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les 13 livres de Soeur Marie Lataste
LIVRE CINQUIÈME, De la religion en général et de la religion chrétienne en particulier.
Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 1
Le Sauveur Jésus m’a souvent parlé de la religion;
il m’a dit ce que c'était que la religion et quelle était
la vraie religion; il m’a montré la nécessité de la
religion; il m’en a donné ensuite un résumé complet;
enfin, en une autre circonstance, il me montra comment la religion intérieure
ne suffisait pas au chrétien. Il m’a parlé aussi de diverses
choses qui ont rapport à la religion. Je le dirai à peu près
dans l'ordre qu'il a suivi et selon que ma mémoire me le rappellera.
« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, la
religion est la réunion de tous les devoirs que la créature
doit rendre au Créateur. On peut considérer la religion de
deux manières : en elle-même, telle qu’elle est fixée,
décrétée, voulue par Dieu; en celui ensuite qui pratique
cette religion par l’accomplissement des devoirs qui lui sont prescrits.
Dans le chrétien, on peut la considérer de deux manières
: comme acte par lequel il remplit ses devoirs de religion, et comme facilité,
comme inclination, comme habitude surnaturelle que Dieu met en lui par
sa grâce afin qu'il accomplisse ses devoirs de religion.
« Si on la considère en elle-même, telle
qu'elle est fixée, décrétée, voulue par Dieu,
on doit examiner quelle est la religion qu'il a ainsi voulue, décrétée,
fixée, parce que celle-là seule peut être et est réellement
la religion véritable. Voici les signes auxquels on peut reconnaître
la vraie religion, celle qui, par conséquent a été
donnée par Dieu lui-même : elle est une, sainte, apostolique,
universelle. Or, de toutes les religions du monde, la catholique seule
les renferme tous.
« Cette religion, ma fille, n'a pas commencé seulement
avec moi quand je vins sur la terre, mais dès l’origine des choses
au paradis de délices. Vous savez qu'au commencement Dieu fit l'homme,
qu'il le plaça dans le jardin de délices, que l'homme reconnut
Dieu pour son Créateur et le Créateur de toutes choses. L'homme,
par cette connaissance de Dieu, avait aussi celle des devoirs que la créature
doit au Créateur. Il avait aussi la connaissance que Dieu lui donna
de respecter et de ne pas toucher aux fruits de la science du bien et du
mal. Connaître Dieu, l’adorer, lui obéir, telle était
la religion de l'homme sur la terre, dans son paradis, et cette religion
du premier homme jusqu'à vous à toujours été
la même, car aujourd'hui que faites-vous dans la religion catholique,
si ce n'est connaître Dieu, l’adorer et lui obéir. Vous le
connaissez comme Adam, vous l’adorez comme Adam; l’obéissance que
vous donnez à Dieu seule a changé, comme elle changea pour
les patriarches, comme pour le peuple que je me choisis, comme quand je
vins enlever la loi de crainte pour lui substituer la loi d’amour. Mais
ce n'est point l’obéissance en elle-même qui a changé,
c'est l’obéissance par rapport aux actes que Dieu vous demande.
Dieu lui-même a voulu changer les prescriptions qu'il avait données
à Adam, changer celles qu'il avait données aux patriarches,
changer celles qu'il avait données à Moïse. Mais c'est
lui qui les a changées. L'homme a dû obéir, et la religion
est toujours la même, malgré ces changements quant à
l’obéissance due à Dieu. Les persécutions se sont
élevées contre elle; mais depuis Adam, Père du genre
humain, depuis Abel, fidèle serviteur de Dieu, jusqu'aux martyrs
les plus récents, jamais la persécution n'a détruit
la religion, elle lui a donné au contraire plus de force et de vigueur.
Savez-vous pourquoi, ma fille? C’est que Dieu lui-même a institué
la religion, et qu'il la conserve et l’étend par les moyens qu'il
a choisis, et contre lesquels les puissances du monde et de l’enfer ne
peuvent rien. Quand l'homme perdit la connaissance de son Dieu et qu'il
se fit des dieux, ouvrage de ses mains, afin de se livrer à tous
les entraînements de ses passions, la religion ne fut point perdue.
N'y eût-il eu qu’un seul homme fidèle, il eût suffi
pour la perpétuer. Or, il y eut plus qu’un homme, il y eut une grande
famille, un peuple immense qui conserva la religion. Dieu avait donné
au premier chef de cette famille et de ce peuple un signe qui le devait
distinguer des autres peuples, la circoncision. Quand ce peuple eut grandi
et se fut multiplié, Dieu lui donna sa loi, comme moyen de conserver
sa religion. Entre la religion de ce peuple et la religion catholique,
il n'y a pas de différence; seulement, la religion judaïque
n'était que le symbole et la figure de la religion chrétienne
que devait établir le Messie, promis à Adam dans le paradis
terrestre, attendu par les patriarches et annoncé par les prophètes.
Tout fut prédit par rapport à mon avènement : ma naissance
d'une Vierge, le lieu de ma naissance, ma vie obscure, ma vie publique,
ma mort et ma résurrection.
« Pendant ma vie, je prouvai ma divinité par mes
miracles, et ma mission de Dieu par des œuvres supérieures à
celles de tous les prophètes ensemble. Je choisis douze apôtres,
je leur enseignai ma doctrine, je leur donnai ma loi, je leur fixai la
religion que je venais établir sur la terre, et je les envoyai dans
le monde entier prêcher la bonne nouvelle du Messie promis et venu,
du Rédempteur attendu, mort et ressuscité, du sacrifice nouveau
qui devait s’offrir dans le monde entier et que j’avais offert moi-même
le premier sur le Calvaire. Et ces hommes, qui étaient de pauvres
pécheurs, ignorants et sans instruction, se dispersèrent
dans le monde et accomplirent la mission que je leur avais donnée,
faisant eux-mêmes des miracles supérieurs à mes miracles,
ressuscitant les morts, rendant l’ouïe aux sourds, la vue aux aveugles,
le mouvement aux paralytiques, confondant les faussaires et les envoyés
de Satan, et donnant leur vie pour confirmer la vérité de
leur doctrine. La religion qu'ils répandaient dans le monde, si
parfaite et si difficile dans la pratique au premier abord, si relevée
dans ses mystères à jamais incompréhensibles, fut
reçue partout, et elle se répandit dans le monde entier avec
une immense rapidité.
« Or, cette religion que je donnai aux apôtres est
la vraie religion, parce que seule elle renferme les signes dont je vous
ai parlé plus haut.
« Elle est une : une dans la foi, une dans la morale,
une dans sa durée. Une dans la croyance à un seul Dieu, à
un seul Rédempteur, à un seul baptême. Une dans sa
morale qui n'a qu'un commandement, l’amour de Dieu et du prochain. Une
dans sa durée : c'est la seule qui ait traversée tant de
siècles, la seule qui soit restée debout, toujours forte
et pleine de vigueur, la seule qui doivent demeurer jusqu'à la consommation
des siècles.
« Elle est sainte : c'est elle qui unit l'homme à
Dieu et le sépare des choses de la terre; c'est elle qui enseigne
à éviter le mal, à pratiquer la vertu; c'est elle
qui possède les sacrements, boucliers puissants pour défendre
les vertus, armes mortelles contre le mal et le péché.
« Elle est apostolique : ce sont mes apôtres qui
l’ont transmise au monde, qui ont chargé leurs successeurs de la
répandre et de la conserver, et on peut remonter aisément
d’âge en âge jusqu'aux apôtres, entre les mains de qui
on la retrouvera déposée par moi, qui était envoyé
par mon Père.
« Elle est universelle : dans tous les pays du monde on
trouve des chrétiens, ou des hommes qui ont une même foi,
une même loi, les mêmes sacrements.
« Elle est divine : c'est moi qui l'ai instituée,
moi, Fils de l'homme et aussi Fils de Dieu; elle est divine, car elle résiste
à tout, aux persécutions des tyrans, aux persécutions
des autres religions, aux passions des hommes, aux tentatives continuelles
de Satan. Quelle religion a produit des héros comme la religion
catholique? quelle autre religion a transformé les femmes les plus
timides, les enfants les plus faibles, à ce point de ne pouvoir
trouver nulle part un courage supérieur à leur courage? La
mort n’a point effrayé ceux qui ont pratiqué cette religion,
ils ont été au devant d'elle, ils l'ont reçue à
bras ouverts, ils ont béni Dieu dans les tourments les plus affreux,
et pas une plainte n'est sortie de leur bouche.
« Quelle religion osera se comparer à la religion
catholique? quelle religion laissera apercevoir comme elle les signes d'une
vraie religion? quelle religion unira l'homme à Dieu comme la religion
catholique? Sera-ce la religion de divinités faites par les mains
des hommes, ou qui n'a d’autres dieux que de vils animaux, ou qui ne favorise
que les passions?
« Quelle folie de ne pas reconnaître la vérité
dans la religion catholique! quelle folie de ne pas voir le mensonge dans
toute autre religion!
« Donc, ma fille, ceux-là n'ont pas la vraie religion
qui n'ont pas une religion ayant les signes d’unité, de sainteté,
d’apostolicité et d’universalité dont je vous ai parlé.
»
Le Sauveur Jésus m'a encore parlé ainsi : «
Si vous considérez la religion comme acte par lequel vous remplissez
vos devoirs envers la Divinité, cet acte peut se présenter
à vous comme bon ou comme mauvais.
« Cet acte de religion est bon quand il est l’accomplissement
d'un devoir envers le Dieu véritable qui est au ciel; il est mauvais
s'il se rapporte à d'autres dieux. Voilà pourquoi tous les
actes de religion des païens étaient mauvais; il est mauvais
encore quand, se rapportant à Dieu, cet acte n'est pas selon la
manière dont Dieu l'a prescrit. Ainsi aujourd'hui les actes de la
religion judaïque sont mauvais, parce qu'ils sont prohibés
par la religion que j'ai établie. »
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 2
Un autre jour, il s’exprima ainsi : « Il est nécessaire
à l'homme d’avoir une religion et d’avoir la vraie religion. L’homme
sans religion n'est pas un homme. Qu’est-ce qu'être un homme? C’est
être vivant avec un corps et une âme raisonnable, et accomplir
les devoirs qui sont inhérents à cette existence par rapport
à toutes choses.
« Or, quels sont les premiers devoirs que l'homme a à
remplir? Ce sont les devoirs vis-à-vis de Celui de qui il a tout
reçu, l’existence, la vie, le mouvement, la raison. Ce sont les
devoirs vis-à-vis son créateur, son bienfaiteur et son Dieu.
Ne pas rendre à Dieu les devoirs qu'on lui doit, c'est se séparer
de lui, c'est n’être plus uni à lui, c'est l’offenser. L'homme
est fait pourtant pour vivre uni à Dieu, pour lui appartenir, pour
le servir. Ne pas agir ainsi, c'est manquer sa fin, c'est n'être
pas homme, c'est devenir l'être le plus vil, le plus bas qu'on puisse
trouver, c'est l’ingratitude la plus noire et la plus flétrissante
envers Dieu.
« Quels sont les seconds devoirs de l'homme? Les devoirs
envers lui-même. Or, un homme sans religion ne remplit pas ses devoirs
envers lui-même. Il ne se rend pas Dieu propice, il n’attire pas
sur lui ses bénédictions, il ne travaille point pour l’éternité,
il n’embellit pas son âme de vertus, il ne résiste point à
ses passions, il ne marche pas dans la voie du salut, il marche vers l’éternelle
damnation. Un homme sans religion n'est pas un homme, car il ne vit point
pour perfectionner sa vie, mais pour la détruire à jamais.
« Quels sont les troisièmes devoirs de l'homme?
Les devoirs envers ses semblables. Or, un homme sans religion, comment
s’acquittera-t-il de ses devoirs par rapport à la société?
Seront-ils dictés par la charité? Non. Par la justice? Non.
Il trompera, il travaillera avec égoïsme et se séparera
de ses frères. Un homme sans religion n'est pas un homme; car l'homme
est fait pour vivre en société, et l'homme sans religion,
loin d’entretenir et de vivifier la société, travaille à
sa perte. Oui, ma fille; et vainement parmi les hommes se persuade-t-on
qu’un homme sans religion a de la probité, qu'il est juste, honnête,
charitable, bon; il n’en est rien, la religion seule donne force à
ces vertus. Là où il n'y a point de religion, il n'y a en
général que duplicité, égoïsme, mensonge.
« La religion, ma fille, est seule le véritable
lien de la société, non-seulement visible, mais encore invisible.
Elle est le lien entre Dieu comme je vis en société avec
mon Père en l’unité du Saint-Esprit. Elle est le lien entre
l'homme et les anges, ministres de Dieu pour le service et le bonheur de
l'homme. Elle est le lien entre l'homme et l'homme sur la terre, et cette
société se continuera dans l'éternité, et ces
trois sociétés n’en feront plus qu'une, la société
du Créateur avec ses créatures.
« Pour opérer cette société, il faut
la religion : la religion seule en effet peut l’opérer; de là
vous pouvez juger combien elle est nécessaire.
« Vous allez encore mieux comprendre sa nécessité
par ce que Dieu opère dans les hommes par rapport à la religion.
Il ne veut pas seulement que la religion consiste dans l’accomplissement
des devoirs fixés par lui-même. Il a voulu faire de la religion
une inclination, un mouvement du cœur, une habitude de l'âme qui
pousse l'homme à accomplir ses devoirs de religion. Cette habitude,
cette inclination, cette vertu de religion est donnée à toute
âme avec la grâce sanctifiante, elle lui facilite l’accomplissement
de ses devoirs, elle demeure en elle autant que la grâce sanctifiante,
croissant, diminuant ou disparaissant avec elle, pour revenir croître
et grandir encore avec le retour, l’accroissement et le développement
de cette même grâce. »
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 3
Un autre jour, j’entendis la voix du Sauveur Jésus : «
Je romprai mon silence, dit-il, j’élèverai ma voix; que tous
les hommes entendent les paroles de vérité qui sortent de
ma bouche : Peuples de la terre, rassemblez-vous, prêtez l’oreille,
écoutez ce que dit le Seigneur votre Dieu; princes, roi et sujets,
approchez-vous, prêtez l’oreille, écoutez ce que dit le Seigneur
votre Dieu; grands et petits, riches et pauvres, savants et ignorants,
accourez, prêtez l’oreille, écoutez ce que dit le Seigneur
votre Dieu. Voici ses paroles, elles sont paroles de vérité
: Je suis un en trois personnes; chacune de ces trois personnes est Dieu;
ces trois personnes ne font qu’un seul Dieu. Je me suis fait homme, en
prenant un corps et une âme auxquels j'ai uni ma divinité,
et par cette union j'ai été Dieu et homme tout ensemble.
Il y a en moi deux natures : la nature divine et la nature humaine; mais
il n'y a qu'une personne, la personne du Fils de Dieu fait homme. Il était
nécessaire que je me fisse homme, pour rendre réparation
à Dieu de l'offense de l'homme. Dieu a trouvé cette réparation
dans le sacrifice de ma vie que je lui ai offerte sur le Calvaire. Je suis
ressuscité trois jours après ma mort par la puissance de
ma divinité; après ma résurrection, je suis monté
au ciel. Je suis encore sur la terre d’une manière invisible par
le très-saint sacrement de l’autel dans lequel je suis véritablement
présent avec mon corps, mon sang, mon âme et ma divinité.
La sainte Vierge Marie conçue sans péchés est ma mère.
Elle m’a conçu dans son chaste sein par l’opération du Saint-Esprit;
elle n'a jamais connu d’homme; elle a toujours été vierge
avant, pendant et après ma conception. Vous mourrez tous, et quand
le monde sera fini vous ressusciterez. Après la mort, vous serez
jugés sur votre vie; si elle est bonne, juste et sainte, vous jouirez
du bonheur du ciel; si vous êtes surpris dans l’injustice et l'iniquité,
vous serez condamnés au feu éternel. Le paradis est le lieu
de la récompense des saints, l'enfer celui de la punition des pécheurs.
Le purgatoire est destiné à l’expiation complète des
péchés de ceux qui meurent en état de grâce,
mais qui n'ont point satisfait complètement à la justice
divine.
« Voilà les principales vérités de
la religion. Pourquoi luttez-vous contre ses vérités que
toute la terre a reconnues? Ne vous laissez pas conduire par votre jugement,
vos caprices ni vos passions. Si vous avez des doutes, des difficultés,
soumettez-les à l’Église, votre mère et mon épouse;
écoutez sa voix comme ma voix, c'est moi qui parle par sa bouche.
Elle résoudra toutes vos difficultés et dissipera tous vos
doutes. Enfants, ne vous séparez jamais de votre Père du
ciel : celui qui se sépare de lui, quitte la maison paternelle et
n’aura point de part à l’héritage promis. L’ennemi du père
de famille est venu dans son champ pour y semer l’ivraie; gardez-vous de
ramasser l’ivraie; elle serait pour vous l’occasion d’une mort éternelle.
