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Saint Jean Damascène
docteur de l'église catholique

article du Dictionnaire de Théologique Catholique
col.693 début

JEAN DAMASCENE (Saint), Père et docteur de l’Eglise, de la première moitié du VIIIe siècle.
I. Vie. II. Ecrits (col. 696). III. Doctrine, col. 708. IV. Influence sur la théologie de l’Orient et de l’Occident (col. 748).

I. VIE DE SAINT JEAN DAMASCENE.  Les renseignements certains que nous possédons sur la vie de saint Jean de Damas, couramment appelé Damascène, se réduisent à fort peu de choses. Quand on a dit qu’il était originaire d’une riche famille chrétienne de Damas, qu’il fut moine et prêtre au couvent de Saint-Sabas, près de Jérusalem, qui s’illustra en prenant la défense de culte des images, au début de la persécution iconoclaste, qu’il mourut très probablement à Saint Sabas le 4 décembre 749, et qu’il n’était plus sûrement ce de monde, le 10 février 753, au moment où s’ouvrit le conciliabule iconoclaste de Hiéria, il ne reste plus qu’à ajouter à ces grandes lignes que quelques détails mêlés de conjectures.

Il avait hérité de son grand-père le surnom arabe de Mansour, qui signifie victorieux et non ????????????, racheté, comme traduit Théophane, Chronog., ad annum 19 Leonis, P. G., t. CVIII, col. 841. Le même Théophane nous apprend que l’empereur Constantin Copronyme le faisant anathématiser par son clergé, une fois l’an, et qu’il avait changé le nom de Mansour en celui de Mamser, ????????, qui signifie en h?breu bâtard, ????, ibid. Les autres Byzantins paraissent ignorer ce détail, et voient une injure dans le simple nom de Mansour. Cf. Actes du VIIe concile, sess. VI, Mansi, Concil., t. XIII, col. 356. Le père de Jean fut vraisemblablement ce Sergius, fils de Mansour, que Théophane appelle ????????????????, et qui remplit la charge de logoth?te général, ?????? ?????????, sous le calife Abdul-Melek (685-705). Th?ophane, op. cit., ad an. 6 Justianiani Rhinotmeti, col. 711 c. Cf. la note de Lequien, P. G., t. XCIV, col. 435. Cette charge devait sans doute consister à percevoir les impôts auprès des chrétiens pour le compte du calife. Il semble que Jean lui-même succéda à son père dans cet emploi, avant de se retirer à saint-Sabas. C’est ce qu’insinue un passage des Actes du VIIe concile, où il est dit que notre saint abandonna tous ses biens, à l’exemple de l’évangéliste saint Matthieu. Mansi, loc. cit. Cette hypothèse est bien plus vraisemblable que ce que nous raconte son biographie du Xe siècle, le patriarche Jean VI de Jérusalem, mort vers l’an 970. Cf. Lequien, Oriens christianus, t. III, p. 466. Celui-ci veut que Jean ait été grand-vizir, ??????????????, du calife de Damas. Vita S. Joannis Damasceni, 13, P. G., t. XCIV, col. 449. Disons en passant que les invraisemblances, les légendes et les erreurs abondent dans cette mauvaise biographie au style ampoulé, écrite d’après un document arabe, qui ne devait pas valoir mieux. Si tout n’y est pas faux, la part de vrai est minime. Nous hésitons à faire rentrer dans cette part les détails relatifs à l’éducation de saint Jean. D’après le biographe, Sergius aurait donné pour précepteur à son fils un savant moine d’Italie du nom de Cosmas, emmené captif à Damas par les Arabes. Ce Cosmas, dit l’Ancien, aurait eu pour élève, en même temps que notre Jean, Cosmas, dit le Jeune, le futur évêque de Maïouma, à qui Jean devait dédier plus tard son principal ou-[col. 693 fin / col.694 début] vrage : La source de la connaissance. Sergius aurait adopté ce jeune hiérosolymitain, devenu orphelin en bas-âge. Cf. H. Delehaye, Synaxarium Ecclesiæ Constantinopolitanæ, dans Acta sanctorum novembris Propylæum, p. 395-396. Rien dans l’épître dédicatoire de la Source de la connaissance ne fait allusion à ces anciennes relations entre Jean et l’évêque de Maïouma, et qu’il fût l’émule de Jean dans la poésie liturgique.

Un écrit de Jean peu remarqué et qu’il y a tout lieu de croire authentique, l’Expositio et declaratio fidei, P. G., t. XCV, col. 417-438, qui ne nous est parvenu que dans une traduction arabe, nous fournit sur sa vie quelques renseignements autrement sûrs que ceux que nous trouvons dans le récit du biographe. Nous y trouvons, semble-t-il, la profession de foi même que Jean récita publiquement le jour de son ordination sacerdotale, comme il ressort de ce passage : Vocasti me nunc, o Domine, per manus pontificis tui administrandum alumnis tuis. P. G., loc. cit., col. 418. Ce pontife qui lui imposa les mains fut, sans nul doute, le patriarche Jean IV, de Jérusalem (706-734) dont le Damascène se déclare le disciple et l’ami intime dans la Lettre sur le Trisagion, P. G, t. XCV, col. 57. Au début de cette profession de foi, Jean fait quelques vagues allusions à sa vie passée. Il rappelle sa naissance terrestre et sa naissance à la vie surnaturelle par le saint baptême, sa participation aux divers mystères, son éducation chrétienne. Il ajoute : Pavisti me, o Christe Deus meus, in loco virenti, et nutrivisti aquis rectæ doctrinæ per manus pastorum tuorum. Loc. cit., col. 418. Il semble, d’après ces mots, que ses maîtres dans la doctrine sacrée ont été des prêtres ou des évêques ; et parmi ces derniers, il faut placer le patriarche Jean. Le locus virens est sans doute la laure de saint-Sabas. Ajoutons qu’au moment où le nouveau prêtre prononce sa profession de foi, la persécution contre les images n’a pas encore commencé ; car il n’y est fait aucune allusion dans l’énumération des hérésies qui termine la pièce. Ce point st important. Il nous permet d’affirmer que Jean était prêtre antérieurement à 726, et que ses trois lettres, pour la défense des images furent écrites non à Damas, mais à Saint-Sabas ou à Jérusalem. Cela ressort, du reste assez clairement d’un passage qui se lit à la fin de la première et de la seconde de ces lettres : " Nous ne supporterons pas, dit le saint, parlant presque au nom du patriarche de Jérusalem, qu’on enseigne une foi nouvelle, car de Sion sortira la loi, et la parole du Seigneur de Jérusalem, suivant l’oracle prophétique de l’Esprit-Saint. . . Si nous en voyons qui s’obstinent dans leur opinion perverse ? puisse le Seigneur ne pas le permettre, ? alors nous ajouterons le reste. " De imaginibus, I, P. G., t. XCIV, col. 1281. Le reste, c’était la sentence d’excommunication contre Léon l’Isaurien et ses partisans que Jean prononça, en effet la treizième année du règne de cette empereur (730) avec des évêques, de l’Orient, ??? ???? ??? ???????? ??????????, Th?ophane, op. cit., ad an. 13 Leonis, P. G., t. CVIII, col. 824. Nul doute qu’à ce concile notre saint n’ait tenu une place importante.

Ainsi croule par la base le récit légendaire du biographe sur la fausse lettre fabriquée par Léon l’Isaurien pour compromettre " le grand vizir " Jean auprès du calife, et sur ce tout ce qu’il s’en serait suivi : Jean ne pouvant établir son innocence et condamné à subir l’amputation de la main droite ; miracle de la sainte Vierge, restituant au défenseur des images le membre amputé ; résolution de Jean, après ce miracle, de quitter le monde et d’entrer à Saint-Sabas. Il faut voir en tout cela un conte arabe. Après cela, on hésite à ajouter quelque crédit au récit des multiples épreuves que le vieillard sabaïte chargé de former l’ex-grand [col.694 fin / col. 695 début] vizir aux vertus religieuses lui aurait fait subir. La vente de corbeilles par le novice dans les rues de Damas (!) doit être une pure imagination.

Somme toute, Jean dut se faire moine, probablement vers l’âge de trente ans. Les synaxaires nous disent qu’il parvint jusqu’à une heureuse vieillesse et féconde, ?? ???? ?????. H. Delehaye, op. cit., p. 279. Cette affirmation est confirmée par Jean lui-même : au moment où il prononce en un même jour ses trois homélies sur la Dormition, il est arrivé à l’hiver de sa vie, ?? ??????? ????, ??? ?????????? ?????. Homil. II, in Dormitionem, 1, P. G., t. XCVI, col. 724. Si nous lui accordons un minimum de 75 ans, du moment qu’il à peu près sûr qu’il est mort en 749, il a du naître vers 674-675. Entré, au couvent, au début de l’épiscopat du patriarche Jean, en 706, il a eu le temps d’être instruit par lui dans les sciences divines, et d’être vraiment son disciple. C’est à la laure de Saint-Sabas qu’il a dû composer tous ses ouvrages théologiques. Il conservait, du reste, d’étroites relations avec le clergé de Damas, comme nous le verront tout à l’heure, en parlant de ses écrits. Devenu prêtre et possédant à un haut degré le don de la parole, il était invité à prêcher aux grandes solennités hiérosolymitaines. Les échantillons, trop rares, qui nous sont parvenus de son éloquence font regretter les homélies perdues.

Cette éloquence répandue dans tous ses écrits lui valut bientôt d’être comparé à la rivière qui arrose Damas, sa patrie, et en fait la perle de la Syrie : c’est l’historien Théophane qui, dès le début du IXe siècle, lui donne le nom de Chrysorrhoas, qui roule de l’or, tant à cause de l’élégance fleurie de ses discours que de l’éclat de sa vertu. Op. cit., ad an., Constantin, col. 841. Sa sainteté, on la voit transparaître dans ses œuvres. Le ton d’humilité sincère avec lequel il parle de lui-même en plusieurs endroits de ses écrits, allant jusqu’à se traiter d’homme ignorant, son amour pour Jésus-Christ, sa tendre dévotion à Marie, son dévouement pour l’Eglise qui lui a fait compose tous ses ouvrages, tout cela nous montre que le docteur de Damas appartient à la race des grands saints qui ont illustré l’Eglise à la fois par leur science et par leur vertu.

Son culte dut commencer presque aussitôt après sa mort. Le VIIe concile œcuménique fait de lui le plus grand éloge, dans sa sixième session, et à la septième lui criera : " Mémoire éternelle ". Le concile iconoclaste de Hiéria avait dit, en parlant des trois défenseurs des saintes images : Germain de Constantinople, Jean de Damas, Georges de Chypre : " La Trinité a fait disparaître les trois, ? ????? ???? ????? ????????. ” Mansi, t. XIII, col. 356. Les Père sud concile changèrent la formule en ceci : ? ????? ???? ????? ????????, La Trinité a glorifié les trois. Ibid., col. 400. Théophane appelle Jean " notre père saint ", ? ????? ????? ???? ???????, loc. cit. Son nom apparaît au 4 décembre dans les plus anciens synaxaires connus. Delehaye, op. cit., p. 278-279. Quelques-uns, comme le cod. 40 du couvent de Sainte-Croix de Jérusalem, qui est du Xe-XIe siècle, fixent sa fête au 29 novembre. Ibid., p. 263. L’Eglise grecque a retenu la date du 4 décembre. Le martyrologe romain place le dies natali de Jean au 6 mai. Par un décret du 19 août 1890, le pape Léon XIII l’a proclamé docteur de l’Eglise, et a étendu sa fête à l’Eglise universelle, en la fixant au 27 mars. Leonis XIII, Pont. max., Acta, t. X, p. 216-218. Longtemps vénéré à la laure de Saint-Sabas, où Jean Phocas le voyait encore au XIIe siècle, Descriptio Terræ sanctæ, p. G., t. CXXXIII, col. 948, son corps fut ensuite transporté à Constantinople, comme nous l’apprend George Pachimère, au XIVe siècle. Historia, de Andronico, [col.695 fin / col.696 début], l. I, c. XIII. Certains martyrologes latins semblent faire allusion à cette translation, quand ils disent : au 6 mai : Constantinopoli, depositio sanctæ memoriæ Joannis Damasceni, doctoris egregii. Cf. la longue note de Lequien, P. G., t. XCIV, col. 483-488.

La notice biographique qu’on vient de lire est nouvelle sur plusieurs points. Nous apportons ci-après, en parlant des écrits du saint, quelques autres déterminations chronologiques. La Vie écrite par Jean de Jérusalem sur la fin du Xe siècle a servi de source à presque toutes les notices anciennes et modernes. Elle fut publiée en traduction latine seulement dans les Acta sanctorum, mai, t. II, p. 109-118. Lequien en donne le texte original avec traduction latine en tête des œuvres du saint docteur, en l’accompagnant de notes critiques qui la contredisent par endroits. Cette édition est reproduite dans P. G., t. XCIV, col. 429-490. Le savant éditeur n’a pas essayé de d’écrire lui-même une biographie du Damascène, en prenant ses œuvres pour base. Il s’est contenté de recueillir les témoignages des anciens écrivains orientaux et occidentaux sur le saint docteur, ainsi qu’un certain nombre de notices biographiques empruntées aux synaxaires grecs et aux martyrologes latins. Ces témoignages et ces notices, de même qu’une traduction latine d’une biographie grecque différente de celle de Jean de Jérusalem, et le récit de Vincent de Beauvais dans le Speculum historiale, se trouvent dans P. G., ibid., col. 489-514. Papadopoulos-Kérameus a publié dans les ???????? ?????? ???????? ????????????, t. IV, S. Petersbourg, 1897, p. 303-350, une vie anonyme des saints Cosmas et Jean Damascène postérieure à celle du patriarche Jean de Jérusalem et encore plus légendaire. Il n’y a rien à en tirer. Rien à tirer non plus du panégyrique de S. Jean composé par Constantin Acropolite au XIVe siècle. P. G., t. CXL, col. 812-885. Ce morceau n’est qu’une paraphrase de la bibliographie du Xe siècle. La meilleure notice ancienne, est celle des premiers synaxaires, telle qu’elle se lit dans l’édition du P. Delehaye, Acta sanctorum novembris, Propylæum, p. 278-79. C’est en se fondant sur la Vie de saint Etienne le Sabaïte, neveu de S. Jean Damascène, que le P. S. Vailhé est arrivé à fixer avec une très grande probabilité la date de la mort du saint docteur : Date de la mort de saint Jean Damascène, dans les Echos d’Orient, 1906, t. IX, p. 28-30. Cette Vie de saint Etienne, écrite par le moine Léonce de Saint-Sabas avant l’année 809, est malheureusement incomplète. Cf. Acta sanctorum, juil. t. III, p. 504-584. Parmi les notices biographiques écrites par des modernes, la meilleure est celle de H. Lupton, dans le Dictionary of christian biography de W. Smith et H. Wace, t. III 1882, p. 409-423. L’auteur a utilisé les deux articles de Félix Nève sur saint Jean Damascène parus dans la Revue belge et étrangère, t. XII (1861), p. 1 et 117.

II. ECRITS DE SAINT JEAN DAMASCENE. ? Saint Jean Damascène est avant tout un théologien, et l’on peut dire qu’il n’est que cela. s’il s’occupe parfois de questions philosophiques, c’est toujours en vue de la théologie. Pour lui, les diverses sciences humaines ne sont que les servantes de cette reine : ?????? ?? ???????? ?????? ????? ????????????, dit-il au d?but de sa Dialectique, P. G., t. XCIV, col. 532 b. Cela n’empêche pas son activité littéraire de se manifester sous des formes très variées ; car de la théologie il a cultivé presque toutes les branches. Le premier dans l’Eglise, il tente un exposé synthétique du dogme, et il le défend contre les diverses hérésies de son temps. Il s’occupe en même temps d’exégèse, de morale et d’ascétique. Il prononce de belles homélies pleines de doctrine, et cultive la poésie liturgique. C’est sous ces six rubriques : Dogmatique, Polémique, Exégèse, Morale et Ascétique, Homilétique, Poésie liturgique, que nous allons grouper ses divers écrits. nous essaierons ensuite d’en donner une classification chronologique dans la mesure où la chose est possible. Nous terminerons par quelques brèves indications sur les œuvres perdues, douteuses ou apocryphes.

Disons tout de suite que plusieurs des écrits authentiques portent des traces d’additions et de corrections importantes. L’explication de ce fait est fournie par le biographe du Xe siècle, qui nous dit que sur [col.696 fin / col.697 début] la fin de sa vie, le saint docteur fit une révision générale de tous ses écrits pour en retoucher le fond et la forme. Vita, 36, col. 484 b. La tradition manuscrite confirme pleinement cette affirmation.

Exposés dogmatiques. ? 1. L’œuvre la plus importante de saint Jean Damascène, son vrai chef-d’œuvre, est un exposé du dogme catholique précédé d’une double introduction philosophique et historique. Le saint docteur lui a donné lui-même le titre général de Source de la connaissance, ???? ??????? ??????????. Dialectica, c. II, t. XCIV, col. 533 a. C’est un des derniers ouvrages de Jean, écrit sur l’ordre de son ancien confrère de Saint-Sabas, Cosmas, devenu évêque de Maïouma donc, après l’année 742. Comme il le déclare lui-même dans la lettre dédicace, l’auteur ne veut être qu’un écho, P. G., ibid., col. 525 a mais c’est un écho singulièrement puissant, qui concentre et unifie les voix multiples des siècles antérieurs. L’ouvrage est divisé en trois parties. La première est intitulée : ???????? ?????????? ou Dialectique, t. XCIV, col. 525-576 ; la seconde : ???? ???????? ?? ???????? ???? ??????? ??? ????? ?????????, ou Livre des hérésies, ibid., col. 677-780 ; la troisième, de beaucoup la plus longue et la plus importante : ??????? (ou ???????) ??????? ??? ????????? ???????, Exposition de la foi orthodoxe. Ibid., col. 789-1128.

Les chapitres philosophiques, titre beaucoup plus exact que celui de Dialectique devenu pourtant plus usuel, constituent une sorte d’introduction philosophique à l’exposé du dogme. C’est une série de définitions philosophiques, empruntées aux anciens philosophes, spécialement à Aristote et à Porphyre, et aussi aux Pères de l’Eglise, car, quoi qu’on en ait dit, saint Jean Damascène ne jure pas que par Aristote, et il raille les hérétiques qui veulent faire de ce philosophe le treizième apôtre. Contra Jacobitas, 10, t. XCIV, col. 1141 a. Même en philosophie, ses maîtres sont en avant tout les Pères de l’Eglise. Il le montre bien quand il s’agit de définir la nature et la personne. On a de cette partie une double rédaction dans les mss : l’une plus longue où abondent les répétitions ; l’autre beaucoup plus courte, qui doit être la dernière. L’édition de Lequien donne l’une et l’autre.

Le livre des hérésies sert d’introduction historique à l’Exposé de la foi orthodoxe. C’est une brève recension de 103 hérésies. Pour les 80 premières, l’auteur reproduit mot à mot le Panarion de saint Epiphane. Le reste est emprunté à divers auteurs : Théodoret, le prêtre Timothée de Constantinople, Léonce de Byzance, saint Sophrone. Il n’y a de vraiment original que ce qui regarde l’islamisme, l’iconoclasme et la secte mystique des aposkhites, apparentés aux massaliens.

L’exposé de la foi catholique fut divisé par l’auteur en cent chapitres. Les manuscrits ne fournissent pas d’autre division. On a pris cependant l’habitude, en Occident, de le partager en quatre livres, sans doute pour l’adapter aux quatre livres des Sentences de Pierre Lombard. Cette division en quatre livres est celle des éditions imprimées. Si elle se justifie assez pour les trois premiers livres, elle est tout à fait arbitraire au passage du troisième au quatrième livre. Le livre I correspond à peu près à nos traités De Deo uno et trino. Le livre II traite spécialement de la création en général, des anges, des démons, de la nature visible, du paradis, de l’homme et de ses facultés, de la Providence. Ce second livre relève en grande partie de la philosophie et des sciences naturelles de l’époque. C’est le moins théologique des quatre. On y trouve des choses assez curieuses sur l’astronomie et la physique des anciens. On y apprend, par exemple, que deux animaux seulement ne peuvent pas remuer les oreilles : l’homme et le singe. Le livre III est entièrement [col.697 fin / col.698 début] consacré au mystère de l’incarnation et à ses suites. Le livre IV continue la christologie dans ses premiers chapitres, et traite ensuite de questions assez disparates : foi, baptême, culte de la croix, coutume de parler en se tournant vers l’Orient, eucharistie, mariologie, culte des saints et des images, canon des Ecritures, terminologie scripturaire sur la personne de l’Homme-Dieu, réfutation du manichéisme, loi de Dieu et loi du péché, sabbat, virginité, circoncision, antéchrist et résurrection. Ce manque absolu de suite dans le IVe livre et ces retours sur des questions déjà traitées dans les livres précédents s’expliquent, selon nous, par la révision que le Damascène fit de son ouvrage sur la fin de sa vie. Ce sont de vrais suppléments ajoutés après coup. Il manque, du reste, dans tout l’ouvrage cette division rigoureuse que nous sommes habitués à trouver dans nos traités scolastiques. Les répétitions, les retours sur les mêmes questions ne manquent pas. Quant au plan général, on peut dire qu’il reproduit la suite du symbole de Nicée-Constantinople. La Foi orthodoxe n’est pas autre chose qu’une explication développée de ce symbole. Il y manque cependant un chapitre sur l’Eglise, à laquelle il n’est fait qu’une courte allusion, au chapitre sur la foi, col. 1128 a. Quant aux sources auxquelles puise notre docteur, ce sont uniquement des sources grecques. De la théologie occidentale il ne connaît que la lettre du pape saint Léon à Flavien. Pour le traité de Dieu, il emprunte beaucoup au pseudo-Denys l’Aréopagite, qu’il prend avec tous ses contemporains pour le vrai disciple de saint Paul. Pour la théologie trinitaire, son auteur préféré est saint Grégoire de Nazianze. Pour la christologie, il s’inspire principalement de ses prédécesseurs immédiats : Léonce de Byzance, Maxime le Confesseur, Anastase le Sinaïte. Dans tout l’ouvrage il utilise également les autres grands docteurs de l’Orient : Athanase, Basile, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome, Némésius d’Emèse (spécialement sur la création et l’homme), Sévérien de Gabala, Cyrille d’Alexandrie, Cyrille de Jérusalem (spécialement sur l’eucharistie), etc. De tous les Pères, le plus fréquemment cité un peu partout est bien saint Grégoire de Nazianze, pour lequel le Damascène a eu une prédilection spéciale. Disons enfin que l’auteur se cite lui-même, et qu’il a mis dans la Foi orthodoxe le meilleur de ses autres écrits.

2. De la première partie de la Source de la connaissance, il faut rapprocher le petit traité philosophique intitulé : ???????? ???????? ??????????, Institutio elementaris ad dogmata, t. XCV, col. 99-112, qui en constitue comme la première édition, et qui, si nous entendons bien la suscription des mss : ??? ????? ??????? ??? ?????????? ???? ??????? ????????? ??????????, fut dict?e par le saint docteur et recueillie par un de ses élèves, Jean, devenu dans la suite évêque de Laodicée du Liban, dans la province ecclésiastique de Damas. Ce petit traité est bien inférieur aux Chapitres philosophiques. La définition de l’hypostase, en particulier, est bien incomplète. Ce doit être une œuvre de jeunesse. Il semble que l’auteur n’avait pas encore lu Léonce de Byzance.

3. Le Libellus de recta sententia, ???????? ???? ????? ??????????, t. XCV, col. 1421-1432, est une profession de foi détaillée que Jean composa pour un évêque du nom d’Elie, qui la récita au métropolite de Damas, Pierre. Quel était cet évêque Elie ? Vraisemblablement un maronite monothélite converti ; car il promet spécialement de ne pas communiquer avec les maronites. Nous avons trouvé dans un ms. de la Bibliothèque vaticane qu’Elie fut évêque de Iabroud, un des sièges suffragants de la métropole de Damas. Il n’est pas du tout sûr, comme l’affirme Lequien dans sa préface, col. 1421, que cet écrit ait été composé après le début [col.698 fin / col.699 début] de l’iconoclasme ; car il n’y a pas dans le texte : Je rejette toutes hérésies, depuis celle de Simon le Magicien jusqu’à celle qui s’est élevée de nos jours contre la sainte Eglise de Dieu, mais bien : jusqu’à celles qui se sont élevées de nos jours, ????? ??? ??? ??????????, col. 1432 b ; ce qui s’entend facilement du monothélisme et du paulicianisme, qui avaient alors en Syrie de nombreux partisans.

4. Le De sancta Trinitate, ???? ??? ????? ???????, t. XCV, col. 8-18, titre incomplet, est un r?sumé de théologie par demandes et réponses sur Dieu, la Trinité et l’Incarnation. S’il est permis de douter que la rédaction soit de saint Jean, la doctrine est bien de lui ; et l’on peut retrouver l’équivalent et les termes mêmes dans ses œuvres authentiques.

5. Nous n’hésitons pas non plus à la suite de Lequien à ranger parmi les œuvres authentiques cette Expositio et declaratio fidei, ibid., col. 417-438, conservée seulement dans une assez mauvaise traduction arabe, que nous avons dit être la profession de foi même récitée par saint Jean Damascène le jour de son ordination sacerdotale. Elle débute par une belle prière à Dieu, où le nouveau prêtre fait éclater sa reconnaissance pour les bienfaits divins. C’est déjà, en petit, l’Exposé de la foi orthodoxe, et dans le même plan, avec une finale sur les six conciles œcuméniques, leurs canons et les canons de saint Basile.

On trouve d’autres exposés dogmatiques, ressemblant à des professions de foi, dans certaines homélies de Jean. Voir spécialement celui qui se lit dans l’homélie sur le samedi saint, t. XCVI, col. 604-622.

Ecrits polémiques. ? Jean a écrit contre toutes les hérésies existantes de son temps, nestorianisme, monophysisme, monothélisme, manichéisme ou paulicianisme, iconoclasme. Il a même esquissé une méthode de discussion avec les Sarrasins infidèles, et nous a laissé un fragment de traité contre des superstitions populaires. Bien qu’il s’inspire de ses devanciers, il est bien plus original dans ses traités polémiques, que dans la Source de la connaissance. Ses trois discours pour la défense des images fondent la théologie byzantine sur le culte des images et des reliques. Son grand dialogue contre les manichéens, malgré les répétitions qui s’y rencontrent, est un vrai chef-d’œuvre.

1. Contre les nestoriens, Jean a écrit deux traités. Le premier, publié par Lequien, porte le titre suivant : ???? ???????? ??? ???????????, t. XCV, col. 187-224. C’est un mod?le de discussion serrée et lucide, adapté au point de vue de l’adversaire et le battant sur son propre terrain. Par l’Ecriture et le symbole de Nicée, Jean démontre aux Nestoriens la divinité de Jésus-Christ et l’unité de sa personne.

Le second que Lequien n’avait pu retrouver, cf. P. G., t. XCV, col. 417, a été publié par F. Diekamp, dans la Theol. Quartalschrift, 1901, LXXXIII, p. 555-595 ; l’authenticité de ce texte est incontestable, il est d’ordre spéculatif.

2. Contre les jacobites nous possédons également deux traités. Le premier, intitulé : ???? ???????? ?????? ???? ????????, De natura composita contra acephalos, t. XCV, col. 111-126, peut être considéré comme une première ébauche du second, beaucoup plus long, écrit au nom de Pierre, métropolite de Damas à l’évêque jacobite de Dara, t. XCV, col. 1435-1502. Lequien n’a pu retrouver tout le texte de ce second traité, il y a suppléé, col. 1437-1440, par une traduction latine de la version arabe. Dans l’un comme dans l’autre, saint Jean Damascène met à nu l’entêtement et la déraison de ces jacobites, appelés aussi acéphales, qui tout en condamnant l’eutychianisme, et en maintenant l’union sans confusion de la divinité et de l’humanité dans le Christ, se refusent absolument, [col.699 fin / col.700 début] par une vaine crainte du nestorianisme, à compter les natures après l’union, et dire deux natures. Leur formule est ??? ???? ????????. La tactique de Jean, pour les mettre en contradiction avec eux-m?mes, est de les ramener à la terminologie trinitaire, reçue de tous. On sait que les jacobites ne donnaient pas au mot ????? le m?me sens, suivant qu’il s’agissait de la Trinité ou de la christologie. Au fond, entre eux et les catholiques, il y avait le malentendu créé autour de la définition de Chalcédoine, que les hérétiques se refusaient à connaître. Pour les confondre, Jean recourt à la fois à la dialectique et aux témoignages patristiques.

3. Il faut rattacher à la controverse contre les jacobites la Lettre à l’archimandrite Jordanès sur le Trisagion, ???? ??? ????????? ?????, t. XCV, col. 21-62. On sait que Pierre le Foulon avait ajouté au Trisagion les mots : Qui crucifixus es pro nobis. C’était rapporter le triple Sanctus au seul Fils de Dieu incarné, tandis que les catholiques l’entendaient généralement des trois personnes de la Trinité. Comme Pierre le Foulon était un antichalcédonien décidé, on lui prêta même couramment l’erreur du théopaschitisme. Les groupes monophysites ayant adopté son addition, le Trisagion devint lors un brandon de discorde entre catholiques et monophysites. Certains catholiques, voyant qu’il s’agissait, au fond, d’une question de mot et d’usage, finirent par concéder qu’on put acclamer le Fils de Dieu incarné mort pour nous sur la croix, par un triple sanctus ; mais pour éviter toute interprétation hérétique, Calendion, patriarche catholique d’Antioche, avait ajouté à l’addition du Foulon les mots ????? ???????. Saint Jean Damasc?ne a l’air d’ignorer ce fait, et il maintient fermement contre son contemporain Anastase, abbé du couvent Saint-Euthyme, l’interprétation traditionnelle du Trisagion. Il fait appel pour cela tant à l’explication littérale de la vision d’Isaïe, qu’au témoignage des Pères, et à l’origine du Trisagion liturgique sous Proclus. Le récit qui se réfère à cette origine est, du reste, fort sujet à caution. Voir à ce sujet la quatrième dissertation de Lequien, t. XCIV, col. 331-350.

