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originale par JesusMarie.com, 2007 avril 17
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les 13 livres de Soeur Marie Lataste
LIVRE TREIZIÈME, Le passé figure de l’avenir.
Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.
Le Sauveur Jésus m’a
tout appris. C'est lui qui a fait connaître à mon intelligence
ces vérités admirables de l’ordre surnaturel qu'elle connaissait
si peu; c'est lui qui, par des images, des figures des comparaisons, les
a gravées ineffaçables dans mon esprit.
Il m’a dit un jour : «
Ma fille, quand j’étais sur la terre, j’aimais à parler en
paraboles; je veux aussi vous parler comme cela. »
Or, dans les instructions
diverses que m’a données le Sauveur, il m’a souvent montré
combien l’Ancien Testament était l’image du Nouveau; comment l’action
de Dieu sur le peuple juif était la figure de son action sur les
âmes.
Je vais rapporter tout ce
qu'il ma dit de cette manière, autant que je pourrai me le rappeler
et selon que je saurai m’exprimer.
LIVRE TREISIÈME, chapitre 1
Le Sauveur Jésus m'a
dit un jour : « Ma fille, il est rapporté dans les saints
Livres que Noé envoya une colombe de l’arche où il s’était
enfermé pour ne point mourir dans le déluge, afin de connaître
si les eaux avaient baissé, et que la colombe rentra dans l’arche
portant dans son bec une branche d’olivier.
« Cette colombe est
l’image de l’âme solitaire. Il n'est point nécessaire, pour
trouver la solitude, de se retirer dans les couvents ou dans les cloîtres;
on la trouve dans les villages, les cités, et même à
la cour des rois; et, de toutes les solitudes, la meilleure et la plus
utile est la solitude intérieure. Il est des âmes qui ont
besoin de la solitude extérieure pour parvenir à l’intérieure;
mais il en est d’autres qui se trouvent aussi solitaires au milieu du plus
grand tumulte, du plus grand mouvement, que dans la profondeur d’un désert.
L’âme solitaire fait ses délices de la solitude, car elle
y trouve Dieu, et Dieu lui suffit; elle s’y unit à Dieu, et cette
union lui suffit, rien ne l’y sépare de Dieu, et cette tranquillité
est le seul objet qu'elle désire. Vivre pour Dieu, souffrir pour
Dieu, mourir pour Dieu et se reposer en lui, voilà toute l’ambition
de cette âme.
« Elle est simple et
innocente comme une colombe, elle laisse son cœur tout ouvert à
Dieu, elle le lui donne tout entier. Elle est timide et craintive comme
une colombe, et cette crainte la rend sage, lui donne la victoire sur ses
ennemis, parce qu'elle ne s’expose pas aux dangers. Elle craint le monde;
elle n’ose y poser ses pieds; elle entre dans sa solitude, portant l’olivier
de sa victoire sur le monde, sur ses ennemis, sur elle-même, et goûte
à longs traits les douceurs suaves de l’amour de Dieu.
« Les mondains ne comprennent
point les délices de la solitude et ressemblent au corbeau envoyé
de l’arche et qui ne revient pas. La solitude est plus qu'un mystère
pour eux; elle est un objet d’ennui, et ils dépensent dans le tumulte
et les agitations de la terre leurs années et leur vie.
« Il y en a qui ont
des yeux et ne voient point, des oreilles et n’entendent point, des mains
et ne touchent point, des pieds et ne marchent point, des narines et ne
sentent point, une bouche et ne parlent point. Mais l’âme solitaire,
comme la maison d’Israël, a espéré dans le Seigneur;
il est son appui et sa protection. L'âme solitaire, comme la maison
d’Aaron, a espéré dans le Seigneur; il est son appui et sa
protection. L'âme solitaire, comme ceux qui craignent le Seigneur,
a espéré dans le Seigneur; il est son appui et sa protection.
« Aussi Dieu bénit
l'âme solitaire, l'âme retirée en elle-même, comme
il a béni la maison d’Israël, la maison d’Aaron et tous ceux
qui craignent le Seigneur, grands et petits.
