ARTICLE 4
LES VICES OPPOSÉS À LA
JUSTICE
COMMUTATIVE ET DISTRIBUTIVE
(somme théologique IIa-IIae qq. 63-78)
1804- Les vices opposés à la justice distributive. Le favoritisme (l’acception de personnes, partialité, passe-droits.) se définit comme une espèce d’injustice qui pousse quelqu’un à répartir les biens ou les fardeaux de la société, non d’après le mérite ou la compétence, mais pour des raisons frivoles et non pertinentes. Les biens communs incluent les postes, les honneurs, les fonctions, tandis que le fardeau commun inclut les taxes, les contributions, les pénalités. Les biens communs, dont nous parlons maintenant, sont ceux qui appartiennent à la société, et qui doivent être répartis à ses membres en toute justice. En conséquence, il n’est pas question de biens qui appartiennent à des personnes privées, que les propriétaires ne sont pas obligés de donner à d’autres, sauf pour des motifs de charité et de libéralité. Un homme riche n’est pas coupable d’acception de personnes s’il verse ses largesses sur ceux qui sont moins nécessiteux ou moins méritants que d’autres, mais qui lui plaisent davantage. Et Dieu n’est pas injuste quand il donne des grâces inégales à ceux qui sont également pécheurs (Matt. XX, 14, 15). Le vrai critère de la juste distribution est le mérite ou la compétence, comme quand on choisit quelqu’un pour être professeur ou supérieur, en raison de son caractère ou de sa science. Tout autre critère qui ne tient pas compte du mérite ou de la compétence est injuste. Comme quand un ministre choisit à des postes ou des honneurs, non ceux qui ont trimé le plus dur, ou qui sont les plus prometteurs, mais ceux qui sont plus riches ou qui lui sont apparentés.
1805- La culpabilité du favoritisme d’après la révélation. La sainte Écriture réprouve le favoritisme. Combien de temps jugerez-vous injustement, et favoriserez-vous les méchants ? (Ps LXX1, 2). Et l’impartialité est louée : Tu es un vrai prédicateur, et tu enseignes la voie de Dieu en toute vérité. Tu ne tiens compte de personne, car tu ne regardes pas la personne de l’homme (Matt. XX11, VV1). Maîtres, sachez que celui qui est le maître de vos serviteurs et de vous-mêmes est au ciel, et qu’il ne fait pas d’acception de personnes (Eph. V1, 9). La justice distributive est commandée dans plusieurs passages de la sainte Écriture. Ne regarde pas la personne du pauvre, ni n’honore la condition du puissant, mais juge ton prochain selon la justice (Lev 1X, 15). Vous ne ferez aucune acception des personnes; vous écouterez le petit autant que le grand. Ne portez pas de respect à la personne d’aucun homme (Deut 1, 17) Tu n’accepteras ni les personnes ni les présents (Deut. XV1, 19; Jacq 11, 1).
1806- La culpabilité du favoritisme d’après la raison. Le favoritisme transgresse un commandement divin, et substitue la volonté personnelle au droit qu’ont les inférieurs d’être traités équitablement par les supérieurs. En conséquence, il est moralement mauvais, car la désobéissance est coupable chez ceux qui sont en haut et chez ceux qui sont en bas. Et la violation des droits est injuste, que le droit soit celui de la communauté ou d’un individu.
1807- La gravité du péché de favoritisme. De par sa nature, le favoritisme est un péché mortel, car il est une sorte d’injustice (1746). Et, en vérité, il n’est pas moins dommageable que l’injustice commutative (le vol); et il est souvent accompagné par elle. A cause de sa matière, et à cause du manque de délibération ou de consentement, il peut être véniel. Ainsi si on montre du favoritisme dans des choses anodines (un poste non rémunéré et non important), de peu d’importance (en préférant un aspirant qui n’est que légèrement moins qualifié pour le poste), il n’y a qu’une injustice vénielle. 1808- L’injustice distributive est souvent accompagnée de l’injustice commutative. Ainsi, les premiers biens communs à être distribués, dans la première distribution, sont ceux qui sont destinés premièrement au bien commun, Ce n’est qu’indirectement et secondairement qu’on distribue les biens des individus, comme les charges publiques, les dignités et les bénéfices. Celui qui répartit ces charges sans équité, en nommant des personnes indignes, ou en choisissant le moins indigne alors qu’il a l’obligation contractuelle de choisir le plus digne, viole la justice commutative, et il est tenu à restituer à la communauté. Mais les personnes qualifiées ou plus qualifiées qui ont été sacrifiées ne possédaient aucun droit à telle fonction, et aucune restitution ne leur est donc due. A moins qu’il n’y ait eu entre eux une entente, ou que des moyens injustes aient été employés pour les rejeter.
Une deuxième classe de biens communs se trouve chez ceux qui sont destinés en premier lieu au bénéfice des individus, comme un fonds créé pour le soulagement des miséreux ou des infirmes, ou les pensions qui sont réservées à ceux qui ont bien mérité de la patrie. Celui qui distribue ces biens-là injustement est coupable d’injustice commutative contre des personnes privées, puisque ces biens leur étaient destinés; et ils avaient un droit à la chose sur ces biens. A ces personnes, la restitution est donc due.
1809- Le favoritisme dans les matières spirituelles. La partialité en accordant des faveurs est un péché, et grave quand la matière est sérieuse. Exemples. Accorder aux indignes le pouvoir de l’ordre ou de la juridiction; les concessions, les dispenses, les permissions accordées à des amis et refusées à d’autres.
La partialité en imposant des fardeaux est aussi un péché, comme quand un prélat commande quelque chose de pénible, et accorde des exemptions à ses amis. Mais si la chose commandée est déjà obligatoire en vertu d’une loi, elle devrait être observée en dépit du favoritisme du prélat.
1810- Qui doit-on considérer comme plus digne pour recevoir des postes dans les choses spirituelles ? La personne la plus digne est celle qui servira le mieux le bien commun par son travail. En conséquence, le plus pieux ou le plus savant n’est pas nécessairement le mieux qualifié, car un autre peut être plus industrieux, plus influent, meilleur administrateur, plus entreprenant, plus prudent et plus expérimenté etc. Il serait donc plus apte à remplir le poste. Mais on ne devrait considérer personne digne de charges spirituelles à moins que son caractère moral ne soit bon. Il faut aussi se souvenir que l’excellence dans les choses temporelles ne compense pas pour la négligence dans les affaires spirituelles. La personne la plus digne est celle qui est la plus disponible au moment où l’on doit affecter quelqu’un à une charge. En conséquence, celui qui est le mieux doué pour le poste n’est pas nécessairement le plus digne, car un autre peut être mieux connu, et il peut être impossible, à ce moment-là, de faire des investigations ou des comparaisons.
1811- L’opinion du candidat ou du gagnant sur sa propre compétence. Celui qui fait application pour un poste n’a pas à se demander s’il est digne ou le plus digne de l’emploi. Car, selon saint Thomas, se faire une si haute idée de lui-même serait pour lui de la présomption, et il en deviendrait alors indigne. Il suffit donc qu’il fasse l’effort voulu pour obtenir le poste, laissant à l’examinateur le soin de porter un jugement sur sa compétence. Celui qui accepte un poste tout en se sentant indigne ou moins digne que d’autres n’est pas coupable d’injustice. Car il n’est pas le juge de ses capacités; et il peut, en toute conscience, s’en remettre au jugement de ceux qui l’ont choisi, De plus, il peut mettre sa confiance dans la grâce divine et dans ses propres efforts, pour compenser pour les déficiences ou l’infériorité dont il est conscient. Mais il semble que si la personne qui a été nommée est absolument certaine que sa nomination est injuste, elle devrait renoncer à son poste, si la chose est possible.
1812- Le favoritisme dans les choses séculières. Est-ce que les conclusions qui valent pour les postes ecclésiastiques s’appliquent aussi pour les postes séculiers ? Dans les deux cas, la justice distributive est violée par le favoritisme, car le critère de sélection n’est pas le mérite ou la compétence; et l’on fait du tort ainsi aux personnes les plus capables. L’opinion voulant que la société civile ait plein pouvoir sur les postes publics, et ait ainsi le droit de les distribuer à sa guise, sans tenir compte des mérites ou des capacités des gens, n’est pas probable. Car les dirigeants civils comme les dirigeants spirituels ne devraient se voir que comme des ministres et des distributeurs (1 Cor 1V, 1). Et même s’ils avaient tout pouvoir sur les postes, ils seraient tenus de se servir de ce pouvoir pour le bien du public, pour lequel ils gouvernent. Dans les deux cas, la justice commutative est violée, en certaines circonstances, l’offense étant contre la société ou contre les individus (1755, 1808). Ainsi, un ministre qui emploie un subordonné, tout en sachant qu’il fera du grabuge et qu’il volera, est responsable des dommages commis, et doit faire restitution aux victimes, en tant que coopérateur dans l’injustice.
1813- Le favoritisme dans les marques d’estime ou d’honneur montrées aux autres. Il n’y a pas de favoritisme si l’estime et l’honneur sont montrés à ceux qui les méritent. En conséquence, ce n’est pas une chose injuste, mais juste de donner des marques spéciales de vénération aux saints, et même à ceux qui ne sont pas saints, mais dont l’autorité ou l’âge commandent le respect (comme les hommes d’état, les prélats, les parents, et les vieillards). Il y a du favoritisme si on montre de l’estime et de l’honneur à ceux qui n’ont aucun droit à y prétendre; qui ne sont ni bons ni haut placés. Ainsi, les riches ont droit à un respect spécial, à cause de leur bonté, quand ils font un emploi utile de leurs richesses, ou à cause du prestige que leur donne leur rang social, à cause de leur capacité et de leur influence. Et celui qui se montre avenant et respectueux envers les riches, pour les raisons dites plus haut, ne fait pas acception de personnes. Mais si on adore la richesse pour elle-même, on montre un favoritisme coupable, comme quand un mauvais riche est honoré, et un pauvre méritant méprisé. Ou quand on réserve aux personnes les mieux habillées les premiers sièges dans l’église, et qu’on traite avec mépris les bons mal habillés (Jacques 11). 1814- Le favoritisme chez les juges (arbitres, médiateurs) et autres semblables. Au cours d’un procès, il peut y avoir du favoritisme dans les matières laissées à la discrétion du juge. Cela n’arrive pas, toutefois, quand le pouvoir discrétionnaire est accordé pour le bénéfice propre du juge (quand, un jour où il est libre, il décide d’écouter un côté plutôt que l’autre.). Mais s’il a été accordé pour le bénéfice des plaideurs, (quand il accorde à un côté un temps plus long pour la préparation de sa cause qu’à l’autre côté, et pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’objet du litige). Il y a du favoritisme dans la sentence prononcée si la décision n’est pas basée sur les mérites des plaideurs, mais sur des considérations externes, comme le fait qu’un des deux plaideurs soit ami ou parent avec le juge, ou appartienne au même parti politique, au même conseil d’administration, ou à la même société secrète. Il n’est pas bien de favoriser le méchant, de refuser de voir la vérité du jugement (Prov. XV111, 5). Si les arguments se valent des deux côtés, ce serait du favoritisme de décider en faveur de l’un plutôt que de l’autre. Alexandre V11 a condamné la proposition voulant que, pour prendre une décision quand les arguments pour et contre se valent, un juge pouvait accepter de l’argent, afin de faire pencher la balance d’un côté (Denzinger 1126).
1815- Les vices contre la justice commutative. On peut les classifier sous deux titres généraux, Les vices commis dans les commutations involontaires (1748) qui comprennent des actions faites contre les personnes (comme l’homicide, la mutilation, l’emprisonnement), et contre la propriété (comme le vol et la rapine), et des mots injustes prononcés pendant le procès (par les juges, les avocats, les témoins), ou après le procès (comme une insolence, une détraction). Les vices commis dans des commutations volontaires (1748) qui incluent la fraude et l’usure.
