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John A. McHugh, o.p. - Charles J. Callan, o.p.
THEOLOGIE MORALE un cours complet selon saint Thomas d'Aquin et les meilleurs auteurs modernes

Imprimatur Francis cardinal Spellman, Archbishop of New York, New York, May 24, 1958
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ARTICLE 3 : LES PARTIES SUBJECTIVES DE LA JUSTICE COMMUTATIVE ET DISTRIBUTIVE
     (somme théologique, IIa-IIae, qq. 61, 62)

 1745- Les trois espèces de justice. Les parties subjectives d’une vertu  sont celles qui participent à son essence, et qui sont les espèces subordonnées dans lesquelles elle se ramifie.  Comme la prudence qui se divise en individuelle, domestique et politique (1639).  Il y a trois espèces de justice, et leurs divisions viennent de la triple relation qui existe dans un tout.   Ainsi, la justice légale dirige les parties de façon à ce qu’elles respectent les droits du tout.  Et elle est exercée par tous ceux qui promeuvent le bien commun d’une société, en remplissant bien les devoirs qui leur sont demandés par leur position ou leur rang dans la société.  La justice distributive régule le tout en référence aux parties, et elle est exercée par tous ceux qui aspirent à la distribution des choses communes de la société pour harmoniser l’inégalité des mérites avec la capacité des membres.   En conséquence, la justice distributive se trouve non seulement dans les chefs d’état, dans la famille, ou dans d’autre corps, mais aussi dans les subordonnés qui sont contents de la juste distribution des biens faite par les gouvernants.  La justice commutative ordonne les relations entre les parties, et elle est exercée par tous ceux qui ont des rapports honnêtes avec leurs semblables, c’est-à-sire par des états avec des états, des familles avec des familles, des sociétés avec d’autres sociétés semblables, des individus avec d’autres individus. Et avec ceux qui agissent comme leurs égaux, comme quand une société, agissant comme une personne morale, fait un contrat avec un de ses membres considéré comme une personne morale.

 1746- Les ressemblances entre la justice commutative et la justice distributive.  On peut résumer comme suit la ressemblance entre les deux.   Elles ont la même matière éloignée, puisque elles sont toutes d’eux intéressées aux choses externes, personnes ou actions.   Ainsi, la communauté peut  distribuer à ses membres des choses comme les biens de la fortune. Ou ils peuvent être échangés, ces biens,  par les individus entre eux.  Les travaux qui doivent être faits peuvent être confiés à la communauté, ou peuvent faire l’objet de contrats par des personnes privées.  Les vertus citées ont la même forme générale, puisqu’elles essayent toutes les deux à imposer l’égalité dans la matière qu’elles traitent, en rendant dans chaque domaine ce qui est du à chacun, et en faisan en sorte que les actions de l’homme envers autrui respectent le juste milieu  de la raison et de la chose (1711).

 1747- Les différences  spéciales entre la justice distributive et la justice commutative.  Elles diffèrent dans leur matière prochaine, c’est-à-dire  dans l’opération par laquelle on fait usage des choses externes, des personnes ou des travaux.  Car bien que la justice distributive agisse par le moyen des échanges, ou de transferts d’une personne à l’autre, elles diffèrent dans leur forme spéciale, car la justice distributive recherche l’égalité et le milieu doré selon la proportion, tandis que la justice commutative cherche la même chose selon la quantité (1712).   La justice distributive ne traite pas les parties comme des égaux, mais donne à chacun selon ce qu’il vaut personnellement : à ceux qui le méritent davantage, les positions supérieures et les plus haut salaires, et les postes et les salaires inférieurs aux moins méritants.   La justice commutative, d’un autre côté, traite les parties comme des égaux.  Elle décrète que les dettes doivent être payées et les torts réparés, même si la rémunération ou la réparation doivent être faites  par un homme bon à un mauvais.  Et la réparation doit être égale à l’offense ou à la dette.

 1748- Les commutations de la justice commutative.  Il y a différentes sortes de commutations ou d’échanges dont fait usage la justice commutative, mais elles ne créent pas de nouvelles espèces de justice, puisqu’elles ne sont que des modes accidentels de l’acte de donner l’équivalent de ce que l’on reçoit. Les commutations involontaires.      Les commutations involontaires sont celles dans lesquelles une réparation est faite pour l’usage qu’on a fait, contre la volonté de quelqu’un,  de ses choses, des personnes ou des œuvres qui lui appartiennent.   Ainsi, on se sert illégalement de la propriété d’un autre par un vol secret et un cambriolage fait au grand jour; la personne d’un autre est offensée par le meurtre ou des blessures; l’honneur d’un autre par des calomnies et des détractations; on se sert des droits d’une autre personne illégalement en commettant l’adultère avec sa femme, en séduisant sa servante etc.

 Les commutations volontaires  sont celles dans lesquelles une compensation est faite pour un bénéfice que quelqu’un retire, avec le consentement du propriétaire, de quelque chose qui lui appartenait; ou dans laquelle quelqu’un donne ou retourne à un autre ce qui appartient à l’autre.   Elles incluent les diverses formes de contrats, d’ententes entre deux parties dans lesquelles le consentement des deux à une même proposition est manifesté extérieurement, et dans lesquelles on s’oblige mutuellement à respecter les termes de l’entente.
 

 1749- Les formes de contrat. Voici quelles sont les formes principales de contrats.  Les contrats gratuits ne confèrent un avantage qu’à un seul des contractants. Dans ces contrats, aucun paiement ou compensation pour ses actes ou ses biens n’est fait par une partie à l’autre.  Ils incluent les contrats unilatéraux qui ne produisent d’obligation que pour un côté seulement (promesse, don, testament); et les contrats bilatéraux qui produisent des obligations des deux côtés. Les contrats bilatéraux sont aussi connus sous le nom de cautionnements, ou d’ententes,  par le moyen desquels une chose ou une entreprise est transférée d’une personne à une autre société, à la condition qu’une ristourne soit faite au propriétaire.  Ils incluent les contrats suivants : des prêts,  qu’on doit retourner au prêteur tels qu’empruntés, ou au moyen  d’une chose de valeur égale.  Un dépôt, qui veut qu’on retourne  une chose après l’avoir conservée.  Une agence, dont c’est le rôle de gérer les affaires d’un autre, avec obligation de faire des retours d’argent, soit en vertu d’un contrat exprès, ou soit en vertu d’une entente.   Dans les accommodements et les échanges, le dépositaire a l’avantage; dans les trois autres cas, c’est l’autre.

 Les contrats onéreux portant sur quelque chose de certain sont ceux qui confèrent un avantage aux deux parties, et dont la chose sur laquelle on est tombé d’accord est certaine et définie.  Ils incluent des contrats dans lesquels une partie transfère le droit de propriété à une autre (l’achat et la vente, le troc, le prêt à intérêts, les contrats pour rentes, les valeurs mobilières et les bonds), ou les opérations financières  profitables  (un bail, l’accord  avec un contracteur, ou l’embauche d’ouvriers); et les contrats dans lesquels les deux parties transfèrent leurs droits à une personne morale dont ils sont les membres (partenariat). Les contrats onéreux de chose incertaine sont ceux que l’on fait pour sécuriser les contrats principaux auxquels ils sont annexés, ou dans l’intérêt desquels ils sont faits, comme la garantie, l’assurance,  les gages, l’hypothèque.

1750- L’égalité recherchée par la justice commutative. L’égalité dans la quantité recherchée par la justice commutative signifie que, dans des transactions involontaires,  l’offenseur doit subir une peine égale à l’offense qu’il a faite, ou doit payer une compensation égale au dommage causé; et que, dans les transactions volontaires, on doit donner la même chose que ce que l’on reçoit.  Mais on peut réaliser cela de deux façons.  On peut entendre l’égalité au sens de l’identité dans l’espèce.  C’est-à-dire qu’on doit prendre ou retourner une chose de la même espèce (vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent).   Cette sorte d’égalité fera l’affaire dans certaines circonstances, comme dans des cas d’échange de biens. Mais ce ne serait pas une règle qui serait juste pour les deux parties en cause.  Ainsi, si un sujet frappe un chef d’état, il ne sera pas suffisamment puni s’il est frappé à son tour par le chef d’état,  car l’offense faite à un chef d’état est plus grande en raison de sa dignité.  Quand quelqu’un vole une vache ou une brebis, il n’est pas suffisamment puni s’il ne fait que rendre ce qu’il a pris  Car il ne souffrirait aucune perte, et la communauté dont il a troublé la paix n’aurait pas de satisfaction (Exod. XX11, 1).  Si quelqu’un échange une vache pour une autre vache, ou si un cordonnier échange ses produits pour des habits faits par un tailleur,  l’échange peut être injuste puisqu’une des choses donnée par l’un peut être meilleure que ce qui a été donné par l’autre.  On doit comprendre l’égalité comme une identité de valeur, au sens où la chose prise ou retournée a la même quantité de bonté ou d’excellence que la chose reçue.  Il importe peu qu’elle diffère ou non selon l’espèce.  On doit observer cette sorte d’égalité, et en faire une règle, aussi bien dans les transactions volontaires que dans les involontaires.  Ainsi, pour des avaries causées à des marchandises, le paiement se fait en argent, ou vice versa.   Si l’égalité dans la valeur n’est pas possible,  parce que le bien qui est du à quelqu’un est d’un meilleur niveau que celui qu’il peut recevoir, il semble que la justice ne requière qu’une égalité approximative, autant qu’il est possible. Ainsi, le grabuge ou la diffamation devraient être compensés par les biens de la fortune (1802, 2090).

