ROSE BLANCHE
1. Ministres du Très-Haut,
prédicateurs de la vérité,
trompettes de l'Evangile, permettez-moi
de vous présenter la
rose blanche de ce petit livre pour
mettre en votre coeur et
en votre bouche les vérités
qui y sont exposées simplement,
sans politesse.
En votre coeur, pour entreprendre
vous-mêmes la sainte
pratique du Rosaire et en goûter
les fruits.
En votre bouche, pour prêcher
aux autres l'excellence de
cette pratique et les convertir
par ce moyen. Prenez bien
garde, s'il vous plaît, de
regarder comme le vulgaire, et même
comme plusieurs savants orgueilleux,
cette pratique comme
petite et de peu de conséquence;
elle est vraiment grande,
sublime et divine. C'est le ciel
qui nous l'a donnée, et l'a
donnée pour convertir les
pécheurs les plus endurcis et les
hérétiques les plus
obstinés. Dieu y a attaché la grâce dans
cette vie et la gloire dans l'autre.
Les saints l'ont
pratiquée et les souverains
Pontifes l'ont autorisée.
Oh! qu'un prêtre et un directeur
des âmes est heureux, à
qui le Saint-Esprit a révélé
ce secret inconnu de la plus
grande partie des hommes ou qui
ne le connaissent que
superficiellement! S'il en reçoit
la connaissance pratique, il
le récitera tous les jours
et le fera réciter aux autres. Dieu
et sa sainte Mère verseront
abondamment la grâce en son âme
pour être un instrument de
sa gloire; et il fera plus de fruit
par sa parole, quoique simple, en
un mois, que les autres
prédicateurs en plusieurs
années.
2. Ne nous contentons donc pas, mes
chers confrères, de le
conseiller aux autres; il faut que
nous le pratiquions nous-
mêmes. Nous pourrons être
convaincus dans l'esprit de
l'excellence du saint Rosaire, mais
comme nous ne le
pratiquerons point, on se mettra
fort peu en peine de ce que
nous conseillerons, car personne
ne donne ce qu'il n'a pas:
"Coepit Jesus facere et docere".
Imitons Jésus-Christ, qui a
commencé par faire ce qu'il
a enseigné. Imitons l'Apôtre, qui
ne connaissait et ne prêchait
que Jésus-Christ crucifié.
C'est ce que nous ferons en prêchant
le saint Rosaire
qui, comme vous verrez ci-après,
n'est pas seulement une
composition de Pater et d'Ave, mais
un divin abrégé de la vie,
de la passion, de la mort et la
gloire de Jésus et Marie.
Si je croyais que l'expérience
que Dieu m'a donnée de
l'efficace de la prédication
du saint Rosaire pour convertir
les âmes pût vous déterminer
à prêcher le saint Rosaire malgré
la mode contraire des prédicateurs,
je vous dirais les
conversions merveilleuses que j'ai
vues arriver en prêchant le
saint Rosaire; mais je me contente
de vous rapporter en cet
abrégé quelques histoires
anciennes et bien approuvées. J'ai
seulement, en votre faveur, inséré
plusieurs passages latins
tirés de bons auteurs qui
prouvent ce que j'explique au peuple
en français.
ROSE ROUGE
3. C'est à vous, pauvres pécheurs
et pécheresses, qu'un plus
grand pécheur que vous offre
cette rose rougie du sang de
Jésus-Christ pour vous fleurir
et vous sauver. Les impies et
pécheurs impénitents
crient tous les jours: "Coronemus nos
rosis": couronnons-nous de roses.
Chantons aussi: Couronnons-
nous des roses du saint Rosaire.
Ah! que leurs roses sont bien différentes
des nôtres;
leurs roses sont leurs plaisirs
charnels, leurs vains honneurs
et leurs richesses périssables,
qui seront bientôt flétries et
pourries; mais les nôtres,
qui sont nos Pater et nos Ave bien
dits, joints avec nos bonnes oeuvres
de pénitence, ne se
flétriront, ni ne passeront
jamais et leur éclat sera aussi
brillant en cent mille ans d'ici
qu'à présent.
Leurs roses prétendues n'ont
que l'apparence de roses,
elles ne sont, dans le fond, que
des épines piquantes pendant
la vie par les remords de la concience,
perçantes à la mort
par le repentir et brûlantes
à toute éternité par la rage et
le desespoir.
Si nos roses ont des épines,
ce sont des épines de Jésus-
Christ qui convertit nos épines
en roses. Si nos roses
piquent, elles ne piquent que pour
un temps, elle ne piquent
que pour nous guérir du péché
et nous sauver.
4. Couronnons-nous à l'envi
de telles roses du paradis,
récitant tous les jours un
Rosaire, c'est-à-dire trois
chapelets de cinq dizaines chacun
ou trois petits chapeaux de
fleurs ou couronnes: 1 pour honorer
les trois couronnes de
Jésus et de Marie, la couronne
de grâce de Jésus dans son
incarnation, sa couronne d'épines
dans sa passion et sa
couronne de gloire dans le ciel,
et la triple couronne que
Marie a reçue dans le ciel
de la très sainte Trinité; 2 pour
recevoir de Jésus et de Marie
trois couronnes, la première de
mérite pendant la vie, la
seconde de paix à la mort et la
troisième de gloire dans
le paradis.
Si vous êtes fidèles
à le dire, malgré la grandeur de vos
péchés, dévotement
jusqu'à la mort, croyez-moi: "Percipietis
coronam immarcescibilem", vous recevrez
une couronne de gloire
qui ne se flétrira jamais.
Quand vous seriez sur le bord de
l'abîme, quand vous auriez
déjà un pied dans l'enfer, quand
vous auriez vendu votre âme
au diable comme un magicien, quand
vous seriez un hérétique
endurci et obstiné comme un démon,
vous vous convertirez tôt
ou tard et vous sauverez, pourvu
que, je le répète
et remarquez les paroles et les termes de
mon conseil, vous disiez tous les
jours le saint Rosaire
dévotement jusqu'à
la mort pour connaître la vérité et obtenir
la contrition et le pardon de vos
péchés. Vous verrez en cet
ouvrage plusieurs histoires de grands
pécheurs convertis par
la vertu du saint Rosaire. Lisez-les
pour les méditer.
Dieu seul.
ROSIER MYSTIQUE
5. Vous ne trouverez pas mauvais,
âmes dévotes et éclairées
par le Saint-Esprit, que je vous
donne un petit rosier venu du
ciel pour planter dans le jardin
de votre âme; il
n'endommagera pas les fleurs odoriférantes
de vos
contemplations. Il est très
odoriférant et tout divin, il ne
gâtera rien dans l'ordre de
votre parterre; il est très pur et
bien ordonné, il porte tout
à l'ordre et à la pureté: il croît
d'une hauteur si prodigieuse et
devient d'une si grande
étendue, si on l'arrose et
si on le cultive comme il faut tous
les jours, que non seulement il
n'empêche pas, mais même
conserve et perfectionne toutes
les autres dévotions. Vous qui
êtes spirituelles, vous m'entendez
bien! Ce rosier est Jésus
et Marie dans la vie, la mort et
dans l'éternité.
6. Les feuilles vertes de ce rosier
mystique expriment les
mystères joyeux de Jésus
et de Marie; les épines, les
douloureux; et les fleurs, les glorieux.
Les roses en boutons
sont l'enfance de Jésus et
de Marie; les roses ouvertes
représentent Jésus
et Marie dans les souffrances, et les roses
épanouies montrent Jésus
et Marie dans leur gloire et leur
triomphe. La rose réjouit
par sa beauté: voilà Jésus et Marie
dans les mystères joyeux;
elle pique par ses épines: les voilà
dans les mystères douloureux;
et elle réjouit par la suavité
de son odeur: les voilà enfin
dans les mystères glorieux.
Ne méprisez donc pas ma plante
heureuse et divine,
plantez-la vous-mêmes en votre
âme en prenant la résolution de
réciter votre Rosaire; cultivez-la
et arrosez-la en le
récitant fidèlement
tous les jours et en faisant de bonnes
oeuvres, et vous verrez que ce grain
qui paraît présentement
si petit deviendra avec le temps
un grand arbre où les oiseaux
du ciel, c'est-à-dire les
âmes prédestinées et élevées en
contemplation, feront leur nid et
leur demeure pour être, sous
l'ombre de ses feuilles, garanties
des ardeurs du soleil, pour
être préservées
par sa hauteur des bêtes féroces de la terre,
et enfin pour être délicatement
nourries par son fruit qui
n'est autre que l'adorable Jésus,
auquel soit honneur et
gloire dans les siècles des
siècles. Amen. Ainsi soit-il.
Dieu seul.
BOUTON DE ROSE
7. Je vous offre, mes petits enfants,
un beau bouton de
rose; c'est un des petits grains
de votre chapelet qui vous
paraît si peu de chose! Que
ce grain est précieux! Oh! que ce
bouton de rose est admirable, oh!
qu'il s'épanouira large si
vous dites dévotement vote
Ave Maria! Ce serait trop vous
demander que de vous conseiller
un Rosaire tous les jours.
Dites au moins votre chapelet tous
les jours bien dévotement,
qui est un petit chapeau de roses
que vous mettrez sur la tête
de Jésus et de Marie. Croyez-moi,
écoutez la belle histoire et
la retenez bien.
8. Deux petites filles, toutes deux
soeurs, étant à la porte
de leur logis à dire le chapelet
dévotement, une belle dame
s'apparut à elles, approche
de la plus jeune qui n'avait que
six à sept anas, la prit
par la main et l'emmène. Sa soeur
aînée, toute étonnée,
la cherche et ne l'ayant pu trouver s'en
vint toute éplorée
à la maison et dit qu'on avait emporté sa
soeur. Le père et la mère
cherchèrent inutilement pendant
trois jours. Au bout du troisième
jour, ils la trouvèrent à la
porte avec un visage gai et joyeux;
ils lui demandèrent d'où
elle venait; elle dit que la dame
à laquelle elle disait son
chapelet l'avait emmenée
dans un beau lieu et lui avait donné
à manger de bonnes choses
et lui avait mis entre les bras un
joli petit enfant qu'elle avait
tant baisé. Le père et la
mère, qui étaient
nouvellement convertis à la foi, firent
venir le révérend
père jésuite qui les avait instruits dans la
foi et la dévotion du Rosaire,
ils lui racontèrent ce qui
s'était passé. C'est
de lui que nous l'avons su. Ceci est
arrivé dans le Paraguay.
Imitez, mes petits enfants, ces
petites filles, et dites
comme elle tous les jours votre
chapelet, et vous mériterez
par là d'aller en paradis
et de voir Jésus et Marie, sinon
pendant la vie, du moins après
la mort pendant l'éternité.
Ainsi soit-il.
Que les savants donc et les ignorants,
que les justes et
les pécheurs, que les grands
et les petits louent et saluent
jour et nuit par le saint Rosaire
Jésus et Marie.
"Salutate Mariam, quae multum laboravit
in vobis" (Rm
16,6)
PREMIERE DIZAINE
L'excellence du saint Rosaire
dans son origine et son nom.
1ère Rose
9. Le Rosaire renferme deux choses,
savoir: l'oraison
mentale et l'oraison vocale. L'oraison
mentale du saint
Rosaire n'est autre que la méditation
des principaux mystères
de la vie, de la mort et de la gloire
de Jésus-Christ et de sa
très sainte Mère.
L'oraison vocale du Rosaire consiste à dire
quinze dizaines d'Ave Maria précédées
par un Pater pendant
qu'on médite et qu'on contemple
les quinze vertus principales
que Jésus et Marie ont pratiquées
dans les quinze mystères du
saint Rosaire.
Dans le premier chapelet, qui est
de cinq dizaines, on
honore et on considère les
cinq mystères joyeux; au second les
cinq mystères douloureux,
et au troisième les cinq mystères
glorieux. Ainsi le saint Rosaire
est un sacré composé de
l'oraison vocale et mentale pour
honorer et imiter les
mystères et les vertus de
la vie, de la mort et de la passion
et de la gloire de Jésus-Christ
et de Marie.
2 Rose
10. Le saint Rosaire dans son fond
et dans sa substance étant
composé de la prière
de Jésus-Christ et de la Salutation
angélique, savoir le Pater
et l'Ave, et de la méditation des
mystères de Jésus
et de Marie, c'est sans doute la première
prière et la première
dévotion des fidèles, qui depuis les
apôtres et les disciples a
été en usage de siècle en siècle
jusqu'à nous.
11. Cependant le saint Rosaire, dans
sa forme et la méthode
dont on le récite à
présent, n'a été inspiré à son Eglise,
donné de la très sainte
Vierge à saint Dominique pour
convertir les hérétiques
albigeois et les pécheurs, qu'en l'an
1214, de la manière que je
vais dire, comme le rapporte le
bienheureux Alain de la Roche dans
son fameux livre intitulé:
"De Dignitate psalterii". Saint
Dominique, voyant que les
crimes des hommes mettaient obstacle
à la conversion des
Albigeois, entra dans une forêt
proche de Toulouse et y passa
trois jours et trois nuits dans
une continuelle oraison et
pénitence; il ne cessait
de gémir, de pleurer et de se macérer
le corps à coups de discipline,
afin d'apaiser la colère de
Dieu, de sorte qu'il tomba à
demi mort. La Sainte Vierge lui
apparut, accompagnée de trois
princesses du ciel et lui dit:
"Sais-tu, mon cher Dominique, de
quelle arme la Sainte-Trinité
s'est servie pour réformer
le monde? - O Madame, répondit-il,
vous le savez mieux que moi, car
après votre Fils Jésus-Christ
vous avez été le principal
instrument de notre salut." Elle
ajouta: "Sache que la principale
pièce de batterie a été le
psautier angélique, qui est
le fondement du Nouveau Testament;
c'est pourquoi, si tu veux gagner
à Dieu ces coeurs endurcis,
prêche mon psautier." Le saint
se leva tout consolé et,
brûlant du zèle du
salut de ces peuples, il entra dans
l'église cathédrale;
incontinent les cloches sonnèrent par
l'entremise des anges pour assembler
les habitants, et au
commencement de la prédication
un orage effroyable s'éleva; la
terre trembla, le soleil s'obscurcit,
les tonnerres et les
éclairs redoublés
firent pâlir et trembler tous les auditeurs;
et leur terreur augmenta quand ils
virent une image de la
Sainte Vierge exposée sur
un lieu éminent, lever les bras par
trois fois vers le ciel pour demander
vengeance à Dieu contre
eux, s'ils ne se convertissaient
et ne recouraient à la
protection de la sacrée Mère
de Dieu.
Le ciel voulait par ces prodiges
augmenter la nouvelle
dévotion du saint Rosaire
et la rendre plus fameuse.
L'orage cessa enfin par les prières
de saint Dominique.
Il poursuivit son discours et expliqua
avec tant de ferveur et
de force l'excellence du saint Rosaire,
que les Toulousains
l'embrassèrent presque tous
et renoncèrent presque tous à
leurs erreurs, et l'on vit, en peu
de temps, un grand
changement de moeurs et de vie dans
la ville.
3 Rose
12. Cet établissement miraculeux
du saint Rosaire, qui a
quelque rapport avec la manière
dont Dieu donna sa loi au
monde sur la montagne de Sinaï,
montre évidemment l'excellence
de cette divine pratique; aussi
saint Dominique, inspiré du
Saint-Esprit, instruit par la Sainte
Vierge et par sa propre
expérience, prêcha
tout le reste de sa vie le saint Rosaire
par exemple et de vive voix dans
les villes et les campagnes,
devant les grands et les petits,
devant les savants et les
ignorants, devants les catholiques
et les hérétiques. Le saint
Rosaire, qu'il récitait tous
les jours, était sa préparation
devant la prédication et
son rendez-vous après la prédication.
13. Lorsque le saint était,
un jour de Saint-Jean
l'Evangéliste, à Notre-Dame
de Paris, derrière le grand autel,
dans une chapelle, pour se préparer
à prêcher, en récitant le
saint Rosaire, la Sainte Vierge
lui apparut et lui dit:
"Dominique, quoique ce que tu as
préparé pour prêcher soit
bon, voici pourtant un sermon bien
meilleur que je t'apporte."
Saint Dominique reçoit de
ses mains le livre où était ce
sermon, le lit, le goûte et
le comprend, en rend grâce à la
Sainte Vierge. L'heure du sermon
arrivé, il monte en chaire
et, après n'avoir dit à
la louange de saint Jean l'Evangéliste
autre chose sinon qu'il avait mérité
d'être le gardien de la
Reine du ciel, il dit à toute
l'assemblée des grands et des
docteurs qui étaient venus
l'entendre, qui étaient accoutumés
à n'entendre que des discours
curieux et polis, mais que, pour
lui, il ne parlerait point dans
les paroles savantes de la
sagesse humaine, mais dans la simplicité
et la force du Saint-
Esprit. Alors saint Dominique leur
prêcha le saint Rosaire et
leur expliqua mot à mot,
comme à des enfants, la Salutation
angélique, en se servant
des comparaisons fort simples qu'il
avait lues dans le papier que lui
avait donné la Sainte
Vierge.
14. Voici les propres paroles du
savant Cartagène qu'il a
tirées en partie du livre
du bienheureux Alain de la Roche
intitulé "De Dignitate psalterii":
B. Alanus Patrem sanctum
Dominicum sibi haec in revelatione
dixisse testatur: "Tu
praedicas, fili, sed uti caveas
ne potius laudem humanam
quaerans quam animarum fructum,
audi quid mihi Parisiis
contigit. Debebam in majori ecclesia
beatae Mariae praedicare,
et volebam curiose non jactantiae
causa, sed propter astantium
facultatem et dignitatem. Cum igitur
more meo per horam fere
ante sermonem in psalterio meo (Rosarium
intelligit) quadam
capilla post altare majus orarem,
subito factus in raptum,
cernebam amicam meam Dei Genitricem
afferentem mihi libellum
et dicentem: "Dominice, et si bonum
est quod praedicare
disposuisti sermonem, tamen longe
meliorem attuli." Laetus
librum capio, lego constanter, ut
dixit, reperio, gratias ago,
adest hora sermonis, adest parisiensis
Universitas tota,
dominorumque numerus magnus. Audiebant
quippe et videbant
signa magna quae per me Dominus
operabatur; itaque ambonem
ascendo. Festum est sancti Joannis
Evangelistae. De eo aliud
non dico nisi quod custos singularis
esse meruit Reginae
coeli. Deinde auditores sic alloquor:
Domini et Magistri
praestantissimi, aures reverentiae
vestrae solitae sunt
curiosos audire sermones et auscultare.
At nunc ego non in
doctis humanae sapientiae verbis,
sed in ostentione spiritus
et virtutis loquar." Tunc, ait Carthagena
post beatum Alanum,
stans Dominicus eis explicavit Salutationem
angelicam
comparationibus et similitudinibus
familiaribus hoc modo.
15. Et le bienheureux Alain de la
Roche, comme dit le même
Cartagène, rapporte plusieurs
autres apparitions de Notre-
Seigneur et de la Sainte Vierge
à saint Dominique pour le
preser et l'animer de plus en plus
à prêcher le saint Rosaire,
afin de détruire le péché
et de convertir les pécheurs et les
hérétiques: il dit
en un endroit: "Beatus Alanus dicit sibi a
beata Virgine revelatum fuisse Christum
Filium suum apparuisse
post se sancto Dominico et ipsi
dixesse: "Dominice, gaudeo
quod non confidas in tua sapientia,
sed cum humilitate potius
affectas salvare animas quam vanis
hominibus placere. Sed
multi praedicatores statim volunt
contra gravissima peccata
instare, ignorantes quod ante gravem
medicinam debet fieri
praeparatio, ne medicina sit inanis
et vacua: quapropter prius
homines debent induci ad orationis
devotionem et signanter ad
psalterium meum angelicum; quoniam,
si omnes coeperint hoc
orare, non dubium est quin perseverantibus
aderit pietas
divinae clementiae. Praedica ergo
psalterium meum".
16. Il dit dans un autre endroit:
"Omnes sermocinantes et
praedicantes christicolis exordium
pro gratia impetranda a
Salutatione angelica faciunt. Hujus
rei ratio sumpta est ex
revelatione facta beato Dominico
cui beata Virgo dixit:
"Dominice, fili, nil mireris quod
concionando minime
proficias. Enimvero aras solum a
pluvia non irrigatum.
Scitoque, cum Deus renovare decrevit
mundum Salutationis
angelicae pluviam praemisit; sicque
ipse in melius est
reformatus. - Hortare igitur homines
in concionibus ad Rosarii
mei recitationen, et magnos animarum
fructus colliges." Quod
sanctus Dominicus strenue executus
uberes ex suis concionibus
animarum fructus retulit."
17. J'ai pris plaisir à rapporter
mot à mot ces passages
latins de ces bons auteurs en faveur
des prédicateurs et
personnes savantes qui pourraient
révoquer en doute la
merveilleuse vertu du saint Rosaire.
Pendant qu'à l'exemple de
saint Dominique les prédicateurs
prêchaient la dévotion du
saint Rosaire, la piété
et la ferveur florissaient dans les
ordres religieux qui pratiquaient
cette dévotion, et dans le
monde chrétien; mais depuis
qu'on eut négligé ce présent venu
du ciel, on ne vit que péchés
et que désordres partout.
4 Rose
18. Comme toutes choses, même
les plus saintes, quand
particulièrement elles dépendent
de la volonté des hommes,
sont sujettes aux changements, il
ne faut pas s'étonner si la
confrérie du saint Rosaire
n'a subsisté en sa première ferveur
qu'environ cent ans, après
son institution; ainsi, elle a été
presque ensevelie dans l'oubli.
Outre que la malice et l'envie
du démon a sans doute beaucoup
contribué à faire négliger le
saint Rosaire pour arrêter
le cours des grâces de Dieu que
cette dévotion attirait au
monde. En effet, la justice divine
affligea tous les royaumes de l'Europe
l'an 1349 de la plus
terrible peste que l'on ait jamais
vue, laquelle, du levant,
se répandit dans l'Italie,
l'Allemagne, la France, la Pologne,
la Hongrie, et de là presque
toutes ces terres furent
dévastées, car de
cent hommes à peine en restait-il un en vie;
les villes, les bourgs, les villages
et les monastères furent
entièrement désertés
pendant trois ans que dura cette
contagion. Et ce fléau de
Dieu fut suivi de deux autres: de
l'hérésie des Flagellants
et d'un malheureux schisme en 1376.
19. Après que, par la miséricorde
de Dieu, ces misères eurent
cessé, la sainte Vierge ordonna
au bienheureux Alain de la
Roche, célèbre docteur
et fameux prédicateur de l'ordre de
Saint-Dominique du couvent de Dinan
en Bretagne, de renouveler
l'ancienne confrérie du saint
Rosaire, afin que, comme cette
célèbre confrérie
avait pris naissance en cette province, un
religieux de la même province
eût l'honneur de la rétablir. Ce
bienheureux Père commença
à travailler à ce grand ouvrage l'an
1460, après particulièrement
que Notre-Seigneur Jésus-Christ,
comme il rapporte de lui-même,
lui ayant dit un jour dans la
sainte Hostie, lorsqu'il célébrait
la sainte Messe afin de le
déterminer à prêcher
le saint Rosaire: "Quoi donc, lui dit
Jésus-Christ, tu me crucifie
encore derechef! - Comment,
Seigneur? répondit le bienheureux
Alain tout épouvanté.- Ce
sont les péchés qui
me crucifient, lui répondit Jésus-Christ,
et j'aimerais mieux être crucifié
encore une fois que de voir
mon Père offensé par
les péchés que tu as autrefois commis. Et
tu me crucifies encore à
présent, parce que tu as la science
et ce qui est nécessaire
pour prêcher le Rosaire de ma Mère et
par ce moyen instruire et retirer
plusieurs âmes du péché; et
tu les sauverais et tu empêcherais
de grands maux; et ne le
faisant pas, tu es coupable des
péchés qu'ils commettenmt."
Ces terribles reproches firent résoudre
le bienheureux Alain
de prêcher incessamment le
Rosaire.
20. La Sainte Vierge lui dit aussi
un jour, pour l'animer de
plus en plus à prêcher
le saint Rosaire: "Tu as été un grand
pécheur en ta jeunesse, mais
j'ai obtenu de mon fils ta
conversion, j'ai prié pour
toi et j'ai désiré, s'il eût été
possible, toutes sortes de peines
pour te sauver parce que les
pécheurs convertis sont ma
gloire, et pour te rendre digne de
prêcher partout mon Rosaire."
Saint Dominique, lui découvrant
les grands fruits qu'il avait faits
parmi les peuples par
cette belle dévotion qu'il
leur prêchait continuellement, lui
disait: "Vides quomodo profecerim
in sermone isto; id etiam
facies et tu, et omnes Mariae amatores,
ut sic trahatis omnes
populos ad omnem scientiam virtutum."
"Voyez le fruit que j'ai
fait par la prédication du
saint Rosaire; faites-en de même,
vous et tous les autres qui aimez
la sainte Vierge, afin que
vous attiriez, par ce saint exercice
du Rosaire, tous les
peuples à la véritable
science des vertus."
Voilà en abrégé
ce que l'histoire nous apprend de
l'établissement du saint
Rosaire par saint Dominique et de sa
rénovation par le bienheureux
Alain de la Roche.
5 Rose
21. Il n'y a à proprement
parler qu'une sorte de confrérie du
Rosaire composé de 150 Ave
Maria; mais par rapport à la
ferveur des différentes personnes
qui le pratiquent, il y en a
de trois sortes, savoir: le Rosaire
commun ou ordinaire, le
Rosaire perpétuel et le Rosaire
quotidien. La confrérie du
Rosaire ordinaire n'exige qu'on
le récite qu'une fois par
semaine. Celle du Rosaire perpétuel
qu'une fois par an, mais
celle du Rosaire quotidien demande
qu'on le dise tous les
jours tout entier, c'est-à-dire
150 Ave Maria. Aucun de ces
Rosaires n'engage à péché,
pas même véniel, si on vient à y
manquer, parce que cet engagement
est volontaire et de
surérogation; mais il ne
faut pas s'enrôler dans la confrérie
si on n'a pas la volonté
déterminée à le réciter selon que la
confrérie le demande autant
qu'on le pourra sans manquer aux
obligations de l'état. Ainsi
lorsque la récitation du saint
Rosaire se trouve en concurrence
avec une action à laquelle
l'état engage, on doit préférer
cette action au Rosaire,
quelque saint qu'il soit. Lorsque
dans la maladie on ne peut
le dire ni tout entier ni en partie,
sans augmenter son mal,
on n'y est pas obligé. Lorsque
par une obéissance légitime, ou
par un oubli involontaire, ou par
une nécessité pressante, on
n'a pas pu le dire il n'y a aucun
péché, même véniel; on ne
laisse pas de participer aux grâces
et aux mérites des autres
frères et soeurs du saint
Rosaire qui le disent dans le monde.
