Table des matières : 266 - Index des notes biographiques et
historiques : 260 - Fac Similé : 136
Lettres de SFS : 10
Les Religieuses du 1er Monastère de la Visitation Sainte-Marie
d'Annecy ayant sollicité, le 21 novembre 1904, de notre Saint-Père
le Pape Pie X une bénédiction particulière en faveur
de l'Edition des uvres de leur saint Fondateur, Sa Sainteté a daigné
les honorer d'un Bref adressé à Mgr Campistron, Evêque
d'Annecy, le 1er janvier 1905. On donne ci-après la traduction de
ce document qui a pénétré de gratitude respectueuse
et rempli d'un nouveau courage ceux qui travaillent à l'entreprise.
PIE X, PAPE
Vénérable Frère, salut et bénédiction
Apostolique.
Naguère, au nom des Filles de saint François de Sales
du Monastère d'Annecy, qui préparent avec soin une remarquable
édition des uvres complètes de leur bienheureux Père
Fondateur, vous Nous avez remis vous-même tous les volumes parus
jusqu'ici. Que ce présent, avec la lettre pleine d'affection qui
l'accompagnait, Nous ait été fort agréable, il est
à peine besoin de le dire.
Il faut voir dans cette publication, non seulement un témoignage
insigne de piété rendu au saint Auteur par les disciples
de sa doctrine, mais encore une uvre opportune pour l'Eglise, et surtout
pour le clergé. On trouve en effet chez François de Sales
une qualité qui lui est propre et qui procède de l'amour
de Jésus-Christ dont il est tout embrasé : le don merveilleux
de suave persuasion, dont la force est presque irrésistible, soit
pour ramener à la sagesse du catholicisme les esprits égarés
par de folles doctrines, soit pour guérir les âmes de toute
mauvaise affection, les porter ensuite à la vertu et jusqu'aux sommets
de la sainteté. Quel secours assuré que les enseignements
et l'esprit d'un si grand génie, s'ils étaient une fois gravés
profondément dans l'âme des ministres sacrés, aujourd'hui
surtout où la vérité divinement révélée
et l'intégrité de la morale chrétienne ont tant à
souffrir de notre siècle!
Aussi, c'est par un bienfait de la divine Providence, semble-t-il,
que saint François de Sales a reçu dans notre temps un nouvel
éclat avec le titre de Docteur de l'Eglise. Mais c'est encore, croyons-Nous,
par une inspiration de la divine Bonté qu'on a entrepris de donner
au public une nouvelle et meilleure édition de tous les écrits
qu'il a laissés. Nous Nous réjouissons que ce travail se
poursuive dans de telles conditions qu'il satisfait au-delà les
plus difficiles en cette matière. Ce succès, il faut l'attribuer
non seulement à l'habileté peu commune et à l'activité
des Religieuses de la Visitation, mais aussi au zèle des hommes
très instruits qui dirigent et secondent leurs travaux de leur sagacité
et de leur savoir. Aux uns et aux autres, quand la publication était
à ses débuts, Notre Prédécesseur Léon
XIII, d'heureuse mémoire, a décerné des éloges
; Nous les renouvelons de grand cur, maintenant qu'elle s'achemine heureusement
vers son terme, et Nous prions Dieu de leur continuer jusqu'au bout son
assistance, et de leur accorder, selon leurs mérites, une large
récompense.
Voilà, Vénérable Frère, ce que Nous vous
chargeons, de dire à ces Vierges consacrées et à leurs
collaborateurs, puisque, en vertu de votre autorité, vous veillez
sur cette uvre. Aussi Nous donnons à vous et à tous très
affectueusement la bénédiction Apostolique, comme gage des
biens célestes et en témoignage de Notre toute particulière
bienveillance.
Donné à Rome près de Saint-Pierre, le 1er Janvier,
l'an 1905, de Notre Pontificat le deuxième.
PIE X, PAPE.
AVANT-PROPOS
Dans ce volume, on a recueilli les Lettres écrites depuis avril
1608 jusqu'à fin décembre 1610. Ce court espace de temps
n'est qu'un fragment de la vie du Saint, mais un fragment essentiel où
l'on saisit, dans toute leur fraîcheur et dans toute leur vivacité,
les énergies séduisantes de son activité à
la fois humaine et surnaturelle. N'oublions pas, en effet, qu'à
cette date, François de Sales atteint sa quarantième année,
l'âge de la floraison intense, où l'esprit, fort de sa propre
vigueur, développé d'ailleurs par la culture et mûri
par l'expérience, n'attend que l'impulsion des circonstances et
des hommes, sans parler de l'influence providentielle, pour porter ses
fruits les meilleurs.
Aussi, est-ce dans cette période que se produisent quelques-uns
des faits les plus significatifs et les plus dominants de sa vie : la publication
du livre de l'Introduction à la Vie dévote, la fondation
de l'Institut de la Visitation, les tentatives qui furent renouvelées
de la part de Henri IV pour attirer le Saint à Paris. Comme la plupart
des Lettres contenues dans ce volume ont un rapport direct à ces
évènements, peut-être ne sera-t-il pas inutile d'en
préciser les principaux détails et de les grouper dans une
suite d'esquisses rapides. Ces indications préliminaires fourniront
quelques vues d'ensemble sur les choses qui se passèrent au dehors.
Quant à l'esprit, aux sentiments, à la vie intérieure
de saint François de Sales telle qu'on l'appréhende et qu'on
peut la suivre à travers sa correspondance actuelle, nous essaierons
aussi d'en retracer une idée sommaire.
La publication du livre de l'Introduction à la Vie devote ouvre
la série des grands faits qui marquent d'une lumineuse auréole
les belles années du saint Evêque de Genève. L'ouvrage
puise son origine dans ce grand bourdonnement de vie religieuse que nous
avons déjà signalé dans l'Avant-Propos du dernier
volume. Bien des âmes, dans le grand monde surtout, se sentaient
éprises d'un goût inconnu. pour la pratique sérieuse
de la religion. Elles étaient lasses et dégoûtées
de la vie bruyante et sceptique de l'époque précédente.
D'autre part, les audaces dogmatiques des protestants, leur prétention
hautaine de ramener le monde au pur Evangile, leur prosélytisme
effréné avaient provoqué dans ces âmes restées
fidèles une réaction puissante. De là, cette aversion
de la vie mondaine et ces aspirations vers une vie plus grave et plus religieuse.
Mais comment suivre ces appels de la grâce divine, comment réaliser
ces rêves de perfection chrétienne ? Le problème restait,
semble-t-il, à peu près insoluble, s'il s'agissait des âmes
obligées par leur état ou par leurs devoirs de famille à
vivre au milieu du siècle. Vainement aurait-on demandé aux
livres de spiritualité d'alors de résoudre la difficulté
: le charme persuasif, l'attrait suave leur manquait. Le petit traité
de l'Introduction à la Vie devote eut la bonne fortune de montrer
agréablement comment on pouvait allier ensemble ces deux choses
tenues jusqu'alors comme antipathiques : la vie de société
et la pratique de la dévotion. Les Lettres de ce volume donneront
des détails sur la composition toute de circonstance de cet ouvrage
(lettres 514, 559), qui eut, comme l'on sait, une vogue immense et une
célébrité universelle (cf préface de Dom Mackey
à l'Introduction.).
Ainsi que tous les chefs-d'uvre de nos grands écrivains du
XVIIe siècle, il fut avant tout une uvre d'action, une uvre de
zèle, plutôt que la réalisation d'une pensée
d'art. Aussi, en dépit de certaines particularités qui ont
trait à l'époque et dont l'intérêt est perdu
pour nous, l'Introduction contient des peintures morales, des exhortations
pieuses et surtout un fond de doctrine ascétique, une direction
toujours neuve, toujours sûre, toujours féconde, qui s'adapte
encore à tous les temps, à tous les pays, à toutes
les conditions et à tous les caractères.
Ce célèbre manuel s'adressait principalement aux personnes
qui voulaient ou qui devaient rester dans le monde. Aux âmes tourmentées
d'une perfection plus haute, aux âmes qui désiraient renoncer
à la vie du siècle, et qui avaient la liberté de se
retirer au delà des " marais et paluds, " (lettre 599, variante).
François de Sales prépara un asile très particulier
et tout nouveau en France, en fondant pour elles l'Institut de la Visitation.
Ce n'est pas que les Ordres religieux fissent alors défaut. Ils
étaient nombreux, au contraire, et partout disséminés,
mais ils répondaient mal à la pensée du Saint. C'étaient
des arbres abîmés par les tempêtes et d'ailleurs épuisés
de sève ; la plupart se mouraient. Quelques-uns, à qui l'on
venait d'amputer nombre de branches mortes, poussaient à peine quelque
rare feuillage; les uns et les autres promettaient un abri peu propice
à l'essaim des âmes ferventes qui allaient devenir les ancêtres
de la grande famille de la Visitation.
Nous avons déjà fait connaissance avec la baronne de
Chantal, " la pierre fondamentale " l'âme, l'ouvrière, la
Fondatrice de cet Ordre illustre, autant que saint François de Sales
en fut le Fondateur. Une fois qu'elle aura fixé son séjour
à Annecy, elle ne recevra plus, hélas !. de longues lettres
comme autrefois. Les entretiens de vive voix, les conférences, les
exhortations remplaceront désormais la correspondance épistolaire,
avec avantage sans doute pour la Bienheureuse, mais avec une perte irréparable
pour nous.
Deux figures nouvelles viennent maintenant se ranger à la suite
de Mme de Chantal dans la correspondance : Mme de la Fléchère
et Mlle de Bréchard. La première (note 5), retenue dans le
monde par la vie de famille, appartient de cur à la Visitation
et s'en fit même recevoir Religieuse sur son lit de mort. C'était
une femme distinguée, d'une grande culture - elle possédait
les langues anciennes et l'italien, - mais son âme était encore
plus grande que son esprit. On peut la regarder comme une digne émule
de l'incomparable Baronne. " Apres nostre madame de Chantal, " écrivait
le Saint en 1616, " je ne sçay si j'ay fait rencontre d'une ame
plus forte en un cors feminin, d'un esprit plus raysonnable et d'une humilité
plus sincere. " Rien d'étonnant! car cette âme d'élite,
comme on le verra par les lettres si nombreuses et si intéressantes
qui la concernent, ne pouvait être à meilleure école
: elle avait .dû en profiter.
Mlle de Bréchard, que saint François de Sales appelait
sa " chere Niece " à cause de l'affection que lui portait Mme de
Chantal (note bréchard, lettres 531, 534)), tient de plus près
à la Visitation, dont elle fut une des premières Mères.
Orpheline dès le berceau, négligée et parfois tristement
délaissée par son père, elle mena pendant plus de
vingt ans une existence souffrante et humiliée. Heureusement enfin,
elle rencontra le Bienheureux. Ce fut avec elle et Marie-Jacqueline Favre
que Jeanne-Françoise de Chantal s'enferma, le 6 juin 1610, dans
la maison de la Galerie, à Annecy, pour y commencer la vie nouvelle.
L'histoire de ces premières années, qu'on peut appeler
l'âge d'or de la Visitation, a été parfois contée
non sans agrément, mais aussi non sans quelques inexactitudes, plus
ou moins inconscientes, pardonnables peut-être à la fantaisie
littéraire d'un historien. Quoi qu'il en soit, l'examen de la critique
ne saurait les laisser passer sans retouches. Les Lettres du présent
volume en fournissent les éléments.
Sur un bon mot que Mgr Camus prête à François de
Sales , on a prétendu qu'il avait voulu, dans son projet initial,
fonder un Ordre de Surs de Charité. Ce thème commode a servi
de tréteau à plus d'un biographe pour présenter à
ses lecteurs d'ingénieux parallèles entre l'Evêque
de Genève et saint Vincent de Paul.
La vérité est toute différente ; elle a l'avantage
de rendre à notre Saint sa véritable originalité.
Voici en quoi elle consista, d'après le propre témoignage
du Fondateur. " C'est une Congregation simple, " écrit-il (lettre
510), " instituee pour les femmes et filles qui, pour leur infirmité
corporelle ou pour n'avoir pas l'inspiration d'entreprendre des grandes
rigueurs, ne peuvent entrer es Religions formees et reformees ; car la
elles auront un refuge doux et gracieux, avec la prattique des vertus essentielles
de la devotion. "
" Les jeunes " Religieuses " ne sortent point qu'en certains cas fort
rares ; les anciennes sortent pour servir les pauvres, mais avec une belle
police ... " Comme on le remarquera dans cet endroit, la grande originalité
du Saint a été de rendre la vie religieuse plus accessible
et moins farouche aux yeux du monde, en lui donnant un cadre plus souple
et plus libre, un extérieur plus avenant, une apparence moins dure
que celle des " Religions formees et reformees " qui existaient alors.
Si, dans l'origine, il avait voulu qu'on visitât les pauvres,
ce n'était qu'à titre de dévotion et pour unir, dans
une certaine mesure, la vie de Marthe à la vie de Marie. Mais le
saint Fondateur eut toujours ses préférences les plus chères
et les plus avouées pour les exercices de la vie contemplative.
Il faut donc laisser à saint Vincent de Paul ce qui lui appartient,
et retenir comme la propriété personnelle de l'Evêque
de Genève, la conception qu'il a eue de la vie religieuse telle
qu'on la trouve formulée dans les Lettres de la présente
période, telle enfin qu'elle est pratiquée de nos jours dans
les Monastères de la Visitation.
Et ici encore, qu'est-il arrivé ? Bien des observateurs superficiels
se sont mépris sur les apparences faciles, sur l'extérieur
humain et débonnaire, sur la façade, si l'on peut ainsi parler,
de l'édifice, jusqu'à s'imaginer que François de Sales
a réellement adouci l'austérité de la vie chrétienne
et atténué peut-être les exigences des conseils évangéliques.
Comment expliquer cette illusion ? Ne serait-ce pas que la bonté,
la douceur admirable, la suavité de langage du saint Docteur leur
a dérobé le fond austère et crucifiant de la vie intérieure
qu'il propose à ses Filles ? " Elles ont, " dit-il (lettre 610),
" de un' heure le mattin et une le soir d'orayson mentale, et pour le demeurant,
une police de travail, silence, obeissance, humilité, denuement
de proprieté extremement stricte et autant qu'en monastere du monde.
"
La même méprise s'était produite au sujet de l'Introduction
à la Vie devote. M. Olier, le Fondateur de Saint-Sulpice, remarquait,
finement que, même en son temps, le véritable esprit du saint
Prélat était assez mal saisi par le commun. " Il est pourtant,
" disait-il (Discours sur M. de Sales ), " dans le fond de sa conduite
(c'est-à-dire de sa direction), le plus mortifiant de tous les Saints.
" Cette illusion durerait-elle encore ? Et ne voit-on pas quelques bonnes
âmes glisser sans y prendre garde, sur l'austérité
foncière de la doctrine et de l'esprit de saint François
de Sales, et arrêter seulement leur attention: sur la douceur et
l'aménité de son style, prendre la forme en laissant le fond,
lui emprunter ses cadres commodes, ses formules dégagées,
en oubliant que les règles et les formules perdent toute force vive,
isolées de l'esprit de leur auteur ?
Quelqu'un qui voudrait de nos jours organiser une vie religieuse en
utilisant le cadre simple et flexible dont François de Sales se
contenta pour la Visitation, travaillerait en vain, à moins qu'il
n'eût l'âme, et l'esprit de l'Evêque de Genève.
Ce qui donne en réalité longue vie à une uvre monastique,
ce ne sont pas tant les règlements qui la précisent et qui
l'enserrent ; c'est, plus que tout, le souffle puissant que lui communique
son Fondateur. L'Ordre de la Visitation a pu subir, dès ses premières
années, des vicissitudes et consentir à des modifications
extérieures; il pourrait en recevoir de nouvelles, si les évènements
les imposaient, sans souffrir le moindre détriment essentiel. En
effet, ce qui lui assure à jamais un caractère authentique
et durable, c'est l'esprit que saint François de Sales, avant de
quitter la terre, lui a laissé, comme un manteau d'Elie. En conservant
cette relique, plus précieuse encore que ses restes mortels et que
ses écrits, les Filles du Saint n'ont rien à craindre ni
du temps ni des hommes. .
Deux ans avant les débuts de la Visitation, pendant que François
de Sales et Jeanne-Françoise de Chantal devisaient doucement sur
leur projet bien-aimé, il survint une traverse qui inquiéta
momentanément leurs plus chères espérances et faillit
tout changer (lettres 449, 451). Voici ce qui se passa.
Depuis plusieurs années, et surtout depuis 1605, Antoine des
Hayes ne cessait d'employer son crédit auprès. de Henri IV
pour attirer et fixer à Paris le bienheureux Prélat (Lettres
3, note 112). Il secondait ainsi, et non sans le savoir, les vues et les
espérances de M. de Bérulle et du cercle Acarie (lettre 553).
De son côté, Pierre Fenouillet, annécien d'origine
et sorti naguère des rangs du clergé savoyard, avait prêché
à la cour avec éclat et venait de gagner par ce coup d'éloquence,
l'évêché de Montpellier. Sans aucune particule nobiliaire
ni titre de noblesse, fils d'un simple régent de collège,
l'ancien curé d'Arenthon (Lettres 3, note 458) avait, à force
de talent, attiré sur lui l'attention du roi. Très ami de
l'Evêque de Genève, qui l'avait recommandé tout récemment
à Rome dans les termes les plus flatteurs (lettre 427, note 11),
il eût vivement souhaité que son éminent compatriote
quittât la Savoie pour s'établir dans la capitale. C'est pourquoi,
unissant ses démarches à celles de des Hayes, l'ami commun,
il fut sur le point d'aboutir (lettre 456).
François de Sales laissait faire; même il semblait envisager
non sans quelque plaisir la perspective de venir à Paris. Il aimait
tant Paris ! C'était sa ville d'université ; c'était
le théâtre de ses grands succès oratoires et de plusieurs
conversions éclatantes. Il avait fait à. Paris la rencontre
de si grandes âmes, pour ne nommer que Mme Acarie, la fondatrice
des Carmélites de France, M. de Bérulle, le fondateur de
l'Oratoire, et tant d'autres personnes éminentes, qui, à
cette époque, imprimaient une direction d'exemple et de conseils
aux gens du monde, avides d'une véritable et sincère réforme.
Paris souriait à son zèle d'apôtre, comme la vision
d'un champ de bataille où l'attendaient de bons combats et de belles
victoires.
En Savoie, la place était plus étroite, et il faut bien
l'avouer, le duc gênait parfois de son autorité jalouse et
tracassière, la noble indépendance du Saint, pourtant si
humble et si dévoué. Celui-ci s'en plaignait doucement à
Antoine des Hayes et ne craignait pas de prononcer le mot de servitude
un jour que Son Altesse l'empêchait d'accepter une prédication
à Paris : " Ces obediences et mortifications de n'oser pas estre
libre quand on n'est pas serf, ne sont elles pas comparables a celles de
ceux qui ne sont pas libres par ce qu'ilz sont serfz ? " (lettre 542)
Un peu plus tard, nous voyons François de Sales calomnié
par des flatteurs auprès de son prince, à l'occasion d'un
trait de courage qu'il aimait à raconter comme un bon tour joué
à ses diocésains récalcitrants de Genève. En
pleine effervescence de calvinisme, il n'avait pas hésité
à traverser la ville avec sa suite. Le récit qu'il en fait
lui-même est assez joli (lettres 547, 548, 549). Croirait-on que
le duc de Savoie prit ombrage de cette aventure ? Il pensa, ou se laissa
persuader, que le Saint n'avait pu exécuter ce coup hardi sans avoir
quelque intelligence avec les habitants, François dut se défendre
et se disculper. Quand on compare à ces méfiances injustifiées
du prince savoyard les avances aimables et les " bonnes graces (lettre
600) " du roi Henri IV pour le bienheureux Prélat, il est aisé
de conclure de quel côté auraient penché ses préférences,
si une âme aussi détachée avait pu concevoir d'autre
ambition que celle de faire la volonté de Dieu.
La baronne de Chantal, tout de. suite avertie des offres qu'on faisait
à son vénéré Conducteur, en conçut quelque
inquiétude. Vite, le Saint la rassure : " Ne vous troubles point,
ma Fille, touchant la proposition qui se fait de me tirer moy mesme de
ma terre et de mon parentage, car rien ne se fera que de par Dieu, et de
quel costé que j'aille sous sa conduite, tout ira fort bien et pour
vous et pour moy (lettre 452) "
La Providence ne voulut pas ravir au bon pays de Savoie un de ses fils
les plus illustres et les plus saints. Paris avait assez d'hommes d'esprit,
savants et pieux, capables de tenir tête aux hérétiques
et de diriger la réaction de ferveur qui se produisait alors. Ne
fallait-il pas qu'à proximité de Genève, la Jérusalem
du Calvinisme, l'Eglise catholique fût représentée,
défendue et honorée à la face de ses irréconciliables
ennemis, par le génie, le savoir et la vertu d'un homme si irrésistiblement
aimable ?
Tel en effet se montre-t-il au premier abord, et quoique à son
insu, dans la libre allure et l'honnête candeur de sa correspondance.
Il porte déjà sur son front l'auréole distinctive
de tous les Saints, l'air de famille qui les rattache tous à Jésus-Christ,
le divin Modèle : la douceur. Mais, comme un air de famille qui
se diversifie selon les personnes, la douceur, chez les Saints, rayonne
en mille nuances sur leurs physionomies variées. Chez François
de Sales, elle est le reflet tout original de la bonté d'une âme
au fond très vigoureuse. C'est la grâce séduisante
avec laquelle il semble vouloir relever - comme si ses grandes qualités
en avaient besoin - le don de lui-même, soit qu'il se dévoue
à l'occasion pour des inconnus, soit qu'il prolonge son attachement
dans des liaisons durables de tendresse affectueuse avec des amis et avec
les siens.
Pourquoi cette affabilité, pourquoi cette bonté charmante,
sinon pour attirer tout le monde au Bien Aimé de son cur, au Seigneur
Jésus ? Qu'on étudie à travers ses lettres l'amitié
que saint François de Sales entretenait avec les grandes âmes
de cette époque, qu'on analyse la tendresse dont il chérit
ses parents : on sera ému d'admiration en découvrant que
ce grand homme, si sensible à l'amitié, n'a jamais aimé
que pour le compte et pour l'amour de son Maître. C'est à
la lumière de cette idée qu'il faut lire sa correspondance
avec sa sur. " Ouy, ma chere Fille, ma. Seur, " lui dit-il (lettre 537),
" que je vous ayme, et plus que vous ne sçauries croire ; mais principalement
des que j'ay veu en vostre ame ce digne et honnorable desir de vouloir
aymer Nostre Seigneur avec toute fidelité et sincerité. "
Cette affection surnaturelle pour ses proches n'excluait pas la tendresse
naturelle du sang ; elle l'agrandissait et la fortifiait, sans rien lui
ôter de sa sensibilité humaine. Aucun témoignage plus
touchant à cet égard que la lettre où le Saint raconte
à la baronne de Chantal la mort de sa mère, Mme de Boisy
(lettre 581). Le récit fait à la hâte et par reprises
trahit naïvement l'exquise sensibilité de l'amour filial. "
Le cur m'enfla fort et pleuray sur cette bonne mere plus que je n'avois
fait des que je suis d'Eglise ; mais ce fut sans amertume spirituelle,
graces a Dieu. "
En pareille circonstance, et dans un endroit de ses Confessions (liv
9,ch 11,12), saint Augustin s'excuse, pour ainsi dire, d'avoir pleuré
sa mère; il a l'air de se reprocher cette tendresse comme un défaut
de résignation chrétienne. Il est vrai que sa douleur fut
moins discrète et qu'elle affecta son âme avec une grande
violence. On ne voit pas que François de Sales ait éprouvé
les mêmes scrupules de rigorisme. Et comme s'il répondait
à l'objection de son illustre frère dans l'épiscopat
: " Helas ! il la failloit neanmoins bien un peu pleurer, " ecrit-il à
propos de la sainte mort de la " pauvre petite Charlotte, " âgée
de neuf ans, - une admirable fillette de la baronne de Chantal, - car,
ajoute-t.il, " n'avons nous pas un cur humain et un naturel sensible ?
"
Reconnaissons néanmoins que chez l'Evêque d'Hippone comme
chez l'Evêque de Genève, les larmes n'arrivent qu'en dernier
lieu. C'est quand saint Augustin a fermé les yeux de sa mère
et chanté joyeusement les Psaumes liturgiques, c'est quand il a
mis la défunte au tombeau, qu'il songe à sa douleur. Pareille
fut la conduite de saint François de Sales : " J'eu le courage,
" dit-il, "de luy donner la derniere benediction, luy fermer les yeux et
la bouche et luy donner le dernier bayser de paix a l'instant de son trespas.
" Après quoi, son cur se gonfla et ses larmes jaillirent.
Nous laissons au lecteur le plaisir de remarquer lui-même plusieurs
autres analogies qui se correspondent dans la lettre de saint François
de Sales et les chapitres des Confessions de saint Aügustin. Ce qui
appartient plus étroitement à notre sujet, c'était
de signaler, à propos d'une même situation entre deux grands
Saints, cette condescendance à la nature humaine qui, chez le premier,
se retrouve au milieu de la plus grande tristesse de sa vie, et qu'en pareille
circonstance on a peine à distinguer dans les pleurs amers du fils
de sainte Monique.
Il y aurait à écrire tout un chapitre sur l'amitié
surnaturelle de notre Saint pour ceux qu'il aimait, et tout spécialement
sur son amitié pour Jeanne-Françoise de Chantal. Il faut
attendre que de nouvelles lettres soient publiées. Remarquons en
passant, que l'affection de cette âme angélique marche progressivement
et s'élève dans ces quelques années, vers une région
de plus en plus sereine et divine, attirant après elle l'âme
de la Sainte vers l'aimable et " saint domicile " du Cur de Jésus
(lettre 576).
Intéressante aussi, bien qu'à d'autres titres, l'amitié
de l'Evêque de Genève pour Camus, l'Evêque de Belley,
dont le nom apparaît pour la première fois dans ce volume.
Comment pouvait-il exister une liaison aussi intime, aussi durable entre
ces deux natures si disproportionnées ? Ce bon Camus qui fit des
romans, qui batailla la majeure partie de sa vie contre les moines, qui
scandalisa la Mère Angélique de Port-Royal par ses facéties
peu jansénistes, était pourtant le fils chéri de saint
François de Sales. Admettons qu'avec son caractère jovial
et badin, il servît quelquefois d'amusette à ses récréations.
Si l'on ajoute quelque confiance à son livre de L'Esprit du bienheureux
François de Sales - et pourquoi non ? - il faut avouer que le Bienheureux,
qui avait beaucoup d'esprit, ne dédaignait pas de sourire et de
plaisanter avec un si gai voisin. Mais si le Saint l'aima beaucoup, s'il
prit quelque divertissement à ses joyeux devis, ici encore son amitié
réelle pour Camus était au service du Maître. Tant
que François de Sales vécut, l'Evêque de Belley s'occupa
merveilleusement de son diocèse : il prêcha, confessa, visita
sans relâche, avec une piété, avec un zèle qui
nous étonne. Dès que le Saint lui manqua, cet esprit bizarre
et inquiet fut livré à tous ses caprices, non sans revoir
souvent, avec fierté sans doute, mais peut-être aussi avec
quelque repentir, l'image du grand homme qui l'avait jadis aimé.
Le génie de saint François de Sales ne fait pas tort
à son grand cur. Ses lettres nous le montrent à cette époque,
doué déjà d'une grande sagesse, ayant des vues à
peu près définitives sur les hommes et sur les choses, très
clairvoyant du côté de la terre et du côté du
Ciel.
Quel admirable conducteur d'âmes ! Quel guide sûr pour
toutes les conditions de la vie humaine ! Il connaît tous les chemins,
il a voyagé sur toutes les routes. Ce qu'il n'a pas vu, il le devine.
Soit pour orienter les âmes dans la voie du salut, soit pour les
ramener de celle de l'erreur, il est véritablement un Docteur, un
Père de l'Eglise.
Dans les avis et les recommandations pour un jeune homme qui va à
la cour (lettre 637), on retrouve sa philosophie clairvoyante, sa sagesse
toute chrétienne. Il excelle dans l'art de concilier le christianisme
avec les obligations délicates d'une vie si élégante
et si mondaine : ce don qu'il eut toujours, sa qualité originale,
unique. Et quelle pénétration dans les conseils ! quelle
discrétion et quel tact aussi pour ne pas s'immiscer dans les questions
qu'il ne croit pas de son ressort ! " Je ne parle pas, " lui dit-il, "
de l'exterieur de l'habit,... car vous sçavés trop mieux
la bienseance, il ne m'appartient pas d'en parler. " Quelle différence
avec le bon moine qui censurait lourdement la belle étoffe du sire
de Joinville ! Il est vrai que le sénéchal le mit vite à
la raison.
François de Sales n'est pas moins heureux quand il s'agit de
ramener les mécréants dans les voies de la vérité.
Veut-on connaître son secret ? Son apologétique tient dans
une ligne admirable qui en dit plus que tous les gros livres qu'on écrit
aujourd'hui sur l'art de convertir : " Qui presche avec amour presche asses
contre les heretiques, quoy qu'il ne die un seul mot de dispute contre
eux (lettre 496). " La douceur, toujours la douceur.
Ce n'est pas qu'il ignore le grand mystère de l'obstination
et de l'impénitence de certaines âmes. Il y a dans une lettre
à Mme Brûlart, une réflexion qui fait penser. Si le
jeune homme " est un esprit de nature mal qualifié,... certes, c'est
tenter Dieu de hazarder une fille en ses mains, sous l'incertaine et douteuse
presomption d'amendement (lettre 588). "
Il n'attend rien non plus des chefs d'hérésie ; il les
connaît trop. En trois mots, il enlève leur croquis , avec
une vivacité de touche que nous retrouverons plus tard dans l'Histoire
des Variations de Bossuet.
C'est encore à Bossuet que fait penser François de Sales
dans sa célèbre lettre sur la mort de Henri IV (lettre 600).
Comme lui, le sentiment de la vanité des grandeurs humaines le saisit,
l'étreint. C'est aussi le même souffle, c'est la même
inspiration oratoire. " Le voyla mort d'un contemptible coup de petit couteau
" fait songer encore à Pascal, parlant de la fin inopinée
de Cromwell. Mais les sentiments développés dans cette admirable
lettre, la part de sympathie personnelle que prend l'auteur, les mouvements
et l'économie de l'ensemble présentent déjà
en raccourci une première épreuve de l'oraison funèbre
à la manière de Bossuet, quand il déplore la mort
tragique de la duchesse d'Orléans.
Cette rencontre avec le puissant orateur du XVIIe siècle n'est
pas seulement intéressante pour le lettré; elle est instructive
encore pour le philosophe qui voudrait faire l'histoire naturelle des écrivains
d'une même race et d'une même époque. De ce point de
vue, François de Sales, par bien des influences non moins littéraires
que morales, peut être regardé comme l'ancêtre des grands
écrivains religieux qui l'ont suivi. A l'époque où
nous sommes, sa physionomie commence à se fixer. Les années
pourront marquer plus vivement certains de ses traits ; d'autres qui affleurent
à peine apparaîtront distinctement à leur tour, mais
déjà l'image n'est-elle pas admirablement expressive ?
C'est cette image que nous avons essayé de reproduire d'après
la correspondance de 1608 à 1610, tout en nous disant que rien ne
remplacera la lecture personnelle des Lettres de saint François
de Sales ; car, où est l'écrivain plus ingénu que
lui, plus personnel, plus transparent ? où est l'écrivain
plus charmant et plus aimable ?
J.-J. NAVATEL, S. J.
Annecy, 1er octobre 1905,
Fête de Notre-Dame du Saint-Rosaire.
AVIS AU LECTEUR
Des Lettres publiées dans ce volume, un grand nombre ont été
revues sur les originaux, comme il est indiqué d'ailleurs à
la fin de chacune. Lorsqu'un Autographe provient d'une Communauté
exilée ou dispersée, nous donnons son ancien domicile de
France.
Les Lettres qui ne sont suivies d'aucune indication sont celles dont,
à défaut d'Autographes ou de copies authentiques, on a dû
emprunter le texte à des publications antérieures. Voir l'Avant-Propos
du tome Xl. (Lettres 1).
Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui
précèdent chaque pièce ; l'une et l'autre sont répétées
à la fin quand elles figurent sur l'original, ou qu'elles sont authentiques,
quoique fournies par les textes imprimés. Les points remplaçant
quelque énumération de la date indiquent que cette partie
de la date est donnée, mais fautivement, par l'édition à
laquelle notre texte est emprunté.
Quand la date attribuée à une lettre n'est pas absolument
sûre, elle est insérée entre []. Ces signes sont également
employés pour les mots qu'il a fallu suppléer dans le. texte.
Les divergences (importantes)qui existent entre quelques minutes et
le texte définitif sont données au bas des pages. Le commencement
de la variante est indiqué par la répétition en italique
des mots qui la précèdent immédiatement au texte ;
la fin est régulièrement marquée par la lettre de
renvoi. Les passages biffés dans les Autographes sont enchâssés
entre ? ?
Des points placés au commencement ou à la fin des lettres
indiquent un texte incomplet. Quand les Autographes ont subi quelque mutilation,
nous l'indiquons chaque fois.
En fin de volume se trouve un Index, dans lequel il a été
jugé à propos de fondre les noms des destinataires avec les
titres des principales notes historiques et biographiques. Toutes les notes
concernant le clergé de l'ancien diocèse de Genève
sont tirées des Registres de l'époque, conservés à
l'Evêché d'Annecy ; elles sont désignées par
les deux initiales R. E.
Sauf indication contraire, tous les renseignements relatifs à
la noblesse savoisienne sont empruntés au monumental ouvrage du
Comte Amédée de Foras, si dignement continué par le
Comte de Marescbal de Luciane : Armorial et Nobiliaire de l'ancien Duché
de Savoie.
LETTRES DE SAINT FRANÇOIS DE SALES
ANNÉE 1608 (Suite)
CDXLIV
A MADAME DE L,A FLÉCHÈRE
Il faut premièrement " avoir patience d'estre imparfait. "-
Conseils pratiques pour mettre son esprit en posture de suavité.
- A quoi doivent servir nos chutes.
Annecy, 8 avril 1608.
Madame,
J'ay receu vostre premiere lettre avec une'particuliere consolation,
comme un bon commencement de la communication spirituelle que nous devons
avoir ensemble pour !'advancement du royaume de Dieu dans nos curs. Veuille
ce mesme Dieu me bien inspirer ce qui sera plus propre pour vostre conduitte.
Il n'est pas possible que vous soyes si tost maistresse de vostre ame
et que vous la tenies en vostre main si absolument de premier abord. Contentés-vous
de gaigner de tems en tems quelque petit advantage sur vostre passion ennemie.
Il faut supporter les autres, mais premierement, il se faut supporter soy
mesme et avoir patience d'estre imparfait. Mon Dieu, ma chere Fille, voudrions
nous bien entrer au repos interieur sans passer par les contradictions
et contestes ordinaires ?
Observés bien ces pointz que je vous ay dit. Preparés
des le matin vostre ame a la tranquillité ; ayés un grand
soin le long du jour de l'y rappeller souvent et de la reprendre en vostre
main. S'il vous arrive quelque acte de chagrin, ne vous en espouvantés
point, ne vous en mettes nullement en peyne ; mais, l'ayant reconneu, humiliés-vous
doucement devant Dieu et taschés de remettre vostre esprit en posture
de suavité. Dites a vostre ame : Or sus, nous avons fait un faux
pas; allons maintenant tout bellement et prenons garde a nous. Et toutes
fois et quantes que vous retomberes, faites-en de mesme.
Quand vous aures le repos, employés-le vivement, faysant le
plus d'actes de douceur que vous pourres et es occasions les plus frequentes
que vous en ayes, pour petites qu'elles soyent ; car, comme dit Nostre
Seigneur, qui est fidele es petites choses, on luy confiera les grandes
(Lc 16,10 ; Mt 25,21). Surtout, ma Fille, ne perdés point courage,
ayés patience, attendés, exerces-vous fort a l'esprit de
compassion. Je ne doute point que Dieu ne vous tienne de sa main, et bien
qu'il vous laissera broncher, ce ne sera que pour vous faire connoistre
que s'il ne vous tenoit vous tomberies du tout, et affin que vous luy serries
la main de plus fort.
A Dieu, Madame, a Dieu soyés vous entierement, absolument,
irrevocablement. Je suis en luy,
Vostre serviteur tout dedié,
FRANçs, E. de Geneve.
Le 8 avril 1608.
CDXLV
A MADAME DE VALLON
Le Saint donne à la destinataire des nouvelles de son mari et
de sa parenté.
Annecy, 10 avril 1608 .
Madame ma Cousine,
Je sçai que vous aves eu des lettres de monsieur mon cousin
vostre mari , mais je ne puis me contenir de vous dire que monsieur de
la Fleschere , qui fut hier icy, m'asseure que jamais il ne se porta mieux,
ni monsieur de Charmoysi . Il faut donques que vous vous en resjouissies,
en remerciant Dieu et le loüant. Je le supplie qu'il vous accompaigne
tous-jours de ses saintes consolations et, qu'en icelles, il vous rende
de plus en plus sa devote.
Je suis cependant, ma Cousine,
Vostre cousin, compere, parrein et serviteur
bien humble,
FRANçs, E. de Geneve.
X avril 1608.
CDXLVI
A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET, ÉVÊQUE ÉLU DE
MONTPELLIER
(Inédite)
Remerciements et félicitations pour l'envoi d'une oraison funèbre;
souhaits d'amitié offerts au destinataire, son futur frère
dans l'épiscopat. - Message pour un ami commun.
Annecy, 19 avril 1608.
Monsieur,
Il n'estoit pas besoin que vous prissies la peyne de me faire sçavoir
comme j'avois perdu le bien de recevoir de vos lettres ces deux ou trois
moys passés, car jamais je ne me fusse voulu donner cette affliction
de croire que c'eust esté pour estre esloigné de vostre bonne
grace, et toutes les autres causes ne me sont pas ennuyeuses. Je vous rens
mille graces de la belle orayson funebre que vous m'aves envoyee . Elle
a double prix en mon estime, estant, comm'elle est, fort ornee, et d'un
lieu que j'honnore avec une affection tres entiere.
J'attens avec un peu d'inquietude la nouvelle de vostre consecration.
Il m'est advis que la communion de ce saint caractere nous alliera de plus
fort ; mays. en l'attendant, je ne laisseray de prononcer souvent en mon
ame le souhait solemnel : Ad mullas annos. Dieu me veuille exaucer, Monsieur,
et vous seres beni des plus durables benedictions du ciel (Gn 49,25), et
moy je deviendray autant utilement comme je suis affectionnement,
Vostre serviteur et tres humble,
FRANçs, E. de Geneve.
Monsieur, j'escris a nostre grand amy (Antoine des Hayes), mais je
vous requiers vostre intercession encor affin qu'il continue de m'aymer.
Helas, le pauvre Truitard me vient de supplier avec grande instance de
le recommander a monsieur de la Bretonniere .
A Annessy, le 19 avril 1608.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée
à la Visitation de Montpellier.
CDXLVII
AU ROI DE FRANCE, HENRI IV
(MINUTE)
Pauvreté des curés du Bugey; supplique en leur faveur.
Annecy, fin avril 1608 .
Sire,
J'ay cinquante ou soixante curés sous ma charge au balliage
de Beugey, sur lesquelz nulle decime n'a ci devant esté imposee
de la part de Vostre Majesté, a la bonté delaquelle je recours
maintenant pour eux, et eux avec moy, affin quil luy playse les exempter
encores ci apres. Le fondement de cette supplication, Sire, est a la verite
bien mauvais, mais il n'en est que plus solide ; car c'est leur extreme
pauvreté ; puisque presque tous sont si chetifz en moyens qu'ilz
n'en ont que pour vivre miserablement. Si que Vostre Majesté commandant
qu'on les laysse, elle leur fera un'excellente aumosne, car elle leur donnera
le repos, seule condition qui peut rendre leur disette aucunement supportable;
du milieu delaquelle (je prie] Dieu quil prospere Vostre Majesté
qui est
.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
CDXLVIII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
L'humilité joyeuse dans les légers manquements. - Les
exercices de dévotion pendant la journée. - Faire comme Notre-Dame
: se tenir toujours d'une main à Notre-Seigneur. - Apprivoiser son
cur à la mansuétude. - Les prières vocales et l'oraison
mentale.
Annecy, [fin avril ou commencement de mai] 1608 .
Madame,
J'ay esté bien consolé par les lettres que vous m'aves
escrit, voyant que Nostre Seigneur vous a fait gouster les commencemens
de la tranquillité avec laquelle, moyennant sa grace, il nous faut
desormais continuer de le servir parmi la presse et multiplicité
des affaires ausquelles nostre vocation nous oblige. J'ay une extremement
bonne esperance pour vous, parce que j'ay veu, ce me semble, en vostre
cur une profonde resolution de vouloir servir sa divine Majesté,
qui me fait asseurer que vous userés de fidelité es exercices
de la sainte devotion. Que si bien il y entrevient beaucoup de manquemens
par infirmité, il ne faut nullement s'estonner ; mais, en detestant
d'un costé l'offence que Dieu en reçoit, il faut de l'autre
avoir une certaine humilité joyeuse qui ayt a playsir de voir et
connoistre nostre misere.
Je vous diray briefvement les exercices que je vous conseillerois ;
vous les verres plus clairement en cet escrit que je fay . La preparation
de toute la journee, qui se fait briefvement le matin ; l'orayson mentale
avant disner, selon vostre loysir, pour une heure ou environ ; le soir,
avant souper, une petite retraitte, en laquelle, comme en maniere de repetition,
vous facies une douzaine de vives aspirations en Dieu selon la meditation
du matin, ou sur quelque autre sujet.
Parmi le jour et entre les affaires, le plus souvent que vous pourres,
examinés si vostre amour est point engagé trop avant, s'il
n'est point detraqué et si vous ne vous tenes pas toujours par l'une
des mains a Nostre Seigneur. Si vous vous treuves embarrassee outre mesure,
accoisés vostre ame et remettes-la en repos. Imaginés vous
comme Nostre Dame employoit doucement l'une de ses mains tandis qu'elle
tenoit Nostre Seigneur de l'autre, ou sur son autre bras, en son enfance
; car c'estoit avec un grand esgard.
Au tems de paix et de tranquillité, multipliés les actes
de douceur ; car, par ce moyen, vous apprivoyseres vostre cur a la mansuetude.
Ne vous amuses pas a combattre les menuës tentations qui vous arrivent,
par des contestes ou disputes avec elles, mais par des simples retours
de vostre cur a Jesus Christ crucifié, comme si vous allies bayser
son costé ou ses pieds par amour.
Ne vous mettes point en peyne de faire beaucoup d'oraysons vocales,
et tous-jours, quand vous prieres et que vous sentires vostre cur porté
a l'orayson mentale, laissés-l'y aller hardiment; et quand vous
ne feries que l'orayson mentale avec l'Orayson Dominicale et la Salutation
Angelique et la Créance, vous pouves vous contenter.
Je me dedie de grand courage au service de vostre ame, qui me sera
dores-en-avant chere comme la mienne propre. Nostre Seigneur soit a jamais
maistre de nos curs, comme je suis en luy,
Vostre serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
CDXLIX
A M. ANTOINE DES HAYES
Henri IV désire attacher le Saint au service de l'Eglise de
son royaume - Humilité et désintéressement de François
de Sales ; c'est la volonté du Pape qui lui manifestera la volonté
de Dieu.
Annecy, 6 mai 1608.
Monsieur,
J'ay receu vostre lettre du 21 avril qui me fait admirer la bonté
du Roy, qui non seûlement me fait lhonneur de se resouvenir de moy,
mais encor de me vouloir du bien et m'estimer digne de luy rendre du contentement
au service de l'Eglise en son royaume . Vous pouves penser, Monsieur, si
j'ay esté touché de gloyre pour cela. Si ay, a la verité,
et m'y fusse laissé emporter si la connoissance de mon insuffisance
ne m'eut arresté ; car cet honneur ne m'esbloüyt point tant
que je ne voye bien les bornes et limites de ma capacité, lesquelles
sont sans doute fort courtes et estroittes.
Et pour cela, Monsieur, je vous supplie d'apprendre de Sa Majesté
que c'est qu'elle penseroit faire de moy et en quoy elle desireroit m'employer,
car sans doute je ne suis pas bon a beaucoup de choses ; et j'ay neanmoins
cette generosité de ne vouloir pas estre appliqué que pour
ce que je suis et en ce que je puis, d'autant plus quand ce seroit par
la gratification et grace d'un.si grand Roy, lequel ne pense pas a me faire
transplanter de ce pais en son royaume, abondant en toutes sortes de personnes
de merite, quil ne m'estime fructueux et propre a son contentement.
Et je sçai bien qu'il ny a nulle si mauvayse piece au monde
qui ne soit utile a quelque chose ; mais il faut luy treuver son usage
et son lieu. Dieu m'a fait la grace de reconnoistre que je suis fait pour
luy, par luy et en luy. Je ne suis ni seray jamais enfant de fortune, tandis
que le Ciel m'esclairera. C'est pourquoy, ou que je sois appellé
pour le service de la gloire divine, je ne contrediray nullement d'y aller
; mais sur tout en France, a l'air de laquelle ayant esté nourri
et instruit, je ne puis dissimuler que je n'aye une speciale inclination,
et encor plus, la voyant sous un Roy que je doys honnorer et estimer si
hautement et qui m'oblige si extremement comm'il fait. Il est vray que
je suis en mon pais et entre les miens, avec une certaine suffisance qui
me suffit et, ce qui m'est le plus cher, avec un repos aussi grand que
ma charge le peut permettre et qui meshuy me semble asses ferme. Mais tout
cela ne me tient qu'au bout des doigtz et ne me sçauroit empescher
de m'embarquer a tout autre service ou je penserois estre plus utile a
la gloire divine et au bien de l'Eglise, puisque des mon Baptesme et par
vocation je suis consacré a cela.
Si donques Sa Majesté vous dit son intention particuliere, j'examineray
avec Dieu et en sa presence mes forces.; et si je les sens aucunement assortissantes
au service qu'elle desirera, et que Sa Sainteté me le commande (car
vous sçaves bien que sans cela je n'oserois me remuer de la sentinelle
en laquelle je suis posé), je me rendray tout prest, tout prompt,
tout affectionné a suivre la vocation divine, ne doutant nullement
qu'elle ne soit telle, quand je verray se joindre les volontés du
Pape et du Roy.
C'est trop dit, ce me semble, a vous, Monsieur, qui m'aymes tant et
me connoisses tant, et qui sçaves entr'autres choses que je suis
de tout mon cur, Monsieur,
Vostre serviteur tres affectionné et
bien humble,
FRANçs , E. de Geneve.
VI may 1608, a Neci.
A Monsieur
Monsieur des Hayes.
Revu sur l'Autographe conservé au 1er Monastère de la
Visitation de Rouen.
CDL
AU MÊME
Le Saint voudrait savoir de son ami les intentions de Henri IV à
son égard.- Diverses raisons persuadent l'Evêque d'attendre
sans inquiétude la suite des évènements ; il. ne vent
que la volonté- de Dieu. - Témoignages d'amitié. -
Message pour Mgr de Montpellier.
Monsieur,
Annecy, 6 mai 1608.
Je jette cette feuill' a part affin de vous y parler avec plus de liberté
et vous en laisser aussi pour monstrer ma lettre, sil y escheoit. Vous
verres donq, si! vous plait, la lettre que j'escris au Roy, et, sil vous
semble a propos, vous la luy donneres, ou si vous juges autrement, vous
pourres en parler a Sa Majesté vous mesme a vostre gré, car
en ceci j'ay grandement besoin de vostre conduite.
Je n'ay pas creu, sur une proposition si generale comm'est celle que
Sa Majesté me fait faire, de me devoir resoudre ; car il se pourroît
bien faire que venant a joindre et a voir le lieu ou l'occasion en laquelle
on me voudroit tirer, que je me treuverois tout a fait insuffisant au service
que l'on praetendroit de moy, ou quil ne seroit pas expedient que je me
misse au change, dautant que les changements, a mon advis, sont tous-jours
dignes de consideration pour ceux qui ne sont pas mal. Si le sujet n'en
est grand et digne, on est blasmé de legereté, et l'attirail
en est tous-jours de grands frais; car il faut un peu tout dire avec vous
qui aves mon cur en main.
Apres tout cela, vous sçaves que sans l'authorité du
Pape, je ne puis nullement me remuer ; et si, il m'importe que cest' authorité
previenne toutes les nouvelles qu'on en pourroit avoir de deça.
Vous jugeres bien pourquoy. C'est cela qui me rend tout ceci difficile,
car, pour parler en conscience, je ne merite pas l'employte de tant de
misteres.
Je sçai que, la chose n'estant pas preste, il.y a asses de tems
pour penser a toutes ces choses ; mais encor m'a-il semblé que je
vous devois ainsy tout dire naivement, affin que, selon les occurrences,
vous m'aydies a prendre les resolutions convenables. Et ce pendant, je
demanderay incessamment la clarté du Ciel et diray a Nostre Seigneur:
Seigneur, que voules-vous que je face (Ac 4,6) ? car je proteste devant
sa souveraine Majesté, que je ne veux vouloir que sa volonté
tressainte, soit a demeurer, soit a changer de place. Et si je la sçai
connoistre, je ne me veux divertir ni a droite ni a gauche du chemin qu'elle
me monstrera; car ce peu de temps que j'ay a passer ne m'est rien au prix
de l'eternité. Pour donques laysser entierement la conduite de mon
sort es mains de Dieu (Ps 30,16), je ne veux ni refuser ni accepter que
je ne voye et considere que c'est.
Au demeurant, je ne doute point que vostre amitié en mon endroit
n'aye beaucoup contribué pour amplifier et aggrandir l'estime que
le Roy fait de moy, de laquelle, sans mentir, je suis honteux, et en cas
que je deusse paroistre a sa veüe, je serois bien en peyne de soustenir
cett' opinion. Nostre Seigneur vous conserve et aggrandisse en ses saintes
benedictions, et me face la grace de ne point paroistr' ingrat de tant
de faveurs que je reçois de vous, ains de tesmoigner par effect
que je suis de cur tout entier,
Monsieur,
Vostre serviteur plus humble et tres fidelle,
FRANçs, E. de Geneve.
6 may 1608.
Monsieur, on me presse de plier ce pacquet. Oseray je donq bien supplier
Monsieur le Reverendissime de Montpellier de me conserver ses graces, et
sçavoir par ces trois lignes que je suis son tres humble serviteur
? Monsieur, obliges moy de le luy dire, car il est fort vray.
Revu sur l'Autographe conservé au 1er Monastère de la
Visitation de Rouen.
CDLI
A LA BARONNE DE CHANTAL
(FRAGMENT)
Rien ne se fait que sous la conduite de Dieu. - Le Saint ne veut que
Dieu pour son partage. - L'objet de ses considérations en l'oraison.
Annecy, 6 mai 1608 .
On parle de m'aggrandir, mais c'est a bon jeu, bon argent, et du costé
de dela. Cela m'a mis en peyne, car c'est avec le tiltre de la plus grande
gloire de Dieu et du service de l'Eglise. Or, demeurés en paix,
ma tres chere Fille ; car il ne se fera rien que selon le bon playsir de
sa divine Majesté et, sous sa conduite.
Je ne sçai d'ou cela peut arriver que ce grand Prince continue
si fort a me favoriser sans que j'aye jamais fait nulle chose pour cela.
J'ay fait responce (car, comme je vous dis, c'est tout de bon) que j'estois
tout a Dieu et que je luy dirois : Seigneur, que voules- vous que je face
(Ac 4,6) ?
Entre ci et deux mois, je seray hors de cette peyne par une resolution
absoluë. Priés donques bien pour moy, ma chere Fille, affin
que mon cur se tienne pur de toutes vanités et pretentions mondaines.
Pour moy, je proteste que je ne veux que Dieu pour mon partage (Ps 72,26),
comme' que ce soit. La commodité de nos resolutions (Lettres 3 notes
386,387) ne se peut bonnement perdre, mais de plus en plus faciliter, moyennant.la
grace divine.
0 ma Fille, quand serons nous unis a nostre Dieu de l'union parfaite
? quand aurons nous des curs embrasés de son amour ? Courage, ma
chere Fille, nous sommes destinés a cette heureuse fin. Ne nous
troublons point des sterilités, car les sterilités enfanteront
en fin ; ni des secheresses, car la terre seche se convertira en sources
d'eaux vivantes (Is 35,7).
L'autre jour en l'orayson, considerant le costé ouvert de Nostre
Seigneur et voyant son cur, il m'estoit advis que nos curs estoyent tout
alentour de luy, qui luy faisoyent hommage comme au souverain Roy des curs.
Qu'a jamais soit-il nostre cur. Amen.
.
Et cette petite Aymee sera des tres mieux aymees seurs du monde, car
je seray son frere. Mais, avec tout cela, ceci ne sera que nostre alliance
exterieure, car Celuy a l'il duquel le fond de mon cur est ouvert, sçait
bien que le lien interieur duquel il joint mon esprit au vostre est totalement
independant de tous ces accidens, qui ne peuvent ni adjouster ni diminuer
a cette intime et tres pure affection et union que Dieu a fait en nous.
FRANçs, E. de Geneve.
CDLII
A LA MÊME
Il faut tout faire avec une diligence tranquille. - On veut tirer l'Evêque
de sa terre et de son " parentage" ; sentiments que lui inspire ce projet.
- Le rendez-vous de l'âme du Saint.
Annecy, [vers le 11] mai 1608.
Je receu la semaine passee quatre lettres des vostres : l'une, du jour
de Pasques, les autres trois, du 27 avril. Or, plustost que de tarder davantage,
je vous veux escrire tout a la haste.
Je voy ce que vous me dites de ces -bonnes ames, compagnes de vos desirs
; de vos desirs, dis je, qui se fortifient et se rendent actifs dedans
vostre cur. Helas, ma chere Fille, ilz vous resveillent souvent l'esprit,
a ce que je voy ; mais croyés bien que celuy que j'ay de conduire
le tout a chef et a la gloire de Dieu m'excite aussi tres souvent (or sus,
je veux dire ce mot de vanterie), plus souvent que vous, que je croy ;
mais ne faut il pas tout faire avec une diligence soigneuse, mais douce,
mais tranquille, mais resignee ? Eh bien, j'espere que Dieu sera nostre
guide.
Et ne vous troubles point, ma Fille, je vous prie, de ce que je vous
escrivis l'autre jour (lettre précédente) touchant la proposition
qui se fait de me tirer moy mesme de ma terre e tde mon parentage (Gn 12,1);
car rien ne se fera que de par Dieu, et de quel costé que j'aille
sous sa conduite, tout ira fort bien et pour vous et pour moy. Non, croyés-le
bien, ma chere Fille (mais voyes vous, n'en parles a personne, je vous
dis tout), ce ne serait pas sans repugnance s'il me faillait changer de
logis, bien que je ne me sente nullement attaché qu'a quelques ames,
d'un lien tout purement spirituel, Dieu mercy. Mais Dieu tiendra tout de
sa main ; car voyes vous, ma chere Fille, mon ame n'a point de rendes vous
qu'en cette providence de Dieu: Mon Dieu, vous me l'aves enseigné
des ma jeunesse, et jusques a present j'en annonceray vos merveilles (Ps
71,17).
A Dieu, ma chere Fille. Tenés pour tout asseuré que je
pense fort au soin de vostre ame, laquelle m'est chere, pretieuse et aymable
comme la mienne propre, et je ne la tiens que pour une mesme. Dieu nous
ayme, ma chere Fille ; il sera tous-jours avec nous, nostre unique amour
et confiance. 0 Dieu, que je desire de bien a vostre esprit, ma chere Fille
! Nostre Dame soit nostre Dame et Maistresse.
Vostre, tel que Dieu le veut et fait,
FRANçs, E. de Geneve.
A Neci
. may 1608.
CDLIII
.A MADAME DE VALLON
(INÉDITE)
Témoignages de dévouement à une parente. Nouvelles
et messages.
Annecy, 16 mai 1608.
Madame ma Cousine,
Parce que monsieur de Fontaine , partant lundi de Turin, laissa monsieur
de Vallon mon cousin en bonne santé et monsieur de Charmoysi aussi
(lettre CDXLV), j'ay voulu, par cette commodité, vous en donner
l'asseurance, bien que peut estre aures vous des lettres aussi recentes
que cela. Mais cet advis ne sera pas pour cela inutile, puis qu'il me donnera
sujet de me ramentevoir en vostre bonne gràce, en vous tesmoignant
que si mes prieres sont favorisees au Ciel, vous vivrés tous-jours
toute consolee des consolations du Saint Esprit. .
Je verray dans peu de jours mes cousines a Sainte Catherine , ou je
leur offriray tout ce qui est en mon pouvoir ; mais elles ont un si bon
pere et une si bonne mere, que le reste des parens n'ont nul sujet de les
servir. Au moins en auray-je tous-jours la volonté, puis que je
suis,
Madame ma Cousine,
Vostre bien humble cousin, parrein, compere et serviteur,
FRANçs., E. de Geneve.
Je salue bien humblement monsieur du Vilars, mon bon cousin , et luy
renvoyeray bien tost la requeste de la parroisse respondue .
La bonne madame de Charmoysi est malade d'une grande descente, et je
m'en vay tout maintenant la voir, si cela ne l'incommode point.
A Neci, le XVI may 1608.
A Madame
Madame de Vallon.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
CDLIV
A MADEMOISELLE CLAUDINE DE CHASTEL
Le vu de chasteté : considérations qu'il faut faire
pour s'y préparer. - Eloge de la sainte chasteté: vertu vraiment
céleste, qui consacre à Dieu les âmes et les corps,
vouée d'abord par Notre-Dame, et après elle, par toute la
troupe des curs vierges. - Formule de ce vu ; il fait de notre corps
une sainte relique, un calice consacré.
Annecy, 18 mai 1608.
Madamoyselle,
Je croy que le desir que vous aves de voüer vostre chasteté
a Dieu n'a pas esté conceu en vostre ame que premierement vous n'ayes
longuement consideré son importance : c'est pourquoy j'appreuve
que vous le facies, et le jour de Pentecoste mesme . Or, pour le bien faire,
prenes le loysir les trois jours precédens, de bien preparer vostre
vu par l'orayson, laquelle vous pourrees tirer de ces considerations :
Considerés combien la sainte chasteté est une vertu aggreable
a Dieu et aux Anges, ayant voulu qu'elle fust eternellement observee au
Ciel ou il n'y a plus aucune sorte de playsirs charnelz ni de mariages
(Mt 22,30). Ne seres-vous pas bien heureuse de commencer en ce monde la
vie que vous continueres eternellement en l'autre ? Benisses donq Dieu
qui vous a donné cette sainte inspiration.
Considerés combien cette vertu est noble, qui tient nos ames
blanches comme le lys, pures comme le soleil ; qui rend nos cors consacrés
et nous donne la commodité d'estre tout entierement a sa divine
Majesté, cur, cors, esprit et sentimens. N'est ce pas un grand
contentement de pouvoir dire a Nostre Seigneur : Mon cur et ma chair tressaillent
de joye en vostre Bonté (Ps 83,3), pour l'amour de laquelle je quitte
tout amour et pour le playsir de laquelle je renonce a tous autres playsirs
? Quel bonheur de n'avoir point reservé de delices mondaines pour
ce cors, affin de donner plus entierement son cur a son Dieu !
Considerés que la Sainte Vierge voüa la premiere sa virginité
a Dieu, et apres elle, tant de vierges, hommes et femmes. Mais avec quelle
ardeur, avec quel amour, avec quelle affection furent voüées
ces virginités, ces chastetés ? 0 Dieu, cela ne se peut dire.
Humiliés vous fort devant la trouppe celeste des vierges et, par
l'humble priere, suppliés-les qu'elles vous reçoivent avec
elles, non pas pour pretendre a les esgaler en pureté, mais au moins
affin que vous soyes advoüee leur servante indigne, en les imitant
au plus presque vous pourres. Suppliés-les qu'elles offrent avec
vous vostre vu a Jesus Christ, Roy des vierges, et qu'elles rendent aggreable
vostre chasteté par le merite de la leur. Sur tout, recommandés
vostre intention a Nostre Dame, puis a vostre bon Ange, affin que desormais
il luy playse, d'un soin particulier, preserver vostre cur et vostre cors
de toute soüilleure contraire a vostre vu.
Puis, le jour de Pentecoste, lhors que le prestre eslevera la sainte
Hostie, offrés avec luy a Dieu, le Pere eternel, le cors pretieux
de son cher Enfant, Jesus, et tout ensemble vostre cors, lequel vous feres
vu de conserver en chasteté tous les jours de vostre vie. La forme
de faire ce vu pourroit estre telle :
0 Dieu eternel, Pere, Filz et Saint Esprit, je N., vostre indigne creature,
constituee en vostre divine presence et de toute vostre Cour celeste, prometz
a vostre divine Majesté, et fay vu de garder et observer tout le
tems de la vie mortelle qu'il vous plaira me donner, une entiere chasteté
et continence, moyennant la faveur et grace de vostre Saint Esprit. Playse
vous accepter ce mien vu irrevocable en holocauste de suavité,
et puisqu'il vous a pleu m'inspirer de le faire, donnes moy la force de
le parfaire a vostre honneur, par tous les siec1es des siecles.
Quelques uns escrivent ou font escrire ce vu, et le signent; puis
le remettent a quelque pere spirituel, affin qu'il en soit comme le protecteur
et parrein. Mais bien que cela soit utile, il n'est pas necessaire. Vous
communieres sur cela, et pourres dire a Nostre Seigneur que vrayement il
est vostre Espoux.
Mais parles-en a vostre confesseur ; car s'il vous ordonnoit de ne
le faire pas, il le faudroit croire, puisque, voyant l'estat present de
vostre ame, il pourra mieux juger ce qui est expedient que moy.
Mais, ma bonne Fille, ce vu estant fait, il faut que vous ne permetties
jamais a personne de chatouiller vostre cur d'aucun propos d'amour ni
de mariage ; mais que vous ayés un grand respect a vostre cors,
non plus comme a vostre cors, mais comme a un cors sacré et a une
tres sainte relique. Et comme on n'ose. plus toucher ni profaner un calice
apres que l'Evesque l'a consacré, ainsy, le Saint Esprit ayant consacré
vostre cur et vostre cors par ce vu, il faut que vous luy porties une
grande reverence.
Au demeurant, je recommanderay le tout a Dieu, lequel sçait
que je vous cheris fort affectionnement en luy ; et le mesme jour de Pentecoste,
je luy offriray vostre cur et ce qui en sortira pour sa gloire. Qu'a jamais
Jesus soit vostre amour et sa sainte Mere vostre guide ! Amen.
Vostre serviteur en Jesus Christ,
FRANçs, E. de Geneve.
A Neci, le 18 may 1608.
CDLV
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Un moyen commode d'acquérir les solides vertus : se mettre en
patience avec opiniâtreté. - Pour réussir dans les
affaires, compter sur l'assistance de Dieu et user d'une douce diligence.
- Les affaires de ce monde et les maisonnettes des petits enfants. - La
chose la plus importante. - Toujours recommencer: le meilleur moyen pour
achever la vie spirituelle.
Annecy, 19 mai 1608.
.
Je me resouviens que vous me distes combien la multiplicité
de vos affaires vous chargeoit ; et je vous dis que c'estoit une bonne
commodité pour acquerir les vrayes et solides vertus. C'est un martyre
continuel que celuy de la multiplicité des affaires ; car, comme
les mouches font plus de peyne et d'ennuy a ceux qui voyagent en esté
que ne fait le voyage mesme, ainsy la diversité et la multitude
des affaires fait plus de peyne que leur pesanteur mesme.
Vous aves besoin de la patience, et j'espere que Dieu la vous donnera,
si vous la luy demandes soigneusement et que vous vous efforcies de la
prattiquer fidellement, vous y preparant tous les matins par une application
speciale de quelque point de vostre meditation, et vous opiniastrant de
vous mettre en patience le long de la journee tout autant de fois que vous
vous en sentires distraite.
Ne perdés nulle occasion, pour petite qu'elle soit, d'exercer
la douceur de cur envers un chacun. Ne vous confiés pas de pouvoir
reuscir en vos affaires par vostre industrie ; ains seulement par l'assistance
de Dieu ; et partant, reposés vous en son soin, croyant qu'il fera
ce qui sera le mieux pour vous, pourveu que, de vostre costé, vous
usies d'une douce diligence. Je dis douce diligence, parce que les diligences
violentes gastent le cur et les affaires, et ne sont pas diligences, mais
empressemens et troubles.
Mon Dieu, Madame, nous serons bien tost en l'eternité, et lhors
nous verrons combien toutes les affaires de ce monde sont peu de chose
et combien il importait peu qu'elles se fissent ou ne se fissent pas ;
maintenant, neanmoins, nous nous empressons comme si c'estoyent des choses
grandes. Quand nous estions petitz enfans, avec quel empressement assemblions
nous des morceaux de tuyles, de bois, de la bouë, pour faire des maysons
et petitz bastimens! Et si quelqu'un nous les ruynoit, nous en estions
bien marris et pleurions ; mais maintenant nous connaissons bien que tout
cela importait fort peu. Un jour nous en serons de mesme au Ciel, que nous
verrons que nos affections au monde n'estoyent que de vrayes enfances.
Je ne veux pas oster le soin que nous devons avoir de ces petites tricheries
et bagatelles, car Dieu nous les a commises en ce monde pour exercice ;
mais je voudrais bien oster l'ardeur et la chaleur de ce soin. Faysons
nos enfances, puisque nous sommes enfans ; mais aussi, ne nous morfondons
pas a les faire. Et si quelqu'un ruyne nos maysonnettes et petitz desseins,
ne nous en tourmentons pas beaucoup ; car aussi, quand ce viendra le soir
auquel il se faudra mettre a couvert, je veux dire la mort, toutes ces
maysonnettes ne seront pas a propos : il faudra se retirer en la mayson
de nostre Pere (Ps 121,1). Soignés fidellement a vos affaires, mais
sachés que vous n'avés point de plus dignes affaires que
celuy de vostre salut et l'acheminement du salut de vostre ame a la vraye
devotion.
Ayés patience avec tous, mais principalement avec vous mesme
; je veux dire, que vous ne vous troublies point de vos imperfections et
que vous ayes tous-jours courage de vous en relever. Je suis bien ayse
dequoy vous recommences tous les jours : il n'y a point de meilleur moyen
pour bien achever la vie spirituelle que de tousjours recommencer et ne
penser jamais avoir asses fait.
Recommandés moy a la misericorde de Dieu, laquelle je supplie
de vous faire abonder en son saint amour. Amen. Je suis
Vostre serviteur bien humble,
FRANçs, E. de Geneve.
Le 19 may 1608.
CDLVI
A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET, ÉVÊQUE ÉLU DE
MONTPELLIER
(INÉDITB)
Eloge de des Hayes, " le grand amy " de Pierre Fenouillet et de l'Evêque
de Genève. - C'est surtout sur les petits lacs d'eau douce que la
barque du Saint se plaît à voguer.
Annecy, 23 mai 1608
Monsieur,
Je cours apres vous par ces deux motz pour vous rendre graces de la
faveur que vous me faites, si abondamment tesmoignee par vostre lettre.
J'escrivis il y a quinze jours a nostre grand amy (lettres 449,450) , et
luy addressay une lettre pour Sa Majesté, que je remerciois, suivant
le conseil que vous me donnes avant que je l'eusse receu ; tant mon affection,
qui est vostre, a de pouvoir de tirer mon esprit a quelque conformité
du vostre, duquel, en toutes parties, il est au demeurant inferieur.
Je m'esjouis d'une joye toute particuliere sur l'advancement de ce
digne amy , duquel le merite se fera tousjours plus paroistre en montant,
comme fait le soleil ; et ce grand Roy, qui le tire apres sa prouvoyance,
le portera sans doute bien plus haut.
Pour lhonneur que Sa Majesté me fait, je l'admire d'autant plus
que je ne vois rien en moy qui n'en soit extremement indigne, et ne doute
point que vostre bienveuillance en mon endroit et celle de nostre amy ne
soyent le seul vent qui enfle la voyle de ma barque pour la porter en cette
haute mer, en laquelle, si Dieu me fait passer, ce ne sera pas sans un
grand danger, puisqu'elle n'est pas pour les eaux salees de l'Ocean, mais
pour nos petitz lacs d'eau douce.
Monsieur vostre cousin m'arrache cette lettre d'entre les mains, car
il veut partir et il est tard. Nostre Seigneur vous prospere, Monsieur,
et je suis extremement,
Vostre serviteur tres humble,
FRANçs, E. de Geneve.
23 may 1608.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée
à la Visitation de Montpellier.
CDLVII
AU PÈRE JEAN COMES, RELIGIEUX AUGUSTIN
Différend entre les chanoines du Chapitre de Saint-Pierre et
les Augustins de Seysse1; pour le régler, une entrevue est proposée
par le Saint. - Assurance d'affectueux dévouement.
Annecy, 24 mai 1608.
Mon Reverend Pere,
Les sieurs chanoynes de mon Eglise s'accommodent fort volontier au
desir que j'ay de vous voir bien ensemblement avec eux, par un appointement
amiable de tous les differens qui sont entre vous . Il ne reste sinon de
convenir du tems, du lieu et des personnes convenables a cett'intention;
sur quoy je vous prie m'envoyer quelque proposition et projet, affin que,
de nostre costé, nous taschions de concourir a vostre commodité.
Et ne doutant point que messieurs vos Religieux n'affectionnent ce parti
paysible et plus sortable a nos vocations, je tiens des-ja l'appointement
pour fait, bien que, puisque vous le desirés, le proces ne se retarde
point encor, lequel neanmoins il sera bien raysonnable de sursoyer quand
le jour sera marqué entre nous ; ce qui sera bien tost, si vous
nous envoyés vostre intention pour ce regard.
Quant au fermier du prieuré de Sessel , sil a quelque chose
a. demesler pour son particulier avec vostre Convent, mon Chapitre n'y
peut pas remedier. Que si c'est a rayson de la cure, je puis y donner de
l'ordre moy mesme, et le feray tous-jours convenablement quand il vous
plaira.
Et pour le regard des paroles desreglees desquelles vous vous plaignés,
nos chanoynes nient qu'elles soyent sorties de leur Chapitre, et disent
qu'au contraire on leur a donné advertissement que vos Religieux
en avoyent asses proferé contr'eux. Mais les causes estant ostees,
tous ombrages, soupçons et rapportz cesseront, et, comme nous devons,
et. l'un et l'autre des cors s'entretiendront par une sainte charité
a cooperer l'un a l'autre pour le service du cors general de Jesuschrist
qui est l'Eglise (Col 1,18).
Je me resjouis que vos Religieux ayent pris en bonne part l'advis que
je vous donnay ; aussi le devoyent-ilz faire, puisqu'il sortoit d'une poitrine
sincerement affectionnee a leur bien et honneur, comme je seray tousjours
plein de ce desir. Je prie sa divine Majesté qu'elle nous rende
tous dignes .du service auquel nous avons esté appellés,
et suis, en ce qui regarde vostre particulier,
Mon Reverend Pere,
Vostre confrere bien humble,
FRANçs, E.de Geneve.
24 may 1608, a Neci.
Au R. P. en N. Sr,
Le P. Maistre Comes, Bachelier en l'Université de Paris.
Aux Augustins de Sessel.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Maistre,
au château de Bissy, près de Chambéry.
CDLVIII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Deux choses qu'il faut joindre ensemble. - Comment reprendre son cur
quand il a failli.
Annecy, 28 mai 1608 .
Madame,
Il est vray, je desire fort que quand vous penseres tirer de la consolation
en m'escrivant, vous le facies avec confiance.
Il nous faut joindre ces deux choses ensemble: une extreme affection
de bien et exactement prattiquer nos exercices, tant de l'orayson que des
vertus, et de nullement nous troubler ou inquieter ou estonner, s'il nous
arrive d'y commettre des manquemens ; car le premier point depend de nostre
fidelité, qui doit tous-jours estre entiere et croistre d'heure
en heure ; le second depend de nostre infirmité, laquelle nous ne
sçaurions jamais deposer pendant cette vie mortelle.
Ma tres chere Fille, quand il nous arrive des defautz, examinons nostre
cur tout a l'heure et demandons-luy s'il a pas tous-jours vive et entiere
la resolution de servir a Dieu ; et j'espere qu'il nous respondra qu'ouy
et que plustost il souffriroit mille mortz que de se separer de cette resolution.
Demandons-luy de rechef : Pourquoy donques bronches tu maintenant ? pourquoy
es tu si lasche ? Il respondra : J'ay esté surpris je ne sçai
comment, mais je suis ainsy pesant maintenant.
Helas ! ma chere Fille, il luy faut pardonner ; ce n'est pas par infidelité
qu'il manque, c'est par infirmité. Il le faut donques corriger doucement
et tranquillement, et non pas le courroucer et troubler davantage. Or sus,
luy devons-nous dire, mon cur, mon amy, au nom de Dieu, prens courage
; cheminons, prenons garde a nous, eslevons nous a nostre secours et a
nostre Dieu. Helas ! ma chere Fille, il nous faut estre charitables a l'endroit
de nostre ame, et ne la point gourmander tandis que nous voyons qu'elle
n'offense pas de guet a pens. Voyes vous, en cet exercice, nous prattiquons
la sainte humilité.
Ce que nous faysons pour nostre salut est fait pour le service de Dieu,
car Nostre Seigneur mesme n'a fait en ce monde que nostre salut. Ne desirés
point la guerre, mais attendés la de pied coy.
Nostre Seigneur soit vostre force. Je suys en luy,
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANcs, E. de Geneve.
Le 28 may, en haste.
CDLIX
A MADEMOISELLE CLAUDINE DE CHASTEL
Dieu protège les vux qu'il a inspirés. - Il n'est pas
toujours possible ni à propos de fuir, mais il est toujours nécessaire
de combattre avec opiniâtreté. - Les afflictions qui aident
à bien servir Dieu. - Conseils pour l'oraison. - Bonheur de s'être
consacré à Notre-Seigneur.
Annecy, [fin mai ou commencement de juin ]1608 .
Madamoyselle,
Je garderay cherement le billet de vostre vu et Dieu en gardera la
fermeté ; il en a esté l'autheur il en sera le conservateur.
Je feray souvent pour cela la priere de saint Augustin (Confess 12, 27)
: Helas ! Seigneur, voyla un petit poussin esclos sous les aysles de vostre
grace : s'il s'escarte de l'ombre de sa mere, le milan le ravira ; faites
donq qu'il vive a la faveur et a l'abry de la grace qui l'a produit.
Mais voyés-vous, ma Seur ; il ne faut pas seulement penser si
cette resolution sera perdurable ; il faut tenir cela pour si certain et
resolu, que jamais plus il n'en soit doute.
Vous m'obliges bien fort de me dire les deux motz que vous m'escrives
de vos inclinations ; sur lesquel je vous dis que nos affections, pour
petites qu'elles soyent, deschirent nostre ame quand elles sortent mal
a propos. Tenés-les en main et n'en faites pas peu de conte, car
elles valent beaucoup selon le poids du sanctuaire.
Le desir de vous esloigner des causes n'est pas a propos au train auquel
nous sommes , car il fait abandonner le vray soin de combattre. Or, ce
dernier nous est necessaire, tandis que le premier est impossible. Et puis,
ou il n'y a pas danger de peché mortel, il ne faut pas fuir, mais
vaincre tous nos ennemis et s'y opiniastrer sans perdre courage, bien que
nous soyons quelquefois vaincus.
Ouy vrayement, ma chere Fille, attendés de moy tout ce que vous
pouves attendre d'un vray pere, car j'ay certes bien cette affection la
pour vous ; vous le connoistres au progres, si Dieu m'assiste.
Or sus donq, ma bonne Fille, vous voyla affligee comme il faut pour
bien servir Dieu, car les afflictions sans abjection enflent bien souvent
le cur en lieu de l'humilier ; mais quand on a du mal sans honneur, ou
que le deshonneur mesme, l'avilissement et l'abjection sont nostre mal,
que d'occasions d'exercer la patience, l'humilité, la modestie et
la douceur de cur ! Le glorieux saint Paul s'esjouyt, et d'une humilité
saintement glorieuse, dequoy il est, avec ses compaignons, estimé
comme les ballieures et racleures du monde (1 Co 4,13).
Vous aves, ce me dites vous, encor le sentiment fort vif aux injures.
Mais, ma chere Fille, cet encor a quoy se rapporte-il ? En aves vous des-ja
beaucoup gasté de ces ennemis-la ? Je veux dire qu'il faut avoir
courage et bonne opinion de faire mieux dores-en-avant, puisque nous ne
faysons que commencer et que neanmoins nous avons desir de bien faire.
Pour vous rendre fervente en l'orayson, desirés-la bien fort,
lisés volontier les loüanges de l'orayson qui sont semees en
beaucoup de livres : en Grenade (Lettres 2, note 201), au commencement
de Bellintani (Lettres 2, note 206) et ailleurs ; car l'appetit d'une viande
fait qu'on s'entend fort a la manger.
Vous estes bien heureuse, ma Fille, de vous estre voüee a Dieu.
Souvenes vous de ce que fit saint François quand son pere le mit
a nud devant l'Evesque d'Assise (S.Bonavent Legend S.Franc 2) : "Maintenant
donques, dit il, je pourray bien dire : Nostre Pere qui estes es cieux
(Mt 6,9). " Mon pere et ma mere, dit David (Ps 26,10), m'ont abandonné
, et le Seigneur m'a pris a soy.
Ne me faites point de preface pour m'escrire, car il n'est nul besoin
de cela, puisque je suis avec tant de volonté dedié a vostre
ame. Dieu la benisse de ses grandes benedictions et la rende toute sienne.
Amen.
FRANçs, E. de Geneve.
CDLX
AU CARDINAL POMPÉE ARRIGONI, SECRÉTAIRE DU SAINT-OFFICE
(MINUTE) (Italien)
Le Saint demande au Saint-Siège le renouv.el1ement de plusieurs
permissions qui doivent faciliter son ministère et celui de ses
prêtres.
Annecy, 10 juin 1608.
Illustrissime, Révérendissime et très
honoré Seigneur,
Il y a déjà longtemps, la Sacrée Congrégation
m'avait accordé, pour moi et pour d'autres personnes que je jugerais
capables, la faculté et la plus ample autorisation de lire et de
garder les ouvrages des hérétiques quels qu'ils fussent,
et aussi les livres défendus à un autre titre, de recevoir
les hérétiques pénitents, même les relaps, de
déléguer des prêtres pour réconcilier les églises
et les cimetières pollués et pour bénir tous les ornements
nécessaires au culte divin, de revalider les mariages que les hérétiques
convertis auraient contractés dans le quatrième degré
d'affinité ou de consanguinité, de commuer les vux simples
et d'absoudre les duellistes. Ces pouvoirs étaient pour cinq ans
; mais, absorbé par beaucoup d'autres pensées, j'ai laissé
écouler cet espace de temps sans songer à demander de nouvelles
permissions. Dès que je m'en suis aperçu, je me suis hâté
de recourir à Votre Illustrissime et Révérendissime
Seigneurie, pour la prier très humblement de m'accorder les mêmes
facultés et, s'il se peut en quelque manière, pour un temps
plus long .
Voici les raisons de ma supplique. Des hérétiques que
nous avons encore dans le diocèse, le plus grand nombre reviennent
chaque jour au bercail de l'Eglise, tant par l'effet des prédications
publiques que des entretiens privés. De plus, il m'arrive, comme
aussi aux autres prédicateurs, d'avoir à combattre de près
à travers le diocèse, non seulement les hérétiques,
mais aussi les ministres ; or, de telles discussions sont presque impossibles
si l'on n'a pas lu les ouvrages prohibés. Tout homme compétent
le certifiera. D'ailleurs, le profit que nous avons retiré de cette
faculté ressort assez clairement de ce fait, que plusieurs milliers
d'hommes et de femmes, dans ces douze dernières années ont
abjuré l'hérésie, en partie par mon ministère,
en partie par celui des autres, et sont rentrés par la grâce
de Dieu dans le sein de l'Eglise Catholique.
C'est pourquoi, je supplie Votre Illustrissime et Révérendissime
Seigneurie de vouloir bien proroger en ma faveur cette permission. Je vous
le demande au nom de l'Evêque souverain et Rédempteur des
âmes, et du Siège Apostolique qu'il a établi sur la
terre.
A Annecy en Genevois, 10 juin 1608.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
CDLXI,
A LA BARONNE DE CHANTAL
Il faut aimer l'attente que Dieu impose à l'accomplissement
de nos désirs.- Projet de voyage en Bourgogne. - Le sacre de l'Evêque
de Lausanne. - Le Saint aimé, de " beaucoup de bons veillars. "
- Pensées qui lui sont venues quand il faisait oraison. - " Il faut
bien que les filles soyent un petit jolies. " - Portrait du P.de Monchy.
- Le Frère Matthieu. - Pour se mêler d'exorcismes, il ne faut
pas être trop crédule. - Les femmes et le culte ; la part
qu'elles peuvent y prendre. - Retour d'apostats. - Nouvelles et messages.
- Mme de Charmoisy " chemine fort bien. "
Annecy, 25 juin 1608.
C'est encor vitement que je vous escris a cett'heure, ma chere Fille,
que j'aime tendrement et incomparablement en Nostre Seigneur. J'ay receu
vos deux lettres du 24 may et 8 juin, et en toutes deux je voy ce grand
desir de vostre retraitte et tranquillité. J'en ay un, je pense
bien aussi fort, mais il faut attendre que Dieu le veüille. Je dis
quil faut l'attendre bien doucement et amoureusement ; je veux dire, quil
faut aymer cett'attente, puisque Dieu la veut. '
J'attens que l'on m'assigne le tems auquel je devray aller au conté
de Bourgoigne pour consacrer Monsieur l'Evesque de Lausanne , car un gentilhomme
qui manie cet affaire m'a asseuré que j'y seray appellé ;
et cela estant, de la j'iray infalliblement vers vous, et verray le reste
des alliés de dela, chacun chez soy, sinon peut estre ceux de Dijon
ou je ne pourray peut estre pas aller, de peur de m'engager en un lieu
d'ou je ne pourroys pas sortir si tost qu'il seroit requis, sans laisser
beaucoup de mes [fonctions] a faire. Mais nous y penserons, et si je ne
suis pas appellé a ce sacre, je treuveray quelqu'autr'expedient.
Hier nous en parlions, mon frere de Groysi et moy ; car, comme vous desires,
il sera de la partie. J'espere. que Dieu nous fera la grace de treuver
monsieur vostre beaupere plein de vie, et ce me sera une consolation incredible
de le pouvoir entretenir. Je m'imagine que je le gouverneray paysiblement,
non obstant là disparité de nos eages, car beaucoup de bons
veillars m'ont aymé. Je l'honnore de tout mon cur, et ce jourdhuy
je m'en vay luy appliquer le saint Sacrifice de l'autel, ou j'auray particuliere
memoire de nos filles que je cheris tendrement.
. Quant a vous, je sçai bien que vous aves nom Jane, et que
toute cet' octave vous penses que je vous recommande a ce glorieux Praecurseur.
Vrayement, l'autre jour (ce fut samedy) je faysois l'orayson sur la grandeur
de l'amour que Nostre Dame nous porte. Entr'autres choses, il me vint en
l'esprit ce qui est dit de Baia, servante de Rachel, qu'ell'enfantoit ses
enfans sur les genoux et dans le giron de sa dame, et les enfans n'estoyent
plus siens, mais de Rachel sa dame (Gn 30) ; et me semblait que si nous
mettions, par une juste confiance, nos curs et nos affections sur les
genoux et dans le giron de Nostre Dame, qu'ilz ne seront plus nostres,
mais a elle : cela me consoloit beaucoup. A la fin, je me mis a luy remettre
non seulement ces enfans de mon cur, mais aussi le cur de mes enfans
et mes enfans de cur. Penses, ma chere Fille, si vous estes du nombre
et en quel rang je vous y mettois. 0 Dieu j'avois une certaine chaude suavité
a vous colloquer dans ce giron sacré et dire a Nostre Dame: Voyla
vostre fille, de laquelle le cur vous est entierement voüé
; Je ne sçaurois pas dire ce que mon cur disoit, car, comme vous
sçaves, les curs ont un langage secret que nul n'entend qu'eux.
Il m'est venu de vous dire cela et je vous l'ay dit.
Je demanday voirement a Jan si nostre chere Marie bienaymee portoit
le moule, mais je n'y entendois nul mal ; car vous sçaves bien que
j'ayme les testes bien moulées, et si cette petite teste est moulée
par la vostre, je l'en cheriray davantage. Que voules vous ? il faut bien
que les filles soyent un petit jolies.
Le Pere de Monchi vous fut envoyé, tout ainsy que je vous escrivis
: c'est a dire, Thibaut luy parla d'aller servir vostre chapelle, et puis
ilz m'en parlerent; et me resoüvenant que vous aviés peyne
d'en treuver, je consentis qu'il allast et vous escrivis. Je veux dire
que vous ne permetties point que monsieur vostre beaupere en soit importuné,
sil n'est pas a propos pour ce service la. Je luy escris qu'il oste hardiment
cet habit et qu'il prenne un habit de prestre seculier, puisque Nostre
Seigneur n'a pas voulu qu'il demeurat en lieu ou cet habit fut convenable.
Il est admirable en ces affections auxquelles, comme vous voyes, il s'abbandonne
totalement, et n'est importun qu'a force d'affectionner. Au demeurant,
il est fort desireux de servir Dieu. Il a pourtant bien un peu tort de
vouloir exhorter, car il n'en a pas le talent, ce me semble. Mais il n'y
a remede, il faut supporter un peu d'indiscretion en son zele. Je ne laisseray
pas de luy en escrire. Je ne sçaurois me courroucer avec ceux qui
vont simplement.
Le Frere Mathieu (Lettres 3 note 237) fera bien de s'en aller. Je ne
me resouvins pas de vous escrire que ce bon Pere (P. de Monchy) a une certaine
inclination aux exorcismes, laquelle ne me plait point, car il est trop
simple et credule pour cela. Si par fortune il s'en vouloit mesler, ou
mesme qu'il parlast beaucoup de ce sujet.la, dites luy que je vous ay defendu
de vous entretenir de ces choses-la et de vous en mesler, ni personne qui
soit avec vous ; car ce sont des discours auxquelz il s'engage plus avant
quil ne faut. Le bonhomme m'escrit que je luy die sil fera la vie active
ou la contemplative, ou toutes deux. Vous voyes bien sil est simple ; je
luy escris quil face la vie douce et devote. Il est fort entendu aux cas
de conscience, pour le peu de doctrine qu'il a ; mais par ce qu'il n'a
pas le discernement si delicat quil serait requis, ne vous amusés
point a ses advis. Vous pourres donq vous confesser a luy, et les autres,
et tout. Quant aux cantiques, je vous asseure que je n'ay pas tant de loysir
que d'en faire ; il m'en a veu peut estre de ceux de M. de Lacurne (Lettres
3 note 471), et il a pensé que ce fussent des miens.
Je vous ay des-ja escrit que vous pouvies accommoder les corporaux
apres que le prestre les auroit lavé en deux eaux, et qu'il n'est
pas besoin de les rebenir pour s'en servir apres. Il ne faut pas que les
femmes ni les filles ministrent a l'autel, mais elles peuvent bien respondre
; c'est a dire, elles ne doivent pas ni prendre le livre ni donner les
burettes. Je vous avois des-ja bien escrit ceci, je ne sçai comme
vous n'aves pas receu les lettres.
J'ay fait ces jours passés une course a Thonon pour recevoir
des habiles hommes ecclesiastiques qui s'estoyent mis entre les huguenotz
par desbauche. Helas, quelle cheute avoyent ilz faite ! Ce m'a esté
une grande consolation de les voir revenir entre les bras de l'Eglise,
avec grande violence qu'ilz se sont faite pour cela. Helas, ilz estoyent
Religieux , et l'un estoit Jesuite . La jeunesse et vaine gloire et la
chair les avoient emportés en cet abisme contre leur propre conscience.
Le Jesuite sur tout, me racontant sa cheute, me faysoit grande pitié,
et dautant plus de joye de sa constance a revenir. 0 Dieu, quelle grace
ay-je receue d'avoir esté tant de tems, et si jeune et si chetif,
parmi les haeretiques, et si souvent invité par les mesmes amorces,
sans que jamais mon cur aye seulement voulu regarder ces infortunés
et malheureux objetz ! Benite soit la main debonnaire de mon Dieu qui m'a
tenu ferme dans cet enclos.
Le bon curé de Bon , duquel vous me parles, me demanda de vostre
santé et vous honnore d'un honneur particulier. A mon retour, je
vis ma mere et fus deux jours avec elle, et, de trois motz, les deux furent
de vous et de nostre chere Aymee. Ma seur de Mayrens me fit promettre de
vous saluer de sa part, et hier nos dames, mais specialement la bonne Mme
de Lalee (Lettres 3 note 400). Quant a Mme de Charmoysi, il ne faut pas
dire combien elle vous ayme affectionnement. Elle chemine fort bien et
advance de bien en mieux ; je la voy souvent, au pris de vous, mais non
pas si souvent que je voudrois, par ce que je n'en ay pas la commodité
pour le faire a propos. C'est hors de confession que je parle, car en confession
je la voy tous les huit jours pendant l'absence de son mari. Je vous ay
escrit par Mlle de Traves (lettre 485 et Lettres 3 note 282), mais tous-jours
en presse.
A Dieu, ma tres chere Fille; a Dieu soyons nous entierement et eternellement.
Je vous ay appliqué plusieurs Messes ces jours passés. 0
Dieu, ma Fille, que ce cur est vostre, puisque Dieu l'a voulu et le veut.
Qu'a jamais son nom soit beni ! Amen.
F.
xxv juin 1608.
Revu sur l'Autographe conservé à la Bibliothèque
communale d'Amiens.
CDLXII
A LA PRÉSIDENTE BRULART
Le Saint n'est " point homm'extreme ; " il espère obtenir davantage
de Rose Bourgeois par une entrevue. - Ne pas trop s'attacher aux pratiques
de piété de son choix. - Dieu veut être servi par les.
exercices compatibles avec les devoirs d'état. - Estime du Saint
pour l'Ordre du Carmel.
Annecy, 25 juin 1608.
Madame ma tres chere Seur,
J'ay receu vostre lettre du 16 may. Que je seray marri si les bons
projetz de la reformation du Puys d'Orbe s'esvanouissent comme cela ! Si
est ce pourtant que si l'esperance que j'ay d'aller en Bourgoigne n'est
point vayne, je me resoulz d'aller jusques la pour voir ce que c'est. Je
ne suis point homm'extreme, et me laisse volontier emporter a mitiger,
quand on ne peut faire absolument.
Je n'escris point a Mme l'Abbesse, quoy que je le desire, par ce que
je n'en ay pas le loysir, et il faut que je luy escrive un peu a mon ayse.
C'est grand cas; je pense tous-jours que si je la voy a souhait avec toute
sa trouppe, si nous ne faysons pas tout ce qui seroit desirable, nous en
ferons quelque chose ; car j'ay quelque confiance en la confiance qu'ell'a
en moy, qui aussi la cheris d'un amour fort particulier en Nostre Seigneur.
Vous me parles de vostre impatience. Est ce bien une vraye impatience,
ou sont ce point seulement des repugnances naturelles ? Mais puisque vous
la nommés impatience je la tiendray pour telle, et en attendant
de vous en parler plus amplement a bouche devant que l'automne se passe,
je vous diray, ma chere Seur, en esprit de liberté, qu'a ce que
j'ay reconneu de vous par vos lettres, plus que par le peu de conversation
que j'ay eu avec vous, vous aves un cur qui s'attache puissamment aux
moyens de vostre praetention. Vous ne praetendes, je le sçai bien,
que l'amour de nostre Dieu; pour y parvenir, il faut employer des moyens,
des exercices, des prattiques. Or, je dis que vous vous attachés
puissamment aux moyens que vous goustés et voudriés tout
reduire la ; c'est pourquoy vous aves de l'inquietude quand on vous empesche
ou qu'on vous distrait.
Le remede serait de prendre la peyne de vous bien persuader et bien
detremper vostre esprit en ce sentiment : c'est que Dieu veut que vous
le servies ainsy comme vous estes, et par les exercices convenables a cet
estat et par les actions qui en dependent ; et en suite de cette persuasion,
il faut que vous vous rendies tendrement amoureuse de vostre estat et des
exercices d'iceluy pour l'amour de Celuy qui le veut ainsy. Mays voyes
vous, ma chere Seur, il ne faut pas penser a ceci simplement en passant
; il faut mettre cette cogitation bien avant dans vostre cur et, par des
recollections et attentions particulieres, vous rendre cette verité
savoureuse et bien venue dans vostre esprit. Et croyes moy, tout ce qui
est contraire a cet advis n'est autre chose qu'amour propre.
Quand a la sainte Communion, j'appreuve que vous continuies a la desirer
fort frequente, pourveu que ce soit avec la sousmission que vous deves
avoir a vostre confesseur , qui void l'estat present de vostre ame et est
si digne personnage.
Cette varieté en laquelle vostre esprit se void en l'orayson
et hors de l'orayson, tantost fort, tantost foible, tantost regardant le
monde avec playsir, tantost avec degoust, ce n'est autre chose qu'un sujet
que Dieu vous laysse de vivre bien humblement et doucement, car vous voyes,
par ce moyen, quelle vous estes de vous mesme et quelle avec Dieu; de sorte
que vous ne deves nullement vous en descourager pour cela.