1751- Restitution.  La justice ne commande pas seulement que l’on paie ou que l’on retourne ce qui est du dans les transactions volontaires,  mais aussi que l’on répare le tort causé dans les transactions involontaires.   Mais on ne doit pas confondre les quatre actes suivants : le paiement, la restauration, la satisfaction et la restitution.   Ainsi, le paiement est la remise par une personne à une autre personne d’une chose de valeur,   en retour pour une autre chose de valeur.  Il est évident que le paiement diffère  de la satisfaction et de la restitution, puisqu’il suppose qu’aucun acte d’injustice n’a été commis.  La restauration est le retour à quelqu’un d’une propriété, dont il avait une juste possession, comme quand un emprunteur retourne ce qu’il a emprunté, ou quand quelqu’un retourne le dépôt qu’on lui avait confié.  Elle diffère aussi de la restitution et de la satisfaction, puisque c’est une transaction volontaire (1792, 1793).

1752- Les différences entre la satisfaction et la restitution.   Elles diffèrent par leur principe ou cause, puisque la satisfaction est due pour les offenses faites à l’honneur, mais la restitution est due aux dommages faits aux biens par un recel injuste, ou par des dommages injustes.   Ainsi, une personne qui a déshonoré une autre personne (par manque de respect), est tenue à la satisfaction; quelqu’un qui a offensé  un autre en détruisant ses biens, est tenu à restituer; quelqu’un qui a offensé et déshonoré quelqu’un en ajoutant des insultes au vol, est tenu à la satisfaction et à la restitution.   La satisfaction et la restitution diffèrent par leur terme ou objet, puisque la satisfaction est principalement concernée par la personne à laquelle doit être faite une réparation, tandis que la restitution s’intéresse principalement à la chose que l’on doit retourner telle quelle, ou dans une chose de valeur équivalente.

1753- Quand la restitution est-elle due ?  La restitution est l’acte par lequel quelqu’un redevient possesseur de ce qui lui est du, parce que cette chose lui appartient en vertu d’un droit strict dans la chose ou vers la chose.  En d’autres termes,  elle rétablit l’égalité qui existait avant qu’un dommage soit causé aux biens d’un autre.  Ainsi, la restitution n’est pas due pour violation de vertus autres que la justice, parce que ces vertus ne se soucient pas des obligations strictes et des droits.   La repentance et la satisfaction sont dues pour tous les péchés.  Mais elles ne sont pas la même chose que la restitution.  En conséquence, quelqu’un n’est pas tenu  à la restitution  s’il a refusé d’aider avec des aumônes des gens dans le plus grand besoin; ou s’il n’a pas pris soin d’éteindre un feu ou de prévenir un vol,  sous prétexte qu’il n’y était pas tenu par son travail.  Ce sont là des fautes contre la charité, mais non contre la justice.   La restitution n’est pas due pour la violation de vertus qui appartiennent à la justice, mais ne confèrent pas des droits stricts.   En conséquence, ce n’est qu’une violation de la justice commutative  qui comporte l’obligation de restitution.  Ainsi, si quelqu’un a été bourru ou ingrat, il n’a violé aucun droit légal, et il n’est tenu à aucune restitution.

1754- Est-ce que l’injustice distributive oblige à restituer ?  S’il n’y a eu qu’une injustice distributive de commise (si les parents donnent tout ce qui est nécessaire à leurs enfants, mais font des passe droits, en donnant des faveurs spéciales à ceux qui sont  les moins méritants)  il n’y  a aucune obligation de restitution, car personne ne possède de droits à des faveurs spéciales.  Si l’injustice commutative accompagne l’injustice distributive (si un homme d’état s’était engagé par écrit à  donner les meilleures positions à ceux qui réussissent le mieux aux examens), il y a un devoir de restitution, car le contrat donne un droit strict à la  réclamation.

1755- La justice distributive et la violation des droits stricts.   L’injustice dans la distribution est suffisamment accompagnée par l’injustice dans la transaction, quand un droit strict, par exemple,  a été violé.   Et en conséquence, à cause de la dernière injustice, il y aura un devoir de restitution.(1708, 1808).   Ainsi, l’injustice distributive est accompagnée  par la violation d’un droit strict de société quand une distribution inique est contraire à l’entente faite avec la communauté (quand quelqu’un est nommé ou payé tout spécialement pour faire des distributions équitables, ou quand la loi ou un contrat impose expressément cette obligation), ou quand elle fait un tort à la communauté que quelqu’un  a le devoir d’empêcher (comme quand on engage comme médecin quelqu’un qui n’est pas fait pour cet emploi).  L’injustice distributive est accompagnée de la violation du  droit strict d’un individu, quand elle est contraire au contrat (quand quelqu’un s’engage à choisir la plus belle statue  ou portrait présentée dans une exposition, mais choisit la pire), ou quand elle inflige une perte à une personne privée (quand le fisc demande à une personne plus qu’elle ne lui doit;  ou quand un examinateur  admet à une école, qui n’accueille qu’un nombre limité d’élèves, un candidat indigne, en excluant par le fait même un élève méritant; ou quand le conseil d’administration rejette comme indigne un candidat de choix.)

1756- La justice commutative et les récompenses et les prix injustes. Des récompenses ou des prix injustes dans les compétitions ne sont pas  des violations de la justice commutative, à moins que ne soient présentes les conditions suivantes.  La promesse d’une récompense doit être donnée comme un contrat liant en justice, parce que si celui qui promet n’entend s’engager que sur parole,  cette promesse ne donne aucun droit strict.  En conséquence, une distribution injuste ne va pas contre la justice commutative  si une compétition n’a pas le caractère d’une vraie sélection, ou si fait défaut un contrat onéreux s’engageant à récompenser la personne qui surpasse ses rivaux. Mais c’est plutôt une occasion de compétitionner à cause de la générosité  de celui qui a fait une promesse (si l’organisateur d’une fête offre un prix pour le plus beau bébé), ou un encouragement à des travaux utiles (un premier prix pour le meilleur jardin ).  Au contraire, si la promesse fait partie d’un contrat onéreux, celui qui a fait la promesse est lié en justice, et celui à qui la promesse a été faite obtient un droit strict.  C’est ce qui se produit  quand la compétition a le caractère d’un vrai concours qui exige un entraînement spécial, une préparation,  des dépenses ou des soucis, pour que la récompense soit donnée au plus méritant.   La chose promise à titre de récompense doit être un prix, et non seulement un droit à être considéré pour le prix.  En conséquence, si on examine des candidats pour qu’un certain nombre de personnes compétentes soient nominées pour les vacances futures de postes ou de dignités, la personne qui obtient la meilleure note ne détient pas le droit de recevoir un poste ou une dignité,  mais seulement d’être considérée.

1757- Une personne qui passe avec la plus haute note  un concours d’entrée fait pour remplir un poste vacant,  obtient-elle, de ce fait, le droit de recevoir ce poste ou cette dignité ? Selon l’opinion commune, elle en a un droit strict, parce qu’il y a au moins un contrat implicite à l’effet que la position sera donnée au plus méritant, puisque le concours est compétitif.  Selon certains moralistes, elle n’a pas de droit strict,  parce que les postes publics ne doivent pas être considérés comme des récompenses du mérite; et que l’examen n’est pas une partie d’un contrat, mais est seulement un moyen utilisé par un supérieur pour l’aider à agir selon la justice distributive.   Néanmoins, même selon cette opinion, une récompense injuste est un péché.  Elle est même parfois un péché grave contre la justice distributive; et elle peut être jointe accidentellement  à  l’injustice commutative (1755).

Selon la façon de faire du service civil, ou selon son système d’évaluation du mérite ou de l’engagement, le fonctionnaire qui choisit est tenu par la loi à observer les règles de sélection du gouvernement.  La procédure habituelle consiste à soumettre les noms des trois personnes qui ont le mieux répondu.  La position sur la liste se détermine par un examen compétitif, et des points préférentiels en faveur des vétérans, de l’expérience acquise etc. (En gros, le système préférentiel ne semble pas causer d’injustices envers ceux qui ne bénéficient d’aucune préférence).  Un des trois doit être choisi pour la prochaine vacance de poste.  Pour la deuxième vacance, sont proposés les deux qui restent, avec celui qui est le plus éligible après eux.  On ferait une grande injustice envers la justice distributive en ne procédant pas selon la procédure légale; et un certain degré d’injustice serait fait à un candidat éligible qui serait illégalement retiré de la liste, ou mis de côté.  Au sujet des trois qui sont les plus éligibles, personne n’a un droit strict au poste vacant.  Ils n’ont que le droit d’être considérés sérieusement.

