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John A. McHugh, o.p. - Charles J. Callan, o.p.
THEOLOGIE MORALE un cours complet selon saint Thomas d'Aquin et les meilleurs auteurs modernes

Imprimatur Francis cardinal Spellman, Archbishop of New York, New York, May 24, 1958
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ARTICLE 4  LA LOI HUMAINE
(somme théologique, Ia-IIae qq. 95-97)

 370- Définition.   Puisque la perversité humaine a souvent besoin d’être mâtée par des régulations qui ne sont pas expressément contenues dans les lois naturelle et divine,   la société doit faire d’autres lois qui sont des conclusions ou des déterminations de ces lois,  pour faire face à des circonstances ou des nécessités spéciales.

 371- La division des lois humaines.  On les divise de plusieurs façons différentes.  D’après la différence existant entre les législateurs, les lois sont ecclésiastiques ou civiles.   D’après la façon dont elles dérivent de la loi naturelle, les lois appartiennent soit à la loi des nations, soit à la loi civile.  Le doit des nations ou la loi des nations se rapporte à ces lois qui dérivent de la loi naturelle comme des conclusions de prémisses, c’est-à-dire le droit à la propriété privée, sans lequel les hommes ne sauraient vivre paisiblement en société.   La loi civile se rapporte à tout ce qui dérive de la loi naturelle par voie de déterminations positives faites par un législateur.  Par exemple, la loi naturelle ordonne que le malfaiteur soit puni.  Mais la forme que prendra cette punition –emprisonnement, exil, mort—dépend de la volonté du législateur.

 Le droit des nations n’est pas une loi internationale qui tire sa force contraignante de la libre volonté du législateur.  Il est commun à tous les hommes, et il tire sa force de la conviction qu’ont les hommes qu’il est requis pour le bien de l’humanité.  Ce n’est pas un précepte secondaire de la loi naturelle qui dériverait nécessairement des premiers préceptes.  Il est plutôt basé sur un ensemble contingent de circonstances.  Il ne découle pas de la nature humaine considérée dans l’absolu, mais de la façon dont l’homme agit et réagit en société.

 D’après la différence de leurs objets, les lois sont soit affirmatives ou préceptrices, soit négatives ou prohibitives.  Une loi affirmative oblige toujours, mais pas en toute occasion.  Une loi négative oblige toujours et en toute circonstance.  Exemple.  Le troisième et le quatrième commandements sont toujours en vigueur, mais ils n’obligent pas, pour leur observation,  de poser un acte à chaque instant.  Les autres commandements qui sont négatifs sont  toujours en force, et il faut à chaque instant s’interdire ce qu’ils condamnent.   D’après l’obligation qu’elles imposent, les lois sont morales, pénales, ou pénales-morales.  Les lois morales obligent sous peine de péché;  les pénales sous peine de punition; les pénales-morales obligent sous peine de péché et de punition.  Selon leur aspect inclusif, les lois sont personnelles ou territoriales.  Les  premières affectent la personne pour laquelle la loi est faite, et maintiennent leur obligation sur cette personne, même quand elle se trouve à l’extérieur du territoire du législateur.   Les autres  affectent  le territoire, et en conséquence  n’obligent pas en dehors du territoire où la loi commande.   D’après leur effet, les lois prohibitives sont ou purement prohibitives ou  irritantes.  Les prohibitives rendent illégal ce qui est défendu;  les irritantes les rendent aussi invalides.

 372- Les qualités.  Les objets ou le contenu des lois humaines doivent posséder le caractère suivant.  Ils ne peuvent pas entrer en conflit avec la loi naturelle ou la loi divine.  Ils doivent être bénéfiques à la communauté pour laquelle les lois sont faites.
 373- Les lois cessent de servir au bien public dans les cas suivants.  Si elles sont faites sans une idée générale du bien public, lequel tient compte des différentes classes du peuple, des intérêts variés, et  autant du futur que du présent.   Si, perdant de vue que la majorité n’est pas parfaite en vertu, le législateur est trop exigeant,  la loi finit par être méprisée et produire des conséquences néfastes.  C’est pourquoi il est recommandable que les lois humaines restreignent leurs prohibitions aux fautes les plus graves, surtout ceux qui sont le plus nuisibles, et limitent leurs commandements à ces actes bons qui promeuvent le bien commun.  La multiplicité des lois, les peines excessives pour des offenses mineures, les sanctions cruelles et inhabituelles, conduisent au mépris de la loi
 374- Les lois humaines ne devraient pas prescrire ce qui est trop difficile. Elles ne devraient pas prescrire la vertu héroïque, à moins que le salut de la société ne l’exige, ou que quelqu’un s’y soit librement engagé.   Exemple.  Les soldats à la guerre et les pasteurs pendant les épidémies de peste doivent s’exposer eux-mêmes au danger de mort.  Mais la loi ne devrait pas obliger les citoyens à risquer leur vie pour des causes ordinaires.
 Elles ne devraient pas prescrire l’approbation de  l’esprit du législateur ou l’accomplissement vertueux de ce qui est prescrit,  à moins que la chose prescrite ne le demande d’elle-même.  Exemples.  La loi de la confession  annuelle et de la communion pascale requiert non seulement que ces sacrements soient reçus, mais qu’ils le soient dignement, car une confession indigne n’est pas un sacrement, et une communion indigne ne remplit pas le commandement du Christ, dont le commandement de l’Église n’est qu’une détermination. D’un autre côté, le jeûne du carême observé par quelqu’un qui n’est pas en état de grâce est un acte bon en lui-même qui satisfait à loi du jeûne.  Celui qui assiste à la messe un jour saint sans savoir que c’est un jour saint satisfait à l’obligation, même s’il n’avait pas l’intention de s’y conformer.

 L’obligation des lois humaines.  Toutes les lois humaines qui sont justes, qu’elles soient civiles ou ecclésiastiques, faites par des croyants ou des incroyants, obligent en conscience.  Depuis le début, l’Église a fait des lois et les a imposées comme obligatoires.  (Act. XV, 29; 1 Cor V1, 4, 5; 1 Tim. V 9-12.)  Elle a aussi enseigné que les lois de l’état étaient obligatoires, sans tenir compte des qualifications morales ou religieuses des gouvernants. (1 Pier 11, 13-16; Rom. X111, 1-7)

 375- Les lois humaines sont nécessaires.  La loi naturelle ne prescrit pas des punitions précises, tandis que les punitions prescrites par la loi positive divine sont invisibles et éloignées. S’il n’y avait pas de lois humaines qui brandissent la menace de punitions présentes précises, on n’aurait que du mépris pour les lois divines.  De plus, puisque les lois les plus hautes sont parfois inconnues,  ou ne prescrivent aucun temps déterminé,   aucun lieu particulier,  aucune façon de les accomplir, il est nécessaire qu’il y ait des lois faites par les hommes pour procurer une meilleure connaissance et l’accomplissement des lois données par le Créateur.

 376- Une loi humaine est injuste de deux façons.  Si elle est contraire aux droits de Dieu.  Exemples.  Le commandement que les bébés hébreux mâles soient tués. (Ex. 1, 17) L’ordre qu’Antiochus a donné à ses sujets de sacrifier aux idoles. (1 Mal. 11, 16-20) Le commandement que le Sanhédrin a donné aux apôtres de cesser de prêcher. (Act. V, 29)  Si elle est opposée aux droits de l’homme.   Cela arrive de trois façons.  Premièrement, quand la loi n’a pas pour but le bien commun, ou quand le législateur ne cherche que son intérêt personnel ou sa gloire.  Deuxièmement, quand l’auteur de la loi n’a pas l’autorité requise.  Troisièmement, quand la loi elle-même impose des fardeaux au peuple de façon arbitraire et déraisonnable, même si elle faite pour le bien commun, et par une autorité compétente.  Exemples.  Achaz et Jésabel, dans l’affaire de la vigne de Naboth n’avaient pas en vue le bien public mais leur intérêt privé. (111 Rois XV1)  La sentence de mort prononcée contre Notre Seigneur par le sanhédrin était illégale parce que, entre autres raisons,  il n’avait pas été convoqué légalement, et n’avait donc pas l’autorité voulue pour porter une sentence.   Les commandements donnés aux Israélites par les pharaons  (ex. V, 18), et à leurs sujets par les despotes orientaux ( 1Rois V111) étaient injustes.  Les premiers parce qu’ils étaient discriminatoires, les autres parce qu’ils imposaient des fardeaux trop lourds au peuple.  Injuste est la  loi civile ancienne qui prescrivait la même  peine de pendaison pour le vol d’un pain par un enfant, que pour le meurtre ou la piraterie. Le décret de Georges 111 et quelques lois modernes qui condamnent à l’emprisonnement à vie ceux qui ont été reconnus coupables de légères fautes sont des exemples plus récents de lois injustes.

 377- L’obéissance aux lois injustes n’est pas obligatoire dans les cas suivants.  Si une loi est opposée aux droits de Dieu, il n’est pas permis de faire ce que la loi commande ou autorise, ni d’omettre ce qu’elle interdit. Exemples.  Si une loi autorise la polygamie, ou commande de blasphémer, on ne peut ni se prévaloir de cette autorisation ni obéir.  Elle n’aurait aucune force la loi qui interdirait de recevoir ou de donner le baptême.    S’il est certain qu’une loi est opposée aux droits de l’homme selon les trois façons ci-haut mentionnées, elle n’oblige pas par elle-même en conscience, parce qu’il lui manque quelques conditions nécessaires à une vraie loi.  Même le consentement de la majorité ou de tous les citoyens ne pourrait la rendre  juste.  Elle peut quand même, obliger accidentellement si l’on  considère les grands maux que sa désobéissance entraînerait, comme le scandale, les troubles sociaux.  Le devoir des sujets est de s’opposer à ces lois et de lutter pour qu’elles soient abolies.

 378- L’obligation de toutes les lois n’est pas de la même sorte ou du même degré. Les lois morales obligent de faire ce qui est commandé  ou de s’abstenir de ce qui est interdit comme un devoir de conscience.  Celui qui viole une de ces lois est coupable d’une faute morale.  Les lois pénales obligent de faire ce qui est prescrit, si l’on veut être innocent  de tout crime devant la loi,  et ne pas être imputable  en conscience de la peine prescrite.  En conséquence, celui qui viole une loi pénale est coupable d’une faute juridique, et s’il se soustrait illégalement à la peine, il devient coupable d’une faute morale.

 Les lois morales n’obligent pas toutes avec la même force : quelques-unes sous peine de péché mortel, d’autres de péché véniel.      379- Les lois humaines suivantes sont considérées comme des lois morales.   Les lois ecclésiastiques, avec peu d’exceptions.  Les lois civiles qui confirment la loi naturelle ou la loi divine,  qui se rapportent directement au bien commun.   Comme les lois qui déterminent les devoirs des gouvernants, le droit d’hériter.   380- Les lois qui suivent sont généralement considérées comme purement pénales.   Les lois ecclésiastiques qui disent explicitement que leur observance n’est pas requise sous peine de péché, (les statuts de plusieurs ordres religieux).  Les lois civiles d’importance mineure, ou que le législateur impose comme un pur devoir civil,  (comme les lois du trafic).

 381- Les lois morales obligent sous peine de péché mortel si sont présentes les deux conditions suivantes.  Si la chose prescrite par la loi est d’une grande importance, à cause de sa nature ou des circonstances.  Si le législateur a l’intention d’obliger gravement.   382- Une matière de peu d’importance ne peut pas devenir l’objet d’une loi qui lie sous peine de péché mortel, car cela imposerait un fardeau intolérable, et serait donc contraire au bien commun.    Ce qui n’est pas important en soi peut le devenir en raison du but ou de certaines circonstances.   383- L’intention du législateur d’imposer une obligation morale grave se reconnait  à sa face même, (comme quand une loi ecclésiale est imposée sous la menace du jugement divin) ou par les circonstances qui indiquent une telle intention, comme la gravité d’une matière légale, ou la sorte de peine prescrite,  ou l’opinion générale des autorités, ou la pratique commune de la communauté.

 384- En obligeant d’observer ce qui est commandé et d’éviter ce qui est défendu,  l’obligation d’observer les lois porte nécessairement sur ce qui est nécessaire à leur observation.  En conséquence, la loi oblige de faire usage des moyens nécessaires pour son accomplissement.   Exemples. Celui qui n’a pas fait l’effort voulu pour connaitre la loi pèche contre la loi s’il en viole les prescriptions. Celui qui mange de la viande les jours d’abstinence, parce qu’il n’a pas fait l’effort de se procurer du poisson, est coupable de péché.   La loi oblige quelqu’un à faire l’effort suffisant pour enlever tout obstacle à son accomplissement, ou les dangers de sa violation.   Exemples.  La loi d’assister à la messe oblige quelqu’un de ne pas veiller le samedi soir au point de ne pouvoir pas se réveiller à temps le dimanche matin.  La loi du jeûne oblige à éviter les occasions de la violer.

 385- Interprétations.  Même si les lois ont été soigneusement rédigées, des doutes souvent subsistent au sujet de leur sens, soit par manque de connaissance, ou par un changement des situations, ou parce que, en certaines circonstances, elle s’est révélée inapplicable.  D’où le besoin d’expliquer la loi, ce qui se fait ordinairement par son interprétation, ou, dans des cas exceptionnels par adaptation.  (Cf 411). 386-  L’interprétation est une explication naturelle de la loi,  c’est-à-dire qui explique la signification des mots de la loi d’après l’intention que le  législateur se proposait quand il a choisi ces mots.  Elle peut se faire de plusieurs façons.  Selon l’auteur d’où elle procède, l’interprétation est authentique si elle vient du législateur lui-même, ou de quelqu’un qui a été autorisé par lui.   Elle est usuelle, si elle vient de l’usage, de la façon dont la loi est communément appliquée.  Elle est doctrinale, si elle est faite par des gens instruits,  selon les règles d’une exégèse correcte.  Selon l’effet, l’interprétation est déclarative si elle éclaire ce qui était obscur.   Elle est complémentaire, si elle étend ou limite la loi  en ajoutant ou en soustrayant des items.  D’après la manière dont elle est faite, l’interprétation est stricte ou large.   L’interprétation stricte donne aux mots de la loi leur signification propre.  Pour elle un fils est fils par la naissance seule.  L’interprétation large donne à un mot un sens inclusif et une signification  moins propre.  Pour elle, on peut être fils par la naissance ou par l’adoption.

 387- Ceux qui sont sujets à la  loi.  Sont obligés d’observer la loi humaine ceux-là seuls qui sont les sujets du législateur, et qui ont l’usage de raison.  Ceux qui ne sont, en aucune façon,  les sujets d’un législateur ne sont pas tenus à obéir, car obliger par une loi est un acte d’autorité et de juridiction.  Ceux qui n’ont pas atteint l’âge de raison ou qui sont habituellement privés de leur raison ne sont pas liés moralement, puisqu’on ne peut les obliger moralement à rien.  Bien entendu, on peut les empêcher de faire certaines actions, et on peut déterminer quels sont leurs droits.

 388- Même s’il n’est sujet de personne,  le législateur est  tenu d’observer les lois qu’il fait.  Ainsi, si le pouvoir de faire des lois se trouve dans une assemblée législative, chaque législateur est le sujet de cette assemblée, et est donc soumis à ses lois.  Si le pouvoir législatif réside dans un individu, il n’est pas soumis à la force coercitive de ses lois, puisqu’il ne peut pas se punir lui-même,  mais à leur force directrice, puisque une loi supérieure de la nature exige que le supérieur donne le bon exemple en observant ce qu’il demande aux autres.

