JesusMarie.com--Islam--Issa et Jésus--
Islam
Pasteur Karl Pfander

(1805-1865)
La Balance de la Vérité
L'équilibre (la Balance) de la Vérité
Mizan Ul Haqq
copyright © Michel Hourst (France).





Ière PARTIE : Où il est démontré que l’Ancien et le Nouveau Testaments sont la Parole de Dieu  et qu’ils n’ont jamais été corrompus ni abrogés

Chapitre 1 : Le témoignage rendu par le Coran à la Bible
page 25

Chapitre 2 : Où il est démontré que l’Ancien et le Nouveau Testaments n’ont jamais été abrogés et qu’ils ne pourront jamais l’être (1) ni dans les faits qu’ils racontent, (2) ni dans les doctrines qu’ils exposent, (3) ni dans les principes moraux qu’ils établissent
page 33

Chapitre 3 : L’Ancien Testament et le Nouveau Testament tels que nous les connaissons aujourd’hui sont ceux que possédaient les juifs et les chrétiens à l’époque de Mahomet et dont témoigne le Coran
page 46

Chapitre 4 : Où il est démontré que les Saintes Écritures de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament n’ont été corrompues ni avant, ni après l’époque de Mahomet
page 60

IIe PARTIE : Où sont présentées les principales doctrines des Saintes Écritures, et où il est démontré que leur enseignement satisfait aux critères de la véritable Révélation tels qu’énoncés dans l’Introduction

Chapitre 1 : Bref exposé du contenu essentiel de la Bible
page 75

Chapitre 2 : Les Attributs du Dieu Très-Haut tels qu’enseignés par les Saintes Écritures
page 82

Chapitre 3 : Déchu de son état originel, il fallait que l’homme fût sauvé du péché et arraché à la mort éternelle
page 84

Chapitre 4 : Comment le Seigneur Jésus Christ a obtenu le salut pour tous les hommes
page 93

Chapitre 5 : La doctrine de la Trinité indivise dans l’Unité du Dieu Très-Haut
page 106

Chapitre 6 : La vie et le comportement d’un vrai chrétien
page 115

Chapitre 7 : Synthèse des principales raisons de croire que l’Ancien et le Nouveau Testaments contiennent la vraie Révélation de Dieu
page 121

Chapitre 8 : De quelle manière la foi chrétienne s’est propagée au cours des premiers siècles
page 128

IIIe PARTIE : Examen pondéré de l’affirmation selon laquelle l’islam serait l’ultime Révélation de Dieu

Chapitre 1 : Présentation des raisons et de la portée de cet examen
page 133

Chapitre 2 : La Bible contient-elle des prophéties relatives à Mahomet ?
page 136

Chapitre 3 : Peut-on considérer que le langage et le style du Coran sont miraculeux et qu’ils contribuent à prouver qu’il est la Parole de Dieu ?
page 154

Chapitre 4 : Examen du Coran sur le fond – S’agit-il vraiment d’un livre inspiré ?
page 163

Chapitre 5 : Examen des miracles attribués à Mahomet – Dans quelle mesure confirment-ils son affirmation qu’il était un prophète de Dieu ?
page 185

Chapitre 6 : La personnalité et le comportement de Mahomet – Les éléments fournis par le Coran et des historiens et commentateurs musulmans tendent-ils à confirmer l’affirmation de Mahomet selon laquelle il aurait reçu une mission prophétique ?
page 197

Chapitre 7 : Comment l’islam a commencé à se propager, d’abord en Arabie puis dans les pays voisins
page 209

Chapitre 8 : Conclusion
page 220
 
 

Note du traducteur français

- La traduction présentée ci-après est celle d’un ouvrage anglais intitulé : The balance of Truth, par William St. Clair-Tisdall, alors Secrétaire de la Société missionnaire anglicane à Isfahan (Perse), publiée par Indo-Asiatics Publishers, New Delhi, en 1910 ; il s’agit de la traduction (enrichie) du Mizanu'l Haqq, ouvrage écrit directement en persan par le pasteur (protestant) allemand Karl Pfander et publié à Shushy en 1835.
- Le notes (entre parenthèses) sont de Karl Pfander.
- Les notes [entre crochets simples] sont celles du traducteur anglais.
- Les notes [[entre crochets doubles]] sont celles du traducteur français.
- La traduction française du Coran est, en général, celle de Denise Masson (Gallimard, Paris 1967), en abrégé DM ; dans certains cas, on citera aussi celle de M. Kasimirski (Fasquelle, Paris 1933) ou celle de Mohammed Chiadmi, (Tawhid, Lyon 2005).
- La traduction française de la Bible est, en général, celle du chanoine Crampon (Desclée et Cie, Paris 1939) ; dans certains cas, on citera aussi la Bible de Jérusalem – Édition de référence (Fleurus/Cerf, Paris 1999).
 

 Note du traducteur anglais

AUX TRADUCTEURS
 

Selon le désir exprimé par le Comité de la Christian Missionay Society [[anglicane]] et conformément à la recommandation de missionnaires expérimentés, cette révision du Mizanu'l Haqq a été rédigée en anglais ; il a en effet été considéré que, pour traduire cet ouvrage en diverses langues orientales, il serait plus facile de partir de l'anglais que de l'une quelconque de ces langues.

Pour faciliter la traduction, quoique écrivant en anglais, je me suis efforcé de conserver au style et à l'argumentation une tonalité orientale. Les orientalistes le remarqueront en particulier dans l'Introduction, et il ne me sera pas nécessaire de m'excuser auprès d’eux du nombre de citations empruntées à des poètes orientaux que l'on y trouve.

Le Mizanu'l Haqq de Karl Pfander fut rédigé en persan et publié en 1835. Depuis cette date, de nombreuses rééditions et versions dans d'autres langues ont été publiées, et quelques modifications mineures ont été apportées au texte mais, jusqu'à présent, cet ouvrage extrêmement précieux n'a jamais été complètement révisé alors que des musulmans ont tenté d'y donner de nombreuses réponses en arabe, en persan, en ourdou et en turc. Il était donc nécessaire et urgent de le réviser, d'une part pour le mettre complètement à jour pour ce qui concerne notamment les anciens manuscrits de la Bible, d'autre part pour corriger de légères erreurs et ambiguïtés de langage, et enfin pour éliminer tout ce qui permettrait de l'attaquer. Compte tenu de l'espace dont je disposais, il ne m'a pas été possible de répondre à toutes ces attaques.

Dans certains pays, (par exemple la Perse et l'Empire turc), il sera peut-être souhaitable de donner un autre titre à cette édition révisée. Cela ne sera peut-être pas nécessaire en Inde. Il appartiendra aux missionnaires de chaque pays d'en décider.

J'ai toujours essayé d'adopter à l'égard des musulmans un ton conciliant, et je me suis efforcé d'éviter l'emploi d'expressions qui pourraient les blesser. C'est pourquoi je ne me suis pas permis de porter un quelconque jugement sur Mahomet lui-même ni de le condamner personnellement ; il appartiendra aux lecteurs musulmans de se forger leur propre avis à partir des faits présentés : ceux-ci sont empruntés à des auteurs musulmans réputés, et uniquement à de tels auteurs, et je n'ai cité, sur ce sujet, aucun auteur chrétien, qu'il soit oriental ou occidental, à l'exception, dans quelques cas, de Al Kindi.

Des références complètes sont données pour les citations empruntées à des auteurs musulmans : historiens, biographes de Mahomet, théologiens, commentateurs, etc., qu'ils aient écrit en arabe, en persan ou en turc, avec en général l'indication de l'édition et de la page dont est tirée chaque citation. Il s'agissait (1) de permettre au lecteur de vérifier les citations et (2) de faciliter la tâche des traducteurs de ce livre dans des langues orientales afin qu'ils puissent citer ces passages dans la langue originale parallèlement à leur traduction. Les versets du Coran que j'ai cités portent le numéro de la Concordance annexée à l'édition du Coran publié à Ispahan en 1312 de l'Hégire ainsi que dans les Concordantiae Corani Arabicae de Flugel, ouvrage publié à Leipzig en 1842. Les citations de la Bible sont reprises de la Revised Version [[anglicane]].

Lorsque l'on écrit en anglais, il n'est pas nécessaire de donner un quelconque titre honorifique à Mahomet ni aux prophètes de l'Ancien Testament, etc. Par contre, dans toutes les traductions dans une langue orientale, cela est absolument nécessaire, faute de quoi les musulmans se considéreront comme gravement offensés. À Mahomet, nous devrions attribuer, en persan, le titre ????, en turc ???????, en ourdou Sahib, et ainsi de suite dans d'autres langues. Pour ce qui est de notre Seigneur, il faudrait aussi toujours lui donner l'un de Ses titres (Sayyiduna, Munji, Khudawand, etc.) chaque fois que Son nom est mentionné.

On remarquera que j'ai traduit aussi littéralement que possible, pour des raisons évidentes, toutes les citations en langues orientales. Dans un domaine de ce genre, la précision est plus importante que l'élégance, d'autant plus que ce livre est conçu pour être traduit dans des langues orientales.

Dans les notes en bas de page, les passages [entre crochets] seront probablement omis par les traducteurs dans la mesure où ils sont essentiellement destinés aux lecteurs anglais

Dans la première partie de ce livre, lorsque je mentionne des sourates, je leur donne à la fois leur nom et leur numéro. Dans la suite du livre, j'ai jugé que cela n'était pas nécessaire en anglais, mais cela devrait toujours être fait dans une version dans une langue orientale. Les passages tirés du Coran devraient toujours être donnés dans l'arabe original. Lorsqu'ils sont traduits, il serait bon de prendre les versions publiées par des musulmans eux-mêmes dans des éditions interlinéaires du Coran.

En anglais, l'expression « The Word of God » peut signifier : (1) la Bible [[la Parole de Dieu]] ou : (2) le Christ [[le Verbe de Dieu]]. L'arabe fait une distinction très nette entre les deux, comme on le verra dans ce texte : on a, d'une part, Kalamu'llah et, d'autre part Kalimatu'llah.

W. St. C. T.
BEDFORD, juillet 1910.
 Introduction

Loué soit DIEU, le Vivant, le Seigneur Éternel et Gracieux, le Très-Sage, l’Omniscient, qui a créé le monde et tout ce qu’il contient, qui demeure non dans des temples faits de main d’homme et qui n’a besoin de rien car c’est Lui qui donne à tous la vie et le souffle et toute chose, Lui qui, en vérité, à partir d’un seul (gloire soit rendue à Sa gloire !), a fait toute nation des hommes afin qu’ils puissent chercher Dieu, pour autant qu’ils aient le désir de le chercher et de le trouver, bien qu’Il ne soit jamais loin de chacun de nous ; car c’est en Lui que nous vivons et nous mouvons et avons notre existence, comme il est dit dans le Coran : « Nous avons effectivement créé l'homme et Nous savons ce que son âme lui suggère, et Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire » [sourate 50]. Et encore : il n’est pas caché aux esprits sages et éclairés que, selon la tradition [islamique], Dieu Très-Haut (qu’Il soit loué et exalté !) dit à David  : « J’étais un trésor caché et j’ai désiré être connu, et j’ai créé la créature afin que je puisse être connu ». C’est pour cela que Dieu a placé tous les hommes dans cette grande école que nous appelons le monde (????????), qu’il a richement ornée des symboles et des signes manifestes de Sa grandeur et de Sa gloire, et qu’il y a placé des bibliothèques de sagesse divine qui, jusqu’à présent, n’ont été qu’en partie révélées à l’œil intérieur des sages afin que nous puissions y chercher de tout notre cœur Celui qui est notre Créateur et que, guidés par Sa grâce, nous puissions arriver à Le connaître, car Le connaître est la vie éternelle.

Tu as donné l’âme et la nourriture, la vie à jamais, et toutes les autres bénédictions que tu tires de tes inépuisables réserves. Cette sublime quête qui est en nous, elle aussi vient de toi, uniquement par Ta justice, Seigneur ; du mal, nous nous écartons.

Et quoique, ici-bas, les hommes ne puissent, au mieux, voir Celui qui est invisible que comme dans un miroir, Celui qui est la source de tout bien désire néanmoins que, en contemplant l’incomparable beauté de Celui-là seul qui est parfait dans tous Ses attributs, nous puissions jour après jour, par Sa grâce et Sa faveur et sous Sa direction spirituelle, être changés en cette même image à mesure que nous croissons dans la connaissance et l’amour de notre Créateur et Seigneur, le Dieu Unique et Un, qui nous a donné la vie afin que nous puissions Le chercher et Le trouver et que notre âme puisse trouver le repos en Lui.

Mais, au début de leur éducation, les enfants doivent commencer par apprendre ce qui est simple et ne passer à des choses plus élevées que lorsqu’ils ont bien assimilé les choses plus élémentaires. Ils doivent apprendre l’alphabet avant de pouvoir lire les œuvres des philosophes et comprendre les accents sublimes des poètes. Semblablement, lorsque nous entreprenons d’acquérir la connaissance de Dieu, il nous faut commencer par ce qui est plus humble et plus simple, plus proche du niveau de l’esprit humain. Et qu’est-il de plus proche de notre esprit et de nos pensées que nous-mêmes, notre personnalité, notre propre nature ? C’est pourquoi l’un des sages de la Grèce antique [Socrate] résumait en deux mots le conseil qu’il donnait à chacun : « Connais-toi toi-même – ????? ??????? ». Les Grecs admiraient tant cette sentence qu’ils l’inscrivirent sur une colonne du temple de l’un de leurs principaux dieux. Et, bien plus tard, un poète latin attribuait à cette maxime une telle valeur qu’il affirmait qu’elle avait été inspirée du ciel. Nous retrouvons ce même conseil, plus tard encore, parmi les sages proverbes des Arabes, sous une forme plus complète et plus noble, dans une sentence attribuée à ‘Ali ibn Abi Talib : « Celui qui se connaît connaît son Seigneur » . Nul sage d’ailleurs, à quelque religion qu’il appartienne, ne contestera la sagesse et la vérité de ce sentiment. Effectivement, la connaissance de soi est la clef qui nous permet d’espérer déverrouiller la porte de la connaissance de notre Créateur. Celui qui ne prête aucune attention aux aspirations de son âme et qui n’a pas sondé et exploré les désirs de son cœur, comment peut-il, ignorant de sa condition intime, atteindre à la connaissance de Dieu ? Devant cet homme, la porte de la connaissance de Dieu reste fermée et verrouillée, et elle ne pourra s’ouvrir que lorsqu’il aura examiné l’état de son âme et découvert les exigences les plus profondes de son esprit. L’homme a besoin de connaître Dieu. La raison en est que, pour ce qui est de son intelligence et de son esprit, il a été créé à l’image de Dieu. Ainsi que le dit le poète :

Nous sommes la famille de Dieu et ses enfants.

Il a également été dit :

Les hommes sont la famille de Dieu ; aussi, celui que Dieu aime le plus, c’est celui qui a fait du bien à Sa famille.

S’il est vrai que le péché et les tentations du Diable ont éloigné les hommes de Dieu et ont dans une large mesure effacé de la médaille le nom et la marque du Seigneur souverain qui l’a frappée, il demeure néanmoins, au plus profond de l’homme, suffisamment de sa ressemblance originelle à son Créateur pour qu’il ne se satisfasse pas des choses des sens. Certains racontent que, lorsqu’il fut chassé du paradis, Adam pleura pendant de longues années parce qu’il ne pouvait plus entendre les douces voix des anges, étant trop éloigné de Dieu et assourdi par les dissonances du monde. Cette parabole vaut aussi pour les enfants d’Adam. D’où l’inquiétude qui emplit le cœur et la vie des hommes car, ainsi que l’a dit un ancien sage : « Ô Dieu, Tu nous as fait pour Toi-même et notre cœur est inquiet tant qu’il ne repose pas en Toi » [Saint Augustin : Confessions, 1, 1)].

Choisis l’amour de Celui en qui tous les prophètes ont unanimement trouvé le labeur et un Seigneur gracieux.

Ceux qui n’ont pas encore atteint à la connaissance du Seul Vrai Dieu, c’est en vain qu’ils cherchent le repos de leur âme dans de fausses religions ou dans des plaisirs terrestres. Ils sont comme le voyageur las qui poursuit un feu-follet jusqu’à ce qu’il tombe dans le froid marais du désespoir ; ou comme le pèlerin assoiffé à qui un mirage fait apparaître des sources irréelles ou des ombrages imaginaires, jusqu’au moment où il s’affaisse dans les sables du désert aride, sans une goutte de l’eau vivifiante qui apaiserait la soif de son âme. Il a été justement dit que ce monde est

comme un mirage dans une plaine dans laquelle le voyageur assoiffé croit trouver de l’eau. Satan le fait miroiter à l’homme jusqu’à sa mort.

Pourtant, le Dieu Très-Miséricordieux ne veut pas que l’homme se perde dans le désert de cette vie : Il veut qu’il trouve le chemin qui le mènera chez lui car Il nous a envoyés dans ce monde pour Le trouver. « Qui cherche et fait un effort trouvera, et qui frappe à la porte et persévère entrera »  [cf. Matthieu 7, 7 ; Luc 11, 9].

Il suffit que Dieu couvre de Son ombre la tête de l’homme, et celui qui cherche trouvera, ne serait-ce qu’au dernier moment.

La raison et la Révélation toutes deux nous en assurent. La tâche n’est pas aisée, et celui qui cherche ne peut espérer voir ses efforts couronnés de succès s’il ne cherche Dieu de tout son cœur, aspirant à connaître Sa sainte volonté et à l’accomplir ici-bas et dans l’éternité. Qu’il remplisse ces conditions, et la grâce de Dieu le guidera à la connaissance de la vérité car, ainsi que le dit le proverbe, « c’est en répétant que l’on apprend et en persévérant qu’on franchit la montagne » . Pourtant, que celui qui cherche la vérité ne craigne pas de rencontrer des difficultés, que la persécution et la souffrance ne le fassent pas reculer car les gens mauvais haïssent le bien, et même les meilleurs ont supporté des tribulations.

Le malheur est délégué aux prophètes, puis aux saints, puis aux meilleurs des meilleurs.

Comme le dit fort bien le poète :

À celui qui, à ce banquet, siège le plus près de l’hôte, on servira le plus abondamment des malheurs.

Car

le roi a fait dresser la table dans le feu.

Or, nul soldat ne peut espérer recevoir sa récompense avant d’avoir remporté la victoire ; aussi se bat-il virilement, jour et nuit, et ne se repose pas avant que la victoire soit gagnée.

On gagne des mérites en proportion de ses efforts, et celui qui vise au sommet marche aussi la nuit. Celui qui cherche des perles plonge dans la mer, il y gagne pouvoir et faveur, et celui qui ne fait pas d’effort pour atteindre le sommet gaspille sa vie à la recherche de l’impossible.

L’homme qui réfléchit sur sa nature et médite soigneusement sur les désirs de son cœur s’aperçoit bientôt que, sans cesse, il est poussé par le désir d’acquérir le bonheur. L’insensé recherche ce bonheur dans les choses de ce monde transitoire, dans les choses des sens, oubliant que tout plaisir qui n’est que physique est éphémère et donc doit avoir une fin, et ne pourra jamais satisfaire l’esprit immortel de l’homme. On raconte que, autrefois, régnait un roi [Damoclès] dont la richesse et les plaisirs semblaient être infinis. Voyant cela, un pauvre envia le roi et lui dit : « Ô roi, ton bonheur est parfait en ce monde ». Mais le roi, ayant revêtu ce pauvre d’habits royaux et l’ayant fait asseoir au banquet royal, lui demanda de regarder au-dessus de sa tête. Le pauvre vit alors qu’au-dessus de lui était suspendue une épée nue, accrochée à un simple crin. Le pauvre fut alors saisi de crainte et de désespoir, au point qu’il ne put ni manger, ni jouir du luxe qui l’entourait. Ainsi en est-il de chacun de nous. Au-dessus de la tête de chaque homme, il y a l’épée d’Azraël, l’ange de la mort. Comment donc l’homme peut-il trouver le vrai bonheur ici-bas lorsqu’à tout moment, de par la volonté de Dieu, cet ange terrible peut lui dire : « Insensé, cette nuit même on va te redemander ton âme » [Luc 12, 20] ? ‘Ali ibn Abi Talib a dit à juste titre :

En vérité, ce monde est transition ; il n’est en ce monde rien de permanent. Et en vérité ce monde est comme une maison tissée par une araignée. Quant à toi, homme sage, la nourriture te suffira car, par ma vie, tout ce qui est en ce monde périra bientôt.

En outre, comme l’homme n’est pas un animal inférieur mais possède un esprit et une intelligence, les choses des sens ne pourront jamais lui procurer le bonheur. Les délices et plaisirs des sens, quand bien même ils seraient éternels, ne sauraient non plus satisfaire ces parties les plus élevées de sa nature. Même les hommes du commun qui jouissent de ces choses en arrivent, en fin de compte, à en être saturés et même dégoûtés, quoique parfois ils soient devenus tellement esclaves de ces plaisirs et jouissances qu’ils ne puissent plus briser leurs chaînes ni s’arracher à leur esclavage. Si, en cette vie, ces liens et cet esclavage deviennent intolérables au bout de quelques années, combien il est impossible de croire que, dans l’infinité de l’éternité, ils rendraient heureuse l’âme immortelle de l’homme au Paradis ! Plus les hommes s’abandonnent sur la terre à leurs appétits inférieurs, plus ils tombent dans la déchéance et plus ils s’éloignent de Dieu, dont la Nature pure (??? ) est Toute-Sainte et qui hait toute souillure et toute iniquité. Lorsque les hommes s’adonnent au plaisir et à la sensualité, l’expérience finit par leur apprendre que, au lieu d’atteindre ainsi au repos et au bonheur de leur être intérieur et de satisfaire les aspirations de leur cœur, ils n’ont fait qu’aggraver leur inquiétude et leur insatisfaction, et souillé leur esprit et leur conscience de taches qu’aucun repentir ne peut effacer ; ils sont torturés par le remords qui leur ronge les fibres du cœur et les terrifie à la perspective d’encourir la colère de Dieu. Hafiz dit avec juste raison :

Comment pourrai-je encore me réjouir dans les lieux où l’âme se repose lorsqu’à chaque moment la cloche proclame : « Sellez les chameaux ! » ?

La pensée de la juste colère de Dieu face au péché mène les hommes au désespoir, car ils savent que

toujours vont de conserve l’acte et sa rétribution.

C’est leur propre conscience qui témoigne contre eux et les condamne, même si Satan essaie de les tromper encore en leur faisant accroire que Dieu ne les punira pas. Dans leur corps et dans leur âme, dans la maladie et le remords, ils trouvent déjà amplement confirmation que le péché s’accompagne de son châtiment propre et que, ainsi que le dit Ali,

la douceur de ce monde qui est le tien est empoisonnée, aussi n’est-ce pas du miel que tu manges mais du poison.

D’autres s’imaginent que l’acquisition de biens terrestres leur procurera le bonheur ; ils accumulent trésor sur trésor. Plus ils possèdent, plus ils aspirent à posséder et rien ne les peut jamais satisfaire. À la fin, la Mort les attrape dans ses filets et les dépouille à jamais de leur richesse et de tout ce qu’ils ont accumulé pour eux-mêmes. Même dans la jeunesse, nous n’avons jamais la certitude de vivre jusqu’au lendemain : la seule chose dont nous soyons sûrs, c’est la mort.

Le jeune homme espère que son ami ne mourra pas, mais on n’échappe pas à la mort.

Dépouillés de tous leurs trésors et privés de toute espérance en l’avenir, nus et désespérés, les hommes sont contraints de poursuivre leur voyage qui, de ce caravansérail du transitoire, les mènera à leur résidence éternelle. Dans les oreilles de ceux qui, jusqu’à leur mort, ont placé leur confiance dans les richesses résonnent des mots tels que ceux-ci :

Eh bien, maintenant, les riches ! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont fondre sur vous. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des vers. Votre or et votre argent sont rouillés, et leur rouille témoignera contre vous : elle dévorera vos chairs ; c’est un feu que vous avez thésaurisé dans les derniers jours ! Voici qu’il crie contre vous, le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur Sabaoth. Vous avez vécu sur la terre dans les délices et le luxe, vous vous êtes repu le cœur au jour du carnage. » [Jacques, 8, 1-5]

Les richesses ne s’acquièrent pas toujours par la violence, la tromperie et l’oppression ; néanmoins, jamais elles ne peuvent véritablement satisfaire la nature supérieure qui est en l’homme, quelle que soit la manière dont il les ait acquises, et, à la mort, nul ne les peut emporter dans l’au-delà. La mort nous montre les choses sous leurs vraies couleurs, elle nous permet de percevoir l’inanité de ce que les hommes désirent avec le plus d’ardeur. On connaît bien ces vers du poète :

Pour chacun, mon enfant, la mort est celle qu’il mérite : pour l’ennemi, une ennemie ; pour l’ami, une amie.

Et encore :

Qui donc, en ce monde qui bande l’arc de l’oppression, n’a pas été la cible d’une flèche de la malédiction éternelle ? Qui donc en ce temps incertain, ayant ourdi un plan pour commettre le mal, n’a pas reçu du temps un avertissement ?

Il en est d’autres qui espèrent gagner le vrai bonheur par l’acquisition de connaissances humaines. Ils ne considèrent pas suffisamment que tout ce que l’homme a appris des choses terrestres ne concerne que ce qui est transitoire et que, par conséquent, cette connaissance vieillit et disparaît. L’esprit humain est éternel, aussi ne peut-il trouver le bonheur permanent par l’acquisition de connaissances éphémères car

il ne s’agit pas d’aiguiser l’esprit et le cœur ; seuls les cœurs contrits gagnent les faveurs du Roi.

C’est donc à juste titre que l’on a pu dire :

Si quelqu’un s’imagine connaître quelque chose, il ne connaît pas encore comme il faut connaître. Mais si quelqu’un aime Dieu, celui-là est connu de Lui. [1 Corinthiens 8, 2]

Certains s’imaginent trouver le bonheur dans les honneurs, la gloire et la grandeur de ce monde ; d’autres le recherchent sous d’autres formes encore. Mais ce qui est commun à tous les hommes, c’est qu’ils recherchent le bonheur, la paix et le repos du cœur. Pourtant, les voies que nous avons mentionnées et d’autres de ce genre ne permettront jamais aux hommes d’atteindre cet objectif auquel leur cœur aspire. Comment l’esprit éternel de l’homme pourrait-il se satisfaire des plaisirs éphémères de ce monde transitoire ? Comme le dit Sa’adi :

Ce monde, ô mon frère, n’est soumis à personne ; que donc ton cœur ne se fie qu’en son Créateur. Ne place pas ta confiance ni ton espérance dans les biens de la terre car elle a nourri et tué bien des gens comme toi.

Seul ce qui est éternel peut satisfaire l’esprit immortel de l’homme ; aussi n’est-ce qu’en connaissant Dieu, l’Éternel, et en nous conformant à Sa volonté que nous pouvons trouver le repos de l’âme et la quiétude du cœur. Quiconque donc désire acquérir ces trésors éternels, sans lesquels, avec toutes ses richesses, Coré (c.à.d. Korah qui, pour les musulmans, était réputé être très riche [cf. Exode 16]) comme tous ceux qui désirent hériter de ce bonheur vrai et éternel, qui ne passera jamais, doivent-ils avant toute autre chose chercher et trouver la source et la fontaine de la joie éternelle, qui est Dieu Lui-même, et trouver leur jouissance dans la rencontre avec le Seigneur. Car, en vérité, la plus grande de toutes les joies, en ce monde comme dans l’autre, c’est de venir à Celui que nous cherchons et servons : il ne peut être de bonheur plus élevé que celui-là.

La raison pour laquelle les fils des hommes ont été créés, c’est qu’ils puissent connaître, servir et satisfaire le Dieu Très-Haut et Très-Bon, le Miséricordieux : ils n’ont pas été créés pour, à l’instar des bêtes qui périssent, manger et boire et s’adonner aux plaisirs du ventre et à la licence, non plus pour accumuler à leur seul profit des richesses périssables ni rechercher les honneurs et la gloire aux yeux de leurs frères humains. Non, au contraire, l’homme a été créé pour atteindre à la connaissance de son Créateur Tout-Puissant et pour Le servir, L’adorant en vérité et Lui consacrant son cœur, car, Le servir, c’est être parfaitement libéré du péché, de toute souillure et de l’esclavage du Malin : ainsi seulement la créature pourra atteindre au bonheur éternel. C’est pourquoi, aussi longtemps que nous sommes en ce monde, nous devrions poursuivre ce noble objectif de notre existence et ne pas nous reposer que nous l’ayons atteint. Comment pourra-t-il échapper à la colère de Dieu celui qui ne pense pas à ces choses mais gaspille les précieuses années de cette vie à ne poursuivre que des plaisirs terrestres ?

Mais de quelle manière pouvons-nous trouver Dieu et arriver à Le connaître, Lui le Dieu Éternel, Incompréhensible, Invisible ? Nos capacités intellectuelles y suffisent-elles, comme l’imaginent certains ?

L’homme ne comprend pas la nature de l’homme ; et combien la nature du Tout-Puissant la dépasse-t-elle ! C’est Lui qui a fait toute chose, qui les a créées. Comment donc l’homme qui vit souffle après souffle Le comprendra-t-il ?

Notre intellect imparfait et limité est incapable de percevoir dans sa totalité le Créateur Éternel et Immuable : il devrait comprendre que Sa nature Très-Sublime (???), Son début et Sa fin, sont hors de portée de notre imagination. Job est célèbre pour sa patience plus encore que pour sa sagesse ; pourtant, on lit à ce sujet :

Prétends-tu sonder les profondeurs de Dieu, atteindre la perfection du Tout-Puissant ? Elle est haute comme les cieux : que feras-tu ? Plus profonde que le shéol : que sauras-tu ? (Job [11, 7])

Il est vrai que, indépendamment de la Révélation directe, l’homme peut sans doute apprendre quelque chose à propos de Dieu en considérant les œuvres de la création et sa propre nature. Par exemple, il peut acquérir la certitude parfaite que Dieu existe, qu’Il est exalté bien au-dessus de toute chose, sur la terre comme au ciel, que Sa sagesse est insondable et que Ses voies sont impénétrables [cf. Romains 11, 33]. Mais, de cette manière, l’homme ne peut jamais arriver à Le connaître comme un homme connaît son ami, comme un petit enfant connaît sa mère. Il peut apprendre que Dieu est bon et que Sa douce Miséricorde s’étend à toutes ses œuvres car en vérité, ainsi que l’a dit le poète :

Le Vrai Dieu a multiplié les moyens et méthodes pour que la tendresse surgisse dans le sein de ta mère. Aussi, bien avant que la mère terrestre fût, la Vérité de Dieu était. Qui ne connaît pas cette vérité n’est que de la boue.

À contempler la Puissance qui régit le mouvement des planètes sur leur orbite, à considérer la Sagesse qui a lié la créature à la créature par des liens de dépendance et d’assistance mutuelles, et à observer le soin et la prévenance qui ont donné à chaque animal les membres et les armes dont il a besoin pour vivre et travailler, on peut se faire une certaine idée des attributs glorieux, de la nature et de la bonté du Créateur Tout-Puissant. C’est pourquoi le Psalmiste demande :

Celui qui a planté l’oreille n’entendrait-il pas ? Celui qui a formé l’œil ne verrait-il pas ? Celui qui châtie les nations ne punirait-il pas ? Lui qui enseigne à l’homme le savoir ! (Ps 94, 9,10)

La voix consonante de la création devrait suffire à enseigner aux hommes que Dieu est Tout-Puissant, Très-Sage et Très-Bon. Et, par la lumière de la raison et de la conscience que le Dieu Très-Haut lui a données, l’homme devrait être capable de percevoir la différence entre le bien et le mal, entre la justice et l’injustice, et de distinguer ce qui plaît à Dieu de ce qui Lui déplaît. Il devrait aussi percevoir que la justice requiert que les crimes soient châtiés et les bonnes actions récompensées. Il devrait apprendre que Dieu, qui a mis dans l’esprit de l’homme la capacité à reconnaître ces choses, doit nécessairement être juste et saint et que, conséquemment, Il récompense les bons et punit les méchants. À partir de sa raison et de sa conscience, l’homme devrait être capable d’apprendre au moins tout cela à propos de la volonté de Dieu et de Ses attributs. Pourtant, l’expérience nous enseigne qu’il ne l’a pas fait en dehors de la Révélation divine, et la vérité de cette affirmation est confirmée ne serait-ce que par l’existence même des païens : beaucoup d’entre eux possèdent des connaissances, une intelligence aiguisée et une grande sagacité ; néanmoins, dans les temps anciens et même aujourd’hui encore, de telles gens, en Inde, en Chine et dans d’autres pays, sont restés esclaves, prisonniers des chaînes de l’idolâtrie et n’ont jamais pris conscience du fait que Dieu est Un, Vivant, Éternel, Très-Sage, Tout-Puissant, Saint, qu’Il est le Créateur du ciel et de la terre et de toutes les choses visibles et invisibles. De multiples religions sont nées dans différents pays et, certes, on y peut parfois trouver une aspiration à Dieu, l’admission de la nécessité d’adorer ; pourtant, dans la plupart des cas, les hommes ont été dévoyés par le Malin et, séduits par leurs désirs propres, amenés à adorer l’Armée du Ciel, ou des idoles inanimées, ou des morts, ou même des bêtes sauvages. En outre, alors même que son intelligence permet parfois à l’homme de comprendre certaines choses, comme il ne peut être sûr qu’elle ne le trompe pas, son esprit demeure inquiet, il n’a aucune certitude sur ce qu’il doit croire et faire. Pourtant réputés être parmi les plus sages des hommes, même Platon et Aristote, en Grèce, n’ont jamais eu la conscience de l’unité et de la personnalité de Dieu, et moins encore de Sa Sainteté.

Ne négligeons pas le fait que, ce qui influence les actions et les croyances de l’homme, ce n’est pas seulement son intelligence : il a aussi une nature sensorielle, et les désirs de la chair ont pris un tel pouvoir sur lui qu’ils aveuglent parfois l’œil de sa perception. C’est aussi pour cette raison que le simple exercice de sa raison ne permet et ne permettra jamais à l’homme d’atteindre le degré de connaissance de Dieu que nous avons précédemment évoqué. Et ses propres forces ne lui ont jamais permis de surmonter ses passions, ne lui ont jamais donné la capacité et la volonté de faire ce qu’il savait être bien.

Mais même en supposant que, par sa seule raison, l’homme soit capable d’atteindre à ce degré de la connaissance divine, ce degré de connaissance de Dieu et de Ses attributs serait bien loin d’être suffisant pour satisfaire les aspirations de son cœur. Car l’homme ne peut jamais complètement être sûr des conclusions que lui dicte sa raison finie : en effet, les plus sages des hommes, ceux qui ont médité sur ces choses le plus en profondeur, sont arrivés à des conclusions différentes. C’est pourquoi des doutes se lèvent dans l’esprit de l’homme, qui ne le laissent jamais en repos. L’homme ne peut jamais non plus savoir complètement ce que Dieu veut qu’il fasse, comment Il veut qu’il se conduise, quels sont Ses commandements et comment il peut Le satisfaire. Comment alors l’homme pourra-t-il accomplir la volonté de Dieu, et comment pourra-t-il alors être agréable à son Créateur ? Et comment pourra-t-il jamais atteindre au vrai bonheur, sauf à gagner la faveur de Dieu ?

Il est donc évident que la seule chose qui puisse éliminer les doutes de l’homme et dissiper son inquiétude, c’est une Révélation divine : elle seule, en effet, peut l’arracher au tourbillon des agitations et le conduire, sain et sauf, sur la rive de la certitude, lui accordant ainsi la quiétude du cœur ; c’est que seule une telle Révélation lui permet de connaître comment plaire à Dieu et atteindre le port de l’éternel repos. Il est en outre indubitable que, si le Dieu Très-Haut a suscité dans le cœur de l’homme cette aspiration au bonheur éternel et à la quiétude du cœur, c’est pour que l’homme puisse non seulement chercher l’objet de son désir mais aussi le trouver. On ne saurait croire, en effet, que le Dieu Très-Miséricordieux ait suscité cette soif sans fournir l’eau vive qui l’apaisera. Considérant donc que, comme nous l’apprend l’expérience universelle, il n’est pas au pouvoir de l’homme d’atteindre son objectif sans l’aide d’une Révélation, la nécessité d’une Révélation est évidente pour tous les hommes doués d’intelligence. Quant à ceux qui s’imaginent qu’une Révélation est inutile, qui considèrent que l’homme, à la seule lumière de sa raison finie, peut arriver à connaître Dieu et Sa Divine Volonté, Lui être agréable et atteindre au bonheur véritable et éternel, ceux-là ont manifestement oublié que, au cours des âges, de nombreux sages ont plongé dans l’insondable mer de la réflexion et que nul d’entre eux, pourtant, n’a jamais réussi à saisir entre ses doigts la perle qu’il convoitait. Siècle après siècle, les sages de la Grèce antique et de maints autres pays se sont levés et se sont efforcés, par le moyen de leur seule sagesse, d’expliquer l’énigme de l’univers ; mais lequel d’entre eux y a réussi sans inspiration divine ? Comme le dit le poète :

Nul n’a jamais dénoué un seul nœud de l’univers ; chacun n’a fait qu’y ajouter des nœuds.

En vérité, la faible lumière de la raison humaine n’est jamais suffisante pour montrer à l’homme le chemin qui, dans la ténébreuse nuit de l’ignorance, l’amènera en sécurité à son but par-delà les denses forêts du doute et les profonds marais de l’erreur. Celui qui chemine sur la voie étroite qui mène à Dieu ne peut espérer atteindre le lieu de son repos s’il n’est guidé par le Soleil de la Parole divine (????). Et c’est une telle Révélation que, dans Sa miséricorde, Dieu a accordée aux fils des hommes afin que, par elle, ils puissent apprendre ce que leur simple raison est incapable de leur faire découvrir. Et, dans cette Révélation, le Très-Haut a énoncé Sa volonté pour l’humanité, Il a révélé la voie du salut ainsi que les moyens d’atteindre à la connaissance du Créateur Miséricordieux et à la béatitude éternelle. Grâces soient rendues à Dieu pour ce don indicible !

Pourtant, en ce monde, il existe de nombreuses religions différentes qui, toutes, prétendent correspondre à une Révélation divine. Il est bien évident que les religions ne peuvent avoir toutes leur source dans le Seul Vrai Dieu puisqu’elles se contredisent sur bien des points. Certaines enseignent qu’il existe de nombreux dieux, d’autres sanctionnent l’adoration d’idoles, d’autres encore exigent des sacrifices humains à des divinités cruelles par nature, qui se réjouissent de comportements peccamineux et licencieux. Certes, il se peut qu’un homme inquiet arrive à trouver le joyau de la vérité perdu et caché dans le marais de l’erreur, et c’est pourquoi on arrive parfois à trouver, dans telle ou telle fausse religion, quelques traces de vérité. Par exemple, toutes les religions enseignent qu’il existe une vie après la mort, avec des récompenses et des châtiments, et qu’il faut offrir des prières et obéir aux commandements de Dieu. Mais, pour que ce joyau puisse briller aux rayons du soleil, il faut le débarrasser de la boue qui l’enrobe. Tant qu’il reste enveloppé de boue, il est inutile. Toute vérité vient de Dieu et il se peut que, dans l’âme des païens, de faibles reflets de la lumière qui brillait dans les temps anciens, lorsqu’Adam marchait au côté de Dieu, subsistent malgré les ténèbres. Mais ces faibles lueurs ne servent qu’à faire ressortir ces ténèbres et à aviver, dans le cœur de l’homme égaré, le désir de découvrir la pleine lumière de la Révélation divine.

Parmi les grandes religions du monde actuel, il n’y en a que deux qui enseignent l’unicité de Dieu – en effet, la religion juive n’est celle que d’un nombre relativement peu important de personnes, qui constituent à elles toutes une seule famille. Les grandes religions monothéistes sont l’islam et le christianisme. Si elles concordent sur un certain nombre de points, elles divergent néanmoins en bien des choses. Les musulmans affirment que leur religion est la voie large, alors que le christianisme est la voie étroite ; sur ce point, les chrétiens sont d’accord avec eux, affirmant cependant que seule la voie étroite mène à la vie éternelle (cf. Mt 7, 13-14). Il est évident que ces deux voies vont dans des directions différentes, aussi ne peuvent-elles toutes deux mener les hommes à Dieu. Il ne peut y en avoir qu’une à mener à la véritable connaissance de Dieu et au bonheur éternel auquel nous aspirons tous, que nous soyons musulmans ou chrétiens. Le sage en quête de la vérité va donc se demander quelle est, de ces deux voies, la juste, afin de l’emprunter pour atteindre son objectif. En la matière, il s’agit d’écarter le voile des préjugés, qu’ils soient nationaux ou religieux, qui empêchent nos yeux de voir la lumière de Dieu.

Cela étant, il nous faut nous demander : « Quelles sont les critères qui nous permettront de déterminer laquelle, de ces deux voies, est celle qui mène au salut ? ». Pour répondre à cette question, on peut dire qu’il n’est pas difficile de trouver les preuves de la Vraie Révélation et de la voie qui mène à la connaissance de Dieu : il suffit en effet de scruter les aspirations de l’esprit humain, les exigences de la conscience de l’homme et les attestations que cette conscience donne de la Nature et des Attributs du Seul Vrai Dieu, surtout dans la mesure où cette Nature et ces attributs sont, dans une certaine mesure, révélés dans la Création. Il est incontestable que la Sainte Nature de Dieu (???) est libre de tout changement et altération. Il s’ensuit que, dans la vraie Révélation, la Nature et la Disposition de Dieu sont révélés d’une manière qui doit se conformer à ce qu’Il avait déjà révélé de Lui-même dans l’œuvre de la Création, dans la préservation de l’univers et dans la voix de la Conscience : en d’autres termes, s’il va de soi que la Révélation doit contenir des informations sur la Nature et la Volonté de Dieu beaucoup plus complètes que ce que l’homme peut découvrir à la simple lecture des pages de l’univers et à l’examen des exigences de son cœur, cet enseignement ne peut cependant êtres en contradiction avec le témoignage que la Nature et la Conscience donnent du Créateur. C’est pourquoi il est possible de faire la distinction entre la Vraie Révélation et toutes les autres religions du monde par le recours aux six critères suivants :

I. La Vraie Révélation doit satisfaire les aspirations de l’esprit humain à l’acquisition du bonheur éternel. On peut distinguer trois catégories parmi ces aspirations : (1) le désir de connaissance de la vérité ; (2) le désir de pardon et (3) le désir de purification.

1. L’homme a besoin de connaître la vérité à propos de lui-même et de son Créateur : en d’autres termes, il a besoin d’informations sûres à propos de la Nature de Dieu et de Ses Attributs, de Sa Volonté et de Ses Commandements. Puis il lui faut découvrir la raison pour laquelle il a été créé et la manière par laquelle il est possible d’arriver à cette fin. En effet, si l’homme ne sait rien de tout cela, comment peut-il atteindre au bonheur authentique et éternel ? « Car il faut que celui qui s’approche de Dieu croie qu’Il existe et qu’Il se fait le rémunérateur de ceux qui le cherchent » (Hébreux 11, 6).

2. L’homme a besoin d’être pardonné pour ses péchés et ses défaillances : il est en effet conscient que, en pensée, en paroles et en actions, il n’a pas fait tout ce qu’il eût dû faire, et fait des choses qu’il n’eût pas dû faire, et donc que, aux yeux de Dieu, il est pécheur et contumace. Lorsqu’il est conscient de sa condition intérieure et ne cherche pas à se tromper lui-même, l’homme a besoin de confesser ses péchés et ses lacunes et il ne peut s’empêcher de se demander comment il peut obtenir du Dieu Omniscient le pardon de ses péchés, ce Dieu qui sonde les reins et les cœurs de tous, qui connaît tous leurs désirs et à qui rien ne peut être caché. Or, comment un transgresseur dont les péchés ne sont pas pardonnés peut-il s’approcher de Dieu et, par Sa miséricorde, atteindre à cette félicité qui est paix avec Dieu et véritable harmonie avec Sa Volonté ? Il faudra donc que la Vraie Révélation enseigne le moyen d’obtenir le pardon des péchés.

3. Pourtant, non content d’obtenir le pardon de ses péchés passés, l’homme a besoin que son cœur soit purifié de l’amour du péché et soit rendu bon et pur de façon à ce que, jour après jour, il puisse grandir dans la ressemblance à son Créateur qui, par les lèvres de Moïse dans la Torah, a dit à son peuple : « Soyez saints car moi, Yahvé votre Dieu, je suis saint » (Lévitique, 19, 2). Car, tant que l’esprit de l’homme n’aura pas réalisé ce désir et que son être le plus intime ne sera pas purifié de désirs mauvais, le Dieu Saint et Juste ne sera pas satisfait de lui. Et comme le véritable bonheur est étroitement lié à cette pureté intérieure – selon ce qui est dit dans l’Injil [dans le Coran : l’Évangile] : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ! » (Matthieu 5, 8) –, il est bien clair que nul ne saurait atteindre à la Vision béatifique dont le cœur et l’esprit ne sont pas purs.

Ces trois exigences de l’esprit humain sont indissolublement liées à l’acquisition du bonheur éternel. C’est pourquoi, tant qu’un homme n’a pas trouvé la vérité, ne se trouve pas justifié aux yeux de Dieu et n’a pas atteint la pureté intérieure, il lui est impossible, de par la nature même des choses, de goûter au plaisir spirituel que procure cette sainte béatitude, celle que l’on trouve en la présence du Dieu Saint.

I. Il est à remarquer que ce désir de satisfaire les aspirations de l’esprit et du cœur se trouve même chez les païens : eux aussi, en effet, reconnaissent que, pour atteindre au bonheur vrai et éternel, ils ont besoin de connaître la vérité. Les sacrifices qu’ils offrent prouvent à l’évidence qu’ils se confessent pécheurs, puisqu’ils les offrent pour obtenir le pardon ; et la grande diversité de leurs pratiques ascétiques ainsi que les serments qu’ils font prouvent qu’ils ont eux aussi conscience d’avoir besoin que soient purifiés leur esprit et leur cœur souillés par ce monde pécheur.

Tant que reste insatisfaite cette aspiration au bonheur que le Dieu Très-Miséricordieux a fermement implantée dans le cœur de l’homme, il est bien évident que celui-ci ne peut atteindre à la vraie joie ni à la quiétude du cœur. En effet, comment le vaisseau de l’esprit humain pourrait-il être au repos sur les flots déchaînés du désir, de la crainte et de l’incertitude ? Étant admis que nul ne peut assouvir les aspirations de son esprit par les plaisirs des sens ou par l’exercice de sa raison et de son intelligence, il s’ensuit évidemment que Dieu a implanté cette aspiration dans le cœur de l’homme de façon à ce qu’elle puisse être satisfaite par les richesses de sa munificence et que, dans Sa Sagesse, Il a suscité cette soif de l’âme pour qu’elle ne puisse être apaisée qu’en s’abreuvant dans le fleuve où coule l’eau vive. En conséquence, on peut à l’évidence attendre de la Révélation divine qu’elle offre de quoi satisfaire ces besoins, puisque cette Révélation a pour fin d’apaiser la soif de l’esprit humain. Si donc une doctrine quelconque se présente comme Révélation sans offrir cette possibilité, elle est assurément inutile ; et son inutilité suffit à démontrer que cette soi-disant Révélation ne vient pas de Dieu, qui ne manque jamais d’exécuter Ses desseins gracieux par les moyens choisis par Sa divine Sagesse.

II.  La Vraie Révélation doit être conforme à la Loi morale qui est inscrite dans le cœur de l’homme et que nous appelons la conscience. La conscience est ce qui perçoit et approuve ce qui est bien et condamne ce qui est mal, que ce soit dans le choix, l’intention ou le motif. La conscience n’est pas la même chose que la raison, ou jugement, qui est une faculté d’ordre inférieur et qui peut tomber dans l’erreur ou s’égarer, ce qui n’est pas le cas de la conscience. La conscience est un don sublime de Dieu, qu’il convient d’apprécier à sa juste valeur ; pourtant, elle est comme l’aiguille aimantée d’une boussole qui, normalement et si elle fonctionne correctement, indique la direction du Pôle, mais qui peut indiquer une autre direction lorsqu’on approche trop près d’elle un morceau de fer.

La conscience, quant à elle, est comme l’étoile polaire (????????? ? ??????? ?????) qui, toujours, indique la direction du Pôle et qui guide sans erreur le marin dans sa course, pour autant qu’il ne la perde jamais de vue. Bien des navires se sont fracassés sur des rochers pour avoir suivi les indications d’une boussole faussée (??????????? ? ???? ????), mais l’étoile polaire est inamovible. Pourtant, il arrive souvent que des brumes et nuages montant de la terre la cachent aux yeux du marin ; par contre, les brouillards du doute et les nuages du désespoir ne cachent jamais, aux yeux du pèlerin, l’étoile qui guide sa conscience. La raison juge notre conduite et nos actions mais, comme nous l’avons déjà dit, la conscience juge l’intention, le choix et le motif. Certains enseignent que la conscience peut s’égarer et qu’elle peut dévoyer les hommes ; mais ce qu’ils veulent dire, en réalité, c’est que le jugement peut être erroné. Ils confondent jugement faillible et conscience infaillible ; ils ne font pas la distinction entre la boussole et l’étoile polaire.

Le Dieu Très-Miséricordieux a placé l’étoile polaire de la conscience dans le ciel du cœur de chaque homme afin que, en tout temps, il puisse connaître la direction à suivre et qu’il la suive. Mais on ne peut connaître la juste conduite à adopter que si la conscience approuve l’intention qui nous y pousse. Quelqu’un pourra être trompé par un faux prophète, tel que Mani [IIIe siècle, fondateur du manichéisme] ou Musailamah [dit « le Menteur », qui se prétendait prophète à l’égal de Mahomet], et ensuite, avec les meilleures intentions, faire le mal ; mais, dans ce cas, c’est son jugement qui est en défaut. Sa conscience lui dit qu’il a le devoir d’obéir aux Commandements de Dieu et de se soumettre à l’enseignement de Ses prophètes. Pourtant, son jugement erroné peut l’amener à penser, à tort, que Mani, ou Musailamah, ou Al Muqanna’ (???????????) [musulman hérétique, VIIIe siècle], ou Al-Hakim [Xe-XIe siècles], que les Druzes vénèrent (???????? ???? ????), a été envoyé par Dieu. En toute probabilité, cependant, les hommes qui suivent des faux prophètes tels que ceux-là y sont poussés par l’espoir de récompenses terrestres. Lorsqu’un homme s’écarte du droit chemin, la faute n’en est donc pas à la conscience. La justesse des enseignements et des avertissements de la conscience est attestée par le fait que presque toutes les races et tribus des hommes sont en accord sur la Loi morale. C’est ainsi que, chez tous les hommes, la conscience condamne le mensonge, la tromperie, l’adultère, le vol, le meurtre et autres actes mauvais de ce genre, même si, dans certains cas, telle ou telle fausse religion déforme leur jugement à un tel point qu’ils pensent que, en commettant l’un de ces crimes sur ordre d’un prêtre, ou d’une personne qui se prétend prophète, ce n’est plus un crime. Il y a eu des cas où des hommes se sont imaginé que Dieu avait manifesté Sa faveur à un prophète en lui permettant de violer impunément la Loi morale. Des préjugés religieux ont perverti leur jugement à un tel point qu’ils ne se rendent plus compte que nul ne peut jamais avoir le droit de faire le mal. Ils ne comprennent pas que la Loi morale de la conscience est un reflet que produit, dans le miroir du cœur, la Sainte Nature (???) du Dieu Très-Saint.

La nature de Dieu est immuable, aussi est-il absolument impossible que la Loi morale, qui en est le reflet, puisse changer ou être altérée. Le cours des âges n’a aucun effet sur elle car le Temps ne saurait en aucune manière affecter l’Éternel. Imaginer que Dieu approuve l’adultère aujourd’hui et l’interdit demain, ou qu’Il permet à un homme qu’Il favorise de violer la Loi morale en signe de la faveur qu’Il lui porte, c’est aller tout autant au rebours de la vérité que de croire, comme le font certains idolâtres, qu’il est justifié de verser le sang d’innocentes victimes humaines sur les autels de leurs dieux, ou d’enseigner, comme le font certains hérétiques, que le Dieu Très-Saint les approuve lorsqu’ils consacrent leurs filles à cette forme de fornication appelée « mariage temporaire » (???????? ? ????), ou de croire, comme le font certains païens ignorants de l’Inde, qu’ils gagnent la faveur des dieux lorsque des filles sont mises à part pour vivre une vie de prostitution dans leurs temples. La conscience condamne toutes ces choses, elle déclare qu’elles sont mauvaises, qu’elles déplaisent à Dieu et qu’elles méritent châtiment. Dans le même sens, la conscience approuve la droiture, la vérité, la sincérité, la miséricorde, la bonté, la pureté, la justice et tous les autres actes que, partout dans le monde, les hommes qualifient de bons, qu’ils reconnaissent plaire au Dieu Très-Haut et mériter une récompense du Trésor de sa Munificence.

Il est donc évident que la vraie Révélation doit être en accord avec la conscience et qu’elle doit donner autorité à sa voix : dans ce sens, pour être vraie et avoir son origine en Dieu le Créateur de l’humanité, Lui qui a implanté la conscience dans le cœur de l’homme, cette Révélation doit condamner les choses que la conscience déclare mauvaises, injustes et désagréables à Dieu et qui méritent un châtiment. Semblablement, du fait qu’elle provient du Juste Juge de toute la terre, la Vraie Révélation doit approuver les choses approuvées par la conscience. Il n’est pas possible que la Parole de Dieu (???? ????) soit en contradiction avec la conscience qu’Il nous a donnée pour nous guider. Au contraire, cette Révélation doit confirmer les décrets de la conscience avec toute l’autorité d’un message divin de crainte que les hommes ne fassent l’erreur de confondre leur faible jugement et leur conscience, ou qu’ils ne soient entraînés au péché et à la destruction par les appâts de ce monde éphémère et par les tentations de la chair et du Diable.

III.  Du fait que la conscience, qui a son trône dans l’esprit de l’homme, déclare que le Dieu Très-Haut est Juste et Saint, qu’Il aime et récompense ceux qui font le bien mais punit ceux qui font le mal, il s’ensuit que la vraie Révélation doit indubitablement Le révéler comme possédant précisément ces attributs. Et, tout comme la conscience incite l’homme à acquérir la bonté et la pureté, la vraie Révélation doit aussi attirer les hommes vers ce noble objectif de façon à ce qu’ils puissent devenir purs et saints, en pensée, en parole et en action, intérieurement et extérieurement, parce que le Dieu Très-Haut est Saint et qu’Il aime la sainteté dans Ses créatures.

IV.  La raison déclare que Dieu est Un et, manifestement, tout l’univers est l’œuvre d’un Seul Esprit. Comme le dit Sa’di :

Aux yeux du sage, la moindre feuille d’arbre est un volume de connaissance du Dieu Très-Sage.

Il a encore été dit avec justesse :

Chaque chose sur terre est pour toi un signe de l’existence du Dieu unique.

Et encore :

Chaque brin d’herbe proclame qu’il est l’unique auteur de toute chose.

La raison nous informe également que le Dieu Très-Haut est éternel, Tout-Puissant, et que, dans Sa nature (???) et Ses Attributs, Il est pur et libre de tout changement et altération, qu’Il est Bon, et qu’est immuable Son dessein éternel pour la création et la préservation de l’univers. C’est pourquoi la vraie Révélation doit confirmer cette évidence puisque, à ceux qui méditent, Il a déjà révélé tout cela à propos de Lui-même dans les pages du Livre de l’Univers et dans la raison de l’homme lui-même. En d’autres termes, lorsque nous appliquons notre intelligence à contempler la Création (????????? ), nous découvrons que Dieu est Un, Éternel, Tout-Puissant, Miséricordieux et Juste, et qu’Il est le Créateur du ciel et de la terre. C’est pourquoi toute Révélation venant de Lui doit être en accord avec le Livre de la Nature, dont Dieu est Lui-même l’auteur, en affectant ces attributs au Dieu Très-Haut.

V.  La vraie Révélation doit indiquer clairement la voie qui mène au salut et, dans ce qu’elle enseigne à ce sujet, il ne doit pas y avoir de contradiction sur le fond (???? ?????). Il est tout à fait possible que différentes parties de cette Révélation aient été données à des moments différents d’une longue histoire ; on pourra donc trouver, dans ses enseignements, des degrés différents de spiritualité et, en fonction de l’évolution des circonstances, les rites et cérémonies pourront changer. Mais il ne s’agit là que de la ????????? de la religion, de son enveloppe extérieure et non pas de son noyau. Dans la plénitude des temps, la cosse tombera, révélant le grain arrivé à maturité ; sinon, en effet, plutôt que d’être d’une utilité quelconque comme elle l’était au début, elle deviendrait, au fil du temps, un obstacle à sa croissance et à son développement. Ce rejet de la coque n’implique cependant pas une modification du dessein originel, il ne le contredit pas, nonobstant ce que peuvent penser les insensés. En réalité, c’est une poursuite de la croissance, une étape supplémentaire du développement et de l’accomplissement du dessein très-sage du Créateur. Semblablement, lorsqu’un enfant commence à aller à l’école, il doit chaque jour étudier l’alphabet et recopier au mieux des phrases soigneusement écrites par le maître. Il doit respecter toutes les règles de l’école concernant l’heure d’arrivée et de départ ainsi que toutes les autres règles édictées pour le maintien de la discipline. Mais ces règles ne constituent pas une fin en soi : elles ne sont qu’un moyen pour atteindre une fin. Au bout d’un certain temps, lorsque l’enfant a été bien éduqué, il ne lui est plus nécessaire d’observer ces règles car il n’a plus besoin d’aller à l’école. Pourtant, les règles de grammaire n’ont pas changé et, lorsqu’il poursuit des études supérieures, il ne peut négliger les lettres de l’alphabet, même s’il n’a plus besoin de les copier plusieurs fois par jour, ainsi qu’il le faisait au début de sa scolarité. On ne peut pas dire que les règles de l’apprentissage et de l’éducation peuvent changer et se contredire : celui qui apprend se trouve dans des circonstances différentes, ce qui lui permet de se passer de devoirs qui, s’ils lui furent profitables à une époque, lui feraient désormais perdre du temps et l’empêcheraient de progresser s’il devait continuer à les pratiquer une fois qu’il a atteint un stade supérieur. Semblablement, dans cette grande École du Monde, la raison nous enseigne que le Dieu Très-Sage ne veut pas que ses élèves en restent indéfiniment à apprendre et répéter l’alphabet qui est celui de la théologie, à continuer à observer toujours soigneusement les mêmes rites et cérémonies, ne faisant jamais aucun progrès dans la connaissance de leur Créateur, qui a fait le monde afin qu’Il fût connu.

Tout comme les livres dans lesquels étudient les élèves de l’école élémentaire sont remplacés par ceux utilisés dans les classes supérieures, au lycée et à l’université, sans qu’il y ait, de l’un à l’autre, contradiction sur le fond ni changement d’orientation, il est de même possible que des parties antérieures de la Vraie Révélation (celles qui concernent les formes et les cérémonies) soient remplacées par des éléments plus complexes, par des livres comportant un enseignement spirituel plus profond. Pourtant, tout comme les règles de grammaire ne changent pas ni ne sont abolies à mesure que l’élève progresse dans ses études, la Loi morale et les grands principes fondamentaux de la vraie Religion et les vérités de la Révélation ne changent pas ni ne sont abrogés à mesure que Dieu continue à éduquer les élèves qui sont dans Son école. Là encore, Il pourra envoyer prophète après prophète qui, chacun à leur tour, feront avancer les hommes dans la connaissance du Très-Haut, plus loin que ne l’avaient pu faire leurs prédécesseurs. Ainsi dispensée, la Révélation graduelle varie, en ce sens que, de degré en degré, elle devient plus élevée. Il n’en reste pas moins qu’il est contraire à la raison d’imaginer que, lorsque les élèves ont appris les sciences et les arts enseignés dans les classes supérieures, un nouvel enseignant arrivera qui les forcera à tout oublier et à réapprendre l’alphabet.

Nous pouvons donc en déduire qu’il ne saurait y avoir de contradiction ni d’opposition entre les doctrines de la Vraie Révélation mais que, pourtant, il faut une progression graduelle, et non pas une régression, dans la révélation de la connaissance de Dieu.

VI.  Nul livre ni prophète ne peut révéler pleinement aux hommes le Dieu Très-Haut. Les prophètes et les livres inspirés peuvent enseigner aux hommes bien des choses à propos de Dieu. Ils peuvent, par eux-mêmes, nous révéler Ses commandements, Sa volonté et Ses glorieux attributs mais ils ne peuvent pas amener les hommes à une connaissance personnelle de Dieu Lui-même. Les proclamations du roi, par la voix de ses hérauts, peuvent bien faire connaître ses gracieux décrets à ses sujets et montrer à quel point il est miséricordieux et juste ; mais, pour que ces sujets puissent le reconnaître et le connaître véritablement en personne, il faut qu’ils le voient et qu’ils entendent sa voix. Même alors, la connaissance qu’ils auront de leur souverain ne sera pas parfaite mais, à sa manière, elle sera réelle. Ainsi en est-il du Roi de tous les rois, du Seigneur des mondes, du Créateur Tout-Puissant et du Préservateur de toute chose. Ses messagers (???????????), qui nous font connaître Ses décrets et qui proclament Ses attributs, ne peuvent pas Le révéler à Ses créatures d’une manière telle qu’ils parviennent à Le connaître réellement et personnellement, Lui qui est invisible. Outre tout ce que lui peuvent enseigner les prophètes, l’homme a besoin d’une manifestation visible du Divin, d’une manifestation personnelle (???????) de Dieu, d’une relation à Dieu, avec Celui qui est Lui-même parfaitement humain et parfaitement divin, que les hommes peuvent arriver à connaître aussi bien, sinon même mieux, qu’ils connaissent leurs amis et qui peut gagner l’amour de leur cœur et, ainsi, les amener à Le servir, non pas dans la perspective d’une récompense ni par crainte d’un châtiment mais d’un amour vrai, sincère et gratuit et qui, de ce fait, est le plus élevé des attributs de l’homme. La vraie Révélation annoncera donc aux hommes, à l’avance, cette manifestation, elle les amènera, avant qu’Il se manifeste, à L’attendre, elle leur dira à quels signes ils Le reconnaîtront et, après Sa venue en ce monde, elle notera Ses paroles et Ses œuvres, et cela si clairement qu’en toutes choses, tout au long des temps, les hommes pourront, avec les yeux de la foi, y voir Son reflet comme dans un miroir et arriver ainsi à Le connaître et, en Lui, connaître le Dieu Très-Haut.

La Révélation qui remplit ces six conditions est la seule à pouvoir être appelée la Révélation Vraie et Ultime de Dieu à Ses créatures.

Il est tout à fait possible que la Révélation qui satisfait à ces six conditions contienne certains mystères divins qui dépassent de loin les capacités et les perceptions de la raison humaine, au point que, avec son intelligence faible et limitée, l’homme soit incapable d’en sonder les profondeurs. Car il va de soi que la science et la sagesse du Créateur sont infiniment plus grandes et profondes que celles de l’homme, créature terrestre et myope et qui n’est née que d’hier. On a pu dire justement :

À traverser la plaine de la gloire de Dieu, la pensée de l’homme est un destrier qui se fatigue et s’épuise ; dans l’océan de l’union avec le Dieu Très-Haut, toute pensée de notre connaissance sombre honteusement.

Comment donc l’intelligence de l’homme pourrait-elle arriver à connaître l’Essence de Sa Nature (?????? ?????? ?????) ? Et, tout comme l’homme est incapable de comprendre pleinement sa nature finie et ne peut expliquer comment l’œil voit et comment l’oreille entend, ou plutôt comment, par le moyen de ces instruments matériels, son être intime, qui est immatériel, entre en contact avec les choses visibles et matérielles qui l’entourent, comment donc pourrait-il comprendre tous les mystères de la Nature du Dieu Infini, qui est Invisible ? En outre, il est possible qu’existent, dans la Nature de Dieu, des attributs si sublimes que, parmi les créatures, aucune ne possède des attributs qui puissent jamais leur être comparés. Comment donc, par sa seule raison, l’homme peut-il découvrir que Dieu ne possède que tels et tels attributs et qu’Il ne peut pas posséder d’autres attributs bons et parfaits ? Comment quiconque pourrait-il fixer des limites à Celui qui est Infini et Incompréhensible ? Celui qui fait cela prétend en réalité être lui-même divin. De ces attributs, nous ne pouvons dire avec certitude que seuls n’existent pas en Dieu ceux qui, en soi, sont vils et mauvais et contraires à la Loi morale inscrite dans notre cœur (laquelle Loi est le reflet de la nature propre de Dieu dans le miroir de notre esprit). Ainsi, lorsqu’un livre qui prétend être une Révélation divine soutient que Dieu possède des attributs mauvais, nous affirmons que ce livre ne peut être d’inspiration divine. Ce que nous avons dit jusqu’ici explique suffisamment la pierre de touche que nous devons employer pour vérifier l’authenticité de toute Révélation prétendue être divine. Il est nécessaire de disposer d’une telle pierre de touche et de l’employer avec sagesse car bien des nations se sont égarées et se sont perdues dans le désert aride du paganisme et de l’idolâtrie pour avoir accepter des faux prophètes comme s’ils venaient de Dieu ainsi que des livres qu’Il n’a pas inspirés.

Lorsqu’on examine les livres religieux des païens de cette manière, on s’aperçoit clairement qu’il est impossible que les doctrines qu’ils contiennent aient pour source le Dieu Très-Haut : en effet, dans la plupart des cas, ils ne satisfont pas aux aspirations du cœur humain à connaître la vérité, à voir ses péchés pardonnés, à atteindre à la pureté et au bonheur éternel. Au contraire, plutôt que de donner aux hommes des enseignements sur le Créateur Unique, Très-Sage, Tout-Puissant et Très-Saint, ces livres païens contiennent des fables sur un grand nombre de faux dieux et incitent les hommes, pour plaire à ces êtres mauvais, à les adorer et, ce faisant, à tomber dans l’idolâtrie et le polythéisme et, bien évidemment, dans bien d’autres péchés odieux. Ainsi, lorsqu’on juge les livres religieux des païens à l’aune de tous les critères que nous avons mentionnés, la conclusion nécessaire est qu’ils ne sont pas inspirés. Et ce fait même prouve que les vérifications que nous avons mentionnées sont satisfaisantes puisqu’elles permettent de détecter la fausseté de ces religions. Il s’ensuit que, en appliquant ces critères pour vérifier les prétentions du christianisme et de l’islam, nous utilisons une pierre de touche qui a déjà fait ses preuves.

Dans le présent ouvrage, notre objectif est de faire une vérification de ce genre, qui devra démontrer quel est, du Coran ou de la Bible, la Parole de Dieu (???? ????), la véritable Révélation de Dieu, pour autant que Dieu puisse être révélé dans les pages d’un livre qui a été écrit dans une ou plusieurs langues des fils des hommes.

Certains pourront penser qu’il est possible que la Bible et le Coran soient tous deux inspirés par Dieu, et supposer que celui-ci complète la Révélation commencée dans celle-là, tout comme les Psaumes et les Livres des Prophètes et les autres livres de l’Ancien Testament prolongent l’enseignement entamé dans la Torah et comme les Évangiles et le reste du Nouveau Testament donnent aux hommes des enseignements parfaitement conformes à ceux contenus dans l’Ancien Testament, quoique plus élevés et plus avancés. En examinant les principales doctrines du christianisme et de l’islam, nous serons en mesure de conclure si c’est effectivement le cas ou non. Si nous constatons que ces doctrines ne se contredisent pas et que, en matière d’enseignement moral et d’instruction spirituelle, le Coran est tout autant supérieur à l’Évangile que l’Évangile l’est par rapport à la Torah, cette supposition pourra alors paraître probable. Mais, par contre, s’il apparaît que, sur certaines doctrines essentielles, la Bible et le Coran se contredisent, il sera alors évident que seul l’un de ces deux livres peut être la vraie Révélation. Il nous faudra alors leur appliquer à tous deux les critères énoncés ci-dessus afin que, conduits par la miséricorde divine, nous puissions conclure et savoir, en toute certitude, lequel des deux révèle véritablement la Voie du Salut.

Celui qui cherche la vérité et désire faire la volonté de Dieu doit donc, en toute sincérité du cœur et pureté d’intention, entamer sa recherche au nom du Dieu Très-Miséricordieux et prier son Créateur Très-Sage de le guider dans son étude et de libérer son regard de toutes les brumes de l’esprit de parti et du préjugé afin qu’il puisse marcher à la lumière de l’Inspiration Divine.

C’est dans cet esprit que, nous en remettant entièrement à la grâce et à la miséricorde du Guide Céleste, nous allons entamer notre examen et notre étude de la Bible et du Coran pour voir s’ils sont ou non en accord sur les points les plus importants de la foi et du devoir et, s’ils divergent, quel est celui de ces deux livres qui contient la Vraie Révélation de Dieu. C’est là une entreprise d’une telle importance que nul homme qui aspire au bonheur éternel ne saurait s’y lancer à la légère : il est en effet évident que, de la conclusion, dépend notre salut ou notre destruction. Si Dieu a révélé la Voie du Salut, si nous ne la trouvons pas et si nous ne l’empruntons pas, comment pouvons-nous ne pas nous égarer et tomber dans l’erreur spirituelle (?????) ?

Mais, par-dessus tout, il convient que, dans notre quête de la vérité, nous évitions tout conflit, toute controverse amère, toute haine et vitupération, nous rappelant que ces choses aveuglent le regard spirituel des hommes et les empêchent de s’entraider à rechercher le précieux trésor de la Vérité. Plutôt que de nous haïr et de nous quereller à propos de la religion, nous devrions tous nous efforcer de nous aider mutuellement dans cette quête, dans ce pénible pèlerinage qui doit nous mener au seuil du Tribunal du Dieu Très-Haut : nous sommes tous, en effet, des fils d’Adam, des créatures du Seul Vrai Dieu, et des élèves dans cette école qu’est l’ici-bas. Le poète Sa’adi l’a très bien dit :

Les membres sont les fils d’Adam les uns des autres, faits d’une même essence, et tous frères ; que l’un souffre malheur ou douleur, les autres ne peuvent trouver le repos.

Si nous aidons nos frères, ceux qui, comme nous, cherchent la lumière, nous pouvons alors, en toute confiance et pleins d’espoir, demander avec humilité au Dieu Très-Miséricordieux de nous montrer la lumière de Son Visage et de nous aider à nous débarrasser de tout orgueil spirituel, car la bénédiction de Dieu ne peut jamais reposer sur l’orgueilleux :

Apprends l’humilité, toi qui as soif de grâce ; l’eau du fleuve n’arrose jamais les sommets.

Le poète l’a dit en vérité :

Lorsque Dieu veut venir à notre secours, il nous incite à demander Son aide.

Tout comme nous ne pouvons voir le soleil que grâce à sa lumière, ce n’est que par le rayonnement spirituel de Sa Grâce divine que le Dieu Invisible peut se rendre visible aux yeux de notre âme. Ayant donc, par une prière sincère et persévérante, offerte du fond du cœur, obtenu du Dieu Gracieux qu’Il nous aide, et ayant donc ainsi été amenés à la connaissance de la Vérité, acceptons-la et reconnaissons-la partout où nous l’avons pu trouver, sachant que toute vérité vient de Dieu, qui est Lui-même la Vérité (??????). Car quiconque méprise la Vérité, c’est Dieu Lui-même qu’il a rejeté.

Le présent Traité est divisé en trois parties. Dans la première, nous allons étudier les affirmations des ignorants selon lesquelles la Torah, le ZAbur [les Psaumes] et l’Injil, maintenant répandus chez les chrétiens, sont à la fois corrompus et abrogés. Dans le second, nous énoncerons brièvement les principales doctrines de la foi chrétienne, et nous tenterons de voir si l’Ancien et le Nouveau Testaments satisfont aux critères mentionnés précédemment. Dans la troisième partie, nous étudierons si, selon ce que croient les musulmans, le Coran est la Parole de Dieu (???? ????) et Mahomet le Sceau des prophètes, le Messager de Dieu. Et que Dieu bénisse nos efforts pour indiquer la Voie du Salut ainsi que tous ceux qui, par la grâce de Dieu, s’efforcent de la suivre !

 Ière PARTIE

OÙ IL EST DÉMONTRÉ QUE L’ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENTS SONT LA PAROLE DE DIEU (???? ????)
ET QU’ILS N’ONT JAMAIS ÉTÉ NI CORROMPUS NI ABROGÉS

CHAPITRE 1

LE TÉMOIGNAGE RENDU PAR LE CORAN À LA BIBLE

Les érudits font une distinction entre deux sortes de preuves : les preuves intellectuelles (????), qui comprennent les preuves intrinsèques et les preuves extrinsèques, et les preuves documentaires.

Si nous écrivions ce livre à l’intention des incroyants, des déistes (??????????????) ou des idolâtres, il serait nécessaire, en premier lieu, de présenter les preuves extrinsèques que nous avons pour soutenir notre conviction que les livres de l’Ancien et du Nouveau Testaments sont anciens, non corrompus et, de façon générale, fiables, et qu’ils contiennent une Révélation du Dieu Très-Haut. Il nous faudrait aussi rapporter l’histoire de chacun de ces livres, du moins ce que nous en connaissons, pour expliquer comment le Canon des Saintes Écritures a été établi et pour quelles raisons extrinsèques nous sommes en droit d’attribuer chacun de ces livres aux auteurs dont ils portent le nom. Il nous faudrait ensuite étudier soigneusement les preuves intrinsèques, c’est-à-dire celles qu’offrent ces livres eux-mêmes. Alors nous pourrions énoncer la conclusion de notre examen. Tout cela a déjà été fait, à de nombreuses reprises, par des chrétiens. L’une des raisons en est que, dès les temps les plus anciens, des incroyants ont attaqué nos Livres Sacrés et que, pour notre propre satisfaction, il nous a fallu étudier toutes les preuves alléguées pour et contre eux. En outre, nous, les chrétiens, nous croyons qu’il est de notre devoir de faire un tel examen, en raison du précepte : « Vérifiez tout ! » (1 Thessaloniciens 5, 21). Notre raison nous dit que, obéir à ce précepte, c’est une chose admise par Dieu, qui nous a donné l’intelligence pour l’utiliser à bon escient pour Sa gloire. La Vérité est l’un des attributs de Dieu et, en tant que telle, elle ne périra jamais : elle est nécessairement éternelle. Ainsi donc, celui qui, du fond de son cœur, désire trouver la Vérité et vivre selon la Volonté très-sainte de Dieu n’a rien à craindre d’un examen soigneux et exhaustif des bases de sa foi. Arrivé au bout de son étude, cet homme peut alors non seulement s’appuyer solidement sur le rocher de la vérité elle-même mais encore aider ceux qui sont ballottés sur la mer du doute et de l’incertitude. Sa foi est alors digne de ce nom, ce n’est plus désormais une simple imitation (????????) ni du sectarisme ou de l’ignorance.

Les bibliothèques des penseurs chrétiens sont remplies de livres relatifs aux preuves du christianisme. Mais ce n’est pas le lieu de nous y attarder car nous n’écrivons pas pour des incroyants mais pour nos frères musulmans, pour qui le Coran est l’ultime Révélation faite par Dieu aux hommes et qui croient que tout ce qui y est écrit est la parole de Dieu Lui-même (???? ????). Pour les musulmans, il est très important de savoir ce que le Coran dit de la Bible, d’autant plus que les ignorants ont, en la matière, une conception totalement erronée. Il n’est pas exagéré de dire que ce que la plupart des musulmans croient qu’enseigne le Coran sur ce point particulièrement important est tout à fait contraire à ce qu’enseigne effectivement leur Livre Sacré. Il est donc probable que tout vrai musulman tirera profit de participer à l’étude de cette question : « Quel témoignage le Coran donne-t-il de la Bible, et que nous apprend celui-là à propos de celle-ci ? »

Pour tous, il apparaît à l’évidence que le Coran lui-même atteste du fait que, à l’époque de Mahomet, des chrétiens et des juifs habitaient en Arabie et que leurs religions respectives étaient différentes.  Ces deux populations sont appelées « les Gens du Livre » .

Le Coran témoigne du fait que le Livre qui a donné leur nom à ces deux communautés religieuses était encore en usage chez elles à cette époque.  De ce Livre, le Coran cite notamment la Torah, le ZAbur et l’Injil . En outre, le Coran affirme que ces livres ont été envoyés par le Dieu Très-Haut  et que le Coran a été donné lui-même par la suite pour les confirmer . Il enseigne également que ceux qui rejettent ces livres seront châtiés dans le monde à venir,  et il déclare que les livres de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau Testament concordent sur l’enseignement général qu’ils dispensent.  Étant donné que le Coran dit tout cela à propos de la Bible, il n’est pas nécessaire, dans le cas d’espèce, que les preuves avancées en confirmation de la Bible soient du même degré que dans le cas où nous écririons pour convaincre des incroyants.

On pourra néanmoins objecter : « (1) Il n’est pas logique que vous, les chrétiens, en appeliez au témoignage du Coran puisque vous n’admettez pas qu’il vient de Dieu. (2) En outre, les Livres que les chrétiens appellent l’Ancien Testament et le Nouveau Testament ne sont pas ceux auxquels se réfère le Coran, du moins pas dans leur état actuel car ils ont été corrompus ou, en tout cas, ils ne sont plus valides. » En réponse à cela, nous admettons que la première objection serait tout à fait justifiée à l’encontre de tous les chrétiens qui prétendraient s’appuyer sur le Coran pour prouver l’authenticité des Saintes Écritures. Pourtant, nous, nous ne nous appuyons en aucune manière sur le Coran pour nous démontrer à nous-mêmes l’authenticité de nos Écritures. Ce que nous faisons est complètement différent : nous essayons de montrer aux musulmans que c’est eux, en tant qu’ils croient au Coran, qui sont bien obligés d’admettre ce que ce Livre dit à propos des Livres juifs et chrétiens. Cet argument est incontestable, à moins qu’on ne puisse prouver le bien-fondé de la seconde des objections présentées ci-dessus.

Néanmoins, quoique cette seconde objection semble aller nettement à l’encontre de l’affirmation coranique selon laquelle les paroles de Dieu ne peuvent être changées,  nous l’examinerons, avec l’aide de Dieu, dans d’autres chapitres de cette première Partie. En effet, avant d’entreprendre cet examen, nous nous permettrons, avec toute la courtoisie et le respect dus à nous frères musulmans, d’alléguer quelques-uns des principaux passages dans lesquels le Coran atteste de la Bible. Nous en appellerons aussi à d’importants commentateurs musulmans pour démontrer que nous comprenons bien le sens des versets que nous citons.

Le Coran dit clairement que « le Livre » (???????), c’est-à-dire la Bible, existait chez « les Gens du Livre » (???? ???????) à l’époque de Mahomet et qu’il ne s’agissait pas d’« un nom ne correspondant pas à la chose nommée ». Cette assertion est confirmée par plusieurs passages, dont nous ne citerons que quelques-uns. Par exemple, dans la sourate 5 (Al Ma’idah – La table servie), Mahomet se voit enjoindre, au verset 68 [[DM 72]], de parler ainsi : « Ô Gens du Livre ! vous ne vous appuyez sur rien, tant que vous n’observez pas la Tora, l’Évangile et ce qui vous a été révélé par votre Seigneur ». À propos de l’occasion où ce verset a été révélé, Ibn Hishâm, dans la Sîrat Rasûl Allâh [[Biographie de l’Envoyé d’Allâh]], affirme que l’historien Ibn ’Ishâq a dit : « Rafi' ibn Harithah et Salam ibn Mushkim et Malik ibn Az Zaif et Rafi' ibn Harmalah s’approchèrent de l’apôtre de Dieu. Ils dirent : "Ô Mahomet, n’affirmes-tu pas que tu te tiens [debout] sur le credo d’Abraham et sa religion, et que tu crois en ce que nous possédons de la Torah, et que tu témoignes qu’elle est de Dieu, la vérité ?" Il dit : "Oui, mais nous avons innové, et vous niez ce qui s’y trouve de cette alliance qui a été conclue avec vous, et vous en avez caché ce qu’il vous avait été enjoint d’expliquer aux hommes. Ainsi donc, je m’écarte de vos innovations." Ils dirent : "Certainement, nous croyons par ce que nous tenons entre nos mains et, en vérité, nous nous fondons sur la vérité et la Preuve, et nous ne te croyons pas et ne nous te suivons pas." Et c’est pourquoi Dieu (qu’Il soit honoré et glorifié !) a envoyé [ce verset] à leur propos. »  Nous voyons ici que Mahomet exprime son acceptation des Écritures telles qu’elles étaient alors en usage chez les juifs ; par contre, il rejetait les « innovations » qu’il déclarait à juste titre avoir été introduites dans la pratique extérieure de la religion. En l’occurrence, Mahomet était d’accord avec ce que le Christ avait dit, en Son temps, aux juifs (cf. Matthieu 23, 16-24 ). Cela dit, ce verset du Coran et ce que raconte Ibn ‘Ishâq démontrent que, à l’époque, les juifs avaient la Torah, et les chrétiens l’Injil ; sinon, on ne voit pas pourquoi il leur serait enjoint d’observer (????? ?????????) les préceptes contenus dans ces livres si ceux-ci avaient disparu ou s’ils avaient été corrompus. Dans le premier cas, il leur eût été impossible d’observer cette injonction ; dans le second cas, en s’y soumettant, ils se fussent égarés.

Dans la sourate 2 (Al Baqarah – La Vache), au verset 107 [[DM 113]], nous lisons : « Les Juifs ont dit : "Les Chrétiens ne sont pas dans le vrai !" [[littéralement : "Ils ne sont sur rien"]]. Les Chrétiens ont dit : "Les Juifs ne sont pas dans le vrai" [[littéralement : "Ils ne sont sur rien"]], et pourtant ils lisent le Livre ». Le temps de ce dernier verbe (????????? : ils lisent à haute voix, ou : ils récitent, ou : ils méditent) montre que, à l’époque, tant les juifs que les chrétiens possédaient les Écritures, sinon il aurait fallu mettre le verbe au passé et non au présent : en effet, on n’aurait pu dire à proprement parler qu’ils étaient alors en mesure de les lire et que, en pratique, ils avaient l’habitude de le faire. Dans la sourate 10 (Jonas), on lit au verset 94 que Dieu a dit : « Si tu es dans le doute au sujet de notre Révélation, interroge ceux qui ont lu le Livre avant toi ». Quant à savoir si cette phrase s’adresse ou non à Mahomet, Ar Razi présente des vues divergentes ; cependant, il nous dit que même ceux qui pensaient que ce n’était pas le cas expliquaient ce verset de la manière suivante : ici, Dieu s’adressait à tous ceux qui mettaient en doute les paroles de Mahomet, disant : « Ô homme ! si tu as des doutes concernant ce que, par la bouche de Mahomet , Nous t’avons envoyé pour te guider, demande alors aux Gens du Livre, qui te prouveront l’authenticité de sa qualification de prophète ». Et cela amène Ar Razi à se demander : comment Dieu pouvait-il renvoyer les gens aux Écritures des juifs et des chrétiens si ces livres étaient vraiment corrompus (??????????) ou altérés (??????????) ? Sa réponse n’est guère satisfaisante car tout ce qu’il peut dire, c’est que, s’il s’y trouvait encore l’un ou l’autre passage pour témoigner de Mahomet, la preuve qu’ils apportent n’en serait que plus claire. Personnellement, Ar Razi pense que ce verset est une injonction adressée à Mahomet lui-même, pour le cas où des doutes lui viendraient à propos de sa fonction prophétique.

Quoi qu’il en soit, ce verset prouve que, à cette époque-là, les juifs et les chrétiens avaient l’habitude de lire leurs Écritures, et qu’ils le faisaient avant même l’époque de Mahomet. C’était là, manifestement, l’avis de Al-Baidhawi car voici comment il paraphrase la dernière partie de ce verset : « En vérité, ils le croient fermement, c’est établi dans leurs livres selon ce que Nous te l’avons fait savoir ». Et il ajoute : « Ce qui est important, c’est la confirmation qui en est donnée » (c’est-à-dire de la révélation faite à Mahomet) mais aussi, le recours – pour apporter des preuves – à ce qui est dit dans les Saintes Écritures, et le fait que le Coran confirme ce qu’on y trouve. Voici la paraphrase que les deux Jalal (????????) donnent de ce verset : « Et si tu es dans le doute, ô Mahomet, sur ce que Nous t’avons envoyé, sur les histoires par exemple, demande alors à ceux qui ont lu la Torah avant toi car, en vérité, c’est chose établie chez eux : ils t’informeront de sa vérité. »

Dans la sourate 7 (Al ‘Araf), voici ce que dit le verset 168 [[DM 169]] à propos des juifs : « Ils ont hérité du Livre […] L’Alliance du Livre n’a-t-elle pas été contractée ? Elle les oblige à ne dire, sur Dieu, que la vérité, puisqu’ils ont étudié le contenu du Livre ». Voici le commentaire que fait Al-Baidhawi sur ce passage : « C’est de leurs prédécesseurs qu’ils ont hérité du Livre, c’est-à-dire de la Torah, et ils savent ce qu’il y a dedans » . Dans la sourate 3 (La famille de ‘Imran), on lit au verset 22 [[DM 23]] : « N’as-tu pas vu ceux qui ont reçu une partie du Livre en appeler au Livre de Dieu, comme à un juge ? Certains d’entre eux se sont ensuite détournés et ils se sont éloignés ». Pour Al-Baidhawi, « une partie du Livre » signifie « la Torah ou les Livres célestes en général », ajoutant : « Celui qui invite, c’est Mahomet, et le Livre de Dieu, c’est le Coran ou la Torah. Car on raconte qu’il est entré dans leur école, et Na'im ibn 'Amr et Al Harith ibn Zayd lui dirent : "À quelle religion appartiens-tu ?" Il leur dit : "À la religion d’Abraham". Alors tous deux lui dirent : "En vérité, Abraham était un juif." Il leur dit alors : "Vous, venez à la Torah ; en vérité, elle est entre nous et vous." Alors ils refusèrent tous deux. Et c’est pour cela que ce verset a été envoyé. »  Une fois encore, ce verset nous confirme que, à l’époque de Mahomet, les juifs possédaient la Torah et que Mahomet en a appelé à elle en toute confiance pour trancher toute controverse qui a pu se présenter ce jour-là entre eux et lui ; quant au sujet de cette controverse, les avis sont partagés selon les commentateurs.

Dans la sourate 3 (La famille de ‘Imran), on lit au verset 87 [[DM 93]] : « Tout aliment était licite pour les enfants d’Israël, à part ce qu’Israël s’était interdit à lui-même avant que la Tora n’ait été révélée. Dis : "Apportez-donc la Tora, lisez-la [[si vous êtes véridiques]]". » À propos de cette dernière phrase, Al-Baidhawi fait le commentaire suivant : « Il leur est fait injonction de défendre leur cause en en appelant à leur Livre, et il leur est fait reproche à partir de ce qui y était, du fait que ce qui [à l’origine] ne leur avait pas été interdit leur a été interdit en raison de leurs actes mauvais. On raconte que, lorsque Mahomet leur dit cela, ils furent étonnés et n’ont pas osé invoquer la Torah. »  Cette remarque du commentateur implique qu’il admet que les juifs possédaient la Torah à cette époque, comme le démontre d’ailleurs tout ce verset. Dans la sourate 5 (A1 Ma’idah – La table servie), nous lisons au verset 47 [[DM 46]] : « Mais comment te prendraient-ils pour juge ? Ils ont la Tora où se trouve le jugement de Dieu. » Sur ce point, Al-Baidhawi fait remarquer : « C’est une expression de surprise à voir qu’ils font leur juge de quelqu’un en qui ils ne croient pas, puisque le jugement est annoncé dans le Livre qu’ils possèdent » .

Nous nous contenterons de citer ces quelques passages du Coran pour prouver ce que les érudits savent en toute certitude, à savoir que la Bible  existait à l’époque de Mahomet et que les « Gens du Livre » la possédaient. En soi, cette preuve devrait être suffisante ; mais nous en avons d’autres à alléguer ; voici l’une d’entre elles.

Dans le Coran lui-même, nous trouvons certains passages qui sont en fait des citations de l’Ancien et du Nouveau Testaments. En d’autres termes, le Coran reprend textuellement certains versets de la Bible, et il précise que ces versets se trouvent dans la Bible.

Par exemple, dans la sourate 5 (Al Ma’idah – La table servie), on lit au verset 49 : « Nous leur avons prescrit, dans la Tora : vie pour vie, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessures tombent sous la loi du talion. » C’est une citation d’Exode 21, 23-25.

Et encore, dans la sourate 21 (Al Anbiya – Les prophètes), nous lisons au verset 105 : « Nous avons écrit dans les Psaumes, après le Rappel : "En vérité, mes serviteurs justes hériteront de la terre". » C’est une citation du Psaume 37, 29. Al-Baidhawi précise que « les Psaumes », c’est « le livre de David » .

Dans la sourate 7 (Al ‘Araf), le verset 38 [[DM 40]] dit : « Les portes du ciel ne seront pas ouvertes à ceux qui auront traité nos signes de mensonges et à ceux qui s’en seront détournés par orgueil : ils n’entreront pas dans le Paradis aussi longtemps qu’un chameau ne pénétrera pas dans le trou de l’aiguille. » Il s’agit ici d’une citation de l’Évangile : on trouve en effet l’allusion à la difficulté qu’un chameau puisse passer par le trou d’une aiguille en Matthieu 19, 24, Marc 10, 25 et Luc 18, 25.

Ces trois passages – l’un emprunté à la Torah, le second au ZAbur et le troisième à l’Injil – montrent clairement que les Écritures Sacrées que possédaient alors les juifs et les chrétiens étaient celles que nous avons aujourd’hui et auxquelles nous donnons exactement les mêmes noms. C’est là quelque chose que l’on ne peut raisonnablement contester. Tout comme à l’avenir, reconnaissant les poèmes que nous avons cités dans l’Introduction au présent Traité et empruntés à des livres tels que le Mathnavi de Jalalu’ddin Rumi, le Diwan de ‘Ali Abi Talib, les recueils de Sa’di ou de quelque autre auteur éminent, un quelconque érudit en déduira immédiatement que tous ces ouvrages existaient au siècle actuel, semblablement celui qui lit attentivement le Coran ne peut manquer de reconnaître que les passages de la Bible cités ci-dessus prouvent bien que la Bible existait à l’époque de Mahomet. Cette démonstration est encore renforcée par le fait que, dans deux cas, le Coran va jusqu’à mentionner le nom du livre dont il tire la citation.

En outre, bon nombre des récits rapportés dans le Coran – par exemple celui de Joseph, dans la sourate 12 (Joseph) – sont manifestement repris de la Bible même si, parfois, la façon de les présenter correspond plutôt à des traditions ultérieures (??????) des juifs plutôt qu’au texte proprement dit de la Bible, ainsi que cela a été démontré dans le livre intitulé : Les sources originelles du Coran (????? ??????? ?? ????? ???????). Sans compter que le Coran contient bien d’autres références à la Bible, qu’il est inutile de reprendre toutes ici, à l’exception de celle que l’on trouve dans le verset 87 de la sourate 3 (La famille de ‘Imran), citée ci-dessus, qu’il est impossible de comprendre sans lire en parallèle Genèse 32, 22-23 [[25-29]], où l’on nous dit comment Jacob a reçu de Dieu le nom d’Israël et comment, par la suite, les enfants de Jacob décrétèrent qu’il était interdit de manger « le nerf sciatique qui est à l’emboîture de la hanche » (verset 32 [[33]]).

Outre tout cela, dans les Traditions (??????), quelques passages rapportent que Mahomet a employé des termes ou expressions qui, en fait, sont des citations de la Bible. Nous n’en donnerons qu’un exemple représentatif mais tout à fait remarquable. Dans le Mishkat (?????? ????????), p. 487 de l’édition de A. H. de 1297, au premier chapitre du livre intitulé : « Description du Paradis et de ceux qui y habitent », Abu Hourairah nous rapporte la tradition suivante : « L’Apôtre de Dieu dit : "Le Dieu Très-Haut a dit : ‘J’ai préparé pour mes serviteurs les justes ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme’" » . Indubitablement, il s’agit là d’une citation littérale de 1 Corinthiens 2, 9. Il est important de le faire remarquer parce que, ici, Mahomet affirme que ce verset a été prononcé par le Dieu Très-Haut Lui-même, alors que de nombreux auteurs musulmans ainsi que des nombreux spécialistes (et donc pas seulement des ignorants) nient que Paul ait été un apôtre et que les Épîtres soient inspirées.

Généralement, on divise la Bible en deux parties : l’Ancien Testament, qui contient les Livres sacrés du canon juif, composés en hébreu à l’exception de quelques chapitres qui l’ont été en araméen, et le Nouveau Testament, écrit en grec. Les juifs refusent n’acceptent pas le Nouveau Testament mais nous, les chrétiens, nous acceptons les deux. C’est pourquoi, dans son commentaire sur le verset 46 de la sourate 29 (Al ‘Anqabut – L’araignée), Al-Baidhawi nous appelle « les Gens des deux Livres » (????? ??????????????).

Mais, de façon générale, lorsqu’il parle de la Bible, le Coran l’appelle tout simplement « le Livre » (??????), s’il est vrai par ailleurs qu’il mentionne explicitement trois de ses principales parties : la Torah, le ZAbur et l’Injil. Les juifs, quant à eux, divisent l’Ancien Testament en trois parties : la Loi, les Prophètes et les Psaumes, ainsi que nous le voyons en Luc 24, 44. À ce que l’on sait, cette division remonte à l’an 130 av. J.-C. environ.  À l’heure actuelle, les juifs appellent la troisième partie « les Livres » (???????) mais, comme elle commence par les Psaumes, c’est ainsi qu’elle est aussi appelée dans l’Évangile comme dans le Coran (????????). Le Coran appelle la première partie « la Torah » (????????), en arabisant simplement son nom hébreu. Parfois, les musulmans appellent « la Torah » la totalité de l’Ancien Testament parce que c’est par elle qu’il commence. Le Coran mentionne souvent aussi les prophètes de l’Ancien Testament, comme par exemple dans la sourate 2 (Al Baqarah – La vache), verset 130 [[DM 136]] : « Dites : "Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux tribus ; à ce qui a été donné à Moïse et à Jésus, à ce qui a été donné aux prophètes de la part de leur Seigneur". » On retrouve ces mêmes termes dans la sourate 3 (La famille de ‘Imram), au verset 78. Il est donc manifeste que, en accord avec le Nouveau Testament, le Coran considère comme inspiré chacune de ces trois grandes divisions de l’Ancien Testament.

Souvent, les chrétiens appellent « l’Évangile » le Nouveau Testament dans sa totalité, comme le fait apparemment le Coran. Une raison en est que le Nouveau Testament commence par les quatre évangiles ; mais une meilleure raison en est que le mot « Évangile », ou « Bonne Nouvelle » (??????? ?? ???????), exprime la finalité essentielle de tout ce livre. Cela est confirmé en particulier par Marc 13, 10 et de nombreux autres passages. Et il est admis que, à l’époque de Mahomet, le Nouveau Testament était largement diffusé chez les chrétiens ; en outre, non seulement le Coran cite un passage que l’on trouve dans trois évangiles (sourate 7, 38 – comparer Matthieu 19, 24 ; Marc 10, 25 ; Luc 18, 25), mais encore Mahomet lui-même, comme nous l’avons vu, cite un verset d’une autre partie du Nouveau Testament ; tous ceux qui utilisent leur intelligence et ne sont pas encombrés de préjugés peuvent ainsi voir que le Coran se réfère à la Bible – telle que la connaissaient et l’employaient alors les juifs et les chrétiens – en tant qu’elle contenait une Révélation divine.

Par ailleurs, le Coran parle toujours avec beaucoup de révérence de la Bible, lui accordant les qualificatifs les plus élevés : il l’appelle « la Parole de Dieu » (???? ????, sourate 2, 70), le Furqan (sourates 2, 50 [[DM 53]] ; 21, 49 [[DM 48]]) : « lumière et rappel » (???) [[DM : « la Loi »]], « le Livre de Dieu » (sourate 2, 95 [[DM 101]] – c’est d’ailleurs ainsi que Al-Baidhawi et les deux Jalal expliquent ce verset ; comparer avec sourate 3, 22 et sourate 5, 48), ainsi que d’autres titres laudatifs. De plus, le Coran dit que l’inspiration accordée à Mahomet était la même que celle qui avait été accordée aux prophètes antérieurs, ce que confirment les passages suivants : (1) Sourate 3 (La famille de ‘Imran), verset 66 [[DM 73]] : « Dis : "Oui, la voie droite est la voie de Dieu. Il peut donner à n’importe qui ce qu’il vous a donné". » (2) Sourate 4 (An Nisa’ – Les femmes), verset 161 : « Nous t’avons inspiré comme nous avions inspiré Noé et les prophètes venus après lui, etc. » (3) Sourate 42 (Ash Shoura’ – La délibération), verset 1 [[DM 3]] : « Voici comment Dieu, le Puissant, le Sage, t’adresse une Révélation comme à ceux qui ont vécu avant toi ». Le mot employé pour désigner la « descente » du Coran (???????) est le même que celui employé pour les livres antérieurs. Ainsi donc, puisque des choses égales à une même chose sont égales entre elles, il s’ensuit que le Coran nous enseigne que l’Ancien et le Nouveau Testaments sont tout aussi véridiquement « envoyés par Dieu » et tout autant « inspirés » (???) que le Coran lui-même affirme l’être. Il apparaît donc que le Coran enjoint aux musulmans d’accorder la même foi à toutes les Écritures antérieures qu’au Coran lui-même (sourates 2, 130 [[DM 136]] ; 3, 78 [[DM 81]]. Il leur est dit en outre que le Coran a été envoyé dans le but de confirmer les Écritures des juifs et des chrétiens ; c’est ainsi, par exemple, que nous lisons dans la sourate 3 (La famille de ‘Imran), au verset 2 [[DM 3]] : « Il a fait descendre sur toi le Livre avec la Vérité ; celui-ci déclare véridique ce qui était avant lui. Il avait fait descendre la Tora et l’Évangile – direction, auparavant, pour les hommes –, et il avait fait descendre la Loi [[MK : « la Distinction (l’un des titres du Coran, en ce sens qu’il sert à distinguer le bien du mal, le licite de l’illicite) »]] (???????) ».  En outre, il est dit que ceux qui rejettent le Livre seront, pour cela, châtiés par Dieu car, à la sourate 40 (Al Mu’min – Celui qui pardonne), aux versets 72-73 [[DM 70-73]], il est écrit : « Ceux qui ont traité de mensonge le Livre et les messages de nos prophètes sauront bientôt, lorsque, le carcan au cou, ils seront traînés avec des chaînes dans l’eau bouillante et précipités ensuite dans le Feu ». Dans son commentaire sur ces versets, Al-Baidhawi donne plusieurs explications différentes de ce qu’il faut entendre par « le Livre ». Il dit que c’est « le Coran ou les Livres célestes en général », et il précise que l’expression « les messages de nos prophètes » signifie : « le reste des Livres, ou l’Inspiration et les Lois religieuses » . Même si, donc, nous refusons d’admettre que, dans ces versets, « le Livre » est celui dont « les gens du Livre » tirent leur appellation, il n’en reste pas moins que les autres mots s’applique à l’Ancien Testament et au Nouveau.

Le Coran dit en outre qu’il y a concordance globale entre les enseignements de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau Testament : en effet, dans plusieurs passages, nous trouvons des affirmations du genre de celle que l’on trouve dans la sourate 5 (Al Ma’idah – La table servie), verset 50 [[DM 46]] : « Nous avons envoyé, à la suite des prophètes, Jésus, fils de Marie, pour confirmer ce qui était avant lui, de la Tora. Nous lui avons donné l’Évangile, où se trouvent une Direction et une Lumière, pour confirmer ce qui était avant lui de la Tora ; une Direction et un Avertissement destinés à ceux qui craignent Dieu ».

De ce qui a été dit dans ce chapitre, nous pouvons conclure : (1) que, à l’époque de Mahomet, les Saintes Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testaments, contenant la Torah, le ZAbur, les livres des Prophètes, l’Injil et les Épîtres des Apôtres (sans compter quelques autres traités) étaient diffusés chez les juifs et les chrétiens ; (2) que le Coran déclare positivement que ces livres sont d’inspiration divine ; (3) que le Coran, qui affirme être de l’inspiration la plus sublime et qui s’applique à lui-même les appellations les plus élevées, affirme que la Bible est due à la même inspiration que lui-même ; (4) que le Coran donne à la Bible les titres de « Livre de Dieu », « Parole de Dieu » (???? ????), Furqan, Zikr, Lumière, Direction, Miséricorde, etc., en fait exactement les mêmes appellations qu’il s’applique à lui-même ; (5) que le Coran enseigne que Mahomet a été inspiré par Dieu d’en appeler à la Bible et d’enjoindre les juifs et les chrétiens de la prendre pour guide ; (6) que Mahomet y a, en fait, renvoyé les juifs en tant qu’elle faisait autorité ; (7) que le Coran enjoint aux musulmans d’affirmer leur croyance dans la Bible tout autant que dans le Coran ; (8) et que de très terribles châtiments menacent, dans l’autre monde, ceux qui rejettent soit la Bible, soit le Coran.
 CHAPITRE II

OÙ IL EST DÉMONTRÉ QUE L’ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENTS
N’ONT JAMAIS ÉTÉ ABROGÉS ET QU’ILS NE POURRONT JAMAIS L’ÊTRE
(1) NI DANS LES FAITS QU’ILS RACONTENT, (2) NI DANS LES DOCTRINES QU’ILS EXPOSENT, (3) NI DANS LES PRINCIPES MORAUX QU’ILS ÉTABLISSENT

En conclusion de ce qui a été dit dans le premier chapitre de ce Traité, il apparaît à l’évidence que tous les musulmans qui croient et acceptent vraiment le Coran ont le devoir d’étudier le « Livre de Dieu » – c’est-à-dire les Saintes Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testaments –, de le respecter et de s’y soumettre.

