www.JesusMarie.com
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort
Le Secret Admirable du Très Saint Rosaire
pour se convertir et se sauver

 


ROSE BLANCHE

1. Ministres du Très-Haut, prédicateurs de la vérité,
trompettes de l'Evangile, permettez-moi de vous présenter la
rose blanche de ce petit livre pour mettre en votre coeur et
en votre bouche les vérités qui y sont exposées simplement,
sans politesse.
En votre coeur, pour entreprendre vous-mêmes la sainte
pratique du Rosaire et en goûter les fruits.
En votre bouche, pour prêcher aux autres l'excellence de
cette pratique et les convertir par ce moyen. Prenez bien
garde, s'il vous plaît, de regarder comme le vulgaire, et même
comme plusieurs savants orgueilleux, cette pratique comme
petite et de peu de conséquence; elle est vraiment grande,
sublime et divine. C'est le ciel qui nous l'a donnée, et l'a
donnée pour convertir les pécheurs les plus endurcis et les
hérétiques les plus obstinés. Dieu y a attaché la grâce dans
cette vie et la gloire dans l'autre. Les saints l'ont
pratiquée et les souverains Pontifes l'ont autorisée.
Oh! qu'un prêtre et un directeur des âmes est heureux, à
qui le Saint-Esprit a révélé ce secret inconnu de la plus
grande partie des hommes ou qui ne le connaissent que
superficiellement! S'il en reçoit la connaissance pratique, il
le récitera tous les jours et le fera réciter aux autres. Dieu
et sa sainte Mère verseront abondamment la grâce en son âme
pour être un instrument de sa gloire; et il fera plus de fruit
par sa parole, quoique simple, en un mois, que les autres
prédicateurs en plusieurs années.

2. Ne nous contentons donc pas, mes chers confrères, de le
conseiller aux autres; il faut que nous le pratiquions nous-
mêmes. Nous pourrons être convaincus dans l'esprit de
l'excellence du saint Rosaire, mais comme nous ne le
pratiquerons point, on se mettra fort peu en peine de ce que
nous conseillerons, car personne ne donne ce qu'il n'a pas:
"Coepit Jesus facere et docere". Imitons Jésus-Christ, qui a
commencé par faire ce qu'il a enseigné. Imitons l'Apôtre, qui
ne connaissait et ne prêchait que Jésus-Christ crucifié.
C'est ce que nous ferons en prêchant le saint Rosaire
qui, comme vous verrez ci-après, n'est pas seulement une
composition de Pater et d'Ave, mais un divin abrégé de la vie,
de la passion, de la mort et la gloire de Jésus et Marie.
Si je croyais que l'expérience que Dieu m'a donnée de
l'efficace de la prédication du saint Rosaire pour convertir
les âmes pût vous déterminer à prêcher le saint Rosaire malgré
la mode contraire des prédicateurs, je vous dirais les
conversions merveilleuses que j'ai vues arriver en prêchant le
saint Rosaire; mais je me contente de vous rapporter en cet
abrégé quelques histoires anciennes et bien approuvées. J'ai
seulement, en votre faveur, inséré plusieurs passages latins
tirés de bons auteurs qui prouvent ce que j'explique au peuple
en français.

ROSE ROUGE

3. C'est à vous, pauvres pécheurs et pécheresses, qu'un plus
grand pécheur que vous offre cette rose rougie du sang de
Jésus-Christ pour vous fleurir et vous sauver. Les impies et
pécheurs impénitents crient tous les jours: "Coronemus nos
rosis": couronnons-nous de roses. Chantons aussi: Couronnons-
nous des roses du saint Rosaire.
Ah! que leurs roses sont bien différentes des nôtres;
leurs roses sont leurs plaisirs charnels, leurs vains honneurs
et leurs richesses périssables, qui seront bientôt flétries et
pourries; mais les nôtres, qui sont nos Pater et nos Ave bien
dits, joints avec nos bonnes oeuvres de pénitence, ne se
flétriront, ni ne passeront jamais et leur éclat sera aussi
brillant en cent mille ans d'ici qu'à présent.
Leurs roses prétendues n'ont que l'apparence de roses,
elles ne sont, dans le fond, que des épines piquantes pendant
la vie par les remords de la concience, perçantes à la mort
par le repentir et brûlantes à toute éternité par la rage et
le desespoir.
Si nos roses ont des épines, ce sont des épines de Jésus-
Christ qui convertit nos épines en roses. Si nos roses
piquent, elles ne piquent que pour un temps, elle ne piquent
que pour nous guérir du péché et nous sauver.

4. Couronnons-nous à l'envi de telles roses du paradis,
récitant tous les jours un Rosaire, c'est-à-dire trois
chapelets de cinq dizaines chacun ou trois petits chapeaux de
fleurs ou couronnes: 1 pour honorer les trois couronnes de
Jésus et de Marie, la couronne de grâce de Jésus dans son
incarnation, sa couronne d'épines dans sa passion et sa
couronne de gloire dans le ciel, et la triple couronne que
Marie a reçue dans le ciel de la très sainte Trinité; 2 pour
recevoir de Jésus et de Marie trois couronnes, la première de
mérite pendant la vie, la seconde de paix à la mort et la
troisième de gloire dans le paradis.
Si vous êtes fidèles à le dire, malgré la grandeur de vos
péchés, dévotement jusqu'à la mort, croyez-moi: "Percipietis
coronam immarcescibilem", vous recevrez une couronne de gloire
qui ne se flétrira jamais. Quand vous seriez sur le bord de
l'abîme, quand vous auriez déjà un pied dans l'enfer, quand
vous auriez vendu votre âme au diable comme un magicien, quand
vous seriez un hérétique endurci et obstiné comme un démon,
vous vous convertirez tôt ou tard et vous sauverez, pourvu
que, je le répète et remarquez les paroles et les termes de
mon conseil, vous disiez tous les jours le saint Rosaire
dévotement jusqu'à la mort pour connaître la vérité et obtenir
la contrition et le pardon de vos péchés. Vous verrez en cet
ouvrage plusieurs histoires de grands pécheurs convertis par
la vertu du saint Rosaire. Lisez-les pour les méditer.
Dieu seul.

ROSIER MYSTIQUE

5. Vous ne trouverez pas mauvais, âmes dévotes et éclairées
par le Saint-Esprit, que je vous donne un petit rosier venu du
ciel pour planter dans le jardin de votre âme; il
n'endommagera pas les fleurs odoriférantes de vos
contemplations. Il est très odoriférant et tout divin, il ne
gâtera rien dans l'ordre de votre parterre; il est très pur et
bien ordonné, il porte tout à l'ordre et à la pureté: il croît
d'une hauteur si prodigieuse et devient d'une si grande
étendue, si on l'arrose et si on le cultive comme il faut tous
les jours, que non seulement il n'empêche pas, mais même
conserve et perfectionne toutes les autres dévotions. Vous qui
êtes spirituelles, vous m'entendez bien! Ce rosier est Jésus
et Marie dans la vie, la mort et dans l'éternité.

6. Les feuilles vertes de ce rosier mystique expriment les
mystères joyeux de Jésus et de Marie; les épines, les
douloureux; et les fleurs, les glorieux. Les roses en boutons
sont l'enfance de Jésus et de Marie; les roses ouvertes
représentent Jésus et Marie dans les souffrances, et les roses
épanouies montrent Jésus et Marie dans leur gloire et leur
triomphe. La rose réjouit par sa beauté: voilà Jésus et Marie
dans les mystères joyeux; elle pique par ses épines: les voilà
dans les mystères douloureux; et elle réjouit par la suavité
de son odeur: les voilà enfin dans les mystères glorieux.
Ne méprisez donc pas ma plante heureuse et divine,
plantez-la vous-mêmes en votre âme en prenant la résolution de
réciter votre Rosaire; cultivez-la et arrosez-la en le
récitant fidèlement tous les jours et en faisant de bonnes
oeuvres, et vous verrez que ce grain qui paraît présentement
si petit deviendra avec le temps un grand arbre où les oiseaux
du ciel, c'est-à-dire les âmes prédestinées et élevées en
contemplation, feront leur nid et leur demeure pour être, sous
l'ombre de ses feuilles, garanties des ardeurs du soleil, pour
être préservées par sa hauteur des bêtes féroces de la terre,
et enfin pour être délicatement nourries par son fruit qui
n'est autre que l'adorable Jésus, auquel soit honneur et
gloire dans les siècles des siècles. Amen. Ainsi soit-il.
Dieu seul.

BOUTON DE ROSE

7. Je vous offre, mes petits enfants, un beau bouton de
rose; c'est un des petits grains de votre chapelet qui vous
paraît si peu de chose! Que ce grain est précieux! Oh! que ce
bouton de rose est admirable, oh! qu'il s'épanouira large si
vous dites dévotement vote Ave Maria! Ce serait trop vous
demander que de vous conseiller un Rosaire tous les jours.
Dites au moins votre chapelet tous les jours bien dévotement,
qui est un petit chapeau de roses que vous mettrez sur la tête
de Jésus et de Marie. Croyez-moi, écoutez la belle histoire et
la retenez bien.

8. Deux petites filles, toutes deux soeurs, étant à la porte
de leur logis à dire le chapelet dévotement, une belle dame
s'apparut à elles, approche de la plus jeune qui n'avait que
six à sept anas, la prit par la main et l'emmène. Sa soeur
aînée, toute étonnée, la cherche et ne l'ayant pu trouver s'en
vint toute éplorée à la maison et dit qu'on avait emporté sa
soeur. Le père et la mère cherchèrent inutilement pendant
trois jours. Au bout du troisième jour, ils la trouvèrent à la
porte avec un visage gai et joyeux; ils lui demandèrent d'où
elle venait; elle dit que la dame à laquelle elle disait son
chapelet l'avait emmenée dans un beau lieu et lui avait donné
à manger de bonnes choses et lui avait mis entre les bras un
joli petit enfant qu'elle avait tant baisé. Le père et la
mère, qui étaient nouvellement convertis à la foi, firent
venir le révérend père jésuite qui les avait instruits dans la
foi et la dévotion du Rosaire, ils lui racontèrent ce qui
s'était passé. C'est de lui que nous l'avons su. Ceci est
arrivé dans le Paraguay.
Imitez, mes petits enfants, ces petites filles, et dites
comme elle tous les jours votre chapelet, et vous mériterez
par là d'aller en paradis et de voir Jésus et Marie, sinon
pendant la vie, du moins après la mort pendant l'éternité.
Ainsi soit-il.
Que les savants donc et les ignorants, que les justes et
les pécheurs, que les grands et les petits louent et saluent
jour et nuit par le saint Rosaire Jésus et Marie.
"Salutate Mariam, quae multum laboravit in vobis" (Rm
16,6)

PREMIERE DIZAINE
L'excellence du saint Rosaire
dans son origine et son nom.

1ère Rose
9. Le Rosaire renferme deux choses, savoir: l'oraison
mentale et l'oraison vocale. L'oraison mentale du saint
Rosaire n'est autre que la méditation des principaux mystères
de la vie, de la mort et de la gloire de Jésus-Christ et de sa
très sainte Mère. L'oraison vocale du Rosaire consiste à dire
quinze dizaines d'Ave Maria précédées par un Pater pendant
qu'on médite et qu'on contemple les quinze vertus principales
que Jésus et Marie ont pratiquées dans les quinze mystères du
saint Rosaire.
Dans le premier chapelet, qui est de cinq dizaines, on
honore et on considère les cinq mystères joyeux; au second les
cinq mystères douloureux, et au troisième les cinq mystères
glorieux. Ainsi le saint Rosaire est un sacré composé de
l'oraison vocale et mentale pour honorer et imiter les
mystères et les vertus de la vie, de la mort et de la passion
et de la gloire de Jésus-Christ et de Marie.

2 Rose
10. Le saint Rosaire dans son fond et dans sa substance étant
composé de la prière de Jésus-Christ et de la Salutation
angélique, savoir le Pater et l'Ave, et de la méditation des
mystères de Jésus et de Marie, c'est sans doute la première
prière et la première dévotion des fidèles, qui depuis les
apôtres et les disciples a été en usage de siècle en siècle
jusqu'à nous.

11. Cependant le saint Rosaire, dans sa forme et la méthode
dont on le récite à présent, n'a été inspiré à son Eglise,
donné de la très sainte Vierge à saint Dominique pour
convertir les hérétiques albigeois et les pécheurs, qu'en l'an
1214, de la manière que je vais dire, comme le rapporte le
bienheureux Alain de la Roche dans son fameux livre intitulé:
"De Dignitate psalterii". Saint Dominique, voyant que les
crimes des hommes mettaient obstacle à la conversion des
Albigeois, entra dans une forêt proche de Toulouse et y passa
trois jours et trois nuits dans une continuelle oraison et
pénitence; il ne cessait de gémir, de pleurer et de se macérer
le corps à coups de discipline, afin d'apaiser la colère de
Dieu, de sorte qu'il tomba à demi mort. La Sainte Vierge lui
apparut, accompagnée de trois princesses du ciel et lui dit:
"Sais-tu, mon cher Dominique, de quelle arme la Sainte-Trinité
s'est servie pour réformer le monde? - O Madame, répondit-il,
vous le savez mieux que moi, car après votre Fils Jésus-Christ
vous avez été le principal instrument de notre salut." Elle
ajouta: "Sache que la principale pièce de batterie a été le
psautier angélique, qui est le fondement du Nouveau Testament;
c'est pourquoi, si tu veux gagner à Dieu ces coeurs endurcis,
prêche mon psautier." Le saint se leva tout consolé et,
brûlant du zèle du salut de ces peuples, il entra dans
l'église cathédrale; incontinent les cloches sonnèrent par
l'entremise des anges pour assembler les habitants, et au
commencement de la prédication un orage effroyable s'éleva; la
terre trembla, le soleil s'obscurcit, les tonnerres et les
éclairs redoublés firent pâlir et trembler tous les auditeurs;
et leur terreur augmenta quand ils virent une image de la
Sainte Vierge exposée sur un lieu éminent, lever les bras par
trois fois vers le ciel pour demander vengeance à Dieu contre
eux, s'ils ne se convertissaient et ne recouraient à la
protection de la sacrée Mère de Dieu.
Le ciel voulait par ces prodiges augmenter la nouvelle
dévotion du saint Rosaire et la rendre plus fameuse.
L'orage cessa enfin par les prières de saint Dominique.
Il poursuivit son discours et expliqua avec tant de ferveur et
de force l'excellence du saint Rosaire, que les Toulousains
l'embrassèrent presque tous et renoncèrent presque tous à
leurs erreurs, et l'on vit, en peu de temps, un grand
changement de moeurs et de vie dans la ville.

3 Rose
12. Cet établissement miraculeux du saint Rosaire, qui a
quelque rapport avec la manière dont Dieu donna sa loi au
monde sur la montagne de Sinaï, montre évidemment l'excellence
de cette divine pratique; aussi saint Dominique, inspiré du
Saint-Esprit, instruit par la Sainte Vierge et par sa propre
expérience, prêcha tout le reste de sa vie le saint Rosaire
par exemple et de vive voix dans les villes et les campagnes,
devant les grands et les petits, devant les savants et les
ignorants, devants les catholiques et les hérétiques. Le saint
Rosaire, qu'il récitait tous les jours, était sa préparation
devant la prédication et son rendez-vous après la prédication.

13. Lorsque le saint était, un jour de Saint-Jean
l'Evangéliste, à Notre-Dame de Paris, derrière le grand autel,
dans une chapelle, pour se préparer à prêcher, en récitant le
saint Rosaire, la Sainte Vierge lui apparut et lui dit:
"Dominique, quoique ce que tu as préparé pour prêcher soit
bon, voici pourtant un sermon bien meilleur que je t'apporte."
Saint Dominique reçoit de ses mains le livre où était ce
sermon, le lit, le goûte et le comprend, en rend grâce à la
Sainte Vierge. L'heure du sermon arrivé, il monte en chaire
et, après n'avoir dit à la louange de saint Jean l'Evangéliste
autre chose sinon qu'il avait mérité d'être le gardien de la
Reine du ciel, il dit à toute l'assemblée des grands et des
docteurs qui étaient venus l'entendre, qui étaient accoutumés
à n'entendre que des discours curieux et polis, mais que, pour
lui, il ne parlerait point dans les paroles savantes de la
sagesse humaine, mais dans la simplicité et la force du Saint-
Esprit. Alors saint Dominique leur prêcha le saint Rosaire et
leur expliqua mot à mot, comme à des enfants, la Salutation
angélique, en se servant des comparaisons fort simples qu'il
avait lues dans le papier que lui avait donné la Sainte
Vierge.

14. Voici les propres paroles du savant Cartagène qu'il a
tirées en partie du livre du bienheureux Alain de la Roche
intitulé "De Dignitate psalterii": B. Alanus Patrem sanctum
Dominicum sibi haec in revelatione dixisse testatur: "Tu
praedicas, fili, sed uti caveas ne potius laudem humanam
quaerans quam animarum fructum, audi quid mihi Parisiis
contigit. Debebam in majori ecclesia beatae Mariae praedicare,
et volebam curiose non jactantiae causa, sed propter astantium
facultatem et dignitatem. Cum igitur more meo per horam fere
ante sermonem in psalterio meo (Rosarium intelligit) quadam
capilla post altare majus orarem, subito factus in raptum,
cernebam amicam meam Dei Genitricem afferentem mihi libellum
et dicentem: "Dominice, et si bonum est quod praedicare
disposuisti sermonem, tamen longe meliorem attuli." Laetus
librum capio, lego constanter, ut dixit, reperio, gratias ago,
adest hora sermonis, adest parisiensis Universitas tota,
dominorumque numerus magnus. Audiebant quippe et videbant
signa magna quae per me Dominus operabatur; itaque ambonem
ascendo. Festum est sancti Joannis Evangelistae. De eo aliud
non dico nisi quod custos singularis esse meruit Reginae
coeli. Deinde auditores sic alloquor: Domini et Magistri
praestantissimi, aures reverentiae vestrae solitae sunt
curiosos audire sermones et auscultare. At nunc ego non in
doctis humanae sapientiae verbis, sed in ostentione spiritus
et virtutis loquar." Tunc, ait Carthagena post beatum Alanum,
stans Dominicus eis explicavit Salutationem angelicam
comparationibus et similitudinibus familiaribus hoc modo.

15. Et le bienheureux Alain de la Roche, comme dit le même
Cartagène, rapporte plusieurs autres apparitions de Notre-
Seigneur et de la Sainte Vierge à saint Dominique pour le
preser et l'animer de plus en plus à prêcher le saint Rosaire,
afin de détruire le péché et de convertir les pécheurs et les
hérétiques: il dit en un endroit: "Beatus Alanus dicit sibi a
beata Virgine revelatum fuisse Christum Filium suum apparuisse
post se sancto Dominico et ipsi dixesse: "Dominice, gaudeo
quod non confidas in tua sapientia, sed cum humilitate potius
affectas salvare animas quam vanis hominibus placere. Sed
multi praedicatores statim volunt contra gravissima peccata
instare, ignorantes quod ante gravem medicinam debet fieri
praeparatio, ne medicina sit inanis et vacua: quapropter prius
homines debent induci ad orationis devotionem et signanter ad
psalterium meum angelicum; quoniam, si omnes coeperint hoc
orare, non dubium est quin perseverantibus aderit pietas
divinae clementiae. Praedica ergo psalterium meum".

16. Il dit dans un autre endroit: "Omnes sermocinantes et
praedicantes christicolis exordium pro gratia impetranda a
Salutatione angelica faciunt. Hujus rei ratio sumpta est ex
revelatione facta beato Dominico cui beata Virgo dixit:
"Dominice, fili, nil mireris quod concionando minime
proficias. Enimvero aras solum a pluvia non irrigatum.
Scitoque, cum Deus renovare decrevit mundum Salutationis
angelicae pluviam praemisit; sicque ipse in melius est
reformatus. - Hortare igitur homines in concionibus ad Rosarii
mei recitationen, et magnos animarum fructus colliges." Quod
sanctus Dominicus strenue executus uberes ex suis concionibus
animarum fructus retulit."

17. J'ai pris plaisir à rapporter mot à mot ces passages
latins de ces bons auteurs en faveur des prédicateurs et
personnes savantes qui pourraient révoquer en doute la
merveilleuse vertu du saint Rosaire. Pendant qu'à l'exemple de
saint Dominique les prédicateurs prêchaient la dévotion du
saint Rosaire, la piété et la ferveur florissaient dans les
ordres religieux qui pratiquaient cette dévotion, et dans le
monde chrétien; mais depuis qu'on eut négligé ce présent venu
du ciel, on ne vit que péchés et que désordres partout.

4 Rose
18. Comme toutes choses, même les plus saintes, quand
particulièrement elles dépendent de la volonté des hommes,
sont sujettes aux changements, il ne faut pas s'étonner si la
confrérie du saint Rosaire n'a subsisté en sa première ferveur
qu'environ cent ans, après son institution; ainsi, elle a été
presque ensevelie dans l'oubli. Outre que la malice et l'envie
du démon a sans doute beaucoup contribué à faire négliger le
saint Rosaire pour arrêter le cours des grâces de Dieu que
cette dévotion attirait au monde. En effet, la justice divine
affligea tous les royaumes de l'Europe l'an 1349 de la plus
terrible peste que l'on ait jamais vue, laquelle, du levant,
se répandit dans l'Italie, l'Allemagne, la France, la Pologne,
la Hongrie, et de là presque toutes ces terres furent
dévastées, car de cent hommes à peine en restait-il un en vie;
les villes, les bourgs, les villages et les monastères furent
entièrement désertés pendant trois ans que dura cette
contagion. Et ce fléau de Dieu fut suivi de deux autres: de
l'hérésie des Flagellants et d'un malheureux schisme en 1376.

19. Après que, par la miséricorde de Dieu, ces misères eurent
cessé, la sainte Vierge ordonna au bienheureux Alain de la
Roche, célèbre docteur et fameux prédicateur de l'ordre de
Saint-Dominique du couvent de Dinan en Bretagne, de renouveler
l'ancienne confrérie du saint Rosaire, afin que, comme cette
célèbre confrérie avait pris naissance en cette province, un
religieux de la même province eût l'honneur de la rétablir. Ce
bienheureux Père commença à travailler à ce grand ouvrage l'an
1460, après particulièrement que Notre-Seigneur Jésus-Christ,
comme il rapporte de lui-même, lui ayant dit un jour dans la
sainte Hostie, lorsqu'il célébrait la sainte Messe afin de le
déterminer à prêcher le saint Rosaire: "Quoi donc, lui dit
Jésus-Christ, tu me crucifie encore derechef! - Comment,
Seigneur? répondit le bienheureux Alain tout épouvanté.- Ce
sont les péchés qui me crucifient, lui répondit Jésus-Christ,
et j'aimerais mieux être crucifié encore une fois que de voir
mon Père offensé par les péchés que tu as autrefois commis. Et
tu me crucifies encore à présent, parce que tu as la science
et ce qui est nécessaire pour prêcher le Rosaire de ma Mère et
par ce moyen instruire et retirer plusieurs âmes du péché; et
tu les sauverais et tu empêcherais de grands maux; et ne le
faisant pas, tu es coupable des péchés qu'ils commettenmt."
Ces terribles reproches firent résoudre le bienheureux Alain
de prêcher incessamment le Rosaire.

20. La Sainte Vierge lui dit aussi un jour, pour l'animer de
plus en plus à prêcher le saint Rosaire: "Tu as été un grand
pécheur en ta jeunesse, mais j'ai obtenu de mon fils ta
conversion, j'ai prié pour toi et j'ai désiré, s'il eût été
possible, toutes sortes de peines pour te sauver parce que les
pécheurs convertis sont ma gloire, et pour te rendre digne de
prêcher partout mon Rosaire." Saint Dominique, lui découvrant
les grands fruits qu'il avait faits parmi les peuples par
cette belle dévotion qu'il leur prêchait continuellement, lui
disait: "Vides quomodo profecerim in sermone isto; id etiam
facies et tu, et omnes Mariae amatores, ut sic trahatis omnes
populos ad omnem scientiam virtutum." "Voyez le fruit que j'ai
fait par la prédication du saint Rosaire; faites-en de même,
vous et tous les autres qui aimez la sainte Vierge, afin que
vous attiriez, par ce saint exercice du Rosaire, tous les
peuples à la véritable science des vertus."
Voilà en abrégé ce que l'histoire nous apprend de
l'établissement du saint Rosaire par saint Dominique et de sa
rénovation par le bienheureux Alain de la Roche.

5 Rose
21. Il n'y a à proprement parler qu'une sorte de confrérie du
Rosaire composé de 150 Ave Maria; mais par rapport à la
ferveur des différentes personnes qui le pratiquent, il y en a
de trois sortes, savoir: le Rosaire commun ou ordinaire, le
Rosaire perpétuel et le Rosaire quotidien. La confrérie du
Rosaire ordinaire n'exige qu'on le récite qu'une fois par
semaine. Celle du Rosaire perpétuel qu'une fois par an, mais
celle du Rosaire quotidien demande qu'on le dise tous les
jours tout entier, c'est-à-dire 150 Ave Maria. Aucun de ces
Rosaires n'engage à péché, pas même véniel, si on vient à y
manquer, parce que cet engagement est volontaire et de
surérogation; mais il ne faut pas s'enrôler dans la confrérie
si on n'a pas la volonté déterminée à le réciter selon que la
confrérie le demande autant qu'on le pourra sans manquer aux
obligations de l'état. Ainsi lorsque la récitation du saint
Rosaire se trouve en concurrence avec une action à laquelle
l'état engage, on doit préférer cette action au Rosaire,
quelque saint qu'il soit. Lorsque dans la maladie on ne peut
le dire ni tout entier ni en partie, sans augmenter son mal,
on n'y est pas obligé. Lorsque par une obéissance légitime, ou
par un oubli involontaire, ou par une nécessité pressante, on
n'a pas pu le dire il n'y a aucun péché, même véniel; on ne
laisse pas de participer aux grâces et aux mérites des autres
frères et soeurs du saint Rosaire qui le disent dans le monde.
Chrétien, si vous manquez même de le dire par pure
négligence, sans aucun mépris formel, vous ne péchez pas
aussi, absolument parlant, mais vous perdez la participation
des prières et des bonnes oeuvres et mérites de la confrérie,
et par votre infidélité en choses petites et de surérogation,
vous tomberez insensiblement dans l'infidélité aux choses
grandes et d'obligation essentielle; car: "Qui spernit modica
paulatim decidet".

