« Le bilan est positif » !
Mgr Rifan est, depuis la mort de Mgr Rangel le 16 décembre dernier, le supérieur de l’Administration apostolique, érigée, par le Saint Siège à Campos au Brésil le 18 janvier 2002.
Mgr Rifan a été sacré évêque le 18 août 2002. Il tire pour nous un premier bilan de cette expérience
La Nef : cela fait maintenant plus d’un an que votre administration a été érigée par Rome : quel premier bilan en tirez-vous ?
La crise dans l’Eglise continue et, dans ce contexte où toutes les expériences sont tentées, Mgr Lefebvre avait demandé au pape de pouvoir faire « l’expérience de la tradition » : c’est ce que nous faisons avec l’administration apostolique, en pleine communion avec Rome, c’est bien plus que cela. Le bilan est donc très positif.
La Nef : Quels contacts et relations y a-t-il entre le diocèse de Campos et votre administration apostolique ?
Malgré le fait que nous soyons rituellement et juridiquement indépendants, nous sommes sur le même territoire que le diocèse de Campos, il y a donc nécessité d’entretenir un bon voisinage, une convivialité avec le diocèse local, spécialement avec son évêque Mgr R Guimaraes à qui je rends souvent visite. D’ailleurs, Dom Roberto , qui fut mon professeur au séminaire diocésain et qui comme moi fut ordonné par Mgr Castro Mayer, a donné et donne tout son appui à l’Administration, et respecte totalement notre indépendance et nos caractéristiques propres.
La Nef : Depuis que vous êtes évêque, qu’est-ce qui a changé dans votre regard sur l’Eglise ?
Peut-être ai-je maintenant une vision plus universelle de l’Eglise,
et une compréhension plus précise de la crise. Bien que gardant
les principes que j’ai toujours défendus et dénonçant
les erreurs que j’ai toujours combattues, un certain examen de conscience
s’est avéré necessaire, et la rectification de certaines
attitudes pour qu’elle puissent être plus conformes aux principes
que nous défendons.
C’est une question de cohérence.
La « résistance traditionaliste » est née avec le concile Vatican II et s’est surtout développée à l’occasion de la promulgation du Nouvel Ordo :
Comment analysez-vous aujourd’hui cette résistance ?
Cette « résistance traditionaliste », qui a existé et existe encore, est acceptable quand elle est faite de manière constructive, pleine d’amour pour la Sainte Eglise et de respect pour l’autorité constituée. Le concile Vatican II a permis au modernisme de redresser la tête : au nom du concile – devenu « le » concile, comme s’il était le seul et comme si l’Eglise avait commencé à ce moment là - ; et profitant de ses imprécisions, on a introduit des nouveautés qui ont essayé de détruire le passé et la Tradition de l’Eglise et qui ont occasionné bien des dégâts. L’ »aggiornamento » voulu par le bienheureux Jean XXIII a été particulièrement mal interprété et appliqué. Paul VI a nommé cette crise « l’autodestruction de l’Eglise » et a affirmé que la fumée de Satan est entré dans le peuple de Dieu » (29 juin 72).
Le pape aussi a déploré qu’ "ont été répandues des mains pleines d’idées contraires à la vérité révélée et enseignée : de vraies hérésies dans les champs dogmatiques et moraux se propagent…La liturgie aussi a été violée". Il est clair que la réaction ou la résistance à ces dérives devaient arriver.
Vous avez déclaré plusieurs fois que vous acceptiez le concile Vatican II à condition qu’il soit ont interprété conformément à la tradition : cela signifie-t-il clairement pour vous que le concile ne marque pas de rupture fondamentale dans le Magistère de l’Eglise ?
Comme je l’ai déjà expliqué, nôtre résistance
doit être constructive et non destructive. Sinon avec une main, on
construit , et avec l’autre on détruit. On n’a pas le droit de
combattre l’hérésie en tombant dans le schisme et vice et
versa.
Dans notre déclaration, à l’occasion de notre entente
avec le Saint Siège, nous avons dit cela :
« Nous reconnaissons le concile Vatican II comme un des conciles
œcuméniques de l’église catholique, l’acceptant à
la lumière de la tradition Sacrée ».