Pourtant, certains refusent d’admettre la justesse de cette conclusion pour différentes raisons : (1) certains affirment que l’Ancien Testament et le Nouveau ont été abrogés ; (2) pour d’autres, les livres actuellement présentés comme la Bible, et que les juifs et chrétiens reconnaissent généralement comme leurs Saintes Écritures, ne sont pas ceux auxquels se réfère en réalité le Coran ; (3) pour d’autres encore, si les Écritures des juifs et des chrétiens sont effectivement celles dont il est question dans le Coran, elles ont, du moins, été altérées et corrompues et, en conséquence, elles ne méritent pas d’être respectées. Nous avons l’intention, avec l’aide de Dieu, de traiter de ces deux dernières objections dans des chapitres ultérieurs. Dans le présent chapitre, nous allons consacrer notre attention à l’étude de cette question : est-il vrai que l’Ancien Testament et le Nouveau – c’est-à-dire la Torah, le ZAbur et l’Injil – ont été abrogés ? Il va de soi que, si cette objection est fondée, tout ce que nous avons dit au chapitre I devra être considéré comme nul et non advenu ; pourtant, dans ces conditions, cela aura un effet défavorable sur l’autorité du Coran lui-même, comme on le comprendra aisément en y réfléchissant.

Il faut en effet rappeler que certains auteurs musulmans affirment expressément que la Bible a été abrogée. Par exemple, voici comment, dans ses commentaires sur le verset 29 de la sourate 9 (At Taubah – L’immunité), Al-Baidhawi explique la phrase : « ceux qui, parmi les gens du Livre, ne pratiquent pas la vraie Religion » [[MK : « qui ne professent pas la croyance de la vérité »]] : « Cela abroge le reste des religions et les annule », affirme Al-Baidhawi, et il parle de « leur religion originelle, qui est abrogée en matière de foi et de comportement » . Semblablement, dans le livre intitulé ???? ????? ??????, on trouve, au chapitre 36, le passage suivant : « Tous les prophètes qui ont vécu au temps de Moïse et après lui ont suivi la voie tracée par Moïse, la voie de sa loi religieuse, obéissant à son livre, jusqu’au temps de Jésus. Et tous les prophètes qui ont vécu au temps de Jésus et après Lui ont suivi la voie tracée par Jésus, la voie de sa loi religieuse, obéissant à son livre, jusqu’au temps de Mahomet. Et la loi religieuse de Mahomet ne sera pas abrogée jusqu’au jour de la Résurrection » .

Ce passage laisse clairement entendre que la loi de Jésus a abrogé la loi de Moïse et que la loi de Mahomet a abrogé celle de Jésus. Et Akhund Mulla Muhammad Taqqi yi Kashani, dans son ouvrage rédigé en persan : ????? ???????? ?? ????? ??????, terminé en 1285 de l’Hégire, écrit p. 66 : « Quant au peuple de l’islam, il a appris que, maintenant, Mahomet est Prophète et que sa religion abroge la religion des prophètes antérieurs » . Chez les musulmans, cette opinion est admise par presque tous les ignorants et par beaucoup d’érudits.

Il convient néanmoins de noter que pas un mot ne vient étayer cette opinion ni dans le Coran, ni, à notre connaissance, dans l’une quelconque des Traditions acceptées que ce soit par les chiites ou par les sunnites.

En fait, c’est une idée à laquelle, globalement, le Coran est totalement opposé. Le verbe nasakha (??????), dans le sens d’« abroger », ne se rencontre que deux fois dans le Coran (aux sourates II, 100 et XXII, 51) et dans aucun de ces deux cas il ne s’applique à une quelconque partie de l’Ancien Testament ou du Nouveau. Au contraire, il est employé pour signifier l’abrogation de certains versets du Coran lui-même, dont les oulémas musulmans disent que 225 d’entre eux ont été été abrogés. Voici ce que dit le verset 100 [[DM 106]] de la sourate 2 (Al Baqarah – La vache) : « Dès que nous abrogeons un verset ou dès que nous le faisons oublier, nous le remplaçons par un autre, meilleur ou semblable. – Ne sais-tu pas que Dieu est puissant sur toute chose ? » Il est vrai que Al-Baidhawi nous dit qu’il y a plusieurs lectures possibles de ce verset, et notamment : « Dès que Nous te faisons oublier un verset ou que Nous l’abrogeons, etc. » , mais cela ne change en rien le sens de cette phrase : elle concerne l’abrogation de certains versets du Coran, et uniquement eux. On en trouve une bonne illustration dans le commentaire que Al-Baidhawi donne  du verset 51 de la sourate 22 (Al Hajj – Le pèlerinage), où il nous raconte comment Dieu a abrogé, dans les versets 19-20 de la sourate 53 (An Najm – L’étoile), les mots : « Ce sont les cygnes exaltés et, en vérité, il faut espérer en leur intercession », mots que Satan avait insidieusement poussé Mahomet à prononcer à propos de al Lat, al ‘Uzza et Manat, trois divinités arabes. La même chose nous est racontée par Yahya’ et Jalalu’din dans leurs commentaires sur le verset 51 de la sourate 22 (Al Hajj - Le pèlerinage), et aussi par Ibn ‘Ishâq dans la Siratu'r Rasul d’Ibn Hishâm (vol. I, pp. 127 sq.). Tabari et le Mawahibu'l Luduniyyah nous disent la même chose. Il ne peut donc y avoir de doute sur ce à quoi se réfèrent, dans ce verset, les mots : « ?????????? ????? ».

Dans le même sens, l’assertion selon laquelle la descente du ZAbur a abrogé la Torah et que, semblablement, l’Injil a abrogé le ZAbur ne trouve aucun fondement ni dans le Coran ni dans les Traditions (??????) ; pourtant, elle est si fréquemment admise et affirmée publiquement chez les musulmans qu’il peut être utile, pour la réfuter, de citer un des livres qu’ils tiennent en haute estime. Dans son ouvrage : Izharu'l Haqq (????? ??????), publié en 1284 de l’Hégire, Vol. I, pp. 11 et 12, cheikh Haji Rahmatu'llah, de Delhi, dit que l’affirmation selon laquelle la Torah a été abrogée par le ZAbur et le ZAbur par l’apparition de l’Injil « est une erreur dont on ne trouve aucune trace ni dans le Coran ni dans les Commentaires ; en fait, on n’en trouve aucune trace dans aucun des livres reconnus comme faisant autorité dans l’islam. Et, à notre avis, le ZAbur n’abroge pas la Torah, et il n’est pas abrogé par l’Injil. David était soumis à la loi de Moïse, et le ZAbur était un recueil de prières. »  Cet auteur affirme que, chez les musulmans, seuls les ignorants et les gens du peuple entretiennent cette idée fausse, qu’il réfute.

Il est vrai qu’une telle notion aberrante ne peut être avancée et défendue que par des gens qui ne connaissent pas bien ni le Coran ni non plus l’Ancien et le Nouveau Testaments. Il suffit en effet d’étudier soigneusement et pieusement la Bible pour comprendre son enseignement et s’apercevoir alors qu’il y a harmonie entre les doctrines de l’Ancien Testament et celles du Nouveau Testament. Ce que nous voulons dire par là, c’est que leur enseignement est donné selon un plan bien défini et que c’est selon ce plan ordonné que la connaissance du Dessein éternel de Dieu est progressivement révélée aux hommes.

L’Ancien Testament nous raconte comment les hommes ont été créés par le Dieu Très-Haut, comment ils sont tombés dans le péché, comment une promesse divine leur a alors été faite de la venue d’un Homme né d’une femme, comment (bien des années plus tard, lorsque toutes les nations se furent écartées de la vérité) Dieu a appelé Abraham et a conclu une alliance avec lui, déclarant que le Sauveur promis naîtrait de sa descendance par Isaac. Il nous est ensuite raconté que cette promesse fut renouvelée à Isaac et à son fils Jacob, que les enfants d’Israël furent, en Égypte et à Canaan, formés à l’œuvre à laquelle Dieu les avait appelés. Nous apprenons aussi comment la Torah fut donnée à Moïse, et c’est dans la Torah que furent enregistrées ces promesses, auxquelles en furent ajoutées d’autres. Des prophètes se sont levés, génération après génération, pour reprocher aux Israélites leurs péchés et pour expliciter la volonté de Dieu. L’un après l’autre, ces prophètes ont donné un enseignement dont la spiritualité s’est progressivement élevée, et ils ont appris aux gens pieux et fidèles à atteindre à une connaissance plus complète de Dieu. L’un après l’autre, les prophètes ont expliqué plus clairement les œuvres du Sauveur à venir, disant à l’avance à quel endroit Il devait naître, ce qu’Il ferait et ce qu’Il devrait souffrir.

Puis le Nouveau Testament raconte comment ces prophéties se sont réalisées et comment le Sauveur a ordonné à Ses disciples de prêcher l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre, de faire de toutes les nations des disciples et d’attendre Son retour, comme Il l’avait promis, pour juger les vivants et les morts, pour rétablir la terre dans sa perfection et pour régner à jamais. Les Actes des Apôtres et les Épîtres nous racontent comment cette œuvre d’évangélisation a été entamée par les Apôtres et les autres disciples. Enfin, le Livre de l’Apocalypse raconte, sous une forme prophétique, la bataille menée par l’Église chrétienne contre Satan et les méchants ainsi que le triomphe ultime du Royaume éternel de Dieu. Ainsi, considérés ensemble, l’Ancien Testament et le Nouveau constituent un système d’instruction sans solution de continuité, une révélation graduelle de l’accomplissement du Dessein gracieux de Dieu et de la victoire finale du bien. La Bible forme une structure remarquable, la Torah constituant l’assise de l’édifice glorieux constitué par les autres livres. Considéré dans son ensemble, cet édifice parfait témoigne de la sagesse, de la justice et de l’amour insondable du Dieu Très-Miséricordieux, Créateur Tout-Puissant de toutes choses.

Dans la Torah, le Dessein gracieux de Dieu pour les hommes est présenté de façon à leur permettre, par la connaissance du Seul Vrai Dieu, d’avoir foi en Lui, de Le servir comme Il désire l’être et, ainsi, de satisfaire leurs aspirations spirituelles et d’atteindre à la béatitude éternelle. Dans les livres des Prophètes et dans le ZAbur, cet enseignement s’élève à des niveaux supérieurs : Dieu nous y montre comment, dès l’origine, Il a formé les enfants d’Israël – malgré leurs innombrables péchés et faiblesses – à être, pour le monde, des enseignants en matière religieuse. C’est ainsi que graduellement, par la voix des prophètes, il a fait comprendre que, en eux-mêmes, les cérémonies et rites extérieurs – dans la plupart des cas repris des païens mais améliorés et provisoirement sanctionnés par la Torah à l’usage d’Israël – n’avaient aucune valeur ni ne constituaient une fin, quoiqu’ils fussent utiles en tant que moyens pour atteindre une fin. Il semble que cette fin ait été double : (1) séparer les Israélites de toutes les autres nations jusqu’à ce que vienne le Rédempteur promis ; (2) leur enseigner que les prescriptions rituelles, quand bien même elles auraient leur origine dans une loi donnée par Dieu (?????), ne pouvaient ni satisfaire les aspirations spirituelles des hommes ni être agréables à Dieu mais qu’elles étaient les ombres et symboles du véritable culte, puisqu’il est établi que ceux qui adorent Dieu doivent L’adorer en esprit et en vérité.

C’est ainsi que Samuel dit : « Yahvé se plaît-il aux holocaustes et aux sacrifices comme à l’obéissance à la parole de Yahvé ? Oui, l’obéissance vaut mieux que les sacrifices, la docilité plus que la graisse des béliers » (I Samuel 15, 22). Dans le livre du prophète Michée, il nous est dit que le roi Balaq lui posa cette question : « Avec quoi me présenterai-je devant Yahvé, me prosternerai-je devant le Dieu de là-haut ? Me présenterai-je avec des holocaustes, avec des veaux d’un an ? Prendra-t-il plaisir à des milliers de béliers, à des libations d’huile par torrents ? Faudra-t-il que j’offre mon aîné pour prix de mon crime, le fruit de mes entrailles pour mon propre péché ? » La réponse que lui donna le prophète montre l’inutilité de tous les sacrifices et de tous les autres rites si l’homme ne consacre pas son cœur et sa vie au service du Dieu vivant : « On t’a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de t’appliquer à marcher avec ton Dieu » (Michée 6, 6-8). Les paroles du Seigneur Jésus-Christ sont en parfaite conformité avec cet enseignement des prophètes de l’Ancien Testament : « Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent l’adorer » (Jean 4, 23-24).

Dès lors que cet enseignement élevé et spirituel eut ainsi été pleinement révélé et que les péchés du monde entier eurent été expiés (cf. I Jean 2, 2), alors des témoins choisis et formés : les Apôtres (??????????) et d’autres disciples du Christ furent envoyés proclamer partout cette bonne nouvelle et inviter tous les hommes à accepter le don gratuit de Dieu : la vie éternelle en Jésus-Christ (cf. Romains 6, 23), leur permettant ainsi de ressusciter de la mort du péché à la vie de justice, et de s’efforcer d’emplir la terre de la connaissance du Seigneur, « comme les eaux couvrent le fond de la mer » (Isaïe 11, 9).

Cette doctrine selon laquelle l’adoration prescrite dans la Torah, par le moyen de sacrifices d’animaux, d’encens et d’autres cérémonies et rites extérieurs, devait, à terme, être remplacé par le culte spirituel dont ces choses étaient les types [[figures]], sans lequel elles n’avaient aucune valeur et qui pourraient facilement devenir nocives (comme la balle ou la coque lorsque la graine ou l’amande se développe pour devenir une plante) n’était pas une doctrine nouvelle : elle avait été clairement enseignée dans plusieurs passages de l’Ancien Testament, par exemple en Jérémie 31, 31-33 : « Voici venir des jours – oracle de Yahvé – où je conclurai avec la maison d’Israël (et la maison de Juda) une alliance nouvelle. Non pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte – mon alliance qu’eux-mêmes ont rompue bien que je fusse leur Maître, oracle de Yahvé ! Mais voici l’alliance que j’ai conclue avec la maison d’Israël après ces jours-là, oracle de Yahvé. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. » Ce passage a inspiré le nom de Nouvelle Alliance (ou Nouveau Testament) qui a été donné à la seconde partie de la Bible.

En Jean 4, 21-24, le Seigneur Jésus enseigne la même leçon, à savoir que les parties temporaires de la Loi (?????) et celles qui concernent les cérémonies et rites juifs devaient disparaître dans la spiritualité plus complète de la Nouvelle Alliance qu’Il allait conclure avec tous ceux qui croiraient en Lui, à quelque nation qu’ils appartinssent. C’est pour cette raison qu’il dit à la Samaritaine : « L’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père (…) Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer » (Jean 4, 21-24). La réponse de la Samaritaine à ces paroles du Christ (cf. Jean 4, 25) montre bien que non seulement les Juifs fidèles (cf. Luc 2, 29-32) mais aussi les plus pieux des Samaritains eux-mêmes avaient compris que le Messie promis inaugurerait cette Nouvelle Alliance.

L’Épître aux Hébreux cite le passage du prophète Jérémie que nous avons cité ci-dessus et fait remarquer que l’annonce de l’« alliance nouvelle » à venir implique que, même à l’époque de Jérémie, il était admis que l’alliance mosaïque était « vieille et vétuste » (Hébreux 8, 13) et qu’elle était donc destinée à être progressivement remplacée par la Nouvelle Alliance, laquelle n’annulerait pas (cf. Romains 3, 31) les types et l’enseignement spirituel de la Torah mais les accomplirait (cf. Matthieu 5, 17-18).

De par sa nature même, la vérité est éternelle et immuable, rien ne peut la changer ni l’abroger. Les vérités éternelles de l’Ancien Testament ne peuvent, nécessairement, que rester vraies à jamais. La Nouvelle Alliance ne les a pas abolies mais les a enseignées plus clairement, elle les a présentées sous une forme convenant à tous les hommes de tous les temps. L’Ancienne Alliance avait été conclue avec le seul Israël et elle devait rester en vigueur jusqu’au moment où elle serait accomplie dans la venue du Messie et l’établissement de Son Royaume. Alors, ainsi que l’avait prophétisé Jérémie, la Nouvelle Alliance devait être conclue avec tous ceux qui croiraient vraiment au Christ, avec l’Israël spirituel, l’Israël de Dieu, indifféremment Juifs et Gentils de naissance. Ce serait donc une Alliance à l’échelle du monde entier, à la différence de l’Alliance mosaïque. Celle-ci en effet, comme nous l’avons vu, était limitée dans ses parties temporaires, ses rites et ses prescriptions, à ceux-là seuls qui appartenaient à une nation particulière que Dieu formait à être, par ce moyen, les disciples du Messie promis et, par Sa grâce, ceux qui instruiraient le monde entier en matière religieuse. Lorsque le moment fut venu, la cosse tomba, la semence se développa et devint une plante, un arbre, quelque chose qui ne pouvait plus être contenue dans les étroites limites de la cosse. Mais la semence ne fut pas détruite ni remplacée par une autre plante : elle devint un arbre, ce qui est très différent.

Aussi est-il inexact de dire que l’Ancien Testament a été abrogé par le Nouveau, sinon peut-être pour ce qui concerne les parties locales et temporaires de ses rituels, lesquels n’étaient prescrits qu’aux seuls Juifs, et encore : pour un temps seulement. La cosse est tombée, libérant la semence, mais celle-ci a germé, la plante a poussé et est arrivée à maturité et, maintenant encore, elle porte du fruit à la gloire de Dieu. Soulignons-le encore : dire cela, c’est très différent que de dire que la Torah a été abrogée par l’Évangile, sauf à dire que l’épi de blé détruit la semence dont il provient. Il ne la détruit pas, sinon il n’y aurait pas une pousse nouvelle pour se développer. Cette pousse, c’est la preuve de la survie de la semence sous une forme plus vigoureuse. Ce n’est pas la destruction mais le développement du germe dont elle est issue. Seule la cosse tombe à terre parce qu’elle a fait son œuvre dès lors que la jeune pousse perce la terre et commence à boire dans le soleil qui, du haut du ciel, l’inonde de ses rayons.

N’oublions pas que les préceptes de la Torah relèvent de deux catégories : (1) ceux qui concernent les rites et cérémonies et (2) ceux qui relèvent de la morale. Les préceptes appartenant la première catégorie n’étaient imposés qu’à la seule nation juive – et d’ailleurs, pour la plupart, ils ne le furent que lorsque la Loi (?????) fut donnée au Sinaï.  De façon générale, ils ne furent pas imposés à Abraham : le seul à l’être fut le précepte concernant la circoncision (il y en eut peut-être d’autres). C’est là un fait admis par tous. Il est très important parce qu’il montre que ces préceptes ne furent pas toujours des obligations, même pour les descendants d’Abraham, et encore moins pour les autres hommes. Dans la Torah, nous apprenons qu’ils furent donnés plusieurs centaines d’années après l’époque d’Abraham. Comme nous l’avons dit, il semble qu’ils aient été donnés, essentiellement, pour deux raisons : (1) pour faire ressortir la distinction entre les enfants d’Israël et toutes les autres nations en attendant que fût établi le Royaume du Messie : ainsi, ces préceptes avaient pour fonction de tenir les juifs à l’écart de la tentation l’idolâtrie pratiquée par le reste du monde ; (2) pour leur faire apprendre par expérience que même des cérémonies et rites sanctionnés par Dieu ne pouvaient satisfaire les besoins spirituels de l’homme, même s’ils comportaient un certain sens spirituel, qu’il fallait rechercher. Cette quête devait les préparer au culte spirituel supérieur dont les prophètes ont beaucoup parlé dans leurs enseignements (cf. Psaume 51, 16-17) et qui fut pleinement établi par le Seigneur Jésus Christ. Dieu n’a jamais imposé aux Gentils les préceptes de la Loi juive relatifs aux rituels. Même pour les juifs, ces préceptes ont cessé d’être obligatoires lorsque le Royaume du Christ eut été établi par Sa résurrection d’entre les morts.

Par contre, pour ce qui est des préceptes relatifs à la morale, ils constituent une obligation éternelle (??? ? ????) pour tous les hommes, en quelque lieu qu’ils vivent. Ils ont été inclus dans la shari’at (Loi) donnée sur le mont Sinaï mais, depuis la création d’Adam, ils ont toujours été impératifs pour tous les hommes, et ils le resteront à jamais. Selon la Loi de Dieu, il n’a jamais été licite de commettre l’adultère, de voler, de tuer, d’être idolâtre et d’adorer quelque dieu autre que le Seul Vrai Dieu. Étant donné qu’elle est en accord avec la Très-Sainte nature de Dieu (???), cette Loi morale est donc éternelle, elle est valide en tout temps et elle ne peut être abrogée. Il s’ensuit qu’il est évidemment erroné de prétendre que l’Injil a abrogé la Torah : le croire, c’est méconnaître cette dernière. L’Injil n’a pas abrogé la Torah : au contraire, elle forme le complément de la Torah et parachève son enseignement. Cela explique que le Nouveau Testament cite et explique tant de versets de l’Ancien Testament. Dans ce sens, l’Injil confirme véritablement la Torah, ainsi d’ailleurs que l’affirme le Coran : « Nous avons envoyé, à la suite des prophètes, Jésus, fils de Marie, pour confirmer ce qui était avant lui, de la Tora. Nous lui avons donné l’Évangile » (sourate 5, Al Ma’idah, v. 50 [[DM 46]]).

Il nous faut bien répéter que les préceptes de l’Ancien Testament qui ne sont pas imposés aux chrétiens sont uniquement ceux qui touchent au cérémonial et que les cérémonies et rites imposés ne le furent qu’aux Israélites sur le mont Sinaï. Et ces préceptes ne sont eux-mêmes pas annulés par l’Évangile : ils sont accomplis, parachevés. Par exemple, dans la Torah, Dieu a sanctionné et réglementé la très ancienne coutume du sacrifice d’animaux, laquelle, depuis les temps les plus anciens, était commune à toutes les nations. La Torah prescrivait que différents animaux devaient être offerts à différentes occasions et à des fins diverses. L’une de ces fins était l’expiation des péchés. Pourtant, il est bien clair que le sacrifice d’animaux ne peut jamais effacer le péché de l’homme ; c’est pourquoi le prophète David a dit : « Car tu ne prends aucun plaisir au sacrifice ; un holocauste, tu n’en veux pas » (Psaume 51, 18). Ce que nous lisons dans l’Épître aux Hébreux correspond parfaitement à cette idée : « N’ayant, en effet, que l’ombre des biens à venir, non l’image même des réalités, la Loi est absolument impuissante, avec ces sacrifices, toujours les mêmes, que l’on offre perpétuellement d’année en année, à rendre parfaits ceux qui s’approchent de Dieu. Autrement, n’aurait-on pas cessé de les offrir puisque les officiants de ce culte, purifiés une fois pour toutes, n’auraient plus conscience d’aucun péché ? Bien au contraire, par ces sacrifices eux-mêmes, on rappelle chaque année le souvenir des péchés. En effet, du sang de taureau et de boucs est impuissant à enlever des péchés. C’est pourquoi, en entrant dans ce monde, le Christ a dit : "Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit : ‘Voici, je viens’, car c’est de moi qu’il est question dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, ta volonté." Il commence par dire : "Sacrifices, oblations, holocaustes, sacrifices pour les péchés, tu ne les as pas voulus ni agréés" – et cependant ils sont offerts d’après la Loi –, alors il déclare : "Voici, je viens pour faire ta volonté". Il abroge le premier régime pour fonder le second. Et c’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par l’oblation du corps de Jésus Christ, une fois pour toutes » (Hébreux 10, 1-10).

Le prophète Isaïe a montré à l’avance le sens spirituel de ces sacrifices d’animaux dans sa merveilleuse prophétie de l’Agneau de Dieu (Isaïe 52, 13 – 53, 12) qui, dans le « dessein éternel » de Dieu a été « immolé, dès la fondation du monde » (Apocalypse 13, 8 [[CC]]). Du fait que ce sacrifice unique, parfait et suffisant, a été offert une fois pour les péchés du monde entier, les sacrifices d’animaux – qui n’étaient que des types et des ombres de ce sacrifice – ne sont plus nécessaires. C’est pourquoi les chrétiens n’en offrent aucun. Non plus que les juifs d’ailleurs puisque leur Loi leur interdit d’offrir des sacrifices ailleurs qu’à Jérusalem, où était le Temple ; et comme la mosquée d’Omar occupe maintenant l’emplacement où il se dressait, ce sont les musulmans eux-mêmes qui empêchent les juifs d’y offrir leurs sacrifices. Cependant, plutôt que d’immoler des animaux en sacrifice, les chrétiens ont le devoir de s’offrir eux-mêmes, corps, âme et esprit, d’être un « sacrifice raisonnable » [[« ??????????????? » Romains 12, 1]], saint » et vivant au Dieu Vivant, accomplissant ainsi le sens sous-jacent des holocaustes de la Loi mosaïque (comp. Romains 12, 1-2 : 1 Pierre 2, 15).

Dans le même sens, la Torah prescrit des ablutions du corps ; sans doute y avait-il, à cela, deux raisons. D’une part, Dieu veut que nous gardions notre corps propre et sain, car c’est Lui qui l’a fait. La saleté du corps mène généralement à la souillure de l’esprit. D’autre part, il s’agit que l’homme apprenne par expérience que laver son corps ne purifie pas l’âme des péchés commis, ni l’esprit des pensées et désirs mauvais. Il s’ensuit que, à l’évidence, il apparaissait aux juifs que leurs ablutions étaient inefficaces pour satisfaire le besoin de sainteté qu’éprouve notre esprit et sans laquelle nul ne peut voir le Seigneur ; qu’il ne s’agissait que de types et d’ombres d’une purification authentique et spirituelle, laquelle ne peut être obtenue que par le sang de l’Agneau de Dieu qui, par notre foi en Lui, purifie notre âme de toute souillure. C’est pourquoi le vrai chrétien devra se conformer au précepte de l’Apôtre qui dit : « Purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, achevant de nous sanctifier dans la crainte de Dieu » (2 Corinthiens 7, 1). La purification du corps et celle de l’âme sont toutes deux nécessaires mais celle-là est incapable de réaliser celle-ci.

Dans le même sens, la Torah prescrit que les sacrifices ne devront être offerts à Dieu qu’en un seul lieu (cf. Deutéronome 12, 13-14), le lieu « choisi par Yahvé (…) pour y placer son nom » afin qu’il puisse être considéré, dans un sens typique, comme le lieu qu’Il a choisi « pour y faire sa demeure » (Deutéronome 12, 5). Ce lieu, ce fut d’abord Silo (cf. Josué 18, 1), puis Jérusalem. Pourtant, le roi Salomon, qui construisit le Temple, a affirmé que ce n’était pas vraiment la demeure de Dieu mais seulement un signe de la présence de Dieu parmi Son peuple ; il a en effet dit : « Mais Dieu habiterait-il vraiment sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j’ai construite ! » (1 Rois 8, 27). Isaïe enseignait la même doctrine : nous lisons en effet dans son livre : « Car ainsi parle le Très-Haut, qui habite une demeure éternelle et s’appelle le Saint : "J’habite dans un lieu haut et saint, et en même temps avec l’homme contrit et humble d’esprit, pour rendre la vie à l’esprit des humbles, pour rendre la vie aux cœurs contrits » (Isaïe 57, 15). Comme nous l’avons vu, Notre Seigneur Jésus-Christ enseignait que l’acceptabilité du culte ne dépend pas du lieu mais de l’esprit de celui qui adore (cf. Jean 4, 21-24).

Nous avons également vu que, après que le Christ se fut Lui-même offert à Jérusalem dans le sacrifice parfait et unique, les autres sacrifices, tels qu’offerts précédemment, n’avaient plus aucune raison d’être. Il s’ensuit qu’il n’y avait plus, sur la terre, aucun lieu particulier où ils dussent être offerts. La Nouvelle Alliance a admis ceux qui croient au Christ, à quelque nation qu’ils appartiennent, à bénéficier de tous les privilèges et bénédictions qu’elle implique. Le vrai chrétien doit donc s’offrir lui-même à Dieu non pas en un lieu particulier mais dans une Personne particulière ; en d’autres termes, il doit être un sacrifice vivant offert à Dieu dans le Christ. C’est ainsi que l’ancien commandement relatif au sacrifice a été accompli en ce sens qu’un sens nouveau et plus élevé lui a été donné. Et cela s’est passé au moment où l’obéissance à ce commandement, dans son sens littéral, n’était plus ni nécessaire, ni bénéfique, ni même possible.

La Torah enjoignait aux juifs de célébrer, en particulier, trois fêtes ; il était ainsi prescrit que « toute la population mâle » (Exode 23, 14-17) devait se présenter trois fois par an devant le Seigneur « au lieu qu’il aura choisi » pour faire demeurer Son Nom (Deutéronome 16, 16). Mais, au fil des temps, les juifs en vinrent à oublier complètement l’exigence de la révérence intérieure et de la sainteté et à considérer que la simple observance extérieure de ces fêtes et le pèlerinage à Jérusalem suffisaient à satisfaire le Dieu Très-Haut et permettaient d’accumuler des mérites. C’est pourquoi Dieu envoya Ses prophètes pour déclarer aux juifs que, considérées de cette manière, ces choses étaient abominables à Ses yeux (cf. Isaïe 1, 14-17 ; Amos, v. 21). La seule chose vraiment nécessaire, c’était de s’approcher de Dieu en esprit. Le Nouveau Testament précise que, pour cela, il faut avoir une foi vivante en l’Expiation réalisée par le Christ (cf. Colossiens 1, 20-22 sq. ; Hébreux 10, 19-22).

La Torah prescrivait la circoncision comme un signe de l’alliance conclue entre Dieu d’un côté et Abraham et ses descendants de l’autre. Mais cela impliquait que ceux qui recevait ce sceau de la circoncision s’engageaient, par là, à croire en la promesse que Quelqu’un de la descendance d’Abraham, par son fils Isaac, serait la cause de l’effusion de la bénédiction divine sur toutes les nations (cf. Genèse 17, 10-14 ; 18, 18 ; 22, 18 ; 26, 4). Par la voix de Moïse, ce même commandement fut donné une fois encore à Israël (cf. Lévitique 12, 3), même si le but recherché n’était alors plus de distinguer les Israélites des païens puisque ces derniers étaient nombreux à être circoncis. Sans doute s’agissait-il d’enseigner au peuple de Dieu la nécessité de s’arracher du cœur tout désir des sens. C’est pourquoi est donné, dans la Torah elle-même, ce commandement : « Circoncisez votre cœur » (Deutéronome 10, 16). Il est explicité en Deutéronome 20, 6, où il est dit aux Israélites que seul l’amour de Dieu repoussera les désirs de leurs sens et purifiera leur cœur. Le Nouveau Testament n’enseigne pas autre chose (cf. Romains 2, 25-29). Lorsque, par le Christ, Dieu a conclu une Nouvelle Alliance avec les croyants de toutes les nations, un nouveau signe de l’alliance fut établi : le baptême (cf. Matthieu 28, 19). Ce signe peut être donné à tous, hommes et femmes, vieux et jeunes, et il enseigne la même leçon de pureté. Du fait qu’il s’agissait d’une Alliance nouvelle, il était nécessaire que le signe fût changé. Il fallait également distinguer les chrétiens non seulement des juifs mais aussi de ceux des païens qui pratiquaient la circoncision. Mais, plus que jamais, l’accent était mis sur l’indispensable pureté du cœur et de la vie (cf. Colossiens 3, 5-17).

Il y a bien d’autres rites et cérémonies de la Loi juive qui, de la même manière, avaient pour but de donner un enseignement spirituel. Une fois cet enseignement acquis, l’observance extérieure de ces rites n’était plus nécessaire ; en fait, elle pouvait même avoir un effet pernicieux puisque les juifs qui rejetaient Jésus observaient ces préceptes et pensaient gagner le salut par ce moyen. Donc, à y réfléchir, il est bien évident que, en la matière, l’Injil n’a pas abrogé la Torah : il a plutôt explicité le sens spirituel des préceptes de la Loi relatifs aux rites et cérémonies, insistant sur la nécessité d’offrir à Dieu ce culte spirituel. C’est dans ce sens que le Christ Lui-même a dit : « N’allez pas croire que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais parfaire [[accomplir]]. Car je vous le dis, en vérité : avant que ne passent le ciel et la terre, un seul iota ni un seul trait de la Loi ne passera, que tout ne soit accompli » (Matthieu, 5, 17-18). Ce que nous venons de dire devrait suffire pour montrer quelle est la position du christianisme à l’égard de la Loi juive relative aux rites et cérémonies.

Par ailleurs, pour ce qui est de la Loi morale, ainsi que nous l’avons dit, il est de la nature des choses qu’elle ne peut jamais être abolie. Loin d’abroger la Loi morale telle qu’enseignée dans l’Ancien Testament, la Nouvelle Alliance a élargi et approfondi sa signification et ses exigences. Par exemple, dans la Torah, le meurtre était interdit (cf. Exode 20, 13 ; Deutéronome 5, 17) ; mais le Christ a déclaré que l’on transgresse ce commandement non seulement lorsqu’on tue un être humain mais encore lorsqu’on entretient dans son cœur des sentiments de colère qui, s’ils n’étaient réprimés, mèneraient au désir de tuer (cf. Matthieu 5, 21-22). Dans la Torah, Dieu avait interdit l’adultère (cf. Exode 20, 14 ; Deutéronome, 5, 18) ; mais le Christ a déclaré que, aux yeux de Dieu, une pensée ou un regard concupiscents constituent une violation de cette loi (cf. Matthieu 5, 27-28). Il a également dit que, si Moïse avait permis le divorce en raison de la « dureté du cœur » [[Matthieu 19, 7]] des hommes, ceux qui pratiquaient le divorce pour des raisons autres que celle qui le rendait nécessaire étaient coupables d’adultère ou exposaient d’autres personnes à le commettre (cf. Matthieu 5, 31-32).

La Torah interdisait aux gens de se parjurer mais leur ordonnait, lorsqu’ils prêtaient serment, de le faire au nom de Dieu et de s’y tenir (cf. Exode 20, 7 ; Lévitique 19, 12 ; Deutéronome 6, 13). À l’époque de Notre-Seigneur, les Israélites étaient accoutumés à jurer à la légère dans la conversation courante. Le Christ leur dit que le besoin de jurer était fondamentalement mauvais, qu’il venait de l’habitude qu’avaient les gens de dire des mensonges. Il leur enjoignait de s’abstenir complètement de ces serments pris à la légère et de toujours dire la vérité, sans jurer (cf. Matthieu, 5, 33-37).

La Torah ordonne : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19, 18). Les juifs appliquaient cette règle à ceux qui appartenaient à leur nation et, dans la conversation courante, ils ajoutaient habituellement ces mots : « et tu haïras ton ennemi ». Le Christ nous commande d’aimer même nos ennemis (cf. Matthieu 5, 43-48). À l’époque de Moïse, il est probable que les meilleurs des hommes, ceux qui « craignaient Dieu » le plus, avaient beaucoup de mal à réprimer leur colère et à s’empêcher de tuer lorsqu’ils se sentaient offensés.

Il était tout aussi difficile d’obéir aux autres commandements qui interdisaient le vol, l’adultère et la concupiscence. Mais il se peut que, à l’époque du Christ, l’influence du Saint Esprit de Dieu et l’enseignement des prophètes aient fait que tous les juifs, à l’exception des pires d’entre eux, étaient désormais capables de les respecter. Aussi le temps était-il venu de faire progresser l’enseignement de la Loi morale et de montrer à quel point ses impératifs étaient beaucoup plus exigeants que ne l’imaginaient même les meilleurs des Israélites. La vie et l’exemple du Christ mais aussi la grâce du Saint-Esprit permettaient même aux plus humbles de Ses vrais disciples de se hisser à un niveau d’obéissance à la Loi morale supérieur à tout ce que les meilleurs des hommes avaient fait jusque-là.

La Loi de Moïse interdisait les actions mauvaises ; celle du Christ interdit non seulement les actions mauvaises mais jusqu’aux pensées mauvaises. La Loi de Moïse était négative ; en d’autres termes, son enseignement reposait essentiellement sur des interdictions. La Loi du Christ est positive : elle ne se contente pas de dire : « Tu ne dois pas faire ce qui est mal » mais elle dit : « Tu dois faire ce qui est bien ». Selon la Loi mosaïque, les hommes étaient condamnés pour avoir fait le mal ; selon la Loi du Christ, les hommes sont condamnés pour n’avoir pas fait le bien. C’est pourquoi, dans l’une de Ses paraboles, le Christ blâme le prêtre et le lévite qui n’ont pas secouru l’homme blessé par des brigands (cf. Luc 10, 30-37) ; dans une autre, il blâme le serviteur qui a caché dans un linge la pièce d’argent qu’il aurait dû faire fructifier au profit de son maître (cf. Luc 18, 20-25). La Loi de Moïse interdisait aux Israélites de se mélanger aux païens et, en suivant leur mauvais exemple, de tomber dans l’idolâtrie et d’autres péchés. La Loi du Christ n’interdit pas seulement aux chrétiens de se soumettre aux opinions des non-croyants et de les imiter : elle impose aux chrétiens de faire de toutes les nations des disciples et de leur enseigner la connaissance du Vrai Dieu.

Sur un point, il y a une différence nécessaire entre l’Ancien Testament et le Nouveau : l’Ancien Testament enseignait aux hommes qu’ils étaient des pécheurs aux yeux de Dieu et il leur enjoignait de se préparer à la venue d’un Sauveur, qui naîtrait d’une Vierge, à Bethléem, et qui ferait de Sa vie une offrande pour les péchés de Son peuple. Le Nouveau Testament, quant à lui, annonce aux hommes que cette promesse est désormais accomplie et il leur enjoint de croire en Celui qui a offert un sacrifice complet, parfait et suffisant en expiation pour les péchés du monde entier. Mais, ici encore, cette différence n’est que le parachèvement d’une œuvre entamée dans la Révélation antérieure.

Certains pourront penser que, avec la progression graduelle mais constante de la connaissance et de la civilisation, la religion qui était appropriée à l’époque de Moïse était dépassée et vétuste à celle du Christ, et que, semblablement, la religion enseignée par le Christ avait, à l’époque de Mahomet – six siècles plus tard –, vieilli au point qu’elle devait être supplantée par l’islam.

À cela, il y a trois réponses : (1) Il se peut que les cérémonies et rites religieux vieillissent et même que, quoiqu’ayant été utiles au départ, ils deviennent, à terme, inutiles sinon même nocifs lorsque les circonstances ont changé et que l’on a complètement oublié leur signification spirituelle. Mais, tout comme la Loi morale, les principes de la Vraie Religion sont immuables. S’ils ont été vrais à une époque, ils sont nécessairement vrais à toutes les époques. Les principes de la Loi mosaïque étaient vrais à l’époque d’Adam, à l’époque d’Abraham, à l’époque du Christ ; ils sont encore vrais aujourd’hui et le resteront jusqu’au jour de la Résurrection et même au-delà. C’est pourquoi l’essence de la vraie Religion ne peut jamais changer, ni être dépassée et caduque.

(2) Si les progrès de la connaissance et de la civilisation impliquent nécessairement une évolution correspondante des idées et pratiques religieuses, et si nous admettons (ce qui n’est pas le cas) que, à l’époque de Mahomet et dans le pays où il vivait, la connaissance et la conscience étaient bien supérieures à ce qu’elles étaient en Palestine au temps du Christ, il est alors manifeste que, pour correspondre à une époque plus avancée et pour pouvoir prétendre être la Révélation ultime de Dieu, l’islam doit à tout le moins – dans les domaines de la morale, de la spiritualité et de la liberté par rapport à une multitude de cérémonies, observances et rites purement locaux – être tout autant supérieur au christianisme que celui-ci l’est, dans ces domaines, par rapport au judaïsme. Quant à savoir si c’est vraiment le cas, laissons-en juges ceux qui connaissent bien les enseignements de l’Ancien Testament, du Nouveau Testament et du Coran.

(3) À quelque époque que ce soit, la nature humaine est toujours la même, éprouvant les mêmes besoins et aspirations et sujette aux mêmes corruptions. C’est pourquoi elle a besoin, en tout temps, d’être purifiée par l’influence de l’Esprit Saint de Dieu. À quelque époque qu’il vive, l’homme est enclin au péché, et il s’agit de l’attirer vers Dieu. Cela, seule peut le faire la révélation de l’amour de Dieu. L’Apôtre a dit : « Nous donc, aimons Dieu, puisque Dieu nous a aimés le premier » [[1 Jean 4, 10 - CC]] : c’est là, en fait, l’expression du degré le plus sublime que l’on puisse concevoir du rapprochement de l’homme à Dieu et de sa réconciliation avec son Créateur. En matière religieuse, l’esprit humain ne saurait imaginer un appel à une partie plus sublime et plus désintéressée de la nature humaine que celle qui est ainsi impliquée et activée au service de Dieu par la foi dans le Christ.

Redisons-le : l’idée selon laquelle la Bible aurait été abrogée ne repose sur rien, elle est au contraire battue en brèche, dans la Bible, par les déclarations claires et nettes des prophètes et apôtres de Dieu et par celles du Christ Lui-même telles que rapportées dans la Bible. Pour ce qui est de l’Ancien Testament, Isaïe, par exemple, dit : « L’herbe se dessèche, la fleur se fane, mais la parole de notre Dieu subsiste à jamais » (Isaïe 40, 8). Le Seigneur Jésus-Christ enseigne la même vérité, à savoir que l’Ancien Testament ne sera pas abrogé mais que la plus petite chose essentielle qu’il contient demeurera en vigueur au moins aussi longtemps que le monde durera (cf. Matthieu 5, 18). Pour ce qui est des Ses paroles (?????) à Lui, Il dit la même chose : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point » (Matthieu 24, 35 ; comp. Marc 13, 31 ; Luc 21, 33).

Certains ont prétendu que, ici, le Christ affirmait simplement que Ses paroles demeureraient jusqu’à la prise de Jérusalem par Titus (en l’an 70). Mais il suffit d’étudier les trois versions de cette déclaration (cf. Matthieu 24, 30-31 ; Marc 13, 26-27 ; Luc 21, 27-28) pour constater que, juste avant de prononcer ces paroles, Il a parlé de Son Retour, du Jour de la Résurrection et du Jugement Dernier. C’est en relation avec ces événements terribles qu’Il affirme que, même après Lui, Ses paroles demeureront (Matthieu 24, 35, par.). Cette explication est confirmée par ce que dit le Christ dans l’évangile de saint Jean : « Qui me rejette et n’accueille pas mes paroles a son juge : la parole que j’ai fait entendre, c’est elle qui le jugera au dernier jour » (Jean 12, 48). Ces paroles ne peuvent donner lieu à aucun malentendu : à la fin, nous serons tous jugés par Ses paroles. Il s’ensuit que l’enseignement qu’Il donne dans l’Injil n’est pas abrogé et qu’il ne peut être abrogé.

Plus encore, il nous est dit que si quiconque, fût-ce un ange venu du ciel, essayait de remplacer l’Évangile du Christ par un autre message qui prétendrait venir de Dieu, celui-là, « qu’il soit anathème ! » (Galates 1, 8-9). C’est la raison pour laquelle les chrétiens vrais et instruits n’ont pas été séduits par Mani lorsqu’il prétendit être le Paraclet, et c’est aussi pourquoi ils n’ont jamais attendu une nouvelle Révélation du ciel après celle contenue dans le Nouveau Testament. Concernant ces affirmations du Christ à propos de la permanence de Son message, il convient de faire une nette distinction entre deux choses : la préservation de chaque parole (???) qu’Il a prononcée et celle de tout mot particulier (???) écrit dans l’Ancien ou le Nouveau Testaments. Nul spécialiste ne confondra ???? [mots] et ????? [paroles]. Il y a plusieurs façons de lire et de comprendre l’Ancien et le Nouveau Testaments, comme c’est le cas aussi du Coran et de tous les livres anciens. Mais, à elles toutes, ces différentes lectures n’affectent en aucune manière le sens d’une seule doctrine, d’un seul précepte moral de l’un et l’autre Testaments.

Certains ont prétendu que les paroles du Christ impliquaient que les parties de la Loi mosaïque relatives aux rituels ne devaient jamais être abrogées ; mais nous avons déjà répondu à cette objection. Les préceptes de la Torah relatifs aux rituels n’ont pas été abrogés : ils ont été accomplis [[parfaits, parachevés]], comme le Christ l’a Lui-même enseigné (cf. Matthieu 5, 17). À titre d’exemple, on notera ce qu’Il dit à propos du jeûne, pratique qui n’a jamais été interdite par un quelconque prophète mais qui n’a nulle part non plus été rendue expressément obligatoire, et qui était tenue en haute estime par les Juifs (cf. Matthieu 6, 16-18).

Certains ont prétendu que le commandement que le Christ avait Lui-même donné en Matthieu 10, 5 [[« N’allez point vers les Gentils, et n’entrez dans aucune ville des Samaritains » – CC]] et ce qu’Il en a dit en Matthieu 15, 24 [[« Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues le la maison d’Israël »]] ont été abrogés par Matthieu 28, 19-20 [[« Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit »]]. Mais il est faux de dire que des préceptes temporaires sont abrogés lorsqu’ils sont parachevés ; et la déclaration dont il est question ici est corroborée par le fait que, sauf dans le cas mentionné en Matthieu 15, 24, Il n’a (apparemment) pas franchi les limites de la Palestine au cours de Sa vie sur la terre.

Si maintenant nous considérons les faits mentionnés dans la Bible, nous constatons qu’eux non plus ne peuvent être abrogés ; à l’évidence, quand on y réfléchit, un fait affirmé est soit vrai, soit faux. Peut-être aurons-nous besoin de preuves pour établir sa réalité mais on ne peut déclarer irréel ce qui est réel, et ce qui s’est passé ne peut être effacé des pages de l’histoire du monde comme si cela n’était jamais arrivé. Sur ce point, il est inutile d’en dire davantage.

En conclusion, donc, nous avons clairement prouvé que, de par leur nature même, les enseignements essentiels de l’Ancien et du Nouveau Testaments ne peuvent en aucune manière être modifiés ou annulés, parce que la Volonté et la Nature de Dieu sont immuables, libres de tout changement ou altération. Il s’ensuit que, à toutes les époques, la Voie du Salut est la même et, au dernier jour, tous les hommes seront jugés à l’aune des enseignements du Christ – ce jour dont Abraham exulta à la pensée de le voir  avec les yeux de la foi –, ce Christ par la seule foi en qui même Abraham et tous les prophètes eux-mêmes ont pu obtenir le salut.
 CHAPITRE III

L’ANCIEN TESTAMENT ET LE NOUVEAU TESTAMENT TELS QUE NOUS LES CONNAISSONS AUJOURD’HUI SONT CEUX QUE POSSÉDAIENT LES JUIFS ET LES CHRÉTIENS À L’ÉPOQUE DE MAHOMET ET DONT TÉMOIGNE LE CORAN

Dans ce chapitre et dans le suivant, nous avons l’intention d’étudier les questions suivantes : les livres de l’Ancien Testament qu’utilisent actuellement les juifs et les chrétiens sont-ils ceux qui existaient à l’époque de Mahomet ? Et, si c’est bien le cas, ont-ils été corrompus (??????) ou modifiés à un degré plus ou moins important ? Avant d’examiner les faits avérés, supposons, pour l’instant, que soit exacte l’une ou l’autre de deux affirmations si répandues parmi les ignorants dans les pays musulmans, à savoir que (1) les Écritures que nous connaissons aujourd’hui ne sont pas les mêmes qu’au temps de Mahomet, ou alors que (2) elles sont tellement corrompues qu’on ne peut pas y ajouter foi. Dans l’un et l’autre cas, la condition des hommes est des plus misérables : notre raison perçoit en effet clairement que la Parole de Dieu (???? ????) est tout aussi immuable que Sa volonté. Cette Parole a été exprimée par la voix des Prophètes – ainsi que le Coran lui-même l’enseigne – et il est enjoint aux musulmans d’y ajouter foi (sourates 2, 130 et 3, 78 [[« Dites : "Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux tribus ; à ce qui a été donné à Moïse et à Jésus ; à ce qui a été donné aux prophètes, de la part de leur Seigneur. Nous n’avons de préférence pour aucun d’entre eux ; nous sommes soumis à Dieu" » (DM 2, 136 et 3, 84)]].

Si donc cette Parole de Dieu a complètement disparu de chez les hommes ou a été corrompue à un tel point que l’on ne peut plus s’y fier, comme les races des hommes sont misérables et combien le Coran a échoué dans sa mission d’en être le ????????? (Protecteur) !  Qu’est donc réellement le Coran et comment les musulmans peuvent-ils s’y fier, même à lui, s’il n’a pas pu remplir la mission que lui a confiée Dieu, comme ils en sont convaincus ?

Mais, Dieu merci, la Parole de Dieu ni n’a péri ni n’a été corrompue. C’est Dieu Lui-même qui en a été le « préservateur » ou « protecteur ». Même le Coran aide les musulmans qui cherchent la vérité à reconnaître que la Bible est la Parole de Dieu.

Pourtant, curieusement, c’est souvent à nous, les chrétiens, qu’il incombe en l’occurrence d’affirmer que ce que dit le Coran à propos de la Bible est exact et, ce faisant, nous sommes amenés à défendre le Coran contre certains musulmans eux-mêmes qui ne se rendent pas compte que, en attaquant la Bible, c’est le Coran lui-même qu’on attaque – lui qui le « confirme » et le « protège » – et qui, ce faisant, portent préjudice, par leur irréflexion, au Livre qu’eux-mêmes vénèrent.

Par exemple, cheikh Haji Rahmatu’llah de Delhi nous dit, dans son Izharu'l Haqq (????? ??????) publié à Delhi en 1284 de l’Hégire, que, en 1270 de l’Hégire, réunis à Delhi, certains oulémas ont publié une fatwa dans laquelle ils disaient : « Cette collection (de livres) actuellement connue sous le nom de Nouveau Testament n’est pas admise chez nous ; et ce n’est pas l’Injil qui est mentionné dans le Coran mais au contraire, à notre avis, ce dernier reprend la Parole qui a été envoyée [[du ciel]] à Jésus » . Par préjugé, Rahmatu’llah lui-même est tombé dans la même erreur car il dit : « La Torah originelle tout comme l’Injil originel se sont perdus avant la mission de Mahomet, et ceux qui existent actuellement sont comme des ouvrages d’imagination composés d’anecdotes vraies et fausses ; et nous ne disons pas qu’ils ont existé dans leur authenticité jusqu’à la communication au Prophète et que c’est ensuite qu’ils ont tous deux été victimes d’une falsification. En aucune manière ».  Bien entendu, lorsqu’il parle de « la Torah originelle » et de « l’Injil originel », l’auteur ne veut pas vouloir parler des manuscrits originels car, comme ceux du Coran, ils ont disparu. Sans doute veut-il parler du texte authentique et réel de ces manuscrits. Il s’ensuit que son affirmation est fausse, comme l’admettront aujourd’hui non seulement les chrétiens mais aussi presque tous les musulmans instruits de l’Inde. Dans l’ancien temps, l’ignorance et l’erreur sur ce sujet pouvaient dans une certaine mesure s’excuser, mais certainement plus aujourd’hui.

Cheikh Rahmatu’llah cherche à faire croire à l’ignorant que la Torah a complètement disparu lorsque le Temple fut détruit par Nabuchodonosor en 587 av. J.-C. Pour le prouver, il cite un livre apocryphe appelé par certains le Second Livre d’Esdras et par d’autres le Quatrième Livre d’Esdras, et il voudrait faire croire aux musulmans qu’Esdras – c’est-à-dire Ezra (??????) – aurait compilé un ouvrage et prétendu que ce serait la véritable et authentique Torah de Moïse.  Mais, quand nous lisons le livre sans valeur auquel ce cheikh nous renvoie, nous n’y trouvons rien qui confirme cette affirmation. Au contraire, ce livre nous informe qu’Esdras a fait écrire par ses scribes « tout ce qui a été fait dans le monde, depuis le début, qui était écrit dans Ta Loi » (chapitre 14, 21-22) [[IV Esdras, in : Ecrits intertestamentaires, Gallimard-NRF, Paris 1987]]. En d’autres termes, selon ce texte, Ezra était un hafiz de la Torah et, lorsqu’il a dicté la Torah à ses scribes, il n’a pas fabriqué une fausse révélation. Dans son commentaire sur la sourate 9 (At Taubah – L’immunité), verset 30, Al-Baidhawi relate un récit qui, quoiqu’on ne puisse lui accorder aucune crédibilité, soutient cette explication et s’oppose à celle de cheikh Rahmatu’llah. Al-Baidhawi dit à propos des juifs : « … parce que, après le carnage provoqué par Nabuchodonosor, plus aucun d’entre eux ne connaissait la Torah par cœur, et c’est pourquoi, lorsque Dieu l’amena (‘Uzair, c’est-à-dire Esdras) à la vie cent ans plus tard, il leur a dicté (????) la Torah de mémoire, et les juifs en furent émerveillés ». Dans ces circonstances, il est en effet très compréhensible qu’ils aient été émerveillés, mais il est surprenant que quiconque puisse croire une telle histoire. Même le Second (ou Quatrième) Esdras ne nous raconte rien d’aussi absurde. Pourtant, ce livre et Al-Baidhawi sont d’accord sur ce point : Esdras était un hafiz de la Torah, il n’a pas compilé une fausse Torah. Si le récit raconté dans le Deuxième Esdras était vrai, cela montrerait que – tout comme le Coran ne disparaîtrait pas si toutes les copies qui en ont été faites devaient brûler, parce qu’il y a des gens qui le connaissent par cœur, qui pourraient le dicter à d’autres et qui le feraient certainement –, ainsi la Torah elle-même n’a pas complètement disparu, parce qu’Esdras la connaissait par cœur et l’a dictée à ses scribes. Cela ne prouve en rien que la Torah a été complètement détruite, comme le pense cheikh Rahmatu’llah.

Il convient cependant de mentionner que nul spécialiste n’admet que le Second (ou Quatrième) Livre d’Esdras soit l’œuvre d’Esdras. Il suffit d’en étudier le texte pour constater que sa première partie a été écrite entre 81 et 96 ap. J.-C. et, pour la seconde, le terminus ante quem est 263 ap. J.-C., alors qu’Esdras a vécu au cinquième siècle avant le Christ (des passages tels que 2 [[4]] Esdras 2, 47 ; 7, 28-29, etc. montrent bien que ce livre a été écrit après l’époque du Christ et non avant). Les juifs n’ont jamais accepté ce livre. Avec tous les spécialistes, ils s’accordent à rejeter la fable racontée dans ce livre, s’il est vrai par ailleurs que, au troisième siècle de l’ère chrétienne, certaines personnes qui n’avaient aucune connaissance de l’hébreu ont été assez stupides pour se laisser tromper.

Il nous faut maintenant montrer que la Torah et d’autres anciens Livres Sacrés des juifs n’ont pas disparu à l’époque de Nabuchodonosor. Cela apparaîtra à l’évidence si nous démontrons qu’ils existaient encore à l’époque d’Esdras, beaucoup plus de cent ans après la destruction du Temple par les Babyloniens. Cette démonstration n’est pas difficile car, dans le véritable Livre d’Esdras, qui se trouve dans le Canon des Écritures tant des juifs que des chrétiens, il nous est dit qu’Esdras « était un scribe versé dans la Loi de Moïse » (Esdras, 7, 6 ; comparer Néhémie 8) et qu’Esdras tenait à la main la Loi de Dieu (la Torah) lorsqu’il était monté de Babylone à Jérusalem (Esdras 7, 14). Il est donc bien clair que le Livre de la Torah n’avait pas été détruit à l’époque de Nabuchodonosor. Ce témoignage biblique est suffisant ; mais ce n’est pas le seul. Dans un ouvrage hébreu intitulé Pirqé Avot (??????? ???????) [[Maximes des Pères]], qui aurait été composé au second siècle de l’ère chrétienne, voici ce qu’on lit : « Moïse reçut la Torah du Sinaï et l’a transmise à Josué, et Josué aux Anciens,  et les Anciens aux Prophètes, et les Prophètes les ont transmis aux hommes de la Grande Assemblée ».  La Grande Assemblée [[ou Grande Synagogue]] aurait été une assemblée d’érudits créée par Esdras, et leur principale fonction aurait été de préserver la Torah et de l’enseigner. À leur propos, le Talmud dit que, après la Captivité de Babylone, « les hommes de la Grande Assemblée rétablirent la Magnificence (c’est-à-dire la Torah) dans son état ancien ». Dans le même sens, les Pirqé Avot disent : « Ils avaient coutume de citer trois aphorismes : "Sois prudent dans ton jugement ; fais de nombreux disciples ; fais une haie pour la Torah". »  Ce dernier aphorisme signifie : « Prends les mesures nécessaires pour préserver la Torah de tout préjudice ou corruption ». Cela a été fait avec beaucoup de diligence. Aucune nation n’a autant pris soin de ses livres religieux que l’ont fait, de tout temps, les juifs. Ils ont noté jusqu’au nombre de mots et de lettres contenus dans le texte sacré. Nous citerons un autre passage des Pirqé Avot pour montrer l’importance que les juifs attachaient à la Torah. Voici ce que nous lisons : « Simon le Juste fut l’un des survivants de la Grande Assemblée. Il avait coutume de dire: "Le monde existe par (repose sur) trois choses : la Torah, le culte et les bonnes actions". »  De génération en génération, les juifs ont transmis l’Ancien Testament, dans sa version originale en hébreu et en araméen, avec le plus grand soin et la plus grande révérence.

Une preuve en est que l’on constate des différences de style d’une partie à l’autre de l’Ancien Testament, ce qui montre bien qu’il n’a pas été composé par un seul homme ni même à une seule époque. En outre, on note des contradictions – plus apparentes que réelles – entre les différentes manières dont est présenté tel ou tel incident ou autre événement sans véritable importance spirituelle. Cela prouve que les juifs n’ont aucunement essayé de modifier le texte pour en éliminer des contradictions apparentes. On comprendra mieux la force de cet argument à la lumière d’une illustration tirée du Coran. Dans la sourate 3 (La famille de ‘Imran), on lit au verset 48 [[DM 55]] que Dieu a dit : « Ô Jésus ! Je vais, en vérité, te rappeler à moi, t’élever vers moi » [[MK 48 : « Certes, c’est moi qui te fais subir la mort, et c’est moi qui t’élève à moi »]] ; et, dans la sourate 4 (An Nisa – Les femmes), le verset 157 [[DM 159]] nous dit à propos de Jésus : « Il n’y a personne, parmi les gens du Livre, qui ne croie en lui avant sa mort » [[MK 157 : « Il n’y aura pas un seul homme, parmi ceux qui ont eu foi dans les Écritures, qui croie en lui avant sa mort »]]. On peut avoir quelque doute sur la personne à laquelle se réfère ce pronom « lui » ; par contre, il n’y a aucun doute que c’est bien de Sa mort qu’il est question dans la sourate 19, verset 34 [[DM 33]], qui fait dire au Christ : « Que la Paix soit sur moi, le jour où je naquis, le jour où je mourrai, le jour où je serai ressuscité ». Pourtant, dans la sourate 4, le verset 156 [[DM 157]] nie que les Juifs l’aient tué : « Mais ils ne l’ont pas tué, ils ne l’ont pas crucifié ». À première vue, le lecteur pourrait penser qu’il y a là une contradiction : certains passages affirment la mort du Christ, d’autres la nient. Pourtant, le fait même que l’on trouve cette contradiction apparente dans le Coran prouve que les musulmans n’ont pas corrompu le texte, même si, à la place de ?????? ???????? (avant Sa mort), Al-Baidhawi écrit : ?????? ?????????? (avant leur mort) . Il en va de même pour les apparentes contradictions que l’on trouve dans la Bible : leur existence même prouve à l’évidence que l’on n’a pas essayé de les concilier en modifiant le texte.

Certains auteurs musulmans ont dressé de longues listes de passages de l’Ancien Testament dont ils n’hésitent pas à affirmer qu’ils contiennent des contradictions sur le fond. Mais ces contradictions ne sont que de forme, comme celle que nous avons citée à propos du Coran. Dans bien des cas, il est possible, en les étudiant soigneusement, de réconcilier les passages apparemment discordants. Dans d’autres cas, s’il paraît difficile de le faire, cela tient évidemment à ce que nous ne connaissons pas toutes les circonstances connexes. Mais le fait même que de telles divergences et contradictions apparentes existent démontre à l’évidence que les juifs faisaient preuve, à l’égard de leurs Livres Sacrés, d’une telle révérence qu’ils n’ont en aucune manière essayé de modifier le texte pour en éliminer les pierres d’achoppement sur lesquelles pourraient buter des adversaires irréfléchis et pleins de préjugés qui, dans bien des cas, ne cherchent qu’à faire étalage de leur prétendue intelligence plutôt que de trouver la Vérité de Dieu. Même en plein midi, un homme peut toujours fermer les yeux pour ne pas voir la lumière que Dieu donne ; mais celui qui préfère marcher dans les ténèbres ne peut manquer de s’égarer.

Nous allons maintenant exposer brièvement les preuves qui nous permettent de démontrer que l’Ancien Testament, d’abord, et le Nouveau Testament, ensuite, que nous connaissons aujourd’hui sont bien ceux que possédaient les « gens du Livre » à l’époque de Mahomet et dont le Coran se fait si clairement le témoin.

Nous avons des listes des livres de l’Ancien Testament qui constituaient le Canon des Saintes Écritures des juifs. Ces listes sont bien antérieures à l’époque de Mahomet et contiennent tous les livres que nous trouvons aujourd’hui dans l’Ancien Testament hébreu.

L’historien juif Josèphe, qui écrivait vers 90 ap. J.-C., affirmait : « Il n'existe pas chez nous une infinité de livres en désaccord et en contradiction, mais vingt-deux seulement qui contiennent les annales de tous les temps et obtiennent une juste créance. Ce sont d'abord les livres de Moïse, au nombre de cinq, qui comprennent les lois et la tradition depuis la création des hommes jusqu'à sa propre mort. Cette période couvre près de 3 000 ans. De la mort de Moïse au règne d’Artaxerxès, roi des Perses après Xerxès, les prophètes qui ont succédé à Moïse ont écrit, dans treize livres,  les événements qui se sont passés à leurs époques respectives. Les quatre derniers livres  contiennent des hymnes à Dieu et des instructions pour le comportement des hommes ».  Le Concile [[juif]] de Jamna (90 ap. J.-C.) donne le même Canon. Un peu plus tard, le Concile [[chrétien]] de Laodicée (363 ap. J.-C.) mentionne le même nombre de livres (vingt-deux) comme constituant l’Ancien Testament. Pour des raisons pratiques, certains de ces livres ont, en des temps plus récents, été subdivisés mais, dans la plupart des cas, nous pouvons dire à quel moment cela s’est produit. Par exemple, dans le Codex de Saint-Pétersbourg, écrit en hébreu en 916 ap. J.-C., les douze prophètes mineurs sont regroupés en un seul livre, chacun d’eux formant en quelque sorte un chapitre de ce volume unique. On a fait le total des versets de ces douze chapitres, et on en donne le chiffre global. La première division de « Samuel » en deux livres, des « Rois » en deux livres, des « Chroniques » en deux livres et des livres d’Esdras et de Néhémie en deux entités distinctes remonte à l’édition de l’Ancien Testament en hébreu imprimée à Venise en 1516 et 1517 ap. J.-C.

Josèphe nous informe que, outre ces vingt-deux livres, d’autres livres (« auxquels on n’a pas accordé le même crédit ») avaient été traduits en grec.  Et c’est ainsi que, outre les livres que les juifs considéraient comme canoniques et qu’ils conservent aujourd’hui encore en hébreu, la version grecque des Septante en contient d’autres qui, quoiqu’ayant été écrit bien avant la naissance du Christ, n’ont jamais été admis dans le Canon juif. On ne peut donc considérer ces derniers comme faisant partie de l’Ancien Testament.

Autant qu’on puisse le savoir, la Torah fut traduite d’hébreu en grec, en Égypte, entre 285 et 247 av. J.-C., à la demande expresse du roi Ptolémée II, surnommé Philadelphe. Pour certains, une date postérieure est plus probable (entre 250 et 200 av. J.-C.), mais cette question est de peu d’importance. Les autres livres de l’Ancien Testament furent traduit plus tardivement mais, dans tous les cas, bien avant la naissance du Christ. La Septante (« La Version des Septante », ainsi nommée d’après le nombre des traducteurs qui, selon la tradition, furent employés à la réaliser) est la plus ancienne traduction de l’Ancien Testament que nous connaissions. Nous allons maintenant mentionner d’autres versions de l’Ancien Testament pour montrer à quel point nous sommes certains que l’Ancien Testament que nous possédons actuellement est le même que celui qui existait à l’époque de Mahomet et bien avant lui. S’il n’avait pas existé, même le plus ignorant des hommes admettra immédiatement qu’il n’aurait pas pu être traduit.

Une traduction en grec fut réalisée par Théodotion Aquila [[prosélyte juif du Pont]] en 130 ap. J.-C. Une autre, d’un Samaritain appelé Symmaque, fut terminée vers 218 ap. J.-C. L’Itala, ou Vieille latine, date du deuxième siècle de l’ère chrétienne ; elle a été réalisée à partir de la Septante. La traduction de l’Ancien Testament réalisée par Jérôme, appelée la Vulgate, fut faite directement à partir de l’hébreu et terminée en 405 ap. J.-C.

Les premières traductions en syriaque sont très anciennes. Jacques d’Édesse raconte qu’une telle traduction fut faite à peu près à l’époque du Christ à l’intention d’Abgar, roi d’Édesse. La version syriaque de l’Ancien Testament appelé Peshitta (??????) est mentionnée pour la première fois, à ce que l’on sait, par Méliton de Sardes au deuxième siècle. La Syriaque philoxénienne est due à un traducteur appelé Polycarpe et date de 508 ap. J.-C. environ. Elle fut révisée par Thomas d’Héraclée (????) en 616 ap. J.-C. Toutes les autres versions syriaques furent donc faites avant l’époque de Mahomet, sauf la dernière, qui date de son époque.

Lorsque les disciples de Mahomet s’enfuirent une première fois de La Mecque, avant l’Hégire proprement dite, et se réfugièrent en Abyssinie, ils constatèrent que les chrétiens de ce pays lisaient l’Ancien et le Nouveau Testaments en éthiopique. Cette version était si ancienne que les Abyssiniens eux-mêmes avaient du mal à la comprendre : elle avait en effet été faite vers le quatrième siècle, à partir de la Septante.

Lorsqu’Omar conquit l’Égypte [[en 642 ap. J.-C.]], la majorité des habitants de ce pays étaient chrétiens. Ils avaient traduit l’Ancien Testament, à partir de la Septante, en au moins trois des dialectes de leur propre langue : le copte. Ce sont les versions en buhaïrique (?????????), en sahidique (???????) et en bushmurique (??????????). Elles ont probablement été faites au troisième ou quatrième siècle, quoique certains pensent qu’elles sont plus anciennes encore. Certaines parties de l’Ancien Testament furent traduites du syriaque en arménien vers 411 ap. J.-C. Une autre version arménienne faite à partir de la Septante fut publiée en 436 ap. J.-C. La version en géorgien a été faite à partir de l’arménien environ un siècle plus tard, mais de toute façon bien avant l’Hégire. Pour en venir à l’Europe, nous constatons que, vers 360 ap. J.-C., un évêque goth appelé Ulfilas, mort en 381 ou 383 ap. J.-C., traduisit la bible en gothique à l’intention de son peuple [[établi en Mésie (Serbie et Bulgarie)]].

La plupart de ces traductions ont été faites par des chrétiens, à l’exception, bien entendu, de la Septante et de l’Aquila. Mais, de leur côté, les juifs ont traduit une bonne partie de l’Ancien Testament d’hébreu en araméen, lorsque la majorité d’entre eux eurent cessé de parler hébreu. La version de la Torah dite Targoum d’Onkelos fut réalisée entre 150 et 200 ap. J.-C. Jonathan ben Uzziel traduisit les livres des Prophètes vers 322 ap. J.-C. En outre, il y a le Targoum de Jérusalem, lui aussi antérieur à l’Hégire et qui date probablement du sixième siècle.

Il est bien connu que, dans les temps anciens, les Samaritains étaient de grands ennemis des Juifs. Les Samaritains refusaient de considérer comme inspirés les livres de l’Ancien Testament autres que la Torah de Moïse. Celle-ci, par contre, ils l’acceptaient et la vénéraient. Nous ne savons pas exactement à quelle époque ils se procurèrent une copie de la Torah en hébreu. Certains supposent que ce fut vers 606 av. J.-C., lorsque commença la captivité des Juifs à Babylone.  D’autres pensent qu’elle fut amenée en Samarie par Manassé, petit-fils du grand-prêtre Élyashib. Il avait épousé la fille de Sânballat (Néhémie 13, 28) ; banni de Jérusalem par Néhémie, il bâtit un autre Temple sur le mont Garizim vers 409 av. J.-C.  Nous possédons encore des copies du Pentateuque samaritain, comme on l’appelle, écrit dans l’hébreu original mais avec des lettres différentes de celles qu’emploient les Juifs.

Lorsque nous interrogeons ces différents témoins pour essayer de voir si l’Ancien Testament qu’utilisent aujourd’hui tant les juifs que les chrétiens existait aussi chez eux à l’époque d’Abraham, ils sont unanimes à nous répondre : « Oui ! » Certes, il y a des variations textuelles de l’un à l’autre de ces témoins, mais cela est vrai aussi pour le Coran et pour tous les livres anciens. Il est également vrai, comme nous l’avons vu, que les traducteurs de la Septante ont permis que fussent diffusés un certain nombre de livres non reconnus – mais en plus du Canon hébreu ; en tout cas, ils n’ont rejeté aucun livre de ce Canon.

Considérées dans leur ensemble, toutes les versions de l’Ancien Testament que nous avons mentionnées ne comportent aucune doctrine qui soit le moins du monde affectée par les variations mineures que l’on peut constater de l’une à l’autre. À elles seules, donc, toutes ces preuves démontrent clairement que ce qui constitue aujourd’hui notre Ancien Testament est celui qui existait à l’époque de Mahomet et dont le Coran témoigne de l’existence à tant de reprises.

Pour en venir au Nouveau Testament, il nous faut en premier lieu nous demander si le livre que nous connaissons actuellement sous ce nom est le même que celui qui existait à l’époque de Mahomet. Pour tous les spécialistes en la matière, il n’y a absolument aucun doute à ce sujet.

Des recherches récentes ont prouvé que, à l’époque du Christ déjà, certains de Ses disciples avaient mis par écrit certaines brèves notes sur ce qu’Il avait dit et fait. De telles notes, on les reconnaît en grand nombre, notamment, dans les versets qui composent l’évangile de Saint Marc, bien que l’on retrouve aussi certaines d’entre elles incorporées dans les évangiles de saint Matthieu et de saint Luc. Bien entendu, le récit de Sa crucifixion, de Son ensevelissement, de Sa résurrection et de Son Ascension n’a pu être écrit qu’après l’Ascension. Aussi longtemps que vécurent en grand nombre des gens qui avaient vu le Seigneur et conversé avec Lui après Sa résurrection (cf. 1 Corinthiens 15, 6), il ne fut pas nécessaire de rédiger des livres destinés à informer les hommes de ce qu’ils pouvaient entendre, jour après jour, de la bouche même des témoins encore en vie (cf. Actes 1, 21-22), à qui on pouvait demander des précisions que l’on ne pouvait attendre d’un livre. En outre, le Seigneur ressuscité avait enjoint à Ses disciples, en premier lieu, de prêcher l’Évangile (c’est-à-dire la Bonne Nouvelle) et non pas de la mettre par écrit. Lorsque nous lisons les épîtres de saint Paul, nous voyons ce qu’était cet « Évangile » (?????). Il faut se rappeler que les plus anciennes de ces épîtres (1 et 2 Thessaloniciens) ne furent écrites que vingt-deux ou vingt-trois ans après l’Ascension du Christ, et nous y trouvons, ainsi que dans les autres épîtres de saint Paul, exactement les mêmes doctrines que celles que les chrétiens enseignent aujourd’hui.

À mesure que disparaissait la première génération de chrétiens, l’Esprit Saint de Dieu inspira certaines personnes d’écrire les évangiles au profit de la postérité. Celui de saint Marc fut terminé, à Rome, avant la chute de Jérusalem en 70 ap. J.-C. (probablement entre 65 et 66 av. J.-C.). Marc était non seulement un ami et compagnon des Apôtres et de certains des premiers disciples : dans l’Église primitive, il a toujours été tenu comme l’interprète de saint Pierre. Donc, humainement parlant, l’Évangile selon saint Marc repose dans une large mesure sur des informations fournies par saint Pierre lui-même. Bien entendu, l’Inspiration divine n’a pas modifié ces informations : elle a simplement inspiré à Pierre et à Marc ce qu’ils devaient en conserver et ce qu’ils ne devaient pas en conserver, rappelant à Pierre ce que le Christ lui avait dit (cf. Jean 14, 26 ; 15, 26) et le gardant de l’erreur.

L’évangile de Matthieu fut lui aussi rédigé avant 70 ap. J.-C. ; celui de saint Luc le fut probablement entre 60 et 70 ap. J.-C. ; et celui de Jean, entre 90 et 100 ap. J.-C., alors que le « disciple bien-aimé » avait atteint un âge très avancé. Nous avons donc deux évangiles écrits par des Apôtres – Matthieu et Jean –, un troisième par un ami intime d’un Apôtre et probablement sous sa dictée, et le quatrième par Luc, ami de saint Paul. Luc nous dit qu’il s’est soigneusement informé sur tout ce qu’il écrit (cf. Luc 1, 3-4) auprès de témoins oculaires. Il ne fait guère de doute qu’il l’a recueilli des lèvres de la Vierge Marie elle-même une bonne partie de ce que nous lisons dans les trois premiers chapitres de son évangile.

On pourrait objecter que l’Inspiration n’intervient en aucune manière dans tout cela. Mais il ne s’agit pas d’une inspiration telle que se l’imaginent certains musulmans, qui croient que le Coran a été écrit sur les « Tables gardées » bien avant la création du monde et envoyé jusque dans le ciel inférieur au cours de la « Nuit du Destin », puis dicté à Mahomet par l’ange Gabriel verset par verset, à mesure que la nécessité s’en faisait sentir.  Pour nous, chrétiens, une telle inspiration semble tout à fait indésirable et, pour ce qui est du Coran, elle ne peut en aucune manière être prouvée, ainsi que le démontre le livre : Les sources originelles du Coran.  Il suffit d’y réfléchir pour comprendre que, quand bien même on supposerait qu’un quelconque Livre Saint a été composé au ciel de cette manière avant d’être envoyé aux hommes, il serait impossible de prouver que cela s’est bien passé ainsi. Pour les chrétiens, l’Inspiration, cela signifie que le Dieu Très-Haut, pour faire transcrire une Révélation divine destinée à guider les hommes, s’est servi non seulement de la main des Prophètes mais aussi de leur cerveau, de leur esprit, de leur mémoire, de leur intelligence et de leur conscience, de sorte que, si le message était de Dieu, les mots pour le dire étaient ceux des hommes qui l’ont transcrit (comparer Jean 16, 13).

Ici, il nous faut élucider une difficulté qui fait obstacle à bien de nos frères musulmans en quête de la vérité. Certains disent : « L’Injil qu’ont les chrétiens ne peut pas être l’Injil qui a été envoyé [[du ciel]] à Jésus puisque, maintenant, nous avons quatre Anajil (??????) distincts et non pas un Injil unique, et ils n’ont été composés que très longtemps après que Jésus fut monté aux cieux ».

Il n’est certes pas difficile de répondre à cette objection. Si sa dernière partie avait une quelconque validité, elle vaudrait tout autant pour le Coran que pour l’Injil : en effet, le Coran n’a été « rassemblé » et constitué qu’après la mort de Mahomet, ainsi que nous l’apprennent le Mishkatu’l Masabih  et d’autres autorités musulmanes. Mais il faut expliquer que, en réalité, il n’existe qu’un seul Évangile : en effet, quoique le mot Injil soit actuellement employé pour désigner un livre, on oublie souvent son sens premier : il signifie en réalité « la Bonne Nouvelle ». « Injil » est simplement la forme arabe du grec ??????????, qui signifie exactement cela (????????). Cette Bonne Nouvelle – ce Message Divin de l’Amour de Dieu et de la Voie du Salut par le Christ – est une, quoiqu’elle soit dite de différentes manières afin qu’elle puisse atteindre un plus grand nombre de gens, s’appuyant sur le témoignage non pas d’un seul homme mais de quatre. Répétons-le : il n’y a qu’un seul Évangile. Dans la version originale en grec, le titre le montre bien puisqu’il précise : « l’Évangile selon saint Matthieu », « l’Évangile selon saint Marc », etc. C’est par simple commodité que l’on dit, pour faire plus court : « l’évangile de Matthieu », etc. Chacun des quatre évangélistes a présenté la Bonne Nouvelle à sa manière, sous l’inspiration du Saint-Esprit ; mais le message est dans tous les cas exactement le même. Le livre des Actes des Apôtres montre que, après l’Ascension, les chrétiens ont commencé à prêcher cet Évangile dans un pays après l’autre. Mais, avant tout, il a été prêché par le Christ Lui-même (cf. Marc 1, 15 ; 13, 10 ; Luc 20, 1) et, donc, il avait déjà dû être « envoyé [[du ciel]] à Jésus » : celui-ci a en effet déclaré que Son message venait de Dieu, affirmant : « Les choses donc que je dis, je les dis comme mon Père me les a dites » (Jean 12, 50 ; comparer Jean 8, 28 ; 12, 49).

Pour ce qui est des livres qui, à eux tous, forment le Nouveau Testament, tous les spécialistes savent qu’ils n’ont été admis dans le Canon que progressivement et après avoir été très soigneusement étudiés, pour que ne fût pas inclus dans cette collection quelque livre ne faisant aucune autorité et n’ayant pas été inspiré. Cet examen a pris beaucoup de temps parce que certaines épîtres étaient des lettres privées adressées à des individus (1 et 2 Timothée, Tite, Philémon et 2 et 3 Jean), alors que les autres s’adressaient en premier lieu à des Églises particulières. Cependant, les écrits des premiers chrétiens – ceux du moins qui nous ont été conservés – nous disent que les quatre évangiles étaient connus et reconnus comme faisant autorité entre 70 et 130 ap. J.-C. Un fragment d’ouvrage datant de 170 ap. J.-C. environ contient une liste partielle des livres du Nouveau Testament : il s’agit du Canon de Muratori. Quoique déchiré, il mentionne, explicitement ou implicitement, l’existence de tous les livres du Nouveau Testament à l’exception de l’Épître de Jacques, de la deuxième Épître de Pierre et de l’Épître aux Hébreux. Mais, lorsqu’elle était complète, cette liste devait presque certainement inclure aussi ces épîtres car, au second siècle, elles étaient toutes reçues partout, à l’exception peut-être de 2 Pierre, qui n’est pas souvent mentionnée dans les listes de cette époque.

Considérant que, en ce temps-là, les livres coûtaient très cher, que, dans leur grande majorité, les chrétiens étaient pauvres (cf. 1 Corinthiens 1, 26-27) et que tous les livres du Nouveau Testament, s’ils étaient écrits en capitales grecques, comme c’était alors l’usage, et sur des rouleaux de parchemin auraient constitué non pas un seul volume mais une véritable petite bibliothèque, il est surprenant que nous les trouvions tous, ou presque, diffusés si tôt dans différents pays. Au Concile de Laodicée, en 363 ap. J.-C., à propos duquel (comme nous l’avons vu) les vingt-deux livres de l’Ancien Testament hébreu sont mentionnés, le Canon du Nouveau Testament inclut tous les livres de notre Nouveau Testament actuel à l’exception de l’Apocalypse de saint Jean. Nous voyons donc que, à l’époque, ce livre suscitait encore certains doutes : certaines Églises l’avaient reçu, d’autres n’avaient pas encore décidé de le faire, même si elles le firent par la suite. Le Concile de Carthage, en 397 ap. J.-C., donne la liste de tous les livres de notre Nouveau Testament actuel, ajoutant ces mots : « Nous avons reçu de nos pères que ces livres doivent être lus dans l’Église ».

Outre ces catalogues dressés par des conciles, nous trouvons, dans les ouvrages de certains éminents auteurs chrétiens des temps anciens, des listes des livres que leurs propres études et recherches les avaient amenés à accepter comme indubitablement écrits par des Apôtres et d’autres disciples du Christ lui-même. Par exemple, Origène, mort en 253 ap. J.-C., mentionne tous les livres de notre Nouveau Testament. Athanase, mort en 315 ap. J.-C., en fait autant. Eusèbe, écrivant à peu près à la même époque, les mentionne tous lui aussi, ajoutant cependant que certains doutaient que l’Épître de Jacques, l’Épître de Jude, la Seconde Épître de Pierre, les Deuxième et Troisième Épître de Jean et l’Apocalypse de Jean fussent authentiques. Cependant, comme nous l’avons vu, des recherches plus poussées ont amené l’Église en général à la conviction que ces livres devaient eux aussi être inclus dans le Canon du Nouveau Testament. Ainsi, pour les quatre premiers siècles, nous disposons de témoignages de Palestine, de Syrie, de Chypre, d’Asie mineure, d’Alexandrie, d’Afrique du Nord et d’Italie pour attester de l’existence et de l’authenticité de chacun des livres du Nouveau Testament.

De ce point de vue, il est donc clair que notre Nouveau Testament tel que le connaissent les chrétiens aujourd’hui existait à l’époque de Mahomet chez les chrétiens qui, en ce temps-là, vivaient en Arabie, en Syrie, en Égypte, en Abyssinie et dans d’autres pays avec les populations desquels il est entré en contact.

Pour l’instant, nous avons prouvé que l’Ancien Testament et le Nouveau existaient bien à l’époque de Mahomet. Mais nous n’avons pas encore montré comment nous savons que les livres de l’Ancien et du Nouveau Testaments qui, alors, portaient les noms de ceux qui constituent notre Bible actuelle étaient effectivement les mêmes. Ne serait-il pas possible que ceux qui portaient alors ces noms aient disparus et aient été remplacés par d’autres, fabriqués de toutes pièces et qui auraient gardé les mêmes noms ? Qu’un quelconque musulman imagine un instant que cette question lui soit posée à propos des sourates du Coran : « Comment savez-vous que la sourate Al Baqarah, par exemple, qu’on lit dans votre version actuelle du Coran, est bien la même sourate que celle qui portait ce nom à l’époque d’Omar ? » Ce musulman comprendra immédiatement qu’il est absurde de nous poser, à nous chrétiens, la même question à propos de nos Livres Sacrés. Néanmoins, pour supprimer tout soupçon de doute et d’incertitude, nous allons y répondre.

L’une des preuves que les livres de notre Bible actuelle sont identiques à ceux qui existaient à l’époque de Mahomet est celle-ci : en fait, nous possédons un certain nombre de manuscrits de l’Ancien et du Nouveau Testaments, et ces manuscrits existaient déjà à cette époque. Cela vaut tant pour la version originale du Nouveau Testament en grec que pour l’Ancien Testament dans sa traduction grecque, comme nous le verrons bientôt.

Pour ce qui est du texte hébreu de l’Ancien Testament, le plus ancien manuscrit que nous ayons d’une de ses parties est un petit papyrus hébreu découvert en Égypte il y a à peine quatre ou cinq ans. Il contient les Dix Commandements, le credo hébreu, etc. (cf. Exode 20, 2-17 ; Deutéronome 6, 4-9). Il a été écrit entre 220 et 250 ap. J.-C. – c’est-à-dire bien avant l’Hégire.

Cependant, le plus ancien manuscrit de quelque importance que nous possédions actuellement est celui appelé Oriental n° 4445. Il est conservé au British Museum et a été écrit probablement entre 820 et 850 ap. J.-C. Vient ensuite, par ordre de date, le Codex de Saint-Pétersbourg, qui porte la date de 916 ap. J.-C. ; il est soigneusement conservé à Saint-Pétersbourg. Mais ces deux manuscrits sont des copies de manuscrits bien plus anciens, dont ils témoignent de l’existence ; ils en mentionnent, entre autres, deux appelés respectivement le Séfer Hilleli et le Séfer Mugah. Zakkut (??????), chroniqueur juif qui écrivait vers 1 500 ap. J.-C., nous dit que le Séfer Hilleli fut écrit vers 597 ap. J.-C. et qu’il en a personnellement vu deux parties, contenant les livres des Premiers Prophètes et des Prophètes tardifs (c’est-à-dire Josué, Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie). Le Séfer Mugah était probablement au moins aussi ancien. Au moins l’un de ces deux manuscrits existait à l’époque de Mahomet. D’après des commentaires juifs à leur propos, nous savons qu’ils contenaient les mêmes livres que l’actuelle Bible hébraïque. Nous connaissons en outre maints manuscrits hébreux ultérieurs qui sont des copies de manuscrits plus anciens.

Quant à savoir ce que sont devenus les manuscrits plus anciens, la réponse que donnent les juifs eux-mêmes est que, lorsqu’ils étaient usés à force d’avoir été manipulés dans la synagogue, la coutume était de les placer dans la genizah (« trésor » ou « dépôt »). Au bout d’un certain temps, à la mort d’un rabbin distingué, on avait coutume d’enterrer un manuscrit usé avec lui. Dans d’autres cas, après que ces anciens manuscrits avaient été recopiés très soigneusement, une autre coutume était de les brûler avec beaucoup de respect, de crainte qu’ils ne fussent employés à quelque usage impropre.

Pour en venir maintenant à la version grecque de l’Ancien Testament dite « la Septante », dont l’existence même atteste de l’existence du texte hébreu à partir duquel fut réalisée cette traduction, nous en possédons en fait plusieurs manuscrits qui sont de bien des années antérieurs à l’Hégire et qui, donc, existaient tels qu’ils existent encore aujourd’hui. Nous allons en mentionner ici les principaux :

1. Le Codex Sinaiticus (?????? ??????????), écrit au quatrième siècle ou au début du cinquième.
2. Le Codex Vaticanus (??????????), écrit au quatrième siècle, peut-être au début de ce siècle.
3. Le Codex Alexandrianus (??????????), écrit au milieu ou à la fin du cinquième siècle.
4. Le Codex Cottonianus (?????????) de la Genèse, écrit au cinquième ou sixième siècle.
5. Le Codex Ambrosianus (?????????????), écrit vers la moitié du cinquième siècle.

Tous ces manuscrits de l’Ancien Testament en grec existaient donc bien à l’époque de Mahomet. En conséquence, si un chercheur veut savoir ce qu’étaient la Torah, le ZAbur et les Livres des Prophètes auxquels se réfère le Coran, il lui suffit d’aller dans les bibliothèques où ces manuscrits sont conservés comme des trésors. Le texte grec de l’Ancien Testament, que possède tous les érudits chrétiens, a été recopié et publié à partir du texte trouvé dans ces manuscrits anciens. Lorsque nous comparons les manuscrits en hébreu que nous avons précédemment mentionnés et ces anciens manuscrits en grec, nous constatons qu’il y a concordance entre eux sur absolument chaque doctrine. On constate certes quelques différences de mots et, dans certains cas, les traducteurs grecs ont mal traduit tel ou tel mot difficile. Une autre différence entre la Septante et le texte hébreu actuel touche à l’âge de certains des patriarches mentionnés en Genèse 5 et 11, mais ces différences de forme n’affectent en aucune manière la religion sur le fond, que ce soit en matière de foi ou de pratique.

Nous possédons aussi de très anciens manuscrits du Nouveau Testament en grec. Ils ont été écrits sur du parchemin et non sur du papier, de sorte qu’on ne saurait retenir l’observation de cheikh Rahmatu’llah, qui écrit : « La conservation du papier et des lettres pendant 1 400 ans ou plus est extraordinaire » . Mais, en Égypte, on a trouvé des écrits sur papyrus vieux de plus de 1 800 ans, comme le savent très bien les spécialistes. De nombreux manuscrits qui contiennent l’Ancien Testament dans sa traduction en grec contiennent également la version originale en grec du Nouveau Testament : 1. L’un d’eux est le Codex Sinaiticus, déjà mentionné, conservé à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. 2. Un autre est le Codex Vaticanus, conservé à la Bibliothèque du Vatican, à Rome. 3. Un troisième est le Codex Alexandrianus, qui se trouve au British Museum, à Londres. Nous avons déjà indiqué les dates de ces trois manuscrits. 4. En 1907, quatre parties d’un manuscrit grec, probablement du quatrième siècle mais en tout cas pas postérieur au sixième siècle, ont été découverts dans un monastère proche de Sohag, en Égypte, en face de Akhmim. L’une de ces parties contient les livres du Deutéronome et de Josué ; la seconde contient les Psaumes ; la troisième, les quatre évangiles ; la quatrième, des fragments des épîtres de saint Paul. 5. Le Codex Bezae (??????? ???????????), conservé à l’université de Cambridge, fut écrit vers le début du sixième siècle. 6. Le Codex Ephraemi (??????? ???????????), qui date du début du cinquième siècle, se trouve actuellement à la Bibliothèque nationale de Paris.

Outre ces manuscrits plus ou moins complets, nous possédons également, dans nos bibliothèques, des manuscrits plus fragmentaires qui contiennent certaines parties seulement du Nouveau Testament en grec. Le plus ancien d’entre eux se réduit à une simple feuille de papyrus qui a été récemment découverte, avec d’autres, dans les ruines d’Oxyrhynque, près de l’actuel village de Bahnasah, en Égypte, à quelque 180 kilomètres au sud du Caire : c’est pourquoi ce feuillet est appelé le Papyrus d’Oxyrhynque (???????). Il fut écrit entre 200 et 300 ap. J.-C., c’est-à-dire entre 270 et 370 ans avant la naissance de Mahomet. Il contient les premier et vingtième chapitres de l’évangile de saint Jean. Récemment découverts, de tels manuscrits sont particulièrement importants de notre point de vue parce que, comme ils avaient été enfouis dans les sables du désert de ce qui devint par la suite une terre musulmane, plusieurs centaines d’années avant l’Hégire, et qu’ils y sont restés jusqu’à ce qu’ils fussent découverts il y a peu de temps, même l’homme le plus sectaire ne peut prétendre qu’ils ont été fabriqués après la « descente » du Coran ni qu’ils ont été « corrompus » (??????) par des chrétiens, soit depuis cette époque, soit à l’époque de Mahomet.

Nous possédons déjà 3 899 manuscrits soit de la totalité du Nouveau Testament en grec, soit de certaines de ses parties. Ils ont tous été soigneusement étudiés et catalogués pour que les chercheurs puissent savoir où ils sont conservés. Il en existe probablement 2 000 à 3 000 autres qui ne sont pas encore catalogués.

Jusqu’à présent, nous n’avons parlé que de manuscrits du Nouveau Testament dans sa version originale en grec. Mais nous pouvons aussi ajouter que certains manuscrits de traductions du Nouveau Testament dans d’autres langues sont antérieures à l’époque de Mahomet. Par exemple, nous avons au moins dix manuscrits de la traduction syriaque appelée Peshitta (??????) qui sont des copies, faites au cinquième siècle, de manuscrits plus anciens encore, et une trentaine qui datent du sixième siècle.

Lorsque nous avons parlé de l’Ancien Testament, nous avons mentionné qu’il en existe un nombre considérable de traductions dans des langues si anciennes qu’elles ne sont plus parlées couramment par quiconque. Il existe un nombre plus grand encore de versions – complètes ou partielles – du Nouveau Testament dans ces très anciennes langues. Nous allons en mentionner quelques-unes unes des plus notables. À l’exception de l’une d’entre elles, que nous signalerons, toutes les traductions que nous allons mentionner ont été faites bien avant l’époque de Mahomet ; quant à l’exception, elle date de l’époque de Mahomet mais est antérieure à l’Hégire.

I. Nous avons plusieurs versions en syriaque, en particulier la Peshitta (??????), qui date du deuxième ou troisième siècle ; la Syriaque philoxénienne [[d’après Philoxène, évêque de Hiérapolis]] faite vers 508 ap. J.-C., et sa version révisée, faite par Thomas d’Héraclée (????) en 616 ap. J.-C. En outre, il y a eu d’autres versions en syriaque, dont deux se trouvent dans les manuscrits appelés la Version curetoniennne [[ou version syriaque Cureton]] et la Vieille syriaque sinaïtique. Nous savons avec certitude qu’une traduction du Nouveau Testament en syriaque a été faite très tôt : en effet, Tatien, né probablement en 110 ap. J.-C., a composé une Harmonie des quatre évangiles (Diatessaron). Nous possédons cet ouvrage en latin et en arménien, dans des versions légèrement différentes. Une traduction arabe de ce Diatessaron a été faite à partir du syriaque par Ibnu’t Tabib, mort en 1043 ap. J.-C. Très intéressants également sont les fragments, récemment découverts, d’une traduction du Nouveau Testament, à partir du grec, dans le dialecte syriaque parlé en Palestine : c’était en effet la langue maternelle du Seigneur Jésus-Christ. Cette traduction a été faite probablement au quatrième siècle, sinon même plus tôt. Le manuscrit qui contient ce qu’il en reste est appelé le Codex Climaci Rescriptus (???? ????????). Il a été écrit au sixième siècle et il contient des parties des quatre évangiles, les Actes de Apôtres et les épîtres de saint Paul.

Dans les temps anciens, il y a eu un grand nombre de traductions en latin de parties du Nouveau Testament ; il en est fait mention dans les écrits d’Augustin et de Jérôme. Ce dernier nous dit que, dans certains cas, ces traductions ne sont pas tout à fait exactes en raison de l’ignorance des gens qui les ont faites pour leur usage personnel. La meilleure de ces traductions est l’Itala, ou Ancienne latine, qui date du deuxième siècle. Néanmoins, comme il apparaissait nécessaire de disposer d’une traduction plus exacte en latin, Jérôme traduisit le Nouveau Testament dans cette langue entre 383 et 385 ap. J.-C. ; nous possédons au moins 8 000 manuscrits de cette traduction appelée Vulgate latine (???????? ????????). Certains de ces manuscrits datent des quatrième, cinquième et sixième siècles. On voit donc que non seulement la Bible a été traduite en latin bien avant l’Hégire mais même que plusieurs des manuscrits que nous avons de cette traduction étaient déjà très anciens à l’époque de Mahomet.

Lorsque nous avons parlé de l’Ancien Testament, nous avons dit que, dans les tout premiers temps, des traductions en avaient été faites dans trois dialectes différents de la langue copte. Cela vaut également pour le Nouveau Testament. La version en bohaïrique (???????????) [[de Basse-Égypte]] a été faite entre le troisième et le quatrième siècle et la version en sahidique (?????????) [[ou thébaine, de Haute-Égypte]] probablement à peu près à la même époque. La troisième version, en bushmurique (????????????), a été subdivisée en trois sous dialectes : le fayoumique (???????), le bas-sahidique et l’akhmîmique (????????). Tout ou partie du Nouveau Testament a été traduit dans ces trois sous-dialectes. La version en sahidique est probablement la plus ancienne de toutes. Les plus anciens manuscrits du Nouveau Testament en copte datent des quatrième et cinquième siècles.

La traduction en gothique a été faite vers 360 ap. J.-C. ; le manuscrit dans lequel on la trouve date du cinquième ou sixième siècle.

Outre les manuscrits de la Bible dans différentes langues, nous disposons d’autres preuves qui démontrent validement que l’Ancien et le Nouveau Testaments que nous connaissons actuellement sont bien ceux qui existaient à l’époque de Mahomet et même longtemps auparavant. Ces preuves, ce sont des citations de la Bible que l’on trouve dans les ouvrages de différents auteurs chrétiens de l’Église primitive. Leurs ouvrages sont écrits parfois en grec, parfois en latin, d’autres encore en syriaque ou en copte, d’autres encore en arménien. Dans ces ouvrages, on trouve un très grand nombre de versets de la Bible, tout comme on trouve des versets du Coran dans les ouvrages d’auteurs musulmans qui ont écrit en arabe, en persan, en ourdou, en turc et dans d’autres langues. À supposer que toutes les copies du Coran disparaissent, on pourrait le reconstituer dans sa presque totalité à partir de ces citations. Il en va de même pour le Nouveau Testament en grec : si toutes les copies de ce Livre avaient disparu bien avant l’époque de Mahomet, on pourrait le reconstituer dans sa totalité à partir des nombreuses citations qui en sont faites par les auteurs chrétiens des premiers siècles. Il n’est pas jusqu’à des païens pour en citer l’un ou l’autre verset, notamment Celse, Porphyre et Julien l’Apostat.

Outre les citations littérales, tous les auteurs chrétiens font preuve d’une connaissance exacte des événements de la vie du Christ, de sa crucifixion, de sa résurrection et de son ascension, qui sont présentés en détail dans les quatre évangiles. Il s’agit là de preuves d’une nature tout à fait différente de celles que nous avons mentionnées précédemment, et elles viennent à l’appui des preuves fournies par les témoins que nous avons précédemment invoqués.

Par ailleurs, dans les catacombes creusées dans le sous-sol de la ville de Rome, on a découvert les tombeaux de nombreux chrétiens des deuxième, troisième et quatrième siècles. Les inscriptions et les décorations qui ornent ces tombeaux montrent que les doctrines auxquelles croyaient les chrétiens de cette époque sont bien celles que nous enseigne la Bible actuelle.

Il est donc maintenant évident et incontestable que, bien avant l’époque de Mahomet, il existait chez les juifs et les chrétiens des canons – ou listes – clairement définis de livres qu’ils considéraient être d’inspiration divine, et que ces livres étaient exactement les mêmes que ceux que nous trouvons dans l’Ancien et le Nouveau Testaments qu’ils possèdent aujourd’hui, et que ces livres ont été traduits en arabe, en persan, en turc, en ourdou et dans quelque quatre cents autres langues. Donc, lorsque le Coran nous dit que le Dieu Très-Haut a enjoint Mahomet de consulter « les Gens du Livre » pour savoir ce qui est enseigné dans « le Livre », il ne peut s’agir de nul autre livre que de la Bible que nous avons aujourd’hui puisque, à l’époque, l’Ancien Testament, comme ils le sont encore aujourd’hui, les Écritures sacrées des juifs et des chrétiens, avec le Nouveau Testament en plus pour ces derniers.

Comme nous l’avons vu au chapitre I, le Coran mentionne les principales parties du Canon de l’Écriture – la Torah, le ZAbur, les Prophètes et l’Injil – et va même jusqu’à en citer des passages que nous trouvons dans notre Bible actuelle. Le Coran accorde à la Bible les titres les plus sublimes : il l’appelle la Parole de Dieu (???? ????), le Livre de Dieu, le Furkan (?????) ou Distinction, le Zikr (????) ou Rappel. Le Coran menace de terribles châtiments dans le monde à venir (sourate XL, 72) ceux qui ne respectent pas la Bible. Le Coran affirme qu’il a été envoyé par Dieu expressément pour confirmer ce Livre (sourate 3, 2) et le préserver (sourate 5, 52) ; et il enjoint aux musulmans de croire à la Bible tout aussi fermement qu’au Coran lui-même (sourates 2, 130 ; 3, 78).

Ainsi donc, s’il a été prouvé que l’Ancien Testament et le Nouveau Testament qu’utilisent aujourd’hui les juifs et les chrétiens sont ceux qu’ils utilisaient à l’époque de Mahomet et ceux-là mêmes auxquels le Coran porte témoignage, il incombe à tous les vrais musulmans de les lire en priant sincèrement le Dieu Très-Miséricordieux de les aider à comprendre le « Livre de Dieu », le « Livre lumineux » (sourate 35, 23 [[DM 25 – MK : le « Livre qui éclaire »]]) et à y trouver la lumière et la miséricorde, « une Direction et un Rappel adressés aux hommes doués d’intelligence » .

 CHAPITRE IV

OÙ IL EST DÉMONTRÉ QUE LES SAINTES ÉCRITURES DE L’ANCIEN TESTAMENT ET DU NOUVEAU TESTAMENT N’ONT ÉTÉ CORROMPUES
NI AVANT, NI APRÈS L’ÉPOQUE DE MAHOMET
 

Nous avons déjà vu que le Coran appelle la Bible « la Parole de Dieu » (???? ????, sourate 2. 70 [[DM 75]]) et que le Coran affirme à plusieurs reprises que les paroles de Dieu ne peuvent être ni modifiées ni altérées. Si ces deux affirmations sont exactes – et les chrétiens n’en doutent pas plus que les musulmans –, il s’ensuit que la Bible n’a pas été modifiée ni corrompue, ni avant l’époque de Mahomet ni après.

