AVANT-PROPOS. A DEXTER, PRÉFET DU PRÉTOIRE.
Vous voulez, mon cher Dexter, qu'à l'imitation de Suétone je fasse un tableau des écrivains ecclésiastiques, et que je suive pour nos grands hommes le plan dont cet auteur s'est servi dans son énumération des littérateurs profanes; vous m'invitez, en d'autres termes, à vous faire connaître sommairement tous ceux qui ont publié quelque chose sur les saintes Ecritures, depuis la Passion de Jésus-Christ jusqu'à la quatorzième année du règne de Théodose.
Parmi les Grecs, Hermippus le péripatéticien, Antigone de Cacos, le docte Satyrus et Aristoxène le musicien, homme supérieur à eux tous par l'érudition, ont entrepris ce travail; parmi les Latins, il a été tenté par Varron, Sautra, Népos, Lyginus, et enfin par Suétone dont vous me proposez l'exemple. Mais je ne suis point placé dans les mêmes conditions qu'eux. En effet, ceux-ci pouvaient moissonner dans un vaste champ pour composer leur ouvrage ; et moi, que puis-je faire, privé de guides et n'ayant de maître que moi-même? Or suivant une sage maxime, le moi est le pire des maîtres. J'ai beau m'aider puissamment de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Pamphilis, et trouver pour la plupart du temps l'âge des auteurs dont je veux parler attesté par leurs ouvrages eux-mêmes , tous ces secours sont insuffisants.
Il me reste donc à prier notre seigneur Jésus-Christ de
me donner assez de force pour satisfaire votre demande, et pour pouvoir
énumérer les écrivains de cette Eglise ; genre de
travail que votre Cicéron, ce géant de l'éloquence
romaine, n'a pas dédaigné en donnant dans son Brutus la liste
des orateurs latins. Que si quelques-uns de ceux qui ont écrit jusqu'à
nos jours se trouvent omis dans cet. opuscule , ils doivent s'en prendre
à eux plutôt qu'à moi; car pour ce qui est des ouvrages
inédits, je n'ai pu connaître ce que je n'avais pas lu. D'un
autre côté, bien des choses, que d'autres ont peut-être
connues, ne me sont point parvenues dans ce coin de terre. Quant aux écrivains
qui ont acquis de la célébrité, ils ne s'infligeront
pas à coup sûr du tort que leur cause mon silence. Je veux
apprendre aux Celse, aux Porphyre, aux Julien , ces bêtes féroces
acharnées contre Jésus-Christ ; je veux apprendre à
leurs sectateurs, qui pensent que l’Eglise n'a eu ni savants, ni orateurs,
ni philosophes, en quel nombre et quels étaient les hommes qui l'ont
fondée, qui l'ont élevée, qui font embellie; je veux
qu'ils cessent de taxer notre foi d'imbécillité grossière,
et qu'ils reconnaissent leur ignorance à eux-mêmes. Le Seigneur
vous tienne en sa sainte garde.
SIMON PIERRE, fils de Jean, frère d'André apôtre,
et prince des apôtres, naquit à Bethsaïdeen Galilée.
Après avoir fondé l'Eglise d'Antioche, dont il fut l’évêque,
et après avoir prêché l'Évangile aux Juifs convertis
qui étaient dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce,
l'Asie-Mineure et la Bithynie, il vint à Rome la deuxième
année du règne de l'empereur Claude, pour confondre Simon-le
Magicien. Il y occupa pendant vingt-cinq ans la chaire pontificale, jusqu'à
la quatorzième et dernière année du règne de
Néron, époque à laquelle il reçut la palme
du martyre. Il fut mis en croix la tête en bas, se jugeant indigne
de mourir de la même manière que son divin maître. il
a écrit deux épîtres appelées catholiques :
la plupart des auteurs prétendent que la seconde n'est pas de lui,
parce qu'elle fait disparate avec le style de la première; mais
Marc l'évangéliste, qui avait été son disciple
et son interprète, la lui attribue. Les ouvrages intitulés
Evangile, Prédication, Apocalypse, Jugement, Actes de Pierre sont
tous les cinq rejetés comme livres apocryphes. Il fut enterré
à Rome dans le Vatican, près de la voie Triomphale. Le monde
entier vénère et célèbre sa mémoire.
JACQUES, surnommé le juste et appelé aussi le frère du Seigneur, était selon les uns issu de
Joseph par un premier mariage, ou bien , ce qui me semble plus probable, était fils de Marie, cette soeur de la mère de Jésus-Christ dont Jean parle dans son évangile. Après la Passion du Sauveur, les apôtres l'instituèrent évêque de Jérusalem. Il a écrit une seule épître qui fait partie des sept Épîtres catholiques ; on prétend même qu’elle fut publiée sous son nom par un autre auteur, quoiqu'il se soit écoulé peu de temps avant qu'elle commençât à faire autorité. Hégésippe, qui vivait dans des temps rapprochés des apôtres, parlant de Jacques dans le cinquième livre de ses commentaires, s'exprime ainsi : « Jacques , le frère du Sauveur, surnommé le juste, reçut des mains des apôtres la direction de l'Eglise de Jérusalem. Plusieurs ont porté le nom de Jacques; celui dont nous parlons fut saint pour ainsi dire avant de naître. Il ne but jamais de vin ou d'autres liqueurs spiritueuses, et ne mangea jamais de chair; jamais il ne coupa ses cheveux, et il ne connut point l'usage des parfums et des bains. Il n'était permis qu'à lui seul de pénétrer dans le sanctuaire. Ses vêtements étaient faits de lin et non de laine. Il entrait seu1 dans le temple et se prosternait devant le peuple pour prier. Ses genoux avaient fini par devenir aussi durs que la peau du chameau. » Hégésippe ajoute une foule de détails qu'il serait trop long de rapporter.
Joseph, dans le vingtième livre de ses Antiquités, et Clément dans sa septième Hypotypose, racontent qu'à la mort de Festus, gouverneur de Judée, Néron envoya Albinus pour le remplacer. Or Ananus, fils d'Ananas et issu de la famille sacerdotale, grand-prêtre quoique très jeune, prit. le temps qu'Albinus n'était pas arrivé pour assembler un conseil devant lequel il fit venir publiquement Jacques, pour le forcer à renier lé Christ, fils de Dieu. Comme ce saint homme s'y refusait, il le condamna à être lapidé. Jacques, précipité de la plate-forme du temple , se brisa les jambes dans sa chute. Alors levant les mains vers le ciel, il s'écria à demi mort: « Pardonnez-leur, mon Dieu, ils ne savent ce qu'ils font. » Un foulon l’acheva en lui assénant sur la tête un coup de levier doux il se servait pour fouler ses draps.
Le même Joseph rapporte que sa piété était
si grande et si vénérée du peuple, que sa mort avait,
pensait-on, attiré la ruine de Jérusalem. Paul, dans son
épître aux Galates, fait mention de ce saint homme.
« Je n'ai vu, dit-il, aucun autre apôtre que Jacques, le frère
du Seigneur. » Les Actes des apôtres le citent fréquemment.
L'évangile intitulé selon les Hébreux, que j'ai traduit
depuis peu en grec et en latin, et dont Origène s'est servi, ajoute
le passage suivant au récit de la résurrection de Jésus-Christ
: « Le Seigneur, après avoir donné son suaire au serviteur
du prêtre, alla vers Jacques et lui apparut. Or Jacques, depuis qu'il
avait bu dans la coupe du Sauveur , avait juré de ne plus manger
de pain jusqu'à ce qu'il l'eût vu ressuscité d'entre
les morts. Le Seigneur dit alors : « Apportez-moi une table et du
pain; » et quand on lui eut donné ce qu'il demandait, il prit
le pain, le bénit, le rompit et le donna à Jacques en lui
disant : « Mon frère, mangez ce pain, parce que le fils de
l'homme est ressuscité d'entre les morts. » Jacques gouverna
l'Église de Jérusalem pendant trente ans, c'est-à-dire
jusqu'à la septième année du règne de Néron.
Il fut enterré contre le temple, dans l'endroit où il avait
été précipité. Quelques auteurs ont pensé,
mais à tort, qu'il avait été enseveli dans le jardin
des Olives.
MATHIEU, aussi nommé Lévi, était publicain avant
de devenir apôtre. Il fut le premier en Judée qui mit par
écrit l'Évangile de notre seigneur Jésus-Christ ,
et il le rédigea en hébreu à l'usage des Juifs convertis.
On ne connaît pas au juste celui qui l'a traduit en grec. On en a
conservé jusqu'à nos jours, dans la bibliothèque de
Césarée, un exemplaire hébreu que Pamphile le martyr
avait écrit avec le plus grand soin. Les chrétiens de Béroa
en Syrie se servent aussi du texte hébreu , et je me le suis fait
copier par eux. Toutes les fois que. l'évangéliste invoque
, soit en son nom , soit au nom du Seigneur, le témoignage de l'Ancien-Testament,
il recourt non point à la traduction des Septante, mais à
l'original lui-même. Par exemple , ces deux prophéties : «
J'ai appelé mon fils de l'Égypte; il sera appelé le
Nazaréen, » sont tirées du texte hébreu.
JUDAS , frère de Jacques, a laissé une petite épître
qui fait partie des sept catholiques. Il s'appuie dans cette épître
du livre apocryphe d'Enoch ; c'est ce qui la fait rejeter par quelques
auteurs. Toutefois le temps et l'usage lui ont assuré de l'autorité,
et elle est rangée parmi les saintes Écritures.
PAUL, apôtre, s'appelait Saul avant de s'adjoindre aux douze apôtres. Il était de la tribu de Benjamin et il naquit à Giscale en Judée. Cette ville ayant été prise par les Romains, il émigra à Tharse en Cilicie avec sa famille. Ses parents l'envoyèrent ensuite à Jérusalem pour y étudier les lois. Là il suivit les leçons de Gamaliel, homme très érudit dont Luc fait mention. Après avoir assisté et contribué à la mort d'Étienne, il accepta du grand-prêtre la mission de persécuter les chrétiens. Il se rendait à Damas dans ce dessein, quand il fut ramené à la foi par cette révélation dont on peut voir le récit dans les Actes des apôtres, et de persécuteur qu'il était, il devint un vase d'élection. Le premier à qui sa prédication fit embrasser 1a vraie croyance fut Paul Sergius, proconsul de Chypre; et ce dernier, reconnaissait de lui devoir sa conversion, donna son nom à l'apôtre. S'étant adjoint Barnabé, il parcourut plusieurs villes ; puis il revint à Jérusalem , où Pierre, Jacques et Jean lui conférèrent l'apostolat.
Nous ajouterons peu de choses au récit détaillé que les Actes des apôtres font de sa vie. La vingt-deuxième année après la Passion de Jésus-Christ, c'est-à-dire la deuxième du règne de Néron, à l'époque où Festus succéda à Félix dans le gouvernement de la Judée, Paul fut conduit à Rome chargé de fers. Il y resta deux ans sous la surveillance seulement d'un gardien , et il employa ce temps en controverses avec les Juifs sur l'arrivée du Messie. Il fut mis en liberté par Néron, dont la domination n'était pas affermie, et qui ne s'était pas encore livré à ces crimes effrénés que l'histoire lui reproche. Si Paul échappa à cette première persécution, ce fut pour qu'il pût prêcher l'Évangile dans les pays d'Occident, comme il le déclare lui-même dans l'épître qu'il écrivit du fond de sa prison à Timothée, Vannée de sa mort : « Lors de ma première persécution , personne ne me vint en aide, mais tous m'abandonnèrent ; que le ciel le leur pardonne ! mais le Seigneur me secourut et me rendit ma force, afin que par moi son nom fût annoncé en tous lieux et que toutes les nations l'entendissent. J'ai été délivré de la gueule du lion. » Ces derniers mots font évidemment allusion à Néron, dont ils peignent la férocité. Il ajoute plus loin « Dieu m'a délivré de toute embûche et m'a sauvé dans son céleste royaume. » On voit qu'il sentait approcher son martyre: il avait dit plus haut dans la même épître : « Je suis une victime déjà sacrifiée, et l’heure de ma mort est arrivée. »
Paul reçut le martyre le même jour que Pierre : il eut
la tète tranchée à Rome, fan trente-sept de la Passion
de Jésus-Christ; on l'enterra sur la voie d'Ostie. Il a laissé
neuf épîtres adressées aux sept Eglises de Rome, de
Corinthe, de Galatie, d'Ephèse, de Philippes, de Colosses et de
Thessalonique; il en a en outre composé quatre autres pour ses disciples
Timothée , Tite et Philémon. Quant à l'épître
aux Hébreux, l'authenticité en est contestée à
cause de la discordance du style et des idées. Tertullien l'attribue
à Barnabé; suivant d'autres, elle serait l'ouvrage de Luc
l'évangéliste, ou bien de Clément, depuis évêque
de Rome, qui passe pour s'être approprié les pensées
de Paul et les avoir mises en ordre et revêtues de son style. On
peut supposer encore que Paul est l'auteur de cette épître,
et qu'il a retranché au commencement la formule de salut à
cause de la haine que les Juifs avaient vouée à son nom.
