Sermon sur l'Impureté
(les péchés sexuels)
19ème DIMANCHE APRÈS
LA PENTECÔTE
Liez-lui pieds et mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures, et là il y aura des pleurs et des grincements de dents (S. Matthieu, XXII, 13.).
Si tout péché mortel, M.F., doit nous traîner, nous précipiter, nous foudroyer dans les enfers, comme Jésus-Christ nous le dit dans l'Évangile, quel sera donc le sort de celui qui aura le malheur de se livrer au péché le plus infâme, le péché d'impureté ? O mon Dieu ! peut-on bien oser prononcer le nom d'un vice si horrible, non seulement aux yeux des chrétiens, mais encore à ceux de créatures raisonnables ? Pourrais-je le dire, M.F., et vous, pour-rez-vous l'entendre sans frémir ? Ah ! si j'avais le bonheur, en vous montrant toute la noirceur et toute l'horribilité de ce péché, de vous le faire fuir pour jamais ! O mon Dieu ! un chrétien peut-il bien s'abandonner à une passion qui le dégrade jusqu'à le mettre au-dessous de la bête la plus vile, la plus brute, la plus immonde ! Un chrétien peut-il bien se livrer à un crime qui fait tant de rava-ges dans une pauvre âme ! Un chrétien, dis-je, qui est le temple de l'Esprit-Saint, un membre de Jésus-Christ, peut-il bien se plonger et se rouler, se noyer, pour ainsi dire, dans le limon d'un vice aus-si infâme, qui, en abrégeant ses jours, lui faisant perdre sa réputa-tion, lui prépare tant de maux et de malheurs pour l'éternité ! Oui, M.F., pour vous donner une idée de la grandeur de ce péché, je vais 1? vous montrer, autant qu'il me sera possible, toute l'horribi-lité de ce crime ; 2? en combien de manières nous pouvons nous en rendre coupables ; 3? quelles sont les causes qui peuvent nous y conduire ; 4? enfin, ce que nous devons faire pour nous en préserver.
I. – Pour vous faire comprendre la
grandeur de ce maudit péché qui perd tant d'âmes, il
faudrait ici étaler à vos yeux tout ce que l'enfer a de plus
affreux, de plus désespérant, et, en même temps, tout
ce que la puissance de Dieu exerce sur une victime coupable d'un tel crime.
Mais, vous comprenez comme moi, que jamais il ne sera donné de saisir
la grandeur de ce péché et la ri-gueur de la justice de Dieu
envers les impudiques. Je vous dirai seulement que celui qui commet le
péché d'impureté se rend cou-pable d'une espèce
de sacrilège, puisque notre cœur étant le tem-ple du Saint-Esprit,
notre corps étant un membre de Jésus-Christ, nous profanons
véritablement ce temple par les impuretés aux-quelles nous
nous abandonnons ; et de notre corps, qui est un membre de Jésus-Christ,
nous faisons véritablement le membre d'une prostituée . Examinez
maintenant, si vous pourrez jamais vous former une idée qui approche
de la grandeur de l'outrage que ce péché fait à Dieu
et de la punition qu'il mérite. Ah ! M.F., il faudrait pouvoir traîner
ici, à ma place, cette infâme reine Jézabel, qui a
perdu tant d'âmes par ses impudicités ; il faudrait qu'elle
vous fit elle-même la peinture désespérante des tourments
qu'elle endure, et qu'elle endurera toute l’éternité, dans
ce lieu d'horreur où elle s'est précipitée par ses
turpitudes. Ah ! vous l'entendriez crier du milieu de ces flammes qui la
dévorent : « Hélas ! que je souffre ! Adieu, beau ciel,
je ne te verrai jamais, tout est fini pour moi. Ah ! maudit péché
d'impureté, les flammes de la justice de Dieu me font payer bien
cher les plaisirs que j'ai goûtés ! Si j'avais encore le bonheur
d'être sur la terre, comme cette vertu de pureté me serait
bien plus précieuse qu'elle ne m'a été ! »
Allons encore plus loin, M.F., peut-être
que vous sentirez un peu mieux l'horreur de ce maudit péché.
Je ne parle pas d'un païen, qui n'a pas le bonheur de connaître
le bon Dieu ; mais d'un chrétien qui connaît combien ce vice
est opposé à la sainteté de sa condition d'enfant
de Dieu, d'un chrétien qui a été tout arrosé
du sang adorable, qui tant de fois lui a servi de demeure et de taber-nacle.
Comment ce chrétien peut-il bien s'abandonner à un tel pé-ché
! O mon Dieu ! peut-on y penser et ne pas mourir d'horreur ! Écoutez
ce que dit le Saint-Esprit : Celui qui est assez malheureux pour s'abandonner
à ce maudit péché, mérite d'être foulé
sous les pieds du démon comme le fumier sous les pieds des hommes
. Jésus-Christ dit un jour à sainte Brigitte, qu'il se voyait
forcé de préparer des tourments affreux pour punir les impudiques,
et que presque tous les hommes étaient atteints de ce vice infâme.
Si nous prenons la peine de parcourir
l'Écriture sainte, nous voyons que, depuis le commencement du monde,
le bon Dieu a poursuivi les impudiques de la manière la plus sévère.
Voyez tous les hommes avant le déluge qui s'abandonnent à
ce vice infâme ; le Seigneur ne peut plus les souffrir ; il se repent
de les avoir créés ; il se voit forcé de les punir
de la manière la plus effroya-ble, puisqu'il ouvre sur eux les cataractes
du ciel et les fait tous périr par un déluge universel .