Mais cela nous amène à considérer ce que dit effectivement le Coran et quel est sur ce point l’avis de ses principaux commentateurs. Ils ne sont pas unanimes sur cette question mais on verra qu’ils n’appuient pas vraiment l’opinion des non-spécialistes.

Dans la sourate 18 (Al Kahf – La caverne), on lit au verset 26 [[DM 27]] : « Récite ce qui t’a été révélé du Livre de ton Seigneur – il n’y a pas de changement dans sa Parole ». Bien entendu, il est question ici, en premier lieu, du Coran, mais le deuxième membre de phrase concerne les paroles de Dieu en général. Étant admis que la Bible est la Parole de Dieu et que le général inclut le particulier, il est évident que la Bible ne peut pas être changée. Al-Baidhawi dit à ce sujet : « Nul ne peut les changer ou les modifier, sinon Lui-même ». Dans la sourate 10 (Jonas), nous lisons au verset 65 [[DM 64]] : « Il n’y a pas de changement dans les Paroles de Dieu ». Al-Baidhawi dit : « Ce qu’Il a dit ne peut être modifié et ses Promesses ne peuvent pas être violées ». Dans la sourate VI (Al In’am – Les troupeaux), nous trouvons la même affirmation au verset 34 : « Nul ne peut modifier les Paroles de Dieu », et au verset 115 : « Nul ne peut modifier ses Paroles ». Il est vrai que, dans sa note sur ce dernier passage, Al-Baidhawi fait remarquer que la Torah a été corrompue (?????), mais nous verrons bientôt dans quel sens ce mot est employé.

Après avoir étudié toute cette question, la plupart des éminents théologiens musulmans de l’Inde sont aujourd’hui convaincus que les livres tant de l’Ancien Testament que du Nouveau n’ont pas été modifiés (??????), altérés (???) ni corrompus (??????), dans le sens que les ignorants donnent à ce dernier mot. Cette opinion est confirmée par l’imam Fakhru'ddin Ar Razi. Par exemple, dans son commentaire sur la sourate 3 (La famille de ‘Imran), verset 72 [[DM 75]], en réponse à la question : « Comment a-t-il été possible d’introduire la corruption (????????) dans la Torah alors que sa célébrité était si grande parmi les hommes ? », il donne une réponse qu’il convient de considérer soigneusement. Il dit en premier lieu : « Peut-être cet acte est-il le fait un petit nombre d’hommes, pour qui il aurait été possible de se mettre d’accord sur la corruption ; ils auraient alors présenté ce qu’ils avaient corrompu à quelques personnes du commun et, si l’on admet cette hypothèse, le tahrif devient possible. » Mais ce n’est là qu’une hypothèse et non pas l’avis proprement dit du commentateur car voici ce qu’il dit ensuite : « Et à mon avis, il est plus correct de chercher une autre explication à ce verset : à savoir que les versets dont il est apparu qu’ils traitaient de la fonction prophétique de Mahomet devaient faire l’objet d’une attention particulière, qu’il fallait y réfléchir sérieusement, et les gens avaient coutume, à leur sujet, des poser des questions embarrassantes et de faire à leur sujet des objections. Et c’est ainsi que ces preuves étaient mises en doute par ceux qui les entendaient, et les juifs disaient : "Ce que Dieu a voulu dire dans ces versets, c’est ce que nous, nous avons dit, et pas ce que vous avez dit, vous". C’est donc là ce que nous appelons "tahrif" et "tordre la langue" » (Ar Razi, Vol. II, pp. 720-721) ; voir aussi son commentaire sur la sourate 4, 48 [[DM 46]], in : Vol. III, pp. 337-338, où il reprend ces deux mêmes points de vue. Mais il en mentionne aussi un troisième, à savoir que, selon certains, « ils (les juifs) avaient coutume d’aborder le Prophète et de l’interroger sur une question, et il les informait de façon à ce qu’ils fussent capables de comprendre ; mais ensuite, après l’avoir quitté, ils corrompaient (????) ses paroles. »

Selon ce commentaire, ce n’étaient pas les Saintes Écritures que les juifs avaient corrompues : après l’avoir quitté, ils falsifiaient les réponses que Mahomet leur avait données. Néanmoins, si nous acceptons l’avis personnel d’Ar Razi, ce n’étaient pas les Écritures que les juifs corrompaient mais les explications qu’eux-mêmes donnaient de ce que disaient les Écritures ; et, même cela, ils le faisaient verbalement et non par écrit. Dans sa note sur le verset 16 [[DM 13]] de la sourate 5 (Al Ma’idah – La table servie), Ar Razi rapporte une histoire qui montre que, ici aussi, les juifs, lorsqu’ils lisaient des versets de la Torah à haute voix (Deutéronome 22, 23-24) « tordaient la langue » et remplaçaient « lapider » par « flageller » lorsqu’ils lisaient oralement le texte sacré, mais sans modifier le texte écrit.

Dans son commentaire sur la sourate 5, verset 45 [[DM 41]], Al-Baidhawi raconte la même chose, rapportant donc aussi ce même verset au même incident. Il explique le passage : « Ils altèrent le sens des paroles révélées » [[MK 45 : « Ils déplacent les paroles de l’Écriture »]] en disant : « Ils les changent de la place où Dieu les avait mis, soit (1) verbalement, en les omettant ou en les changeant de place, soit (2) en modifiant leur sens, les rapportant à ce qui n’est pas leur sens et en les appliquant à ce à quoi ils ne s’appliquent pas » (Vol. I, p. 258). Eh bien ! pour savoir laquelle de ces deux explications est la bonne, il suffit de lire Deutéronome 22, 23-24, dans l’original hébreu ou dans quelque autre version, ancienne ou moderne.  Nous constatons que le « verset sur la lapidation » (????? ????????) s’y trouve toujours, tout comme le Coran et les Traditions attestent qu’il s’y trouvait encore à l’époque de Mahomet.  Nous constatons donc que les juifs, dans ce cas particulier, n’omettaient pas ce verset ni ne le changeaient de place. Bien entendu, ce dernier sens est, à proprement parler, celui du mot tahrif, mais la « transposition » des mots était faite verbalement et n’était pas inscrite dans le texte de la Torah. Curieusement, ce verset fut, un temps, repris dans le Coran lui-même, selon ce que nous apprend la Tradition. D’après le Mishkat al-Masabih, Omar a dit : « En vérité, Dieu a envoyé Mahomet en vérité, et Il a fait descendre sur lui le Livre et, dans ce que le Dieu Très-Haut a fait descendre, il y avait le verset sur la lapidation. L’Apôtre de Dieu a lapidé, et nous avons lapidé après lui, et, dans le Livre de Dieu, la lapidation est justice faite à celui qui a commis l’adultère ».  Lorsque le Coran fut « rassemblé » par Zayd ibn Thabit, ce verset fut omis afin qu’il ne fût pas dit qu’Omar y avait ajouté quoi que ce fût.  Si nous pouvons en croire le calife Omar, dans le cas du verset sur la lapidation, s’il y a eu déplacement de mots (sourate 5, verset 45 [[DM 41]]), il a eu lieu dans le Coran et non dans la Torah, et elle est le fait des musulmans et non pas des juifs.

Le Coran accuse parfois les juifs de « cacher » sciemment la vérité  et d’« altérer le Livre »  quand on leur demande ce qu’était l’enseignement de l’Ancien Testament sur ce sujet. Il les accuse aussi de « jeter derrière leur dos » le Livre de Dieu.  D’ailleurs, le Coran ne les accuse de tahrif que quatre fois : dans les sourates 2, 70 [[DM 75]] ; 4, 48 [[DM 46]] ; 5, 16 et 45 [[DM 13 & 41]]. Il faut remarquer ici que, quel que soit le sens donné à cette accusation, elle est portée uniquement contre les juifs, jamais contre les chrétiens. De ce simple fait, il s’ensuit que le Nouveau Testament n’est jamais suspecté d’avoir été corrompu (?????) avant l’époque de Mahomet ou pendant sa vie. Il nous faut maintenant essayer de voir dans quel sens le Coran accuser les juifs de tahrif. Nous avons déjà vu ce que disent Al-Baidhawi et Ar Razi à propos de ces quatre versets, à l’exception du premier (sourate 2, 70 [[DM 75]]).

À propos de ce verset, ces deux commentateurs sont d’accord pour dire que le tahrif dont il y est question n’est en fait qu’une fausse explication de la Torah, une occultation de ce que les juifs savaient que ce verset enseignait (comparer la sourate VI, 91 où il est dit qu’ils avaient la Torah par écrit mais qu’ils n’en montraient qu’une partie, en cachant une autre partie ou la plus grande partie).  C’est certes là un comportement inadmissible mais ce n’est pas la même chose que d’« altérer » le texte de la Torah. Pour ce qui est de l’époque à laquelle les juifs furent coupables de tahrif, Al-Baidhawi dit que c’était du temps des ancêtres des contemporains de Mahomet ; mais Ar Razi affirme que cette accusation est portée contre ceux qui vivaient à l’époque de Mahomet. Ces deux commentateurs citent l’opinion de ceux qui considéraient que les juifs avaient sciemment modifié le Texte Sacré, mais ni l’un ni l’autre n’admettent que cette opinion soit avérée. Ar Razi demande : « Comment est-il possible de faire cela dans le Livre? On a fait le total exact de ses lettres et de ses mots, qui a été transmis par une Tradition ininterrompue et qui est connu tant en Orient qu’en Occident ».  Il fait remarquer qu’on dira peut-être que les juifs étaient peu nombreux, que ceux qui connaissaient très bien le Livre étaient très peu nombreux et que, en conséquence, il est très possible qu’il y ait eu tahrif. Pourtant, rejetant cette idée, il ajoute : « Le tahrif signifie introduire un vain doute et donner de fausses explications, et aussi remplacer le vrai sens d’un mot par un sens non fondé par le moyen d’astuces verbales, ainsi que le font des hérétiques à notre propre époque avec les versets qui sont en contradiction avec leur propre religion ». Telle est l’opinion qu’il approuve lui-même et qu’il appuie de son autorité. Il absout donc totalement les juifs de tout soupçon d’avoir modifié le texte de l’Ancien Testament. Ainsi donc, lorsque certains avancent que le Coran affirme que la Torah est corrompue (?????), il faut se rappeler que cela n’est pas vrai dans le sens dans lequel cette affirmation est faite, à notre époque, par les ignorants.

On peut donc en conclure que, si des musulmans affirment que le texte de l’Ancien Testament et du Nouveau a été corrompu (?????) et qu’il n’existe plus tel qu’il était à l’époque de Mahomet, ils contredisent le Coran et, ce faisant, ils rejettent la vérité du livre dont tous les musulmans pensent qu’il a été envoyé par le Dieu Très-Haut à Mahomet en vue de confirmer la Torah et l’Injil.  Il est impossible de dire à la fois que le Coran enseigne que la Torah et l’Injil sont tous deux vrais et inspirés, et qu’ils ont été altérés à un tel point que l’on ne peut plus s’y fier : affirmer cela, ce serait en effet accuser le Coran de se contredire lui-même. Si quelqu’un croit en Dieu qui est la Vérité (?????), celui-là ne peut pas croire qu’Il a fait descendre le Coran pour confirmer un livre corrompu, un livre qui, du fait de cette corruption, enseignait une fausse doctrine. Les commentateurs que nous avons cités étayent notre affirmation selon laquelle la Bible n’a pas été corrompue ni avant l’époque de Mahomet ni du temps qu’il vivait.

La seule question qui demeure est celle-ci : la Bible a-t-elle été corrompue depuis l’époque de Mahomet ? À cette question, il n’est pas difficile de répondre. Les manuscrits que nous avons précédemment mentionnés, dont la plupart ont été écrits bien avant la naissance de Mahomet, sont ceux-là mêmes à partir desquels sont imprimés les copies de la Bible que nous connaissons actuellement. Il est donc impossible de soutenir que, depuis la mort de Mahomet, les juifs ou les chrétiens auraient corrompu la Bible de quelque manière que ce soit.

Mais considérons maintenant les arguments contraires. Chez les musulmans, tous les ignorants et quelques-uns de leurs érudits qui n’ont pas étudié soigneusement ce sujet s’imaginent aujourd’hui encore que la Bible que nous connaissons aujourd’hui est corrompue. Quand on leur demande de quelle époque date cette corruption, ils ne sont pas d’accord entre eux. Certains disent : « avant l’époque de Mahomet », d’autres disent : « après », d’autre encore : « avant et après ». Pour justifier leur opinion, ils citent et répètent soigneusement toutes les accusations stupides et non fondées qui ont été portées contre la Bible par des non-croyants, par des païens tels que Celse, et aussi par des hérétiques tels que les disciples de Mani. Il y a bien longtemps déjà que ces objections ont été complètement réfutées, aussi n’influencent-elles pas les spécialistes de l’Occident, et il est impossible que, chez les musulmans, les gens véritablement bien informés continuent longtemps à se laisser tromper par eux.

On dit parfois que certains chrétiens des premiers siècles ont accusé les juifs d’avoir corrompu le texte de l’Ancien Testament. Il est exact que certains chrétiens ignorants affirment que les juifs auraient modifié l’âge des patriarches en Genèse 5 et 11 parce que l’on a constaté quelque différence, à propos de ces âges, entre le texte hébreu et le texte grec de la Septante. Mais, contrairement à ce qu’affirment certains, il n’est pas vrai qu’Augustin ait partagé cette opinion.  Cela fait maintenant quelque 1 400 ans que l’on continue à étudier cette question et, en Occident, aucun spécialiste ne croit que les juifs aient été coupables de corrompre leurs Écritures, que ce soit dans ce passage ou dans d’autres.

Certains auteurs musulmans mentionnent les multiples variantes que l’on constate dans la Bible, disant qu’elles prouvent que son texte a été corrompu. Mais cet argument est non fondé. Nous possédons un si grand nombre de manuscrits de la Bible en hébreu, en grec et dans d’autres langues que, lorsqu’on les compare entre eux, il est naturel d’y trouver des variantes de l’un à l’autre. Toutes choses égales par ailleurs, on en trouve aussi dans tous les livres anciens. Mais de quelle nature sont ces variantes ? La plupart sont des différences d’orthographe, comme si, en arabe, on lisait ????? dans un livre et ???? dans un autre ; ????? dans l’un et ???? dans l’autre ; ????? dans l’un et ????? dans l’autre ; ????? dans l’un et ????? dans l’autre. Dans d’autres cas, ont trouve des différences dans les formes verbales, telles que celles que l’on constate si fréquemment dans les différentes variantes que les commentateurs donnent du Coran. Par exemple, voici les variantes que Al-Baidhawi nous donne du début du verset 100 [[DM 106]] de la sourate II (Al Baqarah – La vache) :

Texte courant :
??? ???????? ???? ????? ???? ?????????

Ibn 'Amir etc. :
??? ????????

Ibn Kathir :
???????????

Abû 'Amr :
???????????

D’autres :
??????????

D’autres :
?????????

D’autres :
?????????

D’autres :
???????????

Abdu'llah:
??? ???????? ???? ???? ??? ???????????

De même, pour le verset 285 de la sourate II, Al-Baidhawi donne :

1. Texte courant :
??????????

Hamzah et Al-Kasay :
???????????

2. Texte courant:
??? ????????

Ya'qoub :
??? ????????

D’autres :
??? ????????????

Outre ces variantes, les principaux commentateurs sunnites admettent différentes variantes dans bien d’autres passages, par exemple dans les sourates 6, 91 ; 19, 35 ; 28, 48 ; 33, 6 ; 34, 18 [[DM 19]] ; 38, 22 [[DM 23]].  Pourtant, dans chaque cas, ces variantes n’affectent qu’à peine le sens de la phrase et elles ne changent en rien la doctrine du Coran. Mais que diraient les théologiens musulmans si, se fondant sur ces différentes variantes, un auteur chrétien allait affirmer que le Coran a été corrompu ?

Ils diraient à juste titre que celui qui tire une telle conclusion n’a fait que révéler son ignorance et son sectarisme. On pourrait faire la même réponse à ceux qui, arguant des variantes que l’on constate dans la Bible, porteraient contre elle la même accusation ; mais la simple politesse nous empêche de prononcer de telles paroles contre nos adversaires. Il y a beaucoup plus de variantes dans la Bible que dans le Coran, mais en voici les raisons : (1) la Bible est au moins quatre fois plus longue que le Coran ; (2) la Bible est beaucoup plus ancienne ; (3) la Bible a été écrite non pas dans une seule langue mais dans trois langues différentes : l’hébreu, l’araméen et le grec ; (4) on a fait le compte des variantes dans toutes les versions anciennes bien que, pour beaucoup d’entre elles, on sache qu’il ne s’agit que d’erreurs de traduction et qu’elles ne représentent pas des différences par rapport au texte original ; (5) on s’est beaucoup plus préoccupé de rassembler soigneusement les différentes variantes dans le cas de la Bible que dans celui du Coran ; (6) le texte de la Bible n’a jamais été rectifié ni corrigé par ‘Othman [[Osman]], comme cela a été le cas pour le Coran, et nous n’avons pas non plus eu un Marwân pour brûler la copie la plus ancienne que même ‘Othman avait préservée.  Si l’on étudie toutes les variantes de la Bible, on constate qu’elles n’affectent aucune doctrine de la foi chrétienne. Il est arrivé que certains commentateurs aient été incapables de comprendre un mot ou un verset particuliers de la Bible ; ils ont alors imaginé que le texte comportait une erreur de copiste, le qualifiant de « corrompu » dans le sens de ???????. Des controversistes musulmans tels que cheikh Rahmatoullah ont erronément traduit ce terme par ??????? et ont alors affirmé que des commentateurs chrétiens admettaient que la Bible était ???????. Il suffit de noter cette erreur pour la corriger.

À titre d’exemple, prenons Daniel 3, 2-3, où l’on trouve, dans le texte araméen, le mot ??????? [???????????]. On ne le trouvait dans aucun autre livre et on ne connaissait ni son sens exact ni son étymologie. C’est la raison pour laquelle certains commentateurs ont dit que ce mot était ??????? à cause d’une erreur de copiste. Pourtant, il y a quelques années, on a trouvé en Égypte une inscription araméenne dans laquelle se trouvait ce mot, et nous avons aussi découvert son étymologie et son sens. Nous voyons donc à quel point le texte a été bien conservé, même dans le cas d’un mot tel que celui-là.

Si, dans la Bible, on trouvait des particularités  telles que celle que l’on constate dans la sourate 20 (Ta. Ha.) au verset 66 [[DM 63]] : ??? ????????, certains commentateurs auraient soupçonné une erreur de copiste en recopiant le mot ??? ????????. À partir de ce soupçon, on aurait pu essayer d’apporter une correction, de même que celle qui a mené, dans la sourate II, 285 à la variante ???????????? à la place de ?????????? que l’on trouve dans certaines copies, au lieu de ????????, comme le montre le commentaire d’Al-Baidhawi. Pour l’instant, nous ne nous occupons pas des différentes variantes du Coran mais, si nous en mentionnons l’une ou l’autre, c’est pour illustrer ce que nous disons à propos de celles que l’on trouve dans la Bible. Toutes les variantes importantes que l’on trouve dans la Bible peuvent être regroupées en trois classes : (1) celles qui sont dues à l’ignorance ou à l’inattention d’un scribe ; (2) celles qui sont dues à un quelconque défaut dans le manuscrit qui a été recopié ; (3) celles qui sont dues à un scribe qui a voulu corriger ce qu’il pensait être une erreur d’un copiste antérieur mais qui n’en était pas une. On ne peut en aucun cas suspecter une intention de corrompre le Texte Sacré. Il est vrai que, pour étayer l’une ou l’autre de leurs doctrines particulières, certains hérétiques ont inclus, dans leurs copies du Nouveau Testament, des versets que l’on ne trouvait nulle part ailleurs, ou encore, plus couramment, ils ont affirmé que certains versets qui démontraient leurs erreurs n’étaient pas authentiques. En réalité, dans chaque cas, ils ont eux-mêmes été trompés et leur intention n’était pas de corrompre le texte sciemment et volontairement. Quoi qu’il en soit, les chrétiens ont détecté ces erreurs en consultant les anciens manuscrits qu’ils possédaient. Semblablement, si un quelconque groupe de fanatiques juifs ou chrétiens avait tenté de corrompre l’Ancien Testament ou le Nouveau en modifiant ou omettant certains passages qui semblaient se rapporter à Mahomet, tous les autres juifs et chrétiens du monde auraient résolument refusé d’accepter les copies mutilées détenues par ces gens, tout comme ils ont refusé les tentatives faites par Marcion d’omettre les deux premiers chapitres de l’évangile de saint Luc. Le fait même que, bien avant l’époque de Mahomet, certains hérétiques n’ont pas réussi, malgré tous leurs efforts, à corrompre le Nouveau Testament démontre qu’il s’agit là d’une entreprise impossible.

Si, peu après la mort de Moïse, quelque roi, empereur ou autre dirigeant avait rassemblé toutes les copies de la Torah ou de certains de ses chapitres pour en publier une nouvelle édition, en s’appuyant sur certains versets qui demeuraient dans la mémoire des hommes, en en recopiant d’autres inscrits sur des os ou des morceaux de bois, et s’il les avait fait tous brûler avec toutes les copies antérieures qu’il aurait pu trouver pour obliger les gens à n’utiliser que le texte qu’il avait fait compiler, alors il est probable que nous n’aurions trouvé que très peu de variantes dans la Torah ; mais il eût alors été difficile de croire vraiment à son authenticité.

Si quelque chose d’identique avait été fait pour tous les livres du Nouveau Testament à la fin du premier siècle, il n’y aurait bien évidemment aucun moyen de prouver que la nouvelle édition n’avait pas été corrompue par adjonction ou omission. Un spécialiste ne pourrait être absolument certain de l’authenticité d’aucun verset de tout ce livre. Mais cela n’est pas arrivé à la Bible, grâce au Dieu Très-Miséricordieux. Nous, les chrétiens, nous n’avons jamais eu un ‘Othman. Les empereurs romains Galère et Dioclétien, qui étaient des païens, ont bien tenté de rassembler et brûler toutes les copies des Saintes Écritures, mais les chrétiens ont préféré donner leur vie plutôt que de livrer leurs livres. Par la suite, d’autres persécuteurs ont voulu en faire autant, et ils ont échoué pour la même raison. Mais quand bien même tous nos livres eussent été brûlés, la Bible n’aurait pas disparu : Isaïe dit en effet : « La parole de notre Dieu subsiste à jamais » (Isaïe 40, 8). À toutes les époques, un très grand nombre de chrétiens ont appris par cœur de longs passages de l’Ancien Testament et du Nouveau, en particulier les Psaumes et les évangiles. Aussi la Parole de Dieu ne pourrait-elle être supprimée, sauf à supprimer les chrétiens eux-mêmes. Au seizième siècle, pendant les persécutions qui ont eu lieu en France, le clergé de l’Église réformée a dû, dans bien des cas, apprendre par cœur des livres entiers de la Bible de façon à ce que, même si leurs livres leur étaient enlevés, ils pussent continuer à puiser l’eau de la vie dans les sources du salut, pour eux-mêmes comme pour leur peuple. Il est bien connu par ailleurs que, de tout temps, les juifs et les chrétiens ont pris le plus grand soin possible de leurs Saints Livres, leur attachant plus de prix qu’à leur propre vie. C’est pourquoi, dire qu’à un quelconque moment, que ce soit avant ou après l’Hégire, ces livres ont été corrompus (??????), délibérément ou non, c’est affirmer qu’il s’est passé quelque chose d’absolument impossible. Seuls les ignorants et les sectaires peuvent porter une telle accusation contre la Bible.

Pour le démontrer plus clairement qu’au soleil de midi, demandons-nous quel avantage les juifs et les chrétiens auraient pu avoir à corrompre leurs Livres Sacrés. Ils savaient bien que, s’ils tentaient de le faire, c’eût été pécher contre Dieu et attirer sur eux de terribles châtiments : cela est en effet enseigné tant dans l’Ancien Testament (Deutéronome 4, 2) que dans le Nouveau (Apocalypse 22, 18-19). En outre, ce faisant, ils eussent détruit leur propre religion et détourné à jamais de la voie du salut leurs enfants et les enfants de leurs enfants. Si des juifs et des chrétiens d’Orient avaient voulu obtenir de Mahomet et de ses disciples des avantages en ce monde, ils auraient essayé d’introduire des passages qui eussent appuyé les revendications de Mahomet plutôt que de les supprimer, comme les musulmans les accuse de l’avoir fait. En rejetant Mahomet, ils se condamnaient eux-mêmes et leurs descendants à payer directement tribut et à être humiliés (cf. sourate IX, 29), à occuper la position dégradante des malheureux dhimmis (?????) [[gens du Livre, soumis à la capitation]]. Fréquemment, ils savaient qu’ils couraient le danger d’être victimes de terribles massacres et de brutalités indicibles, comme ce fut le cas à Aden et aux alentours en 1909 ap. J.-C. Pendant de nombreux siècles, des scènes épouvantables de ce genre ont été le résultat naturel de ces mots de la sourate At Taubah (L’immunité) telle qu’elle était interprétée par des dirigeants féroces et des multitudes ignorantes. Si les juifs et les chrétiens avaient accepté Mahomet comme prophète, non seulement ils auraient échappé à toute cette cruauté et oppression mais ils auraient aussi partagé tous les privilèges matériels qui appartiennent aux musulmans. Pourtant, ils ont préféré s’accrocher à leur foi ancestrale, sachant pourtant bien que, dans chaque mosquée de tout l’empire ottoman, lors de la prière du vendredi, tous les musulmans exprimaient la haine qu’ils avaient pour eux, répétant ces mots terribles : « Ô Dieu, fais des veuves de leurs femmes et des orphelins de leurs enfants, et fais que leurs possessions soient une possession pour les musulmans ». N’est-il pas évident que, si les juifs ou les chrétiens avaient trouvé, dans leurs Saintes Écritures, quelque prophétie ayant trait à Mahomet, les invitant à l’attendre et à l’accepter quand il viendrait, ils fussent volontiers devenus ses disciples, obtenant ainsi les choses bonnes en ce monde et dans le monde à venir ? C’est pourquoi tout les incitait à tenter de corrompre leurs Écritures, non pas en en supprimant certains passages mais en y insérant des passages ayant trait à Mahomet. Le fait que de tels passages n’ont pas été insérés prouve qu’ils n’ont pas corrompu les Écritures et qu’ils ne le pouvaient pas. Ni les juifs ni les chrétiens n’avaient intérêt à les corrompre en supprimant des versets qui leur auraient apporté de grands avantages et, en les corrompant ainsi, les auraient condamnés à une misère indicible en ce monde et dans l’autre. Il suffit d’y réfléchir quelque peu pour s’apercevoir que l’on ne peut pas croire que les choses se soient passées ainsi dans la mesure où ils n’avaient aucun motif de le faire mais, par contre, bien des raisons de ne pas le faire.

Par ailleurs, si soit les juifs, soit les chrétiens avaient eu l’intention et avaient tenté de corrompre leurs Écritures, les autres eussent immédiatement détecté et dénoncé cette falsification. À l’époque de Mahomet, mais aussi tant avant qu’après, l’animosité était grande entre juifs et chrétiens, aussi ne peut-on aucunement imaginer qu’ils aient pu se mettre d’accord pour falsifier l’Ancien Testament. Si l’une quelconque des sectes juives ou chrétiennes, dans quelque pays que ce soit, par exemple en Arabie, avait tenté de corrompre les Écritures, les autres sectes du pays et celles de toutes les autres parties du monde les eussent publiquement et violemment condamnées pour un péché aussi terrible. Des manuels d’histoire ont été écrits par des juifs, des musulmans et des chrétiens, mais aucun d’entre eux ne mentionne qu’il a été prouvé qu’une telle tentative ait été faite soit à l’époque de Mahomet, soit après sa mort. En outre, si une quelconque secte avait jamais envisagé de commettre un tel crime, il lui eût été absolument impossible de le faire en pratique. En effet, avant l’Hégire, la religion chrétienne s’était répandue à un tel point que, dans leur majorité, les populations d’Asie mineure, de Syrie, de Grèce, d’Égypte, d’Abyssinie, d’Afrique du Nord et d’Italie professaient la foi au Christ. De plus, beaucoup de gens avaient accepté le christianisme en Arabie, en Perse, en Arménie, en Géorgie, en Inde, en France, en Espagne, au Portugal, en Angleterre et en Allemagne. Dans tous ces pays, on parlait des langues différentes, et des traductions de la Bible dans un grand nombre de ces langues avaient été faites avant l’époque de Mahomet, notamment en latin, en arménien, en syriaque, en copte, en éthiopique, en gothique et en géorgien. En outre, on disposait de l’original hébreu de l’Ancien Testament et de l’original grec du Nouveau Testament. L’Ancien Testament avait également été traduit en grec dans sa totalité et en grande partie en araméen.

On trouvait aussi des juifs dans tous les pays que nous avons mentionnés. Ils étaient divisés en plusieurs partis plus ou moins opposés entre eux et, de leur côté aussi, les chrétiens étaient divisés en de nombreuses sectes hostiles entre elles. Si donc une quelconque secte juive ou chrétienne avait tenté de corrompre l’un ou l’autre des Livres Sacrés, les autres eussent immédiatement détecté et impitoyablement dénoncé ce crime. On voit donc qu’aucun fou n’est suffisamment fou pour s’imaginer que tous les juifs et tous les chrétiens aient pu se mettre d’accord pour corrompre la Bible. Et quand bien même ils l’eussent fait, ce crime eût été découvert depuis longtemps, du fait de l’existence de tant de manuscrits bien antérieurs à l’époque de Mahomet. Les multiples versions anciennes et les nombreuses citations de la Bible que l’on trouve chez des auteurs qui ont écrit avant l’époque de Mahomet démentent formellement l’accusation selon laquelle la Bible aurait été corrompue à son époque ou après.

Les musulmans qui affirment que les juifs et les chrétiens ont corrompu leurs Écritures disent qu’ils l’ont fait pour supprimer toutes les prophéties relatives à Mahomet que contenaient ces livres. Nous avons déjà vu que les « gens du Livre » n’avaient aucun intérêt à le faire et qu’ils eussent plutôt été tentés d’interpoler de tels passages et non de les supprimer. Bien plus, des commentateurs mahométans répondent eux-mêmes à cette accusation en disant que l’on trouve encore dans la Bible de nombreuses prophéties relatives à Mahomet. Si c’est bien le cas, alors les juifs et les chrétiens ne sont évidemment pas coupables de les avoir supprimées. S’ils ont tenté de commettre un tel crime et s’ils ont réussi à supprimer certaines de telles prophéties, comment expliquer que d’autres y auraient été conservées, dont le Coran lui-même affirme qu’on les trouve dans les Saintes Écritures ?  Si ces passages se rapportent effectivement à Mahomet, il est alors bien clair que la Bible n’a pas été corrompue de la manière et dans le but qu’affirment certains musulmans. Par exemple, le Coran dit que Mahomet est mentionné par le Seigneur Jésus-Christ.  S’appuyant sur Jean 16, 7, des commentateurs disent que, ici, le Coran se réfère à la promesse faite par le Christ de la venue du Paraclet. Les chrétiens ne croient pas que la promesse faite dans ce passage se rapporte effectivement à Mahomet. Mais le fait est que ce verset se trouve toujours dans le Nouveau Testament, et cela montre qu’il n’a pas été supprimé. Si les chrétiens avaient voulu faire disparaître tout passage se rapportant à Mahomet, ils n’auraient certainement pas laissé ce verset dans la Bible car c’est manifestement à lui que se réfère le Coran pour démontrer la validité des affirmations de Mahomet. En outre, tous les spécialistes en la matière, y compris chez les musulmans, savent que Mani affirmait être le Paraclet, appuyant ses prétentions sur ce verset. Pourtant, lorsque fut révélée son imposture et après que sa religion eut disparu de la surface de la terre, les chrétiens ont continué à maintenir ce verset dans l’Évangile.

Quant aux juifs, ils trouvaient dans l’Ancien Testament de nombreuses prophéties relatives au Messie. Les chrétiens affirmaient que celles-ci avaient déjà été accomplies dans une large mesure dans le Seigneur Jésus-Christ et disaient que cela prouvait que c’était Lui le Messie. Ces passages messianiques constituaient et constituent encore une terrible condamnation des juifs. Pourtant, ceux-ci n’ont jamais tenté de les faire disparaître de l’Ancien Testament. S’ils avaient voulu supprimer les prophéties relatives au Christ, ils auraient tenté de faire disparaître de leurs Saintes Écritures, entre bien d’autres, les passages suivant : Genèse 49, 10 ; Deutéronome 18, 15-18 ; Psaume 22, 14-18 ; Isaïe 7, 14 ; Isaïe 9, 6-7 ; Isaïe 11, 1-10 ; Isaïe 52, 13-fin et 53 ; Daniel 7, 13-14 ; Daniel 9, 24-27 ; Michée 5, 2 ; Zacharie 12, 10. En effet, tous ces passages parlent clairement de Lui (comparer Luc 24, 25-27). D’autres passages que les juifs auraient fait disparaître de la Bible, s’ils avaient osé tenter de la corrompre, c’est toute la série des versets qui énumèrent et condamnent leurs péchés ; mais, même ceux-là, on les trouve aujourd’hui encore dans l’Ancien Testament en hébreu ainsi que dans toutes les versions. Dieu leur avait enjoint d’observer la Loi de la Torah (Josué 1, 7) et de ne rien y ajouter ni de rien en retrancher (Deutéronome 4, 2 ; 12, 32). C’est pour cela que, jusqu’à ce jour, ils ont si soigneusement préservé l’Ancien Testament dans sa totalité, veillant à ce que n’en fût perdu ni un mot ni une lettre : pour cela, ils en ont compté tous les mots et toutes les lettres et ont noté tous ces nombres. Les copies de l’Ancien Testament dans l’original en hébreu que les chrétiens utilisent sont les mêmes que celles qu’emploient les juifs ; en fait, elles sont réalisées par les mêmes imprimeurs.

Au cas où un quelconque lecteur suspecterait encore les juifs d’avoir corrompu l’Ancien Testament avant l’époque du Christ, puisque, manifestement, ils n’auraient pas pu le faire après, il faut faire remarquer que, comme le dit justement le Coran, le Christ a confirmé les Saintes Écritures qu’ils avaient alors et qui sont exactement les mêmes que celles qu’ils ont aujourd’hui.  Ni le Christ ni l’un quelconque de Ses Apôtres n’ont, dans aucune partie du Nouveau Testament, accusé les juifs d’avoir corrompu leurs Écritures, bien que leurs péchés réels soient dénoncés. Au contraire, partout, le Nouveau Testament affirme l’authenticité de l’Ancien Testament et encourage les hommes à l’étudier. C’est ce que disent à l’évidence, notamment, des passages tels que Matthieu 5, 17 ; 22, 31-32 ; Marc 7, 6-10 ; Luc 11, 29-32 ; 24, 25-27, Jean 5, 39 ; 5, 45-47 ; 2 Timothée 3, 16. Il est donc évident que, à l’époque du Christ et de Ses Apôtres, on admettait que l’Ancien Testament se composait de livres inspirés, authentiques et non corrompus. Il est certain que, si les juifs les avaient falsifiés, le Christ les eût publiquement condamnés pour avoir commis un tel crime. Il eût sans doute aussi mentionné les passages corrompus, et Il les eût corrigés, pour l’instruction de Ses disciples.

Cet argument contribue aussi à démontrer que les Écritures n’avaient pas été détruites ni corrompues lors de la chute de Jérusalem sous Nabuchodonosor ou durant la captivité à Babylone. Sinon, le Christ nous l’aurait dit.

Certains auteurs musulmans vont jusqu’à affirmer qu’ils peuvent prouver que la Torah a été sciemment corrompue en certains endroits. L’un des passages allégués est Deutéronome 27, 4 où, dans la version samaritaine du Pentateuque, on lit « sur le mont Garizim » alors que, dans la version hébraïque on lit : « sur le mont Ébal ». Mais, considérant que non seulement la version en hébreu mais encore toutes les versions anciennes (Septante, Vulgate latine, Peshitta syriaque, version en arménien et version en éthiopique) ont « Ébal » et non « Garizim », c’est presque certainement « Ébal » qui est correct. Ce ne sont pas les juifs qui ont tenté de corrompre le texte mais les Samaritains ; mais, manifestement, ils n’ont pas réussi à le faire. Il se peut aussi que leur variante soit due à la volonté d’un quelconque scribe de corriger ce qu’il s’imaginait honnêtement être l’erreur d’un autre copiste puisque, au verset 12, les bénédictions doivent être prononcées par certaines tribus demeurant sur le mont Garizim. Si les juifs avaient voulu changer quoi que ce soit, c’est le verset 12 qu’ils auraient modifié, pas le verset 4. Cela prouve donc que les juifs n’ont pas corrompu ce passage, même si les Samaritains, eux, ont essayé de le faire. Et, s’ils ont essayé, ils n’y ont pas réussi.

Dans le même sens, pour ce qui est de l’âge des patriarches que l’on trouve en Genèse 5 et 11, il y a une différence entre la version hébraïque et la version samaritaine de la Torah et dans la Septante. Mais il s’agit là, presque certainement, d’une différence accidentelle. Dans les livres anciens, les chiffres peuvent facilement être confondus avec d’autres. En l’occurrence, il est bien évident que les différentes variantes n’affectent en aucune manière ni la morale, ni les doctrines.

Certains auteurs musulmans ont essayé de démontrer que la Bible comporte de nombreuses contradictions et, pour eux, cela prouve que les livres ont été corrompus. Mais tous les hommes sensés admettent comme un fait établi que, lorsque deux auteurs ou plus font des récits distincts d’un même événement, on constate toujours quelque différence d’un récit à l’autre ; sinon, cela prouve qu’il y a eu collusion. De telles différences peuvent bien être considérées comme des contradictions pour quelqu’un qui ne connaît pas toutes les circonstances qui entourent l’événement, mais pas pour des gens qui ont étudié à fond cette question. L’existence même de telles différences et contradictions apparentes – par exemple dans les deux généalogies du Christ (cf. Matthieu 1, Luc 3) et les deux récits de la mort de Judas (cf. Matthieu 27, 5 ; Actes 1, 18-19) – prouve à l’évidence que nul n’a corrompu le texte des Écritures ; sinon, ces différences eussent été supprimées.

Certains affirment que le Nouveau Testament a été falsifié par l’interpolation des passages suivants : Marc 16, 9-20 ; Jean 5, 3-4 ; 7, 53 – 8, 11 ; 1 Jean 5, 7. Cette affirmation n’est pas tout à fait exacte : nous, les chrétiens, nous avons constaté que ces versets n’existent pas dans les manuscrits les plus anciens et, de ce fait, nous avons admis qu’il s’agit, en quelque sorte, de notes marginales dont quelque scribe a pu imaginer qu’elles faisaient partie du texte et les y a donc inséré dans sa copie. Mais ces passages ne modifient pas un seul point de doctrine. Les faits mentionnés de façon très concise en Marc 16, 9-20 sont présentés beaucoup plus en détail dans les autres évangiles. L’histoire de la femme adultère est rapportée par Papias.  La doctrine de la Sainte Trinité est clairement enseignée en Matthieu 28, 19 et dans bien d’autres passages. C’est pourquoi l’omission des versets que nous avons mentionnés n’affecte pas le moins du monde une seule doctrine de la foi chrétienne.

À cet égard, il y a une grande différence entre la Bible et le Coran. Les spécialistes savent que certains membres du parti de la shi’ah ont affirmé que certains versets du Coran ont été modifiés par les califes Omar et ‘Uthman pour cacher le fait qu’Ali aurait dû être le premier calife et que l’imamat aurait dû être maintenu dans sa famille. D’autres disent que toute une sourate, qu’ils appellent sourate al-Nouraïn, a été omise pour la même raison. Il n’entre pas dans notre dessein de rechercher s’il y a quelque vérité dans l’une et l’autre de ces affirmations même si, pour les musulmans, cette question est bien évidemment de la plus grande importance : en effet, si la sourate al-Nouraïn fait vraiment partie du Coran, les sunnites se trouvent alors dans une position malheureuse puisque cette sourate dit à leur sujet : « En vérité, il y a un lieu pour eux en enfer ; ils n’y échapperont point » . Dans son ouvrage : Dabistan-i Mazahib (imprimé à Bombay en 1292 de l’Hégire, pp. 220-221), Mirza Muhsin du Cachemire, surnommé Fani, nous donne la version complète de cette sourate al-Nouraïn et dit que certains membres du parti de la shi’ah « affirment que ‘Othman, après avoir brûlé les documents originaux (??????????), a supprimé certaines des sourates qui étaient en faveur d’Ali et de la supériorité de sa famille ; et l’une de ces sourates était celle-ci… »  Il nous informe également que certains des ‘Ali-Ilahis nient que le Coran soit la version originale qui, selon l’opinion commune des musulmans, fut envoyée à Mahomet mais que, selon ces sectaires, le Coran qui existe actuellement a été composé par Abu Bakr, Omar et ‘Uthman. Certes, tous les spécialistes pensent que ces affirmations sont erronées mais nul ne peut nier que certains musulmans les ont avancées et étayées par des arguments. Aux fins du présent Traité, il suffit de faire remarquer que ces questions relatives aux additions ou omissions qui, selon ce qu’affirment certains, seraient intervenues dans le texte du Coran affectent le salut de tous les musulmans, si l’islam est bien la voie du salut choisie par Dieu. Par contre, les questions qui ont été posées à propos de la Bible non seulement n’affectent pas le salut d’un seul chrétien mais encore ne jettent aucun doute sur la moindre des doctrines de la foi chrétienne.

Un autre argument que certains musulmans avancent contre la Bible est que certains livres qui en faisaient autrefois partie ont été perdus, par exemple le Livre du Juste (cf. Josué 10, 13) et le Livre des guerres de Yahvé (cf. Nombres 21, 14). Mais ces livres n’ont jamais fait partie de la Bible, tout comme les livres que le Coran attribue à Abraham et d’autres n’ont jamais fait partie du Coran.

Il a été dit que la Bible catholique romaine contient des livres qui ne se trouvent pas dans celle des protestants. En réponse à cela, il faut préciser que, dans le Nouveau Testament, tous les chrétiens reçoivent les mêmes livres canoniques. À l’Ancien Testament, les catholiques ont ajouté certains livres qui n’étaient pas acceptés par l’Église chrétienne primitive, qui n’ont jamais été inclus dans le canon juif des Écritures et qui n’existent pas en hébreu.

Nous, les protestants, nous recevons les livres canoniques de la Bible hébraïque tels qu’ils ont été reçus et confirmés et nous ont été transmis par le Seigneur Jésus-Christ et Ses Apôtres. Mais même s’il fallait admettre les livres supplémentaires qui sont reçus par les catholiques romains et l’Église grecque [[orthodoxe]], leur admission ne changerait pas une seule doctrine de la foi chrétienne. Il existe, entre ces Églises et les Églises protestantes, des différences doctrinales mais celles-ci ne se fondent pas sur des Écritures différentes, tout comme l’existence de tant de sectes chez les musulmans n’est pas due à des différences dans le Coran qu’ils utilisent tous.

Nous avons déjà parlé des anciens manuscrits de l’Ancien et du Nouveau Testaments dans leurs langues originales, ainsi que des versions anciennes de la Bible dans différentes langues qui ne sont plus parlées par les hommes. Mais il faut aller un peu plus loin et mentionner les preuves que l’on trouve chez les premiers auteurs chrétiens sur le sujet dont nous parlons dans ce chapitre. Nous possédons des livres écrits par quelques centaines de ces hommes, certains en grec, d’autres en latin, en syriaque, en copte et en arménien ; les plus anciens datent du premier siècle et les autres s’échelonnent jusqu’à l’époque de Mahomet et au-delà. L’écrit chrétien non canonique le plus ancien qui nous ait été conservé est l’Épître aux Corinthiens de Clément de Rome (93-95 ap. J.-C.) ; viennent ensuite sept lettres d’Ignace (109-116 ap. J.-C.) et une de Polycarpe (vers 110 ap. J.-C.) ; puis l’épître faussement attribuée à Barnabé (100-130 ap. J.-C.). Tous ces auteurs écrivaient en grec, et ces lettres nous ont été conservées. Viennent ensuite de très nombreux auteurs qui ont écrit dans les autres langues que nous avons mentionnées. Tous ceux dont les œuvres ont survécu en tout ou partie témoignent du fait que la foi des chrétiens de leur époque était la même que celle qui est contenue dans la Bible que nous avons actuellement. En outre, on trouve dans les œuvres de ces auteurs des citations des Saintes Écritures ; parfois elles se contentent d’en donner le sens général mais parfois elles reprennent textuellement les termes des versets que l’on trouve dans l’Ancien Testament et le Nouveau.

C’est là une preuve supplémentaire que la Bible n’a été corrompue à aucune époque, que ce soit avant ou après l’Hégire, et que les livres authentiques de l’Ancien Testament et du Nouveau n’ont jamais été remplacés par d’autres.

Si, à l’époque de Mahomet ou par la suite, un certain nombre de personnes malintentionnées et athées avaient voulu, collectivement, corrompre, modifier ou falsifier les Saintes Écritures, cela leur eût été absolument impossible : il leur eût fallu se procurer et falsifier tous les manuscrits de la Bible, dans l’original hébreu ou grec, partout où ils pouvaient se trouver. Pour cela, il leur eût fallu parcourir une bonne partie de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, visiter toutes les églises et toutes les synagogues ainsi que toutes les bibliothèques et toute demeure juive ou chrétienne de quelque importance. Mais il eût également été nécessaire de trouver et modifier toutes les copies des différentes versions de la Bible en latin, en grec, en copte, en syriaque, en éthiopique, en arménien, en géorgien, etc. Puis il leur eût aussi fallu aller chez les samaritains et obtenir d’eux l’autorisation de trafiquer les anciens manuscrits de la Torah qu’ils conservaient précieusement ainsi que la version qu’ils en avaient faite dans leur propre langue. Quant aux juifs, ils eussent dû corrompre leurs targoums en araméen. Puis les faussaires eussent dû trouver tous les livres chrétiens écrits dans les langues que nous avons mentionnées pour falsifier les citations des Saintes Écritures qu’ils pouvaient contenir. Il eût suffi qu’un seul de ces livres, dans une quelconque de ces langues, échappât à la falsification pour que leurs efforts eussent été en vain. En outre, il eût été nécessaire de convaincre les juifs et les chrétiens d’oublier ce qu’ils avaient appris de la Bible et de falsifier également les tablettes de leur mémoire. Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que tout cela était impossible ; encore plus difficile à croire serait que l’on ait réussi à persuader tous les juifs et tous les chrétiens d’accepter un tel crime avec pour seules perspectives, ici-bas, d’être opprimés par les musulmans et, dans l’au-delà, de subir à juste titre la colère de Dieu.

Imaginons, si nous le pouvons, un groupe de musulmans – aujourd’hui ou même avant l’invention de l’imprimerie et de la lithographie – qui aurait décidé de falsifier tous les exemplaires du Coran et tous les livres religieux dans l’ensemble du monde islamique. Comme cette idée nous paraît absurde ! Pourtant, le Coran n’a pas été traduit en autant de langues que l’était la Bible à l’époque de Mahomet. Même si toutes les copies du Coran avaient été perdues ou corrompues, on pourrait facilement en reconstituer le texte à partir des citations qui en sont faites dans les ouvrages des commentateurs et même dans des livres tels que le Sirat al-Rasul d’Ibn Hishâm, le Kitab al-Maghazi de Katib al-Waqidi, le Futuh ush-Sham, le Futuh al-Misr, le Futuh al-Ajam, dans les Chroniques d’At Tabari et d’Ibn al-Athir ainsi que dans d’autres livres anciens. Nul ne saurait envisager la possibilité de corrompre tous ces ouvrages, quoiqu’ils soient tous écrits dans une seule et même langue. Combien plus ardu encore serait de vouloir falsifier toutes les citations de la Bible dans tant de langues différentes ! Pourtant, même si cela avait été fait, cette fraude aurait été révélée grâce à la découverte, ces dernières années, de très anciens manuscrits d’ouvrages chrétiens primitifs perdus depuis longtemps. Récemment, on a trouvé dans des bibliothèques de monastères très antiques, mais aussi ailleurs, maints écrits des anciens temps en grec, en copte, en syriaque et en arménien dont nous connaissions les noms mais dont tous les spécialistes pensaient qu’ils avaient définitivement disparu il y a plusieurs siècles. Trois d’entre eux sont particulièrement célèbres : (1) La Didachè, ou Enseignement des Douze Apôtres (131-160 ap. J.-C.) ; (2) l’Apologie d’Aristide (138-147 ap. J.-C.) ; et le Diatessaron de Tatien (160-170). Comme ces ouvrages étaient considérés comme perdus bien avant l’époque de Mahomet, il est impossible qu’ils aient pu être corrompus après sa naissance. Ils nous montrent que, en ces temps très anciens, la foi chrétienne enseignait exactement les mêmes doctrines que celles que l’on trouve dans l’Ancien et le Nouveau Testaments tels qu’ils sont aujourd’hui diffusés dans le monde entier. On peut en conclure que la foi chrétienne enseignée dans la Bible n’a pas été corrompue depuis l’époque des Apôtres.

Un autre fait qui confond la théorie commune du tahrif, c’est que, lorsque ses armées conquirent la Syrie, l’Irak et l’Égypte, le calife Omar a trouvé à Césarée, à Alexandrie et dans bien d’autres lieux de grandes bibliothèques pleines de livres. Il s’y trouvait en particulier de nombreuses copies des Saintes Écritures et d’ouvrages composés par des enseignants chrétiens. Les musulmans auraient pu préserver ces livres et s’y référer par la suite pour savoir si les Écritures chrétiennes des temps ultérieurs avaient ou non été falsifiées. Mais Abu al Faraj nous informe que, lorsqu’on demanda au calife Omar ce qu’il fallait faire de la grande bibliothèque d’Alexandrie, il donna l’ordre de la détruire. Ce qui fut fait. Dans le même sens, l’auteur du Kashf al-Zunun (??? ?????????) nous dit que, lorsque Sa'd ibn Abi Waqqas (??? ??? ??? ??????) conquit la Perse, ce même calife ordonna de détruire les bibliothèques de Perse.  Si les musulmans avaient préservé certains des exemplaires de la Bible qui tombèrent alors entre leurs mains, ils auraient alors été capables d’empêcher toute falsification de ces livres dans la suite des temps, au cas où quiconque aurait voulu corrompre la Sainte Écriture. Comme ils croyaient que le Coran était le « Protecteur » (????????? sourate 5, 52 [[DM 48]]) du « Livre de Dieu », un tel comportement eût été tout à fait approprié de la part des musulmans. Mais ce furent les chrétiens qui firent ce que les musulmans n’avaient pas fait car, ainsi que nous l’avons vu, nous possédons maints manuscrits de la Bible qui furent écrits plusieurs siècles avant l’Hégire et qui ont échappé au sort dont furent probablement victimes de nombreux manuscrits de la Bibliothèque d’Alexandrie et d’ailleurs. Les érudits musulmans qui passent par Rome, Saint-Pétersbourg ou Paris peuvent voir de leurs propres yeux certains de ces manuscrits, sans compter que des reproductions photographiques de certains d’entre eux ont été publiées. C’est en comparant entre eux ces manuscrits que l’on a publié la version actuelle en hébreu de l’Ancien Testament et celle en grec du Nouveau Testament, et c’est à partir de ces versions qu’ont été faites les traductions que nous en connaissons aujourd’hui, en plus de 400 langues.

Les preuves que nous avons brièvement résumées dans ce chapitre permettent clairement de conclure que les plus éminents commentateurs musulmans du passé et les plus importants de leurs spécialistes actuels ont raison d’affirmer que les Saintes Écritures des juifs et des chrétiens n’ont pas été corrompues, ni avant l’époque de Mahomet, ni après. Nous avons également vu que ni l’Ancien Testament ni le Nouveau n’ont jamais été abrogés et qu’ils ne peuvent l’être ni dans les faits qu’ils racontent ni dans les doctrines et les principes moraux qu’ils enseignent. Il a été démontré que l’Ancien Testament et le Nouveau Testament que nous connaissons aujourd’hui sont ceux que possédaient les juifs et les chrétiens à l’époque de Mahomet, et que le Coran lui-même en témoigne, leur attribuant maints titres sublimes, demandant aux musulmans d’y croire  et affirmant que lui-même a été envoyé par le Dieu Très-Haut pour confirmer la Bible et en être le « Protecteur » .

Il s’ensuit que les musulmans qui croient vraiment au Coran ne peuvent pas ne pas voir qu’ils ont le devoir de ne pas se laisser égarer par les préjugés des ignorants mais plutôt de se soumettre à ce que dit le Coran en prenant la Bible pour « lumière et guide ».  Pour ce faire, il leur faut l’étudier, en priant sincèrement le Dieu Très-Miséricordieux d’ouvrir leur cœur afin qu’ils puissent comprendre les enseignements qu’il contient et suivre la juste voie, la voie de ceux à qui Il fait miséricorde et non celle de ceux qui s’égarent.
 

 IIe PARTIE

OÙ SONT PRÉSENTÉES LES PRINCIPALES DOCTRINES DES SAINTES ÉCRITURES ET OÙ IL EST DÉMONTRÉ QUE LEUR ENSEIGNEMENT SATISFAIT AUX CRITÈRES DE LA VÉRITABLE RÉVÉLATION TELS QU’ÉNONCÉS DANS L’INTRODUCTION

CHAPITRE 1

BREF EXPOSÉ DU CONTENU ESSENTIEL DE LA BIBLE

La Bible se compose de deux parties : l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Souvent, on appelle le premier la Torah et le second l’Injil parce que la Loi de Moïse et l’Évangile constituent, respectivement, le premier livre de ces deux volumes.

Il a déjà été dit  que les juifs divisent l’Ancien Testament en trois parties principales : la Loi (Torah), les Prophètes et les Livres (????????). Autrefois, on appelait cette dernière partie les Psaumes (????????) parce qu’elle commence par les Psaumes. À l’origine, l’Ancien Testament fut écrit en hébreu, à l’exception de quelques chapitres qui le furent en araméen. La langue originale du Nouveau Testament est le grec. Les juifs ont très soigneusement préservé, jusqu’à nos jours, l’Ancien Testament dans ses langues originales. Les chrétiens ont accepté l’Ancien Testament des mains des juifs, sur l’autorité du Seigneur Jésus-Christ lui-même.  Notre canon des livres de l’Ancien Testament est exactement le même que celui des juifs qui vivaient en Palestine à l’époque du Christ et que celui qui existe aujourd’hui encore dans tous les pays.

L’Ancien Testament contient la Révélation divine telle qu’elle a été transcrite par des prophètes et d’autres hommes inspirés par Dieu avant la venue du Christ. Dans la plupart des cas, ces livres portent le nom de celui qui les a rédigés, mais l’auteur de certains livres n’est connu que par la tradition. Néanmoins, du fait que Notre-Seigneur Jésus-Christ a confirmé ces livres, comme l’affirme d’ailleurs le Coran lui-même,  nous sommes justifiés de les accepter, en nous appuyant sur Son autorité. Autrefois, l’Ancien Testament était divisé en vingt-deux livres,  nombre qui correspond aux vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu. Les juifs ont séparé le Livre de Ruth du Livre des Juges, et les Lamentations de Jérémie de son livre de prophéties, aussi comptent-ils maintenant vingt-quatre livres. Il est maintenant devenu courant de séparer en deux le Livre de Samuel, le Livre des Rois et les Chroniques, et chacun des douze prophètes mineurs est désormais compté indépendamment. C’est pourquoi nous comptons aujourd’hui trente-neuf livres dans l’Ancien Testament au lieu de vingt-deux. Cela ne signifie pas pour autant que l’on ait ajouté quoi que ce soit au Texte sacré, ainsi que pourraient l’imaginer les ignorants.

La Torah de Moïse se compose de cinq livres : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Ils racontent l’histoire de la création du monde et de l’homme, et ils nous disent comment Adam, Père de l’humanité, a désobéi à Dieu et, ce faisant, est tombé dans le péché et est devenu sujet à la mort, mais que le Dieu Très-Miséricordieux a ensuite promis d’envoyer dans le monde un Sauveur né de la descendance d’une femme (cf. Genèse 3, 15).

Lorsque les hommes s’enfoncèrent plus profondément dans le péché et se rendirent coupables de toutes sortes de crimes, Dieu envoya le Déluge sur la terre pour détruire toute l’humanité, à l’exception de Noé et de sa famille. Après le Déluge, toutes les nations qui avaient Noé pour origine commune se sont progressivement détournées du culte du Vrai Dieu. Mais, parmi tous les hommes, Dieu en choisit un : Abraham, qui adorait le Vrai Dieu Unique. En raison de sa foi, Abraham, l’ami de Dieu, reçut la promesse que le Sauveur à venir naîtrait parmi les descendants de son fils Isaac.  Des deux fils d’Isaac, Dieu choisit Jacob, qu’Il appela Israël,  et c’est avec lui qu’Il renouvela son Alliance et la promesse qu’Il avait faite à Abraham que toutes les familles de la terre seraient bénies en lui et en sa descendance.  En accomplissement de cette promesse, Dieu suscita par la suite les Prophètes dans sa descendance, ainsi que l’admet le Coran,  afin que, en toute sagesse, ils révèlent la volonté de Dieu et écrivent, par inspiration divine, « le Livre » qui témoigne du Messie promis.

Néanmoins, avant que pût se réaliser la promesse de Dieu, il fallait que les Enfants d’Israël fussent convenablement formés à devenir les enseignants de la race humaine en matière religieuse. La Torah nous raconte comment ils descendirent en Égypte, comment ils y demeurèrent pendant plusieurs siècles et devinrent une nation nombreuse. À la fin, alors qu’ils étaient cruellement opprimés par le Roi d’Égypte, Dieu suscita Moïse et, par sa main, Il fit sortir Son peuple du pays d’Égypte (vers 1320 av. J.-C. ou, comme le disent les juifs, en 1314 av. J.-C.). Puis, sur le mont Sinaï, Dieu manifesta Sa gloire aux enfants d’Israël et leur donna les Dix Commandements,  accompagnés de nombreux autres préceptes, le tout étant soigneusement consigné dans la Torah. Celle-ci avait notamment pour objectif d’enseigner au peuple à mieux connaître la Sainteté de Dieu, doctrine que nul ne connaissait alors à l’exception des Enfants d’Israël et que, de nos jours encore, seuls les juifs et les chrétiens reconnaissent. Un autre objectif de la Loi était d’empêcher les Israélites de se mélanger avec les païens au milieu desquels ils vivaient pour éviter que la lumière de la vérité et la doctrine de l’unicité de Dieu ne se perdissent dans les ténèbres du paganisme. Cette séparation devait se maintenir jusqu’à la venue du Sauveur du monde, auquel toutes les nations du monde devraient alors obéir.

Après que les Enfants d’Israël eurent erré et résidé pendant quarante ans dans différentes parties du désert aujourd’hui appelé At Tih (????????), Dieu les amena aux frontières de la Terre Promise, la terre de Canaan.  Le livre de Josué nous raconte la conquête de Canaan ainsi que la destruction partielle des nations idolâtres qui y vivaient, que le Dieu Très-Haut avait condamnées en raison de leur terrible méchanceté : elles avaient coutume de brûler vifs leurs enfants en offrande à des faux dieux et de pratiquer des abominations licencieuses en honneur des êtres mauvais qu’ils adoraient.  Il nous est dit qu’Israël prit possession de Canaan conformément à la promesse que Dieu avait faite à Abraham.

Les livres des Juges, de Ruth, de Samuel, des Rois et des Chroniques nous racontent les principaux événements de l’histoire des Enfants d’Israël depuis cette époque jusqu’à la captivité à Babylone. Au cours des premiers siècles de leur résidence dans le pays de Canaan, les Israélites tombèrent à de multiples reprises dans l’idolâtrie et furent châtiés par Dieu qui, pour leurs péchés, permit qu’ils fussent opprimés par les chefs païens des Canaanites qui vivaient encore dans la région, et par d’autres nations voisines. Pourtant, chaque fois que Son peuple se repentait et se tournait vers Lui, Dieu lui pardonnait miséricordieusement et intervenait pour le sauver de ses ennemis en suscitant chez lui quelque brave qui se faisait leur champion. Après le règne du premier roi des Israélites : Saül (appelé Taluth (????????) dans le Coran ), Dieu nomma David roi de tous les Enfants d’Israël,  vers 1020 av. J.-C. À David succéda son fils Salomon,  qui régna de 980 à 938 av. J.-C. L’histoire biblique nous raconte ensuite comment dix des tribus d’Israël se révoltèrent contre Réhoboam, fils de Salomon, et constituèrent le royaume d’Israël, ne laissant à la famille de David que le royaume de Juda. Bientôt, le royaume d’Israël s’égara dans l’idolâtrie, ainsi que le fit par la suite le royaume de Juda. Et c’est ainsi que les Israélites furent conquis par les Assyriens, et ils furent très nombreux à être emmenés captifs en Médie, en Perse et dans d’autres pays, en 730 av. J.-C. Juda suivit la même voie mauvaise et fut soumis au joug babylonien en 606 av. J.-C. Depuis ce temps, les juifs restèrent captifs à Babylone pendant soixante-dix ans, jusqu’en 536 av. J.-C. En 587 av. J.-C., Nabuchodonosor, roi de Babylone, détruisit le Temple que Salomon avait construit à Jérusalem et déporta à Babylone les principaux chefs des juifs.

Le Livre d’Ezra nous raconte que, lorsqu’eurent pris fin les soixante-dix années de sujétion à Babylone annoncées par le prophète Jérémie,  Dieu les délivra en changeant le cœur du roi Cyrus, roi de Perse, qui avait lui-même conquis Babylone ainsi que bien d’autres pays, et qui les autorisa à rentrer en Palestine. Les livres d’Esdras et de Néhémie nous racontent comment le Temple fut restauré et Jérusalem reconstruite. Pourtant, lorsque les juifs eurent rejeté le Sauveur promis, le Seigneur Jésus-Christ, ainsi que le racontent les évangiles, Celui-ci prédit qu’un terrible châtiment s’abattrait sur eux et que Jérusalem et le Temple seraient détruits.  Conformément à cette prédiction et à celle de Moïse,  les Romains détruisirent la ville et le Temple en 70 ap. J.-C. Et, depuis lors, les juifs n’ont pas eu un roi ni une terre à eux : ils sont toujours restés dispersés par toute la terre, souvent très cruellement opprimés. Et les jours de leurs « tribulations » ne sont pas encore terminés.

La Bible nous fait comprendre que, en traitant ainsi les Enfants d’Israël et en enjoignant aux historiens et aux prophètes de prendre note de tous les événements importants de leur histoire, Dieu poursuivait un triple dessein : (1) montrer aux juifs eux-mêmes (et, dans la suite des temps, à toutes les autres nations) que le cœur de l’homme est tellement porté à la rébellion que, malgré la grande miséricorde de Dieu et tant de bénédictions dont Il les avait comblés, eux qu’Il avait toujours guidés comme Il l’avait promis par la voix de Ses prophètes, les hommes étaient encore capables d’oublier le Vrai Dieu et, à terme, de tomber dans l’idolâtrie ; (2) enseigner aux Israélites que, pour se libérer du péché et pour échapper à l’esclavage des désirs de la chair, les hommes ne peuvent pas se contenter de connaître les commandements de Dieu ni d’observer formellement les cérémonies et rites extérieurs, mais qu’ils doivent faire quelque chose de plus afin que, progressivement, puissent naître dans leur cœur le désir et l’attente du Sauveur qui a été promis dans la Loi (la Torah) et par les Prophètes,  et qu’ils puissent ressentir le besoin qu’ils ont de Lui ; (3) que les Gentils, ayant appris ce que Dieu avait fait pour les Israélites et quelle sublime révélation Il leur avait faite de Sa propre nature dans Sa miséricorde, en leur manifestant Sa bonté et en leur révélant Sa justice et Sa sainteté ainsi que la Loi morale, puissent en arriver à connaître que leurs idoles n’étaient rien et que le Dieu d’Israël était le Seul Vrai Dieu, Créateur du ciel et de la terre, et que, de ce fait, les Gentils puissent à leur tour être amenés à désirer Le servir et à recevoir la lumière et le salut que devrait apporter le Sauveur du monde que Dieu avait promis lorsque, conformément à la prophétie, Il naîtrait de la descendance de David  dans la ville de Bethléem .

Outre les livres que nous avons déjà mentionnés, qui contiennent l’histoire des relations entre Dieu et les Enfants d’Israël, il y en a d’autres qui contiennent un enseignement de la volonté de Dieu, mais aussi des prières, des louanges et des actions de grâce au Dieu Très-Haut, ainsi que des prophéties d’évènements qui, à l’époque où elles furent prononcées, appartenaient encore à l’avenir mais dont beaucoup se sont, entre temps, accomplies. On citera notamment le Livre de Job, les Psaumes, les Proverbes, les livres d’Isaïe, de Jérémie, d’Ézéchiel, de Daniel et des douze prophètes mineurs. Si, dans une large mesure, l’enseignement de chaque prophète visait en premier lieu à avertir et à encourager le peuple de son temps, il n’en demeure pas moins que tous, par leur enseignement et leurs prophéties, préparaient le chemin en vue de l’avènement du Sauveur promis, dont la venue future avait été divinement annoncée à Abraham, Isaac, Jacob et Moïse.

De ces prophéties, ceux des Enfants d’Israël qui étaient pieux et craignaient Dieu pouvaient apprendre les éléments essentiels concernant le temps de Sa venue, le lieu de Sa naissance, la tribu et la famille auxquelles Il appartiendrait, Son caractère et la divinité de Sa nature, le genre d’actes qu’Il accomplirait, les souffrances qu’Il devrait endurer pour les hommes, mais aussi comment Il serait mis à mort et ressusciterait des morts sans être atteint par la corruption. Ils pouvaient aussi comprendre la nature du salut qu’Il offrirait aux hommes.

Du début jusqu’à la fin, les Saints Livres de l’Ancien Testament enseignent l’unicité de Dieu. Le credo des juifs est résumé en Deutéronome 6, 4 : « Écoute, Israël : Yahvé [[le Seigneur]] notre Dieu est le seul Yahvé [[Seigneur ]] ». Telle est la pierre angulaire de toute vraie religion, ainsi que l’a déclaré plus tard le Seigneur Jésus-Christ Lui-même (cf. Marc 12, 29). Mais, pour que cette grande vérité puisse revêtir une valeur pratique pour toute l’humanité, il est nécessaire que Dieu Se révèle aux hommes d’une manière telle qu’Il puisse être connu et aimé, faute de quoi, croire simplement en un Dieu Unique n’a pas, en réalité, plus de valeur que de croire en un soleil unique ou en tout autre fait important, et cela ne nous sauvera pas : en effet, les démons croient que Dieu est Un, mais cela ne suffit pas pour qu’ils soient sauvés (cf. Jacques 2, 19), parce qu’ils ne Le connaissent pas et ne L’aiment pas. C’est pourquoi, conformément aux prédictions des Prophètes d’Israël, dans la plénitude des temps, Celui qui, seul, est le Verbe de Dieu (???? ???? – cf. Jean 1, 1) est venu nous révéler Dieu et, ainsi, donner la vie éternelle à ceux qui croient vraiment en Lui, selon ce qu’Il a Lui-même dit (cf. Jean 17, 3).

Dans leur grande majorité, les juifs n’acceptèrent pas le Messie promis lorsqu’Il vint, parce que leur esprit était tourné vers les choses de ce monde et que, tout ce qu’ils désiraient, c’était être libérés du joug des Romains et non pas de l’esclavage du péché. Ils aspiraient non pas aux vraies richesses et à la paix avec Dieu mais à devenir les maîtres du monde et à participer au pillage des empires perse et romain. Pourtant, leurs propres Écritures enseignaient clairement que, lors de son premier Avènement, le Messie promis viendrait sans pompe ni pouvoir terrestres, qu’Il serait méprisé et rejeté par les hommes, qu’Il n’essaierait pas de faire entendre Sa voix sur les places publiques (cf. Matthieu 12, 20) mais qu’Il guérirait les cœurs brisés et délivrerait de l’esclavage du péché les captifs de Satan. C’est parce qu’ils aimaient ce qui est de ce monde, parce que leur religion n’était pas spirituelle, que beaucoup de juifs ont rejeté Jésus-Christ. Mais ceux des juifs pour qui la religion était avant tout spirituelle L’ont accepté avant Sa crucifixion ou après son Ascension, et ils sont devenus les hérauts du salut auprès des Gentils.

Le Nouveau Testament fut écrit par les Apôtres (?????????) et leurs disciples, avec l’aide de l’Inspiration divine promise par le Christ lui-même . Les évangiles font état de l’enseignement et des miracles du Christ, et ils nous expliquent comment tant de prophéties de l’Ancien Testament se sont réalisées en Lui. Les Écritures nous enseignent la voie du salut parce qu’elles exposent comment le Christ a offert Sa propre vie en expiation pour les péchés du monde entier et comment, le troisième jour après Sa crucifixion, Il est ressuscité des morts ; comment, pendant quarante jours encore après, Il est souvent apparu à ses disciples et les a enseignés. Il leur a enjoint d’évangéliser toutes les nations,  leur promettant de leur donner l’Esprit Saint afin qu’ainsi ils puissent recevoir de Dieu la force d’être Ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre. Il leur ordonna de rester à Jérusalem jusqu’à ce que l’Esprit Saint descende sur eux.  Enfin, Il est monté au ciel devant leurs yeux, leur promettant qu’Il reviendrait.

Du temps que Jésus-Christ vivait, Ses disciples ont pris note de bon nombre de Ses paroles et de Ses actes. Après Son ascension, ils commencèrent à prêcher oralement Son Évangile, la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. Finalement, cet Évangile fut mis par écrit dans quatre livres distincts – ce sont les Évangiles selon Matthieu, Marc, Luc et Jean – avant la fin du Ier siècle de l’ère chrétienne. Deux de ces quatre évangélistes – Matthieu et Jean – étaient des Apôtres. Marc, disciple de l’Apôtre Pierre, mit par écrit ce qu’il avait appris de Pierre ainsi que d’autres, ce qui fait que, dans son Évangile, nous avons le témoignage d’un troisième Apôtre. En outre, l’Évangile selon Marc contient de nombreux passages qui ont dû être mis par écrit avant l’Ascension. Dans son Évangile, Luc, ami et disciple de Paul l’Apôtre, a repris les témoignages non pas seulement d’un seul mais de très nombreux témoins oculaires des événements qu’il relate.  Dans les épîtres de Pierre, Jacques et Jude, nous avons les témoignages d’autres personnes qui comptèrent parmi les amis et disciples les plus fidèles du Christ. Jean, Son plus cher ami sur la terre, nous a également laissé des épîtres. Les épîtres de Paul, dont les plus anciennes (1 et 2 Thessaloniciens) furent écrites vingt-deux ou vingt-trois ans après l’Ascension, nous parlent de la voie du salut par le Christ et du devoir qu’ont les chrétiens d’y marcher, dignes de leur sainte vocation, et ainsi de plaire à Dieu. Une partie du plus ancien credo chrétien est donnée dans l’une des épîtres de Paul (1 Corinthiens 15, 3-4), où on lit : « Le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures ; il a été enseveli et il est ressuscité le troisième jour, conformément aux Écritures ». Il est donc bien clair que, pour les tout premiers chrétiens, l’essence tant de l’Ancien Testament que du Nouveau Testament était l’expiation pour le péché réalisée par le Christ Jésus ainsi que la preuve de son efficace fournie par Sa Résurrection. Les Actes des Apôtres, l’un des livres du Nouveau Testament, nous racontent la descente de l’Esprit Saint , du Paraclet , sept jours après l’Ascension du Christ, ainsi que la manière dont s’est déroulé le début de l’évangélisation du monde des Gentils. L’Épître aux Hébreux explique la relation existant entre la Loi de Moïse et l’Évangile du Christ. L’Apocalypse de Jean décrit prophétiquement le combat entre l’Église et le monde ainsi que le triomphe ultime du Bien sur le Mal. (Le neuvième chapitre de l’Apocalypse présente un intérêt particulier pour les musulmans.) Ce livre déclare que Satan recourra aux tentations et aux persécutions pour essayer de détacher les hommes du Christ, que l’Antichrist viendra pour les détourner du droit chemin, que, sauvés par la foi, les vrais chrétiens sortiront de la fournaise de l’affliction comme l’or pur sort du creuset, et que, à la fin, le Christ descendra du ciel avec puissance et grande gloire pour établir à jamais son Royaume dans le ciel renouvelé et la terre renouvelée, un Royaume dans lequel « il n’entrera rien de souillé, aucun artisan d’abomination et de mensonge, mais ceux-là seulement qui sont inscrits dans le livre de vie de l’Agneau » (Apocalypse 21, 27).

Tous ces livres du Nouveau Testament sont en accord avec ceux de l’Ancien Testament pour affirmer que la voie du salut, cette voie sur laquelle « toutes les familles de la terre seront bénies » (Genèse 28, 14), passe par la foi en Celui dont il est promis qu’Il descendra de la femme (cf. Genèse 3, 15), qui est né de la Vierge Marie (cf. Luc 1, 26-38 ) pour « sauver Son peuple de ses péchés » (Matthieu 1, 21), qui a donné Sa vie en rançon pour une multitude (cf. Isaïe 53, 11 ; Matthieu 20, 28), qui est ressuscité pour notre justification (cf. Psaume 16, 9-11 ; Actes 2, 22-36 ; Romains 4, 25), en Celui-là seul par qui l’homme peut parvenir à la vraie connaissance de Dieu (cf. Jean 14, 6) et obtenir le salut éternel (cf. Actes 4, 12). Nous apprenons ainsi comment les promesses faites par Dieu, il y a des milliers d’années, à Adam, Abraham, Isaac, Jacob et David ont été réalisées, comment, par le Sauveur, l’homme doit être libéré de l’esclavage du péché et de Satan, et comment la terre doit être amenée à un état de perfection et de bonheur bien plus grand qu’à l’époque précédant le péché d’Adam.

Les respectés lecteurs de ces pages auront maintenant bien compris que, pris ensemble, l’Ancien Testament et le Nouveau Testament ne constituent qu’une seule Révélation du Dieu Très-Haut. L’Ancien Testament nous dit comment les hommes sont devenus pécheurs et comment Dieu leur a promis quelqu’un qui les libérerait du péché. Le Nouveau Testament nous raconte comment cette promesse a été réalisée, comment le Christ Jésus a expié pour les péchés du monde entier (cf. 1 Jean 2, 2) et comment Il offre le salut à tous ceux qui se tournent sincèrement vers Lui (cf. Matthieu 11, 28 ; Jean 6, 37).

Pour ce qui est des Prophètes et des Apôtres, nous, les chrétiens, nous croyons que ce furent des hommes spécialement chargés par le Dieu Très-Haut de prêcher et enseigner l’humanité. Ils n’ont pas été chargés de diriger les hommes mais de les avertir d’avoir à se détourner de leurs péchés et à servir Dieu. Les Prophètes et les Apôtres n’ont pas été sans péché : en effet, le seul homme à avoir vécu sur la terre sans péché fut le Seigneur Jésus-Christ. De cette absence de péché, nous avons le témoignage de prophètes (cf. Isaïe 53, 9 ; Jean 8, 46), de Ses propres disciples (cf. 1 Pierre 2, 22 ; 1 Jean 3, 5 ; Hébreux 4, 15) et même de ceux qui l’ont mis à mort (cf. Luc 23, 14. 47). Le Coran attribue des péchés à d’autres prophètes  mais aucun à Jésus. Les traditions musulmanes (??????) sont d’accord sur ce point . Pourtant, lorsqu’ils ont transmis le message qui leur avait été communiqué par Dieu, le Saint Esprit de Dieu les a préservés d’enseigner une quelconque erreur ou d’omettre une quelconque doctrine nécessaire au Salut (cf. Matthieu 10, 20 ; Marc 13, 11 ; Jean 14, 26 ; 2 Timothée 3, 16 ; 2 Pierre 1, 21). Nous, les chrétiens, nous croyons que l’Inspiration (?????) a été accordée à ceux qui ont écrit les livres de la Bible, mais nous ne croyons pas que la Torah et l’Injil ont été composés au ciel, bien longtemps avant la création du monde, ni qu’ils ont par la suite été dictés mot pour mot aux Prophètes et aux Apôtres, pour que ceux-ci les mettent ou fassent mettre par écrit. De cette manière, Dieu ne S’est pas contenté de Se servir des mains et de la langue de ces hommes inspirés : Il a aussi utilisé la formation et la sagesse qu’Il leur avait données, leur expérience, leur science, leur esprit, leur cœur, leur âme ainsi que leur corps pour communiquer, à travers eux, ce qu’Il voulait enseigner à l’humanité. C’est pourquoi on trouve, dans la Sainte Écriture, à la fois un élément divin et un élément humain.

On trouve dans la Bible certaines doctrines qui dépassent notre compréhension humaine finie. Aussi certains s’imaginent-ils qu’elles sont contraires à la raison. Mais, en réalité, il n’en est pas ainsi. Étant donné que notre raison est un don de Dieu, Sa Vraie Révélation ne saurait lui être contraire. Mais, comme notre raison a ses limites, il n’est pas raisonnable de penser qu’elle puisse être capable de comprendre pleinement la Nature infinie (???) du Dieu Très-Haut. Si la Bible ou un quelconque autre livre professant venir de Dieu nous parlait de Lui d’une manière telle que tout le monde pût comprendre dans sa totalité le Mode d’Être Divin qui y est présenté, ce simple fait suffirait à prouver que la prétention de ce livre à provenir du Dieu Infini n’est pas et ne peut être fondée. Il sera bon de se rappeler cela lorsque, dans le prochain chapitre, nous considérerons ce qui nous a été révélé à propos de la Nature et des Attributs de Dieu.

 CHAPITRE 2

LES ATTRIBUTS DU DIEU TRÈS-HAUT
TELS QU’ENSEIGNÉS PAR LES SAINTES ÉCRITURES

Les Saintes Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testaments déclarent que l’existence de Dieu se déduit par évidence de celle de l’univers qu’Il a créé, et que la conscience et la raison de l’homme témoignent elles aussi de leur Divin Créateur (cf. Psaume 19, 1-4 ; Actes 17, 24-29). Ainsi, l’existence du Nécessairement Existant (???? ???????) étant, de soi, évidente, l’Écriture affirme que nier l’existence de Dieu provient d’une ignorance délibérée et d’une folie perverse (cf. Psaume 14, 1 ; 53, 1 ; Romains 1, 19-23). La Bible nous dit que Dieu est Un (cf. Deutéronome 4, 35. 39 ; 6, 4 ; Isaïe 44, 8 ; 45, 5 ; 46, 9 ; Marc 12, 29 ; Jean 17, 3 ; 1 Corinthiens 8, 4 ; Éphésiens 4, 6), qu’Il est Esprit (cf. Jean 4, 24) et qu’Il est invisible (cf. Jean 1, 18, 1 Timothée 6, 15-16) ; qu’Il est infini, éternel et immuable (cf. Psaume 90, 2 ; 102, 24-27 ; Jacques 1, 17) ; omniprésent et omniscient (cf. Psaume 139, 1-12 ; Jérémie 23, 23-24 ; Actes 17, 27-28) ; tout-puissant et tout-sage (cf. Genèse 17, 1 ; Job 12, 7-10.13 ; Psaume 104, 24 ; Isaïe 40, 12-18 ; 1 Jean 3, 20).

Semblablement, Dieu nous est présenté comme saint (cf. Apocalypse 19, 2 ; 21, 8 ; 1 Samuel 2, 2 ; Psaume 22, 3 ; 145, 17 ; Isaïe 6, 3 ; Apocalypse 4, 8), juste et équitable (cf. Nombres 23, 19 ; Deutéronome 32, 4 ; Psaume 33, 4-5 ; Isaïe 26, 7 ; 45, 21 ; Romains 2, 5-11 ; 1 Jean 1, 9 ; Apocalypse 15, 3 ; 16, 5-7), compatissant, miséricordieux et lent à la colère (cf. Exode 34, 6 ; Psaume 9, 8-10 ; Lamentations 3, 22-23 ; Ézéchiel 33, 11 ; Matthieu 5, 45 ; Jean 3, 16 ; 1 Jean 4, 16), comme créateur et vivificateur de toutes Ses créatures (cf. Genèse 1, 1 ; 1 Samuel 2, 7 ; Psaumes 33, 6 ; 37, 23-25 ; 104 ; Matthieu 6, 31-32 ; 10, 29-31 ; Romains 11, 36 ; Apocalypse 4, 11).

Tels sont quelques-uns des nombreux attributs glorieux dont la Bible nous dit qu’ils appartiennent au Seul Vrai Dieu. Tous les autres sont résumés dans l’affirmation qu’Il est parfait dans Sa Nature, Sa Connaissance, Son enseignement et Ses actes (cf. Deutéronome 32, 4 ; Samuel 22, 31 ; Job 36, 4 ; 37, 16 ; Psaume 18, 30 ; 19, 7 ; Matthieu 5, 48).

Il est donc indéniable que toutes ces affirmations contenues dans la Bible à propos du Dieu Très-Haut et de Ses sublimes attributs sont celles-là mêmes que confirment notre raison et notre conscience lorsqu’elles les entendent, parce qu’elles sont dignes du Créateur Très-Miséricordieux. Par ailleurs, les hommes n’auraient pu atteindre à ces connaissances à propos de Dieu si ce n’est par inspiration divine (?????) et si Dieu Lui-même ne les y avait conduits. En effet, à parcourir les œuvres des plus sages philosophes de l’antiquité, même celles de Platon et d’Aristote, on s’aperçoit que pas même ces hommes n’ont jamais enseigné, à propos de la Nature divine, aucune des considérations aussi sublimes que celles-là. Ils n’ont pas clairement enseigné l’unicité de Dieu, Sa Personnalité, Sa Sainteté. Sur ce dernier point en particulier, à savoir la doctrine de la Sainteté de Dieu, la Bible s’écarte radicalement de l’enseignement de toutes les autres religions, qu’elles soient anciennes ou modernes.

Lorsque quelqu’un de véritablement pieux, qui désire sincèrement connaître Dieu et faire Sa volonté, médite sur la Bible, la venue de la Parole de Dieu (???? ????) dans son cœur lui donne une lumière spirituelle (cf. Psaume 119, 105. 130) et lui permet de trouver Dieu (cf. Deutéronome 4, 29 ; Jérémie 29, 13 ; Jean 7, 17) et de connaître Sa volonté. La crainte et l’amour de Dieu naissent dans son cœur par l’opération de l’Esprit Saint de Dieu (cf. Romains 4, 5), et il reçoit la grâce qui le rend capable d’obéir à son Créateur. Son cœur est changé, il vit une nouvelle naissance spirituelle (cf. Jean 1, 12 ; 3, 5-6) et, par la foi en Jésus-Christ, il devient une nouvelle créature (cf. 2 Corinthiens 5, 17). Il apprend à haïr le péché et à aimer la justice, à fuir le mal et à s’attacher au bien et au divin. Car les Saintes Écritures nous enseignent que Dieu est Saint et Juste, et qu’il peut punir ceux qui, comme Pharaon, endurcissent leur cœur contre lui, mais aussi qu’Il est un Père aimant, compatissant, miséricordieux et bienveillant pour tous ceux qui se repentent sincèrement et qui se détournent de leurs péchés pour Le servir dans une vie renouvelée. Ainsi donc, à ne se limiter qu’aux seuls passages de la Bible que nous avons mentionnés dans ce chapitre, celui qui recherche la Vérité, pour autant qu’il médite sur les Saintes Écritures, commencera à voir que celles-ci satisfont réellement aux conditions d’une authentique Révélation. Et, si Dieu le veut, cela deviendra plus évident encore dans les prochains chapitres.

Le Nouveau Testament nous enseigne que l’on ne peut parvenir à une vraie connaissance de Dieu que par l’enseignement du Saint Esprit de Dieu, qui est toujours prêt à nous aider et à nous assister. La révélation parfaite de Dieu est donnée dans le Seigneur Jésus-Christ, qui a Lui-même dit : « Qui m’a vu a vu le Père » (Jean 14, 9), et en Lui seul, parce que Lui seul est la Parole (???????) de Dieu.

 CHAPITRE 3

DÉCHU DE SON ÉTAT ORIGINEL,
IL FALLAIT QUE L’HOMME FÛT SAUVÉ DU PÉCHÉ
ET ARRACHÉ À LA MORT ÉTERNELLE

Celui qui désire savoir quelle est exactement sa condition aux yeux du Dieu Très-Saint peut l’apprendre, en partie, en consultant sa propre conscience, mais aussi, et surtout, en consultant la Parole de Dieu (???? ????). En effet, Dieu connaît toutes choses et aucun secret ne Lui est caché : « Aussi nulle créature n’est cachée devant Dieu, mais tout est à nu et à découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte » (Hébreux 4, 13). Il sait non seulement ce que nous avons fait mais aussi tout ce que nous avons pensé et désiré depuis notre naissance. Dieu seul peut nous informer du dessein pour lequel Il nous a créés et gardés en vie et de ce dont dépend l’accès à notre bonheur futur. Dans leurs ouvrages, les philosophes ont exposé leurs théories et spéculations personnelles sur ces sujets ; mais notre raison nous assure que, si Dieu nous a révélé Sa Volonté par la voix de Ses Prophètes et de Ses Apôtres, ce qu’Il nous a enseigné dans Sa Parole (????) est alors, nécessairement, beaucoup plus fiable que les conclusions de raisonnements humains et faillibles. C’est pourquoi, pour découvrir ce que fut le dessein bienveillant de Dieu lorsqu’Il a créé l’humanité, et pour comprendre comment les hommes sont tombés dans l’état présent qui est le leur, marqué par le péché et le malheur, nous devons nous référer aux Saintes Écritures. C’est la raison pour laquelle l’auteur de ces pages se permet de demander, en toute courtoisie, à ses honorables lecteurs de se débarrasser de tout préjugé et de consulter la Torah, le ZAbur et l’Injil à qui, comme nous l’avons vu précédemment, leur propre Coran rend un témoignage si sublime. Cependant, lorsque nous consultons la Parole (????) de Dieu, nous le devons faire en toute révérence, humilité et gravité du cœur et de l’esprit et en suppliant le Dieu Très-Miséricordieux de nous accorder perception et inspiration spirituelles afin que nous puissions correctement comprendre leur sens, et d’ouvrir les yeux de notre intelligence afin que nous puissions percevoir notre condition intérieure et la voie qui mène à l’éternel salut, à la vie éternelle et au bonheur et à la félicité qui n’auront point de fin.

Si nous étudions Genèse 1, 26 – 2, 25 et Ecclésiaste 7, 29, nous constatons clairement que Dieu a créé l’homme pur, saint et heureux. Lorsqu’il est dit que Dieu a créé l’homme à Son image et à Sa ressemblance, cela implique que, intellectuellement et, surtout, spirituellement, il y avait à l’origine un tel degré de ressemblance entre l’homme, créature finie, et son Créateur infini que, dans une certaine mesure, Dieu pouvait Se faire connaître à l’homme. Alors, l’homme était libre du péché en action et même des pensées et impulsions mauvaises, libre aussi de toute infirmité du corps, de l’esprit et de l’âme ; il n’était pas non plus sujet à la maladie ni à une douloureuse mort. Tel qu’il connaissait et aimait alors Dieu et désirait Le servir, l’homme, au début, était heureux et satisfait. Il était également le maître de toutes les créatures que l’on pouvait trouver sur la face de la terre. Le Livre de la Genèse nous apprend que Dieu a tout particulièrement préparé un lieu pour que l’homme y vécût : c’était l’Éden (cf. Genèse 2, 8), nom de la grande plaine de Basse-Mésopotamie dans laquelle, bien plus tard, furent construites la Tour de Babel et d’autres villes.

La conscience de chaque homme témoigne que l’humanité n’est pas demeurée longtemps dans cet état d’innocence et du bonheur qui en découlait. Il convient en outre de considérer l’histoire des nations anciennes qui, à cause de leur méchanceté, ont été balayées de la surface de la terre, ainsi que l’existence du péché, de la misère, de la souffrance et de la mort qui, désormais, ont envahi toute la surface de la terre – et ces deux faits prouvent à l’abondance que notre situation actuelle est très différente de celle dans laquelle le Dieu Très-Miséricordieux a créé Adam et dans laquelle Il avait voulu que lui et ses enfants vécussent. Mais d’autres preuves existent : les Saintes Écritures nous montrent en effet à quel point, aux yeux de Dieu, la condition présente de l’homme est coupable et misérable (cf. Genèse 8, 21 ; Psaume 143, 2 ; Romains 3,10-20.23 ; 1 Jean 1, 8).

Celui qui, à un degré plus ou moins poussé, connaît son propre cœur et sait quels désirs et pensées y surgissent trop souvent, comme de l’eau jaillit d’une fontaine, est bien contraint d’admettre que, en toute vérité, il est coupable aux yeux du Dieu Très-Saint, tout comme l’affirment ces versets. Sa conscience l’oblige à admettre que le péché et l’impureté ont pris possession de son cœur et qu’il a été tellement empli d’impulsions mauvaises et de passions indignes que, depuis son enfance même, il a toujours été porté vers le mal et donc que sa nature morale a été et est encore en état de corruption. Les inclinations des hommes ne les portent pas tous au même genre de péché. Certains sont ambitieux, d’autres avares, d’autres licencieux, d’autres cruels, d’autres orgueilleux et durs de cœur, d’autres faux, d’autres hypocrites, d’autres incroyants, d’autres encore portés sur plusieurs de ces péchés. Mais l’expérience nous enseigne que nul homme n’est exempt de péché. Même les meilleurs des hommes confessent qu’ils ont fait bien des choses qu’ils n’auraient pas dû faire et n’ont pas fait bien des choses qu’ils auraient dû faire. On voit ainsi que la condition universelle des hommes, tant par le passé que dans le présent, prouve à l’évidence que la Bible est la Parole de Dieu. À l’entendre, bien des païens ont ressenti qu’elle décrivait si exactement leur condition spirituelle qu’elle ne pouvait que contenir un message du Créateur Lui-même. C’est pourquoi ces gens-là ont voulu recevoir l’enseignement chrétien, disant : « Celui qui a fait ce Livre, c’est Lui qui m’a fait ».

Chez certains, leur cœur a été bouleversé et retourné, et ils en sont ainsi venus à haïr le péché et à aimer la justice. Mais ce changement est à attribuer à la Nouvelle Naissance dont le Christ a parlé en Jean 3, 3-5, et il ne se produit que chez ceux qui croient vraiment en Lui.

Nous avons vu que la Sainte Écriture nous apprend qu’Adam, lorsque Dieu le créa, n’était pas porté au péché et que, par conséquent, il ne se trouvait pas dans l’état de culpabilité et de malheur dans lequel se trouvent aujourd’hui la plupart de ses descendants. En outre, notre raison nous fait bien comprendre que commettre un péché, c’est contrevenir à la volonté de Dieu : en effet, le péché est la transgression de la Loi morale, laquelle est conforme à la Nature divine (???) et en est une expression. C’est donc une contradiction en soi que de dire que Dieu veut que Sa volonté soit transgressée. Pourtant, comme les fils d’Adam sont maintenant plongés dans le tourbillon du péché et du malheur, qu’ils sont devenus esclaves de leur propre disposition charnelle (?????? ?????????), il convient de s’interroger sur la manière dont cette méchanceté et ce malheur en sont venus à accabler l’homme.

La Sainte Écriture répond à cette question. Elle nous informe que le péché et ses funestes conséquences ont pour origine et cause l’inimitié et le mensonge de Satan ainsi que le choix librement fait par l’homme et son intention délibérée de faire sa propre volonté au lieu de celle de Dieu. Ève fut trompée par Satan et elle a entraîné Adam hors du droit chemin. C’est délibérément qu’il a désobéi au commandement de son Créateur ; et c’est ainsi que, se détournant, dans son cœur et son comportement, de l’amour de la vérité, il s’est coupé de la fontaine de vie et du vrai bonheur. Cela nous est raconté en Genèse 3 – comparer Jean 8, 44 ; Romains 5, 12. 19 ; 1 Timothée 2, 13-14.

Mais, ici, on pourra se demander : « Comment se fait-il que Dieu n’ait pas empêché que le mal pénètre dans le monde ? Pourquoi a-t-Il permis à Satan de tenter l’homme et de le vaincre ? Pourquoi permet-Il aujourd’hui encore au Malin de perpétuer le péché et le malheur, la discorde et la violence sur la terre ? ». Ces questions sont, dans une certaine mesure, discutées dans la « Voie de la vie » (????? ????????). Ici, nous nous contenterons de dire que Dieu ne nous a pas complètement expliqué cette question et que, de son côté, la raison humaine n’a pas été capable de trouver à ces questions des réponses complètes et satisfaisantes à tous égards. Néanmoins, aussi grand que soit notre désir de connaître la raison du comportement de Dieu en la matière, il ne nous est pas nécessaire, en ce monde, de comprendre ce qu’Il fait. Par contre, il nous est nécessaire de reconnaître notre déchéance et notre misère ainsi que la manière dont nous pouvons nous en échapper. Nous savons, comme le savait Abraham, que le Juge de toute la terre fait ce qui est juste (cf. Genèse 18, 25). Des sages nous ont assuré que la présence de tant de tentations dans le monde dans lequel nous vivons, et le fait qu’on y trouve tant de misère, de souffrance et de malheur causés par le péché – tout cela fait que la vie en ce monde inférieur est particulièrement appropriée pour nous former à la vertu  en nous amenant à résister à la tentation et à la vaincre, avec la grâce de Dieu, et en nous montrant à quel point les conséquences du péché sont terribles. Le Dieu Très-Haut a donné aux hommes le libre arbitre, la liberté de choisir, pour eux-mêmes, le bien ou le mal, le péché ou la justice, l’obéissance ou la désobéissance ; il est libre de se libérer de l’esclavage du Diable ou de s’y soumettre. Dieu a révélé Sa volonté et l’Amour qu’Il nous porte ; Il nous a montré la juste voie. Pourtant, Il ne nous contraint pas à Le suivre car, ce qu’Il désire, c’est notre amour ; et, comme dans toute religion authentique, l’amour ne se commande pas.

Il est indéniable que, dans Sa Sainte Parole (????), le Dieu Très-Miséricordieux nous a enseigné qu’il n’est pas de Sa Volonté que quiconque demeure soumis  à la domination de Satan ni à l’esclavage du péché. La volonté de Dieu, c’est que chaque homme soit libéré des chaînes du péché, soit lavé des marques de la culpabilité et de l’impureté et atteigne ainsi à la condition de similitude à Dieu, état dont Adam fut déchu, afin que chaque homme puisse hériter du bonheur éternel. Tant l’Ancien Testament que le Nouveau enseignent, conformément à l’expérience universelle des hommes, que l’homme ne peut véritablement trouver le bonheur aussi longtemps qu’il ne se repent pas de ses actions mauvaises et qu’il ne se tourne pas vers Dieu, dans une foi authentique, pour se libérer du péché et pour obtenir le pardon de Dieu. Ceux qui n’ont pas le cœur pur ne peuvent jamais voir Dieu de leur œil intérieur (cf. Matthieu 5, 8 ; Hébreux 12, 14). L’homme véritablement pieux doit devenir saint, parce que Dieu est Saint (cf. Lévitique 19, 2 ; Matthieu 5, 48 ; 2 Corinthiens 6, 14 – 7, 1 ; 1 Pierre 2, 9-10 ; 1 Jean 3, 1-8). Tel est l’enseignement de la Sainte Écriture ; et, dès lors que nous avons pris connaissance de cette doctrine, notre raison et notre conscience attestent qu’elle est vraie. En effet, comme l’homme fut créé à l’image de Dieu et que cette image a été troublée par le péché, il est nécessaire qu’il soit reformé en une similitude spirituelle au Saint avant qu’il puisse demeurer avec Dieu, dans l’harmonie et l’amour, et jouir ainsi de la Vision divine (???????? ???? ? ?????? ?????).

Si, sur cette question, nous comparons la doctrine de la Bible à celle des autres livres religieux du monde, nous constatons, entre eux, une grande différence sur ce point particulier. En effet, les livres des autres religions nous nous disent rien du dessein de Dieu lorsqu’il a Créé l’homme, rien de la nécessité de la sanctification et de la purification du cœur et de l’esprit de l’homme. Ils nous enseignent que la pureté s’obtient par l’ablution du corps, que le pardon des péchés s’obtient par des pèlerinages, des sacrifices ou des aumônes. Certes, les ablutions du corps sont très convenables et désirables, mais elles ne peuvent purifier le cœur. Comme le dit le Christ Lui-même, il ne suffit pas de laver l’extérieur de la coupe ou du plat sans ôter la souillure qui est à l’intérieur. « Purifie d’abord le dedans le la coupe, afin que le dehors aussi en devienne pur » (Matthieu 18, 23). Semblablement, les bonnes œuvres doivent être inspirées par l’amour de Dieu, la conformité à Sa volonté et la gratitude envers Lui, qui nous pardonne et nous fait miséricorde. Mais la distribution d’aumônes ne convaincra pas Dieu de nous pardonner nos péchés : en effet, aucun juge juste ne se laissera soudoyer pour gracier un criminel. Aux yeux de Dieu, la valeur des aumônes et de toutes les autres bonnes œuvres dépend du motif qui les inspire, et nul ne peut cacher ses motifs aux yeux de Celui qui sonde les reins et les cœurs.

Pour que nous puissions connaître la volonté de Dieu et être capable de Lui obéir, le Dieu Très-Haut nous a donné de nombreux enseignements, tant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau ; Il a ainsi montré ce que nous devrions faire et ce que nous ne devrions pas faire. Et c’est ainsi, également, que nous trouvons la Loi Morale concrètement exprimée sous forme d’exemples brefs et simples racontés dans différentes parties de la Bible. Dans la Torah sont donnés les Dix Commandements (Exode, 20, 1-17 ; Deutéronome 5, 6-21). Bien plus tard, le prophète Michée nous dit que l’on peut résumer la Loi de Dieu, qui est le devoir des hommes, de la façon suivante : « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bon ; et ce que Yahweh demande de toi c’est de pratiquer la justice, d’aimer la miséricorde et de marcher humblement avec ton Dieu » (Michée 6, 8). Souvent, des ignorants affirment que les chrétiens n’ont pas de loi (?????) qui contienne les injonctions et les interdictions ; mais le fait que nous devons nous soumettre à la Loi morale contenue dans l’Ancien Testament suffit à réfuter cette affirmation. Dans le Nouveau Testament, nous avons la Loi (?????) du Christ, qui nous est donnée dans le Sermon sur la Montagne (cf. Mathieu 5, 6 et 7) ; en outre, Il a résumé à notre intention le devoir qui est le nôtre en Marc 12, 28-31 et Luc 6, 31.

Nous voyons donc qu’Il établit des principes généraux pour nous guider dans toutes les circonstances, plutôt que d’essayer, comme le font tous les autres législateurs, de donner des instructions particulières pour toutes les circonstances envisageables. Il suffit de lire attentivement Romains 12 et 14, 1-8 ; 1 Corinthiens 13 ; Éphésiens 5, 1-21 ; Colossiens 3, pour découvrir combien élevée et sainte est la Voie que les chrétiens sont invités à suivre. Il nous est dit de purifier notre cœur avant que de prier, et pas seulement nos mains ; de ne pas nous contenter de faire un unique pèlerinage (???) au cours de notre vie mais d’être toujours des pèlerins et des étrangers sur la terre, n’ayant pas de demeure permanente ici-bas, mais de toujours rechercher le demeure à venir ; de toujours tendre vers la sainteté qui est celle de Dieu ; de ne pas prier cinq ou sept fois par jour mais de « prier sans cesse » (1 Thessaloniciens 5, 17), c’est-à-dire de vivre de telle manière que nous puissions être en permanence en communion avec Dieu ; de ne pas offrir en sacrifice des animaux morts, comme le faisaient les juifs mais de s’offrir soi-même comme « victime vivante, sainte agréable à Dieu » (Romains 12, 1-2 ; cf. 1 Pierre 2, 5). Tout cela démontre à l’évidence que les préceptes du Nouveau Testament, plus encore que ceux de l’Ancien Testament, sont parfaitement en accord avec les Attributs du Seigneur Saint et Très-Miséricordieux, puisqu’ils appellent et conduisent à la pureté du cœur et de la vie. Il apparaît également que, sans tout cela, tous les rites purement extérieurs n’ont aucune valeur aux yeux de Dieu et ne peuvent ni produire la justice ni mener à la justification.

En conséquence, les préceptes de l’Évangile sont de beaucoup supérieurs aux prescriptions de toutes les autres religions parce qu’ils sont spécifiquement conçus pour réaliser la sanctification du cœur et de la vie. Il faut donc les accepter, non pas comme des commandements énoncés par des hommes, comme c’est le cas pour toutes les autres religions à l’exception des juifs, mais comme étant donnés par Dieu Lui-même. Tous les préceptes de l’Évangile sont résumés dans ces mots : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit… Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Matthieu 22, 37-39). Ces mots reprennent, en les amplifiant quelque peu, des passages de la Torah (cf. Deutéronome 6, 5 ; 10, 12 ; 30, 6 ; Lévitique 19, 18). Cela démontre bien à quel point il y a accord complet entre les enseignements de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau Testament sur ce que Dieu exige de l’homme et sur la voie que ce dernier est invité à suivre. Dieu nous demande que notre cœur soit si plein d’amour pour Dieu, Lui qui nous a aimés le premier, que toutes les forces de notre corps, de notre âme, de notre esprit et de notre cœur, à chaque heure et à chaque minute de notre vie, nous les dépensions joyeusement à nous efforcer de Le servir et de Lui être agréable, et que, tout en recherchant notre avantage et notre bien propres, nous nous efforcions aussi, de toute notre âme et de tout notre corps, de faire le bien à notre prochain. Il nous faut aussi nous rappeler que, aux yeux de Dieu, même notre ennemi est notre prochain (cf. Luc 10, 25-37). En agissant ainsi, nous obéirons à la Règle d’Or édictée par le Christ : « Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le aussi pour eux » (Matthieu 7, 12).

