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John A. McHugh, o.p. - Charles J. Callan, o.p.
THEOLOGIE MORALE un cours complet selon saint Thomas d'Aquin et les meilleurs auteurs modernes

Imprimatur Francis cardinal Spellman, Archbishop of New York, New York, May 24, 1958
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ARTICLE 10 : LES COMMANDEMENTS DE CHARITÉ
              (somme théolgique, IIa-IIae, q. 44)
 

 1547- Il n’y a, dans le décalogue, aucun commandement portant sur la charité.  Mais la charité est implicitement contenue dans les commandements des autres vertus, car la charité est la fin de tous les commandements.  Ainsi, les commandements de la première table de la loi tendent vers l’amour de Dieu; les commandements de la seconde table, vers l’amour du prochain. En raison de son importance suprême,  toutefois, la charité a été l’objet de commandements spéciaux, dans l’ancien et dans le nouveau testament.  Dans l’ancien testament, quand les deuxièmes tables de la loi ont été promulguées, il a été dit : Israël, qu’est-ce que le Seigneur ton Dieu demande de toi, si ce n’est que tu craignes le Seigneur ton Dieu, que tu marches dans ses sentiers, que tu l’aimes, et que tu serves le Seigneur  ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme ? (Deut. X, 12).  Dans le nouveau testament, à celui qui lui avait demandé quel était le plus grand des commandements, Jésus a répondu :  Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toutes tes forces et de toute ton âme (Matt. XX11, 37-40).

   1548- La charité doit venir d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi non feinte (1 Tim 1,5); et on peut se servir de ces mots pour démontrer que tous les commandements ont pour but la charité.  Un cœur pur provient de l’observance des commandements négatifs de la loi naturelle, qui interdisent le mal, ou des commandements des vertus qui régulent les passions.  Et c’est une disposition préparatoire à l’amour de Dieu, puisqu’un cœur impur s’amourachera des choses mauvaises et terrestres,  et se détournera ainsi de la bonté de Dieu.   On obtient une bonne conscience par l’observance des commandements affirmatifs de la loi naturelle,  ou de ceux qui régulent les actions. Elle tend, elle aussi, vers la charité comme à son terme, car une mauvaise conscience remplit quelqu’un de la peur et de l’horreur de la justice de Dieu.  Une foi non feinte s’obtient par l’observance de la loi surnaturelle ou par les commandements qui portent sur l’adoration du vrai Dieu.  Elle tend vers la charité, car une foi feinte ou l’adoration de faux dieux sépare quelqu’un de la vérité de Dieu.

 1549- Même si la charité n’est qu’une seule vertu (cf 1115),  elle a deux actes, un qui consiste dans l’amour de Dieu, lequel est la fin, et un autre qui porte sur le prochain,  lequel est un moyen vers cette fin.  Si tous comprenaient que la fin inclut les moyens, et que les moyens supposent la fin, il ne serait pas nécessaire d’avoir deux commandements distincts, car il n’y a pas d’amour de Dieu sans l’amour du prochain (1 Jn 1V, 20); et celui qui aime son prochain a accompli la loi  (Rom X111, 8).  Mais comme il y en aura toujours qui ne comprendront pas que chacun des deux commandements de la charité comprend l’autre, il s’est avéré nécessaire de présenter ces deux commandements séparément. Nous avons ce commandement de Dieu que celui qui aime Dieu aime aussi son prochain. (1 Jn 1V, 21).

  1550- La charité s’étend à d’autres objets que Dieu et le prochain, à savoir, soi-même et son corps (1133).  Elle a aussi d’autres actes que celui de l’amour, comme la joie, la paix, la bienfaisance (1193, 1133), et l’évacuation de la haine non charitable, de la paresse et de l’envie (1295).   Néanmoins, toute la loi et les prophètes (Matt. XX11, 40) dépendent des commandements de l’amour; et d’autres commandements sur la charité ne sont pas nécessaires.   Ainsi, les objets de l’amour sont ou la fin ou les moyens de l’âme.  Et comme les deux commandements de la charité réfèrent aux deux, ils n’omettent rien qui doive être aimé.  Il n’était pas nécessaire de faire un commandement particulier portant sur l’amour de soi-même, car la nature y pourvoit suffisamment.  Et le devoir de maintenir l’amour de soi dans des limites, nous est marqué par le commandement d’aimer Dieu plus que soi-même, et par celui d’aimer le prochain comme soi-même. Les actes de charité distincts de l’amour  procèdent de l’amour; et les actes opposés à la charité sont formellement interdits dans les commandements.  Il n’était donc pas nécessaire de rendre explicites les actes secondaires de la charité, ou d’interdire explicitement les actes contre la charité. Mais pour ceux qui ne peuvent pas comprendre que les fonctions mineures de la charité font l’objet du commandement, et que les actes contraires à la charité sont interdits par les deux grands commandements, des lois explicites ont été données pour nous recommander la joie, la paix, et pour interdire la haine et l’envie.

 1551- Les préceptes des actes secondaires de la charité.  La joie.   Réjouis-toi toujours dans le Seigneur ! (Phil 1V, 4).  La paix.  Sois en paix avec tous ! (Hébr, X11, 14),  Et la bienfaisance.  Tant que nous en avons le temps, faisons du bien à tous  (Gal. V1, 10).
 1552- Les prohibitions du manque de charité.  Contre la haine.  Tu ne détesteras pas ton frère dans ton cœur (Lev. X1X. 11). Contre la paresse.  Plie ton échine, et écoute la sagesse. Que ses bandes ne t’attristent pas (Eccl. 26.) Contre l’envie. Ne désirons pas la vaine gloire, provoquant quelqu’un, enviant quelqu’un  (Gal. V, 26).  Contre la discorde.  Dites les mêmes choses, et qu’il y a pas de schisme parmi vous (I Cor, 1, 10).  Contre le scandale.  Ne mets pas de pierre d’achoppement dans le chemin de ton frère (Rom X1V, 13).

 Les commandements de l’amour de Dieu.
 1553-  Dans le commandement de l’amour de Dieu, il y a deux choses d’exprimées.  La matière du commandement est Dieu, l’objet de l’amour.  La façon d’obéir au commandement est d’aimer Dieu comme la fin dernière, à l’amour duquel tous les autres amours doivent être subordonnés.  Il y a une double façon d’accomplir un acte vertueux. La façon intrinsèque est celle qui vient de la nature de la vertu commandée.   Ainsi, dans le quatrième commandement, se trouve incluse non seulement la substance de l’acte (qu’on doit l’honorer), mais la façon de faire l’acte (que l’honneur qu’on lui montre est celui d’un enfant envers son père). La façon intrinsèque est toujours incluse, dans le commandement, avec la substance de l’acte prescrit (480 et suiv.).  La façon extrinsèque est celle qui appartient à une vertu différente de celle commandée.  Cette façon-là n’est pas incluse dans le commandement.  Ainsi, si on honore nos parents, à cause de l’amour de Dieu, la façon d’aimer Dieu est extrinsèque au commandement, car le commandement porte sur la vertu de piété filiale, et la façon de faire l’acte appartient à la charité, qui est une vertu distincte de la piété filiale.

 1555- La façon intrinsèque d’accomplir un acte est aussi double. Le mode essentiel est celui sans lequel un acte n’est pas vertueux.  Ainsi, celui qui donne à ses parents selon ses moyens et leurs besoins, accomplit le mode essentiel du quatrième commandement, car s’il leur donne moins que ce qu’il peut donner et que ce dont ils ont besoin, son geste ne satisferait pas aux exigences du commandement.  Le mode  idéal de l’exercice d’une vertu, est celui qui ajoute à la vertu une plus grande bonté et valeur, et qui est considéré par le législateur comme la fin, non l’objet du commandement.  Ainsi, celui qui donne à ses parents dans le besoin,   non seulement en abondance, mais de grand cœur, accomplit le quatrième commandement avec une plus grande perfection que celui qui les aide sans autant de d’allégresse.

1556- La façon d’aimer Dieu dans le premier et le grand commandement, est qu’on doit l’aimer de tout son cœur.  Mais aimer Dieu de tout son cœur peut être compris de différentes façons.  Cela peut signifier un amour  qui est grand subjectivement et intensément, quand on aime Dieu avec ferveur et beaucoup d’affection.  Cette façon d’aimer est la meilleure, puisque la mesure d’aimer Dieu est de l’aimer sans mesure.  Mais ce n’est pas la façon essentielle d’aimer Dieu.  La fin du commandement est que nous aimions Dieu toujours de plus en plus et que nous accomplissions ce qui nous est commandé avec promptitude et alacrité.  Mais le commandement ne fixe pas de degrés d’intensité, bien que ce soit contre tout ordre que nous aimions les créatures avec plus d’intensité que nous n’aimons Dieu (1160).  Aimer de tout son cœur peut signifier un amour objectivement grand ou considéré comme grand, comme quand on aime Dieu comme le suprême Dieu.  Cette façon d’aimer est essentielle, et sans elle, on n’observe pas le commandement.  Quelque grand que soit notre amour, si on n’aime pas Dieu comme le bien suprême, on ne l’aime pas de la bonne façon, et on ne pratique pas la vertu de charité qui est commandée.

1557- L’amour de Dieu de tout son cœur, est soit actuel, soit habituel.  En pratique, on aime Dieu de tout son cœur quand il n’y a jamais d’interruption ou de distraction de son amour, et quand on est continuellement en acte d’aimer Dieu plus que tout le reste.  Voilà la façon idéale d’accomplir le commandement de l’amour de Dieu, et c’est aussi la fin à laquelle le commandement est censé mener.  Mais ce sera uniquement au ciel, là où Dieu sera tout en tous (1 Cor, XV, 28, que cette perfection sera atteinte.  Habituellement, on aime Dieu de tout son cœur quand on est en état de grâce, préférant l’amour de Dieu à tout autre amour contraire, bien que ce soit seulement par intervalles qu’on est capable de faire des actes d’amour.  C’est cela la façon essentielle d’accomplir le commandement de l’amour ici sur terre.  On doit donner tout son cœur à Dieu, à l’exclusion de tout péché mortel, car le péché mortel sépare de Dieu.

1558- On trouve la façon d’aimer Dieu exprimée en plusieurs endroits de l’Écriture (Deut. V1, 5; Matt. XX11, 37; Marc X11m 30; Luc, X, 27).  Et il y a des interprétations légèrement différentes données aux mots qui la convoient.  Ainsi, quelques exégètes voient dans les mots cœur, âme, esprit, force, des synonymes, exprimant tous une seule et même pensée, que Dieu doit être aimé plus que toute chose.  Et ils pensent que ces différents mots ne servent qu’à donner une plus grande clarté et une plus grande énergie à la pensée.   Mais l’explication qui suit semble être valable, elle aussi.  On doit aimer Dieu avec tout son cœur, c’est-à-dire que la volonté ne doit pas rechercher d’autre fin dernière que Dieu.  On doit aimer Dieu avec tout son esprit, son âme et ses forces, c’est-à-dire que les puissances qui sont mues par la volonté, l’intelligence, les appétits, et les facultés actives doivent se soumettre à Dieu, doivent  être régulées d’après sa volonté, et doivent observer ses commandements.  L’amour de Dieu de tout son cœur exclut donc les amours opposés, mais il n’exclut pas d’autres amours qui ne lui sont pas opposés, ni d’autres dispositions qui sont moins parfaites.  Ainsi, l’amour de Dieu de tout son cœur n’exclut pas l’amour de soi ou des autres. Il n’exclut pas les actes qui sont référés à Dieu, qui n’atteignent pas les sommets de l’amour désintéressé, comme les actes d’espérance, de gratitude ou de peur (1033, 1o54, 1093)

1560- Il y a différents degrés de perfection dans l’accomplissement du commandement de l’amour de Dieu. Son accomplissement le plus parfait se trouve dans le ciel, là où il est impossible de se détourner de Dieu par le péché mortel,  là où le péché véniel ne peut pas nuire à sa réalisation, et là où aucune autre occupation ne peut interrompre son acte.  Le plus grand accomplissement de ce commandement sur la terre, se modèle sur l’amour de Dieu des saints ici-bas. Et plus on approche du modèle, mieux on accomplit le commandement.  Ainsi, celui qui évite non seulement ce qui est contraire à la charité (péché mortel), mais aussi, autant que possible, ce qui est à côté de la charité (le péché véniel) aime Dieu plus parfaitement qu’un tiède qui ne fait pas grand cas du péché véniel, et qui pèche non seulement contre ce qui est  défendu par la loi, contre ce qui blesse la charité,  mais aussi contre des choses qui ne sont pas interdites, mais qui interrompent l’exercice de la charité.  Celui-là aime Dieu plus, toutes choses étant égales, plus que tel autre qui évite le mal mais qui n’a de préoccupation que pour les choses de la terre.   L’accomplissement ordinaire parfait de ce commandement se trouve dans ceux qui dans leurs actes internes et externes, évitent tout ce qui est contraire à l’amour de Dieu, même s’il leur arrive parfois de commettre des péchés véniels, et qu’ils sont plongés par-dessus la tête dans les choses temporelles.  Ainsi, la charité est le lien de la perfection (Col 111, 14), ce qui attache  l’homme à son plus grand bien. Ceux qui gardent les commandements à cause de l’amour de Dieu, sont sur le sentier de la perfection.  Ceux qui embrassent les conseils pour eux-mêmes, sont dans l’état de perfection.

