J’ai été
longtemps que Notre Seigneur me faisait voir l’état de tous ceux qui
mouraient malgré moi et, quoique je ne voulusse point y penser ni le savoir,
il y en avait beaucoup plus, je parle seulement des catholiques, qui étaient
damnés que sauvés. Car, quelquefois, de neuf ou dix qui mouraient, je
n’en voyais qu’un ou deux qui fussent sauvés. Et il n’y a
point de condition de laquelle il y ait tant de damnés comme des prêtres.
(cf. chap. 87)
Chap.2 du L. I du ms Renty : Charmes
jetés sur elle et commencement de sa possession :
« Il y eut un jeune homme entre les autres, telier [Fabricant de toile,
autre source : coutelier ] de profession, lequel, voyant qu’il ne pouvait
la gagner selon son désir, se résolut, pour venir à bout à quelque
prix que ce fut de son entreprise, de se servir de charmes. Un jour, donc,
en la fête de son village prochain, ou cette fille était allée avec
la procession de sa paroisse, le jeune homme lui jeta un charme à la porte
de l’église. A l’instant, elle sentit en elle tout d’un coup un
mouvement extraordinaire pour ce jeune homme, et se trouvant auprès de
lui, elle commença à ressentir en elle un grand travail du feu infernal
de la concupiscence. Néanmoins, elle s’en éloigna, et se mêle parmi
la presse. Au sortir de l’église, ce jeune homme s’approche et vient
sauter et danser devant elle. Et elle, ne sachant d’où venait un si
prompt changement, elle pria deux femmes de sa connaissance de ne la point
abandonner. Enfin, ce jeune homme, après s’être bien montré, s’être
bien approché, et avoir bien dansé, la pauvre fille ne laissa pas de
s’en retourner, mais furieusement travaillée. En suite de quoi, comme
elle allait dans les champs, selon son ordinaire, un homme, bien fait en
apparence, et qui avait plus de marque que ceux qu’elle voyait d’ordinaire,
lui demandait d’où procédait ses angoisses, qu’il voyait bien qu’elle
était rêveuse, ce qu’elle faisait si longtemps dans les églises, qu’il
voulait avoir soin d’elle et qu’il la délivrerait de tout. Elle, innocente,
sans se défier que ce fut un diable, ne lui répondit autre chose sinon
qu’elle le remerciait. Dès lors, elle commença à avoir grande peine
à la prière, difficulté d’aller à l’église, et voyait souvent
cet homme qui se rencontrait sur les chemins. Et, quoi qu’elle n’eut
donné aucun consentement, elle commença dès lors d’être possédée.
La première cause, donc, de sa possession est qu’elle ne voulut pas
consentir à la volonté de ce jeune homme qui la poursuivait pour l’épouser,
à raison de quoi, il lui bailla le charme dont suivit la possession. »
Chap.3 : Marque de sa possession, et comme
la communion lui est ôtée et la divine Volonté lui est donné en la
place.
Ce jeune homme s’enfuit, et on ne l’a point vu depuis. Il y a quantité
de marques infaillibles de sa possession, comme d’avoir répondu en latin
aux demandes qu’on lui a faites, ce qui a été publique, et comme aussi
d’avoir répondu aux choses qu’on lui demandait en grec.
Depuis qu’elle fut possédée, elle fut environ huit ans qu’elle était
en liberté de communier, et elle recevait de très grandes consolations
par la communion. Mais les esprits malins, quelque temps que la chose arriva,
dirent par plusieurs fois qu’elle ne communierait. Ce qui fut ainsi.
Car, quelque temps après, elle commença à ne pouvoir communier sacramentellement,
nonobstant tous les efforts que les exorcistes y employèrent. Mais néanmoins,
lorsqu’elle était à la Messe, elle communiait spirituellement. »
Chap.4 : Divers prodiges arrivés en suite
que la divine Volonté eut pris possession d’elle.
« …depuis ce temps-là, elle n’a pu jamais communier, nonobstant tous
les efforts que plusieurs exorcistes et personnes de grande piété de
tous ordres ont faits pour cela. Car, quoiqu’elle le veuille et qu’elle
s’y dispose, lorsqu’elle vient au point et qu’elle est prête de
communier, les esprits malins y mettent empêchement. Et il y a douze ans,
ou environ, qu’elle est ainsi. (…)
Dès le commencement de sa possession, elle fit plusieurs actes de charité
envers le prochain et même vers ses ennemis, c’est-à-dire vers les
sorciers qui étaient cause des maux qu’elle souffrait. Si héroïques
que je n’ai jamais rien [vu] de semblable car, comme en suite du charme
qui lui fut jeté par ce jeune homme qui la poursuivait, elle s’était
trouvée puissamment tentée de condescendre à ses volontés, et en grand
péril de sa chasteté, dont elle fut néanmoins délivrée par la miséricorde
de Dieu et par l’entremise de la Sainte-Vierge, comme il sera dit par
ci-après, considérant combien il y avait de pauvres filles qui étaient
trompées et qui se perdaient par de semblables charmes, et se voyant entre
les mains de l’Église qui la délivrait par le moyen des exorcismes
et prières qu’on faisait pour elle de tous les charmes qu’on lui avait
jetés, elle priait Dieu que tous les charmes que tous les sorciers devaient
jeter sur d’autres tombassent sur elle, afin qu’elles en fussent préservées.
Deux mois environ après cette prière, lors que déjà elle ne se souvenait
plus de l’avoir faite, Notre Seigneur lui parla en cette sorte :
« Voici bien des gens qui t’apportent des présents et qui s’appauvrissent
pour t’enrichir.
- Je n’ai que faire de leurs présents, dit-elle, Vous m’êtes suffisant.
Pourvu que je Vous aie, c’est assez. Prenez ces présents en paiement
de leurs dettes.
Or, ce n’est pas paiement que cela, dit Notre-Seigneur, ils ont mérité
les peines éternelles.
Car ces gens-là étaient sorciers qui
venaient jeter leurs charmes sur elle.
- Hé bien, répliqua-t-elle, je m’offre à Vous afin de souffrir en
temps les peines dites éternelles afin qu’ils en soient délivrés.
- Ce n’est pas assez, dit notre-Seigneur, ils ont mérité l’ire de
Dieu.
- Je m’offre aussi, ajouta-t-elle, à souffrir pour eux l’ire de Dieu.
- Tu ne sais ce que tu demandes, dit Notre-Seigneur,
- Oh, dit-elle avec sa simplicité, si Vous saviez le grand désir que
j’ai de souffrir, Vous ne diriez pas cela. »
On ne lui répondit rien là-dessus pour cette heure-là.
Il faut remarquer qu’en ce temps auquel elle fut affligée par les charmes
et le jour qu’elle descendit en enfer, elle fut huit jours dans ce temps-là
en de grandes consolations. En suite de cela, elle continua deux ans à
prier qu’Il lui fit souffrir les peines d’enfer et l’ire de Dieu
en temps, pour en délivrer les sorciers et magiciens dans l’éternité.
»
Chap. 5 : Sentence épouvantable qui lui
fut prononcée, et du commencement de son Enfer :
« Ces deux ans expirés, un jour, comme elle mangeait son petit morceau
de pain, bien ennuyée et désolée, disant en elle-même : « Encore,
s’il m’était permis d’avoir quelque petit rafraîchissement avec
mon pain ! » Elle entendit une voix qui lui dit en esprit d’un ton et
accent terrible et formidable : « Il ya bien autre chose. Il faut mourir
aujourd’hui et descendre en Enfer. » Ce qui l’épouvanta étrangement,
car alors, elle ne se souvenait point du tout de ce qu’elle avait demandé
à Dieu sur ce sujet-là.
Elle dit ce qu’elle avait entendu aux ecclésiastiques qui avaient soin
d’elle et qui étaient là, présents, qui la voulurent consoler, lui
disant que cela ne serait pas. « Si, dit-elle, cela sera. Il faut mourir
aujourd’hui et descendre en Enfer. Car cela m’a été dit si fortement
et en une manière si certaine que je n’en puis douter. Mais pourtant,
aidez-moi à prier Dieu qu’Il me donne quelque temps pour faire pénitence.
» Là-dessus, ils se mettent en prière, et elle aussi.
A la fin de sa prière, il lui sembla qu’on tira un rideau noir et obscur
qui cachait Celui qui lui avait prononcé cette terrible sentence, Lequel
lui dit d’une voix aussi douce comme la précédente était épouvantable
: « Allez ! C’est Moi qui vous y envoie. »
A cette parole, la voilà remplie d’un courage et d’une force si grande
qu’il lui semblait qu’elle était capable de porter les tourments de
mille enfers. Au même temps, il lui sembla que son âme fût séparée
de son corps et qu’elle descendit en Enfer., là où elle vit un nombre
innombrable de damnés qui souffraient divers sortes de tourments tous
effroyables. Mais durant les trois premiers jours, elle ne souffrait rien,
mais allait et venait de la terre en Enfer et de l’Enfer sur la terre.
Et, étant en Enfer, elle entendait les damnés qui disaient entre eux
: « Qui est cette âme qui va et qui vient ainsi ? Nous n’avions jamais
rien vu de semblable ! » Et là-dessus, vomissaient mille malédictions
contre elle. »
Chap.6 : Accusation et Jugement de son âme devant Lucifer :
« Au bout de
ces trois jours, les diables s’assemblèrent en Enfer et amenèrent au
milieu d’eux une monstrueuse bête d’une grandeur énorme et d’une
laideur épouvantable qu’ils tirèrent du fond de l’abîme : Cette
âme est présentée au milieu du conseil. Tous les démons commencent
à l’accuser de tous les crimes des magiciens et sorciers. Cependant,
elle ne fait autre chose que de dire : « Dieu véritable, vous savez
qu’ils ne disent pas vrai, et que je n’ai pas fait tout cela ! » Cependant,
les esprits malins insistent à l’accuser et dire qu’on [la] leur a
baillée pour prendre sur elle la satisfaction et le paiement des peines
dues à tous ces crimes-là. Si bien qu’elle est condamnée par cette
terrible bête à souffrir tous les tourments que méritent tous les forfaits
dont on l’accusait. »
Chap. 7 : Que c’est que l’Ire de Dieu
et que c’est le plus grand tourment des damnés :
« Premièrement, pour l’Ire de Dieu, elle assure que c’est la plus
grande peine de l’Enfer, et que toutes les autres, quoiqu’elles soient
terribles, sont néanmoins si légères en comparaison de celle-là que
les damnés voudraient souffrir dix-mille feux, tels qu’est celui de
l’Enfer, pour être délivrés du tourment de l’Ire de Dieu, lequel
consiste en ce [qu’ils] voient Dieu, mais ils Le voient tellement irrité
contre eux que cela leur cause un tourments inexplicable. Tant plus qu’ils
sont damnés, tant plus ils Le[Le manuscrit porte : « se », ici et dans
l’occurrence suivante.] voient. Ils voudraient bien ne Le voir point.
Voire, s’ils pouvaient, ils L’anéantiraient : mais ils Le voient toujours,
ou plutôt, ils voient son Ire terriblement embrasée contre eux. Et ce
qui les jette dans un horrible désespoir, c’est qu’ils voient que
Dieu sera toujours Dieu, et qu’ils Le verront toujours ainsi courroucé
contre eux.
C’est ainsi que cette âme Le voit et, avec cela, elle assure qu’elle
voyait en Dieu toutes les créatures qui étaient toutes en fureur contre
elle, chacune a proportion du degré de gloire ou de grâce qu’elle possédait.
Elle voyait la Sainte-Vierge, mais qui la haïssait plus elle seule que
tous les Anges et les Saints, et toutes les autres créatures ensemble.
Elle voyait tous les plus grands Saints du Ciel, sans les discerner pourtant,
qui la haïssaient plus que tous ceux qui étaient au-dessous d’eux,
et ainsi des autres bienheureux parmi ceux de la terre. Elle voyait que
ceux qui avaient beaucoup de grâces la haïssaient beaucoup, et que ceux
qui en avaient peu la haïssaient peu. Elle en voyait quantité qui ne
faisaient que la regarder un peu de travers, et de ceux-là, elle ne s’en
souciait pas beaucoup parce qu’ils ne lui faisaient pas beaucoup de mal.
Et c’étaient ceux qui étaient en la grâce de Dieu, mais en un degré
fort bas et fort proche de la chute. Elle voyait aussi en Dieu toutes les
autres créatures, le feu, l’air, la terre, l’eau, les animaux, les
oiseaux, les poissons, les pierres et toutes les autres choses insensibles
et inanimées qui criaient vengeance contre elle, qui lui reprochaient
ses crimes et qui la voulaient écraser.
Il n’y avait si petit atome qui ne témoignât être assez suffisant
pour la mettre en poudre et pour lui faire souffrir les tourments de l’Enfer.
Voilà le tourment de l’Ire de Dieu. »
Chap. 8 : Tourments des peines de l’esprit
sur la connaissance de ses crimes :
« Elle voyait son âme dans un état si horrible qu’après la vue de
l’Ire de Dieu, c’était ici son plus grand tourment. La vue qu’elle
avait de cet état effroyable de son âme, et l’union de son âme avec
son corps lui causait un supplice si cruel qu’il lui semblait qu’elle
eut beaucoup mieux aimé être animée du plus terrible de tous les démons,
parce que le plus affreux de tous était encore plus beau que son
âme. De là procédaient mille reproches que son corps faisaient à son
âme et mille malédictions qu’il lui donnait. Voilà les peines de l’esprit
qu’elle ne souffrit plus depuis que son esprit fût sorti de l’Enfer.
»
Chap. 9 : Violence du feu d’Enfer, et
qu’il n’est point consommant, et des autres peines d’Enfer :
« L’ardeur du feu d’enfer dans lequel elle était est si cuisant que,
pour parler selon ses propres termes, le feu de ce monde ici n’est que
rosée et rafraîchissement en comparaison. Elle sentait en son cœur une
fournaise de feu, tellement ardente qu’elle s’étonnait et disait en
elle-même : « D’où vient que ce feu ne me consomme point ? » Mais
on lui dit qu’il n’était pas consommant, et que s’il était consommant,
il réduirait en un moment les plus hautes montagnes en cendres.
On la passait de l’eau dans le feu, et du feu dans l’eau, mais dans
une eau extrêmement puante et si froide que les glaces les plus froides
de la terre ne sont que feu en comparaison.
Au même temps que la sentence fut prononcée contre elle, elle vit venir
à elle plusieurs furies d’Enfer :
1°. La Faim en forme d’un Lion dévorant. Et à l’heure même, elle
commença à souffrir une faim si horrible qu’il lui semblait que si
toute la terre eût été convertie en pain et qu’on lui eût permis
de la manger, cela n’eût pas été suffisant pour la rassasier.
2°. Elle vit venir à elle le Désespoir qui est le Roi de l’Enfer,
parce que c’est une des plus grandes peines de l’Enfer, et qui règne
sur tous les damnés : c’est celui qui les fait blasphémer continuellement.
C’est pourquoi, auparavant qu’il fût entré en elle et qu’il la
possédât, elle pria Dieu qu’il la gardât de rien dire et de rien faire
en quoi Il fût offensé et qu’Il fît en sorte qu’on lui attachât
plutôt la langue par-dessous le menton que de permettre qu’elle proférât
aucune parole qui Lui déplût. Sitôt qu’elle fut possédée de cette
furie de [4]désespoir, elle commença à proférer mille et mille blasphèmes
mais, tout cela, sans offenser Dieu puisque c’était contre sa volonté.
3°. Elle fut saisie de la Rage et de la haine contre Dieu.[5]
4°. Elle avait un désir, ou bien pour parler son langage, une envie de
famine de toutes les choses que Dieu a faites, et n’en pouvait avoir
d’aucunes. Et elle appelle cela Famine et la distingue d’avec la Faim.[6]
5°. Avec cela, elle souffrait une soif si ardente qu’il lui semblait
que toutes les eaux des fontaines n’eussent pas été capables de l’éteindre,
et qu’elle eut été bien heureuse si on lui eut permis d’avaler un
peu de boue dans laquelle les pourceaux se vautrent. Et cependant, durant
tout ce temps qu’elle fut en Enfer, qui dura plus de quatre ans, il ne
lui fut point permis de boire du tout, mais seulement de manger chaque
jour un morceau de pain sec de trois quarterons qu’il fallait peser tous
les jours. Il lui arriva pourtant une fois de prendre un peu d’eau dans
le creux de sa main et d’en avaler quelques gouttes. Mais, cependant
que cette eau fut dans son estomac, elle lui causa des tourments indicibles
et, enfin, elle la rejeta par la bouche, mais en forme d’araignée, et
qui parut ainsi aux yeux de ceux qui y[7] étaient présents. Et dans toutes
ses peines, elle ne se souvenait point de la prière qu’elle avait faite
à Dieu pour les sorciers, mais elle croyait être damnée effectivement,
sinon dans quelques intervalles qu’elle avait la vue de n’être pas
damnée. Mais cela passait comme un éclair et hors.
Ces petits intervalles, elle croyait être damnée pour une éternité.