« Que le nombre des
âmes solitaires et des âmes saintes croisse et se multiplie,
afin que le nom du Très-Haut soit glorifié dans Sion et exalté
dans Jérusalem. »
LIVRE TREISIÈME, chapitre 2
Le Sauveur Jésus me
dit un jour : « La fille de Pharaon étant venue se baigner
dans le Nil, aperçut, exposé sur l’eau, un enfant si beau,
qu'elle le prit et le fit élever à la cour de son père.
Cet enfant grandit, devint un homme fort et vigoureux et délivra
les enfants de Jacob, ses frères, de la servitude des Pharaons.
Pour quitter l’Égypte, il dut traverser la mer avec le peuple qu'il
conduisait. Il étendit sa baguette sur les eaux, et elles s’arrêtèrent
pour laisser un passage aux Israélites. Quand tous eurent atteint
le bord, il étendit de nouveau sa baquette et les eaux reprirent
leur cours, ensevelissant toute l’armée des Égyptiens qui
s’étaient mis à la poursuite des Israélites.
« La fille de Pharaon
qui va se baigner dans le Nil est l’image des pécheurs convertis,
qui, venant se baigner dans les eaux salutaires de la pénitence,
y trouvent la charité qui est plus belle de beaucoup que l’enfant
exposé.
« Le pécheur
converti prend la charité, la place dans son cœur, au milieu de
ses passions; il l’élève, il la fait croître et grandir,
il la défend contre elles, comme la fille de Pharaon défendait
son protégé contre les Égyptiens qui se trouvaient
à la cour de son père. La charité croît, se
fortifie, et délivrant l'âme de ses passions, elle la tire
de l’Égypte, figure du monde, pour lui faire embrasser la vie religieuse;
ou bien de la vie de dissipation et de péchés, pour la mener
au désert, c'est-à-dire pour la faire vivre d'une vie tout
intérieure et retirée en Dieu. Mais, pour arriver au désert,
il faut traverser la mer Rouge, image de la mortification. L'homme alors
s’arme de la croix, et le passage de cette mer devient facile et aisé.
« Quand l'âme
se trouve ainsi délivrée; quand elle a atteint le sol de
la terre de sûreté, elle étend de nouveau la croix
avec reconnaissance pour rapporter tout à Dieu; et les passions,
les tentations, et Satan lui-même se trouvent désormais sans
force ni puissance contre cette âme qui poursuit son chemin vers
la terre promise, le ciel. »
LIVRE TREISIÈME, chapitre 3
Un autre jour le Sauveur Jésus
m'a ainsi parlé : « Ma fille, les Israélites se trouvant
dans le désert, sans nourriture, commencèrent à murmurer
contre Dieu et contre Moïse, qui les avaient retirés de la
servitude d’Égypte. Moïse essaya de calmer le peuple et pria
le Seigneur, et Dieu envoya aux Israélites, malgré leur indignité,
la manne pour les nourrir.
« Ne reconnaissez-vous
point là, ma fille, la dégradation et l’ingratitude de l'homme?
Ne voyez-vous point là l’image d’une âme convertie, qui a
embrassée la vie intérieure? Dieu, pour l’éprouver,
la prive de ses douceurs et de ses consolations, et cette âme s’impatiente,
murmure et regrette les consolations du monde auxquelles elle a renoncé,
comme les Israélites regrettaient les oignons d’Égypte.
« Que ceux qui sont
dans l’affliction ou dans les épreuves imitent plutôt la conduite
de Moïse. Qu’ils mettent en Dieu leur confiance; qu'ils espèrent
tout de lui et il leur enverra toutes sortes de biens; il les comblera
de tous ses bienfaits, et la grâce coulera sur eux comme une manne
céleste qui leur donnera force, courage et vigueur pour traverser
le désert de la vie. »
En une autre circonstance,
le Sauveur Jésus me dit : « Ma fille, pendant que Moïse
recevait de Dieu les lois qui devaient régir son peuple, les Israélites
firent un veau d’or et l’adorèrent. Moise, descendant de la montagne,
brisa ce veau d’or avec indignation.