1816- L’homicide. Une vie détruite est soit celle d’un être irrationnel (une plante, une bête), ou d’un être rationnel. Dans le dernier cas, nous avons un homicide, que l’on définit de la façon suivante. Un acte ou une omission d’un être humain qui est la cause efficace de la mort d’un être humain. Un parent qui refuse à ses enfants la nourriture, les remèdes, ou le climat dont ils ont besoin, et qui peut les leur procurer, est homicide par omission; un médecin qui pratique l’avortement est homicide par acte. Les distinctions suivantes de l’homicide ont un impact sur sa moralité substantielle, (la légalité ou l’illégalité). Relativement à l’intention, l’homicide est volontaire ou involontaire; et l’homicide volontaire a pour but la punition ou la défense. Relativement au meurtrier, l’homicide est l’acte d’une personne publique ou privée, d’un clerc ou d’un laïc. Relativement à la personne tuée, l’homicide est l’assassinat d’un coupable ou d’un innocent; d’un autre ou de soi-même (suicide). Relativement à la manière, l’homicide est direct ou indirect, selon que l’action qui a causé la mort est, de par sa nature, productrice de mort ou d’un autre effet. Ainsi, il est directement homicidaire de pratiquer l’embryotomie (la destruction des organes vitaux d’un fœtus), ou l’avortement, (l’éjection du fœtus à un stade de son développement, quand il est encore incapable de vivre en dehors de sa mère). Mais il n’est pas directement homicidaire de donner à une femme enceinte des remèdes nécessaires à sa vie, même s’ils sont nuisibles au fœtus. Car l’intention ou le but du premier cas est de tuer, mais ici de guérir.
1817- D’autres distinctions de l’homicide ont un effet sur sa malice ajoutée ou accidentelle. On ajoute une nouvelle espèce de péché à l’injustice quand on porte offense à d’autres vertus. Ainsi, la vertu de la piété est violée quand la victime est une personne à laquelle le meurtrier devait un respect spécial et une grande dévotion, comme dans un parricide, un régicide, un fratricide, un matricide. On offense la vertu de religion quand un meurtre est commis dans une église. Une circonstance aggravante s’ajoute du fait de la longueur de la délibération qui a servi à planifier le meurtre; de la plus ou moins grande tromperie et cruauté avec lequel il a été exécuté (mort par absence de nourriture). Quelques circonstances, toutefois, peuvent être indifférentes moralement, comme par exemple le fait que la victime a été tuée par telle sorte de poison plutôt que par telle autre.
1818- La tuerie des animaux. En elle-même, la tuerie des animaux n’est pas un péché, car ils ont été faits à l’usage de l’homme, En conséquence, il est permis de tuer non seulement les animaux nuisibles, comme ces prédateurs qui voient dans l’homme une proie, ou ceux qui empestent ou détruisent les propriétés. Mais même d’autres animaux, quand leur mort est nécessaire pour une bonne fin, comme pour se procurer de la nourriture, des vêtements et des remèdes. Mais la tuerie des animaux peut être un péché, et même un grand péché, quand on tue les animaux de son prochain (Exod XX11, 10, 11), ou quand on chasse illégalement, ou on fait un tort à la société par une destruction massive des animaux ou des plantes, ou quand on les tue en les faisant cruellement souffrir. Le prélèvement de la fourrure des animaux, quand ils sont encore vivants, pour obtenir de plus belles fourrures aptes à satisfaire la vanité des femmes, est un barbarisme inhumain de la pire espèce, que tous devraient réprouver.
1819- Quand l’homicide est-il légal ? La tuerie des êtres humains est légale en deux cas. Elle est légale quand la sécurité commune requiert que l’état inflige la mort pour un crime (la peine capitale). Car, comme il est légal d’amputer un membre gangreneux, qui menace de détruire le corps, de la même façon il est légal d’expulser de la société humaine, par la mort, un individu qui menace la sécurité d’une communauté.
Il est permis à quelqu’un de tuer un injuste agresseur quand sa sécurité individuelle le demande (l’autodéfense). Car, en pareil cas, le premier devoir de quelqu’un porte sur sa sécurité; et, en faisant une attaque mortelle, l’agresseur assume le risque d’être tué. Il est plus correct, toutefois, de dire ici qu’il est permis de défendre sa propre vie avec pour conséquence la mort de l’agresseur (comme on l’expliquera plus loin 1826, 1828, 1834).
1820- Arguments en faveur de la légalité de la peine capitale. L’Écriture. Dans l’ancien testament, la sentence de peine de mort était prescrite pour des crimes plus sérieux, comme le meurtre : on fera couler le sang de quiconque fera couler le sang à quelqu’un (Gen. 1X, 6). Dans le nouveau testament, notre Seigneur reconnait que le pouvoir de sentencier d’un juge vient d’en haut (Jn X1X, 10). Et saint Paul déclare que les princes ne manient pas le glaive sans raison, mais qu’ils agissent en tant que ministres de Dieu quand ils punissent les malfaiteurs (Rom X111, 4). La tradition. L’Église a toujours enseigné la légalité de la peine capitale, et rejeté les erreurs contraires, comme dans le cas des Waldensiens condamnés par Innocent 111. La raison. L’état a le droit et le devoir de promouvoir le bien commun, et de le défendre contre ses ennemis, soi par la guerre contre ses ennemis externes, ou par des mesures coercitives contre les rebelles. L’expérience faite par tous les pays dans tous les siècles a montré que d’une manière générale, la vie des personnes qui respectent la loi et la paix générale ne sont suffisamment protégées que si la peine capitale est imposée pour certains crimes.
1821- Même si elle est légale, la peine capitale n’est pas toujours nécessaire. Car c’est un moyen pour une fin, et on peut donc s’en passer quand on peut obtenir la fin par des moyens autres et moins sévères. Ainsi, la suspension de la peine capitale est légale dans une communauté dont les membres sont pacifiques, et qui ne sont pas portés à la violence ou à d’autres crimes subversifs de la loi et de l’ordre. On peut douter que ces conditions idylliques existent aujourd’hui. Et les quelques pays qui ont aboli la peine capitale ont découvert que cette abolition n’était qu’une incitation au crime. Et ils se sont crus obligés de rétablir la loi révoquée. Une exemption partielle de la peine capitale est légale quand il y a de bonnes raisons reconnues par la loi pour la commutation ou la clémence. C’est ce qu’ont pratiqué tous les gouvernements au cours de l’histoire. Et la chose est justifiée quand elle assure le bien-être général, ou quand elle se montre miséricordieuse envers un individu méritant, sans nuire à la société. Mais un juge doit condamner, quand la loi et les faits réclament la condamnation. Et le chef d’état qui détient le pouvoir de gracier ou d’amnistier doit utiliser ce pouvoir avec prudence, pour ne pas encourager les anarchistes.
1822- Il n’est pas moralement permis de mettre à mort des criminels à moins que ne soient remplies les conditions suivantes. Le crime doit être externe, et d’une nature elle que la sécurité publique demande la peine capitale, ou à cause de l’énormité de l’acte (meurtre), ou à cause du danger qu’il a fait courir à la communauté (dormir à son poste en temps de guerre). De plus, le crime doit être certain et suffisamment établi, car, puisque la peine doit correspondre à la faute, et que la loi présume l’innocence tant que la culpabilité n’a pas été prouvée, nul ne devrait être condamné à la peine capitale à moins d’avoir commis un crime certain et sérieux. Le cinquième amendement à la constitution américaine déclare que nul ne sera privé de la vie, de la liberté, de sa propriété sans procès équitable. La sentence de mort et son exécution devraient être accomplies par ceux qui ont l’autorité publique pour poser ces actes, et de la façon que la loi le requiert. Car la peine capitale est un moyen d’autodéfense utilisé par la société; et c’est donc aux représentants légitimes de la société qu’il appartient d’en user. De plus, si c’étaient des individus privés qui exercaient ces fonctions, les droits des accusés ne seraient pas pris en considération, et ils n’auraient pas la possibilité de se défendre, comme il se doit; et la paix publique serait renversée par les meurtres commandés par la vengeance au nom de la justice. On doit exécuter la peine d’une façon humaine et chrétienne, comme cela s’impose. On devrait donner au condamné le temps et l’occasion de se réconcilier avec Dieu, et, si possible, de dire adieu à ses parents. Les façons de tuer qui sont lentes et à petit feu sont, évidemment, absolument mauvaises, quel que méchant qu’ait été le criminel. La loi américaine et celle d’autres pays ne permet pas qu’on tue une femme enceinte avant qu’elle ait accouché de son enfant.
1823- La tuerie illégale d’offenseurs. La tuerie d’offenseurs est donc illégale dans les cas suivants. Quand l’offense n’est pas sérieuse ou pleinement délibérée (un meurtre involontaire), ou quand le meurtre n’a pas été suffisamment établi (s’il n’est pas certain que la supposée victime de meurtre soit morte, ou que le meurtre soit la cause de la mort). Dans les sociétés civilisées, la loi n’inflige aujourd’hui la peine de mort que pour les crimes les plus sérieux; et l’état doit prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable, avant de pouvoir décréter la punition. Mais dans le passé, on condamnait à mort pour des vols de cheval ou de mouton, et même pour des offenses minimes. Et en temps de crise, des gens ont été condamnés à mort sans procès équitable. Quand la sentence de mort n’a été ni prononcée, ni exécutée légalement. Ceux qui exterminent les perpétrateurs de crimes haineux sont souvent de bonne foi. surtout quand les procès traînent en longueur ou ont une issue incertaine. Mais puisqu’ils agissent sans autorité, leur acte est un meurtre. La même chose est vraie d’un homme qui tue sa femme surprise en adultère, ou du grand frère d’une fille séduite qui tue le séducteur, ou d’un policier qui, sans nécessité et sans autorisation, tue un homme condamné à mort, quand ce dernier tente une évasion. L’état a le pouvoir, toutefois, de déclarer hors la loi un malfaiteur notoire, et de donner ainsi aux citoyens privés le pouvoir de s’emparer de lui mort ou vif, ou de le tuer à vue. Mais il est clair que l’exercice de ce droit est un remède dangereux, et qu’on ne peut l’utiliser que rarement. Quand la manière de tuer ou les circonstances répugnent à la sensibilité chrétienne. Aujourd’hui, la peine capitale est généralement infligée d’une façon humaine; mais l’histoire rapporte plusieurs formes cruelles d’exécution, comme quand les condamnés étaient pendus, noyés, écartelés, empalés, ou mis à mort au milieu des huées et des malédictions de la populace.
1824- La tyrannie est-elle légale ? Si le chef d’état est un tyran en acte (quelqu’un qui a le droit de régner, mais qui abuse de son autorité), il n’est pas permis de le tuer à cause de ses mauvaises actions ou crimes, puisque le sujet n’a pas l’autorité d’agir au nom de la nation (Rom X111, 1; 1 P 11, 18), En cas d’autodéfense, cependant, comme quand le tyran cherche injustement à attenter à la vie d’un citoyen, ce dernier a le droit de le tuer. Le concile de Constance a condamné la doctrine de Wycliff voulant que chaque sujet avait le droit d’assassiner un prince tyrannique, une doctrine qui rendrait chancelante la position de tout chef d’état, puisqu’il y a toujours des gens qui pensent être victimes de persécution. La nation, cependant, a le droit de déposer ou même de mettre à mort un chef d’état mauvais, car le gouvernement est donné aux gouvernants pour le bénéfice et non pour la destruction du bien commun. Si le tyran est un tyran en titre (un usurpateur), il n’est pas permis de le tuer, non plus, quand il a obtenu une possession paisible de son royaume. Car, dans ce cas aussi, on ne pourrait pas dire que le tueur aurait l’autorisation de la nation. Si le tyran n’est pas devenu vraiment possesseur de son royaume, mais est encore en train de lutter pour l’obtenir, sont statut ne serait pas celui d’un chef d’état mais d’un ennemi public; et il sera permis de le tuer comme acte de guerre, pourvu que soient présentes les conditions d’une guerre juste (1384).