Hébreu lui-même et écrivant à des Hébreux,
il employa la langue nationale avec tant d'élégance que les
beautés de l'original passèrent dans la traduction grecque.
Voilà d'où provient la différence qui semble exister
entre cette épître et les antres ouvrages de Paul. Quelques
auteurs ont mis sous son nom une épître aux Laodicéens,
mais elle est généralement rejetée.
BARNABÉ, nommé d'abord Joseph, était de la tribu
de Lévi et natif de Chypre. Il fut créé apôtre
des gentils avec Paul, et écrivit en faveur de l'établissement
de l'Eglise une épître qui est rangée au nombre des
livres apocryphes. Après s'être séparé de Paul
pour suivre le disciple Jean-Marc, il n'en remplit pas moins la mission
qui lui était imposée de prêcher l'Evangile.
Luc, médecin d'Antioche, comme l'indiquent ses ouvrages, était très versé dans la littérature grecque. Disciple de Paul , il l'accompagna dans tous ses voyages. Il a publié l'évangile qui lui a valu cet éloge de ce grand apôtre : « Nous envoyons le frère que la publication de son évangile a couvert de gloire, et dont le nom est célèbre dans toutes les Eglises. » Dans l’épître aux Colossiens Paul s'exprime ainsi : « Luc, le médecin bien-aimé, vous salue; » et dans celle à Timothée : « Luc est seul avec moi. » Ce dernier a encore composé un excellent ouvrage intitulé Actes des apôtres. Cette relation historique va jusqu'au séjour de Paul à Rome, c'est-à-dire à la quatrième année du règne de Néron. On peut conjecturer par là que l’ouvrage a été écrit dans cette ville.
Nous rejetons parmi les livres apocryphes les Voyages de Paul et de Thécla et toute la fable du Baptême du Lion; car comment se pourrait-il qu'unique compagnon de l’apôtre, Luc eût ignoré cette particularité parmi ses autres aventures ? Tertullien, voisin de ces temps, prétend qu un prêtre d'Asie , ayant été convaincu par Jean d'être l'auteur de ce livre et ayant avoué qu'il l’avait fait par amour pour Paul, fut chassé de son Eglise.
Quelques auteurs pensent que, toutes les fois que Paul se sert dans
ses épîtres de ces expressions: « suivant mon évangile,
» il entend parler de l'ouvragé de Luc; et que c'est non-seulement
de Paul, qui n'avait pas vécu avec le Seigneur, mais encore des
autres apôtres que l'évangéliste tient les faits qu'il
raconte. Il le déclare lui-même en ces termes au commencement
de son livre : « Ces choses nous ont été transmises
par ceux qui les avaient vues dans le principe, et qui furent les ministres
de la parole. » Il écrivit donc l'évangile d'après
ce qu'il avait entendu; mais quant aux Actes des apôtres, il les
rédigea d'après ce qu'il avait vu. Son tombeau est à
Constantinople, où ses os furent transportés avec les reliques
de l'apôtre André, la vingtième année du règne
de Constantin.
MARC, disciple et interprète de Pierre, écrivit, à
la demande de ses frères de Rome, un évangile résumé
d'après ce qu'il avait recueil. li de la bouche de Pierre lui-même.
Cet apôtre l'ayant lu, l'approuva, le fit publier, et ordon na qu'il
fût lu dans les églises. Ces faits son attestés par
Clément dans le sixième livre de ses Hypotyposes. Pappias,
évêque d'Hiéropolis, a fait mention de Marc, et Pierre,
dans première épître, s'exprime ainsi : « Vos
confrères de Babylone et Marc, mon fils chéri vous saluent.
» Par le mot de Babylone il désigne figurément l'Eglise
de Rome. Marc alla ensuite en Egypte, emportant avec lui l'évangile
qu'il avait rédigé. Il commença par prêcher
la religion chrétienne à Alexandrie, y fonda une Eglise,
et obtint tant d'influence par sa science et par la pureté de ses
moeurs que les sectateurs de Jésus-Christ le prirent pour modèle.
Comme les membres de cette première Eglise suivaient encore quelques
pratiques judaïques, Philon, le plus grand des écrivains juifs,
composa un traité sur le genre de vie des néophytes d'Alexandrie,
croyant faire le panégyrique de sa nation. Les chrétiens
de Jérusalem mettaient, au rapport de Luc, tous leurs biens en commun:
Philon prétend qu'il en était de même à Alexandrie
sous les enseignements de Marc. Cet évangéliste mourut la
huitième année du règne de Néron, et fut enterré
dans cette ville. Il eut, pour successeur Anianus.
JEAN, l'apôtre que Jésus-Christ aimait le plus, était fils de Zébédée et frère de Jacques, apôtre, à qui Hérode fit trancher la tête après la Passion du Seigneur. A la demande des évêques d'Asie, il écrivit le dernier son évangile, pour combattre Cerinthus et la secte naissante des ébionites, qui soutenait que le Christ n'existait pas avant Marie. Ce fut le motif qui le détermina à proclamer hautement la naissance divine du Sauveur. Quelques auteurs expliquent différemment la cause de cet ouvrage : selon eux, Jean, ayant lu les trois évangiles de Mathieu, de Marc et de Luc, approuva le fond de leur récit et reconnut qu'ils avaient toujours respecté la vérité; mais il observa qu'ils n'avaient guère relaté que les faits accomplis l’année de la Passion de Jésus-Christ, c'est-à-dire postérieurement à l'emprisonnement de Jean-Baptiste. Quant à lui, omettant l'année dont ses trois prédécesseurs avaient fait l'histoire, il s’attacha surtout à raconter les événements antérieurs à l'emprisonnement de Jean le précurseur. On peut s'en convaincre en lisant attentivement les quatre évangiles. Cette explication sauvé les discordances qui existent entre Jean et les autres évangélistes. Cet apôtre a aussi écrit une épître qui commence ainsi: « La parole de vie qui fut dès le commencement, que nous avons ouïe, que nous avons contemplée, que nous avons vue de nos yeux et touchée de nos mains. » Cet ouvrage est reconnu par toutes les Eglises et par tous les gens instruits. Quant aux deux autres épîtres qui commencent, la première par ces mots: « L'ancien à la femme élue et à ses fils, » et la seconde par ceux-ci: « L'ancien à son cher et bien-aimé Caïus, » on les attribue au prêtre Jean, dont on voit encore le tombeau à Ephèse. Plusieurs savants ont prétendu que ce tombeau était un double monument élevé à la mémoire de ce dernier et à celle de Jean l'évangéliste : nous examinerons ce point quand nous en serons arrivés à Pappias, son disciple. La persécution commencée par Néron ayant été renouvelée la quatorzième année du règne de Domitien, Jean fut relégué dans l'île de Pathmos, et il v écrivit son Apocalypse, qui fut commenté depuis par Justin le martyr et par Irénée A la mort de Domitien, le sénat annula, a cause de leur excessive cruauté, les actes qui émanaient du tyran.
Jean revint sous Nerva à Ephèse, où il demeura
jusqu'au règne de Trajan. Il employa ce temps à fonder et
à diriger les Eglises d'Asie. Ce saint apôtre mourut, accablé
de vieillesse, l'an 78 après la Passion de Jésus-Christ,
et fut enterré près d'Ephèse.
HERMAN, dont Paul a fait mention en ces termes dans son épître
aux Romains: « Saluez Herman, Patrobe, Phlégon et les frères
qui sont avec eux, » passe pour être l'auteur du livre intitulé
le Pasteur, qui se lit publiquement dans quelques Eglises grecques. Cet
ouvrage est en effet rempli d'enseignements utiles, et plusieurs anciens
écrivains en ont invoqué le témoignage. Il est resté
presque inconnu aux Latins.
PHILON le Juif était issu de la race sacerdotale et natif d'Alexandrie. Nous le rangeons su nombre des écrivains ecclésiastiques parce que, dans son livre sur la première Eglise d'Alexandrie fondée par Marc l'évangéliste, il fait l'éloge de nos frères. Il atteste que les chrétiens remplissaient non-seulement cette ville, mais qu'ils étaient encore répandus dans plusieurs provinces et qu'ils habitaient les monastères. Lé même ouvrage nous apprend encore que ces fidèles menaient primitivement un genre de vie semblable à celui auquel les moines aspirent de nos jours : ils ne possédaient rien en propre; parmi eux point de riches, point de pauvres; les biens se distribuaient aux indigents; leur temps était consacré à la prière et aux chants des Psaumes; ils ne s'attachaient qu'à acquérir de la science et à vivre purement. Ils étaient tels, en un mot, que Luc nous dépeint les premiers chrétiens de Jérusalem.
On a dit qu'ayant été envoyé par sa nation en ambassade près de Caligula, il courut beaucoup de dangers à Rome. Il fit un second voyage dans cette ville sous le règne de Claude, et il y connut l’apôtre Pierre, dont il gagna l’amitié. C'est ce qui l'engagea à faire, de retour à Alexandrie, l'apologie des sectateurs de Marc, disciple lui-même de Pierre.
Il a laissé de nombreux et remarquables ouvrages dont voici les
titres : Sur les cinq livres de Moise; De la confusion des langues; De
la nature et de l'art, un livre; Des craintes et des aversions instinctives,
un livre; De l'érudition, un livre; De l'héritage des choses
divines, un livre; De la séparation des semblables et des contraires,
un livre; Des trois vertus, un livre; Examen des raisons pour lesquelles
plusieurs personnages ont changé de nom dans tes saintes Ecritures,
un livre; Des pactes, deux livres; La vie du sage, un livre; Sur les géants,
un livre; Les songes nous sont envoyés par Dieu, traité en
cinq livres; Questions et solutions sur l'Exode, cinq livres; Sur le Tabernacle
et le Décalogue, quatre livres; Des victimes et des réprouvés
; De la Providence ; Sur la nation juive ; Sur les usages de la vie, Sur
Alexandre; Traité sur l’intelligence des animaux; La perte de la
sagesse entraîne celle de la liberté; un traité sur
la vie des hommes apostoliques, ouvrage dont nous -avons déjà
parlé et qui est intitulé: Vie contemplative des suppliants
(il nous peint ces saints personnages toujours en prières et en
contemplation des choses célestes) ; De l'agriculture; De l'ivresse.
Ces deux derniers ouvrages n'ont pas été publiés sous
ces titres. Il existe encore plusieurs autres productions du génie
de Philon que nous n'avons pas entre les mains. Les Grecs disent proverbialement
en parlant de lui: «Ou Platon philonise, ou Philon platonise; »
jeu de mots qui exprime la parfaite conformité que ces deux grands
écrivains ont entre eux sous le rapport du style et des idées,
LUCIUS ANNEUS SÉNÈQUE, de Cordoue, était disciple
de Sotion le stoïque et beau-père du poète Lucain. Il
se distingua par une grande pureté de mœurs Nous ne le rangerions
pas parmi les écrivains ecclésiastiques, sans la correspondance
avec Paul que quelques auteurs lui attribuent. Quoiqu'il fût le précepteur
de Néron et le plus grand personnage de son temps, il déclare
dans ces lettres qu'il désirerait avoir parmi ses concitoyens le
rang que Paul occupait parmi les chrétiens. Il mourut, par ordre
de Néron, deux ans avant que Paul et Pierre reçussent la
palme du martyre.
JOSEPH, frère de Mathias et prêtre de Jérusalem, fut fait prisonnier par Vespasien qui, en partant de Judée, le laissa avec son fils Titus. Il vint à Rome et y écrivit ses sept livres De la captivité des Juifs, qu'il dédia à l'empereur et qui furent placés dans les bibliothèques publiques. L'éclat de son génie lui fit élever une statue à Rome. Il composa ensuite ses vingt livres des Antiquités judaïques, qui s'étendent depuis le commencement du monde jusqu'à la quatorzième année du règne de Domitien ; il fit paraître en outre ses deux dissertations contre Appion, grammairien d'Alexandrie. Ce dernier avait été envoyé en ambassade par ses concitoyens près de Caligula, et avait publié, en réponse à Philon, un livre injurieux pour la nation juive. Joseph a encore laissé un ouvrage admirablement écrit, intitulé L'empire de la raison : le martyre des Macchabées y est raconté.
Dans le dix-huitième livre de ses Antiquités Joseph avoue,
de la manière le plus manifeste, que les pharisiens firent mourir
le Christ à cause de l'éclat de ses miracles; il déclare
en outre que Jean-Baptiste fut un véritable prophète, et
que le meurtre de Jacques l'apôtre attira la ruine de Jérusalem.