4. Les monothélites sont réfutés en même temps que les jacobites monophysites dans le traité qui a pour titre : ???? ??? ?? ?????? ??? ????????? ??? ????????? ??? ?????? ??????? ?????????, De duabus in Christo voluntatibus et operationibus, deque naturalibus reliquis proprietatibus, ubi obiter de duabus naturis et una hypostasi, t. XCV, col. 127-186. L’auteur emprunte beaucoup au grand adversaire du monothélisme, saint Maxime. Il fait constamment appel aux notions philosophiques.

5. Contre les manichéens, il nous reste de Jean deux dialogues. Le premier, très court, est sans doute une première ébauche du second, qui est beaucoup plus développé et qu’il ne faut pas hésiter à considérer comme l’un des meilleurs écrits du saint docteur. Ce premier dialogue : ???????? ?????? ????????? ???? ?????????, Joannis orthodoxi disputatio cum manichæo, a été publié pour la première fois par Maï, Bibliotheca nova Patrum, t. IV b, p. 104. Migne l’a reproduit dans le t. XCVI, col. 1319-1336. Il ne contient qui ne se retrouve dans le second : ???? ????????? ????????, Dialogus contra manichæos, t. XCIV, col. 1505-1584. Jean s’y élève aux considérations les plus hautes de la métaphysique et de la théologie, et touche en particulier à la question de la prescience divine et de la prédestination. A son époque, le manichéisme venait de ressusciter sous le nom de paulicianisme. Au témoignage de Théophane, le métropolite Pierre de Damas, ami de notre saint, eut la langue coupée par ordre du calife Walid II, pour avoir écrit contre les Arabes musulmans et les manichéens. [col.700 fin / col.701 début]

6. Contre les Sarrasins musulmans Jean a écrit un chapitre dans le Livre des hérésies, que nous avons déjà signalé. Ce chapitre n’est pas un simple exposé de la dogmatique musulmane, mais en constitue aussi une brève réfutation, t. XCIV, col. 763-773. En dehors de ce morceau, Théodore Aboucara († 820) nous a conservé sous forme d’un Dialogue entre un chrétien et un Sarrasin un résumé de controverse avec les musulmans, recueilli aux leçons de Jean Damascène par ses élèves, et peut-être ? bien que l’hypoth?se n’aille pas sans difficulté ? par Théodore lui-même, t. XCIV, col. 1595-1598. D’un autre dialogue avec un Sarrasin, que sans doute Jean n’a pas composé directement ni révisé, et qui doit résumer des leçons orales, nous avons deux éditions, l’une incomplète pour le texte grec donné par Lequien, t. XCIV, col. 1585-1596 ; l’autre publié par Galland, dans sa Bibliotheca Patrum, t. XIII, 272, et reproduite dans P. G., t. XCVI, col. 1335-1348. L’édition de Galland est la meilleure. Dans celle de Lequien, la disposition du contenu n’est pas la même. Cet essai de discussion avec les musulmans est curieux sur plus d’un point.

7. Curieux aussi les deux fragments sur les dragons et les fées, ???? ????????? ??? ????????, t. XCIV, col. 1599-1604. L’auteur y combat des superstitions populaires et donne en passant, une explication du tonnerre et de la foudre.

8. Parmi les écrits polémiques de Jean, les plus célèbres, les plus originaux aussi, ceux qui, avec l’Exposé de la foi orthodoxe, ont le plus illustré sa mémoire, sont les trois Discours apologétiques contre ceux qui rejettent les saintes images, ????? ?????????? ???? ???? ???????????? ??? ????? ???????, t. XCIV, col. 1231-1240. Cette trilogie peut être considérée comme une triple édition du même traité. Le deuxième et le troisième discours reproduisent en effet, la plus grande partie du premier, mais chacun avec des changements, des éclaircissements, des additions importantes. Tous les trois se terminent par une série assez longue de témoignages patristiques, que l’auteur accompagne parfois d’un court commentaire. Les citations de Denys l’Aréopagite viennent en tête dans les trois discours. L’anglais H. Hody, dans ses prolégomènes à la chronographie de Jean Malalas, a contesté l’authenticité du troisième discours, précisément à cause d’une citation de Jean Malalas, qui serait postérieur à saint Jean Damascène. Mais on sait aujourd’hui que le chroniqueur byzantin a été contemporain de l’empereur Justinien. Cf. Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Litteratur, 2e édit., 1897, p. 325 sq. Les trois discours furent publiés entre les années 726 et 730 et se suivirent à peu de distance. Nous donnons ci après des indications plus précises.

Exégèse. ? L’unique œuvre exégétique qui nous soit parvenue de saint Jean Damascène est un bref commentaire des épîtres de saint Paul, tiré en grande partie, et souvent mot à mot, des homélies de saint Jean Chrysostome et aussi des interprétations de Théodoret et de Cyrille d’Alexandrie, t. XCV, col. 441-1034. Le saint docteur y a mis un peu du sien. Ça et là cependant une courte remarque est ajoutée à l’explication des exégètes antérieurs et nous livre sa pensée personnelle. Voir, par exemple, le commentaire du passage de saint Paul, Rom. V, 12 : ???? ?????? ??????, in quo omnes peccaverunt, col. 477 a. Le manuscrit qui a servi de base à l’édition de Lequien était en assez mauvais état. C’est ce qui explique, sans doute, l’obscurité de certains passages du commentaire. Quant au texte scripturaire, il diffère en pas mal d’endroits de celui que saint Jean Chrysostome avait sous les yeux, et il mérite l’attention des exégètes. [col.701 fin / col.702 début]

4° Morale et ascétique. ? Les parallèles sacrés, ?? ???? ?????????. Il nous est parvenu sous le nom de saint Jean Damascène un vaste recueil de textes scripturaires et patristiques rangés sous les lettres de l’alphabet grec et ayant trait à la doctrine des mœurs. On a trouvé de cette composition deux recensions différentes. La première, tirée du cod. Vatic. 1836, a été publiée intégralement par Lequien dans l’édition des œuvres du Damascène. Migne l’a reproduite, t. XCV, col. 1309-1588, et t. XCVI, col. 9-442. De la seconde, contenue dans un manuscrit ayant appartenu au cardinal François de La Rochefoucauld ? d’om le nom bizarre de Parallela Rupefucaldina ? le m?me Lequien n’a donné que des extraits également réédités par Migne, t. XCVI, col. 442-544. Ni l’une ni l’autre de ces recensions, qui présentent entre elles de grandes différences dans l’ordre des matières et le contenu, ne peut être considérée comme l’œuvre primitive de Jean ; mais toutes deux ont été composées ? si l’on excepte les citations des deux juifs Philon et Josèphe ? de morceaux empruntés à l compilation originale. De celle-ci nous possédons heureusement la préface authentique, à la phrase près qui a trait à Philon et à Josèphe, t. XCV, col. 1041-1044. Jean y explique la nature et la division de son œuvre, ainsi que la manière pratique de s’en servir rapidement et utilement. Il a voulu faire une anthologie scripturaire et patristique de sentences et d’exhortations morales sur toutes sortes de sujets se rapportant à la vie du chrétien. Il divisait son travail en trois livres avec une table ingénieuse, dont il explique le maniement, permettant de trouver facilement tout ce qui, dans le recueil, se rapportait au même sujet. Le premier livre traitait de Dieu un et trine, lumière de nos âmes, c’est-à-dire, sans doute, des attributs de Dieu relatifs et de nos devoirs envers lui. Le second avait pour objet la connaissance de l’homme et des affaires humaines. Le troisième roulait sur les vertus et les vices, chaque vice étant mis en opposition avec une vertu ; d’où le nom de Parallèles spécialement donné à cette troisième partie et qui a été indûment attribué à l’ensemble. Le titre même de Parallèles sacrés n’est pas de Jean, qui intitule son œuvre : T? ????, Les (textes) sacrés. Les deux compilateurs postérieurs ont bouleversé cet ordre, chacun suivant son plan particulier, et nous ont présenté en une seul livre une matière distribuée sous les lettres de l’alphabet grec, en utilisant sans doute la table composée par Jean. Aucun des deux, du reste, ne nous livre tout le contenu de l’œuvre primitive. S’ils ont enrichi celle-ci de quelques textes de Philon et de Josèphe, ils n’ont pas reproduit en entier les textes scripturaires et patristiques du recueil. C’est ce qu’on peut affirmer, après les savantes recherches de K. Holl, dans sa longue dissertation : Die Sacra Parallela des Johannes Damascenus, Texte und Untersuchungen, t. XVI, fasc. 1, 1987. Holl s’est livré à de minutieuses sur les sources manuscrites. Il est arrivé à retrouver le premier livre de l’œuvre originale dans le cod. Coistin 876, qui est du Xe siècle, et aussi une recension abrégée mais suffisamment fidèle du second livre, dans le Vatic. græc. 1553. Ses conclusions ont été acceptées dans l’ensemble par les critiques ; mais on les a attaquées sur certaines détails, spécialement en ce qui concerner les sources utilisées par le Damascène. Voir sur ce point l’article de A. Ehrhard : Zu den " Sacra Parallela " des Johannes Damascenus und dem Florilegium des Maximos, dans la Byzantinischen Zeitschrift, 1901, t. X, p. 394-415. Il est certain que Jean a eu des modèles pour ce genre de compilation. Il a utilisé notamment les Pandectes du moine Antiochus, la Melissa d’Antonius, et le Florilège dit de Munich. Somme toute, il a réuni la matière première d’un compendium de théologie morale et ascétique, qui, [col.702 fin / col.703 début] s’il l’avait rédigé, aurait été le pendant du manuel de théologie dogmatique qu’est la Foi orthodoxe. Tel qu’il nous est parvenu, le recueil peut servir de livre de lecture spirituelle, et être utile aux prédicateurs de tous les temps. Au point de vue de l’histoire littéraire, il est précieux par un certain nombre de citations d’œuvres patristiques perdues, spécialement d’écrits de Pères anténicéens.

2. De octo spiritibus nequitiæ, ???? ??? ???? ??? ???????? ?????????, t. XCV, col. 79-84. Ce court opuscule asc?tique s’adresse aux moines, et leur enseigne les moyens de combattre les vices capitaux qui sont : la gourmandise, la luxure, la l’avarice, la tristesse mondaine, la colère, la paresse (??????), la vaine gloire et l’orgueil.

3. De virtutibus et vitiis animæ et corporis, ???? ?????? ??? ?????? ??????? ??? ?????????, ibid., col. 85-98. Cet opuscule, plus développé que le précédent, paraît en être comme une seconde édition augmentée. L’auteur y a condensé une foule de notions psychologiques et ascétiques, mais sous forme d’énumérations, sans développement.

4. Il faut rattacher aux œuvres ascétiques l’opuscule De sacriis jejuniis, ???? ??? ????? ????????, ibid., col. 63-78. C’est une lettra dressée au moine Cométas sur le jeûne du carême et de la semaine sainte. Elle fut provoquée par certaines discussions entre moines sur la durée du carême. Jean, ami de la paix, avait essayé d’apaiser ces querelles inutiles, et s’était montré accommodant aux diverses opinions, conseillant du reste à tous de s’en tenir aux décisions de l’autorité ecclésiastique. Le bruit, dès lors, avait couru qu’il était partisan du jeûne de huit semaines. Il répond à Cométas qu’il suit la pratique de l’Eglise de Jérusalem qui est conforme à la tradition des saints Pères. A Jérusalem, le carême proprement dit durait six semaines. Il était suivi du jeûne de la semaine sainte ; ce qui faisait en tout sept semaines. Les jacobites syriens et coptes, au contraire, jeûnaient huit semaines, parce qu’ils comptaient pas les samedis et dimanches, où le jeûne était interrompu. Les citations patristiques qui terminent la lettre ont été ajoutées après coup soit par Jean lui-même, quand il fît la révision de ses écrits, soit par une main étrangère. L’extrait de l’encyclique du patriarche Anastase de Constantinople est sûrement interpolé.

5° Homélies. ? Jean fut un pr?dicateur éloquent et original. Ses discours portent un cachet doctrinal, qui les rend parfaitement reconnaissables. On y trouve toujours le théologien de la Trinité et de l’Incarnation. Il sait être à la fois abondant et concis, et contrairement à beaucoup de Byzantins, il parle toujours pour dire quelque chose. Ses homélies sont certainement ce qu’il y a écrit de plus personnel, et elles sont riches de doctrine.

Sur les treize discours publiés sous son nom, P. G., t. XCV, col. 545-814, neuf sont sûrement authentiques, à savoir : une homélie sur la transfiguration, une sur le figuier desséché, une sur le samedi saint, l’homélie sur la Nativité de la sainte Vierge qui commence par les mots : ????? ????? ????, col. 661-680, les trois hom?lies sur la Dormition, prononcées en un seul jour, c’est-à-dire un 15 août, vraisemblablement à Gethsémani même, dans l’Eglise qui abritait le tombeau de la Vierge ; un panégyrique de saint Jean Chrysostome et un panégyrique de sainte Barbe.

L’homélie sur la Nativité de la Vierge qui commence par les mots : ??????? ??????????? ? ?????? ???????, col. 680-698, doit ?tre restitué à saint Théodore Studite († 826), d’après le témoignage même des mss, dont l’un est du IXe siècle. Cf. G. A. Schneider, Der heil. Theodor von Studion, sein Leben und Wirken, Munster, 1900, p. 8, et C. Van de Voort, A propos d’un [col.703 fin/ col.704 début] discours attribué à saint Jean Damascène, dans la Byzant. Zeitschrift, (1914-1920), p. 128-132. Allatius, dans son De Simeonibus, avait déjà attribué cette pièce à saint Théodore.

La seconde homélie sur l’Annonciation, col. 648-662, incip. : ??? ? ??? ????????? ????????, que Lequien a crue authentique, est g?néralement considérée comme apocryphe par les critiques de nos jours, et nous croyons que c’est avec raison, car ni le fond ni la forme ni la forme ne rappellent la manière de Jean. Quant à la traduction arabe d’une autre homélie, ou plutôt d’un autre fragment d’homélie sur l’Annonciation, col. 643-648, il importe de se montrer plus réservé, et de cataloguer le morceau, jusqu’à nouvelle découverte, parmi les œuvres douteuses.

Il reste l’homélie sur le vendredi saint et la croix, col. 589-600, que certains mss donnent sous le nom de saint Jean Chrysostome. Nous hésitons à l’attribuer au Damascène, parce qu’elle nous apparaît très inférieure, pour le fond, à ses autres homélies. Nous n’osons cependant nier absolument son authenticité.

Certains critiques ont contesté l’authenticité des trois homélies sur la Dormition, mais c’est à tort. Nous y avons retrouvé des phrases entières empruntées aux œuvres authentiques ; et le témoignage des mss est irrécusable. Ces trois pièces se trouvent notamment sous le nom de Jean dans le cod. 1470 du fond grec de Paris, qui est de 890. Plusieurs critiques déclarent interpolée la citation de l’Histoire euthymienne qui se rencontre dans la seconde homélie, col. 748-752. Les arguments les plus décisifs sont donnés par J. Niessen, Panagia capuli, Dulmen, 1906, p. 128-140. Il est certain que, d’après le contexte, la citation apparaît comme un hors-d’œuvre, et rompt l’allure naturelle du discours. Ce qui est inquiétant, c’est que le passage en question se trouve dans des mss très anciens, par exemple dans le cod. parisin. 1470.

Hymnes liturgiques et prières. ? Saint Jean Damasc?ne est resté célèbre dans l’Eglise grecque par ses poésies liturgiques. Son biographe du Xe siècle et les synaxaires parlent avec enthousiasme de ses tropaires, de ses canons et de ses hymnes en l’honneur du Seigneur, de la sainte Vierge et des saints " qui sont encore chantés, et procurent à tous un plaisir divin. " H. Delehaye, op. cit., p. 278-279.

Il n’est pas facile de faire l’inventaire de ce qui lui appartient dans les livres liturgiques actuels. La tradition lui attribue la composition de l’Octoékhos ou livre des huit tons concernant les offices du commun du temps. On ne peut prendre à la lettre cette affirmation. " Si Jean jette les bases de l’Octoéchos byzantine et prépare la plupart de ses matériaux, il ne la bâtit certainement pas seul, ni tout d’une pièce. " Pargoire, L’Eglise byzantine de 527 à 547, Paris, p. 332-333. Signalons seulement les compositions d’une authenticité incontestée. Elles sont de deux sortes. Les unes sont des hymnes métriques, les autres se rattachent à la poésie rythmique. Au premier genre appartiennent les hymnes en vers iambiques pour la Nativité de Notre-Seigneur, t. XCVI, col. 817-825 ; pour l’Epiphanie, ibid., col. 825-832, et pour la Pentecôte, ibid., col. 832-840. L’authenticité de l’hymne pour la Pentecôte est contestée. Certains l’attribuent à un Jean, moine d’Arclas. Cf. Allatius, Prolegomena, 79, P. G., t. XCIV, col. 185-187. Il faut ajouter aux compositions métriques une prière eucharistique en vers anacréontiques. Ibid., col. 853-856. A la poésie rythmique appartiennent les hymnes pour Pâques, col. 839-843 ; pour l’Ascension, col. 843-846 ; pour la Transfiguration, col. 847-851 ; pour l’Annonciation, col. 851-852 ; pour la Dormition de la Vierge, col. 1363-1368 ; et les tropaires idiomèles pour les funérailles [col.704 fin / col.705 début] col. 1368-11370. Le biographe du Xe siècle raconte en quelle circonstance fut composé ce dernier morceau. Vita, t. XCIV, col. 468.

L‘Horologe des Grecs donne sous le nom de saint Jean Damascène trois belles prières préparatoires à la communion, P. G., t. XCVI, col. 815-818. Cette attribution est confirmée par certains mss.

Fragments divers. ? Signalons enfin divers fragments d’assez maigre importance recueillis par Lequien, et dont il n’est pas facile d’assurer l’authenticité.

1. Responsio ad severianos, t. XCV, col. 225-228. ? 2. Fragments sur divers sujets, ibid., col. 228-234. ? 3. Trois extraits d’une Chaîne sur saint Luc, col. 234-236. ? 4. De Mensibus macedonicis, col. 236-238. ? 5. Canon Paschalis, col. 239-242, attribué à saint Jean Damascène par un grand nombre de mss. ? 6. Deux fragments sur l’Incarnation, col. 411-416. ? 7. Fragment sur les images conservé dans une version arabe, col. 435-438. ? 8. Fragment d’une homélie sur la Nativité de Notre-Seigneur ou sur l’Annonciation trouvée dans une chaîne sur saint Luc, t. XCVI, col. 815-816. ? 9. Fragments d’une chaîne sur saint Matthieu, ibid., col. 1407-1414. Le fragment sur l’eucharistie est tiré de la Foi orthodoxe, l. IV, cap. XIII.

Essai de chronologie des œuvres de saint Jean Damascène. ? La vie de saint Jean damasc?ne nous est trop peu connue, pour qu’on puisse fixer d’une manière précise la date de composition de chacun de ses écrits. La lecture de ceux-ci fournit cependant quelques points de repères qui permettent de déterminer approximativement la date des principaux. Les affirmations de Lequien dans des préfaces sont souvent fausses, parce que cet auteur s’est laissé impressionner par le récit légendaire du biographe. Voici les conclusions auxquelles nos recherches personnelles nous ont amené.

1. Il est à peu près certain que saint Jean a composé tous les écrits qui nous restent de lui au couvent de Saint-Sabas. Le fait que certains sont dédiés à des membres du clergé de Damas ou écrits en leur nom ne suffit pas pour affirmer qu’ils ont été composés par le saint docteur avant son entrée au couvent. Les bonnes relations que Jean conserva avec ses compatriotes, sa réputation de théologien et la proximité de Jérusalem et de Damas peuvent l’expliquer.

2. Furent écrits avant la persécution iconoclaste, par conséquent avant 726, l’Expositio et declaratio fidei conservée dans une version arabe, et vraisemblablement aussi, malgré l’affirmation contraire de Lequien, le Libellus de recta sententia pour l’évêque Elie de Iabroud.

3. Les rois discours sur les images ont été écrits entre 726 et 730 ; car ils sont tous les trois antérieurs au concile des évêques de l’Orient qui, en 730 anathématisa Léon l’Isaurien selon Théophane. Au moment où Jean publie son troisième discours l’anathème n’est pas encore prononcé, t. XCIV, col. 1231 a. Le second fut précisément écrit après la déposition de saint Germain de Constantinople, arrivée à la mi-janvier 729, et non en 730, comme on l’affirme communément. Ibid., col. 1297 a. Les trois discours furent composés à Saint-Sabas ou à Jérusalem, alors que Jean était déjà prêtre : ce qui, come nous l’avons déjà dit, ruine par la base tout le récit du biographe sur la main coupée.

4. La lettre à l’archimandrite Jordanès sur le Trisagion fut écrite après la mort de Jean, patriarche de Jérusalem, arrivée en 734-735.

5. L’Introduction élémentaire aux dogmes, est sûrement antérieure à la Source de la connaissance.

6. Les traités contre les nestoriens, les jacobites, les monothélites, les dialogues d’un chrétien avec un Sarrasin, le premier dialogue avec un manichéen sont aussi vraisemblablement antérieurs à la Source de la [col.705 fin / col.706 début] connaissance. La chose est certaine pour le traité contre les jacobites, écrit au nom du métropolite de Damas, Pierre, qui fût exilé par Walid II et mourut en 742-743.

7. La Source de la connaissance fut composée sur la demande de Cosmas le Mélode, alors qu’il était déjà évêque de Maïouma ; donc après 742.

8. Le grand dialogue contre les manichéens est venu après l’Exposition de la foi orthodoxe, et fut utilisé en supplément lors de la dernière révision du livre IV de cet ouvrage, c. XIX-XXI.

9. Les trois homélies sur la Dormition ont été prononcées, alors que Jean était déjà parvenu à un âge avancé, comme il le déclare lui-même, au début de la seconde homélie.

10. Il est évident que des traités doubles contre les nestoriens, contre les jacobites, contre les manichéens, sur les vertus et les vices, le moins développé a été composé le premier.

11. L’homélie sur la Transfiguration fut commencée après le commencement de la persécution iconoclaste ; car Jean y demande à l’apôtre saint Pierre de faire cesser le fléau, t. XCVI, col. 556 c.

Œuvres inédites, perdues ou non retrouvées. ? L’inventaire complet des œuvres authentiques du Damascène conservées dans les mess est encore à faire. Si Lequien a fouillé consciencieusement dans les mss de la Bibliothèque nationale de Paris, si Allatius a exploré, au moins en partie les fonds de la Vaticane, il reste à exécuter le même travail pour d’autres fonds.

Parmi les œuvres perdues ou non retrouvées, il faut signaler les panégyriques en l’honneur du saint évêque de Maïouma, Pierre, mis à mort par les musulmans, en 742 : ?????? ????????? ????? ????????? ? ????? ????? ???? ???????, dit Th?ophane, Chron., ad. an. 2 Constantini, P. G., t. CVIII, col. 841.

Il reste aussi à retrouver le texte original de la Declaratio fidei dont on ne possède qu’une version arabe. Lequien parle, dans une note, de quatre homélies ascétiques, qu’il devait publier en supplément et dont on n’a plus rien entendu depuis, ce qui est assez inquiétant pour leur authenticité. Cf. P. G., t. XCIV, col. 463.

10° Œuvres douteuses. ? On met g?néralement au nombre des œuvres douteuses, le célèbre discours ???? ??? ?? ?????? ????????????, De iis qui in fide dormierunt, t. XCV, col. 247-278, que l’Eglise grecque a toujours attribué à saint Jean Damascène, et qu’elle a introduit dans l’office de la commémoration générale des défunts, le samedi avant le dimanche de l’Apocreo (- Sexagésime) mais sur l’authenticité duquel les critiques anciens et modernes ont toujours été partagés. Récemment F. Diekamp a de nouveau plaidé pour l’authenticité d’un article donné à la Römische Quartalschrift, 1903, p. 371382, sous le titre : Johannes von Damasku ; Ueber die in Glauben Entschlafenen. Il a assez bien répondu aux partisans de l’opinion adverse, sauf sur le point du style. Mais ce point, dans le cas, est capital, tellement la divergence est grande entre la manière et le vocabulaire de Jean et le style du discours. Pour cette raison, et malgré la suscription d’un ms. du IXe siècle, le caractère apocryphe de la pièce ne fait pour nous aucun doute. On pourrait peut-être l’attribuer à Jean, évêque d’Eubée, dont plusieurs homélies sont encore inédites et qui reçoit le surnom de Damascène dans plusieurs anciens manuscrits. Cf. Allatius, Prolegomena, 65, P. G., t. XCIV, col. 171.

Il faut aussi ranger au nombre des œuvres d’une authenticité douteuse, une homélie encore inédite sur l’Hypapantè, qui débute par les mots : ???? ??? ??? ????????? ?????????, et qui se trouve dans plusieurs mss sous le nom de saint Jean Damasc?ne. Après [col.706 fin / col.707 début] l’avoir parcourue dans le Cod. Ottob. græc. 264, nous hésitons à l’attribuer au saint docteur, à cause du commentaire de la prophétie du vieillard Siméon. Cf. Fabricius, Bibliotheca græca, édit. Harles, t. IX, p. 682 sq., P. G., t. XCIV, col. 59.

11° Œuvres apocryphes. ? Sont s?rement apocryphes les écrits suivants, qu’on trouve dans P. G. parmi les œuvres de Jean.

1. Epistola de confessione necnon potestate ligandi atque solvendi, t. XCV, col. 283-304. Cette lettre, où se trouve une doctrine erronée sur le pouvoir d’absoudre les péchés, est très probablement du mystique du XIe siècle, contemporain de Michel Cérulaire, qui a nom Syméon le Nouveau Théologien. Cf. K. Holl, Enthusiasmus und Bussgewalt in griechischen Mönchtum, Leipzig, 1898.

2. Oratio demonstrativa de sacris imaginibus adversus Constantinum Cabalinum, ibid., col. 309-344. Cet écrit fut composé vers l’an 780 par un Byzantin du patriarcat de Constantinople. Cf. Pargoire, op. cit., p. 375.

3. Epistola ad Theophilum imperatorem, ibid., col. 345-385, lettre écrite en 839, par les patriarches melchites, parmi lesquels se trouvait Christophore d’Alexandrie. Pargoire, ibid.

4. Deux petits traités sur les azymes dont l’un porte le titre de Sexta hæresis Armenorum, ibid., col. 387-396, élucubrations apparentées à la littérature antilatine élaborée par les théologiens de Michel Cérulaire, et reproduisant les thèses de Nicétas Pectoratus.

5. Lettre sur le corps et le sang du Seigneur adressée à Zacharie, évêque de Dara (?), ibid., col. 401-404, et petite homélie sur le même sujet, col. 405-412. Ces deux écrits, dont la doctrine eucharistique est si curieuse, sont attribués dans les mss à Pierre Mansour, moine byzantin de la seconde moitié du XIIe siècle. Cf. Fabricius, op. cit., reproduit dans P. G., t. XCIV, col. 39. La théorie eucharistique qui s’y trouve formulée est en relation avec la controverse sur la corruption du corps et du sang de Jésus-Christ, qui mit aux prises les théologiens byzantins, à la veille de la conquête de Constantinople par les Croisés, en 1204.

6. La vie de Barlaam et Joasaph, t. XCVI, col. 859-1240, sur laquelle on a dit tout le nécessaire dans le dictionnaire, t. II, col. 410 sq.

7. La passion de S. Artémius, t. XCVI, col. 1251-1320, écrite par Jean, moine de Rhodes (IXe siècle).

8. Sont apocryphes les six canons publiés par Maï sous le nom de Jean le Moine, dans le Spicilegium Romanum, t. IX, p. 713 sq. et reproduits dans P. G., t. XCVI, col. 1371-1408. Cf. Sathas, ????????? ???????? ???? ??? ??????? ??? ??? ???????? ??? ??????????.

I. EDITION DES ŒUVRES. ? Les écrits de saint Jean Damascène comme ceux de la plupart des autres Pères de l’Eglise, ont été éditées partiellement par divers savants, avant d’être réunis en des collections relativement complètes. Le premier ouvrage publié fut l’Exposition de la Foi orthodoxe unie au Discours " ???? ??? ?? ?????? ???????????? ", in-4°, Vérone, 1531, par les soins de l’évêque de Vérone, Matthieu Giberti, et en grec seulement. Pour le détail des autres éditions partielles grecques, matines et gréco-latines, voir Fabricius-Harles, Bibliotheca græca, t. IX, p. 689-692, reproduit dans P. G., t. XCIV, col. 15-20. La première édition complète, avant celle de Migne, fut donnée par le dominicain Michel Lequien en deux in-folio, Paris, 1712 ; rééditée sans changement à Venise, 1748. Elle était précédée d’une préface générale, des préfaces et prolégomènes des éditeurs et critiques précédents, de sept savantes dissertations sur des points de doctrine ou d’histoire littéraire ayant trait de près ou de loin à saint Jean Damascène et à ses écrits, de la Vie écrite par le biographe du Xe siècle, et d’un recueil de témoignages anciens sur le saint docteur. On trouve le tout dans l’édition de Migne avec la notice de Fabricius, qui donne une analyse détaillée des deux tomes de Lequien, et ajoute quelques renseignements sur les œuvres apocryphes ou inédites, P. G., [col.707 fin / col.708 début] t. XCIV, col. 10-514. L’édition de Migne, Paris, 1864, reproduit celle de Lequien, augmentée de quelques morceaux authentiques découverts depuis, et de plusieurs ouvrages apocryphes, notamment de la longue Vie de Barlaam et Joasaph, dont le texte grec fut publié par Boissonade, dans le tome IV des Anecdota græca, Paris, 1832. Le tout occupe trois volumes, t. XCIV-XCVI, à quelques colonnes près du t. XCVI, qui se termine par quatre courtes pièces appartenant à d’autres auteurs.