Or cette éternité procède :
1°. De ce que les damnés voient que Dieu sera toujours Dieu, comme il
a été déjà dit[8].
2°. De ce qu’ils sont toujours vivants et immortels. Tant plus ils sont
damnés, tant plus ils sont vivants, parce qu’ils sont animés de l’Ire
de Dieu, laquelle est l’âme des damnés, pour parler selon ses termes,
et laquelle les vivifie de telle sorte qu’il lui semblait que quand on
aurait coupé son corps aussi menu que sont les grains de sable, elle ne
se voit pas morte pour cela, mais que chaque partie serait demeurée pleine
de vie. Ses yeux ne voyaient que des spectres et des ombres noires et affreuses[9].
8°. Son goût était affligé de fiel et d’amertume incroyables[10].
9°. Son odorat, d’une puanteur insupportable[11].
10°. On la déchirait comme avec des peignes de fer en toutes les parties
de son corps[12].
Enfin, elle assure que tout ce qu’elle peut dire n’est rien en comparaison
de ce qu’elle a vu et souffert. »
Chap. 10 : Elle se veut tuer. La puissance
de Dieu l’en empêche. Elle reconnaît qu’elle n’est pas damnée.
Sa prière. Et, comme de nouveau, elle est précipitée en Enfer :
« Durant tout ce temps-là, elle était, pendant le jour, avec deux fort
honnêtes ecclésiastiques en la garde desquels elle avait été mise par
l’Archevêque. Et le soir, on la menait dans l’archevêché en un lieu
où il n’y avait personne du tout et où elle passait la nuit toute seule.
Un soir, comme ils lui conduisaient, elle leur dit qu’elle n’en pouvait
plus et qu’elle se tuerait durant cette nuit-là, car alors, elle eut
une vue qu’elle était encore en la terre et que, se tuant, son corps
ne souffrirait plus. Nonobstant cela, ils la recommandèrent à Notre Seigneur
et la laissèrent toute seule. Alors, elle résolut de se tuer, mais parce
qu’elle craignait que Dieu ne l’en empêche, elle prit dessein de L’irriter
contre elle jusqu’au dernier point, afin qu’Il ne mit point d’empêchement
à sa mort. Et pour cet effet, elle commence à fulminer tous les plus
horribles blasphèmes qui lui venaient en l’esprit contre Dieu, mais
tout cela se faisait sans aucune liberté de sa volonté. Ensuite, elle
prend un couteau, s’étend les bras pour se l’enfoncer dans la poitrine.
Mais au même instant, les bras lui demeurèrent raides comme un bâton,
la main lui est ouverte et le couteau lui tombe par terre. Là-dessus,
Dieu lui ouvrant l’esprit pour un peu de temps, elle commence à faire
réflexion sur elle et à discourir ainsi en elle-même : « Qu’est-ce
que ceci ? Où suis-je ? Et en quel état ? Sans doute, je ne suis pas
encore tout à fait perdue, ni abandonnée de Dieu. Il a encore soin de
moi puisqu’Il m’empêche de me tuer. » Puis, regardant et considérant
le lieu où elle était, elle disait ainsi : « Mais je suis encore au
monde ! N’est-ce pas ici une chambre ? N’est-ce pas là une table,
un coffre, un lit ? Sans doute, je suis encore en la terre, je puis encore
me sauver ! » Là-dessus, elle se jette à genoux et fait cette prière
à Dieu : « Mon Dieu, je vois bien que vous avez encore quelque miséricorde
pour moi, c’est pourquoi je m’offre à Vous pour souffrir toutes les
peines d’Enfer et tous les tourments que Vous avez préparés au péché,
et fais vœu de cela afin que Vous me délivriez de l’éternité de ces
peines. »
Ayant fait cette prière, Notre Seigneur la prit en sa main, comme on prendrait
une balle, et avec une fureur et impétuosité incroyable, la jeta dans
le plus profond de l’Enfer. A cet instant, la vue qu’elle avait d’être
encore dans la terre, et l’espérance de se pouvoir sauver lui furent
ôtées, et elle s’écria ainsi : « Ah, c’est maintenant que
je suis damnée tout à fait ! » Et alors, tous ses tourments redoublèrent.
Dans une octave de l’Assomption de la Sainte-Vierge, elle eut encore
une vue qu’elle n’était pas damnée tout à fait et que ses tourments
finiraient. C’est pourquoi elle pria la Sainte-Vierge, non pas de la
délivrer mais d’obtenir de son Fils que le temps auquel elle devait
souffrir fut abrégé et que, par cet effet, ses tourments fussent augmentés,
afin qu’elle souffrît en moins de temps ce qu’elle avait à souffrir
en un plus long temps. Ce qui lui fut accordé, à raison de quoi tous
ses supplices redoublèrent.
Enfin, son âme, ayant demeuré environ six mois en Enfer, en sortit, mais
son corps y demeura plus de quatre ans. Mais depuis que l’esprit en fut
sorti, elle ne souffrit plus le tourment de l’Ire de Dieu et des créatures,
ni celui qu’elle endurait en voyant l’état horrible s de son âme,
mais seulement les autres peines des sens. Lui ayant demandé pourquoi
son esprit fut moins en Enfer que son corps, elle me répondit que c’était
parce que l’esprit était bien plus capable de souffrir beaucoup en peu
de temps que le corps.»
Chap. 11 : Description de la forme de l’Enfer, et de l’ordre de ses
supplices :
« Durant tout le temps qu’elle fut en Enfer, elle ne vit point de quelle
manière il était fait quant à la forme et figure extérieure, mais bien
à l’instant qu’elle en sortit. Et voici comment elle le vit et comme
elle le représente :
Imaginez-vous un colombier ou un puits extrêmement large et profond, telle
est la figure de l’Enfer. Les deux supplices généraux de l’Enfer,
c’est le feu et l’eau. Elle vit les diables qui prenaient les âmes
damnées et les jetaient du feu dans l’eau et de l’eau dans le feu.
L’eau est au milieu en figure ronde et qui s’élance en haut comme
l’eau d’un puits, mais sans être appuyée ni retenue tout autour d’aucune
chose, et c’est une eau horriblement vilaine et puante.
Le feu est à l’entour de l’eau, allumé et embrasé par la fureur
de Dieu.
L’Enfer est plein de quantité de petites bêtes, comme de lézards,
de vipères, etc.…, pour punir les péchés véniels.
La Justice de Dieu tient un très bel ordre dans les divers châtiments
des damnés, car chacun est puni selon la quantité et qualité de ses
péchés. Celui qui n’est coupable que d’un péché mortel ne souffre
l’ardeur du feu qu’à proportion de ce seul péché. Celui qui est
coupable de dix, de cent ou de mille est dix fois, ou cent fois, ou mille
fois plus brûlé et tourmenté par le feu que le premier.
Celui qui n’est coupable que de dix péchés véniels, quoiqu’il soit
environné d’une infinité de petites bêtes, il n’y en a que dix à
le piquer et à le mordre. Celui qui est coupable de cent, ou de mille,
ou de dix-milles, il y en a cent, ou mille, ou dix-milles, qui le déchirent
de tous côtés, et chaque damné est en son propre lieu sans en partir,
sinon pour passer du feu dans l’eau, et de l’eau dans le feu, et ceux
qui sont les plus damnés sont dans les places les plus basses.
Pendant le temps qu’elle fut en Enfer, elle avait quelquefois certains
intervalles et relâches dans lesquels elle voyait bien qu’elle n’était
pas damnée, et avait liberté de prier Dieu. Et quelquefois même, Notre
Seigneur la visitait et lui donnait quelques petits rafraîchissements.
Mais cela passait bientôt. En voici un exemple :
Elle se vit un jour entre les mains un vase fort beau et fort net. Elle
l’offre à Notre Seigneur : « Gardez-le. » lui dit-Il. « Non, répondit-elle,
il est à moi puisque Vous me l’avez donné, mais je ne veux rien garder
pour moi. Je Vous le donne. Prenez-le, s’il Vous plaît.» Il le prend
et le va montrer à tous les saints, leur disant : « Que vous semble
de ce vase ? » [13]
« - Il est fort beau et fort net, disent-ils.
- Qu’en faut-il faire ? ajoute Notre-Seigneur.
- Il faudrait le mettre en parade, répliquent les saints, comme on met
un beau vaisseau sur le buffet de la maison pour la parer.
- J’en ferai ce qu’il Me plaira, dit notre-seigneur.
Et en même temps, Il fait une fosse dans la terre, le met dedans et le
remplit de feu et de soufre, si bien qu’il en sortait une fumée fort
puante. La sainte-Vierge, ne pouvant souffrir cette puanteur, met une couverture
sur ce vaisseau et, ainsi, il demeura rempli de feu et de fumée.
Qu’est-ce que tout cela ? On lui donne à connaître que c’est elle
qui est ce vaisseau que Dieu avait mis dans l’Enfer, et que la fumée
était les blasphèmes qu’elle vomissait continuellement.
Mais la sainte-Vierge, dans une octave de son Assomption, mit une couverture
sur le vaisseau pour empêcher cette puante fumée. Car, ayant prié cette
même Vierge dans cette octave de son Assomption [que][14] ses tourments
redoublassent afin que le temps auquel elle devait souffrir fut abrégé,
sa prière fut exaucée, comme il a été dit ci-dessus. Mais elle vit
la sainte-Vierge qui s’approcha d’elle et lui passa la main pardessus
sa poitrine ; ensuite de quoi, elle ne blasphéma plus, et ne pouvait plus
blasphémer, mais les tourments et les fureurs qu’elle sentait étaient
beaucoup plus grands parce qu’elles ne s’évaporaient point comme auparavant
par les blasphèmes. »
Chap. 12 : Comme le Père éternel lui
a donné son Fils pour Époux et des choses étranges
qu’elle a souffertes en suite de cela.
(…) Auparavant que je fusse descendue en Enfer, j’avais
un désir si grand de souffrir et prenais tant de délices à désirer
de souffrir que je ne crois pas que tous les désirs du monde soient rien
en comparaison. Ce désir était si ardent que je ne croyais pas pouvoir
vivre sans souffrir. Si j’eusse eu le Paradis, je l’eusse donné volontiers
afin qu’on m’eut fait souffrir selon mon désir. (…)
Au contraire, je ne crois pas qu’il y ait au monde ni homme ni diable
suffisant de me faire autant souffrir que je le désire pour l’amour
de mon Dieu.
L’Enfer avec ses tourments, dans lequel je fus plus de quatre ans, ne
m’avait donné qu’appétit de souffrir, mais Dieu me rassasia par les
peines extrêmes et inexplicables que je souffris. Après avoir bu cette
coupe, je demeurai douze ans dans ce tourment, entre lesquels je fus sept
ans sans cesser de pleurer jour et nuit. Mes deux yeux étaient deux fontaines
de larmes qui ne tarissaient point, si bien que j’en ai presque perdu
la vue. Mon supplice était principalement dans l’esprit, et était si
violent que, bien souvent, je ne savais quasi où j’étais ni ce que
j’étais auparavant que d’entrer dans cet horrible mal. Notre Seigneur
me dit qu’Il me voulait faire souffrir un mal terrible, et Il me le présente
si épouvantable que j’y témoignais la répugnance. Mais Il dit qu’Il
le voulait ainsi. Et peu après, ce mal commença comme un coup de foudre
qui m’étonna étrangement. Mais je me consolais, disant en moi-même
qu’il ne serait pas de durée puisqu’il était si violent. Et Notre
Seigneur m’assura que ce serait le dernier. Et, en effet, il est cessé
depuis trois ou quatre ans, et n’en ai point eu d’autres depuis qui
mérite d’être appelé ni considéré mal en comparaison de celui-là.
»
« Durant ces douze ans, j’étais en tel état que si je savais qu’il
y eut une créature au monde dans un semblable tourment, fut-elle à mille
lieux d’ici, j’en aurais une telle compassion que je ne cesserais de
pleurer. Lorsque j’étais en Enfer, je demandais à Dieu qu’Il accrut
mes peines afin d’abréger le temps pendant lequel j’y devais être.
Mais durant ce tourment de douze ans, je priais Dieu qu’Il prolongeât
le temps afin de diminuer la peine. Lorsque j’étais dans cette faim
insatiable de souffrir, je disais : « Oh, si Dieu savait le désir infini
que j’ai d’endurer pour Lui ! » Mais ici, je soupirais, disant : «
Oh, si Dieu savait combien je suis lassée de souffrir ! » Et, comme je
disais ces paroles, je vis le divin Amour qui, en souriant, dit : « J’ai
rassasié les affamés. » Oh, que ce divin Amour est terrible et
qu’Il sait bien mieux faire souffrir que la Justice ! Tout ce que la
Justice m’a fait souffrir dans l’Enfer n’est point comparable à
ce que l’Amour divin m’a fait endurer ces douze ans. J’aime la Justice
d’un amour tendre, et je la trouve si belle, si douce, si agréable que
rien plus. Mais l’Amour est sévère, rigoureux, terrible. Il rit toujours,
mais il frappe d’une terrible façon. Je tremble et je ne sais où j’en
suis quand je le vois. L’Amour crucifie en la terre pour glorifier au
Ciel. »
Chap. 13 : Préparation à l’Enfer de
douze ans.
« Durant l’intervalle qui fut entre le premier Enfer que j’ai souffert,
qui dura quatre ans, et le second qui a duré douze ans, lequel intervalle
fut environ trois ans, j’entendis quelqu’un en moi, sans savoir qui
c’était au commencement, lequel pleurait amèrement et disait, parlant
de ce temps auquel je devais souffrir tant d’horribles tourments durant
ces douze ans : « Oh, que ferons-nous en ce temps-là ? Oh, que ferons-nous
? » Et je commençai à pleurer avec Lui. Et je tâchais pourtant de Le
consoler, disant, car je ne savais pas qui c’était : « Nous ferons
bien, Dieu nous aidera. » Cependant, Il fut longtemps sans cesser de dire
en pleurant : « Oh, que ferons-nous en ce temps-là ? » Enfin, je connus
que c’était Notre Seigneur et je fus bien honteuse de L’avoir voulu
consoler. Et je Lui dis : « Oh, je ne pensais pas que ce fût Vous ! Vous
ferez ce qu’il Vous plaira en ce temps-là. » Et alors, Il s’en alla.
Et je connus que tout cela tendait à me préparer à ce tourment de douze
ans. »
Chap.14 : Continuation de ses souffrances
et comme
Notre Seigneur lui a ôté son cœur et
lui a donné le Sien.
« Pendant que j’étais en Enfer, j’avais quelque fois quelques parenthèses
– c’est son mot – durant lesquelles je reconnaissais bien que je
n’étais pas damnée. Et alors, je fis prière à mon Dieu que s’il
m’arrivait de Le prier qu’Il me tirât de ce même Enfer, Il ne m’écoutât
point. Je désirais de souffrir par son Amour.
Toutes les Furies de l’Enfer, la faim, la soif, le désespoir, la rage,
vinrent une fois me dire que Dieu leur avait commandé de me demander leur
congé et que si je voulais [le] leur donner, elles s’en iraient. Et,
entra autres, la soif me représentait une belle fontaine qui jetait en
haut de l’eau fort belle et fort claire, et me disait que si je voulais
lui donner son congé, que désormais je boirais à souhait de cette belle
eau. Mais je leur répondis que je voulais qu’elles demeurassent jusqu‘à
ce que celui qui les avait envoyées leur commande de s’en retirer.
Quand Notre Seigneur me prédit quelque grande affliction qui me doit arriver,
c’est toujours sous quelque belle figure de délices et de consolations.
« Je Vous donnerai, me dit-Il, dans tel temps, une si belle chose, si
délicieuse, si agréable, etc.…». Et quand je lui dis après : « Que
veut dire cela ? Vous m’aviez promis merveilles, et me voilà dans les
douleurs !» Il me répond : « Qu’y-a-t-il de plus délicieux, de plus
beau, de plus agréable que de purifier et sanctifier les âmes ? »
Il m’expliqua une fois ces paroles qu’Il dit en la Croix, « Pater
in manus tuas commendo spiritum meum », en cette manière : « Voici un
secret que J’ai à vous dire : « Ma Passion, c’est mon Âme et mon
Esprit. C’est pourquoi quand je dis ces paroles en la Croix, Pater
in manus tuas commendo spiritum meum, par Mon Esprit, J’entendais Ma
Passion, laquelle en mourant et en la quittant, Je l’ai mise entre
les Mains de mon Père afin qu’Il la distribue après Ma mort à tous
Mes Saints Martyrs. »
Notre Seigneur m’a ôté mon cœur et m’a donné le sien qui est tous
les mépris, douleurs et souffrances de Sa Passion.
L’âme qui m’anime, c’est la Passion du Fils de Dieu. De là vient
que toutes choses me tournent à peine et à mal. Demandant un jour à
mon Époux d’où venait cela que toutes choses servaient à me faire
souffrir : « Parce que, dit-Il, mon Père a commandé à toutes les créatures
de vous affliger. » Et en effet, le boire, le manger, toutes les choses
que je vois et toutes les personnes avec qui je converse me font souffrir.