Voici comment il s'exprime sur le Sauveur: « Dans ce temps-là
vivait Jésus, homme plein de sagesse, si toutefois on doit le considérer
simplement comme un homme, tant ses actions étaient admirables.
Il enseignait ceux qui prenaient plaisir à être instruits
de la vérité, et il avait pour sectateurs des Juifs et des
gentils; il croyait être le Christ. Des principaux de notre nation
l'ayant pris en haine, Pilate le fit crucifier, et ceux qui l'avaient aimé
pendant sa vie ne l'abandonnèrent pas après sa mort. II leur
apparut vivant au bout de trois jours. Il fit plusieurs autres miracles
et accomplit les prédictions des prophètes. C'est de lui
que la secte des chrétiens, qui subsiste encore aujourd'hui, a tiré
son nom.»
JUSTE, de Tibériade en Galilée, entreprit d'écrire
une histoire des Juifs et de composer quelques courts commentaires sur
les Ecritures. Joseph l'accuse de sacrifier la vérité. Ces
deux auteurs ont écrit dans le même temps.
CLÉMENT, sur lequel Paul, dans son épître aux Philippiens,
s'est exprimé en ces termes « Le nom de Clément
et de ses autres collaborateurs est écrit dans le livre de vie,
» fut après Pierre le quatrième évêque
de Rome; Lin avait été le second et Anaclet le troisième.
Toutefois, la plupart des Latins pensent que Clément succéda
immédiatement à Pierre. Il a écrit à l’Église
de Corinthe, au nom de l’Église de Rome, une épître
remplie d'enseignements utiles qu'on lit publiquement dans plusieurs endroits.
L'ensemble de cet ouvrage me semble avoir beaucoup de rapports avec l'épître
aux Hébreux, qui est sous le nom de Paul: Clément lui emprunte
des idées, et même des expressions. On attribue encore à
ce dernier une seconde épître que les anciens auteurs rejettent,
et en outre une dissertation entre Pierre et Appion, dont Eusèbe
a fait la censure dans le troisième livre de son Histoire ecclésiastique.
Il mourut la deuxième année du règne de Trajan. On
a construit à Rome en son honneur une église qui porte encore
soin nom.
IGNACE, troisième évêque d'Antioche après Pierre, ayant été enveloppé dans la persécution allumée sous Trajan, fut condamné à être exposé aux bêtes, et conduit à Rome chargé de fers. Dans le trajet il passa par Smyrne dont Plycarpe disciple de Jean, était évêque, et y composa quatre épîtres qu'il adressa aux chrétiens d'Ephèse, de Magnésie, de Tralles et de Rome. En partant il en écrivit trois autres pour les Eglises de Smyrne et de Philadelphie, et pour Polycarpe lui-même, à qui il recommanda son Eglise d’Antioche. Dans cette dernière épître il emprunte, au sujet du Christ, le témoignage suivant à l’Evangile que j'ai dernièrement traduit : « Je l’ai vu en chair et on os, après sa résurrection, et je suis convaincu qu'il existe. Quand le Christ s'approcha de Pierre et de ses compagnons, il leur adressa ces paroles : « Me voici : touchez-moi et voyez que je ne suis point un esprit incorporel.» Aussitôt ils le touchèrent et ils crurent. »
Nous ne pouvons, en parlant de ce saint homme, nous dispenser de citer
quelques passages de son épître aux Romains. « Depuis
la Syrie jusqu'à Rome, sur terre et sur mer, j’ai à combattre
contre les bêtes; je suis nuit et jour garrotté au milieu
de dix léopards : ces bêtes féroces, ces léopards,
ce sont les soldats qui me gardent, et que les bienfaits ne font que rendre
plus méchants. Leurs mauvais traitements tournent au profit de mon
salut; mais, hélas! je n'ai point encore trouvé grâce
aux yeux de Dieu. Que n'ai-je le bonheur de me voir face à face
avec les lions qui me sont destinés ! Plaise au ciel qu'ils se hâtent
de me mettre en pièces et de me dévorer, et qu’il n’en soit
pas de moi comme des martyrs qu'ils n'ont osé approcher! S'ils hésitaient
à se jeter sur moi, je les exciterais moi-même. Ne vous inquiétez
pas, mes enfants : je sais ce qui m'est avantageux. Je commence à
être le disciple de Jésus-Christ : je ne désire rien
des biens d'ici-bas; je veux être réuni à mon. Dieu.
Que m'importent le feu, la croix, les bêtes féroces! que m'importe
d'avoir les os brisés, les membres arrachés et le corps mis
en poussière, pourvu que je jouisse de Jésus-Christ! Je défie
tous les tourments que la rage du démon peut inventer. » Ayant
été exposé aux bêtes, il s'écriait en
entendant rugir les lions et dans son impatience du martyre : « Je
suis le froment de Dieu : il faut que la dent des bêtes me réduise
en poudre, afin que je devienne un pain assez pur pour lui être offert.
» Son martyre arriva la onzième année du règne
de Trajan. Ses restes mortels furent enterrés dans le cimetière
d'Antioche, au-delà de la porté de Daphnée.
POLYCARPE, disciple de l'apôtre Jean et créé par
celui-ci évêque de Smyrne, devint patriarche d'Asie. Il connut
et eut pour maîtres plusieurs des apôtres qui avaient vu le
Seigneur. Sous le règne d'Antonin le pieux, il vint à Rome
pour y consulter l'évêque Anicet sur la célébration
de la fête de Pâques. Là, il ramena à la foi
plusieurs chrétiens qui avaient été séduits
par. les artifices de Marcion et de Valentin. Marcion, ayant été
à sa rencontre, lui dit : « Me reconnaissez-vous? — Oui, répondit
Polycarpe, je vous reconnais pour le fils aîné de Satan. »
La quatrième persécution depuis Néron ayant été
allumée par les ordres de Marc-Aurèle et de Commode, le saint
évêque fut brûlé vif dans l'amphithéâtre
de Smyrne, en présence du proconsul et au milieu des cris de la
populace. Il a écrit aux Philippiens une épître qui
contient d'excellents préceptes, et qui se lit encore de nos jours
dans les Eglises d'Asie.
PAPPIAS, disciple de Jean et évêque d'Hiéropolis
en Asie, a rédigé cinq traités qu'il a intitulés
Explication des paroles du Seigneur. Dans la préface il déclare
qu'il n'a pas pris pour guides les opinions du vulgaire, mais qu'il s'en
est seulement référé à l'autorité des
apôtres. « Je n'ai eu égard, dit-il, qu'aux enseignements
que nous ont donnés André, Pierre, Philippe, Thomas, Jacques,
Jean l'évangéliste, Aristion, Jean l'ancien et les autres
disciples du Seigneur. La lecture des livres ne m'a point été
aussi utile que les traditions transmises de vive voix par ces saints apôtres.
» Il paraît, d'après ce passage de Pappias, que Jean
l’évangéliste est autre que ce Jean l'ancien dont il cite
le nom après celui d'Aristion. Nous faisons cette observation à
cause de l'assertion de quelques auteurs qui, comme nous l'avons vu plus
haut, pensent que les deux dernières épîtres de Jean
viennent, non pas de l'apôtre, mais du prêtre. Pappias passe
pour être l'auteur de la secondé période judaïque
de mille ans; opinion qu'ont adoptée Irénée, Apollinaire
et tous ceux qui pensent que le Seigneur doit, après sa résurrection,
régner avec les saints sous une forme matérielle. Tertullien,
dans son livre sur la foi des fidèles, Victorin et Lattante, ont
aussi embrassé cette opinion.
QUADRATUS, disciple des apôtres, remplaça comme évêque
d'Athènes Publius, martyr de la foi. Par son habileté et
sa piété il rassembla les débris de son Eglise, que
la terreur avait dispersés. Adrien ayant passé l'hiver à
Athènes pour assister aux fêtes d'Eleusis, les ennemis des
chrétiens,
le voyant initié à presque tous les mystères de la
Grèce, saisirent cette occasion de se livrer à de nouvelles
persécutions sans y être autorisés par l'empereur.
Quadratus présenta à ce dernier un ouvrage qu'il avait écrit
en faveur de notre religion. Cet ouvrage, rempli de leçons utiles,
de raison et de foi, est digne en tous points de la doctrine des apôtres.
Il y donne à connaître son extrême vieillesse, car il
prétend avoir vu en Judée des malades qui avaient été
guéris et des morts ressuscités par le Seigneur.
ARISTIDE, philosophe athénien très éloquent, avait
commencé par être disciple du Christ. Il offrit à Adrien,
en même temps que Quadratus, un livre renfermant les principes de
notre religion, ou, en d'autres termes, une apologie du christianisme.
Ce livre, qui s'est conservé jusqu'à nos jours, porte, selon
les philologues, le cachet de son talent.
AGRIPPA, surnommé Castor, homme d'une grande érudition,
réfuta avec force les vingt livres que Basilide l'hérésiarque
avait écrits contre l'Evangile. Il donna la clef de ses mystères.
il énuméra ses prophètes, Barcabas, Barcob et tous
ces autres noms, la terreur des oreilles qui les entendent prononcer, et
fit sentir l'absurdité du Dieu suprême Abranas, que Basilide
soutenait formé du nombre 365, nombre des jours de l’année
suivant les Grecs. Basilide mourut à Alexandrie sous Adrien, et
donna naissance à la secte des gnostiques. Pendant l'orage qu'il
souleva, Cochebas, chef de la faction juive, fit mourir un grand nombre
de chrétiens dans les supplices.
HÉGÉSIPPE naquit à une époque rapprochée
du temps des apôtres, et composa une Histoire ecclésiastique
en cinq livres, qui s'étend depuis la Passion de Jésus-Christ
jusqu'aux jours où il écrivait. Il a rassemblé dans
cet ouvrage, écrit d'un style simple, une foule de choses utiles
pour le lecteur, et il cherche à imiter le langage des hommes dont
il trace la vie. Hégésippe prétend qu'il vint à
Rome sous Anicet, dixième évêque depuis Pierre, et
qu'il y resta jusqu'à l'épiscopat d'Eleuthère, jadis
diacre d'Anicet. S'attaquant ensuite à l'idolâtrie, Hégésippe
en fit l’histoire : il remonte à l'erreur qui lui donna naissance
et la suit aux jours de son plus grand développement. Nous en citerons
ce passage: « Les païens ont conservé de nos jours l'usage
d'élever des monuments à leurs morts et d'en faire des temples.
Nous en avons vu un exemple pour Antinoüs, familier de l'empereur
Adrien : par l'ordre de ce prince on bâtit une ville qui prit le
nom du favori; on inaugura un cirque en son honneur; un temple lui fut
élevé et des prêtres y furent attachés. Antinoüs
passe pour avoir été l'objet des infâmes amours d'Adrien.
»
JUSTIN, surnommé le philosophe parce qu'il en avait adopté
le costume, naquit à Néapolis en Judée, et eut pour
père Priscus, prêtre de Bacchus. Il fit d'immenses travaux
en faveur du christianisme. Il composa deux Apologies de la religion, dont
il adressa la première à Antonin le pieux , à ses
fils et au sénat , et la seconde à Marc-Aurèle et
Lucius Verus, successeurs d'Antonin. Nous avons encore de lui deux autres
ouvrages dont le dernier est intitulé Examen, et dans lesquels il
attaque le paganisme; un traité sur la nature des démons;
un autre sur la puissance de Dieu, et un troisième intitulé
Psalten; une polémique sur l'âme, contre Tryphon, le plus
célèbre des philosophes juifs; plusieurs ouvrages remarquables
contre Marcion, dont Irénée a fait mention; et enfin un livre
contre les hérétiques, qu'il cite dans l'apologie présentée
à Antonin. Etant venu demeurer à Rome, il y attaqua Crescens,
philosophe cynique qui vomissait constamment des invectives contre les
chrétiens, et dévoila sa peur de la mort et son penchant
pour les honteux plaisirs des sens. Ce dernier chercha à se venger
: il fit tant par sa haine et ses menées que Justin fut accusé
d'être chrétien et versa son sang pour la foi.
MELITON ASIANUS , évêque de Sardes
, adressa une Apologie du christianisme à Marc-Aurèle, disciple
de l'orateur Fronton. Il a laissé plusieurs autres ouvrages dont
voici les titres De la Pâques, deux livres; De la vie des Prophètes,
un livre; De l'Église, un livre; Sur le jour du dimanche, un livre;
Sur les sens , un livre; De la Foi, un livre; Sur les Psaumes, un livre;
De l'âme et du corps,un livre; Sur le baptême, un livre; De
la vérité, un livre; De la génération du Christ;
Sur les prophéties qui annonçaient le Messie, un livre; De
l'hospitalité , un livre; un livre intitulé La Clef ; Sur
Satan, un livre; Sur l'Apocalypse de Jean, un livre; Du Dieu incarné,
un livre; six livres de Récits. Tertullien, dans son ouvrage contre
hérésie de Montanus, loue le style élégant
et nombreux de cet écrivain. Il ajoute en plaisantant que Meliton
est généralement regardé comme le prophète
des chrétiens.