II. TRAVAUX ET NOTICES SUR LES ECRITS. ? Sur chacun des écrits de notre docteur on consultera avec profit, outre les Prolégomènes un peu touffus et pas toujours exacts d’Allatius, les préfaces de Lequien, en les corrigeant par ce que nous disons dans notre essai de chronologie des œuvres. Une analyse détaillée du contenu de chaque ouvrage est donné par Langen dans sa monographie ; Johannes von Damascenus, Gotha, 179. Voir aussi Grundlehner, Johannes Damascenus, Utrecht, 1876, qui donne la traduction de certaines poésies de saint Jean ; Lupton, S. John of Damascenus, Londres, 1882, et son article déjà cité du Dictionary of christian biography, de W. Smith et H. Wace ; Lenstrom, De expositione fidei orthodoxæ, Upsal, 1839 ; Renoux, De dialectica sancti Joannis Damasceni, Paris, 1863 ; Perrier, Jean Damascène sa vie et ses écrits, Strasbourg, 1863 ; O. Zöckler, Das Lehrstück von den sieben Hauptsünden, Munich, 1893, (parle de l’opuscule De octo spiritibus nequitiæ) ; Loofs, Studien über die dem Johannes von Damaskus zugeschriebenen, Parallelen, Halle, 1892 (à corriger par les travaux de Holl et de Ehrhard déjà signalés) ; P. Nikitine, Johannis Damasceni canones iambici cum commentario et indice verborum ex schedis Augustii Nauck editi dans les Mélanges Gréco-romains tirés du Bulletin de l’Académie impériale des sciences, Pétersbourg, 1894, t. VI, p. 199-204 ; E. Bouvy, Anacréontiques toniques dans la Vie de saint Jean Damascène, dans la Byzantinische Zeitschrift, 1893, t. II, p. 110 (il s’agit de la prière en vers que Jean aurait adressé à la Vierge pour demander la restitution de sa main coupée, P. G., t. XCIV, col. 457) ; Hanssen, Ueber ein dem Johannes fälschlich zugeschriebenes Gebet in byzantinischen Anakreonten dans Philologus, supplément, t. V, 1899, p. 210 ; Biographie universelle des musiciens de M. Fétis, t. I, 1837, p. LXX ; G. J. Papadopoulos, ??????? ??? ??? ???????? ??? ???????? ?????????????? ????????, Ath?nes, 1899 ; p. 154-230 ; K. Dyovouniotis, ??????? ? ?????????, Ath?nes, 1903 ; K. Krumbacher, A. Ehrhard, Geschichte der byzantinischen Litteratur, Munich, 1897, p. 68-71, 674-676 ; M. Jugie, Remarques sur de prétendus discours inédits de saint Jean Damascène, dans les Echos d’Orient, t. XVII, p. 343-344. Pour des notices résumées, voir les manuels de patrologie.

III. DOCTRINE. ? A propos de la doctrine de saint Jean Damascène, il circule dans les manuels de patrologie et ailleurs, certaines affirmations qui, après une lecture attentive des œuvres du saint docteur, ne nous paraissent pas fondées. On dit tout d’abord que Jean n’est qu’un compilateur. Le terme est juste pour certaines de ses œuvres, comme le Commentaire des épîtres de saint Paul et les Parallèles sacrés. Il ne l’est pas pour l’Exposition de la Foi orthodoxe, qui n’est pas une compilation, mais un résumé bien personnel de l’enseignement des Pères grecs sur les principaux dogmes chrétiens, dénotant un travail intense d’assimilation et un effort génial pour condenser en une langue ferme, claire et précise les vérités révélées. Il l’est encore moins pour la plupart des écrits polémiques et pour les homélies, qui n’ont rien de la compilation, et ne le cèdent pas, pour l’originalité, aux compositions similaires des autres Pères.

On dit aussi que toute la théologie de Jean est dans le De fide orthodoxa. Cela, non plus, n’est pas exact. Bien des affirmations dogmatiques et des développements théologiques importants disséminés dans les autres œuvres du saint docteur ne sont pas du tout représentés, ou le sont à peine par quelques mots, dans la Foi orthodoxe, et la lecture de celle-ci ne saurait suffire pour dresser le bilan de la doctrine du Damascène. On ne trouve rien, par exemple, dans la Foi orthodoxe, sur la primauté de saint Pierre, alors que ce [col.708 fin / col.709 début] dogme est magnifiquement développé dans l’homélie sur la Transfiguration.

Il est encore plus faux d’affirmer que ce même traité de la Foi orthodoxe nous livre la quintessence de toute la théologie des Pères grecs. Il est vrai, sans doute, comme nous l’avons dit plus haut, que Jean est un écho fidèle de la doctrine des Pères grecs. Aucune des affirmations théologiques de la Foi orthodoxe qui ne puisse être confirmée par le témoignage de quelque docteur antérieur. Mais écho fidèle ne signifie pas écho total. Jean a ses préférés parmi les Pères, comme on le voit, par exemple, par son choix des formules trinitaires. Il est loi aussi de nous répéter, même en résumé toute la doctrine des Pères antérieurs. Il y a des lacunes importantes dans la Foi orthodoxe, qui ne sont même pas comblées par l’appoint des autres écrits. Ce qu’on y trouve sur l’Eglise, les vertus théologales, la grâce, les sacrements, l’anthropologie, les fins dernières ne peut être considéré comme l’héritage complet de la patristique grecque.

On a également fortement exagéré, selon nous, l’importance que Jean attribue à la philosophie et la part qu’il lui fait dans l’exposition du dogme. On ne saurait, sous ce rapport, le comparer à saint Thomas d’Aquin. Quant à son aristotélisme, il se réduit à bien peu de choses. Qu’emprunte-t-il, au juste, à Aristote ? Quelques définitions de logiques et de métaphysiques, qu’il corrige, du reste, parfois d’après les formules patristiques. Par l’intermédiaire du pseudo-Denys et de quelques autres, il passe dans son œuvre autant de platonisme que d’aristotélisme, et la dose de l’un et de l’autre est petite. Cette dose se réduit à un ensemble de notions qui font partie de la Philosophia perennis, et qu’il est aisé de retrouver bien qu’avec moins de précision, chez les Pères antérieurs. Les Pères, avec les saints Livres, voilà les vrais maîtres de sa pensée.

Il est impossible de donner, dans le cas restreint d’un article, un exposé complet de la doctrine de saint Jean Damascène. Il n’y faudrait pas moins d’un volume. Déjà, du reste, en plusieurs longs articles de ce dictionnaire, il a été question de sa théologie. Voir, en particulier, les articles DIEU, SA NATURE D’APRES LES SAINTS PERES, t. IV, col.1121-1129 ; EPICLESE, t. V, col.247-251 ; ESPRIT-SAINT, t. V, col.794-799 ; EUCHARISTIE, t. V, col.1172-1173 ; HYPOSTATIQUE (UNION), t. VII, col.502-505 ; IMMACULEE CONCEPTION DANS L’EGLISE GRECQUE, t. VII, col.920-921. Par le fait que notre docteur a composé la première somme théologique digne de ce nom, on est amené à l’interroger à peu près sur toutes les grandes questions théologiques. Cela va faciliter notre tâche. L’exposé qui va suivre visera non à répéter ce qui a déjà été dit, mais à le compléter, et à mettre en relief les côtés qu’on peut considérer comme orignaux par rapport à la théologie latine, ainsi que certaines affirmations dogmatiques importantes ordinairement négligées dans les synthèses théologiques les plus connues, celles-ci étant faites presque uniquement d’après la Foi orthodoxe et n’utilisant pas les autres écrits du saint. Nous grouperons ces indications sommaires dans le cadre ordinaire des manuels de théologie, après avoir dit un mot de ce qu’on peut appeler la métaphysique du dogme chez saint Jean Damascène.

Métaphysique du dogme. ? 1. Définition de la nature et de la personne. ? Les mystères de la Trinité et de l’Incarnation mettent en jeu avant tout les concepts de nature et de personne ; la plupart des hérésies sont nées de la confusion de ces deux idées, comme le remarque fort justement saint Jean Damascène en plusieurs endroits de ses écrits. Il n’est donc pas étonnant que le saint docteur se soit appliqué à définir ces deux termes et leurs synonymes. Sur ces définitions il revient sans cesse dans ses ouvrages dogmati- [col.709 fin / col.710 début] ques et polémiques, et ces répétitions même finissent par engendrer quelque confusion dans l’esprit du lecteur. C’est que Jean a voulu rapporter à la foi les définitions des philosophes et celles des Pères de l’Eglise. De plus, il semble qu’il y ait eu dans son esprit une collaboration progressive de ces deux concepts. Mais avec un peu d’attention, on finit par saisir sa pensée définitive, celle qui se fait jour çà et là dans ses principaux ouvrages.

C’est le concept de personne que Jean vise le premier et à qui il accorde la primauté. Au lieu de considérer la personnalité ou la subsistance comme la dernière formalité venant actuer l’essence et la porter hors de ses causes, il suit exactement le chemin inverse : il pose d’abor la personne concrète, et voit en elle tout le reste venant s’ajouter à elle comme morceau par morceau pour la constituer dans sa totale réalité ; car le vrai réel, c’est la personne, l’individu. La personne est donc pour lui l’individu concret et subsistant en soi et selon soi d’une existence propre et indépendante : ? ???????? ?????? ?? ?????????? ???????????? ??????????? ???? ?? ??? ???????, Dialectica, 44, col. 616 b ; ou plus brièvement encore : ? ???????? ? ?????????? ????? ???????. Ibid., 66, col. 669 a. Jean donne deux autres définitions de la personne. Dans l’Introductio elementaria ad dogmata, un ouvrage de jeunesse, il s’en tient encore aux vieilles définitions de saint Basile : l’hypostase désigne le particulier, et est constitué par l’ensemble des notes caractéristiques de l’individu, l’ousie, ?????, est l’?lément commun qui se retrouve dans les individus. Institutio element., 2, 4, t. XCV, col. 101 a, 104. Ces définitions superficielles et prises par le dehors, qui pouvaient suffire pour formuler le dogme trinitaire, se trouvaient en déficit devant le mystère de l’Incarnation : car la nature humaine du Christ n’est pas l’ousie commune : elle possède ses notes individuantes, et cependant elle n’est pas hypostase. Jean s’en aperçut bientôt et, en plusieurs endroits, donna une définition composite : l’hypostase est constituée à la fois par les notes individuantes et l’existence indépendante : ????? ??? ???? ????????????, ??? ???????? ??????? ?????????? ??? ????????????? ??? ?????? ?????????? ???????? ??? ???????? ???????????. De duabus volunt., 4, t. XCV, col. 133 a. Mais quand il veut indiquer le vrai constitutif de l’hypostase et parler proprement, ??????, il s’en tient ? la définition déjà donnée par Léonce de Byzance, ?? ???????? ???????????? ???????????.

La personne ainsi définie correspond à la substance concrète, à l’????? ????? d’Aristote et des philosophes. Mais apr?s y avoir fait allusion, dans la Dialectique, notre docteur opte résolument pour la terminologie des Pères, qui désignent la personne par les trois termes : ?????????, ??????, ????????. Dialectica, 43, col. 613 b. Chacun de ces termes exprime sans doute ; mais, en fait, pour les Pères ils sont synonymes.

C’est aussi la terminologie patristique Jean adopte pour désigner la nature. Ces termes sont : ?????, ?????, ?????, ?????. Dial., 30, col. 592-593. Toute ousie est commune, ???? ????? ????? ???? ??? ? ??????? ???????????? ? ?????????. De fide orth., l. III, 6, col. 1008 a. C’est l’????? ?? ???? des philosophes. Par cette d?finition, notre docteur écarte les ?????? ??????? de Philopon. Nous verrons plus loin comment il répond à l’objection qu’on pourrait lui faire, relativement à la nature humaine individuelle du Christ. La nature, du reste, peut-être considérée non seulement comme espèce participée par les individus, mais aussi en elle-même, telle que sa notion apparaît à l’esprit, ?? ???? ?????? ; et dans ce cas elle n’implique pas l’existence ind?pendante, ?????????? ??? ?????????. De fide orth., l. III, 11, col. 1021 d. C’est comme un [col.710 fin / col.711 début] sujet qui réclame l’existence pour devenir hypostase, car c’est dans l’hypostase qu’elle est considérée, ? ????? ??????????? ???? ???????, Dialect., 16, col. 581 b ; ? ???? ????? ?????? ?????????? ??????? ?????????, ibid., col. 612 b. C’est encore dans l’hypostase qu’elle prend ses notes individuelles, ?? ???????????, qui apparaissent ainsi comme tenant le milieu entre l’???? ????? et l’???? ?????????.

2. L’énypostasie. ? Outre les termes de nature et de personne, Jean, après Léonce de Byzance, en introduit un troisième : l’???????????. Qu’est-ce au juste, que ?? ??????????? ? Ce mot, d’apr?s notre auteur est pris en cinq acceptions, dont deux sont impropres. Il signifie quelquefois la simple existence : ??? ????? ??????? ; et, dans ce cas, on peut l’appliquer non seulement ? la substance, ?????, mais encore à l’accident, quoique celui-ci ne soit pas ???????????, mais bien plut?t ??????????????, soutenu par un autre que soi. Quelquefois le m?me mot indique l’être subsistant en soi, ??? ???????? ?????????, c’est-?-dire l’individu ; mais ce n’est pas là proprement l’???????????, mais l’hypostase m?me. Donc, à proprement parler, l’??????????? est ce qui ne subsiste pas en soi-m?me ; mais est considéré dans les hypostases, ???? ?? ???? ?????????? ???????????. Ainsi la forme ou la nature humaine n’est pas consid?rée dans une sienne hypostase, mais dans chaque individu humain. Ou bien encore ??????????? est ce qui se compose avec quelque autre chose diff?rente en substance, pour former un tout et compléter une seul hypostase composée. Ainsi l’homme est composé de l’âme et du corps ; ni l’âme seule ni le corps seul ne sont appelés des hypostases, mais ils sont ??????????, et ce qui r?sulte des deux est hypostase des deux. On appelle aussi ??????????? la nature prise par une autre hypostase et ayant en elle la subsistance. Ainsi l’humanité du Seigneur, qui n’a pas subsisté en elle-même, même un instant, n’est pas hypostase mais bien plutôt ???????????. Elle a subsist?, en effet, dans l’hypostase du Dieu Verbe, qui l’a prise, et c’est cette hypothèse du Verbe qu’elle a eue pour hypostase. Dial., 44, col. 616-617.

3. L’énousie. ? Toute nature (concr?te) est ou hypostase ou ??????????? ; car il ne saurait y avoir de nature concr?te ???????????, ce mot ?tant synonyme d’irréel. De même, toute hypostase est ????????, c’est-?-dire se trouve dans une ou plusieurs natures. Mais l’hypostase se trouve dans la nature par l’intermédiaire des notes individuantes ?? ???????????, qui, tout en se greffant sur l’????? et m?ritant ainsi d’être appelées ???????, caract?risent quand même l’hypostase et la montrent. C’est la doctrine exprimée dans un passage du traité contre les jacobites, cap. 11, col. 1441 : ?????? ???? ?? ?? ????, ??? ?????? ?? ?? ? ???????? ??? ??? ???? ?? ?? ?? ????? ???????????, ???????? ??? ?? ???????????? ????????, ? ????? ??? ?????????, ???????? ??? ??????. ?????????? ??, ??? ? ?????????, ?? ?? ????????? ?? ???????????.

Ainsi, d’après le Damascène, l’individu concret peut s’analyser de cette manière : Au sommet, la réalité totale, l’existence concrète et indépendante, c’est-à-dire l’hypostase, qui supporte et fait subsister tout le reste ; ensuite, la substance ou nature, ?????, ?????, en tant qu’elle porte l’?lément commun à tous les individus de même espèce, qui subsiste dans et par l’hypostase ; c’est pour cela qu’elle est ???????????, consid?rée dans l’hypostase ; entre l’hypostase et l’?????, les accents caract?ristiques de l’hypostase ou individu, mais se greffant quand même sur l’????? commune et servant de points d’attache entre elle et l’hypostase. C’est par eux que l’hypostase est dite ????????, c’est-?-dire, se trouve dans la nature individuelle, qu’elle fait subsister. On avouera que cette métaphysique en [col.711 fin / col.712 début] vaut une autre et qu’elle s’adapte merveilleusement aux mystères de la Trinité et de l’Incarnation. Elle est de beaucoup plus simple et plus compréhensible que la plupart de nos systèmes scolastiques avec leurs entités abstraites.

4. Diverses sortes d’unions. ? Des diverses sortes d’unions qu’?numère le Damascène en plusieurs endroits de ses écrits nous ne parlerons que de celles qui ont un rapport direct avec l’explication du dogme, c’est-à-dire de l’union hypostatique, de l’union prosopique et de l’union par composition essentielle.

Alors que la théologie latine réserve l’expression d’union hypostatique à la seule union des deux natures divine et humaine dans l’unique personne du Christ, Jean connaît plusieurs sortes d’unions hypostatiques. Mais toute union hypostatique présente ces trois caractères : 1° unité de l’hypostase ; 2° persévérance des natures unies et de leurs propriétés sans changement, mélange ni confusion ; 3° indestructibilité de l’union, en ce sens que l’unique hypostase pour les natures unies reste toujours la même. Notre docteur trouve cette définition réalisée dans l’union de l’âme et du corps, et il dit couramment que l’hypostase humaine est composée, ????????, parce qu’elle subsiste en deux natures diff?rentes ayant des directions opposées, à savoir l’âme et le corps. Dial., 66, col. 665-668. Il y a aussi union hypostatique, lorsqu’une nature est unie à une autre hypostase, en qui elle trouve son appui et sa subsistance. C’est le cas de l’incarnation du Verbe. L’humanité du Sauveur n’a jamais été hypostase, parce que, dès le premier instant, elle a été soutenue par l’être, par l’hypostase du Verbe, qui lui a servi d’hypostase. Ibid., col. 668 et passim dans les autres écrits. Au chap. LXV de la Dialectique, col. 664 a, il est fait allusion à une troisième sorte d’union hypostatique, ??? ?????, ?????????????, ?? ?? ??? ??? ????????, ?? ??? ?? ??????? ???????????? : il y a encore union selon l’hypostase selon le cas d’un être résultant de deux réalités et se manifestant dans un seul prosopon. Comme le saint docteur ne donne aucun explication, et ne reparle plus de cette troisième sorte d’union hypostatique, il est vraisemblable qu’elle se confond dans son esprit, avec l’une des deux précédentes.

L’union ????????????? est aussi appelée union par composition ?????? ???? ????????. Mais la ???????? est prise par rapport ? l’unique hypostase et non par rapport aux natures unies ; car deux natures restant ce qu’elles sont, il est impossible qu’il résulte qu’une seule nature ???????? ; tout comme il est impossible que deux hypostases restant hypostases, il r?sulte une seule hypostase. Dès lors, quand on dit hypostase composée, ????????? ????????, qu’il s’agisse d’un individu humain ou du Christ, cela signifie qu’une hypostase unique et simple en elle-même fait subsister les natures unies, ou, si l’on veut, subsiste en elles, remplissant comme un double rôle. Dial., 65, 66, col. 661-664, 668-669 ; De fide orth., l. III, 3, col. 993.

Cette union est aussi appelée union substantielle, ?????? ????????, pour en marquer la v?rité et la réalité, non pour introduire une nature composée de deux natures. De fide orth., ibid.

Qu’est-ce que l’union prosopique ou personnelle, ?????? ????????? ? C’est celle qu’a invent?e Nestorius, celle où deux personnes distinctes revêtent mutuellement le ????????, le r?le l’une de l’autre, l’une parlant au nom de l’autre, et vice verse. C’est l’union morale, relative et non fondée sur l’unité de l’être, celle qui existe entre deux amis. Dial., 65, col. 664 b.

Différente à la fois de l’union hypostatique et de l’union prosopique, est l’union par composition essentielle, celle qui résulte de deux ou plusieurs essences ou natures pour former une seule nature [col.712 fin / col.713 début] composée, ??? ????? ????????. Le r?sultat de cette composition est un tertium quid, qui n’est consubstantiel à aucune des natures composantes. C’est de cette manière que certains hérétiques ont conçu l’union de l’humanité et de la divinité dans le Christ. Jean explique cette sorte d’union par la brève formule : ?? ??? ??? ??????. Dial., 56, col. 669 ab ; De fide orth., l. III, 3, col. 998-999.

5. L’énergie et le vouloir. ? L’h?résie monothélite amena les théologiens catholiques à analyser l’activité de l’âme humaine du Christ. Saint Maxime s’illustre dans cette étude, mais complique peut-être à l’excès la terminologie. Saint Jean Damascène reproduit les distinctions de son prédécesseur, et il a, lui aussi, une terminologie surabondante, qui réclame toute l’attention du lecteur.

Le mot ???????? d?signe à la fois la puissance et l’agir lui-même, la faculté naturelle et son acte : ???????? ????? ? ?????? ??????? ?????? ??????? ?? ??? ???????. De fide orth., l. II, 23, col. 949. Toute nature a son ???????? ou ses ?????????, puissances naturelles et opérations correspondantes, car l’???????? a sa source dans la nature et non dans l’hypostase. Une nature sans ???????? serait un pur non-?tre, ?? ????? ????? ?? ?? ??. Ibid., La première ???????? de tout vivant est la vie m?me. De fide orth., l. III, 15, col. 1048 b. Il faut distinguer entre ????????, ?? ????????, ?? ?? ??? ??? ????????, ?? ????????? ? ???????? ?? ???????????, ? ???????. ????????, c’est le pouvoir d’agir ; ?? ????????, l’acte par lequel on use de ce pouvoir ; ?? ?? ????????, c’est faire tel ou tel acte ; ?? ??? ????????, c’est agir bien ou mal ; ?? ????????? ou ?? ????????, c’est le r?sultat de l’acte ; ?? ???????????, c’est la nature d’o? procède l’énergie ; ? ???????, c’est l’hypostase qui poss?de la nature, et met l’énergie en mouvement. De duabus volunt., 35, t. XCV, col. 172 bc, combiné avec De fide orth., l. III, 15, col. 1048 a. Si les termes : ? ????????, ?? ????????, ?? ?????????, ?? ???????????, se rapportent ? la nature, il faut rapporter à l’hypostase non seulement ? ???????, mais aussi le ?? ?? ??? ??? ????????.

La volonté ou le vouloir est une espèce d’énergie. Comme telle, elle appartient donc à la nature. La terminologie se complique ici, à cause de l’abondance des termes synonymes et de la multiplicité des sens d’un même terme. D’abord, une distinction capitale : le ?? ??????, le vouloir, et le ?? ?? ??? ??? ????????, les d?terminations du vouloir. Le premier se rapporte à la nature, et se multiplie suivant le nombre des natures. Le second est du ressort de la personne.

Termes qui se rapportent à la nature : ?? ?????? ? ???????, ?? ??????, ??????? ou simplement : ?? ??????, ? ???????? ???????, ?? ?????????.

Termes hypostatiques ou personnels ?? ?? ?????? ( = ? ????????, qui regarde la fin, ?? ?????, appel?e pour cela ?? ????????) ; ?? ??? ?????? ( = ????? ou ?????????, qui regarde les moyens vers la fin, ?? ?????????). Apr?s la ?????????, ou d?libération, vient le jugement, ??????. Si le jugement est approximatif, il prend proprement le nom de ????? ( = ?????? ???????? = ???????). Après, la ?????, vient le choix final, la ????????? ( = ?????? ????????????, employ? quelquefois comme synonyme de ?????? ????????). Apr?s la ????????? vient l’?lan vers l’action, ???? ???? ??????. Tous les actes ?numérés sont le fait de l’hypostase, ? ?????. De fide orth., l. II, 22, l. III, 14, col. 944-948, 1033-1036 ; De duabus volunt., 21-25, t. XCV, col. 153-156. Nous verrons plus loin quel usage notre docteur fait de cette terminologie par rapport à l’Homme-Dieu.

6. Le nombre. ? Le nombre joue un rôle capital dans la controverse avec les jacobites et les monothélites. Ceux-ci ne veulent compter ni les natures ni les volon- [col.713 fin / col.714 début] tés, ni les opérations de l’Homme-Dieu, parce qu’ils attribuent au nombre un rôle essentiellement diviseur, séparateur. Pour ces logomaques, le nombre, c’est Nestorius en personne. Jean Damascène s’efforce de les amener à la raison, de les familiariser avec ce " croquemitaine " ; le mot est de lui. Il fait remarquer que le nombre n’est pas plus diviseur qu’unificateur, qu’il indique même plutôt l’union que la division ; car la division s’entend du partage de la monade en deux moitiés, tandis que la dyade s’obtient par l’addition de la monade. Considéré en lui-même, le nombre ni ne divise ni ne conjoint, mais il est susceptible d’indiquer l’union ou la division. Quand il sépare ou distingue, la division ou la distinction ne vient pas de lui, mais d’autre chose. Un être peut être un sous un rapport et multiple sous un autre. Les hérétiques se contredisent du reste eux-mêmes ; car ils comptent les hypostases divines, et les propriétés de l’humanité et de la divinité dans le Christ. Contra jacobitas, 50-51, col. 1457-1459, passage capital.

Démonstration chrétienne. Sources de la Révélation. ? On ne trouve dans les œuvres de saint Jean Damascène aucune esquisse suivie du traité de la démonstration chrétienne mais seulement deux ou trois passages qui peuvent s’y rapporter. Dans le De fide orth., l. IV, 4, col. 1108-119, il parle des bienfaits de la rédemption, de la merveilleuse propagation de la religion chrétienne et de la transformation morale de l’humanité opérée par elle. Le dialogue entre un chrétien et un Sarrasin, dans l’état où il nous est parvenu, constitue un essai assez maigre d’apologétique à l’égard des musulmans. mais dans le petit dialogue rapporté par Théodore Aboucara, t. XCIV, col. 1596-1597, la démonstration par le miracle est nettement abordée.

Les sources de la Révélation sont les livres divinement inspirés et la tradition non écrite, ????????? ???????. Toute l’Ecriture, aussi bien celle de l’Ancien que du Nouveau Testament, est inspir?e de Dieu. C’est par le Saint-Esprit que la loi et les prophètes, les évangélistes et les apôtres ont parlé. Jean fait un éloge plein de poésie de l’Ecriture et de son utilité, De fide orth., l. IV, 17, col. 1176-1177. Sa liste des Livres saints, pour l’Ancien Testament, est incomplète, et ne reproduit que le canon palestinien, tel que le donne saint Epiphane, De ponder. et mensuris, qui parmi les deutérocanoniques, ne nomme que la Sagesse de Salomon et la Sagesse de Jésus, fils de Sirach, " livres excellents, mais qui ne sont pas comptés, et n’étaient pas placés dans l’arche. " Ibid., col. 1180 c. Cette reproduction du texte d’Epiphane sans aucune addition ni réflexion, nous laisse incertains sur la doctrine personnelle de Jean, relativement aux deutérocanoniques. Ce qui est sûr, c’est que le saint docteur cite Baruch sous le nom de Jérémie jusqu’à cinq fois dans le De fide orthodoxa, col. 852, 1000, 1113, 1172, 1184 ; qu’il ne distingue pas entre les parties protocanoniques et les parties deutérocanoniques de Daniel, ibid., col. 837, 884 ; qu’il cite souvent la Sagesse, non toutefois explicitement comme Ecriture sainte, ibid., col. 532, 789, 856, 962, 1273, et t. XCVI, col. 637 ; et que dans les textes des Parallèles sacrés, la Sagesse et l’Ecclésiastique reviennent fréquemment. Il y aussi une allusion à II Mach., IX, 10, dans le De fide orth., l. I, 9, col. 837 a. Notre auteur paraît ignorer que le concile in Trullo, dont il cite cependant un canon dans le troisième discours sur les images, col. 1417 d, avait accepté la collection canonique africaine où l’on trouve la liste des Livres saints promulgués plus tard par le concile de Trente. Quant au canon du Nouveau Testament, Jean est d’accord avec le canon catholique, sauf qu’il y ajoute les canons des apôtres " transmis par Clément. "

Sur l’existence de traditions non écrites, Jean a [col.714 fin / col.715 début] une doctrine très ferme et souvent répétée : " Les Apôtres, dit-il, nous ont transmis beaucoup de choses qui n’ont pas été écrites, ????? ??????? ???? ????????? ” De fide orth., l. IV, 12, col. 1136 b ; cf. col. 1173, et surtout De imag., I, 23, col. 1256. Comme exemples de traditions non écrites il donne la coutume de prier en se tournant vers l’Orient, la triple immersion du baptême, les cérémonies liturgiques, etc.

Il exalte beaucoup l’autorité des Pères et des docteurs, et semble leur attribuer l’inspiration au même titre qu’aux écrivains sacrés. Il parle constamment des ?????????? ou ???????? ???????. “ C’est par le Saint-Esprit qu’ont parl? la Loi, les Prophètes, les Evangélistes, les Apôtres, les Pasteurs et les Docteurs, ???????? ??? ??????????. ”De fie orth., l. IV, 17, col. 1176 b. Mais quand on y regarde de près, on voit que cette sorte d’inspiration est accordée, non à un Père en particulier, mais au chœur des Pères, c’est-à-dire au magistère de l’Eglise pris dans son ensemble. Bien que les Pères, en général, ne se contredisent pas, " car ils ont été participants d’un même Esprit-Saint, " ???? ????? ????????? ??????? ?????? ????????. De imag., II, 18, col. 1305 a ; cependant l’un d’eux en particulier peut se tromper, et, à propos du texte du pseudo-Epiphane, qu’objectaient les iconoclastes, Jean cite le proverbe : " Une hirondelle ne fait pas le printemps. " De imag., I, 25, col. 1257.