1825- Les juges et les bourreaux dans la loi canonique. Selon la loi de l’Église (canon 984, nn 6,7), ceux qui passent la sentence de mort comme juges, les exécutants, et tous ceux qui apportent immédiatement et volontairement leur aide deviennent irréguliers ( incapables de légalement recevoir les ordres, ou d’exercer ses pouvoirs). Les raisons pour cette discipline ancienne sont au nombre de deux. Ils sont clercs et ministres du Christ, et ils devraient donc être semblables à leur grand prêtre, dont ils offrent le sacrifice à l’autel. Or, quand il était rabaissé, le Christ n’a pas rabaissé les autres; quand il a souffert, il n’a pas proféré de menaces, mais il s’est livré à celui qui le jugeait injustement (1 Pi 11, 23). En conséquence, il ne convient pas que les clercs condamnent à la mort ou tuent leurs semblables, même les criminels. Les clercs sont les ministres du nouveau testament, et ils devraient donc se conformer eux-mêmes à son esprit de douceur. La loi divine elle-même déclare qu’un évêque ne devrait pas avoir de querelles privées, ni donner des coups de poing (Tim 111, 3). Mais la loi de l’Église va plus loin, et stipule qu’un clerc ne devrait pas siéger en tant que juge public, ni agir comme exécutant des les cas de peine capitale. L’ancien testament a infligé des punitions corporelles et même la mort; et nous lisons donc que ses prêtres et ses lévites ont mis les pécheurs à mort de leurs propres mains (Exod XXX11, 28; Nom XXV, 7,8,1; Rois XV 33; XV111, 40; Mal 11, 24). Mais la loi du Christ ne contient aucune sentence de mort ou de châtiment corporel.
1826- Le droit à l’autodéfense. Le deuxième cas d’homicide légal mentionné plus haut (1819), est le meurtre d’un injuste agresseur, meurtre non voulu par celui qui a tué, mais qui résulte de la défense de sa vie contre l’agresseur. Ce droit d’autodéfense est accordé par la loi naturelle elle-même, et il n’y a eu que peu de moralistes à le nier Ainsi, la nature incline l’homme à préférer sa propre vie à celle du voisin, toutes choses demeurant égales par ailleurs, et elle l’autorise donc à défendre sa vie, même au coût de la vie d’un agresseur. Même les animaux sont armés par la nature pour défendre leur vie contre toute attaque. La loi naturelle permet aussi à quelqu’un d’accomplir un acte duquel deux effets suivront, un bon, un mauvais, pourvu qu’on ne désire que le bon effet, et qu’il y ait des raison suffisantes pour permettre le mauvais effet (104). Dans le premier cas, la tuerie d’un agresseur est un mal, tandis que la protection d’un innocent est un bien. Mais, ce n’est que la protection qui est recherchée, et la tuerie n’est pas une mesure excessive, vu la grandeur de ce qui est en jeu.
1827- Le droit à l’autodéfense est aussi sanctionné par les lois humaines. Ainsi, la loi de l’Église reconnait ce droit dans les mots d’Innocent 111 : Toutes les lois permettent de repousser la force par la force. Mais la défense ne doit pas être immodérée, ni être faite pour des motifs de vengeance. Selon le droit canon (985, 4), l’irrégularité provient d’un homicide volontaire. Mais cela n’inclut pas le droit d’autodéfense légitime, même si on peut demander d’en être exempté. Un clerc a le droit à l’autodéfense aussi bien qu’un laïc. La loi civile aussi a toujours admis le droit de se défendre quand on est attaqué, même en tuant l’agresseur, s’il n’y a pas moyen de faire autrement.
1828- Les conditions requises pour l’exercice de ce droit. L’attaque doit être une vraie agression (un acte de violence menaçant la vie de la personne attaquée). Elle doit aussi être injuste (une attaque faite sans l’aval de l’autorité publique). La résistance doit être une vraie autodéfense (un acte qui sert à repousser l’attaque, et à rendre l’agresseur impuissant). Elle doit être modérée (la personne attaquée ne doit pas user de plus de force qu’il n’est nécessaire, et elle ne doit pas avoir l’intention de tuer l’assaillant). 1829 - La personne tuée doit être un véritable agresseur, car, autrement, le tueur est lui-même l’agresseur, et il est coupable d’un homicide injustifiable. La tuerie est donc injuste dans les cas suivants. Quand l’intrus ne se sert pas d’une vraie violence, ou quand il ne fait que prier ou désirer que vous mouriez ou que vous soyez tué. Quand il ne déploie pas de violence actuelle, comme quand il est désarmé ou impuissant, ou quand il n’a fait que vous menacer de vous tuer dans le futur, ou de vous conduire à la potence par son témoignage ou par son vote.
1830- Quelqu’un doit-il donc attendre que l’agresseur ait effectivement attaqué avant d’avoir recours à l’autodéfense ? On n’a pas à attendre que l’agression physique ait commencé ( que l’adversaire ait tiré un coup ou ait frappé), autrement l’autodéfense serait souvent futile. On doit attendre que l’agression morale se soit manifestée avant d’entreprendre la défense. C’est-à-dire, que l’agresseur doit faire un geste externe quelconque, lequel, fait en ce lieu et à ce moment, selon le jugement d’une personne prudente, est un acte d’agression physique. Comme quand un homme en colère saisit son fusil ou son couteau, ou quand un hors la loi avance d’une manière menaçante. 1631- L’agression doit aussi être injuste ou contraire au droit de la personne attaquée. Ainsi, si l’agression est juste, il n’est pas permis de tuer l’agresseur. En conséquence, il n’est pas permis de tuer un policier en train de faire une arrestation, ou écrouant un prisonnier, ou le conduisant à la potence. Si l’agression n’est pas juste, l’autodéfense est légitime. Il n’y a pas de différence à faire entre une agression formellement injuste (quand l’agresseur vous attaque pour prendre sa revanche, ou parce qu’il vous craint), et une autre qui n’est que matériellement injuste (si vous êtes étranger à un agresseur ivrogne ou drogué). Semblablement, un fils peut se défendre contre son père, un sujet contre son supérieur, un laïc contre un clerc, un adultère contre le mari offensé, un calomniateur contre la personne calomniée. Car l’autorité ou l’offense personnelle soufferte ne donne pas à ces personnes le droit d’infliger, par autorité privée, la peine de mort.
1632- L’autodéfense doit n’être qu’une protection contre un mal futur, et non une punition de l’agresseur pour ses attaques passées. Car la peine capitale appartient à la société, non à des personnes privées. En conséquence, si un agresseur a pris la fuite, a été désarmé, ou assommé, ou a demandé qu’on ait pitié de lui, il n’est pas permis de le tuer.
1833- L’autodéfense doit être modérée, car on doit éviter d’infliger une blessure ou la mort à un être humain, quand la chose est possible. Ainsi, la personne attaquée ne doit pas, si possible, répliquer avec force. Elle devrait se sauver ou appeler un policier, ou jeter l’arme par la fenêtre etc, si ces choses suffisaient. Quelques moralistes dispensent de la fuite ceux qui perdraient leur honneur s’ils fuyaient le danger, comme les pugilistes ou les boxeurs. La personne attaquée ne doit user que la force requise pour sa défense, si la force est nécessaire. Ainsi, si l’agresseur peut être rendu impuissant par l’usage de gaz, on ne devrait pas lui causer un tort physique permanent. Si on peut le maîtriser avec ses poings, on ne devrait pas lui infliger des blessures provenant d’un couteau ou d’un fusil. Si des blessures suffisent pour le maîtriser, ainsi que l’intimidation, on ne devrait pas en venir au meurtre. Dans la chaleur d’un combat, cependant, la personne attaquée dépasse souvent la limite permise par la modération.
1834- L’intention d’une personne,
qui se sert de la force pour repousser un injuste agresseur, doit être
bonne. Ainsi, elle ne doit avoir pour but que la préservation de
sa vie propre, et considérer comme un malheur la mort de son agresseur.
Pour parvenir à cette fin, elle ne doit désirer que mettre fin à l’attaque,
et non apporter la mort à son agresseur. Ceux qui sont mandatés
par l’autorité publique pour mettre à mort les êtres humains
(les bourreaux ou les soldats en temps de guerre), peuvent désirer ces
homicides, puisqu’ils sont des moyens pour obtenir le bien commun.
Mais la mort d’une personne privée n’est pas le moyen du bien d’une
personne privée. En conséquence, elle ne devrait pas être poursuivie
comme une fin.
1835- L’esprit de celui qui se
défend lui-même contre un injuste agresseur doit toujours écarter les
dispositions mauvaises, comme la haine ou la vengeance. Autrement,
il pèche contre la charité. Notre Seigneur a réprouvé l’enseignement
des Scribes, à savoir qu’il est permis de rendre offense pour offense,
dans un esprit de vengeance; et il a déclaré qu’on préfère
recevoir un deuxième coup plutôt que retourner le coup pour se venger
(Matt. V, 38); Rom X11, 19).
1836- Quand l’autodéfense est-elle obligatoire ? L’autodéfense est parfois une obligation. Ainsi, c’est une obligation si les seuls facteurs considérés sont la vie de l’agresseur injuste et la vie de la personne innocente attaquée. Car la vie de l’innocent ne devrait pas être sacrifiée pour le coupable; et la charité indique que le premier devoir de la personne attaquée est du à elle-même. C’est une obligation, si au vu des circonstances, la personne attaquée se doit de conserver sa vie à cause des personnes qui sont à sa charge. Par exemple, s’il est un père de famille, ou un employé de l’état dont la vie est nécessaire au bien être de la communauté, ou si son travail consiste à résister à ceux qui menacent la sécurité publique. Cela vaut aussi pour la société en général, car le monde a besoin des quelques bons hommes qu’il a, et les méchants sont déjà trop nombreux.
1837- L’autodéfense n’est pas obligatoire, parfois. Ainsi, elle est simplement optionnelle, quand aucun devoir envers les autres ne commande l’autodéfense, et quand un conseil divin nous incite à la laisser tomber (1169). En conséquence, si l’attaquant est certainement en état de péché mortel, et si la personne attaquée est certainement en état de grâce, il serait préférable de mourir plutôt que de tuer l’attaquant, afin de lui donner le temps de la repentance. Mais ce genre de cas est plutôt théorique que pratique, car comment être sur que l’attaquant profitera de cette occasion pour faire pénitence ? En tout cas, le sacrifice est optionnel, car l’agresseur est soit formellement injuste –et donc, non en besoin spirituel extrême—soit matériellement injuste. Et on ne pourra pas savoir s’il est en besoin spirituel, ou s’il a ce genre de besoin, si le répit l’amènera à résipiscence (1165). Selon certains moralistes, l’autodéfense est illégale si la vie de l’attaquant est nécessaire au bien commun, et si la vie de la personne attaquée n’est pas nécessaire. Mais cela serait un cas très rare.
1838- La défense de la vie du prochain. On peut appliquer à la vie d’un tiers innocent les principes de la défense de sa propre vie contre un injuste agresseur, même au prix de la vie de ce dernier. Ainsi, il est nécessaire de défendre une personne innocente, même s’il faut tuer l’agresseur, quand on est tenu de donner cette protection par un devoir naturel (parce que la personne innocente est l’enfant de quelqu’un, et quand l’agresseur n’est pas un parent), ou par un contrat (un garde du corps ou un policier). Il est permis de défendre une personne innocente, même s’il faut, pour cela, tuer l’agresseur, et même s’il n’existe aucun devoir de parenté ou de contrat pour assurer cette protection. (Exod 11, 12). Mais on discute encore pour savoir s’il est aussi nécessaire d’agir ainsi. L’opinion affirmative attire l’attention sur le besoin corporel extrême de l’innocent. L’opinion négative sur le besoin spirituel extrême de l’agresseur. Car, il n’est pas nécessaire de risquer sa propre vie pour protéger la vie d’un innocent, à moins que l’ordre public soit en péril, ou que quelqu’un s’y soit engagé (1169).