1758- Que devrait-on dire d’un supérieur qui promeut des personnes indignes à des bénéfices ecclésiastiques ?  Au sujet de la culpabilité, c’est un péché mortel de conférer un bénéfice à quelqu’un qui n’en est pas digne, ou même (quand il est question d’un bénéfice auquel est attaché le soin des âmes) à celui qui est le moins indigne (canon 459, 1).  En ce qui a trait à la restitution, il y a une obligation de réparation envers la communauté, quand cela a été fait pour qu’elle souffre  une perte, ou de compensation à un individu qui a été ignoré en dépit de son droit strict (les trois paragraphes précédents).

1759- L’obligation de la restitution.  L’obligation vient aussi bien de la loi naturelle que de la loi divine.  La raison elle-même ordonne que chacun reçoive son du.  Et la révélation commande expressément la restitution, comme quand elle déclare que celui qui a endommagé le champ de son voisin ou son vignoble, doit réparer selon le dommage causé (Ex XX11, 5).   L’obligation est à la foi de moyen et de précepte, car sans la restitution, l’offenseur n’obtient pas de Dieu le pardon (Exech XXX111, 13; Tob 11, 20). En conséquence, quelqu’un qui a offensé sérieusement son prochain ne peut pas être sauvé à moins de faire une restitution, s’il est capable d’en faire une, ou d’avoir l’intention de le faire le plus tôt possible, si cela ne lui est pas possible actuellement.   Un débiteur qui ne fait aucun effort pour restituer (qui refuse de se priver de choses luxueuses, de réduire ses dépenses, d’affecter dans son testament de l’argent pour la restitution), ne peut pas être considéré comme ayant un désir sincère de remplir son devoir. Mais il n’est pas vrai que quelqu’un qui meurt en état de péché véniel,  pour avoir négligé la restitution, demeure au purgatoire jusqu’à ce que toute la restitution soit faite, car cela ferait dépendre la punition du purgatoire d’un accident, ou de la négligence des héritiers.     L’obligation est grave si le dommage (absolu ou relatif) et la faute sont graves,  cat la restitution est une obligation de stricte justice (1753).  L’obligation est légère si le dommage et la faute sont tous les deux légers, car l’offense, alors est légère.

 1760- Les devoirs des confesseurs envers l’obligation de la restitution.  En ce qui a trait à la confession, le pénitent  est obligé de mentionner le nombre de  péchés commis contre le devoir de la restitution, s’il y a eu plusieurs actes de l’intention de ne pas payer (202).  Mais, en règle générale, ceux qui se sont maintenus longtemps dans la négligence coupable du devoir de restitution n’ont commis qu’un seul péché.  Et s’ils ne savent pas qu’ils ont le devoir de mentionner les actes internes distincts, il serait préférable que les confesseurs n’insistent pas là-dessus.  En ce qui a trait à l’absolution, le pénitent n’a pas la vraie contrition s’il est sérieusement obligé de restituer, et est volontairement opposé à l’accomplissement de son devoir en tout temps.  On ne peut pas donner l’absolution à de telles gens.   Mais le confesseur ne devrait pas avertir quelqu’un de son devoir de restituer, si le pénitent est de bonne foi,  et si l’admonition ne pouvait que causer du tort. Si l’obligation de restituer est seulement légère, on ne peut pas refuser l’absolution, et la prudence conseillera souvent à ne pas parler de restitution.
1761- Il y a un grand nombre de situations possibles où le dommage causé est grave, et la culpabilité légère.  Ainsi, le dommage peut être entièrement involontaire,  comme quand l’offenseur ne pouvait pas le prévoir, et ne l’a donc pas désiré.  Exemple.  Pierre commet un péché véniel en parlant sèchement avec Paul qu’il aime,  Mais Paul en est si déprimé qu’il commet un suicide.  Dans ce cas, il n’y a clairement aucun devoir de restitution.

 Le dommage peut être volontaire seulement  de façon interprétative, comme quand l’offenseur  ne pouvait pas le prévoir, mais l’aurait voulu s’il avait pu le prévoir.  Exemple. Pierre est content d’apprendre que Paul a commis un suicide, mais il serait très surpris d’apprendre que ce sont ses paroles qui l’ont causé.   Dans ce cas, selon certains moralistes, il y a un devoir grave de restitution, parce que sont présents la faute interne et le dommage externe.  Mais, d’autres, avec une plus grande probabilité, rejettent le devoir de restitution, parce que le dommage n’a pas été causé par le péché intérieur de haine, lequel n’effectue rien par lui-même, ni par les mots externes, qui étaient une occasion plutôt qu’une cause (1447, 1763).

 Le dommage peut être directement volontaire, comme quand l’offenseur le désire pour lui-même (Jacques vole une somme considérable d’argent à Jean.  Mais il est invinciblement ignorant, et pense que la richesse de Jean fait de son vol un péché véniel); ou le dommage causé est indirectement volontaire (Thomas est coupable d’une légère insouciance en gardant son troupeau; les brebis entrent dans le potager du voisin, et elles causent de gros dommages aux légumes et aux fleurs. Thomas avait prévu certains dommages, mais il n’aurait pas pu prévoir les réels dommages encourus.)  Au sujet de ces cas, il y a des opinions divergentes qui seront données en 1765.

 1762- Les racines de la restitution. Les racines ou les sources de la restitution se réduisent à deux, selon les deux sortes générales d’offenses infligées à autrui.   Le dommage injuste, qui est la perte infligée aux biens d’un autre, sans avantage pour l’offenseur, comme dans les meurtres ou les incendies.  La possession injuste qui est la perte infligée à un autre par la possession de ses biens à lui, sans son consentement ou contre sa volonté, à l’avantage de l’offenseur, comme quand un meurtrier  vole sa victime, ou un pyromane touche l’assurance de la maison qu’il a détruite.

1763-- Un injuste dommage qui oblige à la restitution est seulement un acte (ou une omission) qui est offensant (étant une violation coupable du droit strict d’un autre), et qui cause  une perte.  D’où les conditions suivantes.  L’acte doit être objectivement injuste, une violation d’un droit strict dans la chose et vers la chose (1695).  Par exemple, voler et conserver pour soi le salaire du à un employer.   Mais il est objectivement injuste de priver quelqu’un d’un droit non strict (le droit d’un mendiant à l’aumône), par des moyens injustes, comme par la force, la fraude, la calomnie.  Si on ne frustre par le prochain de son droit strict, et si aucun moyen injuste n’a été employé, il n’y a pas d’injustice objective (quand un centre d’achat s’agrandit en ajoutant  un terrain de stationnement, et détourne ainsi les consommateurs d’un centre rival).  L’acte doit être efficacement injuste sur la vraie cause de la perte soufferte par un autre, car on n’est pas responsable de ce qui ne provient pas de son action.  Un acte n’est donc pas efficacement injuste  s’il n’est que l’occasion d’un dommage.  (Pierre vole et Paul l’imite.  Jacques vole, et en vertu de preuves circonstancielles non manigances par Jacques, Jean est écroué et emprisonné); ou si c’est seulement une cause accidentelle (Luc vole une petite somme d’argent à un avare, et, à sa grande surprise, l’avare devient fou).  L’acte doit être subjectivement injuste, c’est-à-dire coupable et imputable (97).   Il doit y avoir au moins une culpabilité théologique, c’est-à-dire l’intention de faire du tort à d’autres, laquelle est un péché aux yeux de Dieu (celui qui met volontairement  le feu à la grange de son voisin); ou la culpabilité juridique, c’est-à-dire l’insouciance qui cause une offense au droit légal d’un autre.  (celui qui allume un feu de la saint Jean près de la maison de son voisin, et qui à cause de sa distraction, permet à la maison de s’enflammer.)

 1764- Des causes qui enlèvent ou diminuent la culpabilité théologique. Le dérangement mental ou la passion (grande peur ou colère), peut rendre non intentionnel un acte offensant, et peut ainsi  déshabiliter quelqu’un pour la restitution (40).   Mais la loi civile n’admet pas toujours cette excuse; et après la sentence du juge, l’offenseur est tenu de payer.
 Selon certains moralistes, l’erreur au sujet de l’étendue du dommage causé, s’il elle est invincible, dispense de la restitution, dans le cas d’un dommage qui n’avait pas été prévu.  Exemple.  Un voleur jette un diamant dans l’océan, pensant que c’est un succédané ou un ersatz. Mais s’il était condamné, il serait responsable de la perte entière. L’erreur au sujet de la personne offensée, même si elle est invincible, ne dispense probablement pas de la restitution, si l’intention était de faire tort à une classe d’individus.   Exemple. Luc a l’intention de tuer Marc, parce que ce dernier est un politicien. Mais, par accident, il tue un autre policier. (Pierre a l’intention de tuer Paul, mais, par erreur, il tue Saul, le jumeau de Paul.).  L’erreur au sujet de la chose offensée, même invincible, ne dispense probablement pas de la restitution, si l’intention était de faire du tort. Exemple.  Jules met du poison dans un plat pour tuer le chien de son voisin. Mais le chat prend le poison et est tué.