Il n'est ja besoin que madame nostre chere seur l'Abbesse m'envoye
un homme pour me fair'avoir de ses nouvelles ni pour sçavoir comm'elle
me pourra voir; car si je fay mon voyage, comme j'espere, je vous advertiray
asses tost devant mon despart pour tout cela. Je vous recommande a Nostre
Seigneur continuellement et ay vostre dilection fort avant dans mon cur.
Je feray part aux Sacrifices que je presente, a la Mere Prieure des Carmelines
; j'honnore generalement tout cet Ordre, et la remercie de la charité
qu'ell'use en mon endroit de prier pour moy, qui suis des plus necessiteux
de la sainte Eglise.
Qu'a jamais le saint amour de Dieu vive et regne dans nos espritz.
Amen,
Vostre tres affectionné et tout dedié frere et
serviteur,
F.
A Neci, le xxv juin 1608
A Madame
Madame la Presidente Brulart,
Revu sur l'Autographe appartenant à Mlle Boissat, à Albens
(Savoie),
CDLXIII
A UN CARDINAL
(Fragment) (Latin)
Un reproche immérité. - Les Savoisiens ne lisent pas
de mauvais livres.
Annecy, commencement de juillet 1608 .
.Si ce reproche était fondé, Sa Sainteté
aurait un très juste motif, non seulement de s'indigner contre moi,
mais encore de châtier ma négligence, je dirais même
ma trahison. Mais la vérité, la voici : dans la visite générale
de mon diocèse, que j'ai presque achevée, sans laisser aucune
paroisse, je n'ai trouvé absolument aucun hérétique
dans les paroisses qui n'ont pas été occupées par
les Bernois et les Genevois, ni aucun livre prohibé, si ce n'est
quelques vieux ouvrages restés ensevelis, soit pure indifférence,
soit mépris, dans la poussière de quelque maison. D'ailleurs,
sur ce point, nos catholiques sont pris de tels scrupules que, si quelque
livre leur paraît suspect, ils le jettent au feu ou le remettent
aux délégués. Oui, à Genève, des libelles
très corrupteurs se fabriquent en nombre ; mais que nos Savoisiens
les lisent, cela n'est nullement vrai.
Après tout, je n'use pas, je le confesse. de toute la diligence
qui serait nécessaire ; toutefois, je mets de la fidélité
et du bon vouloir à celle que, selon ma petitesse, je puis exercer.
Enfin, si les forces et les talents naturels me font défaut, on
ne trouvera point en moi de perfidie, ni de manque de courage.
Je vous en supplie donc, Illustrissime Seigneur, daignez me conserver
la consolation joyeuse dont j'ai tant besoin dans cette province si éprouvée
; cette joie dépend de la certitude que le Saint-Siège n'est
pas affligé de ma conduite et que je ne suis pas exclu de la bienveillance
ordinaire accordée à ses inférieurs
CDLXIV
A LA BARONNE DE CHANTAL
(FRAGMENTS)
Transcription de l'Introduction à la Vie devote. - Le projet
de la Visitation sourit de plus en plus au saint Evêque. - Son amour
pour Notre-Seigneur. - Nouvelles de la ferveur de Mme de Charmoisy, - Bonheur
de ne prétendre qu'à Dieu.
Annecy, 4 juillet 1608.
me feroit volontiers
..me feroit des be. . . . . . . . .series
bien ayse. . . . non pas plus que moy. Or sus, ce sera a mon tour que je
seray le bien venu comme les autres ; je dis plus que les autres, car je
pense bien cela. Alhors nous parlerons, si nous pouvons, de vostre misere
et de l'envie que vous me dites avoir de vous plonger pour la derniere
fois au saint lavoir de Pnitence.
J'ay respondu a toutes vos lettres jusques a huy ; et si, je n'ay pas
beaucoup de loysir maintenant, car voyes vous, en ces grans jours on ne
me laisse point en repos, et je fay escrire a nostre Thibaut les advis
spirituelz desquelz je vous ay parlé (Lettres 3, lettre 432 sq)
Mais si faut il que je vous die que la sorte de vie que nous avons choysie
me semble tous les jours plus desirable et que Nostre Seigneur en sera
fort servi. Je voy bien plusieurs difficultés ; mais croyant que
Dieu le veut, cela ne me donne nulle crainte : il faut seulement avoir
un peu de patience. Je vous recommande, ce me semble, de si bon cur a
Dieu, ma chere Fille; croyés que je le fay avec un'affection du
tout incomparable. Vives bien doucement, ce pendant, tous-jours aupres
de Nostre Seigneur et de Nostre Dame et de saint Joseph. Mon Dieu, ma Fille,
que quelquefois j'ay des bonnes et douces affections en mon ame a l'endroit
de ce Sauveur ; mais, helas ! je n'ay guere d'effectz en mes mains. Je
ne perds pourtant point courage.
Or sus,. . . [mon] frere de Groysi n'est pas. . . . . resolution quil
viendroit avec moy vers vous, ou soit que Monsieur de Nemours fut icy ou
quil n'y fut pas.
Vostre' fileul se porte bien, et sa bonne mere l'ayme specialement
pour l'amour de vous. Ma. mere se porte bien aussi et tout le reste de
la famille. Or, pour moy, je pippe a me porter bien maintenant. Mme de
Charmoysi se porte bien et ne me parle jamais que de vous, et me presse
de vous aller voir tant qu'elle peut. Je ne la voy pas si souvent que je
voudrois, mais si voy-je bien qu'elle s'affermit fort en sa resolution
de bien servir Dieu.
Or sus, je verray encor nos vefves avec vous, ou a Dijon : comment
? 0 ma Fille, ne sommes nous pas bienheureux de ne praetendre rien moins
qu'a Dieu ? Mais monsieur le Conte est il tout a fait mort, que je ne sçai
ou il est, ni ce quil fait (Lettres 3 note 395) ?
A Dieu, ma chere Fille, je m'en vay aux prieres du soir qui se font
devant le Saint Sacrement pour les necessités de ce pais. Vous ny
seres pas oubliee, car vous tenes un rang en mon cur qui ne le peut permettre.
Ouy, je croy en mon ame que Dieu veut que je sois inviolablement et tres
incomparablement tout vostre.
F.
A Neci, le iiii julliet 1608.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal, m. f. (ma fille).
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Limoges.
CDLXV
A M. PIERRE DE BÉRULLE
Retour à la foi d'un apostat; M. de Bérulle y a beaucoup
coopéré. - Le Saint se réjouit d'apprendre le bien
qui se fait à Paris par son entremise et celle de ses amis.
Annecy, 6 juillet 1608,
Monsieur,
Je me retiens de vous escrire souvent pour le respect que je doy a
vos dignes et religieuses occupations, quoy que je desire tous-jours bien
fort d'avoir quelque place en vostre memoire et dilection, particulierement
pour le tems de vos oraysons et Sacrifices, Mais maintenant vous aures
aggreable, je m'asseure, que je vous divertisse un peu pour vous dire que
le 15 du moys passé, je receuz l'abjuration de M. Claude Boucard,
de Verdun, et le remis dans le sein de la sainte Eglise publiquement, en
l'eglise de Nostre Dame de Thonon, Vous devés vous en res-jouir
par ce que la piece que nous avons gaignee est importante, mais specialement
par ce que, comme vous avies receu de luy l'instruction de la philosophie,
ainsy quil m'a dit, aussi vous avés beaucoup cooperé par
vos lettres a sa reduction en l'Eglise ; et si, vous m'aves beaucoup obligé,
l'asseurant que je le servirois en ce dessein-la,
Dieu soit a jamais beni de la chaleur amoureuse duquel nul n'est esconduit
ni caché (Ps 18,7). Le discours que ce personnage m'a fait de sa
cheute et de la peyne quil a eu a prendre les resolutions convenables pour
son reddressement,me font dire du fond de mon ame : Nisi quia Dominus erat
in nobis, nisi quia Dominus erat in nobis (Si le Seigneur n'eût été
avec nous, si le Seigneur n'eût été avec nous. Ps 123,1)
J'ay de la consolation d'oüir le resonnement, quoy que confus, des
biens qui se font a Paris par vostre entremise et de ces autres serviteurs
de Dieu, que j'honnore de tout mon cur . Sa divine Majesté soit
tous-jours a vostre dextre (Ps 109,5) pour establir de plus en plus vostre
vie en son saint amour, et je suis inviolablement,
Monsieur,
Vostre serviteur bien humble,
FRANçs, E. de Genevê.
A Neci, le VI julliet 1608.
Monsieur, je salue bien humblement mesdames vos mere (Lettres 2 note
167) et tante (id note 168), et madamoyselle de Montberaut (Très
probablement, Mme Acarie. Lettres 3 notes 196 et 369)
) ; sil vous plait de le leur faire sçavoir, je vous en auray
de l'obligation. .
A Monsieur
Monsieur de Berule,
Aumosnier de S. Mté.
Revu sur l'Autographe conservé au Carmel de la rue Messine,
à Paris.
CDLXVI
AU BARON AMÉDÉE DE VILLETTE
L'Académie Florimontane et ses premiers membres. - Le Saint
promet sa visite au châtelain de Dérée, son parent,
nouvellement marié.
Annecy, 7 juillet 1608,
Monsieur mon Oncle,
Ce m'est tous-jours beaucoup d'honneur et de consolation de recevoir
par vos lettres les tesmoignages que vous me donnes de la continuation
de vostre bienveuillance en mon endroit. Je voudrois bien, en eschange,
vous pouvoir aussi rendre des preuves de mon affection a vostre service,
et avoir quelques bonnes nouvelles pour vous envoyer, en lieu de celles
dont il vous a pleu me gratifier. Mais outre que je croy que vous les aves
de dela les mons, j'en suis bien le plus mauvais pescheur de cette ville.
Je vous diray seulement que nostr' Academie a receu pour faveur la demande
que monsieur Nouvelet (Lettres 2 note 58) luy a faitte d'une place pour
vous, entre les academiciens. Pour moy, vous pouves penser si je la pris
a gloire, m'acquerant un si digne sujet.
Demain, madame de Deré vient a Deré , et moy j'y iray
mercredi faire la part des honneurs du logis qui me compete, en qualité
de bien humble parent du nouveau marié. Nostre Seigneur vous prosperera
tous-jours en l'abondance de ses benedictions, si luy plait d'exaucer les
souhaitz que fait continuellement, Monsieur,
Vostre serviteur bien humble et neveu,
FRANçs, E. de Geneve.
VII julliet 1608.
A Monsieur
Monsieur le Baron de Vilette,
Conseiller d'Estat
et Ambassadeur ordinaire de S. A. en Soüisse.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. Domenjoud, à Annecy.
CDLXVII
AU PÈRE PIERRE DUBOULOZ, DOMINICAIN
(INÉDITE)
Election d'un prieur au couvent des Dominicains d'Annecy ; l'élu
est prié avec une aimable insistance d'accepter cette charge.
Annecy, 8 juillet 1608.
Monsieur nostre Maistre,
Ayant sceu que les bons Peres Religieux de cette ville vous avoyent
esleu pour leur Prieur, je m'en suis extremement res-joüy ; et ne
pouvant aller moy mesme vous faire la priere quilz vous veulent presenter
de vouloir accepter cett'election et charge, je vous envoye cet escrit,
qui vous tesmoignera que jamais vous n'aves esté ni desiré
ni demandé avec plus d'affection et de sincerité que vous
l'estes d'eux et de moy, qui, en particulier, m'essayeray de vous servir
si promptement en toutes occurrences, que vous n'aures pas, Dieu aydant,
occasion [de vous repentir] d'avoir gratifié mon desir. Les Religieux
aussi se disposent a vous obeir et soulager si entierement que vous ne
perdres nullement le repos requis a vostr'aage et a vostre contemplation.
Faites nous donques a tous ce bien que de ne point esconduire nostre juste
demande, qui regarde la gloire de Dieu et le restablissement d'un couvent
tout entier.
Je me prometz bien que l'amitié que vous me portés intercedera
encor pour moyen cett'occasion ; c'est pourquoy, finissant, je prieray
Nostre Seigneur quil vous prospere et inspire a nostre consolation, demeurant,
Monsieur,
Vostre serviteur tres affectionné,
FRANÇ', E. de Geneve.
VIII julliet 1608.
A Monsieur nostre Maistre,
Le R. P. de Bollo, Docteur en theologie.
A St Dominique de Chamberi.
Revu sur .l'Autographe conservé à la Visitation de Saint-Marcellin.
CDLXVIII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Conseils à une femme chrétienne. - L'humeur mélancolique:
circonstances qui la favorisent ; nécessité et moyens de
la combattre. - Une parole de sainte Angèle de Foligno.
Annecy, 13 juillet 1608.
Madame,
Je n'ay pas respondu ci devant a vostre derniere lettre par ce que
je n'ay point rencontré de porteur asseuré, et maintenant
je n'ay pas le loysir requis pour vous bien satisfaire. J'ay voulu neanmoins
vous escrire pour simplement vous tesmoigner que je prie tous les jours
Nostre Seigneur pour vous ; mais je dis d'un'affection toute speciale,
le requerant quil vous assiste de ses saintes consolations parmi les travaux
que vostre grossesse vous donnera.
Voyes vous, Madame, je m'imagine que l'humeur melancolique se praevaudra
de vostre grossesse pour vous attrister beaucoup, et que, vous voyant triste,
vous vous inquieteres. Mais ne le faites pas, je vous prie. Si vous vous
treuves pesante, triste et sombre, ne laissés pas pour cela de demeurer
en paix; et bien quil vous semblera que tout ce que vous ferés se
face sans goust, sans sentiment et sans force, ne laisses pour tant pas
d'embrasser Nostre Seigneur crucifié, de luy donner vostre cur
et consacrer vostre esprit avec vos affections telles quelles et toutes
languissantes qu'elles sont. La bienheureuse Angeline de Foligni (Arnaldus
Vita B. Angelae ch 62). disoit que Nostre Seigneur luy avoit revelé
quil n'avoit nulle sorte de bien tant aggreable que celuy qui luy estoit
fait par force ; c'est a dire, que celuy qu'une volonté bien resolue
luy fait contre les alanguissemens de la chair, les repugnances de la partie
inferieure, et au travers des secheresses, tristesses et derelictions interieutes.
Mon Dieu, ma chere Fille, que vous seres heureuse si vous estes. fidele
en vos resolutions, parmi les croix qui se presentent, a Celuy qui vous
ayma si fidelement jusques a la mort, et la mort de la croix (Ph 2,8).
J'escriray au premier loysir sur le sujet de vostre lettre derniere
(lettre suivante), et a Mme de Mioudri et a Mme de la Forest, vostre bonne
seur . Demeures avec Jesus, vives en luy et par luy, qui m'a fait
.
Vostre serviteur tout dedié,
F. E. de G.
XIII jullet 1608, a Neci.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le baron d'Yvoire, château
.d'Yvoire, près de Thonon.
CDLXIX
A LA MÊME
La tranquillité d'âme, mère du contentement et
fille de l'amour de Dieu. - Les sujets de se mortifier plus grands dans
le monde qu'en Religion. - Ne s'astreindre " que tout bellement " aux exercices
de piété, est chose conseillée en certains cas. -
Attitude devant la souffrance. - Qu'il est permis de se plaindre à
Dieu, et à quelle condition. - Notre-Seigneur aime ceux qui souffrent.
Annecy 16 juillet 1608.
.
Il faut sur toutes choses, ma chere Fille, procurer cette tranquillité,
non point parce qu'elle est mere du contentement; mais parce qu'elle est
fille de l'amour de Dieu et de la resignation de nostre propre volonté.
Les occasions de la prattiquer sont quotidiennes, car il ne nous manque
pas de contradictions ou que nous soyons ; et quand nul ne nous en fait,
nous nous en faysons a nous mesmes. Mon Dieu, ma chere Fille, que nous
serions saintz et aggreables a Dieu si nous sçavions bien employer
les sujetz de nous mortifier que nostre vocation nous fournit, car ilz
sont plus grans sans doute qu'entre les Religieux ; le mal est que nous
ne les rendons pas utiles comme eux.
Contregardés-vous fort soigneusement en cette grossesse ; ne
vous mettés nullement en peyne de vous contraindre a aucune sorte
d'exercice que tout bellement. Si vous vous lasses a genoux. assiés-vous
; si vous n'aves pas d'attention pour prier demi heure, priés un
quart d'heure ou demi quart d'heure seulement.
Je vous prie de vous mettre en la présence de Dieu et de souffrir
vos douleurs devant luy. Ne vous retenes pas de plaindre, mais je voudrois
que ce fust a luy, avec un esprit filial, comme feroit un tendre enfant
a sa mere ; car, pourveu que ce soit amoureusement, il n'y a point de danger
de se plaindre, ni de demander la guerison, ni de changer de place, ni
de se faire soulager. Faites seulement cela, avec amour et resignation
entre les bras de la bonne volonté de Dieu.
Ne vous mettes point en peyne de ne faire pas bien les actes des vertus;
car, comme je vous ay dit (lettre 468), ilz ne laissent pas d'estre tres
bons, encor qu'ilz soyent faitz langoureusement, pesamment et quasi forcement.
Vous ne sçauries donner a Dieu que ce que vous aves, et en cette
sayson d'affliction vous n'aves pas d'autres actions. Maintenant, ma chere
Fille, vostre Bienaymé vous est un bouquet de myrrhe ; ne laissés
pas de le bien serrer sur vostre poitrine ( Ct 1,12). Mon Bienaymé
est a moy, et moy a luy (Ct 2,16),. tousjours il sera dans mon cur. Isaïe
l'appelle homme de douleurs (Is 53,3),. il ayme les douleurs et ceux qui
les ont. Ne vous tourmentes pas a beaucoup faire, mais disposes vous a
souffrir ce que vous souffrires, avec amour.
Dieu vous sera propice, Madame, et vous fera la grace de traitter de
cette vie plus retiree de laquelle Vous me parles. Ou languissant, ou vivant,
ou mourant, nous sommes a Dieu (Rm 14,8), et rien ne nous separera de son
saint amour (Rm 8, 39), moyennant sa grace. Jamais nostre cur n'aura vie
qu'en luy et pour luy, il sera a jamais le Dieu de nostre cur (Ps 72,26).
Je ne cesseray point de l'en supplier, ni d'estre entierement en luy,
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
Le ... julliet 1608.
CDLXX
A LA MÊME
(INÉDITB)
Dispositions, pieux espoir du Saint à l'approche d'une naissance.
Annecy, vers le 21 juillet 1608.
Oüy, ma tres chere Fille, de bon cur je rendray a la mayson de
la Flechere le nom de François, qui me fut donné au saint
Baptesme par monsieur le Prieur de la Flechere, vostre oncle et mon bon
parrein (Lettres 1, note 33) ; mais si c'est une :fille, nous en ferons
une bonne Religieuse.
A Madame de la Flechere.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation
de Turin.
CDLXXI
A M. CLAUDE-FRANÇOIS DE LA FLÉCHÈRE
Félicitations, prédictions, prières du saint Evêque
répandues sur un berceau.
Annecy, 23 juillet 1608.
Monsieur,
Je loüe Dieu de l'heureuse arrivee de cette belle :fille que vous
m'aves accordee pour filleule ; madame sa mere sera un jour recompensee,
je dis mesme en ce monde, des travaux qu'elle a souffertz pour la produire,
quand elle la verra, pleine de vrayes vertus, luy donner mille sortes de
contentemens. Mes foibles prieres ne luy manqueront point a cette intention,
ni a vous aussi et a madame sa mere, pour vostre longue prosperité
que je souhaitteray tous-jours avec grande affection. .
. Vostre commodité fera tous-jours naistre. la mienne, pour
lhonneur que je desire de pouvoir aussi veritablement me nommer vostre
humble compere, comme je suis sincerement
Vostre tres affectionné et fidelle serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
Ce 23 julliet 1608.
A Monsieur de la Flechere.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation
de Turin.
CDLXXII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
La vertu des vertus. - Comment servir le Maître. - Le moyen de
faire glorifier Dieu par le prochain. - Quand les mortifications sont interdites
par une santé délicate, que faut-il faire ?
Annecy, [août] 1608 .
Madame ma tres chere Fille (car je croy que vous voules bien que je
vous nomme ainsy), nourrissés vostre chere ame en l'esprit de cordiale
confiance en Dieu, et a mesme que vous vous treuveres environnee d'imperfections
et miseres, relevés vostre courage a bien esperer. Ayés beaucoup
d'humilité, car c'est la vertu des vertus, mais humilité
genereuse et paisible.
Soyés fidelle à bien servir nostre Maistre, mais gardés
en son service la liberté filiale et amoureuse, sans donner des
amertumes degoustantes a vostre cur. Conservés un esprit d'une
sainte joye qui, modestement respandue sur vos actions et paroles, donne
de la consolation aux gens de bien qui vous verront, affin qu'ilz en glorijient
Dieu (Mt 5,16 ; 1 P 2,12) qui est nostre unique pretention. Et puisque
vous ne sçauries plus exercer vostre cors en aucune mortification
et aspreté de penitence et qu'il n'est nullement expedient que vous
y pensies, ainsy que nous demeurasmes d'accord, tenes vostre cur bien
rangé devant son Sauveur et faites, le plus que vous pourres, ce
que vous feres pour plaire a Dieu, et ce que vous aures a souffrir selon
la condition de cette vie, souffres le a mesme intention ; car ainsy Dieu
vous possedera toute et vous fera la grace que vous le possederes un jour
eternellement, dont je le supplieray toute ma vie, ma tres chere Fille;
et seray de tout mon cur,
.
Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,
FRANÇs, E, de Geneve.
CDLXXIII
AU DUC DE SAVOIE. CHARLES-EMMANUEL 1er
(inédite)
L'Evêque de Genève avertit le duc qu'il ira en Bourgogne
pour une affaire de famille.
Annecy, 16 août 1608.
Monseigneur,
Desirant de tous-jours rendre conte a Vostre Altesse de mes actions,
et m'acheminant en Bourgoigne pour un'affaire d'un mien frere , ou je pense
arrester seulement quinze jours, je supplie tres humblement Vostre Altesse
de l'avoir aggreable, et la continuation du vu que j'ay a l'obeissance
de ses commandemens, m'advouant,
Monseigneur,
Son tres humble, tres fidelle
et tres obeissant orateur et serviteur,
FRANÇ", E. de Geneve.
A Neci, le 16 aoust 1608.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation
de Turin,
CDLXXIV
A MADAME DE CHARMOISY
La soigneuse assistance " des bons Anges. " - Exhortation à
progresser dans l'amour de Dieu. - Message pour une ancienne Abbesse.
Saint-Rambert, 21 août 1608.
Madame ma tres chere Cousine,
A mesure que je m'esloigne de vous selon l'exterieur, mon esprit retourne
plus frequemment ses yeux du costé du vostre, d'avec lequel il est
inseparable, et je ne manque point d'invoquer tous les jours la bonté
de nostre Sauveur sur vous et la soigneuse assistance de vostre bon Ange
pour la conservation de vostre coeur, auquel d'une ardeur nompareille,
Je souhaitte toutes les plus desirables faveurs du Ciel, et sur tout cette
inviolable fidelité au saint amour que vous avesvoué par
tant deresolutions au cur debonnaire de ce doux et cher Jesus. Vivés
tousjours, ma chere Cousine, ma Fille, avec ce courage d'aggrandir perpetuellement
en la dilection de Dieu ; tenés bien estroittement sur vostre poitrine
et entre les bras de vos saintes resolutions Celuy qui, par tant de signes
visibles, vous a tesmoigné d'avoir eu eternellement vostre nom et
vostre cur gravé en sa volonté pleine de bienveuillance
en vostre endroit (Is 49,16 ; Jr 31,3).
Je pars pour aller voir cette chere seur que vous aymes tant (La baronne
de Chantal.), avec laquelle vous pouves penser si je m'entretiendray de
vostre ame, laquelle je porte tous-jours presente a la: mienne par affection.
Je vous supplie de visiter par lettre la bonne Madame l'Ancienne , a laquelle
vos encouragemens seront proffitables ; car pour le present, je n'ay nul
loysir que pour vous escrire ces quatre motz que je fay, vous donnant la
sainte benediction de Dieu, qui tous les jours me rend plus vivement et
singulierement,
Madame ma chere Cousine,
Vostre tres fidelle et tres affectionné
serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
A Saint Rambert, le 21 aoust 1608.
Je finis aujourd'huy ma 41 annee : priés Nostre Seigneur qu'il
rende le reste de mon aage utile a sa gloire et a mon salut. Dieu soit
tous-jours au milieu de vostre cur.
CDLXXV
A LA BARONNE DE CHANTAL
La Baronne est prévenue que le Saint est aux " portes " de Monthelon.
Montçenis (près Autun), 24 août 1608.
Nous voyci a vos portes, ma tres chere Fille; mais par ce que Thibaut
m'a dit qu'avec beaucoup d'affection vous voulies estre advertie un peu
devant nostre arrivee, j'ay voulu vous aggreer, et pour cela je l'ay fait
partir trois heures avant nous. .
Or sus, ma chere Fille, vous l'avais-je pas escrit que ce serait environ
la feste du grand saint Loüys ? Je vous porte mon esprit plein de
desir de servir le vostre et faire tout le bien que nous pourrons faire.
Environ les trois heures, je vous verray, Dieu aydant; car, en passant,
je veux bayser les mains de Monsieur vostre bon Evesque , et voir nos Capucins
(Lettres 3 note 236), l'eglise cathedrale et ce quil faut que je voye en
vostre Autun, affin que je ne sois pas contraint d'y retourner.
Dieu soit tous-jours avec nous, ma chere Fille. C'est luy qui me rend
si uniquement.
Vostre F. E.
Au Mont Senis, le 24 aoust 1608.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal, m. f. (mafilleJ.
Revu sur l'Autographe conservé au 2e Monastère de la
Visitation de Paris.
CDLXXVI
A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-D'ORBE
Encouragements à persévérer dans de saintes résolutions.
Dijon, 1er septembre 1608
Je vous avois promis, ma chere Seur, ma Fille, de vous escrire par
le retour de vostre laquay ; mais l'ayant rencontré en lieu ou je
ne pouvois le faire, je repare ce.defaut, vous escrivant ce soir de nostre
arrivee en cette ville. Mais que vous escriray-je donques, ma chere Fille
? Rien, sinon que, a mesure que je me suis esloigné de vous corporellement,
mon esprit s'est retourné plus ardemment de vostre costé
pour vous souhaitter mille benedictions. Sa divine Majesté vous
les donne tres abondantes, et vous veuille fortifier de plus en plus es
saintes resolutions quil vous a inspirees. Helas ! je regrette sans doute
tant d'incommodités qui s'opposent a nos desirs ; mais faysant ce
qui est en nous, doucement et constamment, ce bon Dieu suppleera au reste
et vous consolera de son assistence speciale.
Je vous escriray, Dieu aydant, avant mon depart d'icy, et a mon premier
loysir, je vous mettray par ordre tout ce qui me semble propre a la reprise
de nos bons propos. Ah, que je desire de bonheur a vostre chere ame, ma
Fille bien aymee ! Qu'a jamais puissions nous vivre pour ce saint amour
celeste.
Je suis d'un'affectioninviolable, ma chereFille,
Vostre tres fidelle et tres affectionné
serviteur,
F.
A Dijon, le [1er septembre ] 1608.
A Madame, Mme l'Abbesse du Puys d'Orbe.
Revu sur l'Autographe conservé à l'Evêché
d'Orléans,
CDLXXVII
A UNE RELIGIEUSE
Dieu agrée extrêmement la résignation dans les
maladies et l'obéissance au médecin. - Les croix qu'il faut
baiser avec amour.
Annecy, 9 septembre 1608.
Je m'advise, ma chere Fille, que vous estes malade d'une maladie plus
fascheuse que dangereuse, et je sçay que telles maladies sont propres
a gaster l'obeissance que l'on doit aux medecins (Eccli 38,1). C'est pourquoy
je vous veux dire que vous n'espargnies nullement ni le repos, ni les medecines,
ni les viandes, ni les recreations qui vous seront ordonnees. Vous feres
une sorte d'obeissance et de resignation en cela, qui vous rendra extremement
aggreable a Nostre Seigneur ; car en fin, voyla une quantité de
croix et mortifications que vous n'aves pas choisies ni voulues, Dieu vous
les a donnees de sa sainte main: receves les, baysés les, aymés
les. Mon Dieu, elles sont toutes parfumees de la dignité du lieu
d'ou elles viennent.
Bon jour, ma chere Fille; je vous escris avec empressement. Que si
j'avois le loysir, j'en dirois davantage, car j'affectionne infiniment
que vous soyes fidele en ces petites et fascheuses occurrences, et que,
tant au peu qu'au prou, vous disies tous-jours : Vive Jesus !
Vostre tout et tres affectionné serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
Ce 9 septembre 1608.
CDLXXVIII
A LA BARONNE DE CHANTAL
(FRAGMENT)
Anne-Jacqueline Coste offre spontanément au Saint de servir
les futures Religieuses qu'il méditait d'établir.
Sales, 19 septembre 1608 .
Au reste, ma Fille, il faut que je vous dise que Dimanche dernier je
fus tres consolé. Une païsanne de naissance , tres noble de
cur et de desir, me pria, apres l'avoir confessee, de la faire servir
les Religieuses que je voulois establir. Je m'enquis d'ou elle sçavoit
une nouvelle encor toute cachee en Dieu. " De personne," me dit elle, "
mais je vous dis ce que je pense. " 0 Dieu, disje en moy mesme, aves vous
donques revelé vostre secret a cette pauvre servante (Mt 11,25)
? Son discours me consola beaucoup, et j'iray, tant qu'il me sera possible,
encourageant et soustenant cette fille, la croyant autant pieuse et studieuse
qu'il est requis pour servir en nostre petit commencement
CDLXXIX
AUX ECCLÉSIASTIQUES DU BUGEY, DU VALROMEY ET DE GEX
Les ecclésiastiques des pays exemptés des décimes
doivent envoyer à Lyon un député pour régler
le paiement d'un don.
Sa!es, 25 septembre 1608.
Messieurs,
Par ce que, pour eviter l'imposition de decimes perpetuelles, les deputés
de Bresse ont obtenu un arrest qui me semble asses favorable tant au clergé
de Bresse qu'a vous, et qui est sorti au prouffit commun de tous les ecclesiastiques
des pais eschangés , il me semble que pour concourir avec eux a
l'execution dudit arrest, vous deves faire un deputé d'entre vous
qui aille a Lion, pour traitter du payement des sommes convenues pour obtenir
l'exemption . C'est pourquoy j'ay donné la presente a monsieur Rosetan,
curé de Chavornay , affin qu'avec cette mienne lettre en main, il
procure et face faire ledit deputé , comme je vous en prie, jugeant
que ce soit vostre mieux.
Dieu vous conserve, Messieurs, et je suis
Vostre confrere tres affectionné,
FRANÇ', E. de Geneve.
xxv septembre 1608, a Sales.
A Messieurs
Messieurs les Ecclesiastiques du diocrese de Geneve,
des pais de Beugey, Valromey et Gex.
Revu sur l'Autographe appartenant à M.le chanoine J,-M. Chevalier,
à Annecy.
CDLXXX
A M. ÉTIENNE DUNANT, CURÉ DE GEX
Servir Dieu où l'on est. - Le labeur patient n'est jamais stérile
devant Dieu. Le désir du changement .empêche le succès
.de l'uvre présente.
Sales, 25 septembre 1608.
Monsieur mon trescher Confrere,
Pardonnés moy, je vous prie, si j'ay tant tardé a respondre
sur la premiere lettre que vous m'aves jamais escritte : il n'en sera pas
ainsy des autres, si j'ay la consolation. d'en recevoir. Mais je fus si
occupé a mon despart (lettre 473), que je n'eus nulle sorte de loysir
pour vous rendre ce devoir; et, avec cela, je me promis bien de vostre
dilection que Vous interpreteries le retardement en bonne part.
Je persiste tous-jours a vous dire que vous deves servir Dieu ou vous
estes, et facere quod facis. (faire ce que vous faites.) Non pas, mon cher
Frere, que je veuille forclorre l'accroissement de vos bons exercices ni
la purification continuelle de vostre cur ; mais, fac quod facis, et melius
quam facis (.faites ce que vous faites, et mieux que vous ne le faites.)
Car je sçai bien que Dieu commande en la personne d'Abraham a tous
ses fideles : " Ambula coram me, et esto perfectus (Gn 17,1) (Marcbe devant
ma face, et sois irréprocbable) ; et que beati qui ambulant in viis
Domini ( Ps 127,1) (heureux sont ceux qui marchentt dans les voies du Seigneur),
et que nos peres euntés ibant (Ps 125,6) et in corde suo ascensiones
disponebant, ut irent de virtute in virtutem (Ps 83,6). (et que nos pères
s'en allaient, et ils pensaient aux saintes montées, afin d'aller
de vertu en vertu.)
Ayés donques bon courage de cultiver cette vigne, contribuant
vostre petit travail au bien spirituel des ames (que le Seigneur s'est
réservées, afin qu'elles ne fléchissent pas les genoux
devant Baal, au milieu d'un peuple aux lèvres souillées.)
quas servavit sibi Dominus, ne flecterent genua ante Baal (3 R 19,18 ;
Rm 11,4), in medio populi polluta labia habentis (Is 6,5). Ne vous estonnés
point si les fruitz ne paroissent pas encor, (car si vous faites patiemment
l' uvre du Seigneur, votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur.)
quia si patienter opus Domini feceris, labor tuus non erit inanis in Domino
(1 Co 15, 38).
Helas ! Monsieur, Dieu nous a nourris du doux lait de plusieurs consolations,
affin que, devenus grans, nous taschions d'ayder a la reedification des
murs de Hierusalem (Ps 1,20), ou en portant des pierres, ou en brassant
le mortier, ou en martelant (2 Paral2,3 ; 1 R 5,15). Croyés-moy,
demeurés la ; faites fidellement tout a la bonne foy ce que moralement
vous pourres faire, et vous verres que (si vous croyez vous verrez la gloire
de Dieu) si credideris, videbis gloriam Dei (Jn 11,40). Et si vous voules
bien faire, tenés pour tentation tout ce qui vous sera suggeré
pour changer de place ; car, tandis que vostre esprit regardera ailleurs
que la ou vous estes, jamais il ne s'appliquera bien a proffiter ou vous
estes.
Or sus, tout ceci soit dit en la confiance que vous me donnes par vostre
lettre, et en la sincere amitié que je vous porte (dans les entrailles
de Celui dont le cur a été transpercé pour notre
amour) in visceribus ejus (Ph 1,8) cujus viscera pro amore nostro transfixa
sunt. Je le supplie qu'il affermisse de plus en plus le zele de son honneur
en vous, et suis d'un cur tout entier,
Vostte humble et tres affectionné confrere et serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
A Sales, le 25 septembre 1608.
CDLXXXI
A LA BARONNE DE CHANTAL
Accueil que fait le Saint aux désirs et aux recommandations
de la baronne de Chantal. - Dieu seul est un guide indispensable - Sortir
du monde, pour plusieurs, n'est pas toujours sortir d'eux-mêmes et
de leur amour propre. - La fin qu'on doit se proposer en quittant le siècle.
- Une sainte Fondatrice dont la Congrégation semble donner à
penser au futur Fondateur de la Visitation. - Conseil du Saint à
" ceux qui se meslent des ames " et aux personnes de piété.
- Son affection pour le père et les enfants de sa fille spirituelle.
- La jeune fille et le seau d'eau. - Messages divers.
Annecy, 29 septembre 1608.
Jesus, es entrailles duquel mon ame cherit uniquement la vostre, soit
a jamais nostre consolation, ma Fille. J'ay plusieurs choses sur le cur
pour vous dire, je ne sçai si je les pourray mettre sur le papier
; car j'ay grandement pensé en vous tout le long de mon retour,
je dis grandement.
Vos troys desirs pour la vie mortelle ne me desplaysent point, car
ilz sont justes, pourveu quilz ne soyent pas plus grans que leurs objectz
meritent. C'est bien fait, sans doute, de désirer la vie a celuy
que Dieu vous a donné pour conduire la vostre ; mais, ma Fille,
ma bienaymee, Dieu a cent moyens, je veux dire infinis moyens, pour vous
guider sans cela : c'est luy qui vous conduit comme une brebis (Ps 79,2).
Ah ! je vous prie, tenes bien vostre cur en haut, attachés le indissolublement
a la souveraine volonté de ce tres bon cur paternel de nostre Dieu
; qu'a jamais il soit obei, et souaivement obei par nos ames. J'auray pourtant
soin de moy selon que je vous l'ai promis, et plus pour cela, sans doute,
que pour inclination que j'aye a cette sorte d'attention ; car je croy
bien que Dieu veut que je veüille quelque chose pour l'amour de vous.
Or, Dieu face de moy selon son gré (Tb 3,6).
Ma Fille, tandis que Dieu voudra que vous soyes au monde pour l'amour
de luy mesme, demeures-:y volontier et gayement. Plusieurs sortent du monde
qui ne sortent pour cela pas d'eux mesmes, cherchans par cette sortie leurs
goustz, leurs repos, leurs contentemens ; et ceux ci s'empressent merveilleusement
apres cette sortie, car l'amour propre qui les pousse est un amour turbulent,
violent et desreglé. Ma Fille, je dis ma vraye Fille, ne soyons
point de ceux la. Sortons du monde pour servir Dieu, pour suivre Dieu,
pour aymer Dieu ; et en cette sorte, tandis que Dieu voudra que nous le
servions, suivions et aymions au monde, nous y demeurerons de bon cur,
car puis que ce n'est que ce saint service que nous desirons, ou que nous
le facions, nous nous contenterons. Demeures en paix, ma Fille; faites
bien ce pourquoy vous restes au monde, faites le de bon cur, et croyes
que Dieu vous en sçaura meilleur gré que de cent sorties
faites par vostre-propre volonté et amour.
Mais faut-il pas que je vous die ceci, puisque j'en ay esté
consolé ? Je rencontray a Chalons monsieur André Valladier
(c'est ce grand praedicateur qui prescha apres moy , estant Jesuite) :
or, il me fit mille sortes d'honneurs et de caresses et me dit mille choses
diverses. Entr'autres choses, il me dit que sainte Françoise, nouvellement
canonisee , avoit esté une des plus grandes Saintes quil est possible
d'imaginer, et quil avoit luy mesme escrit sa Vie en latin, par le commandement
du Pape, et quil alloit a Paris pour la faire imprimer . Et m'enquerant
des particularités de cette Vie, il me dit qu'ell'avoit esté
quarant'ans mariee, et qu'en sa viduité ell'erigea une Congregation
de vefves qui: demeurent ensemble en une mayson, dans laquelle elles observent
une vie religieuse, et personne n'entre en icelle que pour grandes causes
; elles, neanmoins, sortent pour servir les pauvres et les malades, en
quoy gist leur plus particulier exercice, et que cette mayson rend un fruit
et un exemple bien grand a Romme. Vous ouïtes ce que M. Blondeau dit
de Paris. Vive Dieu, ma Fille, et qu'a jamais il regne en nos curs ! Je
n'avois rien sceu de tout cela quand je vous parlois a Dijon, et a nos
bonnes vefves (note 57) : c'est le Saint Esprit, sans doute, qui donne
ces mouvemens conformes en divers endroitz de son Eglise. Prions Dieu,
humilions nous, attendons en patience, et nous serons consolés.
Ce bon personnage me dit bien d'autres choses qui ne me furent pas
si aggreables, car il parloit avec grande vehemence de sa sortie , et comme
vous sçaves, j'ay grand'aversion des espritz troubles. Il me dit
que les impertinentes procedures de ce Religieux duquel nous parlasmes
en carrosse et duquel vous aviés parlé a M. de la Curne,
estoyent venuës aux oreîlles du Cardinal de Givry et de l'Inquisition
de Romme. Je fus marri dequoy il m'en parla comme de chose que je sçavois,
quoy que je n'en fisse nul semblant. Je crains, d'un costé, que
cela ne s'esvente, car ce seroit un grand scandale et appresteroit beaucoup
a dire aux mondains ; d'autre part, je voudrois bien que ce mal fut reprimé,
de peur quil ne se glisse en d'autres. Il me dit que le Pere duquel vous
me monstrastes la lettre a Beaune (lettre 484), faysoit presqu'aussi mal.
Cela me despleut infiniment; si je vay ou il est, je m'essayeray de luy
en parler.
Tout cela, ma chere Fille, me fait desirer que mes seurs, mes filles,
ne s'abandonnent guere a nulle sorte de grande confiance qu'en la seule
confession ; car, mon Dieu, voyla pas des grans dangers ? Ah ! je veux
croire qu'il ni a pas tant de mal ; mais il y en a encor moins d'estre
bien discret, Je dirois volontier a ceux qui se meslent des ames, comme
saint Bernard a ses Novices : " Je ne veux pour cela que des ames, et que
les cors ne s'en meslent point (Vita Ia S.Bern 1, 4 et 6), " Or, j'ay dit
tout cela par ce quil m'est ainsy venu, et avec un'ame que je connoy et
en laquelle j'ay rayson d'avoir confiance absolue. Serves vous des advis
de tous quand il en sera besoin, mais ayes peu (le confiance es hommes,
quoy qu'ilz semblent des anges ; je veux dire pour des confiances grandes
et entieres. Or, ceci soit dit entre nous deux.
Revenons a vostre troysiesme desir . Il est bon aussi ; mais mon Dieu,
ma Fille, il ne merite pas qu'on s'y affectionne. Recommandons le a Dieu,
faysons tout bellement ce qui se peut pour le faire reuscir, ainsy que
je feray de mon costé ; mais au bout de la, si l'il de Dieu qui
penetre l'advenir, voyant que cela ne reviendroit pas peut estre ni a sa
gloire ni a nos intentions, sa divine Majesté ordonn'autrement,
il ne faut pas, ma Fille, pour cela en perdre le sommeil d'une seule heure.
Le monde parlera. Que dira-on ? Tout cela n'est rien pour ceux qui ne voyent
le monde que pour le mespriser, et qui ne regardent le tems que pour viser
a l'aeternité. Je m'essayeray de tenir l'affaire liee en sorte que
nous le (sic) puissions voir achevee, car vous ne le desires pas plus que
moy ; mais sil ne plait pas a Dieu, il ne me plait pas non plus, ni a vous,
car je parle de vous comme de moy.
J'ay treuvé ma pauvre bonne mere si tres malade a mon gré
que j'en ay esté estonné ; non pas qu'elle soit alittee,
mais il semble que ce soit une lassitude et acheminement a une deffaillance
de nature. Et bien, nous y ferons ce qui se pourra, et Dieu face selon
son bon playsir de nous et de tout ce qui est a nous.
Nostre livre de devotion ( Introduction à la Vie devote) n'est
pas encor imprimé : quand il le sera, j'en envoyeray a tous ceux
a qui j'en ay promis. Nostre bon pere (Pdt Frémyot) est venu joyeusement
et a un'ame inclinee a la devotion ; mais l'embaras des affaires apporte
sans doute quelque sorte d'empeschement a une entiere prreparation qui
luy serait necessaire en ce declin de sa vie ; mais elle se doit procurer
tout bellement. Je luy ay proposé la lecture de certains livres
propres a cela, et il l'a receu de fort bon cur. Je luy suis tout dedié,
non seulement pour les obligations exterieures, mais par inclination interieure.
J'ay pensé a vostre cher filz, et connoissant son humeur, je
pense quil faut avoir grand soin de son esprit affin que maintenant il
se forme a la vertu, ou. qu'au moins il. ne panche pas au vice ; et pour
cela, il le faut bien recommander au bon M. Robert (Lettres 3 note 492),
et luy faire souvent gouster le bien de la vraye sagesse par des remonstrances
et recommandations de ceux qui sont vertueux. Je suis tousjours bien ayse
d'avoir veu tous les enfans de ma chere Fille, car vrayement je les ayme
comme miens en Nostre Seigneur.
Demeures en paix, avec un singulier amour de la volonté et providence
divine ; demeures avec nostre Sauveur crucifié planté au
milieu de vostre cur. Je vis il y a quelque tems, une fille qui portoit
un seau d'eau sur sa teste, au milieu duquel ell' avoit mis un morceau
de bois ; je voulus sçavoir pourquoy, et elle dit que c'estoit pour
arrester le mouvement de l'eau, de peur qu'elle ne s'espanchast. Et donques,
dores-en avant, ce dis-je, il faut mettre la Croix au milieu de nos curs,
pour arrester les mouvemens de nos affections en ce bois et par ce bois,
affin qu'elles ne s'espanchent ailleurs, aux inquietudes et troublemens
d'esprit. Il faut tous-jours que je vous die mes petites cogitations.
A Dieu, ma chere Fille, a laquelle je suis tout donné en Celuy
qui s'est tout donné a nous, affin qu'estant mort pour nous, ne
vivions plus qu'a luy (2 Co 5,14). J'escris au bon M. le Praevost , a l'ame
duquel j'ay un grand amour par ce qu'elle me semble bonne, ronde et franche.
J'escris aussi a nostre M. de la Curne et luy envoye les escritz ci joins
que je vous prie luy faire tenir. Vive Jesus et Marie ! Amen.
Je suis celuy que ce mesme Jesus a rendu vostre.
A Neci, le 29 septembre 1608.
Je vous escriray le plus souvent que je pourray. J'ay ouvert les lettres
de mon frere de Groysi, par curiosité de savoir ce quil vous disoit
et a nostr'Aymee ; mais celle de Mlle de Brechart (lettre 491) ça
esté par mesgarde, la prenant pour la vostre. Mme de Charmoysi vous
salue et ne sçait pas que j'escrive.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal.
A Monthelon,
Revu sur l'Autographe conservé à laVisitation d'Annecy.
CDLXXXII
AU PÈRE NICOLAS POLLIENS, DE LA COMPAGNIE DÉ JÉSUS
(INEDITE)
Témoignages d'affection pour les PP. Jésuites de Chambéry
et de sympathique dévouement à une pieuse chrétienne
qui soupirait après le cloître.
Annecy, 1er octobre 1608.
Mon Reverend Pere,
Vostre charité vous trompe saintement en moy, qu'elle vous represente
pour digne de vostre affection et de tous vos Peres.et Freres, bien qu'en
verité je manque de toutes les conditions requises pour recevoir
ce bonheur ; excepté de lhonneur et respect que je vous dois a tous,
et particulierement a vous, car en cela je ne veux ceder a personne. Les
bons PP. Villardi et Muilet furent receuz icy avec plus de cur que de
demonstrations et plus de demonstrations que de bonne chere. Ma gloire
en eust esté accomplie, s'ilz eussent eu plus de loysir de nous
favoriser de leur presence ; une autre fois, en pareille occasion, je veux
implorer vostre entremise pour obtenir du P. Recteur (Jean Fourier) une
prolongation de ce contentement pour moy.
Dieu sçait que je cheris la bonne fille Mlle Clement (Lettres
3 note 307), et voudrois bien la voir assouvie en ses devotz desirs ; mais,
mon cher Pere, je ne pense pas que son cors puisse porter les effortz de
la forme de vivre des Religieuses de Sainte Claire, et ailleurs en Savoye,
ou la pourroit on mettre qu'elle ne fust pire qu'au siecle ? Je me suis
enquis en Bourgoigne s'il y auroit moyen, mais je n'ay sceu rencontrer.
Dieu la consolera, puisqu'en luy elle a mis sa confiance ; et si elle vient
icy ce Caresme prochain, j'auray plus de loysir de voir en quoy je la pourray
ayder et servir en cela, car quant a mon affection, elle y est toute entiere,
comme aussi a vous honnorer toute ma vie, mon Reverend Pere, et demeurer
Vostre confrere et serviteur
plus humble et affectionné,
FRANçs, E. de Geneve.
1er octobre 1608.
Je vous supplie de m'assister aupres de Nostre Seigneur par vos prieres,
et d'impetrer la mesme grace de
vos Peres et Freres. .
Au R. Pere Nicolas Polliens, de la Compagnie de Jesus.
A Chamberi.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation
de Turin.
CDLXXXIII
A MADEMOISELLE CLÉMENT
Se résigner humblement, si, malgré tous nos efforts,
notre désir n'est pas accompli. - Les âmes que Dieu aime "
en tout et par tout."
[Octobre 1608.]
Madamoyselle,
Vous deves vous resigner entierement entre les mains de nostre bon
Dieu, lequel, quand vous aures fait vostre petit devoir a la sollicitation
de ce dessein que vous aves, aura tres aggreable tout ce que vous feres,
encor que ce sera beaucoup moins. Bref, vous deves avoir courage a bien
procurer que vous soyes Religieuse, puisque Dieu vous en donne tant de
desir.
Mais si, apres tous vos effortz, vous ne pouves pas reüscir, vous
ne sçauries plaire davantage a Nostre Seigneur que de luy sacrifier
vostre volonté, et demeurer en tranquillité, humilité
et devotion, entierement remise et sousmise a son divin vouloir et bon
playsir, lequel vous reconnoistres asses quand, ayant fait vostre possible,
vous ne pourres pas jouir de vos souhaitz. Car nostre bon Dieu esprouve
quelquefois nostre courage et nostre amour en nous privant des choses qui
nous semblent et qui sont tres bonnes a l'ame ; et s'il nous void ardans
a la poursuitte, et neanmoins humbles, tranquilles et resignés au
manquement et a la privation de la chose poursuivie, il nous donne des
benedictions plus grandes en la privation qu'il ne nous en donne en la
possession de l'estat desiré ; car, en tout et par tout, Dieu ayme
ceux qui, de bon cur et simplement, en toutes occasions et en tous accidens,
peuvent luy dire : Vostre volonté soit faite (Mt 6,10)
.
FRANÇ, E, de Geneve.
CDLXXXIV
A LA BARONNE DE CHANTAL
La fête de la Dédicace; les curs et les corps, temples
mystiques dédiés à Dieu par les vux. - La dévotion
du Rosaire à Annecy. - La baronne de Chantal à l'hôpital
de Beaune. .
Annecy, 8 octobre 1608.
Nous celebrons aujourd'huy, ma chere Fille, la Dedicace de nostre Eglise;
mais, entre les Offices, je vous viens escrire cette lettre pour retourner
bien tost a l'autel ou je veux, avec des particulieres affections, faire
action de graces a nostre doux Sauveur de la dedicace de nos curs et de
nos cors que par sa misericorde nous luy avons faitte par nos vux. 0 que
nous serons heureux, ma bonne chere Fille, si nos temples (1 Co 3,16) ne
sont point violés ! Qu'a jamais le Saint Esprit y reside (Rm 8,11)
et ne permette point qu'aucune irreverence y soit commise ; que ce soyent
des maysons d'orayson (Is 56,7 ; Mt 21,13) et de priere, ou les sacrifices
de'loüange, de mortification et d'amour soyent immolés (Ps
49,14 ; 115,17).
0 ma Fille, que mon cur est plein de bons souhaitz pour le vostre
! Vous diray je bien ce sentiment ? Dimanche je fis un sermon du Rosaire,
parce que je suis de cette Confrerie la il y a long tems , et presque toute
cette vilette en est ; et d'autant que je voulois faire entendre a mon
cher peuple pourquoy on appelloit le Chapelet Couronne, je fus contraint
d'apporter le passage de saint Paul (Ph 4,1), auquel il appelle ses disciples,
sa couronne : Demeurés ainsy, mes tres chers. 0 ma Fille tres chere
et tres desiree, je vous laissay en l'hospital de Beaune , pleine de desir
d'aymer, d'honnorer, de servir, d'adorer la volonté de Dieu, resignant
en toutes choses, grandes et petites, la vostre a la misericorde de la
sienne ; je vous laissay avec Nostre Seigneur reellement receu en vous
mesme, et cela, entre les pauvres de Nostre Seigneur. Mon Dieu, ma chere
et tres singulierement chere Fille, comme cela, vous estes et ma joye et
ma couronne. Et demeurés donques ainsy, ma tres chere : demeurés
de cur et d'esprit avec nostre Sauveur, demeurés resignee a sa
volonté, demeurés entre ses pauvres par affection. Et puisque
sa volonté est que voussoyés encor au service et a la conduitte
de vostre famille, demeurés-y en paix, avec la fidelité que
vous devés a ce saint vouloir.
Je suis celuy que Nostre Seigneur veut estre tout vostre, et
tout singulierement vostre.
Le 8 octobre 1608, a Neci.
CDLXXXV
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Les vendanges. - Comment l'Epoux divin des âmes nourrit leur
espérance et repaît leur amour. - Les vendanges spirituelles.
- Le côté du Sauveur percé sur la croix. - Les choses
temporelles doivent servir "d'eschellon " aux spirituelles. - Comment il
faut considérer ses fautes.
Annecy, 12 octobre 1608.
Madame,
On m'a dit que vous esties bien avant en vos vendanges : Dieu soit
loüé. Il faut que mon cur vous die ce mot que je dis l'autre
jour a une autre vendangeuse, qui est bien de vos plus cheres cousines
(probablement Mme de Charmoisy). Es Cantiques des Cantiques (Ct 1,1), l'Espouse
sacree, parlant a son divin Espoux, dit que ses mammelles sont meilleures
que le vin, odorantes en unguens pretieux. M.ais quelles mammelles a cet
Espoux ? Ce sont sa grace et sa promesse ; car il a sa poitrine, amoureuse
de nostre salut, pleine de graces, qu'il distille d'heure a heure, ains
de momens en momens, dedans nos espritz : et si nous voulons bien y penser,
nous treuverons qu'il est ainsy. Et de l'autre costé, il a la promesse
de la vie eternelle (Jn 6,69), avec laquelle, comme avec un saint et amiable
lait, il nourrit nostre esperance, comme avec sa grace il repaist nostre
amour. Cette liqueur pretieuse est bien plus delicideuse que le vin.
Or, comme on fait vendange en pressant les raysins, on vendange spirituellement
en pressant la grace de Dieu et ses promesses. Et pour presser la grace
de Dieu, il faut multiplier l'orayson par les courtz, mais vifs eslancemens
de nos curs ; et pour presser sa promesse, il faut multiplier les uvres
de charité, car ce seront elles a qui Dieu donnera l'effect de ses
promesses. J'ay esté malade, et vous m'aves visité, dira-il
(Mt 25,36). Toutes choses ont leur sayson (Eccl 3,1) : il faut presser
le vin en l'une et en l'autre sorte de vendange ; mais il faut presser
sans s'empresser, avoir du soin sans inquietude.
Encor pensant, ma chere Fille, que les mammelles de l'Espoux soyent
son flanc percé sur la croix, 0 Dieu, combien cette croix est une
sep tortisse, mais bien chargee ! Il n'y a qu'un seul raysin, mais qui
en vaut plus que mille. Combien de grains y ont treuvé les ames
saintes, par la consideration de tant de graces et vertus que ce Sauveur
du monde y a monstrees !
Faites belles et bonnes vendanges, ma chere Fille, et que les unes
vous servent d'eschellon et de passage aux autres. Saint François
aymoit les aigneaux et moutons parce qu'ilz luy representoyent son cher
Sauveur (S.Bonav Legend S.Franc 8); et je veux que nous aymions ces vendanges
temporelles, non seulement parce que ce sont choses appartenantes au soin
qui correspond a la demande que nous faysons tous les jours de nostre pain
quotidien (Lc 11,3), mais aussi, et beaucoup plus, parce qu'elles nous
eslevent aux. vendanges spirituelles.
Tenés vostre cur plein d'amour, mais d'un amour doux, paysible
et rassis. Regardés vos fautes, comme celles des autres, avec compassion
plustost qu'avec indignation, avec plus d'humilité que de severité.
A Dieu, .Madame ; vivés joyeuse, puisque vous vous estes toute
dediee a la joye immortelle, qui est Dieu mesme, qui veüille a jamais
vivre et regner au milieu de nos curs Je suis en luy et par luy,
Vostre humble et tres asseuré serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
Le 12 octobre 1608.
CDLXXXVI
A MADAME DE MAILLARD, ANCIENNE ABBESSE DE SAINTE-CATHERINE
Souhaits de ferveur par le don du cur à Dieu. - N'aimer rien
qu'en lui, par lui et pour lui.
Annecy, 15 octobre 1608.
Un seul mot, ma tres chere Fille. N'advoüés vous pas le
don que je fay tous les jours a Dieu de vostre cur ? Je le luy donne comme
tout mien et je le tiens pour tout mien, pour ce quil me l'a donné.
Mais sil est sien et quil me l'ayt donné, ne le luy puis-je pas
donner comme tout mien ? Qu'a jamais, et le vostre qui est mien et le mien
qui est vostre, puissent estre tous siens, puis que, par son immense bonté,
le sien est tout nostre. Je vous conjure, ma chere Fille, d'aymer bien
ce bon Dieu qui vous a tous-jours esté si doux, et de n'aymer rien
qu'en luy, par luy et pour luy.
C'est ainsy que je vous cheris de toute mon ame, et suis
Vostre serviteur tres fidelle,
F. E. de G.
xv octobre 1608.
Je sçai bien que vous aures des lettres sur le sujet duquel
vous me parlastes. La chere cousine (Mme de Charmoisy)) m'escrivit hier
: ce sera un cur tout d'or. Elle m'escrit deux motz d'un saint amour pour
vous.
A Madame
Madame l'Ancienne Abbesse
de Ste Catherine.
Revu sur l'Autographe appartenant à M.l'abbé Michaud.
curé de Saint Alban. près de Chambéry.
CDLXXXVII
A LA BARONNE DE CHANTAL
Humilité du Saint ; sa confusion et sa peine de se voir estimé.
Se tenir dans l'indifférence.
Annecy, 28 octobre 1608.
Je ne sçaurois maintenant, ma chere Fille, respondre a vostre
lettre du septiesme de ce mois, que je receus hier au soir bien tard ;
car il faut que je die Messe et que j'aille visiter une eglise a une lieuë
d'icy . Je diray ce que je pourray.
Ma Fille, je ne suis que vanité, et neanmoins je ne m'estime
pas tant que vous m'estimes. Je voudrois bien que vous me conneussies bien
; vous ne lairries pas d'avoir une absolue confiance en moy, mais vous
ne m'estimeries guere. Vous diries : Voyla un jonc sur lequel Dieu veut
que je m'appuye ; je suis bien asseuree, puisque. Dieu le veut, mais le
jonc ne vaut pourtant rien.
Hier, apres avoir leu vostre lettre, je me promenay deux tours avec
les yeux pleins d'eau, de voir ce que je suis et ce qu'on m'estime. Je
voy donques ce que vous m'estimes, et m'est advis que cette estime vous
contente beaucoup : cela, ma Fille, c'est un idole. Or bien, ne vous fasches
point pour cela ; car Dieu n'est pas offencé des pechés de
l'entendement, bien qu'il s'en faille garder, s'il est possible. Vos affections
fortes s'addouciront tous les jours par les frequentes actions de l'indifference.
Revoyés une lettre que je vous escrivis au commencement, de la liberté
de l'esprit (Lettres 2 lettre 234).
A Dieu, ma Fille tres chere. Je suis celuy que Dieu rend tous-jours
plus vostre.
FRANçs, E. de Geneve.
Le jour saint Simon et saint Jude, 1608.
CDLXXXVIII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
L'insensibilité et l'indifférence religieuse : définition
de l'une et de l'autre ; celle-ci est un grand don de Dieu.
Annecy, 28 octobre 1608.
Madame ma tres chere Fille et Commere,
Vous verres la lettre que j'escris a monsieur de Cisteaux et a madame
vostre bonne seur , Il me reste a vous dire, selon le peu de loysir que
j'ay, que j'appreuve infiniment l'indifference que vous avés, tant
en l'affaire de Bons qu'en toutes autres, puisque c'est en contemplation
de la volonté de Dieu. Je n'ayme nullement certaines ames qui n'affectionnent
rien, et a tous evenemens demeurent immobiles ; mais cela, elles le font
faute de vigueur et de cur, ou par mespris du bien et du mal. Mais celles
qui, par un' entiere resignation en la volonté de Dieu, demeurent
indifferentes, 0 mon Dieu, elles en doivent remercier sa divine Majesté,
car c'est un grand don que celluy la. Je vous dirois mieux ceci de bouche
; mais vous l'entendres, je pense, asses ainsy que je le dis.
C'est une tentation, de vray, de vous amuser en l'orayson a penser
ce que vous aves a me descouvrir de vostre ame, car ce n'en est pas le
tems. N'escrimés neanmoins point contre ces pensees, ains destournes-en
tout bellement vostre esprit par un simple retour a l'object de vostre
orayson.
Je vous escriray avec plus de loysir a la premiere rencontre de commodité,
car maintenant il faut que je parte pour aller faire la visite d'une parroisse
(Metz-Meythet), et j'ay beaucoup de gens autour. Dieu soit au milieu de
vostre cur, ma chere Fille, et le veuille enflammer de son saint amour.
C'est luy qui m'a rendu pour jamais
Vostre tres affectionné et fidelle serviteur,
F. E. de G.
XXVIII octobre 1608.
Monsieur de Charmoysi arrive ce soir en cette ville.
A Madame
Madame de la Flechere.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. Emile Roux, au château
de Vogland (Ain).
CDLXXXVIII bis
(N.B. Cette lettre, retrouvée tardivement, fait partie du tome
XXVI sous le n° MMCII. Nous l'avons replacée ici, à sa
date de rédaction conjecturée, avec un autre numéro
bis, suivant celui de la lettre précédente en 1608)
A MADAME DE LA FOREST RELIGIEUSE DE L'ABBAYE DE BONS
(INÉDITE)
Une excommunication qui, peut-être, reste sans effet. - Quand
nous commettons des fautes, les réparer par l'humilité, et
nous abîmer dans la confiance en Dieu et la défiance de nous-mêmes.
- Soumission amoureuse à l'Abbesse du monastère; ne pas la
regarder " comme mauvaise, mais comme malade ". Nos Supérieurs sont
les officiers de Dieu. - Vaincre ses répugnances en témoignant
à l'Abbesse une vraie charité.
[Octobre 1608-1610 ?]
Madame,
Je suis marry que je ne puis vous escrire plus souvent et qu'encor,
quand je le fay, mes lettres tardent tant en chemin. La derniere que j'ay
receu de vostre part me fait voir vostr'esprit en estonnement pour l'excommunication
jettee contre vous de la part de M. vostre Superieur ; sur quoy j'ay a
vous dire deux choses.
L'une, que vostre droitt'intention et la bonté de vostre cause
rend la faute sil y en a, bien fort legere ; l'excommunication aussi n'a
peut estre pas esté effectuelle. L'autre, que quand en vraye verité
vous auries fait la plus grande faute du monde, il faudroit s'en resoudre
et accoyser par une grande humilité et sousmission a la misericorde
de Dieu, sans se descourager nullement, ni entrer en aucune sorte de regret.
Car enfin, ma chere Fille, ce n'est pas grand merveille que nous facions
des fautes ou bien que nous n'en facions pas. Mon Dieu, il me semble que
c'est alhors que nous devons nous abismer tant plus en une entiere et [très
soüefve... confiance en sa divine bonté, et en [une] douce
et paysible desfiance de nous mesme. C'est pourquoy je vous prie de ne
plus permettre a ces tristes suggestions de l'ennemi qu'elles troublent
vostre cur, lequel ayant imploré la misericorde de Dieu, ne doit
pas moins estre asseuré et consolé qu'auparavant.
Quant a la difficulté que vous aves de vous humilier et sousmettre
a vostre Abbesse (Jeanne de Vignod note et n°2 p.206 ), je vous conseille
de la vaincre en toutes les façons quil vous sera possible. Ouy,
tandis qu'elle tient cette place-la, ou dignement ou indignement que ce
soit, il faut luy rendre le devoir non seulement exactement, mais encor
amoureusement. Et en cela il se faut surmonter et domter vostre cur, lequel
sans doute est incliné a l'indignation, et faut il l'incliner a
la compassion; et tant plus vostre Abbesse aura de misere, tant plus faut
il luy avoir de commiseration. Ce n'est rien, ma chere Fille, d'obeir a
des Superieurs aggreables ; le fait de la vraye obeissance c'est d'obeir
aux desaggreables et, comme dit l' Apostre (1 P 2,18), aux discoles. Dieu
aura infiniment aggreable cette violence que vous vous feres pour faire
le tout amoureusement, car c'est l'importance. Il vous faut regarder cette
Abbesse non point comme mauvaise, mais comme malade, et comme saint François,
sainte Catherine de Sienne et plusieurs autres Saintz baysans et servant
les ladres, ne les ont pas baysé comme ladres, mais comme membres
de Nostre Seigneur, en les considerant en luy et luy en eux, aussi ne devons
nous pas considerer nos Superieurs comme pecheurs, mais comm'officiers
de Dieu, regardant Dieu en eux et eux en Dieu, car encor que leur personne
ne fut pas en Dieu, leur office neanmoins y est. Ma chere Fille, vous voyla
en une occasion laquelle vous doit estre plus pretieuse que l'or, car en
icelle vous pouves exercer les grandes resignations, les fortz renoncemens
et les vives douceurs si souvent promises et desirees pour l'amour de Dieu.
Mais sur ce que vous me demandes de la hantise et familiarité
que vous deves rendre a vostre Abbesse, je respons qu'attendu le peu de
proffit que vous y pouves faire, ainsy que vous me dites, il suffira que
vous luy rendies franche ment, humblement, promptement et amoureusement
les devoirs communs. Mais neanmoins, par ce que vous n'aves pas tant de
difficulté a cette conversation la pour l'inutilité qui y
est que pour la repugnance interieure, je vous conseille de vous violenter
le plus que vous pourres a la voir quelquefois sans necessité et
luy tesmoigner une vraye charité, d'autant qu'encor que tout cela
luy fut inutile, il ne le sera pas a vous qui domteres vostre courage et
mangeres le pain cuit sous la cendre (3 R 17,13 ; 19,6) et bayseres la
croix.
Madame vostre Seur, ma chere fille, m'escrivit hier que Monsieur de
Cisteaux vous avoit envoyé quelque sorte de consolation sur ce sujet,
en quoy j'ay eu ma part.
J'ay receu le poulet d'Inde, lequel vous ne devies nullement
m'envoyer. .
Nostre Seigneur soit tous-jours au milieu de vostre esprit, et
je suis en luy,
Madame,
Vostre tres affectionné et tres [asseuré serviteur
]
F. E. de Geneve.
Revu sur une copie de l'Autographe conservé chez les Révérendes
Mères Ursulines de Québec (Canada).
N.B. Autre lettre classée tardivement : A la Comtesse de Tournon
Annecy 9 septembre 1610 On la trouvera dans Lettres 5 sous le n°
DCLIII, p. 7
CDLXXXIX
AUX SYNDICS, OU AUX MESSIEURS DU CONSEIL DE RUMILLY
L'église paroissiale de Rumilly a besoin d'une restauration
: difficultés de l'entreprise ; encouragements à les vaincre.
- Affection du Saint pour la ville ; son humilité,
Annecy, 4 novembre 1608,
Messieurs,
Je sçay que le desir de la restauration de vostre eglise parrochiale
ne vous a jamais manqué. Mais il a neanmoins esté infructueux
jusques a present, ou soit que la generale condition de ce païs despuis
plusieurs annees vous ayt osté les moyens d'en chevir, ou que l'union
et liaison des espritz, si necessaire a toute bonne entreprise, vous ayt
defailly.
L'annee passee, quand j'estois avec vous, il me sembla que ce dernier
empeschement fust fort debilité, puisque je vous vis presque tous
consentans pour ce regard. Mais nous demeurasmes court au second, parce
qu'encor que plusieurs d'entre vous, animés d'une sainte devotion,
donnassent leur parole devant Dieu de contribuer, si est ce que plusieurs
aussi n'entrerent pas en cette si digne deliberation selon leur devoir
; et pour tous il se treuva la difficulté de l'exaction, qui est
neanmoins la piece la plus requise a l'execution, et a faute de laquelle
tout a cessé, comme il appert.
Maintenant, il se presente un parti fort asseuré pour vous faire
voir en un an ou deux au plus ce que vous aves si longuement desiré,
et oster de devant les yeux des estrangers une mauvaise marque de vostre
ville, laquelle, au demeurant, n'en a que des bonnes. Il est vray que,
comme en toutes les choses de ce monde il y a tousjours moyen de faire
naistre des difficultés, aussi se pourra-il faire qu'en celle-ci
quelques uns en pourront susciter. Et pour cela je vous escris, vous conjurant,
par vostre propre bonheur et honneur, que vous consideriés beaucoup
avant de refuser un si bon moyen de faire une chose si utile, si necessaire
et si desirable pour vostre ville, et sans laquelle, ou je me trompe en
l'estime que je fay de vos ames, ou vous ne pouves pas vivre contens ni
consolés en vos consciences. Je me prometz que cette declaration
de mon affection aura quelque poids pour vous esmouvoir, comme considerans
que je n'ay nul motif que celuy de la gloire de Dieu et de vostre bien
spirituel, auquel, selon mon devoir et inclination, je suis extremement
dedié, et je puis mesme dire que j'y suis tout sacrifié et
immolé.
Donnés donq, je vous prie, cette satisfaction a mon ame qui
est vostre, ce bon exemple aux autres, cette douceur a vostre vie et cette
consolation a vostre posterité, que par des dissensions et varietés
de conceptions, une .si bonne uvre ne soit point remise, ni divertie.
Ainsy, puissies vous longuement tous jouir de la devotion que cette restauration
rendra a vos exercices spirituelz et des biens temporelz que Dieu vous
en donnera en recompense.
Je suis, Messieurs,
Vostre humble et tres affectionné en Nostre Seigneur,
. FRANÇs, E. de Geneve.
A Neci, 4 novembre 1608.
Je m'essayeray de vous procurer un meilleur predicateur que celuy
qui vous prescha l'annee passee , et cela ne me sera pas difficile, bien
qu'il est impossible que jamais vous en ayes un plus affectionné.
CDXC
A MADAME DE MIEUDRY
Les menues pensées de vaine gloire et les mouches.- Les larmes
et les résolutions, " la tendreté de cur et la fermeté
de cur " : choses bien différentes. - Les pensées importunes.-
Ne pas tourmenter ..son âme.
Annecy, 6 novembre 1608.
Madame,
Hasté du soudain despart de... vostre porteur, je vous respondray
briefvement. Escrives moy tous-jours quand il vous plaira, avec entiere
confiance et sans ceremonie ; car en cette sorte d'amitié, il faut
cheminer comme cela. .
Mocques vous, je vous prie, de toutes ces menues pensees de vaine gloire
qui se viennent presenter a vostre ame parmi vos bonnes actions ; car ce
ne sont proprement que des mouches, lesquelles ne. vous peuvent faire nul
autre mal que de vous importuner. Ne vous amuses donq point à examiner
si vous y aves consenti ou non; mais, tout simplement, continues vos uvres
comme si cela ne vous..regardoit nullement.
Ne poussés pas vostre cur a la pitié ou compassion en
la meditation de la Passion du Sauveur, car il suffit, en toutes meditations,
d'en tirer de bonnes resolutions pour nostre amendement et fermeté
en l'amour de Dieu, encor que ce soit sans larmes, sans souspirs et sans
douceur de cur ; car il y a bien de la difference entre la tendreté
de cur que nous desirons parce qu'elle console, et la fermeté de
cur que nous devons desirer parce qu'elle nous rend vrays serviteurs de.
Dieu.
Ne respondes non plus aucun mot a la pensee deshonneste qui vous arrive;
seulement, dites en vostre cur, a Nostre Seigneur : 0 Seigneur, vous sçaves
que je vous honnore ; ah ! je suis toute vostre (Ps 118,94) ; et passes
outre, sans disputer avec cette tentation.
Ne vous troubles. point du defaut de vostre examen de conscience, car
il ne peut pas estre grand, puisque vous aves desir de vous bien purifier.
Il ne faut pas tourmenter son ame, quand on la sent desireuse d'estre fidelle
a Dieu. Quand vous n'aures pas vostre confesseur ordinaire, il ne faut
pas laisser d'aller a un autre, regardant a Dieu et non pas a l'homme qui
confesse ou absout; mesmement, vous confessant souvent comme vous faites.
Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cur. Je suis en luy, Madame,
Vostre.....
A Neci, 6 novembre 1608.
CDXCI
A MADEMOISELLE DE BRÉCHARD
Recommandations pressantes de garder son cur, de le mortifier et de
le tenir en même temps dans la joie. - Messages.
16 novembre 1608.
Madamoyselle,
Le seul desir que j'ay que vous sachies que mon cur cherit le vostre
me fait escrire ces trois motz. Conserves le bien, ce cur, pour lequel
le cur de Dieu fut triste jusques a la mort (Mt 26,38), et, apres la mort,
transpercé par le fer (Jn 19,34), affin que le vostre vive apres
la mort et soyt joyeux toute sa vie. Mortifies le bien en ses joyes, et
le resjouisses en ses mortifications .
Resouvenes vos petites damoyselles de moy, et principalement ma Marie
Aymee que je tiens pour toute mienne. Je suis,
Madamoyselle,
Vostre tres asseuré serviteur en Nostre
Seigneur,
F. E. de G.
XVI novembre 1608.
Je vous escrivis l'autre jour par l'homme de Mme du Puy d'Orbe et au
bon M. de Lacurne que je vous prie saluer de ma part.
A Madamoyselle
Madamoyselle de Brechard.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. de Mérona, au
château de Mérona (Jura).
CDXCII
A LA BARONNE DE CHANTAL
(FRAGMENT)
Amiable partage de biens pour faciliter le mariage de Bernard de Sales.
16 novembre 1608.
Jamais nostre la Thuille ne m'a tant contenté que dans ce partage
des biens que nous avons fait amiablement cette semaine entre mes freres.
En fin nostre Marie bienaymee sera baronne de Thorens . Mais tout cela
s'est passé si paysiblement et si chrestiennement, que j'en suis
tout a fait edifié et consolé.
CDXCIII
A MADAME DE LA CHAMBRE, RELIGIEUSE DE L'ABBAYE DE BAUME
Pourquoi il ne faut pas remettre les Vêpres après souper.
- Le moyen d'être consolée pour cette vie et pour l'autre.
- Messages divers.
Annecy, 24 novembre 1608.
Madame ma tres chere Niece,
Vous ne sauries m'obliger davantage que de prendre la confiance que
vous aves en moy, qui aussi vous cheris et honnore avec toute la fidelité
que vous pouves desirer. Vous faites dignement de donner a monsieur vostre
frere toute la satisfaction que vous pouves, puisqu'il vous tesmoigne tant
de son amitié, et, puisqu'il le desire, c'est bien fait de vous
tenir tout le jour occupee aux ouvrages. Mais quant a remettre vos Vespres
jusques a ce que vous vous retiries le soir apres souper, oh ! ma chere
Niece, je ne vous le conseille pas. Non point que ce soit grand peché,
car tout au plus il n'est que veniel ; mais par ce que ce sera plus d'édification
pour toute vostre compaignie et plus de satisfaction pour vostre ame, si
vous vous retires demi heure devant souper pour dire vos Vespres, faysant
paroistre que cela est vostre cher ouvrage et vostre besoigne bienaymee.
Pour les autres suffrages des trespassés, vous pouves bien ne les
point dire du tout, car vous n'y estes nullement obligee ; si que vous
pouves, sans scrupule, les laisser.
Soyes tous-jours bien devote, ma chere Niece, et croyes que c'est le
seul moyen de recevoir toute consolation pour cette vie et pour l'autre
(1 Tm 4,8). Je recommanderay a Nostre Seigneur madamoyselle vostre seur
, affin quil la conduise selon vostre desir. Je vous. supplie de resaluer
madame vostre belleseur de ma part et de l'asseurer de mon service.
Si j'avois autant de liberté que je souhaiterois, vous ne tarderies
guere a me voir ; mais, ne pouvant mieux, je vous visite souvent en esprit,
desirant en vostre cur abondance de l'amour divin. Vives joyeuse, Madame
ma chere Niece, puisque vous aves bonne volonté d'estre toute a
sa divine Majesté, pour laquelle je suis tres affectionnement,
Vostre oncle et serviteur tres asseuré,
FRANÇs, E. de Geneve.
XXIV novembre 1608.
A Madame
Madame de la Chambre,
Religieuse de Baume.
A Aix .
Revu sur l'Autographe conservé au Grand-Séminaire de
Besançon.
CDXCIV
A LA BARONNE DE. CHANTAL
(FRAGMENT)
Anniversaire d'une consécration épiscopale. - Sentiments
de François de Sales à propos de cet évènement.
.
Annecy; 7 décembre 1608.
Ma tres chere Fille,
.
Je m'essaye de faire un tres grand renouvellement pour mon ame, parce
qu'il y a demain six ans que Dieu m'osta au monde et a moy mesme pour me
donner a son Eglise et a ses brebis. Vous sçaves que c'est le jour
de ma consecration episcopale. Ah, ma Fille, qu'il me fit alhors de graces,
ce grand Dieu, et que j'en ay mal prouffité ! Mais, vive sa bonté
et son amour ! je vay commencer tout a cette heure a le bien servir, moyennant
l'ayde de sa grace.
Revu sur le texte inséré dans le 2d Procès de
Canonisation.
CDXCV
A MADEMOISELLE DE TRAVES
Témoignages d'affectueux dévouement. - Ingénieuse
manière de demander à une âme chrétienne si
elle aime Dieu ; que faire quand on aime bien Dieu.
Annecy, 18 décembre 1608.
Madamoyselle,
Mon frere , qui va la, vous dira peut estre que je vous cheris et honnore
bien fort ; mais vous croiries peut estre bien aussi qu'il me feroit ce
bon office par charité, et je desire que vous sçachies que
c'est mon cur qui a vrayement ce sentiment-la : c'est pourquoy je l'escris
ainsy de ma main et de mon cur.
Mais dites-moy donq, Madamoyselle, je vous supplie l'amour de Dieu
regne-il pas tous-jours en vostre ame ? N'est-ce pas luy qui tient les
resnes de toutes vos affections et qui dompte toutes les passions de vostre
cur ? Oh je n'en doute nullement ; mais, Madamoyselle, il faut que vous
permetties a un esprit qui vous ayme cherement, de vous demander ce qu'il
sçait, pour le playsir qu'il prend d'ouyr dire et redire vostre
bonheur. On demande si souvent: Vous portes-vous bien ? encor que l'on
voye ceux qu'on interroge en fort bonne santé. Ayés donques
aggreable que, sans desfiance devostre vertu et constance, je vous demande
par amour : Aymes-vous bien Dieu, Madamoyselle ? Si vous l'aymes bien,
vous vous plaires a le considerer souvent, a parler souvent a luy et de
luy, a vous reunir souvent a luy au tres Saint Sacrement ; Qu'a jamais
puisse-il estre nostre propre cur, Madamoyselle !
Je suis en luy,
Vostre serviteur bien humble,
FRANçs, E. de Geneve.
18 decembre 1608.
CDXCVI
A LA BARONNE DE CHANTAL
Départ de Bernard de Sales pour la Bourgogne. - Souhaits et
actions de grâces à propos de son mariage. - Le Saint déplore
les dangers que court une âme infidèle à ses engagements
sacrés et bénit Dieu qui l'a gardé de l'erreur dès
son jeune âge. - Les saints Pères et l'hérésie.
- Un ministre converti. - "Madamoyselle de Perdreauville" et sa famille.
- La manière de prêcher contre les hérétiques.
Annecy, 18 ou 19 décembre 1608 .
Mais dites donq la verité, ma tres chere Fille, ne voyci [pas}
une extravagance, que mon frere partant pour aller aupres de vous, je n'aye
pas loysir de vous escrire qu'a demy ? Or sus, voyla quil s'en va avec
un cur tout vostre et desireux de vous obeir en tout ; car, comme je luy
ay recommandé, il traittera de toutes choses avec vous, en l'entiere
confiance et obeissance qu'un humble et doux enfant doit rendre a sa bonne
et chere mere, et en tout suivra vos advis. Dieu soit loüé
a jamais ! Je ne puis revoquer en doute que ce mariage ne soit son prouffit,
puisque luy en ayant si purement remis et recommandé l'evenement,
il l'a conduit a ce terme. Qu'a jamais il veuille en maintenir le lien
interieur, et longuement l'exterieur.
Helas, ma Fille, que c'est un dur passage a mon esprit, de passer de
ce mariage a la dissolution de celuy que la pauvre damoyselle de Bareul
avoit fait avec son Dieu ! La pauvrette se veut donques perdre avec son
mari. Les Confessions de saint Augustin et le chapitre que je luy montray
passant vers elle, devoyent suffire pour la retenir, si elle n'estoit lancee
a son precipice que par les considerations qu'elle allegue. Dieu, au jour
de son grand jugement, se justifiera contre elle et fera bien voir pourquoy
il l'a abandonnee. Ah ! un abisme en tire un autre (Ps 41,8). Je prieray
Dieu pour elle, et specialement le jour de saint Thomas, que je conjureray,
par son heureuse infidelité, d'interceder pour cette pauvre ame
si malheureusement infidelle.
Quelles actions de graces devons nous a ce grand Dieu, ma chere Fille
! Mais moy, attaqué par tant de moyens, en un aage fresle et floüet,
pour me rendre a l'heresie, et que jamais je ne luy aye pas seulement voulu
regarder au visage sinon pour luy cracher sur le nez, et que mon foible
et jeune esprit, parcourant sur tous les livres empestés, n'aye
pas eu la moindre esmotion de ce malheureux mal : 0 Dieu, quand je pense
a ce benefice, je tremble d'horreur de mon ingratitude. Ma Fille, accoisons
nous en la perte de ces ames, car Jesus Christ a qui elles estoyent plus
cheres, ne les laisseroit pas aller apres leur sens (Rm 1,28), si sa plus
grande gloire ne le requeroit. Il est vray que nous les devons regretter,
et souspirer pour elles comme David sur son Absalon pendu et perdu (2 R
18,9 ; 19,4).
Il n'y eut pas grand mal, non, en .ces desdains que vous tesmoignastes
parlant avec elle. Helas ! ma Fille, on ne se peut contenir quelquefois
en des accidens si dignes d'abhorrissement. Les epistres de saint Hierosme
luy seront encores bonnes, car voyes vous, outre les tesmoignages qui sont
espars ça et la es escritz des saintz Peres en faveur de l'Eglise
(car en fin ilz parlent tous comme nous), l'esprit mesme de ces grans personnages
respire par tout contre l'heresie:
L'autre jour, de grand matin, un homme grandement docte et qui avoit
esté ministre long tems, vint me voir, et me racontant comme Dieu
l'avoit retiré de l"heresie : " J'ay eu, " ce me dit il, " pour
catechiste le plus docte Evesque du monde. " Je m'attendois qu'il me nommast
quelqu'un de ces grandes renommees de cet aage, et il me va nommer saint
Augustin. Il s'appelle Corneille , et maintenant fait imprimer un beau
et digne livre pour la foy . Il n'est pas encores receu a l'Eglise, et
m'a donné esperance que ce sera moy qui le recevray. Je n'ay jamais
veu homme si docte de ceux qui sont hors de l'Eglise. Helas, le bon homme
s'en alla satisfait d'avec moy, disant que je l'avois caressé amoureusement
et que j'avois le vray esprit de chrestien. Je croy bien qu'il adjousta
que je n'estois pas des plus doctes, mais on ne me le dit pas. Mon Dieu,
ma Fille, que dis-je ? J'escris a course de plume et ne pense qu'a vous
parler comme entre nous deux. Je voulois dire que ces anciens Peres ont
un esprit qui respire contre l'heresie, es pointz mesmes esquelz ilz ne
disputent pas contre elle.
Estant a Paris et preschant en la chapelle de la Reyne, du jour du
Jugement (ce n'est pas un sermon de dispute), il se treuva une damoyselle,
nommee madamoyselle Perdreauville, qui estoit venue par curiosité
; elle demeura dans les filetz, et sur ce sermon prit resolution de s'instruire,
et dans trois semaines apres, amena toute sa famille a confesse vers moy
et fus leur parrein a tous en la Confirmation . Voyes vous, ce sermon la,
qui ne fut point fait contre l'heresie, respiroit neanmoins contre l'heresie,
car Dieu me donna lhors cet esprit en faveur de ces ames. Despuis j'ay
tous-jours dit que qui presche avec amour presche asses contre les heretiques
; quoyqu'il ne die un seul mot de dispute contre eux ; et c'est pour dire
qu'en general, tous les escritz des Peres sont propres a la conversion
des heretiques.
0 mon Dieu, ma chere Fille, que je vous souhaitte de perfections !
Une pour toutes : cette unité, cette simplicité. Vivés
en paix et joyeuse, ou au moins contente, de tout ce que Dieu veut et fera
de vostre cur. Je suis en luy et par luy, tout vostre.
FRANÇs, E. de Geneve.
Le ... decembre....
A Madame
Madame la Baronne de Chantal.
Revu sur le texte inséré dans le Procès de Canonisation.
CDXCVlI
A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-D'ORBE
Le Saint demande à l'Abbesse de ses nouvelles. - Conseils divers.
- Le moyen de tirer profit de ses infirmités.. - Exhortation à
la dévotion.- Assurance de. dévouement.
Annecy, 19 décembre 1608.
C'est grand cas, ma chere Fille, que nul ne m'escrit de vous, ni de
Dijon, ni de Bourbilly, sinon l'autre jour madame de Chantal qui me dit
qu'elle vous iroit voir. Mais que faites vous donq, chere Fille ? Voyci
la cinquiesme lettre que je vous envoye despuis mon retour : penses vous
pas que ce soit a bon escient que je suis vostre pere ? Voyes vous, escrives
moy un peu souvent, et envoyes a commodité vos lettres a Dijon et
a Montelon, car je les recevray tous-jours asses ; et si vous ne pouves
pas m'escrire (car je m'imagine que cette mauvaise jambe vous tient souvent
au lit), faites que cette bonne seur (Mme de Chantal) m'escrive pour vous.
Mon Dieu, que de biens mon ame souhaite a la vostre ! Faites bien vostre
prouflit de vos travaux, rendes-les fructueux par une volontaire acceptation
des croix que la necessité vous impose. Resouvenes vous de vos premiers
mouvemens de devotion ; car a vostre retour de Dijon, on me dit qu'entre
les rasoirs et lancettes, vous chanties des cantiques a Dieu. Prattiques
fidellement les oraysons jaculatoires, faites vous lire des bons livres
et ordonnes a vos plus confidentes filles qu'elles vous entretiennent de
Dieu.
J'attens que ce primtems nous donne la commodité de nous revoir,
et tandis, tous les jours je prie pour vous ; et certes, mon cur vous
cherit tres parfaittement en Celuy qui, pour nous, eut le sien transpercé
sur la croix (Jn 19,34). Dites vous pas tous-jours : VIVE JESUS ? Ouy,
ma Fille tres chere, qu'a jamais ce grand Jesus vive et regne en nos ames
! Amen.
Je salue toutes vos cheres Seurs, et a part la nostre (Françoise
Bourgeois, prieure du Puits-d'Orbe.). Mon frere le chanoyne (Jean-François)
n'est pas icy ; je m'asseure quil vous escriroit ; car et luy et toute
nostre mayson est dedié a vostre service.
XVIIII decembre 1608.
A Madame
Madame 1'Abbesse du Puy d'Orbe.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.
CDXCVIII
A MADAME DE ROCHE'I'TE. RELIGIEUSE DE L'ABBAYE DE SAINTE-CATHERINE
(INEDlTB)
Un sujet inépuisable de correspondance. - Le Saint envoie à
la destinataire des chansons spirituelles.
Annecy, 28 décembre 1608.
Vous faites bien, ma chere Fille, de m'escrire quelquefois sans sujet
particulier, mais avec le seul general que Jesus Christ et sa dilection,
unique lien de nos curs, vous fournira tous-jours. Sans doute que Dieu
vous consolera tous-jours plus en cette heureuse entreprise que vous aves
faitte de ne vivre que pour luy. Continues donq courageusement, chere Fille,
et demeures invariable en ce divin propos.
Je vous envoyay des chansons spirituelles par cette porteuse , et ne
sçay comme elle ne les vous a donnees. Il y en avoit peu parce que
les copies des autres se sont esgarees ; mais je les feray rechercher,
affin qu'a cela ne tienne que vous aspiries amoureusement et souëfvement
en Dieu, pour lequel nous devons souspirer toute nostre vie et auquel nous
souhaitons d'expirer a la fin de nos jours. Amen.
Je suis en luy,
Vostre tres affectionné et fidelle serviteur,
FRANÇ", E. de Geneve.
28 decembre 1608.
Si vostre bonne Made (sic) me fait la consolation de venir me voir,
faites-le moy sçavoir, je vous prie, affin que je la reçoive
plus a propos, et vous aussi.
A Madame de Rochette.
Revu sur une copie conservée à la .Visitation de Montélimar.
CDXCIX
A M. CLAUDE BRETAGNE
Souhaits de courtoisie à un magistrat à la fin d'une
année. Pourquoi la fuite des années ne doit pas nous attrister.
Annecy, 28 décembre 1608.
Monsieur,
Cette annee, qui se passe en ces deux jours suivans, me sera memorable
pour avoir en icelle receu le bien de vostre amitié et connoissance.
Avant donq qu'elle finisse, je me veux ramentevoir en vostre souvenance,
et vous supplier de me conserver en cette nouvelle annee venante le mesme
bonheur que vous m'aves donné en celle cy. Elles s'en vont bien
viste, ces annees, et nous vont ravissant apres, ou plustost avec elles
; mais que nous en doit-il chaloir, puis que, moyennant la misericorde
de Dieu, elles nous vont fondre et abismer dedans une profonde eternité
?
Je suis toute ma vie, Monsieur,
Vostre bien humble serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
28 decembre 1608.
A Monsieur
Monsieur Bretaigne, Conseiller de Sa Majesté au Parlement de
Bourgoigne.
A Dijon.
D
A LA BARONNE DE CHANTAL
(FRAGMENT)
Dieu favorise le dessein de la Visitation en lui préparant des
âmes d'élite. Une prétendante ; estime qu'en fait le
saint Evêque.
Annecy, fin décembre 1608.
.
Courage, ma Fille, Dieu nous veut ayder a nostre dessein ; il nous
prepare des ames d'eslite. Madamoyselle de Blonay, de laquelle autrefois
je vous ay parlé, m'a declairé son desir d'estre Religieuse
; Dieu l'a marquee pour estre de la Congregation. Je luy ay dit de me laisser
gouverner son secret, et je me veux rendre bien soigneux de servir cette
ame en son inspiration, car Dieu m'a donné quelque mouvement particulier
la dessus. Je tiens des-ja cette fille pour vostre et pour mienne.
.
FRAGMENTS
DE
LETTRES A LA BARONNE DE CHANTAL
1605-1608
DI
Ne jamais reprendre le temps fixé pour l'oraison. - Le crucifix
matériel et le vrai Crucifix. - Comment s'accuser en confession.
- La simplicité, l'amitié, la petitesse. - Que faire quand
il arrive des pensées mauvaises.
(a)
Le tems que nous determinons de donner a Dieu en l'orayson, donnons
le luy avec nostre pensee libre et desoccupee de toutes autres choses,
avec resolution de ne jamais le reprendre, quelz que travaux qui nous en
arrivent, et tenons un tel tems pour chose qui n'est plus a nous ; et encor
que vous y senties vostre misere, ne vous troubles point, ains soyes en
joyeuse (2 Co 13,9), pensant que vous estes une vrayement bonne besoigne
pour la misericorde de Dieu (Lettres 3 note 478)
(b)
Quand on fait les Religieuses professes, on leur met un crucifix materiel
entre les bras ; mais moy, ma Fille, je vous donne le vray Crucifix. C'est
vostre Espoux. Portés le entre vos bras et que vostre ame le tienne
bien serré et n'abandonne point le pied de la Croix, luy donnant
vostre cur souventes fois le jour.
(c)
Je vous recommande de vous accuser en confession clairement, franchement
et simplement, et ne vous empresses point pour vos confessions, pourveu
que vous gardies cette fidelité a Dieu, de ne point retenir ni excuser
vos pechés : Non, non, mon Sauveur, deves vous dire, jamais je n'oublieray
vos volontés, car en icelles, vous m'aves justifiee (Ps 118,93).
Vuides vostre cur de toute image des choses corporelles, et simplifies
vos actions et vos paroles, tant que vous pourres. Que vostre amitié
soit cordiale et sincere et sans flatterie. Faites vous fort petite a vos
yeux : c'est la vraye grandeur des vefves (Lettres 3 lettre 381).
Quand il vous arrivera des pensees mauvaises et que vous vous en appercevres,
faites un acte positif par une aspiration contraire, et ne perdes pas le
tems a vouloir rien rechercher, mais passes outre.
Il est bon de representer ses necessités a Dieu par un simple
regard, et l'invoquer au commencement de toutes vos actions. Penses que
le doux Sauveur est assis dans vostre cur comme en son throsne, et le
regardés souvent, vous humiliant fort devant luy. .
Je desire que vous soyes extremement humble ; que vostre cur soit
fort clair et ouvert, et sans reserve en mon endroit.
DII
Exhortation à la douceur dans les relations avec le prochain.
- Comment réprimer les défauts de nos inférieurs.
- Aveu du Saint. - Les vainqueurs du mal.
Quand le saint patriarche Joseph renvoya ses freres d'Egypte pour amener
Jacob leur pere, il leur donna cet advis : Ne vous courroucés point
en chemin (Gn 55,24). Je vous dis de mesme : Cette miserable vie n'est
qu'un acheminement a la bienheureuse ; ah ! ne nous courrouçons
point en chemin, allons avec nos compaignes, doucement et paisiblement.