« Quelle folie, quelle
ingratitude et quel aveuglement dans les Israélites en agissant
ainsi! Ainsi agissent les orgueilleux vis-à-vis de Dieu. Ils aiment
à être élevés, à être honorés
et glorifiés; ils se complaisent en eux-mêmes, et loin de
rapporter à Dieu le bien qui est en eux ils se l’attribuent comme
s’ils en étaient les auteurs véritables. Agir comme cela,
c'est dérober à Dieu l’honneur qui lui est dû.
« Je viendrai comme
Moïse briser ces ingrats, ces aveugles et ces orgueilleux, et ils
ne se relèveront point.
« Ma fille, fuyez l’orgueil,
les honneurs et l’estime des hommes; ne cherchez que l’humilité
et l’oubli, et vous ne perdrez point la gloire seule véritable,
qui consiste dans la vue, la possession et l’amour de Dieu.
LIVRE TREISIÈME, chapitre 4
« Ma fille, me dit un
jour le Sauveur Jésus, Josué succéda à Moïse,
et fut placé par Jéhovah à la tête du peuple
juif, qu'il introduisit dans la terre promise. Or, Moïse et Josué
peuvent servir de modèles à tous ceux qui sont chargés
de la conduite temporelle ou spirituelle des peuples.
« Ils sont les modèles
des rois et de tous ceux qui sont établis sur la terre pour maintenir
la justice dans la société. Quelle sagesse et quel désintéressement
en eux! Leur désintéressement était le fondement inébranlable
de leur sagesse. Que de potentats, que de princes, que de puissants, que
de juges marqués du sceau de la folie à cause de leur cupidité!
Cupidité de l’or et de l’argent, cupidité de leurs aises
et de leurs plaisirs, cupidité de leurs passions et de leurs vices.
Malheur à ces potentats, à ces rois, malheur à ces
princes, malheur à ces puissants, malheur à ces juges! Ils
sont établis pour faire régner la justice de Dieu sur la
terre, et par eux l’injustice règne partout. Ils oppriment la veuve
et l’orphelin, le faible et l’innocent.
« En vérité,
je vous le dis, ces hommes sont fous; aussi au lieu de ramener les peuples
à Dieu, ils les enchaînent pour les rendre tributaires de
Satan. Qu'ils mettent la main sur leur conscience, qu'ils s’interrogent
eux-mêmes et qu'ils répondent à celui qui leur demande
à chaque instant du jour : Faites-vous régner la justice
parmi vos peuples? Si vous voyez l’injustice, la détruisez-vous
selon votre pouvoir ou bien ne cherchez-vous pas à l’augmenter?
Un jour leur conscience s’élèvera contre eux avec la voix
de tous ceux qu'ils ont opprimés.
« Les rois devraient
avoir une seule vue, une seule idée, celle de soutenir parmi leurs
peuples l’ordre et la justice; or, cet ordre et cette justice ne peuvent
exister, ni être soutenus que par la conformité à l’ordre
souverain, à la justice éternelle, Dieu. Le Seigneur a tracé
aux princes et aux rois ses commandements, comme il les a donnés
à Moïse et à Josué. S’ils les font observer comme
eux, ils rendront leurs peuples heureux et feront couler dans tout leur
empire le lait et le miel en abondance, c'est-à-dire que Dieu bénira
le roi et les sujets, et les comblera de biens, comme les Israélites
dans la terre promise. Les bons rois font les bons peuples, et les pervers
les pervertissent.
« Moïse et Josué
sont encore les modèles de ceux qui sont chargés de la conduite
spirituelle des âmes. Ils avaient à gouverner et à
maintenir un peuple grossier, difficile et opiniâtre, et tous leurs
actes sont empreints néanmoins de sagesse, de douceur et de charité.
Quand le zèle et l’intérêt de la gloire de Dieu les
obligeaient à user de sévérité, ce n’était
point par caprice ni par un mouvement de leur volonté propre, mais
toujours selon l’esprit de Dieu, afin de rappeler les coupables à
une sincère pénitence et de faire sur le reste du peuple
une salutaire impression. Enfin, ils s’interposaient entre Dieu et le peuple
pour fléchir la colère du Tout-Puissant par leurs prières
et leurs larmes.