 389- Le changement de loi.  Une plus grande connaissance et une plus grande expérience, ou le changement de circonstances sociales, requièrent, de temps en temps, que les lois humaines soient améliorées, ou adaptées à de nouvelles situations.   Mais puisque les lois tirent une grande part de leur autorité de la coutume, on ne devrait pas les changer, à moins que le bris de la coutume ne soit justifié par l’urgente nécessité d’une nouvelle loi, par son avantage manifeste, ou par l’iniquité ou la nocivité de l’ancienne loi.  En somme, le bien commun devrait être la norme qui permette de décider si la loi doit être conservée ou changée.

 390-  Comme elle est fondamentale et organique, la loi constitutionnelle est plus immuable qu’une loi ordinaire.  Si elle a été donnée à une société établie selon les directives d’un supérieur, elle ne peut pas être abrogée ou modifiée par l’autorité législative de cette société, puisque ce serait contraire à la volonté du fondateur.  C’est pourquoi l’Èglise n’a pas le pouvoir de changer la constitution fondamentale qui lui a été léguée par le Christ, puisqu’il a déterminé que la société établie par lui était nécessaire.  Si une société possède une loi constitutionnelle parfaite et nécessaire,  d’une nécessité qui lui vient de la loi naturelle,  seules des raisons extraordinaires peuvent justifier des amendements, et encore doivent-ils se faire de la façon prévue  (l’approbation du peuple).

 391- La loi coutumière.  La coutume (une pratique qui a acquis force de loi avec le temps) peut fonder une nouvelle loi ou abolir une ancienne.  Car la volonté d’un législateur n’est pas  manifestée seulement  par des mots, comme cela se produit dans la loi écrite, mais aussi et plus clairement par des actes répétés et continuels, comme cela se trouve dans le cas de la loi non écrite de la coutume.   Dans une démocratie, c’est le consentement du peuple, qui observe cette coutume comme une loi,  qui en impose l’obligation.  Dans une monarchie, c’est le consentement du roi qui permet la coutume.  392- En ce qui a trait à ses effets légaux, il y a trois sortes de coutume.  Les coutumes qui vont dans le sens de la loi sont des interprètes de la loi.  Celles qui sont en marge de la loi introduisent une nouvelle obligation non prescrite par la loi écrite.  La coutume se trouve ainsi à établir une loi.  Celles qui  sont contraires à la loi enlèvent l’obligation d’une loi  précédente.  Dans ce sens, la coutume rejette, au moins en partie, la loi qui lui est contraire.

 393- La coutume n’a pas le pouvoir d’établir ou de repousser une loi à moins qu’elle ne possède ce qui est requis à une loi (Cf 285).  D’où naissent les conditions suivantes.  Puisque l’exercice du pouvoir législatif requiert la liberté,  les coutumes ne possèdent de force légale  que si elles se sont formées librement.  En conséquence, une coutume établie par force n’en est pas une.   Puisque seules les sociétés parfaites font des lois, les coutumes n’ont force de loi que si elles sont observées par une société parfaite, ou par une majorité de ses membres qui on valeur représentative.  C’est pourquoi n’a pas le statut de loi une coutume observée par une famille, ou par une minorité de votants dans une société qui a sa propre jurisprudence.  394- Puisque les lois doivent procéder d’une autorité compétente, les coutumes ne font ou ne refont pas la loi, à moins d’avoir l’approbation de celui ou de ceux qui exercent l’autorité.   Dans une société où la fonction législative repose sur le peuple (l’ancienne démocratie d’Athènes), la coutume est suffisamment approuvée quand on garde une coutume dans le but d’en faire une loi, ou de s’en servir pour abolir une loi existante.  395- Mais si le pouvoir suprême n’est pas dans la multitude, les coutumes n’obtiennent pas force de loi à moins d’avoir été approuvées par l’autorité constituée.

 396- Puisque la loi doit être promulguée, une coutume,  pour avoir force de loi,  doit s’exprimer par des actes publics qui la rendent connue de tous.  Les coutumes, qui ont les conditions requises, commencent à devenir obligatoires ou dérogatoires dès qu’elles ont l’approbation de l’autorité compétente.  Si l’approbation est donnée expressément, la coutume a force de loi sur le champ.  Si elle est tacite, c’est-à-dire si le législateur, sans subir aucune contrainte,  ne désapprouve pas une coutume qu’il connait, la coutume a force de loi aussitôt que le tacite consentement est reconnu par les doctes et les prudents.  Il y a d’autres conditions qui sont nécessaires pour qu’une coutume ait force de loi.   Puisque la loi est un ordre sciemment imposé par la volonté du législateur, une coutume ne constitue pas une loi si on l’observe à cause de la conviction erronée qu’elle est déjà une loi, ou s’il n’y a rien qui indique une volonté de la rendre obligatoire.  Les signes d’une intention d’élever une coutume à la dignité d’une loi sont les punitions infligées aux transgresseurs d’une coutume, l’observance de la coutume au prix de grands inconvénients, l’opinion favorable des bons.

 Puisqu’une loi ne peut prescrire que ce qui est raisonnable et ce qui se rapporte au bien commun, un usage opposé à la loi naturelle ou à la loi divine, ou expressément réprouvé comme un abus par la loi écrite, ou qui porte atteinte au bien être de la communauté, ne peut pas devenir une loi écrite au nom de la coutume.  397- Il y a des conditions spéciales qui sont requises pour qu’une coutume fasse disparaître une loi existante.   Une loi n’est abrogée  que quand le législateur la déclare non obligatoire.  En conséquence,  une désuétude ou une coutume contraire à la loi n’abroge pas une loi à moins qu’elle n’indique l’intention de ne pas être obligé par ce que la loi prescrit.  Cela elle le fait si tout le peuple voit une certaine loi comme une lettre morte, ou sent que les circonstances ou le bien commun requièrent le contraire de ce que la loi commande, et n’a aucun scrupule d’agir d’après ses convictions.

 Une loi écrite n’est pas abolie si elle est immuable, ou si un changement serait nuisible à l’intérêt commun.  De la même façon, une coutume ne peut  abolir une loi que si elle peut être abolie par des actions humaines, et si elle n’est pas essentielle au bien public.   En conséquence,  les coutumes qui sont contraires aux commandements ou à la loi du Christ, les coutumes qui sont condamnées expressément par le droit canon comme perverses,  les coutumes qui encouragement le mépris de la loi, ou qui fournissent des occasions de péché  ne peuvent jamais abroger une loi, quelque soit le nombre d’années qu’elle ait été observée, et quelle que soit la quantité de personnes qui l’ont pratiquée.  398- Ceux qui partent une coutume contraire à la loi sont parfois de bonne foi, et ne pèchent donc pas par désobéissance.   Il peut se faire qu’ils ignorent la loi,  mais aient la détermination de ne pas se sentir liés par elle.  Ils peuvent connaître la loi,  mais penser sincèrement que les conditions présentes y ont mis fin.
399- Même quand une coutume a été partie de mauvaise foi, elle peut continuer de bonne foi, et devenir ainsi non une violation mais une abrogation de la loi.   Le changement des situations peut rendre une loi déphasée ou nuisible, ou le fait lui-même qu’elle n’est plus observée peut rendre l’obligation de l’observer  trop ardue.
400- Aujourd’hui, les coutumes n’obtiennent pas aussi souvent force de loi.  De plus, il est si difficile de savoir si la coutume a les qualités nécessaires pour établir, modifier,  abroger une loi, puisqu’il faut être expert en la matière pour en juger.

 401- La dispense.  La loi humaine n’est pas immuable comme la loi divine.  C’est pourquoi on peut non seulement la changer, mais en dispenser.  La dispense est le  relâchement, par l’autorité compétente,  d’une loi positive faite pour un cas particulier.  C’est un relâchement de la loi, au sens où elle enlève l’obligation de la loi.  Elle diffère ainsi d’une permission qui est l’accomplissement  de ce qui est permis, sous condition,  par la loi.  La dispense est faite pour un cas particulier, c’est-à-dire qu’elle est accordée quand les dispositions de la loi, bénéfiques pour la communauté dans son ensemble,  ne conviennent pas à une personne ou à un cas en particulier.  Ainsi, elle diffère premièrement de l’abrogation et de  la dérogation qui enlèvent l’obligation de la loi en son entier ou en partie pour toute la communauté.   Et, deuxièmement, du privilège, qui est accordé de façon permanente comme une loi privée.

 C’est l’autorité compétente qui donne la dispense, c’est-à-dire, le législateur, ou d’autres qui en ont le pouvoir légal.  La diispense diffère ainsi de l’interprétation privée que font ceux qui n’ont pas le pouvoir de dispenser d’une loi.    La dispense est un relâchement de la loi positive, car aucune dispense ne peut être donnée de la loi naturelle, puisqu’elle est immuable (305).   La dispense diffère ainsi de la déclaration officielle ou de l’interprétation de la loi naturelle.
402- Ceux qui ont le pouvoir de dispenser d’une loi sont le législateur et ceux qui sont dument mandatés.   Le législateur lui-même peut dispenser de la manière suivante.  De ses propre lois, puisqu’il a pu les faire;  des lois de ses prédécesseurs, puisque son autorité est égale à la leur; des lois de ses inférieurs, puisqu’ils sont ses subordonnés.  D’autres peuvent dispenser qui en ont reçu l’autorité nécessaire de la loi, de leur supérieur, ou de la coutume.

403- Les bénéficiaires  de la dispense d’une loi.  Puisque la dispense est un acte de juridiction,  ceux-là seuls peuvent bénéficier d’une dispense qui sont, d’une certaine façon, les sujets de celui qui accorde la dispense.  Cependant, puisque la juridiction requise pour la dispense n’impose pas une obligation mais accorde une faveur, on s’accorde à dire que celui qui a le pouvoir de dispenser autrui d’une loi  peut aussi s’accorder une dispense à lui-même, si son pouvoir n’est pas limité.     Puisque la dispense est un acte d’autorité, elle peut être accordée même à des absents, ou à ceux qui ne la connaissent pas,  ou qui ne veulent pas l’accepter.

404- Le pouvoir de dispenser a pour but le bien commun.  Il doit dont être exercé fidèlement, c’est-à-dire, non pour des raisons d’intérêt privé ou d’amitié; prudemment, c’est-à-dire, en connaissance de cause, et après avoir jugé qu’il y a des raisons suffisantes qui justifient une dispense.
405- Pour que soit suffisante la raison invoquée pour une dispense il n’est pas nécessaire qu’elle soit grave au point de constituer une impossibilité physique ou morale d’accomplir la loi, puisque  l’obligation de la loi tombe devant une impossibilité, sans même le besoin d’une dispense.   Donc, des raisons d’une moindre gravité suffisent pour obtenir une dispense.

406- On doit accorder une dispense quand la loi elle-même ou la justice le requiert.  Voici les cas habituels.   Quand il existe une raison qui requiert que, conformément à la loi, une dispense soit allouée;  quand le bien commun ou le bien spirituel d’un individu, ou sa protection contre un mal sérieux demande la concession d’une dispense.     407- Une dispense peut être accordée ou rejetée, quand la situation ne le justifie pas, ou quand le supérieur, après enquête, ne réussit pas à savoir si la raison est suffisante ou non.  Autrement, le supérieur aurait sur ses épaules une responsabilité plus grande  que celle que la loi  est en mesure de lui imposer, celle de parvenir à une certitude là où il ne peut pas y en avoir.

408- Celui qui dispense d’une loi sans raison suffisante est coupable du péché de favoritisme, et est responsable du désenchantement ou du mécontentement qui en résultent.  Il est coupable d’un péché grave si la dispense malencontreuse cause un scandale ou d’autres inconvénients majeurs, même si c’est le législateur lui-même qui accorde la dispense, ou un inférieur qui en usurpe le pouvoir.

409-   Le sujet de la dispense est coupable de crime s’il demande une dispense tout en sachant qu’il n’a aucune raison sérieuse pour la demander; si, après qu’on lui ait refusé une dispense, même injustement, il défie la loi; ou s’il fait sciemment usage d’une dispense invalide ou expirée.    410- On peut réduire à deux chosesles raisons suffisantes pour demander une dispense.  Un avantage privé : la difficulté de la loi, la grandeur du bénéfice que  procurerait une dispense.  Un avantage public : les bénéfices qu’en retire la communauté, ou les maux qu’elle fait éviter.

 411- Puisque les lois humaines légifèrent sur des cas particuliers et contingents d’après ce qui se passe habituellement,  et comme elles doivent être formulées en termes généraux, il arrivera que des cas exceptionnels soient considérés comme  couverts par une loi si on ne considère que le sens obvie des mots, mais non converts si on considère l’intention du législateur.  Car il aurait décrété autrement s’il avait prévu les cas exceptionnels.  Dans ces cas exceptionnels, le légalisme insiste sur l’obéissance aveugle,  mais la justice supérieure de l’équité demande d’obéir au législateur lui-même qui ne veut que le bien commun, et un juste octroi des droits de chacun.   412-  La recherche de cette équité peut donc être définie un assouplissement des paroles de la loi lorsque, dans des cas extraordinaires, en raison de leur généralité, elles ne représentent pas l’esprit du législateur.  L’assouplissement doit être fait de la façon dont le législateur l’aurait fait lui-même s’il avait réfléchi à la question, ou comme il le ferait maintenant si on le consultait.  Ce genre d’assouplissement diffère donc de toutes les autres choses qui enlèvent l’obligation d’obéir à une loi, parce ce qu’elle suppose la non existence de l’obligation depuis le tout début, et une compréhension inadéquate de la loi.

 Ce n’est donc ni une révocation, ni une désuétude, ni une interprétation restrictive, ni une dispense. Ce n’est pas une cessation en raison d’impossibilités, ni une permission présumée,  ni une dispense donnée par soi-même.  C’est à la foi légal et dangereux d’y avoir recours. C’est légal parce que cette déclaration de nullité  milite pour le bien commun, le jugement de conscience,  le recours  qu’ont les individus contre un document écrit  et un abus de pouvoir.  C’est dangereux car elle repose sur le jugement individuel qui est enclin à décider en sa propre faveur au détriment du bien commun et du sien.   413- De par sa propre nature, elle s’impose à elle-même des limites.   Elle se base sur le fait qu’un certain cas n’a pas été défini en termes propres par une loi parce que le législateur ne l’a pas prévu.  On ne peut donc pas l’appliquer à la loi divine, car le législateur divin a prévu tous les cas qui peuvent se présenter, et a donc exclu les exceptions. (Cf 315)

  Cela est évident si l’on pense aux dix commandements et à d’autres préceptes de la loi naturelle, puisqu’ils traitent de ce qui est intrinsèquement bon ou mauvais, et sont inchangeables. (Cf 307)  Mais cela s’applique aussi aux prescriptions de la loi positive de Dieu, et aux cas apparents « d’assouplissement » comme la manducation des pains de proposition par David qui peuvent être expliqués comme la cessation d’une loi ou une dispensation divine.   Exemples. On ne peut excuser certaines formes modernes de tricherie sous le prétexte qu’on n’y avait pas encore pensé quand le décalogue a été écrit.  Quelqu’un ne peut  se dispenser de recevoir le baptême en prétendant que Jésus lui-même l’en aurait dispensé s’il avait prévu les circonstances dans lesquelles il se trouve plongé. .  414- « L’assouplissement » est basé sur le principe que les paroles de la loi doivent être subordonnées au bien commun et à  la justice.  En conséquence, il ne peut s’appliquer à ces lois dont l’observance universelle est exigée par le bien commun, aux lois irritantes.   Tout inconvénient subi par un individu provenant de l’effet de ces lois est petit en comparaison du tort causé à l’ensemble de la communauté,  si certains cas n’étaient pas compris par ces lois.  Car les lois irritantes sont les normes avec lesquelles on juge la validité des contrats et d’autres actes publics.  La sécurité demande qu’ils soient uniformes et certains.   Exemple.  On ne peut contracter un mariage s’il se présente un empêchement diriment, sous le prétexte que l’Église ne maintiendrait pas l’empêchement si elle prenait connaissance des sérieux inconvénients qui en proviennent.