Ne recevés pas les pretextes que l'amour propre suggere pour excuser
le courroux, car saint Jacques dit tout net (Jc 1,20) : L'ire de l' homme
n'opere point la justice de Dieu ; combien moins celle de la femme. Et
aussi, Nostre Seigneur a formé toute sa doctrine en ces motz : Apprenes
de moy que je suis doux et humble de cur (Mt 11,29).Bref, le sucre ne
gaste nulle sauce. .
Il faut resister au mal et reprimer les vices de ceux qui sont en nostre
charge, puissamment, vaillamment, mais doucement, paisiblement. Rien ne
matte tant l'elephant que l'aigneau, et rien ne rompt tant la fureur du
canon que la laine. Je ne me suis mis en cholere, pour justement que ç'ayt
esté, que je n'aye reconneu par apres que j'eusse encores plus justement
fait de ne me point courroucer.
Bref, resouvenés vous que l'espouse de Nostre Seigneur est appel1ee
Sulamite (Ct 7,1), c'est a dire paisible, et que dessous sa langue est
le lait et le miel ; en ses levres, le rayon distillant, comme il est dit
au Cantique (Ct 4,11). Saint Paul nous apprend de vaincre le mal (Rm 12,
21), et non seulement de le combattre. Ceux qui se courroucent combattent
le mal, mais ceux qui sont doux le vainquent: Surmontes, dit l'Apostre
(Rm 12, ) le mal par le bien.
DIII
Avoir son âme en ses mains ; comment elle nous échappe
et les moyens de la reprendre, - Obligation d'une âme qui est toute
à Dieu. - Le présent, le passé et l'avenir, et remploi
qu'il convient d'en faire pour servir Notre-Seigneur comme il le désire.
(a)
Mon ame est au hazard, je la porte en mes mains, disait David (Ps 118,109).
Examines souvent si vous aves vostre ame en vos mains ; si quelque passion,
trouble ou inquietude vous l'a point ravie ; si vous l'aves en vostre commandement,
ou bien si elle est point engagee en quelque affection ; et si vous voyes
qu'elle vous soit eschappee, avant toutes choses, cherches la et la reprenes.
Mais resouvenes vous qu'il la faut reprendre fort bellement et doucement,
car si vous la voules saysir a force de bras, vous l'effaroucheres.
Dieu soit nostre tout!
(b)
Considerés souvent si vous pouves dire avec verité :
Mon Bienaymé est a moy, et moy a luy (Ct 2,16). Voyés s'il
y a quelques pieces et facultés de vostre ame ou quelque sens de
vostre cors qui ne soit pas a Dieu, et l'ayant. descouvert, reprenes le
ou qu'il soit, et le luy rendes, car vous estes a luy, toute, toute.
Nostre Seigneur desire que vous ne pensies ni a vostre advancement
ni a vostre amendement, point du tout ; mais a recevoir et employer fidellement
les occasions de le servir et prattiquer les vertus dans chaque moment,
sans aucune reflexion sur le passé ni l'avenir. Chaque moment present
doit porter son soin (Mt 6,34), et l'unique occupation dans les retours
a Dieu, est un general abandonnement et desir qu'il destruise tout ce qui
s'oppose a ses desseins.
DIV
(FRAGMENT INÉDIT)
Un " point d'importance. " - Les feuilles, les fleurs et les fruits
des amitiés mondaines. - Les petits renardeaux et les mouches mortes.
- Les amitiés mauvaises et les amitiés de charité;
différence de leurs allures. - Il faut couper les premières,
et " au couteau tranchant. " - Le trouble de la Sainte Vierge à
la vue d'un Ange doit servir de leçon aux âmes pudiques.
Ayes memoyre de l'advis de saint Jacques (Jc 4,4) : L'amitié
du monde est ennemie de Dieu. (Lettres 3 lettres 328,331) Gardes vous de
recevoir ou nourrir aucune amitié mondaine, sous quel pretexte que
ce soit ; ceci est un point d'importance.
(Introduction Vie devote) Vous descouvrires cette amitié par
ses feuilles, par ses fleurs [et par ses fruits). Ses fruitz, ses feuilles
et ses fleurs ne valent rien. Ses feuilles sont des paroles bien coiffees,
recherchees, inutiles, affectees, loüanges tirees de vos qualites
naturelles et civiles, et semblables vanités. Ostés-vous
de la, ma Fille, car l'ombre de ces feuilles est veneneuse, Les fruitz
sont: distraction de cur, obscurcissement d'esprit, degoustement d'ame,
dissipation des facultés interieures. Oh ! Dieu vous defende de
ces accidens.
Saysisses, dit il au Cantique (Ct 2,15), ces petitz renardeaux, car
ilz demolissent les vignes, Telles petites galanteries sont renardeaux
qu'on ne voit presque pas : ilz sont propres a se cacher parce qu'ilz sont
petitz ; ilz se fourrent insensiblement au travers de la haye de nos resolutions,
mais ilz ne laissent pas de faire un grand degast, pour peu d'entree qu'on
leur donne. La vraye marque de ces renardeaux, c'est qu'ilz nevoudroyent
ni dire ni faire ce qu'ilz dient, et voudroyent qu'il ne fust sceu de personne;
ilz recherchent les tenebres et fuyent le jour ; ilz recherchent des immoderés
secretz et silence. Toutes telles amitiés sont mondaines et desplaisantes
a Dieu.
Ce sont ces mouches qui perdent la suavité de l'unguent, parce
qu'elles sont mortes (Eccles 10,1). La vraye amitié de charité
est ronde, franche, ouverte, sans fierté, sans finesse, toute simple,
point jalouse, point affectee. 0 mouche morte, que fais tu dans ce miel
? Que te sert il d'estre parmi l'unguent, ni a l'unguent de te recevoir
? Si tu estois vive, tu ferais le miel, et le miel te nourrirait ; tu mangerois
l'unguent, et l'unguent te parfumerait, tu emporterais le parfum ça
.et la : mais morte, tu perds l'unguent.
(Introduction Vie devote) Coupés, tranchés ces amitiés,
et ne vous amuses pas a les desnoüer : il faut les ciseaux et le couteau.
Non, les nudz sont minces, entrefichés, entortillés; vous
les penseres desfaire, et les entreficheres plus fort ; vos ongles [sont]
trop courtes pour passer toutes ces boucles. Ce n'est qu'au couteau tranchant
qu'on les coupe ; aussi bien les cordons ne valent rien: qu'on ne les espargne
point. Ce n'est pas moy qui dis ceci, c'est Dieu.
Voyes vostre sainte Abbesse : elle se. trouble voyant un Ange en forme
d'homme avec elle (Lc 1,28), parce qu'il la loüoit et qu'elle estoit
seule. Sauveur de mon ame ! elle craint un Ange en forme humaine; craignes
un homme, encor qu'il soit en forme d'ange, car le danger en est bien plus
grand. C'est asses dit.
DV
Vertus, exercices, lieu, rang, gloire et couronne des veuves. - A qui
faut-.il laisser les extases et la contemplation de l'Essence divine. -
Tableau rapide des vertus que la très Sainte Vierge a pratiquées
depuis Nazareth jusqu'au Calvaire. - Les petites et les grandes vertus
; c'est par les unes qu'on arrive aux autres. - La " femme forte " et ce
qu'il faut faire pour lui ressembler. - Dieu, comme un bon père,
accommode ses pas aux nôtres. - Comment fortifier son cur contre
Satan et le rendre " imprenable. "
Chacun doit aymer les vertus qui luy sont convenables, chacun selon
sa vocation. Les vertus d'une vefve sont l'humilité, le mespris
du monde et de soy mesme, la simplicité. Ses exercices sont l'amour
de son abjection, le service des pauvres et des malades; son lieu, le pied
de la Croix; son rang, le dernier ; sa gloire, d'estre mesprisee; sa couronne
doit estre sa misere : petites vertus. Car, quant aux extases, insensibilités,
et ces unions deifiques, eslevations, transformations et semblables vertus,
et qu'on estime distraction de servir Nostre Seigneur en son humanité
et membres d'icelle, et ne s'amuse plus qu'a la contemplation de l'Essence
divine, il les faut laisser pour les ames rares, eslevees et qui en sont
dignes. Nous ne meritons pas tel rang au service de Dieu ; il le faut servir
premierement es bas offices, avant que d'estre attiree a son cabinet.
Voyes vostre Abbesse par tout ou elle est. En sa chambre de Nazareth:
elle exerce sa pudicité en craignant ; sa candeur, desirant d'estre
enseignee et interrogeant ; sa demission, son humilité, se disant
chambriere (Lc 1,29). Voyes la en Bethleem : elle exerce une vie simple
de pauvreté ; elle escoute les bergers comme si c'eussent esté
degrans docteurs. Voyes la avec les Rois : elle ne s'empresse point a leur
faire des harangues. Voyes la en la Purification : elle va pour obeir a
la coustume ecc1esiastique (Lc 2,23). En allant et revenant de l'Egypte,
elle obeit simplement a saint Joseph (Mt 2,14). Elle ne croit pas de perdre
le tems d'aller visiter sa cousine sainte Elizabeth (Lc 1,39), par office
d'une charitable civilité. Elle cherche Nostre [Seigneur] non pas
en se res-jouissant, mais en pleurant (Lc 2,48). Elle a compassion de la
pauvreté et confusion de ceux qui l'ont invitee aux noces, leur
procurant leurs necessités (Jn 2,3). Elle est au pied de la Croix
(Jn 14,25), humblement humble, basse, vertueuse, et vertueusement basse.
(Introduction Vie devote) Dieu ne recompense pas ses serviteurs selon
la dignité de l'office qu'ilz exercent. Je ne dis pas qu'il ne faille
aspirer a ces hautes et supremes vertus, mais je dis qu'il faut s'exercer
aux petites, sans lesquelles les grandes sont souvent fauses et trompeuses.
Apprenons a souffrir volontier des paroles d'abaissement et qui tendent
au ravalement de nos opinions et de nos advis ; puis nous apprendrons a
souffrir le martyre, a faire l'aneantissement en Dieu et l'insensibilité
en toutes choses. David apprit premierement a esgorger les bestes et puis
a desfaire les armees (1 R 17,34 ; Eccli 47,3). L'on sçait ce qu'Eliezer
fit pour connoistre si Rebecca estoit propre pour estre espouse du filz
de son maistre Abraham: [ce] fut en luy demandant a boire de l'eau, espreuvant
si elle en donneroit volontier et espreuvant encores si elle en donneroit
volontier a ses chameaux (Gn 24,13). Petite courtoisie ; basse vertu, mais
marque d'une bien grande.
Je ne forclos pas l'eslevation de l'ame, l'orayson mentale, la conversation
interieure avec Dieu, l'eslancement perpetuel du cur en Nostre Seigneur
; mais sçaves vous ce que je veux dire, ma Fille ? Je veux dire
qu'il vous faut estre comme cette femme forte, de laquelle le Sage dit
(Pr 31,19) : Elle a mis la main a choses fortes et ses doigtz ont manié
le fuseau. Medites, esleves vostre esprit, portes-le en Dieu, c'est a dire,
tires Dieu en vostre esprit : voyla les choses fortes. Mais avec tout cela,
n'oublies pas vostre quenoüille et vostre fuseau : filés le
fil des petites vertus, abaisses vous aux exercices de charité.
Qui dit autrement, se trompe et est trompé.
Laisses moy le soin de vos autres desirs, je les vous garderay fort
soigneusement; n'en ayes nul souci, car peut estre aussi ne vous les rendray
je jamais et ne sera pas expedient ; mais asseures vous que je ne les employeray
pas mal. J'en dois .rendre conte a Dieu et je m'en charge.
Chemines tous-jours devant Dieu et devant vous. Dieu prend playsir
a vous voir faire vos petitz pas, et, comme un bon pere qui tient son enfant
par la main, il accommodera ses pas aux vostres et se contentera de n'aller
pas plus viste que vous. Dequoy vous soucies vous ? d'aller ou d'un costé
ou d'autre, d'aller vistement ou bellement ? Pourveu qu'il soit avec vous,
et vous avec luy.
Ne disputés jamais ni peu ni prou avec les suggestions de l'ennemy,
contre la foy, contre la chasteté, contre l'obeissance voüee
et contre le dessein de tendre a la perfection. Vostre cur est imprenable,
et ces articles en sont les fondamentales asseurances. Qu'est il besoin
de disputer ? Non, pas .un seul mot de replique, sinon celle de Nostre
Seigneur : Arriere de moy, 0 Satan, tu ne tenteras pas le Seigneur ton
Dieu (Mt 4,10 ; Lc 4,12).
Marches joyeusement, ma Fille, avec une extreme confiance en la misericorde
de vostre Espoux, et croyes qu'il vous conduira bien ; mais laissés-le
faire.
DVI
L'esprit naturel et l'esprit chrétien ou l'esprit de la foi
; les rébellions du premier n'empêchent pas celui-ci de subsister
et d"avoir finalement la victoire. - La barque, l'aiguille marine et la
" belle estoile. " - Que doit faire l'âme chrétienne au temps
de la " dereliction " - Comment se conduire dans les assauts contre la
foi et dans les tentations de vanité et de vaine gloire. - Les assoupissements
et les distractions.- Les nuages du ciel atmosphérique et les brouillards
de l'esprit. - Porter remède au mal, mais se tenir dans l'indifférence
à l'égard des résultats. - Le moyen d'être parmi
le monde, sans y avoir son cur.
Resouvenes vous que nostre esprit connoissant et agissant, s'appelle
ame agissante et connoissante ; [connaissant] par le discours et raysonnement
naturel, il s'appelle entendement, intelligence ou esprit humain ; mais
connoissant et agissant par l'esprit de la foy, il s'appelle esprit de
la foy ou esprit chrestien. Or, ma Fille, il arrive quelquefois que nostre
esprit n'agit que par la clairté naturelle, et que l'esprit humain
ne peut acquiescer a cette action, et beaucoup moins l'ame sensuelle, ains
se contredisent et s'opposent ; et lhors il nous semble que tout est perdu,
et l'esprit, presque abandonné de toutes les facultés raysonnables
et sensitives, demeure tout esperdu, ce semble, et estonné. Mays
neanmoins, en vraye verité, il n'y a nul danger, car l'esprit de
la foy demeure vif et sauve. Quand tout le reste conspireroit contre nous,
nous ne sçaurions deschoir de la grace de Dieu.
Il est vray qu'Absalon inquiete et trouble tout le royaume d'Israël
contre son pere David, en sorte que le pauvre David, tout Roy qu'il est,
s'en va pleurant, piedz nus et la teste voilee, chacun l'ayant abandonné
(2 R 15) ; mais il est Roy neanmoins, et a la fin rangera. tout le reste
a son obeissance. Quand donq il vous arrivera de voir vostre ame sensuelle
et vostre esprit humain se bander contre vostre esprit chrestien, le troubler,
inquieter et faire souslever contre luy les facultés de vostre cur,
courage, ma Fille, un peu de patience, car nostre David, en fin, demeurera
vainqueur. Que toute la barque de nostre navire aille ou il voudra; il
tirera bien quant et soy l'aiguille marine, mais il n'empeschera pas pourtant
qu'elle ne face son mouvement et qu'elle n'aye sa tendance a sa belle estoile.
Cette dereliction ressemble a celle que Nostre Seigneur ressentit
a sa Passion (Mt 27,46) ; et en icelle, il semble que nostre ame soit comme
le Prophete que l'Ange tenoit et portoit en l'air par un de ses cheveux
(Dn 14,35). Nul remede a cela, ma 'Fille, que de s'humilier et attendre
en patience la sainte grace de Dieu, recommandant doucement nostre esprit
entre ses mains paternelles (Lc 23,46).
Aux tentations de la foy, humilies vous profondement devant Dieu, puis
devant son Eglise, par une sainte inclination cordiale, et faites un acte
positif de foy, protestant de vouloir a jamais croire tout ce que Dieu
a revelé a son Eglise ; et, sans plus disputer ni examiner aucunes
choses, divertisses vostre cur a des autres occupations, et principalement
exterieures. Et bien que la tentation vienne autour de vous, ne faites
aucun semblant de la voir ; mais dissimulant cette attaque, appliques vous
aux autres exercices.
Aux tentations de vanité et de vaine gloire, il en faut faire
le mesme, c'est a sçavoir : faire un acte positif et contraire,
et au lieu de se glorifier, s'humilier de sa propre vanité, comme
disant : Ouy, Seigneur, je suis vaine et mon esprit n'est que vanité.
Ne vous rendes pas si pointilleuse et tendre aux sentimens des tentations,
que pour cela vous soyes troublee et inquietee. Helas ! ma Fille, il se
faut resoudre egalement a sentir .les tentations et a n'y point consentir.
Quand donq vous les sentires, penches doucement vostre cur de l'autre
costé et ne vous inquietes point ; et bien que vos sens et vostre
esprit humain semblent tenir le parti de la tentation, ne vous estonnes
nullement, pourveu que l'esprit de la foy et le mouvement intime de vostre
cur se tournent tous-jours a vostre belle estoile.
Estonnes vous encores moins des assoupissemens et distractions qui
surviennent, car ce sont accidens naturelz. Et comme au grand monde, le
ciel n'est pas tousjours serein et descouvert, mais souvent l'air se couvre
par des nuages et brouillardz, ainsy au petit monde, qui est l'homme, l'esprit
n'est pas tous-jours gay et clair, mais couvert quelquefois d'assoupissement
qui trouble sa clairté et empesche sa gayeté.
Quand il vous arrive des maux, ou interieurs ou exterieurs, employés
contre iceux les remedes que je vous ay marqués, puisque Dieu vous
les a donnés, mais laissés a Nostre Seigneur le choix de
donner la victoire ou aux tourmens ou aux remedes, selon son bon playsir.
Cette resignation est bien requise. Cloües vostre cur au pied de
la Croix, laissés-le la en asseurance, tandis que par la necessité
de vostre condition il faut estre parmi le monde, car ainsy nous n'y aurons
pas nostre cur.
DVII
Une grâce que le Saint sollicite de Notre-Seigneur pour Mme de
Chantal. La présence de Dieu dans l'âme chrétienne,
d'après sainte Thérèse et saint François de
Sales.
(a)
J'ay fort prié Nostre Seigneur qu'il vous fist bien sentir comme
il faut resigner tout vostre soin, toutes vos agilités et souplesse
d'esprit, toutes ces petites pointes de vostre entendement qui veulent
tout mesnager, voir et prevoir, entre les mains de sa Bonté souveraine
et tres paternelle, ne permettant point que vostre cur s'inquiete, ains
le faysant reposer doucement sur les bras du Sauveur.
(b)
La presence de Dieu que la Mere Therese enseigne au 29 et 30 chapitres
du Chemin de perfection est excellente, et pense que c'est la mesme que
je vous marquais, quand j'escrivois que Dieu estoit dans nostr'esprit comme
le cur d'iceluy, et en nostre cur comme l'esprit qui le vivifie, et que
David appelloit Dieu : Dieu de son cur (Ps 72,26). Usés-en hardiment
et souvent, car elle est fort utile.
Dieu soit a jamais l'ame et l'esprit de nos curs, ma tres chere Fille
! Courage, je vous prie.
DVIII
La charité envers le prochain ne doit pas nous faire couvrir
le mal. Blâmons le vice, épargnons les personnes. - Comment
nous devons considérer les actions du prochain. - La charité
et les pécheurs.
Je vous conjure de ne dire jamais mal du prochain ni rien qui tant
soit peu le puisse offencer. Il ne faut pas toutesfois favoriser le mal,
le flatter ou le couvrir, ains parler rondement et dire franchement mal
du mal, et blasmer les choses blasmables, quand l'utilité de celuy
de qui l'on parle le requiert ; car en cela, Dieu est glorifié.
Et sur tout, blasmer le vice et espargner le plus que l'on peut la personne
auquel il est, d'autant plus que la bonté de Dieu est si grande,
qu'un moment seul suffit pour impetrer sa grace. Et qui pourra asseurer
que celuy qui estoit hier pecheur et meschant le soit aujourd'huy ?
Quand nous regardons les actions du prochain, [voyons les] dans le
biais qui est le plus doux, et quand [ nous] ne pouvons excuser ni le fait
ni l'intention de celuy que, d'ailleurs, nous connoissons estre bon, n'en
jugeons point, mais ostons cela de nostre esprit et laissons le jugement
a Dieu. Quand nous ne pouvons excuser le peché, rendons le au moins
digne de compassion, l'attribuant a la cause la plus supportable, comme
a l'ignorance ou infirmité.
La charité craint de rencontrer .le mal, tant s'en faut qu'elle
l'aille chercher (1 Co 13,5); quand elle le treuve, elle s'en destourne,
elle le dissimule, ains elle ferme les yeux avant que de le voir ; que
s'il faut le voir, elle s'en destourne
DIX
A UN INCONNU
(FRAGMENT INÉDIT)
Regrets adressés à un supérieur de n'avoir pas
su le rencontrer pour lui baiser les mains.
[Fin 1608 ou 1609 ]
Monsieur,
Je desirois infiniment d'avoir lhonneur de vous bayser les mains et
vous vouer, en presence, l'obeissance que je vous veux rendre toute ma
vie, et avois marqué la ville d'Aix pour le lieu auquel, avec moins
de vostre incommodité, je pourrois jouir de ce bonheur lhors que
vous y viendries faire vostre visite. Mais n'en ayant pas sceu le tems,
cett'occasion s'est escoulee inutilement pour moy. Je cours donq d'esprit
et d'affection apres vous, Monsieur, et vous supplie tres humblement de
me vouloir.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
DX
A LA BARONNE DE CHANTAL
(FRAGMENT)
Impatience de Mme de Boisy de voir la conclusion du mariage de son
fils Bernard. - Le Saint partage ce même désir, mais sans
impatience.
Anneçy, [fin 1608 ou 1609 ]
Je vous asseure que ma mere est dans une telle impatience d'estre mere
d'une fille que vous luy aves donnee, que les continuelles presses qu'elle
m'en fait me bailleroyent avec elle de l'inquietude, si je ne me souvenois
de l'edifice auquel je travaille, qui est de bien establir mon ame dans
une constante paix. Dieu m'est a tesmoin combien je desire cette belleseur
et comme elle me sera chere. Non, je ne penseray point que ce soit ma belleseur,
elle me sera plus que seur et plus que fille ; mais pour cela, se faut
il empresser ?
..
ANNÉE 1609
DXI
AUX SYNDICS DE RUMILLY
Entremise du Saint auprès des FF.mineurs Capucins en faveur
de la ville de Rumilly.
Annecy, 13 janvier 1609.
Messieurs,
J'ay eu soin de faire tenir vostre lettre au P. Commissaire , et l'ay
accompaignee d'un' autre que j'ay escritte a mesme fin. Celuy qui les a
portees m'en rapportera bien tost la response, de laquelle je vous feray
part comme desireux de vostre consolation spirituelle , estant,
Messieurs,
Vostre bien humble et tres affectionné
en Nostre Seigneur,
FRANçs, E. de Geneve.
XIII janvier 1609.
A Messieurs
Messieurs les Scindics de Rumilly.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. de Morand, Le Trembley
(Savoie).
DXII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Les assoupissements des sens et la volonté résolue d'être
tout à Dieu. - La miséricorde de Dieu surpasse la misère
de ceux qui " en luy ont logé leurs esperances. " - Le meilleur
remède contre l'appréhension de la mort. - Ne pas examiner
ce qui est fait, mais penser à ce qui est à faire. - Comment
haïr nos défauts. - Ce qui conserve " nos tares. " - Désirs
illusoires de changement; c'est nous-même qu'il faut changer.
Annecy, 20 janvier 1609.
Madame,
Il n'y a point a douter que vous vous expliqueries bien mieux et plus
librement a vive voix que par escrit : mais en attendant que Dieu le veuïlle,
il faut employer les moyens qui se presentent. Voyes vous, les assoupissemens,
alanguissemens et engourdissemens des sens ne peuvent estre sans quelque
sorte de tristesse sensuelle ; mais tandis que vostre volonté et
le fond de vostr'esprit est bien resolu d'estre tout a Dieu, il ny a rien
a craindre, car ce sont des imperfections naturelles, et plus tost maladies
que pechés ou defautz spirituelz. Il faut neanmoins s'exciter et
provoquer au courage et activité d'esprit, tant quil vous sera possible.
O cette mort est hideuse, ma chere Fille, il est bien vray ; mais la
vie qui est au dela, et que la misericorde de Dieu nous donnera, est bien
fort desirable aussi. Et si, il ne faut nullement entrer en defiance, car
bien que nous soyons miserables, si ne le sommes nous pas a beaucoup pres
de ce que Dieu est misericordieux a ceux qui ont volonté de l'aymer
et qui en luy ont logé leurs esperances (Ps 32,18 ; 36,fin). Quand
le bienheureux Cardinal Borromee estoit sur le point de la mort, il fit
apporter l'image de Nostre Seigneur mort, affin d'adoucir sa mort par celle
de son Sauveur. C'est le meilleur remede de tous contre l'apprehension
de nostre trespas, que la cogitation de Celuy qui est nostre vie (Col 3,4),
et de ne jamais penser a l'un qu'on n'adjouste la pensee de l'autre.
Mon Dieu, ma chere Fille, n'examines point si ce que vous faites est
peu ou prou, si c'est bien ou mal, pourveu que ce ne soit pas peché
et que, tout a la bonne foy, vous ayes volonté de le faire pour
Dieu. Tant que vous pourres, faites parfaitement ce que vous feres, mais
quand il sera fait, ni penses plus, ains penses a ce qui est a faire. Alles
bien simplement en la voye de Nostre Seigneur, et ne tourmentes pas vostre
esprit. Il faut hair nos defautz, mais d'une hayne tranquille et quiete,
non point d'une hayne despiteuse et troublee ; et si, il faut avoir patience
de les voir, et en tirer le prouffit d'un saint abayssement de nous mesme.
A faute de cela, ma Fille, vos imperfections, que vous voyes subtilement,
vous troublent encor plus subtilement, et par ce moyen se maintiennent,
ny ayant rien qui conserve plus nos tares que l'inquietude et empressement
de les oster.
Dieu soit aupres de madame [de Mieudry ] en cette Babilone ou elle
va, et luy donne les consolations spirituelles plus grandes que les corporelles.
Je salue de tout mon cur madame de Mirebel et luy souhaite abondance du
Saint Esprit.
C'est une rude tentation de se desplaire, en s'attristant, au monde,
quand il y faut estre par necessité, La providence de Dieu est plus
sage que nous. Il nous est advis que, changeant de navire, nous nous porterons
mieux ; ouy, si nous nous changeons nous mesme. Mon Dieu, je suis ennemi
conjuré de ces desirs inutiles, dangereux et mauvais ; car encor
que ce que nous desirons est bon, le desir est neanmoins mauvais, puis
que Dieu ne nous veut pas cette sorte de bien, mais un autre, auquel il
veut que nous nous exercions. Dieu nous veut parler dedans les espines
et le buisson, comm'il fit a Moyse (Ex 3,2), et nous voulons quil . nous
parle dans le petit vent doux et frais, comm'il fit a Helie (3 R 19,12).
Sa Bonté vous conserve, ma Fille; mais soyes constante, courageuse,
et vous res-jouisses dequoy elle vous donne la volonté d'estre toute
sienne. Je suis en elle, tres entierement vostre.
F. E. de G.
xx janvier 1609.
Revu sur l'Autographe communiqué par M. le chanoine Collonges,
aumônier de la Visitation de Chambéry.
DXIII
A LA MÊME
Quand les mortifications ne manquent pas, n'en pas désirer d'autres.-
De quelle plainte il se faut garder en toute façon. - Les " petites
tricheries quotidiennes. "- La confiance filiale des petits enfants proposée
aux âmes qui aspirent a l'extrême perfection. - Après
les chutes, il ne faut jamais se décourager. - Dans quel cas il
est sage de payer ce qu'on ne doit pas.
Annecy, [février] 1609.
Je vous renvoye vostre livre corrigé , ma tres chere Fille:
vous puisse-il estre aussi utile que je souhaitte ! Sans doute, il faut
tant faire et refaire les resolutions de s'unir a Dieu, que nous y demeurions
engagés. Mais je desire qu'en vos ferveurs vous ne facies pas des
desirs de tentations ni occasions de mortifications ; car puisque, par
la grace de Dieu, elles ne vous manquent pas, il n'est pas besoin d'occuper
vostre cur a les desirer. Occupés le plustost a le preparer et
mettre en la posture requise pour les recevoir, non pas quand vous voudrés,
mais quand Dieu voudra les vous permettre.
D'avoir un peu de joye en la grace divine quand les rencontres nous
succedent bien, il n'y a point de mal, pourveu que nous les terminions
en humilité. De remedier aux occurrences qui ne vous regardent pas
en particulier, mais vostre mayson, il le faut faire, avec cette remise
neanmoins, de vouloir avec un cur esgal attendre l'evenement que Dieu
disposera pour le mieux. Mais quant a cette sorte de plainte, que vous
estes miserable et infortunee, mon Dieu, ma chere Fille, il s'en faut garder
en toute façon ; car, outre que telles paroles sont deshonnestes
a une servante de Dieu, elles sortent d'un cur trop abbatu et ne sont
pas tant des impatiences que des courroux.
Voyés vous, ma chere Fille, faites un particulier exercice de
douceur et d'acquiescement a la volonté de Dieu, non point pour
les choses extraordinaires seulement, mais principalement pour ces petites
tricheries quotidiennes. Prepares vous y le matin, l'apres disnee, en disant
Graces, devant le souper, apres souper et le soir, et faites en vostre
prix fait pour un tems. Mais faites cela avec un esprit tranquille et joyeux,
je veux dire ces exercices; et s'il vous arrive des manquemens, humilies
vous et recommencés.
C'est bien fait d'aspirer d'une generale aspiration a l'extreme perfection
de la vie chrestienne, mais il ne faut pas philosopher en particulier,
sinon sur nostre amendement et sur nostre advancement selon les occurrences
quotidiennes, de jour en jour, remettant la conduitte de nostre souhait
general a la providence de Dieu, et nous jettant pour ce regard entre ses
bras, comme un petit enfant qui, pour croistre mange de jour en jour ce
que son pere luy fournit, esperant qu'il luy fournira a proportion de son
appetit et de sa necessité.
Pour ces tentations d'envie, prattiqués ce que je dis au livre,
des mesmes tentations (Intr V.dev. 2, 45 et 52). Puisque la Communion vous
est si prouffitable, frequentés la avec ferveur d'esprit et netteté
de conscience. Vivés tous-jours joyeuse au travers de toutes vos
tentations. Ne faites point pour le present d'autre penitence, et vangés-vous
de vous mesme en .esprit de douceur a supporter charitablement le prochain,
visiter les malades, et ayés bon courage.
J'ay escrit despuis peu a nostre bonne seur : c'est une fille que je
cheris bien fort. La pauvrette a esté tout plein troublee pour peu
de chose ; mais c'est bon signe, car cela a produit de la crainte de Dieu.
Elle a esté toute descouragee parce qu'elle croyoit d'avoir offencé.
0 Dieu, il faut plustost mourir que d'offencer sciemment et deliberement
; mais quand nous tombons, il faut tout perdre, plustost que le courage,
l'esperance et la resolution. Or bien, Dieu convertira le tout a son honneur.
Vostre voysine peut fort loüablement payer derechef ce qu'elle
ne doit pas, pour eviter le mal d'un proces ou d'une discorde a son mary,
si la somme n'estoit pas fort importante ; car, si pour le preserver d'une
fievre corporelle, elle peut bien a son insceu employer de l'argent, pourquoy
non pour divertir une fievre spirituelle ?
Bon soir, Madame ma tres chere commere, ma Fille; vostre cur est a
Dieu, vivés heureuse d'estre si bien logee. Je suis, d'un cur entier,
Vostre tres fidelle serviteur et compere,
FRANÇs, E. de Geneve.
Je prieray pour la filleule .
DXIV
A MONSEIGNEUR PIERRE DE VILLARS, ARCHEVÊQUE DE VIENNE
L'Introduction à la Vie devote : circonstances historiques de
la publication de cet ouvrage. - Pour quelles raisons l'auteur croit devoir
laisser aux grands ouvriers les grands desseins. - Ouvrages moins laborieux
qu'il médite d'écrire : " un livret " de l'Amour de Dieu,
un petit Calendrier et Journalier pour l'âme dévote, un Traité
de la prédication, une méthode de convertir les hérétiques.
- La bibliothèque du Saint en Chablais. - Jugement de Mgr Fenouillet
sur l'Introduction.
Annecy, vers le 15 février 1609 .
Monseigneur,
Je receus le huitiesme de ce mois la lettre qu'il vous pleut m'escrire
le 25 de l'autre prochainement passé, et proteste que rien ne m'est
arrivé, il y a long tems, qui m'ayt rempli de tant de joye et d'honneur;
car mon ame, qui reveroit la vostre d'un grand respect, desiroit par quelque
heureuse rencontre avoir quelque digne acces a vostre bienveuillance. Mais,
comme le pouvois je esperer, estant cloüé et affigê a
ces montaignes, et si indigne de vostre consideration ? Et coyci neanmoins
que Dieu a voulu me prevenir de cette consolation, de laquelle je remercie
tres humblement sa Bonté, et me sens fort obligé a la vostre
qui s'y est si amiablement inclinee. C'est un grand fruit que ce pauvre
petit livre m'a rendu, et lequel certes je n'attendois pas, mais pour lequel
seul, plus que pour aucun autre duquel je me sois apperceu jusques a present,
je le veux desormais aymer et cultiver.
Vous aures bien remarqué, Monseigneur, que cette besoigne ne
fut jamais faitte a dessein projetté. C'est un memorial que j'avois
dressé pour une belle ame qui avoit desiré ma direction ;
et cela, emmi les occupations d'un Caresme, auquel je preschois deux fois
la semaine. Elle le monstra au R. P. Forier, lhors Recteur du college de
Chamberi et maintenant de celuy d'Avignon, qu'elle sçavoit estre
mon grand amy, et auquel mesme je rendois souvent conte de mes actions.
Ce fut luy qui me pressa si fort de faire mettre au jour cet escrit, qu'apres
l'avoir hastivement reveu et accommodé de quelques petitz ageancemens,
je l'envoyay a l'imprimeur : c'est pourquoy il s'est presenté a
vos yeux si mal accommodé. Mais puisque, tel qu'il est, vous le
favorisés de vostre approbation, si jamais il retourne sous la presse,
je me delibere de l'ageancer et accroistre de certaines pieces qui, a mon
advis, le rendront plus utile au publiq et moins indigne de la faveur que
vous luy faites.
Et puisque vous m'exhortes, Monseigneur, de continuer a mettre par
escrit ce que Dieu me donnera pour l'edification de son Eglise, je vous
diray librement et avec confiance mes intentions pour ce regard. Tout me
manque, sans doute, pour l'entreprise des uvres de grand volume et de
longue haleine ; car vrayement je n'ay nulle suffisance d'esprit pour cela.
Il n'y a peut estre Evesque a cent lieuës autour de moy qui ayt un
si grand embroüillement d'affaires que j'ay; je suis en lieu ou je
ne puis avoir ni livres ni communications propres a telz effectz. Pour
cela, laissant aux grans ouvriers les grans desseins, j'ay conceu certains
petitz ouvrages moins laborieux, et neanmoins asses propres a la condition
de ma vie, non seulement voüee mais consacree au service du prochain
pour la gloire de Dieu. Je vous en representeray briefvement les argumens.
Je medite donq un livret de l'Amour de Dieu, non point pour en traitter
speculativement, mais pour en monstrer la prattique en l'observation des
commandemens de la premiere Table. Celuy ci. sera suivi d'un autre, qui
monstrera la prattique du .mesme amour divin en l'observation des commandemens
de la seconde Table ; et tous deux pourront estre reduitz en un volume
juste et maniable. Je pense aussi de pousser dehors un jour un petit Calendrier
et Journalier pour la conduitte de l'ame devote, auquel je representeray
a Philothee des saintes occupations pour toutes les semaines de l'annee
.
J'ay de plus quelques materiaux pour l'introduction des apprentifz
a l'exercice de la predication evangehque , laquelle je voudrois faire
suivre de la methode de convertir les heretiques par la sainte predication.
Et en ce dernier livre, je voudrois, par maniere de prattique, desfaire
tous les plus apparens et celebres argumens de nos adversaires ; et ce,
avec un style non seulement instructif mais affectif, a ce qu'il proffitast
non seulement a la consolation des Catholiques, mais a la reduction des
heretiques : a quoy j'employerois plusieurs meditations que j'ay faites
durant cinq ans en Chablais , ou j'ay presché sans autres livres
que la Bible et ceux du grand Bellarmin.
Voyla, Monseigneur, ce que mon petit zele me suggere, lequel, n'estant
pas, a l'adventure, secundum scientiam (Rm 10,2), le tems, le peu de loysir
que j'ay, la connoissance de mon imbecillité moderera ; bien que,
sans mentir, vostre authorité l'ayt bien fort enflammé par
le favorable jugement que vous faites de ce premier livret, duquel encor
faut-il que je vous die ce que Monsieur nostre Evesque de Montpellier (
Mgr Fenouillet) m'a escrit.
Il m'advertit que je me tiens trop pressé et serré en
plusieurs endroitz, ne donnant pas asses de cors a mes advis. En quoy,
sans doute, je voy qu'il a rayson ; mais n'ayant dressé cette besoigne
que pour une ame que je voyois souvent, j'affectois la briefveté
en escrit, pour la commodité que j'avois de m'estendre en paroles.
L'autre chose qu'il me dit, c'est que, pour une simple et premiere introduction,
je porte trop avant ma Philothee ; et cela est arrivé parce que
l'ame que je traittois estoit des-ja bien fort vertueuse, quoy qu'elle
n'eust nullement gousté la vie devote : c'est pourquoy, en peu de
tems, elle advança bien fort.
Or, a l'un et a l'autre de ces defautz, je remedieray aysement si jamais
cette Introduction se reimprime ; car, pour finir par ou j'ay commencé,
l'honneur qu'elle me donne m'ayant ouvert le chemin a vostre amitié,
et l'opinion que vous aves qu'elle sera proffitable aux ames, sera cause
que je l'aymeray et luy feray tous les biens qu'il me sera possible.
Mais, mon Dieu, que dires vous de moy, Monseigneur, me voyant espancher
mon ame devant vous avec autant de naïfveté et d'asseurance,
comme si j'avois bien merité l'accueil que vous me faites et l'acces
que vous me donnes ? Je suis tel, Monseigneur, et vostre sainte charité
me donne cette libre confiance ; et, outre cela, me fait vous conjurer,
par les entrailles de nostre commun et souverain object et Sauveur, de
me continuer ce bien que vous aves commencé a me departir, non seulement
me communiquant la suavité de vostre esprit, mais me censurant et
advertissant en tout ce que vostre dilection et zele vous dicteront; vous
promettant que vous rencontrerés un cur capable, quoy que indigne,
de recevoir de telles faveurs.
Dieu vous conserve longuement, Monseigneur, et vous prospere
en ses graces, selon le souhait de
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
DXV
A LA BARONNE DE CHANTAL
Souhaits de bienvenue et offrande d'un gîte, - Envoi d'exemplaires
de l'Introduction à la Vie devote. - Joie du Saint de voir que tous
les siens parlent avec respect et affection de la petite Aimée et
de sa mère, - :Mme de Chantal attendue à Sales, - De quels
documents l'auteur compte se servir pour une seconde édition de
l'Introduction, - L'Abbesse du Puits-d'Orbe et son frère. - Affection
de François de Sales pour Marie-Aimée,
Annecy, mi.février 1609 ,
Mon Dieu, que vous seres la bien venue, ma cherc Fille, et comme il
m'est advis que mon ame embrasse la vostre cherement ! Partes donq au premier
beau jour que vous verrés, apres que vostre cheval se sera delassé,
lequel, sans doute, on ne pourroit pas bien vous renvoyer sinon despuis
troys jours en ça, pour les dernieres pluyes qui sont tombees en
ce païs. Je vous souhaitte bon et heureux voyage et que ma petite
fille (Marie-Aimée) ne soit pas mallement du travail du chemin ;
mais arrivant de bonne heure le soir et la faisant bien dormir, j'espere
qu'elle fera prou.
M. de Ballon desire tant que vous facies vostre giste chez luy, que
je suis contraint aussi de le desirer pour la bonne amitié qu'il
nous porte.
Madame du Puys d'Orbe m'avoit escrit qu'elle desiroit de venir avec
vous ; mais ni la sayson n'est pas propre pour elle, ni je ne voudrois
pas l'avoir en tems si incommode comme est le Caresme. Je luy escris donq
qu'elle attende le vray primtems et qu'elle vienne en litiere, affin que
si l'une de ses seurs veut l'accompaigner, elle le puisse faire sans apprehension
d'aller a cheval. Je luy envoye le livre ci-joint l'autre a madamoyselle
de Traves selon vostre desir. Le Pere de Monchi (note 44) m'en demandoit
un : si vous luy donnés celuy que vous avés, je vous en rendray
un plus brave icy ; car encor le faut-il consoler. J'en voudrois envoyer
a plusieurs personnes, mais je vous asseure que, pour tout, il n'en est
venu que trente en ce pais, et je n'ay peu fournir a la dixiesme partie
de ceux a qui j'en devois donner. Il est vray que je n'en suis pas tant
en peyne, parce que je sçai que de dela il y en a plus qu'icy. J'ay
creu neanmoins que je devois en envoyer un a M. de Chantal , et qu'il s'offenceroit
si je ne le faysois ; c'est pourquoy le voyla.
Qu'ay-je a vous dire de plus, ma chere Fille ? Mille choses, mais que
je n'ay nulloysir d'escrire, car je veux que Claude parte sans plus tarder.
Sachés seulement, ma vraye Fille, que je suis tout plein de joye
et de contentement dequoy vostre Groysi parle non seulement avec respect,
mais avec un amour tout affectionné de vous et de messieurs vos
peres ,et ce qui me plaist le plus, de ma chere petite Aymee. Je vous dis
la verité, il ne me sçauroit plus donner de playsir que par
la ; et vrayement j'espere que tout ira fort bien et qu'il ne demeurera
nul sujet de mescontentement a personne. Ne vous repentes point de m'avoir
escrit des douze cens livres ; car vous ne vous deves nullement repentir
de rien qui se passe avec moy.
Et bien, je verray donq bien des miseres, et nous en parlerons, a mon-
advis, a souhait.
Ma mere desire que vous facies vostre petit delassement a Sales, ou
elle vous attendra pour vous accompaigner icy ; mais ne croyes pas que
je vous y laisse sans moy. Non pas, certes, car ou je vous y attendray,
ou j'y seray aussi tost que je vous y sçauray ,
Je n'escris point a vostre commere , car j'auray loysir de l'entretenir
bien au long. Et si, je confesse que vous m'aves fait bien playsir de la
mettre sur vostre train, bien que pour elle il faudra peut estre que je
me mette en despense, affin qu'a son retour, elle face bon recit de ma
magnificence. Voyes vous, je ris des-ja dans le cur sur l'attente de vostte
arrivee .
Apportes moy toutes les lettres et memoyres que je vous ay jamais envoyé,
si vous les aves encor (ce que je dis a cause du naufrage que vous fistes
a vandanges, par ce que sil faut reimprimer l'Introduction, cela me deschargera
beaucoup, y treuvant plusieurs choses pour ce sujet ; puisque l'on ne m'a
encor corrigé pour la substance de ce livre-la que de m'estre trop
peu estendu.
La bonne Mme de Charmoysi fait prou ; vous la treuverés bien
avancee aux affections et aux effectz de la vraye devotion. Mais mon Dieu,
la voyla l'un des pieds sur le süeil de la porte de la cour. J'espere
que Dieu la tiendra par tout de sa main ; au moins il luy donne des bonnes
resolutions. Je sçai que vostre venue luy sera
..
Je vous prie de bien faire tenir a la bonne Mme du Puys d'Orbe le pacquet
ci joint, car il faut luy donner satisfaction a la pauvrette. J'ayme bien
son cur par ce quil m'est bien franc. Elle m'escrit que, pour tous les
advis que je luy ay donnés pour le bon ordre de son Monastere, elle
ne pourroit pas se resoudre a rien faire sans le consentement de son frere
, qui a, dit elle, un grand pouvoir sur sa volonté.. Elle m'a infiniment
obligé a me parler ainsy clair.
J'ay ouvert la lettre que mon frere (Sans doute Bernard.) vous escrivoit,
pour curiosité que j'avois de voir le poulet qui estoit dedans.
Je n'escris point a la chere petite (Marie-Aimée), mais je sçai
bien que je luy garde le plus amoureux salut que j'aye fait a damoyselle
du monde il y a seze ans.
Mon Dieu, ma Fille, que j'ay grand desir que le bon et doux Jesus vive
et regne dans nos curs ! C'est en luy que je suis tout uniquement vostre.
F.
DXVI
A LA PRÉSIDENTE BRULART
En quels cas une chrétienne doit être indifférente
au choix du confesseur.-Les bonnes intentions et les mauvaises pensées.
- Dévotion de François de Sales à sainte Thérèse.
- Intérêt qu'il porte à une veuve. - Pourquoi les vertus
des femmes mariées sont agréables à Dieu. - Unique
souci d'une .veuve chrétienne. - Il faut être douce et suave
parmi les siens, et mettre un soin particulier à le devenir.
Annecy, fin février 1609.
Ma chere Seur, ma Fille,
Je ne respons qu'aux deux lettres que ce porteur m'a rendües de
vostre part; car la troysiesme, envoyee par la voye de madame de Chantal,
ne m'est pas encor arrivee . Ce m'est beaucoup de contentement que vous
vivies sans scrupule et que la sainte Communion vous soit prouffitable;
sur quoy je vous dis qu'il faut donq continuer; Et pour cela, ma chere
Fille, puisque monsieur vostre mary s'inquiete dequoy vous alles a N. ,
ne vous y opiniastres nullement ; car puisque aussi bien vous n'aves pas
beaucoup de grans conseilz a prendre, tous confesseurs vous seront presque
bons, mesme celuy de vostre parroisse, c'est a dire monsieur N. , et, quand
il s'offrira encor des occasions, celuy des bonnes Meres Carmelites . Vous
sçaves tout ce qu'il faut pour se bien conduire avec toute sorte
de confesseurs ; c'est pourquoy vous pouves aller en liberté pour
ce regard. Ma chere Fille, demeures bien douce et bien humble a vostre
mary.
Vous aves rayson de ne vous point inquieter pour les mauvaises pensees,
tandis que vous aves de bonnes intentions et volontes, car ce sont celles-cy
que Dieu regarde. Ouy, ma Fille, faites bien comme je vous ay dit, car
quoy que mille petites tricheries de raysons apparentes s'eslevent au contraire,
si est-ce que mes resolutions sont fondees sur des raysons fondamentales
et conformes aux Docteurs et a l'Eglise ; mais je vous dis qu'elles sont
tellement veritables, que le contraire est une grande faute. Serves donq
Dieu selon cela, et il vous en benira ; mais n'escoutes jamais rien au
contraire, et croyes qu'il faut que je sois bien asseure quand je parle
si hardiment.
Je rens graces a la bonne Mere Prieure , et la porte avec toutes ses
Seurs en mon ame, avec grand honneur et amour. Mais, ma Fille, il y a bien
d'autres choses a vous demander pour cette mesme devotion de la bienheureuse
Mere Therese : c'est que je voudrois que vous me fissies extraire son image
au vif jusques a la ceinture seulement, sur celle qu'on dit que ces bonnes
Seurs ont , et allant par dela, un de nos cures qui doit y aller dans sept
ou huit jours, la prendroit a son retour pour me l'apporter. Je ne traitterois
pas comme cela avec toutes sortes de filles, mais avec vous je fay selon
mon cur.
Je recommanderay au Saint Esprit la chere seur vefve , affin qu'il
l'inspire au choix d'un mary qui luy soit a jamais a consolation. C'est
le sacré mary de l'ame que j'entens ; neanmoins, si Dieu dispose
de se servir d'elle encor une fois au tracas d'un mesnage complet et qu'il
la veuille exercer a la sujetion, il en fàudra loüer sa Majesté,
laquelle sans doute fait toutes choses pour le bien des siens (Rm 8,28).
Ah mon Dieu, ma Fille, que les vertus d'une femme mariee sont aggreables
a Dieu ! car il faut qu'elles soyent fortes et excellentes pour durer en
cette vocation ; mais aussi, 0 mon Dieu, que c'est une chose douce a une
vefve de n'avoir qu'un cur a contenter ! Mais bien ; cette Bonté
souveraine sera le soleil qui esc1airera cette bonne chere seur, affin
qu'elle sache ou prendre son chemin. C'est une ame que j'ayme tendrement,
et ou qu'elle aille, j'espere qu'elle servira bien Dieu, et je la suivray
par les continuelles prieres que je feray pour elle.
Je me recommande a celles de nostre petite fille [Madeleine ] et de
N. Il est vray que [Madeleine] est ma fille un peu plus que les autres
; et me semble que tout est mien, ma Fille, en Celuy qui, pour nous rendre
siens, s'est rendu tout nostre. Je suis en luy, ma tres chere Fille, Vostre
frere et serviteur tres humble,
FRANÇs, E. de Geneve.
Faites avec un soin particulier tout ce que vous pourres pour acquerir
la douceur entre les vostres, je veux dire en vostre mesnage. Je ne dis
pas qu'il faille estre molle ni remise, mais je dis, douce et suave. Il
y faut penser entrant en la mayson, sortant d'icelle, y estant le matin,
a midy, a toute heure ; il faut faire un principal de ce soin pour un tems,
et le reste, l'oublier quasi un peu.
DXVII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Analyse d'une tentation de découragement. - Comment doit s'exercer
l'apostolat des femmes chrétiennes hors de leur maison. - Conduite
à tenir lorsque nous sommes préoccupés de savoir si
nous avons bien fait. - L'amour propre et l'amour de Dieu. - Les heures
de sommeil et la santé. - Pourquoi le monde est quelquefois plus
propice que le cloître à l'acquisition des vertus.
Annecy, [mars 1609]
J'ay receu vos deux lettres, ma chere Fille, et voy bien clairement
que tout le mal que vous aves eu n'a esté qu'un vray embarrassement
d'esprit provenu de deux desirs qui n'ont pas esté satisfaitz en
vous : l'un estoit le desir de servir a Dieu en l'occasion qui se presentoit
; l'autre, le desir de connoistre si vous avies fidellement fait vostre
devoir. Et en l'un et en l'autre vous aves eu de l'empressement qui vous
a troublee et inquietee, et puis embarrassee. Or, sans doute vous aves
bien fait vostre devoir. Vostre esprit, panchant tous-jours un peu a l'indignation,
vous a fait treuver peu ce que vous aves fait, et le mesme esprit, desirant
grandement de satisfaire a son obligation et ne se pouvant certainement
persuader de l'avoir fait, est tombé en tristesse et descouragement
ou desgoust.
Or sus, ma chere Fille, il se faut donq bien res-jouir en oubliant
tout cela et s'humiliant bien fort devant Nostre Seigneur, et vous resouvenant
que vostre sexe et vostre vocation ne vous permet d'empescher le mal hors
de chez vous que par l'inspiration et proposition du bien, et des remonstrances
simples, humbles et charitables a l'endroit des defaillans, et par advertissement
aux Superieurs quand cela se peut ; ce que je dis pour une autre fois.
A quoy j'adjouste, pour un advis general, que quand nous ne sçavons
pas discerner si nous avons bien rendu nostre devoir en quelque occurrence
et sommes en doute d'avoir offencé Dieu, il faut alhors s'humilier,
requerir Dieu qu'il nous excuse et demander plus de lumiere pour une autre
fois, et oublier tout a fait ce qui s'est passé et se remettre au
train ordinaire ; car une curieuse et empressee recherche pour sçavoir
si nous avons bien fait, provient indubitablement de l'amour propre qui
nous fait desirer de sçavoir si nous sommes braves, la ou l'amour
pur de Dieu nous dit : Truand ou coüard que j'ay esté, humilie
toy, appuye toy en la misericorde de Dieu, demande tous-jours pardon et,
sur une nouvelle protestation de fidelité, passe outre a la poursuite
de ton avancement.
J'appreuve que, si ce n'est quelquefois que l'on a besoin de repos,
on ne dorme pas du tout son saoul ; mais pour faire que cela ne nuyse point,
en lieu de dormir, il faut un peu faire plus d'exercice pour dissiper les
humeurs que le manquement du sommeil a laissé indigestes. Et en
cette sorte, vous pourres retrancher une heure sur vostre sommeil du costé
du matin, et non pas le soir, et je m'asseure que vous vous en porteres
mieux. Pour le reste des austerités, ne vous en donnes point d'extraordinaire,
car vostre complexion et vocation requiert que vous ne le facies pas ;
ni je n'appreuve pas une grande retraitte pour le present, car il est mieux,
pour l'acquisition des vertus, de les exercer emmi les contradictions ;
et ne faut point en cela se descourager, ains user de preparation frequente
pour s'y bien comporter.
Dieu soit tous-jours nostre unique amour et pretention, ma chereFille,
et je suis en luy tout vostre.
FRANÇs, E. de Geneve.
DXVIII
A LA PRÉSIDENTE BRULART
Les menues et fréquentes impatiences; moyens de les surmonter.
- II faut être colombe à l'oraison, mais aussi dans son foyer
et avec son entourage.
Annecy, vers mi-mars 1609.
Ma tres chere Fille,
Ce sera tous-jours quand je pourray que vous aures de mes lettres
; mais maintenant c'est de meilleur cur que je vous escris, parce que
M. [de] Moyron, present porteur, est mon plus proche voysin de cette ville,
mon grand amy et mon allié , par le retour duquel vous me pourres
escrire en toute asseurance ; et si l'image de la Mere Therese estoit faite,
il la prendrait, payeroit et apporteroit, ainsy que je l'en ay prié.
Mais, ma Fille, il m'est advis que je ne vous dis pas bien par ma derniere
lettre (lettre 516) ce que je desirois touchant vos menuës, mais frequentes
impatiences es occurrences de vostre mesnage. Je vous dis donq qu'il faut
que vous ayes une speciale attention a vous y tenir douce, et qu'estant
levee le matin, sortant de l'orayson, revenant de la Messe ou Communion,
et tous-jours quand vous rentres en ces affaires domestiques, il vous faut
estre attentive a commencer doucement, et coup sur coup regarder vostre
cur, voir s'il est doux, et s'il ne l'est pas, l'addoucir avant toutes
choses; que s'il l'est, il en faut loüer Dieu, et l'employer aux affaires
qui se presentent, avec un soin special de ne point le laisser dissiper.
Voyés-vous, ma Fille, ceux qui mangent souvent du miel treuvent
les choses aigres plus aigres et les ameres plus ameres, et se degoustent
aysement des viandes aspres. Vostre ame s'entretenant souvent aux exercices
spirituelz, qui sont doux et aggreables a l'esprit, quand elle revient
aux exercices corporelz, exterieurs et materielz, elle les treuve bien
aspres et fascheux ; c'est pourquoy aysement elle s'impatiente. C'est pourquoy,
ma chere Fille, il faut qu'en ces exercices vous. consideries la volonté
de Dieu, qui y est, et non pas la chose mesme qui se fait. Invoqués
souvent l'unique et belle colombe (Ct 2,10 ; 6,8) de l'Espoux celeste,
affin qu'elle impetre pour vous un vray cur de colombe, et que vous soyes
colombe non seulement volant par l'orayson, mais encor dedans vostre nid
et avec tous ceux qui sont autour de vous.
Dieu soit a jamais au milieu de vostre cur, ma bonne et chere Fille,
et nous rende un mesme esprit avec luy (1 Co 6,17). Je salue par vostre
entremise la bonne Mere et toutes les Seurs Carmelites, implorant l'ayde
de leur orayson. Si je sçavois que madamoyselle nostre chere seur
Jacob fust la , je la saluerois aussi, et sa petite Françon , comme
je fay vostre Magdeleine qui est encor mienne.
Vive Jesus !
DXIX
A MONSEIGNEUR JEAN-PIERRE CAMUS. ÉVÊQUE NOMMÉ DE
BELLEY
(FRAGMENT)
Panégyrique en raccourci de saint Joseph, - Tableau de la Sainte
Famille, - François de Sales accepte avec joie de " mettre la mitre
en teste " au futur Evêque de Belley.
Annecy, [fin mars) 1609
Monseigneur ,
Je prens avidement cette commodité de vous escrire, quoy qu'elle
soit un peu pressante, pour respondre a vostre derniere lettre, toute marquee
de suavité, du jour du grand Pere saint Joseph, grand Amy du Bienaymé,
grand Espoux de la Bienaymee du Pere celeste, qui a voulu que son Filz
celeste fust repeu entre les lys (Ct 2,16) de cette Espouse et de cet Espoux.
Je ne treuve rien de plus doux a mon imagination que de voir ce celeste
petit Jesus entre les bras de ce grand Saint, l'appellant mille et mille
fois : Papa, en son langage enfantin et d'un cur filialement tout amoureux
(cf TAD,Oraison Dédicatoire). .
Or sus, venés donq, mon tres cher Frere, et que ce soit par
mon ministere que vous soyes orné de ce grand caractere du sacerdoce
evangelique, affin qu'en certaine façon tres veritable, mais que
le sang et la chair n'entend pas (Mt 16,17), nous contractions par ce moyen
un parentage spirituel que la mort mesme, ni les cendres de nos cors ne
pourront desfaire et qui durera eternellement, et pour lequel mon esprit
aura une reelle relation de paternité, filiation et fraternité
avec le vostre. Dieu sçait que j'irais au bout du monde pour vous
mettre la mitre en teste, et serais jaloux si un autre me ravissoit cet
honneur
..
FRANÇs, E. de Geneve.
DXX
A LA PRÉSIDENTE BRULART
Trop différer la première Communion : grande erreur.
- le visage pâle et l'âme vermeille. - Envoi d'un exemplaire
corrigé de l'Introduction.
Annecy, fin mars ou commencement d'avril 1609 ;
N'attendes pas de moy maintenant que je vous escrive a souhait, car
bien que ce soit par mon frere , si n'ay-je pas beaucoup de loysir et si
je ne sçai s'il passera a Dijon ; mais je sçai bien pourtant
qu'il fera rendre seurement ma lettre. .
Ouy, ma Fille, sans doute, il ne faut pas laisser passer ces Pasques
sans faire communier vostre filz. Mon Dieu, c'est un docteur des-ja ! C'est
un grand erreur, ce me semble, de tant differer ce bien en cet aage, auquel
les enfans ont plus de discours a dix ans que nous n'en avions a quinze.
Vrayement, j'eusse bien desiré de luy donner la premiere Communion
: ce luy eust esté un sujet de se resouvenir de moy et de.m'aymer
toute sa vie. Mais bien, il n'importe pas pour luy.
J'ay receu l'image de la bienheureuse Mere Therese, dont je suis consolé
et vous en remercie.
Je suis bien ayse de sçavoir que cette fille soit en paix avec
monsieur Chevrier . Vrayement, je luy escrivis par M. de Moyron, qu'elle
fist ce qu'elle a fait de point en point, sur une lettre par laquelle elle
me demandoit conseil.
Eh bien, ma chere Fille, Dieu soit loué : pourveu que nostre
ame soit coloree du vermeil de la charité; .il ne nous doit pas
chaloir que nous ayons les pasles couleurs. C'est un mal propre a mortifier
et les sens et les sentimens, car il ne laisse point de mouvement qu'il
n'allanguisse, horsmis celuy du cur, lequel, pour l'ordinaire, il esmeut
et rend plus frequent. Rendés-le bien utile a vostre advancement
spirituel par vostre abnegation reelle des goustz, des suavités
qu'il vous oste, non seulement quant au cors, mais encor quant a l'esprit.
Vous faites bien de prattiquer mes advis, car ilz sont selon la volonté
de Dieu ; et si cette maladie vous y donne plus de repugnance, tant plus
gaigneres vous en leur exercice.
Je pensois vous envoyer plusieurs livres (de I'lntroduction à
la Vie devote.), mais l'imprimeur m'a manqué de parole de les m'envoyer
; je crains que vous en aurés la plus tost que moy icy. Je vous
envoye neanmoins celuy-ci, que j'ay emprunté d'une dame qui l'avoit,
affin que, s'il est possible, vous ayes le premier de ma part. Il faudra
corriger les autres sur iceluy, car je l'ay corrigé par tout, tant
que j'ay peu.
Dieu soit a jamais nostre amour, ma chere Fille, et croyés
que je suis en luy tout particulierement, vostre.
F.
Vive Jesus!
Ne dites pas que je vous ay envoyé ce livre, jusques a
ce que je puisse en envoyer davantage.
DXXI
A MONSEIGNEUR PIERRE DE VILLARS, ARCHEVÊQUE DE VIENNE
Une " petite opiniastreté " de saint François de Sales.
- L'Archevêque ayant refusé le titre de Monseigneur, le Bjenheureux
s'excuse de 1e lui donner encore et lui expose les raisons de sa respectueuse
obstination.
Annecy, mars-avril. 1609 .
Monseigneur,
Permettés moy, je vous supplie tres humblement, cette petite
opiniastreté ; car vrayement, tout aussi tost que vous aves voulu
que je bannisse des lettres que je vous envoye le tiltre de Monseigneur,
mon opinion s'est soudainement deslogee de ma volonté, laquelle
est irrevocablement sousmise a la vostre ; mais elle s'est sauvee dans
mon entendement, ou elle s'est tellement retranchee que je suis en peyne
d'entreprendre sa sortie. Ce n'est pourtant pas que mon entendement ne
veuille ceder a vostre jugement, duquel il revere extremement l'authorité
et la reconnoist pour souveraine en Son endroit ; mais c'est qu'il luy
est advis que vous.n'aves pas bien conceu la bonté et sincerité
de ses intentions pour ce regard. Oseray-je bien disputer avec vous, Monseigneur
? Vostre douceur, je pense, m'excusera ; c'est simplement pour m'expliquer.
Je dis donq, avec vostre congé : premierement, que je vous puis
appeller Monseigneur, et que ce tiltre n'est pas trop grand pour vous,
ni de moy ni d'aucun autre Evesque. Çela est clair par l'authorité
de tous les plus dignes Evesques de l'Eglise de Dieu, qui ont appellé
de tiltres bien plus relevés non seulement les Patriarches et Archevesques,
mais les autres Evesques mesmes. Et a cet argument ne satisfait pas la
response, que tous les prestres estoyent censés saintz, heureux,
peres, et que par consequent il failloit qualifier les Evesques sur iceux
: non, Monseigneur, car tous ces tiltres regardoyent leur estat, leur dignité,
leur Ordre.
. Je dis secondement, que non seulement je puis vous appeler Monseigneur,
mais il est expedient que je le fasse, et seroit bon que cela se fist par
tous les Evesques ; Car, quelle rayson y a-il que j'appelle les princes
du siecle Messeigneurs, et non pas ceux (que le Seigneur a établis
princes de son peuple ?) quos constituit Dominus principes populi sui (Ps
44,17 ; 112,8) ? Et ne sert a rien de dire : (Ne dominant pas le clergé
; car, comme vous ne devez pas dominer, ainsi est-ce de notre devoir de
nous soumettre.) Non dominantes in cleris (1 P 5,3) ; car, comme non debetis
dominari, sic nostrum subjici. Je vous supplie, pesés bien, Monseigneur,
cette rayson d'estat. Puisque nous ne pouvons refuser aux princes mondains
ce tiltre d'honneur, ne ferions-nous pas bien de nous esgaler, tant qu'en
nous est, a eux pour ce regard, desquelz on peut dire que derident nos
juniores [hoc] tempore, quorum non audebant patres cum sacerdotibus minoribus
incedere (en ce temps-ci, les jeunes gens nous dédaignent, tandis
que leurs pères n'osaient pas se comparer aux jeunes prêtres.).
Je dis, troysiesmement, qu'il est bien seant ; car encor que l'Italie
et la France sont separees et qu'il ne faut pas porter le langage de l'Italie
en France, si est ce que l'Eglise n'est pas separee ; et le langage, non
pas de la cour, mais de l'Eglise de Romme, est bon par tout en la bouche
des ecclesiastiques. C'est pourquoy, puisque le Pape mesme vous appelleroit
Monseigneur, il est seant que j'en face de mesme.
Il ne reste a resoudre que l'argument fondamental de vostre volonté,
mais il ne se peut resoudre ; car ce n'est que vostre humilité :
(afin que le plus grand en dignité, l'emporte par l'humilité)
ut qui major est dignitate, sit potior humilitate (S.Greg Mag in Ezech
2,6,9 ; Lc 22,26). J'y respons neanmoins, et dis que j'appelle ainsy tous
les Evesques a qui j'escris en esprit de liberté, et les rends esgaux
quant a cet honneur exterieur, laissant a mon interieur de donner diverses
mesures de respect, sous un mesme mot, selon la diversité de mes
devoirs ; comme a vous, Monseigneur, c'est, je vous asseure, avec une reverence
toute cordiale, toute particuliere.
Voyla ce que je vous puis dire, allant, comme je vay dans une heure,
monter en chaire. J'attendray vos commandemens pour y obeir, car en somme,
je suis prest a deposer toute sorte d'opinions que vous n'appreuveres pas,
et suivre en tout et par tout vos volontés ; mais je vous demande
pardon pour ce coup. Vostre dilection, qui souffre tout et qui est non
seulement patiente, mais debonnaire (1Co13,4), me rendra excusable, vous
asseurant que je suis
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
DXXII
A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU 'PUITS-D'ORBE
Faire le bien joyeusement sans s'attrister de ses défauts. -
Tenir la clôture. - Les confesseurs extraordinaires : manière
d'observer la prescription du Concile de Trente. - L'administration des
pensions et les avis que doit donner l'Abbesse dans ses Chapitres. -Rappeler
au monastère une Religieuse absente et par quels procédés.
- Conseils variés sur l'oraison, la lecture .spirituelle, etc. -
Acquérir un grand courage au service de Notre-Seigneur.
Annecy, commencement d'avril 1609 .
Ouy, ma Fille, je vous dis par escrit aussi bien que de bouche : res-jouisses
vous tant que vous pourres en bien faysant, car c'est une double grace
au bon oeuvre, d'estre bien fait et d'estre fait joyeusement (Eccles 3,12
; 2 Co 9,7). Et quand je dis en bien faysant, je ne veux pas dire que s'il
vous arrive quelque defaut, vous vous addonnies a la tristesse pour cela.
Non, de par Dieu, car ce seroit joindre defaut a defaut; mais je veux dire
que vous perseveries a vouloir bien faire, et que vous retournies tous-jours
au bien, soudain que vous connoistres de vous en estre esloignee, et moyennant
cette fidelité, que vous viviés tous-jours bien joyeuse.
.
Pour le general, j'ay a vous dire, outre l'ancien escrit que je vous
renvoye, que vous deves tenir le cloistre et le dortoir fermé aux
hommes : ainsy la closture s'en fera doucement.
Le Concile de Trente (Sess 25,10) ordonne a tous les Superieurs et
Superieures des Monasteres qu'au moins trois fois l'annee ilz fassent confesser
ceux qui sont sous leurs charges a des confesseurs extraordinaires ; ce
qui est grandement requis pour mille bonnes raysons. C'est pourquoy vous
l'observeres, faysant venir ou quelque bon Pere Minime, ou quelque bien
devot prestre, auquel toutes ayent a se confesser cette fois-la. Je vous
ay dit la rayson pourquoy toutes s'y doivent confesser, ce qui ne sera
point grief a aucune ; car celles qui voudront ne se confesseront que d'un
jour ou de deux, s'estans prealablement confessees, et celles qui voudront
pourront en user autrement.
Il faut que ce soit vous, ma Fille bienaymee, qui ayés l'administration
des pensions ; mais deputés une des Dames, qui, sous vostre authorité,
ayt soin de tenir le conte de ce qui s'en employe.
Il sera a propos, en ces petitz Chapitres, de recommander souvent la
mutuelle et tendre dilection des unes aux autres, et de tesmoigner que
vous l'aves en. leur endroit, mais particulierement envers celle de laquelle
vous m'escrives, laquelle il faut, par charité revoquer a une bonne
et douce intelligence et confiance avec les autres. Je luy escris un petit
mot .
Vous treuveres bien, ce croy-je, les premiers advis que je vous escrivis
il y a cinq ans (Lettres 2, lettre 231), de la façon avec laquelle
vous devies doucement reduite tous. ces espritz a vostre bon dessein. Vous
y verres beaucoup de choses que, pour briefveté, je ne diray pas
maintenant.
Quant a celle qui est absente, il faut escrire et a elle et a son frere,
que, pour la plus grande gloire de Dieu, salut de vos ames, edification
du prochain et honneur de vostre Monastere, vous aves pris resolution avec
toutes vos Seurs Religieuses de vivre plus retirees dans vostre Mayson
qu'on n'a pas fait ci devant ; et que la chose estant si raysonnable et
honneste, vous ne doutes point qu'elle ne s'y veuille ranger : dont vous
la conjurés et sommés, par l'obeyssance qu'elle vous a voüee
et hors laquelle elle ne peut faire son salut, luy promettant qu'elle ne
treuvera, ni en vous ni es autres, sinon une douce et tres amiable conversation,
laquelle seule, outre son devoir, peut la semondre a une sainte retraitte
; et choses semblables. Si pour cela elle ne revient, il faudra l'arraysonner
deux autres fois, avec. des intervalles de trois semaines. Que si en fin
elle ne revient, vous luy envoyeres qu'elle se determine donques de n'estre
plus receuë, et d'estre forclose de sa place. Mais je croy que ses
parens la feront revenir ; et,estant revenue, vous la traitteres doucement
et avec grande patience.
Si j'oublie quelque chose, je le diray a nostre seur (baronne de Chantal),
qui vous ira voir infalliblement, et elle vous cherit bien fort. Pour vostre
particulier, ne faites point faute de faire l'orayson mentale tous les
jours, a la mesme heure qu'elle se fait au chur, si vous ne pouves pas
y aller ; et ce pour demie heure. Ne vous tourmentes point encor que vous
ne puissies pas avoir vos sentimens si fortz que vous desireries, car c'est
la bonne volonté que Dieu requiert (2 Co 8,12). Lisés tous
les jours un quart d'heure dans les livres spirituelz, et ce, devant qu'aller
a Vespres ou que les dire, quand vous n'y pourres pas aller.
Vous vous coucheres tous les jours a dix heures, et vous leveres a
six. Quand vous seres contrainte d'estre au lit, faites lire quelqu'une
de tems en tems, selon vostre commodité. Baysés souvent vostre
croix que vous portes ; renouvellés les bons propos que vous aves
faitz d'estre toute a Dieu, immediatement devant le coucher, ou y allant,
ou en vostre oratoire, ou ailleurs ; et faites un plus grand renouvellement
par demie douzaine d'aspirations et d'humiliations, devant Dieu.
Je vous ordonne pour vostre special Patron de cette annee le tres glorieux
saint Joseph, et pour vostre Patronne, sainte Scholastique, seur de saint
Benoist, de laquelle vous treuveres beaucoup d'actions en sa Vie et en
celle de saint Benoist, dignes d'estre imitees.
Voyés-vous, ma tres chere et bonne Fille, entreprenés
de vous acquerir un grand courage au service de Nostre Seigneur ; car,
pour asseuré, sa Bonté vous a choisie pour se servir de vous,
pourveu que vous le veuillies, pour le restablissement de sa gloire et
salut des ames en vostre Mayson. Vous :ne sçauries tenir un chemin
plus asseuré que celuy de la sainte obeyssance : c'est pourquoy
je me res-jouis grandement que vous y soyés affectionnee, pour l'intention
que me marqués. Mais resouvenés-vous donq bien de ce que
je vous ay commandé de la part de Nostre Seigneur, auquel je vous
recommande, le suppliant, par sa Mort et Passion, qu'il vous comble de
son saint amour et vous rende de plus en plus toute sienne.
Pour moy; ma tres chere Seur, ma Fille bienaymee, j'ay une volonté
fort entiere a vous cherir, honnorer et servir ; et jamais rien ne m' ostera
cette affection, puisque c'est en ce mesme Sauveur et pour luy que je l'ay
prise, estant a jamais,
Vostre humble frere et serviteur, tout entierement vostre,
FRANÇs, E. de Geneve.
DXXIII
A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVÊQUE DE MONTPELLIER
Le destinataire ayant écrit au Saint une lettre d'affectueuse
courtoisie, celui-ci lui envoie l'expression de son respect et de sa confiance.
Annecy, avril 1609 .
Monseigneur,
C'est de tout mon cur que je vous escris esgalement avec respect et
confiance. Celle ci procede de la connoissance que j'ay de la sincerité
de vostre bienveuillance en mon endroit, et celuy la de la multitude des
riches qualités qui decorent le rang que vous tenes en l'Eglise
de Dieu; auquel, bien que je vous aye devancé quant au tems, je
vous voy neanmoins si loin devant moy en toute autre façon, que
c'est le moins que je veüille et doive faire que d'user exactement
d'une reciproque reverence en vostre endroit. Et si vous ne vous esties
pas mis a l'extremité du plus haut point d'honneur envers moy, je
me fusse essayé de vous en rendre plus que vous ne m'en donnes ;
mais il faut que je demeure vaincu, tant parce que vous sçaves tout
mieux faire que moy, que d'autant que le lieu d'ou sort l'honneur que vous
me faites luy donne un poidz si excessif que je n'ay rien qui le puisse
esgaler. Mais c'est assés.
Continués, je vous supplie, Monseigneur, d'aymer celuy qui vous
souhaitte toute sorte de bonheur en la grace de Dieu, et qui est, d'une
affection inviolable,
Vostre tres humble frere et tres obeissant serviteur,
FRANÇs, E, de Geneve,
Avril 1609.
DXXIV
A MADEMOISELLE DE TRAVES
Le monde " n'est qu'un vray trompeur. " - Considérations proposées
à une personne qui songeait à se marier. - L'amour du Sauveur,
de Notre-Dame et des Saints à la très sainte unité
de Dieu,
Annecy, 18 avril 1609
Madamoyselle,
Vous voulant honnorer, cherir et servir toute ma vie, je me suis enquis
de madame vostre chere cousine, ma seur , de l'estat de vostre cur, duquel
elle m'a dit chose qui m'a consolé. Que vous seres heureuse, ma
chere Fille, si vous perseveres a mespriser les promesses que le monde
vous voudra faire, car en vray (sic) verité ce n'est qu'un vray
trompeur. Ne regardons jamais tant ce quil propose que nous ne considerions
ce qu'il cele.
Il est vray, sans doute, c'est une grande assistence que celle d'un
bon mari ; mais il en est peu, et pour bon qu'on l'ayt, on en reçoit
plus de sujettion que d'assistence. Vous aves un grand soin pour la famille
qui est sur vos bras, mais il n'amoindriroit pas quand Vous entreprendries
la charge d'un'autre peut estre aussi grande. Demeures ainsy, je vous prie,
et croyes-moy, faites en une resolution si forte et si sensible que nul
n'en doute plus.
L'exercice auquel vous estes maintenant vous servira d'un petit martire,
si vous continues a joindre les travaux que vous y aurés avec ceux
du Sauveur, de Nostre Dame et des Saintz et Saintes qui, emmi la variété
et multiplicité des importunités que leur soin leur donnait,
ont conservé inviolablement l'amour et la vraye devotion a la tressainte
unité de Dieu, en qui, pour qui et par qui ilz ont conduit leurs
vies a une fin tres heureuse. Que puissies vous donq comm'eux conserver
et sacrer a Dieu vostre cur, vostre cors, vostr'amour et toute vostre
vie.
Je suis en toute sincerité,
Madamoyselle,
Vostre bien humble serviteur en ce mesme Sauveur,
FRANçs, E. de Geneve.
Ce 18 avril 1609.
A MadamoyselIe,
Madamoyselle de Traves.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Boulogne-sur-Mer.
DXXV
A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET, ÉVÊQUE DE MONTPELLIER
(INÉDITE)
Annonce de nouvelles. - Messages. - Le nouvel Evêque de Belley.
- Jean-Pierre Camus songe à faire une visite à saint François
de Sales. " Une lettre toute d'amour. "
Annecy, 20 avril 1609.
Monseigneur,
Ces quattre lignes vous asseureront que je continue de toute mon affection
au desir de vous rendre toute ma vie tres humble service, car, quant au
reste des nouvelles, le porteur vous les dira suffisamment, sinon que monsieur
Valladier m'a escrit n'a guere une lettre toute pleyne de lhonneur et respect
qui! vous porte, ne m'obligeant pas peu de m'en parler comm'a un homme
tout uny et conjoint a vous.
Nous avons depuis peu monsieur l'Evesque de Belley en ces quartiers,
qui me fait la faveur de me venir voir la semaine prochaine. On m'en dit
tant de bien, qu'avant lhonneur de sa connoissance, je suis forcé
de luy porter une singuliere reverence. .
Nostre monsieur des Hayes m'escrivit l'autre jour par monsieur de Charmoysi
une lettre toute d'amour. Il faut que je m'en glorifie au pres de vous
qui, avec moy, estimés si praetieusement son amitié. Faites
moy cette faveur que de me conserver en la vostre, a laquelle je correspondray
fidellement par autant de tres humble affection que vous en pouves desirer
de celuy qui vous souhaite toute prosperité et benediction, demeurant,
Monseigneur,
Vostre tres humble frere et tres obeissant serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
Le 2" jour de Pasques 1609, a Neci.
A Monseigneur
Monseigneur le Rme Evesque de Monpelier.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montpellier.
DXXVI
A MADAME BOURGEOIS. ABBESSE DU PUITS-D'ORBE
Une cure difficile ; le charitable Saint prend l'avis d'un gentilhomme
et d'un " viel cyrurgien " et députe à la malade le fils
de celui-ci. - Conseil donné à l'Abbesse de renoncer au voyage
de Savoie. - Comment Dieu lui témoigne son amour paternel.
Annecy, 27 avril 1609.
Ma chere Fille,
Desirant sçavoir avant le depart de Mme de Chantal que c'est
que je pouvois esperer du gentilhomme qui croyoit de pouvoir guerir vostre
jambe , je luy fis dire par Mme de Chantal mesme toute l'origine et le
progres de vostre mal, car je ne le sçavois pas. Ce qu'ayant oüy,
il perdit sa premiere opinion et son courage, m'addressant neanmoins a
un viel cyrurgien auquel il estime beaucoup de choses estr'aysees qui sont
difficiles aux autres, et lequel, comm' on dit, fait des petitz miracles
; et pour cela, je l'envoyay querir, affin quil oüyt tout le recit
de vostre fait et quil en dit son opinion. Il vint donques, et ayant encor
ouy Mme de Chantal, il respondit que non obstant toutes les difficultés
quil y avoit a la cure de ce mal, il espereroit de vous guerir, mais que
pour cela il faudroit du loysir.
Et de peur que nous n.'ayons oublié quelque chose en la qualité
de ce mal, qui fit la chose plus aysee qu'elle n'est, le filz de cet homme
la allant a Dijon pour autre chose, c'est a dire a la suite d'un' gentilhomme
qui est fort de mes amis, j'ay fait quil ira au Puis d'Orbe mesme, affin
d'apprendre par monsieur du May toutes les particularités plus exactement,
et apporter une bonne et veritable description de toute l'affaire. Ce quil
fera mieux qu'un autre, par ce qu'encor quil ne soit pas cyrurgien, il
y entend neanmoins quelque chose a force d'en. avoir ouy parler a son pere.
Je vous prie donq, ma chere Fille, de vouloir le faire bien instruire et
de luy faire donner par escrit tout le fait ; car sur cela, si son pere
espere de pouvoir faire cette cure, nous vous l'envoyerions sur le lieu,
affin qu'avec toute commodité et loysir il fit ses operations.
J'ay creu que je ferois bien d'user de cette methode, affin de ne point
vous engager au voyage de deça mal a propos ; duquel, si le succes
n'estoit pas selon mon desir, je serois extreniement marri. Il est vray
quil seroit tousjours a mon grand contentement en ce que j'aurois le bien
de vous voir et entretenir ; mais si aussi vostre santé corporelle
en souffroit, ce me seroit bien du desplaysir. Or, le tracas d'un si long
chemin pourroit sans doute vous beaucoup apporter de peril, et, comme que
ce soit, j'ay esperance de vous revoir dans quelque tems, sans tant d'incommodité
pour vous. Que si Dieu nous estoit si misericordieux que vous puissies
guerir par l'operation de ce viel homme, alhors non seulement je ne craindrois
pas de vous donner la peyne de faire le voyage, mais je vous y provoquerois
pour vous gouverner un peu a souhait en vostre esprit.
Cette lettre n'a point d'autre sujet que celuy ci, esperant de vous
escrire de rechef par autre voye dans peu de jours. J'attendray donq la
response par le mesme porteur, qui, partant ce jourdhuy, ne me donne pas
le loysir d'escrire a vos cheres Seurs et filles, vers lesquelles je desire
estre excusé sil vous plait. Et tandis, resouvenes vous, ma chere
Fille, que Dieu vous invitant au chemin des peynes et travaux, vous tesmoigne
un doux amour paternel et quil veut rendre vostre ame purement sienne,
comm'il fera si vous vous encouragés souvent a souffrir pour l'amour
de 1uy , auquel soit a jamais gloire et louange.
Je suis en 1uy tout vostre.
F.
Le XXVII avril 1609.
A Madame
Madame l'Abbesse du Puys d'Orbe.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
DXXVII
A LA MÊME
Offre de services spirituels. -. Visite annoncée. -" Nécessité
de donner suite à de bonnes résolutions."- Exhortation à
faire beaucoup d'eslancemens de cur sur Jesus crucifié. "
Annecy, 29 avril 1609 .
Ma tres chere Fille,
Je vous escrivis avant hier sur le sujet de vostre jambe ; maintenant
je vous escris sur celuy de mon cur qui vous cherit d'un amour extreme,
et pour cela, pense continuellement comment, en quoy et quand il pourra
tellement servir le vostre, que celuy de vostre Espoux, nostre tres doux
Sauveur, en soit satisfait et content. C'est mon desir tres ardent, principalement
lhors que je repasse en ma memoyre l'affection, la confiance et le zele
avec lequel vous reposastes un jour vostr'ame (d'autant mienne) et vostre
volonté sur ma direction.
Or sus, Dieu me fera la grace qu'il ne se passera pas beaucoup de tems
que je ne vous revoye; et lhors, certes, il faudra voir une conclusion
de tous nos bons desseins, affin que si nous ne faysons pas tant de chemin
que la chaleur de nostre premiere devotion nous faysoit entreprendre, nous
en fassions pour le moins autant que, tout boiteux que nous sommes, nous
en pourrons faire. Continués ce pendant vos exercices, excités
en vous vostre courage, et sur tout parforces-vous de faire beaucoup d'eslancemens
de cur sur Jesus Christ crucifié.
C'est en luy que je suis, ma chere Fille, tout entierement vostre.
FRANÇs, E. de Geneve.
DXXVIII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Après un premier " choppement ", que faire ? - Comment apaiser
son cur quand il est prévenu contre le prochain. - Il faut avoir
de la compassion pour celui-ci et suivre pour nous-même l'humilité.
Annecy, [mai 1609 .]
J'ay veu, ma tres chere Fille, cette petite infirmité qui vous
est arrivee ces jours passés sur les divers mouvemens de vostre
cur, entre l'affection de renoncer a vostre propre inclination, et l'inclination
de suivre vostre goust particulier. Et bien, ma chere Fille, vous verres
que le plus grand mal que vous ayes fait c'est de vous estre troublee de
vostre imbecillité ; car si vous ne vous fussies point inquietee
apres le premier choppement, mais que tout bellement vous eussies repris
vostre cur en vos mains (Ps 118,109), vous ne fussies pas.tumbee au second.
Or, au bout de tout cela, il faut reprendre courage et vous affermir de
plus fort en nos saintes resolutions, sur tout en celle de nous point inquieter,
ou au moins de nous appayser a la premiere veüe et reflexion que nous
ferons sur nostr'inquietude.
Ce mot lâ : " Je suis bien toute deschiree, moy, " ne fut pas
bon au sujet sur lequel il fut dit ; car, ma chere Fille, il nous faut
bien suivre la compassion au prochain et l'humilité pour nous mesme,
ne pensans pas aysement que le proçhain ayt jamais trop d'ayse,
ni que nous en ayons trop peu. Helas ! nous aurons tous-jours quelque chose
a faire, tous-jours quelqu'ennemi a combatre. Ne vous estonnes point, mais
quand ces mauvaises inclinations vous voudront inquieter, jettes l'il
interieur sur le Sauveur crucifié. Ah ! Seigneur, vous estes mon
miel et mon sucre; addoucises ce cur par la douceur du vostre. Divertisses
vous pour un peu, et alles vous praeparer au combat ; puis repraesentes
vous y l'autrefois, et sentant la seconde emotion, faites tout de mesme
(Combat spirituel ch 13) : Dieu vous assistera.
Je suis bien ayse de la venuë de la bonne seur , a laquelle je
doy une longue response, que je feray, Dieu aydant, avec un peu de loysir.
La bonne madame la Baronne de Chantal vous saluait l'autre jour par une
lettre.
Vive Jesus, en qui je suis tout vostre.
F. E. de G.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Toulouse.
DXXIX
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL 1er
Recommandation en faveur d'un officier sans ressources.
Annecy, 9 mai 1609.
Monseigneur,
Le capitaine La Rose (Lettres 2 note 394) recourt a la bonté
de Vostre Altesse pour obtenir d'elle quelqu'ayde a l'entretenement de
sa pauvre famille. Et parce qu'il est l'un des plus apparens convertis
qui soyent sortis de Geneve, je supplie tres humblement Vostre Altesse
de luy estre secourable, comm'elle l'est a tous ceux qui ont leur refuge
en sa debonnaireté, tandis que je continueray tous-jours a luy souhaitter
le comble des g.races celestes, demeurant,
Monseigneur,
Son tres humble, tres obeissant et tres fidele
orateur et serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
A Neci 9 may 1609.
DXXX
A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR
Les sentiments que doit exciter la perte des parents. - Mort de Mme
de la Thuille. - Le meilleur des souhaits. - Comment il faut supporter
les ennuis que donnent les affaires temporelles.
Annecy, 15 mai 1609.
Mon Dieu, ma chere Fille, ma Seur, soyés joyeusement devote.
Que vous seres heureuse si vous embrasses constamment ce dessein ! La pauvre
petite seur [de la Thuille ], qui s'en est allee si chrestiennement et
si soudainement, a bien resveillé mon esprit a l'amour de ce souverain
Bien auquel toute cette courte vie doit estre rapportee. Aymons-nous bien,
chere Seur, et nous tenons bien ensemblement a ce Sauveur de nos ames,
en qui seul nous pouvons avoir nostre bonheur. Je suis tout plein d'esperance
que Nostre Seigneur sera de plus en plus fidèllement servi, obei
et honnoré de vous, qui est le plus grand bien que je vous puisse
souhaitter.
La multitude des ennuis que vous aves es affaires de vostre mayson
(desquelz mon bon frere [M. de Cornillon] me parla l'autre jour) vous serviront
infiniment pour rendre vostre ame vertueuse, si vous vous exerces a supporter
le tout en esprit de douceur, de patience et de debonnaireté. Tenes
tous-jours bien vostre cur bandé a cela, et considerés souvent
que Dieu vous regarde de son il d'amour parmi toutes ces petites incommodités
et brouilleries , pour voir comme vous vous y comportes selon son gré.
Faites donq bien joliment la prattique de son amour en ces occasions, et
s'il vous arrive quelquefois de vous impatienter, ne vous troubles point
pour cela, mais vous remettes soudainement en douceur. Benisses ceux qui
vous affligent (Lc 6,28), et Dieu, ma chère Fille, vous benira.
.
Je l'en supplie de tout mon cur, comme pour ma Seur bienaymee et ma
Fille tres chere, a laquelle je suis tout dedié.
FRANÇs, E. de Geneve.
Le 15 may 1609.
DXXXI
A MADEMOISELLE DE BRÉCHARD
Dieu le Père et ses images vivantes sur la terre. - Que l'on
ne puisse pas communier sans ouïr la Messe, c'est une opinion nullement
fondée. - Les Communions que nul ne peut refuser. - La plus solide
des nourritures au Ciel et sur la terre.
Annecy, [mi-mai 1609}
Or sus, ma chere Niece , ma Fille, vous voyla donq aupres de monsieur
vostre pere que vous regardes comme une image vivante du Pere eternel ;
car c'est en cette qualité que nous devons honneur et servjce a
ceux desquelz il s'est servi pour nous produire. Tenés bien vostre
ame en vos mains (Ps 118,109) affin qu'elle ne vous eschappe ni a gauche
ni a droitte ; je veux dire, ni qu'elle s'amollisse entre les affections
des parens, ni qu'elle s'attriste parmi leurs passions et les diversités
des humeurs avec lesquelles il vous faut vivre.
Vrayement, je croy fort bien que vous fustes vivement touchee en vous
separant de vostre chere mere , car elle m'escrit que, de son costé,
elle fut extremement pressee ; mais un jour cette societé durera
eternellement s'il plaist a l'Eternel, et en attendant, demeurons tous
bien unis en son saint amour.
J'admire que monsieur N. se soit persuadé cette opinion, que
l'on ne puisse pas communier sans ouÿr la Messe, car non seulement
elle est sans rayson, mais elle est sans apparence de rayson. Puisque toutefois
il faut que vous passies par la, multiplies tant plus les communions spirituelles,
que nul ne vous peut refuser. Dieu vous veut aussi sevrer, ma chere Niece,
et vous faire manger des viandes solides, c'est a dire des viandes dures,
car de plus solides il n'y en a point au Ciel ni en la terre que la sainte
Communion ; mais son refus, qui est plus dur a vostre ame qui aspire a
son saint amour, requiert aussi des desirs plus fortz.
Je vous escris sans loysir, ma chere Niece, ma Fille, et prie Nostre
Seigneur qu'il soit tous-jours vostre cur. Je suis en luy entierement,
Vostre tres humble serviteur,
F. E.
DXXXII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
La réponse de La Faye au livre de la Croix ne vaut pas la peine
d'une réplique.- Zèle de Mme de Mieudry pour la foi catholique.
- Messages. - Quel est le vrai esprit de Jésus.
Annecy, 23 mai 1609.
J'escrivis avant hier a cette bonne fille qui est a Geneve et luy donnay
la permission qui luy est requise pour l'usage des viandes. Quant au livre
de la Croix, il est vray que le ministre La Faye s'est essayé d'y
respondre ; mays il l'a fait d'une telle sorte que mes amis n'ont jamais
voulu que je prisse seulement la peyne de penser a repliquer, tant la response
leur a semblé indigne, et ont creu que mon livre fournissoit asses
de defenses contre ceux qui l'attaquent, sans que j'y adjoustasse chose
du monde . Mais il n'est pas besoin d'escrire tout cela a Mme de Mioudry,
que je loüe beaucoup du bon zele qu'elle a à la reduction de
ces pauvres ames. J'ay sceu, il y a quelque tems, le desir que celuy qu'elle
nomme a de me rencontrer ; et certes, je ne l'ay pas moindre en cela, esperant
que s'il prestoit une fois l'oreille a la sainte parole, avec le bon jugement
qu'il a et moyennant la grace de Dieu, il pourroit voir la lumiere celeste.
Je croy bien que vous aves le cur sujet aux secousses, ainsy
que vous m'escrives ; mais vous verres que, moyennant la grace de Dieu,
il s'affermira petit a petit.
Ce porteur m'a dit que monsieur vostre mary viendra demain icy et j'auray
le bien de le voir. Ma bonne cousine et la vostre (Très probablement
Mme de Charmoisy) seroit, ce me semble, bien accompaignee de cette vertueuse
damoyselle que je luy ay souhaittee, apres qu'elle mesme m'eut dit que
vous luy en avies parlé; car, connoissant cette ame-la, j'ay esperé
que la rencontre seroit bonne. Je crois neanmoins que malaysement pourra-elle
sortir du lieu ou elle est.
Madame de Chantal se recommande bien fort a vous, ainsy qu'elle l'escrit
par celle qui l'avoit accompagnee (Sans doute, Mlle de Bréchard.).
Tenes vostre cur au large, et tous-jours tout remis a la Providence
divine, soit pour les grandes choses ou pour les petites, et procurés
de plus en plus dans vostre cur l'esprit de douceur et de tranquillité,
qui est le vray esprit de Jesus, qui veuille a jamais regner en nos curs.
F.
XXIII may 1609.
A Madame
Madame de la Flechere.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation
de Turin.
DXXXIII
A LA BARONNE DE CHANTAL
L'âme humaine et les afflictions de cette vie. - Une réflexion
de saint Grégoire. - Une vraie chimère. - L'esprit de foi
et la douleur. - Les progrès d'un Saint dans l'oraison.
Annecy, 27 mai 1609
Voyci la troisiesmefois que je vous escris depuis vostre despart, ma
chere Seur, ma Fille. N. m'a bien dit de vos nouvelles et de celles de
M. , laquelle il m'a depeinte pour fort affiigee ; mais je crois bien,
c'estoit sa fille celle qui est morte. Helas ! il faut avoir compassion
a nos miserables ames, lesquelles, tandis qu'elles sont en l'imbecillité
de nos cors, sont si tres fort sujettes a la vanité (Rm 8,20). Comment
est-il possible, disoit saint Gregoire a un Evesque, que les orages de
la terre esbranslent si fort ceux qui sont au Ciel ? S'ilz sont au Ciel,
comme sont-ilz agités de ce qui se passe en la terre ? 0 Dieu, que
cette leçon de la sainte constance est requise a ceux qui veulent
serieusement embrasser leur salut !
