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John A. McHugh, o.p. - Charles J. Callan, o.p.
THEOLOGIE MORALE un cours complet selon saint Thomas d'Aquin et les meilleurs auteurs modernes

Imprimatur Francis cardinal Spellman, Archbishop of New York, New York, May 24, 1958
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ARTICLE 5 : LA VERTU DE CHARITÉ
             (sommes théologique IIa-IIae qq. 23-27)

 1105- Définition.  Le mot charité (ce qui est cher, hautement estimé) s’emploie dans un sens général et dans un sens particulier.  Dans son sens le plus général, il s’applique aux actes ou aux sentiments d’une bonne nature envers les autres, avec ou sans considération de Dieu.  Ainsi, on l’applique aux bons jugements portés sur les autres, à une disposition bienveillante envers le bien être d’autrui, au soulagement gratuit des nécessiteux et des malades, aux offrandes faites pour des nécessités publiques, et pour d’autres choses du même genre.  Dans l’Écriture, le mot est parfois pris au sens d’amitié  Il est préférable d’être invité à manger de la salade par charité, qu’un veau gras par la haine  (Prov. XV, 17).  Dans un sens particulier, la charité renvoie à l’amour divin, c’est-à-dire à l’amour de Dieu pour l’homme, et de l’homme pour Dieu.  Nous envisageons ici la charité comme la vertu par laquelle l’homme aime Dieu pour lui-même, et les autres à cause de Dieu.

 1106- L’amour, en général, est une attirance vers un bien qui convient, ou vers ce qui est considéré comme le bien de quelqu’un.  Il  est la racine de tous les appétits de l’esprit.  D’où l’importance que l’objet de l’amour soit un vrai bien.  Toute attirance est basée  sur une certaine convenance ave le bien qui attire, donc sur l’amour.  Exemple.  L’amour peut provenir du désir comme quand le désir de l’argent engendre l’amour de celui qui a de l’argent.  Mais, en dernière analyse, on découvrira que le désir lui-même vient d’un amour antérieur, car on n’aimerait pas l’argent si on n’aimait pas les choses que l’argent procure.   Toute répulsion est basée sur la constatation que telle chose est opposée à ce qui convient à telle personne.  Elle provient donc, elle aussi, de l’amour.   Exemple.  L’amour est parfois  un effet de la haine, comme quand quelqu’un aime Pierre parce qu’il déteste ses ennemis.  Néanmoins, la haine est fondamentalement toujours le résultat d’un amour, car on ne hait que ce qui dérobe ou détruit ce qu’on aime.  Toute satisfaction est due à la possession ou à la présence de quelque chose d’utile ou d’agréable.  Elle présuppose donc l’amour.  Une satisfaction particulière peut causer l’amour, comme quand on aime quelqu’un parce que sa compagnie est divertissante.  Mais la satisfaction est due à l’amour qu’on a d’être diverti.

 1107- Les effets de l’amour sont au nombre de deux.  L’union d’affection car l’aimant regarde l’aimé comme un autre lui-même, et il désire sa présence. Il se réjouit en y pensant, et désire ce qu’il désire.  La séparation des autres choses.  Car les pensées de l’amoureux vont vers l’objet de son amour, et il ressent de la jalousie envers tout ce qui pourrait le contrarier.

 1108- On peut distinguer plusieurs degrés d’amour.  L’amour naturel est la tendance des choses vers leurs fins qui résultent non de la connaissance, mais de la nature, et que l’on trouve aussi bien dans les êtres irrationnels et inanimés que dans les plus hautes formes d’être.  Ainsi, on peut dire que le feu aime brûler; que tout être aime sa propre existence. L’amour sensuel  est l’attirance qui suit la connaissance que nous procurent les sens.  Il existe autant chez les animaux que chez les êtres humains.  Ainsi, un chien aime les os, et un chat du poisson.  L’attraction sexuelle est une espèce d’amour sensuel. 1109-- L’amour rationnel survient des réflexions de l’esprit, et est un choix fondé sur le jugement porté sur la valeur de l’objet aimé.  Il est de deux sortes.  L’amour de désir (de concupiscence) est l’affection ressentie pour un objet qu’on désire pour soi ou pour un autre, de façon telle que le bien n’est pas désiré pour l’objet, mais la bonté de l’objet est désirée pour quelque chose d’autre.  (Ainsi, on aime la nourriture ou l’argent de  l’amour du désir, car on ne leur désire pas du bien, mais on désire en retirer du bien). 1110-  L’amour de bienveillance porte le nom d’amitié quand les conditions suivantes se rencontrent.   Quand l’amour est réciproque, car si l’un ne partage pas l’affection de l’autre, ils ne sont pas amis.  Quand l’amour se fonde sur une ressemblance qui est le lien de l’union, car l’amitié suppose que les amis aient des intérêts communs, qu’ils trouvent du plaisir à se tenir ensemble, ce qui est impossible sans une similitude de goûts, de pensées et d’intérêts (Eccl. X111, 19).  Les parents ont donc de l’amitié envers les parents, les citoyens envers les citoyens, les soldats envers les soldats,  les gens cultivés envers les gens cultivés.

 Il est vrai que ceux qui appartiennent au même état de vie sont souvent des ennemis.  Mais cela est dû non à leur similarité, mais à une certaine dissemblance, comme quand l’un réussit et l’autre ne réussit pas,  l’un est riche et l’autre ne l’est pas.  Aristote dit que les potiers ne s’entendent jamais entre eux; et les Proverbes (X111, 10) affirment qu’entre les orgueilleux, il y a toujours de l’hostilité.  Car chaque potier voyait dans l’autre potier quelqu’un qui lui dérobait ses profits; et chaque orgueilleux voit dans un autre orgueilleux un obstacle à l’obtention de la gloire.  Des sentiments d’inimitié ou de rivalité peuvent donc exister entre ceux qui sont semblables, mais l’amitié est impossible quand on n’a rien en commun.

 1111- Il faut distinguer les sortes d’amitié.  L’amitié d’utilité ou de plaisir est celle qui désire le bien d’un ami non pour le plus grand bien de celui-ci,  mais pour son avantage propre. Ainsi, cette sorte d’amitié comprend un certain amour de bienveillance, mais elle origine de l’amour du désir. En raison de cet amalgame d’égoïsme et de bienveillance, elle est loin de pouvoir porter le nom d’amitié dans son véritable sens.   Exemples.  Pierre cultive l’amitié de Paul parce qu’il est riche et qu’il pourra patronner son entreprise.  Paul y trouve son profit, parce qu’il trouve que les prix de l’entreprise de son ami sont plus bas qu’ailleurs (amitié de convenance ou d’utilité).   Jean et Jacques s’associent l’un l’autre, et sont heureux de s’apporter une aide mutuelle.  Mais la seule chose qui les réunit  est le plaisir qu’ils éprouvent quand ils sont ensemble (une amitié de plaisir).  L’amitié de vertu est celle qui désire le bien d’un autre, et dont la cause de l’attirance réciproque est la vertu.  Voilà quelle est la véritable amitié.  Parce qu’elle est désintéressée, et a le plus haut motif.  Elle est durable par nature, puisqu’elle se fonde sur la bonté morale, le vrai bien d’un être intelligent (Eccl. V1, 14-16).  Exemple. David et Jérémie sont devenus amis parce que chacun apprécie les vertus de l’autre.

 1112- La charité est une vraie amitié entre Dieu et sa créature intellectuelle. En effet,  l’Écriture appelle les justes les amis de Dieu. (Jn. XV, 15; Jac. 11, 23; Ps. CXXXV111, 17). Et les conditions de la vraie amitié proviennent de leur relation à Dieu.   Il y a un amour mutuel de bienveillance entre Dieu et le juste. J’aime ceux qui m’aiment (Prov. V111, 20). Celui qui  m’aime mon Père l’aimera, et je l’aimerai (Jn X1V, 21).  Il y a un lien qui leur est commun. Car, bien que, selon la nature, Dieu et l’homme sont infiniment distants l’un de l’autre, selon la grâce,  l’homme est  fils adoptif de Dieu et héritier d’une gloire qui lui fera participer au bonheur même de Dieu.

 1113- La charité est de deux sortes, à savoir incréée, et créée.  La charité incréée est Dieu lui-même, comme il est aussi la Vérité, la Lumière, la Vie.  Dieu est charité, et celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu (1 Jn 1V, 8).  L’Esprit Saint est appelé charité d’une façon spéciale, parce qu’il procède, dans la trinité, comme Amour. C’est pourquoi, dans le veni creator (viens créateur) on s’adresse à lui sous les noms de : source de vie, feu, charité, et onction spirituelle.   La charité créée est un habitus surnaturel ajouté à la volonté.  Elle l’incite à aimer Dieu, et la rend capable d’agir avec promptitude, empressement et joie. La charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous est donné (Rom V, 5). Nous ne nous intéressons ici qu’à la charité créée.

 1114- On définit ainsi la charité créée.   Une vertu surnaturelle infusée par Dieu, par laquelle nous aimons Dieu d’un amour d’amitié, l’auteur de notre béatitude, à cause de sa bonté à lui;   et notre prochain, pour Dieu.   On reçoit la charité avec la grâce sanctifiante. Mais les deux diffèrent en ceci que la grâce est un principe d’être qui sanctifie l’homme, tandis que la charité est un principe d’action qui fait des actes saints.