Chrétien, si vous manquez
même de le dire par pure
négligence, sans aucun mépris
formel, vous ne péchez pas
aussi, absolument parlant, mais
vous perdez la participation
des prières et des bonnes
oeuvres et mérites de la confrérie,
et par votre infidélité
en choses petites et de surérogation,
vous tomberez insensiblement dans
l'infidélité aux choses
grandes et d'obligation essentielle;
car: "Qui spernit modica
paulatim decidet".
6 Rose
22. Depuis le temps que saint Dominique
a établi cette
dévotion jusqu'à l'an
1460, que le bienheureux Alain de la
Roche, par l'ordre du ciel, l'a
renouvelée, on l'appelle le
psautier de Jésus et de la
sainte Vierge, parce qu'elle
contient autant de Salutations angéliques
que le psautier de
David contient de psaumes, et que,
les simples et les
ignorants ne pouvant pas réciter
le psautier de David, on
trouve dans la récitation
du saint Rosaire un fruit égal à
celui qu'on tire de la récitation
des psaumes de David et même
encore un plus abondant: 1 Parce
que le psautier angélique a
un fruit plus noble, savoir: le
Verbe incarné, au lieu que le
psautier de David ne fait que le
prédire; 2 Comme la vérité
surpasse la figure et le corps l'ombre,
de même le psautier de
la sainte Vierge surpasse le psautier
de David qui n'en a été
que l'ombre et la figure; 3 Parce
que la Sainte-Trinité a
immédiatement fait le psautier
de la sainte Vierge ou le
Rosaire composé du Pater
et de l'Ave.
Voici ce que le savant Cartagène
rapporte sur ce sujet:
"Sapientissimus Aquensis, libro
ejus de Rosacea Corona ad
Imperatorun Maximilianum conscripto,
dicit: "Salutandae Mariae
ritus novitiis inventis haud quaquam
adscribitur. Si quidem
cum ipsa pene ecclesia pullulavit;
nam cum inter ipsa
nascentis ecclesiae primordia, perfectiores
quoque fideles
tribus illis Davidicorum psalmorum
quinquagenis, divinas
laudes assidue celebrarent, ad rudiores
quoque qui modo
arctius divinis vacabant piis moris
aemulatio est derivata...
rati id quod erat, cuncta illorum
sacramenta psalmorum in
coelesti hoc elogio delitescere,
si quidem eum quem psalmi
venturum concinunt, hunc jam adesse,
haec formula nuntiavit;
sicque trinas salutationum quinquagenas
"Mariae Psalterium"
appellare coeperunt, oratione utique
dominica in singulas
decades ubique preposita prout a
psalmidicis observari ante
adverterunt."
23. Le psautier ou le Rosaire de
la sainte Vierge est divisé
en trois chapelets de cinq dizaines
chacun: 1 pour honorer
les trois personnes de la Sainte-Trinité;
2 pour honorer la
vie, la mort et la gloire de Jésus-Christ;
3 pour imiter
l'Eglise triomphante, pour aider
la militante et soulager la
souffrante; 4 pour imiter les trois
parties des psaumes dont
la première est pour la voie
purgative, la seconde pour la vie
illuminative et la troisième
pour la vie unitive; 5 pour nous
remplir de grâces pendant
la vie, de paix à la mort et de
gloire dans l'éternité.
7 Rose
24. Depuis que le bienheureu Alain
de la Roche a renouvelé
cette dévotion, la voix publique,
qui est la voix de Dieu, lui
a donné le nom de Rosaire
qui signifie couronne de roses;
c'est-à-dire que toutes les
fois que l'on dit comme il faut
son Rosaire, on met sur la tête
de Jésus et de Marie une
couronne composée de cent-cinquante-trois
roses blanches et de
16 roses rouges du paradis, lesquelles
ne perdront jamais ni
leur beauté ni leur éclat.
La Sainte Vierge a approuvé et
condfirmé ce nom de rosaire,
révélant à plusieurs qu'ils lui
présentaient autant d'agréables
roses qu'ils réciteront d'Ave
Maria en son honneur et autant de
couronnes de roses qu'ils
diront de Rosaires.
25. Le frère Alphonse Rodriguez,
de la Compagnie de Jésus,
récitait son Rosaire avec
tant d'ardeur qu'il voyait souvent,
à chaque Pater, sortir de
sa bouche une rose vermeille, et à
chaque Ave Marie une blanche égale
en beauté et en bonne odeur
et seulement différente de
couleur.
Les chroniques de saint François
racontent qu'un jeune
religieux avait cette louable coutume
de dire tous les jours
avant son repas la couronne de la
sainte Vierge. Un jour, par
je ne sais quel accident, il y manqua;
le dîner étant sonné,
il pria le supérieur de lui
permettre de la réciter avant que
d'aller à table. Avec cette
permission, il se retira dans sa
chambre; mais comme il tardait trop,
le supérieur envoya un
religieux pour l'appeler.
Ce religieux le trouva dans sa chambre,
tout éclatant
d'une céleste lumière,
et la sainte Vierge avec deux anges
auprès de lui; à mesure
qu'il disait un Ave Maria, une belle
rose sortait de sa bouche, les anges
prenaient les roses l'une
après l'autre et les mettaient
sur la tête de la sainte Vierge
qui en témoignait de l'agrément.
Deux autres religieux envoyés
pour voir la cause du retardement
des autres virent tout ce
mystère, et la sainte Vierge
ne disparut point que la couronne
ne fût récitée.
Le Rosaire est donc une grande couronne
et le chapelet un
petit chapeau de fleurs ou petite
couronne de roses célestes
qu'on met sur la tête de Jésus
et de Marie. La rose est la
reine des fleurs, de même
le Rosaire est la rose et la
première des dévotions.
8 Rose
26. Il n'est pas possible d'exprimer
combien la sainte Vierge
estime le Rosaire sur toutes les
dévotions et combien elle est
magnifique à récompenser
ceux qui travaillent à le prêcher,
l'établir et le cultiver;
et au contraire combien elle est
terrible contre ceux qui veulent
s'y opposer.
Saint Dominique n'a eu rien tant
à coeur pendant sa vie
que de louer la sainte Vierge, de
prêcher ses grandeurs et
d'animer tout le monde à
l'honorer par son Rosaire. Cette
puissante Reine du ciel n'a cessé
aussi de répandre sur ce
saint des bénédictions
à pleines mains; et elle a couronné ses
travaux de mille prodiges et miracles,
il n'a jamais rien
demandé à Dieu qu'il
ne l'ait obtenu par l'intercession de la
sainte Vierge; et, pour comble de
faveur, elle l'a rendu
victorieux de l'hérésie
del Albigeois et fait père et
patriarche d'un grand ordre.
27. Que dirai-je du bienheureux Alain
de la Roche, réparateur
de cette dévotion?
La sainte Vierge l'a honoré
plusieurs fois de sa visite
pour l'instruire des moyens de faire
son salut, de se rendre
bon prêtre, parfait religieux
et imitateur de Jésus-Christ.
Pendant les tentations et les persécutions
horribles des
démons qui le réduisaient
à une extrême tristesse et presque
au désespoir, elle le consolait
et dissipait par sa douce
présence tous ces nuages
et ces ténèbres. Elle lui a enseigné
la méthode de dire le Rosaire,
ses excellences et ses fruits;
elle l'a favorisé de la glorieuse
qualité de son nouvel époux,
et pour gage de ses chastes affections,
elle lui a mis une
bague au doigt, un collier fait
de ses cheveux au col, et lui
a donné un Rosaire. L'abbé
Tritème, le docte Cartagène, le
savant Martin Navarre et les autres
en parlent avec éloges.
Après avoir attiré
à la confrérie du Rosaire plus de cent
mille âmes, il mourut à
Zwolle, en Flandre, le 8 septembre
1475.
28. Le démon, jaloux des grands
fruits que le bienheureux
Thomas de Saint-Jean, célèbre
prédicateur du saint Rosaire,
faisait par cette pratique, le réduisait,
par ses mauvais
traitements, à une longue
et fâcheuse maladie dans laquelle il
fut désespéré
des médecins. Une nuit qu'il croyait
infailiblement mourir, le démon
lui apparut sous une figure
épouvantable; mais élevant
directement les yeux et le coeur
vers une image de la sainte Vierge
qui était près de son lit,
il cria de toutes ses forces: "Aidez-moi,
secourez-moi, ô ma
très douce Mère!".
A peine eut-il achevé ces paroles, que la
sainte Vierge lui tendit la main
de la sainte image, lui serra
le bras en lui disant: "Ne crains
point, mon fils Thomas, me
voici à ton secours; lève-toi
et continue de prêcher la
dévotion de mon Rosaire comme
tu as commencé. Je te défendrai
contre tous tes ennemis." A ces
paroles de la sainte Vierge,
le démon prit la fuite. Le
malade se leva en parfaite santé,
et il rendit grâces à
sa bonne Mère avec un torrent de larmes,
et continua de prêcher le
Rosaire avec un succès merveilleux.
29. La sainte Vierge ne favorise
pas seulement les
prédicateurs du Rosaire,
elle récompense aussi glorieusement
ceux qui, par leur exemple, attirent
les autres à cette
dévotion.
Alphonse, roi de Léon et
de Galice, désirant que tous ses
domestiques honorassent la sainte
Vierge par le Rosaire,
s'avisa, pour les y animer par son
exemple, de porter un gros
Rosaire à son côté,
mais sans le réciter pourtant: ce qui
obligea tous les gens de sa cour
à le dire dévotement.
Le roi tomba malade à l'extrémité
et lorsqu'on le croyait
mort, il fut ravi en esprit au tribunal
de Jésus-Christ. Il
vit les diables qui l'accusaient
de tous les crimes qu'il
avait commis et le juge étant
sur le point de le condamner aux
peines éternelles, la sainte
Vierge se présenta en sa faveur
devant son Fils; on apporta une
balance, on mit tous les
péchés du roi dedans
un bassin, et la sainte Vierge mit le
gros Rosaire qu'il avait porté
en son honneur et avec ceux
qu'il avait fait dire par son exemple,
qui pesa plus que tous
ses péchés, et puis,
le regardant d'un oeil favorable, elle
lui dit: "J'ai obtenu de mon Fils,
pour récompense du petit
service que tu m'as rendu en portant
le Rosaire, le
prolongement de ta vie pour quelques
années. Emploie-les bien,
et fais pénitence." Le roi,
revenu de ce ravissement, s'écria:
"O bienheureux Rosaire de la sainte
Vierge, par lequel j'ai
été délivré
de la damnation éternelle." Après qu'il eut
recouvré la santé,
il passa le reste de sa vie dans la
dévotion du saint Rosaire
et le récitait tous les jours.
Que les dévots de la sainte
Vierge tâchent de gagner le
plus qu'ils pourront de fidèles
à la confrérie du saint
Rosaire, à l'exemple de ces
saints et de ce roi; ils auront
ici-bas ses bonnes grâces
et la vie éternelle. Qui elucidant
me vitam aeternam habebunt.
9 Rose
30. Mais, voyons maintenant quelle
injustice c'est d'empêcher
le progrès de la confrérie
du saint Rosaire et quels sont les
châtiments dont Dieu a puni
plusieurs malheureux qui ont
méprisé et voulu détruire
la confrérie du saint Rosaire.
Quoique la dévotion du saint
Rosaire ait été autorisée du
ciel par plusieurs prodiges et qu'elle
soit approuvée de
l'Eglise par plusieurs bulles des
papes, il ne se trouve que
trop de libertins, d'impies et d'esprits
forts du temps, qui
tâchent ou de décrier
la confrérie du saint Rosaire, ou d'en
éloigner du moins les fidèles.
Il est aisé de connaître que
leurs langues sont infectées
du venin de l'enfer et qu'ils
sont poussés par l'esprit
malin; car nul ne peut désapprouver
la dévotion du saint Rosaire,
qu'il ne condamne ce qu'il y a
de plus pieux dans la religion chrétienne,
savoir: l'Oraison
dominicale, la Salutation angélique,
les mystères de la vie,
de la mort et de la gloire de Jésus-Christ
et de sa sainte
Mère.
Ces esprits forts, qui ne peuvent
souffrir qu'on dise le
Rosaire, souvent tombent, sans y
penser, dans le sens réprouvé
des hérétiques qui
ont en horreur le chapelet et le Rosaire.
C'est s'éloigner de Dieu
et de la vraie piété que
d'abhorrer les confréries,
puisque Jésus-Christ nous assure
qu'il se trouve au milieu de ceux
qui sont assemblés en son
nom. Ce n'est pas être bon
catholique que de négliger tant et
de si grandes indulgences que l'Eglise
accorde aux confréries.
Enfin c'est être ennemi du
salut des âmes, de dissuader les
fidèles d'être du saint
Rosaire, puisque, par ce moyen, ils
quittent le parti du péché
pour embrasser la piété. Si saint
Bonaventure a eu raison de dire
que celui-là mourra en son
péché et sera damné
qui aura négligé la sainte Vierge: "Qui
negligerit illam morietur in peccatis
suis" (in psalterio
suo), quels châtiments doivent
attendre ceux qui détournent
les autres de sa dévotion!...
10 Rose
31. Lorsque saint Dominique prêchait
cette dévotion dans
Carcassone, un hérétique
tournait en ridicule ses miracles et
les 15 mystères du saint
Rosaire, ce qui empêchait la
conversion des hérétiques.
Dieu, pour punir cet impie, permit
à quinze mille démons
d'entrer en son corps; ses parents
l'amenèrent au bienheureux
Père pour le délivrer de ces malins
esprits. Il se mit en oraison et
exhorta toute la compagnie de
réciter avec lui le Rosaire
tout haut, et voilà qu'à chaque
Ave Maria, la sainte Vierge faisait
sortir cent démons du
corps de cet hérétique
en forme de charbons ardents. Après
qu'il fut délivré,
il abjura ses erreurs, se convertit et se
fit enrôler en la confrérie
du Rosaire avec plusieurs de son
parti qui furent touchés
de ce châtiment et de la vertu du
Rosaire.
32. Le docte Cartagène, de
l'ordre de Saint-François, avec
plusieurs auteurs, rapporte que
l'an 1482, lorsque le
vénérable Père
Jacques Sprenger et ses religieux travaillaient
avec grand zèle à
rétablir la dévotion et la confrérie du
saint Rosaire dans la ville de Cologne,
deux fameux
prédicateurs, jaloux des
grands fruits qu'ils faisaient par
cette pratique, tâchaient
de la décrier par leurs sermons, et
comme ils avaient du talent, et
un grand crédit, ils
dissuadaient beaucoup de personnes
de s'y enrôler; l'un de ces
prédicateurs, pour mieux
venir à bout de son pernicieux
dessein, prépara un sermon
exprès et l'assigna à un jour de
dimanche. L'heure du sermon étant
venue le prédicateur ne
paraissait point; on l'attendit,
on le chercha, et enfin on le
trouva mort sans avoir été
secouru de personne. L'autre
prédicateur, se persuadant
que cet accident était naturel,
résolut de suppléer
à son défaut pour abolir la confrérie du
Rosaire. Le jour et l'heure du sermon
étant arrivés, Dieu
châtia ce prédicateur
d'une paralysie qui lui ôta le mouvement
et la parole. Il reconnut sa faute
et celle de son compagnon,
il eut recours à la sainte
Vierge dans son coeur, lui
promettant de prêcher partout
le Rosaire avec autant de force
qu'il l'avait combattu. Il la pria
de lui rendre pour cela la
santé et la parole, ce que
la sainte Vierge lui accorda, et se
trouvant subitement guéri
il se leva comme un autre Saul, de
persécuteur devenu défenseur
du saint Rosaire. Il fit
réparation publique de sa
faute, et prêcha avec beaucoup de
zèle et d'éloquence
l'excellence du saint Rosaire.
33. Je ne doute point que les esprits
forts et critiques de
ce temps, qui liront les histoires
de ce petit traité, ne les
révoqueront en doute, comme
ils ont toujours fait, quoique je
n'aie fait autre chose que les transcrire
de très bons auteurs
contemporains et en partie dans
un livre nouvellement composé
par le Révérend Père
Antonin Thomas, de l'ordre des frères
prêcheurs, intitulé:
"Le Rosier mystique".
Tout le monde sait qu'il y a trois
sorte de foi aux
histoires différentes. Nous
devons aux histoires de l'Ecriture
sainte une foi divinie; aux histoires
profanes qui ne
répugnent point à
la raison et écrites par de bons auteurs,
une foi humaine; et aux histoires
pieuses rapportées par de
bons auteurs et nullement contraires
à la raison, à la foi ni
aux bonnes moeurs, quoiqu'elles
soient quelquefois
extraordinaires, une foi pieuse;
j'avoue qu'il ne faut être ni
trop crédule ni trop critique,
et qu'il faut tenir le milieu
en tout pour trouver le point de
la vérité et de la vertu;
mais aussi je sais que, comme la
charité croit facilement tout
ce qui n'est point contraire à
la foi ni aux bonnes moeurs:
Charitas omnia credit, de même
l'orgueil porte à nier presque
toutes les histoires bien avérées,
sous prétexte qu'elles ne
sont point dans l'Ecriture sainte.
C'est le piège de Satan,
où les hérétiques qui nient la
tradition sont tombés, et
où les critiques du temps tombent
insensiblement, ne croyant pas ce
qu'ils ne comprennent pas,
ou ce qui ne leur revient pas, sans
aucune autre raison que
l'orgueil et la suffisance de leur
propre esprit.
DEUXIEME DIZAINE
L'excellence du saint Rosaire dans
les prières dont il est composé.
11 Rose
34. Le Credo ou le Symbole des Apôtres
qu'on récite sur la
croix du Rosarie ou du chapelet,
étant un sacré raccourci et
abrégé des vérités
chrétiennes, est une prière d'un grand
mérite, parce que la foi
est la base, le fondement et le
commencement de toutes les vertus
chrétiennes, de toutes les
vertus éternelles et de toutes
les prières que Dieu a pour
agréables. "Accedentem ad
Deum credere oportet". Il faut que
celui qui s'approche de Dieu par
la prière commence par
croire, et plus il aura de foi,
et plus sa prière aura de
force et de mérite en elle-même
et rendra de gloire à Dieu.
Je ne m'arrêterai pas à
expliquer les paroles du Symbole
des Apôtres; mais je ne puis
m'empêcher de déclarer que ces
trois premières paroles:
"Credo in Deum: Je crois en Dieu",
renfermant les actes des trois vertus
théologales: la foi,
l'espérance et la charité,
ont une efficace merveilleuse pour
sanctifier l'âme et terrasser
le démon. C'est avec ces paroles
que plusieurs saints ont vaincu
les tentations,
particulièrement celles qui
sont contre la foi, l'espérance ou
la charité, soit pendant
la vie, soit à l'heure de la mort. Ce
furent les dernières paroles
que saint Pierre le martyr
écrivit le mieux qu'il put
avec le doigt sur le sable, lorsque
ayant la tête fendue en deux
par un coup de sabre qu'un
hérétique lui donna,
il était près d'expirer.
35. Comme la foi est la seule clef
qui nous fait entrer dans
tous les mystères de Jésus
et de Marie renfermés au saint
Rosaire, il faut le commencer en
récitant le Credo avec une
grande attention et dévotion,
et plus notre foi sera vive et
forte, et plus le Rosaire sera méritoire.
Il faut que cette
foi soit vive et animée par
la charité, c'est-à-dire que pour
bien réciter le saint Rosaire,
il faut être en grâce de Dieu
ou dans la recherche de cette grâce;
il faut que la foi soit
forte et constante, c'est-à-dire
qu'il ne faut pas chercher
dans la pratique du saint Rosaire
seulement son goût sensible
et sa consolation spirituelle, c'est-à-dire
qu'il ne faut pas
l'abandonner parce qu'on a une foule
de distractions
involontaires dans l'esprit, un
dégoût étrange dans l'âme, un
ennui accablant et un assoupissement
presque continuel dans le
corps; il n'est pas besoin de goût
ni de consolation, ni de
soupirs, ni d'élans, ni de
larmes, ni d'application
continuelle de l'imagination, pour
bien réciter son Rosaire.
La foi pure et la bonne intention
suffisent. "Sola fides
sufficit".
12 Rose
36. Le Pater, ou l'Oraison dominicale,
tire sa première
excellence de son auteur, qui n'est
pas un homme ou un ange,
mais le Roi des anges et des hommes,
Jésus-Christ. "Il était
nécessaire, dit saint Cyprien,
que Celui qui venait nous
donner la vie de la grâce
comme Sauveur, nous enseignât la
manière de prier comme Maître
céleste". La sagesse de ce divin
Maître paraît bien dans
l'ordre, la douceur, la force et la
clarté de cette divine prière;
elle est courte, mais elle est
riche en instruction, intelligible
pour les simples et remplie
de mystères pour les savants.
Le Pater renferme tous les devoirs
que nous devons rendre
à Dieu, les actes de toutes
les vertus et les demandes de tous
nos besoins spirituels et corporels.
Elle contient, dit
Tertullien, l'abrégé
de l'Evangile. Elle surpasse, dit Thomas
à Kempis, tous les désirs
des saints, elle contient en abrégé
toutes les douces sentences des
psaumes et des cantiques; elle
demande tout ce qui nous est nécessaire;
elle loue Dieu d'une
excellente manière; elle
élève l'âme de la terre au ciel et
l'unit étroitement avec Dieu.
37. Saint Chrysostome dit que celui
qui ne prie pas comme le
divin Maître a prié
et enseigné à prier, n'est pas son
disciple, et Dieu le Père
n'écoute pas agréablement les
prières que l'esprit humain
a formées, mais bien celles de son
Fils, qu'il nous a enseignées.
Nous devons réciter l'Oraison
dominicale avec certitude
que le Père éternel
l'exaucera, puisqu'elle est la prière de
son Fils, qu'il exauce toujours,
et que nous sommes ses
membres; car que peut refuser un
si bon Père à une requête si
bien conçue et appuyée
sur les mérites et la recommandation
d'un si digne Fils?
Saint Augustin assure que le Pater
bien récité efface les
péchés véniels.
Le juste tombe sept fois. L'Oraison dominicale
contient sept demandes par lesquelles
il peut remédier à ses
chutes et se fortifier contre ses
ennemis. Elle est courte et
facile, afin que, comme nous sommes
fragiles et sujets à
plusieurs misères, nous recevions
un plus prompt secours en la
récitant plus souvent et
plus dévotement.
38. Désabusez-vous donc, âmes
dévotes qui négligez l'Oraison
que le propre Fils de Dieu a composée
et qu'il a ordonné à
tous les fidèles; vous qui
n'avez d'estime que pour les
prières que les hommes ont
composées, comme si l'homme, même
le plus éclairé, savait
mieux que Jésus-Christ comment nous
devons prier. Vous cherchez dans
les livres des hommes la
façon de louer et de prier
Dieu, comme si vous aviez honte de
vous servir de celle que son Fils
nous a prescrite. Vous vous
persuadez que les oraisons qui sont
dans les livres sont pour
les savants et pour les riches,
et que le Rosaire n'est que
pour les femmes, pour les enfants
et pour le peuple, comme si
les louanges et les prières
que vous lisez étaient plus belles
et plus agréables à
Dieu que celles qui sont contenues dans
l'oraison dominicale. C'est une
dangeureuse tentation que de
se dégoûter de l'Oraison
que Jésus-Christ nous a recommandée
pour prendre les oraisons que les
hommes ont composées. Ce
n'est pas que nous désapprouvions
celles que les saints ont
composées pour exciter les
fidèles à louer Dieu, mais nous ne
pouvons souffrir qu'ils les préfèrent
à l'Oraison qui est
sortie de la bouche de la Sagesse
incarnée, et qu'ils laissent
la source pour courir après
les ruisseaux, et qu'ils
dédaignent l'eau claire pour
boire l'eau trouble. Car enfin le
Rosaire, composé de l'Oraison
dominicale et de la Salutation
angélique, est cette eau
claire et perpétuelle qui coule de la
source de la grâce, tandis
que les autres oraisons qu'ils
cherchent dans les livres ne sont
que de bien petits ruisseaux
qui en dérivent.
39. Nous pouvons appeler heureux
celui qui, en récitant
l'Oraison du Seigneur, en pèse
attentivement chaque parole; là
il trouve tout ce dont il a besoin,
tout ce qu'il peut
désirer.
Quand nous récitons cette
admirable prière, tout d'abord
nous captivons le coeur de Dieu
en l'invoquant par le doux nom
de Père.
"Notre Père", le plus tendre
de tous les pères, tout-
puissant dans la création,
tout admirable dans sa
conservation, tout aimable dans
sa Providence, tout bon et
infiniment bon dans la Rédemption.
Dieu est notre Père, nous
sommes tous frères, le ciel
est notre patrie et notre
héritage. N'y a-t-il pas
là de quoi nous inspirer à la fois
l'amour de Dieu, l'amour du prochain
et le détachement de
toutes les choses de la terre? Aimons
donc un tel Père et
disons-lui mille et mille fois:
"Notre Père qui êtes aux
cieux". Vous qui remplissez le ciel
et la terre par
l'immensité de votre essence,
qui êtes présent partout; vous
qui êtes dans les saints par
votre gloire, dans les damnés par
votre justice, dans les justes par
votre grâce, dans les
pécheurs par votre patience
qui les souffre, faites que nous
nous souvenions toujours de notre
céleste origine, que nous
vivions comme vos véritables
enfants; que nous tendions
toujours vers vous seul par toute
l'ardeur de nos désirs.
"Que votre nom soit sanctifié".
Le nom du Seigneur est
saint et redoutable, dit le prophète-roi,
et le ciel, suivant
Isaïe, retentit des louanges
que les séraphins ne cessent de
donner à la sainteté
du Seigneur, Dieu des armées. Nous
demandons ici que toute la terre
connaisse et adore les
attributs de ce Dieu si grand et
si saint; qu'il soit connu,
aimé et adoré des
païens, des Turcs, des Juifs, des Barbares
et de tous les infidèles;
que tous les hommes le servent et le
glorifient par une foi vive, une
espérance ferme, par une
charité ardente, et par le
renoncement à toutes les erreurs:
en un mot, que tous les hommes soient
saints parce qu'il est
saint lui-même.
"Que votre règne arrive".
C'est-à-dire que vous régniez
dans nos âmes par votre grâce,
durant la vie, afin que nous
méritions, après notre
mort, de régner avec vous dans votre
royaume, qui est la souveraine et
éternelle félicité, que nous
croyons, que nous espérons
et que nous attendons, cette
félicité qui nous
est promise par la bonté du Père, qui nous
est acquise par les mérites
du Fils et qui nous est révélée
par les lumières du Saint-Esprit.