Il fallait que cette terre souillée par tant de crimes, et si horrible
aux yeux de Dieu fût purifiée par le déluge ; c'est-à-dire
par les eaux de la colère du Seigneur. Si vous allez plus loin :
Voyez les habitants de Sodome et de Gomorrhe, ainsi que les autres villes
voisines, leurs habitants se livraient à des crimes si épouvantables
d'impureté, que le Seigneur, dans sa juste colère, fit tomber
sur ces lieux maudits une pluie de feu et de soufre qui les brûla
avec leurs habitants ; les hommes, les bêtes, les arbres, les terres
et les pierres furent comme anéantis ; ce lieu a été
si maudit de Dieu, qu'il n'est plus maintenant qu'une mer maudite . On
l'appelle Mer-morte, parce qu'elle ne nourrit aucun poisson et que, sur
ses rivages, on trouve certains fruits qui ont une belle apparence, mais
ne renferment qu'une poignée de cendres. Dans un autre endroit,
nous voyons que le Seigneur ordonna à Moïse de mettre à
mort vingt-quatre mille hommes, parce qu'ils s'étaient abandonnés
à l'impureté .
Oui, M.F., nous pouvons dire que
ce maudit péché d'impure-té a été, depuis
le commencement du monde, jusqu'à la venue du Messie, la cause de
presque tous les malheurs des Juifs. Voyez David, voyez Salomon et tant
d'autres. Qui a attiré tant de châti-ments sur leurs personnes
et sur leurs sujets, sinon ce maudit pé-ché ? O mon Dieu
! que ce péché vous ravit d'âmes, oh ! qu'il en traîne
aux enfers !
Si nous passons de l'Ancien Testament
au Nouveau, les châ-timents ne sont pas moindres. Saint Jean nous
dit que Jésus-Christ lui fit voir, dans une révélation,
le péché d'impureté sous la figure d'une femme assise
sur une bête qui avait, sept têtes et dix cor-nes , pour nous
montrer que ce péché attaque les dix commande-ments de Dieu
et renferme les sept péchés capitaux . Si vous vou-lez vous
en convaincre, vous n'avez qu'à examiner la conduite d'un impudique
; vous verrez qu'il n'y a pas un commandement qu'il ne transgresse, et
un des péchés capitaux dont il ne se rende coupable, en contentant
les désirs de son corps. Je ne veux pas en-trer dans tous ces détails,
voyez-le vous-mêmes, et vous direz que cela est vrai. Mais j'ajouterai
qu'il n'y a point de péché dans le monde qui fasse faire
tant de sacrilèges : les uns ne connaissent pas la moitié
des péchés qu'ils commettent de cette manière, par
conséquent ils ne les disent pas ; les autres ne veulent pas les
dire, quoiqu'ils les connaissent ; de sorte que nous verrons au jour du
jugement qu'il n'y a point de péché qui ait jeté tant
d'âmes en en-fer. Oui, M.F., ce péché est si affreux
que non seulement nous nous cachons pour le commettre ; mais nous voudrions
encore nous le cacher à nous-mêmes, tant il est infâme,
même aux yeux de ceux qui s'en rendent coupables !
II. – Mais, pour mieux vous faire
comprendre combien ce péché, quoique si affreux, est commun
parmi les chrétiens, et comme il est facile de le commettre, je
vous dirai en combien de manières l'on pèche contre le sixième
commandement de Dieu. L'on pèche en six manières : par pensées,
par désirs, par regards, par paroles, par actions et par occasions.
Je dis 1?, par pensées :
il y en a plusieurs qui ne savent pas distinguer une pensée d'avec
un désir ; ce qui peut faire faire des confessions sacrilèges.
Écoutez-moi bien et vous allez le voir : une mauvaise pensée,
c'est lorsque notre esprit s'arrête volontai-rement à penser
à une chose impure, soit par rapport à nous, soit par rapport
à d'autres, sans désirer accomplir ce que l'on pense ; on
laisse seulement croupir son esprit sur ces choses sales et dés-honnêtes.
Vous vous accusez de cela ; il faut dire combien de temps vous y avez laissé
reposer votre pensée, sans vous en dé-tourner, ou encore
si vous avez pensé à des choses qui pouvaient vous y conduire
par le souvenir de quelque conversation que vous avez eue, ou de quelque
familiarité que vous avez permise, ou de quelque objet que vous
avez vu. Le démon ne vous remet cela de-vant les yeux que dans l'espérance
qu'il vous conduira au péché, au moins par la pensée.
2? Nous péchons par désirs.
Voilà, M.F., la différence qu'il y a entre la pensée
et le désir ; le désir, c'est vouloir accomplir ce à
quoi nous pensons ; mais pour vous parler plus clairement, c'est vouloir
commettre le péché d'impureté, après y avoir
pensé pen-dant quelque temps, lorsque nous en trouverons l'occasion
ou lorsque nous la chercherons. Il faut bien dire si ce désir est
resté dans notre cœur, si nous avons fait quelque démarche
pour ac-complir ce que nous avons désiré, si nous avons sollicité
quelques personnes à faire mal avec nous ensuite quelles sont les
personnes que nous avons voulu porter au mal, si c'est un frère,
une sœur, un enfant ; une mère, une belle-sœur, un beau-frère,
un cousin. Il faut bien dire tout cela, autrement votre confession ne vaudrait
rien. Cependant, il ne faut nommer les personnes qu'autant qu'il est né-cessaire
pour faire connaître son péché. Il est bien certain
que si vous aviez fait mal avec un frère ou une sœur, et que vous
vous contentiez de dire que vous avez fait un péché contre
la sainte vertu de pureté, cela ne suffirait pas.
3? L'on pèche par regards,
lorsqu'on porte ses yeux sur des objets impurs, ou quelque chose qui peut
nous y conduire. Il n'y a point de porte par laquelle le péché
entre si facilement et si sou-vent que par les yeux ; aussi le saint homme
Job disait : « Qu'il avait fait un pacte avec ses yeux pour ne jamais
regarder une per-sonne en face . »
4° Nous péchons par paroles.
Nous parlons, M.F., pour ma-nifester à l'extérieur ce que
nous pensons au dedans de nous-mêmes, c'est-à-dire ce qui
se passe dans notre cœur. Vous devez vous accuser de toutes les paroles
impures que vous avez dites, combien de temps votre conversation a duré
; quel motif vous a engagé à les dire, à quelles personnes
et à combien de personnes vous avez pu les dire. Hélas !
