Sermon pour la fête de l'Annonciation
25 mars 1621
" le jour de l’Annonciation (..), elle fit le plus grand acte d’humilité qui ait jamais été fait et qui se fera jamais par une pure créature ; car se voyant exaltée par l’Ange, lequel la salua disant qu’elle était " pleine de grâce " et qu’elle concevrait un Fils qui serait Dieu et homme tout ensemble, cela l’émeut et la fit craindre. Certes, elle était familière avec les Anges, mais elle n’avait néanmoins jamais été louée par eux jusqu'à cette heure là, d’autant que ce n’est point leur coutume de louer personne, si ce n’est quelquefois pour encourager en quelque grande entreprise. Oyant donc saint Gabriel lui donner une louange si extraordinaire, cela la mit en souci (..) "
" Notre-Dame étant rassurée par l’Ange et ayant appris ce que Dieu voulait faire d’elle et en elle, fit ce souverain acte d’humilité disant : Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole. Elle se voyait élevée à la plus haute dignité qui jamais fut et sera ; car quand il plairait à Dieu de recréer derechef plusieurs mondes, il ne saurait pourtant faire qu’une pure créature fut plus que la Mère de Dieu. Cette dignité est incomparable, et cependant la sacrée Vierge ne s’enfle point, mais elle assure qu’elle demeure toujours servante de la divine Majesté. Et pour montrer qu’elle l’était et qu’elle la voulait être : Qu’il me soit fait, dit-elle, tout ainsi qu’il lui plaira, s’abandonnant à la merci de sa divine volonté, protestant que par son choix et par son élection elle se tiendra toujours en bassesse et qu’elle conservera l’humilité comme compagne inséparable de la virginité. "
aaaaaaaaaaaaaa
DEUXIÈME MYSTÈRE JOYEUX :
LA VISITATION.
Fruit du mystère : la charité fraternelle.
Sermon de profession
pour la fête de la Visitation de la Sainte Vierge
(2 juillet 1618)
" Notre très aimable et non jamais assez aimée Dame et Maîtresse, la glorieuse Vierge, n'eut pas plus tôt donné son consentement aux paroles de l'Ange saint Gabriel, que le mystère de l'Incarnation fut accompli en elle. Ayant appris par le même saint Gabriel que sa cousine Élisabeth avait en sa vieillesse conçu un fils (Lc I, 36), elle la voulut aller voir, comme étant sa parente, et à dessein de la servir et soulager en sa grossesse, car elle savait que c'était le vouloir divin ; et au même instant, dit l'Évangéliste saint Luc, elle sortit de Nazareth, petite ville de Galilée où elle demeurait, pour s'en aller en Judée à la maison de Zacharie.
" Abiit in montana " : elle monta dans les montagnes de Juda et entreprit le voyage, quoique long et difficile ; car, comme disent plusieurs auteurs, la ville en laquelle demeurait Elizabeth est éloignée de Nazareth de vingt sept lieues; d'autres disent un peu moins, mais c'était toujours un chemin assez malaisé pour cette si tendre et délicate Vierge, parce que c'était à travers des montagnes.
Sentant donc l'inspiration divine, elle s'y achemina, non point portée d'aucune sorte de curiosité de voir si ce que l'Ange lui avait dit serait bien vrai, car elle n'en doutait nullement, mais était tout assurée que la chose était telle qu'il lui avait déclaré. (..) Elle y alla pour voir cette grande merveille ou cette grande grâce que notre Dieu avait fait à [sa cousine] de concevoir un fils en sa stérilité, car elle savait bien qu'en l'ancienne Loi, c'était une chose blâmable d'être inféconde; mais parce que cette femme était vieille, elle alla aussi pour la servir sa grossesse et lui donner tout le soulagement qui lui était possible.
Secondement, ce fut pour lui révéler le grand mystère de l'Incarnation qui s'était opéré en elle; car Notre Dame n'ignorait pas que sa cousine Elizabeth était personne juste , fort bonne, craignant Dieu et désirant ardemment la venue du Messie promis en la Loi pour racheter le monde, et que ce lui serait une très grande consolation d'apprendre que les divines promesses étaient accomplies et que le temps désiré par les Prophètes et les Patriarches était venu.