 1765- Restitution pour des dommages qui ne sont que  véniellement peccamineux, mais qui font un tort sérieux.  Quand un acte offensant est commis (comme quand, à cause d’une légère inadvertance, quelqu’un met le feu à la coopérative de poulets de son voisin), quelques moralistes affirment, mais d’autres nient le devoir de restitution. D’autres déterminent la culpabilité d’après la longueur ou la brièveté du manque d’attention.  Parmi ceux qui prônent le devoir de restitution, quelques-uns pensent que tous les dommages doivent être réparés, puisqu’ils étaient tous causés.  Mais d’autres pensent qu’il suffit d’en réparer une partie, puisque la culpabilité était limitée.  Si plusieurs actes injurieux, qui, pris individuellement, sont légers, mais qui sont sérieux s’ils sont pris ensemble, étaient faits à la même personne (un garçon de table qui casse de la vaisselle à différents moments, au service du même  propriétaire), la restitution est due dès que le coupable comprend quel est le coup de la perte encourue.  Mais les moralistes n’arrivent pas à s’entendre sur la légèreté ou la gravité de l’obligation. Si les dommages étaient causés à des personnes différentes, (un garçon brise les fenêtres  de plusieurs maisons de son quartier), l’obligation ne serait probablement que légère.

 1766- La restitution que demande la loi qui porte sur les dommages qui ne sont que juridiquement coupables.   Avant le verdict du juge, il y a une obligation de restitution, car ce serait un fardeau trop lourd d’imposer cela (au juge) vu le grand nombre de personnes distraites ou irréfléchies.  Après la sentence du juge, il y a une obligation de restitution, puisqu’une faute juridique est souvent accompagnée d’une faute théologique. Et, qui plus est, les gens seront incités à prendre un plus grand soin de leurs biens, et à respecter davantage ceux des autres.

 1767- La restitution imposée par des  contrats qui portent sur les dommages qui ne sont que juridiquement coupables.  Un contrat exprès oblige à la restitution, même pour une faute légère (l’omission de précautions prises par les prudents), ou une faute très légère (l’omission des précautions qui ne sont prises que par les plus prudents), ou s’il a été ainsi stipulé, pour absolument aucune faute.  Un contrat implicite oblige peut-être aussi à la restitution pour une faute juridique.  Car, il semble que l’équité demande que soient réparées les pertes causées par une absence de soins que le contrat prenait pour acquis. Quand seul celui qui fait un dépôt a un avantage, il s’attend à ce qu’on prenne normalement soin de ses biens, et que le dépositaire ne soit pas dans la disposition de préférer les biens déposés  aux siens. Si l’avantage est avec les deux parties (un dépôt onéreux ou un prêt), il semble qu’un soin plus qu’ordinaire est requis, et que le débiteur doive donner préférence à ses biens.

 1768- Restitution pour accomplissement non soigneux de devoirs fiduciaires, comme dans le cas des médecins, des avocats, des conseillers spirituels. S’il y avait une faute théologique, la restitution serait due, à moins que la partie offensée n’ait pris le risque sur elle.  S’il n’y avait qu’une faute juridique, il semble qu’il n’y ait pas de devoir naturel de restitution, puisqu’aucune injustice n’a été commise.  Mais un juge peut obliger à réparer les dommages.
1769-  Deux cas où la culpabilité semble douteuse. Quand quelqu’un a, sans faute de sa part, fait ou omis quelque chose qui permet de prévoir un danger pour autrui, et quand quelqu’un est devenu conscient du danger (comme quand Pierre allume un feu sur sa propre propriété, et s’aperçoit qu’un changement de direction du vent met en danger la grange de son voisin), on doit prévenir le danger si on le peut sans un  dommage personnel égal ou plus grand.  Autrement, il faut faire restitution.

 Quand quelqu’un a coupablement fait ou omis quelque chose qui permettait de prévoir qu’un dommage serait causé au voisin, mais a essayé en vain de le prévenir, une fois la cause en marce, la restitution est due si la cause était physique,  (Pierre a donné du poison à Paul, puis, pris de remords, il lui a donné un antidote. Paul est quand même mort), puisque la partie qui a tendu le piège est responsable.  Mais si la cause était morale, (Pierre a engagé un tireur à gages pour abattre Paul. Puis,  il retira l’ordre de tirer, mais le tireur à gages l’a descendu de son propre chef),  la restitution ne serait pas due, quand la révocation met fin à l’influence de quelqu’un sur le dommage qui s’ensuit.

 1770- Trois sortes de possesseurs illégaux. La deuxième racine de restitution mentionnée plus haut (1762), est la possession injuste, laquelle inclut l’acceptation ou la rétention des biens d’une autre personne contre sa volonté.  Il y a trois sortes de possesseurs illégaux.  Le possesseur de bonne foi qui est celui qui a été invinciblement ignorant de l’illégalité de sa possession, mais qui apprend qu’il est dans l’erreur (un acheteur qui découvre que le cheval qu’il a acheté n’appartenait pas  au vendeur, mais avait été volé).  Le possesseur de foi douteuse est celui qui a de bonnes raisons pour craindre que sa possession soit illégale (l’acheteur d’un cheval apprend que le vendeur est connu pour avoir vendu des objets volés, ou que le prix qu’il a demandé  était ridiculement bas).   Le possesseur de mauvaise foi est celui qui sait que sa possession est injuste, (quelqu’un qui achète un cheval qu’il sait avoir été volé par le vendeur).

 1771- Les obligations du possesseur  de bonne foi en référence à la propriété elle-même.  Si la propriété est encore sous sa garde, il est généralement obligé de la retourner au propriétaire, car une chose réclame son propriétaire.  Une exception serait, par exemple,  le cas où le possesseur ne peut pas retourner l’objet sans subir une plus grande perte de sa propriété.  Si la propriété a péri,  le possesseur est généralement obligé ou non de restituer selon qu’il a été enrichi ou non par la propriété. Car quelqu’un ne devrait pas être enrichi au dépends d’un autre.  Mais c’est le propriétaire qui encaisse la perte de sa propriété.  Si la propriété appartient à un tiers  parce que le propriétaire la lui a  transférée, il est généralement obligé ou non à la restitution au tiers,  selon qu’il a été enrichi ou non par les biens du tiers.  Car s’il n’a rien reçu pour les biens, il n’est clairement obligé à  rien. Mais s’il a reçu un paiement, il doit indemniser l’acheteur qui est évincé par manque de titre.

 1772 Les obligations du possesseur de bonne foi en référence aux fruits de la propriété. Il doit restaurer les fruits de la chose elle-même qui existent encore, car la chose fructifie pour son possesseur.  En conséquence, il devrait retourner au propriétaire les fruits naturels (les fruits des arbres du propriétaire), et les fruits civils (l’argent reçu pour la location du cheval).  Il doit retourner les fruits de la chose elle-même qui n’existent plus, mais qui l’ont enrichi (le profit net de la récolte de l’année précédente, que le possesseur a en banque). Il n’est pas obligé de retourner les fruits de son labeur personnel, ou les fruits industriels (l’intérêt extraordinaire provenant de l’argent du propriétaire, grâce au bon jugement et à l’énergie de son possesseur); ni les fruits qu’il a consumés sans s’enrichir (les légumes qu’il a rejetés ou gaspillés0.

 1773- Les droits du possesseur de bonne foi dans la déduction des dépenses. Il peut déduire de toutes les dépenses qui ont profité au propriétaire, c’est-à-dire pour tout l’argent qu’il a dépensé en moyens nécessaires ou utiles pour l’entretien et la préservation de la propriété. Il ne peut pas déduire pour des dépenses qui n’ont été d’aucun profit au propriétaire, ou que le propriétaire n’aurait pas raisonnablement autorisées, comme un embellissement de la propriété.  Mais il peut emporter avec lui certaines améliorations faites par lui, s’il peut le faire sans endommager la propriété.

 1774- Les obligations du possesseur de mauvaise foi en référence à la propriété elle-même. S’il a encore la propriété sous sa garde, il doit la retourner au propriétaire, car une chose réclame son propriétaire.  Mais si le propriétaire actuel avait reçu  une propriété d’un voleur,  et ne peut pas la retourner à son propriétaire sans éprouver des pertes personnelles sérieuses, il y a quelques moralistes qui soutiennent  qu’il pourrait la retourner au voleur pour recouvrer son argent. Si la propriété a péri, et si sa restauration est devenue impossible, il doit faire une compensation au propriétaire, même s’il n’en a pas été enrichi, à moins que les biens aient également  péris avec le propriétaire. Car il est alors la cause efficiente de la perte.   On peut appliquer les mêmes principes aux dommages causés par la détérioration.  La loi civile tient souvent le voleur responsable (de cette détérioration), quelle que soit la façon dont les biens ont péri dans ses mains.