Le pape montre l’exemple quand il parle de la « doctrine intégrale
du concile » qui, explique-t-il, est là « doctrine comprise
à la lumière de la Sainte Tradition et se rapportant au magistère
constant de l’Eglise ».Les enseignements du concile doivent donc
être acceptés en accord avec tout l’ensemble du magistère
de l’Eglise et à la lumière de la tradition. S’il y a
des critiques à faire, elles doivent tenir compte des degrés
d’autorité du magistère et être respectueuses et constructives,
sous peine de pécher contre l’indéfectibilité de l’Eglise.
Dieu qui permet ces crises dans l’Eglise, nous donne dans cette même
Eglise, à travers son magistère, les moyens de les résoudre.
Notre Seigneur est fidèle à ses promesses :
« les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle
».
Avant ces accords avec Rome, vous étiez très proche
de la Fraternité ST Pie X :
Quelles sont vos relations avec depuis ?
Nous avons essayé d’être le plus cordial possible avec
la FSPX et ses supérieurs, mais depuis que nous les avons informés
que nous avions de sérieuses raisons de poursuivre les contacts
avec Rome qu’eux mêmes ne souhaitaient pas maintenir, ils ont commencés
à nous critiquer sévèrement, cherchant même
à nous déshonorer en soupçonnant nos intentions et
en cherchant à créer des divisions chez nos fidèles
Après notre reconnaissance par le Saint Siège, les dirigeant
de la FSPX ont retiré notre nom de la liste des messes traditionnelles
et on commencé à promouvoir des messes aux endroits où
nous célébrons.
Voudraient-ils dire que la messe traditionnelle est bonne uniquement
quand elle est séparée de la Hiérarchie ? Mais grâce
à Dieu nos fidèles arrivent à discerner l’amour de
la messe traditionnelle de ce mauvais esprit qui fait de la messe une bannière
contre la hiérarchie.
Mgr Williamson, dans une lettre publique aux amis et bienfaiteurs,
a affirmé que :
« Campos est tombé… dans les griffes de la Rome néo-moderniste…
a coulé dans les eaux de l’apostasie… Les prêtres de Campos
perdirent leur santé mentale et tombèrent dans la folie et
la traîtrise de Rome…
L’abbé de Tanouarn de ST Nicolas du Chardonnet, a écrit que notre Administration « a été conçue de manière diabolique, comme une réserve d’Indiens ». Ces attaques sont regrettables et ne servent pas la cause qu’ils prétendent défendre.
Comment voyez-vous l’avenir de la FSPX et un accord avec Rome vous semble-t-il toujours possible ?
Certains prêtres de la FSPX souhaitent un accord avec Rome, mais
visiblement pas ses responsables. Malheureusement la FSPX a cherché
à conservé son unité par la peur.
Certains prêtres, qui nous approuvent, nous écrivent,
mais ils le font en secret, car il est très dangereux d’être
en désaccord avec les supérieurs de la fraternité.
On peut critiquer le pape tranquillement, mais pas les supérieurs
de la Fraternité… Et il y a des punitions pour tous ceux qui, publiquement,
sortent de la ligne officielle : l’abbé Aulagnier a été
réduit au silence complet et exilé au Canada pour avoir approuvé
notre Administration apostolique et pour avoir assisté à
mon sacre épiscopal.
L’opposition vis-à-vis du Saint Siège est chaque fois
plus dure et plus radicale. Mgr Williamson a écrit qu’on ne devait
pas rendre de culte officiel ni public à Saint Padre Pio, pour ne
donner aucun crédit aux canonisations faites par le pape (lettre
publique de décembre 2002). Et l’abbé Peter Scott, recteur
en Australie, dans une lettre publique du 1er novembre 2002, a écrit
aux amis et bienfaiteurs à propos des mystères lumineux proposés
par le pape :
"Je vous demande, si vous voulez rester catholiques et si vous voulez
avoir la véritable vie intérieure surnaturelle, de ne même
pas penser à prier ces mystères."