"Que votre volonté soit faite
sur la terre comme au
ciel". Sans doute, rien ne peut
se dérober aux dispositions de
la Providence divine qui a tout
prévu, tout arrangé avant
l'évènement; nul obstacle
ne l'écarte de la fin qu'elle s'est
proposée, et quand nous demandons
à Dieu que sa volonté soit
faite, ce n'est pas que nous craignions,
dit Tertullien, que
quelqu'un s'oppose efficacement
à l'exécution de ses desseins,
mais que nous acquiescions humblement
à tout ce qu'il lui a
plû d'ordonner à notre
égard; que nous accomplissions toujours
et en toutes choses sa très
sainte volonté, qui nous est
connue par ses commandements, avec
autant de promptitude,
d'amour et de constance, que les
anges et les bienheureux lui
obéissent dans le ciel.
40. "Donnez-nous aujourd'hui notre
pain de chaque jour".
Jésus-Christ nous enseigne
à demander à Dieu tout ce qui est
nécessaire à la vie
du corps et à la vie de l'âme. Par ces
paroles de l'Oraison dominicale,
nous faisons l'humble aveu de
notre misère et nous rendons
hommage à la Providence, en
déclarant que nous croyons,
que nous voulons tenir de sa bonté
tous les biens temporels. Sous le
nom de pain nous demandons
ce qui est simplement nécessaire
à la vie, le superflu n'est
point compris. Ce pain nous le demandons
aujourd'hui, c'est-à-
dire que nous bornons au jour présent
toutes nos sollicitudes,
nous reposant sur la Providence
pour le lendemain. Nous
demandons le pain de chaque jour,
avouant ainsi nos besoins
toujours renaissants et montrant
la continuelle dépendance où
nous sommes de la protection et
du secours de Dieu.
"Pardonnez-nous nos offenses comme
nous pardonnons à ceux
qui nous ont offensés". Nos
péchés, disent saint Augustin et
Tertullien, sont autant de dettes
que nous contractons envers
Dieu, et sa justice en exige le
paiement jusqu'à la dernière
obole. Or nous avons tous ces tristes
dettes. Malgré le nombre
de nos iniquités, approchons-nous
donc de lui avec confiance
et disons-lui avec un vrai repentir:
Notre Père qui êtes aux
cieux, pardonnez-nous les péchés
de notre coeur et de notre
bouche, les péchés
d'action et d'omission qui nous rendent
infiniment coupables aux yeux de
votre justice, parce qu'en
qualité d'enfants d'un père
si clément et miséricordieux, nous
pardonnons par obéissance
et par charité à ceux qui nous ont
offensés.
Et "ne permettez pas" à cause
de notre infidélité à vos
grâces, "que nous succombions
aux tentations" du monde, du
démon et de la chair. Mais
"délivrez-nous du mal", qui est le
péché, du mal de la
peine temporelle et de la peine éternelle,
que nous avons méritées.
"Ainsi soit-il". Parole d'une grande
consolation, qui
est, dit saint Jérôme,
comme le sceau que Dieu met à la fin de
nos requêtes pour nous assurer
qu'il nous a exaucés, comme si
lui-même nous répondait:
Amen!!! Qu'il soit fait comme vous
le demandez, vous
l'avez obtenu en vérité,
car c'est ce que signifie ce mot:
Amen.
13 Rose
41. Nous honorons les perfections
de Dieu en récitant chaque
parole de l'Oraison dominicale.
Nous honorons sa fécondité par
le nom de Père, qui engendre
de toute éternité un Fils qui est
Dieu comme vous, éternel,
consubstantiel, qui est une même
essence, une même puissance,
une même bonté, une même sagesse
avec vous, Père et Fils,
qui, vous aimant, produisez le Saint-
Esprit, qui est Dieu comme vous,
trois personnes adorables,
qui êtes un seul Dieu.
Notre Père! C'est-à-dire,
Père des hommes par la
création, par la conservation
et par la rédemption, Père
miséricordieux des pécheurs,
Père ami des justes, Père
magnifique des bienheureux.
Qui êtes. Par ces paroles
nous admirons l'infinité, la
grandeur et la plénitude
de l'essence de Dieu, qui s'appelle
véritablement Celui qui est,
c'est-à-dire, qui existe
essentiellement, nécessairement
et éternellement, qui est
l'Etre des êtres, la cause
de tous les êtres; qui renferme
éminemment en lui-même
les perfections de tous les êtres; qui
est dans tous par son essence, par
sa présence et par sa
puissance, sans y être renfermé.
Nous honorons sa sublimité,
sa gloire et sa majesté par
ces mots: Qui êtes aux cieux,
c'est-à-dire assis comme
dans votre trône, exerçant votre
justice sur tous les hommes.
Nous adorons sa sainteté
en désirant que son nom soit
sanctifié. Nous reconnaissons
sa souveraineté et la justice de
ses lois, en souhaitant que son
règne arrive, et que les
hommes lui obéissent sur
la terre comme les anges lui
obéissent dans le ciel. Nous
croyons à sa Providence, en le
priant de nous donner notre pain
de chaque jour. Nous
invoquons sa clémence, en
lui demandant la rémission de nos
péchés. Nous recourons
à sa puissance, en le priant de ne pas
nous laisser succomber à
la tentation. Nous nous confions à sa
bonté, en espérant
qu'il nous délivrera du mal. Le Fils de
Dieu a toujours glorifié
son Père par ses oeuvres; il est venu
au monde pour le faire glorifier
des hommes; il leur a
enseigné la manière
de l'honorer, par cette oraison qu'il a
daigné nous dicter lui-même.
Nous devons donc la réciter
souvent avec attention et dans le
même esprit qu'il l'a
composée.
14 Rose
42. Lorsque nous récitons
attentivement cette divine Oraison,
nous faisons autant d'actes des
plus nobles vertus chrétiennes
que nous prononçons de paroles.
En disant: Notre Père qui êtes
aux cieux, nous formons des actes
de foi, d'adoration et
d'humilité. En désirant
que son nom soit sanctifié et
glorifié, nous faisons paraître
un zèle ardent pour sa gloire.
En lui demandant la possession de
son royaume, nous
faisons un acte d'espérance.
En souhaitant que sa volonté soit
accomplie sur la terre comme dans
le ciel, nous montrons un
esprit de parfaite obéissance.
En lui demandant notre pain de
chaque jour, nous pratiquons la
pauvreté d'esprit et le
détachement des biens de
la terre. En le priant de nous
remettre nos péchés,
nous faisons un acte de repentir. Et en
pardonnant à ceux qui nous
ont offensés, nous exerçons la
miséricorde dans la plus
haute perfection. En lui demandant
son secours dans les tentations,
nous faisons des actes
d'humilité, de prudence et
de force. En attendant qu'il nous
délivre du mal, nous pratiquons
la patience. Enfin, en
demandant toutes ces choses, non
seulement pour nous, mais
encore pour notre prochain et pour
tous les membres de
l'Eglise, nous faisons le devoir
des vrais enfants de Dieu,
nous l'imitons dans sa charité
qui embrasse tous les hommes et
nous accomplissons le commandement
de l'amour du prochain.
Nous détestons tous les péchés
et nous observons tous les
commandements de Dieu, lorsqu'en
recitant cette Oraison notre
coeur s'accorde avec notre langue,
et que nous n'avons point
d'intentions contraires au sens
de ces divines paroles. Car
lorsque nous faisons réflexion
que Dieu est au ciel, c'est-à-
dire infiniment élevé
au-dessus de nous par la grandeur de sa
majesté, nous entrons dans
les sentiments du plus profond
respect en sa présence; tout
saisis de crainte, nous fuyons
l'orgueil et nous nous abaissons
jusqu'au néant. Lorsqu'en
pronoçant le nom du Père,
nous nous souvenons que nous tenons
notre existence de Dieu, par le
moyen de nos parents, et notre
instruction même par le moyen
de nos maîtres, qui nous
tiennent ici la place de Dieu, dont
ils sont les images
vivantes, nous nous sentons obligés
de les honorer ou, pour
mieux dire, d'honorer Dieu en leurs
personnes, et nous nous
gardons bien de les mépriser
et de les affliger.
Lorsque nous désirons que
le saint Nom de Dieu soit
glorifié, nous sommes bien
éloignés de le profaner. Lorsque
nous regardons le royaume de Dieu
comme notre héritage, nous
renonçons à toute
attache aux biens de ce monde; lorsque nous
demandons sincèrement pour
notre prochain les mêmes biens que
nous désirons pour nous-mêmes,
nous renonçons à la haine, à la
dissension et à l'envie.
En demandant à Dieu notre pain de
chaque jour, nous détestons
la gourmandise et la volupté qui
se nourrissent de l'abondance. En
priant Dieu véritablement de
nous pardonner, comme nous pardonnons
à ceux qui nous ont
offensés, nous réprimons
notre colère et notre vengeance, nous
rendons le bien pour le mal et nous
aimons nos ennemis. En
demandant à Dieu de ne pas
nous laisser tomber dan le péché au
moment de la tentation, nous montrons
que nous fuyons la
paresse, que nous cherchons les
moyens de combattre les vices
et de faire notre salut. En priant
Dieu de nous délivrer du
mal, nous craignons sa justice,
et nous sommes heureux, car la
crainte de Dieu est le commencement
de la sagesse, c'est par
la crainte de Dieu que tout homme
évite le péché.
15 Rose
44. La Salutation angélique
est si sublime, si relevée, que
le bienheureux Alain de la Roche
a cru qu'aucune créature ne
peut la comprendre et qu'il n'y
a que Jésus-Christ, né de la
Vierge Marie, qui puisse l'expliquer.
Elle tire principalement son excellence
de la très sainte
Vierge à qui elle fut adressée,
de la fin de l'Incarnation du
Verbe pour laquelle elle fut apportée
du ciel, et de
l'archange Gabriel qui la prononça
le premier.
La Salutation angélique résume
dans l'abrégé le plus
concis toute la théologie
chrétienne sur la sainte Vierge. On
y trouve une louange et une invocation.
La louange renferme
tout ce qui fait la véritable
grandeur de Marie; l'invocation
renferme tout ce que nous devons
lui demander, et ce que nous
pouvons attendre de sa bonté
pour nous. La très sainte Trinité
en a révélé
la première partie; sainte Elisabeth, éclairée du
Saint-Esprit, y a ajouté
la seconde; et l'Eglise, dans le
premier concile d'Ephèse,
tenu l'an 430, y a mis la
conclusion, après avoir condamné
l'erreur de Nestorius et
défini que la sainte Vierge
est véritablement Mère de Dieu. Le
concile ordonna qu'on invoquerait
la sainte Vierge sous cette
glorieuse qualité par ces
paroles: Sainte Marie, mère de Dieu,
priez pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l'heure de
notre mort.
45. La sainte Vierge Marie a été
celle à qui cette divine
Salutation a été présentée
pour terminer l'affaire la plus
grande et la plus importante du
monde, l'Incarnation du Verbe
éternel, la paix entre Dieu
et les hommes et la rédemption du
genre humain. L'ambassadeur de cette
heureuse nouvelle fut
l'archange Gabriel, un des premiers
princes de la cour
céleste. La Salutation angélique
contient la foi et
l'espérance des patriarches,
des prophètes et des apôtres.
Elle est la constance et la force
des martyrs, la science des
docteurs, la persévérance
des confesseurs et la vie des
religieux. (Bienheureux Alain).
Elle est le cantique nouveau
de la loi de grâce, la joie
des anges et des hommes, la
terreur et la confusion des démons.
Par la Salutation angélique,
Dieu s'est fait homme, une
Vierge est devenue Mère de
Dieu, les âmes des justes ont été
délivrées des limbes,
les ruines du ciel ont été réparées et
les trônes vides ont été
remplis, le péché a été pardonné, la
grâce nous a été
donnée, les malades ont été guéris, les morts
ressuscités, les exilés
rappelés, la trés sainte Trinité a été
apaisée, et les hommes ont
obtenu la vie éternelle. Enfin, la
Salutation angélique est
l'arc-en-ciel, le signe de la
clémence et de la grâce
que Dieu a faites au monde
(Bienheureux Alain).
16 Rose
46. Quoiqu'il n'y ait rien d'aussi
grand que la majesté
divine ni rien d'aussi abject que
l'homme considéré comme
pécheur, cette suprême
Majesté ne dédaigne pas néanmoins nos
hommages, elle est honorée
quand nous chantons ses louanges.
Et le salut de l'ange est un des
plus beaux cantiques que nous
puissions adresser à la gloire
du Très-Haut. "Canticum novum
cantabo tibi: Je vous chanterai
un cantique nouveau". Ce
cantique nouveau que David a prédit
qu'on chanterait à la
venue du Messie, c'est la Salutation
de l'archange.
Il y a un cantique ancien et un
cantique nouveau.
L'ancien est celui que les Israélites
ont chanté en
reconnaissance de la création,
de la conservation, de la
délivrance de leur captivité,
du passage de la mer Rouge, de
la manne et de toutes les autres
faveurs du ciel. Le cantique
nouveau est celui que les chrétiens
chantent en actions de
grâces de l'Incarnation et
de la Rédemption. Comme ces
prodiges ont été accomplis
par le salut angélique, nous
répétons ce même
salut pour remercier la très sainte Trinité
de ses bienfaits inestimables. Nous
louons Dieu le Père de ce
qu'il a tant aimé le monde,
qu'il lui a donné son Fils unique
pour sauveur. Nous bénissons
le Fils de ce qu'il est descendu
du ciel sur la terre, de ce qu'il
s'est fait homme et de ce
qu'il nous a rachetés. Nous
glorifions le Saint-Esprit de ce
qu'il a formé dans le sein
de la sainte Vierge ce corps très
pur qui a été la victime
de nos péchés. C'est dans cet esprit
de reconnaissance que nous devons
réciter le salut angélique,
produisant des actes de foi, d'espérance,
d'amour et d'actions
de grâces pour ce bienfait
de notre salut.
47. Quoique ce cantique nouveau s'adresse
directement à la
Mère de Dieu et qu'il contienne
ses éloges, il est néanmoins
très glorieux à la
Sainte-Trinité, parce que tout l'honneur
que nous rendons à la sainte
Vierge retourne à Dieu comme à la
cause de toutes ses perfections
et de tous ses vertus. Dieu le
Père est glorifié
de ce que nous honorons la plus parfaite de
ses créatures. Le Fils est
glorifié de ce que nous louons sa
très pure Mère. Le
Saint-Esprit est glorifié de ce que nous
admirons les grâces dont il
a rempli son épouse.
De même que la sainte Vierge,
par son beau cantique
Magnificat, renvoya à Dieu
les louanges et les bénédictions
que lui donna sainte Elisabeth sur
son éminente dignité de
Mère du Seigneur, de même
elle renvoie promptement à Dieu les
éloges et les bénédictions
que nous lui donnons par le salut
angélique.
48. Si la Salutation angélique
rend gloire à la Sainte-
Trinité, elle est aussi la
louange la plus parfaite que nous
puissions adresser à Marie.
Sainte Melchtilde, désirant
savoir par quel moyen elle
pourrait mieux témoigner
la tendresse de sa dévotion à la Mère
de Dieu, fut ravie en esprit; et
sur cette pensée, la sainte
Vierge lui apparut portant sur son
sein la Salutation
angélique écrite en
lettres d'or et lui dit: "Sachez, ma
fille, que personne ne peut m'honorer
par un salut plus
agréable que celui que m'a
fait présenter la très adorable
Trinité et par lequel elle
m'a élevée à la dignité de Mère de
Dieu. Par le mot "Ave", qui est
le nom d'Eve, Eva, j'appris
que Dieu, par sa toute-puissance,
m'avait préservée de tout
péché et des misères
auxquelles la première femme fut sujette.
Le nom de "Marie", qui signifie
dame de lumières, marque
que Dieu m'a remplie de sagesse
et de lumière, comme un astre
brillant, pour éclairer le
ciel et la terre.
Ces mots: "pleine de grâces",
me représentent que le
Saint-Esprit m'a comblée
de tant de grâces que je puis en
faire part abondamment à
ceux qui en demandent par ma
médiation.
En disant: "Le Seigneur est avec
vous", on me renouvelle
la joie ineffable que je ressentis
lorsque le Verbe éternel
s'incarna dans mon sein.
Quand on me dit: "vous êtes
bénie entre toutes les
femmes", je loue la divine miséricorde
qui m'a élevée à ce
haut degré de bonheur.
A ces paroles: "Jésus, le
fruit de vos entrailles, est
béni", tout le ciel se réjouit
avec moi de voir Jésus mon Fils
adoré et glorifié
pour avoir sauvé les hommes".
17 Rose
49. Entre les choses admirables
que la sainte Vierge a
révélées au
bienheureux Alain de la Roche (et nous savons que
ce grand dévot à Marie
a confirmé par serment ses
révélations), il y
en a trois des plus remarquables: la
première, que c'est un signe
probable et prochain de
réprobation éternelle,
que d'avoir de la négligence, de la
tiédeur et de l'aversion
pour la Salutation angélique qui a
réparé le monde -
la seconde, que ceux qui ont de la dévotion
pour cette admirable salutation
portent un très grand signe de
prédestination - la troisième,
que ceux qui ont reçu du ciel
la faveur d'aimer la sainte Vierge
et de la servir par
affection, doivent être extrêmement
soigneux de continuer à
l'aimer et à la servir jusqu'à
ce qu'elle les ait fait placer
dans le ciel par son Fils au degré
de gloire convenable à
leurs mérites (Alanus).
50. Tous les hérétiques,
qui sont tous des enfants du diable
et qui portent les marques évidentes
de la réprobation, ont
horreur de l'Ave Maria; ils apprennent
encore le Pater, mais
non pas l'Ave Maria; ils aimeraient
mieux porter sur eux un
serpent qu'un chapelet ou un rosaire.
Entre les catholiques, ceux qui
portent la marque de
réprobation ne se soucient
guère du chapelet ni du Rosaire,
négligent de le dire ou ne
le disent qu'avec tiédeur et à la
hâte. Quand je n'ajouterais
aucune foi pieuse à ce qui a été
révélé au bienheureux
Alain de la Roche, mon expérience me
suffit pour être persuadé
de cette terrible et douce vérité.
Je ne sais pas, et je ne vois pas
même évidemment comment il
se peut faire qu'une dévotion
si petite en apparence soit la
marque infaillible du salut éternel,
et son défaut la marque
de la réprobation. Cependant,
rien n'est si véritable.
Nous voyons même que les gens
de nouvelles doctrines de
nos jours condamnées par
l'Eglise, avec toute leur piété
apparente, négligent beaucoup
la dévotion au chapelet et au
Rosaire et souvent l'ôtent
de l'esprit et du coeur de ceux ou
celles qui les approchent, sous
les plus beaux prétextes du
monde; ils se gardent de condamner
ouvertement, comme font les
calvinistes, le chapelet, Rosaire,
scapulaire; mais la manière
dont ils s'y prennent est d'autant
plus pernicieuse qu'elle
est plus fine. Nous en parlerons
dans la suite.
51. Mon Ave Marie, mon Rosaire ou
mon chapelet, est ma
prière, et ma très
sûre pierre de touche, pour distinguer ceux
qui sont conduits par l'Esprit de
Dieu d'avec ceux qui sont
dans l'illusion du malin esprit.
J'ai connu des âmes qui
volaient, ce semble, comme des aigles,
jusqu'aux nues par leur
sublime contemplation, et qui cependant
étaient
malheureusement trompées
par le démon, et je n'ai découvert
leurs illusions que par l'Ave Maria
et le chapelet, qu'elles
rejetaient comme au-dessous d'elles.
L'Ave Maria est une rosée
céleste et divine qui, tombant
dans l'âme d'un prédestiné,
lui communique une fécondité
admirable pour produire toutes sortes
de vertus, et plus l'âme
est arrosée par cette prière,
plus elle devient éclairée dans
l'esprit, embrasée dans le
coeur et fortifiée contre tous ses
ennemis.
L'Ave Maria est un trait perçant
et enflammé qui, étant
uni par un prédicateur à
la parole de Dieu qu'il annonce, lui
donne la force de percer, de toucher
et de convertir les
coeurs les plus endurcis, quoique
d'ailleurs il n'ait pas
beaucoup de talent naturel pour
la prédication.
Ce fut ce trait secret que la sainte
Vierge, comme j'ai
déjà dit, enseigna
à saint Dominique et au bienheureux Alain,
pour convertir les hérétiques
et les pécheurs. C'est de là
qu'est venue la pratique des prédicateurs
de dire un Ave Maria
en commençant leur prédication,
comme assure saint Antonin.
18 Rose
52. Cette divine Salutation attire
sur nous la bénédiction de
Jésus et de Marie, car c'est
un principe infaillible que Jésus
et Marie récompensent magnifiquement
ceux qui les glorifient:
ils rendent au centuple les bénédictions
qu'on leur donne. Ego
diligentes me diligo, Pr 8,17, ut
ditem diligentes me et
thesauros eorum repleam. C'est ce
que Jésus et Marie criaient
hautement: "Nous aimons ceux qui
nous aiement, nous les
enrichissons et nous remplissons
leurs trésors". - Qui seminat
in benedictionibus, de benedictionibus
et metet: Ceux qui
sèment des bénédictions
recueilleront des bénédictions" (2 Cor
9,6).
Or n'est-ce pas aimer, bénir
et glorifier Jésus et Marie
que de réciter comme il faut
la Salutation angélique? En
chaque Ave Maria, on donnera deux
bénédictions à Jésus et à
Marie. Vous êtes bénie
entre toutes les femmes et béni le
fruit de votre ventre, Jésus.
Par chaque Ave Maria, vous
rendez à Marie le même
honneur que Dieu lui rendit en la
saluant avec l'archange Gabriel.
Qui pourrait croire que Jésus
et Marie, qui font du bien souvent
à ceux qui les maudissent,
donnassent leurs malédictions
à ceux et celles qui les
bénissent et les honorent
par l'Ave Maria?
La Reine des cieux, disent saint
Bernard et saint
Bonaventure, n'est pas moins reconnaissante
et honnête que les
personnes de qualité bien
élevées en ce monde: elle les
surpasse même en cette vertu
comme en toutes les autres
perfections; elle ne souffrira donc
jamais que nous
l'honorions avec respect, qu'elle
ne nous le rende au
centuple. Marie, dit saint Bonaventure,
nous salue avec la
grâce, si nous la saluons
avec l'Ave Marie: "Ipsa salutabit
nos cum gratia si salutaverim eam
cum Ave Maria".
Qui pourrait comprendre les grâces
et les bénédictions
qu'opèrent en nous le salut
et les regards bénins de la sainte
Vierge?
Dans le moment que sainte Elisabeth
entendit le salut que
lui donna la Mère de Dieu,
elle fut remplie du Saint-Esprit,
et l'enfant qu'elle portait dans
son sein tressaillit de joie.
Si nous nous rendons dignes du salut
et de la bénédiction
réciproques de la sainte
Vierge, sans doute nous serons
remplis de la grâce et un
torrent de consolations spirituelles
découlera dans nos âmes.
19 Rose
53. Il est écrit: "Donnez
et on vous donnera". Prenons la
comparaison du bienheureux Alain:
"Si je vous donnais chaque
jour cent cinquante diamants, quand
vous seriez mon ennemi, ne
me pardonneriez-vous pas? Ne me
feriez-vous pas comme un ami,
toutes les grâces que vous
pourriez? Voulez-vous vous enrichir
des biens de la grâce et de
la gloire? Saluez la très sainte
Vierge, honorez votre bonne Mère".
"Sicut qui thesaurizat, ita et qui
honorificat matrem.
Celui qui honore sa Mère,
la sainte Vierge, est semblable à un
homme qui amasse des trésors"
(Si 3,5).
Présentez-lui chaque jour
au moins cinquante Ave Maria
dont chacun contient quinze pierres
précieuses, qui lui sont
plus agréables que toutes
les richesses de la terre. Que ne
devez-vous pas attendre de sa libéralité?
Elles est notre Mère
et notre amie. Elle est l'impératrice
de l'univers qui nous
aime plus que toutes les mères
et les reines ensemble n'ont
aimé un homme mortel, car,
dit saint Augustin, la charité de
la Vierge Marie excède tout
l'amour naturel de tous les hommes
et de tous les anges.
54. Un jour, Notre-Seigneur apparut
à sainte Gertrude
comptant des pièces d'or;
elle eut la hardiesse de lui
demander ce qu'il comptait. "Je
compte, lui répondit Jésus-
Christ, tes Ave Marie, c'est la
monnaie dont on achète mon
paradis".
Le dévot et le docte Suarez,
de la Compagnie de Jésus,
estimait tant le mérite de
la Salutation angélique, qu'il
disait qu'il aurait volontiers donné
toute sa science pour le
prix d'un Ave Maria bien dit.
55. "Que celui qui vous aime, ô
divine Marie, lui dit le
bienheureux Alain de la Roche, écoute
et goûte: Le ciel est
dans la joie, la terre est dans
l'admiration, toutes les fois
que je dis: Ave Maria; j'ai le monde
en horreur, j'ai l'amour
de Dieu dans mon coeur, lorsque
je dis :Ave Maria; mes
craintes s'évanouissent,
mes passions se mortifient, quand je
dis: Ave Maria; je crois dans la
dévotion, je trouve la
componction, quand je dis: Ave Maria;
mon espérance
s'affermit, ma consolation s'augmente,
lorsque je dis: Ave
Maria; mon esprit se réjouit,
mon chagrin se dissipe, quand je
dis: Ave Maria; car la douceur de
cette bénigne salutation est
si grande qu'on n'a point de terme
pour l'expliquer comme il
faut, et après qu'on en aura
dit des merveilles, elle demeure
encore si cachée et si profonde
qu'on ne la peut découvrir.
Elle est courte en paroles, mais
grande en mystères; elles est
plus douce que le miel et plus précieuse
que l'or; il faut
très fréquemment l'avoir
dans le coeur pour la méditer, et
dans la bouche pour la lire et la
répéter dévotement".
"Auscultet tui nominis, o Maria,
coelum gaudet, omnis
terra stupet cum dico Ave Maria;
Satan fugit, infernus
contremiscit, cum dico Ave Maria;
mundus vilescit, cor in
amore liquescit, cum dico Ave Maria;
terror evanescit, caro
marcescit, cum dico Ave Maria; crescit
devotio, oritur
compuctio, cum dico Ave Maria; spes
proficit, augetur
consolatio, cum dico Ave Maria;
recreatur animus, et in bono
confortatur aeger afectus, cum dico
Ave Maria. Siquidem tanta
suavitas hujus benignae salutationes,
ut humanis non possit
explicare verbis, sed semper manet
altior et profundior quam
omnis creatura indagare sufficiat.