THÉOPHILE, sixième évêque de l'Église
d'Antioche, composa, sous le règne de Marc-Aurèle, un livre
contre Marcion que nous avons encore. On lui attribue en outre trois volumes
adressés à Autolicus, un livre contre l’hérésie
d'Hermogène, et plusieurs petits traités écrits avec
goût concernant l'établissement de l'Église. J'ai lu
sous son nom des commentaires sur l'Évangile et sur les proverbes
de Salomon, qui ne m'ont paru avoir aucun rapport avec le style plein d'élégance
des ouvrages précédents.
APOLLINAIRE, évêque d'Hermopolis en Asie, vivait sous le
règne de Marc-Aurèle, à qui il adressa un écrit
remarquable pour la défense de la foi. Il a encore laissé
cinq livres contre le paganisme, et deux autres sur l'orthodoxie destinés
à réfuter la secte des cataphrygiens qui commençait
alors, ainsi que l'hérésie naissante de Montanus et de ses
absurdes prophétesses Prisca et Maxilla.
DENIS, évêque de Corinthe, déploya tant de talents
et d'éloquence que ses épîtres servirent à l'instruction
non-seulement de son église, mais encore des évêques
étrangers. Ses épîtres sont au nombre de huit : la
première est adressée aux Lacédémoniens, la
seconde aux Athéniens, la troisième aux habitants de Nicomédie,
la quatrième aux Crétois, la cinquième à l'Église
d' Amastrinum et aux autres Eglises du Pont, la sixième aux Gnossiens
et à Pinytus leur évêque, la septième à
l'Église de Rome et à son évêque Soter, la huitième
à une pieuse femme nommée Chrysophora. Denis florissait sous
le règne de Marc-Aurèle et de Commode.
PINYTUS, Crétois de naissance et évêque de la ville
de Gnosse, écrivit à Denis, évêque de Corinthe,
une épître d'un style très élégant. Il
y enseigne que ce n'est point avec du lait qu'on doit nourrir les peuples,
si l'on ne veut. pas que la dernière heure les surprenne encore
enfants; mais qu'il faut leur donner une nourriture plus solide, afin qu'ils
s'avancent à une vieillesse toute spirituelle. Pinytus vivait aussi
sous Marc-Aurèle et Commode.
TATIANUS, qui enseigna d'abord l'art oratoire et qui acquit une grande
réputation à Rome par ses leçons, était disciple
de Justin le martyr. Il brilla dans l'Eglise tant qu'il resta attaché
à ce saint homme. Dans la suite son éloquence lui inspira
un fol orgueil, et il donna naissance à une nouvelle secte d'hérétiques
qui s'appelèrent d'abord encratites, et qui, après les innovations
apportées par Sévère, prirent le nom de sévériens,
nom qu'ils ont conservé jusqu'à nos jours. Tatianus a publié
une foule d'écrits, parmi lesquels son célèbre ouvrage
contre le paganisme est regardé comme le plus remarquable. Il vécut
dans le même temps que les écrivains précédents.
PHILIPPE, évêque de Gortyne en Crète, a été
mentionné dans l'épître que Denis adressa à
cette Eglise. II a écrit un beau livre contre Marcion. Il vécut
aussi sous les règnes de Marc-Aurèle et de Commode.
MUSANus, un des plus remarquables d'entre les auteurs qui ont écrit
sur la religion chrétienne, a composé un ouvrage contre les
fidèles qui étaient tombés dans l’hérésie
des encratites.
MODESTE écrivit aussi, sous le règne de Marc-Aurèle,
contre Marcion , et son livre est resté. On lui attribue encore
plusieurs traités qui sont rejetés comme apocryphes par les
savants.
BARDESANE, qui brilla en Mésopotamie, fut d'abord disciple et
ensuite antagoniste de Valentin. Il fonda une nouvelle hérésie.
Les Syriens prétendent que son éloquence était pleine
de feu et de véhémence, Il écrivit avec une rare fécondité
contre la plupart des hérétiques qui pullulaient de son temps.
Son beau livre sur le destin est sots chef-d'oeuvre. Il a publié
encore une foule d'ouvrages sur la persécution; ses disciples de
Syrie les ont traduits en grec. Si cette version a conservé tant
de force et d'éclat, que doit-ce être des beautés de
l'original !
VICTOR, treizième évêque de Rome, écrivit
quelques opuscules sur la célébration de la fête de
Pâques et sur divers sujets. Il dirigea l'Eglise pendant dix ans
sous le règne de Sévère.
IRÉNÉE, prêtre sous Photin, évêque
de Lyon dans les Gaules, fut envoyé par les martyrs de cette ville
à Rome, pour obtenir une solution sur diverses questions qui s'étaient
élevées dans l'Eglise. Il présenta à l'évêque
Eleuthère des lettres pleines de témoignages honorables.
Photin ayant reçu la palme du martyre à l’âge de quatre-vingt-dix
ans, Irénée fut élevé à l'épiscopat
pour le remplacer. Il est reconnu qu'il eut aussi pour maître Polycarpe,
prêtre et martyr, dont nous avons parlé plus haut. Nous avons
d'Irénée cinq livres contre les hérésies, un
opuscule contre le paganisme, un traité sur la discipline, une épître
au frère Martianus sur sa prédication apostolique, un volume
de mélanges, une seconde épître à Blastus sur
le schisme, et une troisième à Florinus sur le pouvoir absolu,
dans laquelle il prouve que Dieu n'est pas l'auteur du mal, et enfin un
excellent commentaire sur l’octave. A la fin de cet ouvrage, il déclare
qu'il est né à une époque rapprochée du temps
des apôtres, et il ajoute ces mots : « O vous qui transcrivez
ce livre, je vous conjure, au nom de Jésus-Christ qui viendra juger
les vivants et les morts, de collationner votre copie et de la corriger
avec soin pour la rendre conforme à l'original! Je vous prie aussi
de copier cette prière elle-même telle qu'elle est ici. »
On lui attribue aussi plusieurs lettres à Victor, évêque
de Rame, touchant là fête de Pâques. Il lui recommande
de ne pas rompre légèrement l'union qui existait entre les
évêques. Victor pensait qu'il fallait excommunier plusieurs
évêques d'Asie, pour avoir célébré la
fête de Pâques avec les Juifs pendant la quatorzième
lune. Les évêques qui ne s'accordaient point avec ceux-ci
sur ce point de discipline désapprouvèrent l'opinion de Victor.
Irénée florissait sous le règne de Commode, successeur
de Marc-Aurèle.
PANTOENUS, philosophe stoïque, fidèle à une coutume
déjà ancienne à Alexandrie, où depuis Marc
l'évangéliste abondaient toujours les docteurs ecclésiastiques,
fit briller beaucoup de sagesse et une profonde connaissance des Ecritures
sacrées et de la littérature profane. Des ambassadeurs indiens
l'ayant prié de venir dans leur pays prêcher la religion,
il y fut envoyé par Démétrius, évêque
d'Alexandrie. Il trouva que Barthélemy avait déjà
annoncé l'arrivée du Messie dans ces contrées, et
y avait apporté l'évangile selon Mathieu. A son retour
à Alexandrie, Pantœnus prit avec lui ce livre qui était écrit
en hébreu. Il a laissé plusieurs commentaires sur les Ecritures
; mais ce fut surtout de vive voix qu'il servit les intérêts
de l'Eglise. Ses enseignements eurent lieu sous les règnes de Sévère
et de Caracalla.
RODON, né en Asie, acquit à Rome, de Tatianus, la connaissance
des Ecritures. Il a publié plusieurs ouvrages. Son couvre principale
est son livre contre Marcion : il y fait voir le désaccord qui existe
entre les marcionites eux-mêmes, et rapporte que , dans une conférence
qu'il eut avec un autre hérétique nommé le vieil Appelle,
ce dernier excita la risée de tout le monde en déclarant
qu'il ne connaissait pas le Dieu qu'il adorait. Dans son épître
à Calistion , Rodon nous apprend qu'il eut pour maître à
Rome Tatiapus. Il a fait un commentaire très élégant
des six jours de la Création, et une réfutation remarquable
de l’hérésie des cataphrygiens. Il florissait sous Commode
et Sévère.
CLÉMENT, prêtre de l'Eglise d'Alexandrie,fut disciple de
Pantoenus dont nous avons parlé plus haut. Après la mort
de ce dernier, il dirigea l'école ecclésiastique ouverte
à Alexandrie et enseigna les premiers éléments de
la science. Il est auteur de plusieurs ouvrages pleins d'érudition
et d'éloquence, concernant les Ecritures sacrées ou la littérature
profane. Parmi eux nous citerons ses Stromates en huit livres, et ses Hypotyposes
aussi en huit livres; son traité contre les païens; ses trois
livres De l'instituteur, son écrit sur la Pâques, sa dissertation
sur le jeûne et son traité intitulé Quel est le riche
qui sera sauvé? Il a fait encore un livre sur la calomnie, et un
autre sur les canons de l'Eglise contre les sectateurs des erreurs judaïques
: ce dernier ouvrage est adressé à Alexandre, évêque
de Jérusalem. Il fait mention dans ses Stromates de l'ouvrage de
Tatianus contre le paganisme, et de la chronologie d'un certain Cassianus,
que je n'ai pu me procurer. Il range au nombre des adversaires des païens
des écrivains juifs, tels qu'Aristobule, Démétrius
et Eupotemon, qui, à l'exemple de Joseph, ont prouvé l'autorité
de Moïse et de la nation juive. Il existe d'Alexandre, qui gouverna
l'Eglise de Jérusalem conjointement avec Narcisse, une lettre de
félicitation aux habitants d'Antioche sur l'élévation
à l'épiscopat d'Asclepiade le confesseur; elle se termine
ainsi: Mes chers frères, je vous fais passer cette lettre par Clément
le saint prêtre, l'homme illustre et éprouvé. Vous
avez dû le reconnaître, car il est déjà venu
parmi vous, et Dieu ; par une faveur particulière, vous l'a déjà
envoyé pour consolider et agrandir cette Eglise. » On sait
que Clément fut aussi disciple d'Origène. Il vécut
sous Sévère et Caracalla.
MILTIADE, que Rodon cite dans son livre contre Montanus, Prisca et Maxilla
, a écrit un ouvrage remarquable contre ces hérétiques,
ainsi qu'un livre contre les païens. Il présenta une Apologie
à Marc-Aurèle et à Commode, princes sous lesquels
il était en réputation.
APOLLONIUS, homme très éloquent, a fait un livre contre
Montanus et les folles prophétesses Prisca et Maxilla. Parmi une
foule de particularités sur ces hérétiques, il nous
apprend qu'ils moururent par le supplice de la corde. « Prisca et
Maxilla, dit-il, nient qu'elles ont accepté des présents
: or, qu'elles avouent qu'on n'est pas prophète quand on reçoit
des présents, et j'aurai mille témoins pour leur prouver
qu'elles en ont reçu. C'est à d'autres marques que les leurs
qu'on reconnaît les prophètes. Dites-moi, femmes insensées,
les prophètes se teignent-ils les cheveux? se fardent-ils le visage?
ont-ils des habits couverts de pierres précieuses? Voit-on les prophètes
jouer aux dés? les voit-on prêter à usure? Répondez-moi,
ces choses-là sont-elles ou non permises aux prophètes? Je
me charge ensuite de vous prouver que vous les avez faites. » La
secte des cataphrygiens subsistait depuis quarante ans quand cet ouvrage
fut écrit. Tertullien aux six livres sur l'extase qu'il composa
contre l'Eglise en ajouta un septième contre Apollonius, dans lequel
il s'efforce de défendre ce que cet auteur avait condamné.
Apollonius florissait sous Commode et Sévère.
SÉRAPION, institué évêque d'Antioche la onzième
année du règne de Commode, écrivit sur l'hérésie
des montanistes une lettre à Carinus et Pontius dans laquelle on
remarque ces paroles : « Je veux vous faire voir que les absurdités
de cette hérésie, ou, comme ils disent, de la prophétie
nouvelle, ont été repoussées par le monde entier.
Dans ce but, je vous envoie les lettres du bienheureux Apollinaire , évêque
d'Hiéropolis.
» Sérapion a composé en outre deux épîtres
dont la première est adressée à Domnus qui, au temps
de la persécution, était passé aux Juifs; la seconde,
écrite pour l'Eglise de Rhoson en Cilicie, traite de l'évangile
qui porte le nom de Pierre, et dont la lecture avait fait tomber cette
Eglise dans l’hérésie. On conserve encore dans plusieurs
endroits de courtes épîtres de cet auteur qui répondent
à sa vie toute ascétique.