Il y a eu une gradation dans la révélation divine, De imag., II, col. 1289, et il y a actuellement un certain progrès de dogmatique, spécialement dans l’élaboration de formules doctrinales. Les saints Pères ont employés des mots nouveaux qui ne se trouvent pas dans l’Ecriture, pour traduire des expressions équivalentes qui s’y rencontrent, " et nous anathématisons ceux qui ne veulent pas recevoir cette terminologie nouvelle ", De imag., III, 11, col. 1333.

Nous avons déjà dit le rôle que Jean assigne à la philosophie et aux sciences humaines. Ce sont des servantes de la science sacrée, de la vraie philosophie dont Jésus-Christ est le docteur. Dialect., I col. 529-533.

3° La foi. ? Il ne faut point demander à notre docteur ne définition détaillée de son acte. Ce qu’il en dit de plus clair tient en une page. De fide orth., l. IV, 10-11, col. 1126-1127. Remarquable cependant est cette brève définition : " La foi es un assentiment sans recherche indiscrète et curieuse, ?????? ?? ????? ???????????????? ???????????. ” Elle est indispensable pour le salut. Sa r?gle est la tradition de l’Eglise catholique. Celui qui ne croit pas selon cette tradition est un infidèle : ? ?? ???? ????????? ??? ????????? ????????? ???????? ??????? ?????, col. 1128 a.

4° L’Eglise. ? Il est particuli?rement regrettable que dans sa synthèse théologique, le docteur de Damas n’ait pas consacré au moins un chapitre à la théologie de l’Eglise ; car c’et une doctrine ferme et claire sur ce point capital que l’Orient byzantin avait surtout besoin. Sauf le passage qu’on vient de lire sur la règle de la foi, on ne trouve rien dans le de fide orthodoxa qui se rapporte à l’Eglise, à sa constitution, à ses privilèges. Les autres écrits de Jean suppléent mais en partie seulement à cette grave lacune.

Remarquons tout d’abord le nom qui est donné à l’Eglise. C’est toujours l’Eglise catholique, l’Eglise sainte, catholique et apostolique. Jean ignore l’appellation d’Eglise orthodoxe, qui est devenue célèbre chez les gréco-russes ; et il parle toujours de l’Eglise au singulier ; et ce singulier, sauf une ou deux exceptions, vise l’Eglise universelle répandue par le monde. Notre docteur a certainement le sens très vif de l’unité de l’Eglise. Il était ennemi des discussions sur les rites et les usages capables de compromettre cette unité, comme on le voit par son opuscule De sacris jejuniis. [col.715 fin / col.716 début] Son attachement à la tradition vivante, au magistère de l’Eglise, règle de la foi, était extrême. La principale raison qu’il fait valoir contre les iconoclastes est que la nouvelle hérésie va contre la tradition de l’Eglise catholique. Cf. col. 1288 c, 1356 d. L’Eglise est pour lui une " mère " toute belle et sans défaut. Ses enfants ne doivent pas souffrir qu’on arrache une seule pierre de son édifice, col. 1233, 1283, 1320, 1356. L’observation de la loi et des règles de l’Eglise est la voie du salut. col. 1233 a. Réunie en concile œcuménique, l’Eglise est infaillible et comme inspirée de Dieu. Cf. De hæres., 6, col. 744 a, où le concile de Chalcédoine est dit ???????????. Jean reconna?t l’autorité des six conciles œcuméniques " dont les visions viennent de Dieu. " Decl. fidei, 12, t. XCV, col. 436.

L’Eglise est une société distincte et indépendante de l’Etat. C’est l’une des gloires du Damascène d’avoir proclamé, en face du césaropapisme byzantine, la doctrine de la distinction des deux pouvoirs civil et ecclésiastique, et d’avoir revendiqué contre le basileus iconoclaste l’indépendance totale de l’Eglise dans sa sphère : " C’est l’affaire des synodes et non des empereurs de décider des choses ecclésiastiques. Ce n’est pas aux empereurs que Dieu a accordé le pouvoir de lier et de délier, mais aux apôtres et à leur successeurs, pasteurs et docteurs. Aux empereurs appartient la bonne gestion des affaires publiques ; mais c’est aux pasteurs et docteurs que revient le gouvernement de l’Eglise. Je ne permets pas aux décrets impériaux de régenter l’Eglise ; elle a sa loi dans les traditions des Pères écrites et non écrites. " De imag., I, II, III, col. 1281, 1296, 1304. Et Jean établit cette doctrine libératrice par plusieurs textes empruntés à l’Ecriture.

L’Eglise est une société hiérarchique, composée des pasteurs et des fidèles. Les pasteurs et docteurs sont les successeurs des apôtres, les héritiers de leur grâce et de leur dignité, ?????? ??? ?????? ??? ??? ????? ????????. De fide orth., l. I, 3, col. 793. Une des erreurs des massaliens étaient de mépriser l’autorité des évêques, de Hæres., col. 733 d. Les pontifes, du reste, ne sont que les intermédiaires par lesquels le grand pontife, le Christ lui-même exerce son sacerdoce et son autorité. Epist. ad Cosmam, col. 524 b.

L’Eglise est une société monarchique. " La monarchie est principe de paix, d’ordre et de tranquillité, de justice et de croissante prospérité. La polyarchie, au contraire, est anarchique, amie de la sédition et de la guerre, cause de luttes, de divisions et de maux de toute sorte. " Contra manichæos, 11, col. 1516. Monarchique, l’Eglise le fut à ses débuts, car l’apôtre Pierre fut prédestiné par Jésus-Christ à être le digne chef de l’Eglise, ??? ????????? ??????? ????????, Homil. in Transfig., 6, t. XCVI, col. 553 d. C’est à lui que Jésus-Christ a confié le gouvernail de toute l’Eglise, ????? ??? ????????? ????????? ?? ???????. Ibid., col. 560 c. Cf. Homil. in Sab., 33, col. 636 c : ?????? ???? ??? ????????? ????????????? ??????. Jean Damasc?ne commente magnifiquement et très catholiquement le Tu es Petrus. Homil. in Transfig., 2, 6, col. 548, 553-556, et son commentaire ferme la bouche de tous les chicaneurs. Pierre est le chef de la nouvelle Alliance, ? ??? ???? ???????? ?????????????, comme Mo?se le fut de l’ancienne. L’Eglise, que le Christ a acquise au prix de son sang, c’est à Pierre, ?? ????????? ?????????, qu’il la confie. Pierre est le porte-clefs du royaume des cieux, ? ?????????? ??? ?????????, l’ordonnateur de l’Eglise universelle, ????????? ?????????? ????????, ibid., 16, col. 569 ; le régulateur responsable du pouvoir des clefs, ??? ??? ??????? ??? ????? ??????? ??? ???????????, col. 556.

Monarchique, l’Eglise le reste toujours car les paroles dites par Jésus-Christ aux apôtres doivent s’entendre aussi de leurs successeurs ; " c’est comme [col.716 fin / col.717 début] à un seul corps que le Christ parle aux fidèles ", ?? ??? ?????? ?????????? ???? ???????, Fragmenta in Matthæum, t. XCVI, col. 1412 cd. Il ne nous reste pas de trace de rapports entre saint Jean Damascène et le pontife romain ; mais nul doute qu’à l’exemple de ses contemporains orientaux, il ne le reconnût comme le vrai successeur de Pierre, " mort à Rome sous Néron ", De hymno Trisagio, 14, t. XCV, col. 48. Ce sont les disciples de Pierre, ses propres brebis que le Christ lui confia, qui ont élevé des tentes, des églises, au Christ, à Marie et à Elie, par toute la terre, et en particulier en Palestine. In Transf., 16, col. 569 sq. Cela signifie que le patriarche même de Jérusalem est une brebis de Pierre. La seule allusion directe au pape que nous ayons trouvée dans les œuvres de saint Jean se lit au début du premier discours sur les images. C’est bien le pape, en effet, c’est-à-dire saint Grégoire II, qui est " ce bon Pasteur du troupeau raisonnable du Christ exprimant en lui-même le souverain sacerdoce du Christ, ?? ???? ??????? ??? ??????? ??????? ???????, ?? ??? ??????? ????????? ?? ????? ?????????? ”, col. 1233 c, dont parle l’auteur, après avoir nommé tout le peuple de Dieu, la nation sainte, le sacerdoce royal, c’est-à-dire le corps de l’Eglise universelle ; et nous ne comprenons pas comment Lequien a pu appliquer ces paroles au patriarche de Constantinople, saint Germain. Rien, en effet, dans le contexte, qui fasse penser à Germain. Jean Damascène s’adresse bien à l’Eglise universelle et à son chef. C’est sans doute par respect pour la chaire de Pierre, et parce qu’il avait lu les ouvrages de saint Maxime justifiant le pape Honorius, que notre docteur omet le nom de ce pape dans la liste des hérétiques monothélites, dans la profession de foi de l’évêque Elie dans la sienne propre. Cette omission est tout à fait remarquable.

5° De Deo uno. ? Il y a pour saint Jean deux sortes de théologies, la ???????? ???????, qui correspond ? notre traité de Deo uno et la ???????? ????????????, qui r?pond au traité De Deo trino. En fait, il ne suit pas cet ordre d’une manière rigoureuse, dans le livre I de la Foi orthodoxe, et il mêle les deux traités. Nous les distinguerons dans notre exposé.

La théodicée de notre docteur se compose de d’éléments empruntés à diverses sources. Ces éléments ne sont point réunis ensemble ni disposés d’une manière logique. Il est fort difficile d’en donner un aperçu synthétique. Ils ne présentent, du reste, rien de bien original, et sont entrés dans le courant commun de la pensée chrétienne.

1. Définition du mot ????. ? Jean donne quatre étymologies du mot grec ????. Ce mot d?rive soit du verbe ?? (??????), qui signifie compono et efficio : Dieu est l’auteur et l’ordonnateur de toutes choses ; soit du verbe ?????, courir, circuler autour de tout : Dieu est présent partout ; soit du verbe ???????, voir : Dieu voit tout, et rien n’échappe à son regard ; soit enfin du verbe ??????, chauffer, brûler : Dieu est un feu consumant toute malice. De fide orth., l. I, 9, col. 836-837 ; De S. Trinit., 5, t. XCV, col. 16.

2. Connaissance de Dieu. ? Bien que personne n’ait vu Dieu, et que lui seul se connaisse parfaitement lui-même, il n’a pas voulu que les hommes fussent à son sujet dans une ignorance complète. Il s’est manifesté à eux par la création et la conservation de l’univers, et par la révélation positive, car il est essentiellement bon et communicatif ; mais il ne nous a révélé que ce qu’il nous était utile de connaître et ce que nous pouvions porter. De fide orth., l. I, 1, col. 789-792. On peut dire que la connaissance de l’existence de Dieu est innée à tous les hommes, ???? ? ?????? ??? ????? ???? ???????? ??????? ?????????????. Ibid., col. 789, et 3, col. 793 c.

L’essence de Dieu est infinie et incompréhensible en elle-même, et la connaissance que nous pouvons en [col.717 fin / col.718 début] acquérir est plutôt négative que positive. ce que nous en saisissons de plus exact est justement de savoir qu’elle est infinie et incompréhensible, ????? ????? ????? ??????????, ? ??????? ??? ??????????. Ibid., 4, col. 800 b. Jean signale cependant les deux autres voies d’affirmation et d’éminence. Ibid., et 8, col. 808-809, et surtout, 12, col. 845-848. L’Ecriture sainte, du reste, parle souvent de Dieu comme s’il avait une forme humaine et corporelle. Le c. 11, col. 841-844, explique les anthropomorphismes les plus courants.

Le nom qui convient le mieux à Dieu est celui qu’il s’est donné lui-même en apparaissant à Moïse : il est l’être tout court, ? ??, ramassant en lui toute la pl?nitude de l’être, 9, col. 836 ; ou bien, comme le dit Denys, on peut le définir le bon, ? ?????? : ce qui revient au même ; car en Dieu être bon n’est pas postérieur à être, ?? ??? ????? ??? ???? ??????, ?????? ?? ?????, ??? ???? ?? ??????. Ibid. (Signalons le contresens de la traduction latine à cet endroit.) De ce primat de la bonté la théologie de Jean est toute pénétrée. C’est l’attribut qui est mis dans le plus vif relief.

3. Démonstration de l’existence et de l’unité de Dieu. ? Jean démontre par des arguments métaphysiques, l’existence de Dieu et son unité. La manière dont ces arguments sont présentés prêterait fort à la critique. On y trouve cependant les éléments suffisants d’une démonstration rationnelle. Les arguments auraient seulement besoin d’être mis en forme et élagués de certaines notions inutiles.

L’existence de Dieu est prouvée a) par la contingence des être changeants : Ce qui change n’existe pas par soi, et a une cause ; b) par la conservation et le gouvernement du monde ; c’est l’argument le plus faible ; c) par l’ordre qui règne dans le monde. De fide orth., l. I, 3, col. 793-798.

L’unité de Dieu est établie dans le De fide orth., l. I, 5, par quatre brefs arguments, que l’on trouve développés d’une manière beaucoup plus claire et beaucoup plus métaphysique dans le grand Dialogue contre les manichéens. Nous avons dit, que ce Dialogue était postérieur à la Foi orthodoxe. La comparaison entre les deux argumentations est une nouvelle preuve de ce fait. Les arguments sont tirés : de la perfection de Dieu ; de son immensité ; du gouvernement du monde ; de ce principe métaphysique : que l’unité est antérieure à la pluralité, et l’explique.

4. Les attributs divins. ? En plusieurs endroits de la Foi orthodoxe et de ses autres écrits, Jean donne de longues listes d’attributs divins. Voir, par exemple, t. XCIV, col. 792, 808, 860, 1236. Il démontre, en particulier, l’incorporéité, c. IV, col. 797, la simplicité, c. IX, col. 833, l’immensité, c. XII, col. 849-853, et explique en quel sens on peut dire que Dieu est incorporel, l. II, 12, col. 925, et incirconscrit, col. 853.

L’opération de Dieu est toute simple, cause universelle de tout ce qui est et de toute activité des créatures, à la manière du rayon de soleil, qui réchauffe toute chose. En parlant de cette causalité universelle de Dieu, Jean emploie le langage quelque peu panthéistique de Denys l’Aréopagite. De fide orth., l. I, 10, 12, 14, col. 840, 844, 860. Mais il corrige ces expressions, en déclarant positivement que Dieu nous a tirés du néant, et qu’il ne nous a communiqué ni son essence ni la connaissance de son essence en elle-même. Ibid., 12, col. 845 b.

La science de Dieu est universelle. Son œil immatériel embrasse d’un simple regard les choses présentes, passées et les choses futures, avant qu’elles arrivent. Ibid., XIV, col. 860 d. Les choses futures, il les contemple comme si elles étaient déjà arrivées, Contra manichæos, 37, col. 1544 b ; car, étant cause de tout, il porte en lui les raisons de toutes choses, et tout arrive infailliblement suivant le plan qu’il porte éternelle- [col.718 fin / col.719 début] ment dans sa pensée ; tel un architecte qui, avant de bâtir une maison, en arrête le dessin dans son esprit. Sa pensée est donc créatrice des choses, mais en tant qu’elle est unie à sa volonté. De fide orth., l. I, 9, col. 837 b ; De Imag., I, 10, col. 1240-1241.

Comment concilier cette préscience infaillible et cette causalité universelle avec la liberté des créatures ? Jean répond par une formule qu’il répète souvent, et qui avoisine la conception moliniste de la science moyenne : " Dieu prévoit, mais ne prédétermine pas nos actes libres, " ????? ??????????? ? ????, ?? ????? ?? ????????? ??????????? ??? ?? ???????, ?? ????????? ?? ????. De fide orth., l. II, 30, col. 969 sq. " Nous ne sommes pas cause du pouvoir que Dieu a de prévoir nos actes libres ; mais le fait qu’il prévoit ce que nous devons faire vient de nous ; car si nous ne devions pas le faire, il ne le prévoirait pas. La prescience de Dieu est vraie et infaillible, mais ce n’est pas elle qui est la cause de la production de l’acte futur ; c’est parce que nous devons faire ceci, et cela qu’il le prévoit. Il Prévoit, en effet, beaucoup de choses qui ne lui plaisent pas, et ce n’est pas lui qui en est la cause ", ? ??? ??????????? ??????? ???? ??? ?? ???? ???? ??? ?????? ?? ?? ????????? ? ???????? ??????, ?? ????. . . . . ??? ???????? ?????? ???? ? ???? ???????????. Contra manichæos, 79, col. 1577 b. D’après notre docteur, Dieu sans doute est cause de tout le bien, de tout l’être qui est dans les créatures ; mais quand il s’agit des actes libres, c’est la créature libre qui a l’initiative de la qualité de son acte bon ou mauvais. " Dieu est l’auteur des vases d’honneur et des vases d’ignominie, mais ce n’est pas lui qui fait un l’un honorable, l’autre méprisable, cela dépend du choix de chacun. " De fide orth., l. IV, col. 1192 b. Jean, du reste, n’a pas la prétention d’expliquer l’inexplicable, et il sait que, tout comme l’essence de Dieu, chacun de ses attributs est incompréhensible. Contra manich., 77, col. 1576 c.

Dieu est tout-puissant. Il peut tout ce qu’il veut, mais il ne veut pas tout ce qu’il peut. Il a le pouvoir, en effet, de détruire le monde, mais il ne le veut pas. De fide orth., 14, col. 860-861.

6° La Trinité. ? La doctrine trinitaire du Damascène résume bien, dans son ensemble, la théologie grecque des siècles antérieurs, mais on remarquera que pour certaines formules, la préférence est accordée aux Pères cappadociens, et spécialement à Grégoire de Nazianze. Quant à la théologie des Pères latins, notre docteur l’ignore complètement. Pas une allusion, par exemple, à la théologie augustinienne des processions divines. A certains endroits, Jean la frise presque, mais il n’en a pas la clef. S’il parle du verbe intérieur, il ne songe à voir dans le Saint-Esprit la processio amoris. C’est ce qui explique sans doute son agnosticisme absolu sur la seconde procession.

La Trinité est un mystère incompréhensible. Plus on le scrute, moins on le connaît ; plus on veut l’examiner curieusement, plus il se dérobe. De hær., épil., col. 780 a. On peut, sans doute, recourir à des comparaisons, mais aucune n’est adéquate, ???????? ?? ????? ?????? ?????? ?????????? ??? ??? ?????????. De fide orth., l. III, 26, col. 1096 b. Ce mystère réfute à la fois le polythéisme des païens et le dogme unitaire des Juifs. Ibid., l. I, 7, col. 805 c ; car si Dieu est nu, il n’est pas solitaire. " La solitude prive de la société ; elle est chose morose, ?? ????????? ??????????? ??? ?????????? ”. De duabus volunt., 3, t. XCV, col. 182 a. Il y a déjà là comme une ébauche de la belle théorie de Richard de Saint Victor sur la pluralité des personnes en Dieu. Mais Jean ne pousse pas cette idée. Il développe un autre essai de démonstration rationnelle de la Trinité emprunté aux Pères grecs : Dieu ne peut pas être dépourvu de parole ; il doit avoir son Verbe ; et le Verbe de Dieu doit avoir son souffle, [col.719 fin / col.720 début] son esprit. Ce qui, dans la créature, est consistant et passager, est en Dieu subsistant et coéternel à son principe. De fide orth., l. I, 6-7, col. 801-805.

L’Eglise catholique enseigne qu’il y a en Dieu une seule essence, substance ou nature, ?????, ?????, et trois personnes distinctes. La personne, en Dieu, est “ le mode sans commencement de chaque substance éternelle, ??? ??? ????? ??????? ????????? ????? ? ??????? ?????? ??? ??????? ?????? ????????. ” Dialect., 66, col. 669 a. Ces modes de subsistance sont constitués par des relations réciproques fondées sur l’origine, et c’est cette relation d’origine qui fait la distinction des personnes entre elles : ???? ?? ?????? ??? ?? ???????? ??? ?? ??????? ??? ??????????, ???? ??? ??? ???????? ?????? ??? ???????? ????????. De fide orth., l.I, 8, col. 828 d ; ?? ?????????, ??? ?? ???????? ??? ?????????? ??? ?????? ???? ????????, ???? ??? ???? ?????? ??????? ??? ??? ??? ??????? ??????. Ibid., 9, col. 837 c. Les trois personnes, en effet, sont réellement distinctes entre elles, bien qu’elles soient inséparables, l’une de l’autre, qu’elles se tiennent l’une l’autre, qu’elles s’envahissent et existent l’une dans l’autre. Cette compénétration mutuelle fondée sur l’unité d’essence ???????????, se fait sans m?lange ni confusion. Ibid., 8, col. 828-829 ; 14, col. 860 b. Remarquons que le Damascène, à propos de la distinction, emploie une terminologie qui pourrait prêter à confusion. Il oppose la distinction ou division réelle, ????????? ??????????, ? la division par la pensée, ?? ?????????? ???????. Cette division par la pens?e correspond, dans le fait, à la distinction réelle mineure de nos scolastiques, tandis que la ????????? ?????????? est notre distinction r?elle majeure en tant qu’elle vise deux êtres, deux substances complètes ayant une existence indépendante. Le mot ????????? veut dire séparation et non simple distinction, même si la distinction est réelle. C’est une distinction fondée sur la séparation réelle.

Bien que réellement distincte des deux autres, chacune des trois personnes divines s’identifie, en fait, avec toute l’essence divine, en qui elle subsiste d’une manière parfaite ; car l’essence divine est toute simple, et ne saurait être composée d’hypostases ; mais elle se trouve tout entière dans les trois hypostases, ou, pour parler plus exactement, elle est les trois, ?? ?? ??? ? ??????, ?, ?? ?? ????????????, ? ? ??????, ibid., 8, col. 829 b, et chacun des trois est Dieu parfait. De recta sententia, 1, col. 1424. Remarquons, en passant, que, pour parler des personnes, Jean emploie parfois le neutre, ?? ????, bien qu’il distingue clairement entre ????? et ????. Il n’a pas cru devoir corriger certaines formules patristiques.

Les noms concrets des personnes sont le Père, le Fils et l’Esprit saint. A chacun de ces noms s’ajoutent d’autres noms tirés de l’Ecriture sainte et expliqués par les anciens Pères. Jean rapporte et explique brièvement ces divers noms. De fide orth., 8, 13, col. 809-824, 856-860. Les noms qui désignent les relations, ou modes d’existence, ou propriétés hypostatiques, ????????? ???????????, sont : l’innascibilit? et la paternité : ? ?????????, ? ????????, propri?tés du Père ; la filiation, ? ??????, propri?té du Fils, la procession, ? ?????????, propri?té du Saint-Esprit. Le Père est dit ?????????, le Fils ????????, le Saint-Esprit, ??????????. Ibid., 8, col. 817-820. Les noms des deux processions sont : la génération, ? ????????, et la procession, ? ??????????. “ Nous savons qu’il y a une différence entre la ???????? et l’?????????? ; mais nous ignorons totalement le mode de cette diff?rence. " Ibid., col. 824. La procession du Saint-Esprit est parfois appelée ??????? ; d’o? le nom de ????????? donn? au Père. Ibid., col. 809 b, et De sacris jejuniis, 28, t. XCV, col. 60 b. Cf. De fide orth., 12, col. 849 b. [col.720 fin / col.721 début] Cependant la ??????? n’est jamais donn?e comme propriété distinctive et incommunicable du Père. Jean dit constamment que le Fils a tout ce qu’a Père, excepté l’innascibilité, ???? ??? ?????????? ???? ????? ?????? ?? ?????. De fide orth., l. I, 8, col. 816 c, 824 b, 828 d ; l. III, 13, col. 1033 a ; De duabus volunt., 11, col. 141 b ; deux fois, il ajoute : excepté l’innascibilité et la paternité, ???? ??? ?????????? ??? ??? ??????????, De imag., III, col. 1340 b. " Dans la divinité supersubstantielle, il n’y arien d’hypostatique ou de personnel que le ?? ????????? et le ?? ?????????? du P?re, le ?? ???????? du Fils et le ?? ?????????? du Saint-Esprit. ” De duabus volunt., 33, t. XCV, col. 169 c. Or, c’est seulement par ce qui est personnel, c’est seulement par le mode d’existence et par les propriétés hypostatiques, que les trois personnes diffèrent entre elles. De fide orth., col. 817 a, 824 b. Tout le reste, tout ce qui est dans la ligne de la nature : opération, science, volonté, attributs divers, est commun aux trois.

Quelles sont les relations des personnes entre elles ? Jean prose en principe que le Père, étant lui-même sans principe, ????????, ????????? est seul principe, seule source dans la Trinit?. De lui, en même temps et éternellement, sortent le Fils par génération, ???????? et le Saint-Esprit par procession, ??????????. Il est le ???????? du Fils et le ????????? du Saint-Esprit : ? ?????, ???? ??? ????? ???? ??? ????? ?????????. . . ????? ?????? ? ?????. De fide orth., l. I, 12, col. 849 a. A première vue, de telles affirmations semblent exclure toute participation du Fils à la procession du Saint-Esprit et Jean paraît déjà s’exprimer comme s’exprimera Photius cent ans plus tard. Mais ce n’est qu’une apparence. Le docteur de Damas maintient très fermement le diagramme trinitaire des Pères grecs. Il répète, après Grégoire de Nazianze, que, parti du Père, le mouvement de la vie divine se poursuit vers la dyade pour s’arrêter jusqu’à la Triade : ????? ???????? ??? ????? ?????????, ????? ??? ??????? ????. De hymno Trisagio, 28, t. XCV, col. 60 a. Il dit, après saint Basile, que l’Esprit est conjoint au Père par le Fils, ??? ???? ?? ????? ????????????. De fide orth., VIII, col. 856 ; après Athanase et Cyrille, que le Saint-Esprit est l’image du Fils comme le Fils est l’image du Père, ????? ??? ?????? ? ????, ??? ??? ???? ?? ??????. Ibid. Or, d’après le Damascène lui-même, il existe un lien causal entre l’image et son prototype : ? ????? ??? ????????, ?? ???????? ?????? ??? ???????? ???????. Dialectica, 6, col. 548 c. Les comparaisons qu’il emploie maintiennent au Fils la place du milieu dans la ligne droite qui représente le mystère ; de telle sorte que le Fils apparaît inséparable du Père dans l’acte producteur du Saint-Esprit : " Le Père est la source, le Fils, le fleuve, le Saint-Esprit, la mer ; et ces trois choses : la source, le fleuve et la mer, sont une seule nature. Le Père est la racine, le Fils, le rameau, le Saint-Esprit, le fruit ; et dans les trois il y aune même essence. Le Père est le soleil, le Fils, le rayon, le Saint-Esprit la chaleur ou l’éclat. " De hæres., épil., col. 780. Le Saint-Esprit est le souffle de la bouche du Fils. In Transfig., 18, t. XCVI, col. a, b.

Si le Père est la source originelle de l’existence du Saint-Esprit, s’il est ?????????, il l’est par le Verbe, son Fils. On cherchera vainement chez notre auteur la formule photienne : Le Saint-Esprit proc?de du Père seul, est produit par le Père seul, ??????????, ??????????? ?? ????? ??? ??????. Mais on trouve chez lui les formules suivantes : le P?re est le générateur du Verbe, et par le Verbe, producteur, ?????????, de l’Esprit manifestateur, ??? ??? ????? ????????? ???????????? ?????????. ? Le Saint-Esprit procède ?????????? ?????????, du P?re, par le Fils. ? Le Saint-Esprit proc?de, ?????????, du P?re, et se repose dans le Fils, ?? ??? ???????????? (car le P?re le produit comme [col.721 fin / col.722 début] à travers le Fils, qui le retient dans ses bras). De fide orth., l. I, 7, col. 805 ; 12, col. 848-849. Cf. De hymno Tris., 28, t. XCV, col. 60 a. Ce que Jean refuse au Fils dans la procession du Saint-Esprit, c’est d’être source primordiale et indépendante de la troisième personne. Dans sa pensée, le Fils n’est pas absent de l’acte paternel par lequel surgit le Saint-Esprit ; il y coopère, mais en tant que ne faisant qu’un avec le Père et recevant de lui le pouvoir spirateur. C’est l’équivalent de la formule dogmatique : Le Saint-Esprit procède des deux en tant qu’ils ne sont qu’un seul principe. Mais la nuance que n’indique pas la formule ab utroque, à savoir que si le Fils est co-principe avec le Père, il ne l’est pas au même titre que le Père, parce qu’il reçoit du Père d’être spirateur avec lui, notre docteur l’exprime par les prépositions grecques ?? et ???. ?? indique le principe primordial, le principe sans principe, le principe tout court. ???, au contraire, indique le principe interm?diaire, le principe ayant lui-même un principe. C’est la clef des passages suivants, qui ont fait croire à certains, et à saint Thomas lui-même, que le Damascène avait nié la doctrine catholique sur la procession du Saint-Esprit : " Le Père seul est le principe, ????? ?????? ? ?????. ? Nous ne disons pas que l’Esprit est du Fils, ?? ??? ????, bien que nous le nommions Esprit du Fils. Il est l’Esprit du Fils, non comme procédant de lui, ?? ?????, mais comme procédant du Père par lui. " De fide orth., l. I, 8, col. 832 ; 12, col. 849 b ; De hymno Trisagio, loc. cit. Ce que notre docteur a dit de plus opposé en apparence au dogme catholique se lit dans l’homélie In sabb. sanctum, 4 : " Le Saint-Esprit est dit Esprit du Fils, comme se manifestant par lui, et étant distribué à la créature, mais non comme ayant de lui son existence, ?? ???????? ????????????, ??? ?? ?????? ?????????????, ??????? ?? ????? ???? ??? ???????. T. XCVI, col. 605 b. Mais qu’on le remarque bien : Jean nie simplement que le Saint-Esprit tienne son existence ex Filio tanquam ex principio originali ; il ne nie pas qu’il tienne son existence ex Patre per Filium, c’est-à-dire du Père, par le Verbe comme ne faisant qu’un principe avec le Père. C’est donc là une question de terminologie. Plusieurs Pères grecs, comme Epiphane, Didyme l’Aveugle, Cyrille d’Alexandrie, n’avaient pas poussé jusque là l’acribie des formules, et avaient employé l’expression ab utroque, ?? ??????, ?? ?????????. A l’?poque du Damascène, ces formules étaient démodées. On ne les employait plus : ?? ???????, dit-il. Il faut reconna?tre, du reste, que la procession du Saint-Esprit paraissait aux théologiens grecs beaucoup plus mystérieuse qu’aux théologiens latins. Ceux-ci avaient dans la théorie augustinienne une belle analogie qui montrait une différence bien nette entre les deux processions, et mettait en lumière le rôle du Fils dans la production du Saint-Esprit.