Malheur et trois fois malheur à celui qui écoute la voix
de l’ennemi du père de famille! bonheur et trois fois bonheur à
celui qui écoute ma parole! La parole de l’ennemi du père
de famille est une parole de mort; ma parole est une parole de vie. »
Puis le Seigneur Jésus se retourna vers moi et me dit
: « Ma fille, aimez votre religion, elle vous mènera à
Dieu; pratiquez votre religion, elle vous obtiendra le bonheur de posséder
Dieu éternellement; aimez Dieu, honorez-le, rendez-lui vos devoirs
du fond de votre cœur et du plus intime de votre cœur; mais témoignez
à Dieu votre amour, rendez-lui vos devoirs par la pratique des œuvres
extérieures qu'il demande de vous. Ne séparez jamais complètement
la religion intérieure de la religion extérieure. La religion
extérieure alimente la religion intérieure du cœur, et la
religion intérieure est l'âme, la vie de la religion extérieure.
Joindre l’une à l'autre c'est avoir la vraie religion, c'est accomplir
la volonté de mon Père, c'est édifier son prochain,
c'est vivre pour Dieu, vivre pour soi, vivre pour ses frères. Ma
fille, gardez ces instructions, allez en paix, je vous bénis. »
Je me prosternai sous la main du Sauveur Jésus, et lui fis l’offrande
de mon cœur comme garant de ma gratitude et de ma soumission à sa
volonté.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 4
J’avais lu un jour cette parole de nos saints Livres : Le Seigneur
est le Dieu des sciences. Le Sauveur Jésus vint à moi et
me dit : « Ma fille, la science n'est autre chose que la connaissance
de ce que Dieu a fait. Lui qui connaît le mieux les œuvres de Dieu
au ciel, sur la terre et dans l'homme, celui-là est l'homme le plus
savant. Or, comme Dieu a fait toutes choses, et qu'il les connaît,
il est appelé avec raison le Dieu des sciences. La science est une
chose fort utile; elle peut être, elle est souvent très-dangereuse
et très-funeste. Elle est fort utile quand elle élève
l'esprit vers Celui de qui tout est sorti; elle est dangereuse et funeste
quand l'esprit, au lieu de s’élever à Dieu, demeure attaché
à la terre pour ne considérer que les choses visibles. Parmi
les sciences, il n'y en a qu'une seule de nécessaire. Cette science
surpasse toute autre science. Celui qui la possède est assez savant
quand il ignorerait toutes les autres, et celui qui ne la possède
pas, fût-il le plus savant des hommes, n'est qu'un ignorant.
« La seule science nécessaire, c'est la science
de Dieu, la science de sa volonté, la science de ses commandements,
la science de la voie qui mène vers lui, la science des moyens qui
vous attachent à lui. Voilà ma doctrine, ma fille, elle est
opposée à celle du monde.
« Demandez aux hommes : Quelle est de toutes les sciences
la plus utile, la plus intéressante, la plus belle? Celui-ci vous
dira est la science du mouvement des astres, celui-là la science
des phénomènes physiques; l’un la science des travaux des
champs, l'autre la science du gouvernement des peuples; d’autres enfin
la science des diverses maladies qui affligent le corps et des remèdes
qui les font disparaître. Ainsi chacun vous répondra selon
l’inclination de son esprit, et pas un ne nommera la seule véritable
science, la science du salut.
« Interrogez un petit enfant instruit des principales
vérités de la religion, demandez-lui : « Que deviendront
les astres à la fin du monde? Il répondra; Les astres ne
donneront plus leur lumière, ils perdront leur mouvement et seront
anéantis. Demandez-lui : Que deviendront le jour et la nuit, les
éclairs et les tonnerres, la grêle et les vents? Il répondra;
Tous ces phénomènes disparaîtront et seront anéantis.
Demandez-lui : Que deviendront les champs et leurs moissons, les jardins
et leurs fruits, les habitations des hommes et les palais des rois? Il
répondra : Ils seront anéantis. Demandez-lui : Que deviendront
les peuples, les nations et ceux qui les gouvernent? Il répondra
: Il n'y aura plus de peuples, il n'y aura plus de nations, il n'y aura
plus de gouvernements, il n'y aura que le ciel et l’enfer, Dieu et ses
élus, Satan et ses damnés.
« Oui, tout ce qui est au monde passera, et savoir ces
choses, c'est avoir la science de ce qui doit avoir un terme, une fin.
« La science qui ne passera pas, c'est la science de Dieu,
la science de ce que Dieu a fait pour vous, la science des moyens qui vous
portent vers lui. Car Dieu est éternel, et une fois unie à
lui, vous le posséderez à jamais. Cherchez, ma fille, à
acquérir cette science, cherchez à l’augmenter, à
la perfectionner. Cette science ne passera pas, elle demeurera toujours
en vous, et quand votre âme sera dépouillée de votre
corps et qu’elle comprendra mieux par cette séparation de quelle
manière elle doit tout juger, vous vous estimerez heureuse d’avoir
eu la seule science véritable, parce qu'elle vous a fait connaître
Dieu et vous a unie à lui. Oui, ma fille, vous vous estimerez heureuse
de n'avoir même eu que cette science, et vous plaindrez ces hommes
qui ont constamment occupé leur esprit de sciences naturelles ou
physiques, et qui jamais par la création n'ont su remonter au Créateur.
»
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 5
« Un autre jour, après la sainte communion, je me
tenais à la porte de mon cœur, prosternée profondément,
attendant que Jésus vient me parler. Il vient à moi, me prit
par la main et s’assit sur son trône. Je restai à genoux à
ses pieds, confuse et humiliée du peu de dévotion que j'avais
eu ce jour-là. J’attendais en silence. Jésus me parla ainsi
: « Le sage et l'insensé, ma fille, trouveront l’un et l'autre
la vérité, mais d’une manière différente. Beaucoup
d’hommes sont réputés sages; ils le sont, en effet, selon
le monde; mais leur sagesse s’évanouira, et ils seront trouvés
insensés auprès de Dieu. Beaucoup d’autres sont jugés
comme des insensés, mais leur folie disparaîtra, et Dieu trouvera
que la véritable sagesse était en eux, parce qu'ils avaient
la folie de ma croix. Cet insensé est humble, je l’élèverai;
j’abaisserai au contraire ce sage qui est orgueilleux, et il ne se relèvera
point.
« Cet homme sage selon le monde recherche la gloire et
la grandeur. Il sacrifie pour cela son repos, il se livre à l'étude,
il s’expose à toutes sortes de dangers, il ne craint rien, il ferait
tout pour obtenir un nom illustre et glorieux. Eh bien! ma fille, cet homme
qui ne néglige rien pour arriver à son but, qui prévoit
tous les embarras et les évite, cet homme est un insensé,
et malgré sa folie, il trouvera la vérité. Il la trouvera
à l'heure de la mort. Alors il verra son aveuglement, son illusion.
La gloire et l’estime du monde ne seront plus rien pour lui; il comprendra
la vanité des honneurs et des louanges. Malheureux que je suis,
s’écriera-t-il, que me sert d'avoir fidèlement rempli mes
devoirs selon le monde, d'avoir été un homme juste, un homme
savant, un homme dont le nom passera à la postérité,
à cause de mes recherches, de mes travaux, de mes lumières?
J’ai tout fait pour le monde et rien pour Dieu! De quoi me servent ces
peines, ces fatigues, cette gloire, cette illustration? Tout cela est vanité,
et mes mains sont vides pour me présenter à Dieu.
« Cet homme insensé, selon le monde, recherche
l’humilité, recherche l'abaissement. Il fuit l’ostentation : il
ne travaille point pour se faire un nom illustre, mais pour plaire à
Dieu. Il n'a en vue que les intérêts de Dieu. Quand une croix
se présente sur le chemin de sa vie, il ne la rejette pas, il la
saisit avec empressement; il rend le bien pour le mal, il aime ses ennemis,
il prend même leur défense. Il se détache des biens
de la terre pour s’attacher à Dieu. Et cette conduite, le monde
l’appelle folie. Elle est folie, en effet; folie de ma croix, folie de
ma croix qui humilie, folie de ma croix qui abaisse, folie de ma croix
qui pardonne, folie de ma croix qui embrasse tous les hommes, folie de
ma croix qui unit à Dieu. Cette folie c'est la vraie sagesse, ma
fille, et ce fou, trouvé sage aux yeux de Dieu, viendra prendre
part dans le royaume de ma gloire.
« Quelle différence entre ces deux hommes, dont
l'un est guidé par la sagesse humaine et l’autre par la sagesse
divine. Le premier juge, voit, combien, règle toutes choses d’après
les lumières de sa raison; et le second, d'après les lumières
de la foi. Le premier n’aura que l’estime des hommes, ce sera là
sa récompense. Le second aura l’estime des anges et de Dieu, et
cette estime durera toujours. Le premier aura bâti son édifice
sur le sable mouvant et il sera ruiné. Le second l’aura élevé
sur la pierre ferme, il restera debout pendant les siècles des siècles.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 6
Le Sauveur Jésus m’a encore dit dans une autre circonstance
: « Ma fille, je vous ai parlé de la religion; il suffit de
la connaître, ce semble, pour l’aimer; car on aime naturellement
ce qui est beau, ce qui est bien, ce qui est parfait, et quoi de plus beau,
quoi de meilleur, quoi de plus parfait que ma religion? Voyez cependant
les hommes. Ils n’ont d’yeux pour contempler ce chef-d’œuvre du Très-Haut,
ils n’en ont que pour la terre. Ils n'ont point d’yeux pour considérer
quels sont leurs devoirs envers leur Créateur, et ils rampent terre
à terre près de certaines créatures. Ils n’en ont
point pour s’arrêter à la vue de leurs intérêts
de l'éternité, ils n’en ont que pour leurs intérêts
matériels et passagers de ce monde. Quel aveuglement! Oublier Dieu,
ne pas lui rendre les hommages qu'il mérite, préférer
l’or, l’argent, les richesses, les plaisirs, les honneurs, la gloire de
la terre aux richesses du ciel, à la félicité du ciel,
à la gloire du ciel! Et combien est grand le nombre de ceux qui
agissent ainsi! Plusieurs pourtant croient pratiquer leur religion. Que
font-ils pour cela? Ils consultent leurs goûts, leurs inclinations,
suivent même quelquefois l’entraînement de leurs passions.
Combien qui prient, mais seulement du bout des lèvres; combien qui
prient, mais sans attention, sans respect pour Dieu, sans amour pour lui.
Voyez-les dans le lieu saint. L’église est une maison de prières;
l’église est le lieu de ma résidence, celui où j’habite
corporellement, celui que je remplis de ma gloire et où les anges
tremblants viennent m’adorer en silence; le lieu où je m’immole
chaque jour de nouveau pour le salut du monde; le lieu de la naissance
spirituelle de l'homme; le lieu où son âme vient puiser de
nouvelles forces; le lieu où il reçoit le pain de la parole;
le lieu où après sa mort il sera transporté, afin
de recevoir une dernière bénédiction. L’église,
c'est bien la maison de Dieu, c'est aussi la maison du chrétien,
c'est le lieu de la réunion de la grande famille, du père
avec ses enfants. Comment agissent la plupart des hommes dans l’Église?
Ils entrent dans ce lieu sans se demander où ils vont; sans se demander
qui ils vont visiter et honorer; ils sont distraits, se mettent à
genoux machinalement, sans attention, prononçant quelques prières
et tout est là. Pendant qu'ils sont dans ce lieu, leur esprit n'est
nullement occupé de ce qui s'y passe; ils parlent entre eux, ils
s’occupent de leurs affaires temporelles, et tandis que tout leur parle
de l’éternité, ils ne songent qu’à la vie du temps.
Pour eux, assister aux offices divins, c'est avoir accompli les devoirs
de la religion, et souvent ils n'y viennent que pour se faire voir, pour
voir leurs amis, comme en un lieu de réunion, pour entendre une
belle parole, par habitude. Leur cœur n'a été nullement touché.
En quittant le lieu saint, ils iront se livrer à leurs divertissements,
à leurs jeux, à leurs distractions qui souvent sont divertissements,
jeux et distractions dans le péché.
« Pensez-vous qu’agir ainsi c'est pratiquer sa religion?
Non, ma fille; c'est être indifférent pour elle; c'est plus
que de l’indifférence, c'est un oubli complet de sa religion.
« Que dire donc de ceux qui se contentent de ne point
violer les commandements que la loi des hommes elle-même ne permet
pas de violer? Ah! ma fille, c'est de l’impiété, et l’impie
est repoussé par Dieu au jour de sa justice; l’impie est privé
de la vue de Dieu au jour du jugement; l’impie reçoit ce qu'il mérite,
c'est l’enfer; ce qu'il mérite, c'est le courroux et la malédiction
de Dieu dont le poids l’accablera à jamais.
« N’imitez pas ces hommes indifférents, ces hommes
coupables, ces hommes impies; comprenez mieux votre religion. Que la pratique
de la religion soit un hommage parti de votre cœur pour aller à
Dieu, et Dieu l’agréera, Dieu le recevra et vous préparera
une récompense digne de sa magnificence souveraine et de sa libéralité
infinie. »
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 7
« Le Sauveur Jésus m'a dit un jour : « Dieu,
ma fille, a fait l'homme roi. Le royaume de l'homme, c'est son propre cœur.
Ce roi n'est pas indépendant. Il est de sa nature roi tributaire;
car il a toujours au-dessus de lui la puissance de Dieu ou celle de Satan,
et il est toujours soumis à l’une ou à l’autre. Il est soumis
à celui auquel il paie le tribut de son cœur, de son âme,
de ses facultés, de tout lui-même. Voyez l'homme : il est
en face de Dieu et de Satan; Dieu et Satan veulent être son maître
et se présentent à l'homme. Que fait l'homme? Il délibère
sur le choix qu'il doit faire du prince des ténèbres, ou
du monarque éternel des cieux.
« Dieu lui rappelle tout ce qu'il a fait pour lui, lui
promet, s'il s’engage dans son service, les secours nécessaires
pour vaincre ses ennemis et lui assure, s'il est fidèle, une récompense
sans bornes, un bonheur qui ne finira jamais. S’il l’abandonne, au contraire,
pour suivre le parti de Satan, avec son inimitié, il lui réserve
une peine éternelle.
« De son côté, Satan promet à l'homme
biens, honneurs, gloire, estime du monde, plaisirs, amusements, vie commode
et aisée, tandis que s'il prend le parti de Dieu, lui, Satan, jure
à l'homme haine implacable, et lui promet persécutions et
peines de toute sorte.
« Alors, celui qui veut rendre gloire à Dieu et
se donner à lui (est-il rien de plus juste?) s’enrôle sous
sa bannière, le reconnaît pour roi, se consacre et se dévoue
tout entier à son service, lui ouvre son cœur comme les portes d’une
ville à un souverain, et jure d’en interdire l’entrée à
Satan qu'il combattra toujours, dont il repoussera toute proposition d’infidélité,
afin de demeurer à jamais fidèle à Celui qu'il a choisi
pour son seigneur et maître.
« Celui, au contraire, qui plie sa tête sous le
joug de Satan, ne craint point de renoncer à Dieu et de lui préférer
l’ange rebelle des enfers. Quel outrage et quelle injure ne fait-il pas
à Dieu en agissant ainsi? De quelle injustice ne se rend-il pas
coupable en méprisant les promesses et les menaces de Dieu, en oubliant
tout ce qu’il a fait pour lui, en choisissant Satan pour son roi? Comment
appeler surtout la conduite de celui qui ayant choisi d’abord le Seigneur
pour son maître et souverain, se révolte contre lui, lui refuse
obéissance et soumission, le détrône de son cœur, le
chasse pour mettre à sa place Satan, qui l’a trompé par ses
mensonges et ses suggestions perverses et malignes?
« Admirez pourtant la bonté de Dieu. Il ne punit
pas immédiatement cet ingrat; il le rappelle à lui, l’avertit
avec douceur, lui offre son pardon et sa grâce, lui parle au cœur
tantôt par sa voix secrète et intime, tantôt par celle
de sa conscience, tantôt enfin par celle de ses ministres. Quand
le pécheur n’est pas sourd à cette voix, Dieu l’accueille
avec bonté, le reçoit avec amour, le presse dans ses bras,
oublie tout le passé. O charité et charité de Dieu
pour l'homme! Quand le pécheur résiste à Dieu, Dieu
l’attend encore jusqu’au jour de sa justice, et combien de pécheurs
résistent à Dieu! O ingratitude et ingratitude de l'homme
pour Dieu! »
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 8
« Ma fille, il est juste, m'a dit le Sauveur Jésus,
de servir Dieu dès sa jeunesse et de lui consacrer ses premières
années, car il est le Maître de la vie, et il n'est aucun
temps où l'homme ne doive le servir. Il en arrive pourtant tout
autrement, et comme si Dieu ne méritait pas qu'ils lui donnassent
le plus beau temps de leur existence, les hommes la donnent au monde, au
péché, au désordre. Dès que le monde peut les
recevoir dans son sein, ne voyez-vous pas les jeunes gens se livrer à
toutes sortes d’iniquités, en donnant un libre cours à leurs
passions et ne faisant rien pour les maîtriser? Que donneront-ils
à Dieu? Une vieillesse décrépite et caduque, une vieillesse
dont ce monde ne voudra plus, un corps usé par le vice; mais la
vieillesse, qui donc la leur a promise? Et si Dieu les surprend, si Dieu
les arrête, si Dieu les frappe au milieu de leurs désordres
et de leurs crimes, que répondront-ils à Dieu? Quelle excuse
peut-on apporter? La violence des passions? Il n'y a pas de passion qui
puisse lutter contre ma grâce, et ma grâce est donnée
à tous. Ma grâce brise les passions comme un cristal lancé
contre un rocher de la mer.