1839- Un individu privé peut défendre une vie au prix de la vie d’un injuste agresseur, parce qu’il est obligé ou qu’on lui permet de protéger une vie qui a des droits sur lui. Il peut aussi défendre d’autres biens très importants qui lui appartiennent à lui ou à son voisin, et même s’il fallait que ce soit au prix de la vie de l’injuste agresseur. Parce que le bien commun a plus de valeur que la vie d’un agresseur; et la défense de ces biens a partie liée avec le bien commun. Ainsi, s’il n’était pas permis de défendre des propriétés importantes en allant jusqu’à tuer un voleur, on encouragerait par là les criminels, les citoyens paisibles seraient désavantagés, et la sécurité publique souffrirait grandement. Parmi les biens dont nous parlons maintenant, il y a ceux de la fortune et ceux du corps. Il n’est pas toujours obligatoire, toutefois, d’exercer le droit d’extrême autodéfense (en cas de violation, pourvu qu’on ne donne pas son consentement à ce qui s’est passé).
1840 - La défense des biens de la fortune contre un injuste agresseur. Si l’attaque peut être considérée comme une attaque à la vie (l’agresseur cherche à enlever le dernier pain d’un homme affamé; ou une planche à quelqu’un qui est en train de se noyer), ou si elle a l’apparence d’être une attaque à la vie ( un voleur entre dans une chambre comme s’il avait l’intention de tuer), le meurtre d’un injuste agresseur n’est point illégal, comme cela ressort clairement des paragraphes précédents. Si l’attaque porte sur les biens et l’argent seulement, mais de grande valeur, et qui nous appartiennent, la question est disputée. D’après certains, le meurtre, dans ces circonstances, est illégal, parce que la vie a plus de valeur que les biens matériels. Mais l’opinion commune est que le meurtre est légal, parce que l’Écriture excuse celui qui tue le voleur nocturne (Exod XX11, 2), et parce que la sécurité publique est en jeu. Tout cela justifierait donc les mesures extrêmes.
Si l’attaque porte sur des biens de la fortune qu’on ne possède pas encore (un héritage qu’on espère recevoir), ou qui n’ont que peu de valeur, le meurtre est illégal. Car il n’y a aucune commune mesure entre des biens externes qu’on espère posséder, ou qui sont de peu de valeur, et la vie d’un être humain. Le pape Innocent X1 a condamné la proposition voulant qu’on puisse adopter une défense homicidaire pour protéger un euro, ou la possibilité de recevoir un poste.
1841- Défense de la pureté corporelle contre un agresseur injuste. Si l’attaque équivaut à une attaque contre la vie, ou semble l’être, l’autodéfense, même par meurtre, est légale. Et, en conséquence, il sera permis de tuer un violeur. Si l’attaque porte sur la pureté corporelle, mais par un acte de luxure consommé, la question est disputée. Il y a des moralistes qui pensent qu’on ne doit pas avoir recours au meurtre, car l’agresseur ne peut pas enlever la pureté de l’âme, et la pureté corporelle qui a été enlevée est moins importante que la vie. L’opinion contraire soutient que le meurtre peut être utilisé comme autodéfense, puisque la pureté corporelle a une plus grande valeur que les biens et l’argent. Surtout parce ce que le viol est habituellement accompagné par un dommage spirituel pour la famille. Et l’intérêt public demande que ces outrages soient drastiquement supprimés à cause de la forte inclination de beaucoup de personnes à les commettre. Si l’attaque ne porte que sur la pureté corporelle, et par un acte non consommé de luxure (un baiser ou une étreinte), le meurtre est injustifié, mais on peut utiliser d’autres moyens de défense comme des coups, des blessures.
1842- La défense de l’intégrité corporelle contre un injuste agresseur. Si l’attaque est équivalente à une attaque sur la vie ( si l’agresseur a l’intention de mutiler ou de blesser, mais s’il y a danger qu’il en vienne jusqu’au meurtre), la défense est légitime même si elle aboutit à un meurtre. Si l’attaque n’équivaut pas à une attaque sur la vie, mais est violente (comme quand on perdrait un membre important ou on serait horriblement défiguré), quelques moralistes prétendent qu’une autodéfense qui entraînerait la mort de l’agresseur est illégale, parce que la mort est un prix trop élevé à payer pour des blessures. Mais on peut argumenter contre cela que la perte des membres ou des organes est plus sérieuse que la perte de l’argent, et qu’à certains égards, elle cause plus de dommage que le viol. La loi civile donne à quelqu’un le droit de se protéger lui-même, en son corps et en ses membres, même en attaquant l’assaillant, quand la chose est absolument nécessaire. Si l’attaque ne menace que d’un tort mineur (un œil au beurre noir, ou un nez ensanglanté), il est certain que le meurtre est injustifié. Mais la personne attaquée peut frapper plus fort et plus souvent que l’assaillant, si elle le peut, pour qu’il y pense deux fois avant de renouveler l’attaque.
1843- La défense de l’honneur et de la réputation. Quand l’honneur ou la réputation est injustement attaqué, la meilleur attitude à prendre est de supporter l’offense patiemment, et de pardonner, comme l’enseigne le Christ. Mais ce n’est pas un péché de défendre son honneur et sa réputation, comme ce n’est pas un péché de défendre sa vie, ses membres, sa propriété. Jusqu’ou peut aller quelqu’un à la défense de son honneur et de sa réputation contre un injuste agresseur ? Si l’agression n’est qu’en mots (comme quand l’un appelle l’autre un menteur, ou lui dit qu’il est un bâtard), on n’a pas le droit de se servir de la violence, du moins, pas d’une violence qui conduirait à la mort. Mais il y a d’autres moyens de défense moins drastiques qui devraient suffire (répliquer aux allégations, même dans le même style). Et si on ne restreignait pas la violence d’un ressentiment justifiable, le monde serait rempli de désordre et de violence homicidaire. Innocent X1 et Alexandre V11 ont condamné la proposition qui permettait de tuer pour prévenir l’expansion de la calomnie. Si l’agression est en actes (comme quand l’offenseur donne un soufflet à un autre ou lui jette de la boue ou des œufs pourris au visage), il n’est pas permis de tuer. Car ici aussi, on peut faire la défense d’une autre façon (en amenant en cour l’agresseur pour qu’il soit puni, et si cela n’est pas possible, en lui retournant gifle pour gifle). Innocent X1 a rejeté la proposition selon laquelle il est permis de tuer un agresseur qui a frappé une fois, puis s’est enfui. C’est seulement quand l’agresseur continue à attaquer et met en danger la vie ou les membres d’un innocent, que l’on peut repousser la force extrême par la force extrême.
1844- Le meurtre d’un innocent. Jusqu’à présent, nous avons parlé du meurtre des malfaiteurs et des injustes agresseurs, lequel, selon certaines conditions, n’est pas un péché. Le prochain sujet est le meurtre des innocents, c’est-à-dire de ceux qui ne sont ni des malfaiteurs ni des agresseurs injustes, dignes de mort. Le meurtre d’un innocent par l’autorité humaine, s’il est fait directement et intentionnellement, est toujours coupable, que la cause en soit un individu privé ou la société. Mais comme Dieu est le maître de la vie et de la mort, il pourrait commander la mort d’une personne innocente, comme il a fait quand il ordonna à Abraham de sacrifier son fils (Gen. XX11, 12). Le meurtre d’un innocent, s’il est indirect et non intentionnel, n’est pas un péché quand on a de sérieuses raisons d’accomplir un acte d’où résultera une mort. Car il est permis d’accomplir un acte qui produit deux effets, si on désire le bon, et si on ne fait que permettre le mauvais, et s’il y a une raison justificatrice (103).
1845- Tuer illégalement un innocent est un crime des plus haineux. C’est une offense faite aux droits de Dieu sur la vie humaine, et c’est une chose interdite dans le cinquième commandement du décalogue. Tu ne tueras pas (Exod XX, 13). Aux juges, un commandement spécial a été donné. Tu ne mettras pas à mort le juste et l’innocent (Exod XX111, 7). Le meurtrier détruit l’image de Dieu, un crime si détestable que, dans l’Écriture, Dieu déclare qu’il vengera le sang des hommes, même versé par une bête (Gen. 1X, 5; Exoc XX1, 28). C’est un grand péché causé contre l’individu, parce qu’il le prive de son bien naturel principal, et des moyens de se procurer plusieurs grands biens spirituels, et d’en jouir. Si la personne tuée a désiré ou demandé la mort, aucune injustice n’a été commise envers elle, puisqu’elle avait renoncé à son droit à la vie. Mais un manque de charité est commis puisqu’on devrait aimer la vie du prochain, et plus digne d’amour est la personne tuée, plus grand est le manque de charité. L’Écriture range le meurtre parmi les péchés qui crient à Dieu vengeance. (Gen 1V, 10; 1X, 5). C’est un outrage à la société, car un meurtre prive indument une communauté d’un de ses membres, cause du scandale et trouble la paix. C’est pourquoi la loi a toujours imposé des peines sévères à ceux qui tuent des innocents.
1846- Puisque la fin ne justifie pas les moyens, les fins suivantes ne justifient pas le meurtre intentionnel et direct de personnes innocentes. Le bien public n’excuse pas, par exemple, si un ennemi menaçait de destruction une cité à moins que ne soit mise à mort une personne qui demeure à ses frontières. A cause de son mépris des lois, le criminel est un obstacle au bien commun, mais le citoyen respectueux des lois promeut le bien commun, et ce serait un dommage causé à la paix publique s’il pouvait être mis mort sans faute de sa part. L’État est pour le citoyen, non le citoyen pour l’État. Mais si la sécurité de tous dépendait du sacrifice de la vie d’un homme, la charité et le patriotisme demanderaient à cet homme de se sacrifier spontanément (1169). C’est-à-dire qu’il devrait se livrer à l’ennemi. Et s’il refusait, il semble que la communauté aurait le droit de le livrer. Semblablement, il n’est pas permis de tuer des otages, même si l’ennemi a violé sa foi, ou a tué ses propres sujets.
Le bien privé d’autres individus n’excuse pas. Par exemple. Il n’est pas permis de tuer un déséquilibré à moins qu’il ne fasse du tort à ceux qui l’entourent, tant que les conditions d’une injuste agression ne sont pas remplies. Semblablement, il n’est pas permis de tuer une femme enceinte afin de baptiser l’enfant. Le bien privé de l’individu lui-même n’excuse pas. Par exemple, il n’est pas permis de fusiller ou d’empoisonner ceux qui sont mortellement blessés, ou qui souffrent d’une maladie incurable, ou qui sont vieux et impotents, pour leur épargner la souffrance. Mais on peut donner à une personne gravement malade un médicament qui hâtera sa fin, si on a de bonnes raisons de penser qu’il pourrait la guérir, et que les autres pilules ne serviraient à rien, car le but n’est pas de tuer, mais de guérir (2485). Il est permis aussi aux embaumeurs de percer le cœur ou de couper l’artère de quelqu’un qui semble mort, s’il y a des signes certains de sa mort, car le but n’est pas de tuer la personne, mais de libérer ses parents de la peur qu’elle soit ensevelie vivante.