Création. ? La création est l’acte par lequel Dieu fait passer les choses visibles et invisibles du néant à l’être, ?? ??? ?? ????? ??? ?? ????? ???????. Dieu créé en pensant, et sa pensée pose l’œuvre, que complète le Verbe et qu’achève l’Esprit. De fide orth., l. II, 2, col. 864-865. L’acte créateur est, en Dieu, tout à fait libre. " C’est par sa volonté qu’il a amené toutes choses à l’existence. " Ibid., l. I, 8, col. 812, 813 ; l. II, 12, col. 920. C’est pour cela que la création n’est pas éternelle. Ce qui passe du néant à l’être ne saurait être éternel : ? ?????? ??? ???? ???????? ????? ????? ??? ????????? ???? ?? ???. Ibid., col. 813.

Le motif qui a poussé Dieu à créer n’est autre que don immense bonté : " étant bon et suprabon, ??????? ???, il ne s’est pas content? de sa propre contemplation, mais dans l’excès de sa bonté, il lui a plu qu’il y eût des êtres participant à ses bienfaits et à sa bonté. " Op. cit., l. II, 2, col. 864 ; l. IV, 13, col. 1136. [col.722 fin / col.723 début]

Sur l’ordre de la création, Jean adopte l’opinion de Grégoire de Nazianze : Dieu a d’abord créé les anges puis le monde des corps, enfin l’homme, car il convenait que la nature spirituelle, ??? ?????? ?????? fut cr?ée la première, ensuite la sensible, enfin l’homme, composé des deux. " Op. cit., l. II, 3, col. 873 ; l. IV, 13, col. 1136.

Dans le Dialogue entre un chrétien et un Sarrasin, le Damascène développe cette idée, qu’après la première semaine, Dieu a cessé de créer, et que les êtres vivants, y compris l’homme, subsistent et se multiplient suivant les lois posées à l’origine. Cette doctrine, telle qu’elle est présentée dans ce dialogue, laisse planer l’obscurité sur l’origine de l’âme humaine, et ferait penser au traducianisme. Disp. cum christ., t. XCVI, col. 1337-1340.

Angélologie. ? L’ang?lologie de Jean s’inspire de celle de Grégoire de Nazianze et du pseudo-Denys.

L’ange est une substance intelligente, toujours en mouvement, libre, incorporelle, ayant reçu dans sa nature, le don de l’immortalité. Dieu seul, du reste, connaît sa vraie définition. L’ange n’est pas immuable de sa nature, et peut changer par l’usage de la liberté. Il est incapable de pénitence, parce qu’il est incorporel. C’est à cause de la faiblesse de son corps, que l’homme est susceptible de pénitence. Après leur premier choix, les bons anges ont été fixés immuablement dans le bien, et les mauvais anges dans le mal.

L’ange est immortel non strictement en vertu de sa nature, car tout ce qui commence a naturellement une fin, mais par un bienfait du créateur, qui seul possède par nature la vie éternelle. De fide orth., l. II, 3, col. 865 sq.

Les anges sont circonscrits, bien qu’ils ne le soient pas à la manière des corps. Lorsqu’ils sont au ciel, ils ne sont pas sur la terre. Ils sont dans des lieux spirituels, ?? ??????? ??????, c’est-?-dire qu’ils sont là où ils agissent. De fide orth., l. I, 13, col. 852. Dieu seul est incirconscrit ? On peut dire que les anges sont sans contours précis, ????????, en ce sens qu’ils apparaissent aux hommes sous une forme ?trangère. Dieu seul est vraiment ???????.

A propos de la nature des anges, le Damascène avait d’abord dit qu’ils étaient tous de même nature, ?? ?????? ??? ????? ????. Instit. elem., 1, t. XCV, col. 100 c. Dans le De fide orth., l. II, 3, col. 869 c, il est plus réservé, et déclare que nous ignorons si les anges sont égaux ou diffèrent entre eux dans leur essence. C’est le secret de Dieu. Les bons anges diffèrent entre eux par l’illumination et le rang, ?? ??????? ??? ?? ??????. Ils sont rang?s, d’après l’Aréopagite, en trois ordres, dont chacun comprend trois classes, ??? ????? ???????? ????????? ????????????. Ibid., col. 872-873.

Tous ceux qui attribuent aux anges le pouvoir de créer une essence quelconque parlent au nom du diable. Ibid., col. 873 a.

Les bons anges tirent leur sainteté non de leur nature, mais du Saint-Esprit, ce qui équivaut à dire qu’ils ont été élevés à l’état surnaturel. Ils sont maintenant confirmés dans le bien par un bienfait divin, et parce qu’ils sont attachés au bien souverain. Ils sont au ciel, où leur unique préoccupation est de contempler et de louer Dieu, et de faire sa volonté. Ils sont préposés par le Créateur à la garde de la terre, des nations, des divers lieux. Ils s’occupent aussi de nos affaires, et nous viennent en aide, ??? ?? ???????? ???????????? ??? ?????????????. Ibid., col. 872. Jean ne dit pas expressément que chaque homme a son gardien. Les anges supérieurs ? que cette supériorité vienne du rang ou de la nature ? illuminent les inférieurs. Pour se communiquer leurs pensées et leurs volontés, ils n’ont besoin ni de langue, ni d’o- [col.723 fin / col.724 début] reilles. Ibid., col. 868-869. Les anges ne raisonnent pas à proprement parler, mais comprennent par simple intuition, ???? ???????? ???????. Inst. elem., 8, t. XCV, col. 109 b.

Sur les mauvais anges, l’enseignement de notre docteur peut se résumer ainsi : Les mauvais anges, dont le nombre est incalculable, ?????? ???????, appartiennent tous ? l’ordre terrestre, chargé de arder la terre. Le chef de cet ordre se révolta le premier par un libre choix de sa volonté et devint ainsi mauvais, de bon qu’il était. Un grand nombre de ses subordonnés le suivirent. Depuis leur chute, ils sont irrémédiablement fixés dans le mal, " car ce qu’est la mort aux hommes, la chute l’est aux anges ". De fide orth., l. II, 4, col. 873-877. Si le diable voulait se convertir, Dieu lui pardonnerait ; mais il ne le veut pas. Dieu, cependant, continue à lui faire du bien, en lui conservant l’être, et il supporte sa démence. Contra manichæos, 32-35, 71, col. 1540-1541, 1569. On peut dire que son châtiment vient de lui-même et non de Dieu. " Ce châtiment n’est autre chose que le feu du désir du mal et l’incendie du désir inassouvi. Il ne désire pas Dieu, mais rien que le mal, ?????, ??? ? ??????? ?????? ????? ?????? ?????, ?? ?? ??? ????????? ??? ?????? ??? ????????, ??? ??? ??????? ??? ?????????. . . ????????????, ??? ?? ?????????? ??? ??? ?????????, ????? ????? ??? ??? ????????? ?????????????. Ibid., 36, col. 1541 c. Saint Jean semble bien enseigner ici que le feu qui dévore les démons est purement métaphorique. Voir, plus loin, son enseignement sur les fins dernières.

Les démons ne peuvent rien que par la permission de Dieu. Ils peuvent prédire l’avenir, le connaissant parfois par leur perspicacité ou par conjecture ; mais ils mentent souvent. Ils peuvent suggérer le mal à l’homme mais ne peuvent jamais violenter sa volonté. Dieu permet ces suggestions pour l’exercice des bons et l’augmentation de leurs mérites. Il faut voir l’influence du diable dans les hérésies et, dans toutes les erreurs qui ont égaré les hommes. De fide orth., loc. cit. ;De imag., I, col. 1285, 1288.

9° L’homme. Sa nature. Etat primitif. Péché originel. ? L’homme, derni?re créature de Dieu, composé d’esprit et de matière, résume en lui toute la création. C’est un vrai petit monde, ???????????. Notre docteur d?veloppe très bien cette idée. De fide orth., l. II, 12, col. 925-928 ; De duabus volunt., 15, t. XCV, col. 144 b c.

Le corps de l’homme est composé des quatre éléments. De fide orth., l. II, 12, col. 925. Son âme est une substance vivante, simple et incorporelle, invisible par sa nature aux yeux du corps, immortelle, raisonnable et intelligente, sans forme, se servant d’un corps organique, auquel elle donne la vie, l’accroissement, la sensation et la puissance génératrice ; elle n’a pas un autre esprit distinct d’elle-même ; mais l’esprit, ????, est sa partie la plus pure ; ce que l’œil est dans le corps, l’esprit l’est dans l’âme ; elle est douée de liberté, de volonté et d’activité ; elle a une volonté changeante parce qu’elle est créée. Tout cela, elle l’a reçu sa nature par le bienfait du Créateur, duquel aussi elle a reçu l’être et une telle nature. Ibid. Voir aussi De duabus volunt., 15-18, t. XCV, col. 144-148, où l’auteur donne un résumé de sa psychologie.

Dans le second livre de la Foi orthodoxe, notre docteur fait déjà ce que fera plus tard saint Thomas : il passe en revue les diverses facultés de l’homme, cap. 12-28. Il s’inspire spécialement, dans cet exposé, de l’ouvrage de Némésius d’Emèse, De hominis natura, P. G., t. XL, col. 504-817, et emprunte aussi beaucoup à saint Maxime pour ce qui regarde la volonté. Il s’étend particulièrement sur la liberté, dont il démontre l’existence par plusieurs arguments, et définit la nature et les limites, c. 25-28 ; cf. aussi l. II, 7, [col.724 fin / col.725 début] col. 893. La liberté, ?? ???????????, consiste, comme l’indique le mot grec, ? être maître de ses actions, ?????? ??? ????, ? en avoir le choix et l’initiative, à en être le principe, ?????????? ?????? (caract?res grecs à moitié effacés) ??? ??????? ? ???? ? ???????? ??? ????? ????? ???? ???????, 26-27, col. 900. La libert? est inséparable de la raison, et l’acte psychologique de la délibération serait un non-sens si nous n’étions pas libres, 28, col. 967 c.

Sur l’origine de l’âme humaine, Jean n’a pas d’affirmation claire. Il dit bien, dans sa définition de l’âme, que celle-ci a reçu son existence et sa nature du Créateur, ?? ????? ??? ????? ????? ????? ??????. Mais on peut se demander s’il s’agit, dans ce passage, de l’âme du premier homme ou de chaque âme humaine en particulier. Le parfait ?????? fait songer ? la première création. Plus loin, c. 28, col. 961 c, il affirme que notre naissance est l’effet de la puissance créatrice, ? ??????? ??????? ???????????? ????? ???????? ????. Mais cette expression est assez vague. Nous avons dit plus haut que dans la Disputatio cum Saraceno, on découvre une tendance traducianiste. Mais ce dialogue est-il vraiment l’œuvre de Damascène ?

Sur l’état primitif de l’homme avant la chute, Jean a une doctrine très satisfaisante ; mais qu’il est assez difficile de démêler. Il va sans dire qu’il ignore les distinctions précises de nos théologiens entre l’état de nature pure, l’état de nature intègre, l’état de justice originelle. Ce qu’il a toujours en vue, c’est la nature humaine historique, celle que Dieu créa au commencement. Cela n’empêche pas qu’on trouve chez lui les éléments d’une triple distinction : il a vu en Adam innocent : 1. la nature dans son intégrité, ?? ????? ; 2. l’?lément proprement surnaturel, c’est-à-dire la participation à la grâce divine, la ?????? ; 3. ce que nous appelons le pr?ternaturel, ?? ?? ?????, conditionn? par la persévérance dans l’amitié divine.

Notre docteur enseigne tout d’abord que " Dieu façonna de ses propres mains, ???????? ?????, l’homme, compos? de la nature visible et de la nature invisible, à sa propre image et à sa ressemblance ; il fit le corps du limon de la terre, et lui inspira par son propre souffle une âme raisonnable et spirituelle, ce que nous appelons image divine. En effet, l’expression : à son image, ?? ?????????? ; indique l’intelligence et la libert?, ?? ?????? ??? ??????????? ; et l’expression : sa ressemblance, ?? ????????????, la ressemblance de la vertu, autant qu’il est possible. " De fide orth., l. II, col. 920 b.

Le ?? ?????????? et le ???????????? jouent un grand r?le dans la théologie damascénienne, comme d’ailleurs dans toute la théologie grecque. Les deux expressions ne sont pas du tout synonymes. La première désigne principalement l’intelligence et la volonté libre. C’est avant tout par ces facultés supérieures que l’homme est à l’image de Dieu, bien qu’il le soit encore sous d’autres rapports. Cf. De duabus volunt., 30, t. XCV, col. 168 b. Le ???????????? s’entend de l’ordre moral, de la pratique et de la vertu. Le premier homme était orné de toutes les tendances vertueuses, ???? ????? ??????????????, ????????? ??????? ; il ?tait innocent et droit, ??????,????. De fide orth., l. II, 12, col. 921 a ; l. IV, 4, col. 1108 a. Les deux éléments réunis constituent l’intégrité première de la nature. Ils étaient tous les deux naturels, selon la nature. Le Damascène répète constamment que la vertu, ou les vertus, sont naturelles à l’homme, et que Dieu imprima à la nature innocente ces tendances vers le bien moral. De fide orth., l. II, 30, col. 972 ; l. III, 14, col. 1045 a. Cela n’empêche pas que, pour pratiquer la vertu et y progresser, pour vouloir le bien et le faire, le concours et le secours de Dieu étaient nécessaires. Mais ce concours, était normalement et comme naturellement offert à l’homme. Il dépendait de lui, [col.725 fin / col.726 début] et il dépend encore de nous, ? d’user de ce concours ? nous pouvons dire : “ de cette gr?ce actuelle ” ?, et de r?pondre aux sollicitations de Dieu nous invitant à la vertu, op. cit., l. II, 30, col. 972-973.

En plus de la nature ainsi constituée, ?? ?????, Adam participait ? la vie même de Dieu par la grâce. Le Damascène enseigne très clairement l’élévation de l’homme à l’état surnaturel ; Adam était déifié par son union à Dieu, déifié non par la transformation en l’essence de Dieu, mais par la participation de sa splendeur et de son illumination, ?? ???? ???? ?????? ????????? ????????? ?? ?????? ??? ????? ?????????, ??? ??? ??? ??? ????? ???????????? ??????. Op. cit., l. II, 12, col. 924 a. Il était orné de la grâce de Dieu comme d’un vêtement ??? ???? ?????????????? ?????. Ibid., l. II, 11, col. 916 c ; l. II, 30, col. 976 ; et avait reçu la participation de son esprit. Ibid., l. IV, 13, col. 1137 b.

Certains privilèges, accompagnaient le don de la grâce surnaturelle et en dépendaient comme les effets dépendent de la cause. Dieu, en effet, ne se contenta pas de donner à Adam l’être ; il lui accorda aussi le bien-être, ?? ????? ????, ??? ?? ?? ????? ???????????. Op. cit., l. III, 1, col. 981 a. Cf. In sabbatum sanctum, II, t. XCVI, col. 612 ; In Dormit., II, 8, ibid., col. 733 c. Outre le pouvoir royal sur la terre et ce qu’elle renfermait, ???????? ??? ??? ???, De fide orth., l. II, 12, col. 921, ces privilèges consistaient dans l’incorruptibilité, ????????, l’impassibilit?, ???????, et l’immortalit? corporelle, ????????. L’incorruptibilit? exemptait Adam des nécessités corporelles, comme manger, boire, dormir ; de la souffrance et de la maladie ; de tout ce qu’entraîne la circulation vitale dans l’état actuel, ??????, ????, In sabb. sanc., 27, t. XCVI, col. 628 b ; De fide orth., l. II, 12, col. 917 c d. Il le soustrayait même à l’œuvre de la génération charnelle. Ce n’est qu’en prévision de la chute, et pour qu’Adam, devenu mortel, pût se survivre dans sa postérité, que Dieu forma la femme. Si Adam n’avait pas péché, Dieu aurait trouvé un moyen de multiplier l’espèce humaine autre que la génération charnelle. De fide orth., l. II, 30, col. 976 ; l. IV, 24, col. 1208 d b. Cette doctrine, qui nous surprend quelque peu, a été enseignée par plusieurs Pères grecs, comme Origène, Athanase, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome. L’??????? s’entend de l’exemption de la concupiscence, de toute passion troublante, de toute inqui?tude et de tout souci. L’homme au paradis terrestre, ne devait être occupé qu’à louer Dieu et à jouir de sa contemplation. Op. cit., l. II, 11, col. 913-916. Enfin, l’homme ne devait pas mourir. Ibid., l. II, 12, 30, col. 921, 977.

A propos du paradis terrestre, Jean allégorise passablement. Il reconnaît bien un paradis sensible ? ?????????? ????????, vrai palais royal r?servé à l’homme seul, à l’exclusion des animaux, placé du côté de l’Orient, planant au-dessus de toute la terre, ????? ??? ??? ?????????? ????????. De fide orth., l. II, 11, col. 912-913 ; mais en même temps, il parle d’un paradis spirituel, séjour de l’âme. Cette maison de l’âme n’était autre que Dieu lui-même, ???? ???? ????? ??? ???????, ??? ????? ???? ??????? ???????????. Ibid., col. 916. Quant à l’arbre de vie, Jean en signale trois explications ; une, littérale, qu’il n’accepte pas (le fruit de cet arbre préservait de la mort) ; deux allégoriques, qui lui plaisent : le fruit de l’arbre de la vie n’était autre chose que la douceur de la contemplation divine ; ou bien, on peut l’entendre de la connaissance de Dieu acquise par la considération des créatures. Ibid., col. 916-917. L’arbre de la science du bien et du mal est aussi une allégorie, soit qu’il faille y voir la parfaite connaissance de sa propre nature, chose réservée aux parfaits, et qui n’était pas bonne pour Adam encore jeune et inexpérimenté, soit qu’il faille l’en- [col.726 fin / col.727 début] tendre de la manducation sensible et délectable, source de corruption. Ibid.

les privilèges que vous avons signalés : incorruptibilité, impassibilité, immortalité peuvent être dits préternaturels, dans la pensée même de notre docteur, qui affirme positivement la chose pour l’immortalité corporelle : Contra manichæos, 71, col. 1569 c.

Une doctrine si nettement caractérisée sur l’état de justice originelle devait entraîner un enseignement non moins précis sur le péché originel et ses suites. Jean, quoi qu’en ait écrit certains auteurs, affirme clairement l’existence d’un péché inhérent à la nature humaine par suite de la transgression d’Adam. Il distingue même ce péché comme tel, qu’il désigne par les mots de ???????, ??????, ??????????, des peines ou ch?timents, suites de ce péché. Un passage capital est celui-ci : " Jésus-Christ a délivré la nature du péché du premier père, de la mort et de la corruption. . . De même qu’en vertu de notre naissance d’Adam nous lui avons tous été assimilés, héritant de la malédiction et de la corruption ; de même, en naissant de Jésus-Christ, nous lui sommes assimilés, et nous héritons de lui l’incorruptibilité, la bénédiction, et sa gloire, ?????????? ??? ????? ??? ???????? ??? ??????????, ??? ??????? ??? ??? ??????. . . ??????????? ?? ??? ? ????, ?????????? ????, ??????????????? ??? ??????? ??? ????????. ” De fide orth., l. IV, 3, col. 1137 b c. Jean dit encore que Jésus-Christ a payé pour nous la dette qui nous grevait, afin de nous délivrer de la condamnation, ??? ?? ???????? ???? ???? ???????? ??????, ?????????? ???? ??? ???????????. De duabus volunt., 44, t. XCV, col. 185 a b ; cf. ibid., 28, col. 164. Et que d’autres textes semblables on pourrait citer ; car contrairement à un préjugé trop répandu et accrédité par Petau, la mention du péché originel et de ses suites est très fréquente dans les écrits de notre docteur, comme elle l’est dans les écrits des autres Pères grecs, ses prédécesseurs.

En particulier, Jean affirme que la volonté libre est le sujet premier du péché originel, ?????????? ?? ???? ? ???????, De fide orth., l. III, 14, col. 1041 d ; que ce péché nous a fait perdre la grâce de Dieu et les privilèges d’incorruptibilité, d’impassibilité et d’immortalité qui l’accompagnaient. Ibid., l. II, 28, l. III, 1, col. 961, 981 ; In sabb. sanctum, 7-12, 27, t. XCVI, col. 609-612, 628 ; ainsi que le ?? ????????????, attaquant ainsi l’int?grité de la nature. De fide orth., l. III, 14, col. 1045 a. Si le ?? ?????????? en lui-m?me est resté, Inst elem., t. XCV, col. 97, il a été aussi faussé en quelque manière par l’aversio a Deo et la conversio ad creaturas, dont Jean parle expressément et qui constituent sans doute pour lui sinon l’essence totale, du moins, le côté principal du péché de nature, en tant qu’inhérent à la nature même. De fide orth., l. II, 30, col. 977 c d. La nature humaine a été rendue réellement malade, et bien qu’ayant conservé le libre arbitre, elle ne pouvait d’elle-même se relever. In ficum arefactum, 1, t. XCVI, col. 576-577.

10° Providence et prédestination. ? Ce que nous avons dit plus haut de la prescience divine et de ses rapports avec la liberté humaine est en étroite relation avec la question de la providence et de la prédestination. Notre docteur s’est occupé d’une manière spéciale des difficiles problèmes qui s’y rattachent, dans la polémique avec les manichéens. Sa doctrine diffère sensiblement des conceptions de la théologie occidentale. Elle est consolante, et met en vif relief la bonté de Dieu. Nous la croyons inattaquable du point de vue de l’orthodoxie, et nous n’oserions comme certains, la traiter de superficielle.

La Providence est définie : " Le soin que Dieu prend des êtres. Et encore : La Providence est le dessein de Dieu suivant lequel tous les êtres reçoivent une direc- [col.727 fin / col.728 début] tion convenable. Si donc le dessein de Dieu, ???? ???????? est la Providence, il s’ensuit n?cessairement que tout ce qui arrive par la Providence est selon la droite raison, se réalise de la façon la plus belle et la plus noble, et il ne peut en exister une meilleure. . . Dieu est à la fois le Créateur et le provident ; sa puissance créatrice, conservatrice et providente, est sa bonne volonté même, ? ????? ????? ??????? ????. De fide orth., II, 29, col. 964. D’après cette définition, rentrent dans le plan providentiel toutes les démarches positives de Dieu à l’égard de ses créatures pour leur faire du bien, tout ce qu’il veut positivement pour elles. C’est pour cela que Jean ajoute que nos déterminations libres, ?? ???????, ne d?pendent pas de la providence mais de notre libre arbitre, ibid., col. 964 c ; car ce n’est pas Dieu qui en a proprement l’initiative mais nous-mêmes. Il les prévoit, sans doute, mais il ne les prédétermine pas par une volonté positive. Dieu adapte son plan providentiel à l’égard de l’homme, à la conduite que celui-ci tient ; d’où l’adage : " La providence de Dieu à l’égard de l’homme a pour guide sa prescience ; ?????????? ? ???? ???? ???? ????????? ??? ? ??????. ” Contra manichæos, 78, col. 1576 d. Tous les hommes ont le pouvoir de choisir le bien. C’est une grâce offerte à tous, car Dieu veut d’une volonté sincère et désire d’un grand désir le salut de tous ; il est tout bon, sans envie et offre le bien à qui veut le recevoir. Mais l’homme est libre : c’est à lui d’accepter ou de refuser l’offre divine. La grâce de pouvoir choisir le bien n’est ni nécessitante ni efficace par elle-même. L’homme peut l’accepter, il peut aussi la refuser ; car la liberté consiste essentiellement dans le pouvoir de choisir, d’avoir l’initiative de sa détermination. A celui qui accepte l’offre divine Dieu accorde aussitôt son concours, sa grâce, pour qu’il puisse réaliser le bien choisi. La bonne œuvre est ainsi à la fois de Dieu et de nous ; de nous, parce que nous l’avons choisie ; de Dieu, parce qu’il nous aide à la réaliser ; de Dieu encore, parce qu’il nous a aidé à la choisir, en nous suggérant la bonne volonté, à laquelle nous avons consenti. A celui repousse l’offre divine, Dieu dans son immense miséricorde ne cesse de faire du bien, tant que dure l’épreuve d’ici-bas : " Durant la vie présente il existe une économie, un gouvernement et une providence ineffable, qui sollicite les pécheurs à la conversion et à la pénitence. " Contra manich., 75, col. 1573 a. De cette providence ineffable à l’égard des pécheurs fait partie de ce que notre docteur appelle le délaissement économique et de correction, ???????????? ?????????? ??? ??????????, qui vise l’amendement, le salut et la gloire de celui qui en est l’objet, et d’o? résulte aussi le bien du prochain et la gloire de Dieu. De fide orth., 29, col. 968 a b, 969 a. Telle est, en raccourci, la conduite de Dieu provident à l’égard de l’homme libre.

Jean démontre l’existence de la providence par deux arguments principaux : par la bonté de Dieu et sa sagesse, ibid., col. 964 ; par l’immortalité de l’âme, qui entraîne la vie future, la rétribution des actions bonnes et mauvaises, un juge et par conséquent aussi un provident. Dial., 68, col. 672-673.

Nous ne devons pas juger ni critiquer Dieu dans l’exercice de sa providence ; car il ne nous a pas révélé tout son plan, mais seulement tout ce qu’il nous était utile de connaître. Tout comme sons essence, sa volonté et sa providence sont incompréhensibles. Dieu fait tout et permet tout ce qui arrive pour notre bien, si nous savons en profiter. De fide orth., l. II, 29, col. 964 c, 968 b ; Contra manich., 74, 77, col. 1572-1573, 1576.

En dehors de la providence positive de Dieu et de sa volonté approbative, qui regarde tout ce qui est bon et juste, il y a une autre sorte de providence qu’on peut appeler négative ou permissive, par laquelle Dieu n’empêche pas positivement, mais permet, tout [col.728 fin / col.729 début] en la désapprouvant, la défection de la volonté libre, c’est-à-dire le péché, qui est le seul vrai mal.

Le mal en soi n’existe pas. Ce n’est pas une substance mais une privation de bien. Le mal suppose le bien, et se rencontre toujours avec quelque bien. Jean réfute longuement le dualisme manichéen dans son grand Dialogue contre les manichéens, dont il a donné un résumé dans le livre IV de la Foi orthodoxe, lors de la révision dernière de cet ouvrage, De fide orth., l. IV, 19-21, col. 1191-1198. Il fait allusion à ce que les philosophes appellent le mal métaphysique, qui atteint toutes les créatures, puisqu’elles sont toutes imparfaites. Contra manich., 96, col. 1569 c. Mais il parle surtout du mal moral, du péché, qu’il définit " une déviation volontaire de ce qui est suivant la nature vers ce qui est contre la nature. " De fide orth., l. IV, 20, col. 1196 c.

Cette déviation volontaire, qui en soi est une privation de ce qui est bien, un vrai non-être, Dieu n’en est en aucune façon l’auteur. Sa vraie cause, c’est la volonté libre de la créature. Le péché fut d’abord la trouvaille du diable. Ibid.

Le mal physique accompagne nécessairement le péché. Sa vraie cause, c’est le péché ; car c’est le péché qui attire le châtiment. C’est le péché d’Adam qui a attiré sur l’humanité les maux physiques dont elle souffre. A vrai dire, la cause du châtiment, ce n’est pas Dieu mais le pécheur, qui oblige le Dieu juste et bon à le punir, et qui trouve son propre châtiment dans sa volonté perverse. Contra manich., 37, 79, 81-82, col. 1544 c, 1577, 1580-1581. Cf. col. 1573 bc. Du reste, le mal physique n’est qu’un mal apparent. Le châtiment est bon en lui-même, ????? ? ??????. Ibid., 49, col. 1549 a. Cf. col. 1548, 1581. De fide orth., l. IV, 19, col. 1193. Les épreuves et les souffrances du juste lui servent pour sons salut, et Dieu sait en tirer encore d’autres biens. De fide orth., l. II, 29, col. 965 ; IV, 19, col. 1193.

