d'esperer que vous aymerez tousjours le President, lequel vous avez bien aymé senateur. Encor veux je que le Pape le sçache quelque jour, aussy bien que Son Altesse le sçait.

Je ne pensois vous escrire qu'un mot, et vous voyez ou la passion me porte. Encor feroy je bien ceste plus longue, si le dernier coup de Matines ne me pressoit ; car je vous escris ceste en semblable tems auquel je jouissois de nostre premiere entreveuë a Necy en vostre estude, sont passés trois ans. La seule souvenance me recree infiniment ; Dieu veuille que dans un an je la puisse rafreschir par une nouvelle jouissance.

Je n'escris rien a monsieur de Charmoisy, mon cousin, en responce de la sienne, tant pour n'en avoir a ceste heure le loisir, que pour avoir desja satisfait a tout ce quil attend de sçavoir de moy par celle quil aura receu de moy despuis la sienne escritte. Si je puis retirer de monsieur Chaven le depeche du gentilhomme avant que ce porteur soit party, je feray quil le portera ; sin minus, ce sera pour l'autre fois.

Je vous baise bien humblement les mains, et a monsieur nostre cousin, sans oublier tout ce quil y a de bon et d'honeste en vostre ville de Tonon. Ma maistresse et vos neveus vous en presentent autant, et du mesme cœur duquel nous prions Dieu, tous tant que nous sommes, monsieur mon Frere, pour vostre santé et prosperité.

Vostre plus humble frere et serviteur,

A. FAVRE.

De Chambery, en haste, la veille de Noel, a 9 heures du soir, I596.
A Monsieur mon Frere,

Monsieur De Sales,

Prevost de l'Esglise Cathedrale de St Pierre de Geneve

A Tonon.

Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 

XXX









Monsieur mon Frere,

Je vous avois escrit en grande haste la veIlle de Noel, comme vous verrez par la cy jointe, pour ne perdre la commodité qu'on m'avoit enseigné du greffier de Tonon ; mais il se treuva au lendemain qu'il estoit parti le soir devant, fort tard, de peur, comme je croy, de se treuver a nostre Messe de minuit. Despuis, j'ay receu une des vostres datee du jour de Sainct Thomas, non toutefois l'autre laquelle vous dites m'avoir escrit par autre voye.

Je ne treuve pas moins estrange que vous l'empechement que vous font ces messieurs de Tonon (cf lettres LXXX, LXXXI) , et en ay conferé bien a plein avec monsieur le Gouverneur lequel m'a dit les mesmes raisons lesquelles il a discouru avec vous sur ce sujet. Tout ce que je treuve de plus considerable, c'est qu'il dit que par les lettres mesmes de Monsieur le Nonce a vous, il est fait mention des depeches qu'en (B.LettreV) veut faire Son Altesse (C.Lettre I), lesquelz ne sont encor venus ; car sans doute s'ilz estoient entre vos mains, la chose se pourroit faire avec beaucoup plus de reputation. L'autre raison qui m'esmeut beaucoup, c'est que la trefve estant sur le poinct de finir, il ne faut doubter que si elle estoit finie ou rompue l'ennemy courroit quant et quant du costé de Tonon, quand ce ne seroit que pour abbattre l'autel lequel vous auriez fait construire.

Nous sommes attendans monsieur de Jacob dans deux ou trois jours. Je ne fauldray, incontinent apres qu'il sera arrivé, de luy en parler, tant pour sçavoir s'il apporte point de commandement de Son Altesse sur ce faict, que pour entendre ce qui luy en semblera ; et sera bon que vous luy en escriviez, affin qu'il s'en prenne quelque bonne resolution entre luy et monsieur de Lambert, lequel m'a dit que si la trefve est continuee il viendra le voir. Qu'y feriez vous, mon bon Frere ? Il faut joindre encor ceste patience a tant d'autres desquelles Dieu vous a donné et le sujet et le merite en ceste vostre si saincte et digne negotiation. Ce pendant, il faut presser Monsieur le Nonce pour avoir, par son moyen, le commandement de Son Altesse. Je vous escriray dans peu de jours ce que j'en auray appris de monsieur de Jacob.

Et en ceste attente, vous baisant bien humblement les mains, comm'aussy ma maistresse avec vos neveux, sans oublier madame du Foug, monsieur le Procureur fiscal et monsieur du Crest, je prie Dieu vous donner la santé longue et contente vie.

Monsieur mon Frere,

Vostre plus humble frere et, s'il se peut dire, quelque chose de plus, FAVRE.
De Chambery, ce 28 decembre 1596.
Monsieur mon Frere,

Monsieur De Sales,

Prevost en l'Esglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve. A Tonon.

Revu sur le texte inédit, inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 

XXXI

Monsieur mon Frere, Je receus hier tant seulement vos deux lettres, l'une du jour de Sainct Estienne, l'autre de Sainct Thomas. Le subjet meritoit bien qu'elles me fussent plus tost renduës, affin que j'eusse peu faire plus diligemment et plus chaudement l'affaire duquel vous m'escrivez. La faute est venue en partie des porteurs, en partie aussy de ce que j'ay esté absent de ceste ville pour certain appointement que je suis allé faire du costé de Belley. Mais, graces a Dieu, tout va bien puisque vous avez reintegré la Messe en sa possession en un jour si solemnel, quoy que non pas si solemnellement que vous et moy eussions desiré.

Tant y a que voz scyndics de Tonon n'ont point esté icy pour se plaindre de vous, mais seulement pour presenter req ueste a la Chambre des Comptes a cause de la gabelle du sel (cf note 316), a ce que leur Procureur mesme m'a asseuré. Je l'ay aussy sceu de monsieur le president Pobel (cf note 272), qui a tousjours presidé au Conseil d'Estat en l'absence de monsieur de Jacob ; j'en ay encores parlé a monsieur de Jacob, qui me dit n'avoir ouy aucunes plaintes de vous, ny deça ny dela les monts, au contraire toutes les voix du monde favorables a vostre reputation, et l'un et l'autre treuvent bon ce que vous avez fait et que vous continuiez, estant bien resolus, si quelqu'un de ces messieurs vient se plaindre a eux, de luy bien laver la teste sans savon. Mais ilz sont bien d'advis que pour ce qui reste a faire de plus, vous attendiez quelque commandement plus expres de Son Altesse, pour ne contraindre Son Altesse de venir aux remedes violens qui seroient necessaires si ces messieurs faisoient quelque insolence qui eust forme de mespris ou de rebellion ; car en somme, comme vous escrivez, ilz n'ont point capitulé avec Son Altesse.

Monsieur de Jacob m'a asseuré que Son Altesse est tres bien disposee a plaider vostre cause (si ainsy la faut appeller plustost que celle de Dieu) contre Messieurs de Sainct Lazare (cf note 222), et que luy mesme s'y est aydé, s'asseurant qu'en brief vous l'emporterez, du moins pour l'entretenement de six curés. II dit que monsieur de Lullin fait merveilles, et m'asseure que si a son retour de France la chose n'est resolue il employera tout son credit pour la faire reussir a l'honneur de Dieu et a vostre contentement. Nous avons resolu d'en conferer avec monsieur de Lambert, par lequel en apres je vous en escriray plus a plein, car je suis maintenant merveilleusement pressé. La trefve generale avec la France est continuee jusques au dernier d'avril ; monsieur de Jacob s'yen retourne dans huict ou neuf jours.

J'ay de rechef recommandé a monsieur le president Pobel l'affaire de ce bon gentilhomme de Tonon, et a monsieur Chaven encor qui m'avoit promis merveilles sans y avoir encor rien fait ; et l'un et l'autre m'ont promis de le favoriser pour amour de vous, et de la plus briefve expedition qu'il sera possible.

Monsieur l'Evesque de Sainct Paul (cf note 331) se recommande a vos bonnes' graces et m'a asseuré d'avoir fait tenir vostre pacquet a Monseigneur le Nonce, qui doit l'avoir receu ja des samedy dernier. Excusez ma haste, et tenez moy in infinitum, extensive et intensive, pour celuy qui est,

Monsieur mon Frere, Vostre plus humble frere et serviteur,

FAVRE.

De Chambery, ce 9 janvier 1597.
Ma maistresse et voz neveux vous baisent les mains; aussy fay je moy a tous ceux de qui vous m'escrivez. Nostre troisieme frere m'a escrit de France qu'il se porte tres bien.

Monsieur mon Frere,

Monsieur De Sales,

Prevost de l'Esglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve.

A Tonon.

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 

XXXII

Monsieur mon Frere, En responce de celle que ce porteur m'a remis de vostre part, je vous diray qu'il n'y a que quattre ou cinq jours que je vous ayescrit bien a plein par le solliciteur de monsieur de Colombier, pour respondre aux deux dernieres que j'avois eu de vous, dont la premiere estoit datee du jour de Sainct Estienne, l'autre, du jour de Sainct Thomas. Je m'asseure que ma lettre ne s'esgarera pas, car je l'ay recommandee fort estroittement ; toutefois, parce que peut estre elle ne vous sera pas si tost rendue, je vous en feray par ceste cy un epilogue.