« Quelle excuse peut-on apporter? La jeunesse? Mais c'est
précisément dans la jeunesse qu'on doit servir Dieu; c'est
alors qu'on doit consacrer à Dieu ses premières affections,
parce qu'il est l’auteur et le conservateur de la vie. N’est-ce pas lui
faire injure que de lui ravir ces prémices de l’existence, ces jours
où l’on a plus de force et de vigueur pour le servir? Comment trouverait-on
une excuse, dans la jeunesse? N'est-ce pas alors plus que jamais qu'on
doit se rappeler les promesses faites à Dieu au baptême de
renoncer au monde, à ses pompes et à ses œuvres, de renoncer
au Démon et à ses inspirations pour s’attacher à Dieu?
Est-ce que dans le baptême on réserve pour soi, c’est-à-dire
pour le péché, le temps de la jeunesse? Ne s’engage-t-on
pas sans réserve par le baptême à donner sa vie à
Dieu, à obéir à ses commandements? Et s'il n'y a pas
de réserve dans la promesse, ne doit-on pas la tenir dans son entier?
Il n'y a pas de raison pour ne point servir Dieu dans sa jeunesse. Il faut
que jeunesse passe. Il le faut, ma fille, il est vrai; c'est une nécessité;
et qu'on le veuille ou non, elle passe avec rapidité. Mais faut-il
qu'elle passe dans le crime, dans le péché, dans la corruption,
dans l’éloignement de Dieu, dans son inimitié? Parler ainsi,
c'est blasphémer! Est-ce que le mal pourrait être excusé
dans n’importe quel temps de la vie? Et pourquoi donc serait-il plus permis
d’offenser Dieu dans la jeunesse que dans l’âge mûr? dans l’âge
mûr que dans la vieillesse? Dieu ne saurait-il donc pas fournir à
ceux qui sont jeunes un aliment suffisant à la force et à
la vivacité de la jeunesse? Le vice mérite-t-il, pour l’emploi
des forces qu'on a, le pas sur la vertu? ou Dieu, pendant la jeunesse,
vaut-il moins que le monde! Dieu ne peut-il être apprécié
et le monde perdre toute valeur que dans la vieillesse de celui qui les
considère l’un et l’autre? Insensés sont ceux qui pensent
ainsi? Être chrétien, c'est être comme j'étais
pendant que j’habitais la terre. N’ai-je point honoré mon Père
pendant ma jeunesse? J'étais Dieu et ne pouvais agir autrement.
Marie n’a-t-elle pas honoré Dieu pendant sa jeunesse? Saint Jean-Baptiste
ne l’a-t-il pas honoré aussi? Et tant de saints dont la jeunesse
n’a été qu'un continuel hommage à Dieu et à
ses perfections? Tous doivent agir ainsi : servir Dieu pendant le jeune
âge, afin de se le rendre favorable pour la vieillesse. Tous doivent
servir Dieu quand ils peuvent le servir, ne pas renvoyer à un temps
éloigné qui ne leur appartient pas. N’oubliez jamais cette
parole : L’homme suivra dans sa vieillesse le chemin qu'il aura pratiqué
dans sa jeunesse.
« Quelle excuse peut-on apporter? Les occasions de la
vie? Considérez ces occasions, ma fille; il y en a de trois sortes
: les unes sont nécessaires, les autres de circonstance, et les
dernières dangereuses ou défendues. Or, je vous le demande,
peut-on s’excuser sur une occasion qu'on avait ordre de fuir à cause
du danger ou du mal qui était en elle? Cette occasion est dangereuse,
elle est mauvaise; vous êtes faible, vous êtes passionnée,
ne méritez-vous pas condamnation si vous vous y exposez? Vous vous
exposez, vous succombez; cette chute vous entraîne dans une autre,
et ainsi vous tombez dans l’abîme. Du fond de cet abîme remontez
au principe de votre perte, et vous verrez que cette occasion dangereuse
à laquelle vous vous êtes exposée a été
la cause de votre malheur. Les occasions de nécessité ne
vous seront nuisibles qu’autant que votre cœur sera mauvais, c’est-à-dire
autant qu'il voudra faire le mal. Les occasions de circonstance ne peuvent
vous nuire non plus, parce que vous avez toujours, en ces circonstances,
la grâce de Dieu pour soutien et pour appui. Plus la tentation est
forte, plus la grâce est considérable; plus le danger est
grand et plus grand aussi devient le secours de Dieu. Comment donc les
occasions pourraient-elles servir d’excuse? Est-ce que tous les saints
ne se sont pas trouvés en toutes sortes d’occasions sans les chercher?
Que font-ils alors? Ils prient, ils gémissent, ils invoquent Dieu,
et Dieu vient à leur aide pour les rendre victorieux et triomphants.
« La jeunesse doit servir Dieu, ou bien malheur aux familles,
aux cités, aux empires dont la jeunesse s’éloigne de Dieu.
La malédiction céleste tombe sur ces empires, ces cités,
ces familles. Voyez cette famille dont les jeunes gens sont irréligieux,
débauchés, libertins, que de chagrins ils causent à
leurs parents par leur désobéissance et leur indocilité;
que de peines par la dissipation de leur fortune! Ne sont-ils pas souvent
la cause d’une ruine complète et des malheurs les plus graves? Ainsi,
la mauvaise conduite des enfants attire sur les parents, qui ne les ont
pas corrigés, la colère de Dieu. Souvent même Dieu
attendait là les parents dont la jeunesse s'était passée
dans le crime et le désordre.
« Et quand cette inconduite, cette irréligion,
cet abandon de Dieu est général parmi la jeunesse d’une cité;
quand on n'y voit que crimes et abominations; quand les assemblées
nocturnes succèdent aux rendez-vous clandestins; quand, à
la faveur de l’ombre des nuits on s’est familiarisé avec le vice;
quand on ne craint plus de faire le mal en plein jour, alors qui pourra
dire les désastres produits dans cette cité par la jeunesse
qui s’est détournée de la voie de Dieu, qui a oublié
ses promesses du baptême, ses promesses de la communion première
à mon corps et à mon sang, ses joies dans le service de mon
Père, joies sans trouble et sans remords. La corruption devient
générale : de la jeunesse elle passe à l’enfance,
qui est excitée au mal par la vue du mal; elle passe à l’âge
mûr et à la vieillesse, qui, revenant par le souvenir au temps
de la jeunesse, se complait dans sa corruption d’autrefois et la renouvelle
par la pensée et le désir. Comment cette cité pourra-t-elle
recevoir les bénédictions de Dieu? Tous ses habitants se
sont élevés contre lui. Le feu du ciel est prêt à
tomber sur eux, et si la miséricorde de Dieu retient les foudres
des sa justice dans le temps, elle ne les retiendra pas dans l’éternité.
« Quel bonheur et quelle félicité, au contraire,
pour une famille dont les jeunes gens et les jeunes filles vivent selon
Dieu en le servant fidèlement. Servir Dieu, c'est servir son Père
et sa mère, c'est se servir sois-même, c'est servir les intérêts
de cette vie et ceux de la vie future. C'est servir son Père et
sa mère; c'est les honorer, les respecter, leur être soumis,
les aimer, c'est faire leur joie, c'est être leur couronne sur la
terre. Pourrait-on plaire à Dieu et déplaire à ses
parents? Pourrait-on faire ce que Dieu commande et désobéir
à ses parents? Non, ma fille, car Dieu ordonne à chacun d’honorer
son père et sa mère, d’obéir à son père
et à sa mère, de les respecter, de les aimer.
« Servir Dieu, c'est se servir sois-même. Quel est
le service que les jeunes gens ou les jeunes filles doivent se rendre à
eux-mêmes? C’est de travailler à leur bonheur ici-bas et dans
le ciel. Or, le bonheur, la tranquillité, ne sont que dans le service
de Dieu ici-bas; il en est de même pour l’autre vie. Car le ciel
n'est que la récompense de la fidélité à Dieu.
« Servir Dieu, c'est servir ses intérêts
pour cette vie et ceux de la vie future. Les jeunes gens, attachés
à Dieu, marchent dans le chemin de l'ordre. Or, l’ordre, c'est le
travail; l’ordre, c'est l'économie; l’ordre, c'est la paix avec
tous; l’ordre, c'est le bien en tout, c'est la fuite du mal, c'est la fuite
des dépenses folles ou inutiles; et là où règne
l’ordre, là règne toujours l'abondance; c'est là une
conséquence nécessaire de l’ordre. Ajoutez à cela
la bénédiction de Dieu qui féconde le travail, qui
favorise en tout ceux qui le servent, et vous comprendrez bien que servir
Dieu, c'est servir ses intérêts, même temporels. C'est
servir surtout ses intérêts spirituels. Les intérêts
spirituels d’une âme, c'est la grâce ici-bas; la participation
par la grâce à la vie divine; et, après la mort, la
possession de Dieu. Or, cela ne s’obtient que par le service fidèle
de Dieu, et celui qui, dans sa jeunesse, sert Dieu fidèlement, celui
qui s’attache à lui de plus en plus, augmente chaque jour ses trésors
pour l’éternité.
« Heureuse la famille qui possède une jeunesse
ainsi fidèle à Dieu, ainsi dévouée à
Dieu, ainsi attachée à Dieu! La paix est dans cette famille.
Elle goûte combien il est heureux pour des frères de vivre
unis ensemble par une même volonté, une même pensée,
une même loi, un même but, unis en Dieu.
« Heureuses les cités qui possèdent une
jeunesse nombreuse qui sert Dieu fidèlement! Cette jeunesse est
comme une semence féconde qui portera au centuple; cette jeunesse
est comme un abri qui protégera la cité contre la colère
de Dieu; cette jeunesse est comme une voix toute-puissante qui monte vers
Dieu, touche son cœur, et obtient de lui bénédiction pour
la cité qu'elle habite; cette jeunesse est un spectacle admirable
pour le ciel et pour la terre, et la terre s’écrie : Bonheur à
cette cité! Et le ciel dit à son tour : Gloire à cette
cité! Cette jeunesse est un objet d’effroi pour l'enfer et les démons.
Devant elle, la corruption épouvantée s’enfuit. Les paroles
déshonnêtes ne se font plus entendre; l’entraînement
vers les plaisirs défendus est arrêté, et la force
du bon exemple rend vaines les tentations de Satan.
« Jeunesse amie de Dieu, jeunesse fidèle à
Dieu, jeunesse dévouée à Dieu, réjouissez-vous,
vous grandirez en âge et en vertu; vous croîtrez pour combattre
les combats du Seigneur; vous vivrez pour augmenter vos mérites;
vous passerez ensuite du séjour de l'espérance à celui
de la possession.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 9
Le Sauveur Jésus, un jour, s’exprima ainsi : « J’ai
élevé ma voix et j'ai dit aux enfants des hommes : O hommes!
que cherchez-vous? Une voix unanime, venue des quatre coins de la terre,
se fit entendre en disant : Le bonheur!… Je leur demandai : Où cherchez-vous
le bonheur? Et chacun répondit selon les inclinations de son cœur.
Je m’adressai à l'avare et lui dis : O homme! où cherchez-vous
le bonheur? Il répondit : Dans la possession de l'or et de l’argent.
– Non, non, détrompez-vous, lui dis-je, le bonheur n'est point dans
la possession de l’or et de l’argent.
« Je m’adressai au vindicatif, à l'ambitieux, à
l’orgueilleux, au voluptueux, au mondain de tout âge et de toute
condition, et je leur dis : Détrompez-vous, le bonheur n'est pas
dans la vengeance, ni dans les biens, les honneurs, les gloires de la terre,
ni dans les aises et les commodités de la vie, ni dans les satisfactions
et les plaisirs de la chair, ni dans les amusements et les joies du monde.
« Alors, une voix immense se fit entendre et dit : Où
donc est le bonheur?
« Je m’adressai à un jeune homme et à une
jeune fille, qui l’un et l’autre servaient Dieu fidèlement, observaient
ses commandements, marchaient en sa présence et lui offraient l’hommage
de leur cœur. Je leur demandai : Que cherchez-vous? Ils répondirent
aussi : Le bonheur. – L'avez-vous trouvé? – Oui, Seigneur.
– Où? – Dans le service de Dieu, la fidélité à
ses commandements, l’amour que nous avons pour lui. – En vérité,
leur dis-je, vous avez bien cherché, et vous avez trouvé.
Le bonheur est dans le service de Dieu, dans l’observation de ses commandements,
dans le don qu'on lui fait de tous les mouvements de son propre cœur.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 10
Un jour le Sauveur Jésus me parla ainsi : « Ma fille,
ce ne sont pas ceux qui écoutent ma parole qui seront justifiés,
mais ceux qui la pratiquent. Vous vous rappelez la parabole de la semence
et l’explication que j’en ai donnée, là se trouve la vérité
rendue sensible de ce que je vous dis à cette heure. Les personnes
qui écoutent ma parole, mais qui ont leur esprit distrait et occupé
de mille pensées étrangères, ne seront point justifiées
par elle. Leur cœur est comme un grand chemin ouvert à tout venant;
ma parole ne produit pas de fruit dans ces âmes.
« Les personnes qui écoutent ma parole, mais qui
sont insensibles, ne seront point justifiées par elle. Cette insensibilité
peut affecter l'esprit et le coeur. L’insensibilité de l’esprit
est une espèce d’aveuglement qui empêche de comprendre ce
qu’exprime ma parole; l’insensibilité du cœur suit ordinairement
celle de l’esprit. Ce que l’esprit ne comprend point, le cœur ne le goûte
point; quelque-fois pourtant l’insensibilité du cœur est seule et
n'est point précédée de l’insensibilité de
l'esprit; cette insensibilité est un manque de goût qui empêche
ma parole de produire des fruits dans ces âmes. Ces âmes ressemblent
au chemin pierreux qui reçoit la semence, mais qui n’a point d’humidité
ni de suc nourricier pour l’entretenir et la faire vivre.
« Les personnes qui écoutent ma parole, mais qui
sont immortifiées, ne seront point vivifiées par elle. L’immortification
laisse pousser dans l’âme des épines qui la blessent, qui
la déchirent et qui empêchent le bien de se faire en ces âmes;
elles reçoivent la parole de Dieu, elles la goûtent, mais
ne veulent point se mortifier pour modifier ce qu'il y a de vicieux en
elles. Elles ne font point d’efforts, elles ne prennent point de résolutions,
ou bien ces résolutions ne sont point exécutées ou
ne le sont que pendant quelque temps. Ma parole germe comme la semence,
croît, produit du fruit, mais ce fruit est bientôt étouffé
par les passions, ces épines de l'âme.
« Que faut-il donc, ma fille, pour être justifié
par ma parole? Il faut trois choses : l’écouter, la retenir, et
la retenir dans un coeur bon et bien disposé. Si on ne l’écoute
pas, c'est comme si elle ne se faisait point entendre; si on ne la retient
pas, c'est comme si on ne m’avait point entendue; enfin, si le cœur n'est
pas bon et bien disposé, elle devient inutile, parce qu'elle ne
peut agir.
« Écoutez donc la parole de Dieu, quel que soit
celui qui vous la fera entendre. N’examinez point ni sa diction, ni sa
facilité à parler, ni la manière dont il vous présente
les choses; écoutez-la uniquement parce que c'est la parole de Dieu.
« Retenez cette parole; ensevelissez-la dans votre cœur;
réchauffez-la, elle finira par faire germer en vous le bien. Pour
cela, disposez votre cœur comme le paysan dispose son champ : arrachez
tout ce qu'il y a de mauvais; faites de votre cœur un champ bien labouré,
bien préparé; que votre cœur soit bon et tourné complètement
vers moi; soyez sûre que s'il en est ainsi, toujours ma parole produira
des fruits au centuple, car vous écouterez ce que je vous dirai,
vous le retiendrez et vous l’accomplirez. Vous l’accomplirez, parce que
votre cœur est bon; vous l’accomplirez, parce que vous verrez l’expression
de ma volonté, et que votre cœur attaché à moi ne
voudra point me faire de la peine, et si vous accomplissez ma parole, vous
marcherez dans la vérité et dans le bien; vous vous justifierez
par conséquent chaque jour davantage; chaque jour vous vous unirez
de plus en plus à moi, et vous vous détacherez de la terre.