« Voyez-vous, ajouta-t-Il, en l’état présent où vous êtes, quand
on vous transporterait dans le Ciel et qu’on vous y nourrirait de même
viande dont on nourrit les Anges, tout cela se tournerait en peine pour
vous.»
Chap. 16 : Violence des charmes anéantis
par prières.
Lorsque j’étais travaillée par les charmes et sortilèges contre la
pureté, qui étaient tellement furieux que j’étais toute embrasée
de ce feu infernal, lorsque je voyais venir M. Potier[15], je lui criais
: « Monsieur, prenez garde à vous, Gardez-vous de moi ! Ne craignez point
les diables, car ils ne vous peuvent rien, mais gardez-vous de moi que
je ne vous fasse quelque mal contre la pureté. Et afin que Dieu nous garde,
mettons-nous à genoux, prions Dieu. » Puis nous disions les litanies
ensemble et le Rosaire, lui, disant un Ave Maria, et moi, l’autre. Je
lui disais cela parce que je craignais que la violence des charmes que
je sentais ne me forçât à quelque chose qui ne fût pas bien, d’autant
que j’avais ouï parler de choses étranges que ces mêmes charmes avaient
fait faire à d’autres filles qui en étaient travaillées. »
Chap. 17 : Charmes vaincus par Vœu.
« Au commencement
que je fus ensorcelée, on me mena à un curé qui était un très méchant
homme et sorcier pour me guérir. Mais je ne connaissais pas sa malice.
Je fus quelque temps avec lui, avec une autre femme avec moi qui était
ma parente. Et durant ce temps, il voulut user de violence sur moi, mais
je me délivrai de lui subtilement et par une finesse que Dieu m’inspira.
En suite de quoi, m’étant retirée dans une autre maison, il jeta un
sortilège sur moi qui fit deux étranges effets. L’un endormit la femme
qui était avec moi - car c’était la nuit qu’il fut jeté-, de telle
façon que je la tourmentasse extrêmement, il me fut impossible de l’éveiller.
L’autre fut qu’il m’embrasa de telle façon du feu infernal de la
concupiscence que je sentais en moi des violences horribles qui me forçaient
quasi de l’aller trouver de nuit en sa maison. Car j’enrageais, je
me tirais les cheveux, je me tourmentais, je criais : « Que ferai-je ?
Que ferais-je ? ». Mais enfin, Notre Seigneur m’inspira de faire un
vœu à Notre-Dame de [Délivrande][16]pour être délivrée de ce malheur.
Je me mis à genoux et fis mon Vœu, et tout aussitôt, la bonne femme
qui était couchée avec moi s’éveilla. Et je fus délivrée aussi de
cette rage.
Quand j’étais tourmentée de ces charmes dont il est parlé ci-dessus,
je disais à M. P[otier] : « Prenez un bâton la nuit sur votre lit, et
si vous me voyiez ou sentiez approcher de votre lit, frappez sur moi à
grands coups et ne m’épargnez. »
Chap. 18 : Désir extrême de la mort.
« Il y a quelque temps que je me trouvai dans un désir extrême de la
mort qui fait que je l’appelle sans cesse : « Ô mort, Ô belle mort,
venez, venez promptement, ô glorieuse mort, ô triomphante mort ! » Et
je ne sais pourquoi j’ai ce désir, car ce n’est ni par ennui de souffrir,
ni par désir d’aller en paradis, c’est à quoi je ne pense point.
Mais un de ces jours, comme je disais à Notre Seigneur : « Pourquoi est-ce
que je désire tant la mort ? D’où me vient ce désir ? »
- « C’est Moi, dit-Il, qui vous l’ai donné. C’est Ma Passion qui
désire en vous si ardemment la mort de tous les péchés, car c’est
le fruit de Ma Passion qu’ils soient tous détruits et anéantis, avec
tous les plaisirs et toutes les autres choses qui sont contraires à Ma
divine Volonté. »
Chap. 27 : Des lumières que Dieu lui
donne.
« Dieu lui fait voir ce qui se fait par quelques-uns qui Lui appartenaient.
Quoiqu’elle fût bien éloignée d’eux, elle découvre leurs défauts
intérieurs, et la chose se trouve véritable ainsi qu’elle l’avait
dit. Elle sent même les péchés des siens, et avec sentiment et douleur,
elle prenait ceux qu’ils devaient faire et y met empêchement, et ce,
par une douleur qu’elle sentait dans le cœur. Et au même temps, elle
connaît quels étaient ces péchés, et de qui, et les avertissait. Et
lorsqu’elle y manquait, le diable la battait par l’ordre de Dieu, et
la souffletait, à raison de quoi, elle était contrainte d’avertir celui
qui était coupable.
Dieu lui a fait voir aussi plusieurs fois les défauts intérieurs des
autres personnes et plusieurs choses absentes et à venir. Lorsqu’elle
priait pour les vivants, elle connaissait leurs humeurs et inclinations,
les diverses grâces que Dieu leur faisait, les différents degrés de
foi, d’espérance et de charité, et en une manière très claire. »
Chap. 28 : Le fruit de ses souffrances.
« Tous les tourments qu’elle a soufferts ont été pour la conversion
des pécheurs en général, et de quelqu’un en particulier, et ce diversement
selon la diversité des péchés, de superbe ou d’avarice, de gourmandise
ou de luxure &tc., lesquels elle connaissait par la différence des
douleurs qu’elle souffrait, à raison de quoi, elle disait fort bien
quels étaient les vices dont étaient infectés ceux pour lesquels elle
souffrait, et quelle était leur complexion naturelle. Car, au même temps
que dieu la faisait souffrir pour leur conversion, elle était comme transformée
en la complexion et inclination naturelle de celui pour lequel elle souffrait,
la ressentant et expérimentant elle-même. Ces tourments-là duraient
pour chaque pécheur quelquefois deux heures, quelquefois trois, quelquefois
un jour, quelquefois deux jours, quelquefois trois, selon la gravité et
multitude des péchés. Elle connaissait ceux pour qui elle souffrait,
et leur conversion s’ensuivait effectivement. »
Chap. 29 : Du bon usage qu’elle fait
de ses souffrances.
« Jamais elle n’a pu demander à Dieu, ni pour elle ni pour qui que
ce soit, de la délivrance ou de la diminution du moindre mal corporel.
»
Chap. 30 : De son zèle très ardent pour
le salut des âmes.
« Oh, que vous êtes heureux, mon Père, disait-elle au Père E[udes],
d’être employé à travailler pour le salut des âmes ! Il n’y a rien
au monde de si grand et de si divin. Si je voyais le Paradis ouvert et
qu’on m’offrit d’y entrer, et que je visse des personnes qui allassent
parmi les Turcs et Barbares pour la conversion des âmes, je quitterai
le Paradis pour aller voir seulement travailler au salut de ces pauvres
âmes. Et quant il n’y aurait qu’une seule âme au monde, j’aimerais
mieux demeurer avec elle en ce monde et y souffrir toutes sortes de tourments
jusqu’au jour du Jugement pour aider à la convertir que d’aller en
Paradis. Voire, en ce cas, le Paradis me serait un tourment s’il me fallait
quitter cette âme pour y entrer. Oh, quelle pitié de voir tant de belles
princesses créées à l’image de Dieu qui sont esclaves du diable, comme
sont toutes les âmes des Turcs et de tant d’autres. Oh, mon Père, travaillons,
travaillons le plus que nous pouvons ! » Et comme on lui recommandait
le salut de quelqu’un en particulier : « Ne nous arrêtons pas à cette
âme ici en particulier ou à celle-là, dit-elle, embrassons-les toutes
et ayons désir de les sauver toutes s’il était possible. Ou si nous
arrêtons à quelqu’une en particulier qui soit enfoncé dans le bourbier
du péché, que ce soit pour l’arracher en passant et en chemin faisant
pour aller à toutes en général et les prendre toutes à brassées –
c’est son mot – pour les présenter à Dieu et les conduire dans le
Ciel. »
Ce qui est l’occasion d’un dialogue savoureux entre le Christ et Marie
où cette dernière reconnaît aimer plus le Christ dans les âmes qu’en
Lui-même :
« Oh, mon Dieu !, disais-je un jour à Notre-Seigneur, vous savez que
je n’aime et ne veux rien que Vous, Vous êtes mon cœur.
-Non, me dit-Il, Je ne suis pas votre cœur.
-Comment, Vous n’êtes pas mon cœur ? Pardonnez-moi, Vous êtes mon
cœur. Vous savez bien que je n’aime rien que Vous !
-Non, dit-Il, Je ne suis point votre cœur, car il est dit que là où
est ton trésor, là est ton cœur. Or, tout votre trésor, ce sont les
âmes. C’est pourquoi, tout votre cœur est là. Vous les aimez mieux
que toute autre chose. Vous quitteriez mon Paradis avec toutes ses gloires
et félicités, et vous Me donneriez Moi-même pour une seule âme. Est-il
pas vrai ?
-Vous avez raison, dis-je, cela est vrai. »
Chap. 33 : Contre la vanité des gorges
découvertes et les nouvelles modes.
« Il y a quelque temps qu’il vint une demoiselle en cette ville qui
était fort dans la vanité, qui portait sa gorge découverte et qui amenait
toutes sortes de nouvelles modes.
Un soir, comme j’étais dans l’église, la voyant passer auprès de
moi, je commençai à dire en moi-même : « Hélas ! Que tu prends de
peine à bâtir ce que j’ai tant de peine à détruire ! » Et, au même
temps, j’entendis Notre Seigneur qui me dit : « Laissez-la faire. Sa
vanité passera bientôt, et sa peine sera éternelle. »
Et peu de temps après, elle mourut. »
Chap. 36 : Du péché.
« Un jour, Notre Seigneur me fit voir un grand arbre et dont les branches
étaient fort étendues avec de belles feuilles vertes, mais tremblantes
à l’extrémité des branches. Il y avait quantité d’ains[17] et de
crochets, et la Sainte-Vierge vint qui le renversa par terre.
Cet arbre, c’est le péché. Toutes les branches, c’est la diversité
des vices ; Les ains sont les démons qui accrochent ceux qui approchent
de l’arbre, c’est-à-dire du péché ; Les feuilles sont les voluptés
qui attirent les hommes par leurs belles apparences. Elles sont tremblantes
parce qu’elles sont honteuses. La Sainte-Vierge viendra au temps de la
grande mission de son Fils, dont il sera parlé ci-après, qui renversera
cet arbre malheureux. »
Chap. 37 : La haine contre le péché
et l’impossibilité que Dieu veuille qu’on pèche.
« Étant un jour malade, Notre Seigneur me vint voir et me demanda si
je ne voulais rien :
« Je ne sais ce qu’il vous plaira. Je M’en vais vous quérir des fruits.
»
Il prend un plat, s’en va quérir des fruits et me les apporte qui avaient
fort mauvaise façon. Je les regarde et Lui dit que je ne les voulais point.
Il me presse d’en prendre et la sainte-Vierge aussi, me disant que c’était
ma guérison. Je dis que non, que je n’en prendrai point. Il me presse
encore. Je Lui dis :
« Je sais bien ce que c’est que ces fruits-là. Ce sont des fruits du
péché, c’est-à-dire, ce sont des péchés. Pourquoi me tentez-vous
? Je jure que si Vous faisiez aujourd’hui un nouvel Enfer et que demain
Vous en fissiez un autre, après-demain encore un autre, et le jour suivant
encore un autre, et que Vous en fissiez ainsi tous les jours un nouveau
d’ici à une éternité, j’aimerais mieux porter tous ces Enfers que
de manger de ces fruits-là. Vous êtes tout-puissant et Vous pouvez faire
tous ces enfers-là avec Votre Toute-puissance. Mais avec Votre Toute-puissance,
Vous ne pouvez pas me faire manger de ces fruits-là, et Vous le savez
bien. Pourquoi donc me tentez-Vous ? »
- Il est vrai, dit-Il. Je le sais bien. Mais Je vous tente, non pas pour
vous connaître. Et voilà le dernier point de la haine du péché : aimer
mieux porter tous les Enfers susdits durant toute l’Éternité que d’offenser
Dieu. Et le dernier point de l’amour de Dieu est de vouloir plutôt être
anéanti que de donner à qui que ce soit la moindre étincelle de l’amour
qui est dû à Dieu. »
Livre second qui contient les diverses
vertus et effets de Dieu en elle.
Chap. 9 : De sa charité [en]vers ses
ennemis, et de son désir très ardent de souffrir.
« Les exorcistes, voyant les tourments qu’elle souffrait par les charmes
et sortilèges que les sorciers jetaient sur elle en quantité, fulminaient
plusieurs anathèmes et excommunications contre eux. Mais l’extrême
désir qu’elle avait de souffrir faisait que, tant plus ils lui faisaient
de mal, tant plus elle les aimait. A raison de quoi, elle priait beaucoup
Dieu pour eux. Et elle demanda à Notre Seigneur que, pour signe qu’Il
l’avait exaucée dans les prières qu’elle faisait pour eux, Il leva
les excommunications qu’on avait fulminées contre eux et les jetât
sur les diables. Ce qui arriva, car elle vit Notre Seigneur qui faisait
cela. Et les diables le déclarèrent publiquement.
Comme elle demandait à Dieu de souffrir les peines d’Enfer - (ainsi
qu’il a été déjà dit) -, en expiation des peines dues aux péchés
des mêmes sorciers, une flamme de feu descendit du ciel sur sa tête en
signe qu’elle était exaucée, qui fut vue par deux hommes dignes de
foi qui étaient présents[18]. Ensuite de quoi, elle sentit son cœur
merveilleusement embrasé d’un désir très véhément de souffrir les
peines susdites. Pour les obtenir de Dieu, elle commença à faire des
suffrages, pénitences, quittant entièrement le linge, se ceignant d’une
ceinture de crin et se revêtant d’une peau de pourceau qui lui servait
de haire, et faisant plusieurs autres austérités. »
« Trois ou quatre mois avant qu’elle souffrît les peines d’Enfer,
il lui fut permis, au jour de férie, de manger du pain et boire de l’eau,
et au dimanche, du poisson et des fruits mais non point de la chair. Mais
ensuite de cela, elle fut réduite au pain et à l’eau en tout temps.
De quoi, se plaignant un jour, elle entendit cette voix : « Ce n’est
pas tout, il faut bien passer outre. Il faut mourir et descendre en Enfer.»
Et ce fut alors qu’elle fut mise en Enfer. Et depuis ce temps-là, l’eau
même lui fut ôtée, et toutes sortes de liqueurs qui eussent pu rafraîchir
la chaleur de sa soif très ardente qu’elle endurait, de sorte qu’elle
ne prenait rien que 3 quarterons de pain par jour. Et parce qu’elle ne
pouvait avaler, on lui permettait de les mettre dans l’eau, mais il en
fallait exprimer toute l’eau avant que de le manger. »
« Les diables, en leurs exorcismes, déclaraient les peines de l’Enfer
qu’elle souffrait, disant qu’ils n’eussent jamais pu concevoir que
les tourments d’Enfer eussent pu être soufferts par une personne qui
n’était pas en Enfer.
Chap. 15 : Tous les Saints en colère
contre le pécheur, excepté Saint-Etienne.
« Pendant qu’elle était en Enfer, lorsqu’elle allait à l’église,
elle voyait toutes les images en fureur contre elle qui la regardaient
et menaçaient avec un visage tout embrasé de colère, excepté celle
de Saint-Etienne, lequel, parce qu’il a prié pour ses ennemis a le privilège
de Dieu qu’il est bon même aux ennemis de Dieu, et qu’il a pouvoir
de prier pour les bons et méchants, et même pour les excommuniés. Mais
tous les autres saints sont en colère contre le pécheur, comme un fils
serait en fureur contre celui qui aurait poignardé son père et qui se
présenterait devant lui pour lui demander pardon, ayant encore le poignard
tout ensanglanté à la main. »
« Une[19] autre fois, je vis Notre Seigneur en moi comme crucifié, tout
déchiré, couvert de plaies et environné de plusieurs bourreaux qui Le
tourmentaient. Toute étonnée, je lui demande qui étaient ceux-là qui
étaient si hardis que de mettre la main sur Lui :
« Ce sont, dit-Il, les peines que vous avez demandé à souffrir.
-
Je ne les ai pas demandées pour Vous, mais pour moi. »
A quoi Il répliqua d’une voix terrible :
« Qui es-tu ? »
A cette parole, je me vis anéantie, en telle façon qu’il ne restait
rien du tout en moi-même, et que je vis très clairement que je n’étais
rien du tout, mais que Notre Seigneur Jésus-Christ était tout en moi
si bien que je me voyais comme un néant et un vide tout rempli de Dieu
et ne voyais rien que Dieu en moi. Et depuis ce temps-là, j’ai toujours
Notre Seigneur dans le cœur.
