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John A. McHugh, o.p. - Charles J. Callan, o.p.
THEOLOGIE MORALE un cours complet selon saint Thomas d'Aquin et les meilleurs auteurs modernes

Imprimatur Francis cardinal Spellman, Archbishop of New York, New York, May 24, 1958
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QUESTION 3 :   LA LOI

 284- Dans la question précédente, nous avons considéré les principes internes de l’acte humain, c’est-à-dire, les habitus bons ou mauvais, d’où ils procèdent.    Nous nous tournerons maintenant vers les principes externes, bons ou mauvais, qui poussent l’homme à agir.  Le principe externe qui entraîne au mal est le démon, le tentateur. Le principe externe qui pousse au bien est Dieu qui nous instruit par sa loi et nous aide par sa grâce à l’accomplir.  Nous avons déjà parlé de la tentation, et la grâce relève de la théologie dogmatique.  La prochaine question à considérer sera donc la loi.
 

                ARTICLE 1 :  LA LOI EN GÉNÉRAL
                             (somme théologique 1-11 qq. 90-92)
 

 285- La définition.  La loi est un ordre de la raison, en vue du bien commun,  promulguée par celui qui détient l’autorité.  C’est un ordre, c’est-à-dire un commandement ou une interdiction obligatoire et durable.  En conséquence, un avis n’est pas une loi parce qu’il n’est pas obligatoire.  La loi n’est pas un règlement qui ne lie que pendant la durée de vie du législateur, ou qui n’est pas reçu comme un décret, parce qu’il n’est pas durable.  Elle est un ordre de la raison, puisque la règle et la norme des actes humains est la raison (cf 64).  En conséquence, la volonté arbitraire d’un chef  commandant ce qui est contraire à la raison ne serait pas une loi, mais plutôt une iniquité.  Elle est faite pour le bien commun, c’est-à-dire qu’elle doit tendre à promouvoir directement ou indirectement le bonheur général qui est la fin de la société.   En conséquence, ne sont pas de vraies lois les diktats  d’un tyran qui favorisent une minorité aux dépends de la paix publique et de la prospérité.   Elle est faite par celui qui détient l’autorité, c’est-à-dire par la  personne ou les personnes qui ont le pouvoir de légiférer que leur confère la forme de gouvernement.   En conséquence,  ne sont pas des lois les décisions d’un comité consultatif ou les oukases d’un usurpateur.   Elle est faite par une autorité constituée dans une communauté, c’est-à-dire  une communauté  autonome qui possède les moyens pour parvenir à ses fins, et qui est indépendante.  C’est un ordre qui a été promulgué, c’est-à-dire, porté à la connaissance de ceux qu’il lie.  En conséquence,  n’est pas obligatoire une loi qui a été rédigée  mais non publiée.  Même si la loi est présumée connue, celui qui l’ignore sans faute de sa part n’est pas coupable d’un péché formel, s’il l’enfreint.

 286- La division.  Selon que le législateur immédiat est Dieu ou l’homme, les lois sont divines ou humaines.  Les lois divines sont de trois sortes.  La loi éternelle est l’ordre de l’esprit divin qui, de toute éternité, a dirigé les pensées et les actions des créatures vers le bien commun de l’univers.   La loi naturelle est la lumière de la raison de l’homme qui est comme une empreinte et un reflet de la loi éternelle.  La loi divine positive est celle que Dieu a librement ajoutée à la loi naturelle : la loi mosaïque de l’ancien testament, et la loi de l’Évangile du nouveau testament.   287- Les lois humaines sont ecclésiastiques ou civiles, d’après l’autorité d’où elles procèdent,

 288- Les lois conflictuelles.   Il arrive assez souvent que des lois contraires s’imposent en même temps, comme quand, dans le cas d’une attaque injuste,  quelqu’un doit à  la fois se défendre et ne pas blesser la partie adverse.  De là naît  un conflit entre les obligations et les droits.  Mais la difficulté n’est qu’apparente, car puisque Dieu est un législateur juste et sage, il sait   qu’à l’impossible nul n’est tenu, et il ne demande pas qu’une obligation supérieure cède le pas à une obligation inférieure.   En conséquence,  voici la règle à suivre dans ces cas de conflit apparent.    Si on peut reconnaître quelle est l’obligation qui l’emporte sur l’autre, c’est celle-là qu’il faut suivre.  Si, après mûre réflexion. il n’est pas possible de distinguer quelle est l’obligation qui s’impose au choix,  et s’il faut décider tout de suite, on peut opter pour celle qui offre le plus de sureté.  Si l’une ne parait pas plus sûre que l’autre,  chacun peut choisir à sa guise.  Si la décision est mauvaise, l’erreur est involontaire, et ne peut donc pas être imputée.

 289-  Quand les préceptes en litige appartiennent à des catégories différentes de loi, on doit suivre la loi supérieure.  La loi naturelle a préséance sur la loi positive,  la divine sur l’humaine. Par exemple,  la loi naturelle d’auto préservation  a permis à David de manger des pains de proposition, chose défendue par la loi divine positive.  La même loi de conservation permet à un homme affamé de prendre ce qui ne lui appartient pas selon les lois humaines, s’il s’agit d’une question de vie ou de mort.  La même loi excuse la non participation à la messe le dimanche, en cas de maladie grave.

 La loi divine positive a préséance sur la loi humaine.  Exemple.  Les Apôtres devaient obéir au commandement du Christ d’aller prêcher à toutes les nations plutôt qu’au commandement du Sanhédrin en sens contraire. (Act. V, 19)  La loi ecclésiastique a préséance sur la loi civile, parce que la fin de l’Église est plus haute que celle de l’état; et le jugement de l’église, portant sur les moyens nécessaires pour parvenir à cette fin, devrait prévaloir.  290- La préséance de la loi ecclésiastique sur la loi civile ne signifie pas que l’Église a le droit d’intervenir dans les matières qui sont de la juridiction de l’état, ou que l’Église devrait s’entêter à décider seule tout litige.   Une loi en matière purement politique et civile faite par l’Église,  qui entre en opposition avec une loi faite par l’état, ne l’emporte pas sur celle de l’état, car, comme l’Église elle-même l’admet, « tout ce qui relève de l’ordre civil et politique est à bon droit soumis à l’autorité civile. » (Léon X111)  Une loi portant sur des questions directement ou indirectement spirituelles faites par l’Église, mais qui ne se rapportent par nécessairement à sa fin, peut faire l’objet  de compromis ou de  négociations,  pour éviter un affrontement de lois.  Au cours de l’histoire, l’Église a démontré qu’elle était prête à faire des concessions,  dans la mesure  du possible, pour le bien de la paix.

 291- Quand des lois conflictuelles appartiennent à la même catégorie de lois, ce qui est le plus important, le plus urgent ou le plus nécessaire doit l’emporter.  La loi qui assure la protection des plus grands biens (ceux qui sont spirituels, internes ou communs à tous) a  préséance sur celle qui protège des biens de moindre importance (temporels, externes ou privés).  Exemples.  La loi naturelle qui veut que l’on fuie les persécutions et  la mort doit céder le pas devant  la loi naturelle qui interdit de blasphémer ou de renier Dieu.  Quelqu’un doit donc préférer mourir plutôt que d’apostasier.  La loi qui ne veut pas qu’on mette  sa vie en danger doit céder le pas devant la loi qui fait un devoir à l’individu de défendre sa patrie.  Les citoyens sont donc obligés d’aller se battre en temps de guerre; les curés et les médecins doivent rester à leur poste quand la peste ou d’autres calamités  sévissent.

 Les obligations de justice ont préséance sur les obligations de charité.  Exemple.  Pierre conserve cinq euros pour payer une dette à Paul qui a besoin aujourd’hui de son argent.  Même si Jacques, qui est très pauvre, lui demande de l’argent, il doit rendre à Paul ce qui lui revient.    Les lois négatives ou prohibitives ont préséance sur les lois affirmatives ou préceptrices (cf 371).   Exemple.  On demande à Pierre d’écrire une lettre de recommandation dans laquelle il affirmerait  que Paul est honnête et compétent. Paul a rendu service à Pierre par le passé, et Pierre avait promis de lui renvoyer l’ascenseur.  Mais Pierre sait très bien que Paul n’est ni honnête ni compétent.  La loi qui interdit le mensonge l’emporte sur la loi qui oblige de tenir ses promesses.

 292- Puisque les lois et les devoirs sont corrélatifs, --car  il y a un devoir qui correspond  à chaque droit, et vice-versa –et puisque les deux sont régulés par la loi, les principes donnés pour les conflits apparents de lois s’appliquent aux conflits apparents de droits.  Les droits plus élevés ont préséance sur ceux qui le sont moins.  En conséquence, les droits innés, (le droit à la vie) sont supérieurs aux droits acquis par un héritage ou un contrat (le droit à la propriété).  Exemple. Pierre doit transporter sans délai à l’hôpital son enfant malade en danger de mort.  Paul s’apprête à partir pour un voyage d’agrément.  Mais Pierre prend la voiture de Paul, car il n’y en pas d’autre de disponible. La conduite de Pierre est conforme aux droits naturels s’il rapporte intacte et  sans délai la voiture de Paul.    Selon la loi civile, son acte serrait un vol technique, mais il est fort probable que les juges n’insisteraient pas sur la lettre de la loi.   Les droits inaliénables (auxquels on ne peut renoncer parce qu’ils sont aussi des devoirs) comme le droit de servir Dieu et de vivre, sont supérieurs aux droits aliénables (ceux auxquels on peut renoncer), comme le droit au mariage, le droit à la propriété.   Exemple.  Quelqu’un peut renoncer au droit de boire du whisky pour pouvoir servir Dieu et préserver sa vie.