 1115- L’excellence de la charité. L’amitié humaine de la plus basse espèce n’est pas une vertu. Et celle qui est plus noble est une extension ou un résultat de la vertu plutôt qu’une vertu proprement dite. L’amitié divine, cependant, constitue la vertu théologique de charité.  La charité est donc une vertu puisque c’est elle qui régule nos actes en leur donnant  toute la perfection qu’ils peuvent atteindre; et qui unit nos affections à la bonté divine. Bien qu’elle informe les autres vertus, la charité est pourtant distincte d’elles, car elle a son objet propre, la bonté divine, laquelle est parfaite en elle-même. Ces trois, la foi, l’espérance et la charité (1 Cor. X111, 13). Et bien qu’elle inclue notre prochain comme objet d’amour, la charité est une seule et même vertu, puisqu’elle n’a qu’une seule fin (la bonté de Dieu) et qu’elle est fondée sur une seule amitié (la vision béatifique donnée par Dieu).  1116-  La charité est moins parfaite que l’acte de l’intelligence par lequel on voit Dieu intuitivement dans la vision béatifique, mais est supérieure aux autres vertus de la vie présente.  Elle est donc supérieure aux vertus morales, car celles-ci dirigent les actions  avec la règle inférieure de la raison, tandis que la charité les dirige avec la règle suprême, qui est Dieu lui-même.

 Elle est supérieure aux autres vertus théologales puisqu’elle tend vers Dieu lui-même, tandis que la foi et l’espérance tendent vers Dieu en tant que principe d’où dérivent la vérité et le bonheur.  La plus grande des trois est la charité (1 Cor. X111, 13).   1117- Les autres vertus ont besoin de la charité pour atteindre leur perfection.  Sans la charité, les autres vertus sont de fausse vertus, ou de vraies vertus imparfaites. Car elles ne seraient pas alors centrées sur la fin universelle dernière, mais sur un bien particulier et prochain.  Elles ne sont pas méritoires non plus sans la charité.  Car si je distribuais tous mes biens pour nourrir le pauvre, et si je livrais mon corps aux  flammes sans avoir la charité, cela ne m’est d’aucun profit  (1 Cor, X111m 3).   Avec la charité,  les autres vertus deviennent vraies et parfaites.   Exemples.  Pierre fais des aumônes aux pauvres pour les entraîner à l’infidélité (fausse charité).  Paul se tient loin de l’ivrognerie, non parce qu’il aime la sobriété, mais parce que, étant avare, il déteste dépenser de l’argent (fausse tempérance).  Luc est sans religion, mais il est très fidèle aux devoirs de la famille (justice imparfaite).  Jean accomplit ses devoirs envers sa famille et son prochain à cause de l’amour qu’il porte à Dieu (justice parfaite).

 1118- On peut exprimer de différentes façons l’influence que la charité a sur les autres vertus.  On appelle  charité le principe qui informe les autres vertus.  Cela ne veut pas dire que la charité est le patron à partir duquel les autres vertus sont modelées, ou le caractère interne qui les fait être ce qu’elles sont. Autrement, toutes les vertus seraient absorbées par la vertu de charité.  Ce que cela signifie c’est que toutes les vertus tirent de la charité leur caractéristique de vertu parfaite.  Car c’est elles qui les axent sur la fin dernière.  On appelle la charité le fondement ou la racine de toutes les autres vertus (Eph. 111, 17), non au sens où elle est une partie matérielle d’elles, mais au sens où elle les supporte et les nourrit.   On parle aussi d’elle en tant que fin et mère des autres vertus, parce qu’elle dirige les autres vertus vers la fin dernière, et produit leurs actes en commandant qu’elles se mettent se mettent en branle.  La fin du commandement est la charité (1 Tim, 1, 5).

  1119-   La charité est la cause des autres vertus, négativement, en interdisant le mal, positivement, en commandant le bien (1 Cor. X111, 4-7).   Elle interdit de faire du mal au prochain, en désir ou en action.  La charité n’envie pas, ne se conduit pas d’une façon perverse.  Elle interdit les passions mauvaises par lesquelles on se fait du tort à soi-même, comme l’orgueil, l’ambition, la convoitise, la colère.   La charité ne s’enfle pas, elle n’est pas ambitieuse, elle n’est pas intéressée, elle ne se laisse pas emporter par la colère.  Elle empêche que l’on fasse du mal à l’ âme par de mauvaises pensées et de mauvais désirs. La charité ne pense pas à mal, elle ne se réjouit pas du malheur d’autrui. Elle ordonne de faire du bien au prochain, elle supporte ses défauts, se réjouit de son bonheur, et lui accorde toutes sortes de bonnes choses.  La charité est patiente, bonne, se réjouit de la vérité et supporte tout. Elle ordonne de faire du bien à Dieu par la pratique des vertus théologales de foi et d’espérance, et par la persévérance dans ces vertus.  La charité croit tout, espère tout, endure tout.

 1120- La charité dirige les autres vertus pour les rendre parfaites et méritoires. Pour le mérite de la foi, de l’espérance et des autres vertus,  n’est pas requise la direction actuelle  -----c’est-à-dire l’intention de croire et d’espérer à un moment précis du temps qui provient de l’amour de Dieu--- même si elle est plus parfaite.  Autrement, le mérite deviendrait très difficile d’obtention,  et très rare.  La direction habituelle, c’est-à-dire le simple fait de posséder l’habitus de charité, ne suffit pas, puisqu’elle n’a aucun effet sur l’acte de foi ou d’espérance. Autrement, il s’ensuivrait qu’est méritoire un acte de foi récité par une personne en état de grâce, mais inconsciente. Ce qui rendrait le mérite trop facile à acquérir.  Est à tout le moins nécessaire la  direction virtuelle, c’est-à-dire, l’influence de l’intention, qu’on a eue et qu’on n’a jamais rétractée, de toujours agir par amour de Dieu, et qui continue sans qu’on  y pense explicitement pendant qu’on croit et qu’on espère.  Autrement quelqu’un croirait mériter la fin dernière sans l’avoir jamais désirée.  Car les autres vertus ne tendent pas à la fin dernière pour elle-même.  Mais, en pratique, il n’y a personne parmi ceux qui sont en état de grâce qui n’accomplisse pas tous ses actes qui sont humains et vertueux sous la direction de la charité, actuelle ou virtuelle.

 1121- La production de la charité. La vertu de charité appartient à la partie appétitive de l’âme, mais suppose un jugement qui règle son exercice.  Ainsi, la puissance de l’âme dans laquelle réside la charité est la volonté, parce que son objet est le bien appréhendé par l’intelligence.  Mais le jugement qui la régule n’est pas la raison humaine, comme c’est le cas pour les vertus morales, mais la sagesse divine (Éph. 111, 19).
 

 1122- L’origine de la charité.   La charité n’est pas causée par la nature; ellen’est pas acquise non plus par les forces  de la nature. L’amour naturel de Dieu est possible, il est vrai, sans la grâce. Mais la charité est une amitié surnaturelle, basée sur un compagnonnage dans la béatitude divine.  Elle est  introduite ou engendrée par d’autres vertus qui préparent quelqu’un à la recevoir de Dieu (1 Tim. 1, 5). 1123-   La cause de la charité est donc Dieu.  C’est lui qui l’infuse dans l’âme. La charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par le Saint Esprit, qui nous est donné  (Rom. V, 5).  La mesure avec laquelle Dieu répand le don de  charité dépend de sa volonté et de sa bonté.   Les anges reçoivent la charité à leur création, selon leur rang naturel, de façon à ce que ceux qui sont plus haut placés l’emportent sur ceux qui sont placés plus bas, en nature aussi bien qu’en grâce.  Les enfants qui reçoivent la charité à  leur baptême la reçoivent selon la mesure du don du Christ (Eph. 1V, 7; Jn. 111, V111; Cor. X11, 2).  Ceux qui reçoivent la charité en se repentant l’ont chacun selon sa propre capacité  (Matt. XXV, 15), c’est-à-dire d’après la façon avec laquelle chacun s’est préparé (Col. 1, 12).

 1124- La charité peut croître.  Je prie pour que votre charité abonde de plus en plus (Phil. 1, 1X).   Il faut quand même noter que l’augmentation ou la croissance de la charité ne se fait pas dans le motif de la charité, car la bonté de Dieu est suprême et incapable de croissance.  Elle ne se fait pas non plus dans les objets de la charité, car même le plus bas degré de cette vertu d’étend à toutes les choses qu’on doit aimer à cause de Dieu.  La croissance est donc dans la manière avec laquelle  la charité existe dans l’âme; en ce qu’elle devient plus profondément enracinée, et prend plus puissamment possession de la volonté, rendant, en conséquence,  ses actes plus intenses et plus fervents.   Comme la connaissance croit en devenant plus claire et plus certaine, la charité atteint les plus hauts degrés en existant plus fermement dans son  sujet.

 1125- Au sujet de l’augmentation de la charité, les actes d’amour sont de deux sortes.  Les moins fervents sont ceux qui ne dépassent pas le degré de charité déjà atteint; les plus fervents sont ceux qui dépassent le degré de charité que quelqu’un possède déjà.  Exemple. Si quelqu’un a dix degrés de charité habituelle, un acte de cinq degrés est moins fervent, un acte de quinze degrés est plus fervent.  1126- Chaque acte de charité, même le moins fervent, contribue à l’augmentation de la charité qu’on possède déjà.  Cela est vrai quand l’acte est élicité par la charité (acte d’amour de Dieu) ou commandé par la charité (l’acte d’une vertu accompli par amour de Dieu).  Chaque acte de charité mérite de recevoir de Dieu une augmentation de l’habitus de charité (conc de trente, sess. V1, can. 32). Même un verre d’eau froide donné au nom d’un disciple du Christ  ne restera pas sans récompense (Matt. X, 42).