« Ainsi doivent faire
les directeurs des âmes, en enseignant, en exhortant, en reprenant,
en corrigeant, en punissant toujours avec sagesse, et surtout en priant
beaucoup pour eux qu'ils dirigent, afin de fléchir la colère
divine.
« S’ils font comme
cela, Dieu les récompensera, quand même ils auraient obtenu
peu de succès : par Dieu récompense toujours la bonne volonté
et ne demande point le succès pour couronner ses serviteurs.
LIVRE TREISIÈME, chapitre 5
Voici ce que m’a dit un jour
le Sauveur Jésus : « Après la mort de Moïse et
de Josué Dieu suscita des chefs à son peuple pour le délivrer
de l’oppression de ses ennemis.
« Jabin, roi de Chanaan,
voulant opprimer les Israélites, Dieu donna pour chef à son
peuple une femme nommée Débora, et cette femme gouverna avec
empire ceux que Moïse avait eu tant de peine à contenir. Elle
se mit à leur tête et marcha contre les Chananéens
quelle mit en déroute. Sisara, commandant des troupes chananéennes,
prit la fuite et se retira sous la tente d’Haber, ami de Jabin, où
il s’endormit. Jahel, femme d’Haber, profita du sommeil de Sisara pour
lui donner la mort en enfonçant un clou dans sa tête. Ainsi,
par le ministère de deux femmes, Dieu délivra son peuple
des Chananéens.
« Que de leçons
admirables vous pouvez tirer naturellement de ce fait rapporté par
les saints Livres! Ne voyez-vous point comment Dieu se sert des instruments
les plus vils et les plus faibles en apparence pour opérer des prodiges?
C'est une femme qu'il envoie à la tête de quelques hommes
pour combattre un peuple puissant. C'est une femme qu'il donne aux Israélites
pour leur assurer la liberté. C'est une femme aussi qui met à
mort le chef de leurs ennemis.
« Ma fille, Dieu, par
cet exemple, n’ôte-t-il point aux faibles tout faux prétexte
pour excuser leur faiblesse, et ne condamne-t-il point les plus forts qui
osent copter sur eux-mêmes quand il suffit de si peu de chose pour
les renverser à jamais?
« Que les faibles espèrent
en Dieu, ils pourront tout par Celui qui est et qui veut être leur
force.
« Que les puissants
cessent d’espérer en leur puissance, et s’ils se reposent sur elle,
qu'ils s'y reposent non comme possédant cette puissance par ex-mêmes,
mais comme l’ayant reçue de Dieu.
« Si vous êtes
faible, ma fille, venez à moi, je serai votre force. Si vos sentez
la force en vous, confiez-la moi, elle sera en bonnes mains et nul ne pourra
vous la ravir.
LIVRE TREISIÈME, chapitre 6
Voici encore ce que m’a dit le Sauveur
Jésus :
« Dieu ayant choisi
Gédéon pour délivrer son peuple, lui envoya un ange
pour lui intimer ses ordres. Gédéon se défiant de
lui-même dit à l’ange : Donnez-moi un signe auquel je reconnaîtrai
la mission que vous me donnez au nom du Dieu d’Israël. Laissez-moi
offrir un sacrifice à Dieu, je retourne vers vous. Gédéon
rentra dans sa maison et apporta près de l'ange la chair d’un chevreau
et des pains azymes. L’ange lui dit alors : Mettez sur cette pierre ce
que vous venez d’apporter. Gédéon ayant obéi, l'ange
toucha avec l’extrémité de sa baguette le sacrifice de Gédéon
et le feu sortit de la pierre qui portant l’offrande; tout fut consumé
et l'ange disparut.
« La crainte de Gédéon,
ma fille, figure ces âmes pusillanimes qui sont tout étonnées
des grâces que Dieu leur accorde, et qui semblent ne savoir que devenir
après un tel bienfait.
« Mais il y avait encore
plus de prudence et de sagesse que de crainte dans la conduite de Gédéon,
qui voulait s’assurer de la volonté bien expresse de Dieu. Grande
et admirable leçon pour ceux qui Dieu appelle à diriger et
à commander autrui! Il ne faut point ambitionner le commandement
ni l’autorité. Il ne faut le prendre et l’accepter qu’autant qu'on
se voit appelé véritablement de Dieu.