Mais pourquoi Dieu permet-il le mal moral ? Pourquoi créé-t-il des êtres qu’il prévoit devoir être pécheurs ? A cette question notre docteur fait une double réponse : 1. Dieu permet le péché et créé des êtres qui deviennent mauvais par leur propre choix, parce qu’il sait tirer le bien du mal, faire servir le mal au bien. 2. Parce que le pécheur sert toujours à la manifestation de la bonté de Dieu, qui continue à qui faire du bien, au moins en lui conservant l’existence, qui est un bien. Il ne convient pas que le ma triomphe du bien et que la malice du pécheur empêche Dieu de lui accorder ce bien qui est l’existence. De fide orth., l. II, 29 ; IV, 21, col. 965, 1197 ; Contra manich., 32-34, 69, col. 1540, 1568.

La prédestination, ??????????, telle que l’entend le Damascène, vise à la fois les élus et les réprouvés. C’est la sentence éternelle que Dieu a prononcée sur chacun, après avoir consulté sa prescience, c’est-à-dire conséquemment à la prévision des mérites et des démérites, ?????????? ???? ?????? ??? ???????? ??? ???? ?????????. Contra manich., 78, col. 1577 a. Dieu prédestine suivant sa prescience, ???? ??? ???????? ????? ?????????. Ibid.¸73, 78, col. 1572 c, 1577 a. Notre docteur ignore absolument toute prédestination définitive et toute réprobation définitive, négative ou positive, antérieures à la prévision des mérites et des démérites. Il ne connaît qu’une prédestination antécédente conditionnelle englobant tous les hommes, par laquelle il veut le salut de tous et a préparé à tous et à chacun des moyens surabondants de salut, bien que ces moyens ne soient pas nécessairement égaux pour tous. De fide orth., l. II, 25, col. 968-969. Cette prédestination antécédente universelle, (amis conditionnelle, à cause de la volonté libre) est un pur effet de la bonté de Dieu ; elle est absolument [col.729 fin / col.730 début] gratuits. Le Damascène n’est nullement pélagien. Il sait l’impuissance radicale de la nature humaine pour le salut. Cf. Homil. in ficum aref.¸1, t. XCVI, col. 576-577. Il proclame aussi bien que quiconque la nécessité de la grâce pour tout acte salutaire. Ce qu’il ignore, c’est la grâce efficace par elle-même, au sens de saint Augustin, c’est toute prédestination, toute élection ante prævisa merita, et toute réprobation négative ou positive ante prævisa peccata. Il insiste beaucoup sur l’immense bonté de Dieu, qui ne se résout à abandonner définitivement le pécheur, à le réprouver, ? ?????? ????????????, qu’apr?s avoir tout fait pour le toucher, le guérir, le sauver, et qu’après que l’homme, par sa mauvaise volonté, reste inguérissable : ? ?? ?????? ????????????, ??? ??? ???? ????? ?? ???? ???????? ???????????, ????????????, ??? ??????????, ?????? ?? ???????, ?? ??????? ????????? ???????? ? ????????. De fide orth., l. II, 29, col. 968 b. Nous avons entendu tout à l’heure notre docteur nous parler de cette économie ineffable de Dieu appelant le pécheur à la pénitence. Il consacre tout un chapitre à expliquer et à atténuer les expressions de saint Paul qui, prises à la lettre, conduiraient au prédestinatianisme : " Il faut savoir que c’est la coutume de la sainte Ecriture de présenter la permission de Dieu comme une action positive de sa part. . . Dieu est bien l’auteur des vases d’honneur et des vases d’ignominie, mais ce n’est pas lui qui les a fait honorables ou méprisables, mais le propre choix de chacun. " De fide orth., l. IV, 19, col. 1192-1193. Donc, sans aucun préjudice ni détriment pour la grâce de Dieu, qui est toujours présupposée indispensable, gratuite et largement offerte, c’est bien nous-mêmes qui sommes, par le libre choix de notre volonté, les artisans de notre destinée éternelle. Notre part, bien minime, cf. Com. in epist. ad Romanos, VIII, 25, t. XCV, col. 508 c, consiste à tendre la main pour recevoir le don de Dieu, qui amoureusement nous sollicite, ???? ????? ?? ?????? ? ????? ????????. Contra manich., 74, col. 1573 a. Celui qui ne veut pas recevoir se condamne lui-même, ? ?? ????? ??????, ????? ?????? ??????. Ibid., 70, col. 1568 d. On conçoit que notre auteur puisse écrire sans contradiction : " Efforçons-nous de faire le bien et devenir bons, afin que nous soyons du nombre de ceux qui ont été connus à l’avance comme bons et prédestinés à la vie éternelle. " Ibid., 80, col. 1580 b. Il dépend de nous, en effet, que la prescience divine nous ait enregistrés dans la liste des élus, ?? ??????? ? ???????? ??????, ?? ????. Ibid., 79, col. 1577 b.

11° Christologie. ? Saint Jean Damascène est par excellence le théologien de l’Incarnation. C’est le mystère sur lequel il s’étend le plus longuement et dont il parle dans presque tous ses écrits. Sa synthèse est vraiment représentative de toute la théologie grecque antérieure.

En dehors du long exposé qui se trouve dans le De fide orthodoxa (l. III tout entier, l. IV, c. 1-8 et 18), Jean a écrit plusieurs résumés de sa christologie soit dans des professions de foi proprement dite, comme celle de l’évêque Elie, t. XCIV, col. 427-434 ; soit dans ses ouvrages polémiques, comme dans le Contra jacobitas, 79-85, t. XCIV, col. 1476-1484 ; dans l’Adversus nestorianos, 43, t. XCV, col. 221-224 ; soit même dans ses sermons, comme dans l’Homélie pour le samedi saint, 11-20, t. XCVI, col. 612-617.

1. Motif de l’Incarnation. ? Sur la question du motif de l’Incarnation, qui a fait couler tant d’encre en Occident, notre docteur est incontestablement du côté de saint Thomas. Il n’indique pas d’autre motif de l’Incarnation du Verbe que le salut de l’homme et on rétablissement dans l’état, d’où le péché l’a fait déchoir. De fide orth., l. III, 12 ; IV, 4, col.1028 - [col.730 fin / col.731 début] 1029, 1108 ; De duabus volunt., 41, t. XCV, col. 181 a. Tout en apportant le salut à l’humanité, l’Incarnation a procuré en même temps la gloire de Dieu, en manifestant à la foi sa bonté, sa sagesse, sa justice et sa puissance. De fide orth., l. III, 1, col. 984.

A la question : Pourquoi le Fils s’est-il incarné, et non pas le Père ou le Saint-Esprit ? Jean répond : " Pour que la propriété hypostatique de filiation, ? ??????, ne f?t pas transférée à un autre, et restât immuablement à Celui qui était déjà Fils. " Ibid., l. IV, 4, col. 1108 a. Cf. De sancta Trin., 1, t. XCV, col. 12 a. Il convenait que celui qui était le Fils de Dieu fût également le Fils de la Vierge.

2. Définition et explication de l’union hypostatique. ? Nous avons d?jà expliqué plus haut col. 712, ce que Jean entend par union hypostatique en général, et combien d’unions hypostatiques il distingue. L’union hypostatique de la nature divine et de la nature humaine dans l’union hypostatique du Verbe est ainsi définie, ou plutôt décrite par lui : " Aussitôt après le consentement de la Vierge, le Saint-Esprit descendit sur elle pour la purifier, la rendre capable de recevoir le Verbe et de devenir sa mère. La Vertu et le Sagesse subsistante du Très-Haut, c’est-à-dire le Fils de Dieu, consubstantiel au Père, la couvrit de son ombre, et se forma de sa substance immaculée et très pure une chair animée d’une âme raisonnable et intelligente, prémices de notre masse et cela, par voie de création immédiate par l’opération du Saint-Esprit, ?? ??????????? ???? ??????????? ??? ??? ????? ?????????. Et la forme du corps ainsi cr?é ne se constitua pas par des accroissements insensibles et progressifs ; mais ce corps acquit d’emblée sa configuration parfaite, ?? ???? ???? ?????? ?????????? ????????????? ??? ????????, ????????? ????????????. Le Verbe de Dieu lui-m?me servit d’hypostase à la chair ; car ce n’est pas à une chair ( = une nature humaine) préalablement douée de subsistance indépendante que le Verbe s’est uni ?? ??? ??????????? ?????????? ????? ????? ????? ????? ; mais le Verbe lui-m?me est devenu hypostase pour la chair ; de sorte que, aussitôt que la chair a existé, au même moment elle a été animée d’une âme raisonnable et intelligente. C’est pour cela que nous parlons de non d’un homme déifié mais d’un Dieu incarné. Celui qui était déjà par nature Dieu parfait, le même est devenu par nature homme parfait. Il n’a pas subi de changement de sa nature ; il ne s’est pas non plus présenté à nous sous les dehors d’un fantôme humain, ?? ???????? ??? ????????? ; mais ? la chair prise de la sainte Vierge et animée d’une âme raisonnable et intelligente et ayant trouvé l’existence en lui ??? ?? ???? ?? ????? ???????, il s’est uni selon l’hypostase, sans confusion ni changement, ni s?paration. Il n’a pas changé la nature de sa divinité en la substance de la chair ; il n’a pas non plus fait une seule nature composée, ???? ????? ????????, de sa nature divine, et de la nature humaine qu’il a prise. ” De fide orth., l. III, II, col. 985-988. Cf. ibid., III, 12, col. 1032 ; Contra jacobitas, 79, col. 1476 c.

On aura remarqué un mot capital dans cette définition : Le verbe a servi d’hypostase à l’humanité qu’il a prise ; l’humanité a trouvé son existence, son être, ?? ?????, en lui, ? ?? ???? ?? ???? ???????. Ibid., 12, col. 1032 c. Dès le premier instant de la conception dans le sein virginal, la nature humaine a été supportée dans l’être par le Verbe ; elle a participé à la subsistance même du Verbe. C’est dire que le Damascène fait consister ce que nous appelons la personnalité, la subsistance, dans l’existence même, ?? ?????, ? ???????. La nature humaine du Christ n’a jamais ?té une personne, parce que, dès le premier instant, elle a participé à l’existence même du Verbe et a trouvé en lui son [col.731 fin / col.732 début] appui pour subsister. Cela fait même voir combien l’union hypostatique est étroite, intime, vraiment substantielle, tout en respectant l’intégrité des deux natures.

Seul, le Fils s’est incarné. Le Père et le Saint-Esprit n’ont participé en rien à l’Incarnation, sinon pour opérer les merveilles qui l’ont accompagnée, parce qu’ils l’ont voulue et approuvée, op. cit., 11, col. 208 b. Toute la nature divine dans l’une de ses hypostases s’est unie à toute la nature humaine, telle que Dieu la fit à l’origine. Ibid., 6, col. 1004-1005. Seul le péché est exclu, parce que, lui seul est contre nature, ???? ? ??????? ???? ?????. Instit. elem., 9, t. XCV, col. 109 c.

Le Verbe s’est uni à la chair par l’intermédiaire de l’esprit, ????, qui est la partie la plus pure de l’âme, et tient les rênes de l’âme et du corps ; mais de l’esprit lui-même Dieu le verbe tient le gouvernail. De fide orth., 6, col. 1005 b.

Ce n’est pas à l’humanité considérée comme simple concept, ??? ?? ???? ?????? ????????????? ?????, ni ? cette humanité commune se retrouvant dans tous les individus humains et constituant ce qu’on appelle l’espèce humaine, ???? ??? ?? ?? ????? ???????????, mais ? une nature humaine singulière, bien caractérisée par ses notes individuelles, et rentrant sous l’espèce, ??? ?? ?????, ??? ????? ????? ?? ?? ?? ?????, que le Verbe s’est uni. Cette nature humaine, sans doute, n’a jamais ?té un individu, une hypostase, parce qu’elle n’a jamais subsisté en elle-même et à part ; mais elle est ?????????? : elle a trouvé son existence et pris ses notes individuantes dans l’hypostase même du Verbe, qui la fait subsister en lui-même dans sa singularité avec tout ce qui la constitue. Ibid., l. III, 11, col. 1024 ; Contra jacobitas, 80, col. 1477 b ; Contra nestorianos, 2, t. XCV, col. 189.

L’union hypostatique est indestructible et n’a jamais été interrompue, même pendant le triduum mortis. De fide orth., l. III, col. 1096-1097 ; Homil. in sabbatum, 20, t. XCVI, col. 632 ; cf. col. 625-628, où Jean a une manière spéciale de compter les trois jours et les trois nuits.

Par le fait que les deux natures du Christ, la divine et l’humaine, sont unies sans mélange ni confusion dans l’union hypostatique du Verbe, on peut les compter ; car elles demeurent réellement distinctes, chacune avec ses propriétés, tout en restant unies et en se compénétrant mutuellement, ???????????? ?? ????????. De m?me que dans la Trinité, nous comptons une nature et trois hypostases parfaites, réellement distinctes entre elles, bien qu’unies inséparablement et s’envahissant mutuellement ; de même, dans l’Incarnation nous comptons une hypostase unique et deux natures distinctes, quoique non séparées. Le nombre, quoi qu’en disent les hérétiques, n’introduit ni la division, ni la séparation. Son rôle est d’indiquer la quantité des choses comptées. On ne peut donc appeler une seule nature les deux natures du Christ. De fide orth., l. III, 5, col. 1000-1001.

Les jacobites font, à propos de la formule catholique ?????????, une objection sp?cieuse. Ils disent : " Si vous comptez les nautes du Christ, ce ne sont pas deux natures seulement, mais trois, que vous devez trouver en lui. En effet, la seule nature humaine comprend elle-même deux natures distinctes, quoique substantiellement unies, à savoir l’âme et le corps. Nous devons, donc affirmer qu’il y a dans le Christ trois natures : la divinité, l’âme humaine et le corps humain. " A cette chicane Jean fait plusieurs réponses, et d’abord une réponse ad hominem : Si, en vertu de l’objection, les catholiques doivent dire : " trois natures dans le Christ ", les jacobites devront aussi modifier leur formule, et dire : " Le Christ est, non de deux natures, ?? ??? ??????, mais de trois natures. " La [col.732 fin / col.733 début] vraie réponse est celle-ci : " Sans doute, l’âme et le corps diffèrent par leur espèce et concilient deux natures distinctes, qu’il est impossible de confondre. On dit cependant " une seule nature humaine ", en tant que l’humanité constitue une espèce unique qui est réalisée en plusieurs individus. S’il y avait plusieurs Christs, plusieurs individus possédant à la fois la nature divine et la nature humaine, on pourrait imaginer l’espèce qui s’appellerait ?????????, r?alisée dans chaque Christ. On aurait alors une seule nature composée à la fois de la divinité et de l’humanité ; et dans cette hypothèse, les hérétiques auraient le droit de dire : " une seule nature du Christ, ???????? ”, comme on dit : " une seule nature de l’homme. " Mais il n’y a qu’un seul Christ, et la ????????? est une pure fiction. Il faut donc dire : “ Deux natures du Christ, " et non : " une seule ou trois. " De fide orth., l. III, 3, 16, col. 992-993, 1064-1068 ; Contra jacobitas, 54-57, col. 1464-1468 ; De natura compos., 7, t. XCV, col. 120-121.

Tout en voyant dans l’union de l’âme et du corps une sorte d’union hypostatique, notre docteur n’ignore pas qu’il y a de sensibles différences entre cette union hypostatique de l’Incarnation ; car la nature divine reste absolument immuable et impassible dans l’union : ce qu’on ne saurait affirmer de l’âme humaine unie à son corps. Contra jacobitas, 57, col. 1465 cd.

Après l’Incarnation, l’hypostase du Verbe est dite composée, ????????? ????????, non ?videmment en elle-même, puisqu’elle est absolument simple ; mais parce qu’elle subsiste dans une nouvelle nature, et joue désormais un double rôle, supportant dans l’être la nature humaine prise de la Vierge. De fide orth., l. III, 3, col. 993 b c ; De nat. comp., 9, t. XCV, col. 124. Par l’union hypostatique, le verbe acquiert le nom de Christ. Ce nom indique l’hypostase du Verbe en tant qu’il possède les deux natures. Il Verbe s’est oint lui-même, et l’onction de l’humanité c’est la divinité. De fide orth., l. III, 3, l. IV, 5, col. 989, 1111-1112.

Aux hérétiques qui demandent si la personne du Christ est créée ou incréée, Jean répond : " L’unique hypostase du Verbe incarnée est incréée en raison de la divinité et créée en raison de l’humanité, car nous sommes forcés d’éviter deux écueils : diviser l’unique Christ ou nier la différence des natures. " Ibid., l. IV, 5, col. 1109-1112.

3. Résultats de l’union hypostatique. ? Une premi?re conséquence de l’union hypostatique est que Jésus-Christ est vraiment Dieu, et que Marie, sa Mère, est vraiment Mère de Dieu, ????????. Jean d?montre la divinité de Jésus contre les nestoriens par l’Ecriture sainte et le concile de Nicée. Adversus nestorianos, tout le traité. Il consacre deux chapitres de la Foi orthodoxe, l. III, 12 et l. IV, 7, à expliquer la maternité divine de Marie contre les mêmes hérétiques. Le mot de ????????, ? lui seul, établit et fait connaître tout le mystère de l’Incarnation, col. 1029 c. La génération, ????????, se rapporte à la personne et no à la nature. C’est l’hypostase qui est engendrée, col. 1113, c d.

Si Jésus-Christ est Dieu, on ne peut l’appeler serviteur, ??????. Ce mot porte sur la personne. La nature humaine elle-m?me, considérée comme unie au Verbe, ne saurait être dite servante, ?????. Si J?sus est quelquefois appelé serviteur, c’est par pure dénomination, extrinsèque, ????????????, parce qu’il a pris la forme du serviteur. Op. cit., l. III, 21, col. 1085.

Si Jésus-Christ a prié, ce n’est point qu’il eût besoin de le faire pour lui-même, car le Christ est un ; mais en prenant extérieurement l’attitude de l’orant, il a voulu nous donner l’exemple, il s’est mis à notre place et a joué notre rôle. Il voulait par là aussi honorer le [col.733 fin / col.734 début] Père comme son principe, et montrer qu’il ne se posait pas en rival de Dieu. Ibid., l. III, 24, col. 1089-1093, Homil. in Transfig., 10, t. XCVI, col. 561.

Ce n’est pas seulement en priant que Jésus-Christ a revêtu notre personnage ; c’est aussi en d’autres circonstances ; car il faut distinguer une double appropriation, ?????????, ? savoir une appropriation physique et substantielle, par laquelle il s’est approprié tout ce qui constitue notre nature ; et une appropriation extérieure et relative, prosopique, ????????? ???????? ??? ???????, par laquelle il agissait parfois en notre nom, et se mettait ? notre place, pour nous instruire et nous donner l’exemple. De fide orth., l. III, 25, col. 1093. Beaucoup de paroles que le Sauveur a prononcées dans l’Evangile doivent s’entendre de cette appropriation prosopique. Voir des exemples. De fide orth., l. III, 24, col. 1092-1093 ; l. IV, 18, col. 1185-1189. Ainsi le Deus meus, quare dereliquisti me rentre dans la catégorie des ????????? ??????????.

Par le fait de l’union hypostatique, la nature humaine a été en quelque sorte déifiée, non qu’elle ait perdu son essence propre ou ses propriétés pour être transformée en la divinité, mais en ce sens qu’elle est devenue l’instrument d’opérations divines, ??? ????? ???????? ??? ??????? ????????????? ????????? ; comme le fer rougi au feu br?le non par sa nature propre mais en vertu de son union avec le feu. Op. cit., l. III, 17, col. 1068-1072.

Unie à la personne du Verbe, l’humanité participe à l’adoration dont le Verbe est l’objet. Nous ne l’adorons pas en elle-même et séparément, mais à cause du Verbe et en lui, ???????? ??? ?? ??? ????????????. Ce n’est pas la chair que nous adorons, mais la chair de Dieu. Ibid., l. III, 8 ; l. IV, 2, col. 1013 c, 1033. Cf. De imag., I, 4, col. 1236 c.

L’union hypostatique, par définition même, laisse subsister dans leur intégrité avec toutes leurs propriétés respectives, les natures unies. C’est pour cela que le monénergisme et le monothélisme sont des hérésies réfutées par le bon sens et la plus simple philosophie. Si nous posons deux natures distinctes, nous devons admettre aussi deux séries d’opérations distinctes, deux volontés physiques (facultés et actes) distinctes ; car l’opération, la volonté, sont choses de la nature, non de la personne. En Dieu même nous voyons l’opération et la volonté suivre l’unité de la nature et ne pas se multiplier suivant les hypostases. Jean Damascène, après saint Maxime, démontre cela tout au long dans le De fide orth., l. III, 13-18, et dans le traité De duabus voluntatibus. Il s’attache spécialement à prouver l’existence de la liberté humaine du Christ, De fide orth., l. III, 18, col. 1071-1078, et pénètre fort avant dans ce qu’on peut appeler la psychologie de l’Homme-Dieu. Pour saisir le développement de sa pensée, il faut se reporter à ce que nous avons dit plus haut, col. 713, sur sa terminologie de l’opération et du vouloir. Jean refuse à la nature et à la volonté humaine du Christ tous les termes strictement personnels. La volonté humaine de Jésus, tout en étant très libre, tout en obéissant très librement à la volonté divine, n’avait pas par elle-même et sans la permission du Verbe, la détermination, l’approbation et le choix de la chose voulue, ?? ??? ??????, ?? ?????? ????????, ?? ?????? ????????????. Il n’y a qu’un seul voulant, ??????. Mais il va sans dire que la volont? divine prime la volonté humaine sans l’annihiler ni la violenter : c’est à elle que l’??????? appartient, ??? ??? ???????????? ??? ??? ?????????, ??? ??????? ? ???? ??? ??????? ????????? ???????????. ????????? ?? ??? ?????? ?? ?????????, ??? ????? ???????, ? ? ???? ???????? ????????. De fide orth., l. III, 6, col. 1005 b. " Par un mouvement libre, l’âme du Seigneur voulait librement ce que sa [col.734 fin / col.735 début] volonté divine voulait qu’elle voulût. " Ibid., l. III, 18, col. 1076 c, 14, col. 1036-1037 ; De duabus volunt., 26-27, 39-43, t. XCV, col. 157-160, 177-184.

Au reste, de même qu’il y a une compénétration sans confusion des deux natures, ???????????, de m?me il y a une union et compénétration intime de leurs activités. Celles-ci restent sans doute bien distinctes mais l’une ne se manifeste pas sans l’autre. Jean répète à plusieurs reprises la phrase de saint Léon dans la Lettre à Flavien : A git utroque forma cum alterius communione quod proprium est. " Le Christ ne faisait pas les opérations humaines d’une manière purement humaine ; car il n’était pas un pur homme. Il n’opérait pas non plus les choses divines en Dieu seulement, mais il était à la foi Dieu et homme, ???? ?? ????????? ?????????? ?????????, ???? ?? ???? ???? ???? ?????. De fide orth., l. III, 19, col. 1080. La divinité opérait les miracles, mais l’humanité était son instrument. L’humanité souffrait sur la croix, mais la divinité qui lui était unie, rendait ses souffrances salutaires. L’humanité, du reste, reçoit plus qu’elle ne donne. Alors qu’elle n’est qu’un simple instrument pour la divinité, celle-ci la fait entrer en participation de ses prérogatives. Ibid., l. III, 15, col. 1057-1060, De duabus volunt., 42-43, t. XCV, col. 181-184. C’est cette compénétration des deux activités que Denys l’Aréopagite a voulu exprimer quand il a parlé d’opération théandrique, ????? ??? ????????? ????????. L’expression fait songer ? la fois à l’unité de la personne et à l’unité des deux activités. De fide orth., l. III, 91, col. 1077-1081. Bel exemple, pour le dire en passant, d’interprétation orthodoxe d’un terme fort douteux dans ses origines.

Une union si intime des deux natures dans l’unité de personne entraîne la communication réciproque des propriétés sur tous les termes qui peuvent indiquer la personne, que ces termes visent directement la divinité ou qu’ils visent l’humanité ; car le même est à la fois Dieu et homme. Dans son chapitre sur cette communication des idiomes, ???? ??? ?????? ???? ????????, De fide orth., l. III, 4, col. 997-1000, Jean s’exprime d’une manière très claire sur la valeur des termes concrets et abstraits. Rien d’aussi précis n’avait encore été écrit sur la question. Dans le De fide orth., l. IV, 18, col. 1181-1192, passage qui a dû être ajouté après coup, notre docteur s’est donné la peine de classer les diverses manières dont l’Ecriture sainte parle de Jésus-Christ, où dont Jésus-Christ a parlé de lui-même. Il s’y trouve plusieurs indications intéressantes pour le théologien et l’exégète.

4. La science humaine de Jésus-Christ. ? Sur la science de l’?me du Sauveur, Jean a une doctrine très ferme et très nette. Dès le premier instant de la conception dans le sein virginal, cette science a été parfaite, et n’a pas réellement progressé. Le progrès n’a été que dans la manifestation extérieure. Jésus homme a eu la connaissance de toutes les choses futures. Il a été parfait, dès le premier instant, à la fois dans la sagesse divine et dans la sagesse humaine, ??????? ?? ????????? ??? ???? ????? ?? ????? ????????? ???????. Connaissant tout, il n’a pas eu à faire de pénibles efforts pour délibérer sur le parti à prendre. C’est pour cela, qu’il n’y a eu en lui ni ?????, ni ?????, ni ??????????. (Voir plus haut, col.713, le sens de ces mots.) La raison de cette science parfaite n’est autre que l’union hypostatique. Le Verbe a enrichi son humanité de toute sagesse et toute grâce, et ces trésors sont pour elle des biens de nature et non des faveurs surajoutées, ????? ??? ?????? ????? ?? ?????? ???? ??? ??? ????????????? ??????. Ceux qui pensent autrement ne peuvent être que des disciples de Nestorius. De fide orth., l. II, 22 ; III, 14, 21, 22, col. 948 a, 1044-1048, 1084-1088 ; De duabus vol., 28, t. XCV, col. 177. [col.735 fin / col.736 début]

L’âme du Sauveur jouit-elle, dès ici-bas de la vision béatifique ? Léonce de Byzance l’avait affirmé expressément. Cf. M. Jugie, La béatitude et la science parfaite de Jésus viateur d’après Léonce de Byzance et quelques autres théologiens byzantins, dans la Revue des sciences philosophiques et théologiques, t. X, (1921), p. 548-559. Saint Jean Damascène l’enseigne aussi, de manière équivalente, non seulement quand il déclare que Jésus comme homme fut parfait dans la science divine, dès le premier instant de la conception virginale, mais aussi quand il nous dit que, dès le moment, sa chair, c’est-à-dire son humanité entière, fur glorifiée, et que l’éclat même, la gloire qui jaillit de son corps, lors de la transfiguration ne fut que la manifestation extérieure d’une prérogative possédée dès l’origine, ????????? ? ???? ??? ?? ?? ??? ?? ????? ??? ?? ????? ????????, ??? ? ??? ???????? ???? ??? ???? ??? ???? ??? ???????. . . . ???????? ?? ???? ?? ? ???? ???????? ??? ????? ????? ?????????. Homil. in Transfig., 12, t. XCVI, col. 564. Cf. De fide orth., l. IV, 18, col. 1188 b c. Ces textes ne paraissent pas avoir été remarqués jusqu’ici par les théologiens.

5. Les passions de l’âme et la corruptibilité du corps. ? J?sus-Christ a pris toutes les passions naturelles et irrépréhensibles de l’homme, ?? ????? ??? ????????? ????, c’est-à-dire celles qui ne dépendent pas de nous, ?? ??? ???????, et qui ont fait irruption dans la vie humaine comme ch?timent de la transgression, telles que la faim, la soif, la fatigue, le travail, les larmes, la corruption la fuite de la mort, la crainte et l’angoisse ??????. Par corruption, ?????, il faut entendre, outre la souffrance physique et la mort, les fonctions de la vie v?gétative et animales, auxquelles le corps du Sauveur était soumis, tout comme le nôtre : alimentation et tout ce qui s’en suit, flux vital, humeurs. Parmi les fonctions de la vie végétative, Jean exclut comme inutile en Jésus-Christ la fonction génératrice, ?? ??????????? ??? ??????????. Quant ? la mort, le Sauveur l’a subie, amis son corps ne pouvait être sujet à la dissolution totale, ????????, car cela ne convenait pas ? sa dignité. De fide orth., l. III, 20, 26, 27, 28, col. 1081, 1093-1100 ; De duabus volunt., 36, 37, t. XCV, col. 173-176.

Parmi les passions proprement dites dont l’âme du Sauveur a connu les mouvements, notre docteur signale la colère, ?????, la tristesse, ????, l’ennui, ????????, la crainte et l’angoisse, ??????, ?????, ??????, non en tant que ces passions sont caus?es par l’appréhension de l’inconnu, mais en tant que ce sont des mouvements instinctifs de l’âme devant un mal imminent ou prévu avec certitude. De fide orth., l. III, 1088-1089 ; De duabus volunt., 37, col. 176-177. Ces passions naturelles, du reste, étaient volontaires, c’est-à-dire sous la pleine domination de la volonté humaine et de la volonté divine. Elles ne prévenaient jamais l’usage de la raison. De fide orth., l. III, 20, col. 1084. Le Sauveur a absolument ignoré les poussées de la concupiscence désordonnée ; et s’il a été tenté, la tentation a été pour lui toute extérieure. Ibid., col. 1081.

12° Sotériologie. ? Sur le myst?re de la rédemption saint Jean Damascène n’a point de thèse développée mais de simples affirmations éparses çà et là, qui ne présentent rien de bien original.