6 Rose
22. Depuis le temps que saint Dominique a établi cette
dévotion jusqu'à l'an 1460, que le bienheureux Alain de la
Roche, par l'ordre du ciel, l'a renouvelée, on l'appelle le
psautier de Jésus et de la sainte Vierge, parce qu'elle
contient autant de Salutations angéliques que le psautier de
David contient de psaumes, et que, les simples et les
ignorants ne pouvant pas réciter le psautier de David, on
trouve dans la récitation du saint Rosaire un fruit égal à
celui qu'on tire de la récitation des psaumes de David et même
encore un plus abondant: 1 Parce que le psautier angélique a
un fruit plus noble, savoir: le Verbe incarné, au lieu que le
psautier de David ne fait que le prédire; 2 Comme la vérité
surpasse la figure et le corps l'ombre, de même le psautier de
la sainte Vierge surpasse le psautier de David qui n'en a été
que l'ombre et la figure; 3 Parce que la Sainte-Trinité a
immédiatement fait le psautier de la sainte Vierge ou le
Rosaire composé du Pater et de l'Ave.
Voici ce que le savant Cartagène rapporte sur ce sujet:
"Sapientissimus Aquensis, libro ejus de Rosacea Corona ad
Imperatorun Maximilianum conscripto, dicit: "Salutandae Mariae
ritus novitiis inventis haud quaquam adscribitur. Si quidem
cum ipsa pene ecclesia pullulavit; nam cum inter ipsa
nascentis ecclesiae primordia, perfectiores quoque fideles
tribus illis Davidicorum psalmorum quinquagenis, divinas
laudes assidue celebrarent, ad rudiores quoque qui modo
arctius divinis vacabant piis moris aemulatio est derivata...
rati id quod erat, cuncta illorum sacramenta psalmorum in
coelesti hoc elogio delitescere, si quidem eum quem psalmi
venturum concinunt, hunc jam adesse, haec formula nuntiavit;
sicque trinas salutationum quinquagenas "Mariae Psalterium"
appellare coeperunt, oratione utique dominica in singulas
decades ubique preposita prout a psalmidicis observari ante
adverterunt."

23. Le psautier ou le Rosaire de la sainte Vierge est divisé
en trois chapelets de cinq dizaines chacun: 1 pour honorer
les trois personnes de la Sainte-Trinité; 2 pour honorer la
vie, la mort et la gloire de Jésus-Christ; 3 pour imiter
l'Eglise triomphante, pour aider la militante et soulager la
souffrante; 4 pour imiter les trois parties des psaumes dont
la première est pour la voie purgative, la seconde pour la vie
illuminative et la troisième pour la vie unitive; 5 pour nous
remplir de grâces pendant la vie, de paix à la mort et de
gloire dans l'éternité.

7 Rose
24. Depuis que le bienheureu Alain de la Roche a renouvelé
cette dévotion, la voix publique, qui est la voix de Dieu, lui
a donné le nom de Rosaire qui signifie couronne de roses;
c'est-à-dire que toutes les fois que l'on dit comme il faut
son Rosaire, on met sur la tête de Jésus et de Marie une
couronne composée de cent-cinquante-trois roses blanches et de
16 roses rouges du paradis, lesquelles ne perdront jamais ni
leur beauté ni leur éclat. La Sainte Vierge a approuvé et
condfirmé ce nom de rosaire, révélant à plusieurs qu'ils lui
présentaient autant d'agréables roses qu'ils réciteront d'Ave
Maria en son honneur et autant de couronnes de roses qu'ils
diront de Rosaires.

25. Le frère Alphonse Rodriguez, de la Compagnie de Jésus,
récitait son Rosaire avec tant d'ardeur qu'il voyait souvent,
à chaque Pater, sortir de sa bouche une rose vermeille, et à
chaque Ave Marie une blanche égale en beauté et en bonne odeur
et seulement différente de couleur.
Les chroniques de saint François racontent qu'un jeune
religieux avait cette louable coutume de dire tous les jours
avant son repas la couronne de la sainte Vierge. Un jour, par
je ne sais quel accident, il y manqua; le dîner étant sonné,
il pria le supérieur de lui permettre de la réciter avant que
d'aller à table. Avec cette permission, il se retira dans sa
chambre; mais comme il tardait trop, le supérieur envoya un
religieux pour l'appeler.
Ce religieux le trouva dans sa chambre, tout éclatant
d'une céleste lumière, et la sainte Vierge avec deux anges
auprès de lui; à mesure qu'il disait un Ave Maria, une belle
rose sortait de sa bouche, les anges prenaient les roses l'une
après l'autre et les mettaient sur la tête de la sainte Vierge
qui en témoignait de l'agrément. Deux autres religieux envoyés
pour voir la cause du retardement des autres virent tout ce
mystère, et la sainte Vierge ne disparut point que la couronne
ne fût récitée.
Le Rosaire est donc une grande couronne et le chapelet un
petit chapeau de fleurs ou petite couronne de roses célestes
qu'on met sur la tête de Jésus et de Marie. La rose est la
reine des fleurs, de même le Rosaire est la rose et la
première des dévotions.

8 Rose
26. Il n'est pas possible d'exprimer combien la sainte Vierge
estime le Rosaire sur toutes les dévotions et combien elle est
magnifique à récompenser ceux qui travaillent à le prêcher,
l'établir et le cultiver; et au contraire combien elle est
terrible contre ceux qui veulent s'y opposer.
Saint Dominique n'a eu rien tant à coeur pendant sa vie
que de louer la sainte Vierge, de prêcher ses grandeurs et
d'animer tout le monde à l'honorer par son Rosaire. Cette
puissante Reine du ciel n'a cessé aussi de répandre sur ce
saint des bénédictions à pleines mains; et elle a couronné ses
travaux de mille prodiges et miracles, il n'a jamais rien
demandé à Dieu qu'il ne l'ait obtenu par l'intercession de la
sainte Vierge; et, pour comble de faveur, elle l'a rendu
victorieux de l'hérésie del Albigeois et fait père et
patriarche d'un grand ordre.

27. Que dirai-je du bienheureux Alain de la Roche, réparateur
de cette dévotion?
La sainte Vierge l'a honoré plusieurs fois de sa visite
pour l'instruire des moyens de faire son salut, de se rendre
bon prêtre, parfait religieux et imitateur de Jésus-Christ.
Pendant les tentations et les persécutions horribles des
démons qui le réduisaient à une extrême tristesse et presque
au désespoir, elle le consolait et dissipait par sa douce
présence tous ces nuages et ces ténèbres. Elle lui a enseigné
la méthode de dire le Rosaire, ses excellences et ses fruits;
elle l'a favorisé de la glorieuse qualité de son nouvel époux,
et pour gage de ses chastes affections, elle lui a mis une
bague au doigt, un collier fait de ses cheveux au col, et lui
a donné un Rosaire. L'abbé Tritème, le docte Cartagène, le
savant Martin Navarre et les autres en parlent avec éloges.
Après avoir attiré à la confrérie du Rosaire plus de cent
mille âmes, il mourut à Zwolle, en Flandre, le 8 septembre
1475.

28. Le démon, jaloux des grands fruits que le bienheureux
Thomas de Saint-Jean, célèbre prédicateur du saint Rosaire,
faisait par cette pratique, le réduisait, par ses mauvais
traitements, à une longue et fâcheuse maladie dans laquelle il
fut désespéré des médecins. Une nuit qu'il croyait
infailiblement mourir, le démon lui apparut sous une figure
épouvantable; mais élevant directement les yeux et le coeur
vers une image de la sainte Vierge qui était près de son lit,
il cria de toutes ses forces: "Aidez-moi, secourez-moi, ô ma
très douce Mère!". A peine eut-il achevé ces paroles, que la
sainte Vierge lui tendit la main de la sainte image, lui serra
le bras en lui disant: "Ne crains point, mon fils Thomas, me
voici à ton secours; lève-toi et continue de prêcher la
dévotion de mon Rosaire comme tu as commencé. Je te défendrai
contre tous tes ennemis." A ces paroles de la sainte Vierge,
le démon prit la fuite. Le malade se leva en parfaite santé,
et il rendit grâces à sa bonne Mère avec un torrent de larmes,
et continua de prêcher le Rosaire avec un succès merveilleux.

29. La sainte Vierge ne favorise pas seulement les
prédicateurs du Rosaire, elle récompense aussi glorieusement
ceux qui, par leur exemple, attirent les autres à cette
dévotion.
Alphonse, roi de Léon et de Galice, désirant que tous ses
domestiques honorassent la sainte Vierge par le Rosaire,
s'avisa, pour les y animer par son exemple, de porter un gros
Rosaire à son côté, mais sans le réciter pourtant: ce qui
obligea tous les gens de sa cour à le dire dévotement.
Le roi tomba malade à l'extrémité et lorsqu'on le croyait
mort, il fut ravi en esprit au tribunal de Jésus-Christ. Il
vit les diables qui l'accusaient de tous les crimes qu'il
avait commis et le juge étant sur le point de le condamner aux
peines éternelles, la sainte Vierge se présenta en sa faveur
devant son Fils; on apporta une balance, on mit tous les
péchés du roi dedans un bassin, et la sainte Vierge mit le
gros Rosaire qu'il avait porté en son honneur et avec ceux
qu'il avait fait dire par son exemple, qui pesa plus que tous
ses péchés, et puis, le regardant d'un oeil favorable, elle
lui dit: "J'ai obtenu de mon Fils, pour récompense du petit
service que tu m'as rendu en portant le Rosaire, le
prolongement de ta vie pour quelques années. Emploie-les bien,
et fais pénitence." Le roi, revenu de ce ravissement, s'écria:
"O bienheureux Rosaire de la sainte Vierge, par lequel j'ai
été délivré de la damnation éternelle." Après qu'il eut
recouvré la santé, il passa le reste de sa vie dans la
dévotion du saint Rosaire et le récitait tous les jours.
Que les dévots de la sainte Vierge tâchent de gagner le
plus qu'ils pourront de fidèles à la confrérie du saint
Rosaire, à l'exemple de ces saints et de ce roi; ils auront
ici-bas ses bonnes grâces et la vie éternelle. Qui elucidant
me vitam aeternam habebunt.

9 Rose
30. Mais, voyons maintenant quelle injustice c'est d'empêcher
le progrès de la confrérie du saint Rosaire et quels sont les
châtiments dont Dieu a puni plusieurs malheureux qui ont
méprisé et voulu détruire la confrérie du saint Rosaire.
Quoique la dévotion du saint Rosaire ait été autorisée du
ciel par plusieurs prodiges et qu'elle soit approuvée de
l'Eglise par plusieurs bulles des papes, il ne se trouve que
trop de libertins, d'impies et d'esprits forts du temps, qui
tâchent ou de décrier la confrérie du saint Rosaire, ou d'en
éloigner du moins les fidèles. Il est aisé de connaître que
leurs langues sont infectées du venin de l'enfer et qu'ils
sont poussés par l'esprit malin; car nul ne peut désapprouver
la dévotion du saint Rosaire, qu'il ne condamne ce qu'il y a
de plus pieux dans la religion chrétienne, savoir: l'Oraison
dominicale, la Salutation angélique, les mystères de la vie,
de la mort et de la gloire de Jésus-Christ et de sa sainte
Mère.
Ces esprits forts, qui ne peuvent souffrir qu'on dise le
Rosaire, souvent tombent, sans y penser, dans le sens réprouvé
des hérétiques qui ont en horreur le chapelet et le Rosaire.
C'est s'éloigner de Dieu et de la vraie piété que
d'abhorrer les confréries, puisque Jésus-Christ nous assure
qu'il se trouve au milieu de ceux qui sont assemblés en son
nom. Ce n'est pas être bon catholique que de négliger tant et
de si grandes indulgences que l'Eglise accorde aux confréries.
Enfin c'est être ennemi du salut des âmes, de dissuader les
fidèles d'être du saint Rosaire, puisque, par ce moyen, ils
quittent le parti du péché pour embrasser la piété. Si saint
Bonaventure a eu raison de dire que celui-là mourra en son
péché et sera damné qui aura négligé la sainte Vierge: "Qui
negligerit illam morietur in peccatis suis" (in psalterio
suo), quels châtiments doivent attendre ceux qui détournent
les autres de sa dévotion!...

10 Rose
31. Lorsque saint Dominique prêchait cette dévotion dans
Carcassone, un hérétique tournait en ridicule ses miracles et
les 15 mystères du saint Rosaire, ce qui empêchait la
conversion des hérétiques. Dieu, pour punir cet impie, permit
à quinze mille démons d'entrer en son corps; ses parents
l'amenèrent au bienheureux Père pour le délivrer de ces malins
esprits. Il se mit en oraison et exhorta toute la compagnie de
réciter avec lui le Rosaire tout haut, et voilà qu'à chaque
Ave Maria, la sainte Vierge faisait sortir cent démons du
corps de cet hérétique en forme de charbons ardents. Après
qu'il fut délivré, il abjura ses erreurs, se convertit et se
fit enrôler en la confrérie du Rosaire avec plusieurs de son
parti qui furent touchés de ce châtiment et de la vertu du
Rosaire.

32. Le docte Cartagène, de l'ordre de Saint-François, avec
plusieurs auteurs, rapporte que l'an 1482, lorsque le
vénérable Père Jacques Sprenger et ses religieux travaillaient
avec grand zèle à rétablir la dévotion et la confrérie du
saint Rosaire dans la ville de Cologne, deux fameux
prédicateurs, jaloux des grands fruits qu'ils faisaient par
cette pratique, tâchaient de la décrier par leurs sermons, et
comme ils avaient du talent, et un grand crédit, ils
dissuadaient beaucoup de personnes de s'y enrôler; l'un de ces
prédicateurs, pour mieux venir à bout de son pernicieux
dessein, prépara un sermon exprès et l'assigna à un jour de
dimanche. L'heure du sermon étant venue le prédicateur ne
paraissait point; on l'attendit, on le chercha, et enfin on le
trouva mort sans avoir été secouru de personne. L'autre
prédicateur, se persuadant que cet accident était naturel,
résolut de suppléer à son défaut pour abolir la confrérie du
Rosaire. Le jour et l'heure du sermon étant arrivés, Dieu
châtia ce prédicateur d'une paralysie qui lui ôta le mouvement
et la parole. Il reconnut sa faute et celle de son compagnon,
il eut recours à la sainte Vierge dans son coeur, lui
promettant de prêcher partout le Rosaire avec autant de force
qu'il l'avait combattu. Il la pria de lui rendre pour cela la
santé et la parole, ce que la sainte Vierge lui accorda, et se
trouvant subitement guéri il se leva comme un autre Saul, de
persécuteur devenu défenseur du saint Rosaire. Il fit
réparation publique de sa faute, et prêcha avec beaucoup de
zèle et d'éloquence l'excellence du saint Rosaire.

33. Je ne doute point que les esprits forts et critiques de
ce temps, qui liront les histoires de ce petit traité, ne les
révoqueront en doute, comme ils ont toujours fait, quoique je
n'aie fait autre chose que les transcrire de très bons auteurs
contemporains et en partie dans un livre nouvellement composé
par le Révérend Père Antonin Thomas, de l'ordre des frères
prêcheurs, intitulé: "Le Rosier mystique".
Tout le monde sait qu'il y a trois sorte de foi aux
histoires différentes. Nous devons aux histoires de l'Ecriture
sainte une foi divinie; aux histoires profanes qui ne
répugnent point à la raison et écrites par de bons auteurs,
une foi humaine; et aux histoires pieuses rapportées par de
bons auteurs et nullement contraires à la raison, à la foi ni
aux bonnes moeurs, quoiqu'elles soient quelquefois
extraordinaires, une foi pieuse; j'avoue qu'il ne faut être ni
trop crédule ni trop critique, et qu'il faut tenir le milieu
en tout pour trouver le point de la vérité et de la vertu;
mais aussi je sais que, comme la charité croit facilement tout
ce qui n'est point contraire à la foi ni aux bonnes moeurs:
Charitas omnia credit, de même l'orgueil porte à nier presque
toutes les histoires bien avérées, sous prétexte qu'elles ne
sont point dans l'Ecriture sainte.
C'est le piège de Satan, où les hérétiques qui nient la
tradition sont tombés, et où les critiques du temps tombent
insensiblement, ne croyant pas ce qu'ils ne comprennent pas,
ou ce qui ne leur revient pas, sans aucune autre raison que
l'orgueil et la suffisance de leur propre esprit.

DEUXIEME DIZAINE
L'excellence du saint Rosaire dans
les prières dont il est composé.

11 Rose
34. Le Credo ou le Symbole des Apôtres qu'on récite sur la
croix du Rosarie ou du chapelet, étant un sacré raccourci et
abrégé des vérités chrétiennes, est une prière d'un grand
mérite, parce que la foi est la base, le fondement et le
commencement de toutes les vertus chrétiennes, de toutes les
vertus éternelles et de toutes les prières que Dieu a pour
agréables. "Accedentem ad Deum credere oportet". Il faut que
celui qui s'approche de Dieu par la prière commence par
croire, et plus il aura de foi, et plus sa prière aura de
force et de mérite en elle-même et rendra de gloire à Dieu.
Je ne m'arrêterai pas à expliquer les paroles du Symbole
des Apôtres; mais je ne puis m'empêcher de déclarer que ces
trois premières paroles: "Credo in Deum: Je crois en Dieu",
renfermant les actes des trois vertus théologales: la foi,
l'espérance et la charité, ont une efficace merveilleuse pour
sanctifier l'âme et terrasser le démon. C'est avec ces paroles
que plusieurs saints ont vaincu les tentations,
particulièrement celles qui sont contre la foi, l'espérance ou
la charité, soit pendant la vie, soit à l'heure de la mort. Ce
furent les dernières paroles que saint Pierre le martyr
écrivit le mieux qu'il put avec le doigt sur le sable, lorsque
ayant la tête fendue en deux par un coup de sabre qu'un
hérétique lui donna, il était près d'expirer.

35. Comme la foi est la seule clef qui nous fait entrer dans
tous les mystères de Jésus et de Marie renfermés au saint
Rosaire, il faut le commencer en récitant le Credo avec une
grande attention et dévotion, et plus notre foi sera vive et
forte, et plus le Rosaire sera méritoire. Il faut que cette
foi soit vive et animée par la charité, c'est-à-dire que pour
bien réciter le saint Rosaire, il faut être en grâce de Dieu
ou dans la recherche de cette grâce; il faut que la foi soit
forte et constante, c'est-à-dire qu'il ne faut pas chercher
dans la pratique du saint Rosaire seulement son goût sensible
et sa consolation spirituelle, c'est-à-dire qu'il ne faut pas
l'abandonner parce qu'on a une foule de distractions
involontaires dans l'esprit, un dégoût étrange dans l'âme, un
ennui accablant et un assoupissement presque continuel dans le
corps; il n'est pas besoin de goût ni de consolation, ni de
soupirs, ni d'élans, ni de larmes, ni d'application
continuelle de l'imagination, pour bien réciter son Rosaire.
La foi pure et la bonne intention suffisent. "Sola fides
sufficit".

12 Rose
36. Le Pater, ou l'Oraison dominicale, tire sa première
excellence de son auteur, qui n'est pas un homme ou un ange,
mais le Roi des anges et des hommes, Jésus-Christ. "Il était
nécessaire, dit saint Cyprien, que Celui qui venait nous
donner la vie de la grâce comme Sauveur, nous enseignât la
manière de prier comme Maître céleste". La sagesse de ce divin
Maître paraît bien dans l'ordre, la douceur, la force et la
clarté de cette divine prière; elle est courte, mais elle est
riche en instruction, intelligible pour les simples et remplie
de mystères pour les savants.
Le Pater renferme tous les devoirs que nous devons rendre
à Dieu, les actes de toutes les vertus et les demandes de tous
nos besoins spirituels et corporels. Elle contient, dit
Tertullien, l'abrégé de l'Evangile. Elle surpasse, dit Thomas
à Kempis, tous les désirs des saints, elle contient en abrégé
toutes les douces sentences des psaumes et des cantiques; elle
demande tout ce qui nous est nécessaire; elle loue Dieu d'une
excellente manière; elle élève l'âme de la terre au ciel et
l'unit étroitement avec Dieu.

37. Saint Chrysostome dit que celui qui ne prie pas comme le
divin Maître a prié et enseigné à prier, n'est pas son
disciple, et Dieu le Père n'écoute pas agréablement les
prières que l'esprit humain a formées, mais bien celles de son
Fils, qu'il nous a enseignées.
Nous devons réciter l'Oraison dominicale avec certitude
que le Père éternel l'exaucera, puisqu'elle est la prière de
son Fils, qu'il exauce toujours, et que nous sommes ses
membres; car que peut refuser un si bon Père à une requête si
bien conçue et appuyée sur les mérites et la recommandation
d'un si digne Fils?
Saint Augustin assure que le Pater bien récité efface les
péchés véniels. Le juste tombe sept fois. L'Oraison dominicale
contient sept demandes par lesquelles il peut remédier à ses
chutes et se fortifier contre ses ennemis. Elle est courte et
facile, afin que, comme nous sommes fragiles et sujets à
plusieurs misères, nous recevions un plus prompt secours en la
récitant plus souvent et plus dévotement.

38. Désabusez-vous donc, âmes dévotes qui négligez l'Oraison
que le propre Fils de Dieu a composée et qu'il a ordonné à
tous les fidèles; vous qui n'avez d'estime que pour les
prières que les hommes ont composées, comme si l'homme, même
le plus éclairé, savait mieux que Jésus-Christ comment nous
devons prier. Vous cherchez dans les livres des hommes la
façon de louer et de prier Dieu, comme si vous aviez honte de
vous servir de celle que son Fils nous a prescrite. Vous vous
persuadez que les oraisons qui sont dans les livres sont pour
les savants et pour les riches, et que le Rosaire n'est que
pour les femmes, pour les enfants et pour le peuple, comme si
les louanges et les prières que vous lisez étaient plus belles
et plus agréables à Dieu que celles qui sont contenues dans
l'oraison dominicale. C'est une dangeureuse tentation que de
se dégoûter de l'Oraison que Jésus-Christ nous a recommandée
pour prendre les oraisons que les hommes ont composées. Ce
n'est pas que nous désapprouvions celles que les saints ont
composées pour exciter les fidèles à louer Dieu, mais nous ne
pouvons souffrir qu'ils les préfèrent à l'Oraison qui est
sortie de la bouche de la Sagesse incarnée, et qu'ils laissent
la source pour courir après les ruisseaux, et qu'ils
dédaignent l'eau claire pour boire l'eau trouble. Car enfin le
Rosaire, composé de l'Oraison dominicale et de la Salutation
angélique, est cette eau claire et perpétuelle qui coule de la
source de la grâce, tandis que les autres oraisons qu'ils
cherchent dans les livres ne sont que de bien petits ruisseaux
qui en dérivent.

39. Nous pouvons appeler heureux celui qui, en récitant
l'Oraison du Seigneur, en pèse attentivement chaque parole; là
il trouve tout ce dont il a besoin, tout ce qu'il peut
désirer.
Quand nous récitons cette admirable prière, tout d'abord
nous captivons le coeur de Dieu en l'invoquant par le doux nom
de Père.
"Notre Père", le plus tendre de tous les pères, tout-
puissant dans la création, tout admirable dans sa
conservation, tout aimable dans sa Providence, tout bon et
infiniment bon dans la Rédemption. Dieu est notre Père, nous
sommes tous frères, le ciel est notre patrie et notre
héritage. N'y a-t-il pas là de quoi nous inspirer à la fois
l'amour de Dieu, l'amour du prochain et le détachement de
toutes les choses de la terre? Aimons donc un tel Père et
disons-lui mille et mille fois: "Notre Père qui êtes aux
cieux". Vous qui remplissez le ciel et la terre par
l'immensité de votre essence, qui êtes présent partout; vous
qui êtes dans les saints par votre gloire, dans les damnés par
votre justice, dans les justes par votre grâce, dans les
pécheurs par votre patience qui les souffre, faites que nous
nous souvenions toujours de notre céleste origine, que nous
vivions comme vos véritables enfants; que nous tendions
toujours vers vous seul par toute l'ardeur de nos désirs.
"Que votre nom soit sanctifié". Le nom du Seigneur est
saint et redoutable, dit le prophète-roi, et le ciel, suivant
Isaïe, retentit des louanges que les séraphins ne cessent de
donner à la sainteté du Seigneur, Dieu des armées. Nous
demandons ici que toute la terre connaisse et adore les
attributs de ce Dieu si grand et si saint; qu'il soit connu,
aimé et adoré des païens, des Turcs, des Juifs, des Barbares
et de tous les infidèles; que tous les hommes le servent et le
glorifient par une foi vive, une espérance ferme, par une
charité ardente, et par le renoncement à toutes les erreurs:
en un mot, que tous les hommes soient saints parce qu'il est
saint lui-même.
"Que votre règne arrive". C'est-à-dire que vous régniez
dans nos âmes par votre grâce, durant la vie, afin que nous
méritions, après notre mort, de régner avec vous dans votre
royaume, qui est la souveraine et éternelle félicité, que nous
croyons, que nous espérons et que nous attendons, cette
félicité qui nous est promise par la bonté du Père, qui nous
est acquise par les mérites du Fils et qui nous est révélée
par les lumières du Saint-Esprit.
"Que votre volonté soit faite sur la terre comme au
ciel". Sans doute, rien ne peut se dérober aux dispositions de
la Providence divine qui a tout prévu, tout arrangé avant
l'évènement; nul obstacle ne l'écarte de la fin qu'elle s'est
proposée, et quand nous demandons à Dieu que sa volonté soit
faite, ce n'est pas que nous craignions, dit Tertullien, que
quelqu'un s'oppose efficacement à l'exécution de ses desseins,
mais que nous acquiescions humblement à tout ce qu'il lui a
plû d'ordonner à notre égard; que nous accomplissions toujours
et en toutes choses sa très sainte volonté, qui nous est
connue par ses commandements, avec autant de promptitude,
d'amour et de constance, que les anges et les bienheureux lui
obéissent dans le ciel.