 293- La base de toutes les lois.   Avant toute autre loi, et avant la matière et les principes des lois est la loi éternelle, puisque c’est le plan de la sagesse divine de conduire, de toute éternité, tous les actes et pensées à leurs fins particulières et à la fin de l’univers.  La conséquence en est que toutes les autres lois sont des reflets du plan éternel et des réalisations du décret divin.  La loi éternelle diffère des autres lois de plusieurs façons.   Quand à la durée.  La loi éternelle a existé avant que ne soit fait quelque chose, tandis que toutes les autres lois commencent à exister quand elles sont promulguées.  Quant à son extension.   La loi éternelle régule non seulement les choses contingentes, (comme les actions), mais aussi les choses nécessaires (l’existence de l’âme, des mains et des pieds etc.), car toutes les choses créées, quelles soient contingentes ou nécessaires, sont soumises au gouvernement divin.  Il n’est que trop évident que les lois humaines ne peuvent pas statuer sur ce qui est nécessaire (ce serait pure stupidité  de leur part de décider si les hommes doivent ou ne doivent pas avoir des âmes). Quant aux sujets.   La loi éternelle s’étend non seulement sur les créatures raisonnables (les anges et les êtres humains), mais aussi sur la matière, les plantes et les animaux.  La loi humaine s’exerce par des commandements qui ont l’obligation de tendre vers leur fin.  Les plantes et les animaux sont gouvernés par le moyen d’inclinations données par Dieu qui les mènent à leurs fins.  Les lois humaines ne peuvent pas réguler les actes des créatures sans raison, car ces créatures ne peuvent pas comprendre un commandement comme tel, et l’homme ne peut pas leur donner des inclinations naturelles. (Ce serait stupide de faire une loi pour interdire aux chats d’attraper des oiseaux.)

 294- Les lois que nous considérerons dans les pages qui suivent sont temporelles et morales.   Ainsi, ce sont des lois promulgués à un certain moment, ou depuis le début de l’humanité (comme c’est le cas pour la loi naturelle), ou plus tard (la loi mosaïque, la loi chrétienne),  Des  lois qui règlent non ce qui est nécessaire (comme les lois mathématiques ou métaphysiques) mais le contingent.  Des lois qui n’ont pas été données à la créature irrationnelle (lois physiques ou biologiques) mais à la rationnelle, pour qu’elle puisse atteindre sa fin,  en se conduisant conformément à  la loi.
 
 
 
 

      ARTICLE 2

 LA LOI NATURELLE
               (somme théologique 1-11 qq. 93-94)
 

 295- Signification.  La loi naturelle est ainsi appelée pour les raisons suivantes.   Elle est  reçue par l’homme, non par l’intermédiaire d’une promulgation spéciale, mais de sa nature rationnelle. Voilà pourquoi saint Paul dit que les Gentils, qui n’avaient pas reçu la loi promulguée d’une façon spéciale, étaient une loi pour eux-mêmes, c’est-à-dire, de par leur humaine nature.  (Rom. 11, 14)  Elle ne comprend que les préceptes qui peuvent être connus par la nature humaine, ou déduits d’elle.  Ainsi, certains païens ont accompli la loi de Moïse naturellement, en ce qui a trait à ces préceptes naturels. (Rom. 11, 14).  La lumière naturelle de la raison peut la faire connaître sans instruction, puisqu’elle est une loi écrite dans le cœur de l’homme. (Rom. 11, 15)

 La théologie définit la loi naturelle comme une participation, dans l’homme, à la loi éternelle.  Trois éléments constituent son essence en son intégrité.  Une participation passive à la loi éternelle de la nature et de ses facultés,  avec les inclinations qui leur sont propres,  et leurs fins.  Cela, l’homme le possède en commun avec toutes les créatures.   Une participation active à la loi éternelle qui est propre à l’homme.  Elle consiste dans l’activité  de l’intelligence de l’homme qui le fait participer  à la providence et au gouvernement de Dieu d’une manière toute spéciale, comme quelqu’un qui peut se régir lui-même et régir les autres.

 La raison éclaire les activités naturelles et les dirige vers les actes et les fins qui leur sont propres, puis, elle formule l’ordre ou le commandement de la raison pratique. Le commandement constitue l’essence de la loi naturelle.   Ainsi, le psalmiste après avoir dit : Offre le sacrifice de justice (Ps. 1V, 6), comme quelqu’un qui demanderait  en quoi consistent les actes de justice,  ajoute : Plusieurs disent : qui nous a montré les bonnes choses ?  A quoi il répond : La lumière de ta conduite  est scellée en nous. Le psalmiste nous exprime par là que la lumière de la raison naturelle qui nous fait faire la distinction entre ce qui est bon et mauvais,  -ce qui est le rôle de la loi naturelle,- n’est rien d’autre en nous qu’une empreinte de la divine lumière.  Il est donc évident que la loi naturelle est  la participation de la nature rationnelle à la loi éternelle. (Somme théologique 1-11q.91, a 2.)

 296- La relation de la loi naturelle avec les autres lois.    La loi naturelle est inférieure à la loi éternelle, car la loi éternelle existe dans l’esprit de Dieu.  Elle ne dérive d’aucune autre loi, et c’est elle qui régule toutes les choses créées.  La loi naturelle, elle, existe dans l’esprit de l’homme, comme une dérivation et une image de la loi éternelle, et ne régule que les actes de l’homme.  Mais elle est supérieure à la loi positive, car toute loi positive est une déduction d’une détermination de la loi naturelle.

 297- Division. Puisque la loi éternelle est, dans la raison de l’homme,  un reflet du plan éternel de la sagesse divine, il n’est pas possible de lui donner des espèces qui correspondraient  aux différents législateurs ou sujets.  Cependant, comme les objets régulés sont différents, il nous est permis de distinguer différents préceptes de la loi naturelle.  D’après la différence des personnes auxquelles sont dus des devoirs naturels.  Il y a des lois naturelles concernant Dieu  (que Dieu doit être honoré); d’autres qui se rapportent à soi-même (que quelqu’un ne peut pas commettre de suicide); d’autres concernant le prochain (qu’on ne peut commettre d’injustice.)  D’après la différence des inclinations naturelles de l’homme, il y a des lois qui lui sont communes avec tous les êtres : la loi de préservation, et donc le devoir naturel de l’homme de dormir, de manger, de boire, de prendre des remèdes etc.  Il y a des lois qui lui sont communes avec tous les animaux : la loi de préservation de l’espèce. C’est donc un devoir naturel à l’homme de procréer, d’élever et d’éduquer  ses enfants.   Les lois naturelles qui sont propres à l’homme en tant qu’être rationnel : les lois portant sur l’utilisation et le développement des facultés de son esprit et de sa volonté.  C’est donc un devoir naturel pour l’homme de promouvoir la religion et l’éducation, de vivre en société, et de respecter les droits des autres.   298- Selon qu’elles sont nécessaires à la fin primaire et secondaire d’une inclination naturelle,  les lois de la nature sont divisées en primaires et secondaires.

 La première fin d’une inclination naturelle est la conservation d’un bien naturel.  Ainsi, c’est une loi primaire de la nature que l’homme prenne la nourriture, la boisson, le repos et l’exercice nécessaires pour conserver sa vie, qu’il évite le poison et tout ce qui cause la mort.   La fin secondaire d’une inclination naturelle est la bonification  d’un bien naturel, ou sa conservation plus aisée.  Ainsi, c’est une loi secondaire de la nature que l’homme choisisse la sorte de nourriture ou de breuvage  qui le maintienne en santé, qu’il évite les excès, etc…

 299- On peut aussi expliquer les fins primaire et secondaire de la façon suivante.  Une loi primaire est une loi qui exprime le but principal de l’inclination naturelle. Un bien social : la procréation et l’éducation des enfants est la loi première de l’état du mariage.  La loi secondaire est celle qui exprime un but moins important d’une inclination naturelle. Par exemple, le bien individuel (l’accompagnement, le secours mutuel, la pratique de la vertu, et l’affranchissement de la tentation) est le but secondaire du mariage.

 300- On peut aussi diviser les préceptes de la loi naturelle d’après les différentes relations qu’ils ont entre eux, ou avec notre connaissance.   Selon la priorité qu’ils ont les uns par rapport aux autres, on divise les lois de la nature entre préceptes axiomatiques, qui sont évidents et qui sont le lot de tous ( qu’on doit faire le bien, qu’on doit écouter la raison, qu’on ne doit pas faire aux autres ce qu’on ne veut pas qu’on nous fasse) et entre ceux qui sont déduits (qu’on ne doit pas voler les autres puisqu’on ne veut pas qu’on nous vole).  301- Les principes déduits sont aussi de deux sortes, généraux et particuliers.   Les préceptes généraux qui sont déduits immédiatement des axiomes comme des conclusions universelles.  Exemples.  Les commandements du décalogue; le principe qu’on doit rapporter ce qu’on a emprunté.

 Les préceptes particuliers sont ceux qui sont déduits, de loin,  des axiomes comme des conclusions,  au sujet de cas dans lesquels plusieurs conditions ou circonstances sont imbriquées.  Exemples.  Plusieurs conclusions au sujet des contrats :  la conclusion qu’un prêt doit être payé de telle façon, à tel moment.   302- D’après l’invariabilité ou la permanence de leur matière, ils sont  nécessaires ou contingents.    Les lois nécessaires sont celles dont la matière entretient toujours la même relation de conformité essentielle ou de non-conformité  avec la raison.  Exemple. Le commandement  tu ne prendras pas le nom de ton Seigneur en vain, est nécessaire parce que Dieu demeure toujours digne d’honneur.  Et il n’existe aucun cas concevable où il serait louable et avantageux de traiter Dieu indignement.

 Les lois contingentes de la nature sont celles dont la matière a généralement, mais pas toujours, une relation essentielle à la droite raison.   Par exemple.  Le commandement tu ne tueras pas, est contingent parce que, bien que l’homme mérite presque toujours qu’on respecte sa vie, il y a des cas où il serait désavantageux au bien commun, donc à la loi naturelle,  qu’on permette à tel individu de vivre, comme quand il a commis un crime capital.    303- Selon la façon dont elles obligent, les lois de la nature sont absolues ou relatives.   Les lois absolues sont celles qui obligent dans tous les cas et dans toutes les conditions, parce que leur matière est intrinsèquement bonne ou mauvaise en chaque circonstance.  Exemples.  Les lois interdisant le mariage entre parents et enfants, la polygamie.  304- D’après la façon avec laquelle l’obligation a été contractée, les lois de la nature sont de deux sortes.   Celles dont le caractère obligatoire dépend entièrement de la nature des choses, (la loi d’après laquelle on doit honorer Dieu); et celles dont la contraignabilité  dépend d’un acte de la volonté de l’homme librement posé.  La nature des choses demande alors qu’elle soit observée.  Exemple. Les lois à l’effet que ceux qui ont fait des voeux,  des serments, des contrats, respectent leurs engagements.

 305- Les propriétés.  Puisque la loi naturelle est un reflet de la loi éternelle de Dieu imprimée dans la nature rationnelle de l’homme, elle a les propriétés suivantes.   Elle est déclarative et impérative, puisqu’elle est immanente.  Elle lui déclare son devoir, étant transcendante dans son origine. Et elle parle avec la voix de l’autorité.   Elle est universelle, c’est-à-dire qu’elle vaut pour tous, car elle déclare les nécessités de la nature, qui sont les mêmes en tous.  Elle est inchangeable, c’est-à-dire qu’elle n’admet aucune abrogation, aucune dispensation, aucune correction, car l’essence des choses sur laquelle elle se base ne change pas.  Elle est reconnaissable et indélébile, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas ne pas être connue, et ne peut pas être oubliée par l’humanité, car elle est promulguée par la lumière de la raison donnée à l’homme.