Haec oratio parva est
verbis, alta mysteriis, brevis sermone,
alta virtute, super
mel dulcis, super aurum pretiosa;
ore cordis est jugiter
ruminanda labiisque puris frequentissime
legenda ac devote
repetenda".
Le même bienheureux Alain
rapporte, au chapitre 69 de son
psautier, qu'une religieuse très
dévote au Rosaire apparaut
après sa mort à une
de ses soeurs et lui dit: "Si je pouvais
retourner dans mon corps pour dire
seulement un Ave Maria,
quoique sans beaucoup de ferveur,
pour avoir le mérite de
cette prière, je souffrirais
volontiers tout de nouveau toutes
les douleurs que j'ai souffertes
avant de mourir". Il faut
remarquer qu'elle avait souffert
plusieurs années sur son lit
des douleurs violentes.
56. Michel de Lisle, évêque
de Salubre, disciple et collègue
du bienheureux Alain de la Roche
dans le rétablissement du
saint Rosaire, dit que la Salutation
angélique est le remède à
tous les maux qui nous affligent,
pourvu que nous la récitions
dévotement en l'honneur de
la sainte Vierge.
20 Rose
BREVE EXPLICATION DE L'AVE MARIA.
57. Etes-vous dans la misère
du péché? Invoquez la divine
Marie, dites-lui: Ave, qui veut
dire: je vous salue dans un
très profond respect, ô
vous qui êtes sans péché et sans
malheur. Elle vous délivrera
du mal de vos péchés.
Etes-vous dans les ténèbres
de l'ignorance ou de
l'erreur? Venez à Marie,
dites-lui: Ave Maria, c'est-à-dire
Illuminée des rayons du soleil
de justice; et elle vous fera
part de ses lumières.
Etes-vous égaré du
chemin du ciel? Invoquez Marie, qui
veut dire: Etoile de la mer et l'étoile
polaire qui guide
notre navigation en ce monde, et
elle vous conduira au port du
salut éternel.
Etes-vous dans l'affliction? Ayez
recours à Marie qui
veut dire: mer amère qui
a été remplie d'amertume en ce monde
et qui est présentement changée
dans une mer de pures douceurs
au ciel; elle convertira vos tristesses
en joie et vos
afflictions en consolations.
Avez-vous perdu la grâce?
Honorez l'abondance des grâces
dont Dieu a rempli la sainte Vierge,
dites-lui: "Pleine de
grâces" et de tous les dons
du Saint-Esprit, et elle vous fera
part de ses grâces.
Etes-vous seul, privé de
la protection de Dieu, adressez-
vous à Marie, dites-lui:
"Le Seigneur est avec vous" plus
noblement et intimement que dans
les justes et les saints, car
vous êtes une même chose
avec Lui; étant votre Fils, sa chair
est votre chair, vous êtes
avec le Seigneur par une très
parfaite ressemblance et par une
mutuelle charité; car vous
êtes sa Mère. Dites-lui
enfin: Toute la très sainte Trinité
est avec vous dont vous êtes
le Temple précieux; et elle vous
remettra sous la protection et sauvegarde
de Dieu.
Etes-vous devenu l'objet de la malédiction
de Dieu?
Dites: "Vous êtes benie par-dessus
toutes les femmes" et de
toutes les nations, pour votre pureté
et fécondité; vous avez
changé la malédiction
divine en bénédiction; et elle vous
bénira.
Avez-vous faim du pain de la grâce
et du pain de vie?
Approchez de celle qui a porté
le pain vivant qui est descendu
du Ciel, dites-lui: "Le fruit de
votre ventre soit béni",
lequel vous avez conçu sans
nul déchet de votre virginité, que
vous avez porté sans peine
et enfanté sans douleur. "Jésus"
soit béni qui a racheté
le monde captif, guéri le monde
malade, ressuscité l'homme
mort, ramené l'homme banni,
justifié l'homme criminel,
sauvé l'homme damné. Sans doute
votre âme sera rassasiée
du pain de la grâce en cette vie et
de la gloire éternelle en
l'autre. Amen.
58. Concluez votre prière
avec l'Eglise et dites: "Sainte
Marie ", sainte au corps et en l'âme,
sainte par un dévouement
singulier et éternel au service
de Dieu, sainte en qualité de
Mère de Dieu qui vous a douée
d'une éminente sainteté,
convenable à cette dignité
infinie.
"Mère de Dieu", qui êtes
aussi notre Mère, notre Avocate
et Médiatrice, la Trésorière
et Dispensatrice des grâces de
Dieu, procurez-nous promptement
le pardon de nos péchés et
notre réconciliation avec
la divine Majesté.
"Priez pour nous pécheurs",
vous qui avez tant de
compassion des misérables,
qui ne méprisez et ne rebutez point
les pécheurs, sans lesquels
vous ne seriez pas la Mère du
Sauveur.
"Priez pour nous maintenant", pendant
le temps de cette
vie courte, fragile et misérable,
"maintenant", car nous
n'avons d'assuré que ce moment
présent, maintenant que nous
sommes attaqués et environnés
nuit et jour d'ennemis puissants
et cruels.
"Et à l'heure de notre mort",
si terrible et si
périlleux, où nos
forces sont épuisées, où nos esprits et nos
corps sont abattus par la douleur
et la crainte; à l'heure de
notre mort que Satan redouble ses
efforts afin de nous perdre
pour jamais; à cette heure
que ce sera la décision de notre
sort pour toute l'éternité
bienheureuse ou malheureuse. Venez
au secours de vos pauvres enfants,
ô Mère pitoyable, ô
l'avocate et le refuge des pécheurs,
chassez loin de nous, à
l'heure de la mort, les démons
nos accusateurs et vos ennemis,
dont l'aspect effroyable nous épouvante.
Venez nous éclairer
dans les ténèbres
de la mort. Conduisez-nous, accompagnez-nous
au tribunal de notre juge, votre
Fils; intercédez pour nous,
afin qu'il nous pardonne et nous
reçoive au nombre de vos élus
dans le séjour de la gloire
éternelle. "Amen". Ainsi soit-il.
59. Qui n'admirera l'excellence du
saint Rosaire, composé de
ces deux divines parties: l'Oraison
dominicale et la
Salutation angélique? Y a-t-il
de prière plus agréable à Dieu
et à la sainte Vierge, plus
facile, plus douce et plus
salutaire aux hommes? Ayons-les
toujours au coeur et dans la
bouche pour honorer la très
sainte Trinité, Jésus-Christ notre
Sauveur et sa très sainte
Mère. De plus, à la fin de chaque
dizaine, il est bon d'ajouter le
Gloria Patri, etc., c'est-à-
dire: Gloire au Père, au
Fils et au Saint-Esprit. Comme il
était au commencement, comme
il est maintemant et il sera dans
tous les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.
TROISIEME DIZAINE
Excellence du saint Rosaire dans
la méditation
de la vie et de la Passion
de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
21 Rose
LES QUINZE MYSTERES DU ROSAIRE
60. Un mystère est une chose
sacrée et difficile à
comprendre. Les oeuvres de Jésus-Christ
sont toutes sacrées et
divines, parce qu'il est Dieu et
homme tout ensemble. Celles
de la sainte Vierge sont très
saintes, parce qu'elle est la
plus parfaite de toutes les pures
créatures. On appelle avec
raison les oeuvres de Jésus-Christ
et de sa sainte Mère des
mystères, parce qu'elles
sont remplies de quantité de
merveilles, de perfections et d'instructions
profondes et
sublimes, que le Saint-Esprit découvre
aux humbles et aux âmes
simples qui les honorent.
On peut encore appeler les oeuvres
de Jésus et de Marie
des fleurs admirables, dont l'odeur
et la beauté ne sont
connues que de ceux qui les approchent,
qui les flairent et
qui les ouvrent par une attentive
et sérieuse méditation.
61. Saint Dominique a partagé
la vie de Jésus-Christ et de la
sainte Vierge en quinze mystères,
qui nous représentent leurs
vertus et leurs principales actions
comme quinze tableaux dont
les traits doivent nous servir de
règle et d'exemple pour la
conduite de notre vie. Ce sont quinze
flambeaux pour guider
nos pas dans ce monde; quinze miroirs
ardents pour connaître
Jésus et Marie, pour nous
connaître nous-mêmes et pour allumer
le feu de leur amour dans nos coeurs;
quinze fournaises pour
nous consumer entièrement
de leurs célestes flammes.
La sainte Vierge a enseigné
à saint Dominique cette
excellente méthode de prier
et lui a ordonné de la prêcher,
afin de réveiller la piété
des chrétiens et de faire revivre
l'amour de Jésus-Christ dans
leurs coeurs. Elle l'enseigna
aussi au bienheureux Alain de la
Roche. "C'est une prière très
utile, lui dit-elle, c'est un service
qui m'est fort agréable,
que de réciter cent cinquante
Salutations angéliques. Il me
l'est encore davantage, et ceux-là
feront encore beaucoup
mieux qui réciteront les
salutations avec la méditation de la
vie, de la passion et de la gloire
de Jésus-Christ, car cette
méditation est l'âme
de ces oraisons". En effet, le Rosaire,
sans la méditation des mystères
sacrés de notre salut, ne
serait presque qu'un corps sans
âme, une excellente matière
sans sa forme qui est la méditation,
qui le distingue des
autres dévotions.
62. La première partie du
Rosaire contient cinq mystères,
dont le premier est l'Annonciation
de l'archange Gabriel à la
sainte Vierge; le second, la Visitation
de la sainte Vierge à
sainte Elisabeth; le troisième,
la Nativité de Jésus-Christ;
le quatriène, la Présentation
de l'Enfant Jésus au temple et
la purification de la sainte Vierge;
le cinquième, le
Recouvrement de Jésus dans
le temple parmi les docteurs. On
appelle ces Mystères joyeux
à cause de la joie qu'ils ont
donné à tout l'univers.
La sainte Vierge et les anges furent
comblés de joie au moment
heureux où le Fils de Dieu
s'incarna. Sainte Elisabeth et saint
Jean-Baptiste furent
remplis de joie par la visite de
Jésus et de Marie. Le ciel et
la terre se sont réjouis
à la naissance du Sauveur. Siméon fut
consolé et comblé
de joie, quand il reçut Jésus dans ses bras.
Les docteurs étaient ravis
d'admiration en entendant les
réponses de Jésus;
et qui exprimera la joie de Marie et de
Joseph en retrouvant Jésus
après trois jours d'absence?...
63. La seconde partie du Rosaire
se compose aussi de cinq
mystères que l'on appelle
Mystères douloureux, parce qu'ils
nous représentent Jésus-Christ
accablé de tristesse, couvert
de plaies, chargé d'opprobres,
de douleurs et de tourments. Le
premier de ces mystères est
la prière de Jésus et son Agonie
au jardin des Olives; le second,
sa Flagellation; le
troisième, son Couronnement
d'épines; le quatrième, le
Portement de Croix; le cinquième,
son Crucifiement et sa mort
sur le Calvaire.
64. La troisième partie du
Rosaire contient cinq autres
mystères qu'on appelle glorieux,
parce que nous y contemplons
Jésus et Marie dans le triomphe
et dans la gloire. Le premier
est la Résurrection de Jésus-Christ;
le second, son Ascension
au ciel; le troisième, la
Descente du Saint-Esprit sur les
apôtres; le quatrième,
l'Assomption de la glorieuse Vierge; le
cinquième, son Couronnement.
Voilà les quinze fleurs odoriférantes
du Rosier mystique
sur lesquelles les âmes pieuses
s'arrêtent comme de sages
abeilles, pour en cueillir le suc
admirable et en composer le
miel d'une dévotion solide.
22 Rose
LA MEDITATION DES MYSTERES NOUS
CONFORME A JESUS.
65. Le soin principal de l'âme
chrétienne est de tendre à la
perfection. Soyez les fidèles
imitateurs de Dieu, comme ses
enfants bien-aimés, nous
dit le grand Apôtre. Cette obligation
est comprise dans le décret
éternel de notre prédestination,
comme l'unique moyen ordonné
pour parvenir à la gloire
éternelle. Saint Grégoire
de Nysse dit gracieusement que nous
sommes des peintres. Notre âme
est la toile d'attente sur
laquelle nous devons appliquer le
pinceau, les vertus sont les
couleurs qui doivent relever son
éclat, et l'original que nous
devons copier, c'est Jésus-Christ,
l'image vivante qui
représente parfaitement le
Père éternel. Comme donc un peintre
pour tirer un portrait au naturel
se met devant les yeux
l'original, et qu'à chaque
coup de pinceau qu'il donne il
regarde, de même le chrétien
doit toujours avoir devant les
yeux la vie et les vertus de Jésus-Christ,
pour ne rien dire,
ne rien penser, ne rien faire qui
n'y soit conforme.
66. C'est pour nous aider dans l'important
ouvrage de notre
prédestination, que la sainte
Vierge a ordonné à saint
Dominique d'exposer aux fidèles
qui récitent le Rosaire les
mystères sacrés de
la vie de Jésus-Christ, non seulement afin
qu'ils l'adorent et le glorifient,
mais principalement afin
qu'ils règlent leur vie et
leurs actions sur ses vertus. Or,
comme les enfants imitent leurs
parents en les voyant et en
conversant avec eux; qu'ils apprennent
leur langage en les
entendant parler; qu'un apprenti,
en voyant travailler son
maître, apprend son art; de
même les fidèles confrères du
Rosaire, en considérant sérieusement
et dévotement les vertus
de Jésus-Christ, dans les
quinze mystères de sa vie,
deviennent semblables à ce
divin Maître, avec le secours de sa
grâce et par l'intercession
de la sainte Vierge.
67. Si Moïse ordonna au peuple
hébreu, de la part de Dieu
même, de ne jamais oublier
les bienfaits dont il avait été
comblé, à plus forte
raison le Fils de Dieu peut-il nous
commander de graver dans notre coeur
et d'avoir sans cesse
devant les yeux les mystères
de sa vie, de sa passion et de sa
gloire, puisque ce sont autant de
bienfaits dont Il nous a
favorisés et par lesquels
Il nous a montré l'excès de son
amour pour notre salut. "O vous
tous qui passez, dit-il,
arrêtez-vous et considérez
s'il y eut jamais douleurs
semblables aux douleurs que j'endure
pour votre amour.
Souvenez-vous de ma pauvreté
et de mes abaissements, pensez à
l'absinthe et au fiel que j'ai pris
pour vous dans ma
passion".
Ces paroles et beaucoup d'autres
qu'on pourrait alléguer
nous convainquent assez de l'obligation
que nous avons de ne
pas nous contenter de réciter
le Rosaire vocalement en
l'honneur de Jésus-Christ
et de la sainte Vierge, mais de le
réciter avec la méditation
des mystères sacrés.
23 Rose
LE ROSAIRE MEMORIAL DE LA VIE ET
DE LA MORT DE JESUS.
68. Jésus-Christ, le divin
Epoux de nos âmes, notre très doux
ami, Jésus désire
que nous nous souvenions de ses bienfaits et
que nous les estimions sur toutes
choses; il a une joie
accidentelle, aussi bien que la
sainte Vierge avec tous les
saints du paradis, lorsque nous
méditons dévotement et avec
affection sur les mystères
sacrés du Rosaire, qui sont les
effets les plus signalés
de son amour pour nous et les plus
riches présents qu'il puisse
nous faire, puisque c'est par de
tels présents que la sainte
Vierge même et tous les saints
jouissent de la gloire.
La bienheureuse Angèle de
Foligno pria un jour Notre-
Seigneur de lui enseigner à
quel exercice elle l'honorerait le
plus. Il lui apparut attaché
à la croix et lui dit: "Ma fille,
regarde mes plaies". Elle apprit
de ce très aimable Sauveur
que rien ne lui est plus agréable
que la méditation de ses
souffrances. Ensuite il lui découvrit
les blessures de sa tête
et plusieurs circonstances de ses
tourments et lui dit: "J'ai
souffert tout cela pour ton salut,
que peux-tu faire qui égale
mon amour pour toi?"
69. Le saint sacrifice de la messe
honore infiniment la très
sainte Trinité, parce qu'il
représente la passion de Jésus-
Christ et que nous y offrons les
mérites de son obéissance, de
ses souffrances et de son sang.
Toute la cour céleste en
reçoit aussi une gloire accidentelle,
et plusieurs docteurs,
avec saint Thomas, nous disent pour
la même raison, qu'elle se
réjouit de la communion des
fidèles, parce que le Saint-
Sacrement est un mémorial
de la passion et de la mort de
Jésus-Christ, et que, par
ce moyen, les hommes participent à
ses fruits et avancent l'affaire
de leur salut.
Or, le saint Rosaire, récité
avec la méditation des
mystères sacrés, est
un sacrifice de louanges à Dieu pour le
bienfait de notre Rédemption
et un dévot souvenir des
souffrances, de la mort et de la
gloire de Jésus-Christ. Il
est donc vrai que le Rosaire cause
une gloire, une joie
accidentelle à Jésus-Christ,
à la sainte Vierge et à tous les
bienheureux, car ils ne désirent
rien de plus grand, pour
notre bonheur éternel, que
de nous voir occupés à un exercice
aussi glorieux à notre Sauveur
et aussi salutaire pour nous.
70. L'Evangile nous assure qu'un
pécheur qui se convertit et
fait pénitence cause de la
joie à tous les anges. Si c'est
assez pour réjouir les anges
qu'un pécheur quitte ses péchés
et en fasse pénitence, quelle
joie, quelle jubilation sera-ce
pour toute la cour céleste,
quelle gloire pour Jésus-Christ
même, de nous voir sur la
terre, méditer dévotement et avec
amour sur ses abaissements, sur
ses tourments, sur sa mort
cruelle et ignominieuse? Y a-t-il
rien de plus efficace, pour
nous toucher et nous porter à
une sincère pénitence?
Le chrétien qui ne médite
pas sur les mystères du Rosaire
montre une grande ingratitude pour
Jésus-Christ et le peu
d'estime qu'il fait de tout ce que
le divin Sauveur a souffert
pour le salut du monde. Sa conduite
semble dire qu'il ignore
la vie de Jésus-Christ, qu'il
se met fort peu en peine
d'apprendre ce qu'il a fait, ce
qu'il a souffert pour nous
sauver. Ce chrétien doit
fort craindre que, n'ayant pas connu
Jésus-Christ, ou que l'ayant
mis en oubli, Il ne le rejette au
jour du jugement avec ce reproche:
"Je vous dis en vérité que
je ne vous connais point".
Méditons donc sur la vie
et les souffrances du Sauveur
par le saint Rosaire, apprenons
à le bien connaître et à
reconnaître ses bienfaits,
afin qu'il nous reconnaisse pour
ses enfants et pour ses amis au
jour du jugement.
24 Rose
LA MEDITATION DES MYSTERES DU ROSAIRE
EST UN GRAND MOYEN DE PERFECTION.
71. Les saints faisaient leur principale
étude de la vie de
Jésus-Christ, ils ont médité
sur ses vertus et sur ses
souffrances, et, par ce moyen, ils
sont arrivés à la
perfection chrétienne. Saint
Bernanrd a commencé par cet
exercice, qu'il a toujours continué.
"Dès le commencement de
ma conversion, dit-il, je fis un
bouquet de myrrhe composé des
douleurs de mon Sauveur; je mis
ce bouquet sur mon coeur,
pensant aux fouets, aux épines
et aux clous de la passion.
J'appliquai tout mon esprit à
méditer tous les jours sur ces
mystères".
C'était aussi l'exercice
des saints martyrs: nous
admirons comment ils ont triomphé
des plus cruels tourments.
D'où pouvait venir cette
admirable constance des martyrs, dit
saint Bernard, sinon des plaies
de Jésus-Christ, sur
lesquelles ils faisaient leur plus
fréquente méditation? Où
était l'âme de ces
généreux athlètes, lorsque leur sang
coulait et que leur corps était
broyé par les supplices? Leur
âme était dans les
plaies de Jésus-Christ et ces plaies les
rendaient invincibles.
72. La très sainte Mère
du Sauveur ne s'est occupée toute sa
vie qu'à méditer sur
les vertus et les souffrances de son
Fils. Lorsqu'elle entendit les anges
chanter à sa naissance
leur cantique d'allégresse,
lorsqu'elle vit les pasteurs
l'adorer dans l'étable, son
esprit fut rempli d'admiration et
elle méditait toutes ces
merveilles. Elle comparait les
grandeurs du Verbe incarné
à ses profonds abaissements; la
paille et la crèche, à
son trône et au sein de son Père; la
puissance d'un Dieu, à la
faiblesse d'un enfant; sa sagesse, à
sa simplicité.
La sainte Vierge dit un jour à
sainte Brigitte: "Lorsque
je contemplais la beauté,
la modestie, la sagesse de mon Fils,
mon âme était transportée
de joie, et lorsque je considérais
ses mains et ses pieds qu'on percerait
avec des clous, je
versais un torrent de larmes, le
coeur me fendait de tristesse
et de douleur".
73. Après l'Ascension de Jésus-Christ,
la sainte Vierge passa
le reste de sa vie à visiter
les lieux que ce divin Sauveur
avait sanctifiés par sa présence
et par ses tourments. Là,
elle méditait sur l'excès
de sa charité et sur les rigueurs de
sa passion. C'était encore
l'exercicie continuel de Marie-
Madeleine pendant les trente années
qu'elle vécut dans la
Sainte-Baume. Enfin saint Jerôme
dit que c'était la dévotion
des premiers fidèles. De
tous les pays du monde ils venaient
en Terre Sainte pour graver plus
profondément dans leurs
coeurs l'amour et le souvenir du
Sauveur des hommes, par la
vue des objets et des lieux qu'il
avait consacrés par sa
naissance, par ses travaux, par
ses souffrances et par sa
mort.
74. Tous les chrétiens n'ont
qu'une foi, n'adorent qu'un
Dieu, n'espèrent qu'une même
félicité dans le ciel; ils ne
connaissent qu'un médiateur
qui est Jésus-Christ; tous doivent
imiter ce divin modèle, et
pour cela considérer les mystères
de sa vie, de ses vertus et de sa
gloire. C'est une erreur de
s'imaginer que la méditation
des vérités de la foi et des
mystères de la vie de Jésus-Christ
ne regarde que les prêtres,
les religieux et ceux qui se sont
retirés des embarras du
monde. Si les religieux et les ecclésiastiques
sont obligés de
méditer sur les grandes vérités
de notre sainte religion pour
répondre dignement à
leur vocation, les gens du monde y sont
au moins autant obligés,
à cause des dangers où ils sont tous
les jours de se perdre. Ils doivent
donc s'armer du fréquent
souvenir de la vie, des vertus et
des souffrances du Sauveur,
que nous représentent les
quinze mystères du saint Rosaire.
25 Rose
RICHESSE DE SANCTIFICATION
RENFERMEES DANS LES PRIERES
ET LES MEDITATIONS DU ROSAIRE.
75. Jamais personne ne pourra comprendre
les richesses
admirables de sanctification qui
sont renfermées dans les
prières et dans les mystères
du saint Rosaire. Cette
méditation des mystères
de la vie et de la mort de Notre-
Seigneur Jésus-Christ est,
pour tous ceux qui en font usage,
la source des fruits les plus merveilleux.
Aujourd'hui, on
veut des choses qui frappent, qui
émeuvent, qui produisent
dans l'âme des impressions
profondes. Qu'y a-t-il au monde de
plus émouvant que cette histoire
merveilleuse de notre
Rédempteur se déroulant
à nos yeux en quinze tableaux nous
rappelant les grandes scènes
de la vie, de la mort et de la
gloire du Sauveur du monde? Quelles
prières sont plus
excellentes et plus sublimes que
l'Oraison dominicale et l'Ave
de l'ange? Là sont renfermés
tous nos désirs, tous nos
besoins.
76. La méditation des mystères
et des prières du Rosaire est
la plus facile de toutes les oraisons,
parce que la diversité
des vertus, des états de
Jésus-Christ que l'on étudie, récrée
et fortifie merveilleusement l'esprit
et empêche les
distractions. Les savants trouvent
dans ces formules la
doctrine la plus profonde, et les
petits, les instructions les
plus familières.
Il faut passer par cette méditation
facile, avant de
s'élever au degré
le plus sublime de la contemplation. Telle
est la pensée de saint Thomas
d'Aquin, et le conseil qu'il
nous donne, quand il dit qu'il faut
s'exercer d'abord comme
dans un champ de combat par l'acquisistion
de toutes les
vertus dont nous avons le parfait
modèle dans les mystères du
Rosaire; car c'est là, dit
le savant Cajetan, que nous
acquerrons l'union intime avec Dieu,
sans laquelle la
contemplation n'est qu'une illusion
capable de séduire les
âmes.
77. Si les faux illuminés
de nos jours ou les quiétistes
avaient suivi ce conseil, ils n'auraient
pas fait de si
terribles chutes, ni causé
tant de scandales dans la dévotion.
C'est une étrange illusion
du démon de croire qu'on puisse
faire des oraisons plus sublimes
que celles du Pater et de
l'Ave, en abandonnant ces divines
oraisons qui sont le
soutien, la force et la garde de
l'âme.
J'avoue qu'il n'est pas toujours
nécessaire de les
réciter vocalement et que
la prière intérieure, en un sens,
est plus parfaite que la vocale;
mais je vous assure qu'il est
très dangereux, pour ne pas
dire pernicieux, de quitter de son
propre mouvement la récitation
du chapelet ou du Rosaire sous
prétexte d'une plus parfaite
union à Dieu. L'âme finement
orgueilleuse, trompée par
le démon du midi, fait tout ce
qu'elle peut intérieurement
pour s'élever au degré sublime des
oraisons des saints, méprise
et quitte pour cela ses anciennes
manières de prier, bonnes
pour les âmes du commun. Elle ferme
d'elle-même l'oreille aux
prières et au salut d'un ange et
même à l'oraison qu'un
Dieu a faite, pratiquée et commandée:
"Sic orabitis: Pater noster" et
Vous prierez ainsi, et, par
là, elle tombe d'illusion
en illusion, et de précipice en
précipice.
78. Croyez-moi, mon cher confrère
du Rosaire, voulez-vous
arriver à un haut degré
d'oraison sans pourtant l'affecter et
sans tomber dans les illusions du
démon si ordinaires aux
personnes d'oraison, dites tous
les jours, si vous pouvez,
votre Rosaire entier ou du moins
le chapelet.
Y êtes-vous déjà
arrivé par la grâce de Dieu, si vous
voulez vous y conserver et y croître
dans l'humilité,
conservez la pratique du saint Rosaire,
car jamais une âme qui
dit son Rosaire tous les jours ne
sera formellement hérétique
ni trompée par le démon;
c'est une proposition que je
signerais de mon sang.