40. "Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour".
Jésus-Christ nous enseigne à demander à Dieu tout ce qui est
nécessaire à la vie du corps et à la vie de l'âme. Par ces
paroles de l'Oraison dominicale, nous faisons l'humble aveu de
notre misère et nous rendons hommage à la Providence, en
déclarant que nous croyons, que nous voulons tenir de sa bonté
tous les biens temporels. Sous le nom de pain nous demandons
ce qui est simplement nécessaire à la vie, le superflu n'est
point compris. Ce pain nous le demandons aujourd'hui, c'est-à-
dire que nous bornons au jour présent toutes nos sollicitudes,
nous reposant sur la Providence pour le lendemain. Nous
demandons le pain de chaque jour, avouant ainsi nos besoins
toujours renaissants et montrant la continuelle dépendance où
nous sommes de la protection et du secours de Dieu.
"Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux
qui nous ont offensés". Nos péchés, disent saint Augustin et
Tertullien, sont autant de dettes que nous contractons envers
Dieu, et sa justice en exige le paiement jusqu'à la dernière
obole. Or nous avons tous ces tristes dettes. Malgré le nombre
de nos iniquités, approchons-nous donc de lui avec confiance
et disons-lui avec un vrai repentir: Notre Père qui êtes aux
cieux, pardonnez-nous les péchés de notre coeur et de notre
bouche, les péchés d'action et d'omission qui nous rendent
infiniment coupables aux yeux de votre justice, parce qu'en
qualité d'enfants d'un père si clément et miséricordieux, nous
pardonnons par obéissance et par charité à ceux qui nous ont
offensés.
Et "ne permettez pas" à cause de notre infidélité à vos
grâces, "que nous succombions aux tentations" du monde, du
démon et de la chair. Mais "délivrez-nous du mal", qui est le
péché, du mal de la peine temporelle et de la peine éternelle,
que nous avons méritées.
"Ainsi soit-il". Parole d'une grande consolation, qui
est, dit saint Jérôme, comme le sceau que Dieu met à la fin de
nos requêtes pour nous assurer qu'il nous a exaucés, comme si
lui-même nous répondait:
Amen!!! Qu'il soit fait comme vous le demandez, vous
l'avez obtenu en vérité, car c'est ce que signifie ce mot:
Amen.

13 Rose
41. Nous honorons les perfections de Dieu en récitant chaque
parole de l'Oraison dominicale. Nous honorons sa fécondité par
le nom de Père, qui engendre de toute éternité un Fils qui est
Dieu comme vous, éternel, consubstantiel, qui est une même
essence, une même puissance, une même bonté, une même sagesse
avec vous, Père et Fils, qui, vous aimant, produisez le Saint-
Esprit, qui est Dieu comme vous, trois personnes adorables,
qui êtes un seul Dieu.
Notre Père! C'est-à-dire, Père des hommes par la
création, par la conservation et par la rédemption, Père
miséricordieux des pécheurs, Père ami des justes, Père
magnifique des bienheureux.
Qui êtes. Par ces paroles nous admirons l'infinité, la
grandeur et la plénitude de l'essence de Dieu, qui s'appelle
véritablement Celui qui est, c'est-à-dire, qui existe
essentiellement, nécessairement et éternellement, qui est
l'Etre des êtres, la cause de tous les êtres; qui renferme
éminemment en lui-même les perfections de tous les êtres; qui
est dans tous par son essence, par sa présence et par sa
puissance, sans y être renfermé. Nous honorons sa sublimité,
sa gloire et sa majesté par ces mots: Qui êtes aux cieux,
c'est-à-dire assis comme dans votre trône, exerçant votre
justice sur tous les hommes.
Nous adorons sa sainteté en désirant que son nom soit
sanctifié. Nous reconnaissons sa souveraineté et la justice de
ses lois, en souhaitant que son règne arrive, et que les
hommes lui obéissent sur la terre comme les anges lui
obéissent dans le ciel. Nous croyons à sa Providence, en le
priant de nous donner notre pain de chaque jour. Nous
invoquons sa clémence, en lui demandant la rémission de nos
péchés. Nous recourons à sa puissance, en le priant de ne pas
nous laisser succomber à la tentation. Nous nous confions à sa
bonté, en espérant qu'il nous délivrera du mal. Le Fils de
Dieu a toujours glorifié son Père par ses oeuvres; il est venu
au monde pour le faire glorifier des hommes; il leur a
enseigné la manière de l'honorer, par cette oraison qu'il a
daigné nous dicter lui-même. Nous devons donc la réciter
souvent avec attention et dans le même esprit qu'il l'a
composée.
 

14 Rose
42. Lorsque nous récitons attentivement cette divine Oraison,
nous faisons autant d'actes des plus nobles vertus chrétiennes
que nous prononçons de paroles. En disant: Notre Père qui êtes
aux cieux, nous formons des actes de foi, d'adoration et
d'humilité. En désirant que son nom soit sanctifié et
glorifié, nous faisons paraître un zèle ardent pour sa gloire.
En lui demandant la possession de son royaume, nous
faisons un acte d'espérance. En souhaitant que sa volonté soit
accomplie sur la terre comme dans le ciel, nous montrons un
esprit de parfaite obéissance. En lui demandant notre pain de
chaque jour, nous pratiquons la pauvreté d'esprit et le
détachement des biens de la terre. En le priant de nous
remettre nos péchés, nous faisons un acte de repentir. Et en
pardonnant à ceux qui nous ont offensés, nous exerçons la
miséricorde dans la plus haute perfection. En lui demandant
son secours dans les tentations, nous faisons des actes
d'humilité, de prudence et de force. En attendant qu'il nous
délivre du mal, nous pratiquons la patience. Enfin, en
demandant toutes ces choses, non seulement pour nous, mais
encore pour notre prochain et pour tous les membres de
l'Eglise, nous faisons le devoir des vrais enfants de Dieu,
nous l'imitons dans sa charité qui embrasse tous les hommes et
nous accomplissons le commandement de l'amour du prochain.

Nous détestons tous les péchés et nous observons tous les
commandements de Dieu, lorsqu'en recitant cette Oraison notre
coeur s'accorde avec notre langue, et que nous n'avons point
d'intentions contraires au sens de ces divines paroles. Car
lorsque nous faisons réflexion que Dieu est au ciel, c'est-à-
dire infiniment élevé au-dessus de nous par la grandeur de sa
majesté, nous entrons dans les sentiments du plus profond
respect en sa présence; tout saisis de crainte, nous fuyons
l'orgueil et nous nous abaissons jusqu'au néant. Lorsqu'en
pronoçant le nom du Père, nous nous souvenons que nous tenons
notre existence de Dieu, par le moyen de nos parents, et notre
instruction même par le moyen de nos maîtres, qui nous
tiennent ici la place de Dieu, dont ils sont les images
vivantes, nous nous sentons obligés de les honorer ou, pour
mieux dire, d'honorer Dieu en leurs personnes, et nous nous
gardons bien de les mépriser et de les affliger.
Lorsque nous désirons que le saint Nom de Dieu soit
glorifié, nous sommes bien éloignés de le profaner. Lorsque
nous regardons le royaume de Dieu comme notre héritage, nous
renonçons à toute attache aux biens de ce monde; lorsque nous
demandons sincèrement pour notre prochain les mêmes biens que
nous désirons pour nous-mêmes, nous renonçons à la haine, à la
dissension et à l'envie. En demandant à Dieu notre pain de
chaque jour, nous détestons la gourmandise et la volupté qui
se nourrissent de l'abondance. En priant Dieu véritablement de
nous pardonner, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont
offensés, nous réprimons notre colère et notre vengeance, nous
rendons le bien pour le mal et nous aimons nos ennemis. En
demandant à Dieu de ne pas nous laisser tomber dan le péché au
moment de la tentation, nous montrons que nous fuyons la
paresse, que nous cherchons les moyens de combattre les vices
et de faire notre salut. En priant Dieu de nous délivrer du
mal, nous craignons sa justice, et nous sommes heureux, car la
crainte de Dieu est le commencement de la sagesse, c'est par
la crainte de Dieu que tout homme évite le péché.

15 Rose
44. La Salutation angélique est si sublime, si relevée, que
le bienheureux Alain de la Roche a cru qu'aucune créature ne
peut la comprendre et qu'il n'y a que Jésus-Christ, né de la
Vierge Marie, qui puisse l'expliquer.
Elle tire principalement son excellence de la très sainte
Vierge à qui elle fut adressée, de la fin de l'Incarnation du
Verbe pour laquelle elle fut apportée du ciel, et de
l'archange Gabriel qui la prononça le premier.
La Salutation angélique résume dans l'abrégé le plus
concis toute la théologie chrétienne sur la sainte Vierge. On
y trouve une louange et une invocation. La louange renferme
tout ce qui fait la véritable grandeur de Marie; l'invocation
renferme tout ce que nous devons lui demander, et ce que nous
pouvons attendre de sa bonté pour nous. La très sainte Trinité
en a révélé la première partie; sainte Elisabeth, éclairée du
Saint-Esprit, y a ajouté la seconde; et l'Eglise, dans le
premier concile d'Ephèse, tenu l'an 430, y a mis la
conclusion, après avoir condamné l'erreur de Nestorius et
défini que la sainte Vierge est véritablement Mère de Dieu. Le
concile ordonna qu'on invoquerait la sainte Vierge sous cette
glorieuse qualité par ces paroles: Sainte Marie, mère de Dieu,
priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de
notre mort.

45. La sainte Vierge Marie a été celle à qui cette divine
Salutation a été présentée pour terminer l'affaire la plus
grande et la plus importante du monde, l'Incarnation du Verbe
éternel, la paix entre Dieu et les hommes et la rédemption du
genre humain. L'ambassadeur de cette heureuse nouvelle fut
l'archange Gabriel, un des premiers princes de la cour
céleste. La Salutation angélique contient la foi et
l'espérance des patriarches, des prophètes et des apôtres.
Elle est la constance et la force des martyrs, la science des
docteurs, la persévérance des confesseurs et la vie des
religieux. (Bienheureux Alain). Elle est le cantique nouveau
de la loi de grâce, la joie des anges et des hommes, la
terreur et la confusion des démons.
Par la Salutation angélique, Dieu s'est fait homme, une
Vierge est devenue Mère de Dieu, les âmes des justes ont été
délivrées des limbes, les ruines du ciel ont été réparées et
les trônes vides ont été remplis, le péché a été pardonné, la
grâce nous a été donnée, les malades ont été guéris, les morts
ressuscités, les exilés rappelés, la trés sainte Trinité a été
apaisée, et les hommes ont obtenu la vie éternelle. Enfin, la
Salutation angélique est l'arc-en-ciel, le signe de la
clémence et de la grâce que Dieu a faites au monde
(Bienheureux Alain).

16 Rose
46. Quoiqu'il n'y ait rien d'aussi grand que la majesté
divine ni rien d'aussi abject que l'homme considéré comme
pécheur, cette suprême Majesté ne dédaigne pas néanmoins nos
hommages, elle est honorée quand nous chantons ses louanges.
Et le salut de l'ange est un des plus beaux cantiques que nous
puissions adresser à la gloire du Très-Haut. "Canticum novum
cantabo tibi: Je vous chanterai un cantique nouveau". Ce
cantique nouveau que David a prédit qu'on chanterait à la
venue du Messie, c'est la Salutation de l'archange.
Il y a un cantique ancien et un cantique nouveau.
L'ancien est celui que les Israélites ont chanté en
reconnaissance de la création, de la conservation, de la
délivrance de leur captivité, du passage de la mer Rouge, de
la manne et de toutes les autres faveurs du ciel. Le cantique
nouveau est celui que les chrétiens chantent en actions de
grâces de l'Incarnation et de la Rédemption. Comme ces
prodiges ont été accomplis par le salut angélique, nous
répétons ce même salut pour remercier la très sainte Trinité
de ses bienfaits inestimables. Nous louons Dieu le Père de ce
qu'il a tant aimé le monde, qu'il lui a donné son Fils unique
pour sauveur. Nous bénissons le Fils de ce qu'il est descendu
du ciel sur la terre, de ce qu'il s'est fait homme et de ce
qu'il nous a rachetés. Nous glorifions le Saint-Esprit de ce
qu'il a formé dans le sein de la sainte Vierge ce corps très
pur qui a été la victime de nos péchés. C'est dans cet esprit
de reconnaissance que nous devons réciter le salut angélique,
produisant des actes de foi, d'espérance, d'amour et d'actions
de grâces pour ce bienfait de notre salut.

47. Quoique ce cantique nouveau s'adresse directement à la
Mère de Dieu et qu'il contienne ses éloges, il est néanmoins
très glorieux à la Sainte-Trinité, parce que tout l'honneur
que nous rendons à la sainte Vierge retourne à Dieu comme à la
cause de toutes ses perfections et de tous ses vertus. Dieu le
Père est glorifié de ce que nous honorons la plus parfaite de
ses créatures. Le Fils est glorifié de ce que nous louons sa
très pure Mère. Le Saint-Esprit est glorifié de ce que nous
admirons les grâces dont il a rempli son épouse.
De même que la sainte Vierge, par son beau cantique
Magnificat, renvoya à Dieu les louanges et les bénédictions
que lui donna sainte Elisabeth sur son éminente dignité de
Mère du Seigneur, de même elle renvoie promptement à Dieu les
éloges et les bénédictions que nous lui donnons par le salut
angélique.

48. Si la Salutation angélique rend gloire à la Sainte-
Trinité, elle est aussi la louange la plus parfaite que nous
puissions adresser à Marie.
Sainte Melchtilde, désirant savoir par quel moyen elle
pourrait mieux témoigner la tendresse de sa dévotion à la Mère
de Dieu, fut ravie en esprit; et sur cette pensée, la sainte
Vierge lui apparut portant sur son sein la Salutation
angélique écrite en lettres d'or et lui dit: "Sachez, ma
fille, que personne ne peut m'honorer par un salut plus
agréable que celui que m'a fait présenter la très adorable
Trinité et par lequel elle m'a élevée à la dignité de Mère de
Dieu. Par le mot "Ave", qui est le nom d'Eve, Eva, j'appris
que Dieu, par sa toute-puissance, m'avait préservée de tout
péché et des misères auxquelles la première femme fut sujette.
Le nom de "Marie", qui signifie dame de lumières, marque
que Dieu m'a remplie de sagesse et de lumière, comme un astre
brillant, pour éclairer le ciel et la terre.
Ces mots: "pleine de grâces", me représentent que le
Saint-Esprit m'a comblée de tant de grâces que je puis en
faire part abondamment à ceux qui en demandent par ma
médiation.
En disant: "Le Seigneur est avec vous", on me renouvelle
la joie ineffable que je ressentis lorsque le Verbe éternel
s'incarna dans mon sein.
Quand on me dit: "vous êtes bénie entre toutes les
femmes", je loue la divine miséricorde qui m'a élevée à ce
haut degré de bonheur.
A ces paroles: "Jésus, le fruit de vos entrailles, est
béni", tout le ciel se réjouit avec moi de voir Jésus mon Fils
adoré et glorifié pour avoir sauvé les hommes".

17 Rose
49. Entre les choses admirables que la sainte Vierge a
révélées au bienheureux Alain de la Roche (et nous savons que
ce grand dévot à Marie a confirmé par serment ses
révélations), il y en a trois des plus remarquables: la
première, que c'est un signe probable et prochain de
réprobation éternelle, que d'avoir de la négligence, de la
tiédeur et de l'aversion pour la Salutation angélique qui a
réparé le monde - la seconde, que ceux qui ont de la dévotion
pour cette admirable salutation portent un très grand signe de
prédestination - la troisième, que ceux qui ont reçu du ciel
la faveur d'aimer la sainte Vierge et de la servir par
affection, doivent être extrêmement soigneux de continuer à
l'aimer et à la servir jusqu'à ce qu'elle les ait fait placer
dans le ciel par son Fils au degré de gloire convenable à
leurs mérites (Alanus).

50. Tous les hérétiques, qui sont tous des enfants du diable
et qui portent les marques évidentes de la réprobation, ont
horreur de l'Ave Maria; ils apprennent encore le Pater, mais
non pas l'Ave Maria; ils aimeraient mieux porter sur eux un
serpent qu'un chapelet ou un rosaire.
Entre les catholiques, ceux qui portent la marque de
réprobation ne se soucient guère du chapelet ni du Rosaire,
négligent de le dire ou ne le disent qu'avec tiédeur et à la
hâte. Quand je n'ajouterais aucune foi pieuse à ce qui a été
révélé au bienheureux Alain de la Roche, mon expérience me
suffit pour être persuadé de cette terrible et douce vérité.
Je ne sais pas, et je ne vois pas même évidemment comment il
se peut faire qu'une dévotion si petite en apparence soit la
marque infaillible du salut éternel, et son défaut la marque
de la réprobation. Cependant, rien n'est si véritable.
Nous voyons même que les gens de nouvelles doctrines de
nos jours condamnées par l'Eglise, avec toute leur piété
apparente, négligent beaucoup la dévotion au chapelet et au
Rosaire et souvent l'ôtent de l'esprit et du coeur de ceux ou
celles qui les approchent, sous les plus beaux prétextes du
monde; ils se gardent de condamner ouvertement, comme font les
calvinistes, le chapelet, Rosaire, scapulaire; mais la manière
dont ils s'y prennent est d'autant plus pernicieuse qu'elle
est plus fine. Nous en parlerons dans la suite.

51. Mon Ave Marie, mon Rosaire ou mon chapelet, est ma
prière, et ma très sûre pierre de touche, pour distinguer ceux
qui sont conduits par l'Esprit de Dieu d'avec ceux qui sont
dans l'illusion du malin esprit. J'ai connu des âmes qui
volaient, ce semble, comme des aigles, jusqu'aux nues par leur
sublime contemplation, et qui cependant étaient
malheureusement trompées par le démon, et je n'ai découvert
leurs illusions que par l'Ave Maria et le chapelet, qu'elles
rejetaient comme au-dessous d'elles.
L'Ave Maria est une rosée céleste et divine qui, tombant
dans l'âme d'un prédestiné, lui communique une fécondité
admirable pour produire toutes sortes de vertus, et plus l'âme
est arrosée par cette prière, plus elle devient éclairée dans
l'esprit, embrasée dans le coeur et fortifiée contre tous ses
ennemis.
L'Ave Maria est un trait perçant et enflammé qui, étant
uni par un prédicateur à la parole de Dieu qu'il annonce, lui
donne la force de percer, de toucher et de convertir les
coeurs les plus endurcis, quoique d'ailleurs il n'ait pas
beaucoup de talent naturel pour la prédication.
Ce fut ce trait secret que la sainte Vierge, comme j'ai
déjà dit, enseigna à saint Dominique et au bienheureux Alain,
pour convertir les hérétiques et les pécheurs. C'est de là
qu'est venue la pratique des prédicateurs de dire un Ave Maria
en commençant leur prédication, comme assure saint Antonin.

18 Rose
52. Cette divine Salutation attire sur nous la bénédiction de
Jésus et de Marie, car c'est un principe infaillible que Jésus
et Marie récompensent magnifiquement ceux qui les glorifient:
ils rendent au centuple les bénédictions qu'on leur donne. Ego
diligentes me diligo, Pr 8,17, ut ditem diligentes me et
thesauros eorum repleam. C'est ce que Jésus et Marie criaient
hautement: "Nous aimons ceux qui nous aiement, nous les
enrichissons et nous remplissons leurs trésors". - Qui seminat
in benedictionibus, de benedictionibus et metet: Ceux qui
sèment des bénédictions recueilleront des bénédictions" (2 Cor
9,6).
Or n'est-ce pas aimer, bénir et glorifier Jésus et Marie
que de réciter comme il faut la Salutation angélique? En
chaque Ave Maria, on donnera deux bénédictions à Jésus et à
Marie. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et béni le
fruit de votre ventre, Jésus. Par chaque Ave Maria, vous
rendez à Marie le même honneur que Dieu lui rendit en la
saluant avec l'archange Gabriel. Qui pourrait croire que Jésus
et Marie, qui font du bien souvent à ceux qui les maudissent,
donnassent leurs malédictions à ceux et celles qui les
bénissent et les honorent par l'Ave Maria?
La Reine des cieux, disent saint Bernard et saint
Bonaventure, n'est pas moins reconnaissante et honnête que les
personnes de qualité bien élevées en ce monde: elle les
surpasse même en cette vertu comme en toutes les autres
perfections; elle ne souffrira donc jamais que nous
l'honorions avec respect, qu'elle ne nous le rende au
centuple. Marie, dit saint Bonaventure, nous salue avec la
grâce, si nous la saluons avec l'Ave Marie: "Ipsa salutabit
nos cum gratia si salutaverim eam cum Ave Maria".
Qui pourrait comprendre les grâces et les bénédictions
qu'opèrent en nous le salut et les regards bénins de la sainte
Vierge?
Dans le moment que sainte Elisabeth entendit le salut que
lui donna la Mère de Dieu, elle fut remplie du Saint-Esprit,
et l'enfant qu'elle portait dans son sein tressaillit de joie.
Si nous nous rendons dignes du salut et de la bénédiction
réciproques de la sainte Vierge, sans doute nous serons
remplis de la grâce et un torrent de consolations spirituelles
découlera dans nos âmes.

19 Rose
53. Il est écrit: "Donnez et on vous donnera". Prenons la
comparaison du bienheureux Alain: "Si je vous donnais chaque
jour cent cinquante diamants, quand vous seriez mon ennemi, ne
me pardonneriez-vous pas? Ne me feriez-vous pas comme un ami,
toutes les grâces que vous pourriez? Voulez-vous vous enrichir
des biens de la grâce et de la gloire? Saluez la très sainte
Vierge, honorez votre bonne Mère".
"Sicut qui thesaurizat, ita et qui honorificat matrem.
Celui qui honore sa Mère, la sainte Vierge, est semblable à un
homme qui amasse des trésors" (Si 3,5).
Présentez-lui chaque jour au moins cinquante Ave Maria
dont chacun contient quinze pierres précieuses, qui lui sont
plus agréables que toutes les richesses de la terre. Que ne
devez-vous pas attendre de sa libéralité? Elles est notre Mère
et notre amie. Elle est l'impératrice de l'univers qui nous
aime plus que toutes les mères et les reines ensemble n'ont
aimé un homme mortel, car, dit saint Augustin, la charité de
la Vierge Marie excède tout l'amour naturel de tous les hommes
et de tous les anges.

54. Un jour, Notre-Seigneur apparut à sainte Gertrude
comptant des pièces d'or; elle eut la hardiesse de lui
demander ce qu'il comptait. "Je compte, lui répondit Jésus-
Christ, tes Ave Marie, c'est la monnaie dont on achète mon
paradis".
Le dévot et le docte Suarez, de la Compagnie de Jésus,
estimait tant le mérite de la Salutation angélique, qu'il
disait qu'il aurait volontiers donné toute sa science pour le
prix d'un Ave Maria bien dit.

55. "Que celui qui vous aime, ô divine Marie, lui dit le
bienheureux Alain de la Roche, écoute et goûte: Le ciel est
dans la joie, la terre est dans l'admiration, toutes les fois
que je dis: Ave Maria; j'ai le monde en horreur, j'ai l'amour
de Dieu dans mon coeur, lorsque je dis :Ave Maria; mes
craintes s'évanouissent, mes passions se mortifient, quand je
dis: Ave Maria; je crois dans la dévotion, je trouve la
componction, quand je dis: Ave Maria; mon espérance
s'affermit, ma consolation s'augmente, lorsque je dis: Ave
Maria; mon esprit se réjouit, mon chagrin se dissipe, quand je
dis: Ave Maria; car la douceur de cette bénigne salutation est
si grande qu'on n'a point de terme pour l'expliquer comme il
faut, et après qu'on en aura dit des merveilles, elle demeure
encore si cachée et si profonde qu'on ne la peut découvrir.
Elle est courte en paroles, mais grande en mystères; elles est
plus douce que le miel et plus précieuse que l'or; il faut
très fréquemment l'avoir dans le coeur pour la méditer, et
dans la bouche pour la lire et la répéter dévotement".
"Auscultet tui nominis, o Maria, coelum gaudet, omnis
terra stupet cum dico Ave Maria; Satan fugit, infernus
contremiscit, cum dico Ave Maria; mundus vilescit, cor in
amore liquescit, cum dico Ave Maria; terror evanescit, caro
marcescit, cum dico Ave Maria; crescit devotio, oritur
compuctio, cum dico Ave Maria; spes proficit, augetur
consolatio, cum dico Ave Maria; recreatur animus, et in bono
confortatur aeger afectus, cum dico Ave Maria. Siquidem tanta
suavitas hujus benignae salutationes, ut humanis non possit
explicare verbis, sed semper manet altior et profundior quam
omnis creatura indagare sufficiat. Haec oratio parva est
verbis, alta mysteriis, brevis sermone, alta virtute, super
mel dulcis, super aurum pretiosa; ore cordis est jugiter
ruminanda labiisque puris frequentissime legenda ac devote
repetenda".
Le même bienheureux Alain rapporte, au chapitre 69 de son
psautier, qu'une religieuse très dévote au Rosaire apparaut
après sa mort à une de ses soeurs et lui dit: "Si je pouvais
retourner dans mon corps pour dire seulement un Ave Maria,
quoique sans beaucoup de ferveur, pour avoir le mérite de
cette prière, je souffrirais volontiers tout de nouveau toutes
les douleurs que j'ai souffertes avant de mourir". Il faut
remarquer qu'elle avait souffert plusieurs années sur son lit
des douleurs violentes.