Je vous escrivois qu'ayant conferé avec monsieur le president Pobel et autres seigneurs du Conseil d'Estat, j'avois sceu que le scyndic Vernaz, qui estoit venu en ceste ville, ne s'estoit aucunement plaint de vous, et que quand luy ou quelque autre viendroit a si mauvaise fin, on luy lavera bien la teste. Il estoit venu seulement pour se plaindre de l'imposition qu'on leur veut mettre sus de la gabelle du sel ; son procureur mesme me l'a ainsy confirmé. Tous ces messieurs treuvent bien fait ce que vous avez fait et monsieur de Jacob encor, avec lequel j'en ay conferé bien au long ; et est d'advis, puisque vous avez commencé de dire la Messe a Sainct Hippolite, que vous continuiez ; mais il ne treuveroit pas bon que vous y fissiez construire aucuns autelz jusques a ce que vous ayez receu depeches de Son' Altesse, pour ne donner point de sujet ou d'occasion de nouveau remuement en un tems si chatouilleux comme est celuy cy.

Qu'y feriez vous, mon Frere ? Il faut prendre ceste mortification et la joindre a tant d'autres qui ont esprouvé vostre patience. Dieu est bien le chef des Conseilz d'Estat. lesquelz se tiennent en ce tems par tout le monde ; mais quand on vient a parler de luy et de ses affaires, je croy qu'il faut qu'il sorte de l'assemblee, comme s'il en estoit seulement le president ou l'un des conseillers. Je me console en l'esperance que j'ay que vostre depeche ne tardera plus gueres, et que vous n'avez pas peu fait par ceste boutee.

Monsieur de Jacob m'a dit que monsieur de Lullin fait merveilles contre les Chevaliers de Sainct Lazare, et que Son Altesse la combat pour nous a spada tratta. Il m'a dit de plus que s'y estant une fois treuvé et convié par Son Altesse d'en dire son advis, il le dit tel qu'il devoit pour la cause de la religion, et se promet qu'a son retour, s'il reste a faire quelque chose, il s'y employera si chaudement que nous en verrons les effects. Il tient desja pour fait qu'il y aura six curés entretenus, a six vingts escus pour curé.

Il y a plusieurs autres choses en ma derniere lettre, a laquelle je suis contraint de me remettre pour le peu de loisir que me donnent les occupations du Senat, ou je me treuve en rapport et chargé d'ailleurs d'une infinité d'affaires. Si faut il qu'encor je vous die que j'ay receu par monsieur de Jacob les patentes de Son Altesse, qui me permet d'aller en Genevois en retenant mon estat de senateur avec mes gaiges. Mais je n'ay encores point receu des lettres de Leurs Excellences, et croy que monsieur de Jacob a son retour de France, ou il n'est pas encores allé, me les apportera, et que par consequent la chose ira a la longue.

Je le porte impatiemment pour le desir que j'ay de vous voir, et monsieur vostre pere, avec tout ce qui est de la suite. Mais je me console en l'esperance qu'entre cy et la, Son Altesse fera lever ceste gendarmerie qui ruine tout le pauvre Genevois, ou du moins la cavallerie. Monsieur de Jacob m'a asseuré que Son Altesse est en ceste volonté, et que cela serait ja fait, sans l'advis qui vint a nostre court de la contagion reprise a Necy, lors qu'on estoit sur le poinct d'en faire les depeches. Il attend que monsieur Trollioux les luy apporte dans peu de jours, parce qu'il en a chargé ses memoires et escrit a Son Altesse de bonne encre. Toutefois, j'ay escrit a messieurs du Conseil qu'il me sembleroit tres expedient que toute la province deputast quelque gentilhomme pour aller representer a Son Altesse ses plaintes et le miserable estat auquel se treuve reduit tout le peuple. J'espere que monsieur de Beaumont, avec lequel j'en ay aussy parlé, prendra bien ceste peine, s'il en est prié un peu vivement.

J'ay escrit bien au long a Monsieur nostre pere par l'homme de Necy qui m'apporta la lettre de messieurs du Conseil ; je m'asseure que la lettre luy aura esté rendue. Ceste cy ne laissera, s'il luy plaist, d'estre pour vous deux, comme encores les tres humbles recommandations que ma maistresse et moy presentons a ses bonnes graces et a celles de Madame nostre mere, Messieurs nos freres, et Mesdemoiselles nos sœurs, priant Dieu vous donner a tous, Monsieur mon Frere, une santé longue et contente vie.

Vostre plus humble frere et serviteur in inftnitum,

FAVRE.

De Chambery, en haste, ce quatorzieme janvier mil cinq centz nonante sept.
J'ay remis au Pere Cherubin vostre traitté incontinent que je le vis a Necy apres vous avoir laissé. Je m'asseure qu'il l'aura veu diligemment, car il me le promit, et je sçay qu'il desiroit extremement de le voir.

A Monsieur mon Frere,

Monsieur De Sales,

Prevost en l'Esglise Cathedrale de SI Pierre de Geneve. A Sales.

Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 

XXXlll

Monsieur mon Frere, Vous m'avez osté d'une extreme peine me faisant sçavoir de vos nouvelles et m'envoyant la requeste de ce bon gentilhomme qui languit des si long tems ; car ayant eu je ne sçay combien de fois la main a la plume pour vous escrire, j'ay tous jours esté retenu et empeché par honte que j'ay du tort que nous avons, monsieur Chaven et moy, de l'avoir abusé si longuement. Il n'a pas tenu a moy que l'expedition ne s'en soit ensuyvie ; mais quoy que j'aye sceu faire, mesme despuis mon dernier retour de Necy, il ne m'a jamais esté possible ny par courtoisie ny par force d'avoir de ce petit homme autre que paroles et vaines promesses. Maintenant je me passeray de luy, et au premier Conseil d'Estat, qui se tiendra demain comme j'espere, j'auray quelque bonne provision, a ce que me fait esperer monsieur le president Pobel, auquel j'en ay parlé ja des long tems et qui m'a promis toute la faveur qui luy sera possible. Vous serez adverty par la premiere commodité de ce que j'auray peu negotier.

Ce pendant tenez vous joyeux, nonobstant les traverses ou nonchalances de ceux qui devroyent vous ayder en ceste vostre si saincte entreprise ; vostre patience a desja vaincu les plus grandes difficultés, j'estime que ce qui reste a faire ne vous peut estre que subjet d'honneur et de contentement. Je ne vous escris rien de ce malheureux acte qui s'est naguieres commis a Mussel, tant pour n'en avoir le loisir que pour n'interrompre voz devotes pensees d'un si fascheux entretien. J'en ay escrit a monsieur vostre pere ce qui m'en sembloit.

J'ayme mieux vous parler de monsieur Locatel, nostre frere, qui m'a chargé par sa derniere lettre de vous baiser bien humblement les mains, et vous advertir qu'il est pere d'une Marguerite. J'espere qu'avec vostre bonne ayde je pourray dans cinq mois estre pere d'un François, si ma maistresse ne me trompe, laquelle en ceste apprehension vous baise bien humblement les mains, comm'aussy je fay, et a madame du Foug et a tous ces messieurs nos communs amis, priant Dieu vous donner a tous une santé longue et contente vie.

Monsieur mon Frere, Vostre plus humble et plus obligé,

FAVRE.

De Chambery, en haste, ce 14 mars 1597.
A Monsieur mon Frere,

Monsieur De Sales,

Prevost de l'Esglise Cathedrale de Sainet Pierre de Geneve.

A Tonon.

Revu sur le texte inédit, inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

XXXIV


Monsieur mon Frere, J'avoy differé quelques jours de vous escrire tout expressement pour donner loisir a mes depeches de venir, affin de vous entretenir desormais de quelque subjet plus aggreable que ne sont ces esperances languissantes qui nous ont morfondus despuis tant de mois. Enfin tout est arrivé avec monsieur de Jacob, horsmis la paix. Je ne pouvois desirer lettres plus favorables que celles qui m'ont esté escrittes par Leurs Excellences, outre les patentes. Dieu soit loué que nous voilà tous deux a l'egal contens et en beau chemin de jouir, sil plait a Dieu, a longues annees de ceste mutuelle et incomparable amitié, laquelle se fait desja paroistre es lieux mesmes ou nous n'avons jamais esté veus ny congnus.

Il ne reste sinon que ceste jouissance s'ensuyve de plus pres. Et pour ceste cause, je ne refuse pas d'estre le premier a vous aller au devant, si messieurs du Senat et du Conseil treuvent bon que j'aille prendre possession de mon presidentat, affin qu'a nostre premiere veuë je vous mette un president entre les bras. J'espere que si ce n'est pour les derniers jours de la semaine prochaine, ce sera pour la suyvante. Dieu sçait combien je desireroys de vous y treuver, et pour combien de raisons ; mais je prendray bien patience pour quelques jours, pourveu que je sois bien adverty de vostre bon portement, et que la conversation du Pere Esprit vous console parmy tant de travaux que vous continuez de prendre a cultiver ceste barbarie huguenotte, si cultiver se peut dire pour deraciner ; mais je parle du terroir, non pas de la semence.

Quant a la conference (cf note 223), je ne desire rien tant que d'ouir dire le jour auquel elle se fera, et ne croy pas quil y aye presidentat que je ne quittasse pour aller en estre tesmoin ; mais je suis bien comme vous, je crains que ces longueurs n'en facent perdre et le goust et l'occasion. Sil se fait quelque chose, je m'asseure que j'en seray adverty des premiers et que j'auray ce credit de m'y pouvoir treuver en quelque coin.