Si cependant Dieu, par sa très
grande miséricorde, vous
attire au milieu de votre chapelet
aussi puissammment que
quelques saints, laissez-vous aller
à son attrait, laissez
Dieu opérer et prier en vous
et y réciter le Rosaire à sa
manière, et que celui-là
vous suffise dans la journée.
Mais si vous n'êtes que dans
la contemplation active ou
oraison ordinaire, de quiétude,
de présence de Dieu et
d'affection, vous avez encore moins
de raison de quitter le
Rosaire, et bien loin de reculer
dans l'oraison et la vertu en
le récitant, qu'au contraire,
il vous sera un aide merveilleux
et la véritable échelle
de Jacob, où il y avait 15 échelons,
par lesquels vous irez de vertu
en vertu, de lumières en
lumières, et arriverez facilement
sans tromperie jusqu'à la
plénitude de l'âge
de Jésus-Christ.
26 Rose
79. Gardez-vous bien d'imiter l'opiniâtreté
de cette dévote
de Rome dont les merveilles du Rosaire
parlent tant. C'était
une personne si dévote et
si fervente qu'elle faisait
confusion par sa sainte vie aux
religieux les plus austères de
l'Eglise de Dieu.
Voulant consulter saint Dominique
et s'étant confessée à
lui, il lui imposa pour pénitence
de dire un seul Rosaire et
par conseil de le dire tous les
jours. Elle s'excusa sur ce
sujet et dit qu'elle a ses exercices
réglés, qu'elle gagne
tous les jours les stations de Rome,
qu'elle porte la haire,
le cilice, qu'elle prend la discipline
plusieurs fois par
semaine, qu'elle fait tant de jeûnes
et autres pénitences.
Saint Dominique la presse et represse
à suivre son conseil,
elle n'en veut rien faire; elle
sort comme scandalisée du
confessionnal de voir le procédé
de ce nouveau directeur pour
elle, qui lui voulait persuader
une dévotion qu'elle ne
pouvait goûter.
Voilà qu'étant en
oraison et ravie en extase, elle voit
son âme obligée de
paraître devant le Souverain Juge. Saint
Michel met toutes ses pénitences
et autres prières dans un
bassin de la balance et de l'autre
tous ses péchés et
imperfections. Saint Michel hausse
la balance, le bassin de
ses bonnes oeuvres s'en va en l'air
et ne peut contrepeser le
bassin de ses péchés
et imperfections. Tout alarmée, elle crie
miséricorde, elle s'adresse
à la sainte Vierge, son avocate,
laquelle laissa tomber dans le bassin
de ses bonnes oeuvres le
seul Rosaire qu'elle avait dit pour
pénitence, lequel fut si
pesant qu'il contrepesa tous ses
péchés aussi bien que toutes
ses bonnes oeuvres. Elle fut reprise
en même temps de la
sainte Vierge de ce qu'elle avait
refusé de suivre le conseil
de son serviteur Dominique, de dire
le saint Rosaire tous les
jours. Etant revenue à elle-même,
elle alla se jeter aux pieds
de saint Dominique, lui raconta
ce qui lui était arrivé, lui
demanda pardon de son incrédulité,
promit de dire le Rosaire
tous les jours et arriva par ce
moyen à la perfection
chrétienne, et à la
gloire éternelle.
Apprenez de là, personnes
d'oraison, la force, le prix et
l'importance de cette dévotion
du saint Rosaire avec la
méditation des mystères.
80. Quoi de plus élevé
en oraison que sainte Madeleine, qui
était portée sept
fois le jour par les anges au-dessus du
Saint Pillon, laquelle avait été
à l'école de Jésus-Christ et
de sa sainte Mère, et, cependant,
lorsqu'elle demandait un
jour à Dieu un bon moyen
pour s'avancer en son amour et
arriver à la plus haute perfection,
l'archange saint Michel
vient de la part de Dieu lui dire
qu'il n'en savait point
d'autre que de considérer
au milieu d'une croix, qu'il lui
planta au devant de sa caverne,
les mystères douloureux
qu'elle avait vu opérer de
ses propres yeux.
Que l'exemple de saint François
de Sales, ce grand
directeur des âmes spirituelles
de son siècle, vous oblige à
vous rendre d'une si sainte confrérie,
puis que, tout saint
qu'il était, il s'obligea
par voeu de le dire tout entier tous
les jours autant de temps qu'il
vivrait.
Saint Charles Borromée le
récitait aussi tous les jours
et recommandait fort cette dévotion
à ses prêtres et
ecclésiastiques dans les
séminaires et à tout son peuple.
Le bienheureux Pie V, l'un des grands
papes qui ait
gouverné l'Eglise, récitait
tous les jours le Rosaire. Saint
Thomas de Villeneuve, archevêque
de Valence, saint Ignace,
saint François Xavier, saint
François de Borgia, sainte
Thérèse, saint Philippe
de Néri, pllusieurs autres grands
hommes que je passe sous silence,
ont excellé en cette
dévotion. Suivez leurs exemples,
vos directeurs en seraient
bien aise, et s'ils sont informés
des fruits que vous en
pouvez retirer, ils vous y exciteront
les premiers.
27 Rose
81. Pour vous animer encore davantage
à cette dévotion des
grandes âmes, j'ajoute que
le Rosaire récité avec la
méditation des mystères:
1 nous élève insensiblement à la
connaissance parfaite de Jésus-Christ;
2 purifie nos âmes du
péché; 3 nous rend
victorieux de tous nos ennemis; 4 nous
rend la pratique des vertus facile;
5 nous embrase de l'amour
de Jésus-Christ; 6 nous enrichit
de grâces et de mérites; 7
nous fournit de quoi payer toutes
nos dettes à Dieu et aux
hommes, et enfin, nous fait obtenir
de Dieu toutes sortes de
grâces.
82. La connaissance de Jésus-Christ
est la science des
chrétiens et la science du
salut; elle surpasse, dit saint
Paul, toutes les sciences humaines
en prix et en excellence:
1 pour la dignité de son
objet, qui est un Dieu homme, en
présence duquel tout l'univers
n'est qu'une goutte de rosée ou
un grain de sable; 2 pour son utilité;
les sciences humaines
ne nous remplissent que de vent
et de fumée de l'orgueil; 3
pour sa nécessité;
car on ne peut être sauvé, si on n'a la
connaissance de Jésus-Christ,
et celui qui ignore toutes les
autres sciences sera sauvé,
pourvu qu'il soit éclairé de la
science de Jésus-Christ.
Heureux Rosaire qui nous donne cette
science et connaissance de Jésus-Christ,
en nous faisant
méditer sa vie, sa mort et
passion et sa gloire.
La reine de Saba, admirant la sagesse
de Salomon,
s'écria: "Heureux vos domestiques
et vos serviteurs qui sont
toujours en votre présence
et entendent les oracles de votre
sagesse"; plus heureux les fidèles
qui méditent attentivement
la vie, les vertus, les souffrances
et la gloire du Sauveur,
parce qu'ils acquièrent par
ce moyen, sa parfaite connaissance
dans laquelle consiste la vie éternelle.
Haec est vita
aeterna.
83. La sainte Vierge a révélé
au bienheureux Alain
qu'aussitôt que saint Dominique
prêcha le Rosaire, les
pécheurs endurcis furent
touchés et pleurèrent amèrement leurs
crimes; les jeunes enfants même
firent des pénitences
incroyables, la ferveur fut si grande,
partout où il prêchait
le Rosaire, que les pécheurs
changèrent de vie et édifièrent
tout le monde par leurs pénitences
et l'amendement de leur
vie.
Si vous sentez votre conscience
chargée de quelques
péchés, prenez votre
Rosaire, en récitant une partie en
l'honneur de quelques mystères
de la vie, de la passion ou de
la gloire de Jésus-Christ,
et soyez persuadé que, pendant que
vous méditerez et honorerez
ces mystères, Il montrera ses
plaies sacrées à son
Père au ciel. Il plaidera pour vous et
vous obtiendra la contrition et
le pardon de vos péchés. Il
dit un jour au bienheureux Alain:
"Si ces misérables pécheurs
récitaient souvent mon Rosaire,
ils participeraient aux
mérites de ma passion, et,
comme leur Avocat, j'apaiserais la
divine Justice".
84. Cette vie est une guerre et une
tentation continuelles;
nous n'avons pas à combattre
des ennemis de chair et de sang,
mais les puissances mêmes
de l'enfer. Quelles armes prendrons-
nous, pour les combattre, que l'oraison
que notre grand
Capitaine nous a enseignée,
que la Salutation angélique, qui a
chassé les démons,
détruit le péché et renouvelé le monde, que
la méditation de la vie,
de la passion de Jésus-Christ, de la
pensée de laquelle nous devons
nous armer, comme nous ordonne
saint Pierre, pour nous défendre
des mêmes ennemis qu'il a
vaincus et qui nous attaquent tous
les jours. "Depuis que le
démon, dit le cardinal Hugues,
a été vaincu par l'humilité et
la passion de Jésus-Christ,
il ne se peut quasi attaquer à une
âme armée de la méditation
de ses mystères ou, s'il l'attaque,
il en est vaincu honteusement".
"Induite vos armaturam Dei
(Eph 6,11).
85. Armez-vous donc de ces armes
de Dieu, du saint Rosaire,
et vous briserez la tête du
démon, et demeurerez stables
contre toutes ses tentations. C'est
d'où vient que le Rosaire
même matériel est si
terrible au diable, et que les saints
s'en sont servis pour l'enchaîner
et le chasser des corps des
possédés, comme plusieurs
histoires rendent témoignage.
86. Un homme, dit le bienheureux
Alain, ayant en vain tenté
toutes sortes de pratiques de dévotion
pour être délivré du
malin esprit qui le possédait,
s'avisa de mettre à son col son
Rosaire, ce qui le soulagea, et
ayant éprouvé que lorsqu'il
l'ôtait de son cou, le démon
le tourmentait cruellement,
résolut de le porter au cou
jour et nuit, ce qui chassa le
diable pour toujours, ne pouvant
supporter une si terrible
chaîne. Le bienheureux Alain
témoigne qu'il a délivré un grand
nombre de possédés,
en leur mettant ainsi le Rosaire au cou.
87. Le Révérend Père
Jean Amât, de l'ordre de Saint-
Dominique, prêchant le Carême
dans un lieu de ce royaume
d'Aragon, on lui amena une jeune
fille possédée du démon;
après l'avoir plusieurs fois
exorcisée, mais en vain, il lui
mit son Rosaire au cou, et aussitôt
elle se mit à faire de
cris et des hurlements épouvantables,
disant: "Otez-moi, ôtez-
moi ces grains qui me tourmentent".
Enfin le père, par
compassion pour la pauvre fille,
lui ôta son Rosaire du cou.
La nuit suivante, lorsque le Révérend
Père était dans son
lit à se reposer, les mêmes
démons qui possédaient cette fille
vinrent à lui, tout écumants
de rage, pour se saisir de sa
personne; mais avec son Rosaire
qu'il tenait fortement à la
main, malgré les efforts
qu'ils firent pour le lui ôter, il
les fouetta admirablement bien et
les chassa en disant:
"Sainte Marie, Notre-Dame du saint
Rosaire, à mon aide!"
Lorsque, le lendemain, il allait
à l'église, il rencontra
cette pauvre fille encore possédée;
un
des démons qui étaient
en elle se mit à dire en
se moquant de lui: "Ah! frère, si tu
n'avais point eu ton Rosaire, nous
t'aurions bien accommodé ".
Alors le Révérend
Père jette derechef son Rosaire au cou de la
fille, disant: "Par les très
sacrés noms de Jésus et de Marie,
sa sainte Mère, et par la
vertu du très saint Rosaire, je vous
commande, esprits malins, de sortir
de ce corps tout à
l'heure"; aussitôt ils furent
contraints d'obéir, et elle fut
délivrée. Ces histoires
nous marquent quelle est la force du
saint Rosaire pour vaincre toutes
sortes de tentations des
démons et toutes sortes de
péchés, parce que les grains bénits
du Rosaire les mettent en fuite.
28 Rose
88. Saint Augustin assure qu'il
n'y a point d'exercice si
fructueux et si utile au salut que
de penser souvent aux
souffrances de Notre-Seigneur. Le
bienheureux Albert le Grand,
maître de saint Thomas, a
su par révélation que le simple
souvenir ou la méditation
de la passion de Jésus-Christ est
plus méritoire au chrétien
que de jeûner pendant un an tous
les vendredis au pain et à
l'eau, ou de prendre la discipline
jusqu'au sang toutes les semaines,
ou de réciter tous les
jours le psautier. Ah! Quel est,
par conséquent, le mérite du
Rosaire, qui fait mémoire
de toute la vie et la passion de
Notre-Seigneur?
La sainte Vierge révéla
un jour, au bienheureux Alain de
la Roche, qu'après le saint
sacrifice de la messe, qui est la
première et la plus vive
mémoire de la passion de Jésus-
Christ, il n'y avait point de dévotion
plus excellente et plus
méritoire que le Rosaire,
qui est comme une seconde mémoire et
représentation de la vie
et de la passion de Jésus-Christ.
89. Le Révérend Père
Dorland rapporte que la sainte Vierge
dit un jour au vénérable
Dominique, chartreux, dévot du saint
Rosaire, qui résidait à
Trèves l'an 1481:
"Toutes les fois qu'un fidèle
récite le Rosaire avec les
méditations des mystères
de la vie et de la passion de Jésus-
Christ, en état de grâce,
il obtient pleine et entière
rémission de tous ses péchés".
Elle dit aussi au bienheureux Alain:
"Sachez qu'encore
qu'il y ait quantité d'indulgences
données à mon Rosaire, j'y
en ajouterai beaucoup davantage
pour chaque cinquantaine à
ceux qui le réciteront sans
péché mortel, à genoux,
dévotement, et quiconque
persévèrera dans la dévotion du saint
Rosaire avec ces articles et méditations,
je lui obtiendrai,
pour récompense de ce bon
service, pleine rémission de la
peine et de la coulpe de tous ses
péchés à la fin de la vie.
Et que cela ne te semble pas incroyable;
il m'est facile,
puisque je suis la Mère du
Roi des cieux, qui m'appelle pleine
de grâce, et, si j'en suis
remplie, j'en ferai une ample
effusion à mes chers enfants".
90. Saint Dominique était
si bien persuadé de l'efficace et
mérite du saint Rosaire qu'il
ne donnait quasi point d'autre
pénitence à ceux qu'il
confessait, comme nous avons vu dans
l'histoire que j'ai rapportée
d'une dame romaine à qui il ne
donna pour pénitence qu'un
seul Rosaire.
Les confesseurs devraient aussi,
pour marcher sûrement
sur les traces de ce grand saint,
enjoindre aux pénitents le
Rosaire, avec la réflexion
sur les sacrés mystères, plutôt que
d'autres pénitences qui ne
sont pas d'un si grand mérite, ni
si agréables à Dieu,
ni si salutaires aux âmes pour les faire
avancer dans la vertu, ni si efficaces
pour les empêcher de
tomber dans le péché,
et de plus, en disant le Rosaire, on
gagne quantité d'indulgences
qui ne sont pas attachées à
plusieurs autres dévotions.
91. "Certes, dit l'abbé Blosius,
ce Rosaire, avec les
méditations de la vie et
de la passion, est très agréable à
Jésus-Christ et à
la sainte Vierge et très efficace pour
obtenir toutes choses; nous le pouvons
dire tant pour nous que
pour ceux qui nous sont recommandés
et pour toute l'Eglise.
Recourons donc à la dévotion
du saint Rosaire dans toutes nos
nécessités, et nous
obtiendrons infailliblement ce que nous
demanderons à Dieu pour notre
salut".
29 Rose
92. Il n'est rien de plus divin,
selon la pensée de saint
Denis, rien de plus noble ni de
plus agréable à Dieu, que de
coopérer au salut des âmes
et de renverser les machines du
démon qui tâche de
les perdre. C'est le motif qui a fait
descendre le Fils de Dieu en terre.
Il avait ruiné l'empire de
Satan par la fondation de l'Eglise,
mais ce tyran avait repris
ses forces et exercé une
cruelle violence sur les âmes des
Albigeois, par les haines, les dissensions
et par les vices
abominables qu'il faisait régner
dans le monde dans le onzième
siècle.
Quel remède à ces
grands désordres, comment abattre les
forces de Satan? La sainte Vierge,
protectrice de l'Eglise,
n'a point donné de moyen
plus efficace pour apaiser la colère
de son Fils, pour extirper l'hérésie
et réformer les moeurs
des chrétiens que la confrérie
du saint Rosaire, comme l'effet
l'a vérifié. Il a
renouvelé la charité, la fréquentation des
sacrements des premiers siècles
d'or de l'Eglise, réformé les
moeurs des chrétiens.
93. Le pape Léon X dit en
sa bulle que cette confrérie a été
fondée en l'honneur de Dieu
et de la sainte Vierge comme un
mur pour arrêter les malheurs
qui allaient fondre sur
l'Eglise.
Gregoire XIII dit que le Rosaire
a été donne du ciel
comme un moyen pour apaiser la colère
de Dieu et implorer
l'intercession de la sainte Vierge.
Jules 3 dit que le Rosaire a été
inspiré pour nous ouvrir
plus facilement le ciel, par les
faveurs de la sainte Vierge.
Paul III et le bienheureux Pie V
déclarent que le Rosaire
a été établi
et donné aux fidèles pour se procurer plus
efficacement le repos et la consolation
spirituelle. Qui
négligera d'entrer en une
confrérie instituée pour des fins
aussi nobles?
94. Le Père Dominique, chartreux,
fort dévot au Rosaire, vit
un jour le ciel ouvert et toute
la cour céleste rangée en un
ordre admirable et entendit chanter
le Rosaire, d'une mélodie
ravissante, honorant à chaque
dizaine un mystère de la vie, de
la passion et de la gloire de Jésus-Christ
et de la sainte
Vierge. Et il remarqua que quand
ils prononçaient le sacré nom
de Marie, ils faisaient tous une
inclination de la tête, et à
celui de Jésus, ils faisaient
tous une génuflexion et
rendaient grâces à
Dieu des grands biens qu'il a faits au ciel
et en la terre par le saint Rosaire.
Il vit aussi la sainte
Vierge et les saints présenter
à Dieu les Rosaires que les
confrères récitent
en terre, et prient pour ceux qui
pratiquent cette dévotion;
il vit encore d'innombrables
couronnes, de très belles
et odoriférantes fleurs, préparées
pour ceux qui récitent dévotement
le saint Rosaire, et
qu'autant de fois qu'ils le récitent
ils se font une couronne
dont ils seront parés au
ciel. La vision de ce dévot chartreux
est conforme à la vision
qu'eut le disciple bien-aimé, dans
laquelle il vit une multitude innombrable
d'anges et des
saints, qui louaient et bénissaient
Jésus-Christ pour tout ce
qu'il a fait et souffert dans ce
monde pour notre salut;
n'est-ce pas ce que font les dévots
confrères du Rosaire?
95. Il ne faut pas s'imaginer que
le Rosaire soit seulement
pour les femmes, et les petits et
les ignorants; il est aussi
pour les hommes, et les plus grands
hommes. D'abord que saint
Dominique eut rendu compte au pape
Innocent III de l'ordre
qu'il avait reçu du ciel,
d'établir cette sainte confrérie, le
Saint-Père l'approuva, exhorta
saint Dominique à le prêcher et
il voulut y être associé.
Les cardinaux mêmes l'embrassèrent
avec une grande ferveur, en sorte
que Lopez avance ces
paroles: "Nullum sexum, nullam aetatem,
nullam conditionem ab
oratione rosarii subtraxit se".
Ainsi on remarque, dans cette confrérie,
toutes sortes de
personnes: des ducs, des princes,
des rois, aussi bien que des
prélats, des cardinaux, souverains
pontifes, dont le
dénombrement serait trop
long pour cet abrégé; et vous
mettant, cher lecteur, en cette
confrérie, vous aurez part à
leur dévotion et leurs grâces
sur la terre et à leur gloire
dans le ciel. "Cum quibus consortium
vobis erit devotionis,
erit et communio dignitatis".
30 Rose
96. Si les privilèges, les
grâces et les indulgences rendent
une confrérie recommandable,
on peut dire que celle du Rosaire
est la plus recommandable de l'Eglise,
puisqu'elle est la plus
favorisée et enrichie d'indulgences,
et il n'y a presque point
de papes depuis son institution
qui n'aient ouvert les trésors
de l'Eglise pour la gratifier; et
comme l'exemple persuade
mieux que les paroles et les bienfaits,
les Saints Pères n'ont
pu mieux marquer l'estime qu'ils
faisaient de cette sainte
confrérie qu'en s'y associant
eux-mêmes.
Voici un petit abrégé
des indulgences que les Souverains
Pontifes ont entièrement
accordées à la confrérie du Saint
Rosaire, confirmées de nouveau
par notre Saint-Père le pape
Innocent 11e le 31 juillet 1679,
reçues et permises d'être
publiées par monseigneur
l'archevêque de Paris le 25 septembre
de la même année:
1 Pour le jour de l'entrée
dans la confrérie: indulgence
plénière;
2 Pour l'article de la mort: indulgence
plénière;
3 Pour chacun des trois chapelets
du Rosaire récités:
dix ans et dix quarantaines d'indulgences;
4 Pour chaque fois qu'ils prononceront
dévotement les
saints noms de Jésus et de
Marie; sept jours d'indulgences;
5 Pour ceux qui assisteront dévotement
à la procession
du saint Rosaire: sept ans et sept
quarantaines d'indulgences;
6 A ceux qui, vraiment pénitents
et confessés,
visiteront la chapelle du Rosaire
dans l'église où elle est
établie, les premiers dimanches
de chaque mois et les fêtes de
Notre-Seigneur et de la sainte Vierge:
indulgence plénière;
7 A ceux qui assistent au Salve
Regina: cent jours
d'indulgence;
8 A ceux qui dévotement et
pour montrer exemple portent
ouvertement le saint Rosaire; cent
jours d'indulgences;
9 Aux confrères malades,
qui ne pourront venir à
l'église, étant confessés
et communiés, réciteront le jour le
saint Rosaire ou du moins le chapelet:
indulgence plénière au
jour marqué pour la gagner;
10 Les Saints-Pères, par
une grande libéralité envers
les confrères du saint Rosaire,
leur ont donné la faculté de
gagner les indulgences des stations
de Rome, visitant cinq
autels, en recitant devant chacun
cinq fois le Pater et l'Ave,
pour l'heureux état de l'Eglise.
S'il n'y a qu'un autel ou
deux dans cette église, où
est le Rosaire établi, ils
réciteront 25 fois le Pater
et l'Ave devant cet autel.
97. Grande faveur pour les confrères
du saint Rosaire, parce
que dans les églises des
stations de Rome, il y a des
indulgences plénières,
des délivrances d'âmes du purgatoire et
plusieurs autres grandes rémissions
que les confrères peuvent
gagner sans peine, sans frais, sans
sortir de leurs pays; et
même, si la confrérie
n'est pas établie dans le lieu où
demeurent les confrères,
ils gagneront lesdites indulgences,
visitant cinq autels de quelque
église que ce soit, par la
concession de Léon dixième.
Voici les jours auxquels ils les
peuvent gagner,
déterminés et fixés,
pour ceux qui sont hors la ville de Rome,
par un décret de la Sacrée
Congrégation établié pour les
indulgences, approuvé par
notre Saint-Père le 7 mars 1678, qui
a ordonné qu'il sera inviolablement
observé:
Tous les dimanches de l'Avent; les
trois jours des
Quatre-Temps; la vigile de Noël,
aux messes de minuit, de
l'aurore et du jour; les fêtes
de saint Etienne, de saint Jean
l'Evangéliste, et des Innocents,
de la Circoncision et des
Rois; les dimanches de la Septuagésime,
Sexagésime,
Quinquagésime et, depuis
le jour des Cendres, tous les jours,
jusqu'au dimanche de la Quasimodo
inclusivement; les trois
jours des Rogations; le jour de
l'Ascension; la vigile de la
Pentecôte, et tous les jours
de l'octave et les trois jours de
Quatre-Temps de septembre.
Cher confrère du Rosaire,
il y a un grand nombre d'autres
indulgences. Si vous les voulez
voir, lisez le sommaire des
indulgences accordées aux
confrères du Rosaire. Vous y verrez
les noms des papes, l'année
et plusieurs autres particularités
que cet abrégé ne
souffre pas.
QUATRIEME DIZAINE
L'excellence du saint Rosaire dans
les merveilles que Dieu a opérées
en sa faveur.
31 Rose
98. Saint Dominique étant
allé visiter sainte Blanche, reine
de France, qui, depuis 12 ans qu'elle
était mariée, n'avait
point eu d'enfants, et donc elle
était fort affligée, lui
conseilla de dire son Rosaire tous
les jours, pour obtenir
cette grâce du diel, ce qu'elle
fit, et elle accoucha, l'an
1213, de son aîné qui
fut appelé Philippe. Mais la mort
l'ayant ravi en son berceau, la
dévote reine eut plus que
jamais recours à la sainte
Vierge et elle fit distribuer
quantité de Rosaires à
toute la cour et dans plusieurs villes
du royaume, afin que Dieu la comblât
d'une entière
bénédiction. Ce qui
arriva ainsi, car l'an 1215 saint Louis
vint au monde, la gloire de la France
et le modèle des rois
chrétiens.
99. Alphonse huitième, roi
d'Aragon et de Castille, fut, à
cause de ses péchés,
châtié de Dieu en plusieurs manières et
il fut contraint de se retirer dans
une ville de l'un de ses
alliés. Saint Domnique, se
rencontrant en cette même ville le
jour de Noël, y prêcha
à son ordinaire le Rosaire et les
grâces que l'on obtient de
Dieu par cette dévotion et dit,
entre autres choses, que ceux qui
le réciteraient dévotement
obtiendraient la victoire de leurs
ennemis et recouvreraient
tout ce qu'ils avaient perdu.
Le roi remarque bien ces paroles,
envoie quérir saint
Dominique et lui demande si ce qu'il
avait prêché du saint
Rosaire était véritable.
Le saint répondit qu'il n'en fallait
point douter et lui promit que s'il
voulait pratiquer cette
dévotion et s'enrôler
en la confrérie, il en verrait les
effets. Le roi se résolut
à réciter tous les jours le Rosaire,
et il continua pendant un an, et
le même jour de Noël, ayant
récité son Rosaire,
la sainte Vierge lui apparut et lui dit:
"Alphonse, il y a un an que tu me
sers dévotement par mon
Rosaire, je viens te récompenser.