Il est vray que cette imaginaire insensibilité de ceux qui ne
veulent pas souffrir qu'on soit homme, m'a tousjours semblé une
vraye chimere ; mais aussi, apres qu'on a rendu le tribut a cette partie
inferieure, il faut rendre le devoir a la superieure, en laquelle sied,
comme en son throsne, l'esprit de la foy qui doit nous consoler en nos
afflictions, ains nous consoler par nos afflictions. Que bienheureux sont
ceux lesquelz se resjouissent d'estre affligés (Mt 5,5 ; 2 Co 12,10)
et qui convertissent l'absynthe en miel !
Il ne faut pas que je vous die, ma chere Fille, combien affectionnement
je vous recommande a Nostre Seigneur, car c'est avec un cur tout nouveau
et qui va tous-jours s'aggrandissant de ce costé-la. Je suys un
peu plus a l'orayson qu'a l'ordinaire ; car ne vous faut-il pas un peu
parler de mon ame qui est tant vostre ? Graces a Dieu, j'ay un extreme
desir d'estre tout a luy et de bien servir son peuple.
A Dieu, ma chere Fille, que mon ame ayme et cherit incomparablement,
absolument, uniquement en Celuy qui, pour nous aymer et se rendre nostre
amour, s'est rendu a la mort (Ga 2,20 ; Ep 5,25). Vive Jesus ! vive Marie
! Amen.
FRANçs, E. de Geneve.
La veille de l' 1609.
DXXXIV
A MADEMOISELLE DE BRÉCHARD
L'art de cheminer sur la corde et " le baston de contrepoidz " pour
marcher assurément parmi les périls du monde. - On ne peut
jamais atteindre le souverain degré de l'amour divin. - Pourquoi
Dieu nous a donné notre cur.
Annecy, [fin mai 1609 .]
Ma chere Niece,
Je vous escrivis l'autre jour (lettre DXXXII), mais mon cur
qui vous cherit tendrement, ne se peut assouvir de vous en rendre au moins
ce foible tesmoignage de vous escrire le plus souvent que je puis. Vivés
toute en Nostre Seigneur, ma chere Fille; que ce soit l'eau dans laquelle
vostre cur nage. Et comme ceux qui cheminent sur la corde tiennent tous-jours
en leurs mains le baston de contrepoidz, pour balancer leurs cors justement
en la varieté des mouvemens qu'ilz ont a faire sur un si dangereux
plancher, vous deves aussi fermement tenir la sainte Croix de Nostre Seigneur,
affin de marcher asseurement parmi les perilz que la varieté des
rencontres et conversations pourront apporter a vos affections ; en sorte
que tous vos mouvemens soyent balancés au contrepoidz de l'unique
et tres aymable volonté de Celuy auquel vous aves voüé
tout vostre cors et tout vostre cur.
..
..
Et allés, chere Niece, je veux dire, chemines tous.jours courageusement
de vertu en vertu (Ps 83,8), jusqu'a ce que vous ayes atteint le souverain
degré de l'amour divin ; Mais jamais vous ne l'atteindres, puisque
cet amour sacré n'est nom plus fini que son object, qui est la souveraine
Bonté.
A Dieu, tres chere Niece, aymés-moy tous-jours constamment,
en qualité de l'homme du monde qui vous desire le plus de vrayes
et solides consolations. Ouy, ma Fille, je vous souhaite l'abondance de
l'amour divin, qui est et sera eternellement l'unique bien de nos curs,
qui ne nous ont esté donnés que pour Celuy qui nous a donné
tout le sien.
Je suys tres sincerement tout vostre, ma chere Niece, ma Fille.
FRANçs, E. de Geneve.
DXXXV
A LA PRÉSIDENTE BRULART
L'Abbesse du Puits-d'Orbe désire venir en Savoie ; réserves
que fait le Saint à propos de ce projet de voyage. - Il se dispose
à sacrer l'Evêque de Belley. - Comment réparer le "
manquement " de la méditation. - Pourquoi Dieu quelquefois empêche
la méditation. Les " vraÿes continuelles oraysons " et "
la plus dign' offrande.". - La sainte Communion en dehors de la sainte
Messe. - Faisons le bien avant de mourir, mais toujours avec discrétion.
Le bon plaisir de Dieu meilleur que le nôtre.
Annecy, 30 mai 1609.
Je respons briefvement mais exactement a vostre lettre que le curé
de Sessel m'a rendue. Je voy l'esprit de nostre chere seur , qui desire
de venir faire un voyage et s'en promet un grand alegement. Encor faut-il
un peu condescendre a. cette pauvre fille, qui, est vrayement bonne, quoy
qu'infirme ; et pour cela je luy dirois volontier qu'elle vint, si je ne
craignais l'inquietude et la diversité de sentimens que messieurs
vos parens en prendront. Il se peut neanmoins faire qu'ilz l'auront aggreable;
et si vous connoisses que ce soit tout a la bonne foy et simplement qu'ilz.
l'auront aggreable, vous pourres fort librement luy donner courage de venir,
et venir vous mesme, dans.les mesmes conditions. Je vay ainsy reservé
en ce dessein parce que je doute que les congés qu'ilz accordent
ne soyent pas donnés de bon cur et la dessus se disent mille choses.
Or, quand elle se resoudra de venir, il faut que ce soit sans bruit
et tout simplement, comme pour venir a Saint Trivier et. a Saint Claude,
et vous aussi, et la bonne madamoyselle de Puligni aussi, si ell'est de
la trouppe, affin d'eviter les curiosités de ceux qui voudront tout
enquerir. Et si, il ne faut pas que ce soit si tost, parce que nous. avons
un peu de soupçon de guerre , qui s'evacuera, et que Monsieur le
Duc de Nemours doit passer icy pour quelques jours, pendant lesquelz je
ne pourray pas l'abandonner . Si que, si vous prenes resolution, il faudra
prendre le tems un peu bien avant, vers le moys d'aoust, sur la fin, ou
sur le commencement de septembre ; car quant au moys de julliet, je seray
hors d'ici, et si, il me faudra aller consacrer un digne Evesque que nous
avons a Beley, action laquelle, bien qu'elle soit courte, si est ce qu'elle
me tient en suspens par ce que je ne sçai pas le tems precisement.
Au. demeurant, croyes que j'auray bien de la consolation si je vous
puis voir entre nos montaignes, qui sont toutes en fort bon air, et nous
vous gouvernerons toutes avec du loysir, Dieu aydant. En un mot, prenes
garde que vos congés soyent donnés franchement, et cela estant,
ce me sera un grand contentement de vous voir un peu parmi nous, quoy que
vous n'y seres nullement bien traittees.
encor que nous voulussions; mais
vous seres receues par certaine sorte de cur (sic) qui ne sont pas vulgaires.
Quant a la meditation, les medecins ont rayson : tandis que vous estes
infirme, il s'en faut sevrer. Et pour reparer ce manquement, il faut que
vous facies au double des oraysons jaculatoires, et que vous appliquies
le tout a Dieu par un acquiescement entier a son bon playsir qui vous separe
aucunement de luy, vous donnant cet empeschement la a la meditation; mais
cet (sic) pour vous unir plus solidement a luy par l'exercice de la sainte
et tranquille resignation. Que nous importe-il que nous soyons avec Dieu
ou d'une façon ou d'autre ? En verité, puisque nous ne cherchons
que luy et que nous ne le treuvons pas moins en la mortification qu'en
l'orayson, sur tout quand il nous touche de maladie, il nous doit estre
aussi bon de l'un que de l'autre ; outre que les oraysons jaculatoires,
les eslancemens de nostr' esprit sont des vrayes continuelles oraysons,
et la souffrance des maux est la plus dign'offrande que nous puissions
faire a Celuy qui nous a sauvés en souffrant. Faites vous lire quelque
bon livre parfois, car encor cela supplee.
Quant a la Communion, continues tous-jours, et il est vray que je vous
ay dit quil n'estoit nul besoin d'ouir la Messe pour se communier les jours
ouvriers, ni mesme les jours de feste, quand on en a oüy une devant
ou qu'on en peut oüir un'apres, quoy qu'entre deux on face beaucoup
d'autres choses : cela est vray.
Pour le legat, sur l'apprehension de vostre mort, vous le pourres bien
faire, mais il faut que ce soit avec moderation, en telle sorte que cela
ne soit pas a trop grande charge aux vostres, car vous leur donneries sujet
de refuser, ou de murmurer et se troubler. Je vous dis comme saint Paul
(Ga 6,10) : Faysons bien tandis que nous en avons le tems, mais tous-jours
avec moderation. Ne vous inquietes point de ne pouvoir pas servir Dieu
selon vostre goust, car en bien vous accommodant a vos incommodités
vous le servires selon le sien, qui est bien meilleur que le vostre. Qu'a
jamais soit il beni et glorifié.
Vive Jesus ! et je suis en luy, d'un cur tres fidelle, tout entierement
vostre.
F.
xxx may 1609.
Je salue bien humblement le bon P. Gentil.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Reims.
DXXXVI
A LA BARONNE DE CHANTAL
Quelques-unes des " mille douces pensees " du saint Evêque pendant
qu'il portait le Saint-Sacrement. - Le pectoral de l'ancienne Loi et l'ostensoir
eucharistique, - Effusions de piété. -Nouvelles et messages,
Annecy, 18 juin 1609
Mon Dieu, que mon cur est plein de choses pour vous dire, ma Fille
tres uniquement chere, car c'est aujourdhuy le jour de la grande feste
de l'Eglise , en laquelle portant le Sauveur a la procession, il m'a, de
sa grace, donné mille douces pensees emmi lesquelles j'ay eu peyne
de reprimer les larmes. 0 Dieu, je mettois en comparayson le grand Prestre
de l'ancienne Loy avec moy, et considerois que ce grand Prestre portait
un riche pectoral sur sa poitrine, orné de douze pierres pretieuses,
et en iceluy se voyoyent les noms des douze tribus des enfans d'Israel
(Ex 28,15). Mais je treuvois mon pectoral bien plus riche, encor quil ne
fut composé que d'une seule pierre, qui est la perle orientale que
la Mere perle conceut en ses entrailles chastes, de la benite rosee du
ciel (Is 45,8) ; car voyes vous, je tenois ce divin Sacrement bien serré
sur ma poitrine, et m'estoit advis que les noms des enfans d'Israel estoit
(sic) tous marqués en iceluy. Ouy; et le nom des filles specialement,
et le nom de l'une encor plus. .
L'espervier et le passereau de saint Joseph me revenoyent en l'esprit
; et me semblait que j'estois chevalier de l'ordre de Dieu, portant sur
ma poitrine le mesme Filz qui vit eternellement en la sienne. Ah ! que
j'eusse bien voulu que mon cur se fut ouvert pour recevoir ce pretieux
Sauveur, comme fit celuy du gentilhomme duquel je vous fis le conte (TAD
7,12) ; mais helas ! je n'avois pas le couteau quil failloit pour le fendre,
car il ne se fendit que par l'amour. Si ay-je bien pourtant eu des grans
desirs de cet amour, mais je dis pour nostre cur indivisible.
Voyla ce que je vous puis dire maintenant, a ce retour de vostte cher
et brave neveu , qui a esté si courtoys que d'arrester volontier
ces quattr'ou cinq jours avec nous. Il a, a mon advis, beaucoup de l'air
de Monsieur l'Archevesque son oncle (André Frémyot.), non
seulement au visage mais encor en l'esprit. Je n'ay pas reveu vos lettres
pour faire celleci, car j'attens au depart de vostre filz (Bernard de Sales),
quil eepere faire mardi prochain.
Bonsoir, ma tres chere Fille, vives toute en Dieu et pour Dieu. Je
suis en luy infiniment tout vostre. La chere seur fait tous-jours bien,
et 1e reste aussi. Vive Jesus ! Amen.
Je salue bien humblement monsieur de Chantal et luy souhaite tout bonheur
et felicité. Et ma petite fille (Marie-Aimée), encor faut-il
que je luy envoye un petit bayser d'amourette, puis qu'elle se fie en moy;
que sil estoit mal fait, je le luy donnerois pas. Je luy escriray, Dieu
aydant, quand son futur l'ira voir, et a ma chere niece (Mlle de Bréchard,
note 222) aussi. J'escris sans loysir et tout empressement, car en ces
grans jours vous sçaves comme je suis. 0 ma Fille, mon cur est
plus vostre que mien ; a jamais Nostre Seigneur y regne. Amen.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal, m. f. (ma fille.)
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le vicomte Le Rebours,
à Paris.
DXXXVII
A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR
L'amitié d'un Saint pour sa sur. - Exercice recommandé
pour s'avancer en l'amour de Dieu. - Quand les affaires réussissent-elles
plus à souhait. - Pourquoi Mme de Cornillon parait à son
frère plus digne d'affection.
Annecy, .30 juin 1609 .
Ma chere Seur, ma Fille,
Je suis marry que je n'ay plus tost receu la salutation que maistre
Constantin m'avoit apporté de vostre part ; car j'eusse eu plus
de loysir de vous escrire selon mon cur, qui est si plein d'affection
pour vous et vous cherit si fort qu'il ne peut se contenter de vous entretenir
pour un peu.
Je vis avec beaucoup de contentement de sçavoir que vostre ame
est toute dediee a l'amour de Dieu, auquel vous pretendes de vous avancer
petit a petit, par toutes sortes de saintz exercices. Mais je vous recommande
tousjours plus que tout, celuy de la sainte douceur et suavité es
rencontres que cette vie vous presente sans doute souventesfois. Demeurés
tranquille et toute amiable avec Nostre Seigneur sur vostre cur. Que vous
seres heureuse, tres chere Seur, ma Fille, si vous continues a vous tenir
a la main de sa divine Majesté, entre le soin et le train de vos
affaires, lesquelles reussiront bien plus a souhait quand Dieu vous y assistera
; et la moindre consolation que vous en aures sera meilleure que les plus
grandes de celles que vous pourries avoir de la terre.
Ouy, ma chere Fi1le, ma Seur, que je vous ayme, et plus que vous ne
sçauries croire ; mais principalement des que j'ay veu en vostre
ame ce digne et honnorable desir de vouloir aymer Nostre Seigneur avec
toute fidelité et sincerité ; a quoy je vous conjure de perseverer
constamment, et de m'aymer tous-jours bien entierement, puisque je suis,
d'un cur tout entier et fidelle,
Vostre humble frere et tres affectionné serviteur,
FRANÇs. E. de Geneve.
Le 30 juin.
DXXXVIII
AU PÈRE CLAUDE-LOUIS-NICOLAS DE QUOEX, PRIEUR DU MONASTÈRE
DE TALLOIRES
La réforme dans un monastère demande une grande longanimité
dans l'exécution et un cur généreux. - l'exemple
de Notre-Seigneur. - Les exercices de piété ; l'habit, le
mobilier, etc. ; la " composition exterieure " et son importance dans une
Communauté. - Conditions du succès.
Annecy, 10 juillet 1609.
Monsieur,
Puisque Dieu a choisi un nombre de personnes fort petit, et encor des
moindres de la Mayson en aage et en credit, il faut que le tout s'entreprenne
avec une tres grande humilité et simplicité, sans que ce
petit nombre face semblant de vouloir reprendre ou censurer les autres
par paroles ni par gestes exterieurs; ains que simplement il les edifie
par bon exemple et conversation .
Le commencement estant si petit, il faut avoir une grande longanimité
a la poursuitte, et se resouvenir que Nostre Seigneur, apres trente trois
ans, ne laissa que six vingtz disciples bien assemblés, entre lesquelz
il y en eut encores beaucoup de discoles. La palme, reyne des arbres, ne
produit son fruit que cent ans apres qu'elle est plantee. Il convient donq
estre doüé d'un cur genereux et de longue haleyne en un uvre
de si grande importance. Dieu a fait des reformations par des moindres
commencemens, et ne faut rien moins pretendre qu'a la perfection.
Et pour venir au particulier, mon advis est que toute vostre sainte
brigade soit soigneuse de se communier devotement, a tout le moins une
fois chaque semaine. Qu'on luy apprenne de bien et deüement examiner
sa conscience tous les soirs ; qu'on luy monstre a faire convenablement
l'orayson mentale, selon la disposition des sujetz ; sur tout qu'on luy
enseigne a obeir au directeur tres volontairement, tres fermement et tres
continuellement.
Quant a l'habit, je ne pense pas qu'il soit a propos .de le changer
qu'apres que l'annee sera expiree ; bien desirerais-je qu'il fust en tout
le plus uniforme que faire se pourra, tant en sa forme qu'en sa matiere,
et que le froc fust large, a la façon des Benedictins reformés.
Il me semble qu'on doit garder la chemise pour l'honnesteté, pourveu
toutefois que le collet ne soit pas immoderement estendu, ains fort sobrement
et d'une mesme maniere. Chacun aussi portera la ceinture et le bonnet de
mesme façon, et le tout bien proprement.
Pour le regard des litz ; plus ilz seront simples, plus aussi seront
ilz a propos. Que chacun ayt le sien, et qu'ilz soyent tellement disposés,
qu'en se couchant ou levant on ne se voye point les uns les autres, affin
que les yeux mesmes soyent mondes et netz.
J'appreuverois fort que ceux qui portent barbe fussent bien rasés
a la teste et au menton, selon les anciennes coustumes des Benedictins
; et que, tant qu'il sera possible, on n'allast plus seul a seul, ains
tous-jours avec un compaignon.
Il sera expedient qu'aux divins Offices le petit troupeau entre, demeure
et sorte ensemblement, avec mesme contenance et ceremonie, d'autant que
la composition exterieure, soit aux Offices, soit a table, soit en public,
est un puissant motif pour beaucoup de bien.
A ce commencement, il n'est pas necessaire d'adjouster aucune abstinence
a celle des vendredis et des samedis, sinon celle des mercredis, selon
la vielle coustume et mitigation observee au Monastere.
Voyla mon petit advis pour ce commencement. La fin pretenduë sera
bien autre chose, Dieu aydant : car, comme vous sçaves, primum in
intentione est ultimum in executione (la première chose en l'intention
est la dernière en l'exécution). Mais pour bien servir en
cette besoigne, il faut avoir un courage inexpugnable et attendre (le fruit
dans la patience) fructum in patientia (Lc 8,15). Je sçay et voy
vostre Regle qui dit merveilles ; il n'est pas pourtant expedient de passer
d'une extremité a l'autre sans milieu.
Plantés bien avant, Monsieur, cette affection dans vostre cur,
de restablir (les murs de Jérusalem.) muros Hierusalem (1 Mc 12,36)
: Dieu vous assistera de sa main. Sur tout prenes garde d'user de lait
et de miel (Ct 4,11), parce que les viandes solides ne pourroyent pas encor
estre maschees par les foibles dens des invités (1 Co 3,2).
A Dieu, et ayés bon courage d'estre l'un de ceux (par
lesquels le salut sera fait en Israël.) per quos salus fiet in Israel
(1 Mc 5,62).
Vostre confrere et serviteur affectionné
en Nostre Seigneur,
FRANçs, E. de Geneve.
D'Annessy, ce 10 julliet 1609.
DXXXIX
A M. CLAUDE DE CHARMOISY
M. de Charmoisy s'apprête à quitter Turin. - Un " ennemi
juré des cours. " Le Saint se réjouit à l'espoir de
posséder son ami avec plus de loisir.
Annecy, [vers mi-juillet] 1609 .
Monsieur mon Cousin,
Pressé par le sieur Pergod de vous reprresenter la priere qu'il
vous a ci devant faitte, je n'ay sceu refuser, bien que, de vostre grace,
monsieur de Vallon m'aye communiqué vos affaires, lesquelles, comme
je croy, ne vous permettront pas d'embrasser pour le present celleci.
Je n'ay encor point veu madame vostre digne compaigne et ma chere cousine
despuis ses (sic) dernieres nouvelles ; je croy neanmoins qu'ell'en est
trop plus contente, pour l'espoir qu'ell' en aura de joüir plus pleynement
et entierement de vostre douce presence. Pour moy, qui suis ennemi juré
des cours, j'approuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me
res-jouis de l'honneur que nous aurons de vous posseder avec plus de loysir
, et tirer les fruitz aggreables de vostre conversation et de l'amitié
sincere que vous portes a celuy qui vous cherit, respecte et honnore d'un
cur tres fidelle, et qui est,
Monsieur mon Cousin,
. Vostre humble cousin et serviteur,
FRANçs,E. de Ge.neve.
A Monsieur mon Cousin,
Monsieur de Charmoysi, Seigr de Marclaz, Villi, etc.
Revu sur l'Autographe appartenant à Mlle Vuy, à Carouge
(Genève).
DXL
A LA BARONNE DE CHANTAL
La quatrième chose tout à fait ignorée de Salomon.
- L'ange gardien de Celse Bénigne. - L'unique ambition d'un Saint.
- L'Evêque de Genève trouve son âme " un peu plus a
" son " gré que l'ordinaire," et pourquoi. - Ce qu'il veut, d'une
volonté inviolable. - Le gui et les imperfections involontaires.
Annecy, 14 juillet [1609 ].
.
Cette fause estime de nous mesmes, ma chere Fille, est tellement favorisee
par l'amour propre, que la rayson ne peut rien contre elle. Helas ! c'est
la quatriesme chose difficile a Salomon, et laquelle il dit (Pr 30,18)
luy avoir esté inconneuë, que le chemin de l' homme en sa jeunesse.
Dieu donne a monsieur N. beaucoup de grace d'avoir monsieur son grand pere
qui veille sur luy. Que longuement puisse il jouir de ce bonheur !
0 ma Fille, croyés que mon cur attend le jour de vostre consolation
avec autant d'ardeur que le vostre. Mais attendés, ma tres chere
Seur, attendés, dis je, en attendant, affin que j'insere des paroles
de l'Escriture (Ps 39,1). Or, attendre en attendant, c'est de ne s'inquieter
point en attendant ; car il y en a plusieurs qui en attendant n'attendent
pas, mais se troublent et s'empressent.
Nous ferons prou, chere Fille, Dieu aydant. Et tout plein de petites
traverses et secrettes contradictions qui sont survenues a ma tranquillité,
me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et
me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son
Dieu, qui est certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique
ambition et passion de mon cur. Et quand je dis de mon ame, je dis de
toute mon ame, y comprenant celle que Dieu luy a conjointe inseparablement.
Et puisque je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner
cette bonne nouvelle: c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé
pour elle, n'en doutes point ; et vous remercie du zele que vous aves pour
son bien, qui est indivis avec celuy de la vostre, si vostre et mien se
peut dire entre nous pour ce regard. Je vous diray plus : c'est que je
la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus
rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens eternelz.
Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis
absolument disjoint et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je
serois heureux, et vous, ma Fille, que vous series contente ! Mais je parle
pour l'interieur et pour mon sentiment ; car mon exterieur, et, ce qui
est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté d'imperfections
contraires, et le bien que je veux, je ne le fay pas (Rm 7,15) ; mais je
sçay pourtant bien qu'en verité et sans feintise je le veux,
et d'une volonté inviolable. Mais, ma Fille, comment donques se
peut il faire que sur une telle volonté tant d'imperfections paroissent
et naissent en moy ? Non certes, ce n'est pas de ma volonté ni par
ma volonté, quoy qu'en ma volonté et sur ma volonté.
C'est, ce me semble, comme le guy, qui croist et paroist sur un arbre et
en un arbre, bien que non pas de l'arbre ni par l'arbre. 0 Dieu, pourquoy
vous dis-je tout ceci, sinon parce que mon cur se met tous-jours au large
et s'espanche sans borne quand il est avec le vostre ?
Si vous demeuries de dela, je serois bien ayse d'entreprendre le service
que le Reverend Pere N. desire de moy pour cette dame ; mais cela n'estant
point, il me semble qu'un autre qu'elle aura moyen de voir plus souvent,
se rendra plus utile a ce bon. uvre. Et moy, cependant, je prieray Nostre
Seigneur pour elle, car sur les bonnes nouvelles que vous m'en donnes,
je commence a l'aymer tendrement, la pauvre femme. Helas, quelle consolation
de voir reverdir cette pauvre ame, apres un si dur, si long et si aspre
hiver !
Je vous suis ce que Dieu sçait. Amen.
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 14 julliet..
DXLI
A M. ANTOINE BELLOT
(MINUTE INEDITE)
Les conditions de la conférence contradictoire proposée
par les Genevois sont acceptées par le Saint. - Celui-ci désire
y apporter non un esprit de contention, mais de bonne foi entre les difficultés,
il faut choisir les plus importantes et les éplucher - Une dernière
garantie à prendre.
Annecy, [juillet-août] 1609
Monsieur,
N'ayant eu nul advis de vous sur le sujet de la conference de
laquelle vous m'escrives, despuis la premiere fois que vous pristes la
peyne de m'en venir parler, j'en avois laissé le soin, bien que
non pas la memoire. Mais puisque, comme vous m'advertisses, ces Messieurs
de l'autre costé ont fait choix de celuy qui parlera pour leur pretendue
religion, nommé le lieu et marqué la Version qu'eux desirent
employer a cet effect, il m'est advis que c'est a bon escient qu'ilz traittent
; et en cette persuasion, je vous diray que j'accepte tres volontiers que
ladite conference se fasse dedans la ville de Geneve et que ce soit a la
Version de la Bible imprimee a Anvers , a laqu'elle nous nous arrestions.
Mais quant a la modestie, outre ce qu'en tous lieux nous en voulons
tous-jours observer estroittement les lois, la consideration du lieu ou
nous serons nous y conviera asses, et nos parties, a ne se point desfier
de nous. Il ne reste donq, ce me semble, sinon a nous bien entendre sur
la fin et le but de cette action. Et pour moy je proteste que je ne m'y
porteray point avec esprit de contention, car je ne l'ay point, ni pour
y faire paroistre aucune suffisance aux sciences, car je n'en fay nulle
profession, mais simplement et tout a la bonne foy pour l'esclarcissement
de la sainte verité.
Et a cette intention, je desire que nous ne [nous] employons qu'a l'examen
du fond des difficultés, et qu'on choisisse entre icelles les plus
importantes pour les esplucher par les moyens desquelz auparavant il sera
requis que nous convenions ensemble ; a quoy, de mon costé, j'apporteray
toute la franchise et facilité que je pourray, apres que vous m'aures
adverti de la reciproque volonté de ces Messieurs pour ce particulier.
Ce pendant, je supplie Nostre Seigneur qu'il soit luy mesme le commencement,
l'advancement et la fin de ce dessein et de toutes nos actions, et je suis,
Monsieur,
Vostre bien humble serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
A Monsieur l'Esleu Belot, a Belley,
Surintendant des tailles pour le Roy
riere la province du Beugey.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de
Canonisation.
DXLII
A M. ANTOINE DES HAYES
Remerciements du Saint à son " arch'intime "qui voulait le faire
venir à Paris. - Les obédiences qui entravent sa liberté.
- Invitation pour l'année 1611 à prêcher dans la chaire
de Saint-Gervais ; hésitations de François de Sales pour
accepter l'intervention de Henri IV.- Nouvelles de M. de Charmoisy et de
sa rupture avec le duc de Nemours. - Le Saint désire rétablir
le mari de Philothée. - Un projet de pèlerinage à
la Sainte-Baume. - Mme de Maiguelais. - La deuxième édition
de l'Introduction.
Annecy, [commencement d'août] 1609 .
Monsieur,
Puisque je sçai que vous croyés la verité que
je vous ay si souvent juree d'estre tres absolument et invariablement vostre
par inclination, par election et par un extreme amour, je ne vous feray
point d'excuse du long tems que j'ay mis a vous escrire, car je suis asseuré
que vous ne l'interpreterés nullement en mauvaise part. Laissant
donq en arriere toute sorte de praefaces, je vous remercie humblement du
soin que vous avés d'acheminer le dessein de me faire jouir encor
une bonne fois de vostre presence en vostre Paris. Je dis de vostre presence,
qui m'est desirable sans fin, et en vostre Paris, ou elle me seroit concedee
plus a souhait qu'ailleurs.
Mais, Monsieur, dites donq la verité, je vous supplie : ces
obediences et mortifications de n'oser pas estre libre quand on n'est pas
serf, ne sont elles pas comparables a celles de ceux qui ne sont pas libres
par ce qu'ilz sont serfz ? Il faut neanmoins s'y accommoder, et tout doucement,
qui est l'importance. Que j'estois ayse en cette petite ombre d'esperance
que j'avois conceüe de me treuver a Paris aupres de vous, comme je
faysois souvent par l'imagination, avec laquelle je prenois le tems de
cette joüissance desiree !
Et puisque je suis sur ce sujet, je diray encor quil y a trois jours
que je receu une lettre de monsieur de Santeül , qui, de la part de
monsieur Perrochel , me semont a la chaire de Saint Gervais pour l'an 1611,
et me dit que l'on en a parlé avec monsieur des Hayes, mon arch'intime.
Voyes vous, Monsieur, ce mot d'arch'intime ne m'avoit encor point esté
devant les yeux ; mais, sur une si grande verité, il a esté
receu de mon cur tres intimement, et le bon monsieur de Santeul ne me
dit jamais un mot plus a mon gré. .
Or, je reviens a ce que je disois : c'est que je n'ose encor dire que
non, tandis que j'espere que l'accommodement des Princes accommodera peut
estre ces affaires ; ni aussi je ne veux dire qu'oüy, ne pouvant avoir
null'asseurance. Monsieur de Santeul dit que, si je veux, le Roy en escrira
a Son Altesse ; mais, comme vous sçavés, cest honneur seroit
un petit trop chaud et pesant pour moy. C'est pourquoy j'attendray encor
un peu, avant que d'en donner la derniere resolution audit sieur de Santeul,
et ce pendant luy diray chose pour laquelle il devra conseiller a ce seigneur
de ne point s'attendre a moy ; car aussi bien, en tout evenement, si j'avois
ma liberté pour ce tems-la, il me manqueroit pas de chaire en une
ville ou il yen a tant.
Au demeurant, voyant que Dieu le veut, je m'arreste de tres bon cur
icy, et prens, en eschange de la satisfaction que j'aurois de vous voir,
l'ayse que j'ay a penser en vous, a parler de vous avec ceux qui vous honnorent,
et sur tout a vous cherir d'un amour tendre et respectueux, autant qu'homme
du monde.
Encor faut il que je vous die que nous avons despuis peu nostre monsieur
de Charmoysi, avec lequel je me suis entretenu ce matin trois grosses heures
sur son depart de la mayson de Monsieur , et ay treuvé que certes
il a eu plusieurs bonnes raysons de le faire, qui seroyent trop longues
a deduire ; neanmoins il m'a dit que tous-jours il s'accommoderoit a ce
que ses amis, et sur tout vous et moy luy conseillerions. Certes, Monsieur
a perdu un tres bon, tres utile et tres digne serviteur, et Madamoyselle
sa maistresse eüt eu en madame de Charmoysi une fort vertueuse servante.
Je vay pensant comme je pourrois faire pour servir d'instrument a la reparation
de tout cela, mais je voy la chose malaysee, car les oreilles de Monsieur
se remplissent tous les jours de plus en plus de persuasions contraires,
que ceux qui n'ayment pas monsieur de Charmoysi ont tout loysir et advantage
de faire. Et apres une separation si entiere, il sera malaysé d'oster
un peu d'aversion des curs de l'un a l'autre ; et celuy de Monsieur, comme
vous sçaves, ayme d'avoir ses coudees franches, et celuy de monsieur
de Charmoysi est courageux, qui ne peut souffrir le desdain. Au passage
de Monsieur, je me fourreray le plus avant que je pourray en cett'entreprise,
et auray bon loysir d'y penser, puisque on ne l'attend que sur la fin du
moys auquel nous sommes. Je ne crains sinon d'offencer ma conscience en
cela, car je n'ay pas si bonn' opinion de la cour que je ne pense que Dieu
soit mieux servi hors d'icelle qu'en icelle, et saint Augustin avoit cette
solemnelle resolution de ne conseiller jamais a personne la suite des cours
(Confess 8,6 ; Serm 302,19). Toutefois, la vertu de monsieur de Charmoysi
est des-ja ferme pour n'estre pas esbranslee a ce vent-lâ.
Mais si vous continues de vouloir faire le voyage a la Sainte Baume
, ne doutes pas que vous ne m'ayes pour associé a vostre pelerinage,
car ce n'est pas sortir de Savoye d'aller a Marseille, pourveu que ce soit
sur le Rosne, auquel nous contribuons tant d'eaux et tant de sable ; et
nostre cher petit Evesque, mais grand Praelat , sera bien ayse de nous
faire l'hospitalité en passant, moyennant un sermon que je feray
a son peuple, qui, oyant parler de Geneve, y viendra tout entier, huguenotz
et Catholiques pesle mesle. Je m'en donne des-ja au cur joye.
Madame vostre chere partie me fait trop d'honneur de me vouloir du
bien et se resouvenir de moy, mais en particulier estant avec madame la
Marquise de Meneley , une des dames du monde de laquelle j'honnore le plus
la vertu et constance en la pieté. Et puis qu'elles favorisent ce
chetif livret de l'Introduction a la Vie devote, je vous supplieray, dans
trois semaynes, de leur en faire a chacune un present de ceux que je vous
envoyeray de la seconde edition , et autant que la commodité le
permettra; a laquelle j'ay adjousté beaucoup de petites chosettes,
selon les desirs que plusieurs dignes juges m'ont tesmoigné d'en
avoir, et tous-jours regardant les gens qui vivent en la presse du monde.
J'escris cette lettre sans loysir et sans esprit, mais non pas sans
cur, car mon cur est tous-jours ou il vous peut regarder. Nostre Seigneur
vous conserve, prospere et benisse, Monsieur; c'est le souhait de
Vostre tres humble et tres fidelle serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
A Monsieur
Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel du Roy.
Gouverneur et Baillif de Montargis.
Revu sur l'Autographe conservé au 1er Monastère de la
Visitation de Rouen.
DXLIII
AU DUC DE. NEMOURS, HENRI DE SAVOIE
Recommandation en faveur d'un gentilhomme, pour lui obtenir de succéder
à son père dans la charge de juge-maje du Faucigny.
Annecy, 11 août 1609.
Monseigneur,
Ayant esté prié par le sieur de Crans, juge maje de Foucigni
, d'interceder vers Vostre Excellence affin d'obtenir la survivance de
sa charge en faveur de son filz, je fay tres volontier cet office, parce
qu'il regarde un gentilhomme bien nay, qui a bon esprit et bonne ame, qui
a fort bien estudié et qui, en l'exercice de la lieutenance de son
pere, quil fait il y a quelque tems, tesmoigne qu'ayant la charge en chef,
il s'en acquiteroit dignement et se rendroit utile serviteur de Vostre
Excellence ; a 1aquelle je fay donq tres .humble demande de ce bienfait
pour ce viel pere qui, se praeparant a la sortie de ce monde, a cette juste
ambition d'y laisser son filz au mesme service de son Prince, qu'il a eu
lhonneur d'y exercer .
La bonté de Vostre Excellence, qui daigne me tenir en sa grace,
m'a donné le cur d'entreprendre cette
intercession envers elle, pour laquelle j'en fay journellement a l'autel
envers Dieu, affin quil la comble de benedictions immortelles. C'est,
Monseigneur,
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur et orateur,
FRANçs, E. de Geneve.
XI aoust 1609.
Revu sur l'Autographe conservé à Paris, Bibliothèque
Nationale
(Fonds français,3650).
DXLIV
AU PÈRE JACQUES-PHILIBERT DE BONNIVARD DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
(MINUTE INEDITE)
Raisons et avantages d'offrir aux ministres de Genève une conférence
publique. - Manière de la proposer. - En quel cas il serait à
propos d'engager la controverse sur les Versions. - Comment présenter
la doctrine catholique, et de la prudence requise en la formulant. - Derniers
avis.
Annecy, 17 août 1609
Mon Reverend Pere,
Je ne doute nullement que l'offre d'une douce et amiable conference
avec ceux de Geneve ne soit tres utile en ce tems, auquel ilz sont venus
en quelque sorte de desir d'en avoir une, au moins a ce que j'apprens par
les continuelz advis que j'ay de divers propos qu'ilz tiennent. Ilz sont,
pour la plus part, en scrupule de leur religion, quoy que, quand on leur
en parle directement, ilz fassent semblant d'estre bien asseurés,
par rayson d'Estat. Si donques ilz acceptent l'offre, il y a de l'apparence
d'un grand fruit ; s'ilz le refusent, la gloire en demeurera pour l'Eglise,
et le refus accroistra le soupçon que plusieurs ont de n'avoir pas
la rayson de leur costé. Je loüeray pour cela grandement que
l'offre se face, puisqu'il ne peut nuire et peut grandement prouffiter.
Une lettre a celuy que vous escrives , sera fort a propos ; mais il
faut qu'elle soit presentee par quelqu'un qui aye asses d'asseurance pour
le presser de faire responce, en cas qu'il voulust la supprimer et faire
le fin ; a quoy quelque notable personne de la Franche Comté, qui
fust des villes avec lesquelles ceux de Geneve ont commerce, seroit fort
sortable. Et si, il faut adjouster a l'inscription, le titre de Conseiller
du Conseil des Vingtz et cinq Seigneurs ; car il y a un autre Sarrasin
qui n'en est pas , bien qu'il soit de grand credit dans cette ville la.
Et puisque vous me sommés de vous dire franchement mon advis
sur la lettre que vous luy escrives, je vous diray que je n'appreuve pas
que vous luy proposies si distinctement le dessein de la façon de
proceder que vous voules tenir, car il suffira bien de le faire quand ce
viendra au joindre et au faire; et il n'est pas expedient que maintenant
vous vous engagies en aucune sorte de controverse, d'autant qu'en traittant
plus avant de la conference, vous treuveres peut estre qu'il sera mieux
de prendre un autre biais. Il seroit donq mieux pour ce coup de demeurer
en cette generale proposition, que vous monstreres que leur religion est
manifestement contraire aux Saintes Escritures, sans venir a la particuliere
declaration des moyens que vous voules tenir pour ce faire ; car ainsy
vous ne vous obliges a rien qu'a la .fin de vostre intention, et laisses
les moyens en liberté, pour les choisir par apres a vostre gré.
Et si, la proposition est beaucoup plus specieuse pour estre imposee entre
des ignorans, comme sont la plus part des Conseillers de cette ville-la.
Et si, je ne laisseray pas encor de dire mon opinion sur les moyens que
vous proposes, puisque je suis obligé a la naïfveté
et franchise en l'amitié que nous avons ensemble et que je sçay
que vostre esprit correspond au mien en cela.
Cette generale controverse des Versions est grandement utile entre
les gens doctes, et quand vous ne regarderies que les ministres, elle seroit
sans doute extremement a propos. Mais s'il faut avoir soin. d'esbransler
le peuple, il faudra entreprendre quelque point auquel plusieurs puissent
discerner de la rayson ou du tort ; car en celuy des Versions, pour peu
que les ministres tiennent contenance (comme ilz feront, estans des plus
asseurés menteurs et des plus opiniastres mattois du monde), le
peuple, des-ja incliné a leur suite, demeurera plus engagé
en leur parti. Et quand je dis le peuple, je veux dire les Seigneurs des
deux Conseilz, qui ne sont que marchans et certains gens de peu. .
Sur tout il m'est advis qu'il faut grandement estre attentifz a la
façon de proposer la doctrine catholique, en sorte que, comme la
rayson est de nostre costé, aussi l'apparence, le lustre et la speciosité
ne nous defaillent point. Comme par exemple : sur ce que vous m'escrives,
de convaincre l'insuffisance de l'Escriture seule pour le parfait gouvernement
de l'Eglise, sur ce mot d' " insuffisance de l'Escriture, " ilz crieroyent
tous blasphemant. J'aymerois donq mieux advoüer que l'Escriture est.
tres suffisante pour nous instruire de tout, et dire que l'insuffisance
est en nous, qui, sans la Tradition et sans le magistere de l'Eglise, ne
sçaurions nous determiner du sens qu'elle doit avoir, ni des consequences
qu'on en peut tirer pour la direction et gouvernement du peuple Chrestien
; car en cette sorte, la chose demeurant la mesme, l'explication est plus
specieuse et plausible a ceux aux oreilles desquelz on ne fait que crier
que nous mesprisons les saintes Lettres .
Mais je m'espanche trop, mon cher Pere, et prens a l'adventure trop
de carriere. Si je croyois que vous ne conneussies pas mon cur, je ne
traitterois pas si librement ; mais je me confie en Nostre Seigneur que
vous sçaves que je ne fay rien ni dis rien avec vous que sur les
gages de vostre sincere amitié, et qu'en vous proposant mes petites
pensees, vous les adjusteres a la rayson avec autant de franchise que je
les vous presente.
Je veux finir, en vous suppliant de continuer en ce bon dessein, lequel,
de quel costé qu'on le tourne, ne peut que reuscir a la grande gloire
de Dieu. Continués encor, je vous supplie, a m'aymer cordialement
comme vous faites, et tandis, je prieray Nostre Seigneur qu'il vous fortifie
et benisse de plus en p\us en sa grace.
Je suis tres sincerement,
Vostre humble serviteur et confrere
en Nostre Seigneur,
FRANçs, E. de Geneve..
XVII aoust 1609, a Neci.
Hier je vous escrivis le billet ci-joint; et despuis, ayant derechef
consideré l'advis du Pere Provincial , je le treuve entierement
bon, car le retardement ne peut estre que prouffitable ; car tandis, l'ouverture
se fera, a mon advis, plus grande et raysonnable par divers moyens que
j'y employeray soigneusement, Dieu aydant. En ceci, la dilation ne peut
nuire, mon Reverend Pere; et je sçai tout maintenant par un advis,
que si la conference se fait, il sera voirement bien requis que nous nous
voyons, non pour autre chose, que parce que l'humeur de ce peuple la m'estant
familiere, je vous pourray dire plusieurs choses qui vous serviront en
cette sainte et tres prouffitable entreprise.
Je viens de recevoir [avis] que nous ferons mieux d'attendre, pour
une certaine defiance en laquelle ilz sont, de l'armee de Flandre . Ne
doutés point que [je] ne veille a cela, et vous en reposes sur moy.
Au Reverend Pere en N. S.,
Le P. Jacques Philibert de Bonnivard,
Theologien de la Compaignie de Jesus.
A Besançon.
Revu sur le texte inséré dans le 1er Procès de
Canonisation.
DXLV
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
L'attitude d'une âme chrétienne durant la maladie. - Douceur
et tranquillité. Comment ne jamais trébucher.
Annecy, 20 août 1609.
Selon la sainte et parfaitte amitié que Dieu m'a donnee pour
vous, ma tres chere Fille, j'ay de la peyne de vostre maladie. Or sus,
il faut pourtant s'accommoder a non seulement vouloir, mais a cherir, honnorer
et caresser le mal, comme venant de la main de cette souveraine Bonté
a laquelle et pour laquelle nous sommes. Que puissies-vous bien tost guerir,
si c'est la plus grande gloire de Dieu, ma tres chere Fille ; si moins,
que puissies-vous amoureusement souffrir ; tandis qu'ainsy le requerra
la Providence celeste, affin que, guerissant ou souffrant, le bon playsir
divin soit exercé.
Que vous puis-je plus dire, ma chere Fille, sinon ce que je vous ay
si souvent dit, que vous allies tous-jours vostre train ordinaire le plus
que vous pourres, pour l'amour de Dieu, faysant plus d'actions interieures
de cet amour, et encor des exterieures, et sur tout contournant tant que
vous pourres vostre cur a la sainte douceur et tranquillité : a
la douceur envers le prochain, quoy que fascheux et ennuyeux; a la tranquillité
envers vous mesme, quoy que tentee ou affiigee, quoy que miserable. J'espere
en Nostre Seigneur que vous vous tiendres tous-jours en sa main, et que,
par consequent, jamais vous ne trebuscheres du tout. Que si, a la rencontre
de quelque pierre, vous choppes, ce ne sera que pour vous faire tant mieux
tenir sur vos gardes, et pour vous faire de plus en plus reclamer l'ayde
et le secours de ce doux Pere celeste, que je supplie vous avoir a jamais
en sa sainte protection. Amen.
Je suys en luy, tres fermement tout vostre,
FRANÇs, E. de Geneve.
Le 20 aoust 1609
DXLVI
A DOM MICHEL BOUDET, PRIEUR DE POMMIER
Prière au destinataire de s'entremettre auprès des sujets
de sa Maison qui refusaient de payer les prémices à leur
curé.
Annecy, 27 août 1609
Mon Reverend Pere,
[Ayant appris par] les remonstrances que me fait le sieur curé
de Beaumont , que plusieurs des sujetz de vostre Mayson refusent de luy
payer les premices, lesquelles neanmoins ilz luy doivent comme estant ses
parroissiens, avant que de prendre aucun autre expedient pour l'ayder en
sa juste intention selon mon devoir, j'ay voulu vous supplier d'user de
l'authorité que vous aves sur ces refusans, pour les reduire a la
rayson, esperant que vostre sage entremise aura tout le pouvoir requis
pour l'effect de mon equitable desir, comme la mienne aura le credit envers
vostre bienveuillance d'en obtenir le secours que je souhaitte a cet honneste
et bon curé, lequel, je m'asseure, vous est des-ja asses recommandable,
comme aussi il m'a tesmoigné qu'il vous honnore et revere detout
son cur.
Je n'employeray pas davantage de paroles pour vous exprimer mon affection
en ce point, non plus [que] pour vous offrir derechef mon humble service,
que je vous supplie accepter et tenir tous-jours pour tout asseuré.
Nostre Seigneur vous conserve, mon Reverend Pere, et je suis
Vostre humble serviteur et confrere
en Nostre Seigneur,
FRANçs, E. de Geneve.
27 aoust 1609.
Au Reverend Pere en N. S.,
Le Pere Dom Prieur de Pomiers.
DXLVII
AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE
Négociations du Saint dans le pays de Gex. - Une première
Messe après soixante-treize ans d'interruption. - La traversée
de Genève.
Cessy, 21 septembre 1609.
Monsieur mon Frere,
Il me tarde extremement de vous revoir avec madame nostre Presidente,
ma seur. Mais la varieté des affaires que M. de Lux a treuvés
icy et les resistences des ministres nous ont porté sans rien faire
jusques a ce jourdhuy de saint Mathieu, que j'ay dit la premiere Messe
a Sessi despuis 73 ans. Demain nous passerons outre a faire le mesme es
autres deux parroisses , et passé demain j'iray a Sessel, et le
jour suivant je me rendray entre vos bras, Dieu aydant.
Vous aures sceu comme je traversay Geneve sous la conduite de mon bon
Ange, et cela seulement per non parer poltrone (pour ne pas sembler poltron.)
et pour verifier que (celui qui marche simplement, marche confidemment.)
qui ambulat simpliciter, ambulat confidenter (Pr 10,9), et avec la profession
de ma qualité . Je ne m'en vante pas, non, car il y eut peu de prudence
en cette resolution-là ; mais, comme vous sçaves, ce n'est
pas ma vertu que celle la.
Bon soir, Monsieur mon tres cher Frere ; je suis, Monsieur,
Vostre humble frere et serviteur,
et de madame ma chere Seur,
FRANçs, E. de Geneve.
21 septembre 1609
A Monsieur
Monsieur le Baron de Peroges,
Conseiller de S. A. et Senateur au Souverain Senat,
President de Genevois.
Revu sur l'Autographe appartenant à M.l'abbé Rennard,
à Mont-Saxonnex (Haute-Savoie).
DXLVIII
AU DUC DE SAVOlE, CHARLES-EMMANUEL 1er
François de Sales offre au duc la deuxième édition
de l'Introduction à la Vie devote. - Culte du bienheureux Amé
en Savoie et en Bourgogne. - Supplique pour obtenir que le président
Favre puisse transmettre à son fils René la charge de sénateur.
Annecy, 26 septembre 1609 .
Monseigneur,
Je supplie Vostre Altesse de regarder de son il de faveur ce petit
livret que je luy offre en toute humilité. La devotion est son sujet,
la gloire de Dieu est sa fin, et son escrivain est, par toute sorte de
devoirs, voué a l'obeyssance de Vostre Altesse. Il fut des-ja publié
l'annee passee, mais si imparfait que je n'osay pas l'exposer a la veuë
d'un si grand Prince ; maintenant qu'il est un peu moins mal accommodé,
j'en prens la hardiesse, porté par la seule consideration de cette
douce bonté qui a tousjours aggreablement receu les foibles tesmoignages
de mon invariable fidelité. L'infinie varieté des occupations
que ma charge me pousse incessamment sur le bras, adjouste beaucoup a mon
insuffisance, pour m'empescher de bien faire de telz ouvrages ; mais s'il
plaist a Dieu de se servir de moyen cet exercice d'escrire, il m'en donnera
des commodités.
J'envoye a Vostre Altesse l'attestation de l'estat de deux images et
de quelques autres particularités qui regardent l'estime que l'on
a eu de la sainteté du serenissime et glorieux Amé . Dans
peu de jours, j'en envoyeray un'autre de l'image que j'ay treuvee a Sessel
, revenant de Gex ou j'estais allé pour establir l'exercice catholique
en quelques parroisses (note 280). J'ay aussi sceu qu'au duché de
Bourgoigne, en la ville de Seurre, il y a une eglise de Sainte Clere, ou
il se treuve une chapelle sous l'invocation de ce bienheureux Prince, avec
son image et l'abbregé de toute sa vie escritte en un placard affigé.
C'est pourquoy, devant aller bien tost en ce païs-la pour le mariage
de l'un de mes freres avec la fille du baron de Chantal , selon la declaration
que Vostre Altesse a faitte de l'avoir aggreable, j'envoyeray expres sur
le lieu pour avoir de tout cela une attestation authentique , laquelle,
s'il est vray ce qu'on m'a dit, sera une des plus belles marques de la
sainteté de ce glorieux Prince que l'on ait recouvert jusques a
present.
Oseray-je bien, Monseigneur, presenter encor ce mien souhait a Vostre
Altesse ? Le sieur president Favre a mis sur le front des beaux livres
qu'il a composés et que les nations estrangeres admirent, les marques
de sa fidelité envers Vostre Altesse et de l'honneur qu'il a receu
d'elle . Or, maintenant il desire laisser les mesmes marques a son filz
aisné, affin que l'une et l'autre production tesmoigne a la posterité
le bonheur qu'il a eu d'avoir esté serviteur aggreable d'un si grand
Prince. Il supplie donq Vostre Altesse de faire grace a son dit filz de
la survivance en l'estat de senateur ; ce qu'obtenant, il en aura une consolation
nompareille, prevoyant qu'en la personne de son filz, il revivra apres
sa mort au mesme genre de vie qu'il a suivi en vivant. Pour cela, Monseigneur,
sachant que les affections et services hereditaires sont les plus fermes,
je souhaitterois qu'il p1eust a Vostre Altesse s'incliner a cette requeste,
de l'enterinement de laquelle se respandra une bonn' odeur qui fera connoistre
a chacun que sa providence s'estend jusques a prendre soin des enfans de
ceux qui l'ont fidellement servie, pourveu qu'imitateurs de leurs peres,
ilz s'en rendent dignes .
Je joindray donq ma tres humble supplication avec celle dudit sieur
President, et faysant tres humblement la reverence a Vostre Altesse, je
prie Dieu qu'il la prospere en toutes benedictions.
Monseigneur,
de Vostre Altesse,
Le tres humble, tres obeissant et tres fide1e
serviteur et orateur,
FRANÇs, E. de Geneve.
A Neci, le ... septembre 1609
DXLIX
AU ROI DE FRANCE, HENRI IV
(MINUTE)
Remerciements adressés à Henri IV à propos du
rétablissement du culte catholique dans deux paroisses de Gex; "
bien infini " qui en résultera. - Le digne héritier et imitateur
de saint Louis et de Charlemagne. - Zèle et prudence du baron de
Lux.
Annecy, fin septembre 1609 .
Sire,
Apres avoir donné gloire a Dieu pour le nouveau restablissement
de l'exercice catholique en deux parroisses du balliage de Gex, que monsieur
le baron de Lux vient de faire (note 280), j'en rens graces a la providence
royale de Vostre Majesté, de la pieté delaquelle ces pauvres
peuples ont receu ce bien infini . Je dis infini, Sire, par ce qu'en effect,
il regarde le salut des ames, qui s'estend jusques a l'eternité
; et non seulement des ames qui ont esté maintenant favorisees de
cet incomparable bonheur, mais de plusieurs autres qui, excitees par l'exemple
de celles ci et par l'odeur de la sainte affection de Vostre Majesté,
minutent des tres humbles requestes pour en obtenir une pareille grace.
Quant a moy, Sire, je contemple en ces reparations de la sainte Eglise;
une des rares qualités qui font connoistre et reconnoistre en Vostre
Majesté, le sang et le cur du grand saint Loüys et de Charles
Maigne, l'un et l'autre des plus grans restaurateurs du service de Dieu
que les Chrestiens ayt (sic) jamais veu.
Et puis que je dois ce tesmoignage a la verité, je vous diray,
Sire, que celuy que jusques a present Vostre Majesté a employé
comme son instrument pour l'execution de ses volontés en cet endroit
(le baron de Lux), a un zele qui ne peut rien oublier et une prudence qui
ne sçauroit jamais rien gaster, qui est tout ce qui se peut desirer
en une si digne et importante affaire,
Je supplie incessamment Dieu quil vous face la grace, Sire, d'exalter
de plus en plus sa divine Majesté, affin que, reciproquement, il
benisse et prospere de plus en plus la vostre royale, a laquelle faysant
tres h[ umble]
.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy
DL
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Les suites d'une chute. - Annonce d'un deuxième voyage en. Bourgogne.
Les Saints ne sont pas "despiteux. " - Les curiosités qu'il faut
éviter.
Annecy, 2 octobre 1609
Ma chere Fille,
J'ay eü fort peu de mal de ma cheute, qui ne m'avait apporté
qu'une fouleure de nerfz et. un os demis ; mais j'en ay l'incommodité
de demeurer au lict, et par consequent, de ne point celebrer. J'espere
neanmoins, Dimanche prochain, jour de mon saint François, recommencer
mon petit train, et mardi prochain, partir pour aller achever le mariage
de mon frere chez nostre bonne Mme de Chantal.
Nostre seur a bien fait de m'advertir de ces petites tricheries de
paroles que cette pauvre Religieuse va semant ; car cela me peut servir
et ne peut nuyre a personne, puisque je ne suis point despiteux, et pour
cela ne laisseray pas de penser a quelque moyen d'ayder cette chetifve
ame qui, a mon advis, est pleyne de legereté et inconstance, plus
tôst que de malice. Je fay response a l'autre conseil que nostre
seur desiroit de moy.
Pour vous, ma chere Fille, je loüe Dieu des sentimens de l'amour
que vous aves envers luy, sur lesquelz il ne faut point faire ces curiosités,
de penser que sa divine Majesté vous l'ostera pour vostre inutilité.
Non, il ne faut point avoir ces craintes ; mais, en vous humiliant et reconnoissant
que vous estes toute inutile (Lc 17,10), esperes en la grandeur de la misericorde
divine qu'elle vous sera propice de plus en plus. Il ne faut voyrement
pas se haster de soy mesme ; mais de recevoir les graces que Dieu nous
donne, ce n'est pas se haster, pourveu.qu'on se contienne en humilité
et dedans les exercices auxquelz nostre vocation nous oblige.
Vous faites bien pour ce qui regarde l'orayson et ces distractions
et petites envies spirituelles. Ne vous amuses point a cela ; mais, d'un
cur eslevé, travailles devant Dieu avec vostre volonté superieure,
vous animant au saint amour. L'exercice que vous m'aves envoyé est
bon, mais prenes garde qu'en l'execution vous n'abbandonnies point la resolution
de vous mortifier es rencontres que vostre vocation vous fera faire.
J'envoye le livre ci joint a nostre seur, et me reserve a vous en envoyer
un a mon retour, n'en ayant pas, pour le present, que ce quil me faut pour
porter ou je vay. Je vous recommande Mme de Charmoysi qui est toute malade,
a ce que me dit M. de Charmoysi, et un (sic) bonn' uvre que nous allons
entreprendre pour le bien de plusieurs ames .
Je suis tout entierement tout vostre en Nostre Seigneur, qui
vive et regne es siecles des siecles. Amen.
A Neci, le 2 octobre, en haste.
A Madame
Madame de la Fleschere.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de la Fléchère,
à Saint-Jeoire (Haute-Savoie).
DLI
A MADAME DE LA FOREST RELIGIEUSE DE L'ABBAYE DE BONS
(INÉDITE)
Les " ames revesches " et le Saint. - Pourquoi la patience est nécessaire
à ceux. qui veulent servir les âmes. - Une Religieuse qui
avait besoin de changer d'air. - Les promenades dangereuses. - Envoi d'un
exemplaire de l'Introduction.
Annecy, 2 octobre 1609.
Vous aves bien fait, tres chere Fille, de m'advertir des mauvayses
paroles de cette pauvrette, car cela m'est utile et ne luy sera pas inutile
a elle mesme pour l'advenir. Je suis certes fort libre a parler, mais je
ne pense pas avoir rien dit de tout cela. Oüy bien, peut estre, que
l'experience m'avoit apris de ne point estre dur aux ames revesches, tandis
quil y avoit esperance de les gaigner par douceur.
Je croy que quant a Monsieur de Belley , je n'en auray parlé
qu'avec le compas de la sincere dilection avec laquelle je l'honnore, car
je sens bien en mon ame que j'ay de l'affection a son estime. Mais, ma
chere Fille, il faut estre patient a ceux qui veulent servir les ames,
car tous-jours ainsy au commencement, elles sont volages, bigearres. et
inventrices de paroles. Qui se voudroit desgouster pour cela, ne feroit
jamais rien. Cette la auroit grand besoin de changer d'air pour estre guerie,
car en ce lieu-la il y a des aspicz et basilisques plus quil ne faut pour
les tendres ames. Dieu y mette sa sainte main. Ell' a rayson de dire que
je luy parlay a son advantage, car je ne luy parlay que pour son bien,
mais sans flatterie et rondement, selon les sentimens que j'en avois.
Mais vous, ma tres chere Fille, continues a tenir vostre cur pur devant
Dieu et compatissant envers le prochain. Vrayement je ne voudrois nullement
que si les promenades tendent a la rencontre de ces galantz hommes, vous
vous y treuvassies ; mais si cette fois-la ce fut par hazart, il n'en faut
pas pour cela se scabrer. Quesi neanmoins on voyoit que la chose retumbast
souvent a mesme rencontre, je vous aymerois mieux en vostre chambre.
Je vous envoye un livre de la nouvelle edition (De l'Introduction à
la Vie devote), et en envoyeray un autre a Mme vostre jeun' Abbesse quand
j'auray le loysir de luy escrire a propos, sans faire semblant de rien,
sinon de quelques bonnes paroles qu'elle me dit.
Nostre Seigneur soit a jamais au milieu de nous, et je suis en
luy tres entierement,
Vostre serviteur,
F., E. de G.
A Madame
Madame de la Forest, Religieuse a [Bons].
Revu sur l'Autographe conservé au 2d Monastère de la
Visitation de Marseille.
DLII
A LA BARONNE DE CHANTAL
A une journée de Monthelon, le Saint prévient la Baronne
qu'il va arriver. - Il demande " un petit bain de sauge " pour son pied
à peine guéri d'une chute récente. .
Vers le 10 octobre 1609 .
Ma chere Seur,
Nous allons a la Messe, pour disner par apres et partir. Mais qu'il
me tarde que je sois vers vous ! Je n'y seray neanmoins qu'un peu tard,
car nos chevaux sont recreuz des grandes journees que nous avons faites.
Si nous treuvons monsieur de Chantal couché, nous ne laisserons
pas de luy aller donner le bonsoir. Mais il faut que je prie ma bonne niece
(Mlle de Bréchard), si elle [est]aupres de vous, de me faire la
charité d'un petit bain de sauge pour mon pied, que je vous porte
un peu boiteux .
Bon soir, ma chere Seur, ma Fille ; vostre filz (Bernard de Sales),
Vostre neveu et la Thuille vous baysent les mains. Nous avons pensé
amener monsieur de Charmoysi, mais la venue de Monsieur de Nemours nous
a osté cette bonne compaignie.
Nostre Seigneur soit avec vous.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Rennes.
DLIII
A M. PIERRE DE BÉRULLE
(FRAGMENT)
Sympathie très effective de François de Sales pour le
dessein : de M. de Bérulle. Il conseille une démarche auprès
du Nonce.
29 octobre 1609
Je vous escrivis n'a gueres en response de la lettre que vous m'avies
envoyee sur le sujet de la Congregation des prestres reformés ,
vous tesmoignant le desir que j'avois de contribuer a une si utile entreprise
tout ce qui depend de moy ; et ne pouvant disposer de l'absence de mon
diocese requise pour cette uvre, je vous asseurois que, si tost que je
serois arrivé a Neci, j'escrirois au Saint Pere pour avoir son commandement
sur cela. Or, despuis j'ay pensé que si on pouvoit faire [que,]
de dela, le Nonce du Saint Siege qui reside a Paris escrivist en faveur
de ce dessein la, il le rendroit fort aysé ; qui m'a fait vous escrire
encor des icy, pour ne rien oublier de mon costé, de tout ce que
je croyois pouvoir estre utile a faire reuscir une chose de si grand poix
pour le bien de l'Eglise. Ce sera a vous qui touchés la chose, d'en
faire comme vous jugeres plus a propos
..
Revu sur une ancienne copie conservée à Paris, Archiv.
Nat., M. 234.
DLIV
AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE SALINS
Acceptation d'une invitation à prêcher dans la ville de
Salins.
Dole, 1er novembre 1609
Messieurs,
Vous m'obligés extremement par le desir que vous aves de mes
predications, lesquelles seront utiles a vostre. peuple, si Dieu me donne
autant de force comm' il m'a donné de courage et d'affection de
vous rendre du service. Que s'il exauce mes prieres, vous vivres tous longuement,
heureusement et saintement en ce monde, et eternellement, glorieusement
et tres [heureusement] en l'autre ; car ce sont les souhaitz continuelz
que je feray meshuy devant sa divine Majesté, pour vous et pour
vostre ville, estant,
Messieurs,
Vostre tres humble serviteur en Nostre Seigneur,
FRANçs, E. de Geneve.
Jour de Toussaintz 1609, a Dole.
A Messieurs les Magistratz
de Salins.
DLV
A LA BARONNE DE CHANTAL
Pourquoi nous sommes en ce monde. - Absoudre, c'est donner Jésus-Christ.
Le traité du P. Arias. - Le corporal envoyé par la Baronne.
Baume-les-Dames, 16 novembre [1609 .]
Ma chere Fille,
Je reçois une particuliere consolation a vous parler en ce langage
muet, apres que tout le jour j'ay tant parlé a tant d'autres en
langage parlant. Or sus, si faut-il vous dire ce que je fay, car je ne
sçai presque rien autre, et encor ne sçai je gueres bien
ce que je fay.
Je viens de l'orayson, ou, m'enquerant de la cause pour laquelle nous
sommes en ce monde, j'ay appris que nous n'y sommes que pour recevoir et
porter le doux Jesus : sur la langue, en l'annonçant; sur les bras,
en faysant des bonnes uvres ; sur nos espaules, en supportant son joug,
ses secheresses, ses sterilités, et ainsy en nos sens interieurs
et exterieurs. 0 que bienheureux sont ceux qui le portent doucement et
constamment ! Je l'ay vrayement porté tous ces jours sur ma langue,
et l'ay porté en Egypte, ce me semble, puisqu'au Sacrement de Confession
j'ay ouy grande quantité de penitens qui, avec une extreme confiance,
se sont addressés a moy pour le recevoir en leurs ames pecheresses
. Oh ! Dieu l'y veuille bien conserver.
J'y ay encor appris une prattique de la presence de Dieu, laquelle,
en passant, j'ay resserree en un coin de ma memoire pour vous la communiquer,
si tost que j'auray leu le traitté qu'en a fait le Pere Arias .
.Ayés un grand cur, ma chere Fille, et estendes-le fort sous
la volonté de nostre Dieu. Sçaves vous que je dis estendant
vostre corporal pour la consecration ? Ainsy, dis je, puisse bien estre
estendu le cur de celle qui me l'a envoyé, sous les sacrees influences
de la volonté du Sauveur. Courage, ma Fille, tenés vous bien
serree aupres de vostre sainte Abbesse, et la suppliés sans fin
que nous puissions vivre, mourir et revivre en l'amour de son cher Enfant.
Vive Jesus qui m'a rendu tout vostre, et plus que je ne puis
dire. La paix du doux Jesus regne en vostre cur.
FRANçs, E. de Geneve.
Le 16 novembre...
DLVI
A MADAME DE BOISY, SA MÈRE
Mme de Boisy est priée par son fils de consulter le mèdecin
Marc Offredo. Pourquoi elle doit se dégager de certaines " petites
pensees. " - Le " petit advis " que le Saint donne clairement à
sa " chere Dame et bonne Mere, "
Annecy, 29 novembre 1609.
Madame ma Mere,
La nouvelle que mon jeune frere m'a donnee de vostre meilleure santé
m'a fort consolé, et neanmoins je ne laisse pas d'appreuver l'advis
de mon cosin Chaudens , que le sieur Marcofredo soit consulté sur
vostre santé, ou le faysant venir a Sales, ou, si vous le pouvés,
allant vous mesme a Geneve pour trois ou quattre jours ; mais en ce dernier
cas, il faudroit faire le voyage bien tost pour praevenir les grandes froideures.
Si mon frere m'eut aussi bien sceu dire en quel estat estoit vostre
esprit, ma consolation eüt esté plus grande ; mais il ne m'a
sceu dire, sinon que par fois vous esties asses joyeuse et par fois triste,
et que vous n'avies pas voulu que l'on vous fit des souliers, estimant
que vous ne vivrés pas asses pour les user. Or, en tout cela, il
ny a pas grand mal ; mais je désire pourtant bien que, petit a petit,
vous vous desfacies et desengagies de ces petites pensees, lesquelles sont
entierement inutiles et infructüeuses, et outre cela, elles tiennent
la place d'autres cogitations meilleures et aggreables a Nostre Seigneur.
Il faut un petit plus mettre vostre esprit au large et a l'ayse avec Nostre
Seigneur, et ne le point charger de ces menües affections ou pensees,
et vivre librement, laissant a la providence de Nostre Seigneur ce quil
luy plaira faire de vous.
Mais, avec vostre permission, je vous parleray clairement. Il faut,
ma chere Mere, ne plus vous amuser a certaines considerations qui ne servent
a rien et sont de trop peu de valeur pour occuper l'esprit ; et, ayant
mis doucement l'ordre qui se peut mettre aux affaires, sil (sic) vont bien,
en loüer Dieu, sil (sic) ne vont pas si bien que vous desireriés,
puisque vous ne pouves pas mieux faire de vostre costé, remettre
le tout entre les bras de Dieu qui, en fin, conduit toutes choses selon
.quil voit expedient a nostre bien (Rm 8,28).
Voyla mon petit advis, ma chere Dame et bonne Mere. Pour l'amour de
Dieu, soyes un peu fort courageuse ; dites cent fois le jour, mais dites
le de cur : Dieu nous aydera, et vous verres qu'il le fera. Commandes
librement a vos enfans, car Dieu le veut.
Je vous envoye deux lettres de Dijon, et vous souhaittant toutes les
graces que Nostre Seigneur donne a ses loyales serventes, je demeure,
Madame ma chere Mere
Vostre filz tres humble,
FRANçs, E, de Geneve.
Veille saint André.
A Madame ma Mere,
Madame de Boysi.
Revu sur l'Autographe conservé à Milan, Archives du prince
Trivulzio.
FAC SIMILE DE CETTE LETTRE SUR LA PAGE SUIVANTE
DLVII
A LA BARONNE DE CHANTAL
(FRAGMBNT)
Retour de François à Annecy; il en donne. avis à
la baronne de Chantal. L'abandon de tout notre être au bon plaisir
divin ; bonheur qu'il procure. - Le sacré oreiller de saint Jean.
Annecy, [fin novembre] 1609 .
Vous croires bien mieux que nous sommes venus a bon port, ma chere
Fille, quand vous en verres ce petit tesmoignage de ma main. Et bien, vous
voyla donq toute resignee entre les mains de nostre Sauveur, par un abandonnement
de tout vostre estre a son bon playsir et sainte providence. 0 Dieu, quel
bonheur d'estre ainsy entre les bras et les mammelles de Celuy duquel l'Espouse
sacree disait : Vos tetins sont incomparablement meilleurs que le vin (Ct
1,1). Demeurés ainsy, chere Fille, et, comme un autre petit saint
Jean, tandis que les autres mangent a la table du Sauveur diverses viandes,
reposés et penchés, par une toute simple confiance, vostre
teste, vostre ame, vostre esprit sur la poitrine amoureuse de ce cher Seigneur
; car il est mieux de dormir sur ce sacré oreiller que de veiller
en toute autre posture
..
DLVIII
A M, ANTOINE DES HAYES
Nouvelles rétrospectives d'un voyage en Bourgogne. - Pèlerinage
différé. - François de Sales accusé auprès
du duc de Savoie d'avoir fait une tentative pour reprendre son autorité
temporelle de prince-évêque de Genève ; le fondement
de cette calomnie. - Un mariage désiré. - Dévouement
des amis de M. de Charmoisy pour le tirer de sa retraite. - Trois dames
destinataires de l'lntroduction à la Vie devote.
Annecy, 4 décembre 1609.
Monsieur,
Ayant esté pres de deux mois entiers en Bourgoigne, partie au
duché , pour assister aux noces de mon frere de Groysi, qui doit
tant estre vostre serviteur, partie au comté , pour l'execution
d'un commandement que le Pape avoit confié a Monsieur l'Evesque
de Basle et a moy conjointement ; j'ay treuvé a mon retour la lettre
que vous avies pris la peyne de m'escrire par le bon monsieur de Soulfour
, qui passa a Chamberi tandis que j'estois sur mon voyage ; lettre, comme
toutes les autres, pleyne des marques de ce grand et fort amour que vous
me portés, et duquel je suis reciproquement amoureux de toute l'estendue
de mon cur, et autant glorieux qu'homme du monde a qui vous le sceussies
departir.
Si vos affaires retardent nostre pelerinage a la Sainte Magdeleyne
(note 262), il n'en sera que tant plus delicieux un'autre fois, quand vous
les aures heureusement achevees comme je souhaite. Et tandis, je m'esclarciray
aussi de mon costé d'un autre que j'ay treuvé a mon retour,
fort inopinement, lequel (affin que je vous le die, Monsieur, a qui je
voudrois estre tous-jours tout ouvert) consiste en un esclarcissement d'un
ombrage que quelqu'insolent a fait par l'interposition de sa calomnie,
entre l'esprit de Son Altesse et moy, comme si j'avois certaine intelligence
sur ma miserable Geneve, pour y entrer et regner par autre moyen que celuy
de sa grace. Le fondement du mesdisant a esté dix ou douze jours
entiers que je fus a Gex. ce mois de septembre passé, et ou allant,
par une certaine imprudente hardiesse, je passay tout au travers de Geneve
(lettres 547, 559 et 560), apres avoir fait dire a la porte a celuy qui
marchait immediatement devant moy, que j'estais Monsieur l'Evesque, et
escrire en la bullette : Franç. de Sales, Evesque de ce Diocse
(car il se faut un peu estendre a dire les particularités des saillies
de ma vaillance ).
Sur tout cela, donq, on a fait cet argument: Qu'a-il tant fait a Gex,
et qui luy a donné cett'asseurance de passer en cette ville tant
ennemie du nom quil porte et de sa qualité, et en laquelle ses praedecesseurs
ne sont jamais entrés des la revolte, sans saufconduit, sans se
desguiser, sans desadvoüer sa qualité ? Mais en vray (sic)
verité, ilz ont peu de connoissance de mon ame, s'ilz me jugent
si plein de consideration et d'apprehension que je ne puisse pas faire
une petite temerité. Le tems, mon innocence, mais sur tout la providence
de Dieu, accommodera tout cela : dequoy neanmoins j'ay escrit a Son Altesse
tout ce quil m'en sembloit, ayant premierement sceu qu'elle s'estoit laissé
porter a quelque sorte de desfiance de moy; de maniere que j'en demeure
en tout bon repos. Voyla mes nouvelles d'Estat.
Quant a celles de ce pais, nous nous res-jouissons grandement en l'esperance
de voir un bon fruit du voyage de monsieur de Jacob et attendons que Monsieur
vienne pour passer en France, achever ce mariage que nous desirons tant
et qu'on differe tant . Nostre monsieur de Charmoysi, ce pendant, est tout
joyeux en sa mayson des chams et tesmoigne d'aymer tant sa retraitte quil
ne veut point qu'on traitte de l'en retirer ; neanmoins, si Monsieur vient,
je feray, si je puis, selon vostre conseil. Je desirerois bien y pouvoir
beaucoup, comm'aussi de sçavoir, le tems estant venu, que Paris
ayt un chef auquel mon cur ayt tant d'alliance et de correspondançe
d'amitié comm'il a avec vous.
J'envoye ces trois livres aucunement corrigés de tant de fautes
que l'imprimeur y a laissé glisser. Je les offre a madame vostre
chere moytié (note 264) et un, par son entremise, a madamoyselle
de Touteville , sinon que vous en. voulussies prendre la peyne vous mesme,
et un autre. a madame la Marquise de Menelay (note 265). J'auroys honte
de tout cela, si vostre faveur ne devoit couvrir la nudité qui y
est, comm' encor ce que j'ose vous addresser tant de lettres qui sont en
ce pacquet.
NostreSeigneur vous conserve, Monsieur, et vous comble de tout
bonheur; c'est le continuel souhait de
Vostre tres affectionné et tres fidelle serviteur,
FRANÇ., E. de Geneve.
4 decembre 1609, a Neci.
Monsieur, c'est a vous a qui j'escris ainsy librement de mes nouvelles.
A Monsieur
Monsieur des Hayes,
Maistre d'hostel du Roy,
Gouverneur et Baillif de Montargis.
Revu sur l'Autographe conservé au presbytère de Gex.
DLIX
AU PÈRE ANTOINE POSSEVIN, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
(INEDIT) (ITALIEN)
Les fruits des Exercices de saint Ignace. - Progrès des conversions
autour de Genève. -Une paysanne missionnaire. - Rétablissement
du culte catholique à Gex. - Un grand nombre de genevois ébranlés
; obstacles qui s'opposent à leur retour. - Le Saint raconte comment
il a traversé Genève à cheval et l'émoi que
son passage a suscité dans la ville. - Le mauvais vouloir des ministres
à l'égard des propositions de François de Sales. -
Comment l'Introduction à la Vie devote a vu le jour ; cause de son
succès. Offrande d'un exemplaire au destinataire.
Annecy, 10 décembre 1609.
Mon Révérend Père,
Le P. Joseph Alamanni, recteur du collège de Turin , m'a envoyé
une relation des fruits qui se sont faits à Salamanque au moyen
des Exercices spirituels ; or, c'est vous qui l'avez chargé de me
faire cette communication. Je vous en remercie, mon Révérend
Père, et de tout mon cur je me réjouis d'apprendre ainsi
que non seulement la divine Providence vous a conservé en santé
jusqu'à ce jour, mais que, pareillement, elle m'a conservé
en votre bienveillance, faveur que je tiens pour bien chère et précieuse.
En retour, je continue à vous honorer dans mon âme avec un
respect et un amour tout particulier ; c'est pourquoi je vous dirai brièvement
quelques nouvelles de mon diocèse et ce que je fais moi-même,
car je me sens obligé de vous en rendre compte.
Nous n'avons plus aucun hérétique dans les bailliages
ou seigneuries de Ternier et Gaillard, ni dans le duché de Chablais,
où presque tous l'étaient, lorsque j'y fus envoyé
il y a seize ans. Une dame qu'on n'avait jamais pu convertir , est morte
ces jours passés, après avoir, néanmoins, fait profession
de la foi catholique le jour même de sa mort et reçu les divins
Sacrements, grâce aux exhortations d'une paysanne sa voisine : grand
sujet d'admirer les secrets de la bonté de Dieu pour ceux qui ont
su les considérer dans cet évènement.
Dans le bailliage de Gex, qui appartient maintenant au roi de France,
la plupart des habitants sont encore huguenots ; car cette maudite religion
a persisté parmi eux depuis soixante-dix ans que les Bernois l'y
ont implantée. Cependant, après neuf ans, nous avons rétabli
l'exercice du culte catholique en cinq endroits . Les deux derniers rétablissements
furent seulement faits en septembre dernier, et depuis lors, quelques personnes
se sont converties ; notamment, ce mois passé, un gentilhomme de
marque .
Quant à la ville de Genève, la raison d'Etat la retient
dans son infortune ; mais il me semble que, malgré tout, la première
aurore du jour spirituel commence à répandre ses lueurs parmi
ses habitants, puisqu'un grand nombre d'entre eux avouent que la religion
catholique est la meilleure. Beaucoup la désirent et confessent
qu'ils la préfèreraient ouvertement à la leur, si
elle était aussi salutaire à leur Etat comme elle le serait
à leurs consciences. Et je crois que si leur édit (qu'ils
appellent fondamental), suivant lequel le premier qui proposera le changement
de religion doit être condamné a mort , si cet édit
était aboli, plusieurs entreraient en pourparlers pour obtenir l'exercice
du culte catholique dans une église de la cité.
Naguère, allant à Gex, il me vint au cur, après
avoir célébré la sainte Messe dans un village voisin
, de passer par Genève : c'était mon chemin le plus direct.
Je le fis sans aucune appréhension, par une certaine hardiesse où
il entrait plus de simplicité que de prudence. Arrivé à
la porte de la ville, le préposé demanda qui j'étais
; je fis répondre par mon vicaire général que j'étais
Monsieur l'Evêque. Et à cette question : "Quel Evêque
? " je fis répondre : " Monsieur l'Evêque de ce diocèse.
" L'homme alors l'écrivit dans son registre d'inscriptions, avec
ces mots : Monsieur François de Sales, Evêque de ce diocèse.
Je ne sais s'il comprit le mot diocèse, du moins me laissa-t-il
entrer, et ainsi je passai à cheval au milieu de la ville, salué
par la plupart des hommes et des femmes avec un grand respect.
Après ma sortie, le bruit de mon passage s'étant répandu
parmi le peuple, on tint à ce sujet des. propos très différents.
Les séditieux disaient qu'on aurait dû me garder pour me contraindre
à renier ma dignité ; les plus honnêtes, au contraire,
dirent qu'il aurait fallu me retenir pour me traiter avec courtoisie, en
qualité de seigneur voisin et ami. Mais en général,
ils ont regardé comme un mauvais présage l'assurance que
j'ai eue de passer froidement parmi eux avec mes insignes d'Evêque,
et de dire à leur porte que j'étais leur Evêque ; jamais
pareille chose n'était arrivée depuis leur révolte.
Souvent je leur ai offert de me rendre auprès d'eux pour convaincre
leur doctrine de fausseté, à la condition d'en recevoir quelque
garantie pour ma personne et pour ceux qui viendraient avec moi ; je leur
ai même fait porter la parole par des gens de qualité, avec
un écrit signé de ma main et cacheté : jamais ils
ne l'ont voulu ; ils en ont été empêchés par
les ministres .
J'ai voulu vous raconter cette aventure parce qu'on m'a écrit
d'Italie qu'à Turin le fait de mon passage par Genève a été
présenté autrement ; je serai donc bien aise que vous sachiez
comment la chose s'est réellement passée.
Au demeurant, une très vertueuse et dévote dame de cette
ville (Mme de Charmoisy) où je fais ma résidence, s'étant
rendue à Chambéry et traitant de choses spirituelles avec
le P. Fourier, recteur du collège, lui montra certains avis que
je lui avais remis. Le Père les ayant vus, me pressa fort de les
faire imprimer ; ce à quoi je n'avais nullement pensé. Enfin
je fus contraint de le faire l'année passée ; depuis ils
ont été réimprimés une seconde fois et bientôt
ils le seront de nouveau pour la troisième. L'ouvrage a été
bien accueilli en France à cause de la nouveauté de son contenu
qui ne vise qu'à aider les gens du monde.
J'ai cru que si je vous en envoyais un exemplaire, à titre de
publication nouvelle, vous l'auriez pour agréable; voilà
pourquoi je vous l'adresse par cette occasion. Je vous supplie de le recevoir
comme venant de quelqu'un qui vous honore, vous révère et
vous aime de tout son cur, et qui prie Dieu de vous combler de toute sainte
prospérité.
Votre humble et très affectionné serviteur,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
Annecy, le 10 décembre 1609
DLX
A LA BARONNE DE CHANTAL
Promesses pour le recrutement de la future Congrégation. - Le
passage par Genève et les calomniateurs. - Le dessein de François
de Sales traversé. - Occupations, affections pieuses, souvenirs
évoqués au cours du voyage d'un apôtre. - Les grands
désirs qui remplissent le cur d'un Saint. Une affection que les
paroles du monde ne sauraient traduire.
Annecy, 11 décembre 1609
Et en fin je viens a vous, ma chere Seur, ma Fille, des-ja tout recreu
d'avoir tant escrit, mais resolu neanmoins de vous escrire tant que je
pourray, tout a l'abandon, selon quil me viendra. .
Oüy, [ mon ame ,] ma Fille, je vis la bonne M. David, qui me plait
fort . J'en vis un'autre a Dole, damoyselle de fort bon lieu et qui a extremement
bonne mine, un peu ma parente (car ell'est de ce pais), et qui vous vit
a Dijon ou elle estoit allé conduire une Religieuse Carmeline. En
fin, nous n'aurons que trop de gens, c'est a dire, plus que nous ne pourrons
recevoir.
Mais, ma chere Fille, c'est la Providence de nostre cher Seigneur qui
vous retient un peu la, car voyci qu'a mon arrivee, j'ay treuvé
des nouvelles qu'on m'avoit fait une grande calomnie en nostre court, propre
a me mettre en la disgrace de ce Prince qui, des quelque tems en ça,
tesmoignoit tant de m'aymer. Et moy, qui ay quelquefois du courage, je
me suis fort plaint par une lettre , de laquelle la consequence peut estre
diverse, mais tousjours universellement a la gloire de Dieu et a ma consolation.
Or, j'en attens l'evenement, et ne voudrois pas que vous fussies icy qu'apres
que cette bourrasque sera passee, qui sera bien tost, Dieu aydant. Mais
quand je l'appelle bourrasque, dame, ne penses pas que j'en sois agité,
nomplus certes que de la moindre chose du monde ; car il ny a en cela pour
tout, aucun sujet de mon costé que ce beni passage que je fis a
Geneve, que les calomniateurs ne peuvent s'imaginer que j'aye fait sans
avoir quelqu' intelligence avec les habitans (lettre 558 et note 281).
Helas ! ceux qui me connoissent sçavent que je ne pensay jamais
a intelligence et que je fay mille traitz de courage par une vraye simplicité
; non pas certes simplicité d'esprit (car je ne veux pas parler
doublement avec vous), mais simplicité de confiance. Or tout cela
n'est rien, et je ne le dis aussi qu'a vous, a laquelle je ne puis rien
celer de ce qui me regarde.
Cependant, voyci pas une chose notable ? A mon arrivee, j'ay treuvé
que la moytié de nos esperances pour l'erection d'un monastere ou
je croyois de pouvoir attirer nos bonnes Carmelines est abbatue, car l'une
des filles que nous esperions y devoir contribuer ne s'est peu resoudre
a quiter le monde. Sur cela, celuy qui manie toute la barque et duquel
depend l'autre fondatrice, sans que je luy en eusse jamais parlé,
sans quil en eut jamais rien apperceu, me va proposer que la mayson estant
achettee et presque praeparee pour une douzaine de filles, il seroit bon
de l'employer a la Congregation de quelques dames devotes , selon que jadis
il avoit ouy discourir a un vieux Capucin italien . Je ne luy respondis
rien, et maintenant il est revenu, et ayant parlé avec luy sur ce
sujet, il ny a quasi moyen de le luy arracher de l'esprit. Pour moy j'attens,
et si je voy de la conformité je ne refuseray pas ce parti; mais
Dieu sera avec nous, sil luy plaît, pour tout cela. Je vous escriray
dores en avant le succes de tout, affin que, selon cela, par apres nous
traittions de vostre venue a Salins ou non .
J'escris a nostre M. de Vaucroissant , qui a tort, certes, sil croit
que je ne l'ayme pas parfaittement, car certes, je le cheris tout entierement
; mais voyes vous, quelques fois l'ardeur de l'amitié s'evapore
en jalousie. Je vous envoye les lettres que j'oubliay a vous porter de
Mme Vignod , qui est tres bonne fille. Escrives un mot a la bonne Mme la
Presidente , car ell'a le cur gros aussi bien que monsieur de Vaucroissant,
et dit qu'elle ne le merite pas.
Nous avons fait un fort heureux voyage au comté, et que j'y
ay prié Dieu de bon cur pour vous au saint Suaire , que l'on monstra
publiquement, a ma contemplation; a la sainte Hostie et a nostre cher Saint
Claude, ou je fus logé en vostre logis, et pris playsir a voir le
lieu ou je receu vostre confession, et fus consolé a repraesenter
ce cur qu'en qualité de pere je presentay la premiere fois a l'autel
de Saint Claude . J'ay presque presché par tout et a mon gré,
c'est a dire utilement. La bonne Mme de Baume fut bien consolee, quoy qu'accablé
de tant de gens qui me demandoyent confession (note 305), je n'eu pas tout
le loysir que je desirois pour l'entretenir, car outre cela, j'avois mon
grand affaire sur les bras .
Ouy, ma Fille tres chere, je dis tout incomparablement, je vous donneray
un beau livre ou j'escriray, mais je veux attendre la troysiesme edition,
a laquelle j'apporteray un soin tout particulier ; mays ce pendant, je
ne laisseray pas de vous en donner de cette seconde par la premiere commodité.
Je n'ay nulles nouvelles de monsieur de Berulle.
Ce n'est pas icy la grande lettre que je vous veux escrire, car vous
voyes bien que je cours a toutes brides. Vous ne sçauries croire
combien je sens mon cur plein de grans desirs de servir Nostre Seigneur.
Certes, ma Fille, mes affections sont si grandes, ce me semble, que j'espere
de le faire un jour, apres que je me seray bien humilié devant Dieu.
Vive Dieu ! ma chere Fille, il m'est advis que tout ne m'est plus rien
qu'en Dieu, auquel neanmoins et pour lequel j'ayme plus tendrement que
jamais ce que j'ayme, et sur tout nostr'ame. 0 il est vray, ma Fille, j'ay
ce sentiment là.
Encor vous veux je dire que vostre filz (Bernard de Sales) a bien porté
une si douce et aggreable humeur tout au long du voyage, que je l'ayme
beaucoup plus que fraternellement, et sur tout quand il parle avec suavité
de sa petite famme. Dieu est bon, ma Fille, soyons donq bons aussi.
Bon soir, ma Fille, Dieu soit a jamais nostre tout. Je suis en luy
plus vostre que je ne sçauray jamais dire en ce monde, car les paroles
de cet amour ny sont pas.
La pauvre petite seur , est toute grosse, a ce que son mari m'a dit,
qui se plaint de quoy ell'est un peu melancolique ; je pense que dans quatre
jours elle viendra.
Vive Jesus et Marie ! Amen.
XI decembre 1609, a Neci.
Ne parles a personne de l'affaire de la cour.
A Madame.
Madame la Baronne de Chantal.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Dijon.
DLXI
A LA MÊME
(FRAGMENT)
Ferveur d'une postulante. - Les austérités corporelles
et les mortifications spirituelles ; celles que le Saint désire
pour les filles de sa future .Congrégation.
Annecy, [vers mi-décembre] 1609 .
..
Vostre Anne Jacqueline me contente tous-jours plus. La derniere fois
qu'elle se confessa, elle me demanda licence, pour se preparer et accoustumer,
dit elle, a estre Religieuse, de jeusner les Advens au pain et a l'eau,
et d'aller nudz pieds tout l'hiver. 0 ma Fille, il vous faut dire ce que
je luy respondis, car je l'estime aussi bon pour la maistresse que pour
la servante : que je desirois que les filles de nostre Congregation eussent
les pieds bien chaussés, mais le cur bien deschaussé et
bien nud des affections terrestres ; qu'elles eussent la teste bien couverte
et l'esprit bien descouvert, par une parfaitte simplicité et despouillement
de. la propre volonté.
DLXII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Une contemplation, source de profonde tranquillité. - Sentiments
qui doivent animer un cur grandement épris de Jésus-Christ
crucifié. - Examen de prévoyance fort utile. - Une pauvreté
qui n'en est pas une. - L'appréhension de l'éternité
et l'appréhension des accidents de cette vie mortelle. - La révérence
envers Notre-Seigneur; en quoi surtout elle consiste,
Annecy, vers mi-décembre [1609 ]
C'est la verité, ma tres chere Fille, que rien ne nous peut
donner une plus profonde tranquillité en ce monde que de regarder
souvent Nostre Seigneur en toutes les afflictions qui luy arriverent despuis
sa naissance jusques a sa mort ; car nous y verrons tant de mespris, de
calomnies, de pauvreté et indigence, d'abjections, de peynes, de
tourmens, de nudités, d'injures et de toutes sortes d'amertumes,
qu'en comparayson de cela nous connoistrons que nous avons tort d'appeller
afflictions et peynes et contradictions ces petitz accidens qui nous arrivent,
et que nous avons tort de desirer de la patience pour si peu de chose,
puisqu'une seule petite goutte de modestie suffit pour bien supporter ce
qui nous arrive.
Je connois fort bien l'estat de vostre ame et m'est advis que je la
voy tous-jours devant moy avec toutes ces petites esmotions de tristesse,
d'estonnement et d'inquietude qui la vont troublant, parce qu'elle n'a
pas jetté encor asses avant les fondemens de l'amour de la croix
et de l'abjection dedans sa volonté. Ma tres chere Fille, un cur
qui estime et ayme grandement Jesus Christ crucifié, ayme sa mort,
ses peynes, ses tourmens, ses crachatz, ses vituperes, ses disettes, ses
faims, ses soifz, ses ignominies, et quand il luy en arrive quelque petite
participation, il en jubile d'ayse et les embrasse amoureusement. Vous
deves donques tous les jours, non pas en l'orayson, mais a part, en vous
proumenant, faire une reveuë de Nostre Seigneur entre les peynes de
nostre Redemption, et considerer quel bonheur vous sera d'y participer
; voir en quelle occasion ce bien la vous peut arriver, c'est a dire les
contradictions que vous pourres avoir en tous vos desirs, mais sur tout
es desirs qui vous sembleront plus justes et legitimes, et puis, avec un
grand amour de la Croix et Passion de Nostre Seigneur, vous vous deves
escrier avec saint André : " 0 bonne croix," tant aymee de mon Sauveur,
quand me recevres-vous entre vos bras ?
Voyes vous, ma tres .chere Fille, nous sommes trop delicatz d'appeller
pauvreté un estat auquel nous n'avons ni faim, ni froid, ni ignominies,
mais seulement quelques petites incommodités en nos desseins. Quand
nous nous reverrons, resouvenes moy que je vous parle un peu de cette tendresse
et delicatesse de vostre cher cur, car vous aves sur tout besoin, pour
vostre paix et repos, d'estre guerie de cela avant toutes choses, et de
bien former en vous l'apprehension de l'eternité, en laquelle quicomque
pense souvent, il se soucie fort peu de ce qui arrive en ces trois ou quatre
momens de vie mortelle (2 Co 4,17).
Puisque vous estes apres a jeusner la moitié des Advens, vous
pouves continuer jusques a la fin. Je veux bien que vous communiies, voire
deux jours suivans, quand il y aura des festes. Alles bien devotement a
la Messe apres disner : c'est a la vielle façon des Chrestiens.
Nostre Seigneur ne regarde pas a ces petites choses ; la reverence consiste
au cur, il ne faut pas nourrir vostre esprit en ces petites considerations.
A Dieu, ma tres chere Fille, tenes moy bien tous-jours pour tout vostre,
car en vraye verité je le suis. Dieu vous benisse. Amen.
FRANÇs, E. de Geneve.
DLXII bis (lettre MMXXIV du volume XXI reclassée) (1)
A UN ECCLÉSIASTIQUE (2)
(INÉDITE)
Une affaire pressante. - Impossibilité pour le saint Évêque
d'aller la traiter en personne.
Annecy, 20 décembre 1609.
Monsieur,
J'ay receu vos deux lettres, et en escris une, la plus pressante que
j'aye escrit il y a long tems, a monsieur d'Avully (3) pour leur sujet.
Monsieur Darchant (4) desiroit que j'allasse en personne, mais ces festes
et un empeschement secret m'en excusent devant Dieu et les hommes. Je vous
prie de le garder de desirer cela de moy, car il y a je ne sçai
quoy qui regarde mon repos necessaire qui ne peut permettre que j'aille
en personne (5).
Je me recommande de plus fort a vos saintz Sacrifices et suis
de toute mon ame,
Vostre confrere plus affectionné en Nostre Seigneur,
FRANçs, E. de Geneve.
xx decembre 1609.
Vous traitteres de tout avec monsieur Grandis (6). Si monsieur de Blonnay
(7) ou M. le Curé de Bons (8) estoyent propres pour porter la lettre,
ilz le feroyent, estant priés de ma part.
Revu sur une copie de l'Autographe, communiquée à la
Visitation d'Annecy.
(1)Lettre découverte tardivement et reclassée à
la date voulue
(2)Le destinataire est certainement un prêtre résidant
alors à Thonon ; le qualificatif de " confrere " que saint François
de Sales se donne à la signature et le contenu de la lettre ne laissent
aucun doute à cet égard. Deux ecclésiastiques peuvent
être proposés avec une égale vraisemblance : Jean de
Châtillon, plébain de Thonon depuis le 4 juillet précédent
(L5, note 108) ; Philippe de Quoex, attaché à cette époque
à la Sainte-Maison, et qui, à partir de février 1608,
signe très souvent, dans les registres paroissiaux, les actes de
baptême et de mariage. (L2, note 41).