Je vous envoye une lettre que je viens de recevoir de Monsieur l'Evesque de Mauriane. Vostre commere vous saluë pour elle et pour son petit François qui se fait tous les jours plus gros que grand ; nostre frere de mesme, avec toute la brigade ; mais moy plus que tous, qui suis,

Monsieur mon Frere, Vostre vous mesme, frere et serviteur,

A. FAVRE.

De Chambery, en haste, ce 21 may 97.
A Monsieur mon Frere,

Monsieur De Sales,

Prevost de J'Esglise Cathedrale de St Pierre de Gencve.

A Tonon.

Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

B : LETTRES DE Mgr JULES – CESAR RICCARDI ( en italien)

archeveque de bari, nonce apostolique a turin

Ces lettres sont revues sur les textes insérés dans le 1er procès de Canonisation. Elles sont inédites sauf les lettres IV, V,X.

I-Turin 29 décembre 1595 (cf lettre LXVI)

II-Turin 7 mars 1596 (cf lettre LXVI)

III- Turin 27 août 1596 (cf lettre LXXII)

IV- Turin 10 décembre 1596 (cf lettres LXXIII, LXXXVI)

V- Turin 4 janvier 1597 ( cf lettres LXXVII, LXXIX, LXXXI, LXXXVI)

VI- Turin 6 janvier 1597 (cf lettres LXXX, LXXXI)

VII- Turin 25 février 1597 (cf lettre LXXXVII)

VIII- Turin 12 mars 1597 (cf lettre XC)

IX- Turin 4 avril 1597 (cf lettres LXXXVII, XC, XCII)

X- Turin 12 mai 1597 ( cf lettres XCIV, XCVII)

XI- Turin 25 mai 1597 (cf lettre XCVII)

XII- Turin 2 juin 1597 (cf lettre XCII)

XIII- Turin 16 juin 1597 (cf lettres XCV, XCVI)

XIV- Turin 10 février 1598 (cf lettre CIII)

XV- Turin 25 avril 1598 (cf lettre CVI)

XVI- Turin 5 juillet 1598 (cf lettres CIX, CX)
 
 












C : LETTRES DE CHARLES EMMANUEL Ier

duc de savoie
 
 

I (cf lettres LXXX, LXXXIII)

A Reverend, cher, bien amé et feal Messire François de Sales, Prevost de Sainct Pierre de Geneve. Reverend, cher, bien amé et feal,

En responce de celle que avez escript, vous disons que treuvons bon qu'ayez faict dresser un autel en l'esglise de Sainct Hipolite, comme aussy les aultres bonnes œuvres qu'à la louange de Dieu et extirpation des heresies vous y allez exercitant ; et Nous.desplaict des oppositions que l'on vous y a faictes, que neantmoings avez surmonté ainsy que vous Nous escrivez. A quoy vous continuerez avec la dexterite et prudence que vous sçavez'convenir, ayant escript au sieur de Lambert qu'il a tres bien faict de secourir le ministre qui se veult catholiser, ainsy que vous et luy Nous escripvez.

A tant prions Dieu que vous aye en sa garde.

De Thurin, ce 7 janvier 1597.
Le Duc de Savoye, CHARLES EMANUEL. RIPA, Au Prevost de Sainct Pierre de Geneve.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de Canonisation.
 
 
 
 
 
 

II

LETTRES PATENTES DE NOMINATION DE SAINT FRANÇOIS DE SALES A LA COADJUTORERIE DE L'ÉVÊCHÉ DE GENÈVE

CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aouste et Genevois, Prince de Piedmont, etc.

A tous ceux qui ces presentes verront sçavoir faisons qu'estant deuement informé du sainct zele que tres Reverend Pere en Dieu, nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur Messire Claude de Granier, Evesque de Geneve, a de faire colloquer en son Evesché, par coadjutorie ou autrement, homme cappable de telle charge, conforme a nostre intention, qu'a tousjours esté qu'es benefices dependantz de nostre nomination les personnes meritantes soient preferez aux aultres. A ceste cause, ayant remarqué la doctrine, vie exemplaire et autres rares qualitez qui reluisent en nostre tres cher et bien aymé Orateur Messire François de Sales, Prevost de Sainct Pierre de Geneve, heu d'allieurs esgard aux travaux que cy devant il a supportez et a present supporte a la conversion des devoyés de nostre religion riesre nostre Duché du Chablais, de quoy nous sçavons aussy Sa Saincteté estre bien informee, avons par ces presentes, en vertu des concessions et indultz que Nous avons du Sainct Siege Apostolique, icelluy nommé et presenté, nommons et presentons audict Evesché de Geneve, suppliant Tres Sainct Pere le Pape et le Sacré College des Cardinaulx quilz veuillent a nostre nomination prouvoir ledict Messire François de Sales dudict Evesché, soit par coadjutorie ou autrement, luy octroyant les despeches sur ce necessaires.

Et pour meilleure asseurance de nostre volonté, avons signé les presentes de nostre main et y faict apposer nostre seel accoustumé.

Donné au camp de Barreaux ( cf note 290), ce 29" jour d'Aoust 1597.

C. EMANUEL.
 
 

Visa pour Monsieur le Grand Chancelier : ROCHETTE.

L † S roncas

Revu sur le texte inséré dans le II" Procès de Canonisation.
 
 
 
 

III

A Reverend, cher, bien amé et feal Conseiller et devot Orateur,

le Prevost de l'Esglise de Sainct Pierre de Geneve,

Le Duc de Savoye.

Reverend, cher, bien amé et feal Orateur,

Nous avons receu un singullier contentement de l'asseurance que me donnez par vostre lettre du unziesme du present, de differer les Quarente Heures pour le vingtiesme du present mois (cf lettre CXVIII), auquel jour je ne faudray de me treuver a poinct nommé, sans aulcune aultre sorte de dilation; ayant esté tres aise de l'expedient qu'a treuvé le sieur de Lambert pour arrester le Pere Cherubin, qu'indubitablement seroit tumbé mallade s'il heust voullu suivre sa deliberation d'aller a Saluces pour rendre son obeissance, que je m'asseure sera excusable aupres de son General, auquel j'en escris la cy enclose pour le prier de le nous laisser pour achever l'œuvre qu'a esté si bien encommencee par luy. Je vous prie de tenir main a ceste deliberation, et je prieray le Createur vous conserver en sa saincte et digne garde.

De Autecombe, le 14 septembre 1598.
CHARLES EMANUEL. BOURSIER. Au Prevost de Sainct Pierre de Geneve.
 
 
 
 
 
 
IV

A Reverend, cher, bien amé et feal Orateur,

le Prevost de Sainct Pierre de Geneve.

Reverend, cher, bien amé et feal Orateur,

Sur l'advis que Nous avons heu du passage du Legat (cf note 213) par nostre Estat et par le pays de Valley, nous depeschames hier un courrier au Pere Cherubin pour le prier de differer les Quarente Heures jusques au [28] du present, qui sera justement le jour de son arrivee â Thonon. De quoy je reçois un tres grand contentement, attendu que nostre attente nous a appourté ce bon heur que d'y avoir un tant principal Prelat, lequel Nous attendrons audict lieu, ou Nous nous acheminerons a l'advantaige ; vous en ayant bien voullu donner [advis] a celle fin, que ce pendant vous vous disposiez a une bonne patience qui se terminera a ladicte venue, sans aultre dilation.

A tant je prie Dieu qu'il vous aye en sa garde.

De Villeneufve-les-Chambéry, ce 17 septembre 1598.
Le Duc de Savoye, CHARLES EMANUEL. BOURSIER. Au Prevost de Sales.
V
 
 

A Reverend Pere en Dieu, le Prevost de Sainct Pierre de Geneve.

Reverend, cher, bien amé et feal Orateur, Par mes antecedentes lettres, vous aurez sceu de la venue du Legat et le desir qu'avons qu'il se treuve aux Quarente Heures, qui les sollempnisera beaucoup plus ; et seroit bien marry si pour un peu de temps luy et moy en perdions la commodité. Il sera mardy prochain a Bourg, et de la, il sera dans six jours a Thonon ou Nous nous treuverons un peu advantaige pour l'y reçoipvre. Je vous prie qu'un peu de temps ne nous soit vendu si cher, comme il seroit si icelle (sic) se faisoit sans Nous, qui Nous causeroit un regret inevitable. Et si bien je crois que, mes lettres receues, vous aurez changé de deliberation, si n'ay je pourtant voullu laisser de vous en donner advis, priant Dieu qu'il vous aye en sa garde.
De Villeneufve, le 19 septembre 1598.
Le duc de Savoye,

CHARLES EMANUEL,

Au Prevost de Sainct Pierre.
 
 

VI

A Reverend, cher, bien amé et feal devot Orateur,

le Prevost de Sainct Pierre de Geneve.