« Ce n'est pas à
dire pour cela qu'il faille demander à Dieu un miracle pour connaître
sa volonté; ce serait de la présomption.
« Il suffit d’avoir
une certitude morale de cet appel de Dieu par les circonstances qui se
présentent, et par la vue claire et nette qu'on n’a rien fait soi-même
pour obtenir l’autorité et le commandement.
« Alors on sera béni
par le Très-Haut, pourvu qu’on imite la conduite de Gédéon,
en immolant à Dieu toutes les passions de l’âme, toutes les
attaches coupables et criminelles, en les consumant par le feu brûlant
de la croix, et répandant sur elles les larmes de la pénitence
et du repentir. »
LIVRE TREISIÈME, chapitre 7
Le Sauveur Jésus m’avait
parlé un jour de la communion indigne. Il ajouta : « Ma fille,
ceux qui me reçoivent indignement imitent les Philistins, qui s’étant
emparés de l’arche d’alliance la placèrent dans leur temple
près de l’idole de Dagon. Oui, ma fille, on me place non seulement
près d’une idole, mais encore près de Satan.
« Qui pourra comprendre
l’énormité de ce crime et les châtiments qu'il attire
sur celui qui le commet?
« Vous savez, ma fille,
que je suis réellement présent dans la sainte hostie ave
ma divinité et mon humanité, avec toutes mes grâces
et tous mes mérite. Or, je vous le dis en vérité,
le crime de celui qui prendrait une hostie consacrée pour la fouler
aux pieds ou la couvrir d’injures serait inférieur au crime de celui
qui me reçoit dans un cœur impur et souillé. Quelle témérité,
quelle insolence, quelle audace!
« Oui, ma fille, la
communion indigne est le plus grand de tous les crimes; tous les autres
ne sont qu'une attaque à la loi de Dieu; celui-ci est une attaque
contre Dieu lui-même.
« Communier indignement,
c'est me recevoir pour me couvrir d’ignominie, d’injures et d’affronts;
c'est m’appeler pour être témoin d’une apostasie contre ma
divinité; c'est prendre mon sang et signer avec ce sang l’acte de
renoncement à ma loi, à ma croyance, à mes mérites,
à ma passion, à ma mort.
« La communion indigne
est, par sa nature, un acte plus coupable que celui des Juifs qui me crucifièrent;
les Juifs, en effet, ne me devaient point autant d’amour que celui qui
communie indignement; car je suis pour lui constamment dans le tabernacle;
je suis là à l’attendre pour être sa nourriture, sa
vie, sa force et sa vigueur; je suis là comme son Dieu, son frère
et son ami, et il vient abuser de mon amour, abuser de mon humiliation,
abuser de ma bonté. Malheur à lui!
« Oui, malheur à
lui! Quelles peines ne mérite pas, en effet, un crime si abominable?
Ma fille, autant une communion bonne, fervente et sainte donne à
l'âme de grâces et de bénédiction, autant une
communion indigne et sacrilège attire sur elle la malédiction
et la colère de Dieu.
LIVRE TREISIÈME, chapitre 8
Je faisais un jour une prière,
j’entendis le Sauveur Jésus me dire en mon cœur : « Saül
mérita par sa désobéissance la malédiction
de Dieu, qui donna le trône d’Israël à un petit berger
nommé David. Saül se voyant abandonné de Dieu et de
son peuple, plein de fureur contre David, cherche à le faire mourir,
mais il ne peut y parvenir; le Seigneur Dieu veillait sur David. Celui-ci
connaissait les desseins de son ennemi; néanmoins, au lieu de se
venger de ses persécutions, comme il en aurait trouvé mille
occasions, il ne lui fit jamais que du bien.
« Saül, ma fille,
est l’image du pécheur, et David, du juste persécuté
par le pécheur.