Sache que j'ai obtenu de mon
Fils le pardon de tous tes péchés;
voilà un rosaire que je te
donne; porte-le sur toi, et jamais
aucun de tes ennemis ne te
pourra nuire". Elle disparut et
laissa le roi fort consolé; il
s'en retourna, tenant ce rosaire
à la main et, abordant la
reine, il lui raconta tout joyeux
la faveur qu'il venait de
recevoir de la sainte Vierge; il
lui toucha les yeux de ce
rosaire, elle recouvra la vue qu'elle
avait perdue.
Quelque temps après, le roi,
ayant ramassé quelques
troupes, avec l'aide de ses alliés,
attaqua hardiment ses
ennemis, les obligea de rendre ses
terres, de réparer ses
dommages, les chassa entièrement
et devint si heureux en
guerre que de tous côtés
il lui venait des soldats pour
combattre sous ses enseignes, parce
que les victoires
semblaient suivre partout ses batailles.
Il ne s'en faut pas
étonner, car il ne livrait
jamais de combats qu'après avoir
récité son Rosaire
à genoux; il faisait recevoir dans la
confrérie du saint Rosaire
toute sa cour et il obligeait ses
officiers et domestiques d'y être
dévots. La reine s'y engagea
aussi, et tous deux persévérèrent
au service de la sainte
Vierge et vécurent en grande
piété.
32 Rose (B. Alain, c.53)
100. Saint Dominique avait un cousin
nommé dom Perez ou Pedro,
qui menait une vie fort dissolue.
Ayant entendu que le saint
prêchait les merveilles du
saint Rosaire et que plusieurs se
convertissaient et changeaient de
vie par ce moyen, il dit:
"J'avais perdu l'espérance
de mon salut, mais je commence à
prendre courage, il faut que j'entende
cet homme de Dieu". Il
vint donc un jour au sermon de saint
Dominque. Quand le saint
le vit, il redoubla sa ferveur à
tonner contre les vices, et
il pria Dieu dans son coeur d'ouvrir
les yeux de son cousin
pour connaître l'état
misérable de son âme.
Dom Perez fut d'abord un peu effrayé;
mais il ne résolut
pas de se convertir; il retourna
une autre fois au sermon et
le saint, voyant que ce coeur endurci
ne se convertissait pas
sans quelque coup extraordinaire,
il cria tout haut: "Seigneur
Jésus, faites voir à
toute cette audience l'état où est celui
qui vient d'entrer en votre maison".
Alors tout le peuple vit dom Pérez
environné d'une troupe
de diables en forme de bêtes
horribles qui le tenaient lié
avec des chaînes de fer. Chacun
s'enfuit tout effrayé qui de-
çà, qui de-là,
et lui fut encore plus épouvanté de se voir
l'objet de l'horreur de tout le
monde. Saint Dominique les fit
tous arrêter et dit à
ce seigneur: "Connaissez, malheureux,
l'état déplorable
où vous êtes; jetez-vous aux pieds de la
sainte Vierge". Il lui envoya un
rosaire. "Prenez ce rosaire,
récitez-le avec dévotion
et repentance de vos péchés et faites
résolution de changer de
vie".
Il se mit à genoux, récita
le Rosaire; il se sentit
inspiré de se confesser,
ce qu'il fit avec une grande
contrition. Le saint lui ordonna
de dire tous les jours le
saint Rosaire; il promit de le faire;
il écrivit lui-même son
nom dans la confrérie. Son
visage, qui auparavant avait
effrayé tout le monde, parut,
sortant de l'église, brillant
comme celui d'un ange. Il persévéra
dans la dévotion du
Rosaire, mena une vie fort réglée
et mourut heureusement.
33 Rose
101. Saint Dominique, prêchant
près de Carcassone le saint
Rosaire, on lui amena un hérétique
albigeois possédé par le
démon. Le saint l'exorcisa
en présence d'une grande multitude
de peuple; on tient qu'il y avait
plus de douze mille hommes à
l'entendre. Les démons, qui
possédaient ce pauvre misérable,
étant obligés de répondre
malgré eux aux interrogations que le
saint leur faisait, dirent:
[1.] Qu'ils étaient quinze
mille dans le corps de ce
misérable, parce qu'il avait
attaqué les quinze mystères du
Rosaire;
2. Que, par le Rosaire qu'il prêchait,
il mettait la
terreur et l'épouvante dans
tout l'enfer, et qu'il était
l'homme du monde qu'ils haïssaient
davantage à cause des âmes
qu'il leur enlevait par la dévotion
du Rosaire;
3. Ils révélèrent
plusieurs autres particularités.
Saint Dominique, ayant jeté
son rosaire au cou du
possédé, leur demanda
qui, de tous les saints du ciel, ils
craignaient davantage et devait
être plus aimé et honoré des
hommes.
A cette interrogation, ils firent
des cris si
épouvantables que la plupart
des auditeurs, saisis d'effroi,
tombèrent par terre. Ensuite,
ces malins esprits, pour ne pas
répondre, pleurèrent
et se lamentèrent d'une manière si
pitoyable, si touchante, que plusieurs
des assistants en
pleurèrent eux-mêmes,
par une pitié naturelle. Ils disaient
par la bouche du possédé
d'un ton de voix lamantable:
"Dominique, Dominique, aie pitié
de nous, nous te promettons
que nous ne te nuirons jamais.
Toi qui as tant pitié des
pécheurs et misérables, aie
pitié de nous, misérables.
Hélas, nous souffrons, pourquoi
prends-tu plaisir à augmenter
nos peines? Contente-toi des
peines que nous endurons. Miséricorde!
miséricorde!
miséricorde!"
102. Le saint, sans être touché
des paroles tendres de ces
esprits malheureux, leur répondit
qu'il ne cesserait de les
tourmenter jusqu'à ce qu'ils
eussent répondu à la question.
Les démons lui dirent qu'ils
y répondraient, mais en secret et
à l'oreille, et non pas devant
tout le monde. Le saint incite
et leur commande de parler et répondre
tout haut. Les diables
ne voulurent plus dire mot, quelque
commandement qu'il leur
fit.
Il se mit à genoux et fit
cette prière à la sainte
Vierge: "O excellentissima Virgo
Maria, per virtutem psalterii
et rosarii tui, compelle hos humani
generis hostes questioni
meae satisfacere. - O très
sainte Vierge Marie, par la vertu
du saint Rosaire, ordonnez à
ces ennemis du genre humain de
répondre à ma question".
Cette prière étant
faite, voilà qu'une flamme ardente
sortit des oreilles, des narines
et de la bouche du possédé,
qui fit trembler tout le monde,
mais cependant qui ne fit de
mal à personne. Alors les
diables s'écrièrent: "Dominique,
nous te prions, par la passion de
Jésus-Christ et par les
mérites de sa sainte Mère
et de tous les saints, que tu nous
permettes de sortir de ce corps
sans rien dire; car les anges,
quand tu le voudras, te le révèleront.
Ne sommes-nous pas des
menteurs? Pourquoi veux-tu nous
croire? Ne nous tourmente pas
davantage, aie pitié de nous".
"Malheureux que vous êtes,
indignes d'être exaucés", dit
saint Dominique, qui, se mettant
encore à genoux, fit sa
prière à la sainte
Vierge: "O Mater sapientiae dignissima et
de cujus salutatione quomodo illa
fieri debeat jam edoctus est
populus; pro salute populi circunstantis
rogo: Coge hosce tuos
adversarios, ut plenam et sinceram
veritatem palam hic
profiteantur". Il n'eut pas plus
tôt fini sa prière, qu'il vit
la sainte Vierge auprès de
lui, entourée d'une grande
multitude d'anges, qui, avec une
verge d'or qu'elle tenait à
la main, frappait le démoniaque
en lui disant: "Réponds à mon
serviteur Dominique, selon sa demande".
Il faut remarquer que
le peuple n'entendait ni ne voyait
point la sainte Vierge; il
n'y avait que saint Dominique.
103. Alors les démons commencèrent
à s'écrier en disant: "O
inimica nostra, ô nostra damnatrix,
ô nostra inimica, ô nostra
domnatrix, ô confusio nostra,
quare de coelo descendisti, ut
nos hic ita torqueres? Per te quae
infernum evacuas et pro
peccatoribus tanquam potens advocata
exoras; ô Via coeli
certissima et securissima, cogimur
sine mora et intermissione
ulla, nobis quamvis invitis, et
contra nitentibus, totam rei
proferre veritatem. Nunc declarandum
nobis est simulque
publicandum ipsum medium et modus
quo ipsimet confundamur,
unde vae et maledictio in aeternum
nostris tenebrarum
principibus.
Audite igitur vos, christiani. Haec
christi Mater
potentissima est in preservandis
suis servis quominus
precipites ruant in baratrum nostrum
inferni. Illa est quae
dissipat et enervat, ut sol, tenebras
omnium machinarum et
astutiarum nostrarum, detegit omnes
fallacias nostras et ad
nihilum redegit omnes nostras tentationes.
Coactique fatemur
neminem nobiscum damnari qui ejus
sancto cultui et pio
obsequio devotus perseverat. Unicum
ipsius suspirum, ab ispa
et per ipsam sanctissimae Trinitati
oblatum, superat et
excedit omnium sanctorum preces,
atque pium et sanctum eorum
votum et desiderium, magisque eum
formidamus quam omnes
paradisi sanctos; nec contra fideles
ejus famulos quidquam
praevalere possumus.
Notum sit etiam vobis plurimos christianos
in hora mortis
ipsam invocantes contra nostra jura
salvari, et nisi Marietta
illa obstitisset nostrosque conatus
repressisset, a longo jam
tempore totam Ecclesiam exterminassemus,
nam saepissime
universos Ecclesiae status et ordines
a fide deficere
fecissemus. Imo planius et plenius
vi et necessita compulsi,
adhuc vobis dicimus, nullum in exercitio
Rosarii sive
psalterii ejus perseverantem aeternos
suis veram impetrat
contritionem qua fit ut peccata
sua confiteantur, et eorum
indulgentiam a Deo consequantur."
104. C'est-à-dire en français:
"O notre ennemie, ô notre
ruine, ô notre confusion,
pourquoi êtes-vous venue exprès du
ciel pour nous tourmenter si fort?
Faut-il que, malgré nous, ô
avocate des pécheurs qui
les retirez des enfers, ô chemin très
assuré du paradis, nous soyons
obligés de dire toute la
vérité? Faut-il que
nous confessions devant tout le monde ce
qui sera la cause de notre confusion
et de notre ruine?
Malheur à nous, malheur à
nos princes des ténèbres. Ecoutez
donc, chrétiens. Cette Mère
de Jésus-Christ est toute
puissante pour empêcher que
ses serviteurs ne tombent en
enfer; c'est elle qui, comme un
soleil, dissipe les ténèbres
de nos mines, qui rompt nos pièges
et rend toutes nos
tentations inutiles et sans effet.
Nous sommes contraints
d'avouer qu'aucun de ceux qui persévèrent
dans son service
n'est damné avec nous. Un
seul de ses soupirs, qu'elle offre à
la Sainte-Trinité, surpasse
toutes les prières, les voeux et
les désirs de tous les saints.
Nous la craignons plus que tous
les bienheureux ensemble et nous
ne pouvons rien contre ses
fidèles serviteurs.
Plusieurs chrétiens mêmes
qui l'invoquent à la mort, et
qui devraient selon nos lois ordinaires
être damnés, sont
sauvés par son intercession.
Ah! si cette Mariette (c'est
ainsi que leur rage la faisait appeler)
ne s'était opposée à
nos desseins et à nos efforts,
nous aurions depuis longtemps
renversé et détruit
l'Eglise et fait tomber tous ses ordres
dans l'erreur et l'infidélité.
Nous protestons de plus, par la
violence qu'on nous fait, qu'aucun
de ceux qui persévèrent à
dire le Rosaire n'est damné;
car elle obtient à ses dévots
serviteurs une vraie contrition
de leurs péchés par laquelle
ils en obtiennent le pardon et l'indulgence".
Alors saint Dominique fit réciter
le Rosaire à tout le
peuple, fort lentement et dévotement,
et, à chaque Ave Maria
que le saint et le peuple récitaient
(chose étonnante), il
sortait du corps de ce malheureux
une grande multitude de
démons, en forme de charbons
ardents. Les démons étant tous
sortis et l'hérétique
fut tout à fait délivré, la sainte
Vierge donna, quoique invisiblement,
sa bénédiction à tout le
peuple, qui en ressentit une joie
très sensible. Ce miracle
fut cause qu'un grand nombre d'hérétiques
se convertirent et
se mirent de la confrérie
du saint Rosaire.
34 Rose (B. Alain, 2e p., c.17)
105. Qui pourrait raconter les victoire
que Simon, comte de
Montfort, a remportées sur
les Albigeois sous la protection de
Notre-Dame du Rosaire? Elles sont
si fameuses que le monde
n'en a jamais vu de pareilles. Il
défit une fois dix mille
hérétiques avec cinq
cents hommes; une autre fois, avec
trente, il demeura vainqueur de
trois mille; ensuite avec
huits cents cavaliers et mille hommes
d'infanterie, il tailla
en pièces l'armée
du roi d'Aragon, composée de cent mille
hommes, sans perdre qu'un seul cavalier
et huit soldats des
siens.
106. De quels dangers la sainte Vierge
a-t-elle délivré Alain
de l'Anvallay, chevalier breton,
qui combattait pour la foi
contre les Albigeois! Un jour, étant
environné de ses ennemis
de tous côtés, la sainte
Vierge lança contre eux cent
cinquante pierres et le délivra
de leurs mains.
Un autre jour, son vaisseau ayant
fait naufrage et étant
près d'abîmer, cette
bonne Mère lui fit paraître cent
cinquante petites collines par sur
lesquelles il aborda en
Bretagne. Et en mémoire des
miracles que la sainte Vierge
avait faits en sa faveur à
cause d'un Rosaire qu'il récitait
tous les jours, il prépara
un couvent à Dinan pour loger les
religieux du nouvel ordre de saint
Dominique et, s'étant fait
religieux, il mourut saintement
à Orléans.
107. Othère, de même
soldat breton de Vaucouleurs, a souvent
mis en fuite des compagnies entières
d'hérétiques et de
voleurs, portant son rosaire au
bras et à la garde de son
épée. Ses ennemis,
après avoir été vaincus, lui ont avoué
qu'ils avaient vu son épée
toute éclatante et une fois un
bouclier à son bras, dans
lequel Jésus-Christ, la sainte
Vierge et les saints étaient
dépeints, le rendaient invincible
et lui donnaient la force de bien
charger.
Une fois, avec dix compagnies, il
défit vingt mille
hérétiques sans perdre
un seul des siens, ce qui toucha
tellement le général
de l'armée hérétique, qu'il vint trouver
Othère, abjura son hérésie
et déclara qu'il l'avait vu couvert
d'armes de feu dans le combat.
35 Rose (B. Alain, 4e p. c 40)
108. Le bienheureux Alain rapporte
qu'un cardinal nommé
Pierre, du titre de Sainte-Marie
delà le Tibre, instruit par
saint Dominique, son ami intime,
de la dévotion au saint
Rosaire, s'y affectionna tellement
qu'il en devint le
panégyriste et le persuadait
à tous. Le cardinal fut envoyé
légat dans la Terre Sainte
vers les chrétiens qui étaient
croisés contre les Sarrasins.
Il persuada si bien l'efficace
du Rosaire à l'armée
chrétienne que tous l'ayant embrassé pour
implorer le secours du ciel dans
un combat, où ils n'étaient
que trois mille, ils triomphèrent
de cent mille.
Les démons, comme nous avons
vu, craignaient infiniment
le Rosaire. Saint Bernard dit que
la Salutation angélique leur
donne la chasse et fait frémir
l'enfer. Le bienheureux Alain
assure qu'il a vu plusieurs personnes,
qui s'étaient livrées
au diable corps et âme, en
renonçant au baptême et à Jésus-
Christ, et puis, après avoir
pris la dévotion du saint
Rosaire, ont été délivrés
de sa tyrannie.
36 Rose
109. L'an 1578, une femme d'Anvers
s'était donnée au démon par
une cédule signée
de son sang. Quelque temps après, elle en
eut un sensible regret et un grand
désir de réparer le mal
qu'elle avait fait. Elle chercha
un confesseur prudent et
charitable, pour savoir par quel
moyen elle pourrait être
affranchie de la puissance du diable.
Elle trouva un prêtre sage
et dévot, qui lui conseilla
d'aller trouver le père Henri,
directeur de la confrérie du
saint Rosaire, du couvent de Saint-Dominique,
pour s'y faire
enrôler et se confesser. Elle
le demanda et, au lieu du Père,
elle trouva le diable, sous la figure
d'un religieux, qui la
reprit sévèrement
et lui dit qu'elle n'avait plus de grâces à
espérer de Dieu, ni de moyen
de révoquer ce qu'elle avait
signé, ce qui l'affligea
fort. Mais elle ne perdit pas toute
espérance en la miséricorde
de Dieu, elle retourna encore
chercher le Père et elle
trouva encore le diable, qui la
rebuta comme auparavant. Elle retourna
pour la troisième fois
et elle trouva par la permission
divine le père Henri qu'elle
cherchait, qui la reçut charitablement,
l'exhorta à se confier
en la bonté de Dieu et à
faire une bonne confession; il la
reçut dans la confrérie
et lui ordonna de réciter souvent le
Rosaire. Un jour, pendant la Messe
que le Père célébrait pour
elle, la sainte Vierge força
le diable de lui rendre la cédule
qu'elle avait signée; et
ainsi elle fut délivrée par
l'autorité de Marie et la
dévotion du saint Rosaire.
37 Rose
110. Un seigneur qui avait plusieurs
enfants mit une de ses
filles dans un monastère
entièrement déréglé, où les
religieuses ne respiraient que la
vanité et les plaisirs. Le
confesseur, homme fervent et dévot
au saint Rosaire, désirant
d'abord conduire cette jeune religieuse
dans les pratiques
d'une meilleure vie, lui ordonna
de réciter tous les jours le
Rosaire en l'honneur de la sainte
Vierge, méditant la vie, la
passion et la gloire de Jésus-Christ
Elle agréa fort cette
dévotion; peu à peu
elle eut du dégoût du dérèglement de ses
soeurs; elle commença à
aimer le silence et l'oraison, malgré
les mépris et les railleries
des autres, qui la traitaient de
bigote.
En ce temps-là, un saint
abbé, étant allé faire la visite
dans ce monastère, eut une
étrange vision, en son oraison; il
lui sembla voir une religieuse dans
sa chambre en oraison,
devant une grande dame d'une beauté
admirable, accompagnée
d'une troupe d'anges, lesquels à
coup de dards enflammés
chassaient une multitude de démons
qui voulaient entrer. Et
ces esprits malins s'enfuyaient
aux chambres des autres
religieuses, sous la figure de sales
animaux, pour les exciter
au péché auquel plusieurs
donnaient entrée.
L'abbé connut, par cette
vision, l'état malheureux de ce
monastère et pensa mourir
de tristesse; il fit venir la jeune
religieuse et l'exhorta à
la persévérance. En faisant
réflexion sur l'excellence
du Rosaire, il prit dessein de
réformer ces religieuses
par cette dévotion. Il acheta de
beaux rosaires qu'il donna à
toutes les religieuses, les
persuadant de le réciter
tous les jours et leur promit, si
elles voulaient bien le faire, de
ne les contraindre jamais de
se réformer. Elles reçurent
agréablement ces rosaires et
promirent de les réciter
à cette condition. (Chose admirable!)
Peu à peu elles quittèrent
leurs vanités, se portèrent au
silence et à la récollection,
et en moins d'un an, elles
demandèrent toutes la réforme.
Le Rosaire opéra plus sur leurs
coeurs que l'abbé n'aurait
pu gagner par ses exhortations et
son autorité.
38 Rose
111. Une comtesse d'Espagne, ayant
été instruite dans la
dévotion du saint Rosaire
par saint Dominique, le disait tous
les jours avec des avancements merveilleux
dans la vertu.
Comme elle ne respirait que la perfection,
elle demanda un
jour à un prélat et
fameux prédicateur quelques pratiques de
perfection. Ce prélat lui
dit qu'il fallait, auparavant, lui
déclarer l'état de
son âme et ses exercices de piété; elle lui
dit que le principal était
le Rosaire, qu'elle récitait tous
les jours, méditant les mystères
joyeux, douloureux et
glorieux avec un grand profit spirituel
de son âme. L'évêque,
ravi d'entendre expliquer les rares
instructions qui sont
renfermées dans les mystères,
lui dit: "Il y a vingt ans que
je suis docteur en théologie,
j'ai lu quantité d'excellentes
pratiques de dévotion; mais
je n'en ai pas connu de plus
fructueuse ni de plus conforme au
christianisme. Je veux vous
imiter, je prêcherai le Rosaire".
Il le fit avec un si heureux
succès, qu'à peut
de temps il vit un très grand changement de
moeurs en son diocèse, plusieurs
conversions, restitutions et
réconciliations; les débauches,
le jeu, le luxe cessèrent; la
paix dans les familles, la dévotion
et la charité commencèrent
à fleurir. Changement d'autant
plus admirable que cet évêque
avait beaucoup travaillé
à réformer son diocèse avec très peu
de fruit.
Pour mieux persuader la dévotion
du Rosaire, il en
portait un beau à son côté
et le montrait à ses auditeurs. Il
disait: "Sachez, mes frères,
que le Rosaire de la sainte
Vierge est si excellent, que moi,
qui suis votre évêque,
docteur en théologie, en
l'un et l'autre droit, je fais gloire
de le porter toujours comme la plus
illustre marque de mon
épiscopat et doctorat".
39 Rose
112. Un recteur d'une paroisse de
Danemark racontait souvent,
à la plus grande gloire de
Dieu et avec une grande joie de son
âme, qu'il avait vu un pareil
fruit de la dévotion du Rosaire
dans sa paroisse, que cet évêque
dans son diocèse.
"J'avais, disait-il, prêché
toutes les matières les plus
pressantes et les plus fructueuses,
sans aucun profit; je ne
voyais aucun amendement dans ma
paroisse; enfin je fis
résolution de prêcher
le saint Rosaire, j'en expliquai
l'excellence et sa pratique, et
je proteste qu'après avoir
fait goûter cette dévotion
à mon peuple, je vis un changement
évident dans six mois.
Tant il est véritable que
cette divine prière a une
onction toute divine pour toucher
les coeurs et leur inspirer
l'horreur du péché
et l'amour de la vertu".
La sainte Vierge dit un jour au
bienheureux Alain: "Comme
Dieu a choisi le salut angélique
pour l'Incarnation de son
Verbe et la Rédemption des
hommes, ainsi, ceux qui désirent
réformer les moeurs des peuples
et les régénérer en Jésus-
Christ me doivent honorer et saluer
par le même salut. Je
suis, ajoute-t-elle, la voie par
laquelle Dieu est venu aux
hommes et il faut qu'après
Jésus-Christ ils obtiennent la
grâce et les vertus par mon
moyen".
113. Pour moi, qui écris,
j'ai appris, par ma propre
expérience, la force de cette
prière pour convertir les
coeurs les plus endurcis. J'en ai
trouvé sur lesquels toutes
les plus terribles vérités
prêchées dans une mission n'avaient
fait aucune impression et qui, pour
avoir, par mon conseil,
pris la pratique de réciter
tous les jours le Rosaire, se sont
convertis et donnés tout
à Dieu.
J'ai vu une infinie différence
entre les moeurs des
peuples des paroisses où
j'avais fait des missions, parce que
les uns, ayant quitté la
pratique du chapelet et du Rosaire,
étaient retombés dans
leurs péchés; et les autres, pour
l'avoir conservée, s'étaient
conservés dans la grâce de Dieu
et augmentaient tous les jours dans
la vertu.
40 Rose
114. Le bienheureux Alain de la
Roche, le Père Jean Dumont, le
Père Thomas, les chroniques
de saint Dominique et d'autres
auteurs qui ont été
souvent témoins oculaires, rapportent
d'une grande quantité de
conversions miraculeuses de pécheurs
et pécheresses, qui, depuis
20, 30 et 40 ans étaient dans les
derniers désordres, que rien
n'avait pu les convertir et qui
l'ont été par cette
dévotion merveilleuse. Je ne les
rapporterai point, de peur d'une
trop grande longueur.
Je ne veux pas même rapporter
celles que j'ai vues moi-
même, de mes propres yeux;
je les passe sous silence pour
plusieurs raisons.
Cher lecteur, par votre expérience,
si vous pratiquez et
prêchez cette dévotion,
vous en apprendrez plus qu'en aucun
livre et vous expérimenterez
heureusement l'effet des
promesses qu'a faites la sainte
Vierge à saint Dominique, au
bienheureux Alain de la Roche et
à ceux qui font fleurir cette
dévotion qui lui est si agréable,
qui instruit les peuples des
vertus de son Fils et des siennes,
porte à l'oraison mentale,
à l'imitation de Jésus-Christ,
à la fréquentation des
sacrements, à la pratique
solide des vertus, et de toutes
sortes de bonnes oeuvres, à
gagner tant de belles indulgences
que les peuples ignorent parce que
les prédicateurs de cette
dévotion n'en parlent quasi
jamais et se contentent de faire
un sermon du Rosaire, à la
mode, bien souvent qui ne cause que
de l'admiration, point d'instruction.
115. Enfin, je me contente de vous
dire, avec le bienheureux
Alain de la Roche, que le Rosaire
est une source et un magasin
de toutes sortes de biens:
1 P Peccatoribus praestat poenitentiam;
2 S Sitientibus stillat satietatem;
3 A Alligatis adducit absolutionem;
4 L Lugentibus largitur laetitiam;
5 T Tentatis tradit tranquillitatem;
6 E Egenis expellit egestatem;
7 R Religiosis reddit reformationem;
8 I Ignorantibus inducit intelligentiam;
9 V Vivis vincit vastitatem;
10 M Mortuis mittit misericordian
per modum suffragii.
"Volo", dit un jour la sainte Vierge
au bienheureux
Alain, "ut psaltae mei in vita et
in morte, et post mortem
habeant benedictionem, gratiae plenitudinem
ac libertatem,
inmunesque sint a caecitate, obduratione,
inopia ac
servitute":
Je veux que les dévots de
mon Rosaire aient la grâce et
la bénédiction de
mon Fils pendant leur vie, à leur mort, et
après leur mort, et qu'ils
soient affranchis de toutes sortes
d'esclavages et qu'ils soient des
rois, qu'ils aient la
couronne sur la tête, le sceptre
à la main et la gloire
éternelle. Ainsi soit-il.
CINQUIEME DIZAINE
41 Rose
LA MANIERE SAINTE DE RÉCITER
LE ROSAIRE.