Reverend, cher, bien amé et feal Orateur, Peu appres la lettre que vous avons escript du jourd'huy est arrivee la vostre du dix huictiesme, qui Nous appourte un tres grand contentement et ensemble remplit de toutte consolation, voyant tant d'ames bien disposees pour se remettre au vray chemin. A quoy Nous sommes tout disposé pour les y assister de nostre presence et y appourter tout ce que Nous pourrons, soit en luminaires que pour fournir a la despense, ainsy qu'escripvons au sieur de Lambert de faire. Si aultre ne retarde le Legat, il s'y treuvera des mardy prochain en six jours, non compris le mardy, et Nous un peu auparavant, ne le desirant pas moingtz que vous.

A tant prions Dieu qu'il vous aye en sa garde.

De Villeneufve, ce 19 septembre 98.
Le Duc de Savoye,

CHARLES EMANUEL.

BOURSIER. Au Prevost de Sales.
VII
A Reverend, cher, bien amé et feal,
le Prevost de Sainct Pierre de Geneve,

Le Duc de Savoye.

Reverend, cher, bien amé et feal, Nous ayant, appres vostre despart, le Reverend Monsieur Louys Perrucard faict apparoir de la nomination faicte en sa personne, des l'annee 1589, lhors que nous estions a Gex, du prieuré de Sainct Jean soubz le vocable de Sainct Jean hors les murs de Geneve, riesre le dict pays, et supplié de ne luy prejudicier en son anterieurité par l'aultre nomination qu'en avons faict au Baron de Viry (cf note 254) : ce que Nous semblant raysonnable, et estant d'ailleurs bien memoratif des causes que Nous meurent de le faire, Nous a semblé par ce de vous dire qu'ayez a vous desporter de la charge et sollicitation qu'en pourriez faire pour l'union dudict prieuré a la Collegiale de Viry, ains faire instance pour en obtenir les provisions necessaires en faveur dudict Perrucard, docteur es droictz et esleu de Seseri, en escripvant en ceste conformité a monsieur l'Ambassadeur Arconat (cf note 291) et au Cardinal Aldobrandin. De quoy avons voullu vous donner advis, priant Dieu qu'il vous aye en sa garde.
De Thonon, ce vingtiesme novembre 1598.
CHARLES EMANUEL.

BOURSIER.

Au Prevost de Sales.

D : BREFS DE SA SAINTETE CLEMENT VIII (en latin)











I-Rome 1 octobre 1596 (cf lettre XCIII)

II- Rome 29 mai 1597 (cf lettre XCIII)
 
 






INDEX

des principales notes historiques et biographiques contenues dans ce volume

(Les nombres renvoient aux notes de bas de page)

ABONDANCE (abbaye d')..................... ……………………………243

ABONDE DE CÔME, Provincial des Capucins. . . . . ……………….256

AIAZZA Vespasien.......................... …………………………………215

AINAY (abbaye d')......................... ………………………………….228

ALLEMAN (nobles du Nant, seigneurs d'). . . . . . . ………………….317

ANGEV[LLE Claude d'....................... ……………………………….158

ARCONATO François ..........……………………………………291

AULPS (abbaye d')......................... …………………………………..243

AVULLY Antoine de Saint-Michel (seigneur d').…………………….193

BALLY Jacques, curé du Petit-Bornand.. . . . . . . . ………………….305

BALLY Nicolas, son frère.................... ……………………………...305

BEAUCHATEAU Etienne...................... …………………………….300

BEAUMONT Jacques de Menthon (baron de)..... …………………...82

BERGERA Thomas ……………………………………221

BÈZE Théodore de......................... …………………………………..245

BOCHUT François.......................... ………………………………….219

BOISY François de Sales (seigneur de) " . . . . . . ……………………133

BUSÉE Pierre, Jésuite.....................…………………………………..153

CANISIUS Pierre (Bienheureux), Jésuite. . . . . . . . . …………………152

CHAPELLE Jean-Baptiste de Valence (seigneur de la). Voir VALENCE..38, 77

CHAPPAZ Jean............................. ……………………………………68

CHARLES-EMMANUEL 1er, duc de Savoie. . . . . . . . . ……………..175

CHARMOISY Charles Vidomne de Chaumont (seigneur de).............…81

CHAVANES Claude de....................... …………………………………80

CHAVENT Théodule ……………. ……………………………………184

CHÉRUBIN DE MAURIENNE (Alexandre Fournier), Capucin............79, 120

CHESNEX ou CHESNEY Etienne. juge-mage du Faucigny...................69

CHEVALIER Bernard, curé de Cervens. . . . . . . . . . ……………………233

CHEVALLIER Claude-Gaspard. . . . . . . . . . . . . . . . . …………………..321

CHEVRON Hector, baron de.................. ………………………………..72

CHISSÉ François de........................ ……………………………………..92

CHOSAL ou DU CHOSAL Jean-François. . . . . . . . . . . ………………103

CLARISSES d'Evian......................... …………………………………..264

CLÉMENT VIII (Hippolyte Aldobrandino). . . . . . . …………………...244

CLERC ou CLERICI Nicolas.................... ……………………………..322

COCCAPANE Jules, Jésuite.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . …………………..241

COMPOIS-FÉTERNE Etienne de.. . . . . . . . . . . . . . . …………………..140

COPPIER Jean............................. ……………………………………….35

COQUIN Jean.............................. ………………………………………..162

COURSINGE ou CURSINGE Annibal de Genève (seigneur de)………..202.

CREST Pierre du.........................…………………………………………165

DÉAGE Jean.............................. …………………………………………30

DELBENE ou DEL BENE Alphonse, Evêque d'Albi. …………………..122

ESPRIT de BEAUME, Capucin...............………………………………...224

FAVERGE Janus de la.....................………………………………………329

FAVERGE Pernette de Chevron-Villette (dame de la). . . . . . . . . . . . . . . .329

FAVRE Antoine............................ ………………………………………..50, 308

FAVRE Benoîte, sa femme .................……………………………………91

FAVRE René, Claude, Antoine, Pierre, Philibert, Jean-Claude, fils du Sénateur. . 100

FAYE Antoine de la........................ ………………………………………298

FILLY (prieuré de).......................... ………………………………………231

FLÉCHÈRE François de la.................... …………………………………..33

FLOCCARD Barthélemy....................……………………………………..267

FOSSIAS ou FOISSIA Jean (de), Provincial des Dominicains..................226

FOUG ou FAUG Jeanne Barbier du Maney (dame du)……………………132, 319

GENAND (P. François de Chambéry), Capucin…………………………..179

GILLI ou GILIO Lucien...................... ……………………………………306

GIRARD François........................………………………………………….105

GIUSTINIANI Ange, Evêque de Genève. . . . . . . . . ………………………268

GRANDIS Claude .......................... ………………………………………..270

GRANIER Claude (de), Evêque de Genève.. . . . . . ………………………..114

GUICHARD Claude ........................………………………………………...118

HAUTECOMBE (abbaye d').................... …………………………………..98

HERMANCE François - Melchior de Saint- Jeoire (baron d')........................28

HUME ou HUMAEUS Alexandre, Jésuite. . . . . . . . ………………………..278

JACOB Guillaume-François de Chabod (seigneur de)………………………201

LESCHERAINE Antoine (de), juge-mage de Gex. . . ……………………….253

LIGNARIUS ou LIGNARIDUS (Dürrholz) Herman. ……………………… 302

LOCATEL Jacques de ..……………………………………………………….101

LORINI ou LORIGNY Jean (de), Jésuite ………………………………….126

LULLIN Gaspard de Genève (marquis de).. . . . . …………………………….255

MANIGLIER Balthazar, curé d'Annemasse. . . . . . …………………………...284

MARCHESI Antoine, Jésuite, Recteur du collège de Turin...............................279

MARIN Claude............................ ……………………………………………...287

MARTINENGO François...................... ……………………………………….176

MÉDICIS Ferdinand 1er (de), duc de Florence.... ……………………………..39

MENDOÇA Don Juan Hurtado de. . . . . . . . . . . . . . …………………………...324

MÉNENC Jean ............................. ……………………………………………...47

MÉNOCHIUS (Menocchio) Jacques ……………………………………………31

MÉRINDOL Antoine.......................…………………………………………….44

MILLIET Philibert, Abbé d'Aulps ...…………………………………………….262

MONOD Georges .......…………………………………………………………..84

MONTHOUX Gallois de...................... ………………………………………..157

MONTROTTlER Charles de Menthon (baron de).. . …………………………..70

MUGNIER Pierre, curé de Saint-Julien. . . . . . . ……………………………….249

NEMOURS Charles-Emmanuel de Savoie (duc de Genevois et de)...................63

NEMOURS Henri de Savoie (duc de). Voir SAINT SORLlN............................75.

