DANGER DE SCHISME DANS CET ÉTAT DE SÉPARATION
Les prêtres
de l'Union Sacerdotale de Campos et Mgr
Licínio,
après avoir beaucoup réfléchi, ont écrit
officiellement le
5 juin 2001 au supérieur de la Fraternité
Sacerdotale Saint
Pie X, Mgr Bernard Fellay, avec qui
nous étions
unis dans les conversations avec le Saint
Siège; nous
lui présentions 28 raisons graves en faveur
de la nécessité
d’une reconnaissance, l'alertant du
danger de continuer
dans cet état anormal de séparation:
«En considérant...
que la situation actuelle des
catholiques de la
Tradition, situation de séparation de la
hiérarchie,
provoquée par la crise de l'Église, outre son
aspect anormal,
se doit d’être occasionnelle et
temporaire, et qu’elle
exige donc de notre part un désir
ardent de régulariser
et de s’unir, et non de se satisfaire
de la situation;
en considérant que les effets négatifs de
cette séparation anormale
se font déjà sentir dans les
milieux traditionalistes, provoquant
un esprit de critique
généralisée
et systématique, un esprit d'indépendance,
une autosatisfaction de l'anomalie
de la situation et un
sentiment de détenir
personnellement l'exclusivité de la
vérité; en
considérant le danger que cette séparation, au
fil du temps, bien qu’elle ne
signifie l’adhésion à aucun
schisme théorique, puisse
prendre un esprit de schisme,
étant donné l’absence
d'unité dans le gouvernement...».
(Malheureusement, cette lettre
n'a pas obtenu de
réponse).
Les exemples que nous connaissons
de cet esprit dans
les milieux traditionalistes nous
ont amenés à réfléchir
sur le danger de cette séparation
habituelle et
systématique: les radicaux
finissent par devenir
sédévacantistes,
schismatiques ou même apostats.
Saint Thomas d'Aquin dit: «On
appelle schismatiques
ceux qui refusent de se soumettre
au Souverain Pontife
et ceux qui se refusent à
vivre en communion avec les
membres de l'Église
qui lui sont soumis»(2a -2ae, q. 39,
art. 1).
Le célèbre théologien
espagnol Francisco Suarez
enseigne qu'il y a plusieurs manières
de devenir
schismatique: «sans nier
que le Pape soit le chef de
l'Église, ce qui serait
déjà de l’hérésie, on agit comme s'il
ne l'était pas: c'est
la manière la plus fréquente...» (De
Charitate, de disp. 12, sect.
I, n.2, t. XII, p. 733, in
Opera Omnia).
OÙ ÉTAIT RÉELLEMENT l'IRRÉGULARITÉ
de la SITUATION
La principale irrégularité
tenait au Sacre d'un Évêque, et
dans le fait de le maintenir contre
la volonté du Pape.
Donc, à la première
occasion, il fallait sortir de cette
situation irrégulière,
sans quoi il y avait un grave danger
de passer d'un état de
simple séparation à un schisme
réel.
Comme l’a dit le Pape Pie XII
dans l'Encyclique «Ad
Apostolorum Principis»:
«Aucune autorité en dehors du
Pasteur Suprême... aucune
personne ni assemblée de
prêtres ni de laïcs,
ne peut s'arroger le droit de nommer
des évêques.
Personne ne peut conférer légitimement le
sacre épiscopal sans être
certain d’en avoir le mandat
pontifical. Un sacre ainsi
conféré contre le droit divin et
humain, et qui est un très
grave attentat à l'unité même
de l'Église, est puni
d'une excommunication...»
De plus, en laissant passer le
temps, commencent à
apparaître des cas dans
lesquels on a besoin du «pouvoir
des clés», qu'un
évêque sans juridiction ne possède pas;
par exemple, pour déclarer
la nullité de mariages, pour
séculariser des diacres,
pour dispenser de vœux publics,
etc. S'arroger de tels pouvoirs
ce serait se substituer à la
hiérarchie, former une
église parallèle, ce qui réellement
serait un schisme.