 1127- En ce qui a trait à la manière et au temps de l’augmentation, il y a diverses opinions. Mais voici ce qui semble le plus probable.  L’augmentation de l’habitus de charité par un acte plus fervent se fait au moment même, car Dieu accorde ses dons quand quelqu’un est disposé à les recevoir.  Exemple.  Pierre, qui a habituellement dix degrés de charité, fait un acte de charité estimé à quinze degrés. Cet acte lui mérite donc une augmentation de charité qu’il reçoit immédiatement.  L’augmentation de la charité méritée par des actes moins fervents n’est pas accordée avant le moment ou l’on entre au ciel ou au purgatoire, car il n’existe pas de moment durant la vie sur terre  où quelqu’un ait une disposition égale à la quantité ajoutée contenue dans des actes moins fervents.  Car, comme nous avons dit, les actes plus fervents sont récompensés sur-le-champ par une augmentation correspondante de la charité, tandis que les actes moins fervents ne disposent pas quelqu’un à une augmentation instantanée. 1128-  L’augmentation de  la charité prendra fin dans la vie future, quand chacun aura atteint  le degré de perfection auquel il a été prédestiné par Dieu (Phil, 111, 12).  Mais tant qu’on vit ici-bas, on peut continuellement croître en charité, car chaque augmentation rend capable de recevoir, de la puissance infinie de Dieu,  une participation  supplémentaire dans la charité infinie, qui est l’Esprit Saint (11 Cor. V1, 11).

 1129- La charité est absolument parfaite quand elle aime Dieu au degré même où il est aimable, c’est-à-dire, infiniment.  Mais il est évident qu’une si grande charité n’est possible qu’à Dieu.  La charité est relativement parfaite quand on aime Dieu autant qu’on le peut (Matt. V, 48; 1Jn 11, 5; 1V, 12, 17).  Mais elle a trois degrés. La charité parfaite du ciel, qui n’est pas possible en cette vie, consiste en ceci qu’on est continuellement occupé à penser à Dieu, et à l’aimer.   La charité parfaite sur la terre, qui est particulière à certains saints, consiste en ceci qu’on donne tout son temps aux choses divines, en autant que le permettent les nécessités de l’existence mortelle. La charité parfaite sur la terre qui est commune à tous les saints consiste en ceci qu’on donne tout son cœur à Dieu, sans permettre aucune pensée ou désir opposé à l’amour divin.
 1130-   On divise en trois classes ceux qui croissent en charité.  Les commençants, ou ceux dont le souci principal est la libération du péché et la résistance à tout ce qui est opposé à l’amour de Dieu.  Les progressants, ou ceux qui ont encore à lutter contre les tentations, mais dont le souci principal est de progresser dans le chemin de la vertu.  Les parfaits ou ceux qui ont encore des progrès à faire dans la sainteté, mais dont le désir principal est d’atteindre la fin du voyage terrestre, et d’être avec l’objet de leur désir (Phil. 1, 13).

 1131- Le déclin de la charité. La charité actuelle peut décroître dans le sens où certains actes peuvent être moins fervents que ceux qui ont précédé (Ap. 11, 4)  La charité habituelle ne peut pas décroitre en elle-même.  Les causes qu’on pourrait assigner à un déclin de la charité habituelle sont l’omission des actes de charité, et la commission de péchés véniels.   Mais la première ne peut pas diminuer la charité, puisqu’elle est un  habitus infus qui ne dépend pas des actes humains. L’autre, qui est  un désordre dans les moyens menant à la fin, ne contrecarre pas la charité, laquelle est le juste ordre de l’homme relativement à la fin dernière elle-même.  La charité diffère donc de l’amitié humaine qui peut se refroidir par la négligence ou des malattendus.  La charité habituelle peut être diminuée d’abord par les dispositions qui assurent sa préservation et sa croissance (comme quand on commet un grand nombre de péchés véniels dangereux).  En second lieu, par elle-même (comme quand, après un péché, on a moins de charité qu’avant)  Mais dans aucun des cas trouve-t-on une décroissance du même habitus numérique.

 1132- La perte de la charité.  La charité des bienheureux ne peut pas être perdue parce qu’ils voient Dieu comme il est, et sont toujours occupés à l’aimer.   Mais la charité sur la terre peut être rejetée par la libre volonté de l’homme, parce qu’elle procède d’une connaissance moins parfaite, et n’est pas toujours en acte (conc. De trente sess. V1, chap. 12, 13, 14. Can. 23). On perd l’habitus de charité non seulement par n’importe lequel péché contraire à  l’amour de Dieu, mais par n’importe lequel péché mortel opposé aux autres vertus (conc. trente sess. V1, chap. 15).  Chaque péché mortel détourne quelqu’un de la fin dernière.  Il est donc incompatible avec la charité qui nous tourne vers Dieu, notre fin dernière. Celui qui garde mes commandements et les observe, voilà celui qui m’aime (Jn X1V, 21).   Le péché véniel diminue la ferveur de la charité, mais ne la fait pas disparaitre.

 1133- L’objet de la charité. L’objet de la charité est triple.  L’objet formel, c’est-à-dire la raison pour laquelle on aime. C’est l’amabilité infinie de Dieu lui-même en tant qu’il est connu par l’illumination surnaturelle de la foi.  L’objet matériel primaire c’est-à-dire la chose que la charité aime avant tout, Dieu Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Voilà quel est le plus grand et le premier commandement  (Matt. XX11, 37, 38).  L’objet matériel secondaire, c’est-à-dire la chose aimée à cause de Dieu, soi-même et le voisin. Et le deuxième lui est semblable. Tu aimeras ton prochain comme toi-même (ibid. 39).   1134- L’amour des créatures n’est pas toujours un acte de la vertu de charité.  L’amour coupable des créatures, par lequel on les aime plus que Dieu ou d’une façon désordonnée, détruit la charité ou la fait dévier.   Saint Jean a dit :  N’aimez pas le monde ni les choses qui sont du monde (1 Jn. 11, 15). Ne porte pas le nom de charité l’amour naturel des créatures—même s’il est bon--- qui nous les fait  chérir pour d’autres raisons que l’amour de Dieu (comme les bienfaits qu’on reçoit d’elles, ou leurs excellentes qualités).   Ainsi en est-il de la gratitude qui ne voit en quelqu’un qu’un bienfaiteur, de l’amitié qui ne voit en l’autre que la compatibilité des goûts et des caractères, ou de la philanthropie qui ne voit en l’autre qu’un autre homme.  Ces choses sont différentes de la charité, même si elles sont bonnes en elles-mêmes.

 L’amour surnaturel des créatures, qui les fait aimer à cause du divin qui est en eux, en tant qu’ils sont des amis de Dieu ou créés pour la gloire du divin Ami, ne diffère pas spécifiquement de l’amour de Dieu, car le même motif se trouve dans les deux amours (l’amabilité de Dieu lui-même). 1135-   Puisque la charité est une amitié, elle n’inclut pas parmi ces objets ces choses qu’on aime d’un amour de désir, (Cf. 1109) c’est-à-dire ces choses qu’on désire pour autre chose.   En conséquence, la charité elle-même n’est pas un objet de la charité, car elle est aimée non comme un ami, mais comme un bien qu’on désire pour ses amis.   La même chose s’applique aux autres vertus et aux béatitudes.    Les créatures irrationnelles ne sont pas objets de charité, car un lien d’amitié avec elles est impossible, spécialement dans la vision béatifique.   Nous pouvons quand même les aimer d’un amour de charité dans la mesure où nous désirons leur préservation pour le bien de ceux que nous aimons charitablement (désirer qu’elles soient préservées pour la gloire de Dieu et les besoins de l’homme).

 1136- L’amour de soi-même est de plusieurs sortes selon sa nature basse et corrompue, mais non selon sa nature élevée et rationnelle; ou selon que l’on s’aime soi-même égoïstement au détriment des autres.  Il est dit de ceux qui s’abandonnent à leurs passions :  Dans les derniers jours viendront de dangereux temps. Les hommes seront amoureux d’eux-mêmes (11 Tim. 111, 1,2).  Il a été dit de ceux qui s’aiment égoïstement : Tous cherchent leur intérêt, non ce qui appartient à Jésus-Christ  (Phip. 11, 21). Mais la charité ne cherche pas son bien à l’exclusion des autres, elle  désire ce qui est avantageux à tous  (1 Cor X, 33).