NOVERY Amblard-Philibert Vidomne de Chaumont (seigneur de)...................93

PAPARD François, Dominicain.. . . . . . . . . . . . . . . …………………………….260

PASSIERAntoinede........................ …………………………………………….73

PELLEVÉ Nicolas (de), Cardinal-Archevêque de Sens ……………………40

PERROT Charles........................... ……………………………………………...299

PETIT Pierre.............................. …………………………………………………218

PINGON Louis (de), baron de Cusy. . . . . . . . . . . . ……………………………..296

PLANAZ Donade-Pernette de Baillans (dame de).. ……………………………..183

POBEL Raymond........................... ……………………………………………...272

POBEL Thomas, Evêque de Saint-Paul-Trois Châteaux.............................. ……331

PONCET Pierre............................. ………………………………………………136

PORTIER Jean.............................. ……………………………………………….65

POSSEVIN Antoine, Jésuite................... ……………………………………….125

PREZ Claude de........................... ……………………………………………….168

PROVANA Gaspard......................... ……………………………………………261

PROVANA Philibert.......................……………………………………………...261

RICCARDI Jules-César, Archevêque de Bari, Nonce à Turin .....................155

RIPA Augustin............................ ………………………………………………...273

RIPAILLE( prieuré de)....................... …………………………………………...231

ROGET Jean............................... …………………………………………………69

ROGET Philibert........................... ……………………………………………….230

ROLLAND Denis de......................... .....................................................................116

ROLLAND Georges.......................... …………………………………………….134

ROVORÉE ou RAVORÉE Madeleine de Saint-Michel (dame de)........................195

SACCONAY Louis (de), chantre de la métropole de Lyon.............................…...279

SAINTS MAURICE ET LAZARE (Ordre des) . . . . . . . . ……………………….222

SAINT-SORLlN Henri de Savoie-Nemours (marquis de). Voir NEMOURS …..75.

SALES Gallois de.........................…………………………………………………45

SALTEUR Jacques ………………………………………………………………..88

SANTORIO Jules-Antoine, Cardinal de Santa Severina.............................………236

SARASIN Jean............................. ………………………………………………..330

SAUNIER Jean, Jésuite …………………………………………………………...239

SERVETTE Pierre d'Arloz (seigneur de la)....... ………………………………….130

SIXT (abbaye de).......................... ………………………………………………..293

SPONDE Jean de.........................…………………………………………………161

TISSOT Jean.............................. …………………………………………………..107

TORSELLINI Horace, Jésuite.. . . . . . . . . . . . . . . . . . …………………………….139

TOURNETTE Louis de l'Alée ou de Lallée (baron de la). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

TOURNON (collège de)....................……………………………………………..297

VALENCE (de) Jean-Baptiste. Voir CHAPELLE. . . . . …………………………..38, 77

VIGNOD Jean de........................... ………………………………………………..203

VILLE Guicharde Duret, veuve de Grailly (dame de) …………………………….78

VILLETTE Amédée de Chevron (seigneur de)... . . ……………………………….314

VIRY Marin, baron de...................... ……………………………………………..254

WERRO Sébastien.......................………………………………………………….323
 
 







GLOSSAIRE

DES LOCUTIONS ET DES MOTS SURANNÉS

OU PRIS DANS UNE ACCEPTION INUSITÉE AUJOURD'HUI

QUI SE TROUVENT

DANS LES LETTRES DE SAINT FRANÇOIS DE SALES

CONTENUES EN CE VOLUME

(Les mots distingués par une * ont paru dans le Glossaire des tomes précédents.)

ACCOURCIR - pour diminuer

* ADVEU - pour protection, approbation, agrément

ANCRE - pour encre

* APPOINCTER - pour accorder, concilier

APPRIVOISER - pour accoutumer, familiariser

* ASSORTI - pour pourvu, fourni

ATANT, A TANT - là-dessus

AUTOUR (d') - pour des alentours

AVANCER - pour favoriser

* AYSE - pour joie, consolation.

* BAILLER- donner

BIENFAIRE - faire du bien

BRIDE A VEAU -- nouvelle absurde, conte ridieule

BRIGADE - pour assemblée, société d'amis

CACHETES (à) -- en cachette, en secret

CATHOLIZER (se) - se convertir au catholicisme

* CE - pour ceci, cela. .

* CE PENDANT - pendant, pendant ce temps

* COLLOQUER- du lat. COLLOCARE, mettre, placer

COMMANDE - pour commende

* CONTE - pour compte.

CONTE (mettre en) - pour considérer

* CONTEMPLATION (en) – pour en considération

* CONVERSATION - pour compagnie

CORAGE - encouragement

* COSTER - coûter.

* CREANCE - pour croyance religieuse

* CUYDER - du lat. COGITARE,penser,juger, croire.

CY APRES - pour plus tard, dans la suite

DE (sa bonté) - pour dans, par

DEBRIGUÉ - de l'ital. DISBRIGATO, dégagé, débarrassé

DELA (de) - de là

DEPECHE (le) - expédition

DEPLAISANT - pour contristé, fâché

* DES ORES - dès maintenant.

DES PUYS NE FUT ELLE – depuis qu'elle fut

* DESSUS - pour ci-dessus

* DEVANT - pour avant.

* DISCOURIR - du lat. DISCURRERE, courir ça et là

* DOINT - ancienne forme de la 3e personne du subjonctif présent du verbe donner

DONT - pour c'est pourquoi, d'où

DOUTER-pour craindre

* DU TOUT – tout à fait, absolument.

* EMPLOITE - emploi

* EMPORTER - pour gagner

EN ÇA - jusqu'ici Cf.l'ital. IN QUA.

* ENTRETENEMENT - entretien.

* ESCHOIT (s'il y) - au cas échéant, s'il est nécessaire

ESTOUFFE - pour étoffe

ESTRESSIR - pour diminuer

FERME – pour stable

FORCER (se) - pour s'imposer un effort excessif

FORME (a) - par forme, sous forme

FORTUNE (par) - par hasard

* GRADE - du lat. GRADUS, degré.

* HEUR - bonne fortune, bonheur

* IMPERTINENT - hors de propos, déplacé Négatif de PERTINENT (lat. PERTINENS), à propos.

* IMPETRER - du lat. IMPETRARE, obtenir par supplications

INAPPOINCTABLE - inconciliable

INCOMMODITÉ - du lat. INCOMMODITAS, préjudice

* JA - déjà.

JOINDRE - pour suffire

JOUR (mettre au) - pour exposer, révéler

JOURNËE (tenir une) - tenir un conseil pour délibérer sur quelque affaire publique.Diction de Littré.

* LAIRRA Y - ancienne forme de laisserai.

LA OU - pour c'est pourquoi

* LAUTREFOIS - de nouveau

* LEVER - du bas-latin LEVARE, ôter, enlever

LHORS - pour alors, en ce temps-là

MARCHER- pour marché, prix fait

* MESHUY - désormais.

MESSIED (il) - il sied mal présent de l'indicatif de l'ancien verbe MESSEOIR. Cf. Dictionn. de Hatzfeld et Darmesteter, au mot messéant.

* MONSTRE - revue, inspection, parade

MORTEPAYE - vieux domestique qu'on garde sans le faire travailler Cf. le Dictionn de Hatzfeld et Darmesteter.

MUNIER - meunier

* NOURRIR - pour entretenir, élever, conserver

* ONQUES - du latin unquam, jamais.

* OR SUS - parole d'encouragement. Cf. ital. ORSÙ.

* OUTRECUYDÉ - arrogant, présomptueux

* PAPEGAI - ancien nom du perroquet

PAR DEÇA - de ce côté-ci Cf. le Diction de Littré, au mot deça.

PARDELA (de)-de l'autre côté Cf. le Diction. de Littré, au mot delà.

* PAR DEVERS - auprès de

PASSÉ - pour plus de

* PIEÇA - il y a quelque temps, jadis, autrefois ; étym. PIÈCE et A, il y a une pièce de temps Dict Littré.

POINT - pour quelques

* POISER - peser

* POUR QUOY - à cause de quoi

PRAELUSION -- du lat. PRAELUSI0, prélude, préparation

* PRECHEUR - prédicateur. .

* PREGNANT, PREIGNANT-pressant Adj. particip. de l'ancien verbe PREINDRE (lat. PREMERE). Cf. le Dictionr. de Hatzfeld et Darmesteter.

PRESUMPTION - du lat. PRAESUMPTIO, supposition

PRINS - participe passé du verbe prendre.

PRIS - pour prix

* PRIS (au) - en comparaison de.

PROPREMENT ,- pour convenablement

* PROUVOIR - du lat. PROVIDERE, pourvoir.

QUAND - pour quant.

* QUE - pour ce que, puisque

RAGE (faire) -faire des efforts violents

RAPPORT - pour rendez-vous

RATE (à) - à proportion. l'ital. RATA.

REALITÉ - pour loyauté

RECATHOLISER (se) - entrer de nouveau dans le sein de l'Eglise.

* RECUEILLIR - pour accueillir

REDUIRE - du lat. REDUCERE, ramener

RELIQUATEUR - du rat. RELIQUATOR, reliquataire, redevable

REMETTRE SUS - rétablir, remettre en vigueur

RENGREGÉ - aggravé, augmenté Cf. le bas-Iat. INGREVIARE.

* RETARDATION - du lat. RETARDATIO, retard

ROOLE . (recevoir en) - mettre au rang, enrôler

* SCRUPULE - petite difficulté Du lat. SCRUPULUM.

* SI - pour toutefois. .

* SI QUE - de sorte que, si bien que.

SORTIR EN EFFECT - se réaliser, s'effectuer

* SUBVERSION - du lat. SUBVERSI0, renversement, action de renverser dans les esprits toute loi, toute règle

* SUFFISANCE- du lat. SUFFICENTIA, capacité intellectuelle, mérite

.

* TARDIVETÉ - retard

TOUTES FORTUNES (à) - en tout cas, quoi qu'il en soit

* VERS - pour auprès de, envers

VENIR - pour être conforme

VISITATION - du rat. VISITATIO, visite

* VISTEMENT - vite .
 