(3)Antoine de Saint-Michel, seigneur d'Avully (L1, note 193).
(4) Nous ne garantissons pas la lecture de ce nom, car de nombreuses
démarches pour retrouver l'Autographe étant restées
infructueuses, il a fallu se contenter d'une copie où l'on a très
imparfaitement imité l'écriture du Saint. - Aucun personnage
du nom de Darchant ou d'Archant ne figure ni dans l'Armorial de Savoie,
ni dans nos répertoires. La paroisse d'Archamps, au bailliage de
Ternier, aujourd'hui dans l'arrondissement de Saint-Julien (Haute-Savoie),
avait alors Collonges-sous-Salève pour annexe et Rd Michel d'Echallon
pour curé depuis 1597 : celui-ci serait-il " monsieur Darchant"
? Saint François de Sales n'a pas coutume, il est vrai, de désigner
ses prêtres par le nom de leurs paroisses ; mais écrivant
très à la hâte, il a pu omettre par mégarde
les mots: " le curé ". L'orthographe des anciens registres, Archent,
Archan, Harchent, n'est pas pour contredire l'hypothèse.
(5) En rapprochant cette lettre de celle du 8 janvier 1610 à
un Gentilhomme (L4, note 360), on se convainc que l'une et l'autre traitent
de la même affaire. Vraisemblablement, il s'agissait d'un mariage
qui aurait mis à couvert l'honneur de la fille de M. d'Avully et
du fils du destinataire de la lettre du 8 janvier. L'Evêque de Genève
voulait, pour le bien des enfants, triompher de la colère et des
résistances des pères, et peut-être ne pouvait-il aller
" en personne " parce qu'il avait reçu des confidences trop secrètes.
Il semble toutefois douteux que l'alliance projetée pour Mlle d'Avully
soit celle avec Prosper de Montvuagnard, qu'elle épousa en 1611.
La mère de ce dernier, veuve de Frauçois de Montvuagnard
avant le 15 octobre 1602, avait épousé en secondes noces
Claude Pobel, comte de Saint-Alban (L5, note 471). En décembre 1609,
le jeune homme était dans sa dix-huitième année; est-ce
à son beau-père que le Saint aurait écrit: " Me refuseres-vous
la grace... de voir et recevoir monsieur vostre filz qui recourt a vostre
sein paternel " ?
(6) Le chanoine Claude Grandis, alors Préfet de la Sainte-Maison
de Thonon. (L1,note 270)
(7) Claude de Blonay (L2, note 148).
(8) Jean Mangier (L4, note 48)
DLXIII
A LA BARONNE DE CHANTAL
La succession des années et l'éternité. - Souhaits
de nouvel an. - Le temps de Dieu ; récompense promise à ceux
qui en usent bien. - Comment tenir son cur solitaire. au milieu de la
foule.
Annecy, 29 décembre 1609
Voyci, ma tres chere Fille, cette annee qui se va abismer dans le gouffre
ou toutes les autres se sont jusques a present aneanties. 0 que l'eternité
est desirable au_prix de ces miserables et perissables vicissitudes ! Laissons
couler le tems, avec lequel nous nous escoulons petit a petit pour estre
transformés en la gloire des enfans de Dieu (2 Co 3,17).
C'est la derniere fois de cette annee que je vous escris, ma chere
Fille. Hé, que je vous souhaitte de benedictions, et avec quelle
ardeur, cela ne se peut dire. Helas ! quand je pense comme j'ay employé
le tems de Dieu, je suis bien en peyne qu'il ne me veuille point donner
son eternité, puisqu'il ne la veut donner qu'a ceux qui useront
bien de son tems.
Il y a trois mois que je suis sans vos lettres, mais je croy que Dieu
est avec vous, ce m'est asses. C'est luy que je vous desire uniquement.
Je vous escris sans loysir, car ma chambre est pleine de gens qui me tirent
; mais mon cur est solitaire toutefois, et plein de desir de vivre a jamais
tout pour ce saint amour, qui est l'unique pretention de ce mesme cur.
Au moins, parmi ces jours sacrés, mille desirs m'ont saysi de vous
donner le digne contentement que tant vous souhaittes de mon ame comme
de la vostre mesme, en m'avançant soigneusement a cette sainte perfection
a laquelle vous aspires et pour laquelle vous respires en la faveur de
ce cur, qui, reciproquement, vous souhaitte sans fin toute la plus haute
union avec Dieu qui se peut treuver icy bas.
C'est l'unique souhait de celuy que Dieu vous a donné.
FRANÇs, E. de Geneve.
DLXIV
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
L'unique guérison de certaines épreuves spirituelles.
- Le sang du Calvaire et la clarté du Thabor : de ces deux montagnes,
quelle est la plus désirable et la plus fructueuse. - Le pain sans
sucre et le sucre sans pain..- Pourquoi la connaissance de notre néant
ne doit pas nous troubler.
[1609 ou 1610]
Certes, ma chere Fille, ce n'est pas que je n'aye un cur tout tendre
pour vous, mais je suis tellement tracassé d'encombriers, que je
ne puis pas escrire quand je veux. Et puis, vostre mal, qui n'est d'autre
chose que de secheresse et aridité, ne peut estre remedié
par lettre ; il faut en presence ouyr vos petitz accidens, et encor, apres
tout, la patience et resignation en est l'unique guerison. Apres l'hiver
de ces froidures, le saint esté arrivera et nous serons consolés.
Helas ! ma Fille, nous sommes tous-jours affectionnés a la douceur,
suavité et delicieuse consolation ; mais toutefois, l'aspreté
de la secheresse est plus fructueuse. Et quoy que saint Pierre aymast la
montaigne de Thabor (Mt 17,4) et fuist la montaigne de Calvaire, celle
ci toutefois ne laisse pas d'estre plus utile que celle la, et le sang
qui est respandu en l'une, est plus desirable que la clairté qui
est respandue en l'autre. Nostre Seigneur vous traitte des-ja en brave
fille ; vivés aussi un peu comme cela. Mieux vaut manger le pain
sans sucre que le sucre sans pain.
L'inquietude et chagrin qui vous arrive de la connoissance de vostre
neantise n'est pas aymable ; car encor que la cause en est bonne, l'effect
neanmoins ne l'est pas (Lettres 3, lettre 341). Non, ma Fille, car cette
connoissance de nostre neantise ne nous doit pas troubler, ains adoucir,
humilier et abbaisser ; c'est l'amour propre qui fait que nous nous impatientons
de nous voir vilz et abjectz. Or sus, je vous conjure par nostre commun
amour, qui est Jesus Christ, que vous vivies toute consolee et toute tranquille
en vos infirmités. Je me glorifie en mes infirmités, dit
nostre grand saint Paul (2 Co 12,9), affin que la vertu de mon Sauveur
habite en moy. Ouy, car nostre misere sert de throsne pour faire reconnoistre
la bonté souveraine de Nostre Seigneur.
Je vous souhaitte mille benedictions. 0 Seigneur, benissés le
cur de ma tres chere Fille, faites-le brusler comme un holocauste de suavité
a l'honneur de vostre divine dilection ; qu'elle ne cherche aucun autre
contentement que le vostre, ne requiere autre consolation que celle d'estre
tres parfaittement consacree a vostre gloire. Jesus soit a jamais au milieu
de ce cur et que ce cur soit a jamais au milieu de Jesus ; Jesus vive
en ce cur et ce cur en Jesus.
Je suis en luy, plus vostre que vous ne sçauriés
croire, ma chere Fille.
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
ANNEE 1610
DLXV
A UNE DAME INCONNUE
Qu'il faut ravaler son courage et en même temps l'exalter. -
L'unique leçon du divin Maître. - Une bonne condition pour
faire des progrès spirituels. Deux choses conseillées contre
les assoupissements en l'oraison.
Annecy, 3 janvier 1610 .
Vous me dites trois bons motz, ma tres chere Fille, en la lettre que
j'ay receue de vous: que vous faites une grande violence pour empescher
l'eslevement de vostre courage et prattiquer l'amour de l'abjection (c'est
a quoy vous vous estudies maintenant), et que vous [trouvez] vos desirs
plus disposés au vouloir divin qu'auparavant. Il faut bien tous-jours
faire ainsy, ma chere Fille ; car, comme dit Nostre Seigneur, le Royaume
des cieux souffre violence et les violens le ravissent (Mt 11,12). Plus
la sainte humilité vous coustera de travaux, plus elle vous donnera
de grace. Continues donq courageusement a bien ravaler vostre courage par
humilité et a l'exalter par charité ; car ainsy vous monteres
et descendres, comme les Anges sur la sainte eschelle de Jacob (Gn 28,12).
Estudies bien cette leçon, car c'est l'unique leçon de nostre
souverain Maistre : Apprenes de moy que je suis debonnaire et humble de
cur (Mt 11,29).
Que vous seres heureuse, ma chere Fille, si vous vous resignes pleynement
au vouloir de Nostre Seigneur. Oüy, car ce saint vouloir est tout
bon et sa disposition toute bonne ; mieux ne pouvons nous marcher que sous
sa providence et conduite.
Mais sçaves Vous ce qui me plait ? C'est que vous me dites que
vous me parles a cur ouvert ; car, ma chere Fille, c'est une bonne condition
pour avancer selon l'esprit que d'avoir le cur ouvert pour la fidele et
naifve communication que nous devons faire entre nous, d'autant que Nostre
Seigneur, qui se plait tant a communiquer son esprit aux siens (Lc 11,13),
se plait aussi beaucoup a voir que nous nous entrecommuniquions les nostres,
pour nous entresoulager et ayder.
Marches donq comme cela, ma chere Fille, et ne vous troubles point
pour vos assoupissemens, contre lesquelz il faut faire deux choses : l'un
est de changer souvent de contenance en l'orayson, comme de .tenir tantost
les mains croisees sur l'estomach, tantost jointes, tantost bandees, tantost
estre debout, tantost. a genoux sur un genoux, tantost sur l'autre, a mesure
que les assoupissemens vous arriveront. La seconde chose c'est d'eslancer
souvent des paroles exterieures, de bouche, semees parmi vostr'orayson
plus ou moins dru, selon que plus ou moins vous vous verres attaquee des
assoupissemens.
Dieu vous soit a jamais favorable, ma chere Fille, affin que vous cheminies
bien avant en son saint amour, pour lequel je vous cheriray toute ma vie;
et me recommandant de plus en plus a vos prieres, je suis
Vostre bien humble serviteur,
FRANÇ", E. de Geneve.
3 janvier 1610, a Neci.
Revu sur l'Autographe conservé à Paris, à l'Hôtel-Dieu.
DLXVI
A LA BARONNE DE CHANTAL
(FRAGMENT)
La première tourière de la Visitation offre ses services.
Annecy, commencement de 1610.
..
Cette bonne servante pretendue me demande souvent quand Madame viendra.
Voyes vous, ma Fille, vostre venue luy est bien a cur, parce qu'elle espere
de servir bien Dieu en vostre personne et en celle des filles et femmes
qui seront si heureuses que de vous suivre en la petite, mais sainte et
aymable retraitte que nous meditons.
DLXVII
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL 1er
(MINUTE)
Sainteté du bienheureux Amédée. - Estime qu'on
en fait en Savoie. - C'est un devoir pour le duc de désirer la canonisation
d'un tel ancêtre et de s'employer à l'obtenir.
Annecy, [janvier 1610 ]
Monseigneur,
Il y a quelque tems que j'envoyay a Vostre Altesse Serenissime plusieurs
memoires (lettre 548) touchant l'estime et veritable opinion que tout ce
païs de deça avoit tous-jours euë de la sainteté
du bienheureux Duc Amedee troisiesme ; et je croyois que Vostre Altesse,
considerant ces honnorables tesmoignages de l'eminente sainteté
d'un Prince auquel elle appartient de si pres, seroit suffisamment incitee
a en desirer la canonisation. Mais attendant de jour a autre qu'on fist
quelque bon dessein pour cela et n'ayant point de telles nouvelles, je
supplie tres humblement Vostre Altesse de me pardonner si, avec un peu
de chaleur, je luy represente ma pensee sur ce sujet: car en une grande
affection on ne se peut pas bien. retenir.
Ce grand Saint et Vostre Altesse aves un devoir mutuell'un a l'autre
; car Vostre Altesse luy succedant, et selon le mesme sang et selon le
mesme sceptre, elle luy appartient comme un filz a son pere. Vostre Altesse
donq le doit honnorer en tout ce qu'elle peut, comme sa charité
l'oblige de proteger, secourir et eslever Vostre Altesse. Ni ces liens
reciproques ne sont point rompus par la mort, car ce sont des liens de
l'amour sacré, qui est aussi fort pour les conserver que la mort
pour les dissoudre (Ct ult,6).
Or, les miracles que Dieu a faitz en faveur de ce grand Prince, la
grande estime de la sainteté d'iceluy que sa divine Providence a
nourrie dans le cur des peuples qui ont le bonheur d'estre sous sa couronne
et de plusieurs autres circonvoysins, les histoires qui celebrent si hautement
la pieté de sa vie , ce sont, Monseigneur, tout autant de sommations
que ce saint Prince vous fait de luy faire les honneurs qui sont dus a
son excellente sainteté. Nul ne luy a ce devoir en pareil degré
avec Vostre Altesse, nul n'a le pouvoir si grand de le luy rendre, ni,
par consequent, nul n'en doit avoir un vouloir si ardent.
Je prie Dieu qu'il comble de celestes benedictions Vostre Altesse,
de laquelle je suis infiniment,
Monseigneur,
Tres humble, tres obeissant et tres fidelle
orateur et serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
DLXVIII
A UN GENTILHOMME
Charité du Saint pour ses amis: au premier il propose une honorable
alliance pour l'un des siens; il fait à l'autre de vives instances
pour qu'il pardonne à son fils repentant.
Annecy, 8 janvier 1610.
Monsieur,
Mais seray-je donq ainsy esconduit es prieres que je fay a ceux que
je cheris et honnore tant, et pour choses si honnestes et si justes ? Monsieur
d'Avully me fait attendre plus longuement, a mon advis, que ne merite une
bonne et favorable resolution du mariage que je luy ay proposé .
Et vous, Monsieur, me refuseres-vous la grace que je vous ay requise, de
voir et recevoir monsieur vostre filz, qui recourt a vostre sein paternel
pour y vivre meshuy avec toute humilité et obeissance qu'il vous
doit rendre ? Donnes-moy, je vous conjure, Monsieur, ce contentement, que
ce soit par mon entremise que ce bonheur arrive a ce filz, affin qu'il
sache que je tiens un rang en vostre bienveuillance aussi grand que celuy
que vous tenes en moi, honneur et respect.
Encor faut-il, Monsieur, que j'adjouste a ma supplication ce mot de
mon mestier. Tandis que les peres exercent leur severité a l'endroit
de leurs enfans par necessité, ilz leur doivent preparer de la douceur
en leur volonté, affin que la rigueur qui les a chastiés
ne les accable pas, degenerant en dureté et fierté. Cet enfant
se jette a vos pieds, et je vous supplie de le recevoir paternellement,
ce pendant que je m'essayeray de vaincre aussi de l'autre costé
monsieur d'Avully. Que si, tout en retour de mon attente, je suis par tout
rejetté, je cesseray cet office d'interceder vers l'un et l'autre,
mais non jamais d'estre,
Monsieur,
Vostre serviteur bien humble,
FRANç.s, E. de Geneve.
A Neci, le 8 janvier 1610.
DLXIX
A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-D'ORBE
(INÉDITE)
Un chirurgien espagnol est prié de s'employer à guérir
l'Abbesse. - Encouragements. - Comment le Saint s'excuse de parler brièvement
de Dieu.
Annecy, 16 janvier 1610.
Je vous escrivis n'a gueres, ma chere Fille, et tousjours hastivement,
comme je fay encor maintenant, et vous envoyay l'advis que j'avois eu du
cyrurgien espaignol . Le gentilhomme a qui j'avois confie le soin de luy
parler arrivera bientost icy, et j'apprendray plus particulierement ce
quil aura dit touchant l'esperance de vous guerir, et tout au plus tard,
je vous escriray des Salins .
Au demeurant, ma chere Fille, tenes vous fort aupres de Nostre Seigneur,
aggrandisses tous-jours vostre courage en son amour. Tenes vous ferme en
l'enclos de vos resolutions, et vous souvienne que vous n'aures jamais
bien que par lâ.
Que dires vous dequoy je vous escris si peu ? Mais je ne puis mieux
faire, et puisque je ne puis vous parler davantage de Dieu, je m'en vay
parler a Dieu de vous. Ce grand Dieu soit a jamais en nos curs. Je suis
en luy, tout entierement et perpetuellement vostre.
F.
Le XVI janvier 1610.
Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Farghon, à Issoire
(Puy-de-Dôme).
DLXIX bis (lettres DXL, DCCCXXXVIII du volume XXI reclassées)
(1)
A LA BARONNE DE CHANTAL
Un mal qui ne se guérit que par l'expérience. - Attendre
après Pâques pour le voyage en Savoie. - Ce que dira le cur
de la Baronne, ce que celui du Saint attend. - Tranquillité, fruit
de contradictions. - Nouvelles de l'âme de François de Sales.
- Dégagement du monde, attachement à Dieu. - L'oraison de
Mme de Chantal. - Une âme qui reverdit après un long hiver.
- Saints projets pour la Visitation et l'abbaye de Sainte- Catherine. -
L'Introduction a la Vie devote et le Traitté de l'Amour de Dieu.
- " Plusieurs sortes de nouvelles. " - Se mettre en la présence
de Dieu et s'y tenir sont deux choses différentes. - La comparaison
de la statue. - Messages affectueux.
Annecy, 16 janvier 1610 (2).
Encor ne sçai je pas, ma tres chere Seur, ma Fille, si je vous
escriray trop amplement, car monsieur vostre cher neveu (3) m'avoit dit
ce matin quil ne partiroit qu'apres demain, et voyla que son homme fait
sa valise et dit que, despuis, il a resolu de partir demain mattin ; qui
m'a fait rompre le dessein d'aller visiter le bon M. Nouvelet (4), qui
sort d'une grande maladie, pour venir vitement escrire le plus que je pourray.
Nous avons parlé quelquefois de sagesse, ce Baron et moy ; mais,
ma chere Fille, le mal que vous aves fort bien reconneu en luy ne se guerit
que par l'experience, car (5) ceste fause estime de nous mesme est tellement
favorisee par l'amour propre, que la rayson ne peut rien contr'elle. Helas
! c'est la quatriesme chose difficile a Salomon, et laquelle il dit (Pr
30,18) luy avoir esté inconneüe, que le chemin de l'homme en
sa jeunesse. Dieu donne a celuy ci beaucoup de grace d'avoir monsieur son
grand pere qui veille sur luy (6); que longuement puisse-il jouir de ce
bonheur !
Quant a vostre venüe de deça, ne vous hastes point pour
le dessein de Paris, car n'en ayant eu nulle sorte de nouvelles des celles
que je vous monstray, il y a apparence quil ne se continue plus (7) ; et
il me semble que de mettre ces petites (8) en voyage au Caresme, ce seroit
chose bien dure ; outre que le cher neveu m'a dit que le bon pere et monsieur
vostre frere (9) ont marqué le tems d'apres Pasques immediatement
(10). Vostre cur dira-il point, peut estre : Ardé comme cet homme
va tous-jours esloignant l'affaire ! O ma Fille, croyes que le mien attend
le jour de vostre consolation avec autant d'ardeur que le vostre ; mais
il faut que je face ainsy pour des raysons lesquelles il n'est pas expedient
que je vous escrive. Attendes donq, tres chere Seur, attendes, dis-je,
en attendant, affin que j'use des paroles de l'Escriture (Ps 39,1). Or,
attendre en attendant, c'est de ne s'inquieter point en attendant ; car
il y en a plusieurs qui en attendant n'attendent pas, mais se troublent
et s'empressent.
Nous ferons prou, chere Fille, Dieu aydant. Et tout plein de petites
traverses et secrettes contradictions qui sont survenuës a ma tranquillité,
me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et
me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son
Dieu, qui est, certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique
ambition et passion de mon cur. Et quand je dis de mon ame, je dis de
toute mon ame, y comprenant celle que Dieu luy a conjoint inseparablement.
Et puis que je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner
cette bonne nouvelle : c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé
pour elle, n'en doutes point ; et vous remercie du zele que vous aves pour
son bien, qui est indivis avec celuy de la vostre, si vostre et mien se
peut dire entre nous pour ce regard. Je vous diray plus : c'est que je
la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus
rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens eternelz.
Que si j'estais aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis
absolument dis-joint et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je
serais heureux ! et vous, ma Fille, que vous series contente ! Mais je
parle pour l'interieur et pour mon sentiment ; car mon exterieur et, ce
qui est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté
d'imperfections contraires, et le bien que je veux je ne le fay pas (Rm
7,15) ; mais je sçai pourtan t bien que, en verité et sans
feintise, je le veux, et d'une volonté inviolable. Mais, ma Fille,
comme donq se peut il faire que sur une telle volonté tant d'imperfections
paroissent et naissent en moy ? Non certes, ce n'est pas de ma volonté
ni par ma volonté, quoy qu'en ma volonté et sur ma volonté,
C'est, ce me semble, comme le guy, qui croist et paroist sur un arbre et
en un arbre, bien que non pas de l'arbre ni par l'arbre. O Dieu, pourquoy
vous dis-je tout ceci, sinon par ce que mon cur se mest tousjours au large
et s'espanche sans borne quand il est avec le vostre ?
(11) Vostre façon d'orayson est bonne ; soyes seulement bien
fidelle a demeurer aupres de Dieu en cette douce et tranquille attention
de cur, et en ce doux endormissement entre les bras de sa providence et
en ce doux acquiescement a sa sainte volonté, car tout cela luy
est aggreable,
(12) Si vous demeuries de dela, je serois bien ayse d'entreprendre
le service que le P. Remond (13) desire de moy pour Madame de Saint Jean
(14) ; mais cela n'estant point, il me semble qu'un autre qu'ell'aura moyen
de voir plus souvent se rendra plus utile, mais sur tout Monsieur d'Aoustun
(15) ; car, qui pourroit mieux mettre la main a ce bon uvre ? Et moy,
cependant, je prieray Nostre Seigneur pour elle, car sur les bonnes nouvelles
que vous m'en donnés, je commence a l'aymer tendrement, la pauvre
femme. Helas, quelle consolation de voir reverdir cette pauvr'ame, apres
un si dur, si long et aspre hiver!
(16) Je vous escrivis la derniere fois asses longuement, et vous disois
l'estat des affaires de nostre nouveau Monastere (17), qui estoit que l'esperance
que nous avions de treuver des justes moyens pour l'eriger, nous estoit
demeuree partagee par la moytié, et que neanmoins nous perseverions,
sur la resolution que celles qui contribuent font de se retirer la, et
au moins, si elles ne peuvent faire selon leur project premier, s'addonner
entr'elles au service de Dieu et des pauvres malades ; mais cela vient
de leur esprit, et le tout, disent elles, attendant que Dieu dispose autrement
: si que vous ne seres pas seule a ce conte là. Il seroit bien a
souhaiter que nos bonnes filles de Sainte Catherine se servissent de cett'
occasion pour venir en la ville et faire un' entiere reformation (17),
car vrayement il y en a nombre qui seroyent extremement propres a suivre
un'absolue perfection ; mais il faut que ce soit de leur propre mouvement
et de leur Abbesse (18). Or, cela est sous la main de Dieu, et moy je n'oserois
en rien dire, ni directement ni indirectement, car j'en effaroucherois
les plus anciennes et gasterois tout pour le present. Certes, toutes les
jeunes font merveilles, et entr'autres vostre fille (20).
Il y a long tems que je n'ay pas parlé a la chere seur (21),
mais je sçai bien pourtant qu'elle se fait tousjours meilleure,
car je connois les gens a les voir ; j'entens ceux qui me sont si proches
selon l'esprit. Ell'est grosse bien fort, dont ell'est toute contente.
Je vous envoye un livre (22), mais ce n'est encor pas le beau, par ce que
je me reserve a le vous donner apres la troysiesme edition, laquelle j'espere
rendre fort entiere et correcte (23) ; car en celle ci je fus si pressé
que quelques chapitres entiers y manquent, comme celuy Des habiti et Quil
faut avoir l'esprit juste et raysonnable : dequoy je ne m'estois apperceu
qu'avant hier. Or, alhors je veux escrire beaucoup de choses de ma main
en l'exemplaire que je vous donneray; mais pour maintenant j'escris quatre
ou cinq motz, seulement pour vous obliger a ne point vous desfaire de celuy
ci jusques a ce que vous ayes l'autre.
Je n'ay sceu encor mettre la main au livre de l'Amour de Dieu, ayant
esté continuellement agité des mon retour (24), et mesme
ayant presché toutes les festes et Dimanches, a cause de l'absence
de nostre prdicateur.
Je persevere a la resolution d'aller a Salins, en quoy neanmoins plusieurs
difficultés me sont survenües a lïmproveu ; mais il les
faut surmonter, Dieu aydant, pourveu qu'elles ne grossissent plus (25).
Il faut que je vous die que j'ayme tous les jours plus vostre filz
(26), par ce qu'a mon advis, il devient tous les jours plus doux et gracieux.
Mon frere de la Thuille s'est rendu si amoureux de Mlle Favre qu'on ne
l'en peut tirer, et le bon pere a un si grand desir de la luy donner, que
j'ay grand peur que le dessein d'estre Religieuse n'en soit suffoqué,
bien qu'il y a trois semaines que je ne l'aye veüe (27). Il vous faut
ainsy dire plusieurs sortes de nouvelles.
Je retourne a vostre orayson, car j'ay releu vostre lettre hier au
soir bien tard. Faites tous-jours comme vous m'escrivés : (28) gardes
vous des fortes applications de l'entendement, puisqu'elles vous nuysent,
non seulement au reste, mais a l'orayson mesme, et travailles autour de
vostre cher object avec les affections tout simplement, et le plus doucement
que vous pourrés, Il ne se peut faire que l'entendement ne face
quelquefois des eslancemens pour s'appliquer, et il ne faut pas s'amuser
a s'en tenir dessus sa garde, car cela serviroit de distraction ; mais
il faut se contenter que, vous en appercevant, vous retournies simplement
aux actions de la volonté.
(L5, note 601) Se tenir en la presence de Dieu et se mettre en la presence
de Dieu, ce sont, a mon advis, deux choses ; car pour s'y mettre, il faut
revoquer son ame de tout autre object et la rendre attentive a cette presence
actuellement, ainsy que je dis dans le livre (IVD part 2 ch 2), Mais apres
qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement,
ou par la volonté, on .fait des actes envers Dieu, soit le regardant,
ou regardant quelque autre chose pour l'amour de:luy ; ou ne regardant
rien, mais luy parlant ; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement
demeurant ou il nous a mis, comm' une statue dans sa niche. Et quand, a
cette simple demeure, se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu
et qu'il est nostre Tout, nous en devons bien rendre graces a sa Bonté,
Si une statue que l'on aurait mise en une niche au milieu d'une sale,
avait du discours et qu'on luy demandast : Pourquoy es tu la ? Par ce,
dirait-elle, que le statuaire mon maistre m'a mis icy. Pourquoy ne te remüe
tu point? Par ce qu'il veut que j'y demeure immobile. De quoy sers tu lâ
? quel proffit te revient il d'estre ainsy ? Ce n'est pas pour mon service
que j'y suis, c'est pour servir et obeir a la volonté de mon maistre.
Mais tu ne le vois pas. Non, dira-elle, mais il me voit et prend playsir
que je sois ou il m'a mis. Mais ne voudrais tu pas bien avoir du mouvement
pour aller plus pres de luy ? Non pas, sinon quil me le commandast. Ne
desires tu donq rien ? Non, car je suis ou mon maistre m'a mis, et son
gré est l'unique contentement de mon estre.
Mon Dieu, chere Fille, que c'est une bonn' orayson et que c'est une
bonne façon de se tenir en la presence de Dieu que de se tenir en
sa volonté et en son bon playsir ! Il m'est advis que Madeleyne
estait une statue en sa niche, quand, sans dire mot, sans se remuer, et
peut estre sans le regarder, ell'escoutoit ce que Nostre Seigneur disait,
assise a ses pieds (Lc 10,39). Quand il parlait, ell'escoutoit; quand il
entrelaissoit de parler, elle cessoit d'escouter, et ce pendant ell'estoit
tous-jours la (TAD 6, 8), Un petit enfant qui est sur le sein de sa mere
dormante, est vrayement en sa bonne et desirable place, bien qu'elle ne
luy dit mot, ni luy a elle.
.Mon Dieu, ma Fille, que je suis ayse de parler un peu de ces choses
avec vous ! Que nous sommes heureux quand nous voulons aymer Nostre Seigneur
! Aymons le bien donq, ma Fille ; ne nous mettons point a considerer trop
par le menu ce que nous faysons pour son amour, pourveu que nous sachions
que nous ne voulons jamais rien faire que pour son amour. Pour moy, je
pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant,
car nous nous endormons a sa veüe, a son gré et par sa volonté,
et il nous met la sur le lict comme des statues dans une niche ; et quand
nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en
a point bougé, ni nous aussi : nous nous sommes donq tenu (sic)
en sa presence, mais les yeux fermés et clos (TAD 6, 11).
Or voyla vostre Baron qui me presse, Bonsoir, ma chere Seur, ma Fille
; vous aures de mes nouvelles le plus souvent que je pourray.
Croyés que la premiere parole que je vous escrivis fut bien
veritable, que Dieu m'avoit donné a vous (L2, note 288) les sentimens
en sont tous les jours plus grans en mon ame, Ce grand Dieu soit a jamais
nostre Tout.
Je salue ma chere petite fille ma seur et toute la mayson (29), et
encor, a vostre loysir, M, et Mme de la Curne (30) et la bonne cousine
M. de T'raves (31), J'escris un billet a Mme du Puys d'Orbe et un autre
a Mme Brulart (32); a M. Fremyot je ne puis, luy ayant escrit na guere.
Tenes ferme, chere Fille, ne doutes point ; Dieu nous tient de sa main
et ne nous abandonnera jamais. Gloire luy soit es siecles des siecles.
Amen.
Le XVI janvier 1610.
Vive Jesus et sa tressainte Mere ! Amen. Et loüé soit le
bon Pere Saint Joseph ! Dieu vous benisse de mille benedictions.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal, m. f. (ma fille.)
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Lisbonne,
transférée à Ségovie.
(1)Lettre découverte tardivement et reclassée à
la date voulue
(2)L'Autographe de cette lettre nous a été communiqué
seulement en 1911. Parmi plusieurs passages considérables restés
inédits, deux morceaux, publiés dans l'édition de
1626 comme deux lettres distinctes, ont été reproduits dans
notre Edition, l'un L4 sous le n° DXL, avec la date du 14 juillet 1609
(note 251) ; l'autre, L5, numéroté DCCCXXXVIll, avec la date
1611-1612 (notes 599, 600). Nous donnons ici dans leur texte complet ces
pages si belles, en signalant les alinéas déjà imprimés.
(3) Jacques de Neufchèzes (L4, note 240).
(4) Le chanoine Claude-Etienne Nouvellet (L2, note 58).
(5) Ici commence le passage donné L4. Il s'arrête à
la fin de l'alinéa; puis il reprend à ces mots : " 0 ma Fille,
croyes... " (de la page suivante), et sautant encore un membre de phrase,
il poursuit jusqu'à : " quand il est. avec le vostre ? "
(6) Le président Bénigne Frémyot, père
de la Sainte. (L2, note 344). L'ignorance de la première phrase
de la lettre avait fait supposer que le " Monsieur N. " de l'édition
princeps était Celse-Bénigne. (L4, note 252).
(7) L'année précédente, M. de Bérulle avait
fait des démarches auprès de l'Evêque de Genève
pour le décider à prendre en main l'affaire de la fondation
de la Congrégation de Prêtres que lui-même projetait.
Par la réponse du 29 octobre 1609 au futur fondateur de l'Oratoire
de France (L4, note 301), on voit que François de Sales ne refusait
pas son concours à une uvre qui avait toutes ses sympathies ; mais,
ne pouvant s'absenter de son diocèse sans l'autorisation du Pape
et du duc de Savoie, il pensait que l'intervention du nonce Ubaldini auprès
du Saint-Siège serait le moyen le plus facile pour l'obtenir. Le
" dessein de Paris" est assurément celui de M. de Bérulle,
et c'est sans doute sa lettre " sur le sujet de la Congregation des prestres
reformés, " que notre Saint montra à la Baronne lors de son
voyage en Bourgogne (octobre 1609) ; car le 11 décembre suivant
il lui écrivait encore : " Je n'ay nulles nouvelles de monsieur
de Berulle. " Une lettre de des Hayes à M. de Charmoisy, du 19 avril
1610, confirme l'hypothèse. (Voir à l'Appendice.)
(8) Les trois filles de la baronne de Chantal: Marie-Aimée,
Françoise (L2, notes 347,365) et Charlotte (L3, note 186). Cette
dernière ne fit pas le voyage d'Annecy, mais celui de l'éternité
quelques semaines plus tard. (L4, note 399).
(9) Le président Frémyot et son fils André, archevêque
de Bourges (L2, note 326).
(10) Mme de Chantal ne fut pas obligée d'attendre après
Pâques; le dimanche des Rameaux elle était à Annecy.
(L4, note 395).
(11) L'alinéa suivant commence une lettre différente
de la première dans l'édition de 1626, et se trouve dans
la nôtre L5, note 600.
(12) A cet endroit se continue le texte donné au tome
XIV. Les lignes 6, 7 de cet alinéa sont inédites.
(13) Il est probable que le Saint parle du P. François Rémond,
Jésuite. Il était fils de Guillaume, conseiller au Parlement
de Bourgogne, et de Michelle Saumaize. Son oncle, Jean Rémond, prêtre,
par testament du 20 mai 1589, hisse cent écus d'or à la Compagnie
de Jésus à laquelle François s'était." voué
et rendu depuis quelque temps. " (D'Hozier, Armorial général
de France, 1867, reg. V, pp. 961, 962.) Ce religieux se distingua par plusieurs
ouvrages. Nous l'avons nommé L7, note 996), mais peut-être
aurait-il été plus exact de proposer alors le P. Raymond
des Strictis ou Destrictis ou des Estroits ; on le désignait fort
souvent par son seul prénom, que la Mère Favre aura mal orthographié.
Le P. Destrictis était né à Mende en 1565, et entra
à dix-sept ans dans la Compagnie de Jésus. Sa longue vie
religieuse fut toute consacrée à la lutte contre les hérétiques,
soit par la plume, soit par la parole. En 1607, on le trouve Recteur à
Dijon, ce qui pourrait faire soupçonner que, peut-être, il
est aussi " le P. Remond " de la présente lettre ; cela nous semble
toutefois moins probable. C'est au collège de La Rochelle que mourut,
le 27 juin 1640, ce vaillant défenseur de la foi catholique. (D'après
le P. de Guilhermy, Ménologe de la Cie de jésus, Assistance
de France, 1892, lre Partie, et Prat, Recherches sur la Cie de Jésus,
1876, tomes l, IV, passim.)
(14) Anne de la Magdelaine de Ragny, abbesse de Saint-Jean-le-Grand,
qui s'occupait de la réforme de son Monastère. (L4, note
400).
(15) L'Evêque d'Autun, Pierre Saulnier (L3, note 375).
(16) Ce qui suit est inédit jusqu'à : " gardes vous des
fortes applications... "
(17) Voir L4, note 335 et lettre DLX, du 11 décembre 1609. Si
c'est à ce message que le Saint fait allusion, il faudrait croire
que la lettre DLXIII du 29 décembre, serait d'une autre année.
On a de la peine à se persuader, pourtant, que François de
Sales soit resté plus d'un mois sans écrire à la Baronne.
(18) Cette réforme des Cisterciennes de Sainte- Catherine (L3,
note 151) que souhaitait si fort l'Evêque de Genève, ne se
fit qu'en 1622, à Rumilly. (L2, lettres 231 et 234).
(19) Claudine de Menthon (L3, note 151).
(20) Bernarde de Vignod (L3, note 127). Religieuse à Sainte-Catherine,
avait contracté une sainte amitié avec la baronne de Chantal,
lors des voyages de celle-ci en Savoie.
(21) La sur du Saint, Gasparde de Sales, dame de Cornillon. (L4, notes
216,347,374)
(22) La deuxième édition de l'Introduction a la Vie devote.
(L4, note 296)
(23) Elle parut cette même année 1610.
(24) Parti d'Annecy pour la Bourgogne le 6 octobre de l'année
précédente (L4, note 291), François de Sales bénit
le 13 le mariage de son frère Bernard et de Marie-Aimée de
Chantal, dans l'église de Monthelon, puis revient par Dole, Baume-les-Dames,
Saint-Claude (L4, lettres 550,554,555 et notes 313, 342,343), et arrive
vers le 29 novembre à Annecy.
(25) Le Saint avait été invité à Salins
pour le Carême, mais il ne put s'y rendre, (L4, notes 303,369)
(26) Bernard de Sales, gendre de la Sainte.
(27) Veuf de Claudine-Philiberte de Pingon-Cusy depuis le 27 mars 1609,
Louis de Sales (L2, note 104) remarqua les belles et solides qualités
de Mlle Jacqueline Favre (L5, note 323), et la demanda au Président
son père. " Cette alliance étoit illustre, " dit l'historien
de Hauteville (La Maison naturelle de St Fr. de Sales, Partie II, p. 293),
" grandement agreée et desirée des parens de Louys et de
la fille ; " mais celle-ci, après quelques luttes intimes que l'on
devine dans les lettres du Saint (L4, note 372), résolue d'être
à Dieu, vint se " jetter aux pieds de nôtre Pere, pour empêcher
l'execution " du projet de M. de la Thuille, L'Evêque se chargea
d'enlever ses espérances à son frère ; il le fit avec
sa grâce et sa débonnaireté ordinaires ; et " le brave
seigneur, par un acte de generosité chrêtienne, " dit la Mère
de Chaugy, offrit " un sacrifice à Dieu aussi vigoureux que celuy
de Jephté ou d'Abraham, " (Vie de la Mère Favre, dans Les
Vies de quatre des premieres Meres, Annessy, 1659, chap, III,) En faisant
ses adieux à Mlle Favre, " il se recommenda civilement à
ses prieres, et du depuis a témoigné toute sa vie un tres-profond
respect à cette grande et digne servante de Dieu, qui, de sa part,
l'honorait grandement. " (De Hauteville, ubi supra, p. 294)
(28) Voir L5, lettre 838, où se trouvent les alinéas
suivants.
(29) "La mayson, " n'est point la Congrégation naissante de
la Visitation, comme l'indique, à cause de l'erreur de date, la
note 604 de L5, mais les enfants et la famille domestique de la baronne
de Chantal. La fin de la phrase est inédite.
(30) Jean de Lacurne de Saint-Palaye et sa femme, Huguette Desvoyo.
(L8, note 277,280)
(31) Claude du Plesseys, dame de Choiseul de Traves. (L4, note 126)
(32) Ces billets à Rose Bourgeois et à sa sur la Présidente
(L2, notes 292,296) ne nous sont pas parvenus.
DLXX
A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR
Que faire à mesure que les années s'en vont. - Les mères
chrétiennes et Notre-Seigneur, qui se comporte au rebours des autres
enfants.
Annecy, fin janvier 1610 .
Il ne faut pas que le premier mois de l'annee passe que je ne vous
saluë, ma tres chere Fille, ma Seur, en vous asseurant tous-jours
du parfait amour que mon cur porte au vostre, auquel je ne cesse point
de desirer toutes sortes de benedictions. Mais aussi, ma chere Seur, je
le vous recommande, vostre pauvre cur : ayés bien soin de le rendre
de plus en plus aggreable a son Sauveur, et de faire que cette annee soit
plus fertile que l'autre en toute sorte de saintes actions ; car a mesure
que les annees s'en vont et que l'eternité s'approche, il nous faut
aussi redoubler le courage et relever nostre esprit en Dieu, le servant
plus attentivement en tout ce que nos vocations et professions nous obligent.
Je voudrois bien pouvoir vous envoyer les livres que je vous ay promis
et a madame de Cornillon ma commere ; mais je ne m'en suis pas treuvé
un seul. Il faut donq avoir un peu de patience avec moy, comme avec un
mauvais payeur.
Ce pendant, chere Seur, prenés bien courage a faire vostre enfant
; je dis celuy du cors et celuy du cur, mais sur tout celuy du cur, qui
est Nostre Seigneur, lequel vous voules, je m'asseure, produire en vostre
vie et en vous mesme beaucoup mieux d'ores en avant. Mais c'est un enfant
lequel, au rebours des autres, soulage, nourrit et maintient sa mere ;
aussi faut il bien, ma Fille, que vous metties toute vostre esperance,
vostre amour et vostre confiance en luy, car en cette sorte vous vivres
toute joyeuse, contente.
DLXXI
AUX ÉCHEVINS DE SALINS ( cf note 303)
Les prédications qu'il avait promises à Salins étant
empêchées, le Saint les veut " contreschanger en autant d'oraysons
" pour la ville.
Annecy, 3 février 1610
Messieurs,
Ayant appris par messieurs les coeschevins de vostre ville qui ont
pris la peyne de venir icy , ce que vous leur aves confié pour me
dire, il ne me reste que de vous prier de croire que je conserveray cherement
en mon ame l'affection avec laquelle je vous avoys dedié les predications
que vous aviés desirees de moy pour ce Caresme , lesquelles je veux
contreschanger en autant d'oraysons que je feray pour le bonheur de vostre
ville.
Dieu donques soit a jamais vostre protecteur, et je suis en
luy de tout mon cur,
Messieurs,
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
3 febvrier 1610, a Neci.
A Messieurs les Capitaines
et Eschevins de la ville de Salins.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Dole.
DLXXII
A LA BARONNE DE CHANTAL
Pourquoi l'Evêque de Genève n'alla pas à Salins
en 1610. - Une âme dont il espérait faire quelque chose de
bon- Les souhaits, le cur et la plume d'un Saint.
Annecy, 5 février 1610.
Cette lettre sera courte, tres chere Fille, car je n'ay nul loysir.
Elle vous dira donq seulement qu'avant hier j'ay sceu que je n'irois pas
a Salins ce Caresme, parce que Monsieur l'Archevesque de Besançon
a resolu a ceux de cette ville-la, qu'il ne vouloit pas que j'y allasse
(note 370) ; et il est leur Prelat. Le pourquoy de cela, je ne le sçay
pas bien ; mais, a le dire entre nous, il ne sera pas grandement pris en
bonne part de tous. Quant a moy, j'en suis bien ayse, quoy que je fusse
resolu d'y aller de bon cur.
Mon frere (Bernard ?) vous envoyera son laquay dans peu de jours, en
attendant d'y aller luy mesme, apres qu'il aura demeslé quelques
affaires de deça. Madamoyselle Favre s'est enfin resoluë, avec
le bon congé de son pere, d'estre toute a Nostre Seigneur et de
demeurer ma fille plus que jamais, et je croy que nous en ferons quelque
chose de bon .
J'escoute de toute part ce que Dieu demande de moy ; priés le,
ma chere Fille, qu'il en dise ce bon mot, que je suis sien (Ps 118,94).
Ouy certes, je le suis de tout mon cur, quoy , que miserable et chetif.
Je ne manque point a la promesse faite de l'orayson ; car il faut que de
tems en tems je vous en rende conte
La pauvre chere seur (Mme de Cornillon) est toute grosse, et vrayement
fort bonne, ainsy que j'ay veu par la reveuë annuelle qu'elle a faite
ces jours passés avec grande devotion. Je vay mettre la main au
livre de l'Amour de Dieu, et m'essayeray d'en escrire autant sur mon cur
comme je feray sur le papier.
Bon jour, mon unique, ma tres chere, mon incomparable chere Fille.
Soyés toute a Dieu, J'espere tous les jours plus en luy que nous
ferons prou en nostre dessein de vie. Mon Dieu, j'escris a perte d'haleyne,
Le 5 fevrier 1610.
DLXXIII
A M. CLAUDE DE BLONAY
(FRAGMENT)
La nouvelle Congrégation étant sur le point de s'établir,
François de Sales demande au destinataire qu'il veuille bien lui
amener sa fille après Pâques.
Annecy, 8 février 1610.
Monsieur mon cher Frere,
Je vous donne advis que, par la divine misericorde, le tems de la visitation
s'approche (Lc 19,44 ; 1 P 5,6); je veux dire qu'en fin nos conclusions
sont prises et que nous attendons a ce primtems madame de Chantal pour
commencer nostre petite Congregation, a laquelle vous sçaves que
le Saint Esprit a destiné vostre fille, que je tiens pour mienne.
Il m'est tombé ce matin dans l'esprit, pensant a elle, que c'est
singulierement a son ame que s'addressent les paroles de l'Espoux sacré
(Ct 2,10) : Debout, hastés-vous, mon amie, car en fin, Amie c'est
son nom, et l'Espoux l'appelle par son nom propre.
Dites donq a cette chere fille Amie qu'elle vienne de bon cur nous
treuver. Mais, mon cher Frere, soyés genereux ; dites luy vous mesme
qu'il faut qu'elle oublie son peuple et la mayson de son pere (Ps 44,11)
; mais non pas son pere, car elle s'en souviendra tous-jours devant Dieu,
qui est nostre Pere commun. Tenes donq nostre chere fille preste pour nous
l'amener aussi tost apres Pasques, car nous esperons commencer environ
ce tems la
..
A Neci, 8 fevrier 1610.
DLXXIV
A M. JACQUES DE BAY
(EN LATIN)
Recommandation en faveur d'un jeune étudiant savoyard.
Annecy, 12 février 1610
Le sieur Louis Bonier, personnage de grande distinction, m'a prié
de vous recommander, connaissant votre bienveillance à mon égard,
son fils Laurent , jeune homme d'un naturel parfait. Je ne devais pas lui
refuser cela et je ne le pouvais pas non plus, étant l'ami très
cher qu'il a toujours été pour moi. Et puis, c'était
une occasion de raviver auprès de vous mon souvenir. j'en profite
aussi pour vous conjurer, après m'avoir jusqu'ici non seulement
affectionné mais honoré d'un gage éternel d'amitié
, de continuer à m'aimer bien fort.
Salut, illustre Monsieur, dans le Christ Notre-Seigneur. Pour
ma joie et celle de vos Savoyards, vivez longtemps, vivez heureux.
De Votre Révérence,
Frère dans le Christ et serviteur,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
Annecy en Savoie, 12 février 1610.
Au Révérend et très illustre M. Jacques de Bay,
très savant Docteur en théologie
et très sage Président du Collège de Savoie.
Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque
des PP. Bollandistes.
DLXXV
AU DUC DE NEMOURS, HENRI DE SAVOIE
François de Sales intercède auprès du duc pour
obtenir un secours au chanoine-poète Nouvellet.
Annecy, 18 février 1610
Monseigneur,
Le bon monsieur Nouvelet, partie par vraye indigence, partie par une
legitime ambition, demande quelque bienfait a Son Altesse . J'appelle son
ambition legitime, parce quand il pourrait avoir du secours d'ailleurs,
je ne sçai sil le prendroit, au moins n'en aurait-il jamais tel
contentement, tant il a a cur l'honneur de dependre de Son Altesse, a
laquelle, comme Vostre Excellence sçait, il est esperduement affectionné.
Or, il m'a rendu pour cela intercesseur vers Son Altesse; et sachant bien
que sans vostr' intercession, Monseigneur, la mienne sera vayne, il desire
que, comme je demande le bienfait a Son Altesse, je supplie aussi Vostre
Excellence de le luy impetrer par une favorable recommandation ; et pour
marque de sa perseverance au zele quil a a Vostre Grandeur, il vous offre
une devise academique .
Je vous supplie donq, Monseigneur, de luy departir vostre faveur, et
a moy Ihonneur d'estre par tout et tousjours advoué par
Vostre Excellence, .
Son tres humble et tres obeissant
orateur et serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
XVIII febvrier 1610, a Neci.
A Son Excellence.
Revu sur l'Autographe conservé à Paris, chez les Prêtres
de la Mission.
DLXXVI
A LA BARONNE DE CHANTAL
Un coeur plus que paternel, dégagé et fervent au milieu
des tracas. - Les petites fleurs et les arbres en. Savoie, quand souffle
la tempête. - Petite pluie abat grand vent. - La rosée de
la Croix. - Rendez-vous pendant le Carême : l'aimable et saint domicile
du Cur de Jésus Notre-Seigneur. Ce qui "contenta fort" le Saint.
- Il n'était point dur aux chrétiennes d'Annecy, et pourquoi.
- Sermon tout de flammes.
Annecy, vers le 25 février 1610
Non, ma chere Fille, je n'ay nulles nouvelles de vous il y a trois
moys bien entiers ; et si, je ne puis croire que vous ne m'en ayes envoyé.
Plus elles arrestent, plus je les souhaitte bonnes. Je le confesse, mon
cur m'importune un peu pour ce regard, mays je luy pardonne ces petites
ardeurs, car il est paternel et plus que paternel.
Croires-vous bien ce que je vous vay dire ? J'ay, il y a quelque tems,
le petit livre de la Presence de Dieu (note 306) ; c'est un petit ouvrage,
mais je n'ay encor sceu le lire entierement, pour vous en dire ce que je
pense pour vostre service. Il n'est pas croyable comme je suis tracassé
deça et dela par les affaires ; mais, ma chere Fille, vous vous
troubleres si je n'adjouste que neanmoins, graces a mon Dieu, mon pauvre
et chetif cur n'eut jamais plus de repos ni de volonté d'aymer
sa divine Majesté, de laquelle je sens une speciale assistance pour
ce regard.
O ma chere Fille, que vous me fistes un jour grand playsir de me recommander
la sainte humilité (Lettres3, lettre 430) ! car sçavés-vous,
quand le vent s'enferme dedans nos vallees, entre nos montaignes, il ternit
les petites fleurs et desracine les arbres ; et moy, qui suis logé
un peu bien haut en cette charge d'Evesque, j'en reçois plus d'incommodités.
0 Seigneur, sauves-nous ; commandés a ces vens de vanité,
et une grande tranquillité se fera (Mt 8,25). Tenés-vous
bien ferme, et serrés bien estroittement ce pied de la sacree Croix
de Nostre Seigneur ; la pluye qui y tombe de toutes pars abat bien le vent,
pour grand qu'il soit. Quand j'y suis quelquefois, mon Dieu, que mon ame
est a recoy, et que cette rosee, rosine et vermeille, luy donne de suavités
! Mais je n'en suis pas esloigné d'un pas, que le vent recommence.
Je ne sçay ou vous seres ce Caresme selon le cors ; selon l'esprit,
j'espere que vous seres dans la caverne de la tourterelle (Ct 2,14) et
au costé percé de nostre cher Sauveur. Je veux bien m'essayer
d'y estre souvent avec vous ; Dieu, par sa souveraine bonté, nous
en face la grace. Hier je vous vis, ce me semble, que, voyant le costé
de Nostre Seigneur ouvert, vous voulies prendre son cur pour le mettre
dans le vostre, comme un roy dans un petit royaume; et, bien que le sien
soit plus grand que le vostre, si est-ce qu'il le raccourciroit pour s'y
accommoder. Que ce Seigneur est bon, ma chere Fille ! que son cur est
amiable ! Demeurons la, en ce saint domicile ; que ce cur vive tous-jours
dans nos curs, que ce sang bouillonne tous-jours dans les veines de nos
ames.
Que je suis content que nous avons retranché les aisles a Caresme
prenant en cette ville et qu'on ne le connoist presque plus ! Quelles congratulations
en fis-je Dimanche a mon cher peuple, qui estoit venu en nombre extraordinaire
pour ouyr le sermon sur le soir et qui avoit rompu toutes conversations
pour venir a moy ! Cela me contenta fort, et que toutes nos dames avoyent
communié le matin, et qu'elles n'osoyent entreprendre de faire des
balz sans demander licence. Et je ne leur suis (sic) point dur, car il
ne le failloit pas, puisqu'elles sont si bonnes, avec grande devotion.
Mon Dieu, ma tres chere Fille, que je sens tendrement et ardemment
le bien et le lien sacré de nostre sainte unité ! J'ay fait
un sermon ce matin tout de flammes, car je l'ay bien conneu ; il le vous
faut dire a vous. Mon Dieu, que je vous souhaitte de benedictions ! Mais
vous ne sçauries pas croire comme je suis pressé a l'autel
de vous recommander plus que jamais a Nostre Seigneur.
Qu'ay je a vous dire davantage, sinon que nous vivions d'une vie toute
morte, et que nous mourions d'une mort toute vive et vivifiante en la vie
et en la mort de nostre Roy, de nostre Seigneur et de nostre Sauveur, en
qui je suis
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
DLXXVII
A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR
Heureuse fin de Mme de Boisy. - Une promesse mutuelle. - Les regrets
dans les séparations. - Paix joyeuse de la mère du Saint.
Sales, 4 mars 1610
Ma tres chere Seur, ma Fille,
Consolons nous le plus que nous pourrons en ce trespas de nostre bonne
mere, car les graces que Dieu a exercees en son endroit pour la disposer
a une heureuse fin, sont des marques fort certaines que son ame est doucement
receuë entre les bras de sa divine misericorde ; si que elle est bienheureuse
d'estre desprise et demeslee des travaux de ce monde . Et nous aussi, chere
Seur, serons bienheureux a nostre tour si, comme elle, nous vivons le reste
de nos jours en la crainte et amour de Nostre Seigneur, ainsy que nous
le nous sommes promis l'un a l'autre, l'autre jour a Neci (lettre 572).
Sa divine Majesté nous attire en cette sorte au desir du Ciel, y
retirant petit a petit tout ce qui nous estoit plus cher icy bas.
Soyés donq bien consolee, ma chere Fille, et si vostre cur
ne peut s'empescher d'avoir du ressentiment en cette separation, faites
au moins qu'il soit tellement moderé par l'acquiescement que nous
devons au bon playsir de nostre Sauveur, que sa Bonté n'en soit
point offensee, ni le fruit qu'il a mis en vostre ventre, malmené.
Encor faut-il que je vous die ce mot pour vostre contentement : c'est
que cette pauvre bonne mere, avant que de partir de Neci, revit tout l'estat
de sa conscience, renouvella toutes les bonnes resolutions qu'elle avoit
faites de servir Dieu et vint si contente de moy que rien plus ; car Dieu
ne voulut pas qu'elle fust en estat de melancholie quand il la prendroit
a soy.
Or sus, ma chere Seur, ma Fille, aymés moy tousjours bien, car
je suis plus vostre que jamais. Et pleust a Dieu que vous peussies venir
faire la sainte Semaine avec nous ! je m'en sentirois fort consolé.
Bon jour, ma Fille; je suis
Vostre frere et serviteur tres affectionné,
FRANçs, E. de Geneve.
Le 4 mars 1610.
DLXXVIII
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL. 1er.
Lettre d'introduction auprès de Charles-Emmanuel, en faveur
d'un ami.
Annecy, 6 mars 1610.
Monseigneur,
Je supplie tres humblement Vostre Altesse de prester vostre oreille
favorable au sieur de Blonnay , present porteur, qui ne desire luy parler
que des choses qui luy sont aggreables, puisqu'elle prend tousjours playsir
a l'advancement de la gloire de Dieu, de l'exaltation de la foy et du salut
des ames.
Ce mesme Dieu tout puissant face de plus en plus abonder Vostre Altesse
en benedictions et consolations celestes, qui sont les continuelz et ardans
desirs que fait pour elle,
Monseigneur,
Son tres humble, tres obeissant, tres fidelle
orateur et serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
VI mars 1610, a Neci.
A Son Altesse.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte J. de Fleurieu,
au château de Sassangy (Saône-et-Loire).
DLXXIX
A M. ANTOINE DES HAYES
Une douloureuse satisfaction. - Mme de Boisy assistée par son
fils ; rapide éloge de la défunte. - Pourquoi le Saint n'a
pas de particulières nouvelles à communiquer.
Annecy, vers le 19 mars 1610.
Monsieur,
Je ne sçaurois laisser partir le bon monsieur Bovard sans luy
donner quelque marque de la continuelle souvenance que j'ay de vostre douce
bienveuillance, en laquelle, certes, mon esprit s'esjouit grandement et
plus que je ne sçaurois dire.
Je pensois estre [ce] Caresme a Salins, au comté de Bourgoigne,
puisque ceux de cette ville-là m'en ayant fort conjuré, m'avoyent
obtenu de Son Altesse. Mais a mesme presque que je voulois partir, ilz
m'envoyerent deux des leurs, qui m'annoncerent que Monsieur leur Archevesque
leur avoit absolument refusé permission de me donner leur chaire.
Je ne sçai pas le pourquoy selon les hommes, mais je croy que Dieu
en a ainsy disposé pour une douloureuse satisfaction que j'ay eü
ces jours passés, de donner l'extreme benediction et de fermer les
yeux a ma bonne mere mourante (lettres 577, 581). Car, puisqu'ainsy il
playsoit a Dieu de la retirer, ce m'est du contentement de l'avoir servie
et assistee en ces derniers travaux, et mesme dautant que c'estoit une
des plus douces et innocentes ames qui! estoit possible de treuver, et
a laquelle la providence de Dieu a esté fort propice en trespas,
l'ayant fort heureusement disposee a cela.
Voyes vous, Monsieur, je m'allege a vous dire cecy, car c'est grand
cas comme c'est un' heureuse et souefve rencontre a un cur aucunement
blessé, de pouvoir se communiquer, quoy que par lettres seulement,
a un cur si doux, si gratieux, si cher, si pretieux et tant amy comme
le vostre m'est par vostre bonté, en laquelle je vous conjure tous-jours
de me continuer fermement, avec asseurance que je suis sans fin ni reserve,
Monsieur,
Vostre humble et tres asseuré serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
Nous attendons tous-jours que Monsieur vienne, et n'en avons
neanmoins point de particulieres nouvelles. Il est vray que je ne les sçaurois
apprendre de mon breviaire duquel seul je me mesle, et de prier Nostre
Seigneur pour vous. J'excepte M. de Charmoysi, que je voy fort souvent.
A Monsieur
Monsieur des Haye,
Maistre d'hostel de S. M.
Baillif et Gouverneur de Montargis.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.
DLXXX
A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVÊQUE DE MONTPELLIER
François de Sales apprend à son ami la mort de Mme de
Boisy.
Annecy, mars 1610 .
Monseigneur,
Je n'ay garde de vous vouloir beaucoup entretenir maintenant, qu'au
milieu de cette grande et noble ville , chacun est autour de vous pour
puyser les eaux de consolations spirituelles de la vive source que Dieu
a mise en vous. Ce n'est justement que pour vous bayser humblement les
mains et vous supplier de me conserver lhonneur de vostre bienveuillance,
que cette lettre se presente a vous en mon nom.
Que si vous luy permettes de vous dire quelque chose de plus, ce sera
que je viens d'apprendre pourquoy Nostre Seigneur n'a pas voulu permettre
que j'allasse a: Salins ; .car ça esté, comme je pense, affin
que j'assistasse a la mort de ma tres bonne mere, qu'il appella a soy le
.premier de ce moys, l'ayant, par sa misericorde, premierement disposee
a bien et heureusement faire ce passage.
Voyes vous, Monseigneur, j'allege, ce me semble, de beaucoup mon coeur,
en le vous communiquant comm' a un ami auquel je porte tant d'amour, d'honneur,
de respect, de reverence, et en la bienveuillance duquel j'ay tant de confiance
; bref, auquel je suis d'un' affection absolue,
Tres humble, tres obeissant et tres affectionné
Frere et serviteur,
FRANçs, E, de Geneve,
A Monseigneur
Monseigneur le Rme Evesque
de Montpelier.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy,
DLXXXI
A LA BARONNE DE CHANTAL
Les sentiments du Saint à la mort de sa mère. - François
de Sales raconte à Mme de Chantal comment Mme de Boisy a fini ses
jours et combien il pleura sur " cette bonne mere. " - Invitation à
venir en Savoie pour le dimanche des Rameaux. - Dispositions à prendre
pour le séjour de la Baronne.- Mort de la petite Charlotte. - Il
faut pleurer un peu sur nos trépassés. - L'Abbesse du Puits-d'Orbe,
Mme de Saint-Jean, le P. de Monchy, Mlle Favre, le monastère de
Sainte-Catherine. - Le " train des saintz. devanciers et des simples. "
- Prendre pour méthode de ne point se préparer à l'oraison,
le Saint déclare le trouver "un peu dur. "
Annecy, 11 mars 1610.
Mais, 0 Dieu, ma tres chere Fille, ne faut il pas en tout et par tout
adorer cette supreme Providence, delaquelle les conseilz sont saintz, bons
et tres aymables ? Et voyla qu'il luy a pleu retirer de ce miserable monde
nostre tres bonne et tres chere mere, pour l'avoir, comme j'espere fort
asseurement, au pres de soy et en sa main droitte. Confessons, ma Fille
bien aymee, confessons que Dieu est bon et que sa misericorde est a l'eternité
(Ps 135). Toutes ses volontés sont justes et tous ses decretz equitables
(Ps 118,137), son bon playsir est tous-jours saint et ses ordonnances tres
aymables (Ps 118,39).
Et pour moy, je confesse, ma Fille, que j'ay eü un grand ressentiment
de cette separation (car c'est la confession que je doy faire de ma foiblesse,
apres que j'ay fait celle de la bonté divine) ; mais neanmoins,
ma Fille, ça esté un ressentiment tranquille, quoy que vif,
car j'ay dit comme David (Ps 38,10): Je me tais, 0 Seigneur, et n'ouvre
point ma bouche, parce que c'est vous [qui] l' aves fait. Sans doute, si
ce n'eut esté cela, j'eusse crié hola ! sous ce coup ; mais
il ne m'est pas advis que j'osasse crier ni tesmoigner du mescontentement
sous les coups de cette main paternelle, qu'en verité, graces a
sa Bonté, j'ay appris d'aymer tendrement des ma jeunesse.
Mais vous voudries peut estre sçavoir comme cette bonne femme
a fini ses jours. En voyci une petite histoire, car c'est a vous a qui
je parle ; a vous, dis-je, a qui j'ay donné la place de cette mere
en mon memorial de la Messe, sans vous oster celle que vous avies, car
je n'ay sceu le faire, tant vous tenes ferme ce que vous tenes en mon cur;
et par ainsy, vous y estes la premiere et la derniere. Cette mere, donq,
vint icy cet hiver, et, en un mois qu'ell' y demeura, elle fit la revëue
generale de son ame et renouvela ses desirs de bien faire avec certes beaucoup
d'affection ; et s'en alla la plus contente du monde d'avec moy, duquel,
comm'elle disoit, ell'avoit retiré plus de consolation que jamais
elle n'avoit fait. Elle continua en cette bonne joye jusques au jour des
Cendres , qu'ell' alla a la parroisse de Thorens, ou elle se confessa et
communia avec tres grande devotion, ouyt troys Messes et Vespres ; et le
soir, estant au lit et ne pouvant dormir, se fit lire a sa fille de chambre
trois chapitres de [l'] Introduction pour s'entretenir en des bonnes pensees,
et fit marquer la Protestation (IVD 1,20), pour la faire au matin suivant.
Mais Dieu, se contentant de sa bonne volonté, disposa d'autre sorte
; car, le matin estant venu, cette bonne femme se levant et pignant (sic)
elle tumbe soudainement d'un catharre, comme toute morte. Mon pauvre frere
vostrefilz (Bernard de Sales), qui dormoit encor, estant adverti accourt
en chemise, et la fait relever et promener et ayder par des essences, eaux
imperiales et autres choses qu'on juge propres en ces accidens, en sorte
qu'elle se reveille et commence a parler, mais presqu'inintelligiblement,
dautant que le gosier et la langue estoyent saysis.
On me vient appeller icy, et j'y vay soudain avec le medecin et apoticaire,
qui la treuvent letargique et paralitique de la moytié du cors ;
mais lethargique en telle sorte, que neanmoins ell'estoit fort aysee a
reveiller, et en ces momens de reveil elle tesmoignoit le jugement entier,
soit par ces (sic) paroles, qu'elle s'efforçait de dire, soit par
le mouvement de sa main saine, c'est a dire de laquelle l'usage luy estait
demeuré. Car elle parlait fort a propôs de Dieu et de son
ame, et prenait la croix elle mesme. a tastons (dautant que soudain elle
devint aveugle) et la baysoit. Jamais ne prenait rien qu'elle n'eut fait
le saint signe dessus, et receut ainsy le saint Huyle. A mon arrivee, toute
aveugle et tout'endormie qu'ell'estoit, elle me caressa fort et dit : "
Cet (sic) mon filz et mon pere cettuyci ; " et me baisa en m'acolant de
son bras, et me baysa la main avant toutes choses. Elle continua en mesm'estat
presque deux jours et demi, apres lesquelz on ne la peut plus guere bonnement
resveiller, et le premier de mars, elle rendit l'ame a Nostre Seigneur,
doucement, paysiblement et avec une contenance et beauté plus grande
que peut estre elle n'avait jamais eü, demeurant une des belles mortes
que j'aye jamais veu.
Au demeurant, encor vous faut-il dire que j'eu le courage de luy donner
la derniere benediction, luy fermer les yeux et la bouche et luy donner
le dernier bayser de paix a l'instant de son trespas. Apres quoy, le cur
m'enfla fort et pleuray sur cette bonne mere plus queje n'avais fait des
que je suis d'Eglise ; mais ce fut sans amertume spirituelle, graces a
Dieu. Voyla tout ce qui se passa.,
Au demeurant, je ne me puis taire du grand bon naturel de vostre filz,
qui m'a si extremement obligé au soin et travail quil a pris pour
cette mere, mais je dis avec tant de cur, que sil eüt esté
quelque estranger, je serois forcé de le tenir et jurer mon frere.
Je ne sçai si je me trompe, mais je le treuve extremement bien changé
en mieux, soit pour le monde, soit principalement pour l'ame.
Or sus, ma chere Fille, si faut il se resoudre sur cela, et louer tous-jours
Dieu, quand il luy plairoit nous visiter encor plus fortement. Si donq
vous le treuves a propos, vous pourrés venir pour estr'icy le jour
des Rameaux . Je dis icy, car il ni auroit point de proportion que vous
fissies les bons jours aux chams. Vostre petite chambre vous attendroit,
nostre petite table, et nostre simple et petit traittement vous sera fait
et offert de bon cur, je veux dire de mon cur qui est grandement vostre.
Les festes passees, vous ordonneries ainsy quil vous plairoit, pour conduire
nostre petite (Marie-Aimée.) chez elle. .
Voyla, si cela se peut aysement.. Je le desire, mais je dis, sil se
peut aysement ; dequoy vous ni'advertirés par le retour de ce garçon,
et encor de ceux que vous amenerés, si vous amenes quelque compaignie
extraordinaire, car quant a nostre bon Baron , je croy quil ne viendra
pas nous voir sur ce nouveau dueil, parmi lequel nous ne pourrons nous
res-jouir que devotement, et totalement en Nostre Seigneur. Je pense quil
ne seroit pas a propos quil vinst maintenant : il faut que je die ainsy
avec vous. J'attendray ce que vous me marquerés.
Mon frere vous escrit pour le sujet du reste de la dote de ma seur
. Si cela se peut, je ny voy nul inconvenient, car enfin vous auries vostre
argent icy, outre tout celuy qui depend de moy, qui est autant vostre que
nul autre, et cette dote seroit payee, quil faut aussi bien payer une foys.
Mais je laisse cela a vostre providence.
J'ay voulu sçavoir sil seroit a propos que vous prissies la
une femme pour estr'aupres de ma seur ; mais mon frere m'a dit que vous
ne vous missies nullement en peyne, quil accommodera si bien tout ce quil
faudra pour ma seur, que vous aurés tout sujet de contentement de
luy, de maniere quil n'est point besoin de cela. Pour vray, j'espere que
ce filz la sera grandement beni pour le service quil a rendu a ses pere
et mere en leur trespas.
Maintenant je vay courant sur les chefz de vostre lettre. Nostre pauvre
petite Charlotte est bienheureuse d'estre sortie de la terre avant qu'elle
l'eut bonnement touchee (Sg 4,11). Helas ! il la failloit neanmoins bien
un peu pleurer, car n'avons nous pas un cur humain et un naturel sensible
? Pourquoy non pleurer un peu sur nos trespassés, puisque l'Esprit
de Dieu non seulement le nous permet, mais nous y semont (Eccli 22,10 ;
38,16). Je l'ay regrettee, la pauvre petite fille , mais d'un regret moins
sensible, dautant que le grand sentiment de la separation de ma mere osta
presque toute prise au sentiment de ce second desplaysir, duquel la nouvelle
m'arriva tandis que nous avions encor le cors de ma mere en la mayson.
Dieu soit encor loüé en cet endroit. Dieu nous donne, Dieu
nous oste, son saint nom soit beni (Jb 1,21) .
Helas ! nostre pauvre Mme du Puis d'Orbe auroit un grand besoin d'estre
assistee de pres, car elle [est] si bonne et si cordiale que rien plus,
mais si melancolique, si doüillette et si delicate de courage que
rien plus. Vous voyes : je luy avoys tant tesmoigné la necessité
de s'assujettir elle mesme a la stabilité en son Monastere, et neanmoins,
contre le souhait des siens, elle medite tous les jours des sorties pour
ceci et pour cela. Ce n'estoit pas sortir d'aller avec vous a Bourbilly
; non, ma Fille, ce n'est pas sortir quand on sort pour mieux s'arrester
et rentrer. Mais ces autres sorties sont hors de rayson ; aussi on les
desseigne et delibere-on sans moy. Dieu sçait, ma Fille, si j'ayme
tendrement cett'ame et si je suis plein de desir de son bien, et que jamais
je ne la veux ni puis abandonner, je dis quoy qu'elle fit ; mais je n'ose
pas la presser de loin, car cet (sic) un esprit qui ne peut estre conduit
qu'avec amour et confiance ; confiance, dis-je, tous-jours nourrie de nouvelles
et continuelles demonstrations d'affection, ce qui ne se peut faire de
loin. Mais bien, quand vous seres icy, nous aviserons.
Je regrette l'accident de Mme de Saint Jean , qui devoit arriver ou
plus tost, ou plus tard, ou jamais. Si ell'a bien jetté son esperance
en Nostre Seigneur, il la tirera de ce mauvais passage pour la faire marcher
tant plus vistement vers luy. J'escriray au P. de Monchi quil souffre beaucoup,
car nous ne sommes point deshonnorables a l'Eglise, quand nous imitons
Nostre Seigneur, qui a tant souffert d'ignominies pour nostre salut (note
44). Ou il y va du proufit spirituel, il ne faut pas craindre les opprobres.
Ouy, ma Fille, nostre bon Dieu nous aydera, et pour la bonne commere
aussi (Mlle de Bréchard.), bien quil faille tascher d'avoir tout
ce qu'on pourra. Quand vous seres icy, nous prendrons les resolutions convenables
pour commencer nostre dessein, et verrons ce que diront nos filles de deça.
Nostre Favre a fait merveilles et est maintenant toute a Dieu.
Ne dites mot de Sainte Catherine, car c'est le secret qui doit tout
faire reuscir . Je n'ay nulles nouvelles de Paris, non pas mesme si M.
de Berulle est en vie.
Quant a ces preceptes de l'orayson que vous aves receuz de la bonne
Mere Prieure , je ne vous en diray rien pour le present ; seulement, je
vous prie d'apprendre le plus que vous pourres les fondemens de tout cela,
car, a parler clair avec vous, quoyque deux ou trois fois l'esté
passé m'estant mis en la presence de Dieu sans praeparation et sans
dessein, je me treuvasse extremement bien aupres de sa Majesté,
avec une seule tres simple et continuelle affection d'un amour presque
imperceptible mais tres doux, si est ce que je n'osay jamais demarcher
du grand chemin pour reduire cela en un ordinaire. Je ne sçai, j'ayme
le train des saints devanciers et des simples. Je ne dis pas que quand
on a fait sa prparation, et qu'en l'orayson on est attiré a cette
sorte d'orayson, il ny faille aller ; mais prendre pour methode de ne se
point praeparer, cela m'est un peu dur, comm'encor de sortir tout a fait
de devant Dieu sans action de grace, sans offrande, sans priere expresse.
Tout cela peut estre utilement fait, mais que cela soit une regle, je confesse
que j'ay un peu de repugnance. Neanmoins (je parle simplement devant Nostre
Seigneur, et a vous a qui je ne puis parler que purement et candidement)
je ne pense pas tant sçavoir que je ne sois tres ayse, je dis extremement
tres ayse, de me demettre de mon sentiment et suivre celuy de ceux qui
en doivent par toute rayson plus sçavoir que moy ; je ne dis pas
seulement de cette bonne Mere, mais je dis d'une beaucoup moindre. Apprenes
donq bien tout son sentiment en cela et tous ses fondemens, mais tout bellement
pourtant et sans empressement, et en sorte qu'elle ne cuyde pas que vous
la veuillies examiner. J'honnore cett'ame la de tout mon cur, et tout
son Monastere.
A Dieu, ma chere Fille, jusques a se revoir bien tost, moyennant Jesus,
qui vive et regne a jamais en nos espris. Amen.
XI mars 1610
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
DLXXXII
A MADAME DE DÉRÉE
Tout fait espérer que l'âme de Mme de Boisy a été
reçue " en la main dextre de son Dieu. "
Annecy, 16 mars 1610.
Madame ma tres chere Cousine,
J'aurois tort d'avoir .tant attendu a vous rendre les actions de graces
que je vous dois, pour la souvenance que vous aves a moy tesmoignee par
le petit poulet que mon frere m'apporta, si je n'avois esté distrait
par le trespas de ma pauvre bonne mere, qui m'obligea d'estre a Sales quelque
tems, pour rendre cette derniere assistance a cette chere personne. Mon
excuse est fascheuse, je m'asseure, a vostre cur qui, de sa grace, aymoit
fort cette amie defuncte, laquelle, de son costé, vous honnoroit
d'une affection toute dediee a vostre service. Mais, ma chere Cousine,
vous seres toute consolee quand vous sçaures qu'elle nous a laissé
toutes sortes d'argumens d'esperer que son ame est receue en la main dextre
de son Dieu, qui est enfin l'unique bonheur auquel nous aspirions en toute
[occurrence ]de cette basse et miserable vie mortelle.
Or, il faut bien, ma chere Cousine, que vous m'aymies un peu plus maintenant,
pour reparer le manquement que j'auray en terre de l'amour que cette mere
me portoit. Faites-le, je vous supplie, chere Cousine, et soyés
bien devote, tandis que je m'attens de vous revoir bien tost icy, selon
l'asseurance que vous en donnastes a mon frere, et tous-jours et par tout
je seray,
Madame ma Cousine,
Vostre humble et plus affectionné cousin et serviteur,
FRANÇ', E. de Geneve.
Oserois-je bien demander par vostre entremise, ma chere Cousine, le
pardon requis a la faute que je fay de ne point escrire a monsieur le Baron
mon cousin ? Certes, c'est que je suis fort pressé d'escrire. Mais
je ne finiray jamais d'estre son serviteur bien humble.
.
DLXXXIII
A LA BARONNE DE CHANTAL
(FRAGMENT)
Souhaits de bienvenue. - Les postulantes de Dijon. Engagement avec
un imprimeur.
Annecy, vers le 25 mars 1610 .
de nostre bonne mere . Je voy que nous sommes a la veille de vostre
arrivee : qu'heureuse puisse-elle estre! C'est pourquoy je n'adjouste rien.
Si ces bonnes dames vefves vous parlent, dites leur qu'ayant esté
icy, vous les advertires de tout, bien particulierement ; car il ne les
faut esmouvoir qu'extremement bien a propos, et apres un peu d'ageancement
de nostre dessein, pour lequel je viens de bien prier nostre chere Dame
et son saint Joseph.
Pour le premier livre que je produiray, je suis tant engagé
vers Rigaud , que je ne sçai si je le pourray donner a Dijon ; car
j'ay des-ja fort lié ma liberté par ma promesse. .
Or bien, venés, chere Fille, venés es montaignes (Ct
2,10 ; Lc 1,39). Dieu vous y face voir l'Espoux sacré qui tressaille
es mons et outrepasse les collines, qui regarde par les fenestres et a
travers la treille (Ct 2,8), les ames qu'il ayme . Ah, que cela fut bien
chanté hier en nostre eglise et dans mon cur !
Dieu soit a jamais nostre tout. Je suis en luy uniquement
DLXXXIV
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Ne pas donner créance aux vains présages. - Satan abuse
des âmes crédules ; comment se garder de ses pièges.
- Avis variés pour les uvres de sanctification. - Moyen de soulager
le prochain et de louer la Vierge Marie.
Annecy, 27 mars 1610.
Ma tres chere Fille,
Voyci comme je respons. Il n'y eut nulle offence en tout ce qui se
passa touchant les presages du peril de monsieur vostre filz ; bien qu'il
ne faille pas attendrir son esprit a donner creance a ces preoccupations,
mais aller doucement remettant tout ce qui nous touche entre les mains
de la divine Providence. Et mesme, quand quelque violent presage nous arrive,
tel qu'estoit celuy duquel vous m'escrives, il faut renoncer aux apprehensions
qui nous en reviennent, tant qu'il nous est possible, de peur que nostre
ennemy nous treuvant faciles a croire telz ressentimens, n'abuse de nostre
facilité. Mais la verité est que jamais il n'abusera de chose
quelconque en vostre endroit, tandis que, comme vous faites, vous tiendres
vostre cur naifvement et humblement ouvert a vostre guide.
Il faut bien tous-jours faire pour toutes occurrences comme vous faites
pour le proces perdu; c'est a dire, il faut tous-jours bien s'accommoder
a doucement supporter ces rencontres.
Faites comme le Pere François vous a dit touchant le jeusne,
et faites hardiment un peu bonne collation.
Pour l'orayson, vous faites bien de vous laisser aller a la mentale,
quand Nostre Seigneur vous y semond lhors que vous dites les vocales.
Dites donq ce reste de Caresme, cinq Pater Noster et cinq Ave les genoux
nudz et les mains nuës, par obeissance et pour vous conformer a Celui
qui va nud sur la croix pour nous, c'est a dire duquel nous allons rememorer
la mort.
Il est mieux de choisir quelque pauvre prestre et luy faire dire une
Messe le samedy, que de donner tous les jours un liard : ainsy vous soulageres
le prochain et louëres la Vierge Marie par une plus excellente action.
Que s'il ne se treuve point de prestre qui ayt besoin de cette assistance,
je pense que Sainte Claire en pourra estre aydee. Il est vray qu'en cas
qu'il y eust d'autres pauvres en necessité, il le leur faudroit
appliquer, parce qu'alhors le soulagement du prochain est commandé
en ce que l'on peut bonnement.
Bon soir, ma tres chere Fille, demeurés toute en Nostre
Seigneur. Je suis en luy tout vostre.
FRANçs, E. de Geneve.
Le 21 mars 1610.
DLXXXV
A UNE DAME INCONNUE
Parmi les délais imposés à nos désirs,
il faut garder la sainte patience.
Annecy, 29 mars 1610.
Madame,
Je suis extremement desplaysant du retardement que je voy pour l'arrivee
du depesche que ce porteur .et vous attendes, et s'il estoit en mon pouvoir,
vous auries une prompte satisfaction pour ce regard. Or, esperant que la
chose ne peut pas aller beaucoup plus au long, je vous exhorte de vous
consoler et conserver la sainte patience, en vivant tous-jours en la crainte
de Nostre Seigneur, que je prie vous donner les graces de son Saint Esprit,
et suis
Vostre humble serviteur en Nostre Seigneur,
FRANçs, E. de Geneve.
29 mars 1610.
DLXXXVI
AU CARDINAL ANTOINE-MARIE GALLO
(INEDIT) (en Italien)
Le Saint s'excuse de ne pouvoir obliger le protégé d'un
Cardinal.
Annecy, 30 mars 1610.
Illustrissime, Révérendissime et très honoré
Seigneur,
Je voudrais pouvoir obliger efficacement le Révérend
Bresa, puisque Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime
me le commande ; or, sa cause n'a pas été jugée par
mon Vicaire , mais par le Sénat séculier, lequel, selon l'usage
de ces pays, connaît du possessoire. D'autre part, quoique les provisions
du Saint-Siège doivent être respectées de tous, Sa
Sainteté n'entend pas, cependant, porter préjudice à
l'alternative des Evêques , à moins qu'elle ne le déclare
expressément; ceux-là donc qui demandent les bénéfices,
ont tort de prétendre enlever, par des provisions Apostoliques le
droit des Ordinaires. Et de fait, il ne m'appartient pas de priver le compétiteur
de M. Bresa du canonicat dont il est possesseur ; aussi, je crois que Votre
Seigneurie lllustrissime et Révérendissime n'aura pas de
peine à m'excuser:
Je vous baise très humblement les mains, en vous souhaitant
du Seigneur toute vraie prospérité. De Votre Seigneurie Illustrissime
et Révérendissime,
Le tres dévoué serviteur,
FRANÇOIS, Evêque
de Genève.
Annecy, le 30 mars 1610.
A l'Illustrissime, Révérendissime et très
honoré Seigneur,
Monseigneur le Cardinal Gallo.
Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Chancellerie des
Evêques et Réguliers
DLXXXVII
AU PÈRE ALEXANDRE CEVA, DE L'ORDRE, DES CAMALDULES
(En italien)
Détresse d'un gentilhomme genevois. La Congrégation des
convertis. - Charité de François de Sales.
Annecy, 31 mars 1610
Très Révérend et très honoré
Père dans le Christ,
Ce gentilhomme genevois, Alexandre de Montcroissant, a perdu
tout ce qu'il possédait, pour s'être converti à la
sainte foi catholique . Il est demeuré assez longtemps ici, où
il s'était réfugié. Mais ne trouvant aucun moyen d'assurer
son existence en ces pauvres vallées, voici qu'il s'en va à
Rome avec le peu de secours que j'ai pu lui donner. Je crois qu'il y sera
accueilli par la sacrée Congrégation des convertis , car
ses murs et ses manières sont très honorables, et même
il s'est rendu assez remarquable dans les. belles-lettres et les sciences
mathématiques.
Mais ayant encore à secourir plusieurs autres convertis, je
n'ai pu lui donner à son départ que dix ducatons. Aussi,
Votre Révérende Paternité ferait-elle chose très
agréable à Dieu notre Seigneur, si elle obtenait pour lui
de Son Altesse Sérénissime, quelque sorte d'assistance à
titre d'aumône , Par ce moyen, il pourrait achever son voyage. Je
supplie donc Votre Paternité de lui faire cette charité ;
il n'en saurait être une plus grande aux yeux de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
que je prie de vous accorder toute sainte consolation et prospérité.
Je suis, de Votre très Révérende paternité,
Le très affectionné serviteur dans le Christ,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
Annecy, le 31 mars 1610
Au Vénéré Père D. Alexandre Ceva,
Fondateur du sacré Ermitage de Turin.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée
à la Visitation d'Annecy.
DLXXXVII bis (Lettre MMXXV du volume XXI reclassée) (1)
A UN CARDINAL
(MINUTE INEDITE - EN ITALIEN)
Mérite singulier et pauvreté extrême du Chapitre
de Saint-Pierre de Genève. - Instante prière au destinataire
de favoriser auprès du Pape l'union de deux bénéfices
à la mense capitulaire.
Annecy, 12-16 avril (3) 1610.
Illustrissime, Révérendissime et très
vénéré Seigneur,
On ne saurait dire ce qui l'emporte dans cette Eglise de Genève,
ou de la pauvreté ou du mérite de ses Chanoines. Ceux-ci,
pour la plupart, sont docteurs et excellents prédicateurs, et ont
en effet, avec beaucoup de travaux, employé leurs talents en cette
vigne, pour le bien des âmes et la conversion des hérétiques
(4).
Quant à la pauvreté, elle est telle, qu'entre les distributions
et les prébendes, ils n'ont pas de quoi vivre convenablement trois
mois de l'année ; car les Genevois les ont d'abord dépouillés
de la plus grande partie de leurs biens, et ensuite, les guerres qui se
sont succédé ont presque épuisé le reste. Aussi,
voyant qu'une occasion s'offre à eux d'être aidés quelque
peu par l'union du prieuré de Saint-Paul et de l'église paroissiale
d'Arthaz (5), ils recourent à la providence et clémence de
notre Saint-Père, afin qu'il daigne leur accorder cette faveur complètement,
d'autant que la même pauvreté qui les presse ne leur permet
pas de l'obtenir par de l'argent.
Bien que je n'aie part aucune dans la mense capitulaire, touché
de pitié pour une Eglise si pauvre et d'un amour sincère
pour une compagnie si honorable et méritante, je viens avec mes
Chanoines supplier Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,
par les entrailles du Christ, de vouloir bien employer sa charité
et sa magnanimité en cette occasion, en intercédant pour
eux de telle sorte qu'ils reçoivent ce bienfait de sa libéralité.
Vous pouvez facilement le faire ; aussi espérons-nous que votre
bonté le fera certainement.
En vous présentant nos très humbles hommages, nous
prions Dieu notre Seigneur de vous accorder tout vrai contentement.
A Annecy, le x
avril 1610.
Revu sur l'Autographe conservé à Forli (Italie), au Monastère
du Corpus Domini.
(1)Lettre découverte tardivement et reclassée à
la date voulue
(2)Le titre de colendissimo indique un cardinal pour destinataire ;
celui-ci ne serait-il pas le neveu du Pape Paul V, Scipion Caffarelli-Borghese,
que nous voyons très souvent à cette époque correspondre
avec le Nonce de Savoie pour les affaires du diocèse de Genève
? (L6, note 342)
(3) Le quantième, très oblitéré sur l'Autographe,
reste douteux. Le premier chiffre est X et le dernier 1 ; d'après
la place, on peut hésiter entre XII, XIII ou XVI.
(4) L2, lettre 133
((5) S'agit-il du prieure bénédictin de Saint-Paul en
Chablais (L10, p.84), ou bien d'un prieuré du même nom, mais
de l'Ordre de Saint-Augustin, situé dans le canton et archiprêtré
d'Yenne (décanat de Chambéry) ? Il est d'autant plus difficile
de le dire que le projet d'union n'eut pas de suite. Ce ne fut qu'après
la mort de saint François de Sales, le 23 avril 1624, que la cure
d'Arthaz, alors dans le " doyenné " de Sallanches et aujourd'hui
dans l'arrondissement de Saint-Julien, fut cédée au Chapitre
de la Cathédrale avec tous ses droits, dîmes et bénéfices,
à condition que les chanoines la feraient desservir par un vicaire
capable et amovible. (R. E. et Mém. de l'Acad. Salés., 1881,
tome III, p. 235.)
DLXXXVIII
A LA PRÉSIDENTE BRULART
Par plusieurs voies on va au Ciel, si l'on a pour guide la crainte
de Dieu. -Contre l'amour-propre, il faut faire bon guet. - C'est tenter
Dieu de confier l'âme d'une jeune fille à un jeune homme de
mauvais naturel, avec l'espoir qu'il s'amendera. - Consultation particulière
sur les divertissements pour Mlle Brûlart..- Comment porter à
la vertu une enfant vigoureuse et de naturel un peu ardent. - Un magistrat
chrétien au XVIIe siècle. - Un bien grand voyage pour des
femmes. - Le plus grand appui pour s'avancer dans la piété.
- Les aumônes fructifient comme le froment jeté en terre.
Sales, vers le 20 avril 1610 .
Ce m'a esté un extreme contentement d'apprendre un peu plus
amplement que de coustume de vos nouvelles, ma tres chere Seur, ma Fille,
bien que je n'aye pas encor tant eu de loysir pour parler avec madame de
Chantal que j'aye peu m'enquerir si particulierement, comme je desirois,
de toutes vos affaires, desquelles je pense que vous aures communiqué
avec elle comme avec une parfaitte amie. Or, pour le moins m'a-elle dit
que vous chemines fidellement en la crainte de Nostre Seigneur, qui est
le grand mot de ma consolation, puisque mon ame desire tant de bien a la
vostre tres chere.
Au reste, pour respondre briefvement a la vostre, N... fit tres bien
d'entrer aux Carmelines , car il y avoit apparence que Dieu en seroit glorifié.
Mais puisqu'elle en sort par ordre des Superieures, elle doit estimer que
Dieu, se contentant de son essay, veut qu'elle le serve ailleurs ; si bien
qu'elle fera mal, si, apres les premiers ressentimens de sa sortie, elle
n'appaise son esprit et ne prend ferme resolution de vivre toute en Dieu,
en quelqu'autre condition ; car par plusieurs voyes on va au Ciel. Pourveu
qu'on ayt la crainte de Dieu pour guide, il importe peu quelle l'on tienne,
bien qu'en elles mesmes, les unes soyent plus desirables que les autres
a ceux qui ont la liberté de choysir.
Mais quant a vous, ma chere Fille, dequoy vous mettes vous en peyne
pour ce regard Vous aves fait charité de procurer une si sainte
retraitte a cette pauvre fille ; s'il ne plait pas a Dieu qu'elle y persevere,
vous n'en pouves mais. Il faut acquiescer a cette Providence souveraine,
laquelle n'est pas obligee de suivre nos eslections et persuasions, mais
son infinie sagesse. Si N.. est sage et humble, Dieu luy treuvera bien
une place en laquelle elle pourra bien servir sa divine Majesté,
ou par consolations ou par tribulations. Cependant, les bonnes Meres Carmelines
font bien d'observer exactement leurs Constitutions et rejetter les espritz.qui
ne sont pas propres pour leur maniere de vivre.
Ma chere Fille, ce petit esbranslement de cur que vous aves en cette
occasion, vous doit servir d'advertissement que l'amour propre est grand
et gros dedans vostre cur, et qu'il faut faire bon guet, de peur qu'il
ne s'en rende le maistre. Ah ! Dieu, par sa bonté, ne le veuille
jamais permettre, ains face regner sans .fin en nous, sur nous et contre
nous et pour nous son tres saint amour celeste.
Touchant le mariage de cette chere fille que j'ayme bien fort , je
ne puis bonnement vous donner conseil, ne sachant de quelle nature est
ce chevalier qui la recherche. Car, ce que monsieur vostre mary dit est
veritable, qu'il pourroit, a l'adventure, changer toutes ces mauvaises
humeurs que vous me marqués ; mais cela s'entend s'il est de bon
naturel et que ce ne soit que la jeunesse ou la mauvaise compaignie qui
le gaste. Mais, si c'est un esprit de nature mal qualifié, comme
il ne s'en void que trop, certes, c'est tenter Dieu de .hazarder une fille
en ses mains, sous l'incertaine et douteuse presomption d'amendement, et
sur tout si la fille est jeune et qui ayt besoin de conduitte elle mesme
; auquel cas, ne pouvant rien contribuer a l'amendement du jeune homme,
ains estant plusto'st a craindre que l'un ne serve de sujet de perte a
l'autre, qu'y a-il en tout cela qu'un evident danger ? Or, monsieur vostre
mary est grandement sage, et m'asseure qu'il fera toute bonne consideration,
a quoy vous le servirés ; et moy je prieray, selon vostre desir,
qu'il playse a Dieu de bien addresser cette chere fille, affin qu'elle
vive et viellisse en sa crainte.
De mener au bal cette fille fort souvent ou rarement, puisque c'est
avec vous qu'elle ira, il importe peu; vostre prudence doit juger de cela
a l'il et selon les occurrences. Mais la voulant dedier au mariage, et
elle ayant cette inclination, il n'y a pas du mal de l'y conduire tant
souvent que ce soit asses, et non pas trop. Si je ne me trompe, cette fille
est vive, vigoureuse et de naturel un peu ardent : or, maintenant que son
entendement commence a se desployer, il faut y fourrer doucement et suavement
les premices et premieres semences de la vraye gloire et vertu, non pas
en la tançant de paroles aigres, mais en ne cessant point de l'advertir
avec des paroles sages et amiables a tous propos, et les luy faisant redire,
et luy procurant des bonnes amitiés de filles bien nees et sages;
Madame de [Chantal] m'a dit que, pour vostre exterieur et la bienseance
de vostre mayson, vous marchies fort sagement; et tant elle que mon frere
de Thorens m'ont dit une chose qui m'a rempli d'ayse : c'est que monsieur
vostre mary acqueroit de plus en plus grande bonne reputation d'estre bon
justicier, ferme, equitable, laborieux au devoir de sa charge, et qui en
tout vivoit et se comportoit en grand homme de bien et bon Chrestien. Je
vous prometz, ma chere Fille, que j'ay tressailli de joye a ce recit, car
voyla une grande et belle benediction. Entr'autres choses, ilz m'ont dit
que tous-jours il commençoit sa journee par l'assistance de la sainte
Messe, et qu'es occasions il tesmoigne un zele solide et digne de sa qualité,
a la sainte religion catholique. Dieu soit tous-jours a sa dextre, affin
qu'il ne change jamais (Ps 15,8) que de mieux en mieux. Vous estes donq
bien heureuse, ma chere Fille, d'avoir chez vous les benedictions temporelles
et spirituelles. .
Le voyage de Lorette est un grand voyage pour des femmes : je vous
conseille de le faire souvent en esprit, joignant par intention vos prieres
a cette grande multitude de personnes devotes qui y vont honnorer la Mere
de Dieu, comme. au lieu ou premierement l'honneur incomparable de cette
maternité luy arriva. Mais puisque vous n'aves point de vu qui
vous oblige d'y aller en presence corporelle, je ne vous conseille pas
de l'entreprendre ; ouy bien d'estre de plus en plus zelee a la devotion
de cette sainte Dame, de laquelle l'intercession est si forte et favorable,
aux ames, que pour moy, je l'estime le plus grand appuy que nous puissions
avoir envers Dieu pour nostre advancement en la vraye pieté ; et
puis parler de cela, pour en sçavoir plusieurs particularités
remarquables. Qu'a jamais le nom de cette tres sainte Vierge soit beni
et exalté ! Amen.