 L’amour de soi est le désir naturel que chacun a pour son propre bien, son bonheur, son existence etc. (11, Cor. V, 4), ou n’importe lequel désir raisonnable de s’améliorer  qui ne provient pas de l’amour surnaturel de Dieu.  Cet amour est plus fort que l’amour qu’on éprouve envers un autre, car il n’implique pas seulement l’union, mais l’unité.  Ce n’est pas de l’amitié,  mais la racine de l’amitié. Car on agit amicalement envers quelqu’un quand on le considère comme un autre soi-même.   L’amour de soi surnaturel est cet amour que l’on a pour Dieu, et,  par voie de conséquence, pour soi-même en tant qu’ami de Dieu.  1137-  Si par soi-même on entend la nature et la substance de l’homme, comme un tout composé de corps et d’âme, il faut dire alors que le mal aussi bien que le bien entrent dans la définition de soi-même,  et désirent sa préservation.  Mais si par soi-même on entend principalement l’homme intérieur, et secondairement l’homme extérieur (11 Cor. 1V, 16), il n’y a que le bien qui corresponde à la définition du soi, et a un amour véritable pour lui.   Car les méchants haïssent leurs âmes (Ps. X, 1X).  En effet,  les cinq marques de la vraie amitié, c’est le bon qui les montre à l’homme intérieur.  C’est le pécheur qui les montre à l’homme extérieur.  Les bons se soucient de la vie de l’âme, la mauvais, de celle du corps.  Les bons désirent les trésors spirituels pour l’âme, les mauvais des plaisirs charnels pour le corps.   Les bons trouvent leur joie dans  leur conversation avec l’âme. Ils y trouvent des pensées qui portent sur le passé, le présent et le futur, des choses bonnes présentes et futures qui les réjouissent.   Les méchants cherchent à se distraire des pensées sombres en s’étourdissant dans le plaisirs. Les bons sont en paix avec leur conscience; les méchants sont tourmentés par leur conscience.

 1138- L’amour surnaturel de soi-même qui appartient à la charité s’étend non seulement à l’âme, mais aussi au corps.  Car, de par sa nature, le corps est bon, puisqu’il a été créé par Dieu, et peut être utilisé pour son service (Rom V1, 13).  Il peut donc être aimé d’un amour de charité avec l’amour de désir,  à cause de l’honneur qu’il peut rendre à Dieu, et les services qu’il peut rendre dans les bonnes œuvres.   Par  la grâce, le corps est capable de participer à la béatitude secondaire, en étant glorifié avec l’âme.  On peut donc l’aimer d’un amour de charité, avec un amour de bienveillance dans la mesure où nous désirons pour lui une participation à la béatitude. Nous ne serons plus dévêtus mais revêtus, pour que ce qui est mortel soit avalé par la vie  (11 Cor. V, 4).  En raison des suites du péché qui sont en lui, le corps est un poids, un obstacle  pour l’âme.  On ne devrait donc pas aimer mais désirer l’élimination de ses imperfections.  Voilà pourquoi saint Paul désirait être affranchi du corps (Rom V11, 24; Phil. 1, 23).  Et les saints ont montré leur haine de la corruption du corps par les mortifications qu’ils lui ont fait subir (Jn X11, 25).

 1139- L’amour du prochain est de trois sortes.  L’amour peccamineux.  Tout amour qui est excessif, désordonné,  ou qui est centré sur ce qui est mauvais dans les autres.  L’amour naturel. Tout amour qui est attiré par l’excellence d’une chose humaine ou créée, comme la connaissance ou la compétence.  L’amour surnaturel.  C’est l’amour par lequel on est attiré vers autrui à cause du divin qui se trouve en lui, comme les dons qui viennent de la  grâce ou de sa vocation.  1140-  En conséquence, il semble que n’existe pas cette chose qui serait la vertu spéciale et distincte  d’une amitié humaine.   Il est évident que l’amitié de plaisir ou d’utilité n’est pas une vertu, parce qu’elle ne nait pas de l’attirance qu’exerce le bien moral.  Les amitiés vertueuses sont des conséquences des vertus plutôt que des vertus elles-mêmes.   Car l’attraction qu’éprouve un ami pour son ami vient de l’attirance qu’exerce la vertu sur lui.  Parce qu’elle n’est pas esclave de la passion, l’amitié est donc un exercice de la vertu de tempérance.  Les amitiés surnaturelles ne sont pas distinctes de la vertu de charité, car les dons et les grâces qui les font naître sont des participations de la bonté de Dieu, qui est l’objet de la charité.

 1141- Le prochain que nous avons à aimer d’un amour de charité ce sont tous ceux qui peuvent avoir avec nous la relation d’amitié surnaturelle, c’est-à-dire, toutes les créatures raisonnables.   Les anges sont donc les objets de cet amour, et les hommes les auront comme compagnons de gloire dans le ciel (Hebr. X11, 22).   Nos compagnons humains sont aussi les objets de cet amour, parce qu’ils sont eux aussi appelés au compagnonnage céleste.

 1142- La charité pour les pécheurs. Devons-nous aimer d’un amour de charité les pécheurs et les ennemis de Dieu ?  Si nous considérons les pécheurs comme des ennemis de Dieu, nous ne pouvons pas les aimer, parce que le péché est un mal, une offense à Dieu, et un tort qu’ils se causent à eux-mêmes.   Nous devrions plutôt détester, même chez ceux qui nous sont le plus proches, tout ce qui est contraire à l’amour de Dieu (Luc X1V, 26).   Mais si nous regardons les pécheurs comme des créatures de Dieu, même si nous ne pouvons pas les aimer d’un amour de charité ou comme des amis, s’ils sont des démons ou des âmes damnées, nous pouvons quand même aimer leur nature par charité envers Dieu, et désirer qu’il les préserve  pour sa plus grande gloire.   Si nous considérons les pécheurs comme des créatures de Dieu, nous pouvons les aimer avec charité, ou comme des amis, s’ils sont encore dans la vie présente, car nous devrions désirer que Dieu soit glorifié par leur salut et leur conversion.  Le commandement d’amour du prochain n’est pas limité aux justes. 1143-    Si nous considérons les pécheurs en tant qu’ennemis de Dieu, est-il permis  de les haït et de leur désirer du mal ?  Il est permis de détester le mal qui est dans les pécheurs, mais non leurs personnes.   Celui qui déteste leurs péchés aime leurs personnes, car leurs péchés travaillent contre eux.  C’est dans ce sens que le psaume a haï les pécheurs (Ps CXV111, 113; XXXXV111, 32).  Il est permis de désirer que les pécheurs soient châtiés, quand on est mu non par un esprit de malveillance, mais d’amour de la justice (LV11, 11; Sag. 1, 13; Ps. X, V111).   Il est aussi permis de désirer que le péché qui est en eux soit détruit, pour qu’ils puissent être sauvés.  C’est dans ce sens qu’on peut entendre certaines imprécations que l’on rencontre dans l’Écriture sainte (Px. C111, 35).   Ainsi, un juge condamne  un criminel non parce qu’il le hait, mais parce qu’il désire le réformer, ou protéger la société, ou faire un acte de justice.  1144- Les maux que sont la punition ou la destruction du péché ne sont pas vraiment des maux, mais des biens.   Mais on ne peut pas désirer les punitions suivantes.  Qu’un vivant perde son âme et soit condamné à l’enfer.  Car la charité requiert que nous désirions la conversion des pécheurs.  Qu’un pécheur soit puni par l’aveuglement du cœur, et qu’il aille toujours en empirant.  Celui qui désire le péché accepte d’offenser Dieu.  Mais il ne semble pas interdit de désirer que Dieu permette que quelqu’un tombe dans le péché, pour que le péché lui serve de moyen d’un réveil spirituel.

 1145- L’association avec les pécheurs.  Il n’est jamais permis de s’associer avec les pécheurs au moment où ils commettent leurs péchés. Car, autrement, on participe à leurs péchés. C’est pourquoi saint Paul dit :  Sortez du milieu d’eux, et séparez-vous d’eux (11 Cor. V1, 17).  Ce n’est pas permis de s’associer avec des pécheurs, même en matière indifférente ou bonne, quand on est faible et influençable (Cf. 258 suiv.)   Il est permis de s’associer avec des pécheurs dans des choses non défendues, s’il n’y a pas de danger, et si l’on cherche à les ramener sur le droit chemin.  Voilà pourquoi notre Seigneur a mangé avec les pécheurs : il venait les appeler au repentir (Matt. 1X, 10-13).

 1146- - La familiarité (amitié) avec les pécheurs. Si cela signifie que nous aimons ce qu’aiment les pécheurs et détestons ce qu’ils détestent, c’est une mauvaise amitié, et il faudrait y mettre fin.  Si cela signifie que nous cherchons à amener les pécheurs à aimer ce que nous aimons et à détester ce que nous détestons, l’amitié appartient à la charité (Jér, XV, 19). 1147-  Devait-on continuer à manifester de la sympathie et même de l’amitié envers quelqu’un qui a choisi le chemin du péché ? S’il est mauvais d’abandonner quelqu’un parce qu’il meurt de faim, ce serait encore plus condamnable d’abandonner quelqu’un parce qu’il est en train de mourir moralement.   Mais si tout espoir d’amélioration est disparu, on devrait laisser tomber une amitié qui n’est profitable pour personne, et qui peut même être nuisible.

 1148- La charité envers les ennemis.  On peut donner deux sens à ce mot. On peut les regarder comme ennemis, ou comme êtres humains destinés à la béatitude.   Si nous les considérons comme des ennemis, on ne peut pas les aimer d’un amour de charité.  C’est-à-dire que devrait nous déplaire le fait qu’ils sont ennemis et opposés à nous, car ce serait contraire à la charité d’aimer en quelqu’un ce qui est mauvais en lui
Si on considère les ennemis comme des êtres humains,  on devrait les aimer d’un amour de charité, c’est-à-dire que devrait nous plaire leur nature créée par Dieu et capable de recevoir la grâce et la gloire.  Car l’amour de Dieu devrait nous faire aimer tout ce qui relève de lui, même ceux qui ne sont pas bien disposés à son endroit.  1149-  Le précepte de l’amour des ennemis n’a pas reçu son origine de la loi du Christ.  Il appartient à la loi naturelle, car il découle du principe naturel : faites aux autres ce que vous aimeriez qu’on vous fasse. Et la raison naturelle l’a connue (Platon et Cicéron l’ont connu). L’ancienne loi a commandé l’amour des ennemis, qui constitue le second grand commandement de cette loi (Matt. XX11, 39). Différents livres de l’ancien testament l’ont enseigné (Lév. X1X, 17, 18; Exod. XX111, 4, 5; Prov. XX1, 21, 22).