Pour détruire le règne du péché et de la mort, et de ramener l’humanité au bien-être primitif, il fallait un rédempteur sans péché, exempt par là-même de la dette commune, et montrant aux hommes, par l’exemple d’une vie sainte, la voie du salut. De fide orth., l. III, 1, col. 981. L’homme était par lui-même impuissant à se relever. In ficum aref., 1, t. XCVI, col. 576. Par ailleurs, Dieu, qui par sa toute puissance aurait pu nous arracher à la tyrannie du démon, a voulu sauvegarder avec le tyran les règles d’une stricte [col.736 fin / col.737 début] justice. Il a voulu que la nature vaincue triomphât elle-même de son ennemi. Or plan supposé, l’Incarnation du Fils de Dieu, sa passion et sa mort devenaient nécessaires. Le démon et la mort, en s’attaquant à un innocent ont perdu leurs droits sur les coupables. De fide orth., l. III, I, 18, 37, col. 964, 1072, 1089-1097.

Le rôle du Christ rédempteur a été double : Jésus a été à la fois victime et modèle. Victime, et en même temps prêtre de son propre sacrifice, il a offert sur la croix le sacrifice expiatoire qui a payé notre dette : " Nous avons été vraiment délivrés à partir du moment où le Fils de Dieu, Dieu lui-même, a souffert dans la chair qu’il avait prise et a payé notre dette, versant pour nous une rançon adéquate et admirable, c’est-à-dire son propre sang, qui a apaisé le Père. " De imag., I, 21, col. 1253 b. Le sacrifice de la croix a été, en effet, un vrai sacrifice, offert au Père céleste et non au démon. De fide orth., l. III, 27, col. 1096 c. Cf. Homil. in sabbat. sanct., 25, 36, t. XCVI, col. 624 c, 640 d. Le sacrifice de la croix, a été, en effet, un vrai sacrifice, offert au Père céleste et non au démon. De fide orth., l. III, 27, col. 1096 c. Cf. Homil. in sabb. sanct., 25, 36, t. XCVI, col. 624 c, 640 d. Les bienfaits de ce sacrifice se sont répandus à la fois sur les vivants et sur les morts. Après la mort sur la croix, en effet, l’âme déifiée du Sauveur est descendue au séjour des morts, et à ceux qui, sous la terre, étaient assis à l’ombre de la mort, a prêché la rémission et la délivrance. Sur le mode et le résultat de cette prédication aux enfers, notre docteur reste dans le vague. Il se contente de dire que, de même que sur la terre, l’annonce de l’Evangile a été pour les croyants la cause du salut éternel, et pour les incrédules la preuve de leur infidélité, de même la prédication aux enfers a produit des résultats analogues pour ceux qui y étaient détenus. Les âmes fidèles enchaînées dès l’origine dans ce séjour ténébreux furent délivrées. De fide orth., l. III, 29, col. 1101 ; De imag., I, 21, col. 1253 b. Les bienfaits de la mort rédemptrice pour les vivants sont énumérés, De fide orth., l. IV, 4, et 11, col. 1108-1109, 1128-1129.

Jean n’oublie pas de signaler le rôle parénétique et pédagogique de la vie sainte du Christ. Jésus s’offre à nous comme l’idéal de toute vertu et de toute sainteté. Il ne fallait rien moins qu’un tel modèle pour nous tirer de notre torpeur et nous engager dans les combats contre le péché et le démon. De fide orth., l. III, 1, l. IV, 4, 13, col. 984, 1108, 1109, 1137 c ; Homil. in ficum aref., 1, 2, t. XCVI, col. 576-580.

13° Mariologie. ? A l’?poque où paraît saint Jean Damascène, la doctrine mariologique des byzantins a atteint son plein développement. Les siècles suivants ne feront guère qu’ajouter quelques précisions à l’enseignement déjà universellement reçu. De cet enseignement notre docteur est l’écho fidèle ; mais il faut dire, à sa louange, qu’il se montre beaucoup plus discret et plus réservé dans l’emploi des sources apocryphes, que plusieurs de ses prédécesseurs et que la plupart de ces prédécesseurs. Il consacre à la généalogie et à la vie de Marie tout un chapitre du De fide orth., l. IV, 14. Il revient sur le même sujet dans la première homélie sur la Dormition, 5-7, t. XCVI, col. 708-709. Il connaît sans doute les apocryphes et les utilise sans scrupule mais, avec un sens assez juste de la critique, il a soin d’écarter tout ce qui paraît trop invraisemblable. C’est ainsi qu’il admet la légende de la présentation de Marie enfant au temple, il ne fait pas introduire la Vierge dans le Saint des Saints. En parlant de la Dormition, il raconte à sa manière les derniers moments et la sépulture de Marie, et présente ce qu’il a dit comme de pieuses conjectures. Homil. II in Dormit., 9, col. 736 a.

Pour tout ce qui touche au dogme, son enseignement est irréprochable. Nous avons déjà parlé plus haut, col. 733, de la maternité divine, qui se présente comme un corollaire de l’union hypostatique. La virginité [col.737 fin / col.738 début] perpétuelle est affirmée. De fide orth., l. IV, 14, col. 1161. Inutile de répéter ici ce que nous avons déjà dit de la doctrine de Jean sur la conception immaculée et la sainteté perpétuelle de la Mère de Dieu. Voir article : IMMACULEE CONCEPTION DANS L’EGLISE GRECQUE, t. VII, col.920-921. Ajoutons seulement ces deux passages : 1. La Vierge est déclarée l’adversaire de la fornication originelle, Homil. in Nativ., 8, t. XCVI, col. 673 b. 2. ? 2. Elle est salu?e comme la beauté et l’ornement de la nature humaine, ibid., 7, col. 672 b ; la gloire de toute la création, Homil. I in Dormit., 2, t. XLVI, col. 701 c. Notre docteur abandonne complètement la vieille exégèse origéniste, qui entendait d’une sorte de doute sur la divinité de Jésus, le glaive qui transperça le cœur de la Vierge-Mère, au moment de la Passion. Ce glaive n’est pour lui que le symbole de la compassion douloureuse de la mère voyant son Fils, qu’elle savait être Dieu, traité comme un scélérat. De fide orth., l. IV, 14, col. 1161 c d.

Marie est morte pour ressembler à Jésus, qui, lui aussi, a voulu payer cette dette paternelle. Homil. I in Dormit., 10, col. 713 d ; Homil. II, in Dormit., 3, col. 728 c. Son trépas a été exempt de douleur, car en elle l’aiguillon de la mort, le péché, était mortifié. Homil. II in Dormit., ibid. Comme celui de Jésus, son corps a ignoré la dissolution, ????????? ?? ???? ??????????, Homil. I in Dormit., 10, col. 716 b, et a été réuni à son âme, le troisième jour, pour la vie incorruptible et éternelle. Ce privilège lui était dû comme mère de la Vie et comme nouvelle Eve. Homil. II in Dormit., 2-3, 8, 14, 17, col. 725-728, 733 c, 741 a, 745 b ; Homil. II in Dormit., 3, col. 757 b c. C’est à Jérusalem, sur le mont Sion, où elle avait sa maison, que Marie est morte. Homil. II in Dormit., 4, col. 729.

Au ciel, où elle siège à côté de son Fils, au-dessus des chérubins et des séraphins, Marie partage la royauté de Jésus sur toute créature. Jean la salue comme la maîtresse de toutes les créatures, ???? ????? ??? ?????? ?????? ??? ??????????, ??? ??????? ????????. De fide orth., l. IV, 14, col. 1161 a ; De imag., I, 21, col. 1252 d. Cf. Homil. II in Dormit., 12, col. 720 a ; ? ???????, ? ?????, ? ????????. Il proclame aussi sa m?diation universelle et sa maternité de grâce. A l’exemple des autres orateurs byzantins, il lui attribue tous les bienfaits de la rédemption, en ce sens au moins que c’est par elle, grâce à sa libre coopération au plan divin, que nous avons eu le Rédempteur. Voir en particulier Homil. II in Dormit., 8, col. 733 c d. Elle est l’espérance des chrétiens, notre protectrice, notre réconciliatrice auprès de son Fils, le gage assuré du salut. In Nativit., 11-12, col. 680. Qui doute qu’elle soit pour tous la source de la bénédiction et de tous les biens ?

14° Culte des saints, des reliques et des images. ? Jean parle avec éloquence du culte qui est rendu aux saints dans l’Eglise catholique. Le culte qui s’adresse à une créature est motivé par une relation, un rapport de cette créature avec Dieu ; ?????? ??? ?????????? ?? ??? ?? ?? ???? ?? ????? ???, ???? ?? ??????? ????????? ??? ??? ??????. De imag., III, 40, col. 1356 c. Ce principe général s’applique à la fois au culte des saints et de leurs reliques, et au culte des images en général. Nous vénérons les saints, à cause de Dieu, parce qu’ils sont ses serviteurs, ses enfants et ses héritiers, des dieux par participation, les mais du Christ, les temples vivants du Saint-Esprit. Cet honneur rejaillit sur Dieu lui-même, qui se considère comme honoré dans ses fidèles serviteurs, et nous comble de ses bienfaits. les saints sont, en effet, les patrons du genre humain, ????????? ??? ?????? ??????. Il faut bien se garder de les mettre au nombre des morts. Ils sont toujours vivants, et leurs corps m?mes, leurs reliques méritent aussi notre culte. [col.738 fin / col.739 début] Telles sont les idées que notre docteur développe, De fide orth., l. IV, 15, col. 1165-1168, et en plusieurs endroits des discours sur les images, voir spécialement De imag. III, 33, col. 1352-1353.

En dehors des corps des saints, méritent aussi notre culte, mais culte relatif, qui remonte à Jésus-Christ ou à ses saints, toutes les autres reliques et choses saintes, qu’il s’agisse de la vraie croix et des autres instruments de la Passion ou des objets et lieux consacrés par la présence ou le contact de Jésus-Christ, de la Sainte-Vierge et des saints. De fide orth., l. IV, 11, col. 1129-1132 ; De imag., I, col. 1264 ; III, 34-35, col. 1353.

C’est surtout à légitimer le culte des images proprement dites contre les attaques des iconoclastes, que Jean a employé les ressources de sa science théologique. Sa doctrine sur ce point est développée dans les trois discours sur les images, et résumée dans De fide orth., l. IV, 16, col. 1168-1176. Voir aussi, à la fin du troisième discours, avant les témoignages de la tradition, un résumé sous forme scolastique, avec multiples divisions et subdivisions, col. 1336-1356. Toute la démonstration vise à établir ces trois points : l’iconographie religieuse est fondée en raison ; le culte rendu aux images saintes est licite du point de vue théologique ; ce culte offre de multiples avantages.

Notre docteur concède aux iconoclastes qu’on ne saurait faire une image de Dieu tel qu’il est en lui-même dans sa nature invisible, incorporelle, incirconscrite, infinie. Cette représentation serait une représentation menteuse, et n’aurait aucun fondement dans la réalité. Ce principe est admis comme indiscutable non seulement par Jean Damascène mais par tous les théologiens byzantins qui ont pris la défense des images. Saint Jean a même des mots très durs pour ceux tenteraient représenter la divinité en elle-même. Ce serait, dit-il, le comble de la démence et de l’impiété. De fide orth., loc. cit., col. 1169 c. Cf. De imag., I, 4, col. 1236 ; II, 7, 11, col. 1289 b, 1293 b, III, 4, 9, col. 1321 d, 1332 d. On n’a jamais connu, en Occident, une telle sévérité. Jean semble, du reste, l’atténuer, quand il avoue que l’Ecriture renferme des figures et des images de Dieu. De imag., III, 25, col. 1345 a. Mais si le Dieu invisible et incirconscrit ne peut pas être représenté, qui empêche de faire des images du Dieu fait homme, de la Vierge sa mère, des saints ? Les anges eux-mêmes et l’âme humaine, non seulement parce qu’ils ont apparu sous des formes visibles, mais encore et surtout parce qu’ils sont circonscrits et finis dans le déploiement de leur énergie, sont susceptibles d’être décrits, dessinés. De imag., I, 4, 16, 19, col. 1236, 1245, 1249 ; III, 6, 24, 25, col. 1234, 1344-1345. L’iconographie religieuse a donc un fondement dans la réalité des choses.

Contrairement à ce qu’affirment les iconoclastes, cette iconographie n’est point interdite par l’Ecriture sainte. L’Ancien Testament ne défend que les idoles, et autorise de multiples représentations et images. D’ailleurs nous ne sommes plus sous la Loi ; nous sommes parvenus à l’âge mûr du Christ. En se rendant visible, Dieu nous a en quelque sorte invités à faire son image visible. N’est-il pas le premier à avoir fait des images ? Il a engendré de toute éternité son Verbe, parfaite image de sa substance. Il a fait l’homme à son image et à sa ressemblance. Il porte ne lui-même les images, les idées, de toutes choses. Il a voulu que l’Ancien Testament fût la figure, l’image du Nouveau. S’il est permis de faire des images, il est aussi permis de leur rendre un certain culte. Ce qui le prouve, c’est la tradition de l’Eglise catholique, règle de foi pour le chrétien. Si les iconoclastes ont raison, l’Eglise de Dieu s’est trompée jusqu’ici. Cet argument seul suffit à condamner la nouvelle hérésie. Et qu’on ne dise pas que Dieu seul doit être l’objet [col.739 fin /col. 740 début] de notre culte, et que ‘est une espèce d’idolâtrie que d’y faire participer une vile matière. Le respect et la vénération dont nous entourons l’image ne s’adresse point à l’image en tant qu’elle est simple matière, mais en tant qu’elle est image, c’est-à-dire représente le prototype ; et ce respect même, ???????????, ne s’arr?te pas à l’image, mais elle arrive jusqu’au prototype, suivant le principe proclamé par saint Basile : ? ??? ??????? ???? ???? ??? ?????????? ?????????. En d’autres termes, ce culte est un culte relatif. Est-il permis de rendre un culte ? Notre-Seigneur, à la sainte Vierge, aux saints ? Si oui, il est aussi permis de rendre un culte à leurs images : " Ou supprime les fêtes des saints, dit Jean à Léon l’Isaurien, ou permets-nous de vénérer leurs images. " De imag., I, 21, col. 1253 a. Et notre théologien explique avec beaucoup de clarté que, si tout culte, en définitive, se réfère à Dieu, il y a plusieurs sortes de culte, parce que le devin se trouve dans les créatures à des degrés divers. Il y a un culte, un respect suprême, qui n’est dû qu’à Dieu, auteur et souverain Seigneur de toutes choses : c’est l’adoration proprement dite, ? ???????, ? ??????????? ???? ???????? ; mais au-dessous de ce culte supr?me, il y a les divers témoignages d’honneur, de respect et de vénération qui sont donnés à des créatures à cause de quelque excellence qui est en elles ; c’est la simple ???????????, la ??????????? ????????, qui s’adresse soit aux personnes saintes, soit aux diverses reliques, soit aux choses consacrées au culte divin, soit aux types des choses futures, soit à ceux qui sont revêtus de quelque dignité, soit même à tout homme qui mérite respect en tant qu’il est à l’image de Dieu, c’est dans cette sorte de culte que rentre naturellement le respect témoigné aux images religieuses. De imag., III, 27-40, col. 1348-1356.

Licite, le culte des images présente pour les fidèles de multiples avantages. L’image est d’abord le livre des ignorants. De imag., I, 17, col. 1248 c. C’est un mémorial qui nous rappelle le souvenir de Dieu, de ses mystères, de ses bienfaits, ibid., 18, col. 1249 a. C’est une exhortation muette à imiter l’exemple des saints, ibid., 21, col. 1252-1253. C’est enfin un canal des bienfaits divins ; car l’image est comme l’intermédiaire par lequel Dieu distribue ses dons. Elle participe, en quelque sorte, à la puissance bienfaisante du prototype ; et l’on peut dire que la grâce divine, l’opération divine réside en elle, comme elle réside dans les saintes reliques, ????? ??????? ???? ???? ????? ??? ??? ????????????? ???????????. De imag., I, col. 1264 b. Cf. ibid., 16 : ??? ???? ????, ?? ????? ????????? ??? ??????? ???????, col. 1245 b. " De leur vivant, les saints étaient remplis du Saint-Esprit, et, après leur mort, la grâce du Saint-Esprit ne s’éloigne pas de leurs âmes, ni de leurs corps dans leurs tombeaux, ni de leurs saintes images, non qu’elle y réside substantiellement, mais parce qu’elle y opère des bienfaits. " De imag., I, 19, col. 1249 c d. Cf. II, 14, col. 1300 b ; III, 34, col. 1353 b. Homil. II in Dormit., 17, t. XCVI, col. 745 b. Cette conception n’est pas particulière à Jean Damascène. Elle a été adoptée par la théologie byzantine. Ce serait l’outrer que de l’assimiler à la causalité sacramentelle, et l’on peut en donner une bonne interprétation, bien qu’à première vue elle paraisse s’opposer à l’enseignement du concile de Trente, qui nous défend d’honorer les images, " à cause de quelque divinité ou vertu qui serait en elle ", non quod credatur inesse aliqua in iis divinitas vel virtus, propter quam sint colendæ. Concil. Trident., sess. XXV, Denzinger-Bannwart, n. 986. Ce que les Byzantins, veulent dire, au fond, c’est que Dieu récompense souvent par des bienfaits miraculeux le culte rendu à lui-même ou aux saints par l’intermédiaire des images ou des reliques. [col. 740 fin / col.741 début]

15° La grâce. Nécessité des bonnes œuvres. ?Nous avons d?jà fait allusion plus haut, col.728 à la doctrine de Jean sur la grâce actuelle, et la manière dont son action se concilie avec la liberté humaine. Résumons ici brièvement tout son enseignement sur cette importante question, car les théologiens latins ont une tendance à soupçonner les Grecs de pélagianisme. Le Damascène ne mérite aucunement d’être enveloppé dans cette suspicion.

Il affirme d’abord en termes généraux la nécessité absolue de la grâce pour opérer le bien et parvenir au salut. Le salut ne vient pas des hommes, et la vertu par laquelle on y parvient, ne tire pas son origine des forces humaines. Homil. in ficum aref., 3, t. XCVI, col. 581 c. Sans Dieu, nous ne pouvons faire ni avoir aucun bien, De imag., III, 31, t. XCIV, col. 1349 c. Sans son secours, nous ne pouvons pas connaître la vérité surnaturelle, ????? ??? ????????? ??? ???? ???????? ??????? ??????, ??? ??? ?????? ??? ???? ?????, ?? ??? ???????? ???? ??????. Dialect., 1, col. 532 a. Cf. De fide orth., l. IV, 17, col. 1176 c. La grâce divine nous est, en particulier, nécessaire pour triompher de la concupiscence charnelle. " Dieu donne à la loi de notre esprit, force contre la loi qui est dans nos membres. Cette force, nous l’obtenons par la prière ; mais c’est le Saint-Esprit lui-même qui nous apprend à prier. Sans la patience et la prière ? qui sont en nous l’œuvre de la grâce ? il est impossible d’accomplir les commandements du Seigneur, ???????? ?? ?? ??????????? ??? ???????? ??? ??????? ??? ?????? ?????????????. De fide orth., l. IV, 22, col. 1200-1201. En un autre endroit, notre docteur répète la même doctrine, en disant que les deux grands moyens de salut que nous avons à notre disposition sont de nous faire violence par amour et de prier avec humilité, en fuyant les occasions du péché. Contra manichæos, 86, col. 1584.

Le plus souvent il insiste sur la nécessité de la grâce concomitante pour opérer l’œuvre salutaire. Celle-ci résulte à la fois de notre libre choix et coopération, et du concours divin. Même avant la chute, Adama avait besoin de la grâce divine pour progresser dans le bien. De fide orth., l. II, 12, col. 924 a. A plus forte raison en est-il ainsi pour nous. Se proposer le bien ou le mal dépend de notre libre arbitre ; mais à ceux qui avec une conscience bonne ? (Jean ne dit pas, mais sous-entend ici qu’à la bonne conscience elle-même la grâce divine n’est pas étrangère) ? choisissent le bien, le concours de Dieu est nécessaire pour relaisser le bien choisi. Ibid., l. II, 29, col. 968 a. Cf. Laudat. S. Joan. Chrysostomi, 4, 5, t. XCVI, col. 765 d, 768 a b ; De imag., III, 33, col. 1352 b. " Etre dépend de à la fois de Dieu et de nous. Le rôle de Dieu est de nous donner à la fois l’être et le bien-être. Notre rôle, à nous, est de garder les biens que Dieu nous donne. Cela nous le faisons ou nous ne le faisons pas : ?? ??? ??? ?????, ??? ???????, ?????? ???? ????? ?? ?? ?????? ?????, ?? ???? ??? ?? ????. Contra manichæos, 70, col. 1569 a b.

Notre docteur enseigne aussi très clairement la nécessité de la grâce prévenante, mais cette grâce prévenante et sollicitante, il dépend de notre libre choix de l’accepter ou de la refuser. Dieu nous offre, nous donne même le ?? ?? ?????, le bien surnaturel, mais ce ?? ?? ????? d?pend pourtant de nous ; nous pouvons le perdre ou le refuser, ?? ??? ????? ??? ??????? ?????? ?? ?? ?? ????? ??????? ?????. Ibid., 72, col. 1752 a. La formule la plus complète de la doctrine sur la grâce actuelle est celle-ci : " Il faut savoir que la vertu fut donnée par Dieu dans la nature, et qu’il est lui-même le principe et la cause de tout bien. Sans son secours et sa coopération, il nous est impossible de vouloir ou de faire le bien. Mais il dépend de nous ou de rester dans la vertu et de suivre Dieu qui nous y sollicite ; [col.741 fin / col.742 début] ou de nous éloigner de la vertu, ce qui est se constituer dans le mal, et de suivre le diable, qui nous y provoque sans nous faire violence. " De fide orth., l. II, 30, col. 972-973. Cf. De duabus volunt., 19, t. XCV, col. 149 b. Cette formule est parfaite, et écarte tout pélagianisme. Seule l’existence d’une grâce efficace indépendamment du consentement libre de l’homme est ignorée. Notre part, du reste, dans l’œuvre bonne, n’empêche pas qu’elle ne doive être rapportée toute entière à Dieu, ?? ??? ???? ??????? ??? ?????????? ??????? ??? ???? ?? ??? ???? ???????, De octo spiritibus nequitiæ, t. XCV, col. 84 a.

Jean proclame la nécessité des bonnes œuvres pour le salut. Une fois justifiés et régénérés par le baptême, nous devons nous préserver des œuvres mauvaises. La foi sans les bonnes œuvres est une foi morte ; de même, les œuvres sans la foi sont mortes. La foi véritable se reconnaît aux œuvres. De fide orth., l. IV, 9, col. 1121 c. Cf. Homil. in ficum aref., 6, t. XCVI, col. 585-588. Au demeurant, c’est à la foi qu’il faut accorder la primauté, Laudatio Joannis Chrysost., 5, t. XCVI, col. 768 b. Cf. Comment in epist. ad Philipp, IV, 8, t. XCV, col. 880.

Rien de bien saillant dans les écrits de notre docteur sur la grâce sanctifiante ou habituelle. Il répète les expressions scripturaires et patristiques sur notre adoption divine. Nous recevons par le baptême les prémices du Saint-Esprit, et la régénération est pour nous le principe d’une vie nouvelle. De fide orth., l. IV, 9, col. 1121 c. Par le même baptême nous devenons fils de Dieu par adoption et grâce. Ibid., l. IV, 8, col. 1117 a. Nous sommes des dieux par participation, Dieu nous a faits participants de sa nature. De imag., III, 30, 32, col. 1349 c, 1352 a. C’est spécialement par la réception de l’eucharistie que nous devenons participants de la nature divine. Jean va jusqu’à dire que nous sommes supérieurs aux anges, à cause de cette participation, qui ne leur est pas accordée, ?? ???????? ???????, ???? ???????? ????? ???????? ?????? ????????????? ??? ???????, ???????? ?? ?????????, ??? ???????? ????? ?????? ????????, ???? ?????????????? ?? ???? ??? ??????? ?? ?????, ??? ??????? ?? ????. Ibid., 26, col. 1348. Ce passage, et ce qui suit ne laisse pas d’être obscur, et suggère nettement l’idée d’une infériorité des anges sous le rapport de la participation à la vie divine. l’adoption divine entraîne avec elle l’habitation de la Trinité dans l’âme et le droit à l’héritage céleste. Ibid., 26, 33, col. 1248, 1252. De fide orth., l. IV, 15, col. 1164.

16° Les sacrements. ? La doctrine de saint Jean Damascène sur les sacrements est fort incomplète, et ne représente que partiellement la tradition grecque antérieure. En dehors du baptême et de l’eucharistie, dont il s’occupe ex professo dans le De fide orthodoxa, on ne trouve que des allusions à la confirmation, qui est à peine distinguée du baptême, De fide orth., l. IV, 9, col. 1125 b ; De imag., I, col. 1264 b, à la pénitence, Libellus de recta sent., col. 1421 a, et à l’ordre. Silence complet sur le mariage et l’extrême-onction.

Pour ce qui regarde le traité des sacrements en général, il y a également peu de choses à glaner dans les écrits de notre docteur. En parlant du baptême et de l’eucharistie, il ébauche une définition du sacrement, signe sensible d’une grâce invisible, col. 1121 a, 1141-1144. Il distingue clairement, à propos du baptême ce que nous appelons la matière et la forme, ???????? ?????? ????? ? ??? ??????? ?????????, ????? ???? ???????????. In epist. ad Ephesios, V, 25, t. XCV, col. 849 d. Cf. De fide orth., l. IV, 10, col. 1120. On remarquera que les paroles sacramentelles du baptême sont désignées par le terme d’?????????. Le r?le des dispositions subjectives dans l’efficacité des sacre- [col.742 fin / col.743 début] ments est aussi marqué. " Par le baptême la rémission des péchés est également accordée à tous, mais la grâce du Saint-Esprit est donnée en proportion de la foi et de la purification qui a précédé. " De fide orth., l. IV, 9, col. 1121 c. On peut voir une allusion au caractère sacramentel de la confirmation dans ce passage du commentaire de l’épître aux Ephésiens, I, 13 : " Nous sommes unis au Christ par l’obéissance, et par la foi, qui s’ajoute à l’obéissance, et par l’empreinte qui s’ajoute à la foi et qui est une assimilation au Christ par la participation du Saint-Esprit, ??? ??? ??? ??? ?? ?????? ?????????? ?? ????? ???????? ???? ??????? ??? ??? ??? ????????? ??????????, t. XCV, col. 825 c. Cf. ibid., IV, 30 ; ?? ?????, ?????? ?? ????????? ????? ????, col. 845 b. Jean ne parle pas directement du caractère du baptême, à l’endroit où il enseigne que ce sacrement ne doit pas être réitéré. De fide orth., col. 1120. L’efficacité objective du sacrement indépendamment de la dignité du ministre est suffisamment indiquée dans ce passage du commentaire de la première épître aux Corinthiens, I, 13-15 : " Le baptême est chose grande, mais ce n’est pas celui qui baptise qui le fait grand ; c’est celui qui est invoqué, quand on l’administre. " T. XCV, col. 576 b.

Dans le chapitre sur le baptême, De fide orth., l. IV, 9, t. XCIV, col. 1117-1125, Jean enseigne que ce sacrement ne se donne qu’une fois, parce qu’il est le symbole de la mort du Seigneur. L’invocation des trois personnes divines, qui sont inséparables l’une de l’autre, est nécessaire, car c’est la Trinité qui donne et conserve aux baptisés leur être surnaturel. Les trois immersions symbolisent les trois jours de la sépulture du Christ. C’est parce que l’homme est double, composé d’une âme et d’un corps, qu’il y a aussi une double purification, celle qui se produit par l’eau, et celle qui est opérée par l’Esprit. Le baptême étai figuré par les multiples purifications de l’ancienne loi, et surtout par la circoncision, l. IV, 25, col. 1213-1215, qui est maintenant abolie. Pour recevoir le baptême, la foi au Christ, qui est inséparable de la foi en la Trinité, est exigée. Il y faut aussi le repentir préalable des péchés commis, ???????????. Le bapt?me nous donne une vie nouvelle et nous fait enfants adoptifs de Dieu. Il détruit en nous tout péché, à commencer par celui que nous tenons de notre naissance, ???? ?? ??? ???????? ??????, ???? ??? ????????, l. IV, 10, col. 1128 b. Il ne faut point retarder la réception du baptême. Celui qui voudra s’en approcher en rusant, en retirera plutôt condamnation qu’utilité. En terminant, notre auteur distingue jusqu’à huit sortes de baptêmes : le baptême du déluge, celui de la mer et de la nuée ; le bain ordonné par la Loi ; le baptême de Jean, introducteur de celui de Jésus-Christ et poussant les baptisés à la pénitence et à la foi au Christ ; le baptême du Seigneur ; le baptême laborieux par les larmes et la pénitence ; le baptême de sang ou martyre, dont le Christ lui-même a été baptisé pour nous ; enfin, le baptême du châtiment éternel, qui n’est pas salutaire, mais détruite le règne du vice et du péché . Saint Jean Baptiste fut baptisé, lorsqu’il posa sa main sur la tête du Seigneur, et aussi par son propre sang.