APPOLLONIUS, sénateur romain sous le règne de Commode,
fut dénoncé par son esclave Sévérus pour être
chrétien. Ayant obtenu l'autorisation d'expliquer ses croyances,
il lut dans le sénat une apologie remarquable; mais il n'en fut
pas moins condamné à avoir la tête tranchée,
en vertu d'une ancienne loi qui défendait que les chrétiens
traduits devant le juge fussent relâchés sans avoir renoncé
à leur religion.
THÉOPHILE, évêque de- Césarée en Palestine
(ville appelée autrefois: Tour de Strabon), écrivit, avec
la coopération d'autres évêques, une Lettre synodique
très estimée contre ceux qui célébraient la
Pâques avec les Juifs pendant la quatorzième lune.
BACCHYLUS, évêque de Corinthe, jouissait d'une grande réputation
sous l'empereur Sévère. Il composa aussi sur la Pâques
un livre très bien écrit, au nom des évêques
d'Achaïe.
POLYCRATE, évêque de Smyrne, écrivit avec les évêques
d’Asie qui, suivant un usage ancien, célébraient la fête
de Pâques en même temps que les Juifs, une Lettre synodique
en réponse à Victor, évêque de Rome. Il s'attache
à prouver qu'il suivait l’exemple de l'apôtre Jean et des
anciens évêques. J'en si extrait ce passage : « Nous
célébrons scrupuleusement la fête de Pâques,
sans rien ajouter aux pratiques et sans en rien retrancher. C'est en Asie
que reposent les hommes qui furent les plus solides fondements de l’Eglise;
ils se réveilleront au jour que le Seigneur, dans sa majesté,
descendra des cieux pour ressusciter ses saints. Vous reconnaissez à
ces mots Philippe l'apôtre, mort à Hiéropolis, et ses
trois filles dont les deux premières vieillirent dans la virginité,
et dont la troisième succomba à Ephèse, remplie des
faveurs du Saint-Esprit; Jean, qui dormit sur le sein du Seigneur, fut
son pontife, porta sa lame d'or sur le front et mourut docteur et martyr
à Ephèse ; Polycarpe, évêque et martyr à
Smyrne; Traséas, qui mourut aussi à Smyrne évêque
et martyr. Vous parlerai-je encore de l'évêque Sagaris qui
repose à Laodicée, du bienheureux Papirius, et de Meliton,
ce dévoué serviteur de Jésus-Christ, qui fut évêque
de Sardes et dort maintenant du sommeil des justes? Eh bien! ces saints
hommes , gardiens fidèles des traditions de l'Evangile et observateurs
des canons de l'Eglise, célébrèrent toujours la Pâques
pendant la quatorzième lune. Et moi aussi, si j'ose citer le dernier
de vos serviteurs, j'ai suivi les enseignements des sept évêques
qui ont occupé ce siège avant moi; j'ai solennisé
la fête de Pâques au moment où les Juifs font leurs
pains azymes. Rassurez-vous, mes frères: un vieillard de soixante-cinq
ans, qui a acquis un peu d'expérience par ses voyages et l'étude
des Ecritures, ne tremblera pas devant les menaces; je tiendrai tête
à l'orage. En effet, nos maîtres et nos devanciers ont dit:
« Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes.
» Par cette courte citation j'ai voulu donner une idée de
l'éloquence et de l'autorité de ce grand évêque.
Il florissait sous le règne de Sévère, dans le même
temps que Narcisse à Jérusalem.
HÉRACLIUS, contemporain de l'écrivain précédent,
a fait des commentaires sur l'Apôtre.
MAXIME, dans le même temps, examina d'une manière remarquable la question de savoir quel est l'auteur du mal, et si Dieu a créé la matière.
CANDIDE a publié un beau traité sur l’Hexaméron. Il vivait à la même époque.
APPION a fait un travail semblable à celui du précédent.
SEXTUS a écrit un livre sur la résurrection.
BRABIANUS a publié, sous le règne de Sévère, quelques opuscules relatifs à la religion chrétienne.
JUDAS a fait une dissertation très estimée sur les soixante-dix
semaines prédites par Daniel, et une chronologie des temps antérieurs
à la dixième année du règne de l’empereur Sévère.
Ou lui reproche d'avoir annoncé l'arrivée de l'Antechrist
comme prochaine au temps où il vivait; mais alors la fureur des
persécutions pouvait faire présager la fin du monde : c'est
la cause de l'erreur où il est tombé.
TERTULLIEN, prêtre, qu'on commence à regarder comme le
premier des écrivains de l'Eglise latine après Victor et
Apollonius, était fils d'un centurion attaché au proconsul
de Carthage en Afrique. Cet auteur, d'un génie ardent et impétueux,
brilla surtout sous les règnes de Sévère et de Caracalla.
Il a composé une foule d'ouvrages qui sont trop connus pour que
nous les indiquions ici. J'ai connu un vieillard de Concordia en Italie,
qui dans sa jeunesse avait été secrétaire du bienheureux
Cyprien. Il me racontait que ce saint homme, déjà d'un âge
avancé, ne pouvait. passer un seul jour sans lire Tertullien, et
que quand il demandait ses ouvrages, il disait ; « Apportez-moi le
maître. » Cet illustre écrivain resta la moitié
de sa vie simple prêtre; ensuite la haine et les procédés
outrageants du clergé de Rome le jetèrent dans l'hérésie
des montanistes : il préconisa la nouvelle prophétie et combattit
l’Eglise dans maints volumes, parmi lesquels nous citerons ses traités
sur la pudeur, sur le jeûne, sur la persécution, sur la monogamie;
ses six livres sur l'extase, et l'appendice qu'il écrivit contre
Appollonius. On dit qu'il parvint à une vieillesse très avancée,
et qu'il publia beaucoup d'ouvrages qui ne nous sont pas parvenus.
ORIGÈNE, surnommé Adamantius, ayant perdu son père Léonide, qui reçut la palme du martyre dans la persécution allumée la dixième année du règne de Pertinax, resta pauvre à l'âge de dix-sept ans, avec sa mère et six frères. Ses biens avaient été confisqués à cause de sa religion. Vannée suivante il fut chargé, malgré sa jeunesse, de rallier les débris de l'Eglise d'Alexandrie, et il commença à y instruire les fidèles. Dans la suite Démétrius, qui en était évêque, lui donna la chaire de Clément le prêtre, et ses leçons jouirent longtemps de la plus grande vogue. Il avait déjà atteint la moitié de sa carrière quand il fut appelé à Athènes, pour concilier les Eglises d'Achaïe qui étaient déchirées par les hérésies. En passant à Césarée il fut ordonné prêtre par Théoctyste, évêque de cette ville, et par Alexandre, évêque de Jérusalem. Cette démarche offensa Démétrius, dont le ressentiment éclata avec violence, et qui écrivit de tous côtés pour le rendre odieux. Avant d'aller à Césarée, Origène avait fait un voyage à Rome sous l'épiscopat de Zéphyrin, et à son retour à Alexandrie il s'était adjoint pour son enseignement Héraclès,qui, tout prêtre qu'il était, avait conservé le costume des philosophes. Ce dernier gouverna l'Eglise après Démétrius.
On peut juger de l'immense réputation d'Origène par l'empressement qu'on mettait à l'attirer. Firmilianus, évêque de Césarée, le convia, ainsi que tous les fidèles de Cappadoce, à se rendre à Césarée, et il l'y conserva longtemps. Dans la suite, ayant été visiter les lieux saints, il s'arrêta encore à Césarée, où l'évêque le reçut comme son maître. Il vint ensuite à Antioche à la prière de Mammée, mère de l'empereur Alexandre, et femme pleine de piété : il y fut comblé d'honneurs. Il entretenait avec Philippe, le premier des empereurs romains qui embrassa la religion chrétienne, et avec sa mère, une correspondance que nous n'avons plus. On sait jusqu'à quel point il poussa l'étude des saintes Ecritures : malgré son âge déjà avancé et malgré la répugnance des Grecs pour la langue hébraïque, il se soumit à l'apprendre; il réunit dans le même volume la traduction des Septante, les éditions d'Aquila, prosélyte du Pont, de Théodotien l'Ebionite, etde Symmaque qui partagea aussi cette hérésie, et qui composa pour l'appuyer des commentaires sur l'évangile de Mathieu ; il se procura encore, à force de soins, trois autres éditions qu'il mit en regard des précédentes. J'ai entre les mains ces trois éditions qui ont fait partie de sa bibliothèque.
On peut trouver la liste des ouvrages d'Origène dans mes épîtres
à Paula et à Varron :je ne les citerai donc point ici; il
me suffira de dire,pour donner une idée de son immense génie,
que ce grand homme connut la dialectique, la géométrie, la
musique, la grammaire, la rhétorique, et qu'il approfondit tous
les systèmes de philosophie. Une si grande variété
de connaissances lui attira des disciples même parmi les hommes qui
cultivaient la littérature: il en donnait tous les jours des leçons
à une foule immense qui accourait pour l'entendre, et qu'il admettait
dans l'intention de l'amener au christianisme tout en lui expliquant les
lettres profanes. Il n'entre pas dans notre projet de parler de l'horrible
persécution qui s'éleva sous le règne de Décius,
comme une réaction contre la religion de Philippe, que cet usurpateur
avait fait massacrer : Fabianus, évêque de Rome, y succomba
; Alexandre et Babylas, évêques de Jérusalem et d'Antioche,
moururent en prison: Si on veut savoir quel fut la conduite d'Origène
au milieu de cet orage, il faut consulter les épîtres qu'il
écrivit après que la persécution fut apaisée;
et en outré le sixième livre de l'Histoire ecclésiastique
d'Eusèbe de Césarée , et la Vie d'Origène en
six volumes, par le mémé auteur. Il mourut à Tyr,
âgé de soixante-neuf ans, sous les règnes de Gallus
et Volusianus, et fut enterré dans cette ville.
AMMONIUS, homme éloquent et versé dans les matières
philosophiques, brillait à la même époque à
Alexandrie. Parmi de nombreux et remarquables monuments de son génie,
il a laissé un ouvrage très bien écrit sur les rapports
de Moise avec Jésus-Christ, et il a rédigé des canons
évangéliques auxquels dans la suite Eusèbe de Césarée
s'est conformé. C'est à tort que Porphyre l'accuse d'avoir
été païen, tandis qu'il est constant au contraire qu'il
vécut toujours dans le christianisme.
AMBROISE, d'abord partisan de l'hérésie des marcionites,
d'où Origène le retira, fut diacre de l'Église, et
s'acquit de la réputation par la ferveur de ses croyances. C'est
à lui qu'est adressé le livre d'Origène sur le martyre
du prêtre Théoctyste. Il fit les frais de plusieurs publications
de ce grand 'auteur, et demanda à écrire ses ouvrages sous
sa dictée. Quant à lui, ses talents répondaient à
sa haute naissance ses épîtres à Origène en
font foi. Il mourut avant lui; et on lui reproché de n'avoir pas,
à sa dernière heure, disposé d'une partie de ses richesses
en faveur de son ami vieux et pauvre.
TRYPHON, disciple d'Origène, àqui ilaadressé plusieurs
épîtres, était très versé dans les saintes
Écritures. Outre plusieurs opuscules répandus dans différents
recueils, il a encore laissé une dissertation sur la vache rousse
dont il est parlé dans le Deutéronome, et sur la colombe,
la tourterelle et les autres animaux qu'Abraham offrit à Dieu après
les avoir partagés.
MINUTIUS FOELIX, avocat célèbre de Rome, a écrit
un dialogue, sous le titre d'Octavius, entre les chrétiens et les
gentils. Ou lui attribue encore un traité sur le destin, en réfutation
des mathématiciens. Quoique cet ouvrage vienne d'un écrivain
distingué, son style ne me paraît pas comparable à
celui du précédent. Lactance a fait mention de Minutius.
CAIUS soutint, sous l'épiscopat de Zéphyrin, c'est-à-dire
sous le règne de Caracalla, une discussion remarquable contre Proculus,
sectateur du montanisme, et lui reprocha sa témérité
à défendre la nouvelle prophétie. Dans cet écrit
il donne la liste des épîtres de saint Paul, et n'en compte
que treize parce qu'il prétend que la quatorzième, adressée
aux Hébreux, n'est pas de lui. Jusqu'à ce jour les Romains
ont contesté l'authenticité de cette épître.