Dans la mesure où ces préceptes de la Bible unissent l’homme dans l’amour tant pour son Créateur que pour tous les fils d’Adam et conduisent à la pureté du cœur et à l’absence d’égoïsme, ils mènent au bonheur en ce monde et dans l’autre. Ils sont également en conformité avec la Loi morale que Dieu a inscrite dans le cœur et la conscience de chaque homme. Cela prouve à l’évidence que les enseignements de la Bible proviennent du Créateur de l’humanité et du monde. Aussi son inspiration (?????) est-elle plus claire que le soleil. Donc, si des hommes n’ont pas encore reçu les Saintes Écritures, ils ne sont pas pour autant sans Loi (?????) ; car Dieu a inscrit cette Loi morale dans leur cœur. De ce fait, tous les hommes sont responsables devant Dieu lorsqu’ils désobéissent à ce qu’eux-mêmes savent être juste et être leur devoir. Conformément à cette loi, les païens ont des comptes à rendre, et eux aussi doivent, dans une certaine mesure, apprendre de leur conscience que, n’ayant pas respecté la loi qui est dans leur cœur, ils sont pécheurs aux yeux de Dieu et ont besoin d’un Sauveur. Pour ceux qui ont reçu la Parole de Dieu, c’est-à-dire la Bible, l’avantage est que la Loi morale intérieure y voit confirmée son origine divine. En outre, pour ceux qui acceptent les Saintes Écritures, leur jugement s’en trouve éclairé, ce qui leur permet de mieux connaître leur devoir et les encourage à demander à Dieu de les aider à s’y conformer.

La Sainte Écriture nous enseigne que, pour être justifié, il ne suffit pas de connaître ce qui est bien : au contraire, cela nous condamne si nous n’accomplissons pas notre devoir (cf. Matthieu 7, 21-27 ; Luc 10, 25-28 ; Jean 13, 17 ; Romains 2,13). Elle dit aussi que la justice exige qu’il ne doit y avoir absolument aucune lacune dans notre obéissance aux commandements divins, lesquels requièrent clairement la perfection du caractère et du comportement (cf. Matthieu 5, 48). Si quelqu’un obéit à la Loi divine sur tous les points à l’exception d’un seul, il commet, de ce simple fait, une transgression de la Loi (cf. Jacques 2, 10-11 ; Galates 3, 10-12). Ainsi en va-t-il aussi de la loi humaine : dans tout pays civilisé, la loi interdit le meurtre et le vol. Si quelqu’un, qui n’est pas un assassin, se rend coupable d’un seul vol, c’est un malfaiteur et il doit être châtié. D’Adam, les Saintes Écritures ne nous mentionnent qu’un seul péché ; pourtant, cet unique péché lui a valu condamnation et mort. On ne peut obtenir la faveur de Dieu si l’on n’observe que certaines parties de Sa Loi. Celui qui désire Lui être agréable et, par ses actes, être justifié aux yeux de Dieu, doit observer strictement toute la Loi de Dieu, sans un seul manquement ni une seule omission. S’il transgresse ne serait-ce que le moindre des commandements, il devient pécheur et, de ce fait, il est justiciable d’un châtiment et s’aliène du Dieu Très-Haut.

Mais est-il un seul homme qui de toute sa vie, de jour comme de nuit, a obéi si parfaitement à la Loi de Dieu qu’il ne s’en est jamais écarté d’aucune manière ? Trouvera-t-on quelqu’un qui a toujours aimé Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit, et qui a aimé son prochain comme lui-même (Matthieu 22, 37-39) ? Est-il une seule personne qui, de toute sa vie, n’a jamais commis un acte pécheur, ni prononcé une seule parole déplaisant à Dieu, ou nourri dans son cœur une pensée malsaine ou un désir mauvais ? (cf. Job 4, 18-19 ; 25, 4-6 ; Psaume 143, 2 ; Romains 3, 20). Il n’est qu’un seul homme qui ait vécu ainsi : c’est notre Seigneur Jésus-Christ.

Considérant donc que, à l’exception du Christ, tous les êtres humains sont coupables, accusés par le témoignage de leur propre conscience et par celui de la Parole de Dieu telle que révélée dans la Sainte Écriture, ne convient-il pas admirablement que nous devions confesser, en authentique pénitence, devant notre Créateur : « Ô Seigneur des seigneurs, Dieu Très-Saint et Très-Juste, la pureté que Tu exiges de nous n’est pas en nous ; nous méritons, Seigneur, Ta colère et la mort éternelle » ? Le fait que Dieu châtie effectivement les pécheurs nous est enseigné clairement, en premier lieu par notre expérience, en second lieu par notre conscience et, en troisième lieu, par la Parole (????) de Dieu, dans des passages tels que : Ézéchiel 18, 20 ; Matthieu 12, 36 ; 25, 41 ; Romains 1, 8 ; 2, 8-9 ; Colossiens 3, 25 ; Thessaloniciens 1, 9. Certains s’imaginent que Dieu pardonnera ceux qui ont transgressé Sa Loi, sans les châtier, en raison de Son infinie miséricorde. Mais cela est moralement impossible, sauf à satisfaire d’une manière ou d’une autre les exigences de Sa juste Loi. Sinon, Sa justice ne serait pas parfaite, sans compter qu’Il n’agirait pas conformément à ce qu’Il a Lui-même déclaré. Il est vrai que l’amour et la miséricorde de Dieu sont infinis, mais infinies également sont Sa justice et Sa sainteté. C’est pourquoi ceux qui commettent le mal ne peuvent jamais trouver grâce à Ses yeux, car Il hait tout péché. En outre, le péché lui-même est une malédiction et un châtiment pour celui qui le commet. Aucun méchant n’est heureux, ne peut être heureux, ni dans cette vie ni dans l’autre. Quelqu’un dont l’âme, par exemple, est emplie de désir charnel ne sait pas ce qu’est le vrai bonheur, même ici-bas. Le péché dégrade la nature de l’homme, il le rend cruel, lâche, égoïste, vil, et, en esprit, il l’éloigne bien loin du Dieu Très-Saint, en la présence de qui est la plénitude de la joie. « Quiconque commet le péché est esclave du péché » (Jean 8, 34) ; et le pire châtiment qui puisse lui être infligé est la condition de pécheur éternel : c’est l’état de ceux qui, à la fin des fins, préfèrent les ténèbres à la lumière, le mal au bien, Satan à Dieu (cf. Jean 3, 19 ; Apocalypse 22, 11).

Il est également, conforme à l’attribut divin d’Amour que Dieu ne permette pas à l’homme de pécher sans qu’il soit châtié. En effet, si les hommes savaient que Dieu ne punira pas les pécheurs, ils s’enfonceraient, jour après jour, plus profondément dans le tourbillon du péché, devenant ainsi de plus en plus malheureux et se faisant la cause du malheur des autres. Il va également de soi que toute transgression de la Loi de Dieu implique nécessairement un châtiment ; en effet, si ce n’était pas le cas, pourquoi la Loi morale existerait-elle, pourquoi serait-elle inscrite non seulement dans la Sainte Écriture mais aussi dans la conscience des hommes ? Nul homme raisonnable ne saurait imaginer que ceux qui servent loyalement Dieu et ceux qui se rebellent contre Lui puissent Lui être également agréables et recevoir de Ses mains le même traitement.

Étant donné que, à l’exception d’Un Seul, tous les hommes sont tombés dans le péché, ils méritent tous d’être châtiés. Aucun d’entre nous, pauvres pécheurs, n’a le pouvoir d’être agréable au Dieu Très-Haut ni d’obtenir Son pardon et de se réconcilier avec Lui. Il nous faut non pas simplement un moyen d’échapper au châtiment dû pour nos péchés mais, plus encore, un moyen d’échapper au pouvoir et à l’amour du péché. Le châtiment est une bonne chose pour le pécheur : souvent, il le mène au repentir. C’est pourquoi le péché s’accompagne toujours d’un châtiment. Pourtant, il nous faut trouver un moyen d’échapper aux conséquences éternelles du péché, à l’éventualité d’être à jamais exclu de la présence de Dieu, de nous voir à jamais refuser l’amour et la sollicitude de notre Père céleste, de nous retrouver conformés, en cœur et en esprit, à la ressemblance de Satan lui-même. Faute de quoi, il eût mieux valu que nous n’eussions jamais été créés.

Comment trouver ce moyen, cette échappatoire ? Si, dans son état actuel de déchéance, l’homme est incapable de respecter la Loi parfaite de Dieu, comment peut-il expier ses péchés passés, comment peut-il se réconcilier avec Dieu ? Il est bien évident que ses bonnes œuvres n’ont aucun mérite car Dieu ne saurait accepter une offrande présentée par des mains souillées, et moins encore avec un cœur pécheur. Le péché souille non seulement les actes de l’homme mais aussi ses paroles et jusqu’à ses pensées. Comment nous est-il possible, à nous qui n’avons pas même rempli notre devoir envers Dieu et envers notre prochain, d’acquérir, en faisant plus que notre devoir, une quantité de mérite telle qu’elle puisse nous valoir la satisfaction de nos péchés ? C’est là, bien entendu, chose impossible. Si nous pouvions imaginer l’existence d’un homme qui, de toute sa vie, n’aurait jamais transgressé les commandements de Dieu, cette personne n’aurait rien fait d’autre que son devoir (cf. Luc 17, 10). Pourtant, même cette personne ne pourrait prétendre avoir accumulé suffisamment de mérites pour lui-même et pour d’autres.

Les Saintes Écritures nous enseignent que la Loi de Dieu exige de nous une piété tellement parfaite (Matthieu 22, 36-40) que, si un homme ne l’atteint pas, il ne peut pas récupérer ce qu’il a perdu. Il est des hommes suffisamment orgueilleux et ignorants pour affirmer qu’ils ont accompli plus que le culte et le service que Dieu exige d’eux. Mais la folie de ces gens-là est manifeste. Nonobstant leurs prétentions, ces hommes ne peuvent en aucun cas être assurés d’être justifiés aux yeux de Dieu. Souvent, au fond de leur cœur, ils ressentent des doutes très angoissants sur ce qui leur adviendra après leur mort. Souvent, ils vivent dans la crainte de la mort et, lorsqu’approche la mort, ils sont en proie à une terrible agonie mentale. À titre d’exemple, nous citerons ce que Ibn Khallikan dit d’Abu 'Imran Ibrahim ibn Yazid, « l’un des célèbres imams et un tabi’i » : « Lorsque la mort s’approcha de lui, il fut pris d’une grande frayeur… Alors il dit : "Y a-t-il plus grand danger que celui dans lequel je me trouve ? J’attends un messager qui viendra me trouver de la part de mon Seigneur, soit avec le Paradis, soit avec le feu de l’Enfer". » Il jura alors que, plutôt que de mourir, il préférerait de beaucoup que son âme demeurât dans sa gorge  jusqu’au jour de la résurrection. Et cela parce qu’il craignait ce qui lui arriverait après sa mort.

Mais, à lui seul, le repentir ne suffit pas à effacer nos transgressions. Il est certes indispensable que nous nous repentions véritablement de nos péchés ; mais le repentir ne suffit pas à lui seul pour défaire le mal que nous avons fait ; aussi le repentir ne suffit-il pas pour nous sauver. On ne peut expier de cette façon non plus les transgressions de lois simplement humaines : si un assassin ou un voleur dit au juge qu’il s’est repenti, le juge agira-t-il avec justice s’il le remet en liberté ? Cela serait contraire à notre conception innée de la justice. Mais cette conception de la justice fait partie de la Loi morale que Dieu a inscrite dans nos cœurs ; aussi doit-elle être juste. Et, souvent, le cœur des hommes s’est tellement endurci qu’ils ne sont plus capables de se repentir, quand bien même ils le voudraient.

Nous avons donc vu qu’il nous est absolument impossible de nous sauver nous-mêmes, par nos œuvres, soit du châtiment que nous valent nos péchés, soit de leurs autres conséquences. Et nous pouvons moins encore nous sauver de l’amour et du pouvoir du péché, ni obtenir, par de quelconques mérites qui nous soient propres, la réconciliation avec le Dieu Très-Haut. Il s’ensuit que, s’il n’y a pas de Sauveur qui puisse expier pour nos péchés, nous ne pouvons que rester aliénés de Dieu pour toujours, nous ne pourrons jamais atteindre au bonheur éternel, ce désir que, pourtant, Dieu a implanté dans notre cœur à chacun.

Il a été démontré que, s’il doit y avoir un Sauveur qui puisse faire expiation, qui puisse libérer les pécheurs de l’esclavage du péché et les rendre purs aux yeux du Dieu juste et saint, ce Sauveur ne peut être simplement un homme, né comme tous les autres hommes, ayant hérité de la nature corrompue d’Adam et étant lui-même un pécheur. Nul pécheur ne peut sauver des pécheurs. Étant donné que tous les hommes, qui ne sont que des hommes, sont des pécheurs, aucun d’entre eux ne peut expier pour tous les autres. Dans le ZAbur, il nous est dit : « L’homme ne peut racheter un frère, ni présenter à Dieu sa rançon » (Psaume 49, 8), même pour le sauver de la mort du corps. Combien est-il plus vrai encore qu’aucun d’entre nous ne peut sauver quelqu’un d’autre de la mort éternelle !

Pourtant, s’il doit y avoir un Sauveur, il faut qu’Il soit un homme car, sinon, Il ne saurait nous représenter ni être l’un d’entre nous, le Chef de la race humaine, et nous ne pouvons pas éprouver la conviction qu’Il est en sympathie avec nous, qu’Il nous comprend, qu’Il nous aime. Il faut donc que, à la fois, il soit d’une nature et d’une dignité plus élevée que celles des hommes qu’Il sauve, et pourtant, d’une certaine manière, il faut qu’Il partage leur nature. Il doit être libre du péché et être parfaitement obéissant à toute la Loi de Dieu. Voilà ce que la Raison elle-même nous impose de croire s’il doit y avoir un Sauveur pour les hommes. S’il n’est point de tel Sauveur, alors l’humanité est perdue, elle n’a aucune espérance et elle ne pourra jamais atteindre à l’état de sainteté et de bonheur auquel tous les hommes aspirent naturellement.

Mais un tel Sauveur se peut-il trouver ? Il suffit de considérer la Bible pour voir que c’est bien le cas : nous constatons que l’Ancien Testament contient la promesse de Sa venue, et que le Nouveau Testament nous raconte comment Il est venu. Les Prophètes et les Apôtres ont tous témoigné de Lui, Celui-là seul qui nous sauve vraiment du péché, le Sauveur qui a offert à Dieu un sacrifice parfait de propitiation et d’expiation pour les péchés du monde entier (cf. 1 Jean 2, 1-2) et qui, de ce fait, est capable d’obtenir le pardon pour les pécheurs. Ce Sauveur est le Seigneur Jésus-Christ qui, par Sa grandeur et Sa sainteté, Son obéissance parfaite jusqu’à la mort, a porté le péché du monde et est devenu l’unique Médiateur pour tous les hommes. Il a expié, et Il a réconcilié l’homme avec le Dieu Saint et Juste, ayant obtenu le salut éternel pour tous ceux qui croient vraiment en Lui. C’est pourquoi Il offre à tous les hommes le pardon de leurs péchés et la joie éternelle.

Et c’est ainsi que, d’un cœur reconnaissant, nous nous associons à la louange de l’Apôtre : « Au Roi des siècles, au Dieu immortel, invisible, unique, soient honneur et gloire dans les siècles des siècles ! » (1 Timothée 1, 17). Car Lui, le Dieu Vivant, Aimant et Très-Miséricordieux, par Son amour et Sa miséricorde infinis, nous a offert à nous, pauvres pécheurs, une aussi grande rédemption et un salut si glorieux dans le Seigneur Jésus-Christ.

 CHAPITRE 4

COMMENT LE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST A OBTENU
LE SALUT POUR TOUS LES HOMMES

Et maintenant, invoquant avec confiance le Dieu Tout-Puissant pour qu’Il nous guide et nous bénisse, nous allons expliquer, en nous appuyant sur ce qu’enseignent l’Ancien et le Nouveau Testaments, de quelle manière le Seigneur Jésus-Christ a obtenu le salut pour toute l’humanité.

S’il est vrai que, dans le merveilleux plan de salut voulu par Dieu, il y a bien des choses qui dépassent notre raison finie, il est bien évident que nous ne pouvons rien connaître de Son divin dessein sinon cela seul qu’Il a bien voulu nous révéler. Pourtant, le fait qu’Il nous a doués de raison nous montre qu’Il souhaite que nous utilisions celle-ci pour Sa gloire. Et, du fait qu’Il nous a gracieusement révélé la méthode du salut, il est évident qu’Il souhaite que nous y réfléchissions avec révérence et que nous la comprenions (cf. 1 Thessaloniciens 5, 21), autant du moins que le peuvent des créatures finies. Et pourtant, notre salut ne dépend pas de l’acuité de notre intellect mais bien de la réalité de notre foi en le Sauveur du monde.

Le Nouveau Testament nous enseigne très clairement que, mû par la plénitude de Son amour et de Sa miséricorde, le Très-Haut a daigné offrir le salut aux pécheurs par l’intermédiaire du Seigneur Jésus (voir par exemple Luc 19, 10 ; Jean 3, 16 ; 2 Corinthiens 5, 19-21 ; 1 Timothée 1,15 ; 1 Pierre 2, 21-24 ; 1 Jean 2, 12 ; 4, 9-10). Le fait que ce mode de salut a ainsi été employé est donc évident. Il nous faut maintenant essayer d’expliquer comment il est possible d’obtenir le salut par le Christ, et comment il se fait que, dans ces versets et ailleurs, des titres aussi sublimes lui sont attribués. C’est ainsi que nous comprendrons dans une certaine mesure Sa vraie Nature et Sa vraie Dignité, et que nous apprendrons comment Il satisfait aux conditions mentionnées à la fin du chapitre III.

Les Saintes Écritures nous informent que, dans Son amour infini et Sa miséricorde illimitée, Dieu a, depuis la fondation du monde, décidé de ce mode de salut (cf. Éphésiens 3, 11 ; 1 Pierre 1, 18-21 ; Apocalypse 13, 8). Dans ce sens, par la bouche de Ses prophètes, il a, dans l’Ancien Testament, déclaré de quelle tribu et de quelle famille le Sauveur serait issu, et précisé le temps de Sa venue et la manière dont Il apparaîtrait parmi les hommes, Sa nature et Sa condition sociale, ainsi que la façon dont Il accomplirait sa grande et miséricordieuse œuvre de rédemption. C’est ainsi que, aux époques qui ont précédé Son heureux Avènement, ceux qui étaient informés de ces divines promesses se réjouissaient dans la foi et attendaient avec impatience le grand salut qui devait se manifester. Dieu informa Adam, le père de tous les hommes, qu’un Sauveur viendrait, lui disant que le Rédempteur promis serait si puissant qu’Il écraserait la tête du serpent, en d’autres termes qu’Il vaincrait Satan et qu’Il délivrerait l’humanité de son asservissement et de son péché (cf. Genèse 3, 14-15).

Nous avons déjà vu que le Dieu Très-Haut a promis à Abraham que, par sa descendance, toutes les nations de la terre seraient bénies (cf. Genèse 22, 18). Et le Nouveau Testament montre clairement que la personne dont il s’agissait était le Seigneur Jésus-Christ (cf. Galates 3, 16). Par la suite, par l’intermédiaire de Moïse, Dieu a promis que ce Sauveur serait un grand Prophète qui se lèverait parmi les enfants d’Israël (ainsi qu’il avait été dit en Genèse 17, 19-21 et Genèse 28, 14) et qu’Il enseignerait aux hommes la voie et la volonté de Dieu (cf. Deutéronome 18, 15.18-19). Et le Prophète dont il est question dans ces passages était bien le Christ, ainsi qu’en a attesté une voix venue du ciel enjoignant aux hommes de L’écouter (cf. Matthieu 17, 5 ; Marc 9, 7), tout comme Dieu avait dit à Moïse que les hommes devaient écouter le Prophète promis, sous peine de châtiment sévère.

Ce Message divin fut également communiqué à David, précisant que le Sauveur naîtrait de sa postérité et que Son royaume n’aurait pas de fin (cf. 2 Samuel 7, 16 ; Psaume 89, 3-4. 27-29. 35-37 ; Isaïe 9, 6-7 ; 11, 1 ; Jérémie 23, 5-6 ; 33, 15-17. 20-21. 25-26 ; comparer Jean 12, 34). En Genèse 49, 10, nous lisons que le royaume ne s’éloignera pas de Juda « jusqu’à ce que vienne Schiloh », ce qui est l’un des titres du Messie promis.

Le Seigneur Jésus-Christ est effectivement né de la descendance de David (cf. Matthieu 1, 1 ; Actes 2, 30 ; 13, 22-23 ; Romains 1, 3), environ quatre ou cinq ans avant le début de ce qu’on appelle l’ère chrétienne. Il nous faut ici expliquer que ce début de l’ère chrétienne a été erronément fixé en fonction des calculs d’un moine appelé Denis le Petit, sous le règne de l’empereur Justinien. Il a fait une erreur de quelques années mais il s’est avéré plus pratique de conserver le calcul adopté. Hérode le Grand, roi des juifs, est mort en l’an 4 av. J.-C., alors que le Christ était âgé de moins de deux ans (comparer Matthieu 2, 16) ; puis le royaume fut divisé en quatre parties. Achelaus, fils d’Hérode, fut chargé de gouverner une seule de ces quatre parties : la Judée. Mais, vers l’an 6 ap. J.-C., il fut déposé par les Romains et banni. La Judée devint alors une province de l’empire romain au lieu d’être, comme auparavant, un royaume distinct soumis à Rome. Depuis cette époque, les juifs n’ont plus jamais eu de roi à eux. Ils admettaient qu’ils n’en avaient plus, que le sceptre s’était éloigné de Juda conformément à la prédiction faite par Jacob (cf. Genèse 49, 10), et c’est ce qu’ils confessèrent eux-mêmes au moment de la crucifixion du Christ lorsqu’il dirent : « Nous n’avons de roi que César » (Jean 19, 15). Il était donc évident que le Messie promis était venu.

Le lieu où le Messie devait naître avait été annoncé à l’avance par le prophète Michée (cf. Michée 5, 1 sq.), et ce passage enseignait également qu’il ne s’agirait pas d’un simple homme, disant de lui : « Ses origines dateront des temps anciens, des jours de l’éternité ». L’accomplissement de cette prophétie est relaté en Matthieu 2, 1. 5-6. Il devait naître d’une vierge, ce qui est implicitement affirmé en Genèse 3, 15 et plus clairement encore en Isaïe 7, 14, et cette prophétie fut elle aussi accomplie (cf. Matthieu 1, 18-25 ; Luc 1, 26-38), comme l’admet d’ailleurs le Coran lui-même (sourates 21, 91 ; 66, 12). Pour ce qui est de Son enseignement, des humiliations qu’Il devait subir, de Ses souffrances et de Sa mort ainsi que de l’expiation qu’Il réaliserait pour la rédemption de l’humanité, on en trouve de nombreuses prophéties dans l’Ancien Testament, dont les principales sont : Isaïe 42, 1-9 ; 61, 1-3 (comparer Luc 4, 17-21) ; 52, 13-15 et 53 ; Psaume 22. Le temps auquel Il devait être mis à mort est clairement indiqué dans la prophétie de Daniel (9, 24-26) : en effet, le décret du roi de Perse Artaxerxès Longue-Main (??????? ??????? ? ?????? ???? ???????), ordonnant de restaurer et reconstruire Jérusalem, fut promulgué la septième année du règne de ce roi (cf. Esdras 7, 1-7), c’est-à-dire en 458 av. J.-C. Si, à partir de cette année, nous comptons soixante-dix semaines d’années (cf. Daniel 9, 24), ou 490 ans, on arrive en 32 ap. J.-C. En Daniel 9, 25-26, il nous est dit que le Messie sera « retranché » entre 483 et 490 ans après le décret d’Artaxerxès, c’est-à-dire entre 25 et 32 ap. J.-C. Cette prophétie fut accomplie puisqu’Il fut crucifié entre ces deux dates, probablement en l’an 29 ou 30. La prédiction relative à la destruction du Temple et de Jérusalem (cf. Daniel 9, 26-27) s’est réalisée une quarantaine d’années plus tard, en 70 ap. J.-C., lorsque Titus, fils de l’empereur romain Vespasien, détruisit à la fois la ville et le Temple, ainsi que le relatent Josèphe et d’autres historiens, conformément aux prédictions du Christ (cf. Matthieu 24, 1-28 ; Marc 13, 1-23 ; Luc 21, 5-24). La « tribulation » de ces jours (Marc 13, 24) n’est pas encore terminée puisque les juifs sont encore dispersés partout dans le monde, n’ayant aucun pays à eux, et nos frères musulmans connaissent la tribulation que les juifs continuent à endurer non seulement dans tout le monde mahométan mais aussi dans des pays tels que la Russie. Les « temps des Gentils » ne sont pas encore accomplis non plus (Luc 21, 24) car les Gentils sont encore les maîtres de Jérusalem.

Dans les livres des Prophètes, nous trouvons de nombreux passages qui prédisent des événements tels que la Résurrection du Christ et Son Ascension au ciel pour aller s’asseoir à la droite de Dieu. À titre d’exemples, on citera le Psaume 16, 10 (comparer Actes 2, 22-36 ; le Psaume 110, 1 ; Daniel 7, 13-14. En Daniel 2, 34-35 ; 2, 44-45 ; 7, 7. 9. 13-14. 23. 27. Il a également été prédit que Son Royaume serait établi alors que le « quatrième royaume » mentionné en Daniel 7, 23, c’est-à-dire l’empire romain, serait au faîte de sa puissance. Ces quatre royaumes, ou empires, étaient l’empire babylonien, l’empire perse, l’empire macédonien et l’empire romain (Daniel 2, 37-45 ; 8, 20-21).

Lorsque le Seigneur Jésus-Christ fut âgé d’une trentaine d’années (cf. Luc 3, 23), Il commença à proclamer la Bonne Nouvelle (???????? ? ?????), ainsi que nous en informent les évangiles (????????). Il s’employa à faire le bien : Il accomplit de nombreux miracles, guérit des malades, chassa des démons, ouvrit les yeux d’aveugles et les oreilles de sourds, purifia des lépreux et fit marcher des paralytiques, conformément aux prophéties faites, dans l’Ancien Testament, par le prophète Isaïe (cf. Isaïe 32, 1-5 ; 35, 3-6 ; 42, 1-7 ; 61, 1-2 ; comparer Matthieu 11, 4-5 ; 12, 17-21 ; 21, 14 ). Pourtant, quoiqu’Il possédât et exerçât une telle puissance, Il n’a jamais accompli un seul miracle à son propre avantage ni pour châtier Ses ennemis. Il vécut dans la pauvreté et l’humilité (cf. Matthieu 8, 20) et Il ne rechercha ni honneurs ni gloire terrestres. Il refusa que les foules fissent de Lui un monarque terrestre (cf. Jean 6, 15). Et ses actions furent tellement pures et désintéressées, et la sainteté de Sa vie et de Son comportement tellement évidente, qu’Il put dire à Ses adversaires : « Qui de vous peut me convaincre de péché ? » (Jean 8, 46). C’est ainsi que s’accomplirent les prophéties relatives à Son premier Avènement et à Son comportement.

Le Seigneur Jésus-Christ choisit douze Apôtres parmi les Israélites et Il les forma, leur enseignant la vérité qu’Il voulait qu’ils enseignassent à leur tour à d’autres. La doctrine sur laquelle se fondait tout le reste était qu’Il était le Fils de Dieu, et Il déclara que c’est sur cette doctrine que, comme sur un rocher, Il bâtirait Son Église (cf. Matthieu 16, 13-18).

Lorsque Ses disciples eurent ainsi appris qu’Il était le Messie promis dans l’Ancien Testament, le Seigneur Jésus commença à leur enseigner Sa deuxième grande leçon, à savoir qu’Il devait être crucifié et ressusciter pour le salut de l’humanité (cf. Matthieu 16, 21 ; Marc 8, 31 ; Luc 9, 22). Lorsqu’approcha le temps où Il devait mourir, le Christ informa ses disciples plus clairement encore de la nature des souffrances qu’il allait devoir subir (cf. Luc 18, 31-34). À une autre occasion, Il leur dit clairement qu’il endurerait toutes ces souffrances de Sa propre volonté et à cause de Son grand amour pour l’humanité, afin de donner aux hommes une vie nouvelle et éternelle (cf. Jean 6, 51 ; 10, 11-18), à ceux du moins qui accepteraient ce don gracieux de Dieu (cf. Romains 6, 23).

Et c’est ainsi que, par amour pour les enfants des hommes et pour les sauver de leurs péchés, Il permit aux juifs de s’emparer de Lui, de L’insulter et de Le souffleter, avant de Le livrer aux mains de Ponce Pilate, gouverneur romain de Judée, qui Le fit fouetter et crucifier (cf. Matthieu 26, 47 – 27, 56 ; Marc 14, 43 – 15, 41 ; Luc 22, 47 – 23, 49 ; Jean 18, 1 – 19, 37). C’est ainsi que s’accomplit ce qui avait été prophétisé à Son propos par David (cf. Psaume 22) et par Isaïe (cf. Isaïe 52, 13 – 53, 12) plusieurs siècles auparavant.

Le Seigneur Jésus-Christ fut exécuté comme s’Il était un criminel, quoique Son juge, Pilate, l’eût reconnu innocent de tout crime (cf. Matthieu 27, 24). En ce temps-là, les juifs avaient coutume de jeter le corps des criminels en un lieu appelé la vallée de Hinnom [[gê-hinnôm ; en grec : ?????? – geenna, qui a donné en français « géhenne »]], en dehors de murs de la ville de Jérusalem, où ils étaient soit brûlés, soit abandonnés pour être dévorés par les chacals et par les vers. Pourtant, il n’en fut pas ainsi dans le cas de Jésus car Son Corps sacré fut remis à Joseph d’Arimathie, un disciple secret de Jésus, homme riche et de haute condition sociale, qui L’ensevelit dans un tombeau tout neuf qu’il avait fait creuser pour lui-même (cf. Matthieu 27, 57-61 ; Marc 15, 42-47 ; Luc 23, 50-56 ; Jean 19, 37-42). Tout cela se déroula en parfait accord avec la prophétie contenue en Isaïe 53, 9, où il est dit : « On lui a donné son sépulcre avec les méchants, et dans sa mort il est avec le riche ».

Le Christ avait annoncé par avance à Ses disciples qu’Il ressusciterait des morts le troisième jour (cf. Matthieu 16, 21 ; 17, 23 ; 20, 19 ; Luc 9, 22 ; 18, 33 ; 24, 7. 46), et c’est bien ainsi que cela s’est passé (cf. Matthieu 28, 1-10 ; Marc 16, 1-8 ; Luc 24, 1-43 ; Jean 20 ; 1 Corinthiens 15, 4), conformément aussi à la prophétie de David (Psaume 16, 9-10). Après Sa résurrection, Il est apparu à plusieurs reprises à Ses disciples, pendant une période de quarante jours (cf. Actes 1, 3), et Il leur enseigna que ce qui Lui était arrivé avait parfaitement accompli les prophéties contenues dans l’Ancien Testament et quel était l’objet réel de Ses souffrances, de Sa mort et de Sa Résurrection (cf. Luc 24, 27. 44-49). Puis Il leur donna pour mission de faire de toutes les nations Ses disciples (cf. Matthieu 28, 18-20 ; Actes 1, 8). Ensuite, devant leurs yeux, Il s’éleva au ciel (Luc 24, 50-51 ; Actes 1, 9), après leur avoir promis qu’Il reviendrait dans la gloire pour régner à jamais, ainsi que l’avait prophétisé Daniel (cf. Daniel 7, 13-14. 27) et pour emplir la terre de la connaissance de Dieu (cf. Isaïe 11, 1-9 ; comparer Matthieu 24, 30-31 ; 25, 31-46 ; Marc 13, 26 ; Luc 21, 27 ; Jean 14, 1-3 ; Actes 1, 11 ; Apocalypse 1, 7 ; 20, 11 – 21, 8).

C’est ainsi que furent accomplies dans le Seigneur Jésus-Christ toutes les promesses que, bien longtemps auparavant, Dieu avait faites par la voix de Ses prophètes concernant la première Venue du Messie promis, Sauveur du monde, précisant le temps de Son Avènement, ce qu’Il ferait et l’Expiation qu’Il devait réaliser ; aussi apparaît-il à l’évidence qu’Il est en vérité le Sauveur duquel les Prophètes ont porté témoignage et en qui Abraham a cru (cf. Jean 8, 56). Il ne faut pas négliger le fait que l’accomplissement des prophéties relatives au Messie est une preuve très convaincante de l’inspiration divine de l’Ancien Testament. En effet, qui donc, sans Inspiration divine (?????), eût pu prédire l’avenir dans tous ces détails plusieurs siècles avant que ces événements se réalisassent ? Il est bien clair que ces choses ont été véritablement prophétisées parce que l’on trouve aujourd’hui encore ces prophéties dans l’Ancien Testament hébreu, celui que possèdent les juifs mais aussi les chrétiens. Les juifs ont rejeté le Christ, et pourtant ils n’ont jamais osé effacer ou modifier un seul mot de ces prophéties, quoique celles-ci condamnent sévèrement leur incroyance et leur dureté de cœur.

Nous avons déjà vu que la nature et la dignité du Messie promis sont clairement présentées même dans l’Ancien Testament, notamment en Psaume 2, 7 ; 45, 6 ; 110, 1 ; Isaïe 6, 1-10 (comparer Jean 12, 40-41), Isaïe 9, 6-7 ; 25, 7-9 ; 40, 10-11 ; Jérémie 33, 16 ; Michée 5, 2 ; Malachie 3, 1 ; 4, 2, et dans bien d’autres passages encore. Du fait que « ses origines dateront des temps anciens, des jours de l’éternité » (Michée 5, 1), nous pouvons comprendre à quel point Il disait vrai lorsqu’Il a déclaré : « Avant qu’Abraham fût, je suis » (Jean 8, 58), employant alors le nom spécial et particulier de Dieu : « Je suis celui qui suis » (Exode 3, 14). Nous apprenons ainsi que c’est Lui qui a appelé Abraham à quitter la Babylonie, qui a donné la Torah à Israël et qui a envoyé les Prophètes. On voit donc que le Nouveau Testament ne Lui donne pas de titres plus élevés que l’Ancien Testament.

Tous deux sont accord dans leur témoignage concernant Sa Nature (???) et Sa dignité (comparer Matthieu 3, 16-17 ; 16, 15-17 ; 17, 1-8 ; 26, 63-64 ; 28, 18 ; Luc 1, 32. 35 ; Jean 1, 1-3. 9-18 ; 5, 17-29 ; 8, 23-29. 42. 56-58 ; 9, 35-37 ; 10, 27-38 ; 14, 9-11 ; 16, 12-15. 28 ; 17 5. 21 ; Colossiens 1, 12-23 ; Philippiens 2, 5-11 ; Hébreux 1 ; Apocalypse 1, 5-18 ; 21, 6-8 ; 22, 13. 16). Lorsque les musulmans rejettent l’invitation à accepter le Christ comme Sauveur (cf. Jean 5, 40), l’une des raisons en est qu’ils refusent de croire ce qu’Il a dit de Lui-même et ce que les Prophètes avant Lui ont dit de Lui.

Nous ne devons pas oublier qu’il eût été impossible au Christ de sauver le monde du péché et de la haine à l’égard de Dieu s’Il avait été une simple créature, quand bien même il eût été la plus élevée des créatures. C’est pourquoi le salut dépend d’une confiance parfaite en Lui, en tant qu’Il est ce qu’Il a affirmé être et que l’Ancien et le Nouveau Testaments attestent tous deux de ce qu’Il était. Nous voyons donc que la croyance en Sa Divinité n’est pas une corruption de la foi chrétienne mais qu’elle appartient à l’essence même de toute vraie religion. En effet, s’Il était une créature, Sa bonté et Ses souffrances ne pourraient constituer une preuve de l’amour de Dieu pour l’homme.

En fait, ces choses rendraient difficile de croire en l’amour et en la miséricorde du Dieu Très-Haut s’Il était responsable de tant de souffrances et de douleurs infligées à la plus élevée et à la meilleure de Ses créatures. Mais si nous acceptons les enseignements de la Bible et reconnaissons que « Dieu réconciliait le monde avec lui-même dans le Christ » (2 Corinthiens 5, 19), et si nous percevons qu’Il est Un avec Son Père (cf. Jean 10, 30), alors nous commençons dans une certaine mesure à comprendre que, si la doctrine de la Sainte Trinité est vraie , le Dieu Très-Haut est miséricordieux et nous aime vraiment. Nous découvrons alors que la substantifique moelle de l’Évangile (????????) et l’essence de toute la Bible se trouve en Jean 3, 16 [[« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais ait la vie éternelle »]] et que cela s’adresse à notre cœur et l’incite à aimer et vénérer Dieu, Lui qui nous a aimés le premier (cf. 1 Jean 4, 9).

Le fait que, dans le premier de ces deux versets (Jean 3, 16), le titre de « Fils de Dieu » (??? ????) est donné au Christ a constitué une sérieuse pierre d’achoppement pour les musulmans parce que, pour eux, cela contredit absolument la sourate 112 [[« Dis : "Lui, Dieu est Un !" Dieu !… L’Impénétrable ! Il n’engendre pas ; il n’est pas engendré ; nul n’est égal à lui. ». Mais, en réalité, il s’agit là, dans une large mesure, d’une mauvaise compréhension de la doctrine chrétienne. Disons-le franchement : dans le sens dans lequel le Coran emploie les mots de cette sourate, ils sont indubitablement vrais, et ils peuvent être employés par tous les chrétiens . Dans cette sourate, le Coran dénonce toutes les idées charnelles d’une génération de ce genre qu’entretenaient les païens de tous les pays, et il enseigne aux hommes à les rejeter comme blasphématoires. Les Arabes eux-mêmes, au Temps de l’Ignorance, attribuaient des filles au Dieu Très-Haut,  dans ce sens blasphématoire. Mais les chrétiens n’ont jamais admis une quelconque doctrine ressemblant aussi peu que ce soit à celle-là. C’est pourquoi nous n’employons pas l’expression Waladu'llah (????? ????? ), mais que nous appelons le Seigneur Jésus-Christ Ibnu'llah (??? ????). Il y a une très grande différence entre ces deux expressions car le mot ibn peut très bien être utilisé dans un sens métaphorique, ce qui doit nécessairement être le cas dans le titre de « Fils de Dieu ». Par contre, le mot walad ne s’emploie pas dans un sens métaphorique. Des auteurs chrétiens ayant écrit plusieurs siècles avant l’Hégire ont systématiquement dénoncé les conceptions charnelles des païens et ont souligné à quel point le titre de Ibnu’llah donné au Christ avait un sens différent. Par exemple, Lactance, qui écrivait vers 306, c’est-à-dire plus de 300 ans avant l’Hégire, dit : « Celui qui entend dire les mots "Fils de Dieu" ne doit pas avoir l’esprit mal tourné au point de s’imaginer que Dieu a procréé par le mariage et l’union avec une femme, chose que ne font que les créatures animales ayant un corps et sujettes à la mort. Mais, du fait que Dieu est seul, avec qui pourrait-il s’unir ? Ou, étant si puissant qu’il pouvait réaliser tout ce qu’Il voulait, il n’avait pas besoin, pour créer, de la société de quelqu’un d’autre. »

Il convient de noter que, lorsque l’Évangile emploie un langage philosophique, il attribue à notre Seigneur Jésus-Christ le titre de « Verbe de Dieu » (???????? ?????), comme en Jean 1, 1. 14 et Apocalypse 19, 13 (comparer le titre de « Verbe de Vie » en 1 Jean 1, 1). Quant à l’autre titre : Ibnu’llah, il a en fait le même sens mais il est utilisé pour deux raisons particulières : (1) à l’intention des gens simples, qui constituent la grande majorité de la race humaine et ne comprendraient pas l’autre expression ; (2) parce qu’il nous permet de prendre conscience de la personnalité du Verbe de Dieu (???????? ?????) et de l’amour qui existe entre les hypostases (????????) divines de la Sainte Trinité (comparer Jean 15, 9-10 ; 17, 23-26). Aucune de ces deux réalités ne peut être exprimée par le titre de « Verbe de Dieu ». Il est vrai qu’il n’existe aucun terme humain (?????) qui soit véritablement capable d’exprimer pleinement et correctement les réalités de la nature divine (???), mais nous ne pouvons pas nous tromper en employant les termes utilisés dans les Saintes Écritures par des gens qui écrivaient inspirés et guidés par Dieu. La relation qui subsiste entre les hypostases de l’Unité divine transcende infiniment le langage et la pensée des hommes ; pourtant, nous pouvons dans une certaine mesure en comprendre quelque chose. L’océan immense ne saurait être contenu dans une coupe, et pourtant un tel vase peut en contenir suffisamment pour nous donner une idée de sa nature. Ces deux titres : « Verbe de Dieu » et « Verbe de Vie » ont, dans le Nouveau Testament, le même sens : ils expriment le fait de la Divinité essentielle du Christ, le fait qu’Il est Un avec le Père (cf. Jean 10, 30). Ce n’est qu’en croyant ce que le Christ Lui-même dit sur ce point que nous pouvons comprendre la doctrine de l’Expiation et le mode de salut qui passe par le Christ, lequel nous dit que les hommes ne peuvent parvenir au Père que par Lui (cf. Jean 14, 6 ; comparer Actes 4, 12).

Tant l’Ancien Testament que le Nouveau ne se contentent pas d’attribuer au Christ les attributs de la Divinité ; ils soulignent également Sa Nature divine en L’appelant clairement et explicitement Dieu, par exemple en Psaume 45, 6-7 ; Isaïe 9, 6 ; Jean 20, 28-29 ; Romains 9, 5 ; Hébreux 1, 8 ; 1 Jean 5, 20. Il suffit d’étudier soigneusement et de méditer des passages de ce genre pour s’apercevoir que, si ces titres sont attribués au Christ, ce n’est pas par courtoisie ou par exagération mais parce qu’ils expriment une vérité qu’il est essentiel que les hommes connaissent.

Tout musulman instruit sait que le Coran est d’accord avec la Bible pour appeler le Christ « le Verbe de Dieu » (???????? ??????).  Nous en traiterons plus longuement par la suite, s’il plaît à Dieu, lorsque nous étudierons la doctrine de la Sainte Trinité.  Si nous attirons ici l’attention sur ce point, c’est pour débarrasser nos honorables lecteurs de toute ombre d’un préjugé qui, si souvent, empêche les hommes de voir la lumière de la vérité de Dieu. Tout vrai musulman doit bien admettre que tout ce sur quoi l’Ancien Testament, le Nouveau Testament et le Coran sont tous trois d’accord doit nécessairement être vrai. Et ils sont d’accord sur plusieurs points, notamment sur l’unicité de Dieu et le fait que le Seigneur Jésus-Christ est le « Verbe de Dieu » (???????? ????).

Et le Verbe de Dieu, ce Verbe qui était au commencement avec Dieu et par qui toutes les choses créées sont venues à l’existence (cf. Jean 1, 1-3), S’est incarné, S’est fait chair, et Il est venu établir pour un temps sa demeure parmi les hommes (cf. Jean 1, 14 ; Philippiens 2, 5-11). Il a mangé et bu, Il a dormi et S’est réveillé, Il a partagé les peines et les joies des hommes, Il a été tenté dans tous les domaines comme nous le sommes, et pourtant sans pécher (cf. Hébreux 4, 15 ; comparer Hébreux 7, 26 ; 1 Pierre 2, 21-25). Les quatre évangiles nous démontrent à l’évidence qu’Il fut un homme réel, avec un corps, une âme et un esprit ; cela aussi, Il l’enseigna Lui-même en Se présentant souvent sous le nom de « Fils de l’Homme », et ce titre, outre qu’il nous enseigne sa parfaite humanité, nous rappelle également ce qui avait été prophétisé à Son propos en Genèse 3, 15 et en Daniel 7, 13. De plus, c’est en tant que Sauveur de l’humanité et Médiateur entre les hommes et Dieu, et en tant qu’Il était Lui-même l’Homme parfait et sans péché, qu’Il a prié Dieu, Son Père, et qu’Il a fait bien d’autres choses encore qui, à proprement parler, relèvent de la nature humaine.

Mais Il était également divin, et Il affirme Sa divinité lorsqu’Il appelle Dieu Son Père, exprimant ainsi, à notre intention, Sa subordination comme d’un fils à son père, ainsi que Sa Mission, affirmant notamment : « Je suis descendu du ciel pour faire non ma volonté mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jean 6, 38) ; « Le Père qui m’a envoyé, c’est lui qui m’a prescrit ce que j’ai à dire et ce que j’ai à faire entendre » (Jean 12, 49) ; « Le Père est plus grand que moi » (Jean 14, 28). Néanmoins, il prévient tout risque que nous puissions associer des partenaires à Dieu en affirmant avec beaucoup de force l’Unicité de Dieu (cf. Marc 12, 29 ; Jean 17, 3) et le fait que Lui-même est Un avec Dieu (Jean 10, 30 ; 17, 21). Ce Verbe de Dieu (???????? ????), le Fils de Dieu, le Fils de l’Homme, le Seigneur Jésus-Christ, « c’était nos maladies qu’il portait, et nos douleurs dont il s’était chargé… Il a été transpercé à cause de nos péchés, broyé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris » (Isaïe 53, 4-5). Étant par nature (???) le Verbe de Dieu, Il ne S’est pas prévalu de Son Exaltation divine ni de Sa gloire, celle qu’Il avait auprès de Son Père « avant que le monde existât » (Jean 17, 5), « en prenant la condition d’esclave (???), en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui ; il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Seigneur » (Philippiens 2, 7-11).

Et lorsqu’on nous demande : « Comment se peut-il que la Nature divine soit unie à la nature humaine », nous répondons en posant cette question : « Comment se peut-il que l’esprit et la chair, le permanent (??????) et le transitoire (??????), soient unis l’un à l’autre dans l’homme ? » Tout ce que, dans Sa Sagesse infinie, peut vouloir le Dieu Tout-Puissant, Créateur et Souverain de toute chose, Il est également capable de le faire. En outre, l’Évangile nous informe que la relation entre l’humanité du Christ et Sa Nature divine est telle que ni l’humanité n’est transformée en divinité, ni la divinité confondue avec l’humanité. Il est vrai que cette relation particulière est incompréhensible pour notre intellect humain limité et qu’on ne peut la connaître que dans la mesure où elle nous est révélée dans la Sainte Parole (????) de Dieu. Il est cependant bien clair que cette union, dans le Christ, de la nature divine et de la nature humaine s’est réalisée afin que pût s’accomplir le dessein éternel du Dieu Glorieux. Selon ce dessein gracieux, l’humanité devait être sauvée de la destruction, délivrée du péché et libérée de l’esclavage et de la tyrannie de Satan, elle devait être réconciliée avec Dieu afin qu’elle pût ainsi jouir de la félicité d’une éternité sainte et heureuse en Sa présence. Ayant racheté par Son propre sang les hommes « de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation » (Apocalypse 5, 9), le Christ est devenu pour nous, de par la vie sainte et altruiste qu’Il a vécue sur la terre, un exemple d’un mode de vie pur et saint, et Il nous laissé cet exemple afin que nous puissions nous comporter comme Lui (cf. Jean 13, 15 ; 1 Pierre 2, 21).

Certains nous demandent souvent : « Le Dieu Très-Haut n’aurait-il pas pu sauver les hommes du feu de l’enfer en se contentant d’exercer Sa Toute-Puissante Volonté, n’aurait-Il pas pu manifester Sa miséricorde à ceux qu’Il voulait sauver sans recourir à un quelconque "Plan de Salut" tel que celui dont les chrétiens disent qu’il est enseigné dans la Bible ? Ne Lui suffit-Il pas de dire : "Que cela soit !" pour que tout dessein de Sa part se réalise ? »

En réponse à cela, il nous faut faire remarquer en premier lieu que cette question découle d’un malentendu total sur la nature, la condition et les besoins spirituels de l’homme, et du fait aussi que l’on ne saisit pas cette grande vérité que Dieu est Saint. En soi, le péché n’est pas seulement contraire – et de ce fait odieux – à la Nature divine mais, en outre, il cause la ruine et la destruction de la nature spirituelle authentique et originelle de l’homme fait à la ressemblance de Dieu (cf. Genèse 1, 26-27). De ce fait, le Péché exclut absolument toute possibilité que l’homme puisse jamais jouir du bonheur éternel tant qu’il n’en aura pas été complètement délivré. Il serait facile de s’abstenir de jeter les pécheurs dans le feu de l’enfer ; mais de quelle manière est-il possible de purifier le cœur et l’esprit de l’homme, sa conscience et sa pensée, de la lèpre dévorante du péché déjà commis et de l’aspiration à en commettre plus encore ? Le péché est la pire forme de lèpre, car c’est la lèpre de l’esprit. La mort libère l’homme de la lèpre corporelle mais elle ne peut le libérer de la lèpre spirituelle. Un lépreux spirituel peut-il jouir de la vie éternelle ? L’abjection et la pollution inhérentes à l’état de mort vivante dans lequel il existe ne le rendent-elles pas misérable, objet de haine pour lui-même et pour les autres, et surtout pour Dieu, qui est Saint et qui hait le péché ?

La Torah de Moïse interdisait à toute personne souffrant de la lèpre de pénétrer dans le camp des Israélites (cf. Lévitique 13, 45-46) et de les fréquenter. Combien plus impossible encore est-il que l’homme dont le cœur est atteint par la pollution de la lèpre spirituelle qu’est le péché d’entrer au Paradis et d’être autorisé à jouir de la rencontre avec son Seigneur, le Seigneur des mondes, le Dieu Saint ! C’est pourquoi il est écrit : « Il n’y entrera rien de souillé, aucun artisan d’abomination et de mensonge, mais ceux-là seulement qui sont inscrits dans le livre de vie de l’Agneau » (Apocalypse 21, 27). La lèpre du corps ne peut être guérie par le lépreux lui-même, non plus que par un quelconque médecin humain. Mais le Christ a guéri la lèpre du corps, et Il peut aussi guérir la lèpre de l’esprit. Pourtant, Il n’a jamais guéri la lèpre corporelle contre la volonté du lépreux, et Il ne guérira pas la lèpre spirituelle par la force et contre la volonté du pécheur. Si quelqu’un, non content de s’abandonner à la licence en ce bas monde, a l’esprit tellement souillé que la plus haute idée qu’il se fait du bonheur dans le monde à venir, c’est d’être autorisé à s’abandonner sans frein et pour l’éternité à une abjection de ce genre au Paradis, c’est un lépreux spirituel. Le Christ peut guérir cette lèpre ; nul autre que Lui ne le peut.

Mais le Christ ne guérira pas le lépreux contre sa volonté : celui-ci ne peut obtenir de Lui guérison et purification que s’il se repend du fond du cœur et s’il a une vraie foi dans le Christ. Il doit crier avec David : « Ô Dieu, crée en moi un cœur pur, et renouvelle au-dedans de moi un esprit ferme » (Psaume 51, 12). Guérir un cœur et un esprit lépreux, c’est débarrasser de l’amour du péché les pensées et la disposition de l’homme, et redonner à celles-ci la beauté de la sainteté, que le péché a détruite. Comment cela peut-il se faire ? Pour accomplir tout ce qu’Il a décidé de faire, Dieu a toujours recours à des moyens particuliers. Le moyen dont la Bible nous dit qu’Il l’a choisi pour cette œuvre, c’est de Se révéler dans le Seigneur Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, et de manifester Son amour pour les hommes en portant les souffrances des hommes et en partageant leurs peines dans la nature humaine du Christ, qui est mort sur la croix pour les hommes et par leurs péchés, de façon à ce qu’Il puisse attirer leurs cœurs à Lui  et, ce faisant, qu’Il puisse les amener à haïr le péché et à chercher auprès de Lui la grâce d’y résister et de le vaincre. C’est ainsi qu’une nouvelle nature s’instaure chez quiconque croit véritablement au Christ, qu’un cœur pur lui est donné et qu’un esprit ferme est renouvelé en lui. Et c’est de cette manière que le Dieu Très-Miséricordieux fait de lui une nouvelle créature dans le Christ (cf. 2 Corinthiens 5, 17).

Nous n’irons pas jusqu’à dire qu’il n’y avait pas d’autre moyen par lequel Dieu eût pu sauver les pécheurs de leurs péchés ; mais la Bible nous enseigne clairement que ce fut là le seul moyen que, dans Sa sagesse, Il a choisi (cf. Matthieu 1, 21 ; Jean 14, 6). On ne peut non plus imaginer une quelconque autre méthode qui eût été plus digne du Dieu Saint, Juste et Très-Miséricordieux.

Considérant que la doctrine chrétienne de l’Expiation [?????????, Romains 5, 11] donne lieu à de nombreux malentendus, il va nous falloir ici essayer de l’expliquer clairement et brièvement. Pour nous, chrétiens, l’Expiation, c’est la Réconciliation entre Dieu et l’homme. L’homme est déchu de la condition dans laquelle Dieu l’avait créé et, d’abord par le péché d’Adam puis chaque fois que quelqu’un choisit le mal au lieu du bien, il a perdu la vie vraie et éternelle (cf. Genèse 3, 3), qui consiste à connaître Dieu par le Christ (cf. Jean 17, 2). En conséquence, la seule manière par laquelle l’homme peut s’arracher à cette mort spirituelle, c’est de recevoir de Dieu, Source de Vie, une nouvelle vie spirituelle. Cette vie, c’est la vie dans le Christ Jésus (cf. Jean 1, 4 ; 5, 26 ; Colossiens 3, 4 ; 1 Jean 5, 12), et c’est par Lui seul qu’elle est donnée aux hommes (cf. Actes 4, 12). C’est par la foi que le Christ Jésus unit à Lui les croyants, qui deviennent ainsi des rameaux de Lui-même, la Vigne véritable (cf. Jean 15, 1-6). De cette manière, Il leur transmet une partie de Sa sainte Nature et de Sa sainte Personnalité, les rendant, en quelque sorte, participants de Son Corps et de Son Sang (cf. Jean 6, 40. 47-48. 51-58. 63). Il a assumé la nature humaine et s’est fait homme, devenant le second Adam, le chef et représentant spirituels de la race humaine (cf. Jean 1, 14 ; 1 Corinthiens 15, 22. 45). En s’unissant à Lui par la foi (cf. Galates 2, 20), ceux qui croient en Lui reçoivent « le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jean 1, 12 ; cf. 1 Jean 3, 1-3 ; 4, 9), en vertu de la naissance nouvelle et céleste qu’ils reçoivent du Saint Esprit de Dieu (cf. Jean 3, 3-5). Mourant au péché dans le Christ, c’est en Lui qu’ils vivent une vie nouvelle dans la justice (cf. Romains 6, 1-11).

Pour que l’homme soit délivré de cette mort éternelle qui est le résultat et le châtiment du péché (cf. Genèse 3, 3 ; Ézéchiel 18, 20 ; Romains 6, 23), il était nécessaire que, l’homme ayant délibérément violé la Loi de justice de Dieu (cf. Genèse 3), il se soumît volontairement et jusqu’au bout à cette sainte Loi. C’est ce qu’a fait le Verbe de Dieu (???????? ????), devenu homme parfait : « Il s’est anéanti lui-même, en prenant la condition d’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui ; il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix » (Philippiens 2, 7-8). Par Sa précieuse mort pour nous, Lui qui était libre de tout péché a donné Sa vie en rançon pour beaucoup (cf. Isaïe 53, 5-6 ; Matthieu 20, 28 ; Romains 3, 25 ; 4, 25 ; 5, 8-11 ; 1 Pierre 2, 24). Il est inexact de dire qu’Il a porté le châtiment de nos péchés car un châtiment implique la responsabilité d’une faute : il faut dire que « le péché n’était point en lui » (1 Jean 3, 5). Mais tout ce qu’Il a souffert, Il l’a souffert pour nos péchés, et c’est par le moyen de ces souffrances que tous ceux qui croient vraiment en Lui sont délivrés du péché et de sa très terrible et ultime conséquence : l’exclusion de la présence de Dieu et la mort éternelle.

Si le Christ n’avait été qu’un homme comme un autre, Son obéissance parfaite jusqu’à la mort n’eût rien pu Lui valoir d’autre que Son propre salut, car Il n’eût pu donner la vie spirituelle à d’autres. Mais, étant à la fois Dieu parfait et homme parfait, il peut donner – et Il donne effectivement – cette nouvelle vie spirituelle à ceux qui croient en Lui (cf. Jean 5, 26). Dieu est immortel, et Il ne peut mourir ; mais le Verbe de Dieu (???????? ????), du fait qu’Il s’est fait homme, a pu, dans Sa nature humaine, « goûter » la mort pour chaque homme (cf. Hébreux 2, 9). C’est pour nous qu’Il est mort pour le péché (cf. Romains 4, 25 ; 6, 10), mais Il est ressuscité des morts, ayant « détruit la mort » et l’ayant annulée (2 Timothée 1, 10), donnant ainsi la vie à ceux qui Lui sont unis par la foi (cf. Jean 3, 16 ; 11, 25-26).

Comme nous l’avons déjà dit, Dieu ne peut que haïr le péché car, par Nature, Il est Saint. Le péché qui est en nous ne peut être vaincu que par la manifestation de l’amour de Dieu dans le Christ Jésus,  que nous aimons parce qu’Il nous a aimés le premier (cf. Jean 3, 16 ; 1 Jean 4, 19). Cet amour que le Christ nous donne de Sa propre initiative nous rend capables de L’aimer et, par la grâce de l’Esprit Saint de Dieu, de vivre conformément à la sainte volonté de Dieu, dans une certaine mesure ici-bas et pleinement dans l’au-delà (cf. 2 Corinthiens 5, 14).

La mort du Christ sur la croix nous procure, si nous les désirons, deux bénéfices : (1) être délivrés de la mort éternelle et (2) recevoir la grâce de haïr le péché et de le vaincre (cf. Romains 6, 5-11 ; Galates 2, 20 ; 6, 14 ; Colossiens 3, 1-17 ; 1 Jean 1, 7). Il nous a rachetés de l’esclavage du péché (cf. Matthieu 20, 28 ; 1 Corinthiens 1, 30 ; Éphésiens 1, 7 ; 1 Pierre 1, 18-21). Il nous a offert la seule propitiation [???????, ?????] vraie et efficace pour le péché (cf. Hébreux 2, 17 ; 1 Jean 2, 2 ; 4, 10), dont les sacrifices pour le péché, sous la loi juive, n’étaient que des symboles.

Notre conscience, qui nous accuse de péché et nous menace de la colère de Dieu, nous enseigne donc qu’il est impératif de ne pas tarder à nous réconcilier avec le Dieu Très-Haut. Comme nous ne pouvons nous-mêmes offrir une propitiation parfaite, Dieu en a fourni une dans le Christ, qui est en même temps homme parfait et Dieu parfait. La mort du Christ nous montre la nature terrible et odieuse du péché. Le crime que fut la mise à mort du Christ fut le point culminant et la consommation du péché du monde. Le péché d’Adam avait eu pour cause l’amour de soi et le désir de faire sa propre volonté.

Sur la croix, le Christ s’est Lui-même offert à la mort. La vertu expiatrice de Sa mort consiste non pas en Ses souffrances en tant que telles mais bien plutôt dans l’offrande infinie qu’Il a faite de Son amour, lequel L’a amené, Lui le Chef de la race humaine et qui n’avait pas de péché en Lui, à endurer les souffrances qui ont pour cause les péchés des autres hommes. De Sa propre et libre volonté (cf. Jean 10, 17-18), Il a donné Sa vie pour nous et, ce faisant, en tant qu’Il nous représentait, Il a accompli un acte de soumission à la juste sentence prononcée par Dieu sur le péché et les pécheurs (cf. Ézéchiel 18, 20). L’essence du sacrifice qu’Il a offert pour nous, ce n’était pas tant la mort elle-même que le fait qu’Il S’est volontairement livré Lui-même et qu’Il a obéi jusqu’à la mort à la Sainte Volonté de Dieu.

Et pourtant, Il a souffert tout ce que pouvait souffrir la nature humaine unie à la nature divine, et cela non pas seulement dans Son corps mais également dans Son âme et Son esprit : en effet, la douleur qu’Il a ressentie pour les péchés des hommes a brisé Son cœur plein d’amour (cf. Jean 19, 34). Comme Il est un avec Son Père, Sa Sainteté et Son amour pour l’homme L’ont amené à éprouver l’atrocité de nos péchés ; et comme Il est devenu un avec nous dans Son humanité, Il a ressenti la nature terrible de la malédiction qui pèse nécessairement sur le péché puisque Dieu est parfaitement Saint. Et c’est ainsi qu’Il a souffert la mort « afin que, par la grâce de Dieu, il goûtât la mort pour tous » (Hébreux 2, 9), et cela d’une manière telle que nul autre que Lui, qui était sans péché, n’eût pu le faire (cf. Psaume 22, 1 ; Matthieu 27, 46 ; Marc 15, 34). Et c’est de cette manière que se sont manifestés en même temps l’amour de Dieu, Sa justice et Sa miséricorde.

Celui qui, dans Sa nature humaine, est mort sur la croix était à la fois Dieu et homme. Il S’est chargé du fardeau de nos péchés et Il est mort sur la croix pour nous, pécheurs ; c’est pourquoi ceux qui, par la foi, sont vraiment unis à Lui comme les sarments au cep de la vigne (cf. Jean 15, 4-5), reçoivent le pardon de leurs péchés et sont délivrés de la « crainte de la mort » (Hébreux 2, 14-15), car « l’aiguillon de la mort, c’est le péché » (1 Corinthiens 15, 56), à cause duquel le pécheur non pardonné attend avec crainte et tremblement la colère de Dieu. Le sacrifice du Christ fut accepté et Son expiation efficace : cela est prouvé par Sa Résurrection (cf. Romains 1, 4) et par Son Ascension au ciel (cf. Luc 22, 51) pour s’y présenter comme notre représentant (cf. Hébreux 9, 24), dans l’attente de revenir dans la gloire qu’Il avait auprès du Père avant que le monde existât (cf. Jean 17, 15).

Nous allons maintenant exposer quelques-unes des heureuses conséquences qui découlent de l’Expiation accomplie par le Seigneur Jésus-Christ.

La première est que, par amour pour le Christ, Dieu pardonne les péchés et les transgressions de tous les vrais chrétiens (cf. Romains 5, 5-21 ; Éphésiens 1, 3-7 ; Hébreux 10, 1-25 ; 1 Jean 1-7). Et ensuite, toujours par amour pour le Christ, Dieu leur accorde Sa grâce spéciale ainsi que la lumière de Son inspiration céleste : Il illumine leur cœur de façon à ce qu’ils soient capables de comprendre la condition intérieure dans laquelle ils se trouvent et puissent connaître vraiment Dieu.

En emplissant leur cœur de l’amour pour Lui, Lui qui les a aimés le premier [[cf. 1 Jean 4, 10]], Dieu les rend capables d’acquérir toujours plus de force spirituelle pour garder Ses commandements, atteindre à la pureté du cœur et acquérir une connaissance parfaite de la vérité (cf. Jean 8, 31 ; Romains 5, 5 ; 1 Corinthiens 1, 4-5 ; 2 Corinthiens 4, 6 ; Éphésiens 1, 15-23 ; Philippiens 4, 13 ; Colossiens 2, 3 ; Tite 2, 11-14 ; Hébreux 9, 11-14). Une autre conséquence de l’Expiation est que, par elle, le Christ a libéré Ses vrais disciples de l’esclavage de Satan, Il les a délivrés de l’amour du péché et les a faits héritiers de la joie éternelle (cf. Romains 8, 12-17 ; 2 Timothée 1, 9-10 ; Hébreux 2, 14-15 ; 1 Pierre 1, 3-9).

Dès lors, étant donné que le salut offert aux pécheurs dans le Christ est une chose si heureuse et si précieuse que, par lui, les hommes sont lavés de la souillure du péché, qu’ils voient s’ouvrir devant eux les portes du bon plaisir de Dieu et de Son amour miséricordieux, qu’ils sont illuminés et sanctifiés et qu’ils atteignent enfin à la jouissance de la vie éternelle et de la joie pure, sainte et infinie, il est donc plus clair que le soleil en plein midi que les doctrines de l’Évangile sont celles qui satisfont aux aspirations profondes du cœur de l’homme et dont nous avons parlé dans l’Introduction. Voilà pourquoi la Bible ne peut qu’être la vraie Révélation, la Parole (????) de Dieu.

Si quiconque, ayant entendu la bonne nouvelle du salut, la rejette, la raison en est sans doute qu’il ne s’est pas repenti de ses péchés et qu’il ignore quel est l’état de son cœur aux yeux de Dieu. Si quelqu’un ne manifeste que de l’indifférence pour la condition dangereuse dans laquelle il se trouve et ne perçoit pas que son esprit est rongé par la lèpre mortelle du péché, qui le presse vers la mort éternelle, il ne recherchera pas la guérison que lui offre le seul vrai médecin de l’âme. Par contre, pour l’homme qui, conscient de l’état peccamineux de son cœur, sait que le péché est chose odieuse aux yeux du Dieu Très-Saint, et qu’il est lui-même en très grand danger de périr à cause de ses péchés puisqu’il ne peut expier pour eux, la joyeuse nouvelle du salut que, de Son sang très précieux, le Christ a acheté pour lui et qu’Il offre gratuitement à tout vrai chrétien ne peut qu’être la chose la plus douce et réconfortante du monde.

Cette bonne nouvelle d’un salut librement offert est un baume capable de guérir son cœur, meurtri et écrasé par le fardeau intolérablement lourd du péché. Par contre, lorsqu’un homme est l’esclave des désirs de ses sens et de viles passions, qu’il est plongé dans l’abîme de l’amour du monde présent, il est alors comme la chauve-souris qui ne supporte pas la lumière du soleil et l’évite. Cet homme-là fuit la lumière du glorieux Évangile et, en rejetant la lumière, il se condamne à demeurer dans les ténèbres extérieures (cf. Jean 3, 19-21). Il est impossible à de telles personnes de comprendre les choses spirituelles, et c’est pourquoi l’Évangile leur paraît être une folie, comme ce fut le cas pour les Grecs d’antan (cf. I Corinthiens 1, 18-25 ; 2, 14). Par contre, pour qui recherche honnêtement la vérité et désire connaître et faire la volonté de Dieu, la révélation de l’amour et de la miséricorde de Dieu dans le Christ Jésus ainsi que la manifestation de ce mode de salut par Son truchement se présentent comme une source de vrai bonheur à laquelle il peut étancher la soif de son cœur alors qu’il pérégrine dans le désert de la vie ici-bas.

Dans le Plan divin de Salut, l’amour et la miséricorde de Dieu ainsi que Sa justice et Sa sainteté se manifestent clairement. De l’abondance de Son amour, et pour sauver l’homme de la destruction causée par le péché, Dieu a librement donné Son Fils unique, le reflet de Sa gloire, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point mais ait la vie éternelle. Nous voyons donc que cette doctrine inestimable manifeste très clairement les attributs de Dieu qu’il nous incombe le plus de connaître et, en nous enseignant à quel point le péché est haïssable à Son regard très saint, elle nous incite instamment à obéir à Ses commandements et à suivre la voie de la foi au Christ qui mène à la vie éternelle.

Les personnes sages et sensées ne manqueront pas de remarquer que, dans le domaine de la création, le Créateur grand et glorieux nous a donné d’autres moyens de percevoir quelque chose d’analogue à ce mode de salut mis en œuvre par les souffrances que le Christ a endurées pour nous. Il est fréquent qu’un père de famille doive travailler dur, souffrir et risquer sa vie pour procurer la nourriture et le vêtement dont dépendent la vie et la santé de ses enfants. Souvent, en essayant de sauver des malades, le médecin doit courir un grand danger et il arrive même qu’il meure de maladie. Même les oiseaux travaillent pour bâtir leurs nids, pour couver et nourrir leurs petits ; et la maman oiseau risquera sa vie en combattant un faucon pour préserver ses petits de ses serres. Dieu a placé l’amour des enfants dans le cœur des oiseaux et des animaux aussi bien que dans celui des êtres humains. Un amour pur et altruiste implique souvent le sacrifice de soi. Aussi, à bien y réfléchir, n’est-il pas incroyable que Dieu ait Lui-même manifesté Son amour en donnant Son Fils unique, qui est Un avec Lui, afin qu’Il souffrît, qu’Il mourût et qu’Il ressuscitât des morts pour le salut de Ses créatures.

La foi et la confiance dans le Christ, qui nous a aimés et s’est sacrifié pour nous, est le moyen par lequel le Dieu Tout-Puissant et Très-Sage a choisi pour guérir la lèpre du péché, et c’est pourquoi celui qui, confiant en la sagesse infinie de Dieu, recourt à ce remède obtient la guérison spirituelle et parvient au bonheur véritable. Lorsqu’un remède prescrit par le médecin guérit un malade, cela démontre son efficacité ; dans le même sens, celui qui croit au Christ, dès lors qu’il a été guéri de l’amour du péché par la foi en le Sauveur qui a donné Sa vie précieuse pour lui, connaît assurément l’efficacité du remède spirituel révélé dans l’Évangile. Et c’est alors que, d’un cœur reconnaissant, il remercie le vrai Médecin et se met à Son service.

C’est ainsi que, puisque l’on peut être sauvé du péché par la foi au Christ, cela prouve clairement la vérité de Son enseignement, et cela montre que la Bible, qui témoigne de Lui, est bien la Parole (????) de Dieu.
 

 CHAPITRE 5

LA DOCTRINE DE LA TRINITÉ DIVINE ET INDIVISE
DANS L’UNITÉ DU DIEU TRÈS-HAUT

Qui recherche la vérité ne peut véritablement comprendre ce qui a été dit dans le chapitre précédent à propos du mode de salut par le Seigneur Jésus-Christ tant qu’il n'a pas étudié la doctrine de la Très-Sainte Trinité. L’emploi, par les chrétiens, de ce terme « Trinité » est souvent une pierre d’achoppement pour nos frères musulmans parce qu'ils ne connaissent pas véritablement la doctrine chrétienne sur ce sujet. De ce fait, ils s'imaginent qu'elle va directement à l'encontre de la croyance en le vrai Dieu unique. Mais ce n'est absolument pas le cas, Dieu nous en garde ! Au contraire, la doctrine de l'Unicité divine est le fondement même de notre croyance en la Trinité. Pour tous les chrétiens, il n’y a qu’un seul Dieu et non pas trois.

À étudier les commentaires faits par Jalalu’ddine à propos de la sourate 5, 77, avec sa note, ainsi que ceux de Baidhawi et de Yahya’ à propos de la sourate 4, 56, on constate que, dans l’esprit de ces commentateurs, les chrétiens croyaient en une Trinité composée du Père, de la Mère et du Fils, s’imaginant que Marie était une déesse et l’une de trois divinités distinctes. Il est indubitable que, à l’époque de Mahomet, les chrétiens ordinaires étaient très ignorants et avaient adopté des erreurs grossières, notamment en adorant la Vierge Marie et les saints, tout comme, de nos jours, des musulmans ignorants font des pèlerinages (??????) sur la tombe de walis (??????) morts. Mais de même que, chez les personnes bien informées, nul n’ira affirmer qu’un tel comportement est conforme à l’enseignement du Coran, nul ne va non plus s’imaginer, à l’heure actuelle, que les erreurs des chrétiens ignorants à l’époque de Mahomet puissent être considérées comme représentant l’enseignement de la Bible sur ce point. Le Coran condamne l’adoration de la Vierge, qui ne trouve aucun fondement dans la Bible. Mais cela n’a absolument rien à voir avec la doctrine de la Trinité. Les chrétiens n’ont jamais reconnu trois dieux.

S’il est vrai que des préjugés ont pu induire en erreur des personnes aussi instruites et érudites que ces trois célèbres commentateurs, il est bien évident que tous les hommes sages devraient étudier très soigneusement cette question importante pour eux-mêmes, de crainte qu’eux aussi ne soit induits en erreur et que, à cause d'une méconnaissance du sujet, ils n'en arrivent à rejeter la vérité. Nous, les chrétiens, nous considérons la croyance en trois divinités, dont l'une serait la Vierge Marie, avec les mêmes sentiments de répulsion que les musulmans. C’est précisément ce que nous avons l’intention de démontrer présentement en expliquant ce qu’est réellement notre doctrine de la Très-Sainte Trinité.

Nous avons déjà fait remarquer que la croyance en l'Unicité de Dieu est enseignée, dans la Torah, par les mots : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur » (Deutéronome 6, 4). Dans l'Injil, nous constatons que le Seigneur Jésus-Christ cite précisément ces mots pour fonder Son propre enseignement (cf. Marc 12, 29). La doctrine de la Trinité en est le prolongement, et elle se fonde sur le reste de Son enseignement ; par exemple, lorsqu'Il commande à Ses disciples de baptiser les gens qu’ils convertissent au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit (cf. Matthieu 28, 19). Il est évident que, ici, Il enseigne l'Unicité de Dieu, parce que le terme « nom » est au singulier ; et pourtant, les trois Hypostases (??????) sont mentionnées de façon distincte. Le Fils et l'Esprit Saint ne peuvent pas être des créatures : en effet, ce serait une erreur fondamentale que d'associer des créatures au Créateur dans l'Unité du Très-Saint Nom. Semblablement, on ne peut pas, à proprement parler, appliquer les titres de « Fils de Dieu » et de « Saint Esprit de Dieu » à des créatures, aussi élevées soient-elles. Il suffit d’y réfléchir pour que cela apparaisse à l'évidence.

On peut exposer la doctrine chrétienne de la Sainte-Trinité de la façon suivante :

1. Le Père, le Fils et l'Esprit Saint sont Un, et un seul Dieu.
2. Chacune de ces trois Hypostases divines possède une particularité qui est incommunicable aux autres.
3. Quand bien même elle pourrait être entièrement séparée des autres, ce qui est impossible, aucune de ces trois Hypostases divines ne pourrait être Dieu à elle toute seule et par elle-même.
4. Étant unie aux deux autres dans une unité éternelle (???? ?????) et inséparable, chaque Hypostase (?????) divine est Dieu.
5. Chaque Hypostase divine est de la même Nature (???) et de la même Dignité que les deux autres.
6. La meilleure façon d’exprimer la fonction principale de la Première Très-Sainte Hypostase, comme le fait l’Écriture, ce sont les termes de Créateur et de Père ; pour la seconde, ceux de Verbe de Dieu, de Fils de Dieu et de Rédempteur ; pour la troisième, ceux de Sanctificateur et de Consolateur.
7. Comme les trois Très-Saintes Hypostases divines sont Une dans leur Nature, elles le sont aussi dans leur Volonté, leur Dessein, leur Puissance, leur Éternité et dans tous leurs autres attributs.
8. Pourtant, la Bible enseigne que le Père est la Source de la Divinité [???? ????????] et, dans ce sens, Il est plus grand que le Fils,  quoique, dans leur Nature, ils soient Un.

On dit souvent que, de par les termes qu’elle emploie, la doctrine chrétienne est une contradiction en soi. Manifestement, cette affirmation est inexacte et elle trahit l’ignorance de ce en quoi nous croyons réellement. Il est vrai que cette doctrine implique un mystère, mais c’est là quelque chose de tout à fait différent. S’il n’y avait absolument aucun mystère à propos de la Très-Sainte Nature du Dieu Très-Haut, en d’autres termes, si l’intellect fini de Ses créatures pouvait comprendre pleinement Son mode d’être, il ne serait pas Dieu, parce qu’Il serait fini. En conséquence, ce n’est pas parce que la doctrine de la Trinité comporte un mystère qu’elle n’est pas vraie. En effet, un mystère est une chose dont nous ne savons pas comment elle existe, quoique nous sachions que, en fait, elle existe. Par exemple, nous savons que l’herbe pousse, quoique nous ne sachions pas comment elle pousse. L’univers de Dieu est plein de mystères, et l’homme lui-même est un grand mystère pour lui-même. Il ne sait pas comment le spirituel peut influencer le matériel, et pourtant il est lui-même un esprit qui demeure pour un temps limité dans un corps matériel. Si donc Dieu a révélé dans l’Écriture certaines doctrines relatives à Sa propre Nature (???) Très-Sainte, il est tout à fait naturel que ces doctrines impliquent des mystères. Et ce n’est pas non plus parce que ces doctrines contiennent des mystères que cela justifie qu’on refuse d’y croire, pour autant que nous constations qu’elles sont effectivement enseignées dans la Parole de Dieu. À étudier soigneusement la Bible, nous constatons que la doctrine que nous avons énoncée ci-dessus y est indubitablement enseignée. Sans doute peut-on la présenter dans des termes différents de ceux que nous avons employés. Par exemple, la doctrine de la Trinité est souvent présentée dans les termes suivants, dont tous les chrétiens confesseront qu’ils sont en accord avec l’enseignement de la Bible.

« Il n’y a qu’un seul Dieu vivant et vrai, éternel, sans corps, ni parties, ni passions ; infini en puissance, en sagesse et en bonté ; il est le Créateur et le Conservateur de toutes les choses visibles et invisibles. Et, dans l’unité de cette divinité, il y a trois Personnes (Hypostases ??????), d’une même substance, d’une même puissance et d’une même éternité : le Père, le Fils et l’Esprit Saint. »  Non seulement cela est en accord avec la Sainte Écriture mais, en outre, les ouvrages des premiers auteurs chrétiens nous montrent que, pour eux, la Bible enseignait la doctrine de la Trinité dans l’Unité tout comme nous le faisons aujourd’hui.

La raison elle-même nous enseigne que nous ne pouvons rien connaître de la Nature de Dieu si ce n’est ce qu’Il en a Lui-même révélé. Voilà pourquoi les sages ont pu dire à juste titre : « Il est blasphématoire de discuter de la Nature de Dieu. »

Certains de nos frères musulmans affirment que la doctrine de l’Unicité de Dieu ne permet pas de croire à la Trinité. Pourtant, ces doctrines sont toutes deux révélées dans la Parole (????) de Dieu et, de ce fait, elles ne peuvent pas vraiment être mutuellement contradictoires. L’idée d’unicité n’exclut pas toutes les formes de pluralité. Par exemple, on admet que Dieu possède une pluralité d’Attributs tels que la miséricorde, la justice, la puissance, la sagesse et l’éternité. En fait, des théologiens musulmans enseignent à juste titre que Dieu est l’« Union d’Attributs Bons » . Pour autant, la pluralité des attributs ne contredit pas l’Unicité de Dieu. Semblablement, la doctrine de l’existence de trois Hypostases dans l’Unité de la Nature divine n’est pas contraire à celle de l’unicité, croyance qui constitue le fondement de toute vraie religion. Il est vrai que la création n’offre aucune illustration (??????) parfaite de la Nature divine ; néanmoins, des illustrations imparfaites peuvent aider notre intellect fini à mieux appréhender cette doctrine. La Torah nous dit que Dieu a créé l’homme à Son image (cf. Genèse, 1, 27) ; cela est en parfait accord avec cela que le sage 'Ali ibn Abi Talib a dit : « Celui qui se connaît lui-même connaît son Seigneur » .

Et c’est ainsi que nous pouvons proposer la comparaison suivante, aussi imparfaite soit-elle. Chaque homme est une personnalité unique ; et pourtant, lorsqu’il dit « Je » (????), il peut à juste titre parler de son esprit (???) mais aussi de son intellect (???) et de son âme (?????). Dans une certaine mesure, ce sont là trois choses différentes car l’esprit n’est pas l’intellect et ni l’un ni l’autre ne sont l’âme ; pour autant, il faut bien admettre qu’il n’est pas incorrect de dire de chacun de ces trois éléments qu’il s’agit de l’Ego ; pourtant, l’Ego est un, et non pas trois. À strictement parler, on ne peut pas dire que l’un quelconque de ces trois éléments constitue la personnalité tout entière, indépendamment des deux autres ; pourtant, tous trois sont unis à un tel point que, ensemble, ils forment l’Ego ; en outre, ils ne sont jamais séparés, du moins dans cette vie. Il s’agit là d’un mystère, l’un de ces nombreux mystères inhérents à notre nature humaine. Nous ne le comprenons pas, et pourtant nous savons qu’il en est ainsi. Chaque individu est une personne unique ; néanmoins, en dedans d’elle-même, chaque personne est consciente de cette distinction, laquelle, pourtant, ne contredit pas le fait qu’elle est une personnalité unique. Il n’est pas dans notre intention d’avancer cette illustration comme une preuve de la vérité de la doctrine de la Trinité divine dans l’Unité. La preuve de cette doctrine, comme nous l’avons déjà dit, nous la trouvons dans la Bible, et en particulier dans le Nouveau Testament. Si nous acceptons cette doctrine, c’est uniquement parce qu’elle a été divinement révélée par Celui qui est la Vérité (?????). Ce que nous essayons de faire ici, c’est simplement de montrer que certains des arguments habituellement avancés contre cette doctrine ne suffisent pas à la réfuter : au contraire, dans une certaine mesure, ils proviennent du fait que la doctrine chrétienne à propos de la Très-Sainte Nature de Dieu est mal comprise. Dès lors, il est de notre devoir d’essayer d’expliquer cette doctrine pour, ainsi, ôter du chemin de nos frères musulmans l’une de ces pierres d’achoppement qui, actuellement, les empêchent de parvenir à la connaissance de la vérité.

Il est tout à fait remarquable de constater que, lorsqu'ils parlent de Dieu, il arrive que le Coran et la Torah emploient tous deux la première personne du pluriel du verbe et du pronom personnel. Dans la Torah, cette occurrence est relativement peu fréquente ; néanmoins, on en trouve des exemples en Genèse 1, 26 ; 3, 22 ; 11, 7. Par contre, dans le Coran, les occurrences sont beaucoup plus fréquentes. Par exemple, dans la sourate 96, Al 'Alaq – laquelle, selon certains, contient la révélation la plus ancienne que Mahomet ait affirmé avoir reçu –, le Tout-Puissant est appelé le Seigneur (verset 8) et Dieu (verset 13) ; ici, donc, le nom est au singulier ; par contre, au verset 17, on lit qu’Il dit : « Nous allons convoquer les gardiens ! », c'est-à-dire que le pronom et le verbe sont à la première personne du pluriel. Si la Bible et le Coran utilisent ainsi tous deux des formes de ce genre, cela, nécessairement, n'est pas dépourvu de toute signification. Les juifs expliquent un tel emploi en disant que Dieu s'adressait aux anges ; mais cette explication ne convient pas à la Torah, et elle est absolument incompatible avec le langage employé dans le Coran. Le chercheur sérieux ne se satisfera pas non plus de l'explication habituelle selon laquelle il s’agit d’un pluriel de majesté. Il ne nous appartient pas de commenter l'emploi du pluriel dans de tels passages mais nous ne pouvons guère nous tromper en disant que, dès lors que l’on accepte la doctrine de la Trinité telle que nous l'avons présentée ci-dessus, il devient plus facile de comprendre comment la croyance en l'Unicité de Dieu peut se concilier avec l'emploi du « Nous » lorsque le Coran parle de Dieu.

Il est certain qu'aucune similitude (??????) inspirée des choses créées ne peut illustrer parfaitement ce qu'est la Nature divine ; néanmoins, outre celle que nous avons déjà mentionnée, il en est d’autres qui peuvent nous aider à montrer que certaines formes de pluralité sont tout à fait compatibles avec une unité réelle. Par exemple, un rayon de soleil comporte trois éléments distincts : (1) la lumière, (2) la chaleur et (3) l'action chimique. Pourtant, il est impossible de séparer complètement ces éléments les uns des autres pour obtenir trois rayons distincts ; au contraire, l'unité du rayon implique nécessairement la coexistence de ces trois rayons. On peut présenter cette illustration d'une autre manière : le feu, la lumière et la chaleur sont trois et pourtant ils sont un. Il n'y a pas de feu sans lumière ni chaleur ; de plus, la lumière et la chaleur ont la même nature et la même origine que le feu. En outre, ils naissent et meurent en même temps. Nous pouvons dire que le feu donne de la lumière et de la chaleur, et que la lumière et la chaleur sont produites par le feu, ou encore qu'elles procèdent du feu. Mais cela n'implique pas que ni la lumière ni la chaleur sont jamais séparées du feu ni qu'elles continuent à exister dans le feu alors même que l’on dit, à juste titre, qu'elles procèdent du feu. Dans le même sens, l'esprit, la pensée et la parole sont un, tout en restant distincts les uns des autres. Nous ne saurions concevoir un esprit auquel ne serait rattachée aucune pensée, et la pensée implique la parole (???????), qu'elle soit ou non prononcée. Une fois encore, donc, nous constatons que certaines formes de pluralité ne s'opposent pas à l'unité et qu'il existe certaines choses dont la nature même est d’être pluralité dans l'unité.

Nous pouvons donc en conclure que l'existence des trois Très-Saintes Hypostases dans l'Unité divine ne s'oppose pas à la raison éclairée. Au contraire, elle est confortée par certaines analogies que l'on trouve dans les oeuvres du grand Créateur de l'Univers ; et, en outre, elle est enseignée dans la Parole (???????) de Dieu.

Il est encore une autre question qu'il convient de considérer à propos de cette doctrine. L’un des noms Très-Excellents que les musulmans donnent à Dieu est Al Wadoud (??????), « l'Aimant » . Cela est en parfaite harmonie avec de nombreux passages de la Bible tels que, par exemple, Jérémie 31, 3 ; Jean 3, 16 ; 1 Jean 4, 7-11. La nature de Dieu est immuable ; par conséquent, si, aujourd'hui, nous disons qu'Il est « l'Aimant », cela signifie qu'Il l’a toujours été. En d'autres termes, l'Attribut d'Amour a dû exister de toute éternité dans la Nature divine. Mais l'Amour implique un objet. Avant la création, rien n'existait sinon le Nécessairement Existant (????? ???????). Donc, sauf à admettre l’idée hérétique d'un changement dans la Nature divine immuable et à considérer que Dieu n'a commencé à aimer qu'après avoir créé Ses créatures, il nous faut bien admettre que, dans l'Unité divine, il existe au moins un Aimant (????) et un Aimé (????????). C'est là une déduction que nous impose la raison, et elle est en accord avec Jean 17, 24, où le Verbe de Dieu dit à son Père : « Tu m’as aimé avant la fondation du monde ». La doctrine selon laquelle, dans l'unité de la Nature divine, il y a trois Hypostases ayant une seule et même nature, une seule et même puissance et une seule et même éternité explique – et elle est la seule à l’expliquer – l'existence, en Dieu, de l'Attribut d'Amour d’une manière compatible avec notre croyance nécessaire en l'immutabilité de Celui qui a dit : « Moi, Yahvé, je ne change pas » (Malachie 3,6).

Mais certains pourraient demander : « À quoi bon croire en la doctrine de la sainte Trinité ? »

À cela, il y a de nombreuses réponses ; en voici quelques-unes.

1. Si l'on croit à cette doctrine, l'intellect n'a plus une aucune difficulté à croire que Dieu est Autosuffisant (??????), Indépendant (?????, sourate 112, 2) et immuable. Ce que nous venons de dire le démontre à l'évidence. Donc, la raison exige cette doctrine.

2. Cela nous permet d'accepter la doctrine de la Bible en même temps que cela explique certaines parties de l'enseignement du Coran.

3. Cela permet de croire que le Christ dit la vérité lorsqu’il affirme être le Verbe de Dieu, affirmation que l’on trouve tant dans le Nouveau Testament que dans le Coran. Ce titre (??????????, sourate 4, 169, et ?????? ????????, sourate 19, 35) doit nécessairement exprimer Sa véritable Nature et Sa véritable Fonction puisqu’il lui est donné dans le mot Kalamu'llah. En fait, le mot Kalimah (???????, ?????, Verbe, Parole) se réfère à l'expression de ce qui est dans l'esprit de celui qui parle, lequel, dans ce cas, est le Dieu Très-Haut. Si le Christ était une Parole de Dieu, il est évident qu'Il ne serait alors qu’une expression parmi d’autres de la Volonté de Dieu ; mais, étant donné que Dieu lui-même l’appelle « le Verbe de Dieu », il est bien clair qu'Il doit nécessairement être l’unique expression – qui ne peut qu’être parfaite – de la Volonté de Dieu ainsi que la seule Manifestation (????????) parfaite de Dieu. C'est par Lui que les prophètes ont parlé après qu'Il leur eut envoyé l'Esprit Saint de Dieu pour les éclairer (cf. Luc 10, 22 ; Jean 1, 1-2. 18 ; 14, 6-9 ; 1 Pierre 1, 10-12). Donc, puisque le titre de Kalimatu'llah montre que seul le Christ peut révéler Dieu aux hommes, il est clair que Lui-même doit nécessairement connaître parfaitement Dieu et Sa volonté (ainsi qu'Il l'affirme en Jean 8, 55 ; 10, 15). En cela, Il diffère de celui qui a dit : « Nous ne t'avons pas connu avec la vérité de ta connaissance » . Les théologiens musulmans admettent que la Sainte Nature de Dieu est trop élevée et sublime, et que la Vérité du Nécessairement Existant est trop exaltée et transcendante pour que Son Essence (?????) puisse être connue par un quelconque des sages (??????????) ou érudits (??????????), ou même par les saints (????????) ou les prophètes (????????).

C’est pourquoi, selon eux, Dieu serait inconnu et non révélé, à l'exception du Kalimatu'llah . Donc, le Verbe  de Dieu, qui connaît Dieu parfaitement bien, ne peut être une simple créature. Quand bien même Il serait le plus élevé des archanges, Il serait encore très loin de pouvoir connaître Dieu parfaitement. Nul autre que Dieu Lui-même ne peut pleinement connaître Dieu ; en effet, seul Dieu qui sonde les reins et les cœurs peut connaître parfaitement l'esprit et les pensées de l'homme. Nous voyons donc que la raison exige la divinité du Kalimatu'llah. La doctrine de la Sainte Trinité montre que, ici, la raison est justifiée ; ainsi, elle nous aide à croire que les affirmations du Christ sont vraies, et à accepter le salut que Dieu nous offre.

4. La croyance en la doctrine de la Divine Trinité dans l’Unité abolit la croyance aveugle et désespérée en une destinée inexorable et inchangeable qui opprime le musulman tout autant que l'hindou. Cette croyance en la destinée est l'une des principales causes de l'apathie qui a fait que les nations musulmanes se sont opposées à toute évolution et, de ce fait, ont pris du retard par rapport aux nations chrétiennes dans les domaines du progrès et de la civilisation. Les Arabes, les Perses, les Égyptiens et les Turcs sont, à tout le moins, aussi intelligents, braves et entreprenants que les nations d'Europe ; l'histoire ancienne en apporte des preuves indubitables. Sans leur fatalisme, ces peuples pourraient renouveler leurs forces. Lorsque nous croyons que Dieu nous a tellement aimés qu'Il S'est révélé dans le Kalimatu'llah qui, pour nous, s'est fait homme, a porté nos souffrances et s’est chargé de nos douleurs (cf. Isaïe 53, 4), a vécu, est mort et est ressuscité pour nous, alors nous avons le sentiment que nous pouvons faire confiance à Dieu car tout cela prouve Son amour pour nous (cf. Jean 3, 16 ; 1 Jean 4, 7-16).

C'est parce que nos frères musulmans rejettent la doctrine de la Trinité qu’ils rejettent la Divinité du Christ. C'est pourquoi, quand ils y réfléchissent en profondeur, ils constatent qu'ils sont absolument incapables de connaître Dieu. Cela explique le proverbe égyptien courant : « Tout ce qui te vient à l’esprit reflète ce que tu es, et Dieu en est l'inverse » . Et c'est ainsi que l'islam débouche sur l'agnosticisme. Par contre, la croyance en la Vraie Manifestation (????????) nous permet à nous, les chrétiens, de connaître Dieu et, ainsi, de L'aimer, Lui qui nous a aimés le premier (cf. 1 Jean 4, 19). Son Esprit Saint demeure à jamais chez les vrais chrétiens, Il fait de leur cœur Son sanctuaire et Il les rapproche de Dieu, les amenant à connaître plus pleinement la vérité (cf. Jean 14, 16-17. 26 ; 15, 26 ; 16, 7. 15 ; Actes 1, 5 ; 2, 4 ; 1 Corinthiens 3, 16-17 ; 6, 19). C'est ainsi qu'ils sont réconciliés avec Dieu et qu'ils entrent en communion avec Lui, comme des fils avec un Père céleste qui les aime, plutôt que de trembler comme des esclaves en la présence d'un maître irascible (?????).

Ainsi donc, la Bible nous apprend (1) que le Dieu Très-Haut s'est révélé à nous comme le Père Saint et Aimant qui, quoique dans Sa parfaite Sainteté Il abhorre le péché, ne S’en est pas moins fixé, de toute éternité, le dessein, conforme à l'abondance de Son amour et de Sa miséricorde, d’adopter une méthode particulière qui devait permettre à tous les hommes, pour autant qu'ils fussent disposés à accepter la grâce qui leur est offerte gratuitement, d’être libérés du péché et réconciliés avec Lui, dans leur cœur et dans leur esprit, dans leur volonté et dans leur comportement ; (2) que cette révélation de Dieu est donnée à l'humanité par le moyen de Son Verbe (??????????), le Fils unique de Dieu, Lui seul par qui toute créature peut atteindre à la connaissance du Père céleste ; S’étant incarné et ayant assumé la nature humaine, le Verbe Divin a porté nos souffrances et s’est chargé de nos douleurs (cf. Isaïe 53, 4) ; Il est mort sur la croix pour nos péchés et Il est ressuscité pour notre justification (cf. Romains 4, 25) ; (3) et, afin que l'humanité puisse accepter le salut qui leur a été ainsi acquis par le Kalimatu'llah, Il a envoyé le Saint Esprit de Dieu, la troisième Hypostase de la Sainte Trinité, pour les convaincre de péché et du besoin qu’ils ont d'un Sauveur, et pour éclairer leur cœur en leur faisant connaître les richesses de l'Évangile, les amenant ainsi à rechercher la vie éternelle, à l’atteindre et à en jouir.

On ne manquera pas de remarquer que la preuve de la vérité de la doctrine de la Sainte Trinité est la même que celle dont dépend la croyance en la vie après la mort, la croyance en la résurrection des morts ainsi que la croyance en toutes les autres doctrines qui impliquent la foi et qui distinguent ceux qui adorent le Seul Vrai Dieu de tous les païens et polythéistes : en d'autres termes, cette preuve est le fait que toutes ces doctrines sont révélées dans la Parole (????) de Dieu.

Nous allons maintenant entreprendre de montrer très brièvement comment nous pouvons, dans notre cœur, réaliser le salut que le Seigneur Jésus-Christ nous offre et comment, par Lui, nous pouvons obtenir la vie éternelle (cf. Jean 17, 1-3) ainsi que recevoir toutes les autres grandes bénédictions dont Dieu est disposé à combler Ses créatures.

Selon l'enseignement du Nouveau Testament, ce n'est que par une confiance vivante dans le Christ et en nous en remettant à Lui (cf. Actes 4, 12 ; 16, 31 ; 1 Jean 3, 23) que nous pouvons devenir héritiers de ces joies et bénédictions indicibles ainsi que « des choses que l’œil n’a point vues, que l'oreille n'a point entendues et qui ne sont pas montées au cœur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qu'il aime » (1 Corinthiens 2, 9). Croire en le Christ, cela ne signifie pas simplement reconnaître que Son enseignement est vrai. Cela signifie que l'on doit avoir une confiance parfaite en un Sauveur vivant et aimant qui est venu dans le monde pour sauver les pécheurs (cf. 1 Timothée 1,15) de leurs péchés (cf. Matthieu 1, 21) et qui est capable de sauver jusqu'au bout tous ceux qui viennent à Dieu par Lui (cf. Hébreux 7, 25).

Une telle foi vivante nous unit spirituellement au Christ (cf. Jean 15, 4-10) et fait de nous, en Lui, des enfants de Dieu (cf. Jean 1, 12-13 ; 1 Jean 3, 1-12). Elle nous donne la force de nous arracher à l'amour du péché et à l'esclavage du démon , de rejeter les œuvres des ténèbres , d’être dignes de la sainte vocation à laquelle nous sommes appelés, marchant dans la lumière en tant que nous sommes enfants de la Lumière (cf. Jean 8, 12 ; 12, 35-36).

Pourtant, ses seules forces ne permettent pas à l’homme d’acquérir une telle foi vivante dans le Christ ; aussi, dans Son grand amour pour l'humanité, Dieu nous a-t-Il donné la grâce de Son Saint Esprit afin que Son influence gracieuse sur nos esprits puisse nous donner la vie spirituelle et la force de croire au Christ, à moins que nous ne décidions de refuser Son influence bienveillante. Nous avons déjà vu que le Christ est le Verbe de Dieu, la seule vraie Manifestation de Dieu. Il est donc bien clair que l'homme ne peut venir à Dieu que par Lui (cf. Jean 14, 6). C'est pourquoi, s'ils ne croient pas au Christ, les hommes ne peuvent pas être acceptés aux yeux de Dieu ni obtenir le pardon de leurs péchés.

En conséquence, le Saint Esprit incite instamment les hommes à se repentir de leur incroyance et de tous leurs autres péchés, à accepter le salut librement offert par le Christ et à se détourner du péché. Il nous montre l'état misérable dans lequel se trouve notre cœur, il nous convainc de péché et Il nous avertit du jugement à venir (cf. Jean 16, 8). Il nous appelle instamment à rechercher la réconciliation avec Dieu au travers de la seule propitiation offerte une fois pour toutes par le Christ (cf. Hébreux 10, 10-14). Ceux qui se laissent guider par l'inspiration gracieuse du Saint Esprit sont justifiés par leur foi en le Christ ; par Lui, ils trouvent la paix avec Dieu (cf. Romains 5, 1). Il leur donne la paix du cœur, une paix que le monde ne peut pas donner (cf. Jean 14, 27). Alors, le pécheur repenti est libéré de la crainte et de l'angoisse qu'il ressentait auparavant à cause de ses péchés, il est déchargé du fardeau qui pesait sur son esprit comme une montagne et qui est rejeté dans l’océan insondable de la miséricorde divine (cf. Matthieu 21, 21 ; Marc 11, 23). Ses ténèbres intérieures sont dissipées et la lumière céleste illumine son cœur car l'amour de Dieu y règne désormais, et alors, par le Christ, il sait que Dieu est son Père céleste. Désormais, le pécheur fuit le péché et, par la grâce de Dieu, s'efforce de garder les commandements de Dieu. Et c'est ainsi que, par la communion avec Dieu, il éprouve un bonheur indicible ici sur la terre, même dans les persécutions, les afflictions et les épreuves. Il apprend par expérience que tout ce que la Bible affirme à propos des fruits du salut est certainement vrai.

Ainsi donc, le changement produit par l'influence de l'Esprit Saint dans le cœur de celui qui croit au Christ consiste non seulement en ce qu’il réoriente le cœur de l'homme, l’amenant du péché à la justice, des ténèbres à la lumière, de Satan à Dieu, mais aussi en ce qu’il s'agit véritablement d'une renaissance spirituelle (cf. Jean 3, 3-5), en vertu de laquelle celui qui croit vraiment au Christ devient spirituellement une créature nouvelle (cf. 2 Corinthiens 5, 17 ; comparer Galates 6, 15).

Dieu veut que chaque homme se repente de ses péchés et obtienne le salut par la foi en le Christ (cf. Ézéchiel 33, 11 ; 1 Timothée 2, 3-6 ; 2 Pierre 3, 9). Donc, nul n'est exclu de l'espérance du salut. Toute personne qui recherche sincèrement la rédemption par le Christ l'obtiendra certainement (cf. Jean 6, 37). Mais ceux qui, ne se confiant que dans ce qu'ils considèrent être leurs propres bonnes actions et l'accumulation de mérites imaginaires dont Satan leur fait croire qu'ils les ont amassées à leur profit, ceux-là refusent de venir chercher le salut dans le Christ, ils résistent au Saint Esprit et ils prononcent leur propre condamnation (cf. Jean 3, 16-21 ; 5, 40). Même si, ici-bas, ils refusent l'amour et la miséricorde du Christ, ils n'en seront pas moins contraints, à la fin, de s'incliner devant Lui, comme le disent les Écritures (cf. Isaïe 45, 23 ; Romains 14, 11 ; Philippiens 2, 9-11).