»
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 11
« Comme mon Père m’a envoyé, ainsi je vous
envoie : allez, enseignez toutes les nations et baptisez tous les hommes
au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Celui qui vous reçoit
me reçoit, celui qui vous méprise me méprise. Voilà,
ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, voilà les paroles
que j'ai adressées à mes apôtres, et en leur personne
à tous leurs successeurs, participant de mon sacerdoce. Elles doivent
vous faire comprendre la dignité du prêtre. Le prêtre
est envoyé par moi dans le monde pour enseigner et baptiser, comme
j’ai été envoyé par mon Père, pour montrer
la voie qui mène à mon Père, et pour rendre le mouvement
et la vie à ceux qui les avaient perdus, c’est-à-dire à
tous les enfants d’Adam. Et le prêtre, revêtu de la mission
que je lui ai confiée, va et agit en mon nom. Il agit non-seulement
en mon nom, mais encore avec mon pouvoir qui lui a été donné
par mon sacerdoce. Il agit en mon nom, avec mon pouvoir, et porte en lui-même
la dignité suprême du sacerdoce de Melchisédech, qui
m'a été donnée de toute éternité et
que je lui donne dans le temps et pour jamais, afin qu'il me remplace,
afin qu'il continue et qu'il accomplisse mon œuvre, afin qu'il sauve les
hommes comme je les ai sauvés. Voilà pourquoi vous devez
regarder le prêtre comme un autre moi-même, écouter
sa parole comme vous écouteriez la mienne, respecter sa personne
comme la mienne, et craindre de le mépriser, parce que je me regarderai
comme méprisé en lui. Quel que soit l'homme revêtu
du sacerdoce, qu'il soit juste ou pécheur, qu'il honore ou dégrade
sa dignité, qu'il soit fidèle ou infidèle, il possède
une chose que vous devez respecter toujours en lui, le caractère
qui lui est conféré par l’imposition des mains du pontife,
mon représentant. Ce caractère peut être dégradé,
foulé aux pieds, souillé par celui qui le porte; il ne l’effacera
jamais, il est prêtre pour l’éternité. Sur douze apôtres
que j’ai choisis, j’en ai vu un se tourner contre moi, me livrer aux mains
des Juifs, demeurer insensible au nom d’ami que je lui donnais à
l’heure même de sa trahison, et mourir dans l’impénitence,
le désespoir et le suicide. Il peut aussi s’en trouver parmi ceux
qui sont appelés au sacerdoce qui soient prévaricateurs de
leur caractère, mais le nombre en est petit, ma fille, je vous le
dis pour votre consolation; je vous le dis aussi afin que si jamais quelqu'un
d’entre eux se présentait sous vos yeux et sur votre chemin, vous
n’ayez que vénération pour lui, parce qu'il a le caractère
sacerdotal, tout en gémissant au-dedans de vous-même de ce
qui peut se trouver en lui de déréglé. Afin d’augmenter
en vous le respect que vous devez avoir pour le prêtre, je veux vous
entretenir de sa dignité et de sa puissance.
« Je suis, ma fille, prêtre éternel, selon
l’ordre de Melchisédech. Je ne me suis point arrogé ce titre,
Dieu me l’a donné; et quand l'heure est venue de la manifestation
de mon sacerdoce, j'ai apparu dans le monde pour en accomplir les fonctions.
Or, comme prêtre éternel, comme Dieu-homme, comme Rédempteur
et Sauveur, j’ai rappelé aux hommes la souveraineté toute-puissante
de mon Père, je me suis donné à eux, je leur ai envoyé
le Saint-Esprit. En leur faisant connaître mon Père, je leur
ai montré Celui dont ils sont sortis et auquel ils doivent revenir,
non par eux-mêmes, parce qu'ils ne peuvent rien opérer de
méritoire par eux-mêmes, mais par moi qui suis la voie qui
mène au Père.
« Je me suis donné aux hommes comme réparateur
de leur péché, de leur révolte contre Dieu; j'ai acquitté
leur dette envers la justice divine, j'ai brisé leurs liens qui
les rendaient esclaves de Satan, je les ai rendus tous à la liberté,
je suis mort pour eux, et ma mort a été le principe de leur
vie, et l’efficacité de mon sang répandu a ranimé
tous les hommes assis dans les ténèbres et les ombres de
la mort.
« Je me suis donné à eux comme réparateur,
et réparateur de chaque jour, nous plus sur le Calvaire, mas sur
l’autel, nous plus en répandant mon sang réellement, mais
en offrant chaque jour de nouveau l’effusion de ce sang répandu
une seule fois sur le Calvaire.
« Je me suis encore donné à eux comme nourriture,
en instituant l’eucharistie, où les âmes peuvent et doivent
venir prendre courage, force et sainteté.
« Voilà mon œuvre sur la terre : faire connaître
Dieu, rendre réparation à Dieu, racheter l'homme, lui donner
la vie en le retirant de la mort; et puis je me suis élevé
dans le ciel pour en ouvrir l’entrée à tous les élus.
« Mon œuvre ne s'est pas arrêtée là;
j’ai voulu la perfectionner et j’ai envoyé Celui qui est le complément
éternel du Père et du Fils, Celui qui est l’union du Père
et du Fils, et qui doit aussi réunir l'homme à Dieu le Père
par Dieu le Fils et les mérites de sa croix. Comme un vent violent
il vient dans le cœur des apôtres et dans le coeur des chrétiens,
et il vient encore chaque jour en eux pour s’en emparer et les lancer dans
la voie de la justice et de la vérité. Ma fille, voilà
ce que j’ai fait.
« Voilà ce que fait aussi le prêtre chaque
jour. Le prêtre fait connaître mon Père. Il le proclame
saint, juste, miséricordieux, tout-puissant, vengeur du crime, rémunérateur
de la vertu, et sa voix est comme un flambeau plein de lumière qui
montre la vérité et détourne des sentiers de l’erreur.
« Le prêtre me donne aux hommes, et en cela le prêtre
participe au pouvoir même de mon Père, qui, dans son amour
pour la créature raisonnable, m’a donné à elle. Il
m’engendre, il me produit, il me donne naissance chaque jour entre ses
mains, comme mon Père éternellement dans son sein. Il me
donne comme réparateur des péchés du monde, comme
victime et holocauste à Dieu, il m’immole sur l'autel, il me donne
en nourriture aux âmes, opérant en moi et sur elles toutes
les opérations de ma mort et de ma vie.
« Le prêtre donne aussi le Saint-Esprit. Un sacrement
a été institué pour le don spécial et particulier
du Saint-Esprit, celui de la confirmation, conféré par l’évêque
qui a en lui la plénitude du sacerdoce. Le prêtre peut donner
aussi le Saint-Esprit par l’administration de ce sacrement; mais il n’exerce
pas ce pouvoir que mon vicaire sur la terre a réservé aux
seuls évêques. Mais s’il ne donne pas directement le Saint-Esprit
par l’administration de la confirmation, il le donne par tous les autres
sacrements en donnant la grâce sanctifiante à l’âme;
il le donne surtout par l’Eucharistie; car, là où je suis,
le Saint-Esprit y est aussi, et quand le prêtre me donne en communion,
il donne le Saint-Esprit, et en me donnant, et donnant le Saint-Esprit,
il donne aussi Dieu le Père, et ainsi les trois personnes de la
Trinité sont au pouvoir du prêtre. Il commande, elles obéissent;
il commande, Dieu le Père se manifeste aux hommes en leur faisant
sentir sa toute-puissance; il commande, Dieu le Fils se manifeste aux âmes
en leur faisant sentir l’excès de sa miséricorde; il commande,
tout lui obéit au ciel et sur la terre, Dieu se rapproche de l'homme,
Dieu prend l'homme sous sa protection; il commande, les démons fuient
épouvantés, les péchés disparaissent des âmes
qu'ils souillaient, la paix se fait dans ces âmes, la justification
les couvre comme un manteau de gloire, le ciel fermé s’ouvre pour
les recevoir, et l'enfer, entr’ouvert pour les engloutir, se referme sur
lui-même, honteux et plein de rage d'avoir perdu sa proie.
« Voilà l’œuvre du prêtre : en lui sont déposés
tous les pouvoirs du Dieu incarné; à lui sont confiés
tous les trésors de grâces que Dieu veut répandre sur
les hommes, puisqu’il accomplit tout ce que j'ai accompli sur la terre,
puisque je lui suis confié, et qu'il a la garde du tabernacle où
je réside. Quelle grandeur! Elle surpasse celle des anges, ministres
de Dieu. Le prêtre, c'est un autre moi-même; j’agis par lui
comme j’agirais par ma propre personne. Sur la terre, je m’offris à
mon Père en sacrifice, et je priai pour les hommes; le sacrifice
et la prière sont aussi les deux grandes fonctions du prêtre.
Sur la terre, j’évangélisai les pauvres, les ignorants et
tous ceux qui voulaient entendre la parole de la vie. Le prêtre annonce
aussi la bonne nouvelle à tous les hommes. Sur la terre, je fatiguai
mes pieds comme un bon pasteur à la recherche de quelques brebis
égarées, je remis sur la voie la femme de Samarie et Marie-Madeleine;
le prêtre aussi fatigue ses pieds à travers le monde, cherchant
toutes les âmes égarées pour leur montrer le ciel.
Sur la terre, je pardonnai les péchés de la femme adultère
et du paralytique; le prêtre pardonne tous les péchés
des hommes. Sur la terre, je guéris toutes les infirmités
du corps, je rendis l’ouïe aux sourds, la vue aux aveugles, la parole
aux muets, le mouvement aux perclus, je rendis la vie aux morts; le prêtre
guérit toutes les infirmités, il rend également l’ouïe
à ceux qui ont des oreilles et qui n’entendent point, la vue à
ceux qui ont des yeux et qui ne voient point, la parole à ceux qui
ont une langue pour parler et qui ne parlent point, le mouvement à
ceux qui ont des pieds pour marcher et qui ne marchent point, la vie à
ceux qui paraissent vivants et qui pourtant sont dans la mort.
« Que tout cela ne vous étonne point, car je suis
en chacun de mes prêtres, j’opère en eux et par eux tout ce
qu'ils veulent; aussi leur action ne diffère en rien de mon action;
et, comme toute ma vie, toute la vie du prêtre tend ou doit tendre,
à cause de son caractère, de sa dignité et de ses
pouvoirs, à une seule chose, à l’union de Dieu avec les hommes
par les mérites du Fils de Dieu fait homme. Il doit produire Dieu
dans les âmes et engendrer les âmes à Dieu. Il est ainsi
sur la terre le réparateur perpétuel à la justice
de mon Père, le rédempteur, le sanctificateur des âmes,
et tout cela par moi, avec moi, en moi.
« O grandeur et puissance du prêtre! ô action
étonnante du prêtre! Oh! puissent tous les prêtres avoir
constamment sous les yeux ces trois titres, qui sont leurs titres parce
qu'ils sont les miens, de réparateur, de rédempteur, de sanctificateur.
Qu'ils réparent, en se détachant de tout pour s’attacher
à Dieu et lui donner toutes choses; qu'ils rachètent en souffrant,
en se mortifiant, en sacrifiant leur vie et unissant leurs souffrances,
leurs mortifications, leurs sacrifices aux miens; qu'ils sanctifient en
ce sanctifiant eux-mêmes par ma sainteté et en la répandant
sur les âmes comme une semence qui sera toujours fertile et féconde.
« Ma fille, priez beaucoup à cette intention, priez
pour mes prêtres; on ne prie point assez pour eux. Les fidèles
oublient trop qu'il y a des jours choisis par mon Église pour demander
par la prière les grâces qui sont nécessaires à
ceux qui doivent être initiés au sacerdoce. Les fidèles
oublient trop que c'est une obligation pour eux de prier pour les prêtres,
qui sont leurs pères dans l’ordre du salut. Les fidèles oublient
trop que c'est une obligation pour eux de prier pour les prêtres,
qui leur donnent la vie de la grâce au baptême, la vie et l’entretien
de la vie par les autres sacrements, et par le sacrement de pénitence
la réparation de la vie ou la résurrection à la vie
qu'ils avaient perdue par le péché. Les fidèles oublient
trop de prier pour les prêtres, qui ont toujours des bénédictions
pour eux, au jour de leur naissance, comme à celui de leur trépas,
au jour de leur mariage comme au jour où la mort vient les séparer.
Oui, les fidèles oublient trop de prier pour les prêtres,
qui consolent, qui soutiennent, qui relèvent, qui encouragent ceux
qui leur sont confiés, qui se dévouent chaque jour et à
chaque instant du jour pour eux, et qui dans le salut des âmes cherchent
leur propre salut.
« Le prêtre épuise ses forces en les appliquant
constamment aux besoins des fidèles; il faut que les fidèles
se le rappellent et qu'ils rendent aux prêtres les forces qu'ils
dépensent pour eux, en demandant à Dieu de ne point laisser
au dépourvu ceux qu'il a choisis pour ses ministres sur la terre.
« Ma fille, priez beaucoup pour ceux qui prient constamment
pour vous et qui se donnent pour vous comme je me suis donné moi-même
sur la terre.
« Priez ma fille, pour les prêtres; mais à
la prière joignez le respect le plus profond et la vénération
la plus grande pour la dignité du prêtre. Il faut prier pour
le prêtre, parce qu'il porte le sacerdoce dans une chair faible et
penchée vers le mal; il faut respecter le prêtre, parce que,
dans sa personne, il porte la même dignité que celle du Fils
de Dieu, le sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech.
« Respectez tous les prêtres, honorez-les tous,
mais entre tous celui qui a le soin et la conduite de votre âme.
Celui-là est l’ami fidèle dont il est parlé dans les
saints livres et à qui rien ne peut être comparé. Confiez-vous
à lui; il est près de vous mon représentant, il agit
en mon nom et selon mes desseins. Montrez-vous à lui telle que vous
êtes, avec la connaissance que vous avez de ce qu'il y a de défectueux
en vous, afin qu'il puisse tout corriger. Le prêtre étant
le médecin de votre âme, s'il ne connaît pas votre âme,
comment la guérira-t-il? Regardez-moi en la personne de votre directeur;
écoutez sa parole comme ma parole, ses conseils comme mes conseils,
ses ordres comme mes ordres. Faites tout ce qu'il vous dira, et faites-le
par obéissance et par soumission. Dans vos peines et vos afflictions,
parlez-lui à coeur ouvert, il vous consolera; dans les troubles
de votre âme, allez à lui, il vous rendra la paix. Il vous
montrera la voie de la vérité et de la vie, suivez-la. Il
vous détournera de plus en plus du péché pour vous
attacher à Dieu, suivez cette impulsion. Il vous transformera tantôt
par des paroles pleines de douceur, tantôt par des reproches que
vous mériterez, tantôt par une contradiction, tantôt
par une forte épreuve, tantôt enfin en vous excitant de plus
en plus à marcher sur mes traces et à suivre mon exemple.
« Ma fille, ne l’oubliez jamais, celui qui outrage ou
méprise un prêtre se rend coupable d’un sacrilège et
mérite le même châtiment que les Juifs outrageant et
méprisant le Fils de Dieu. Au contraire, béni sera par mon
Père celui qui, voyant dans le prêtre un autre moi-même,
l’honorera, le respectera, le vénérera comme le mérite
la grande dignité dont il est revêtu. »
Ces paroles du Sauveur Jésus pénétrèrent
jusqu’au fond de mon âme. Je ne m’étais jamais fait une idée
exacte du prêtre. Je ne l’avais jamais compris comme je le compris
en ce moment. Cet entretien de Jésus sur le prêtre fut pour
moi comme une lumière éclatante qui me permit de regarder
fixement la grandeur du sacerdoce et de la comprendre autant que je le
pouvais par l’intelligence que Dieu avait mise en moi. Je ne puis mieux
exprimer que par cette comparaison de la lumière ce qui se passait
en moi quand Jésus me parla du prêtre, car je voyais bien
plus que je n’entendais ce qu'il me disait. Aussi je sens combien ce que
je viens d’écrire est inférieur à ce qu'il m’a dit
ou plutôt à ce qu'il m’a fait voir. Je me suis exprimée
aussi bien que je l'ai su; mais, quand j’aurais pu m’exprimer mieux encore,
je n’aurais point dit tout ce que le Sauveur Jésus m’a montré
sur le sacerdoce
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 12
Après m’avoir parlé du prêtre, le Sauveur
Jésus m’a parlé du chrétien; « Ma fille, me
dit-il, je vous ai parlé du prêtre, je veux vous parler aujourd'hui
du chrétien. Le chrétien comme le prêtre est un autre
moi-même, par conséquent le chrétien est prêtre
aussi puisqu’il me ressemble et que je suis prêtre éternel.
Il y a néanmoins une grande différence entre ces deux sacerdoces.
Le sacerdoce du chrétien n’est qu’une participation du mien qui
lui est donnée par le baptême; tandis que celui du prêtre
est la réalité même de mon sacerdoce qui lui est donnée
par le sacrement de l’ordre.
« Le baptême donne la vie, et toute vie vient de
Dieu et doit retourner à Dieu. Or, ce retour de celui qui a reçu
la vie à celui qui la lui a donnée est un sacrifice, et ce
sacrifice demande et requiert nécessairement un sacrificateur, un
prêtre. C’est le chrétien. Tout prêtre offre une victime.
Quelle est la victime que le chrétien-prêtre offre à
Dieu? C’est lui-même, son corps, son âme, ses facultés,
tout ce qui est en lui. Toute victime immolée requiert un temple,
lieu consacré pour le sacrifice. Quel est-il? Son cœur. Il faut
quelqu'un à qui on l’offre. A qui donc? À Dieu. Pourquoi
cela? Pour retourner à lui, pour unir sa vie à la vie de
Dieu, pour transformer sa vie en la vie de Dieu. Car l’immolation n’est
pas une annihilation, une destruction complète. Le chrétien
mourant chaque jour à lui-même ne se détruit pas complètement
par son immolation, ne s’annihilie pas par sa mort; par son immolation
et par sa mort il va à Dieu; par son immolation il enlève
tout ce qui est en lui pour recevoir ce qui est en Dieu; par sa mort, il
change de vie pour vivre de la vie de Dieu; l’immolation et la mort le
transforment complètement. La vie de Dieu ne peut venir en l'homme
que par la destruction de la vie humaine, et voilà pourquoi le chrétien
qui est prêtre immole sa vie pour recevoir en lui la vie de Dieu.