BÉRYLLUS, évêque de Bostrena en Arabie, après
avoir gouverné quelque temps cette Église avec gloire, tomba
dans l’hérésie de ceux qui soutiennent que lé Christ
n'avait aucune existence avant l’incarnation: Origène l’ayant ramené
à l'orthodoxie, cet évêque écrivit plusieurs
opuscules, et entre autres des Lettres à Origène, dans lesquelles
il lui rend des actions de grâce. Ce dernier à aussi laissé
des Lettres à Béryllus. Nous avons un Dialogue entre Béryllus
et Origène, dans lequel l’hérésie est combattue. Il
fleurit sous le règne d'Alexandre , fils de Mammée, et sous
celui de ses successeurs Maximin et Gordien.
HIPPOLYTE, évêque d'une Église dont je n'ai pu connaître
le nom, a fait des tables chronologiques des époques de pâques
jusqu'au règne d'Alexandre Sévère, en prenant pour
base un cycle de seize ans; il servit de modèle à Eusèbe,
qui rédigea des tables semblables d'après un cycle de dix-neuf
ans. Il a aussi écrit des paraphrases sur les Écritures.
Nous connaissons de lui des commentaires sur là création,
l’Exode, le Cantique des cantiques, la Genèse, Zacharie, les Psaumes,
Isaïe, Daniel, l'Apocalypse, les Proverbes, l’Ecclésiaste ;
des traités sur Saül et la pythonisse, sur l'Antechrist, sur
la résurrection, contre Marcion, sur la Pâques, contre tous
les hérétiques; des homélies dans lesquelles il prétend
qu'il prêcha en présence d'Origène. Ambroise qui, comme
nous l’avons vu, avait été ramené à l’orthodoxie
par Origène, engagea ce grand écrivain à composer
des commentaires sur les Ecritures à l’exemple d'Hippolyte. Il mit
à sa disposition sept secrétaires et autant de copistes qu'il
paya de ses deniers ; tous les jours il venait avec un zèle infatigable
activer ce travail. Aussi Origène l'appelle-t-il dans une épître
son impitoyable surveillant.
ALEXANDRE, évêque de Cappadoce, se rendait à Jérusalem
dans l'intention de visiter les lieux saints, quand une révélation
annonça à Narcisse, évêque de cette ville et
déjà d'un âge très avancé, ainsi qu'à
plusieurs membres de son clergé , que le lendemain matin ils verraient
entrer dans leurs murs un saint personnage qui devait lui servir de coadjuteur
dans ses fonctions épiscopales. Les choses s'étant passées
conformément à la prédiction, on assembla tous les
évêques de Palestine, et Narcisse fit tant par ses efforts
qu'Alexandre prit conjointement avec lui part à la direction de
l’Eglise de Jérusalem. A la fin de l'épître qu'Alexandre
écrivit aux antinoïtes pour rendre la paix à l'Église,
il s'exprime ainsi: « Narcisse vous salue , Narcisse, ce saint vieillard
qui a occupé le siège épiscopal de Jérusalem
avant moi, et qui à l’âge de cent seize ans m'a appelé
pour le partager avec lui. Je désire que vous vous joigniez à
nous dans une unité de croyances. » Parmi les autres épîtres
qu'il écrivit à diverses Eglises, on remarque celle qu'il
adressa aux habitants d'Antioche, par l'intermédiaire de Clément
d'Alexandrie dont nous avons parlé , et celle dans laquelle il embrasse
la défense d'Origène contre Démétrius ; car
c'était Alexandre qui, d'après les témoignages de
cet évêque , avait ordonné prêtre le célèbre
écrivain. Pendant la septième persécution allumée
par Decius, et au moment où Babylas souffrait le martyre à
Antioche, il fut conduit à Césarée et jeté
en prison, qu’il mourut pour la foi.
JULIEN L’AFRICAIN, qui laissa cinq volumes de Chronologie, recul, sous
le règne de Marc-Aurèle Antonin, successeur de Macrin, la
mission d'organiser l'Eglise d'Emmaüs, depuis Nicomédie. Il
est aussi l'auteur d'une savante Épître à Origène,
dans laquelle il prétend que l'histoire de manne est une fable qui
né fait pas partie du texte hébreu, et que l'étymologie
du mot Suzanne est purement grecque. Origène fit une réponse
à cette épître. Nous avons encore de Julien une profonde
dissertation adressée à Aristide, pour concilier la différence
qui existe dans les évangiles de Mathieu et Luc touchant la généalogie
de Jésus-Christ.
GÉMINUS, prêtre de l'Église d'Antioche, à
laissé un petit nombre de productions. Il vivait sous le règne
d'Alexandre Sévère et sous l'épiscopat de Zebenne.
Ce fut de son temps que Héraclès devint évêque
d'Alexandrie.
THÉODORE , appelé depuis Grégoire, évêque
de Néocésarée dans le Pont, alla, étant encore
jeune, avec son frère Athénodore , étudier les lettres
grecques et latines, d'abord à Béryte en Cappadoce, ensuite
à Césarée de Palestine. Origène leur ayant
reconnu d'heureuses dispositions, les engagea à étudier la
philosophie, et au milieu de cet enseignement les amena peu à
peu à la religion chrétienne. Ils restèrent ses disciples
pendant cinq ans, et revinrent dans leur pays. Théodore le quitta
de nouveau, et composa pour Origène son Panégyrique de l'Eucharistie.
Il lut en présence de ce grand homme, et devant une nombreuse assemblée,
ce morceau qui subsiste encore aujourd'hui. Il écrivit en outre
une paraphrase succincte, mais très utile, de l'Ecclésiaste;
et on lui attribue plusieurs épîtres. Mais ce fut surtout
par ses miracles que ce saint évêque illustra l'Eglise.
CORNÉLIUS , évêque de Rome , à qui sont adressées
huit épîtres de Cyprien, en écrivit ùne à
Fabius, évêque d'Antioche, sur le concile des prélats
d'Italie et d'Afrique, une seconde sur Novitien et les autres hérétiques,
une troisième sur les actes du concile , et enfin une quatrième
très étendue, au même Fabius, dans laquelle il expose
le sujet de l'hérésie de Novitien et fulmine des excommunications.
Après avoir gouverné l'Église pendant deux ans, sous
le règne de Gallus et Volusianus, il recul la palme du martyre et
fut remplacé par Lucius.
CYPRIEN, né en Afrique, enseigna d'abord la rhétorique
avec éclat. Ensuite il embrassa le christianisme par les conseils
du prêtre Cécilius, qui lui donna son nom, et il distribua
tout son bien aux pauvres. Quelque temps après il fut fait prêtre,
puis évêque de Carthage. Il est inutile de citer ses ouvrages;
ils sont connus et admirés de tout le monde. Il fut enveloppé
dans la huitième persécution, sous Valérien et Galien
, et souffrit le martyre le jour anniversaire de la mort de Cornélius.
PONTIUS, diacre de Cyprien, l'accompagna dans son exil et ne le quitta
qu'à sa mort. Il a laissé une belle histoire de ce saint
évêque.
DENIS, évêque d'Alexandrie, s'adjoignit, n'étant
encore que prêtre, à Héraclès, pour instruire
les fidèles, et fut le disciple le plus remarquable d'Origène.
Ayant adopté les principes de Cyprien et du concile d'Afrique, il
écrivit à plusieurs Eglises des épîtres, qu'on
a conservées, sur la nécessité de donner une seconde
fois le baptême aux hérétiques. Il a écrit encore
d'autres épîtres à Flavien, évêque d'Antioche,
sur la pénitence; aux Romains, par l’entremise d'Hippolyte; à
Xiste, successeur d'Etienne; à Philémon et à Denis,
prêtres de l’Eglise de Rome ; au même Denis , depuis évêque
de la même ville; à Novitien, qui prétendait avoir
été fait contre son gré évêque de Rome
: cette épître commence ainsi : « Denis à son
frère Novitien, salut. Si c'est malgré vous, comme vous le
dites, que vous êtes monté sur le siège épiscopal,
vous le prouverez en en descendant de votre pleine volonté. »
Nous avons en outre de Denis deux morceaux, sur la célébration
de la fête de Pâques, écrits d'un style très
élevé; des épîtres à Didyme, à
Héraclès, à Hermammon; des traités sur l'exil,
sur la mort, sur le sabbat, sur l'exercice, et sur la persécution
de Décius; deux livres contre Nepos, qui soutenait que le règne
terrestre du Seigneur devait durer mille ans: il y examine avec soin l'Apocalypse
de Jean; un autre contre Sabellius; des écrits adressés à
Ammon, évêque de Beronice, à Telesphore et à
Euphras; quatre livres à Denis, évêque de Rome ; un
autre aux Laodicéens sur la pénitence; d'autres traités,
dont deux sur la pénitence, adressés, le premier à
Canonius et le deuxième aux Arméniens; un troisième
à Origène sur le martyre; un quatrième sur l'enchaînement
des fautes; deux autres, à Timothée sur la nature , et à
Euphrate sur la tentation; enfin des lettres à Basilide, dans lesquelles
il prétend avoir commencé une paraphrase de l'Ecclésiaste.
Il écrivit encore, peu de jours avant sa mort, une belle épître
contre Paul de Samosate. Il mourut la douzième année du règne
de Galien.
NOVATIEN, prêtre de l'Eglise de Rome, essaya d'usurper le siège
épiscopal contre Cornélius, et fonda l'hérésie
des novatiens, que les Grecs appelèrent la pure croyance : elle
consistait à soutenir que les apostats ne doivent point être
admis à faire pénitence. Novatus, prêtre sous Cyprien,
avait été le premier auteur de cette hérésie.
Novatien a écrit sur la fête de Pâques, sur le sabbat,
sur la circoncision, sur le sacerdoce, sur l’oraison, sur les aliments
des Juifs, sur la nécessité, sur Attale, et quantité
d'autres ouvrages. Il a fait encore un livre très long sur la Trinité,
qui n'est que l’abrégé de l’ouvrage de Tertullien, et qu'on
attribua à Cyprien avant d'en connaître fauteur.
MALCHION, prêtre très éloquent de l’Eglise d'Antioche,
y avait professé avec succès la rhétorique. Il soutint
une discussion remarquable contre Paul de Samosate, qui avait répandu
dans cette Eglise, dont. il était évêque, l'hérésie
d'Artemon. Cette polémique, recueillie par des copistes, nous a
été conservée. Il écrivit, au nom du concile,
une grande épître à Denis et Maxime, évêques
de Rome et d'Alexandrie. Il était contemporain des empereurs Claude
et Aurélien.
ARCHÉLAÜS, évêque de Mésopotamie, rédigea
en syriaque la relation de sa controverse avec Manichéus, qui venait
de la Perse. Ce livre, qu'on a traduit en grec, est entre les mains de
beaucoup de monde. Archélaüs vécut sous Probus, successeur
d'Aurélien et de Tacite.
ANATOLE D'ALEXANDRIE, évêque de Laodicée en Syrie,
florissait sous les empereurs Carus et Probus. Il possédait d'immenses
connaissances en mathématiques, en astronomie , en grammaire, en
rhétorique et en dialectique. Son livre sur la Pâques et ses
leçons d'arithmétique nous donnent une idée de l'étendue
de son génie.
VICTORIN, évêque de Pétavium, ne tonnai sait pas
aussi bien le latin que la langue grec que; aussi ses ouvrages, forts de
raison, sont-ils déparés par un style incorrect. Ce sont
des commentaires sur la Genèse, l'Exode, le Lévitique, Isaïe,
Ezéchiel, Habacuc, l’Ecclésiaste le Cantique des cantiques,
l'Apocalypse Jean, et des traités contre toutes les hérésies.
Il reçut la palme du martyre.
PAMPHILE, prêtre, et ami d'Eusèbe, évêque
de Césarée, prenait tant à coeur la propagation des
livres religieux qu'il copia la plus grande partie des ouvrages d'Origène
; on voit encore aujourd'hui cette copie dans la bibliothèque de
Césarée. Je suis devenu possesseur de vingt-cinq commentaires
sur les douze prophètes, composés par Origène et écrits
de la main de Pamphile. Je conserve précieusement ce trésor,
que je préfère à toutes les richesses du roi Crésus.
En effet, si on est heureux de posséder une épître
d'un martyr, quel prix dois-je attacher à tant de milliers de signes
qui me semblent tracés avec le sang de ce saint homme! Il écrivit
avant Eusèbe une apologie d'Origène. Il souffrit le martyre
à Césarée en Palestine, sous la persécution
de Maximin.
PIERIUS, prêtre d'Alexandrie sous les règnes de Carus et
de Dioclétien, instruisit avec éclat les fidèles de
cette Eglise, dont Thomas était évêque. L'élégance
de son style lui mérita le nom de second Origène. Il était
de moeurs très austères et vivait dans une pauvreté
volontaire. Après la persécution il vint à Rome, où
il s'adonna à l'étude de la rhétorique et de la dialectique.
C'est de lui que vient le long traité sur Osée, qu'on lisait
la veille de Pâques, comme l'ouvrage lui-même l'indique.