Dans notre cas, même si
Mgr Licínio Rangel avait été
sacré évêque
dans une situation extraordinaire pour
prendre soin des fidèles
liés à la Liturgie traditionnelle, il
aspirait toujours à une
normalisation de la situation
irrégulière dans
laquelle nous nous trouvions, et il avait
donc conscience que ce qui est
normal pour un catholique
c’est d’être uni et soumis
à la hiérarchie de l'Église. De la
sorte, aussitôt que le Saint
Siège a offert l'occasion de
régulariser, Mgr Licínio
a affirmé: «c’en est fini de l'état
de nécessité!»
Et il a tout fait pour que les conversations
avec le Saint Siège arrivent
à bon terme, malgré les
pressions subies de la part de
ceux qui voulaient
continuer dans la marginalité.
La LUTTE pour la MESSE TRADITIONNELLE
Pendant de nombreuses années
nous avons combattu et
souffert pour maintenir la Messe
Traditionnelle. Et
maintenant, grâce à
Dieu, comme une récompense pour
cette lutte, le Saint Père
nous a accordé le droit de
conserver officiellement dans
notre Administration
Apostolique la Sainte Messe traditionnelle,
codifiée par
Saint Pie V, avec tous les sacrements,
toute la Liturgie et
la discipline traditionnelles.
La création de l'Administration
Apostolique venait
démontrer au monde qu’il
était possible de maintenir la
Liturgie Traditionnelle, en parfaite
communion avec le
Saint Père le Pape, sans
avoir besoin de rompre la
communion avec lui. On avait enfin
accédé à la requête
de Mgr António de Castro
Mayer quand il demandait au
Pape la faculté de continuer
avec la Messe traditionnelle.
Ainsi nous conservons, avec les
bénédictions du Saint
Père le Pape, la Messe
Tridentine parce que c'est une
authentique richesse de la Sainte
Eglise Catholique, une
Liturgie qui a sanctifié
beaucoup d'âmes, une Messe à
laquelle les Saints ont assisté,
une Messe qui, par sa
façon claire et sans ambiguïté
d’exprimer les dogmes
eucharistiques, est devenue une
authentique profession
de Foi, un symbole de notre identité
catholique, un vrai
patrimoine théologique
et spirituel de l'Église qu’il
importe de maintenir.
Comme l’a bien dit le Cardinal
Darío Castrillón Hoyos,
préfet de la Sacrée
Congrégation pour le Clergé: «Le rite
antique de la Messe sert précisément
à beaucoup de personnes pour
maintenir vif ce sens du mystère…
Le rite sacré, avec le sens du mystère,
nous aide à pénétrer
avec nos sens dans l’enceinte du mystère de Dieu. La
noblesse d’un rite qui a accompagné
l’Eglise pendant tant d’années vaut
bien la peine de ce qu’un groupe
choisi de fidèles maintienne
l’appréciation de ce rite,
et l’Eglise par la voix du Souverain Pontife l’a
compris ainsi quand elle demande
qu’il y ait des portes ouvertes pour la
célébration... Nous
célébrons ensemble un beau rite, rite
qui fut celui de nombreux saints,
une belle messe qui a
rempli les voûtes de nombreuses
cathédrales et qui fit
résonner ses accents mystèriques
dans les petites
chapelles du monde entier...»
(extraits de l'homélie
pendant la Messe Saint Pie V qu’il
a célébré à Chartres le
4 juin 2001).
Le Pape Jean-Paul II a dit la
même chose, à propos de la
Messe traditionnelle, quand il
l’a proposée comme
modèle de révérence
et d’humilité pour tous les
célébrants du monde:
«Le Peuple de Dieu a besoin de
voir dans les prêtres et
dans les diacres un
comportement plein de révérence
et de dignité, capable
de l'aider à pénétrer
les choses invisibles, même avec
peu de mots et d’explications.