Lorsque j’étais en Enfer dans les parenthèses et intervalles que j’avais,
lorsque je faisais réflexion sur moi et que je connaissais n’être pas
damnée, je voyais quelquefois Notre Seigneur souffrant en moi, à raison
de quoi je faisais cette prière à ma Mère, spécialement sur la fin
de mon Enfer : « Sainte-Vierge, ayez pitié de votre Fils ! » En suite
de quoi, je fus délivrée.
Un jour, comme je m’en allais, disant et criant hautement et fortement
en moi-même, mais non pas pour moi-même ni de moi-même, car je ne pouvais
pas m’empêcher de dire - et c’est tout de même en mille autres choses
que je dis à Notre-Seigneur. Cela vient tout d’un coup et inopinément,
lorsque j’y pense le moins -, comme, donc, je m’en allais disant :
« Oh, que me donnerez-vous ? », après avoir dit et redit ces paroles
plusieurs fois, je L’entendis qui me dit :
« Eh, qu’avez-vous trouvé qui soit à moi, Mon épouse ? Car vous parlez
comme une personne qui a trouvé quelque chose de bien précieux qui appartient
à un autre et qui demande ce qu’on lui donnera pour le rendre. Qu’avez-vous
donc qui soit à Moi ? »
Là-dessus, je demeure muette et je m’en vais à ma Mère lui dire ce
que mon Époux m’avait dit :
« Ma fille, me dit-elle, dites-Lui que vous avez trouvé Sa gloire.»
Je retourne donc à Lui, disant toujours : « Oh, que me donnerez-Vous,
mon Époux ?… Oh, que me donnerez-Vous, mon Époux ? »
- Qu’avez-vous trouvé qui soit à Moi, Mon épouse ?
- J’ai trouvé Votre gloire.
- Et où l’avez-vous trouvée ?
A cela, je ne savais encore que répondre. Je m’en vais à ma Mère lui
dire ce qu’Il m’avait dit et lui demander ce que je Lui devais répondre
:
-Ma fille, me dit-elle, dites-Lui que vous l’avez trouvée dans la mer.
- Oh, je ne dirai point cela.
- Pourquoi ? Dites-Lui, dites-Lui cela.
- Je ne Lui dirai point.
- Dites-Lui donc que vous l’avez trouvée dans la mer, et dans l’abîme,
et dans le néant.
- Bon, je m’en vais Lui dire cela.
Je m’en retournai donc à mon Époux :
- Oh, que me donnerez-Vous, mon Époux, que me donnerez-Vous ?
- Qu’avez-vous trouvé, Mon épouse, qui soit à Moi ?
- J’ai trouvé Votre gloire.
- Et où l’avez-vous trouvée ?
- Je l’ai trouvée dans la mer, dans l’abîme et dans le néant.
- Oh, il est vrai ! Je l’y avais perdue.
Notre Seigneur ayant dit cela, je fus contente, et Il me donna à entendre
qu’Il avait perdu Sa gloire dans la mort de Sa Passion, là où Il avait
été vilipendé et déshonoré dans l’abîme de l’Enfer, là où Il
est haï et blasphémé, et dans le néant du péché, là où les pécheurs
L’anéantissent. Et que je L’avais retrouvé dans la mer des souffrances
que j’avais portées pour Lui dans l’abîme de l’Enfer, par les tourments
que j’y avais soufferts pour Son Amour et dans l’anéantissement de
moi-même, ensuite duquel Il est tout en moi et S’y glorifiait en la
manière qu’Il voulait. »
Chap. 17 : De sa pureté virginale.
« Ayant été accusée comme une sorcière et impudique et menée en la
prison du Parlement, le Parlement ordonna qu’elle soit visitée et matronée,
en suite de quoi, il déclara qu’elle était vierge et innocente des
crimes dont on l’accusait.
Elle aime tant la pureté qu’ayant expérimenté combien les charmes
que les sorciers et magiciens jettent sur les personnes de son sexe font
commettre de péchés contre cette belle vertu, et se voyant entre les
mains de l’Église qui anéantissait en elle par ses prières et
exorcismes l’effet des mêmes charmes, comme il a été dit, elle fit
cette prière, ainsi que j’ai appris de sa bouche :
« Je prie la Sacrée Vierge qui aime tant la pureté qu’elle fasse que
tous les charmes qui doivent être jetés jusqu’à la fin du monde contre
la pureté tombent sur moi, et que j’en porte le tourment. »
Notez ces dernières paroles, car il est à remarquer que, quoique l’Église
la préserve de l’effet malin que ces charmes eussent opéré en elle
contre la chasteté, néanmoins, ces sortilèges ne laissaient pas de lui
faire souffrir des peines si terribles qu’elle m’a assuré plusieurs
fois que celles que les démons lui faisaient souffrir par la possession
n’étaient rien en comparaison de celles-là. »
Chap. 19 : Prédictions étranges en comparaison
desquelles toutes celles d’à présent ne sont rien, d’où doit réussir
la conversion du monde.
« Notre Seigneur et la Sainte-Vierge lui ont dit plusieurs fois qu’il
viendra une grande et terrible affliction par laquelle ils anéantiront
tous les péchés de la terre, en comparaison de laquelle toutes les afflictions
de ce temps ne sont rien. A raison de quoi, comme je l’exhortais une
fois de prier Notre Seigneur qu’Il eût pitié de son peuple et qu’il
le délivrât des misères qu’il souffre, elle me répondit en cette
sorte :
« Que pensez-vous que c’est des afflictions présentes dont on se plaint
tant ? Ce n’est rien que cela, ce n’est qu’un verre de vin troublé,
ainsi qu’il est exprimé dans ce verset que Notre Seigneur m’a dit
sur ce sujet : L’Eternel tient en Sa Main un verre plein de vin, « messe
calix in manu Domini vini meri plenus mixto. » (Ps.74)[20]. Ce sont
les afflictions présentes qui ne sont pas grand-chose et qui ne sont que
pour les pauvres et les petits, j’entends les petits pécheurs. Ce n’est
qu’une préparation et disposition à une autre épouvantable tribulation
qui arrivera bientôt en suite de celle d’à présent, ce que Notre Seigneur
m’a déclaré par ce verset qu’Il m’a dit et expliqué sur ce sujet
:
« Au temps que la fureur sur eux sera tournée
Comme un feu ravissant.
Tu ne feras d’eux tous qu’une seule fournée.
Ta flamme et ton courroux tôt les engloutissent. »
« Pones eos ut clibanum
ignis in tempore Vultus tui, Dominus in ira sua conturbabit eos, et devorabit
eos ignis. » (Ps. 20)[21].
C’est ce qui doit arriver en suite des misères présentes, et c’est
pour les grands pécheurs, et pour détruire les péchés qui sont en la
terre.
Il lui a dit que toutes ces choses-là, comme les guerres, les taxes, &c,
étaient autant de cordes qu’on attachait à l’Ire de Dieu, par lesquelles
on L’attirait en la terre pour y détruire le péché afin d’y établir
par après le Royaume de sa Grâce.
Un jour, en priant Notre-Seigneur, elle l’appelait « Seigneur des Seigneurs
et Roi des rois ». Il lui dit :
« Ne m’appelle point ainsi, car Je ne suis point Roi. Je ne règne point,
c’est le péché qui règne partout. Mais Je viendrai bientôt, Je détruirai
le péché et règnerai par tout le monde. »
Notre Seigneur lui a aussi révélé par quantité de fois qu’il viendra
un temps auquel, après avoir fait un déluge de tous les péchés de la
terre, Il fera Lui-même la mission par tout le monde, qu’Il répandra
Ses grâces très abondamment et d’une manière extraordinaire, qu’Il
enivrera quantité de personnes du vin de Son Amour sacré, qu’Il donnera
de beaux vases, c’est-à-dire, comme Il l’a expliqué Lui-même, de
bons pasteurs, à toutes les Églises, et qu’Il convertira à Lui toutes
les âmes qui portent l’image de la Très-Sainte-Trinité. Et tout cela
sera bientôt.
Nota
On m’expliquera ces deux dernières choses comme on voudra[22].
Je dis cette grande tribulation et cette mission de Notre-Seigneur, mais
s’il m’est permis de dire ma petite pensée (dit le Père[23]), j’entendrais
par cette tribulation extraordinaire celle qui arrivera du temps de l’Antéchrist,
et lorsqu’il sera vaincu et foudroyé avec tous ses sectateurs, avec
le souffle de la bouche de Jésus-Christ ; et par cette mission et effusion
très abondante de grâce, j’entendrais ce qui se fera après la mort
de l’Antéchrist jusqu’au temps de la Venue du Fils de Dieu lorsqu’Il
viendra juger le monde. Car tous les Saints Pères sont d’accord qu’il
y aura quelque intervalle de temps entre la mort de l’Antéchrist et
la Venue du Juge souverain pour donner loisir aux hommes de faire pénitence.
Et je ne doute point que ceux qui seront alors sur la terre ne se convertissent.
»
Chap. 20 : De la conversion des gentils,
des hérétiques et des mauvais catholiques.
« Je vis un jour Notre Seigneur et Sa Sainte Mère qui m’apportaient
une femme morte qu’ils mirent sur mon lit puis, s’en étant allés,
ils apportèrent encore une seconde femme qui n’était pas encore tout
à fait morte mais qui se tuait d’un couteau à pain, et ils la mirent
encore dans mon lit. Puis ils en amenèrent une troisième qui était crucifiée,
mais ils la détachèrent de la Croix et me l’amenèrent et la mirent
aussi dans mon lit au milieu des 2 autres. Par après, je vis Notre Seigneur
qui apporta 2 bûches de bois sur ses 2 épaules au bout desquelles il
y avait 2 sacs de charbon, et sur sa tête, Il portait encore une troisième
bûche. Étant arrivé, Il mit les 3 bûches sur ces 3 femmes, et un de
ces sacs de charbon à la tête, l’autre aux pieds, puis on mit le feu
à tout cela.
La première femme, c’est la gentilité qui est morte à Dieu. La seconde,
c’est l’hérésie qui n’est pas encore entièrement morte à cause
des enfants des hérétiques qui sont encore vivants à la Vie de la grâce,
mais elle se tue du couteau à pain qui est la science avec laquelle on
distribue le pain de l’Écriture Sainte comme les pères distribuent
le pain à leurs enfants. La troisième, c’est l’Église qui est crucifiée
par les péchés de ses enfants dans la croix du péché. Mais Notre Seigneur
et Sa Sainte Mère la détacheront un jour de cette croix.
La première bûche qui est mise sur la première femme, c’est l’Amour
divin par lequel Notre Seigneur la convertira.
La seconde, c’est la Charité divine avec laquelle Il convertira la seconde
femme. L’Amour divin convertira les Gentils, car il n’y a rien qui
oblige Dieu à les convertir que Son pur Amour. La Charité convertira
les hérétiques car il y a encore quelque chose pour eux qui oblige Dieu
à les convertir à cause des petits enfants.
La troisième, qui est mise sur l’Église, c’est la Justice divine
avec laquelle Dieu purifiera l’Église.
Ces trois femmes sont mises dans mon lit qui représente la Passion et
la Croix de Notre-Seigneur, c’est-à-dire qu’elles seront mises dans
la tribulation pour y être purifiées.
Les 2 sacs de charbon sont l’Amour de Dieu et du prochain. On met le
feu à tout cela pour purifier et consommer ces trois femmes et n’en
faire qu’une des trois. Ce qui signifie que Notre Seigneur ne fera qu’une
Église de tout le monde et qu’il n’y aura qu’une Loi et qu’une
Foi. »
Chap.21 : De l’estomac de Notre Seigneur
qui est sa Passion, et de la gentilité, de l’hérésie et
de la Chrétienté :
J’entendais un jour Notre-Seigneur, parlant à la nation infidèle et
païenne, et disant : « Ô, pauvre et misérable, que dîtes-vous de l’estomac
? »
Et elle répondit : « Je n’en dis rien, mon Créateur. »
Et, parlant aux hérétiques : « Ô, pauvres, que dîtes-vous de Mon estomac
?
- Je n’en dis rien, mon Sauveur. »
Et à l’Église catholique : « Ô, effrontée paillarde, que dîtes-vous
de Mon estomac ?
- Je n’en dis rien, mon Époux. »
Il l’appelle effrontée paillarde parce que c’est Son épouse et qu’elle
pèche en sa présence.
La gentilité Le nomme son Créateur parce qu’elle n’a rien de Lui
que la création, l’hérétique L’appelle son Sauveur parce que les
petits enfants des hérétiques sont en état de Salut. L’estomac de
Notre-Seigneur, c’est Sa Passion, d’autant que c’est par elle que
tous les péchés du monde sont digérés et consommés.
Toutes les trois répondent qu’elles ne disent rien de cet estomac, c’est-à-dire
de la Passion du Fils de Dieu, parce que c’est une chose incompréhensible.
»
Chap. 22 : Du torrent des sept rivières
qui figure les sept péchés mortels, leur horreur,
et comme ils seront réparés par cette grande tribulation :
« Notre Seigneur me fit voir un jour un grand torrent dans lequel il y
avait sept rivières distinctes et séparées les unes des autres. Et j’aperçus
mon Père qui est l’Amour divin qui, tout autour de ce torrent, faisait
de petits ruisseaux comme pour arroser des terres circonvoisines. Mais
Il les boucha du côté du torrent afin que l’eau n’y entrât pas encore.
Or ces sept rivières, qui représentaient les sept péchés capitaux,
étaient faites ainsi que je vais dire.
Il y en avait une au milieu des autres qui était horriblement noire, et
d’une noirceur qui faisait frayeur, et avec cela si rapide qu’elle
entraînait toutes les autres avec elle : et celle-ci représentait l’orgueil
et l’ambition avec les orgueilleux et ambitieux tant séculiers qu’ecclésiastiques
qui entraînent avec eux, par leur autorité et exemple, tous les autres
dans la perdition.
La seconde, qui était l’avarice, était d’eau et de sang mêlés ensemble,
mais d’une eau et d’un sang noirâtre vilain et qui faisait dépit
et mal au cœur à la voir. C’est le sang des pauvres que les avaricieux
mangent.
La troisième, qui était l’envie, était toute pleine de vers.
La quatrième, qui était la gourmandise, était toute pleine d’ordures
et de saletés comme un torrent qui, passant par une rue laquelle est remplie
de fiente, d’ordure et de saleté, emporte tout cela avec soi.
La cinquième, qui était la luxure, était d’une couleur semblable à
la couleur d’un mouron qui faisait horreur à voir et qui, avec cela,
était venimeuse et empoisonnait tous ceux qui en buvaient. Et c’était
celle-ci qui déplaisait davantage à Notre-Seigneur.
La sixième, qui était l’ire, était comme un feu horriblement noir,
bouillonnant, écumant et furieux. Et Notre Seigneur me dit que celle-ci
s’appelait le larron pour la raison qui sera dite après.
La septième, qui était la paresse, était comme une eau dormante et croupissante
qui ne sert à rien qu’à produire des grenouilles, lézards et autres
semblables bêtes. »
« Or, comme je regardais ces sept rivières et que Notre Seigneur m’eut
expliqué ce qu’elles signifiaient, Il les bénit, et par Sa bénédiction,
Il les changea d’une merveilleuse façon.
Car celle du milieu fut changée en une eau cristalline qui était si claire
que, quoiqu’elle fut fort profonde, on eut vu un ciron jusqu’au fond.
Elle était si claire qu’elle en était toute lumineuse, en sorte qu’elle
éclairait les autres, et avec cela marchait avec un doux murmure extrêmement
agréable, et il semblait qu’elle fût animée de quelque esprit divin
qui lui faisait donner mille louanges à Dieu et, au lieu que par sa rapidité
elle entraînait les autres rivières dans la perdition, elle les attirait
maintenant à louer et glorifier Dieu avec elle. Et tout cela était une
figure de la conversion qui se fera au temps de la grande mission de Notre
Seigneur des grands et ambitieux du monde, tant séculiers qu’ecclésiastiques,
qui seront alors ces cèdres du Liban dont il est parlé ailleurs.
La seconde fut convertie en une eau de couleur bleue et céleste qui était
très agréable à voir. Ce qui signifie qu’au lieu que les avaricieux
ne regardent que la terre, ils seront tellement changés qu’ils deviendront
tout célestes et ne regarderont plus que le Ciel.
La troisième fut changée en eau très claire mêlée avec du vin qui
représente qu’au lieu que les envieux sont rongés par leur envie comme
par des vers, à cause du bien et de la possession d’autrui, ils seront
tellement changés qu’ils s’en réjouiront. Ce qui est figuré par
le vin qui a coutume de réjouir le cœur.
La quatrième fut convertie en une eau argentine et extrêmement blanche
et nette, ce qui signifie la sobriété.
La cinquième fut changée en une eau dorée et qui était comme de l’or
liquéfié, ou comme de l’eau qui paraîtrait être de l’or très pur
et très fin, merveilleusement belle et riche. Elle avait ces deux qualités
car elle était pleine de beauté et de richesses et, avec cela,
cette rivière était bordée des deux côtés comme de deux murailles
de très beau cristal, et était couverte par-dessus d’une couverture
qui était blanche comme de la neige, si blanche qu’elle reluisait et
éclatait.