116. Ce n'est pas proprement la
longueur, mais la ferveur de
la prière, qui plaît
à Dieu et qui lui gagne le coeur. Un seul
Ave Maria bien dit est d'un plus
grand mérite que cent
cinquante mal dits. Presque tous
les chrétiens catholiques
récitent le Rosaire, le chapelet
ou du moins quelques dizaines
d'Ave. Pourquoi donc y en a-t-il
si peu qui se corrigent de
leurs péchés et s'avancent
dans la vertu, sinon parce qu'ils
ne font pas ces prières comme
il faut.
117. Voyons donc la manière
qu'il faut les réciter pour plaire
à Dieu et devenir plus saints.
Premièrement il faut que
la personne qui récite le saint
Rosaire soit en état de grâce
ou du moins dans la résolution
de sortir de son péché,
parce que toute la théologie nous
enseigne que les bonnes oeuvres
et les prières faites en péché
mortel, sont des oeuvres mortes,
qui ne peuvent être agréables
à Dieu ni mériter
la vie éternelle; c'est en ce sens qu'il est
écrit: "Non est speciosa
laus in ore peccatoris: La louange ne
sied pas à la bouche du pécheur"
(Si 15,9).
La louange et le salut de l'ange
et l'Oraison même de
Jésus-Christ n'est pas agréable
à Dieu lorsqu'elle sort de la
bouche d'un pécheur impénitent:
"Populus hic labiis me honorat,
cor autem eorum longe est
a me" (Mc 7,6)
Ces personnes qui se mettent de
mes confréries, (dit
Jésus-Christ), qui récitent
tous les jours le chapelet ou le
Rosaire, sans aucune contrition
de leurs péchés, m'honorent de
leurs lèvres, mais leur coeur
est bien éloigné de moi.
[2] J'ai dit: "ou du moins dans
la résolution de sortir
du péché", 1 parce
que s'il fallait absolument être en grâce
de Dieu pour faire des prières
qui lui fussent agréables, il
s'ensuivrait que ceux qui sont en
péché mortel ne devraient
point du tout prier, quoiqu'ils
en aient plus de besoin que
les justes, ce qui est une erreur
condamnée par l'Eglise, et,
ainsi, il ne faudrait jamais conseiller
à un pécheur de dire
son chapelet ou son Rosaire parce
qu'il lui serait inutile; 2
parce que, si avec la volonté
de demeurer dans le péché, et
sans aucune intention d'en sortir,
on s'enrôlait dans une
confrérie de la sainte Vierge,
ou on récitait le chaplet, le
Rosaire ou quelque autre prière,
on se rendrait du nombre des
faux dévots de la sainte
Vierge, et dévots présomptueux et
impénitents, qui, sous le
manteau de la sainte Vierge, avec le
scapulaire sur leur corps ou le
Rosaire à la main, crient:
Sainte Vierge, bonne Vierge, je
vous salue, Marie, et
cependant crucifient et déchirent
cruellement Jésus-Christ par
leurs péchés et tombent
malheureusement, du milieu des plus
saintes confréries de la
sainte Vierge, dans le milieu des
flammes de l'enfer.
118. Nous conseillons le saint Rosaire
à tout le monde: aux
justes pour persévérer
et croître dans la grâce de Dieu, et
aux pécheurs pour sortir
de leurs péchés. Mais à Dieu ne
plaise que nous exhortions un pécheur
à faire du manteau de la
protection de la sainte Vierge,
un manteau de damnation pour
voiler ses crimes, et à changer
le Rosaire, qui est un remède
à tous maux, en un poison
mortel et funeste. Corruptio optimi
pessima.
Il faut être un ange en pureté,
dit le savant Hugues,
cardinal, pour approcher de la sainte
Vierge et réciter la
Salutation angélique. Elle
fit un jour voir à un impudique,
qui récitait le saint Rosaire
régulièrement tous les jours, de
beaux fruits dans un vaisseau souillé
d'ordures; il en eut
horreur, et elle lui dit: "Voilà
comme tu me sers, tu me
présentes de belles roses
dans un vaisseau sale et corrompu.
Juge si je puis les avoir agréables".
42 Rose
119. Il ne suffit pas, pour bien
prier, d'exprimer nos
demandes par la plus excellente
de toutes les manières
d'oraison qui est le Rosaire, mais
il faut encore y apporter
une grande attention, car Dieu écoute
plutôt la voix du coeur
que celle de la bouche. Prier Dieu
avec des distractions
volontaires serait une grande irrévérence,
qui rendrait nos
Rosaires infructueux et nous remplirait
de péchés. Comment
ose-t-on demander à Dieu
qu'il nous écoute, si nous ne nous
écoutons pas nous-mêmes,
et si, pendant que nous prions cette
redoutable majesté qui fait
tout trembler, nous nous arrêtions
volontairement à courir après
un papillon? C'est éloigner de
soi la bénédiction
de ce grand Seigneur et la changer dans la
malédiction portée
contre ceux qui font l'oeuvre de Dieu
négligemment: Maledictus
qui facit opus Dei negligenter (Jr
48,10).
120. Vous ne pouvez pas, à
la vérité, réciter votre Rosaire
sans avoir quelques distractions
involontaires; il est même
bien difficile de dire un Ave Maria
sans que votre imagination
toujours remuante ne vous ôte
quelque chose de votre
attention; mais vous pouvez le réciter
sans distractions
volontaires, et vous devez prendre
toutes sortes de moyens
pour diminuer les involontaires
et fixer votre imagination.
A cet effet, mettez-vous en la présence
de Dieu, croyez
que Dieu et sa sainte Mère
vous regardent, que votre bon Ange
à votre main droite prend
vos Ave Maria comme autant de roses,
s'ils sont bien dits, pour en faire
une couronne à Jésus et à
Marie, et qu'au contraire, le démon
est à votre gauche et rôde
autour de vous, pour dévorer
vos Ave Maria et les marquer sur
son livre de mort, s'ils ne sont
pas dits avec attention,
dévotion et modestie; surtout
ne manquez pas de faire les
offrandes des dizaines en l'honneur
des mystères, et de vous
représenter, dans l'imagination,
Notre-Seigneur et sa sainte
Mère dans le mystère
que vous honorez.
121. On lit dans la vie du bienheureux
Herman, de l'ordre des
Prémontrés, que, lorsqu'il
disait le Rosaire avec attention et
dévotion, en méditant
les mystères, la sainte Vierge lui
apparaissait toute brillante de
lumière, avec une beauté et
majesté ravissantes. Mais
ensuite, sa dévotion s'étant
refroidie et ne récitant
plus son Rosaire qu'à la hâte, et
sans attention, elle lui apparut
le visage tout ridé, triste
et désagréable. Herman,
étonné d'un tel changement, la sainte
Vierge lui dit: "Je parais telle
devant tes yeux, que je suis
à présent dans ton
âme,
car tu ne me traites plus que comme
une personne vile et méprisable.
Où est le temps que tu me
saluais avec respect et attention,
en méditant mes mystères et
admirant mes grandeurs?"
45 Rose
122. Comme il n'y a point de prière
plus méritoire à l'âme et
plus glorieuse à Jésus
et à Marie que le Rosaire bien dit, il
n'y en a point aussi qui soit plus
difficile à bien dire et
dans laquelle il soit plus difficile
de persévérer, à cause
particulièrement des distractions
qui viennent comme
naturellement dans la répétition
si fréquente de la même
prière.
Lorsqu'on dit l'office de la sainte
Vierge, ou les sept
psaumes, ou quelques autres prières
que le chapelet ou le
Rosaire, le changement ou la diversité
des termes dont ces
prières sont conçues
arrêtent l'imagination et recréent
l'esprit, et par conséquent
donnent facilité à l'âme pour les
bien réciter. Mais dans le
Rosaire, comme on y a toujours le
même Pater et Ave à
dire, et la même forme à garder, il est
bien difficile qu'on ne s'y ennuie,
qu'on ne s'y endorme et
qu'on ne l'abandonne, pour prendre
d'autres prières plus
récréatives et moins
ennuyeuses. C'est ce qui fait qu'il faut
infiniment plus de dévotion
pour persévérer dans la récitation
du saint Rosaire que d'aucune autre
prière, quand ce serait le
psautier de David.
123. Ce qui augmente cette difficulté,
c'est notre
imagination, qui est si volage qu'elle
n'est pas quasi un
moment en repos, et la malice du
démon si infatigable à nous
distraire et à nous empêcher
de prier. Que ne fait point ce
malin esprit contre nous, tandis
que nous sommes à dire notre
Rosaire contre lui? Il augmente
notre langueur et notre
négligence naturelles. Avant
de commencer notre prière, il
augmente notre ennui, nos distractions
et nos accablements;
pendant que nous le prions, il nous
accable de tous côtés, et
il nous sifflera après que
nous l'aurons dit avec beaucoup de
peines et de distractions: "Tu n'a
rien dit qui vaille; ton
chapelet, ton Rosaire, ne vaut rien,
tu ferais bien mieux de
travailler et de faire tes affaires;
tu perds ton temps à
réciter tant de prières
vocales sans attention; une demi-heure
de méditation ou de bonne
lecture vaudrait bien mieux. Demain,
que tu seras moins endormi, tu prieras
avec plus d'attention,
remets le reste de ton Rosaire à
demain". Ainsi le diable, par
ses artifices, fait souvent quitter
le Rosaire tout à fait ou
en partie, ou fait prendre le change
ou le fait différer.
124. Ne le croyez pas, cher confrère
du Rosaire, et prenez
courage, quoique pendant tout votre
Rosaire votre imagination
n'ait été remplie
que d'imaginations et pensées extravagantes
que vous avez tâché
de chasser le mieux que vous avez pu,
quand vous vous en êtes aperçu.
Votre Rosaire est d'autant
meilleur qu'il est difficile; il
est d'autant plus difficile
qu'il est naturellement moins agréable
à l'âme et qu'il est
plus rempli de misérables
petites mouches et fourmis, qui, ne
faisant que courir çà
et là dans l'imagination malgré la
volonté, ne [lui] donnent
pas à l'âme le temps de goûter ce
qu'elle dit et de se reposer dans
la paix.
125. S'il faut que vous combattiez
pendant tout votre Rosaire,
contre les distractions qui vous
viennent, combattez
vaillamment les armes au poing,
c'est-à-dire en continuant
votre Rosaire, quoique sans aucun
goût ni consolation
sensible: c'est un terrible combat,
mais salutaire à l'âme
fidèle. Si vous mettez les
armes bas, c'est-à-dire si vous
quittez votre Rosaire, vous êtes
vaincu, et pour lors, le
diable, comme vainqueur de votre
fermeté, vous laissera en
paix et vous reprochera au jour
du jugement votre
pusillanimité et infidélité.
"Qui fidelis est in minimo et in
majori fidelis est : Celui qui est
fidèle dans les petites
choses le sera aussi dans les plus
grandes" (Lc 16,10)
Celui qui est fidèle à
rejeter les plus petites
distractions à la moindre
partie de ses prières, sera aussi
fidèle dans les plus grandes.
Rien n'est si sûr, puisque le
Saint-Esprit l'a dit. Courage donc,
bon serviteur et servante
fidèle à Jésus-Christ
et à la sainte Vierge, qui avez pris la
résolution de dire votre
Rosaire tous les jours. Que la
multitude des mouches (j'appelle
ainsi les distractions qui
vous font la guerre pendant que
vous priez), ne soient pas
capables de vous faire lâchement
quitter la compagnie de Jésus
et de Marie, dans laquelle vous
êtes en disant votre Rosaire.
Je mettrai ci-après des moyens
de diminuer les distractions.
44 Rose
126. Après avoir invoqué
le Saint-Esprit, pour bien réciter
votre Rosaire, mettez-vous un moment
en la présence de Dieu et
faites les offrandes des dizaines,
comme vous verrez ci-après.
Avant de commencer la dizaine, arrêtez-vous
un moment,
plus ou moins, selon votre loisir,
pour considérer le mystère
que vous célébrez
par la dizaine et demandez toujours, par ce
mystère et l'intercession
de la sainte Vierge, une des vertus
qui éclatent le plus dans
ce mystère ou dont vous aurez le
plus de besoin.
Prenez surtout garde aux deux fautes
ordinaires que font
presque tous ceux qui disent le
chapelet ou le Rosaire:
La première, c'est de ne
prendre aucune intention en
disant leur chapelet, en sorte que,
si vous leur demandez
pourquoi ils disent leur chapelet,
ils ne sauraient vous
répondre. C'est pourquoi
ayez toujours en vue, en récitant
votre Rosaire, quelque grâce
à demander, quelque vertu à
imiter, ou quelque péché
à détruire.
La seconde faute qu'on commet ordinairement
en récitant
le saint Rosaire, c'est de n'avoir
point d'autre intention, en
le commençant, que de l'avoir
bientôt fini. Cela vient de ce
qu'on regarde le Rosaire comme une
chose onéreuse, qui pèse
bien fort sur les épaules
lorsqu'on ne l'a pas dit; surtout
quand on s'en est fait un principe
de conscience, ou quand on
l'a reçu par pénitence
et comme malgré soi.
127. C'est une pitié de voir
comment la plupart disent leur
chapelet ou leur Rosaire. Ils le
disent avec une précipitation
étonnante et ils mangent
même une partie des paroles. On ne
voudrait pas faire un compliment
de cette manière ridicule au
dernier des hommes, et on croit
que Jésus et Marie en seront
honorés!...
Après cela, faut-il s'étonner
si les plus saintes prières
de la religion chrétienne
restent quasi sans aucun fruit, et
si, après mille et dix mille
Rosaires récités, on n'en est pas
plus saint?
Arrêtez, cher confrère
du Rosaire, votre précipitation
naturelle, en récitant votre
Rosaire, et faites quelques
pauses au milieu du Pater et de
l'Ave, et une plus petite
après les paroles du Pater
et de lAve que j'ai marquées par
une croix ci-après.
Notre Père qui êtes
aux cieux + votre nom soit sanctifié
+ votre règne arrive + votre
volonté soit faite + en la terre
comme au ciel +.
Donnez-nous aujourd'hui + notre
pain quotidien + et nous
pardonnez nos offenses + comme nous
pardonnons à ceux qui nous
ont offensés + et ne nous
laissez point tomber dans la
tentation + mais délivrez-nous
du mal. Ainsi soit-il +.
Je vous salue, Marie, pleine de
grâce + le Seigneur est
avec vous + vous êtes bénie
entre toutes les femmes + et béni
est le fruit de votre ventre, Jésus
+.
Sainte Marie, Mère de Dieu
+ priez pour nous pauvres
pécheurs, maintenant + et
à l'heure de notre mort. Ainsi soit-
il +.
Vous aurez d'abord de la peine à
faire ces médiantes, par
la mauvaise habitude que vous avez
de prier à la hâte; mais
aussi une dizaine dite ainsi posément
vous sera plus méritoire
que des milliers de Rosaires récités
à la hâte, sans réfléchir
ni s'arrêter.
128. Le bienheureux Alain de la Roche
et d'autres auteurs,
entre autres Bellarmin, racontent
qu'un bon prêtre conseilla à
trois pénitentes qu'il avait,
et qui étaient toutes trois
soeurs, de réciter tous les
jours dévotement le Rosaire,
pendant un an, sans y manquer, pour
former un bel habillement
de gloire à la sainte Vierge,
et que c'était un secret qu'il
avait reçu du ciel. Toutes
les trois le dirent pendant un an.
Le jour de la Purification, sur
le soir, lorsqu'elles étaient
couchées, la sainte Vierge,
accompagnée de sainte Catherine et
de sainte Agnès, entra dans
leur chambre, revêtue d'un habit
tout brillant de lumière,
sur lequel il y avait de tous côtés
écrit en lettres d'or: Ave
Mariea gratia plena. La Reine des
cieux approcha du lit de l'aînée
des soeurs et lui dit: "Je
vous salue, ma fille, qui m'avez
si souvent et si bien saluée.
Je viens vous remercier des beaux
habits que vous m'avez
faits".
Les deux saintes vierges qui l'accompagnaient
la
remercièrent aussi et toutes
trois disparurent.
Une heure après, la sainte
Vierge, avec ses deux
compagnes, vint encore dans la chambre,
habillée d'un habit
vert, mais sans or et sans lumière,
approcha du lit de la
seconde soeur, la remercia de cet
habit qu'elle lui avait
fait, en disant son Rosaire. Mais
comme cette seconde soeur
avait vu la sainte Vierge apparaître
à sa soeur aînée avec
beaucoup plus de brillant, elle
lui en demanda la raison.
"C'est, lui répondit Marie,
qu'elle m'a fait de plus beaux
habits, en disant mieux son Rosaire
que toi".
Environ une heure après,
la sainte Vierge apparut une
troisième fois à la
plus jeune des soeurs, habillée d'un
haillon sale et déchiré
et lui dit: "O fille, vous m'avez
ainsi habillée, je vous en
remercie".
La jeune fille, couverte de confusion,
s'écria: "Et quoi!
ma maîtresse, je vous ai si
mal habillée, je vous en demande
pardon. Je vous demande du temps
pour faire un plus bel habit,
en récitant mieux mon Rosaire".
La vision ayant disparu et la
plus jeune soeur fort affligée
ayant dit à leur confesseur
tout ce qui s'était passé,
il les anima à dire pendant un an
leur Rosaire avec plus de perfection
que jamais, ce qu'elles
firent. Au bout de l'année,
le jour même de la Purification,
la sainte Vierge, accompagnée
encore de sainte Catherine et de
sainte Agnès qui portaient
des couronnes, et habillée d'un
habit merveilleux, leur apparut
sur le soir et leur dit:
"Soyez assurées, mes filles,
du royaume des cieux, vous y
entrerez demain avec grande allégresse".
A quoi toutes trois
répondirent: "Notre coeur
est préparé, notre chère Maîtresse,
notre coeur est préparé".
La vision disparut. Cette même nuit
il leur prit mal, elles envoyèrent
chercher leur confesseur,
reçurent les derniers sacrements
et après avoir remercié leur
confesseur de la sainte pratique
qu'il leur avait enseignée.
Après complies, la sainte
Vierge leur apparut encore,
accompagnée d'un grand nombre
de vierges, fit revêtir les
trois soeurs de robes blanches,
après quoi, elles marchèrent
toutes trois pendant que les anges
chantaient: "Venez, épouses
de Jésus-Christ, recevez
les couronnes qui vous sont preparées
dans l'éternité".
Apprenez plusieurs vérités
de cette histoire: 1 combien
il est important d'avoir de bons
directeurs qui inspirent de
saintes pratiques de piété
et particulièrement le saint
Rosaire; 2 combien il est important
de réciter le Rosaire
avec attention et dévotion;
3 combien la sainte Vierge est
bénigne et miséricordieuse
envers ceux qui se repentent du
passé et proposent de mieux
faire; 4 combien elle est
libérale à récompenser
pendant la vie, à la mort et dans
l'éternité, les petits
services qu'on lui rend avec fidélité.
45 Rose
129. J'ajoute qu'il faut réciter
le saint Rosaire avec
modestie, c'est-à-dire, autant
qu'on peut, à genoux, les mains
jointes, le rosaire en mains. Si
cependant on est malade, on
peut le dire en son lit; si on est
en voyage, on peut le dire
en marchant; si pour quelques infirmités
on ne peut être à
genoux, on peut le dire debout ou
assis. On peut même le
réciter en travaillant, lorsqu'on
ne peut pas quitter son
travail, pour satisfaire aux devoirs
de sa profession, car le
travail manuel n'est pas toujours
contraire à la prière
vocale.
J'avoue que notre âme étant
limitée dans son opération,
quand elle est attentive au travail
des mains, elle en est
moins attentive aux opérations
de l'esprit, telle qu'est la
prière; mais cependant, dans
la nécessité, cette prière a son
prix devant la sainte Vierge, qui
récompense plus la bonne
volonté que l'action extérieure.
130. Je vous conseille de partager
votre Rosaire en trois
chapelets ou trois différents
temps de la journée; il vaut
mieux le partager ainsi que de le
dire tout à la fois.
Si vous ne pouvez pas trouver assez
de temps pour en dire
le tiers de suite, dites-en une
dizaine ici et une dizaine là;
vous pourrez faire en sorte, malgré
toutes vos occupations et
affaires, que vous ayez dit votre
Rosaire tout entier avant de
vous mettre au lit.
Imitez en cela la fidélité
de saint François de Sales.
Etant un soir fort fatigué
des visites qu'il avait faites
pendant la journée, et étant
près de minuit, il se ressouvint
qu'il lui restait quelques dizaines
de son Rosaire à dire, il
se mit à genoux et les récita
avant de se coucher, malgré tout
ce que son aumônier, qui le
voyait fatigué, lui pût dire pour
l'engager à remettre à
dire au lendemain ce qui lui restait de
prières.
Imitez encore la fidélité,
modestie et dévotion de ce
saint religieux, dont parlent les
chroniques de saint
François, qui avait coutume,
avant le dîner, de réciter un
chapelet avec beaucoup d'attention
et de modestie... J'en ai
parlé ci-devant.
46 Rose
131. De toutes les manières
de réciter le saint Rosaire, la
plus glorieuse à Dieu, la
plus salutaire à l'âme et la plus
terrible au diable, c'est de le
psalmodier ou réciter
publiquement à deux choeurs.
Dieu aime les assemblées.
Tous les anges et les
bienheureux assemblés dans
le ciel y chantent incessamment ses
louanges. Les justes assemblés
en plusieurs communautés sur la
terre y prient en commun jour et
nuit. Notre-Seigneur a
expressément conseillé
cette pratique à ses apôtres et
disciples, et leur promit que toutes
les fois qu'ils seraient
au moins deux ou trois assemblés
en son nom, il se trouverait
au milieu de ceux qui sont assemblés
pour prier en son mon et
réciter sa même prière.
Quel bonheur d'avoir Jésus-Christ en
sa compagnie! Pour le posséder
il ne faut que s'assembler pour
dire le chapelet. C'est la raison
pourquoi les premiers
chrétiens s'assemblaient
si souvent pour prier ensemble,
malgré les persécutions
des empereurs, qui leur défendaient
les assemblées. Ils aimaient
mieux s'exposer à la mort que de
manquer à s'assembler pour
avoir la compagnie de Jésus-Christ.
132. Cette manière de prier
est plus salutaire à l'âme:
1 parce que l'esprit est ordinairement
plus attentif
dans une prière publique
que dans une particulière;
2 quand on prie en commun, les prières
de chaque
partriculier deviennent communes
à toute l'assemblée et ne
font toutes ensemble qu'une même
prière, en sorte que, si
quelque particulier ne prie pas
si bien, un autre dans
l'assemblée qui prie mieux
supplée à son défaut. Le fort
supporte le faible, le fervent embrase
le tiède, le riche
enrichit le pauvre, le mauvais passe
parmi le bon. Comment
vendre une mesure d'ivraie? Il ne
faut pour cet effet que la
mêler avec quatre ou cinq
boisseaux de bon blé; le tout est
vendu.
3 Un personne qui récite
son chapelet toute seule n'a
que le mérite d'un chapelet;
mais si elle le dit avec trente
personnes, elle a le mérite
de trente chapelets. Ce sont les
lois de la prière publique.
Quel gain! quel avantage!
4 Urbain huitième, étant
fort satisfait de la dévotion
du saint Rosaire qu'on récitait
à deux choeurs, en plusieurs
lieux de Rome, particulièrement
au couvent de la Minerve,
donna cent jours d'indulgences toutes
les fois qu'on le
réciterait à deux
choeurs: Toties quoties. Ce sont les termes
de son bref qui commence: Ad perpetuum
rei memoriam, an 1626.
Ainsi, toutes les fois qu'on dit
le chapelet en commun, on
gagne cent jours d'indulgences.
5 C'est que cette prière
publique est plus puissante,
pour apaiser la colère de
Dieu et attirer sa miséricorde, que
la prière particulière,
et l'Eglise, conduite par le Saint-
Esprit, s'en est servie dans tous
les temps de calamités et de
misères publiques.
Le pape Grégoire 13 déclare,
par sa bulle, qu'il faut
pieusement croire que les prières
publiques et processions des
confrères du saint Rosaire
avaient beaucoup contribué à
obtenir de Dieu la grande victoire
que les chrétiens gagnèrent
au golfe de Lépante sur l'armée
navale des Turcs, le 1er
dimanche d'octobre en 1571.
133. Louis le Juste, d'heureuse mémoire,
assiégeant La
Rochelle, où les hérétiques
tenaient leurs forts, écrivit à la
reine sa mère de faire faire
des prières publiques pour la
prospérité de ses
armes. La reine résolut de faire réciter le
Rosaire publiquement dans l'église
des Frères prêcheurs du
faubourg Saint-Honoré de
Paris, ce qui fut exécuté par les
soins de Monseigneur l'archevêque.
On commença cette dévotion
le 20 mai 1628. La reine mère
et la reine régnante s'y
rendirent, avec Monseigneur le duc
d'Orléans, les cardinaux de
la Rochefoucault et de Bérulle,
plusieurs prélats, toute la
cour et une foule innombrable de
peuple. Monseigneur
l'archevêque lisait à
haute voix les méditations sur les
mystères du Rosaire, il commençait
ensuite le Pater et l'Ave
de chaque dizaine et les religieux
avec les assistants
répondaient; après
le chapelet, on portait l'image de la
sainte Vierge en procession, en
chantant ses litanies.
On continua cette dévotion
tous les samedis avec une
ferveur admirable et une bénédiction
du ciel évidente, car le
roi triompha des Anglais à
l'île de Ré et entra victorieux
dans La Rochelle, le jour de la
Toussaint de la même année. On
voit par là quelle est la
force de la prière publique.
134. Enfin le Rosaire récité
en commun est bien plus terrible
au démon, puisqu'on fait,
par ce moyen, un corps d'armée pour
l'attaquer. Il triomphe quelquefois
fort facilement de la
prière d'un particulier,
mais si elle est unie à celle des
autres, il n'en peut venir à
bout que difficilement. Il est
aisé de rompre une houssine
toute seule; mais si vous
l'unissez avec plusieurs autres
et en faites un faisceau, on
ne peut plus la rompre. "Vis unita
fit fortior". Les soldats
s'assemblent en corps d'armée
pour battre leurs ennemis; les
méchants s'assemblent souvent
pour faire leurs débauches et
leurs danses; les démons
même s'assemblent pour nous perdre;
pourquoi donc les chrétiens
ne s'assembleront-ils pas pour
avoir la compagnie de Jésus-Christ,
pour apaiser la colère de
Dieu, pour attirer sa grâce
et sa miséricorde, et pour vaincre
et terrasser plus puissamment les
démons?