56. Michel de Lisle, évêque de Salubre, disciple et collègue
du bienheureux Alain de la Roche dans le rétablissement du
saint Rosaire, dit que la Salutation angélique est le remède à
tous les maux qui nous affligent, pourvu que nous la récitions
dévotement en l'honneur de la sainte Vierge.

20 Rose
BREVE EXPLICATION DE L'AVE MARIA.
57. Etes-vous dans la misère du péché? Invoquez la divine
Marie, dites-lui: Ave, qui veut dire: je vous salue dans un
très profond respect, ô vous qui êtes sans péché et sans
malheur. Elle vous délivrera du mal de vos péchés.
Etes-vous dans les ténèbres de l'ignorance ou de
l'erreur? Venez à Marie, dites-lui: Ave Maria, c'est-à-dire
Illuminée des rayons du soleil de justice; et elle vous fera
part de ses lumières.
Etes-vous égaré du chemin du ciel? Invoquez Marie, qui
veut dire: Etoile de la mer et l'étoile polaire qui guide
notre navigation en ce monde, et elle vous conduira au port du
salut éternel.
Etes-vous dans l'affliction? Ayez recours à Marie qui
veut dire: mer amère qui a été remplie d'amertume en ce monde
et qui est présentement changée dans une mer de pures douceurs
au ciel; elle convertira vos tristesses en joie et vos
afflictions en consolations.
Avez-vous perdu la grâce? Honorez l'abondance des grâces
dont Dieu a rempli la sainte Vierge, dites-lui: "Pleine de
grâces" et de tous les dons du Saint-Esprit, et elle vous fera
part de ses grâces.
Etes-vous seul, privé de la protection de Dieu, adressez-
vous à Marie, dites-lui: "Le Seigneur est avec vous" plus
noblement et intimement que dans les justes et les saints, car
vous êtes une même chose avec Lui; étant votre Fils, sa chair
est votre chair, vous êtes avec le Seigneur par une très
parfaite ressemblance et par une mutuelle charité; car vous
êtes sa Mère. Dites-lui enfin: Toute la très sainte Trinité
est avec vous dont vous êtes le Temple précieux; et elle vous
remettra sous la protection et sauvegarde de Dieu.
Etes-vous devenu l'objet de la malédiction de Dieu?
Dites: "Vous êtes benie par-dessus toutes les femmes" et de
toutes les nations, pour votre pureté et fécondité; vous avez
changé la malédiction divine en bénédiction; et elle vous
bénira.
Avez-vous faim du pain de la grâce et du pain de vie?
Approchez de celle qui a porté le pain vivant qui est descendu
du Ciel, dites-lui: "Le fruit de votre ventre soit béni",
lequel vous avez conçu sans nul déchet de votre virginité, que
vous avez porté sans peine et enfanté sans douleur. "Jésus"
soit béni qui a racheté le monde captif, guéri le monde
malade, ressuscité l'homme mort, ramené l'homme banni,
justifié l'homme criminel, sauvé l'homme damné. Sans doute
votre âme sera rassasiée du pain de la grâce en cette vie et
de la gloire éternelle en l'autre. Amen.

58. Concluez votre prière avec l'Eglise et dites: "Sainte
Marie ", sainte au corps et en l'âme, sainte par un dévouement
singulier et éternel au service de Dieu, sainte en qualité de
Mère de Dieu qui vous a douée d'une éminente sainteté,
convenable à cette dignité infinie.
"Mère de Dieu", qui êtes aussi notre Mère, notre Avocate
et Médiatrice, la Trésorière et Dispensatrice des grâces de
Dieu, procurez-nous promptement le pardon de nos péchés et
notre réconciliation avec la divine Majesté.
"Priez pour nous pécheurs", vous qui avez tant de
compassion des misérables, qui ne méprisez et ne rebutez point
les pécheurs, sans lesquels vous ne seriez pas la Mère du
Sauveur.
"Priez pour nous maintenant", pendant le temps de cette
vie courte, fragile et misérable, "maintenant", car nous
n'avons d'assuré que ce moment présent, maintenant que nous
sommes attaqués et environnés nuit et jour d'ennemis puissants
et cruels.
"Et à l'heure de notre mort", si terrible et si
périlleux, où nos forces sont épuisées, où nos esprits et nos
corps sont abattus par la douleur et la crainte; à l'heure de
notre mort que Satan redouble ses efforts afin de nous perdre
pour jamais; à cette heure que ce sera la décision de notre
sort pour toute l'éternité bienheureuse ou malheureuse. Venez
au secours de vos pauvres enfants, ô Mère pitoyable, ô
l'avocate et le refuge des pécheurs, chassez loin de nous, à
l'heure de la mort, les démons nos accusateurs et vos ennemis,
dont l'aspect effroyable nous épouvante. Venez nous éclairer
dans les ténèbres de la mort. Conduisez-nous, accompagnez-nous
au tribunal de notre juge, votre Fils; intercédez pour nous,
afin qu'il nous pardonne et nous reçoive au nombre de vos élus
dans le séjour de la gloire éternelle. "Amen". Ainsi soit-il.

59. Qui n'admirera l'excellence du saint Rosaire, composé de
ces deux divines parties: l'Oraison dominicale et la
Salutation angélique? Y a-t-il de prière plus agréable à Dieu
et à la sainte Vierge, plus facile, plus douce et plus
salutaire aux hommes? Ayons-les toujours au coeur et dans la
bouche pour honorer la très sainte Trinité, Jésus-Christ notre
Sauveur et sa très sainte Mère. De plus, à la fin de chaque
dizaine, il est bon d'ajouter le Gloria Patri, etc., c'est-à-
dire: Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Comme il
était au commencement, comme il est maintemant et il sera dans
tous les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.

TROISIEME DIZAINE
Excellence du saint Rosaire dans la méditation
de la vie et de la Passion
de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

21 Rose
LES QUINZE MYSTERES DU ROSAIRE
60. Un mystère est une chose sacrée et difficile à
comprendre. Les oeuvres de Jésus-Christ sont toutes sacrées et
divines, parce qu'il est Dieu et homme tout ensemble. Celles
de la sainte Vierge sont très saintes, parce qu'elle est la
plus parfaite de toutes les pures créatures. On appelle avec
raison les oeuvres de Jésus-Christ et de sa sainte Mère des
mystères, parce qu'elles sont remplies de quantité de
merveilles, de perfections et d'instructions profondes et
sublimes, que le Saint-Esprit découvre aux humbles et aux âmes
simples qui les honorent.
On peut encore appeler les oeuvres de Jésus et de Marie
des fleurs admirables, dont l'odeur et la beauté ne sont
connues que de ceux qui les approchent, qui les flairent et
qui les ouvrent par une attentive et sérieuse méditation.

61. Saint Dominique a partagé la vie de Jésus-Christ et de la
sainte Vierge en quinze mystères, qui nous représentent leurs
vertus et leurs principales actions comme quinze tableaux dont
les traits doivent nous servir de règle et d'exemple pour la
conduite de notre vie. Ce sont quinze flambeaux pour guider
nos pas dans ce monde; quinze miroirs ardents pour connaître
Jésus et Marie, pour nous connaître nous-mêmes et pour allumer
le feu de leur amour dans nos coeurs; quinze fournaises pour
nous consumer entièrement de leurs célestes flammes.
La sainte Vierge a enseigné à saint Dominique cette
excellente méthode de prier et lui a ordonné de la prêcher,
afin de réveiller la piété des chrétiens et de faire revivre
l'amour de Jésus-Christ dans leurs coeurs. Elle l'enseigna
aussi au bienheureux Alain de la Roche. "C'est une prière très
utile, lui dit-elle, c'est un service qui m'est fort agréable,
que de réciter cent cinquante Salutations angéliques. Il me
l'est encore davantage, et ceux-là feront encore beaucoup
mieux qui réciteront les salutations avec la méditation de la
vie, de la passion et de la gloire de Jésus-Christ, car cette
méditation est l'âme de ces oraisons". En effet, le Rosaire,
sans la méditation des mystères sacrés de notre salut, ne
serait presque qu'un corps sans âme, une excellente matière
sans sa forme qui est la méditation, qui le distingue des
autres dévotions.

62. La première partie du Rosaire contient cinq mystères,
dont le premier est l'Annonciation de l'archange Gabriel à la
sainte Vierge; le second, la Visitation de la sainte Vierge à
sainte Elisabeth; le troisième, la Nativité de Jésus-Christ;
le quatriène, la Présentation de l'Enfant Jésus au temple et
la purification de la sainte Vierge; le cinquième, le
Recouvrement de Jésus dans le temple parmi les docteurs. On
appelle ces Mystères joyeux à cause de la joie qu'ils ont
donné à tout l'univers. La sainte Vierge et les anges furent
comblés de joie au moment heureux où le Fils de Dieu
s'incarna. Sainte Elisabeth et saint Jean-Baptiste furent
remplis de joie par la visite de Jésus et de Marie. Le ciel et
la terre se sont réjouis à la naissance du Sauveur. Siméon fut
consolé et comblé de joie, quand il reçut Jésus dans ses bras.
Les docteurs étaient ravis d'admiration en entendant les
réponses de Jésus; et qui exprimera la joie de Marie et de
Joseph en retrouvant Jésus après trois jours d'absence?...

63. La seconde partie du Rosaire se compose aussi de cinq
mystères que l'on appelle Mystères douloureux, parce qu'ils
nous représentent Jésus-Christ accablé de tristesse, couvert
de plaies, chargé d'opprobres, de douleurs et de tourments. Le
premier de ces mystères est la prière de Jésus et son Agonie
au jardin des Olives; le second, sa Flagellation; le
troisième, son Couronnement d'épines; le quatrième, le
Portement de Croix; le cinquième, son Crucifiement et sa mort
sur le Calvaire.

64. La troisième partie du Rosaire contient cinq autres
mystères qu'on appelle glorieux, parce que nous y contemplons
Jésus et Marie dans le triomphe et dans la gloire. Le premier
est la Résurrection de Jésus-Christ; le second, son Ascension
au ciel; le troisième, la Descente du Saint-Esprit sur les
apôtres; le quatrième, l'Assomption de la glorieuse Vierge; le
cinquième, son Couronnement.
Voilà les quinze fleurs odoriférantes du Rosier mystique
sur lesquelles les âmes pieuses s'arrêtent comme de sages
abeilles, pour en cueillir le suc admirable et en composer le
miel d'une dévotion solide.

22 Rose
LA MEDITATION DES MYSTERES NOUS CONFORME A JESUS.
65. Le soin principal de l'âme chrétienne est de tendre à la
perfection. Soyez les fidèles imitateurs de Dieu, comme ses
enfants bien-aimés, nous dit le grand Apôtre. Cette obligation
est comprise dans le décret éternel de notre prédestination,
comme l'unique moyen ordonné pour parvenir à la gloire
éternelle. Saint Grégoire de Nysse dit gracieusement que nous
sommes des peintres. Notre âme est la toile d'attente sur
laquelle nous devons appliquer le pinceau, les vertus sont les
couleurs qui doivent relever son éclat, et l'original que nous
devons copier, c'est Jésus-Christ, l'image vivante qui
représente parfaitement le Père éternel. Comme donc un peintre
pour tirer un portrait au naturel se met devant les yeux
l'original, et qu'à chaque coup de pinceau qu'il donne il
regarde, de même le chrétien doit toujours avoir devant les
yeux la vie et les vertus de Jésus-Christ, pour ne rien dire,
ne rien penser, ne rien faire qui n'y soit conforme.

66. C'est pour nous aider dans l'important ouvrage de notre
prédestination, que la sainte Vierge a ordonné à saint
Dominique d'exposer aux fidèles qui récitent le Rosaire les
mystères sacrés de la vie de Jésus-Christ, non seulement afin
qu'ils l'adorent et le glorifient, mais principalement afin
qu'ils règlent leur vie et leurs actions sur ses vertus. Or,
comme les enfants imitent leurs parents en les voyant et en
conversant avec eux; qu'ils apprennent leur langage en les
entendant parler; qu'un apprenti, en voyant travailler son
maître, apprend son art; de même les fidèles confrères du
Rosaire, en considérant sérieusement et dévotement les vertus
de Jésus-Christ, dans les quinze mystères de sa vie,
deviennent semblables à ce divin Maître, avec le secours de sa
grâce et par l'intercession de la sainte Vierge.

67. Si Moïse ordonna au peuple hébreu, de la part de Dieu
même, de ne jamais oublier les bienfaits dont il avait été
comblé, à plus forte raison le Fils de Dieu peut-il nous
commander de graver dans notre coeur et d'avoir sans cesse
devant les yeux les mystères de sa vie, de sa passion et de sa
gloire, puisque ce sont autant de bienfaits dont Il nous a
favorisés et par lesquels Il nous a montré l'excès de son
amour pour notre salut. "O vous tous qui passez, dit-il,
arrêtez-vous et considérez s'il y eut jamais douleurs
semblables aux douleurs que j'endure pour votre amour.
Souvenez-vous de ma pauvreté et de mes abaissements, pensez à
l'absinthe et au fiel que j'ai pris pour vous dans ma
passion".
Ces paroles et beaucoup d'autres qu'on pourrait alléguer
nous convainquent assez de l'obligation que nous avons de ne
pas nous contenter de réciter le Rosaire vocalement en
l'honneur de Jésus-Christ et de la sainte Vierge, mais de le
réciter avec la méditation des mystères sacrés.
 

23 Rose
LE ROSAIRE MEMORIAL DE LA VIE ET DE LA MORT DE JESUS.
68. Jésus-Christ, le divin Epoux de nos âmes, notre très doux
ami, Jésus désire que nous nous souvenions de ses bienfaits et
que nous les estimions sur toutes choses; il a une joie
accidentelle, aussi bien que la sainte Vierge avec tous les
saints du paradis, lorsque nous méditons dévotement et avec
affection sur les mystères sacrés du Rosaire, qui sont les
effets les plus signalés de son amour pour nous et les plus
riches présents qu'il puisse nous faire, puisque c'est par de
tels présents que la sainte Vierge même et tous les saints
jouissent de la gloire.
La bienheureuse Angèle de Foligno pria un jour Notre-
Seigneur de lui enseigner à quel exercice elle l'honorerait le
plus. Il lui apparut attaché à la croix et lui dit: "Ma fille,
regarde mes plaies". Elle apprit de ce très aimable Sauveur
que rien ne lui est plus agréable que la méditation de ses
souffrances. Ensuite il lui découvrit les blessures de sa tête
et plusieurs circonstances de ses tourments et lui dit: "J'ai
souffert tout cela pour ton salut, que peux-tu faire qui égale
mon amour pour toi?"

69. Le saint sacrifice de la messe honore infiniment la très
sainte Trinité, parce qu'il représente la passion de Jésus-
Christ et que nous y offrons les mérites de son obéissance, de
ses souffrances et de son sang. Toute la cour céleste en
reçoit aussi une gloire accidentelle, et plusieurs docteurs,
avec saint Thomas, nous disent pour la même raison, qu'elle se
réjouit de la communion des fidèles, parce que le Saint-
Sacrement est un mémorial de la passion et de la mort de
Jésus-Christ, et que, par ce moyen, les hommes participent à
ses fruits et avancent l'affaire de leur salut.
Or, le saint Rosaire, récité avec la méditation des
mystères sacrés, est un sacrifice de louanges à Dieu pour le
bienfait de notre Rédemption et un dévot souvenir des
souffrances, de la mort et de la gloire de Jésus-Christ. Il
est donc vrai que le Rosaire cause une gloire, une joie
accidentelle à Jésus-Christ, à la sainte Vierge et à tous les
bienheureux, car ils ne désirent rien de plus grand, pour
notre bonheur éternel, que de nous voir occupés à un exercice
aussi glorieux à notre Sauveur et aussi salutaire pour nous.

70. L'Evangile nous assure qu'un pécheur qui se convertit et
fait pénitence cause de la joie à tous les anges. Si c'est
assez pour réjouir les anges qu'un pécheur quitte ses péchés
et en fasse pénitence, quelle joie, quelle jubilation sera-ce
pour toute la cour céleste, quelle gloire pour Jésus-Christ
même, de nous voir sur la terre, méditer dévotement et avec
amour sur ses abaissements, sur ses tourments, sur sa mort
cruelle et ignominieuse? Y a-t-il rien de plus efficace, pour
nous toucher et nous porter à une sincère pénitence?
Le chrétien qui ne médite pas sur les mystères du Rosaire
montre une grande ingratitude pour Jésus-Christ et le peu
d'estime qu'il fait de tout ce que le divin Sauveur a souffert
pour le salut du monde. Sa conduite semble dire qu'il ignore
la vie de Jésus-Christ, qu'il se met fort peu en peine
d'apprendre ce qu'il a fait, ce qu'il a souffert pour nous
sauver. Ce chrétien doit fort craindre que, n'ayant pas connu
Jésus-Christ, ou que l'ayant mis en oubli, Il ne le rejette au
jour du jugement avec ce reproche: "Je vous dis en vérité que
je ne vous connais point".
Méditons donc sur la vie et les souffrances du Sauveur
par le saint Rosaire, apprenons à le bien connaître et à
reconnaître ses bienfaits, afin qu'il nous reconnaisse pour
ses enfants et pour ses amis au jour du jugement.

24 Rose
LA MEDITATION DES MYSTERES DU ROSAIRE
EST UN GRAND MOYEN DE PERFECTION.
71. Les saints faisaient leur principale étude de la vie de
Jésus-Christ, ils ont médité sur ses vertus et sur ses
souffrances, et, par ce moyen, ils sont arrivés à la
perfection chrétienne. Saint Bernanrd a commencé par cet
exercice, qu'il a toujours continué. "Dès le commencement de
ma conversion, dit-il, je fis un bouquet de myrrhe composé des
douleurs de mon Sauveur; je mis ce bouquet sur mon coeur,
pensant aux fouets, aux épines et aux clous de la passion.
J'appliquai tout mon esprit à méditer tous les jours sur ces
mystères".
C'était aussi l'exercice des saints martyrs: nous
admirons comment ils ont triomphé des plus cruels tourments.
D'où pouvait venir cette admirable constance des martyrs, dit
saint Bernard, sinon des plaies de Jésus-Christ, sur
lesquelles ils faisaient leur plus fréquente méditation? Où
était l'âme de ces généreux athlètes, lorsque leur sang
coulait et que leur corps était broyé par les supplices? Leur
âme était dans les plaies de Jésus-Christ et ces plaies les
rendaient invincibles.

72. La très sainte Mère du Sauveur ne s'est occupée toute sa
vie qu'à méditer sur les vertus et les souffrances de son
Fils. Lorsqu'elle entendit les anges chanter à sa naissance
leur cantique d'allégresse, lorsqu'elle vit les pasteurs
l'adorer dans l'étable, son esprit fut rempli d'admiration et
elle méditait toutes ces merveilles. Elle comparait les
grandeurs du Verbe incarné à ses profonds abaissements; la
paille et la crèche, à son trône et au sein de son Père; la
puissance d'un Dieu, à la faiblesse d'un enfant; sa sagesse, à
sa simplicité.
La sainte Vierge dit un jour à sainte Brigitte: "Lorsque
je contemplais la beauté, la modestie, la sagesse de mon Fils,
mon âme était transportée de joie, et lorsque je considérais
ses mains et ses pieds qu'on percerait avec des clous, je
versais un torrent de larmes, le coeur me fendait de tristesse
et de douleur".

73. Après l'Ascension de Jésus-Christ, la sainte Vierge passa
le reste de sa vie à visiter les lieux que ce divin Sauveur
avait sanctifiés par sa présence et par ses tourments. Là,
elle méditait sur l'excès de sa charité et sur les rigueurs de
sa passion. C'était encore l'exercicie continuel de Marie-
Madeleine pendant les trente années qu'elle vécut dans la
Sainte-Baume. Enfin saint Jerôme dit que c'était la dévotion
des premiers fidèles. De tous les pays du monde ils venaient
en Terre Sainte pour graver plus profondément dans leurs
coeurs l'amour et le souvenir du Sauveur des hommes, par la
vue des objets et des lieux qu'il avait consacrés par sa
naissance, par ses travaux, par ses souffrances et par sa
mort.

74. Tous les chrétiens n'ont qu'une foi, n'adorent qu'un
Dieu, n'espèrent qu'une même félicité dans le ciel; ils ne
connaissent qu'un médiateur qui est Jésus-Christ; tous doivent
imiter ce divin modèle, et pour cela considérer les mystères
de sa vie, de ses vertus et de sa gloire. C'est une erreur de
s'imaginer que la méditation des vérités de la foi et des
mystères de la vie de Jésus-Christ ne regarde que les prêtres,
les religieux et ceux qui se sont retirés des embarras du
monde. Si les religieux et les ecclésiastiques sont obligés de
méditer sur les grandes vérités de notre sainte religion pour
répondre dignement à leur vocation, les gens du monde y sont
au moins autant obligés, à cause des dangers où ils sont tous
les jours de se perdre. Ils doivent donc s'armer du fréquent
souvenir de la vie, des vertus et des souffrances du Sauveur,
que nous représentent les quinze mystères du saint Rosaire.

25 Rose
RICHESSE DE SANCTIFICATION
RENFERMEES DANS LES PRIERES
ET LES MEDITATIONS DU ROSAIRE.
75. Jamais personne ne pourra comprendre les richesses
admirables de sanctification qui sont renfermées dans les
prières et dans les mystères du saint Rosaire. Cette
méditation des mystères de la vie et de la mort de Notre-
Seigneur Jésus-Christ est, pour tous ceux qui en font usage,
la source des fruits les plus merveilleux. Aujourd'hui, on
veut des choses qui frappent, qui émeuvent, qui produisent
dans l'âme des impressions profondes. Qu'y a-t-il au monde de
plus émouvant que cette histoire merveilleuse de notre
Rédempteur se déroulant à nos yeux en quinze tableaux nous
rappelant les grandes scènes de la vie, de la mort et de la
gloire du Sauveur du monde? Quelles prières sont plus
excellentes et plus sublimes que l'Oraison dominicale et l'Ave
de l'ange? Là sont renfermés tous nos désirs, tous nos
besoins.

76. La méditation des mystères et des prières du Rosaire est
la plus facile de toutes les oraisons, parce que la diversité
des vertus, des états de Jésus-Christ que l'on étudie, récrée
et fortifie merveilleusement l'esprit et empêche les
distractions. Les savants trouvent dans ces formules la
doctrine la plus profonde, et les petits, les instructions les
plus familières.
Il faut passer par cette méditation facile, avant de
s'élever au degré le plus sublime de la contemplation. Telle
est la pensée de saint Thomas d'Aquin, et le conseil qu'il
nous donne, quand il dit qu'il faut s'exercer d'abord comme
dans un champ de combat par l'acquisistion de toutes les
vertus dont nous avons le parfait modèle dans les mystères du
Rosaire; car c'est là, dit le savant Cajetan, que nous
acquerrons l'union intime avec Dieu, sans laquelle la
contemplation n'est qu'une illusion capable de séduire les
âmes.

77. Si les faux illuminés de nos jours ou les quiétistes
avaient suivi ce conseil, ils n'auraient pas fait de si
terribles chutes, ni causé tant de scandales dans la dévotion.
C'est une étrange illusion du démon de croire qu'on puisse
faire des oraisons plus sublimes que celles du Pater et de
l'Ave, en abandonnant ces divines oraisons qui sont le
soutien, la force et la garde de l'âme.
J'avoue qu'il n'est pas toujours nécessaire de les
réciter vocalement et que la prière intérieure, en un sens,
est plus parfaite que la vocale; mais je vous assure qu'il est
très dangereux, pour ne pas dire pernicieux, de quitter de son
propre mouvement la récitation du chapelet ou du Rosaire sous
prétexte d'une plus parfaite union à Dieu. L'âme finement
orgueilleuse, trompée par le démon du midi, fait tout ce
qu'elle peut intérieurement pour s'élever au degré sublime des
oraisons des saints, méprise et quitte pour cela ses anciennes
manières de prier, bonnes pour les âmes du commun. Elle ferme
d'elle-même l'oreille aux prières et au salut d'un ange et
même à l'oraison qu'un Dieu a faite, pratiquée et commandée:
"Sic orabitis: Pater noster" et Vous prierez ainsi, et, par
là, elle tombe d'illusion en illusion, et de précipice en
précipice.