 

TABLE DES MATIÈRES

Avant-Propos ....…………………………………………………2

Lettre-circulaire de S. Em. le Cardinal Parocchi, Vicaire de Sa Sainteté, aux Evêques d'Italie......13

Avis au Lecteur……………………………………………………………………………….14

ANNÉES ANTÉRIEURES A 1593

I - Au BARON D'HERMANCE - Protestations de respect et de dévouement……………..15

I bis - A UN ANCIEN PROFESSEUR (Inédite). - Succès des armes du roi de Navarre. Epidémie parmi les étudiants…………………………………………………………………16

II - A DOM FRANÇOIS DE LA FLÉCHÈRE (Inédite). – Regret De n'avoir pas reçu de réponse à ses lettres……………………………………………………………………………………17

III - A UN INCONNU (Inédite). - Remerciements pour une lettre reçue de lui……………..17

IV - A UN INCONNU (Inédite). - Témoignages de respect et d'affection…………………..18

V - A UN GENTILHOMME (Inédite). - Remerciements pour la bienveillance que lui témoigne ce gentilhomme et pour la lettre qu'il en a reçue……………………………………………..19

VI - A UN AMI (Inédite). - Assurances d'amitié. - Désir d'être connu d'un personnage de grand mérite. Nouvelles d'un condisciple. Message de son précepteur.Un mot sur son frère Gallois 20
 
 

ANNÉE 1593

VII - A UN ANCIEN CONDISCIPLE (Inédite). - Remerciements pour l'attention qu'a eue ce personnage de lui dédier ses thèses de théologie. - Espoir de le voir prochainement à Annecy…………………………………………………………………………………………21

VIll - Au RÉGENT MÉNENC (Inédite). - Excuses pour le retard mis à répondre à deux lettres. Immunités assurées aux docteurs en droit et en médecine et aux maîtres d'école…………………………………………………………………………………………..22

IX - Au SÉNATEUR FAVRE. - Réponse affectueuse aux avances du sénateur Favre. - Regret de n'avoir pu le rencontrer lors de deux voyages faits à Chambéry.- Protestations d'estime et d'attachement.………………………………………………………………………………….23

X - Au MÊME (Inédite). - Remerciements pour lui avoir procuré l'amitié de François Girard…25

XI - Au MÊME. - Exposition des mêmes pensées............. ……………………………………26

XII - Au MÊME. - Prières publiques ordonnées à l'occasion de la détention du duc de Nemours; sermon prononcé à cette occasion. - Naissance de Jeanne de Sales. - Affaire litigieuse d'un paysan de Thorens. - Témoignages d'affection. - Désir de le voir prochainement……………..27

XIII - Au MÊME- Sentiments qui se pressent dans l'âme du Saint à l'approche de son ordination sacerdotale………………………………………………………………………………………29

ANNÉE 1594

XIV - Au MÊME. - Espoir d'une prochaine réunion à Sales. - M. et Mme de Boisy contraints de s'absenter â cette époque. - Envoi d'une lettre de M. de Montrottier. - Le Saint part pour Seyssel où il doit prêcher le Dimanche suivant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . …………………………….30

XV - Au MÊME. - Rendez-vous à Faverges. - Salutations faites à M. de Montrottier de la part du sénateur Favre ... .. ……………………………………………………………………..32

XVI - Au MÊME (Inédite). - Excuses au sujet d'une lettre écrite à la hâte. - Remerciements pour celle que le Saint a reçue du Sénateur …………………………………………………..32

XVII - Au MÊME (Inédite). - Recommandation en faveur de Mme de Ville. - Eloge du P. Chérubin……………………………………………………………………………………….33

XVIII - Au MÊME. - Envoi d'une lettre de Mgr de Granier..... ………………………………34

XIX - Au MÊME. - La brièveté de cette lettre est occasionnée par le départ précipité du porteur. - Témoignages d'affection……………………………………………………………………..35

XX - Au MÊME. - Remerciements pour la protection accordée à diverses personnes.- Attente de la prochaine visite du Sénateur………………………………………………………………..35

XXI - Au MÊME (Inédite). - Désir de profiter des nombreuses occasions que procurera la belle saison pour se voir plus fré quemment. - Nouvelles de plusieurs amis communs.......……..36

XXII - Au MÊME. - Prochaine réunion du synode diocésain. Obstacle imprévu qui a empêché le Saint de se rendre à Chambéry. - Ses regrets en apprenant que le Sénateur est allé inutilement à sa rencontre.....................................……………………………………………………………37

XXIII - Au MÊME. - Projet d'un pèlerinage à l'église de la Sainte-Croix d'Aix. - Ordre que doivent suivre pendant le trajet les pèlerins d'Annecy et de Chambéry.. ……………………..38

XXIV - Au MÊME. - Le Sénateur est attendu à Annecy; plusieurs maisons lui sont offertes. - Il est instamment prié d'amener sa femme.............................................…………………………40

XXV - Au MÊME. - Déception du Saint et de ses amis en ne voyant pas arriver le Sénateur. - Le Prévôt va prêcher à La Roche…………………………………………………………………40

XXVI - Au PRÉVÔT GIRARD. - Gracieuses excuses de n'avoir pas écrit plus tôt. - Le Saint est à Hautecombe avec le sénateur Favre………………………………………………………….41

XXVII - Au SÉNATEUR FAVRE. - Compliments affectueux...... …………………………..42

XXVIII- Aux FILS DU SÉNATEUR FAVRE (Inédite).- Remerciements pour une lettre reçue d'eux. - Encouragements à suivre les exemples de leur père. - Message pour leur mère. . . . . .43

XXIX - Au SÉNATEUR FAVRE (Inédite). - Explications amicales. - Remerciements pour l'envoi de Méditations sur la pénitence………………………………………………………...44

XXX - Au MÊME (Inédite). - Les prévenances d'un ami commun attribuées à la recommandation du Sénateur. - Désir de se pro curer quelques formules de prières.. . . . . . . . 45

XXXI - Au PRÉVÔT GIRARD. - Congratulations pour le zèle qu'il déploie au service de Jésus crucifié, et pour son agrégation à la Confrérie de la Sainte Croix.....................………………46

XXXII - A UN GENTILHOMME. - Prière d'intervenir auprès du duc de Savoie en faveur du Chapitre de Genève. . . . . . . . . . . . . …………………………………………………………..46

XXXIII - Au SÉNATEUR FAVRE. - Nouvelles de la mission du Chablais. - Premières difficultés suscitées par les ministres protestants. - Energique résolution du Saint... . . . . . . . 47

XXXIV - A UN RELIGIEUX (Fragment inédit) . . . . . . . . . . . . . . ………………………….48

XXXV - A Mgr DE GRANIER. - Endurcissement des hérétiques. - Aveu des ministres en faveur des missionnaires. . . . . . . . . . . . ………………………………………………………………49

XXXVI - Au SÉNATEUR FAVRE (Inédite). - Heureux présages pour le succès de la mission du Chablais.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . …………………………………………………………….50

XXXVII - Au MÊME. - Témoignages d'estime et de reconnaissance pour le P. Chérubin. - Envoi de plusieurs lettres. – Premiers fruits des prédications………………………………………..50

XXXVlll- A Mgr DELBENE. - Protestations de respect et de dévouement...................... …..52

XXXIX- Au SÉNATEUR FAVRE. - Prédications de l'Avent....... …………………………..53

XL - A UN CURIAL. - Réponse obligeante à la demande de quelque service……………….53

XLI - Au PÈRE POSSEVIN. - Assurance de respectueux attachement. - Le Saint parle de son ordination et de ses débuts dans le ministère …………………………………………………54
 
 

ANNÉE 1595

XLII - Au SÉNATEUR FAVRE (Inédite). - Commencement de la rédaction des Controverses 55

XLIII - Au MÊME (Inédite). - Ingénieuses excuses pour un silence trop prolong酅…….56

XLIV - Au MÊME (Inédite). - Difficultés qu'offre la rédaction des Controverses……………56

XLV - Au MÊME (Inédite). - Détermination de lutter intrépidement contre l'hérésie. - Avis du P. Chérubin pour assurer le succès de la mission…………………………………………………57

XLVI – A M. DE BOISY. - Courage invincible en face des dangers que présente la mission du Chablais ………………………………………………………………………………………..59

XLVII - A Mgr DE GRANlER.- Difficulté et lenteur des conversions………………………..60

XLVIII - Au PÈRE POSSEVIN. - Témoignages de reconnaissance et désir d'une prochaine entrevue.- Etat des affaires religieuses en Chablais. - Nouvelles intimes ……………………..60

XLIX - Au SÉNATEUR FAVRE. - Eloge d'un ouvrage du P. Possevin. - Motifs qui retardent la conversion de Pierre Poncet. - Présents des PP. Possevin et Chérubin. - Encouragements reçus d'un ami au sujet de la mission…………………………………………………………………61

L - Au MÊME. - L'avocat Poncet promet d'abjurer prochainement le protestantisme…………63

LI - Au MÊME. - Arbitrage du Sénateur réclamé par le Chapitre de Genève et un ecclésiastique qui demande à en faire partie. ………………………………………………………………….64