1561- Les commandements de l’amour de soi. On peut comprendre de plusieurs façons l’amour de soi.  Selon le caractère moral, l’amour de soi est peccamineux ou vertueux. Et un amour de soi vertueux est naturel ou surnaturel, comme il a été expliqué à 1136. Selon le caractère physique, l’amour de soi est inné ou élicité.  L’amour inné de soi-même est la tendance de la nature à désirer ce qui  est le meilleur pour soi, comme l’existence et la préservation de la vie (1108).  L’amour élicité de soi même est le choix fait par la volonté et l’intelligence du bonheur suprême et des moyes pour y parvenir.
1562- La charité oblige tous ceux qui sont capables d’un précepte à l’amour surnaturel élicité de soi-même.  Les obligations sont graves pour les raisons suivantes. L’amour de Dieu inclut l’amour de soi, car nous ne pouvons pas aimer Dieu vraiment, à moins d’aimer aussi les choses qui sont siennes, surtout ses créatures raisonnables faites à son image et destinées à vivre avec lui.  L’amour du prochain suppose l’amour de soi, car le commandement de l’amour (Matt, XX, 39) présente l’amour de soi comme le modèle de l’amour des autres.
1563-  Les biens que la loi de la charité requiert que nous désirions et recherchions sont toutes ces choses qui sont nécessaires à l’obtention de la béatitude et de la perfection.Pour les biens surnaturels, on est tenu d’obtenir pour soi-même les choses qui sont nécessaires au salut. On est donc obligé d’acquérir une connaissance suffisante de la foi, d’entrer dans l’état de vie qui  convient (mariage, religion), d’éviter le péché et les occasions de péché, et de ne pas renvoyer aux calendes grecques   le moment de  la conversion, de se maintenir dans l’état de grâce, surtout à l’heure de la mort. Mais on n’est pas obligé d’accomplir ces devoirs avec le motif de charité en pensée, ni de choisir des actions surérogatoires, ou les conseils de perfection.

 Pour les biens intellectuels, on est tenu de rechercher ce qui est nécessaire pour l’accomplissement  de son devoir d’état.  Ainsi, on se doit à soi-même, au nom de la charité, de recevoir l’éducation et la formation que demande notre occupation ou profession, et d’y apporter l’attention et l’application nécessaires.   Voyez plus haut ce qui a été dit des vertus intellectuelles (144 et suiv.), et sur le péché d’ignorance (904, et suiv.)   Pour les biens corporels, on est obligé de se servir des moyens ordinaires pour conserver la vie et la santé (sur le désir de la mort, voyez 1063). Ainsi, en matière de nourriture, de boisson, d’habillement, de récréation, nous sommes tous tenus par devoir de suivre les lois de l’hygiène.  Pour les biens externes des  personnes (l’honneur ou la réputation), il y a un devoir strict de les préserver ou de les recouvrer le plus tôt possible.  Quant aux besoins externes de la fortune, (la santé, les biens que l’on possède), on devra viser à en acquérir autant qu’il est nécessaire pour sa subsistance et l’accomplissement de ses devoirs envers les autres.  Donc, le devoir du travail pour ceux qui ne possèdent pas les moyens nécessaires.   Mais l’amour charitable de soi ne demande pas qu’on aspire à atteindre le haut de l’échelle dans le monde financier, ni qu’on n’accumule de gros surplus.  On peut, en toute légalité, aspirer à devenir un millionnaire, ou devenir assez riche pour rendre confortables ses vieux jours, si on peut le faire sans tricher; mais il n’y aucune obligation de peiner pour plus que ce qui est raisonnablement nécessaire.

 1564- L’homme se doit à lui-même de faire un bon usage des talents que Dieu lui a donnés pour s’améliorer et grandir.  C’est un péché, donc, plus ou moins grand selon les circonstances, de négliger la culture de l’esprit, ou la culture mentale que l’on devrait posséder.  Ainsi, la raison est la faculté qui élève l’homme au-dessus du monde irrationnel, et la connaissance est la perfection et l’excellence de cette faculté.  Ce que la vie ou la santé est au corps, la raison ou la connaissance l’est pour l’âme.  Et comme c’est pécher contre le corps de négliger la vie ou la santé, c’est également un péché contre l’âme de négliger la raison ou la connaissance.  Ceux qui ont des prédispositions à la folie, qui s’exposent d’eux-mêmes à perdre l’esprit par l’usage de drogues ou d’alcool, ou par des jeux et loisirs qui les exposent à des chocs (comme la loto et le poker), et ceux qui se font une haute estime de l’ignorance, du scepticisme, et de l’erreur, comme si ces infirmités étaient bonnes, tous ces gens-là pêchent contre l’esprit, au moins matériellement.

 La raison et la connaissance sont nécessaires de plusieurs façons,  à la vie corporelle, sociale, intellectuelle et religieuse.  Sans les éléments d’une éducation générale obtenue  par la lecture, l’écriture et l’arithmétique,  on a énormément de difficulté pour vivre.  Et sans l’éducation donnée au secondaire, au collège et à l’université, on est facilement désavantagé quand on cherche à améliorer sa position ou à monter dans l’échelle sociale.  En plus d’apporter des avantages aux affaires publiques, elle en a apporte de plus élevés.  Elle fait de son possesseur un citoyen  plus capable, un meilleur compagnon et ami, un apôtre  plus influent des bonnes causes, et donne un meilleur crédit à la religion qu’il pratique.  Cela rend agréable le loisir, donne du confort au repos, de la dignité au succès.  Le travail requis pour l’acquérir est la discipline de la volonté.  Le goût des choses élevées qu’il confère est une protection naturelle contre beaucoup de mauvaises choses.  Le pouvoir mental et la connaissance qui est un de ses dons permettent de réfuter l’erreur et les faussetés, et de défendre la vérité et le droit.   C’est donc de précepte que l’on acquière la formation morale et mentale que le salut éternel et le devoir d’état rendent nécessaires.  C’est de conseil – et ce conseil est tel qu’on devrait y insister beaucoup à notre époque—que celui qui a la possibilité de devenir plus compétent, pour lui-même et pour la société,  se prévale de cette opportunité.

 1565- Exemples de péchés commis par la négligence d’une éducation nécessaire.  Directement, on pèche contre le devoir de cultiver son esprit, quand la paresse ou la malice  font mettre de côté les moyens d’acquérir une connaissance nécessaire. Comme quand des élèves font l’école buissonnière, n’écoutent pas le professeur ou ne préparent pas leur leçon; ou quand des collégiens sacrifient leurs études aux jeux ou aux amusements.  On pêche indirectement contre le péché de la connaissance quand on est responsable d’habitudes qui rendent difficile ou impossible la concentration de l’esprit, ou quand la vie sociale prend tellement de place que l’esprit est toujours dans un tourbillon, ou quand on lit tellement de littérature frivole, que tout ce qui est sérieux devient ennuyant, ou quand on lit si longtemps que la tête nous en tourhe, ou quand on ne soucie pas de la saine devise : un esprit sain dans un corps sain  (mens sana in corpore sano). 1566-  Le soin à prendre de son corps et de sa santé ne relève pas seulement de la bonté,  c’est un devoir moral. Il ne relève de la bonté qu’en partie.  Dieu lui-même sur le Sinaï    a donné au peuple élu un code sanitaire, et la fidèle observance de ces règles a eu son mot à dire dans la santé supérieure et la longévité de cette race.  La théologie morale ne fait donc pas de digression loin de son propos essentiel, si elle s’intéresse aux règles sanitaires.  Les devoirs qui sont dus au bien-être physique  sont les suivants.  Procurer au corps les choses nécessaires à sa survie et à son maintien, comme la nourriture, l’air, le repos et l’exercice.  Éliminer ou écarter les choses qui détruisent la santé, comme une chaleur tropicale,  un froid sibérien, les déchets, les poisons et la maladie.  Appuyer ces moyens physiques sur des moyens psychiques ou spirituels, comme la joie, et la volonté de se tenir en grande forme.

 1567- La nourriture et le breuvage sont naturellement les premiers à être requis pour la vie, puisqu’ils fournissent les matériaux avec lesquels le corps humain est construit. On devrait les employer, toutefois,  de façon à ce qu’ils remplissent leur fonction.  Ainsi, on doit régler la qualité et la quantité d’après les besoins des individus et les circonstances.  Ce sont des choses qui varieront selon les climats, l’âge, la santé et les occupations.  La distinction entre les mets purs et impurs n’existe pas dans la nouvelle loi (Rom XV, 14); Matt. XV, 17, 20), mais il est clair que les mêmes mets et les mêmes portions de nourriture et de boisson ne conviennent pas à toutes les constitutions;  que l’excès ou l’insuffisance de nourriture, et le manque de variété dans le menu ne conduisent pas à la bonne santé.  Les docteurs recommandent qu’on mange des choses fraîches  à chaque jour, et des choses indigestes à chaque repas, qu’on surveille son poids, supportant un peu d’embonpoint jusqu’à la moitié de la vie, mais après cet âge,  réduisant son poids.  La manière de manger est tout ce qu’il y a de plus important, puisque la digestion est compromise quand on mange sans appétit, ou avec des préoccupations mentales, ou quand on pimente la nourriture, ou qu’on fait un emploi exagéré du sel ou du poivre. 2568-   L’air frais, de qui dépend la production d’un sang pur et le maintien de la vitalité, est une autre chose nécessaire à la vie.  Nous pouvons donc prêter attention aux règles que les hygiénistes ont établies sur ces sujets.  Laissez pénétrer l’air frais et le soleil dans les lieux où vous vivez et travaillez, et évacuez la poussière et la fumée.  Portez des vêtements légers, larges, et poreux, pour que la peau puisse avoir de l’air.   Quittez la maison, allez marcher au grand air pendant le même temps à chaque jour, même si la température n’est pas invitante, car il n’y a pas de santé sans soleil et air frais.  Respirez par le nez et non par la bouche.  La respiration devrait être profonde, lente et régulière.  Et on devrait faire des exerces de respiration profonde plusieurs fois par jour.  Dormez dans une chambre bien aérée, ou à l’extérieur, si possible.