 306- La loi naturelle oblige universellement. Elle est en force dans tous les lieux, dans tous les temps, et pour toutes les personnes.  Ainsi, ceux qui n’ont pas l’usage de la raison comme les enfants et les fous, sont sujets à la loi naturelle en raison de leur nature humaine qui est blessée par toute transgression de son inclination.  Leur ignorance, bien entendu, les immunise contre tout péché formel, (cf 24 suiv, 97 suiv.)  Exemple. Il n’est pas permis d’inciter des enfants à blasphémer ou à se saouler, non seulement à cause du scandale ou du tort causé, mais surtout parce que ces choses répugnent à la dignité humaine. Ceux qui ont l’usage de leur raison sont soumis à la loi naturelle, et leurs transgressions sont imputables comme péchés formels, et contractent la dette de la punition.

 307- La loi naturelle est inchangeable, non au sens où on ne peut rien lui ajouter, mais rien lui soustraire.  On peut ajouter des choses à la loi naturelle dans plusieurs points non déterminés par elle, car il est souhaitable que des règles supplémentaires soient faites pour des situations particulières.  Ces additions faites par la loi positive, divines et humaines, sont des amplifications plutôt que des changements, car elles ne peuvent pas être en discordance avec la loi naturelle.   On ne peut faire aucune soustraction à la loi naturelle, c’est-à-dire qu’il ne peut y avoir aucune exception quand elle déclare qu’une certaine chose doit toujours être observée.  308- Il s’ensuit de ce qui a été dit qu’aucun précepte de la loi naturelle ne peut être abrogé, rejeté, déclaré nul et non avenu, de sorte que ce qui état hier un précepte de la loi naturelle cesse de l’être aujourd’hui,  car les nécessités de la nature sur lesquelles la loi naturelle est fondée ne changent pas.

 309- Quant à savoir si on peut dispenser quelqu’un de la loi naturelle, il faut faire la distinction entre deux sortes de dispense.  Une dispense au sens strict est accordée quand un législateur relâche, pour un cas particulier, l’obligation de la loi, alors que demeure la matière de la loi. Exemple.   Pierre est dans la classe de ceux qui sont tenus de jeûner, mais il est exempté de l’obligation du jeûne par une autorité compétente.  Une dispense au sens large est accordée quand le législateur dégrade la matière de la loi, de façon à ce qu’elle ne tombe plus sous la loi, même si l’obligation de la loi demeure.   Exemple.  Pierre doit de l’argent à Paul, mais  Paul lui a remis sa dette.  Il ne fait donc plus partie, selon la loi, des débiteurs de Paul, l’obligation de payer ses dettes demeurant toujours.  Il n’est donc pas exempt de la loi générale stipulant qu’il faut payer ses dettes.

 310- Il y a diverses opinions au sujet de la possibilité d’une dispense de la loi naturelle donnée par Dieu.  La doctrine qui suit semble la plus probable.  Dieu lui-même ne peut pas dispenser des préceptes dont la matière est nécessaire.(cf 302), comme des préceptes axiomatiques (ceux qui interdisent la malice, ou ceux qui ordonnent qu’un devoir soit rempli à tel moment et tel lieu.)  Car la matière de ces préceptes est intrinsèquement consonante ou dissonante avec la droite raison.   Exemple. Dieu ne pourrait pas, par décret, abolir les dix commandements, car aussi longtemps que Dieu est Dieu, il doit demeurer digne d’adoration, de louange, et d’amour,  et tant que l’homme sera un homme, le meurtre, le vol et le mensonge seront toujours contraires à sa nature.

 Dieu ne peut pas accorder une dispense au sens strict (exemption de jeûne sans raison médicale) de ces préceptes de la loi naturelle dont la matière est contingente, comme tuer et voler, car aussi longtemps que la matière de ces préceptes demeure ce qu’elle est censée être par la loi,  leur transgression est nécessairement opposée à la raison.  Exemple.  Dieu ne peut pas ordonner le meurtre d’une personne qui a le droit de vivre, ni le vol d’une propriété qui appartient légalement à quelqu’un.   Mais Dieu peut donner une dispense au sens large de préceptes contingents de la loi naturelle, c’est-à-dire qu’il peut faire un changement dans la matière de façon à ce qu’elle ne tombe plus sous la loi.   Ainsi, puisque Dieu est le Seigneur suprême de la vie et de la propriété, il peut, sans faire d’accroc aux droits humains, commander que telle personne soit mise à mort, ou qu’un autre s’empare de ses biens.   Ces actes ne constitueraient pas un meurtre (homicide injuste), ni un vol, parce que Dieu a un plus haut droit sur la vie et les possessions que n’en ont leurs propriétaires immédiats.  Le commandement donné à Abraham de tuer son fils n’était pas une dispense de la loi qui interdit le meurtre.  Quand Dieu a frappé à mort les premiers-nés des Égyptiens, il n’a pas commis de meurtre.  L’ordre que Dieu a donné aux Israélites d’emporter avec eux les biens des Égyptiens  n’était pas une dispense de la loi contre le vol.  Dieu n’a pas commis non plus de péché de vol quand il a envoyé aux Égyptiens des plaies qui ont détruit leurs fruits.

 311- Dieu peut-il faire un décret qui causerait une grave nécessité publique opposée à l’observance de la loi de la nature ?  S’il est question de lois absolues, (cf 303), cela ne peut pas être, car Dieu ne peut pas se dédire   en faisant une disposition contraire à sa loi éternelle. Exemple.  Nous ne lisons pas que Dieu ait jamais sanctifié un mariage polyandrique ou entre parent et enfant;  et il nous semble qu’il ne peut jamais rendre légal ce genre de choses. S’il est question de lois relatives, (cf 303), Dieu peut faire un décret de cette sorte, parce qu’un grand besoin fait prévaloir son droit sur les inconvénients du manquement à une loi relative.  Exemple.  Puisque Dieu a voulu la propagation de l’espèce humaine à partir d’un homme et d’une femme, le mariage entre frères et sœurs n’était pas contre la loi naturelle au tout début.   Puisque Dieu a voulu la rapide multiplication du peuple élu après l’ère patriarcale, la polygamie n’était pas vue par les Juifs d’alors comme répugnante à la nature.

 312- Dieu peut-il enlever une obligation naturelle en cas de nécessité privée, c’est-à-dire, quand son accomplissement serait nuisible à un individu ?    Les obligations naturelles qui ne dépendent d’aucun consentement libre de la volonté (cf. 304) ne peuvent être enlevées que par une dispense au sens large, et quand leur matière est contingente. (Cf 309-310).  Dieu ne pourrait pas dispenser quelqu’un, pour échapper à la mort,  de l’obligation de le confesser, car la matière de la loi, ici, est nécessaire.  Dieu pourrait dispenser quelqu’un de l’obligation de ne pas s’emparer de la propriété d’un autre, car Dieu est le propriétaire principal de toutes choses.

 Les obligations naturelles contractées par des actes ou par des  paroles humaines  (cf. 304) peuvent être abrogées.  Car puisque les êtres humains ne peuvent pas à l’avance connaître toutes les circonstances, les  conditions présentes ou futures, il peut arriver qu’une chose sur laquelle on était  tombé d’accord ne soit bonne qu’en apparence, ou de bonne soit devenue mauvaise.  Bien que la promesse faite soit elle-même bonne et oblige naturellement,  son accomplissement serait nuisible et mauvais, ou inutile, ou compromettrait  la venue d’un plus grand bien.  Il est donc raisonnable que Dieu relève quelqu’un de ce genre d’obligation, en changeant la matière de la loi, pour qu’elle ne tombe plus sous la loi. (cf 309).  Exemple.  Pierre  a fait le vœu par serment qu’il donnerait une certaine aumône ou qu’il ferait tel pèlerinage, mais quand le temps vient de mettre son vœu en pratique les circonstances ont tellement changé  qu’il serait préférable pour lui de ne pas tenir sa promesse.  Agissant au nom de Dieu, l’Église peut déclarer que la matière de ce vœu est devenue nuisible, et qu’en conséquence, l’obligation a pris fin.

 313- L’autorité humaine, et les modifications de la loi naturelle.  On peut faire des additions à la loi naturelle, non seulement par des lois positives divines, mais par les lois humaines de l’Église et de l’état, en introduisant ce que la loi naturelle permet, en déterminant ou confirmant ce qu’elle contient implicitement ou explicitement.   Exemples.  L’introduction de droits de propriété par les lois des nations; les conditions de contrats valides déterminées par des codes particuliers; les lois contre le vol et le meurtre confirmées par des peines, prescrites pour ces crimes.

 Aucune autorité humaine ne peut soustraire quoi que ce soit à la loi naturelle, car le pouvoir que Dieu a en tant que possesseur suprême de toute chose,  il ne l’a délégué à personne.  Exemples. Aucune autorité humaine ne pourrait autoriser un père à immoler son fils innocent, ni permettre à un serviteur de s’emparer de ce qui appartient à son maître.