 415- Les dangers que provoque « l’assouplissement » limitent son usage. Il y a le danger que quelqu’un puisse se tromper en jugeant que le législateur n’avait pas l’intention d’inclure ce cas dans sa loi.  S’il n’en a pas la certitude, il devrait s’informer avec tout le sérieux voulu, et avoir recours au législateur ou à un de ses représentants pour obtenir une déclaration ou une dispense.  Il n’est jamais permis de se servir de « l’assouplissement » sans être raisonnablement certain que le législateur n’avait pas l’intention de faire entrer ce cas particulier dans sa loi.   Il y a le danger que quelqu’un agisse de mauvaise foi en décidant que le bien commun ou la justice requièrent dans tel cas un assouplissement de la loi.  Son vrai motif peut n’être que son intérêt propre ou la fuite d’une obligation.   Quelqu’un ne devra donc avoir recours à cet « assouplissement » qu’en cas de nécessité, quand il est livré à ses propres ressources, et doit décider par lui-même.  Et même là, il doit être certain qu’il est sincère et désintéressé.

 416- Les cas dont son usage est permis sont les suivants.  Au sens large, il s’agit d’une interprétation bénigne faite par un individu à l’effet qu’un cas particulier ne faisait pas partie de l’intention du législateur, parce qu’il n’avait pas le pouvoir de l’inclure.  Cette raison peut être invoquée pour tous les cas dans lesquels l’interprétation opposée mettrait la loi en opposition au bien commun, ou causerait de l’injustice à certains individus.  Exemple.  La loi qui veut qu’on retourne à son propriétaire les biens empruntés doit céder le pas à « l’assouplissement »  si elle signifie mettre des armes entre les mains de qui les utiliserait contre le salut public ou pour commettre un meurtre.

 « L’assouplissement », au sens strict, c’est-à-dire la conviction que tel cas particulier ne correspond par à l’intention du législateur, parce qu’il n’avait pas le désir de l’inclure, peut être utilisé dans tous les cas où une interprétation contraire laisserait supposer chez le législateur une sévérité inhabituelle.  Summum jus, summa injuria, disait Cicéron : la rigueur excessive de la loi peut être une suprême injustice.  Exemple.  Pierre touchera un double salaire s’il travaille le dimanche à l’heure de la messe.  Paul est en grande forme pendant un jour de jeûne, mais il est fatigué et subira un petit inconvénient s’il jeûne.  Pierre et Paul peuvent tous deux invoquer l’intention du législateur, car l’Église ne veut pas être impitoyable.  Elle ne veut pas non plus, en général, que ses lois obligent rigoureusement et dans chaque cas.

 417- Même si on peut recourir à l’intention du législateur pour toutes les lois humaines, la loi civile ne le permet pas toujours.    Prendre sur soi d’agir comme on le croit bon rend quelqu’un coupable de violation technique.  Exemple. Pierre craint que sa maison soit pillée ou qu’on vienne l’attaquer chez lui.  Il emprunte donc un pistolet et s’exerce au  tir. Il n’a pas pris le temps d’obtenir le permis nécessaire, et a prétendu que la nécessité ne connait pas de loi.  S’il est arrêté, il peut être condamné pour violation de la loi.    Un recours à la justice peut obtenir des soulagements non prévus par la loi. Exemple.  Quelqu’un peut obtenir de la cour un arrêté pour empêcher quelqu’un de commettre une injustice, même si la loi ne donne que le droit à des compensations après que le tort ait été causé.
 

                     ARTICLE 5

               LA LOI ECCLESIASTIQUE

 418- Étant une société parfaite et indépendante, l’Église a le pouvoir de faire des lois pour ses membres dans le but de promouvoir le bien spirituel de tous.  Ces lois ne sont pas un accroc à la liberté de l’Évangile, car c’est le Christ lui-même qui a accordé à l’Église des pouvoirs législatifs et gouvernementaux qui sont propres à sa mission.  La charte de l’autorité législative de l’Église est contenue dans les mots du Christ à Pierre : Je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église. Et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre sera  lié dans les cieux, et tout ce que délieras sur la terre sera délié dans les cieux. (Matt. XV1, 18-19; XV111, 17; Luc, X, 16)

 419- Le caractère des lois faites par l’Église est comme suit.  Leur but est de guider et d’assister l’individu pour qu’il puisse plus facilement et plus parfaitement accomplir la loi du Christ;  et de protéger et promouvoir les droits et les devoirs de l’Église dans son ensemble.  Elles n’imposent habituellement pas ce qui a trait  à la plus haute perfection, mais ce qui est le minimum nécessaire pour le salut. (Cf 374)   A la différence des lois de la synagogue, leur nombre est petit.   Il n’y a que six préceptes de l’Église qui lient les fidèles.  Les autres lois n’obligent pas touts les individus, puisqu’il y en a pour les évêques, les prêtres, les religieux, et même pour les juges etc.  Leur obligation n’est pas aussi contraignante que celle des lois de l’ancien testament,  car on peut plus facilement les changer ou en dispenser.

 420- Les lois générales de l’Église.   La loi générale de l’Église se fonde sur les cinq livres du droit canon promulgués par Benoit XV, le 27 mai l917.   Elle ne vaut que pour les églises latines, excepté dans les matières qui, de par leur nature propre, affectent aussi bien l’Église orientale.  Elle a été en force le jour de la pentecôte, 19 mai, 1918.   421-  Les effets du nouveau code de loi sur la législation précédente sont les suivants. Il conserve en sa totalité les lois liturgiques qui ne sont pas modifiées, les accords du saint siège avec différentes nations, même avec celles qui n’admettent pas le code, les faveurs, les privilèges et les indults non révoqués. (canons 2 et 4)   Les lois disciplinaires d’origine ecclésiastique qui sont contraires au code sont révoquées, même si elles sont particulières, à moins d’indication  contraire.   Les lois disciplinaires d’origine ecclésiastique omises par le code conservent leur force si elles sont particulières.  Elles sont abrogées si elles sont générales, et si elles ne sont pas même implicitement contenues dans le code.  Si une loi générale a imposé une peine, le code doit en faire mention expressément pour qu’elle demeure en vigueur.  (canon 6)   Les coutumes universelles ou particulières qui sont opposées au code doivent être corrigées si elles n’ont pas été expressément condamnées par le code.   Elles peuvent ou ne peuvent pas perdurer, en règle générale, d’après  leur ancienneté, c’est-à-dire,  si elles sont centenaires ou pas. (canon 5)

 422- Voici quelles sont les règles adoptées pour l’interprétation du code.   Dans les parties où le code est d’accord avec la législation précédente, il doit être interprété selon l’ancien code.  Dans les parties où il est en désaccord avec l’ancien code, on doit l’interpréter d’après sa formulation à lui. (canon 6)

 423- Les législateurs de l’Église.  Le pape, en tant que vicaire du Christ et tête visible de l’Église,  possède le pouvoir législatif suprême (canon 218)  Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église…Je te donnerai les clefs du royaume des cieux. (Matt. XV1, 18,19)  Ainsi, le Pape peut légiférer pour toute l’Église, seul ou, dans un concile œcuménique avec le corps des évêques qui lui est soumis;  directement ou se servant des congrégations; dans tous les diocèses, directement ou par ses représentants.  Ainsi, par une concession papale,  les légats peuvent imposer des lois à un endroit où ils sont envoyés;  les prélats « d’aucun endroit » pour un territoire  qui leur est confié;  les chapitres religieux pour les ordres religieux, et autre chose semblable.

 424- Les évêques placés par le Saint-Esprit pour régir l’Élise de Dieu ont un pouvoir législatif à l’intérieur de leur territoire, sous la dépendance du Pape. (canon 335) Ils peuvent faire des lois, chacun pour son diocèse,  par eux-mêmes ou dans un synode. Quand ils sont réunis ensemble en un concile provincial ou universel, ils peuvent légiférer pour les provinces ecclésiastiques,  ou pour tous les fidèles de leur pays.

 La matière de la loi de l’Église.  La fin de l’Église étant la gloire de Dieu et le salut des âmes, elle peut légiférer sur toutes les matières qui sont sacrées, ou qui se rapporte directement ou indirectement à la satisfaction des hommes ou au culte de Dieu. (Léon X111, Immorale Dei, 1 nov. 1885)  L’Église peut interdire les choses déjà prohibées par la loi divine,  la loi naturelle, la loi positive.  Et même si elle ne peut dispenser personne de ces lois, (Cf 313-314, et 357) elle a l’autorité voulue pour les interpréter, et elle peut décider quand cessent les obligations de la loi divine qui dépendent d’un acte de la volonté humaine. (Cf 315, 316)    L’Église  peut préciser des choses que la loi divine avait lassées imprécises.  Exemple.  La façon dont on doit sanctifier le jour du Seigneur; à quels jours et combien de fois la sainte communion doit-elle être reçue pour satisfaire au précepte, comment jeûner pour remplir l’obligation du jeûne etc.    L’Église peut faire des lois dans des matières que Jésus avait laissées libres,  toutes les fois qu’elles assureraient une meilleure observance de sa loi (des lois pour le clergé et les religieux, pour le culte, pour l’administration etc…)

 426- Les actes que l’Église peut prescrire sont de plusieurs sortes.  L’Église peut prescrire des actes qui sont purement externes, (jeûner), et des actes qui sont en partie externes et en partie internes, c’est-à-dire ces actes externes auxquels doit se joindre, de par la nature des choses et de par la loi,  un acte moral spécial de l’intelligence et de la volonté, (un serment, une confession ou une communion valable).  L’Église peut prescrire  des actes qui sont purement internes, c’est-à-dire des actes de l’intelligence et de la volonté qui n’ont aucun lien nécessaire avec un acte externe, comme la méditation, l’intention d’une messe,  toutes les fois qu’elle explique, applique ou détermine la loi divine, ou qu’elle agit en vertu du pouvoir du Christ.  Exemples.  Le pape peut définir un dogme à être accepté au for intérieur.  Un confesseur peut imposer comme pénitence une méditation.  L’Église prescrit des jours où le pasteur doit offrir la messe pour le peuple.  Un supérieur religieux peut commander aux membres de sa communauté de faire une retraite.

 Il est plus que probable que, en dehors des cas cités, l’Église ne peut pas légiférer sur des matières  purement internes.  Car, à la différence du Législateur divin qui voit les actes internes de l’âme, et qui peut porter un jugement sur eux, l’Église ne peut ni lire dans les cœurs ni  juger les consciences.  Ce serait en effet inutile pour elle de demander des actes qu’elle ne peut connaitre.  Et cela d’autant plus que la loi divine s’est déjà chargée de commander ou de prohiber des actes internes, et que personne n’échappe au jugement de Dieu.

 427- Ceux qui sont liés par les lois générales.  Les lois générales de l’Eglise obligent tous ceux qui sont sujets de l’Église,  et qui sont capables de recevoir une loi.   Elles n’obligent que ceux-là (canon 12).  On devient membre de l’Église par le baptême.  Ce sont donc les baptisés qui sont les sujets des lois ecclésiastiques.  Les commandements de l’Église ne portent que sur des actes humains, délibérés ou sur des omissions.  En conséquence, seuls ceux qui ont l’usage de la raison sont sujets de ces lois.  De plus, à moins que la loi ne prescrive expressément autrement, ceux qui ont  atteint l’usage de raison, mais qui n’ont pas complété leur septième année, ne sont pas liés par une loi qui n’est qu’ecclésiastique.  La loi a défini des exceptions  particulières.   Les canons 834 et 940 qui traitent de la réception des sacrements en danger de mort; le canon 859  établissant l’obligation de la communion pascale, et le canon 906, qui contient les préceptes de la confession annuelle, tous ces canons déclarent que la loi qu’ils imposent vaut pour les personnes ayant l’usage de raison, qu’elles aient complété ou non la septième année.  La loi du jeûne (canon 1254)  oblige après la complétion de la vingt-et-unième année.  Le canon 1099 exempte explicitement les non catholiques, dans leur mariage propre, de la forme ecclésiastique du mariage.  Le canon 1070 les exempte aussi de l’empêchement de disparité de culte (3).  Ceux qui sont habituellement privés de leur raison, le canon 88 les considère comme des enfants.  En conséquence, bien qu’ils soient liés par la loi divine dans leurs moments de lucidité, ils ne le sont pas par la loi ecclésiastique.

 428- Par les non baptisés nous entendons ici non seulement ceux qui n’ont jamais reçu le baptême, (comme les infidèles, les païens, les musulmans, les Juifs, les catéchumènes) mais aussi ceux qui ont été baptisés invalidement.  La loi divine enjoignant de recevoir le baptême et d’entrer dans l’Église s’applique à ces gens.  Mais aussi longtemps qu’ils ne sont pas baptisés, ils ne sont pas les sujets de l’Église.   Ainsi, ils ne sont soumis directement à aucune loi ecclésiastique. Ce n’est donc pas une faute en soi de leur demander de faire ce qu’interdisent ces lois (travailler un jour d’obligation).   Ils deviennent indirectement sujets de la loi ecclésiastique quand ils entrent dans des relations, régies par loi,  avec des baptisés qui sont des sujets de la loi de l’Église. Exemple.  Une personne non baptisée qui épouse un catholique contracte un mariage invalide, si la loi de dispensation n’a pas été observée.

 429- Les baptisés non catholiques incluent les hérétiques et les schismatiques.  Ainsi, objectivement, ces personnes sont tenues aux lois ecclésiastiques, à moins que la loi elle-même ne les en exempte. Il n’est donc pas permis de les inciter directement à transgresser une loi de l’Église (de manger de la viande le vendredi).  Subjectivement, on considère qu’ils ne commettent pas de péché formel s’ils n’observent pas les lois de l’Église.  Et ce n’est pas un péché de prêter la main à leur non-observance (donner de la viande un vendredi à un protestant de bonne foi qui le demande ou le désire.)

 430- On soutient que l’Église est plus compréhensive envers les baptisés des non-catholiques, c’est-à-dire ceux qui sont nés et qui ont été éduqués dans une secte non-catholique.   Ainsi, les lois qui ont pour objet la sanctification de l’individu (comme le jeûne ou l’abstinence, la messe du dimanche etc.) on n’insiste pas pour qu’ils les appliquent, puisque ce serait léser  plutôt que favoriser leurs intérêts spirituels.   Les lois qui ont pour objet la perfection de l’ensemble de l’Église (comme les mariages mixtes)  s’appliquent aussi aux baptisés non catholiques.