Troisièmement, elle y alla aussi pour redonner la parole à Zacharie qui l'avait perdue par son incrédulité à la prédiction de l'Ange, lorsqu'il lui dit que sa femme concevrait un fils qui se nommerait Jean (Lc I, 13, 18-20).
Quatrièmement, elle savait que cette visite apporterait un comble de bénédictions en la maison de Zacharie, qui rejailleraient jusqu’à l'enfant qui était dans le ventre de sainte Elizabeth, lequel serait sanctifié par sa venue. Voilà les raisons, et plusieurs autres que je pourrais rapporter mais je n'aurais jamais fait.
Au demeurant, ne pensez-vous point, (mes très chères Sœurs), que ce qui incita plus particulièrement notre glorieuse Maîtresse à faire cette visite ce fut sa charité très ardente et une très profonde humilité qui la fit passer avec cette vitesse et promptitude les montagnes de Judée ? O certes, (mes chères Sœurs), ce furent ces deux vertus qui la poussèrent et lui firent quitter sa petite Nazareth, car la charité n'est point oisive : elle bouillonne dans les cœurs où elle règne et habite, et la très sainte Vierge en était toute remplie, d'autant qu'elle avait l'amour même en ses entrailles. Elle était en des continuels actes d'amour, non seulement envers Dieu avec lequel elle était unie par la plus parfaite dilection qui se puisse dire, mais encore elle avait l'amour du prochain en un degré de très grande perfection, qui lui faisait désirer ardemment le salut de tout le monde et la sanctification des âmes ; et sachant qu'elle pouvait coopérer à celle de saint Jean, encore dans le ventre de sainte Elizabeth, elle y alla en grande diligence. Sa charité la pressait aussi de se réjouir avec cette bonne vieille de ce que le Seigneur l'avait bénie d'une telle bénédiction, que de stérile et inféconde qu'elle était, elle conçut et portât celui qui devait être le Précurseur du Verbe incarné… "
aaaaaaaaaaaaaa
TROISIÈME MYSTÈRE JOYEUX :
LA NATIVITÉ.
Fruit du mystère : L’esprit de pauvreté.
Sermon pour la veille de Noël,
24 décembre 1613 (VIII, page 124)
Points de méditation :
Sa pauvreté.
Mais voyez, je vous prie, comme il est pauvre ! Pauvreté d'asile, pauvreté de langes, pauvreté de nourriture : " Celui qui donne aux oiseaux leur pâture, est nourri d'un peu de lait. " (Hymne des Laudes de la Nativité)
Il ne possède absolument rien. Pauvreté la plus abjecte. Presser avec beaucoup d'insistance cette considération : le voilà nu sur la terre à sa naissance, comme le raconte sainte Brigitte. (Révélations, VII, 21)
Son obéissance.
Il a l'usage de la raison et une sagesse infinie ; il se laisse pourtant emmailloter, entourer de bandes, poser partout ou le veulent sa Mère ou son Père. Il pourrait marcher seul, et cependant il reste " dans la crèche ". (Lc II, 7, 16)
Son silence est admirable ; car les autres enfants se taisent parce qu'ils ne savent pas parler ; lui, parce que ce n'est pas le temps de parler mais de se taire.
Son amour de l'abjection.
Placé entre des animaux, il accueille avec douceur leur haleine et même leur stupidité. Du reste, ce sont des animaux qu'il aime, parce que l'un porte le joug, l'autre le fardeau. L'un est laborieux, l'autre chargé ; et Jésus dira : " Venez à moi vous tous qui travaillez et êtes chargés, et je vous soulagerai " (Mt XI, 28)
Voyez la douceur de cet Enfant plus fort que Samson, il veut pourtant être emmailloté ; il se montre aimable au milieu d'animaux qui le sont si peu. Il me semble le voir fixer son doux regard sur sa très chère Mère, son Père, les bergers ; donner à sa Mère de suaves baisers, selon qu il est écrit : " Qu'il me baise d’un baiser de sa bouche " (Cant. I, 1) , et puis, se nourrir de son lait.
Voyez sa mortification :
il fait bien froid à sa naissance ; il repose sur la paille, etc., dans une grotte, etc.