 314- Les cas apparents de dispense de la loi naturelle faite par l’autorité humaine.  L’Église libère quelqu’un de l’obligation d’accomplir ses vœux,  du respect des serments et des contrats;  des empêchements au mariage, des liens du mariage etc…

 En faisant ainsi, cependant, elle ne dispense pas de la loi naturelle, mais elle ne fait que déclarer, au nom de Dieu, que la matière d’une obligation contractée par un acte de la volonté humaine est devenue sans valeur, et en conséquence, n’oblige plus légalement.(312 b)    Les sociétés ou les individus peuvent libérer leurs débiteurs de l’obligation de  rembourser ce qui leur est dû, comme quand un créancier oublie de réclamer une dette, ou quand un propriétaire permet à un voleur de conserver ce qu’il a volé.  En agissant ainsi, ils ne dispensent personne de la loi naturelle qui veut que l’on paye ses dettes, et qu’on ne conserve pas les biens mal acquis.  Ils ne font que changer la qualité de la chose en question, de sorte qu’elle cesse d’être due ou mal acquise, et n’est donc plus réclamable en justice.  Cela diffère aussi de la dispense que Dieu peut accorder, car il peut transférer des droits, sans le consentement du propriétaire immédiat. (Cf. 31)

 315-  L’interprétation, ou l’explication de la loi, qui indique si, oui ou non,  elle oblige dans un cas particulier,  peut s’appliquer à la loi naturelle de la façon suivante.  L’interprétation qui explique l’intention qu’avait le législateur quand il a fait la loi,  et le sens qu’il a donné aux mots de la loi (interprétation verbale) peut être faite quand la loi n’est pas tout à fait claire, ou quand il est difficile d’en saisir le sens.  Exemple. Le commandement tu ne tueras pas, a besoin d’interprétation, car il n’interdit pas toute sorte de meurtre. Ne peut pas être appliquée à la loi naturelle l’interprétation qui explique l’intention qu’un législateur aurait eue s’il avait prévu un cas particulier où la loi deviendrait nuisible,  et qui, en conséquence, fait passer l’intention du législateur avant les mots de la loi, (interprétation corrective).  Parce que, à la différence des législateurs humains,  Dieu prévoit non seulement le général, mais le particulier, Il n’y a donc rien qui justifie une correction, un amendement, ou une interprétation bénigne de la loi naturelle.  Exemple.  Pierre, qui était un invalide chronique,  s’est suicidé pour épargner à sa famille le spectacle navrant de sa déchéance.  Pour sa justification,  il avance  que le cinquième commandement n’a pas prévu les difficultés que l’on rencontre pour gagner sa vie dans la société moderne, et que son sacrifice plairait à Dieu.   Pierre a mal raisonné, car le suicide est défendu pour des raisons qui s’appliquent universellement (que la société et surtout la famille sont lésées par un acte de suicide.)

 316- L’interprétation verbale de la loi naturelle est faite comme suit.   Par une autorité privée, c’est-à-dire, par ceux qui, en raison de leur science ou de leur prudence, ont la compétence voulue pour  comprendre la signification  de la loi naturelle.  Puisqu’il doit nourrir le troupeau du Christ,  le pape a été divinement institué interprète de la loi naturelle, et il remplit ce devoir  authentiquement et infailliblement.  Ainsi, l’Église déclare que certains empêchements au mariage sont naturels, et qu’on ne peut pas en obtenir la dispense.

   Sur la compétence de l’Église de donner des interprétations de la loi naturelle qui font autorité dans le domaine de la morale, Pie X11 s’est exprimé avec clarté et conviction :  Il faut tenir ouvertement et fermement que le pouvoir de l’Église n’a jamais été limité aux  matières strictement religieuses. Mais le contenu intégral de la loi naturelle, son institution, son interprétation et son application relèvent de son pouvoir dans la mesure où il est question d’un élément moral. Car l’observance de la loi naturelle, de par la volonté de Dieu, est le chemin que l’homme doit suivre pour atteindre sa fin surnaturelle.  Sur le chemin vers cette fin surnaturelle c’est l’Église qui est son premier de cordée  et son guide. C’est le chemin que les apôtres ont tracé, et l’Église l’a toujours pratiqué  depuis le tout début  jusqu’à aujourd’hui.   Et cela, non à la façon d’un chef privé et d’un conseiller, mais en vertu du commandement et de l’autorité de Dieu.

 317- Il suit de ce qui a été dit que la loi naturelle est tellement inchangeable qu’on ne peut ni l’abroger ni en dispenser, ni l’amender ni la corriger.  Mais, bien que la loi elle-même demeure, il y a des cas ou sa non observance peut se faire sans faute.  On peut les réduire, ces cas, à l’impossibilité physique ou morale.   L’impossibilité physique excuse manifestement quelqu’un, car la loi est raisonnable, et exiger l’impossible est chose déraisonnable.  Exemples.  Les enfants ne sont pas coupables de péché contre la loi naturelle quand ils ne prient pas, car ils n’ont pas ce que présuppose la prière, l’usage de la raison.   Celui qui ne peut pas  travailler n’est pas obligé d’être soutien de famille.  L’impossibilité morale  (quand on ne peut observer une loi sans enfreindre une loi supérieure, ou sans la perte d’un bien plus grand)  excuse aussi quelqu’un, car il n’est pas raisonnable de préférer le moins important au plus important.   Exemple.  Pierre prête un pistolet à Paul.  Voulant se tuer, il demande à Paul de le lui rendre.   Comme la propriété est moins importante que la vie, Paul ne peut pas, dans ce cas, observer la loi voulant qu’on rapporte ce qu’on a emprunté.

 318-  On définit aussi l’impossibilité morale  comme l’incapacité d’observer la loi sans grand inconvénient ou sans grande perte pour soi-même ou un tiers.  Les inconvénients sérieux sont ceux qui privent quelqu’un de grands biens, comme l’usage de la raison, la connaissance, l’amitié, la santé, la réputation, la propriété.   Les pertes sérieuses sont celles qui empêchent quelqu’un d’obtenir des biens importants.   Les règles suivantes indiquent quand les inconvénients graves excusent et quand ils n’excusent pas de la non observance de la loi naturelle.   Quand la loi est négative, (prohibitrice),  aucun inconvénient ne peut excuser le péché, car ce qui est interdit pas la loi naturelle est toujours moralement mauvais, et doit donc être repoussé plus que le plus grand mal physique, ou la mort.  Exemple. Quelqu’un doit, sous peine de péché mortel ou véniel selon le cas, renoncer à tous les biens temporels plutôt que blasphémer, tuer, mentir…

 Quand la loi est affirmative, un inconvénient qui, tout bien considéré, est réellement et relativement grave, excuse du péché, car ce que la loi naturelle commande de faire n’est pas  toujours moralement  obligatoire, mais seulement au bon moment et dans les circonstances voulues. (Cf 371)  En conséquence, son omission n’est pas toujours moralement mauvaise.   Exemples.  Frédéric a fait le vœu qu’il irait à pied à un lieu de pèlerinage.  Mais quand arriva le jour du départ,  il avait une fracture à la hanche gauche qu’il ne ferait qu’aggraver s’il marchait.  Emilien a reçu de Pierre un bijou volé, et il a promis qu’il le retournerait immédiatement à son propriétaire.  Mais il découvre qu’il ne peut le faire sans danger, sans se faire arrêter lui-même ou celui qui a volé le bijou.  Pierre voit une personne blessée étendue près du chemin, mais il est fatigué.  Il ne l’aide pas, et il ne fait appel à personne pour  lui venir en aide.  Dans les deux premiers cas, l’inconvénient est grave, et Frédéric peut aller au pèlerinage plus tard, et Émilien peut rapporter le bijou plus tard.   Mais l’inconvénient de Pierre est léger et ne l’excuse pas de péché.

 319- Comme la loi naturelle est inchangeable parce qu’elle est basée sur la loi éternelle qui a formé  la nature de l’homme, elle est, aussi,  facile à connaître parce qu’elle est promulguée par la lumière de la raison.   Donc.  L’ignorance invincible de la loi en son entier est impossible pour quiconque a l’usage de sa raison : l’oubli complet de la loi naturelle par l’humanité est impossible.  320- Ceux qui n’ont pas habituellement l’usage de la raison (comme les enfants et les fous) ou actuellement (comme les drogués) peuvent être invinciblement ignorants de la loi naturelle.   Par exemple, ils peuvent même  être incapables de percevoir la différence entre le bien et le mal.

 Ceux qui ont l’usage de la raison peuvent ignorer la loi naturelle  de la façon suivante.   Ils ne peuvent pas être invinciblement ignorants des préceptes les plus généraux (comme il faut faire le bien et éviter le mal).  Et quand ils savent la différence entre le bien et le mal, ils doivent aussi percevoir ce qui est contenu  dans les concepts de bien et de mal. Par exemple, que l’un est désirable et devrait être fait, et l’autre une chose indésirable qui ne doit pas être faite.   Quelqu’un peut,  en règle générale, être invinciblement ignorant de ces préceptes qui sont déduits immédiatement, comme des conclusions nécessaires,  des préceptes les plus généraux ( comme :  ce qui a été emprunté doit être retourné de telle ou telle façon ), car cette conclusion est tellement éloignée de la prémisse, et il y a tellement de facteurs à considérer,  qu’une connaissance considérable et une certaine habitude du raisonnement sont requises pour un jugement correct, choses qui font défaut à plusieurs personnes.

 321- Les commandements du dialogue découlent directement des préceptes généraux de la loi naturelle, et ce qui a été dit dans le paragraphe précédent peut leur être appliqué.   Donc, généralement parlant, aucune personne qui a l’usage de sa raison ne peut être invinciblement ignorante de l’un ou de plusieurs des commandements. Même si les commandements peuvent être facilement déduits,  par la plus grande partie des personnes,  des principes communs du bien et du mal, il y a parfois des empêchements involontaires  qui freinent le droit usage de la raison.   Ainsi, les enfants et les personnes âgées dont la capacité mentale est très réduite, sont souvent incapables, bien que connaissant la différence entre le bien et le mal,  de tirer les conclusions qui en découlent. (qu’on ne doit pas mentir).

 322- Les commandements où l’on peut plus facilement trouver l’ignorance invincible sont ceux qui portent exclusivement  sur les actes internes, car la malice qu’il y a à les violer est moins apparente.  C’est pourquoi beaucoup de théologiens admettent que, même parmi les chrétiens, la méchanceté des pensées et des désirs mauvais  peut être inconnue sans faute, et à plus forte raison quand la méchanceté des actes externes qui leur correspond est aussi inconnue.  Ceux qui se rapportent au contrôle de la sensualité, car, à certains moments, l’impulsion qui pousse  à se livrer à des actes désordonnés est des plus véhémentes.  Voilà pourquoi il y a des théologiens qui affirment que la malice des péchés externes contre le sixième commandement peut être invinciblement ignorée, non seulement par des infidèles mais même parmi des chrétiens (les adolescents peuvent facilement ignorer pendant un certain temps la malice de certaines douceurs).

 323- Si on applique un commandement à un cas particulier dans lequel il y a un grand nombre de circonstances à considérer, ou quelque raison qui semble modifier la matière de la loi, même les adultes qui ont un parfait usage de leur raison peuvent être invinciblement ignorants.   Car, dans ces cas, nous avons affaire à une conclusion éloignée, non une conclusion immédiate de la loi naturelle.  Si le cas est relativement difficile, (d’après la formation ou le manque d’instruction de la personne qui étudie), il peut y avoir une ignorance invincible, au moins pour un temps.  Exemples.  Jephté, selon saint Jérôme, semble avoir été invinciblement ignorant du fait qu’il ne lui était pas permis de tuer sa fille.  Étant un soldat, et vivant dans un âge aux mœurs brutales, il n’appréciait peut-être pas à sa juste valeur le caractère sacré de la vie.  Des personnes illettrées pourraient considérer de bonne foi que ce n’est pas un mal de commettre un parjure dans le but d’aider quelqu’un en danger; de voler pour payer ses dettes; d’avoir de mauvaises pensées sans avoir l’intention de les réaliser; de faire ce que fait la majorité, ou ce qui est toléré.