 Si la propriété est en possession d’un tiers, qui l’a achetée de mauvaise foi, le vendeur n’est pas tenu de rembourser à l’acheteur quand l’acheteur est évincé. A moins qu’il y ait une entente à cet effet, car celui qui achète en sachant qu’il n’a pas de vrai droit à la chose , achète à ses risques et périls.

1775-  L’obligation du possesseur de mauvaise foi en référence aux fruits de la propriété.  Il doit retourner les fruits naturels et civils, même si le propriétaire ne les avait pas obtenus. Mais il peut garder les fruits industriels.  Il doit restituer pour les profits perdus et pour les pertes encourues par le propriétaire, par une injuste privation de sa propriété, car ce sont là des dommages dont le possesseur a été la cause injuste et efficace.

 1776- Les obligations du possesseur de bonne foi, qui a commencé la possession de bonne foi (un doute qui survient). S’il ne néglige pas volontairement les tentatives de sortie de doute, il devient un possesseur de bonne foi. Si le doute se retourne contre lui, il est tenu à rendre (1771). Si le doute persiste, il peut retenir la possession, et prescrire (acquérir la propriété en vertu d’une longue utilisation des droits de propriété), car la présomption favorise le possesseur.  Mais il doit être prêt à restaurer si un autre est déclaré  propriétaire légitime.  S’il néglige de façon coupable des tentatives de clarifier un doute, il devient un possesseur de mauvaise foi. Si la solution du doute lui donne tort, il doit restaurer, pendant au moins le temps où sa culpabilité était grave.  Si le doute persiste, et si une clarification est impossible par sa faute, il semble qu’il doive partager proportionnellement avec un autre qui réclame ses droits, d’après la force des droits de chacun.  Si le doute persiste, et s’il n’y personne d’autre qui réclame ses droits, il semble qu’il peut agir d’après le principe selon lequel la présomption favorise le possesseur.

 1777- Obligations du possesseur de foi douteuse qui était, quand il a commencé, de mauvaise foi (doute antécédent).  Si la propriété est arrivée à un possesseur de foi douteuse, sans titre légal (par la violence), il a les obligations de quelqu’un qui est de mauvaise foi, car la présomption favorise l’ancien possesseur. Si la propriété lui a été échue par un titre légal (par un don ou une vente), mais d’un ancien possesseur de foi douteuse ou suspecte, (quelqu’un qui semblait avoir acquis la propriété par un vol), il doit s’évertuer à éclaircir le doute.  Si le doute persistait quant même, quelques moralistes pensent qu’il devrait partager la propriété avec celui qui la réclame.  Mais d’autres pensent qu’il peut garder le tout.

 Si la propriété lui a été échue par une démarche légale et d’un ancien possesseur de bonne foi, il doit essayer de sortir du  doute.  Mais si le doute demeure en dépit de ses enquêtes, il peut retenir la propriété de bonne foi, aussi longtemps que les choses continuent  dans la même état.

1778- Les coopérateurs et la restitution. La restitution est due pour une coopération dans l’injustice, quand le coopérateur devient au moins partiellement une cause injuste et efficace du dommage fait à autrui.   On devrait noter que cette coopération peut être d’une sorte limitée, comme quand elle ne porte que sur la façon dont a été causé le dommage, ou quand elle n’est pas indispensable à la production de l’offense.   Ainsi, celui qui coopère seulement selon la façon dont a été causée l’offense, n’est probablement responsable qu’au dommage qu’il a ajouté au dommage principal.  Ainsi, si Pierre avait eu l’intention de voler dix euros, et si Paul l’a persuadé de voler plutôt vingt euros, il semble que l’influence de Paul ne porte que sur dix euros.  Celui qui coopère mais dont l’assistance n’est pas nécessaire, est tenu à restituer en tant que coopérateur, puisqu’il est une cause injuste et efficace de dommage.   Ainsi, si Luc vole pour Marc, sachant que s’il refusait Matthieu aurait volé pour Marc, le fait que Matthieu est prêt à voler n’excuse pas Luc, et ne rend pas son acte moins blâmable.

 1779- Les coopérateurs positifs dans l’injustice sont tenus à restituer quand leur acte est la cause efficace et injuste d’un dommage.  Voici quels sont les principaux cas de coopération positive.  Un mandateur est un supérieur qui commande explicitement ou implicitement à un de ses sujets de commettre un acte d’injustice, comme quand un père demande à son fils de voler. Le mandateur demande à quelqu’un d’agir en son nom, et il est dons la cause principale du dommage, mais pas la cause nécessaire ou secondaire.  Il doit indemniser la victime et son agent pour les pertes qu’il leur a causées. Mais  il n’est pas responsable s’il a contremandé son ordre avant que le dommage ne soit causé.  Un conseiller est quelqu’un qui, grâce à son instruction et  sa force de persuasion, pousse  quelqu’un à commettre une offense, qui n’est pas commise au nom et au profit du conseiller lui-même.  Il doit restituer à la personne qui a été offensée à cause de lui, et à celui à qui il a donné un mauvais avis, pour réparer les dommages causés à tous deux.  Ceux qui donnent de mauvais avis de bonne foi, ou qui démentent leur avis avant que le dommage n’ait été causé,  ne sont généralement responsables de rien. Un mauvais exemple ne semble pas être l’égal d‘un mauvais avis.  Et celui qui recommande un moindre mal uniquement parce qu’il veut en prévenir un plus grand, n’est pas une cause efficace du moindre mal (1502, 1503).  Un conseiller implicite est celui qui par la flatterie, l’excuse, le blâme ou le ridicule, ou par d’autres moyens indirects de ce genre, amène quelqu’un à commettre une injustice contre un tiers.   Le conseiller implicite est tenu à restituer pour les dommages causés, ou pour la réparation qui a été refusée par sa faute.

 Un protecteur ou un complice  est celui qui, sciemment et volontairement,  procure à un malfaisant la sécurité et le confort, pour que ce dernier puisse commettre des offenses avec une plus grande confiance, ou omettre de restituer pour un mal déjà commis,  Il est tenu à restituer pour le dommage injuste ou pour le recel de propriété causé par lui.  Celui qui consent est celui qui donne son vote, sa décision ou son approbation à l’injustice, ou les refuse à la justice.  Il doit rejeter son consentement à l’iniquité avant que du mal n’en résulte; et il doit restituer pour les dommages qui proviennent de sa conduite.  Un participant à l’injustice est celui qui aide à commettre l’injustice, positivement et physiquement, en participant à l’offense, ou à un acte antérieur ou subséquent qui lui est naturellement lié. S’il est un coopérateur d’un dommage injuste, il doit indemniser la partie offensée.  S’il est coopérateur dans un recel injuste de propriété, il doit remettre au propriétaire les biens volés qu’il a reçus de lui (1774).

 1780- Les coopérateurs négatifs sont ceux qui, par leur silence ou leur inertie, permettent qu’une offense soit faite ou demeure non réparée.  Ils sont tenus à la restitution, à cause du dommage qu’ils ont causé.   Mais il semble que, à proprement parler, ils ne soient pas tenus à la restitution pour les pots de vin qu’ils ont reçus, ou pour les amendes perdues par leur faute.  Leur responsabilité pour dommages suppose les conditions usuelles suivantes. Il faut qu’ils soient la cause efficace du dommage. En conséquence, si leur silence ou leur inaction est involontaire, ou si une résistance bruyante aurait été inutile, ils ne sont pas responsables. Il faut qu’ils soient des causes injustes, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait une obligation d’agir provenant d’un droit strict, d’un contrat ou d’un contrat implicite.  Exemples.  Des confesseurs qui négligent coupablement de donner à leurs pénitents des avis spirituels;  des parents qui permettent à leurs enfants qui n’ont pas l’âge de raison  de causer du grabuge; des votants qui s’absentent et qui causent ainsi des dommages qu’ils s’étaient engagés par contrat à prévenir; les propriétaires d’animaux qui permettent coupablement à leurs bêtes de ravager les champs de leurs voisins; les portiers qui permettent à un voleur d’entrer dans une maison qui est à leur charge; les collecteurs qui permettent que des factures demeurent impayées.  Mais si une obligation est due pour une raison autre que la justice commutative, (quelqu’un n’est tenu que par charité à déclencher la sonnette d’alarme quand il voit un feu, s’il n’est pas le gardien de la maison), quelqu’un pèche, et souvent gravement, en n’agissant pas.  Mais il n’y a pas de devoir de restitution.

 1781- Circonstances de la restitution. Par circonstances de la restitution nous entendons les personnes par lesquelles et pour lesquelles la compensation doit être faite, les choses qui doivent être rendues, la manière, le temps et le lieu de la restitution.