M.F., il y a de pauvres enfants, pour lesquels il vaudrait bien mieux trouver
sur leur chemin un tigre ou un lion, que certains impudiques. Si, comme
l'on dit, la bouche parle de l'abondance du cœur, jugez quelle doit être
la corruption du cœur de ces infâmes qui se roulent, se traînent
et se noient pour ainsi dire dans la fange de leur impureté. O mon
Dieu ! si vous nous dites que l'on connaît l'arbre à son fruit,
quel abîme de corruption peut être semblable !
5? Nous péchons par actions.
Telles sont les libertés coupa-bles sur soi-même ou sur d'autres,
les baisers impurs, sans oser vous dire le reste ; vous comprenez bien
ce que je dis. Mon Dieu ! où sont ceux qui, dans leurs confessions,
s'accusent de tout cela ? Mais aussi que de sacrilèges ce
maudit péché d'impureté fait faire ! Nous ne
connaîtrons cela qu'au grand jour des vengeances. Combien de
jeunes filles resteront deux ou trois heures avec des libertins,
et il n'y aura sorte d'impureté que leur bouche infernale
ne vomisse continuellement. Hélas ! mon Dieu, comment ne pas
brûler au milieu d'un brasier si ardent ?
6? L'on pèche par occasion,
soit en la donnant, soit en la prenant. Je dis, en la donnant, comme une
personne du sexe qui est mise d'une manière indécente, laissant
son mouchoir trop écar-té, ayant le cou et les épaules
découverts, portant des vêtements qui dessinent trop les formes
du corps ; ou ne portant point de mouchoir en été, ou bien
s'habillant d'une manière trop affectée. Non, ces malheureuses-là
ne sauront qu'au tribunal de Dieu le nombre de crimes qu'elles auront fait
commettre. Combien de gens mariés qui ont moins de réserves
que des païens ! Une fille est encore coupable de quantité
de péchés impurs, qui sont pres-que tous des péchés
mortels, toutes les fois qu'elle est trop facile et trop familière
avec les jeunes gens. L'on est encore coupable, lorsqu'on va avec des personnes
que l'on sait n'avoir que des mauvaises paroles à la bouche. Vous
pouvez ne pas y avoir pris plaisir, mais vous avez eu le tort de vous y
exposer.
Souvent, on se fait illusion, l'on
croit ne point faire de mal, tandis que l'on pèche affreusement.
Ainsi les personnes qui se voient sous prétexte de mariage, croient
qu'il n'y a point de mal de passer un temps considérable seuls,
le jour et la nuit. N'oubliez pas, M.F., que tous ces embrassements qui
se font dans ces mo-ments sont presque tous des péchés mortels,
parce qu'ordinaire-ment ce n'est qu'une amitié charnelle qui les
fait faire. Com-bien de jeunes fiancés n'ont aucune réserve
; ils se chargent des crimes les plus épouvantables, et semblent
forcer la justice de Dieu de les maudire au moment où ils entrent
dans l'état du mariage. Vous devez être aussi réservés
pendant ce temps que vous l'êtes avec vos sœurs ; tout ce que l'on
fait de plus est un péché. Hélas ! mon Dieu, où
sont ceux qui s'en accusent ? presque personne. Mais aussi, où sont
ceux qui entrent dans l'état du mariage saintement ? Hélas
! presque point. De là résultent tant de maux dans le ma-riage
et pour l'âme et pour le corps. Eh ! mon Dieu ! des parents qui le
savent peuvent dormir ! Hélas ! que d'âmes qui se traînent
dans les enfers !
On pèche encore contre la
sainte vertu de pureté quand on se lève la nuit sans être
habillé pour sortir, pour aller servir un ma-lade, ou pour aller
ouvrir la porte. Une mère doit faire attention de ne jamais avoir
de regards déshonnêtes, ni d'attouchements sans nécessité
sur ses enfants. Les pères et mères et les maîtres
sont coupables de toutes les familiarités qu'ils permettent entre
leurs enfants et leurs domestiques, pouvant les empêcher. L'on se
rend encore coupable, en lisant et prêtant de mauvais livres ou des
chansons licencieuses ; en s'écrivant des lettres entre personnes
de différent sexe. L'on participe au péché en favorisant
des rendez-vous de jeunes gens, sous prétexte même de mariage.
Vous êtes obligés,
M.F., de déclarer toutes les circonstances aggravantes, si vous
voulez que vos confessions soient bonnes. Écoutez-moi, vous allez
encore mieux le comprendre. Péchez-vous avec une personne déjà
abandonnée au vice, qui en fait pro-fession, vous vous rendez volontairement
l'esclave de Satan, et encourez la damnation éternelle. Mais, apprendre
le mal à une jeune personne, la porter au mal pour la première
fois, lui ravir l'in-nocence, lui enlever la fleur de sa virginité,
ouvrir la porte de son cœur au démon, fermer le ciel à cette
âme qui était l'objet de l'amour des trois personnes de la
Sainte-Trinité, la rendre digne de l'exécration du ciel et
de la terre : ce péché est encore infini-ment plus grand
que le premier, et vous êtes obligés de vous en accuser. Pécher
avec une personne libre, ni mariée, ni parente, est, selon saint
Paul, un crime qui nous ferme le ciel et nous ouvre les abîmes ;
mais pécher avec une personne engagée dans les liens du mariage,
c'est un crime qui en renferme un grand nombre d'au-tres ; c'est une horrible
infidélité, qui anéantit et qui profane tou-tes les
grâces du sacrement de mariage ; c'est encore un exécrable
parjure qui foule aux pieds une foi jurée au pied des autels, en
présence non seulement des anges, mais de Jésus-Christ lui-même
; crime qui est capable d'attirer toutes sortes de malédic-tions,
non seulement sur une maison, mais encore sur une pa-roisse. Pécher
avec une personne qui n'est ni parente, ni alliée, c'est un gros
péché, puisqu'il nous perd pour jamais ; mais, pécher
avec une parente ou une alliée, c'est-à-dire, un père
avec sa fille, une mère avec son fils, un frère avec sa sœur,
un beau-frère avec sa belle-sœur, un cousin avec sa cousine, c'est
le plus grand de tous les crimes que l'on puisse imaginer ; c'est se jouer
des règles les plus inviolables de la pudeur ; c'est fouler aux
pieds les droits les plus sacrés de la religion et de la nature.