Pour vos aumosnes, ma chere Fille, faites-les tousjours un peu bien
largement et a bonne mesure, neanmoins avec la discretion qu'autrefois
je vous ay dit ou escrit (lettre 558) ; car si ce que vous jettes dans
le sein de la terre vous est rendu avec usure par sa fertilité,
sçachés que ce que vous jetteres dans le sein de Dieu vous
sera infiniment plus fructueux, ou d'une façon ou d'une autre ;
c'est a dire, Dieu vous en recompensera en ce monde, ou en vous donnant
plus de richesses, ou plus de santé, ou plus de contentement
..
DLXXXIX
A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-D'ORBE
Une heureuse rencontre. - A quelles conditions la faiblesse n'est pas
un grand mal. - Ce que Notre-Seigneur ne requiert pas de nous. - Comment
se mettre " sur le solide. "- Le moyen de n'avoir rien à craindre.-
Combien de bons médecins maladifs et d'habiles peintres bien laids.
- Un " pauvre chetif pere" et la seule chose qui pouvait le contrister
- Plutôt mourir que de démordre. - Les Supérieures
et l'observance.
Sales, 29 avril 1610 .
Or sus, ma chere Seur, ,ma Fille, je m'en vay vous escrire tant que
je pourray sur le sujet de vostre lettre, qui m'a esté rendue par
la seur que vous aymés tant et qui vous cherit reciproquement de
tout son cur (la baronne de Chantal).
Il est vray, nous l'avons en fin cette chere seur, mais ce n'est pas
moy pourtant qui vous l'ay ostee ; c'est Dieu qui nous l'a donnee, ainsy
que, Dieu aydant, la suite le tesmoignera. Je ne doute nullement que cette
petite conversation que vous eustes ensemble a Bourbilly (lettre 581) ne
vous fust bien douce, car c'est une heureuse rencontre que de deux espritz
qui ne s'ayment que pour mieux aymer Dieu ; mais il ne se pouvoit pas faire
que cette sensible presence durast long tems, puisque nostre commun Maistre
vous demandoit l'une la, l'autre icy, pour son service. Nous ne laissons
pourtant pas d'estre tous-jours jointz et unis, nous entretenans les uns
aux autres par la commune pretention et entreprise que nous avons.
Je suis bien ayse dequoy vous manques peu aux exercices que je vous
ay marqués, car cela monstre que les fautes que vous y faites ne
proviennent pas d'infidelité, mais de foiblesse ; et la foiblesse
n'est pas un grand mal, pourveu qu'un fidele courage la redresse petit
a petit, ainsy que je vous conjure de faire, ma chere Fille, pour la vostre,
sans vous affliger nullement de ce que vous n'aves ni sentiment ni goust
ordinairement en tous vos exercices, car Nostre Seigneur ne requiert pas
cela de nous : aussi ne depend-il pas de nous de l'avoir ou de ne l'avoir
pas. C'est pourquoy il nous faut mettre sur le solide, et considerer si
nostre volonté est bien affranchie de toutes mauvaises affections,
comme seroit dureté de cur envers le prochain, impatience, mespris
d'autruy, amitiés trop ardentes envers les creatures et semblables
choses. Que si nous n'avons point de reserve d'estre tout a Dieu, si nous
avons le courage de plustost mourir que de l'offenser, et moyennant que
telles soyent les resolutions de nos curs et que nous les sentions tousjours
plus fortes en nous, il n'y a rien a craindre, ni a prendre de la peyne
pour n'en sentir pas les goustz et les sentimens. Or, voyci une bonne preuve
de la fortification de ces cheres resolutions, que par la grace de Dieu
vous aves perseveré a conserver ce que je vous dis en confession
, ainsy que vous m'asseures ; car cela vaut mieux que cent mille goustz
spirituelz. Faites donq tousjours ainsy.
Je diray la Messe que vous me demandes, bien que jamais je n'en die
point qui ne soit tres expressement vostre ; mais je n'ay peu me remettre
en memoire le sujet que vous dites que je sçai ; aussi n'en est-il
pas besoin.
Si madame Thenissey (Lettres 3,note15) persevere a ne vouloir pas se
ranger, vous n'aures point de part a sa coulpe ; cependant je me res-jouis
dequoy le reste de nos articles s'observent. Et pour la particuliere qui
ne veut pas s'accommoder a la Communauté, il faut user de support
et de benignité envers elle, et Dieu la reduira au train des autres
(lettre 522).
Hé bien, ma chere Fille, la multitude des difficultés
vous fit peur et vous eustes des pensees de tout quitter ; cependant vous
aves veu que tout est fait. Il en sera de mesme en tout le reste : la perseverance
vaincra tout.
Pour les pensions, elles sont bien entre vos mains, puis que nul autre
ne s'en veut charger ; mais vous pourres bien faire tenir conte d'icelles
a une des filles. Vous m'aves bien fait rire quand vous m'aves escrit que
vous eussies remis les dites pensions a chacune desdites Religieuses la
sienne, si vous n'eussies eu peur que je ne me faschasse a vous. Da, ma
chere Fille, quand m'aves vous veu fascher a vous ? Je suis pourtant bien
ayse que l'on craigne un peu de desplaire au pauvre chetif pere ; car vrayement
vous ne me desplaires jamais, ma chere Fille, que quand vous desplaires
a Nostre Seigneur et que vous vous esloigneres de son pur et saint amour.
Il faut vrayement aller au Chapitre, malgré toute la repugnance
que vous y aves ; et, apres la lecture de la Regle, il faut dire quelque
chose, quand ce ne serait que : " Dieu nous face la grace de bien observer
ce qui a esté leu. "
En la Feste Dieu, je ne voy nul inconvenient que l'on face le tour
du cloistre ; car cela ne tire point a consequence, a cause de la grandeur
de la solemnité.
Helas ! ma Fille, si personne ne servait aux ames que ceux qui n'ont
point de difficultés es exercices et qui sont parfaitz, vous n'auriés
point de pere en moy ; et il ne faut pas laisser de soulager les autres,
encor que l'on soit soy mesme en perplexités. Combien y a-il de
bons medecins qui ne sont gueres sains? et combien se fait-il de belles
peintures par des peintres bien laidz ? Quand donq vos filles viennent
a vous, dites leur tout bellement en charité ce que Dieu vous inspirera,
et ne les renvoyés point vuides d'aupres de vous.
Vous faites bien de faire venir ainsi des Peres Minimes de tems en
tems, car cela eslargira le cur aux filles et soulagera leurs ames (lettre
522). Je suis marry avec vous du desgoust qu'elles ont de vostre chapelain
ordinaire ; mais l'entremise des Minimes peut suppleer a tout cela, puisque,
comme vous dites, il est certes malaysé de treuver des prestres
bien conditionnés et que celuy-ci est asses capable. En fin, ma
tres chere Seur, ma Fille tres chere, il faut reprendre nostre premier
courage et plustost mourir que de demordre,
Tenés-vous le plus que vous pourrés aupres de vos filles,
car vos absences ne leur peuvent donner que des sujetz de murmurer ; et
rien ne leur peut tant adoucir leur sujettion que la vostre, rien ne les
peut tant retenir dans l'enclos de l'observance que de vous y voir avec
elles : et c'est en cela qu'il faut se crucifier pour Celuy qui a esté
crucifié pour nous. Que vous seres heureuse si vous aymes bien vostre
petit troupeau ! car apres l'amour de Dieu, celuy-la tient le premier rang,
Je vous escriray tous-jours quand je pourray et tant que je pourray,
et, sans varier, je persevereray a jamais en l'affection que je vous ay
une fois de si bon cur dediee. Demeurés ferme en cette creance,
car elle est, Dieu aydant, infallible. Non, ni la mort, ni les choses presentes,
ni celles qui sont a venir, ne me separeront jamais de cette dilection
que je vous porte en Jesus Nostre Seigneur (Rm 8,38), auquel soit honneur
et gloire (Rm 16,27).
Je suis
Vostre tres affectionné, tres asseuré et tres fidelle,
FRANçs DE SALES.
A Sales, le 20 avril....
Mais voyés-vous ,ma tres chere Fille, ce que je vous dis, je
vous le recommande bien estroittement, car la seur m'a dit que vous voulés
que je parle ainsy,
Ma chere Seur, asseurés toutes vos bonnes et bienaymees Seurs
et filles que je les honnore et cheris tres intimement, et specialement
Madame vostre tres chere seur , marry de ne leur pouvoir escrire maintenant.
Et pour vous humilier encor un peu, salués de ma part monsieur Lafon
et ces bonnes filles qui servent Dieu en la personne de ses servantes ;
car tout cela m'est cher.
DXC
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
" Il est dangereux de marcher au chemin des proces. " - Par quelles
pratiques les âmes chrétiennes témoignent-elles de
la fidélité à Notre-Seigneur.
Annecy, 21 avril 1610 .
Il y a long tems, ma tres chere Fille, que j'ay la lettre ci jointe
pour vous, mays je n'ay treuvé les commodités de l'envoyer.
Celle qui vous l'envoye me la donna avec des grans signes de sincere affection
en vostre endroit . Je ne desirerois pas que vous fissies aucun vu, ains
seulement quelques devotions particulieres destinees a cette particuliere
intention .
Tenes vous bien debout et gardés de broncher, car il est dangereux
de marcher au chemin des proces . Renouvellés tous les matins la
bonn'intention que vous aves en cette poursuite et pries specialement pour
cela.
O Dieu, ma chere Fille, qu'ell'est heureuse cette chere niece qui s'en
est allee de ce monde avant que d'y avoir souillé ses affections
(Sg 4,14) ! Je prie le Saint Esprit quil donne sa sainte consolation au
pere. Je salue la chere seur, la conversation de laquelle vous recreera
.
Tenes bien vostre ame en vos mains (Ps 118,109) ; voyla que vous alles
en une bonn'occasion de tesmoigner de la fidelité a Nostre Seigneur
en la vraye prattique de la douceur, debonnaireté, humilité,
resignation et charité.
Je suis plus vostre que vous ne sçaures croire. Vive Jesus
! Amen.
XXI avril.
A Madame
Madame de la Flechere.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée
à Turin, Archives de l'Etat.
DXCI
A LA BARONNE DE CUSY
Derniers préparatifs dans le " petit bastiment " destiné
aux premières recrues de la Visitation. - Le Saint compte les y
introduire à la Pentecôte. - Quel sera le costume la première
année. - Réponse à des objections que présentait
la destinataire. -Un petit Isaac.
Annecy, 23 avril 1610.
Madame,
Je vous remercie de la commodité que vous m'aves donnee
de vous escrire par ce porteur sur le sujet que vous desires. Il y a encor
quelqu'accommodement a faire dans nostre petit nouveau bastiment ; mais
ce n'est pourtant pas chose qui puisse retarder le commencement de nostre
dessein, lequel je propose devoir estre a ces prochaines festes de Pentecoste,
Dieu aydant.
Vous treuverés des-ja icy bonne compaignie , qui n'attend que
le jour heureux auquel elle se consacrera pour une bonne fois a l'unique
object de leur cur. Je suis donq d'advis que vous vous disposies a venir
pour ce tems-lâ, et cependant nous irons, de deça, ordonnant
les choses en sorte que vous treuvies en ce nouveau genre de vie la douceur
et consolation que vous sçauries desirer .
Pour cette premiere annee, nous vous laisserons en habit noir, avec
le voyle de toyles noyres deliees et avec le plus de simplicité
quil se pourra. Mais pour ce particulier, il suffira d'y prouvoir quand
vous seres arrivee, affin que tout soit conforme.
Ne vous mettes nullement en peyne de tout ce que le monde dit, car
il est ennemi de la gloire de Dieu et du bien des ames ; et le Pape ne
veut voyrement pas qu'on fonde des nouvelles Religions sans congé,
et a rayson, mais il n'empesche pas, ains a aggreable que l'on face ce
que nous ferons, Dieu aydant .
Je me res-jouis avec vous de la constance avec laquelle vous aves consacré
et sacrifié vostre petit Isaac , et prie Nostre Seigneur quil vous
comble des benedictions quil donna au bon Abraham pour un semblable sacrifice
(Gn 22,1). Je suis,
Madame,
Vostre serviteur tresaffectionné et
bien humble,
FRANÇs, E. de Geneve.
XXIII avril 1610
A Madame
Madame la Baronne de Cusy.
Revu sur l'Autographe conservé à Troyes, à l'Aumônerie
des Dames des SS. Curs, dites de Picpus.
DXCII
A LA BARONNE DE CHANTAL
L'Institut de la Visitation, " havre de grace et de consolation. "
- Méditation sur l'Evangile: Je suis la vigne. - Notre-Seigneur
Jésus-Christ, le tout de François de Sales.
Annecy, 24 avril 1610 .
Il faut bien prendre courage, ma chere Fille, et se tenir en santé,
puisque nous voyci a la veille de nostre embarquement pour aller au havre
de grace et de consolation.
J'ay bien pensé je ne sçai quoy de bon ce matin sur l'Evangile
courant (Jn 15,5), en ces paroles : Qui demeure en moy et moy en luy, il
porte beaucoup de fruit ; car sans moy, vous ne pouvés rien faire.
Il m'est bien advis que nous ne demeurerons plus en nous mesmes, et que,
de cur, d'intention et de confiance, nous nous logerons pour jamais dans
le costé percé du Sauveur ; car sans luy, non seulement nous
ne pouvons, mais quand nous pourrions, nous ne voudrions rien faire.
Tout " en luy, " tout " par luy, " tout " avec luy, " tout pour luy,
tout luy.
FRANçs, E. de Geneve.
Le 24 avril 1610
DXCIII
A M. JACQUES DE BAY
Jacques de Bay et son zèle pour la formation chrétienne
des jeunes Savoyards. - Recommandation en faveur de Jean-Antoine Rolland
et de Bernardin du Nant. - Le Saint offre au destinataire deux de ses ouvrages
; son humilité.
Annecy, 26 avril 1610.
Monsieur,
J'ay receu a beaucoup d'honneur la salutation que le sieur Ramus m'a
faitte de vostre part, m'estimant fort heureux de vivre en vostre amitié,
comm'en eschange je vous supplie de croire que je vous respecte et revere
de tout mon cur, me sentant extremement redevable a la constante inclination
que vous avés au bien de cette mienne evesché, pour laquelle
vous vous estes tous-jours affectionné a eslever les jeunes gens
qui vous sont envoyés d'icy a toutes sortes de solide vertu, et
sur tout au zele de la sainte foy catholique.
Or, en voyla encor quelques uns qui se vont rendre sous vos aisles
pour ce mesme sujet, lesquelz je suis obligé de vous recommander
tous generalement, puis que tous ilz sont mes tres chers enfans en Nostre
Seigneur. Mais il y en a deux pourtant que je doys preferer en ce mien
desir, dont le premier est Jean Anthoyne Rolland , duquel la mere est de
la mesme mayson de feu-monsieur le fondateur du College et ma proche parente,
laquelle ayant plusieurs enfans, a destiné celluy ci a l'estude,
comme celuy qui a plus d'apparence de bon esprit; qui me fait vous supplier
de le prendre particulierement en protection. Et si mesme, pour quelque
sienne necessité, es occasions qui se peuvent presenter, il avoit
besoin de secours pecuniaire et a ma consideration il vous playsoit l'assister,
je ne manquerois nullement au remboursement, bien que sa mere et ses freres
ayent une fort bonn'intention de ne point luy defaillir en ce qui sera
requis.
L'autre est Bernardin du Nant , filz d'un fort honneste pere, et qui
a longuement et fidellement servi feu Monsieur le Reverendissime mon praedecesseur,
et duquel, pour cela, je doys affectionner le bien ; dautant plus que sa
pauvreté et toutes les autres conditions pour lesquelles il a esté
nommé, le rendent fort recommandable. J'intercede donq pour ces
deux la plus particulierement et implore pour eux vostre bonté et
charité, laquelle je me prometz me devoir estre autant favorable
comme je suis plein de desir de vous honnorer et servir.
Au demeurant, Monsieur, je vous envoye et presente deux petites pieces
de mes besoignes, de different stile et de divers sujet . La premiere fut
faitte, il y a plusieurs annees, avant que je fusse Evesque, et ce, pour
l'occasion declairee en la Preface (Défense Estendart), lhors que
l'uvre de Jaques Gretserus n'estoit encor point parvenüe jusques
icy.
La seconde est plus nouvelle, de l'edition delaquelle la Preface aussi
rend fidellement la rayson. On l'a réimprimé six foys en
deux ans et en divers endroitz, mais je n'ay encor peu avoir que des editions
de Lyon, qui est en nostre voysinage ; non plus que de la traduction que
quelques Peres Jesuites en ont fait faire en Italie. L'un'et l'autre sont
pleynes de grandes fautes en l'impression et de grands defautz en la composition,
car un tel ouvrier que je suis, distrait et embarassé de tant d'affaires,
ne sçauroit produire chose que fort imparfaitte ; mais il m'a fallu
ceder a la volonté et authorité des amis. Et ce pendant,
je me confie en vostre douceur que vous aggreeres l'offrande que je vous
en fay, en contemplation de la sincerité du cur qui vous l'offre.
Dieu multiplie vos annees et, en icelles, la grace et consolation de
son Saint Esprit sur vostre personne, a laquelle je suis fort affectionnement,
Monsieur,
Bien humble confrere et fidelle serviteur
en Nostre Seigneur
FRANçs, E. de Geneve.
XXVI avril 1610, a Annessi.
A Monsieur
Monsieur de Baye.
Doyen de St Pierre de Louvain
et President .du College de Savoye.
Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque
des PP. Bollandistes.
DXCIV
A LA BARONNE DE CUSY
Une postulante que le monde dispute à la vie religieuse. - Qu'elle
sonde son cur avant d'embrasser Jésus-Christ crucifié; ce
dessein demande une âme vaillante et généreuse. - Encouragements
à prendre un parti décisif. - Le Saint promet de s'employer
avec joie et constance à la "sainte besoigne " de la future Congrégation.
Annecy, 2 mai 1610.
Madame,
A ce passage de M. le Baron vostre mari, j'ay sceu avec combien d'artifices
le monde s'estoit essayé d'esbransler vostre resolution touchant
vostre retraitte (lettre 591), et ay loüé Nostre Seigneur dequoy
vous aves conservé vostre fermeté jusques a present. Neanmoins,
maintenant que nous sommes, ce me semble, a la veille de l'execution d'une
si sainte entreprise , il faut que je vous parle un peu ouvertement, et
que je vous conjure de bien espreuver vostre cur pour reconnoistre si
vous aures asses d'affection, de force et de courage pour embrasser ainsy
absolument Jesus Christ crucifié et donner les derniers adieux a
ce miserable monde. Car voyes vous, Madame, il est requis que vous ayes
une ame vaillante et genereuse pour entrer en ce dessein, affin que vous
resisties aux suggestions que la folle sagesse du monde (1 Co 1,20) vous
fera.
Il est vray que si vous entreprenés cette uvre simplement pour
Dieu et vostre salut, vous y aures tant de consolations que rien ne vous
sçauroit destourner, et la bonne compaignie en laquelle vous seres
ne vous servira pas de peu a vous bien establir ; mais il ne faut pour
cela que vous laissies de bien examiner vostre courage avant que de venir.
Que si vous le treuvés bon et ferme, venés donq hardiment
au nom de Dieu, lequel, s'estant rendu autheur et protecteur de ce projet,
le favorisera de plus en plus de ses benedictions et vous y donnera mille
consolations que le monde ne peut sçavoir. Si, au contraire (ce
que Dieu ne veuille), vous ne vous senties pas asses forte pour entrer
en ce chemin, il seroit bien bon de nous en advertir, affin que les autres
commençassent selon leur inviolable desir, et vous, Madame, pensassies
a prendre quelque autre sorte de vie plus a vostre gré .
Pour moy, j'ay tellement cette sainte besoigne en recommandation, que
je me sentiray bienheureux de pouvoir m'employer a son advancement, et
y serviray constamment, joyeusement et, Dieu aydant, utilement ; mais avec
tant d'affection, que rien ne m'en sçauroit destourner sinon la
seule volonté de Dieu , lequel peut estre, pour mes pechés
ne me treuvera pas digne de faire ce service a sa gloire.
J'espere en luy que vostre esprit accroistra de bien en mieux, et le
suppliant qu'il vous console et prepare, je demeureray,
Madame,
Vostre tres humble serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
D'Annessi, ce 2 may 1610.
Revu sur le texte inséré dans l'Histoire manuscrite de
la Fondation du 1er Monastère de la Visitation d'Annecy.
DXCV
A MADAME DE CHARMOISY
(BILLET INEDIT)
Prière de donner l'hospitalité à une postulante
de la Visitation.
Annecy, [mars-mai 1610 ]
Ma chere Fille,
Praesupposant que cela ne vous incommode pas, je seray bien ayse que
vous logies en vostre logis de la ville Mlle d'Escrilles; et pour les meubles,
ce qui sera requis je le feray prendre ceans, ou mesme je la logerois,
si cela vous estoit beaucoup incommode, parce qu'ell' est icy comm' estrangere.
Je vous donneray simplement le bon jour ce matin.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nantes.
DXCVI
A LA BARONNE DE CHANTAL
Une idée que le Saint trouve à son réveil. - La
fête du Saint-Suaire et les paroles " extatiques " d'Isaïe.
- Espoir joyeux que Dieu plantera et fera fructifier la plante du futur
Institut.
Annecy, 5 mai 1610
Ma chere Fille,
Il faut .bien dire que nostre Congregation me soit a cur, puisque
j'y songe, contre ma coustume, et la treuve comme une idee a mon resveil.
Dieu y veuille mettre sa bonne et puissante main.
O ma Fille, que je fus consolé hier sur le sujet de la mort
et sepulture du Sauveur ! car les paroles d'Isaie, qu'on lisoit a la Messe
pour la feste du Saint Suaire, estoyent extatiques . O Dieu, si ce Sauveur
a tant fait pour nous, que ne ferons-nous pas pour luy ? S'il a exhalé
sa vie pour nous, pourquoy ne reduirons-nous pas toute la nostre a son
service et plus pur amour ? En fin, je m'imagine que Nostre Seigneur plantera
cette plante, l'arrousera de ses benedictions et la fera fructifier en
sanctification.
Certes, l'autre jour, en recommandant ce projet a sa divine Majesté,
je me confondois extremement dequoy elle se servoit pour cela de mon cur
et du vostre, je veux dire de nostre cur ; car, bien que la rayson ne
le veuille pas, si est-ce que je ne sçai separer ce cur en deux,
ni en me res-jouissant, ni en me confondant. Nous serons trop heureux de
rendre ce service a sa Bonté celeste.
. Dieu soit vostre Dieu, ma chere Fille, Dieu soit nostre Dieu ; et
vostre cur, que vous luy aves dressé, soit sa mayson (Gn 28,21)
et son autel, sur lequel nuit et jour il fasse ardre et luire le feu de
son saint amour (Lev 6,12). 0 Dieu, qui nous fera la grace de nous combler
de charité ? Recommandés-moy a vostre Abbesse.
FRANÇs, E. de Geneve.
Ce 5. may 1610.
DXCVII
A M. JEAN-FRANÇOIS RANZO
(En Italien)
Zèle de François de Sales pour la Canonisation du bienheureux
Amédée. Il propose de lui faire dédier l'oratoire
de sa future Congrégation.
Annecy, 6 mai 1610.
Mon très Illustre Seigneur,
La lettre que Votre très Illustre Seigneurie m'écrivit
pour me prier d'inaugurer une manière de solennité au jour
du trépas du bienheureux Amédée , me parvint le lendemain
de sa fête ; ainsi l'on ne put faire ce que j'aurais vivement souhaité,
mais, s'il plaît à Dieu, on le fera l'année prochaine.
De Nantua, on n'a pas autre chose, ni de Bourg non plus, parce que
les fondations de ces pays sont du Comte-Vert et non de notre Bienheureux.
Je remercie Votre très Illustre Seigneurie de l'image, et j'ai un
extrême désir de voir la Vie ! et l'avancement des affaires
de la Canonisation .
J'ai pensé à une chose qui pourrait, si Votre Seigneurie
l'approuve, contribuer grandement à la gloire du Bienheureux. En
la prochaine fête de Pentecôte, on doit donner commencement
à une Congrégation de dames, de grande vertu et qualité
(lettres du 2 et 24 mai). Elles s'emploieront à plusieurs uvres
de charité en faveur des pauvres et des malades ; c'est à
leur service que ces bénites âmes veulent en partie se consacrer,
en suivant l'usage d'après lequel, en ces pays ultramontains, ce
ministère se pratique ordinairement parmi les femmes. Elles auront
une maison où elles vivront ensemble, et un oratoire fort dévot.
Or, il dépend de moi de faire dédier cet oratoire et cette
maison au Saint que je jugerai plus à propos. Voyant donc que la
piété de ces dames les porte vers les pauvres et les malades
si chéris de notre Bienheureux, comme le proclament toutes les chaires,
j'aimerais bien que cette Maison fût érigée sous son
vocable . Et ne conviendrait-il pas qu'étant né dans ce diocèse,
il eût ici même sa première maison et son premier oratoire
?
Mais, pour réaliser ce projet, il faudrait que Son Altesse l'agréât
et qu'elle le fît agréer à Sa Sainteté ; ce
qui, à mon avis, sera très facile à Son Altesse, si
elle ordonne qu'on fasse à Rome des instances à ce sujet,
d'autant plus qu'anciennement déjà, le Bienheureux était
très vénéré dans ce diocèse. Votre très
Illustre Seigneurie voudra bien .penser à cette affaire. Si, ensuite,
elle daigne m'informer des intentions de Son Altesse, je ne manquerai pas
de faire, de mon côté, tout ce qui sera convenable ; mais
je vous prie que ce soit au plus tôt, pour ma consolation.
En attendant, je supplie Notre-Seigneur d'accorder à Votre
Seigneurie tout vrai contentement.
De Votre très Illustre Seigneurie, Le très affectionné
serviteur,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
Annecy, le 6 mai 1610.
A mon très Illustre Seigneur,
M. François Ranzo,
Gentilhomme et Conseiller de Son Altesse Sérénissime.
Turin.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée
à Turin, Archives de l'Etat.
DXCVII bis
A M. DES HAYES (inédite)
Une amitié constante Mariage princier et les menaces de guerre
(Ndlr : Il s'agit de la lettre DCXLIX, du 8 mai 1610 qui se trouve
à la page 240. Elle a été communiquée trop
tard aux éditeurs pour être insérée à
sa bonne place. Pour des raisons techniques je n'ai pas pu corriger ce
défaut ; j'ai simplement inséré à la bonne
date le titre de cette lettre avec un nouveau numéro On peut l'atteindre
directement en appelant la note 658)
DXCVIII
A M. ROCH CALCAGNI
Titres et aptitudes de M. de la Thuille, frère du Saint, à
remplir la charge de chevalier pour laquelle il est proposé. - Le
destinataire est prié de remettre des lettres pour faire aboutir
la nomination.
Annecy, 8 mai 1610
Monsieur,
Estant icy de retour , j'ay treuvé le bon monsieur de Monthou
mort , et mon frere, le sieur de la Thuille, nommé par le Conseil
a Monseigneur (le Duc de Nemours) pour estre prouveu de l'estat de chevallier,
nomination a laquelle ni mondit frere ni moy n'avions seulement pas pensé
, Mais la voyant faitte, j'ay creu que je devois au bien de mondit frere
une tres humble supplication a Son Excellence, affin quil luy playse de
nous gratifier de cet honneur, lequel est certes plus grand que nous ne
meritons, mais qui ne peut tumber en une personne plus fidelle au service
de Son Excellence que mon dit frere sera ; a quoy j'adjouste que l'estude
quil a fait asses fructueusement en droit, pourra encor le rendre moins
inutile en cette place, si Dieu et Monseigneur l'y conduisent.
La lettre donq cijointe est pour ce sujet, et celle qui est addressee
a monsieur Desfrenes aussi , qui me fait vous supplier de la rendre le
plus tost quil vous sera possible, et comme pour l'amy ; car encor que
nous ne vous ayons jamais rendu aucun service qui nous puisse acquerir
cette qualité, si avons nous bien eu ce desir, et moy particulierement,
qui, priant Nostre Seigneur quil vous conserve et accompaigne, suis,
Monsieur,
Vostre serviteur tres affectionné,
FRANÇs, Evesque de Geneve.
XVIII may 1610, Annessi.
A Monsieur
Monsieur Roc Calcanie,
Escuyer de la grande escurie de S. E.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Morandi, à
Plaisance.
DXCIX
AU PÈRE NICOLAS POLLIENS, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
A un Jésuite qui s'intéressait à l'uvre du Saint,
celui-ci raconte les circonstances qui ont donné jour aux commencements
de la Visitation. - Sommaire et premier crayon de la vie religieuse proposée
par manière d'essai. - La clôture, l'habit, l'Office, l'union
intérieure. -La pierre fondamentale. Pourquoi le Saint ne se soucie
pas des critiques. - L'Institut de la Visitation et le voyage de François
de Sales à Dijon en 1604.
Annecy, 24 mai 1610.
Mon Reverend Pere,
L'inviolable affection que j'ay vouee a vostre sainte Compaignie et
l'honneur particulier que je dois a vostre personne, me fera acquiescer
a vostre pieux, saint et curieux desir, non seulement sans peyne, ains
avec suavité.
Sachés donq, mon cher Pere, que quelques ames devotes me proposerent,
ily a un an;l'establissement d'une Religion de filles, avec offre d'une
bonne somme d'argent pour faire le bastiment et fondement. Et moy, sçachant
combien de filles desiroyent la retraitte du monde, qui ne la pouvoyent
treuveres Religions ja establies, j'acceptay l'offre et promis toute mon
assistance pour ce projet (note 335).
Monsieur le Baron de [Cusy,] qui m'avoit apporté l'ambassade,
acheta une petite mayson au faubourg, en lieu extremement propre pour bastir
et commencer a dresser ce petit edifice ; en sorte qu'en peu de tems il
le rendit commode pour loger une douzaine de personnes, avec l'ornement
d'un petit oratoire, affin que celles qui seroyent si heureuses que de
vouloir servir d'exemple aux autres, s'y puissent retirer et commencer
a faire essay du dessein. Tost.apres, voyci que l'on me fit entendre qu'il
n'y avoit que la moitié des moyens que l'on avoit proposé,
et despuis l'on mit en doute de beaucoup de commodités temporelles
qui devoyent arriver, avec une personne, laquelle avoit premierement chaudement
entrepris de venir, et puis s'estoit tout a coup rafroidie .
Parmi tout cela, il me fallut surseoir le dessein d'eriger un Monastere
; et neanmoins, pour donner lieu a une tres honneste retraitte a quelqu'
ame bien resolue et saintement impatiente de se retirer du tracas du monde,
je leur ouvre la porte d'une petite assemblee ou Congregation de femmes
et filles vivant ensemble par maniere d'essay, sous des petites Constitutions
pieuses. Nous commencerons avec la pauvreté, parce que nostre Congregation
ne pretendra de s'enrichir que de bonnes uvres.
. Leur clausure sera telle pour le commencement : aucun homme n'entrera
chez elles que pour les occurrences qu'ilz peuvent entrer es monasteres
reformés. Les femmes aussi n'y entreront point sans licence du Superieur,
j'entens de l'Evesque ou de son commis. Quant aux Seurs, elles sortiront
pour le service des malades apres l'annee de leur Noviciat, pendant lequel
elles ne porteront point d'habit different de celuy des femmes du monde
; mais sera noir, et elles le ravaleront a l'extremité de l'humilité
et modestie chrestienne.
Elles chanteront le petit Office de Nostre Dame, pour avoir en cela
une sainte et divine recreation. Au surplus, elles vacqueront a toute sorte
de bons exercices, notamment a celuy de la sainte et cordiale union interieure
. J'espere que Dieu sera glorifié en ce petit dessein, et, comme
vous a dit le Pere Recteur , la pierre fondamentale que Dieu nous donne
pour iceluy est une ame d'excellente vertu et pieté, ce qui me fait
tant plus croire que la chose reüscira heureusement.
Mon cher Pere, vous estes capable des humeurs, facultés et moyens
de ce païs, et jugeres bien, comme je pense, que ne pouvant pas mieux
faire, il est bon de faire cela. Je sçai que je m'attireray des
contrerollemens sur moy, mais je ne m'en soucie pas ; car, qui fit jamais
bien sans cela ? Ce pendant, plusieurs ames se retireront aupres de Nostre
Seigneur, treuveront un peu de refrigere et glorifieront le saint nom du
Sauveur, qui, sans cela, demeureroyent avec les autres grenouilles es marais.
Voyla, mon cher Pere, le sommaire et premier crayon de l'ouvrage, que
Dieu conduira a la perfection que luy seul sçait, et pour lequel
mon courage est incomparablement animé, croyant que Dieu l'aura
aggreable. Vostre candeur et sainte bonne foy m'oblige a vous dire naïfvement
tout cecy, et encor adjouster que je suis filz et serviteur bien humble
du Pere Recteur, qui sçait bien que nostre Congregation qui se commencera
dans peu de jours est le fruit du voyage de Dijon, pour lequel je ne peus
jamais regarder les choses en leur face naturelle ; et mon ame estoit secrettement
forcee a penetrer un autre succes qui tumboit si directement sur le service
des ames, que j'aymois mieux m'exposer a l'opinion et a la mercy des bons
qu'a la cruauté de la. calomnie des mauvais. Or, j'espere. que les
jours suivans jugeront les precedens de ma vie, et le dernier les jugera
tous (1 Co 3,13 ; Lettres 2 lettre 211)
.
D'Annessi, 24 may 1610.
DC
AU PRÉSIDENT BÉNIGNE FRÉMYOT
Mort de. Henri IV. - Vanité des grandeurs du monde. " Un contemptlble
coup de petit couteau. " - Le Roi immortel. - Pourquoi le Saint espère
que .Dieu aura. été pitoyable au prince. - Les faveurs de
Henri IV pour :François de Sales. Aveu du Saint ; sa gratitude:
Annecy, 27 mai 1610.
Ah ! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pouvoit voir aucune
mort plus lamentable que celle du grand Henri IV . Mais qui n'admireroit
avec vous l'inconstance, la vanité. et la perfidie des grandeurs
de ce monde ? Ce Prince, ayant esté si grand en son. extraction,
si grand en la valeur guerriere, si grand en victoires, si grand en triomphes,
si grand en bonheur, si grand en paix, si grand en reputation, si grand
en toutes sortes de grandeurs : hé, qui n'eust dit, a proprement
parler, que la grandeur estoit inseparablement liee et collee a sa vie,
et que, luy ayant juré une inviolable fidelité, elle esclatteroit
un feu d'applaudissement a tout le monde par son dernier moment, qui la
termineroit en une glorieuse mort ? Non certes, Monsieur, il sembloit bien
qu'une si grande vie ne devoit finir que sur les despouilles du Levant,
apres une finale ruine et de l'heresie et du Turcisme. Ces quinze ou dix
huit ans que sa forte complexion et santé, et que tous les vux
de la France et de plusieurs gens de bien hors de la France luy promettoyent
encor de vie vigoureuse, eussent esté suffisans pour cela: et voyla
qu'une si grande suite de grandeurs aboutit en une mort qui n'a rien de
grand que d'avoir esté grandement funeste, lamentable, miserable
et deplorable ; et celuy que l'on eust jugé presque immortel, puisqu'il
n'avoit peu mourir parmi tant de hasars, desquelz il avoit si longuement
fendu la presse pour arriver a l'heureuse paix de laquelle il avoit esté
jouissant ces dix annees dernieres, le voyla mort d'un contemptible coup
de petit couteau et par la main d'un jeune homme inconneu, au milieu d'une
ruë !
Enfans des hommes, jusques a quand seres-vous si pesans de cur ? Pourquoy
cherissés-vous la vanité et pourquoy pourchassés-vous
le mensonge (Ps 4,3) ? Tout ce que ce monde nous fait voir de grand, ce
n'est que fantosme, illusion et mensonge. Qui eust dit, je vous supplie,
Monsieur mon cher amy, qu'un fleuve d'une vie royale, grossi de l'affluence
de tant de rivieres d'honneurs, de victoires, de triomphes, et sur les
eaux duquel tant de gens estoyent embarqués, eust deu perir et s'esvanouir
de la sorte, laissant sur la greve et a sec tant de navigans ? N'eust-on
pas plustost jugé qu'il devoit aller fondre dans la mort, comme
dans une mer et un ocean, par plus de triomphes que le Nil n'a d'emboucheures
? Et neanmoins, les enfans des hommes ont esté trompés et
deceuz en leurs balances (Ps 61,10) et leurs presages ont esté vains.
Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'experiences
! Que ne mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille
! Que ne nous tenons-nous aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé
de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus aymable que la vie de
tous les rois de la terre ? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire
ces considerations ; mais vous seres tres heureux, si, a la suite d'icelles,
vous entres es resolutions convenables, exhalant le reste de vos vieux
jours comme un encens, par le feu de l'amour unique du Roy de l'eternité.
L'affection que j'ay a vostre chere et belle ame me fait dire cela sans
necessité.
Au demeurant, le plus grand bonheur de ce grand Roy defunct, fut celuy
par lequel, se rendant enfant de l'Eglise, il se rendit pere de la France
; se rendant brebis du grand Pasteur, il se rendit pasteur de tant de peuples,
et convertissant son cur a Dieu, il convertit celuy de tous les bons Catholiques
a soy. C'est ce seul bonheur qui me fait esperer que la douce et misericordieuse
providence du Pere celeste aura insensiblement mis dans ce grand cur royal,
en ce dernier article de sa vie, la contrition necessaire pour une heureuse
mort. Ainsy prié-je cette souveraine Bonté qu'elle soit pitoyable
a celuy qui le fut a tant de gens ; qu'elle pardonne a celuy qui pardonna
a tant d'ennemis, et qu'elle reçoive cette ame reconciliee a sa
gloire, qui en receut tant en sa grace apres leurs reconciliations.
Pour moy, je le confesse, les faveurs de ce grand Roy en mon endroit
me sembloyent infinies, mettant en consideration ce que j'estois, lhors
qu'en l'annee 1602 il me fit des semonces d'arrester en son royaume , qui
estoyent capables d'y retenir, non un pauvre prestre tel que j'estais,
mais un bien grand Prelat. Or, Dieu disposoit autrement. Et j'ay esté
extremement consolé que ce royal courage m'ayant une fois departi
sa bienveuillance, ayt si longuement et gracieusement perseveré
a m'en gratifier, comme mille tesmoignages qu'il en a faitz a diverses
occasions m'en asseurent ; et bien que je n'aye jamais receu de sa bonté
que la douceur d'estre en ses bonnes graces, si m'estimé-je extremement
redevable a continuer mes foibles prieres pour son ame et pour le bonheur
de sa posterité.
Je ne finirois pas aysement de parler d'un Prince digne de tant de
memoire, mais me voyci pressé de donner ma lettre. Dieu soit vostre
tout, Monsieur ; je suis en luy,
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
A Neci, le 27 may 1610.
DCI
A LA BARONNE DE CHANTAL
Les soucis du saint Fondateur. - Ses désirs d'union à
Jésus-Christ. Pourquoi Mme de Chantal doit se . " mettre sur la
grandeur de courage. "
Annecy, 28 mai 1610.
Ce sera donq demain que vous aures des pensees et des soucis ; car
je commence d'en avoir de bien particulieres sur nostre future Mayson,
pour les choses temporelles . Et quant aux spirituelles, il me semble que
Nostre Seigneur en aura le soin sans souci, et qu'il y respandra mille
benedictions.
Ma Fille, il faut que je vous die que je ne vis jamais si clairement
combien vous estes ma fille que je le voy maintenant, mais je dis que je
le voy dans le cur de Nostre Seigneur; c'est pourquoy n'interpretés
pas a desfiance ces petitz motz que je vous escrivis l'autre jour : mais
nous en parlerons une autre fois.
0 ma Fille, que j'ay de desirs que nous soyons un jour tout aneantis
en nous mesmes pour vivre tout a Dieu, et que nostre vie soit cachee avec
Jesus Christ en Dieu (Col 3,3). Oh ! quand vivrons-nous nous mesmes, mais
non pas nous mesmes, et quand sera-ce que Jesus Christ vivra tout en nous
(Ga 2,20) ? Je m'en vay un peu faire d'orayson sur cela, ou je prieray
le cur royal du Sauveur pour le nostre. Je suis, en Jesus Christ, plus
vostre, et admire ses accroissemens .Ouy, je le dis tout de bon, je ne
pensois pouvoir ce que je puis en cela, et treuve une source qui me fournit
des eaux tous-jours plus abondantes. Ah ! c'est Dieu, sans doute.
Il nous faut bien mettre sur la grandeur de courage ; pour servir Dieu
le plus hautement et vaillamment que nous pourrons ; car, pourquoy pensons-nous
qu'il ayt voulu faire un seul cur de deux, sinon affin que ce cur soit
extraordinairement hardi, brave, courageux, constant et amoureux en son
Createur et son Sauveur, par lequel et auquel je suis tout vostre.
FRANÇs, E. de Geneve
DCII
A LA MÊME
Pourquoi le Saint se trouvait un peu las, mais de corps seulement.
- De quelles vertus Notre-Seigneur est surtout amoureux. - Un Psaume dont
le chant attendrissait le cur de l'Evêque .pendant la procession.
Annecy, 10 juin 1610 .
Or il est vray, chere Seur, ma Fille, j'ay esté un peu las de
cors ; mais d'esprit et de cur, comme le pourrois-je estre, apres avoir
tenu sur ma poitrine et tout joignant mon cur un si divin epitheme, comme
j'ay fait ce matin tout au long de la procession ? Helas ! si j'eusse eu
mon cur bien creux par humilité et bien abbaissé par abjection,
j'eusse sans doute attiré ce sacré gage en moy, il se fut
caché dedans moy ; car il est si amoureux de ces Vertus, qu'il s'eslance
a force ou il les void.
Le passereau treuve un repaire et la tourterelle un nid ou elle me
ses poussins, dit David (Ps 83,4). Mon Dieu, que cela m'a attendri quand
on a chanté ce Psalme ! car je disois : 0 chere Reyne du Ciel, chaste
tourterelle, est-il possible que vostre poussin ayt maintenant pour son
nid ma poitrine ? Cette parole de l'Espouse m'a bien encor touché:
Mon Bienaymé est mien, et moy je suis toute sienne (Ct 2,16), il
demeure entre mes mammelles (Ct 1,12) ; car je le tenois la. Et celles-ci
de l'Espoux : Metz-moy comme un cachet sur ton cur (Ct 8,6). Helas ! ouy,
ma Fille ; mais ayant osté le cachet, je ne voy point l'impression
des traitz d'iceluy en mon cur. Y a-il une douceur comparable ?
Quant a l'affaire, je ne sçaurois que dire, sinon qu'en une
heure on se peut resoudre au moins mal ; et la resolution prise, on se
doit donner du contentement sur ce que, de quel costé que l'on retourne
les affaires de ce monde, il se treuvera tous-jours beaucoup de choses
a desirer et redire. En sorte qu'apres qu'on s'est determiné, il
ne faut plus s'amuser a souspirer apres les imaginations des choses meilleures,
mais a bien passer les difficultés presentes, lesquelles aussi bien
ne sçaurions nous eschapper sans en rencontrer d'autres aussi fortes,
puisque tout en est plein.
Bon soir, ma tres chere Fille; le divin Sauveur, unique amour de nostre
cur, soit nostre eternel repos. Amen.
FRANçs, E. de Geneve.
DCIII
A M. ROCH CALCAGNI
Gratitude pour la courtoise intervention du destinataire en faveur
de Louis de Sales, frère du Saint.
Annecy, 15 juin 1610
Monsieur,
Nous nous sentons extremement obligés, mon frere (Louis de Sales)
et moy, a vostre courtoysie, du soin que vous aves eü de faire reussir
le desir que nous avions qu'il fut mis au service de Son Excellence (lettre
598). Si jamais nous sommes. capables de vous tesmoigner nostre gratitude
par nos services, vous pourres, Monsieur, les exiger comme chose que nous
vous devons et que, de bon cur, nous reconnoissons vous devoir rendre.
Et ce pendant, en vous en rendant graces, je prie Nostre Seigneur
quil vous conserve et prospere, et suis,
Monsieur,
Vostre humble serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
xv juin 1610, a Neci.
Monsieur, je vous supplie d'impetrer, sil se peut, une copie de la
façon de recevoir ceux qui se presentent a la Confrairie de Nostre
Dame des Carmes , car j'ay esgaré celle que j'avois, et neanmoins
je suis requis de recevoir quelques dames .
A Monsieur
Monsieur Roch Calcagne,
Escuyer de S. E.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Morandi, à
Plaisance.
DCIV
AU DUC DE SAVOIE, CHARLES EMMANUEL 1er
Remerciements et actions de grâces de la Savoie et de son Evêque
pour la promotion d' Antoine Favre " a l'estat de premier President. "-
Ce qui donne le. plus de douceur à la vie humaine. - Description
imagée de la justice. - Responsabilité et devoir des princes
dans le choix de ceux qui l'exercent en leur nom.
Annecy, 15 juin 1610
Monseigneur,
La promotion de monsieur Favre a l'estat de premier President de Savoye
a donné une joye si universelle aux peuples de deça, que
s'il se pouvoit bonnement faire, ilz en iroyent, je pense, porter mille
et mille actions de graces aux pieds de Vostre Altesse. Mays ne pouvans
faire cette si juste demonstration de l'obligation qu'ilz en ont a la providence
de Vostre Altesse, il m'a semblé, Monseigneur, qu'en qualité
de pasteur de la plus part d'iceux, joignant leurs tres humbles affections
a la mienne, je devoys, pour eux et pour moy en commun, rendre ce tesmoignage
de la grande redevance que nous en avons a la bonté de Vostre Altesse,
a laquelle.nous sommes bien glorieux d'en devoir tout le remerciment, puisqu'elle
seule, sans aucun'autre consideration que de nostre bien et de son service,
a fait cette digne election.
Certes, Monseigneur, rien ne donne tant de douceur a la vie humaine
que la droitte administration de la justice, et la justice, quoy que tous-jours
une en elle mesme, ayant sa source, comm'une belle eau, en la poitrine
des Princes souverains en terre, coulant par les espritz des magistratz
rudes, mal polis et raboteux, elle se rend autant nuysible qu'elle devoit
estre utile, et mesmes jusques la que, comme parle un sacré Prophete
(Amos 5,7), ell'est convertie en absinte. Mais passant entre les peuples
par les mains de gens doctes, bien affectionnés et equitables, elle
remplit les provinces de bon heur et de suavité ; estant es uns,
comm'un torrent impetueux qui ravage tous les bords qu'il accoste, et es
autres, comm'une douce riviere qui rend amenes les rivages qu'elle detrempe.
C'est aussi le plus grand garend que les Princes puissent avoir (lhors
qu'a leur tour ilz seront censurés a l'heure de leur mort), d'avoir
commis leur authorité a des gens capables de la bien manier ; car
n'ayans peu faire comme Dieu, qui, quand il luy plait, donne la suffisance
a ceux auquelz il a remis l'authorité, ilz l'auront jointe au plus
pres qu'ilz auront sceu, donnant l'authorité a ceux quilz auront
reconneu avoir la suffisance.
Les magistratz, Monseigneur, representent la souveraine majesté
des Princes sur les biens et vies des sujetz ; c'est pourquoy les Princes,
par une sainte jalousie, doivent avancer es offices, des personnes qui
les sachent bien representer. Et comm' Alexandre ne vouloit estre peint
que par la main de l'unique Apelles (Plin. Hist Nat 35, 10), aussi les
Princes ne devroyent jamais permettre que leur souveraineté fut
exprimee que par les plus rares et dignes espritz du monde, ne pouvans
jamais mieux faire connoistre la grandeur de leurs ames qu'au choix de
celles qu'elles employent et eslevent;
Vostre Altesse, donq, recevra mille louanges des nations estrangeres
en la promotion de ce grand personnage duquel elles connoissent la doctrine
avec admiration, comme les voysines font la probité par experience
; et nous la supplions tres humblement d'aggreer ce ressentiment que nous
en faysons, plein de souhaitz qu'il playse a Dieu d'aggrandir et prosperer
votre couronne, de laquelle je suis,
Monseigneur,
Tres humble et .tres obeissant serviteur et orateur,
FRANçs, E. de Geneve.
xv juin 1610.
A Son Altesse.
Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Boarelli di Verzuolo,
à Saluces.
DCV
A M. FRANÇOIS DE SAINT-SIXT
Affaire d'argent qui sépare deux frères ; intervention
du Saint pour les accommoder.
Annecy, 22 juin 1610.
Monsieur,
Bien que jusques a present je ne vous aye peu accommoder, monsieur
vostre frere et vous, au different
que vous aves ensemble , si veux-je esperer qu'un jour je le pourray
faire. Mais ayant entendu que monsieur vostre dit frere a consigné
es mains de M. Bonod certaine quantité qu'il praetend seulement
vous estre deüe, j'ay pensé que, en attendant une plus entiere
resolution, vous deviés pour cette fois et sans consequence, vous
contenter de prendre cela. Je vous en prie donq de tout mon cur, en quoy
vous tesmoigneres combien vous m'aymes ; car desirant cela avec affection
comme je le desire, si vous m'aymes, vous le feres sans difficulté
et sans replique.
Atant, je prie Nostre Seigneur quil Vous accroisse en ses graces
et benedictions, et suis,
Monsieur,
Vostre confrere tres affectionné,
FRANçs, E.
de Geneve.
XXII juin 1610, a Neci.
A Monsieur
Monsieur de St Sixt,
Archidiacre de l'eglise de La Roche.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le chanoine Col1onges,
aumônier de la Visitation de Chambéry.
DCVI
A LA MÈRE DE CHANTAL
Elévation sur la vie de saint Jean-Baptiste : sa nourriture,
le miel, les locustes représentent les deux vies, contemplative
et active. - Applications. - Signification de ses vêtements. - Un
habit propre à conserver la sainteté.- Obéissance
du Précurseur. - Ce qu'annonçait " ce beau rossignol du bois.
"
Annecy, 23 ou 24 juin [1610 ]
Ne faut il pas, ma chere Seur, que ne pouvant vous voir, je vous aille
au moins donner la bonne feste en esprit ? 0 Dieu, que voyci un grand Saint
qui se presente aux yeux de nostre ame ! Quand je le considere dans ces
desertz, je ne sçai si c'est un Ange qui fait semblant d'estre homme,
ou un homme qui pretend de devenir Ange. Quelles contemplations ! quelles
eslevations d'esprit fait-il. la dedans !
Sa viande est admirable (Mt 3,4) ; car le miel represente la suavité
de la vie contemplative, toute ramassee sur les fleurs des mysteres sacrés.
Les locustes representent la vie active, car la locuste ne. chemine jamais
sur terre, ni ne vole jamais en l'air, mays, par un mysterieux meslange,
tantost on la voit sautante et tantost touchante la terre pour reprendre
son air ; car ceux qui font la vie active sautent et touchent terre alternativement.
Elle vit de la rosee et n'a point d'exercice que de chanter. Ma chere Fille,
bien que, selon nostre condition mortelle, il nous faut toucher terre pour
donner ordre aux necessités de cette vie, si est-ce que nostre cur
ne doit savourer que la rosee du bon playsir de Dieu en tout cela et doît
tout rapporter a la loüange de Dieu.
Mais ce que cet ange terrestre est habillé de poil de chameaux,
que signifie-il ? Le chameau, bossu et proprement fait a porter les fardeaux,
represente le pecheur. Helas ! pour gens de bien que soyent les Chrestiens,
ilz doivent neanmoins se resouvenir qu'ilz sont environnés du peché
; et si le peché ne les touche pas, au moins y a-il tous-jours du
poil des cogitations, des tentations et des dangers. Ah, que c'est un habit
propre a conserver la sainteté, que la robbe de l'humilité
!
Hé, voyés, je vous prie, ce saint jeune homme enfoncé
dans la solitude : il y est par obeissance, attendant qu'on l'appelle pour
venir au peuple. Il se tient esloigné du Sauveur, qu'il connoissoit
et baysoit par affection des le ventre de sa mere (Lc 1,41), affin de ne
point s'esloigner de l'obeissance, sçachant bien que de treuver
le Sauveur hors de l'obeissance, c'est le perdre tout a fait. .
Au demeurant, il naist d'une vielle sterile, pour nous apprendre que
les secheresses et sterilités ne laissent pas de produire en nous
la sainte grace ; car Jean veut dire grace.
Mais sur tout, ma chere Fille, voyés que tout aussi tost que
son pere Zacharie eut escrit le nom de ce glorieux enfant sur ses tablettes,
il commence a prophetizer et chanter le beau cantique Benedictus Dominus
Deus Israel (Lc 1,63). Certes, ce nom bien gravé dans nos curs,
je veux dire, l'honneur et l'imitation de ce Saint, nous fera prophetizer
et benir Dieu abondamment. .
J'ayme ce beau rossignol du bois, qui, estant tout voix et tout chant,
sortant sur. les advenuës de Judee, annonce le premier la venue du
Soleil (Mt 3,1 ; Lc 3,13). Je le prie qu'il vous donne de son miel, de
ses locustes et qu'il vous communique son manteau.
.FRANÇs, E. de Geneve.
DCVII
A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVÊQUE DE MONTPELLIER
(INEDITB)
Le trépas du " grand Roy " - Regrets. " Le jeune et nouveau
Roy. " - . Le vrai rendez-vous de nos " cogitations. " - Une charge obtenue
" sans brigue, sans cour et sans argent. "
Annecy, 24 juin 1610
Monseigneur,
Entre plusieurs considerations qui m'ont rendu de l'ennuy sur le trespas
du grand Roy que la France, avec le monde, vient de perdre, j'ay receu
celle de la perte que vous y aves faite ; car il vous aymoit et avoit une
grande connoissance des raysons pour lesquelles il vous pouvoit encor aymer
davantage. Mais il faut adorer la Providence souveraine et benir ses decretz.
C'est a elle que je recommande de tout mon cur le jeune et nouveau Roy
et tout ce grand royaume.
Je me prometz de vos nouvelles de rechef, au passage que vous feres
a Lion, allant a la cour . Mon Dieu, que nostre grand amy (Antoine des
Hayes) aura esté touché rudement de ce coup ! car son merite
ne treuvera peut estre pas des yeux qui le regardent clairement, comme
faisoyent les yeux de ce digne Monarque. Mays revenons tous-jours a cette
Providence, car c'est le vray rendes vous de nos cogitations.
Nous sommes icy sans nouvelles. M. nostre cher President (Antoine Favre.))
s'en va pour presider a toute la justice de Savoye, plus glorieusement
qu'on n'a pas fait il y a quelque tems ; car il a cet honneur sans brigue,
sans cour et sans argent, n'ayant point eu d'autre intercession que ses
merites, quoy que Monseigneur de Nemours ayt contribué sa recommandation
a l'inclination de Son Altesse.
Dieu vous prospere de plus en plus, Monseigneur, et je suis sans fin.
Vostre tres humble frere
et tres affectionné serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
Jour de saint Jean 1610, Annessy.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée
à la Visitation de Montpellier.
DCVIII
A LA MÊRE DE CHANTAL
Comment remplacer le jeûne. - Les " petites brebis " de la Mère
de Chantal. - Visite de Marie à Elisabeth ; amabilité de
la. très Sainte Vierge. - Contemplation du mystère. - Un
beau pèlerinage en compagnie du Sauveur.
Annecy, 30 juin 1610 .
Mais que je suis ayse, ma chere Fille, que ces deux filles de nostre
cur ne puissent pas jeusner demain, et qu'en eschange elles ayent des
petites mortifications involontaires ; car j'ayme singulierement le mal
que la seule election du Pere celeste nous donne, au pris de celuy que
nous choysissons. Mais vous, qui estes robuste, jeusneres donq en pain
et eau. Cela s'entend, ma chere Fille (car vous ne l'entendres pas, si
je ne le vous dis), cela s'entend l'annee qui vient, sil y escheoit ; car
pour celleci, vrayement, il faut estre Juifve aux Juifz et Gentile aux
Gentilz (1 Co 9,20), manger avec les mangeans et rire avec les rians, dit
le grand Apostre de ce jourdhuy (Rm 12,15). Or, paisses donq vos petites
brebis, ma chere Fille.
Mais demain, vous verres la pauvre petite jeune Dame, enceinte du Filz
de Dieu, qui vient doucement occuper l'esprit de son cher et saint mari
pour avoir le congé de faire la sainte visite de sa vielle cousine
Elizabeth ; vous verres comme elle dit a Dieu a ses cheres voysines pour
trois moys qu'elle pense estre aux chams et es montaignes (Lc 1,56) ; car
ce mot est bon. Je pense que toutes la laissent avec tendreté, car
elle estoit si aymable et amiable qu'on ne pouvoit estre avec elle sans
amour, ny la laisser sans douleur.
Elle entreprend son voyage avec un peu d'empressement ; car I'Evangeliste
le dit (Lc 1,39), que ce fut hastivement. Ah ! les primices des mouvemens
de Celuy qu'ell'a en ses entrailles ne se peuvent faire qu'avec de la ferveur.
0 saint empressement qui ne trouble point et qui nous haste sans nous praecipiter
! Les Anges se disposent a l'accompaigner, et saint Joseph a la conduire
cordialement ; Je voudrois bien sçavoir quelque chose des entretiens
de ces deux grandes ames, car vous prendries bien playsir que je vous le
dise. Mais penses que la Vierge ne sent que ce de quoy ell'est pleyne et
qu'elle ne respire que le Sauveur ; saint Joseph, reciproquement, n'aspire
qu'au Sauveur qui, par des rayons secretz, luy touche le cur de mille
extraordinaires sentimens. Et comme les vins enfermés dans les caves
ressentent sans la sentir l'odeur des vignes florissantes (Ct 2,13), ainsy
le cur de ce saint Patriarche ressent, sans la sentir, l'odeur, la vigueur
et la force du petit Enfant qui fleurit en sa belle vigne. 0 Dieu, quel
beau pelerinage ! Le Sauveur leur sert de bordon, de mante et de petite
bouteille a vin, a vin dis je, qui res-jouit les Anges et les hommes (Ps
103,15). et qui enivre Dieu le Pere d'un amour demesuré .
Bonsoir, chere Seur, ma Fille ; bonsoir encor, mes cheres Filles, recommandes
moy a cette chere Maistresse de nos vies .
Revu sur l'Autographe conservé au 2d Monastère de la
Visitation de Marseille.
DCIX
A MADEMOISELLE DE CHAPOT
Les parents et les directeurs spirituels ; l'autorité des uns
et des autres et la confiance qu'ils méritent dans l'affaire d'une
vocation religieuse. - S'il fallait ouïr l'avis des premiers, qu'arriverait-il
? - Comment reconnaître la volonté de Dieu, parmi les empêchements.
- Quand on a pris une bonne résolution, il faut la rectifier, si
elle est excessive, mais non la rompre.
Annecy, 3 juillet 1610
Madamoyselle,
Vous aves opinion que vostre desir de vous retirer du monde ne
soit pas selon la volonté de Dieu, puisqu'il ne se treuve pas conforme
a celuy de ceux qui, de sa part, ont le pouvoir de vous commander et le
devoir de vous conduire. Si c'est de ceux a qui Dieu a donné le
pouvoir et imposé le devoir de conduire vostre ame et vous commander
es choses spirituelles, certes vous aves rayson ; car en obeissant a ceux-la,
vous ne pouves pas faillir, bien qu'eux se peuvent tromper et vous mal
conseiller, s'ilz le font, principalement, regardant ailleurs qu'a vostre
seul salut et advancement spirituel. Mais si ce sont ceux que Nostre Seigneur
vous a donnés pour directeurs es choses domestiques et temporelles,
vous vous decevres vous mesme de les croire es choses esquelles ilz n'ont
point d'authorité sur vous. Que s'il failloit ouÿr les advis
des parens, la chair et le sang sur des telles occurrences, il se treuveroit
peu de gens qui embrassassent la perfection de la vie chrestienne. Voyla
le premier point.
Le second est que, puisque non seulement vous aves desiré de
vous retirer, mais vous le desireries encor s'il vous estait permis de
ceux qui vous ont retenue, c'est un signe manifeste que Dieu veut vostre
retraitte, puisqu'il continue son inspiration parmi tant de contradictions,
et vostre cur, touché de l'aymant, a tous-jours son mouvement du
costé de la belle estoille, quoy que rapidement destourné
par les empeschemens terrestres. Car en fin, vostre cur, que diroit-il
s'il n'estoit empesché ? Vous diroit-il pas : Retirons-nous d'entre
les mondains ? Il a donq encor cette inspiration ; mais parce qu'il est
empesché, il ne la peut ou ne l'ose pas dire. Rendés-luy
sa liberté affin qu'il la die, car il ne vous sçauroit mieux
dire ; et cette parole secrette qu'il dit tout bellement en soy mesme :
Je voudrois bien, je desirerois bien sortir d'entre les mondains, c'est
la vraye volonté de Dieu. En quoy vous aves tort (et pardonnés
a ma naïfve liberté de langage), vous aves tort, dis-je, d'appeller
les empeschemens qui vous sont donnés a l'execution de cette inspiration,
volonté de Dieu, et le pouvoir de ceux qui vous empeschent, pouvoir
de Dieu.
Le troisiesme point de mon advis est que vous n'estes nullement en
indifference devant Dieu, puisque le desir de la retraitte qu'il vous a
donné, est tous-jours dedans vostre cur, quoy qu'il soit empesché
de faire son effect ; car la balance de vostre esprit tend de ce costé
la, bien qu'on donne du doigt de l'autre costé pour empescher le
juste poids.
Le quatriesme, c'est que si vostre premier desir a esté excessif
en quelque chose, il le faut corriger, et non point le rompre. Je me fais
entendre, que vous avies offert la moitié de vos biens, ou bien
le payement de cette mayson, qui est maintenant dediee a Dieu . Peut estre
fut-ce trop, eu esgard que vous avies une seur chargee de grosse famille,
a laquelle, selon l'ordre de charité, vous eussies plustost deu
appliquer vos biens. Or sus, il faut corriger cet exces, et venir en cette
mayson avec une portion de vostre revenu, autant qu'il est requis pour
vivre sobrement, en laissant tout le reste a qui vous voudres, et mesme
reservant la portion susdite, apres vostre mort, pour ceux a qui vous en
voudres faire du bien. En cette sorte, vous corrigeres l'exces et conserveres
vostre dessein, et n'y aura rien en cela qui n'aille gayement, doucement
et saintement.
En fin, prenés courage a faire une bonne resolution absolue
; et bien que ce ne soit pas peché de demeurer ainsy en ces foiblesses,
si est-ce que sans doute on perd beaucoup de commodité de bien advancer
et recueillir des consolations grandement desirables.
Je vous ay voulu familierement esclarcir de mon opinion, estimant que
vous me feres le bien de ne point le treuver mauvais. Dieu vous donne les
saintes benedictions que je vous souhaitte et la douce correspondance qu'il
desire de vostre cur; et je suis en luy, avec toute sincerite,
Madamoyselle,
Vostre tres affectionne serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
Le 3 julliet , a Neci.
DCX
A M. PHILIPPE DE QUOEX
Pension ou dot requise pour les postulantes de la Visitation. - " Il
est vray que l'on regarde encor aux facultés. " - Le Chablais au
XVIIe siècle. Une Congrégation qui ne veut être " ni
mendiante ni playdante. " - Sommaire des Règles. - Les commencements
de l'Institut donnent beaucoup d'édification; à quelles âmes
offrait-il un refuge.
Annecy, vers le 20 juillet 1610 .
Monsieur,
J'ay conferé sur vostre lettre avec les Dames qui sont desja
congregees et avec ceux qui les conseillent, et ont este d'advis de mettre
en condition aux filles et femmes qui entreront en leur Congregation, que
passé la premiere annee, elles apporteront un fons d'argent ou de
terre, sur lequel elles puissent estre entretenues ; et cela pour autant
que, comme vous sçaves, en ce païs on ne fait jamais bien les
payemens des pensions, ains tout se revoque en proces.
Or, ce fons peut estre donne en deux façons : car ou il est
reversible aux parens apres le trespas de celle pour laquelle il est donné,
et lhors on le demande plus gras et tel qu'il egale en revenu la nourriture
de la fille ; ou bien on le donne simplement pour demeurer par apres a
la Congregation, et lhors on se contente de moins. Comme par exemple :
jeudi on reçoit une fille d'une fort honnorable famille de cette
ville : pour la premiere annee du Noviciat, elle donne 200 florins ; au
bout de l'annee, sa mere donne absolument 4900 florins en fons. Monsieur
le premier Praesident (Favre) en fera de mesme, hormis en la quantité,
car il donnera davantage ; et ainsy de toutes les autres. Il est vray que
l'on regarde encor aux facultés, car une damoyselle qui seroit de
bonne volonté et n'auroit pas moyen de tant faire, on se contente
de moins.
Or, il faut parler avec vous a cur clair. En Chablaix, on est un peu
mauvais payeur. C'est pourquoy, si cette bonne damoyselle peut, il faut
qu'ell'ayt une somme de trois ou quatre mille florins pour un coup, ou
un fond qui les vaille, ou en fin une piece a joüir par elle mesme,
qui porte 200 florins annuelz, reversible a ses parens quand elle mourra.
Il serait mieux que ce fut un fond un peu moindre et quil fut absolument
a elle. Tout cela se fait ainsy, dautant que cette Congregation n'est encor
point rentee, ni ne veut estre ni mendiante ni playdante.
Quant aux Regles, voyci le sommaire (note 473), en attendant de vous
faire avoir un double de toutes. Ceste Congregation reçoit femmes
vefves et filles indifferemment, mais non pas les filles qu'elles n'ayt
(sic) 17 ans . Elles font un'annee de probation et, quand il est expedient,
deux et trois ; et c'est lhors qu'en la premiere annee, elles n'ont pas
encor donné tesmoignage asseuré de leur amendement. Apres
leur Noviciat, on les reçoit solemnellement, non point aux vux,
car on n'en fait point de solemnel, mais a l'establissement ou dedicace,
a la forme que le bienheureux Cardinal Borrhomee a dressee pour les Urselines
, peu de choses changees, paucis mutatis. Neanmoins elles font le vu de
chasteté simple, par l'advis du confesseur et de la Superieure.
En leur establissement, elles offrent leur ame, leur cors et l'usage de
leurs biens a Dieu et a Nostre Dame, pour estre le tout employé
a son honneur, selon les Regles de la Congregation ; mais cela se fait
par une belle ceremonie.
Les hommes n'entrent point en leur mayson en façon que ce soit,
ni les femmes aussi qu'avec licence in scriptis. Les jeunes ne sortent
point qu'en certains cas fort rares ; les anciennes sortent pour servir
les pauvres, mais avec une belle police, a la forme des Dames de la Torre
di Specchi .
Elles disent les Heures de Nostre Dame seulement, en un chant fort
devot. Elles se levent l'esté a cinq heures et couchent a dix ;
l'hiver a six, et se couchent a dix et demi. Elles ont de un'heure le mattin
et une le soir d'orayson mentale, et pour le demeurant, une police de travail,
silence, obeissance, humilité, denuement de proprieté extremement
stricte et autant qu'en monastere du monde. Elles communient toutes les
festes et Dimanches. Si quelqu'une ne veut pas suivre l'esprit de la Congregation,
sa punition est d'estre mise dehors, en luy rendant neanmoins ce qu'ell'a
apporté ; mais cela seulement apres tout essay de les corriger.
Il ny a point de jeusne que l'ordinaire de l'Eglise, sinon le vendredi
et vigiles de Nostre Dame.
Ell'est instituee sous le tiltre de la Visitation de Nostre Dame. Le
commencement est fort plausible et rend beaucoup d'edification ; il y vient
des filles de Chamberi, Grenoble et Bourgoigne. Or en fin, c'est une Congregation
simple, instituee pour les femmes et filles qui, pour leur infirmité
corporelle ou pour n'avoir pas l'inspiration d'entreprendre des grandes
rigueurs, ne peuvent entrer es Religions formees et reformees ; car la
elles auront une (sic) refuge doux et gracieux, avec la prattique des vertus
essentielles de la devotion .
Je remercie M.d'Alemand . La reformation de vostre Talloyres, que j'ay
sur les bras , m'empeschera d'aller si tost vers [vous], et quand j'y iray,
nous prendrons le logis ou de Mme du Foug, ma tante, mon ancienne hostesse
, ou de Mme d'Allemand, ma comere .
Nostre Seigneur soit tous-jours au milieu de nos curs, et je
suis tout en luy,
Vostre confrere plus humble et tres affectionné,
. FRANÇs, E. de Geneve.
A Monsieur
Monsieur de Quoex,
Recteur de Ste Catherine.
Thonon.
Revu sur l'Autographe conservé au Collège des P P. Jésuites
de Grand-Côteau (Louisiane, Etats-Unis).
DCXI
A MADAME DE TRAVERNAY
Quand on souffre, il est malaisé de prier. - Quels sont les
malades capables de faire oraison. -. Comment remplacer cet exercice, si
nous sommes trop douillets.- Il faut reprendre, quand on est guéri,
ses habitudes de prière. - Un " rare bien " : parler cur à
cur avec son Dieu.
Annecy, 21 juillet 1610.
Madame ma tres chere Fille,
Je vous escrivis avant hier seulement pour accompaigner une lettre
que la bonne madamoyselle d'Escrilles envoyoit a monsieur vostre mari,
son frere ; mays j'ayme bien mieux vous escrire maintenant sur le sujet
de vostre ettre.
Tandis que nos cors sont en douleur, il est malaysé d'eslever
nos curs a la consideration parfaitte de la bonté de Nostre Seigneur
cela n'appartient qu'a ceux qui, par des longues habitudes, ont leur esprit
entierement contourné du costé du Ciel. Mays nous, qui sommes
encor tous tendres, nous avons des ames qui se divertissent aysement au
sentiment des travaux et douleurs du cors c'est pourquoy, ce n'est pas
merveille si durant vos maladies vous aves intermis l'usage de l'orayson
interieure. Aussi, en ce tems-la il suffit d'employer les prieres jaculatoyres
et sacrees aspirations; car puisque le mal nous fait souvent souspirer,
il ne couste rien de souspirer en Dieu et a Dieu et. pour Dieu, de plus
que de souspirer pour fayre des plaintz inutiles.
Mais maintenant que Dieu vous a rendu vostre santé, il faut
bien, ma chere Fille, reprendre vostre orayson, au moins pour demi heure
le matin et un quart d'heure le soir avant souper ; car despuis qu'une
fois Nostre Seigneur vous a donné le goust de ce miel celeste, ce
vous sera un grand reproche si vous vous en degoustés, et mesmement
puisque il vous l'a fait gouster avec beaucoup de facilité et de
consolation, ainsy que je me resouviens fort bien que vous me l'aves advoüé.
Il faut donq bien prendre courage, et ne point permettre que les conversations
et cette vayne sujettion que nous rendons a ceux que nous hantons, vous
prive d'un si rare bien comm'est celuy de parler cur a cur avec son Dieu.
Vous m'obliges certes beaucoup de me donner un peu des nouvelles de.
vostre ame, car la mienne l'ayme cherement et ne se peut empescher de desirer
de sçavoir en quel estat elle se treuve ; mais la varieté
des desseins que monsieur vostre mari a eu de vous faire revenir icy et
de vous faire demeurer aux chams m'a retenu de vous en demander. Faites
moy donq ce bien, je vous supplie, de m'escrire quelquefois, avec asseurance
que je vous donne de tous-jours vous respondre, comm'aussi de correspondre
fidelement a lhonneur que vous me faites de me vouloir du bien, par une
tres sincere affection a vostre service.
Dieu soit a jamais au milieu de vostre cur pour le remplir et fayre
abonder en son saint amour : ce sont les souhaitz journaliers, Madame ma
chere Fille, de
Vostre plus humble compere et serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
XXI julliet 1610
Je suis fort affectionné serviteur de madame vostre chere seur
et de Mlle la petite niece, ma fille , que j'honnore de tout mon cur .
Revu sur l'Autographe conservé à l'Hôtel-Dieu de
Québec (Canada).
DCXII
A LA MÈRE DE CHANTAL
(INEDITE)
Les premiers jours de la Visitation. - Les " douces amours en Jesus
Christ " de l'Evêque de Genève ; où se portait nuit
et jour sa sollicitude.
Annecy, [juillet-août) 1610 .
Je vous remercie, ma chere Seur, ma Fille, de vos deux billetz. Ce
sera bien fait de faire remedier au mal de la bonne niece , duquel elle
m'avait voyrement parlé, mais avec tel mespris, que je pensois estre
fort peu de chose. Dieu soit loüé !
Hier monsieur de Lux me fit sçavoir que monsieur vostre [père
] se portoit fort bien. Dormés jusques a six, voire jusques a sept,
si vous en aves besoin.
Aujourdhuy je n'ay encor fait qu'un peu d'orayson, mais j'en feray,
Dieu aydant ; car je vous veux bien rendre rayson de ce que si justement
et charitablement vous desires pour nostr'ame. La seur se porte mieux,
et moy fort bien.
Je salue ces cheres filles qui sont autour de vous : ce sont mes douces
amours en Jesus Christ, et vous, ma chere Fille, vous estes mon propre
cur en Celuy qui, pour avoir le nostre, nous presente le sien tout a descouvert.
Je salue bien ma chere petite et ma seur Françoise ; mais a present
je regarde si [fort] nostre Congregation, que j'y suis nuit et jour. C'est
pourquoy je resalue ces
..
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Autun.
DCXIII
A MADAME DE LA FOREST, RELIGIEUSE DE L'ABBAYE DE BONS
Subtilité de Satan. - Le Saint cherche à détruire
le résultat d'une calomnie. Bonnes nouvelles de la Maison de la
Galerie.
Annecy, 2 août 1610
Ma chere Fille,
Je respons a vostre lettre du 23 julliet. Si je pouvais parler a celuy
duquel tant de gens parlent , certes, je luy dirois fort franchement tout
ce que je croirais estre propre a le retirer a soy, a Dieu, a son Eglise
; mais je ne pense pas qu'il fut a propos de traitter cela par lettres.
Helas, que nostr'ennemi est subtil et comme il nous conduit insensiblement
aux precipices ! Or, ne pouvant donq autre chose, je prieray pour ce personnage,
que je cheris tendrement et de tout mon cur.
Je suis marri que l'on ayt poussé aux oreilles de Madame de
Bons la calomnie delaquelle vous m'advertisses. C'est pour luy oster la
creance qu'elle pourroit prendre en mes advis, lesquelz, a l'aventure,
luy seroyent utiles ; mais je ne sçaurois empescher sa credulité,
ni la malice des calomniateurs. Je sçai bien, pourtant, que vrayment
je n'ay parlé ni en vert ni en gri d'elle a monsieur de Lux. Seulement,
me parlant d'oster les [scandales qui estoyent a Belley, je luy dis simplement
.me
..
il luy ostera du cur tous ces empeschemens du peché .
Ma tres chere Fille, soyes tous-jours bien douce et suave, aymant amoureusement
les creatures pour lesquelles Nostre Seigneur est mort d'amour (Ga 2,20).
Mme Vignod de Sainte Catherine (Lettres 3, note 127), ira de dela, et je
croy qu'ell'edifiera sa seur (L'Abbesse de Bons), car c'est vrayement une
fille tout absolument remise en Dieu. Nostre petite mayson de ces Dames
devotes se confirme fort au bien et s'accroist en nombre de personnes toutes
bonnes .
Je prie sa divine Majesté qu'a jamais elle vive et regne dedans
nos curs, et je suis, en elle, tout idellement vostre.
F.
2 Aoust 1610.
[A Madame]
[Madame de] la Forest,
Religieuse à Bons.
Revu sur l'Autographe conservé au Noviciat de la Compagnie de
Jésus d'Arlon (Belgique).
DCXIV
A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR
La transfiguration en Notre-Seigneur. - Le séjour des vaines
beautés et belles vanités. - Encouragements à monter
à la. céleste vision du Sauveur. - Ce qui est pire que la
mort pour une âme de Saint. - Partout il faut avoir bon courage,
et pourquoi.
Annecy, [6 août 1610 ]
Ma tres chere Seur,
Ce n'est que justement pour vous donner le bon soir que je vous escris,
et vous tenir asseuree que je ne cesse point de vous souhaiter mille et
mille benedictions du Ciel, et a monsieur mon frere, mais particulierement
celle d'estre tous-jours transfiguree en Nostre Seigneur. 0 que sa face
est belle et que ses yeux sont doux et esmerveillables en suavité,
et que c'est chose bonne d'estre aupres de luy en la montaigne de la gloire
(Mt 17,4) ! C'est la, ma chere Seur, ma Fille, ou nous devons loger nos
desirs et affections, non en cette terre, ou il n'y a que des vaines beautés
et belles vanités.
Or sus, graces a ce Sauveur, nous sommes a la montee du mont Thabor,
puisque nous avons des fermes resolutions de bien servir et aymer sa divine
Bonté: il nous faut donq encourager a une sainte esperance. Montons
tous-jours, ma chere Seur, montons sans nous lasser, a cette celeste vision
du Sauveur ; esloignons-nous petit a petit des affections terrestres et
basses, et aspirons au bonheur qui nous est preparé.
Je vous conjure, ma chere Fille, de bien prier Nostre Seigneur pour
moy et qu'il me tienne dores en avant dans les sentiers de sa volonté,
affin que je le serve en sincerité et fidelité. Voyes vous,
ma tres chere Fille, je desire ou de mourir ou d'aymer Dieu ; ou la mort
ou l'amour, car la vie qui est sans cet amour est tout a fait pire que
la mort. Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serons heureux si nous aymons
bien cette souveraine Bonté qui nous prepare tant de faveurs et
benedictions ! Soyons bien tous a elle, ma Fille, parmi tant de tracas
que la diversité des choses mondaines nous presente. Comme voulons-nous
mieux tesmoigner nostre fidelité qu'entre les contrarietés
? Helas, ma tres chere Fille, ma Seur, la solitude a ses assautz, le monde
a ses tracas; par tout il faut avoir bon courage, puisque par tout le secours
du Ciel est prest a ceux qui ont confiance en Dieu, et qui, avec humilité
et douceur, implorent sa paternelle assistance.
Vous marches tousjours entre nos saintes resolutions, je m'en asseure
; ne vous fasches donques point de ces petitz assautz d'inquietudes et
chagrins que la multiplicité des affaires domestiques vous donne.
Non, ma chere Fille, car cela vous sert d'exercice a prattiquer les plus
cheres et aymables vertus que Nostre Seigneur nous ayt recommandé
(Mt 11,29). Croyés-moy, la vraye vertu ne se nourrit pas dans le
repos exterieur, non plus que les bons poissons dans les eaux croupissantes
des marais
.
DCXV
AU DUC DE NEMOURS, HENRI DE SAVOIE
Recommandation en faveur du sieur Bouvard pour la charge d'avocat fiscal.
Annecy, 18 août 1610.
Monseigneur,
Puysque le sieur de la Valbonne est actuellement receu au Senat et
que Vostre Excellence a gratifié le sieur Arpeaud de la judicature
de Genevois , je la supplie tres humblement de favoriser le sieur Bouvard
de l'estat de son advocat fiscal ), l'asseurant en toute verité
que la recommandation que ci devant j'ay faitte de la personne et merites
d'iceluy, se treuvera moindre que le sujet ne requeroit, et qu'
..de
Vostre Excellence
.. . . ne sçauroit faire un choix plus utile
a son service que celuy de cet homme là, vertueux, sçavant,
laborieux et nourri es lettres par la grace de Vostre Excellence.
Je prie Nostre Seigneur quil vous prospere, Monseigneur, et comble
Vostre Grandeur de ses benedictions. Ce pendant, je vivray heureux d'estre,
De Vostre Excellence,
Tres humble et -tres-obeissant orateur et serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
XVIII aoust 1610, a Neci.
A Son Excellence.
Revu sur l'Autographe appartenant à la famille Berthet, à
Annecy.
DCXVI
A M. ANTOINE. DES HAYES
Un trépas vraiment pitoyable. - Le Saint relève le courage
de son ami, dont la mort de Henri IV semblait avoir compromis la fortune.
- Comment se ménager la protection de la Providence. - Souhaits
pour la France et la famille royale.
Annecy, 30 août 1610.
Ce papier vous portera simplement des paroles qui sortent du fond de
mon cur sur la derniere lettre que j'ay receüe de vostre part, il
y a pres de six semaines.
Certes, le trespas de ce grand Roy m'a touché de compassion
en cent façons et par cent motifz, car vrayement il a esté
pitoyable. Mais vostre consideration a tenu l'un des premiers rangs a m'assaillir
de desplaysir ; car, mon Dieu, cet excellent esprit de Prince avoit seulement
commencé a vous connoistre, et voyla qu'il est ravi a vostre fortune
affin qu'elle ne vive plus si heureuse. Mais faites, mon cher Monsieur,
que je cheris a l'esgal de mon cur, faites tous-jours vivre courageusement
vos vertus qui, aussi bien, sont immortelles, et je me prometz ce contentement
de voir qu'un peu d'interruption que la perte de ce grand Roy fait a vostre
bonheur, ne servira que de reprise d'haleine a vostre fortune ; car en
fin, c'est Dieu qui manie les resnes du cours de nostre vie, et nous n'avons
point d'autre fortune que sa providence, laquelle sera tous-jours specialement
sur vous quand vostre amour sera special en son endroit. Je la supplie
de tout mon cur qu'elle soit speciale a la France et a son petit Roy et
a sa grande Reyne (Marie de Médicis).
Je vous avois escrit sur ce sujet bien tost apres le coup ; mais, a
ce que je voy, mes lettres ne vous sont point venues en main. Oh bien,
vous aves la Monsieur de Montpellier , et m'asseure que vostre mutuelle
prudence aura apporté tout le soulagement a vos espritz qui se peut
recevoir. Pour moy, Monsieur, je vous conjure de croire que vous n'aves
point de cur au monde qui soit plus absolument en la pensee du bien qu'il
a d'estre si parfaittement aymé de vous.
Dieu vous benisse et prospere de plus en plus en ses graces et
consolations, et suis irrevocablement,
Monsieur,
Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,
FRANçs, E. de Geneve.
30 aoust 1610.
.
DCXVII
A LA MÈRE DE CHANTAL
Hésitations à faire venir en Savoie le P. de Monchy.
- Souhait du Saint pour Mme de Chantal.
Annecy, 4 ou 5 septembre 1610 .
Ma tres chere Seur, ma Fille,
Ce bon hermite , venu de la part du P. de Monchi (notes 44 et 401),
me dit hier au soir que si ledit P. de Monchi venoit, il reviendroit aussi
avec luy, par ce qu'il s'estoit mis sous son obeissance et l'avait pris
pour Superieur. Cela, ma chere Fille, me tient encor plus en opinion de
differer encor un peu a le faire venir, en luy parlant neanmoins en sorte
que s'il vouloit venir, il n'en fut pas du tout forclos ; car, pour parler
entre nous deux, sil vient sur ma parole, il me sommera de le si bien accommoder
que j'en auray bien de la peyne, ce quil ne feroit pas sil venoit d'autre
façon ; car le bonhomme va selon son esprit, et je ne desire point
de luy donner aucun sujet de plainte.
Mais dites moy vostre advis sur cela, ma tres chere Fille, a laquelle
je souhaite incessamment un parfait engloutissement en l'amour tres pur
de Nostre Seigneur, auquel soit honneur et gloire (Rm 16,27).
Bonjour, ma tres chereFille, ma Seur. Nostre Baron a peyne. de penser
au retour, mais il me semble tousjours qu'il l'y faut disposer.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de San
Remo (Italie).
DCXVIII
A LA MÊME
La méthode de Mme de Chantal. - La confession de Françon.
- Doux pressentiments intimes à l'approche de la fête de la
Nativité de la très sainte Vierge. - La céleste Pouponne.
Annecy, 7 septembre 1610 .
Je treuve certes encor meilleur (sic) la methode que vous dites, d'escrire
au P. de Monchi tout nüement vostre pensee, ma tres chere Fille, car
apres cela il ny aura rien a dire. Ce bon Frere qui est icy , ne partira
que jeudi (Le 9 septembre), car tout aujourdhuy j'ay esté tant tracassé
quil n'est pas possible de plus.
Ne jeusnes pas , ma tres chere Fille, ni nostre fille de Brechard (lettre
612) ; car, quant a vous, je me souviendray bien, apres que vous seres
bravement guerie, de vous faire jeusner un samedi en eschange.
Envoyes moy nostre Françon , que nous confesserons ce soir.
Parles amiablement, mais gravement, au bon enfant M. de Grenier, lequel
j'espere fera quelque chose de bon .
Nostre cher neveu a certain desir de ne retourner pas vers le pere
, mais je n'y vois point d'apparence. Il faut bien tout cet hiver pour
la digestion de nostre resolution .
Au demeurant, je me suis treuvé ce matin, avec une certaine
douceur et tranquillité d'esprit, sans aucun ressentiment de l'estonnement
que mon cur avoit eü, que j'ay conneu clairement que la venue de
Nostre Dame s'approchoit, par un presentiment de sa douce lumiere. J'y
envie de vous parler un peu bien a loysir de cela.
Cependant, bon soir, ma tres chere Fille, ma Seur ; faites bien la
cour a cette celeste Pouponne qui nous arrive, et luy demandes sa grace
pour impetrer celle de son Filz. Jamais je n'eu tant de sainte affection
que j'en ay pour nostre ame et nostre tres unique cur.
A Madame
Madame de Chantal,
ma tres chere Fille.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Metz.
DCXIX
A MADAME DE TRAVERNAY
Une âme docile. - L'exercice de l'amour sacré et les tribulations.
Un. spectacle encourageant.
Annecy, 11 septembre 1610.
Madame,
Mais moy, j'ay bien de la consolation de vous voir recevoir si doucement
les essais que je fay au service de vostre chere ame, laquelle voyant marquee
de plusieurs graces celestes, je ne puis que je n'ayme tendrement et puissamment.
C'est pourquoy je luy souhaitte de plus en plus beaucoup d'avancement au
saint amour de Dieu, qui est la benediction des benedictions.
Or, vous sçavés, ma tres chere Fille, que le feu que
Moyse vit sur la montaigne (Ex 3,1) representoit ce saint amour, et que,
comme ces flammes se nourrissoyent entre les espines, aussi l'exercice
de l'amour sacré se maintient bien plus heureusement parmi les tribulations
qu'emmi les contentemens. Vous aves donq bien occasion de connoistre que
Nostre Seigneur desire que vous proffities en sa dilection, puisqu'il vous
donne une santé presque tousjours incertaine et plusieurs autres
exercices.
Mon Dieu, ma tres chere Fille, que c'est chose douce de voir Nostre
Seigneur couronné d'espines sur la croix et de gloire au Ciel !
car cela nous encourage a recevoir les contradictions amoureusement, sçachans
bien que, par la couronne d'espines, nous arriverons a la couronne de felicité.
Tenés vous tous-jours bien serree et jointe a Nostre Seigneur, et
vous ne sçauries avoir aucun mal qui ne se convertisse en bien.
Madame,
Vostre humble et tres affectionné serviteur et compere,
FRANçs, E. de Geneve.
Le 11 septembre 1610
DCXX
A MADAME DE LA FLÉCHÊRE
Parmi les afflictions, les unes sont plus affligeantes, les autres
plus dangereuses pour l'âme. - Pourquoi le tracas des procès,
plus que tout autre, ôte la paix intérieure. - La seule perte
que nous devons craindre en cette vie. - Comment les procès peuvent
servir à l'avancement spirituel. Exemple de Notre-Seigneur. - Le
moyen d'être toujours assez riche.
Annecy, 19 septembre 1610.
Ma tres chere Fille,
J'ay sceu la multitude de vos peynes et je les ay recommandées
a Nostre Seigneur, affin qu'il luy pleust de les benir de la sacree benediction
de laquelle il a beni celles de ses plus chers serviteurs, affin qu'elles
soyent employees a la sanctification de son saint nom en vostre ame.
Et faut que je confesse qu'encor qu'a mon advis les afflictions qui
regardent les personnes propres et celles des proches soyent plus affiigeantes,
neanmoins celles des proces me donnent plus de compassion, parce qu'elles
sont plus dangereuses pour l'ame. Combien de gens avons-nous veu, en paix
dans les espines des maladies et perte des amis, perdre la paix interieure
dans les tracas des proces exterieurs ? Et voyci la rayson, ou plustost
la cause sans rayson : nous avons peine de croire que le mal des proces
soit employé de Dieu pour nostre exercice, parce que nous voyons
que ce sont les hommes qui font les poursuittes ; et, n'osans pas nous
remuer contre cette Providence toute bonne, toute sage, nous nous remuons
contre les personnes qui nous affligent et nous en prenons a eux, non sans
grand peril de perdre la charite, la seule perte de laquelle nous devons
craindre en cette vie.
Or sus, ma tres chere Fille, quand voulons nous tesmoigner nostre fidelité
a nostre Sauveur, sinon en ces occasions ? Quand voulons nous tenir en
bride nostre cur, nostre jugement et nostre langue, sinon en ces pas si
raboteux et proches des precipices ? Pour Dieu, ma tres chere Fille, ne
laissés pas passer une sayson si favorable a vostre avancement spirituel,
sans bien recueillir les fruitz de la patience, de l'humilité, de
la douceur et de l'amour de l'abjection. Souvenés-vous que jamais
Nostre Seigneur ne dit un seul mot contre ceux qui le condamnerent, il
ne les jugea point ; il fut jugé et condamné a tort, et il
demeura en paix et mourut en paix, et ne se revengea qu'a prier pour eux
(Lc 23,34). Et nous, ma tres chere Fille, nous jugeons nos juges et nos
parties, nous nous armons de plaintes et de reproches. Croyés-moy,
ma tres chere Fille, il faut estre forte et constante en l'amour du prochain
; et je dis cecy de tout mon cur, et sans avoir esgard ni a vos parties,
ni a ce qu'ilz me sont, et m'est advis que rien ne me touche en ces rencontres.
que la jalousie de vostre perfection.
Mais il faut que je cesse, et je ne pensois mesme en tant dire. Vous
aures Dieu tous-jours quand il vous plaira : et n'est-ce pas asses estre
riche ? Je le supplie que sa volonté soit vostre repos, et sa Croix
vostre gloire (Ga 6,14), et je suis sans fin,
Vostre tres humble et invariable serviteur en luy,
FRANÇs, E. de Geneve.
Le 19 septembre 1610.
DCXXI
A M. JEAN-FRANÇOIS RANZO
(INÉDITE) (En italien)
Les débuts de la Congrégation. - La Patronne qu'elle
a choisie. - Attestation du culte rendu au bienheureux Amédée
dans le monastère de Talloires et à Chambéry ; à
son passage dans cette ville, le prince Emmanuel-Philibert de Savoie reçoit
les hommages de François de Sales.
Annecy, 29 septembre 1610
Très Illustre et très honoré Seigneur,
Je réponds par ces quatre lignes à la dernière
lettre de Votre très Illustre Seigneurie, en laissant au porteur,
M. le collatéral de Quoex (Claude de Quoex,Lettres 2, note 95) le
soin de dire le restant, d'après les entretiens que nous en avons
eus ensemble.
La Congrégation de ces dames (La Visitation) est érigée
à la grande satisfaction des gens de bien qui la voient. Aussi,
comme je dois faire demander à Rome la bénédiction
de Sa Sainteté avec quelques Indulgences, je verrai si l'oratoire
peut être dédié il l'honneur du bienheureux Amédée
(note 464). Cependant, pour plus d'un motif, la Congrégation a désiré
comme Patronne la Bienheureuse Vierge de la Visitation. .
Quant à la Messe célébrée en l'honneur
du bienheureux Prince au monastère de Talloires, je n'ai pu recueillir
que ceci : M. Claude Nicolas de Quoex, frère du porteur et prieur
claustral de Talloires (note 245), étant jeune Novice, servait les
Messes. Or, il se rappelle très bien avoir vu dans un ancien missel
cet office, et d'avoir servi ladite Messe du bienheureux Amédée
, célébrée par un de ses oncles qui était aussi
prieur claustral et se nommait Amédée . Mais du missel, il
ne reste aucune trace, parce que ledit prieur est resté longtemps
absent pour cause d'études.
Je dois ajouter que j'allai présenter mes hommages, à
Son Altesse Mgr le Prince, qui passa l'autre jour à Chambéry
. Il se rendit, et je l'accompagnai, dans la chapelle de Saint-Amédée,
à l'église SaintFrançois. C'est une chapelle tellement
authentique et l'image est placée sur l'autel de telle façon
qu'on ne saurait, s'il s'agissait de saint Pierre, disposer les choses
autrement, ni avec plus d'apparat .
Sur ce, je prie Dieu notre Seigneur d'accorder à Votre
très Illustre Seigneurie tout vrai contentement,
De Votre très Illustre Seigneurie,
Le très affectionné serviteur dans le Christ,
FRANÇOIS, Evêque de Genève,
Annecy, le 29 septembre 1610.
Au très Illustre et très honoré Seigneur,
M. Jean-François Ranzo,
Gentilhomme de la Chambre de Son Altesse Sérénissime.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. Gaspard Cassinis, à
Turin.
DCXXII
A MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Condoléances sur la mort de M. d'Avully, père de la destinataire.
- Raisons d'espérer que Dieu l'aura reçu dans l'Eglise triomphante.
Septembre-octobre 1610.
Madame,
Je regrette avec vous la perte que nous avons faite de la presence
de monsieur vostre pere , et loüe neanmoins Nostre Seigneur avec vous
du gain qu'il a fait, en eschange de cette miserable vie mortelle, avec
la tres heureuse vie celeste a laquelle il a esté appellé.