 1569- Le repos et la détente sont nécessaires aussi bien pour l’esprit que pour le corps, pour que les fardeaux de la vie ne pèsent pas trop lourds, et pour que la nature soit capable d’exercer   sa fonction de renouveau et de restauration.  Mais  ici, comme en toutes choses,  la règle à suivre est la modération.  Par excès. On fait du tort à  sa santé, en se reposant trop longtemps.  Un individu fort, plein de santé, qui demeure dans le lit de minuit à midi, ou qui prend une sieste qui dure une bonne partie de l’après-midi engrange plus d’énergie qu’il n’en dépense, et il en paiera les conséquences.  Semblablement, les personnes qui ne pensent qu’aux voyages et qu’aux divertissements paient pour leur vie sans but par diverses sortes de désordre mental ou nerveux, pour ne rien dire des dangers mortels auxquels elles s’exposent (Eccl XXX111, 29).  Par insuffisance. D’un autre côté, il y a ceux qui affaiblissent leur santé en se privant du sommeil et du repos nécessaires.  Le temps qu’il faut donner au repos diffère selon les individus.  Les jeunes, les travailleurs intellectuels et les faibles en ont un plus grand besoin que d’autres, mais personne ne peut se passer de son sommeil à lui.  C’est donc un péché de réduire la durée du sommeil nécessaire en se couchant aux petites heures du matin, ou en se levant avant le chant du coq; ou de travailler sans arrêt,  de sorte que la résistance du corps ne suffise plus pour répondre aux demandes journalières et remplir ses tâches.   Selon les médecins, on devrait consacrer au sommeil sept heures par jour; et les heures avant minuit sont beaucoup plus précieuses que celles du matin.  Les congés et les vacances sont une nécessité en ces jours de vie trépidante et stressante.1570-   L’exercice  physique  est un facteur de bonne santé, car il stimule la circulation du sang, aide à la digestion, et débarrasse le corps d’un surplus de poids. De plus, il a une grande importance pour l’esprit (diversion, rafraichissement) et l’âme, puisqu’il promeut la tempérance et la chasteté.  Si on le prend sous la forme d’un sport, de l’exercice physique, il est une formation dans la coopération avec d’autres en loyauté, en discipline, en bons rapports.  Mais on met la santé en danger autant par l’excès que par le manque d’exercice.  Des exemples excessifs ont lieu chez des athlètes qui se livrent à des tests d’endurance jusqu’à l’épuisement, ou chez des partisans des formes violentes de compétition ou de parties qui les mettent hors d’eux-mêmes.  Des exemples de défaut d’exercice se trouvent chez des hommes en pleine santé qui préfèrent s’allonger sur un hamac toute la journée, au lieu de se remuer, et aussi chez ceux qui travaillent à l’intérieur toute la journée, et  se déplacent en voiture au lieu de marcher, même pour une très courte distance.  Les personnes qui ont une vie sédentaire devraient, si elles le peuvent, faire des exercices tous les jours, de préférence à l’extérieur, jouer à quelque jeu comme le golf, faire une marche d’environ cinq milles, ou s’adonner au travail manuel, comme du jardinage ou du sciage de bois. Des mouvements de gymnastique, et l’habitude de s’asseoir, de se ternir debout et de marcher droit, sont des choses que prescrivent comme importants les spécialistes de la santé.

 1571- Parmi les mesures préventives ou curatives que l’ on devrait prendre en compte pour le mieux-être du corps, il y a celles qui suivent.  Quand on est en santé, on doit se protéger contre la maladie.  Il faut se servir des vêtements et des abris pour se protéger contre les effets néfastes de la chaleur et du froid.  On doit développer l’instinct de propreté par des bains quotidiens, le brossage des dents, en se rinçant la bouche et en se gargarisant.  On doit éviter les infections, les drogues et tous les stimulants nuisibles à la santé.  Et on devrait s’appliquer à ce que se vident naturellement les intestins à chaque jour, et à fuir tout ce qui représente un poison pour le système.  D’après ceux qui s’y connaissent, il faudrait boire au moins six verres d’eau par jour. Mais l’eau tiède est souvent préférable à l’eau chaude ou froide. En temps de maladie, on doit faire tous les efforts voulus pour rétablir sa santé.  Il est obligatoire  de se servir des moyens ordinaires pour retrouver la forme, c’est-à-dire de prendre des remèdes et des médicaments convenables, non sur l’avis des amis ou des messages publicitaires, mais sur la recommandation d’un médecin compétent, en qui on a une confiance totale (Eccl. XXXV111, 1 et suiv). Mais il n’y a pas d’obligation d’avoir recours à des moyens extraordinaires, comme un voyage dans un pays où l’air est embaumé, quand on n’a pas les moyens de s’y rendre.  Semblablement, une opération ou une mutilation très douloureuse et incertaine n’est pas obligatoire, à moins qu’on ait encore des personnes à sa charge, et que l’opération ne présente pas un grand danger.  En temps de maladie aussi bien que de santé, nous ne devrions jamais omettre d’implorer l’aide divin.

 1572- L’état d’âme d’une personne dépend en grande partie de la bonne ou de la mauvaise santé.  On sait très bien, par exemple, qu’une attitude heureuse, rayonnante, aide la digestion et le sommeil, tandis que les soucis, la crainte, la colère, ou le stress apportent la dyspepsie, l’insomnie, la maladie, et peut-être même la folie.  Nous ne devrions donc pas sous estimer l’importance du facteur mental dans nos efforts pour maintenir une bonne santé.  Les moyens naturels de former un tempérament égal et une disposition flottable sont les suivants : un travail ou une occupation, Éviter la précipitation et les inquiétudes, cultiver un hobby intéressant, qui palliera à la monotonie du travail toujours semblable, s’adonner à des récréations idoines, ou très raffinées, comme les conversations avec amis, la littérature, la musique, les arts dramatiques, les voyages dans des sites historiques et pittoresques.  Ou des lobbys peuvent d’une façon plus matérielle, comme la lecture des contes féériques ou d’aventure, élever des animaux de compagnie, assister à des parties de baseball ou à des courses etc.;  jouer aux billards, aux cartes, fumer, fréquenter des banquets, prendre un repas sur l’herbe.  Un sens d’humour et de rire modéré est une bonne chose pour la santé, et n’est pas opposé à la spiritualité.

 Les pratiques religieuses sont toutes importantes pour la joie et la paix.  La science chrétienne est dans l’erreur quand elle soutient que la foi pense et désire  expulser la souffrance, la maladie et la mort hors  de l’existence, car le mal est une réalité.  Mais la vertu et une bonne conscience débarrassent quelqu’un de plusieurs ennemis de la paix.  Et il y a, dans l’Église, plusieurs moyens surnaturels et miraculeux dont profitent le corps, l’esprit et l’âme.  1573- Ceux qui apportent une attention exagérée à leur santé ne peuvent pas se justifier par le commandement cité plus haut(1164).  On doit se soucier du bien physique, mais en le subordonnant à des biens supérieur  (Matt. V1, 25;  Rom. X1V, 16).  Les biens spirituels sont plus importants que ceux du corps, et il est permis de se mortifier en jeûnant, en veillant, en se rasant la tête.  Ces mortifications affligent la chair, il est vrai, mais rafraîchissent l’esprit, pourvu que tout soit fait selon la sainte prudence.   Les biens intellectuels sont préférables à ceux du corps, et ce n’est pas un péché de se consacrer aux études, aux recherches, ou à une autre occupation morale plutôt que de faire du travail manuel, ou des exercices athlétiques qui amélioreraient le physique, mais pas notre esprit.  Il est même permis, pour progresser dans la recherche de la vérité, de supporter quelques atteintes à la santé.

 Le bien public est plus grand que le bien privé.  Il est donc non seulement permis mais louable d’exposer sa santé ou même sa vie pour l’avancement de la science, ou le  bien-être de la communauté.  Beaucoup de femmes et d’hommes font cela journellement. 1574- Est-ce que la charité envers soi-même oblige de désirer des honneurs, comme les dignités, les titres, les positions, les rangs, les préséances, les témoignages, les éloges, les médailles, les décorations, les monuments, etc. ?  La charité envers soi-même demande qu’on s’efforce d’atteindre l’excellence qu’on attend de nous, et qu’on mérite ainsi des honneurs.  Car nous devons laisser briller notre lumière devant les hommes (Matt. V,16; Rom X11,17; 11 Cor V11, 2 1).  La charité envers soi-même ne requiert pas qu’on se procure des honneurs, car on ne peut forcer personne à louanger quelqu’un,  puisque son jugement a pu être prévenu, ou qu’ il est ignorant.  Et il ne convient pas du tout qu’on chante ses propres mérites (11 Cor X, 18), sauf en cas d’autodéfense (11 Cor X11, 11).

 La charité envers soi-même demanderait de rechercher les honneurs, si ces honneurs étaient nécessaires, et si la façon de les chercher était honorable.  Ainsi c’est un devoir pour chacun d’obtenir un diplôme ou un certificat de bon caractère ou de d’excellence, si ce document est nécessaire à la pratique de la profession choisie.  La charité envers soi-même interdirait à quelqu’un de courir après un honneur, si cet honneur devait s’avérer nuisible, ou si on ne peut pas l’obtenir honnêtement.  Ainsi, si un honneur appartient en droit à un autre, ou s’il était donné en reconnaissance d’un mal qui a été accompli, ou s’il imposait des obligations à quelqu’un qu’il ne serait pas capable de remplir, ou s’il ne pouvait être procuré, cet honneur, que par de basses manœuvres, la charité envers soi-même nous presserait de fuir cet honneur.  En d’autres cas, la charité envers soi-même permettrait de rechercher un honneur (comme quand une dignité serait utile et serait employée pour le bien, et ne serait pas recherchée pour la vaine gloire ou par hypocrisie).  Elle permettrait aussi d’y renoncer (comme quand il n’est pas nécessaire, ou quand quelqu’un se sent porter à le fouler aux pieds, non par mépris, mais pour des motifs vertueux.)

 1575- Est-ce que la charité envers soi-même requiert de quelqu’un qu’il cherche à avoir un bon nom ?  La charité envers soi-même requiert que l’on désire être digne d’un bon nom, car on se doit à soi-même, autant qu’on le doit aux autres, d’être sans blâme (Plip 11, 14-16), et de procurer de bonnes choses à la vue de tous (Romn X11, 17).  La charité envers soi-même requiert qu’on désire avoir un bon  nom.  Spirituellement, un bon nom est un avantage, car un grand nombre de personnes sont encouragés à continuer dans la vertu par la bonne opinion que les autres ont de lui.  Et plusieurs sont découragés, et ne trouvent plus la force de continuer à cause de la mauvaise réputation de quelqu’un.  Temporairement aussi, un bon nom est utile ou nécessaire, car si les autres n’ont pas confiance en nous ou ne nous respectent pas, nous aurons de la difficulté à trouver un emploi, ou de faire notre travail avec profit.  Voilà pourquoi l’Écriture avertit :  Prends bien soin de ton bon nom, car il continuera avec toi.  Il est précieux et grand plus que mille trésors précieux (XL1, 15).  La charité envers soi-même ne requiert pas que l’on possède de fait un bon nom, puisque la réputation peut être perdue par l’œuvre de détracteurs, ou par notre propre imprudence involontaire, ou à cause de circonstances sur lesquelles on n’a aucun contrôle.

-La charité envers soi-même requiert habituellement que l’on cherche à acquérir un bon nom, quand on n’en a pas encore, ou pour le maintenir quand on a déjà un; de le recouvrer quand on l’a perdu, car, en règle générale, il n’y pas de bien si grand qu’on ne doive être prêt à sacrifier pour le bien de la réputation.  Les moyens à employer, toutefois, ne devraient pas être mauvais, comme quand quelqu’un agit en hypocrite pour passer avant un autre aux yeux du monde; ou emploie le mensonge ou le duel;  ou attaque un autre par en dessous,  pour rentrer dans sa réputation.  Un bon nom se construit par la fidélité à son devoir d’état, et en évitant ce qui peut offenser ou blesser les autres.  Il est préservé et reconstruit par de bonnes actions, surtout celles qu’on savait qu’il ne faisait pas, et par des mots d’autodéfense. en cas de besoin, pour justifier sa conduite, et réfuter les insinuations ou les fausses charges.

 La charité ne requiert pas que l’on recherche un bon nom, quand cela pourrait ou devrait être sacrifié dans l’intérêt d’un bien supérieur.  Saint Paul a fidèlement pratiqué ce qu’il a prêché,  pour que l’évangile ne soit entaché d’aucun déshonneur.  Et pourtant, ses ennemis le considéraient comme un séducteur et un homme de rien, comme un homme mélancolique et avaricieux. Mais l’apôtre a répondu à ses détracteurs que ni les honneurs ni le déshonneur, ni les bons ou mauvais rapports ne le pousserait à cesser de pratiquer ce ministère (11 Cor. V1, 4).
 1576-  Mais le sacrifice de la réputation n’est pas permis, cependant, à moins que les raisons soient proportionnellement grandes, et les moyens bons.
La fin doit être bonne et relativement importante, non seulement en comparaison avec le bien de la réputation personnelle, mais aussi quand on le compare au bien public et aux droits d’un tiers.  Exemples. Ce ne serait pas permis de permettre qu’on détruise notre réputation pour couvrir les traces d’un truand qui mérite une punition, ou pour détourner l’attention d’un mal qu’on est en train de commettre, car le motif serait alors une défaite de la justice ou le succès d’un plan mauvais.  Dans ces cas, la fin ne serait pas bonne.  Nul ne serait autorisé à sacrifier un bon renom pour la notoriété et les profits monétaires que rapportent les pièces de théâtre ou les livres. La pratique de plusieurs jeunes d’accepter des fautes qu’on leur impute, sans qu’ils en soient coupables, pour devenir à la mode, intéressants, attirants,  est  coupable, elle aussi.