Mais cette couverture n’était pas transparente, de sorte qu’on ne
la voyait que par le côté au travers du cristal, et elle était fermée,
et Notre Seigneur en portait la clef. Et Notre Seigneur me dit que c’était
cette rivière qu’Il aimait davantage et qui Lui était la plus agréable.
Et tout cela représentait la chasteté et les âmes chastes.
La sixième fut changée en un torrent impétueux semblable à ces torrents
qui descendent des montagnes en la suite d’un gros orage, qui sont de
couleur d’argile et qui ravissent et emportent tout ce qu’ils rencontrent.
Ce qui signifie comme l’ire méchante sera changée en une sainte fureur
contre le péché, et spécialement l’infidélité et l’idolâtrie,
et qu’elle renversera, brisera et emportera toutes les idoles et instruments
d’idolâtrie dont les Infidèles se servent pour le culte de leur fausse
religion. Elle renversera leurs temples, brisera leurs idoles et leur ruinera
tout ce qui sert à leur impiété. Et c’est pourquoi, Notre Seigneur
appelle cette rivière le larron, mais saint larron qui dérobera aux Infidèles
tous les instruments de leur perdition. Et de plus, j’entendais ce torrent
qui criait à haute voix et ne cessait de crier : « Sancta Maria Mater
Dei Virgo qui dato est omnis potestas in coelo et in terra, adiunanos.
Aidez-nous à ruiner et détruire l’Infidélité et l’Idolâtrie. »
La septième fut changée en une eau de fontaine très belle et très claire
qui était excellente à boire et très bonne.
Et voilà tout.
Toutes ces conversions se feront au temps de la mission de Notre-Seigneur.
Alors, on débouchera tous les petits ruisseaux qui sont des deux côtés
du torrent, et ces eaux se répandront de tous côtés et arroseront toute
la terre universelle.
« Voyez-vous, me dit Notre-Seigneur, nous avons bu, par les tourments
que vous avez soufferts, toutes les eaux de ces rivières telles qu’elles
étaient auparavant que Je les eusse bénites.
Nous les avons bues comme on les boit en Enfer, car nous avons porté la
coulpe et la peine, c’est-à-dire nous avons souffert comme si nous avions
été coupables. Nous avons porté les peines d’Enfer avec l’Ire de
Dieu, qui est le châtiment dû à la coulpe, mais nous les donnerons à
boire aux autres, c’est-à-dire à tous les habitants de la terre telles
qu’elles sont maintenant, et nous les donnerons à boire par le moyen
de ces grandes afflictions que nous leur enverront dont il est parlé ailleurs.
Mais ces afflictions les purifieront et convertiront comme les eaux ont
été purifiées et changées par ma Bénédiction.[24] »
Chap. 23 - Notre Seigneur se servira des
esprits malins pour convertir le monde :
« Lorsque Notre Seigneur viendra faire Sa grande mission pour convertir
tout le monde, Il Se servira même des esprits malins pour cette fin. C’est
pourquoi j’entendis une fois le Père éternel qui, parlant à eux pour
ce temps, le leur disait :
« Allez ! Je vous envoie comme des trompettes pour réveiller Mes enfants
qui sont endormis à l’ombre de la mort, c’est-à-dire du péché.
»
Et j’entendis le Fils qui leur disait :
« Je vous envoie comme des messagers pour dire à tous les hommes qu’ils
viennent à Moi et que J’ai les bras ouverts pour les recevoir. »
Et j’entendis le Saint-Esprit qui leur disait :
« Je vous envoie comme des nonces pour annoncer à toutes les âmes qu’elles
viennent et que le festin des Noces est préparé, et que toutes choses
sont prêtes. »
Et j’entendis aussi la Sainte-Vierge qui leur disait :
« Je vous envoie comme des prédicateurs pour prêcher la pénitence,
et pour annoncer à tout le monde que le Royaume de Dieu est proche. »
Et enfin, j’entendais qu’on leur disait en général :
« Je vous envoie comme des sergents et huissiers pour faire ouvrir la
porte à la Grâce divine afin qu’elle entre dans les âmes, et pour
détruire votre œuvre et renverser tout ce que vous avez fait. »
Les démons accompliront tous ces commandements car ils possèderont généralement
tous ceux qui ne voudront pas se convertir. Ils publieront leurs péchés
et leur feront souffrir tant de tourments qu’ils les contraindront de
se convertir parmi les tourments qu’ils exerceront sur eux. Plusieurs
se voudront tuer eux-mêmes par désespoir mais ils les en empêcheront,
et Saint-Raphaël sera envoyé de Dieu pour guérir les désespérés,
c’est-à-dire ceux-là qui tomberont dans le désespoir. Saint-Michel
sera envoyé pour conduire et amener toutes les âmes à Dieu. »
Chap. 24[25] - De la Charité divine :
« La divine Charité demande un prix, mais le prix qu’elle demande,
ce sont les âmes qu’elle veut avoir, et elle use quelquefois de saintes
finesses et inventions merveilleuses pour gagner les âmes. En voici un
exemple.
Un jour, je vis la divine Justice qui venait du Ciel pour visiter ses fermes
en ce monde-ci et faire payer ses fermiers de quantité de deniers dont
ils lui étaient redevables. Elle était suivie d’un torrent impétueux
pour submerger tout le monde à cause de ses péchés. Elle avait un glaive
et des flèches et un foudre qu’elle portait en la main. Au même temps,
je vis la Charité divine qui allait au-devant d’elle, et la prie de
venir faire collation chez elle. Elle y va. Que fait la Charité ? Elle
enivre la divine Justice de son vin, si bien qu’elle s’endort. Pendant
qu’elle dort, elle va mettre des bondes et des esseaux à son torrent
pour empêcher qu’il ne se déborde pour noyer tout le monde. Elle prend
son glaive et ses flèches et les enivre du sang innocent et lui arrache
son foudre d’entre ses mains et le donne à l’Amour divin qui le convertit
en un flambeau d’Amour et dit que ce serait son enseigne et la marque
de son triomphe qu’il porterait en sa main éternellement. Ensuite de
cela, la Justice s’éveille, ne se fâche point de se voir ainsi désarmée,
mais elle remercie la Charité divine de la collation qu’elle lui a faite
et lui dit qu’elle en est si contente qu’elle lui donne toutes ses
fermes et ses fermiers :
« Faites, lui dit-elle, tout ce que vous voudrez. Ils sont à vous. Faites-les
payer si vous voulez. Je m’en retourne dans le Ciel pour vous préparer
un festin à mon retour. »
Qu’est-ce que tout cela ? C’est la divine Justice qui était prête
de perdre tout le monde à cause de ses péchés, mais la divine Charité
lui a fait une collation par le moyen des souffrances que l’Époux a
portées, &c… Le glaive et les flèches enivrées de sang innocent
ne sont point encore interprétés. Le torrent est celui dont il est parlé
ci-devant qui représente les coulpes et les peines tout ensemble dont
les esseaux et les bondes seront levés après que Notre Seigneur l’aura
béni et converti ainsi qu’il a été dit ci-devant pour inonder toute
la terre du déluge de grâces et de bénédiction. Car, outre que les
petits ruisseaux dont il est parlé seront débouchés, ces deux
bondes seront encore levées pour la fin susdite. »
Chap. 25 - Des prêtres méchants
et trois sortes de litanies qu’il lui fut commandé de dire :
« Notre Seigneur me commande un jour de dire 3 litanies en 3 lieux différents.
La première au milieu du plus grand carrefour de la ville. La seconde,
au milieu du plus sale, puant et horrible retrait qui serait dans la ville.
Le troisième, dans l’Église, devant le crucifix. Je fus bien étonnée
de ce commandement. Et même, je vis la Sainte-Vierge qui pleurait fort
amèrement. Cependant, il fallut l’accomplir.
J’allai donc premièrement au carrefour dire, mon livre à la main, la
litanie du Père éternel, ainsi qu’il m’était ordonné. Par après,
j’allai chercher le retrait le plus rempli d’ordure et de puanteur
que je pus trouver : c’était sur le rempart. Et là, au milieu de ces
puanteurs et saletés, je dis les litanies du Fils de Dieu, ainsi qu’il
m’était commandé, pendant que les enfants qui me voyaient le si long
temps se moquaient de moi, me montraient au doigt, me sifflaient et me
jetaient des pierres. Ensuite, j’allai à l’Église dire les litanies
du Saint-Esprit devant le crucifix.
Si tôt que j’eus fait, la Sainte-Vierge qui pleurait auparavant, commence
à me dire avec grande joie : « Oh, nous voilà bien ! Chantez maintenant
Regina coeli laetare, &c… »
Puis Notre Seigneur commence à m’interpréter les deux premières litanies,
me disant que la première, dite au carrefour hors de l’Église, était
pour appeler tous les Infidèles à l’Église. La seconde était pour
la conversion des mauvais chrétiens, et spécialement des méchants prêtres,
« Car, me dit-Il, Je suis dans Mon Église comme en un lieu d’ordure
et de puanteur, c’est-à-dire au milieu des chrétiens, et spécialement
des prêtres dont la plupart ne sont que corruption et puanteur. »
- Pourquoi demeurez-Vous au milieu de ces saletés ?
- Je ne sais comment J’y puis demeurer. C’est par force que J’y demeure.
C’est Mon amour divin, Ma charité, Ma volonté, Ma miséricorde et Ma
patience qui Me contraignent d’y demeurer. »
Pour la troisième litanie, Il ne me l’avait point encore interprétée.
Et voici l’interprétation qu’il m’en a donnée :
Cette litanie se dit devant le crucifix dans l’Église en l’honneur
du Saint-Esprit pour obtenir cette grande effusion et débordement de grâces
qu’Il répandra sur toutes les âmes en ce temps dont il est parlé tant
de fois, ensuite de quoi elles seront toutes converties, et l’Amour divin
les prendra toutes et en fera une couronne dont Il couronnera le crucifix,
c’est-à-dire la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. »
Chap. 26 - De l’eau bénite, et de quelle façon il la faut recevoir
lorsqu’on l’asperge dans l’église :
« L’eau bénite qui est bénite en vertu de la Passion de Notre-Seigneur,
et qui est une participation de cette même Passion, signifie les afflictions
qui sont envoyées de Dieu. C’est pourquoi, lorsqu’on l’asperge au
dimanche dans l’église, il faut la recevoir avec dévotion et respect,
acceptant comme de la Main de Dieu toutes les afflictions qu’Il Lui plaira
nous envoyer.
J’entendais un jour Notre Seigneur qui disait :
« Oh, qu’il y a longtemps que Mon Église Me demande que Je l’asperge
d’hysope ! Je l’aspergerai abondamment et la rendrai plus blanche que
la neige, c’est-à-dire par cette grande affliction qui doit effacer
tous les péchés du monde. »
Chap. 27 - Le Cantique de la Sapience
divine, et comme la terre sera peuplée de saints
au temps de la grande Mission de Notre Seigneur :
« Je vis un jour la Sapience divine en forme d’une belle Princesse qui
tenait une petite baguette blanche, mais qui était courbée et crochue
et, en tenant cette baguette, elle chantait : « Ô Juge sans faveur !
Ô Juge sans faveur ! », mais elle chantait ses paroles en 2 tons ou en
2 manières.
A la première fois et en la première manière, lorsqu’elle commençait
à chanter, elle tenait le bout de sa baguette contre terre, puis la levait
vers le ciel y tenant aussi les yeux, et après cela elle la laissait retomber
en terre. Et durant tout cela, elle chantait d’une manière triste et
lugubre : « Ô Juge sans faveur ! Ô Juge sans faveur ! »
A la seconde fois et en la seconde manière, elle passait sa baguette de
la main droite à la main gauche et la jetait dans une fournaise ardente,
puis elle chantait : « Ô Juge sans faveur ! Ô Juge sans faveur ! ».
Mais au lieu qu’à la première fois elle regardait premièrement en
terre puis au ciel et qu’elle chantait fort tristement, à la seconde
fois, elle tenait premièrement les yeux au ciel avec une grande joie et
comme étant toute ravie. Et, levant sa baguette, elle chantait une fois
: « Ô Juge sans faveur ! », puis elle baissait les yeux en terre et,
s’inclinant profondément vers la terre, comme si elle l’eut voulu
baiser pour honneur et affection, et elle achevait de chanter en cette
façon, disant encore une fois ces paroles : « Ô Juge sans faveur ! »
La baguette blanche sont les serviteurs de Dieu qui sont encore courbés
et crochus en ce temps-ci à cause de leurs imperfections. La Sapience
divine passe cette baguette de sa main droite à la gauche et le jette
dans une fournaise ardente, non pas pour la consumer[26] - dit-elle - mais
pour la redresser, ce qui s’accomplira au temps de cette grande tribulation
qui doit venir, dont il est parlé ailleurs.
Au commencement, la Sapience divine élève les serviteurs de Dieu vers
le Ciel mais ils retombent par leurs imperfections en terre. C’est ce
qui se fait maintenant. Mais après, elle chante avec joie, et après avoir
regardé le Ciel, elle s’incline profondément vers la terre comme la
voulant baiser parce qu’après cette grande tribulation, la terre sera
peuplée de saints. »
Chap. 28 - Des cèdres du Liban :
« Un jour, je
disais, par un mouvement extraordinaire, je veux voir les cèdres du Liban,
c’est-à-dire ces grands saints qui doivent être au temps de la grande
Mission, et je les veux voir en ce temps-ci. Je les veux voir marcher et
se promener dans nos chambres et par les rues avec le bonnet quasi sur
la tête et la corne de licorne[27] au front, et quand ils marcheront,
que tout le monde les honore. Et moi, je veux chanter par les rues un cantique
de gloire et que tout le monde me réponde.
« Oui, dit Notre-Seigneur, vous en verrez, des cèdres du Liban. Ces cèdres
sont ceux qui sont éminents en vertu et sainteté. La corne de licorne,
c’est la divine Volonté, représentée par la corne de licorne parce
qu’elle chasse le venin du péché. Le bonnet carré, c’est la Croix
de Notre Seigneur en laquelle les prêtres et justiciers mettront leur
gloire. Vous chanterez un cantique auquel tout le monde vous répondra,
non pas par paroles mais par œuvres. Car tous les ouvriers feront leurs
œuvres en telle sorte qu’ils glorifieront Dieu en tout ce qu’ils feront.
Et tout le monde honorera les prêtres en suivant leurs bons exemples et
saints avertissements. «
Chap. 29 - La Miséricorde est quelquefois
revêtue de Justice :
« Auparavant qu’un certain nommé Gassion[28] vint à une certaine ville[29],
tout le monde appréhendait extrêmement sa venue car on disait qu’il
jetait les enfants du berceau par les fenêtres et qu’il les écrasait.
Là-dessus, je m’en allai à Notre Seigneur lui exposer cette affliction.
Il me dit : « Eh bien, laissez-le faire. Quand la Miséricorde viendra
vêtue de Justice au temps de cette grande affliction, elle en fera autant.
Elle écrasera tous les enfants, c’est-à-dire tous les péchés qui
sont les enfants des pécheurs. Ce sera Ma Miséricorde qui exercera tous
les châtiments qui arriveront alors, mais on ne la connaîtra point pour
telle, car elle sera revêtue de Justice. »
Chap. 30 - Comme les méchants seront
humiliés et les bons exaltés au
temps de la grande Tribulation :
« Un jour, je vis Saint-Gabriel qui apporta dans notre chambre une gerbe
de paille qu’il répandit sur le plancher de la chambre, en sorte qu’il
fallait nécessairement marcher par-dessus. Et Notre Seigneur me dit que
la paille qui est le principal brin représentait les grands, les riches
et les puissants qui maintenant sont tous transformés en péché, qu’on
foulera aux pieds et desquels on ne fera non plus d’état que de paille
au temps de cette grande tribulation. Tout le monde les méprisera, et
les bons seront en gloire et en honneur. »
Chap. 32 - Son affection de la pureté
des âmes :
« Elle n’aime pas moins la pureté de l’âme que celle du corps. Les
moindres fautes lui sont insupportables, tant en elle qu’en autrui. Et,
quoiqu’on n’en rencontre point en elle de volontaires, néanmoins,
lorsqu’on lui dit qu’elle a manqué en quelque chose, elle le voit,
étant extrêmement soumise et d’esprit et de volonté, et est saisie,
au même temps, d’une douleur extrême jusqu’à ce qu’elle ait reçu
la sainte absolution.
Un bon ecclésiastique qu’elle appelle son frère et qui demeure en la
maison où elle est[30], ayant un peu contesté et dit quelque parole rude
à un cordonnier qui lui apportait des souliers, parce qu’ils ne s’accordaient
pas pour le prix, et en suite s’en étant allé à vêpres, comme il
fut revenu, elle commence à lui parler et lui demander s’il ferait bientôt
certaines prières qu’il avait accoutumé de faire, et de quelle manière,
il les pourrait faire en suite de la faute qu’il avait faite, ajoutant
qu’il avait perdu le fruit des vêpres d’où il venait, et que pour
réparer cette faute, il fallait qu’il allât trouver cet homme dans
sa maison, lui demander pardon, prendre les souliers, les payer au prix
qu’il demandait et lui donner encore, avec cela, un pot de son cidre.