Cette grace si signalee par laquelle il fut retiré d'entre les bras
de l'erreur pour estre remis au giron de la sainte Eglise militante, me
fait croire que sa divine Majesté ne l'aura pas retiré du
giron de la militante que pour le loger en celuy de la triomphante, puisque
mesme, quoy qu'il soit mort au milieu de l'heresie , il est neanmoins trespassé
en la foy et union de cette sainte Eglise militante, sa mere et mere de
tous les enfans de Dieu.
Soyés donq toute consolee en cette veritable confiance, ma chere
Seur, et continues avec fermeté a servir sa divine Majesté
en pureté et sincerité. Je la supplie qu'elle regne par son
saint amour .au milieu de nos curs, et suis,
Madame,
Vostre tres humble serviteur et frere en Nostre Seigneur,
FRANÇs, E. de Geneve.
A Madame
Madame de la Flechere.
DCXXIII
A LA MÈRE DE CHANTAL
Pourquoi François de Sales travaille avec zèle au Traitté
de l'Amour de Dieu.- " Petites lanterneries " et " petites clartés.
" - La parfaite résignation. -Une lettre où il est parlé
mignardement de Celse-Bénigne.
Annecy, 9 octobre 1610 .
Je n'ay garde, ma treschere Fille, de me rendre negligent en la besoigne
que Dieu m'a mise en main pour la gloire de son saint amour , car c'est
la Verité que je n'en sçaurois chevir qu'avec un grand effort,
dautant que cet amour est un abisme des curs et des espritz. Je desire
fort de vous entretenir tout un' apres disner, mais tenes un peu bien prest
ce que vous aves a me dire, et vos petites lanterneries, dans lesquelles,
si je puis, je mettray aussi des petites clartés, affin que vos
lanternes ne soyent pas du tout inutiles.
J'avois dit a M. Michel que vous communieries ; et ce grand Saint merite
bien qu'on face soigneusement sa feste, quand ce ne seroit que pour apprendre
a porter nos testes et que nos testes ne nous portent pas, qui est la perfaite
resignation.
Je vis des hyer la lettre du bon Pere, et pour ce qui me regarde, je
vous en entretiendray la centiesme partie d'un quart d'heure, car il ny
a pas pour davantage. Mais quant a vostre Celse Benigne, gardes bien que
vous savouriés delicieusement tout ce qui est dit si joliment de
luy, car c'est vostr'enfant. Dieu luy donnera beaucoup de grandes perfections
et solides, sil exauce mes prieres. Je verray voir si je pourray gaigner
l'esprit de nostre Seur Jaqueline, et seray bien discret a la persuader
. Voyla donq la chere lettre que je vous renvoye, car je ne voudrois estre
plus longuement depositaire d'un escrit qui parle de Celse Benine si mignardement.
Bon soir, ma tres chere Seur, ma Fille ; soyes bien toute a Nostre
Seigneur. Je le supplie quil vous face abonder en son tressaint amour et
toutes nos cheres filles . Je vay escrire a la petite seur (Marie-Aimée.)
par monsieur son mari qui s'en reva. Lundi, Dieu aydant, nous dirons le
reste. Sa divine Majesté remplisse et occupe a jamais tout nostre
cur. Amen.
Revu sur l'Autographe conservé à Lyon, paroisse de Saint-Joseph.
DCXXIV
A MADEMOISELLE DE VALLON
(INÉDIT)
Une nouvelle postulante pour la Maison de la Galerie. - Par quelles
vertus s'entretient le désir de la vie religieuse.
Annecy, 28 octobre 1610.
Madamoyselle,
Vostre desir de vivre toute a Nostre Seigneur m'est extremement aggreable,
et vous tesmoigneray combien j'en [ai de mon ] costé pour vous en
faire reuscir heureusement, quand monsieur vostre pere apportera ce qui
est requis de sa part. Et ce pendant, nourrisses cherement la sacree inspiration
que Dieu vous a donnee, par tous les bons exercices qui peuvent establir
vostre cur en l'humilité, douceur et pueté ; car si vous
jettes ainsy vostre fiance en cette souveraine Bonté, ell' abbregera
les jours pour vous faire plus tost jouir de la retraitte a laquelle elle
vous appelle.
Donnes moy part a vos prieres, puisque je suis,
Madamoyselle,
Vostre tres affectionné et bien humble en Nostre Seigneur,
FRANçs, E, de Geneve.
XXVIII octobre 1610
Madamoyselle
Madamoyselle de Vallon.
Revu sur l'Autographe conservé a la Visitation de Montpellier.
DCXXV
A M. PHILIPPE DE VILLERS
Différend avec le Chapitre de Belley, à propos des cures
et. églises des paroisses vacantes. - Affaire de M. de Sauzéa.
- La vérité est toujours la plus forte.
Annecy, 4 novembre 1610
Monsieur mon bon Pere,
A ce renouvellement des entrees. de la cour, me voyci a vostre porte,
requerant quil.vous playse avoir le soin et de l'affaire de ce porteur
et de celle que j'ay pour la cure des Abergemens contre le Chapitre de
Belley (lettre 628), qui a le tort principalement en ce quil me veut priver
de la garde des cures et eglises parrochiales vacantes , contre toute rayson,
contre toute coustume et contre les articles que nous avions signés
et arrestés par composition amiable , mais articles lesquelz ayans
esté rompuz de leur part, je ne restabliray pas si aysement ; puysque
mesme je reconnôis tous les jours plus clairement que leurs provisions
du doyen né de Seyserieu sont foibles et imbecilles, au pris de
celles de monsieur de Vitré , et que d'ailleurs ces messieurs ne
songent qu'a s'avancer sur l'authorité de l'Evesque, qu'a pervertir
la discipline ecclesiastique et qu'a nous introduire des methodes contraires
aux Conciles. Je vous supplie donq de me bien favoriser pour ce regard.
Et quant a l'affaire de M. de Sauzea, j'ay appris chose qui m'a despleu
; et c'est que sa partie a remis son droit a M. Gontier, homme puissant
et de grand credit , comm'on me dit. Neanmoins, la verité est tous-jours
la plus forte.
Je n'escriray point pour ce coup a madamoyselle ma chere mere , par
ce que ce porteur me presse et m'a treuvé entre mille embarassemens
; mais il ne passera beaucoup de jours que je ne repare ce defaut, Ce pendant
je prieray Nostre Seigneur pour vous, Monsieur, et pour elle, comm'estant
inviolablement de tous deux, avec un cur tout filial,
Bien humble et tres asseuré serviteur,
FRANÇs: E. de Geneve.
4 novembre 1610
A Monsieur
Monsieur de Vilers,
Advocat au Parlement.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Valence.
DCXXVI
A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-D'ORBE
Le profit qu'on peut retirer d'un mal incurable. - En quels cas le
monde juge sévèrement les âmes qui l'ont quitté
pour le cloître ; celles-ci perdent toujours quelque chose aux sorties.
- Il faut avoir quelque égard à l'opinion publique. - Une
ancienne coutume du monde ; son pharisaïsme. - Contrairement à
l'esprit du siècle, c'est aux supérieurs à gagner
les inférieurs. Une abbesse et une prieure un peu refroidies ; exhortation
du Saint pour ramener entre les deux surs l'amitié fraternelle.
Annecy, 6 novembre 1610.
Certes, j'ay bien eu du contentement de sçavoir de vos nouvelles
apres tant de tems que j'avois demeuré sans en recevoir, ma tres
chere Fille, par vous mesme ; car, que me peuvent dire de certain, de vous
ni de vos affaires, tous les autres ?
Mays, ma tres chere Fille, en. fin tous les remedes humains se sont
treuvés inutiles pour la guerison de cette pauvre jambe, qui vous
donne une peine qu'il faut sagement convertir en pnitence perpetuelle.
A la verité, j'ay tous-jours eu cette cogitation, que toutes ces
applications reusciroyent tres mal, et que c'estoit un coup que la Providence
celeste vous avoit donné, affin de vous donner sujet de patience
et mortification. O quelz tresors pouvies vous assembler par ce moyen !
Il le faut faire dores en avant, et vivre comm'une veritable rose entre
les espines (Ct 2,2 ; Lettres 3, note 44 et lettre 292).
Mays on m'a escrit que vous esties au Puy d'Orbe avec de vos Filles,
et le reste estoit demeuré a Chatillon . Cela est vray, car l'eusse
[on pas dit , je l'eusse deviné. Mais ça esté pour
peu, ce me dites-vous,] et pour un bon et legitime sujet. Je le croy ;
mays croyes moy aussi, ma tres chere Fille, que comme les filles qui. ont
quitté le monde devroyent ne le jamais vouloir voir, aussi le monde
qui a quitté les filles ne le (sic) voudroit jamais voir, et pour
peu qu'il les voye, il s'en fasche et murmure. C'est la verité aussi
que l'on perd tous-jours quelque chose aux sorties qui peuvent, voire mesme
avec quelque perte temporelle, estre evitees. Pour celà, si vous
escoutes mes advis, vous sortires le moins quil vous sera possible, et
mesme pour ouyr les sermons, puisque vous aures bien le credit d'avoir
quelquefois le praedicateur en vostre oratoire, qui dira des choses toutes
propres pour vostre assemblee.
Certes, il faut avoir quelque egard a la voix commune, et faut beaucoup
faire de choses pour eviter les bruitz des enfans du monde. Certes, si
je sçavois, disoit ce grand spectacle de religion et de devotion,
saint Paul, (1 Co 8, 13)si je sçavois qu'en mangeant de la chair
je donnasse du scandale au prochain, je n'en mangerais jamais a l'ternité.
Contentes en cela messieurs vos parens, et je croy qu'apres' vous pourres
confidemment leur demander du secours pour vous bien loger, car il me semble
que je les [voy qui disent : Pourquoy loger a] commodité des filles
.. qui sortent et vont parmi le monde ? Et le desplaysir qu'ilz
ont de ces sorties fait qu'ilz en exagerent la quantité et qualité.
C'est l'ancienne coustume du monde de treuver qu'il luy est loysible de
parler des ecclesiastiques a toute main ; et croit que pourveu qu'il ayt
quelque chose a dire sur iceux, il ni aura plus rien a dire sur ses partisans.
Or sus, ni auroit pas moyen que vous sçeussies treuver le biays
par lequel il faut prendre et garder le cur et l'affection de madame la
Prieure nostre seur ? car encor que selon le monde c'est aux inferieurs
a rechercher la bienveuillance des superieurs, si est ce que selon Dieu
et les Apostres c'est aux superieurs a rechercher les inferieurs et les
gaigner ; car ainsy fait nostre Redempteur, ainsy ont fait les Apostres,
ainsy ont fait, font et feront a jamais tous les Praelatz zelés
en l'amour de leur Maistre. Je confesse que je n'admire nullement que vos
proches se scandalizent de voir la froideur de l'amitié qui est
entre deux seurs naturelles, deux seurs spirituelles, deux Seurs Religieuses.
Il faut remedier a cela, ma tres chere Fille, et ne permettre pas que cette
tentation dure. Il se peut faire qu'ell'ayt le tort, mais du moins aures
vous celuy la de ne la pas ramener a vostre amour par le tesmoignage continuel
et incessable de celuy que vous luy deves selon Dieu et le monde.
Vous voyes de quelle liberté j'use a vous [dire mes sentimens,
ma chere Fille, car vous estes ] une fille que je desire estre tous-jours
victorieuse de la victoire que l'Apostre annonce (Rm 12,21) : Ne soyes
point vancu (sic) par le mal, mais vainques le mal par le bien. Si je vous
parlois autrement, je vous trahirois ; et je ne puis ni ne veux vous aymer
que tout a fait paternellement, ma tres chere Fille, que je prie Nostre
Seigneur vouloir combler de graces et [de] ses consolations, saluant tres
humblement toute vostre chere compaignie.
Vostre tres humble frere et serviteur,
F. E. de Geneve.
VI novembre 1610
A Madame
Madame l'Abbesse [du] Puys d'Orbe.
Chatillon.
Revu sur l'Autographe conservé à Saint-Loup-sur-Aujon
(Haute-Marne), au Pensionnat du Cur Immaculé de Marie.
DCXXVII
A M. PIOTON
Prière de retirer un legs en faveur d'une uvre pieuse.
Sales, 9 novembre 1610
Monsieur,
Je vous prie de prendre la peyne de retirer le legz fait a la Sainte
Mayson, duquel ou vous ou l'hoir aves adverti M. de Blonnay, affin qu'il
soit employé, selon l'intention du legataire, en une oeuvre grandement
pieuse qui se praesente maintenant . Et puysque le sieur de Blonnay vous
en escrit encor, je n'employeray rien de plus pour ce sujet, qui suis tous-jours
de tout mon cur,
Monsieur,
Vostre plus humble, tres affectionné serviteur en Nostre Seigneur,
FRANçs, E. de Geneve.
A Sales, 9 novembre 1610.
A Monsieur Piotton,
Advocat au Souverain Senat.
DCXXVIII
AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE
Les curés de Valromey et le Parlement de Dijon. - Le Saint réclame
l'intervention de son ami pour obtenir du Sénat une pièce
utile au procès.
Annecy, 20 novembre 1610.
Monsieur mon Frere,
Quelques curés de Valromey ont des proces a Dijon ausquelz j'ay
deu intervenir pour les droitz de l'evesché . Or, nous sommes reduitz
a devoir preuver que nous avons ci devant conferé les cures par
le concours, et que, quand il est arrivé quelque proces devant le
Senat pour ce regard le Senat a jugé selon ce concours et en faveur
d'iceluy. C'est pourquoy ce porteur recourt a vous affin quil vous playse
favoriser la supplication quil presentera, pour obtenir une declaration
propre pour fayre foy au Parlement de Digeon de ce que nous avons allegué,
ainsy que je viens de dire,
J'en parlay l'autre jour a monsieur l'advocat general , qui me dit
que malaysement obtiendrions-nous une telle declaration, mais que le Senat
feroit bien faire un'information par un commissaire deputé de sa
part, qui pourroit servir autant que l'attestation mesme ; ce qui suffiroit,
car je ne suis point attaché a la maniere. Je vous supplie donq,
Monsieur mon Frere, de nous gratifier en cett'occasion, laquelle nous est
importante et qui regarde une grande suite.
Je prieray ce pendant Nostre Seigneur quil vous conserve et
prospere de plus en plus, demeurant,
Monsieur mon Frere,
Vostre tres humble frere et serviteur,
FRANCs., E. de. Geneve.
xx novembre 1610
A Monsieur
Monsieur Favre, Baron de Peroges,
Conseiller d'Estat de S. A.,
Premier President de Savoye.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.
DCXXIX
A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR
(FRAGMENT)
Les croix domestiques; il faut savoir les bien prendre.
Sales, 23 ou 24 novembre 1610.
..
J'ay appris que mon frere et vous, estes tous-jours, et de plus en
plus, exercés par les volontés de monsieur vostre pere .
Ma Fille, si vous sçaves bien prendre cette croix, vous seres bien
heureuse, car Dieu vous donnera en eschange mille benedictions, non seulement
en l'autre vie, mais mesme en celle cy ; mais il faut estre courageuse
et perseverante en douceur et patience.
Madame de Chantal se recommande mille fois tres affectionnement a vous
et vous souhaitte continuellement accroissement de l'amour de Dieu.
Bon jour, ma chere Fille, ma Seur; je suis
Vostre frere tout vostre,
FRANÇs, E. de Geneve.
A Sales, d'ou je pars vendredy pour aller a mon devoir en ces Advens
.
DCXXX
A MADAME DE LA FLECHÈRE
(INEDlTE)
Une tranquillité fainéante et trompeuse.- Quand faut-il
augmenter les Communions, au lieu de les diminuer. - Le Saint, ennemi,
dans ses visites, des cérémonies, compliments et perte de
temps.
Sales, 24 novembre 1610.
Or sus, il faut donq bien tous-jours perseverer, ma tres chere Fille,
a colloquer vivement toute vostre confiance en Nostre Seigneur parmi ce
grand embarras d'affaires qui sont dessus vos bras, qui vous servira de
juste sujet pour vous bien fonder en la resignation et tranquillité
; car la tranquillité qui n'est pas exercee par la tempeste est
une tranquillité faineante et trompeuse.
Mais pourquoy dites-vous, ma chere Fille, que s'il vous faut aller
a Chambery vous craignes d'interrompre vos exercices, et particulierement
celuy de la Communion ? 0 Dieu, ma Fille, un peu de diligence de plus vous
conservera vos exercices sains et sauves entre tous ces tracas. Il s'en
faut bien garder de quitter le manger quand il faut travailler ; au contraire,
il le faut accroistre. Ayés bon courage, ma chere Fille, il faut
bien tenir nostre cur a l'espreuve .de toutes rencontres.
Vrayement je desire fort de vous aller voir, mais je voudrois, s'il
se pouvoit, que ce fust sans avoir occasion de m'engager en ceremonies,
complimenset perte de tems ailleurs, comme je crois la chere seur vous
devoir avoir dit ; car si ce n'eust esté cette consideration, puisque
j'avois le pied a l'estrier, je fusse retourné de Chambery par devers
vous. Or bien, comme que ce soit, nous demeurerons tous-jours bien unis,
Dieu aydant, au desir de servir et aymer parfaitement nostre Sauveur.
Je vous escris sans loysir. A Dieu, ma tres chere Fille, a Dieu soyons
nous a jamais. Amen. Je suis en luy, tres entierement tout vostre et
Vostre plus humble compere et serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
24 novembre 1610.
A Madame de la Flechere.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation
de Turin.
DCXXXI
A LA MÈRE DE CHANTAL
Quelques bonnes pensées pour passer l'Avent avec dévotion
: trois objets capables de ravir les curs en la sainte dilection.
Annecy, 28 novembre 1610.
Vous voules, ma tres chere Fille, quelques bonnes pensees qui aydent
a nos Seurs a passer les Advens avec autant de devotion qu'elles en ont
le desir. Que vous diray je, ma Fille, sinon que la sainte Eglise Romaine,
nostre mere, conduit aujourd'huy ses enfans a Sainte Marie la Majeure pour
y faire la station et y commencer les Advens . Faysons en de mesme, ma
tres chere Fille ; entrons en esprit dans l'intention de la sainte Eglise,
et dans cette unité, retirons nous aupres de la sacree Vierge, nostre
bonne Mere et Maistresse. .
Nous verrons dans ce mois trois objetz, non seulement capables d'occuper
nos ames, mays qui doivent ravir nos curs en la sainte dilection. Le premier
objet, c'est Marie conçeüe sans peché ; le second, saint
Jean, l'enfant de la grace, criant au desert pour faire aplanir les chemins
(Is 11,3 ; Mt 3,1) pour l'Espoux qui doit arriver ; le troisiesme, ce mesme
Espoux et Sauveur arrivant par sa sainte naissance, qui nous fait chanter
joyeusement a Noêl l'Emmanuel où Dieu avec nous (Is 7,14 ;
Mt 1,23).
Voyla asses dequoy mediter, ma Fille, jusques a ce que je vous voye
avec la chere petite trouppe, que Dieu veuille benir.
Revu sur un ancien Manuscrit de l'Année Sainte de la Visitation,
conservé au 1er Monastère d'Annecy.
DCXXXII
A MONSEIGNEUR VESPASIEN GRIBALDI, ANCIEN ARCHEVÈQUE DE VIENNE
Le Prélat destinataire est prié de vouloir bien réconcilier
un cimetière profané par un assassinat.
Annecy, 1er décembre 1610.
Monseigneur,
Je reçois un extreme desplaysir du malheur arrivé ces
jours passés a Saint Paul ; malheur environné de cent deplorables
circonstances. Mays celle du violement du cimetiere me regardant, affin
d'y donner le plus digne et prompt reméde que je puis, je vous supplie
tres humblement, Monseigneur; de vouloir, en quelque journee aggreable,
prendre la peyne de faire la reconciliation requise ; en quoy vous favoriseres
infiniment ce pauvre peuple qui, ne pouvant mais du crime, ne laysse pas
de souffrir la privation de cette commodité spirituelle, et m'obligeres
de rechef a vostr'obeissance, a laquelle pour tant d'autres raysons je
suis tout voué et dedié.
Cependant je prieray Nostre Seigneur quil vous prospere et multiplie
vos ans en sa benediction, qui est le souhait ordinaire de celuy qui, vous
baysant tres humblement les mains, se tient glorieux d'estre,
Monseigneur,
Vostre tres humble et tres obeissant filz et serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
1 decembre 1610.
A Monseigneur
Monseigneur le Rme Archevesque de Vienne.
A Evian.
Revu sur l'Autographe conservé au château de Marin (Chablais),
Archives de Blonay.
DCXXXIII
A LA MÈRE DE CHANTAL
Pratique conseillée à la Mère de Chantal pour
s'attirer la spéciale protection de Notre-Dame.
Annecy, 3 décembre 1610.
Sur ces nouveaux courages que nous prenons, je voy arriver la feste
de la Conception de Nostre Dame, feste de tres particuliere devotion a
ceux qui sont voüés et dediés a son service. Affin donques
qu'elle prene en sa speciale protection nostr'ame et nostre Congregation,
nous commencerons ce jour lâ a communier quotidiennement ; et je
vous en advertis a l'avantage, affin que ces jours d'entredeux soyent employés
a la praeparation de la réception d'un si excellent benefice. Ces
grans Saintz quon celebre ces jours, viennent a propos pour nous ayder
: saint Nicolas, saint Ambroyse, et demain sainte Barbe. Dimanche (2e Avent),
c'est le jour des louanges de saint Jean Baptiste prononcees magnifiquement
par le Sauveur de nos ames (Mt 11,2)
C'est le bon jour que je vous donne, ma tres chere Fille, sans pour
cela vouloir dire que je ne vous aille voir quand je pourray.
Revu sur l'Autographe conservé à Versailles, dans la
Maison de Notre-Dame de la Retraite au Cénacle.
DCXXXIV
AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE
Le grand tracas d'un premier Président. - Le prieuré
de Contamine, les Chevaliers de Saint-Lazare et la Sainte-Maison de Thonon.
- Les Pères Feuillants. - L'hôtesse du Chablais.
Annecy, 5 décembre 1610.
Monsieur mon Frere,
Avec mille actions de graces des deux dernieres lettres [que ] vous
aves pris l'incommodité de m'escrire emmi ce grand tracas qui vous
accable , je vous supplie de ne jamais faire aucune sorte d'effort pour
me donner ce contentement ; car encor que je confesse quil soit grand,
si est ce que celuy de vostre conservation et repos m'est incomparablement
plus grand.
Je me res-jouis de la bonne volonté du sieur chevalier Buccio
; je doute pourtant que Son Altesse n'apporte quelqu'excuse a la nomination,
a cause de la praetention que messieurs de Saint Lazare ont d'employer
le nom de la Sainte Mayson pour accroistre la leur [de ce bien] ; mays
les essays ne peuvent point nuyre et peuvent reuscir. 0 Dieu, j'ay le cur
a demi gasté des alarmes qu'on me donne d'une rude guerre pour nostre
Prince , bien que j'espere en cette souveraine Providence qu'elle reduira
le tout a nostre proffit. '
Les bons Peres Feuillans escrivent aux leurs de Thurin pour l'affaire
de Talloyres , et moy encor avec eux. Je vous supplie de commander a du
Pont de les remettre au premier qui passe en Piemont. Ces Peres sont revenuz
tous pleins de respect et d'amour cordial pour vous et toute vostre mayson.
La fille se porte bien et tous-jours bonne fille, je veux dire tous-jours
meilleure. Madame du Foug, ma tante, et, comme je crois, vostre hostesse
de Thonon, me prie par une lettre, que je vous recommande l'affaire qu'ell'a
au .Senat. Je ne sçai quel il est ; mays elle, ell'est certes digne
de faveur pour mille raysons, entre lesquelles celle-ci me presse, qu'ell'a
esté nostre Rahab (Jos 2) en Chablaix . Hormis que toute sa vie
ell'a esté de bonne reputation, la comparayson est bonne.
Je prie Nostre Seigneur qui! vous renforce de plus en plus pour porter
le [faix] quil a imposé sur vos espaules, et que ce soit par apres
[tres] longuement, car ce sera tres heureusement. Je suis, Monsieur [mon
Frere],
Vostre tres humble frere et serviteur,
FRANCs,[E. de] Geneve.
5 decembre 1610.
Revu sur l'Autographe conservé a Paris, au Carmel de la rue
Denfert-Rochereau.
DCXXXV
A LA PRÉSIDENTE FAVRE
Une lettre écrite après dix heures du soir. - Les. additions
à une nouvelle édition de l'Introduction à la Vie
devote. - Notre guide, notre nocher pendant notre navigation. - Le moyen
de ne rien craindre.
Annecy, 5 décembre 1610.
Ne penses pas, ma Saur tres chere, que je n'aye de la payne a demeurer
tant sans vous escrire, et prin cipalement maintenant qu'au rapport des
bons Peres Feuillans (lettre 634) vous estes encor un peu tendre en santé.
Certes, je voudrois bien tous les jours vous envoyer quelque petite
marque de la souvenance que j'ay de vostre dilection ; mais je suis quelquefois
sans loysir et d'autres fois sans commodité. Or bien, encor vous
escris-je maintenant apres dix heures du soir, pour accompaigner le livre
ci joint qui me semble un peu plus correct que ceux des autres editions,
bien que je ne l'aye pas veu que par ci par la; et, outre ce, il y a trois
chapitres : Des habit, De sdesirs et Quil faut avoir l'esprit juste . Tel
quil est, il part de l'homme du monde qui vous souhaite, plus de benedictions
caelestes.
Je n'eu pas le loysir de me resouvenir, quand je fus a Chamberi (notes
559 et 593), de vous dire que je vous avois envoyé une copie des
principaux statutz de la Visitation ; et si, je ne me souviens pas par
qui je les envoyay. Oseray-je bien vous prier de faire tenir la lettre
ci jointe a la petite Chatel ? C'est. sa bonne seur qui la m'a envoyee
; et je puis bien dire sa bonne seur, car vrayement elle l'est . Mais et
nostre fille et tout, est bien la vrayment bonne fille. Toute leur Mayson
vous salue, notamment Mme de Chantal qui vous honnore et cherit ardemment.
Gardes bien de laysser convertir vostre soin en troublement et inquietude,
et toute embarquee que vous estes sur les vagues et parmi les vens de plusieurs
tracas, regardes tous-jours au Ciel et dites a Nostre Seigneur : 0 Dieu,
c'est pour vous que je vogue et navige, soyes ma guide et mon nocher. Et
puis consoles vous, que quand nous serons au port, les douceurs que nous
y aurons, effaceront les travaux pris pour y aller. Or, nous y allons parmi
tous ces orages, pourveu que nous ayons le cur droit, l'intention bonne,
le courage ferme, l'il en Dieu et en luy toute nostre fiance. Que si la
force de la. tempeste nous esmeut quelquefois un peu l'estomach et nous
fait un petit tourner la teste, ne nous estonnons point, mays soudain que
nous pourrons, reprenons haleyne et nous animons a mieux faire.
Bonsoir, ma tres chere Seur, ma Fille. Craignons [Dieu] et nous ne
craindrons point autre chose; aymons Dieu et nous aymerons tout'autre chose.
Je suis en luy tout vostre et
Vostre humble frere et serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
5 decembre 1610.
A Madame
Madame la premiere Presidente de Savoye.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Dietramszell
(Bavière).
DCXXXVI
A LA MÈRE DE CHANTAL
Les désirs d'un Saint à propos de la manducation quotidienne
du " Pain vivant et suressentiel. " - Les vertus dont il embaume les âmes
qui le reçoivent.
Annecy, 5 décembre 1610 .
Mon Dieu, ma chere Fille, certes il me tarde que je vous voye. Au reste,
je me porte fort bien, et vostre cur, tout autant que je le puis connoistre.
J'ay prié avec une ardeur tres particulière ce matin pour
nostre advancement au saint amour de Dieu, et me sens des plus grans desirs
que jamais au bien de nostre ame. Ah ! ce dis-je, 0 Sauveur de nostre cur,
puisque meshuy nous serons tous les jours a vostre table pour manger non
seulement vostre pain, mays vous mesme, qui estes nostre pain vivant (Jn
6,51) et suressentiel (Mt 6,11), faites que tous les jours nous facions
une bonne et parfaite digestion de cette viande tres parfaitte, et que
nous vivions perpetuellement embausmés de vostre sacree douceur,
bonté et amour.
Je vay au sermon du Pere François ; ce soir j'en fay un a Sainte
Claire . Mais l'autre soir, ce sera vers demain, il faut escrire a Dijon,
car mardy nous envoyerons ; mais si je puis, je vous verray.
Bon soir, unique et tres chere Seur, ma Fille. Je ne veux pas que vous
jeusnies cette annee.
DCXXXVII
A M. CELSE-BÉNIGNE DE CHANTAL
Conseils à un jeune homme qui allait à la cour de France;
à quelles âmes cette fréquentation est-elle moins dangereuse.
- Ses écueils, leurs pernicieux effets, - Remèdes : les "
viandes spirituelles et divines." - Eviter les mauvaises lectures, Rabelais,
" cet infame," et les sceptiques - La vraie courtoisie. - Ne pas s'embarrasser
parmi les amourettes. - Faire profession ouverte de vouloir vivre vertueusement,
judicieusement, constamment et chrétiennement. - Les vertueux à
la philosophique. - En quoi il ne faut pas marchander. - Se choisir des
amis de même intention. - Recourir à la direction d'un prêtre,
Religieux ou séculier. -- Un exercice de fainéant. - Avoir
un cur vigoureux, et pourquoi. - L'idéal d'un courtisan, d'après
saint Louis; portrait de ce prince. - La bravoure et la piété.
- Une méditation à faire souvent. - Le patron, la voile,
l'ancre, le vent qu'il faut choisir pour voguer sur la haute mer du monde.
Annecy, 8 décembre 1610,
Monsieur,
En fin donq vous alles faire voyle et prendre la haute mer du monde
en la cour. Dieu vous veuille estre propice, et que sa sainte main soit
tous-jours avec vous.
Je ne suis pas si paoureux que plusieurs autres, et n'estime pas cette
profession-la des plus dangereuses pour les ames bien nees et pour les
courages masles, car il n'y a que deux principaux escueilz en ce gouffre
: la vanité, qui ruine les espritz molz, faineans, feminins et floüetz,
et l'ambition, qui perd les curs audacieux et presomptueux. Et comme la
vanité est un manquement de courage, qui, n'ayant pas la force d'entreprendre
l'acquisition de la vraye et solide loüange, en veut et se contente
d'en avoir de la fause et vuide, aussi l'ambition est un exces de courage
qui nous porte a pourchasser des gloires et honneurs sans et contre la
regle de la rayson. Ainsy, la vanité fait qu'on s'amuse a ces folastres
galanteries qui sont a loüange devant les femmes et autres espritz
minces, et qui sont a mespris devant les grans courages et espritz relevés,
et l'ambition fait que l'on veut avoir les honneurs avant que les avoir
merités. C'est elle qui nous fait mettre en conte pour nous, et
a trop haut prix, le bien de nos predecesseurs, et voudrions volontier
tirer nostre estime de la leur.
Or, Monsieur, contre tout cela, puisqu'il vous plaist que je vous parle
ainsy, continués a nourrir vostre esprit des viandes spirituelles
et divines, car elles le rendront fort contre la vanité et juste
contre l'ambition. Tenes bon a la frequente Communion, et croyés-moy,
vous ne sçauries faire chose qui vous affermisse tant en la vertu.
Et pour bien vous asseurer en cet exercice, ranges-vous sous le conseil
de quelque bon confesseur, et le priés qu'il prenne authorité
de vous demander conte en confession des retardemens que vous feres en
cet exercice, si par fortune vous en faisies. Confesses-vous tous-jours
humblement, et avec un vray et expres propos de vous amender. N'oubliés
jamais (mais de cela je vous en conjure) de demander a genoux le secours
de Nostre Seigneur avant que de sortir de vostre logis, et de demander
le pardon de vos fautes avant que d'aller coucher.
Sur tout, gardés vous des mauvais livres, et pour rien du monde
ne laissés point emporter vostre esprit apres certains escritz que
les cervelles foibles admirent, a cause de certaines vaines subtilités
qu'ilz y hument, comme cet infame Rabelais et certains autres de nostre
aage, qui font profession de revoquer tout en doute, de mespriser tout
et se mocquer de toutes les maximes de l'antiquité. Au contraire,
ayés des livres de solide doctrine, et sur tout des chrestiens et
spirituelz, pour vous y recreer de tems en tems.
Je vous recommande la douce et sincere courtoysie qui n'offense .personne
et oblige tout le monde, qui cherche plus l'amour que l'honneur, qui ne
raille jamais aux despens de personne, ni piquamment, qui ne recule personne
et aussi n'est jamais reculee, et si elle l'est, ce n'est que rarement;
en eschange dequoy, elle est tres souvent honnorablement avancee.
Prenés garde, je vous supplie, a ne vous point embarrasser parmi
les amourettes, et a ne point permettre a vos affections de prevenir vostre
jugement et rayson au choix des sujetz aymables ; car, quand une fois l'affection
a pris sa course, elle traisne le jugement comme un esclave, a des choix
fort impertinens et dignes du repentir qui les suit par apres bien tost.
Je voudrois que d'abord, en devis et maintien et en conversation, vous
fissies profession ouverte et expresse de vouloir vivre vertueusement,
judicieusement, constamment et chrestiennement. Je dis vertueusement, affin
qu'aucun ne pretende de vous engager aux desbauches. Judicieusement, affin
que vous ne fassies pas des signes extremes, en l'exterieur, de vostre
intention, mais telz seulement que, selon vostre condition, ilz ne puissent
estre censurés des sages. Constamment, parce que, si vous ne tesmoignes
pas avec perseverance une volonté esgale et inviolable, vous exposeres
vos resolutions aux desseins et attaques de plusieurs miserables ames qui
attaquent les autres pour les reduire a leur train. Et je dis en fin chrestiennement,
pour ce que plusieurs font profession de vouloir estre vertueux a la philosophique,
qui neanmoins ne le sont ni ne le peuvent estre en façon quelconque,
et ne sont autre chose que certains fantosmes de vertu, couvrant a ceux
qui ne les hantent pas leurs mauvaise vie et humeurs par des ceremonieuses
contenances et paroles. Mais nous, qui sçavons bien que nous ne
sçaurions avoir un seul brin de vertu que par la grace de Nostre
Seigneur (Jn 15,5), nous devons employer la pieté et la sainte devotion
pour vivre vertueusement ; autrement, nous n'aurons des vertus qu'en imagination
et en ombre. Or, il importe infiniment de se faire connoistre de bonne
heure tel qu'on veut estre tous-jours ; et en cela, il ne faut pas marchander.
Il vous importera aussi infiniment de faire quelques amis de mesme
intention, avec lesquelz vous puissies vous entreporter et fortifier ;
car c'est chose toute vraye que le commerce de ceux qui ont l'ame bien
dressee, nous sert infiniment a bien dresser ou a bien tenir dressee la
nostre. Je pense que vous treuveres bien aux Jesuites, ou aux Capucins,
ou aux Feuillans, ou mesme hors des monasteres, quelque esprit courtois
qui se res-jouira si quelquefois vous l'alles voir pour vous recreer et
prendre haleyne spirituelle.
Mais il faut que vous me permetties de vous dire quelque chose en particulier.
Voyés-vous, Monsieur, je crains que vous ne retournies au jeu, et
je le crains parce que ce vous sera un tres grand mal : cela, en peu de
jours, dissiperoit vostre cur et feroit flestrir toutes les fleurs de
vos bons desirs. C'est un exercice de faineant ; et ceux qui se veulent
donner du bruit et de l'accueil jouant avec les grans, disans que c'est
le plus court moyen de se faire connoistre, tesmoignent qu'ilz n'ont point
de bonne marque de merite, puisqu'ilz ont recours a ces moyens propres
a ceux qui, ayans de l'argent, le veulent hazarder ; et ne leur est pas
grande la loüange d'estre connus pour joueurs, mais s'il leur arrive
de grandes pertes, chacun les connoist pour folz. Je laisse a part les
suites des choleres, desespoirs et forceneries, desquelz pas un joueur
n'a aucune exemption.
Je vous souhaitte encor un cur vigoureux pour ne point trop flatter
vostre cors en delicatesse au manger, au dormir et telles autres mollesses
; car en fin, un cur genereux a tous-jours un peu de mespris des mignardises
et delices corporelles. Neanmoins Nostre Seigneur dit (Mt 11,8) que ceux
qui s'habillent mollement sont es maysons des rois, c'est pourquoy je vous
en parle. Et Nostre Seigneur ne veut pas dire qu'il faille que tous ceux
qui sont es cours s'habillent mollement ; mais il dit seulement que, coustumierement,
ceux qui s'habillent mollement se treuvent la. Or, je ne parle pas de l'exterieur
de l'habit, mais de l'interieur ; car pour l'exterieur, vous sçavés
trop mieux la bienseance, il ne m'appartient pas d'en parler.
Je veux donq dire que je voudrois que parfois vous gourmandassies vostre
cors a luy faire sentir quelques aspretés et duretés, par
le mespris des delicatesses et le renoncement frequent des choses aggreables
aux sens ; car encor faut-il quelquefois que la rayson fasse l'exercice
de sa superiorité et de l'authorité qu'elle a de ranger les
appetitz sensuelz.
Mon Dieu, je suis trop long, et si, je ne sçai ce que j'escris,
car c'est sans loysir et a diverses reprises. Vous connoisses mon cur
et treuveres tout bon.
Encor faut-il pourtant que je vous die ceci. Imaginés-vous que
vous fussies courtisan de saint Louys : il aymoit, ce Roy saint (et le
Roy est maintenant saint par innocence ), qu'on fust brave, courageux,
genereux, de bonne humeur, courtois, civil, franc, poly ; et neanmoins,
il aymoit sur tout qu'on fust bon Chrestien. Et si vous eussies esté
aupres de luy, vous l'eussies veu rire amiablement aux occasions, parler
hardiment quand il en estait tems, avoir soin que tout fust en lustre autour
de luy, comme un autre Salomon, pour maintenir la dignité royale
; et un moment apres, servir les pauvres aux hospitaux, et en fin marier
la vertu civile avec la chrestienne, et la majesté avec l'humilité.
C'est, en un mot, ce qu'il faut entreprendre, de n'estre pas moins brave
pour estre Chrestien, ni moins Chrestien pour estre brave. Et pour faire
cela, il faut estre tres bon Chrestien, c'est a dire fort devot, pieux
et, s'il se peut, spirituel ; car, comme dit saint Paul (1 Co 2,15), l'homme
spirituel discerne tout : il connoist en quel tems, en quel rang, par quelle
methode il faut mettre en uvre chaque vertu.
Faites souvent cette bonne pensee, que nous cheminons en ce monde entre
le Paradis et l'enfer, que le dernier pas sera celuy qui nous mettra au
logis eternel et que nous ne sçavons lequel sera le dernier, et
que, pour bien faire le dernier, il faut s'essayer de bien faire tous les
autres. 0 sainte et interminable eternité, bienheureux qui vous
considere ! Ouy, car qu'est-ce que [ce] desduit de petitz enfans que nous
faysons en ce monde pour je ne sçai combien de jours ? Rien du tout,
si ce n'estoit que c'est le passage a l'eternité. Pour cela donq
il nous faut avoir soin du tems que nous avons a demeurer ça bas,
et de toutes nos occupations, affin que nous les employons a la conqueste
du bien permanent.
Aymés-moy tous-jours comme chose vostre, car je le suis en Nostre
Seigneur, vous souhaittant tout bonheur pour ce monde et sur tout pour
l'autre. Dieu vous benisse et vous tienne de sa sainte main. Et pour finir
par ou j'ay commencé : vous alles prendre la haute mer du monde,
ne changés pas pour cela de patron, ni de mat, ni de voyle, ni d'ancre,
ni de vent. Ayés tous-jours Jesus Christ pour patron, sa Croix pour
arbre, sur lequel vous estendies vos resolutions en guise de voyle ; vostre
ancre soit une profonde confiance en luy, et allés a la bonne heure.
Veuille a jamais le vent propice des inspirations celestes enfler de plus
en plus les voyles de vostre vaysseau et vous faire heureusement surgir
au port de la sainte eternité, que de si bon cur vous souhaite
sans cesse,
Monsieur,
Vostre plus humble serviteur,
FRANÇs. E. de Geneve.
Ce 8 decembre 1610.
DCXXXVIII
A LA MÈRE DE CHANTAL
Pourquoi ne pas se tourmenter des fâcheuses pensées qui
sont autour. du cur. A quelle condition rien ne nous offensera.
Annecy, [8 décembre 1610 ]
En fin ce beau jour, si propre pour aller vers vous, ma tres chere
Fille, s'escoule ainsy sans que j'aye ce contentement; au moins faut que
je supplee en quelque sorte par ce petit mot, que je sauve d'entre les
affaires que certains Religieux m'apportent.
Bonsoir donq, ma tres chere Fille. Ayés bien soin de soulager
doucement vostre pauvre cur ; gardés-vous bien de luy sçavoir
mauvais gré de ces fascheuses pensees qui luy sont autour. Non,
ma Fille, car le pauvret n'en peut mais, et Dieu mesme ne luy en sçait
aucun mauvais gré pour cela ; au contraire, sa divine sagesse se
plaist a voir que ce petit cur va tremblotant a l'ombre du mal, comme
un faible petit poussin a l'ombre du milan qui va voltigeant au dessus
de luy (S.Aug Conf 12,27) ; car c'est signe qu'il est bon, ce cur, et
qu'il abhorre les mauvaises fantasies.
Mais, ma tres chere Fille, nous avons nostre Mere, sous les aisles
de laquelle nous faut fourrer. Recourons a la Croix, et l'embrassons de
cur ; demeurons en paix a l'ombre de ce saint arbre. Mon Dieu ! il est
impossible que rien nous offense, tandis qu'avec une vraye resolution nous
voulons estre tout a Dieu ; et neanmoins nous sçavons bien que nous
le voulons.
Bon soir de rechef, ma tres chere Fille; ne vous inquietés point,
mocqués-vous de l'ennemy, car vous estes entre les bras du Tout
Puissant. Dieu soit a jamais nostre force et nostre amour ! Demain, moyennant
sa grace, nous vous irons voir, ma tres cherement unique Fille de mon cur.
DCXXXIX
A M. PIERRE RIGAUD
(INEDlTE)
Le Saint et son éditeur lyonnais. Celui-ci le presse " de
rendre fait " le Traitté de l'Amour de Dieu - Commande de livres.
Annecy, 14 décembre 1610.
Monsieur Rigaud,
Je suis marri que vous ayes eu l'incommodité d'envoyer expres
ce porteur qui m'a rendu les livres que vous luy avies confiés.
Il est, au demeurant, hors de mon pouvoir de rendre fait le Traitté
de 1'Amour de Dieu de quelque tems, pour le peu de loysir que mes continuelles
occupations me laissent, quoy que je sois soigneux de n'en perdre pas un
seul moment. Mais quand il sera en estat d'estre envoyé, je vous
avertiray quelques semaines devant, affin que vous ayes ce qui sera convenable
pour l'edition, en suite de ce que ci devant je vous en ay dit et escrit
a monsieur le Suffragant .
Je vous prie de m'envoyer par la premiere commodité le livre
de La Venerie, de Jaques du Fouilloux , et celuy d'Esperron , et un petit
livret du Combat spirituel, de ceux qui sont nagueres traduitz .
Dieu vous conserve et prospere, et je suis,
Monsieur Rigaud,
Vostre bien humble et affectionné a
vous faire service,
FRANCs, E. de Geneve.
XIIII decembre 1610, a Neci.
A Monsieur
Monsieur Rigaud, marchand libraire.
A Lion.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Bourg-en-Bresse.
DCXL
A M. JACQUES DE BAY
Le Saint s'intéresse aux études d'un jeune annécien
et demande que le collège de Savoie de Louvain lui soit rouvert.
Annecy, 16 décembre 1610.
Monsieur,
La bonté d'Anthoyne Gard , bourgeois de cette ville, me rend
fort desireux du bien de son filz Jean Baptiste, lequel ayant esté
receu ci devant en vostre college , est decheu de cette grace quil tenoit
de vostre faveur. Je vous supplie donq de tout mon cur, Monsieur, qu'il
vous playse le restablir en ce bonheur, sans lequel il est a craindre qu'il
ne perde tout celuy du reste de sa vie. Et outre le contentement que vous
aures d'avoir exercé une telle charité a l'endroit de toute
un' honnorable famille, faysant revivre l'enfant qui sembloit perdu (Lc
15,24), vous me rendres de plus en plus obligé de vous honnorer
avec le respect que, pour plusieurs autres raysons, je veux et dois rendre
a vos merites.
Et me promettant cette gratification de vostre bienveuillance, je demeureray
a vous souhaitter toute sainte consolation çleste, et seray tous-jours,
Monsieur,
Vostre humble confrere et serviteur en Nostre Seigneur,
FRANÇs, E. de Geneve.
XVI decembre 1610, a Neci.
A Monsieur
Monsieur de Bay,
Docteur et Lecteur en la sainte Theologie, Doyen de SI Pierre,
President du College deSavoye a
Louvain.
Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque
des PP. Bollandistes.
DCXLI
A M. PHILIPPE DE QUOEX
Dans les appointements, le Saint n'est pour personne. - Pas de particularités
dans sa Congrégation ; il faut que tout y " aille d'un train. "
Annecy, 17 décembre 1610.
Monsieur,
Voyla vostre porteur que nous vous renvoyons despeché. Je serviray
madame d'Avully en tout ce qu'il me sera possible, notamment en l'un et
en l'autre des articles que vous me marques.
. Et quant au premier, bien que je n'aye pas accoustumé d'estre
pour personne es appointemens, attendu que ma qualité m'invite tous-jours
a la neutralité pour penser la paix (Jer 29,11), si est-ce que,
si elle le veut ainsy, je me dispenseray de lettre pour ce coup, et M.
de la Roche , qui est dehors, estant venu, je luy parleray a mesme effect.
Quant au second, je pense qu'il faudra attendre qu'elle vienne icy
pour voir le train de cette Congregation affin que, selon le jour qu'elle
prendra, on regarde de luy donner satisfaction, s'il se peut . Neanmoins,
je veux bien dire que malaysement pourroit-on luy permettre d'avoir une
fille de chambre qui ne fust pas de la mayson, mais ouy bien qu'elle fust
specialement servie par une de celles qui seront en la mayson. C'est affin
que tout, la dedans, aille d'un train. Certes, pour moy, je souhaitterois
fort de la voir bien consolee en cette vocation la.
Ne me faites point d'excuses a m'escrire bien ou mal, car ne me faut
nulle sorte d'autre ceremonie que de m'aymer en Nostre Seigneur, selon
lequel je suis
Vostre plus humble confrere,
FRANÇs, E. de Geneve.
Ce 17 decembre 1610.
DCXLII
AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE
Les " bonnes coustumes " de Savoie. - Rendez-vous pour les âmes
chrétiennes unies d'affection. - Une amitié sans limites.
Annecy, 17 décembre 1610.
Monsieur mon Frere,
Ce n'est que simplement pour contenter mon cur que je vous escris
maintenant, car il faut, quand je puis, suppleer au bonheur que j'avais
d'estre aupres de vous par ce petit allegement. Et puis, encor faut-il
garder les bonnes coustumes a vous souhaiter les bonnes festes ; car, de
m'attendre au bien que nous avions presque esperé, de vous voir
a nos beaux Offices en ces si dignes solemnités, c'est chose que
le tems et les affaires ne me peuvent permettre, si ce n'est en cette façon
ordinaire par laquelle vous estes tous-jours present a mon ame, et principalement
a l'autel et le jour de Noüel, environ lequel j'eu cette si chere
grace de vous voir. Mais combien y a-il ? Certes, je n'y pense point, car
il me semble que nostr'amitié est sans limites, et qu'estant si
fort naturalisee en mon cur, ell'est aussi ancienne que luy. Ce pendant,
continuons, Monsieur mon Frere, en cette si digne et si rar'affection,
affin que non seulement Monsieur le Rme de Saint Paul , mais tout le monde
l'admire et loüe des-ormais.
Je suis tous-jours un peu en peyne de la santé de madame nostre
chere Presidente, bien qu'on m'asseure que son mal n'est pas plus grand
quil faut pour seulement luy faire prendre les prservatifz d'un plus grand.
Dieu vous donn'a tous deux les bonnes et belles festes, et vous conserve
longuement et heureusement.
Je suis, Monsieur mon Frere,
Vostre tres humble frere et serviteur,
FRANÇs, E. dé Geneve.
XVII decembre I6l0, a Neci.
Monsieur mon Frere, ce porteur m'a dit comm'il a sceu, ou plus tost
comm'il n'a pas sceu, la supplication que mon frere de Thorens vous fait
; et ça bien esté asses pour y faire adjouster la mienne,
que je sousmetz neanmoins a vostre jugement. .
A Monsieur
Monsieur Favre, Baron de Peroges,
Conseiller d'Estat de S. A., premier President de Savoye.
A Chamberi.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.
DCXLIII
A LA MÈRE DE CHANTAL
(BILLET INÉDIT)
Une galerie où le Saint parlait " plus a commodité "
à la Mère de Chantal.
Annecy, 18 décembre 1610 .
Demain, ma tres chere Fille, je ne sçaurois voir cette grande
Seur , sinon quil y eut chose qui pressast ; car ne ferons-nous pas l'exhortation
? et apres cela, il sera nuit. Or, quand je l'iray voir, je veux gaigner
une bonne heure pour me promener avec vous en la galerie, car on y parle
plus a commodité .
Marcelle desire de se confesser avant ces festes, et je luy avois dit
que ce fut mercredi; mais je voy qu'il faudra remettre a jeudy, ou plustost
a vendredy matin.
mon unique Fille, que j'ay de tendre et forte affection pour
nostre cur, et que je suis pressé de le recommander incessamment
a Nostre Seigneur !
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Bourg-en-Bresse.
DCXLIV
AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE
(INÉDITE)
Recommandation en faveur d'une pauvre veuve.
Annecy, [vers le 22 décembre 1610 ]
Monsieur mon Frere,
Ce n'est pas pour faire les remercimens que je doy a vostre perseverance
au desir du bien des nostres, que je vous escris maintenant ; ce n'est
que pour vous supplier humblement de favoriser de vostre juste protection
cette pauvre vefve , que monsieur de Conflens , a mon advis tant de vos
serviteurs et de mes amis, m'a instamment recommandee. Je vous en fay donq
supplication, et vous souhaite et a madame vostre chere Praesidente, ma
tres chere seur, Monsieur mon Frere, ce que vous pouves imaginer du cur
de
Vostre tres humble frere et serviteur,
FRANCs, E. de Geneve.
Nous attendons mon frere de Thorens pour vous faire la response
que vostre lettre pleyne de faveur requiert.
A Monsieur
Monsieur Favre, Baron de Peroges,
Conseiller d'Estat de S. A.
et son premier President.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Saint.Marcellin.
DCXLV
A LA MÈRE DE CHANTAL
Tableau de la Nativité. - Où se trouvaient en la nuit
de Noël, les bons Anges des deux Saints. - Les pasteurs et la mélodie
sacrée qu'ils entendent durant leur sommeil. - Le cadeau du Bienheureux
au " petit Roy. "
Annecy, 25 décembre [1610 ]
Hé, vray Jesus ! que cette nuit est douce, ma tres chere Fille
! " Les cieux, " chante l'Eglise, " distillent de toutes pars le miel ;
" et moy je pense que ces divins Anges qui resonnent en l'air leur admirable
cantique, viennent pour recueillir ce miel celeste sur les lys ou il se
treuve, sur la poitrine de la tres douce Vierge et de saint Joseph. J'ay
peur, ma chere Fille, que ces divins Espritz ne se mesprennent entre le
lait qui sort des mammelles virginales, et le miel du Ciel qui est abouché
sur ces mammelles. Quelle douceur de voir le miel succer le lait (Ct 4,11)
!
Mais je vous prie, ma chere Fille, ne suis-je pas si ambitieux que
de penser que nos bons Anges de vous et de moy se treuverent en la chere
trouppe des musiciens celestes qui chanterent en cette nuit ? 0 Dieu, s'il
leur playsoit d'entonner derechef aux oreilles de nostre cur cette mesme
celeste chanson, quelle joye, quelle jubilation ! Je les en supplie, affin
que gloire soit au ciel, et en terre paix aux curs de bonne volonté
(Lc 2,14).
Revenant donq d'entre les sacrés mysteres, je donne ainsy le
bon jour a ma chere Fille ; car je croy que les pasteurs encor, apres avoir
adoré le celeste Poupon que le Ciel mesme leur avoit annoncé
(Lc 2,8), se reposerent un peu. Mais, 0 Dieu, que de suavités, comme
je pense, a leur sommeil ! Il leur estoit advis qu'ilz oyoyent tous-jours
la sacree melodie des Anges qui les avoyent salués si excellemment
de leur cantique, et qu'ilz voyoyent tousjours le cher Enfant et la Mere
qu'ilz avoyent visité.
Que donnerions-nous a nostre petit Roy que nous n'ayons receu de luy
(1 Co 4,7) et de sa divine liberalité ? Or sus, je luy donneray
donques a la sainte grand' Messe la tres uniquement fille bienaymee qu'il
m'a donnee. Hé, Sauveur de nos ames, rendés-la toute d'or
en charité, toute de myrrhe en mortification, toute d'encens en
orayson, et puis recevés-la entre les bras de vostre sainte protection,
et que vostre cur die au sien : Je suis ton salut (Ps 34,3) aux siecles
des siecles. Amenr.
Vostre tres affectionné pere et serviteur,
FRANÇs, E. de Geneve.
DCXLVI
A MADAME D'AIGUEBELETTE
Les présents du Sauveur aux gens de bonne volonté. -
Ce que fait la " petite trouppe " de la Visitation.
Annecy, 30 décembre 1610
Or bien, ma tres chere Fille, nous finissons cett' annee en un jour.
A la suite de la bonne dame defuncte , nous finirons nos annees pour commencer
nostre eternité. Ah ! ma Fille, c'est cett'eternité que sur
tout je vous souhaitte tres heureuse, et a cause d'elle vous vivés
tousjours presente a mon cur, qui se res-jouit de voir que vous perseveres
a vouloir de tout le. vostre servir sa divine Majesté en sainteté
et pureté (Lc 1,74). Faites bien cela, ma chere Fille, et parmi
les orages des affaires importuns de ce miserable siecle, affermisses-vous
souvent aupres de ce Sauveur qui est venu apporter la paix, la douceur,
la tranquillité aux gens de bonne volonté (Lc 2,14).
Nostre pauvre Mme de Chantal a eu un' attaque pareille a celle du moys
d'aoust dernier, mais maintenant elle est presque guerie, et toute cette
petite trouppe fait bien devant Dieu et devant les hommes (Rm 12,17 ; 2
Co 8,21), nostre Chastel particulierement. La chere cousine fait de mesme,
et je ne manqueray pas a luy faire vos recommandations. Bon jour et tres
bon an, ma tres chere Fille; je vous escris sans haleyne et loysir, et
suis entierement tout vostre
..
DCXLVII
AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE
Ce qui rend notre durée périssable, et partant plus aimable.
- La pensée. de l'éternité pour le Saint. - L'espérance
de l'éternité, et les motifs philosophiques qui la légitiment.
.- L'échelle qui nous conduit aux années éternelles.
- Souhaits de nouvel an.
Annecy, 31 décembre 1610 .
Monsieur mon Frere,
Je finis cette annee avec le contentement de vous pouvoir presenter
le souhait que je fay sur vous pour la suivante. Elles passent donq, ces
annees temporelles, Monsieur mon Frere ; leurs mois se reduisent en semaines,
les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens, qui
sont ceux-la seulz que nous possedons, mais que nous ne possedons qu'a
mesure qu'ilz perissent et rendent nostre duree perissable, laquelle pourtant
nous en doit estre plus aymable; puisque cette vie estant pleine de miseres,
nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle
d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette
sainte eternité qui nous est preparee en l'abondance de la misericorde
de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire incessamment par les continuelles
pensees que sa propre nature luy suggere, bien qu'elle ne la puisse esperer
que par des autres pensees plus relevees que l'Autheur de la nature respand
sur elle.
Certes, Monsieur mon Frere, je ne suis jamais attentif a l'eternité
qu'avec beaucoup de suavités ; car, dis-je, comme est-ce que mon
ame pourroit estendre sa cogitation a cette infinité, si elle n'avait
quelque sorte de proportion avec elle ? Certes, tous-jours faut-il que
la faculté qui atteint un object ayt quelque sorte de convenance
avec iceluy. (S.Th. Ia IIae 5,1) Mais quand je sens que mon desir court
apres ma cogitation sur cette mesme eternité, mon ayse prend un
accroissement nom pareil ; car je sçay que nous ne desirons jamais
d'un vray desir que les choses possibles. Mon desir donq m'asseure que
je puis avoir l'eternité : que me reste-il plus que d'esperer que
je l'auray ? Et cela m'est donné par la connaissance de l'infinie
bonté de Celuy qui n'auroit pas cree une ame capable de penser et
de tendre a l'eternité, s'il n'eust voulu luy donner les moyens
d'y atteindre. Ainsy, Monsieur mon Frere, nous nous treuvons au. pied du
Crucifix, qui est l'eschelle par laquelle, de ces annees temporelles, nous
passons aux annees eternelles.
Or, je souhaitte donq sur vostre chere ame que cette annee prochaine
soit suivie de plusieurs autres, et que toutes soyent utilement employees
pour la conqueste de l'eternité. Vivés longuement, saintement
et heureusement entre les vostres icy bas parmi ces momens perissables,
pour revivre eternellement en cette immuable felicité pour laquelle
nous respirons.
Voyla comme mon cur s'espanche devant le vostre, et fait des saillies
qu'il ne feroit pas sans cette confiance que luy donne l'affection qui
me rend
Vostre tres humble frere et serviteur,
FRANCs, E. de Geneve.
DCXLVIII
A LA MÈRE DE CHANTAL
(BILLET INÉDIT)
Les Filles de saint Bernard chez les Filles du saint Evêque de
Genève. Promesse d'un bonsoir ou d'un bonjour.
Annecy, juillet-décembre 1610 .
Voyla cette petite trouppe de Sainte Catherine qui vous va voir , m
. Vous ne connoisses que ma cousine de Ballon , mais les autres ne laissent
pas d'estre bonnes filles ; je les vous recommande, m. La chere fille de
la haut m'a escrit avec beaucoup de salutation pour vous.
Sil se peut, pour chose du monde je vous iray donner le bon soir, ou
ce sera lundi matin pour le bon jour.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
DCXLIX
A M. ANTOINE DES HAYES
(INÉDITE)
Une amitié constante. - Mariage princier et les menaces d'une
guerre.
Vanchy, 8 mai 1610.
Monsieur,
Ce gentilhomme, qui est fort de mes amis , partant d'aupres de monsieur
le baron de Lux pour aller droit a la court, je luy donne ces quatre ou
cinq motz qui vous asseureront de la continuelle passion avec laquelle
mon cur vous honnore, respecte et cherit.
Et pour dire quelque chose sur le sujet de la derniere lettre que vous
me fistes lhonneur de m'escrire, je croy bien que meshuy cett' heureuse
alliance delaquelle nous nous res-jouissons tant , me mettra en autant
de liberte quil m'en faut pour pouvoir jouir un bon jour de la douceur
de vostre conversation, si toutefois la guerre a laquelle il semble que
tant d'inclinations conspirent , ne me sert de nouvel empeschement. Dieu
en face selon sa plus grande gloire et vous veuille de plus en plus prosperer,
avec madame vostre chere partie et toute vostre famille, jusques a vostre
petit nouveau né Anthoyne , au nom duquel je porte des-ja bien de
l'affection pour estre le nom du pere, auquel je suis si absolument,
Monsieur,
Tres humble et tres affectionné
serviteur,
FRANCs, E. de Geneve.
A Avanchy, le 8 may 1610.
Monsieur de Charmoysi triomphe tous-jours au mespris dela cour (note
250) et m'est advis que nous aurons de la peyne de luy en faire reprendre
le goust.
A Monsieur
Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel de S. M.,
Gouverneur et Baillif de
Montargis,
Revu sur l'Autographe communiqué par M, Robert de Courcel, Archives
du Port Courcel, à Vigneux (Seine-et-Oise).
DCL
A LA MÈRE DE CHANTAL
(BILLET INEDlT)
Sollicitude pour la santé de la Mère de Chantal.
Annecy, [fin 1610/1611 ]
Je vous souhaite une bonne, douce et salutaire purgation, ma tres chere
Fille, et prie Nostre Seigneur quil vous comble de benedictions. Ce soir,
Dieu aydant, j'iray voir comme vous vous seres portee, et ce pendant, bon
jour, ma tres chere Fille.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nancy.
DCLI
A LA MÈME
Souci charitable que prend le Saint pour la santé de la Fondatrice.
Annecy, [fin 1610-1611]
Je vous souhaite infiniment le bon soir, ma tres chere Fille toute
mienne , et surtout craignant que l'evacuation ne vous laisse quelqu'incommodité
de lassitude, alteration et chaleur. Mais je sçai bien pourtant
que vous souffriries tout cela bien doucement, car vous estes bien sage,
ma chere Fille, et ne treuveres jamais rien de trop dur de ce que Nostre
Seigneur vous envoyera.
0 je supplie ce Sauveur qu'il rende nostre cur tout sien par effect,
comm'il l'est, il y a long tems, par affection ! Ouy certes, ma toute mienne
tres chere Fille, nous n'avons point d'affection en nostre cur que pour
sa divine Bonté et ne voudrions pas en souffrir aucune, pour petite
qu'elle fut.
Bonsoir, ma toute mienne chere Fille. Demeures en paix, et vive Jesus
! La chere niece me dira comme vous aves fait.
Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, chez
les PP. Capucins.
DCLII
A MADEMOISELLE DE BLONAY
(FRAGMENT)
La grâce d'évangéliser n'est pas le privilège
de tout le monde.
[1610-1611 ]
.
Ma chere Fille, je vous sçay bon gré de cette remarque
; mais voyes vous, tout le monde n'a pas receu de Dieu la grace d'evangeliser
comme son Filz, le doux Jesus, avec le miel et le lait sous la langue (Ct
4,11). Il faudra pourtant que le cher pere soit adverti de ce defaut tout
doucement ; Dieu nous en fera naistre les occasions
A P P E N D I C E
I
LETTRES
ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS
A
FACULTÉS ACCORDÉES PAR LA CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE
"DOMINICUS, Episcopus Ostiensis, Pinellus ; FR. Hieronimus BERNERIUS,
Episcopus Portuensis, Asculanus ; FR. ANNAS DE CARS, tituli Sanctae Susannae,
de Givry ; LAURENTIUS, tituli Sancti Laurentii in Pane et Perna, Blanchettus
* ; POMPEIUS, tituli Sanctae Balbinae, Arigonius ; ROBERTUS, tituli Sanctae
Mariae in Via, Bellarminus ; ANTONIUS, tituli Sanctae Crucis in Hierusalem,
Zapata , ' et FERDINANDUS TABERNA, tituli Sancti Eusebii , nuncupati Presbyteri,
miseratione Divina, Sanctae Romanae Ecclesiae Cardinales, in
(4 pages
suivies de 8 signatures).
Revu sur l'original inédit, appartenant à M. le comte
Roussy de Sales, au château de Thorens.
B
LETTRES Mgr PIERRE DE VILLARS
ARCHEVÊQUE DE VIENNE
(FRAGMENTS)
I
..
(cf lettre 514). Le livre spirituel (Introduction à la Vie devote)que
vous venez de mettre sur la presse de l'imprimeur, me ravit, m'eschauffe,
m'extase tellement, que je n'ay ny langue, ny plume dont je puisse vous
exprimer l'affection qui me transporte en vostre endroict, pour l'amour
de ce grand et signalé service que vous en rendez à la divine
bonté et l'inestimable fruict qui en reviendra à tous ceux
qui seront si heureux que de le lire ainsi qu'il faut.
Mais, que falloit-il attendre d'un Evesque de Geneve tel que vous,
sinon quelqu'uvre entre autres, qui mist fin à l'infamie de Geneve,
dont toute l'Europe a esté infectée d'heresie ? Je ne nie
pas que les livres .si doctement escrits par tant de Docteurs excellans,
dont le Cardinal Bellarmin est le souverain, n'ayent grandement servy contre
les heresies de ce siecle ; mais je veux bien aussi dire et soustenir que
ceux qui ont escrit sur la morale et de la devotion n'y ont pas apporté
moins de remede. Et je pourrois, je voudrois, je devrois passer outre,
et les preferer en ce cas, s'il estoit question de la debattre sur le champ
; car l'erreur n'estant que la matiere des heresies et l'obstination la
forme, la doctrine qui illumine l'entendement remedie à la matiere
; mais la vertu, la devotion, l'ardeur de la pieté qui fleschist
la volonté et en desloge l'opiniastrété, domine sur
la forme qui tient le preciput en l'essence : de .maniere qu'à ce
compte, il faut, ou que la doctrine des controverses cede à celle
de la pieté et devotion, ou au moins qu'elle se l'associe tellement,
qu'en luy concedant sa necessité, elle recognoisse que, sans elle,
on n'advance rien, car tout pecheur est ignorant. Et, quoyqu'au syllogisme
speculatif il puisse dire : " Je vois le bien et l'appreuve," parce que
l'entendement est vaincu par la verité, si est-ce qu'au syllogisme
practic, il confessera qu'il suit le mal, d'autant que la passion mal reiglée
l'emporte, de façon que, quand le feu de la concupiscence est tombé
sur les ames passionnées, elles ne voyent point le soleil. Il faut
donc bonifier la volonté pour empescher qu'elle ne nuyse a l'illumination
efficace de l'entendement, attendu mesmes que les livres spirituels commencent
par la doctrine purgative, pour despoüiller les ames de toutes les
mauvaises habitudes incompatibles au vray Christianisme.
Or, Monsieur, continuez de servir d'instrument à la divine Sapience,
rembarrant l'erreur des heretiques par la doctrine des controverses, et
conduisant les volontez depravées au chemin de la vertu par vos
traictez de pieté et de devotion. C'est sans doute que la reformation
des murs esteindra les heresies avec le temps, comme la depravation les
a causées, puis que l'heresie n'est jamais le premier peché.
Excusez, s'il vous plaist, ma prolixité ; il a fallu que j'aye
contenté mon ame, de vous signifier son aise et contentement sur
vostre beau et bon, livre que je ne puis assez loüer.
.
25 janvier 1609
II
..
(cf lettre 514). Vostre dessein des deux Traictez sur les deux Tables,
disposera des eschelles et degrez aux curs de ceux qui seront si heureux
que de les lire, relire et retenir ; car ils arriveront par ce moyen au
supreme faiste de la charité qui accomplist la loy et qui est vrayement
le tout homme ; comme sans icelle, tout homme, pour grand qu'il puisse
estre en tout le reste d'excellence, doit dire : Je ne suis rien.
Le dessein du Calendrier sera la tablature dont Philothée se
servira sur le clavier de son espinette, organizée pour conserver
sa memoire des plus beaux airs spirituels que la necessité du corps
et les autres occupations exterieures luy font interrompre actuellement
plus souvent qu'elle ne voudroit. Ces cinquante deux semaines, quoy que
reïterées par plusieurs années, ne luy dureront rien,
luy representant les deux septenaires de gloire spirituelle et corporelle
qui suivront le grand Jubilé qui ne finira jamais.
Par les deux derniers projects que vous destinez, ce sera pepiner le
monde de predicateurs qui fassent de mesme que vous ; et je m'oseray promettre
(s'il plaist à Dieu que vous puissiez esclorre ces belles conceptions)
une si acile et nombreuse reduction des desvoyez, soit en la doctrine,
soit aux murs, que l'on sera contrainct d' advouër que l'on n'avoit
encore point treuvé de semblable methode.
Et puis, vous appeliez tout cela de petites entreprises de courte haleine,
de basse estoffe ! Et je persiste en tout ce que ma precedente vous representoit
de la valeur de vostre livre, au dessus des grands et immenses volumes
de plusieurs qui s'essayent de combattre l'heresie, dont l'obstination
ne peut estre vaincuë que par la melioration des volontez, s'il faut
user de ce terme : à quoy la reformation des murs sert directement.
Faictes donc, Monsieur, que ce vostre zele, qui est vrayement selon
la science des Saincts, execute ce que vous me daignez communiquer. Pour
mon symbole, je n'y peux contribuer que ceste tres instante requisition
que je vous en fais, pour la gloire de Dieu et service de son Eglise.
Mars 1609.
III
..
Je ne desadvouë pas que je n'aye faict une grande feste de vostre
Introduction en plusieurs bonnes compagnies ; mais ce n'est pas ma recommandation
qui l'a mise en vogue : elle vole de ses propres aisles, elle est douce
de son propre succre, elle est embellie et enrichie de ses propres couleurs
et joyaux. Celuy qui a de bon vin, n'a point besoing d'enseigne
.
Avril 1609.
C
LETTRE
DU P. JACQUES-PHILIBERT DE BONIVARD
DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
Monseigneur,
(cf lettre 544). Nostre R. P. Provincial s'en retournant en France,
layssa charge a nostre R, P. Recteur que l'on ne passast plus avant en
l'affaire duquel je vous avois escrit, sans son expresse communication
; ce qui tirera l'execution en longueur, et non sans ma langueur, Spes
enimqu differtur affligit animam ; sed qui venit mittere ignem in terram,
nec aliud vult nisi ut ardeat, eam reponit spem in sinu meo, ut quamvis
me occiderit, sperem in eam; supliant en toute humilité Vostre Reverendissime
Seigneurie d'aggreer recommander le tout a Nostre Seigneur, tant au famillier
colloque du tres hault Sacrifice; comme en ses ferventes oraisons et sublimes
elevations d'esprit a Dieu, afin que par sa toute puissante misericorde
et paternelle providence, il ouvre les portes de salut a ceux qui s'amusent
en 1'ombre de mort. Hic zelus comedit me, qui ut sit secundum scientiam
et spiritum Jesu Christi, libentissime dirigar consiliis Apostolicis et
sapienti potestate Superiorum.
Je me doubte bien que ce delay se procure pour ce que nos Superieurs
m'ayant accordé a Gray pour le saint Advent et Caresme, ils ne voudroyent
que l'on entamast besogne qui me tint engagé en ce temps la. Je
vois bien qu'aux approches que nous en ferons, l'on ne pourroit estre si
libre a s'entendre en la conference selon que la necessité le pourroit
requerir. Sur quoy, attendant vostre saint advis, je pourray escrire a
nostre Reverend Pere General , gardant la subordination de la pleyne puissance
par laquelle il peut disposer de ses sujets ; veu mesme que si, suivant
ce que nostre R.P. Recteur propose, il est de besoing que le R. P Provincial
de Lyon y entrevienne et qu'en cela je deusse respondre a luy (selon que
le pourrait exiger ce qui se passera), des le commencement l'on aye prouveu
a telle suave disposition, que le cours d'une si bonne entreprise ne soit
entrecoupé.
Et pour l'heureuse conduitte d'un si salutaire ouvrage, je suplieray
Dieu, le Createur et Gouverneur de l'univers, Monseigneur, vous conserver
en toutes prosperités et vous combler de ses dons celestes, pour
les despartir heureusement a tout vostre troupeau, vous remettant les clefs
de tout le bercail pour le rameiner au vray pasturage de vie.
De vostre Reverendissime Seigneurie,
Tres humble et indigne serviteur,
JAQUES PHRT BONIVARD.
De Besançon, le 24 septembre [1609].
Revu sur une ancienne copie inédite, conservée à
la Visitation d'Annecy.
D
LETTRE DE Mlle FAVRE
(FRAGMENT)
(cf note 372). Je n'ay plus besoin de chercher le chemin de la vertu
; monsieur de Boisy , en vôtre absence, Monseigneur, me le montre
si clairement, que je n'ay qu'à l'embrasser et affectionner. Contre
la liberté que mon esprit ayme si fort, je travaille, selon mon
premier desir, à me rendre obeyssante, et je ne puis être
touchée lâchement en ce dessein, puis qu'il y a des couronnes
eternelles jointes à une temporelle, qui est l'honneur d'être
eternellement votre fille.
Monseigneur, je tacheray de me conserver [ce bonheur,] me soumettant
entierement à vos volontez.
[Fin octobre-novembre 1609 ]
E
LETTRE DU PRÉSIDENT FRÉMYOT
Monseigneur,
(cf note 395). Ce papier devroit estre marqué de plus de larmes
que de lettres, puis que ma fille, en laquelle, pour ce monde, j'avois
mis la meilleure partie de ma consolation et du repos de ma miserable vieillesse,
s'en va et me laisse pere sans enfans. Toutesfois, à vostre exemple,
Monseigneur, qui sur le decez de Madame vostre mere avez pris une ferme
et constante resolution sur la volonté de Dieu, je me resous et
conforme à ce qui plaist à Dieu ; et puis qu'il veut avoir
ma fille pour son service en ce monde, pour la rendre, par ce chemin, en
sa gloire eternelle, je veux bien monstrer que j'ayme mieux son contentement
avec le repos de sa conscience, que mes propres affections.
Elle s'en va donc consacrer à Dieu, mais c'est à la charge
qu'elle n'oubliera pas son pere, qui l'a si cherement et tendrement ay
mée. Elle emmeine deux gages, l'un desquels j'estime heureux, puis
qu'il entre en vostre beniste famille ; l'autre, je voudrois bien qu'elle
voulust nous le conserver. Pour son fils, j'en auray le soing qu'un bon
Pere doit aux siens ; et tant que Dieu aura aggreable de me laisser en
ceste vallée de pleurs et de miseres, je le feray instituer en tout
honneur et vertu.
Je vous supplie tres-humblement, Monseigneur, de me continuer
tous jours vos bonnes volontez, et croire que je ne desire rien plus, apres
les graces et benedictions de ce bon Dieu que j'implore, et dont j'ay bien
besoing, que d'estre conservé en vostre souvenance, et demeurer
toute ma vie,
Monseigneur,
Vostre tres-humble et tres-affectionné serviteur,
FREMIOT.
Dijon, 29 mars 1610.
F
LETTRE DU CARDINAL JEAN GARSIA MILLINO
(En italien) (Inédit)
Rome 13 novembre 1610
II
LETTRE
DE SAINTE JEANNE-FRANÇOISE DE CHANTAL
A MONSEIGNEUR JEAN-PIERRE CAMUS (note 197)
VIVE + JÉSUS !
Mon très-honoré et très-cher Seigneur,
Vous avez laissé cette petite ville toute parfumée de
la suavité de votre douce, dévote et débonnaire conversation,
particulièrement Messeigneurs nos bons prélats, qui en parlent
avec grand sentiment. Mais surtout nos pauvres Surs sont demeurées
tellement consolées de l'entretien de la pure dilection, qu'elles
regrettent avec moi de n'avoir su jouir plus souvent du bonheur de votre
désirable présence.
Il est vrai, mon très-cher Seigneur, à vous parler dans
la pure vérité, que j'étais intérieurement
sollicitée du désir de vous parler d'un sujet que ces bonnes
.âmes ne savent pas ; et bien que ma bassesse et la révérence
que je porte à votre mérite et que je dois à votre
dignité combattissent cette pensée, néanmoins c'était
elle qui m'excitait à vous prier souvent de nous venir voir, et
à me plaindre à votre bonté de ce que vous ne le faisiez
pas. Or je croyais que par votre absence je serais défaite de cette
secrète excitation, et néanmoins je m'en trouve plus pressée
et si fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule ; c'est pourquoi,
mon très-cher Seigneur, me confiant en votre débonnaireté
et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds,
je vous supplie et conjure, avec toute la révérence qui m'est
possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur,
et par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheureux
Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux,
et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général
ni en particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni
d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou réfutations,
car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon
Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification
pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à
votre digne personne et à votre qualité.
Ce mépris que l'on donne des Religieux peut aussi grandement
diminuer la piété des peuples, qui est fort soutenue et accrue
par leurs bons exemples et doctrine, et de plus, mon très-cher Seigneur,
les ennemis de la sainte Eglise se fortifient dans leurs erreurs, et font
des trophées et des risées quand ils voient que ses propres
enfants se dévorent l'un l'autre, et surtout quand les pères,
qui sont Messeigneurs les prélats, découvrent les plaies
de leurs enfants, avec confusion, et que les enfants ne le souffrent dans
la soumission qu'ils doivent ; cela, dis-je, donne un grand scandale, ce
qui ne peut apporter qu'un très- grand détriment à
la très-sainte Epouse de Notre-Seigneur. Il vous a donné
une âme et un esprit propres pour écrire de son divin amour,
et enrichir l'Eglise d'infinité de traités de dévotion,
pour le bien et avancement des âmes : c'est la sainte occupation
que ceux qui vous honorent désirent maintenant à votre aimable
loisir, afin que, par le moyen de cette pure dilection de notre divin Sauveur,
dont votre chère âme est si parfaitement amoureuse, vous preniez
garde dorénavant d'épargner dans vos écrits les Religieux.
Vous voyez qu'ils ne reçoivent pas avec profit vos avertissements,
et qu'il y a grand risque, si cela n'est bientôt étouffé
par votre bonté et charitable support, qu'il ne s'allume un feu
qui éteigne celui de la sainte charité en plusieurs âmes,
et ne cause de très-grands scandales en l'Eglise de Dieu, ainsi
que plusieurs bien sensés appréhendent et prévoient
qu'il arrivera infailliblement, si votre débonnaireté et
votre zèle à la plus grande gloire de Dieu ne vous fait supporter
sans revanche l'insolence d'une réponse que l'on dit avoir été
faite à un de vos livres, laquelle, étant si extravagante
et éloignée de la vérité et du respect qui
vous est dû, ne peut porter coup contre l'estime que l'on a de votre
véritable vertu.
Oubliez donc, mon très-cher Seigneur, cette offense, à
l'imitation du divin Sauveur, qui en avait reçu de bien plus grandes
de ceux pour qui il demanda pardon en les excusant, et vous souvenez aussi,
mon bon Seigneur, de la modestie et douceur avec laquelle notre Bienheureux
Père parle en la préface de l'Amour divin, de celui qui l'avait
si insolemment bafoué en pleine chaire : il attribue cette faute
à son zèle. Vous chérissez si tendrement l'esprit
de ce Bienheureux, imitez-le, mon très-cher Seigneur, en sa patience
à tout supporter, et en cette prudence charitable qui le tenait
attentif à ne dire ni écrire jamais aucune chose qui pût
tant soit peu blesser le général, ni les particuliers d'aucun
Ordre, ni décrier personne du monde, pour vile et chétive
qu'elle fût. L'on voit cette vérité dans ses écrits,
où il oblige par témoignages d'honneur et d'estime tout le
monde, et particulièrement les Ordres religieux; qu'il révérait
et aimait, et disait que c'était l'une des plus saines parties de
l'Eglise. Quand il en savait quelque défaut, il les couvrait tant
qu'il pouvait, et s'employait soigneusement à les aider à
réparer : je l'ai vu dans cette pratique seize années ; avec
combien de charité, de travail et d'écrits il se conduisait
! les sensibles douleurs qu'il ressentait quand leurs défauts et
ceux des ecclésiastiques venaient en évidence, parce que
la mésestime de telles personnes diminue et affaiblit grandement
la piété des peuples, qui est fort soutenue et conservée
par leurs bons exemples.
Monseigneur mon très-cher frère, votre bonté me
pardonnera-t-elle la confiance que je prends de lui dire ainsi simplement
tout mon sentiment ? Certes, après la gloire de Dieu, j'ai été
excitée par le véritable amour que je.vous dois et veux vous
rendre toute ma vie, et prie Dieu de vous donner la sainte inspiration
d'employer dorénavant ce talent qu'il vous a donné pour écrire
de sa pure dilection, et par ce moyen enrichir la sainte Eglise de plusieurs
traités utiles à ses enfants. Permettez-moi, Monseigneur,
de vous supplier de me donner quelques petits témoignages que vous
n'aurez point désagréé ma simplicité et confiance
en votre bonté, car mon cur aurait une bonne touche s'il pensait
avoir fait quelque chose qui vous déplût, ayant tant de désirs
de se voir continuer l'honneur de votre précieuse amitié
.
...
[Annecy, 1632.]
D'après l'Autographe conservé à la Visitation
d'Annecy.
GLOSSAIRE
DES LOCUTIONS ET DES MOTS SURANNÉS
OU PRIS DANS UNE' ACCEPTION INUSITÉE AUJOURD'HUI
(L'astérisque désigne les mots qui ont paru dans le Glossaire
des tomes précédents.)
*A - pour avec, contre, de, en, en signe de, envers, à l'égard
de, par, pour.
AAGE - pour vie, temps
ABBATU - pour anéanti
ABHORRISSEMENT horreur Cf. ital. ABORRIMENTO.
* ACCOISER .- apaiser, rendre coi, calme. Cf. le lat. ACQUIESCERE.
ACCOISER (s') - s'apaiser, se tranquilliser.
ACCOMMODEMENT- de l'ital.ACCOMODAMENTO, aménagement
* ACCOMMODER - pour finir de préparer, pourvoir, ordonner
ACCOSTER pour côtoyer.
A CE - pour ce
ACOLANT - entourant le cou
* ACTION - pour cérémonie
* ADDRESSER - pour diriger
* ADMIRABLE - pour singulier, étrange
* ADMIRER- pour trouver étonnant, s'étonner
* ADVENTURE, AVENTURE (a l') - pour peut-être
ADVISER (s') - pour s'apercevoir
* ADVOUÉ - pour reconnu, approuvé
AETERNITÉ, ETERNITÉ (a l') -éternelle, éternellemmt
*AFFECTER - pour rechercher
AFFECTION - pour désir, ardeur
* AFFECTIONNEMENT - avec affection
*AFFIGÉ - fixé, attaché, suspendu
*AGEANCEMENT - pour arrangement, disposition
AGGRANDIR - pour faire croître, donner une part plus large,
élever en dignité
"AGILITÉ (d'esprit) pour promptitude d'esprit
"AINS - mais, mais plutôt, mais encore, et aussi.
AINSY COMME - comme
AIR- pour vol
*ALANGUISSEMENT - langueur
ALENTOUR- pour autour v. p. .178).
ALlENÉ - du lat. ALIENUS, éloigné, détaché
*AMENE - du lat' AMNUS, d'un aspect agréable, riant
*A MESME - à mesure, à l'instant même
*AMIABLE - qui a lieu par voie de conciliation, doux, gracieux, aimable,
amical
. AMIABLEMENT - aimablement, gracieusement
AMOINDRIR - pour devenir moindre, diminuer
*APPARENT- pour marquant Cf. le lat. APPARENS.
*APPERT (il) - il paraît évident
APPLICATIONS - pour remèdes appliqués
*APPOINTEMENT - pour arbitrage dans les différends
*APPREHENSION -sentiment, idée vive
APPRESTER- pour prêter
*APPRIVOYSER - pour accoutumer
*ARDRE - du lat. ARDERE, brûler
ARGUMENT - pour raison, motif
" ARRAYSONNER - chercher à persuader, chapitrer
" ARRESTER - pour rester, demeurer, se fixer, tarder
ARRESTER (s') - pour demeurer, rester
ASPRE - pour dur, désagréable au goût
* ASSEURÉ (estre) - pour être en assurance, en sécurité
ASSEURÉ (pour) - pour sûr, assurément
* ASSEURER (s') - pour être sûr, s'affèrmir,
se fortifier
ASSOUVI - contenté, satisfait
*ATANT - là-dessus, sur ce
*ATTENDRE A (s') - pour compter sur
ATTENDRIR. A - pour amollir jusqu'à
AU pour à.
*AUCUNEMENT - pour quelque peu, en quelque façon, d'une manière
quelconque
AUX pour dans les, chez les
*AVANCER - pour faire avancer, mettre en avant
AVANCER SUR (s') - empiéter
AVANTAGE (a l') - d'avance, par avance
AVIDEMENT - pour avec empressement
*AYSE - pour consolation, plaisir, contentement
*BAILLER donner
*BANDÉ - pour attentif, appliqué, tendu
BASILISQUE - du lat. BASILISCUM, basilic
*BENEFICE - pour bienfait
BIEN - pour plaisir, bonheur
BIENS - pour bonnes uvres, bien
* BIGEARRE bizarre
* BONNEMENT - facilement
BORDON - bourdon de Pèlerin (
* BOUT DE LA (au) -après tout, après cela
* BRAVE - pour joli
* BRIGADE- de l'ital. BRIGATA, compagnie, assemblée
* BROUILLERIES -, difficultés, petites disputes intestines
* ÇA BAS - ici-bas
* CARESME PRENANT - les trois jours qui précèdent le
mercredi des Cendres
* CARESSER -pour faire des démonstrations vives d'amitié,
faire bon accueil
CARESSES - pour démonstrations d'amitié.
* CARMELINE - Carmélite.
* CE - ceci, cela.
* CEANS - ici.
* CELEBRER - pour dire la Messe
* CE PENDANT, CEPENDANT - pour pendant ce temps, en attendant
CETTE LA celle-là.
* CETTUYCI - celui-ci
* CHALOIR - importer
CHAMBRIERE- servante.
* CHAMS (aux, des) - pour à la campagne, en voyage, de la campagne
CHEFZ -pour points principaux
* CHEVIR - venir à
* CHOPPEMENT - faux pas
CIVIL - qui appartient à la sociabilité
* CLAIR-pour clairement
CLAIREMENT - pour avec clairvoyance
* CLAUSURE - du lat. CLAUSURA, clôture
* COGITATION du lat.COGITATIO, pensée
COIFFÉ _ pour apprêté.
* COLLOQUER-, du lat. COLLOCARE, placer, mettre
*COMME- pour comment, par quels moyens
COMMIS - pour délégué Cf; l'ital. COMMESSO.
COMMUNE - pour publique
COMMUNION - pour participation commune
COMPETER - du lat. COMPETERE, appartenir en vertu de certains
droits
COMPOSITION - pour manière d'être, maintien
CONDITIONNÉ - pourvu des qualités requises
CONFONDRE (se)-pour s'humilier
CONGREGEES - du lat. CONGREGATAE , réunies, assemblées
CONJOINT - uni
* CONJURÉ - pour juré
CONSIDERER - pour réfléchir
* CONTE - pour compte.
CONTÉ - pour comté
CONTEMPLATION (a ma, a vostre) - à ma considération,
à votre considération.
* CONTEMPLATION (en) - en vue, en considération
CONTEMPTIBLE - du lat. CONTEMPTIBILlS, méprisable
* CONTENTION - du lat. CONTENTIO, dispute
* CONTESTE - pour combat, débat, discussion
CONTINUER - pour
* CONTREGARDER(se) - se tenir sur ses gardes
CONTREROLLEMENT - critique
CONTRESCHANGER EN - remplacer par
* CONVERSATION -pour commerce, rapports, société
CORDIAL - pour du cur
* COUCHER -pour se coucher
COULPE - du lat. CULPA, faute, culpabilité
* COURAGE - pour cur, bonne volonté, esprit
COY - pour ferme, assuré
* CREANCE - pour Credo, croyance, confiance
CREDIT - de l'ital. CREDITO, autorisation, faveur
* CURIOSITÉ - pour recherche curieuse, inquiète'
Du lat. CURIOSITAS.
* CUYDER - du lat. COGITARE, croire, penser
DAMOYSELLE (voir MADAMOYSELLE) - appellation usitée jadis à
l'égard de toute femme mariée qui n'était pas noble,
out qui, étant noble, n'était pas titrée
* DE - pour une partie de, un certain nombre de
DEBILITÉ- pour amoindri
*DEÇA (de) - ici, d'ici, de ce côté-ci, de ce pays
* DEDANS - dans
* DEDIÉ - pour voué au service de quelqu'un.
* DEDIER - pour dévouer, consacrer
* DEDUIRE - exposer en détail du lat. DEDUCERE.
DEFAILLY - manqué (v. p. 83).
* DEFAUT - pour déficit
DEGOUSTANT - pour décourageant
* DEGOUSTEMENT- dégoût
* DELA (de) - de là, de là-bas, là-bas, près
de vous
* DELIBERER (se)-se proposer
DEMARCHER - s'écarter
DEMESLÉ - pour débarrassé
* DEMEURANT (le) - le reste du
temps (v. Pt 330).
DEMISSION - désir d'abaissement du lat. DEMISSIO.
* DEPART - pour sortie.
* DEPESCHE - pour Pièce expédiée
* DEPORTEMENT - manière de se comporter
* DERELICTION - du lat. DERELICTIO, délaissement, désolation
* DES - pour depuis
DESDUIT - divertissement
* DESENGAGER (se) - s'affranchir
DESFAIRE - pour détruire, renverser
DESHONNESTE - pour peu séant
DES ICY - d'ici, de ce lieu
DESPECHÉ - pour pourvu de messages
* DESPITEUX - pour susceptible, porté à la rancune
* DESPLAYSANT- fâché
DESPRIS - délivré, dégagé
* DES QUE - pour depuis que
DES QUELQUE TEMS. EN ÇA depuis quelque temps Cf. l'ital. DA
QUALCHE TEMPO IN QUA.
DESREGLÉ - pour injurieux
* DESSEIGNER- projeter
* DESSOUS pour sous
* DESSUS - pour sur
DETRAQUÉ - détourné
DETREMPER EN - pénétrer de
* DEVANT - pour avant, auparavant
DEVANT QUE - pour avant de
DEVOT- pour serviteur dévoué
DE VRAY - vraiment, en vérité
* DEXTRE - droite Du lat. DEXTER.
DIGESTION - pour examen lent et profond
* DILATION du lat. DlLATIO. Action de différer, ajournement
DISCOLE - d'humeur difjicile, revêche Du grec DUSCOLOS.
DISCOURS - pour récit, raison .
* DISJOINT - du lat. DlSJUNCTUS, séparé
DISPUTER - pour argumenter, discuter
DISTRAIT pour empêché, empêtré, dérangé
par
* DIVERTIR-pour détourner, distraire, écarter, prévenir,
tourner
* DONT ,-. pour ce dont, de quoi
* DORES-EN-A VANT, D'ORES EN AVANT - dorénavant.
* DRESSÉ, DRESSER - pour dédié, consacré,
dirigé, réglé, diriger, régler
* DRU- fréquemment
* DU TOUT - pour tout à fait, complètement
EAGE - âge
EFFORTZ-.pour austérités, rigueurs
* EMBARASSEMENT, EMBARRASSEMENT- embarras
* EMMI - au milieu de, dans, parmi
* EMPLOYTE - emploi
EN - pour par, de, au
* EN ÇA - ancien terme de palais pour jusqu'à présent,
jusqu'ici Cf. l'ital. lN QUA.
* ENCOMBRIER - encombre, empêchement.
ENFANCES - pour enfantillages
* EN LIEU - pour en échange, au lieu
ENNUY - pour peine, tristesse
* ENSEMBLEMENT - ensemble
ENTENDRE A (s') - pour prendre goût à
* ENTRE CI - entre le moment priésent, le jour présent
.
ENTRECOMMUNIQUER (s') se communiquer réciproquement
ENTREDEUX(d')- d'intervalle
* ENTREFICHER-embarrasser,serrer fortement
* ENTREPORTER (s') - se porter, se soutenir mutuellement
ENTRESOULAGER (s') se soulager mutuellement
* ENTRETENEMENT - entretien
* ENTRETENIR (s') - pour se tenir mutuellement
* ENTREVENIR. intervenir, se mêler
* ENVERS pour auprès de
ENVOYER - pour mander
* ESCHEOIT (s'il y) - s'il est nécessaire, s'il y a lieu
ESCRIMER- pour s'escrimer, lutter avec persistance
* ESJOUIR (s') - se réjouir
* ESLANCEMENT- pour élan
ESLANCER jeter, lancer
ESLECTIONS - pour vues personnelles
* ESLEVEMENT -enflure, exaltation orgueilleuse
* ESMERVEILLABLE - qui émerveille, ravit .
* ESMOUVOIR - pour exciter, déterminer
ESPRIT - pour état d'âme
* ESTABLIR - du lat. STABILIRE, . rendre stable, affermir
ESTONNÉ - pour saisi, frappé
" ET SI - pour aussi, cependant, et, encore, pourtant.
EVACUER (s') - pour se dissiper
* EVENEMENT - pour issue
EXACTION - action d'exiger ce qu'un autre doit ou a promis
EXPRIMÉ - pour représenté
EXTRAIRE - pour tirer
EXTRAVAGANCE -pour chose extraordinaire
EXTREME - pour excessif, extraordinaire
FAIRE - pour constituer, nommer
FAIRE PART - pour donner part
FASCHEUX - pour pénible
* FAUTE (à) - à défaut
* FEINTISE - feinte, dissimulation
* FIANCE - confiance
FLOÜET --fluet, faible, léger
* FONDRE - pour jeter, se perdre du lat. FUNDERE.
* FORCE (a) avec force, avec impétuosité
* FORCENERIE - acte de forcené, acte violent
* FORCLORRE-empêcher, exclure, mettre dehors
* FORME - pour formule
FORME (a la) - à la manière
* FORMÉ qui a reçu sa constitution définitive
FORT (de plus) - plus fortement
FORTlFICATlON- pour affermissement
* FORTUNE (par) par hasard
* GARDER - pour prendre garde
* GASTÉ - pour détruit, blessé, meurtri
GLOIRE, GLOYRE - pour vanité, plaisir
* GOUVERNER - pour entretenir, prendre soin de, diriger
GRACE (de vostre) - volontiers de votre part
* GRAND CAS (c'est) - c'est une chose surprenante
GRATIFIÉ - pour satisfait, agréé
GRIEF - pour pesant, à charge du bas-lat. GREVEM.