LUCIEN, prêtre de l'Église d'Antioche et orateur éloquent,
se consacra tellement à l'étude des Ecritures que quelques
exemplaires des Livres saints ont pris son nom. On lui attribue encore
un ouvrage sur la foi et plusieurs épîtres. II mourut pour
la défense de notre religion à Nicomédie, pendant
la persécution de Maximin, et fut enterré à Hélénopolis
en Bithynie.
PHILÉAS, né à Thmais en Egypte, de parents nobles
et riches, fut élevé à l'épiscopat, et publia
une Exhortation au martyre. Il soutint hardiment ses croyances devant le
juge, qui, ne pouvant le faire sacrifier aux idoles, le condamna à
avoir la tête tranchée. Il mourut en Egypte, enveloppé
dans la même persécution que Lucien à Nicomédie.
ARNOBE enseigna, sous Dioclétien, la rhétorique à
Sicca, ville d Afrique, et écrivit contre le paganisme des livres
qui sont populaires.
FIRMIEN, nommé aussi Lactance, et disciple d'Arnobe, fut appelé
à Nicomédie pour y enseigner la rhétorique en même
temps que Flavien le grammairien, qui a laissé un ouvrage en vers
sur la médecine. N'ayant pas trouvé autant de disciples qu'il
en espérait dans cette ville toute grecque, il se mit à écrire.
Nous avons de lui un Itinéraire d'Afrique à Nicomédie,
poétique et légère composition de sa jeunesse; un
livre intitulé Le Grammairien; un beau Traité sur la vengeance
de Dieu; les Principes de la religion chrétienne opposés
au paganisme, en six livres; un abrégé sans titre du même
ouvrage; deux livres contre Asclépiade ; un autre livre sur la persécution;
des épîtres à Probus, à Sévère,
et à Démétrien, son disciple; un traité, pour
ce dernier, sur les ouvrages de Dieu et la création de l'homme.
Il était très âgé quand il devint précepteur,
dans les Gaules, de Crispus, prince qui dans la suite fut mis à
mort par son père Constantin.
EUSÈBE, évêque de Césarée, était
très versé dans l'étude des Ecritures, et avait, ainsi
que Pamphile, un goût vif et éclairé pour les livres
religieux; il publia une foule d'ouvrages. Nous citerons les vingt livres
de Démonstrations évangéliques; les quinze livres
de Préparations; Les apparitions de Dieu, en cinq livres; l'Histoire
ecclésiastique, en dix livres; des Tables chronologiques et leur
abrégé; la Concordance des Evangiles; des Commentaires sur
Isaïe, une Réfutation, en trente livres, des doctrines de Porphyre
qui, à ce que l'on croit, écrivait en Sicile à la
même époque (il ne nous est parvenu que vingt livres de cet
ouvrage); trois livres intitulés Topiques; l'Apologie d'Origène;
la Vie de Pamphile; des opuscules sur plusieurs martyres; enfin un commentaire
très profond sur le quarantième psaume. Il florissait sous
les empereurs Constantin et Constance. Il ajouta à son nom celui
de Pamphile le martyr, comme un témoignage de leur amitié.
RHOETICIUS, évêque d'Autun, jouissait, du temps de Constantin,
d'une grande réputation dans les Gaules. Il a laissé des
commentaires sur le Cantique, des cantiques, et un grand ouvrage contre
Novatien. Je ne connais rien autre de lui.
METHODIUS, évêque d'Olympie en Lycie, et ensuite de Tyr,
a composé contre Porphyre un livre d'un style clair et élégant;
un ouvrage intitulé le Banquet des dix Vierges; trois traités
contre Origène sur la résurrection, sur la Pythonisse et
sur le libre arbitre; des commentaires sur la Genèse et le Cantique
des cantiques, et d'autres ouvrages très répandus. Il reçut
la palme du martyre dans la Chalcédoine, à la fin de la dernière
persécution; d'autres prétendent que ce fut sous les règnes
de Décius et Valérien.
JUVÉNUS, contemporain de Constantin, était né en
Espagne d'une famille illustre. Il mit en vers hexamètres les quatre
Evangiles, et composa dans le même rythme un ouvrage sur les sacrements.
EUSTATHE, natif de Sidium en Pamphylie, dirigea d'abord l'Église
de Beroa, ensuite celle d'Antioche, et écrivit une foule d'ouvrages
contre l'arianisme. L'empereur Constance l'exila à Trajanopolis
en Thrace, où il se trouve encore aujourd'hui. Flous avons de lui
un écrit sur l’âme ; une réfutation d'Origène
sur les imposteurs qui rendaient des oracles, et un grand nombre d'épîtres
qu'il serait trop long d'énumérer:
MARCELLUS, qui vivait sous les empereurs Constantin et Constance, écrivit
sur toutes les sectes religieuses, et principalement contre l'arianisme.
Astérius et Apollinaire le combattirent dans, leurs ouvrages, et
l’accusèrent de donner dans l’hérésie des sabelliens.
Hilarion, dans son septième livre contre les ariens, le cite aussi
comme hérétique. Marcellus s'est défendu contré
une semblable imputation, et a déclaré qu'il se retranchait
dans la communion de Jules et d'Athanase, évêques de home
et d'Alexandrie.
ATHANASE, évêque d'Alexandrie, après avoir failli
maintes fois à succomber sous les piéges des ariens, se réfugia
près de Constant, César des Gaules; il revint muni de lettres
de ce prince. A sa mort, il fut obligé de nouveau de prendre la
fuite, et se tint caché jusqu'au moment où Jovien monta sur
le trône. Il rentra alors dans son Eglise, et mourut sous le règne
de Valence. Ce grand évêque a laissé deux livres contre
le paganisme; une réfutation de Valens et d'Ursatius; un Traité
de la Virginité, plusieurs écrits sur les persécutions
des ariens, et sur le titre des Psaumes; une Vie d’Antoine l'anachorète,
des épîtres pour les jours de fête, et une foule d'autres
ouvrages dont la liste serait trop longue.
ANTOINE, anachorète dont Athanase a écrit la vie d'une
manière remarquable, envoya à divers monastères sept
épîtres dignes des apôtres pour la sagesse des idées
et la beauté de l’expression. Ces épîtres, composées
en langue égyptienne, ont été traduites en grec. La
plus belle est celle qui est adressée aux Arsenoïtes. Antoine
florissait sous le règne de Constantin et de ses fils.
BASILE , médecin de profession, puis évêque d'Ancyre,
a fait, entre autres ouvrages, un Traité sur la Virginité,
en réponse à Marcellus. Sous l'empereur Constance il fut,
avec Eustathe Sébastien, primat d'une partie de la Macédoine.
THÉODORE, évêque d'Héraclée en Thrace,
publia, à la même époque, sur les évangiles
de Mathieu et de Jean, sur l’Apôtre et sur les Psaumes, des commentaires
d'un style clair et correct, et d'une grande profondeur historique.
EUSÈBE, évêque d'Emèse, et écrivain
élégant et facile, a composé d'innombrables ouvrages
oratoires. Ces ouvrages, pleins de rapprochements historiques, produisirent
le plus grand effet, et sont une source d'études pour ceux qui veulent
parler en public. Les plus remarquables sont ses réfutations des
Juifs, des gentils et des novatiens, ses dix livre aux Galates, et ses
courtes mais nombreuses homélies sur l'Évangile. Il atteignit
au plus haut degré de, sa réputation et mourut sous le règne
des fils de Constantin. Il fut enterré à Antioche.
TRIPHYLLUS, évêque de Lédra en Chypre, ou de Leucothoë, fut le plus éloquent et le plus célèbre auteur de son temps. J'ai lu ses commentaires sur le Cantique des cantiques. On dit qu'il a fait plusieurs autres ouvrages que je n'ai point entre les mains.
DONATUS, qui fonda l'hérésie des donatistes sous le règne
de Constant et Constantin, accusa les chrétiens d'avoir, pendant
la persécution, livré aux gentils les saintes Écritures,
et entraîna par ses impostures, la Numidie et presque tout le reste
île l'Afrique. Il a laissé plusieurs volumes dans lesquels
il développe son hérésie, et un livre sur le Saint-Esprit
qui le rapproche des principes d'Arius.
ASTÉRIUS, philosophe arien, a écrit, sous le règne
de Constance, des commentaires sur l’épître aux Romains, l'Évangile
et les Psaumes, qui sont consultés par ses co-sectaires.
LUCIFER, évêque de Cagliari, fut chargé par l'évêque
Libère de défendre les intérêts de la religion,
et envoyé avec Pancrace et Hilarion, prêtres de l'Église
de Rome, près de l’empereur Constance. Ayant refusé de condamner
les opinions d'Athanase consacrées par le concile de Nicée,
il fut exilé en Palestine. Il supporta avec courage sa disgrâce,
et, se résignant d'avance au martyre, il écrivit contre Constance
un livre qu’il envoya hardiment à ce prince. Quelque temps après,
Julien monta sur le trône et Lucifer revint à Cagliari, où
il mourut sous le règne de Valentinien.
EUSÈBE, natif de Sardaigne, était lecteur de l’Eglise
de Rome quand il fut élevé à l'épiscopat de
Verceilles. Sa profession de foi le fit exiler par Constance, d’abord à
Scythopolis, puis en Cappadoce. L'avènement de Julien l'ayant rendu
à son Église, il publia une traduction la tine des commentaires
sur les Psaumes d'Eusèbe de Césarée. Il mourut sous
Valence et VaIentinien.
FORTUNATIEN, né en Afrique, et évêque d'Aquilée,
écrivit, sous le règne de Constance, des commentaires sur
l'Evangile d'un style sec et négligé. Lorsque l'évêque
de Rome, Libère, se rendit en exil pour avoir défendu la
religion, Fortunatien le séduisit et le détermina à
souscrire à l’hérésie. Cette action et un opprobre
pour sa mémoire.
ACCACIUS, surnommé le borgne, évêque de Césarée
en Palestine, a fait dix-sept volumes de commentaires sur l’Ecclésiaste,
six livres de Questions diverses, et plusieurs traités. Il jouit
de tant d'influence pendant le règne de Constantin qu’il institua
Foelix évêque de Rome à la place de Libère.
SÉRAPION. évêque de Thmaïs; et appelé
le scolastique à cause de son esprit cultivé, fut l’ami d’Antoine
l’anachorète. Il publia un beau livre contre les manichéens,
un autre sur le titre des Psaumes, et des épîtres très
instructives. Ce célèbre ce confesseur vécut du temps
de Constance.
HILAIRE, évêque de Poitiers en Aquitaine, succomba, au
concile de Béziers, sous le parti de Saturnin, évêque
d'Arles, et fut exilé en Phrygie. Il employa le temps qu'il y passa
à écrire douze livres contre les ariens , un ouvrage sur
les conciles, qu'il adressa aux évêques des Gaules, et des
commentaires sur plusieurs psaumes : ce sont les deux premiers, les cinquantième
et suivants jusqu'au soixante-deuxième , et les cent dix-huitième
et suivants jusqu'au dernier. Il imita dans ses commentaires l’ouvrage
d’Origène, et y ajouta beaucoup de son propre fonds. Hilaire a laissé
en outre un livre qu’il présenta à l’empereur Constancem
; un autre ouvrage contre ce Prince, écrit après sa mort
; une Réfutation de Valens et d’ursulus, suivie de l’Hstoire des
Conciles et Rimini et de Séleucie ; une épître à
Salluste, préfet du prétoire, contre Dioscore ; un livre
d'hymnes; un autre sur les mystères; un commentaire de l'évangile
selon Mathieu; une traduction du traité d'Origène sur
Job; un ouvrage très bien écrit contre Auxentius, et enfin
diverses épîtres. On dit qu'il fit aussi une paraphrase du
Cantique des cantiques : cet ouvrage nous cet inconnu. Hilaire mourut à
Poitiers, sous le règne de Valence et de Valentinien.
VICTORIN, né en Afrique, commença par enseigner la rhétorique
à Rome; et embrassa le christianisme dans sa vieillesse. Il a écrit
des commentaires sur l'Apôtre et une réfutation l'arianisme.
Ce dernier ouvrage ; obscur comme tous les livres de controverse, n'est
intelligible que pour les érudits.
TITUS, évêque de Bostra, écrivit, du temps de Julien
et de Jovien, un livre plein de force contre le manichéisme. Il
mourut sous Valens.
DAMAS, évêque de Rome, fit briller un talent remarquable
pour la poésie. Il publia de nombreux opuscules en vers, et mourut
presque octogénaire, sous le règne de Théodose.
APOLLINAIRE, évêque de Laodicée en Syrie, naquit
d'un prêtre, et s'appliqua dans son enfance spécialement à
l'étude de la grammaire. Il publia dans la suite une foule d'opuscules
sur les saintes Ecritures, et mourut à la même époque
que l'écrivain précédent. On lui attribue encore trente
livres contre Porphyre, dont l’authenticité est généralement
reconnue.