Le chrétien qui est prêtre immole la vie qu'il sent en lui
et qui est matérielle, grossière, terrestre, animale et charnelle;
il sacrifie chaque jour cette vie, et plus il se sacrifie, plus, même
dès ici-bas, sa vie devient pure, céleste, spirituelle, sainte,
divine. Le sacrifice donc n’anéantit pas la vie, il la transforme.
Et quand arrive pour chaque chrétien l’immolation parfaite, entière,
consommée de lui-même par la mort, alors la transformation
aussi est complète et le sacrifice est terminé. Et ce sacrifice,
cette immolation, comme la transformation produite par ce sacrifice et
cette immolation, c'est moi qui l’opère dans chaque chrétien;
par ce que Dieu ne veut agréer cette offrande ni faire participer
à sa vie que par moi. Aussi, le chrétien offrant le sacrifice
dont il est lui-même la victime doit s’unir à moi, qui l’offrirai
à mon Père en m’offrant avec lui. Dieu l’acceptera et déposera
en lui sa vie comme il l’a déposée en moi dans sa totalité.
« Ainsi le chrétien par son sacerdoce me devient
semblable. Je m’offre à Dieu continuellement, je suis à la
fois le prêtre et la victime de mon sacrifice, et par lui je retourne
à Dieu; il en est de même du chrétien. Il s’offre continuellement
à Dieu, il est à la fois prêtre et victime du sacrifice,
qui transforme sa vie en la vie de Dieu.
« Le chrétien est prêtre, et il s’offre à
Dieu en sacrifice. Le chrétien est prêtre, et parce qu'il
est prêtre, il m’offre moi-même à Dieu. Il me prend
non-seulement au moment de mon sacrifice sur l'autel pendant la sainte
messe, mais encore à chaque instant de la journée dans le
sacrement de mon amour, où je suis et demeure constamment à
l’état de victime, et il m’offre à Dieu pour satisfaire à
sa divine justice, pour le remercier des bienfaits qu'il lui a accordés,
pour lui demander de nouvelles grâces, pour reconnaître son
souverain domaine sur toutes choses et lui présenter une victime
digne de lui.
« Ainsi, ma fille, j’offre à Dieu le chrétien
qui s’offre lui-même, et le chrétien m’offre aussi à
mon Père, et mon Père reçoit la victime que je lui
offre et celle que lui offre le chrétien, et par cette réception
il consomme en lui toute créature.
« C'est le baptême qui donne au chrétien
participation de mon sacerdoce, qui fait le chrétien prêtre;
c'est le baptême aussi qui fait le chrétien fils de Dieu,
frère du Fils de l’homme et le cohéritier de ma gloire du
ciel.
« Comment s’opère ce prodige? Ma fille, par la
vertu du Très-Haut, qui vient entourer celui qui est baptisé;
le Saint-Esprit descend en lui, et en ce moment même l’œuvre est
consommée. Dieu par le baptême vient engendrer le chrétien
au sein de l’Église. Il le dépose en elle, et lui donne vie
en elle comme dans le sein d’une mère. Il le lui confie et lui dit
: Celui-ci est mon fils bien-aimé; j’ai mis en lui toutes mes complaisances.
Savez-vous quelles sont ces complaisances déposées par Dieu
dans le chrétien? c'est la grâce sanctifiante, la participation
de sa vie divine, participation qui rend le chrétien fils de Dieu,
et qui permet au chrétien d’appeler Dieu son père.
« Le chrétien est fils de Dieu par adoption, comme
je le suis par nature; or, les fils d’un même père sont frères
entre eux, je suis donc frère du chrétien et le chrétien
est mon frère, par cela seul que Dieu l’a adopté pour son
fils. Pour augmenter et perfectionner cette fraternité, je me suis
fait homme et je suis né de Marie, afin que frère de l'homme
parce que Dieu l’adoptait pour son fils, je le fusse aussi en tant qu’homme
par l’adoption que ma Mère ferait de tous les hommes; et Marie adopta
tous les hommes pour ses enfants sur le Calvaire, en la personne de saint
Jean, comme mon Père dans le ciel les adopte au moment du baptême.
« Cette adoption ne doit pas durer seulement dans le temps,
le chrétien ne doit pas seulement être mon frère tant
qu'il demeure ici-bas; car les dons de Dieu sont parfaits, et s’il adopte
l'homme sur la terre, c'est pour l’éternité. Le chrétien
est mon frère, il viendra demeurer avec moi et participer à
ma royauté et à ma gloire du ciel. Il viendra se plaire en
mon Père pendant les siècles des siècles, et à
mon exemple rendre à jamais gloire à Dieu.
« Voilà la dignité du chrétien. Dieu
fait passer en lui sa vie en lui enlevant la vie de péché
et lui donnant sa grâce. Je fais le chrétien mon frère,
je lui donne le nom d’ami, je l’appelle à ma gloire du ciel. Vous
devez comprendre par-là combien grands sont les péchés
de ceux qui ont reçu la grâce du baptême, consécration
toute spéciale à la Divinité. Vous devez comprendre
quelle injure le chrétien fait à Dieu qui est son Père,
au Fils de Dieu qui l’appelle son ami et son frère, au Saint-Esprit
qui habite en lui par la grâce. Vous devez comprendre quelle est
la folie du chrétien qui renonce à tous ces titres pour devenir
rebelle à Dieu, qui renonce au ciel pour mériter l’enfer.
« Malheur à ceux qui agissent ainsi! leur caractère
de chrétien ne disparaîtra jamais, et la justice éternelle
en vengera la profanation. Heureux, au contraire, ceux qui conserveront
toujours ce caractère avec la beauté et la gloire que Dieu
y a attachées! ils brilleront comme des astres lumineux dans la
cité céleste où ils seront récompensés.
»
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 13
La voix du Sauveur Jésus se fit entendre, un jour, à
mon oreille, il me dit : « Ma fille, faites tout par amour pour moi,
telle est ma volonté; en agissant ainsi vous ne ferez rien d’inutile.
Si vous me connaissiez bien et tel que je suis, vous ne pourriez vous empêcher
de m’estimer, et l’estime que vous me porteriez produirait en vous l’amour
pour moi. Or, vous le savez, ma fille, l'amour n'est pas seulement un sentiment
du coeur, ce ne serait là qu’un amour superficiel et peu solide.
L'amour doit être actif; c’est à vos actes que je reconnaîtrai
l’amour que vous avez pour moi. Aussi, quand vous ferez une action quelconque,
supposez que je vous dis : Mon enfant, je veux que vous fassiez cette action;
si vous m’aimez, faites-la pour me témoigner votre amour. Agissez
ainsi, et en faisant votre action, dites-moi du fond de votre cœur : Je
vous aime, ô Jésus! Vous voulez que je fasse cette action,
je me soumets à votre volonté; acceptez cet acte comme une
preuve de mon amour pour vous.
« Unissez vos actions à toutes mes actions; les
miennes sanctifieront les vôtres. Renouvelez dans chaque action en
particulier l’offrande générale que vous m’en avez faite
le matin. Il n'est point nécessaire de le faire par parole, cela
vous fatiguerait; contentez-vous d’élever un instant votre esprit
vers moi, comme pour me rappeler votre offrande, cela suffira. Rien n'est
si agréable à Dieu qu'une âme qui fait ainsi tout pour
lui. Écoutez et vous le comprendrez aisément. Une mère
a deux enfants quelle aime de tout son cœur et que ses enfants aiment beaucoup
aussi. Elle désire que ses enfants lui témoignent leur amour
par l’offrande de tout ce dont ils peuvent disposer pour elle, et leur
dit : mes enfants, donnez-moi tout ce dont vous pourrez disposer. Quelque
chose que vous m’offriez, je l’agréerai, regardant moins l’offrande
que les sentiments de votre cœur qui la fera. L’un des enfants, voyant
le désir de sa mère, lui présente tout ce qu'il trouve
sous sa main, même un fruit et une fleur en lui disant : ma mère,
je vous offre cette petite fleur : c'est bien peu de chose; mais je n’ai
rien de valeur plus grande, acceptez-la comme une marque de mon amour pour
vous. La mère, selon vr qu’elle avait dit à ses enfants,
accepte tout avec plaisir, regardant bien plus la tendresse et l’amour
de son enfant que l’objet qu'il lui donne. L’autre enfant ne veut offrir
à sa mère que des présents considérables; mais
n’en ayant que rarement, il ne donne que rarement aussi des preuves de
son amour pour sa mère. ? Pourquoi donc, mon enfant, ne m’offrez-vous
pas de petites choses? Ne vous ai-je pas dit que je considérais
moins l'offrande que vous me feriez, que les sentiments de votre cœur?
? Il est vrai, ma mère; mais ces petites choses sont indignes de
vous et de moi; je veux, quand je vous offre un objet, qu'il soit digne
de vous. Vous pensez bien, ma fille, que cette mère aura plus de
complaisance pour celui de ses enfants qui agit selon ses désirs
et lui donne plus fréquemment des témoignages de son affection.
Eh bien! sachez que Dieu agit comme cette mère.
Enfin, ma fille, suivez mon exemple dans toutes vos actions.
Quand il vous faudra agir, demandez-vous comment j’agirais à votre
place et vous entendrez une voix intérieure qui vous dira : Jésus
agirait pour la gloire de son Père et pour accomplir sa volonté.
Mettez en vous cette conformité de votre action à mes actions,
et vous agirez toujours dans l’ordre et pour le bien. »
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 14
Le Sauveur Jésus m’a donné diverses instructions
pour la règle et le gouvernement des puissances de mon âme.
Je suivrai l’ordre du Sauveur Jésus.
« L’entendement, m’a-t-il dit, est sujet à deux
défauts : l’ignorance et la curiosité. L'homme est tombé
par le péché dans la plus grande ignorance; ce n'est que
par un pénible travail qu'il parvient à savoir quelque chose.
Deux sortes de sciences se présentent à l'homme : la science
des choses humaines; elle n'est pas nécessaire, bien quelle puisse
être utile, souvent elle est dangereuse; la science des choses spirituelles;
celle-ci est nécessaire et indispensable, car tout homme doit apprendre
à connaître et à servir Dieu. Celui qui a cette véritable
science sait qu'il doit préférer les mépris, les humiliations,
les abaissements, les souffrances, aux plaisirs, aux dignités, aux
grandeurs, à l’élévation, à la gloire.
« L’entendement est encore sujet à la curiosité.
Il y a deux sortes de curiosités : la curiosité pour les
choses spirituelles, la curiosité pour les choses indifférentes
ou criminelles. On doit non-seulement ignorer ce qui est criminel, on doit
encore ne point désirer le connaître. On doit être indifférent
pour tout ce qui n'est ni bon ni mauvais, pour ce qui ne regarde pas et
ne peut être d’aucune utilité. On ne doit point chercher à
trop pénétrer les choses spirituelles; il faut savoir se
contenter de peu. Contentez-vous, ma fille, de connaître Dieu et
ce qu'il a fait pour vous, ce qu'il demande de vous et la manière
de lui donner; c’en est assez.
« Consacrez votre mémoire à Dieu; enrichissez-la
de choses bonnes et utiles; oubliez non-seulement celles qui sont mauvaises,
mais encore celles qui sont inutiles ou indifférentes; ne vous occupez
que de ce qui est bien. Votre mémoire trouvera un aliment suffisant
dans tout ce que Dieu a fait pour vous, dans mon incarnation, ma vie obscure
à Nazareth, ma vie publique dans la Judée, ma passion sur
le Calvaire, mes entretiens avec les apôtres, avec mes disciples
et les pécheurs que j’ai convertis; dans les paroles que je vous
adresse, dans celles de ma Mère, dans celles de mes ministres; en
un mot, dans tous les biens que Dieu vous a donnés et qu'il vous
donne chaque jour encore pour opérer votre salut.
« Soumettez toujours votre volonté à la
volonté de Dieu; faites tout ce qu'il vous commandera et de la manière
la plus parfaite. Suivez-en tout la volonté de mon Père,
comme je l’ai suivie, et vous pourrez dire comme moi : Je fais toujours
ce qui lui plaît. N’agissez jamais par amour pour vous-même
ou pour votre satisfaction personnelle, agissez toujours, au contraire,
en vue du commandement de Dieu et pour lui être agréable.
Il mérite de votre part cette conformité à sa volonté,
soit à cause de ses infinies perfections, soit à cause des
bienfaits dont il vous a comblée. Regardez la volonté de
Dieu dans celle de tous ceux qui sont vos supérieurs; soyez soumise
à leurs ordres comme à ceux de Dieu même. Soumettez-vous
aussi à la volonté d’autrui en tout ce qui ne sera pas contraire
à la loi de Dieu, et regardez le dernier des hommes comme votre
supérieur et votre maître. Souvenez-vous que j’ai été
soumis à mes bourreaux, regardant en eux la volonté de mon
Père. Soyez comme moi sans volonté, afin de pouvoir vous
plier en tout à celle de Dieu, comme la cire qui devant le feu prend
toutes les formes qu’on veut lui donner. Quand il vous surviendra quelque
tentation, ne la rejetez pas immédiatement, vous pourriez le faire
par un mouvement de volonté propre; mais retirez-vous aussitôt
près de moi. Alors vous pourrez lutter et repousser sans crainte
la tentation, en vue uniquement d’éviter ce qui déplait à
Dieu. De même, lorsqu’une bonne pensée surgira dans votre
âme, ne vous y attachez point de vous-même et par votre propre
volonté. Levez plutôt votre œil vers Dieu pour voir ce qui
lui est agréable; vous suivrez ensuite cette bonne pensée;
elle tournera à la gloire de Dieu et à votre sanctification.
Ne soyez attachée à rien, pas même à ce qu'il
y a de meilleur, ni à la prière, ni à la retraite,
ni à la communion, ni même à ma parole. En ne faisant
rien pour votre propre satisfaction, et ne désirant en tout que
le parfait accomplissement de la volonté de Dieu, vous aurez toujours
la paix en vous. Quand on est troublé ou affligé de ne pouvoir
prier, ou communier, ou entendre ma parole, n’est-ce pas une preuve qu'on
cherche dans la prière, dans la communion, dans ma parole sa propre
satisfaction? N’est-ce pas une preuve qu’on s’attache plus à la
prière, à la communion, à ma parole, à cause
du plaisir qu'on y trouve que pour plaire à Dieu?
« Une personne trouve de l’attrait dans la prière
: Dieu l’appelle ailleurs; mais elle veut achever sa prière et elle
se trouble, parce que son esprit est tout préoccupé de ce
qui réclame ailleurs sa présence ou ses soins. Comment en
serait-il autrement? Comment conserverait-elle la paix de Dieu qui l’appelle
ailleurs? Elle eût bien mieux fait de prier moins longtemps ou de
différer sa prière et d’aller où Dieu l’appelait.
Elle eût ainsi conservé le calme et la tranquillité,
et Dieu l’eût exaucée plus tard, parce quelle se serait soumise
à sa volonté.
« Ne prenez attache ni plaisir à aucune de vos
actions; soyez toujours dans la disposition de l'interrompre, si c'est
nécessaire, avec calme et égalité d’âme, faisant
à Dieu de bon coeur le sacrifice de votre volonté. Quand
vous serez contrariée ou affligée de l’interruption forcée
d’un travail, d’une prière, d’un exercice de piété,
pensez que vous faisiez ce travail, cette prière, cet exercice de
piété, plus pour votre propre satisfaction que pour la gloire
de Dieu.
« Les choses pour lesquelles vous vous sentirez le plus
de goût ou d’inclination sont celles que vous devez entreprendre
avec le plus de réserve, de peur de vous y attacher et de les faire
plutôt pour vous que pour Dieu. Celles, au contraire, qui vous paraîtront
désagréables, difficiles ou pénibles, et pour lesquelles
vous aurez de la répugnance, sont celles que vous devez entreprendre
avec le plus d’empressement, n’ayant à redouter ni les complaisances
de l’amour-propre, ni votre satisfaction. Ce sacrifice honorera Dieu et
lui sera fort agréable. »
Le Sauveur Jésus m’a ainsi entretenue sur les facultés
de mon âme. Il m’a parlé plusieurs fois sur ce même
sujet, insistant toujours sur ma volonté et me disant sans cesse
: « Ma fille, n’ayez point de volonté propre; mourrez au monde
et à vous-même, mortifiez vos sens, déracinez vos passions,
combattez vos inclinations, ne vous attachez qu’à Dieu, ne désirez
que Dieu, n’aimez que Dieu ou pour Dieu, ne cherchez que Dieu, ne vivez
que de Dieu, pour Dieu et selon Dieu, soyez toujours unie à Dieu,
veillez et priez, combattez toujours, mortifiez toujours votre volonté
et vos inclinations, ainsi vous serez avec Dieu et rien ne pourra vous
séparer de lui. »
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 15
« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, marchez
toujours dans la simplicité et la sincérité de votre
cœur; éloignez de vous la dissimulation et que votre extérieur
suive les modifications de votre intérieur.
« Que votre maintien soit doux, humble, modeste, et votre
abord facile à tout le monde. Que votre visage ne dévoile
jamais vos peines ou vos contradictions. Soyez bonne, prévenante,
affable, complaisante pour tous, et que toujours un sourire plein de charité
soit prêt à paraître sur vos lèvres. Gardez vos
yeux dans la modestie et la réserve; ne leur accordez point trop
de liberté. Ne prêtez point l’oreille, je ne dis pas seulement
aux choses criminelles, mais même aux indifférentes; ne faites
aucune attention aux bruits qui parcourent le monde. Gardez votre langue
et gouvernez-la bien, vous marcherez rapidement dans le chemin de la perfection.