Ce qu’il fit de point en point. »
Chap. 33 - Son affection à la pureté
et grâce dès sa jeunesse :
« Quand mon père et ma mère furent morts, étant demeurée orpheline,
on me mit chez une méchante femme qui menait une vie scandaleuse avec
un certain gentilhomme qui l’envoyait souvent quérir, et elle allait
souvent chez lui. Mais je lui dis fortement que si elle ne voulait renoncer
à cela, je la quitterais. Chose merveilleuse, quoiqu’elle n’eût que
faire de moi, et me nourrît néanmoins, cela la convertit, et aima mieux
quitter sa méchante vie que de permettre que je la quittasse. »
Chap. 34 - Prière contre les tentations
impures :
« Lorsque j’étais horriblement travaillée des tentations impures par
les charmes des sorciers, je ne trouvais rien qui m’aida tant que cette
prière que je faisais à la Sainte-Vierge :
« Très Sainte Vierge, je vous supplie, par cette très grande pureté
en laquelle vous avez été conçue de Saint-Joachim et de Sainte-Anne,
que vous m’assistiez et me délivriez de cette tentation. »
Je faisais ainsi cette prière car je pensais en moi-même que, parce qu’elle
avait été conçue sans péché originel, il fallait nécessairement qu’elle
ait été conçue dans une très grande pureté, et que Saint-Joachim et
Sainte-Anne avaient été les instruments du Saint-Esprit en cette conception
miraculeuse. »
Chap. 36 - De son humilité et des instructions
que Notre Seigneur lui a données sur ce sujet.
«(…) Un jour, je vis mon bon Ange qui commence à me dire que j’allasse
avec lui, qu’il m’allait mener devant Dieu, que Notre Seigneur serait
bien aise de me voir, qu’Il m’aimait bien et qu’Il me donnerait tant
de belles choses, si honorables, si avantageuses. Mais, en entendant cela,
je fus saisie d’une telle colère que, me tournant vers lui, quoique
je susse fort bien que c’était mon bon Ange, je lui parlais néanmoins
ainsi : « Allez ! Je sais que vous êtes le diable et non pas un Ange.
» Si bien qu’il me laissa là et s’en alla ; et quelque temps après,
le regardant proche [de] ma Mère – c’est la Sainte Vierge avec
laquelle j’étais pour lors -, il me dit :
« Eh bien, suis-[je] encore un diable ?
-Et pourquoi aussi, lui dis-je, me parliez-vous ainsi, vous qui savez combien
je hais l’honneur et les louanges ? »
Chap. 38 - De l’humilité :
« Il y a environ vingt-cinq ans que Notre Seigneur me mit sur le bord
du néant et me dit : « Demeurez là et Je vous irai trouver. Mais si
vous en partez, Je ne vous irai pas chercher. ».
En suite de cela, un des démons qui me possèdent, qui est le démon d’ambition,
commença de me remplir l’esprit de mille pensées d’ambition, de présomption,
de vanité, si bien que je commençai à dire à Notre Seigneur :
« Oh, mon Dieu, Je ne suis plus là où Vous m’aviez mise ! Vous vouliez
que je fusse humble, et me voilà la plus superbe créature du monde.
- Non, dit Notre-Seigneur, vous êtes encore là où Je vous avais mise.
Mais c’est qu’on vous a jeté de la poudre dans les yeux pour vous
empêcher de voir là où vous êtes. »
Chap. 55 - Quelle sera la fin de cette
œuvre :
« J’entendais un jour la Sainte-Vierge, laquelle parlant de toutes ces
choses :
« C’est mon œuvre et ma passion, la fin en sera plus pleine de consolation
qu’on ne pense, plus glorieuse qu’on ne pense, plus admirable qu’on
ne pense. Et aussi, elle sera plus pleine de désolation qu’on ne pense,
plus terrible qu’on ne pense, plus épouvantable qu’on ne pense. »
Chap. 56 - On lui a promis un feu de joie
:
« On m’a promis plusieurs fois qu’on ferait un jour un grand feu de
joie, et que quand nous serons devant ce feu de joie, qu’on m’expliquera
quantité de choses qu’on m’a dites qui ne sont point encore expliquées,
et que ce feu de joie sera lorsque tous les cœurs des fidèles et habitants
de la terre seront embrasés du Feu de l’Amour divin. »
Chap. 59 - De la Très-Sainte-Vierge et
de la dévotion qu’elle lui porte :
« (…) Ce fut par la Sainte Vierge qu’elle obtint de Dieu que les charmes
que les sorciers devaient jeter sur plusieurs filles et femmes tombassent
sur elle, afin qu’elles en fussent délivrées et que Dieu n’en fut
point offensé, ainsi qu’il a déjà été dit.
Nous avons vu aussi ci-dessus comme ce fut par la prière qu’elle fit
à la Sainte-Vierge qu’elle fut délivrée de l’Enfer.
(…) Notre Seigneur lui a dit que dans cette grande Mission dont il sera
parlé, qu’Il viendra faire Lui-même pour convertir tout le monde, la
Sainte Vierge enivrera du vin de l’amour sacré tous les prédicateurs
qui, en ce temps-là, travailleront pour le salut des âmes, et que tout
se fera dans cette mission par la Sainte Vierge.
Cette même Vierge lui commanda un jour de faire quelques prières et pénitences
pour obtenir de Dieu que le temps auquel les mauvais pasteurs devaient
régner dans l’Église, selon les ressorts de la divine providence qui
le permet ainsi pour les raisons que Dieu connaît, que ce temps, dis-je,
fût abrégé.
Notre Seigneur lui a fait voir plusieurs autres choses merveilleuses touchant
les pouvoirs et privilèges de Sa Mère :
« Un jour, dit-elle, je m’en allai à Notre-Seigneur, ne trouvant point
ma Mère. Je lui demandai : « Où est ma Mère ? »
-
Elle n’est pas ici, elle viendra bientôt. »
Deux ou trois jours après, je la vis venir sur un chariot plein d’armes
de toutes sortes et, au-dessus de ces armes, il y avait un char triomphant
dans lequel Elle était. Je me retourne vers mon Époux et lui dis : «
Voici venir ma Mère sur un chariot plein d’armes. Que veut-Elle faire
de tout cela ?
- C’est qu’elle va à la guerre !
- Et qu’est-ce que cela qui est sur ces armes sur quoi Elle est assise
? Car je ne savais ce que c’était ni comment cela s’appelait.
- C’est un char triomphant, me dit Notre-Seigneur, et si vous voulez
savoir ce qu’elle fait de ces armes, Elle les baille à ses serviteurs
pour combattre contre le péché. Elle en baille aux uns d’une façon
et aux autres d’une autre. Aux uns d’offensives et aux autres de défensives,
&c.
Outre cela, j’aperçus un fort gros paquet de petites clefs toutes d’or
qu’Elle portait à sa ceinture.
- Que veut-Elle faire de toutes ces clefs ?, dis-je à Notre-Seigneur.
- Regardez autour d’Elle.
Je regarde et je vois tout autour d’Elle quantité de petites armoires[31]
dans ce char triomphant.
- Voyez-vous, dit Notre-Seigneur, ce sont les clefs de toutes ces armoires
qui sont pleines de quantité de prix tous différents qu’Elle distribue
à ses serviteurs quand ils ont combattu vaillamment et remporté la victoire.
»
Chap. 65 - De plusieurs choses qu’elle
a prédites. Arrêt qui fut donné :
« Notre Seigneur lui dit plusieurs choses qui devaient arriver, et qui
en effet sont arrivées, et il lui a dit encore plusieurs autres qui doivent
arriver.
Premièrement, que lorsqu’elle sera délivrée, les sorciers et magiciens
seront possédés du diable. Et, sur ce sujet, il faut savoir que du temps
qu’elle communiait encore, les diables dirent plusieurs fois dans les
exorcismes qu’il y avait un Arrêt donné dans le Ciel, sans dire quel
il était car ils ne savaient pas ce qu’il contenait. Mais Notre Seigneur
lui dit par après que cet Arrêt portait que les magiciens et sorciers
étaient condamnés à être possédés des diables lorsqu’elle serait
délivrée.
En suite de quoi, comme on la voulait faire communier, les diables y mirent
empêchement, disant qu’ils avaient commandement de la part de Dieu de
l’empêcher de communier jusqu’à ce qu’elle eût dit ce qu’on
lui avait déclaré touchant l’Arrêt qui était donné dans le Ciel.
Alors, elle le dit en secret à l’un des exorcistes, et tout aussitôt,
elle eut liberté de communier.
Chap. 66 - De la Passion de Notre Seigneur
:
« Je vois quelquefois Notre Seigneur comme enivré de Son Amour divin,
et je L’entends disant :
« Ô mon Épouse, vous êtes Ma couronne, Mon sceptre, Ma gloire, Mon
trésor, Ma joie, Mes délices, mon cœur, &c… ».
Et je disais à la Sainte Vierge :
« - Je ne sais à qui Il parle.
- Laissez-le dire, répondait-elle, Il est ivre de Son amour divin. Et
sachez que toutes les fois qu’Il est ainsi ivre, c’est de Sa Passion
qu’Il parle. »
Une autre fois, je L’entendais disant :
« - Il est vrai que Je Me suis bien enivré de mon divin Amour lorsque
je suis descendu du Ciel et que J’ai fait et souffert des choses si étranges
pour des personnes si chétives et ingrates. »
Un jour, comme j’étais dans l’église, il me dit :
« Je vous donnerai un baiser de Mon Humanité glorieuse. »
Et au même temps, je commençai à souffrir extrêmement et mon mal crût
toujours trois jours durant. Et comme je Lui disais qu’Il ne m’amendait
point :
« - C’est signe, dit-il, que Je suis plus malade que vous et que j’ai
plus souffert que vous puisqu’il ne vous est point amendé de vous être
approchée de Moi. »
Chap. 67 - De la Passion de Notre Seigneur
:
« J’entendis un jour la Passion de Notre Seigneur qui disait en chantant
à la sainte Trinité : « Suscite me floribus, quia amore langueo.
» C’est-à-dire : « Donnez-Moi des âmes car je languis pour elles.
»
Une autre fois - et c’était depuis peu -, je vis une belle princesse,
portant sur sa tête une couronne d’or qui représente l’Amour et la
Charité divine dont elle est couronnée, revêtue d’une robe de pourpre,
tenant en ses mains un livre de toutes les prophéties de Notre Seigneur
et de Son Église, et elle présentait ce livre à la très sainte Trinité,
lui demandant justice et l’accomplissement de toutes ces prophéties
et de toutes ces promesses. Puis, elle revenait vers les hommes leur rapportant
les fruits de la miséricorde et de la grâce de Dieu qui sont les fruits
de la Passion de Notre-Seigneur. »
Chap. 68 - De la Passion de Notre Seigneur
:
« Je vis un jour Notre-Seigneur, lequel étant tout ravi en soi-même
et, parlant à Sa Passion, disait :
« Ô mon Épouse, qui êtes-vous ? Oh, qu’êtes-vous à Mon Père ?
Vous êtes Sa gloire. Oh, qu’êtes-vous ? Oh, qu’êtes-vous à Ma sainte
Mère ? Vous êtes sa crosse, car Ma Mère est Abbesse du Ciel, et elle
n’avait point de crosse, et vous êtes sa crosse avec laquelle
elle attire les âmes. Oh, qu’êtes-vous à Moi-même ? Oh, qu’êtes-vous
?...Oh, qu’êtes-vous ?...Vous êtes Mon trésor dans lequel Je prends
de quoi payer toutes les dettes des hommes, et duquel Je tire tous les
dons que Je fais. Oh, qu’êtes-vous aux hommes ? Oh, que leur êtes-vous
?... Vous êtes une échelle par laquelle ils montent aux Cieux. Oh, qu’êtes-vous
au péché ? Oh, que leur êtes-vous ?... Vous êtes une flèche empoisonnée
qui lui transperce le cœur. »
Notre Seigneur dit une fois que lorsque saint Paul avait dit ces paroles
: « J’accomplis les choses qui manquent à la Passion de Jésus-Christ.
», il avait dit cela en ma personne et que c’était une prophétie de
ce que je devais souffrir. »
Chap. 69 - De la Passion de Notre Seigneur
en elle :
« Je vis et entendis un jour Notre Seigneur qui disait durant trois jours,
parlant en la personne de Sa Passion qu’Il souffre en moi :
« Je suis noire, mais je suis belle, et le soleil – c’est-à-dire
l’Amour divin – m’a décolorée. »
Et en disant « le soleil m’a décolorée », Il tournait les yeux vers
le Ciel, comme étant tout ravi en Soi-même.
Au même temps, je vis la terre en forme d’une femme qui, parlant à
moi, dit à cause des péchés dont j’étais chargée par caution, m’étant
offerte à Dieu pour les porter : « jamais monstre si hideux n’a
marché sur ma face ! »
Et moi, je lui disais :
« - Pourtant, j’ai une belle bague à mon doigt ! » à savoir mon beau
verset dont il est parlé ailleurs.
« - Et erit firmamentum in summis montium… Allez, vous[32]et votre belle
bague ! Jamais monstre si hideux n’a marché sur ma face, ni homme, ni
ange, ni diable. »
Alors Notre-Seigneur, parlant à la terre, lui dit :
« Ô terre, terre, terre !, je suis noire mais je suis belle et le soleil
m’a décolorée. »
Et, ayant dit cela, Il S’en alla.
En suite de quoi, la terre, joignant et croisant les deux mains sur sa
tête, commença à dire en pleurant amèrement :
« Nous l’avons vu mais nous ne l’avons pas connu ! »
Et elle redisait cela sans cesse avec de grandes plaintes et lamentations.
Et moi-même, venant à me tourner et ne trouvant plus Notre-Seigneur,
comme aussi ne me trouvant plus moi-même, car le dernier point de mon
anéantissement se fit là. Je commençai à pleurer, disant : « Où suis-je
allée moi-même ?...Où suis-je allée moi-même ? Je ne me trouve point
! »
Alors l’Amour divin vint et me fit taire. »
Chap. 70 - En quel sens la gloire de Notre
Seigneur est la chose la plus triste du monde,
et de trois sortes de déluge :
« Notre Seigneur me dit un jour :
« - Allez-vous en dire la chose la plus triste du monde.
- Où est-ce que je la prendrai ? Est-ce dans l’Évangile de la Passion
?
- Non.
- Qu’est-ce donc ?
- Ce sont ces paroles : Gratias agimus tibi, propter magnam gloriam tuam.
Ma Passion est la chose la plus triste du monde. Or Ma Passion, c’est
Ma grande gloire car c’est par elle que Je suis glorifié et que les
âmes sont appelées à la gloire. »
Une autre fois, Il me dit :
« Allez-vous en dire une chose trois fois triste.
- Où la prendrai-je ?
- Ce sont ces paroles : Spiritus domini replevit orbeum terrarum. » Ce
qui s’entend de ces temps auxquels le Saint-Esprit mettra le feu de l’Amour
divin par toute la terre et qui fera son déluge. Car il y a trois déluges
et qui tous trois sont tristes et qui sont envoyés pour détruire le péché.
Le premier déluge, c’est celui du Père éternel qui a été le déluge
d’eau. Le second, c’est le déluge du sang du Fils de Dieu. Le troisième,
c’est le déluge du Saint-Esprit qui sera un déluge de feu.[33] Mais
il sera triste parce qu’il trouvera beaucoup de résistance et quantité
de bois vert qui sera difficile à brûler. »
Chap. 74 - De l’Église, des prêtres
et des prédicateurs :
« Une fois, Notre Seigneur me fit voir un arbre presque tout sec et à
demi pourri, hormis qu’il y avait encore quelques branches vertes, mais
peu. Il y avait aussi plusieurs rejetons tendres et délicats, mais je
vis venir des enfants qui les arrachaient. De plus, je vis venir des hommes
qui découvraient les racines de l’arbre et puis les laissaient là et
s’en allaient. Et je dis : « Pourquoi s’en vont-ils ainsi ? L’arbre
sèchera. »
- Cet arbre, c’est la chrétienté en laquelle il reste peu de personnes
vertueuses. Le rejeton, c’est le simple peuple. Les enfants qui les arrachent
sont les péchés des prêtres qu’ils ont engendrés et qui sont leurs
enfants, lesquels, par leur mauvais exemple, scandalisent les simples et
les font mourir. Ces hommes sont les prédicateurs qui font voir la racine
de la vertu, prêchant des choses hautes et rares et non pas utiles et
fructueuses. »
Chap. 75 - Des pasteurs de l’Église
:
« Quelqu’un l’ayant priée de demander à la Sainte Vierge quelque
grâce pour un pasteur, voici ce qu’elle répondit :
« C’est à mon Epoux qui est le Saint-Esprit qui gouverne l’Eglise
de choisir ceux qu’Il veut qui en soient les pasteurs. Ceux qu’Il ne
choisit pas ne sont pas vrais pasteurs, mais ce sont des bâtards. Et quand
Il choisit quelqu’un, Il lui donne tout ce qu’il faut pour être bon
pasteur. Que celui-là donc demeure en repos car mon Epoux le choisit et
lui donne tout. »
Chap. 76 - Des prédicateurs, des
prêtres et curés :
« Je me vis un jour dans une grande salle en laquelle il y avait un collier
de perles qui étaient défilées, et toutes les perles étaient répandues
par terre. Et ces perles étaient les perles de l’image de la Sainte-Vierge.
