Malgré l'accord qu'il avait signé le 5 mai 1988, Mgr Lefebvre
a de nouveau
soulevé, par lettres des
20 et 24 mai 1988 adressées au Pape et au cardinal Ratzinger,
le problème du nombre des
évêques et de la date de leur consécration ainsi que
celui de
la composition de la Commission
romaine.
Voici la réponse du préfet
de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi après
l'audience que lui a accordée
Jean-Paul Il, le 27 mai 1988. (Texte paru dans le quotidien Présent,
Paris, France
du 23 juin 1988).
Le 30 mai 1988,
EXCELLENCE,
Après avoir été reçu en audience par le Saint-Père
vendredi 27 mai [1988], comme je
vous l'avais indiqué lors
de notre colloque du 24 [mai 1988], je suis en mesure de répondre
à la
lettre que vous m'avez remise ce
même jour à propos des problèmes de la majorité
des
membres de la Fraternité
dans la Commission romaine et de la consécration des
évêques.
Concernant le premier point, le Saint-Père juge qu'il convient de
s'en tenir aux
principes fixés dans le point
II/2 du Protocole que vous avez accepté.
Cette Commission est un organisme du Saint-Siège au service de la
Fraternité et
des diverses instances avec lesquelles
il faudra traiter pour établir et consolider
l'oeuvre de réconciliation.
De plus, ce n'est pas elle, mais le Saint-Siège qui, en dernière
instance, prendra les décisions
: la question d'une majorité ne se pose donc pas ; les
intérêts de la Fraternité
sont garantis par sa représentation au sein de la Commission,
et les craintes que vous avez exprimées
par rapport aux autres membres n'ont pas lieu
de persister, dès lors que
le choix de ces membres sera effectué par le Saint-Père
lui-même.
Pour ce qui regarde le second point, le Saint-Père confirme ce que
je vous ai déjà
indiqué de sa part, à
savoir qu'il est disposé à nommer un évéque
membre de la
Fraternité (au sens du point
II/5.2 du Protocole), et à faire accélérer le processus
habituel de nomination, de manière
à ce que la consécration puisse avoir lieu pour la
clôture de l'Année
mariale le 15 août prochain [1988].
Ceci requiert d'un point de vue pratique que vous présentiez sans
tarder à Sa
Sainteté un nombre plus élevé
de dossiers de candidature, pour lui permettre de choisir
librement un candidat qui corresponde
au profil envisagé dans les accords et en même
temps aux critères généraux
d'aptitude que l'Église retient pour la nomination des
évêques.
Vous savez enfin que le Saint-Père attend de vous une lettre contenant
pour
l'essentiel les points dont nous
nous sommes entretenus particulièrement lors de notre
colloque du 24 mai [1988]. Mais,
comme vous avez récemment encore annoncé votre
intention d'ordonner trois évêques
le 30 juin avec ou sans l'accord de Rome, il est
nécessaire que dans cette
lettre (cf. 4 par. du projet) vous disiez clairement que vous y
renoncez et que vous vous remettez
en pleine obéissance à la décision du Saint-Père.
Avec cette ultime démarche, accomplie dans les plus brefs délais
possibles, le
processus de réconciliation
arriverait à son terme et l'annonce pourrait en être
publiquement donnée.
Excellence, au moment de conclure, je ne puis que vous redire, comme mardi
dernier, et avec plus de gravité
encore s'il est possible : lorsqu'on considère le contenu
positif de l'accord auquel la bienveillance
du Pape Jean-Paul II a permis que l'on
parvienne, il n'y a pas de proportion
entre les dernières difficultés que vous avez
exprimées et le dommage que
constituerait maintenant un échec, une rupture de votre
part avec le Siége apostolique
et pour ces seuls motifs. Il vous faut faire confiance au
Saint-Siège, dont la bonté
et la compréhension récemment manifestées à
votre égard
et à l'égard de la
Fraternité constituent la meilleure garantie pour l'avenir. Vous
devez
enfin - et nous devons tous - faire
confiance au Seigneur, qui a permis que la voie de la
réconciliation soit ouverte
comme elle l'est aujourd'hui, et que le but paraisse
désormais si proche.
Veuillez agréer, Excellence, l'expression de mes sentiments fraternels
et
respectueusement dévoués
dans le Seigneur.
Joseph card. RATZINGER