 Si le cas est absolument difficile, (eu égard à la matière elle-même, qui est compliquée ou obscure), il peut y avoir une ignorance invincible même pendant longtemps.  Voilà pourquoi il est tellement  difficile de solutionner des problèmes relevant de la justice (comme l’application du septième commandement), et pourquoi nous trouvons des théologiens de profession qui défendent des thèses opposées, ou qui admettent que, dans la théorie, ils ne savent pas ou se trouve la vérité.

 324- La loi naturelle ne peut jamais être effacée du cœur des hommes.  C’est seulement dans des circonstances anormales, quand la capacité de réfléchir a été affaiblie ou perdue, qu’elle peut être oubliée.   Ainsi, à un dégénéré devenu un fou furieux, le meurtre ou d’autres crimes peuvent apparaître de bons actes.  Mais aucune société ne pourrait se conduire d’après les normes des aliénés, et survivre longtemps.    Dans les circonstances normales, (aussi longtemps que la capacité de raisonner demeure intacte), on ne peut oublier la loi naturelle, ses principes généraux, ses conclusions immédiates, même si on peut la perdre de vue quand elle s’applique aux cas particuliers, ou quand on en déduit des conclusions éloignées.

 325- Aussi longtemps, donc, qu’un groupe d’hommes demeure sain, même s’il est composé de barbares ou de criminels,  il ne peut pas mettre en oubli la loi naturelle.  Les principes généraux (le bien doit être fait, le mal doit être évité) ne peuvent pas disparaitre de l’esprit, même si dans des actions particulières, le plaisir ou d’autres passions peuvent s’interposer.  Ainsi, quand une foule se révolte, elle ne pense qu’à la violence et à la vengeance, et ne se soucie pas de la conscience.   Les préceptes secondaires comme ceux qui sont contenus dans le décalogue ne peuvent pas être oblitérés, quoiqu’il soit possible d’errer dans leur mise en application concrète.  Il y a plusieurs exemples de lois, anciennes et modernes, qui permettaient ou ordonnaient, dans des cas particuliers, des choses contraires à la mise en application normale des préceptes naturels.  Ainsi, les Spartiates et les Romains ordonnaient que soient mis à mort les enfants de faible constitution, ou que les esclaves soient tués avec leurs maîtres.  Certaines races anciennes encourageaient le pillage,  dans leur propre pays; et on a découvert des tribus sauvages qui avaient la coutume de tuer les vieux et les infirmes.

 326- Les causes d’une mauvaise application de la loi naturelle sont les suivantes.  Des causes involontaires.  L’application correcte peut se révéler difficile, par exemple, quand il faut tenir compte de plusieurs principes à la fois.   Ou, si le cas n’est pas difficile,  la personne qui applique le principe peut être sous développée mentalement, ou sa pensée peut avoir été aveuglée par une mauvaise éducation ou un mauvais environnement.  Exemples.  Les races qui ne voyaient aucune infamie dans le pillage de leurs voisins vivaient dans un âge sauvage quand ces actes de violence semblaient nécessaires comme mesures de protection.  Le sauvage tuait ses parents âgés, parce que  le manquement d’éducation morale lui faisait apparaître cet acte comme un geste de pitié.

 Il y a des causes qui sont volontaires, comme la négligence de la recherche de la vérité,  des habitudes vicieuses.  Exemples.  Saint Paul blâmait les païens pour leur idolâtrie, parce qu’ils avaient obscurci leur esprit  par rapport à Dieu.   Les pirates ou les bandits qui finirent par regarder la violence comme nécessaire à leur propre défense étaient responsables de leur état d’esprit, dans la mesure où ils avaient choisi une vie de crime.

 327- La transgression de la loi naturelle n’est donc pas imputable comme péché mortel si elle n’est pas volontaire.   En conséquence, le manque de connaissance excuse quand l’ignorance est involontaire,  ceux qui n’ont pas l’usage de leur raison, les enfants, les inconscients, les sous développés, enfants ou adultes, qui ne peuvent pas saisir le sens de certains préceptes, les personnes éduquées qui sont incapables d’apporter une solution correcte à certains problèmes difficiles de la morale, etc.  L’absence de consentement excuse aussi en tout ou en partie, comme quand quelqu’un agit sous la pression de la peur.
 

                             ARTICLE 3

                         LA LOI DIVINE POSITIVE
           (somme théologique 1-11 qq.98-108)
 
 

 328- Signification.  La loi positive divine est la loi que Dieu a ajoutée à la loi naturelle, pour diriger les actions de l’homme vers leur fin surnaturelle, pour l’aider à mieux observer la loi naturelle, et pour la perfectionner.    La fin dernière de l’homme n’est pas naturelle, mais surnaturelle (Cf 20).  C’est  pourquoi il était nécessaire qu’en plus des préceptes qui guident l’homme vers sa béatitude naturelle,  soient ajoutés des préceptes qui le guideront dans sa poursuite de la béatitude surnaturelle.  La loi du Seigneur donne de la sagesse aux petits. (Ps. XV111, 8)      La lumière de la raison naturelle  suffisait pour faire comprendre la loi naturelle, mais le péché avait obscurci cette loi, avec le résultat que se sont implantées des coutumes mauvaises qui rendirent difficile à plusieurs la correcte application de la loi naturelle, ou facile une mauvaise.  C’est pourquoi, il convenait grandement que la loi naturelle soit condensée en de brefs commandements, et donnée à l’externe par l’autorité de Dieu.  C’est ce qui s’est fait avec le décalogue, qui est une partie de la loi positive de Dieu de l’ancien et du nouveau testament. Le témoignage du Seigneur est fidèle. (Ps. XV111, 8)

 329- La loi positive divine diffère de la loi naturelle selon la matière, la permanence et la façon dont elle a été promulguée.  Les préceptes de la loi naturelle sont nécessaires puisqu’ils découlent de la nature de l’homme comme d’une conséquence nécessaire.  Les préceptes de la loi positive –excluant ceux qui sont une promulgation externe de la loi naturelle--  ne sont pas nécessaires, puisqu’ils découlent du libre décret de Dieu, qui a élevé l’homme à ce qui est supérieur à sa nature.    Les préceptes de la loi naturelle sont inchangeables, puisque la nature de l’homme demeure toujours la même.   Quelques préceptes de la loi positive de Dieu ont été changés parce qu’ils n’avaient été donnés que pour un temps, (les lois cérémoniales du judaïsme).  D’autres pourraient, en toute rigueur, changer, parce qu’elles ne sont pas nécessairement unies à la fin que Dieu a en vue. (la loi concernant les sacrements)     Les préceptes des deux lois viennent directement de Dieu, mais la loi naturelle n’est promulguée que d’une façon générale, à travers la lumière de la raison donnée à l’homme avec sa nature, tandis que la loi positive de Dieu a été promulguée sous forme de commandements particuliers. (tu ne tueras pas)

 330- La loi positive divine contient deux genres de préceptes : des commandements naturels et surnaturels.   Les préceptes naturels ont été donnés dans le but de rappeler aux esprits des hommes les lois connaissables par la raison qui avait été obscurcie par la passion, la coutume ou l’exemple.  Les commandements donnés à Moïse sur des tablettes de pierre ont renouvelé les préceptes naturels que Dieu avait écrits dans le cœur des hommes par leur raison.   Les préceptes surnaturels ont été donnés pour indiquer aux hommes les devoirs que leur destinée surnaturelle impose.  Exemple.  Les préceptes de foi, d’espérance et de charité.

 331- Division.   Il y a quatre états historiques de l’homme par rapport à sa fin dernière,  et à chacun d’entre eux correspond des lois positives divines.

 L’état de l’innocence originelle est celui qui a existé dans le paradis avant la chute.  Les hommes ont été élevés à un état surnaturel, et, en conséquence, les vertus surnaturelles de foi, d’espérance et de charité deviennent pour lui nécessaires.   Il était sujet à Dieu, en son corps et en son âme, et il était donc obligé d’offrir une certaine sorte de sacrifice. Il avait été sanctifié immédiatement par Dieu,  et n’avait donc pas besoin de recourir aux sacrements.  Il était encore dans un état de probation, et des épreuves lui ont été présentées, comme le commandement de ne pas manger des fruits d’un certain arbre.

 L’état de loi de nature est celui qui existait depuis la chute jusqu’à la loi écrite donnée à Moïse. Il est appelé état de loi de nature, non pas au sens où il n’y avait pas de préceptes surnaturels en vigueur, mais au sens où il n’y avait pas encore de loi écrite.  A cette époque,  l’homme connaissait la loi naturelle non par le moyen de commandements écrits sur des tablettes de pierre, mais par la loi de la raison inscrite dans leurs cœurs.  Il connaissait les préceptes surnaturels non par des écritures données à lui par Dieu, mais pas la tradition ou par une inspiration divine spéciale.   En plus des actes internes de culte surnaturel, de foi dans le Messie à venir,  des sacrifices externes, il y avait, pendant cet état, certains rites expiatoires ou sacrements,  qui purifiaient du péché l’homme tombé.  Un précepte spécial de l’âge patriarcal était la défense faite à Noé de manger la viande avec son sang.

 L’état de la loi mosaïque est celui qui a existé depuis le don de la loi au Sinaï jusqu’au don de la loi du nouveau testament fait par le Christ.  L’état de la loi chrétienne ou de la loi nouvelle est celui qui a commencé avec le Chris et les apôtres, et qui continuera jusqu’à la fin du monde.

 332- La loi mosaïque.

 C’était la loi spéciale de Dieu donnée aux Juifs, le peuple choisi par Dieu en tant que race de laquelle le Sauveur du monde devait venir.  Il a deux époques, celle de la préparation et celle de la loi.   La période de préparation a commencé avec la promesse, ou alliance,  faite à Abraham.  Une loi n’est donnée qu’à un peuple (Cf 285).  Et comme les peuples de la terre étaient, en ce temps, retournés à la corruption générale qui régnait avant le  déluge, Dieu choisit Abraham pour être le père d’une nouvelle nation qui préserverait la vraie religion jusqu’à la venue du Sauveur du monde. Le rite de la circoncision a été imposé au croyant comme un signe de l’alliance et un sacrement de rémission.    La période de la loi a commencé avec la promulgation du décalogue au Sinaï.   Les descendants d’Abraham s’étaient multipliés et étaient devenus une nation, et ils avaient été libérés de l’esclavage.  Ils  étaient donc rendus capables de recevoir une loi spéciale.  Leur histoire montre ensuite comment Dieu les a éduqués selon les normes de la loi mosaïque, et les a préparés pour une mission providentielle qui, à travers le Messie, devait être la leur, celle de donner au monde la loi universelle et parfaite de l’Évangile.