Dans le Missel Romain, dit
de Saint Pie V... nous trouvons
de splendides oraisons
par lesquelles le prêtre
exprime le plus grand sens
d'humilité et de révérence
face aux saints mystères: elles
révèlent la substance
même de toute la Liturgie»
(Jean-Paul II, message à
l'Assemblée Plénière de la S.
Congrégation pour le Culte
Divin et la Discipline des
Sacrements, sur le thème
«Approfondir la vie liturgique
au sein du Peuple de Dieu»,
le 21/9/2001).
Mais, aimer, défendre et
conserver la Messe
traditionnelle ne signifient pas
considérer la Nouvelle
Messe en elle même comme
hérétique, sacrilège,
peccamineuse ou illégitime.
Cela irait contre le dogme de
l’indéfectibilité
de l'Église.
Nous avons dit dans notre déclaration
que nous
reconnaissons la validité
du Novus Ordo Missae,
promulgué par le Pape Paul
VI, chaque fois qu’il est
célébré correctement
et avec l'intention d'offrir le vrai
Sacrifice de la Sainte Messe.
D'ailleurs, c’était déjà
l'enseignement de Mgr António de
Castro Mayer et aussi de Mgr Marcel
Lefebvre; dans la
déclaration doctrinale
de l'accord que ce dernier a révisé
et signé, on lit ceci:
«Nous déclarons en outre
reconnaître la validité
du Sacrifice de la Messe et des
Sacrements célébrés
avec l'intention de faire ce que fait
l'Eglise et selon les rites indiqués
dans les éditions
typiques du Missel et des Rituels
des Sacrements
promulgués par les Papes
Paul VI et Jean-Paul II».
(Fideliter, le dossier complet).
Pourquoi avons-nous fait cette
exception «chaque fois
qu’il est célébré
correctement et avec l'intention d'offrir
le vrai Sacrifice de la Sainte
Messe» ?
Parce que, si le prêtre
célèbre la Messe avec l'intention
de ne faire qu’un repas communautaire
ou une simple
réunion avec le récit
de la Cène du Seigneur, sans
l'intention d'offrir le vrai sacrifice
de la Messe, il est clair
que la validité de cette
messe sera affectée.
En outre, il faut déplorer
des messes, même valides,
dans lesquelles «la Liturgie
a été violée», comme l’a dit
le Pape Jean-Paul II (Allocution
au Congrès des Missions,
6/2/1981), ou dans lesquelles
la «Liturgie dégénère en
'show', où on essaye de
rendre la religion intéressante à
l’aide de folies à la mode...
avec des succès momentanés
de la part du groupe des fabricants
liturgiques», comme
critique le Cardinal Ratzinger
(Introduction au livre La
Réforme Liturgique, de
Mgr. Klaus Gamber, pag. 6). Et
encore, comme l’a dit le Cardinal
Eduardo Gagnon, le
président du Comité
Pontifical pour les Congrès
Eucharistiques Internationaux,
«On ne peut ignorer
cependant que la réforme
(liturgique) a donné lieu à
beaucoup d'abus et a conduit dans
une certaine mesure à
la disparition du respect dû
au sacré. Ce fait doit
malheureusement être reconnu
et disculpe un bon
nombre de ceux qui se sont éloignés
de notre Église ou
de leur ancienne communauté
paroissiale» (...)
(“Integrismo e conservatismo”
– Interview du Cardinal
Gagnon, "Offerten Zitung - Römisches",
nov.déc. 1993,
p.35)..
Il est clair que l'Église
vit une grande crise. C’est une des
raisons pour lesquelles nous gardons
la Messe
Traditionnelle. Comme l’a bien
dit le Cardinal Joseph
Ratzinger, actuel préfet
de la Congrégation pour la
Doctrine de la Foi, «la
crise ecclésiale, dans laquelle nous
nous trouvons aujourd'hui, dépend
en grande partie de
l'effondrement de la Liturgie»
(Card. Ratzinger - La mia
vita, pag. 113). Donc, pour notre
plus grande tranquillité
et sécurité, nous
conservons à notre Administration
Apostolique, avec tout l'amour
et la dévotion, en vertu de
la faculté que nous a accordée
le Saint Père le Pape, la
Liturgie et la discipline liturgique
traditionnelle comme
notre rite propre, ce grand trésor
de l'Église comme une
authentique profession de foi
catholique, en parfaite
communion avec le Siège
de Pierre. Et vous faîtes de
même ici. Et j'aimerais
faire l'éloge du CIEL-UK et de
tous les catholiques qui aiment
et s'efforcent de faire
aimer la Liturgie Traditionnelle,
et le Saint Père nous
rassure en nous disant que notre
attachement à la
tradition liturgique du Rite Romain
est légitime.