 Certains auteurs n’admettent pas cette distinction, et soutiennent que ces non catholiques sont liés par les lois de l’Église, puisque le canon 87 statue expressément : Par le baptême une personne entre dans l’Église du Christ avec tous les devoirs et droits des chrétiens.  Les apostats et les excommuniés sont certainement tenus à toutes les lois ecclésiastiques.  431- Les catholiques orientaux ne sont pas liés par les lois pontificales (canon 1) à l’exception des cas suivants :  quand la matière est dogmatique;  quand la loi s’étend implicitement à eux du fait qu’elle contient une déclaration de la loi naturelle ou divine; quand la loi s’étend explicitement à eux.  Exemples : le canon 218, le canon 228, le canon 622, et 1099.

 432- En règle générale, toutes les personnes baptisées, comme on vient de l’expliquer, sont soumises aux lois ecclésiastiques, si elles ont habituellement l’usage de raison.  Elles ne le sont pas dans le cas contraire.  La première règle.  Les personnes habituellement aptes à raisonner  sont toutes celles qui, dans leur état normal, sont capables de faire la différence entre le bien et le mal, c’est-à-dire la majorité de ceux qui ont complété leur septième année.   Ces personnes sont soumises aux lois ecclésiastiques même quand il leur arrive d’être temporairement incapables de raisonner,  pour raison d’intoxication, de délire, de dérangement, d’inconscience etc.  En conséquence.  Il  agirait mal celui qui offrirait de la viande le vendredi à une personne momentanément déséquilibrée, sous prétexte que sa condition présente la dispense de la loi. Car l’état d’irresponsabilité passagère empêche quelqu’un de commettre un péché mortel, mais ne le soustrait pas à l’observation de la loi de l’Église.

 La deuxième règle.  Les personnes habituellement incapables de raisonner sont toutes celles qui n’ont pas encore appris la différence entre le bien et le mal (les enfants et les idiots), ou qui ont personnellement perdu toute connaissance du bien et du mal (les aliénés mentaux).  Ces gens ne sont pas liés par les lois ecclésiastiques, du moins pas par celles qui sont directrices.   Il  n’est donc pas interdit, en soi, de donner de la viande les jours d’abstinence à ces personnes, même si elles sont catholiques.

 Voici quelques exceptions à la première règle.  D’après le droit canon, l’âge de raison survient légalement quand quelqu’un a complété sa septième année.  Si un garçon ou une fille est capable de raisonner avant cet âge,  il (ou elle) n’est pas tenu aux lois qui sont purement ecclésiastiques, bien qu’il soit désirable que les parents accoutument leurs enfants à assister à la messe, à pratiquer l’abstinence, aussi tôt qu’ils jugent la chose possible.   Un enfant qui a dépassé la septième année, et qui n’a toujours pas l’usage de sa raison n’est pas tenu aux lois ecclésiastiques.

 433- Selon le droit canon, l’âge de la puberté est fixé à quatorze ans révolus pour les garçons; à douze pour les filles, (canon 88).  Ceux qui n’ont pas encore atteint ces âges,  ne sont soumis à aucune loi pénale, à moins qu’une loi n’affirme expressément le contraire, car, en raison de l’absence d’un jugement mur,  ils ont droit à la  compassion (canon 2230) L’âge de maturité dans le droit canon (comme au civil) est atteint  quand quelqu’un a complété les vingt-et-un ans (canon 88).  Dans l’exercice de leurs droits les mineurs sont soumis au pouvoir de leurs parents ou gardiens, sauf quand la loi dit le contraire, comme c’est le cas pour la réception des sacrements et le choix de la vie religieuse.   Ils ne sont pas tenus à la loi du jeûne (canon 1254).

434- Il y a quelques exceptions à la deuxième règle.  Ces lois de l’Église qui accordent des faveurs ou qui invalident des actes peuvent s’appliquer même à ceux qui ne sont pas habituellement capables de raisonner, (les enfants et les fous firieux) parce que des lois de ce genre ne guident pas les actions des sujets.

435- Ceux qui sont liés par des lois particulières.  Les lois particulières de l’Église obligent tous ceux qui sont soumis à ses lois générales, et qui deviennent les sujets des lois d’une localité pour des motifs  de domicile ou de présence personnelle.  436- On acquiert, dans un endroit,  un vrai domicile ou un chez soi  de deux façons.   Immédiatement, quand quelqu’un y établit son séjour avec l’intention d’y demeurer continuellement ou indéfiniment.  Définitivement, après dix ans, quand quelqu’un y est demeuré tout ce temps, sans même avoir eu  l’intention d’y rester toujours. (canon 92)

On acquiert, dans un endroit,  un quasi domicile ou une résidence de deux façons.  Immédiatement, quand quelqu’un s’y établit  avec l’intention d’y demeurer pendant au moins la plus grande partie de l’année.  Définitivement, quand quelqu’un est demeuré à un endroit autant de temps que dure la plus grande partie de l’année, (canon 92)
437- En ce qui a trait à la demeure, on distingue quatre classes de personnes, (canon 91),  Un résidant est quelqu’un qui a un domicile à un endroit et qui y demeure en permanence.    Un résident est quelqu’un qui a un quasi domicile à un endroit, et qui y demeure en personne.  Un étranger est quelqu’un qui est loin du lieu de son domicile ou de son quasi domicile.  Un gyrovague ou un itinérant est quelqu’un qui n’a ni domicile ni quasi domicile.  438- Voici les règles qui se rapportent à ceux qui ne sont pas des étrangers.  Les résidants et les résidents sont soumis aux lois diocésaines, provinciales ou locales, (canon 13)  Les gyrovagues sont sujets aux lois du territoire où ils se trouvent à un moment donné, (canon 14)

439- Les règles ayant trait aux lois générales qui s’appliquent aux étrangers (canon 14)  Un étranger est obligé de suivre ces lois,  si elles sont observées à l’endroit où il se trouve, même si elles ne sont pas en force au lieu de son domicile ou quasi domicile.   Un étranger n’est pas obligé d’observer les lois générales si elles ne sont pas en force à l’endroit où il se trouve, même si elles le sont dans le lieu de son domicile ou quasi domicile.   Ainsi, la loi générale de l’abstinence le vendredi n’oblige pas quelqu’un qui voyage à un endroit où cette loi a été suspendue, même s’il aurait été  obligé de s’abstenir de viande s’il avait été chez lui. Il serait quand même préférable  pour un voyageur  de s’en tenir toujours aux lois en vigueur dans son patelin.

440- Les lois des étrangers qui concernent les lois particulières de leur domicile propre  ou de leur quasi domicile, (canon 14).  Ils y sont liés dans deux cas.  D’abord, quand  ces lois ne sont pas territoriales mais personnelles,  et  obligatoires pour eux partout, (comme c’est le cas des statuts des supérieurs religieux).  Ensuite, quand la violation d’une loi territoriale léserait son propre territoire (comme quand, comme le feint la loi, quelqu’un doit être considéré présent à cause de la loi de résidence).   Voilà les seuls cas qui les obligent.   Ainsi, si quelqu’un voyage pendant un jour qui est d’obligation dans son diocèse, mais qui ne l’est pas dans le diocèse où il se trouve, il n’est pas obligé d’assister à la messe.

441- Voici les règles qui concernent les étrangers au sujet des lois particulières des endroits où ils se trouvent.  Ils y sont tenus dans deux cas.  Premièrement,  quand la loi naturelle elle-même exige que tous observent une loi territoriale donnée.   Deuxièmement,  quand l’Église inclut les étrangers parmi ceux qui sont soumis à une  loi territoriale. Ils n’y sont pas tenus dans les autres cas.   Ainsi, si une personne voyage pendant  un jour saint qui est considéré comme un jour d’obligation dans le diocèse où il se trouve et dans son diocèse  à lui, mais pas dans l’Église universelle, il n’est pas obligé d’assister à la messe, parce que la loi de son diocêse ne le lie plus puisqu’il est à l’extérieur, et la loi du diocèse où il se trouve ne l’oblige pas, puisqu’il n’en est pas le sujet.

442- La loi naturelle requiert que les étrangers  se soumettent aux lois locales  dans les cas suivants.   Quand leur non observance causerait un scandale, ce que la loi naturelle demande d’éviter.   C’est de cette façon que nous entendons la maxime de saint Ambroise : Quand vous êtes à Rome, faites comme les Romains font.  Si donc un étranger causait un scandale en mangeant de la viande  un jour d’abstinence qui est propre au lieu où il se trouve, il aurait l’obligation de s’interdire de manger gras.  Quand une loi locale stipule  des conditions requises à la validité des contrats (canon 14),   Si les étrangers n’étaient pas tenus par des lois de cet ordre, ils pourraient en tirer des profits abusifs au détriment des résidants, chose contraire à  la justice naturelle.   Ainsi,  le lieu régit l’action.    Quand la loi locale a pour objet le maintien de l’ordre public (canon 14), car la loi naturelle demande que la sécurité publique soit préservée.   En conséquence, un étranger qui commet un crime est passible des peines de la loi locale (canon 1566).  443-

 Les exemples de lois territoriales qui obligent même les étrangers, selon le précepte de l’Église, sont les lois qui demandent à tous, même aux étrangers, de suivre le calendrier liturgique  de l’Église quand on célèbre la messe, et de dire les prières obligatoires prescrites par l’évêque du diocèse local.   444- Les règles données aux étrangers peuvent s’appliquer aussi à ceux qui sont dans des lieux exempts de juridiction locale (les monastères des religieux exempts).  Les exempts sont ceux que la loi feint de considérer à l’extérieur du territoire de chacun des  diocèses, qui ne sont pas les sujets de l’évêque du lieu,  mais qui relèvent directement du pape (canon 515).  445- Il y a quand même plusieurs cas où les religieux exempts sont soumis aux lois territoriales du diocèse où ils se trouvent.  Par exemple, quand ils acceptent des paroisses dans un diocèse, ils sont soumis à l’évêque pour  tout ce qui a trait au ministère paroissial; quand le bien commun ou la crainte  des scandales requiert qu’ils se soumettent à une loi diocésaine.  446- Ceux qui ont un privilège personnel peuvent l’utiliser partout, car un privilège personnel comme un précepte personnel, s’attache à la personne, non au territoire.

447- Promulgation.  Les lois de l’Église sont promulguées de la façon suivante.  Les lois du Saint-Siège sont promulguées par leur publication dans un journal officiel,   les actes du siège apostolique.   Elles deviennent effectives trois mois après la date de publication, à moins que, d’après la nature du cas, elles n’obligent tout de suite, ou que la loi elle-même n’en dispose autrement.  Un évêque promulgue ses lois de la manière qu’il le décide, en général par une publication dans le périodique officiel de son diocèse.  Elles deviennent officielles, des lois,  dès leur publication, à moins qu’il ne soit précisé autrement dans la loi (canon 335).   448- Quand une  loi a été promulguée et connue, et quand on a commencé à l’observer, on dit qu’elle est acceptée.    Si elle n’est pas observée,  on dit qu’elle n’est pas acceptée.  L’acceptation n’est pourtant pas une chose essentielle à une loi.

En conséquence.  Il n’est pas nécessaire que le peuple observe une loi pour qu’elle soit obligatoire, car, autrement, le législateur n’aurait aucune autorité.   L’approbation des lois ecclésiales par l’état n’est pas nécessaire pour  leur validité, puisque l’Église et l’état sont des sociétés distinctes, opérant chacune à l’intérieur de leur sphère propre.  449- Une loi qui a été promulguée peut  être sans  force pour les raisons suivantes.  A cause d’une coutume déjà existante et non récusée par la loi, ou qui surgit alors pour l’abroger (391); en faisant appel au législateur.    Exemple.  Si un évêque estime qu’une loi du Pape ne convient pas à son diocèse, il explique ses raisons au Saint-Siège,  et en attendant la réponse, il fait comme si le législateur ne désirait pas maintenir sa loi.

450- Les lois irritantes.  Lois basées sur la présomption.  Il y a deux classes de lois humaines qui méritent une mention particulière en raison des difficultés qu’elles soulèvent.   Les lois irritantes qui sembleraient être injustes, parce qu’elles déclarent nul ce que la loi naturelle estime valide;  les lois basées sur la présomption, qui sembleraient de force douteuse, puisque la présomption est souvent contraire à la réalité.  451- Une loi irritante ou qui rend quelqu’un inapte, est celle qui déclare expressément et sans équivoque que certains défauts rendent un acte nul ou annulable, ou une personne incapable. Ces lois-là sont justes, même quand elles sont faites par une autorité humaine, puisque c’est le bien commun qui les rend nécessaires,  et puisque la loi naturelle elle-même demande que le bien commun soit préservé.

452- Les lois irritantes sont de plusieurs sortes.  Elles sont moralement ou juridiquement irritantes selon que ce qui est enlevé de l’acte est soit la valeur naturelle qu’il a en conscience, soit la valeur positive qui dérive de la loi.   Un acte peut donc être légalement nul (n’avoir aucune valeur que la loi reconnait ou protège), et être au même moment valide moralement (avoir autant de force en conscience qu’elle aurait  si la loi irritante n’existait pas).     Les lois irritantes sont simplement irritantes, ou irritantes et prohibitives, selon qu’elles rendent un acte invalide mais non illicite, ou invalide et illicite. Ainsi, une loi qui requiert certaines formalités pour faire un testament, invalide l’écriture d’un testament informel, mais n’en fait pas une faute.  Mais la loi de l’Église portant sur les empêchements dirimants rend nul et fautif un mariage contracté avec un de ces empêchements.

Les lois irritantes sont simplement irritantes ou irritantes et pénales, selon que le législateur les considère ou non comme des peines.  Par exemple.  La loi de clandestinité est simplement irritante;  la loi qui concerne l’empêchement de crime est probablement autant pénale qu’irritante.  Les lois qui sont simplement irritantes n’obligent pas en conscience d’omettre un acte, mais seulement de subir les effets de l’irritation.  453- Mais les lois qui sont irritantes et pénales obligent quelqu’un en conscience d’omettre un acte.  Exemple.  Ce n’est pas illégal en soi de faire un testament informel, mais ça l’est de se marier avec un empêchement dirimant.

454- Quant au moment où les lois irritantes obtiennent leur effet, les points qui suivent ont leur importance.  Les lois ecclésiastiques d’annulation obligent à l’instant même en conscience, bien que, comme d’autres lois de l’Église, elles ne sont pas rétroactives, à moins que le contraire ne soit indiqué.  Et elles n’obligent pas s’il y a un doute au sujet de la loi. Exemple.   Si un mariage a été célébré sans les formalités requises, rien n’oblige quelqu’un à respecter ses engagements, ni en conscience ni devant la loi.