Dans cette ligne directive, les plus logiques arrivent le sédévacantisme,
tel que l’abbé Basilo Meramo, prieur de la FSPX de Bogota, me
l’a écrit :
« Le pape, avec ses erreurs et ses hérésies, et
avec toute cette manière d’action doctrinale et de gouvernement,
ne donne pas la garantie d’être le successeur légitime de
la Chaire de pierre, bien au contraire… Comment est-il possible qu’il faille
désobéir au pape pour rester fidèles au Christ et
à notre Sainte Mère l’Eglise, quand précisément
c’est le pape qui par sa charge doit nous raffermir dans notre foi ? Par
conséquent l’explication qui théologiquement tombe le mieux…
est celle d’un pape illégitime, d’un antipape… (lettre du 2 mai
2002)
Pour avoir une idée du climat diplomatique du dialogue ou de
l’accord, il suffit de lire la lettre du 29 mai 2001 de Mgr Williamson
adressée au cardinal Castrillon :
« Eminence, si je n’avais pas déclaré au début
de notre dialogue que je n’avais qu’un infime sinon aucun espoir de lancer
un pont sur l’abîme qui sépare nos deux planètes mentales,
je pourrai et devrai vous le dire, vous êtes « par une diabolique
désorientation » ( expression tirée des écrits
de sœur Lucie), une victime en phase terminale du néo-modernisme,
tandis que la FSPX est catholique, par la grâce de Dieu et jamais
sans elle (1 Cor X, 12) .Que Dieu vous donne ses lumières… »
Pour résumer, Mgr Williamson affirme que « la fraternité
ST Pie x se maintient dans la Vérité au fur et à mesure
que Rome s’en écarte » (lettre aux bienfaiteurs, février
2001).
Avec ces dispositions de rupture complète, il est très
improbable d’aboutir à un accord avec Rome.
Comment faire pour améliorer les relations entre la hiérarchie et les fidèles attachés à la messe dite « traditionnelle » ?
Malheureusement, dans le passé, certaines radicalisations des deux côtés ont crée un climat de méfiance ». Dans la période critique d’autodestruction post conciliaire, commme les traditionalistes ont été maltraités et poursuivis, ils ont fortement réagis, ce qui a provoqué une radicalisation encore plus forte du côté opposé. Il me semble que les catholiques traditionnels devraient montrer aux évêques qu’ils sont des personnes normales, respectueuses de la hiérarchie, qui aiment l’Eglise et le pape, défendent sa Foi, et que leur adhésion à la tradition liturgique et doctrinale est parfaitement légitime, comme l’a dit le pape. De leur côté les évêques ne doivent pas forcer la conscience des fidèles, et respect et leur position parfaitement catholique.
De plus, considérant le rite romain ancien comme étant parfaitement légitime dans l’Eglise, conformément aux récents documents du magistère, le code du droit canonique donne les bases d’une solution : se référant au canon 213, qui donne aux fidèles le droit de recevoir de leurs pasteurs les sacrements, au canon 214, qui donne le droit au rite propre et à la spiritualité spécifique, au canon923, qui permet aux fidèles d’assister dans n’importe quel rite, au canon 383, qui demande aux évêques de satisfaire aux besoins spirituels des fidèles d’autres rites, et au canon 518, qui permet la création de paroisses personnelles en raison du rite, avec la bonne volonté, la compréhension et l’esprit catholique des deux bords, nous aurions la solution au problème.
Mais je rappelle aux fidèles que nous devons conserver la liturgie traditionnelle comme notre authentique profession de foi catholique en parfaite communion avec le Saint-Père et la hiérarchie catholique, et non en opposition.
Comment analysez-vous l’avenir de la question liturgique dans l’Eglise
latine ?
Que pensez-vous des analyses du cardinal Ratzinger qui prône
à terme une »r »forme de la réforme » pour
revenir à l’unité liturgique du rite romain ?
Il est clair que nous aspirons à une liturgie qui soit la claire et authentique expression de notre foi catholique : lex credenti legem statuat suplicandi. Même en gardant, avec la faculté que nous a concédée le Saint père, le rite romain classique comme rite propre de notre Administration apostolique en parfaite communion avec la Chaire de pierre, l’amour que nous avons pour la sainte Eglise nous amène à désirer la réforme de la réforme liturgique, car les imprécisions de cette dernière peuvent laisser le champ à beaucoup d’abus et même à des erreurs doctrinales. Dans ce sens, nous appuyons vivement les efforts du cardinal Ratzinger, lesquels, s’ils sont vraiment bien suivis, pourront amener à terme la liturgie du rite romain à son unité désiré.