Par conséquent, comme je
l’ai écrit dans ma première
Lettre Pastorale, nous conservons
la Tradition et la
Liturgie traditionnelle, en union
avec la Hiérarchie et
avec l'Enseignement vivant de
l'Église, et non en nous y
opposant. Et la création
de notre Administration
Apostolique démontre que
cela est parfaitement possible.
Il est possible d'être
catholique et traditionnel, en
parfaite communion avec le
Saint-Siège.
EN CONCLUSION
Nous aimons la Sainte Messe comme
le centre de notre
vie catholique, et comme la forme
d'expression de notre
foi et de notre adhésion
à Notre Seigneur et à la Sainte
Eglise.
Nous aimons la Messe Traditionnelle,
ce grand trésor de
la Sainte Eglise, claire profession
de notre Foi catholique,
en union avec la Hiérarchie
et l'Enseignement vivant de
l'Église.
Nous aimons le Saint Père
le Pape et nous prions toujours
pour lui.
Nous prions pour que Dieu remporte
la victoire sur les
ennemis de son Église:
"ut inimicos Sanctae Ecclesiae
humiliare digneris, te rogamus,
audi nos" (Litanies des
Saints).
Nous restons unis dans la prière.
Que tout serve à la plus
grande gloire de Dieu, au
triomphe de la Sainte Eglise et
au salut de nos âmes
Que Notre Dame, Mère de
l'Église, nous garde dans son
coeur immaculé.
Mgr Fernando Arêas Rifan
Administrateur Apostolique de l’Administration
Apostolique Personnelle Saint Jean-Marie Vianney
Début de la conférence:
Mesdames et Messieurs les Directeurs
du Centre
International d'Études
Liturgiques du Royaume-Uni -
CIEL-UK – à l'invitation
de qui je dois la grande joie
d’être ici présent.
Mes très Révérends
Pères
Mesdames et Messieurs les Membres
du CIEL-UK.
Très chers frères
et amis de la Liturgie Traditionnelle.
Mesdames et Messieurs.
Il me faut tout d’abord remercier
le CIEL-UK en la
personne de sa présidente
Mme Nicole Hall, pour son
aimable invitation, pour l'occasion
et la joie qu’elle me
donne d'être ici, pour la
Sainte Messe que nous célébrons
et pour cette conférence.
Je remercie surtout Son Eminence
le Cardinal Cormac
Murphy-o'Connor,
Archevêque de Westminster,
qui nous a donné très
aimablement l’autorisation de
cette Messe Pontificale.
Je remercie le Père Ignatius
Harrison, Supérieur de
l'Oratoire de Londres, qui est
venu à notre sacre et qui
me loge très gentiment
ici à Londres.
Je vous remercie tous de votre
présence et, d'avance, de
votre attention et de votre patience.
INTRODUCTION
Je vous ai déjà été
présenté: je suis Mgr Fernando Arêas
Rifan, Évêque titulaire
de Cedamusa, Administrateur
Apostolique de l'Administration
Apostolique Personnelle
Saint Jean-Marie Vianney de Campos,
Rio de Janeiro au
Brésil; j’ai été
consacré évêque le 18 août 2002 par Son
Eminence le Cardinal Darío
Castrillón Hoyos, préfet de la
Congrégation pour le Clergé.
Ayant été nommé par le
Saint Père le Pape Jean-Paul
II évêque coadjuteur de Son
Excellence Mgr Licínio
Rangel, lors du décès de ce dernier
le 16 décembre, je suis
devenu automatiquement, selon
le Droit Canonique, son successeur,
et donc
l'Administrateur Apostolique.