Il pleure : " J'ai élevé la voix en pleurant, comme tous les autres ". (Sag. VII, 3)
La cause des pleurs des enfants, c'est premièrement une raison naturelle : ils sentent pour la première fois le froid, la lumière, un air nouveau après l'air tiède et le sommeil dans le sein maternel.
aaaaaaaaaaaaaa
QUATRIÈME MYSTÈRE JOYEUX :
LA PRÉSENTATION.
Fruit du mystère : L’esprit d’obéissance et la pureté.
Sermon de saint François de Sales pour le jour de saint Blaise
8 février 1614 (IX, page 15)
" (..) Se renoncer n’est autre chose que se purger ou purifier soi-même. Et de ceci Notre-Dame nous en donne un exemple admirable; car l’Évangéliste dit, que les jours de sa Purgation étant venus, selon la loi de Moïse, elle vint au Temple pour se purifier, et pour offrir son fils, avec deux colombes, et deux tourterelles. (Lc II, 22, 24)
Or notre chère Dame et Maîtresse n’avait point besoin de purification, elle qui était plus claire que le soleil, plus pure que la lune, plus belle et reluisante que l’aurore:
Quasi aurora consurgens , pulchra ut luna electa ut sol.... tota pulchra es amica mea, et macula non est in te, dit l’Époux au Cantique des Cantiques. (VI, 9)
Mais comment en eut-elle eu besoin, vu qu’elle avait produit son fils plus purement que l’étoile ne fait son rayon, qui la rend d’autant plus belle à nos yeux, qu’elle le produit plus fréquemment ?
Elle vint donc, notre glorieuse Maîtresse et notre sacrée Dame, non pour se purifier, en elle-même, mais seulement en la pensée de plusieurs, qui ne sachant pas qu’elle était exempte d’observer la loi, eussent sans doute murmuré si elle n’eut fait comme les autres. Et c’est en quoi elle nous donne un grand exemple d’humilité et d’obéissance, en s’assujettissant à la loi à laquelle elle n’était point obligée. "
Sermon pour la fête de la Purification,
le 2 février 1620 (IX, 250)
" Notre Dame et sacrée Maîtresse ne craignait pas de désobéir, parce qu'elle n'était nullement obligée à la Loi qui n'était point faite pour elle ni pour son Fils, mais elle craignait l'ombre de la désobéissance ; car si elle ne fut pas venue au Temple pour offrir Notre-Seigneur et pour se purifier, quoiqu'elle n'en eut point besoin, étant toute pure, l'on eut pu trouver des gens qui eussent voulu faire l'enquête de sa vie afin de savoir pourquoi elle ne faisait pas comme le reste des femmes. Elle vient donc aujourd’hui au Temple pour lever tout ombrage aux hommes qui l'auraient peu considérer, et pour nous montrer encore que nous ne nous devons pas contenter d'éviter les péchés, mais l'ombre des péchés, ne nous arrêtant pas non plus à la résolution que nous avons faite de ne point commettre tel ou tel péché, mais fuir même les occasions qui nous pourraient servir de tentation d'y tomber. Elle nous apprend aussi à ne nous pas tenir pour satisfaits du témoignage de notre bonne conscience, mais à prendre soin de lever tout ombrage aux autres de se mal édifier de nous ou de nos comportements. Ce que je dis pour certaines personnes lesquelles, étant résolues de ne point commettre quelques péchés, ne se soucient pas d'éviter les témoignages qu'elles rendent qu'elles les commettraient volontiers si elles osaient.
O combien cet exemple que Notre-Seigneur et Notre Dame nous donnent de la très sainte obéissance nous devrait inciter à nous soumettre absolument et sans aucune réserve à l'observance de tout ce qui nous est commandé, et ne nous pas contenter de cela, mais observer encore les choses qui nous sont conseillées pour nous rendre plus agréables à la divine Bonté ! Mon Dieu, est-ce si grand chose de nous voir obéir, nous autres qui ne sommes nés que pour servir, puisque le Roi suprême à qui toutes choses doivent être sujettes s'est bien voulu assujettir à l'obéissance ? Recueillons donc cet exemple sacré que nous donnent le Sauveur et la glorieuse Vierge, et apprenons à nous soumettre, à nous rendre souples, maniables et faciles à tourner à toutes mains par la très sainte obéissance, et non pas pour un temps ni pour certains actes particuliers, mais pour toujours, tout le temps de notre vie jusqu’à la mort. "
aaaaaaaaaaaaaa
CINQUIÈME MYSTÈRE JOYEUX :
LE RECOUVREMENT DE JÉSUS AU TEMPLE.