 Le Christ l’a renouvelé et a corrigé la fausse interprétation du Lev. X1X, 18  donnée par les Scribes et les Pharisiens qui enseignaient : tu aimeras ton ami et haïra ton ennemi. Dans le discours sur la montagne, Jésus a déclaré : Aimez vos ennemis, faites du bien  à ceux qui vous haïssent, pour que vous puissiez être les enfants de votre Père du ciel  (Matt. V, v. 44, 45).  1150- Voici des exemples de pardon des ennemis que nous trouvons dans l’ancien testament. Joseph a pardonné à ses frères qui l’avaient vendu en Égypte.  David a épargné la vie de son persécuteur Saül, et pleura sur l’ingratitude de son fils Absalon.  Moïse a prié pour le peuple qui s’était révolté contre lui.  Dans le nouveau testament, Jésus pleure sur Jérusalem qui l’a rejeté; et, sur la croix, il a prié pour ses ennemis. (Saint Etienne a prié, lui aussi, pour ses ennemis au moment où ils le tuaient, et l’historien Joseph rapporte que saint Jacques le mineur fit la même chose.)

 1151- Quelle sorte d’amour devons-nous nourrir pour nos ennemis ?   L’amour général des ennemis est celui qui s’étend sur  tous,  pour l’amour de Dieu, sans en excepter aucun.  Cette sorte d’amour est requise.  Exemples.  Pierre fait un acte d’amour pour son prochain sans mentionner aucun nom en particulier.  Paul fait cet acte d’amour : « Je les aime tous, sauf Jacques ».  L’acte d’amour fait par  Pierre est suffisant; celui fait par Paul ne l’est pas.   Un amour spécial des ennemis en est un qui s’étend à tous en particulier, non en tant qu’ils sont inclus dans la race humaine ou dans une communauté particulière,  mais en tant qu’individus.   Comme quand quelqu’un mentionne formellement le nom d’un ennemi dans son acte d’amour.  Cette sorte d’amour des ennemis n’est pas requise en tout temps.

 1152- Y a-t-il une obligation d’un amour spécial des ennemis ?  En cas de nécessité (quand l’omission d’un amour spécial déboucherait sur la haine), on est tenu d’avoir un amour spécial.   En dehors des cas de nécessité, on n’est tenu qu’à avoir  la volonté d’aimer un ennemi en particulier, au cas où la nécessité s’en présenterait.   En dehors de la nécessité, nul n’est obligé d’aimer un ennemi en particulier, car il est impossible de les avoir tous  présents à la pensée,  même ceux qui ne sont pas nos ennemis.  Mais c’est un signe de charité parfaite de donner à un ennemi plus d’amour qu’on est obligé de faire.

 1153- Les principes qui portent sur l’amour interne des ennemis que nous venons tout juste de donner valent aussi pour l’amour externe, ou aux signes par lesquels on manifeste l’amour interne.   Car saint Jean a dit : N’aimons pas avec des mots, ni avec la langue, mais avec des actions, en vérité (1 Jn 111, 18). En conséquence, il n’est pas permis de refuser de montrer aux ennemis les signes communs de la charité (les bienfaits qui sont accordés à tous les membres d’un groupe, ou d’une classe),  car cela signifierait un désir de vengeance (Lev. 1X, 18).  En conséquence, celui qui exclut ses ennemis des prières faites pour le prochain pêche contre la charité.   En cas de nécessité, comme quand un ennemi a un grand besoin d’aide, quand sa vie, sa réputation, sa fortune ou sa santé sont en jeu, on est tenu de donner des signes spéciaux de charité, comme la salutation, la conversation, l’aide etc.  C’est ce qu’on nous avait dit autrefois : Si ton ennemi est affamé, donne-lui à manger; s’il a soif, donne-lui à boire (Prov. XXV. 21).  En dehors des cas de nécessité, on doit toujours être dans la disposition d’esprit d’aider un ennemi, en cas de besoin.  En dehors des cas de nécessité, on n’est pas obligé de manifester à tout moment un amour particulier pour un ennemi, en lui parlant, en faisant des affaires avec lui, en le visitant etc… Voilà pourquoi on lit que David, qui avait pardonné à Absalon, ne voulut pas le rencontrer (11 Rois X1V, 24). Faire des faveurs spéciales à un ennemi quand cela n’est pas obligatoire tient du conseil de perfection.   Faites du bien à ceux qui vous haïssent  (Matt. V, 24).  C’est entasser des charbons de feu sur la tête de quelqu’un, le guérir par la peine salutaire du repentir, et vaincre le mal par le bien (Rom. X11, 2021).

 1154- Les signes communs de charité ne se limitent pas à ceux que l’on montre à toute l’humanité, mais incluent aussi ceux qu’un chrétien montre à un autre chrétien, un citoyen à un autre citoyen, un parent à un parent etc.  Ainsi, un simple appel téléphonique qui pourrait n’être qu’un acte banal de charité pour un parent,  serait un signe d’une attention spéciale dans le cas d’un étranger. En conséquence, c’est contre la charité de refuser à un ennemi des signes de charité qu’on montre indifféremment à tous.   Exemple. Pierre déteste Paul. Il refuse donc de lui vendre des choses, il ne retourne pas son salut,  parle à tous sauf à lui, et ne lui répond pas s’il s’adresse à lui.  C’est contre la charité de refuser à un ennemi des signes d’amour qu’on montre généralement à tous ceux qui nous sont apparentés.  Exemples.  Claudia téléphone souvent  à ses enfants et leur fait des cadeaux, mais elle garde ses distances avec une de ses filles qui demeure tout près,  même quand elle est malade et pauvre.  Jacques invite ordinairement pour des fêtes familiales toute sa parenté à l’exception de son frère.  C’est contre la charité de refuser à un ennemi un bienfait qu’on ne rend pas ordinairement, mais qu’on a accordé libéralement à tous les membres du groupe dont il fait partie.  Dans ce cas, un signe spécial de charité devient un signe commun.  Jean prépare un banquet pour une institution voisine, et n’envoie aucune invitation à deux membres qu’il n’aime pas.

 1155- La règle voulant qu’on montre les signes communs de charité ne s’applique pas si un devoir supérieur ou plus urgent commande de les omettre.  Mais la charité interne doit continuer à exister. Ainsi, pour des raisons de charité qu’on se doit à soi-même, ou dans le meilleur intérêt de l’offenseur, on devrait parfois omettre les signes communs de charité.  Exemples.  Pierre évite Paul avec lequel il vient de se quereller, parce qu’il sait très bien que Paul ne cherche qu’un prétexte pour se venger.   Jean est toujours bourru quand il  parle à sa mère.  Pour le corriger, sa mère ne lui répond que quand il parle poliment.  Pour des raisons de justice, on pourrait, à titre de punition, refuser des signes de charité.   Exemples. Marie punit ses enfants quand ils sont désobéissants.   Elle leur refuse alors pendant un certain temps des privilèges qu’elle accorde à d’autres enfants.  Pour la même raison, elle refuse d’appeler au téléphone une de ses filles qui s’est enfuie de la maison pour épouser un vaurien.  Pour des raisons de justice, on devrait refuser les signes de charité quand la sauvegarde de nos propres droits l’exige.  Pierre calomnie Jacques et sa famille, mais se montre des plus affables quand il le rencontre. Jacques, toutefois, n’est pas dupe;  il ne lui montre que de la froideur pour lui faire comprendre qu’il ne prend pas à la légère les torts qu’il lui cause.

 1156- Voici les règles qui permettent de juger si (à part du scandale) le péché a été commis à cause du refus des signes de charité.  Si intérieurement il y a de la haine (mépris du prochain, jugé indigne de la charité qui s’adresse  à tous) ou du mauvais vouloir (une manifestation de dépit), on est alors coupable de manquement grave à la charité, à moins que la petitesse de la matière n’en fasse un péché véniel.  Si extérieurement le refus de charité est tel, qu’au jugement d’un homme prudent,  il indique une vraie haine, et si la partie lésée  le perçoit ainsi, en est scandalisée ou blessée, un péché contre la charité est commis, même sans haine interne.   La gravité dépend du scandale ou de l’offense causée à autrui.  Exemple.  Pierre et Paul étaient de grands amis, mais ils ont eu un différend.  Quand Pierre voit Paul s’avancer vers lui sur le trottoir, il traverse la rue pour l’éviter, non parce qu’il veut montrer de la haine, mais pour éviter une rencontre.  Si Paul ne sait rien de tout cela, ou ne s’en soucie pas, il n’a pas de péché, ou tout au plus un péché véniel.  Mais s’il est profondément blessé ou scandalisé par ce comportement, Pierre pèche sérieusement contre la charité.