Les lois civiles d’annulation sont généralement irritantes civilement, parce que, en règle générale, des moyens externes suffisent pour remplir la fin de ces lois.  Ainsi, elles produisent une irritation civile immédiatement, mais une irritation morale seulement après le verdict de la cour.  En conséquence, après le verdict, l’acte annulé devient tel moralement, puisque la décision de la cour est fondée sur la présomption d’un danger commun. (Cf. 459)   Exemples.  Quelqu’un qui a reçu un montant d’argent provenant d’un testament qu’il sait être non conforme à la loi, (invalide légalement) peut en retenir la possession,  tant que l’autorité civile n’aura pas statué qu’il n’a aucun droit à cet argent. Mais, d’un autre côté, quelqu’un qui a été déshérité par un testament naturellement bon, mais non dans les formes, a le droit de contester, à l’exception du cas d’un legs pieux. (Cf vol 11)

455- Les lois, qui rendent un acte nul ou rescindable, n’irritent pas avant la déclaration de nullité par un juge.  En conséquence, un acte qui est rescindable selon la loi conserve sa force naturelle jusqu’à ce que la cour se soit prononcée contre.  Exemple.  Des actes qui ont été faits sous la pression d’une peur panique et injuste, ou qui ont été arrachés par la tromperie, sont considérés valides tant qu’un juge n’aura pas reconnu leur nullité.  456- En ce qui a trait à l’ignorance des actes que la loi considère annulables, le code statue que l’ignorance des lois qui invalident ou disqualifient ne sert pas d’excuse à ceux qui ne les observent pas, à moins que la loi ne dise expressément le contraire (canon 16).   Les moralistes parlent de l’influence de l’ignorance, de la contrainte et de la peur, de la façon suivante.   Si la loi est irritante et non pénale, elle a son effet en dépit de l’ignorance d’une erreur, car c’est ce que le bien commun demande.  Exemple.  Un homme qui épouse sa cousine de bonne foi, même s’il est invinciblement ignorant de l’illégalité de son mariage, contracte invalidement.

Si la loi est irritante et pénale, l’irritation n’étant décrétée que comme une punition, l’ignorance ou l’erreur suffisent pour préserver de la faute, de la punition et de l’irritation, car la punition présuppose une faute.   Devant la loi, cependant, l’ignorance ou l’erreur en ce qui a trait aux lois ou aux punitions ne peut pas être présumée, mais doit être démontrée.  Néanmoins, on doit noter que, selon certains auteurs, aucune punition n’est nécessairement incluse dans les lois ecclésiastiques irritantes et incapacitantes.  Bien qu’une punition provienne de l’empêchement matrimonial de crime, l’empêchement comme tel est d’abord et avant tout une disqualification personnelle,  voulue pour protéger la dignité du sacrement et les bonnes mœurs.  L’ignorance ne saurait donc, dans ce cas,  servir d’excuse.  Certains auteurs soutiennent que cela vaut pour toutes les lois ecclésiastiques qui disqualifient.

457- En général, le recours à l’intention du législateur peut ne pas avoir lieu pour l’interprétation des lois qui invalident et disqualifient.  Puisqu’elles transcendent le bien d’un individu, elles demandent une observance uniforme de la part de tous ceux qui y sont soumis.  Quelques auteurs permettent  quand même le recours à l’intention du législateur, dans les cas particuliers où la loi se donne pour but de protéger les individus. Son observance, dans ces cas, menacerait de léser les individus, ou parfois même la communauté entière.  En conséquence, il semble probable qu’une loi irritante puisse cesser en cas d’impossibilité, ou d’un très grave inconvénient pour un grand nombre.  Exemple.  Dans un pays de païens, les chrétiens étaient si peu nombreux qu’ils ne pouvaient marier que des infidèles.  Et si la distance ou d’autres circonstances rendaient impossible d’obtenir une dispense, l’empêchement dirimant de disparité de culte cesserait pour ces chrétiens.

458- Quelques auteurs tiennent qu’une  loi irritante peut aussi cesser pour raison d’impossibilité, ou pour un très grave inconvénient privé,  mais on ne peut pas dire que cela soit certain.   Un exemple d’un inconvénient privé est le cas d’une personne invalidement mariée qui est sur le point de mourir, et qui est incapable de demander une dispense de l’empêchement qui a rendu son mariage nul.

459- Une loi basée sur la présomption est celle dans laquelle le législateur statue sur certains cas d’après ce que l’expérience nous enseigne à leur sujet, c’est-à-dire que de tels cas sont généralement dangereux,  ou qu’ils se rapportent à un fait particulier.  Ces lois n’ont pas une force douteuse, car les cas qu’elle veut prendre en compte sont peu nombreux et circonscrits.   460- Quand une loi est basée sur la présomption d’un danger commun, sans que ce danger n’existe réellement, la loi oblige quand même, (canon 21), car la fin de la loi est le bien commun, et si elle cessait d’obliger un individu parce que la loi ne s’applique par à lui, chacun pourrait se persuader que la loi ne s’applique par à lui, et c’est le bien commun qui en paierait les frais.  Exemples.  La loi qui interdit les livres à l’index est basée sur la présomption d’un danger de péché commun à tous; la loi contre les mariages clandestins sur la présomption d’un danger commun de fraude.  Elles obligent donc même dans les cas particuliers où ces dangers sont inexistants.  On peut trouver dans les canons suivants d’autres cas de loi basées sur des dangers communs, 199, 409, 420, 1022, 1028, 1114, 1116, 1138, 1396, 1398, 461,

461- Quand une loi est basée sur la présomption d’un fait particulier qui arrive régulièrement, mais qui n’arrive pas dans un cas particulier, la loi oblige-t-elle ?  En conscience, la loi n’oblige pas par elle-même, parce que les suppositions doivent céder le pas à la vérité.   Mais elle peut obliger accidentellement, si sa non observance pourrait causer un tort privé et public majeur.  Exemple.  La loi présume que quelqu’un qui est né et a été éduqué parmi des catholiques a été baptisé, et est donc soumis aux lois de l’Église.  Mais si une personne n’a jamais été baptisée, elle n’est pas soumise à ces lois tant qu’elle demeure sans baptême, à moins qu’il y ait une obligation accidentelle de les observer, comme le cas du danger de scandale.

Devant l’autorité publique, la loi en question oblige jusqu’à ce que la non existence du fait présumée par la loi ait été prouvée de la façon que la loi le requiert.   Exemple.  Quand deux personnes contractent un mariage selon les règles de l’Église catholique, la présomption est à l’effet que le contrat est valide;  et tant que cette présomption n’a pas été renversée, l’Eglise n’approuvera pas un autre mariage par un ou l’autre des époux.  Mais si on peut prouver en cour que des menaces, de l’intimidation ou de la violence ont empêché quelqu’un de donner un libre consentement, la loi laissera tomber l’interdiction d’un nouveau mariage.

462- L’accomplissement de la loi.   Selon la façon d’accomplir une loi, il y a un grand nombre de questions à considérer.   Les actes externes : quelqu’un peut-il  accomplir la loi pour un autre;  l’omission d’un léger détail rend-elle l’observance insuffisante;  celui qui ne peut pas accomplir toute la loi est-il obligé d’en observer une partie; différentes obligations peuvent-elles être remplies au même moment, par la même action ?   Les actes internes : quelqu’un doit-il avoir l’intention de se conformer aux désirs du législateur; quelqu’un doit-il être en action de grâce ?

463- L’accomplissement en personne n’est pas toujours nécessaire.  Car une loi affirmative demande ou que quelque chose soit donné ou qu’un acte personnel soit accompli.   Quand la loi requiert qu’on donne quelque chose (le paiement des taxes) un autre peut satisfaire à l’obligation de donner. Car une chose peut être transférée d’une personne à une autre, moyennant consentement.    Quand la loi requiert qu’un acte soit posé par la personne elle-même, (l’assistance à la messe le dimanche), un autre ne peut pas en remplir l’obligation,  car les actions ne peuvent pas être transférées d’une personne à une autre.

464- L’accomplissement minutieux d’une chose n’est pas toujours nécessaire, car  parfois certains détails sont prescrits, parfois non.  Si ces détails sont requis par la loi elle-même ou par la nature du cas, on n’accomplit pas la loi si on les néglige.  Exemple. L’abstinence du vendredi finit précisément à minuit. En conséquence, manger de la viande même une minute avant minuit est une infraction  à la loi.  Si la loi n’entre pas dans les détails,  ils ne sont pas requis pour l’observance de la loi, car les lois ne devraient pas être indument lourdes.
 Exemple. Quelqu’un qui est en retard de quelques minutes à la messe, ne manque pas la messe.  465- Un accomplissement partiel n’est requis de celui, qui ne peut pas observer la loi au complet, que quand une partie est commandée  pour son propre bien.  Car ce que la loi ordonne est considéré par le législateur ou comme une unité indivisible ou comme un tout composé de parties qui ont chacune une valeur morale et une obligation indépendantes.  Si la chose commandée est moralement une unité  indivisible (un pèlerinage à un sanctuaire), celui qui n’a pas pu accomplir le tout n’est tenu à rien.   Exemple.  Si quelqu’un a fait le voeu d’aller en pèlerinage à Lourdes, il n’est pas obligé de parcourir une partie du chemin, s’il est incapable de se rendre au sanctuaire.   Si la chose commandée a des parties qui contribuent à l’accomplissement de la loi, celui qui ne peut remplir qu’une ou quelques parties n’est tenu qu’à ce qu’il peut faire.   S’il est certain qu’il peut en accomplir une partie, il doit le faire.  S’il n’est pas certain qu’il peut faire même cela, il n’est tenu à rien.  Exemples.  Un clerc qui peut dire quelques heures de son bréviaire, mais pas toutes, est obligé de faire ce qu’il peut.   Une personne qui, dans le carême, peut observer la loi d’abstinence mais non celle  du jeûne, est tenue de s’abstenir de viande le vendredi.

 466- L’accomplissement simultané, dans un seul acte,  de plusieurs obligations est  chose légale si les obligations ne diffèrent que matériellement.  On dit qu’elles diffèrent seulement matériellement si le mobile du législateur en donnant des commandements différents au sujet d’une même chose  est le même dans chaque cas.  Elles diffèrent formellement si le législateur a un motif différent pour chacun des cas.  On reconnait le motif soit par la déclaration expresse du législateur, soit par l’interprétation que lui en donne l’autorité ou la coutume.  Quand deux commandements diffèrent seulement matériellement, on peut présumer que le législateur n’a pas d’objection à ce qu’ils soient accomplis par un seul et même acte.  Exemple.  Si quelqu’un tombe malade au temps de Pâque, et reçoit le viatique, il n’est pas nécessaire pour lui, afin de remplir son devoir pascal, de recevoir de nouveau la communion, parce que la loi divine  du viatique et la loi ecclésiastique de la communion pascale ont le même mobile, et peuvent donc être accomplies par une seule et même communion.

 Quand deux commandements diffèrent formellement, on présume, à moins que le contraire soit évident, que le législateur désire qu’ils soient accomplis par des actes distincts.   Exemple.  Si un  confesseur impose un jeûne comme pénitence, cette pénitence ne peut pas être accomplie lors d’un jour de jeûne, car le motif de la loi du jeûne est général, et celui de la pénitence particulier.  Un accomplissement simultané, par plusieurs actes,  de plusieurs obligations est parfois possible, parfois impossible.  Car les actes commandés par différentes lois peuvent ou ne peuvent pas être accomplis au même moment. Il ne semble pas facile à un homme ordinaire de prêter attention à quatre messes, ou plus,  en même temps.   Si un acte n’empêche pas l’autre, et si le législateur n’est pas contre, on peut accomplir plusieurs lois en même temps.  Exemple.  Si deux messes sont célébrées sur des autels latéraux adjacents, on peut assister aux deux : l’une satisfaisant à l’obligation de la messe du dimanche,  l’autre accomplissant une pénitence imposée.  Si un acte empêche l’autre, ou si le législateur veut que ses lois soient accomplies dans des temps différents, on ne peut pas satisfaire aux différentes obligations simultanément.   Exemples.  Si une personne distraite a reçu comme pénitence d’assister à six messes,  elle ne peut pas assister à toutes en même temps, à cause de son manque d’attention.   Si un confesseur a dit à un pénitent d’entendre la messe trois fois, il ne peut pas accomplir sa pénitence en assistant à trois messes à la fois.

 468- Quand une loi prescrit non seulement ce qui doit être fait, mais quand ce doit être fait, il faut le faire au temps indiqué par la loi.  Mais l’obligation ne cesse pas toujours avec le passage du temps.  Si le temps marqué par la loi est une date après laquelle l’obligation cesse, celui qui l’a déjà accomplie n’a aucune obligation supplémentaire. Exemples. Celui qui n’a pas jeûné la veille de Noël n’est pas obligé de jeûner le jour de Noël.  Celui qui n’a pas assisté à la messe le dimanche  n’est pas obligé d’entendre la messe le lundi.  Si le temps fixé par la loi ne marque pas une limite qui mette fin à une obligation, mais une date qui a pour but d’insister sur l’obligation,  celui qui ne l’a pas accomplie pendant le temps prescrit demeure obligé de l’accomplir.  Exemples.   Celui qui n’a pas encore fait sa communion pascale à la Trinité est obligé de recevoir la communion après le dimanche de la trinité.  Celui qui n’a pas remboursé une dette le jour fixé par la loi doit la payer après.   469- C’est l’intention du législateur qui détermine si le temps prescrit pour l’observance d’une loi est une limite ou non.   On connait l’intention du législateur par les termes ou le but de la loi, et par la coutume.

 470- Si la loi déclare qu’un certain devoir doit être accompli à l’intérieur d’une période déterminée, laissant la liberté de l’accomplir soit  au début soit à la fin, on doit considérer les points suivants.  On n’est pas obligé de s’y conformer au début si on a l’intention d’accomplir l’acte avant que le temps alloué ne soit terminé.  Mais on est obligé de le faire au début si on prévoit qu’on ne pourra pas le faire plus tard.  Exemples.  Si une personne qui n’a pas rempli son devoir pascal a la possibilité de recevoir la communion le jour de Pâque, et n’aura pas d’autre occasion de le faire avant Noël, elle est obligée de communier le jour de Pâque.  Mais si elle peut communier à n’importe quel dimanche du temps pascal, elle n’est pas obligée de le faire à la première occasion qui se présente.  Si quelqu’un, un jour d’obligation,  peut assister à la messe du matin mais non à celle du soir, il doit aller à la messe le matin.   471- Comme quelqu’un ne peut pas reporter l’accomplissement d’une loi après la date fixée, personne ne peut non plus devancer le moment de l’observation d’une loi, à moins que l’on considère que la loi le permet.    Exemples. Si quelqu’un a entendu la messe un samedi, il n’a pas le droit de faire compter ce jour pour un dimanche. Un rosaire qui a été dit avant la confession ne peut pas servir comme pénitence, si un pénitent a reçu un rosaire comme pénitence.

 472- On soutient généralement qu’un clerc qui a dit le bréviaire le matin juste avant d’avoir été ordonné sous diacre et avant qu’il entreprenne de remplir les obligations de son nouveau ministère, a satisfait à l’avance à l’obligation de réciter le bréviaire.  Semblablement, un voyageur qui a entendu une messe à un endroit où une fête d’obligation provenant de la loi générale n’était pas en force, a satisfait d’avance à son devoir  si au cours de l’avant-midi il se rend à un endroit où l’on est obligé d’aller à la messe en ce jour.  Dans ces deux cas, la loi demande que le bréviaire soit dit ou que la messe soit entendue au cours d’une journée.

 473- Si quelqu’un, qui peut actuellement faire ce que la loi requiert, prévoit qu’il ne sera pas capable de le faire quand le temps marqué par la loi arrivera, il n’a aucune obligation de devancer l’observance de la loi, même s’il le peut.  Exemples. Un clerc qui peut réciter les matines à deux heures de l’après-midi, et qui sait que plus tard il ne pourra pas réciter les réciter,  n’est pas tenu de les dire avant, car personne n’est obligé d’user d’un privilège.   Quelqu’un qui peut entendre la messe un samedi et qui sait qu’il passera toute sa journée du dimanche dans un train, n’est pas obligé d’entendre la messe le samedi, même si, évidemment, c’est la meilleure chose à faire.