LII - Au MÊME. - Visite à Sales. - Remerciements pour l'envoi de la Centurie premiere de Sonnets………………………………………………………………………………………….65

LIlI - Au MÊME (Inédite). - Emotion causée par le malheur d'un ami commun; vif désir de défendre sa cause. - Eloge de l'ouvrage du Sénateur. - Pénible situation du Saint en Chablais.. 65

LIV - Au BIENHEUREUX CANISIUS. - Vénération qu'inspire sa vertu. - Désir d'entrer en relations avec lui. - Nouvelles de la Mission ; conversion de Pierre Poncet.- Question de controverse………………………………………………………………………………………67

Minute de la lettre précédente…………………………………………………………………...69

LV - A Mgr RICCARDI. - Violation des immunités ecclésiastiques ; le Saint sollicite l'intervention du Nonce auprès du duc de Savoie ………………………………………………..69

LVI - Au CHANOINE DE MONTHOUX (Inédite). – Recommandation en faveur de l'abbé de Ronis…………………………………………………………………………………………….70

LVII - Au SÉNATEUR FAVRE. - Souffrances du saint Apôtre ; il désire s'adjoindre d'autres missionnaires. - Remerciements pour un ouvrage de Sponde; calomnies des hérétiques contre ce personnage et contre Pierre Poncet. - sentiments de foi et de confiance………………………..71

LVIII - Au MÊME (Inédite). - Troubles qui règnent à Annecy. . . .. …………………………..72

LIX - Au MÊME.- Ebranlement qui se produit parmi les hérétiques; ingénieuse tactique du Saint pour les provoquer à la discussion……………………………………………………………...73

LX - Au MÊME (Inédite). - Attente de quelques lettres attardées.- Allusion à la bénédiction apostolique envoyée à Henri IV. - Suite du travail des Controverses. - Accueil fait par les hérétiques à la Centurie premiere. - L'avocat de Prez adresse des vers à l'auteur...........………74

LXI - Au MÊME (Inédite). - Prochain envoi d'une partie de son introduction au Code Fabrien. - Question de droit.. . . . . . . . . . ………………………………………………………………….75

LXII - Au PÈRE POSSEVIN (Inédite). - Nécessité pour le Saint d'obtenir la permission de lire les livres hérétiques. - Remarques sur les Institutions de Calvin et sur un ouvrage de Théodore de Bèze. - Témoignages de respectueuse confiance . . . . . . . ……………………………………..76

LXIII - Au Duc DE SAVOIE. - Exposé des mesures à prendre pour assurer la conversion du Chablais. - Heureuse influence de M. d'Avully.......................................... ……………………77

Minute de la lettre précédente......................……………………………………………………79
 
 

ANNÉE 1596









LXIV - Au SÉNATEUR FAVRE (Inédite). - Rencontre avec Martinengo. - Visite du Saint à sa famille et au baron de Chevron. - Bienveillance que manifestent à son égard le duc de Savoie et le Nonce apostolique. - Désir de recevoir le douzième Livre des Conjectures. - Encouragement à dédier à l'Evêque la Centurie seconde de Sonnets…………………………………………….80

LXV – A M. CHAVENT (Inédite). - Témoignages de reconnaissance et d'affection. - Eloignement du Saint pour les dignités ecclésiastiques..............................……………………82

LXVI - A Mgr RICCARDI. - Joie qu'éprouvent les Savoisiens de la nomination du Nonce. - Récit de l'apostasie du Chablais et des tentatives faites pour la conversion de cette province. Mesures à prendre pour en assurer le succès. . . . . . . . . . . …………………………………….83

LXVII - Au Duc DE SAVOIE. - Nécessité de rendre une des églises de Thonon au culte catholique. - Ebranlement générai parmi les hérétiques du Chablais.. ... ... ...………………85

LXVIII - A Mgr RICCARDI. - Instances pour obtenir l'intervention du Nonce auprès du duc de Savoie Opposition à redouter de la part des Chevaliers de Saint-Lazare. - On découvre en Chablais quantité de personnes possédées du démon.. . . . . . . . . ……………………………..86

LXVIII bis (Inédite) (lettre MMXI du tome XXI reclassée) A UN COUSIN - François de Sales

se rappelle au souvenir de son cousin sans se reconnaître d'autre titre à ce bonheur

que son affection………………………………………………………………………………87

LXIX - Au SÉNATEUR FAVRE (Inédite). - Ardent désir de voir le duc de Savoie effectuer un voyage projeté en Chablais. Envoi d'une lettre pour le P. Chérubin.....................…………….87

LXX - A Mgr RICCARDI. - Séjour à Annecy à l'occasion du synode. - Remerciements pour trois lettres reçues du Nonce.- Conversions qui s'opèrent en Chablais. Nécessité d'y envoyer un nombre suffisant de prédicateurs, et de nommer aux cures des prêtres dignes de les occuper..88

LXXI - A M. D'AVULLV. - Envoi d'un commentaire de saint Jérôme. - Joie d'apprendre la conversion de Mme de Rovorée. - Attente de l'arrivée du duc à Thonon Extrait du commentaire de saint Jérôme…………………………………………………………………………………89

LXXII - A Mgr RICCARDI (Inédite). - Calomnies répandues à la cour de Savoie contre M. d'Avully et l'Apôtre du Chablais.- Abandon dans lequel on laisse ce dernier. - Désir de faire un voyage à Turin…………………………………………………………………………………90

LXXIII - Au MÊME. - Instances pour obtenir le rétablissement du culte catholique dans quelques paroisses du Chablais....……………………………………………………………..91

LXXIV - Au SÉNATEUR FAVRE. - Désir de lui voir accepter la charge de Président du Conseil de Genevois. -. Délais apportés aux affaires du Chablais. - Projet d'un pèlerinage au tombeau de saint Claude...........................................……………………………………………………….92

LXXV - A UN COUSIN (Inédite). - Témoignages d'affection. Annecy est menacé de la peste. - Message pour le P. de Lorini…………………………………………………………………..93

LXXVI -Au SÉNATEUR FAVRE (Inédite).Recommandation en faveur de M. de Coursinge 94

LXXVII - A Mgr RICCARDI - Réclamations au sujet d'un legs fait à trois églises de Savoie..94

XXVIII - Au SÉNATEUR FAVRE (Inédite). - Espoir de solenniser à Thonon les fêtes de Noël. - Recommandation en faveur des nouveaux convertis de la paroisse de Mésinge…………96

LXXIX - A Mgr RICCARDI. - Remerciements pour l'autorisation d'absoudre des cas réservés. - Conversions opérées en Chablais; état des esprits dans cette province.- Calomnies répandues contre M. d'Avully. - Nomination du nouvel Abbé d'Abondance..……………………………97

LXXX - Au Duc DE SAVOIE. - Opposition apportée par les syndics de Thonon à l'érection d'un autel. - Combien la protection du duc est nécessaire aux nouveaux Catholiques. Conversion d'un ministre protestant…………………………………………………………………………….98

LXXXI - A Mgr RICCARDI. - Instances pour obtenir la protection du Nonce auprès du duc de Savoie…………………………………………………………………………………………100
 
 




ANNÉE 1597

LXXXII - A M. BOCHUT (Fragment inédit). Invitation à venir desservir la paroisse de Thonon………………………………………………………………………………………..101

LXXXIII - Au Duc DE SAVOIE (Inédite). - Erection d'un autel dans l'église Saint-Hippolyte. - Recommandation en faveur du ministre Petit. - Combien il importe que les Chevaliers de Saint-Lazare cèdent les revenus ecclésiastiques qu'ils détiennent en Chablais ..………………..101

LXXXIV - Au CONSEIL DES CHEVALIERS DES SAINTS MAURICE ET LAZARE (Inédite). - Instances afin d'obtenir que les revenus ecclésiastiques dont les Chevaliers jouissent en Chablais soient affectés au rétablissement du culte catholique...............…………………102

LXXXV - A Mgr RICCARDI (Inédite). - Excuses pour le délai mis à répondre aux lettres du Nonce. - Proposition d'une conférence publique avec les ministres. - Instante prière de lui obtenir la collaboration du P. Chérubin, du P. Esprit et de plusieurs autres missionnaires. - Moyens à prendre pour fournir aux frais de la mission........................................……………………….103

LXXXVI - Au MÊME. - Lettres reçues du Nonce. - Remerciements pour la protection accordée à trois églises de Savoie. Eloge du chevalier Bergera. - Difficultés qui retardent l'établissement des curés en Chablais. - Pauvreté des paroisses. Prétentions injustes des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare relativement à la nomination des curés.Pension due au prédicateur d'Evian.105

LXXXVII - Au MÊME (Inédite). - Protestations d'obéissance et de dévouement.- Nouvel exposé des difficultés de la mission. - Promesse faite par les Religieux d'Ainay. - Prédication du Saint à Cervens. -Destination du chanoine Roget. - Les hérétiques prétendent retirer à M. d'Avully la dignité de juge de leur consistoire…………………………………………………………….107

LXXXVIII - Au Duc DE SAVOIE. - Demande de secours pour des indigents. - Requête en faveur de quelques hameaux des Allinges. - Menées des protestants contre M. d'Avully........108

LXXXIX - A Mgr RICCARDI (Inédite). - Installation d'un curé à Cervens. - Eloge de M. de Blonay…………………………………………………………………………………………109