L’argent ne peut pas racheter une réputation perdue, et la popularité auprès des écervelés n’est pas une compensation pour la disgrâce qui nous attend chez les hommes sensés, et pour la perte du respect de soi-même.  Dans ces cas, la fin ne compte pas,  si on la compare à l’avantage que donne un bon nom.  Et même quand une fin est bonne, et plus importante qu’un bon renom, il y aura souvent les droits des autres impliqués qui interdiront le sacrifice de la réputation, comme quand une attitude passive en face de la calomnie donnerait du scandale, ou jetterait du discrédit sur sa profession, son travail, sa religion, sa famille ou ses amis.   Les moyens doivent être bons.  Exemples.  Même si l’ambition d’être un homme bon est louable, l’ivrognerie et le blasphème ne sont pas des moyens idoines pour gagner l’estime d’autrui.  Et la même chose vaut pour la méchanceté prétendue, ou pour des aveux d’escapades imaginaires ou de vices, pour plaire à un cercle qui admire la sauvagerie dans la jeunesse. Les moyens utilisés dans ces cas (ivrognerie, blasphèmes, mensonges) sont mauvais en eux-mêmes.  De la même façon, le désir de développer l’humilité ne permet pas à quelqu’un de causer du scandale en prenant pour ses plus chers amis des malfaiteurs; ou de se conduire de façon à diminuer le respect ou l’estime qu’on  doit porter à sa position  Les moyens utilisés dans ces cas ont, au moins,  l’apparence du mal;  et ils n’édifient personne.

 1577- Est-ce qu’un aveu de ses fautes ou de ses défauts est permis ?  Si ces fautes ou défauts ne sont pas publics et ne sont pas généralement connus, on peut envisager une confession faite dans un bon esprit et de la façon qui convient, et dont on peut prévoir des résultats bénéfiques. C’est permis, et c’est parfois obligatoire.  Exemple.  Pierre a calomnié ses voisins, et il est maintenant prêt à l’admettre, non pour s’en vanter ou pour s’excuser, mais pour faire satisfaction.  Il n’entre pas dans les détails de ses remarques diffamatoires, mais ne fait que dire qu’il désire rétracter ce qu’il n’avait pas le droit de dire.  Il a toutes les raisons de penser que sa conduite présente réparera le tort fait par sa diffamation.  Pierre agit correctement en reconnaissant ainsi sa faute.  S’il est question de fautes ou de défauts non généralement connus,  les raisons pour les révéler devraient être plus sérieuses, à moins que les péchés soient sans importance.

 Exemples. Paul a déjà fait de la prison pour fautes contre l’honnêteté.  Mais il est maintenant un citoyen respectable.  Sa famille serait scandalisée, et serait déshonorée, si elle était mise au courant.  Mais Paul pense que ce serait une réparation convenable de leur parler de son délit. Paul a tort.  Parler de son expérience passée ne ferait qu’ajouter le péché de scandale à un autre;  et il existe d’autres moyens pour lui de faire pénitence pour ses péchés passés.    Marc désire épouser Julie, mais Julie demande avec insistance qu’il n’y ait aucun secret entre eux deux, et qu’il doit lui donner des réponses  précises et complètes aux questions portant sur son passé.  Par exemple.  S’est-il jamais saoulé ? A-t-il déjà eu le désir de se saouler ? A-t-il déjà eu des relations condamnables avec d’autres femmes ?  Marc ne devrait pas décevoir Julie, ni lui laisser ignorer  les objections sérieuses au mariage, même ce qu’elle a oublié de mentionner dans ses questions.  Mais il se doit à lui-même de ne pas lui donner des armes à utiliser contre lui, en lui donnant des informations qu’elle lui remettrait sur le nez plus tard.  Luc a volé une somme considérable, et pour apprendre comment faire restitution, il consulte un ami prudent et discret qui gardera pour lui les informations.  Il n’agit pas contre sa réputation en révélant sa faute à un ami.

 1578- La confession des péchés contre la charité que nous nous devons à nous-mêmes.  Il n’est pas nécessaire de déclarer en confession qu’on a agi contre la charité qu’on se doit à soi-même, s’il n’est question que de péchés dans lesquels la transgression de la charité n’était pas directement voulue.  Car dire qu’on a péché contre Dieu en blasphémant, ou contre soi par intempérance, ou contre le prochain par injustice, ne signifie pas autre chose qu’on a blessé son âme par le péché.  Il est nécessaire de déclarer un manque de charité envers soi-même,  si le péché a été voulu expressément.  Ainsi, si une personne, qui a déjà été  avertie de prendre soin de son âme, prend si mal cet avertissement qu’elle fait le voeu de livrer son âme au mal, se met à commettre toutes sortes de péchés, cette personne  ne déclare pas le véritable état de sa conscience, en ne faisant que mentionner ces derniers crimes.

 1579- Le commandement de l’amour du prochain.  La charité envers nos semblables, surtout envers les membres de sa propre nation, était l’objet d’un commandement dans la loi ancienne. Ainsi, l’amour interne était obligatoire. Le Seigneur a interdit la haine, la vengeance, les ressentiments, la rancœur, et a ordonné l’amour de nos semblables, la gentillesse envers les étrangers qui demeurent dans le pays. (Lév. 1X, 17).  L’amour externe était aussi obligatoire.  On devait donner aux nécessiteux des aumônes et leur apporter de l’aide (Deut XX11, 1,2; XV, 11).   Il fallait faire des prêts sans intérêt (Deut. XX111, 19).  On devait être bon envers les veuves, les orphelins, les aveugles, les infirmes (Exod. XX11, 22, 23; Lev X1X, 14).  Il fallait laisser une partie de la moisson pour le pauvre, et on devait accorder une aide spéciale aux nécessiteux, la première, la septième et la quinzième année (Lev X1X. 9; XXV, 2-12;  Deut. X1V, 28, 29).

 1580- Dans le nouveau testament qui est la loi de l’amour, le précepte de charité envers le prochain est donné avec plus de clarté et de perfection.  Ainsi, l’amour interne doit être universel, et modelé sur l’amour que le Christ a pour l’humanité.  On doit aimer les ennemis aussi bien que les amis, les méchants comme les bons (Matt. V. 43, 45).  Les Gentils comme les Juifs, puisqu’il y a un Seigneur unique pour tous (Rom X, 12).  Le nouveau commandement dont l’observance marquera le fidèle, est une imitation de la charité du Christ (Jn X111, 34, 35).  On doit pratiquer la charité externe même au prix du sacrifice de sa vie (1 Jn 111, 16), car le Christ la considérera comme faite à lui-même (Matt. XXV, 40).  Et au jugement dernier, on nous interrogera sur elle, et nous serons honorés par elle (Matt. XXV, 34-46). 1581- En donnant à l’homme le commandement d’aimer ses semblables,  le Seigneur a indiqué la raison pour laquelle il fallait aimer, et la façon d’aimer : tu aimeras ton prochain comme toi-même.  (Matt. XX11, 39).  La raison de notre amour est que ce concitoyen est notre voisin, notre frère (1 Jn 1V, 20,21), notre ami (Lév. X1X, 18).  Il est comme nous, fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, et est destiné à la même béatitude.

 La forme de cet amour est qu’il doit être semblable, mais non égal, à l’amour qu’on a pour soi-même.  En conséquence, la fin de l’amour de notre prochain devrait être Dieu,  pour qu’il puisse être un amour saint.  La règle à suivre en l’aimant devrait être que nous sommes d’accord avec tous ses bons désirs, mais non avec les mauvais, pour que l’amour soit juste.  La manière de l’aimer serait de lui vouloir du bien, et non de n’attendre de lui que du plaisir et des avantages, pour que l’amour soit sincère. Car, comme l’amour de soi doit être saint, juste et sincère, les mêmes qualités sont requises pour l’amour du prochain.  1582- Les conditions suivantes devront se trouver dans l’amour du prochain que la charité commande.  L’amour ne doit pas être cupide, égoïste ou superficiel, mais doit être sincèrement bienveillant, et généreux (1109).  Ceux qui, en faisant du tort au prochain, désirent conserver une amitié ou une association avec des copains parce qu’ils en retirent des profits, à cause de leur influence ou de leurs richesses, s’aiment eux-mêmes plutôt que le prochain.  L’amour du prochain n’est pas véritable, s’il n’existe que dans les émotions, ou s’il ne se manifeste que dans des expressions toutes faites, car l’amour vrai inclut la bienveillance et se traduira dans la bienfaisance, quand l’occasion se présentera (Jacq. 11, 14; 1 Jn 1, 22).  Ceux qui sont les premiers à verser des pleurs sur les malheurs des autres ou qui couvrent les autres de  compliments, se révèlent souvent incapables d’aider les autres, surtout s’il faut se sacrifier en quelque chose.

 L’amour du prochain ne doit  être ni une bienveillance coupable ni une bienfaisance coupable, mais doit désirer pour lui, et lui  conférer, des biens qui ne sont pas apparents mais réels, comme ceux que nous devrions désirer pour nous-mêmes (Matt. V11, 12).  Ceux qui fournissent aux autres des biens inférieurs et non nécessaires, au détriment de ceux qui sont plus élevés et nécessaires,  plaçant la richesse et le plaisir, ou la position au-dessus de la vertu et d’une bonne conscience, n’ont pas l’amour de charité, car quel profit peut avoir un homme en gagnant l’univers, s’il vient à perdre son âme ?  (Matt. V11, 36).   L’amour du prochain ne doit pas être purement naturel,  mais doit lui souhaiter et lui conférer de vrais biens pour un motif surnaturel.  Ce motif est l’amitié que chacun a avec Dieu, de sorte qu’on aime le prochain parce que Dieu l’aime et désire lui communiquer une participation à sa vie divine, par la grâce et la gloire.  Le motif de la charité est donc absent quand on n’aime que ses amis; quand on est bon envers les autres  parce qu’on a en a pitié, parce qu’on est naturellement généreux, ou parce qu’on admire leurs bonnes qualités, s’il n’y a pas de place pour Dieu dans cette philanthropie.  1583-   Accomplissent suffisamment le commandement de l’amour du prochain, en ce qui concerne ses actes,  ceux qui mènent une bonne vie chrétienne.  Ainsi, les actes internes de sincère affection, de paix, de joie et de miséricorde, on les exerce en priant pour les vivants et les morts, ou en récitant dévotement la prière du Seigneur.  Les actes externes de miséricorde spirituelle et corporelle, les accomplissent ceux qui donnent selon leurs moyens et d’après  les besoins. 1584-  Le commandement du Seigneur de l’amour du prochain est suffisamment observé,  quant à son motif, même si on n’a pas présent à l’esprit le motif surnaturel, et si d’autres motifs naturels sont présents.  Ainsi, le motif surnaturel dirige notre amour du prochain, s’il est présent virtuellement, comme on l’expliquera à 1599.  D’autres motifs d’amour qui sont bons en eux-mêmes (la parenté, la nationalité, des intérêts communs, la vertu ou la compétence)  ne détournent pas du surnaturalisme de l’amour, pourvu que leur influence soit subordonnée à l’amitié divine, et au désir de la béatitude pour le prochain.  Même une certaine répugnance naturelle peut cohabiter avec la charité. Car la charité  est grande quand, pour l’amour de Dieu, on fait du bien à des ennemis implacables, ou quand on veille quelqu’un qui souffre d’une maladie repoussante.

 1585- L’accomplissement du commandement de la charité.  Nous ne parlons, maintenant, que du commandement de l’amour dans lequel les autres commandements de charité sont contenus (1550).  L’amour qui est commandé doit avoir les qualités suivantes.  Du côté du sujet qui aime, il doit être interne, et fait au bon moment.  C’est-à-dire qu’on doit aimer avec un cœur affectueux, dans des actions et des manifestations; qu’on doit faire et renouveler l’acte d’amour comme la loi le requiert.  Du côté de l’objet aimé, il doit être universel et bien ordonné.  On ne doit pas aimer seulement ceux à qui la charité est due; on doit aimer selon l’ordre de préséance dans lequel la charité est due (1158 et suiv.).