Ne parlez jamais par envie de parler, mais toujours pour un bon motif,
par nécessité, complaisance, condescendance, honnêteté
ou charité. Quand vous aurez plaisir à dire quelque chose
qui ne sera point nécessaire, ne le dites pas pour vos mortifier;
mais quelque peine que vous éprouviez à parler, parlez si
cela est nécessaire, et parlez avec la même douceur que si
vous trouviez du plaisir dans vos paroles. »
Ainsi me parlait le Sauveur Jésus, m’enseignant à
tout modifier en moi et à faire tout tourner à la gloire
de Dieu.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 16
Mais ce n'était pas seulement les sens intérieurs
et extérieurs qui s’élevaient contre moi et qui avaient besoin
d’être sinon abattus, du moins bien dirigés. Les objets extérieurs
venaient toujours me distraire et me dissiper. La peine que j’en éprouvais
était si grande, que j’aurais été bien heureuse de
perdre l'usage de mes sens qui m’empêchaient, par ce qui se présentait
à eux, d’être fidèle aux règles que me donnait
le Sauveur Jésus, et me faisaient perdre si facilement la présence
et le souvenir de Dieu.
Voici ce que m’a dit à ce sujet le Sauveur Jésus
: « Ma fille, ne vous attristez pas. Ayez toujours une foi vive et
bien éclairée, et les objets extérieurs, loin de vous
faire oublier Dieu, vous attacheront à lui de plus en plus. Sachant
que Dieu est le créateur et le conservateur de toutes choses, vous
devez reconnaître qu'il en est la fin. Voyant combien sont parfaites
les œuvres de Dieu, vous adorerez dans les créatures les perfections
infinies de Dieu qui paraissent en elles. Reconnaissant que c'est Dieu
qui conserve tout par sa providence, et que cette conservation est comme
une création nouvelle de chaque moment, vous rendrez hommage à
sa toute-puissance. Ainsi, tout dans la création vous élèvera
à Dieu, vous attachera à lui. Tout vous parlera de Dieu,
de sa bonté qui a tout fait pour l'homme et l'homme pour lui seul,
de sa providence qui veille sur tout et prend soin de tout; de sa justice
et de sa miséricorde qui dirigent les hommes. Les afflictions, les
peines, les souffrances corporelles ou spirituelles, le travail, la mort,
tous les maux qui remplissent le monde vous feront reconnaître sa
justice, et vous adorerez la profondeur de ses jugements sur les hommes.
Vous y reconnaîtrez aussi sa miséricorde. Quelle miséricorde
plus grande, en effet, Dieu pourrait-il témoigner à l'homme,
que d’accepter ses peines, ses afflictions, ses souffrances, comme satisfaction
de ses péchés. En cela apparaît la miséricorde
divine, aussi bien que dans l’effusion des grâces et des bienfaits
de Dieu sur l’humanité.
« Jetez un regard sur l’univers, et l'univers vous dira
encore la sagesse et l’indépendance de Dieu. Quelle multitude innombrable
de familles, de peuples, de nations! Quel ordre pourtant dans le gouvernement
supérieur de ces nations, de ces peuples, de ces familles! La volonté
de Dieu est au-dessus de toute volonté; il n’en reconnaît
point de plus puissante, ni même d’égale à la sienne.
Il règle, il dispose tout comme il lui plaît. Il est le maître
de la terre; il la partage, il la divise et donne à chaque nation
ce qui doit lui revenir. Dans chaque nation, il donne aux divers individus
qui la composent les biens qui doivent leur appartenir. Il lie tous ces
individus entre eux par la nécessité qu'ils ont de pourvoir
à leur existence par le travail, indispensable à l'homme
depuis le péché. Quelle variété de professions
et de métiers! Qui a établi ces professions et ces métiers
si ce n'est Dieu, afin de pourvoir diversement à la subsistance
des hommes? Ainsi chacun travaille pour autrui en travaillant pour soi.
Les uns cultivent les sciences et ornent leur esprit, en même temps
qu'ils enrichissent la société de leurs connaissances diverses
qui sont pour elle pleines d’utilité. Les autres s’exposent à
de grands périls, traversent les mers, supportent de grandes fatigues
pour procurer à leurs semblables ce qui peut leur être nécessaire,
et, en échange de ces marchandises, ils reçoivent des valeurs
par lesquelles ils pourvoient eux-mêmes à leur subsistance.
« Ainsi, tout ce que vous voyez doit vous rappeler le
souvenir de Dieu et vous attacher à lui, au lieu de vous le faire
oublier. Il donne la vie et le mouvement aux animaux les plus vigoureux
et les plus terribles comme aux plus faibles et aux plus inoffensifs, et
sa providence indique à chacun sa pâture de chaque jour.
« Tout doit non-seulement vous rappeler Dieu, mais encore
vous faire souvenir que tout ce qui a été fait a été
fait pour l'homme et l'homme pour Dieu. Le plus petit brin d’herbe ou la
plus humble fleur des champs ne vous dit-elle pas : Je suis faite pour
vous, vous êtes faite pour Dieu? Ma fille, celui qui reçoit
un don ou un bienfait, peut-il ne pas reconnaître le bienfaiteur?
Celui qui considère un ouvrage, peut-il ne point penser à
l’ouvrier? Et quand tout vous parle des perfections de Dieu, de sa puissance,
de sa justice, de sa miséricorde, de sa providence, de son indépendance,
ne devez-vous pas être transportée d’admiration et d’amour?
Ne devez-vous pas penser à lui, le remercier et lui dire : Mon Dieu,
vos œuvres sont parfaites; je m’unis à vous et vous rends grâces
pour toutes vos bontés. Agissez ainsi, et les objets extérieurs,
et vos sens, et vos facultés vous serviront merveilleusement pour
achever votre perfection.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 17
Je me trouvais un jour dans un état qui me parut déplorable.
Je ne sentais pas en moi de sentiments affectueux pour le Sauveur Jésus.
Au souvenir de mes péchés, je n’éprouvais pas de douleur
dans mon âme, et j’accomplissais mes actions pendant cette journée
sans les offrir au bon Dieu. En examinant mon état pendant ce jour,
je me vis telle que je viens de le dire et je m’attristai; je tombai à
genoux, priant le Sauveur Jésus d’avoir pitié de moi. Il
me sembla aussitôt entendre sa voix dans mon coeur. Voici ce qu’il
me dit :
« Vous vous trompez, si vous pensez ne point m’aimer parce
que vous ne pouvez prier avec attention, parce que votre esprit est distrait
et dans la sécheresse; parce que votre cœur n’éprouve point
pour moi des sentiments affectueux. Quand vous serez dans cet état,
rappelez-vous ce que j’ai dit lorsque j’étais sur la terre : «
Celui qui m’aime garde mes commandements. Car l'amour se montre plus par
des actes que par des sentiments. » Les sentiments ne dépendent
pas toujours de vous; quelquefois même je me plais à les retirer
d’une âme pour l'éprouver; mais je ne l'empêche pas
d’accomplir ma loi, d’être fidèle à mes commandements;
si quelquefois elle ne peut me témoigner son amour affectif, elle
peut toujours me témoigner son amour effectif. Ainsi donc, ma fille,
pourvu que vous ne vouliez point vous séparer de moi par le péché,
pourvu que vous désiriez me demeurer toujours unie par l’observation
de mes préceptes, pourvu que vous priiez, parce que vous connaissez
votre misère et ma bonté, soyez calme et tranquille, vous
me prouvez ainsi votre amour d’une manière suffisante.
« Vous vous trompez aussi, si vous pensez n’avoir point
la contrition de vos péchés, parce qu’en vous les rappelant
vous ne ressentez pas en vous une douleur sensible de ces péchés.
La marque d’une contrition sincère, la contrition elle-même,
est dans la haine et la détestation des péchés passés
et dans l’intention de ne plus pécher à l’avenir. Voilà
la contrition. La contrition ne requiert nullement qu’on verse des pleurs.
Les larmes sont un don particulier de Dieu. Il le donne à qui il
lui plaît; il ne le donne pas à tout le monde; mais il donne
à tous de pouvoir détester le péché et d’avoir
l’intention de ne plus pécher, car il donne à tous ceux qui
le veulent le moyen de se repentir du mal qu’ils ont fait. Ordinairement,
ceux qui craignent de n'avoir point la contrition, l’ont réellement.
S’ils ne l'avaient point, ils n’y aviseraient pas autant. Ainsi donc, ma
fille, tant que vous n’aurez point d’attache à vos péchés
passés, tant que vous les détesterez, tant que vous serez
dans l’intention véritable de ne plus pécher, soyez calme
et tranquille, vous avez la contrition de vos fautes, et vous êtes
dans un état qui m’est agréable ainsi qu’à Dieu mon
Père.
« Enfin, vous vous trompez, ma fille, si vous croyez que
vos actions sont sans mérite, parce que vous ne tiendrez pas toujours
votre intention unie à Dieu. La faiblesse de votre nature est telle
que, depuis le péché d’Adam, il est impossible pour vous
comme pour tous les hommes, de vous tenir ainsi constamment unie à
Dieu. Combien même est petit le nombre de ceux qui offrent en particulier
à Dieu chacune de leurs actions! Tâchez d’être de ce
nombre, et quand votre intention ne sera pas permanente pendant chacune
de vos actions, soyez sans inquiétude, cette action sera pourtant
agréable à Dieu et méritoire pour vous. Il en serait
encore ainsi quand même vous n’auriez offert à Dieu vos actions
que d’une manière générale au commencement de la journée,
si vous n’aviez rétracté pendant cette journée d’aucune
manière votre intention du matin. Il est mieux d’offrir en particulier
chaque action; mais ce n'est pas un mal de ne point le faire. On ne perd
point le mérite de ses actions en ne le faisant pas, si l’offrande
générale en a été faite à Dieu.
« Courage, ma fille, et confiance en votre Dieu. Je suis
votre rédempteur; je ne vous demande que l’abandon à ma miséricorde,
la confiance en ma bonté et l’observation de mes commandements,
que je rends facile par l'effusion de toutes mes grâces.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 18
Un jour de printemps, j’avais quitté ma chambre de bonne
heure; après avoir mis l’ordre partout, je m'étais dirigée
vers la maison de Dieu. En marchant, j’avais admiré le renouvellement
qui s’opérait dans la nature. Le soleil était brillant à
l’horizon; le ciel était sans nuage; l’air était frais, mais
doux et tempéré; les buissons se couvraient de feuilles;
déjà même les abricotiers avaient fleuri. En entant
dans l’église, je remerciai Dieu des biens qu'il semblait nous promettre
pour l'avenir. Le Sauveur Jésus me dit bientôt après
: « Ma fille, ce n'est point vous-même qui avez appliqué
votre esprit à la contemplation du changement qui s’opère
en ce moment dans la nature, c'est moi. Vous allez mieux comprendre maintenant
ce que j’ai à vous dire. Je veux vous parler de la conversion du
pécheur. La terre pendant l’hiver est l’image du pécheur.
Le soleil éloigné ne réchauffe plus la terre en cette
saison; il ne la féconde plus, et la terre semble être dans
la mort. Ainsi le pécheur n'est plus vivifié par Dieu dont
il s’est séparé par le péché; il ne vit plus,
il est mort. Or, ma fille, ce temps de péché est comme l’hiver
de l’âme. Pauvres âmes, combien n’ont qu’un hiver continuel!
Si elles savaient du moins comprendre le langage des merveilles qui s’opèrent
sous leurs yeux. Est-ce que ce réveil de la nature, cette nouvelle
vie qu’elle semble reprendre ne doit pas inviter le pécheur à
se réveiller aussi, à sortir de sa léthargie, à
reprendre la vie, à se convertir à Dieu?
« Savez-vous, ma fille, ce que c'est que la conversion?
Avez-vous jamais compris ce mot, conversion? N’avez-vous point vu dans
votre jardin des fleurs qui sont constamment tournées vers le soleil,
et qui semblent trouver vie et force dans ce regard de l'astre du jour?
Eh bien! ma fille, l’âme est comme cela avec le soleil qui est sa
force et sa vie. Tant qu'elle le regarde, tant qu'elle reçoit sa
lumière, elle vit; quand elle ne le regarde plus, elle perd sa vie.
Le pécheur est celui qui n'est plus ainsi tourné vers Dieu,
c'est celui qu’une désobéissance grave a détourné
de Dieu. Se convertir, c'est se détourner du péché,
se retourner vers Dieu. Alors le pécheur reprend la vie; il reprend
le mouvement surnaturel, sa marche vers Celui qui est son principe et qui
doit être sa fin.
« Je veux vous dire comment il faut faire pour se convertir,
quelle est la nécessité de la conversion, les signes d’une
vraie conversion, les moyens de l’entretenir.
« Pour se convertir, ma fille, il faut deux choses : se
détourner du péché, fuir le monde et ses maximes,
renoncer à Satan, lutter contre soi-même; puis se tourner
vers Dieu, recevoir sa lumière, écouter sa parole, se donner
à lui.
« Se détourner du péché : car se
convertir c'est chercher la vie, la lumière, le mouvement vers Dieu,
et le péché, c'est la mort, les ténèbres, la
fuite de Dieu. Il faut fuir le monde, car la conversion, c'est le désir
du ciel et de la possession de Dieu. Or, le monde fait oublier le ciel
et acquérir l’enfer. Il faut renoncer à Satan; car la conversion,
c'est la recherche du bien, c'est l’hommage à Celui qui veut être
votre récompense après avoir été votre créateur
et votre bienfaiteur. Or, Satan, c'est le mal, c'est le révolté
du ciel, celui qui veut ravir à Dieu l’hommage qui lui est dû.
Se convertir,
c'est se renoncer soi-même. Qu’est-ce que l'homme, ma fille?
un être raisonnable fait à l’image de Dieu, mais incliné
vers le mal depuis sa chute, faible et sans consistance. Or, la conversion,
c'est la direction vers le bien, c'est la recherche de la force et de la
vigueur. Où les trouverez-vous? En Dieu : voilà pourquoi
se convertir, c'est encore se tourner vers Dieu, recevoir sa lumière,
écouter sa parole, se donner à lui.
« C'est se tourner vers Dieu, c’est-à-dire le regarder
comme créateur, comme souverain, comme maître absolu, et se
regarder soi-même comme sa créature, comme sa possession.
C'est recevoir sa lumière; car se convertir, c'est marcher, c'est
se mouvoir; on ne marche pas dans les ténèbres, au moins
d’une manière sûre et ferme. C'est écouter sa parole;
car se convertir, c'est obéir à celui vers lequel on va,
et pour cela, il faut connaître sa volonté ou écouter
sa parole. C'est se donner à lui; car se convertir, c'est reconstituer
les choses dans leur premier état, comme avant le péché.
Or, alors l'homme appartenait à Dieu, Dieu se l’était donné
à lui-même; il faut donc que la conversion du pécheur
soit aussi le don de lui-même à Dieu.
« Ma fille, la conversion est nécessaire au pécheur.
Dieu, en effet, ne veut pas sa mort, mais sa conversion. Puisque telle
est la volonté de Dieu, le pécheur devrait donc se convertir.
Mais il ne le doit pas seulement à cause de Dieu, il le doit encore
à cause de lui-même. Sans cela, que deviendrait-il? Il mourra
dans le péché, il méritera la malédiction de
Dieu, il sera malheureux pour jamais. Il doit donc se convertir, et promptement.
Qu’est-ce la vie continuée au pécheur, si ce n'est un moyen
de miséricorde que Dieu lui donne pour qu'il opère sa conversion?
Ce don de Dieu ne durera pas toujours. Nul n’en connaît la durée.
Dieu peut le retirer à chaque instant. Et cependant que disent les
pécheurs? Ils renvoient à plus tard. Ce plus tard est-il
à eux? Ils disent; Demain. Ce demain est-il donc à eux? Demain!
Et pourquoi pas aujourd'hui? Dieu n'est-il pas prêt aujourd'hui?
Et eux ne sont-ils pas intéressés aujourd'hui? N'est-ce pas
être insensé de compter sur l’avenir? Sera-ce dans la mort
qu’on pourra trouver sa conversion? Non; il n'y aura là que condamnation,
parce qu'il n'y aura que justice. Chaque jour, nombre de pécheurs
sont surpris par la justice de mon Père. Ils disaient, eux aussi
: demain, plus tard. Le lendemain l’enfer s’ouvrait sous leurs pas. La
conversion du pécheur n'est donc pas seulement une chose nécessaire,
mais pressante et qu’on ne doit retarder sous aucun prétexte.
« Comment reconnaître une véritable conversion?
Comme l’arbre a ses fruits, la conversion a ses actes. Un orgueilleux converti
devient humble; un avare, plein de commisération pour les pauvres
et détaché de ses richesses; un emporté devient calme
et paisible; un voluptueux devient mortifié, un paresseux devient
ami du travail. Ce n'est pas à dire pour cela, que l’orgueilleux
ne pèchera plus par orgueil, l’avare par avarice et ainsi des autres.