« Le pécheur
est un roi déchu de son trône, qui a perdu sa couronne, sa
puissance et son autorité sur lui-même. Il est possédé
par le démon qui le torture sans fin, et, pour avoir un moment de
repos, il est obligé de regarder malgré lui les actions du
juste qui arrêtent son impulsion vers le mal, comme les sons de la
harpe de David arrêtaient le trouble du roi Saül.
« Néanmoins
le pécheur, jaloux de la tranquillité, du bonheur et du calme
du juste, le persécute par ses calomnies, ses médisances,
ses injures, son mépris, cherchant à l’abaisser, à
l’opprimer, à l’anéantir s’il le pouvait. Que fait le juste?
Il imite David; il n’oppose point la force à la force, la calomnie
à la calomnie, la médisance à la médisance,
l’injure à l’injure, le mépris au mépris. Il souffre
avec patience les persécutions, il cède et ne se venge point.
« C'est ainsi que doivent
agir les pauvres, les ignorants, ceux qui sont faibles. Dieu les retirera
un jour de leur faiblesse, de leur petitesse, de leur pauvreté;
il les prendra comme le berger, fils d’Isaï, pour les établir
sur le trône magnifique de la sainteté que la grâce
recouvrira du plus bel éclat, et les asseoir plus tard sur un trône
dans le ciel.
« C’est ainsi que doivent
agir tous eux qui souffrent persécution pour la justice. Ils recevront
la bénédiction de Dieu dans le temps et dans l’éternité.
»
LIVRE TREISIÈME, chapitre 9
Le Sauveur Jésus me
dit un autre jour : « David, transporté de joie, dansa devant
l’arche du Seigneur, et fut traité d’insensé par son épouse
elle-même.
« C’est comme cela
que les âmes justes, pures et saintes sont transportées de
joie et marchent pleines d’allégresse devant le Seigneur. Elles
ne cherchent point la joie ni dans les festins, ni dans les spectacles,
ni dans les réjouissances, ni dans les plaisirs du monde; elles
la trouvent dans la retraite au pied des autels.
« Le monde s’étonne
de les voir si joyeuses et ne comprend point comment loin de ses fêtes
elles peuvent ainsi se réjouir. Le monde les traite d’insensées;
et cependant, ma fille, je vous le déclare, la joie véritable
n’est pas parmi les mondains, elle se trouve parmi les justes et les saints.
Les peines, les tribulations, la souffrance, rien n’est capable de leur
enlever la paix du coeur; et leur joie demeure, parce qu'elle repose sur
un fondement solide, la vertu. »
LIVRE TREISIÈME, chapitre 10
Le Sauveur Jésus me
dit un jour : « Ma fille, le roi Salomon ayant fait bâtir à
Dieu un temple magnifique, y plaça l’arche d’alliance, et Dieu témoigna
d’une manière sensible qu'il y habitait. C'est pourquoi on y offrit
de nombreuses victimes.
« Ce temple est l’image
de l'âme que tout homme tâche d’orner et d’embellir selon ses
moyens, en la purifiant de toute attache et de toute affection au péché,
pour y placer la véritable arche d’alliance qui est le Fils de Dieu
fait homme, dans l’Eucharistie. Je préfère un cœur pur à
des tabernacles de pierre ou de bois doré, j’y établis ma
demeure avec plaisir; et Dieu, mon Père, manifeste dans ce cœur
sa présence et la mienne, car il est partout où je suis,
par les pensées, les désirs et les œuvres de celui en qui
nous habitons. Aussi, que de sacrifices offerts à mon Père
par celui qui nous reçoit et en qui nous habitons; sacrifices du
cœur, sacrifices de la volonté, sacrifices des passions, sacrifices
de l’amour-propre. C'est une victime qui s’immole sans cesse.
« Quelle beauté
dans cette âme! Elle surpasse de beaucoup celle du temple de Salomon,
et il doit en être ainsi. De quelle honte ne seront pas couverts
un jour ceux qui verront la différence de leurs sentiments d’avec
ceux des Juifs? Ceux-ci les couvriront de confusion et se révolteront
contre eux au dernier jour.
« Recevez-moi souvent
et d’après le conseil de votre directeur. Je serai en vous l’arche
de l’alliance véritable entre vous et mon Père, et rien ne
brisera cette alliance qui durera à jamais.