XC - Au MÊME (Inédite). - Mesures à prendre pour pourvoir à la subsistance des curés du Chablais. - Voyage du chanoine Louis de Sales à Genève. - Désignation des PP. Capucins et Jésuites dont le concours serait le plus utile à la mission.6Frais nécessités par leur entretien .110

XCI - Au Duc DE SAVOIE (Inédite). - Instances pour obtenir quelques libéralités déjà sollicitées en faveur de nouveaux Catholiques……………………………………………….112

XCII - A Mgr RICCARDI. - Difficultés que présente la mission du Chablais. - Intérêt du Pape pour cette œuvre. - Il est urgent de réformer quelques abbayes de la contrée……………….113

XCIII - A S. S. CLÉMENT VIII. - Entrevue avec Théodore de Bèze; endurcissement de ce vieillard. - Tyrannie exercée par les Genevois sur les Catholiques. - Espoir d'obtenir la liberté de conscience à Genève moyennant la médiation du roi de France…………………………115

XCIV - A Mgr RICCARDI. - Heureux résultats que promet la conférence projetée avec les hérétiques. - Lettre du Saint au Pape. - Pression qu'exercent les Genevois sur les Catholiques de Gex et de Gaillard. - Etat des affaires du Chablais……………………………………….117

XCV - Au Duc DE SAVOIE (Inédite). - Le curé de Saint-Julien est contraint de se retirer. - Requête des habitants de Bernex- .Incident survenu entre le P. Esprit et le ministre protestant. Combien il est désirable que le duc signifie aux Thononais le désir qu'il a de leur conversion..118

XCVI-A Mgr RICCARDI. - Mêmes sujets. - Installation d'un curé à Brens………………….120

XCVII - Au MÊME. - Maladie de l'Evêque de Genève. - Obligations de l'Abbé d'Abondance envers le prédicateur d'Evian.- Indigence des Religieuses de Sainte-Claire.- Poursuites à faire pour obtenir la conférence avec les ministres. - Le Saint sollicite l'autorisation de concourir pour la cure du Petit-Bornand.- La permission de lire les livres hérétiques est nécessaire aux missionnaires…………………………………………………………………………………..122

XCVIII - Au MEME –Affaires du Chablais : démêlés avec les Chebaliers des Saints Maurice et Lazare ; encore la conférence de Genève…………………………………………………….125

XCIX - Au Duc DE SAVOIE. - Témoignages de reconnaissance. …………………………..127

C - A UN GENTILHOMME (Inédite). - Même sujet………………………………………...128

CI - A Mgr RICCARDI. - Assemblée faite à Annemasse pour traiter des intérêts de la religion en Chablais. - Le P. Chérubin député auprès du duc. - Succès prodigieux des Quarante Heures d'Annemasse…………………………………………………………………………………..128
 
 

ANNÉE 1598









CIl - A M. MARIN (Inédite).- Prochain retour du P. Chérubin à Thonon. - Promesse du président Favre…………………………………………………………………………………………130

CIII - A Mgr RICCARDI (Inédite). - Le voyage du Saint à Rome retardé par une maladie grave. - Envoi de trois lettres du duc. - Bonnes dispositions des habitants du Chablais. - Intervention en faveur de deux religieux qui ont encouru des censures ecclésiastiques……………………...131

CIV - Au Duc DE SAVOIE. - Instantes prières pour que les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare soient contraints à payer les pensions dues aux curés du Chablais. - Députation des villageois de cette province pour obtenir du duc la restauration de leurs églises.- Maladie du Saint………………………………………………………………………………………….133

CV - A M. DE PINGON. - Requête présentée au duc de Savoie pour obtenir que l'usage de la cloche de l'église Saint-Hippolyte soit interdit aux hérétiques……………………………….134

CVI - A Mgr RICCARDI. - Projet de célébrer les Quarante Heures à Thonon, et de les faire suivre de disputes publiques sur les matières controversées. - Une conférence de ce genre vient d'avoir lieu entre le P. Chérubin et le professeur Lignarius…………………………………..135

CVIl - Au Duc DE SAVOIE (Inédite). - Rumeurs inquiétantes qui circulent en Chablais; alarmes des Catholiques………………………………………………………………………………..136

CVIll - A Mgr RICCARDI. - Affaire de la cure du Petit-Bornand. - Peste à Annecy. - Mauvais vouloir des Chevaliers. - Ebranlement produit par l'annonce des Quarante-Heures à Thonon. - Faveurs spirituelles qui sont à désirer pour cette occasion. Zèle du duc de Savoie mal secondé par ses officiers………………………………………………………………………………..137

CIX - Au MÊME. - Voyage du président Favre à Turin et à Ferrare. - Nouvelles poursuites au sujet de la cession des cures du Chablais. - Mesures à prendre pour assurer le triomphe du catholicisme sur l'hérésie……………………………………………………………………...139

CX - Au MÊME. - Espérance d'obtenir, moyennant la médiation du roi de France, le libre exercice du culte catholique à Genève……………………………………………………….141

CXI - A M. DE CHEVRON VILLETTE (Inédite). - Témoignages de respect et de reconnaissance. - Annonce de sa visite………………………………………………………142

CXI bis (lettre MMXII du volume XXI reclassée) – A M.MARIN - Audience et promesses

du duc de Savoie…………………………………………………………………………….143

CXII - A M. MARIN. - Préparatifs à faire en vue des Quarante Heures qui doivent se célébrer à Thonon. - Indications pour le logement de l'Evêque.- Audience du duc de Savoie.- Destination de deux ecclésiastiques………………………………………………………………………….143

CXIII - Au PRÉVÔT WERRO. - Les exercices des Quarante-Heures à Thonon sont fixés aux 23 et 24 août……………………………………………………………………………………..145

CXIV - A DON JUAN DE MENDOÇA. - Supplications collectives des missionnaires du Chablais pour obtenir que les troupes espagnoles ne traversent pas cette province…………146

CXV - Au PRÉVÔT WERRO.- Remerciements.- Retard des Quarante-Heures projetées à Thonon……………………………………………………………………………………….147

CXVI - A M. DE CHEVRON VILLETTE (Inédite). - Prière de se rendre en Chablais pour protéger les habitants si les troupes espagnoles traversent la province. - Recommander au duc les intérêts de la mission et l'engager à assister aux Quarante-Heures de Thonon………………148

CXVII- A M. SARASIN. - Invitation à exposer par écrit la mission dont il est charg酅.149

CXVIII - A Mgr RICCARDI. - Recours à la protection du Nonce. - Pouvoirs spéciaux nécessaires aux missionnaires. - Mesures à prendre contre les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare. Admirables résultats des Quarante-Heures de Thonon.- Zèle des Evêques de Genève et de Saint-Paul-Trois-Châteaux. - Alarmes au sujet de Genève………………………………150
 
 


MINUTES ÉCRITES PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES POUR MONSEIGNEUR DE GRANIER

CXIX - A S. S. CLÉMENT VIII. - Fruits merveilleux produits par les Quarante-Heures de Thonon.- Prière d'intervenir auprès du roi de France et du duc de Savoie pour que Genève ne soit pas comprise dans le traité de Vervins………………………………………………………152

CXX - Au MÊME. - Raisons qui ont contraint le Prévôt de différer le voyage de Rome. - Envoi des documents qui doivent être présentés à Sa Saintet酅………………………………..153
 
 


APPENDICE…………………………………………. 154

LETTRES ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS
 
 
 
 
 

A – LETTRES D'ANTOINE FAVRE

EN LATIN : 30 juillet 1593 à 3 août 1595………………………………….154

22 novembre 1595 à 27 mars 1596…………………………..154

EN FRANÇAIS :

XXI -25 octobre 1595…………………………………………………..155

XXVI- 21 novembre 1596………………………………………………157

XXVII- 25 novembre 1596……………………………………………..159

XXVIII- 14 décembre 1596…………………………………………….159

XXIX- 24 décembre 1596………………………………………………160

XXX-28 décembre 1596…………………………………………….…..161

XXXI- 9 janvier 1597……………………………………………….. …162

XXXII- 14 janvier 1597…………………………………………………164

XXXIII- 14 mars 1597…………………………………………………..165

XXXIV- 21 mai 1597 ………………………………………… ………166
 
 


B - LETTRES DE MGR JULES-CÉSAR RICCARDI

ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN

EN ITALIEN : 29 décembre 1595 à 5 jullet 1598………………….167
 
 

C - LETTRES DE CHARLES-EMMANUEL Ier,

DUC DE SAVOIE

I-7 janvier 1597………………………………………………………….168

II - Lettres patentes de nomination de saint François de Sales à la coadjutorerie de l'évêché de Genève…………………………………………………………………..168

III-14 septembre 1598…………………………………………………..169

IV-17 septembre 1598…………………………………………………..170

V- 19 septembre 1598…………………………………………………...170

VI- id…………………………………………………………………….171

VII-20 novembre 1598…………………………………………………..171
 
 

D - BREFS DE SA SAINTETÉ CLÉMENT VIII (en latin)

1 octobre 1596 et 29 mai 1597…………………………………………172

Index des principales Notes historiques et biographiques ………………172

Glossaire des locutions et des mots surannés…………………………….175

Table des matières………………………………………………………..179

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