1782- Les personnes qui sont tenues à faire restitution sont toutes celles qui seules ou en groupe commettent l’injustice.  Mais quand plusieurs personnes commettent de concert l’injustice, il faut distinguer les sortes suivantes de causes d’injustice.  Les causes sont égales, quand  il n’y a pas de subordination entre les coopérateurs.  Elles sont inégales quand quelqu’un est la cause principale dont dépendent les autres comme causes secondaires ou instruments (quand quelqu’un engage des voleurs pour voler pour quelqu’un).  Les causes sont considérées comme des causes totales de l’offense quand elles sont des causes principales, ou des coopérateurs égaux mais indispensables. Et peut-être aussi s’ils sont des causes suffisantes, (Luc et Marc tirent tous les deux sur une vache du voisin, et tous les deux lui infligent une blessure morelle); ou si la chose endommagée n’est ni divisée ni divisible (comme un tableau de maître).  Pour les autres causes, les coopérateurs sont considérés comme des causes partielles de l’offense.

 1783- Les coopérateurs dans le dommage sont tenus à restituer la chose elle-même ou sa valeur.  Ainsi, ils doivent restituer tous ensemble et chacun individuellement, pour une perte complète, quand ils sont les causes de tout le dommage.  Mais la cause principale est tenue absolument, et la cause secondaire ou égale, conditionnellement, c’est-à-dire que la cause principale doit  payer toute la restitution; et que les autres ne sont tenues à payer que si les causes principales ou associées ne s’acquittent pas leur devoir.  Ils sont tenus proportionnellement, (chacun selon sa part) quand ils ne sont que des causes partielles du dommage.  L’obligation de restituer collectivement ne devrait pas être imposée si elle n’est pas certaine, ou si le coopérateur est de bonne foi, ou si l’admonition ne ferait que produire du dommage.

 1784- L’ordre de la restitution parmi les coopérateurs dans l’offense est selon la priorité de l’obligation de l’un envers  l’autre, au sens que quelqu’un est obligé de tout payer, et que l’autre ne l’est que dans la mesure où le premier forfait à son obligation.  Cet ordre de priorité dans l’obligation est en force quand plusieurs coopérateurs sont tenus en bloc de restituer, et quand ils ont coopéré de différentes façons (un comme détenteur, un autre comme conseilleur, un autre comme exécutant, etc.)  Voici quel est l’ordre généralement donné par les moralistes.  Le possesseur est le premier à être obligé de restituer, puisqu’il a entre les mains  les biens d’un autre, et les biens appellent leur maître.   Les coopérateurs sont tenus ensuite dans l’ordre suivant.  Celui qui est l’initiateur de l’offense, (comme un malfaiteur qui agit en son propre nom ou sur commande).

l’exécutant qui agit au nom d’un autre; les autres qui ont aidé à commettre l’acte (comme les conseillers, les flatteurs, ) ceux qui n’ont pas empêché l’injustice en s’y opposant. 1685- Les obligations des coopérateurs quand la restitution est faite au complet par un des membres, ou quand la remise d’une dette  est faite à l’un d’entre eux, sont comme suit. Si la restitution était due au prorata, les autres coopérateurs doivent indemniser leur associé qui a tout payé, ou doivent payer leur quotepart à la partie offensée qui n’a remis la dette qu’à l’un d’entre eux.  Si la restitution était in solidum, le paiement par la cause principale ou la remise de la dette à la cause principale libère les causes secondaires. Mais le paiement fait par une cause secondaire ou la remise de la dette à la cause secondaire n’exempte pas la cause principale, qui, elle, a toujours des obligations envers la cause secondaire ou envers la partie offensée, selon le cas. Le paiement à une cause égale, ou la remise de la dette à une cause égale n’exempte pas les autres causes égales.

 1786- La personne à laquelle la restitution doit être faite est celle dont le droit strict a été violé, ou, en son défaut,  à la société.  Mais on devrait distinguer les causes suivantes. Quand la personne offensée est connue avec certitude, et quand son droit est certain, la restitution devrait être faite à la personne offensée, ou à ses représentants ou successeurs. Ou, si cela n’est pas possible, à des causes charitables. Quand la personne offensée est tout à fait inconnue,  celui qui est la cause de la perte, s’il est de bonne foi, a les obligations d’un possesseur de bonne foi.  Mais, s’il est de mauvaise foi, l’opinion commune des moralistes est à l’effet qu’il est tenu, au moins par la loi coutumière, à restituer,  en donnant aux pauvres ou à la religion.   Quand la  partie offensée est en partie inconnue, celui qui est la cause de la perte devrait faire restitution, au mieux de ses capacités.  Si le doute s’étend sur quelques personnes seulement (quatre ou cinq), et si chacune d’entre elles peut être la partie offensée, on devrait restituer en donnant à chacune une part convenable.  Si le doute porte sur plusieurs, mais si les personnes offensées n’étaient qu’un petit nombre, il semble que la restitution peut être faite en donnant aux pauvres ou à la religion, au lieu où a été commise l’offense, ou ailleurs.  Si le doute s’étend à plusieurs, et si les personnes offensées formaient un grand nombre , on doit faire la restitution, autant que possible, aux parties offensées elles-mêmes, ou autrement, à une cause publique de la communauté locale,

 1787- L’ordre préférentiel parmi les créanciers. On doit montrer aux créanciers l’ordre naturel préférentiel quand le débiteur est incapable de les payer tous. Ceux qui ont un droit dans la chose (ceux dont la propriété est détenue par le débiteur) ont précédence sur ceux qui n’ont qu’un droit à la chose, (ceux qui sont créanciers de par un contrat). Les créanciers en vertu de contrats onéreux ou de délinquance, --c’est l’opinion commune,-- ont priorité sur les créanciers en vertu de contrats gratuits.  Les créanciers devenus tels par la délinquance  ou des contrats onéreux, sont égaux en droits et devraient être remboursés au prorata.  Les dettes qui sont certaines ont la priorité sur les dettes qui ne le sont pas, d’après certains moralistes.  D’autres ne sont pas d’accord, mais admettent quand même que les dettes incertaines ont à être payées en proportion de  leur probabilité.  Quelques-uns préfèrent les créanciers qui sont certains à ceux qui ne le sont pas.  Mais d’autres pensent que les paiements aux pauvres, à la place du créancier inconnu, sont la volonté présumée de ce dernier, et qu’ils valent également pour les montants dus aux créanciers connus. Les créanciers pauvres n’ont pas de droit préférentiel sur les riches créanciers.  Mais la charité stipule qu’on devrait donner la préférence au créancier pauvre,  quand il est en détresse.  Les créanciers anciens ont préférence sur les nouveaux créanciers en droit, mais on ne sait pas si ce droit serait reconnu en cour.  Le créancier qui est le premier à offrir une renégociation de la dette a la préférence sur les autres, si la demande est faite juridiquement, et même aussi peut-être si elle est  faite privément.

 1788- L’ordre préférentiel parmi les créanciers selon la loi civile est généralement semblable à ce qui suit. Les créanciers propriétaires (ceux dont la propriété est détenue par le débiteur), les créanciers privilégiés, ( ceux dont les dettes ont une urgence spéciale, comme les dépenses judiciaires, les frais des médecins, des salaires pour des aides engagés, le coût de la vie etc.); les créanciers hypothécaires (ceux qui ont des droits sur la propriété du débiteur sous la forme de bonds ou d’hypothèques); les créanciers communs (tous ceux qui sont payés après que les autres ont été satisfaits).  La loi américaine contient des provisions au sujet des dispositions de propriété faites pendant les quatre mois qui ont précédé la faillite, de façon à protéger les créanciers contre quelqu’un  qui est insolvable.  La propriété de celui qui a déclaré faillite est placée entre les mains d’un cessionnaire, et une allocation est faite pour les besoins du débiteur et ses engagements (les charges légalement imposées sur la propriété à cause de la dette).  La propriété est ensuite sujette à des prélèvements par les créanciers de la façon suivante : les dépenses d’entretien, les frais légaux, les coûts d’administration, les salaires des ouvriers, les taxes, les dettes qui ont la priorité d’après la loi fédérale  ou celle des états.

 1789- La chose qui doit être restaurée.  En cas de possession injuste, l’objet doit être retourné tel quel, s’il a une valeur individuelle, Autrement, on peut le restaurer avec quelque chose d’équivalent,  Dans un cas de contrat, le même objet doit être rendu, s’il y avait eu une entente en ce sens (prêt ou dépôt de biens meubles).  Autrement, on peut le retourner dans une chose de valeur équivalente (un prêt d’argent). 1790-   La quantité de la restitution dans certains cas.  Quand un objet avait des valeurs variées pendant le temps de sa possession de mauvaise foi.  Si le changement provenait d’une cause interne, et était pour le mieux (la taure volée par un voleur est devenue une vache), il faut retourner le vol dans son état d’amélioration.  Si le changement provenait d’une cause interne, et a été pour le pire, mais serait arrivé de toute façon (la vache dérobée par le voleur a vieilli), la chose volée doit être retournée dans son état actuel.   Si le changement provenait d’une cause interne, et pour le pire, et si ce changement n’aurait pas eu lieu si l’objet état resté avec son propriétaire, (une vache dérobée par un voleur est devenu paresseuse à cause de l’inertie de son maître), il faut retourner l’objet volé avec une compensation pour la détérioration.  Si le changement provenait d’une cause externe, (le vin dérobé par un voleur a vu sa valeur sur le marché croître et décroitre plusieurs fois), il semble qu’en pratique on ne puisse pas imposer d’autre restitution que la valeur qu’avait l’objet quand il a été volé.