LIVRE TREISIÈME, chapitre 11
Il m’a dit encore : «
Les Madianites étaient les ennemis du peuple de Dieu; ils ravageaient
et désolaient leur terres. Ils sont l’image des passions qui sont
comme l’ennemi de l'homme. Quand Dieu par le baptême fait entrer
l'âme dans la véritable terre promise, en éloignant
le péché et lui donnant la grâce, il n’éloigne
pas à ce point les passions et l’inclination au mal que l'homme
n’ait plus rien à opérer. Non, l'homme doit toujours demeurer
uni à Dieu.
« S’il se révolte,
Dieu le livre encore aux Madianites, c'est-à-dire aux passions,
aux mouvements déréglés, à l’entraînement
au mal, à ses péchés. Ce n’est qu’à l’heure
du repentir et de la contrition que Dieu le délivre, comme il délivrait
les Juifs alors qu'ils revenaient à lui. »
LIVRE TREISIÈME, chapitre 12
Une autre fois il me parla
ainsi : « Ma fille, les Juifs captifs à Babylone soupiraient
sans cesse vers Jérusalem, leur patrie, désirant se voir
encore réunis dans le temple du Seigneur. C'est ainsi qu'ils se
préservèrent de l’idolâtrie des Babyloniens.
« Il en est de même
de l’âme chrétienne. L'homme dès le commencement était
chez lui, parce qu'il n’avait point péché; mais sa révolte
l’éloigna de l’état de grâce pour le reléguer
dans la Babylone du péché, dans la disgrâce de Dieu,
l’éloignement du ciel. Je suis venu le délivrer, et à
la vue des effets et des malheurs du péché, à la vue
de ce qu'il possède par la grâce et de ce qui l’attend au
ciel, il s’écrie : Assis sur les bords du fleuve de Babylone, je
versais des pleurs au souvenir de Sion. O sainte Jérusalem, si jamais
je t’oublie, que ma main droite se sèche, que ma langue s’attache
à mon palais! Puis, considérant le monde et ses abominations,
elle lui dit en personnifiant tous ses crimes : Heureux celui qui prendra
tes enfants et les brisera contre la pierre!
« Ma fille, la grâce,
la vie de la garce est la vie de la liberté; le péché
est l’esclavage de l’âme. Soyez libre, et vous jouirez un jour de
la vie dans le ciel, votre patrie. »
LIVRE TREISIÈME, chapitre 13
Voici ce que me dit un jour
le Sauveur Jésus : « La gloire et la grandeur éblouirent
tellement Nabuchodonosor qu'il s’imagina que sa puissance était
au dessus de toute puissance. Dieu, pour le punir, le réduisit non
seulement au dernier rang parmi ses sujets, mais encore au rang des animaux
sans raison, lui donnant le même toit, les mêmes vêtements
et la même nourriture.
« Il est des hommes
qui ne poussent point l’orgueil et la fatuité comme ce prince jusqu’à
se faire offrir de l’encens, mais ils recueillent précieusement
tous les honneurs, toutes les louanges qui leur sont adressées,
et au lieu de tout rapporter à Dieu, ils rapportent tout à
eux-mêmes. Tout est orgueil en eux, dans leur démarche, dans
leurs regards, dans leurs paroles, dans leurs pensées et leurs actions.
Dieu s’élèvera contre eux et les réduira, non plus
au rang des animaux dénués d’intelligence, mais au rang des
démons.
« Si vous voulez toujours
avoir part aux bienfaits de Dieu, vivez dans l’humilité, et les
bienfaits qu'il vous accordera dans le temps ne seront que l’avant-goût
des biens qu'il vous donnera dans l’éternité. »
LIVRE TREISIÈME, chapitre 14
Un autre jour le Sauveur Jésus
me parla ainsi : « Ma fille, le roi Assuérus ayant résolu
de perdre la nation juive, Mardochée conseilla à Esther,
sa nièce et l’épouse d’Assuérus, de demander grâce
pour le peuple juif. Elle se présenta devant le roi, et, saisie
de frayeur, elle tomba évanouie. Le roi lui fit aussitôt prodiguer
des soins; Esther reprit ses sens et retomba de nouveau sans connaissance.