En conclusion de tout que nous venons de dire, il apparaît à l'évidence que la conversion du cœur produite par la foi en le Christ ne permet pas aux hommes de continuer à vivre dans l’insouciance et le péché. Il s'agit d'une foi vivante, d'une foi qui donne la vie, qui appelle instamment les hommes à faire tout ce qui est bien et à s'abstenir de tout ce qui est mal. C'est ainsi que celui qui croit en le Christ, si sa foi est réelle, est capable, par la grâce de l'Esprit Saint de Dieu, de vaincre le péché dans son cœur, de résister aux tentations du monde, de la chair et du diable, de fouler aux pieds ses désirs mauvais, d’être résolu à vivre conformément à la volonté du Dieu Très-Haut et de tendre vers la sainteté dans sa personne et son comportement. Dans le Christ, il a goûté à l'amour et à la miséricorde infinis de Dieu, et il connaît la joie et le bonheur profonds que sa foi lui donne. C'est pourquoi il refuse toute pensée et toute action mauvaises pendant que, jour et nuit, il s'efforce de garder tous les commandements de Dieu et de marcher dans la lumière, ainsi qu’il convient à un enfant de la Lumière.

 CHAPITRE 6

LA VIE ET LE COMPORTEMENT D’UN VRAI CHRÉTIEN

On lit dans l’Évangile que, un jour, un docteur de la loi demanda au Seigneur Jésus-Christ quel était le plus important de tous les commandements de la loi de Dieu. En réponse, le Christ lui dit : « "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit" . C’est là le plus grand et le premier commandement. Un second lui est égal : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" . Dans ces deux commandements tient toute la Loi, ainsi que les Prophètes » (Matthieu 22, 35-40 ; Marc 12, 28-31). Dans le même sens, on lit dans un autre passage du Nouveau Testament : « N’ayez de dette envers personne que de mutuelle charité, car qui aime autrui a accompli la Loi. En effet, les préceptes : "Tu ne commettras pas l’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas" et tous les autres se résument en cette parole, à savoir : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". La charité ne fait point de mal au prochain. La charité est donc le plein accomplissement de la Loi » (Romains 13, 8-10). C’est de l’amour de Dieu que naît l’amour envers Ses créatures, et en particulier envers tous les hommes.

Le vrai chrétien aime Dieu parce qu’il sait que Dieu l’a aimé en premier (cf. 1 Jean 4, 9-11. 19 ; Romain 5, 5-8), et cet amour de Dieu lui ôte l’envie de s’attacher aux plaisirs et aux richesses de ce monde transitoire (cf. 1 Jean 2, 15-17). À mesure que cet amour de Dieu grandit dans son cœur, son zèle ne cesse de croître pour servir Dieu et pour faire le bien à son prochain. Il se rend compte que Dieu est son Père céleste et que, dans le Christ, il est enfant de Dieu (cf. Jean 1, 12 ; 1 Jean 3, 1-2). C’est pourquoi il place sa confiance en Dieu et s’efforce, en pensées, en paroles et en actions, de L’honorer et de Le glorifier (cf. Psaume 63, 1-8). Chaque fois qu’il est tenté par Satan, il dira, comme le fit Joseph : « Comment ferais-je un si grand mal et pécherais-je contre le Dieu ? » (Genèse 39, 9) et, tout ce qu’il fait, il le fera à la gloire de Dieu et pour Lui faire plaisir à Lui et non pas aux hommes (cf. Colossiens 3, 23). À mesure que grandit sa connaissance et son amour de Dieu, il ne cessera de Le remercier et de Le louer pour toutes les bénédictions temporelles et spirituelles qu’Il lui accorde, et il Lui manifestera sa gratitude et sa satisfaction non pas seulement par des paroles mais aussi par tout son comportement (cf. Psaume 34, 1 ; Colossiens 3, 17 ; 1 Thessaloniciens, 5, 15-22).

Une autre caractéristique du vrai chrétien est que, lorsque des problèmes temporels le mettent dans l’embarras ou dans la détresse, il ne s’en remet pas à l’homme mais à Dieu [[cf. Psaume 118, 8]]. Il ne recherche pas de grandes richesses ni un rang social élevé et il ne s’inquiète pas non plus excessivement de ce dont il vivra, mais il prie Dieu de le bénir dans son activité professionnelle afin que ce qu’il gagne honnêtement soit suffisant pour couvrir ses besoins. Du fond du cœur, il est convaincu que son Père céleste l’aime (cf. 1 Pierre 5, 7) et que, par conséquent, il peut en toute sécurité se décharger sur Dieu de toutes ses inquiétudes. Il sait que Dieu lui a ouvert la porte de la salle de Son trésor spirituel dans le Christ Jésus, et il est donc sûr que le Très-Miséricordieux ne permettra pas qu’il soit privé des choses temporelles dont il a besoin (cf. Psaume 28, 7 ; Matthieu 6, 9-34 ; 1 Timothée 6, 6-11).

Le chrétien est reconnaissant à Dieu de l’aisance et de la prospérité, sachant que « tout don excellent et toute grâce parfaite » viennent de Lui (Jacques 1, 17). Mais, dans les tribulations, la détresse, le chagrin, la douleur et la persécution, il est patient, sachant que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu (cf. Romains 8, 28). Il s’entend dire les mots prononcés par un sage d’autrefois : « Toute la vie du Christ fut une croix et un martyre ; et toi, tu rechercherais le repos et la joie ? » Il sait que, si son Père céleste permet qu’il souffre, c’est dans le dessein de le rapprocher de Lui. C’est pourquoi il est capable de se réjouir dans les tribulations (cf. Romains 5, 3-5 ; 12, 12) et de dire : » C’est Yahweh ; ce qui lui semblera bon, qu’il le fasse ! » (1 Samuel 3, 18). Il se rappelle que, s’il vit dans le monde, il n’est pas du monde car, comme Abraham, il recherche « la cité aux solides fondements, dont Dieu est l’architecte et le constructeur » (Hébreux 11, 10 ; voir aussi Psaume 37, 5 ; 2 Corinthiens 4, 10-18 ; Hébreux 12, 5-6).

Le vrai chrétien adore Dieu « en esprit et en vérité » (Jean 4, 24). Il désire rester en permanence conscient du fait qu’il est toujours en présence de Dieu. À tout moment, il se tourne vers Dieu comme un enfant vers un Père aimant, connaissant l’amour que Dieu lui porte. Lorsqu’un enfant demande quoi que ce soit à son Père, il le fait naturellement et sans employer de forme verbale particulière. C’est ainsi que le chrétien n’est pas obligé d’employer une quelconque formule spéciale ni même un quelconque langage sacré car il sait que Dieu est toujours plus prêt à écouter l’homme que l’homme n’est prêt à prier, et que les dons de Dieu sont plus grands que tout ce que nous pouvons désirer ou mériter. Dieu connaît nos besoins avant même que nous ne les exprimions, et il sait aussi à quel point nous sommes ignorants de ce qui nous convient le mieux. C’est pourquoi le vrai chrétien demande toutes les choses terrestres dont il a besoin – mais à une condition : « Pour autant que ce soit Ta Volonté, ô mon Dieu ! ».

Par contre, pour ce qui est des choses célestes et des bénédictions spirituelles, l’homme peut demander librement, sans aucune condition, sachant que ces choses sont bonnes pour lui et que Dieu est tout disposé à les lui accorder. Lorsqu’un homme a vécu une nouvelle naissance spirituelle (cf. Jean 3, 3-5) et qu’il a ainsi été illuminé par l’Esprit Saint de Dieu, il ne cesse jamais de chanter à Dieu dans son cœur, de le louer pour Sa bonté et de rester en communion spirituelle avec Lui. Quoi que puisse faire un tel homme, il le fait pour la gloire de Dieu. Sachant que Dieu sonde les reins et les cœurs de l’homme et qu’aucun secret ne Lui est caché, cet homme va s’efforcer de soumettre toutes ses pensées à l’amour de Dieu. Confiant sa propre personne mais aussi tous ceux qui lui sont chers à l’amour et à la miséricorde de Dieu, il trouve le repos et la paix du cœur et de l’esprit (cf. Mathieu 6, 5-15 ; Luc 18, 1-8 ; Jean 16, 23 ; Philippiens 4, 6-7 ; 1 Thessaloniciens 5, 17-18 ; 1 Jean 5, 14-15 ; Jacques, 5-8).

Outre les prières qu'ils disent en privé, les chrétiens récitent aussi, en général, des prières chez eux, lorsque le père de famille se rassemble avec sa femme et ses enfants pour demander à Dieu le pardon et la bénédiction et pour lire ensemble la Parole de Dieu. En outre, dans des églises et des chapelles, à des temps fixes et en particulier le dimanche, jour où le Christ est ressuscité des morts, les chrétiens se rassemblent pour célébrer un culte public et pour écouter la lecture de la Bible et la prédication de l'Évangile, qui sont faites par des hommes spécialement appelés par Dieu et soigneusement formés à cette fonction et à ce ministère. Lors de ces cultes publics, certaines communautés de chrétiens préfèrent avoir des formes fixes de prière, considérant que celles-ci sont plus utiles pour la congrégation. D'autres préfèrent que les prières soient ex tempore. Dieu connaît toutes les langues des hommes ; aussi, pour Le prier, aucune d'entre elles, pas même le grec ou l’hébreu, ne Lui est plus acceptable que d’autres. Par contre, ce qui est nécessaire, c'est de célébrer Son culte dans la sincérité, en esprit et en vérité. Tous les lieux où est célébré un culte est saint, pour autant que ce culte Lui soit offert du fond du cœur. C'est la seule chose prescrite dans l'Évangile (cf. Jean 4, 24), qui ne prévoit ni rite, ni formule, ni comportement, ni lieu particuliers pour rendre un culte à Dieu.

Un vrai chrétien reconnaît que tous les hommes sont ses frères. Il désire leur bien-être comme il désire le sien propre, et il s’efforce de l'établir en faisant aux autres tout le bien qu'il peut, dans les domaines tant spirituel que temporel (cf. Mathieu 7, 12 ; 22, 39 ; 1 Corinthiens 10, 24). Le Christ lui a enseigné la Règle d'Or (cf. Mathieu 7, 12 [[« Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le aussi pour eux »]]), laquelle, si tous les hommes l'appliquaient, ferait de cette terre presque un Paradis ; c'est pourquoi le chrétien s’efforce de faire aux autres non pas ce qu’ils lui font à lui mais ce qu’il voudrait qu'ils lui fassent. S’ils sont malades, il les soigne ; s’ils ont faim, il les nourrit ; s'ils ne connaissent pas Dieu, il leur enseigne ce que le Christ lui a enseigné (cf. Mathieu 18, 19-20). Il aime tous les hommes, mais tout particulièrement ceux qui partagent sa foi (cf. Galates 6, 10 ; comparer Mathieu 23, 8 ; Jean 13, 34-35). Il aimera jusqu'à ses ennemis et ceux qui le persécutent (cf. Mathieu 5, 44 ; 1 Thessaloniciens 3, 12 ; 2 Pierre 1, 5-7), sachant qu’eux aussi font partie de ceux pour qui le Christ est mort, que certains des ennemis les plus acharnés de l'Évangile sont devenus, à la fin, des chrétiens, et que les méchants ne sont que des brebis égarées que le Bon Berger veut sauver du loup (cf. Jean 10, 11-16).

Le vrai disciple du Christ est véridique, juste, bon et pur (cf. Matthieu 5, 37 ; Ephésiens 4, 25 ; Jacques 4, 11-12). Il s'efforce de promouvoir l'harmonie et la concorde parmi les hommes (cf. Romains 12, 18). Il est plein de sympathie pour les affligés (cf. Romains 12, 15 ; Hébreux 13, 16). Il supporte avec patience les torts qu'on lui fait, confiant sa cause à Dieu (cf. Mathieu 11, 29 ; Ephésiens 4, 25-32). Par contre, la vue des torts faits aux autres, le spectacle de l'oppression et de la tyrannie suscite dans son cœur une juste indignation, et il s'efforce de faire en sorte que justice soit rendue à de telles victimes, quel que soit le sacrifice que cela implique pour lui-même. On connaît des exemples de chrétiens qui ont accepté d'être vendus comme esclaves afin de pouvoir apporter une aide et un réconfort spirituels à ceux qui avaient été réduits à un sort si cruel.

Le vrai chrétien sait qu'il a été créé pour servir Dieu, qu'il a été racheté au prix du Très-Précieux Sang du Christ (cf. 1 Corinthiens 6, 20 ; 7, 23) et que son corps est le sanctuaire de l'Esprit Saint de Dieu en raison de sa foi au Christ (cf. 1 Corinthiens 3, 16-17 ; 6, 19). C'est pourquoi il se refuse à polluer et à détruire son corps, son âme et son esprit en se laissant séduire par les désirs charnels, mais il s'efforce au contraire, par la grâce de Dieu, de se garder de toute impureté tant de la chair que de l'esprit et de vivre dans la sainteté (cf. 2 Corinthiens 7, 1 ; Ephésiens 5, 4 ; Jacques 1, 21). Mais il ne va pas pour autant s'imaginer que, depuis l'établissement de la Nouvelle Alliance dans le Christ, certaines sortes de nourritures sont interdites ; néanmoins, il s’abstient soigneusement des nourritures malsaines, sachant que telle est la volonté de Dieu. Il sait que, aux yeux de Dieu, ce qui souille l’homme, ce n’est pas ce qui entre dans sa bouche mais c'est le mal qui, venant de son cœur, passe ses lèvres (cf. Marc 7, 14-23). Bien entendu, le gaspillage et la gloutonnerie sont interdits aux chrétiens (cf. 2 Corinthiens 10, 31 ; comparer Romains 14, 20-21 ; Timothée 4, 4-5), tout comme l'ivrognerie (cf. Luc 21, 34 ; Romains 13, 13 ; 1 Corinthiens 5, 11 ; 6, 10 ; Galates 5, 21 ; Ephésiens 5, 18) ainsi que toutes ces faiblesses de la chair qui sont autant de péchés.

Le vrai chrétien évite toute parole ou action indigne et, en toutes choses, il s'efforce de servir Dieu et de faire Sa volonté (cf. Matthieu 16, 24 ; Romains 6, 11-23 ; 1 Corinthiens 6, 12-20 ; 1 Thessaloniciens 4, 3-8 ; 1 Pierre 1, 22), résolus à grandir dans la grâce et la connaissance de Dieu par le Seigneur Jésus-Christ (2 Pierre 3, 18), parce qu'il sait que cela seul a une valeur authentique et durable, alors que les richesses et la puissance de ce monde que s'efforcent d’obtenir les hommes qui appartiennent au monde sont transitoires et fugitives (cf. Matthieu 16, 26 ; Ephésiens 1, 15 – 2, 6 ; Philippiens 3, 7-16).

Quelle que soit l'activité professionnelle qu'il exerce, le vrai chrétien s’efforcera de plaire à Dieu et de Le glorifier, faisant de son mieux, évitant l’indolence et la négligence, gagnant son pain quotidien par son travail, si nécessaire, ne s’endettant jamais et se rappelant que tout ce qu’il a appartient à Dieu et lui est confié pour être employé au service de Dieu (cf. Matthieu 25, 14-30 ; Luc 19, 12-27 ; Colossiens 3, 23-24 ; Thessaloniciens 4, 11-12 ; 2 Thessaloniciens 3, 10). De cette manière, en servant fidèlement le Christ, il arrivera à Le connaître et à L’aimer toujours plus, au point que ni la persécution ni la mort ne pourront le séparer de son Dieu (cf. Romains 8, 35-39). À mesure qu'il progresse dans la vie chrétienne, il devient, dans sa personne, de plus en plus semblable au Christ (cf. 2 Corinthiens 3, 18 ; 1 Pierre 2, 9). Étant réconcilié avec Dieu, sa volonté se conforme de plus en plus à celle de son Père céleste. C'est pourquoi il reçoit de grandes joies et consolations spirituelles en dépit des épreuves et des souffrances qu'il subit sur la terre ; et, même en cette vie, il perçoit un avant-goût des bénédictions spirituelles qui lui sont réservées dans l'au-delà. Ce sont là quelques-uns des résultats qu'une foi véritable et vivante en le Christ produit dans le cœur et la vie d'un homme. Il a le courage de faire son devoir car, dans la plénitude de sa foi, il peut dire : « Je puis tout en celui qui me fortifie » (Philippiens 4,13).

Pourtant, dans ce monde, le chrétien est encore loin de la perfection. Il reste exposé aux tentations du monde, de la chair et du diable, et il doit lutter virilement contre elles jusqu'à la mort. Parce qu'il a placé sa confiance dans le Christ, Satan ne peut pas le vaincre. Comme tous les hommes, le chrétien n’échappe pas aux souffrances physiques, mais le souvenir de la présence du Christ – qui a Lui-même porté nos maladies, qui s’est chargé de nos douleurs (cf. Isaïe 53, 3-5) et qui a promis de demeurer avec ses serviteurs tous les jours de leur vie (cf. Mathieu 28, 20) – lui permet d'endurer avec patience tout ce que Dieu permet qu'il lui arrive. Il attend avec impatience une demeure meilleure au-delà de la tombe (cf. 2 Corinthiens 5, 1-9 ; Philippiens 1, 23) et, plus encore, une joyeuse résurrection lorsque le Christ reviendra et foulera de Ses pieds glorieux tous ses ennemis (cf. Jean 5, 21-29 ; 6, 40 ; 1 Corinthiens 15 ; Philippiens 3, 21).

Dans le monde à venir, les vrais chrétiens connaîtront Dieu tel qu'Il est ; ils contempleront Sa gloire et demeureront en la présence du Christ (cf. Mathieu 5, 8 ; 1 Corinthiens 2, 9 ; 13, 12 ; Apocalypse 22, 3-41). Alors, ils posséderont la pureté parfaite et la parfaite liberté de tout péché, ils hériteront une joie et un honneur que l’œil n'a point vus, que l'oreille n'a point entendus [[cf. 1 Corinthiens 2, 9]], ils demeureront à jamais dans la lumière de la faveur et de la bénédiction divines. La pensée de ces choses et de la miséricorde de Dieu qui veut sauver les pécheurs et les amener à la sainteté et au bonheur éternel nous amène à nous associer à l'Apôtre des Gentils qui loue Dieu en disant : « Ô abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que Ses jugements sont impénétrables, et incompréhensibles Ses voies ! Car qui a connu la pensée du Seigneur ? Ou qui a été Son conseiller ? Ou qui Lui a donné le premier pour avoir à recevoir en retour ? Oui, de Lui, par Lui et pour Lui sont toutes choses. À Lui la gloire pour toujours ! Amen ! » (Romains 11, 33-36).

Nous avons présenté le portrait d’un chrétien tel qu'il devrait être et tel qu’il serait s'il observait les préceptes de l'Évangile. Souvent, nos frères musulmans mettent en opposition cette description avec la vie de beaucoup d'Européens qu'ils rencontrent, et ils disent ensuite que les chrétiens sont tout aussi méchants, égoïstes, matérialistes et licencieux que les adeptes de toutes les autres religions. Pourtant, il leur suffit de réfléchir un instant pour comprendre que cette affirmation n'est pas exacte. En premier lieu, beaucoup d'Européens ne prétendent en aucune manière être des chrétiens. C'est une erreur grossière que de considérer que les mots « chrétien » et « européen » ont le même sens. En second lieu, beaucoup de gens qui professent être chrétiens ne le sont qu’extérieurement, pas du fond du cœur. Mais il faut que le christianisme règne dans le cœur de l'homme pour qu'il puisse transformer et ennoblir sa vie. Il est absolument faux de dire : « L'extérieur est le reflet de l'intérieur » , sinon l'hypocrisie n'existerait pas. Beaucoup plus sage est ce qu'a dit le poète persan : « Pour ce qui est de leur comportement et de leur personnalité, on connaît les hommes non par leur apparence ou par ce qu'ils disent, mais par ce qu'ils font » .

On reconnaît le vrai chrétien à son comportement, au fait qu'il obéit à la loi du Christ. Lorsque l'on voit quelqu’un désobéir aux commandements du Christ, comment peut-on dire que la religion qu'il professe des lèvres est responsable de ses mauvaises actions ? Un Ghazi afghan qui, lorsque l'une djihad est proclamée, se rue courageusement au combat et se bat jusqu'à ce qu'il tombe mort entouré des ennemis qu’il a abattus donne un exemple de la religion de l'islam d'un certain point de vue ; semblablement, un missionnaire et médecin chrétien qui risque sa vie et peut-être la perdra pour essayer de guérir des gens appartement à une race et une religion différentes qui meurent de la peste ou du choléra, celui-là montre quel est le devoir d'un chrétien. Chacun d'eux agit conformément aux préceptes de sa religion particulière. Mais si le Ghazi agissait comme le missionnaire médecin, s'efforçant non pas de tuer mais de guérir dans la djihad, tout le monde dirait qu'il n'est pas un vrai musulman, pas un vrai disciple du « prophète au glaive ». On reconnaît l’arbre à ses fruits. Si quelqu'un se prétend chrétien et agit d'une manière malhonnête ou méchante, même ceux qui ne sont pas eux-mêmes chrétiens diront à juste titre qu’il ne peut pas être un chrétien. Dans ce sens, ils portent témoignage de la noblesse et de la sainteté inculquées par la foi chrétienne. C'est pourquoi l’Apôtre dit : « Celui qui pratique la justice est juste, comme Lui-même [le Christ] est juste. Celui qui commet le péché est du diable, car le diable pèche dès le commencement. C’est pour détruire les œuvres du diable que le fils de Dieu a paru » (1 Jean 3, 7-8).

Contester la foi des chrétiens à cause des péchés de ceux qui désobéissent n'est guère digne des sages. Troisièmement, même les ennemis les plus acharnés du christianisme admettent que l'on trouve, ici et là, des vrais chrétiens qui, quoiqu’étant bien conscients de leurs propres imperfections, sont bons, nobles, altruistes et que leur vie est un véritable témoignage rendu au Christ. Certains d'entre eux sont à la fois missionnaires et médecins, d'autres sont infirmières dans nos hôpitaux chrétiens, d'autres encore sont officiers dans l'armée, et on en trouve de même dans tous les métiers et professions honnêtes. À l’heure actuelle, il n'est pas une seule religion qui produise de telles personnalités, et nos ennemis eux-mêmes l’admettent. Quelle autre religion a construit tant d’hôpitaux, par exemple en Inde, en Perse, en Égypte et dans bien d'autres pays ? Quelle autre religion envoie des hommes et des femmes enseigner et s’occuper des lépreux ? Dans quels pays autres que les pays chrétiens récolte-t-on d’importantes sommes d'argent pour soulager la détresse des pauvres, pour nourrir ceux qui meurent de faim chaque fois qu'une famine se produit dans une quelconque partie du monde ? Quels sont les pays qui ont supprimé la traite des esclaves, aboli l'esclavage partout où ils le pouvaient et se sont même lancés dans des guerres très coûteuses en argent et en hommes pour renverser des tyrans et libérer les opprimés ?

En outre, les effets produits par la véritable foi en le Christ ne se limitent pas aux hommes et femmes d’une seule nation, d'une seule race ou d'une seule couleur. En Inde, en Perse, en Égypte, en Chine, au Japon et dans tous les autres pays où l'Évangile a été prêché, nous trouvons des exemples d'hommes et de femmes qui, après mené une vie égoïste et mauvaise, ont tellement changé depuis qu’ils sont devenus chrétiens que même leurs ennemis admettent qu'ils sont bons et justes et qu'ils craignent Dieu. Beaucoup d'entre eux ont été persécutés et sont restés fidèles à leur foi jusqu'à la mort. De telles personnes sont des « lettres vivantes » du Christ (2 Corinthiens 3, 2-3), des lettres que tous les hommes connaissent et lisent.

Malheureusement, dans certaines sectes, des chrétiens adorent, sous une forme ou sous une autre, les saints et la Vierge Marie et vont même jusqu'à se prosterner devant des images et des tableaux. Mais cela est contraire tant à la Torah qu’à l’Injil (cf. Exode 20, 2-5 ; Jean 14, 6 ; 1 Timothée 2, 5). Le Nouveau Testament dénonce explicitement et fermement l'idolâtrie (cf. 1 Corinthiens 5, 10-11 ; 6, 9 ; 10, 7-14 ; Galates 5, 20 ; Éphésiens 5, 5 ; Colossiens 3, 5 ; 1 Pierre 4, 3 ; Apocalypse 9, 20 ; 21, 8 ; 22, 15). En outre, nous trouvons dans l'Ancien Testament de nombreux exemples où Dieu a sévèrement châtié Israël précisément à cause de ce péché. Comme de telles pratiques sont condamnées par toute la Bible, il n'est pas vrai de dire que les chrétiens sont des idolâtres, tout comme il serait faux de porter la même accusation contre les musulmans pour la simple raison que beaucoup d'entre eux, contrairement à ce que prescrit le Coran, adorent les auliya   et d'autres personnes mortes, ou bien, dans certains cas, des arbres ou des pierres, ou encore la Pierre Noire de La Mecque.

Le vrai chrétien est celui qui suit le Christ et qui, par sa vie et son comportement, témoigne véritablement de Lui. Dans l'Église Visible, le Seigneur Jésus nous a Lui-même dit que de l'ivraie pousserait au milieu du blé (cf. Mathieu 13, 24-30. 36-43). Mais aucun sage ne confondra la mauvaise herbe avec le blé, ni le mal avec le bien. Et, pour un marchand sage et juste, ce n’est pas parce qu’il existe des fausses pièces de monnaie qu’il va refuser d’accepter celles qui sont authentiques.

 CHAPITRE 7

SYNTHÈSE DES PRINCIPALES RAISONS DE CROIRE QUE L’ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENTS CONTIENNENT LA VRAIE RÉVÉLATION DE DIEU

Dans l'introduction au présent Traité, nous avons montré qu’il existe certains critères auquel il faut se référer pour porter un jugement sur les livres qui prétendent contenir une vraie Révélation. Sur la base de ce qui a été dit dans les chapitres précédents, l'honorable lecteur aura compris que la Bible satisfait à ces critères. Néanmoins, nous souhaitons rendre cela encore plus clair et présenter une synthèse des preuves qui le démontrent incontestablement.

1. En premier lieu, l’Injil nous présente, dans le Seigneur Jésus-Christ, la vie et la personnalité du seul Homme Saint et Parfait qui ait jamais vécu sur la terre. Dans leur littérature, de nombreuses nations se sont efforcées de présenter le portrait idéal d'un Homme Parfait. Dans certains cas, cette présentation est tout à fait fabuleuse, ainsi celle donnée dans les livres hindous qui parlent de Rama et de Krishna. Il est indubitable que, dans d'autres livres, les récits présentés reposent sur un certain fondement historique, quoique des légendes se soient développées à propos de la personne du héros, comme dans le cas de Bouddha. Cependant, lorsque nous comparons avec le Christ tous les autres grands hommes qui ont vécu sur la terre, et même tous les héros inspirés de l’imagination des hommes, aucun d’entre eux ne peut prétendre Lui être égal en humilité, en bonté, en douceur, en amour, en miséricorde, en sainteté, en pureté, en justice ni dans aucun autre attribut bon. Du fait que sa personnalité dépasse ainsi de beaucoup même les héros imaginaires des poètes et des romanciers, le Christ n'est évidemment pas le produit de l'imagination ou de la créativité littéraire ; il s'agit d’une personne authentique et réelle. Le livre qui nous Le révèle ne peut que nous avoir été donné par Dieu : en d’autres termes, ceux qui L'ont connu et ont mis par écrit tout ce qu’ils savaient personnellement de Lui ont indubitablement – conformément à la promesse qu'Il a Lui-même faite (cf. Jean 16, 12-13) – reçu de Dieu l’inspiration et la grâce nécessaires pour donner de Lui un témoignage vrai (cf. Actes 1, 8) dans ce qu'ils ont écrit ainsi que dans ce qu'ils ont dit. Le Seigneur Jésus-Christ est à Lui-même Sa propre preuve.

« Le soleil est la preuve du soleil.
Si tu cherches la preuve de Son existence,
Ne détourne pas ta face de Lui. »

2. La Révélation parfaite de Dieu ne peut pas être un Livre : ce doit être une personne ; mais le livre qui témoigne de cette personne et nous amène à La chercher et à La trouver ne peut en aucune manière le faire s'il n'a pas été composé sous l'inspiration divine. Ceux qui méditent sur la Bible, le cœur résolu à découvrir la vérité, constatent que le Messie promis dans l’Ancien Testament et donné dans le Nouveau Testament est le thème de toute la Bible, qui le présente comme le Sauveur, le Verbe (???????) de Dieu, et donc la seule personne qui puisse véritablement révéler Dieu à l'homme. En nous parlant de Lui, de Sa personnalité, de Son comportement, de Sa vie, de Sa mort, de Sa résurrection, de Son enseignement et de Ses promesses ainsi que de la Révélation unique en son genre qu’Il nous a faite de Dieu, l’Injil résout le problème auquel on n’avait auparavant jamais trouvé de solution, à savoir : Comment le Seul Vrai Dieu pouvait-Il devenir le Créateur du monde et Se faire connaître de Ses créatures ?

Les philosophes des temps anciens n'avaient pas découvert de solution adéquate à ce problème, non plus d’ailleurs que les juifs qui ont rejeté le Seigneur Jésus-Christ. Les théologiens musulmans n'y ont pas mieux réussi. Par exemple, l’auteur du Mizanu'l Mavazin (????? ????????)   dit : « Tout percevant (????????) a besoin d'un instrument de perception pour atteindre l'objet perçu (??????????) : en effet, entre le percevant et le perçu, il doit nécessairement exister une relation. Étant donné que, de par Sa Nature (???), Dieu ne peut pas avoir avec les êtres créés une quelconque affinité de relation, de conjonction, d'attachement ni de ressemblance, il s'ensuit qu’aucune de Ses créatures ne peut atteindre à la perception ni à la compréhension de la Nature divine » . « Dans les œuvres et les produits qui sont la preuve de l'existence du Créateur, Auteur de toutes choses, aucun ne peut ni atteindre lui-même à la perception de la Nature du Créateur ni faire en sorte qu’un autre atteigne la conception de Sa Nature ni la perception de Sa vérité » . C'est pourquoi cet auteur nous informe qu'il existe une Première Créature (???? ????? ??????) qui, dans la vérité suprême, est la seule création de Dieu et qui est « la Beauté Absolue de l'éternité (?????) passée, la Lumière totale de l'Éternel ainsi que la Manifestation entière et parfaite de Dieu » .

Lorsque Dieu a voulu créer Ses créatures et Se faire connaître d'elles, Il a fait la Première Créature, et cette Première Créature est devenue l'objet de tout l’amour du Créateur ainsi que la Manifestation des Attributs divins. Étant aimée de Dieu, elle en est venue à aimer Dieu. Cette Première Créature qui, à l'origine première, fut issue de la Source Éternelle est le Moyen excellent et complet ainsi que le Prophète absolu de Dieu, et tout ce qui arrive depuis le commencement de la création jusqu'à la fin du Possible se fait par son intermédiaire.  Néanmoins, cette théorie n'est pas du tout d'origine islamique. Elle a sa source chez certains hérétiques et philosophes païens . Par exemple, l'hérétique Arius enseignait qu’il y avait une Première Créature et que celle-ci avait été l'instrument employé par Dieu pour créer le monde.  Mani avait une conception tout à fait semblable de l'Homme Originel mais il ajoutait que, par la suite, Satan avait fait l'homme à la ressemblance de cet homme originel, unissant en lui la lumière la plus claire et ses propres ténèbres, comme en un microcosme (?????? ???????) .

La secte hérétique des Naasséniens (????????????), ou adorateurs du Serpent,  qui se présentaient comme gnostiques (????????), avait coutume d'honorer un être hermaphrodite appelé Adamas (?????? – ??? ???????) et prétendaient que la connaissance de cet être était le commencement de la connaissance de Dieu. L’une des choses qu'ils disaient était : « Le commencement de la perfection, c’est de connaître l’homme. Connaître Dieu est la perfection absolue ». Adam était une image de cet Homme Archétypal, qui était appelé le Grand Homme, l’Homme le Meilleur, l’Homme Parfait. On trouve également quelque chose qui s'apparente au point de vue des théologiens musulmans dans la kabbale (???????????) des juifs, une œuvre dans laquelle abondent des théories complètement absurdes et des idées largement empruntées aux païens. On y lit que, de toute éternité, l'Infini avait voulu Se faire connaître. Afin que cela pût se réaliser, la première sephirah (??????), ou Émanation, fut issue de lui ; cette première Émanation est appelée la Couronne. De cette première Émanation procéda une seconde Émanation et, de la seconde, une troisième, et ainsi de suite jusqu’à dix sephiroth. Prises toutes ensemble, ces Émanations constituaient l'Homme Archétypal, que les kabbalistes appellent ??? ?????? (???? ?????) et « l'Homme Céleste ». Sa tête se composait des trois premières Émanations. L'homme terrestre n'en est qu'une copie très imparfaite.

Mais notre difficulté n'est pas résolue par l'hypothèse d'une Première Créature, quel que soit le nom qu'on lui donne. Ainsi que nous le dit l'auteur du Mizanu'l Mavazin, aucune créature ne peut comprendre ni révéler le Créateur ; il s'ensuit logiquement que, étant elle-même une créature, cette Première Créature imaginaire ne peut ni comprendre ni révéler le Créateur. Aussi supérieur puisse-t-elle être à l'homme, il n'en demeurerait pas moins un gouffre infranchissable entre cette créature et son créateur. Donc, si l’on acceptait cette philosophie, il faudrait aussi admettre que Dieu ne peut jamais être connu des hommes. Cela remettrait en cause toute religion. Adorer la Première Créature reviendrait à mettre une créature à la place du Créateur. Cela serait encore pire que le shirk (????????), dont le Coran nous dit que c'est le seul péché impardonnable . Donc, la théorie d'une Première Créature ne nous aide en rien.

Ici, l’Injil vient à notre aide et nous révèle ce que les sages d'autrefois n'ont pas même été capables d’imaginer : l'existence du Kalimatu’llah (Verbe de Dieu) qui, par Nature, est Un avec Dieu Son Père (cf. Jean 10, 30) et qui, pourtant, est devenu un avec l'homme par Son Incarnation. C’est nécessairement Dieu qui est à la source de l’enseignement donné par ce Livre qui révèle cette Manifestation unique de Dieu. Il importe de noter la différence entre la doctrine de la Bible et celle de la philosophie musulmane telle que nous l'avons citée ci-dessus. Dans les deux cas, on reconnaît la nécessité d'un Médiateur (??????????) entre Dieu et l'homme. Mais la perspective philosophique (telle qu’enseignée par exemple dans le Mizanu'l Mavazin) parle d’un Être imaginaire qui n’est ni Dieu ni homme, qui doit son existence hypothétique aux conjectures de juifs, de païens et d’hérétiques et que certains musulmans ont adopté. La perspective chrétienne est fondée sur la Révélation qui nous est donnée par le Dieu Très-Haut. Cette Révélation nous parle d’un Médiateur réel : le Seigneur Jésus-Christ, qui est à la fois Dieu Parfait et Homme Parfait, qui nous a révélé Dieu par Sa sainte vie et Sa sainte personnalité tout autant que par Son enseignement verbal, et qui a expié pour nos péchés en offrant Sa vie en sacrifice sur la croix. S’il nous faut choisir entre ces deux perspectives : celle qui a été inventée par des hommes ou celle que Dieu a révélée par Ses saints Prophètes et Apôtres dans les Saintes Écritures, il n'est pas à difficile de dire quelle est la plus sage et la plus raisonnable.

3. Manifestement, l'Évangile vient de Dieu parce qu’il satisfait l'esprit humain qui aspire à la connaissance de Dieu, à la justification devant Dieu et à la rémission des péchés, ainsi qu'à la pureté du cœur et de la vie. (1) L'Évangile expose le dessein éternel de Dieu concernant l'humanité et il révèle à l'homme la raison pour laquelle il a été créé, il lui montre qu’il est tombé dans le péché et qu’il lui est nécessaire d’être saint. (2) Il nous dit comment nous pouvons obtenir le pardon de nos péchés par la foi au Christ, et comment nous pouvons ainsi devenir justifiés aux yeux de Dieu. (3) Il nous montre comment notre cœur peut être purifié par la foi au Christ, et comment l'Esprit Saint de Dieu peut faire de notre cœur Son sanctuaire et purifier nos pensées et nos désirs. À mesure que grandit notre amour pour Dieu, nous acquérons de plus en plus de force pour lutter contre le péché et le Malin. (4) L'Évangile nous montre comment, par le Seigneur Jésus-Christ, nous pouvons devenir des enfants adoptifs de Dieu. Alors, emplis de paix et de joie spirituelle, nous pouvons, avec la pleine assurance que nous donnent l'espérance et l'amour, aspirer au jour joyeux de la résurrection ainsi qu’à la sainteté et au bonheur éternels en la présence de Dieu. Étant ainsi acquis que les besoins spirituels de l'homme sont satisfaits par l'Évangile, il s’ensuit que l'Évangile doit nécessairement être le message que Dieu adresse à l’homme.

On sait par expérience que les livres sacrés des autres religions ne produisent pas cet effet. Quel est celui d'entre eux qui abolit la crainte du Jugement Dernier ? Quel est celui qui permet à l'homme de connaître et d’aimer Dieu ? Quel est celui qui exige la pureté du cœur et de la vie ? Quel est celui qui parle d'un Paradis dans lequel ne peut entrer rien de sensuel ni d’impur et dans lequel ceux qui sont sauvés sont libérés de tout ce qui est vil et, par conséquent, contraire à la Volonté et à la Nature du Saint. Ces livres ne montrent pas comment on peut être sauvé du péché ni comment on peut être accepté par Dieu ; en conséquence, ils ne sauraient satisfaire les besoins de l'homme. Ils peuvent bien commander aux hommes de faire des pèlerinages, de jeûner, d’offrir des sacrifices, mais aucune de ces pratiques ne purifie le cœur ni ne fait connaître Dieu ; et c'est pourquoi, en se fiant à eux, ceux qui se limitent à de telles pratiques ne peuvent qu’errer loin de la demeure du Père.

4. La transformation du cœur et de la vie que l’adhésion à l'Évangile (???????) produit chez le vrai chrétien est une preuve que cette conversion a sa source en Dieu. Elle est d'abord intérieure, mais aussi extérieure, et elle est si grande qu'on peut à juste titre dire qu'il s’agit d'une nouvelle naissance, d'une renaissance spirituelle (cf. Jean 3, 3-5) réalisée par l'opération de l'Esprit Saint de Dieu.

5. À l'évidence, la Bible nous révèle les Attributs du Tout-Puissant que l'homme a besoin de connaître et est capable d’appréhender dans une certaine mesure. Elle enseigne clairement les Attributs moraux de Sainteté, d’Amour, de Miséricorde, de Justice ainsi que ceux qui prouvent qu'il est Un, Éternel, Tout-Puissant et Très-Sage, et qu’il est le Créateur et le Conservateur de l'Univers. Les Saintes Écritures nous enseignent qu'Il S'est révélé dans le Seigneur Jésus-Christ, qui a vécu en faisant le bien, qui n'a jamais repoussé quiconque venait lui demander pardon et assistance, qui était sans péché et qui pourtant a manifesté bonté et miséricorde aux pécheurs, qui a dénoncé l'hypocrisie et a déclaré que ceux qui refusaient de se repentir seraient châtiés à l'avenir, et qui pourtant a donné Sa propre vie pour nous sauver du péché et de ses terribles conséquences. Donc, la Bible ne se contente pas de nous parler de Dieu, elle nous Le montre d'une manière telle que tous puissent Le voir, pour autant qu’ils le veuillent. Ce faisant, elle nous enseigne à quel point la Nature de Dieu est et sera toujours incompatible avec tout péché et que, sans la sainteté, nul ne jouira jamais de la Vision Béatifique (???????? ?????) de Dieu (cf. Hébreux 12, 14).

Il est de nos jours possible de prendre connaissance de la littérature de toutes les nations, anciennes et modernes. Et c’est ainsi que leur étude nous a appris qu’aucun sage ni philosophe des temps anciens n'a jamais réussi à présenter Dieu revêtu des saints et puissants Attributs que nous avons mentionnés ; cela vaut aussi pour les livres d'autres religions, même ceux qui ont largement emprunté à l’Ancien Testament et au Nouveau. Même lorsqu'ils enseignent l’Unicité de Dieu, ces livres ne réussissent pas à révéler Dieu aux hommes mais laissent toujours subsister un profond abîme entre le Dieu Transcendant et Ses faibles créatures, de sorte qu’ils ne peuvent jamais Le connaître.

6. L'origine divine de l'Évangile (????????) est démontrée par l’enseignement spirituel qu’il contient et qui est plus noble, plus pur et plus sublime que celui présenté dans tout autre livre. Certains ont essayé de le nier, citant des passages d’auteurs chinois, indiens, grecs et autres, dont on a dit qu'ils enseignaient une morale tout aussi élevée que celle de l'Évangile. Mais dans aucun cas il n’a été possible de le prouver. Par exemple, le Seigneur Jésus-Christ a enseigné la Règle d’Or : « Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le aussi pour eux » (Matthieu 7, 12). Dans certains écrits de philosophes grecs et indiens,  nous trouvons la forme négative de cette règle, qui nous enjoint de ne pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu'ils nous fassent. Mais entre cela et la bienfaisance positive enjointe par le Christ, la distance est tout aussi grande qu’entre le ciel et la terre.

Confucius , le célèbre philosophe chinois, donne aussi plus d'une fois ce précepte sous une forme négative, mais jamais il ne le présente sous sa forme positive. Son petit-fils, Kung Chih, s'en approche un peu plus lorsqu'il dit : « Dans la voie de l'homme supérieur, il y a quatre choses, et je n'en ai encore atteint aucune : (…) donner l'exemple en se comportant à l'égard d'un ami comme je lui demanderais de se comporter envers moi ; je n'y suis pas encore parvenu » . Ici encore, il ne s'agit pas d'un précepte positif ; et il ne parle que du comportement envers un ami et non envers les hommes en général, et il admet qu'il n'y arrive pas. Une fois encore, s'il était possible de rassembler du monde entier une collection de préceptes moraux qui seraient analogues à ceux du Nouveau Testament (chose que l’on a souvent tenté de faire mais sans jamais y réussir), on prouverait par là que le petit livre que nous appelons le Nouveau Testament contient au moins autant d'enseignement moral que tous les autres livres pris ensemble. Cela seul prouverait qu’il s’agit d’un livre inspiré car aucune accumulation de connaissances n'aurait permis aux auteurs du Nouveau Testament, à leur époque, de recueillir tous ces préceptes d'auteurs chinois, indiens, égyptiens, grecs, latins, perses et autres, dont beaucoup d’ailleurs n'étaient pas encore nés. En outre, la morale que l’on trouve dans le Nouveau Testament est un système, alors qu'une collection de ce genre ne le serait pas : ce serait une simple accumulation de fleurs flétries alors que le Nouveau Testament est un jardin fertile, empli de fleurs épanouies et dans lequel il n'y a pas de mauvaises herbes. Une fois encore, dans le Christ Lui-même, nous avons l'exemple parfait d'un homme qui a mis en application les préceptes sublimes qu'Il enseignait. Nulle part ailleurs nous ne trouvons un tel personnage.

Outre tout cela, alors que d'autres livres nous donnent de bons préceptes mélangés à des mauvais, le Nouveau Testament ne nous en donne que de bons. On comprendra mieux cette différence à l’aide d’un exemple : s'il est vrai que l’épaule de mouton offerte à Mahomet et ses compagnons pour le dîner après la prise de Khaybar était en elle-même une bonne chose, il n'en reste pas moins que le poison qui s'y trouvait a rendu malade ceux qui en ont mangé. Enfin, l'Évangile donne une force motrice – l’amour du Christ – que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Un jour, à Ceylan, un étudiant demanda à un moine bouddhiste érudit : « Vous avez étudié la Bible ainsi que les livres de votre propre religion ; quelle est la plus grande différence entre eux ? » Le bouddhiste répondit : « On trouve de nobles sentiments dans les livres de ma religion ainsi que dans la Bible. Mais la grande différence entre eux est que les chrétiens savent ce qu'ils doivent faire et qu'ils ont le pouvoir de le faire ; alors que nous, si nous savons ce qu'il faut faire, nous n'avons pas le pouvoir de faire ce que nous savons être juste ». En quelque sorte, nous pourrions dire que les autres religions sont en mesure de poser les rails mais que seul le Christ peut fournir la force motrice qui fera avancer le train vers l'objectif ultime. Cette différence est essentielle. N'oublions pas que, dans toutes ses œuvres, Confucius ne mentionne Dieu qu'une seule fois, et encore s'agit-il d'une citation. Il ne donne absolument aucun enseignement religieux.

7. Le fait que les Saintes Écritures sont un livre inspiré (?????) est prouvé par l'accomplissement des prophéties qu'elles contiennent. On ne retrouve cela dans aucun autre des autres livres religieux du monde. Outre les nombreuses prophéties que contient l’Ancien Testament à propos du Christ et qu'Il a accomplies lorsqu'Il est venu, ainsi que le montre le Nouveau Testament, nous en trouvons bien d'autres. Un jour, un roi infidèle de Prusse demanda à un chrétien de prouver en deux mots que la Bible était un livre inspiré. Il répondit : « Les juifs, votre Majesté ». Les prophéties relatives à leur destin (par exemple en Deutéronome 28, 15-68 ; Matthieu 24, 3-28 ; Marc 13, 1-23 ; Luc 21, 5-24) ont été accomplies, ainsi que le démontre leur condition actuelle. Semblablement, les ruines de Ninive, de Babylone et d'autres grandes villes nous montrent que les prophéties qui les concernaient ont été accomplies. Longtemps avant l’époque d’Alexandre, Daniel avait prophétisé qu'il renverserait la Médie et la Perse (cf. Daniel 8, 3-27) et que l'empire macédonien serait divisé après la mort d'Alexandre. Et l'histoire prouve qu’ont été accomplies non seulement toutes les prédictions relatives à l’histoire ancienne mais aussi celles qui concernaient la diffusion du christianisme, les persécutions des chrétiens, la venue de faux prophètes et la propagation de l'infidélité dans les derniers jours. Mais comme nul sinon le Dieu Très-Sage ne connaît ni ne peut prédire le lointain avenir, il est clair que c’est bien Lui qui a parlé aux hommes dans les Saintes Écritures qui contiennent ces merveilleuses prédictions.

8. Les miracles opérés par le Christ et Ses Apôtres nous en donnent une autre preuve. Et le plus grand de ces miracles est la Résurrection du Christ, qui a prouvé qu’Il disait vrai lorsqu'Il affirmait être le Sauveur du monde et le Verbe de Dieu.

9. La vérité de l'Évangile est également démontrée par la diffusion du christianisme dans les premiers temps et sa capacité à résister à toutes les attaques lancées contre lui par Satan et les méchants (cf. Matthieu 16, 18) et cela, même jusqu'à nos jours. Même si les doctrines de l'Évangile semblent contraires à la raison des hommes qui n'ont pas été illuminés par l'Esprit Saint de Dieu, même si elles sont inacceptables pour ceux dont le cœur est empli de désirs des sens, s'il est vrai par ailleurs que, le plus souvent, les premiers prédicateurs de l'Évangile étaient pauvres et sans grande éducation, et si les personnes qui se sont converties au christianisme ont été très cruellement persécutées et, dans de nombreux cas, mises à mort pour leur foi – tout cela n’a pas empêché qu’un très grand nombre de gens adoptèrent néanmoins le christianisme. C’est ainsi que, quelques centaines d'années après la Résurrection du Christ, la foi chrétienne avait presque entièrement éliminé les religions païennes de Syrie, d’Égypte, d'Asie Mineure, de Grèce, d’Italie et de quelques autres pays. Cette victoire ne fut pas obtenue par le glaive ni par la contrainte, mais par la foi, le courage, la bonté et la fidélité même jusqu'à la mort, ainsi que par la simple prédication de l'Évangile du Christ. C'est en cela que s'est manifestée la puissance de l'Esprit Saint de Dieu, qui a renforcé les vrais chrétiens et qui leur a permis être de vrais témoins de leur Maître, de sorte que d’autres furent amenés au Christ et sont devenus Ses fidèles soldats et serviteurs. En dehors du christianisme, d’autres religions se sont également diffusées très largement, mais jamais par de tels moyens. Dans certains cas, leur propagation s’est essentiellement appuyée sur deux choses : l'argument tranchant du glaive et la permission donnée aux hommes de s’adonner aux désirs de leur chair en ce monde, avec l'espérance de pouvoir le faire en toute éternité et plus pleinement encore après la Résurrection. Mais la diffusion d'une religion par des moyens tels que ceux-là n'est certainement pas une preuve qu'elle a son origine dans le Dieu Saint et Très-Miséricordieux, qui abomine la cruauté, l'oppression, l'hypocrisie et l’impureté. Ce n'est pas ainsi que le christianisme s'est diffusé dans l'ancien Empire romain, et ce n’est pas non plus de cette façon que, aujourd'hui, il remporte des victoires dans tous les pays. Il suffit maintenant de comparer ce que nous avons dit à propos des Saintes Écritures avec les critères de la vraie Révélation que nous avons mentionnés dans l'Introduction à cet ouvrage pour prendre conscience, sans difficulté aucune, que la Bible contient assurément cette Révélation, surtout parce que, de bout en bout, elle témoigne du Seigneur Jésus-Christ, le seul et unique Kalimatu’llah, la Manifestation (????????) parfaite du Dieu Très-Haut.
 

CHAPITRE 8

DE QUELLE MANIÈRE LA FOI CHRÉTIENNE S’EST PROPAGÉE
AU COURS DES PREMIERS SIÈCLES

Lorsque le Seigneur Jésus Christ entreprit de prêcher l'Évangile, il choisit douze hommes parmi ses disciples et Il leur donna une formation particulière pour les préparer à diffuser la connaissance de la vérité dans le monde entier. Dans le cadre de cette formation, Il leur a soigneusement enseigné la volonté de Dieu et la voie du salut ; en fait, il s’agissait pour Lui d’en faire des témoins de Sa sainte vie, de Ses œuvres admirables et de Sa doctrine spirituelle, afin qu'ils pussent Le connaître et, par Lui, connaître Dieu le Père (cf. Jean 14, 6-10 ; 17, 3). Ces douze hommes, Il les appela « Apôtres » (Luc 6, 13) parce que Son intention était de les envoyer dans le monde comme Ses messagers . Après Sa Résurrection et peu avant Son Ascension, Il leur donna pour mandat de faire de toutes les nations des disciples (cf. Mathieu 28, 19) et d'être Ses témoins « jusqu'aux extrémités de la terre » (Actes 1, 8). Pour qu'ils ne s’égarent pas dans leur enseignement et qu'ils aient la force et la capacité d'accomplir leur tâche fidèlement, sans crainte et avec succès, Il leur promit que l’Esprit Saint de Dieu descendrait sur eux quelques jours plus tard (cf. Actes 1, 5 ; voir aussi Jean 14, 16-17. 26 ; 15, 26 ; 16, 7-15 ; Actes 1, 4-8). Conformément à ce qu’Il leur avait enjoint (cf. Luc 24, 49 ; Actes 1, 5), ils attendirent à Jérusalem l'accomplissement de cette promesse. Le cinquantième jour après la Crucifixion du Christ et le septième jour après Son Ascension, alors que non seulement les Onze (l’un des Douze : le traître Judas Iscariote, était mort) mais aussi tous les autres chrétiens de Jérusalem étaient rassemblés pour la prière, le Saint-Esprit descendit sur eux tous de la manière qui est rapportée dans les Actes des Apôtres (cf. Actes 2, 1-13), les emplissant d'amour, de foi, de zèle, de courage et du souvenir de ce que le Christ leur avait enseigné (cf. Jean 14, 26), en même temps qu'Il les amenait progressivement à une connaissance parfaite de la vérité (cf. Jean 16, 13) que Dieu voulait qu’ils connussent et enseignassent. Comme signe de ce qu’ils devaient prêcher l'Évangile dans toutes les nations, ils furent capables, ce jour là, de parler des langues étrangères (cf. Actes 2, 4), quoique, par la suite, il ne nous soit dit nulle part qu'ils aient jamais prêché dans des pays lointains sans avoir étudié la langue de la population locale. Mais, ce jour-là, Dieu leur donna le pouvoir de parler dans d'autres langues, mais il ne s'agissait que d'un signe, et non pas d’un encouragement à la paresse.

Quelques-uns au moins des Apôtres reçurent également le pouvoir d’opérer des miracles de guérison, semblables à ceux opérés par le Christ Lui-même (cf. Actes 2, 43 ; 3, 1-11 ; 5, 12-16 ; 8, 17 ; 9, 31-43), mais ils les faisaient au nom du Christ et par Son autorité et Son pouvoir (cf. Actes 3, 6. 16) et non pas par un pouvoir qui leur eût appartenu en propre. Quelques années plus tard, lorsque Paul devint lui-même un Apôtre, il reçut le même pouvoir et la même autorité que les autres Apôtres. Les Actes des Apôtres mentionnent de nombreux miracles de guérison qu'il a opérés (cf. Actes 14, 8-10 ; 19, 6. 11-12 ; 20, 9-10 ; 28, 8-9). Ce pouvoir d’opérer des miracles de guérison ne leur fut accordé que pour un temps limité, et il a probablement cessé à la mort des Apôtres. Si ce pouvoir était demeuré en permanence chez les chrétiens, il serait devenu si commun que les miracles auraient perdu leur valeur démonstrative. Mais, au début de la croissance de l'Église chrétienne, ce pouvoir d'opérer les miracles était d'une grande importance pour confirmer la foi de ceux qui étaient persécutés parce qu'ils croyaient au Christ. Nulle part nous ne constatons que des miracles aient jamais été employés, soit par le Christ, soit par ses Apôtres, pour convaincre des incroyants.

Pour proclamer l'Évangile, les Apôtres furent soutenus par l’Esprit Saint, de sorte qu'ils présentaient non pas leurs opinions personnelles mais l'enseignement que Dieu leur avait donné (cf. Marc 13, 11 ; Jean 14, 26 ; Romains 15, 18-19, 1 Corinthiens 2, 12-13 ; 1 Thessaloniciens 2, 13). C'est la raison pour laquelle ce qu’eux et leurs disciples écrivirent sous l’inspiration divine, nous le recevons comme le message envoyé par Dieu au monde, conformément à ce que le Christ Lui-même a dit : « Celui qui vous écoute m’écoute, et celui qui vous rejette me rejette ; or celui qui me rejette, rejette celui qui m'a envoyé » (Luc 10, 16). C'est donc à juste titre que les Apôtres du Christ ont pu affirmer leur qualité d’Apôtres (cf. 1 Corinthiens 1, 1 ; Galates 1, 1 ; 1 Pierre, 1, 1 ; etc.).

La puissance de Dieu et l'influence de la sainte vie du Christ se sont manifestées si pleinement par la prédication des Apôtres que, en peu de temps, des milliers de juifs, et même un certain nombre de leurs prêtres, devinrent chrétiens (cf. Actes 2, 41 ; 4, 4 ; 6, 7 ; 21, 20). L'Évangile s'est également diffusé très rapidement parmi les Gentils, et beaucoup d'entre eux  passèrent ainsi des ténèbres à la lumière, du pouvoir de Satan au pouvoir de Dieu, de l'adoration des idoles au service du seul Dieu vivant et vrai (1 Thessaloniciens 1, 10).

Les miracles opérés par les chrétiens sont mentionnés non seulement dans le Nouveau Testament et chez les premiers auteurs chrétiens,  mais aussi par les juifs dans leur Talmud, quoique ces derniers attribuent de façon blasphématoire les miracles du Christ à la magie. Quant aux auteurs païens des premiers siècles de l'ère chrétienne, plusieurs d'entre eux, dont Pline, Tacite, Celse et l'empereur Julien l’Apostat ont témoigné de la diffusion rapide du christianisme. De nombreux empereurs romains firent tout leur possible pour l'éliminer ; nonobstant tout ce qu'ils purent faire, la nouvelle religion n’en continua pas moins à se répandre, et les persécutions les plus féroces et les martyres les plus cruels ne réussirent pas à en arrêter la propagation.

Certains de nos frères musulmans nient que l'on puisse donner le titre d'« Apôtre » (?????) à l'un quelconque des disciples du Christ. Mais, dans ce cas, ils ne font que manifester leur méconnaissance de leur propre Coran. En effet, dans les sourates 3, 45 ; 5, 111-112 ; 61,14, ils sont appelés ?????, et tous les érudits savent bien que c’est là le terme éthiopien qui signifie « Apôtre ». Dans la version éthiopienne du Nouveau Testament, ce mot est utilisé en Luc 6, 13, et partout ailleurs, pour traduire ce titre d’« Apôtre » (???????) que le Christ Lui-même a donné aux Douze. Le mot éthiopien ????? dérive d'une racine de cette langue qui a exactement le même sens que le mot ?????? (envoyer) en arabe. Aucun musulman pieux ne s'aventurera à contester l'enseignement du Coran sur ce point ni ne pourra nier que le Christ avait raison de donner ce titre aux Douze. Par la suite, Paul fut nommé à la même fonction par le Christ, qui lui a parlé depuis le ciel (cf. Actes 22, 21 ; Romains 11, 13 ; 2 Corinthiens 12, 12 ; 1 Timothée 2, 7). Les succès obtenus par ces Apôtres lorsqu'ils ont prêché l'Évangile et diffusé la foi chrétienne démontrent bien qu'ils étaient véritablement des Apôtres, parce que ces succès prouvaient que Dieu Lui-même avait marqué leur œuvre de Son sceau.

Comme on le sait fort bien, les chrétiens n’étaient pas autorisés à propager leur religion par le moyen d’une djihad. En effet, le Christ Lui-même avait dit à Pierre, lorsqu'il avait tiré son glaive pour défendre son Seigneur : « Remets ton glaive à sa place ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive » (Mathieu 26, 52). En outre, le Christ abomine l'hypocrisie, et il l'a fréquemment dénoncée. Lorsqu'on force quelqu’un à changer de religion par la persécution, ne faisons-nous pas de cette personne un hypocrite ? La contrainte ne peut pas faire d'un homme un vrai chrétien. Ce ne fut donc pas par la force que le christianisme s'est propagé dans les premiers temps. Même maintenant, alors que les nations qui s'affirment chrétiennes sont très puissantes, elles ne tentent jamais de contraindre quiconque à adopter le christianisme, car on ne peut imposer une croyance par la violence et la cruauté. Lorsqu'il est sanctionné par une quelconque religion, l'emploi de telles méthodes tend à prouver que cette religion ne vient pas de Dieu. Certains des Apôtres, comme Pierre et Paul, ont bu la coupe du martyre après avoir passé de longues années à œuvrer et à souffrir pour prêcher l'Évangile, comme c’était leur tâche. Ils n’ont cessé d’exhorter leurs compagnons à endurer avec patience toutes sortes de souffrances pour l'amour du Christ. Cette patience, cet amour et cette bonté ont convaincu beaucoup de gens que ces hommes étaient vraiment des hommes de Dieu et que leur religion était la vérité. C'est ainsi que le sang des martyrs a été la semence de l'Église. Ce n'est pas par leur érudition ni par leur éloquence que les Apôtres ont converti des hommes à Dieu. Au contraire, ils ont employé un langage simple, courant, ordinaire (cf. 1 Corinthiens 2, 1-5. 12-13).

Et lorsque, par l'inspiration du Saint-Esprit, ils ont mis par écrit l'Évangile (????????) qu'ils prêchaient, ou qu'ils ont adressé des épîtres à ceux qu’ils avaient convertis, ils ont employé un style clair et simple, la langue des hommes et des femmes du commun, de façon à ce que ceux qui les lisaient pussent appréhender plus facilement la miséricorde, l'amour, la bonté et la sagesse de Dieu, se laisser gagner par cette miséricorde et cet amour et être ainsi amenés au salut. Ce ne sont pas seulement les hommes cultivés qui ont besoin du Verbe (????) de Dieu mais tous les hommes, car Lui seul peut les guider et les éclairer. Dieu ne fait pas acception de personnes car il est bon pour tous (cf. Psaume 145, 9). Cela entrait donc dans le dessein de Dieu qui, dans Sa sublime sagesse, voulut que Son message fût écrit de façon à être compris tant par les personnes cultivées que par celles qui ne l’étaient pas. C’est pour une raison à peu près identique que le grand philosophe Platon écrivit l'Apologie de Socrate dans le langage de la conversation courante employé à l’époque, afin que tous pussent le comprendre.

Les doctrines de l'Évangile n’encouragent en aucune manière les hommes à se laisser aller à leurs passions charnelles, et elles ne les trompent pas non plus en prétendant que, s'ils persistent dans leur péché, professer le christianisme les sauvera du châtiment ici-bas et dans l'au-delà (cf. Matthieu 1, 21 ; Jean 8, 34 ; Romains 6, 1-2. 11. 15-23). L'Évangile affirme que le chemin qui mène au salut n'est pas une route large, qui permettrait à l'homme d’y cheminer avec ses péchés, mais une voie étroite sur laquelle celui qui veut l’emprunter doit abandonner le péché (cf. Mathieu 7,13-14). Le Christ et ses Apôtres ont enseigné que le péché était un esclavage du diable, et ils ont offert aux croyants un moyen de se libérer des passions et habitudes mauvaises, les appelant à s'abstenir des « convoitises de la chair » (cf. 1 Pierre 2, 11-12) et à être des fidèles soldats du Christ, prêts à donner leur vie plutôt que de retomber dans l'idolâtrie et au service de Satan.

Ce n'est pas uniquement ou principalement parmi des populations non civilisées que les Apôtres ont œuvré : ils ont prêché et fait des convertis en Grèce et en Italie, qui étaient alors les pays les plus civilisées du monde, et la grâce de Dieu s’est manifestée dans le fait qu’ils ont ramené dans le droit chemin certaines personnes qui, auparavant, menaient des vies particulièrement mauvaises. Dès l'époque des Apôtres, des communautés chrétiennes se sont constituées dans de nombreuses cités et villes de Syrie, d’Égypte, d'Asie Mineure, de Grèce, de Macédoine et d'Italie. Au début, comme nous l'avons vu, la plupart des conversions furent opérées parmi les juifs ; mais, bientôt, l'Évangile fut également annoncé aux Gentils. À cette époque, des commerçants et voyageurs israélites parcouraient dans tous les sens le monde civilisé. Ceux qui s’étaient convertis au christianisme ont contribué à enseigner leur foi à d’autres Israélites. Les juifs qui rejetaient l'Évangile furent les premiers à persécuter les chrétiens, mais les païens ne tardèrent pas à les imiter. Et pourtant, peu après la mort des Apôtres, l'Évangile avait été diffusé jusqu'aux parties les plus reculées du monde alors connu, grâce au zèle, à la foi, à la patience et à la charité des prédicateurs et des enseignants qui leur ont succédé. Enfin, les empereurs romains, craignant que cette nouvelle doctrine n’en arrivât à remplacer le culte des dieux païens et à renverser l'Empire lui-même, ordonnèrent des persécutions particulièrement cruelles.

La première de ces vagues de persécution commença sous Néron, dont on dit que c’est lui qui fit mettre à mort Pierre et Paul, et qu’en outre il fit brûler vifs de nombreux chrétiens, qui servirent de torches pour illuminer les jardins de son palais la nuit . À cette époque, les Romains n'étaient guère portés sur la religion mais ils adoraient l'empereur comme un dieu, et c'est pourquoi ils s’efforcèrent de contraindre les chrétiens à en faire autant, mais ce fut en vain. Les persécuteurs saisissaient et confisquaient les biens des chrétiens, et ils employaient les moyens les plus barbares pour en mettre à mort le plus grand nombre possible de chrétiens. Certains furent jetés aux bêtes sauvages dans l'amphithéâtre de Rome, d'autres furent brûlés vivants ou torturés jusqu'à la mort. À de très nombreuses reprises, pendant presque trois cents ans, de telles vagues de persécutions féroces furent ordonnées dans toutes les parties du grand Empire romain qui, à l’époque, allait de l'Écosse au Golfe Persique, de l'Océan Atlantique aux frontières de ce qui est maintenant la Russie et jusqu'à la rive orientale de la Mer Noire, et qui englobait notamment l'Afrique du Nord, l'Égypte, la Palestine, la Syrie, l'Asie Mineure, la Turquie d’Europe, la France, l'Allemagne, l'Autriche, l’Espagne, le Portugal, la Grande-Bretagne et d'autre pays. Même si, pendant longtemps encore, l'Empire romain s’efforça par tous les moyens d’extirper le christianisme, l'Église chrétienne, telle une forteresse inexpugnable, n'en réussit pas moins à repousser toutes ces attaques avec l'aide du Dieu Très-Haut. Et c'est ainsi que s’accomplit la promesse du Christ, qui avait affirmé que les portes de l'enfer ne prévaudraient pas contre Son Église (cf. Mathieu 16, 18) et qu’elle ne serait jamais détruite. Et même, au contraire, le nombre des chrétiens ne cessa d’augmenter régulièrement, en dépit des persécutions, au point que, en de nombreux lieux, les temples des idoles furent quasiment désertés et que l'on cessa d'y offrir des sacrifices. Et pourtant, quoiqu’ils fussent si nombreux, jamais les chrétiens persécutés ne se révoltèrent contre leurs persécuteurs : ils supportèrent avec patience tout ce que leurs ennemis pouvaient imaginer en matière de cruautés.

Enfin, l'empereur Constantin reçut la foi chrétienne vers l'an 314 de l'ère chrétienne, même s’il ne fut baptisé qu’au moins plusieurs années plus tard. Dès lors, les chrétiens furent délivrés de la persécution ; mais en même temps, de ce fait, de nombreuses gens entrèrent dans l'Église sans véritable conversion ni instruction appropriée, et beaucoup d'entre eux y apportèrent des idées païennes qui, progressivement, entraînèrent une corruption de la religion. On n’étudiait plus les Saintes Écritures de façon appropriée, et on introduisit et diffusa le culte des saints. L'amour de beaucoup se refroidit, et la religion commença à devenir formelle et externe, perdant de sa spiritualité et de sa pureté. L'hypocrisie et les contestations s'imposèrent, les hérésies se multiplièrent. Au lieu d’aimer Dieu et leur prochain, un trop grand nombre de ces païens baptisés commencèrent à se haïr mutuellement, à se quereller sur des questions de formes et de cérémonies, et même à se persécuter mutuellement. C'est ainsi que beaucoup tombèrent dans le péché mortel, et nombreux furent ceux qui adoptèrent le culte de la Vierge Marie, des saints et des images.

C'était là une abomination aux yeux du Saint. C'est pourquoi, tout comme le Dieu Très-Haut s’était servi des Babyloniens, des Syriens, des Macédoniens et des Romains pour châtier les Israélites lorsqu'ils péchaient contre Lui et tombaient dans l'idolâtrie, Dieu Se servit des Arabes comme d’un Glaive pour châtier les Églises corrompues de l’Orient (cf. Apocalypse 9, 20-21). Par contre, à notre époque, de nombreux chrétiens d'Orient étudient la Bible, et c'est ainsi que la lumière de la vérité brille dans leur cœur et dans leur vie. Ainsi, nombre d'entre eux deviennent des chrétiens authentiques et sérieux sous l'inspiration de l’Esprit Saint de Dieu. Dieu se sert de certains d'entre eux pour guider leurs compatriotes musulmans vers la lumière de l'Évangile du Christ. Quels que soient les points sur lesquels ils diffèrent par ailleurs, tous les vrais chrétiens acceptent l'Évangile et, par conséquent, croient en le Kalimatu’llah et placent leur confiance en Celui qui a expié pour les péchés du monde entier. Que Dieu accorde à tous les distingués lecteurs de ce Traité d’avoir part eux aussi au salut que le Christ vivant offre gratuitement à tous ceux qui croient vraiment en Lui !

IIIe PARTIE

EXAMEN PONDÉRÉ DE L’AFFIRMATION SELON LAQUELLE L’ISLAM SERAIT L’ULTIME RÉVÉLATRION DE DIEU

CHAPITRE 1

PRÉSENTATION DES RAISONS ET DE LA PORTÉE DE CET EXAMEN

Avec tout le respect qui leur est dû, nous voulons raconter une histoire vraie aux distingués lecteurs de ces pages. Il y a quelques années, un commerçant chrétien arriva dans la célèbre ville de Chiraz, en Perse ; la marchandise qu'il présentait était sans prix parce qu'il s’agissait de copies de la Parole de Dieu, le Livre des « Gens du livre », ce Saint Livre à qui le Coran lui-même rend un si grand hommage, comme nous l'avons déjà vu dans la première partie de ce Traité. Cependant, ce qui est remarquable dans cette histoire, c'est que, lorsque le commerçant mit en vente ses livres, les mollahs excitèrent la foule contre lui. Ils s’emparèrent de tous ses livres, les déchirèrent en mille morceaux, les piétinèrent, battirent le marchand et l'expulsèrent de la ville, tout comme les vignerons méchants l'avaient fait avec certains des serviteurs du Propriétaire de la Vigne (cf. Mathieu 21, 33-44), et ils le menacèrent de le tuer s’il revenait distribuer les Saintes Écritures, à propos desquelles le Coran enjoint aux musulmans de dire : « Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux tribus ; à ce qui a été donné à Moïse et à Jésus ; à ce qui a été donné aux prophètes, de la part de leur Seigneur. Nous n’avons de préférence pour aucun d'entre eux ; nous sommes soumis à Dieu » . Dans cette foule, il y avait, un jeune garçon persan. Il vit tout ce qui se passait et se demanda quelle pouvait être la raison pour laquelle les mollahs osaient avec tant d’impiété pousser la populace ignorante à détruire des livres que le Coran prétend être venu confirmer et défendre.  Alors qu'il y réfléchissait, une idée lui vint à l'esprit : « Serait-il possible que ces livres des chrétiens contiennent quelque chose dont nos mollahs ont peur, quelque chose qui démontre la fausseté de l'islam ? » Cette idée terrifia le garçon qui, jusqu'alors, avait fermement cru à sa religion. Il essaya de chasser cette idée de son esprit mais n'y parvint pas. Plus tard, devenu un jeune homme, il décida de rechercher quelles étaient véritablement les preuves de l'islam afin, ainsi, d’éliminer les doutes qui tourmentaient son esprit.

Près de Chiraz vivait alors un hadj très respecté, qui était célèbre pour sa stricte observance de tous les rites de sa foi, pour sa diligence à réciter des prières prescrites (????????), à lire le Coran, à jeûner durant le mois de Ramadan et à faire tout ce qui distingue un pieux musulman. C'est à lui que le jeune homme s'adressa pour se faire instruire. Pourtant, il craignait de poser clairement la question à laquelle il cherchait une réponse. C'est pourquoi, après avoir salué avec révérence le vénérable hadj et lui avoir manifesté toute la déférence qui lui était due, il lui dit : « Hier, votre humble serviteur a rencontré un juif et a essayé de le convertir à notre sainte foi. Il a écouté ce que j'ai dit à propos du Sceau des Prophètes, de l’Élu, du Messager de Dieu, puis il m'a dit : "Veuillez me dire maintenant quelles preuves vous avez que Mahomet était un prophète". Je lui ai répondu ce que je pouvais mais je ne l'ai pas convaincu. C'est pourquoi je suis venu demander à Votre Honneur quelles sont les preuves que je devrais avancer pour le convaincre ». Le hadj se redressa, jeta un regard sévère sur le jeune homme et lui dit : « Tu es un infidèle ! ». Terrorisé, le jeune homme s’enfuit et partit bientôt pour Bombay où, dès qu'il le put, il emprunta le Nouveau Testament et le lut soigneusement pour découvrir ce qui, dans ce livre, avait effrayé les mollahs et les avait poussés à détruire les livres du marchand chrétien.

De toutes les tortures, à l’exception peut-être du remords, la pire est le doute que l’on peut éprouver à l’égard de la vérité de la religion dans laquelle on a été élevé. En outre, le doute affaiblit l’homme et l’empêche d’accomplir avec assurance les devoirs que lui enjoint sa religion. De plus, il le prive de son espérance en une vie après la vie et il l’expose à toutes les tentations du Diable. Mais l’existence même de tant de religions différentes dans le monde est autorisée, pour un temps, par Dieu afin de pousser l’homme qui réfléchit et qui recherche sérieusement la vérité à se poser cette question : « Quelle preuve ai-je que ma religion est la vérité ? » Si nul ne se posait une telle question, les païens ne se convertiraient jamais véritablement à l’islam ou au christianisme.

Par conséquent, il est manifestement bon que l’homme examine sincèrement les fondements de sa foi et de sa religion, pour autant qu’il le fasse avec humilité et avec le désir sérieux de connaître la volonté de Dieu et de la faire. Car celui qui chérit ce désir dans son cœur ne manquera certainement pas de prier sans cesse le Dieu Très-Miséricordieux, le suppliant de lui accorder lumière et inspiration afin qu’il puisse trouver la vérité et devenir un enfant de la lumière. Si cet homme constate que sa religion est vraie, il a alors vaincu le doute et l’a chassé à jamais et, du fond de son cœur reconnaissant, il peut remercier Dieu de Sa grâce et de Son inspiration. En outre, connaissant la vérité, il peut enseigner à d’autres la voie qui mène au salut. Par contre, si l’examen qu’il a fait de sa religion l’amène à constater que celle-ci, globalement, n’est pas vraie, même si elle contient indubitablement certaines vérités, il a alors une chance d’échapper à l’erreur dans laquelle il s’était fourvoyé et de trouver la voie qui mène à Dieu et à la vie éternelle. Dans l’un et l’autre cas, étudier honnêtement les preuves sur lesquelles repose notre foi ne peut que donner de bons résultats. Le danger se présente lorsque, plutôt que d’affronter courageusement ses doutes et de les examiner en faisant confiance à Dieu, l’homme préfère leur tourner le dos. Celui qui tente ainsi d’échapper à ses doutes sera toujours poursuivi par eux et, souvent, il finira par en être la victime et par mourir infidèle, n’ayant plus, en ce monde, ni Dieu ni espérance. Mais il est un proverbe qui s’applique parfaitement à celui qui cherche authentiquement la vérité : « Qui cherche et s'applique trouvera, et qui frappe à la porte et persévère entrera » .

C’est pourquoi nous invitons nos frères musulmans  à étudier avec nous les preuves sur lesquelles repose leur religion, tout comme ils ont étudié avec nous, dans les deux premières parties de ce Traité, les fondements du christianisme. Il n’est pas nécessaire de mentionner une fois encore les critères que nous avons déjà énoncés pour porter un jugement sur toutes les religions. Tout comme nous les avons employés pour examiner le christianisme, nous devons aussi y recourir pour étudier l’islam. Mais, cela, nous le ferons de l’intérieur, pour éviter que l’expression de notre opinion personnelle ne paraisse manquer de bienséance et d’amour.

Le Kalimah [ou credo] musulman se compose de deux parties, dont la première est acceptée par les juifs et les chrétiens tout aussi sincèrement que par les musulmans eux-mêmes : « Il n’y a de dieu que Dieu ». Cela, nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises dans le présent Traité. Les preuves de l’Existence et de l’Unicité de Dieu sont données dans des multitudes de livres ainsi que dans l’ensemble de la Création, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de discuter ici de ce qui est admis par nous tous. Le Dieu Très-Haut – à Lui soient honneur et gloire ! –démontre Son Existence et Son Unicité par chaque brin d’herbe, par notre raison et notre conscience, dans l’harmonie et l’ordre merveilleux de la nature et de dix mille façons différentes.

Mais la question qui est au cœur de notre présente réflexion est celle-ci : « Sur quelle preuve la seconde partie du Kalimah [["Mahomet est Son prophète"]] repose-t-elle ? Comment peut-on démontrer que Mahomet est l’Apôtre de Dieu ? » Les musulmans avancent de nombreuses preuves pour étayer leur conviction que Mahomet est un prophète et un apôtre et qu'il a reçu un Mandat de Dieu. Les principales raisons avancées sont les suivantes :

(1) L'Ancien et le Nouveau Testaments contiennent tous deux des prophéties qui se rapportent clairement à Mahomet.
(2) Ce que dit et enseigne le Coran est sans équivalent et, par conséquent, le Coran est à lui seul une preuve de la vérité des affirmations de Mahomet.
(3) Les miracles de Mahomet sont un sceau par lequel le Dieu Très-Haut a confirmé les affirmations de Mahomet.
(4) Sa vie et sa personnalité prouvent qu'il a été le dernier et le plus grand des prophètes.
(5) La rapide expansion de l'islam montre que le Dieu Très-Haut l'a envoyé comme étant Son ultime Révélation aux hommes.

Incontestablement, il s’agit d'étudier avec le plus grand soin et la plus grande rigueur les preuves et arguments ainsi avancés. S’ils sont bien fondés, ils prouvent indubitablement la vérité de l’islam et, par conséquent, tous les hommes devraient l’accepter. Cependant, avant d’admettre qu’ils sont fondés, il nous faut les examiner plus soigneusement qu’un marchand n'examine les pièces qu’on lui donne : en effet, notre bonheur ici-bas et dans l'au-delà dépend dans une large mesure de la conclusion à laquelle nous parviendrons. Car la question fondamentale est celle-ci : « Qui, à notre époque, est le Sauveur du monde ? Le Seigneur Jésus-Christ ou Mahomet ? » Il ne s’agit pas là de se lancer dans des disputes, des querelles ni des reproches ; c’est au contraire une question qui doit être examinée avec révérence, honnêteté, sans crainte et dans la prière. C’est une quête qui intéresse tout autant les musulmans que les chrétiens, et la conclusion à laquelle nous parviendrons ne pourra que servir la gloire de Dieu et le bien de tous les hommes, car la vérité ne peut pas rester cachée à jamais : à la fin des fins, il faudra bien qu'elle brille plus clair que le soleil en plein midi.

C’est à cette étude que nous allons nous consacrer dans les chapitres ci-après, « selon la vérité et dans la charité », comme cela est requis des chrétiens (Éphésiens 4, 15). Nous nous efforcerons de présenter notre démonstration d'une manière telle que nous nous évitions de blesser intentionnellement les sentiments de tout musulman sérieux. Cependant, si un seul mot ou une seule expression devait paraître inacceptable aux yeux des musulmans, ou ne pas respecter les règles de la bienséance et de l'affection fraternelle, nous tenons à nous en excuser sincèrement dès maintenant, confiant que les distingués lecteurs de ces pages se rendront bien compte qu'il s'agit d'une offense involontaire et que l’erreur est humaine, alors que tous ceux qui croient en le Dieu Très-Miséricordieux doivent toujours être prêts à pardonner.
 

 CHAPITRE 2

LA BIBLE CONTIENT-ELLE DES PROPHÉTIES RELATIVES À MAHOMET ?

Il est incontestable que la venue du Christ fut prédite dans l’Ancien Testament : de nombreux passages s’y rapportent. Si donc le Dieu Très-Haut avait eu l’intention d’envoyer dans le monde un prophète beaucoup plus grand que le Christ, nous devrions naturellement nous attendre à trouver des prédictions concernant ce futur prophète dans l’Ancien Testament, et plus encore dans le Nouveau. Il est donc naturel que les musulmans recherchent de telles prophéties relatives au fondateur de leur religion. En effet, si Mahomet fut le « Sceau des Prophètes », la personne au nom de qui Dieu a créé l’univers, il serait très étrange que Dieu ait caché aux hommes le fait qu’ils devaient rechercher le prophète à venir et lui obéir. Cela explique que ceux qui croient en Mahomet nous disent que l’on trouve dans la Bible des prédictions claires et incontestables qui le concernent ; mais il est vrai aussi que, souvent, ils ajoutent que ce Livre contenait d’autres prédictions mais que celles-ci furent supprimées par les juifs et les chrétiens.

Cette dernière affirmation ne devrait pas nous retenir : en effet, dans la première partie de cet ouvrage, nous avons prouvé que possédons aujourd’hui l’Ancien et le Nouveau Testaments dans leurs langues originales et sous la forme même sous laquelle ils existaient à l’époque de Mahomet et même bien des siècles auparavant. Ils n’ont pas été corrompus, ni avant, ni après l’époque de Mahomet. Il s’ensuit que nous ne devons pas nous contenter de simples affirmations mais que, s’il existe effectivement, dans le texte de la Bible que nous possédons actuellement, des prédictions vraies et authentiques annonçant la venue de Mahomet, nous, les chrétiens, ne devons l’admettre, et il s’agirait là d’une chose grave que nous ne pouvons pas ignorer en nous contentant de dire que ces passages sont des interpolations. Par contre, s’il devait apparaître que les passages que citent les musulmans ne se rapportent pas à Mahomet, les musulmans ne seront plus en mesure de dire : « En fait, à une époque, la Bible contenait effectivement de telles prophéties, mais vous, les Gens du Livre, vous les avez supprimées ».

Sur cette question, dès lors l'on en appelle à la Bible, cela implique que ceux qui s’y réfèrent et en citent des passages dont ils pensent qu'ils se rapportent à Mahomet admettent, par-là même, que la Bible : (1) est d’inspiration divine et (2) qu’elle n’est pas corrompue ; sinon, à quoi cela leur servirait-il d’invoquer ce livre en prétendant qu'il fait autorité ? Si nos frères musulmans admettent ces deux points, une étude des prophéties qu’ils affirment trouver dans la Bible à propos de Mahomet peut alors être très intéressante et instructive. Par contre, s'ils n’admettent pas ces deux points, on a du mal à comprendre à quoi leur sert de se référer à la Bible pour prouver la mission de leur prophète. Bien évidemment, de nombreux musulmans instruits – tous ceux, en fait, qui ont soigneusement étudié cette question – admettent bien ces deux faits. Nous nous permettons d'espérer aussi que nos distingués lecteurs admettront que ce qui a été dit dans la première et la deuxième parties de ce traité correspond bien à l'enseignement de la Sainte Écriture.

On nous accordera qu’il est tout à fait légitime d’expliquer un passage particulier de la Bible en se référant à un autre. En toute sagesse, il faut bien reconnaître que c’est ainsi qu’il faut procéder en cas de doute, de difficulté ou de contestation sur le sens d'un quelconque verset ou passage non seulement de la Bible mais de quelque autre livre que ce soit. Souvent, il est possible de clarifier le sens de passages obscurs en se référant à des versets plus clairs et au contexte. Par exemple, si un passage ultérieur explique une prophétie antérieure, il n'est pas digne d'un érudit sans préjugé de refuser d’accepter l'explication ainsi donnée par un auteur inspiré, et d’espérer que nous allons accepter, à la place, quelque commentaire qui ne correspond pas au contexte et qui est en contradiction avec bien d'autres passages du livre.

Nous allons maintenant passer à l'examen des principaux passages de l’Ancien Testament dans lesquels nos frères musulmans affirment trouver des prédictions relatives à Mahomet.

1. Genèse 49, 10 [[« Le sceptre ne s’éloignera point de Juda, ni le bâton de commandement d’entre ses pieds, jusqu’à ce que vienne Shiloh ; c’est à lui que les prophètes obéiront »]]. Les musulmans affirment que ce verset se rapporte à Mahomet, en particulier du fait que « Juda », au verset 8 [[« Toi, Juda, tes frères te loueront »]], vient d'un verbe qui signifie « louer », tout comme le nom de « Mahomet ».

Cependant, le contexte montre que Shiloh devait naître parmi les descendants de Juda. Mahomet appartenait à la tribu arabe des Quraïsh. Il n'était pas juif. Par conséquent, ce passage ne peut pas se rapporter à lui. En outre, le sceptre s’était éloigné de Juda plus de 550 ans avant la naissance de Mahomet ; et il n'y a aucun rapport possible entre le verbe « louer » qu’on trouve au verset 8 et le verbe arabe hamada (??????). Les commentateurs juifs expliquent que Shiloh est un titre du Messie, et le Targoum samaritain le laisse entendre également. Jésus est né de la tribu de Juda, et nombreux sont déjà les Gentils qui en sont venus à lui obéir.

2. Deutéronome 18, 15. 18 [[« Yahweh, ton Dieu, suscitera du milieu de toi, d'entre tes frères, un prophète tel que moi : vous l’écouterez. Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète tel que toi ; je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui commanderai. »]] Les musulmans affirment avec force que le prophète promis ne devait pas paraître parmi les Israélites (l’expression : « du milieu de toi », au verset 15, ne se trouve ni dans la Septante, ni dans le Pentateuque samaritain, ni dans Actes 43, 22) mais parmi leurs « frères » les Ismaélites (comparer Genèse 25, 9. 18) ; ils affirment en outre qu'aucun prophète de ce genre ne s’est levé parmi les Israélites (cf. Deutéronome 34,10 [[« Il ne s’est plus levé en Israël de prophète tel que Moïse »]]) ; que Mahomet avait de nombreux points communs avec Moïse : par exemple, tous deux furent élevés dans la maison de leurs ennemis, sont apparus parmi des idolâtres et furent au départ rejetés par leur propre peuple avant d’être acceptés par lui ; chacun d’eux a donné une loi, a fui devant ses ennemis (Moïse à Madian, Mahomet à Médine, deux noms qui ont le même sens) ; ils ont tous deux livré des batailles contre leurs ennemis, ont opéré des miracles et, après leur mort, ont rendu leurs disciples capables de conquérir la Palestine.

En réponse à cela, nous pouvons dire que Deutéronome 34, 10 ne se réfère qu'à l'époque à laquelle ce verset fut écrit, et aussi que les mots : « Il ne s’est plus levé en Israël de prophète semblable à Moïse » impliquent l’attente de la venue d'un tel prophète « en Israël » et non pas en dehors. Les mots « du milieu de toi » sont presque certainement authentiques, s’il est vrai par ailleurs que ce verset serait tout aussi clair s’ils ne s’y trouvaient pas. Certes, Ismaël était le demi-frère d'Isaac ; pourtant, si l'on peut dire que les Ismaélites étaient les « frères » des Israélites, il est plus juste encore de dire que les membres des différentes tribus israélites étaient « frères » entre eux (comparer la sourate 7, Al A'raf, verset 83 [[DM 85]] : « leur frère Chu’aïb » ). Ce même livre du Deutéronome dit effectivement que les Israélites sont des « frères » les uns des autres, par exemple aux chapitres 3, 18 ; 15, 7 ; 17, 15 ; 24, 14. En Deutéronome 17, 15, nous trouvons un passage exactement parallèle qui se réfère à la nomination d'un roi : « Tu mettras sur toi un roi que Yahweh, ton Dieu, aura choisi ; c'est du milieu de tes frères que tu prendras un roi, pour l'établir sur toi. » La plupart des royaumes d'Europe, sinon tous, sont gouvernés par des rois qui appartiennent à des familles d'origine – immédiate ou lointaine – étrangère ; mais, dans toute l'histoire, il n'est jamais mentionné que les Israélites aient pris un étranger pour roi. Si l'explication musulmane de l'expression : « d’entre tes frères », en Deutéronome 18, 18, est correcte, les Israélites seraient donc allés chercher des Ismaélites pour en faire leurs rois – ce qu’ils n’ont pas fait, parce qu’ils comprenaient fort bien leur propre langue. Quel est le musulman qui, si on lui disait d’aller chercher l'un de ses « frères » pour que lui soit attribué un poste important, déciderait que cela exclut les membres de sa propre famille et qu'il doit trouver un homme dont les ancêtres étaient apparentés aux siens plusieurs centaines d'années auparavant ? En outre, la Torah dit clairement qu'aucun prophète ne viendrait jamais d’Ismaël car c'est avec Isaac que Dieu avait conclu une alliance, et non avec Ismaël (cf. Genèse 17, 18-21 ; 21, 10-12). En outre, le Coran dit à plusieurs reprises que la fonction prophétique a été confiée à la descendance d'Isaac (sourate 29, Al Ankabut, verset 27 ; sourate 45, Al Fathiyyah, verset 15). Le prophète promis devait être envoyé à Israël ; mais Mahomet a affirmé avoir été envoyé aux Arabes, chez qui il était né.

Quant à la ressemblance avec Moïse, Deutéronome 34, 10-12 nous précise les deux points sur lesquels les Israélites devaient trouver, chez le prophète à venir, une ressemblance avec Moïse : (1) une connaissance personnelle de Dieu, et (2) « des signes et des miracles ». Pour ce qui est du premier point, n’existe-t-il pas une tradition selon laquelle Mahomet a dit : « Nous ne T'avons pas connu dans la vérité de Ta connaissance (ou : comme Tu devrais être connu) » ? Quant aux « signes et miracles » , le Coran nous dit que Mahomet n'avait pas reçu le pouvoir d'opérer des miracles  (sourate 17, Al Asra', verset 61 [[MK : « Rien ne nous aurait empêché de t’envoyer avec le pouvoir des miracles »]] ; voir les commentaires de Baidhawi et d'Abassi sur les sourates 2, 112 ; 6, 37. 57. 109 ; 7, 202 ; 10, 21 ; 13, 8. 30 ; 29, 49-50). Quant aux points de ressemblance entre Moïse et Mahomet, on pourrait en retrouver la plupart chez Musailamah [[« l’imposteur »]] et chez Mani, mais cela ne prouve pas que ces hommes aient été des prophètes. Enfin, Dieu Lui-même a expliqué dans l'Évangile que cette prophétie se rapportait au Christ et non à Mahomet (comparer Deutéronome 18, 15. 19 : « Vous l’écouterez, etc. », avec Matthieu 17, 5 [[« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances : écoutez-le ! »]] ; voir aussi Marc 9, 2 et Luc 9, 35). Jésus explique que ce passage de la Torah et d'autres se rapportent à lui (cf. Jean 5, 46 [[« Si vous croyiez en Moïse, vous me croiriez aussi, car c’est de moi qu’il a écrit. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles ? »]] ; voir Genèse 12, 3 ; 26, 4 ; 18, 18 ; 22, 18 ; 28, 14) ; et Il descendait de Juda (cf. Matthieu 1, 1-16 ; Luc 3, 23-38 ; Hébreux 7, 14) ; Il est né en Israël, Il a passé presque toute Sa vie parmi les Juifs, et c'est vers eux qu'il a d'abord envoyé ses disciples (cf. Matthieu 10, 6) et ensuite seulement aux Gentils (cf. Luc 24, 47 ; Matthieu 28, 18-20). Dans Actes 3, 25-26, la prophétie que nous étudions ici est rapportée très clairement au Christ.

3. Deutéronome 32, 21 : « Ils ont excité ma jalousie par ce qui n’est pas Dieu, ils m’ont irrité par leurs vaines idoles ». Pour les musulmans, ce verset se rapporte aux Arabes, à qui Mahomet fut envoyé ; il ne peut pas, disent-ils, se rapporter aux Grecs à qui furent envoyés saint Paul et les autres Apôtres du Christ, car ils étaient sages et instruits.

Mais on ne peut pas dire que ce verset se réfère à un prophète, quel qu’il soit. Il nous dit comment Dieu appellera les Gentils – pas seulement les Grecs mais aussi les Arabes, les Français et tous les autres – à devenir une fraternité spirituelle unique dans le Christ. Telle est l’explication de ce passage qui est donnée en 1 Pierre 2, 9-10 ; comparer Éphésiens 2, 11-13. Pour ce qui est de la sagesse des Grecs, ce n'était pas une véritable sagesse car ils n'avaient aucune connaissance du Seul Vrai Dieu, alors que le véritable commencement de la sagesse consiste à Le révérer (cf. Psaumes 110, 10 ; Proverbes 1, 7 ; 9, 10). « La sagesse de ce monde est folie devant Dieu » (1 Corinthiens 3, 19).

4. Deutéronome 33, 2 [[« Yahweh est venu du Sinaï, il s’est levé pour eux de Seïr, il a resplendi de la montagne de Pharan, il est sorti du milieu des saintes myriades ; de sa droite jaillissaient pour eux des jets de lumière »]]. Ici, pour les musulmans, les mots : « Yahweh est venu du Sinaï » se référeraient au moment où Dieu a donné la Loi a Moïse ; « il s’est levé pour eux de Seïr » se rapporterait à la « descente » de l'Injil ; enfin, la phrase : « il a resplendi de la montagne de Pharan » serait une prophétie du don du Coran, car les musulmans disent que l'une des collines proches de La Mecque porte un nom identique.

Mais le contexte montre que, ici, Moïse ne se réfère ni à l'Injil ni au Coran. Il rappelle aux Israélites à quel point la gloire de Dieu était visible lorsqu'ils campaient au pied du mont Sinaï. Sur la carte, on voit que le Sinaï, Seïr et Pharan sont trois montagnes très proches les unes des autres.  Elles se trouvent dans la péninsule du Sinaï, à plusieurs centaines de kilomètres de La Mecque. Cela est confirmé par d'autres passages où le mont Pharan est mentionné (cf. Genèse 4, 6 ; Nombres 10, 12 ; 12, 15 ; 13, 3 ; Deutéronome 1, 1 ; 1 Rois 11, 18).

5. Les musulmans affirment que le Psaume 45 se rapporte à Mahomet puisqu’on l'appelle « le Prophète au Glaive », et ils pensent que les versets 3 à 5 [[ « 3. Tu es le plus beau des enfants des hommes, la grâce est répandue sur tes lèvres ; oui, Dieu t’a béni pour toujours ! 4. Ceins ton épée sur ta cuisse, ô héros, dans ta splendeur et ta majesté. 5. Et dans ta majesté avance-toi, monte sur ton char, en faveur de la vérité, de la piété, de la justice ! »]] s’appliquent tout particulièrement à lui.

Mais à cela il y a deux réponses, dont une seule suffirait à réfuter cette théorie. La première est que, au verset 7, nous lisons : « Ton trône, ô Dieu, est pour toujours et à jamais ». Or les musulmans ne prétendent jamais que Mahomet était Dieu. L'autre réponse est que, en Hébreux 1, 8-9, il est très clairement dit que le verset 6 s’adresse au Christ. La « fille du Roi » du verset 14 est l’épouse spirituelle du Christ, c'est-à-dire l'Église chrétienne (comparer Apocalypse 21, 2), et les ennemis vaincus sont Satan et toutes ses armées ainsi que tous les hommes qu’il a poussés à s’opposer à l'Évangile du Christ (voir Apocalypse 19, 11-21). On trouve d'autres prophéties du même genre relatives au Christ dans les Psaumes 2, 72 et 110. Il est probable que ce Psaume se réfère au mariage de Salomon avec la fille de Pharaon (cf. 1 Rois 3, 1), et ce mariage est considéré comme un type de l'union spirituelle entre le Christ et Son Église.

6. Les musulmans affirment aussi que le Psaume 149 est une prophétie relative à Mahomet. Le « cantique nouveau » (verset 1) serait, d'après eux, le Coran, et le « glaive à deux tranchants » (verset 6) conviendrait bien au « Prophète au Glaive ». ‘Ali avait, lui aussi, un glaive de ce genre, qu’il mit au service de Mahomet. Les musulmans pensent que le « roi » mentionné au verset 2 serait Mahomet.

Mais les musulmans ne chantent jamais lorsqu’ils prient, et on ne peut en aucune manière dire du Coran qu'il s'agit d'un « cantique ». Il n’est pas dit que le glaive est entre les mains du « roi » mais dans celle des Israélites, et c'est avec lui qu'ils devaient se venger de leurs ennemis. Dans la première partie de ce verset 2 [[« Mon cœur est agité par un discours exquis ; je dis : "Mon œuvre est pour un roi !" »]], le « roi » est présenté comme le Créateur et, au verset 4, il est appelé le Seigneur. On ne peut en aucune manière dire que Mahomet était roi d'Israël. Et les Israélites ne pouvaient pas non plus « se réjouir » en lui [[v. 16. « au milieu des réjouissances et de l’allégresse »]], comme nous le verrons : il suffit de se rappeler comment Mahomet a traité les Banu Nadhir, les Banu Qainuqa', les Banu Quraizah et d’autres communautés juives.

7. Certains musulmans rapportent le verset 16 du chapitre 5 du Cantique des Cantiques [[« Son palais n’est que douceur, et toute sa personne n’est que charme »]] à Mahomet, pour la simple raison que, en hébreu, le mot mahamaddim, « délices », « douceur » que l’on y lit provient de la même racine.

Mais nous constatons que, en hébreu, ce mot est un nom commun et non pas un nom propre, comme le montre ici son usage au pluriel. Nous retrouvons ce même mot employé comme un nom commun en Osée 9, 6. 16 ; 1 Rois 20, 6 ; Lamentations 1, 10-11 ; 2, 4 ; Joël 4, 5 ; Isaïe 44, 6 ; 2 Chroniques 36, 19 ; Ézéchiel 24, 16. 21. 25. Dans ce dernier passage (Ézéchiel 24, 16 : « les délices de tes yeux » [[traduction de La Bible hébreu-français, traduit du texte original (version massorétique) par les membres du rabbinat français]]), il s'applique à une femme, la femme d’Ézéchiel (comparer verset 18) et au fils et aux filles des Juifs idolâtre (verset 25). Il serait tout aussi logique d'appliquer ce mot à Mahomet ici que dans le Cantique des Cantiques. En arabe, la même racine ??? a donné de nombreux mots, mais qui ne se rapportent pas pour autant à Mahomet. Un musulman ignorant pourrait tout aussi bien affirmer qu'on retrouve le nom de Mahomet dans la sourate 1, Al Fatihah, verset 1 : Al hamdo lillahi Rabbi 'lalamin (« Louange à Dieu, maître de l’univers » [[MK]]). Semblablement, un Hindou pourrait affirmer que les noms de Ram et de quelques autres de ses divinités sont mentionnés dans le Coran parce que, dans la sourate 30, Ar Rum, verset 1, nous lisons ???????? ????????? – « les Romains ont été vaincus », du fait que les dictionnaires arabes présentent le mot Rum comme dérivant de la racine ram. Ce genre d'argument n'est pas digne d'hommes instruits et pondérés.

8. En Isaïe 21, 7 [[« Et elle (la sentinelle) verra des cavaliers, deux à deux, sur des chevaux, des cavaliers sur des ânes, des cavaliers sur des chameaux »]], les musulmans considèrent que les mots : « des cavaliers sur des ânes  » sont une prédiction de la venue du Christ, qui est entré à Jérusalem assis sur un âne, et que les mots : « des cavaliers sur des chameaux » se rapportent à Mahomet parce qu'il se déplaçait toujours à dos de chameau.

Mais le contexte montre que ce chapitre ne se réfère ni au Christ ni à Mahomet. C’est une prophétie de la chute de Babylone, ce que nous apprend le verset 9, et ce passage nous raconte comment des voyageurs portent la nouvelle de la capture de la ville de Babylone et de la destruction de ses idoles, épisode qui a eu lieu sous Darius en 519 av. J.-C., et une fois encore en 513 av. J.-C.

9. Les musulmans croient pouvoir trouver une prophétie relative à Mahomet en Isaïe 42, 1-4 [[« Voici mon serviteur, que je soutiens, mon élu, en qui mon âme se complaît ; j’ai mis mon esprit sur lui ; il répandra la justice parmi les nations. Il ne criera point, il ne parlera pas haut, il ne fera pas entendre sa voix dans les rues. Il ne brisera pas le roseau froissé, et n’éteindra pas la mèche prête à mourir. Il annoncera la justice en vérité ; il ne faiblira point, il ne se laissera pas abattre, jusqu’à ce qu’il ait établi la justice sur la terre, et les îles seront dans l’attente de sa loi. »]].

Mais à en croire les récits que nous rapportent Ibn Hishâm, At Tabari, Ibn Athir, Katib al-Waqidi, le Rawzat-us-Safa (« jardin de pureté ») et d'autres œuvres et auteurs mahométans, cette description d'un homme bon et pacifique ne s'applique pas à celui qui est appelé « le Prophète au Glaive ». En outre, en Matthieu 12, 15-21, il nous est clairement dit que cette prophétie se rapporte au Christ et qu'elle s'est accomplie en Lui. La foi chrétienne, c’est celle des « îles » et des côtes de la Méditerranée, dont il est essentiellement question au verset 4.

10. Dans ce même chapitre (Isaïe 42), aux versets 10 à 12, il est fait mention de Cédar et, pour certains, ce mot se rapporte aux Arabes et donc à leur conversion à l'islam.

Mais le « cantique nouveau » dont il est question au verset 10 ne peut guère se rapporter au nouveau culte instauré par les musulmans, surtout du fait qu’il n'est pas permis d'y chanter. Sans doute Cedar était-il le nom de l'une des tribus arabes, mais un bon nombre de ces tribus (Himyar, Ghassan, Rabi'ah, Najran, Hirah, etc.) avaient adopté le christianisme avant d'être contraintes à se convertir à l'islam, sous peine d’être expulsées d'Arabie. Sans doute redeviendront- elles chrétiennes un jour. Ces versets s'inscrivent dans le prolongement de ce qui est dit aux versets 1 à 4 et doivent se rapporter à la diffusion du christianisme jusqu’en Arabie, dans la mesure où il nous est dit qu'il se répandra dans les « îles » et parmi « ceux qui naviguent sur la mer » (verset 10). L'expression : « mon serviteur », au verset 1, est expliqué au chapitre 49, 3, selon lequel il signifie « Israël », c'est-à-dire, sans aucun doute, l'« Israël de Dieu » , c'est-à-dire ceux qui croient au Christ. Lui-même est la « tête du corps, l'Église » . C'est pourquoi, à propos d'Isaïe 52, 13 [[« Voici que mon Serviteur prospérera ; il grandira, il sera exalté, souverainement élevé »]], les anciens commentateurs juifs expliquent que cette expression particulière se réfère au Messie Promis. Le Christ est venu d'Israël, et Il l’a représenté, ce qui ne fut pas le cas de Mahomet.