Notre Administration Apostolique
Personnelle Saint
Jean-Marie Vianney est une circonscription
ecclésiastique
officielle dans l'Église
Catholique, érigée par le décret
"Animarum bonum" de la Congrégation
pour les Évêques
le 18 janvier 2002; selon la volonté
du Souverain Pontife
dans la lettre autographe "Ecclesiae
unitas" du 25
décembre 2001, elle concerne
les catholiques attachés
aux formes liturgiques de la Liturgie
Romaine antérieure
à la dernière réforme
liturgique de 1969.
Pour que vous puissiez mieux comprendre
comment tout
cela s'est développé,
j’aimerais vous raconter un peu de
notre histoire.
NOTRE PETITE HISTOIRE À L'INTÉRIEUR
DE L'HISTOIRE DE
L'ÉGLISE
L'Église Catholique ici
sur terre est militante, parce
qu'elle est toujours en combat
contre les ennemis de
Dieu et des âmes, de l’intérieur
et de l’extérieur, contre
les péchés et les
hérésies.
A peine sortie des persécutions
romaines des trois
premiers siècles, l'Église
a eu à combattre les grandes
hérésies trinitaires
et christologiques qui sont apparues
en son sein.
Même à l'apogée
de la chrétienté médiévale, une époque
de grands Saints, les grandes
hérésies n’ont pas manqué,
qui requirent beaucoup de vigilance
de la part de l'Église.
La décadence des mœurs
de la Renaissance, cette
décadence morale qui a
atteint tous les niveaux de
l'univers chrétien, du
petit peuple jusqu'à la plus haute
hiérarchie, a produit comme
fruit le protestantisme - la
pseudo-réforme – qui a
fait et qui fait encore de grands
dommages parmi le peuple chrétien,
surtout avec ses
erreurs sur la prêtrise,
sur l’Eucharistie et sur le sacrifice
de la Messe. La vraie réforme
a été opérée par l'Église à
travers le Concile de Trente et
le zèle des saints, tels
saint Ignace et sa Compagnie de
Jésus, saint Charles
Borromée et la fondation
des séminaires, saint Pie V et la
codification de la Liturgie.
À la fin du XVIIIe siècle,
vint la Révolution Française avec
sa proclamation des droits de
l'homme indépendamment
des droits de Dieu, avec le laïcisme
des États et les
libertés modernes, avec
une violente persécution de
l'Église.
Ensuite, au XIXe siècle,
c’est le libéralisme qui a
prédominé, condamné
par l'Enseignement de l'Église.
Au début du XXe siècle,
Saint Pie X a condamné le
modernisme dans l'Église,
ce résumé de toutes les
hérésies. Dans le
domaine social apparaissait le
communisme, fruit de la philosophie
marxiste,
destructeur de la société
chrétienne et grand persécuteur
de l'Église.
Deux guerres mondiales ont servi
pour augmenter la
laïcisation et la déchristianisation
de la société.
Et beaucoup d'erreurs, déjà
condamnés par l'Église, ont
commencé à se réintroduire
dans les rangs catholiques.
Le Saint-Père Pie XII a
renouvelé la condamnation de ces
erreurs dans plusieurs encycliques,
surtout dans «Humani
Generis» et, dans le domaine
liturgique, dans «Mediator
Dei» (1947).
En 1948, Mgr António de
Castro Mayer a été nommé
évêque de Campos;
c’était un professeur, docteur en
Théologie, formé
à l'Université Grégorienne de Rome,
très fidèle à
l'Enseignement de l'Église. Mgr António, à
travers ses sermons, ses articles
et, surtout, de brillantes
Lettres Pastorales, alertait continuellement
ses prêtres et
ses diocésains contre les
erreurs actuelles, déjà
condamnées par l'Église,
qui s'infiltraient de toute part.
Et c’est dans cet esprit de fidélité
à l'Église que Mgr
António formait ses prêtres.
