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Isaac de Ninive - Isaac le Syrien
docteur de l'église catholique

article du Dictionnaire de Théologique Catholique
col.10 début

ISAAC DE NINIVE, auteur ascétique syrien (VIIe s.).

Il a été longtemps tenu pour catholique, mais son hétérodoxie ne fait plus aujourd’hui de doute, depuis la publication par J.-B. Chabot du Livre de la chasteté de Jesusdénah, évêque de Basra, au VIIIe siècle. Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’Ecole française de Rome, 1869, t. XVI, p. 277-278. En complétant ce document par les trop rares données que l’on possédait déjà, il est possible de fixer avec assez d’exactitude la carrière de cet écrivain.

Originaire du Beith Qataryé ou Qatar, région d’Arabie sur la côte occidentale du golfe Persique, en face des îles de Bahrain, il embrassa dès son jeune âge la vie monastique au couvent de Mar Mattai, dans le djebel Makkloub, à une trentaine kilomètres au nord-est de Mossoul.
Elevé au siège épiscopal de Ninive, à la mort de l’évêque Mosès ou Moyse, par le patriarche nestorien George, qui siégea de 660 à 680, il ne put s’y maintenir, sans doute à cause de la jalousie du clergé local pour un prélat étranger à la Mésopotamie, et il abdiqua au bout de cinq mois, pour se retirer d’abord dans les montagnes du Beith Houzayé ou Khousistan (Susiane), au nord du golfe Persique, puis au couvent de Rabban Schabor, où il mourut dans un âge très avancé ; il avait depuis un certain temps perdu la vue à la suite de ses austérités et de son assiduité à la lecture.

J. Assémani, Bibliotheca orientalis, t. I, p. 446-459, et j.-B. Chabot, De S. Isaaci vita, scriptis et doctrina dissertatio theologica, Louvain, 1892, p. 27-53, ont dressé de ses œuvres un catalogue que l’on peut regarder comme complet.

Il comprend, d’après J.-B. Chabot, quatre-vingt-trois numéros, sans compter six autres qui sont à éliminer, quatre comme douteux, et deux comme appartenant sûrement à d’autres. Divisés, dans la recension arabe, en quatre livres, et dans la traduction grecque, en deux, ces divers traités ne comportent en syriaque aucune répartition de ce genre. Ni le syriaque ni l’arabe n’ayant été publiés jusqu’ici intégralement, il faut recourir, pour avoir une idée de l’œuvre, à la traduction grecque. Faite par deux moines de Saint-Sabas en Palestine, Patrice et Abraham, cette traduction a été publiée, au XVIIIe siècle, par Nicéphore Théotoki, aux frais d’Ephrem, patriarche de Jérusalem, sous le titre suivant : [titre grec non recopié ici], in-4° de 1 pl., 5 fol., XIV p., 22 p. chiffrées en grec, 5 fol., 584 p., 20 fol. non chiffrés.

Une seconde édition a paru à Athènes, en 1895, par les soins de Joachim Spetsieri, moine du Saint-Sépulcre, en un in-8° de XLVI-434 p. et une pl. Le volume comprend quatre-vingt six discours et quatre lettres.

C’est à peu près, on l’a vu, le compte obtenu J.-B. Chabot.

Malheureusement cette édition, fort méritoire par ailleurs, est de consultation difficile, non seulement à cause de son extrême rareté (le cardinal Mai en a vainement cherché un exemplaire dans toute l’Europe), mais parce que l’éditeur, on ne [col.10 fin / col.11 début] sait pourquoi, a cru bon de substituer à l’ordre des manuscrits une disposition nouvelle, absolument arbitraire : innovation d’autant plus fâcheuse que les manuscrits complets de cette traduction reproduisent les divers traités dans un ordre constant, malgré les apparentes variations résultant de subdivision plus ou moins nombreuses. Ces coupures peuvent bien multiplier les sous-titres, mais la suite du texte demeure la même. Sans entrer ici dans les détails techniques, bornons-nous à signaler, parmi les manuscrits complets, outre le premier des deux utilisés par Théotoki,
le Vaticanus gr. 391, fol. 166-346,
le Nanianus 98,
le Mosquensis 182 de Wladimir, le Roe 10,
l’Ambrosianus 706, le Taurinensis 257,
et il serait facile de grossir entre cette liste.
Le plus ancien de tous est le Parisinus 693 du supplément grec, en onciales du VIIIe-IXe siècle.
Assémani assure que l’arabe est plus riche que le grec. Seule, la publication de la recension arabe permettrait de vérifier cette assertion. En attendant, il n’est pas téméraire de regarder la recension grecque comme absolument complète. Elle comprend, suivant que l’on tient compte des subdivisions usitées dans tel ou tel manuscrit, 90 numéros, ou 98, ou même 108, sans que la multiplicité de ces numéros ajoute quoi que ce soit de plus au texte lui-même.
Cet ouvrage a exercé une influence énorme sur tout l’ascétisme oriental, et bien qu’il émane d’un écrivain nestorien, rien n’y choque la doctrine catholique.
 