GRÉGOIRE, évêque d'Ilibère en Boetique, composa,
jusque dans un âge très avancé, de nombreux traités
d'un style faible. Son livre sur la Foi , que nous possédons encore,
est mieux écrit.
PACIANUS, évêque de Barcelone, près des Pyrénées,
aussi célèbre par sa chasteté que par son éloquence,
par ses moeurs que par son talent, écrivit plusieurs opuscules,
entre autres un traité intitulé le Cerf, et une réfutation
des novatiens. Il parvint à une extrême vieillesse et mourut
sous Théodose.
PHOTIN, de Gallo-Grèce, disciple de Marcellus, puis évêque
de Sirmium, chercha à faire revivre l’hérésie des
ébionites. Avant été chassé de son Eglise par
Valentinien, il fit plusieurs ouvrages, dont les plus remarquables sont
ceux qu'il adressa à cet empereur, et son livre contre le paganisme.
PHOEBADIUS, évêque d'Agen dans les Gaules, publia un livre
contre les ariens. On dit qu'il est auteur de plusieurs autres ouvrages
que je n'ai pas lus. Il vit encore maintenant, accablé de vieillesse.
DIDYME, d'Alexandrie, devint aveugle dès son enfance. Quoique
cette infirmité semblât le condamner à une ignorance
complète, il montra de tels prodiges d'intelligence qu'il parvint
à apprendre parfaitement la dialectique, et même la géométrie,
science qui a besoin surtout du secours des veux. II a écrit de
nombreux et remarquables ouvrages, entre autres des commentaires sur tous
les psaumes; d'autres commentaires sur les évangiles de Mathieu
et de Jean; deux livres, dont l'un sur les dogmes, l'autre contre les ariens;
un traité sur le Saint-Esprit, que j'ai traduit en latin; dix-huit
volumes sur Isaïe; trois livres de commentaires sur Osée, qui
me sont dédiés; cinq livres sur Zacharie, qu'il a composés
à ma prière; des commentaires sur Job, et beaucoup d'autres
productions dont les titres sont assez connues. Ce respectable vieillard
est âgé aujourd'hui de plus de quatre-vingt-sept ans.
OPTATUS, d'Afrique, évêque de Milan, écrivit, sous
le règne de Valens et Valentinien, au nom des catholiques, six livres
en réponse aux calomnies des donatistes. Il y prouve que ces sectaires
nous renvoient injustement les accusations qui pèsent sur eux.
AQUILIEN SÉVÈRE naquit en Espagne. Il était de
la même famille que ce Sévère auquel Lactance adressa
deux livres d'épîtres. II composa des mémoires en prose
et en vers qu'il intitula Vicissitudes ou Épreuves. Il mourut sous
Valens.
CYRILLE, évêque de Jérusalem, après avoir
été chassé de son Eglise et y être rentré
plusieurs fois, occupa pendant huit ans, sous Théodose, son siège
épiscopal sans nouveaux orages. Il a laissé des instructions
pour l'enfance.
EUZOÏUS fut élevé à Césarée,
avec Grégoire de Nazianze, par le rhéteur Thespesius. Etant
devenu évêque de la ville où il avait passé
son enfance, il mit tous ses soins à restaurer la bibliothèque
d'Origène et de Pamphile, qui se trouvait dans un état complet
de délabrement. Dans la suite il fut chassé de son Eglise.
On lui attribue plusieurs traités qui sont très répandus.
ÉPIPHANE, évêque de Salamine en Chypre, écrivit
contre les hérétiques des livres que les érudits recherchent
pour le fond et les ignorants pour le style. Il vit encore de nos jours
et passe sa vieillesse à enfanter de nouvelles productions.
EPHREM, diacre de l'Eglise d'Edesse, écrivis plusieurs ouvrages
en la langue syriaque, et acquit tant de célébrité
que ses livres sont lus dans quelques Eglises après les saintes
Ecritures. Je connais de lui un traité sur le Saint-Esprit, qu'il
a traduit en grec; la sublimité de son génie perce même
dans la traduction. Il mourut sous le règne de Valens.
BASILE, nommé d'abord Mazaca, évêque de Césarée
en Cappadoce, a composé un ouvrage remarquable contre Eunomius,
un autre ouvrage sur le Saint-Esprit, neuf homélies sur la création,
un livre sur la vie ascétique, et plusieurs autres traités.
IL mourut sous Gratien.
GRÉGOIRE, évêque d'abord de Sasime, ensuite de Nazianze,
et auteur plein d'éloquence, a été mon précepteur.
C'est lui qui m'a expliqué et qui m'a fait connaître les saintes
Écritures. Ses poésies se composent de près de trente
mille vers. Voici les titres de quelques-uns de ses ouvrages: Sur la mort
du frère de Césaire ; Sur la Charité; Eloge des Machabées;
Eloge de Cyprien; Eloge d'Athanase ; Eloge de Maximin le philosophe, à
l'occasion de son retour d'exil (on a attribué ce morceau à
un nommé Héron, parce que Grégoire composa depuis
une satire contre ce même Maximin ; comme si on ne pouvait pas, suivant
les circonstances, louer ou blâmer la même personne); Parallèle,
en vers hexamètres, entre la virginité et le mariage; Réfutation
d'Eunomius ; Sur le Saint-Esprit; deux livres contre l’empereur Julien.
Il prit pour modèle le style de Polémon. Ce saint docteur,
après avoir abandonné l'épiscopat de son vivant et
après s'être choisi un successeur, se retira à la campagne,
où il vécut en ermite. Il est mort, il y a environ trois
ans, sous l’empereur Théodose.
Lucius, évêque arien, succéda à Athanase,
et gouverna l'Église d'Alexandrie jusqu'au règne de Théodose,
qui l'en chassa. Il a laissé des épîtres pour la fête
de Pâques, et des ouvrages sur les différentes opinions religieuses.
DIODORE, évêque de Tarse, jouit d'une grande réputation
pendant le temps qu'il était prêtre d'Antioche. On a de lui
des commentaires sur l'Apôtre, et d'autres écrits dans lesquels
il prend pour guide Eusèbe, évêque d'Emèse.
Il parvint à imiter la manière d'argumenter de cet écrivain,
mais il ne put pas s'élever à son éloquence, parce
qu'il ne possédait pas la littérature profane.
EUNONIU, évêque arien de Cyzique, s'abandonna sans rien
ménager à tous les égarements de son hérésie,
et manifesta publiquement les opinions que ses co-sectaires dissimulent.
On dit qu'il vit encore aujourd'hui en Cappadoce, et qu'il écrit.
sans relâche contre l'Église. Apollinaire, Didyme, Basile
de Césarée, Grégoire de Nazianze et Grégoire
de Nysse font combattu.
PRISCILLIEN, évêque d'Abyla, périt à Trèves,
par les ordres du tyran Maximin , pour avoir adhéré aux intrigues
d'Hydathe et d'Ithace. Il a publié plusieurs opuscules qui nous
sont parvenus en partie. Il fut, dit-on, entaché de gnosticisme,
c'est-à-dire de l'hérésie de Basilide et de Marcion,
sur laquelle écrivit Irénée. Ses défenseurs
prétendent au contraire que ses opinions n'eurent rien de commun
avec elle.
LATRONIEN, né en Espagne, écrivain d'une grande érudition,
et d'un talent poétique comparable à celui des anciens, fut
égorgé à Trèves en même temps que Priscillien,
Félix, Julien, Euchrotias, et tous les meneurs de cette intrigue.
Il a laissé diverses productions en vers.
TIBÉRIEN, de Bétique,a écrit, pour se disculper
de l'accusation d'hérésie qui pesait sur lui et sur Priscillien,
un ouvrage d'un style affecté et prétentieux. Mais, ayant
vu ses amis égorgés et ne pouvant lui-même supporter
les ennuis de l'exil, il changea de conduite : alors il devint, suivant
les paroles de l’Écriture, «semblable à un chien enragé,
» et épousa une jeune fille consacrée à Jésus-Christ.
AMBROISE, évêque de Milan, a écrit jusqu'à
ce jour. Comme cet auteur est encore vivant, je m'abstiendrai de me prononcer
sur ses ouvrages, de peur qu'on n'ait à me reprocher de l'adulation
ou une franchise trop sévère.
EVAGRE, évêque d'Antioche, d'un esprit supérieur
et ardent, m'a lu, étant encore prêtre, des traités
inédits sur les différentes opinions religieuses. Il a en
outre traduit du grec en latin la Vie d'Antoine par Athanase.
AMBROISE, d'Alexandrie, disciple de Didyme, écrivit sur la religion
un long ouvrage contre Apollinaire. Je viens d'apprendre qu'il est auteur
en outre de commentaires sur Job. Il est encore vivant.
MAXIME, le philosophe, né à Alexandrie, institué
évêque de Constantinople, fut obligé d'abandonner son
siège. Il a écrit un ouvrage remarquable sur la foi, contre
les ariens, et vint à Milan le présenter à l’empereur
Gratien.
GRÉGOIRE, évêque de Nysse et frère de Basile
de Césarée, me lut, il y a quelques années, ainsi
qu'à Grégaire de Nazianze, un livre contre Eunomius. On dit
qu'il continue d'écrire.
JEAN, prêtre de l’Eglise d'Antioche et disciple d'Eusèbe
d'Emèse et de Diodore, passe pour être auteur de plusieurs
ouvrage. Je ne connais que son traité sur le sacerdoce.
GÉLASIUS, qui a succédé à Euzoïus dans
l’épiscopat de Césarée, a, dit-on, écrit plusieurs
morceaux d'un style élégant, qu'il conserve sans les publier.
THÉOTIME, évêque de Thome en Scythie, a adopté
pour ses traités concis et nerveux la forme du dialogue et l'ancien
langage. On m'assure qu'il est sur le point, d'en publier d’autres.
DEXTER, fils de Pacianus dont j'ai parlé plus haut, acquit aussi
de la réputation. Il se voua à la défense de la religion,
et écrivit une histoire que je n'ai point encore lue.
AMPHILOCHIUS, évêque d'Icône, m'a fait lire dernièrement
un livre sur le Saint-Esprit qui, suivant lui, est d'essence divine, tout-puissant,
et digne de notre adoration.
SOPHRONIUS, écrivain rempli d'érudition, fit, étant
encore enfant, l'Éloge de Bethléem. Depuis il a composé
un ouvrage remarquable sur l'abolition du culte de Sérapis, et a
traduit en grec plusieurs de nos opuscules, entre autres la Vie d’Hilarion,
le Traité sur la Virginité, les Psaumes et les prophètes,
que j’avais moi-même fait passer de l’hébreu dans la langue
latine.
Je terminerai par moi, JÉRÔME, le tableau des écrivains
ecclésiastiques. J’ai eu pour père Eusèbe et je suis
né à Stridon, ville située sur les confins de la Pannonie
et de la Dalmatie, maintenant détruite par les Goths. Voici la liste
des ouvrages que j’ai écrits, jusqu'à ce coup, c'est-à-dire
jusqu'à la quatorzième année du règne de Théodose.
La Vie de Paul l’anachorète.
Épîtres diverses, un livre.
Exhortation à Héliodore.
Dispute entre les orthodoxes, et les lucifériens.
Annales universelles.
Traduction latine des vingt-huit homélies d'Origène sur Jérémie et Ézéchiel.
Sur les Séraphins et le mot Osanna.
Sur la chasteté et la luxure.
Sur trois questions de l’ancienne loi.
Deux Homélies sur le cantique des cantiques.
Sur la virginité inébranlable de marie, contre Helvidius.
Sur le célibat, à Eustoquia.
Un livre d'Epître à Marcella.
Épître à Paula, pour la consoler de la mort de sa fille.
Trois livres de Commentaires sur l’épître de Paul aux Galates.
Trois livres sur l’épître aux Ephésiens.
Un livre sur l’épître à Tite.
Un livra sur l’épitre à Philémon.
Commentaires sur l’Ecclésiaste.
Un livre de Questions sur le texte hébreu de la Genèse.
Sur les lieux de la Judée, un livre.
Explications des noms hébreux, un livre.
Traduction latine du traité de Didyme sur le Saint-Esprit.
Trente-neuf Homélies, sur Luc.
Sept Traités sur les psaumes dixième et suivants, jusqu'au seizième.
Vie d'un anachorète captif.
Vie du bienheureux Hilarion.
Tradition du Nouveau Testament d'après texte grec ; Traduction de l’Ancien d’après le texte hébreu.
Épîtres à Paula et à Eustoquia. Leur nombre est indéterminé, parce que j’en écris souvent de nouvelles.
Paraphrase sur le prophète Michée, deux livres.
Un livre sur Sophonie.
Un livre sur Aggée.
Différents travaux sur les prophètes, encore inachevés.