78. Croyez-moi, mon cher confrère du Rosaire, voulez-vous
arriver à un haut degré d'oraison sans pourtant l'affecter et
sans tomber dans les illusions du démon si ordinaires aux
personnes d'oraison, dites tous les jours, si vous pouvez,
votre Rosaire entier ou du moins le chapelet.
Y êtes-vous déjà arrivé par la grâce de Dieu, si vous
voulez vous y conserver et y croître dans l'humilité,
conservez la pratique du saint Rosaire, car jamais une âme qui
dit son Rosaire tous les jours ne sera formellement hérétique
ni trompée par le démon; c'est une proposition que je
signerais de mon sang.
Si cependant Dieu, par sa très grande miséricorde, vous
attire au milieu de votre chapelet aussi puissammment que
quelques saints, laissez-vous aller à son attrait, laissez
Dieu opérer et prier en vous et y réciter le Rosaire à sa
manière, et que celui-là vous suffise dans la journée.
Mais si vous n'êtes que dans la contemplation active ou
oraison ordinaire, de quiétude, de présence de Dieu et
d'affection, vous avez encore moins de raison de quitter le
Rosaire, et bien loin de reculer dans l'oraison et la vertu en
le récitant, qu'au contraire, il vous sera un aide merveilleux
et la véritable échelle de Jacob, où il y avait 15 échelons,
par lesquels vous irez de vertu en vertu, de lumières en
lumières, et arriverez facilement sans tromperie jusqu'à la
plénitude de l'âge de Jésus-Christ.

26 Rose
79. Gardez-vous bien d'imiter l'opiniâtreté de cette dévote
de Rome dont les merveilles du Rosaire parlent tant. C'était
une personne si dévote et si fervente qu'elle faisait
confusion par sa sainte vie aux religieux les plus austères de
l'Eglise de Dieu.
Voulant consulter saint Dominique et s'étant confessée à
lui, il lui imposa pour pénitence de dire un seul Rosaire et
par conseil de le dire tous les jours. Elle s'excusa sur ce
sujet et dit qu'elle a ses exercices réglés, qu'elle gagne
tous les jours les stations de Rome, qu'elle porte la haire,
le cilice, qu'elle prend la discipline plusieurs fois par
semaine, qu'elle fait tant de jeûnes et autres pénitences.
Saint Dominique la presse et represse à suivre son conseil,
elle n'en veut rien faire; elle sort comme scandalisée du
confessionnal de voir le procédé de ce nouveau directeur pour
elle, qui lui voulait persuader une dévotion qu'elle ne
pouvait goûter.
Voilà qu'étant en oraison et ravie en extase, elle voit
son âme obligée de paraître devant le Souverain Juge. Saint
Michel met toutes ses pénitences et autres prières dans un
bassin de la balance et de l'autre tous ses péchés et
imperfections. Saint Michel hausse la balance, le bassin de
ses bonnes oeuvres s'en va en l'air et ne peut contrepeser le
bassin de ses péchés et imperfections. Tout alarmée, elle crie
miséricorde, elle s'adresse à la sainte Vierge, son avocate,
laquelle laissa tomber dans le bassin de ses bonnes oeuvres le
seul Rosaire qu'elle avait dit pour pénitence, lequel fut si
pesant qu'il contrepesa tous ses péchés aussi bien que toutes
ses bonnes oeuvres. Elle fut reprise en même temps de la
sainte Vierge de ce qu'elle avait refusé de suivre le conseil
de son serviteur Dominique, de dire le saint Rosaire tous les
jours. Etant revenue à elle-même, elle alla se jeter aux pieds
de saint Dominique, lui raconta ce qui lui était arrivé, lui
demanda pardon de son incrédulité, promit de dire le Rosaire
tous les jours et arriva par ce moyen à la perfection
chrétienne, et à la gloire éternelle.
Apprenez de là, personnes d'oraison, la force, le prix et
l'importance de cette dévotion du saint Rosaire avec la
méditation des mystères.

80. Quoi de plus élevé en oraison que sainte Madeleine, qui
était portée sept fois le jour par les anges au-dessus du
Saint Pillon, laquelle avait été à l'école de Jésus-Christ et
de sa sainte Mère, et, cependant, lorsqu'elle demandait un
jour à Dieu un bon moyen pour s'avancer en son amour et
arriver à la plus haute perfection, l'archange saint Michel
vient de la part de Dieu lui dire qu'il n'en savait point
d'autre que de considérer au milieu d'une croix, qu'il lui
planta au devant de sa caverne, les mystères douloureux
qu'elle avait vu opérer de ses propres yeux.
Que l'exemple de saint François de Sales, ce grand
directeur des âmes spirituelles de son siècle, vous oblige à
vous rendre d'une si sainte confrérie, puis que, tout saint
qu'il était, il s'obligea par voeu de le dire tout entier tous
les jours autant de temps qu'il vivrait.
Saint Charles Borromée le récitait aussi tous les jours
et recommandait fort cette dévotion à ses prêtres et
ecclésiastiques dans les séminaires et à tout son peuple.
Le bienheureux Pie V, l'un des grands papes qui ait
gouverné l'Eglise, récitait tous les jours le Rosaire. Saint
Thomas de Villeneuve, archevêque de Valence, saint Ignace,
saint François Xavier, saint François de Borgia, sainte
Thérèse, saint Philippe de Néri, pllusieurs autres grands
hommes que je passe sous silence, ont excellé en cette
dévotion. Suivez leurs exemples, vos directeurs en seraient
bien aise, et s'ils sont informés des fruits que vous en
pouvez retirer, ils vous y exciteront les premiers.

27 Rose
81. Pour vous animer encore davantage à cette dévotion des
grandes âmes, j'ajoute que le Rosaire récité avec la
méditation des mystères: 1 nous élève insensiblement à la
connaissance parfaite de Jésus-Christ; 2 purifie nos âmes du
péché; 3 nous rend victorieux de tous nos ennemis; 4 nous
rend la pratique des vertus facile; 5 nous embrase de l'amour
de Jésus-Christ; 6 nous enrichit de grâces et de mérites; 7
nous fournit de quoi payer toutes nos dettes à Dieu et aux
hommes, et enfin, nous fait obtenir de Dieu toutes sortes de
grâces.

82. La connaissance de Jésus-Christ est la science des
chrétiens et la science du salut; elle surpasse, dit saint
Paul, toutes les sciences humaines en prix et en excellence:
1 pour la dignité de son objet, qui est un Dieu homme, en
présence duquel tout l'univers n'est qu'une goutte de rosée ou
un grain de sable; 2 pour son utilité; les sciences humaines
ne nous remplissent que de vent et de fumée de l'orgueil; 3
pour sa nécessité; car on ne peut être sauvé, si on n'a la
connaissance de Jésus-Christ, et celui qui ignore toutes les
autres sciences sera sauvé, pourvu qu'il soit éclairé de la
science de Jésus-Christ. Heureux Rosaire qui nous donne cette
science et connaissance de Jésus-Christ, en nous faisant
méditer sa vie, sa mort et passion et sa gloire.
La reine de Saba, admirant la sagesse de Salomon,
s'écria: "Heureux vos domestiques et vos serviteurs qui sont
toujours en votre présence et entendent les oracles de votre
sagesse"; plus heureux les fidèles qui méditent attentivement
la vie, les vertus, les souffrances et la gloire du Sauveur,
parce qu'ils acquièrent par ce moyen, sa parfaite connaissance
dans laquelle consiste la vie éternelle. Haec est vita
aeterna.

83. La sainte Vierge a révélé au bienheureux Alain
qu'aussitôt que saint Dominique prêcha le Rosaire, les
pécheurs endurcis furent touchés et pleurèrent amèrement leurs
crimes; les jeunes enfants même firent des pénitences
incroyables, la ferveur fut si grande, partout où il prêchait
le Rosaire, que les pécheurs changèrent de vie et édifièrent
tout le monde par leurs pénitences et l'amendement de leur
vie.
Si vous sentez votre conscience chargée de quelques
péchés, prenez votre Rosaire, en récitant une partie en
l'honneur de quelques mystères de la vie, de la passion ou de
la gloire de Jésus-Christ, et soyez persuadé que, pendant que
vous méditerez et honorerez ces mystères, Il montrera ses
plaies sacrées à son Père au ciel. Il plaidera pour vous et
vous obtiendra la contrition et le pardon de vos péchés. Il
dit un jour au bienheureux Alain: "Si ces misérables pécheurs
récitaient souvent mon Rosaire, ils participeraient aux
mérites de ma passion, et, comme leur Avocat, j'apaiserais la
divine Justice".

84. Cette vie est une guerre et une tentation continuelles;
nous n'avons pas à combattre des ennemis de chair et de sang,
mais les puissances mêmes de l'enfer. Quelles armes prendrons-
nous, pour les combattre, que l'oraison que notre grand
Capitaine nous a enseignée, que la Salutation angélique, qui a
chassé les démons, détruit le péché et renouvelé le monde, que
la méditation de la vie, de la passion de Jésus-Christ, de la
pensée de laquelle nous devons nous armer, comme nous ordonne
saint Pierre, pour nous défendre des mêmes ennemis qu'il a
vaincus et qui nous attaquent tous les jours. "Depuis que le
démon, dit le cardinal Hugues, a été vaincu par l'humilité et
la passion de Jésus-Christ, il ne se peut quasi attaquer à une
âme armée de la méditation de ses mystères ou, s'il l'attaque,
il en est vaincu honteusement". "Induite vos armaturam Dei
(Eph 6,11).

85. Armez-vous donc de ces armes de Dieu, du saint Rosaire,
et vous briserez la tête du démon, et demeurerez stables
contre toutes ses tentations. C'est d'où vient que le Rosaire
même matériel est si terrible au diable, et que les saints
s'en sont servis pour l'enchaîner et le chasser des corps des
possédés, comme plusieurs histoires rendent témoignage.

86. Un homme, dit le bienheureux Alain, ayant en vain tenté
toutes sortes de pratiques de dévotion pour être délivré du
malin esprit qui le possédait, s'avisa de mettre à son col son
Rosaire, ce qui le soulagea, et ayant éprouvé que lorsqu'il
l'ôtait de son cou, le démon le tourmentait cruellement,
résolut de le porter au cou jour et nuit, ce qui chassa le
diable pour toujours, ne pouvant supporter une si terrible
chaîne. Le bienheureux Alain témoigne qu'il a délivré un grand
nombre de possédés, en leur mettant ainsi le Rosaire au cou.

87. Le Révérend Père Jean Amât, de l'ordre de Saint-
Dominique, prêchant le Carême dans un lieu de ce royaume
d'Aragon, on lui amena une jeune fille possédée du démon;
après l'avoir plusieurs fois exorcisée, mais en vain, il lui
mit son Rosaire au cou, et aussitôt elle se mit à faire de
cris et des hurlements épouvantables, disant: "Otez-moi, ôtez-
moi ces grains qui me tourmentent". Enfin le père, par
compassion pour la pauvre fille, lui ôta son Rosaire du cou.
La nuit suivante, lorsque le Révérend Père était dans son
lit à se reposer, les mêmes démons qui possédaient cette fille
vinrent à lui, tout écumants de rage, pour se saisir de sa
personne; mais avec son Rosaire qu'il tenait fortement à la
main, malgré les efforts qu'ils firent pour le lui ôter, il
les fouetta admirablement bien et les chassa en disant:
"Sainte Marie, Notre-Dame du saint Rosaire, à mon aide!"
Lorsque, le lendemain, il allait à l'église, il rencontra
cette pauvre fille encore possédée; un des démons qui étaient
en elle se mit à dire en se moquant de lui: "Ah! frère, si tu
n'avais point eu ton Rosaire, nous t'aurions bien accommodé ".
Alors le Révérend Père jette derechef son Rosaire au cou de la
fille, disant: "Par les très sacrés noms de Jésus et de Marie,
sa sainte Mère, et par la vertu du très saint Rosaire, je vous
commande, esprits malins, de sortir de ce corps tout à
l'heure"; aussitôt ils furent contraints d'obéir, et elle fut
délivrée. Ces histoires nous marquent quelle est la force du
saint Rosaire pour vaincre toutes sortes de tentations des
démons et toutes sortes de péchés, parce que les grains bénits
du Rosaire les mettent en fuite.

28 Rose
88. Saint Augustin assure qu'il n'y a point d'exercice si
fructueux et si utile au salut que de penser souvent aux
souffrances de Notre-Seigneur. Le bienheureux Albert le Grand,
maître de saint Thomas, a su par révélation que le simple
souvenir ou la méditation de la passion de Jésus-Christ est
plus méritoire au chrétien que de jeûner pendant un an tous
les vendredis au pain et à l'eau, ou de prendre la discipline
jusqu'au sang toutes les semaines, ou de réciter tous les
jours le psautier. Ah! Quel est, par conséquent, le mérite du
Rosaire, qui fait mémoire de toute la vie et la passion de
Notre-Seigneur?
La sainte Vierge révéla un jour, au bienheureux Alain de
la Roche, qu'après le saint sacrifice de la messe, qui est la
première et la plus vive mémoire de la passion de Jésus-
Christ, il n'y avait point de dévotion plus excellente et plus
méritoire que le Rosaire, qui est comme une seconde mémoire et
représentation de la vie et de la passion de Jésus-Christ.

89. Le Révérend Père Dorland rapporte que la sainte Vierge
dit un jour au vénérable Dominique, chartreux, dévot du saint
Rosaire, qui résidait à Trèves l'an 1481:
"Toutes les fois qu'un fidèle récite le Rosaire avec les
méditations des mystères de la vie et de la passion de Jésus-
Christ, en état de grâce, il obtient pleine et entière
rémission de tous ses péchés".
Elle dit aussi au bienheureux Alain: "Sachez qu'encore
qu'il y ait quantité d'indulgences données à mon Rosaire, j'y
en ajouterai beaucoup davantage pour chaque cinquantaine à
ceux qui le réciteront sans péché mortel, à genoux,
dévotement, et quiconque persévèrera dans la dévotion du saint
Rosaire avec ces articles et méditations, je lui obtiendrai,
pour récompense de ce bon service, pleine rémission de la
peine et de la coulpe de tous ses péchés à la fin de la vie.
Et que cela ne te semble pas incroyable; il m'est facile,
puisque je suis la Mère du Roi des cieux, qui m'appelle pleine
de grâce, et, si j'en suis remplie, j'en ferai une ample
effusion à mes chers enfants".

90. Saint Dominique était si bien persuadé de l'efficace et
mérite du saint Rosaire qu'il ne donnait quasi point d'autre
pénitence à ceux qu'il confessait, comme nous avons vu dans
l'histoire que j'ai rapportée d'une dame romaine à qui il ne
donna pour pénitence qu'un seul Rosaire.
Les confesseurs devraient aussi, pour marcher sûrement
sur les traces de ce grand saint, enjoindre aux pénitents le
Rosaire, avec la réflexion sur les sacrés mystères, plutôt que
d'autres pénitences qui ne sont pas d'un si grand mérite, ni
si agréables à Dieu, ni si salutaires aux âmes pour les faire
avancer dans la vertu, ni si efficaces pour les empêcher de
tomber dans le péché, et de plus, en disant le Rosaire, on
gagne quantité d'indulgences qui ne sont pas attachées à
plusieurs autres dévotions.

91. "Certes, dit l'abbé Blosius, ce Rosaire, avec les
méditations de la vie et de la passion, est très agréable à
Jésus-Christ et à la sainte Vierge et très efficace pour
obtenir toutes choses; nous le pouvons dire tant pour nous que
pour ceux qui nous sont recommandés et pour toute l'Eglise.
Recourons donc à la dévotion du saint Rosaire dans toutes nos
nécessités, et nous obtiendrons infailliblement ce que nous
demanderons à Dieu pour notre salut".

29 Rose
92. Il n'est rien de plus divin, selon la pensée de saint
Denis, rien de plus noble ni de plus agréable à Dieu, que de
coopérer au salut des âmes et de renverser les machines du
démon qui tâche de les perdre. C'est le motif qui a fait
descendre le Fils de Dieu en terre. Il avait ruiné l'empire de
Satan par la fondation de l'Eglise, mais ce tyran avait repris
ses forces et exercé une cruelle violence sur les âmes des
Albigeois, par les haines, les dissensions et par les vices
abominables qu'il faisait régner dans le monde dans le onzième
siècle.
Quel remède à ces grands désordres, comment abattre les
forces de Satan? La sainte Vierge, protectrice de l'Eglise,
n'a point donné de moyen plus efficace pour apaiser la colère
de son Fils, pour extirper l'hérésie et réformer les moeurs
des chrétiens que la confrérie du saint Rosaire, comme l'effet
l'a vérifié. Il a renouvelé la charité, la fréquentation des
sacrements des premiers siècles d'or de l'Eglise, réformé les
moeurs des chrétiens.

93. Le pape Léon X dit en sa bulle que cette confrérie a été
fondée en l'honneur de Dieu et de la sainte Vierge comme un
mur pour arrêter les malheurs qui allaient fondre sur
l'Eglise.
Gregoire XIII dit que le Rosaire a été donne du ciel
comme un moyen pour apaiser la colère de Dieu et implorer
l'intercession de la sainte Vierge.
Jules 3 dit que le Rosaire a été inspiré pour nous ouvrir
plus facilement le ciel, par les faveurs de la sainte Vierge.
Paul III et le bienheureux Pie V déclarent que le Rosaire
a été établi et donné aux fidèles pour se procurer plus
efficacement le repos et la consolation spirituelle. Qui
négligera d'entrer en une confrérie instituée pour des fins
aussi nobles?

94. Le Père Dominique, chartreux, fort dévot au Rosaire, vit
un jour le ciel ouvert et toute la cour céleste rangée en un
ordre admirable et entendit chanter le Rosaire, d'une mélodie
ravissante, honorant à chaque dizaine un mystère de la vie, de
la passion et de la gloire de Jésus-Christ et de la sainte
Vierge. Et il remarqua que quand ils prononçaient le sacré nom
de Marie, ils faisaient tous une inclination de la tête, et à
celui de Jésus, ils faisaient tous une génuflexion et
rendaient grâces à Dieu des grands biens qu'il a faits au ciel
et en la terre par le saint Rosaire. Il vit aussi la sainte
Vierge et les saints présenter à Dieu les Rosaires que les
confrères récitent en terre, et prient pour ceux qui
pratiquent cette dévotion; il vit encore d'innombrables
couronnes, de très belles et odoriférantes fleurs, préparées
pour ceux qui récitent dévotement le saint Rosaire, et
qu'autant de fois qu'ils le récitent ils se font une couronne
dont ils seront parés au ciel. La vision de ce dévot chartreux
est conforme à la vision qu'eut le disciple bien-aimé, dans
laquelle il vit une multitude innombrable d'anges et des
saints, qui louaient et bénissaient Jésus-Christ pour tout ce
qu'il a fait et souffert dans ce monde pour notre salut;
n'est-ce pas ce que font les dévots confrères du Rosaire?

95. Il ne faut pas s'imaginer que le Rosaire soit seulement
pour les femmes, et les petits et les ignorants; il est aussi
pour les hommes, et les plus grands hommes. D'abord que saint
Dominique eut rendu compte au pape Innocent III de l'ordre
qu'il avait reçu du ciel, d'établir cette sainte confrérie, le
Saint-Père l'approuva, exhorta saint Dominique à le prêcher et
il voulut y être associé. Les cardinaux mêmes l'embrassèrent
avec une grande ferveur, en sorte que Lopez avance ces
paroles: "Nullum sexum, nullam aetatem, nullam conditionem ab
oratione rosarii subtraxit se".
Ainsi on remarque, dans cette confrérie, toutes sortes de
personnes: des ducs, des princes, des rois, aussi bien que des
prélats, des cardinaux, souverains pontifes, dont le
dénombrement serait trop long pour cet abrégé; et vous
mettant, cher lecteur, en cette confrérie, vous aurez part à
leur dévotion et leurs grâces sur la terre et à leur gloire
dans le ciel. "Cum quibus consortium vobis erit devotionis,
erit et communio dignitatis".

30 Rose
96. Si les privilèges, les grâces et les indulgences rendent
une confrérie recommandable, on peut dire que celle du Rosaire
est la plus recommandable de l'Eglise, puisqu'elle est la plus
favorisée et enrichie d'indulgences, et il n'y a presque point
de papes depuis son institution qui n'aient ouvert les trésors
de l'Eglise pour la gratifier; et comme l'exemple persuade
mieux que les paroles et les bienfaits, les Saints Pères n'ont
pu mieux marquer l'estime qu'ils faisaient de cette sainte
confrérie qu'en s'y associant eux-mêmes.
Voici un petit abrégé des indulgences que les Souverains
Pontifes ont entièrement accordées à la confrérie du Saint
Rosaire, confirmées de nouveau par notre Saint-Père le pape
Innocent 11e le 31 juillet 1679, reçues et permises d'être
publiées par monseigneur l'archevêque de Paris le 25 septembre
de la même année:
1 Pour le jour de l'entrée dans la confrérie: indulgence
plénière;
2 Pour l'article de la mort: indulgence plénière;
3 Pour chacun des trois chapelets du Rosaire récités:
dix ans et dix quarantaines d'indulgences;
4 Pour chaque fois qu'ils prononceront dévotement les
saints noms de Jésus et de Marie; sept jours d'indulgences;
5 Pour ceux qui assisteront dévotement à la procession
du saint Rosaire: sept ans et sept quarantaines d'indulgences;
6 A ceux qui, vraiment pénitents et confessés,
visiteront la chapelle du Rosaire dans l'église où elle est
établie, les premiers dimanches de chaque mois et les fêtes de
Notre-Seigneur et de la sainte Vierge: indulgence plénière;
7 A ceux qui assistent au Salve Regina: cent jours
d'indulgence;
8 A ceux qui dévotement et pour montrer exemple portent
ouvertement le saint Rosaire; cent jours d'indulgences;
9 Aux confrères malades, qui ne pourront venir à
l'église, étant confessés et communiés, réciteront le jour le
saint Rosaire ou du moins le chapelet: indulgence plénière au
jour marqué pour la gagner;
10 Les Saints-Pères, par une grande libéralité envers
les confrères du saint Rosaire, leur ont donné la faculté de
gagner les indulgences des stations de Rome, visitant cinq
autels, en recitant devant chacun cinq fois le Pater et l'Ave,
pour l'heureux état de l'Eglise. S'il n'y a qu'un autel ou
deux dans cette église, où est le Rosaire établi, ils
réciteront 25 fois le Pater et l'Ave devant cet autel.

97. Grande faveur pour les confrères du saint Rosaire, parce
que dans les églises des stations de Rome, il y a des
indulgences plénières, des délivrances d'âmes du purgatoire et
plusieurs autres grandes rémissions que les confrères peuvent
gagner sans peine, sans frais, sans sortir de leurs pays; et
même, si la confrérie n'est pas établie dans le lieu où
demeurent les confrères, ils gagneront lesdites indulgences,
visitant cinq autels de quelque église que ce soit, par la
concession de Léon dixième.
Voici les jours auxquels ils les peuvent gagner,
déterminés et fixés, pour ceux qui sont hors la ville de Rome,
par un décret de la Sacrée Congrégation établié pour les
indulgences, approuvé par notre Saint-Père le 7 mars 1678, qui
a ordonné qu'il sera inviolablement observé:
Tous les dimanches de l'Avent; les trois jours des
Quatre-Temps; la vigile de Noël, aux messes de minuit, de
l'aurore et du jour; les fêtes de saint Etienne, de saint Jean
l'Evangéliste, et des Innocents, de la Circoncision et des
Rois; les dimanches de la Septuagésime, Sexagésime,
Quinquagésime et, depuis le jour des Cendres, tous les jours,
jusqu'au dimanche de la Quasimodo inclusivement; les trois
jours des Rogations; le jour de l'Ascension; la vigile de la
Pentecôte, et tous les jours de l'octave et les trois jours de
Quatre-Temps de septembre.
Cher confrère du Rosaire, il y a un grand nombre d'autres
indulgences. Si vous les voulez voir, lisez le sommaire des
indulgences accordées aux confrères du Rosaire. Vous y verrez
les noms des papes, l'année et plusieurs autres particularités
que cet abrégé ne souffre pas.
 
 
 

QUATRIEME DIZAINE
L'excellence du saint Rosaire dans
les merveilles que Dieu a opérées
en sa faveur.

31 Rose
98. Saint Dominique étant allé visiter sainte Blanche, reine
de France, qui, depuis 12 ans qu'elle était mariée, n'avait
point eu d'enfants, et donc elle était fort affligée, lui
conseilla de dire son Rosaire tous les jours, pour obtenir
cette grâce du diel, ce qu'elle fit, et elle accoucha, l'an
1213, de son aîné qui fut appelé Philippe. Mais la mort
l'ayant ravi en son berceau, la dévote reine eut plus que
jamais recours à la sainte Vierge et elle fit distribuer
quantité de Rosaires à toute la cour et dans plusieurs villes
du royaume, afin que Dieu la comblât d'une entière
bénédiction. Ce qui arriva ainsi, car l'an 1215 saint Louis
vint au monde, la gloire de la France et le modèle des rois
chrétiens.

99. Alphonse huitième, roi d'Aragon et de Castille, fut, à
cause de ses péchés, châtié de Dieu en plusieurs manières et
il fut contraint de se retirer dans une ville de l'un de ses
alliés. Saint Domnique, se rencontrant en cette même ville le
jour de Noël, y prêcha à son ordinaire le Rosaire et les
grâces que l'on obtient de Dieu par cette dévotion et dit,
entre autres choses, que ceux qui le réciteraient dévotement
obtiendraient la victoire de leurs ennemis et recouvreraient
tout ce qu'ils avaient perdu.
Le roi remarque bien ces paroles, envoie quérir saint
Dominique et lui demande si ce qu'il avait prêché du saint
Rosaire était véritable. Le saint répondit qu'il n'en fallait
point douter et lui promit que s'il voulait pratiquer cette
dévotion et s'enrôler en la confrérie, il en verrait les
effets. Le roi se résolut à réciter tous les jours le Rosaire,
et il continua pendant un an, et le même jour de Noël, ayant
récité son Rosaire, la sainte Vierge lui apparut et lui dit:
"Alphonse, il y a un an que tu me sers dévotement par mon
Rosaire, je viens te récompenser. Sache que j'ai obtenu de mon
Fils le pardon de tous tes péchés; voilà un rosaire que je te
donne; porte-le sur toi, et jamais aucun de tes ennemis ne te
pourra nuire". Elle disparut et laissa le roi fort consolé; il
s'en retourna, tenant ce rosaire à la main et, abordant la
reine, il lui raconta tout joyeux la faveur qu'il venait de
recevoir de la sainte Vierge; il lui toucha les yeux de ce
rosaire, elle recouvra la vue qu'elle avait perdue.
Quelque temps après, le roi, ayant ramassé quelques
troupes, avec l'aide de ses alliés, attaqua hardiment ses
ennemis, les obligea de rendre ses terres, de réparer ses
dommages, les chassa entièrement et devint si heureux en
guerre que de tous côtés il lui venait des soldats pour
combattre sous ses enseignes, parce que les victoires
semblaient suivre partout ses batailles. Il ne s'en faut pas
étonner, car il ne livrait jamais de combats qu'après avoir
récité son Rosaire à genoux; il faisait recevoir dans la
confrérie du saint Rosaire toute sa cour et il obligeait ses
officiers et domestiques d'y être dévots. La reine s'y engagea
aussi, et tous deux persévérèrent au service de la sainte
Vierge et vécurent en grande piété.