Ayant participé au Concile
Vatican II de 1962 à 1965, Mgr
António a cherché
à donner aux prêtres et aux fidèles la
légitime interprétation
de l'"aggiornamento" désiré par le
Pape Jean XXIII, mettant en garde
contre ceux qui,
profitant du Concile, cherchaient
à faire revivre dans
l'Église le modernisme
et son ensemble d'hérésies, en
mettant en place ce que le Pape
Paul VI dénoncera
comme l’«autodémolition
de l'Église».
Après le Concile, une grande
crise, sans précédents, s'est
installée dans l'Église,
avec des apostasies de prêtres et
de religieux à grande échelle,
une désacralisation de la
liturgie, une laïcisation
du clergé, une diminution des
vocations, la sécularisation
des séminaires, un
œcuménisme irénique,
un syncrétisme religieux, etc.
Comme l’a dit le Pape Jean-Paul
II: «On a répandu à
pleines mains des idées
contraires à la vérité révélée
et
enseignée depuis toujours
; de véritables hérésies ont
été diffusées
dans les domaines de la dogmatique et de
la morale... même la Liturgie
a été violée» (Allocution au
Congrès des Missions, 6/2/1981).
Au milieu de la crise générale,
Mgr António a cherché à
préserver son Diocèse
dans la vraie doctrine catholique,
en formant des prêtres et
en guidant les fidèles.
Après le Concile ont été
introduites quelques
modifications dans la Liturgie
de la Messe, que Mgr
António a accepté
docilement et a adopté dans le
Diocèse. Mais quelques
symptômes selon lesquels la
réforme liturgique ne marchait
pas bien laissaient
insatisfait. Le Cardinal Antonelli,
membre de la
Commission Pontificale pour la
Réforme de la Liturgie,
admet que la réforme était
l’œuvre de «personnes...
avancées dans les voies
des nouveautés..., sans aucun
amour et sans aucune vénération
pour ce qui nous avait
été transmis»
(Il Card. Ferdinando Antonelli et gli sviluppi
della riforma liturgica dal 1948
al 1970 - Studia
Anselmiana - Rome).
En 1969, arrivait le Novus Ordo
Missae du Pape Paul VI,
qui n'a pas manqué de laisser
perplexes beaucoup de
catholiques, même des personnalités
importantes comme
quelques cardinaux de la Curie
Romaine.
C’est avec de telles perplexités
que Mgr António écrivit
au Pape Paul VI pour exposer sa
difficulté de conscience
à accepter la nouvelle
Messe. Voici un extrait de sa
lettre: «En ayant examiné
attentivement le 'Novus Ordo
Missae '... après avoir
beaucoup prié et réfléchi, j'ai jugé
de mon devoir, comme prêtre
et comme évêque, de
présenter à Votre
Sainteté mon angoisse de conscience,
et de formuler, avec la piété
et la confiance filiales que je
dois au Vicaire de Jésus-Christ,
une supplique...
J'accomplis ainsi un impérieux
devoir de conscience, en
suppliant humblement et respectueusement
Votre
Sainteté de bien vouloir
daigner... nous autoriser à
garder l'usage de l''Ordo Missae'
de Saint Pie V, dont
Votre Sainteté rappelle
avec tant d’onction l'efficacité
pour propager la Sainte Eglise
et pour augmenter la
ferveur des prêtres et des
fidèles» (Lettre du 12
septembre 1969).
De cette manière, bien
que Mgr António n'ait obligé
personne – et il y a eu des prêtres
qui adoptèrent la
messe nouvelle – dans la grande
majorité des paroisses
du diocèse de Campos, on
a conservé officiellement la
Messe traditionnelle, dite de
Saint Pie V, et toute
l'orientation traditionnelle de
l'apostolat.