 1586- On peut faire l’acte de charité de plusieurs façons différentes. Il est fait dans la charité-même quand on élicite ou exprime l’amour.  Il est fait dans les manifestations de la charité quand quelqu’un fait l’acte d’une vertu distincte de la charité.  Quelqu’un qui aime sincèrement son Dieu de tout son cœur gardera les commandements (Jn X1V, 21).  Et, en conséquence, les actes de tempérance, de justice et de force etc. peuvent porter le nom d’actes d’amour, au sens où ils sont des indications de l’amour.  Les actes de charité peuvent être faits intérieurement et extérieurement.  Ainsi, l’affection pour quelqu’un qu’on considère comme ami de Dieu, et un sincère désir de son bien, sont des actes internes d’amour, tandis que les aumônes temporelles ou spirituelles qu’on lui donne, comme des instructions ou une aide en cas de maladie, sont des actes externes d’amour.  L’acte de charité peut être fait implicitement ou explicitement. La charité est dite explicite, quand elle est en relation avec un objet ou une personne qui est aimé pour elle-même.  On l’appelle implicite, quand elle est en relation avec un objet ou une personne aimé qui se trouve inclus dans un autre, comme quand les moyens et la fin sont inter reliés; ou comme une partie est contenue dans un tout.  Ainsi, celui qui aime Dieu plus que toute chose aime Dieu explicitement, et son prochain implicitement.  Celui qui aime son prochain comme un futur compagnon de béatitude, aime son prochain explicitement et Dieu implicitement (1549).  Celui qui inclut  l’humanité dans un acte commun d’amour, donne un amour explicite à l’humanité et implicite à chaque membre de cette race humaine (ennemis ou étrangers).

 1587- Pour l’accomplissement du commandement de charité, les autres actes de vertu ne suffisent pas.  Il fau aussi que l’amour y soit.  Ainsi, au sujet de la charité envers Dieu, notre Seigneur déclare que l’amour de Dieu est le grand commandement de qui dépendent les autres.  Et Saint Paul fait dépendre le salut de l’amour Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur Jésus- Christ, qu’il soit anathème ! (1 Cor XV1, 22).  Au sujet de la charité envers le prochain, l’accomplissement des autres commandements est inférieur à l’accomplissement de l’amour fraternel, et ainsi, les commandements de justice à rendre aux autres sont distincts du commandement de l’amour.  Innocent X1 a condamné la proposition selon laquelle nous ne serions pas obligés d’aimer notre prochain par un acte formel d’amour (Denzinger, 1160).

 1588- Pour l’accomplissement de la loi de charité, les actes externes d’amour ne suffisent pas.  Il doit y avoir aussi un amour interne ou de l’affection cordiale.  En ce qui a trait à la charité envers Dieu, il ne peut pas être question d’actes externes de charité inspirés par la bienfaisance. C’est évident.  Mais on doit manifester notre amour de Dieu, si le silence causait du scandale ou dégageait une impression de haine de Dieu. Il ne suffira pas de prier du bout des lèvres, car on doit aimer et servir Dieu d’un amour qui vient du cœur (Matt. XX11, 37; 11 Thess 111, 5).  En ce qui a trait à la charité envers le prochain, la charité externe est de rigueur. (1210, 1551).  Mais il doit y avoir aussi une charité interne, car on nous ordonne d’aimer le prochain comme nous nous aimons nous-mêmes (Matt. XX11, 39).  Comme le Christ nous aime (Jn XV, 12). D’un amour, donc,  qui vient du cœur (1Pet 1, 22).  Si quelqu’un distribue ses biens pour nourrir les pauvres, non par amour mais par vanité, ou d’autres motifs similaires, son acte ne serait pas un acte de charité.  Innocent onze a condamné la proposition selon laquelle nous pouvons satisfaire par des actes externes seulement au commandement de l’amour du prochain (Denzinger 1161).

 1589- L’acte interne doit-il être explicite ?  L’amour de Dieu devrait être explicite, car le commandement de charité est à l’effet que Dieu soit aimé comme la fin dernière;  et les autres commandements doivent être observés comme des moyens pour atteindre cette fin (1120, 1547).  La fin dernière est celle qui est aimée pour elle-même, et donc, distinctement, tandis  que les moyens sont aimés pour la fin dernière.  On considère que l’amour qui porte sur tous les humains en général  est explicite, quand la chose est nécessaire pour préserver la charité envers Dieu, ou l’accomplissement d’obligations de charité envers le prochain.  Il doit être explicite quand il porte sur un individu,  quand la chose est nécessaire pour l’accomplissement de travaux externes, ou d’autres devoirs de charité, comme quand on ne pourra pas surmonter une tentation de haine, sans faire un acte de charité qui inclut expressément la personne qu’on est tenté de haïr.  Mais celui qui aime son prochain implicitement dans un acte d’amour surnaturel de Dieu, et ne néglige aucun devoir externe de charité envers les autres, est considéré comme ayant accompli la loi, dans des circonstances ordinaires.

 1590- L’intention d’accomplir toutes les bonnes actions par amour pour  Dieu.  L’intention est actuelle quand on veut expressément Dieu comme fin suprême de ses actions.  Le commandement d’aimer Dieu plus que tout ne requiert pas une référence actuelle de chaque bien à son amour (1120, 85.86). L’intention est virtuelle mais explicite, quand on a déjà eu une intention actuelle qui n’a jamais été rétractée, même si om  ne pense pas à la fin dernière dans chacune de ses actions.  Ainsi, si un chrétien fait surnaturellement  un acte  d’aimer Dieu plut que tout, et si un non chrétien en fait un naturellement,  et si ces actes d’amour les poussemt à faire l’aumône à un pauvre, mais s’en penser explicitement à  Dieu, leur acte de charité n’est pas actuellement, mais virtuellement, et explicitement fait pour l’amour de Dieu. Le commandement de l’amour de Dieu, comme nous le verrons bientôt (1593), oblige quelqu’un à éliciter, à certains moments,  un acte d’amour envers Dieu comme fin suprême, aimé plus que tout.  (Dans les incroyants, ce doit être un acte de bienveillance, et dans les croyants, un acte de charité surnaturelle).  Et puisqu’un tel acte implique une consécration de ses actions à Dieu, le commandement requiert, aussi, à certains moments, une référence virtuelle et explicite de ses bonnes œuvres à l’amour de Dieu.

 L’intention est virtuelle et implicite quand il n’y a pas d’acte antérieur d’amour de Dieu qui influence un acte actuel.  Mais, étant bon, cet acte tend de lui-même, de par son caractère et son objet, à la fin dernière.  Et c’est précisément son caractère et son  objet qui l’ont fait choisir par l’agent.  Ainsi, si in infidèle qui n’a fait aucune offrande de ses œuvres à Dieu, fait une aumône par l’amour qu’il a envers la miséricorde, ou honore ses parents par l’amour qu’il a de la piété, ou paye ses dettes parce qu’il aime la justice, il a un amour explicite pour la vertu, et implicite pour l’Auteur et la Fin de la vertu.  Le commandement de l’amour de Dieu est un commandement affirmatif.  Il n’oblige donc pas  toujours, à tout moment, à éliciter un acte d’amour envers Dieu, comme le bien suprême.  En conséquence, à part des occasions où il faut mettre en application ce commandement positif,  une intention virtuelle et implicite d’agir pour Dieu  suffit pour ne pas pécher contre le commandement.

 1591- Application du précédent paragraphe.  Un chrétien qui fait des actes d’amour envers Dieu aux moments nécessaires,  accomplit le commandement d’aimer Dieu de tout son cœur, et les préceptes de faire tout pour la plus grande gloire de Dieu (1 Cor X 31), et dans la charité (1 Cor XV1, 14), et au nom du Christ (Col 111, 17).  Un infidèle qui est invinciblement ignorant de la loi surnaturelle, qui fait des actes de bienveillance naturelle en se référant à Dieu quand il le peut, ne pèche pas contre le précepte de charité, et observe la loi de l’amour naturel.   Quelqu’un qui ne réfère en aucune façon un acte délibéré à l’amour de Dieu, naturel ou surnaturel, pèche dans cet acte.   Son péché est véniel si le mal désiré est petit (une aumône faite par vaine gloire); il est mortel si la mal est grave (une aumône donnée pour séduire quelqu’un et l’amener au péché).  1592-On ne devrait pas inférer,  de ce qui a été dit sur les qualités que la charité doit avoir, ou sur l’influence qu’elle doit exercer, que le devoir d’amour de Dieu n’est que pour les parfaits, ou qu’il n’est accompli qu’avec difficulté,  Au contraire, la charité est une obligation universelle, car elle est le premier commandement (Matt. XX!!, 38). Et celui qui n’aime pas est maudit (1 Cor XV1, 22),  Le commandement n’est pas dur (1 Jn V, 3).  Car la nature incline à elle seule à aimer le souverain bien, et la grâce aide à enlever les empêchements à un amour d’amitié qui  place Dieu au-dessus de tout.  L’observance des commandements indique qu’on est guidé habituellement par l’amour.  La récitation dévote de la prière du Seigneur est une expression actuelle de cet amour,  En conséquence, les personnes consciencieuses ne doivent pas s’inquiéter au sujet de l’amour de Dieu.

    Par rapport aux temps où les préceptes de charité obligent, nous devrions distinguer trois sortes de préceptes.   Les préceptes négatifs interdisent les actes contre la charité (comme la haine, l’envie, le scandale), et ils obligent en tout temps.   Les préceptes positifs de bienveillance externe obligent quand l’occasion se présente, comme il a été dit plus haut (1210 et suiv).  Les préceptes passifs d’amour interne obligent à certains moments, comme nous allons l’expliquer maintenant. 1594-  Le précepte d’amour de Dieu oblige directement, c’est-à-dire en vertu de la vertu de charité elle-même, aux moments suivants.  Au début de la vie morale, c’est-à-dire, de l’âge de raison; durant la vie; à la fin de la vie, ou au moment de la mort (Denzinger, 1101, 1289).1595-  L’obligation de l’acte d’amour de Dieu au début de la vie morale.  Le commencement de la vie morale signifie, ici,  le moment où un enfant arrive au plein usage de sa raison, et est capable de délibérer sur des choses de grande importance, comme le devoir d’avoir un but suprême dans la vie, de faire le bien et d’éviter le mal. Ce moment ne coïncide pas nécessairement avec un âge précis : sept ans.   Mais il dépend du développement graduel de la conscience morale, et peut se produire plus tôt ou plus tard, selon l’intelligence, l’enseignement, l’entourage, ou d’autres facteurs (932).  L’acte d’amour de Dieu signifie ici se tourner vers Dieu comme vers sa fin ultime.  Il peut être fait virtuellement ou formellement, d’après la connaissance acquise.   On fait un acte formel d’amour de Dieu quand on a, par la foi ou par la raison, une connaissance explicite de Dieu comme bien suprême et fin dernière, et quand on l’aime comme tel.  Un acte virtuel d’amour de Dieu consiste dans une résolution de diriger sa vie selon la raison, ou dans l’amour de la bonté de la vertu.  Car, dans un tel acte, il y a un amour implicite de l’Auteur et de la Fin du bien moral.  Le fidèle, qui ne peut pas se souvenir d’avoir fait ce premier acte de charité quand il est parvenu à l’âge de raison, ne devrait pas se troubler outre mesure, car le commandement a été accompli par n’importe lequel service librement offert à Dieu.

 La  raison de requérir un acte d’amour de Dieu au début de la vie morale est que, à ce moment, chacun a à faire le choix entre le bien et le mal;  et parce que, étant des préceptes fondamentaux, la foi, l’espérance et la charité devraient précéder les autres vertus de la loi.

 1596- L’ignorance en tant qu’excuse de l’acte d’amour de Dieu.  L’ignorance de Dieu, comme auteur de l’ordre surnaturel,  excuse quelqu’un du précepte surnaturel de l’amour ou de la charité, si l’ignorance est invincible.  Ainsi, un païen qui ne sait rien de la révélation, ne pèche pas en omettant un acte de charité envers Dieu.  L’ignorance de Dieu comme Auteur de l’ordre de la nature n’excuse pas quelqu’un d’un acte naturel de bienveillance envers Dieu, si la personne est dans l’ignorance,   même si elle est une infidèle ayant un usage suffisant de la raison.  Car l’ignorance de Dieu est alors inexcusable (Rom 1, 20).

 1597- L’obligation d’un acte d’amour de Dieu au cours de la vie.  L’existence de l’obligation de faire de fréquents actes d’amour est une conséquence du rôle prépondérant joué par la charité parmi les vertus (1115 et suiv), car comment pourrait-on réguler sa vie d’après les vertus, si on ne renouvelle pas fréquemment cette vertu  qui est l’inspiration et la direction de toutes les autres ?  L’ancien testament requiert qu’on ait fréquemment dans ses pensés le commandement de l’amour de Dieu (Deut. V, 6.7). Et dans le nouveau commandement, on l’appelle le commandement de qui tous les autres dépendent (Matt. XX11, 37, 40).  L’Église a condamné les propositions qui rendaient suffisants pour le salut de rares actes d’amour de Dieu (une fois dans une vie, une foi à tous les cinq ans) (Denz. (1155-1157).