 474- Les actes internes impliqués dans l’accomplissement de la loi.  Ceux qui sont dans l’intelligence comme la connaissance.   Ceux qui sont dans la volonté comme le consentement et le motif.   475- La connaissance de ce que fait quelqu’un est parfois nécessaire pour l’accomplissement d’une loi, et parfois non nécessaire.   Si la loi est prohibitive, la connaissance n’est pas nécessaire,  puisque rien d’autre n’est requis par la loi que le non accomplissement de ce qui est défendu.  Exemple.  Celui qui n’a pas mangé de viande un jour d’abstinence a rempli la loi, même s’il a été inconscient pendant toute la journée.  Si la loi ordonne qu’un paiement soit fait, la connaissance n’est pas nécessaire, puisque la loi ne demande que l’effet d’un acte externe.  Exemple. Celui qui paye ses taxes quand il est drogué remplit son obligation, même s’il ne sait pas ce qu’il fait.  Si la loi porte sur l’obligation d’accomplir un acte, la connaissance est requise, car on suppose que l’acte sera fait d’une façon humaine.   Exemple. Celui qui dort pendant toute la messe du dimanche n’accomplit pas la loi, car la loi suppose que quelqu’un assiste à la messe comme un homme, c’est-à-dire  en étant conscient de ce qu’il fait.

 476- L’accomplissement d’une loi n’est moralement bon et méritoire que s’il est volontaire. (Cf  97 et suiv.)  On peut parfois satisfaire à l’obligation légale même par un accomplissement involontaire.   Quand la loi ordonne de faire un paiement, quelqu’un peut vouloir le contraire de ce qui est demandé, et remplir quand même l’obligation.  Exemple.  Celui qui paye ses taxes à contre cœur et sous la contrainte, satisfait à la loi qui ne porte pas sur un acte mais sur son effet.   Quand la loi interdit quelque chose, il est possible que quelqu’un ne veuille pas l’omission qui est commandée, et remplisse quand même son obligation.  Exemple.  Celui qui a l’intention de manger de la viande un jour d’abstinence en croyant pouvoir faire gras ce jour-là, mais finalement ne mange pas de viande parce qu’il n’a pas pu en trouver au marché, accomplit la loi.  Cette loi ne demandait, en effet, rien d’autre  que l’on omette ce qui est défendu et qu’on n’ait aucun désir de violer la loi.

 Quand la loi commande qu’un acte soit accompli,  on doit l’accomplir volontairement, puisque la loi qui est faite pour les humains entend qu’elle soit accomplie d’une façon humaine.  Exemples.   Celui qui est traîné à l’église et retenu là de force pendant toute la durée de la messe ne satisfait pas à la loi de sanctification du dimanche, puisque la contrainte rend l’assistance à la messe involontaire.(Cf 52)   Un enfant, qui ne va à la messe que pour échapper à une punition, remplit son devoir s’il a quand même un vrai désir d’assister à la messe, car la crainte ne rend pas nécessairement un acte involontaire. (Cf 41 et suiv.)

 477- Quant à l’intention requise pour accomplir une loi il est à noter que quelqu’un doit avoir au moins implicitement l’intention de faire ce que la loi prescrit, comme dans le cas donné à la troisième section du précédent paragraphe.   Exemple.  Quelqu’un qui, pendant qu’une messe se déroule,  entre dans une église un dimanche dans le seul but d’entendre de la musique ou de rencontrer un ami,  ne remplit pas son devoir dominical, parce qu’il n’a aucun désir d’assister à la messe.

 478- Les sortes d’intentions suivantes, bien que recommandées, ne sont pas nécessaires à l’accomplissement d’une loi.    Il n’est pas nécessaire, en règle générale, que quelqu’un ait l’intention de remplir une obligation, car les législateurs humains n’ont pas, en général, le pouvoir ou l’intention de commander des actes qui sont purement internes. (Cf  374,  326)  Exemples.  Celui qui entend la messe un jour d’obligation, sans avoir l’intention de remplir son devoir,  parce qu’il ne sait pas ce qu’est un jour d’obligation, satisfait à la loi.  Celui qui dit le rosaire par pure dévotion, et se rappelle ensuite qu’il a l’obligation de le réciter à cause d’une promesse faite ou d’une pénitence imposée,  peut considérer que le rosaire qu’il vient de dire remplit l’obligation.  Il n’est pas nécessaire que quelqu’un ait comme intention  ce que le législateur a assigné comme but à la loi, parce que le but de la loi n’est pas une partie de la loi.  Exemple.  Quelqu’un qui ne prend qu’un seul repas complet pendant le carême observe la lettre de la loi.   Mais il déroge à son esprit s’il mange avec avidité ou boit avec excès, dans le but de se soustraire aux pénitences imposées par la loi.

 479- Si quelqu’un a l’intention d’accomplir ce que la loi ordonne, mais se propose en même temps expressément de ne pas satisfaire à l’obligation imposée, son acte  suffit ou ne suffit pas pour remplir ce que la loi prescrit,  selon la source d’où découle l’obligation.   Si l’obligation provient de la volonté du législateur, l’acte est un accomplissement suffisant de la loi, puisque le législateur humain, comme nous venons tout juste dire, ne se soucie pas de ce qui est interne.   Exemple.  Si quelqu’un entend une messe le dimanche par pure dévotion,  en se proposant d’en entendre une autre pour satisfaire au devoir dominical, il n’est pas tenu d’assister à une autre messe,  puisqu’il a déjà fait ce que la loi demande.

 Si quelqu’un s’impose de lui-même une obligation, comme dans le cas d’une promesse ou d’un vœu,  l’acte ci-haut décrit n’est pas un accomplissement suffisant.  Car, comme l’obligation provient de la volonté, la façon de l’accomplir doit aussi être déterminée par la volonté.  Exemple.  Quelqu’un qui a fait le vœu d’entendre une messe, et qui, en assistant à la dite messe, décide que ce n’est pas cette messe mais une autre qui remplira son vœu, est tenu par son vœu d’entendre une autre messe.

 480- Quant aux dispositions vertueuses requises pour l’accomplissement d’une loi, il faut se rendre compte que, bien qu’elles soient toujours désirées par un bon législateur, il ne les requiert pas toujours comme un devoir d’obéissance.   Les dispositions vertueuses dont on parle sont de deux sortes.   Habituelles, c’est-à-dire, une condition spirituelle permanente de l’âme, comme l’état de grâce, la vertu de charité.  Actuelles, c’est-à-dire, la bonne façon avec laquelle l’acte est fait, comme la ferveur avec laquelle on assiste à la messe, la contrition qu’on apporte à la confession des péchés, la fuite de la vaine gloire dans le jeûne etc.   481- Les dispositions vertueuses sont ou ne sont pas obligatoires selon que ce qui est commandé est ou n’est pas un acte mixte ou purement externe. (Cf 426)  Quand un acte mixte est commandé par la loi,  rien d’autre n’est requis  strictement  que la disposition vertueuse demandée par la nature de l’acte.  En conséquence.  La loi de la communion pascale exige du communiant l’état de grâce; la loi de la confession annuelle exige du pénitent une vraie contrition.  La loi de la messe dominicale requiert une attention suffisante.  Des dispositions plus parfaites  (comme l’absence de péché véniel pour la communion;  la contrition parfaite pour le pénitent; l’état de grâce dans celui qui assiste à la messe) ne sont pas requises pour le simple accomplissement de la loi.

 Quand le commandement porte sur une chose purement externe, la loi ne requiert pas des dispositions internes.  En conséquence, quelqu’un qui a accompli ce qui est ordonné n’est pas obligé de le refaire,  à cause de la façon imparfaite avec laquelle il a rempli son devoir.  Exemple.  Quelqu’un qui jeûne en état de péché mortel n’est pas obligé de jeûner de nouveau pour que son jeûne soit valable.  482- Bien sûr,  ce qui a été dit dans le paragraphe précédent ne vaut que pour les lois qui portent sur une seule chose, et sur ce qui est strictement exigé pour l’accomplissement  de la loi.    En conséquence, celui qui pêche à cause de la façon dont il a accompli la loi viole une autre loi.  Exemple. Celui qui a certaines distractions volontaires à la messe accomplit la loi dominicale, mais il enfreint une loi divine,  en priant Dieu sans dévotion.  Quelqu’un qui n’obéit pas à une loi avec tout l’empressement qu’il devrait avoir, ne peut pas être puni comme un transgresseur de la loi, mais sa conduite est moins méritoire.

 483- Interprétation.  La signification de l’interprétation, et ses espèces différentes, ont été expliquées plus haut, (315 et suiv.)  484- Quant à la valeur de l’interprétation des lois de l’Église, on doit noter les points suivants.   Une interprétation authentique donnée sous forme de loi a force de loi.  Si elle  est déclaratoire,  elle ne fait que proclamer les mots d’une loi dont le sens est évident.  Elle n’a pas alors besoin de promulgation, et elle est rétroactive.  Si elle est supplémentaire, elle a besoin de promulgation, et n’est pas rétroactive, puisque c’est une nouvelle loi (canon 17).  Et elle n’oblige que les personnes ou les choses concernées (canon 17).   L’interprétation usuelle a force de loi quand elle est donnée par une coutume légitime (Cf 391), parce que la coutume est le meilleur interprète de la loi.   L’interprétation doctrinale n’a pas force de loi, puisqu’elle ne vient pas du législateur.  Sa valeur  dépend des raisons invoquées et de l’autorité de ceux qui la soutiennent.    Quand tous les docteurs sont d’accord, leur interprétation est moralement certaine.   Quand ils diffèrent d’opinion, leurs interprétations divergentes ont plus ou moins de probabilité.

  485- Les règles pour l’interprétation doctrinale.  On doit entendre les mots dans leur sens propre, d’après le texte et le contexte, à moins que la chose s’avère impossible.   Si leur sens est douteux, on doit tenter de l’éclairer avec d’autres endroits du code, les circonstances, la raison de la loi, et l’esprit du législateur (canon 18).   Ce qui est pénible doit être entendu dans le sens le plus restreint, (canon 19).  Les choses qui sont favorables doivent être entendues dans leur sens le plus large.  Ainsi, la censure prononcée contre la simonie est comprise dans le sens étroit  d’une simonie contre la loi divine,  Un privilège accordé au clergé est entendu au sens large comme ayant été octroyé à tout le clergé.  Les choses qui demeurent obscures devraient être interprétées au sens le moins onéreux.   Une loi particulière déroge à une loi générale, mais une loi générale ne déroge pas à une loi particulière antécédente, à moins qu’il soit fait expressément mention de dérogation dans la loi générale.  Parce qu’on considère que la loi particulière est une exception de la loi générale (canon 22)

 486- Les interprétations authentiques des lois ecclésiastiques sont données par le législateur, son successeur, ou par quelqu’un qui a été mandaté par eux, (canon 17).  Le pape est l’interprète authentique de toutes les lois ecclésiastiques.   Une commission spéciale mandatée par le pape interprète la loi générale du code.  L’évêque est l’interprète officiel des lois diocésaines faites par lui-même ou ses prédécesseurs.

 487- Cessation de l’obligation.  Les façons ordinaires par lesquelles la loi cesse d’être obligatoire pour un individu sont les suivantes.  De la part du sujet, l’exemption,  le fait de cesser d’être sujet d’une loi, ou l’excuse,  l’incapacité de l’observer.   De la part du législateur,  la dispense, l’enlèvement d’une obligation pour un individu.  488-  Au sujet de l’exemption des lois de l’Église, il faut noter que celui qui cesse d’être le sujet d’une loi (quelqu’un qui a reçu un privilège d’exemption, ou qui a quitté l’endroit où la loi s’impose),  n’est évidemment pas obligé par la loi.  Ni non plus celui qui est coupable d’une faute quelconque s’il a reconquis sa liberté juste avant que la loi devienne effective, et avec le seul but d’en être exempt,  car la loi n’oblige pas quelqu’un à lui rester soums.

 489- Les excuses se réduisent à deux : l’ignorance et l’impossibilité.   L’ignorance, si elle est sans faute, excuse quelqu’un de ne pas avoir observé une loi (24 et suiv.)  La question qui se pose est la suivante : excuse-t-elle aussi des conséquences légales, comme l’invalidité, la pénalité, la réservation du péché  etc.   L’impossibilité excuse quelqu’un de l’obligation et de la faute.   490- L’ignorance d’une loi ecclésiastique  ou d’une peine qui y est attachée a les effets suivants qui sont déterminés par la loi.    Aucune sorte d’ignorance n’excuse des lois irritantes ou incapacitantes, à moins que le contraire ne soit expressément déclaré dans la loi (canon 16).

 Ainsi, est mariée invalidement une personne qui, sans rien savoir des degrés de parenté,  contracte un mariage avec son cousin germain.  L’ignorance prétendue d’une loi ecclésiastique ou d’une pénalité ne suffit pas, à elle seule, pour soustraire quelqu’un à une peine qui s’applique sur-le-champ (canon 2229).  Si la loi contient les mots suivants : présumera, osera, sciemment, avec application, témérairement, agira à dessein, ou d’autres du même genre qui indiquent la pleine connaissance et la pleine délibération, toute diminution d’imputabilité,  qui se rapporte à  l’intelligence ou à la volonté. exempte le délinquant des peines qui s’appliquent sur-le-champ (canon 2229).  Si la loi ne comporte pas des mots de ce genre, une ignorance crasse de la loi ou même de la seule pénalité n’exempte pas quelqu’un de la peine qui s’applique sur-le-champ.  L’ignorance qu’on ne peut pas appeler ignorance crasse exempte des peines médicinales, mais pas des peines vindicatives qui s’appliquent sur-le-champ (2229).

 491- D’autres déterminations spécifiques de la loi.  L’ignorance non fautive de la loi exclut l’imputabilité morale (canon 2202).  Une inadvertance momentanée non fautive,   ou une erreur au sujet de la loi,  a le même effet (canon 2202).  Une ignorance coupable, ou une inadvertance coupable ou une erreur au sujet de la loi ou du fait, diminue plus ou moins l’imputabilité selon que l’ignorance est plus ou moins coupable (canon 2202).  Si l’ignorance, même non coupable, ne porte que sur le fait de l’existence de la pénalité, elle n’enlève pas l’imputabilité du délit, mais la diminue (canon 2202).

 492- L’impossibilité absolue ou physique (c’est-à-dire l’absence du pouvoir ou des moyens d’accomplir une loi) est, bien entendu, une excuse suffisante  pour ne pas observer une loi, car à l’impossible nul n’est tenu.   Ceci vaut pour la loi divine, et plus encore pour la loi humaine.  Exemple. Celui qui ne peut pas quitter sa maison n’est pas obligé d’aller à la messe.