Enfin, pécher avec une personne consacrée à Dieu,
c'est le comble de tous les mal-heurs, puisque c'est un sacrilège
épouvantable. O mon Dieu ! peut-il y avoir des chrétiens
qui se livrent à toutes ces turpitudes ! Hélas ! si au moins,
après de telles horreurs, l'on avait recours au bon Dieu pour lui
demander de nous tirer de cet abîme ! Mais, non, l'on vit tranquille,
et la plupart n'ouvrent les yeux qu'en tom-bant en enfer. Vous êtes-vous,
M.F., formé une idée de la gran-deur de ce péché
? Non, sans doute, parce que vous en auriez bien plus d'horreur, et vous
auriez pris plus de précautions pour ne pas y tomber.
III. - Si vous me demandez maintenant
ce qui peut nous conduire à un tel crime. Mon ami, je n'ai qu'à
ouvrir mon caté-chisme et à le demander à un enfant,
en lui disant : Qu'est-ce qui nous conduit ordinairement à ce vice
honteux ? Il me répondra simplement : Monsieur le Curé, ce
sont les danses, les bals, les fréquentations trop familières
avec des personnes de différent sexe ; les chansons, les paroles
libres, les immodesties dans les habits, les excès dans le boire
et le manger.
Je dis : les excès dans le
boire et le manger. Si vous me de-mandez pourquoi cela, le voici, M.F.
: C'est que notre corps ne tend qu'à la perte de notre âme
; il faut nécessairement le faire souffrir en quelque manière,
sans quoi tôt ou tard, il jettera notre âme en enfer. Une personne
qui a bien à cœur le salut de son âme ne passera jamais un
jour sans se mortifier en quelque chose dans le boire, le manger, le sommeil.
Pour l'excès du vin, saint Augus-tin nous dit clairement qu'un ivrogne
est impudique, ce qui est bien facile à prouver. Entrez dans un
cabaret, ou soyez en la com-pagnie d'un ivrogne, il n'aura pas autre chose
à la bouche que les paroles les plus sales ; vous le verrez faire
les actions les plus honteuses ; et certainement il ne les ferait pas s'il
n'était pas dans le vin. Vous voyez donc par là, M.F., que,
si nous voulons conserver la pureté dans notre âme, il faut
nécessairement refuser quelque chose à notre corps, sans
quoi il nous perdra.
Je dis que les bals et les danses
nous conduisent à ce vice in-fâme. C'est le moyen dont le
démon se sert pour enlever l'inno-cence au moins aux trois quarts
des jeunes gens. Je n'ai pas besoin de vous le prouver, vous ne le savez
que trop malheureusement par votre propre expérience. Hélas
! combien de mauvaises pen-sées, de mauvais désirs et d'actions
honteuses causées par les dan-ses ! Il me suffirait de vous dire
que huit conciles tenus en France défendaient la danse, même
dans les noces, sous peine d'excom-munication. – Mais, me direz-vous, pourquoi
donc y a-t-il des prêtres qui donnent l'absolution à ces personnes
sans les éprou-ver ? – Pour cela, je ne vous en dis rien, chacun
rendra compte de ce qu'il aura fait. Hélas ! M.F., d'où est
venue la perte des jeunes gens ? Pourquoi n'ont-ils plus fréquenté
les sacrements ? Pourquoi ont-ils même laissé leurs prières
? N'en cherchez pas d'autre cause que la danse. D'où peut venir
ce grand malheur que plusieurs ne font plus de pâques, ou les font
mal ? Hélas ! de la danse. Com-bien de jeunes filles, à la
suite de la danse, ont perdu leur réputa-tion, leur pauvre âme,
le ciel, leur Dieu ! Saint Augustin nous dit qu'il n'y aurait pas autant
de mal à travailler toute la journée le dimanche, qu'à
danser. Oui, M.F., nous verrons au grand jour du jugement, que ces filles
mondaines ont fait commettre plus de pé-chés qu'elles n'ont
de cheveux sur la tête. Hélas ! que de mauvais regards, que
de mauvais désirs, que d'attouchements déshonnêtes,
que de paroles impures, que d'embrassements mauvais, que de ja-lousies,
que de disputes, que de querelles ne voit-on pas commet-tre dans la danse
ou à la suite des danses ! Pour mieux vous en convaincre, M.F.,
écoutez ce que nous dit le Seigneur par la bou-che du prophète
Isaïe : « Les mondains dansent au son des flûtes et des
tambours, et un moment après ils descendent dans les en-fers . »
L'Esprit-Saint nous dit par la bouche du prophète Ezé-chiel
: « Va dire aux enfants d'amour, que parce qu'ils se sont li-vrés
à la danse, je vais les punir rigoureusement ; afin que tout Israël
soit saisi de frayeur. » Saint Jean Chrysostome nous dit que les
patriarches Abraham, Isaac et Jacob ne voulurent jamais per-mettre que
l'on dansât à leur mariage, dans la crainte d'attirer les
malédictions du ciel sur eux. Mais, je n'ai pas besoin d'aller cher-cher
d'autres preuves que vous-mêmes. Parlez-moi sincèrement, n'est-ce
pas que vous ne voudriez pas mourir en venant d'une danse ? Non, sans doute,
parce que vous ne seriez guère prêts à aller paraître
devant le tribunal de Dieu. Dites-moi pourquoi vous ne voudriez pas mourir
dans cet état, et pourquoi vous ne man-quez pas de vous en confesser
? C'est donc bien prouvé, vous sen-tez vous-mêmes que vous
faites mal ; autrement vous n'auriez pas besoin de vous en accuser et ne
craindriez pas de paraître devant Jésus-Christ. Écoutez
ce que nous dit saint Charles Borromée par-lant de la danse : de
son temps, l'on condamnait à trois ans de pé-nitence publique
une personne qui allait à la danse, et, si elle continuait, on la
menaçait d'excommunication. N'allons pas plus loin, M.F., la mort
vous prouvera ce que nous disons aujourd'hui, mais trop tard pour un grand
nombre. Il faut vraiment être aveugle pour croire qu'il n'y a pas
grand mal dans la danse, lorsque nous voyons que toutes les personnes désireuses
de s'assurer le ciel, l'ont quittée et ont pleuré le malheur
d'y être allées, dans le temps de leurs folies. Mais, tirons
le rideau jusqu'au grand jour des ven-geances où nous verrons tout
cela plus clairement, où la corrup-tion du cœur ne pourra plus trouver
d'excuse.