 Les détails de cette obligation, c’est-à-dire les temps et la fréquence avec laquelle il faut faire les actes d’amour de Dieu sous peine de péché grave,  sont un sujet disputé parmi les moralistes.  Il  y en a qui pensent qu’une fois en trois ans suffit.  D’autres, guidés peut-être par le précepte de la communion annuelle, considèrent qu’une fois par année devrait suffire.  D’autres, comme saint Alphonse, parlent d’une fois par mois.  Ils fondent leur opinion sur la difficulté qu’il y a à éviter les péchés, si on omet les actes d’amour plut longtemps qu’une fois par mois. D’autres, avec Scot, pensent qu’on devrait faire un acte d’amour de Dieu une fois par semaine, se basant sur le fait que le Seigneur a commandé de dire la prière dominicale à chaque jour, et que les premières demandes contiennent des actes formels d’amour de Dieu.

 1598- Aucune des opinions que nous venons d’énoncer ne peut être considérée comme démontrée et théoriquement certaine.  Mais, en pratique, cela ne représente aucune difficulté.  Et les règles qui suivent sont des règles pratiques qui peuvent nous guider.  Ceux qui vivent habituellement en état de grâce sont en droit de penser qu’ils ont accompli suffisamment le commandement de Dieu, parce que si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole  (Jn X1V, 23).  Ceux qui vivent habituellement dans une occasion de péché ou dans le péché lui-même,  il n’y a aucun doute à avoir qu’ils négligent le commandement d’amour de Dieu.  Mais il n’est pas nécessaire qu’ils s’accusent de cette omission à leur confesseur, puisque la chose est comprise dans la mention d’occasion de péché ou de mauvaise habitude.  Le confesseur, cependant, devrait renseigner les pénitents insouciants sur l’obligation de l’amour de Dieu et de la récitation du notre père.  Le péché mortel enlève la direction des actions vers Dieu. Et bien qu’on ne soit pas obligé de renouveler cette direction immédiatement après le repentir, le report au-delà de quatre ou cinq mois serait, selon certains, considérable.

 1599- L’obligation de l’amour envers Dieu à la fin de la vie.   Le devoir de faire un acte d’amour de Dieu quand on est sur le point de la mort est admis par tous, dans les cas suivants.  Une personne moribonde est directement obligée de faire un acte d’amour de Dieu quand c’est le seul moyen qui lui permette d’obtenir la justification; quand elle n’est pas en état de grâce, et ne peut pas recevoir les sacrements.  Une personne mourante est indirectement obligée de faire un acte d’amour de Dieu quand il ne lui est pas possible, autrement, de s’exposer aux tentations de désespoir, de doute. 1600-  Le devoir de faire un acte d’amour de Dieu au moment où la mort s’approche, est considéré comme douteux par certains moralistes quand les points suivants sont moralement certains.  Quand le mourant a déjà suffisamment répondu au devoir de faire un acte d’amour de Dieu (quand il a fait cet acte avant de tomber en danger de mort), ou s’il  est maintenant en état de grâce, (quand il a reçu l’absolution avec l’attrition au moment du danger de mort); et aussi quand la personne mourante ne s’exposera pas, à cause de l’omission de l’acte de charité, à la violation de sérieux commandements.

 1601- Le prêtre qui assiste une personne mourante devrait agir ainsi :  il devrait lui rappeler l’obligation (de l’acte d’amour de Dieu) et devrait lui suggérer des motifs, et l’aider à dire la formule.  Dans plusieurs rituels, se trouvent des exhortations et des aspirations qui conviennent à un mourant.  Le prêtre devrait recommander l’acte de l’amour de Dieu, même s’il n’apparait pas qu’il soit obligatoire, et s’il n’en reçoit aucun dommage.  Car cet acte serait une excellente préparation à l’entrée de l’âme dans le ciel. Il ne devrait pas parler de l’acte d’amour de Dieu, si l’obligation est incertaine, et si un dommage en résulterait (le moribond est de bonne foi, et serait troublé s’il apprenait qu’il a l’obligation de dire un acte d’amour).

 1602- Jusqu’ici nous avons parlé de l’obligation que le précepte d’amour de Dieu impose directement,  ou par la charité elle-même.   Il y a aussi une obligation qui est indirecte, en raison de quelque vertu ou commandement distinct de la charité.  Ainsi, en vertu d’une vertu distincte de la charité, on est tenu de faire un acte d’amour de Dieu, si cet acte est le seul moyen d’éviter de pécher contre cette vertu.   Exemple.  Pierre subit de fortes tentations contre la justice, et découvre que seul l’amour de Dieu le détourne de pécher contre la justice.  Il devrait donc, quand il est tenté, faire un acte d’amour de Dieu.  En raison d’un commandement distinct de celui de la charité, on est tenu de faire un acte d’amour de Dieu, si, autrement, on ne peut pas observer correctement le commandement en question.  Ainsi, si quelqu’un a à recevoir ou à administrer un sacrement des vivants, ou  à administrer solennellement un sacrement, quand il n’est pas en état de grâce, et n’a pas la possibilité de recevoir l’absolution, il est obligé de faire un acte de contrition parfaite, qui inclut l’acte d’amour de Dieu.

.   1603- Un amour implicite du prochain est contenu dans n’importe lequel vrai acte d’amour de Dieu (1549. 1586).   Ainsi, on est tenu d’expliciter l’amour directement (par raison ou charité), quand la loi de la charité le requiert.   Par accident, la charité requiert un acte interne d’amour, lorsque, sans cet acte, un certain bien commandé par la charité (réconciliation avec un ennemi, des aumônes à un miséreux) ne serait pas fait, ou lorsqu’un certain mal interdit pas la charité (la haine, la vengeance) ne pourra pas être vaincu.  En elle-même, la charité ne semble pas requérir des actes explicites d’amour envers le prochain, mais seulement ces actes implicites contenus dans l’amour de Dieu. En pratique, cependant, les gens consciencieux font fréquemment des actes explicites de charité, comme quand ils prient pour les vivants et les morts, ou disent le notre père avec toute l’attention et toute la dévotion voulue.  On est tenu à l’amour explicite indirectement (ou à cause d’autres vertus que la charité), à part de l’amour explicite que les vertus ne peuvent pas exercées tel qu’il est commandé.   Pierre est souvent tenté de frauder Paul, et n’arrive pas à résister efficacement à la tentation, à moins  de se mettre dans une disposition charitable envers Paul.

 1604- La nécessité de la charité. L’habitus de charité est nécessaire comme moyen (360, 785) pour tous, enfants inclus.  Sans lui, on ne peut être sauvé. Car ce n’est qu’avec cette vertu qu’on possède l’inhabitation divine (1 Jn 1V, 16), et qu’on est fait ami de Dieu. Ceux qui n’ont pas la robe nuptiale de la charité sont jetés dans les ténèbres extérieures (Matt. XX11, 13).  L’acte de charité est nécessaire aussi comme moyen de salut pour tous les adultes, car ce n’est que par la charité actuelle qu’ils se tournent vers leur fin dernière.  Sans la charité actuelle ils sont dans la mort (1 Jn 111, 14).  Quelqu’un qui est justifié par l’attrition jointe au sacrement reçoit la grâce et l’habitus de charité. Et par son acceptation volontaire, il consent à l’amitié divine, et fait ainsi un acte de charité.  L’acte de charité est obligatoire, de précepte, au début de la vie morale, fréquemment durant la vie, et à l’heure de la mort (1594).

 1605- Est-il possible qu’un péché contre l’amour de Dieu ne soit que véniel ?  L’imperfection de l’acte rend un tel péché  véniel, quand quelqu’un désire, sans délibération, omettre un acte d’amour de Dieu.  La légèreté de la matière rend véniel un péché, quand l’acte n’est pas contraire à l’amour de Dieu, mais à côté de, comme quand on fait un acte d’amour de Dieu  avec un manque de ferveur coupable. 1606-   Comme l’ordre de charité est commandé comme une partie de la loi de la charité,  on est obligé d’aimer non seulement ceux qu’on doit aimer, mais aussi d’aimer davantage ceux à qui un plus grand amour est du.  Dieu doit être aimé au-dessus de toutes les créatures, puisqu’on doit l’aimer de tout son cœur (Deut. V1, 5; Matt. X, 37).  On doit s’aimer plus qu’on aime le prochain, car l’amour du prochain est commandé seulement comme semblable à l’amour de soi (Matt. XX11, 9).  On doit aimer son prochain plus que son propre corps, puisque nous devrions donner nos vies pour nos frères  (1 Jn 111, 16).  L’obligation de s’aimer et d’aimer le prochain est dans l’ordre suivant : nos biens spirituels, les biens spirituels du prochain, nos biens corporels, les biens corporels du prochain, nos biens externes, les biens externes du prochain.  Parmi nos semblables, ceux qui sont meilleurs ou qui nous sont  reliés de plus près devraient être aimés de préférence, car nous ne devons faire du bien à tous, mais spécialement à ceux qui sont de la famille de la foi  (Gal. V1, 10).  Et on blâme tout particulièrement ceux qui ne se soucient pas des leurs, ou de ceux de leur propre maison (Tim V, 8),  Les titres que le prochain a à notre aide (comme il a été expliqué à 1176 et suiv.) se rangent dans l’ordre suivant : la femme, les enfants, les parents, les frères et soeurs et autres parents, les amis, les domestiques, les citoyens d’une même ville,  l’état, la patrie, et tous les autres. L’ordre de charité est commandé parce que c’est un mode intrinsèque à l’accomplissement de l’acte de charité (1554).  C’est une circonstance sans laquelle l’acte de charité n’est pas en proportion avec la personne à laquelle il s’adresse.   Ainsi, l’amour donné à Dieu n’est pas en proportion avec l’amabilité de Dieu  s’il est moins grand que celui donné aux créatures.  L’amour donné aux membres d’une famille n’est pas en proportion aux droits qu’ils en ont s’il est inférieur à celui donné à de purs étrangers.   En conséquence, en dehors du cas d’un voisin nécessiteux, la loi de charité requiert qu’on lui manifeste la sorte d’amour interne qui correspond à la charité externe qui e lui est due. Ainsi, l’amour pour un père devrait être en proportion avec les marques externes d’amitié qu’on doit montrer à son père.  L’amour pour un frère, en proportion avec les marques externes d’amitié qui sont dues à un frère. Celui qui n’a pas d’amour filial pour ses parents, ou d’amour fraternel pour ses frères et sœurs,  n’accomplit pas la loi de charité.

 Quand le prochain est dans le besoin, la loi de charité requiert que l’amour intérieur soit proportionné à l’assistance charitable externe qu’on doit donner.  Ainsi, si un parent et un étranger sont dans une nécessité égale, un plus grand amour et une plus grande aide sont dus au parent.  Mais si un étranger est en besoin et si le parent ne l’est pas, un plus grand amour et une plus grande aide sont dus à l’étranger. Il faudrait, cependant, noter que l’amour du prochain est double.   L’amour obligatoire est celui qui est commandé, et qui est du à un autre comme une dette, comme l’amour pour Dieu, pour un parent, pour tous les êtres humains en général.  Le pourcentage d’amour qui est obligatoire pour ses semblables  n’est, bien entendu, pas infini. Car aucune créature n’est infiniment aimable.  Il  n’est pas non plus fixé mathématiquement.  Car, comme il a été dit plus haut, il peut être plus ou moins grand selon les circonstances. Mais il est comparatif ou relatif, c’est-à-dire qu’il devrait correspondre au droit plus ou moins élevé que quelqu’un a sur soi.

 L’amour optionnel ou l’amour de surérogation est celui qui n’est pas commandé, mais qu’on peut donner en toute légalité, comme une amitié spéciale, non commandée par le besoin, avec un ennemi ou un étranger.  Comme il n’y a aucun précepte relatif à cette sorte d’amour, il n’existe donc pas non plus de précepte portant sur l’ordre de l’amour,  comme entre ceux à qui le précepte d’amour est donné.  Si quelqu’un aime autant son cousin que son frère, et si cette personne a une propriété à léguer, sur laquelle aucun d’eux n’a de droit,  ce n’est pas contre la charité de donner plus au cousin qu’au frère, ou un peu au cousin, et rien au frère.   Cela suppose, cependant, qu’ en matière d’amour obligatoire, la préférence dans l’ordre de la charité ait été accordée au frère, comme il est expliqué à 1158-1182).
 