11. Les musulmans affirment aussi qu'Isaïe 53 se rapporte à Mahomet parce que : (1) étant né en Arabie, il était « un rejeton qui sort d’une terre desséchée » (verset 2) ; (2) « on lui a donné son sépulcre avec les méchants » (verset 9) parce que Mahomet fut enterré à Médine ; (3) les mots : « il verra une postérité » (verset 10) ont été accomplis pour ce qui le concerne ; (4) il a effectivement « partagé le butin avec les forts » (verset 12), c'est-à-dire avec les Ansars ; (5) il a accompli les mots : « il a livré son âme à la mort » (verset 12) puisque, indubitablement, il est mort alors que de nombreux musulmans nient que le Christ soit mort et considèrent qu'Il est monté au ciel sans mourir.

Mais (1) les versets 5 à 8 dans leur totalité ne conviennent absolument pas à Mahomet ni à quiconque d'autre que le Christ ; (2) la moitié des versets 9 et 12 ne peuvent en aucune manière s'appliquer à Mahomet ; (3) pour ce qui est de partager le butin, cela devait se faire après la mort, ce qui est vrai, dans un sens spirituel, du Christ (puisque, effectivement, ce ne fut qu'après Sa Résurrection et Son Ascension que les Gentils commencèrent à entrer dans son Royaume), mais non pas de Mahomet ; (4) on ne comprend pas bien pourquoi les Ansars, les membres de la tribu qui habitait Médine, qui ont reçu Mahomet et se sont battus pour lui, devraient être qualifiés de « méchants » plutôt que la population de la Mecque, qui l'a rejeté ; (5) toutes les parties de la prophétie ont été spirituellement accomplies dans le Christ alors qu'un bon nombre de passages de cette prophétie ne peuvent en aucune manière se rapporter à quiconque d’autre, et surtout pas à un guerrier victorieux tel que Mahomet. En outre, les anciens commentateurs juifs considéraient ce chapitre comme une prophétie relative au Messie promis. L'ensemble du Nouveau Testament montre comment cette prophétie et la prophétie identique que l'on trouve dans le Psaume 22 ont été accomplies dans le Christ, et uniquement en Lui.

12. Isaïe 54, 1 [[« Pousse des cris de joie, stérile, qui n’enfantais pas ; éclate de joie et d’allégresse, toi qui n’as pas été en travail, car les fils de la délaissée sont plus nombreux que les fils de celle qui avait un époux, dit Yahweh. »]] est censé être une prophétie de la naissance de Mahomet, qui appartiendrait à la descendance d'Ismaël. Ce verset prédirait que bien d'autres gens deviendraient ses disciples et seraient ainsi amenés à Dieu, en bien plus grand nombre que ceux qui ont été convertis par tous les prophètes d'Israël.

En réalité, cependant, cette prophétie a deux sens : un sens littéral et un sens spirituel. Le sens littéral est que les juifs seront délivrés de Babylone et ramenés à Jérusalem. Cela s'est passé sous le règne de Cyrus, qui a commencé en 536 av. J.-C. Le sens spirituel nous est enseigné par saint Paul en Galates 4, 21-31. Nous y voyons qu'elle a été accomplie lorsque les Gentils qui, longtemps, furent plongés dans l'idolâtrie et éloignés de Dieu, ont commencé à recevoir l'Évangile du Christ. En outre, et soit dit en passant, saint Paul précise dans ce passage que les descendants d’Agar ne devaient pas être préférés à la descendance spirituelle de Sarah.

13. Isaïe 63, 1-6. [[« 1. Qui est celui-là qui vient d’Édom, de Bosra en habits écarlates ? Il est magnifique dans son vêtement, il se redresse dans la grandeur de sa force. – C’est moi, qui parle avec justice, et qui suis puissant pour sauver. – 2. Pourquoi y a-t-il du rouge à ton vêtement, et tes habits sont-ils comme ceux du pressureur ? – 3. Au pressoir j’ai foulé seul et, parmi les peuples, personne n’a été avec moi. Et je les ai foulés dans ma colère, piétinés dans ma fureur ; le jus en a jailli sur mes habits, et j’ai souillé tout mon vêtement. 4. Car un jour de vengeance était dans mon cœur, et l’année de ma rédemption était venue. 5. J’ai regardé, et personne pour m’aider ; j’étais étonné, et personne pour me soutenir. Alors mon bras m’a sauvé et ma fureur m’a soutenu. 6. J’ai écrasé les peuples dans ma colère, et je les ai enivrés de ma fureur, et j’ai fait couler leur sang à terre. »]] Les musulmans disent que le guerrier dont il est ici question est Mahomet, qui fut « le Prophète au Glaive ». Ils pensent que la ville de Bosra mentionnée au verset 1 est la célèbre cité de Basra.

Mais le verset 1 montre que Bosra est en Édom ; cette ville s'appelle actuellement Al Busairah et elle se trouve un peu au sud de la Mer Morte. Si nous comparons le verset 5 avec Isaïe 59, 15-16, nous voyons que le guerrier dont il est question est le Seigneur des armées en personne, qui a châtié Édom pour ses péchés. On retrouve cette image dans l'Apocalypse, au chapitre 19, 11-16, où il est expliqué que le guerrier est le Kalimatu'llah qui, à la fin, châtiera les méchants et mettra tous ses ennemis sous ses pieds (cf. 1 Corinthiens 15, 25).

14. Isaïe 65, 1-6. [[« 1. Je me laissais rechercher de qui ne me demandait pas ; je me laissais trouver de qui ne me recherchait pas ; je disais : "Me voici ! Me voici !" à une nation qui ne portait pas mon nom. 2. J’étendais mes mains tout le jour vers un peuple rebelle, vers ceux qui marchent dans la foi mauvaise, au gré de leurs pensées ; 3. vers un peuple qui me provoquait en face, sans arrêt, sacrifiant dans les jardins, brûlant de l’encens sur des briques, 4. se tenant dans les sépulcres et passant la nuit dans des cachettes, mangeant de la chair de porc et des mets impurs dans leurs plats, 5. disant : "Retire-toi ! Ne m’approche pas, car je suis saint pour toi !" Ceux-là sont une fumée dans mes narines, un feu qui brûle toujours. 6. Voici, c’est écrit devant moi : "Je ne me tairai point que je n’aie rétribué, 7. rétribué dans leur sein vos iniquités, avec les iniquités de vos pères, dit Yahweh, qui ont brûlé l’encens sur les montagnes et m’ont outragé sur les collines ; je leur mesurerai dans le sein le salaire de leur conduite passée". »]] Les musulmans affirment que ce passage est une prophétie de la conversion des Arabes à Mahomet. Le deuxième verset et les suivants parleraient des péchés des juifs et des chrétiens, à cause desquels ils auraient été rejetés par Dieu.

En réalité, cependant, le verset 1 est une prophétie de la conversion au Christ d’un grand nombre de Gentils : les péchés de certains des juifs sont mentionnés dans les versets 2 à 6, mais les versets 8 à 10 [[« 8. Ainsi parle Yahweh : "De même que, trouvant du jus dans une grappe, on dit : ‘Ne la détruis pas, car il y a là une bénédiction’, ainsi agirai-je avec mes serviteurs, afin de ne pas tout détruire. 9. Je ferai sortir de Jacob une postérité, et de Juda un héritier de mes montagnes ; mes élus le posséderont, et mes serviteurs y habiteront. 10. Et Saron servira de parc aux brebis, et la vallée d’Anchor de pâturage aux bœufs, pour mon peuple qui m’aura recherché". »]] nous disent que, à la fin, il ne rejettera pas la nation juive dans sa totalité (comparer Romains 11). Dans ce passage, il n'est pas question des chrétiens, et pas un mot ne se rapporte à Mahomet.

15. De l'avis de certains musulmans, Daniel 2, 44-45 [[« 44. Dans le temps de ces rois, le Dieu du ciel suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et dont la domination ne sera point abandonnée à un autre peuple ; il brisera et anéantira tous ces royaumes-là, et lui-même subsistera à jamais, 45. selon que tu as vu qu’une pierre a été détachée de la montagne, non par une main, et qu’elle a brisé le fer, l’airain, l’argile et l’or. »]] contient une prophétie relative à la montée en puissance et à l’expansion de l'islam. Ils disent que les quatre royaumes mentionnés dans ce chapitre sont l'empire chaldéen, l'empire mède, l'empire kayanien (ou perse) et l'empire macédonien. Alexandre le Grand a ébranlé l'empire perse mais celui-ci a repris des forces sous les Sassanides. Parfois fort, parfois faible, il s'est maintenu jusqu'à la naissance de Mahomet, à l’époque de Kushrau Anushiravan. Mais, peu après la mort de Mahomet, les armées musulmanes renversèrent l’empire perse, conquirent la Perse, la Mésopotamie et la Palestine et « remplirent toute la terre » (cf. versets 44-45).

Pourtant, cette explication ne correspond pas à la réalité historique, pour plusieurs raisons : (1) il n'y a pas eu d'empire mède après l'empire babylonien (Darius le Mède – Daniel 5, 31 ; 6 ; 9, 1 – « fut fait roi » uniquement de Chaldée, c'est-à-dire de la région autour de Babylone ; il n'a régné que moins d'une année et fut vice-roi de Cyrus le Grand) et, par conséquent, le second empire fut l'empire perse (cf. Daniel 8, 3-4. 20) ; (2) l'empire macédonien fut le troisième empire (cf. Daniel 8, 5. 7. 21) ; (3) le quatrième empire fut l'empire romain (cf. Daniel 2, 40), lequel fut le plus grand de tous et que la version musulmane de l'histoire ignore totalement ; (4) l'empire perse revitalisé par les sassanides pourrait être considéré comme le cinquième empire, ou éventuellement comme le troisième, mais ne peut en aucun cas être le quatrième, et pourtant cette prophétie se rapporte à ce qui s'est passé au cours du quatrième empire (cf. Daniel 2, 40. 44 ; 7, 7. 19. 23). C'est l'empire macédonien qui fut le troisième empire, et non le quatrième, ce que prouve ce qui est effectivement dit de lui, parce que c’est lui qui a renversé l'empire perse (cf. Daniel 8, 5. 7. 21) et, après la mort d'Alexandre, il fut divisé en quatre (cf. Daniel 8, 8. 22) ; à partir de là, il perdit progressivement toute son importance et fut finalement englouti par l'empire romain. C'est au temps de l'empire romain, qui dominait alors la presque totalité du monde civilisé, que le Christ est né dans une partie de cet empire. Le royaume qu'Il a établi n'était pas « de ce monde » (cf. Jean 18, 36 ; Luc 1, 31-33 ; Daniel 7, 13-14. 27) et il ne s'est pas imposé par le glaive, à la manière de tous les royaumes de ce monde. Le Christ se donnait pour titre : « le Fils de l'Homme », montrant ainsi qu'Il était la personne mentionnée en Daniel 7, 13 [[« Je regardais dans les visions de la nuit, et voici que sur les nuées vint comme un Fils d’homme… »]]. C'est à Lui qu’appartient le Royaume qui est présenté comme la pierre qui a empli la totalité de la terre (cf. Daniel 2, 45). Lorsqu'Il reviendra, tous les genoux fléchiront devant lui (cf. Philippiens 2, 9-11).

16. Habacuc 3,3 [[« Dieu vient de Théman, et le Saint de la montagne de Pharan (Séla). Sa majesté a couvert les cieux et la terre a été remplie de sa gloire. »]] Les musulmans semblent penser que « le Saint de la montagne de Pharan » était Mahomet. Mais nous constatons que ce verset dit ensuite : « Sa majesté a couvert les cieux, et la terre a été remplie sa gloire » ; l'emploi, dans ce passage, du pronom au singulier montre clairement que le « Saint » est Dieu, qui est mentionné au début de ce verset.

Nous avons déjà vu que le mont Pharan se trouve dans la péninsule du Sinaï et non pas à proximité de la Mecque. Théman était un district et une ville d'Édom, et la ville qui porte ce nom n’est pas très éloignée de Sela (Petra), à quelques jours de voyage au sud de Jéricho. Le mont Pharan et le mont Théman étaient donc proches l'un de l'autre, et tous deux, en fait, se trouvent à plusieurs centaines de kilomètres au nord de la Mecque et beaucoup plus proches de Jérusalem. Il est dit que Théman descendait d’Ésaü, père des Édomites (cf. Genèse 36, 11. 19), et cela confirme ce que nous enseignent les historiens, les géographes et les prophètes (cf. Jérémie 49, 5. 20 ; Ezéchiel 25, 13 ; Amos 1, 11 ; Abdias, versets 8-10) à propos de la situation de la ville qui portait ce nom. Si, après tout cela, des théologiens musulmans persistent à affirmer que Théman a un quelconque rapport avec l'islam, nous devons leur demander de remarquer comment, dans Abadie, Dieu menace de détruire complètement Théman [[« 8. Est-ce qu’en ce jour-là – oracle de Yahvé – je n’ôterai pas d’Édom les sages, et de la montagne d’Ésaü l’intelligence ? 9. Tes guerriers, ô Théman, seront dans l’épouvante, afin que tout homme soit retranché de la montagne d’Ésaü ». Mais nous, les chrétiens, nous n'appliquons pas cette prophétie à l'islam parce que nous savons qu’il n’y a absolument aucun rapport entre l'islam et Théman.

17. Aggée 2, 7 [[« J’ébranlerai toutes les nations, et les trésors de toutes les nations viendront ; je remplirai de gloire cette maison, dit Yahvé des armées »]]. Ici, des musulmans prétendent que l’expression : « les trésors [[anglais : « le désir » ; La Bible hébreu-français : « les délices »]] de toutes les nations » se rapporte à Mahomet parce que le mot hébreu qui signifie « désir, délices » (?????? hemdah — ?????) dérive de la même racine que le nom « Mahomet ».

Mais on admet par ailleurs que, même en arabe, tous les mots qui proviennent de cette racine ne se rapportent pas nécessairement à Mahomet, et moins encore les mots hébreux qui en dérivent aussi. On retrouve ce mot hemdah en Daniel 11, 37 : « les délices des femmes », où il se rapporte probablement à de faux dieux adorés par les païens. Logiquement, nous ne pouvons donc pas fonder un quelconque argument sur la forme de ce mot. On ne peut pas démontrer non plus que les nations du monde « désiraient » la venue de Mahomet car, du point de vue des pays conquis, on ne peut guère considérer que la conquête mahométane de nombreux pays ait pu être une chose désirable, même si les Arabes désiraient, eux, faire de telles conquêtes. « Le désir [[les délices, les trésors]] de toutes les nations » peut avoir plusieurs sens : (1) « les choses désirables de toutes les nations », ce qui se rapporterait à l'argent et à l'or mentionnés au verset 8 ; (2) « le choix de tous les Gentils », c'est-à-dire « l'élection de la grâce » (cf. Romains 11, 5) parmi eux, c'est-à-dire l'Église chrétienne ; ou encore (3) le Seigneur Jésus-Christ lui-même, qui est effectivement venu dans Son Temple et qui, à Jérusalem, par l'Expiation qu'Il a faite, a donné la paix à Son peuple (cf. Aggée 2, 9 ; Malachie 3, 3 ; Matthieu 12, 6. 41-42 ; Luc 24, 36 ; Jean 14, 27 ; 16, 33 ; 20, 69. 21. 26).

De leur côté, pour fonder les arguments qu'ils avancent pour étayer leurs propres idées, les chiites s’appuient eux aussi sur quelques passages de l’Ancien Testament. Il est vrai que les sunnites ne sont pas d'accord avec eux ; néanmoins, il peut être utile de prendre ces arguments en considération parce qu’en réalité, sur le fond, ils sont tout aussi solides ou tout aussi instables que tous ceux que nous avons déjà vus.

18. Les chiites disent que Genèse 17, 20 : « Il engendrera douze princes » est une prophétie des douze imams dont ils considèrent qu'ils sont les successeurs légitimes de Mahomet.

Pour répondre à cette affirmation, il suffit de se rapporter à Genèse 25, 13-16, où nous lisons que la promesse a été accomplie dans les douze fils nés à Ismaël, dont les noms sont donnés, et qui sont expressément appelé « douze princes » à la fin du verset 16.

19. Les chiites considèrent aussi que Jérémie 46, 10 : « Car c'est un sacrifice pour le Seigneur Yahvé des armées, au pays du septentrion, sur le fleuve de l'Euphrate » est une prophétie du meurtre de Hussein à Karbala ; ils croient que, d'une certaine manière, sa mort fut un sacrifice pour le péché et une expiation.

Mais le second verset de ce même chapitre affirme qu'il se rapporte à « l’armée du pharaon Néchao, roi d'Égypte, qui était près du fleuve de l'Euphrate, à Carchémis, et que battit Nabuchodonosor, roi de Babylone, la quatrième année de Joakim, fils de Josias, roi de Juda », en 606 av. J.-C. Pour quelque musulman que ce soit, il apparaît difficile de supposer que le massacre d'une armée d'Égyptiens – qui, à l'époque, étaient des païens – fut une expiation pour le péché. Le mot qui est traduit ici par « sacrifice » signifie aussi « massacre » (comme le prouve des passages tels que Isaïe 34, 6-8 ; Ezéchiel 39, 17-21 ; Sophonie 1, 7-8). Outre tout cela, Jérémie n'aurait en aucune manière pu dire que le Karbala se trouvait « dans le pays du Nord (au septentrion) ».

Nous allons maintenant passer au Nouveau Testament pour étudier, avec tout le soin et l'attention qui leur sont dus, les passages que les musulmans affirment être des prophéties se rapportant à Mahomet.

1. Matthieu 3, 2 : « Le royaume des cieux est proche ». Jean-Baptiste l’a affirmé, et Jésus l'a répété (cf. Matthieu 4, 17). Pour les musulmans, ce serait une prédiction de l'établissement de la puissance de l'islam (voir aussi Matthieu 13, 31-32 [[la parabole du grain de sénevé]]), le Coran étant la Loi du Royaume.

Cependant, pour bien comprendre le sens de cette expression : « le Royaume des cieux » ou encore, selon une autre que l'on trouve dans les Évangiles : le « Royaume de Dieu », il nous faut prendre en considération tous les passages du Nouveau Testament dans lesquels nous retrouvons ces expressions. L'un de ces passages est Matthieu 12, 28, où le Christ dit : « Si c’est par l'esprit de Dieu que je chasse sur les démons, le royaume de Dieu est donc arrivé à vous ». En Marc 9, 1, le Christ dit à ses disciples que certains de ceux qui étaient là, autour de lui, « ne goûteront point la mort qu’ils n’aient vu le Royaume de Dieu venu avec puissance ». Selon certains versets, ce Royaume serait déjà établi au cours de la vie du Christ alors que, selon d'autres, il semblerait qu'il doive être établi après sa mort ; l'établissement de Son Royaume a commencé avant que le Christ ne fût crucifié, mais il ne sera établi dans sa perfection que lorsqu'Il reviendra juger le monde (cf. Daniel 7, 13-14 ; Apocalypse 11, 15). Entre temps, il s'étend au jour le jour par la prédication de l'Évangile et par l'invitation à y entrer qui est donnée à tous les hommes (cf. Matthieu 28, 18-20). Ce royaume n'est pas « de ce monde » (Jean 18, 36) ; il ne s’accompagne pas de manifestations extraordinaires de nature terrestre (cf. Luc 17, 20) ; il appartient à ceux qui ont l'esprit d'humilité (cf. Matthieu 5, 3) et non pas aux orgueilleux ; les hommes ne peuvent y entrer que par une nouvelle naissance, une renaissance spirituelle (cf. Jean 3, 3. 5) ; il n'est pas possible que les méchants y demeurent (cf. 1 Corinthiens 6, 9-10 ; Galates 5, 21 ; Ephésiens 15, 5). Tout cela prouve qu'il apparaît difficile d'identifier ce « Royaume » avec l'empire fondé par Mahomet et ses successeurs.

2. Matthieu 17, 11. Pour certains musulmans, les mots : « Élie vient en effet » constitue une prédiction de la venue de Mahomet.

Mais le Christ ajoute immédiatement : « Mais je vous dis qu'Élie est déjà venu ; et ils ne l'ont pas reconnu, mais ils l'ont traité comme ils ont voulu » (verset 12). Le verset suivant ajoute : « Les disciples comprirent alors qu'il leur avait parlé de Jean le Baptiste » (verset 13). Bien entendu, Jean-Baptiste n'était pas Élie en personne : en effet, la Bible n'enseigne nulle part la transmigration des âmes (??????). C'est pourquoi Jean-Baptiste a répondu comme il l'a fait (cf. Jean 1, 21) lorsqu'on lui a demandé s'il était ou non Élie : il a répondu qu’il était le héraut du Christ, désigné avant sa naissance pour le précéder « avec l'esprit et la puissance d'Élie » (Luc 1, 10), ainsi que l'avait prédit l'ange Gabriel (cf. Luc 1, 19) ; et, dans ce sens, comme l'avait prédit Malachie (cf. Malachie 4, 5), il est venu comme Élie, vivant tout à fait à la manière de ce dernier (cf. Matthieu 3, 4), souvent dans le désert (1 Rois 17, 1-6).

3. Matthieu 20, 1-16 [[Parabole des ouvriers envoyés à la vigne]]. À propos de cette parabole, certains musulmans affirment que « le matin » représente les juifs, « midi » les chrétiens et « le soir » la foi mahométane.

Mais le « soir » du verset 8 est le temps mentionné au chapitre 19, 28, lorsque le Christ affirme : « Au renouvellement, le Fils de l'homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m'avez suivi, vous siégerez vous aussi sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d'Israël » – en d’autres termes, à la fin des temps, lorsque le Seigneur Jésus-Christ viendra sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire pour juger le monde (cf. Matthieu 24, 30-31 ; Marc 13, 26-27 ; Luc 21, 27 ; Apocalypse 1, 7 ; 20, 11-15). Cela est confirmé par le fait que Matthieu commence cette parabole par : « car », et que celle-ci se termine par les mots : « Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers derniers », une expression qui est reprise, sans grande modification, de la fin du chapitre précédent. Le soir de l'histoire du monde s'approche maintenant, et tant les chrétiens que les musulmans pensent que le Christ va bientôt revenir. Comme Sa domination s'exercera jusqu'à la fin du monde et qu’alors Il jugera les vivants et les morts lorsqu'Il apparaîtra (cf. 2 Timothée 4, 1), la Loi islamique n'a aucune raison d'être. Par conséquent, elle ne peut être prédite dans cette parabole.

4. Matthieu 21, 33-44 [[Parabole des vignerons homicides]] (voir aussi Marc 12, 1-11 ; Luc 20, 9-18). Pour les musulmans, le Christ prophétise la venue de Mahomet et le succès de ses armes. Ils admettent que le maître de maison est Dieu et que, dans cette parabole, le Christ parle de Lui-même lorsqu'Il mentionne « le fils du maître de maison » ; ils admettent aussi que, dans cette parabole, le Christ parle de Lui-même, prédisant qu’Il sera mis à mort par les juifs. Il serait bon que les musulmans prennent le temps de réfléchir sur ces admissions. S’ils admettent que le Christ a bien dit cela, ils doivent alors confesser qu'Il est le Fils de Dieu et qu'Il est mort pour les péchés des hommes. Une fois cela admis, il n'est pas nécessaire de trouver là une prophétie relative à Mahomet.

Mais si les musulmans n’admettent pas que cela fut dit par le Christ, alors ils n'ont pas le droit d'affirmer qu’Il a raconté cette parabole et, par conséquent, le sens qu’elle peut avoir ne revêt plus aucune importance pour eux. De ce fait, l’argument qu’ils avancent à propos de cette parabole ne tient pas. Il faut également noter que, dans cette parabole, aucun messager n’est envoyé après le fils. Du fait que les musulmans admettent que les serviteurs envoyés par le maître de maison sont des prophètes de Dieu, cette parabole démontre bien qu'aucun prophète ne devait être envoyé après le Christ. Une fois encore, leur argument est complètement réfuté.

En outre, le Christ cite le passage du Psaume 143, 22 où il est question de « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs » ; en Actes 4, 11-12, Pierre explique que, lorsqu’il a parlé de cette pierre, le Psalmiste pensait au Christ Lui-même  ; il dit en effet : « C’est lui la pierre rejetée par VOUS les bâtisseurs ». Dans ce sens, les « bâtisseurs » étaient les juifs qui vivaient à Son époque et non pas Abraham et Ismaël qui ont construit la Ka'bah, ainsi que l'affirment les musulmans. Cette même parabole déclare que le Royaume de Dieu sera enlevé aux juifs et « donné à un peuple qui en produira les fruits » (Matthieu 21, 44). Pour les musulmans, cela signifie les fils d'Ismaël ; mais le Nouveau Testament montre bien que ceux qui croient vraiment au Christ, ce sont ceux-là qui constituent « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis… afin que vous annonciez les perfections de Celui qui vous a appelés des ténèbres à Sa merveilleuse lumière ; vous qui, autrefois, n'étiez pas son peuple, et qui êtes maintenant le peuple de Dieu ; vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde, et qui maintenant avez obtenu miséricorde » (1 Pierre 2, 9-10).

Ce passage nous enseigne aussi quels ont été les fruits dont le Seigneur Dieu voulait qu’ils fussent produits. Nous retrouvons cette même leçon en Tite 2, 14 (comparer Galates 5, 22-24). Il y est expliqué que les « autres ouvriers » à qui la vigne devait être donnée, c'est l'Église chrétienne, et que la vigne est le Royaume de Dieu (Matthieu 21, 43 explique le verset 41). Par conséquent, ce ne peuvent être Mahomet et ses disciples. Étant donné que la pierre, c’est le Christ, elle ne peut être Agar, ni la Pierre Noire dans le mur de la Ka’bah et elle ne peut pas non plus être Mahomet. On voit donc que ce qui déplaît à Dieu, selon cette parabole, c’est l'opposition au Christ, une opposition qui, à la fin, sera fatale et catastrophique pour tous Ses ennemis. La destruction de Jérusalem par les Romains en 70 ap. J.-C., une quarantaine d'années après la Crucifixion du Christ, a expliqué en partie le sens de cette parabole. Certains musulmans croient que le « Maître de la Vigne » qui devait venir (cf. Matthieu 21, 40) fut Mahomet. Mais cette conception n'a aucun fondement car c'est le Christ (verset 37) qui était le Fils du Maître de la Vigne, et nul n'ira s’imaginer qu’Il fut le fils de Mahomet. Ce n'est qu'en forçant le sens des mots et en ne tenant pas compte du contexte ni des explications données par d'autres parties de la Bible que l'on peut donner une apparence de plausibilité à l’interprétation musulmane de cette parabole.

5. Marc 1,7 [[« Il vient après moi, celui qui est plus puissant que moi, dont je ne suis pas digne de délier, en me baissant, la courroie de ses sandales »]]. Les musulmans disent souvent : « L'Injil contient les paroles de Jésus et, dans ce sens, nous constatons que, en Marc 1, 7, il a prophétisé la venue de Mahomet lorsqu'il a dit : « Il vient après moi, celui qui est plus puissant que moi, etc. ».

Cela démontre à quel point il est désespérément impossible aux musulmans de trouver une quelconque prophétie relative à Mahomet ; en effet, le verset 6 de ce chapitre nous précise que ces mots n'ont pas été prononcés par Jésus mais par Jean-Baptiste. En outre, nous apprenons en Jean 1, 26-34 que Jean-Baptiste a parlé du Christ et non pas de Mahomet. D'ailleurs, le contexte le montre clairement (voir aussi Matthieu 3, 11-14 ; Luc 3, 16-17). Et si, pour étayer cet argument, on avance que le Christ était déjà dans le monde et que, par conséquent, on ne pouvait pas prétendre qu'Il venait après Jean, la réponse est qu’Il a commencé à prêcher après que Jean eut été jeté en prison (cf. Marc 1, 14 ; comparer Matthieu 4, 12. 17) et que, donc, son ministère à lui était terminé puisque, peu après, il fut décapité en prison sur ordre d’Hérode.

6. Jean, 1, 21. [[« Et (les prêtres et les lévites) lui demandèrent (à Jean-Baptiste) : "Quoi donc ? Êtes-vous Élie ?" Il dit : "Je ne le suis point. – Êtes-vous le Prophète ?" Il répondit : "Non". »]] « Ici, disent certains musulmans, il est clairement question de Mahomet. Les juifs ont mentionné ici trois prophètes successifs : le Christ, Élie, et "le Prophète", c'est-à-dire Mahomet, et Jean ne les a pas contredits. "Le Prophète" est Mahomet, qui est prédit en Deutéronome 18, 18. Ce prophète ne peut pas être le Christ ni Élie, dont les noms sont expressément mentionnés à part. »

Pourtant, nous avons déjà vu que Deutéronome 18, 18 ne peut pas se rapporter à Mahomet mais qu'il se réfère en réalité au Christ. Donc, dans ce verset, « le Prophète » est le Christ. Ici, les juifs ont énuméré les prophètes à rebours. Ils pensaient que Jean-Baptiste pouvait être le Messie Promis. Lorsque Jean l'a nié, ils lui ont demandé s'il était le héraut, le prédécesseur ou le messager du Messie : Élie (cf. Malachie 3, 5 ; Matthieu 17, 10 ; Marc 9, 11). Jean expliqua qu'il n'était pas Élie en personne et que ce dernier n'était pas revenu sur la terre comme les juifs pensaient qu’il le ferait (néanmoins, Jean était la personne à laquelle se réfère Malachie 3, 5 ; voir Matthieu 11, 14). Étant donc incapables de comprendre qui il était, les juifs lui demandèrent s’il était « le Prophète », évoquant par là Deutéronome 18, 18.

Pour ce qui est du sens à attribuer à cette dernière prophétie, les juifs de l'époque étaient quelque peu divisés et bon nombre d'entre eux comprenaient à juste titre qu'elle se référait au Messie promis, ainsi que le confirme Jean 6, 14. Mais ce n'était pas l'avis d'autres juifs, ainsi que nous le voyons en Jean 7, 40-41, car ils supposaient que le prophète mentionné en Deutéronome 18, 15. 18 était un autre héraut, ou prédécesseur, du Messie promis. Tout ce passage (Jean 1, 19-28) montre que les juifs voulaient savoir si Jean-Baptiste était le Messie ou l'un des messagers annonçant Sa venue. Il n'aurait pas été logique de demander à Jean-Baptiste s’il était censé être un prophète qui viendrait plusieurs centaines d’années après le Messie alors que le Messie Lui-même ne s’était pas encore présenté comme tel et que les juifs ne L'avaient pas reconnu.

7. Jean 4, 21 [[« Jésus lui dit (à la Samaritaine) : "Femme, croyez-moi : l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père". »]]. Certains supposent que ce passage est une affirmation selon laquelle Jérusalem ne serait plus la cité sainte et la qiblah [[direction de la prière pour les musulmans]], mais qu’elle serait remplacée par une autre ville, laquelle, selon les musulmans, ne peut être que La Mecque.

Pourtant, aux versets 23-24 [[« 23. Maintenant l’heure vient, et c’est maintenant, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; aussi bien, le Père désire que soient tels ceux qui l’adorent. 24. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité »]], le Christ Lui-même explique ce qu'il a voulu vraiment dire en précisant que le culte vrai et acceptable ne dépend pas du lieu où il est offert mais de l'état dans lequel se trouve le cœur de celui qui adore. De ce fait, Il exclut la possibilité qu'il puisse jamais y avoir, par la suite, une véritable qiblah sur la terre.

8. Jean 14, 30 : « Le prince de ce monde vient ». Beaucoup de musulmans considèrent que ces paroles du Christ sont une prédiction de la venue de Mahomet.

Mais, en premier lieu, le contexte montre que, ici, le Christ ne parlait pas d’un prophète qui devait venir après lui, puisqu'il ajoute : « et il n'a aucun pouvoir sur moi ». Cela montre que la personne dont il était question était un ennemi de tout ce qui est bien, ce que l'on ne peut pas dire d’un quelconque prophète. En second lieu, lorsque nous comparons ce passage de l'Écriture ou tout autre dans lequel ce titre ou d’autres équivalents sont attribués à la personne dont il est question ici, nous constatons qu'il s'agit de Satan – voir Luc 10, 18 ; Jean 12, 31 ; 16, 11 ; 2 Corinthiens 4, 4 ; Éphésiens 2, 2 ; 6, 11-12.

9. Jean 14, 16-17. 26 ; 15, 26 ; 16, 13, etc. Les musulmans affirment que le Paraclet mentionné par le Christ dans ces passages est Mahomet, dont ils considèrent que le nom est une traduction de ce mot. Ils prétendent que cette prophétie [[ « 16. Et moi, je prierai le Père, et Il vous donnera un autre Intercesseur (Paraclet) pour qu’il soit avec vous toujours, 17. l’esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas ; mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous et qu’il est en vous »]] s’est accomplie en Mahomet puisqu’il a reçu le Coran de l'ange Gabriel (dont les musulmans s'imaginent qu'il est le Saint-Esprit), qu’il a témoigné du Christ (cf. Jean 15, 26) et qu’il l’a glorifié (cf. Jean 16, 14), le présentant comme un prophète, comme étant né d'une Vierge, comme ayant fait des miracles, comme étant monté au Ciel sans mourir, comme n'étant pas le Fils de Dieu et n'ayant jamais prétendu l’être, et comme ayant reçu l'Évangile. Les musulmans affirment que, pour les premiers chrétiens, le Christ avait promis qu'un autre grand prophète devait venir après lui et que cela est démontré par le fait que Mani a prétendu être le Paraclet, ce qui explique pourquoi de nombreux chrétiens ont admis qu’il était venu accomplir cette prophétie.

Mais quiconque connaît et étudie soigneusement le Nouveau Testament ne peut en aucune manière accepter cette interprétation des paroles prononcées par Notre-Seigneur dans les chapitres 14, 15 et 16 de l'Évangile selon saint Jean. En effet : (1) En premier lieu, le sens du mot « Paraclet » n'a absolument rien à voir avec celui de « Mahomet ». Il signifie le « Consolateur », l’« Intercesseur » et aussi l’« Avocat » (??????). Manifestement, le premier de ces titres ne convient pas au « Prophète au Glaive », et le Coran lui-même affirme que le titre d'Avocat ne peut être attribué qu'à Dieu Lui-même (cf. sourates 17 : Al Asra' ou Banu Isra'il, verset 56 ; 4 : An Nisa', verset 83). Par conséquent, Mahomet ne peut pas être le Paraclet. (2) Dans le Nouveau Testament, le titre de Paraclet n'est appliqué qu'à l'Esprit Saint, comme dans ces chapitres (cf. Jean 14, 16-17. 26 ; 15, 26 ; 16, 13) et aussi, par implication, au Christ (cf. Jean 14, 16 ; voir aussi 1 Jean 2, 1). (3) Le Paraclet dont le Christ parle ici n'est donc pas un homme, mais un esprit, l'Esprit de Vérité, invisible ; Il demeurait alors dans les disciples du Christ et il fallait qu’Il vînt demeurer dans leur cœur (cf. Jean 14, 17 ; 16, 14). (4) Il devait être envoyé par le Christ (cf. Jean 15, 26 ; 16, 7), ce que les musulmans ne peuvent pas admettre à propos de Mahomet. (5) Il avait pour tâche non pas de rassembler des armées et de remporter des victoires avec des armes terrestres mais de convaincre les hommes de péché, l'essence même du péché étant de ne pas croire au Christ (cf. 16, 9). (6) Il devait enseigner non pas de le glorifier Lui mais de glorifier le Christ, non pas de dire ce qui venait de Lui mais ce qu’il recevrait du Christ (cf. Jean 16, 14-15). (7) Enseigner aux hommes à nier la vérité que le Christ est le Fils de Dieu, chose que le Christ a affirmée sous serment (cf. Marc 14, 61), et refuser de croire à Sa nature divine, laquelle (comme nous l'avons vu) est enseignée tant par l'Ancien Testament que par le Nouveau (par exemple en Isaïe 9, 6 ; Psaume 45, 6 ; Jean 10, 30 ; Hébreux 1), ce n'est pas « glorifier » le Christ mais s’opposer à lui. (8) Nier que le Christ fut crucifié et que, ce faisant, Il a expié pour les péchés du monde entier, c’est nier également une autre des doctrines les plus essentielles de toute la Bible (cf. Psaume 22 ; Isaïe 52, 13 et 53 ; Matthieu 20, 19, etc., etc.), car le salut de tous les hommes dépend du fait qu'Il est mort sur la croix en expiation de leurs péchés. (9) Nier Sa Crucifixion, c’est aussi, nécessairement, nier Sa Résurrection, sur laquelle se fonde toute la foi chrétienne (cf. 1 Corinthiens 15, 17-19). Du fait, donc, que Mahomet contredit l'Injil sur toutes ces doctrines et sur d'autres doctrines essentielles encore et que, par conséquent, il est en opposition complète avec la foi que le Christ a enseignée et a enjoint à Ses disciples d'enseigner à toutes les nations (cf. Matthieu 28, 18-20), il est impossible de dire que Mahomet a accompli la prophétie selon laquelle le Paraclet rappellerait aux Apôtres ce que le Christ leur avait enseigné (cf. Jean 14, 26). (10) Se référer à la prétention qu'affirmait Mani d'être le Paraclet pour prouver que, le Paraclet, c'était en réalité Mahomet, c’est là une curieuse façon de fonder un argument. Si nous, les chrétiens, nous allions comparer Mahomet à Mani et le Coran à l'Artang,  livre dont Mani prétendait qu'il lui avait été apporté du ciel et qu’il était tel que personne ne pourrait en produire un identique, cela offenserait gravement nos frères musulmans.

On remarquera, à ce propos, que l'auteur de ces pages s'abstient soigneusement d'établir une telle comparaison. Mais il est bien clair que les chrétiens les mieux instruits ont refusé d’accepter Mani, principalement parce qu'ils savaient (1) que les prophéties relatives au Paraclet étaient telles qu'elles ne pouvaient être accomplies par aucun homme, mais uniquement par l'Esprit Saint, et (2) que ces prophéties avaient déjà été accomplies par la descente de l'Esprit Saint, le cinquantième jour après la Crucifixion du Christ (cf. Actes 1-36). Cela montre que, à l'époque de Mani, le Nouveau Testament enseignait exactement la même chose qu'aujourd'hui. Les seules prophéties faites par le Christ à propos de prophètes qui se présenteraient après lui n'étaient pas telles qu'elles eussent incité des chrétiens à accepter quiconque prétendait être prophète (cf. Matthieu 24, 11. 24 [[« Et il s’élèvera plusieurs faux prophètes, qui en induiront un grand nombre en erreur… Car il s’élèvera de faux christs et de faux prophètes, et ils feront de grands miracles et prodiges, jusqu’à induire en erreur, s’il se pouvait, les élus mêmes »] ; Marc 13, 22 [[« Car il s’élèvera de faux christs et de faux prophètes, et ils feront des miracles et des prodiges pour induire en erreur, s’il se pouvait, les élus »]] ; comparer Matthieu 7, 15 [[« Gardez-vous des faux prophètes qui viennent à vous sous des vêtements de brebis, mais au-dedans sont des loups rapaces »]]), et c'est pour cela qu'ils ont refusé d'accepter Mani, que les musulmans considèrent eux aussi comme un faux prophète. (11) Le Paraclet devait établir sa demeure dans le cœur de tous les vrais chrétiens (cf. Jean 16, 14 ; comparer 1 Corinthiens 6, 19 ; Romains 8, 9), ce que l'on ne peut pas dire de Mahomet. (12) Le Christ a promis que le Paraclet, l'Esprit Saint (cf. Jean 14, 26) descendrait du ciel sur les disciples quelques jours après Son Ascension (cf. Actes 1, 5), et Il leur a enjoint de ne pas se lancer dans l'évangélisation du monde (cf. Matthieu 28, 19-20) tant que le Paraclet ne serait pas descendu sur eux : ils devaient attendre à Jérusalem que cette promesse fût accomplie (cf. Luc 24, 49 ; Actes 1, 4. 8). Cela signifiait-il qu'ils devaient attendre que Mahomet vînt se présenter comme prophète, ce qu’il fit près de 600 ans plus tard ? À cette époque, ils étaient tous morts. En outre, comme nous l'avons vu, cette promesse fut accomplie le jour de la Pentecôte (cf. Actes 2), juste après l'Ascension du Christ. C'est alors seulement que, comprenant bien leur devoir, ils commencèrent à prêcher l'Évangile dans le monde entier. Il est donc évident que, dans la promesse de la venue du Paraclet, on ne peut trouver aucune référence à Mahomet.

10. En 1 Jean 4, 2-3 [[« Vous reconnaîtrez à ceci l’esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu »]], certains se sont efforcés de démontrer que « l’esprit de Dieu » mentionné ici se rapporte à Mahomet.

Mais aucun musulman authentique ne donnera jamais un tel titre à Mahomet. Certains disent que, conformément à ce qui est dit au verset 2, Mahomet a enseigné que Jésus-Christ était « venu en chair » parce qu'il a nié la divinité du Christ et qu’il a affirmé qu'il n’était qu’un homme comme les autres. Pourtant l’expression « venir en chair » n'a aucune signification si on l’applique à un homme quelconque. En réalité, ce verset condamne la conception docétique selon laquelle le corps du Christ n'était qu'un fantôme, une apparence, et que ce n'était pas un véritable corps humain. Cette même épître condamne en termes vigoureux la croyance selon laquelle le Christ serait un simple humain (cf. 1 Jean 2, 22-23 ; 5, 5. 9-13. 20). On voit donc que la déduction que certains érudits tirent de 1 Jean 4, 2-3 ne peut en aucune manière confirmer les prétentions de Mahomet.

11. Jude 14-15 [[« C’est d’eux aussi (les incrédules) qu’Énoch, le septième patriarche depuis Adam, a prophétisé en ces termes : "Voici que le Seigneur est venu avec la multitude innombrable des saints, pour exécuter son jugement sur tous, et convaincre tous les impies de toutes les œuvres d’impiété qu’ils ont commises et de toutes les paroles criminelles qu’eux, les impies, ont proférées contre lui". »]] Certaines personnes sont allées jusqu'à affirmer que « le Seigneur » mentionné dans ce passage est Mahomet, et que les mots : « exécuter son jugement » rappellent qu'il est « le Prophète au Glaive » et qu'il a fait la guerre à ses ennemis.

Mais aucun musulman authentique ne peut adhérer à cette conception car le titre « le Seigneur » (??????) appartient à Dieu et, dans le Coran (comparer sourate 9 : At Taubah, verset 31), il n'est donné qu’à Lui. La prophétie d’Énoch qui est citée par Jude se réfère à la Seconde Venue du Christ, lorsqu'Il viendra juger le monde (cf. Daniel 7, 13-14 ; Matthieu 24, 29-51 ; 2 Thessaloniciens 1, 6-10 ; Apocalypse 1, 7 ; 19, 11-21). Dans le nouveau Testament, le titre de « Seigneur » est souvent appliqué au Christ, et cela à juste titre, ainsi que nous l’apprenons en Philippiens 2, 9-11.

12. Apocalypse 2, 26-29 [[« Et à celui qui vaincra et qui gardera jusqu’à la fin mes œuvres, je donnerai pouvoir sur les nations ; il les gouvernera avec un sceptre de fer, ainsi que l’on brise les vases d’argile, comme j’en ai reçu moi-même le pouvoir de mon Père, et je lui donnerai l’étoile du matin. Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises ! »]]. Pour certains musulmans, il s’agirait ici encore d’une prédiction relative au « Prophète au Glaive ».

Mais, si c’était le cas, il s’ensuivrait que Mahomet aurait reçu son pouvoir du Christ, parce qu'il aurait fait les œuvres du Christ, c’est-à-dire obéi à Ses commandements, jusqu'à la fin. Les musulmans considèrent que Mahomet fut un prophète plus grand que le Christ et, par conséquent, ils ne peuvent pas vraiment croire que ces mots se rapportent à Mahomet. Il convient de remarquer que, dans ces versets, celui qui parle, c’est le Christ, et Il dit de Dieu que c'est Son Père. Le sens de ce verset apparaît à l'évidence si on le compare avec les versets 7, 11 et 17 de ce même chapitre, ainsi qu'avec le chapitre 3, versets 5, 12 et 21, où l'on trouve à plusieurs reprises l'expression : « celui qui vaincra ». Le contexte montre qu'il s’agit d’une promesse générale, qui s’adresse à toute personne qui remporte la victoire, et que cette victoire n’est pas une victoire sur des hommes mais sur ses propres péchés et sur les tentations du monde, de la chair et du diable.

Ce sont là tous les passages importants dont les musulmans s'imaginent qu'ils contiennent des prophéties relatives à Mahomet. Il apparaît très clairement que pas un seul d’entre eux ne constitue une prédiction à son sujet. D'ailleurs, le Nouveau Testament ne nous permet en aucune manière d'attendre une quelconque autre Loi après la Loi chrétienne, avant le retour du Christ et l'établissement complet de Son Royaume éternel. Cette preuve particulière de la mission divine de Mahomet ne tient donc absolument pas.

Il est vrai que certaines personnes sont stupéfaites de lire, en Apocalypse 9, 4 : « On leur ordonna de ne point nuire à l’herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni à aucun arbre, mais seulement aux hommes qui n'ont pas le sceau de Dieu sur leur front » ; en effet, ces gens affirment que cette prophétie fut effectivement accomplie lorsque le calife Abu Bakr envoya les armées de l’islam conquérir la Syrie. Il est en effet très remarquable de trouver, chez deux historiens arabes – qui ne connaissaient probablement pas ce texte – des passages qui rappellent celui-ci : cheikh Jalapine Suyuti  dit que Al-Baihaqi et d'autres, s’appuyant sur l'autorité de ‘Imranu'l Juni, auraient affirmé qu’Abu Bakr, lorsqu'il nomma Yazid ibn Abi Sufyan à la tête de l'armée qui devait partir en Syrie, lui dit : « Tu ne tueras ni une femme, ni un enfant, ni un vieillard décrépit, tu ne couperas pas des arbres portant des fruits, tu ne dévasteras pas des terres cultivées, tu n’égorgeras pas des moutons ni des bêtes de somme, sinon pour les manger, tu ne couperas pas ni ne brûleras des dattiers ; tu ne commettras aucune traîtrise ni aucune lâcheté ». Katib al-Waqidi  rapporte lui aussi la même chose, mais encore plus longuement. Il nous dit que, à cette occasion, Abu Bakr dit à Yazid : « Lorsque tu auras vaincu tes ennemis, ne tue pas un jeune garçon, ni un très vieil homme, ni une très vieille femme, ni une femme, ni un enfant en bas âge, n'approche pas d'un dattier, ne brûle pas un champ de blé, ne coupe pas d’arbre portant des fruits, n’égorge pas des animaux, sinon pour en manger, ne reviens pas sur ta parole lorsque tu as conclu un accord ; ne romps pas le contrat lorsque tu as conclu la paix. Et tu ne t'approcheras pas de communautés vivant en cellules, des moines qui s'imaginent qu'ils servent Dieu, c'est pourquoi laisse-les tranquilles, ils ne se sont pas fermés à Lui et ils s’imaginent être avec Lui ; et tu ne détruiras pas leurs cellules, et tu ne les tueras pas. Mais tu trouveras une autre communauté, la secte de Satan et de ceux qui adorent des croix, qui se sont rasé le milieu de la tête jusqu'à être, en quelque sorte, des nids pour l’oiseau qata  (?????). C'est pourquoi, avec ton glaive, fends-les par le milieu de la tête jusqu'à ce qu'ils reviennent à l’islam ou qu'ils "donnent volontairement la djiziya [[capitation]] et qu'ils soient humbles". Et je vous ai recommandé à Dieu. »

Il est certain qu’il y a une très grande ressemblance entre le passage de l'Apocalypse que nous avons cité et les instructions ainsi données aux Arabes, qui venaient du pays des sauterelles, en nuées presque aussi nombreuses. Cela dit, dans ce passage, il n’est absolument pas question d’un prophète ; par conséquent, on ne peut dire qu'il étaye les affirmations de Mahomet. En outre, aucun musulman authentique ne peut invoquer ce chapitre avec une quelconque satisfaction, quand bien même on admettrait qu'il agit d'une prophétie qui fut accomplie quelques années après la mort de Mahomet.
 
 
 

 CHAPITRE 3

PEUT-ON CONDIDÉRER QUE LE LANGAGE ET LE STYLE DU CORAN
SONT MIRACULEUX ET QU’ILS CONTRIBUENT À PROUVER
QU’IL EST LA PAROLE DE DIEU ?

Nos frères musulmans affirment que l'éloquence du Coran et la beauté de son style constituent un miracle en soi et que, de ce fait, ce livre est, à lui seul, une preuve suffisante de la mission prophétique et divine de Mahomet. Ils nous disent que celui-ci ne savait ni lire ni écrire et que, par conséquent, il n'aurait pu composer lui-même un tel ouvrage ; ils en concluent que celui-ci a nécessairement dû lui être révélé et lui avoir été envoyé du Ciel. Selon eux, chaque prophète reçoit un signe qui lui est particulier pour prouver qu'il a été envoyé par Dieu ; mais les signes accordés aux prophètes ont varié en fonction de l'époque à laquelle ils vivaient. À l'époque de Moïse, les magiciens avaient une grande influence, ce qui fait que les miracles qu'il a opérés en Égypte furent, en apparence, semblables à leurs tours de magie, bien que, au contraire des actes des magiciens qui n’étaient que de faux-semblants, ceux de Moïse aient été réels et qu’ils aient été beaucoup plus remarquables. À l'époque de Jésus, l'art de la guérison avait fait de grands progrès, et c'est pour cela que Ses œuvres de guérison étaient par-delà les capacités humaines. À l'époque de Mahomet, les Arabes appréciaient tout particulièrement l'éloquence, ce qui explique que le livre qui lui fut donné dépassait tous les autres par son éloquence et son style poétique. Pour démontrer l'inégalabilité (??????) du Coran, ils affirment qu'il est impossible de produire un verset tel que l'un de ceux que l'on y trouve (cf. sourates 2, 21 et 17, 91). Pourtant, lorsque nous considérons cet argument avec tout le soin et le respect qui lui sont dus, nous ne le trouvons pas très convaincant. En premier lieu, il existe, dans le monde, des livres célèbres composés par des hommes qui ne savaient ni lire ni écrire et qui, dans leur langue particulière, sont largement supérieurs aux autres. En Inde le Rig-Véda fut composé entre 1000 et 1500 ans avant Jésus-Christ, bien avant que les habitants de ce pays ne connussent les caractères écrits. C'est un ouvrage très important, beaucoup plus long que le Coran. Il ne fut pas composé par un seul homme mais par plusieurs, et ceux-ci ne disposaient pas de scribes à qui ils eussent pu dicter leurs versets. Pour ce qui est de la langue grecque, il y a deux poèmes superbes : l'Iliade et l'Odyssée, que l'on attribue communément à un poète aveugle nommé Homère. À l'époque, les aveugles ne savaient en général ni lire ni écrire. Il est possible qu'il ait existé, à l'époque d'Homère, un alphabet grec mais on ne considère pas comme probable qu'il l'ait utilisé ni qu'il ait dicté ses poèmes à des scribes, d'autant plus qu'il était pauvre et qu'il gagnait sa vie en allant d'un endroit à l'autre pour réciter ses poèmes, comme le font encore aujourd'hui des conteurs dans les pays d'Orient.

Par ailleurs, il n'est pas du tout certain que Mahomet ne savait ni lire ni écrire. Cette opinion repose presque entièrement sur le terme An-nabiyyu'l Ummi (???????? ?????????) que l'on trouve dans la sourate 7 : Al A'raf, versets 156-158. Mais, en réalité, ce terme ne signifie pas « le prophète analphabète » mais « le prophète Gentil », c'est-à-dire le prophète qui n'est pas un Israélite mais qui vient de chez les Gentils. Cela est confirmé par la sourate 3 : Al 'Imran, verset 19, où il est enjoint à Mahomet : « Dis à ceux à qui le Livre a été donné et aux Gentils » (????????????????) ; ici, il est évident que les Arabes sont appelés « les Gentils » par opposition au « gens du Livre ». C'est pourquoi l'expression : « An Nabiyyu'l Ummi – le prophète Gentil » est équivalent au titre que l'on retrouve si communément aujourd'hui : « An Nabiyyu'l 'Arabi – le Prophète arabe », et il n'implique pas l'analphabétisme. Les spécialistes savent bien par ailleurs qu'il existe des Traditions, citées par Muslim et par Al Boukhari, qui contredisent cette affirmation selon laquelle Mahomet n'aurait reçu aucune éducation. Par exemple, il nous est dit que, lorsque que ses fidèles prêtèrent serment à Hudaïbah, Mahomet prit la plume d'Ali, biffa les mots par lesquels Ali l'avait qualifié d’« Apôtre de Dieu » et les remplaça, de sa propre main, par les mots : « fils d'Abdullah ». La tradition nous dit aussi que, alors qu'il était à l'article de la mort, Mahomet demanda une plume et de l'encre pour écrire une instruction nommant son successeur mais que les forces lui manquèrent avant qu'on pût lui apporter de quoi écrire. Cette Tradition repose sur la déclaration d'Ibn 'Abbas mais elle est confirmée tant par Al Boukhari que par Muslim. Comme il s'agit là d'un sujet de controverse entre les sunnites et les chiites, nous ne tenterons pas de porter un jugement sur son exactitude. Mais l'existence même de telles Traditions, appuyées par des maîtres de la Tradition, est d'un grand poids, surtout dans la mesure où elles n'ont rien d'improbable. À l'époque de Mahomet, il n'était pas inhabituel que les Arabes fussent capables de lire et d’écrire. Il est bien connu que, lorsque certains des habitants de La Mecque furent capturés par la population de Médine, ils achetèrent leur liberté en leur apprenant à écrire. L'existence même des sept Mu'allaqat (que ceux-ci aient été « suspendus » dans la Ka’bah, possibilité qu’admet As Suyuti , ou qu'ils aient été conservés dans le trésor du roi d'Ukaz (?????), comme le dit Abu Jafar ibn Isma'il an Nahhas ) montre qu'il était tout à fait coutumier pour des auteurs arabes, à cette époque et dans les temps antérieurs, de mettre par écrit leurs ouvrages. Cela dit, même si Mahomet n'avait pas tellement l'habitude d'écrire lui-même, la Tradition nous apprend néanmoins que Zayd ibn Thabit ne fut que l’un des nombreux secrétaires qu'il employa. Les versets du Coran dictés par Mahomet étaient transcrits sur des omoplates de mouton, des morceaux de bois ou tout autre matériau disponible sur lequel on pouvait écrire. Les rédacteurs utilisaient l'alphabet coufique, qui ne comporte pas de points diacritiques ni de signes de voyelles. L'imperfection de cet alphabet a été à l’origine, par la suite, de nombreuses divergences d'interprétation entre les commentateurs. L'auteur de ces pages ne sait pas si l'alphabet coufique est celui dans lequel le Coran est censé avoir été écrit sur la « Table gardée » au Ciel, mais cet alphabet n'est pas très ancien : il dérive du syriaque estrangelo, qui dérive lui-même des anciennes lettres phéniciennes.

Dès qu'un quelconque verset avait été dicté par Mahomet et mis par écrit, des musulmans pieux s’empressaient de l’apprendre par cœur. À en croire la Tradition, cependant, il arrivait que certains versets disparussent avant qu’ils n’aient été ainsi appris par cœur. Par exemple, dans le Mishkat al-Masabih, le traditioniste Muslim nous informe qu’Aïcha a dit : « Parmi les versets du Coran qui ont été annulés, il y en eut six à propos de boire l’eau en la suçant , qui étaient des interdictions ; ils furent ensuite annulés par cinq versets bien connus. Puis l'Apôtre de Dieu est mort et ces derniers se trouvent dans ce qui est récité le Coran » . Il est évident que, à l'époque où Aïcha a déclaré cela, certains des réciteurs continuaient à réciter ces versets, n'ayant pas encore appris qu'ils avaient été annulés. Mais on ne les trouve pas dans le texte actuel du Coran. S'appuyant sur l'autorité d’Omar, Muslim nous dit que ce dernier a déclaré : « Vraiment, Dieu a envoyé Mahomet avec la vérité, et Il fit descendre sur lui le Livre, et c'est pourquoi le verset de la lapidation faisait partie de ce que le Dieu Très-Haut a envoyé ; l'Apôtre de Dieu a lapidé, et nous avons lapidé après lui et, dans le Livre de Dieu, la lapidation est le châtiment de l'adultère » .

Le verset sur la lapidation disait ceci : « Et le vieil homme et la vieille femme, s’ils ont commis l'adultère, tu ne manqueras pas de les lapider » . Mais on ne trouve plus ce verset dans le texte du Coran. À la place, nous trouvons, dans la sourate 24, 1-5, le châtiment de cent coups de fouet pour ce crime. Ailleurs, Ibn Majah nous informe qu’Aïcha a déclaré : « Le verset sur la lapidation et sur la nécessité de boire l’eau en la suçant est descendu... Et son feuillet était sous mon lit ; et il arriva que, lorsque l'Apôtre de Dieu est mort et alors que nous nous occupions de sa mort, un animal domestique est venu et l’a mangé ». Muslim affirme qu’Abu Moussa’ Al Ash'ari aurait dit aux cinq cents réciteurs du Coran de Basrah : « En vérité, nous avions coutume de réciter une sourate que, de par sa longueur et sa sévérité, nous comparions à la Bara'ah , et je l'ai oubliée, sinon que je me souviens de ces mots : "Vous vous êtes appuyés" etc. Et nous avions l’habitude de réciter une sourate que nous avions coutume de comparer à l'un des Rosaires ; et je l'ai oubliée, et les seuls mots dont je me souvienne sont : « "Ô vous qui, etc.". »

Il est bien connu  qu’Ubari a ajouté à son exemplaire du Coran deux brèves sourates, intitulées respectivement Suratu'l Khala' et Suratu'l Hafd (cette dernière porte aussi le nom de Suratu'l Qanut), parce qu'il a affirmé qu'elles faisaient partie du Coran originel mais qu'elles avaient été omises par ‘Uthman. Par ailleurs, Ibn Mas'ud a omis les sourates 1, 113 et 114. Certains chiites disent que certains mots se rapportant à ‘Ali ont été omis volontairement du texte actuel du Coran dans les sourates 4, 136. 164 ; 5, 71 ; 26, 228. Ils disent que, dans la sourate 3, 106, le mot ummatin (??????), « nation » a été mis à la place du mot a'immatin (?????????) « imams » qui s’y trouvait à l'origine ; et que, dans la sourate 25, 74, au lieu de ce qu'on lit actuellement : « ???????????? ????????????? ??????? – et fais de nous un modèle pour les pieux », le texte originel et correct était : « ????????????? ?????? ???? ????????????? ??????? – et fais venir parmi nous un imam d'entre les pieux ». Ils mentionnent encore d'autres modifications dont ils affirment qu'elles ont été apportées délibérément dans les sourates 13, 12 ; 23, 39. L'imam Fakhru'ddin Razi admet   la possibilité que soit authentique la tradition selon laquelle, dans l'exemplaire qu'avait ‘Ali du Coran, au lieu du texte qu'on lit actuellement dans la sourate 11, 20 [[DM 17]] : « Un témoin venu de la part de son Seigneur lui communique ceci et qu’avant lui le livre de Moïse était déjà un guide et une miséricorde », le texte originel ait dit : « Un témoin venu de la part de son Seigneur, un guide et une miséricorde, communique ceci, et avant lui c’était le livre de Moïse – ??????????? ??????? ??????? ?????????? ?????? ???????? ??????? ???????. ». Il y a là une considérable différence de sens : en effet, les chiites explique que c’est ‘Ali qui était le « témoin » dont il est question ici, et que c’est à lui que, selon cette interprétation, s'appliqueraient les mots : « un guide et une miséricorde » et non pas à la Torah de Moïse. En outre, certains affirment que toute une sourate, appelée la Suratu'n Nurain, a été délibérément omise du Coran. Cette sourate est citée dans sa totalité par Mirza Muhsin du Cachemire, surnommé Al Fani, dans son Dabistan-i Mazahib (??????? ?????), pp. 220- 221.

Nous ne souhaitons pas prendre position sur les affirmations faites par certains à propos de l’omission de certaines parties du texte du Coran ou de l'addition de versets et de sourates après la mort de Mahomet. Cependant, la question qui nous occupe ici, c'est de savoir si le Coran est ou n’est pas une preuve de la mission divine de Mahomet et, dans ce sens, il est impératif d'être bien conscient du fait que de telles affirmations ont été faites par des érudits musulmans, qui ont avancé à leur propos des arguments convaincants.

Nous allons maintenant étudier de quelle manière les différents versets et sourates du Coran ont été rassemblés en un seul livre. Sur ce point également, nous n'en appellerons qu'à des autorités musulmanes. Al Boukhari nous informe que, apparemment un an environ après la mort de Mahomet, Zayd ibn Thabit réalisa une première version du Coran sur ordre du calife Abu Bakr. Voici ce que raconte Zayd , d'après Al Boukari : « À l'époque du massacre de la population de Al Yamamah, Abu Bakr me convoqua, et voilà que Uthman était avec lui. Abu Bakr dit : "En vérité, Omar est venu me voir et m’a dit : ‘Vraiment, le massacre le jour de Al Yamamah fut sévère parmi les Réciteurs du Coran, et je crains fort que beaucoup de réciteurs n’aient été tués sur le champ de bataille  , c'est pourquoi une bonne partie du Livre est en train de disparaître (c'est-à-dire d'être perdu). Et je juge que tu devrais donner l'ordre que soit rassemblé le Coran’." Je dis à Omar : "Comment veux-tu que l’on fasse une chose que l'Apôtre de Dieu n'a pas faite ?" Omar dit alors : "Par Dieu !  c’est une bonne idée". Et Omar continua à insister pour me demander de le faire, jusqu'à ce que Dieu dilate mon cœur pour le faire, et j'en vins à adopter l'opinion d’Omar. Abu Bakr dit : "En vérité, tu es un jeune homme intelligent, nous n’avons pas de méfiance envers toi, et tu avais coutume de mettre par écrit la Révélation de l'Apôtre de Dieu. C'est pourquoi, va rechercher [les différents chapitres et versets] du Coran et rassemble-les. Et, par Dieu ! s’il m’avait ordonné de déplacer une montagne, la chose ne m’eût pas été plus difficile que ce qu'il m'ordonna de faire à propos de la collecte du Coran. Je dis : "Comment faire une chose que l’Apôtre de Dieu n'a pas faite ?" Il me dit : "Par Dieu ! c’est une bonne chose". Et ainsi, Abu Bakr continua à insister pour que je le fasse, jusqu'à ce que Dieu dilate mon cœur pour accepter ce que le cœur d’Abu Bakr et celui d'Omar lui avaient expliqué. Et c’est ainsi que j’entrepris de rechercher le Coran : j'en ai rassemblé les éléments inscrits sur des branches de palmier effeuillées et de minces pierres blanches et dans le cœur des hommes, jusqu'à ce que j'aie trouvé la fin de la Suratu't Taubah  avec Abu Khuzaimah l’Ansari, c’est chez lui seul que je l’ai trouvée et chez nul autre : "Un Prophète, pris parmi vous, est venu à vous…" , jusqu'à la conclusion de Bara'ah. Et les feuillets ont été conservés par Abu Bakr jusqu’à ce que Dieu le fasse mourir, puis chez Omar aussi longtemps qu’il vécut pendant sa vie, puis chez Hafsah, la fille d’Omar. » As Suyuti dit exactement la même chose, à l’exception de la dernière phrase . Il est probable que cette unique copie du Coran fut réalisée par Zayd, et qu’il n'existait aucune copie complète Coran autre que celle contenue entre ces couvertures.

C’est pourquoi les autres musulmans ont dû s'appuyer sur la tradition orale pour connaître leur Livre sacré, sauf lorsqu'ils en possédaient quelques passages mis par écrit. Ces textes étaient transmis verbalement et récités en sept dialectes différents (les « Sept Leçons ») et, de ce fait, le texte risquait de se corrompre gravement au point de devenir complètement incertain. C'est pourquoi, alors qu'il participait à la conquête de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, Uthman fut averti de ce risque par Hudhaifah ibnu'l Yaman. Voici comment Boukhari raconte ce qui s'est passé  : « Donc, Hudhaifah dit à Uthman : "Ô Commandeur des Croyants, retiens ces gens avant qu'ils ne divergent sur le Livre, comme c'est le cas des juifs et des chrétiens". C'est pourquoi Uthman fit dire à Hafsah : "Envoie-nous les feuillets afin que nous puissions les copier et en faire des volumes ; puis nous te les renverrons". Hafsah les envoya donc à Uthman. Puis il ordonna à Zayd ibn Thabit, 'Abdu'llah ibnu'z Zubair, Sa'id ibnu'l As et 'Abdu'llah ibn Harith ibn Hishâm de les recopier et de les rassembler en volumes. Et Uthman dit au groupe des trois Quraïch : "Lorsqu'il y aura des divergences entre vous, toi et Zayd ibn Thabit, sur un quelconque passage du Coran, écrivez-le dans le dialecte des Quraïch car, en vérité, ces textes sont descendus dans leur dialecte". Et c'est ce qu’ils firent, jusqu’à ce qu’ils aient fini de recopier les feuillets pour en faire des volumes, et alors Uthman rendit les feuillets à Hafsah. Et il envoya à chaque région un des volumes qu’ils avaient copiés, et il donna des ordres concernant tout ce qui concerne le Coran et qui n’en faisait pas partie, pour chaque feuillet et chaque volume, et il ordonna qu'ils fussent brûlés. Ibn Shahab dit : "Kharijah ibn Zayd ibn Thabit m’a raconté qu’il entendit Zayd ibn Thabit dire : ‘Lorsque nous avons copié le volume, il manquait, dans la Suratu'l Ahzab , un verset que j'ai entendu plusieurs fois l’Apôtre de Dieu réciter’. C'est pourquoi nous l'avons recherché. Et nous l'avons trouvé chez Khuzaimah ibn Thabit l’Ansari, l’un des Croyants, de ceux qui avaient fait preuve leur fidélité à l’alliance conclue avec Dieu. C'est pourquoi nous l'avons inséré dans sa sourate dans le volume". »

Tout cela montre bien qu’il existait certaines différences entre les copies révisées du Coran faites sur ordre d’Uthman et les « feuillets » (???????) confiés à la garde de Hafsah. Le fait que le calife a ordonné de faire brûler toutes les autres copies antérieures de certaines parties du Coran, à l'exception de celles de Hafsah, est une preuve supplémentaire qu’Uthman et Hafsah n’étaient pas d’accord en tous points sur cette seconde édition du Coran réalisée sur ordre d’Uthman. Il y a une autre preuve que la copie du Coran que possédait Hafsah différait à certains égards de l'édition d’Uthman : c’est le fait que, par la suite, [['Abd Al-Malik Ibn ]] Marwân fit également brûler cette copie lorsqu'il était gouverneur de Médine. Néanmoins, malgré ces efforts pour empêcher par la force qu’il n’y ait différents textes du Coran, on peut encore en trouver certaines variantes, comme nous l'apprend par exemple Al-Baidhawi. (Voir par exemple son commentaire sur les sourates 3, 100 ; 6, 91 ; 19, 35 ; 28, 48 ; 38, 6 ; 34, 18 ; 38, 22, etc.).

Par ailleurs, la principale raison qui permettrait de conclure que le texte coranique qui existe actuellement se trouve dans presque le même état dans lequel Mahomet l’a laissé, c'est que la sourate 33, aux versets 37-38   et 49-52  contient certains passages qui éclairent très bien la personnalité de Mahomet. Il est impossible de supposer que l'un quelconque de ses disciples eût osé inventer ces versets et décrire ainsi leur Maître s'il n'avait pas lui-même récité ces mots et ordonné qu'ils fussent considérés comme faisant partie du Coran. L'incident dont il est fait mention aux versets 37 et 38 de cette sourate  est mentionné par tous les biographes de Mahomet. Rien n'a été plus efficace que ces versets pour détourner les gens de l'islam.

De nos jours, aucun musulman éclairé n’est en mesure de donner une explication satisfaisante de ce passage. Leurs oulémas affirment que le Coran est un miracle, que son style est à lui seul une preuve suffisante de la mission divine de Mahomet, et que ni des hommes ni des anges ne pourraient produire une sourate comme l'une quelconque de celles contenues dans le Coran. À ce qu'ils disent, chaque mot du Coran fut écrit par la Plume sur la « Table gardée au Ciel », une éternité avant la création du monde, et indubitablement ce passage parmi les autres. À partir de l'Original divin, le Coran fut « descendu » par l'ange Gabriel jusqu'au Ciel le plus bas, lors de la Nuit du Destin. Par la suite, il l'a dicté Mahomet en fonction des occasions qui se présentaient. C'est pour cela que Ibn Khaldun dit : « Sache donc que le Coran est descendu dans la langue des Arabes et conformément au style de leur éloquence, et tous le comprirent et connurent les différentes significations dans ses différentes parties et en relation les unes avec les autres. Et il continua à descendre, section par section et en groupes de versets, pour expliquer la doctrine de l'Unicité de Dieu et les obligations religieuses, en tant que l’exigeaient les circonstances. Certains de ces versets consistent en articles de foi, et certains d'entre eux sont des commandements pour diriger le comportement. »  Dans un autre passage, il dit : « Tout cela te prouve que, parmi les Livres Divins, ce fut véritablement le Coran qui fut inspiré à notre prophète, sous la forme de quelque chose qui fut récité exactement tel qu'on le trouve dans ses mots et dans ses sections ; alors que la Torah et l'Injil, par ailleurs, et tous les autres Livres Célestes furent révélés aux prophètes sous la forme d’idées pendant qu'ils étaient en extase, et ils les ont expliquées après être revenus à la condition humaine ordinaire, et dans la langue qu'ils avaient coutume de parler ; et il n'y a donc rien de miraculeux dans ces livres. » Par conséquent, selon cet auteur érudit, tant la langue du Coran que l'enseignement qu’il donne viennent directement de Dieu alors que, pour ce qui est de l'Ancien et du Nouveau Testaments, si leur contenu est dû à l’inspiration, leur style et leur forme ne viennent pas de Dieu. Il s’ensuit que, si notre étude montre que le style du Coran n'est pas miraculeux, ou du moins qu'il n'est pas possible de prouver l’inégalabilité (?????) du Coran, il ne sera plus suffisant de répondre : « Le style de la Bible n'est pas non plus inégalable, et il ne prouve pas non plus que les Saintes Écritures sont inspirées ». Nous, les chrétiens, c’est là quelque chose que nous ne prétendons pas, et ce qu'affirme Ibn Khaldun montre que, même à son époque, les chrétiens ne le prétendaient pas non plus. Nous considérons que chaque auteur de la Bible employait le style qui lui était naturel ; c'est ainsi que certains ont écrit de la poésie, belle et sublime, et certains de la prose, simple et directe. Le message et la doctrine appartiennent à Dieu ; chaque prophète, apôtre, psalmiste, évangéliste ou historien que Dieu a chargé d’écrire a eu pour fonction de revêtir ce message et cette doctrine d'une langue humaine.

Bien entendu, les spécialistes actuels sont bien conscients du fait que le dialecte des Quraïch est l'ancienne langue parlée à La Mecque et non pas la langue du Paradis. L'arabe est l’une des langues sémites ; il a pour sœurs l'hébreu, l’araméen, l'éthiopien, le syriaque, l’assyrien et d'autres langues de moindre importance. L'arabe est une langue ancienne et belle, et le quraïch est le plus cultivé de ses dialectes, et tous les spécialistes admettent que le style de nombreuses parties du Coran est élégant et éloquent. Néanmoins, ces spécialistes font en même temps remarquer à juste titre que, dans le Coran, on trouve certains mots qui ne sont pas de l'arabe pur mais qui sont repris d'autres langues et qui ont été simplement arabisés. On peut citer à ce propos, par exemple, de nombreux noms de personnes et de lieux. Pharaon dérive de l'égyptien ; Adam et Éden d'une très vieille langue appelée l’acadien ; (Ibrahim) Abraham vient de l’assyrien ; les noms Harut et Marut, les mots sirat, hur, djinn et firdaus sont repris du persan ancien ; tabut, taghut, zakut et malakut sont des mots syriaques, Hawari est éthiopien ; Hibr, sakinah, ma'un, Taurat [Torah] et Jahannam viennent de l'hébreu ; et Injil est une version corrompue du grec. On voit donc que la langue du Coran n’est pas de l'arabe absolument pur. Nous admettons qu'il n'y a pas de raison que des mots hébreux, grecs, syriaques, acadiens, éthiopiens, persans et égyptiens ne se soient pas écrits véritablement ainsi. Mais nous pensons que ce dernier point devrait être prouvé.

Par ailleurs, dans le texte actuel du Coran, on a remarqué certaines constructions grammaticales qui, si on les trouvait ailleurs, seraient considérées comme fautives. Elles ne sont pas nombreuses. Nous nous contenterons d'en mentionner trois.  (1) L'une se trouve dans la sourate 2, 192 : ?????? ???????? ??????????. (2) La seconde se trouve dans la sourate de 13, 28 : ?????????? ?????????. (3) La troisième se trouve dans la sourate 20, 66 : ??? ??????? ????????????.

Outre tout cela, on ne peut absolument pas dire que tous les érudits arabes qui y réfléchissent sans préjugé sont d'avis que le style littéraire  du Coran est supérieur à celui de tous les autres livres écrits en arabe. Certains doutent que, du point de vue de l'éloquence et de la poésie, il surpasse le Mu'allaqat ou le Maqamat de Hariri, s'il est vrai par ailleurs que, dans les pays musulmans, il y a peu de gens suffisamment courageux pour exprimer une telle opinion. Pourtant, l'histoire nous apprend qu’il y a eu, chez les Arabes, des hommes cultivés qui ont osé nier que, du point de vue de l'éloquence, le Coran soit inégalable. C'est ainsi que le sultan Ismaïl, dans la partie de son Histoire dans laquelle il traite des affaires musulmanes, nous dit que Isa ibn Sabih, surnommé Abu Mousa' et mieux connu sous le nom de Al Muzdar Mostar, fondateur de la secte des Muzdariyyah, avait coutume de dire que des hommes étaient tout à fait capables de produire un livre tel que le Coran du point de vue de la poésie, de l'élégance et de l'éloquence. Lui aussi affirmait que le Coran avait été créé, un point qui a suscité de féroces controverses sous le règne du calife Al Ma'mun (198-218 de l’Hégire ; 813-833 ap. J.-C.). L'auteur du livre intitulé Sharhu'l Mawafiq nous informe que Muzdar avait coutume de dire que les Arabes étaient capables de composer une œuvre qui serait à la fois plus élégante, plus éloquente et meilleure que le Coran. Ash Shahristani nous dit que Muzdar nia la prétention du Coran à être inégalable des points de vues de l'élégance et de l'éloquence (??????? ?????????). An Nizim (???????) dit que l’inégalabilité (?????) du Coran tient aux informations qu'il donne à propos du passé et de l’avenir. S'il est considéré comme sans égal, dit-il, la raison en est qu’il interdit que l’on puisse prendre en considération les prétentions d'autres livres et, que ce soit en les forçant ou en les décourageant, qu’il empêche les Arabes d’oser pour de bon faire une telle comparaison. Il pense que, si cela leur était autorisé, les Arabes seraient certainement capables de « produire une sourate telle que celle-là » des points de vues de l'éloquence, de l'élégance et de la poésie. Sans doute la plupart des musulmans considèrent-ils ces opinions comme hérétiques, et il n'est absolument pas dans l'intention de l'auteur de ces pages d'avancer de telles opinions. Il se contente de faire remarquer que, si les musulmans affirment systématiquement l’inégalabilité du Coran, qu’ils considèrent être évidente et incontestable, certains Arabes érudits le contestent. Si donc, pour ces hommes, le style du Coran n’a pas paru être miraculeux ni être une preuve suffisante que Mahomet avait une mission divine, il n'est pas surprenant que le bien-fondé de cette prétendue preuve ne soit pas apparue clairement à des hommes moins cultivés et connaissant moins bien l'arabe.

Cependant, quand bien même on admettrait que le style du Coran est supérieur à celui de tout autre ouvrage écrit en arabe, cela ne prouverait pas pour autant qu’il s'agit d'un livre inspiré ni qu'il soit « descendu » sur Mahomet. Dans toutes les langues cultivées, il existe certains livres qui, dans cette langue particulière, sont sans égal. En anglais, aucun dramaturge n’égale Shakespeare ; en allemand, les drames de Goethe et de Schiller sont de même sans égal ; en persan, Hafiz surpasse tous les autres poètes dans une sorte particulière de poésie, Maulana yi Rumi dans une autre. En sanskrit, nul ne peut actuellement créer un poème qui égale ce que l'on trouve dans le Rig-Véda. Néanmoins, il serait absurde de supposer que ces ouvrages sont inspirés pour la simple raison qu'ils sont sans égal, chacun dans son propre style et dans sa propre langue. Notre jugement doit s'appuyer sur ce qu’enseigne le livre, et non pas sur son style ; c'est ce que nous avons montré dans l'Introduction. Sinon, les hindous pourraient dire à juste titre – ce qu’ils font d'ailleurs – que le Rig-Véda est un livre inspiré, quoique nous y trouvions mentionnées trente-trois divinités. Dans quelque livre inspiré que ce soit, nous pouvons admirer son noble style littéraire, mais ce qui nous intéresse le plus, à juste titre, c'est l'essentiel : à savoir de vraies doctrines. Même un banal livre de théologie écrit à notre époque n'a guère de valeur si son enseignement est imparfait, si l'on ne peut pas se fier à ce qu’il dit, aussi brillant et éloquent que puisse être son style.

Il est absolument impossible de démontrer que le Coran est plus éloquent et contient une poésie plus belle que tout autre livre, dans quelque langue que ce soit. Nul ne serait en mesure de le prouver, sauf à connaître toutes les langues du monde, anciennes et modernes, et à avoir lu tous les livres qui ont jamais été écrits. Nul sur la terre n'a jamais fait cela, car c'est là une tâche qui dépasse largement les capacités humaines. Il n'est donc pas raisonnable que nos amis musulmans nous assurent que leur religion est « une lumière et un guide », et qu'il est nécessaire que tous les hommes l'acceptent, en même temps qu'ils nous disent que la plus grande preuve de la vérité de l'islam et de la mission de Mahomet, c'est une preuve dont aucun être humain ne peut attester, dans quelque circonstance que ce soit. C'est comme si un aveugle assurait à un autre aveugle que son salut dépendait de sa capacité à distinguer toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Car ni les musulmans ni nous-mêmes ne connaissons toutes les langues humaines ni n'avons lu tous les livres de la terre. Cette preuve sur laquelle les musulmans s'appuient est donc, tant pour eux que pour nous, tout aussi irréelle et sans valeur.

Nous ne pouvons pas lire toutes les langues du monde, mais nous pouvons lire certaines des plus importantes d’entre elles. Prenons par exemple l'Ancien Testament dans le texte original en hébreu : de nombreux érudits considèrent que l'éloquence d'Isaïe, du Deutéronome et de nombreux Psaumes, entre autres, est plus grande que celle d'une quelconque partie du Coran. À part les musulmans, il n'y a pas beaucoup de gens qui le nieraient, et il est probable qu’aucun musulman qui connaîtrait à la fois l'arabe et l’hébreu ne serait en mesure de le contester. Mais même ceux qui n'ont pas une telle érudition peuvent en faire eux-mêmes l’expérience : il suffit de demander à quiconque de lire un passage choisi du Coran traduit en persan, en ourdou ou en turc, et de le comparer avec une bonne traduction d'un passage d’Isaïe traduit dans la même langue. Il pourra alors se forger son propre avis sur l'affirmation sans fondement selon laquelle le Coran dépasserait tous les autres livres en matière de beauté du style.

Cela dit, quand bien même on arriverait à démontrer au-delà de tout doute possible que le Coran dépasse largement tous les autres livres en matière d'éloquence, d'élégance et de poésie, cela ne prouverait pas pour autant qu'il ait été inspiré, pas plus que la force d'un homme ne démontrerait sa sagesse ou que la beauté d'une femme ne démontrerait sa vertu. Quel que soit le livre que l'on considère, on ne peut le reconnaître comme divinement inspiré qu'à partir de ce qu'il contient, de ses doctrines, du fait qu'il satisfait aux critères définis dans l’Introduction. On raconte que l'imposteur Mani affirmait que les hommes devaient croire qu'il était le Paraclet parce qu'il avait écrit un livre appelé Artang, plein de belles illustrations. Il prétendait que ce livre lui avait été donné par Dieu, qu'aucun être humain n'était capable de créer des images aussi belles que celles contenues dans ce livre  et que, par conséquent, celui-ci venait manifestement de Dieu lui-même. Mais aucun sage, musulman ou chrétien, n'admettra que la beauté de ces images prouve que Mani était un prophète ; tout au plus prouvent-elles qu’il était un excellent illustrateur. Son livre, comme tous les autres, il faut le juger sur le fond, sur ce qu'il contient. C’est ainsi qu'il fut jugé – et il a disparu de la face de la Terre, et la religion que Mani enseignait ne compte plus, actuellement, un seul adhérent, alors qu'à une époque elle avait de nombreux disciples. On ne peut vraiment juger d’un livre que par ce qu’il enseigne. C’est pourquoi, dans le prochain chapitre, nous allons considérer le Coran sur le fond, comme nous l'avons fait précédemment pour la Bible.
 

 CHAPITRE 4

EXAMEN DU CORAN SUR LE FOND –
S’AGIT-IL VRAIMENT D’UN LIVRE INSPIRÉ ?

Pour vérifier si le Coran est ou non une révélation du Dieu Très-Haut, il nous faut l’étudier sur le fond. Il ne suffit pas d’être capable d’en répéter par cœur de longs passages sans les comprendre ; c’est là un exercice plus digne d’un perroquet que d’un homme. Ceux qui croient que le Coran est la Parole de Dieu, qu’il est, pour les hommes, une Lumière et un Guide, devraient bien comprendre qu’il ne peut être cette Lumière et ce Guide que s’il éclaire leur cœur et leur intelligence et que, cela, il ne peut le faire que si eux, les hommes, le comprennent. Une lumière est faite pour être placée là où on peut la voir et non pas être cachée sous le boisseau de la superstition et de l’ignorance. Aussi incombe-t-il à tous les vrais musulmans d’étudier et méditer soigneusement le Coran. Si ce livre est la Révélation ultime, définitive et la plus parfaite de Dieu, il ne peut faire aucun bien à ceux qui ne le comprennent pas et ne s’y soumettent pas.

Néanmoins, dans leur grande majorité, les musulmans se contentent d’en répéter les versets à voix haute afin d’acquérir des mérites soit pour eux-mêmes, soit pour les morts. Ils les récitent en arabe, même si la plupart d’entre eux ne comprennent pas la langue des Quraïch. Ce n’est pas de cette manière qu’il convient d’utiliser un livre qui professe tenir son origine de Dieu. Un tel comportement est tout aussi inadmissible que si, par une sombre nuit, un voyageur allait cacher sa torche dans une caverne ténébreuse plutôt que de s’en servir pour éclairer le chemin qu’il doit suivre.

Pourtant, c’est bien ce rôle élevé que les musulmans attribuent au Coran. Or il est très important que nul ne néglige et rejette sans l’approfondir une révélation de Dieu, quelle qu’elle soit ; aussi est-il souhaitable que les chrétiens honnêtes étudient eux aussi le Coran pour savoir ce qu’il enseigne, de crainte que, en le rejetant, ils ne refusent la lumière, l’inspiration et le salut. Dès lors que chrétiens et musulmans auront étudié ce livre avec sérieux, ils seront mieux à même de s’aider mutuellement à trouver la vérité et à suivre la voie juste, la voie de ceux qui plaisent au Très-Haut, et non pas la voie de ceux qui s’égarent ou contre lesquels Il s’irrite.

Sur le fond, ce qu’il y a de plus important dans le Coran, c’est ce qu’il enseigne à propos de la Nature et des Attributs du Dieu Très-Haut. Il le présente comme Unique, Éternel, Immuable, Tout-Puissant, Infiniment-Sage, Omniscient. Le Coran nous dit qu’Il entend, qu’Il voit et qu’Il parle ; qu’Il est le Créateur du Ciel et de la Terre ; qu’Il est Miséricordieux, Juste, Bienveillant, Longanime et Saint, et qu’Il est Celui qui fait vivre et Celui qui fait mourir ; qu’Il possède tous les Attributs de la perfection et qu’il n’y a aucune imperfection en Lui, et qu’Il est donc infiniment éloigné de la faiblesse, de l’ignorance, de l’injustice et du changement. Le Coran invite aussi les hommes à croire en l’Unicité de Dieu : il interdit formellement tout polythéisme et toute idolâtrie. Il enseigne la croyance en la Résurrection, en des récompenses et châtiments futurs pour les actes accomplis ici-bas. Il parle du Paradis et du feu de l’Enfer. Il porte témoignage de l’Ancien Testament et du Nouveau, ainsi que nous l’avons montré dans la première partie de ce Traité. Il impose aux musulmans de croire à tous les prophètes, sans distinction. Il condamne l’hypocrisie et déclare que certaines choses sont bonnes (????) et d’autres mauvaises (????). Il interdit le meurtre, l’adultère, le vol et les faux serments. Il enjoint aux hommes de pratiquer la justice à l’égard des orphelins et l’aumône envers les pauvres.

Que l’on soit musulman ou chrétien, on admettra volontiers que, pour une bonne part, les enseignements donnés par le Coran sur de tels points sont bons. Lorsqu’il est bon, tout enseignement a sa source première dans le Dieu Très-Miséricordieux (source unique de tout bien), que nous recevions cet enseignement, de Sa part, par l’intermédiaire de prophètes, de livres inspirés, de la conscience, de la raison ou de toute autre manière. Cependant, avant que nous n'admettions que Mahomet était un Prophète et un Messager de Dieu, comme il l'a affirmé, il faut prouver, soit (1) qu'il fut le premier de tous les hommes à enseigner les grandes vérités que sont l'Unicité de Dieu, la différence entre le bien et le mal, la faute du péché, le bonheur ou le malheur dans l’après-vie ; (2) soit que son enseignement sur ces points et sur d'autres étaient tellement supérieurs à celui donné par des prophètes antérieurs qu'il s'agissait indubitablement d'une nouvelle Révélation Divine. Mais il est bien connu que toutes les vérités que nous venons de mentionner avaient déjà été enseignées dans de nombreuses parties du monde, et jusqu'en Arabie, plusieurs siècles avant la naissance de Mahomet. Non seulement l'Unicité de Dieu est enseignée tant dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau mais elle constitue le fondement même du judaïsme et du christianisme. Toutes les autres vérités que nous avons mentionnées se trouvent également dans la Bible. Le fait que Dieu est le Créateur du Ciel et de la Terre était affirmé même par le roi Darius de Perse, dans des inscriptions qu'il a laissées sur les rochers de Bisutun et d’Istakhr, et qui furent gravées quelques 500 ans avant l'ère chrétienne et plus de 1000 ans avant la naissance de Mahomet. Si Mahomet avait été le premier à enseigner cette grande doctrine, c'est effectivement à juste titre que l'on pourrait admettre qu'il fut un prophète ; mais ce n'est pas le cas. Avant même sa naissance, les Arabes croyaient au Dieu Très-Haut (Allah Ta'ala'— ???? ???????). La Ka’ba, à La Mecque, était connue comme la Maison de Dieu (??? ????), et le mot même d’Allah, qui inclut l'article défini, enseignait précisément l'Unicité de Dieu. Et jusqu'au nom du père de Mahomet : 'Abdu'llah (??? ????), qui mourut avant la naissance de son fils, contient le nom de Dieu et prouve que l'on croyait alors à Son Unicité. Certes, au « Temps de l'Ignorance », le monde adorait d'autres divinités de rang inférieur, considérées comme des intercesseurs auprès du Dieu Très-Haut et, dans ce sens, ils étaient considérés comme ses « associés » ; pourtant, même chez les Arabes païens, le monothéisme n'avait pas encore complètement disparu à cette époque. Et quand bien même cela eût été le cas, Mahomet aurait pu aussi bien l'apprendre des juifs et des chrétiens qui résidaient alors en Arabie.

En outre, avant de se présenter comme un prophète, Mahomet s'était rendu à deux reprises au moins en Syrie où, dans ses rencontres avec les habitants – dont presque tous professaient le christianisme –, il a discuté avec eux. Lors de la première visite attestée de Mahomet en Syrie, il accompagnait son oncle Abu Talib et il avait environ neuf ans ; à sa seconde visite, il était accompagné de Maisirah, une esclave de Khadija, et il avait alors 25 ans. Même dans sa parentèle et chez ses amis personnels, il se trouvait des hommes qui étaient ou avaient été juifs ou chrétiens, sans parler de Maryam son esclave et concubine copte. Par exemple, Waraqah ibn Naufal, l'un des hanif, s’était converti au christianisme et il connaissait tant la Torah que l'Injil . Un autre hanif reçut également le baptême à la cour de César, à Constantinople. Waraqah et ‘Uthman, comme nous l’apprennent les généalogies établies par Ibn Hishâm , étaient des cousins de Khadija. Un autre hanif est devenu musulman et partit pour l'Abyssinie ; mais, une fois là-bas, il se fit chrétien. Lorsqu'il mourut, Mahomet épousa sa veuve, Umm Habibah. Pour ce qui est de Salman le Perse, qui était l'un des Ashab, certains disent que, à l'origine, c'était un chrétien de Mésopotamie et qu'il était devenu zoroastrien lorsqu'il avait été emmené captif en Perse. Selon l'avis le plus probable, il était perse et zoroastrien de naissance, mais il se convertit au christianisme en Syrie. Puis il vint en Arabie, se fit musulman et devint un très proche ami de Mahomet. C’est lui qui le persuada d'employer des catapultes pour attaquer al Taïf, et de faire creuser un fossé autour de Médine pour la protéger de l'attaque des Quraïch et de leurs alliés en l'an 5 de l'Hégire. C'est du moins ce que raconte Ibn Hishâm. Quant à 'Abdu'llah ibn Salam, Ibn ‘Ishâq nous apprend que, avant de devenir musulman, c’était un rabbin juif érudit.  Dans leurs commentaires, Abassi et les deux Jalal nous disent que c’est lui dont il s'agit dans la sourate 46, 9, où il est question d'un « témoin » de l'accord établi entre le Coran et les Écritures juives.

Abassi mentionne un esclave chrétien appelé Yasar (ou encore Abu Fuqaihah) ainsi qu'un chrétien grec qui s'appelait en arabe Abu Takbihah et qui ont tous deux étés cités comme témoins dans l'accusation portée contre Mahomet de s'être fait aider pour compiler le Coran, ainsi que nous l'apprend la sourate 25, 5-6. Dans son commentaire sur la sourate 16, 105 Abassi parle d'un chrétien appelé Caïn (?????), qui a fait l'objet de la même suspicion alors que, dans leurs notes sur ce passage, les deux Jalal mentionnent Yasar et Jabr ; d'autre parlent de Salman, d'autres de Suhaib, d'autres encore d'un moine appelé Addas. Zayd, le fils adoptif de Mahomet, était syrien – et donc chrétien – de naissance.

Lorsque que nous considérons ces faits, qui sont incontestables, nous prenons conscience qu'il est absolument impossible d'affirmer que ces grandes doctrines du Coran qui, pour l'essentiel, coïncident avec celle de l'Ancien et du Nouveau Testaments, ont été révélées directement pour la première fois à Mahomet dans le Coran. De ce fait, si on les trouve dans le Coran, ce qui est indubitablement une très bonne chose – ce pour quoi nous pouvons rendre grâces à Dieu –, il ne s’agit en aucune manière d’un miracle, et ce n'est pas non plus une preuve que ce livre ait été inspiré ni que Mahomet ait reçu une Mission divine de prophète.

Cela dit, on affirme souvent qu’une preuve décisive de cette Inspiration et de cette Mission se trouve dans les nombreuses prophéties que, selon ce qu'affirment certains musulmans, on trouve dans le Coran. Ceux qui défendent cette conception disent que l'accomplissement de prophéties est une preuve claire d'un mandat divin et, pour corroborer cette affirmation, ils citent à juste titre Deutéronome 18, 21-22 . En conséquence, nous avons le devoir d'examiner et d'étudier soigneusement les versets du Coran dont les musulmans disent qu'ils contiennent des prédictions d'événements qui appartenaient à l'avenir lorsque que Mahomet a dicté ces passages à ses secrétaires. Si seulement les musulmans voulaient bien accepter que le Coran fut composé par Mahomet lui-même, et qu'il était alors inspiré, et qu'il ne lui fut pas dicté par l'ange Gabriel, leur argumentation serait beaucoup plus solide.

Ceux qui se sont efforcés de trouver le plus grand nombre possible de prédictions dans le Coran disent qu'il y en a, au total, vingt-deux. On les trouve dans les passages ci-après, dont certains sont censés comprendre plus d'une prophétie : sourates 2, 21-22. 88-89 ; 3, 10. 107-108. 144 ; 5, 71 ; 8, 7 ; 9, 14 ; 15, 9. 95 ; 24, 54 ; 28, 85 ; 30, 1-4 ; 41, 42 ; 48,16. 18-21. 27-28 ; 54, 44-45 ; 61, 13 ; 110, 1-2. Quand on étudie attentivement ces passages, on s'aperçoit qu'il est possible de diviser ces « prophéties » en trois catégories : (1) celles qui se rapportent à des victoires de Mahomet ; (2) celles qui se rapportent au Coran lui-même ; (3) l'unique « prophétie » qui se rapporte aux Byzantins (??????). Nous allons maintenant étudier toutes ces prophéties les unes après les autres et aussi brièvement que possible.

Il ne sera pas nécessaire de nous attarder longuement sur les passages relevant de la première catégorie. Bien entendu, il est impossible de prouver qu'ils ont été composés – ou qu'ils sont « descendus » – avant que ne se produisent les événements auxquels les commentateurs disent qu'ils se rapportent. Il est cependant très probable que les Traditions ont raison de dire que ce fut bien le cas et, par hypothèse, nous l'admettrons. Cela dit, il n'est pas du tout surprenant que Mahomet ait promis à ses hommes une victoire avant chaque bataille : c'est ce que font presque tous les généraux pour encourager leurs troupes : c'est toujours l'un ou l'autre côté qui finit par remporter la bataille, ou qui prétend l'avoir remportée. Chacun des deux généraux a prédit qu'il remporterait la victoire, et l'un d’eux a nécessairement raison ; cependant, nous n'allons pas pour autant le considérer comme un prophète ou comme le Sceau des Prophètes. Sans doute Gengis Khan et Tamerlan (Taimur-i-lang – ????? ???) ont-ils promis à leurs soldats qu'ils remporteraient la bataille et qu'ils pilleraient les biens de leurs ennemis. Cette promesse fut remplie, et l'ennemi fut défait ; mais qui va pour autant considérer que ces conquérants étaient des Prophètes ou des Apôtres de Dieu ? Le fait même que les hommes qui suivaient Mahomet le croyaient lorsqu'il affirmait avoir reçu un mandat divin leur faisait admettre que ses promesses de victoire et de butin venaient de Dieu. Ainsi, ils devenaient presque invincibles, comme le furent par la suite les Wahhabites et, plus récemment, les disciples du soi-disant Mahdi et de son calife au Soudan. Dans tout cela, cependant, il n'y a rien de miraculeux.

À titre d’illustration, examinons le récit de la bataille de Badr, dont certains affirment qu'on en trouve une prophétie dans la sourate 54, 44-45 . À propos de cette bataille, dans son commentaire sur la sourate 8, 5, Al-Baidhawi nous dit qu’Abu Sufyan escortait une caravane en provenance de Syrie, avec seulement trente-neuf hommes à dos de chameau. L’ange Gabriel aurait informé Mahomet que cette caravane était bien mal protégée alors qu'elle transportait de grandes richesses ; aussi Mahomet ordonna-t-il à ses hommes d'attaquer la caravane et de la piller. Pendant ce temps, Abu Gal fit sortir les habitants de La Mecque pour les amener à Badr. Apprenant cela, les hommes de Mahomet se demandèrent pourquoi celui-ci ne les avait pas avertis qu'ils allaient au combat, afin qu'ils pussent se préparer à la bataille. Ils auraient préféré ne pas combattre l'armée ennemie et poursuivre la caravane mal protégée  qui, selon ce que leur avait dit Mahomet, était passée par le rivage. Alors Mahomet se mit en colère et il leur assura que Dieu lui avait promis qu'il ferait sa proie de l'un de ces deux groupes : soit la caravane, soit l'armée ennemie. Dans son commentaire sur le verset 6, Al-Baidhawi explique que, si les musulmans n'étaient pas disposés à combattre, c'était parce qu'ils considéraient qu'ils étaient trop peu nombreux,  qu'ils n'avaient que deux cavaliers et qu'ils ne s'étaient pas préparés à combattre. Dans son commentaire sur la sourate 54, 44-45, il dit que, par la suite, ‘Umar a déclaré qu'il n’avait compris le sens de ce verset qu'au moment où il vit Mahomet revêtir son plastron le jour de la bataille. La sourate 8, 5 précise que, au début, les musulmans craignaient ce jour-là d'attaquer les Quraïch ; voici en effet ce qu'elle dit : « Ils contestent la vérité – bien qu'on la leur eût montrée clairement – comme si on les avait poussés à la mort, et ils demeuraient dans l'expectative ». Voici ce que dit Ibn Hishâm à propos de cet événement  : « Lorsque que l'Apôtre de Dieu appris qu’Abu Sufyan arrivait de Syrie, il exhorta les musulmans à aller les attaquer, et il dit : "C'est une caravane des Quraïch dans laquelle ils transportent leurs richesses. C'est pourquoi, allez l'attaquer ; peut-être Dieu vous offrira-t-il leur butin". Et c'est ainsi que ces hommes furent incités à attaquer la caravane. Certains d'entre eux étaient pleins de zèle (légers), d'autres l’étaient beaucoup moins (lourds), et cela parce qu'ils n'avaient pas pensé que l’Apôtre de Dieu se lancerait dans une bataille. Et lorsqu’Abu Sufyan s'approcha du Hijaz, il ne cessait de s'informer et d'interroger les cavaliers qu'il rencontrait, parce qu'il s'inquiétait à cause de ces hommes (c'est-à-dire des disciples de Mahomet) ; puis certains voyageurs l'informèrent que Mahomet avait rassemblé ses Compagnons (?????) contre lui et contre sa caravane. C'est pourquoi il se mit alors sur ses gardes. Et il fit venir Zamzam ibn 'Amri'l Ghaffari, et il l'envoya à La Mecque. Et il lui ordonna d'aller voir les Quraïch et de les rassembler pour [défendre] ce qui leur appartenait, et les informer que Mahomet marchait contre eux (c'est-à-dire la caravane d'Abu Sufyan) avec ses Compagnons ». Et c'est ainsi qu'un grand nombre de Quraïch sortirent pour défendre ce qui leur appartenait. Dans le même sens que ces deux récits, le Hayatu'l Qulub  nous dit que Mahomet informa ses Compagnons que la caravane était passée et que les Quraïch s'avançaient vers eux, et que le Dieu Très-Haut lui avait ordonné de faire contre eux une djihad. Entendant cela, ses Compagnons prirent peur et furent très angoissés. Ailleurs, l'auteur de ce récit dit que, lorsque les compagnons de Mahomet apprirent que les Quraïch étaient sortis en grand nombre, ils eurent très peur, il poussèrent des cris de frayeur et pleurèrent. Et c'est ainsi que, pour les encourager et leur donner le courage de se battre virilement dans une bataille dont dépendaient tant de choses, Mahomet a répété la sourate 54, 44-45. Ce fut là une sage décision, telle que l'aurait prise n'importe quel autre général, à la différence que Mahomet a affirmé que son message d'encouragement et de promesse d'une victoire venait de Dieu. Enflammés par de telles paroles, les musulmans se battirent bravement et remportèrent une grande victoire. Mais il ne s'agissait en aucune manière d'un miracle. Et on ne peut non pas plus qualifier vraiment de prophétie les paroles d'encouragement prononcées par Mahomet.

Nous allons maintenant étudier les passages qui relèvent de la seconde catégorie. Il nous est affirmé que certains de ces passages prédisent que le Coran sera à jamais préservé dans sa totalité et qu'il sera protégé de toute altération. Après avoir cité la sourate 15,9 : « Nous avons fait descendre le Rappel ; nous en sommes les gardiens », l'auteur de l’Izharu'l Haqq  dit à ce propos : « C'est-à-dire (pour empêcher) toute altération, addition ou soustraction à ce qui a été transmis en succession... par les Réciteurs de l'époque. Et tout s'est passé exactement comme cela avait été annoncé. Et c'est ainsi qu'aucun infidèle, aucun paresseux ni aucun karmatite (????????) n'a pu, jusqu'au jour où nous vivons, en modifier une quelconque partie, ni l'une quelconque des lettres qui en constituent les fondements, ni l'un quelconque de ses sens, ni l'un quelconque de ses points-voyelles ». Ceux de nos lecteurs qui auront lu le chapitre 3 de la IIe Partie du présent Traité, et qui se rappellent comment ‘Uthman a détruit tous les anciens codex du Coran, pourront juger cette affirmation à sa juste valeur. Si elle est vraie, alors un grand nombre des Traditions (??????) acceptées sont fausses car, comme nous l'avons vu, elles déclarent que certains versets du Coran, par exemple le verset sur la lapidation, ont été perdus. On ne voit donc pas comment, si la sourate 15, 9 devait être considérée comme une prophétie, elle peut être considérée comme accomplie. Il apparaît donc que cette seconde catégorie de prétendues prédictions est, comme la première, sans aucune valeur réelle pour prouver l'Inspiration du Coran ni le Mandat prophétique de Mahomet.