Je dis que les immodesties dans
les habits nous conduisent à ce vice honteux. Oui, M.F., une personne
qui ne s'habille pas dé-cemment est la cause de beaucoup de
péchés : de mauvais re-gards, de mauvaises pensées,
de paroles déshonnêtes. Voulez-vous savoir, du moins en partie,
le mal dont vous êtes la cause ? Mettez-vous un instant aux pieds
de votre crucifix, comme si vous alliez être jugé. L'on peut
dire que les personnes mises d'une manière mondaine sont une source
d'impureté, et un poison qui donne la mort à tous ceux qui
n'ont pas la force de les fuir. Voyez en elles cet air efféminé
ou enjoué, ces regards perçants, ces ges-tes honteux, qui,
comme autant de traits trempés dans le poison de leur impudicité,
blessent presque tous les yeux assez malheureux pour les regarder. Hélas
! que de péchés fait commettre un cœur une fois imbibé
de ce limon impur ! Hélas ! il y a de ces pauvres cœurs qui sont
aussi brûlés de ce vice impur, qu'une poignée de paille
dans un feu, Je ne sais pas si vous avez commencé à vous
former une idée de la grandeur de ce péché et en combien
de ma-nières l'on peut s'en rendre coupable, priez le bon, Dieu,
M.F., qu'il vous le fasse bien connaître et en concevoir une telle
horreur que vous ne le commettiez jamais plus.
IV. – Mais, voyons maintenant ce
qu'il faut faire pour se ga-rantir de ce péché, qui est si
horrible aux yeux de Dieu, et qui traîne tant de pauvres âmes
en enfer. Pour vous le montrer d'une manière claire et simple, je
n'ai qu'à ouvrir encore une fois mon catéchisme. Si
je demandais à un enfant, quels sont les moyens que nous devons
employer pour ne pas tomber dans ce maudit pé-ché, il me
répondrait avec sa simplicité ordinaire : Il y en a plu-sieurs,
mais les principaux sont : la retraite, la prière, la fréquenta-tion
des sacrements, une grande dévotion envers la sainte Vierge, la
fuite des occasions, et enfin rejeter promptement toutes les mauvaises
pensées que le démon nous présente.
Je dis qu'il faut aimer la retraite,
je ne veux pas dire qu'il faille se cacher dans un bois, ni même
dans un monastère, ce qui serait cependant un grand bonheur pour
vous ; mais je veux dire, qu'il faut fuir seulement les compagnies des
personnes qui ne par-lent que de choses capables de vous salir l'imagination,
ou bien qui ne s'occupent que d'affaires terrestres et nullement du bon
Dieu. Voilà, M.F., ce que je veux dire. Le dimanche surtout, au
lieu d'aller voir vos voisins ou voisines, prenez un livre, comme l'Imitation
de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ou bien la Vie des saints ; vous
y verrez comment ils ont combattu les tentations que le démon a
tâché de faire naître dans leur esprit ; vous verrez
combien ils ont fait de sacrifices pour plaire à Dieu et sauver
leurs âmes : cela vous encouragera. Vous ferez comme saint Ignace,
qui, étant blessé, se mit à lire la vie des saints
; voyant les luttes qu'ils avaient éprouvées et le courage
avec lequel ils combattaient pour le bon Dieu, il se dit à lui-même
: « Et pourquoi ne ferais-je pas ce que ces saints ont fait ? N'ai-je
pas le même Dieu qui m'ai-dera à combattre, le même
ciel à espérer et le même enfer à crain-dre
?... » Vous ferez de même. Oui, M.F., il est nécessaire
de fuir la compagnie des personnes qui n'aiment pas le bon Dieu. Ne soyons
avec le monde que par nécessité, quand notre devoir nous
y appelle.
Nous disons qu'il faut aimer la
prière, si nous voulons conserver la pureté de notre âme.
Si vous me demandez pourquoi il faut prier, je vous en donnerai la raison
: c'est que cette belle vertu de pureté vient du ciel, c'est donc
par la prière que nous de-vons la demander et la conserver. Il est
certain qu'une personne qui n'a pas recours à la prière ne
conservera jamais son âme pure aux yeux de Dieu. Par la prière,
nous conversons avec le bon Dieu, les anges et les saints, et par cet entretien
céleste nous de-venons nécessairement spirituels ; notre
esprit et notre cœur se détachent peu à peu des choses créées
pour ne considérer et n'ai-mer que les biens du ciel. Cependant
il ne faut pas croire que, tou-tes les fois que l'on est tenté,
l'on offense le bon Dieu ; le péché ne se trouve que dans
le consentement et dans le plaisir que l'on y prend. Quand nous serions
tentés huit ou quinze jours, si cela nous fait horreur, nous faisons
comme les enfants dans la four-naise de Babylone, qui n'en sortirent que
plus beaux . IL nous faut vite avoir recours au bon Dieu en lui disant
: « Mon Dieu, ve-nez à mon aide ; vous savez que sans vous,
je ne peux que me perdre ; mais, aidé de votre grâce, je suis
sûr de sortir victorieux du combat. Ah ! Vierge sainte, devons-nous
dire, ne permettez pas que le démon ravisse mon âme qui a
coûté tant de souffrances à votre divin Fils. »
Pour conserver la pureté,
il faut avoir recours aux sacre-ments, et les recevoir avec de bonnes dispositions.