Ils pourront encore tomber à cause de leur faiblesse, mais ils ne
tarderont pas à se relever. Ils connaissent le sacrement de ma miséricorde;
ils viendront s’humilier devant mon ministre, lui demander pardon, et,
se relevant plus courageux et plus forts, ils marcheront encore les regards
tournés vers Dieu. La conversion, pour être véritable,
doit être faite sincèrement et du plus profond du cœur; quand
elle part du cœur et qu'elle est sincère, la conversion dure, persévère
et se perfectionne. Le pécheur peut encore commettre des fautes,
mais leur nombre diminue, tandis que ses actes d’amour pour Dieu augmentent
chaque jour de plus en plus.
« Je vous dis cela, ma fille, afin que vous ne vous découragiez
point : ayez, au contraire, toujours confiance et espérance en ma
miséricorde, demeurez toujours tournée vers moi.
« Que faut-il, ma fille, pour conserver les fruits et les
avantages de sa conversion? Une grande humilité, une défiance
entière de soi-même, un abandon complet à Dieu; lutter
contre ses penchants, contre le plus obstiné, et puis contre les
autres; se mortifier dans son corps, dans son esprit, dans son cœur; beaucoup
prier surtout, recourir à Dieu et lui montrer combien on est misérable,
le toucher de compassion pour soi; enfin s’approcher du sacrement de mon
amour. C'est le sacrement de la force, le sacrement du courage, le sacrement
de la vie, et tant qu'on a cela, on possède les fruits et les avantages
de sa conversion. »
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 19
La faiblesse humaine est fort grande, et ma faiblesse plus grande que celle d’autrui. J’aurais bien le désir d’éviter le péché; mais ce désir n'est pas toujours réalisé. La miséricorde du Sauveur Jésus y a pourvu par l’institution du sacrement de pénitence, par lequel je puis me relever de mes fautes, en les faisant connaître à son ministre. Ce n'est pas tout, il m’a enseigné de quelle manière je devais en faire l'aveu : « Confessez-vous, m’a-t-il dit, avec humilité et repentir, simplicité et sincérité. 1º Avec humilité et repentir. Regardez-vous comme un criminel qui va paraître au tribunal de son juge irrité, pour lui faire l'aveu de son crime et demander son pardon. Préparez-vous à l'obtenir en vous couvrant de confusion et de douleur. Allez à l'église dans ces sentiments; tenez-vous auprès du tribunal de miséricorde, avec une profonde piété, avec un regret sincère, une douleur extrême d’avoir offensé Dieu, une résolution ferme de ne plus l'offenser, et une confiance entière dans sa bonté. 2º Avec simplicité et sincérité. Lorsque vous ferez votre examen, ne vous tourmentez pas trop pour savoir si vous avez consenti ou non; dites la chose comme votre conscience vous la présente. Accusez vos péchés tels qu'ils sont, tels que vous les connaissez, sans les augmenter ni les diminuer. Il faut dire ses péchés en termes honnêtes, de manière à ne point blesser l’oreille chaste du confesseur, faisant connaître néanmoins toute la grandeur de vos fautes. Que votre confession soit entière, quant au nombre de vos péchés et aux circonstances qui en aggravent considérablement la malice. Avec ces conditions, votre confession sera toujours bonne. Après l’aveu de vos fautes, attendez-vous à recevoir des reproches amers; étonnez-vous qu’on vous traite avec tant de douceur; recevez et accomplissez la pénitence avec reconnaissance et confusion en voyant qu'elle est si peu proportionné à vos péchés. Quand vous recevrez l’absolution, entrez dans des sentiments d’amour et de haine, de joie et de douleur; ce mélange de sentiments, qui paraissent si divers, fera un tempérament fort agréable au Seigneur. L’amour sera pour Dieu; la haine pour vous et le péché; la joie naîtra du pardon que Dieu vous aura accordé, et la douleur des offenses commises envers lui. Après cela, remerciez le Seigneur qui a usé de miséricorde envers vous; priez pour votre confesseur, et remettez tout ce qui s'est fait aux mains de Dieu.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 20
Voici ce qu'il a ajouté à propos du secret de la
confession. « Ma fille, le confesseur et le pénitent sont
également tenus au secret de la confession; mais l’obligation du
confesseur est bien plus grande que celle du pénitent.
« Le confesseur ne peut jamais, d’aucune manière,
faire connaître les péchés de son pénitent.
La confession pour lui doit être un secret inviolable; il est tenu
à ce secret par les lois les plus sévères et les peines
les plus graves. Vous comprenez qu'il doit en être ainsi; sans cela,
la confession disparaîtrait vite de la surface du monde. Le confesseur
ne doit même pas penser volontairement aux péchés de
son pénitent, à moins que ce ne soit pour chercher les moyens
de le convertir et de le faire changer de vie.
« Si le confesseur est tenu au secret de la confession
de son pénitent, de son côté le pénitent est
tenu au secret pour ce qui lui est dit en confession. Néanmoins,
l’obligation n'est pas aussi forte que celle du confesseur; car, si violer
ce secret est parfois un péché pour le pénitent, quelquefois
ce n'est ni bien ni mal, quelquefois même cela peut être bien.
« Le pénitent pèche quand il répète
par raillerie, par mépris, légèreté ou vanité,
ce qui lui a été dit en confession. Cela peut faire même
un grand mal et porter un grand préjudice au confesseur et à
la religion. Il est bien difficile de réparer le mal produit par
cette indiscrétion.
« Le pénitent peut ne faire ni bien ni mal en dévoilant
ce qui lui a été dit par exemple, quand il répète
des choses de peu d’importance qui ne peuvent porter préjudice ni
au confesseur ni à la religion; quand il dit cela à une personne
pieuse ou qui a de bons sentiments, il ne fait ni bien ni mal; cela pourrait
être mal pourtant s'il s’adressait à une ou plusieurs personnes
du monde.
« Le pénitent peut quelquefois bien faire en répétant
ce qui lui a été dit en confession. Vous verriez, je suppose,
une personne dans la peine, elle vous communique les motifs de son affliction.
Or, vous voyez que vous vous êtes trouvée vous-même
dans la même position et vous vous rappelez les paroles de votre
confesseur, qui ont non-seulement calmé votre peine, mais encore
qui l’ont dissipée complètement. En cette circonstance, vous
pouvez parler à cette personne comme votre confesseur vous a parlé
à vous-même; vous pouvez au besoin, pour donner plus de poids
à vos paroles, assurer qu'elles vous ont été dites
en confession. Une personne aurait reçu en confession un avertissement
qui lui aurait déplu, entendu une parole désagréable,
vous pouvez lui dire que cela arrive à tous quand on le mérite.
Il est permis à un ami de dire à son ami toutes ses peines
en général, quelles qu'elles soient, pourvu que cet ami soit
pieux, fidèle, sincère, prudent, secret, qu'il aime Dieu.
On peut même lui parler de ses peines dans la confession et recevoir
les lumières, les avis, les conseils de celui à qui l’on
fait ces confidences. Mais néanmoins il faut en cela beaucoup de
discrétion et de prudence, craindre que le mal en survienne, et
pour cela ne jamais parler de ce qui se fait en confession à des
personnes légères, mondaines et peu fidèles à
garder un secret.
« Quand un pénitent n'est point satisfait de son
confesseur, il ne doit le dire à personne, pas même aux personnes
pieuses, afin de ne point leur enlever la confiance qu'elles ont en lui.
On peut le dire à un ami prudent qui aime Dieu et qui indiquera,
s’il le peut, un autre confesseur qui conviendra. On doit alors s’adresser
à un autre, mais avec une raison véritablement bien fondée.
Combien de personnes qui changent de confesseur parce qu’une autre en a
changé. Agir ainsi, c'est agir à la légère,
c'est n'être point prudent, c'est même s’exposer à de
grands embarras. C'est quelquefois quitter un confesseur sage, prudent,
habile, éclairé, vertueux, pour s’adresser à un autre
qui ne sera pas en état de faire le même bien que le premier.
« Gardez souvenir de ces paroles, ma fille, et faites-en
l'application dans votre conduite. » Ainsi me parla le Sauveur Jésus.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 21
Le jour du dimanche des rameaux, je lus ces paroles dans mon
livre : « Filles de Sion, réjouissez-vous, voici votre roi
qui vient vers vous plein de douceur. » Je fis ma méditation
sur ces paroles, et je me rangeai parmi ces saintes filles pour voir Jésus
arriver à Jérusalem et pour lui faire une réception
digne de lui. Je n’avais point dans la main des branches d’olivier; je
n’étendis point des tapis sur son passage; mais je lui offris mon
cœur pour demeure, pour lieu de son triomphe, le conjurant d’y entrer et
lui promettant que jamais les facultés de mon âme ne crieraient
contre lui : « Crucifiez-le, crucifiez-le », mais toujours
au contraire : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!
Hosanna au Fils de David! » Après que j’eus fait la communion,
il me sembla entendre dans mon cœur cette parole : « Réjouis-toi,
fille de Sion, ton roi est venu habiter dans ton cœur! » Et cette
parole me remplissait d’une joie inexprimable. Bientôt je reconnus
que c’était le Sauveur Jésus lui-même qui me parlait
ainsi. Il me dit : « Ma fille, c'est ainsi que je m’adresse aux âmes
bien disposées qui me reçoivent par la sainte communion.
Heureuses les âmes qui communient, plus heureuses celles qui communient
souvent, plus heureuses encore celles qui communient tous les jours!
« La sainte communion est l'action la plus grande qu'il
soit au pouvoir de l'homme de faire; parce que c'est celle qui m’honore
le plus, qui plaît le plus à Dieu, qui est le plus utile à
l'homme.
« La sainte communion est l’action qui m’honore le plus.
Je ne suis point pour moi dans la sainte eucharistie; mais pour l'homme,
pour être sa nourriture, pour m’unir à lui, pour vivre avec
lui et en lui, pour ne faire qu'un avec lui, et aussi pour recevoir de
l'homme ce à quoi je tiens le plus, ce qui m’honore le plus, sa
reconnaissance et son amour. Pour recevoir sa reconnaissance, car pour
moi entrer en l'homme, venir en lui, habiter en lui, n'est-ce pas me rendre
maître, prendre possession de celui qui me reçoit? Est-ce
que m’appeler en lui n'est pas de la part de l'homme le don volontaire
qu'il me fait de lui-même? Est-ce que me prendre en communion n'est
pas me dire : Mon Dieu, mon Sauveur, je reconnais votre vie, votre passion,
votre mort pour moi; je ne puis vous témoigner ma gratitude d’une
manière suffisante; venez en moi, emparez-vous de moi, soyez en
moi, régnez sur moi; vous vous donner à moi, je me donne
à vous. ? Je suis dans l’eucharistie pour recevoir son amour. L'homme
désire se trouver près de celui qu'il aime, et ce n'est que
lorsqu’il se trouve face à face avec son ami, qu'il peut lui dire,
lui exprimer, lui témoigner véritablement son amitié.
J'ai vu cette inclination de l'homme, ce désir de l'homme; c'est
pourquoi j’ai voulu toujours demeurer avec l'homme, toujours demeurer près
de lui, même venir en lui. Or, quand l'homme communie, ne semble-t-il
pas me dire : Mon Sauveur et mon Dieu, je vous aime de toutes les forces
de mon âme; je veux que vous reposiez sur mon cœur, que vous veniez
en prendre possession, que vous veniez y lire tout son amour pour vous;
je ne veux pas que vous soyez seulement près de moi et moi près
de vous, je veux que vous soyez en moi; que ma vie se confonde avec votre
vie, et puisque vous me donnez votre vie par amour pour moi, moi aussi
je veux vous donner la mienne par amour pour vous. Vous comprenez maintenant,
ma fille, comment la communion est l'action qui m’honore le plus, puisque
j’y reçois ce qu'il y a de plus précieux en l'homme, la reconnaissance
et l’amour de son cœur.
« La sainte communion est l’action la plus agréable
à Dieu. Une seule parole vous le fera comprendre. Vous le savez,
ma fille, je suis le bien-aimé de mon Père; il met en moi
toutes ses complaisances. Pensez-vous donc qu'il puisse lui être
rien de plus agréable que de me voir honoré d’une manière
si éclatante par la sainte communion?
« La sainte communion est encore l'action la plus utile
à l'homme. Je suis, en effet, contenu en entier dans la sainte eucharistie,
avec mon corps, mon sang, mon âme, ma divinité, mes mérites,
mes grâces et tous les trésors du ciel. Me recevoir en communion,
c'est donc recevoir tout ce qui est en moi. Est-il rien de supérieur
à ce qui est contenu dans la sainte eucharistie, puisqu’il y a Dieu
lui-même, et que ce Dieu devient la propriété de l'homme,
sa nourriture, sa vie? Ah! une seule communion suffirait pour enrichir
l'homme à jamais. Comment se fait-il donc, ma fille, qu’après
tant et de si nombreuses communions, les hommes soient toujours avec leurs
mêmes défauts, leurs inclinations, leurs péchés,
leurs chutes? C'est qu'ils n'y apportent pas cette disposition qui renferme
toutes les autres, le désir d’avancer de plus en plus dans l’amour
de Dieu et l'accomplissement plus parfait de sa volonté. Ayez ce
ferme désir, ma fille, et vos communions m’honoreront, plairont
à Dieu et seront pour vous de la plus grande utilité.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 22
Une autre fois, Jésus me dit de prendre le livre et de
lire ce que je trouverai. Je tombai sur cette antienne : « Heureux
celui qui mange du pain! Faites attention, me dit-il; du pain, cela peut
s’entendre de la sainte communion. Combien ne reçoivent pas du pain
mais un poison mortel! Dans le royaume de Dieu, c’est-à-dire en
état de grâce.
« Il y a trois sortes de communion : la communion indigne,
la communion tiède, et la communion fervente.
« La communion indigne : Ah! le voilà cet homme
en état de péché mortel! Le voilà! Avec quelle
froideur, quelle indifférence ne se présente-t-il pas devant
moi pour me recevoir! À peine peut-il dire quelques prières,
mais comment les dit-il! Avec quel coeur vais-je dans celui de cet homme
qui va me livrer au démon! Celui-là ne mange pas du pain,
mais du poison; il n'est pas dans le royaume de Dieu, mais dans celui du
démon.
« La communion tiède : Il y a bien des personnes
qui, après tant de communions, ont toujours les mêmes défauts,
les mêmes imperfections. Elles ne s’arrêtent pas à de
si petites choses; contentes de leur manière de vivre, elles ne
songent pas à devenir meilleures. Lorsqu’elles font la sainte communion,
elles s’amusent à réciter des prières avec une dévotion
sensible; mais elles ne pénètrent pas dans leurs cœurs; elles
n’en sondent pas les replis; elles ne s’appliquent pas à purifier
leurs âmes des affections au péché véniel. C'est
comme si elles me disaient : Si, je vous aime, mais encore que telle et
telle chose vous déplaisent, ce n'est pas grand’chose, je les ferai.
« Je ne vais pas de bon cœur dans ces âmes; je voudrais
que leur principale dévotion fût d’être résolues
d’éviter tout ce qui peut me déplaire. Il est vrai que le
péché véniel ne rend pas leur communion sacrilège,
mais il fait que je ne me communique pas entièrement à elles;
je ne leur donne pas mes grâces en si grande abondance. Elles font
la communion pour se préserver du péché mortel, et
elles y reçoivent assez de grâces pour cela.
« La communion fervente est celle qui se fait sans aucune
affection au péché véniel. Voyez cette personne, elle
a un désir sincère de s’avancer dans la perfection, elle
communie pour obtenir de nouvelles grâces, pour s’avancer de plus
en plus dans l’amour de Dieu, afin d’accomplir plus parfaitement la volonté
divine. Elle communie pour honorer les grandeurs et les perfections de
Dieu, et lui témoigner son amour. Aussi je me communique à
cette personne et lui donne des grâces abondantes.
« Ma fille, il ne suffit pas de communier; il faut encore
le faire souvent, à mesure qu'on avance dans la perfection. C'est
la communion qui donne du courage et de la force pour gravir le sommet
de la perfection; c'est la communion qui soutient dans les épreuves
qu'on a à traverser.
« Il y a des âmes, ma fille, qui sont désireuses
de travailler sérieusement à leur salut, et qui communient
tous les mois ou tous les quinze jours. Elles trouvent de nombreux embarras
sur le chemin de la vie. Mais la sainte communion les leur fait tous traverser
avec bonheur. D'autres, pour conserver et accroître leur ferveur,
communient tous les huit jours. C'est au directeur de ces âmes à
régler leurs communions. Il doit pour cela bien examiner leurs dispositions,
et puis leur permettre de communier selon le besoin qu'elles en ont. Un
directeur doit avoir soin de faire prendre souvent aux âmes qu'il
dirige cet antidote contre le péché, ce remède efficace
contre toutes sortes de maladies, cette nourriture puissante qui fait disparaître
toute faiblesse. Il doit néanmoins user de la plus grande prudence.
Une communion par quinzaine serait trop fréquente pour une âme
et pas assez pour une autre. Un directeur doit éviter d’admettre
trop facilement à la sainte communion, comme aussi d’en trop éloigner.
Je pardonnerais néanmoins plutôt à un confesseur de
permettre la communion par trop d’indulgence que d’en éloigner par
trop de sévérité. Car, de même qu’il est impossible
de s’approcher du feu sans se réchauffer, de même il est impossible
de s’approcher de moi, qui suit tout feu dans le sacrement de mon amour,
sans ressentir plus ou moins sa ferveur se ranimer. Comment se soutiendra
la faiblesse, si elle ne va puiser à la source même de la
force? Comment celui qui n'est que péché pourrait-il vivre
dans la justice, s'il ne prend point le remède contre le péché?
