A SON EXCELLENCE MONSEIGNEUR MARCEL
LEFEBVRE
ARCHEVÉQUE-ÉVÊQUE
ÉMÉRITE DE TULLE
C'est avec une vive et profonde affliction que j'ai pris connaissance de
votre lettre
datée du 2 juin.Guidé
uniquement par le souci de l'unité de l'Église dans la fidélité
à la
Vérité révélée
- devoir impérieux imposé au Successeur de l'Apôtre
Pierre -, j'avais
disposé l'an passé
une Visite apostolique de la Fraternité Saint-Pie X et de ses oeuvres,
qui a été effectuée
par le Cardinal Édouard Gagnon. Des colloques ont suivi, d'abord
avec des experts de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi, puis entre vous-même
et le Cardinal Joseph Ratzinger.
Au cours de ces entretiens, des solutions avaient été
élaborées, acceptées
et signées par vous le 5 mai 1988 : elles permettaient à
la
Fraternité Saint-Pie X d'exister
et d'oeuvrer dans l'Église en pleine communion avec
le Souverain Pontife, gardien de
l'unité dans la Vérité. Pour sa part, le Siège
Apostolique ne poursuivait qu'un
seul but dans ces conversations avec vous : favoriser
et sauvegarder cette unité
dans l'obéissance à la Révélation divine, traduite
et
interprétée par
le Magistère de l'Église, notamment dans les vingt et un
Conciles
oecuméniques, de Nicée
à Vatican II.
Dans la lettre que vous m'avez adressée, vous semblez rejeter tout
l'acquis des
précédents colloques,
puisque vous y manifestez clairement votre intention de « vous
donner vous-même les moyens
de poursuivre votre oeuvre », notamment en procédant
sous peu et sans mandat apostolique
à une ou plusieurs ordinations épiscopales, ceci en
contradiction flagrante non seulement
avec les prescriptions du Droit canonique, mais
aussi avec le protocole signé
le 5 mai et les indications relatives à ce problème
contenues dans la lettre que
le cardinal Ratzinger vous a écrite à ma demande le 30
mai.
D'un
coeur paternel, mais avec toute la gravité que requièrent
les circonstances
présentes, je vous exhorte,
Vénérable Frére, à renoncer à votre
projet qui, s'il est
réalisé, ne pourra
apparaître que comme un acte schismatique dont les conséquences
théologiques et canoniques
inévitables vous sont connues. Je vous invite ardemment
au retour, dans l'humilité,
à la pleine obéissance au Vicaire du Christ.
Non seulement je vous invite à cela, mais je vous le demande, par
les plaies du
Christ notre Rédempteur,
au nom du Christ qui, la veille de sa Passion, a prié pour ses
disciples, « afin que tous
soient un » (Jn 17, 20).
A cette demande et à cette invitation, je joins ma prière
quotidienne à Marie.
Mère du Christ.
Cher Frère, ne permettez pas que l'Année dédiée
d'une manière toute particulière
à la Mère de Dieu
apporte une nouvelle blessure à son coeur de Mère!
Du Vatican, le 9 juin 1988
IOANNES PAULUS PP. II