1847- La tuerie indirecte ou non intentionnelle d’un innocent. Elle est permise seulement quand il y a une raison d’une gravité suffisante, (d’une valeur proportionnelle à la vie d’une personne innocente). La sécurité publique est une raison suffisante. Ainsi, en temps de guerre, il est permis d’attaquer une cité, même si un bon nombre de non combattants périront; ou de charger l’ennemi, même si des innocents ont été placés au premier rang par l’ennemi, comme bouclier.
Pouvoir assurer sa sécurité personnelle par la mort de quelqu’un n’est pas une raison suffisante pour qu’on le tue, si la survie personnelle ne compense pas pour la perte encourue, ou si elle est assurée illégalement. Ainsi, si Pierre ne peut pas échapper à un injuste agresseur sans poursuivre et tuer un enfant ou un homme non baptisé, dont la vie est grandement nécessaire à la communauté, la vie temporaire de Pierre ne compense pas pour la perte de la vie éternelle d’un enfant, dans le premier cas, et le bien privé de Pierre ne compense pas à lui seul pour le bien public sacrifié dans le deuxième cas. Autre exemple, si Pierre ne peut pas se soustraire à la noyade sans pousser son compagnon d’infortune hors de la planche qui est insuffisante pour les deux; ou si Luc, qui a été condamné à mort pour crime, ne peut pas s’échapper sans tuer son garde du corps, ces moyens d’assurer son salut sont illégaux. Assurer sa sécurité personnelle par la mort de quelqu’un se justifie suffisamment, quand la survie de l’un compense pour la perte de l’autre, et quand cela se fait légalement. En conséquence, si la vie de la personne innocente n’est que d’une importance égale, l’autodéfense contre un injuste agresseur, par le moyen d’un combat qui conduira à la mort de la personne innocente, ne rend pas quelqu’un coupable d’homicide. (Paul conduit sa voiture à toute vitesse pour échapper à un poursuivant qui veut le tuer, et il ne peut pas s’empêcher de frapper et de tuer un infirme qui traverse la route). Si on s’auto défend en attaquant, on peut user de violence envers l’agresseur (on peut tirer sur lui, même si on tue un innocent qu’il utilise comme bouclier) mais non sur la personne innocente (on ne peut pas tirer sur la personne innocente pour priver l’agresseur de son bouclier. On ne peut non plus placer une innocente personne devant soi pour que ce soit elle qui reçoive la balle de l’assaillant).
1848- La destruction du foetus. Une destruction directe et intentionnelle de ce genre est illégale, et est connu comme un foeticide quand le foetus est tué dans le sein de la mère, ou un avortement, quad un fœtus non viable est expulsé du sein de la mère). Hâter la naissance d’un fœtus viable (de six ou sept mois, qui peut vivre à l’extérieur) n’est pas un avortement, puisque l’enfant peut être maintenu en vie. Mais il faut de graves raisons pour le rendre licite, puisque cela représente un risque pour la vie de l’enfant. Mais expulser un foetus non viable est un avortement. Chaque avortement direct est considéré par l’Église catholique comme un meurtre, et il a pour peine la censure de l’excommunication (2550). On pourrait objecter que, s’il est vrai que l’avortement est certainement un meurtre, nul ne sait quand le fœtus devient un être humain. L’ancienne théorie d’Aristote, suivie par saint Thomas et la plupart des théologiens médiévaux, maintenait que l’embryon ne devenait humain qu’un certain temps après la conception. Une opinion qui a encore une grande probabilité aujourd’hui. D’autres maintiennent que l’animation est simultanée à la conception. Comme nous connaissons tous le moment de l’animation, on doit accepter en pratique le moment de la conception comme le début de la vie humaine. Le probabilisme n’a pas sont mot à dire dans cette affaire, car il n’y a aucun doute au sujet de la loi et de son application. Nous ne pouvons pas directement tuer ce qui est probablement un être humain. C’est pourquoi l’avortement est vu comme un meurtre. En conséquence, même dans le cas d’une fille qui a été violée (bien que ce soit une opinion probable qu’on puisse prendre des mesures pour retirer la semence de son corps), ce serait un péché grave de donner un traitement qui aurait pour effet l’avortement.
La tuerie indirecte ou non intentionnelle, ou la permission de la mort, n’est pas illégale si elle a une raison proportionnellement grave à invoquer, comme la vie de la mère. Ainsi, il est permis de donner à la mère un remède nécessaire à la cure d’une maladie grave (des drogues médicinales, des bains, des injections, des opérations de l’utérus), même si cela conduira à l’avortement, ou à la mort du fœtus, car la mère n’est pas obligée de préférer la vie temporelle de son enfant à la sienne. Mais il faut pourvoir au baptême de l’enfant, car son salut dépend du sacrement, et la vie éternelle de l’enfant doit être préférée à la vie temporelle de la mère, si sont remplies les conditions de 1166.
L’opinion morale contemporaine
considère que pour les grossesses extra utérines, le tube lui-même
est dans un état pathologique bien avant sa rupture, comme l’enseignent
les experts en obstétrique, et peut donc être coupé comme un organe
mort d’un corps humain. En elle-même, l’excision de ce tube serait
un acte moralement indifférent, et si étaient présentes les autres conditions
pour le principe du double effet, elle pourrait licitement être
faite. (Pour une histoire de la question morale, le témoignage médical
et l’ensemble des arguments, voyez le chapitre 10 de Medical Ethics par
Charles J. McFadden. O.S.A) Quelques théologiens pensent, cependant,
que le tube ne peut pas être enlevé à moins de pouvoir prouver, dans
chaque cas, qu’existe une condition pathologique mettant la mère en
danger de mort, La première opinion est acceptée comme suffisamment
sure pour être suivie en pratique. (Francis Connell C,S,S,R. Morals in
politics and professions p. 118).
1849- Il est positivement
illégal de tuer la mère, pour que l’enfant non encore né puisse être
sauvé et baptisé. Quand une césarienne est la seule chance de
sauver la vie de la mère, elle est permise. Il y a un doute sérieux
à savoir si la mère est moralement obligée de subir l’opération
dans les situations où existe une menace à sa vie. Dans ce cas,
si le baptême dans l’utérus est possible, sans augmenter le danger
de la mort de la mère, on devrait l’essayer. Quand une césarienne
n’offre aucune chance de sauver la vie de la mère, mais lui apportera
directement la mort, on ne devrait pas pratiquer l’opération. On doit
attendre la mort de la mère, et observer la règle du canon 746. « Tout
de suite après la mort d’une femme enceinte, on devrait faire une césarienne
pour pouvoir baptiser l’enfant ». La procédure à suivre est
bien expliquée dans les livres éthico-médicaux (McFadden op. cit. pp
244 ff).
1850- Directives en cas de doute, d’ignorance et d’erreur. En cas de doute, si on a des raisons positives et solides de croire qu’une opération entreprise pour sauver la vie d’une mère, ne détruira pas la vie du fœtus, l’opération semble légale. Car, dans le doute, la mère en tant que possesseuse certaine de la vie, a la présomption. En cas d’ignorance ou d’erreur, (quand un pénitent demande si telle opération est permise, ou quand un médecin pratique de bonne foi une opération qui n’est pas légale), on devrait donner une réponse véritable aux questions ou bien garder le silence quand l’admonition ne ferait que nuire, (si la demande d’une césarienne pour une femme mourante n’aurait pour seul résultat que de la faire mourir de mauvaise foi plutôt que de bonne foi).
1851- Les peines canoniques pour l’homicide et l’avortement. S’il est volontaire, l’homicide produit l’irrégularité (canon 985 no. 4), et soumet le coupable à l’exclusion des actes ecclésiastiques légitimes, ou à la perte du statut ecclésiastique (canon 2354). De plus, l’Église est violée par le crime d’homicide (1172). L’avortement d’un fœtus humain, quand il prend effet, apporte l’irrégularité sur ceux qui le produisent, et aussi aux coopérateurs (985 no 4). De plus, ceux qui procurent l’avortement effectivement, sans excepté la mère, encourent l’excommunication qui prend effet instantanément, et qui est réservée à l’Ordinaire. Et si ce sont des clercs qui sont impliqués, ils doivent être déposés (canon 2350).
1852- Le suicide. Le suicide ou le meurtre de soi-même est, comme l’homicide en général, de plusieurs sortes. Ainsi, en relation à l’intention, il est volontaire ou involontaire, selon qu’il procède la connaissance et du choix, ou selon qu’il est commis sans qu’on réalise ce que l’on fait, ou sans l’intention de procurer la mort. Des exemples d’un suicide involontaire se trouvent chez quelqu’un qui souffre d’un déséquilibre temporaire à cause d’une calamité escomptée, et se noie ; ou chez quelqu’un qui cherche à effrayer un autre en faisant semblant de se tuer, et qui se tue réellement. Ce serait une erreur de dire qu’aucun de ceux qui commettent un suicide n’est libre, mais il est hors de doute qu’un fort pourcentage de ceux qui se tuent ne sont pas pleinement responsables de leur acte. En relation à la manière, le suicide est direct ou indirect. Il est direct si ce qui est fait tend, de par sa nature, à la mort de la personne qui le fait (se tirer une balle dans la tête). Il est indirect si ce qui a été fait tend, de par sa nature, à une autre fin (attaquer un criminel en train de décharger une kalachnikov). Le suicide direct est commis de plusieurs façons. Mais on peut toutes les réduire à positive (manger ou boire un poison mortel) et négative (le refus de manger ou de boire quelque chose).
1853- Voici la différence entre le suicide direct et indirect. Le suicide direct est un acte ou une omission qui n’a qu’un seul effet, la mort (prendre un poison mortel). Le suicide indirect est un acte ou une omission qui a deux effets, dont l’un est le danger de mort. Ce danger de mort est certain si la mort s’ensuit toujours (plonger du haut d’un gratte-ciel). Elle est prochaine, si la mort en résulte habituellement, (sauter de la fenêtre d’un troisième ou d’un quatrième étage). Elle est éloignée si la mort survient de temps en temps (sauter de la fenêtre d’un deuxième étage).
1854- La culpabilité du suicide. Le suicide volontaire et direct est toujours un très grave péché, s’il est commis sans l’autorisation requise (un commandement de Dieu). C’est une grande offense faite aux droits de Dieu, car il usurpe son autorité, lui refuse le service qu’il désire, méprise le don qu’il a reçu de lui, déshonore l’image de Dieu (Gen 1X, 6), et détruit la propriété de Dieu. Toi, o seigneur, tu as le pouvoir de vie et de mort (Sag. XV1, 13).
C’est une offense faite à la société,
car la communauté a le droit de tirer des bénéfices de la vie de ses
membres, et de recevoir un tribut de reconnaissance pour la protection
et l’assistance qu’elle leur accorde. De plus, la mort
par suicide est habituellement ressentie comme une peine profonde et une
disgrâce pour les parents du défunt ; et elle a un effet démoralisant
sur beaucoup de personnes impressionnables. Le fait que la mort de celui-ci
ou de celui-là ne soit pas ressentie comme une perte pour la famille ou
par l’état, mais plutôt comme un soulagement, ne prouve rien.
Car si le suicide était laissé à la décision humaine, combien de fautes
fatales seraient commises ! (460). Des personnes qui ont de
l’importance pour la société se tueraient sans hésiter, si une
dépression passagère leur faisait croire qu’ils ne valaient plus rien.
D’autres qui n’apportent pas leur contribution dans les choses matérielles,
se détruiraient, et priveraient leurs concitoyens d’un exemple de force,
ou de la possibilité de montrer de la charité et de la pitié aux nécessiteux.