 493- L’impossibilité morale, c’est-à-dire l’incapacité d’observer une loi sans avoir à déployer un effort extraordinaire, ou le danger imminent de perdre un bien de valeur, ou d’encourir un grand mal.   Toutes ces choses ne dispensent pas de l’observance d’une loi ecclésiastique,  quand cette loi reçoit d’une circonstance la force ajoutée  d’une loi naturelle négative.  Cela se produit quand le mal qui résultera de l’observance d’une loi ne peut pas être mis en parallèle avec le mal qui proviendra de sa violation.  Le tort dans le premier cas est privé, temporel ou humain, dans l’autre il est public, spirituel ou divin.  Car la loi naturelle interdit que le bien commun ou le salut d’une âme ou l’honneur de Dieu soit sacrifié au bénéfice d’un seul individu, ou pour la vie du corps, ou pour le bien-être d’une créature.  Exemple.  Le commandement de s’abstenir de viande le vendredi oblige même dans le cas où on aurait ordonné à quelqu’un de le violer en signe de mépris de Dieu ou de la religion, même si le refus devait entraîner la mort.

 494- L’impossibilité morale peut servir d’excuse à quelqu’un dans les cas suivants.  Quand résulterait de son observance une perte considérable au plan de la santé, de la réputation, d’un avantage spirituel, de la propriété; ou si un grand inconvénient résultera de l’observation d’une loi qui n’est pas une prohibition de la nature au sens du précédent paragraphe.   Car le législateur ne peut pas imposer des obligations qui sont inutilement lourdes.  En conséquence, la loi positive n’oblige pas dans ces cas d’impossibilité morale.  Exemple.  Notre Seigneur a condamné la rigueur excessive des Pharisiens.  Ils soutenaient que leurs règlements devaient être observés en dépit de tout, et coûte que coûte.   Quand une loi inférieure ou moins urgente entre en conflit avec une loi supérieure ou plus urgente, l’obligation supérieure prévaut, et l’inférieure s’efface.  Exemples.  Les lois divines portant sur l’obligation de protéger sa propre vie ou sur l’administration du baptême à une personne en danger de mort passent avant la loi humaine d’assistance à la messe.   La loi moins urgente du jeûne cède le pas à la loi plus urgente de s’adonner aux activités qui découlent de son état de vie, si ces deux lois entrent en conflit.

 495- La perte, le mal ou l’inconvénient que cause l’impossibilité morale d’obéir à la loi doit être proportionnelle à  la loi elle-même.  En conséquence, plus la loi est importante, plus elle oblige, et plus grande doit être la raison pour l’écarter.  496- Seul un homme instruit et prudent peut déterminer si, dans tel cas particulier, il y a une impossibilité morale.  Ce serait donc une chose dangereuse pour ceux qui ne sont pas théologiens  de prendre ce genre de décision pour eux-mêmes ou pour les autres.

 Les aspects que l’on doit considérer en jugeant sont les suivants.   La difficulté est-elle, oui on non, d’une gravité proportionnelle à l’importance de la loi.   ( Il faut une raison plus sérieuse pour dispenser d’une loi qui oblige sous peine de péché mortel que d’une autre qui n’oblige que sous peine de péché véniel.)    La difficulté est-elle, oui ou non, d’une gravité proportionnelle à l’état de la personne concernée. (Une obligation facile à observer pour un homme en santé peut être très difficile pour un infirme).

 497- Il n’est jamais permis de mettre de l’avant l’impossibilité physique ou morale d’observer une loi si on le fait dans le seul but ou dans l’intention principale d’échapper à la loi.  Exemple. Partir le samedi pour ne pas avoir à assister à la messe le dimanche. 498-   Il est permis de provoquer une impossibilité d’observer une loi si on a une raison suffisante.  Par exemple, quand une loi permet de faire quelque chose qui aura deux effets, l’un bon et l’autre mauvais,  si le bon effet est celui qui est désiré, et s’il y a une raison suffisante pour permettre un mauvais effet (Cf 102 et suiv.)   Exemple.  Il est parfois permis de faire du temps supplémentaire, même quand ce surplus de travail  rend quelqu’un incapable de jeûner.

 499- La raison suffisante dont parle le paragraphe précédent en est une qui est proportionnelle à l’urgence et à l’importance du commandement et à la fréquence de la non observance.  Exemples. Il faut une plus grande raison pour entreprendre un travail qui rendra impraticable la loi du jeûne, si ce travail est fait le jour-même du jeûne ou s’il a été fait la veille.  Il faut une plus grave raison pour entreprendre un travail qui rend impossible l’observance de la loi du jeûne,  si cela arrive habituellement et fréquemment plutôt qu’une fois de temps en temps.

 500- La cessation de la loi.   Elle cesse de l’extérieur (par l’acte du législateur) quand il l’abolit en la révoquent en partie ou en totalité (abrogation, dérogation), ou par l’institution d’une nouvelle loi qui lui est directement contraire (abrogation).  Dans le nouveau code de droit canon il y a plusieurs exemples  de révocation ou d’abrogation d’anciennes lois, (canons 22, 23) comme dans le cas des censures ou des empêchements de mariage.  Exemples. Dans tel diocèse on avait fait d’une fête mineure un jour d’obligation.  Cette loi a été abrogée s’il a été décrété que ni l’interdiction du travail servile ni  le précepte d’entendre la messe n’était obligatoire pour cette fête.  Elle a été abrogée aussi si une loi postérieure a inclus cette  fête mineure dans la liste des jours spéciaux de dévotion où  l’assistance à la messe était recommandée.

 Une loi cesse de l’intérieur (d’elle-même) quand à cause d’un changement de conditions la raison pour laquelle elle a été faite n’existe plus, ou n’est plus procurée par la loi.
501- La raison pour laquelle une  loi a été faite cesse d’être remplie par une loi  dans deux cas.  Si après avoir été bénéfique elle devient maléfique, au sens où son observance deviendrait nuisible ou impossible ou trop lourde à porter. Dans ce cas, la loi cesse, puisqu’elle est devenue contraire à la loi suprême qui veut que le bien commun soit procuré.  Exemple.  Une loi particulière a interdit l’usage du beurre ou de la graisse pour la cuisson du poisson ou des légumes les jours d’abstinence.

 Une loi ne remplit plus sa fin quand après avoir été utile elle devient inutile.   Elle est devenue inutile parce qu’elle n’était plus nécessaire à la fin que s’était proposée le législateur.   Dans ce cas, la loi cesse, car on ne peut pas imposer des règlements pour rien.  Exemple.  Le concile de Jérusalem avait prescrit que les fidèles s’abstiennent des animaux suffoqués  (Actes XV, 20).  Le but de la loi était de ne pas offenser les Juifs convertis, qui à ce moment formaient une  part importante de la communauté chrétienne, et qui avaient une horreur religieuse de ce genre de nourriture.   Mais, peu de temps  après, les Gentils sont devenus les plus nombreux, et ils ne prêtèrent aucune attention aux règles cérémoniales du judaïsme.

 502- Une loi cesse de remplir son but comme suit. Une loi devient nuisible ou inutile,  relativement au but que se proposait le législateur,  d’une façon générale et permanente,  si le changement de condition affecte toute la communauté ou la grande majorité,  et est durable.  Dans ce cas, la loi cesse, car puisqu’elle est faite pour la communauté dans son ensemble et comme une directive qui doit durer toujours, elle ne peut pas continuer si elle devient  de façon permanente nuisible à la communauté.  Des exemples ont été donnés dans le paragraphe précédent.

 La loi devient nuisible ou inutile, en référence au but que se proposait le législateur,  privément ou temporairement  si le tort ou l’inutilité n’affecte que des individus ou n’est pas durable.  Dans ce cas, la loi continue à être un instrument du bien commun,  ou n’est que temporairement privée de son caractère bénéfique.  Elle continue donc, mais à cause de l’inconvénient temporaire qu’elle apporte à la communauté, elle est suspendue.   Exemple.  Si l’usage du beurre ou de la graisse était interdit les jours d’abstinence, et s’il n’était pas possible de trouver quelque chose qui les remplace pour la préparation de la nourriture, la loi ne cesserait pas, mais elle serait suspendue jusqu’à ce qu’on trouve un ersatz.  503- L’inconvénient causé à certains individus par le fait qu’une loi ne remplisse pas son but dans un cas particulier ne justifie pas toujours le recours à l’intention du législateur.  Si l’observance de la loi allait à l’encontre du but que s’est proposé le législateur, on pourrait invoquer cette intention du législateur, car le législateur ne désire pas que sa loi devienne un obstacle à ce qu’il se propose.  Exemple.  Pierre a besoin de lire un  livre mis à l’index pour réfuter des attaques faites contre la foi, mais il est dans l’incapacité de demander une autorisation générale de lire des livres mis à l’index.  L’obéissance à la loi, en ce cas, milite contre le but de la loi qui est la protection de la foi.  Pierre peut donc invoquer l’intention du législateur.

 Si l’obéissance à une loi devenait non nécessaire et nuisible au but poursuivi par le législateur, on peut ne tenir compte que de l’intention du législateur.   Autrement, la loi perdrait sa force par le jugement défavorable  que porteraient sur elle les individus, et le bien commun en souffrirait.   Exemples.  Pierre a la possibilité  de lire un livre mis à l’index, mais n’a pas le temps de demander la permission.  La raison de la condamnation du livre est qu’il représente un danger pour la foi.   Mais Pierre a une foi à déplacer les montagnes,  et il ne veut qu’étudier les qualités littéraires de l’écrivain.   Paul est un prêtre de paroisse.  On lui demande de célébrer un mariage immédiatement, sans avoir fait la publication des bans de mariage, ou sans avoir demandé une dispense de publication. Le but de la publication des bans est de détecter les empêchements de mariage, et d’éviter des mariages invalides; et Paul est absolument certain que, dans le cas qui le concerne, il n’y a aucun empêchement. Pierre et Paul doivent observer la loi, et on doit dire la même chose de chaque cas où il y a une possibilité de se tromper, et un péril pour le bien commun.  Il n’y a pas lieu d’envisager  le cas théorique où aucun de ces inconvénients n’existerait.

  504- Le but de la loi cesse d’exister de la façon suivante. De façon adéquate, quand toutes les raisons pour lesquelles il a été proposé n’existent plus.  Dans ces cas-là, la loi elle-même cesse, car on ne peut pas supposer que le législateur maintient son intention d’obliger quand la raison d’obliger est disparue.  Exemple.  Si l’évêque ordonne de dire des prières pour faire tomber  la pluie, les prières ne sont plus obligatoires après que la pluie a tombé.  De façon inadéquate, quand la raison qui justifie la loi a cessé en partie, mais pas entièrement.   La loi, en ce cas, ne cesse pas, car elle est encore utile.   Exemple.  Si l’évêque ordonne de dire des prières pour la pluie et la paix, les prières sont obligatoires tant que les deux choses demandées n’ont pas été obtenues.  505- Une loi cesse donc, plus ou moins,  d’après les circonstances.  Elle cesse partiellement ou entièrement si elle est révoquée, ou si elle ne sert plus à rien.   Elle cesse de façon permanente ou temporaire si la révocation ou la cessation est temporaire ou définitive.

 506- La coutume.  Selon le droit canon, la coutume peut interpréter, abroger, introduire une loi, pourvu qu’elle possède les qualités qui font d’elle une coutume légitime, que son existence soit prouvée juridiquement ou qu’elle soit notoire. 507-   Selon leur extension,  les coutumes sont de différentes sortes.  Les coutumes universelles sont celles qui prévalent dans toute l’Église.  Les coutumes particulières sont celles qui sont confinées à une portion territoriale de l’Église (une province de l’Église ou un ordre religieux).  Les coutumes spéciales sont celles qui sont adoptées par des sociétés plus restreintes, mais capables d’avoir leurs lois propres (les monastères indépendants).   Les coutumes très spéciales sont celles qui sont observées par des individus, ou par des communautés incapables d’avoir leur propre législation (des paroisses).  Les coutumes de cette sorte n’ont, tout au plus,  que la valeur d’un privilège (canon 26).

 508- La coutume se forme de la façon suivante. Si on considère d’abord son origine, elle surgit de la pratique du peuple, quand cette pratique débouche sur le désir de faire ou de défaire une loi.  En conséquence, la façon habituelle d’agir d’un individu, même s’il est supérieur de communauté,  ne fait pas naître une coutume.  Par « peuple », nous entendons ici une communauté capable d’avoir sa loi propre. (canon 26)  En ce qui a trait à la force légale, la coutume ne devient telle que par le consentement du pape ou d’un autre prélat, quand ce consentement est exprimé par la loi ou par le législateur, ou admis tacitement par lui.  En conséquence, une coutume qui n’a pas été approuvée par un supérieur n’a pas de force légale (canon 25).

 509- Une coutume peut introduire ou abroger n’importe laquelle sorte de loi ecclésiastique ou une autre coutume---pénale, prohibitive, irritante—si elle est raisonnable, et si elle a duré le temps prescrit pas la loi (canons 27, 28)  Exemples. Une loi qui interdit des coutumes contraires peut être abrogée  par ces coutumes, selon le code, si elles sont immémoriales ou centenaires (canon 27).  L’empêchement de disparité de culte est devenu dirimant par la coutume.  C’est la coutume aussi  qui a introduit l’obligation de l’office divin, et qui a mitigé la loi antique du jeûne.  510- Une coutume qu’une loi réprouve expressément n’est ni raisonnable ni légitime; elle ne peut pas déroger à une loi existante, et en établir une nouvelle.  (canon 27, 28).

 511- Le temps prescrit par le droit canon pour l’acquisition d’une force légale  par les coutumes qui n’ont pas le consentement personnel du législateur est le suivant.  Quarante années complètes consécutives sont requises pour défaire une loi ordinaire, et cent ans pour défaire une loi qui interdit une coutume future contraire (canon 27).   Quarante années complètes consécutives sont aussi requises pour faire une nouvelle loi (canon 28).  512- On a déjà considéré plus haut (421) l’effet du code sur les coutumes qui existaient auparavant. 513- Comme la loi écrite, la coutume cesse de l’intérieur, quand son but a cessé complètement; de l’extérieur, quand elle est abrogée par désuétude, ou par une loi contraire, ou par une coutume (canon 30)

 514- Les lois au sens large.   En plus des lois proprement dites,  il existe des lois dans un sens large,  des commandements ou des recommandations faits par des supérieurs ecclésiastiques qui ne présentent pas toutes les conditions indiquées plus haut (Cf 285).  Ainsi sont les préceptes qui diffèrent de la loi parce qu’ils ne sont pas donnés à la communauté ou pour toujours, mais à des individus et pour un temps;  les rescrits  qui sont accordés pour des cas particuliers, et sans la solennité d’une loi;  les privilèges, qui  ne sont pas obligatoires; les  dispenses,  qui sont des relâchements d’une  loi donnés à des individus.

515- Un précepte est un commandement donné à des individus, ou pour un cas particulier,  par un supérieur compétent.  C’est un commandement obligeant en conscience.  Il diffère ainsi du conseil, du désir, de l’exhortation.   Il est donné à des individus, et diffère donc d’une loi qui possède, elle, le caractère de l’universalité et de la stabilité.    On peut aussi imposer un précepte à une communauté, mais même alors, il est particulier, puisqu’il n’est donné que pour répondre  à une situation spéciale et pour un temps limité (pour un mois, une année, ou pendant toute la durée de vie du supérieur).  Il est donné par un supérieur compétent.  Même ici le précepte diffère de la loi puisque les lois ne peuvent être faites que par celui qui a une autorité juridique publique (Cf 285), tandis que les préceptes peuvent être imposés aussi par ceux qui ont l’autorité d’un supérieur ou par une personne privée (parents, maris, employeurs, abbés de monastère)  Dans les matières  canoniques, peuvent donner des préceptes  les supérieurs religieux, les curés, les recteurs de grand séminaire, et le confesseur,  au for interne.