HABILE - pour intelligent et instruit
* HASTIVEMENT - promptement, à la hâte
HAZARD (estre au) - exposé à toute aventure, à
tout péril
HISTOIRE - pour relation
HOIRdu lat_ HERES, héritier
* HONNESTE pour raisonnable
* HUMEUR - pour caractère, tempérament
HUMEURS- goûts, tendances, murs
* HUY-aujourd'hui
IL N'EST - pour ce n'est
* IMBECILLE - du lat. IMBEClLLlS, faible
* IMBECILLlTÉ - du lat IMBECILLITAS, incapacité, faiblesse
* IMPERTINENT - hors de propos, offensant, Négatif de pertinent
(lat PERTINENS, à propos.)
IMPORTANCE (l') - pour l'important
INCESSABLE - du lat. INCESSABILlS, incessant
INCREDIBLE - du 1at. INCREDIBILIS, incroyable
* INDIGESTE - pour non digéré
INTERMIS - interrompu du lat. INTERMITTERE.
* IRE -du lat. IRA, colère
JA - certes, déjà
* JOIGNANT (tout) - tout près de
JOINTE - pour atteinte
JOLIMENT - pour doucement, de bon cur
JOÜIR (piece a) - dont on aura la jouissance, les revenus.
* JOURDHUY (ce) - aujourd'hui
LAIRRIES - ancienne forme de laisseriez.
* LANTERNERIE - petite difficulté
* L'AUTREFOIS - pour de nouveau, une autre fois
* LEGAT - du lat. LEGATUM, legs
LETARGIQUE, LETHARGIQUE - qui est en léthargie
* LHORS - pour alors
LIEU - pour auteur
* LOCUSTE - du lat. LOCUSTA, sauterelle
* MADAMOYSELLE (voir DAMOYSELLE) -
MAIN (a toute) - sans ménagement
MALLEMENT - mal cf l'ital. MALAMENTE.
* MANQUEMENT - pour absence, privation, manque
MANTE - pèlerine
* MARRI, MARRY - fâché
MEMORIAL - pour memento
* MESHUY - désormais
* MESMEMENT - surtout
MINISTRER - du lat. MINISTRARE, servir
* MINUTER - projeter
MONDE - du lat. MUNDUS, pur (
MOULE - partie fondamentale et caractéristique du chaperon ou
coiffure des dames en France, de I550
à 1625
* NAVIGER -naviguer.
* NEANTISE - néant.
* NET - pour pur
* NOURRIR-pour élever, entretenir, instruire
* NOURRITURE - pour entretien
* NUDITÉ - pour dépouillement
NÜEMENT - simplement, ingénument
* OBEDIENCE - du lat. OBEDIENTIA, obéissance
ORATEUR - titre que prenaient autrefois les gens d'Eglise écrivant
à des souverains
* OR SUS - parole d'encouragement. Cf. l'ital. ORSU.
PALUD - du lat. PALUS, lieu marécageux, étang.
* PAR AINSY - ainsi
* PAR APRES - ensuite, dans la suite.
PARCOURIR SUR - pour parcourir
* PAR DELA - là où vous êtes (
* PAR DEVERS - auprès de
* PARENTAGE - parenté, lien de parenté
PARFORCER (se) - s'efforcer le plus possible
PARROCHIALE - paroissiale Du 1at. PAROCHIA.
PARTICULIER - pour détail
* PARTIE - familier: femme à l'égard du mari
* PASSER - pour dénouer, défaire
PERDRE - du lat.PERDERE, gâter
* PERDURABLE - du lat. PERDURABILlS, éternel, qui dure toujours
PETIT (un) - pour un peu.
PIPPER A - exceller à Cf. Richelet et Furetière.
* PIQUAMMENT - d'une manière piquante
* PLAINDRE - pour se plaindre.
* PLAINT - pour plainte
* PLAYSE VOUS - qu'il vous plaise
* POIX - pour poids
* POLICE - règlement, sage organisation
POULET- pour billet d'amitié (
* POUR - pour quant à, par
* POUR CE QUE - parce que (
POUSSÉ -. pour fait parvenir, retentir
POUSSER DEHORS - pour produire, publier
PRAETENTION, PRETENTION pour but où tendent les désirs
de quelqu'un
* PRESAGER - prédire, ,annoncer Du lat. PRAESAGIUM.
* PRESOMPTION - du lat. PRAESUMPTIO, supposition, espérance
téméraire
PRESSE - pour demande pressante, insistante (
PRESSÉ - pour serré par la douleur
PRETENDUE - pour qui a donné son nom
* PRIS, PRIX (au) - en comparaison
PROPORTION (il n'y aurait point de) - il ne conviendrait pas
PROPOS - dessein, résolution, sujet
PROPOS (a) - pour convenable
* PROSPERER - pour faire prospérer
* PROU - beaucoup
* PROUVOIR - du lat. PROVIDERE, pourvoir
PROUVOYANCE (tirer apres sa) - entourer, suivre quelqu'un de
sa protection
* PROVIDENCE - pour sagesse
* PUREMENT - pour franchement, sincèrement
* QUAND - pour quant
QUANT ET SOY - avec luy (
* QUE - pour comme, sans que, car, de, dont
* QUE C'EST QUE - qu'est-ce que
* QUE L'ORDINAIRE - pour qu'à l'ordinaire.
* QUI - pour ce qui.
QUIETE - du lat. QUIETUS, calme
RAMENTEVOIR EN - rappeler à, entretenir
RANGÉ - pour recueilli, discipliné
REBENIR - bénir de nouveau
* RECOMMANDATIONS pour salutations, compliments
* RECOUVERT - pour découvert
* RECOY (a) - du lat. REQUIETUM, en repos
REDDRESSEMENT - action de corriger
* REDUCTION - pour conversion, retour cf lat. REDUCTIO, action
de ramener
* REFORMATION - du lat. REFORMATIO, réforme
* REFRIGERE - du lat. REFRIGERIUM, rafraîchissement
* REGARD (pour ce, pour le) sur ce point, en ce qui concerne, à
cet effet, à ce sujet, à cet égard.
* REGARDER DE - tâcher de, avoir soin de
REJETTÉ - pour éconduit.
* RELIGION - pour Ordre religieux
REMEDIÉ - secouru, guéri
REMEMORER -. pour faire commémoration, célébrer
le souvenir d'un évènement
REMIS pour abandonné
REMISE -pour abandon
REMONSTRANCE - pour réclamation
RENDU- pour remis
RENFORCER - pour fortifier, augmenter les forces
REPAIRE - pour retraite
REPOSER SUR - pour confier à
* REPRAESENTER - pour présenter de nouveau
REPRISE - pour recommencement après une interruption
REQUERIR - demander avec insistance, prier, supplier
RESALUER- pour saluer
* RESOLU - répondu en donnant une solution, une décision
* RESOLUTION - du lat. RESOLUTIO, décision, solution
RESONNER - pour faire résonner
* RESOUDRE (se) - pour prendre un parti, une détermination
* RESOUVENIR - pour faire ressouvenir
* RESPECT - pour égards du lat. RESPECTUS.
RESPONDU - ce à quoi on a fait réponse
* RESSENTIMENT - pour peine, chagrin, impression
RESSENTIMENT (faire) témoigner de la satisfaction, de la gratitude
RESSERRÉ - pour logé avec soin
RESVEILLÉ pour excité
RETARDEMENT- retard
REUNIR (se) - pour s'unir
* REVA (s'en) - s'en retourne
REVENGER (se) - se venger
REVEUË considération, contemplation générale
* REVOQUER - du lat. REVOCARE, rappeler, ramener
REVOQUER (se) - pour se réduire
* RIERE - dans cf. le Dict de Godefroy.
* ROMPRE - pour interrompre
SACRER - du lat. SACRARE, dédier, consacrer
SAYSI - pour paralysé
SCABRER (se) - s'effaroucher
* SEMONCE - pour invitation, sollicitation
* SEMONDRE - inviter, solliciter
SENTINELLE - pour poste, place
SEP (une) - un cep
* SI - pour cependant, pourtant, encore, mais, s'il
SI AY - locution affirmative
SI EST CE - il n'en est pas moins vrai
* SI EST CE QUE - il n'en est pas moins vrai que, néanmoins,
toutefois
SIL - pour si cela.
* SI MOINS - sinon
SIMPLE - pour à vux simples
* SI QUE - de sorte que
SI TRES - tellement
SI TRES FORT - si fort
SIX VINGTZ - cent vingt
* SOIGNER - pour pourvoir, veiller à quelque chose
* SOIN - pour souci
SOLEMNEL _ pour formel, ou du lat. SOLLENNIS, habituel
* SOUAIVEMENT, SOUEFVEMENT - - suavement.
SOUEFVE suave
* SOUVENTES FOIS, SOUVENTES FO IS - maintes fois, souvent
SPEClEUX - subtil
SPECIOSITÉ - subtilité, habileté
SPECTACLE-pour modèle
STUDIEUX - du lat. STUDIOSUS, soigneux, dévoué
* SUCCEDER -du lat. SUCCEDERE, réussir
* SUCCES - de l'ital. SUCCESSO, issue
* SUFFISANCE - pour aisance, capacité, talent du lat. SUFFICENTIA.
* SUITE - pour conséquence pour l'avenir
* SUR - pour au sujet de.
SUR CELA - pour après cela
SURESSENTIEL; - plus que nécessaire
SURSOYER - surseoir
* TANDIS - pendant ce temps
* TANT - pour si for, tellement
TANT MIEUX - pour d'autant mieux
* TANT PLUS - d'autant plus
TANT SOUVENT - aussi souvent
* TARE - pour défaut.
* TENDRE - pour faible, impressionnable, délicat
TENDRESSE -pour sensibilité, impressionnabilité
* TENDRETÉ - du lat. TENERITAS, attendrissement, tendresse
TILTRE - pour prétexte, raison apparente
TIRER - pour importuner, distraire
TORTISSE - tordue plusieurs fois du lat. pop. TORTICIUM, dérivé
de torlum, supin de TORCERE.
cf. Dict de Hatzfeld et Darmesteter.
* TOST (si) - pour bientôt
TOUT AINSY QUE - pour comme
TOUT A L'HEURE - pour sur Ie champ
* TOUTES FOIS ET QUANTES - autant de fois, toutes les fois
TRAIN - pour maniièr ed'être et de vivre, allure, genre
de vie
TRAIN (aller d'un) - pour avoir une manière d'être,
une allure uniforme
TRAVAIL - pour fatigue, peine
TRAVAUX - pour souffrances, douleurs, . efforts pénibles
TRAVERS (au) au milieu, à travers
* TRICHERIE - pour chose de peu d'importance, bagatelle, futilité,
légèreté
TROP MIEUX - trop bien
TROP PLUS - extrêmement
* TROUBLEMENT - trouble
TRUAND - misérable
TUMBER EN - pour échoir à
TURCISME - mahométisme
VANTERIE - louange qu'on se donne à soi-même
VENANTE - qui vient, prochaine
VENANT A JOINDRE - venant à rencontrer (
VIENDRA AU JOINDRE (quand ce) - quand on en viendra à l'exécution
* VERS - pour chez, auprès de, avec
* VIANDE - pour mets, aliments, nourriture
.*VILETTE - petite ville
VIOLEMENT - profanation
* VISITATION - du lat. VISITATIO, visite
VISITER - pour éprouver
* VISTEMENT, VITEMENT en hâte, vite.
* VITUPERE _ mépris
VU - pour dévouement
VOIREMENT, VOYREMENT vraiment, .à la vérité
VOÜEE - pour consacrée, dont on a fait le vu
VUIDE - pour vain
INDEX
DES CORRESPONDANTS
ET DES PRINCIPALES NOTES BIOGRAPHIQUES ET HISTORIQUES
DE CE VOLUME (L4)
ABERGEMENTS (Différend pour la cure des). Voir CHAPITRE DE BELLEY
L4
574, 587
ACADÉMIE Florimontane L4
..60
AIGUEBELETTE Françoise-Melchionne du Four (dame de Chabod-Lescheraine
et d')L4. . . . . .646
ALAMANNI Jean- Joseph, jésuite, Recteur de TurinL4
.322
ALLEMAND Bénigne de Marchand de Citey (dame d')L4...........................
510,
513
ALLEMAND François du Nant de Russin (seigneur d')L4.......
.510
ALLlANCES princièresL4.......................
..318,
660
ALTERNATIVE (droit d') pour la collation des bénéfices.L4.............................
..417
AMÉDÉE VI de Savoie. Voir COMTE-VERT L4....
460
AMEDÉE IX (Bienheureux), duc de Savoie.L4 . . .
.284,
358, 462,556
ANNE DE LORRAINE L4
.261
ARPEAUD ou ARPIAUD Claude Nicolas.L4........
516
ARRIGONI Pompée, Cardinal. .L4 . . . . . . . . . . . . . .
37
AVULLY Antoine de Saint-Michel (seigneur d') L4
561,
562
AVULLY Florise de Boyvin (dame d').L4.......
.631
AVULLY Renée de Saint-Michel d'. L4. . . . . . . . . ..
..362
BALLON Charles-Emmanuel Perrucard de. L4. . . . .
.170
BAREUIL Marie de Rabutin? (dame de)..L4......
.130
BATHE ou BATH Guillaume, Jésuite.L4 . . . . . . . . . .
323
BAY Jacques de..L4........................
...574,
583, 640
BEAUNE (hôpital de)..L4.....................
100
BELLEY (Affaire du doyenné de)..L4 . . . . . . . . . . . .
..574
BELLOT Antoine.L4..........................
254
BERTHELOT Robert (Carme), Suffragant de Lyon et Evêque de Damas..L4.........
.624
BERULLE Pierre, Cardinal de. L4. . . . .. . . . . . . . . .
.59,
301
BLONAY Aimée de (Marie-Aimée, Religieuse de la Visitation).L4....................137,
140, 375, 665
BLONAY Claude de..L4......................
..375,
667, 668
BLONAY Gabriel de (Assassinat de)..L4.........
598
BLONDEAU (M.).L4.........................
89
BOISY Françoise de Sionnaz (dame de). L4. . . . . . .
...556
BONIER Laurent..L4.......................
...377
BONIVARD Jacques Philibert (de). Jésuite..L4...
..269,
I C
BONS (abbaye de) ..L4........................
.105
BOUCARD Claude.L4..........................
.47
BOUCHERAT Nicolas, Général de l'Ordre de Cîteaux.L4............................
..103
BOUDET Michel, Prieur de Pommier.L4. . . . . . . . .
..278,
546
BOURG (Couvent de Saint-François à).L4. . . . . . . .
..459
BOURGEOIS Guillaume, baron d'Origny.L4. . . . ..
182
BOURGEOIS Rose, Abbesse du Puits-d'Orbe.L4 . .
579, 476, 497, 522,
526, 527, 569, 579
BOUVARD (MM.) .L4..................
.387
BOUVARD Michel.L4.........................
537
BRÉCHARD Jean de.L4.......................
.221
BRECHARD Jeanne-Charlotte (de), Religieuse de la Visitation..L4.......................
.
116, 230, 531
BRESA Pierre..L4...........................
...418
BRETAGNE Claude L4..
139
BRETON François (le); Prévôt de Notre-Dame-du Châtel
d'Autun..L4......................
.94
BRULART Denis..L4.........................
.200
BRULART (filles de la Présidente)..L4. . . . . . . . . . .
.190
BRULART Françoise.L4....................
.425
BRULART Madeleine (Madeleine de Saint-Joseph, Carmélite).L4..........................
.190,
196
BRULART Marie Bourgeois (dame). L4. . . .
462, 516, 518,
520, 535, 588
BUCCIO Philippe. Voir SAINTE-MAISON.L4. . . . . . .
603
CALCAGNI RochL4 ..........
.465, 603
CAMUS Jean-Pierre , Evêque de Belley. L4. . . ..
.197,
II
CARDINAL (un)..L4.......................
.463
CEVA Alexandre, Religieux de l'Ordre des Camaldules. L4. . . . . .
. . . . . . . . .
.419
CEYZÉRIEU (Compétitions pour le doyenné de) L4
..576
CHAMBRE Louise de Seyssel (la), Religieuse de Baume. L4. . . . . .
. . . . . . . . .
..122
CHANTAL Celse-Bénigne de Rabutin. L4. . . . . . . . . .
..620
CHANTAL Charlotte de Rabutin.L4 . . . . . . . . . . . .
399
CHANTAL Jeanne-Françoise Frémyot (Sainte), baronne deL4
117,
180, 395, 451, 452,
461, 464, 475, 480, 484, 487, 492, 495, 496, 500, 501, 502, 503,
504, 505, 506, 507, 509,
515, 533, 536, 540,552, 555, 557, 560, 561, 563, 566, 572, 576, 581,
582, 592, 596,601
CHANTAL (Mère de).L4......602, 606, 608, 611, 616, 617, 623,
631, 633, 636, 638, 642, 648, 650, II
CHANTAL Marie-Aimée de Rabutin. L4. . . . . . . . .
.492,
496, 515
CHAPITRE DE BELLEY (Différend avec le). Voir ABERGEMENTS..L4....................574,
575, 587
CHAPITRE DE SAINT-PIERRE DE GENÈVE et la cure de Seyssel. Voir
SEYSSEL L4.. . .32, 232
CHAPOT ou CHAPPOT Jeanne-Françoise ? (de) Voir Cusy et VISITATION..L4.........335,
440, 472
CHAPPUlS Eustache..L4......................
..446
CHARLES - EMMANUEL 1er, duc de Savoie. L4. . . .
.473, 530,
548, 567, 604
CHARMOISY Claude Vidomne de Chaumont (seigneur de)..L4..............
.539
CHARMOISY Louise du Chastel (dame de)..L4 .
..455,
473
CHASTEL Claudine de (Claude-Cécile, Religieuse de la Visitation)
L4
27, 36
CHAUVIREY Jacqueline de..L4.................
...518
CHÉRUBIN DE MAURIENNE, Capucin. Voir MÉDARD L4
..52
CHEVRON-VILLETTE Amédée (de)? Voir VILLETTE
L4
.466
CHEVRON-VILLETTE Bernard (de). Voir DÉRÉE..L4.
..62
CHIRURGIENS d'Annecy et CHIRURGIENS espagnols. Voir MÉDECINS..L4..................210,
363
CHOUDENS François et Gaspard..L4.............
..309
CLEMENT (Mlle)..L4........................
..
.98
COLLÈGE CHAPPUISIEN..L4..................
.446
COLLÈGE DE SAVOIE A LOUVAIN .L4 . . . . . . . . . . . . . .
.446
COMES Jean, Augustin...L4 .. ... ...
31
COMTE-VERT de Savoie. Voir AMÉDÉE VI .L4... .
.459,
460
CONFLANS Antoine de Boëge (seigneur de). L4. . . .
.644
CONGRÉGATION DES CONVERTIS
L4
421
CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE. L4. . . . . . . . . . .
39,
I A
CONSEIL DE GENEVOIS :.L4...........
.468
CONSTANTIN André ..L4..........
..244
CORNEILLE Jean...L4........................
.131
CORNILLON Eglantine de Moreau (dame de). .L4 . .
367
CORNILLON Gasparde de Sales (dame de). L4. . . .
..216, 533,
537, 569, 576, 629
CORNILLON Melchior (de), seigneur de Meyrens
L4
.216, 590
CORNILLON Raymond-Charles de. L4. . . . . . . . . .. .
216,
591
COSTE Jacqueline (Anne-Jacqueline, première tourière
de la Visitation)..L4..
79, 367
CRANS Nicolas de..L4.......................
..268
CRANS Pierre de.L4......................
...267
CURÉS DU BUGEY..L4.......................
..15
CUSY Amé de Pingon.L4...................
442
CUSY Charlotte de Vautravers (baronne de). Voir CHAPOT et
VISITATION.L4.
.335, 438, 452, 476, 482
CUSY Jean-Bérold de Pingon (baron de). Voir CHAPOT et
VlSITATION
L4
335, 440, 476, 482
DAVID Jeanne de Requeleyne ? (dame)..L4 . . . . .
.332
DÉRÉE Bernard de Chevron- Villette {seigneur de). Voir
CHEVRON-VILLETTE
L4
61
DEREE Charlotte-Emmanuelle de Chabod (dame de)
L4
.61, 404
DESTINATAIRES INCONNUES L4
354, 414
DESTINATAIRES INCONNUS L4
150, 360
DOMINICAINS d'Annecy..L4
64
DUBOULOZ Pierre, Dominicain. L4. . . . . . . . .
..63
DUMAY ou DUMAY Pierre-Antoine
L4
.212
DUNANT ou DUNANT Claude-Bernardin.. L4. . .
447
DUNANT Etienne, curé de Gex L4
85
DUPONT ou DU PONT Jean L4
..606
ECCLESIASTIQUES de Bugey, Valromey et Gex L4
.81
EFFRANS ou DES FRANCS Bénigne de Neufchèzes (baron d').L4...........................
240
EMMANUEL-PHILIBERT DE SAVOIE..L4 . . . . . . . . . . . .
..
558
ESCRILLES ou DES CRILLES Marie de Mouxy, dame d' (Marie-Madeleine,
Religieuse de la Visitation) L4
.333
ESPARRON Charles d'Arcussia (seigneur d')..L4..
..626
ESTOUTEVILLE ou DE TOUTEVILLE Marguerite d'Orléans (princesse
d'). L4. .. . . . . . . . 320
FAVlER Pierre du Noyer de.Lescheraine..L4.....
..588
FAVRE Antoine..L4...
488, 494, 602, 634, 547, 622, 628,
644, 647
FAVRE Jacqueline (Marie-Jacqueline, Religieuse de la Visitation)..L4..........
372,
I D
FAVRE Michel, Aumônier de saint François de Sales L4
.565
FAVRE Philiberte. Martin de la Perouse (dame) L4
610
FAVRE René, seigneur de la Valbonne..L4. .....
..288,
535
FENOUILLET Pierre, Evêque de Montpellier. L4. .
12, 390,
493, 540, 456, 523, 525
FLECHERE Claude-François de la.. L4. . . . . . . . . . .
.69
FLÉCHÈRE Françoise-Innocente-Madeleine (de la),
Religieuse de la Visitation..L4 .. . . . . . 70
FLECHERE Madeleine de la Forest (dame de la) L4
5, 72, 155, 191, 350,
353, 410, 435, 553
448, 455, 458, 467, 469, 470, 485, 488, 513, 516, 528, 532, 545,
550, 622, 630
FLECHERE Madeleine de Saint-Michel d'Avully (dame de la)..L4
.560
FONTAINE Jean-Baptiste ? de L4
.23
FOREST Jeanne-Bonaventure (de la), Religieuse de Bons L4.........
10,
295, 613, 688 bis
FOUG Jeanne du Maney (dame du)..L4........
608
FOUILLOUX Jacques du..L4...................
..625
FRANÇOIS DE CHAMBERY, Capucin. L4. . . . . . . . . . .
...
.412,
592, 618
FRANÇOIS (Père), Capucin. L4. . . . . . . . . . . . .
. . . .
412
FREMYOT Bénigne..L4.........
..........478,
I E
GALLO Antoine-Marie, Cardinal. L4. . . . . . . . . . . . .
...415
GALLOIS Louise (Louise de Jésus, Prieure du Carmel de Dijon)
L4
..51
GARD Antoine et Jean-Baptiste. L4. . . . . . . . . . .
..628
GENÈVE (Alarmes et représailles de). L4. . . .. .. .
.
235, 276
GENÈVE (Anciennes ordonnances de la cité de). L4.
..327
GENÈVE (Passage de saint François de Sales à travers)..L4.......................
..281
GENÈVE au XVIIe siècle (Pouvoirs législatif et
exécutif de).L4..........
272
GENÈVE (Projet d'une conférence avec les ministres de).L4.....
.254,
330
GEX (Le culte catholique partiellement rétabli dans le pays
de).L4.....................
280, 325
GILLETTE Pierre .L4........
..46
GIVRY Aime de Pérusse d'Escars ou des Cars (Cardinal de)..L4........................
..92
GONTHIER (membres de la famille)..L4.........
577
GRANIER Denis (Auger de Mauléon) de.L4 . . . . . ..
..548
GRIBALDI Vespasien, ancien Archevêque de Vienne. L4. . . . .
. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . .597
GROISY Bernard de Sales (seigneur de). Voir SALEs et THORENS. L4...................
..174,
176
GUERRES du duc de Savoie.L4..............
604, 660
HAYES Antoine des L4
.30, 539, 658, 449, 450, 542, 558, 579,
597bis,649
HAYES Marie Chapelle (dame des) .L4 . . . . . . . . .
.264
HENRI IV.L4............................
15, 549
HBNRI IV (son dessein d'attirer saint François de Sales à
Paris)..L4........................
..19, 480
HOSTIES de Favernay et de Dole (saintes). L4. . .
.342
JAQUOT ou DE JAQUOT Françoise.L4. . . . . . . . . . .
.195
JAQUOT ou DE JAQUOT Madeleine Bourgeois (dame de). Voir POUGNY L4
..190
JOLY Guy. VoirVALLON L4
..571
LAMBERTOD Yves..L4.....................
.84
MAGDELAINE DE RAGNY Anne (de la), Abbesse de Saint-Jean-Ie-Grand.
Voir SAINT-JEAN. L4. .
.400
MAGISTRATS et ECHEVINS de Salins. Voir SALINS
L4
303, 369,
370
MAIGNELAIS Charlotte-Marguerite de Gondi (marquisede).L4.......
265
MAILLARD Jéronyme (de), ancienne Abbesse de Sainte-Catherine.L4........
...101
MANGIER Jean, curé de Bons. L4. . . . . . . . . . .
..48
MÉDARD (chanoine). Voir CHÉRUBIN DE MAURIENNE L4
..52
MÉDECINS d'Annecy. Voir CHIRURGIENS...L4....
210
MICHAELIS Ludovic, jésuite, Provincial de Lyon
L4
275
MIEUDRY Gasparde de Cerisier (dame de). . . . .
...114
MILLETOT Marie-Marguerite, Religieuse de la Visitation..L4............
..424
MILLIEU (Muilet) Antoine, Jésuite. . L4.. . . . . . . ..
..97
MILLINO Jean Garsia ,Cardinal. L4. . . . . . . . . . .
I
F
MINIMES de Dijon..L4.....................
428
MIRIBEL Françoise Portier (dame de)..L4.......
159
MONCHY (Père de);...L4.....................
...44
MONTCROISSANT Alexandre de. .L4 . . . . . . . . . . . . .
.420
MONTFALCON Anne de...L4..................
517
MONTHOUZ Marius de..L4.....................
467
MOYRON François et Jean Paquellet de.. L4. . . . .
..192
NEMOURS Henri de Savoie (duc de Genevois et de)..L4........................
543,
575, 615
NEUFCHEZES Jacques (de), Evêque de Chalon-sur-Saône..L4
.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240, 299
NOUVELLET Claude-Etienne. .L4 . . . ... . . . . . . . . .
.379
OFFREDO ou OFFREDI (Marcofredo) Marc. .L4 . . . .
.310
ORATOIRE (Congrégation de l').. L4. . . . . . . . . . .
301
PERROCHEL Charles et Guillaume. L4. . . . . . . . . .
..259
PIOTON Jean ou François ?
L4
..585
POLLIENS Nicolas, Jésuite L4
470, 482
POMMIER (chartreuse de) L4
278
POSSEVIN Antoine, Jésuite..L4
321
PUITS-D'ORBE (Transfert de la Communauté à Chatîllon-sur-Seine)..L4...............
580
PULIGNY Madeleine Bourgeois (dame de). Voir JAQUOT. L4...........................
.234
QUOEX Amédée (de), Prieur de Talloires. . L4. . . .
.557
QUOEX Claude-Louis-Nicolas (de), Prieur de Talloires..L4..............
..245
QUOEX.Philippe de.L4....................
..610
RACONIS (famille de)..L4....................
134
RAMUS Georges ?.L4.......................
444
RANZO Jean-François..L4...................
.457,
597, 621
RlGAUD Pierre..L4......................
...623
RINCK ou REINCK DE BALDEINSTEIN Guillaume, Evêque de Bâle
L4
.314
ROCHE Jean Joly (seigneur de la)..L4..........
.632
ROCHETTE Claudine (de), Religieuse de l'abbaye de sainte-Catherine.L4..................
.138
ROCHETTE Péronne (de), Religieuse de l'abbaye de sainte-Catherine.L4..................
...136
ROGET Claudine (Claude-Françoise, Religieuse de la Visitation).
L4.....................
..505
ROLLAND Jean-Antoine
L4
445
ROSAIRE (St François de Sales et la Confrérie du)
L4
99
ROSSET Anne (Anne-Marie, Religieuse de la Visitation). Voir SAINT-CLAUDE.
L4
343
ROUSSILLON Guy de Chaugy (comte de). .L4.. ..
.58
RYE DE LONGWY Ferdinand (de), Archevêque de Besançon..L4.........................
.370,
371
SAINT-CLAUDE (Pèlerinage à). ...L4 . . . . . . . . .
. . . .
343
SAINT-JEAN-LE-GRAND (abbaye de). .L4 . . .
..400
SAINT-JEAN-LE-GRAND (Abbesse de). Voir MAGDELAINE DE RAGNY.L4.......................400
SAINT-SIXT Claude de L4
.490
SAINT - SIXT François (de), archidiacre de la Collégiale
de La Roche L4 ..........489, 490
SAINT-SIXT (membres de la famille de). .L4.....
.490
SAINTE-BAUME (Projet de pèlerinage à la). .L4 . . . .
262
SAINTE_CATHERINE (Les Soeurs de la Visitation et les Dames de)..L4...................
654
SAINTE-MAISON de Thonon et le prieuré de Contamine..L4.............................
.603
SALES Bernard (de). Voir GROISY et THORENS..L4 .
..120, 127,
129, 174
SALES Louis (de). Voir THUILLE. . L4. . . . . . . . . . .
..120,
468
SALlNES (Affaire des)..L4....................
315
SALINS (Carême de). Voir MAGISTRATS..L4.....
..303,
364, 369
SANTEUIL Denis de...L4.....................
.627
SARASIN Jean L4 ...............
..271
SARASIN Jean (oncle du précédent). .L4 . . . . . . .
. .
...273
SAUZÉA André de..L4.......................
..15,
573
SEYSSEL Gasparde-Juliane de Mouxy (dame de) L4
...124
SEYSSEL Louis (de), marquis d'Aix. . L4
..122
SEYSSEL Marguerite de..L4..................
...123
SEYSSEL (prieuré et cure de)., Voir CHAPITRE DE SAINT. PIERRE
DE GENÈVE L4
33, 232
SYNDICS de Rumilly...L4.
.489, 511
TALLOIRES (prieuré et réforme de). L4. . . . . . . .
.
.246, 511, 605
THÉRÈSE (portrait de sainte). .L4 . . . . . . . . . ..
. .
...187
THORENS Bernard de Sales (baron de). Voir GROISY et SALES..L4............................
120
THUILLE Louis de Sales (seigneur de la). Voir SALES. L4. . . . . .
. . . . . . . . . . . .
. . . .120, 468
TORRE DI SPECCHI (Dames de la).. L4. . .. . . . . . . .
.506,
507
TRAVERNAY Balthazard de Mouxy (seigneur de)
L4
..
.516
TRAVERNAY Péronne de Montfalcon (dame de) ..L4 ..............................
514, 552
TRAVES Claude de Plesseys (dame de)...L4.....
.126,
524
TRUITARD ou TRUITAT Jean. .L4 . . . . . . . . . . . . . .
13
UBALDINI Robert, Evêque de Montepulciano, Nonce en France..L4...................
.302
URSULINES de Milan...L4................
..506
VALLADIER André. L4
.90
VALLON Antoinette-Françoise Vidomne de Chaumont (dame de)
L4
.6,
24
VALLON (filles de Mme de). . L4. . . .. . ... . . . . . .
..24
VALLON Claudine Joly de (Claude;.Catherine, Religieuse de la Visitation).
L4. . . . . .. . 504, 569
VALLON Guy Joly (seigneur de).Voir JOLY
L4
.571
VANCHY (château de)..L4 ...
..170
VAUXCROISSANT ou VAL-CROISSANT (prieuré et Prieur de)..L4...
..338
VIGNOD Bernarde (de), Religieuse de l'abbaye de Sainte-Catherine,..L4.............
....
77
VIGNOD Jeanne (de), Abbesse de Bons...L4..
.297
VILLARS Pierre (de), Archevêque de Vienne. L4
..163,
521
VILLERS Philippe de..L4....................
572
VILLETTE Amédée de Chevron (baron de). Voir CHEVRON-VILLETTE
L4....
..............466
VILLIARDI François, Jésuite. .L4 . .. ...........
96
VISITATION (La véritable pensée du Saint sur le genre
de vie de la )
L4
473, 509, 597
VISITATION (Origines de la) :
La Maison de la Galerie. Voir CHAPOT et CUSY. .L4 . .
482,
485, 500
Le nom donné à la nouvelle Congrégation...L4...........
.555
Les premières Surs...L4........
..531
VITRÉ ou VITREY Eustache Le Compasseur (de), Religieux d'Ambronay.
L4.......
.........576
WATTEVILLE Jean (de), Evêque de Lausanne. L4
.40
.
TABLE DES MATIÈRES
Bref de Sa Sainteté Pie X............................
.
2.
Avant-Propos....(P.Navatel SJ 01.10.1905)...................................
..3
Avis au Lecteur
...9
Lettres de Saint François de Sales
10
ANNÉE 1608 (Suite)
Lettre CDXLIV -A Mme DE LA FLÉCHERE. - Il faut premièrement
" Avoir patience d'estre imparfait."- Conseils pratiques pour mettre son
esprit en posture de suavité. - A quoi doivent servir nos chutes
10
CDXLV - A Mme DE VALLON. - Le Saint donne à la destinataire
des nouvelles de son mari et de sa parenté.
.11
CDXLVI- A Mgr FENOUlLLET (Inédite) -Remerciements et félicitations
pour l'envoi d'une oraison funèbre ; souhaits d'amitié offerts
au destinataire, son futur frère dans l'épiscopat, - Message
pour un ami commun
12
CDXLVll-. Au ROI DE FRANCE. - Pauvreté des curés du Bugey
; supplique en leur faveur..13
CDXLVIII - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - L'humilité
joyeuse dans les légers manquements. - Les exercices de dévotion
pendant la journée. - Faire comme Notre-Dame: se tenir toujours
d'une main à Notre-Seigneur. - Apprivoiser son cur à la
mansuétude. - Les prières vocales et l'oraison mentale
.13
CDXLIX- A M. DES HAYES, - Henri IV désire attacher le Saint
au service de l'Eglise de son royaume. - Humilité et désintéressement
de François de Sales ; c'est la volonté du Pape qui lui manifestera
la volonté de Dieu
.14
CDL-Au MÊME. - Le Saint voudrait savoir de son ami les intentions
de Henri IV à son égard. - Diverses raisons persuadent l'Evêque
d'attendre sans inquiétude la suite des évènements
; il ne veut que la volonté de Dieu, - Témoignages d'amitié.
- Message pour Mgr de Montpellier
16
CDLI - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Rien ne se fait que sous la conduite
de Dieu. - Le Saint ne veut que Dieu pour son partage. - L'objet de ses
considérations en l'oraison
17
CDLII - A LA MÊME. - Il faut tout faire avec une diligence tranquille.
- On veut tirer l'Eveque de sa terre et de son " parentage " ; sentiments
que lui inspire ce projet. - Le rendez-vous de l'âme du Saint
18
CDLIII -A Mme DE VALLON (Inédite). - Témoignages de dévouement
à une parente. - Nouvelles et messages..............
.19
CLIV - A Mlle DE CHASTEL. - Le vu de chasteté : considérations
qu'il faut faire pour s'y préparer. - Eloge de la sainte chasteté
: vertu vraiment céleste, qui consacre à Dieu les âmes
et les corps, vouée d'abord par Notre-Dame, et après elle,
par toute la troupe des curs vierges. - Formule de ce vu ; il fait de
notre corps une sainte relique, un calice consacré.. . . . . . .
. . . ... . . . . .
.20
CDLV - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - Un moyen commode d'acquérir
les solides vertus ,: se mettre en patience avec opiniâtreté.
Pour réussir dans les affaires, compter sur l'assistance de Dieu
et user d'une douce diligence. - Les affaires de ce monde et les maisonnettes
des petits enfants. - La chose la plus importante. - Toujours recommencer
: le meilleur moyen pour achever la vie spirituelle
.21
CDLVI - A Mgr FENOUILLET (Inédite). - Eloge de des Hayes, "
le grand amy " de Pierre Fenouillet
et de l'Eveque de Genève. - C'est surtout sur les petits lacs
d'eau douce que la barque du Saint se plaît à voguer
...22
CDLVII -Au PÈRE COMES. - Différend entre les chanoines
du chapitre de Saint-Pierre et les Augustins de Seyssel ; pour le régler,
une entrevue est proposée par le Saint. - Assurance d'affectueux
dévouement..23
CDLVIII - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - Deux choses qu'il faut
joindre ensemble. - Comment reprendre son cur quand il a failli.. .
25
CDLIX - A Mlle DE CHASTEL. - Dieu protège les vux qu'il a inspirés.
- Il n'est pas toujours possible ni à propos de fuir, mais il est
toujours nécessaire de combattre avec opiniâtreté.
Les afflictions qui aident à bien servir Dieu. - Conseils pour l'oraison.
- Bonheur de s'être consacré à Notre-Seigneur...
.26
CDLX-- Au CARDINAL ARRIGONI. - Le Saint demande au Saint Siège
le renouvellement de plusieurs permissions qui doivent faciliter son ministère
et celui de ses prêtres.. . . . . . . . . . . . . . . . . .
27
CDLXI - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Il faut aimer l'attente que Dieu
impose à l'accomplissement de nos. désirs. - Projet de voyage
en Bourgogne. - Le sacre de l'Evêque de Lausanne. -:Le Saint aimé
de "beaucoup de bons veillars. " - Pensées qui lui sont venues quand
il faisait oraison. " Il faut bien que les filles soyent un petit jolies.
" - Portrait du P.de Monchy. Le Frère Matthieu. - Pour se mêler
d'exorcismes, il ne faut pas être trop crédule. - Les femmes
et le culte ; la part qu'elles peuvent y prendre. - Retour d'apostats.
- Nouvelles et messages.- Mme de Charmoisy " chemine fort bien "............
.28
CDLXII - A LA PRÉSIDENTE BRULART.- Le Saint n'est " point homm'extreme
" ; il espère obtenir davantage de Rose Bourgeois par une entrevue.
- Ne pas trop s'attacher aux pratiques de piété de son choix.
- Dieu veut être servi par les exercices compatibles avec les devoirs
d'état.- Estime du Saint pour l'Ordre du Carmel.......
.31
CDLXIlI - A UN CARDINAL. - Un reproche immérité.- Les
Savoisiens ne lisent pas de mauvais livres...................
.33
CDLXIV - A LA BARONNE DE CHANTAL.- Transcription de l'Introduction
à la Vie devote.- Le projet de la Visitation sourit de plus en plus
au saint Evêque. - Son amour pour Notre-Seigneur. - Nouvelles de
la ferveur de Mme de Charmoisy. - Bonheur de ne prétendre qu'à
Dieu
..33
CDLXV - A M. DE BÉRULLE. - Retour à la foi d'un apostat;
M. de Bérulle y a beaucoup coopéré. - Le Saint se
réjouit d'apprendre le bien qui se fait à Paris par son entremise
et celle de ses amis................................................
.35
CDLXVI - Au BARON DE VILLETTE. - L'Académie Florimontane et
ses premiers membres. -Le Saint promet sa visite au châtelain de
Dérée, son parent, nouvellement marié.. . . . . .
. . .
.36
CDLXVII - Au PÈRE DUBOULOZ (Inédite). -- Election d'un
prieur au couvent des Dominicains d'Annecy; l'élu est prié
avec une aimable insistance d'accepter cette charge...................
37
CDLXVIII - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - Conseils à
une femme chrétienne. - L'humeur mélancolique: circonstances
qui la favorisent; nécessité et moyens de la combattre. -
Une parole de sainte Angèle de Foligno...............................
..38
CDLXIX - A LA MÊME. - La tranquillité d'âme, mère
du contentement et fille de l'amour de Dieu. - Les sujets de se mortifier
plus grands dans le monde qu'en Religion. - Ne s'astreindre " que tout
bellement " aux exercices de piété est chose conseillée
en certains cas. - Attitude devant la souffrance. - Qu'il est permis de
se plaindre à Dieu, et à quelle condition. - Notre Seigneur
aime ceux qui souffrent
39
CDLXX - A LA MÊME (Inédite). - Dispositions, pieux espoir
du Saint à rapproche d'une naissance
..40
CDLXXI - A M. DE LA FLÉCHÈRE, - Félicitations,
prédictions, prières du saint Evêque répandues
sur un berceau
.41
CDLXXII - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - La vertu des vertus.
- Comment servir le Maître. - Le moyen de faire glorifier Dieu par
le prochain, - Quand les mortifications sont interdites par une santé
délicate, que faut-il faire ?
.42
CDLXXIII - Au DUC DE SAVOIE (Inédite). - L'Evêque de Genève
avertit le duc qu'il ira en Bourgogne pour une affaire de famille
42
CDLXXIV - A Mme DE CHARMOISY. - La " soigneuse assistance " des bons
Anges. - Exhortation à progresser dans l'amour de Dieu. -
Message pour une ancienne Abbesse
43
CDLXXV- A LA BARONNE DE CHANTAL. - La Baronne est prévenue que
le Saint est aux " portes" de Monthelon,.......
.44
CDLXXVI - A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. Encouragements à persévérer
dans de saintes résolutions.....................
45
CDLXXVII - A UNE RELIGIEUSE. - Dieu agrée extrêmement
la résignation dans les maladies et l'obéissance au
médecin.- Les croix qu'il faut baiser avec amour ...
.45
CDLXXVIII - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Anne-Jacqueline Coste offre
spontanément au Saint de servir les futures Religieu ses qu'il méditait
d'établir.................................
46
CDLXXIX - Aux ECCLÉSIASTIQJJES DU BUGEY, DU VALROMEY ET DE GEX.-
Les ecclésiastiques des pays exemptés des décimes
doi vent envoyer à Lyon un député pour régler
le paiement d'un don..47
CDLXXX - A M. DUNANT. - Servir Dieu où l'on est. Le labeur
patient n'est jamais stérile devant Dieu. - Le désir du
changement empêche le succès de l'uvre présente.
.48
CDLXXXI - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Accueil que fait le Saint aux
désirs et aux recommandations de la baronne de Chantal. - Dieu seul
est un guide indispensable, - Sortir du monde, pour plusieurs, n'est pas
toujours sortir d'eux-mêmes et de leur amour-propre. - La fin qu'on
doit se proposer en quittant le siècle. -. Une sainte Fondatrice
dont la Congrégation semble donner à penser au futur Fondateur
de la Visitation. - Conseil du Saint à " ceux qui se meslent des
ames " et aux personnes' de piété. - Son affection pour le
père et les enfants de sa fille spirituelle. - La jeune fille et
le seau d'eau. - Messages divers..
49
CDLXXXII - Au PÈRE POLLIENS (Inédite). - Témoignages
d'affection pour les PP.Jésuites de Chambéry et de sympathique
dévouement à une pieuse chrétienne qui soupirait après
le cloître
52
CDLXXXIII - A Mlle CLÉMENT. - Se résigner humblement,
si, malgré tous nos efforts, notre désir n'est pas accompli.
- Les âmes que Dieu aime " en tout et par tout "..................
53
CDLXXXIV - A LA BARONNE DE CHANTAL. - La fête de la Dédicace
; les curs et les corps, temples mystiques dédiés à
Dieu par les vux. - La dévotion du Rosaire à Annecy. - La
baronne de Chantal à l'hôpital de Beaune
.53
CDLXXXV - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - Les vendanges - Comment
l'Epoux divin des âmes nourrit leur espérance, et repaît
leur amour. - Les vendanges spirituelles. - Le côté du Sauveur
percé sur la croix. - Les choses temporelles doivent servir " d'eschellon
" aux spirituelles. - Comment il faut considérer ses fautes
.54
CDLXXXVI - A L'ANCIENNE ABBESSE DE SAINTE-CATHERINE. - Souhaits de
ferveur par le don du cur à Dieu. - N'aimer rien qu'en lui, par
lui et pour lui...............................
..55
CDLXXXVII - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Humilité du Saint; sa
confusion et sa peine de se voir estimé. - Se tenir dans .l'indifférence..........................................
...56
CDLXXXVIII - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - L'insensibilité
et l'indifférence religieuse : définition de l'une et de
l'autre ; celle-ci est un grand don de Dieu...............................
57
CDLXXXVIII bis A Mme de la FOREST RELIGIEUSE DE L'ABBAYE DE BONS (N.B.
Cette lettre, retrouvée tardivement, fait partie du tome XXVI sous
le n° MMCII. Nous l'avons replacée ici, à sa date de
rédaction conjecturée, avec un autre numéro bis, suivant
celui de la lettre précédente en 1608
..58
CDLXXXIX AUX SYNDICS OU AUX MESSIEURS DU CONSEIL DE RUMILLY. - L'église
paroissiale de Rumilly a besoin d'une restauration : difficultés
de l'entreprise ; encouragements à les vaincre. - Affection du Saint
pour la ville ; son humilité....
.59
CDXC - A Mme DE MIEUDRY. - Les menues pensées de vaine gloire
et les mouches. - Les larmes et les résolutions, la " tendreté
de cur et la fermeté de cur" : choses bien différentes.
-Les pensées importunes. - Ne pas tourmenter son âme......
.61
CDXCI - A Mlle DE BRÉCHARD. - Recommandations pressantes de
garder son cur, de le mortifier et de le tenir en même temps dans
la joie.- Messages ,..................
..61
CDXCII - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Amiable partage de biens pour faciliter
le mariage de Bernard de Sales... . . . . . . . .
..62
CDXCIII - A Mme DE LA CHAMBRE. - Pourquoi il ne faut pas remettre les
Vêpres après souper. - Le moyen d'être consolée
pour cette vie et pour l'autre. - Messages divers
..63
CDXCIV- A LA BARONNE DE CHANTAL. - Anniversaire d'une consécration
épiscopale. - Sentiments de François de Sales à propos
de cet évènement
..64
CDXCV - A Mlle DE TRAVES. - Témoignages d'affectueux dévouement.
- Ingénieuse manière de demander à une âme chrétienne
si elle aime Dieu; que faire quand on aime bien Dieu.
.65
CDXCVI- A LA BARONNE DE CHANTAL. - Départ de Bernard de Sales
pour la Bourgogne. - Souhaits et actions de grâces à propos
de son mariage. - Le Saint déplore les dangers que court une âme
infidèle à ses engagements sacrés et bénit
Dieu qui l'a gardé de l'erreur dès son jeune âge. -
Les saints Pères et l'hérésie. - Un ministre converti.,
- " Madamoyselle de Perdreauville " et sa famille. - La manière
de prêcher contre les hérétiques
..66
CDXCVII - A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. - Le Saint demande à
l'Abbesse de ses nouvelles. - Conseils divers. Le moyen de tirer profit
de ses infirmités. - Exhortation à la dévotion. -
Assurance de dévouement..
..68
CDXCVIII- A Mme DE ROCHETTE (Inédite). - Un sujet inépuisable
de correspondance. - Le Saint envoie à la destinataire des chansons
spirituelles...................................
.69
CDXCIX - A M. BRETAGNE. - Souhaits de courtoisie à un magistrat
à la fin d'une année. - Pourquoi la fuite des années
ne doit pas nous attrister
70
D - A LA BARONNE ,DE CHANTAL. -Dieu favorise le dessein de la Visitation
en lui préparant des âmes d'élite. - Une prétendante
; estime qu'en fait le saint Evêque.. . . . . . . . . . . . . . .
.
..71
FRAGMENTS DE LETTRES A LA BARONNE DE CHANTAL 1605-1608
DI - Ne jamais reprendre le temps fixé pour l'oraison. - Le
crucifix matériel et le vrai Crucifix. - Comment s'accuser en confession.
- La simplicité, l'amitié, la petitesse. - Que faire quand
il arrive des pensées mauvaises ..
72
DII - Exhortation à la douceur dans les relations avec le prochain.
- Comment réprimer les défauts de nos inférieurs.
- Aveu du Saint. - Les vainqueurs du mal
.73
DIII - Avoir son âme en ses mains; comment elle nous échappe
et les moyens de la reprendre. - Obligation d'une âme qui est toute,
à Dieu. - Le présent, le passé et l'avenir, et l'emploi
qu'il convient d'en faire pour servir Notre-Seigneur comme il le désire
73
DIV - (Fragment inédit). - Un " point d'importance. " - Les
feuilles, les fleurs et les fruits des amitiés mondaines. - Les
petits renardeaux et les mouches mortes. - Les amitiés mauvaises
et les amitiés de charité ; différence de leurs allures.
- Il faut couper les premières, et " au couteau tranchant. "- Le
trouble
de la Sainte Vierge à la vue d'un Ange doit servir de leçon
aux âmes pudiques
74
DV - Vertus, exercices, lieu, rang, gloire et couronne des ,veuves.
- A qui faut-il laisser les extases et la contemplation de l'Essence divine.
- Tableau rapide des vertus que la très Sainte Vierge a pratiquées
depuis Nazareth jusqu'au Calvaire. - Les petites et les grandes vertus
; c'est par les unes qu'on arrive aux autres. La " femme forte " et ce
qu'il faut faire pour lui ressembler. - Dieu, comme un bon père,
accommode ses pas aux nôtres. Comment fortifier son cur contre Satan
et le rendre "imprenable"..75
DVI - L'esprit naturel et l'esprit chrétien ou l'esprit de la
foi ; les rébellions du premier n'empêchent pas celui-ci de
subsister et d'avoir finalement la victoire. - La barque, l'aiguille marine
et la " belle estoile. " - Que doit faire l'âme chrétienne
au temps de la " dereliction. " - Comment se conduire dans les assauts
contre la foi et dans les tentations de vanité et de vaine gloire.
- Les assoupissements et les distractions. - Les nuages du ciel atmosphérique
et les brouillards de l'esprit. -Porter remède au mal, mais se tenir
dans l'indifférence à l'égard des résultats.-
Le moyen d'être .parmi le monde, sans y avoir son cur..
76
DVII - Une grâce que le Saint sollicite de Notre-Seigneur pour
Mme de Chantal. - La présence de Dieu dans l'âme chrétienne,
d'après sainte Thérèse et saint François de
Sales.. . . . . . . .
...77
DVIII- La charité envers le prochain ne doit pas nous faire
couvrir le mal. - Blâmons le vice, épargnons les personnes.
- Comment nous devons considérer les actions du prochain. - La charité
et les pécheurs..78
DIX - A UN INCONNU (Fragment inédit). Regrets adressés
à un supérieur de n'avoir pas su le rencontrer pour lui baiser
mains .
..78
DX - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Impatience de Mme de Boisy de voir
la conclusion du mariage de son fils Bernard. - Le Saint partage ce même
désir, mais sans impatience
.79
ANNÉE 1609
DXI - AUX SYNDICS DE RUMILLY. - Entremise du Saint auprès des
FF. Mineurs Capucins en faveur de
la ville de Rumilly..
80
DXII - A Mme DE LA FLÉCHÈRE, , - Les assoupissements
des sens et la volonté résolue d'être tout à
Dieu. - La miséricorde de Dieu surpasse la misère de ceux
qui " en luy ont logé leurs esperances. " - Le meilleur remède
contre l'appréhension de la mort. - Ne pas examiner ce qui est fait,
mais penser à ce qui est à faire. - Comment haïr nos
défauts. - Ce qui conserve " nos tares. " - Désirs illusoires
de changement; c'est nous-même qu'il faut changer...................................
80
DXIII - A LA MÊME. - Quand les mortifications ne manquent pas,
n'en pas désirer d'autres. - De quelle plainte il se faut garder
en toute façon. - Les " petites tricheries quotidiennes. " - La
confiance filiale des petits enfants proposée aux âmes qui
aspirent. à l'extrême perfection. - Après les chutes,
il ne faut jamais se décourager.- Dans quel cas il est sage de payer
ce qu'on ne doit pas
82
DXIV - A Mgr DE VILLARS. - L'Introduction à la Vie devote :
circonstances historiques de la publication de cet ouvrage. - Pour quelles.
raisons l'auteur croit devoir laisser aux grands ouvriers les grands desseins.
- Ouvrages moins laborieux qu'il médite d'écrire : "un livret
de l'Amour de Dieu, un petit Calendrier et Journalier pour l'âme
dévote, un Traité de la prédication, une méthode
de convertir les hérétiques: - La bibliothèque du
Saint en Chablais. - Jugement de Mgr Fenouillet sur l'Introduction
83
DXV - A LA BARONNE DE CHANTAL.. - Souhaits de bienvenue et offrande
d'un gîte. - Envoi d'exemplaires de l'Introduction à la Vie
devote. - Joie du Saint de voir que tous les siens parlent avec respect
et affection de la petite Aimée et de sa mère. - Mme de Chantal
attendue à Sales. - De quels documents l'auteur compte se servir
pour une seconde édition de l'Introduction. L'Abbesse du Puits-d'Orbe
et son frère. - Affection de François de Sales pour
Marie-Aimée
.85
DXVI- A LA PRÉSIDENTE BRULART. - En quels cas une chrétienne
doit être indifférente au choix du .confesseur. - Les bonnes
intentions et les mauvaises pensées. - Dévotion de François
de Sales à sainte Thérèse. - Intérêt
qu'il porte à une veuve.- Pourquoi les vertus des femmes mariées
sont agréables à Dieu. - Unique souci d'une veuve chrétienne.
- Il faut être douce et suave parmi les siens, et mettre un soin
particulier à le devenir
...87
DXVII - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - Analyse d'une tentation
de découragement. - Comment doit s'exercer l'apostolat des femmes
chrétiennes hors de leur maison. - Conduite à tenir lorsque
nous sommes préoccupés de savoir si nous avons bien fait.
L'amour-propre et l'amour de Dieu. - Les heures de sommeil et la santé.
- Pourquoi le monde est quelquefois plus propice que le cloître à
l'acquisition des vertus.........................
89
DXVIlI - A LA PRÉSIDENTE BRULART. - Les menues et fréquentes
impatiences; moyens de les surmonter. - Il faut être colombe à
l'oraison, mais aussi dans son foyer et avec son entourage.. . .
90
DXIX - A Mgr CAMUS. - Panégyrique en raccourci de saint Joseph.
- Tableau de la Sainte Famille. - François de Sales accepte avec
joie de " mettre la mitre en teste " au futur Evêque de Belley
91
DXX - A LA PRÉSIDENTE BRULART. - Trop différer la première
Communion: grande erreur. - Le visage pâle et l'âme vermeille.
- Envoi d'un exemplaire corrigé de l'Introduction.. . . .. . . .
. .
..93
DXXI - .A Mgr DE VILLARS. - Une " petite opiniastreté " de saint
François de Sales.- L'Archevêque ayant refusé le titre
de Monseigneur, le Bienheureux s'excuse de le lui donner encore et lui
expose les raisons de sa respectueuse obstination.. . . . . .. . . . .
. .
94
DXXIl- A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. - Faire le bien joyeusement, sans
s'attrister de ses défauts. - Tenir la clôture. - Les confesseurs
extraordinaires: manière d'observer la prescription du Concile de
Trente. - L'administration des pensions et les avis que doit donner
l'Abbesse dans ses Chapitres-Rappeler au monastère une Religieuse
absente et par quels procédés. - Conseils variés sur
l'oraison, la lecture spirituelle, etc. - Acquérir un grand courage
au service de Notre-Seigneur...........
.95
DXXIII - A Mgr FENOUILLET. -Le destinataire ayant écrit au Saint
une lettre d'affectueuse courtoisie, celui-ci lui envoie l'ex pression
de son respect et de sa confiance
97
DXXIV - A Mlle DE TRAVES. - Le monde " n'est qu'un vray trompeur. "-
Considérations proposées à une personne qui songeait
à se marier. - L'amour du Sauveur, de Notre-Dame et des Saints à
la très sainte unité de Dieu
97
DXXV - A Mgr FENOUILLET (Inédite). - Annonce de nouvelles. -
Messages. - Le nouvel Evêque de Belley. - Jean-Pierre Camus songe
à faire une visite à saint François de Sales. " Une
lettre toute d'amour "...............................
.
98
DXXVI - A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. - Une cure difficile; le charitable
Saint prend l'avis d'un gentilhomme et d'un " viel cyrurgien " et députe
à la malade le fils de celui-ci. - Conseil donné à
l'Abbesse de renoncer au voyage de Savoie. - Comment Dieu lui témoigne
son amour paternel
...99
DXXVII - A LA MÊME. - Offre de services spirituels.- Visite annoncée.
- Nécessité de donner suite à de bonnes résolutions.
- Exhortation à faire "beaucoup d'eslancemens de cur sur Jesus
crucifié"
100
DXXVIII - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - Après un premier
choppement, que faire? - Comment apaiser son cur quand il est prévenu,
contre le prochain. - Il faut avoir de la compassion pour celui-ci et suivre
pour nous-même l'humilité .
..101
DXXIX - Au DUC DE SAVOIE. - Recommandation en faveur d'un officier
sans ressources
..102
DXXX - A Mme DE CORNILLON, SA SUR. - Les sentiments que doit exciter
la perte des parents. - Mort de Mme de la Thuille. - Le meilleur des souhaits.
- Comment il faut supporter les ennuis que donnent les affaires temporelles
..102
DXXXI - A Mlle DE BRÉCHARD. - Dieu le Père et ses images
vivantes sur la terre. - Que l'on ne puisse pas communier sans ouïr
la Messe, c'est une opinion nullement fondée. - Les Communions que
nul ne peut refuser. - La plus solide des nourritures au Ciel et sur la
terre................................
103
DXXXII - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - La réponse de
La Faye au livre de la. Croix ne vaut pas la peine d'une réplique.
- Zèle de Mme de Mieudry pour la foi catholique. - Messages. - Quel
est le vrai esprit de Jésus
..104
DXXXIII- A LA BARONNE DE CHANTAL. - L'âme humaine et les afflictions
de cette vie. - Une réflexion de saint Grégoire. Une vraie
chimère. - L'esprit de foi et la douleur. - Les progrès d'un
Saint dans l'oraison...................................
.105
DXXXIV - A Mlle DE BRÉCHARD. - L'art de cheminer sur la corde
et " le baston de contrepoidz." pour marcher assurément parmi les
périls du monde. - On ne peut jamais atteindre le souverain degré
de l'amour divin. - Pourquoi Dieu nous a donné notre cur
106
DXXXV - A LA PRÉSIDENTE BRULART. - L'Abbesse du Puits d'Orbe
désire venir en Savoie ; réserves que fait le Saint à
propos de ce projet de voyage. - Il se dispose à sacrer l'Evêque
de Belley. - Comment réparer " le manquement " de la méditation.
- Pourquoi Dieu quelquefois empêche la méditation. Les " vrayes
continuelles oraysons " et " la plus dign'offrande. " - La sainte Communion
en dehors de la sainte Messe. - Faisons le bien avant de mourir, mais toujours
avec discrétion. - Le bon plaisir de Dieu meilleur que le nôtre..
.
..107
DXXXVI - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Quelques-unes des " mille douces
pensees " du saint Evêque pendant qu'il portait le Saint-Sacrement.
- Le pectoral de l'ancienne Loi et l'ostensoir eucharistique. - Effusions
de piété. - Nouvelles et messages
109
DXXXVII- A Mme DE CORNILLON, SA SUR. - L'amitié d'un Saint
pour sa sur.- Exercice recommandé pour s'avancer en l'amour de
Dieu. - Quand les affaires réussissent-elles plus à souhait.-
Pourquoi Mme de Cornillon parait à son frère plus digne d'affection
...110
DXXXVIII - Au PRIEUR DE TALLOIRES. - La réforme dans un monastère
demande une grande longanimité dans l'exécution et un cur
généreux. - L'exemple de Notre-Seigneur. - Les exercices
de piété ; l'habit, le mobilier, etc.; la " composition exterieure
" et son importance dans une Communauté. - Conditions du succès
111
DXXXIX - A M. DE CHARMOISY. - M. de Charmoisy s'apprête à
quitter Turin. Un " ennemi juré des cours. " - Le Saint se réjouit
à l'espoir de posséder son ami avec plus de loisir. .
..112
DXL - A LA BARONNE DE CHANTAL.- La quatrième chose tout à
fait ignorée de Salomon.- L'ange gardien de Celse-Bénigne.
L'unique ambition d'un Saint. - L'Evêque de Genève trouve
son âme " un peu plus a son gré que l'ordinaire, " et pourquoi.
- Ce qu'il veut, d'une volonté inviolable. - Le gui et les imperfections
involontaires
.113
DXLI- A M. BELLOT (Minute inédite). - Les conditions de la conférence
contradictoire proposée par les Genevois sont acceptées par
le Saint. - Celui-ci désire y apporter non un esprit de contention,
mais de bonne foi ; entre les difficultés, il faut choisir les plus
importantes et les éplucher. - Une dernière garantie à
prendre
115
DXLII- A M. DES HAYES. - Remerciements du Saint à son " arch'intime
" qui voulait le faire venir à Paris. - Les obédiences qui
entravent sa liberté. - Invitation pour l'année 1611 à
prêcher dans la chaire de Saint-Gervais ; hésitations de François
de Sales pour accepter l'intervention de Henri IV. - Nouvelles de M. de
Charmoisy et de sa rupture avec le duc de Nemours. - Le Saint désire
rétablir le mari de Philothée. - Un projet de pèlerinage
à la Sainte-Baume. - Mme de Maignelais. - La deuxièine édition
de l'Introduction
..116
DXLIII - Au Duc DE NEMOURS. - Recommandation en faveur d'un gentilhomme,
pour lui obtenir de succéder à son père dans la charge
de juge-maje du Faucigny
119
DXLIV - Au PÈRE DE BONIVARD (Minute inédite). - Raisons
et avantages d'offrir aux ministres de Genève une conférence
publique. - Manière de la proposer. - En quel cas il serait à
propos d'engager la controverse sur les Versions., - Comment présenter
la doctrine catholique, et de la prudence requise en la formulant. - Derniers
avis................................
120
DXLV - A Mme DE LA FLECHÈRE. - L'attitude d'une Ame chrétienne
durant la maladie. - Douceur et tranquillité. - Com ment ne jamais
trébucher...
122
DXLVI - Au PRIEUR DE POMMIER. - Prière au destinataire de s'entremettre
auprès des sujets de sa Maison qui refusaient de payer les prémices,
à leur curé.. . .. .. . . . .
..123
DXLVII - Au PRÉSIDENT FAVRE. - Négociations du Saint
dans le pays de Gex. - Une première Messe après soixante-treize
ans .d'interruption. -La traversée de Genève.. . . . . .
. . . . . . . . .
...125
DXLVIII - Au Duc De SAVOIE. - François de Sales offre au duc
la deuxième édition de l'Introduction à la Vie devote.
- Culte du bienheureux Amé en Savoie et en Bourgogne. - Supplique
pour obtenir que le président Favre puisse transmettre à
son fils René la charge de sénateur
125
DXLIX - Au ROI DE FRANCE. - Remerciements adressés à
Henri IV à propos du rétablissement du culte catholique dans
deux paroisses de Gex ; " bien infini " qui en résultera. - Le digne
héritier et imitateur de saint Louis et de Charlemagne. - Zèle
et prudence du baron de Lux.....................................
127
DL - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - Les suites d'une chute.
- Annonce d'un deuxième voyage en Bourgogne. - Les Saints ne sont
pas " despiteux." - Les curiosités qu'il faut éviter. . .
. . . .
128
DLI - A Mme DE LA FOREST (lnédite).- Les " ames revesches,"
et le Saint.- Pourquoi la patience est nécessaire à ceux
qui veulent servir les âmes. - Une Religieuse qui avait besoin de
changer d'air. - Les promenades dangereuses. - Envoi d'un exemplaire de
l'Introduction
129
DLII - A LA BARONNB DE CHANTAL. - A une journée de Monthelon,
le Saint prévient la Baronne qu'il va arriver. - Il demande " un
petit bain de sauge" pour son pied à peine guéri d'une chute
récente
130
DLIII - A M. DE BÉRULLE.- Sympathie très effective de
François de Sales pour le dessein de M. de Bérulle.- Il conseille
une démarche auprès du Nonce
131
DLIV - Aux MAGISTRATS DE LA VILLE DE SALINS.- Acceptation d'une invitation
â prêcher dans la ville de Salins......
132
DLV - A LA BARONNE DE. CHANTAL. - Pourquoi nous sommes en ce monde.
- Absoudre, c'est donner Jésus_Christ. Le traité du
P. Arias.- Le corporal envoyé par la Baronne
...133
DLVI - A Mme DE BOISY, SA MERE. - Mme de Boisy est priée par
son fils de consulter le médecin Marc Offredo. - Pourquoi elle doit
se dégager de certaines " petites pensees." - Le " petit advis "
que le Saint donne clairement à sa " chere Dame et bonne Mere "
134
FAC SIMILE
...136
DLVII - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Retour de François à
Annecy ; il en donne avis à la baronne de Chantal. - L'abandon de
tout notre être au bon plaisir divin ; bonheur qu'il procure.- Le
sacré oreiller de saint Jean
.137
DLVIII- A M. DES HAYES. - Nouvelles rétrospectives d'un voyage
en Bourgogne. - Pèlerinage différé. - François
de Sales accusé auprès du Duc de Savoie d'avoir fait une
tentative pour reprendre son autorité temporelle de prince-évêque
de Genève ; le fondement de cette calomnie. - Un mariage désiré.
- Dévouement des amis de M. de Charmoisy pour le tirer de sa retraite.
Trois dames destinataires de l'Introduction à la Vie devote
.137
DLIX - Au PÈRE POSSEVIN (Inédite). - Les fruits des Exercices
de saint Ignace. - Progrès des conversions autour de Genève.
- U,ne paysanne missionnaire, - Rétablissement du culte catholique
à Gex. - Un grand nombre de Genevois ébranlés; obstacles
qui s'oPPos,ent à leur retour. - Le Saint raconte comment il a traversé
G,enève à cheval et l'émoi que son passage a suscité
dans la ville. - Le mauvais vouloir des ministres à l'égard
des propositions de François de Sales. - Comment l'Introduction
à la Vie devote a vu le jour ; cause de son succès. - Offrande
d'un exemplaire au destinataire..........................139
DLX - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Promesses pour le recrutement de la
future Congrégation. - Le passage par Genève et les calomniateurs.
- Le dessein de François de Sales traversé. - Occupations,
affections pieuses, souvenirs évoqués au cours du voyage
d'un apôtre. - Les grands désirs qui remplissent le cur d'un
Saint. -Une affection que les paroles du monde ne sauraient traduire
142
DLXI - A LA MÊME. - Ferveur d'une postulante. - Les austérités
corporelles et les mortifications spirituelles ; celles que le Saint désire
pour les filles de sa future Congrégation........
...145
DLXII - A Mme DE LA FLÉCHÈRE., - Une contemplation, source
de profonde tranquillité. - Sentiments qui doivent animer un cur
grandement épris de Jésus-Christ crucifié. - Examen
de prévoyance fort utile. - Une pauvreté qui n'en est pas
une. - L'appréhension de l'éternité et l'appréhension
des accidents de cette vie mortelle. - La révérence envers
Notre-Seigneur ; en quoi surtout elle consiste
145
DLXII bis (lettre MMXXIV du volume XXI reclassée) (Inédite)
- A UN ECCLÉSIASTIQUE- Une affaire
pressante. - Impossibilité pour le saint Évêque
d'aller la traiter en personne
..
146
DLXIII - A LA BARONNE DE CHANTAL. - La succession des années
et l'éternité. - Souhaits de nouvel an. - Le temps de Dieu
; récompense promise à ceux qui en usent bien.- Comment tenir
son cur solitaire au milieu de la foule
147
DLXIV - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - L'unique guérison
de certaines épreuves spirituelles. - Le sang du Calvaire et la
clarté du Thabor ; de ces deux montagnes, quelle est la plus désirable
et la plus fructueuse. - Le pain sans sucre et le sucre sans pain.- Pourquoi
la connaissance de notre néant ne doit pas nous troubler
.148
ANNÉE 1610
DLXV - A UNE DAME INCONNUE. - Qu'il faut ravaler son courage et en
même temps l'exalter. - L'unique leçon du divin Maître.
- Une bonne condition pour faire des progrès spirituels. Deux
choses conseillées contre les assoupissements, en l'oraison
149
DLXVI - A LA BARONNE DE CHANTAL. - La première tourière
de la Visitation offre ses services..150
DLXVII - Au Duc DE SAVOIE. - Sainteté du bienheureux Amédée.
- Estime qu'on en fait en Savoie. - C'est un devoir pour le duc de désirer
la canonisation d'un tel ancêtre et de s'employer à l'obtenir
.151
DLXVIII - A UN GENTILHOMME. - Charité du Saint pour ses amis
: au premier il propose une honorable alliance pour l'un des siens ; il
fait à l'autre de vives instances pour qu'il pardonne à son
fils repentant
152
DLXIX ---A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE (Inédite). - Un chirurgien
espagnol est prié de s'employer à guérir l'Abbesse
-Encouragements - Comment le Saint s'excuse de parler brièvement
de Dieu
..152
DLXIX bis (lettres DXL, DCCCXXXVIII du volume XXI reclassées)
- A LA BARONNE DE CHANTAL
Un mal qui ne se guérit que par l'expérience. - Attendre
après Pâques pour le voyage en Savoie. Ce quedira le cur
de la Baronne, ce que celui du Saint attend. - Tranquillité, fruit
de contradictions. -
Nouvelles de l'âme de François de Sales. - Dégagement
du monde, attachement à Dieu. - L'oraison de Mme de Chantal. - Une
âme qui reverdit après un long hiver. - Saints projets pour
la Visitation et
l'abbaye de Sainte- Catherine. - L'Introduction a la Vie devote et
le Traitté de l'Amour de Dieu. Plusieurs sortes de nouvelles. "
- Se mettre en la présence de Dieu et s'y tenir sont deux choses
différentes. - La comparaison de la statue. - Messages affectueux
..
153
DLXX- A Mme DE CORNILLON, SA SOEUR.-Que faire à mesure que les
années s'en vont. - Les mères chrétiennes et Notre-Seigneur,
qui se comporte au rebours des autres enfants
.158
DLXXI - Aux ECHEVINS DE SALINS. - Les prédications qu'il avait
promises à Salins étant empêchées, le Saint
les veut " contreschanger en autant d'oraysons 3 pour la ville
.159
DLXXII - A LA BARONNE DE CHANTAL.- Pourquoi l'Evêque de Genève
n'alla pas à Salins en 1610. - Une âme dont il espérait
faire quelque choose de bon-Les souhaits, le cur et la plume d'un Saint
.159
DLXXIII - A M DE BLONAY. - La nouvelle Congrégation étant
sur le point de s'établir, François de Sales demande au destinataire
qu'il veuille bien lui amener sa fille après Pâques
..161
DLXXIV - A M. DE BAY. - Recommandation en faveur d'un jeune étudiant
savoyard
..161
DLXXV - Au Duc DE NEMOURS. - François de Sales intercède
auprès du duc pour obtenir un secours au chanoine-poète Nouvellet
.162
DLXXVI - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Un cur plus que paternel, dégagé
et fervent au milieu des tracas. -Les petites fleurs et les arbres en Savoie,
quand souffle la tempête. - Petite pluie abat grand vent. - La rosée
de la Croix. - Rendez-vous pendant le Carême : l'aimable et saint
domicile du Cur de Jésus Notre-Seigneur. - Ce qui " contenta fort
" le Saint. - Il n'était point dur aux chrétiennes d'Annecy,
et pourquoi. Sermon tout de flammes
..163
DLXXVII-A Mme DE CORNILLON, SA SOEUR.- Heureuse fin de Mme de Boisy.
- Une promesse mutuelle.- Les regrets dans les séparations - Paix
joyeuse de la mère du Saint. . .. . . . . . . . . . . . . ..164
DLXXVIII - Au Duc DE SAVOIE. - Lettre d'introduction auprès
de Charles-Emmanuel, pour un ami..165
DLXXIX - A M. DES HAYES.- Une douloureuse satisfaction. - Mme de Boisy
assistée par son fils; rapide éloge de la défunte.
- Pourquoi le Saint n'a pas de particulières nouvelles à
communiquer
...166
DLXXX - A Mgr FENOUILLET. - François de Sales apprend à
son ami la mort de Mme de Boisy
..167
DLXXXI - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Les sentiments du Saint à
la mort de sa mère. - François de Sales raconte à
Mme de Chantal comment Mme de Boisy a fini ses jours et combien il pleura
sur " cette bonne mere. " - Invitation à venir en Savoie pour le
dimanche des Rameaux. - Dispositions à prendre pour le séjour
de la Baronne. - Mort de la petite Charlotte. - Il faut pleurer un peu
sur nos trépassés. - L'Abbesse du Puits-d'Orbe, Mme de Saint-Jean,
le P. de Monchy, Mlle Favre, le monastère de Sainte-Catherine. -
Le " train des saintz devanciers et des simples. " - Prendre pour méthode
de ne point se préparer à l'oraison, le Saint déclare
le trouver" un peu dur "
168
DLXXXII - A Mme DE DÉRÉE. - Tout fait espérer
que l'âme de Mme de Boisy a été reçue " en la
main dextre de son Dieu "
171
DLXXXIIl - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Souhaits de bienvenue. - Les
postulantes de Dijon. - Engagement avec un imprimeur
.172
DLXXXIV - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - Ne pas donner créance
aux vains présages. - Satan abuse des âmes crédules
; comment se garder de ses pièges. - Avis variés pour
les uvres de sanctification. - Moyen de soulager le prochain et de louer
la Vierge Marie
..173
DLXXXV - A UNE DAME INCONNUE, - Parmi les délais imposés
à nos désirs, il faut garder la sainte patience
174
DLXXXVI - Au CARDINAL GALLO (Inédite). - Le Saint s'excuse de
ne pouvoir obliger le protégé d'un Cardinal
175
DLXXXVII - Au PÈRE CEVA. - Détresse d'un gentilhomme
genevois. - La Congrégation des convertis. - Charité de François
de Sales
.176
DLXXXVII bis (Lettre MMXXV du volume XXI reclassée) (Minute
inédite En Italien) - A UN
CARDINAL - Mérite singulier et pauvreté extrême
du Chapitre de Saint-Pierre de Genève.
Instante prière au destinataire de favoriser auprès du
Pape l'union de deux bénéfices à la mense capitulaire
177
DLXXXVIII - A LA PRÉSIDENTE BRULART. - Par plusieurs voies on
va au Ciel, si l'on a pour guide la crainte de Dieu. - Contre l'amour-propre,
il faut faire bon guet. - C'est tenter Dieu de confier l'âme d'une
jeune fille à un jeune homme de mauvais naturel, avec l'espoir qu'il
s'amendera. - Consultation particulière sur les divertissements
pour Mme Brulart. - Comment porter à la vertu une enfant vigoureuse
et de naturel un peu ardent. - Un magistrat chrétien au XVIIe siècle.
- Un bien grand voyage pour des femmes. - Le plus grand appui pour s'avancer
dans la piété. - Les aumônes fructifient comme le froment
jeté en terre.........................................
...178
DLXXXIX - A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. - Une heureuse rencontre. -
A quelles conditions la faiblesse n'est pas un grand mal. - Ce que Notre-Seigneur
ne requiert pas de nous.- Comment se mettre "sur le solide." - Le moyen
de n'avoir rien à craindre. .- Combien de bons médecins maladifs
et d'habiles peintres bien laids. - Un " pauvre chetif pere " et la seule
chose qui pouvait le contrister. - Plutôt mourir que de démordre.
- Les Supérieures et l'observance
180
DXC - A Mme DE LA FLÉCHÈRE " Il est dangereux de marcher,
au chemin des proces. " - Par quelles pratiques les âmes chrétiennes
témoignent-elles de la fidélité à Notre-Seigneur
182
DXCI - A LA BARONNE DE CUSY. - Derniers préparatifs dans le
" petit bastiment " destiné aux premières recrues de la Visitation.
- Le Saint compte les y introduire à la Pentecôte. - Quel
sera le costume la première année. - Réponse à
des objections que présentait la destinataire. - Un petit Isaac
..183
DXCII - A LA BARONNE DE CHANTAL. - L'Institut de la Visitation, " havre
de grace et de consolation. " - Méditation sur l'Evangile : Je suis
la vigne. - Notre-Seigneur Jésus-Christ, le tout de
François de Sales
...185
DXCIII -A M. DE BAY. - Jacques de Bay et son zèle pour la formation
chrétienne des jeunes Savoyards. - Recommandation en faveur de Jean-Antoine
Rolland et de Bernardin du Nant.- Le Saint offre au destinataire deux de
ses ouvrages; son humilité
..185
DXCIV - A LA BARONNE de CUSY. - Une postulante que le monde dispute
à la vie religieuse. - Qu'elle sonde son cur avant d'embrasser
Jésus-Christ crucifié ; ce dessein demande une ,âme
vaillante et généreuse. - Encouragements à prendre
un parti décisif. - Le Saint promet de s'employer avec joie et constance
à la " sainte besoigne " de la future Congrégation.. . .
. . . . ..
.187
DXCV - A Mme DE CHARMOISY (Billet inédit ) - Prière de
donner l'hospitalité à une postulante de la Visitation...............
.189
DXCVI - A LA BARONNE DE CHANTAL. - Une idée que le Saint trouve
à son réveil. - La fête du Saint-Suaire et les paroles
" extatiques" d'Isaïe. - Espoir joyeux que Dieu plantera et fera fructifier
la plante du futur Institut....................
..189
DXCVII A M. RANZO. - Zèle de François de Sales pour
la Canonisation du. bienheureux Amédée. - Il propose de lui
faire dédier l'oratoire de sa future Congrégation.
190
DXCVII bis - A M. DES HAYES (Inédite) (Ndlr : lettre DCXLIX
découverte trop tard pour être insérée à
la bonne date. On peut l'atteindre en appelant la note 658)
192
DXCVIII - A M. CALCAGNI. - Titres et aptitudes de M. de la Thuille,
frère du Saint, à remplir la charge de chevalier, pour laquelle
il est proposé. - Le destinataire est prié de remettre des
lettres pour faire aboutir la nomination.................
192
DXCIX - Au PÈRE POLLIENS. - A un Jésuite qui s'intéressait
à l'uvre du Saint, celui-ci raconte les circonstances qui ont donné
jour aux commencements de la Visitation. - Sommaire et premier crayon de
la vie religieuse proposée par manière d'essai. - La clôture,
l'habit, l'Office, l'union intérieure. - La pierre fondamentale.
- Pourquoi le Saint ne se soucie pas des critiques. - L'Institut de la
Visitation et le voyage de François de Sales à Dijon en 1604
.193
DC - Au PRÉSIDENT FRÉMYOT. - Mort de Henri IV. - Vanité
des grandeurs du monde. " Un contemptible coup de petit couteau. " -
Le Roi immortel. - Pourquoi le Saint espère que Dieu aura été,
pitoyable au prince. Les faveurs de Henri IV pour François de Sales-Aveu
du Saint ; sa gratitude
.195
DCI- A LA BARONNE DB CHANTAL. - Les soucis du saint Fondateur. - Ses
désirs d'union à Jésus-Christ. - Pourquoi Mme de Chantal
doit se " mettre sur la grandeur de courage "
..197
DCII - A LA MÊME. -Pourquoi le Saint se trouvait un peu las,
mais de corps seulement. - De quelles vertus Notre-Seigneur est surtout
amoureux. - Un Psaume dont le chant attendrissait le cur de l'Evêque
pendant la procession
198
DCIII- A M. CALCAGNI, - Gratitude pour la courtoise intervention du
destinataire en faveur de Louis de Sales, frère du Saint
..198
DCIV - Au Duc DE SAVOIE. - Remerciements et actions de grâces
de la Savoie et de son Evêque pour la promotion d'Antoine Favre "
a l'estat de premier President. " - Ce qui donne le plus de douceur à
la vie humaine. - Description imagée de la justice. - Responsabilité
et devoir des princes dans le choix de ceux qui l'exercent en leur nom
199
DCV - A M. DE SAINT-SIXT. - Affaire d'argent qui sépare deux
frères ; intervention du Saint pour les accommoder
..201
DCVI- A LA MÈRE DE CHANTAL. - Elévation sur la vie de
saint Jean-Baptiste : sa nourriture, le miel, les locustes représentent
les deux vies, contemplative et active. - Applications. - Signification
de ses vêtements. - Un habit propre à conserver la sainteté.
- Obéissance du Précurseur. - Ce qu'annonçait " ce
beau rossignol du bois
201
DCVII - A Mgr FENOUILLET (Inédite). - Le trépas du "
grand Roy. " - Regrets.- " Le jeune et nouveau Roy. " - Le vrai rendez-vous
de nos " cogitations. " - Une charge obtenue " sans brigue, sans
cour et sans argent "
202
DCVIII - A LA MÈRE DE CHANTAL. - Comment remplacer le jeûne.
- Les " petites brebis " de la Mère de Chantal. - Visite de Marie
à Elisabeth ; amabilité de la très Sainte. Vierge.
- Contemplation du mystère. - Un beau pèlerinage en compagnie
du Sauveur
203
DCIX - A Mlle DE CHAPOT. - Les parents et les directeurs spirituels
; l'autorité des uns et des autres et la confiance qu'ils méritent
dans l'affaire d'une vocation religieuse. - S'il fallait ouïr l'avis
des premiers, qu'arriverait-il ? - Comment reconnaître la volonté
de Dieu parmi les empêchements. - Quand on a pris une bonne résolution,
il faut la rectifier, si elle est excessive, mais non la rompre
205
DCX - A M. DE QUOEX. - Pension ou dot requise pour les postulantes
de la Visitation, - " Il est vray que l'on regarde encor aux facultés.
" - Le Chablais au XVIIe siècle. - Une Congrégation qui ne
veut être " ni mendiante ni playdante. " - Sommaire des Règles.-
Les commencements de l'Institut donnent beaucoup d'édification ;
à quelles âmes offrait-il un refuge
206
DCXI- A Mme DE TRAVERNAY. - Quand on souffre, il est malaisé
de prier. - Quels sont les malades capables de faire oraison. - Comment
remplacer cet exercice, si nous sommes trop douillets. - Il faut reprendre,
quand on est guéri, ses habitudes de prière. - Un " rare
bien : " parler cur à cur avec son Dieu
.209
DCXIl - A LA MÈRE DE CHANTAL (Inédite). - Les premiers
jours de la Visitation. - Les " douces amours en Jesus Christ " de l'Evêque
de Genève; où se portait nuit et jour sa sollicitude.
..210
DCXIII - A Mme DE LA FOREST. - Subtilité de Sataln - Le Saint
cherche à détruire le résultat d'une calomnie. - Bonnes
nouvelles de la Maison de la Galerie
211
DCXIV - A Mme DE CORNILLON, SA SOEUR. - La transfiguration en Notre-Seigneur.
- Le séjour des vaines beautés et belles vanités.
- Encouragements à monter à la céleste vision du Sauveur.
- Ce qui est pire que la mort pour une âme de Saint. - Partout il
faut avoir bon courage, et pourquoi
212
DCXV - Au Duc DE NEMOURS. - Recommandation en faveur du sieur Bouvard
pour la charge d'avocat fiscal
...213
DCXVI - A M. DES HAYES. - Un trépas vraiment pitoyable. - Le
Saint relève le courage de son ami, dont la mort de Henri IV semblait
avoir compromis la fortune - Comment se ménager la protection de
la. Providence. - Souhaits pour la France et la famille royale
213
DCXVII - A LA MÈRE DE CHANTAL.- Hésitations à
faire venir en Savoie le P. de Monchy. - Souhait du Saint pour Mme Chantal
214
DCXVIII -- A LA MÊME. - La méthode de Mme de Chantal.
La confession de Françon. - Doux pressentiments intimes à
l'approche de la fête de la Nativité de la très sainte
Vierge. - La céleste Pouponne
215
DCXIX - A Mme DE TRAVERNAY. - Une âme docile.-L'exercice de l'amour
sacré et les tribulations. - Un spectacle encourageant
..216
DCXX - A Mme DE LA FLÉCHÈRE. - Parmi les afflictions,
les unes sont plus affligeantes, les autres plus dangereuses pour l'âme.
- Pourquoi le tracas des procès, plus que tout autre, ôte
la paix intérieure. - La seule perte que nous devons craindre en
cette vie. Comment les procès peuvent servir à l'avancement
spirituel.- Exemple de Notre-Seigneur. - Le moyen d'être toujours
assez riche
217
DCXXI - A M. RANZO (Inédite). - Les débuts de la Congrégation.-
La Patronne qu'elle a choisie. - Attestation du culte tendu au bienheureux
Amédée dans le monastère de Talloires et à
Chambéry ; à son passage dans cette ville, le prince Emmanuel-Philibert
de Savoie reçoit les hommages de François de Sales
..218
DCXXII - A Mme DE LA FLECHÈRE. - Condoléances sur la
mort de M. d'Avully, père de la destinataire. - Raisons d'espérer
que Dieu l'aura reçu dans l'Eglise triomphante
219
DCXXIII - A.LA MÈRE DE CHANTAL. -- Pourquoi François
de Sales travaille avec zèle au Traitté de l'Amour de Dieu.
" Petites lanterneries " et " petites clartés. " - La parfaite résignation.
- Une lettre où il est parlé mignardement de Celse Bénigne
..220
CDXXIV - A Mlle DE VALLON (Inédite). - Une nouvelle postu1ante
pour la Maison de la Galerie. - Par quelles vertus s'entretient le désir
de la vie religieuse
.221
DCXXV-- A M. DE VILLERS. - Différend avec le Chapitre de Belley,
à propos des cures et églises des paroisses vacantes ; Affaire
de M. de Sauzéa. - La vérité est toujours la plus
forte
.222
DCXXVI - A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE - Le profit qu'on peut retirer
d'un mal incurable. - En quels cas le monde juge sévèrement
les âmes qui l'ont quitté pour le cloître ; celles-ci
perdent toujours quelque chose aux sorties. Il faut avoir quelque égard
à l'opinion publique. - Une ancienne coutume du monde ; son pharisaïsme.
- Contrairement à l'esprit du siècle, c'est aux supérieurs
à gagner les inférieurs. - Une abbesse et une prieure un
peu refroidies ; exhortation du Saint pour ramener entre les deux surs
l'amitié fraternelle
..223
DCXXVII - A M. PIOTON. - Prière de retirer un legs en faveur
d'une. uvre pieuse
225
DCXXVIII - Au PRÉSIDENT FAVRE. - Les curés de Valromey
et le Parlement de Dijon. - Le Saint réclame l'intervention de son
ami pour obtenir du Sénat une pièce utile au procès
226
DCXXIX - A Mme DE CORNILLON, SA SOEUR. - Les croix domestiques ; il
faut savoir
les bien prendre
226
DCXXX - A Mme DE LA. FLÉCHÈRE (Inédite). - Une
tranquillité fainéante et trompeuse. - Quand faut-il augmenter
les Communions, au lieu de les diminuer. - Le Saint ennemi dans ses visites,
des cérémonies, compliments et perte de temps
227
DCXXXI - A LA MÈRE DE CHANTAL. - Quelques bonnes pensées
pour passer l'Avent avec dévotion: trois objets capables de ravir
les curs en la sainte dilection
.228
DCXXXII - A Mgr GRIBALDI. - Le Prélat destinataire. est prié
de vouloir bien réconcilier un cimetière profané par
un assassinat.
229
DCXXX - A LA MÈRE DE CHANTAL. - Pratique conseillée à
la Mère de Chantal pour s'attirer la spéciale protection
de Notre Dame
.230
DCXXXIV - Au PRÉSIDENT FAVRE. - Le grand tracas d'un premier
Président. - Le prieuré de Contamine ; les Chevaliers de
Saint-Lazare et la Sainte-Maison de Thonon. -- Les Pères Feuillants.
- L'hôtesse du Chablais
.230
DCXXXV - A LA PRÉSIDENTE FAVRE. - Une lettre écrite après
dix heures du soir. - Les additions à une nouvelle édition
de l'Introduction à la Vie devote. - Notre guide, notre nocher pendant
notre navigation. - Le moyen de ne rien craindre
232
DCXXXVI- A LA MÈRE DE CHANTAL. - Les désirs d'un Saint
à propos de la manducation quotidienne du " Pain vivant et suressentie
" -Les vertus dont il embaume les âmes qui le reçoivent
..
..233
DCXXXVII- A M. Celse Bénigne DE CHANTAL. - Conseils à
un jeune homme qui allait à la cour de France ; à quelles
âmes cette fréquentation est-elle moins dangereuse. - Ses
écueils, leurs pernicieux effets. Remèdes : les" viandes
spirituelles et divines. " - Eviter les mauvaises lectures, Rabelais, "
cet infame, " et les sceptiques. - La vraie courtoisie. - Ne pas s'embarrasser
parmi les amourettes. - Faire profession ouverte de vouloir vivre vertueusement,
judicieusement, constamment et chrétiennement. Les vertueux à
la philosophique. - En quoi il ne faut pas marchander. - Se choisir des
amis de même intention. - Recourir à la direction d'un prêtre,
Religieux ou séculier. - Un exercice de fainéant. - Avoir
un cur vigoureux, et pourquoi. - L'idéal d'un courtisan, d'après
saint Louis; portrait de ce prince. - La bravoure et la piété.
- Une méditation à faire souvent, - Le patron, la voile,
l'ancre, le vent qu'il faut choisir pour voguer sur la haute mer du monde
234
DCXXXVIII - A LA MÈRE DE CHANTAL. - Pourquoi ne pas se tourmenter
des fâcheuses pensées qui sont autour du cur. A quelle
condition rien ne nous offensera
237
DCXXXIX - A M. RIGAUD (Inédite). - Le Saint et son éditeur
lyonnais. - Celui-ci le presse" de rendre fait " le Traitté de l'
Amour de Dieu. - Commande de livres
.230
DCXL - A M. DE BAY - Le Saint s'intéresse aux études
d'un jeune annécien et demande que le collège de Savoie de
Louvain lui soit rouvert
.239
DCXLI - A M. DE QUOEX. - Dans les appointements, le Saint n'est pour
personne. - Pas de particularités dans sa Congrégation: il
faut que tout y " aille d'un train "
.240
DCXLII - Au PRÉSIDENT FAVRE. Les " bonnes coustumes " de Savoie.
- Rendez-vous pour les âmes chrétiennes unies d'affection.
- Une amitié sans limites
..240
CDXLIII - A LA MÈRE DE CHANTAL (Billet inédit). - Une
galerie où le Saint parlait " plus a commodité " à
la Mère de Chantal
.241
DCXLIV - Au PRÉSIDENT FAVRE (Inédite). Recommandation
en faveur d'une pauvre veuve
.242
DCXLV - A LA MÈRE DE CHANTAL. - Tableau de la Nativité.
- Où se trouvaient en la nuit de Noël, les bons Anges des deux
Saints. - Les pasteurs et la mélodie sacrée qu'Ils entendent
durant leur sommeil. - Le cadeau du Bienheureux au " petit Roy "
..243
DCXLVI - A Mme D'AIGUEBELÈTTE. - Les présents du Sauveur
aux gens de bonne volonté. - Ce que fait la " petite trouppe " de
la Visitation
..244
DCXLVlI - Au PRÉSIDENT FAVRE. - Ce qui rend notre durée
périssable, et partant plus aimable. - La pensée de l'éternité
pour le Saint. - L'espérance de l'éternité, et les
motifs philosophiques qui la légitiment. - L'échelle qui
nous conduit aux années éternelles. - Souhaits de nouvel
an
..245
DCXLVIII - A LA MÈRE DE CHANTAL (Billet inédit). - Les
Filles de saint Bernard chez les Filles du saint Evêque de Genève.
- Promesse d'un bonsoir ou d'un bonjour
...239
DCXLIX - A M. DES HAYES (Inédite) - Une amitié constante.
- Mariage princier et les menaces d'une guerre
..246
ZZZ- A la Comtesse de Tournon 9 septembre 1610 Lettre primitivement
rejetée, puis acceptée dans Vol.XV,
.(
cf L5, p.7, n° DCLIII).
DCL- A LA MÈRE DE CHANTAL (Billet inédit)- Sollicitude
pour la santé de la Mère de Chantal..247
DCLI - A LA MÊME. - Souci charitable que prend le Saint pour
la santé de la Fondatrice
.248
DCLII - A Mlle DE BLONAY. - La grâce d'évangéliser
n'est pas le privilège de tout le monde
.248
APPENDICE
LETTRES ADRESSEES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS
A- FACULTÉS ACCORDÉES PAR LA CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE.
(en latin)..249
B - LETTRES DE Mgr DE VILLARS, ARCHEVEQUE DE VIENNE
I
..250
II
...251
III
..251
C - LETTRE DU P. JACQUES-PHILIBERT DE BONIVARD
DE LA COMPAGNIE DE JESUS
252
D- LETTRE DE Mlle FAVRE
.253
E - LETTRE DU PRÉSIDENT FREMYOT
253
F - LETTRE DU CARDINAL JEAN GARCIA MILLINO (en italien)
254
II
LETTRE DE SAINTE JEANNE-FRANÇOISE DE CHANTAL
A Mgr JEAN PIERRE CAMUS
254
Glossaire des locutions et des mots surannés
256
Index des correspondants et des principales notes biographiques et
historiques de ce volume
267
Table des Matières
273
Fin
288.
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