 1157- Le refus de saluer.   Refuser un échange de salutations (comme bonjour), indique un manque de charité, quand on s’y attend à cause de l’usage.  Évidemment pas quand la coutume ne le demande pas.   Exemple. Dans l’entreprise où travaille Louisa, les employées se saluent habituellement à l’arrivée et au départ.  Mais Louisa ne salue  jamais Pierrette.  Elle la considère donc comme son ennemie.   Sur la rue de Georges, les voisins sont de différentes ethnies, et n’ont donc pas l’habitude de parler à tout le monde.  Le fait que Pierre ne salue pas certains voisins qu’il déteste n’est donc pas perçu comme  un manque de charité de sa part.  Refuser de saluer d’abord quelqu’un quand la coutume le demande est un signe de manque de charité, à moins de posséder une excuse suffisante.   Paul garde rancune à Sylvain, un homme âgé et respectable, et  proclame qu’il ne le saluera jamais comme le font les autres.   Léo refuse de saluer son copain  Emmanuel à chaque fois qu’ils se rencontrent, parce qu’autrefois Emmanuel s’est moqué de sa salutation, montrant ainsi qu’il n’avait aucun désir de noter sa présence.  Refuser de retourner une salutation faite sincèrement indique un manque de charité.

 1158- L’ordre de la charité.  La charité demande non seulement que nous aimions Dieu, nous-mêmes et le prochain, mais elle nous oblige aussi à aimer ces objets dans un certain ordre, les uns étant préférables à d’autres.   On doit aimer Dieu plus que tout, même plus que soi-même (Matt. XV1, 24), plus que le père et la mère (Matt. X, 37; Luc V1V, 26), parce qu’il est le bien commun de tous, et la source de tout bien. Toutes choses étant gales par ailleurs, on devrait s’aimer soi-même plus qu’on aime le prochain, car l’amour de soi est le modèle de l’amour d’autrui (Matt. XX11, 39).  La nature elle-même va dans cette direction selon l’adage : la charité bien ordonnée commence par soi-même.  On devra aimer davantage ceux qui le méritent davantage, parce qu’ils sont plus près de Dieu ou de nous.

 1159- L’amour peut augmenter de deux façons.  Objectivement, quand on découvre que la personne aimée est plus vertueuse, plus aimable qu’on pensait,  et qu’elle a tous les droits d’être aimée durablement.  Subjectivement, quand la personne qui aime se sent de plus en plus éprise, même si la personne aimée ne devient pas plus aimable en elle-même.

 1160- Le caractère de notre amour pour Dieu.  Il doit être objectivement suprême, puisque Dieu est la perfection infinie, et a le plus grand des droits à être aimé de nous.  On devrait donc être prêt à souffrir n’importe laquelle perte plutôt que d’abandonner Dieu.  Il doit être suprême subjectivement dans notre désir.  C’est-à-dire que, réalisant que Dieu est le bien suprême, nous devrions au moins désirer lui donner le meilleur de notre ferveur et de notre ardeur.  Il n’est pas nécessaire qu’il soit subjectivement suprême en acte, parce que nous ne sommes pas toujours maîtres de nos sentiments, et parce que les choses qui sont près de nous nous affectent plus que celles qui sont plus importantes, mais plus loin de nos sens.   Ce n’est donc pas contre la charité que quelqu’un soit ému davantage à la pensée d’un ami chéri qu’à celle de Dieu, pourvu que la volonté mette Dieu au-dessus de tout.

 1161- L’amour de Dieu en vue de la récompense. S’il est question de la récompense éternelle, on peut aimer et servir Dieu pour la récompense, pourvu que l’on fasse de la récompense la fin  de son travail pour Dieu, et non  la fin de Dieu.  Car le salut est vraiment la fin de notre foi (1 Pierre 1, 9).  Mais Dieu est la fin de tous, et il doit être préféré à tous.  Cet amour de Dieu en vue de la récompense coexiste avec la charité, car on peut aimer un ami pour lui-même, et bénéficier en même temps de son amitié, pourvu que l’amour de bienveillance prenne  le dessus.   S’il est question d’une récompense temporelle, on peut aimer et servir Dieu pour la récompense, non au sens où les choses spirituelles seraient des moyens et les choses temporelles leurs fins, mais au sens où l’on pense que le travail qu’on fait pour Dieu sera béni au point de nous procurer la santé, la force et le travail,  et de nous permettre de continuer à progresser dans son service.
1162-    Au sujet de l’amour de soi-même (de l’homme intérieur, ou de notre nature spirituelle), nous devrions noter ceci.  Objectivement, on estime que ceux qui sont plus élevés en sainteté que soi (la sainte Vierge) sont plus dignes d’être aimés.  Mais quelqu’un peut désirer pour lui-même, selon la charité, de faire des progrès dans la vertu qui lui permettront de dépasser ceux qui sont actuellement meilleurs que lui.  Car la vertu de charité nous est donnée pour que nous fassions des progrès en elle.  Subjectivement, quelqu’un considère qu’il est plus près que d’autres, et s’aime donc avec une plus grande intensité.

 1163- Est-il permis de sacrifier son propre bien spirituel pour le profit d’autrui ?  On ne peut pas sacrifier les biens spirituels nécessaires pour le bien d’un autre, même pas pour le monde entier.  Car, en agissant ainsi, on s’inflige une plaie dans l’âme, et on préfère le bien des autres à son propre salut spirituel.   Ce n’est donc pas permis de désirer d’être damné à la place d’un autre, de commettre un péché, mortel ou véniel, pour assurer le progrès d’un autre.   On peut, toutefois, sacrifier des biens spirituels non nécessaires ou moins nécessaires pour le bénéfice spirituel ou temporel du prochain.   Car, en faisant cela, on fait un choix approuvé par Dieu, et, au lieu de diminuer ses mérites, on les augmente.  Ainsi, un prêtre devrait interrompre la lecture de son bréviaire pour entendre la confession d’un pénitent; une fille devrait renoncer à entrer en religion aussi longtemps que ses parents ont besoin d’elle; une fidèle devrait s’absenter de la messe le dimanche si elle doit prendre soin d’un invalide, ou s’il faut baptiser une personne mourante.  Il est louable de faire l’héroïque acte de charité par lequel on transfère aux âmes du purgatoire la valeur expiatrice ses bonnes œuvres,  Quelqu’un peut même s’exposer à un danger éloigné de péché pour rendre à quelqu’un un grand service de charité, comme s’exposer à la tentation de la colère en veillant un malade irritable.  On peut désirer que notre entrée au ciel soit retardée pour pouvoir travailler plus longtemps pour les âmes (Philp. 1, 23, 24).

 1164-  L’amour du corps.  On devrait préférer le bien-être spirituel de son prochain à son bien-être corporel, parce que le prochain est appelé à participer avec nous à la vision béatifique, tandis que le corps n’aura part qu’à la gloire accidentelle.   Toutes choses étant égales, on devrait préférer son bien être corporel à celui d’un autre, cat il a plus de titres à revendiquer. 1165- Il y a trois sortes de nécessité spirituelle dans laquelle peut se trouver le prochain, et qui peut demander qu’on sacrifie son bien être corporel pour le bien d’un autre (Cf. 1236).  Ainsi, il y un besoin spirituel extrême quand quelqu’un est dans la situation de périr éternellement s’il n’est pas aidé par un autre, comme quand quelqu’un est sur le point de mourir sans baptême.  Il y a un besoin spirituel grave quand quelqu’un court le grave danger de perdre son âme,  à moins de recevoir du secours, comme quand une personne mourante, en état de péché mortel,  demande un confesseur, parce qu’elle est à peine capable de faire un acte de contrition.  Il y a un besoin spirituel ordinaire quand quelqu’un est dans un danger éloigné de damnation, ou dans un danger prochain de péché, mais peut facilement s’aider lui-même, comme c’est le cas de ceux qui, par choix, vivent dans une occasion de péché.

 1166- Pour quelqu’un qui est dans un danger spirituel extrême, on devrait risquer la mort (1 Jn 111, XV1), ou des maux moindres,  si les conditions qui suivent sont présentes. S’il y a un bon espoir de réussite en aidant un malheureux  (une mère n’est pas obligée de se soumettre à une opération dangereuse pour sa vie,  pour s’assurer que son enfant soit baptisé, si on n’est pas sur que le baptême puisse être administré);  s’il n’y a personne d’autre qui puisse et qui veuille apporter l’aide désirée; si aucune raison se rapportant au bien commun ne  s’y oppose.  Ainsi, si en aidant une personne, qui est aux abois, on perd sa vie, et on prive ainsi un grand nombre de personnes qui ont un très grand besoin d’aide, on devrait préférer d’aider le grand nombre plutôt qu’une seule personne. 1167--  Pour une personne qui est dans une nécessité spirituelle grave, la même chose n’est pas exigée de tous.  Le risque de la mort est requis des pasteurs d’âmes (Jn X, 11), puisqu’ils s’y sont engagés.  Ainsi un curé qui refuserait de se rendre au chevet d’un de ses paroissiens qui meurt  de la peste, et qui a besoin d’absolution et d’extrême onction, pêcherait contre la justice. Et un prêtre  étranger qui irait voir ce pestiféré pratiquerait la charité en perfection, car un moribond peut s’aider lui-même par un acte de contrition parfaite, et un prêtre étranger n’est pas obligé, par sa charge,  de prendre soin de quelqu’un qui appartient à une autre paroisse.