Le suicide direct et volontaire
est un péché contre la tendance naturelle la plus profonde, car l’auto
préservation s’appelle la première loi de la nature (298) ; et aussi
contre cet amour de soi-même que la charité requiert (1136). Puisque
la charité envers soi-même est plus obligatoire que la charité envers
le prochain, le suicide est un péché plus sérieux que toute autre forme
d’homicide. Il ne peut pas être excusé par le désir de quelque bien
qu’on pourrait en tirer. Le suicide ne se bonifie pas par son acte,
car puisqu’il n’a pas gardé sa confiance en cette vie, que peut-il
attendre dans la vie future ? Il échappe aux moindres maux des misères
physiques ou des tentations morales, mais il encourt les plus grands
maux de la mort physique, de la défaite et de la lâcheté morale,
pour ne rien dire de ce qui l’attend au purgatoire.
1855- La coopération dans le suicide. La coopération dans le suicide est un péché semblable à l’homicide illégal. Ainsi, ceux qui incitent à le faire, le conseillent, l’ordonnent, ou qui assistent quelqu’un à commettre un suicide sont coupables d’un meurtre moral. Ceux qui mettent à exécution un pacte de suicide sont coupables de suicide et de meurtre moral.
1856- La permission ou l’autorisation de commettre un suicide. La divine autorité pourrait commander ou permettre un suicide, puisque Dieu a le pouvoir sur la vie et la mort. Mais on ne sait pas si Dieu a jamais demandé cela. Quelques moralistes donnent, comme preuve de leur opinion affirmative, la mort de Samson qui a fait s’écrouler le temple sur lui-même en disant : Que je meure avec les Philistins ! (Juges XV1, 30), ou de Razias qui s’est tué lui-même pour éviter de mauvais traitements (2 Macc X1V, 37) ; et des actes de certaines femmes martyrs qui se sont ruées à la mort par amour de Dieu et pour préserver leur chasteté. Mais d’autres pensent qu’une ignorance invincible peut expliquer ces cas. L’acte de Sanson peut être aussi perçu comme un suicide indirect, légalement commis pour le bien de son pays.
L’autorité humaine, selon certains moralistes, pourrait autoriser le suicide à un malfaiteur qui a été condamné pour un crime capital qu’il a vraiment commis. Car, affirment-ils, il y a peu de différence entre ouvrir la bouche pour avaler un poison administré par un geôlier, et le prendre de sa propre main, comme l’a fait Socrate. D’autres nient que Dieu ait donné à l’état le pouvoir d’ordonner le suicide, et ils affirment que c’est une chose non nécessaire et inhumaine de forcer un condamné à mort à être son propre bourreau. Il y en a d’autres qui pensent que l’état pourrait ordonner l’auto exécution, au moins en cas de nécessité, mais que cette sorte de punition est si étrange, si cruelle et si inhumaine qu’on devrait l’éviter. Car s’il est révoltant de demander à un père de tuer son fils, ce serait encore plus révoltant de demander à quelqu’un de se tuer lui-même. Mais il n’est pas concluant l’argument qui dit que puisqu’il est permis d’accomplir un acte préparatoire à la mort, qui est indifférent et qui ne causera jamais la mort (comme ouvrir la bouche au poison), il est aussi permis d’accomplir l’acte qui procure la mort (comme prendre un poison).
1857- Le suicide indirect. On commet un suicide indirect quand on est la cause d’un acte indifférent en lui-même, ou d’une omission, mais qui permet de prévoir qu’il aura pour résultat la perte ou le raccourcissement de la vie. Cette sorte de suicide est légale quand sont présentes les conditions d’un cas de double effet. En d’autres termes, s’il y a une raison proportionnellement grave qui permette le mauvais effet (103). On considère suffisantes les raisons qui suivent. Le bien public. Car le bien être d’une société est un bien plus grand que la vie d’un individu. On loue Éléazar parce qu’il s’est exposé à la mort pour libérer son peuple (1 Macc. V1, 43). Ce n’est donc pas quelque chose de mauvais pour un soldat, ce peut être même une obligation, de foncer sur l’ennemi, ou d’assiéger une ville fortifiée, même s’il est certain qu’il y laissera sa peau. Ce n’est pas non plus une chose mauvaise pour un pasteur d’aller visiter des malades atteints de la peste, même s’il est certain qu’il en sera victime. Les explorateurs et les expérimentateurs peuvent aussi, pour l’avancement de la science, prendre le risque de perdre la vie. Le bien d’un autre suffit pour justifier le suicide indirect, si cette personne est dans un besoin spirituel extrême. Il peut même y avoir une obligation de charité de risquer sa vie pour le salut d’une âme (1166). En conséquence, il est permis à un missionnaire d’aller dans un pays dont le climat est si délétère que les étrangers en meurent après quelques années. Le plus grand bien de quelqu’un (le bien de la vertu) justifie un suicide indirect, quand il y a une raison urgente de pratiquer la vertu en dépit du danger de mort. Ainsi, par pure charité, un naufragé peut céder sa place sur des chaloupes de secours à son père, sa femme, un ami ou un voisin. Pour des motifs de foi, quelqu’un peut refuser de fuir en temps de persécution ; il peut ou doit refuser de prendre de la nourriture ou du breuvage offerts à des idoles. Pour conserver sa chasteté, une jeune fille peut, au péril de sa vie, sauter du haut d’une fenêtre, ou résister à l’assaillant, bien qu’il ne semble pas que cela soit obligatoire, si aucun consentement interne n’est donné pendant le viol. Pour satisfaire à la justice, un criminel incarcéré qui a une occasion de s’évader de prison, peut décider de rester et d’être exécuté ; ou un malfaiteur condamné à mourir de faim peut refuser de prendre de la nourriture apportée clandestinement. Par esprit de mortification, on peut pratiquer des austérités modérées, comme des jeûnes, des veilles, des flagellations appelées disciplines, des cilices, qui raccourcissent parfois la vie, mais qui généralement la prolongent. Le bien temporel préférentiel de quelqu’un suffit, C’est-à-dire qu’on peut prendre le risque d’un danger de mort pour échapper à un autre danger qui a plus de chance d’arriver et qui est plus terrible. Ainsi, quelqu’un qui se trouve dans une maison en flamme peut sauter du haut d’une fenêtre élevée, même s’il est à peu près certain que la chute sera mortelle. Car la mort causée par le feu est plus redoutable. Un prisonnier qui est sur le point d’être torturé à mort, peut faire une tentative de libération s’il voit une chance d’évasion. Car la mort est plus certaine s’il demeure où il est. D’après le même principe, on peut s’adonner à des occupations hasardeuses mais utiles, comme travailler sur des gratte-ciel, pratiquer le métier de plongeurs ou de miniers, car il est préférable d’avoir une vie plus courte avec un emploi et les nécessités de la vie et d’être utile à la société, que de végéter longtemps sans ces avantages. Mais un travailleur ne devrait pas entreprendre des tâches dangereuses pour lesquelles il n’est pas préparé ; et l’employeur a le devoir de sauvegarder la vie de ses ouvriers.
1858- Les mêmes raisons ne sont
pas suffisantes dans tous les cas. Ainsi, plus est grand le risque
de mort, plus grande doit être la raison qui le requiert.
En conséquence, pour sauver l’argent que l’on possède, il pourrait
être permis de sauter de la fenêtre d’un deuxième étage, mais pas
d’un étage supérieur, car la chute causerait probablement la mort.
Plus le danger de mort est immédiat, plus sérieuse doit être la raison
requise. Ainsi, pour sauver de l’argent, ou pourrait entrer dans
une maison mise en quarantaine ; mais il ne serait pas permis d’y entrer
si la maison chancelait sous l’action d’un tremblement de terre.
Plus le raccourcissement de la vie est important, plus grande la raison
pour le permettre. Ainsi, si la pratique d’une certaine mortification
réduit l’espérance de vie de quelques années, il faut une raison moindre
pour la permettre que si elle réduisait la vie de dix ou vingt ans.
1859- Le suicide indirect est illégal
et a la culpabilité d’un auto meurtre quand la raison pour mettre sa
vie en danger est frivole, insuffisante ou peccamineuse. On
trouve des exemples de raisons insuffisantes dans les cas de personnes
qui s’engagent dans des occupations ou des actions qui mettent gravement
en danger la vie ou l’intégrité des membres, sans profit pour la société
ou pour l’individu. Comme quand, voulant faire un exploit, un homme marche
sur une corde raide, se perce avec des épées, ou met sa tête dans la
gueule d’un lion. Mais si le saltimbanque est vraiment habile,
et n’a pas d’autre moyen de gagner sa vie, il semble qu’il
puisse exercer son art pour divertir son public. Des exemples de
mauvaises raisons de risquer sa vie se trouvent dans les personnes qui
raccourcissent leur vie par gloutonnerie, par ivrognerie, par une prédilection
pour les boissons fortement alcoolisées, par des passions immodérées
pour n’importe quoi. Et aussi dans ceux qui refusent de faire usage
des moyens ordinaires de prévention de la santé (1566), ou des moyens
ordinaires pour combattre la maladie (1571). Il n’est pas nécessaire
de se soucier de vivre longtemps. Mais il est obligatoire d’utiliser
les moyens normaux pour la préservation de la vie. Et ceux qui négligent
grandement ces moyens sont coupables de suicide indirect.
1860- Est-ce suicidaire de refuser une opération chirurgicale nécessaire à la vie ? Si l’opération a de bonnes chances d’être fructueuse, il n’y a pas de bonne raison de la refuser. Il semble qu’on ne puisse pas la refuser sans devenir coupable d’un suicide indirect. Seule la bonne foi pourrait apporter une excuse. Si le succès de l’opération est douteux, ou s’il y a une bonne raison de refuser, celui qui refuse n’est pas coupable de suicide. Parmi les bonnes raisons, il y a les raisons spirituelles (la modestie, la peur d’en arriver à blasphémer, ou à désespérer à cause des souffrances). Quelques moralistes indiquent ces causes. Il y a aussi les raisons temporelles (la pauvreté que le coût des traitements hospitaliers amènerait à la famille),
1861- Les peines canoniques pour le suicide. Ceux qui tentent de se suicider sont irréguliers en vertu du délit lui-même (canon 985, no 5). S’ils meurent, on ne les inhume pas dans un cimetière catholique, à moins qu’ils n’aient donné des signes de repentir avant la mort (canon 1240, 3). Et s’ils en réchappent, plusieurs peines leur sont infligées (canon 2350, 2). Si on doute si telle personne a commis ou non un suicide, ou était responsable d’un suicide, on tranche le doute en sa faveur, pourvu qu’il ne soit question d’aucun scandale.
1862- L’homicide accidentel. L’homicide accidentel est celui qui se produit sans qu’il n’y ait aucune intention directe de tuer. Mais il faudrait faire des distinctions dans les cas suivants. Quand l’homicide n’est pas volontaire, en lui-même ou dans sa cause (35, 94), c’est-à-dire quand le tueur n’avait pas d’intention de tuer, et ne pouvait pas prévoir qu’une mort résulterait de son action ou de son omission. Quand l’homicide n’est volontaire que dans sa cause, comme quand celui qui tue est coupable de négligence dans une chose légale ou illégale, et que la mort provient de la négligence ou de ce qui est illégal, bien qu’il n’y ait pas eu de désir direct de tuer.
1863- Le cas de quelqu’un dont un acte légal ou une omission cause accidentellement un homicide. Si cette personne n’était pas coupable de négligence, elle n’est pas responsable pour l’homicide qui s’ensuit, puisque son acte n’était ni directement ni indirectement volontaire. Ainsi, si un homme qui, à son insu, avait été déclaré mort, se rend chez lui, et si sa femme tombe raide morte en le voyant, il n’est pas responsable de sa mort. Si la personne en question était négligente, elle est coupable d’un homicide plus ou moins grand selon la gravité de la négligence. Si un homme brandit un pistolet chargé dans une salle bondée de monde, il est responsable si une balle s’échappe du pistolet et tue quelqu’un. Mais une garde-malade quitte la chambre un seul instant, et pendant ce cour moment, le patient tombe du lit et se tue. Elle n’est que légèrement responsable, tout au plus, si rien ne laissait présager ce qui est arrivé.