 333- L’excellence de la loi mosaïque.  La loi était bonne. (Rom. V11, 12)  Elle commandait ce qui était conforme à la raison, et interdisait ce qui lui était opposé. Elle avait Dieu pour auteur; et préparait l’homme pour la loi du Christ.  La loi était imparfaite (Hebr. V11, 19)  Elle avait été donnée pour un temps, à une époque où les hommes n’étaient que des enfants sur le plan spirituel, et pas encore prêts pour l’enseignement et la morale du Christ.  Elle interdisait le péché et le punissait; mais l’aide nécessaire pour observer la loi ne vint que par la foi dans le Christ, l’Auteur de la nouvelle loi.

 334- Les sujets de la loi mosaïque.  Le peuple Juif était tenu à l’observance de la loi mosaïque, parce qu’il avait été gratuitement élu pour être l’ancêtre du Messie.  Et c’est par un choix gratuit que Dieu a donné aux Juifs une loi apte à les conduire  à une sainteté  convenable aux promesses faites à leur race. En tant que peuple choisi,  ils étaient donc obligés à plus de choses que les autres nations.  Comme les prêtres, en tant que ministres de Dieu, sont tenus à une plus grande perfection que les laïcs.   Les Gentils n’étaient pas tenus à observer  les lois qui étaient propres au code mosaïque, mais seulement les lois naturelles et surnaturelles qui demeuraient  dans l’état de nature.  Il était pourtant permis aux Gentils de devenir prosélytes, pour pouvoir plus facilement et plus parfaitement  travailler à leur salut.

 335- La durée de la loi mosaïque.   La loi commença quand l’expérience démontra que la connaissance ne suffit pas pour rendre l’homme vertueux,   C’est-à-dire quand, en dépit de la loi naturelle,  les peuples retournaient au polythéisme et aux vices. La loi a été donnée à cause des transgressions. (Gal. 111, 19)  La loi finit quand l’expérience montra qu’une loi externe ne suffit pas pour conduire à la sainteté, c’est-à-dire quand le judaïsme dégénérait en formalisme, mettant la lettre de la loi avant son esprit.  Ce que la loi ne pouvait pas faire, Dieu l’a fait  en envoyant son propre fils dans la chair. Il  a condamné le péché dans la chair, pour que la justification de la loi puisse être accomplie en nous. (Rom. V111, 3,4)

 336- Le deutéronome décrit la loi mosaïque comme des préceptes, des cérémonies et des jugements;  et les commandements de l’ancien testament peuvent être classés d’après cette division tripartite.   Les préceptes moraux ont décrit les devoirs envers Dieu et envers l’homme qui découlent des dictats de la raison et de la loi naturelle.  Les prescriptions cérémoniales étaient des déterminations des devoirs religieux envers Dieu  contenus dans la loi morale, et des règles concernant le culte, qui avaient été instituées sur un ordre formel  de Dieu.  Les jugements étaient des déterminations des devoirs sociaux contenus dans la loi morale.  Ils étaient le code civil et politique de la nation théocrate qui tenait sa force d’un ordre direct de Dieu.  337- Les préceptes moraux sont contenus dans le décalogue, qui est une somme  de la loi naturelle,  puisque les principes généraux de la loi naturelle se trouvent implicitement contenus dans leurs conclusions immédiates, tandis que, dans les commandements, on trouve virtuellement les conclusions éloignées,  comme dans leurs principes (Cf 301)

 338- Le décalogue exprime les devoirs de l’homme envers Dieu : la loyauté (premier commandement, le respect (le deuxième), le service (le troisième).  Tous forment la loi de la première table.  Envers les parents (le quatrième), et les autres hommes : qu’aucune injustice ne soit commise envers eux par action (le cinquième), par la parole (huitième), ou le cœur (neuvième et dixième),  Tous forment la loi de la deuxième table. 339-  Les préceptes moraux qui ont été ajoutés après le don du décalogue peuvent être réduits à l’un ou l’autre des dix commandements.  Exemples.  La prohibition concernant les diseuses de bonne aventure se rapporte au premier commandement.  Celle qui  porte sur le parjure et le faux enseignement  au second. L’ordre d’honorer les vieux, au quatrième.  Celle qui porte sur les délations, au huitième.

 340- Les lois cérémoniales qui ont déterminé la manière de rendre un culte à Dieu, ou de se comporter comme il convient au peuple choisi, et qui préfiguraient le culte et le peuple du nouveau testament étaient très nombreuses, pour que les Juifs fussent d’autant plus facilement préservés des rites des païens et de leurs coutumes.  Les cérémonies qu’elles réglaient étaient de quatre sortes.   Les sacrifices par lesquels Dieu était adoré, et qui préfiguraient le sacrifice du Christ.  Les temps et les lieux sacrés, les choses et les personnes mises à part pour donner plus de dignité au culte divin, et pour symboliser plus distinctement les biens à venir.   Les sacrements par lesquels  le peuple et les ministres sacrés étaient consacrés pour le culte divin, de façon à préfigurer le Christ ( la circoncision, la consécration des lévites)  Les coutumes qui s’étendaient à tous les détails de la vie, pour que la vie des laïcs et des prêtres soit digne de la vocation propre à chacun, et pour qu’ils puissent être les types et les figures du peuple chrétien. (les lois portant sur la nourriture et le vêtement).   341- A la différence des lois morales qui ont existé avant Moïse et qui continuent dans l’ère chrétienne, les lois cérémoniales étaient temporaires.   Ainsi, avant Moïse, d’autres cérémonies étaient observées par les patriarches (le sacrifice d’Abel, les autels d’Abraham et de Jacob,  la prêtrise de Melchisédech etc…)  Après la venue du Christ, les nourritures pures et impures, les nouvelles lunes, les sabbats, et d’autres cérémonies mosaïques ont été abrogées, parce que ces rites annonçaient des choses devenues présentes.

 342- Nous pouvons distinguer quatre périodes dans l’histoire de la loi mosaïque cérémoniale.   De Moïse à Jésus-Christ, elle était la façon divinement ordonnée de rendre un culte à Dieu, et elle était obligatoire pour le peuple élu. A la mort du Christ, quand commença le nouveau testament, la loi cérémoniale cessa d’être obligatoire.   Jusqu’à ce que l’évangile ait été suffisamment promulgué, (jusqu’à la destruction de la ville et du temple de Jérusalem), la loi cérémoniale était permise aux Juifs convertis, non comme une préfiguration du Christ, mais comme un culte divin.  Après que l’évangile ait été suffisamment proclamé, il n’était plus permis de pratiquer les observances mosaïques.

 343- Les jugements ou les lois judiciaires de l’ancien testament avaient pour but de réguler les relations du peuple de Dieu entre eux et avec les étrangers selon la justice et l’équité, et de les préparer ainsi à la venue du Messie.  D’être, en conséquence, une sorte de figure de la constitution sociale du peuple chrétien. 344-  Les lois judiciaires, comme les cérémoniales, ont expiré avec le nouveau testament.  Mais puisque, à la différence des cérémoniales, elles n’étaient pas voulues directement comme une préfiguration de la chrétienté, leurs injonctions, quand elles n’étaient pas contraires à la loi chrétienne, ont pu faire parti du code civil d’un état chrétien.

345- Il y avait quatre sortes de préceptes judiciaires. Celles qui concernent les chefs de gouvernement.   Le gouvernement était monarchique et aristocratique, étant administré par Moïse et ses successeurs avec l’aide d’un corps d’anciens.   Mais il était aussi démocratique dans la mesure où les princes étaient choisis par le peuple et du sein du peuple.  Ceux qui concernent les citoyens.  Le rapport des Juifs avec les autres nations, en temps de paix ou de guerre, était fondé sur des lois humaines et sages.  Ceux qui concernent les familles. On avait pourvu avec soin aux droits et aux devoirs de l’époux et de l’épouse, des parents et des enfants, des maîtres et des serviteurs,

346- La loi du nouveau testament.  C’est la loi spéciale donnée par Dieu au monde entier, par l’intermédiaire du Christ,  qui doit durer jusqu’à la fin des temps.  On la comprendra plus facilement en la comparant à celle de l’ancien testament.   Dans les deux testaments, la grâce et l’Esprit sont donnés par la foi dans le Christ (la loi interne); des doctrines, des commandements et des cérémonies sont prescrits, (loi externe).  L’ancien testament est une loi portant principalement sur les œuvres, le nouveau sur la foi (Rom.111, 27)  Le premier veille surtout à la conduite externe, le second se soucie non seulement des actions, mais aussi des mouvements internes de l’âme, dont la foi est le premier.  Dans les deux testaments, les hommes sont justifiés par la foi et les œuvres (Heb X1, 39; Rom. 1, 16) et non par la loi externe écrite ou par la lettre.  Mais c’est seulement le Christ, l’auteur de la nouvelle loi, qui a rendu les hommes capables d’accomplir ce que la loi demande.  La loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. (Jn 1, 17)

347- Comparaison entre les deux testaments sous d’autres points de vue.  Le but des deux lois est de procurer l’obéissance à Dieu et la sainteté de l’homme.  Parce qu’il avait été donné à des gens mieux préparés et plus parfaits, le nouveau testament révèle plus clairement les mystères de la foi, enjoint des œuvres plus parfaites, et ajoute aux commandements des conseils de perfection (Cf le sermon sur la montagne).