32 Rose (B. Alain, c.53)
100. Saint Dominique avait un cousin nommé dom Perez ou Pedro,
qui menait une vie fort dissolue. Ayant entendu que le saint
prêchait les merveilles du saint Rosaire et que plusieurs se
convertissaient et changeaient de vie par ce moyen, il dit:
"J'avais perdu l'espérance de mon salut, mais je commence à
prendre courage, il faut que j'entende cet homme de Dieu". Il
vint donc un jour au sermon de saint Dominque. Quand le saint
le vit, il redoubla sa ferveur à tonner contre les vices, et
il pria Dieu dans son coeur d'ouvrir les yeux de son cousin
pour connaître l'état misérable de son âme.
Dom Perez fut d'abord un peu effrayé; mais il ne résolut
pas de se convertir; il retourna une autre fois au sermon et
le saint, voyant que ce coeur endurci ne se convertissait pas
sans quelque coup extraordinaire, il cria tout haut: "Seigneur
Jésus, faites voir à toute cette audience l'état où est celui
qui vient d'entrer en votre maison".
Alors tout le peuple vit dom Pérez environné d'une troupe
de diables en forme de bêtes horribles qui le tenaient lié
avec des chaînes de fer. Chacun s'enfuit tout effrayé qui de-
çà, qui de-là, et lui fut encore plus épouvanté de se voir
l'objet de l'horreur de tout le monde. Saint Dominique les fit
tous arrêter et dit à ce seigneur: "Connaissez, malheureux,
l'état déplorable où vous êtes; jetez-vous aux pieds de la
sainte Vierge". Il lui envoya un rosaire. "Prenez ce rosaire,
récitez-le avec dévotion et repentance de vos péchés et faites
résolution de changer de vie".
Il se mit à genoux, récita le Rosaire; il se sentit
inspiré de se confesser, ce qu'il fit avec une grande
contrition. Le saint lui ordonna de dire tous les jours le
saint Rosaire; il promit de le faire; il écrivit lui-même son
nom dans la confrérie. Son visage, qui auparavant avait
effrayé tout le monde, parut, sortant de l'église, brillant
comme celui d'un ange. Il persévéra dans la dévotion du
Rosaire, mena une vie fort réglée et mourut heureusement.

33 Rose
101. Saint Dominique, prêchant près de Carcassone le saint
Rosaire, on lui amena un hérétique albigeois possédé par le
démon. Le saint l'exorcisa en présence d'une grande multitude
de peuple; on tient qu'il y avait plus de douze mille hommes à
l'entendre. Les démons, qui possédaient ce pauvre misérable,
étant obligés de répondre malgré eux aux interrogations que le
saint leur faisait, dirent:
[1.] Qu'ils étaient quinze mille dans le corps de ce
misérable, parce qu'il avait attaqué les quinze mystères du
Rosaire;
2. Que, par le Rosaire qu'il prêchait, il mettait la
terreur et l'épouvante dans tout l'enfer, et qu'il était
l'homme du monde qu'ils haïssaient davantage à cause des âmes
qu'il leur enlevait par la dévotion du Rosaire;
3. Ils révélèrent plusieurs autres particularités.
Saint Dominique, ayant jeté son rosaire au cou du
possédé, leur demanda qui, de tous les saints du ciel, ils
craignaient davantage et devait être plus aimé et honoré des
hommes.
A cette interrogation, ils firent des cris si
épouvantables que la plupart des auditeurs, saisis d'effroi,
tombèrent par terre. Ensuite, ces malins esprits, pour ne pas
répondre, pleurèrent et se lamentèrent d'une manière si
pitoyable, si touchante, que plusieurs des assistants en
pleurèrent eux-mêmes, par une pitié naturelle. Ils disaient
par la bouche du possédé d'un ton de voix lamantable:
"Dominique, Dominique, aie pitié de nous, nous te promettons
que nous ne te nuirons jamais.
Toi qui as tant pitié des pécheurs et misérables, aie
pitié de nous, misérables. Hélas, nous souffrons, pourquoi
prends-tu plaisir à augmenter nos peines? Contente-toi des
peines que nous endurons. Miséricorde! miséricorde!
miséricorde!"

102. Le saint, sans être touché des paroles tendres de ces
esprits malheureux, leur répondit qu'il ne cesserait de les
tourmenter jusqu'à ce qu'ils eussent répondu à la question.
Les démons lui dirent qu'ils y répondraient, mais en secret et
à l'oreille, et non pas devant tout le monde. Le saint incite
et leur commande de parler et répondre tout haut. Les diables
ne voulurent plus dire mot, quelque commandement qu'il leur
fit.
Il se mit à genoux et fit cette prière à la sainte
Vierge: "O excellentissima Virgo Maria, per virtutem psalterii
et rosarii tui, compelle hos humani generis hostes questioni
meae satisfacere. - O très sainte Vierge Marie, par la vertu
du saint Rosaire, ordonnez à ces ennemis du genre humain de
répondre à ma question".
Cette prière étant faite, voilà qu'une flamme ardente
sortit des oreilles, des narines et de la bouche du possédé,
qui fit trembler tout le monde, mais cependant qui ne fit de
mal à personne. Alors les diables s'écrièrent: "Dominique,
nous te prions, par la passion de Jésus-Christ et par les
mérites de sa sainte Mère et de tous les saints, que tu nous
permettes de sortir de ce corps sans rien dire; car les anges,
quand tu le voudras, te le révèleront. Ne sommes-nous pas des
menteurs? Pourquoi veux-tu nous croire? Ne nous tourmente pas
davantage, aie pitié de nous".
"Malheureux que vous êtes, indignes d'être exaucés", dit
saint Dominique, qui, se mettant encore à genoux, fit sa
prière à la sainte Vierge: "O Mater sapientiae dignissima et
de cujus salutatione quomodo illa fieri debeat jam edoctus est
populus; pro salute populi circunstantis rogo: Coge hosce tuos
adversarios, ut plenam et sinceram veritatem palam hic
profiteantur". Il n'eut pas plus tôt fini sa prière, qu'il vit
la sainte Vierge auprès de lui, entourée d'une grande
multitude d'anges, qui, avec une verge d'or qu'elle tenait à
la main, frappait le démoniaque en lui disant: "Réponds à mon
serviteur Dominique, selon sa demande". Il faut remarquer que
le peuple n'entendait ni ne voyait point la sainte Vierge; il
n'y avait que saint Dominique.

103. Alors les démons commencèrent à s'écrier en disant: "O
inimica nostra, ô nostra damnatrix, ô nostra inimica, ô nostra
domnatrix, ô confusio nostra, quare de coelo descendisti, ut
nos hic ita torqueres? Per te quae infernum evacuas et pro
peccatoribus tanquam potens advocata exoras; ô Via coeli
certissima et securissima, cogimur sine mora et intermissione
ulla, nobis quamvis invitis, et contra nitentibus, totam rei
proferre veritatem. Nunc declarandum nobis est simulque
publicandum ipsum medium et modus quo ipsimet confundamur,
unde vae et maledictio in aeternum nostris tenebrarum
principibus.
Audite igitur vos, christiani. Haec christi Mater
potentissima est in preservandis suis servis quominus
precipites ruant in baratrum nostrum inferni. Illa est quae
dissipat et enervat, ut sol, tenebras omnium machinarum et
astutiarum nostrarum, detegit omnes fallacias nostras et ad
nihilum redegit omnes nostras tentationes. Coactique fatemur
neminem nobiscum damnari qui ejus sancto cultui et pio
obsequio devotus perseverat. Unicum ipsius suspirum, ab ispa
et per ipsam sanctissimae Trinitati oblatum, superat et
excedit omnium sanctorum preces, atque pium et sanctum eorum
votum et desiderium, magisque eum formidamus quam omnes
paradisi sanctos; nec contra fideles ejus famulos quidquam
praevalere possumus.
Notum sit etiam vobis plurimos christianos in hora mortis
ipsam invocantes contra nostra jura salvari, et nisi Marietta
illa obstitisset nostrosque conatus repressisset, a longo jam
tempore totam Ecclesiam exterminassemus, nam saepissime
universos Ecclesiae status et ordines a fide deficere
fecissemus. Imo planius et plenius vi et necessita compulsi,
adhuc vobis dicimus, nullum in exercitio Rosarii sive
psalterii ejus perseverantem aeternos suis veram impetrat
contritionem qua fit ut peccata sua confiteantur, et eorum
indulgentiam a Deo consequantur."

104. C'est-à-dire en français: "O notre ennemie, ô notre
ruine, ô notre confusion, pourquoi êtes-vous venue exprès du
ciel pour nous tourmenter si fort? Faut-il que, malgré nous, ô
avocate des pécheurs qui les retirez des enfers, ô chemin très
assuré du paradis, nous soyons obligés de dire toute la
vérité? Faut-il que nous confessions devant tout le monde ce
qui sera la cause de notre confusion et de notre ruine?
Malheur à nous, malheur à nos princes des ténèbres. Ecoutez
donc, chrétiens. Cette Mère de Jésus-Christ est toute
puissante pour empêcher que ses serviteurs ne tombent en
enfer; c'est elle qui, comme un soleil, dissipe les ténèbres
de nos mines, qui rompt nos pièges et rend toutes nos
tentations inutiles et sans effet. Nous sommes contraints
d'avouer qu'aucun de ceux qui persévèrent dans son service
n'est damné avec nous. Un seul de ses soupirs, qu'elle offre à
la Sainte-Trinité, surpasse toutes les prières, les voeux et
les désirs de tous les saints. Nous la craignons plus que tous
les bienheureux ensemble et nous ne pouvons rien contre ses
fidèles serviteurs.
Plusieurs chrétiens mêmes qui l'invoquent à la mort, et
qui devraient selon nos lois ordinaires être damnés, sont
sauvés par son intercession. Ah! si cette Mariette (c'est
ainsi que leur rage la faisait appeler) ne s'était opposée à
nos desseins et à nos efforts, nous aurions depuis longtemps
renversé et détruit l'Eglise et fait tomber tous ses ordres
dans l'erreur et l'infidélité. Nous protestons de plus, par la
violence qu'on nous fait, qu'aucun de ceux qui persévèrent à
dire le Rosaire n'est damné; car elle obtient à ses dévots
serviteurs une vraie contrition de leurs péchés par laquelle
ils en obtiennent le pardon et l'indulgence".
Alors saint Dominique fit réciter le Rosaire à tout le
peuple, fort lentement et dévotement, et, à chaque Ave Maria
que le saint et le peuple récitaient (chose étonnante), il
sortait du corps de ce malheureux une grande multitude de
démons, en forme de charbons ardents. Les démons étant tous
sortis et l'hérétique fut tout à fait délivré, la sainte
Vierge donna, quoique invisiblement, sa bénédiction à tout le
peuple, qui en ressentit une joie très sensible. Ce miracle
fut cause qu'un grand nombre d'hérétiques se convertirent et
se mirent de la confrérie du saint Rosaire.

34 Rose (B. Alain, 2e p., c.17)
105. Qui pourrait raconter les victoire que Simon, comte de
Montfort, a remportées sur les Albigeois sous la protection de
Notre-Dame du Rosaire? Elles sont si fameuses que le monde
n'en a jamais vu de pareilles. Il défit une fois dix mille
hérétiques avec cinq cents hommes; une autre fois, avec
trente, il demeura vainqueur de trois mille; ensuite avec
huits cents cavaliers et mille hommes d'infanterie, il tailla
en pièces l'armée du roi d'Aragon, composée de cent mille
hommes, sans perdre qu'un seul cavalier et huit soldats des
siens.

106. De quels dangers la sainte Vierge a-t-elle délivré Alain
de l'Anvallay, chevalier breton, qui combattait pour la foi
contre les Albigeois! Un jour, étant environné de ses ennemis
de tous côtés, la sainte Vierge lança contre eux cent
cinquante pierres et le délivra de leurs mains.
Un autre jour, son vaisseau ayant fait naufrage et étant
près d'abîmer, cette bonne Mère lui fit paraître cent
cinquante petites collines par sur lesquelles il aborda en
Bretagne. Et en mémoire des miracles que la sainte Vierge
avait faits en sa faveur à cause d'un Rosaire qu'il récitait
tous les jours, il prépara un couvent à Dinan pour loger les
religieux du nouvel ordre de saint Dominique et, s'étant fait
religieux, il mourut saintement à Orléans.

107. Othère, de même soldat breton de Vaucouleurs, a souvent
mis en fuite des compagnies entières d'hérétiques et de
voleurs, portant son rosaire au bras et à la garde de son
épée. Ses ennemis, après avoir été vaincus, lui ont avoué
qu'ils avaient vu son épée toute éclatante et une fois un
bouclier à son bras, dans lequel Jésus-Christ, la sainte
Vierge et les saints étaient dépeints, le rendaient invincible
et lui donnaient la force de bien charger.
Une fois, avec dix compagnies, il défit vingt mille
hérétiques sans perdre un seul des siens, ce qui toucha
tellement le général de l'armée hérétique, qu'il vint trouver
Othère, abjura son hérésie et déclara qu'il l'avait vu couvert
d'armes de feu dans le combat.

35 Rose (B. Alain, 4e p. c 40)
108. Le bienheureux Alain rapporte qu'un cardinal nommé
Pierre, du titre de Sainte-Marie delà le Tibre, instruit par
saint Dominique, son ami intime, de la dévotion au saint
Rosaire, s'y affectionna tellement qu'il en devint le
panégyriste et le persuadait à tous. Le cardinal fut envoyé
légat dans la Terre Sainte vers les chrétiens qui étaient
croisés contre les Sarrasins. Il persuada si bien l'efficace
du Rosaire à l'armée chrétienne que tous l'ayant embrassé pour
implorer le secours du ciel dans un combat, où ils n'étaient
que trois mille, ils triomphèrent de cent mille.
Les démons, comme nous avons vu, craignaient infiniment
le Rosaire. Saint Bernard dit que la Salutation angélique leur
donne la chasse et fait frémir l'enfer. Le bienheureux Alain
assure qu'il a vu plusieurs personnes, qui s'étaient livrées
au diable corps et âme, en renonçant au baptême et à Jésus-
Christ, et puis, après avoir pris la dévotion du saint
Rosaire, ont été délivrés de sa tyrannie.

36 Rose
109. L'an 1578, une femme d'Anvers s'était donnée au démon par
une cédule signée de son sang. Quelque temps après, elle en
eut un sensible regret et un grand désir de réparer le mal
qu'elle avait fait. Elle chercha un confesseur prudent et
charitable, pour savoir par quel moyen elle pourrait être
affranchie de la puissance du diable.
Elle trouva un prêtre sage et dévot, qui lui conseilla
d'aller trouver le père Henri, directeur de la confrérie du
saint Rosaire, du couvent de Saint-Dominique, pour s'y faire
enrôler et se confesser. Elle le demanda et, au lieu du Père,
elle trouva le diable, sous la figure d'un religieux, qui la
reprit sévèrement et lui dit qu'elle n'avait plus de grâces à
espérer de Dieu, ni de moyen de révoquer ce qu'elle avait
signé, ce qui l'affligea fort. Mais elle ne perdit pas toute
espérance en la miséricorde de Dieu, elle retourna encore
chercher le Père et elle trouva encore le diable, qui la
rebuta comme auparavant. Elle retourna pour la troisième fois
et elle trouva par la permission divine le père Henri qu'elle
cherchait, qui la reçut charitablement, l'exhorta à se confier
en la bonté de Dieu et à faire une bonne confession; il la
reçut dans la confrérie et lui ordonna de réciter souvent le
Rosaire. Un jour, pendant la Messe que le Père célébrait pour
elle, la sainte Vierge força le diable de lui rendre la cédule
qu'elle avait signée; et ainsi elle fut délivrée par
l'autorité de Marie et la dévotion du saint Rosaire.

37 Rose
110. Un seigneur qui avait plusieurs enfants mit une de ses
filles dans un monastère entièrement déréglé, où les
religieuses ne respiraient que la vanité et les plaisirs. Le
confesseur, homme fervent et dévot au saint Rosaire, désirant
d'abord conduire cette jeune religieuse dans les pratiques
d'une meilleure vie, lui ordonna de réciter tous les jours le
Rosaire en l'honneur de la sainte Vierge, méditant la vie, la
passion et la gloire de Jésus-Christ Elle agréa fort cette
dévotion; peu à peu elle eut du dégoût du dérèglement de ses
soeurs; elle commença à aimer le silence et l'oraison, malgré
les mépris et les railleries des autres, qui la traitaient de
bigote.
En ce temps-là, un saint abbé, étant allé faire la visite
dans ce monastère, eut une étrange vision, en son oraison; il
lui sembla voir une religieuse dans sa chambre en oraison,
devant une grande dame d'une beauté admirable, accompagnée
d'une troupe d'anges, lesquels à coup de dards enflammés
chassaient une multitude de démons qui voulaient entrer. Et
ces esprits malins s'enfuyaient aux chambres des autres
religieuses, sous la figure de sales animaux, pour les exciter
au péché auquel plusieurs donnaient entrée.
L'abbé connut, par cette vision, l'état malheureux de ce
monastère et pensa mourir de tristesse; il fit venir la jeune
religieuse et l'exhorta à la persévérance. En faisant
réflexion sur l'excellence du Rosaire, il prit dessein de
réformer ces religieuses par cette dévotion. Il acheta de
beaux rosaires qu'il donna à toutes les religieuses, les
persuadant de le réciter tous les jours et leur promit, si
elles voulaient bien le faire, de ne les contraindre jamais de
se réformer. Elles reçurent agréablement ces rosaires et
promirent de les réciter à cette condition. (Chose admirable!)
Peu à peu elles quittèrent leurs vanités, se portèrent au
silence et à la récollection, et en moins d'un an, elles
demandèrent toutes la réforme. Le Rosaire opéra plus sur leurs
coeurs que l'abbé n'aurait pu gagner par ses exhortations et
son autorité.

38 Rose
111. Une comtesse d'Espagne, ayant été instruite dans la
dévotion du saint Rosaire par saint Dominique, le disait tous
les jours avec des avancements merveilleux dans la vertu.
Comme elle ne respirait que la perfection, elle demanda un
jour à un prélat et fameux prédicateur quelques pratiques de
perfection. Ce prélat lui dit qu'il fallait, auparavant, lui
déclarer l'état de son âme et ses exercices de piété; elle lui
dit que le principal était le Rosaire, qu'elle récitait tous
les jours, méditant les mystères joyeux, douloureux et
glorieux avec un grand profit spirituel de son âme. L'évêque,
ravi d'entendre expliquer les rares instructions qui sont
renfermées dans les mystères, lui dit: "Il y a vingt ans que
je suis docteur en théologie, j'ai lu quantité d'excellentes
pratiques de dévotion; mais je n'en ai pas connu de plus
fructueuse ni de plus conforme au christianisme. Je veux vous
imiter, je prêcherai le Rosaire". Il le fit avec un si heureux
succès, qu'à peut de temps il vit un très grand changement de
moeurs en son diocèse, plusieurs conversions, restitutions et
réconciliations; les débauches, le jeu, le luxe cessèrent; la
paix dans les familles, la dévotion et la charité commencèrent
à fleurir. Changement d'autant plus admirable que cet évêque
avait beaucoup travaillé à réformer son diocèse avec très peu
de fruit.
Pour mieux persuader la dévotion du Rosaire, il en
portait un beau à son côté et le montrait à ses auditeurs. Il
disait: "Sachez, mes frères, que le Rosaire de la sainte
Vierge est si excellent, que moi, qui suis votre évêque,
docteur en théologie, en l'un et l'autre droit, je fais gloire
de le porter toujours comme la plus illustre marque de mon
épiscopat et doctorat".

39 Rose
112. Un recteur d'une paroisse de Danemark racontait souvent,
à la plus grande gloire de Dieu et avec une grande joie de son
âme, qu'il avait vu un pareil fruit de la dévotion du Rosaire
dans sa paroisse, que cet évêque dans son diocèse.
"J'avais, disait-il, prêché toutes les matières les plus
pressantes et les plus fructueuses, sans aucun profit; je ne
voyais aucun amendement dans ma paroisse; enfin je fis
résolution de prêcher le saint Rosaire, j'en expliquai
l'excellence et sa pratique, et je proteste qu'après avoir
fait goûter cette dévotion à mon peuple, je vis un changement
évident dans six mois.
Tant il est véritable que cette divine prière a une
onction toute divine pour toucher les coeurs et leur inspirer
l'horreur du péché et l'amour de la vertu".
La sainte Vierge dit un jour au bienheureux Alain: "Comme
Dieu a choisi le salut angélique pour l'Incarnation de son
Verbe et la Rédemption des hommes, ainsi, ceux qui désirent
réformer les moeurs des peuples et les régénérer en Jésus-
Christ me doivent honorer et saluer par le même salut. Je
suis, ajoute-t-elle, la voie par laquelle Dieu est venu aux
hommes et il faut qu'après Jésus-Christ ils obtiennent la
grâce et les vertus par mon moyen".

113. Pour moi, qui écris, j'ai appris, par ma propre
expérience, la force de cette prière pour convertir les
coeurs les plus endurcis. J'en ai trouvé sur lesquels toutes
les plus terribles vérités prêchées dans une mission n'avaient
fait aucune impression et qui, pour avoir, par mon conseil,
pris la pratique de réciter tous les jours le Rosaire, se sont
convertis et donnés tout à Dieu.
J'ai vu une infinie différence entre les moeurs des
peuples des paroisses où j'avais fait des missions, parce que
les uns, ayant quitté la pratique du chapelet et du Rosaire,
étaient retombés dans leurs péchés; et les autres, pour
l'avoir conservée, s'étaient conservés dans la grâce de Dieu
et augmentaient tous les jours dans la vertu.
 
 
 

40 Rose
114. Le bienheureux Alain de la Roche, le Père Jean Dumont, le
Père Thomas, les chroniques de saint Dominique et d'autres
auteurs qui ont été souvent témoins oculaires, rapportent
d'une grande quantité de conversions miraculeuses de pécheurs
et pécheresses, qui, depuis 20, 30 et 40 ans étaient dans les
derniers désordres, que rien n'avait pu les convertir et qui
l'ont été par cette dévotion merveilleuse. Je ne les
rapporterai point, de peur d'une trop grande longueur.
Je ne veux pas même rapporter celles que j'ai vues moi-
même, de mes propres yeux; je les passe sous silence pour
plusieurs raisons.
Cher lecteur, par votre expérience, si vous pratiquez et
prêchez cette dévotion, vous en apprendrez plus qu'en aucun
livre et vous expérimenterez heureusement l'effet des
promesses qu'a faites la sainte Vierge à saint Dominique, au
bienheureux Alain de la Roche et à ceux qui font fleurir cette
dévotion qui lui est si agréable, qui instruit les peuples des
vertus de son Fils et des siennes, porte à l'oraison mentale,
à l'imitation de Jésus-Christ, à la fréquentation des
sacrements, à la pratique solide des vertus, et de toutes
sortes de bonnes oeuvres, à gagner tant de belles indulgences
que les peuples ignorent parce que les prédicateurs de cette
dévotion n'en parlent quasi jamais et se contentent de faire
un sermon du Rosaire, à la mode, bien souvent qui ne cause que
de l'admiration, point d'instruction.

115. Enfin, je me contente de vous dire, avec le bienheureux
Alain de la Roche, que le Rosaire est une source et un magasin
de toutes sortes de biens:
1 P Peccatoribus praestat poenitentiam;
2 S Sitientibus stillat satietatem;
3 A Alligatis adducit absolutionem;
4 L Lugentibus largitur laetitiam;
5 T Tentatis tradit tranquillitatem;
6 E Egenis expellit egestatem;
7 R Religiosis reddit reformationem;
8 I Ignorantibus inducit intelligentiam;
9 V Vivis vincit vastitatem;
10 M Mortuis mittit misericordian per modum suffragii.
"Volo", dit un jour la sainte Vierge au bienheureux
Alain, "ut psaltae mei in vita et in morte, et post mortem
habeant benedictionem, gratiae plenitudinem ac libertatem,
inmunesque sint a caecitate, obduratione, inopia ac
servitute":
Je veux que les dévots de mon Rosaire aient la grâce et
la bénédiction de mon Fils pendant leur vie, à leur mort, et
après leur mort, et qu'ils soient affranchis de toutes sortes
d'esclavages et qu'ils soient des rois, qu'ils aient la
couronne sur la tête, le sceptre à la main et la gloire
éternelle. Ainsi soit-il.