 Le risque d’un grand malheur corporel (comme une maladie ou une atteinte à sa santé) devrait être pris même par ceux qui ne sont pas les pasteurs de la personne en besoin, s’il n’y en a pas d’autre.  Ainsi, si le curé était malade, un autre prêtre devrait aller visiter une personne mourante, même au risque d’attraper une sévère grippe. 1168-   Pour quelqu’un qui est dans une nécessité spirituelle ordinaire, la charité requiert qu’on fasse quelque chose (Eccl. XV11, 12). Mais il n’est pas requis que l’on risque sa vie ou  qu’on s’expose à s’estropier, car la personne en danger peut facilement, et mieux que les autres,  s’aider elle-même.  Ainsi, il n’est pas nécessaire d’aller dans les antres des criminels et de mettre sa vie en danger pour y retirer quelqu’un qui choisit ce genre d’endroits.  Mais il est requis qu’on soit prêt à subir de légers inconvénients corporels.   Ainsi, un mal de tête ordinaire ou la perte d’un repas ne devrait pas empêcher quelqu’un de conseiller à un autre de se tenir loin des mauvais amis.

 1169-  Si on ne fait que mettre en comparaison un bien corporel (la vie, la santé, la liberté etc.) avec un bien corporel du même genre, on devrait alors, comme nous l’avons déjà dit, préférer son bien à celui d’un autre.   Ainsi, ce n’est pas permis de s’offrir pour être puni à la place d’un criminel condamné, ou de ruiner financièrement sa famille pour sauver de la banqueroute une autre famille.  Mais si le bien corporel du prochain est supérieur au nôtre, ou s’il est relié à des biens plus élevés, quelqu’un devra alors sacrifier son propre intérêt pour le bien d’autrui.  Quelqu’un peut donc préférer au sien le bien corporel d’un autre, parce qu’il est plus grand.   Exemples.  On peut affaiblir sa santé pour sauver la vie d’un autre.  On peut donner une transfusion de son sang à quelqu’un qui est en danger de mort.  On peut préférer au sien le bien corporel d’un autre, même s’ils ont tous les deux la même valeur, si le bien commun le réclame.   Car le bien de tous est préférable au bien d’un individu.
 Ainsi,  on peut s’exposer à un danger de mort pour protéger un homme public dont la vie compte énormément pour la nation.  Les policiers et les pompiers, les soldats et les marins  mettent à chaque jour leur vie en danger pour le salut public.  Quelqu’un peut préférer au sien le bien corporel d’un autre, même au cas où ils  sont d’égale importance, si son intention est de pratiquer la vertu, d’assister une personne dans le besoin, ou d’édifier le prochain.  Il est à tout le moins probable que cela est permis, car le bien de la  vertu est plus élevé que le bien du corps, et les Pères de l’église ont fait la louange des saints qui se sont vendus comme esclaves, ou qui se sont livrés aux barbares en otages pour la libération des captifs.  Et ils ont proposé à notre admiration Damon et Pythie qui étaient prêts à mourir l’un pour l’autre.  Ce n’est donc pas  contraire à la charité qu’on se doit à soi-même  de plonger dans une rivière, et de prendre le risque de mettre fin à ses jours pour sauver une personne en train de se noyer. Car la charité héroïque nous ennoblit plus que la simple charité.  Semblablement, si deux explorateurs, marchant dans le désert, n’ont assez de nourriture que pour un seul,  pour pouvoir rejoindre la civilisation, il est permis à l’un de renoncer à  sa ration, pour que les deux ne périssent pas.

 1170- Il y a deux exceptions aux règles que nous venons d’énoncer.  On ne peut pas risquer sa vie pour sauver la vie d’un autre si on compromet par là son propre salut (si quelqu’un est en état de péché mortel et ne peut pas se réconcilier avec Dieu).  Mais c’est un cas purement théorique, car tous admettent que celui qui fait le sacrifice suprême de donner sa vie, avec une intention vertueuse,  possède non seulement la charité, mais la possède en perfection (Jn XV, 13). Cette charité va surement le purifier de la multitude des péchés.  On ne devrait pas risquer sa vie pour la vie d’un autre si une tierce personne a plus de droits  de l’exiger de nous. Ainsi un homme marié, qui a à sa charge une femme et des enfants,  ne peut pas sacrifier sa vie pour un ami.

 1171- Voici quel est l’ordre de la charité envers le prochain.  En général, (l’obtention du salut), nous devrions aimer tout le monde d’un amour égal, parce que nous devrions désirer le salut de tous.  En particulier, (le degré de béatitude), nous devrions en aimer quelques-uns plus que d’autres.  Nous devrions ainsi désirer un plus haut degré de gloire pour la sainte Vierge que pour les autres saints. 1172-   On peut ramener à deux les raisons qui nous poussent à en aimer un plus qu’un autre. Quelqu’un peut être plus près de Dieu qu’un autre, et mériter, pour cette raison, plus d’amour qu’un autre. Par exemple, une simple connaissance qui est dévote peut être plus près de Dieu qu’un parent pécheur.  Quelqu’un peut être plus près de nous par le sang, l’alliance, l’amitié, les relations de travail. Ainsi, un cousin est plus proche, par la nature,  de son cousin qu’il ne l’est d’un pur étranger.

 1173- Voici quel est l’ordre de charité entre ceux qui sont plus près de Dieu et plus près de soi.  Objectivement, nous devrions estimer davantage ceux qui sont meilleurs, et désirer pour eux ce haut degré de faveur divine qui correspond à leurs mérites.  Mais nous pouvons désirer pour ceux qui sont plus près de nous qu’ils finissent pas surpasser en sainteté ceux qui sont maintenant meilleurs qu’eux, et obtenir ainsi une plus grande béatitude.  De plus, tout en préférant à un point de vue (celui de la sainteté) un saint qui est un pur étranger, nous préférons pour beaucoup d’autres raisons (la parenté, l’amitié, la reconnaissance) quelqu’un qui est moins saint. Subjectivement, l’amour pour ceux qui sont plus près de nous est plus grand, plus intense, plus vivement ressenti. Loin d’êtes mauvaises ou d’être l’expression d’un amour purement naturel, les préférences que nous accordons à ceux qui sont plus près de nous sont l’expression de la charité elle-même. Car c’est la volonté de Dieu que nous montrions plus d’amour à ceux qui sont le plus près de nous. Si quelqu’un ne prend pas soin de ce qui est à lui, surtout de ceux de sa maison, il a rejeté la foi et est pire qu’un infidèle (1 Tim V, 8).  La charité nous porte donc à avoir plus d’amour pour les nôtres.  Elle sur naturalise la piété filiale, le patriotisme et l’amitié.

 1174- L’ordre à suivre dans la manifestation de la charité correspond à l’ordre de la charité elle-même.  A ceux à qui un plus grand amour objectif est du en raison de leur sainteté, on devrait montrer plus de respect pour leur excellence.   A ceux à qui un plus grand retour d’amour est du à cause des bienfaits qu’ils nous ont donnés (parents, amis), on devrait donner une plus grande aide spirituelle et temporelle.  C’est-à-dire que si on avait le choix entre aider un parent ou un étranger plus vertueux que le parent, il faudrait choisir le parent.  A ceux à qui un plus grand amour subjectif est du, on doit donner plus de signes d’affection (comme des visites).

 1175- Voici des exceptions au cas précédent, c’est-à-dire des cas où on devrait donner la préférence à la meilleure personne. Si le bien commun requiert une telle préférence. Exemples.  L’intérêt public demande, qu’en faisant des nominations, ou en votant pour des candidats, on ne soit pas guidé par des affections familiales ou des amitiés personnelles, mais par le seul bien commun. Chacun doit donc choisir le meilleur homme.   Si une personne qui est très près de nous a perdu ses droits à être préférée aux autres. Exemple. Un fils qui a insulté son père et qui est un panier-percé, peut être privé de sa part des biens familiaux en faveur d’étrangers qui sont désintéressés ou qui oeuvrent pour une sainte cause.

 1176- Voici quel est l’ordre de charité entre différentes sortes de relations naturelles.  Les relations qui naissent de la consanguinité sont prioritaires et plus stables, puisqu’elles viennent de la nature elle-même et ne peuvent pas être altérées.   La relation d’amitié,  qui naît d’un choix, peut être plus agréable, et peut-être même préférée à la parenté, quand il est question de vie sociale, ou de compagnon de vie (Prov. XV111, 24).  1177- En pratique, toutes choses étant égales, on devrait manifester plus d’amour à un parent en tout ce qui relève des relations humaines.  A ceux qui sont reliés par le sang, on doit  accorder une aide corporelle et temporelle plus grande.  Si on a à choisir entre aider un parent indigent ou un ami indigent, on doit choisir le parent.

 A ceux qui sont reliés spirituellement (pasteur et paroissien, directeur et pénitent, parrain et filleul) est due une plus grande assistance spirituelle, sous forme d’instruction, d’avis et de prière.  Ainsi, un curé est censé être plus soucieux d’instruire ses propres paroissiens que ses parents qui relèvent d’une autre paroisse. A ceux qui sont unis par un lien spécial, politique, militaire ou religieux, on doit donner plus qu’aux autres en matière politique, militaire et religieuse.  Ainsi,  un soldat doit obéissance à son supérieur et non à son père, dans les choses qui se rapportent à la vie militaire.   Dans les choses ecclésiastiques, un prêtre  doit plus de respect envers  son supérieur ecclésiastique qu’envers son propre père.1178-  La parenté, en tant que relation plus ancienne et plus fondamentale, devrait être secourue de préférence à toute autre sorte de relation privée, en cas de conflit et de nécessité extrême.  Ainsi, au sujet des matières spirituelles (demander à un prêtre de donner l’absolution), si un parent et un père spirituel étaient tous les deux dans une nécessité extrême,  le premier devoir de quelqu’un serait envers son parent. En ce qui a trait aux  matières temporelles, si on a à choisir entre aider ses parents dans le besoin ou demeurer dans la même relation qui empêche de les aider, on devrait laisser tomber la relation, si la chose est possible. Exemple.  On autorise un religieux à retourner dans le monde si ses parents requièrent son aide.