 Les deux lois ont recours aux menaces, aux promesses et à la persuasion dans le but d’amener les hommes à l’obéissance.  Mais comme l’ancienne n’avait été donnée que  pour ceux qui n’étaient spirituellement que des enfants, elle insiste davantage sur les châtiments à être infligés aux transgresseurs et sur les récompenses externes à être données aux obéissants (la loi de crainte).  La nouvelle loi avait été donnée à ceux qui étaient spirituellement murs.   Elle insiste donc surtout sur l’amour de la vertu et sur les récompenses internes et spirituelles (la loi de l’amour).  Dieu est l’auteur des deux lois.  Mais la loi ancienne avait été annoncée par des serviteurs de Dieu comme une dispensation préparatoire à la nouvelle loi proclamée par le Fils de Dieu lui-même comme l’économie finale du salut de l’humanité. Dieu qui, dans les temps anciens, a parlé aux pères par les prophètes nous a parlé, en ces derniers temps,  par son Fils, celui qu’il a établi héritier de toutes choses. (Heb.11, 1)

348- La différence dans les préceptes des deux lois.  Il n’y a pas d’opposition entre les commandements des deux lois, parce que les préceptes cérémoniaux et judiciaires de la loi ancienne qui contenaient des figures et des prophéties sont réalisés dans les préceptes du Christ, tandis que les lois morales de l’ancien testament sont confirmées et perfectionnées par les lois morales du Christ.  Je ne suis pas venu pour détruire mais pour parfaire. (Matt. 1, 17)

Il n’y a pas de différence substantielle entre la foi et les œuvres des deux testaments.  Car ce qui est maintenant cru clairement et explicitement  était cru implicitement et en figure dans l’ancien testament;  et les plus grandes choses qui sont maintenant commandées étaient contenues en germe dans les préceptes de la loi ancienne.

349- L’ancien testament et le nouveau comparés d’après la difficulté.  Si nous considérons la difficulté qu’il y a à accomplir des œuvres externes, l’ancienne loi était beaucoup plus difficile, car elle imposait un grand nombre de cérémonies et d’observances complexes. Le Christ, lui, n’a commandé que des rites simples et peu nombreux.  Saint Pierre dit de l’ancienne loi qu’elle était un joug que ni nous ni nos pères n’avons été capables de porter. (Act. XV, 10)  Les additions faites par le Christ à l’ancienne loi (la prohibition du divorce) rendent plus facile ce que l’ancienne  loi se proposait, la perfection de l’homme.  La loi ancienne est donc une loi de servitude, la nouvelle,  une loi de liberté.

Si nous considérons la difficulté qui provient des œuvres internes,  ou des dispositions ou motifs avec lesquels les préceptes sont accomplis, la nouvelle loi est plus difficile parce qu’elle inculque une piété plus élevée, et donne plus d’attention à l’esprit, qui est celui qui doit rendre un culte à Dieu.  Mais puisque l’amour est le commandement du Christ qui inclut tous les autres,  et puisque la joie et la ferveur sont aisées à l’aimant, les commandements du Christ ne sont pas lourds. (1 Jn 3)

350- Les œuvres externes commandées par le Christ.  Puisque la nouvelle loi est la loi de la grâce, elle ne commande que des choses qui nous mènent à  la grâce, ou à l’aide desquelles nous faisons usage de la grâce déjà reçue.  C’est exclusivement par le Christ que nous recevons la grâce. Voilà pourquoi il y a des commandements qui se rapportent aux sacrements.  Nous faisons un juste usage de la grâce par la foi qui opère par la charité.  Voilà pourquoi il y a encore les préceptes du décalogue à observer.    Puisque la nouvelle loi est une loi de  liberté, elle ne détermine pas les détails de la nouvelle loi. Elle ne prescrit pas minutieusement comment nous devons rendre un culte à Dieu et pratiquer la justice envers les autres, comme cela avait été fait dans les lois cérémoniales et judiciaires de l’ancien testament.  Ce genre de dispositions mineures n’a pas de relation nécessaire à la grâce interne, puisqu’il est moralement indifférent.  C’est pourquoi le Christ a laissé beaucoup de choses libres, à être déterminées plus tard selon les conditions soit par l’individu (dans les matières personnelles), soit par les autorités spirituelle et temporelle (matières d’intérêt public).   Il est toutefois  contraire à l’esprit de l’évangile  d’accabler  les humains avec des observances nombreuses et lourdes.

351- Les œuvres internes commandées par le Christ.  Dans le sermon de la montagne, il a donné les commandements de la loi nouvelle qui résument le devoir entier du chrétien en ce qui concerne ses actes internes.  Quiconque entendra ces miennes paroles et les mettra en pratique sera semblable à un homme sage qui a bâti sa maison sur le roc. (Matt. V11, 24)   Ainsi, il y a les actes internes commandés qui se rapportent à nos volontés et à nos intentions : nous devons éviter non seulement les péchés externes, mais aussi les internes, ainsi que les occasions de péché.  Nous ne devons pas seulement faire le bien, mais nous devons avoir une bonne intention;  nous ne devons par mettre notre confiance dans les applaudissements ou dans la richesse.   Les actes internes commandés qui se rapportent à notre voisin : nous ne devons pas le juger sévèrement, injustement, présomptueusement, ni lui faire confiance imprudemment.    Les dispositions intérieures avec lesquelles nous devons accomplir notre devoir :  nous devons éviter l’angoisse et le stress,  implorer l’aide divin et l’attendre avec confiance.  Mais nous devons éviter aussi l’insouciance, la nonchalance,   concentrant notre esprit sur le chemin étroit, et nous méfiant des séductions.

352- L’enseignement du Christ sur les trois classes de préceptes : moraux, cérémoniaux et judiciaires.   Les préceptes moraux (le décalogue de la loi nouvelle).  Pas un iota ne doit être aboli.  Mais l’âme des ces préceptes, alors reconnus,   était si petite que le Christ a donné un nouveau commandement d’amour qui ferait reconnaître ses disciples. Et il a réduit toute la loi aux deux commandements de l’amour de Dieu et du prochain.  Les préceptes cérémoniaux, (la forme du culte juif) devaient être remplacés par d’autres.   Le Christ a enseigné la façon dont il fallait adorer Dieu : en esprit et en vérité. Il a institué le sacrifice du nouveau testament,  fixé le rituel des sacrements (le baptême et l’eucharistie), et enseigné une prière que devaient réciter ses disciples.  Il a laissé à l’Eglise de déterminer le reste.

Les préceptes judiciaires (les lois civiles d’une nation théocrate) ont cessés d’être nécessaires à la venue du Christ, dont le royaume est spirituel, et dans lequel il n’y a pas de distinction entre Juifs et Gentils, puisque sa loi est pour tous.  En fait, la destruction de Jérusalem en l’an 70 prédite par le Christ mit fin au culte exercé dans le temple et à  une vie nationale autonome et distincte.   Jésus corrigea la fausse interprétation que les Pharisiens avaient donnée aux préceptes judiciaires de leur loi, en leur montrant que la loi du talion  et la loi ordonnant de mettre à mort les ennemis publics n’autorisaient pas la vengeance et la haine.  Il leur enseigna l’esprit qui devrait animer toutes les lois civiles : l’amour et la justice.   Il laissa à la sagesse des futurs législateurs d’appliquer la loi de justice entre les hommes et entre les nations, selon que le requerraient les circonstances.

353- On peut appeler juridiques les préceptes avec lesquels le Christ a établi la primauté du Pape et  la hiérarchie.  Mais il a laissé à l’église le soin de déterminer les détails de la constitution qui la régira.

354- La durée de la loi du  Christ.   Le commencement.  La nouvelle loi a été donnée par le Christ et l’Esprit saint.  Elle a été ratifiée à la dernière cène et à la mort du Christ. C’est alors que le nouveau testament a été proclamé, et qu’a pris fin l’ancien testament.   Il a été promulgué d’abord à Jérusalem le jour de la pentecôte, et plus tard à travers le monde par l’enseignement des apôtres.

 La fin.  La loi du Christ continue jusqu’à la fin des temps.  Car cette génération –c’est-à-dire cette dernière période de l’histoire du monde qui est celle  de la dispensation chrétienne- ne finira que quand  le Christ reviendra juger le monde. Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation du monde. (Matt. XXV111, 20)

 355- Les sujets de la loi du Christ.  Allez prêcher à toutes les nations, enseignez-leur d’observer toutes les choses que je vous ai commandées. (Matt. XXV111, 19)  La loi du Christ n’oblige pas tous les humains de la même façon.  Ceux qui sont en dehors de la chrétienté sont obligés directement, par le commandement du Christ,  de croire et d’être baptisés.  Les chrétiens sont tenus d’observer les  lois de foi et d’œuvres acceptées au baptême.

 356- L’ignorance de la loi du Christ. Ceux qui sont en dehors de la chrétienté peuvent être ignorants de la loi du Christ invinciblement.  Car, aujourd’hui comme par le passé, beaucoup de personnes, sans faute de leur part, n’ont jamais entendu parler du message évangélique. Comment pourraient-ils croire en celui dont ils n’ont jamais entendu parler ? (Rom X, 14)  Même des chrétiens peuvent être dans une ignorance invincible de la loi du Christ.   Comme l’absence de prédicateur fait en sorte qu’un païen ignore la nécessité du baptême,  un manque d’instruction religieuse peut aussi  laisser un baptisé invinciblement ignorant, (la nécessité de recevoir l’eucharistie).

 357- La dispense de la loi du Christ.  Sa possibilité.  On ne peut nier que le Christ aurait pu dispenser quelqu’un de l’observation des préceptes positifs de sa loi, directement ou par son Eglise, car ces préceptes dépendent de sa volonté.  Et comme tout autre législateur, il peut assouplir sa loi,  ou déléguer un autre à cet effet.   Dans la  réalité.  Quelques-uns croient que Jésus a dispensé certaines personnes de sa loi, qu’il a dispensé, par exemple,  la sainte Vierge et les apôtres de recevoir le baptême; qu’il a autorisé les apôtres à donner le baptême sans la mention de la trinité.  Mais ces opinions sont plutôt invraisemblables, et sont sans appui sérieux.  Quelques-uns croient aussi que le pouvoir de remettre, accordé à l’Eglise,  inclut le pouvoir de dispenser de la loi du Christ.  Mais le contraire semble plus probable.  Parce que le pouvoir de rémission est certainement limité aux choses que requièrent le bien de l’Eglise et le salut des âmes.  Et il est plus avantageux pour l’Eglise et ses membres que les lois données par le Christ lui-même soient absolument inchangeables, pour que soient manifestées l’unité de l’Eglise et sa dépendance de son fondateur.  D’un autre côté,  l’opinion contraire a des arguments solides,  et mérite d’être prise en considération.   Quelques auteurs distinguent deux sortes de lois du Christ.  L’absolue, celle qui oblige immédiatement et par elle-même, indépendamment de toute intervention humaine, comme la loi concernant la nécessité du baptême, le choix du pain et du vin comme matière du sacrement.   L’hypothétique, qui présuppose une certaine action humaine, comme la loi de l’indissolubilité du mariage, qui oblige  les époux après qu’ils aient librement consenti de se lier par les lois du mariage.  De la même façon, l’obligation d’observer les vœux présuppose que quelqu’un s’y soit engagé.