Un directeur qui fait communier souvent fait plus de bien qu'un autre qui
ne permet pas facilement la communion. Ne point permettre aux âmes
de communier souvent, c'est les dégoûter, c’est diminuer leur
ferveur, c'est les faire souffrir beaucoup. Si on veut augmenter le bien
parmi les âmes, il faut les faire communier souvent. Si une âme
a un caractère ferme, si elle est pleine de bonne volonté,
si elle est constante dans ses résolutions, qu'on lui permette la
communion fréquente, cette âme marchera rapidement vers la
perfection. Mais une âme qui tantôt est remplie de zèle
et tantôt de froideur, qui le matin a de la fermeté et le
soir n'est que faiblesse; une âme que l’on voit quelquefois bien
décidée, et quelques instants après tout à
fait irrésolue, cette âme ne pourrait pas supporter la communion
fréquente. Il sera facile à un confesseur qui suit et qui
étudie les dispositions des âmes, pour leur permettre ou leur
refuser la communion fréquente, de voir les heureux résultats
produits par la communion. Un directeur ferait bien de fixer le temps des
communions, sans pourtant en faire une obligation, et cela non-seulement
pour les personnes pieuses, mais encore pour les personnes du monde. Il
y en a beaucoup qui voudraient communier souvent, mais elles en sont empêchées
par quelques obstacles que la recommandation du directeur finirait par
faire disparaître. Laissées à elles-mêmes, ces
âmes tombent facilement dans les négligences; si on sait les
exciter, elles triomphent de tout.
« Pour qu’un directeur puisse agir sûrement, il
faut que les âmes se fassent connaître clairement, telles qu'elles
sont, avec leurs défauts, leurs inclinations, leurs tentations.
Pourquoi craindre de s’ouvrir avec franchise à son directeur? Ne
doit-on pas le regarder comme un père plein de bonté pour
son enfant? Le directeur qu'on a n'est-il pas celui qu’on a voulu? n'est-il
pas un ami pris entre dix mille? Puisqu’on l’a choisi soi-même, ne
faut-il, pas être pour lui sans déguisement; ne faut-il pas,
s’il interroge, lui répondre avec simplicité, sincérité
et franchise? S’il n’interroge pas, ne doit-on pas lui dire tout ce qu'on
a sur le coeur? Oui, ma fille, agissez toujours ainsi et tâchez de
vous rendre de plus en plus digne de communier souvent. Mais ne le faites
pas sans l’avis de votre directeur. Rapportez-vous en à lui toute
votre vie. En faisant sa volonté, vous ferez la mienne, et le bien
augmentera et grandira en votre âme.
« Si vous ne pouvez pas, ma fille, me recevoir sacramentellement
aussi souvent que vous le désireriez, qui vous empêche de
me recevoir spirituellement? Si vous communiez sacramentellement tous les
quinze jours, faites vos communions spirituelles, pendant les huit jours
qui suivent, en actions de grâces de la dernière communion
sacramentelle; et les autres jours, faites-la pour vous préparer
à la communion sacramentelle suivante. La veille du dimanche où
vous ne communierez point, préparez-vous à faire à
la messe la communion spirituelle. Pour la faire avec plus de fruit, préparez-vous-y
en rapportant à cette fin toutes les communions spirituelles que
vous ferez dans ce jour; préparez-vous-y par un plus grand détachement
de toutes choses et une plus grande douleur d’avoir offensé Dieu.
Faites la communion spirituelle à la messe avec grande dévotion;
et, tout le jour, soyez-en bien reconnaissante.
« Si vous communiez tous les huit jours, faites vos communions
spirituelles les trois premiers jours en reconnaissance de votre dernière
communion sacramentelle, et les trois autres, en préparation de
la suivante.
« Faites la communion spirituelle du soir pour vous préparer
à celle que vous ferez le lendemain matin, comme étant la
première de la journée; des le matin, concevez particulièrement
de la douleur des péchés que vous aurez commis la veille;
ayez un grand désir de me recevoir et soyez-moi bien reconnaissante.
Il n'est pas nécessaire de se préparer à la communion
spirituelle comme à la communion sacramentelle, mais plus on s'y
prépare, plus on reçoit de grâces.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 23
Un jour, j’ouvris la porte de mon cœur. J’y laissai mon ange gardien pour aller moi-même au devant de Jésus; je le rencontrai et le conduisis dans mon coeur en chantant des psaumes. Quand le Sauveur fut arrivé sur le seuil de la porte, mon cœur me parut comme une grande place. J’aperçus une personne vêtue d'une robe blanche, mais qui n’était point lavée depuis longtemps, venir vers Jésus. Elle lui dit; Seigneur, voulez-vous me faire l’honneur de visiter ma maison? Jésus ne lui répondit rien, attendit un instant; puis il partit m’emmenant avec lui. Cette personne nous conduisit dans une maison dont la porte était fermée. Tout était obscur dans cette demeure. Quand la porte fut ouverte Jésus me dit en me serrant la main avec force : « Où me fait-on entrer, ma fille! » Seigneur, lui répondis-je, n’y entrez point. ? « Ma fille, il faut que j’y entre; j’entrerai, et vous verrez, autant que vous pourrez le comprendre, ce que c'est qu’une communion indigne. » Jésus entra. Je voulus le suivre, mais on ferma la porte. Jésus pourtant me fit entrer. Je vis alors cette personne embrasser traîtreusement le Sauveur Jésus, puis le dépouiller de sa robe blanche. Une multitude de démons, sous la forme d'hommes noirs, l’aidèrent dans cet acte criminel. Il en fut vite dépouillé; mais sa grâce demeurait avec lui et le couvrait toujours comme un manteau de gloire. Après cela, les démons lui lièrent les mains, que tenait la personne qui était venue chercher le Sauveur, et le flagellèrent. Je criais de toutes mes forces : Laissez-le, laissez-le! Mais loin de m’écouter, ils apportèrent une immense croix sur laquelle ils clouèrent ses mains et ses pieds. Je vis sa chair se déchirer et son sang couler avec abondance. Puis, la personne qui l’avait appelé chez elle, prit une lance et l’enfonça dans le côté de Jésus. Il poussa un grand cri, qui alla jusqu’au trône de Dieu. La croix fut ensuite dressée. Ceux qui avaient ainsi crucifié le Sauveur se réjouissaient de l'avoir mis en cet état, lui crachaient au visage, lui jetaient des pierres, et Jésus tenait toujours ses yeux levés au ciel. Après cela, les hommes noirs allèrent chercher quelqu'un qui me paru être un grand personnage. Il était aussi tout noir; sa tête était celle d’une bête, et il fut placé comme un roi en face de Jésus. Pensez-vous, dit alors avec mépris au Sauveur la personne qui l’avait appelé chez elle, pensez-vous qu’en vous appelant chez moi, je voulusse vous installer roi dans ma maison? Je n’ai d’autre roi que celui-ci, dit-elle, en se tournant vers la bête noire, parce qu'il contente toutes mes volontés et toutes mes inclinations. Le sang de Jésus coulait de ses plaies et semblait se graver d’une manière ineffaçable. Ce spectacle m’avait profondément affligée. Je voulus retourner dans mon cœur, que je retrouvai comme il est ordinairement, et non comme une place immense. Je retrouvai Jésus tout brillant sur son trône. Je me mis à son côté avec mon ange gardien. Le Sauveur me parut attristé. Il me dit : « Vous avez vu, ma fille, tous les outrages que je reçois dans une communion indigne. Malheur à ceux qui communient indignement; mieux vaudrait pour eux de n’être jamais nés! »
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 24
J’oubliais de dire les dispositions qu'il faut pour la communion
fréquente, et que m’a indiquées le Sauveur Jésus.
« Pour qu'une communion soit bonne, m'a-t-il dit, il faut
être exempt de tout péché mortel, et n'y être
point attaché. Pour qu'elle soit plus fervente et plus parfaite,
il faut être exempt de tout péché véniel et
n’avoir d’affection pour aucun de ces péchés. Cette communion
est plus agréable à Dieu et attire sur l’âme des grâces
plus abondantes. Tant qu’on a de l’attache pour le péché
véniel, et qu'on le commet de propos délibéré,
on n'est point dans la voie de la perfection, on court risque à
chaque instant de tomber dans le péché mortel.
« Pour la communion de tous les huit jours, il ne faut
point avoir d’affection pour le péché véniel. Ces
dispositions sont assez communes et à la portée de tous,
même des personnes du monde.
« Il faut des dispositions plus parfaites pour communier
deux ou trois fois par semaine; il faut pour cela n’avoir même pas
d’affection pour les imperfections. Il faut purifier son coeur des imperfections
et de l’attache aux imperfections, comme on purifie son cœur du péché
véniel, et de l’attache au péché véniel pour
la communion de tous les huit jours.
« Pour la communion de chaque jour, il faut des dispositions
plus parfaites encore. Il faut un plus haut degré dans les vertus
et la perfection, une plus grande pureté, un détachement
plus complet de soi, de sa volonté, de ses désirs, une union
plus intime avec Dieu, un désir sincère de faire toutes choses
pour lui être agréable.
« Tâchez d’acquérir de plus en plus ces dispositions
nécessaires pour communier souvent. Ne vous découragez point,
ma fille; humiliez-vous plutôt et abandonnez-vous à la miséricorde
de Dieu. Ayez surtout un grand désir de communier souvent. Si vous
le désirez ardemment, Dieu aura plus d’égard à votre
désir qu’à vos dispositions, et il vous permettra de communier
plus fréquemment. Approchez-vous avec confiance du banquet sacré;
nourrissez-vous avec avidité de ce pain des anges; tâchez
de leur devenir semblable par votre pureté, votre obéissance,
votre humilité et votre charité, et répétez
souvent ces paroles du centenier : Je ne suis pas digne, Seigneur, que
vous entriez dans ma maison, c’est-à-dire dans mon cœur. Puis, avec
foi et confiance dans la miséricorde de Dieu, ajoutez aussitôt
: Seigneur, prononcez seulement une parole et mon âme sera sauvée.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 25
Un jour, le Sauveur Jésus me parla ainsi : « Ma
fille, il y a nombre de personnes qui cherchent dans le monde à
refroidir la piété des âmes justes, à diminuer
leur force, et elles essaient d’arriver à ce but en versant le ridicule
sur ces âmes. Combien de fois n’avez-vous pas entendu nommer bigots
et bigotes les personnes qui marchent dans la pratique de leurs devoirs!
Quel sens attache-t-on à ces mots! Plusieurs de ceux qui les emploient
seraient bien embarrassés pour l'exprimer. Connaissez-vous, ma fille,
la signification de ces mots? ? Seigneur, il me semble qu’on désigne
ainsi les personnes qui ont une dévotion indiscrète et mal
entendue. ? C'est bien, ma fille, vous comprenez par conséquent
combien est injuste la manière de parler de tant de personnes, qui
donnent ces noms même à ceux qui ont une religion discrète
et bien entendue. Une personne charitable et éclairée ne
parlera jamais de cette sorte, et quand elle rencontrera des âmes
dont les actions marquent l’imprudence et l'indiscrétion, loin de
les mépriser, elle les excusera, supposant qu'elles agissent par
simplicité et par ignorance, et que tout le monde ne peut pas être
également instruit.
« Ma fille, je veux vous prémunir contre ces erreurs,
ces indiscrétions et ces imprudences, afin que vous ayez une dévotion
franche, nette, droite, pleine de fermeté.
« Plusieurs, ma fille, font consister leur dévotion
dans les œuvres de piété, prières, communions jeûnes,
lectures et marques extérieures de piété. Mais elles
veillent peu leurs cœurs, nourrissant et flattant de petites passions qu’elles
devraient détruire. Elles sont attachées aux choses de la
terre; elles fuient la mortification des sens; elles parlent avec trop
de liberté, se permettent de petites médisances, ou les écoutent
avec plaisir. Elles se procureront toutes les satisfactions permises; elles
fréquenteront des sociétés qui ne sont point interdites,
mais qui conviennent peu à des personnes pieuses, et relèveront
chez les autres des fautes légères comme étant très-graves.
Cette conduite, ma fille, fait mépriser la dévotion.
« D’autres, au contraire, font consister toute leur dévotion
dans l’intérieur. Ne leur parlez point d’exercices de piété,
ni de pratiques extérieures. C'est le coeur, disent-elles, que Dieu
demande, le cœur qu'il regarde, le cœur qu'il recherche. Oui, c'est le
cœur qu'il recherche, qu'il veut, qu'il désire; mais il veut, il
demande aussi des exercices de piété, des marques extérieures
de dévotion. La vue de ces pratiques donne du courage aux faibles,
et les porte, eux aussi, à servir Dieu et à lui rendre gloire.
« Les personnes qui comprennent bien la dévotion
joignent les exercices extérieurs de piété aux sentiments
intimes de leur cœur. Elles savent ne point s’attacher si fort aux exercices
extérieurs de piété qu'elles craignent de les interrompre,
de les laisser quand la nécessité ou la prudence le demande;
car, pour elles, la dévotion ne consiste pas dans les prières,
les communions, les génuflexions et autres pratiques bonnes et excellentes,
mais uniquement dans le parfait accomplissement de la volonté divine
et dans l’amour de Dieu. Voyez comme elles cherchent avec soin à
connaître la volonté de Dieu. Elles savent qu'il y a une volonté
de Dieu générale, qui est d'éviter le péché
et d’observer les commandements; elles savent qu'il y en a une autre particulière,
qui concerne chaque personne, chaque état, chaque condition. C'est
cette volonté particulière qu’elles étudient. Une
personne se sauve là où d’autres personnes se perdront, parce
que celles-ci ne font pas ce que Dieu demande d’elles. Dieu ne demande
pas également de tous; mais il demande à chacun selon les
grâces qu'il lui a faites, selon son état, selon sa condition,
et dans chaque état, dans chaque condition, tous peuvent se sauver
en accomplissant ce que Dieu demande.
« Heureux sont ceux qui cherchent ainsi à connaître
la volonté de Dieu pour l’accomplir avec fidélité!
S’ils la cherchent, ils la trouveront, parce que Dieu brille aux regards
des âmes comme une lumière éclatante. Il s’appelle
la lumière, il est la lumière. Combien qui marchent dans
les ténèbres parce qu'ils ne cherchent point la lumière.
Ce sera en vain qu'ils s’excuseront auprès de Dieu en disant qu'ils
ne connaissaient point sa volonté sur eux. Ils ne l’ont point cherchée.
« Cherchez donc à connaître la volonté
de Dieu, suivez en tout cette volonté, ma fille, accomplissez-la
par amour pour Dieu; vous aurez une dévotion ferme, solide, vraie,
et vous passerez de la lumière du temps à celle de l'éternité,
de la vie qui passe à celle qui passe pas.
Louange à jamais à Jésus au saint sacrement
de l’autel. Amen.
LIVRE CINQUIÈME, chapitre 26
Le lendemain, je me trouvai près du tabernacle du Sauveur,
où j’étais venue l’adorer : « Ma fille, me dit-il,
l’éclat de la majesté de Dieu est grand, et il se suffit
à lui-même. Je suis éternellement l’éclat et
la splendeur de sa majesté, et Dieu, éternellement aussi,
me regarde avec complaisance reposant en son sein. Un outrage à
cette gloire fut fait par l’homme désobéissant, et je vins
sur la terre pour rendre réparation à la gloire et à
la majesté de mon Père. Pour cela, je pris un corps, et ce
fut par la souffrance de ce corps, uni à ma divinité, que
je donnai réparation à mon Père, et que je lui témoignai
combien j’avais à cœur l'inviolabilité de sa gloire. Aujourd'hui,
le corps que j’unis à ma divinité sur la terre lui est encore
uni dans le ciel, et toute l’éternité il demeurera uni à
ma divinité pour participer à sa gloire.
« Les âmes qui auront ainsi également à
cœur la gloire de mon Père, partageront un jour sa gloire dans le
ciel. Elles deviendront participantes du bonheur de Dieu, elles le verront,
elles l’aimeront, et Dieu les aimera à jamais.
« Sur la terre, il n'y a point de félicité
autre que celle qu'on trouve dans la recherche de la gloire de Dieu, et
encore cette félicité est bien imparfaite, parce que la vie
est parsemée de contradictions, de peines et de souffrances qui
empêchent d’être véritablement heureux. Souffrez, néanmoins,
toutes ces contradictions, toutes ces peines, patiemment, et, comme moi,
par amour pour Dieu. Pensez que vous ne pourrez jamais travailler suffisamment
à effacer vos péchés, à rendre à Dieu
la gloire qui lui est due; pensez que vous ne souffrirez jamais autant
que j'ai souffert moi-même; surtout gardez-vous de vous plaindre
jamais. Qu’est-ce que la vie pour mériter le bonheur et la félicité
du ciel, la participation à la gloire éternelle de Dieu?
Que cela vous soutienne et vous donne du courage. Quand vous faiblirez,
venez à moi, je vous relèverai, je vous donnerai de la vigueur.
Ayez toujours dans votre esprit le désir de la gloire de mon Père;
cherchez-la en tout, même au prix des plus grandes souffrances, et
vous la trouverez pour l'éternité. Dieu vous la montrera,
et cette vue fera votre éternelle félicité. »
Amour à jamais à Notre-Seigneur au saint sacrement
de l’autel. Amen.