Cher confrère du Rosaire,
si vous demeurez à la ville ou
à la campagne, auprès
de l'église de la paroisse ou d'une
chapelle, allez-y au moins tous
les soirs, avec permission de
monsieur le recteur de ladite paroisse,
et là en compagnie de
tous ceux qui voudront y venir réciter
le chapelet à deux
choeurs; faites la même chose
dans votre maison ou celle d'un
particulier du village, si vous
n'avez pas la commodité de
l'église ou de la chapelle.
135. C'est une sainte pratique que
Dieu, par sa miséricorde, a
établie dans les lieux ou
j'ai fait des missions, pour en
conserver et augmenter le fruit,
pour empêcher le péché. On ne
voyait dans ces bourgs et villages,
auparavant que le chapelet
y fût établi, que danses,
débauches, dissolutions,
immodesties, jurements, querelles,
divisions; on n'y entendait
que des chansons déshonnêtes,
paroles à double entente. A
présent on n'y entend que
le chant des cantiques et la
psalmodie du Pater et de l'Ave;
on n'y voit que de saintes
compagnies de 20, 30, 100 personnes
et plus, qui chantent
comme des religieux les louanges
de Dieu à une heure réglée.
Il y a même des lieux où
on récite le Rosaire en commun
tous les jours, en trois temps de
la journée. Quelle
bénédiction du ciel!
Comme il y a des réprouvés partout, ne
doutez pas qu'il n'y ait, dans les
lieux où vous demeurez,
quelques méchants qui négligeront
de venir au chapelet, qui
s'en railleront peut-être
même et feront tout ce qu'ils
pourront, par leurs mauvaises paroles
et leurs mauvais
exemples, pour vous empêcher
de continuer ce saint exercice;
mais tenez bon. Comme ces malheureux
doivent être à jamais
séparés de Dieu et
de son paradis, dans l'enfer, il faut
qu'ici-bas, par avance, ils se séparent
de la compagnie de
Jésus-Christ et de ses serviteurs
et servantes.
47 Rose
136. Séparez-vous des méchants,
peuple de Dieu, âmes
prédestinées, et pour
vous échapper et vous sauver du milieu
de ceux qui se damnent par leur
impiété, indévotion ou
oisiveté, sans perdre le
temps, récitez souvent le saint
Rosaire avec foi, avec humilité,
avec confiance et avec
persévérance.
[Premièrement] quiconque
pensera sérieusement au
commandement que Jésus-Christ
nous a fait de prier toujours, à
l'exemple qu'il nous a donné,
aux besoins infinis que nous
avons de la prière, à
cause de nos ténèbres, ignorances et
faiblesses et de la multitude de
nos ennemis, certes, celui-là
ne se contentera pas de réciter
le Rosaire une fois tous les
ans, comme la confrérie du
Rosaire perpétuel demande, ni
toutes les semaines, comme le Rosaire
ordinaire prescrit, mais
le récitera tous les jours,
sans y manquer, comme le Rosaire
quotidien marque, quoiqu'il n'en
ait point d'autre obligation
que celle de son salut.
Oportet: il faut, il est nécessaire
semper orare,
toujours prier, et non deficere,
ne point cesser de prier.
137. Ce sont des paroles éternelles
de Jésus-Christ, qu'il
faut croire et pratiquer sous peine
de damnation. Expliquez-
les comme il vous plaira, pourvu
que vous ne les expliquiez
pas à la mode, afin de ne
les pratiquer qu'à la mode. Jésus-
Christ nous en a donné la
vraie explication dans les exemples
qu'il nous a laissés: Exemplum
dedi vobis, ut quemadmodum ego
feci, ita et vos faciatis. Joan
13,5. Erat pernoctans in
oratione Dei. Luc 6,12. Comme si
le jour ne lui eût pas suffi,
il employait encore la nuit à
la prière.
Il répétait souvent
à ses apôtres ces deux paroles:
Vigilate et orate. Veillez et priez.
La chair est infirme, la
tentation est proche et continuelle.
Si vous ne priez
toujours, vous y tomberez. Apparemment
qu'ils crurent que ce
que Notre-Seigneur leur disait n'était
que de conseil, ils
interprétèrent ces
paroles à la mode, c'est pourquoi ils
tombèrent dans la tentation
et dans le péché, étant même dans
la compagnie de Jésus-Christ.
138. Si vous voulez, cher confrère,
vivre à la mode, et vous
damner à la mode, c'est-à-dire
de temps en temps tomber dans
le péché mortel, et
puis aller à confesse, éviter les péchés
grossiers et criants, et conserver
les honnêtes, il n'est pas
nécessaire que vous fassiez
tant de prières, que vous disiez
tant de Rosaires; une petite prière
le matin et le soir,
quelques chapelets donnés
en pénitences, quelques dizaines
d'Ave Maria sur un chapelet à
la cavalière, quand la fantaisie
vous en prend, il n'en faut pas
davantage pour vivre en
honnête homme. Si vous en
faisiez moins, vous approcheriez du
libertinage; si vous en faites plus,
vous approcheriez de la
singularité et de la bigoterie.
139. Mais si, comme un vrai chrétien
qui veut se sauver en
vérité et marcher
sur les traces des saints, vous voulez ne
point tomber du tout en péché
mortel, rompre tous les pièges
et eteindre tous les traits enflammés
du diable, il faut que
vous priiez toujours comme a enseigné
et ordonné Jésus-Christ.
Ainsi, il faut pour le moins que
vous disiez votre
Rosaire tous les jours ou quelques
prières équivalents.
Je dis encore pour le moins, car
ce sera tout ce que vous
pourrez faire avec votre Rosaire,
tous les jours, que d'éviter
tous les péchés mortels
et de vaincre toutes les tentations,
au milieu des torrents d'iniquité
du monde, qui emportent
souvent les plus assurés;
au milieu des ténèbres épaisses qui
aveuglent souvent les plus éclairés,
au milieu des esprits
malins qui, étant plus expérimentés
que jamais, et ayant moins
de temps à tenter, tentent
avec plus de finesse et de succès.
Oh! quelle merveille de la grâce
du saint Rosaire, si
vous échappez au monde, au
diable et à la chair et au péché et
vous sauvez dans le ciel!
140. Si vous ne voulez pas croire
ce que j'avance, croyez-en
votre propre expérience.
Je vous demande si, lorsque vous ne
faisiez qu'un peu de prières
qu'on fait dans le monde, et de
la manière dont on les fait
ordinairement, vous pouviez vous
empêcher de faire de lourdes
fautes et des péchés griefs qui
ne vous paraissaient légers
que par votre aveuglement. Ouvrez
donc les yeux, et pour vivre et
mourir en saint sans péché, du
moins mortel, priez toujours; récitez
tous les jours votre
Rosaire, comme tous les confrères
faisaient autrefois dans
l'établissement de la confrérie
(voir à la fin de ce livre la
preuve de ce que j'avance). La sainte
Vierge le donnant à
saint Dominique lui ordonna de le
dire et faire dire tous les
jours; aussi le saint ne recevait-il
personne dans la
confrérie qui ne fût
dans la résolution de le dire tous les
jours. Si, à présent,
on ne demande dans la confrérie du
Rosaire ordinaire que la récitation
d'un Rosaire par semaine,
c'est parce que la ferveur s'est
ralentie, la charité s'est
refroidie. On tire ce qu'on peut
d'un mauvais prieur. Non fuit
ab initio sic.
Il faut ici remarquer trois choses.
141. La première que si vous
vou lez vous enrôler dans la
confrérie du Rosaire quotidien
et participer aux prières et
mérites de qui y sont, il
ne suffit pas d'être enrôlé dans la
confrérie du Rosaire ordinaire,
ou de prendre seulement la
résolution de réciter
son Rosaire tous les jours. Il faut de
plus donner son nom à ceux
qui ont le pouvoir d'enrôler. Il
est bon de se confesser et communier
à cette intention; la
raison de ceci est que le Rosaire
ordinaire ne renferme pas le
quotidien, mais le Rosaire quotidien
renferme le Rosaire
ordinaire.
La seconde chose à remarquer
est qu'il n'y a, absolument
parlant, aucun péché,
même véniel, à manquer de réciter le
Rosaire de tous les jours, ni de
toutes les semaines, ni de
tous les ans.
La troisième, c'est que lorsque
la maladie ou une
obéissance légitime,
ou la nécessité, ou l'oubli involontaire,
sont cause que vous ne pouvez pas
réciter votre Rosaire, vous
ne laissez pas d'en avoir le mérite
et vous ne perdez pas la
participation aux Rosaires des autres
confrères; ainsi il
n'est pas absolument nécessaire
que le jour suivant vous
récitiez deux Rosaires, pour
suplléer à un que vous avez
manqué sans votre faute,
comme je suppose. Si cependant la
maladie ne vous permet de réciter
qu'une partie de votre
Rosaire, vous la devez réciter.
Beati qui stant coram te
semper. Beati qui habitant in domo
tua, Domine, in saecula
saeculorum laudabunt te. Bienheureux,
Seigneur Jésus, les
confrères du Rosaire quotidien
qui, tous les jours, sont
autour et dans votre petite maison
de Nazareth, autour de
votre croix sur le Calvaire, et
autour de votre trône dans les
cieux, pour méditer et contempler
vos mystères joyeux,
douloureux et glorieux. Oh! qu'ils
sont heureux sur la terre
par les grâces spéciales
que vous leur communiquerez, et
qu'ils seront bienheureux dans le
ciel où ils vous loueront
d'une manière spéciale
dans les siècles des siècles.
142. Secondement, il faut réciter
le Rosaire avec foi, selon
les paroles de Jésus-Christ:
Credite quia accipietis et fiet
vobis. Croyez que vous recevrez
de Dieu ce que vous lui
demandez, et il vous exaucera. Il
vous dira: Sicut credidisti,
fiat tibi: Qu'il vous soit fait
comme vous avez cru. Si quis
indiget sapientiam, postulet a Deo;
postulet autem in fide
nihil haesitans (Jc 1,6): Si quelqu'un
a besoin de la sagesse,
qu'il la demande à Dieu,
avec foi, sans hésiter, en récitant
son Rosaire, et elle lui sera donnée.
143. Troisièmement, il faut
prier avec humilité, comme le
publicain; il était à
deux genoux à terre, et non un genou en
l'air ou sur un banc comme les orgueilleux
mondains; il était
au bas de l'église et non
dans le sanctuaire comme le
pharisien; il avait les yeux baissés
vers la terre, n'osant
regarder le ciel, et non la tête
levée regardant çà et là
comme le pharisien; il frappait
sa poitrine, se confessant
pécheur et demandant pardon:
Propitius este mihi peccatori
(Luc 18,13) et non pas comme le
pharisien, qui méprisait les
autres dans ses prières.
Gardez-vous de l'orgueilleuse prière
du pharisien qui le rendit plus
endurci et plus maudit; mais
imitez l'humilité du publicain
dans sa prière qui lui obtient
la rémission de ses péchés.
Prenez bien garde de donner dans
l'extraordinaire et de
demander et de désirer même
des connaissances extraordinaires,
des visions, des révélations
et autres grâces miraculeuses que
Dieu quelquefois a communiquées
à quelques saints dans la
récitation de leur chapelet
et Rosaire. "Sola fides sufficit":
la foi seule suffit présentement
que l'Evangile et toutes les
dévotions et pratiques de
piété sont suffisamment établis.
N'omettez jamais la moindre partie
de votre Rosaire dans
vos sécheresses, dégoûts
et délaissement intérieurs; ce serait
une marque d'orgueil et d'infidélité;
mais comme un brave
champion de Jésus et Marie,
sans rien voir, sentir, ni goûter,
dites tout sèchement votre
Pater et Ave, en regardant le mieux
que vous pourrez les mystères.
Ne désirez point le bonbon
et les confitures des enfants
pour manger votre pain quotidien;
mais pour imiter Jésus-
Christ plus parfaitement dans son
agonie, prolongez
quelquefois votre Rosaire, lorsque
vous sentirez plus de peine
à le réciter: "Factus
in agonia prolixius orabat" (Lc 22,43),
afin qu'on puisse dire de vous ce
qui est dit de Jésus-Christ,
lorsqu'il était dans l'agonie
de la prière: Il priait encore
plus longtemps.
144. Quatrièmement, priez
avec beaucoup de confiance, laquelle
est fondée sur la bonté
et libéralité infinies de Dieu et sur
les promesses de Jésus-Christ.
Dieu est une source d'eau vive
qui coule incessamment dans le coeur
de ceux qui prient.
Jésus-Christ est la mamelle
du Père éternel toute pleine du
lait de la grâce et de la
vérité. Le plus grand désir qu'ait
le Père éternel à
notre égard, c'est de nous communiquer les
eaux salutaires de sa grâce
et de sa miséricorde, et il crie:
"Omnes sitientes venite ad aquas"
(Is 55): Venez boire de mes
eaux par la prière, et quand
on ne le prie pas il se plaint de
ce qu'on l'abandonne: "Me dereliquerunt
fontem aquae vivae"
(Jr 2,13). C'est faire plaisir à
Jésus-Christ de lui demander
ses grâces et plus grand plaisir
qu'on ne ferait à une mère
nourrice, dont les mamelles sont
toutes pleines, en lui suçant
son lait. La prière est le
canal de la grâce de Dieu et le
tétin des mamelles de Jésus-Christ.
Si on ne les suce pas par
la prière comme doivent faire
tous les enfants de Dieu, il
s'en plaint amoureusement: "Usque
modo non petistis quidquam,
petite et accipietis, quaerite et
invenietis, pulsate et
aperietur vobis" (Mt 7,7). Jusqu'à
ici vous ne m'avez rien
demandé. Ah! demandez-moi
et je vous donnerai, cherchez chez
moi et vous trouverez; frappez à
ma porte et je vous
l'ouvrirai. De plus, pour nous donner
encore plus de confiance
à le prier, il a engagé
sa parole: que le Père éternel nous
accorderait tout ce que nous lui
demanderions en son nom.
48 Rose
145. Mais à notre confiance
joignons, en cinquième lieu, la
persévérance dans
la prière. Il n'y aura que celui qui
persévérera à
demander, à chercher et à frapper, qui recevra,
qui trouvera et qui entrera. Il
ne suffit pas de demander
quelques grâces à Dieu
pendant un mois, un an, dix ans, vingt
ans; il ne faut point s'ennuyer,
et non deficere, il faut la
demander jusqu'à la mort
et être résolu ou à obtenir ce qu'on
lui demande pour son salut ou à
mourir, et mêne il faut
joindre la mort avec la persévérance
dans la prière et la
confiance en Dieu et dire: Etiam
si occident me, sperabo in
eum: Quand il devrait me tuer, j'espérerais
en lui et de lui
ce que je lui demande.
146. La libéralité
des grands et riches du monde paraît à
prévenir par leurs bienfaits
ceux qui en ont besoin, avant
même qu'ils les leur demandent;
mais Dieu, tout au contraire,
montre sa magnificence à
faire longtemps chercher et demander
les grâces qu'il veut accorder,
et plus la grâce qu'il veut
faire est précieuse et plus
longtemps il diffère del'accorder:
1 Afin, par là, de l'augmenter
encore davantage;
2 Afin que la personne qui la recevra
en ait une grande
estime;
3 Afin qu'elle se donne de garde
de la perdre après
l'avoir reçue; car on n'estime
pas beaucoup ce qu'on obtient
en un moment et à peu de
frais.
Persévérez donc, mon
cher confrère du Rosaire, à demander
à Dieu par le saint Rosaire
tous vos besoins spirituels et
corporels et particulièrement
la divine Sagesse qui est un
trésor infini: Thesaurus
est infinitus (Sg 7,14), et vous
l'obtiendrez tôt ou tard infailliblement,
pourvu que vous ne
le quittiez point et que vous ne
perdiez point courage au
milieu de votre course. Grandis
enim tibi restat via (3 Rg
19).
Car vous avez encore beaucoup de
chemin à faire, beaucoup
de mauvais temps à essuyer,
beaucoup de difficultés à
surmonter, beaucoup d'ennemis à
terrasser, avant que vous ayez
assez amassé de trésors
de l'éternité, des Pater et Ave pour
acheter le paradis et gagner la
belle couronne qui attend un
fidèle confrère du
Rosaire.
Nemo accipiat coronam tuam: Prenez
garde qu'un autre,
plus fidèle que vous à
dire son Rosaire tous les jours, ne
vous l'enlève: Coronam tuam:
elle était vôtre, Dieu vous
l'avait préparée,
elle était vôtre, vous l'aviez déjà demi
gagnée par vos Rosaires bien
dits, et parce que vous vous êtes
arrêté en si beau chemin
où vous courriez si bien, currebatis
bene (Gal 5,7). Un autre, qui vous
a devancé, y est arrivé le
premier; un autre plus diligent
et plus fidèle a acquis et
payé, par ses Rosaires et
bonnes oeuvres, ce qui était
nécessaire pour avoir cette
couronne.
Quid vos impedivit? (Gal 5,7): Qui
est-ce qui vous a
empêché d'avoir la
couronne du saint Rosaire? Hélas! les
ennemis du saint Rosaire, qui sont
en si grand nombre.
147. Croyez-moi, il n'y a que les
violents qui la ravissent de
force: Violenti rapiunt (Mt 11,12).
Ces couronnes ne sont pas
pour ces timides qui craignent les
railleries et les menaces
du monde. Ces couronnes ne sont
pas pour ces paresseux et
fainéants, qui ne disent
leur Rosaire qu'avec négligence, ou à
la hâte, ou par manière
d'acquit, ou par intervalle, selon
leur fantaisie. Ces couronnes ne
sont pas pour ces poltrons
qui perdent coeur et mettent les
armes bas, quand ils voient
tout l'enfer déchaîné
contre leur Rosaire.
Si vous voulez, cher confrère
du Rosaire, entreprendre de
rendre service à Jésus
et Marie en récitant le Rosaire tous
les jours, préparez votre
âme à la tentation: Accedens ad
servitutem Dei, praepara animam
tuam ad tentationem (Si
2,1).Les hérétiques,
les libertins, les honnêtes gens du
monde, les demi-dévots et
faux prophètes, de concert avec
votre nature corrompue et tout l'enfer,
vous livreront de
terribles combats, pour vous faire
quitter cette pratique.
148. Pour vous prémunir contre
les attaques, non pas tant des
hérétiques et des
libertins déclarés que des honnêtes gens
selon le monde, et des personnes
même dévotes à qui cette
pratique ne revient pas, je veux
vous rapporter ici simplement
une petite partie de ce qu'ils pensent
et disent tous les
jours.
Quid vult seminiverbius ille? Venite,
opprimamus eum,
contrarius est enim, etc.: Que veut
dire ce grand diseur de
chapelets et de Rosaires, qu'est-ce
qu'il marmotte toujours?
quelle fainéantise! il ne
fait rien autre chose que
chapeleter, il ferait bien mieux
de travailler, sans s'amuser
à tant de bigoteries. Vraiment
oui!.... Il ne faut que dire
son Rosaire, et les alouettes toutes
rôties tomberont du ciel;
le Rosaire nous apportera bien de
quoi dîner. Le bon Dieu dit:
Aide-toi, je t'aiderai. Pourquoi
aller s'embarrasser de tant
de prières? Brevis oratio
penetrat coelos; un Pater et un Ave
bien dits suffisent. Le bon Dieu
ne nous a point commandé le
chapelet ni le Rosaire; cela est
bon, c'est une bonne chose
quand on a le temps, mais on n'en
sera pas moins sauvé pour
cela. Combien de saints qui ne l'ont
jamais dit?
Il y a des gens qui jugent tout
le monde à leur aune, il
y a des indiscrets qui portent tout
à l'extrémité, il y a des
scrupuleux qui mettent du péché
où il n'y en a point, ils
disent que tous ceux qui ne diront
pas leur Rosaire seront
damnés.
Dire son chapelet, cela est bon
pour les femmelettes,
ignorantes, qui ne savent pas lire.
Dire son Rosaire? Vaut-il
pas mieux dire l'Office de la sainte
Vierge ou réciter les
sept psaumes? Y a-t-il rien de si
beau que ces psaumes que le
Saint-Esprit a dictés?
Vous entreprenez de dire votre Rosaire
tous les jours;
feu de paille que tout cela, cela
ne durera pas longtemps; ne
vaut-il pas mieux en prendre moins
et y être plus fidèle?
Allez, mon cher ami, croyez-moi,
faites bien votre prière soir
et matin et travaillez pour Dieu
pendant la journée, Dieu ne
vous demande pas davantage. Si vous
n'aviez pas, comme vous
avez, votre vie à gagner,
encore passe, vous pourriez vous
engager à dire votre Rosaire;
vous pouvez le dire les
dimanches et fêtes à
votre loisir, mais non pas les jours
ouvriers, il vous faut travailler.
Quoi! avoir un si grand chapelet
de bonne femme! J'en ai
vu d'une dizaine, il vaut autant
qu'un de quinze dizaines.
Quoi! porter le chapelet à
la ceinture, quelle bigoterie; je
vous conseille de le mettre à
votre cou, comme font les
Espagnols; ce sont de grands diseurs
de chapelets, ils portent
un grand chapelet d'une main, tandis
qu'ils ont dans l'autre
une dague pour donner un coup de
traître. Laissez là, laissez
là ces dévotions extérieures,
la vraie dévotion est dans le
coeur, etc.
149. Plusieurs habiles gens et grands
docteurs, mais esprits
forts et orgueilleux, ne vous conseilleront
guère le saint
Rosaire; ils vous porteront plutôt
à réciter les sept psaumes
pénitentiaux ou quelques
autres prières que celle-là. Si
quelque bon confesseur vous a donné
en pénitence un Rosaire à
dire pendant quinze jours ou un
mois, vous n'avez qu'à aller à
confesse à quelqu'un de ces
messieurs, pour que votre
pénitence vous soit changée
en quelques autres prières,
jeûnes, messes ou aumônes.
Si vous consultez même quelques
personnes d'oraison,
qu'il y a dans le monde, comme elles
ne connaissent point par
leur expérience l'excellence
du Rosaire, non seulement elles
ne le conseillerons pas à
personne, mais elles en détourneront
les autres pour les appliquer à
la contemplation, comme si le
Rosaire et la contemplation étaient
incompatibles, comme si
tant de saints qui ont été
dévots au Rosaire n'avaient pas été
dans la plus sublime contemplation.
Vos ennemis domestiques vous attaqueront
d'autant plus
cruellement que vous êtes
plus
uni avec eux. Je veux dire les
puissances de votre âme et
les sens de votre corps, les
distractions de l'esprit, les ennuis
de la volonté, les
sécheresses du coeur, les
accablements et les maladies du
corps, tout cela, de concert avec
les malins esprits qui s'y
mêleront, vous crieront: Quitte
ton Rosaire, c'est lui qui te
fait mal à la tête;
quitte ton Rosaire, il n'y a point
d'obligation sous peine de péché;
n'en dis du moins qu'une
partie, tes peines sont une marque
que Dieu ne veut pas que tu
le dises, tu le diras demain quand
tu seras mieux disposé,
etc.
150. Enfin, mon cher frère,
le Rosaire quotidien a tant
d'ennemis que je regarde comme une
des plus signalées faveurs
de Dieu que la grâce d'y persévérer
jusqu'à la mort.
Persévérez-y et vous
aurez la couronne admirable qui est
préparée dans les
cieux à votre fidélité: Esto fidelis usque
ad mortem et dabo tibi coronam (Ap
2,10).
49e Rose
151. Afin qu'en récitant
votre Rosaire vous gagniez les
indulgences accordées aux
confrères du saint Rosaire, il est à
propos de faire quelques remarques
sur les indulgences.
L'indulgence en général
est une rémission ou relaxation
des peines temporelles, dues pour
les péchés actuels, par
l'application des satisfactions
surabondantes de Jésus-Christ,
de la sainte Vierge et de tous les
saints, qui sont renfermées
dans les trésors de l'Eglise.
L'indulgence plénière
est une rémission de toutes les
peines dues au péché;
la non plénière, comme de 100, 1.000
[ans], plus ou moins, est la rémission
d'autant de peines,
qu'on aurait pu expier pendant cent
ou mille années, si l'on
avait reçu aussi longtemps
à proportion des pénitences taxées
par les anciens canons de l'Eglise.
Or ces canons ordonnaient
pour un seul péché
mortel sept et quelquefois dix et quinze
ans de pénitence, en sorte
qu'une personne qui aurait fait
vingt péchés mortels
devait pour le moins faire sept, vingt
années de pénitence,
et ainsi du reste.
152. Pour que les confrères
du Rosaire en gagnent les
indulgences, il faut: premièrement
qu'ils soient vraiment
pénitents et confessés
et communiés, comme disent les bulles
des indulgences; deuxièmement
qu'ils n'aient affection à aucun
péché véniel,
parce que l'affection au péché restant, la
coulpe reste, et la coulpe restant,
la peine n'est point
remise; troisièmement il
faut qu'ils fassent les prières et
autres bonnes oeuvres marquées
par la bulle; et si, selon
l'intention des papes, on peut gagner
une indulgence non
plénière, par exemple
de 100 ans, sans gagner la plénière, il
n'est pas toujours nécessaire
pour les gagner d'être confessé
et communié, comme sont les
indulgences attachées à la
récitation du chapelet et
Rosaire, aux processions, aux
rosaires bénits, etc. Ne
négligez pas ces indulgences.
153. Flammin et un grand nombre d'auteurs
rapportent qu'une
demoiselle de bon lieu nommée
Alexandre, ayant été
miraculeusement convertie et enrôlée
dans la confrérie du
Rosaire par saint Dominique, lui
apparut après sa mort et lui
dit qu'elle était condamnée
à être sept cents ans en
purgatoire pour plusieurs péchés
qu'elle avait commis et fait
commettre à plusieurs par
ses vanités mondaines, le priant de
la soulager et faire soulager par
les prières des confrères du
Rosaire, ce qu'il fit. Quinze jours
après, elle apparut à
saint Dominique, plus brillante
qu'un soleil, ayant été
délivrée si promptement
par les prières que les confrères du
Rosaire avaient faites pour elle.
Elle avertit aussi le saint
qu'elle venait de la part des âmes
du Purgatoire, pour
l'exhorter à continuer à
prêcher le Rosaire et faire en sorte
que leurs parents leur fassent part
de leurs Rosaires, dont
elles les recompenseraient abondamment
quand elles seraient
avancées dans la gloire.
154. Afin de vous faciliter l'exercice
du saint Rosaire, voici
plusieurs méthodes pour le
réciter saintement, avec la
méditation des mystères
joyeux, douloureux et glorieux de
Jésus et de Marie. Vous vous
arrêterez à celle qui sera le
plus à votre goût:
vous pourrez vous en former vous-même une
autre méthode particulière,
comme plusieurs saints personnages
ont fait.
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