Oui, M.F., une personne qui a le bonheur de fréquenter les sacrements
souvent et saintement, peut très facilement conserver cette belle
vertu. Nous avons une preuve que les sacrements nous sont d'un grand se-cours,
dans les efforts du démon pour nous en éloigner ou nous les
faire profaner. Voyez, quand nous voulons nous en approcher, combien le
démon suscite en nous de craintes, de troubles, de dé-goûts.
Tantôt il nous dit que nous agissons presque toujours mal, tantôt,
que le prêtre ne nous connaît pas, ou bien que nous ne nous
faisons pas assez connaître, que sais-je ? Mais, pour nous moquer
de lui, il faut redoubler de soins, nous en approcher encore plus souvent,
et ensuite nous ensevelir dans le sein de la miséricorde de Dieu,
en lui disant : « Vous savez, mon Dieu, que je ne cher-che que vous
et le salut de ma pauvre âme. » Non, M.F., il n'y a rien qui
nous rende si redoutables au démon que la fréquentation des
sacrements ; en voici la preuve. Voyez sainte Thérèse. Le
démon avoua, par la bouche d'un possédé, que cette
sainte lui était devenue si redoutable par la sainteté puisée
dans la sainte com-munion, qu'il ne pouvait pas même respirer l'air
où elle avait pas-sé. Si vous en cherchez la raison, elle
est très facile à compren-dre : le sacrement adorable de
l'Eucharistie, n'est-il pas ce vin qui produit la virginité
? Comment n'être pas vierge en recevant le roi de la pureté
? Voulez-vous conserver ou acquérir cette belle vertu qui rend semblable
aux anges ? Fréquentez souvent et sain-tement les sacrements, vous
êtes sûrs que, malgré tous les efforts du démon,
vous aurez le grand bonheur de conserver la pureté de votre âme.
Si nous voulons conserver pur ce
temple du Saint-Esprit, il faut avoir une grande dévotion à
la très sainte Vierge, puisqu'elle est la Reine des vierges. C'est
elle qui, la première, a levé l'éten-dard de cette
incomparable vertu. Voyez combien le bon Dieu en fait d'estime : il n'a
pas dédaigné de naître d'une mère pauvre, in-connue
dans le monde, d'avoir pour père nourricier un père pau-vre
; mais il lui fallait une mère pure et sans tâche, un père
d'une pureté telle que la sainte Vierge seule pouvait le surpasser
en pu-reté. Saint Jean Damascène nous encourage grandement
à avoir une tendre dévotion envers la pureté de la
sainte Vierge ; il nous dit que tout ce que l'on demande au bon Dieu en
l'honneur de la pureté de la sainte Vierge on l'obtient toujours.
Il nous dit que cette vertu est si agréable aux anges qu'ils chantent
sans cesse dans le ciel : « O Vierge des vierges, nous vous louons
; nous vous bénissons, ô Mère du bel amour. »
Saint Bernard, ce grand serviteur de Marie, nous dit qu'il a converti plus
d'âmes par l'Ave Maria, que par tous ses sermons. Êtes-vous
tentés ? nous dit-il, appelez Marie à votre secours, et vous
êtes sûrs de ne pas suc-comber à la tentation . Lorsque
nous récitons l'Ave Maria, nous dit-il, tout le ciel se réjouit
et tressaille de joie, et tout l'enfer fré-mit en se rappelant,
que Marié a été l'instrument dont Dieu s'est servi
pour l'enchaîner. C'est pour cela que ce grand saint nous re-commande
tant la dévotion : à la Mère de Dieu, afin que Marie
nous regarde comme ses enfants. Si vous êtes bien aimés de
Ma-rie, vous êtes sûrs d'être bien aimés de son
Fils. Plusieurs saints Pères nous recommandent d'avoir une grande
dévotion envers Marie, et de faire de temps en temps quelques communions
en son honneur, et surtout en l'honneur de sa sainte Pureté ; ce
qui, lui est si agréable qu'elle ne manquera pas de nous faire sentir
son intercession auprès de son divin Fils.
Pour conserver cette vertu angélique
nous devons combattre les tentations et fuir les occasions, comme ont fait
les saints, qui ont mieux aimé mourir que de perdre cette belle
vertu. Voyez ce que fit le patriarche Joseph, lorsque la femme de Putiphar
voulut le solliciter au péché, il lui laissa la moitié
de son manteau entre les mains . Voyez la chaste Suzanne, qui aima mieux
perdre sa réputation, celle de sa famille et sa vie même,
que de perdre cette vertu qui est si agréable à Dieu . Voyez
encore ce qui arriva à saint Martinien, qui s'était retiré
dans un bois, pour ne penser qu'à plaire à Dieu. Une femme
de mauvaise vie vint le trouver, fei-gnant de s'être égarée
dans les forêts et le priant de vouloir bien avoir pitié d'elle.
Le saint la reçut dans sa solitude et la laissa seule. Le lendemain
étant revenu voir ce qu'elle était devenue, il la trouva
bien parée. Alors elle lui dit que le bon Dieu l'avait en-voyée
pour faire alliance avec lui ; qu'elle avait de grands biens dans la ville,
qu'il pourrait faire beaucoup d'aumônes. Le saint voulut savoir si
cela venait de Dieu ou du démon ; il lui dit d'at-tendre, parce
que tous les jours il venait des gens pour se recom-mander à ses
prières et qu'il ne fallait pas leur laisser faire un voyage inutile
; il allait sur la montagne pour voir s'il en arrivait quelques-uns. Lorsqu’il
fut sur la montagne, il entendit une voix qui lui dit : « Martinien,
Martinien, que fais-tu ? tu écoutes la voix de Satan. » Il
en fut si effrayé qu'il retourna dans sa solitude, fit un grand
feu et se mit dedans ; la douleur du péché qu'il était
ex-posé à commettre et la douleur du feu lui firent pousser
de grands cris. Cette malheureuse étant venue à ce bruit,
lui demanda ce qui l'avait mis dans un tel état. « Ah ! lui
répondit le saint, je ne puis pas supporter le feu de ce monde,
comment pourrais-je endurer celui de l'enfer, si j'ai le malheur de pécher
comme vous le dési-rez ? » Ce qui frappa tellement cette femme
qu'elle resta dans la cellule du saint, fit pénitence toute sa vie,
et Martinien alla plus loin pour continuer ses austérités
.