 Aucun être humain ne peut dispenser de la loi absolue.  Comme nous l’avons déjà indiqué, le bien de l’église, son unité et sa stabilité semblent demander une loi inchangeable.  Plusieurs auteurs modernes pensent que le souverain pontife peut parfois dispenser de la loi hypothétique.  Le pouvoir de rémission suppose le pouvoir de dispenser, pouvoir utilisé dans certains cas : mariage ratifié non consommé.   De plus, le pouvoir de dispense semble extrêmement utile et presque nécessaire au gouvernement prudent et sage de l’Eglise.  Car, les circonstances changeant, un individu pourrait être empêché de faire un plus grand bien à cause d’un acte précédent de la volonté. Exemple. Quelqu’un pourrait être empêché d’entrer en religion à cause du vœu  antérieur de demeurer dans le monde pour œuvrer dans l’action catholique.

 358- L’interprétation de la loi du Christ. On peut avoir recours à l’interprétation privée  dans des cas extraordinaires, non prévus par le législateur, qui décidera que tel cas ne relève pas de telle loi.  Cette sorte d’interprétation ne vaut que pour les lois humaines, puisque Dieu prévoit tout, non seulement le général, mais le particulier. (Cf 315)

 L’interprétation publique de la loi du Christ est faite par l’Église, en vertu du mandat reçu :  Enseignez toutes les choses que je vous ai commandées. (Matt. XXV111, 20)
 359- L’interprétation publique de la loi du Christ.  L’Église est  capable de donner une interprétation qui déclare le sens de la loi positive divine, c’est-à-dire, d’expliquer sa signification,  de montrer quels sont les cas qui s’expliquent par elle, quels sont ceux qui ne s’y rapportent pas, quand quelqu’un est obligé, ou excusé de l’observer.  Exemple.  L’Église interprète la doctrine du Christ  sur l’indissolubilité du mariage, expliquant quand le lien contracté est absolument indissoluble, et dans quelques conditions il peut parfois être dissout.  L’Église est capable de donner une interprétation qui détermine en quoi consiste la loi positive divine, c’est-à-dire, pour régler une fois pour toutes la façon dont une loi doit être observée.    Exemples.  Le Christ a donné le commandement de recevoir l’eucharistie, mais c’est l’Église qui a déterminé quand et combien de fois quelqu’un doit recevoir la communion pour satisfaire aux désirs du Christ.   Le Christ n’a institué que d’une façon générale les rites essentiels de certains sacrements, laissant à l’Église d’en préciser les détails.

 360- La loi du Christ et l’impossibilité. L’impossibilité n’excuse pas quelqu’un de l’observation d’une loi  dans laquelle un acte est nécessaire non parce qu’il est prescrit, mais  parce qu’il est, même sans faute de  négligence,  un moyen nécessaire au salut,  (nécessité de moyens)    Exemple.  Les enfants qui meurent sans le baptême ne sont pas coupables d’avoir négligé les sacrements, mais leur absence les prive de la béatitude céleste promise par le Christ. Seul le baptême confère la régénération, et seuls les régénérés sont capables de la vision de Dieu.

 L’impossibilité peut excuser d’une loi qui rend nécessaire un acte parce qu’il est prescrit. Quelqu’un devient donc coupable de péché s’il enfreint cette  loi volontairement, (nécessité de précepte).   Exemple.  Un adulte qui meurt sans l’eucharistie ne peut pas être sauvé s’il est coupable d’une grave négligence.  Mais il peut l’être si c’est sans faute de sa part qu’il n’a pas reçu la communion. L’eucharistie accroit la vie surnaturelle, mais sa privation  non coupable n’exclut pas de la vie.

 361- L’impossibilité, ou ce qu’on appelle impossibilité, n’excuse pas toujours du manquement à ces lois divines qui ne sont que de précepte.   L’impossibilité physique est l’incapacité d’accomplir un acte.  Par exemple.  Il est physiquement impossible à  un aveugle de lire.  Cette sorte d’impossibilité, bien entendu, excuse de la faute et de la punition.  Exemple. Pierre est mourant, et il pense au commandement qui l’oblige à recevoir le saint viatique. Mais il ne peut communier sans vomir.  Dans ce cas, l’impossibilité l’excuse.   L’impossibilité morale est l’incapacité d’accomplir un acte sans qu’il s’y rencontre un sérieux inconvénient.  Exemple.  Il est moralement impossible à celui qui a la vue faible de lire de petits points.  Cette sorte d’impossibilité n’excuse pas si la non observation de la loi cause plus de  tort que son observance ne cause d’inconvénient.   Exemples.  Paul  ne veut pas manger les viandes défendues par la loi de Moïse, préférant mourir que de donner un scandale public.  Le commandement du Christ à l’effet que les pasteurs paissent leurs brebis, même en danger de mort, oblige  quand il y a une grande nécessité publique (la peste) ou une nécessité privée urgente (un enfant qui mourrait sans le baptême).

 362- L’impossibilité morale excuse de ces lois qui ne sont que de précepte, si l’inconvénient est sérieux, même quand il est comparé au mal provenant de la violation de la loi.  Car Dieu ne veut pas que les commandements institués librement par sa volonté obligent plus rigoureusement que les commandements de la loi naturelle.   Le Christ a excusé David d’avoir mangé les pains de proposition (ce qui était défendu par la loi de Moïse) en raison d’une grande nécessité.   Un inconvénient externe plus grave excuse de la loi de l’intégrité de la confession. (Cf Vol 11)

 363  Quand elle rompt les liens d’un mariage qui n’a pas été ratifié, on non consommé après ratification, quelle est la nature de l’action de l’église, d’après la loi du Christ sur l’indissolubilité ?  Quelques-uns y voient une application d’autres lois divines  qui limitent la loi de l’indissolubilité, et qui avaient été énoncées par le Christ lui-même dans son enseignement de la suprématie de la foi sur les autres liens, comme la supériorité de la virginité sur le mariage,  le pouvoir de rémission de l’Église etc.   D’autres y voient une interprétation  déclaratoire extensive de la loi d’indissolubilité.   D’autres encore regardent ces dissolutions comme l’enlèvement de la propre matière de l’obligation contractée par l’acte de la volonté humaine. (Cf 312)  Le pouvoir de rémission s’appliquerait ici dans le cas des vœux.  Certains auteurs appellent cet enlèvement de la matière une annulation de l’acte,  une remise des dettes, une permission,  tandis que d’autres le nomment dispense. (Cf 314)  Ceux qui voient la dissolution du mariage ratifié  non consommé comme une dispense rangent la loi de l’indissolubilité dans les lois positives hypothétiques.

 364- Les conseils.  En plus de ses préceptes (qui sont obligatoires), la nouvelle loi contient des conseils qui sont facultatifs, mais qui sont expressément recommandés.   365-   Un conseil est une invitation morale qui incite ceux qui y consentent librement à préférer un bien supérieur à un bien inférieur, afin de tendre plus efficacement vers la perfection, et de mériter une plus grande récompense.

 Un conseil n’est pas quelque chose qui est  commandé.  Exemple.  L’ordre que le Seigneur a donné à ses disciples de ne pas apporter de viatique en route prenait la forme d’un devoir,  pour qu’ils puissent apprendre à se fier à la providence.  Ce n’était donc pas un conseil.   Un conseil n’est pas non plus  toute chose bonne qui n’est pas commandée. Exemple.  Le mariage n’est pas obligatoire pour tous, mais il n’est pas un conseil puisque son opposé, le célibat, est meilleur.  366-  Il n’est pas non plus ce qui n’est conseillé qu’occasionnellement, et  qui est accepté par la volonté en cas de nécessité.  Exemple.  Le commandement du Seigneur de faire du bien à ses ennemis n’oblige pas de le faire à chaque moment, mais quand la nécessité le demande.  Il veut que chacun  soit toujours charitablement disposé à aider même un ennemi en grande difficulté.

 367- La supériorité des conseils apparait dans la façon dont on se comporte face aux biens de ce monde.  Quelques-uns se laissent accaparer totalement par les choses de la terre, faisant des biens temporels la fin de leur vie et la norme de leurs actions.  Ces gens-là ne gardent pas les commandements et ne peuvent pas être sauvés.   D’autres font usage des biens de ce monde non comme des fins, mais comme des objets subordonnés à des choses plus élevées.  Ceux-là gardent les commandements et seront sauvés.  Mais leur souci des biens temporels diminue l’intérêt qu’ils devraient apporter aux choses spirituelles.  D’autres renoncent totalement aux biens de la terre, pour se consacrer aussi complètement qu’il est possible aux choses de Dieu.  Ils pratiquent les conseils, et peuvent plus facilement parvenir à la sainteté et au salut.  Étant libérés des nombreuses entraves de la vie terrestre, ils peuvent se consacrer avec plus de zèle et de ferveur aux choses célestes.

 368- Les trois conseils.  Il y a plusieurs conseils donnés dans l’évangile, mais on peut les réduire tous à trois, d’après les trois plus importants biens terrestres, et les trois sortes de tentation qui en proviennent.  Le conseil de pauvreté requiert que quelqu’un abandonne les biens terrestres ou la richesse, qui engendrent la concupiscence des yeux.  Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, donne-le au pauvre, et tu auras un trésor dans le ciel. (Mar. X1X 21).   Le conseil de chasteté requiert que quelqu’un renonce complètement aux biens charnels du plaisir qui engendrent la concupiscence de la chair.  Celui qui donne sa vierge en mariage fait bien, mais celui qui ne la donne pas fait mieux.  (1 Cor V11, 38)  Le conseil d’obéissance requiert que quelqu’un renonce au bien spirituel qui est sa propre volonté, qui engendre  l’orgueil de la vie. Viens, suis-moi ! (Matt. X1X 21)

 369- On peut suivre les conseils de deux façons.   On les suit complètement quand on  les accepte comme une règle pour sa vie propre, comme cela se produit chez ceux qui embrassent l’était de perfection dans la vie religieuse, se vouant aux trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.  On les suit partiellement quand on les observe occasionnellement.   Exemples.  Un riche qui donne au pauvre sans y être obligé pratique, en ce cas, le conseil de pauvreté.   Une personne qui renonce à ses désirs légitimes dans un domaine quelconque pratique, en ce cas, le conseil d’obéissance.  Ou quand elle fait une faveur à une personne qui l’a offensé, ou quand elle remet une dette.  Les personnes mariées qui pratiquent l’abstinence conjugale pour des motifs religieux observent le conseil de chasteté.
 
 
 

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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction

Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.

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