1864- Le cas de quelqu’un dont un acte illégal ou une omission cause accidentellement un homicide. Si cette personne n’était pas négligente, et si sa conduite ne représentait pas de danger pour la vie des autres, elle n’est pas coupable d’homicide. Car la mort qui en est résulté n’était ni directement ni indirectement volontaire. Ainsi, si un voleur conduit prudemment une voiture volée, et si un piéton écervelé se place devant la voiture, le conducteur est coupable de vol mais non pas de meurtre. Si la personne en question n’était pas négligente, mais si sa conduite ne représentait pas moins un danger pour la vie des autres, elle est coupable d’homicide, car la mort qui survint était indirectement volontaire, et il aurait pu prévoir l’homicide et éviter de conduire. Ainsi, si quelqu’un frappe légèrement une femme enceinte, et si elle avorte en conséquence, ou si quelqu’un qui n’est pas un chirurgien tente de mutiler une personne innocente et la tue, il est responsable de la mort, car les actes qu’il a commis représentaient un danger pour la vie, quel que soin qu’ait pris l’offenseur pour éviter la mort.
1865- La morale et la faute légale. La loi peut considérer que quelqu’un est un homicide, même s’il n’y a pas de faute théologique (1766). Ainsi, quelqu’un peut être tenu responsable des conséquences d’un acte qui n’est que juridiquement négligent, comme quand un automobiliste roule à une vitesse déraisonnable selon la loi, mais pas réellement, et tue un piéton. Quelqu’un peut être tenu responsable pour les actes commis par ceux qui sont sous sa garde ou à sa charge, comme quand un chien tue l’enfant du voisin, parce que l’homme qui le gardait le laissait courir en toute liberté, ignorant qu’il était de sa vraie nature. Ou quand quelqu’un prête illégalement sa voiture à un mineur, en pensant qu’il est un bon conducteur, et quand ce mineur insouciant frappe quelqu’un sur la route.
1866- Les offenses corporelles.
On commet une injustice non seulement en détruisant la vie d’un être
humain, mais aussi en le frustrant de ses droits à l’intégrité corporelle
et au bien être. Voici quelles sont les offenses corporelles les
plus importantes. La mutilation, qui prive quelqu’un de ses membres,
sans causer la mort. Une blessure, causée par un acte violent qui
détruit l’harmonie du corps, diminue la force ou la beauté. L’affaiblissement
qui diminue ou détruit la santé, la force ou le confort du corps de façon
illégale (par privation de la nourriture nécessaire, de l’art frais,
du sommeil, etc). La retenue, qui empêche le libre exercice des
facultés corporelles (en retenant une personne contre sa volonté,
en l’enchaînant à un poteau, en l’embarrant dans une chambre).
1867- La mutilation. En général,
tout acte qui porte atteinte à l’intégrité corporelle porte le nom
de mutilation. Au sens strict, la mutilation est une action
qui supprime ou diminue directement, par une coupure, une fonction
organique ou l’usage normal d’un membre. Trois types distincts de mutilation
sont donc possibles. Quand une partie du corps ayant une fonction
particulière est retranchée; quand une fonction organique distincte est
totalement supprimée sans couper l’organe; quand la fonction est directement
diminuée ou partiellement supprimée.
1868- La moralité. La licéité. Le principe de base régissant la moralité de la mutilation est le suivant. L’homme n’est pas le maître de sa propre vie; il n’en est que le gardien. En conséquence, personne n’est le maître de son corps. Ainsi, le pape Pie X11, parlant de la noble fonction du chirurgien (the catholic mind, aug. 1948 pp 490 ff), a déclaré : Dieu seul est le maître de la vie et de l’intégrité de l’homme. Il est le Seigneur de ses membres, de ses organes, de ses facultés, et en particulier de ceux qui font de lui un associé dans l’œuvre de la création. Ni les parents, ni l’époux, ni l’individu en question ne peuvent en disposer à leur guise. » En tant qu’intendant, l’homme a des devoirs envers son corps, sa santé et son bien-être, selon les normes de la raison et de la loi divine, de façon que son corps puisse être un moyen qui le conduise à la vie éternelle avec Dieu. En agissant en accord avec ces normes et avec le but de la vie, il peut devenir nécessaire et licite de mutiler son corps pour sauvegarder sa santé ou pour sauver sa vie. Le principe qui exprime la moralité de la mutilation, connu sous le nom de principe de totalité (Pie X11 nous vous saluons AAS 45-674) peut être formulé ainsi : l’homme peut licitement mutiler son corps, dans la mesure seulement où cette action concourra au bien du tout. En fait, une telle mutilation est souvent obligatoire, puisqu’on doit utiliser les moyens ordinaires pour protéger sa vie et sa santé; et puisque la partie est pour le tout. En conséquence, quelqu’un serait tenu à subir l’opération de l’appendicite pour sauver sa vie.
Même si un organe n’est pas mort, il peut, en certaines circonstances, être enlevé. Ainsi, un chirurgien qui opère pour une hernie, peut enlever un appendice en pleine santé, si l’on prévoit un danger d’adhésion qui requerra plus tard une autre opération. Il n’est pas nécessaire que le danger soit présent. Les paroles du pape Pie X11 à l’effet que les mutilations sont permises quand elles sont requises pour éviter un dommage sérieux et durable (AAS, 44-782) suggèrent la licéité des opérations prophylactiques. (Voyez des textes éticho médicaux pour des cas spéciaux comme la lobotomie, la thalamotomie, les expériences etc.) Le problème de mutilation que l’on rencontre dans la transplantation organique pour le bénéfice d’un autre, est chaudement débattu à l’heure actuelle. Le pape Pie X11 a discuté de la légalité des transplants cornéens d’un mort à un vivant. (The pope speaks, autumn 1956 pp 198 ff), mais il n’a pas touché à la question des transplants de corps vivants. Dans cette matière controversée, les principes suivants semblent clairs. La mutilation pour le bien d’un autre ne peut pas être justifiée par le principe de la totalité, car la subordination impliquée dans le principe est caractéristique d’un corps physique, non moral ou mystique.
Les mutilations mineures comme le tatouage ou les transfusions de sang sont certainement permises. La base spéculative est toujours un objet de dispute. Il est solidement probable, extrinsèquement, que la transplantation organique puisse être permise, probablement pour des raisons de charité, ou pour une raison proportionnelle. La mutilation est permise par l’autorité publique pour punir un criminel. Car si l’état a le droit d’infliger la mort pour un crime sérieux, à plus forte raison a-t-il le droit d’imposer la peine plus petite de la mutilation. La convenance de l’exercice de ce droit doit être estimée en termes non seulement de peines, mais aussi de prévention du crime. La mutilation n’a aucune connexion nécessaire (à part dans certaines circonstances particulières) avec la volonté de détourner du crime les criminels.
Dans les autres cas, la mutilation est illégale. Car, comme l’homme n’est pas le maître de sa vie, il ne l’est pas non plus de ses membres. Et il fait une offense à Dieu, à la société et à lui-même s’il détruit des parties de son corps, quand ni le bien commun ni la sécurité privée ne le demande. Ainsi, la mutilation d’un criminel accomplie par une autorité privée est illégale. Ainsi, le propriétaire d’une maison ne peut pas mutiler un homme qui est entré par effraction dans sa maison. Est illégale aussi la mutilation d’une personne innocente qui n’est pas commandée par la préservation de sa santé. Même un bien spirituel n’est pas une raison suffisante. Par exemple, un homme ne peut pas se castrer pour fuir les tentations, car cette opération n’enlève pas la passion, et il y a des moyens spirituels qui suffisent contre les tentations. Quand notre Seigneur déclare qu’on doit couper une main ou un pied s’ils sont pour nous une occasion de scandale (Matt. XV111, 8), il parle métaphoriquement de la fuite des occasions de péché. Un bien temporel est encore moins une raison suffisante pour justifier la mutilation. En conséquence, un jeune homme ne peut pas se faire arracher les dents pour être dispensé du service militaire; un pauvre ne peut pas se faire amputer un bras pour obtenir de plus fortes sommes. On ne peut pas castrer un enfant pour lui procurer une plus belle voix. Une femme ne peut pas avoir une hystérectomie ou d’autres semblables opérations uniquement pour prévenir la conception. Un homme ne peut pas avoir l’opération de vasectomie pour empêcher la génération.
1869- La moralité de la stérilisation. Les mutilations qui frustrent la capacité de procréer, chez les hommes et chez les femmes, s’appelle stérilisation. On en distingue deux sortes. Une qui est indirecte, et qui sert à enlever des organes morts; et une autre qui est directe, et qui sert à prévenir la conception. La stérilisation indirecte (appelée thérapeutique par plusieurs) est légale quand elle est nécessaire pour sauver la vie ou la santé. Le principe éthique impliqué est le volontaire indirect, ou le principe du double effet. En conséquence, la vasectomie peut être utilisée pour prévenir l’idiotie ou la mort, ou pour enlever des anormalités qui amènent des troubles ou des perversions sexuelles, s’il est vraisemblable que ces maux sont présents ou imminents, et que l’opération sera avantageuse. La stérilisation directe par l’autorité publique inclut la stérilisation punitive et eugénique. Cette dernière a été condamnée par le pape Pie X11 dans le chaste mariage. Dans le contexte, le saint Père traitait des fausses réclamations faites au nom de l’eugénisme, selon lesquelles l’état pourrait légitimement stériliser ceux qui, en raison de tares héréditaires, engendreraient des enfants défectueux.
Cette position est vigoureusement rejetée. Les chefs d’état n’ont pas de pouvoir direct sur les corps de leurs sujets. En conséquence, là où aucun crime n’a été commis, et où il n’y a donc aucune cause pour infliger une punition, ils ne peuvent jamais directement porter atteinte à l’intégrité du corps humain, ni pour des raisons d’eugénisme ni pour aucune autre raison. C’est ce qu’enseigne saint Thomas quand il se demande si, pour prévenir des maux futurs, les juges humains peuvent infliger des peines. Il admet que ce pouvoir existe pour d’autres formes de peine, mais il le rejette à bon droit et avec raison pour les mutilations du corps.
Dans le même contexte la stérilisation punitive, soit pour punir des fautes commises ou soit pour dissuader d’en commettre, a été, elle aussi, déclarée illégale. Cependant, le fascicule 14 de AAS de 1930 a amendé le texte, et semble avoir retiré la condamnation formelle de la stérilisation punitive, un sujet disputé à l’époque. Le débat n’est pas clos, et l’amendement aura pour effet de relancer la question. L’opinion théologique est encore divisée sur la licéité de la stérilisation punitive. Quelques moralistes soutiennent que, puisque l’état peut infliger la peine de mort pour des crimes graves, il peut, à plus forte raison, infliger la peine inférieure de la stérilisation. D’autres la jugent illicite, car la stérilisation ne remplit pas les buts essentiels de la punition, car, elle n’est ni coercitive, ni préventive, ni rétributive, ni corrective. En conséquence, la stérilisation punitive est déraisonnable et inconvenante. C’est cette vue-là qui l’emporte aujourd’hui chez les moralistes modernes. La réponse du saint office (AAS, 32, 73) semble confirmer cette vue. Il déclare, en effet, que la stérilisation directe est prohibée par la loi de la nature. Puisque la stérilisation positive a son effet immédiat, en tant que fin ou en tant que moyen, à savoir la stérilité de la puissance génératrice, elle peut très bien se retrouver dans la catégorie de la mutilation directe, et être ainsi condamnée par le saint office.
1870- D’autres peines corporelles.
On ne peut blesser ou frapper quelqu’un que dans les conditions suivantes.