Le roi, ému de compassion, lui promit de lui accorder tout ce qu'elle
demanderait. C'est ainsi qu’Esther put sauver son peuple.
« Ma fille, je vous
le dis en vérité, il est quelquefois assez d’une âme
qui se présente devant Dieu dans la crainte et le tremblement, et
qui lui adresse ses supplications, pour arrêter son bras vengeur
déjà levé contre une nation tout entière.
« Priez, ma fille,
priez beaucoup pour la France : le nombre de ses iniquités s’accroît
de jour en jour; priez pour elle, et désarmez le courroux de mon
Père. Joignez-vous aux âmes pieuses et saintes qui lui adressent
leurs incessantes supplications. Si Dieu veille sur la France et la protège
malgré ses iniquités, ce n'est qu’en vue des prières
et des supplications nombreuses qui lui sont adressées, et qui montent
jusqu’à lui pour le fléchir. »
LIVRE TREISIÈME, chapitre 15
C'est ainsi que le Sauveur
Jésus a voulu m’instruire, tantôt par des exemples, tantôt
par des figures, des images, tantôt enfin par la vue claire et nette
de ce qu'il m’avait appris ou de ce qu'il voulait lui-même m’enseigner.
« J’ai tâché
de tout exprimer selon que je le trouvais gravé dans mon cœur et
ma mémoire. Il est bien des instructions, probablement, qu'il m’a
adressées et que je n’ai point consignées dans ces cahiers.
J’ai tâché d’y supplier par les lettres que j’ai écrites
à mon directeur, qui ne sont autre chose que la suite des instructions
renfermées dans mes cahiers, ou bien des instructions que j’écrivais
le jour même où je les avais reçues.
J’ai écrit selon que
mon esprit me le rappelait. Ce que je sais, c'est que le Sauveur m’a promis
dès le commencement de m’instruire de la véritable science,
de la science du salut. Il devrait donc y avoir, dans ce que j’ai écrit
par obéissance à mon directeur et aussi par obéissance
à mon Sauveur, de quoi satisfaire les désirs de toute intelligence
appliquée à son salut, de toute âme qui tend vers Dieu.
Il sera facile de suppléer à ce qui manque; il sera facile
surtout de disposer mes écrits de manière à ce qu'ils
puissent être livrées aux fidèles et qu'ils en retirent
un grand fruit.
C'est là la promesse
que me fit le Sauveur Jésus, alors qu'il m’entretint à peu
près en ces termes : « Ma fille, c'est moi-même qui
ai inspiré à votre directeur de vous faire écrire
ce que vous éprouviez et ce que vous entendiez. Je vous ordonne
de lui obéir comme vous l’avez fait jusqu’à ce jour. Je désire
que les instructions que je vous ai données soient livrées
plus tard aux âmes qui auront de la dévotion à mon
Cœur sacré. Conservez-les toutes précieusement. Je veux me
servir de vous comme d’un instrument, et je rendrai votre nom illustre
parmi les dévots au sacrement de mon amour. Néanmoins, ne
vous enorgueillissez point de mes faveurs. Par vous-même vous ne
savez rien; vous tenez tout de moi, de quoi vous glorifieriez-vous? Je
vous défends de jamais parler de ce que vous avez éprouvé
à d’autres qu’à votre directeur et à ceux qui seront
préposés à la direction de votre âme. Livrez
et abandonnez vos manuscrits à celui qui vos dirige en ce moment.
C'est lui qui les conservera jusqu’à l’heure que j’ai déterminée,
et que je lui ferai connaître, pour les livrer aux âmes qui
me sont attachées comme à leur seul bien véritable
ici-bas. »
J’ai fait selon les commandements
que j’ai reçus. Je l’ai fait, et je n’ai eu d’autre désir
en le faisant que de faire la volonté de Dieu. J’ai eu aussi un
autre désir, celui de rendre, autant que cela pouvait dépendre
de moi, gloire, honneur et louange à jamais à Jésus,
au saint sacrement de son amour. Amen.