CINQUIEME DIZAINE

41 Rose
LA MANIERE SAINTE DE RÉCITER LE ROSAIRE.
116. Ce n'est pas proprement la longueur, mais la ferveur de
la prière, qui plaît à Dieu et qui lui gagne le coeur. Un seul
Ave Maria bien dit est d'un plus grand mérite que cent
cinquante mal dits. Presque tous les chrétiens catholiques
récitent le Rosaire, le chapelet ou du moins quelques dizaines
d'Ave. Pourquoi donc y en a-t-il si peu qui se corrigent de
leurs péchés et s'avancent dans la vertu, sinon parce qu'ils
ne font pas ces prières comme il faut.

117. Voyons donc la manière qu'il faut les réciter pour plaire
à Dieu et devenir plus saints.
Premièrement il faut que la personne qui récite le saint
Rosaire soit en état de grâce ou du moins dans la résolution
de sortir de son péché, parce que toute la théologie nous
enseigne que les bonnes oeuvres et les prières faites en péché
mortel, sont des oeuvres mortes, qui ne peuvent être agréables
à Dieu ni mériter la vie éternelle; c'est en ce sens qu'il est
écrit: "Non est speciosa laus in ore peccatoris: La louange ne
sied pas à la bouche du pécheur" (Si 15,9).
La louange et le salut de l'ange et l'Oraison même de
Jésus-Christ n'est pas agréable à Dieu lorsqu'elle sort de la
bouche d'un pécheur impénitent:
"Populus hic labiis me honorat, cor autem eorum longe est
a me" (Mc 7,6)
Ces personnes qui se mettent de mes confréries, (dit
Jésus-Christ), qui récitent tous les jours le chapelet ou le
Rosaire, sans aucune contrition de leurs péchés, m'honorent de
leurs lèvres, mais leur coeur est bien éloigné de moi.
[2] J'ai dit: "ou du moins dans la résolution de sortir
du péché", 1 parce que s'il fallait absolument être en grâce
de Dieu pour faire des prières qui lui fussent agréables, il
s'ensuivrait que ceux qui sont en péché mortel ne devraient
point du tout prier, quoiqu'ils en aient plus de besoin que
les justes, ce qui est une erreur condamnée par l'Eglise, et,
ainsi, il ne faudrait jamais conseiller à un pécheur de dire
son chapelet ou son Rosaire parce qu'il lui serait inutile; 2
parce que, si avec la volonté de demeurer dans le péché, et
sans aucune intention d'en sortir, on s'enrôlait dans une
confrérie de la sainte Vierge, ou on récitait le chaplet, le
Rosaire ou quelque autre prière, on se rendrait du nombre des
faux dévots de la sainte Vierge, et dévots présomptueux et
impénitents, qui, sous le manteau de la sainte Vierge, avec le
scapulaire sur leur corps ou le Rosaire à la main, crient:
Sainte Vierge, bonne Vierge, je vous salue, Marie, et
cependant crucifient et déchirent cruellement Jésus-Christ par
leurs péchés et tombent malheureusement, du milieu des plus
saintes confréries de la sainte Vierge, dans le milieu des
flammes de l'enfer.

118. Nous conseillons le saint Rosaire à tout le monde: aux
justes pour persévérer et croître dans la grâce de Dieu, et
aux pécheurs pour sortir de leurs péchés. Mais à Dieu ne
plaise que nous exhortions un pécheur à faire du manteau de la
protection de la sainte Vierge, un manteau de damnation pour
voiler ses crimes, et à changer le Rosaire, qui est un remède
à tous maux, en un poison mortel et funeste. Corruptio optimi
pessima.
Il faut être un ange en pureté, dit le savant Hugues,
cardinal, pour approcher de la sainte Vierge et réciter la
Salutation angélique. Elle fit un jour voir à un impudique,
qui récitait le saint Rosaire régulièrement tous les jours, de
beaux fruits dans un vaisseau souillé d'ordures; il en eut
horreur, et elle lui dit: "Voilà comme tu me sers, tu me
présentes de belles roses dans un vaisseau sale et corrompu.
Juge si je puis les avoir agréables".

42 Rose
119. Il ne suffit pas, pour bien prier, d'exprimer nos
demandes par la plus excellente de toutes les manières
d'oraison qui est le Rosaire, mais il faut encore y apporter
une grande attention, car Dieu écoute plutôt la voix du coeur
que celle de la bouche. Prier Dieu avec des distractions
volontaires serait une grande irrévérence, qui rendrait nos
Rosaires infructueux et nous remplirait de péchés. Comment
ose-t-on demander à Dieu qu'il nous écoute, si nous ne nous
écoutons pas nous-mêmes, et si, pendant que nous prions cette
redoutable majesté qui fait tout trembler, nous nous arrêtions
volontairement à courir après un papillon? C'est éloigner de
soi la bénédiction de ce grand Seigneur et la changer dans la
malédiction portée contre ceux qui font l'oeuvre de Dieu
négligemment: Maledictus qui facit opus Dei negligenter (Jr
48,10).

120. Vous ne pouvez pas, à la vérité, réciter votre Rosaire
sans avoir quelques distractions involontaires; il est même
bien difficile de dire un Ave Maria sans que votre imagination
toujours remuante ne vous ôte quelque chose de votre
attention; mais vous pouvez le réciter sans distractions
volontaires, et vous devez prendre toutes sortes de moyens
pour diminuer les involontaires et fixer votre imagination.
A cet effet, mettez-vous en la présence de Dieu, croyez
que Dieu et sa sainte Mère vous regardent, que votre bon Ange
à votre main droite prend vos Ave Maria comme autant de roses,
s'ils sont bien dits, pour en faire une couronne à Jésus et à
Marie, et qu'au contraire, le démon est à votre gauche et rôde
autour de vous, pour dévorer vos Ave Maria et les marquer sur
son livre de mort, s'ils ne sont pas dits avec attention,
dévotion et modestie; surtout ne manquez pas de faire les
offrandes des dizaines en l'honneur des mystères, et de vous
représenter, dans l'imagination, Notre-Seigneur et sa sainte
Mère dans le mystère que vous honorez.

121. On lit dans la vie du bienheureux Herman, de l'ordre des
Prémontrés, que, lorsqu'il disait le Rosaire avec attention et
dévotion, en méditant les mystères, la sainte Vierge lui
apparaissait toute brillante de lumière, avec une beauté et
majesté ravissantes. Mais ensuite, sa dévotion s'étant
refroidie et ne récitant plus son Rosaire qu'à la hâte, et
sans attention, elle lui apparut le visage tout ridé, triste
et désagréable. Herman, étonné d'un tel changement, la sainte
Vierge lui dit: "Je parais telle devant tes yeux, que je suis
à présent dans ton âme, car tu ne me traites plus que comme
une personne vile et méprisable. Où est le temps que tu me
saluais avec respect et attention, en méditant mes mystères et
admirant mes grandeurs?"

45 Rose
122. Comme il n'y a point de prière plus méritoire à l'âme et
plus glorieuse à Jésus et à Marie que le Rosaire bien dit, il
n'y en a point aussi qui soit plus difficile à bien dire et
dans laquelle il soit plus difficile de persévérer, à cause
particulièrement des distractions qui viennent comme
naturellement dans la répétition si fréquente de la même
prière.
Lorsqu'on dit l'office de la sainte Vierge, ou les sept
psaumes, ou quelques autres prières que le chapelet ou le
Rosaire, le changement ou la diversité des termes dont ces
prières sont conçues arrêtent l'imagination et recréent
l'esprit, et par conséquent donnent facilité à l'âme pour les
bien réciter. Mais dans le Rosaire, comme on y a toujours le
même Pater et Ave à dire, et la même forme à garder, il est
bien difficile qu'on ne s'y ennuie, qu'on ne s'y endorme et
qu'on ne l'abandonne, pour prendre d'autres prières plus
récréatives et moins ennuyeuses. C'est ce qui fait qu'il faut
infiniment plus de dévotion pour persévérer dans la récitation
du saint Rosaire que d'aucune autre prière, quand ce serait le
psautier de David.

123. Ce qui augmente cette difficulté, c'est notre
imagination, qui est si volage qu'elle n'est pas quasi un
moment en repos, et la malice du démon si infatigable à nous
distraire et à nous empêcher de prier. Que ne fait point ce
malin esprit contre nous, tandis que nous sommes à dire notre
Rosaire contre lui? Il augmente notre langueur et notre
négligence naturelles. Avant de commencer notre prière, il
augmente notre ennui, nos distractions et nos accablements;
pendant que nous le prions, il nous accable de tous côtés, et
il nous sifflera après que nous l'aurons dit avec beaucoup de
peines et de distractions: "Tu n'a rien dit qui vaille; ton
chapelet, ton Rosaire, ne vaut rien, tu ferais bien mieux de
travailler et de faire tes affaires; tu perds ton temps à
réciter tant de prières vocales sans attention; une demi-heure
de méditation ou de bonne lecture vaudrait bien mieux. Demain,
que tu seras moins endormi, tu prieras avec plus d'attention,
remets le reste de ton Rosaire à demain". Ainsi le diable, par
ses artifices, fait souvent quitter le Rosaire tout à fait ou
en partie, ou fait prendre le change ou le fait différer.

124. Ne le croyez pas, cher confrère du Rosaire, et prenez
courage, quoique pendant tout votre Rosaire votre imagination
n'ait été remplie que d'imaginations et pensées extravagantes
que vous avez tâché de chasser le mieux que vous avez pu,
quand vous vous en êtes aperçu. Votre Rosaire est d'autant
meilleur qu'il est difficile; il est d'autant plus difficile
qu'il est naturellement moins agréable à l'âme et qu'il est
plus rempli de misérables petites mouches et fourmis, qui, ne
faisant que courir çà et là dans l'imagination malgré la
volonté, ne [lui] donnent pas à l'âme le temps de goûter ce
qu'elle dit et de se reposer dans la paix.

125. S'il faut que vous combattiez pendant tout votre Rosaire,
contre les distractions qui vous viennent, combattez
vaillamment les armes au poing, c'est-à-dire en continuant
votre Rosaire, quoique sans aucun goût ni consolation
sensible: c'est un terrible combat, mais salutaire à l'âme
fidèle. Si vous mettez les armes bas, c'est-à-dire si vous
quittez votre Rosaire, vous êtes vaincu, et pour lors, le
diable, comme vainqueur de votre fermeté, vous laissera en
paix et vous reprochera au jour du jugement votre
pusillanimité et infidélité. "Qui fidelis est in minimo et in
majori fidelis est : Celui qui est fidèle dans les petites
choses le sera aussi dans les plus grandes" (Lc 16,10)
Celui qui est fidèle à rejeter les plus petites
distractions à la moindre partie de ses prières, sera aussi
fidèle dans les plus grandes. Rien n'est si sûr, puisque le
Saint-Esprit l'a dit. Courage donc, bon serviteur et servante
fidèle à Jésus-Christ et à la sainte Vierge, qui avez pris la
résolution de dire votre Rosaire tous les jours. Que la
multitude des mouches (j'appelle ainsi les distractions qui
vous font la guerre pendant que vous priez), ne soient pas
capables de vous faire lâchement quitter la compagnie de Jésus
et de Marie, dans laquelle vous êtes en disant votre Rosaire.
Je mettrai ci-après des moyens de diminuer les distractions.

44 Rose
126. Après avoir invoqué le Saint-Esprit, pour bien réciter
votre Rosaire, mettez-vous un moment en la présence de Dieu et
faites les offrandes des dizaines, comme vous verrez ci-après.
Avant de commencer la dizaine, arrêtez-vous un moment,
plus ou moins, selon votre loisir, pour considérer le mystère
que vous célébrez par la dizaine et demandez toujours, par ce
mystère et l'intercession de la sainte Vierge, une des vertus
qui éclatent le plus dans ce mystère ou dont vous aurez le
plus de besoin.
Prenez surtout garde aux deux fautes ordinaires que font
presque tous ceux qui disent le chapelet ou le Rosaire:
La première, c'est de ne prendre aucune intention en
disant leur chapelet, en sorte que, si vous leur demandez
pourquoi ils disent leur chapelet, ils ne sauraient vous
répondre. C'est pourquoi ayez toujours en vue, en récitant
votre Rosaire, quelque grâce à demander, quelque vertu à
imiter, ou quelque péché à détruire.
La seconde faute qu'on commet ordinairement en récitant
le saint Rosaire, c'est de n'avoir point d'autre intention, en
le commençant, que de l'avoir bientôt fini. Cela vient de ce
qu'on regarde le Rosaire comme une chose onéreuse, qui pèse
bien fort sur les épaules lorsqu'on ne l'a pas dit; surtout
quand on s'en est fait un principe de conscience, ou quand on
l'a reçu par pénitence et comme malgré soi.

127. C'est une pitié de voir comment la plupart disent leur
chapelet ou leur Rosaire. Ils le disent avec une précipitation
étonnante et ils mangent même une partie des paroles. On ne
voudrait pas faire un compliment de cette manière ridicule au
dernier des hommes, et on croit que Jésus et Marie en seront
honorés!...
Après cela, faut-il s'étonner si les plus saintes prières
de la religion chrétienne restent quasi sans aucun fruit, et
si, après mille et dix mille Rosaires récités, on n'en est pas
plus saint?
Arrêtez, cher confrère du Rosaire, votre précipitation
naturelle, en récitant votre Rosaire, et faites quelques
pauses au milieu du Pater et de l'Ave, et une plus petite
après les paroles du Pater et de lAve que j'ai marquées par
une croix ci-après.
Notre Père qui êtes aux cieux + votre nom soit sanctifié
+ votre règne arrive + votre volonté soit faite + en la terre
comme au ciel +.
Donnez-nous aujourd'hui + notre pain quotidien + et nous
pardonnez nos offenses + comme nous pardonnons à ceux qui nous
ont offensés + et ne nous laissez point tomber dans la
tentation + mais délivrez-nous du mal. Ainsi soit-il +.
Je vous salue, Marie, pleine de grâce + le Seigneur est
avec vous + vous êtes bénie entre toutes les femmes + et béni
est le fruit de votre ventre, Jésus +.
Sainte Marie, Mère de Dieu + priez pour nous pauvres
pécheurs, maintenant + et à l'heure de notre mort. Ainsi soit-
il +.
Vous aurez d'abord de la peine à faire ces médiantes, par
la mauvaise habitude que vous avez de prier à la hâte; mais
aussi une dizaine dite ainsi posément vous sera plus méritoire
que des milliers de Rosaires récités à la hâte, sans réfléchir
ni s'arrêter.

128. Le bienheureux Alain de la Roche et d'autres auteurs,
entre autres Bellarmin, racontent qu'un bon prêtre conseilla à
trois pénitentes qu'il avait, et qui étaient toutes trois
soeurs, de réciter tous les jours dévotement le Rosaire,
pendant un an, sans y manquer, pour former un bel habillement
de gloire à la sainte Vierge, et que c'était un secret qu'il
avait reçu du ciel. Toutes les trois le dirent pendant un an.
Le jour de la Purification, sur le soir, lorsqu'elles étaient
couchées, la sainte Vierge, accompagnée de sainte Catherine et
de sainte Agnès, entra dans leur chambre, revêtue d'un habit
tout brillant de lumière, sur lequel il y avait de tous côtés
écrit en lettres d'or: Ave Mariea gratia plena. La Reine des
cieux approcha du lit de l'aînée des soeurs et lui dit: "Je
vous salue, ma fille, qui m'avez si souvent et si bien saluée.
Je viens vous remercier des beaux habits que vous m'avez
faits".
Les deux saintes vierges qui l'accompagnaient la
remercièrent aussi et toutes trois disparurent.
Une heure après, la sainte Vierge, avec ses deux
compagnes, vint encore dans la chambre, habillée d'un habit
vert, mais sans or et sans lumière, approcha du lit de la
seconde soeur, la remercia de cet habit qu'elle lui avait
fait, en disant son Rosaire. Mais comme cette seconde soeur
avait vu la sainte Vierge apparaître à sa soeur aînée avec
beaucoup plus de brillant, elle lui en demanda la raison.
"C'est, lui répondit Marie, qu'elle m'a fait de plus beaux
habits, en disant mieux son Rosaire que toi".
Environ une heure après, la sainte Vierge apparut une
troisième fois à la plus jeune des soeurs, habillée d'un
haillon sale et déchiré et lui dit: "O fille, vous m'avez
ainsi habillée, je vous en remercie".
La jeune fille, couverte de confusion, s'écria: "Et quoi!
ma maîtresse, je vous ai si mal habillée, je vous en demande
pardon. Je vous demande du temps pour faire un plus bel habit,
en récitant mieux mon Rosaire". La vision ayant disparu et la
plus jeune soeur fort affligée ayant dit à leur confesseur
tout ce qui s'était passé, il les anima à dire pendant un an
leur Rosaire avec plus de perfection que jamais, ce qu'elles
firent. Au bout de l'année, le jour même de la Purification,
la sainte Vierge, accompagnée encore de sainte Catherine et de
sainte Agnès qui portaient des couronnes, et habillée d'un
habit merveilleux, leur apparut sur le soir et leur dit:
"Soyez assurées, mes filles, du royaume des cieux, vous y
entrerez demain avec grande allégresse". A quoi toutes trois
répondirent: "Notre coeur est préparé, notre chère Maîtresse,
notre coeur est préparé". La vision disparut. Cette même nuit
il leur prit mal, elles envoyèrent chercher leur confesseur,
reçurent les derniers sacrements et après avoir remercié leur
confesseur de la sainte pratique qu'il leur avait enseignée.
Après complies, la sainte Vierge leur apparut encore,
accompagnée d'un grand nombre de vierges, fit revêtir les
trois soeurs de robes blanches, après quoi, elles marchèrent
toutes trois pendant que les anges chantaient: "Venez, épouses
de Jésus-Christ, recevez les couronnes qui vous sont preparées
dans l'éternité".
Apprenez plusieurs vérités de cette histoire: 1 combien
il est important d'avoir de bons directeurs qui inspirent de
saintes pratiques de piété et particulièrement le saint
Rosaire; 2 combien il est important de réciter le Rosaire
avec attention et dévotion; 3 combien la sainte Vierge est
bénigne et miséricordieuse envers ceux qui se repentent du
passé et proposent de mieux faire; 4 combien elle est
libérale à récompenser pendant la vie, à la mort et dans
l'éternité, les petits services qu'on lui rend avec fidélité.

45 Rose
129. J'ajoute qu'il faut réciter le saint Rosaire avec
modestie, c'est-à-dire, autant qu'on peut, à genoux, les mains
jointes, le rosaire en mains. Si cependant on est malade, on
peut le dire en son lit; si on est en voyage, on peut le dire
en marchant; si pour quelques infirmités on ne peut être à
genoux, on peut le dire debout ou assis. On peut même le
réciter en travaillant, lorsqu'on ne peut pas quitter son
travail, pour satisfaire aux devoirs de sa profession, car le
travail manuel n'est pas toujours contraire à la prière
vocale.
J'avoue que notre âme étant limitée dans son opération,
quand elle est attentive au travail des mains, elle en est
moins attentive aux opérations de l'esprit, telle qu'est la
prière; mais cependant, dans la nécessité, cette prière a son
prix devant la sainte Vierge, qui récompense plus la bonne
volonté que l'action extérieure.

130. Je vous conseille de partager votre Rosaire en trois
chapelets ou trois différents temps de la journée; il vaut
mieux le partager ainsi que de le dire tout à la fois.
Si vous ne pouvez pas trouver assez de temps pour en dire
le tiers de suite, dites-en une dizaine ici et une dizaine là;
vous pourrez faire en sorte, malgré toutes vos occupations et
affaires, que vous ayez dit votre Rosaire tout entier avant de
vous mettre au lit.
Imitez en cela la fidélité de saint François de Sales.
Etant un soir fort fatigué des visites qu'il avait faites
pendant la journée, et étant près de minuit, il se ressouvint
qu'il lui restait quelques dizaines de son Rosaire à dire, il
se mit à genoux et les récita avant de se coucher, malgré tout
ce que son aumônier, qui le voyait fatigué, lui pût dire pour
l'engager à remettre à dire au lendemain ce qui lui restait de
prières.
Imitez encore la fidélité, modestie et dévotion de ce
saint religieux, dont parlent les chroniques de saint
François, qui avait coutume, avant le dîner, de réciter un
chapelet avec beaucoup d'attention et de modestie... J'en ai
parlé ci-devant.
 
 
 

46 Rose
131. De toutes les manières de réciter le saint Rosaire, la
plus glorieuse à Dieu, la plus salutaire à l'âme et la plus
terrible au diable, c'est de le psalmodier ou réciter
publiquement à deux choeurs.
Dieu aime les assemblées. Tous les anges et les
bienheureux assemblés dans le ciel y chantent incessamment ses
louanges. Les justes assemblés en plusieurs communautés sur la
terre y prient en commun jour et nuit. Notre-Seigneur a
expressément conseillé cette pratique à ses apôtres et
disciples, et leur promit que toutes les fois qu'ils seraient
au moins deux ou trois assemblés en son nom, il se trouverait
au milieu de ceux qui sont assemblés pour prier en son mon et
réciter sa même prière. Quel bonheur d'avoir Jésus-Christ en
sa compagnie! Pour le posséder il ne faut que s'assembler pour
dire le chapelet. C'est la raison pourquoi les premiers
chrétiens s'assemblaient si souvent pour prier ensemble,
malgré les persécutions des empereurs, qui leur défendaient
les assemblées. Ils aimaient mieux s'exposer à la mort que de
manquer à s'assembler pour avoir la compagnie de Jésus-Christ.

132. Cette manière de prier est plus salutaire à l'âme:
1 parce que l'esprit est ordinairement plus attentif
dans une prière publique que dans une particulière;
2 quand on prie en commun, les prières de chaque
partriculier deviennent communes à toute l'assemblée et ne
font toutes ensemble qu'une même prière, en sorte que, si
quelque particulier ne prie pas si bien, un autre dans
l'assemblée qui prie mieux supplée à son défaut. Le fort
supporte le faible, le fervent embrase le tiède, le riche
enrichit le pauvre, le mauvais passe parmi le bon. Comment
vendre une mesure d'ivraie? Il ne faut pour cet effet que la
mêler avec quatre ou cinq boisseaux de bon blé; le tout est
vendu.
3 Un personne qui récite son chapelet toute seule n'a
que le mérite d'un chapelet; mais si elle le dit avec trente
personnes, elle a le mérite de trente chapelets. Ce sont les
lois de la prière publique. Quel gain! quel avantage!
4 Urbain huitième, étant fort satisfait de la dévotion
du saint Rosaire qu'on récitait à deux choeurs, en plusieurs
lieux de Rome, particulièrement au couvent de la Minerve,
donna cent jours d'indulgences toutes les fois qu'on le
réciterait à deux choeurs: Toties quoties. Ce sont les termes
de son bref qui commence: Ad perpetuum rei memoriam, an 1626.
Ainsi, toutes les fois qu'on dit le chapelet en commun, on
gagne cent jours d'indulgences.
5 C'est que cette prière publique est plus puissante,
pour apaiser la colère de Dieu et attirer sa miséricorde, que
la prière particulière, et l'Eglise, conduite par le Saint-
Esprit, s'en est servie dans tous les temps de calamités et de
misères publiques.
Le pape Grégoire 13 déclare, par sa bulle, qu'il faut
pieusement croire que les prières publiques et processions des
confrères du saint Rosaire avaient beaucoup contribué à
obtenir de Dieu la grande victoire que les chrétiens gagnèrent
au golfe de Lépante sur l'armée navale des Turcs, le 1er
dimanche d'octobre en 1571.

133. Louis le Juste, d'heureuse mémoire, assiégeant La
Rochelle, où les hérétiques tenaient leurs forts, écrivit à la
reine sa mère de faire faire des prières publiques pour la
prospérité de ses armes. La reine résolut de faire réciter le
Rosaire publiquement dans l'église des Frères prêcheurs du
faubourg Saint-Honoré de Paris, ce qui fut exécuté par les
soins de Monseigneur l'archevêque. On commença cette dévotion
le 20 mai 1628. La reine mère et la reine régnante s'y
rendirent, avec Monseigneur le duc d'Orléans, les cardinaux de
la Rochefoucault et de Bérulle, plusieurs prélats, toute la
cour et une foule innombrable de peuple. Monseigneur
l'archevêque lisait à haute voix les méditations sur les
mystères du Rosaire, il commençait ensuite le Pater et l'Ave
de chaque dizaine et les religieux avec les assistants
répondaient; après le chapelet, on portait l'image de la
sainte Vierge en procession, en chantant ses litanies.
On continua cette dévotion tous les samedis avec une
ferveur admirable et une bénédiction du ciel évidente, car le
roi triompha des Anglais à l'île de Ré et entra victorieux
dans La Rochelle, le jour de la Toussaint de la même année. On
voit par là quelle est la force de la prière publique.

134. Enfin le Rosaire récité en commun est bien plus terrible
au démon, puisqu'on fait, par ce moyen, un corps d'armée pour
l'attaquer. Il triomphe quelquefois fort facilement de la
prière d'un particulier, mais si elle est unie à celle des
autres, il n'en peut venir à bout que difficilement. Il est
aisé de rompre une houssine toute seule; mais si vous
l'unissez avec plusieurs autres et en faites un faisceau, on
ne peut plus la rompre. "Vis unita fit fortior". Les soldats
s'assemblent en corps d'armée pour battre leurs ennemis; les
méchants s'assemblent souvent pour faire leurs débauches et
leurs danses; les démons même s'assemblent pour nous perdre;
pourquoi donc les chrétiens ne s'assembleront-ils pas pour
avoir la compagnie de Jésus-Christ, pour apaiser la colère de
Dieu, pour attirer sa grâce et sa miséricorde, et pour vaincre
et terrasser plus puissamment les démons?
Cher confrère du Rosaire, si vous demeurez à la ville ou
à la campagne, auprès de l'église de la paroisse ou d'une
chapelle, allez-y au moins tous les soirs, avec permission de
monsieur le recteur de ladite paroisse, et là en compagnie de
tous ceux qui voudront y venir réciter le chapelet à deux
choeurs; faites la même chose dans votre maison ou celle d'un
particulier du village, si vous n'avez pas la commodité de
l'église ou de la chapelle.