Il y avait là une femme à laquelle je dis en ce lieu-là :
« Relevez ces perles et les ramassez, et remettez-les au col de l’image
de la Sainte-Vierge. »
Mais elle me dit :
- Relevez-les, vous, car je n’ai point de loisir. Je suis empêchée
à préparer la collation au prédicateur.
- Oui da, dis-je, je les relèverai, moi. »
Je les relève et les mets à mon col.
Voici venir le prédicateur. Etant venu, il me va regardant à la tête
que j’avais pleine de vermine pour me l’ôter, et il y voyait très
clair. Jusqu’à apercevoir des petites vermines comme des cirons. Je
m’étonne en moi-même, disant : « Qui aurait pensé que ce grand prédicateur
eût voulu s’arrêter à m’épouiller ? »
Ensuite, je vis ce prédicateur qui menait deux brebis au marché pour
les y vendre. Et je vis une grande bande de curés qui étaient à sa droite,
et quantité d’autres prêtres qui étaient à sa gauche. Et les uns
et les autres lui aidaient à mener ses brebis au marché pour les vendre.
Et je vis Notre Seigneur et la Sainte-Vierge qui pleuraient amèrement.
Et Notre Seigneur disait :
-« Ha ! Ha ! Mes deux pauvres brebis qui m’ont coûté si cher ! J’ai
tant travaillé et tant souffert et répandu Mon Sang pour les racheter.
Et, avec cela, je les leur avais baillées à garder, et voilà qu’ils
les vont vendre ! »
Voici l’explication que Notre Seigneur donna :
Le collier de perles sont toutes les vertus de l’image de la Sainte-Vierge,
c’est-à-dire les vertus dont toutes les femmes qui sont l’image de
la Sainte-Vierge devraient être armées et qu’ils négligent néanmoins
et laissent perdre. Cette femme à qui je disais de les relever, c’est
l’Eglise, c’est-à-dire les chrétiens d’aujourd’hui. La collation
qu’elle fait au prédicateur, ce sont les applaudissements, flatteries
et vaines louanges qu’on fait aux prédicateurs. Je relève ces perles
et les mets à mon col qui suis[34] une image de la sainte-Vierge. La vermine
que le prédicateur cherche à ma tête, ce sont les récompenses temporelles
que les prédicateurs cherchent en la tête de l’Eglise, c’est-à-dire
dans les principaux lieux où ils cherchent, car en ce point, ici, je représentais
l’Eglise. Et ils y voient fort clair car ils savent fort bien où sont
les meilleurs quêtes, quoique, pourtant, ils ne fassent pas mal de prendre
ce qu’on leur donne car, qui sert à l’autel doit vivre de l’autel
pourvu que ce ne soit point là leur principal but et qu’ils fissent
leur devoir dans les autres choses. Mais ils vendent – c’est-à-dire
les mauvais prédicateurs – les deux brebis de Notre Seigneur qui sont
l’homme et la femme, avec les mauvais curés et prêtres. Et ils les
vendent d’autant qu’ils se prêchent eux-mêmes qu’ils ne donnent
pas les instructions nécessaires au salut et qu’avec cela, ils donnent
mauvais exemple. Par ce moyen, ils vendent les deux brebis du Fils de Dieu
au diable et au péché qui les tiennent et les jettent en enfer.
&&µµ
Entre ceux qui sont damnés, il n’y a point de condition de laquelle
il y ait tant de perdus que de celle des ecclésiastiques. Notre Seigneur
m’a fait voir même qu’il y a moins de corruption et d’injustice
parmi les soldats que parmi les prêtres. »
Chap. 77 - Des religieux et séculiers
:
« Un jour, je priai la Sainte-Vierge de me donner une pomme de son arbre
ou, pour le moins, la pelure, et elle me refusa longtemps. En suite de
quoi, elle m’expliqua pourquoi j’avais fait cette demande en cette
manière :
« Je donne de mes pommes toutes pelées aux enfants, c’est-à-dire à
ceux qui entrent dans les monastères. Je leur donne des consolations,
représentées par le suc de la pomme qui paraît quand la pelure est ôtée.
Mais à ceux qui ont l’estomac bon qui sont appelés dans le monde, je
leur donne la pomme et la pelure tout ensemble, c’est-à-dire les richesses
temporelles afin qu’ils en usent bien et que, par ce moyen, ils acquièrent
davantage de grâces, mais il y en a peu. »&&
Marie présentait souvent au Christ et à la Vierge les suppliques que
lui confiaient les visiteurs venus auprès d’elle recevoir conseils et
directives dans leur cheminement spirituel. Le Christ répondait amplement
à celles qu’il avait lui-même suscitées, surtout lorsque ces personnes
avaient charge d’âmes :
Chap. 78 - D’une supérieure de religieuses
:
« Lui ayant recommandé une supérieure de religieuses qui l’avait désiré
et, avec cela, plusieurs autres personnes et affaires, comme elle parlait
à Notre Seigneur de ces autres, n’ayant pas l’affection ni dessein
de prier pour la première :
« Attendez, lui dit-Il, J’ai une réponse à vous faire pour Mon épouse
qui est cette religieuse dont on vous avait parlé. C’est Moi qui ai
inspiré à ce père de vous la recommander et J’ai une telle récompense
à lui faire que je lui envoie, oh la belle réponse ! Ecoutez-moi. Dites-lui
de ma part que je suis son Epoux à elle et à toutes ses filles. Qu’elle
peigne ses cheveux, qu’elle les lie d’un ruban de soie, qu’elle se
revête de sa robe nuptiale, qu’elle prenne son linge blanc et qu’elle
se pare de tous les affiquets[35], bagues, chaînes et autres ornements
qui sont convenables à une reine pour être agréable au Roi son Epoux.
Et Moi, comme un Epoux florissant, Je viendrai à elle et lui poserai sur
la tête la couronne d’honneur et de gloire, et Je ferai Ma demeure avec
elle et y prendrai Mes délices. J’attends avec ennui qu’elle soit
préparée car Je l’aime grandement. Je languis de son amour car elle
n’a pas tant soin de Moi comme J’ai soin d’elle.
Voici l’explication :
Qu’elle peigne ses cheveux qui sont mêlés, c’est-à-dire qu’elle
démêle ses pensées, désirs et affections de plusieurs soins et affaires
temporelles qui ne sont point convenables à une religieuse, et qu’elle
les dresse vers le Ciel, c’est-à-dire &&qu’elle ne pense qu’à
Moi et ne désire que Moi.
Qu’elle les lie d’un ruban de soie, c’est-à-dire qu’elle prenne
de Ma main toutes les afflictions qui lui arriveront et qu’elle les porte
avec patience, laquelle est représentée par la soie.
Qu’elle se revête de sa robe nuptiale, c’est-à-dire de la charité.
Qu’elle prenne son linge blanc, c’est-à-dire qu’elle garde soigneusement
la pureté et qu’elle regarde et considère s’il y a rien en la maison
qui lui soit contraire.
Qu’elle se pare des autres ornements, e&c…, c’est-à-dire de
toutes les vertus qui sont nécessaires à une religieuse.
Lorsqu’elle aura fait cela, Je lui poserai une couronne d’honneur et
de gloire sur la tête, car Je couronnerai son monastère de gloire et
d’honneur devant Dieu et devant les hommes. »
Chap. 79 - De l’office divin :
« Etant un jour en l’église pendant qu’on chantait le divin office,
je vis Notre Seigneur et Sa Sainte Mère qui embrassaient et baisaient
tendrement et amoureusement ceux d’entre les prêtres qui chantaient
et récitaient l’office divin avec dévotion. Mais, comme j’en aperçus
quelques-uns qui causaient ensemble dans le chœur, je demande à la Sainte-Vierge
ce que c’était de ceux-là, car j’étais alors toute ravie et transportée
et me semblais que j’étais dans le Paradis. Et elle me répondit en
cette façon :
« Ce sont des Judas qui vendent mon Fils à Ses ennemis. »
Chap. 83 - De la manière en laquelle
il se faut conduire pour convertir les pécheurs, et de la différence
qu’on doit apporter entre les prédicateurs et les conférences particulières
:
« Voici ce que la Sainte Vierge m’a commandé aujourd’hui de vous
dire – (parlant à une personne de grande vertu) :
« Dîtes à votre frère[36] de ma part que, lorsqu’il monte en chaire,
il faut qu’il mène avec lui l’irascible avec tous les canons, mousquets
et autres armes, pour tuer le péché. Mais lorsqu’il va trouver quelque
pécheur pour lui parler en particulier et pour le convertir, il faut qu’il
mène le concupiscible, c’est-à-dire la douceur, bénignité et l’amour.
Ceux qui sont en péché mortel sont de pauvres malades qui sont chargés
de plaies.
Au commencement, il faut exciter doucement le malade et découvrir ses
plaies en l’excusant et le plaignant, et quasi comme en le justifiant.
2. Quand il a découvert ses plaies, il faut les laver avec du vin chaud
pour en ôter la pourriture et les ordures, c’est-à-dire qu’il lui
faut parler de cœur et d’affection avec amour et cordialité, lui faisant
entendre qu’on l’aime et qu’on ne cherche rien que la gloire de Dieu
et son salut, comme aussi lui représenter les grandes miséricordes de
Dieu, et comme Il a pardonné à celui-ci et à celui-là et &&comme
il est aisé, quand on veut, de faire son salut.
3. Il faut prendre de l’huile avec une plume et en oindre doucement ses
plaies. La plume, c’est l’Ecriture sainte sur laquelle il faut appuyer
tout ce qu’on lui dit. L’huile, c’est l’exemple de Dieu, de Notre
Seigneur Jésus-Christ et de Ses saints qu’il lui faut proposer conformément
au sujet dont il est question.
4. Surtout, il faut bien prendre garde de ne porter jamais du vinaigre
avec vous. C’est ici un précepte qu’on vous donne : jamais de vinaigre.
C’est-à-dire, jamais d’aigreur. Toujours demeurer dans la douceur,
ne se fâcher jamais contre lui quoiqu’il s’aigrisse et qu’il se
fâche, quand même il vous injurierait et outragerait.
5. Si tout cela ne fait rien, il faut l’exhorter de prier Dieu, de demander
grâce à Dieu ou, pour le moins, qu’il trouve bon que vous priiez et
fassiez prier pour lui.
Voilà – dit la Sainte Vierge – la meilleure et la plus efficace manière
de convertir les pécheurs. Si, après tout cela, ils meurent endurcis,
vous aurez autant rendu de gloire à Dieu et Lui serez aussi agréable,
comme si vous les aviez convertis. »
Chap. 87 - De la différence de la mort
des bons et des méchants, et de leur état après la mort :
« Notre Seigneur m’a fait voir plusieurs fois l’état des âmes de
plusieurs personnes ou particulier avant et après leur mort.
Il y avait un ecclésiastique qui était un marchand de bénéfices et
qui en prenait partout où il pouvait avec des pensions. Notre Seigneur
me fit connaître par plusieurs fois que cette âme-là était déjà condamnée.
Je n’osais passer par devant sa porte car, quand j’y passais, j’étais
saisie d’une fureur étrange qui me faisait frapper du pied en terre.
Néanmoins, pour ce que, quand il me rencontrait, il me saluait avec quelque
témoignage de bienveillance, je m’adressai plusieurs fois à Notre Seigneur
pour lui. Mais Il défendit toujours de prier pour lui, qu’il était
damné. Quand je vis que je ne pouvais obtenir autre chose, je priai Notre
Seigneur d’abréger sa vie afin qu’il n’accrût point davantage sa
damnation. Ce qu’Il fit car il mourut quelque temps après, ayant été
malade longtemps durant. Et après sa mort, quand je passais devant sa
maison, Notre Seigneur disait : « Il est mort, le riche, et enseveli dans
l’enfer ! » Car il était fort riche de biens de l’Eglise. Il reçut
tous les sacrements et mourut fort doucement. Et, étant à l’extrémité,
il disait, après avoir reçu les sacrements : « Or sus, voilà qui est
bien, j’ai disposé de toutes mes affaires. Mon âme est en bon état.
Il ne me reste plus rien à faire. Je m’en vais en Paradis. » Et autres
choses semblables qui témoignait sa présomption et hypocrisie. Cependant,
avec les sacrements, il s’en alla en enfer parce qu’il en avait abusé.
Et il y eut un autre pauvre homme qui se rompit le col et mourut subitement
sans confession ni sacrements. Et Notre Seigneur me fit voir qu’il était
mort en bon état et qu’il était sauvé.
J’ai été longtemps que Notre Seigneur me faisait voir l’état de
tous ceux qui mouraient malgré moi et, quoique je ne voulusse point y
penser ni le savoir, il y en avait beaucoup plus, je parle seulement des
catholiques, qui étaient damnés que sauvés. Car, quelquefois, de neuf
ou dix qui mouraient, je n’en voyais qu’un ou deux qui fussent sauvés.
Et il n’y a point de condition de laquelle il y ait tant de damnés comme
des prêtres.
Quand ils étaient morts en la grâce et que leur corps étaient en l’église,
je voyais comme toutes les créatures se réjouissaient, bénissaient Dieu
et le bénissaient aussi. Le son des cloches, les chandelles, les images
de l’église, les chants de l’église et toutes les autres créatures
font paraître une joie incroyable.
Mais quand le corps du damné est en l’église, c’est une chose effroyable
de voir tout ce qui s’y passe. Les chandelles qui sont à l’entour
écument de fureur contre lui, les images des saints montrent un visage
terriblement courroucé, les pavés mêmes et les pierres de l’église
s’élèveraient contre lui pour le lapider et l’écraser si Dieu [le]
leur permettait. Le son des cloches et toutes les autres créatures demandent
vengeance contre lui. Vous diriez, à voir le crucifix, qu’il se va détacher
pour l’écraser et le foudroyer. Et toutes les paroles du chant de l’église
sont autant de malédictions qui sont prononcées contre lui.
Car l’Église, qui est l’Epouse de Jésus-Christ, n’ayant point d’autres
sentiments que son Epoux, comme ce divin Epoux aime et bénit ceux qui
meurent en Sa grâce, l’église et toutes les choses qui sont en l’église,
les aiment aussi et les bénissent. Et comme Il maudit et déteste ceux
qui meurent en péché mortel, elles les détestent aussi et les maudit.
C’est pourquoi, quand je sais que c’est le corps d’un damné qui
est en l’église, je n’y vais point si je n’y suis contrainte à
cause des choses effroyables qui s’y passent. »
Chap. 88 - Ce qui lui arriva lorsqu’un
père jésuite lui recommanda de prier pour quelques personnes :
« Le Père S. J. [37], la priant de prier Dieu pour deux évêques, elle
lui dit : « Oui, je prierai pour eux. » En disant ces paroles, elle se
sentit frappée d’une douleur très aigüe dans le cœur, et Notre Seigneur
lui fit connaître, au même temps, qu’Il ne voulait pas qu’elle priât
Dieu pour eux. A raison de quoi, elle s’écria qu’elle ne prierait
jamais pour eux.
Lui ayant recommandé le salut d’un autre évêque, Notre Seigneur lui
fit dire un De profundis pour lui obtenir pardon de ses péchés, mais
Il ne lui permit point de dire à la fin, ni Requiem in aeternam, ni Gloria
Patri, ce qui est une marque qu’il doit être longtemps en purgatoire.
Mais enfin, Notre Seigneur lui promet de lui donner Sa gloire.
Me parlant d’un autre ecclésiastique qui est mort il y a longtemps,
elle me dit qu’il était encore en purgatoire. »
Chap. 92 - Comme les pères et les
mères se doivent conduire touchant le choix de la vocation de leurs enfants
:
« Quelque personne lui ayant recommandé la vocation d’un jeune homme,
Notre Seigneur lui dit qu’il fallait que le père et la mère et lui
communiassent avec toute la dévotion qu’ils pourraient, et puis après
qu’ils conférassent ensemble sur ce sujet et qu’Il leur inspirera
Sa Volonté. Et que cela devait servir à tous ceux qui auraient à choisir
une vocation. »
Chap. 93 - De l’impuissance des
démons :
« Les diables sont les plus impuissantes de toutes les créatures. Je
craindrais plus un chien ou quelque autre bête qu’un diable car ils
sont tellement liés qu’ils ne peuvent rien que ce que Dieu leur permet
expressément.