En 1981, Mgr António a
été
remplacé sur le siège
épiscopal de Campos. Les
évêques qui l'ont suivi
n'étaient pas de la même
ligne. Ayant été retirés des
paroisses, suivis par des milliers
de fidèles qui désiraient
la Messe et l'orientation traditionnelle
de l'Église, les
"prêtres de Campos" se virent
dans la nécessité de
s’occuper des fidèles qui
s’adressaient à eux, et ils ont
continué, dans de nouvelles
églises et chapelles, à leur
donner les sacrements. C’est ainsi
que fut créée l'Union
Sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney.
Et, sans aucune
intention de faire le moindre
schisme dans l'Église, ils ont
demandé aux Évêques
de la Fraternité Saint Pie X de
consacrer l’un de leurs prêtres,
Mgr Licínio Rangel, pour
s’occuper des fidèles de
la ligne traditionnelle. Évêque
sans juridiction, avec seulement
le pouvoir d'Ordre, sans
intention de constituer un diocèse
parallèle (1991). Il est
clair que cette situation d'urgence
n’aurait pas pu durer
indéfiniment. Tous aspiraient
à ce que tout revienne à la
normale.
Lors du Jubilé de l'an
2000, les «prêtres de Campos» ont
fait le pèlerinage de l'Année
Sainte à Rome en même
temps que la Fraternité
Saint Pie X.
À cette date, le Cardinal
Darío Castrillón Hoyos, le préfet
de la Congrégation pour
le Clergé, avec l'approbation et
la bénédiction du
Saint Père le Pape Jean-Paul II, a
commencé les conversations
en vue d'une régularisation
juridique de la situation de ceux
que l’on appelle les
prêtres et les fidèles
de la Tradition.
Les prêtres de l'Union Sacerdotale
Saint Jean-Marie
Vianney ayant écrit une
lettre au Saint Père, demandant
à être «acceptés
et reconnus comme catholiques», le
Pape leur a répondu en
les accueillant avec bienveillance,
en érigeant, le 18 janvier
2002, l'Administration
Apostolique Personnelle Saint
Jean-Marie Vianney, avec
son Évêque propre
et ses prêtres, avec une juridiction
personnelle sur les fidèles,
avec le droit d'avoir la Messe
Traditionnelle comme rite propre
(obtenant donc la
réalisation officielle
de ce que sollicitait Mgr António de
Castro Mayer); il suspendait toutes
les censures et les
peines qu’ils avaient éventuellement
encouru,
régularisant de cette manière
leur situation juridique à
l'intérieur de l'Église
Catholique, reconnaissant
canoniquement leur appartenance
à l’Eglise et respectant
leur réalité ecclésiale
et leurs caractéristiques
particulières.
MOTIF de ce que l’on appelle ACCORD AVEC le SAINT SIÈGE
Comme nous l’avons déjà
dit, par la lettre autographe
«Ecclesiae unitas»
du Saint Père le Pape Jean-Paul II, du
25 décembre 2001, et par
le décret «Animarum bonum»
de la Sacrée Congrégation
pour les Évêques du 18 janvier
2002, le Saint-Siège a
créé l'Administration Apostolique
Personnelle Saint Jean-Marie Vianney,
pour les
catholiques du Rite Tridentin,
avec Évêque propre,
prêtres, paroisses personnelles
et séminaire propre, pour
prendre soin des fidèles
liés à la Liturgie traditionnelle du
rite latin.
Ce fut un événement
historique et de grande importance
pour l'Église Catholique.
Ce ne fut pas un accord à
proprement parler, comme je
vais vous l’expliquer.
Si nous considérons l'aspect
juridique, à propos de ce qui
nous a été accordé,
nous pouvons dire qu'il y a eu une
concession juridique de la part
du Saint-Siège.
Mais si nous considérons
les pourparlers et les
conversations, ce ne fut pas proprement
un accord, mais
une compréhension.
Bien que le mot «accord»
ait été utilisé dans les
pourparlers avec le Saint-Siège,
nous considérons qu’il
est moins approprié à
la circonstance présente. D’abord,
parce qu’on ne fait pas d’accord
avec un supérieur, et
encore moins avec le Pape: on
lui doit respect et
obéissance, selon les normes
de l'Église. En second lieu,
parce que «accord»
suppose des concessions et des
négociations, qui en réalité
n’ont pas eu lieu.