 Quand un dommage injuste a été fait. Si le dommage a été causé positivement, la personne offensée doit être indemnisée en entier.  Si le dommage a été causé négativement, la partie offensée devrait être indemnisée plus ou moins selon l’attente raisonnable qu’elle avait du gain dont elle a été privée.

 1791- La façon de faire la restitution. Selon la règle générale, elle devrait être faite de façon à ce que l’offense soit réparée, et que la personne offensée soit indemnisée pour sa perte.  En règle générale, il y a une liberté de choix dans les formes variées des modes de restitution.  Ainsi, elle peut être faite publiquement ou secrètement, directement ou à travers un intermédiaire,  positivement (par un paiement) ou négativement (en annulant une dette).  Elle peut même être faite sans la connaissance ou la volonté des parties.   Ainsi, la partie offensée peut être compensée, même si elle n’a jamais su qu’elle  avait été fraudée et remboursée.  L’offenseur peut restaurer même s’il ne sait pas qu’il est en train de le faire (s’il rembourse en état d’ivresse), et probablement même s’il n’a aucune intention de le faire (s’il fait un cadeau de dix euros, et se souvient ensuite qu’il devait à cette personne la somme de dix euros pour dommages causés).

 1792- La seconde restitution.   On doit appliquer la loi naturelle dans certains cas où la restitution, qui a été expédiée par un intermédiaire, disparait en chemin, sans la faute de personne.  Si la dette est due à cause d’une possession de bonne foi, le débiteur n’est pas tenu à une seconde restitution.  Si la dette est due à cause d’un contrat, ce sont les biens du propriétaire qui périssent.  Ainsi, si le contrat en était un de prêt, la perte doit être supportée par le prêteur; si c’était un contrat de vente, par le vendeur.  Si la dette est due à la délinquance, il y a une obligation à une seconde restitution, à moins que la partie offensée n’ait assumé le risque de la transmission.  Il est considéré comme probable que le choix du confesseur comme intermédiaire pour la restitution, a le consentement de la partie offensée; et que, en conséquence,  si la restitution périt en chemin par hasard ou par la faute d’un tiers, il n’y a pas de devoir d’une deuxième restitution.

 1793- Le temps où la restitution doit être faite.  La restitution interne, ou l’intention de restaurer, doit être faite sur-le-champ, c’est-à-dire aussitôt que quelqu’un se rend compte qu’il a à prendre cette décision.   La restitution externe, ou l’accomplissement de la résolution, doit être faite à la première occasion qui se présente. 1794-  Le refus injuste de faire une restitution ou de payer ses dettes.   Ceux qui refusent injustement de faire restitution ou de payer leurs dettes à l’échéance,  sont coupables de péché mortel ou véniel, d’après les dommages que leur refus cause au créancier. Ils  ne sont pas dignes de recevoir l’absolution s’ils sont de mauvaise foi, et s’ils ont plusieurs fois brisé leurs promesses, ou quand ils refusent même de payer la partie qu’ils peuvent payer.  Ils sont tenus à défrayer des dommages additionnels pour les pertes causées par leur injustifiable retard.

 1795- L’endroit où la restauration doit être faite.  Celui qui est un débiteur à cause d’une offense doit faire restitution à l’endroit où serait la chose s’il n’y avait pas eu d’offense. Celui qui est un débiteur au titre de possesseur de bonne foi devrait indiquer au propriétaire où se trouve la propriété. Mais il n’est pas obligé de l’apporter au propriétaire.  Celui qui est un débiteur en vertu d’un contrat doit  respecter l’entente ou les statuts qui règlent le contrat.  Ainsi, dans ce pays, le lieu de la livraison des ventes est, d’après la loi, le lieu du commerce du vendeur ou sa résidence. 1796- Le fardeau de la dépense ou de la perte quand la restitution a lieu à l’endroit où se trouve le créancier.  Si l’obligation de la restitution provient d’une offense, le débiteur a généralement l’obligation de payer le transport ; et les pertes doivent être assumées selon l’entente.  Si rien n’avait été stipulé, il semble que les dépenses du transport doivent être  faites par la partie qui en tire bénéfice, ou qui a demandé le contrat. Selon l’acte de vente aux États-Unis, le vendeur est le perdant quand les biens périssent pendant le transport, si on s’était entendu sur un endroit où faire la livraison.  Mais l’acheteur est le perdant quand, comme le voulait le contrat, les biens ont été remis à un intermédiaire pour qu’il les transmette à l’acheteur (1888).

 1797- Les causes qui excusent temporairement de la restitution. On peut réduire ces causes à deux, à savoir, l’impossibilité physique et morale,   L’impossibilité physique existe quand le débiteur n’a pas les moyens de payer, et ne peut pas s’en procurer. Elle excuse aussi longtemps qu’elle continue.  Celui qui déclare faillite est dispensé de la restitution aussi longtemps que dure son insolvabilité.  S’il devient plus tard capable de payer, il semble à certains moralistes que la déclaration civile de faillite le décharge, selon la loi du pays,  d’avoir à faire d’autre paiement, à moins que sa faillite ne soit frauduleuse ou qu’elle soit due à une négligence coupable.  L’impossibilité morale existe quand le débiteur a les moyens de payer, mais ne peut pas le faire immédiatement sans encourir une perte d’un ordre supérieur (s’il paye la petite somme d’argent, il va perdre son excellente réputation), ou sans apporter surement un mal beaucoup  plus grand qu’un report de la restitution pourrait faire au créancier ou  à un tiers (si une arme volée est retournée à son propriétaire, il commettra un suicide ou un meurtre).

 1798- Les causes qui dispensent pour toujours de la restitution.  Ces causes peuvent aussi être réduites au nombre de deux, à savoir, la cessation de l’objet, ou la fin de l’obligation causée par un acte du créancier, ou du débiteur ou de l’autorité.   Ainsi, la cessation de l’objet relève quelqu’un du devoir de la restitution, quand l’objet du propriétaire périt, comme quand il a été perdu par un possesseur de bonne foi qui n’a pas été enrichi par lui;  ou même par un possesseur de mauvaise foi, si le propriétaire l’aurait perdu lui aussi (1771, 1774).  La fin d’une obligation due à l’acte du créancier survient quand le créancier librement et légalement dispense le débiteur du remboursement. Dans certains  cas, la remise de la dette peut être ordinairement présumée, soit  en raison de l’affection du créancier envers son débiteur (dans le cas de dettes dues aux parents par leurs enfants), soit en raison des relations familiales entre les parties, et la petitesse de la dette (dans le cas de vol par certains serviteurs ou employés d’objets sans importance qui ne sont pas gardés sous clef), soit en raison de l’indigence du débiteur ou de la petitesse du dommage (en cas de dommages légers apportés aux biens d’un richard, s’il n’y avait pas de grande malice, et si le débiteur est assez pauvre.)

 La cessation de l’obligation s’effectue aussi par un paiement équivalent, lequel, dans certains cas, est fait par le paiement débiteur  ou par la cancellation d’une dette égale due par le créancier au débiteur, et peut-être aussi par un don égal à la dette fait au créancier par le débiteur.  La compensation occulte par le créancier est une tentative d’appropriation secrète de ce à quoi il a droit, quand le débiteur refusera de le lui rendre.  Cela est légal quand la dette est certaine, quand les autres moyens de recouvrance sont impossibles, et la compensation non offensante.  Mais elle tient lieu de restitution, et le créancier ne peut pas accepter un autre paiement du débiteur.  La cessation de l’obligation est aussi obtenue par l’acte d’une autorité compétente.  Ainsi, une déclaration juridique libère du devoir de restitution quelqu’un qui a reçu légalement et de bonne foi certains biens en tant que dommages ou récompenses (1875).   La prescription (1875) donne un droit clair à une propriété  détenue par une possession illégale après un certain nombre d’années.  Elle exempte du devoir de paiement, du moins, dans certains cas (mais pas aux Etats-Unis).  Une bulle papale, pour de bonnes raisons, exempte de l’obligation de payer  ceux qui doivent des restitutions à des causes pieuses, ou à une propriété ecclésiale endommagée par eux.  1799- Le pardon pour les vols domestiques faits par les femmes ou les enfants de la famille ne peut pas être présumé dans tous les cas (1903).   Ainsi, si les choses volées sont de la nourriture ou du breuvage (ou du tabac), et avaient été consumées par les membres de la famille, il n’y a pas de devoir de restitution, puisque le père ou le mari n’est pas opposé à ce que ces choses soient prises, mais qu’elles le soient en cachette.