Il est rapporté dans la vie
de saint Thomas d'Aquin qu'on lui envoya une femme de mauvaise vie
pour le porter au péché. On la fit entrer dans sa chambre
pendant qu'il était absent. Lors-qu'il aperçut cette créature,
il prit un tison ardent et la chassa hon-teusement. Voyez encore saint
Benoît, qui, pour se délivrer de ses mauvaises pensées,
se roulait dans les ronces où il se mettait tout en sang. D'autres
fois, il se plongeait dans l'eau glacée jusqu'au cou pour éteindre
ce feu impur . Mais je ne trouve rien dans la vie des saints qui soit comparable
au récit de saint Jérôme. Du fond de son désert,
il écrit à un de ses amis, et lui fait la peinture des combats
qu'il éprouve et des pénitences qu'il exerce sur son corps
; on ne peut le lire sans pleurer de compassion : « Dans cette vaste
solitude que les ardeurs du soleil rendent insupporta-ble, dit-il, ne me
nourrissant que d'un peu de pain noir et d'herbes crues, couchant sur la
terre nue, ne buvant que de l'eau, même dans mes maladies, je ne
cesse de pleurer aux pieds de mon cruci-fix. Lorsque mes larmes manquent,
je prends une pierre, je m'en frappe la poitrine jusqu'à ce que
le sang me sorte par la bouche, et malgré cela, le démon
ne me laisse point de repos ; il faut toujours avoir les armes à
la main . »
Que conclure, M.F., de tout ce que
nous venons de dire ? IL n'y a point de vertu qui nous rende si agréables
au bon Dieu, que la vertu de pureté, et point de vice qui plaise
tant au démon que le péché d'impureté. Cet
ennemi ne peut souffrir qu'une personne qui est à Dieu possède
cette vertu ; et c'est ce qui doit vous enga-ger à ne rien négliger
pour la conserver. Pour cela, veillez avec soin sur vos regards, vos pensées
et tous les mouvements de votre cœur ; ayez fréquemment recours
à la prière ; fuyez les mauvaises compagnies, les danses,
les jeux ; pratiquez la mortification ; re-courez à la très
sainte Vierge ; fréquentez souvent les sacrements. Quel bonheur
! si nous sommes assez heureux pour ne pas laisser souiller notre cœur
par ce maudit péché, puisque Jésus-Christ nous dit
qu'il n'y aura que à ceux qui ont le cœur pur qui verront Dieu
! » Demandons, M.F., chaque matin au bon Dieu de purifier nos yeux,
nos mains et généralement tous nos sens ; afin que nous puissions
paraître avec confiance devant Jésus-Christ, qui est le partage
des âmes pures ; c'est tout le bonheur que je vous souhaite.
11ème dimanche après la Pentecôte
Sur les péchés cachés en confession :
[Les péchés sexuels sont ceux qui
font commettre le plus de sacrilèges]
Mais, de tous les péchés, celui qui nous fait faire le
plus de sacrilèges, c'est celui qui est contre la sainte vertu de
pureté ; ce maudit péché porte une telle infamie
avec lui qu'il nous entraîne dans toutes sortes de malheurs ; et
nous verrons, au jour du jugement, que le plus grand nombre de mauvaises
confessions ont été rendues mauvaises par ce péché.
Il est rapporté dans l'histoire qu'il y avait un jeune homme
qui s'était consacré à Dieu dès sa jeunesse.
Il s'était même retiré dans un bois pour vivre en solitaire.
Il devint par ses grandes vertus, un sujet d'admiration pour tous les environs
; l'on en parlait comme d'un saint. Mais le démon, qui ne pouvait
souffrir tant de vertus dans un si jeune homme, mit tous ses artifices
pour le perdre. Il le poursuivait continuellement par de mauvaises pensées.
Ce jeune homme avait aussitôt recours à la prière,
en demandant au bon Dieu la force de ne pas succomber. Le démon
ne le quittait ni jour ni nuit, toujours dans l'espérance qu'il
le gagnerait. Hélas ! ce pauvre jeune homme, las de combattre, se
rendit peu à peu ; et enfin, dans son cœur, il donna un consentement
à un désir d'impureté. Hélas ! à peine
eut-il consenti seulement à ce désir, qu'il se sentit tout
troublé dans l'âme. Tant il est vrai, hélas ! que dès
que le péché entre dans notre cœur, la paix de l'âme
s'en va. Se voyant vaincu, il s'abandonna à une si profonde tristesse
que rien ne pouvait le consoler ; il pleurait continuellement : «
Ah ! Pélage, disait-il, en se parlant à lui-même, que
tu as peu tardé à te laisser tromper ! toi qui, il y a si
peu de temps, étais un enfant chéri de Dieu, et, maintenant,
te voilà un enfant esclave du démon : il faudra bien t'en
confesser, faire pénitence de ton péché. Mais, si
je le confesse, que va-t-on penser de moi ! Je vais perdre l'estime que
l'on a de moi dans le monde. » Au milieu de tant de sortes de pensées,
étant allé vers la porte de son ermitage, il vit passer un
personnage vêtu en pèlerin, qui lui dit : « Pélage,
pour-quoi vous livrez-vous à une si profonde tristesse ; celui qui
sert un Dieu si bon, ne doit pas être si triste ; si vous l'avez
offensé, faites pénitence et confessez-vous, et sans doute,
le bon Dieu étant si bon, vous pardon-nera. » – « Et
où m'avez-vous connu ? lui demanda Pélage. » – «
Je vous connais fort bien, répondit le pèlerin, pour Pélage
qui passe pour un saint dans tout le pays. Si vous voulez sortir de cette
tristesse, confessez-vous, et vous reprendrez l'ancienne paix de votre
âme et votre première tranquillité. » Le pauvre
Pélage demeura tout étonné de ce que lui disait le
pèlerin, et, regardant de tous côtés, il n'aperçut
plus son pèlerin, parce qu'il avait disparu : ce qui lui fit bien
comprendre que c'était un avertissement du Ciel. Alors il résolut