Le mot qui exprime le mieux ce
qui s’est passé est
«entente».
En vérité, nous
étions connus pour notre part négative et
caricaturale: les «prêtres
de Campos»,
«traditionalistes»,
étaient ceux qui n'acceptaient
absolument pas le Pape et qui
ne reconnaissaient ni le
Concile Vatican II ni la validité
du Novus Ordo Missae, la
Messe de Paul VI. Il a donc été
nécessaire d'exposer
notre position véritable
qui, une fois «comprise»,
«entendue» telle qu’elle
est, a permis notre approbation
et notre reconnaissance comme
catholiques, en parfaite
communion avec la Sainte Eglise.
Il y a donc eu une
«entente» et, avec
elle, une régularisation juridique.
POURQUOI CHERCHONS-NOUS CETTE UNION AVEC LE SAINT
SIÈGE
Mgr Licínio Rangel a répondu
de la manière suivante à la
revue internationale «30
Jours»: «Ce fut notre amour de
Rome et du Pape, notre sens catholique,
fruit de la
formation que nous avions reçu
de Mgr António de Castro
Mayer, qui nous ont portés
à toujours désirer l'union avec
la Hiérarchie de la Sainte
Eglise. Nous avons toujours eu
conscience de ce que notre position
de résistance pour la
Tradition – et la situation d'exception
qui s’en suivait – se
devait d’être circonstancielle,
temporaire et limitée à des
sujets précis, à
l’origine des points aigus de la crise; une
résistance justifiée
par l'état de nécessité des âmes, sans
aucune intention de schisme. La
preuve en est qu’après
le décès de Mgr
António de Castro Mayer, quand j’ai reçu
il y a dix ans un épiscopat
d'urgence et de suppléance
pour les fidèles de la
ligne traditionnelle, j'ai déclaré que
j’attendais un changement des
circonstances pour
remettre au Pape mon épiscopat,
pour qu’il en dispose
comme il le voudrait. Aucune rupture
avec l'Église, donc.
Ainsi nous avons toujours soupiré
après une
régularisation et une reconnaissance.
L'occasion est
apparue après notre pèlerinage
à Rome pour le Jubilé de
l'an 2000, quand le Saint Père
a nommé le Cardinal Darío
Castrillón Hóyos
pour, en son nom, commencer des
conversations en vue de notre
régularisation. Les
conversations se sont tenues toute
l'année 2001 et, grâce
à Dieu, elles sont arrivées
à bon terme, avec notre
complète reconnaissance
canonique au sein de la Sainte
Eglise».
La NÉCESSITÉ d'une RECONNAISSANCE
Tout catholique doit être
uni à la hiérarchie de l'Église.
D'ailleurs, c'est un dogme de
la Foi catholique: «Nous
déclarons, disons et définissons
qu’il est absolument
nécessaire au salut que
tous les hommes se soumettent
au Pontife Romain» (Boniface
VIII, Bulle Unam Sanctam,
Dz-Sh 875).
Et le Magistère de l'Église
(Léon XIII - encyclique Satis
Cognitum) nous enseigne que l'unité
du gouvernement
est aussi nécessaire que
l'unité de Foi.
Donc, être séparé
de la hiérarchie, même matériellement
parlant, et même pour une
question de nécessité, est
quelque chose d’anormal, de temporaire,
qui doit prendre
fin.
C'était bien la pensée
de Mgr Marcel Lefebvre, quand,
dans les conversations qu’il eût
avec le Saint Siège en
1988, il écrivait au Cardinal
Ratzinger:
«Ayant pu suivre les travaux
de la Commission chargée
de préparer une solution
acceptable pour le problème qui
nous préoccupe, il semble,
qu’avec la grâce de Dieu,
nous nous acheminons vers un accord,
ce dont nous
sommes très heureux»
(lettre du 15/4/1988 - cf. Fideliter
- le dossier complet).
source: http://site.voila.fr/btag/index.htm