                                      ARTICLE 11

                                LE DON DE LA SAGESSE
                        (somme théologique 11-11 qq. 45, 46)
 

 1609- La sagesse est le don du Saint-Esprit qui correspond à la vertu de charité, et qui est à son service (159 et suiv; 808 et suiv.; 1041 et suiv.). Voilà pourquoi on en traite à cet endroit.  On traitera des points suivants :  la nature du don de sagesse, ceux qui possèdent le don de sagesse, la béatitude des pacifiques, qui appartient spécialement à la sagesse.  Le péché de folie qui est opposé à la sagesse.  Il est loin d’être impropre d’accorder de la place en théologie morale aux dons du Saint-Esprit (comme s’ils n’étaient le fait que du plus haut mysticisme).   Il est même nécessaire d’y insister.  Les dons sont essentiels au salut, et jouent un grand rôle dans la vie spirituelle de tous les jours, en corrigeant ou en renforçant les vertus, ou en donnant une direction immédiate venant du Saint-Esprit.  L’homme, il est vrai, ne les met pas en acte, mais c’est le rôle de l’homme de les évaluer, de se ternir toujours prêt à les recevoir,  et de réagir à leurs éclaircissements susurrés et à leurs conseils.   Les dons du saint Esprit sont l’âme-même de la théologie, et de la vie chrétienne.

 1610- La nature du don de sagesse.  On définit la sagesse comme un habitus capable de juger les choses à la lumière de la cause première, le bien suprême,  qui est infusée dans l’âme avec la grâce sanctifiante.  La sagesse est un habitus, et ainsi, elle diffère des actes passagers. Ainsi, un home en état de péché qui évite l’idolâtrie, juge, à la lumière de la cause la plus élevée, qu’on ne doit pas adorer les créatures.  Mais il lui manque l’inhabitation du Saint-Esprit, et en conséquence, ne juge pas en vertu de cet instinct spécial ou puissance,  qui origine de l’inhabitation du Saint-Esprit.   La sagesse juge,  et cela la sépare des habitus qui appartiennent à la volonté (les dons de piété, force et crainte), ainsi que des habitus dont l’acte le plus important est l’assentiment (la foi) ou de pénétration (le don de compréhension). La norme à partir de laquelle la sagesse juge les choses est la première cause de toutes, ou le bien suprême, comme quand notre Seigneur a expliqué que la condition d’un aveugle-né était due au dessein qu’avait Dieu d’être glorifié par elle (Jn 1X, 3).  Le sage est celui qui retourne aux premiers principes, aux origines des choses, aux buts ultimes.  Mais ce ne sont pas toutes les sagesses qui évaluent les choses d’après le bien suprême.  Le don de sagesse est donc distinct de la sagesse coupable, celle qui n’est sage que pour faire le mal  (Jer. 1V 22); d’une sagesse particulière,  qui comprend bien la théorie et la pratique des sciences, des arts, des professions, et qui est donc capable de décider correctement, et d’agencer avec succès certaines matières  qui relèvent de sa sorte d’activité, comme en médecine, en architecture, en stratégie miliaire (1 Cor 111, 10)

 Les choses qui constituent l’objet de la sagesse sont, en premier lieu, les choses divines (les attributs, les plans, le gouvernement, les opérations de Dieu); et, en second lieu, dans l’ordre spéculatif (l’esprit et la matière, le bien et le mal, la science, la  religion, l’histoire),  ou dans l’ordre pratique (les actions humaines).  La sagesse contemple le divin comme il est connu par la foi, ou la vision béatifique;  et ensuite, avec les choses de Dieu comme sa règle, elle juge les choses de la terre, et dirige la conduite des hommes.  L’homme spirituel juge toutes choses (1 Cor 11, 15).  Ainsi, la sagesse diffère des dons de connaissance et de conseil, car la connaissance se rapporte directement aux causes secondaires, et monte de la créature au Créateur.  Mais le conseil n’est pas un don spéculatif mais pratique.  Il est une réponse à la direction donnée par le Saint Esprit pour la guidance de la conduite.   Le don de sagesse est une perfection infusée de l’intelligence qui, elle aussi, juge les choses humaines et divines par les premières causes (145).  Elle diffère de cette vertu, même en référence aux mêmes objets, en raison de sa différente sorte d’approche.  La théologie et la philosophie jugent correctement parce qu’elles utilisent l’étude et l’investigation de la raison.  Mais le don de sagesse a un jugement correct parce qu’il ne dépend pas de l’analyse, de l’argumentation, mais d’une connaissance surnaturelle  possédée par la foi, ou la vision,  et une expérience surnaturelle de Dieu par la charité.   La sagesse peut s’exprimer, bien entendu,  par des concepts et un langage philosophique ou théologique,  mais ce n’est pas grâce à un processus scientifique qu’elle connait et juge.
 

  Le don de sagesse est insufflé dans l’âme en même temps que la grâce sanctifiante, car, comme les autres dons du Saint Esprit, il a pour fonction, de suppléer, par l’action de l’Esprit Saint,  au contrôle exercé par la grâce, lequel est imparfait à cause des limites de vertus.  Le don de sagesse est donc un fait ordinaire et normal dans la vie spirituelle; et on ne doit pas le confondre avec des phénomènes extraordinaires rares, avec la parole de sagesse (1 Cor X11, 8) qui avait été accordée aux apôtres, et à d’autres; ni avec la claire contemplation de Dieu qui avait été donnée dans l’état d’innocence; ni avec la connaissance infinie, ou la lumière de gloire dont  jouissait le Christ et certains autres saints pendant qu’ils étaient encore sur la terre. Tous ceux qui sont en état de grâce possèdent le don de sagesse; mais un petit nombre seulement a reçu la parole de sagesse, c’est-à-dire la capacité d’instruire les autres dans les plus hauts mystères de la foi, et de  leur expliquer avec aisance et dans des mots appropriés, les mystères et leurs relations avec la cause suprême.  Ces deux grâces sont surnaturelles, mais alors que tous ont besoin du don de sagesse pour leur propre sanctification, la parole de sagesse n’est nécessaire que dans certains cas, et pour la sanctification des autres.

  1611- Nous voyons, par la définition donnée, que la sagesse appartient aussi bien à la volonté qu’à l’intelligence.  Dans sa cause, la sagesse appartient à la volonté.  La cause d’un jugement droit, par le moyen de choses divines, est soit la convenance de l’intelligence qui sait très bien comment juger, ou la convenance de la volonté qui tend vers les choses divines.  Ainsi, celui qui est très versé dans la science morale rendra  une décision correcte sur un cas de chasteté, selon qu’il relève de la recherche de la raison.  Et celui qui est chaste jugera correctement le même cas, même sans science morale, par la seule connivance qu’il a avec la vertu.  La vertu intellectuelle de sagesse juge donc correctement parce que l’intelligence opère sainement.  Mais le don de la sagesse est correct dans ses jugements parce que la volonté a été unie à  Dieu par la charité, de sorte qu’il en est résulté une capacité idoine de juger des choses de Dieu. Donnez-moi quelqu’un qui aime, et il comprendra ce que je dis. (Saint Augustin trait. XXV1, en Jn)  Dans son essence, la sagesse appartient à l’intelligence, car elle consiste dans les jugements.  Et c’est un acte qui n’est pas exercé par les affections, mais par la raison.   A travers l’amour, l’âme devient un seul esprit avec Dieu (1 Cor V1, 17); et c’est la volonté qui fait l’expérience de la douceur de cette union (Ps. XXX111, 9). L’intelligence, ensuite, porte un jugement sur le divin qui a été l’objet de la communion mystique.  Le don de sagesse, construit comme il est sur la foi et la charité,  diffère totalement de l’interprétation privée de la révélation (laquelle est une révolte  contre la foi), et de l’expérience modérée du divin (que l’on explique comme une intuition naturelle, par un sens religieux spécial, qui est divine, et seulement subjective et inconnaissable.

  1612- De la définition et de l’explication de ce don de sagesse, il découle que ce don est autant pratique que spéculatif.   Premièrement, la sagesse est spéculative, car on doit considérer les choses divines en elles-mêmes avant de les appliquer aux autres choses.  De plus, l’objet de la sagesse est Dieu, qui est la première vérité dans l’ordre de la connaissance et de la spéculation.  C’est par la sagesse, donc, aussi bien que par les autres dons intellectuels ou les grâces extraordinaires, que l’acte de la contemplation suprême s’exerce.  Mais la sagesse est plus parfaite que les autres dons, et elle pense Dieu comme transcendant, en perfection, tout degré connu ou connaissable d’excellence, et comme étant plus vraie, plus belle, plus aimable (Eph 111, 17, 19).

  Deuxièmement, la sagesse est pratique, car le Dieu qu’elle contemple est la règle suprême de l’action, comme aussi la première vérité.  Ainsi, le don de sagesse, qui est le plus haut  des dons,  unit en lui-même ce que l’on trouve séparé dans les  vertus inférieures : la qualité spéculative de la vertu de sagesse, et la qualité pratique de la prudence (1620).  1613-   Les usages pratiques principaux du don de la sagesse sont indiqués en Coloss 111, 16, 17; 1V, 6). Que la parole de Dieu habite en vous abondamment en toute sagesse, vous enseignant et vous admonestant dans des psaumes, des hymnes, et des cantiques spirituels, chantant à Dieu  dans la grâce dans vos cœurs. Tout ce que vous faites en parole ou en acte, faites tout au nom de Jésus-Christ.  Marchez avec la sagesse en direction de ceux qui ne l’ont pas, rachetant le temps. Que votre parole soit toujours inspirée par la grâce, et assaisonnée de sel.

  La contemplation des choses divines est utile pour l’instruction dans les vérités de la foi, et les devoirs de la religion (nous enseignent et nous admonestant les uns les autres), cat l’esprit devient, en un certain sens, divin, comme les choses sur lesquelles il réfléchit, est rempli de la connaissance de Dieu et du Christ, et des moyens qui mènent à la sainteté.  La sagesse aide quelqu’un à remplir le devoir de prier Dieu avec révérence et une dévotion intérieure (chantant à Dieu dans vos cœurs).  Cat la sagesse fait percevoir la douceur et l’attirance des choses divines.  Elle dirige autant les paroles que les actions (faites tout au nom de Christ).  Car l’intelligence qui juge les choses dans la lumière de l’éternité et avec la ferveur de la charité divine, n’égarera personne en matière de salut.  Elle rend quelqu’un capable de tirer profit des occasions d’édification (rachetant le temps), car l’exemple d’une vie dirigée par le tendre amour de Dieu, par la bonté et la courtoisie envers tous, est une recommandation de la vertu et de la religion, aux yeux du monde.

  1614- La sagesse est un don du Saint Esprit,  et on la nomme avec les  six autres communications de l’Esprit Saint. Et l’Esprit du Seigneur reposera sur lui, l’esprit de sagesse (Is X1, 2).   La ressemblance avec les autres dons. Les dons du Saint Esprit sont des énergies infusées dans les puissances de l’âme, comme des instruments de gouvernance surnaturelle de l’Esprit qui y habite, comme les vertus morales sont les instruments de la gouvernance de la raison.  Les vertus infuses (foi, charité), à la différence des vertus acquises (la tempérance, la force), ne suffisent pas pour le gouvernement de l’âme.  Car, comme les unes sont selon la nature, les autres surpassent la nature, et sont reçues par elle imparfaitement.  D’où le besoin des dons, qui, sur la terre,  suppléent  aux vertus infuses, les fortifiant contre les vices contraires, développant des actes secondaires des vertus, que les vertus diverses ne font qu’initier;  Ils perfectionnent, au ciel, les élus dans le bien.   Différence avec les autres dons.  La sagesse dont parle Isaïe à l’endroit cité, possède elle aussi le rang le plus élevé parmi les  dons, selon les  théologiens, à cause de son élévation plus grande, de son but plus étendu, et la puissance directrice qu’elle exerce.   Enfin, la sagesse a pour assignation d’être le don qui sert la charité, la reine des vertus.   La charité aime Dieu plus que tout. La sagesse demeure avec délectation dans l’objet de son amour (Sag. V111, 16), regarde la vie avec les yeux de l’amour, et, en dirigeant ses actions humaines, leur communique quelque chose de la saveur et de la douceur de la divine charité.