Un jour, comme le diable me frappait et me souffletait de mes propres mains,
je lui parlais ainsi : « Si tu omets le moindre mal de ce que Dieu veut
que tu me fasses ou le moindre soufflet qu’Il veut que tu me donnes,
je Le prie que tes tourments redoublent et que l’Ire de Dieu tombe sur
toi. »
Chap. 99 - Comment il faut supporter et
excuser les défauts d’autrui :
« Allant voir nos trois sœurs qui demeurent ensemble - (Ce sont trois
filles qui demeurent dans la même ville qu’elle a converties) -, et
les trouvant par deux fois en quelque petite contestation les unes contre
les autres, je m’en revins pleurant. Et Notre Seigneur et Sa sainte Mère
commencèrent à se rire de moi et à dire :
« Voilà grande pitié ! Elle a planté une vigne. Elle est allée voir
sa vigne. Elle n’est encore qu’en fleurs et elle voudrait y trouver
du raisin mûr ! Attendez encore un peu que le raisin croisse et qu’il
mûrisse. Nous en avons d’autre dans nos jardins qui est tout mûr. Je
vous en donnerai. Il est si mûr qu’un seul grain mis dans la bouche
d’un mort le ressusciterait. »
Chap. 100 - Comme il faut traiter
le prochain avec douceur :
« Entre ces trois filles, il y en avait une qui s’appelait Adrianne
que Notre Seigneur constitua supérieure des deux autres. Mais Il me déclara
que je l’avertisse soigneusement qu’il la traiterait comme elle gouvernerait
les autres. C’est-à-dire que si elle se comportait envers elle avec
douceur et charité, Il la comblerait de Ses douceurs et consolations,
et au contraire, &…
Et en effet, pendant qu’elle se conduisit au commencement avec douceur
et patience au regard de ses sœurs, Dieu l’enivra de l’abondance de
Ses saintes délices, mais lorsqu’elle commença à suivre ses humeurs
rudes et fâcheuses, Il retira Ses consolations et la laissa dans sa sècheresse.
»
Chap. 113 - Quel est le plus grand martyre
:
« J’ai vu une très belle vigne, chargée de quantité de grosses grappes
de très beaux raisins dont les grains étaient gros comme des prunes bien
mûres, et il y avait aussi de grandes et belles feuilles qui les couvraient.
Voici venir saint Gabriel qui coupe cette vigne par le pied et la va transporter
dans le Ciel. Et Notre Seigneur me dit que ces raisins étaient tout confits
dans le sucre et que ce n’était pas pour en faire du vin, mais ce, dit-il,
pour servir sur notre table à notre dessert.
Voici l’explication qu’on m’a donnée depuis peu :
Les raisins sont les grands saints qui, d’ailleurs sont appelés les
cèdres du Liban, qui seront en ce temps auquel Notre Seigneur versera
abondamment Ses grâces et convertira tout le monde[38], qui seront tous
confits au sucre de la grâce et qui suivront parfaitement la divine Volonté,
ne cherchant que Dieu, et &&Le servant et aimant pour l’amour
de Lui-même comme s’il n’y avait ni Paradis ni Enfer. Ce seront de
grands martyrs, quoique les bourreaux ne les touchent point, mais ils seront
martyrs de l’Amour divin. Ce sera le divin Amour qui les martyrisera.
Ils seront brûlés dans la fournaise de l’Amour, et ils seront plus
grands martyrs que quantité d’autres des premiers martyrs qui souffrirent
le martyre pour l’espérance des couronnes et de la gloire. Mais ceux-ci
ne regardent point la récompense mais la seule gloire de Dieu.
J’oubliais à dire que les feuilles de la vigne représentent la grande
et noble représentation que ces saints martyrs-là auront devant Dieu
et devant les hommes. »
Chap. 114 - De l’importance qu’il
y a de conserver l’humilité et la crainte de Dieu :
« Je voyais trois personnes qui marchaient côte à côte.
Celle du milieu avait la forme d’une belle princesse, revêtue d’une
très belle robe blanche et nette, marchant à pas mesurés et avec une
gravité, modestie et majesté digne d’elle, sans regarder jamais à
ses pieds, mais toujours les yeux élevés vers le ciel et fichés sur
la divine Volonté pour la suivre en tout et partout.
A ses côtés, il y avait deux autres personnages qui la tenaient et soutenaient
par la main, chacun de son côté, et quand l’un des deux lui quittait
la main, elle tombait car elle ne se soutenait que par leur moyen.
Cette princesse, c’est la fragilité humaine lorsqu’elle s’élève
à Dieu et qu’elle suit en tout et partout la divine Volonté, ayant
toujours les yeux fichés sur elle. Alors, c’est une princesse, et c’est
d’elle que s’entendent ces paroles : « Quam pulchri sunt gressus tui
filia Principis. » Elle est fille du grand Prince qui est Dieu. Car, lorsqu’elle
agit ainsi, son esprit est transformé en Dieu et est déifié.
Ces deux personnages qui sont à son côté sont l’humilité et la crainte,
car ce sont deux choses qui soutiennent la fragilité humaine. L’humilité
la soutient par la main droite et la crainte par la gauche.
L’humilité prend garde et aide qu’elle ne s’attribue rien que son
partage dont il est parlé ailleurs. La crainte prend garde et aide qu’elle
ne craigne rien du tout que d’offenser Dieu. Si l’une ou l’autre
venait à manquer à faire son office, la fragilité tomberait par terre
et se souillerait dans la boue du péché, de laquelle elle pourrait être
lavée par l’eau de contrition et séchée par le feu du divin Amour.
Les péchés véniels sont comme de la poudre sur cette robe qui peut être
facilement ôtée. »
Chap. 115 - La conversion du zèle, horreur
épouvantable des mauvais prêtres et
histoire par laquelle on voit que sa fin
est proche :
« Un jour, je
sentis en moi quelqu’un venu de nouveau qui était fort turbulent et
tempestatif, ainsi qu’il paraissait aux sens extérieurs. Il ne voulait
point permettre que je mangeasse et m’en empêcha quelque temps. Et lorsqu’il
me permit de manger, il ne voulait point de sel, mais il l’avait en horreur.
Je croyais que c’était un nouveau démon qui me possédait. Je demandais
à Notre Seigneur qui il était, et me dit que ce n’était pas un démon,
mais que c’était le tonnerre qui amènerait les orages, qui détruirait
tous les péchés du monde. Puis après, il me dit que c’était un sergent
qui contraindrait tous les hommes de rendre à Dieu l’honneur et l’amour
qu’ils Lui doivent. Enfin, Il me déclara que c’était le zèle que
les Infidèles avaient pour leur fausse religion.
Quelque temps après, Notre Seigneur me fit voir une belle chambre. Et
dans cette chambre, une très belle chaire dans laquelle était assis l’Amour
divin et, devant lui, le zèle était debout, et le divin Amour le catéchisait
et lui apprenait à connaître Dieu et tous les Mystères et vertus de
la religion chrétienne. Et je voyais qu’en même temps qu’il l’instruisait,
il se changeait peu à peu et devenait fort sage, saint et modeste. En
suite de quoi, il aimait autant le sel, qui représente la divine Sapience
qui est le Fils de Dieu, comme il le haïssait auparavant. Si bien qu’il
adorait quasi le sel tant il l’aimait et m’en faisait mettre à tout
ce que je mangeais. Excepté qu’une fois, il m’en fit prendre une poignée
avec une grande fureur, et le jeter contre terre, et la fouler avec les
pieds. Et Notre Seigneur me donna à entendre, par après, que ce sel représentait
les mauvais prêtres, et que le zèle de la divine Justice les jetterait
et foulerait ainsi sous les pieds.
Ensuite, je vis une troupe d’honnêtes filles qui disaient : « Que ne
nous laisse-t-on retourner en notre pays –c’est-à-dire au Ciel - !
Nous n’avons plus que faire ici. Nous y avons fait l’œuvre pour lequel
nous y étions envoyées. » Et je vis le zèle qui, les apercevant, dit
qu’il les allait demander à Notre Seigneur pour les mener en son pays
afin d’y convertir les Infidèles. Et, en effet, il les alla demander
et Notre Seigneur les lui accorda et lui dit qu’il prit Son carrosse
pour les emmener. Et la Sainte Vierge lui donna un cheval blanc pour le
porter, et pour être même avec ses filles dans le carrosse. Et, de plus,
je vis la Sainte Vierge qui baisait une autre fille et lui disait : «
Allez, ma fille ! Allez, ma chère fille, avec ces bonnes filles et les
accompagnez partout, et faites là comme vous avez fait ici. » Et, ainsi,
elle s’en alla avec les autres, et avec le zèle qui était revêtu d’une
belle robe rouge qui traînait jusqu‘à terre et portait sur sa tête
un chapeau fait de toutes sortes de fleurs.
Voici l’explication :
Ces honnêtes filles sont les douleurs et la Passion du Fils de Dieu qui
n’avaient plus que faire là où elles étaient, c’est-à-dire dans
l’Epouse de Jésus-Christ, et demandaient à s’en aller.
Le zèle les demande pour les mener au pays des Infidèles pour les convertir,
et Notre Seigneur les lui accorde et lui donne Son carrosse pour les porter
qui est Sa Passion. Le cheval blanc, c’est la joie qui les suit partout.
Cette autre fille, à qui la sainte Vierge parle en particulier, c’est
la Patience. La robe rouge du zèle, c’est l’Amour divin. Le chapeau
de fleurs représente toutes les vertus.
Chap. 118 - Peines étranges pour
obtenir un Jubilé :
Notre-Seigneur, dans le commencement de mes maux, m’ayant promis, un
jour, qu’Il me donnerait un grand jubilé, c’est-à-dire une rémission
générale des peines dues aux péchés de mes frères et sœurs, c’est-à-dire
des hommes dont je m’étais chargée et pour lesquels j’avais demandé
à souffrir en temps les peines d’Enfer, mais afin d’obtenir ce Jubilé,
il fallait que je souffrisse auparavant ce grand mal de douze ans dans
lequel j’étais. Mais il était si terrible que, pour en obtenir la diminution
et la rendre supportable, je fis un vœu d’aller à la Sainte Trinité,
c’est-à-dire à l’église de notre paroisse Saint- Sauveur qui est
dédiée à la Sainte Trinité, et de faire la procession cinq fois tout
autour de l’église, trois fois en l’honneur de la Sainte Trinité
et deux fois en l’honneur des deux Passions de Notre Seigneur et de Sa
Sainte Mère, et à genoux et [ayant] les genoux nus, et par le chemin
battu et frayé qui était couvert de petites pierres[39] et de graviers,
si bien qu’après avoir achevé cette procession, j’avais les genoux
tout pleins de petites pierres qui y étaient entrées. Et néanmoins,
je demeurai encore deux heures à genoux dans l’église, endurant une
peine telle qu’on peut penser. Et il me fallut tirer ces pierres des
genoux avec des épingles et des ciseaux.
En suite de ce vœu, mon mal redoubla, et Notre Seigneur me dit qu’après
avoir achevé de souffrir, Il me donnerait ce Jubilé. »
Chap. 119 - Le Jubilé lui est donné
:
« Un jour, je commençai à dire à Notre Seigneur : « Mais il y a longtemps
que je n’ai reçu de vos nouvelles. Je vous prie, envoyez-moi un mot
de lettre seulement ! »
Un peu après, j’entendis une voix qui me dit à l’oreille :
« Voici venir un courrier qui vous apporte des lettres. »
Aussitôt, je vis venir la force sur un cheval blanc, qui signifie la Joie
qui portait en croupe la Vérité, laquelle avait écrit et portait les
lettres. Et étant arrivées, la Vérité me bailla un grand papier qui
était fort large et écrit. Et me dit : « Tenez ! Voilà la Jubilé que
Je vous avais promis. »
Et Notre Seigneur m’a dit encore que l’explication générale ne s’en
fera qu’après un grand et épouvantable signe qui arrivera, mais Il
ne m’a pas expliqué quel sera ce signe. »
Notes par Marrika
Devoucoux :
[4] « la Rage », rajouté en marge du
texte.
[5] « Envie ou famine », en marge du
texte.
[6] « Soif », en marge du texte.
[7] « oubli de tout », en marge du texte.
[8] « Comme les damnés comprennent et
voient leur éternité », en marge.
[9] « peines de la vue », en marge.
[10] « peine du goût », en marge.
[11] « peine de l’odorat », en marge.
[12] « peines de tout le corps », en
marge.
[13] En marge : « Nostre-Seigneur luy
dit souvent que l’on parle a sa mode, afin qu’elle l’entende.»
[14] Le ms porte : « de »
[15] En marge : « Faut noter qu’ils
sont seuls logés ensemble, l’évêque l’ayant mis en garde. »
[16] Le mot manque.
[17] Hameçons.
[18] Il s’agit des deux amis prêtres
chez qui Marie demeurait, M. Potier et M. Le Rouge.
[19] Dans le ms : « Jour » barré, «
autrefois » suscrit.
[20]Verset 9 : « Le Seigneur tient en
main une coupe / où fermente un vin capiteux ; / Il le verse, et tous
les impies de la terre / le boiront jusqu’à la lie. »
[21] Verset 10 : « Tu feras d’eux
une fournaise au temps de ta Face,
Yawhé dans sa colère les engloutira,
un feu les dévorera. » (trad. Osty)
[22] « voudra » écrit au-dessus de
« viendra » non barré dans le texte.
Chap. 16 : Comme elle est tout anéantie,
et comme Notre Seigneur est tout en elle.
[23] Sans doute, le Père Eudes. (Ce qui
lèverait l’objection soulevée par un lecteur, qui a laissé une note
en dos de couverture du manuscrit, selon laquelle l’auteur de la relation
serait un prêtre. Cf. fol. 184 )
[24] « Bénédiction » écrit au-dessus
de « condition » barré.
[25] Ajouté en marge : « ce chapitre
doit suivre celuy de l’amour divin en la page 85. 2p. » La page indiquée
ne correspond pas, dans ce manuscrit, à la référence mentionnée.
[26] « consommer » dans le texte. Les
deux termes étant fréquemment confondus jusqu’au XVIIème siècle
en raison de l’analogie de sens : la consomption étant une forme de
consommation (par le feu). Dans le contexte présent, maintenir « consommer
» (faire la somme, achever) serait un contre-sens.
[27] La corne de licorne symbolise la
force divine, agissante, et la force virginale. La licorne est l’emblème
par excellence du Christ Rédempteur.
[28] La révolte des va-nu-pieds, en Normandie,
amplement justifiée par la levée d’impôts exorbitants réduisant le
peuple à la famine, et soutenue par les gentilshommes, sera réprimée
avec grande violence par le colonel Gassion, à la tête d’une troupe
de 1200 hommes et 500 chevaux. Sa justice expéditive entraînera
exécutions sommaires et massacres des insurgés. Les curés défendront
leurs ouailles contre ces exactions. L’intervention de Gaston de Renty
et du P. Jean Eudes auprès du chancelier Pierre Séguier (qui séjournera
à Coutances du 4 au 14 mars 1640) incitera ce dernier à des mesures de
clémence et à la réparation partielle des injustices commises au nom
du retour à l’ordre.
[29] Il doit s’agir d’Avranches puisque
Gassion, après être passé par Caen (23 au 28 novembre 1639), massacra
tous les insurgés sur les grèves et la promenade d’Avranches (30 novembre),
rasa les murailles de Vire, après être passé par Coutances où il laissa
200 chevaux.
[30] Il s’agit de M. Potier.
[31] De arma , « armes », l’armoire
est un meuble où l’on range les « ustensiles » (arma), les armes.
Dans cette vision, l’armoire revêt plus qu’une signification
fonctionnelle.
[32] « Vous êtes une… », barré dans
le texte.
[33] Commentant le psaume 29 (28),
dans son manuscrit « des Anges, fragrances divines et odeurs suaves"»
(Éd. Du Seuil, Paris, novembre 2011), Jean-Jacques Ollier évoque le Déluge
de feu : « C’est le Seigneur qui fait demeurer un déluge sur la terre.
Le Seigneur dominant au jour du jugement par le droit absolu qu’il a
dessus la créature. Il ne la fera pas périr par un déluge d’eau, mais
il la consommera par un déluge de feu et de flammes qui réduira tout
à néant. » [34] C’est d’elle que Marie parle ici, et non, bien évidemment,
de son cou. [35] Agrafe, boucle, bijou. De « affique », diminutif
normano-picard du mot français « affiche »(Dauzat). [36] Vraisemblablement,
parmi les prêtres, l’un des douze que le Christ lui donna comme amis
intimes. [37] Sans doute, le Père de Saint-Jure, propre conseiller spirituel
de l’auteur. [38] St Louis-Marie Grignon de Montfort reprendra cette
vision dans son « Traité de la vraie dévotion » au Chapitre 47 : «
…le Très-Haut avec sa Sainte Mère doivent se former de grands saints
qui surpasseront autant en sainteté la plupart des autres saints que les
cèdres du Liban surpassent les petits arbrisseaux, comme il a été révélé
à une sainte âme, dont la vie a été écrite par M. de Renty. »
[39] Ici, insertion par le copiste,
dans la marge gauche, du passage commençant par « et de graviers…
» jusqu’à « …petites pierres qui y », oublié lors du premier jet
de la transcription.
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