135. C'est une sainte pratique que Dieu, par sa miséricorde, a
établie dans les lieux ou j'ai fait des missions, pour en
conserver et augmenter le fruit, pour empêcher le péché. On ne
voyait dans ces bourgs et villages, auparavant que le chapelet
y fût établi, que danses, débauches, dissolutions,
immodesties, jurements, querelles, divisions; on n'y entendait
que des chansons déshonnêtes, paroles à double entente. A
présent on n'y entend que le chant des cantiques et la
psalmodie du Pater et de l'Ave; on n'y voit que de saintes
compagnies de 20, 30, 100 personnes et plus, qui chantent
comme des religieux les louanges de Dieu à une heure réglée.
Il y a même des lieux où on récite le Rosaire en commun
tous les jours, en trois temps de la journée. Quelle
bénédiction du ciel! Comme il y a des réprouvés partout, ne
doutez pas qu'il n'y ait, dans les lieux où vous demeurez,
quelques méchants qui négligeront de venir au chapelet, qui
s'en railleront peut-être même et feront tout ce qu'ils
pourront, par leurs mauvaises paroles et leurs mauvais
exemples, pour vous empêcher de continuer ce saint exercice;
mais tenez bon. Comme ces malheureux doivent être à jamais
séparés de Dieu et de son paradis, dans l'enfer, il faut
qu'ici-bas, par avance, ils se séparent de la compagnie de
Jésus-Christ et de ses serviteurs et servantes.

47 Rose
136. Séparez-vous des méchants, peuple de Dieu, âmes
prédestinées, et pour vous échapper et vous sauver du milieu
de ceux qui se damnent par leur impiété, indévotion ou
oisiveté, sans perdre le temps, récitez souvent le saint
Rosaire avec foi, avec humilité, avec confiance et avec
persévérance.
[Premièrement] quiconque pensera sérieusement au
commandement que Jésus-Christ nous a fait de prier toujours, à
l'exemple qu'il nous a donné, aux besoins infinis que nous
avons de la prière, à cause de nos ténèbres, ignorances et
faiblesses et de la multitude de nos ennemis, certes, celui-là
ne se contentera pas de réciter le Rosaire une fois tous les
ans, comme la confrérie du Rosaire perpétuel demande, ni
toutes les semaines, comme le Rosaire ordinaire prescrit, mais
le récitera tous les jours, sans y manquer, comme le Rosaire
quotidien marque, quoiqu'il n'en ait point d'autre obligation
que celle de son salut.
Oportet: il faut, il est nécessaire semper orare,
toujours prier, et non deficere, ne point cesser de prier.

137. Ce sont des paroles éternelles de Jésus-Christ, qu'il
faut croire et pratiquer sous peine de damnation. Expliquez-
les comme il vous plaira, pourvu que vous ne les expliquiez
pas à la mode, afin de ne les pratiquer qu'à la mode. Jésus-
Christ nous en a donné la vraie explication dans les exemples
qu'il nous a laissés: Exemplum dedi vobis, ut quemadmodum ego
feci, ita et vos faciatis. Joan 13,5. Erat pernoctans in
oratione Dei. Luc 6,12. Comme si le jour ne lui eût pas suffi,
il employait encore la nuit à la prière.
Il répétait souvent à ses apôtres ces deux paroles:
Vigilate et orate. Veillez et priez. La chair est infirme, la
tentation est proche et continuelle. Si vous ne priez
toujours, vous y tomberez. Apparemment qu'ils crurent que ce
que Notre-Seigneur leur disait n'était que de conseil, ils
interprétèrent ces paroles à la mode, c'est pourquoi ils
tombèrent dans la tentation et dans le péché, étant même dans
la compagnie de Jésus-Christ.

138. Si vous voulez, cher confrère, vivre à la mode, et vous
damner à la mode, c'est-à-dire de temps en temps tomber dans
le péché mortel, et puis aller à confesse, éviter les péchés
grossiers et criants, et conserver les honnêtes, il n'est pas
nécessaire que vous fassiez tant de prières, que vous disiez
tant de Rosaires; une petite prière le matin et le soir,
quelques chapelets donnés en pénitences, quelques dizaines
d'Ave Maria sur un chapelet à la cavalière, quand la fantaisie
vous en prend, il n'en faut pas davantage pour vivre en
honnête homme. Si vous en faisiez moins, vous approcheriez du
libertinage; si vous en faites plus, vous approcheriez de la
singularité et de la bigoterie.

139. Mais si, comme un vrai chrétien qui veut se sauver en
vérité et marcher sur les traces des saints, vous voulez ne
point tomber du tout en péché mortel, rompre tous les pièges
et eteindre tous les traits enflammés du diable, il faut que
vous priiez toujours comme a enseigné et ordonné Jésus-Christ.
Ainsi, il faut pour le moins que vous disiez votre
Rosaire tous les jours ou quelques prières équivalents.
Je dis encore pour le moins, car ce sera tout ce que vous
pourrez faire avec votre Rosaire, tous les jours, que d'éviter
tous les péchés mortels et de vaincre toutes les tentations,
au milieu des torrents d'iniquité du monde, qui emportent
souvent les plus assurés; au milieu des ténèbres épaisses qui
aveuglent souvent les plus éclairés, au milieu des esprits
malins qui, étant plus expérimentés que jamais, et ayant moins
de temps à tenter, tentent avec plus de finesse et de succès.
Oh! quelle merveille de la grâce du saint Rosaire, si
vous échappez au monde, au diable et à la chair et au péché et
vous sauvez dans le ciel!

140. Si vous ne voulez pas croire ce que j'avance, croyez-en
votre propre expérience. Je vous demande si, lorsque vous ne
faisiez qu'un peu de prières qu'on fait dans le monde, et de
la manière dont on les fait ordinairement, vous pouviez vous
empêcher de faire de lourdes fautes et des péchés griefs qui
ne vous paraissaient légers que par votre aveuglement. Ouvrez
donc les yeux, et pour vivre et mourir en saint sans péché, du
moins mortel, priez toujours; récitez tous les jours votre
Rosaire, comme tous les confrères faisaient autrefois dans
l'établissement de la confrérie (voir à la fin de ce livre la
preuve de ce que j'avance). La sainte Vierge le donnant à
saint Dominique lui ordonna de le dire et faire dire tous les
jours; aussi le saint ne recevait-il personne dans la
confrérie qui ne fût dans la résolution de le dire tous les
jours. Si, à présent, on ne demande dans la confrérie du
Rosaire ordinaire que la récitation d'un Rosaire par semaine,
c'est parce que la ferveur s'est ralentie, la charité s'est
refroidie. On tire ce qu'on peut d'un mauvais prieur. Non fuit
ab initio sic.
Il faut ici remarquer trois choses.

141. La première que si vous vou lez vous enrôler dans la
confrérie du Rosaire quotidien et participer aux prières et
mérites de qui y sont, il ne suffit pas d'être enrôlé dans la
confrérie du Rosaire ordinaire, ou de prendre seulement la
résolution de réciter son Rosaire tous les jours. Il faut de
plus donner son nom à ceux qui ont le pouvoir d'enrôler. Il
est bon de se confesser et communier à cette intention; la
raison de ceci est que le Rosaire ordinaire ne renferme pas le
quotidien, mais le Rosaire quotidien renferme le Rosaire
ordinaire.
La seconde chose à remarquer est qu'il n'y a, absolument
parlant, aucun péché, même véniel, à manquer de réciter le
Rosaire de tous les jours, ni de toutes les semaines, ni de
tous les ans.
La troisième, c'est que lorsque la maladie ou une
obéissance légitime, ou la nécessité, ou l'oubli involontaire,
sont cause que vous ne pouvez pas réciter votre Rosaire, vous
ne laissez pas d'en avoir le mérite et vous ne perdez pas la
participation aux Rosaires des autres confrères; ainsi il
n'est pas absolument nécessaire que le jour suivant vous
récitiez deux Rosaires, pour suplléer à un que vous avez
manqué sans votre faute, comme je suppose. Si cependant la
maladie ne vous permet de réciter qu'une partie de votre
Rosaire, vous la devez réciter. Beati qui stant coram te
semper. Beati qui habitant in domo tua, Domine, in saecula
saeculorum laudabunt te. Bienheureux, Seigneur Jésus, les
confrères du Rosaire quotidien qui, tous les jours, sont
autour et dans votre petite maison de Nazareth, autour de
votre croix sur le Calvaire, et autour de votre trône dans les
cieux, pour méditer et contempler vos mystères joyeux,
douloureux et glorieux. Oh! qu'ils sont heureux sur la terre
par les grâces spéciales que vous leur communiquerez, et
qu'ils seront bienheureux dans le ciel où ils vous loueront
d'une manière spéciale dans les siècles des siècles.

142. Secondement, il faut réciter le Rosaire avec foi, selon
les paroles de Jésus-Christ: Credite quia accipietis et fiet
vobis. Croyez que vous recevrez de Dieu ce que vous lui
demandez, et il vous exaucera. Il vous dira: Sicut credidisti,
fiat tibi: Qu'il vous soit fait comme vous avez cru. Si quis
indiget sapientiam, postulet a Deo; postulet autem in fide
nihil haesitans (Jc 1,6): Si quelqu'un a besoin de la sagesse,
qu'il la demande à Dieu, avec foi, sans hésiter, en récitant
son Rosaire, et elle lui sera donnée.

143. Troisièmement, il faut prier avec humilité, comme le
publicain; il était à deux genoux à terre, et non un genou en
l'air ou sur un banc comme les orgueilleux mondains; il était
au bas de l'église et non dans le sanctuaire comme le
pharisien; il avait les yeux baissés vers la terre, n'osant
regarder le ciel, et non la tête levée regardant çà et là
comme le pharisien; il frappait sa poitrine, se confessant
pécheur et demandant pardon: Propitius este mihi peccatori
(Luc 18,13) et non pas comme le pharisien, qui méprisait les
autres dans ses prières. Gardez-vous de l'orgueilleuse prière
du pharisien qui le rendit plus endurci et plus maudit; mais
imitez l'humilité du publicain dans sa prière qui lui obtient
la rémission de ses péchés.
Prenez bien garde de donner dans l'extraordinaire et de
demander et de désirer même des connaissances extraordinaires,
des visions, des révélations et autres grâces miraculeuses que
Dieu quelquefois a communiquées à quelques saints dans la
récitation de leur chapelet et Rosaire. "Sola fides sufficit":
la foi seule suffit présentement que l'Evangile et toutes les
dévotions et pratiques de piété sont suffisamment établis.
N'omettez jamais la moindre partie de votre Rosaire dans
vos sécheresses, dégoûts et délaissement intérieurs; ce serait
une marque d'orgueil et d'infidélité; mais comme un brave
champion de Jésus et Marie, sans rien voir, sentir, ni goûter,
dites tout sèchement votre Pater et Ave, en regardant le mieux
que vous pourrez les mystères.
Ne désirez point le bonbon et les confitures des enfants
pour manger votre pain quotidien; mais pour imiter Jésus-
Christ plus parfaitement dans son agonie, prolongez
quelquefois votre Rosaire, lorsque vous sentirez plus de peine
à le réciter: "Factus in agonia prolixius orabat" (Lc 22,43),
afin qu'on puisse dire de vous ce qui est dit de Jésus-Christ,
lorsqu'il était dans l'agonie de la prière: Il priait encore
plus longtemps.

144. Quatrièmement, priez avec beaucoup de confiance, laquelle
est fondée sur la bonté et libéralité infinies de Dieu et sur
les promesses de Jésus-Christ. Dieu est une source d'eau vive
qui coule incessamment dans le coeur de ceux qui prient.
Jésus-Christ est la mamelle du Père éternel toute pleine du
lait de la grâce et de la vérité. Le plus grand désir qu'ait
le Père éternel à notre égard, c'est de nous communiquer les
eaux salutaires de sa grâce et de sa miséricorde, et il crie:
"Omnes sitientes venite ad aquas" (Is 55): Venez boire de mes
eaux par la prière, et quand on ne le prie pas il se plaint de
ce qu'on l'abandonne: "Me dereliquerunt fontem aquae vivae"
(Jr 2,13). C'est faire plaisir à Jésus-Christ de lui demander
ses grâces et plus grand plaisir qu'on ne ferait à une mère
nourrice, dont les mamelles sont toutes pleines, en lui suçant
son lait. La prière est le canal de la grâce de Dieu et le
tétin des mamelles de Jésus-Christ. Si on ne les suce pas par
la prière comme doivent faire tous les enfants de Dieu, il
s'en plaint amoureusement: "Usque modo non petistis quidquam,
petite et accipietis, quaerite et invenietis, pulsate et
aperietur vobis" (Mt 7,7). Jusqu'à ici vous ne m'avez rien
demandé. Ah! demandez-moi et je vous donnerai, cherchez chez
moi et vous trouverez; frappez à ma porte et je vous
l'ouvrirai. De plus, pour nous donner encore plus de confiance
à le prier, il a engagé sa parole: que le Père éternel nous
accorderait tout ce que nous lui demanderions en son nom.

48 Rose
145. Mais à notre confiance joignons, en cinquième lieu, la
persévérance dans la prière. Il n'y aura que celui qui
persévérera à demander, à chercher et à frapper, qui recevra,
qui trouvera et qui entrera. Il ne suffit pas de demander
quelques grâces à Dieu pendant un mois, un an, dix ans, vingt
ans; il ne faut point s'ennuyer, et non deficere, il faut la
demander jusqu'à la mort et être résolu ou à obtenir ce qu'on
lui demande pour son salut ou à mourir, et mêne il faut
joindre la mort avec la persévérance dans la prière et la
confiance en Dieu et dire: Etiam si occident me, sperabo in
eum: Quand il devrait me tuer, j'espérerais en lui et de lui
ce que je lui demande.

146. La libéralité des grands et riches du monde paraît à
prévenir par leurs bienfaits ceux qui en ont besoin, avant
même qu'ils les leur demandent; mais Dieu, tout au contraire,
montre sa magnificence à faire longtemps chercher et demander
les grâces qu'il veut accorder, et plus la grâce qu'il veut
faire est précieuse et plus longtemps il diffère del'accorder:
1 Afin, par là, de l'augmenter encore davantage;
2 Afin que la personne qui la recevra en ait une grande
estime;
3 Afin qu'elle se donne de garde de la perdre après
l'avoir reçue; car on n'estime pas beaucoup ce qu'on obtient
en un moment et à peu de frais.
Persévérez donc, mon cher confrère du Rosaire, à demander
à Dieu par le saint Rosaire tous vos besoins spirituels et
corporels et particulièrement la divine Sagesse qui est un
trésor infini: Thesaurus est infinitus (Sg 7,14), et vous
l'obtiendrez tôt ou tard infailliblement, pourvu que vous ne
le quittiez point et que vous ne perdiez point courage au
milieu de votre course. Grandis enim tibi restat via (3 Rg
19).
Car vous avez encore beaucoup de chemin à faire, beaucoup
de mauvais temps à essuyer, beaucoup de difficultés à
surmonter, beaucoup d'ennemis à terrasser, avant que vous ayez
assez amassé de trésors de l'éternité, des Pater et Ave pour
acheter le paradis et gagner la belle couronne qui attend un
fidèle confrère du Rosaire.
Nemo accipiat coronam tuam: Prenez garde qu'un autre,
plus fidèle que vous à dire son Rosaire tous les jours, ne
vous l'enlève: Coronam tuam: elle était vôtre, Dieu vous
l'avait préparée, elle était vôtre, vous l'aviez déjà demi
gagnée par vos Rosaires bien dits, et parce que vous vous êtes
arrêté en si beau chemin où vous courriez si bien, currebatis
bene (Gal 5,7). Un autre, qui vous a devancé, y est arrivé le
premier; un autre plus diligent et plus fidèle a acquis et
payé, par ses Rosaires et bonnes oeuvres, ce qui était
nécessaire pour avoir cette couronne.
Quid vos impedivit? (Gal 5,7): Qui est-ce qui vous a
empêché d'avoir la couronne du saint Rosaire? Hélas! les
ennemis du saint Rosaire, qui sont en si grand nombre.

147. Croyez-moi, il n'y a que les violents qui la ravissent de
force: Violenti rapiunt (Mt 11,12). Ces couronnes ne sont pas
pour ces timides qui craignent les railleries et les menaces
du monde. Ces couronnes ne sont pas pour ces paresseux et
fainéants, qui ne disent leur Rosaire qu'avec négligence, ou à
la hâte, ou par manière d'acquit, ou par intervalle, selon
leur fantaisie. Ces couronnes ne sont pas pour ces poltrons
qui perdent coeur et mettent les armes bas, quand ils voient
tout l'enfer déchaîné contre leur Rosaire.
Si vous voulez, cher confrère du Rosaire, entreprendre de
rendre service à Jésus et Marie en récitant le Rosaire tous
les jours, préparez votre âme à la tentation: Accedens ad
servitutem Dei, praepara animam tuam ad tentationem (Si
2,1).Les hérétiques, les libertins, les honnêtes gens du
monde, les demi-dévots et faux prophètes, de concert avec
votre nature corrompue et tout l'enfer, vous livreront de
terribles combats, pour vous faire quitter cette pratique.

148. Pour vous prémunir contre les attaques, non pas tant des
hérétiques et des libertins déclarés que des honnêtes gens
selon le monde, et des personnes même dévotes à qui cette
pratique ne revient pas, je veux vous rapporter ici simplement
une petite partie de ce qu'ils pensent et disent tous les
jours.
Quid vult seminiverbius ille? Venite, opprimamus eum,
contrarius est enim, etc.: Que veut dire ce grand diseur de
chapelets et de Rosaires, qu'est-ce qu'il marmotte toujours?
quelle fainéantise! il ne fait rien autre chose que
chapeleter, il ferait bien mieux de travailler, sans s'amuser
à tant de bigoteries. Vraiment oui!.... Il ne faut que dire
son Rosaire, et les alouettes toutes rôties tomberont du ciel;
le Rosaire nous apportera bien de quoi dîner. Le bon Dieu dit:
Aide-toi, je t'aiderai. Pourquoi aller s'embarrasser de tant
de prières? Brevis oratio penetrat coelos; un Pater et un Ave
bien dits suffisent. Le bon Dieu ne nous a point commandé le
chapelet ni le Rosaire; cela est bon, c'est une bonne chose
quand on a le temps, mais on n'en sera pas moins sauvé pour
cela. Combien de saints qui ne l'ont jamais dit?
Il y a des gens qui jugent tout le monde à leur aune, il
y a des indiscrets qui portent tout à l'extrémité, il y a des
scrupuleux qui mettent du péché où il n'y en a point, ils
disent que tous ceux qui ne diront pas leur Rosaire seront
damnés.
Dire son chapelet, cela est bon pour les femmelettes,
ignorantes, qui ne savent pas lire. Dire son Rosaire? Vaut-il
pas mieux dire l'Office de la sainte Vierge ou réciter les
sept psaumes? Y a-t-il rien de si beau que ces psaumes que le
Saint-Esprit a dictés?
Vous entreprenez de dire votre Rosaire tous les jours;
feu de paille que tout cela, cela ne durera pas longtemps; ne
vaut-il pas mieux en prendre moins et y être plus fidèle?
Allez, mon cher ami, croyez-moi, faites bien votre prière soir
et matin et travaillez pour Dieu pendant la journée, Dieu ne
vous demande pas davantage. Si vous n'aviez pas, comme vous
avez, votre vie à gagner, encore passe, vous pourriez vous
engager à dire votre Rosaire; vous pouvez le dire les
dimanches et fêtes à votre loisir, mais non pas les jours
ouvriers, il vous faut travailler.
Quoi! avoir un si grand chapelet de bonne femme! J'en ai
vu d'une dizaine, il vaut autant qu'un de quinze dizaines.
Quoi! porter le chapelet à la ceinture, quelle bigoterie; je
vous conseille de le mettre à votre cou, comme font les
Espagnols; ce sont de grands diseurs de chapelets, ils portent
un grand chapelet d'une main, tandis qu'ils ont dans l'autre
une dague pour donner un coup de traître. Laissez là, laissez
là ces dévotions extérieures, la vraie dévotion est dans le
coeur, etc.

149. Plusieurs habiles gens et grands docteurs, mais esprits
forts et orgueilleux, ne vous conseilleront guère le saint
Rosaire; ils vous porteront plutôt à réciter les sept psaumes
pénitentiaux ou quelques autres prières que celle-là. Si
quelque bon confesseur vous a donné en pénitence un Rosaire à
dire pendant quinze jours ou un mois, vous n'avez qu'à aller à
confesse à quelqu'un de ces messieurs, pour que votre
pénitence vous soit changée en quelques autres prières,
jeûnes, messes ou aumônes.
Si vous consultez même quelques personnes d'oraison,
qu'il y a dans le monde, comme elles ne connaissent point par
leur expérience l'excellence du Rosaire, non seulement elles
ne le conseillerons pas à personne, mais elles en détourneront
les autres pour les appliquer à la contemplation, comme si le
Rosaire et la contemplation étaient incompatibles, comme si
tant de saints qui ont été dévots au Rosaire n'avaient pas été
dans la plus sublime contemplation.
Vos ennemis domestiques vous attaqueront d'autant plus
cruellement que vous êtes plus uni avec eux. Je veux dire les
puissances de votre âme et les sens de votre corps, les
distractions de l'esprit, les ennuis de la volonté, les
sécheresses du coeur, les accablements et les maladies du
corps, tout cela, de concert avec les malins esprits qui s'y
mêleront, vous crieront: Quitte ton Rosaire, c'est lui qui te
fait mal à la tête; quitte ton Rosaire, il n'y a point
d'obligation sous peine de péché; n'en dis du moins qu'une
partie, tes peines sont une marque que Dieu ne veut pas que tu
le dises, tu le diras demain quand tu seras mieux disposé,
etc.

150. Enfin, mon cher frère, le Rosaire quotidien a tant
d'ennemis que je regarde comme une des plus signalées faveurs
de Dieu que la grâce d'y persévérer jusqu'à la mort.
Persévérez-y et vous aurez la couronne admirable qui est
préparée dans les cieux à votre fidélité: Esto fidelis usque
ad mortem et dabo tibi coronam (Ap 2,10).

49e Rose
151. Afin qu'en récitant votre Rosaire vous gagniez les
indulgences accordées aux confrères du saint Rosaire, il est à
propos de faire quelques remarques sur les indulgences.
L'indulgence en général est une rémission ou relaxation
des peines temporelles, dues pour les péchés actuels, par
l'application des satisfactions surabondantes de Jésus-Christ,
de la sainte Vierge et de tous les saints, qui sont renfermées
dans les trésors de l'Eglise.
L'indulgence plénière est une rémission de toutes les
peines dues au péché; la non plénière, comme de 100, 1.000
[ans], plus ou moins, est la rémission d'autant de peines,
qu'on aurait pu expier pendant cent ou mille années, si l'on
avait reçu aussi longtemps à proportion des pénitences taxées
par les anciens canons de l'Eglise. Or ces canons ordonnaient
pour un seul péché mortel sept et quelquefois dix et quinze
ans de pénitence, en sorte qu'une personne qui aurait fait
vingt péchés mortels devait pour le moins faire sept, vingt
années de pénitence, et ainsi du reste.

152. Pour que les confrères du Rosaire en gagnent les
indulgences, il faut: premièrement qu'ils soient vraiment
pénitents et confessés et communiés, comme disent les bulles
des indulgences; deuxièmement qu'ils n'aient affection à aucun
péché véniel, parce que l'affection au péché restant, la
coulpe reste, et la coulpe restant, la peine n'est point
remise; troisièmement il faut qu'ils fassent les prières et
autres bonnes oeuvres marquées par la bulle; et si, selon
l'intention des papes, on peut gagner une indulgence non
plénière, par exemple de 100 ans, sans gagner la plénière, il
n'est pas toujours nécessaire pour les gagner d'être confessé
et communié, comme sont les indulgences attachées à la
récitation du chapelet et Rosaire, aux processions, aux
rosaires bénits, etc. Ne négligez pas ces indulgences.

153. Flammin et un grand nombre d'auteurs rapportent qu'une
demoiselle de bon lieu nommée Alexandre, ayant été
miraculeusement convertie et enrôlée dans la confrérie du
Rosaire par saint Dominique, lui apparut après sa mort et lui
dit qu'elle était condamnée à être sept cents ans en
purgatoire pour plusieurs péchés qu'elle avait commis et fait
commettre à plusieurs par ses vanités mondaines, le priant de
la soulager et faire soulager par les prières des confrères du
Rosaire, ce qu'il fit. Quinze jours après, elle apparut à
saint Dominique, plus brillante qu'un soleil, ayant été
délivrée si promptement par les prières que les confrères du
Rosaire avaient faites pour elle. Elle avertit aussi le saint
qu'elle venait de la part des âmes du Purgatoire, pour
l'exhorter à continuer à prêcher le Rosaire et faire en sorte
que leurs parents leur fassent part de leurs Rosaires, dont
elles les recompenseraient abondamment quand elles seraient
avancées dans la gloire.

154. Afin de vous faciliter l'exercice du saint Rosaire, voici
plusieurs méthodes pour le réciter saintement, avec la
méditation des mystères joyeux, douloureux et glorieux de
Jésus et de Marie. Vous vous arrêterez à celle qui sera le
plus à votre goût: vous pourrez vous en former vous-même une
autre méthode particulière, comme plusieurs saints personnages
ont fait.
www.JesusMarie.com