  1615- Les personnes qui possèdent la sagesse.  Le don de sagesse, comme il a été  dit plus haut (1610), est donné avec la grâce sanctifiante, et, en conséquence, ceux et seulement ceux qui ont l’amitié divine ont le revêtement surnaturel.   Seuls ceux qui sont en état de grâce ont la sagesse divine, car sans l’amour de Dieu, il est impossible ce jugement droit des choses qui est consécutif à la délectation dans les choses divines et qui a  une connaturalité aux choses divines.  C’est pourquoi il est dit : La sagesse n’entrera pas dans une âme malicieuse, et ne demeurera pas dans un corps adonné aux péchés (Sag. 1, 4),   Tous ceux qui sont en état de grâce  ont le don de sagesse, car l’homme est si faible, et les vertus surnaturelles sont si élevées au-dessus de lui, même quand il a reçu ces vertus, qu’il est incapable d’en faire un usage approprié, ou de les conserver vivantes  en temps de tentation, à moins qu’il ait reçu les forces supplémentaires  qui le rendront capable d’obéir plus facilement et plus promptement, à la voix et à l’impulsion du Saint Esprit.  Ainsi, la charité destine l’homme à la béatitude, mais à moins qu’il n’ait la sagesse voulue pour valoriser cette vertu et ce privilège, pour mépriser la fausse sagesse du monde, pour penser dans la joie à l’amour de Dieu,  et pour en faire la norme de ses jugements et décisions, il ne progressera pas dans la charité, ni ne persévèrera pas, et n’arrivera pas à la béatitude à laquelle il est destiné.

  1616- Bien que tous ceux qui sont en état de grâce possèdent tous les dons du Saint-Esprit, ces dons ne sont pas possédés de la même façon par leurs détenteurs.  Il faudrait donc noter les points suivants au sujet de ce don de sagesse.  Les dons, comme les vertus infuses, sont la possession habituelle des enfants baptisés et des fous, et sont la possession actuelle des adultes.   Les enfants ont la possession mais non l’usage de certains dons naturels (raison, responsabilité).  De la même façon, la vie et les pouvoirs surnaturels leur sont donnés gratuitement par la régénération baptismale, mais l’exerce de cette vie et de ces pouvoirs est paralysé par leur incapacité de réaliser la grandeur de ce qu’ils possèdent, et d’en faire usage.  Le manque de développement corporel qui empêche l’usage de la raison naturelle, empêche aussi l’usage de la sagesse surnaturelle.   Le don de sagesse le possèdent tous ceux qui sont en état de grâce. Mais dans son extension, qui est la parole de la sagesse, il n’est possédé que par des âmes sélectes, qui ont une mission spéciale de Dieu (1610).   Avec la grâce sanctifiante, tous reçoivent le don surnaturel de juger correctement au sujet des choses divines, et de réguler sa conduite avec elles, en autant que la chose est nécessaire pour atteindre le salut.  Autrement, nous devrions dire que la grâce est inférieure à la nature,  et ne procure pas ce qui est nécessaire à sa fin.  Mais la capacité d’expliquer des choses célestes de façon à entraîner les autres à  adhérer à la vérité, et d’appliquer des doctrines célestes à la conduite d’autres personnes, de façon à les mener au bien,  est un des dons donné gratuitement, que l’Esprit Saint répartit selon sa volonté (1 Cor X11, 11) A l’un par l’Esprit est donné une parole de sagesse, à un autre une parole de connaissance (ibid. 8).

  1617- Le don de sagesse en lui-même (en tant qu’il est voulu pour le bien du récepteur, et non pour le bénéfice des autres) est possédé, lui aussi, en des degrés variés.  Ainsi, différentes personnes ne possèdent pas ce don d’égale façon.  Car, à certains est accordée la contemplation de mystères plus élevés non accordée aux autres;  et la sagesse supra humaine joue un plus grand rôle dans la direction de certaines vie que dans d’autres.  La même personne ne possède pas la sagesse au même degré en tout temps.   Ainsi, dans le baptême, tous les sept dons sont reçus,  mais, dans la confirmation, ils sont en quelque sorte perfectionnés en eux-mêmes, par un plus grand raffinement, ou par une plus grande sensibilité à l’action du Saint Esprit. Ou, en ce qui a trait à leur possession, ils augmentent leur emprise sur le bénéficiaire des dons,

  1618- L’exercice du don de sagesse.   Le magistère externe (la révélation et l’enseignement de l’Église) présente les vérités de foi à l’esprit du croyant.  Le prédicateur interne, l’Esprit-Saint, illumine l’âme avec la sagesse, de façon a insister sur les premiers principes de la foi, et fait que leur amour contrôle ses jugements, ses paroles et ses actions. Vous avez reçu l’onction du Saint Esprit, et vous savez toutes choses (1 Jn, 11 20), c’est-à-dire, tout ce qui est nécessaire au salut.

  1619- La béatitude et les fruits qui correspondent à la sagesse.   Les dons du Saint Esprit, en suppléant aux imperfections des habitus de vertus (en protégeant la foi contre la monotonie de la perception, l’espérance contre la présomption, la charité contre le dégoût des choses divines), donnent à ces vertus un perfectionnement semblable à celui qu’elles auront dans l’état de béatitude, et, à leur exercice, une allégresse correspondante.  En conséquence, aux dons qui sont de très excellents habitus, correspondent des actes de vertu très parfaits et très agréables, connus sous le nom de béatitudes et de fruits.  La sagesse manifeste une connivence toute spéciale     avec la septième béatitude (Bienheureux les pacifiques, car on les appellera fils de Dieu Matt. V, 9), au sujet de leurs mérites, et de leurs récompenses.  Le travail de la sagesse est de réduire toutes choses à l’unité, de voir la vie et le monde comme un tout, de voir les créatures comme des parties d’un grand tout.  Semblablement, le travail des pacifiques est de mettre un terme aux dissensions et aux divisions, et de réconcilier les puissances avertisseuses de l’âme, ou d’introduire de l’harmonie entre celles qui sont en inimitié.  La sagesse qui est d’en haut est pacifique  (Jacques  111, 17).  De plus,  la récompense promise aux pacifiques est  qu’ils seront appelés les fils de Dieu.  Et de la sagesse on peut dire qu’elle fait de quelqu’un une image du Fils de Dieu, qui est la sagesse éternelle.

  Les fruits du Saint esprit qui sont assignés à la sagesse sont les suivants.  En ce qui a trait à Dieu, la charité, ou un amour tendre de Dieu,  La charité de Dieu est répandue  dans nos cœurs  (Rom V, 5);  la joie ou les délices de l’union avec Dieu. Réjouis-toi toujours dans le Seigneur ! (Philip. 1V, 4); la paix et la sécurité dans la jouissance de Dieu. Il y a une grande paix pour ceux qui aiment ta loi  (Ps. CXV111, 165).  Les fruits qui se rapportent à l’amour du prochain sont les suivants.  La bonté, ou une bienveillance interne caractérisée par la douceur.   Le fruit de la lumière est dans toute bonté (Eph. V, 9); et la bonté ou une bienfaisance accompagnée de joie.  Le Seigneur aime celui qui donne avec joie (11 Cor 1X, 7).  1520- Saint Jacques (111, 17, 18) décrit la direction que la sagesse donne aux actions humaines (1612, 1613), et le fruit de la paix à laquelle il les conduit est le suivant. La sagesse qui est d’en haut est d’abord  chaste, puis pacifique, modeste, facile à être persuadée, consentant au bien, pleine de pitié et de bons fruits, sans juger, sans dissimulation. Et le fruit de la justice est semé dans la paix à ceux qui font la paix. Ainsi, en tout premier lieu,  la sagesse nous dirige pour que nous fassions la paix à l’intérieur de nous, en suivant la modération quand on peut décider pour soi-même, en cherchant des avis quand on est en doute.  La sagesse nous dirige ensuite pour que nous vivions paisiblement avec les autres, pour que nous ayons  de bonnes dispositions envers  eux et leurs bénéfices.  Pour que nous soyons compatissants, et que nous les aidions dans leurs détresses.  Non mal intentionnés ou hypocrites en critiquant leurs défauts.  Enfin, après avoir semé dans la paix, la sagesse moissonne la paix de la sainteté.

  La fausse sagesse mène aux péchés opposés à la sagesse. 1621-   Les péchés opposés à la sagesse.  Comme l’aveuglement ou la monotonie,  c’est-à-dire le manque de perception dans les choses spirituelles, sont  opposés au don de compréhension (912), ainsi la stupidité et la folie, c’est-à-dire l’absence de tout jugement droit dans les choses spirituelles, sont opposées au don de sagesse.  1622-  On définit la folie comme une lenteur ou une noirceur de l’âme qui est due à un défaut moral, et qui rend difficile à quelqu’un de porter un jugement droit au sujet de la fin dernière des choses et du bien suprême.  La folie est lente et téénébreuse, et est ainsi le contraire de la sagesse, qui est  alerte et perceptive.  C’est un défaut du jugement au sujet de ce qui est le plus important dans la vie, et des choses qui ont la valeur la plus grande.  Elle est donc différente de la simplicité innocente de plusieurs bonnes personnes, dont le jugement n’est pas sain dans les affaires de ce monde.  Elle tire son origine de la faute morale, et ne doit donc pas être identifiée avec l’ignorance invincible, qui est une imperfection physique causée par la nature, comme chez les faibles d’esprit et les fous. 1623-  Comme la vraie sagesse semble de la folie au monde, ainsi la vraie folie semble de la sagesse pour le monde (1 Cor 111, 18).   Il y a une sagesse contrefaite qui place sa fin dernière dans un objet créé. Ce qui est une folie devant Dieu.  Saint Jacques (111, 15) décrit la fausse sagesse comme étant terrestre, sensuelle, diabolique etc. Et ces mots expriment très bien trois classes principales de sagesse mondaine.  Quelques-uns des sages selon le monde visent, d’abord et avant tout, à amasser et à augmenter leurs richesses ou d’autres possessions externes.  D’autres cherchent d’abord et avant tout le plaisir, la santé, le confort, ou d’autres biens corporels. D’autres imitent Lucifer, qui est le roi des fils d’orgueil, (Job XL1, 25), et consacrent toute leur vie à la poursuite d’une excellence mondaine, ou des honneurs et de la gloire.

  1624- La folie que nous considérons maintenant est double, car elle est un choix volontaire du mal, une violation des commandements, et la ruine de l’homme.  Dans l’Écriture, le mot fou est appliqué au méchant, à l’impie, aux objets de la colère divine (Ps. XV111, 1).  Et voilà pourquoi notre Seigneur a prononcé des peines sévères contre ceux qui donnent le nom de fou à quelqu’un (Matt. V, 22).  La folie est un choix volontaire du mal, car elle consiste à se détourner des choses spirituelles, ou de se plonger complètement dans les choses du monde.  Avec le résultat qu’on devient incapable de juger correctement les valeurs de l’existence humaine. L’homme animal ne perçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu  (1 Cor. 11, 14).  Mais le fait que son goût est perverti, et qu’il ne ressente aucun attrait pour le spirituel, est du à  son rejet personnel du bien, et à sa culture du mal.   La folie est une violation des commandements qui se rapportent à  la connaissance de la vérité et à sa recherche (914). Voyez comment vous marchez, non comme des insensés, mais comme des sages.   (Eph. V, 15, 16).   La folie mène à la perdition,  Comme elle est fautive dans ses jugements, elle échange le futur pour la satisfaction présente, et vend son droit d’ainesse pour un plat de lentilles. La prospérité des fous les détruit  (Prov. 1, 32). Insensé, on te réclamera ton âme cette nuit ! (Luc X11, 20).

1625-  Les causes du péché de folie, comme il a été dit plus haut, (1623), sont les conceptions mauvaises et pécheresses de la vie, qui font juger toutes choses d’après les normes du gain, du plaisir, et du pouvoir, plutôt que d’après la première cause, en comparaison de laquelle tous ces biens ne sont que trivialités.   Mais au milieu de tous ces vices qui éloignent l’humanité de la sagesse, la luxure l’emporte haut la main, parce que sa force d’attraction est plus grande, et son emprise sur l’âme plus complète.  Comme la chasteté dispose à la contemplation céleste et la sagesse, par le raffinement, l’élévation et la spiritualisation qu’elle donne à l’esprit, la sensualité détourne tout spécialement  de ces choses par la grossièreté, la dégradation et le matérialisme que l’on trouve au réveil.

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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction

Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.

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