Sous le titre de Liber de contemptu mundi, on a publié, d’abord à Venise en 1506, puis dans les éditions successives de la Bibliotheca Patrum, et enfin dans P. G., t. LXXXVI, col. 811-886, un traité d’Isaac le Syrien " prêtre d’Antioche ".

Ce dernier qualificatif est inexact, car le traité en question appartient à Isaac de Ninive. Ce n’est d’ailleurs pas un traité unique, divisé en 55 chapitres, comme le latin le laisserait supposer, mais bien 25 sermons différents de notre auteur, répartis avec plus ou moins de bonheur en 53 chapitres. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, les c. I-X ne forment, dans l’original, qu’un seul discours, le septième de la série authentique, dans Théotoki, p. 131-151.

Cet ouvrage est suivi dans P. G., loc. cit., col. 885-888, d’un tout petit traité De cogitationibus, emprunté par l’éditeur de la Patrologie au Thesaurus asceticus de Pierre Poussines, Toulouse, 1683, p. 308-310. Il s’agit, ici encore, d’un titre arbitraire. Le libellus en question n’es t pas un traité authentique, mais la juxtaposition de cinq sentences ou maximes, empruntées, la première, au sermon IV, Théotoki, p. 470, les quatre autres au sermon XVIII, ibid., p. 259, 261, 262.

Des quatre lettres publiées par Théotoki, p. 525-584, la dernière est adressée dans certains manuscrits à Syméon le Thaumaturge. Le cardinal Mai, qui l’a republiée, faute de pouvoir consulter le livre de Théotoki, Nova Patrum bibliotheca, Rome, 1871, t. VIII, p. 157-187, estime qu’il s’agit de saint Syméon Stylite le Jeune, mort en 596.
Cette opinion est encore acceptée par A. Ehrhard, dans K. Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Litteratur, Munich, 1897, p. 145, mais combattue avec raison par J. Cozza-Luzzi, l’éditeur du volume posthume du célèbre cardinal, t. cit., p. XXI-XXIV. Outre que les manuscrits les meilleurs et les plus nombreux donnent au correspondant d’Isaac le nom de Syméon de Césarée, rien n’autorise à transformer le mot de " thaumaturge " en celui de " stylite ". Du reste, nous savons désormais qu’Isaac est postérieur de plus d’un demi-siècle au grand ascète du Mont Admirable. J.-B. Chabot est d’avis que cette lettre n’est pas de notre Ninivite, mais de Philoxène de Mabboug. Mais comment expliquer, dans cette hypothèse, sa présence constante parmi les œuvres d’Isaac ? La tradition paléographique a bien sa valeur.

A Isaac de Ninive appartient encore, sans con- [col.11 fin / col.12 début] testation possible, les maximes de spiritualité publiées par Marius Besson sous ce titre : Un recueil de sentences attribuées à Isaac le Syrien, dans Oriens christianus, Rome, 1901, t. I, p. 46-60 et 288-298, d’après le Vaticanus gr. 375 et le Vaticanus Palat. gr. 146. L’éditeur ne s’est pas donné la peine d’en élucider l’origine, mais une comparaison sommaire avec l’édition de Théotoki ne laisse subsister aucun doute sur leur véritable provenance.

Isaac de Ninive ayant écrit en syriaque, on aimerait pouvoir le lire en cette langue. Malheureusement presque tout est à faire sous ce rapport. Deux morceaux ont été publiés par P. Zingerle, Monumenta syriaca, Inspruck, 1869, p. 97-101, et traduits en allemand avec six autres traités sur la vie religieuse, par G. Bickell, Ausgewählte Schrifften der syrischen Kirchenväter Aphraates, etc., Kempten, 1874, p. 273-408.

Trois sermons se trouvent publiés en syriaque dans la thèse citée de J.-B. Chabot, à l’appendice, et enfin, en 1909, parut le volume de P. Bedjan : Mar Isaacus Ninivita, De perfectione religiosa, in-8°, Paris-Leipzig, XVIII-646 p.

D’après l’éditeur, le texte original d’Isaac publié ici aurait été retouché par un jacobite, et c’est de ce texte ainsi amendé que l’on possède des traductions grecques, latines, arabes, éthiopiennes, italiennes, françaises, allemandes. Mais ce premier volume, resté jusqu’ici isolé, ne contient que le premier tiers de l’œuvre totale d’Isaac : c’est insuffisant pour autoriser un jugement d’ensemble. Voir R. Conolly, Journal of the theological studies, t. XI, p. 313-315. Les traductions en langue moderne sont fort nombreuses. En Italie, on regarde comme classique le Del dispregio des mondo. Collazione dell’abate Isaac, Florence, 1720 ; Milan, 1839, dans la Biblioteca scelta di opere italiane antiche e moderne, t. XXXVIII. Ces traductions, faites sur le latin, ne comprennent d’ailleurs que les 53 chapitres du Libre de contemptu mundi, dont il a été question ci-dessus. Notons pour finir que le Liber generalis ad omnes gentes seu De causa omnium causarum, que certains manuscrits attribuent à notre auteur, appartient à réalité à Jacques d’Edesse. Voir Assémani, op. et t. cit., 461, et surtout Pohlmann, dans la Zeitschrift der deutsch.-morgenl. Gesellschaft, 1861, t. XV, p. 648.

L. PETIT.
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