Le chapitre sur l’eucharistie, l. IV, 13, col. 1135-1154, est l’un des plus beaux et des plus pleins que le Damascène ait écrits. Après avoir exalté la bonté de Dieu à l’égard de l’humanité, il nous montre dans l’eucharistie le don suprême de l’amour divin, la nourriture vraiment appropriée des enfants de Dieu nés dans les eaux du saint baptême. C’est la veille de sa mort, au cénacle de la glorieuse Sion, après avoir mangé la Pâque légale et avoir lavé les pieds à ses disciples, ? ce qui était un symbole du baptême ? que Jésus " établit un testament nouveau pour [col.743 fin / col.744 début] ses disciples et apôtres, et par eux tous ceux qui croient en lui. " Le dogme de la présence réelle est clairement enseigné. Voir article EUCHARISTIE, t. V, col. 1172-1173. Jean est préoccupé d’écarter toute interprétation symboliste, et il pousse si loin le réalisme, qu’il ne voit dans l’eucharistie que le corps et le sang de Jésus-Christ. Il n’a pas du tout la vision d’accidents du pain et du vin séparés de leur substance naturelle et distincts du corps de Jésus-Christ. Il voit le corps et rien de plus. C’est ce qui lui fait oublier que chez certains anciens Pères, le mot ????????? ???????? a servi ? désigner le sacrement, signe sensible cachant un contenu divin. C’est pour cette raison aussi qu’il déclare que les saints mystères échappent à toute corruption, mais que le corps du Christ, qu’ils sont ? le même qui est né de la Vierge ? s’en va soutenir notre ?me et notre corps, conserver notre substance, nous unit intimement à sa divinité, ???? ???? ??? ???? ??????? ??? ???????? ??? ???????? ????? ?? ??? ??????? ??????, ?? ???????????, ?? ???????????, ??? ??? ???????? ?????? (?? ???????), ??????? ??? ???? ?????? ??? ??????????, col. 1152. Par l’eucharistie, nous sommes unis au corps du Seigneur et ? son esprit, et nous devenons le corps du Christ. Ibid.

C’est dire que notre docteur enseigne la transsubstantiation, le changement total du pain et du vin au corps et au sang de Dieu, ????????????? ??? ???? ??? ???? ????. La pr?sence réelle ne s’opère par la descente du ciel du corps pris par le Verbe dans le sein de Marie, mais par voir de changement. Dans l’homélie pour le samedi saint, 35, t. XCVI, col. 637 c, il est dit que la chair de Dieu vient du froment et son sang du vin, en vertu du changement véritable et ineffable opéré par l’épiclèse, ????? ???? ?? ?????, ??? ???? ???? ?? ?????, ?????? ?? ????????? ??? ??????? ??????????????. Comment cela se fait-il ? Myst?re insondable, comme celui de l’Incarnation, col. 1145 a. Le Damascène en trouve cependant, à la suite de saint Grégoire de Nysse, une analogie passable, dans le changement des aliments en notre substance.

Son sentiment sur la forme de l’eucharistie a été suffisamment expliqué à l’article EPICLESE, t. V, col.247-251. Jean enseigne clairement que la transsubstantiation se produit au moment précis où le célébrant, dans le rite grec, demande l’envoi du Saint-Esprit. Mais il ne refuse pas pour cela toute efficacité aux paroles dominicales. Celles-ci sont comme une semence qui fait germer l’épiclèse, comparée à une pluie bienfaisante. L’objection des iconoclastes tirée du mot ???????? dans la messe de saint Basile, a sans doute été pour beaucoup dans l’élaboration de cette théorie.

Notre docteur exige du communiant une foi ferme, une conscience nette, une pureté parfaite de l’âme et du corps, une charité ardente. Il s’agir de recevoir " le divin charbon " uni au feu de la divinité, le corps même du Crucifié, col. 1149. A ceux qui le reçoivent dignement et avec foi, le corps du Christ sert pour la rémission des péchés éternelle ; il est une sauvegarde pour l’âme et le corps, col. 1148. Comme nous l’avons vu plus haut, d’après le Damascène, c’est surtout par l’eucharistie que nous devenons ????????, ??????? ??? ????? ??????.

L’eucharistie est un vrai sacrifice, l’hostie pure et non sanglante offerte en tout lieu au Seigneur qu’a prédite le prophète Malachie. Elle a été figurée par le sacrifice de Melchisédech et par les pains de proposition. Ce pain est les prémices du pain supersubstantiel du siècle futur. Il est appelé participation, ?????????, parce que par lui nous participons ? la divinité de Jésus. Il est appelé communion, ????????, [col.744 fin / col.745 d?but] parce que par lui nous entrons en communion avec Jésus-Christ tout entier et avec nos frères, avec lesquels nous formons un seul corps du Christ, col. 1149-1153.

17° Eschatologie. ? On trouve dans les écrits de S. Jean Damascène les affirmations essentielles de la doctrine catholique sur les fins dernières ; mais, sauf pour l’Antéchrist et la résurrection des corps, dont il est parlé assez longuement dans la Foi orthodoxe, l. IV, 26 et 27, col. 1215-1228, ce sont de simples indications sans développement.

La mort est pour chacun de nous ce que sera la consommation finale pour l’ensemble de l’humanité. Jean lui donne le nom, gros de conséquences, de consommation partielle, ????????? ??????. De fide orth., l. II, 2, col. 864 a. Plus de repentir après la mort ; plus de changement dans le bien ou dans le mal. L’âme humaine reste éternellement dans l’état où elle se trouve, au moment où elle quitte son corps. Contra manichæos, 37, col. 1544 c. Cf. ibid., 75, col. 1573 b ; De fide orth., l. II, 4, col. 877 c ; Homil. I in Dormit., 12, t. XCVI ? col. 717 b c.

Cette doctrine sur la mort suppose un jugement particulier fixant pour toujours le sort de chacun. Elle entraîne aussi une rétribution immédiate au moins partielle. Bien qu’à la suite des saints Livres et des anciens Pères, Jean parle le plus souvent de la rétribution qui suivra la résurrection des corps et le jugement général, il fait aussi de claires allusions à la rétribution qui a lieu aussitôt après la mort. Dans le Panégyrique de sainte Barbe, 18, t. XCVI, col. 805 c d, il est dit que la sainte martyre s’en alla aussitôt dans les célestes demeures et l’éternel repos, tandis que son père criminel descendit dans les retraites obscures de l’enfer pour recevoir le châtiment mérité. De même, aussitôt après sa dormition, la sainte Vierge prend possession du royaume des cieux, où se trouvent les anges, les patriarches, les prophètes, les justes. Homil. I in Dormit., 11, col. 717. L’âme du juste, après avoir quitté son corps, est inondée de la lumière de la sainte Trinité avec les saints anges, et cela pour les siècles infinis, ????????? ?? ???? ??? ????? ???????, ???? ??? ????? ???????, ??? ?????? ?????????? ??????????????. De octo spirit. nequitiæ, t. XCV, col. 93 d. La mort ne doit pas effrayer ni contrister le chrétien car elle le délivre du poids de cette vie mortelle, et l’envoie promptement vers Dieu pour une vie meilleure. In epist. ad Corinth., II, V, 8-9, ibid., col. 732 a b.

L’éternité des peines et des récompenses est clairement enseignée. De fide orth., l. II, 1, 4, col. 864 b c, 877 b c, IV, 27, col. 1228 ; In sabb. sanctum, 35, t. XCVI, col. 640. Sur la nature du feu de l’enfer, Jean a exprimé une double opinion. Dans le Dialogue contre les manichéens, 36, 75, col. 1541 c d, 1573 c, il dit clairement que ce feu ? ainsi que le ver qui ne meurt point ? est purement m?taphorique, et doit s’entendre de l’incendie allumé par le désir inassouvi. Les démons et les damnés désirent le mal et ne désirent que le mal. Ne pouvant rassasier cette faim maudite, ils sont brûlés par leur désir comme par un feu inextinguible, ?? ?????????? ??? ??? ?????????, ???? ?????, ??? ??? ????????? ?????????????. ? ?? ??? ???? ???????, ?? ?? ??? ?????????? ???????? ; ibid., col. 1573 c. ? En plusieurs autres endroits cependant, le feu infernal nous est présenté comme une réalité extrinsèque au damné. Dans l’Homil. in sabb. sanct., 35, t. XCVI, col. 640, ce feu est déclaré ténébreux, ????????, et d?vorant sa victime sans la consumer. Dans le De fide orth., l. IV, 27, t. XCIV, col. 1228, notre docteur enseigne que le feu éternel auquel seront livrés après le dernier jugement, les démons, l’Antéchrist, les impies et les pécheurs, n’est pas matériel à la manière de celui que [col.745 fin / col.746 début] nous voyons ici-bas, et que sa vraie nature est connue de Dieu seul, ??? ?????? ???? ?? ???? ????, ???????? ?? ?????? ? ????. A y regarder de pr?s l’opposition entre ces deux opinions est plus apparente que réelle. Jean paraît déjà enseigner la doctrine qui prévaudra dans la théologie byzantine postérieure : Le feu est métaphorique pour les démons et les âmes damnés avant le jugement général. Il y aura un feu réel pour les uns et les autres, après ce jugement.

Le bonheur du ciel est mesuré au désir de chacun, Contra manich., 75, col. 1573 b c ; cf. col. 1541 b c. Il consiste essentiellement à voir Dieu dans la mesure du possible, à être avec le Christ et à jouir de sa beauté face à face. De fide orth., l. II, 3, col. 872 b ; IV, 13, 27, col. 1153 c, 1228. Homil. in sabb. sanctum, 35, t. XCVI, col. 640.

Sur le purgatoire comme état intermédiaire et transitoire entre le ciel et l’enfer, nous n’avons trouvé aucun texte explicite dans les écrits de Jean ; mais, sans utiliser le discours plus que douteux " ???? ??? ???????? ???????????? ”, nous pouvons affirmer tout au moins que le Damasc?ne a connu et approuvé l’usage de prier pour les morts. Il a composé lui-même des tropaires idiomèles dans lesquels il demande pour les défunts le repos éternel : ?? ?????????? ??? ????????? ???? ??????? ?????????? ? ???????? ????? ?? ?? ????? ???????????, t. XCVI, col. 1368-1369. Il met au nombre des hérétiques Aérius, qui rejetait la prière pour les morts. De hæres., 75, col. 724 b : ??. Il t?moigne de l’usage de l’Eglise orientale " d’offrir le sacrifice de la messe pour tous les saints défunts, le samedi de chaque semaine, parce que c’est le samedi avant Pâques que le Christ descendant eaux enfers, lia le fort et lui arracha son butin. " De sacris jejuniis, 4, col. 69 c. Il est déclare que cet usage est d’origine apostolique. Cette prière pour les morts ne peut être inutile, et doit avoir un effet semblable à celui de la descente de Jésus aux enfers, c’est-à-dire les âmes des saints défunts, ????. L’id?e du purgatoire se déduit tout naturellement de ce passage.

On est un peu étonné que Jean parle si longuement de l’Antéchrist dans la Foi orthodoxe, et nous donne même son signalement précis. Ce ne sera pas le diable incarné, mais un homme né de la fornication, qui sera élevé en secret et subitement établira son royaume. Au début, il singera sa sainteté, mais bientôt il lèvera le masque et persécutera l’Eglise de Dieu. Enoch et Elie, qui ne sont pas morts, viendront évangéliser les Juifs pour les tourner vers le Christ. L’Antéchrist les mettra à mort. Mais bientôt apparaîtra le Seigneur, qui, du souffle de sa bouche, tuera l’homme d’iniquité, col. 1216-1217.

La résurrection est définie : secunda ejus quod cecidit erectio, ???. Ce qui est tomb?, ce n’est pas l’âme, c’est le corps. La résurrection s’entend donc du rétablissement de l’union même du corps qui s’est dissous en poussière à la même âme, de la reconstitution du vivant tombé sous les coups de la mort, ?? ?. Jean prouve la possibilit? de la résurrection des corps par la toute-puissance de Dieu, sa nécessité par la providence et la justice de Dieu, son infaillible réalisation à la fin du monde par la sainte Ecriture, et spécialement par le c. XV de la Ire épître aux Corinthiens. Elle sera suivie du jugement général et de la rétribution finale, col. 1220-1228.

18° Hérésiologie et histoire du dogme. ? On trouve dans les ?crits de saint Jean Damascène de précieux renseignements sur l’histoire du dogme et des hérésies. Nous signalerons ici brièvement ceux qui nous paraissent le plus dignes d’intérêts. [col.746 fin / col.747 début]

Notre docteur voit l’origine de toutes les hérésies christologiques dans la confusion des termes nature et hypostase. Le groupe nestorien et le groupe monophysite sont d’accord pour proclamer le principe inconciliable avec le dogme catholique : " Pas de nature sans hypostase ; toute nature est aussi hypostase. " Contra jacobitas, 2, col. 1438 ; De duabus volunt., 20, col. 152 a ; De fide orth., l. III, 3, col. 992. L’hérésie monothélite elle-même repose sur la confusion entre le vouloir naturel ???, et le vouloir hypostatique, ?? ??, De duabus volunt., loc. cit.

Au demeurant, Jean n’ignore pas qu’il y a plusieurs sortes de monophysismes. Il n’a garde de confondre l’eutychianisme proprement dit avec la doctrine de ceux qu’il appelle acéphales, jacobites, égyptiens ou schismatiques. Ces derniers sont de vrais logomaques. Ils ne confondent pas et distinguent bien, même après l’union, l’humanité et la divinité dans le Christ, et les propriétés de l’une et de l’autre en qualité naturelle, ???? ; mais par une peur ridicule du nestorianisme, ils se refusent à compter les deux ?? du Christ apr?s l’union. Ils n’admettent qu’une seule ??? compos?e, ???. On peut dire qu’ils pensent d’une mani?re orthodoxe en employant une terminologie qui sent l’hérésie. Ce sont, du reste, de vrais hérétiques, puisqu’ils rejettent le concile œcuménique de Chalcédoine, et condamnent la formule dogmatique que ce concile a canonisée. De hæres., col. 741 ; Contra jacob., 14-18, col. 1444-1445.

Le long extrait du Diétète du jacobite Jean Philopon donné dans le De hæres., col. 744-754, est du plus haut intérêt. On y saisit sur le vif le déficit de la théologie monophysite. Il lui manque une définition exacte de l’hypostase. Philopon confond l’hypostase avec les notes individuantes, et s’en tient à la vague définition donnée autrefois par saint Basile. par ailleurs, il a bien saisi le caractère fictif de l’unique prosopon nestorien, que le Damascène dénonce lui aussi en plusieurs endroits. Ibid.¸ col. 749-751.

Signalons que les maronites sont mis au nombre des hérétiques en deux endroits : De recta sententia libellus, col. 1432 c ; De hymno trisagio, 5, t. XCV, col. 33 b. Jean ne dit pas positivement en quoi consiste leur erreur. Il affirme simplement qu’ils acceptent l’addition de Pierre le Foulon au Trisagion. On sait, par ailleurs, qu’à cette époque, ils étaient monothélites.

Dans sa controverse avec les jacobites, Jean ne pouvait se dispenser de parler de la célèbre formule " ??? ”, attribu?e à saint Athanase et souvent employée par Cyrille d’Alexandrie. Il en donne deux explications. Suivant la première, le mot ????? de la formule doit s’entendre directement de la nature divine en tant que poss?dée par Dieu le Verbe. La nature humaine est indique dans la participe ????. D’apr?s la seconde, Athanase et Cyrille ont attribué abusivement, ???, le sens d’?????? au terme ???. Toute hypostase, en effet, est aussi une nature ? une nature et quelque chose de plus ?, mais l’inverse n’est pas vrai. De fide orth., l. III, 11, col. 1025 ; Contra jacobitas, 52, col. 1460-1461 ; De natura compos., 3, t. XCV, col. 116-117.

Travaux sur la doctrine de S. Jena Damascène. ? Plusieurs des ouvrages signalés à propos des écrits traitent aussi de la doctrine, notamment celui de Langen, celui de Lupton et celui de Grundlehner. De toutes les parties de la théologie damascénienne, c’est la théologie trinitaire qui a été le plus étudiée. Voir sur ce point les Etudes de théologie positive sur le dogme de la Trinité du P. de Régnon, t. I, II et IV, passim, et la monographie de J. Bilz, Die [col.747 fin / col.748 début] Trinitätslhere des hl Johannes von Damaskus, Paderborn, 1909. L’ouvrage de V. Ermoni, S. Jean Damascène, Paris, 1904 (coll. La pensée chrétienne) est moins une étude qu’un recueil de morceaux choisis disposés dans l’ordre classique des manuels de philosophie et de théologie. L’auteur nous paraît exagérer fort l’aristotélisme de Jean Damascène. Tixeront, Histoire des dogmes dans l’antiquité chrétienne, t. III, p. 458-462, donne un bon résumé de la doctrine de Jean sur le culte des images. Son chapitre sur la théologie de saint Jean Damascène, ibid., p. 484-513, excellent en certaines de ses parties, est en déficit sur plusieurs points, notamment sur l’état primitif de l’homme, le péché originel, la prédestination, la grâce, les sacrements en général, les fins dernières, l’Eglise ; J. Bach, Dogmengeschichte des Mittelalters, 1re partie, Vienne, 1873, p. 49-78 ? Sur la doctrine des images, voir K. Schwarzlose, Der Bilderstreit, Gotha, 1890, p. 126-223. ? Sur la doctrine eucharistique, Steitz, Jahrbücher für deutsche Theologie, t. XII (1867), p. 275-286. ? Plusieurs théologiens russes se sont occupés de la théologie de S. Jean Damascène. Signalons l’article signé A. B., paru dans la revue Strannik, 1864, t. IV, p. 71-103, sous le titre : Le premier système de théologie dogmatique ; A. Tzarevsky, Saint Jean Damascène considéré comme théologien orthodoxe et hymnographe ecclésiastique, Kazan, 1901 ; Nic. Bogorodsky, Enseignement de S. Jean Damascène sur la procession du Saint-Esprit confronté avec les thèses des Conférences de Bonn (1876), Saint-Pétersbourg, 1879. Voir encore, Apostolidès, ???????, 1838 ; D. Ainslee, John of Damaskus, 3e édit., Londres, 1903.

Dans son exposé de la théologie de Photius, Hergenröther se réfère continuellement à la doctrine de S. Jean Damascène, Photius, Patriarch von Constantinopel, t. II, p. 357-652, passim.

IV. INFLUENCE DE SAINT JEAN DAMASCENE SUR LA THEOLOGIE DE L’ORIENT ET DE L’OCCIDENT. ? 1° Influence sur la théologie byzantine et gréco-salve. ? Il est fort difficile d’apprécier l’influence exercée par saint Jean Damascène sur la théologie byzantine, d’abord, parce que cette théologie est encore imparfaitement connue, la plus grande partie de ses matériaux étant inédits ; ensuite, parce que les Byzantins ont communément l’habitude de piller leurs devanciers, sans les nommer. Il n’y a pas à douter, cependant, que cette influence n’ait été considérable. Il suffit, par exemple, de comparer le court résumé que nous venons de donner de la théologie damascénienne avec l’exposé de la théologie photienne, écrit par Hergenröther, dans son troisième volume sur Photius, pour s’apercevoir que ce dernier ne fait guère que reproduire ? à part la procession du Saint-Esprit et quelques secondaires ?, la pensée, et souvent le texte du docteur de Damas. De même, en parcourant les Chapitres théologiques de Michel Glykas († début du XIIIe siècle), publiées récemment en deux volumes, S. Eustratiadès, ?????? ??? , Ath?nes-Alexandrie, 1906-1912, on voit, que parmi les Pères cités, le Damascène occupe une place d’honneur et n’est dépassé que par Grégoire de Nazianze et Jena Chrysostome. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, au moment de l’ardente controverse entre Grecs et Latins sur la procession du Saint-Esprit, le parti unioniste de Byzance, ayant à sa tête Jean Beccos, fit valoir l’autorité de notre docteur en faveur du dogme catholique. L’adversaire de Beccos, le fameux George de Chypre, qui devint patriarche de Constantinople sous le nom de Grégoire II (1283-1289), fut si embarrassé par un texte de la Foi orthodoxe (l. I, 12, col. 848 d : ???????), que pour ne pas rendre les armes, il inventa une nouvelle th?orie, différente de la doctrine photienne, et parla d’une manifestation éternelle du Saint-Esprit par le Fils. Voir l’article GEORGES DE CHYPRE, t. VI, col.1231-1235. Déjà, avant Beccos, le savant Nicéphore Blemmidès avait démontré l’accord foncier de la doctrine damascénienne [col.748 fin / col.749 début] avec le dogme du Filioque. Cf. Hugo Laemmer, Scriptorum Græcus orthodoxæ bibliotheca selecta, Fribourg, 1864, t. I, Nicephori Blemmidæ oratio ad Jacobum Bulgariæ episcopum, 6, p. 116-117 A l’époque du concile de Florence, Bessarion reprit la même thèse, et ferma la bouche aux théologiens grecs, qui objectaient toujours aux catholiques le fameux passage : " Nous ne disons pas que le Saint-Esprit est ?? ??? ????. " De processione Spiritus Sancti, P. G., t. CLXI, col. 396.

Il ne faut pourtant rien exagérer. Ce serait une complète illusion de se figurer que le joua à Damascène le rôle qu’ont tenu en Occident Pierre Lombard et saint Thomas d’Aquin. Il n’a pas eu de disciples et de commentateurs comme en ont eu ces maîtres. Son Exposé de la Foi orthodoxe et quelques autres de ses écrits ont été cités par les théologiens byzantins comme étaient cités les ouvrages des autres Pères. On ne lui a pas fait la part la plus belle. Sa synthèse théologique n’a pas été le point de départ d’une scolastique vigoureuse développant la pensée du maître et la prenant pour guide. Elle est restée une borne patristique, que Photius n’a dépassée sur un point que pour se fourvoyer. Il serait inexact de dire que la Foi orthodoxe a été le manuel de théologie où les clercs byzantins apprenaient la doctrine ; car il n’y avait point de séminaires à Byzance ; et s’il y a eu quelques écoles de haut enseignement, dans lesquelles la théologie était enseignée conjointement avec d’autres sciences sous le nom vague de philosophie, on n’a pas démontré que l’ouvrage de Jean ait été le manuel de choix. Quand les Grecs et les Russes dissidents ont eu des écoles théologiques pour le commun des clercs ? et cela ne remonte pas au delà du XVIIe siècle ? ce n’est pas la Foi orthodoxe qui a servi de manuel de théologie, mais de maigres résumés de scolastique occidentale s’inspirant surtout de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin, et souvent écrit en latin. Jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, les théologiens de la Russie méridionale se servirent de manuels latins ad mentem sancti Thomæ, sauf pour les questions controversées entre les deux Eglise. A partir du milieu du XVIIIe siècle, saint Tomas fut supplanté par Théophane Prokopovitch, qui servit aux Russes de la scolastique protestante, et compta beaucoup de vrais disciples que n’en a jamais eus saint Jean Damascène. De nos jours encore, les manuels de théologie des Russes et des Grecs tiennent beaucoup plus de la théologie catholique et de la théologie protestante, mêlées à doses variables suivant les auteurs, que de l’enseignement de celui qu’on a bien improprement appelé le saint Thomas des Grecs.

C’est sans doute dans la période ancienne beaucoup plus que dans la période moderne, que notre docteur a exercé une véritable influence chez les peuples slaves, qui, durant tout le moyen âge, furent beaucoup moins cultivés que les Grecs, et n’eurent point à leur disposition toutes les richesses possédées par ceux-ci. Sur la fin du IXe siècle, ou au début du Xe, Jean, exarque de Bulgarie, traduisit en paléoslave l’Exposé de la Foi orthodoxe, en y faisant quelques suppressions, en y ajoutant plusieurs passages des anciens Pères. De Bulgarie, cette traduction passa de bonne heure chez les Russes. Le plus ancien ms. qui nous en soit parvenu se trouve à la bibliothèque synodale de Moscou, et remonte au moins au XIIe siècle. Au XVIe siècle, le prince Kurbsky donna au même ouvrage une version en langue paléo-russe. Au siècle suivant, Epiphane Slavinetsky († 1675), fit paraître une nouvelle traduction slave, qu’il inséra dans une collection d’ouvrages patristiques publiée à Moscou en 1665. La métropolite de Moscou, Ambroise, crut devoir, au [col.749 fin / col.750 début] XVIIIe siècle, refaire le même travail, qui eut deux éditions. Au XIXe siècle, il a paru deux traductions du De fide orthodoxa, en langue russe, la première par les soins de l’Académie ecclésiastique de Moscou, en 1844 ; la seconde à Alexandre Bronzov, professeur à l’Académie ecclésiastique de Pétrograd, qui a accompagné son édition de savantes notes et commentaires, Pétrograd, 1894.

2° Influence sur les autres Orientaux. ? Les ?crits de saint Jean Damascène n’ont pas seulement été connus du monde gréco-slave. De bonne heure, et peut-être de son vivant, la plupart d’entre eux, sinon tous, furent traduits en arabe, et c’est dans cette langue seulement que quelques-uns d’entre eux paraissent s’être conservés. Le savant Théodore Abou-Kurra († 820), qui a écrit à la fois en grec et en arabe, est fier de se proclamer le disciple du Damascène, et a prolongé son influence dans le monde syrien. Il ne semble pas, du reste, qu’il ait pu le connaître autrement que par ses ouvrages.

Les littératures arménienne et géorgienne ont été également enrichies par des traductions d’ouvrage de notre docteur, mais il est bien difficile de préciser le degré d’influence que ces traductions ont exercé sur la culture théologique d’Eglises encore si mal connues. Cf. A. Baumstark, Die christlichen Literaturen des Orients, Leipzig, 1911, t. II p. 79 et 104.

Influence sur la théologie occidentale. ? L’influence de saint Jean Damascène sur la théologie occidentale a été tardive. Ce n’est qu’en 1150 que le Pisan Burgondio à la demande du pape Eugène III, donna de l’Exposé de la Foi orthodoxe, et peut-être aussi de la Dialectique et du Livre des hérésies, une première et mauvaise traduction latine, qui n’a jamais eu les honneurs de l’imprimerie. Elle parut juste à temps pour être connue de Pierre Lombard, avant la publication des Livres de Sentences, dont le plan, dans les grandes lignes, rappelle la division de la Foi orthodoxe. Saint Thomas d’Aquin et les autres scolastiques, jusqu’au XVIe siècle, n’en eurent pas d’autre entre les mains. Quant aux autres écrits du saint docteur, ce n’est qu’à partir du XVIe siècle qu’on commença à les publier et à les répandre, et il fallut attendre le début du XVIIIe siècle pour en avoir une édition à peu près complète.

Quelle a été, au juste, la part d’influence exercée par la Foi orthodoxe sur les théologiens scolastiques, et en particulier sur la synthèse thomiste ? La question, à notre connaissance, n’a pas encore été approfondie, et mériterait de l’être. Nul doute que cette influence n’ait été réelle, mais on a l’impression qu’elle ne fut jamais bien profonde. Le Damascène, du reste, ne fut pas toujours compris, par exemple, sur la procession du Saint-Esprit. Cf. saint Thomas, Summa theol., Ia, q. XXXVI, art. 2 ad 3um. Dans l’article Prédestination du Dictionnaire Apologétique de la Foi catholique, t. IV, le P. A. d’Alès fait remarquer que saint Thomas, dans sa doctrine sur la prédestination, combine la conception augustinienne avec la pensée damascénienne. La distinction entre les deux volontés de Dieu, antécédente et conséquente, si clairement énoncée dans la Foi orthodoxe, est courante chez les grands scolastiques, et a passé dans nos manuels de théologie. Inutile de faire remarquer, après ce que nous avons dit plus haut, que saint Jean Damascène est un partisan résolu de la prédestination et de la réprobation post prævisa merita, et que sur la question des rapports entre la grâce et le libre arbitre, il favorise ouvertement ce dernier. Si sa doctrine avait été plus étudiée et mieux connue au moyen âge, nul doute que cette doctrine n’eût exercé une influence salutaire contre les excès du prédestinatianisme.

Somme toute, l’influence du Damascène, tant sur [col.750 fin / col.751 début] la théologie de l’Orient que sur celle de l’Occident, n’a pas été ce qu’elle méritait d’être. Il lui a manqué de vrais disciples pour faire surgir de sa synthèse une scolastique féconde et du meilleur aloi. Il ne serait pas trop tard, encore de nos jours, pour mettre en valeur les trésors qu’il recèle. En terminant cet article, nous faisons nôtre le vœu exprimé par le P. de Régnon " que le jour advienne où, pour cimenter l’union entre l’Orient et l’Occident, l’Eglise place dans la chaire de ses écoles la Fontaine de la Science de saint Jean Damascène auprès de la Somme théologique de saint Thomas ! " Etudes de théologie positive sur la sainte Trinité, t. IV, p. 54. Saint Thomas ne sera pas froissé du voisinage, car il y a, entre ces deux génies, un véritable air de famille : Ces deux moines prêtres portent au front l’auréole de la sainteté. Tous deux ont, au suprême degré, l’amour de la tradition des Pères. Tous les deux formulent en un langage sobre et cristallin, les vérités les plus hautes, et savent, par des comparaisons très simples, les mettre à la portée de tous. Chacun des deux, a été à la fois philosophe, théologien, exégète, polémiste, orateur, poète sacré. Tous les deux ont eu le goût des sommes, des chaînes et des opuscules, et sont revenus souvent sur les mêmes questions. Tous les deux ont marié ensemble la philosophie et la théologie, et, sans se laisser enchaîner par aucun système, ont été sagement éclectiques. S’ils ont aimé Aristote, ils n’en ont pas fait le treizième apôtre, et l’ont baptisé sur bien des points. Au demeurant, Jean est un ruisselet limpide, charriant de l’or, mais peu abondant ; Thomas est un fleuve aux larges bords, qui a connu le ruisselet parmi ses affluents.

Sur les traductions slaves de la Foi orthodoxe, voir : Kalaïdovitch, Jean, exarque de Bulgarie. Recherches sur l’histoire de la langue et de la littérature slaves au IXe et Xe siècles. Moscou, 1824, p. 19 sq. ; Palauzov, Le siècle du tsar bulgare Siméon, Pétrograd, 1852, p. 95-99 ; Macaire, Théologie dogmatique orthodoxe, 4e édit. russe, Pétrograd, 1883, t. I, p. 44-49. Le texte de Jean de Bulgarie a été publié par la Société moscovite d’histoire et d’archéologie russes, d’après le ms. du XIIe siècle, conservé à la bibliothèque synodale de Moscou, 1877, t. IV, Cf. A. Palmieri, Theologia dogmatica orthodoxa, t. I, p. 140-141, Florence, 1911.

M. JUGIE.
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