 1179- L’ordre de charité entre les parents donne la préférence, bien entendu, à ceux qui sont de plus près apparentés : les parents, les enfants, la femme.   Entre ceux qui nous sont le plus apparentés, il y a aussi un ordre de préférence. Objectivement (en relation au plus ou moins grand droit au respect ou à l’honneur), l’ordre est le suivant : père, mère, femme, enfants.  Subjectivement (selon la plus ou moins grande intensité d’affection), l’ordre est inverse : enfants, épouse, parents. 1180-  Il faut noter ce qui suit au sujet de l’ordre de préférence entre les membres de sa famille.  La base de la préférence qui est donnée n’est que la parenté.  En conséquence, d’autres considérations pourraient changer l’ordre donné (une pieuse mère, plus respectée et honorée par ses enfants qu’un père indigne).  On ne commet pas d’excès notable en préférant un membre de la famille à un autre.  Ceux qui ne suivent pas l’ordre de préférence donné ne sont pas coupables d’un péché sérieux.

 1181- Voici quel est l’ordre à mettre dans les droits qu’ont les parents de réclamer de l’aide quand plusieurs ont des besoins égaux.  Dans les cas de besoin ordinaire, l’ordre est le suivant : la femme d’abord,  car un homme quitte ses parents pour sa femme (Gen. 11, 24); les enfants, ensuite, car c’est généralement aux parents à pourvoir aux besoins des enfants, et non aux enfants à pourvoir aux besoins des parents (11 Cor. X11, 14); en troisième lieu, les parents.   Après eux, viennent dans l’ordre : les frères, les sœurs, les autres parents, les amis, les concitoyens de la même ville ou du même pays, et tous les autres.   En cas de besoin extrême, cependant, il faut préférer ses parents à tous les autres, même à sa femme, à ses enfants, à ses créanciers, puisque c’est d’eux qu’on reçoit la vie.

 1182- L’ordre de charité est observé dans le ciel.  Là, Dieu est aimé au-dessus de tout, pas seulement objectivement, mais aussi subjectivement.  Ceux qui sont plus élevés en gloire sont aimés objectivement plus que ceux qui le sont moins.  Car l’état des bienheureux est fixe, et chacun d’eux désire ce que Dieu veut.   Mais, subjectivement, chacun s’aime soi-même d’un amour plus intense, puisque la charité elle-même demande que chacun se dirige lui-même vers Dieu, et désire la même chose pour les autres.  Pour tous les autres, puisque l’amour qu’on aura pour eux sera entièrement divin, la raison des préférences terrestres (comme la dépendance de l’un envers l’autre)  ayant pris fin, ceux qui sont plus parfaits en sainteté seront aimés avec une affection plus profonde et plus éclairée  que ceux qui nous sont plus proches par la parenté ou l’amitié.

 1183- Les actes de charité.  Le principal acte de la vertu de charité est l’amour. On lui donne souvent le nom de bienveillance, mais, en fait, l’amour de charité est plus  que la seule bienveillance.  Voici pourquoi. La bienveillance désire du bien à quelqu’un conformément à la droite raison. C’est de cette façon qu’elle participe à la charité qui se réjouit des perfections de Dieu, et qui désire que l’homme soit heureux. Mais l’amour est une union d’affection avec un autre, qui fait qu’on regarde l’autre comme un autre soi-même, et c’est ainsi qu’il appartient à la charité qui est, comme nous l’avons dit plus haut, une amitié surnaturelle. Quelqu’un peut être bienveillant envers un étranger pendant quelques minutes, mais l’amour est à l’intérieur de soi et est constant par nature.

 1184- Exercice de l’acte d’amour. De la bienveillance on passe à la joie qu’on trouve dans les perfections de Dieu (1 Pi 1, 8), au zèle pour sa gloire externe, à la douleur que provoque la commission des péchés (Ps. LXX11, 3), à l’obéissance à ses commandements (Jn X1V, 15, 21, 23).   De l’union d’affection procède une intense attirance pour les choses de Dieu, et un intérêt personnel pour elles.  De sorte qu’on se réjouit des perfections divines, non seulement parce qu’on sait qu’on doit le faire, mais parce qu’on aime d’un amour d’amitié tout ce qui appartient à  Dieu.

 1185- La charité aime Dieu pour lui-même, immédiatement, entièrement et sans mesure. 1186-  Nous aimons Dieu pour lui-même, au sens où il n’y a rien, en dehors de Dieu, qui nous pousse à l’aimer. Il n’y a donc pas de fin plus ultime que Lui pour laquelle on l’aimerait, parce qu’il est la fin dernière de tout et de tous.   Il y a pas de perfection différente de sa nature qui le rendrait aimable, puisqu’il est la perfection même. Il n’y a pas de source de sa bonté qui le ferait aimer, puisqu’il est la première de toutes les sources.  1187-  Nous pouvons aimer Dieu pour la récompense (Cf 1161), pour les bienfaits, par peur des punitions, de la façon suivante.  La récompense éternelle est la fin prochaine de notre amour de Dieu. Recevant la fin de votre foi, à savoir le salut de vos âmes (1 Pi, 1, 9).  Les récompenses temporelles, les bienfaits reçus et le désir d’éviter les châtiments sont des dispositions qui mènent à l’amour de Dieu ou au progrès dans son amour.  Mais elles ne sont pas la fin de l’acte d’amour. 1188-   La charité aime Dieu immédiatement, et diffère ainsi de l’amour naturel de Dieu.   Ainsi, l’amour naturel de Dieu, de l’amour du prochain que nous voyons, s’élève à l’amour de Dieu que nous ne voyons pas, tout comme la connaissance naturelle qui part de la créature pour monter jusqu’au Créateur.

La charité, au contraire, tend à Dieu en tout premier lieu, et nous fait aimer la créature à cause de lui et en lui. 1189-  La charité aime Dieu entièrement.   Mais cela ne veut pas dire que l’amour de la créature est du même degré de perfection que l’amabilité de Dieu.  Car Dieu étant infini, l’amour de la plus parfaite créature ne peut qu’être fini. Mais cela veut dire que, du point de vue de l’objet de l’amour,  la charité aime tout ce qui appartient à Dieu, chacune des trois Personnes, toutes ses divines perfections.   Cela signifie aussi, du point de vue de la personne qui aime, qu’elle aime Dieu autant qu’elle le peut, en subordonnant tout à Dieu, et en préférant son amour à tous les autres.  Sur la terre, la charité donne à Dieu le plus grand amour objectif.  Au ciel, elle lui donne aussi le plus amour subjectif (Cf 1129) Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur (Deut. V1, 5).

1190-  La charité aime Dieu sans mesure, comme le dit saint Bernard (de diligendo Deo, ch. 1)  Dieu a fixé un degré de perfection dans la charité au-delà duquel  il est impossible à une âme de progresser.  Mais personne ne doit s’imposer une limite à lui-même, parce que l’amour se rapporte à Dieu qui n’est pas mesuré, mais qui est la mesure de toutes choses.   En conséquence, dans l’acte interne d’amour, il n’y a aucune possibilité d’excès, puisque l’objet de l’amour est infiniment aimable, et est la fin de toutes choses.  Plus grande est la charité, meilleure, donc, elle est. Dans les actes externes qui procèdent de la charité, il y a, cependant, une possibilité d’excès, parce que les actes sont des moyens pour atteindre une fin, et doivent être mesurés par la charité et la raison.  Ainsi, ce serait un excès de donner plus à des étrangers qu’à ses parents nécessiteux, car cet acte ne serait pas conforme à la règle qui mesure la charité.  Ce serait aussi un excès d’accomplir des actes de charité quand il faudrait faire le ménage et préparer les repas.  Car la raison demande que chaque chose soit faite au lieu et au temps appropriés.

1191- L’amour d’un ennemi peut être un meilleur acte que l’amour d’un ami, quand il y a dans l’amour du premier une excellence qui ne se trouve pas dans l’amour du second.  Ainsi, si, après avoir tout bien considéré, l’ennemi s’avère être une meilleure personne que l’ami, et si c’est pour cette raison qu’il est préféré à l’autre, c’est agir comme on devait le faire (Cf 1173).   Si les deux sont d’un mérite égal, un acte d’amour envers un ennemi motivé par la charité surnaturelle est meilleur que l’amour d’un ami fondé sur une affection naturelle.  Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense recevrez-vous ? Les publicains ne font-ils pas cela ? (Matt. V, 46).

1192-  Si toutes les choses sont égales, l’amour d’un ami est essentiellement meilleur, tandis que l’amour d’un ennemi est meilleur à certains points de vue mineurs.  Ainsi, l’amour d’un ami a un meilleur objet, car l’ami qui nous aime est meilleur que l’ennemi qui nous hait. Étant plus près de nous, il a aussi un objet qui donne de plus grands droits à la charité.   En conséquence, c’est un acte essentiellement meilleur et plus méritoire.  L’amour de l’ennemi est plus difficile, et peut donc être un signe plus convainquant que quelqu’un aime vraiment Dieu.   Mais le fait qu’un acte est plus difficile ne suffit pas à le rendre plus méritoire.  Autrement, nous devrions dire que l’amour du prochain est plus méritoire que l’amour de Dieu.
 

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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction

Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.

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