Fruit du mystère : La recherche de Jésus.
Traité de l’amour de Dieu, II, c.16
" L'entendement humain étant donc convenablement appliqué à considérer ce que la foi lui représente de son souverain bien, soudain la volonté conçoit une extrême complaisance en ce divin objet, lequel, pour lors absent, fait naître un désir très ardent de sa présence… "
" C'est à Dieu que je soupire,
C'est Dieu que mon cœur désire. " Ps 41,1
(.. ) " la foi nous ayant ôté le voile de l'ignorance et fait voir notre souverain bien, lequel néanmoins nous ne pouvons encore posséder, retenus par la condition de cette vie mortelle, hélas, Théotime, nous le désirons alors : de sorte que :
" Les cerfs longtemps pourchassés,
Fuyant pantois et lassés,
Si fort les eaux ne désirent,
Que nos cœurs, d'ennuis pressés,
Seigneur, après toi soupirent.
Nos âmes, en languissant
D'un désir toujours croissant,
Crient: hélas ! quand sera-ce,
Ô Seigneur Dieu Tout-Puissant,
Que nos jeux verront ta face ? " Ps 41,2
Ce désir est juste Théotime, car qui ne désirerait un bien si désirable ? mais ce serait un désir inutile, et qui ne servirait que d'un continuel martyre à notre cœur, si nous n'avions assurance de le pouvoir un jour assouvir. Celui qui, pour le retardement de ce bonheur protestait que ses larmes lui étaient un pain ordinaire nuit et jour, tandis que son Dieu lui était absent et que ses adversaires l'enquéraient, : où es ton Dieu ? Hélas qu'eût-il fait s'il n'eût eu quelque sorte d'espérance de pouvoir une fois jouir de ce bien après lequel il soupirait ?
Et la divine Épouse va toute éplorée et alangourie d'amour, de quoi elle ne trouve pas si tôt le Bien-aimé qu'elle cherche (Cant. V, 8) : l'amour du Bien-aimé avait créé en elle le désir, le désir avait fait naître l'ardeur du pourchas, et cette ardeur lui causait la langueur, qui eut anéanti et consumé son pauvre cœur si elle n'eût eu quelque espérance de rencontrer enfin ce qu'elle pourchassait.
Ainsi donc, afin que l'inquiétude et la douloureuse langueur que les efforts de l'amour désirant causeraient en nos esprits, ne nous portât à quelque défaillance de courage et ne nous réduisît au désespoir, le même Bien souverain qui nous incite à le désirer si fortement, nous assure aussi que nous le pourrons obtenir fort aisément, par mille et mille promesses qu'il nous en a faites en sa Parole et par ses inspirations, pourvu que nous voulions employer les moyens qu'il nous a préparés et qu'il nous offre pour cela… "
Traité de l’amour de Dieu, II, c.15
" Le cœur humain tend à Dieu par son inclination naturelle, sans savoir bonnement quel il est; mais quand il le trouve à la fontaine de la foi, et qu'il le voit si bon, si beau, si doux et si débonnaire envers tous, et si disposé à se donner comme souverain bien à tous ceux qui le veulent, ô Dieu, que de contentements et que de sacrés mouvements en l'esprit, pour s'unir à jamais à cette bonté si souverainement aimable! J'ai enfin trouvé, dit l'âme ainsi touchée, j’ai trouvé ce que je désirais, et je suis maintenant contente. Et comme Jacob avant vu la belle Rachel, après l'avoir saintement baisé, fondait en larmes de douceur pour le bonheur qu'il ressentait d'une si désirable rencontre, de même notre pauvre cœur ayant trouvé Dieu et reçu d'icelui le premier baiser de la sainte foi, il se fond par après en suavité d'amour, pour le bien infini qu'il voit d'abord en cette souveraine beauté. "
Textes choisis par M. l’abbé Paul-Antoine Lefèvre.