La troisième catégorie ne comporte qu'un seul passage : la sourate 30, 1-4, qui, dans les exemplaires habituels du Coran, dit ceci : « Les Romains (en anglais : « Les Byzantins » ; MK : « Les Grecs ») ont été vaincus dans le pays voisin ; mais, après leur défaite, ils seront vainqueurs dans quelques années. Le commandement appartient à Dieu, avant comme après cela. Ce jour-là, les croyants se réjouiront de la victoire de Dieu. Il donne la victoire à qui il veut ; il est le Puissant, le Miséricordieux ». Certains musulmans avancent qu'il s'agit là d'une prophétie tellement importante et manifeste que l'on ne peut pas mettre en doute que Mahomet ait été un prophète. Ils nous disent que le premier verset se rapporte à la défaite des Byzantins en Syrie, vaincus par les Perses dirigés par Khusrau Parviz. On nous dit que, lorsque la nouvelle de cette victoire des Perses parvint à La Mecque, les polythéistes se réjouirent et dirent : « Les musulmans et les chrétiens sont les gens du Livre, alors que nous et les Perses sommes des Gentils qui n'avons pas de Livre ». C'est alors que ce passage fut révélé, prédisant que les Byzantins vaincraient bientôt les Perses. Abu Bakr paria avec Ubai ibn Khalaf que cette prédiction serait accomplie dans un délai de trois ans ; cependant, lorsque Mahomet lui eut dit que le mot ???? utilisé au verset 3 (« dans [[MK : l’espace de]] quelques années ») signifiait une période de 3 à neuf ans,  il modifia les termes du pari. Il nous est dit que, sept ans après avoir été vaincus, les Byzantins [[les Romains / les Grecs]] remportèrent une victoire sur leurs ennemis et qu’Abu Bakr reçut des héritiers d’Ubai, entre-temps décédé, le montant du pari. Telle est l'histoire. Considérons maintenant dans quelle mesure elle est probante, pour autant que nous admettions que ces versets furent composés avant les succès des Byzantins et que l'interprétation du texte habituel du Coran est exacte.

L’histoire nous apprend que les Perses ont vaincu les Grecs (ou Byzantins) en Syrie la sixième année avant l'Hégire, c'est-à-dire en 615 av. J.-C. Comme cette défaite a eu lieu « dans le pays voisin » de la Mecque, la nouvelle a dû y parvenir en quelques jours. Dans son commentaire, Al-Baidhawi nous dit que cette prophétie fut accomplie lorsque les Byzantins vainquirent les Perses « le jour de Al Hudaibiyyah ».

Or le traité d’Al Hudaibiyyah fut conclu au mois de Dhu'l Qa'dah de l'an 6 de l'Hégire (c'est-à-dire en mars 628 ap. J.-C.). Par conséquent, si ce commentateur à raison, il s'est passé non pas 7 ans mais 12 ans entre ces deux événements. Si donc Mahomet a expliqué que ???? signifiait une période de 3 à 9 ans, la réalité ne confirme pas son affirmation. Il n'était absolument pas difficile, pour quelqu'un de bien informé, de prédire la victoire ultime des Byzantins. Sans doute les Quraïch furent-ils surpris que les Perses aient, au début, remporté quelques succès, et c'est pour cela qu'ils furent ravis d'apprendre cette victoire. Il est probable qu’Abu Bakr fit son pari avant même d'avoir consulté Mahomet. Si c'est bien le cas, lui-même  et Mahomet étaient convaincus que les Byzantins finiraient quand même pas vaincre leurs ennemis, pour la simple raison que, à l'époque, l'empire perse était manifestement très instable. Entre la mort de Anoushiravan (en 578 après Jésus-Christ) et le renversement de Yasdijird III, en 642 après Jésus-Christ, à la bataille de Nahavand, pas moins de 14 souverains s'étaient succédé sur le trône de Perse, dont beaucoup furent assassinés après un règne très court. Au cours des cinq années séparant la mort de Khusrau Parviz (en 627 ap. J.-C.) et l'accession de Yasdijird III (en 632 ap. J.-C.), onze monarques se succédèrent sur le trône de Perse. Manifestement, un pays sujet à de telles perturbations internes n'était pas préparé à résister longtemps aux armes des Byzantins et, cela, Mahomet n'avait pas de mal à s'en rendre compte. Nous pouvons dater le commencement des succès des Byzantins, sous l'empereur Héraclius, de l'année 625 de l'ère chrétienne, et non pas deux ans plus tard, comme le fait Al-Baidhawi. Pourtant, même dans ces conditions, cette victoire était survenue dix ans après la défaite, et non pas entre trois et neuf ans.

Un fait mentionné dans la Siratu'r Rasul d'Ibn Hishâm nous montre bien que Mahomet était effectivement conscient de la faiblesse des Perses. Il nous dit que, lorsque que Mahomet et les chefs des Quraïch tinrent une conférence en présence d'Abu Talib à la Mecque, avant l'Hégire, Mahomet essaya de les persuader de répéter la première partie du Kalimah et de renoncer à leur polythéisme, leur promettant la suprématie sur l'Arabie et la Perse à cette condition, disant : « Ô mon oncle, on me donnera un seul mot : par ce mot, tu posséderas l'Arabie et, par elle, la Perse se soumettra à toi » .

Mais Al-Baidhawi démolit tout cet argument des musulmans en nous informant de certaines interprétations différentes de ces versets de la Suratu'r Rum. Il nous dit que certains lisent ???????? à la place de ????????, comme on le fait habituellement, et ?????????????, à la place de ?????????????. Ce texte dirait alors : « Les Byzantins ont conquis la partie la plus proche du pays, et ils seront vaincus dans un petit nombre d'années », etc. Si c’est bien ainsi qu'il faut lire ce passage, tout le récit relatif au pari d'Abu Bakr avec Ubai ne peut être qu'une fable , puisqu’Ubai était mort bien avant que les musulmans ne commencent à vaincre les Byzantins, et même bien avant les victoires remportées par Héraclius sur les Perses. Cela montre à quel point on ne peut pas trop se fier à de telles Traditions. L'explication que donne Al-Baidhawi, c'est que les Byzantins furent les conquérants du « pays bien irrigué de la Syrie » (??? ??? ??????) et que ce passage prédisait que les musulmans ne tarderaient pas à les vaincre. Si tel est bien le sens de ce passage, la Tradition qui place la « descente » de ces versets environ six ans avant l'Hégire se trompe nécessairement, et ce passage doit dater, au plus tôt, de l'an six de l'Hégire. Il est bien clair que, comme les points-voyelles n'étaient pas utilisés lorsque le Coran fut écrit, à l'origine, en lettres coufiques, nul ne peut être certain de l'authenticité de l'une ou l'autre de ces deux versions. En conclusion, nous avons constaté que l’incertitude est si grande à propos (1) de la date de la « descente » de ces versets, (2) de la version correcte qu'il faut lire et (3) du sens de ce passage, qu'il est tout à fait impossible de démontrer que celui-ci contient une prophétie qui s’est effectivement réalisée. Par conséquent, il ne saurait être considéré comme une preuve du mandat prophétique de Mahomet.

Il s'ensuit que, lorsqu'on l'examine de près, tout l'argument fondé sur la prétendue dimension prophétique du Coran ne tient pas. Pour bien le comprendre, il suffit de comparer ces vingt-deux passages du Coran à la très grande série de prophéties relatives au Messie que l'on trouve dans l'Ancien Testament, ou à celles qui concernent Israël tant dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau, ou celles que l'on trouve dans l'Apocalypse qui se sont déjà réalisées : par exemple Apocalypse 9 et aussi Apocalypse 14, 6.

Les musulmans allèguent une autre preuve de l'inspiration divine du Coran : celui-ci, en effet, donnerait des informations inédites à propos des temps anciens et de nations disparues. Si l'on pouvait s'y fier, ces informations seraient effectivement intéressantes ; mais il nous faut les vérifier – tout comme un marchand vérifie les pièces de monnaie qu'on lui présente – avant d’admettre qu'elles sont exactes. L’or pur n'a aucune raison de craindre d'être éprouvé : il ressort intact de tous les essais possibles et du feu le plus brûlant, pour être accepté comme tel. Voyons s'il en va de même pour les affirmations historiques que l'on trouve dans le Coran.

L'existence des anciennes tribus arabes des 'Ad et des Thamud nous est connue par ce que nous en ont dit deux anciens auteurs grecs : Ptolémée et Diodore de Sicile. Aux informations dont nous disposons déjà, le Coran ajoute très peu qui puisse être considéré comme historique. De nombreuses grandes découvertes faites ces derniers temps ont complètement confirmé ce que la Bible nous dit des nations beaucoup plus anciennes de l'Égypte, de Babylone et de l’Assyrie, mais aucune découverte comparable n'a corroboré ce que dit le Coran à propos des 'Ad et des Thamud. De ce fait, les spécialistes pensent qu'il est hautement probable que ce que Mahomet a enseigné à propos de ces tribus provient des livres des Sabéens (??????????), que le Coran appelle les « Livres d'Abraham » (????? ??????? – sourate 87, 19).  Il semble que, par la suite, Mahomet ait découvert que ces livres étaient des faux, et c'est pour cela que, environ quatre ans après qu'il eut affirmé être prophète, il cessa de les mentionner. Il est possible que Huud, Saleh et Shu'aib aient été des prédicateurs chrétiens qui furent rejetées par les tribus arabes auxquelles ils avaient été envoyés. Comme il n’est fait mention d’eux nulle part ailleurs, nous ne pouvons rien dire de l'époque à laquelle ils ont vécu, pour autant qu'ils aient jamais existé. Le Coran nous dit très peu de choses à leur propos.

Selon les spécialistes, ce que dit le Coran à propos d'autres personnes dont nous connaissons l'existence par l'histoire et qui ont vécu bien avant l'époque de Mahomet n'est pas toujours tout à fait exact, aussi nous faut-il attendre des corroborations pour admettre que ces affirmations sont historiquement exactes. Par exemple, une bonne partie de ce que le Coran affirme à propos d'Abraham ne correspond pas à ce qu'en dit la Torah, alors que le Coran prétend avoir été « descendu » précisément pour confirmer la Torah. Par exemple, l'histoire selon laquelle Abraham aurait été jeté dans un feu et en serait sorti sain et sauf est reprise d'une fable juive, laquelle provient d'une erreur de traduction d'un mot particulier de la Genèse. Cela a été prouvé par l'auteur du Masadiru'l Islam [Yanabiu'l u'l Islam – Original Sources of the Qur'an]. Le père d'Abraham ne s'appelait pas Azar (sourate 6, 74), mais Tharé (Genèse 11, 26). Semblablement, dans la sourate 7, 130, nous lisons que Dieu a envoyé « le Déluge » (????????) sur les Égyptiens à l'époque de Moïse. L'emploi, dans ce passage, de l'article défini nous amène à nous demander s'il s'agit du même déluge que celui de Noé, qui est mentionné dans la même sourate (7, 62). Dans la sourate 3, 30-44 il est clairement dit que Myriam [[Marie]], fille de ‘Imram (sourate 3, 35) et sœur d’Aaron (sourate 19, 28 ; comparer Exode 15, 20 et Nombres 26, 29) est la même femme que Marie, la Mère du Seigneur Jésus-Christ (comp. sourate 19, 34), qui vécut quelque 1 400 ans plus tard. Dans le Kit'l Adab, Muslim dit que les chrétiens de Najran ont fait remarquer cette erreur historique à Al Mughairah. Celui-ci consulta Mahomet sur cette question mais ne put en obtenir une réponse satisfaisante et, depuis plus de 1 300 ans, celle-ci n'a pas encore été trouvée par les oulémas de l'islam.

Dans la sourate 18, 82-98, nous lisons un récit relatif à Dhou al Qarnaïn. Ibn Hishâm  et Al-Baidhawi l'identifient à Alexandre le Grand de Macédoine. Voici ce qu'écrit Al-Baidhawi : « Dhou al Qarnaïn, c'est-à-dire Alexandre le Grec, roi de Perse et de Grèce, appelé aussi roi de l’Orient et de l'Occident, et c'est pourquoi il fut appelé Dhou al Qarnaïn ; ou alors parce qu’il soutenait les deux cornes du monde, son Orient et son Occident ; et l'on dit aussi que c'est parce que, le temps de sa vie, deux générations d'hommes ont passé ; et on dit aussi qu'il avait deux cornes, c'est-à-dire deux boucles de cheveux ; et on dit aussi que sa couronne avait deux cornes. Et il est probable qu'on lui a donné ce titre à cause de sa bravoure, de même qu'un chef héroïque est appelé le Bélier, comme s'il renversait ses adversaires. Et les avis divergent pour savoir s'il était un prophète, mais tout le monde est d'accord sur ses convictions et sur son intelligence. »

La vie humaine devait être extrêmement courte à cette époque si Alexandre a vécu le temps de deux générations, car il n'avait que 33 ans lorsqu'il mourut à Babylone, après une orgie, en 323 av. J.-C. Il n'était certainement pas un prophète et il ne croyait pas même en le seul vrai Dieu  ; au contraire, c'était un idolâtre et, en fait, il a prétendu être le fils du dieu égyptien Amon. En tout cas, il n'a certainement pas vu le soleil se coucher « dans une fontaine boueuse » (??? ?????? ???????? — sourate 18, 84) ou, si nous adoptons la version retenue par Ibn 'Amir, Hamzah, Al Kasa'i et Abu Bakr , « dans une source bouillante – ??? ?????? ????????? », car nous savons que le soleil ne tourne pas autour de la terre, comme l'imagine manifestement l'auteur de ce verset, pour se coucher dans un quelconque lieu de ce genre. Il n'est pas vrai non plus que l'Alexandre que nous fait connaître l'histoire authentique, par opposition à la fable, a construit un mur de fer et d’airain entre deux montagnes (cf. sourate 18, 95).

Pourtant, Al-Baidhawi et d'autres auteurs musulmans ont sans doute raison de dire qu'Alexandre est la personne à qui le Coran donne le titre de Dhou al Qarnaïn ; la comparaison avec un bélier explique l'origine de ce titre. En Daniel 8, 3-4, il est question d'un bélier « heurtant de ses cornes vers l’occident, vers le septentrion et vers le midi » et à qui nul ne pouvait résister. Manifestement, la personne qui a composé cette sourate avait entendu parler de ce bélier, et il a pensé qu'il représentait Alexandre, qui est mentionné dans le même chapitre. Mais, sur ce point, il se trompait car Daniel 8, 20 nous précise que, si ce bélier avait deux cornes, « ce sont les rois de Médie et de Perse », alors que, dans le même chapitre, le monarque macédonien est présenté comme « la grande corne entre les yeux du bouc velu » qui a renversé le bélier, c'est-à-dire qui a conquis l'ensemble de l'empire perse (cf. Daniel 8, 5-7. 21). En arabe, l'emploi du mot « bélier – ??? » dans le sens de « chef héroïque » (comme le dit Al-Baidhawi) a provoqué cette confusion dans l'esprit de la personne qui a donné à Alexandre le Grand, dans le Coran, ce titre de Dhou al Qarnaïn. Il est possible de vérifier ce que le Coran dit d'Alexandre parce que celui-ci a vécu dans la pleine lumière de l'histoire. Il est bien connu qu'il eut pour tuteur le célèbre philosophe Aristote. Arrien, Quintus Curtius et d'autres historiens de renom ont écrit l'histoire des exploits d'Alexandre, sur lesquels il n'existe aucune incertitude. Par conséquent, lorsque des hommes instruits constatent que le Coran contient tant d'inexactitudes à propos de ce roi, dont l'histoire est bien connue, il est tout à fait naturel qu'ils hésitent à admettre la valeur et même la fiabilité de ce que dit le Coran à propos d'autres éléments de l'histoire passée.

Le Coran dit que c'est la femme de pharaon qui a adopté Moïse (cf. sourate 38, 8) alors que, dans la Torah, Moïse lui-même dit qu'il fut adopté par la fille de Pharaon (cf. Exode 2, 5-10). Dans plusieurs passages du Coran, il nous est dit que Haman (Aman – ?????) était étroitement associé à Pharaon et qu'il était à son service  ; mais le Livre d'Esther  nous apprend que Haman était le favori d'Ahasuerus (c'est-à-dire Xerxès, ainsi que l'appelaient les Grecs), qui vécut en Perse plusieurs centaines d'années plus tard et non pas en Égypte à l'époque de Pharaon. Semblablement, selon le Coran, Pharaon dit à Haman de construire une tour de briques dont le sommet atteindrait jusqu'au ciel (cf. sourates 28, 38 ; 40, 38-39). Mais Genèse 11, 1-9 nous apprend que c'est à Babylone que fut construite cette fameuse tour, de nombreuses générations avant l’époque de Pharaon.

Il nous est dit que le Veau d'Or adoré par Israël dans le désert à l'époque de Moïse fut fabriqué par « les Samaritains » (????????? – sourate 20, 87. 96). Mais la ville de Samarie ne fut construite que plusieurs siècles après la mort de Moïse (cf. I Rois 16, 24). Manifestement, l'auteur de cette sourate a fait une confusion, dans son esprit, entre le Veau d'Or fabriqué par les Israélites dans le désert et les deux veaux d'or qui furent, plus tard, adorés dans le royaume d’Israël, après l'époque de David et de Salomon (cf. I Rois 12, 28). Mais même ces deux veaux ne furent pas fabriqués par un Samaritain, puisque la ville de Samarie n'était pas encore construite. Par contre, lorsqu'elle eut été construite, elle devint la capitale du royaume de ce nom, et ce fait explique en partie l'erreur historique très grave et notable que nous mentionnons ici.

La sourate 2, 250 nous parle d'un certain incident qui s'est produit dans l'histoire d'Israël : il s'agissait de choisir un groupe de guerriers en observant de quelle manière ils buvaient l'eau d'un ruisseau. Le Coran dit que cet événement eut lieu à l'époque de Saül (?????), en rapport avec la victoire de David sur Goliath. Mais la Bible précise bien qu'il se produisit bien longtemps auparavant, à l'époque de Gédéon [[cf. Juges 7, 4-8]].

Dans la sourate 18, 8-26, nous trouvons l'histoire des Compagnons de la Caverne. Mais l'auteur du Masadiru'l Islam [Yanabiu'l Islam – Original Sources of the Qur'an] a démontré l'origine de cette fable. Il est certain que, au « Temps de l'Ignorance », certains chrétiens très crédules et ignorants y ont cru, et c’est d’eux que les habitants de La Mecque et l'auteur de cette sourate ont appris ce conte. En effet, on retrouve cette histoire dans les ouvrages de plusieurs auteurs syriaques ainsi que dans de nombreuses légendes à propos de moines. En Europe, c'est une histoire qu'on raconte aux enfants pour les distraire. Cette fable a pris différentes formes, mais son origine a été découverte dans la légende que rapporte un auteur grec païen : Diogène Laertius, vers 200 ap. J.-C., à propos du long sommeil d'Épiménide  : c’était un jeune Grec païen qui dormit plusieurs années dans une caverne. Diogène Laertius cite différents auteurs grecs qui donnent des durées très différentes à la vie de ce jeune Grec.

Il n'est certainement pas nécessaire citer d'autres passages du Coran que des gens instruits ont qualifiés d’anachronismes ou d’inexactitudes historiques. Cependant, sur la base de ce que nous avons déjà dit, le distingué lecteur de ces pages aura bien compris qu’il n'est pas avisé d’invoquer les informations contenues dans le Coran à propos des temps anciens et de nations disparues pour prouver que ce livre est inspiré et que Mahomet a reçu un mandat de prophète.

Un autre élément avancé pour prouver que le Coran fut inspiré est qu'il serait remarquablement dénué de toute contradiction interne. Certains musulmans disent que, dans un livre aussi important, il aurait dû y avoir de nombreux passages qui se contredisent mutuellement, si ce livre n'était pas d'origine divine. Pourtant, des gens instruits ont relevé de nombreuses contradictions dans le Coran. Certaines sont peu importantes, d'autres le sont beaucoup plus. À titre d'exemple de contradiction peu importante, il suffira de demander à nos distingués lecteurs de comparer la sourate 56, 13-14  avec les versets 39 et 40  de la même sourate. L'explication qu'a essayé d'en donner Al-Baidhawi et la Tradition mentionnée par Zamakhshari à ce propos ne sont pas tout à fait satisfaisantes. Mais ce n'est là qu'une bagatelle. Nous allons maintenant mentionner quelques-unes des contradictions qui sont particulièrement graves.

Dans la sourate 4, les versets 51 [[DM 48]] et 116 nous disent que le seul péché que Dieu ne pardonnera jamais est le shirk (??????), c'est-à-dire le fait d’attribuer des associés à Dieu. Pourtant, dans la sourate 6, 76-78, il nous est dit qu'Abraham, l'Ami de Dieu, fut coupable, précisément, de ce péché. Tous les musulmans considèrent qu'Abraham fut un prophète et ils jugent très sévèrement ceux qui nient que tous les prophètes aient été sans péché (???????). S'il est vrai que le péché impardonnable est d'adorer tout autre que Dieu, le Coran n'en enseigne pas moins qu’Azazel – ou Iblis – se déconsidéra aux yeux de Dieu parce qu'il refusait d'adorer Adam (cf. sourates 2, 31 ; 7, 10 ; 17, 63 ; 18, 48 ; 20, 115).

Le Coran condamne à juste titre l'hypocrisie (cf. sourates 2, 78 ; 4, 137 ; 9, 65-69 ; 58, 13). Il dit que le niveau plus bas de l'Enfer est réservé aux hypocrites (cf. sourate 4, 144). On admettra que les gens qui, contraints et forcés, font semblant de changer de religion et, de ce fait, professent de leurs lèvres quelque chose à quoi ils ne croient pas au fond de leur cœur sont des hypocrites. Mais le Coran ordonne aux musulmans de forcer les gens à accepter l'islam, c'est-à-dire à devenir des hypocrites. En effet, nous trouvons plusieurs passages qui font devoir aux musulmans, dans certaines circonstances, de mener une djihad. Ils doivent alors se battre jusqu'à ce que tous leurs adversaires païens soient contraints d'embrasser l'islam, sauf à être tués. Cependant, les « Gens du Livre » peuvent être épargnés « s’ils paient le tribut après s’être humiliés » (sourate 9, 29 ; comp. les versets 5 et 41 ; comp. sourates 5, 39 ; 61, 11 ; 22, 77). Condamner l'hypocrisie et, en même temps, ordonner aux musulmans de forcer les hommes à devenir des hypocrites, cela semble, pour la plupart des gens, parfaitement contradictoire.

Le Coran condamne dans une certaine mesure la luxure puisque, dans la sourate 79, 40, nous lisons : « Quant à celui qui aura redouté de comparaître devant son Seigneur et qui aura préservé son âme des passions, le Paradis sera son refuge ». Pourtant, dans d'autres sourates, ce même livre autorise aux musulmans la polygamie, le divorce et la possession d'esclaves femmes comme concubines (cf. sourate 4, 29). En outre, dans le domaine du mariage, une indulgence spéciale fut accordée à Mahomet lui-même (cf. sourates 33, 37-38. 49-51), et cela tenait sans doute à certaines de ses inclinations dont les Traditions parlent trop clairement pour que nous les citions ici. Et même pour ceux qui ne sont pas esclaves de la luxure ici-bas, sur la terre, la principale récompense qui leur est promise au Paradis, s'ils sont de fidèles musulmans, c'est une indulgence illimitée dans ce domaine (cf. sourates 55, 46-78  ; 56, 11-30  ; voir aussi Mishkatu'l Masabih, "Sifatu'l Jannat'') . En la matière, il s'agit de quelque chose de bien pire qu’une contradiction – quoiqu’il y ait aussi, certainement, contradiction. Indubitablement, si la luxure est une mauvaise chose sur la terre, si elle est détestable à Dieu, le Saint, elle ne peut pas lui être agréable au Paradis.

Le vin est interdit aux musulmans ici sur la terre (cf. sourate 5, 92 ; comp. sourate 2, 216) mais, au Paradis, « des fleuves de vin » leur sont promis (sourate 47, 16 ; cf. 76, 5 ; 83, 25).

On ne peut pas non plus dire qu'il n'y a pas de contradictions dans ce que dit le Coran à propos du Seigneur Jésus-Christ. Certains passages le présentent comme un homme comme les autres et comme un prophète, semblable à l'un quelconque des principaux prophètes, et nient absolument sa divinité (cf. sourates 3, 52 ; 5, 19. 109-110 ; 43, 59). Par contre, d'autres Lui accordent des titres plus élevés que ceux qui sont donnés à tout autre être humain, certains d'entre eux – comme par exemple « le Verbe de Dieu » (???? ????, comp. sourate 4, 169) – étant tels qu'on ne peut en aucune manière les attribuer à une quelconque créature. Pour ce qui est du Christ, seul le Coran dit qu'Il est né d'une Vierge (cf. sourate 21, 91), qu'il fut « illustre en ce monde et dans la vie future » (sourate 3,40 [[DM 45]]) . Pour expliquer les termes employés dans la sourate 3, 31 , la tradition citée par Muslim et à laquelle se rapporte Al Ghazzali explique que Satan assiste à la naissance de tout enfant né dans le monde, mais qu'il ne fut pas présent à la naissance de Jésus ni de Sa mère (cf. Mishkatu'l Masabih, Kitab I, Bab III. 1, et Kitab XXV, Bab I. 1).

Le Coran atteste de miracles du Christ (cf. sourate 2, 254, etc.), et il affirme même qu’Il a CRÉÉ  un oiseau avec de l'argile (cf. sourate 3, 43), alors que le pouvoir de créer est l'un des Attributs divins. Il est le seul des grands Prophètes à qui le Coran n'impute aucun péché. De nul autre Prophète le Coran ne dit que sa naissance s'est faite par l'opération de l’Esprit de Dieu (cf. sourate 21, 91), qu'il fut « un signe pour les mondes » (ibid.) et qu'il fut « un Esprit émanant de lui », c'est-à-dire de Dieu (sourate 4, 169). Tous les autres Prophètes sont morts, mais le Coran nous informe que le Seigneur Jésus fut élevé vivant au ciel (cf. sourate 4, 156) ; et les musulmans sont d'accord avec les chrétiens pour croire qu'Il continue à vivre au ciel et qu'Il reviendra à la fin du monde. Le Christ n’a pas eu besoin qu'on lui ouvre le cœur, qu'on le débarrasse de son fardeau (comme cela est dit de Mahomet dans la sourate 94, 1-3 ), que ses péchés sont pardonnés (par opposition à ce qui dit à la sourate 47, 21). Et Son peuple prie Dieu d’avoir pitié de lui, disant : « Ô Seigneur, aie pitié de lui et donne-lui la paix » . Sur tous ces points et bien d'autres encore, les musulmans, conformément à ce qu'affirme le Coran, admettent la différence qui existe entre le Christ et tous les autres Prophètes – et tous les autres êtres humains. Le Coran n'attribue pas même à Mahomet une dignité aussi grande que celle qu’il accorde au Christ. Et pourtant, il ne fait pas de doute que le Coran a pour objectif de substituer Mahomet au Christ à la tête de la race humaine. Il y a là quelque chose de très contradictoire puisque le Coran n'attribue pas à Mahomet une naissance miraculeuse, l'impeccabilité, le pouvoir d'opérer des miracles non plus qu'un caractère vraiment noble et saint, comme nous le montrerons dans un chapitre ultérieur et à la fin du présent chapitre.

L'une des principales doctrines du Coran est que c'est le destin qui décide de toutes les actions des hommes et de leur bonheur ou de leur malheur dans l’au-delà. C'est ainsi que nous lisons dans la sourate 17, 14 : «Nous attachons son destin au cou de chaque homme. Le Jour de la Résurrection, nous lui présenterons un livre qu’il trouvera ouvert ». Dans les sourates 14, 4 et 74, 33, il est affirmé : « Dieu égare qui il veut ; il dirige qui il veut ». Nous retrouvons ce même enseignement dans les sourates 2, 5-6 ; 4, 90 ; 6, 125 ; 7, 177-178 et ailleurs encore. Selon les sourates 7, 178 ; 11, 120 et 32, 13, Dieu a dit : « Celui que Dieu dirige est bien dirigé ; quant à ceux qu’il égare, voilà les perdants. Nous avons destiné à la Géhenne un grand nombre de djinns et d'hommes », et c'est là le dessein dans lequel il les a créés. Pourtant, d'autres passages nous disent que, dans le monde à venir, les hommes seront récompensés pour avoir été musulmans ici sur la terre, et châtiés pour ne l’être pas devenus. Si toute action a été déterminée à l'avance, et si l'homme n'a aucun libre arbitre, il est évident qu'il ne peut y avoir, de la part de l'homme, ni mérite ni démérite, ni bien ni mal, ni récompense ni châtiment ; ces deux derniers mots impliquent en effet qu'on a mérité le bien ou le mal. En outre, les commandements et les interdictions n'ont plus aucun sens puisque l'homme n'a aucun pouvoir d'obéir ou de désobéir si le Destin a tout fixé à l'avance. Pourtant, le Coran, qui affirme venir du Dieu Très-Sage, contient à la fois des commandements et des interdictions. Dans certains passages, le Coran dit à Mahomet que ses efforts pour convertir les hommes à Dieu sont inutiles car Dieu lui-même a fait en sorte qu'il leur soit impossible de croire. Par exemple, dans la sourate 2, 5-6, il est écrit : « Quant aux incrédules, il est vraiment indifférent pour eux que tu les avertisses ou que tu ne les avertisses pas ; ils ne croient pas. Dieu a mis un sceau sur leur cœur et sur leurs oreilles ; un voile est sur leurs yeux et un terrible châtiment les attend ». Néanmoins, le Coran fait injonction de tenter de les convertir, non pas par la force mais par la douceur. C'est ainsi qu'on lit dans la sourate 2, 257 : « Pas de contrainte en religion ! »

Dans la sourate 24, 54, on trouve cette injonction faite à Mahomet : « Dis : "Obéissez à Dieu ! Obéissez aux prophètes !" S'ils se détournent, le prophète n'est alors responsable que de ceux dont il est chargé et vous n'êtes responsables que de ceux dont vous êtes chargés. Si vous lui obéissez, vous serez bien dirigés ; il incombe seulement au prophète de transmettre en toute clarté ces messages ». Semblablement, dans la sourate 88, 21-22, voici ce qui est enjoint à Mahomet : « Fais entendre le Rappel ! Tu n'es que celui qui fait entendre le Rappel et tu n'es pas chargé de les surveiller ». Mais, ailleurs, le Coran enseigne exactement le contraire : tout le monde en effet sait que celui qui est appelé « le Prophète au Glaive » a affirmé que Dieu lui avait ordonné de diffuser l'islam par la force. Cela est enseigné dans des passages tels que les sourates 2, 86-89. 212 ; 4, 76. 91 ; 8, 40 ; 48, 16 ; 66, 9.

Nous constatons donc que, en la matière, les contradictions s'accumulent. Il ne sert à rien de dire que les versets ultérieurs annulent certains des versets antérieurs, ainsi que nous le lisons dans la sourate 2, 100 . Cela revient à admettre que, dans le Coran que nous connaissons actuellement, il y a tant de contradictions internes qu'il faut trouver un quelconque moyen d'expliquer leur existence. Un bel exemple nous en est offert par la comparaison entre la sourate 2, 59 ([[D. M. 2, 62]] et la sourate 3, 79 [[D. M. 3, 85]]. La première nous dit que les musulmans, les juifs, les chrétiens et les sabéens seront sauvés : « Ceux qui croient, ceux qui pratiquent le judaïsme, ceux qui sont chrétiens ou sabéens, ceux qui croient en Dieu et au Dernier Jour, ceux qui font le bien : ceux-là trouveront leur récompense auprès de leur Seigneur. Ils ne seront pas affligés ». Le second passage affirme que seuls les musulmans possèdent la vraie religion : « Le culte de celui qui recherche une religion en dehors de l'islam (la soumission) n'est pas accepté. Cet homme sera, dans la vie future, au nombre de ceux qui ont tout perdu ». Il serait facile d'évoquer d'autres contradictions que l'on trouve dans le Coran, d'autant plus que certains musulmans érudits admettent qu’il n'y a pas moins de 225 versets qui ont été abrogés. Bon nombre de ces versets abrogés inculquaient la justice et la tolérance religieuse. Il nous est demandé de croire que le Dieu Immuable aurait, après coup, sanctionné l'oppression et la persécution et imposé aux musulmans la guerre, même contre leur volonté, afin que leur religion fût imposée par la force à d'autres hommes (comp. sourates 2, 212-213 ; 9, 5. 29).

Il y a encore une catégorie très importante de contradictions que l'on trouve dans le Coran et que les musulmans devraient étudier soigneusement : nous voulons parler de contradictions entre le Coran et la Bible. Nous avons déjà vu que le Coran affirme avoir été « envoyé (descendu) » pour confirmer et protéger la Torah et l'Injil. Pourtant, il contredit absolument ces deux livres sur maints points. Entre autres sujets sur lesquels il y a contradiction absolue entre le Coran et la Bible, on évoquera de nombreuses doctrines essentielles de l'Évangile : par exemple, la mort du Christ sur la croix, conformément à la prophétie ; Son Expiation pour les péchés du monde entier ; Sa Nature divine ; Sa Résurrection ; le fait que Lui seul peut sauver les âmes des hommes. Il est bien évident qu'aucune Révélation ultérieure de Celui qui est Immuable ne peut changer Son éternel Dessein, le mode de Salut qu'Il a décidé, Ses Promesses, Sa Loi morale, Son propre Enseignement divin. En outre, le Coran prétend être une Révélation, et il nous est affirmé par ailleurs que Mahomet est un Prophète apportant un nouveau Message ; or ces deux éléments sont contraires à l'enseignement du Nouveau Testament, ainsi que le démontrent les paroles prononcées par Jésus-Christ lorsqu'Il a dit : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » , et aussi ce qu'a dit saint Paul : « Quand bien même un ange venu du ciel vous prêcherait un autre Évangile que celui que nous vous avons prêché, qu'il soit anathème ! »  Par conséquent, il est impossible qu'il y ait une nouvelle Révélation, qu'elle soit apportée par Gabriel ou par toute autre personne – ange ou homme. Sur cette question, le Coran se contredit lui-même car il commence par affirmer que la Bible est vraie et inspirée, et il enseigne ensuite quelque chose qui est contraire aux principales doctrines de la Bible.

Par ailleurs, le Coran se contredit sur de nombreux points moins importants en présentant certaines choses d'une façon différente de celle de la Bible – qu'il est venu confirmer. Par exemple, dans la sourate 19, 23, il nous est dit que le Christ est né sous un palmier, alors que l'Évangile raconte que sa naissance eut lieu dans un caravansérail et qu’Il fut couché dans une mangeoire (cf. Luc 2). Le Coran dit qu'Il parlait déjà alors qu'Il n'était qu'un tout petit enfant au berceau (cf. sourates 3, 41 ; 5, 109 ; 19, 39) et que, lorsqu'Il était jeune, il a créé des oiseaux avec de l'argile et les a fait voler (cf. sourates 3, 43 ; 5, 110). Ce sont là des miracles. Mais l'Évangile précise bien que, Son premier miracle, Il l'a opéré peu après le début de Son ministère, à l'âge de 30 ans (cf. Luc 3, 23 ; Jean 2, 11). Et puis encore, nous constatons que, en matière de devoir et de morale, il y a contradiction entre le Coran et l'Évangile (Injil). Le Christ a enseigné aux hommes d'aimer même leurs ennemis ; dans le Coran, Mahomet ordonne aux hommes de « combattre à la manière de Dieu » et de mener des djihads. Le Christ a dit : « À la résurrection, on n’épouse pas et on n’est pas épousé » (Matthieu 22, 30 ; cf. Marc 12, 25 ; Luc 20, 35), alors que le Coran enseigne que, au Paradis, il y aura, pour les musulmans, une indulgence quasiment illimitée en matière de licence.

Il n'est pas possible de réfuter cet argument en affirmant que les Saintes Écritures que les juifs et les chrétiens possèdent actuellement ont été corrompues : en effet, dans la première partie de ce Traité, nous avons donné une réponse complète à cette affirmation. S'il s'agissait d'un quelconque livre ne prétendant pas être une Révélation divine, comme se présente le Coran, il serait facile d’expliquer tout cela : tout le monde admettrait que le compilateur du livre ultérieur a été induit en erreur par des informations incorrectes sur le contenu des livres antérieurs ; que les personnes qui l’ont informé étaient des ignorants qui se référaient à des fables alors en cours au lieu de consulter la Bible elle-même. Cependant, dans le cas du Coran, nous ne sommes pas disposé à tirer une conclusion de ce genre. Nous préférons demander à nos amis musulmans de trancher eux-mêmes la question. Il se peut que le distingué lecteur de ces pages admette que notre étude du Coran ne nous a pas encore apporté une quelconque preuve décisive du fait qu'il s'agit d'un livre inspiré.

Si le Coran avait pour origine le Dieu Très-Haut, ces doctrines devraient, dans tous les cas, être plus élevées, plus nobles, plus dignes de Dieu, et relever d'une morale plus élevée que celle que l'on trouve dans l'Injil, tout comme les doctrines de l’Injil sont d’un niveau nettement supérieur, dans ces domaines, que ce qui a été enseigné dans la Torah. Mais ce n'est pas le cas. En effet, dans l'Injil, la récompense future promise aux gens fidèles à Dieu ne consiste pas à manger, à boire ni à se complaire dans d'autres délices charnelles ; il est question de joies spirituelles telles que la paix du cœur, la pureté, l'amour de Dieu et Son service. Ainsi, l'Injil nous enseigne que ceux qui, en ce monde, croient vraiment au Christ et demeurent fermes dans leur amour pour Dieu et leur obéissance à Dieu, Lui restant fidèles jusqu'à la mort, seront, à la fin, reçus dans le Lieu élevé et saint que le Christ a préparé pour eux. Demeurant ainsi à jamais en la présence divine, « ces serviteurs Le serviront ; et ils verront Sa face et Son nom sera sur leurs fronts » . L'Injil interdit tout recours à la contrainte en matière religieuse, et il donne à chacun la liberté d'accepter ou de rejeter la vérité pour lui-même. Si quiconque désire croire au Christ, la grâce du Saint-Esprit lui permet de le faire et de renaître dans l'Esprit – de recevoir une naissance spirituelle, une orientation et le salut. Ceux qui rejettent le Christ ne sont pas forcés de croire en Lui mais il leur est clairement dit que, en Le rejetant, ils prononcent leur propre condamnation . De même, contrairement au Coran, l'Évangile donne à ceux qui viennent à lui par le Christ le repos du cœur et l'assurance d'être acceptés auprès de Dieu. Tout vrai chrétien sait cela par expérience personnelle. Mais, selon le Coran, tout au long de sa vie, chaque homme doit toujours rester dans le doute et l'incertitude, ne sachant jamais s’il n’est pas l'une de ces malheureuses personnes que Dieu a condamnées au feu de l'Enfer et s’il n’a pas été créé à cette fin. L'Évangile (????????), comme le dit bien son nom, proclame la bonne nouvelle que Dieu n'a pas créé une seule créature pour la destruction et le malheur éternels et que, au contraire, il « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ».  Et, pour que cela soit possible, il a envoyé Son Fils unique dans le monde, « afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais ait la vie éternelle » . C'est pourquoi l'Évangile enseigne clairement que nul ne sera perdu pour toute éternité à l'exception de ceux qui, refusant l'amour et la miséricorde de Dieu qui lui sont offerts dans le Christ, ne veulent pas croire en Lui ni L'accepter comme le seul vrai Sauveur, comme le seul vrai Médiateur entre Dieu et l'homme, mais choisissent les ténèbres plutôt que la lumière, parce que leurs actes sont mauvais et qu’ils refusent de recevoir l'amour de la Vérité pour être sauvés.

Si le Coran était l’ultime et la plus parfaite Révélation donnée par Dieu à l'humanité, il devrait nous présenter, par rapport au Nouveau Testament, des conceptions plus dignes de la Sainteté, de la Justice et de la Miséricorde, des motifs moins égoïstes d'obéir aux Lois de Dieu, un enseignement plus spirituel concernant le péché, la voie du salut, la nécessité de la sainteté spirituelle, l'amour que Dieu nous porte et le besoin que nous avons de L'aimer, notre devoir envers Dieu et envers notre prochain, la nécessité d'avoir un cœur pur, ainsi qu'une image plus noble et plus sainte de la vie au Paradis. Nous laissons à ceux qui ont étudié à la fois la Bible et le Coran le soin de conclure si c'est bien le cas.

Lorsque l'on étudie le Coran sur le fond pour essayer de voir s’il vient ou non de Dieu, la question se pose : « S’il ne s'agit pas d'une Révélation divine, comment pouvons-nous l'expliquer ? » On trouvera une réponse complète à cette question dans le Masadiru'l Islam [Yanabiu'l Islam – Original Sources of the Qur'an (Les sources originelles du Coran)]. Certains érudits affirment que de nombreux récits que l’on trouve dans le Coran ainsi que de nombreuses fêtes et cérémonies religieuses pratiquées par les musulmans ont été empruntés à d'autres religions ; on trouvera la démonstration de cette affirmation dans le livre que nous venons de citer. Le lecteur qui souhaite être bien informé y trouvera des extraits des livres des zoroastriens, des hindous, des anciens Égyptiens et de bien d'autres peuples. Pour l'auteur du Masadiru'l Islam, il semble que, dans de nombreux cas, le Coran se soit approprié une partie des récits originaux. Il donne les raisons pour lesquelles il conclut que de nombreux éléments ont également pour origine des fables apocryphes et peu fiables qui, à l'époque de Mahomet, étaient couramment admises par les juifs et les chrétiens les plus ignorants, bien qu'elles ne trouvent aucun fondement dans la Bible.

Outre tout cela, il suffit de lire soigneusement les versets de Zayd ibn 'Amr ibn Nufail, cités par Ibn ‘Ishâq et Ibn Hishâm dans la Siratu'r Rasul,  pour voir que les éléments suivants, qui sont enseignés dans le Coran, l’étaient déjà par Zayd ibn 'Amr avant que Mahomet vienne affirmer qu'il était un prophète. Nous voulons en particulier parler des points suivants : (1) l'affirmation de l'unicité de Dieu ; (2) le rejet du culte d’Allat, d’Al ‘Uzza’ et d'autres divinités adorées par les Arabes païens ; (3) la promesse de bonheur au Paradis ; (4) l'avertissement que les méchants seront châtiés dans l’Enfer ; (5) l’affirmation de la colère de Dieu à l'égard de ceux qui ne croient pas ; (6) l'attribution à Dieu des titres suivants : Ar-Rahim [[le Tout-Miséricordieux]], Ar-Rahman [[le Très-Miséricordieux]] et Al-Ghafour [[le Tout-Pardonnant]] ; (7) l'interdiction de la pratique d'enterrer vivantes les filles à leur naissance. En outre, Zayd ibn 'Amr et l’autre hanif disaient qu'ils recherchaient la « religion d'Abraham ». Mahomet a affirmé qu'il était envoyé pour inviter les hommes à se convertir à la « religion d'Abraham » ; et le Coran dit à plusieurs reprises qu'Abraham lui-même était un hanif . En outre, le Kit'l Aghani est d’accord  avec la Siratu'r Rasul pour démontrer que Mahomet avait rencontré Zayd ibn 'Amr et avait discuté avec lui avant d'affirmer son mandat prophétique.

L'auteur du Masairu'l Islam présente des éléments qui tendent à prouver que le récit du « Voyage nocturne » de Mahomet dont il est question dans la sourate 17, 1 et dans les Traditions s'inspire largement du récit contenu dans l'ancien ouvrage persan intitulé Arta-i Viraf Namak, lequel raconte comment le jeune zoroastrien pieux est monté aux cieux et comment, à son retour, il a raconté ce qu'il avait vu – ou ce qu'il prétendait avoir vu.

L'historien arabe Abu'l Fida mentionne de nombreux anciens rites et observances arabes qui furent adoptés par l'islam et qui sont sanctionnés dans le Coran et les Traditions. « Les Arabes du Temps de l'Ignorance, dit-il , faisaient des choses que la loi religieuse de l'islam a adoptées. En effet, ils n'avaient pas coutume d'épouser leur mère ni leur fille et, chez eux, il était considéré comme très détestable d'épouser deux sœurs. Et ils avaient coutume de vitupérer l'homme qui épousait la femme de son père, et ils l'appelaient daïzan (?????). En outre, ils avaient coutume de faire le pèlerinage (?????) à la Maison (c'est-à-dire la Ka’ba) et de visiter les lieux consacrés, de porter l’ihram, de faire le tawwaf, de faire les circuits, de s'arrêter à toutes les stations et de jeter des pierres » (comparer les sourates 22, 27-30 ; 5, 98 ; 2, 139. 144-145. 153. 190. 192-195, etc.). Abu'l Fida mentionne d'autres coutumes qui furent également adoptées par l'islam et qui étaient pratiquées par les Arabes païens, telles que les ablutions rituelles après certains types de souillure, le fait de se séparer les cheveux, de se couper les ongles, etc. Il dit que les Arabes avaient coutume de pratiquer la circoncision et de couper la main des voleurs. Bien entendu, certains pourront affirmer avec Ibn ‘Ishâq  que ces coutumes dataient de l'époque d'Abraham. Nous savons que cela est vrai pour ce qui concerne la circoncision, mais cela ne peut pas être prouvé pour tous les autres rites et cérémonies que nous venons de mentionner. Il n'est nullement contraire à la raison de supposer que, en donnant une nouvelle Révélation, Dieu ait pu sanctionner de nombreux rites déjà en usage dans le peuple auquel cette Révélation a été apportée. Par contre, cela serait contraire à la théorie selon laquelle le Coran fut écrit sur une « Table gardée dans le ciel » bien longtemps avant que ne naquissent de telles coutumes et avant même que les Arabes païens n'existassent.

Les musulmans affirment parfois que le Coran enseigne tant de choses à propos de la connaissance de Dieu, de la morale, du bon gouvernement et de la vie future qu'il ne peut avoir pour origine que Dieu. Effectivement, si, sur ces points, il enseignait quelque chose de beaucoup plus élevé et de bien meilleur que la Bible, cet argument aurait un très grand poids. Mais nous avons déjà vu que, pour ce qui est de la Nature et des Attributs du Dieu Très-Haut, l'enseignement du Coran n'est ni meilleur ni plus complet que celui du Nouveau Testament. En fait, quand on lit dans le Coran que Dieu a décidé d'emplir l’Enfer d'hommes et de djinns , qu’Il a accroché son destin au cou de chaque homme, qu’Il a permis à Mahomet d'adopter un comportement licencieux nettement plus tolérant que celui autorisé aux musulmans ordinaires, qu’Il a ordonné une djihad pour diffuser l'islam et bien d'autres éléments importants de ce genre, on constate que les doctrines du Coran se situent à un niveau nettement inférieur à celles de la Loi de Moïse. Nulle part, l'Ancien Testament ne sanctionne positivement la polygamie, bien que, pendant un temps, elle ait été tacitement admise chez les juifs ; mais la monogamie a toujours été et demeure la loi de Dieu pour l'homme, comme cela est indiqué en Genèse 2, 18-24, et clairement enseigné par le Christ (cf. Matthieu 19, 3-9 ; Marc 10, 2-12) et par Ses Apôtres (par exemple en 1 Timothée 3, 2. 12 ; 1 Corinthiens 7, 2). Le Christ est allé jusqu'à interdire aux hommes les regards de concupiscence charnelle (cf. Mathieu 5, 28), alors que le Coran pousse les musulmans à espérer en une indulgence quasiment illimitée dans ce vice, lorsque même ils seront en présence de Dieu au Paradis. Il est peu probable qu'un tel enseignement favorise la pureté du cœur ici sur la terre. Pour ce qui est du bon gouvernement, nous nous demandons dans quel pays musulman on peut le trouver actuellement, ou à quelle époque de l'histoire passée il a existé. Il serait intéressant d'avoir une réponse à cette question et d'apprendre exactement quel est le rapport qui existe entre un tel bon gouvernement et les enseignements du Coran.

Il est absolument exact que le Coran dit beaucoup de choses à propos de la vie future, en particulier à propos des tortures de l'Enfer et des plaisirs du Paradis. Pour ce qui est de l'Enfer, inutile d'en parler ici. Mais, à ce propos, nous devons rappeler à nos amis musulmans deux choses. La première se trouve dans la Sourate Mariam (sourate 19,72 [[D. M. 71]]) qui dit : « Il n'y a personne de vous qui n'y sera précipité ; c'est un arrêt décidé par ton Seigneur ». Les commentateurs ont essayé par de multiples manières de donner une explication satisfaisante de ce verset. L'autre question est celle-ci : selon la Tradition, une seule des nombreuses sectes entre lesquelles l'islam est divisé sera sauvée. Si nous étions musulmans, ces deux éléments nous empliraient de terreur, toute notre vie, à la perspective de la mort et du Jugement Dernier. C'est peut-être pour cela que les vrais chrétiens espèrent en le Jour de la Résurrection alors que les musulmans craignent et appréhendent sa venue. Par contre, pour ce qui est des plaisirs qui, selon le Coran, sont réservés au Paradis à ceux qui seront sauvés, nous ne pouvons pas les passer sous silence sans étudier quelque peu leur nature. Des descriptions en sont données dans les sourates 2, 23 ; 4, 60 ; 13, 35 ; 36, 55-58 ; 37, 39-45 ; 47, 16-17 ; 55, 46-78 ; 56, 11-37 ; 76, 5. 11-22 ; 77, 31-36 ; 83, 22-28. Outre ces versets, des détails beaucoup plus complets, fondés sur l'autorité des Traditions, sont donnés dans le Ihya 'Ulumi'd Din de Ghazali, dans le 'Ainu'l Hayat, dans le Tafsir i Tibyan et dans d'autres ouvrages. Dans As Sahih, Al Boukhari présente une synthèse de toutes les Traditions authentiques qu’il a pu trouver sur ce sujet et sur d'autres. Mais l'une des compilations les plus complètes nous est donnée dans le Mishkatu'l Masabih, sous le titre : « Description du Paradis et de ceux qui l'habitent » .

À étudier tout cela, nous apprenons que, selon le Coran et les Traditions, le bonheur futur des musulmans consistera à être habillé de vêtements splendides, à être allongé sur de riches divans, à manger des viandes savoureuses et des fruits délicieux, à boire des vins exquis qui ne provoquent pas de maux de tête, et à entretenir des relations familières avec un grand nombre de belles femmes. Un tel Paradis est matériel, il contient tout ce qui convient à la satisfaction des appétits sensuels des hommes, mais il ne s'y trouve aucune place pour les hommes et les femmes saints et au cœur pur. Les gens à l'esprit pur le fuiraient, tout comme ils le feraient sur la terre pour des lieux où l'on s'adonne à la gloutonnerie, à l'ivresse, à la débauche et au libertinage. Un Paradis tel qu'il nous est ainsi décrit ne peut pas correspondre à ce que Dieu offrirait aux hommes, Lui qui est Saint et dont la nature a horreur du péché et de toute impureté. Comment l'esprit humain, créé pour connaître et servir Dieu, qui devrait en permanence rechercher la joie spirituelle dans l'Amour de son Créateur et dans sa proximité à Lui, pourrait-il se satisfaire de délices terrestres telles que celles-là ? Même sur la terre, les débauchés finissent par découvrir que, à la fin, les plaisirs des sens ne produisent que du dégoût, et non pas le bonheur. On ne peut donc pas dire que cette description du Paradis que donne le Coran prouve que ce livre a son origine en Dieu. Conscient de cela, le commentateur Muhiyyu'ddin s'efforce de montrer que toutes ces descriptions ont un sens mystique.  Mais la grande majorité des mahométans le considèrent comme un hérétique, et ils pensent à bon droit que le Coran signifie exactement ce qu'il dit, tout comme les Traditions d’ailleurs.

Lorsque nous considérons le texte proprement dit du Coran, nous ne devons pas omettre d'appeler l'attention sur le fait qu'il ne satisfait pas aux aspirations et besoins spirituels de l'humanité, ce qui est pourtant l'une des principales raisons pour lesquelles une Révélation divine est nécessaire. En effet, Dieu a implanté ces désirs dans le cœur de l'homme afin qu'il ne puisse jamais trouver le repos tant qu'il ne l'aura pas trouvé en Dieu. Certains auteurs musulmans affirment que le Coran terrifie les hommes et les fait pleurer : ainsi, selon la Tradition, c’est ce qui serait arrivé au Négus (????????) d'Abyssinie (qui pourtant ignorait sans doute l’arabe) lorsqu'une partie du Coran fut récitée devant lui. Mais même de tels auteurs ne peuvent pas affirmer en toute sincérité que le Coran leur donne la paix du cœur, une paix telle que le Christ l’a de tout temps donnée et qu'il donne encore à ceux qui croient vraiment en Lui . Au contraire, certains passages du Coran, par exemple la sourate 69, 71-72 – avec la doctrine du Destin – est telle que tous les musulmans qui y réfléchissent ne peuvent que vivre dans une angoisse permanente de la mort. En outre, le Coran ne révèle pas non plus Dieu à l'homme d'une manière telle qu'Il puisse être connu : cela est confirmé par la manière dont tant d’auteurs musulmans expliquent qu'il est absolument impossible de connaître Dieu, même dans les livres qui sont destinés à instruire leur propre peuple. Par exemple, dans son livre intitulé Hidayatu't Talibin dar Usulu'd Din,  Akhvund Mulla, Muhammad Taqqi de Kashan, dit : « Il est impossible de connaître la nature du Nécessairement Existant » ; et, plus loin : « Entre le créé et le Créateur, le conditionné et l'Absolu, le récent et de l'Ancien, le temporel et l'Éternel, il n'y a aucune espèce de ressemblance telle qu'il devrait être possible de connaître Sa Nature. Et c'est pour cette raison que notre Prophète, qui est supérieur à tous les prophètes, a dit : "Nous ne T'avons pas connu comme nous devrions Te connaître". »  Il est donc bien clair que, si le Coran ne mène pas à une connaissance de Dieu, et si Mahomet lui-même a admis à juste titre que la connaissance que lui-même avait de Dieu était loin d’être ce qu'elle aurait dû être, alors, sur cette question de la plus haute importance, l'islam n'est pas en mesure de satisfaire aux besoins de l'homme.

Par ailleurs, le Coran n'enseigne pas que la pureté du cœur est nécessaire pour qu'un homme puisse avoir accès à Dieu. Au contraire, comme nous l'avons déjà vu, il contient des passages qui s’opposent à la possibilité de la pureté du cœur dans l'homme et qui ne montrent pas Dieu agissant d'une manière qui corresponde à Sa Sainteté, Sa justice, Sa Miséricorde et Son Amour. Le Coran ne montre pas non plus comment l'homme peut obtenir le pardon de ses péchés ni être trouvé juste devant Dieu. Il est vrai qu'il donne certains préceptes à partir desquels il est possible d’obtenir des mérites. Mais on ne trouve dans le Coran aucun moyen d'échapper au Destin, et c’est le Destin qui décide du bonheur ou du malheur futur de chaque homme. Dans le Coran, il n'est pas question d'Expiation ; et le Coran ne montre pas non plus comment un homme qui est l'esclave du péché peut briser ses chaînes.

Certains musulmans pensent que Mahomet intercédera pour son peuple au Jour du Jugement ; d'autres s'imaginent que, peut-être dès maintenant, quoiqu'il soit mort, il a une certaine influence auprès du Dieu Très-Haut. Mais tout cela est absolument contraire à la Bible, que le Coran prétend confirmer. Des passages tels que Jean 14, 6 ; Actes 4, 12 ; 1 Timothée 2, 5-6, montrent bien qu’il n'y a pas et qu'il ne peut y avoir d'autre Médiateur que le Christ. En outre, il serait difficile de trouver, dans le Coran, un seul passage sur lequel on puisse fonder cette idée que Mahomet est un Médiateur entre Dieu et l'homme. Sur ce point, il n'est pas nécessaire de nous référer à la valeur des Traditions ; en effet, quelqu'un qui, dans le Coran, reçoit l’injonction de prier pour le pardon de ses propres péchés ne saurait agir comme Médiateur auprès de Dieu. Sans doute un homme qui a péché et qui s’est repenti peut-il prier Dieu de pardonner aux autres hommes comme à lui-même ; mais c'est là une chose tout à fait différente. Le Coran et les traditions nous disent que Mahomet a prié pour le pardon de ses propres offenses et de celles de son peuple. Par exemple, dans la sourate 40, 37 [[DM 40, 55]], il est écrit : « Sois constant ! La promesse de Dieu est vraie. Demande pardon pour ton péché. Célèbre, soir et matin, les louanges de ton Seigneur ! » Semblablement, on lit dans la sourate 4, 106 : « Demande pardon à Dieu. Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux ». Dans un sens à peu près identique, on trouve dans le Coran des versets qui disent que Dieu pardonne les offenses de Mahomet, par exemple dans la sourate 48, 1-2 : « Oui, nous t'avons accordé une éclatante victoire afin que Dieu te pardonne tes premiers et tes derniers péchés » (MK : « afin que Dieu prouve qu'il te pardonne les fautes anciennes et récentes »).

Pour ‘Abassi, il s'agit des offenses que Mahomet avait commises avant d'affirmer être un prophète, ainsi que celles qu'il devait commettre jusqu'à sa mort. Pour Al-Baidhawi et d'autres commentateurs, cela signifie les fautes qu'il avait commises au Temps de l'Ignorance et jusqu'à la date de la « descente » de ces versets.  Si l'on suppose que le Coran est « descendu » du Dieu Très-Haut, nous avons là des affirmations très claires à propos de Mahomet. On ne peut pas non plus prétendre que le mot « offense » ou « faute » (??????) employé dans le Coran ne se rapporte qu’à des péchés secondaires, à des fautes vénielles qui ne pourraient guère être qualifiées de péchés. En effet, dans la sourate 4, 39, ce mot, au pluriel, est appliqué aux péchés tant des djinns que des hommes. La sourate 28, 78 dit que les idolâtres sont coupables d'«offenses » (???????), et ce mot est employé comme un équivalent de jurm. Ce même mot « offense » (???) est employé à propos de péchés tel que le mensonge, la médisance, la luxure, l’incroyance et d'autres crimes aussi graves, comme dans les sourates 12, 29 ; 67, 11 ; 91,14 et ailleurs. Dans la sourate 47,21 ([[DM 19]], voici ce qui est dit à Mahomet : « Demande pardon pour ton péché ; pour les croyants et les croyantes ». Ici, une nette distinction est faite entre l'offense commise par Mahomet lui-même, qui est considérée comme sa faute personnelle, et les fautes commises par ses disciples, quoique certains commentateurs aient vainement tenté d'expliquer que « ton péché » signifiait « le péché des musulmans et des musulmanes ». Dans la sourate 94, 1-3, on lit que Dieu a dit à Mahomet : « N'avons-nous pas ouvert ton cœur ? Ne t'avons-nous pas débarrassé de ton fardeau qui pesait sur ton dos ? » Il est impossible de méconnaître le vrai sens de tous ces passages.

Sur cette question, les Traditions sont d'accord avec le Coran, que nous consultions les ouvrages des sunnites ou ceux des chiites. Nous n'en citerons que quelques exemples parmi bien d'autres. S'appuyant sur l'autorité de Fatima, At Tirmadhi et Ibn Majah nous disent que, lorsque Mahomet entra dans la mosquée, il dit : « Mon Seigneur, pardonne-moi mes offenses et ouvre-moi les portes de Ta miséricorde » ; et, lorsqu'il sortit, il dit : « Mon Seigneur, pardonne-moi mes offenses et ouvre-moi les portes de Ta grâce ».  Aïcha nous rapporte une autre de ses prières, dans laquelle on trouve les mots : « Ô Dieu, pardonne-moi » . Ailleurs, s'appuyant sur l'autorité d'Aïcha, Muslim raconte que Mahomet a dit : « Ô Dieu, en vérité je me réfugie dans Ton bon plaisir pour échapper à Ton déplaisir, et dans Ton pardon pour échapper à Ton châtiment » . S'appuyant sur l'autorité d’Ali, Ahmad, At Tirmidhi et Abu Da'ud citent une prière de Mahomet : « Vraiment, j'ai fait du tort à mon âme ; aussi, pardonne-moi, car il n'est personne qui pardonne les offenses à l'exception de Toi » . D'après Mussa, Mahomet avait coutume de prier ainsi : « Ô Dieu, pardonne-moi mon péché et mon ignorance et ma négligence dans mes affaires, et ce que Tu sais mieux que moi. Ô Dieu, pardonne-moi d'avoir été sérieux et d'avoir plaisanté, pardonne-moi mon erreur et mon obstination, et tout ce qui est en moi. Ô Dieu, pardonne-moi ce qui était avant et ce qui est venu après, ce que j'ai caché et ce que j'ai manifesté » . Par ailleurs, dans son ouvrage Ad Da'watu'l Kabirah, s'appuyant sur l'autorité d'Aïcha, Al Baihaqi raconte que, un jour, Aïcha dit à Mahomet : « Ô Apôtre de Dieu, est-il vrai que nul n’entre au Paradis que par la miséricorde du Dieu Très-Haut ? » En réponse, il dit par trois fois : « Nul n'entre au Paradis sinon par la miséricorde du Dieu Très-Haut ». Et elle dit : « Pas même toi, ô Apôtre de Dieu ? » Mahomet mit sa main sur sa tête et répondit : « Pas même moi, à moins que Dieu n’en décide fermement de par Sa propre volonté pour moi, par Sa miséricorde » . Cela, il le dit par trois fois.

L’imam Ja'far nous raconte  que, une nuit, alors que Mahomet était dans la demeure de Umm Salmah et qu'il priait, il pleura et dit : « Ô Seigneur, ne me fais pas retomber dans le mal, alors que tu m'en as délivré, et ne m'abandonne pas à moi-même le temps d'un clin d’œil ». Umm Salmah lui dit : « Puisque Dieu t'a pardonné ton péché passé et ton péché futur, pourquoi parles-tu ainsi et pourquoi pleures-tu ? » Il dit : « Ô Umm Salmah, comment puis-je être en sécurité puisque le Dieu Très-Haut a abandonné Jonas le temps d'un clin d’œil et qu'il a fait ce qu'il a fait ? ». Par ailleurs encore, Muhammad Baqir serait l'autorité de la Tradition selon laquelle, une nuit, Mahomet était dans la demeure d'Aïcha et il offrait de nombreuses prières. Aïcha lui demanda pourquoi il se fatiguait tant puisque le Dieu Très-Haut lui avait pardonné son péché passé et son péché futur. Il répondit : « Aïcha, ne devrais-je pas être le serviteur reconnaissant de Dieu ? »  Il nous est également raconté qu’un jour, en conclusion d'un discours qu'il avait adressé à ses disciples, Mahomet dit à plusieurs reprises : « Ô Seigneur pardonne-moi et pardonne à mon peuple ! » ajoutant : « Je demande pardon à Dieu pour moi-même et pour vous » . On pourrait citer encore de nombreuses autres Traditions, tant sunnites que chiites, mais celles-ci suffisent.

Tout cela nous présente Mahomet sous un jour très favorable et montre bien que, comme tous les prophètes qui étaient des hommes comme les autres, il ressentait le besoin de la miséricorde et du pardon de Dieu. Le Coran mentionne certains péchés commis par des prophètes de l'Ancien Testament et par d’autres personnes, comme par exemple par Adam , Noé , Abraham , Moïse et Aaron , Joseph , David , Salomon  et Jonas . Sans doute se sont-ils repentis, comme la Bible nous en informe. Dans le psaume 51, par exemple, nous avons la prière que David a offerte en guise de pénitence, comme étant ce qui convenait le mieux. Toute personne qui a péché ressent le besoin se repentir et de demander pardon à Dieu, et le fait même de demander pardon revient à admettre que la personne qui demande ainsi le pardon est coupable d'une offense et qu'il en souffre dans sa conscience. Tout être humain qui n'est rien qu'humain pourrait très bien reprendre à son compte les prières de Mahomet que nous avons citées ci-dessus, mais nulle personne qui ressent ou a ressenti le besoin de se repentir ne peut jamais expier pour les péchés d'autres hommes. C'est pourquoi le Coran enseigne qu’aucun être humain ne peut aider de cette manière quiconque d’autre au Jour du Jugement.  Puisque, par conséquent, Mahomet ne peut pas sauver son peuple, il est évident qu'il faut quelqu'un d'autre pour sauver les hommes. Le Coran ne révèle aucun Sauveur, aucune Expiation, et il ne peut par conséquent satisfaire aux besoins de l'esprit humain. Sur ce point comme sur tous les autres, il ne remplit pas les conditions énoncées dans l’Introduction qui sont les critères d'une vraie Révélation. En cela, le contraste est frappant entre le Coran et l'Injil, comme cela a été démontré dans la seconde partie de ce Traité. Le Christ est vivant , et Mahomet est mort ; le Christ est non seulement un homme parfait et sans péché, mais il est aussi le Verbe de Dieu et « il peut sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Dieu par lui, puisqu’il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur » .

N'oublions pas que, tout au long de ce Traité, nous ne recherchons pas la controverse : notre objet est d’étudier et rechercher la vérité. Les préjugés et l'esprit de parti en matière religieuse sont tout à fait inutiles ; par la grâce de Dieu, il faut les tenir à l’écart. Dans ce tout qu'il a dit de ce que contient le Coran, l'auteur de ces pages a fait tout son possible pour observer non seulement les règles de la courtoisie mais aussi celles de l'honnêteté et de l’équité. Ce principe directeur s'appliquera également à tout ce qui reste à discuter dans les chapitres suivants.

 CHAPITRE 5

EXAMEN DES MIRACLES ATTRIBUÉS À MAHOMET –
DANS QUELLE MESURE CONFIRMENT-ILS SON AFFIRMATION
QU’IL ÉTAIT UN PROPHÈTE DE DIEU ?
 

Pour prouver qu'un homme est véritablement un prophète, il n'est absolument pas nécessaire de démontrer qu'il a fait des miracles. De nombreux prophètes sont venus qui n'avait aucun pouvoir de ce genre ; par contre, des hommes qui n'avaient aucun mandat divin ont fait des choses qui sont apparues extraordinaires. Par exemple, à l'époque de Moïse, les magiciens d'Égypte ont fait certaines choses qui, pour les polythéistes de ce pays, paraissaient tout aussi remarquables que les miracles de Moïse (cf. Exode 7, 10-13. 22 ; 8, 7. 18). Par ailleurs, le Nouveau Testament annonce des faux prophètes qui feront des miracles (cf. Marc 13, 22 ; Matthieu 24, 24 ; Apocalypse 16, 13-14 ; 19-20), en particulier un prophète qui est encore à venir et qui est probablement le Dajjal [[l’Antéchrist]] dont parlent les musulmans. Pour ce qui est des vrais prophètes, très peu d'entre eux ont opéré des miracles ; dans l'Ancien Testament, il n'est jamais fait mention de quelconques miracles avant Moïse. Comme Moïse n'était pas seulement un grand prophète mais qu’en outre il avait été chargé de présenter une nouvelle Révélation, il reçut le pouvoir d'opérer certains miracles, qui sont mentionnés dans la Torah. Ceux-ci étaient nécessaires pour prouver ce qu'il affirmait, à savoir qu'il venait avec un message de Dieu, qu'il parlait avec l'autorité de Dieu et qu'il apportait une Révélation divine. Élie et Élisée avaient eux aussi reçu ce pouvoir parce qu'ils vivaient à une époque où la vraie Religion était en voie d'extinction et parce qu'ils avaient pour mandat de ramener à Dieu le peuple des Israélites. Mais il ne nous est pas dit que le pouvoir d'opérer des miracles fut accordé à David, à Jérémie ni à d'autres grands prophètes. De Jean-Baptiste, qui était plus grand que tous les prophètes qui l'avaient précédé (cf. Matthieu 11, 11 ; Luc 7, 28), les juifs disaient, apparemment en toute vérité : « Jean n'a pas fait de miracles » (Jean 10, 41). Il est donc bien clair que ce n'est qu'à l'occasion de graves crises, ou lorsqu'Il donnait une nouvelle Révélation, que Dieu a accordé à un grand prophète le pouvoir de faire des miracles pour prouver qu'il avait reçu un mandat de Dieu.

Mais, si les affirmations de Mahomet sont bien fondées, il fut le Sceau des Prophètes, le dernier et le plus grand de tous, envoyé aux Arabes, un peuple chez qui aucun prophète ne s'était jamais levé auparavant, autant que nous le sachions. Il affirmait qu'il était porteur d'un message unique venu de Dieu, une Révélation plus grande que toute autre Révélation antérieure, et que le Coran qu'il récitait lui avait été dicté par l'ange Gabriel qui, dans la « Nuit du Destin », l'avait fait descendre du ciel le plus élevé où, sur ordre de Dieu, il avait été inscrit sur une « table gardée ». En outre, Mahomet affirmait que son message était destiné à tous les hommes et qu'aucun autre ne viendrait jamais le remplacer. Il était donc nécessaire qu'il opérât des miracles afin de confirmer cette sublime affirmation ; sinon, rien ne prouverait l'authenticité de son affirmation puisque, comme nous l'avons montré précédemment, il n'a fait aucune prophétie. C'est pourquoi nous allons naturellement étudier quels sont les miracles qui lui sont attribués.

Sur ce point, le Coran lui-même nous donne une réponse très claire et concise : il n'a fait aucun miracle. Cela est affirmé dans maints passages. L'un des plus clairs sur ce point est le verset 61 [[DM 59]] de la sourate 17 : « Rien ne nous empêche d'envoyer des signes [[Mohammed Chiadmi : miracles]], sinon que les anciens ont traité nos signes de mensonges ». Dans son commentaire sur ce verset , Al-Baidhawi dit : « Rien ne nous a détourné d'envoyer les signes que demandaient les Quraïch, sinon le fait que les anciens les qualifiaient de faux, ceux dont la disposition était comme la leur, comme les 'Ad et les Thamud ; et, en vérité, s'ils [les signes] avaient été envoyés, ils [[les Quraïch]] les auraient certainement qualifiés de faux, tout comme l'ont fait les autres [[les 'Ad et les Thamud]], et il eût alors été nécessaire de les extirper, selon ce que dit Notre Règle ; et Nous avions décrété que nous ne les extirperions pas, parce que, parmi eux, il y a ceux qui croiront et ceux qui engendreront ceux qui croiront ». Abassi donne pratiquement la même explication de ce passage. En fait, il ne peut y avoir aucun doute sur sa signification : il nous dit que Dieu n'avait pas donné à Mahomet le pouvoir de faire les miracles qu'exigeaient les Quraïch parce qu'Il savait que ces derniers refuseraient de l'accepter comme un prophète, même si ses affirmations étaient étayées par de tels miracles.

En outre, il y a d'autres versets qui disent la même chose, quoique peut-être de façon moins évidente. Par exemple, dans la sourate 2, 112-113 [[DM/MC 118-119]], nous lisons : « Ceux qui ne savent rien ont dit : "S'il n'en était pas ainsi, Dieu nous le dirait, ou bien, alors, un signe [[MC : miracle]] nous parviendrait". Ceux qui vécurent avant eux ont prononcé les mêmes paroles, leurs cœurs se ressemblent. Nous avons cependant montré les signes [[MC : preuves]] à un peuple qui croit fermement. Nous t'avons envoyé avec la vérité pour annoncer la bonne nouvelle et pour avertir ». À propos de ce passage, Al-Baidhawi dit  que les Quraïch n'étaient pas satisfaits parce que Mahomet ne leur avait pas montré de signes. Au lieu de ceux que ce peuple exigeait, il a été donné à ce » dernier (ainsi que le dit la seconde partie du verset 112 [[DM 118]]) des versets du Coran pour prouver la mission de Mahomet. C'est bien ce que signifie le mot « signes » (??????) dans cette partie du verset, ce que démontrent le contexte ainsi que la sourate 2, 146 [[DM 151]] : « Nous vous avons envoyé un prophète pris parmi vous : il vous communique Nos  signes ». Ces « signes » n'étaient alors donc pas des œuvres merveilleuses ni des miracles, ainsi que l’exigeaient ses adversaires, c'étaient simplement des versets du Coran : sinon, le verbe « communique » (« ?????? – lire à haute voix ») ne signifierait rien. De même, dans la sourate 2, 253 [[DM 252]] « Voilà les signes de Dieu : nous te les communiquons, en vérité, car tu es au nombre des prophètes » ; et dans la sourate 2, 93 [[DM 99]] : « Nous t'avons révélé des versets (signes) parfaitement clairs. Seuls les pervers n'y croient pas ». Le verbe : « Nous t'avons révélé (??????????? – Nous avons descendu) » montre que ces « signes évidents » sont les versets du Coran, dont on dit toujours qu'ils sont « descendus ». Semblablement, dans la sourate 72, 102, le mot «??????? – signe » signifie manifestement un verset du Coran.

Il est possible que le sens de la sourate 6, 124 : « Ils disent, lorsqu'un signe leur parvient : "Nous ne croirons pas, tant que nous ne recevrons pas un don semblable à celui qui a été accordé au prophète de Dieu" » soit celui-ci : les Quraïch demandaient, à la place des versets du Coran, des miracles tels que ceux que certains des Prophètes et Apôtres avaient opérés. Cela est confirmé par la sourate 6, 37 [[« Ils disent : "Pourquoi un signe de son seigneur n'est-il pas descendu sur lui ?" »]]  et plus encore par la sourate 6, 109 : « Ils ont juré par Dieu, en leurs serments les plus solennels, que si un signe parvenait, ils y croiraient. Dis : "Les signes ne se trouvent qu'auprès de Dieu !" Mais qui donc vous fait pressentir qu'ils ne croiraient pas, lorsque les Signes leur parviendraient ?" ». Cela revient à déclarer que Mahomet n'avait pas reçu le pouvoir d'opérer des miracles. Le genre de signes qu'exigeaient les Quraïch est bien défini dans la sourate 13, 30 [[DM 31]] : « S'il existait un Coran par la vertu duquel les montagnes seraient mises en marche, la terre se fendrait, les morts parleraient !… Mais non !... Dis : "Le commandement appartient entièrement à Dieu". » Dans le commentaire qu'il a fait sur ce passage, Al-Baidhawi explique longuement quel était le défi que les Quraïch lancèrent à Mahomet à cette occasion. Dans la sourate 17, 92-95 [[DM 90-93]], nous trouvons quelque chose de semblable : « Ils ont dit : "Nous ne croirons pas en toi, tant que tu n'auras pas fait jaillir pour nous une source de la terre. Ou que tu ne posséderas pas un jardin de palmiers et de vignes dans lequel tu feras jaillir les ruisseaux en abondance. Ou que, selon ta prétention, tu ne feras pas tomber le ciel en morceaux sur nous. Ou que tu ne feras pas venir Dieu et ses anges pour t’aider. Ou que tu ne posséderas pas une maison pleine d’ornements. Ou que tu ne t'élèveras pas dans le ciel. Cependant nous ne croirons pas à ton ascension tant que tu ne feras pas descendre sur nous un Livre que nous puissions lire". Dis : "Gloire à mon Seigneur ! Que suis-je sinon un mortel, un prophète ?" ».

Selon ce passage, il apparaît à l’évidence que les Quraïch n'admettait pas sans contestation (verset 90) que le Coran fût inégalable ni qu'il fût une preuve suffisante du mandat de Mahomet. C'est pourquoi ils exigeaient un miracle du genre mentionné ici. Le Coran raconte que, en réponse, Mahomet dit que, étant simplement un homme, il ne pouvait pas montrer un miracle tel qu'ils le désiraient. Il s'ensuit que, manifestement, on ne peut pas croire les récits du Mi’raj  non plus que celui de l’eau dont certaines traditions racontent que Mahomet l’aurait fait surgir du sol, et même de ses doigts  : en effet, s'il s'agissait d'événements historiques, Mahomet n'aurait pas, lorsque les Quraïch lui présentèrent ces exigences, donné la réponse qui nous est rapportée ici. Au contraire, il aurait, en réponse, déclaré qu'il était capable de faire des choses de ce genre. Dans la sourate 29, 49-50 [[DM 50-51]], nous retrouvons cette même exigence d'un miracle, et le même refus de donner un quelconque signe autre que le Coran lui-même : « Ils disent : "Si seulement des signes venus de son seigneur étaient descendus sur lui !" Dis : "Les signes sont uniquement auprès de Dieu ; je ne suis qu'un avertisseur explicite". Ou bien ne leur a-t-il pas suffi que nous fassions descendre sur toi le livre qui leur est récité ? Il y a vraiment là une miséricorde et un Rappel, pour un peuple qui croit. »

Ces passages montrent bien que le Coran nous enseigne que Mahomet n'avait pas le pouvoir d'opérer des miracles et que les versets du Coran (qui, précisément pour cette raison, sont appelés des « signes – ???? ») sont une preuve suffisante de sa qualité de prophète . Dans un chapitre précédent , nous avons déjà étudié cette question et nous avons vu que, pour prouver qu'un livre a véritablement été envoyé par le Dieu Très-Haut, il y faut plus que de la simple élégance de style.

Néanmoins, certains musulmans affirment que, dans le Coran lui-même, deux miracles particuliers de Mahomet sont manifestement mentionnés.

Dans un cas, il aurait fait se fendre la lune. Effectivement, dans la sourate 54, 1, nous lisons : « L'heure approche et la Lune se fend ! ». Mais, pour de multiples raisons, ce verset ne prouve pas que Mahomet ait opéré un tel miracle. (1) Si c'est bien cela qu'il signifie, il contredirait le verset 61 de la sourate 17  – alors que les musulmans affirment qu'il n'y a aucune contradiction dans le Coran. (2) Si ce verset dit bien que « la Lune se fend », il n'y est absolument pas question de Mahomet : ni la Suratu'l Qamar, ni aucune autre sourate n'affirment qu'il soit intervenu d’une quelconque manière dans cet événement. Et d'ailleurs le Coran ne parle pas ici de miracle, il ne dit pas non plus que, si la lune s'est fendue, ce fut, d'une manière ou d'une autre, un signe du mandat divin de Mahomet. Si le Coran avait voulu dire que Mahomet avait fait un miracle aussi remarquable, il l'aurait dit, tout comme l'Ancien et le Nouveau Testaments racontent clairement certains miracles particuliers opérés par Moïse, le Christ et Ses Apôtres respectivement. (3) Si Mahomet avait fait se fendre la lune, le Coran l'aurait certainement évoqué en réponse aux demandes des Quraïch dans les sourates 13, 30 et 17, 92-95 ; en effet les commentateurs sont d'accord pour considérer que la sourate 54 est « descendue » avant ces deux versets. (4) Porter atteinte à une créature de Dieu telle que la lune serait un signe d’une grande puissance, mais cela ne prouverait pas nécessairement que la personne exerçant ce pouvoir ait reçu un mandat de Dieu. (5) Si un tel phénomène s'était effectivement produit, il eût été observé sur toute la terre et eût été noté dans les histoires de nombreuses nations comme un événement extrêmement étonnant. Ceux qui ont quelques connaissances d'astronomie, qui connaissent la taille de la lune ainsi que l’effet que cela produirait si elle se fendait en deux et si ses deux parties s'écartaient largement l'une de l'autre, ne sauraient admettre qu'un tel événement se soit effectivement produit. (6) En outre, nulle part l’histoire ne mentionne un tel événement, ni même l'apparence d'une lune fendue en deux, et certains des plus importants commentateurs musulmans contestent que la Suratu'l Qamar implique qu'un tel événement se soit jamais produit.

Dans son commentaire sur la sourate 54 1,  Al-Baidhawi préfère la conception selon laquelle la lune se serait effectivement fendue à cause de la leçon ?????? ??????? ????????? (laquelle, cependant, diffère de celle adoptée dans le texte habituel du Coran ), mais il nous précise : « On a dit que ce verset signifiait qu'elle se fendrait le jour de la Résurrection ». Il ne pourrait y avoir absolument aucun doute en la matière si cet événement s'était effectivement produit et si était exacte la Tradition  selon laquelle Mahomet aurait montré à la population de La Mecque la lune fendue en deux, de sorte que l'on pouvait voir le mont Hira entre ses deux parties, ou encore, comme le dit une autre Tradition , qu'une partie apparut au-dessus de la montagne et l'autre partie en dessous. L'auteur d’une note en marge du Mishkat a essayé de tourner les difficultés évidentes causées par le fait que le monde en général n'a pas observé cet étrange phénomène : il dit que cet événement s'est produit de nuit, alors que les hommes dormaient, et en un bref instant, et que par conséquent il n'aurait pas nécessairement été observé dans toutes les parties du monde. (7) L'expression : « l'Heure - ????????? », avec l'article défini, a un sens très clair et particulier tant dans le Coran que dans les Traditions . Il signifie toujours le Jour de la Résurrection, ainsi que l'admet Al-Baidhawi. Il est bien évident que, lorsque la Suratu'l Qamar fut écrite, le Jour de la Résurrection n'était pas proche : en effet, cette sourate fut dictée il y a longtemps, avant même l'Hégire. Par conséquent, comme, dans ce verset, la division de la lune est présentée comme étant étroitement associée à l'approche du Jour de la Résurrection, cela doit signifier que, lorsque le jour de la Résurrection s'approchera, la lune se fendra . Par conséquent, les verbes qui se trouvent au passé dans ce verset sont employés dans un sens futur, ce qui est une forme courante de s'exprimer en arabe. Nous avons vu que, même à l'époque d’Al-Baidhawi, c'est ainsi que certaines personnes expliquaient ce verset ; et le fait même que nous sommes encore en vie aujourd'hui, tant d'années plus tard, montre que ce signe de l'approche du Jour de la Résurrection ne s'était pas encore produit. C'est pourquoi Abassi dit à juste titre que la division de la lune et l'apparition du Dajjal seront des signes de la proximité de la Résurrection, lorsqu'ils se produiront. Tout cela nous montre bien que le Coran n'affirme pas que Mahomet a réalisé ce miracle de la division de la lune. En conséquence, on ne peut pas véritablement citer ce verset comme une preuve qu'il a opéré un tel miracle ; et, pour prouver que Mahomet était un Apôtre envoyé par Dieu , on ne peut pas non plus invoquer un événement miraculeux qui ne s'est pas encore produit.

Le seul autre miracle de Mahomet qui, selon certains, serait évoqué par le Coran est un événement dont certains affirment qu'il s'est produit à la bataille de Badr, alors que d'autres le contestent et affirment qu'il a eu lieu à la bataille de Hunain, ou à Uhud, ou à Khaibar. Ce miracle serait exprimé par les mots suivants : « Tu ne lançais pas toi-même les traits quand tu les lançais, mais Dieu les lançait » (Suratu'l Anfal – sourate 8, verset 17). Al-Baidhawi nous informe  que, à Badr, Gabriel dit à Mahomet de jeter une poignée de terre contre les Quraïch. Lorsque la bataille s'engagea, il leur jeta des cailloux à la figure, disant : « Que leurs visages soient défigurés ! ». Alors leurs yeux furent emplis de cailloux et il s'enfuirent, poursuivis par les musulmans. Par la suite, ces derniers se vantèrent de leur victoire et du nombre d'ennemis qu'ils avaient tués, et c'est alors, raconte-t-on, que ce verset serait descendu. Al-Baidhawi dit que cela signifie : « Et tu n'as pas jeté (ô Mahomet ! quelque chose que tu leur aurais jeté et qui aurait atteint leurs yeux, mais c’était là une chose que tu ne pouvais pas faire) lorsque tu as effectivement lancé quelque chose [c'est-à-dire lorsque que tu as donné l’impression de jeter], mais c'est Dieu qui a jeté (qui a causé ce qui était l'objet du jet) et qui a fait en sorte que cela atteigne leurs yeux à tous ». Mais Al-Baidhawi ajoute : « On dit que ce verset signifie : "Tu n'as pas jeté la peur lorsque tu as envoyé les cailloux, mais Dieu a jeté la crainte dans leur cœur". Et on dit que ce verset est descendu en rapport avec un javelot avec lequel il  a transpercé Ubai ibn Khalaf le jour d’Uhud, et que celui-ci  ne saigna pas ; il s'affaiblit de plus en plus jusqu'à en mourir ; ou à propos de la flèche qu'il  a jeté le jour de Khaibar près de la forteresse : elle atteignit Kinanah  ibn Abi'l Huqaiq monté sur son cheval. Et la plupart sont en faveur de la première interprétation. » D'après ce commentaire, il est clair qu'on ne peut pas dire en toute certitude que le passage que nous étudions se rapporte à Badr. En fait, il peut se rapporter à Uhud ou à Khaibar, et non pas aux cailloux que Mahomet a jetés mais à une flèche qu'il a tirée ou à un javelot qu'il a lancé.

Quoi qu'il en soit, cela ne prouve pas que Mahomet ait opéré un miracle à l'une quelconque de ces occasions. Au contraire, ce passage nie que Mahomet ait réussi à jeter les cailloux dans les yeux de ses adversaires, ou de tuer Ubai ou Kinanah, puisqu'il dit que l'agent n'était pas Mahomet mais Dieu. Si nous admettons que ce verset se réfère à la bataille de Badr, il nous faut nous rappeler qu'il n'est pas du tout rare qu'un général agisse d'une telle manière pour encourager ses soldats et pour déconcerter ses ennemis. S'il en résulte une victoire, nul n'ira jamais s'imaginer que cela prouve que l'acte en question ait été, de quelque manière que ce soit, surnaturel ou miraculeux. On ne peut pas non plus considérer comme miraculeux qu'un homme en tue un autre d'une flèche ou le transperce d’un javelot (si nous acceptons les autres traditions).

Outre ces deux passages, certains musulmans sont d'avis que les mots : « signes évidents » (???????? ?????????) que l'on trouve dans d'autres passages du Coran impliquent que Mahomet a effectivement opéré des miracles. Si c'est bien le cas, il est très étrange qu'aucun de ces passages ne donne une description de tels miracles ni un seul détail les concernant. Au contraire, lorsque le Coran parle des miracles du Christ, il précise ce que furent certains d'entre eux (cf. sourate 3, 43). Mais examinons quelques-uns des passages à propos desquels certains affirment que les mots : « signes évidents » se rapportent à des miracles de Mahomet.

L'un d’eux est la sourate 61, 6 : « Mais lorsque celui-ci vint à eux avec des preuves incontestables (signes évidents), ils dirent : "Voilà une sorcellerie évidente !" » Il se peut que cela se rapporte à ce qui est dit dans le contexte à propos de la promesse de la venue de quelqu'un appelé Ahmad  ; ou cela peut se rapporter à Jésus, qui est mentionné dans la première partie du verset. C'est cette dernière version qu'adopte Al-Baidhawi car, dans son commentaire, il dit : « Cela se rapporte à ce avec quoi il est venu, ou à lui-même ; et la qualification de sorcellerie relève de l'hyperbole. Et cette opinion est soutenue par l'interprétation de Hamzah et Al Kasa'i : "C’est un sorcier" ; de sorte que ce passage se réfère à Jésus » . Si l'explication de ce commentateur est exacte, alors on ne peut pas dire que ce verset prouve quoi que ce soit à propos d’éventuels miracles de Mahomet. Sinon, que ce soit ici ou ailleurs, les « signes évidents » se rapportent aux versets du Coran, lesquels (comme nous l'avons déjà fait remarquer) sont, dans de multiples passages, appelés « signes » ou encore « signes évidents ».

À supposer que quelqu'un dise que la mention de « sorcellerie » ou de « sorcier » dans la sourate 61, 6 démontre qu'un acte surnaturel fut opéré et que l'on ne pourrait pas employer de tels termes pour qualifier des versets aussi éloquents que ceux du Coran, c'est le Coran lui-même qui lui répond : par exemple, dans la sourate 38, 3, nous lisons : « Il s'étonne que viennent à eux un avertisseur pris parmi eux. Les incrédules disent : "C'est un sorcier, un grand menteur !" ». Dans la sourate 43, 29 [[DM 30]], nous lisons : « Quand la Vérité leur parvint, ils dirent : "C'est de la magie ! Nous n'y croyons pas !" » Ici, Al-Baidhawi commente : « Et c'est pour cela qu'ils ont qualifié le Coran de sorcellerie » . Par ailleurs encore, dans la sourate 46, 6 [[DM 7]], nous lisons ceci : « Lorsqu'on leur lit nos versets comme autant de preuves évidentes, les incrédules disent de la Vérité, au moment où elle leur parvient : "Voici une magie évidente !" ». Dans ce passage, nous trouvons exactement la même expression que dans la sourate 41, 6. En outre, pour Al-Baidhawi, « la Vérité » mentionnée ici, ce sont « les versets » .

De nombreux musulmans affirment que, dans les Traditions (??????), de nombreux miracles étranges sont attribués à Mahomet. C’est tout à fait exact, comme nous le verrons. Mais il s'agit de savoir dans quelle mesure, en la matière, on peut se fier aux Traditions avant d'accepter qu'elles prouvent que de tels miracles ont effectivement été opérés par Mahomet. En premier lieu, comme nous l'avons vu, le Coran lui-même non seulement ne mentionne aucun miracle de sa part mais il va même jusqu'à expliquer pourquoi Dieu ne lui a pas donné le pouvoir d’en faire. À y réfléchir, pour l'homme instruit, qu'il soit musulman ou chrétien, cette preuve que l'on trouve dans le Coran a beaucoup plus de poids que des Traditions, aussi nombreuses soient-elles. En outre, s'il est facile de comprendre pourquoi, par la suite, des Traditions sont nées qui attribuaient des miracles à Mahomet, par contre il est tout à fait impossible d'imaginer que les versets du Coran qui affirment qu'il n'a opéré aucun miracle auraient pu faire l’objet d'interpolations ou de corruption pour nier d'éventuels miracles de Mahomet, au cas où il en aurait fait.

En second lieu, ceux qui ont compilé les Traditions n'avaient aucune connaissance personnelle des événements dont ils parlaient : ils vécurent quelques centaines d'années après la mort de Mahomet et, par conséquent, ils durent s'appuyer sur des affirmations répétées oralement et dont on disait qu'elles remontaient à des témoins fiables. Ceux qui ont effectué la collecte des Traditions contenues dans le Sihahu-s Sittah [[Six Compilations authentiques]] sont morts  aux dates suivantes : Bukhari, en 256 de l’Hégire ; Muslim, en 261 de l’Hégire ; Tirmidhi, en 279 de l’Hégire ; Abu Da'ud, en 275 de l’Hégire ; An Nasa'i en 303 de l’Hégire ; Ibn Majah, en 273 de l’Hégire. Chez les chiites, les principaux ouvrages portant sur cette question sont encore plus tardifs : le Kafi d’Abu Ja'far Muhammad date de 329 de l’Hégire ; le Man la yastahdirahu'l Faqih de Shaikh 'Ali, de 381 de l’Hégire ; le Tahdhib de Shaikh Abu Ja'far, de 466 de l’Hégire ; l’Istibsar, de 406 de l’Hégire ; et le Nahju'l Balaghah de Sayyid Radi, de 406 de l’Hégire.

Le fait que les sunnites et les chiites, tout en acceptant le même Coran, n’arrivent pas à se mettre d'accord sur les mêmes collections de Traditions montre à quel point il est difficile de se fier à la Tradition lorsqu'elle contredit le Coran. Les Traditions données par Bukhari dans son Sahih sont probablement les plus fiables de toutes ; viennent ensuite celles acceptées par Muslim et Tirmidhi. Mais, pour montrer aux honorables lecteurs de ces pages à quel point le nombre de Traditions non fiables était immense même à l'époque de Bukhari, et à quel point l'imagination crédule et l’invention pure et simple étaient alors largement répandues, il nous suffira de lui rappeler que Bukhari lui-même nous informe qu'il a collecté 100 000 Traditions dont il pensait qu'elles pourraient être exactes, et 200 000 qu’il jugeait non fiables. Sur ce total de 300 000, il arriva finalement à la conclusion que 7 275 seulement étaient crédibles ; et, après avoir éliminé les répétitions, il les réduisit à 4 000.  Même celles-ci ne sont pas toutes fiables car, souvent, elles se contredisent entre elles et sont parfois même contraires au Coran, comme c'est le cas pour les miracles de Mahomet. Abu Da’ud a rassemblé 500 000 Traditions mais n'en a accepté que 4 000.

Mais il nous faut évoquer certains de ces prétendus miracles afin de déterminer plus précisément leur nature.

(1) S'appuyant sur ce qu'il considère être une bonne autorité, Bukhari raconte l'histoire suivante  : « Le prophète envoya un groupe d’hommes chez Abu Rafi. Alors 'Abdu'llah ibn 'Utaik entra chez lui de nuit, alors qu'il dormait, et le tua. Et 'Abdu'llah ibn 'Utaik raconta ceci : "J'ai plongé mon glaive dans son ventre jusqu'à ce qu'il atteigne son dos, et j’ai su que je l'avais tué. Puis je commençai à ouvrir les portes, jusqu'à ce que j'atteigne un escalier. Alors j'ai avancé le pied et je suis tombé dans la nuit éclairée par la lune , et je me suis cassé la jambe. Je l'ai enveloppée d'un bandage et je suis parti rejoindre mes compagnons ; je suis venu au prophète et je lui ai tout raconté. Il m’a dit : ‘Etends ton pied’. J'ai étendu mon pied ; il l’a massé, et mon pied est redevenu comme s'il n'avait jamais été brisé". » Dans le prochain chapitre, nous verrons de quelle manière cet incident éclaire la personnalité de Mahomet.  Ici, nous nous contenterons de noter que le récit de l'assassinat d'Abu Rafi est également raconté par Ibn Hishâm,  Ibn Ahtir,  et par l'auteur du Rauzatu-s Safa . Il y a de très grandes différences entre ces récits, certains disant que l'assassin s'était cassé la jambe, certains que c'était son bras, et d’autres qu'il s'était simplement foulé le poignet. Dans certaines versions, le récit ne dit absolument pas que Mahomet a guéri la blessure et, de ce fait, les auteurs ne reconnaissent aucun élément miraculeux dans cet incident.  Tous, cependant, admettent que l'assassinat de l'homme endormi a été commis à l'instigation de Mahomet. Dans ces conditions, si Mahomet avait opéré un miracle, nous serions confrontés à une grave difficulté morale si nous essayions de prouver que c'était l'assistance divine qui avait permis que fût réalisé un miracle au bénéfice d'un assassin tel qu'Abdu'llah ibn 'Utaik.

(2) On connaît de nombreux récits différents et contradictoires de la façon dont Mahomet a fourni de l'eau à ses disciples un jour qu'ils avaient soif ; un grand nombre de ces récits sont repris dans le Mishkat. A titre d'exemple, nous citerons la Tradition suivante, qui est présentée sur l'autorité de Jabir  : « Le jour d’Al Hudaibiyyah, les hommes avaient soif et l'Apôtre de Dieu avait dans ses mains une petite gourde d'eau, qui lui permettait de faire ses ablutions rituelles. Alors les hommes s'approchèrent de lui et lui dirent : "Nous n'avons pas d'eau pour faire nos ablutions ni pour boire, sauf ce qui est dans ta gourde". Alors le Prophète plongea sa main dans la gourde et l'eau commença à bouillonner d'entre ses doigts comme des fontaines. Alors nous avons bu et fait nos ablutions. » On demanda à Jabir : « Combien étiez-vous ? » Il dit : « Si nous avions été 100 000, cela nous aurait certainement suffi. Nous étions 1 500. » D'autres récits disent qu'ils étaient 1 400 ; d'autres disent entre 1 400 et 1 500 ; d'autres 1 300 ; ou 1 600 ; ou 1 700. Ibn 'Abbas dit 1 525.

Une autre version de ce récit, très différente, nous est donnée par Bukhari, qui s'appuie sur l'autorité d'Al Barra ibn 'Azib. Il raconte : « Le jour d’Al Hudaibiyyah, nous étions1 400, avec l'apôtre de Dieu ; et Al Hudaibiyyah est un puits. Nous l'avions épuisé et nous n'y avions pas laissé une goutte. Le prophète arriva et vint au puits. Il s'assit sur son bord. Puis il demanda un récipient d'eau. Il fit ses ablutions rituelles. Puis il se rinça la bouche et pria. Puis il la versa (c'est-à-dire ce qui restait de l'eau) dedans (c'est-à-dire dans le puits). Puis il dit : "Attendez quelque temps". Puis ils tirèrent de l'eau pour eux et pour leurs montures avant de s'en aller. »  Notre honorable lecteur comprendra bien que lorsque de l'eau remonte dans un puits après qu'on a cessé d’en puiser pendant un certain temps, il n'y a là rien de miraculeux ; et c'est quelque chose de très différent que de faire jaillir, entre les doigts d'un homme, de l'eau en suffisance pour satisfaire les besoins de 100 000 hommes.

(3) Un grand nombre de récits racontent que des arbres et des pierres saluaient Mahomet en tant qu’Apôtre de Dieu, et que des arbres le suivaient ou se déplaçaient sur son ordre. Nous choisirons l'un de ses récits, quoique la modestie exige que nous en omettions quelques mots. Cette histoire est racontée par Muslim,  qui s'appuie sur l'autorité de Jabir : « Nous voyagions avec l'Apôtre de Dieu et nous descendîmes dans une large vallée... Et voilà qu'il y avait deux arbres au bord de la vallée... L'Apôtre de Dieu saisit une branche de l'un d'eux et dit : "Suis-moi, avec la permission de Dieu". Et la branche le suivit – comme un chameau qui, avec un anneau dans le nez, suit tranquillement son guide – jusqu'à ce que Mahomet arrive à l'autre arbre. Il saisit l'une de ses branches et dit : "Suis-moi, avec la permission de Dieu". Et elle le suivit ainsi, jusqu'à ce qu'il arrive à mi-distance entre les deux arbres. Il dit : "Rejoignez-vous au-dessus de moi, avec la permission de Dieu". Alors elles se rencontrèrent. » Jabir poursuit en disant que, jetant discrètement un coup d’œil de ce côté, il vit lui-même que, lorsque le Mahomet n’eut plus besoin des arbres, ceux-ci retournèrent à leur place.

(4) À titre d'exemple d'une autre catégorie de prétendus miracles, nous avons choisi le suivant, qui nous est donné par Anas.  « En vérité, il y avait un homme qui avait coutume d'écrire pour le prophète. Puis il apostasia, il abandonna l'islam pour s'associer aux polythéistes. Alors le prophète dit : "En vérité, la terre ne le recevra pas". Par la suite, Abu Talhah m'a raconté qu'il était allé dans le pays dans lequel cet homme était mort, et il constata qu'il avait été jeté dehors. Il demanda : "Que s'est-il passé avec cet homme ?" On lui dit : "Nous l'avons enterré à plusieurs reprises, et la terre n'a pas voulu le recevoir". » Les musulmans instruits n'ont jamais été en mesure de se mettre d'accord sur l'identité de ce malheureux.

 (5) S'appuyant sur l'autorité du même Jabir, Al Bukhari raconte l'histoire suivante  : « Lorsqu'il prêchait, le prophète s'appuyait sur le tronc d'un palmier, l'une des colonnes de la mosquée. Quand on lui eut fait un pupitre, c'est là qu'il se tint, et le palmier à côté duquel il avait coutume de prêcher cria au point qu'il était proche de se fendre. Alors le prophète descendit de son pupitre, prit le palmier et le pressa contre lui. Mais celui-ci commença à pleurer comme pleure un bébé qu'on berce pour le faire taire, jusqu'à ce qu'il eût retrouvé le calme. Mahomet dit : "Il pleurait parce qu'il n’entendait [plus] l'Avertissement". »

(6) At Tirmidhi et Ad Darimi , s'appuyant sur l'autorité d'Ali, racontent l'histoire suivante  : « J'étais avec le prophète à La Mecque. Nous allâmes dans l’un des districts environnants. Il n'y avait ni une montagne ni un arbre qui, lorsque nous les croisions, ne disaient pas : "Que la paix soit sur toi, ô Apôtre de Dieu". »

(7) Le récit suivant s'appuie sur l'autorité d’Ibn 'Abbas  : « En vérité, une femme amena l'un de ses fils à l'Apôtre de Dieu et lui dit : "Ô Apôtre de Dieu, vraiment mon fils a un démon en lui, et vraiment il s’empare chaque fois de lui au déjeuner et au souper". Alors l'Apôtre de Dieu lui frotta la poitrine et pria. Alors [l'enfant] vomit et il sortit de lui comme une sorte de lionceau noir ».

(8) Ad Darimi raconte  comment, un jour, Mahomet appela une aubépine à venir à lui. L’arbre vint à lui, labourant le sol, et se tint devant lui ; sur ordre de Mahomet, il récita trois fois ces mots : « Il n'y a pas d'autre dieu que Dieu seul ; Il n'a pas d’associé et Mahomet est Son serviteur et Son Apôtre". »

(9) At Tirmidhi garantit la vérité de l'histoire  selon laquelle, sur ordre de Mahomet, un régime de dattes tomba d'un palmier, pour prouver à un Arabe du Désert que Mahomet était un Prophète. Puis, sur son ordre, le régime de dattes reprit sa place sur l’arbre.