 516- Le précepte est semblable à la loi quand à son objet.  Il doit être juste, bon, et observable.  Il lui est semblable aussi quand à sa force contraignante, puisqu’il s’impose même à ceux qui n’en veulent pas.   517- Les préceptes sont personnels, c’est-à-dire qu’ils  s’imposent à la personne concernée, où qu’elle se trouve, à moins qu’ils soient territoriaux (canon 24).  En conséquence, un précepte donné par quelqu’un qui n’a pas d’autorité territoriale (un supérieur religieux) est personnel.   Un précepte donné par le pape dont l’autorité s’étend sur tous les territoires est aussi personnel.   Un précepte donné par un évêque est personnel s’il est donné à un individu;  il est personnel ou territorial s’il est donné à une communauté, d’après la nature du cas ou la formulation du précepte.  Exemple.  Le précepte imposé par un évêque, sous peine de suspension,  de ne pas aller au théâtre pendant un voyage oblige partout, du point de vue de la faute ou de la pénalité.

 518- La force des préceptes. Moralement et relativement à la faute, ils obligent, de sorte que le violateur est coupable de désobéissance et de péché contre la vertu particulière que le supérieur voulait protéger en lui.   Sur le plan juridique, ou quant à  la pénalité prescrite, ils n’obligent pas à moins que le précepte ait été donné légalement, par un document écrit, ou en présence de deux témoins etc.  (canon 24).   Si le précepte avait été donné  à quelqu’un sous la menace de perdre son poste,  mais sans les formalités légales, on ne peut pas recourir à un procès canonique ou à une sentence de privation.  519- Un précepte expire de lui-même avec la disparition de l’autorité qui l’a donné (la mort ou la fin du mandat d’un supérieur), à moins que le précepte ait été donné par écrit ou devant témoins (canon 24).

 520- Un rescrit est une réponse faite par le Saint-Siège ou l’Ordinaire du lieu  à une requête, une déclaration ou une consultation.
 On a recours aux rescrits pour obtenir des concessions de bénéfices, et pour des dispositions concernant les litiges ou les procédures juridiques.  Ils accordent habituellement des faveurs transitoires (dispenses), ou permanentes (privilèges), canons 36,62).

    521- Un privilège est un droit spécial et permanent accordé par un supérieur à un individu ou à une communauté,  lui permettant d’agir contrairement à la loi ou en marge de la loi.  C’est un droit permanent.  Il est donc aussi stable qu’une loi à laquelle il ressemble,  et il interdit de s’opposer à ce qu’il accorde.  C’est un droit spécial.  Il diffère par là de la loi, laquelle est générale et impose une obligation.  Il est souvent appelé loi privée.  De plus, la loi requiert une promulgation; le privilège ne demande que l’acceptation.   Il est accordé par un supérieur hiérarchique (le pape, l’évêque ou un autre législateur), et diffère ainsi de la permission qui n’est accordée que par un simple supérieur.  Il est accordé à une personne, c’est-à-dire à un individu ou à une congrégation ou communauté, car s’il était accordé à tous il ne serait plus spécial.  Un privilège donne le droit d’agir contre la loi générale (exemple : l’exemption d’une taxe), ou au-delà de la loi générale (exemple : accorder le droit de dispenser).  Ainsi, un privilège diffère aussi des prérogatives qui sont incluses  dans le code lui-même (les droits spéciaux des cardinaux, des évêques et des réguliers).  Car elles  sont des lois, et non des privilèges au sens strict.

 522- Les règles pour l’interprétation des privilèges sont semblables à celles utilisées pour l’interprétation de la loi (Cf 48).  On ne doit ni agrandir leur champ d’application ni le restreindre, mais on devrait comprendre ces privilèges d’après le sens des mots eux-mêmes (canon 67), mais de façon à ce que la partie qui a reçu un privilège paraisse l’avoir obtenu comme une faveur (canon 68).   Il faut donner une interprétation large au privilège qui est accordé au-delà ou en dehors de la loi, et qui ne porte pas de préjudice aux autres, ainsi qu’à ceux qui ont été accordés comme une récompense ou un mérite.   Mais il faut donner une interprétation stricte aux privilèges  qui sont contraires à la loi (à l’exception de ceux donnés pour des causes pieuses, ou en faveur d’une communauté); à des privilèges provenant d’une entente, ou qui sont préjudiciables à des tierces personnes.

 523- Un privilège est une faveur, et n’impose donc pas, comme tel, le devoir de son acceptation ou de son usage. Mais les obligations que l’on doit à d’autres rendent souvent nécessaire de se prévaloir d’un privilège (canon 69).    Les individus ne peuvent pas renoncer aux prérogatives incluses dans une loi, puisque c’est le bien commun qui requiert leur préservation.  Exemple.  Un clerc n’a pas le droit d’abandonner une immunité que la loi donne à son état.   Une communauté peut renoncer aux privilèges qui lui sont accordés, mais non ses membres. Aucun de ses membres n’est obligé, par contre, d’utiliser un privilège, à moins qu’il y ait des raisons accidentelles, comme le commandement d’un supérieur qui en fait une obligation.    Les individus ne sont pas obligés d’utiliser les privilèges qui leur sont concédés, à moins que des raisons accidentelles ne les contraignent de le faire.  Exemple.  Un prêtre qui a le privilège d’avoir un oratoire privé n’est pas obligé d’en établit un.  Mais un prêtre qui a le privilège d’absoudre des cas réservés est obligé par la charité de l’exercer, pour éviter de faire tort à un pénitent.

 524- La dispense diffère du privilège du fait que de sa nature, l’une est temporaire, l’autre permanent.   Parce que l’une est toujours contraire à la loi, l’autre peut n’être qu’au-delà, en dehors, en marge de la loi.    525- Le pape peut dispenser de la façon suivante.   Il peut accorder une dispense au sens strict de toutes les lois ecclésiastiques (canon 81). Il peut accorder une dispense, dite impropre,  des lois divines dont l’obligation dépend d’un acte de la volonté humaine (comme les serments, les voeux, les contrats 311, 357).  Il peut interpréter, déclarer les autres lois divines, mais non en dispenser.

 526- L’Ordinaire du lieu peut dispenser de la façon suivante.   Il peut dispenser de la loi générale de l’Église quand il en a reçu implicitement ou explicitement le pouvoir du pape ou de la loi (canon 81).  Il peut dispenser des lois diocésaines, et, dans des cas particuliers, des lois de conciles provinciaux et pléniers, s’il se présente une juste raison de le faire (canon 82).  Il peut dispenser des lois papales faites pour un territoire particulier, si le pouvoir lui a en été donné implicitement ou explicitement, ou si le recours au Saint-Siège s’avère difficile (canon 82).  Il peut dispenser de toutes les lois ecclésiastiques dont on peut dispenser, quand il y a un doute au sujet du fait (canon 15)

 527- Le pasteur peut dispenser de la façon suivante.  Il peut dispenser de la loi générale qui  porte sur les fêtes d’obligation;  des lois du jeûne et de l’abstinence.   Il peut dispenser aussi bien des étrangers que ses propres ouailles, mais seulement pour une juste raison, des individus ou des familles.  L’Évêque peut accorder une dispense à tout son diocèse, mais le pasteur ne peut pas accorder une dispense à toute sa paroisse (canon 1245).  En danger de mort, le pasteur peut dispenser quelqu’un des empêchements matrimoniaux (canon 1044).

 528-Les supérieurs religieux, les supérieurs locaux inclus, peuvent dispenser des lois ou des statuts de leur institut, sauf quand cela est interdit.    Dans les instituts cléricaux et exempts, le supérieur peut aussi dispenser ses sujets et tous ceux qui demeurent jour et nuit dans la maison religieuse (étudiants, visiteurs, serviteurs)  des lois générales de l’Église comme suit.   Les supérieurs les plus hauts gradés comme les abbés, les supérieurs généraux et provinciaux ont, à cet égard, la même autorité que l’évêque possède dans son diocèse.   En conséquence, ils peuvent dispenser de toutes les lois ecclésiastiques dont dispense le pape,  quand le doute porte sur un fait, ou quand le recours au Saint-Siège s’avère difficile (canon 15, 81).   En cas de nécessité, ils peuvent dispenser des individus des lois de l’abstinence, et du jeûne,  le monastère  au complet, ou une province entière (canon 1245).   Ils peuvent dispenser des irrégularités, comme l’indique le canon 900.

  Les autres supérieurs, supérieurs locaux inclus, peuvent dispenser leurs sujets des lois du jeûne et de l’abstinence, de la même façon que les pasteurs le font pour leurs ouailles (canon 1245).   Les supérieurs religieux sont aussi capables de dispenser des vœux privés non réservés de leurs sujets (1313).   529- Les confesseurs, quand ils sont délégués, peuvent dispenser de la façon suivante.   Ils peuvent, avec les facultés ordinaires, dispenser des empêchements, des irrégularités, des pénalités présentées dans les canons 1044, 1045, 985, 990, 2290).   Avec des facultés privilégiées, ils peuvent dispenser des vœux simples non réservés au pape, si cela peut se faire sans porter atteinte aux droits d’une tierce personne. Ils peuvent aussi dispenser d’une irrégularité occulte produite par un délit, l’homicide excepté. (Au confessional, le pasteur peut dispenser des empêchements indiqués dans les 1043, 1045)   530-  Les prêtres qui président des mariages peuvent dispenser des empêchements indiqués dans les canons 1043, 1045).

 531- La façon de demander une dispense est la suivante.   Pour une dispense habituelle (du jeûne, de l’abstinence, de l’observance des fêtes, des vœux dont un confesseur peut dispenser), aucune procédure particulière n’est requise.   Pour la dispense qu’on doit demander au Saint-Siège, si la matière relève du for interne, la demande doit être envoyée à la congrégation compétente par l’intermédiaire du pasteur ou de l’Évêque.    532- La façon de préparer une demande de dispense est comme suit.  On ne doit pas donner le nom du pénitent dans la pétition adressée à la sacrée pénitencerie, mais le nom et l’adresse de la partie.   La pétition devrait être envoyée par lettre. Elle peut être écrite dans quelque langue que ce soit.  Le cas doit être bien expliqué avec toutes les circonstances, la faveur demandée, et la vraie raison de la demande indiquée.

 533- Une dispense est invalidée comme suit.  Par un défaut dans la demande, une erreur substantielle -- la dispense est donnée à la condition que le tout soit vrai (canon 40)--; un défaut du demandeur (s’il est inapte à recevoir la faveur demandée canon 48); par un défaut de la dispense (quand la signature ou le sceau est omise); par un défaut de celui qui accorde la dispense,  comme quand il n’a pas la juridiction requise, ou quand, sans une raison valable,  il accorde une dispense pour laquelle il n’a qu’un pouvoir délégué (canon 64).

 534- Si une dispense est refusée injustement, prenez note de ce qui suit.  Dans les cas ordinaires, le sujet a le droit de se sentir libre face à la loi.   Dans les cas extraordinaires, le sujet n’est libre que quand la loi cesse ou n’oblige plus. 535-  On devrait interpréter de la façon suivante la faculté de dispenser. Au sens large, quand elle a été accordée pour des cas en général (canon 200); au sens strict, quand elle a été  accordée pour un cas particulier (canon 85).  536- On doit interpréter au sens strict la dispense dans les cas suivants.  Quand la dispense a un côté odieux, comme quand elle est contraire à la loi et avantageuse à un intérêt privé au détriment d’une tierce personne;  quand l’interprétation large est dangereuse, comme quand elle favorise l’injustice, encourage l’ambition, etc. (canons 50, 85)

 537- Une dispense cesse intrinsèquement de la façon suivante.  Par l’expiration de la date butoir;  par la cessation complète et certaine du motif de la dispense, si l’effet de la dispense est divisible, c’est-à-dire si le motif de la dispense doit exister à chaque fois que la loi demande un acte ou une omission (canon 86). Si quelqu’un est dispensé du jeûne ou du bréviaire pour des raisons de santé, la dispense cesse s’il recouvre la santé.   538- Une dispense cesse extrinsèquement de la façon suivante.  Par l’acte de celui qui dispense, s’il rappelle validement la dispense, ou par la cessation de l’office de celui qui dispense, s’il avait limité la dispense à la durée de son mandat (canon 86, 73).

 539- Une dispense ne cesse pas par la cessation du motif pour laquelle elle avait été donnée dans les cas suivants.  Si la cessation du motif est partielle ou douteuse, même si l’effet de la dispense est visible, c’est-à-dire requérir l’existence d’un motif pour accorder la dispense à chaque fois qu’on s’en sert,  Car si la dispense cessait dans ces cas-là, le bien qu’elle procure serait souvent perdu en grande partie à cause des inquiétudes et des scrupules auxquels serait exposée la personne qui jouit d’une dispense.  Exemple.  Pierre a été dispensé du jeûne à cause de sa santé chancelante.  Il reprend des forces par la suite, mais n’a pas encore recouvré toute sa santé, ou n’est pas certain de l’avoir recouvrée.  Il peut continuer à utiliser sa dispense.

 Une dispense ne cesse pas si le motif  cesse complètement et surement, mais si l’effet de la dispense est invisible, c’est-à-dire, enlever l’obligation une fois pour toutes.  Exemple.  Paul est un veuf avec plusieurs enfants à sa charge.  Il désire se marier pour donner une famille à ses enfants.  Et ce désir est la raison de la dispense, qui lui a été donnée, d’un empêchement d’affinité.  Mais avant le mariage, les enfants meurent. La dispense est toujours bonne.

 540- La dispense ne cesse pas à cause de celui qui la donne  dans les cas suivants.  Elle ne cesse pas quand celui qui la donne a terminé son mandat, si elle a été donnée indépendamment de la durée de son mandat.  Exemple. Albert a reçu une dispense valide jusqu’à ce qu’elle soit rappelée, mais ne s’en est jamais servi. Même si celui  qui l’a accordée meurt, la dispense demeure toujours.  Elle ne cesse pas  non plus si le donateur rappelle invalidement la dispense, comme quand il dispense d’un pouvoir délégué.  Et son autorité cesse avec l’acte de la dispense.   Exemple.  Pierre, un confesseur, a dispensé Paul de la loi de l’abstinence, mais il désire maintenant rappeler la dispense. La dispense demeure.

 541- Une dispense ne cesse pas à cause de quelqu’un qui a reçu une dispense dans les cas suivants.  Elle ne cesse pas quand il quitte le territoire de celui qui la lui a accordée, si la dispense était personnelle.  Exemple.  Une personne dispensée de la loi générale du jeûne,  par un indult qui a été accordé à un diocêse, ne peut pas user de cette dispense en dehors du diocèse.  Mais si sa dispense est personnelle, elle peut l’utiliser partout.   Elle ne cesse pas quand le bénéficiaire de la dispense ne s’en sert pas, ou agit en sens contraire, s’il n’y a jamais renoncé. Exemples.  Jacques a été dispensé du jeûne du carême, mais il jeûne de temps en temps. Cette non-utilisation de la  dispense obtenue ne renouvelle pas l’obligation du jeûne.  Jean a reçu la dispense qu’il demandait pour épouser Pierrette, mais il change d’idée, et épouse Lucette.  Cet acte contraire à la dispense ne lui enlève pas sa validité.  Et si Lucette meurt, il pourra épouser Pierrette.
 
 
 
 

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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction

Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.

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