 Si les choses qui ont été prises n’entrent pas dans la catégorie des choses périssables, et sont toujours en possession du voleur, elles devraient être restaurées.  En conséquence, si un fils vole de l’argent à son père pour avoir les moyens nécessaires à la débauche, il a l’obligation de retourner l’argent.   Si les choses prises n’étaient pas périssables mais étaient de grande valeur, et avaient été détruites ou aliénées, il dépendra des circonstances de déterminer si la restitution est, oui ou non, obligatoire.  Si le père a de l’estime pour le fils qui a volé l’argent, et si la famille ne souffre pas de sa perte, on peut peut-être prendre le pardon pour acquis.  Mais si le fils n’est pas en bons termes avec son père, ou si le vol a causé de grands dommages à la famille, la restitution pourrait être due.

 1800- Excuse de restitution en raison du caractère douteux de l’obligation.   Celui qui doute positivement et de bonne foi s’il a, oui ou non, causé un dommage à un autre est exempté de la restitution si le doute porte sur le fait du dommage  (si son compétiteur a perdu son entreprise), ou sur sa propre culpabilité (s’il a propagé une calomnie sur son compétiteur), il est probablement tenu à une restitution du même ordre que le doute, si le doute porte sur la responsabilité de son acte coupable au sujet des dommages qui s’ensuivirent (est-ce que ce sont ses calomnies ou les marchandises de son compétiteur qui sont la cause de l’échec de son entreprise). Il n’est probablement tenu qu’à sa part si le doute porte sur le fait qu’il est responsable de la totalité ou d’une partie du dommage, (si c’est sa calomnie qui a causé tout le tort, puisque d’autre concurrents aussi répandaient des calomnies).

Quelqu’un qui doute positivement et de bonne foi si la restitution qu’il devait a été payée (si ses émules en calomnie on payé leur portion ou la restitution,  ou s’il a payé une facture pour biens ou services reçus), est tenu au paiement complet, selon certains moralistes,  à une partie, par d’autres, à rien,  par d’autres,  Quelques moralistes pensent que la présomption joue en faveur du créancier, d’autres du débiteur, et d’autres enfin, de personne,  Selon eux, seul un compromis est la solution acceptable.   1801-  Le doute n’excuse pas de la restitution dans les cas suivants.   Quand il est purement négatif, et quand la présomption est contre celui qui doute (quand quelqu’un sait qu’il a acheté et reçu des biens, mais ne sait plus s’il les a payés, et n’a aucune raison de penser qu’il a payé)   Quand il est d’une mauvaise foi sciemment et volontairement entretenue (quand deux hommes tirent simultanément sur une vache, sachant très bien qu’il serait impossible de déterminer l’auteur du dommage).

1802- Les cas spéciaux. Il y a quelques cas spéciaux de restitution pour un dommage négatif  qui a eu lieu en  contrecarrant les projets d’un autre, ou pour dommage positif aux biens de la fortune, du corps, de l’âme ou de l’esprit; pour avoir frustré le bien d’un autre.  La restitution est due en empĉchant quelqu’un de prendre possession d’un bien auquel il a un droit strict (un poste pour lequel il a été choisi; une propriété qu’il a déjà payée); pour avoir utilisé la force, la fraude ou les pots de vin, ou d’autres moyens injustes pour éloigner quelqu’un d’un bien auquel il n’a pas un droit strict (une position pour laquelle il a fait application, un don que qu’un a l’intention de lui offrir).  La quantité de la restitution devrait être calculée en tenant compte de la probabilité antérieure de succès de la part de la partie offensée, et des conséquences permanentes de l’offense.

Pour une offense faite aux biens de la fortune. On a parlé ailleurs des offenses privées (1762), et nous ne considérons maintenant que celles qui sont en quelque façon publiques.  L’injustice commutative, qui demande à la communauté la restitution, est celle qui cause des dommages à la propriété publique, qui brise les contrats faits avec la communauté, qui emploie des moyens injustes pour empêcher le gouvernement de récupérer son du, qui apporte une coopération injuste dans chacun des actes ci-haut mentionnés.  L’injustice commutative, qui demande que ce soient les individus qui fassent réparation, est commise  quand la transgression d’une loi place un fardeau indu sur les concitoyens (quand quelqu’un échappe injustement au service militaire et devient ainsi la cause qu’un substitut soit appelé, qui n’aurait pas été autrement appelé,  ou quand quelqu’un trouve un moyen de ne pas avoir à payer ses taxes, et fait ainsi en sorte que les taxes des autres augmentent.)  Si une loi fiscale est juste, elle oblige en conscience, mais on discute encore à savoir si l’obligation est pénale ou préceptrice, si c’est en vertu d’une justice légale ou commutative.  En conséquence, la question du péché et de la restitution due ne peut  pas être facilement réglée.

L’impossibilité, ou une coutume générale et admise, dispense de la restitution (2637).Pour les offenses causées aux biens, au corps ou aux biens personnels.  Selon un certain point de vue, aucune restitution n’est due pour de simples offenses personnelles, puisque le dommage ne peut pas être réparé par un bien du même ordre que celui qui a été enlevé (un meurtrier ne peut pas redonner la vie à sa victime).  Mais, selon un autre point de vue, la restitution est due pour ces offenses, puisque la justice requiert que n’importe laquelle sorte de dommage soit réparé, autant qu’il est possible (1751, 2090).

1803- Les restitutions pour différentes sortes de dommage causé aux personnes. Pour offense corporelle par un homicide injuste ou une mutilation.  L’offenseur (ou ses héritiers) est obligé de faire une restitution  à la victime (ou à ses héritiers ou ses dépendants) pour une perte spirituelle (comme la mort sans sacrements), probablement pour une perte personnelle, (comme un peine, une défiguration faciale) et pour de vraies pertes dues à l’offense (comme les dépenses d’hôpital, la perte du support de la veuve et des orphelins). On compense la perte spirituelle par des biens spirituels, comme les suffrages aux défunts;  la perte personnelle par une compensation que demandent les circonstances (un emploi salarié);  la vraie perte par le paiement de dépenses médicales, pour la perte de temps, pour le support perdu par les dépendants.  L’offenseur n’est pas responsable de dommages dont il n’est pas la cause injuste (les aumônes que fera perdre aux pauvres un homicide, puisqu’ils n’ont aucun droit strict aux aumônes; ni la cause efficace (le paiement qui sera perdu par les créditeurs du fait d’un homicide, car, en règle générale, le tueur ne peut pas prévoir cela); ni pour les dommages que la personne offensée pardonne vraiment.

Pour des offenses corporelles par fornication ou adultère.   En cas de fornication, l’offenseur doit la restitution à la personne séduite, et même parfois, aux parents de ce dernier, et les  deux pécheurs sont tenus à supporter leur enfant illégitime.  La forme de la  compensation dépendra en grande partie des circonstances. Mais, en général, elle devrait être soit le mariage avec la personne séduite, ou soit une sorte de compensation financière. On devrait noter qu’une promesse de mariage, même si elle est canoniquement valide, ne peut pas être invoquée pour forcer un mariage.  Mais même un engagement invalide permet de poursuivre pour dommages matériels injustes, comme la perte de l’occasion de se marier, ou la perte de l’argent dépensé en vue du mariage (canon 1017).  En cas d’adultère, la partie coupable ou les parties coupables sont tenues à faire restitution au mari offensé, si on élève un bâtard à ses frais; et aussi aux enfants légitimes pour des offenses à leur droit strict, comme dans l’héritage diminué reçu des parents à cause de l’enfant illégitime.  Un enfant n’est pas obligé de croire sur parole sa mère qui le déclare illégitime.  Mais s’il est certain de son illégitimité, il peut ne pas prendre ce à quoi il n’a pas de droit.  Dans la restitution pour la fornication ou l’adultère, on doit prendre soin de préserver la réputation des parties concernées.

Pour les offenses faites à l’âme. En cas de dommage injuste et réel à des biens physiques (quand ont administre à quelqu’un, par la force ou la fraude, des drogues ou des stupéfiants qui enlèvent l’usage de la raison ou du contrôle de soi; quand un professeur néglige son travail d’enseignant, ou enseigne l’erreur), la restitution est certainement due pour dommage matériel qui en résulte, et probablement aussi, pour la seule offense personnelle.   En cas de dommage fait à des biens spirituels, par incitation à commettre le péché, ou par dissuasion de faire le bien, la restitution est due quand l’influence exercée était injuste (fraude, force, menaces), mais non quand elle n’était que non charitable (avis, persuasion, requête, exemple).  On peut faire la restitution pour dommage spirituel négativement, c’est-à-dire en enlevant l’influence injuste.  Mais si quelqu’un qui a été séduit et est devenu,  à cause de cela un pécheur endurci, il semble que la restitution doive être faite positivement, c’est-à-dire, par des conseils, des requêtes à Dieu, et par d’autres moyens prudents calculés pour ramener la partie offensée à une vie vertueuse.
 

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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction

Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.

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