de faire une véri-table pénitence qui fût capable d'apaiser
la justice de Dieu ; et pour mieux exécuter son dessein, il résolut
d'aller dans un monastère voisin où l'on faisait de grandes
pénitences. Il alla trouver le supérieur en lui disant qu'il
avait un grand désir de prendre le saint habit. L'abbé et
tous les religieux en eurent une grande joie, d'autant plus qu'il passait
pour un grand saint. En effet, quand il fut dans le monastère, il
était toujours le premier dans tous les exercices de piété
; il faisait de rigoureuses pénitences, il portait toujours un cilice
et jeûnait fort exactement. Au bout de quelque temps, il tomba malade,
il
ne douta pas qu'il allait mourir Le bon Dieu dans sa miséricorde,
en reconnaissance de tant de vertus qu'il avait pratiquées dans
son monastère, lui donna de fortes pensées de se confesser
de son péché caché ; mais jamais il n'eut la force
de le confesser ; toujours retenu par la crainte et la honte, il confessa
bien tous ses autres péchés avec un grand regret. Un moment
après avoir reçu le saint Viatique, il mourut. Les religieux
firent l'enterrement, non comme celui d'un mort ordinaire, mais d'un saint
dont on commençait déjà à implorer la protection
auprès du bon Dieu. Tous les habitants des pays voisins venaient
en foule pour se recommander à ses prières. Hélas
! que le bon Dieu juge bien autrement que ces hommes. La nuit suivante,
le sacristain s'étant levé pour aller sonner l'office, et
passant par l'église, jeta les yeux sur l'endroit où était
enterré Pélage ; il s'aperçut que le corps était
sur la terre, et pensant qu'on ne l'avait pas bien couvert, il l'enterra
sans rien dire. Mais le lendemain, il le trouva encore hors de sa tombe
; il remarqua que la terre l'avait rejeté dehors. Il alla trouver
l'abbé et lui raconta ce qu'il avait vu. L'abbé fit rassembler
tous ses religieux et ordonna d'aller à l'église. Étant
auprès de la sépulture de Pelage, ils prièrent Notre-Seigneur
Jésus-Christ de vouloir bien manifester sa volonté s'il fallait
enterrer le défunt dans un lieu plus honorable ; ils s'adressèrent
même au défunt, en lui disant à haute voix : «
Vous, Pélage, qui avez été si obéissant pendant
votre vie, dites-nous si c'est la volonté de Dieu que votre corps
soit mis dans un endroit plus digne de vous ? » Alors le défunt
jeta un cri épouvantable en leur disant : « Ah ! malheureux
que je suis, pour avoir caché un péché en confession,
je suis condamné au feu de l'enfer, pour autant de temps que Dieu
sera Dieu ; si vous voulez vous en assurer, approchez-vous et regardez
mon corps. » L'abbé s'approcha et vit son corps tout embrasé,
semblable aux morceaux de fer qui sont dans une fournaise. Alors le défunt
lui dit que la volonté de Dieu était qu'il fût jeté
à la voirie comme une bête. Hélas ! quel malheur, M.F.
! combien il lui aurait été facile de se sauver puisqu'il
était un saint sous le rapport de toutes les autres vertus ! O mon
Dieu, quel malheur ! pour n'avoir pas eu la force de confesser un seul
mauvais désir, qu'à peine avait-il laissé naître
dans son cœur, il s'en était aussitôt repenti. Hélas
! que de regrets et que de larmes pendant toute l'éternité
! Hélas ! M.F., que ce péché fait faire de mauvaises
confessions, ou plutôt que ce péché
conduit d'âmes en enfer ! Hélas ! combien, parmi
ceux qui maintenant m'écoutent, sont du nombre et auxquels il faut
toutes leurs forces pour ne point le laisser paraître au dehors !
Ah ! mon ami, lâchez la bride à vos remords, laissez couler
vos larmes, venez vous jeter aux pieds du Seigneur, et vous trouverez la
paix et l'amitié de votre Dieu que vous avez perdues.
Mais, pensez-vous, je ne crois pas qu'il y en ait qui soient capables
de cacher leurs péchés, parce qu'ils seraient bien trop tourmentés.
– Ah ! M.F., s'il me fallait prêter serment, pour affirmer qu'il
y en a ou qu'il n'y en a point, je ne balancerais pas à dire qu'il
y en a au moins cinq ou six qui sont brûlés par leurs remords
et par leurs péchés, et qui m'entendent, et qui pensent que
cela est vrai ; mais, prenez patience, vous les verrez au jour du jugement,
et vous vous rappellerez ce que je vous dis aujourd'hui, O mon Dieu ! la
honte ou la crainte peuvent-elles bien retenir un chrétien dans
un état si épouvantable ? Ah ! mon ami, qu'est-ce que vous
vous préparez à vous-même ? Vous n'osez pas vous en
ouvrir à votre pasteur ? mais est-il seul dans le monde ? Ne trouveriez-vous
pas des prêtres qui auraient la charité de vous recevoir ?
Pensez-vous que l'on vous donnera une trop longue pénitence ? Ah
! mon ami, que cela ne vous arrête pas ! l'on vous aidera, l'on en
fera la plus grande partie ; on priera pour vous, on pleurera vos péchés,
pour attirer avec plus d'abondance les miséricordes de Dieu sur
vous ! Mon ami, ayez pitié de cette pauvre âme qui a coûté
si cher à Jésus-Christ !... O mon Dieu ! qui pourra jamais
comprendre l'aveuglement de ces pauvres pécheurs ! Vous avez caché
votre péché, mon ami, mais il faudra qu'il soit connu un
jour, et même aux yeux de tout l'univers ; tandis que, d'une parole,
vous l'auriez caché pour jamais et vous changeriez votre enfer en
une éternité de bonheur ! Hélas ! qu'un sacrilège
conduit loin ces pauvres pécheurs ! ils ne veulent pas mourir dans
cet état, mais ils n'ont pas la force d'en sortir. Mon Dieu, tourmentez-les
si fort qu'ils ne puissent pas y rester !...