(10) Dans la première partie de l'ouvrage turc intitulé Mir'at i Ka'inat, nous lisons le merveilleux récit suivant  : « Un miracle. Dans les Livres des Biographies de Mahomet, il est écrit que, alors que l’Apôtre allait de Taïf à La Mecque, un nuage vint au-dessus de sa tête. Gabriel apparut et dit : "Le Dieu Très-Haut, ayant entendu les paroles de ta nation et ayant appris qu'elle te rejette, t’a envoyé l'ange qui est chargé de monter la garde sur les montagnes, afin que tu puisses lui dire ce que tu ordonnes". Alors cet ange le salua et dit : "Ô Mahomet, ton Seigneur m'a envoyé à toi afin que tu puisses me dire ce que tu ordonnes. C'est pourquoi, si tu l'ordonnes, je ferai se rejoindre ces deux montagnes afin que les incrédules qui sont entre elles périssent". L’Apôtre dit : "Non, je supplie le Dieu Très-Haut que de leurs reins vienne une postérité qui adorera Dieu seul et qui ne lui associera pas de partenaire". »

Il n'est pas nécessaire de citer d'autres contes de ce genre. Ceux qui en ont le goût en trouveront en abondance dans des livres tels que le Rauzatu-s Safa  , le Rauzatu'l Ahbab et le Jami'u'l Mu'jizat en persan, dans le Mir'at i Ka'inat en turc et dans d'autres ouvrages arabes en plus de ceux que nous avons déjà mentionnés. Des récits de ce genre abondent dans les livres des hindous et d'autres païens et, dans bien des pays, des idolâtres ignorants y croient encore ; pourtant, de par leur style et leur caractère, ils diffèrent fondamentalement des miracles authentiques racontés dans l'Injil, que le Coran confirme. Certaines de ces traditions font penser aux Contes des mille et une nuits et ils prouvent que, dans les temps anciens aussi, les Arabes avaient une imagination fertile et une grande capacité à inventer des histoires. On notera cependant que certains des miracles tels que ceux que nous avons cités relèvent exactement du genre de signes que les Quraïch demandaient à Mahomet. S'il les avait vraiment faits, le Coran en aurait certainement mentionné quelques-uns... Au contraire, il nous dit que Mahomet n'était pas un Dirigeant mais un Avertisseur, et il nous explique aussi pourquoi Dieu ne lui a donné aucun pouvoir d'opérer des miracles.

Si nos honorables lecteurs veulent bien lire soigneusement les récits que le Nouveau Testament donne des miracles opérés par le Seigneur Jésus-Christ et par Ses Apôtres, ils s'apercevront à quel point ils diffèrent totalement, dans leur nature, de ceux que (contredisant sur ce point le Coran) les Traditions attribuent à Mahomet. Les miracles racontés dans le Nouveau Testament ne sont pas simplement des événements étonnants, contraires à la Nature (comme dans les cas d'un arbre qui marche et qui parle, d'un tronc qui crie et pleure comme un bébé, de la guérison par massage de la jambe ou du bras d'un assassin, etc.) ; ce sont des paraboles traduites en actes, pleines d'un enseignement spirituel, des œuvres de la Miséricorde et de la Puissance divines, telles que la purification de lépreux, l'ouverture des yeux d'un aveugle, la résurrection d'un mort, etc. (cf. Matthieu 11, 4-5 ; Luc 7, 22). Mais les miracles de guérison opérés par le Christ ne le furent jamais pour guérir un assassin de l'une des conséquences de son crime. Et le Christ n'a pas non plus employé Sa puissance divine pour faire marcher des arbres ni faire pleurer des pierres.

En outre, les récits qui racontent les miracles du Christ furent compilés, au plus tard, peu de temps après Son Ascension, alors qu'un bon nombre de Ses disciples immédiats vivaient encore. Ces récits furent mis par écrit, sous l'inspiration divine, dans certains cas par les disciples eux-mêmes (les évangiles de Matthieu et de Jean), dans d'autres en s’appuyant sur leur autorité (les évangiles de Marc et de Luc). Nous avons aussi de bonnes raisons de croire que de brefs comptes-rendus des œuvres merveilleuses du Christ ainsi que de Ses paroles furent, dans certains cas, mis par écrit au moment où elles furent effectuées. Par contre, les miracles que les Traditions attribuent à Mahomet ne furent mis par écrit que plusieurs centaines d'années après sa mort. Dans l'Injil, pour prouver qu'il était envoyé par Dieu, le Christ lui-même se réfère aux œuvres de puissance qu’Il a opérées ;  alors que, au contraire, le Coran nie que Mahomet ait fait des miracles , alors qu’il reconnaît ceux du Christ .

À ce stade, nous pouvons présenter en quelques mots certaines autres différences importantes entre les miracles du Christ et ceux que les Traditions attribuent à Mahomet.

« Il est attesté de façon concluante que beaucoup de gens qui affirmaient être les témoins originaux des miracles chrétiens ont mené une vie pleine de difficultés, de dangers et de souffrances, volontairement supportés pour confirmer les récits qu'ils avaient donnés, et pour la seule et bonne raison qu'ils croyaient en ces récits ; et que, pour ces mêmes motifs, ils ont adopté de nouvelles règles de comportement. »

Nous ne disposons pas d’éléments attestant de façon concluante que certaines personnes qui affirmaient avoir été les témoins originaux des prétendus miracles de Mahomet se soient jamais comportés de la même manière pour confirmer les récits qu'ils donnaient et dans la logique de leur croyance à ces récits. La compilation des Traditions mahométanes eut lieu à une date si tardive, et ce qu'elles contiennent est, dans de nombreux cas, si étrange que, lorsqu'on les étudie, on ne peut s'appuyer sur elles avec une quelconque certitude pour ce qui concerne les miracles ; peut-être ces Traditions sont-elles plus fiables pour ce qui est d'autres sujets se rapportant à Mahomet.

Mais il faut bien dire que ce qui est dit sur de tels sujets dans le Mishkat, le Hayatu'l Yaqin, le 'Ainu'l Hayat et dans d'autres livres encore plus populaires diffusés tant chez les sunnites que chez les chiites est tellement extraordinaire que cela jette un doute sur toutes les Traditions. Par exemple, il nous est raconté que des vierges poussent sur le sol, comme des roses, sur les rives des fleuves du Paradis, et que les musulmans les cueillent à leur plaisir. Il nous est raconté que, au Paradis, des oiseaux tout cuits descendent sur les tables et repartent en volant lorsque les musulmans en ont mangé à satiété. Il nous est raconté que, lorsque Dieu voulut créer Adam, il envoya Gabriel sur la terre pour en ramener une poignée d'argile à cette fin. La terre l'adjura par Dieu de ne pas prendre une partie de sa substance, et il revint les mains vides. Mais, en fin de compte, Azraël [[« l’ange de la mort »]] en prit par la force. Il nous est raconté que Mahomet a affirmé qu'il existe un ange qui a la forme d'un coq, dont les pieds sont posés sur le fond du septième étage de la terre et dont la tête atteint au seuil du trône de Dieu. Ailleurs, il nous est raconté que, lorsque Ève voulut manger du blé, la plante, pour lui échapper, poussa sur une distance égale à un trajet de 500 ans. Il nous est aussi raconté que la distance entre les épaules et les oreilles des Porteurs du Trône est celle d'un voyage de 70 ans.

En outre, chez les chiites du moins, les gens instruits admettent qu'il y a des contradictions entre les différentes Traditions et que l'on ne sait pas bien lesquelles sont fiables – pour autant qu'une quelconque le soit. Cela ressort clairement du passage suivant, tiré du Kafi d’Abu Ja'far Muhammad, lequel s'appuie sur l'autorité d'Ali ibn Ibrahim  : « Un jour, je dis à ‘Ali : "A propos des Traditions qui proviennent de Mahomet, j'entends dire qu'elles se contredisent entre elles et même qu’elles contredisent le Coran, au point que toi-même tu ne les juges pas non plus fiables. Et je lui demandai : "Quelle en est la raison et, dans ces conditions, comment est-il possible de trouver une Tradition exacte ?" Alors, en réponse, Ali définit certaines règles permettant de faire la distinction entre des Traditions exactes et des Traditions inexactes. Toujours insatisfait, 'Ali ibn Ibrahim lui dit : "Si [les sages et les qazis] sont tous d'accord sur deux Traditions [contradictoires] ?" Il dit : "Il faut retenir celle vers laquelle leurs sages et les qazis inclinent le plus ; alors abandonne-la et conserve l'autre." Il dit : "Et si leurs sages sont tous d'accord sur les deux Traditions ?" Il dit : "Dans ce cas, attends que ton imam arrive car, en vérité, il vaut mieux rester dans le doute plutôt que de comprendre et en mourir". »

Dans l'ensemble, donc, nous pouvons conclure qu'aucun miracle ne vient confirmer l'affirmation de Mahomet selon laquelle il aurait reçu un mandat prophétique, ainsi que le prouve par ailleurs clairement le Coran ; en effet, les miracles mentionnés dans les Traditions sont en eux-mêmes trop absurdes et, dans certains cas, trop contraires au Coran, et trop mal corroborés pour être acceptés comme ayant effectivement eu lieu.
 
 
 

 CHAPITRE 6

LA PERSONNALITÉ ET LE COMPORTEMENT DE MAHOMET –
LES ÉLÉMENTS FOURNIS À CE SUJET PAR LE CORAN
AINSI QUE PAR DES HISTORIENS ET COMMENTATEURS MUSULMANS TENDENT-ILS À CONFIRMER L’AFFIRMATION DE MAHOMET
SELON LAQUELLE IL AURAIT REÇU UNE MISSION PROPHÉTIQUE ?

Il nous faut maintenant considérer certaines actions de Mahomet ainsi que certains détails de son comportement pour voir si, en soi, ils peuvent confirmer son affirmation selon laquelle il a été envoyé par Dieu comme Prophète et Apôtre. Sur ces questions, il est nécessaire et naturel que nous nous exprimions avec la plus grande courtoisie et le plus grand respect pour les sentiments de nos lecteurs musulmans. C'est pourquoi nous ne citerons pas les déclarations d'auteurs grecs et autres auteurs chrétiens mais uniquement celles d'auteurs musulmans réputés. Nous ne nous aventurerons pas non plus à exprimer un quelconque jugement personnel sur ce sujet, nous rappelant ce qu'a dit saint Paul : « Qui es-tu, toi qui te fais juge du serviteur d'un autre ? Qu’il se tienne droit ou qu’il tombe, c’est l’affaire de son maître » . Nous sommes tous des serviteurs de Dieu, et Lui seul est le Juge de tous les hommes. Mais il est inévitable que chacun de nous ait son avis propre sur ce sujet, même s’il n’est pas appelé à l'exprimer. Pour que nos honorables lecteurs sachent bien quelle est la réalité et que, ainsi, ils puissent juger par eux-mêmes si Mahomet était ou n’était pas ce que les musulmans croient qu'il a été, nous allons maintenant leur présenter quelques citations tirées du Coran lui-même, accompagnées des explications données par certains des principaux commentateurs musulmans sur ces passages pour éviter qu'il y ait la moindre incertitude sur leur sens. En outre, nous nous référerons à certaines déclarations faites par des grands biographes musulmans de Mahomet ainsi qu’à des historiens musulmans, parallèlement à des Traditions communément acceptées, afin que l'on voie bien la manière dont il s'est comporté après avoir assuré son pouvoir par son alliance avec les tribus des Aus et des Khazraj à Médine, après leur conversion à l'islam. Nous rappelons explicitement à nos lecteurs que nous n'exprimons pas ici nos propres opinions : nous nous contentons de citer ce que des autorités musulmanes disent sur ces points.

Les deux thèmes que nous avons choisis d'étudier plus avant sont : (1) la situation matrimoniale de Mahomet et (2) son comportement à l'égard de ses ennemis. Le lecteur instruit remarquera que nous aurions facilement pu choisir des extraits d'auteurs musulmans qui traitent de chacun de ces deux points plus complètement que ceux auxquels nous nous référerons. Mais nous avons voulu nous limiter à des autorités fiables et éviter toutes celles dont les déclarations semblent, dans une quelconque mesure, tomber dans l'exagération ou laisser libre cours à leur imagination. Certains auteurs relevant cette dernière catégorie, ne sachant pas comment leurs déclarations seraient considérées par des lecteurs impartiaux, ont peut-être dit, à propos de Mahomet, certaines choses qui présentent sa personnalité sous un jour par trop défavorable. C'est la raison pour laquelle nous ne les avons pas cités et que nous nous sommes limité, essentiellement, à des récits antérieurs et plus fiables dus à des auteurs arabes. Cela dit, nous citerons aussi, à l'occasion, des ouvrages en persan et en turc, pour faire bien voir que l'ensemble du monde mahométan est d'accord sur les faits que nous étudions.

I. Considérons tout d’abord la situation matrimoniale de Mahomet. La sourate 4, 3 fixe pour règle que chaque musulman peut avoir une ou deux ou trois ou quatre femmes à la fois, « ou ce que possède ta main droite ». Al-Baidhawi explique que cette dernière expression signifie des concubines ou des esclaves (?????). Ce verset sanctionne à jamais la polygamie et le concubinage servile chez les musulmans, perpétuant ainsi les nombreux maux qui en découlent et qui abondent dans les pays musulmans. Dans sa polygamie,  Mahomet n'était pas restreint même par les larges limites fixées dans ce passage ; en effet, dans la sourate 33, 50-51, un privilège spécial est accordé à Mahomet, à qui il est dit : « Ô toi, le Prophète ! Nous avons déclaré licite pour toi les épouses auxquelles tu as donné leur douaire, les captives que Dieu t'a destinées, les filles de ton oncle paternel, les filles de ton oncle maternel, les filles de tes tantes maternelles – celles qui avaient émigré avec toi – ainsi que toute femme croyante qui se serait donnée au Prophète pourvu que le Prophète ait voulu l'épouser. Ceci est un privilège qui t’est accordé, à l'exclusion des autres croyants. Nous savons ce que nous leur avons imposé  au sujet de leurs épouses et de leurs esclaves (littéralement : ce que leur main droite possède), de manière à ce que tu ne ressentes aucune gêne. »

Dans son commentaire sur ce passage, Al-Baidhawi dit : « "un privilège etc." – cela signifie que cette disposition relève de ce qui lui est spécialement accordé en son honneur, du fait qu'il est un prophète, et pour reconnaître qu’Il [[Dieu]] le juge digne de générosité en la matière » . Entre autres explications du mot traduit par « un privilège », Al-Baidhawi avance les expressions suivantes : « une véritable amitié » et « un don spécial ». Pour bien comprendre dans quelle mesure Mahomet a profité de ce « privilège spécial », on notera que, au moment de sa mort, il avait neuf femmes encore en vie, plus au moins deux concubines : Marie [[Myriam]] et Rihanah. Ibn Isham nous informe que, au total, Mahomet a eu 13 femmes. Aïcha était âgée de six ou sept ans lorsqu'eut lieu la cérémonie de son mariage avec Mahomet, et il commença à cohabiter avec elle alors qu'elle jouait encore à la poupée, à l'âge de 9 ou 10 ans.

Pour ce qui est de Marie [[Myriam]] la copte, envoyée à Mahomet par le gouverneur de l'Égypte, on lit dans la sourate 66, 1-2 : « Ô Prophète ! Pourquoi interdis-tu ce que Dieu a rendu licite lorsque tu recherches la satisfaction de tes épouses. – Dieu est celui qui pardonne, Il est miséricordieux –. Dieu vous impose de vous libérer de vos serments. Dieu est votre maître ! Il est celui qui sait tout, Il est sage. » Al-Baidhawi donne deux explications différentes de ce passage, mais celle qui est confirmée par d'autres commentateurs est celle-ci : « On raconte que Mahomet était seul en compagnie de Marie, à la place d'Aïcha ou de Hafsah. Hafsah s'en aperçut et alors elle s’irrita contre lui (Mahomet). Il déclara Marie illicite. C'est pourquoi (ces versets) sont descendus » . Toute cette histoire, qui n'est pas très édifiante, est racontée très en détail dans le Rauzatu-s Safa  et ailleurs. Nous en avons choisi une forme courte et simple, pour éviter des détails qui ne conviennent pas à ces pages. Mais tout cet incident donne de la personnalité de Mahomet une idée très particulière. On ne manquera pas non plus de juger étrange qu'une révélation venant du Saint sanctionne le reniement de serments et un comportement tel que celui mentionné par les commentateurs.

À propos du mariage de Mahomet avec Zaïnab, fille de Jahsh et femme de son propre fils adoptif Zayd, nous lisons dans la sourate 33, 37-38 : « Quand tu disais à celui que Dieu avait comblé de bienfaits et que tu avais comblé de bienfaits [[c’est-à-dire Zayd]] : "Garde ton épouse et crains Dieu", tu cachais en toi-même, par crainte des hommes, ce que Dieu allait rendre public. – Mais Dieu est plus redoutable qu’eux –. Puis, quand Zayd eut cessé tout commerce avec son épouse [[MK : qu’il l’eut répudiée]], nous te l'avons donnée pour femme afin qu'il n'y ait pas de faute à reprocher aux croyants au sujet des épouses de leur fils adoptif, quand ceux-ci ont cessé tout commerce avec elles [[les ont répudiées]] – l'ordre de Dieu doit être exécuté –. Il n'y a pas de faute à reprocher au Prophète au sujet de ce que Dieu lui a imposé conformément à la coutume instituée par Dieu, pour ceux qui vécurent autrefois [[MK : pour ceux qui, autrefois, étaient libres]]  ; – l'ordre de Dieu est un décret immuable. »

À propos de la Zaïnab dont il est ici question, les deux Jalal disent : « Le Prophète l’a mariée à Zayd ; puis, après un certain temps, son regard [[de Mahomet]] tomba sur elle et l'amour d’elle tomba dans son âme, et le dégoût d'elle tomba dans l'âme de Zayd. Il dit au Prophète : "Je veux me séparer d'elle". Alors il dit : "Garde ta femme pour toi", comme l'a dit le Dieu Très-Haut... Puis Zayd divorça d'elle, et son temps (à elle) fut accompli. » À propos des mots : « nous te l'avons donnée pour femme », ils disent : « Et c'est ainsi que le Prophète entra chez elle sans permission, et il distribua aux musulmans du pain et de la viande à satiété ».  Al-Baidhawi dit  : « "Garde ta femme pour toi", il s’agit de Zaïnab ; et cela parce que Mahomet l’admirait après qu'il l’eut mariée à lui (Zayd), et elle tomba dans son âme ; c'est pourquoi il dit : "Loué soit Dieu qui renverse les cœurs". Et Zaïnab entendit cette louange, et elle la mentionna à Zayd. Il fut prompt à la comprendre, et dans son âme naquit une aversion pour sa compagnie (à Zaïnab). C'est pourquoi il vint au Prophète et dit : "Je désire répudier ma femme". (Mahomet) dit : "Quel est ton problème ? Est-ce que quelque chose t’a fait douter d’elle ?" (Zayd) dit : "Non, par Dieu ! je ne lui ai rien vu faire que ce qui est bon ; mais, vraiment, sa dignité est trop grande pour moi". Alors il lui dit : "Garde ta femme pour toi"... C'est pourquoi, lorsque Zayd eut satisfait l'une de ses demandes (de Zaïnab), étant donné qu'il était fatigué d'elle, qu'il l’avait répudiée et que son temps (à elle) était terminé... "Nous te l'avons donnée pour femme" : ... cela signifie qu’Il (Dieu) lui a ordonné de l'épouser, ou qu’Il l'a faite sa femme (celle de Mahomet), sans recours à un contrat de mariage. Et ce qui confirme (cette explication), c’est qu'elle avait coutume de dire aux autres femmes du Prophète : "En vérité, Dieu a joué le rôle de mon parent lorsque j'ai été donnée en mariage ; quant à vous, ce sont vos parents à vous qui vous ont données en mariage". Et on dit que Zayd fut l'intermédiaire dans ses fiançailles, et ce fut une grande épreuve pour lui, et un témoignage manifeste de la force de sa foi. » Ces derniers mots nous font bien comprendre que, pour Baidhawi, il était évident qu'un tel comportement de la part de Mahomet incitait naturellement un bon nombre de gens à douter de la vérité de ses affirmations.

Nous lisons l'histoire des relations entre Mahomet et Safiyyah, Rihanah et quelques autres de ses femmes et concubines dans la Suratu'r Rasul d’Ibn Hishâm, dans l’Histoire d’Ibn Athir, dans le Rauzatu-s Safa, le Rauzatu'l Ahbab et dans d'autres ouvrages écrits par des musulmans eux-mêmes.  Ces livres ne sont pas d'une lecture agréable, ils ne sont pas non plus très édifiants ni profitables, sinon pour éclairer la personnalité morale de Mahomet. Mais nous nous contenterons de ce qui a déjà été dit sur cette question.

II. Nous allons maintenant considérer son comportement à l'égard de ses ennemis. Ici encore, nous ne mentionnerons qu'un petit nombre d'incidents parmi bien d'autres.

Ibn Isham nous raconte comment la tribu juive des Banu Quraizah s'était constituée prisonnière auprès de Mahomet ; ce dernier décida que ce serait Sa'd ibn Mu'adh, que les juifs avaient blessé au combat, qui déciderait de leur sort. L'historien poursuit son récit  en disant : « Sa’d dit : "En ce qui les concerne, je décide que tu tueras les hommes, que tu partageras les biens, et que tu réduiras en esclavage les enfants et les femmes". Ibn ‘Ishâq dit... que le Prophète de Dieu dit à Sa’d : "Tu as porté sur eux un jugement avec le jugement de Dieu qui est au-dessus des sept cieux"... Et c'est ainsi que l’Apôtre de Dieu les emprisonna à Médine, dans la maison de la fille de Harith, une femme des Banu'n Najjar. Puis l’Apôtre de Dieu alla sur la place du marché de Médine, qui est aujourd'hui encore la place du marché, et il y fit creuser des tranchées. Puis il les envoya chercher et les décapita dans ces tranchées. On les lui amena comme il l'avait ordonné, et il y avait parmi eux l'ennemi de Dieu, Hayy bin Akhtab, et Ka'b ibn Asad, le chef de la tribu ; et ils étaient 600 ou 700. Et certains estiment qu'ils étaient en plus grand nombre et disent qu'ils étaient entre 800 et 900. Et pendant que Ka'b ibn Asad se rendait avec eux auprès de l’Apôtre de Dieu, ils lui dirent : "Que crois-tu qu'il va faire de nous ?" Il dit... "Ne comprenez-vous pas ? Ne voyez-vous pas que la personne qui ordonne ne se rétracte pas, et que tous ceux d'entre vous qui vont à lui ne reviendront pas ? Par Dieu ! c'est un massacre". Et cet état de choses ne se termina que lorsque l’Apôtre de Dieu en eut terminé avec eux. Hayy bin Akhtab, l'ennemi de Dieu, fut amené, et il portait un manteau aux couleurs de fleurs... Lorsqu'il vit l’Apôtre de Dieu, il dit : "En vérité, par Dieu ! Je ne me reproche pas de t'avoir été hostile ; mais celui que Dieu abandonne, Il l'abandonne". Puis il alla vers les hommes et dit : "Hommes, en vérité, il n'y a pas de mal dans le commandement de Dieu, c'est un décret et un sort et un massacre que Dieu a prescrits concernant les Enfants d'Israël". Puis il s'assit et fut décapité... Aïcha raconte : "Aucune de leurs femmes ne fut tuée, à l'exception d'une... Elle était avec moi, parlant avec moi et riant extérieurement et intérieurement pendant que l’Apôtre de Dieu tuait ses hommes sur le marché, lorsqu'un Crieur cria son nom : ‘Où est telle et telle femme ?’ Elle dit : ‘C'est moi, par Dieu !’ Et je lui dis : ‘Hélas pour toi, que t'arrive-t-il ?’ Elle dit : ‘Je vais être tuée’. Je lui dis : ‘Et pourquoi ?’ Elle dit : ‘À cause de ce que je dis’. Puis elle fut emmenée et décapitée" ». Aïcha racontait par la suite : "Par Dieu ! je n'oublie pas la surprise qu'elle m'a faite, comme elle était belle et combien elle riait, alors qu'elle savait qu'elle allait être tuée". C’est elle qui avait jeté la pierre à moudre sur Khalad ibn Suwaid... Ibn ‘Ishâq dit : "L’Apôtre de Dieu avait ordonné le massacre des hommes qui avaient atteint l'âge de la puberté... Puis, en vérité, l’Apôtre de Dieu a réparti entre les musulmans les biens des Banu Quraizah ainsi que leurs femmes et leurs enfants... Puis l’Apôtre de Dieu envoya à Najad Sa'd bin Zayd l’Ansari, frère du Banu 'Abdi'l Ashhal, avec certaines des captives des Banu Quraizah et, avec elles, il a acheté des chevaux et des armes. Et l’Apôtre de Dieu choisit pour lui-même, parmi leurs femmes, Rihanah, fille de 'Amr bin Khanafah... et elle resta avec l’Apôtre de Dieu jusqu'à sa mort, et elle fit partie de ses concubines. L’Apôtre de Dieu lui avait proposé de l'épouser et de jeter le voile sur elle. Elle dit : "Ô Apôtre de Dieu, au contraire, laisse-moi parmi tes esclaves, cela sera plus simple pour moi et pour toi". »

Après la bataille de Badr, lorsque les musulmans eurent jeté dans un vieux puits  les corps de leurs ennemis qui étaient tombés au cours de cet engagement, alors qu'ils étaient sur le chemin du retour à Médine avec leurs prisonniers, certains de ceux-ci furent mis à mort. Voici ce que raconte à ce propos Ibn ‘Ishâq  : « Lorsque l’Apôtre de Dieu était à As Sufra, An Nazr ibnu'l Harith fut exécuté ; 'Ali ibn Abi Talib l'a exécuté, ainsi que me l'ont appris certains Mecquois informés... Puis (Mahomet) poursuivit sa route et, lorsqu'il fut arrivé à 'Arqu'z Zabiyyah, 'Uqbah bin Abi Mu'ait fut exécuté... Lorsque l’Apôtre de Dieu ordonna à son exécution, 'Uqbah dit : "Qui donc (gardera) ma petite fille, ô Mahomet ?" Il dit : "Le feu de l'enfer !" ».

Voici le récit du meurtre de Ka'b ibnu'l Ashraf tel que raconté dans la Siratu'r Rasul d'Ibn Isham  : « Alors Ka'b ibnu'l Ashraf rentra à Médine et loua la beauté des femmes des musulmans, au point qu'il finit par les importuner. Alors l’Apôtre de Dieu dit : ... "Qui est pour moi dans cette affaire d'Ibnu'l Ashraf ?" Muhammad ibn Maslamah, frère du Banu 'Abdu'l Ashhal, lui dit : "Je suis pour toi dans cette affaire, ô Apôtre de Dieu : je le tuerai". Il dit : "Alors fais-le, si tu en es capable". C'est ainsi que Muhammad ibn Maslamah rentra et attendit trois jours sans manger ni boire sinon ce qu'il lui fallait pour survivre. Il mentionna cela à l’Apôtre de Dieu. Alors ce dernier pria et lui dit : "Pourquoi as-tu cessé de manger et de boire ?" Il dit : "Ô Apôtre de Dieu, je t'ai dit quelque chose et je ne sais pas si je pourrai ou non le faire pour toi". (Mahomet) dit : "En vérité, c'est à toi qu'il appartient d'essayer"... Pour le tuer, ils se rassemblèrent à plusieurs : Muhammad ibn Maslamah et Salkan ibn Salamah ibn Waqsh, et c’est Abu Na'ilah, l’un des fils de 'Abdu'l Ashhal, et c'était le beau-frère de Ka'b ibnu'l Ashraf, et 'Abbad ibn Bashr ibn Waqsh, l’un des fils de 'Abdu'l Ashhal, et Harith ibn Aus ibn Mu'adh, l’un des fils de 'Abdu'l Ashhal, et Abu 'Abs ibn Jabar, l’un des fils de Harithah. Avant de venir à lui, ils envoyèrent Salkan ibn Salamah Abu Na'ilah à Ka'b ibnu'l Ashraf, l'ennemi de Dieu. Il vint et conversa avec lui pendant un certain temps, et ils se récitaient mutuellement de la poésie, et Abu Na'ilah ne cessait pas de réciter de la poésie . Puis il dit : "C'est bien, Ibnu'l Ashraf ! En vérité, je suis venu à toi à cause de quelque chose dont j’ai besoin ; mais garde bien le secret". Il dit : "Tu peux compter sur moi". (Abu Na'ilah) dit : "La venue de cet homme  a été une calamité pour nous. À cause de lui, les Arabes... ont bloqué les routes contre nous, de sorte que nos familles ont péri, nos âmes sont émaciées, et nous avons maigri et nos familles ont maigri". Ka'b dit : "Aussi sûr que je m'appelle Ibnu'l Ashraf, ne t’ai-je pas dit et répété, par Dieu ! ô Ibn Salam, que les choses tourneraient exactement comme cela ?" Salkan lui dit : "Je désire que tu nous vendes de la nourriture, et nous te donnerons un gage et nous concluront un accord avec toi, et cette affaire te profitera". Il dit : "Vas-tu me laisser tes enfants en gage ?" (Abu Na'ilah) dit : "Tu veux nous insulter ! En vérité, il y a avec moi des camarades qui partagent mon avis, et je souhaite te les amener ; alors tu leur vendras à eux et, ce faisant, tu feras une bonne action ; et nous te laisserons en gage certaines des armes qui assurent notre sécurité". Salkan espérait que (Ibnu'l Ashraf) ne refuserait pas les armes quand on les lui apporterait. Il dit : "Assurément, c’est vrai que les armes assurent la sécurité". Salkan retourna auprès de ses camarades et les mit au courant, et il leur ordonna d'apporter des armes puis de se disperser avant de le rejoindre. C'est ainsi qu'ils se rassemblèrent dans la maison de l’Apôtre de Dieu... L’Apôtre de Dieu marcha avec eux jusqu'aux champs de l’aubépine. Puis il les envoya et dit : "Allez, au nom de Dieu ! Ô Dieu, viens à leur aide !" Puis l’Apôtre de Dieu rentra chez lui. Et, cette nuit-là, la lune brillait. Ils avancèrent jusqu'à la place-forte (d'Ibnu'l Ashraf). Abu Na'ilah l’appela et lui demanda de sortir. Il venait de se marier. Il se couvrit rapidement de son manteau. Sa femme l’attrapa par la tunique et lui dit : "En vérité, tu es un guerrier, et les guerriers ne descendent pas à cette heure-là". Il dit : "En vérité, c'est Abu Na'ilah ; s'il me trouvait endormi, il ne me réveillerait pas". Elle dit : "Par Dieu ! je t'assure que j'entends le mal dans sa voix". Ka’b lui dit : "Si cet homme m’appelle pour jeter des lances, je répondrai certainement ‘oui’" . Il descendit et discuta avec eux pendant un certain temps, et ils parlèrent avec lui. Puis (Abu Na'ilah) dit : "Acceptes-tu, Ibnu'l Ashraf, que nous marchions ensemble jusqu'à la Passe de la Vieille Femme pour y passer le reste de la nuit à discuter ?" (Ibnu'l Ashraf) dit : "Si tu veux". Et c’est ainsi qu’ils s'en allèrent ensemble. Ils marchèrent longtemps. Puis, en vérité, Abu Na'ilah plongea la main dans les boucles de cheveux sur la tête (d'Ibnu'l Ashraf). Puis il renifla sa main et dit : "Elle n'a jamais senti aussi bon que ce soir". Puis ils continuèrent à marcher pendant un certain temps. Puis il (Abu Na'ilah ) agit à nouveau de la même manière, pour donner confiance à Ka'b. Puis il continua à marcher pendant un certain temps, et il fit la même chose : il saisit les boucles de cheveux sur la tête (d'Ibnu'l Ashraf), puis il dit : "Frappez l'ennemi de Dieu !" Alors ils le frappèrent. Leurs glaives s’entrechoquèrent autour de lui sans rien lui faire. Muhammad ibn Maslamah dit : "Alors, lorsque je vis que nos glaives ne lui faisaient rien, je me rappelai ma longue épée. Je la saisis. L'ennemi de Dieu poussa un cri si fort que, autour de nous, il n'y eut pas une demeure dans laquelle on n’alluma pas un feu. Puis je l'ai plongée dans son abdomen, puis je l'ai poussée jusqu'à ce qu'elle atteigne son nombril, et l'ennemi de Dieu tomba ; et Harith ibn Aus ibn Mu'adh avait reçu un coup et été blessé à la tête ou au pied ; l'un de nos glaives l'avait touché. Nous nous éloignâmes, nous passâmes le Banu Umayyah ibn Zayd, puis le Banu Quraizah, puis Bu'ath, et finîmes par arriver près de Harratu'l 'Ariz. Et notre camarade Al Harith ibn Aus nous avait retardés : il avait tellement perdu de sang qu’il était épuisé. Nous dûmes nous arrêter un certain temps à cause de lui ; alors l'un de ceux qui nous poursuivaient s'approcha de nous. C'est pourquoi nous le portâmes (Al Harith) et l’amenâmes à l’Apôtre de Dieu à la fin de la nuit. Il priait debout. Nous le saluâmes, et il sortit à notre rencontre ; nous l’informâmes que l'ennemi de Dieu avait été tué. Il cracha sur la blessure de notre camarade et s'en retourna. Et nous rentrâmes chez nous". »

L'histoire de Muhaisah et Huwaisah nous dit à l'instigation de qui un autre assassinat fut commis et nous montre aussi comment certaines conversions furent obtenues à Médine. Citant Ibn ‘Ishâq, Ibn Isham raconte  : « L’Apôtre de Dieu dit : "Tous les hommes juifs que vous vaincrez, tuez-les". C'est pourquoi Muhaisah  ibn Mas'ud attaqua et tua l'un des marchands juifs, Ibn Subainah , un homme avec qui ils avaient coutume de négocier et de faire des affaires. Et, lorsque cela se produisit, Huwaisah ibn Mas'ud n'était pas encore devenu musulman. Il était plus vieux que Muhaisah. Lorsque (Muhaisah) l'eut tué (Ibn Subainah), Muhaisah commença à le battre, lui disant : "Ô ennemi de Dieu, l’as-tu tué ? – Certainement, par Dieu ! c'était pour augmenter la graisse de ton ventre grâce à ses biens". [En racontant cette histoire] Muhaisah dit : "Je lui dis alors : ‘Par Dieu ! si celui qui m'a ordonné de le tuer m'ordonnait de te tuer, je te décapiterais certainement’." Il dit : "Par Dieu !", et ce fut là le commencement de la conversion de Huwaisah à l'islam. Il dit : "Par Dieu ! Si Mahomet t'ordonnait de me tuer, me tuerais-tu vraiment ?" (Muhaisah) dit : "Oui, par Dieu ! s'il m'avait ordonné de te couper la tête, je l'aurais fait". (Huwaisah) dit : "Par Dieu ! dans ton cas, cette religion a vraiment donné des résultats extraordinaires ". » Et c'est ainsi que Huwaisah devint musulman. Ibn ‘Ishâq dit : "Un client des Banu Harithah m'a raconté cette tradition, s'appuyant sur l'autorité de la fille de Muhaisah (qui elle-même l'avait apprise) de son père Muhaisah”. » S’appuyant sur une autre source, Ibn Hishâm lui-même donne une version légèrement différente de la conversion de Huwaisah à l'islam . Mais elle est très peu différente de celle que nous avons citée et elle explique, comme le fait ce récit, que sa conversion est due à la terreur que lui inspirait un autre meurtre commis par Muhaisah, également sur ordre de Mahomet.

Le récit que fait Ibn ‘Ishâq du meurtre de Salam ibn Abil Huqaiq est un autre exemple du genre d'actes que Mahomet approuvait.  Il nous dit qu'il existait une rivalité entre deux tribus des Ansar : les Aus et les Khazraj, chacune étant résolue à ce que l'autre ne la dépasse pas en zèle pour l'islam et Mahomet. C'est pourquoi, dit-il, « quand les Aus eurent tué Ka'b ibnu'l Ashraf, qui était un ennemi de l’Apôtre de Dieu, les Khazraj dirent : "Par Dieu ! ils ne nous dépasseront jamais en cela" ; alors, ils se consultèrent entre eux pour savoir quel homme était hostile à l’Apôtre de Dieu comme Ibnu'l Ashraf. Et ils pensèrent à Ibn Abi'l Huqaiq, et celui-ci demeurait à Khaibar. Alors ils demandèrent à l’Apôtre de Dieu la permission de le tuer, et il les y autorisa. C'est ainsi que cinq hommes des Khazraj, des Banu Salmah, cinq personnes y allèrent : 'Abdu'llah ibn 'Utaik, Mas'ud ibn Sana, 'Abdu'llah ibn Unais, Abu Qatadatu'l Harith ibn Rab'i et Khaza'i ibn Aswad, l'un de leurs confédérés, qui avait embrassé l'islam. Et c'est ainsi qu'il partirent. Et l’Apôtre de Dieu plaça à leur tête, pour les commander, 'Abdu'llah ibn 'Utaik, et il leur interdit de tuer un enfant ou une femme. Ils avancèrent jusqu'à Khaibar. Ils arrivèrent pendant la nuit au village d’Ibn Abi'l Huqaiq. Ils ne visitèrent pas une maison du village sans vérifier qui y habitait. Et, chez lui, (Ibn Abi'l Huqaiq) se trouvait dans une chambre haute à laquelle on accédait par un escalier. Alors ils montèrent l'escalier et se trouvèrent devant sa porte. Ils lui demandèrent l'autorisation d'entrer. Sa femme sortit pour les voir. Elle dit : "Qui êtes-vous ?" Ils dirent : "Des Arabes ; nous recherchons du blé". Elle dit : "Votre ami est là, entrez le voir". Lorsqu'ils entrèrent chez lui, nous fermâmes la porte à clef sur nous-mêmes et sur elle , pour éviter que, si l'on en venait à se battre, elle n'intervienne entre nous et lui. Alors sa femme se mit à crier et à nous injurier. Nous tombâmes sur lui à l'improviste avec nos glaives ; (il était au lit) et, par Dieu ! dans les ténèbres de la nuit, rien ne nous indiquait où il était, sauf sa pâleur [qui le faisait ressembler] à une toile de lin égyptienne. Et lorsque sa femme cria contre nous, l'homme qui était avec nous  commença à lever son glaive contre elle. Puis il se rappela l'interdiction du Prophète de Dieu. C'est pourquoi il laissa tomber sa main ; sinon, nous l'aurions certainement frappée dans la nuit. Et c'est ainsi que, lorsque nous le frappâmes de nos glaives, 'Abdu'llah ibn Unais se pressa contre lui, lui enfonçant son glaive dans le ventre et le transperçant de part en part... Et nous sortîmes. Et 'Abdu'llah ibn 'Utaik y voyait mal, et il tomba dans l'escalier, et il se foula sérieusement les mains  ; et, dans son récit, Ibn Isham dit que c'était son pied. Et nous le transportâmes jusqu'à un aqueduc qui amenait l'eau de leurs sources, et nous y entrâmes. Et ils allumèrent des feux et coururent dans toutes les directions en nous cherchant, jusqu'à ce que, ayant perdu espoir, ils retournent auprès de leur ami. Et ils firent cercle autour de lui pendant qu'il mourait au milieu d’eux... Nous transportâmes notre camarade et nous allâmes chez l’Apôtre de Dieu, et nous l’informâmes que l'ennemi de Dieu avait été tué. Et, en sa présence, nous n'étions pas d'accord entre nous sur la façon dont il avait été tué, chacun de nous prétendant l'avoir fait. Alors l’Apôtre de Dieu dit : "Montrez-moi vos glaives". Nous les lui présentâmes. Il les regarda et dit : "En vérité, c’est [[le glaive de]] 'Abdu'llah ibn Unais qui l’a tué : j'y vois des traces de nourriture". »

Dans ce récit, nous lisons que, à cette occasion particulière, Mahomet interdit à ses hommes de tuer des femmes, mais ce ne fut pas toujours le cas,  comme le démontre l'histoire du sort (?????) qui échut à Asma. Ibn ‘Ishâq nous fait le récit suivant de son assassinat et de celui d'un très vieil homme. Abu 'Afak, un homme âgé d'une centaine d'années, avait écrit quelques vers contre Mahomet. « C'est pourquoi, dit Ibn ‘Ishâq , l’Apôtre de Dieu dit : "Qui est pour moi dans l'affaire de cet homme détestable ?" Alors Salim ibn 'Umair, frère du Banu 'Amr bin 'Auf, qui était l'un de leurs Pleureurs, alla le tuer ».

Asma, fille de Marwân, était une poétesse qui avait elle aussi attaqué Mahomet dans ses vers. Voici ce qu’Ibn ‘Ishâq écrit de ce qui lui arriva  : « Lorsqu’Abu 'Afak eut été tué, elle fit semblant [d'embrasser l'islam]. Elle était sous [c'est-à-dire mariée à] un homme des Banu Khatamah qui s’appelait Yazid bin Zayd... L’Apôtre de Dieu dit : "N'obtiendrai-je pas satisfaction pour moi en ce qui concerne la fille de Marwan ?" Se trouvant près de lui, 'Umair ibn 'Udai le Khatami entendit cette réflexion de l’Apôtre de Dieu. Alors, quand la nuit fut venue, il alla de nuit chez elle et la tua. Puis, au matin, il s’en fut chez l’Apôtre de Dieu et lui dit : "Ô Apôtre de Dieu, en vérité je l'ai tuée". Alors (Mahomet) dit : "Tu as aidé Dieu et Son Apôtre, ô 'Umair". ('Umair) dit : "Y aura-t-il un [danger] pour moi à cause d'elle, ô Apôtre de Dieu ?" Il dit : "Deux chèvres ne se battront pas entre elles à cause d'elle". Alors 'Umair retourna chez les siens. Ce jour-là, les Banu Khatamah furent très perturbés à cause de la fille de Marwân. À ce jour, elle avait cinq fils. Lorsque 'Umair bin 'Udai alla les voir de la part de l’Apôtre de Dieu, il dit : "Ô Banu Khatamah, c'est moi qui ai tué la fille de Marwan ; vous pouvez maintenant, tous ensemble, vous venger sur moi"... Ce jour là, pour la première fois, l'islam fut honoré dans les demeures des Banu Khatamah : en effet, ceux d'entre eux qui étaient [auparavant] devenus musulmans cachaient leur foi en l'islam. Et le premier des Banu Khatamah à accepter l'islam fut 'Umair ibn 'Udai... Et certains hommes des Banu Khatamah devinrent musulmans le jour où la fille de Marwân fut tuée, lorsqu'ils virent l'honneur ainsi fait à l'islam. »

Un autre récit nous donne plus de détails à propos de ce meurtre. Certains disent que 'Umair était aveugle et qu'il avait été auparavant le mari d'Asma. Il semble qu'il se soit faufilé de nuit dans la chambre où Asma dormait en donnant le sein à un enfant. Éloignant délicatement l'enfant, il plongea son épée le corps d'Asma, la transperçant de part en part. Lorsque, le lendemain, Mahomet apprit le meurtre, il montra du doigt 'Umair aux gens réunis dans la mosquée, disant qu'il avait rendu service à Dieu et à son Apôtre.

Par ailleurs, nous lisons comment, peu avant le meurtre de ‘Abdu'l Huqaiq, la vieille Umm Kirfa fut tuée sur ordre de Zayd. Ses jambes furent attachées à des chameaux et ceux-ci furent menés dans des directions différentes jusqu'à ce que la malheureuse vieille femme fût écartelée. Mahomet félicita chaleureusement Zayd lorsqu'il revint de cette expédition et ne lui fit aucun reproche pour une telle barbarie.

Ibn Isham nous raconte  que Mahomet envoya 'Amr ibn Umayyah et Jabbar ibn Sakhar de Médine à La Mecque dans le dessein d'assassiner Abu Sufyan ibn Harb. Leur tentative échoua parce qu'ils furent découverts et obligés de fuir pour ne pas être tués. Mais ce biographe de Mahomet admet ouvertement la complicité de Mahomet dans ce complot. Son récit est trop long pour qu'on puisse le citer ici, mais il raconte plusieurs lâches assassinats que ces deux émissaires musulmans commirent en essayant d'échapper à leurs poursuivants.

Comme le savent très bien tous ceux qui ont quelque culture, il serait facile de citer, chez des auteurs musulmans jouissant d'une autorité reconnue, un bien plus grand nombre d'exemples du comportement de Mahomet envers ses ennemis . Mais sans doute nos honorables lecteurs se contenteront-ils de ce qui leur a déjà été rapporté sur ce sujet.  Nous ne ferons aucun commentaire sur ces actes de Mahomet et nous ne nous risquerons pas à exprimer la moindre opinion à leur sujet. Mais nous aimerions demander à nos amis musulmans d'étudier sérieusement quelle réponse ils donneraient à la question suivante : Si Mahomet n'avait pas affirmé être un prophète, s'il avait été un idolâtre comme les Arabes au « Temps de l'Ignorance », s'il n'avait jamais appris la Volonté du Dieu Très-Haut, le Miséricordieux, le Bon, le Saint, mais qu'il n'avait été qu'un grand et vaillant guerrier comme Timur-i-Lang (Tamerlan), avec pour seul dessein d'accroître son pouvoir et de satisfaire son goût pour les parfums et pour les femmes, alors en quoi – à l'exception des formes et cérémonies religieuses et de la dictée du Coran à ses scribes – sa conduite eût-elle été différente de ce qu'elle fut effectivement, quoiqu’il affirmât être l’Apôtre de Dieu ? En d'autres termes : En quoi son comportement dans le domaine moral fut-il meilleur que celui de ces conquérants qui ne recherchent que le succès dans ce monde et la jouissance de plaisirs sensuels ? Le comportement de Mahomet dans les domaines que nous avons étudiés – en matière de chasteté, de pardon des injures, de douceur, de miséricorde, de bonté – constitue-t-il une preuve authentique qu'il avait reçu un mandat de Dieu en tant que Sceau des Prophètes, comme étant le dernier et le plus parfait des messagers envoyés par Dieu à ses créatures ? Ou doit-on croire ce qu'il affirmait en dépit de son comportement après qu'il eut déclaré être un Prophète envoyé de Dieu ?

III. Quant à la manière dont l'inspiration serait venue à Mahomet, nous disposons de certaines déclarations faites par de notables historiens musulmans et d’autres que l’on trouve dans les Traditions qui, sur le fond, sont considérées comme fiables tant par les sunnites que par les chiites. Ibn ‘Ishâq, Ibn Hishâm, Ibn Athir, Husain ibn Muhammad (dans son Khamis), l'auteur turc 'Ali Halabi et d'autres nous donnent de nombreux détails sur ce sujet. La collection de Traditions la plus précieuse sur ce point se trouve dans le Mishkatu'l Masabih (Kitabu'l Fitan : Babu'l Bu'th wa Bada'il Wahy), pp. 513-516.

Il nous est dit qu'il fut élevé au rang d'Apôtre alors qu'il était âgé de 40 ans et que cet appel lui parvint alors qu'il s'était retiré, avec Khadijah, dans une caverne située sur le mont Hira, près de La Mecque. Mahomet pensa que l'ange Gabriel était venu à lui et lui avait ordonné de réciter au nom de son Seigneur. Mahomet rentra chez lui « le cœur vibrant » (???? ???????) ; il arriva à l'endroit où se trouvait Khadijah et cria, à elle et à ses servantes : « Enveloppez-moi, enveloppez-moi ! » Elles l’enveloppèrent de couvertures jusqu'à ce qu'il eût récupéré. Il avait dû s’évanouir ou avoir eu une crise quelconque car elle l'aspergèrent d'eau pour le ramener à lui . Pour s’assurer que l'esprit que Mahomet affirmait avoir vu n’était pas Satan, Khadijah fit une vérification que nous décrivent les biographes de Mahomet. Ayant effectué cette vérification, elle fut convaincue. Mais Mahomet lui-même avait de nombreux doutes et était accablé. Pour ce qui est de son état d'esprit à cette époque, il dit, selon la Tradition : « J'étais tenté de me jeter du haut d'une falaise » . Après cela, il ne se passa rien pendant une période sur la durée de laquelle les traditions diffèrent. Az Zuhri dit  : « Pendant un temps, l’Apôtre de Dieu n'eut plus d'inspiration ; c'est pourquoi il fut plongé dans la détresse et commença à aller, tôt le matin, sur le sommet des montagnes, où il risquait de tomber. Et, chaque fois qu'il atteignait le sommet d'une montagne, Gabriel lui apparaissait ». Al Bukhari nous donne un récit très semblable  : « Le Prophète était souvent si abattu le matin qu'il risquait de tomber du sommet des montagnes ; c'est pourquoi, chaque fois qu'il atteignait le sommet d'une montagne du haut duquel il eût pu se jeter, Gabriel lui apparaissait ». Par la suite également, chaque fois qu'il se trouvait dans un état semblable à celui dans lequel il pensait que l'inspiration lui était venue pour la première fois, ceux qui étaient près de lui reconnaissaient à certains symptômes physiques qu’il allait prononcer quelques nouveaux versets du Coran. Aïcha nous raconte  que, lorsqu'on demandait à Mahomet comment l'inspiration lui venait, il disait : « Parfois, elle me vient comme un tintement de cloche, et son effet sur moi est très violent. Elle me laisse, et je me souviens de ce qu'elle a dit. Et parfois l'ange m'apparaît comme un homme et converse avec moi, et je me souviens de ce qu'il m’a dit ». Aïcha elle-même ajoute : « Effectivement, je l’ai vu lorsque l'inspiration descendit sur lui un jour où il faisait très froid, puis s'éloigner de lui ; et en vérité son front ruisselait de transpiration ». Muslim rapporte la Tradition suivante  : « Chaque fois que lui venait l'inspiration, le Prophète en était troublé et son comportement changeait. »

Ibn ‘Ishâq dit  que, avant que la révélation ne commençât à descendre sur lui, les amis de Mahomet craignaient qu'il ne souffrît du mauvais œil et que, lorsque l’inspiration lui venait, c'était presque les mêmes symptômes qui se manifestaient à nouveau. Ce qu'était cette maladie particulière, nous pouvons peut-être l'inférer de ce que disent les Traditionistes. Dans son ouvrage en turc intitulé Insanu'l Uyun, 'Ali Halabi nous informe que beaucoup de gens affirmaient qu’Aminah, la mère de Mahomet, avait eu recours à un enchantement pour lui faire échapper à l'influence du mauvais œil. Selon 'Amr ibn Sharhabil, Mahomet aurait dit à Khadijah : « Lorsque j'étais seul, j'entendis un cri : "Ô Mahomet, ô Mahomet !" » Selon la tradition (?????), il aurait dit : « Je crains de devenir un magicien [[sorcier]], qu'on ne proclame que je suis un disciple des djinns » ; et encore : « Je crains être victime d'une folie (ou : d'une possession démoniaque – ????) ». Il était d’abord saisi de tremblements, ses yeux se fermaient, il semblait sur le point de s’évanouir, son visage écumait et il poussait un cri comme blatère un jeune chameau. Abu Hurairah dit : « Quant à l’Apôtre de Dieu, lorsque l'inspiration descendait sur lui, nul ne pouvait lever son regard sur lui tant que l'inspiration n'était pas terminée ». Dans la Tradition, il est dit : « Il en était troublé, et son visage écumait, et il fermait les yeux, et parfois il poussait un cri comme blatère un jeune chameau ». 'Umar ibnu'l Khattab dit : « Lorsque l'inspiration descendait sur l’Apôtre de Dieu, on entendait près de son visage comme un bourdonnement d'abeilles » . Nous lisons quelque chose de semblable dans l'ouvrage en turc intitulé Mir'at i Ka' inat  : « Lorsque l'inspiration venait avec un message de menace ou d'avertissement, elle descendait avec un bruit terrible comme celui d'une cloche... Sur l'autorité d’Abu Hurairah, on raconte également que, quand l'inspiration descendait sur l'Apôtre, on bassinait sa tête sacrée avec du henné à cause du mal de tête dont il souffrait alors ». Dans l'ouvrage en turc d'Al' Halabi intitulé Insanu'l 'Uyun, nous lisons : « Zayd ibn Thabit raconte : "Lorsque l'inspiration descendait sur le Prophète, il devenait très lourd. Une fois, sa jambe tomba sur la mienne et, par Dieu ! jamais une jambe n'a été aussi lourde que celle de l’Apôtre de Dieu. Parfois, une révélation lui venait lorsqu'il était sur son chameau. Alors le chameau se mettait à trembler comme s'il allait s'effondrer et, d'habitude, il baraquait... Chaque fois que le Prophète recevait une inspiration, c'était comme si son âme lui était enlevée parce qu'il était toujours pris d’une sorte de vertige et ressemblait à quelqu'un pris d'ivresse". »

Dans le cas de Mahomet, ces étranges phénomènes n’ont pas commencé juste avant qu'il se proclame prophète. Nous ne connaissons pas grand-chose de son enfance mais l'un des faits qui nous ont été transmis, c'est que, lorsqu'il était tout jeune, vivant dans le désert avec ses parents adoptifs, il lui était arrivé quelque chose de semblable. Cette histoire est racontée de façons différentes par différentes autorités, mais voici le récit qu'en fait Muslim, qui s'appuie sur une tradition remontant à Anas  : « Quant à l’Apôtre de Dieu, Gabriel vint à lui alors qu'il jouait avec les (autres) jeunes garçons. Il le saisit et le jeta (??????????) sur le sol et lui ouvrit le cœur. Puis il en enleva un caillot de sang et dit : "Voici la part de Satan en toi". Puis il le lava (son cœur) dans une cuvette d'or, dans de l'eau [[sacrée du puits]] de Zamzam, puis il le recousit et le remit à sa place. Les autres garçons coururent vers sa mère  (c'est-à-dire sa mère adoptive) et dirent : "En vérité, Mahomet a été tué". Alors ils allèrent tous vers lui, et il avait changé de couleur ». Anas racontait : « J'ai vu plusieurs fois la marque de l'aiguille sur sa poitrine ». Dans le Mishkat, une note inscrite en marge de cette Tradition attire l'attention sur le fait que la poitrine de Mahomet fut ouverte au moins à deux reprises : au cours de son Mi'raj [[ascension aux cieux au cours du « Voyage nocturne »]] et lorsque Gabriel vint le voir alors qu'il demeurait dans la caverne sur le mont Hira. Laissant de côté cette référence au Mi'raj, nous voyons que le phénomène qui s'est produit dans son enfance ressemblait beaucoup à celui qui se produisit souvent dans la suite de sa vie et que l'on a appelé la « descente de l'inspiration (?????) » sur Mahomet.

Dans la Siratu'r Rasul d'Ibn Hishâm , il nous est dit que le mari de Halimah s'imaginait que quelque chose de très grave allait arriver au jeune Mahomet, et il lui dit : « Halimah, je crains qu'il ne soit arrivé quelque chose de terrible (???? ???????) à ce garçon ; aussi, renvoie-le dans sa famille avant que cela ne devienne trop manifeste chez lui ». Et lorsque Halimah, par conséquent, le rendit à sa mère Aminah, celle-ci fut surprise et dit : « Crains-tu donc que Satan ne soit descendu sur lui ? » Sa mère adoptive admit que c'était vrai.

La question se pose : comment prouver que les phénomènes que la Tradition mentionne correspondaient véritablement aux visites de Gabriel à Mahomet et à la descente de l'inspiration sur lui ? Les historiens nous informent que le grand stratège romain Jules César, l'empereur Pierre le Grand de Russie ainsi que Napoléon Bonaparte, le premier empereur des Français, et d'autres grands hommes encore, en particulier des grands hommes de guerre, manifestaient les mêmes symptômes. Mais ils n'étaient ni des prophètes, ni des apôtres de Dieu. Ceux qui étaient à leur service pensaient qu'ils étaient affligés de quelque terrible maladie.

Sans doute certains de nos lecteurs musulmans ont-ils étudié la médecine ; d'autres comptent des médecins compétents parmi leurs amis. Qu'ils leur demandent donc s’il existe une maladie qui commence souvent dans la prime jeunesse ou dans l'enfance et dont certains symptômes, sinon tous, sont les suivants : le patient émet un cri étrange et inarticulé, il tombe (????????)  brutalement sur le sol, il devient pâle, puis parfois tout rouge, son corps tremble violemment, sa bouche écume, ses yeux se ferment, et le malade semble aux portes de la mort ; souvent, il voit des éclairs de lumière et des couleurs vives, il entend des tintements de cloches dans ses oreilles et, après l'attaque, il souffre fréquemment d'un mal de tête très violent. Avant l'arrivée d'une crise, il a souvent un avertissement très net. Il a été affirmé qu'une telle maladie existe et qu'elle n'est pas très rare. L'auteur de ces pages n'est pas médecin et c'est pour cette raison – entre autres – qu'il ne se permettra pas d’émettre un avis sur ce sujet.

Il ne nous reste plus qu'à laisser le lecteur considérer – et, avec l'aide de Dieu, décider – si les faits que nous avons appris à propos du comportement et du caractère de Mahomet permettent de conclure qu'il était réellement et en toute vérité un Prophète de Dieu. Et nous le redisons clairement : ce qui est dit à son propos, et que nous avons cité, ne l'a pas été par ses ennemis mais par ses amis, ses parents et ceux qui le croyaient totalement lorsqu’il affirmait être le Sceau des Prophètes, l’Apôtre de Dieu.

 CHAPITRE 7

COMMENT L’ISLAM A COMMENCÉ À SE PROPAGER
D’ABORD EN ARABIE PUIS DANS LES PAYS VOISINS

Ibn Isham  et d'autres biographes de Mahomet nous apprennent que, lorsqu'il se présenta comme un prophète à La Mecque, alors qu'il était dans sa quarantième année, Mahomet a commencé par adopter la manière douce pour diffuser sa religion, qu’il appelait « la Religion d'Abraham ». Il rattachait son enseignement à celui de Zayd le hanif et, pour convaincre les gens d'abandonner l'idolâtrie et de revenir à l'adoration du Dieu Très-Haut (???? ??????), il employa son influence personnelle et eut recours à la persuasion et à la discussion. Sa femme Khadijah fut peut-être sa première convertie ; les sept autres qui ne tardèrent pas à s'associer à lui furent son esclave Zayd ibn Harithah , Abu Bakr, 'Uthman ibn 'Uffan, Zubair ibnu'l 'Awam, 'Abdu'r Rahman ibn 'Auf, Sa'd ibn Abi Waqqas et Talhah ‘Ishâq. Ibn ‘Ishâq et Ibn Isham citent le nom d'un certain nombre d'autres convertis de la première heure, y compris Aïcha, alors en bas âge. Ces personnes furent individuellement gagnées à l'islam au cours des trois premières années de l'enseignement de Mahomet.

Puis celui-ci commença à prêcher en public, sous la protection de son oncle Abu Talib, qui n'était alors pas converti – on ne sait d'ailleurs toujours pas s’il devint jamais musulman. Seize convertis seulement participèrent à la première Hégire, dont la destination fut l’Abyssinie , dans la cinquième année de la mission de Mahomet . Mais, de temps en temps, d'autres les rejoignirent à la cour du Najashi, de sorte que, à la fin, ils furent quatre-vint trois hommes, sans compter quelques femmes et enfants . Rien de concret ne prouve que, comme l’affirment les historiens musulmans, le Najashi lui-même soit devenu musulman car l'Abyssinie est encore un pays officiellement chrétien. Un peu plus tard, nous constatons la présence d’une quarantaine de musulmans, hommes et femmes, à La Mecque.  Certains racontent qu'une vingtaine de chrétiens originaires de Najran entendirent lire le Coran dans la ka’bah et crurent . Mais cette histoire n'est guère vraisemblable : en effet, en premier lieu, on imagine mal des chrétiens entrer dans la ka’bah, laquelle était alors un temple païen empli d'idoles ; et, en second lieu, ils n'ont en tout cas pas fait une description de Mahomet dans leur Livre, comme l’affirme Ibn Isham.

Lors d'une réunion avec les chefs des Quraïch , Mahomet s'efforça de les convaincre de se rallier à lui en leur assurant qu'ils gagneraient pouvoir et influence sur l'Arabie et la Perse s'ils acceptaient de croire au Dieu Unique et s'ils rejetaient tous les autres objets d'adoration . Déjà auparavant, après le départ d'un bon nombre de ses disciples pour l'Abyssinie, il avait fait un effort dans ce même sens en disant  : « N'avez-vous donc pas vu al Lat et al ‘Uzza, et l’autre, Manat, le troisième ? Ceux-là sont les Cygnes exaltés et, en vérité, on peut toujours espérer en leur intercession » . Sur ce, les Quraïch qui étaient alors dans la ka’bah se joignirent à lui pour prier, et la nouvelle parvint à ceux qui s’étaient exilés en Abyssinie que les Mecquois étaient tous devenus musulmans. La plupart rentrèrent pour constater que cette information était fausse : Mahomet avait en effet bientôt changé la dernière partie de la citation ci-dessus pour employer les mots très différents que l'on trouve maintenant dans la sourate Suratu'n Najm (53), aux versets 21 à 23 .

Certains membres des tribus des Aus et des Khazraj demeurant à Yathrib, qui s'appelle aujourd'hui Médine, vinrent en visite à La Mecque, et ils entendirent Mahomet prêcher. L'un d'eux se convertit, mais il mourut peu après être rentré chez lui. Néanmoins, cet enseignement commença à se diffuser lentement à Yathrib. Puis six hommes vinrent à Mahomet et embrassèrent l'islam . Bientôt, « il n’y eut pas de maison, parmi les maisons des Ansar, dans laquelle on ne mentionnât pas Mahomet » . Lors du premier Accord d'Al Akaba, douze personnes de Médine invitèrent Mahomet à venir dans leur ville et lui promirent leur soutien. Cet Accord engageait ces convertis à ne pas attribuer d’associés à Dieu, à ne pas voler, à ne pas commettre d'adultère, à ne pas assassiner leurs enfants, à ne pas médire et à ne pas se rebeller contre Mahomet dans ce qu’il affirmait. En retour, Mahomet leur promit le Paradis s'ils gardaient leur alliance avec lui . Par la suite, cet accord fut appelé « Accord des Femmes » parce qu'il n'y eut aucune contestation. Mus'ab ibn 'Umair fut envoyé à Médine avec les convertis pour leur apprendre les règles de la prière. Bientôt, il fit plusieurs autres convertis, dont deux puissants chefs : Sa'd ibn Mu'adh et Usaid ibn Huzair.

L'année suivante, Mus'ab retourna à La Mecque avec soixante-treize musulmans et deux musulmanes originaires de Médine . Dans le second Accord d'Akaba, ils proposèrent de mettre leurs glaives au service de Mahomet pour l’aider à répandre l'islam et à vaincre le polythéisme. Au début, il déclara que ce n'était pas pour cela qu'il avait été envoyé.  Pourtant, un peu plus tard, il déclara que Dieu autorisait la guerre pour la foi , et il promit le Paradis aux fidèles . L'Hégire eut lieu peu après : presque tous les musulmans de La Mecque allèrent s’installer à Médine. Mahomet, Abu Bakr et ‘Ali  restèrent quelque temps à La Mecque, d'où ils s'échappèrent par la suite, non sans courir quelques risques. Nous ne savons pas combien de musulmans quittèrent leur ville natale pour leur foi. Environ un an et demi plus tard, quatre-vingt-trois des Muhajirun combattirent à Badr et, de ce fait, on peut penser que, dans ses treize années d'enseignement et de prédication pacifiques, Mahomet avait réussi à convertir à La Mecque un peu plus d'une centaine de personnes, compte tenu du fait, naturellement, que certains d’entre eux étaient morts. Ceux qui se trouvaient à Médine étaient peut-être moins nombreux et ils avaient été convertis pour des motifs plus terre à terre.

Dans le discours qu'il fit à la mosquée de Médine peu après la mort de Mahomet, Abu Bakr admit que tous les efforts faits par Mahomet à La Mecque pour diffuser l'islam par la douceur et la persuasion avaient peu ou prou échoué. Il déclara : « Mahomet étant resté plus de dix ans parmi les siens, et les ayant invités à l'islam, cette communauté n'a pas cru, à l'exception de quelques-uns. À la fin, par la Volonté du Dieu Très-Haut, il jeta sur vos demeures le rayon de son regard et fit de votre cité la demeure de son exil et le refuge de la Migration » .

Mahomet avait alors passé treize ans à essayer de diffuser sa religion par des moyens pacifiques, seule méthode qu’eût en fait jamais employée un vrai Prophète pour tenter de convertir les hommes à Dieu. Il est probable que, comme Abu Bakr, il pensait lui-même avoir échoué. Il avait été expulsé de sa ville natale avec ses disciples, et ils étaient désormais exilés parmi des hommes de tribus qui, souvent, était hostiles aux Quraïch.

Dans sa religion, il avait conservé de nombreuses pratiques arabes anciennes, par exemple l'habitude du tawwaf, c'est-à-dire de faire le tour de la Ka’bah, le hadj, ou pèlerinage, et la révérence pour la Pierre Noire. Il était impossible, tant pour lui que pour ses disciples, d'accomplir ce devoir – sauf à faire la guerre . Il ne pouvait pas non plus satisfaire autrement les Ansar, à qui il avait déjà affirmé que Dieu avait approuvé que l'on combatte pour la foi. Il devint ainsi, désormais, « le Prophète au glaive », et c'est depuis ce temps que cette arme est devenue le seul et unique argument tranchant de l'islam.

À en juger par le comportement personnel de Mahomet et par celui de ses disciples après cela, ils semblent s’être imaginés que les règles morales établies et adoptées à ‘Akaba ne leur étaient plus applicables. Désormais, tout ce que Dieu exigeait d’eux, c'était de combattre « dans la Voie de Dieu » [[Sourate 2, 190]], avec le glaive et la lance, avec l'arc et la flèche, avec la dague et le poignard de l'assassin. Cela explique ce que nous apprennent les auteurs musulmans du comportement, par exemple, d'Abu Na'ilah, de Muhaisah et d'autres musulmans que nous avons déjà mentionnés.

Pour ce qui est de la chasteté, il est inutile d'évoquer à nouveau le comportement personnel de Mahomet. Considérons plutôt celui de ‘Abdu'r Rahman, qui eut des enfants de seize femmes, sans parler de ses concubines. Lorsque cet homme arriva pour la première fois à Médine, l'un des Ansar, appelé Sa'd, offrit de répudier pour lui celle de ses deux femmes que son hôte préférerait ; 'Abdu'r Rahman accepta l'offre. Mahomet ne condamna en aucune manière ce mariage, lequel, bien entendu, était un adultère selon la Loi de Dieu.  Dans un autre cas, le comportement de Khalid ibn Walid, en particulier lors de sa campagne de Syrie,  fut notoire en son temps mais, dans l'islam, il n'y avait rien pour l'en empêcher ni pour le condamner. Au contraire, le Coran encourageait directement la polygamie et le concubinage servile, à l’instar de Mahomet lui-même, ainsi que la promesse de délices sensuelles en guise de récompense au Paradis pour ceux qui croyaient à Mahomet, et en particulier pour ceux qui combattaient « dans la Voie de Dieu ». Ceux d'entre eux qui mouraient au combat étaient qualifiés de « martyrs » et étaient convaincus qu'ils seraient récompensés en tant que tels, et en particulier accueillis par les houris (hur) au Paradis, même s'ils avaient été tués dans une expédition de pillage (????) au cours de laquelle ils avaient tenté de s’emparer par la force des biens d'autres hommes.

Dès que Mahomet eut approuvé et encouragé la guerre et le pillage, les Arabes se rallièrent en masse derrière son étendard. Quelques mois après son arrivée à Médine, comme nous l'apprend Ibn Isham, « il n'y avait pas une famille de Médine qui ne croyait pas, à l'exception de certains de la tribu des Aus » . Un accord fut conclu entre les Muhajirun et les Ansar, et une mosquée fut construite. Nous avons vu combien peu de gens étaient devenus disciples de Mahomet au cours des treize années ayant précédé l'Hégire. Par contre, désormais, ils étaient rapidement gagnés à sa cause, et en un tel nombre que, lorsque Mahomet avança pour attaquer La Mecque dans la huitième année après l'Hégire, il avait avec lui une armée de 10 000 musulmans . En l'an 9 de l'Hégire, lors de l'expédition à Tabuk, il avait 30 000 hommes. Un peu plus tard, le Katibu'l Waqidi dit de ceux qu’Abu Bakr avait envoyés en djihad pour conquérir la Syrie qu'ils étaient si nombreux qu'ils « remplissaient le pays » . Il est certain que la plupart de ces hommes étaient motivés plus par leur désir des bonnes choses de ce monde que même pour les délices sensuelles du Paradis musulman. Cela, nous le verrons, était l'avis du calife Al Ma'mun – entre autres. Mais un certain nombre de ceux qui professaient croire en l'islam, même en ces premiers temps, le faisaient contraints et forcés, pour sauver leur vie. Par exemple, beaucoup des juifs qui vivaient à Médine ou à proximité se convertirent, mais Ibn ‘Ishâq dit : « Ils faisaient semblant d'avoir accepté l'islam, et ils ne l'acceptaient que pour éviter d’être massacrés »  ; il donne d’ailleurs les noms d'un certain nombre de ces convertis . Et les juifs avaient effectivement de bonnes raisons de craindre pour leur vie, comme le prouve ce qui arriva à leurs frères : les Banu Nadhir, les Banu Qainuqa' et les Banu Quraizah.

Mais le choix entre l'islam et une mort violente n’était pas imposé qu’aux seuls juifs. Après la conquête de La Mecque, en l'an 8 de l'Hégire, un bon nombre de Quraïch admirent que les armes de Mahomet étaient victorieuses, et ils devinrent naturellement musulmans.  Le récit suivant nous est donné de la conversion d’Abd Sufyan . Lorsqu'il fut fait prisonnier, avant que la ville ne fût conquise, et amené en présence de Mahomet, ce dernier lui demanda s'il ne savait pas qu'il n'y a pas d'autre dieu que Dieu. Cela, il l'admit. Mahomet lui demanda alors s'il reconnaissait Mahomet comme Prophète de Dieu. Très courtoisement, Abu Sufyan expliqua que, jusqu'alors, il éprouvait encore certains doutes sur ce point. Alors Al 'Abbas lui dit : « Malheur à toi ! Deviens musulman et jure qu'il n’y a pas de dieu que Dieu et que Mahomet est l'Apôtre de Dieu, sinon on te coupe la tête ! ». Convaincu par cet argument radical et imparable, Abu Sufyan répéta immédiatement le Kalimah et devint musulman. Ses deux compagnons d'infortune : Hakim ibn Kharram et Budail ibn Warqa, furent convertis avec lui et par le même argument.

Ibn Athir nous raconte  qu'un homme appelé Bujair qui, dans ses propos, avait quelque peu manqué de respect à l'égard de Mahomet, n'en alla pas moins le trouver et professa l'islam. L’ayant appris, le frère de cet homme, Ka'b ibn Jubair, écrivit quelques vers contre Mahomet. Alors ce dernier se mit en colère et déclara qu'on pouvait impunément verser le sang de Ka'b. Bujair écrivit alors à son frère et lui dit de se dépêcher de devenir musulman et d'ainsi anticiper la décision de Mahomet de le tuer. Ka’b suivit immédiatement cet avis, ce qui lui sauva la vie.

Un bon nombre de gens qui professèrent leur foi en Mahomet furent influencées par des arguments d'un niveau encore plus bas. Al Waqidi évoque l'un d'entre eux dans le récit suivant  : « L’Apôtre de Dieu déclara qu'il pourrait inciter les hommes à la jihad, la leur faire apprécier et l'encourager à la mener : "Accompagnez-moi rapidement en Syrie ; vous aurez peut-être la chance de vous emparer des filles d’Al Asfar". Ils réfléchirent et se rappelèrent qu’Al Asfar avait été l'un de ces noirs (...) Il était mort en territoire byzantin et avait épousé plusieurs des femmes de ce pays et il lui était né des hommes et des femmes à la beauté incomparable, devenue proverbiale. Et lorsque l'Apôtre de Dieu leur eut mentionné les filles d’Al Asfar, Jidd ibn Qais, l'un des Ansar, se leva et dit : "Ô Apôtre de Dieu, tu connais les Ansar et mon admiration pour les femmes. Et ce que je crains, c'est que, si je fais un raid avec toi et que je vois les filles d’Al Asfar, elles ne me détournent du droit chemin. Alors laisse-moi, et ne me fais pas me détourner du droit chemin". »

C’est parfaitement en accord avec le comportement adopté par Mahomet à cette occasion que, sous le règne d’Al Ma'mun, 'Abdu'llah Al Hashimi écrivit une lettre au chrétien Al Kindi dans laquelle, pour le convaincre d'embrasser l'islam, il ne recourt pas à des arguments spirituels mais évoque les délices sensuelles du Paradis et toutes les bonnes choses que l'islam offre ici-bas et dans l'au-delà, notamment la permission d'avoir quatre femmes à la fois en plus des esclaves et concubines, et il encourage son ami chrétien, par ces arguments, à entrer dans cette « religion tolérante et facile » .

Un autre argument pour devenir musulman, c'était la perspective du pillage. Il est bien connu que ceux qui ont suivi la bannière de Mahomet pour cette raison ne furent pas déçus, mais nous allons en donner quelques exemples. 'Abdu'r Rahman, dont nous avons déjà vu qu'il était l'un des Muhajirun, était très pauvre lorsqu'il arriva à Médine. Lorsqu'il mourut, il laissa un tel monceau d'or qu'il fallut le tailler à la hache, et ceux qui maniaient les haches en avaient les mains tout ensanglantées. En outre, il laissa 1 000 chameaux ainsi que de grands troupeaux de vaches et de moutons. Et encore, après la bataille de Nahavand, le montant du butin pris par les Arabes était si énorme que, lorsqu'on en eut enlevé le Cinquième qui était consacré, ce qui restait permit de donner à chaque cavalier de l'armée musulmane 6 000 dirhams et, à chaque fantassin, 2 000 dirhams .

Entre l'Hégire et sa mort, Mahomet consacra beaucoup de temps à préparer et à réaliser des expéditions qui contribueraient à enrichir ses disciples par le pillage. Al Waqidi dit que, sur les 26 ou 27 raids (?????) faits par les musulmans, Mahomet a participé à 19 d’entre eux. Ibn Athir dit  qu'il y eut 35 expéditions de ce genre, d'autres parlent mêmes de 48. Ibn Isham est probablement plus proche de la vérité lorsqu’il dit qu'il y en eut au total 27 . Al Kindi déclare que Mahomet combattit en personne dans 9 expéditions de ce genre,  mais qu'il était présent lors de 26 expéditions, sans compter quelques sorties de nuit. Nous ne jugeons pas nécessaire de commenter cet aspect du comportement de Mahomet, nous nous contenterons de renvoyer à ce qu’Al Kindi dit à ce sujet .

Pour ce qui est des motifs qui ont concouru à l'expansion de l'islam à cette époque et pendant longtemps après encore, il nous suffira de citer un discours prononcé par le calife Al Ma'mun. À une occasion, il déclara  : « Je sais de source sûre que Untel et Untel (...) portent le masque extérieur de l'islam alors qu'il n'y en a aucune trace en eux. Et ils me regardent, et je sais que ce qu'il y a en eux est en réalité contraire à ce qu'ils manifestent à l'extérieur (...) Ce sont des gens qui entrent dans l'islam non pas par inclination pour cette religion qui est la nôtre mais, au contraire, ils cherchent notre compagnie et les honneurs que leur apportera la souveraineté de notre empire. Ils n'ont pas d'idée précise sur ce qu’ils ont adopté et ils ne s’intéressent aucunement à l'exactitude de ce qu'ils croient. Et en vérité, pour moi, leur comportement est comme l'histoire du juif que l’on raconte comme un proverbe dans le peuple : dans la vie courante, son judaïsme est correct, et il observe les injonctions de la Torah – et ensuite il professe l'islam. Et que sont ces hommes qui prétendent être des mages et qui professent être des musulmans ? C'est exactement l'histoire de ce juif. Et, en vérité, je sais très bien que Untel et Untel (...) étaient chrétiens, et ils sont devenus musulmans contre leur volonté ; et ce ne sont pas des musulmans, et ce ne sont pas non plus des chrétiens, mais ils sont un mélange des deux. Que faire, et quelle décision devrai-je prendre ? Que la malédiction de Dieu soit sur eux tous !... Mais j'ai une référence dans l’Apôtre de Dieu, et ma consolation est en lui. Il est vrai que beaucoup de ses Compagnons, et ceux qui le connaissaient le mieux et qui étaient le plus proches de lui dans sa descendance, prétendaient qu'ils étaient ses Disciples et ses Aides, et il savait qu'ils étaient des hypocrites et le contraire de ce qu'ils paraissaient être envers lui. Et, pour lui, cela était évident. Et ils n'ont pas cessé de lui souhaiter des malheurs, de lui vouloir du mal, de lui lancer le mauvais œil, de lui présenter des occasions de trébucher et d'aider les polythéistes contre lui (...) Puis, après sa mort, ils ont tous apostasié ; et il n'en resta pas un seul à penser qu'en lui se trouvait la juste Direction, mais ils se sont détournés et ils ont apostasié, et ils ont espéré que toute cette affaire (l’islam) serait bientôt éliminée et détruite, ouvertement et intérieurement, manifestement et secrètement ; et il a été nécessaire que Dieu intervienne et mette un terme à leurs divisions et jette dans le cœur de certains d'entre eux l'aspiration au califat et l'amour du monde. »

De nombreux historiens musulmans qualifient d'apostasie la révolte des tribus après la mort de Mahomet. Ce n'était donc pas simplement le refus de payer la zakat , quoique cela fût un grave délit contre l'islam et contre les prescriptions de la loi religieuse du Coran. Ibn Athir, par exemple, dit  : « Les Arabes apostasièrent (?????? ??????), qu'ils fussent du peuple ou de la noblesse, de toute tribu, et l'hypocrisie se manifesta et se répandit. Les juifs et les chrétiens refusaient (la soumission), et les musulmans restaient comme des moutons dans la nuit pluvieuse parce qu'ils avaient perdu leur prophète, à cause de leur petit nombre et de la multitude de leurs ennemis ». La situation était tellement désespérée que l'on fit plusieurs fois appel à Abu Bakr pour retenir l'armée qui était alors assemblée près de Médine, sous la direction d’Usamah ibn Zayd, et s’apprêtait à conquérir la Syrie. Mais Abu Bakr refusa de désobéir au dernier souhait de Mahomet en faisant cela ; il soumit les tribus et les ramena à l'islam « par des promesses et des menaces » , et plus encore par la force des armes. Cela est admis par, entre autres, As Suyuti, qui dit : « Lorsque les Arabes apostasièrent, Abu Bakr et ses compagnons lancèrent contre eux une djihad, jusqu'à ce qu'il les eût ramenés à l'islam » .

C'est alors que commença l'expansion de l'islam au-delà des frontières de l'Arabie. Nous devons maintenant étudier comment cela s'est passé, sous le commandement de qui, quelles furent les méthodes employées pour convaincre les hommes que Mahomet était l'Apôtre de Dieu et le Sceau des Prophètes, dans quel esprit fut entreprise la conversion du monde et quels furent les arguments employés pour amener la majorité des populations de Syrie, d'Égypte et de Perse à embrasser la nouvelle religion qui leur était présentée de façon aussi efficace.

En envoyant l'armée en Syrie après la mort de Mahomet, Abu Bakr dit  : « Sachez que l'Apôtre de Dieu avait résolu d'envoyer son armée en Syrie ; et Dieu l'a pris auprès de lui (...) Et, en vérité, j'ai le dessein de tourner la face des héros musulmans vers la Syrie (...) car l'Apôtre de Dieu me l'a annoncé avant sa mort, me disant : "La Terre m'a été accordée par décret divin, et c'est pour cela que j'ai vu ses parties orientales et ses parties occidentales ; et ce qui m'a été attribué par décret divin deviendra la possession de mon peuple". »

Abu Bakr écrivit également une lettre, dont il envoya copie à Yaman et à La Mecque, appelant le peuple à participer à cette djihad. Ce qualificatif est couramment donné à la guerre par le Katibu'l Waqidi, et le même terme est employé dans la lettre de ‘Umar à Ibn 'Ubaidah, qui est citée dans le Futuhu'l 'Ajam de cet auteur, p. 2.

À l'armée en partance pour la Syrie sous le commandement de Yazid ibn Abi Sufyan, Abu Bakr donna des ordres  identiques à ceux mentionnés au chapitre II de la troisième Partie du présent Traité. Ils sont remarquablement proches des instructions données Mahomet à Zayd ibn Harithah, son fils adoptif, lorsqu'il l’avait envoyé dans une expédition similaire contre Tabuk : « Tuez vos ennemis et les ennemis de Dieu qui sont en Syrie. Vous y trouverez une catégorie d'hommes qui vivent retirés dans des cellules : ne les dérangez pas. Et ne tuez ni femmes, ni enfants, ni nourrissons ; ne coupez pas les dattiers et les arbres, et ne détruisez pas les maisons » . Mais il ne faut pas considérer que de telles instructions étaient une expression de miséricorde envers les femmes car, souvent, celles-ci étaient destinées à un sort bien pire que la mort. Nous avons déjà vu que Mahomet avait fait mettre à mort, à Médine et à La Mecque, des femmes qui l’avaient offensé. Et, après sa mort, les musulmans ne furent pas plus miséricordieux à l'égard des femmes. As Suyuti nous décrit  le traitement subi par deux femmes arabes, dont l'une avait insulté Mahomet et l'autre s'était moquée des musulmans : dans les deux cas, on leur coupa la main et on leur arracha les dents de devant. Ayant appris cela, Abu Bakr écrivit que, s'il avait été consulté, il aurait ordonné que la première fût mise à mort.

Les vers ci-après, attribués à 'Ali ibn Abi Talib, expriment bien l'esprit dans lequel fut entreprise la conversion des pays voisins :

« Nos fleurs sont le glaive et la dague ;
le narcisse et le myrte ne sont rien.
Notre boisson est le sang de nos ennemis ;
notre coupe est leur crâne, après le combat. »

Mettre les ennemis à mort est tout à fait en accord avec l'enseignement du Coran car on lit dans la sourate 5, 27 [[DM 33]] : « Quelle sera la rétribution de ceux qui font la guerre contre Dieu et contre son prophète, et de ceux qui exercent la violence sur la terre : ils seront tués ou crucifiés, ou bien leur main droite et leur pied gauche seront coupés, ou bien ils seront expulsés du pays ». Selon la sourate 9, il fut décidé que, après la fin des quatre mois sacrés de l'an 11 de l'Hégire, aucun accord avec les polythéistes ne serait plus considéré comme contraignant (versets 1-4). Et de poursuivre : « Après que les mois sacrés se seront écoulés, tuez les polythéistes, partout où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades » (verset 5). Ils ne devaient être épargnés que si, d'une part, ils payaient la zakat et si, d'autre part, ils observaient les temps fixés pour la prière et le repentir, c'est-à-dire en devenant des musulmans.

Quant aux « gens du Livre », nous trouvons leur sentence dans la même sourate : il y est en effet ordonné aux musulmans : « Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu et au Jour Dernier ; ceux qui ne déclarent pas illicite ce que Dieu et Son Prophète ont déclaré illicite ; ceux qui, parmi les gens du Livre, ne pratiquent pas la vraie Religion. Combattez-les jusqu'à ce qu'ils payent directement le tribut après s'être humiliés (ou : avoir été rabaissés) » . Ce commandement est toujours valide pour les musulmans, qui ont toujours le devoir d'obliger les juifs et les chrétiens soit à devenir musulmans, soit à être réduits à un état pire que l’esclavage.

Comme nous allons le montrer maintenant, les premiers musulmans reconnaissaient cette obligation, et c'est pourquoi ils ont conquis la Syrie, la Palestine, l'Égypte, la Perse et d'autres pays. Sans doute la principale raison pour laquelle beaucoup d'entre eux ont participé à de telles conquêtes fut-elle l'amour de la guerre et le désir d'obtenir du butin et des esclaves femmes ; mais tout cela était approuvé et encouragé par leur religion. Aussi l'objectif officiel de toutes les guerres était-il l'expansion de l'islam, et c'est ainsi qu'elles étaient qualifiées de djihad. Nous avons vu qu’Abu Bakr a qualifié de ce nom l'invasion de la Syrie. Dans la lettre dans laquelle il ordonnait à Ayaz ibnu'l Ghanam de marcher à la conquête de Diar Bakr et de Rabi'ah à Fars, le calife ‘Umar qualifie aussi cette guerre de jihad . Les historiens appliquent ouvertement le même titre à chacune de ces guerres de conquête. Et les conditions présentées aux habitants de ces pays, qui sont celles définies dans la sourate 9, 29 [[citée ci-dessus]], montrent que, pour les généraux musulmans, cela allait de soi. Quelques exemples suffiront à le prouver.

Voici ce qu’Abu 'Ubaidah écrivit aux habitants de Jérusalem alors qu'elle était assiégée par l'armée musulmane : « Si vous vous conformez à notre religion, ou si vous acceptez de payer la jizyah , je retirerai du manteau de votre réputation la main de l'interférence. Sinon, je lancerai contre vous un autre peuple pour qui il est plus acceptable d'être tué pour sa foi que, pour vous, de manger la chair du cochon et de boire du vin » . Dans le même sens, le Katibu'l Waqidi nous informe  que Yazid fut envoyé à la population de Jérusalem avec le message suivant : « Que dites-vous en réponse à l'invitation à l'islam et à la vérité et à la Profession de Foi de la simplicité ? Et cette Profession de Foi est : "Il n'y a de dieu que Dieu ; Mahomet est l'Apôtre de Dieu" – pour que notre Seigneur puisse vous pardonner vos offenses passées et que vous puissiez éviter que votre sang ne soit versé. Et si vous refusez et ne vous rendez pas à nous, alors acceptez les conditions de paix pour votre ville, comme d'autres l'ont fait qui étaient plus nombreux et plus forts que vous. Et si vous rejetez ces deux conditions, la perdition sera sur vous, et puissiez-vous vous retrouver dans le feu de l'enfer ! » L'interprète expliqua cela simplement et tout à fait correctement en disant : « Ce chef dit ceci et cela, et il vous propose l'une de trois solutions suivantes : soit devenir musulmans, soit payer la jizyah, soit être passés par le glaive ». Les chrétiens répondirent : « Nous n'abandonnerons pas la religion de la gloire et de l'acceptation ; et, plutôt que cela [[devenir musulmans]], nous préférons être tués ».

Semblablement, au début de son récit de l'invasion de l'Arménie, le Katibu'l Waqidi nous raconte  que les Arabes envoyèrent des messagers à l'Arménien Bustius, gouverneur de Yadlis, pour lui dire : « Nous avons été envoyés comme messagers pour t'appeler à proclamer qu'il n'y a de dieu que Dieu seul ; qu’Il n'a pas d'Associé ; et que Mahomet est Son Serviteur et Son Apôtre. Soit tu adopteras ce que ces hommes ont déjà adopté, soit tu payeras la jizyah volontairement, et tu seras humilié ».

Lorsque Sa'd ibn Abi Waqqas envoya Mughairah ibn Shaibah à la cour de Yezdijird à Mada'in, le message qu'il transmit, au nom du calife, au roi de Perse tout étonné fut : « Nous t'invitons à accepter la loi impérissable. Si tu l’acceptes, nul ne mettra le pied dans ton royaume sans ta permission, ni n'exigera une pièce de cuivre à l'exception de la zakat  et du Cinquième . Et si la grâce ne devient pas ton compagnon,  tu seras soumis à la jizyah. Sinon, prépare-toi à la guerre » . Selon un autre récit rapporté par le même historien , voici ce que disait ce message : « Si tu refuses d'accepter la foi et de payer la zakat et le Cinquième, paye la jizyah et, dans ces conditions, tu seras humilié ». On lui demanda ce que signifiait « humilié » (ou « rabaissé – ????»). Il répondit : « Humilié signifie ceci que, lorsque tu payes la jizyah, tu restes debout, et on tient un fléau au-dessus de ta tête ».

Dans le même sens, le Katibu'l Waqidi rapporte  que, avant la bataille de Qadisiyyah, Abu Musa' fut envoyé par Sa'd ibn Abi Waqqas à Rustam, le général perse, pour lui dire : « Nous t'invitons à rendre témoignage ; et, si tu refuses l'islam, alors paie la jizyah ; et, si tu refuses, le glaive est un argument très convaincant ».

Il est évident que, en obligeant ainsi les chrétiens et les zoroastriens à choisir entre (1) devenir musulmans contre leur volonté, (2) payer la jizyah et être amèrement humiliés, ou (3) être mis à mort, les généraux arabes ne faisaient que suivre les prescriptions du Coran (cf. sourate 9, 29 [[voir ci-dessus note 48]]). En fait, ils auraient pu traiter les zoroastriens de la manière encore plus féroce mentionnée dans la sourate 9, 5 [[« Tuez les polythéistes, partout où vous les trouverez »]] s'ils n'avaient pas considéré qu'ils avaient le droit d’être inclus parmi les « gens du Livre », quoique, à proprement parler, seuls les juifs et les chrétiens aient vraiment droit à ce titre.

À l'occasion, lorsque les gens étaient ainsi contraints d’accepter l’islam à la pointe du glaive, ils le rejetaient lorsqu'ils se considéraient suffisamment forts pour le faire. Ainsi, il nous est dit que, en l'an 30 de l'Hégire, le calife 'Uthman envoya Uthman ibn Abi'l 'As, ou Sa'd son frère (les différentes versions divergent sur ce point) attaquer Yezdijird, qui arrivait pour porter assistance aux habitants d’Istakhr [Persépolis], dont nous apprenons que, auparavant, ils avaient « promis obéissance au chef de l'islam » mais que, entre temps, « ils s'étaient détournés de la juste voie » . Mais abandonner l'islam quand on est convaincu qu'il ne vient pas de Dieu est chose dangereuse : selon la loi du Coran, le châtiment est la mort.  En effet, dans la sourate 2, 214, il est affirmé : « Ceux d’entre vous qui renieront leur foi et mourront en état d’infidélité perdront à jamais le bénéfice de leurs œuvres dans cette vie et dans la vie future, et seront voués au châtiment du Feu » [[Mohammed Chiadmi, 2, 217]]. Si un homme professe extérieurement l'islam mais que, à l'intérieur de lui-même, il n'y croit pas, c’est en réalité un hypocrite et, d'après le Coran, les hypocrites se retrouvent dans l'abîme le plus profond de l'enfer . Néanmoins, aux premiers temps de l'islam, le principal devoir des musulmans était de contraindre les gens par le glaive à devenir des musulmans extérieurement, c'est-à-dire des hypocrites. En outre, on leur faisait miroiter des avantages bien terrestres pour les inciter à accepter l'islam en apparence, et c'est ainsi que celui-ci se répandit grâce à ces deux moyens.

Par la suite, l'ignorance apparut comme le meilleur moyen de préserver la foi des musulmans, ce que démontrent les ordres donnés par le calife 'Umar concernant les bibliothèques saisies dans les pays conquis. Pour ce qui est de la grande bibliothèque d'Alexandrie, Abdu'l Faraj nous dit que, quand 'Amr ibnu'l 'As conquit l'Égypte en 640 après Jésus-Christ, il demanda à 'Umar s'il fallait ou non préserver la bibliothèque. Celui-ci répondit : « Si ces écrits des Grecs sont d'accord avec le Livre de Dieu (le Coran), ils sont inutiles, et il n'est pas nécessaire de les conserver. S'ils ne sont pas d'accord avec lui, ils sont pernicieux et il faut les détruire ». Dans le même sens, comme nous en informe le Kashfu'z Zunun, après avoir conquis la Perse, Sa'd Abu Waqqas, écrivit au même calife pour lui demander ce qu'il devait faire des livres trouvés dans les bibliothèques de Perse. Il lui fut répondu : « Jetez-les dans les fleuves. Car, s'il y a une direction dans ces livres, nous-mêmes avons une meilleure Direction dans le Livre de Dieu. Si, au contraire, il y a en eux quelque chose qui risque de nous dévoyer, que Dieu nous en protège ! ». Dans chaque cas, cet ordre fut exécuté. Ce n'est qu'à l'époque des mu'tazila  qu'une certaine liberté de pensée et d'étude fut autorisée dans un pays musulman.

Les persécutions infligées à ceux qui refusaient d'accepter l'islam en Perse obligèrent de nombreux zoroastriens à s'enfuir en Inde, où leurs descendants constituent désormais, à Bombay, une communauté importante et industrieuse. Ils ont considéré qu'il était beaucoup plus tolérable de vivre chez les hindous idolâtres que d'endurer l'ignominie et l'oppression dont ils étaient victimes de la part des musulmans dans leur propre pays. Ceux qui vivent dans des pays musulmans ou qui y ont voyagé savent bien à quel point la condition des dhimmis (qu'ils soient juifs, chrétiens ou zoroastriens) y est misérable. Ils ne peuvent pas même témoigner au tribunal, ils ne peuvent pas se défendre contre les torts ni contre la violence qu'on leur fait, ils risquent à tout moment d'être massacrés par les musulmans, comme ce fut le cas à Aden récemment, en Arménie ou en Bulgarie il y a à peine quelques années. Pendant de nombreuses générations, les enfants des chrétiens leur furent souvent enlevés par la force, contraints à devenir musulmans et obligés de servir comme janissaires, jusqu'à ce qu'un jour, sur ordre du sultan, tous les janissaires soient renvoyés chez eux.

Lorsque celui qui a révisé ces pages se trouvait en Perse, près d’Isfahan, il connaissait un musulman qui vivait dans un village voisin. Ce Perse lui raconta : « Lorsque j'étais enfant, il y a une cinquantaine d'années, mes parents et moi et tous les habitants du village étions zoroastriens. Un jour, le chef moudjahid de la cité d’Isfahan prononça un décret nous ordonnant à tous d'embrasser l'islam. Nous envoyâmes une pétition au Prince-Gouverneur de la province : nous refusions de changer de religion. Nous avons offert des pots-de-vin à des nobles musulmans et à des oulémas importants ; ils ont pris notre argent mais n'ont rien fait pour nous. Le moudjahid nous donna jusqu'à midi le vendredi suivant pour nous convertir, déclarant que, si à ce moment-là au plus tard nous n'étions pas devenus musulmans, nous serions tous mis à mort. Ce matin-là, tous les brigands et truands de la ville encerclèrent notre village, chacun tenant à la main une arme mortelle, attendant l'heure prescrite qui leur permettrait de commencer à piller et à assassiner. Nous attendîmes en vain jusqu'à ce qu'il fût presque midi, espérant que notre ennemi ferait marche arrière. Comme il ne le fit pas, juste avant midi, nous avons tous accepté l'islam, et c'est ainsi que nous sommes restés en vie. »

Dans ce même pays, jusqu'à tout récemment, une loi était en vigueur selon laquelle si un seul membre d'une famille chrétienne, même le dernier des fils, pouvait être convaincu d'embrasser l'islam, tous les biens de sa famille lui étaient immédiatement attribués ; son père, sa mère, ses frères et ses sœurs étaient expulsés de chez eux, sans aucun moyen de subsistance. Lorsque nous considérons la cruauté et l'oppression dont, pendant quelque 1 300 ans, les dhimmis ont été victimes dans tous les pays musulmans, ce qui est remarquable, c'est qu'il y en ait eu qui aient été capables de résister aux tentations ainsi qu’aux pressions exercées sur eux pour qu'ils deviennent des hypocrites.

Nous avons maintenant terminé notre examen des prétentions de l'islam à être la Révélation ultime de Dieu et de Sa Volonté. Lorsque nous reprenons les critères définis dans l'Introduction pour voir dans quelle mesure l'islam les satisfait, la réponse n'est pas difficile à donner. À notre avis, il semble que le seul de ces critères que l'islam puisse dans une certaine mesure prétendre satisfaire est le quatrième. Par contre, le christianisme les satisfait toutes. La conclusion est évidente.
 

 CHAPITRE HUIT

CONCLUSION

Et maintenant, respecté lecteur, nous avons examiné ensemble toutes les preuves alléguées de la vérité de l'islam, et nous avons étudié la prétention affirmée par Mahomet d’être le Seigneur des Apôtres et le Sceau des Prophètes. C'est à vous qu'il appartient de décider, sous le regard de Dieu qui sonde les reins et les cœurs, si cette affirmation est vraie ou fausse. Que le Dieu Très-Miséricordieux vous fasse parvenir à une juste décision ! Il vous faut choisir entre le Seigneur Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, et Muhammad ibn 'Abdu'llah : entre Celui qui a passé sur la terre en faisant le bien  et celui qui est appelé le « Prophète au glaive » ; entre Celui qui a dit : « Vous aimerez vos ennemis »  et celui qui a dit : « Tuez vos ennemis et les ennemis de Dieu »  ; entre Celui qui a prié pour ceux qui le mettaient à mort  et celui qui faisait assassiner ceux qui se moquaient de lui. Sans doute êtes-vous informés de ce que furent la vie et la personnalité du Christ, et vous savez qu'elles constituent l'une des preuves les plus décisives de la vérité de ce qu'Il affirmait. « Le soleil est la preuve du soleil. Si tu cherches la preuve de Son existence, Ne détourne pas ta face de Lui. »

D'un autre côté, vous avez vu ce que des auteurs musulmans nous disent de la vie et de la personnalité de Mahomet. C'est à vous qu'il appartient maintenant de juger si celles-ci étaient tellement supérieures à celles du Christ que vous puissiez à juste raison rejeter le Christ et confier votre salut éternel à Mahomet plutôt qu'à Lui. Vous savez que la Bible, la Parole de Dieu (???? ????), nous enseigne que, comme cela avait été prophétisé, le Christ a donné Sa vie précieuse pour les pécheurs et a expié pour nos péchés, alors que Mahomet est mort de mort naturelle et n'a pas même prétendu mourir pour les péchés des autres hommes. Selon la promesse qu'Il a Lui-même faite et le témoignage de Ses disciples, le Christ est ressuscité le troisième jour d'entre les morts, prouvant ainsi qu'il avait vaincu la mort . Mahomet est toujours prisonnier de la tombe et de la mort.

À Médine, entre les tombes où furent déposés les corps de Mahomet et d'Abu Bakr, on peut voir une tombe vide, que les musulmans appellent : « La tombe de notre Seigneur Jésus, le Fils de Marie ». Elle n'a jamais été occupée. Le fait qu'elle est vide rappelle aux pèlerins que le Christ est vivant,  alors que Mahomet est mort. Alors, quel est celui des deux qui est le mieux en mesure de vous aider ? On vous a enseigné [[à vous les musulmans]] à prier Dieu pour Mahomet ; ainsi, vous croyez nécessairement qu'il a besoin de vos prières, au lieu d'être capable de vous venir en aide. Vous croyez que le Christ reviendra, et vous n'attendez pas Son retour dans la crainte. Nous, les chrétiens, nous attendons aussi Son Second Avènement dans l'espérance et dans la joie, sachant que Sa promesse  et celles de Ses anges  seront accomplies. C'est avec joie et espérance que nous attendons le temps où se réaliseront les paroles de l'Apôtre : « Le voici qui vient sur les nuées. Tout œil le verra, et ceux même qui l’ont transpercé ; et toutes les tribus de la terre se frapperont la poitrine en le voyant » . Et c'est la raison pour laquelle, à mesure que s'approche de plus en plus ce jour glorieux, nous sommes toujours plus emplis de zèle pour obéir au commandement qu’Il nous a laissé en nous quittant  et pour proclamer la Bonne Nouvelle à toute la création. Le temps que nous passons ici sur la terre est court, et le vôtre peut bien ne pas être long.

C'est pourquoi, de mourant à mourant, nous vous appelons à vous tourner vers le Dieu Vivant, le Saint, le Juste, le Miséricordieux. Nous vous prions d'accepter du fond du cœur Celui qui est la Lumière du Monde,  de sorte que, au cours de cette vie, vous puissiez marcher dans la lumière de la vérité de Dieu et échapper aux embûches et tromperies du Diable ainsi qu'aux chaînes et à l'esclavage du péché, et que, finalement, vous ne soyez pas emplis de honte devant le Christ lorsqu'Il viendra juger le monde en toute justice  : « car nous tous il nous faut comparaître devant le tribunal du Christ »  ; en effet, « Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Seigneur » . Un jour, vous aussi vous devrez fléchir le genou devant lui ; pourquoi pas maintenant ?

Nous vous apportons la bonne nouvelle de Son amour, qui L'a conduit à donner Sa vie pour vous aussi – vous qui ne croyez pas encore en lui – tout aussi véritablement que pour ceux qui sont déjà devenus ses disciples . Maintenant, Il vous offre gratuitement le don du salut , l'assurance du pardon de Dieu et la grâce de Le servir dans une vie nouvelle, et finalement un lieu dans les nombreuses demeures  qui seront en la présence immédiate de Dieu, dans les Lieux Célestes, dans lesquels rien de ce qui souille ne peut entrer .

Priez donc Dieu, mon frère, qu’Il vous guide dans la bonne voie et vous amène à prendre une juste décision dans ce domaine essentiel avant qu'il ne soit trop tard. Ainsi, vous serez du côté de Dieu dans la grande confrontation entre la vérité et l'erreur, entre le Bien et le Mal. Ainsi, vous trouverez la Vérité en Celui qui est la Voie, la Vérité et la Vie  ; alors, ayant ici-bas cheminé quotidiennement avec Lui et reçu dans votre cœur cette paix que le monde ne peut donner , libérés de la crainte de la mort et de l'enfer, vous serez alors en mesure d'attendre et d’espérer avec joie une glorieuse Résurrection. Et, lorsqu'Il reviendra juger le monde dans la justice, vous recevrez de Sa main transpercée la couronne de la vie éternelle.
 
 
 

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