L’autorité doit être suffisante. L’état, étant une société
parfaite, a un pouvoir coercitif plus grand, et peut infliger des peines
qui ont un caractère permanent, comme la mort ou la mutilation ou des
blessures; et il peut imposer l’incarcération, non seulement pour des
actes illégaux, mais légaux. Étant une société imparfaite, la
famille a un pouvoir coercitif limité, et le père ou ceux qui le remplacent
(les enseignants) peut administrer à ses enfants des châtiments corporel
qui ne sont pas d’eux-mêmes irréparables (les frapper, les fouetter).
D’autres personnes peuvent punir ou retenir, mais seulement en cas d’urgente
nécessité (on peut retenir un étranger qui est en train de commettre
un crime; on peut punir le garçon du voisin qu’on ne peut empêcher
de causer des dommages sur notre propre propriété). Il n’est
pas interdit toutefois d’infliger des lésions corporelles modérées,
si l’autre personne n’y voit pas d’objection, et si le motif en est
raisonnable, comme dans des cours de boxe ou de lutte, dans certains jeux
violents comme le football américain, ou sous forme de mortification.
Il doit y avoir une raison suffisante pour justifier le tort causé.
Le bien du public est une raison suffisante. Par exemple, quand
un criminel est incorrigible, et qu’il est dangereux pour lui d’être
au large, ce n’est pas une chose déraisonnable de lui donner une sentence
à vie. Le bien de l’individu suffit aussi. Par exemple,
quand un chirurgien doit blesser avant de guérir; quand un père doit
faire usage du fouet pour corriger son enfant, ou pour maintenir la discipline
(Prov. X111, 24; XX111, 13). Il doit y avoir de la modération
dans la peine infligée. Ainsi, bien que les enfants ne doivent pas
être gâtés, ni les prisonniers chouchoutés, on doit éviter
l’autre extrême : les mauvais traitements et la cruauté.
C’est cruel de frapper un enfant sur les tempes, ou de les bousculer,
ou de les ligoter dans la noirceur, car ils peuvent souffrir des dommages
permanents par ces méthodes. Semblablement, il est barbare d’envoyer
des détenus dans des endroits si inhumains qu’ils peuvent en perdre
la raison, ou contracter des maladies incurables.
1871- Les torts faits à la santé.
Est un péché un tort injustement commis à la santé des autres. Et si
le tort est grand, c’est un péché mortel. Exemples. On
fait négativement un tort à la santé par l’omission d’un devoir.
Comme quand un médecin ou un infirmier ne se soucie pas suffisamment de
son patient, et qu’en conséquence, la santé du patient se dégrade;
ou quand un employeur ne voit pas à ce que son usine ou son lieu de travail
soit sanitaire ou que le travail ne soit pas trop épuisant, et qu’en
conséquence, les employés y laissent leur santé. On fait
tort à la santé positivement par des actes ou des objets qui tendent
à priver autrui des moyens d’assurer son bien-être physique (des bruits
qui empêchent le sommeil, de la nourriture adultérée, des senteurs suffocantes,
des vapeurs pestilentielles), ou qui lui apportent des infections ou des
maladies (quand une personne en santé doit dormir dans la chambre d’un
malade qui souffre de tuberculose).
1872- Le vol et le cambriolage. Après avoir considéré les offenses faites à autrui par l’homicide, la mutilation, l’emprisonnement etc. nous traiterons maintenant des torts causés à la propriété par le vol et le cambriolage. La propriété privée de biens qui nous appartiennent est reconnue par la loi naturelle et divine. Et elle est nécessaire, quand, comme présentement, les affaires humaines ne peuvent pas être menées à bien sous aucun autre système. Elle a, quand même, ses limites, puisqu’elle est subordonnée au bien public; et la charité requiert que ceux qui ont les biens de ce monde les partagent avec ceux qui sont dans le besoin (1210). Voici quels sont les principaux titres à la propriété privée. Des titres originaux, qui sont ceux par lesquels quelqu’un prend possession et contrôle de biens qui n’ont jamais eu de possesseurs ou qui n’en n’ont pas présentement, Et ils se réduisent à deux titres : l’occupation (la prise de possession d’une chose matérielle), et l’accession (l’union d’une chose matérielle avec sa propriété). Des droits dérivés, qui sont ceux par lesquels quelqu’un reçoit la possession par un transfert de droits ou de biens qui appartiennent à d’autres. Ces titres sont produits par la loi elle-même (comme dans la prescription), ou par la loi et le libre arbitre de l’homme (comme pun héritage), ou par la volonté libre de l’homme (comme dans les contrats.)
1873- Les sortes principales ou les voies de l’occupation. Les animaux. Les animaux domestiques (chiens, chats), peuvent n’être possédés par personne, même s’ils sont égarés. Les animaux dressés (abeilles, pigeons voyageurs, serins) ne peuvent être acquis que lorsqu’ils ont retrouvé leur liberté. On ne peut pas s’approprier les animaux sauvages (oiseaux, renards, poissons, lièvres) à moins qu’ils ne soient retenus dans un petit enclos d’où ils ne peuvent pas s’échapper. La terre et les plantes. Elles ne peuvent être occupées que quand elles n’ont pas de propriétaire actuel. Des trésors découverts. Il s’agit du dépôt de biens meubles précieux caché depuis si longtemps qu’il est impossible d’en découvrir le propriétaire. Selon la loi naturelle, il peut être appartenir à celui qui le trouve. Mais la loi civile décide parfois que le trésor trouvé soit réparti entre le propriétaire du lieu et le gouvernement. Une propriété perdue. Ceci embrasse ces biens meubles dont s’est défait récemment un propriétaire, par accident ou par oubli, sans avoir jamais eu l’intention d’abandonner son droit de propriété sur eux; et qui deviennent facilement trouvables, le propriétaire n’étant pas connu. Celui qui trouve cette propriété perdue doit faire un effort raisonnable pour retrouver le propriétaire. S’il néglige de faire des efforts proportionnels à la valeur des objets trouvés, et s’il demeure convaincu qu’il aurait pu trouver le propriétaire, il est considéré par certains moralistes comme un possesseur de mauvaise foi. Il doit réserver ce bien pour le propriétaire, ou le donner aux pauvres ou aux causes pieuses. S’il a fait l’effort voulu, mais sans résultat, il peut, selon la loi naturelle, se servir de ces choses comme de ses biens propres. Mais il doit observer les prescriptions de la loi civile quant à l’intervalle de temps après lequel il pourra faire usage de ce bien. Des biens abandonnés. Selon la loi naturelle, on peut s’emparer de biens qui ont été volontairement abandonnés par un propriétaire (une vieille automobile laissée sur le bord de la route ou sur la surface de l’accotement). Mais la loi civile attribue certaines catégories de biens à l’état (les biens immeubles). Les biens vacants. Selon la loi naturelle, peuvent être occupés les biens de ceux qui décèdent sans héritier. Mais, selon la loi civile, ils sont réclamés par l’état, qu’ils soient meubles ou immeubles.
1874- Les principes d’accession. Selon la loi naturelle, si deux choses unies sont séparables, chacune devrait appartenir à un propriétaire particulier. Mais si les choses sont inséparables, et si l’une est plus valable que l’autre, le propriétaire de la partie plus importante prend le tout, mais doit compenser le propriétaire de l’autre partie. Si les parties sont inséparables et de valeur égale, il y a une propriété commune. Selon la loi positive, ces principes naturels s’appliquent à des cas variés d’accession, qu’il s’agisse de choses naturelles (la croissance des plantes, le dépôt des alluvions), ou artificielles (un changement fait dans un matériau par le travail, ou par l’addition d’une substance à une autre). On traite de ces détails dans les livres de droit.
1875- La prescription. Les lois qui portent sur la prescription (1798) sont valides en conscience, puisqu’elles sont des déterminations des droits de propriété faites dans l’intérêt du bien commun. Mais les conditions suivantes sont requises pour l’acquisition de propriétés en vertu de la loi de prescription. L’objet de la prescription doit être quelque chose qu’on peut prescrire, selon les lois naturelle et positive. Ainsi, les droits naturels et la propriété publique ne peuvent pas être prescrits. Le sujet de la prescription doit être quelqu’un capable de posséder; et il doit être moralement convaincu qu’il a le droit de posséder ce qu’il possède. Le droit du sujet à réclamer l’objet doit porter sur la possession, sur le titre apparent de la propriété, et sur l’échéance du temps légal pendant lequel la possession a été tenue, ou la propriété a été reconnue sans contestation.
1876- Les héritages. Un testament est une déclaration faite, de façon légale, de la façon dont on disposera de la propriété de quelqu’un après sa mort. Les défauts dans un testament ont parfois le résultat d’enlever toute obligation morale d’avoir à l’observer. Ainsi, si le défaut porte sur la loi naturelle (un testament fait sous la contrainte), le legs ne procure aucun droit moral ni aucune obligation. Si le défaut ne porte que sur la loi positive, et rend le testament rescindable (un testament non soussigné en présence du testateur, comme la loi le requiert), le legs est bon en conscience, jusqu’à ce que la cour en décide autrement. Si le défaut porte sur la loi positive seulement, et le rend, de ce seul fait, invalide (les légataires agissent comme témoins d’un testament), le legs est bon en conscience, s’il est question de causes pieuses, puisqu’une propriété donnée à Dieu ne peut pas être aliénée par la loi humaine. Mais l’Église désire que les formalités civiles soient observées dans la confection des testaments (canon 1513). Si le défaut est positif, et, de ce seul fait, invalidant, et s’il est question de causes profanes, le testament n’est pas bon en conscience, même avant toute décision d’un juge.
1877- Les contrats. Un contrat peut être défini comme une entente mutuelle affectant le transfert d’un droit. Un contrat est une entente mutuelle, c’est-à-dire qu’il doit y avoir le consentement d’au moins deux parties sur le même objet. Une offre faite mais non acceptée n’est pas un contrat, car une seule partie a donné son consentement. Les contractants transfèrent un droit qui produit, dans la plupart des cas, en vertu de la justice, une obligation correspondante de faire ou d’omettre quelque chose. Les promesses, les gages, les pactes etc. ne sont pas des contrats (1888), même s’ils imposent des obligations basées sur la sincérité et la loyauté. L’obligation en justice peut engager les deux côtés (bilatérale), ou un seul côté (unilatérale), mais les deux doivent donner leur consentement. Les éléments d’un contrat sont soit essentiels, soit accidentels. Les essentiels incluent la matière-sujet, les parties contractantes, leur entente, et la forme externe qui manifeste leur entente. Les accidentels incluent des obligations, des serments, des conditions et des procédures..
1878- La matière-sujet d’un contrat, c’est-à-dire la chose, l’action ou l’abstention sur laquelle porte le contrat, doit avoir les qualités suivantes. Ce doit être quelque chose de possible, car on ne peut pas entreprendre ce qu’on ne peut pas accomplir. Ainsi, quelqu’un ne peut pas se lier par un contrat accessoire (caution) si le contrat principal est, de ce fait même, invalidé. Mais si l’impossibilité est seulement morale (grande difficulté), celui qui sciemment entreprend quelque chose de pénible est tenu de remplir sa promesse. Si elle n’est que partielle, on est tenu à ce qui est possible. Si elle est coupable, on est tenu à réparer le tort causé à l’autre partie par le non accomplissement. Ce doit être quelque chose dont on peut disposer, car on ne peut pas transférer une chose sur laquelle on n’a aucun droit de contrôle ou de transfert. Ainsi, on ne peut pas s’engager par contrat à vendre une propriété publique qui est hors commerce, ou une propriété dont quelqu’un n’a que la possession, ou des biens sur lesquels d’autres ont des droits (un débiteur ne peut pas faire des dons au détriment des droits des créanciers) ou des biens qui ne sont pas achetables (un paiement à un juge pour en obtenir une décision favorable, ou une propriété qui appartient à un tiers), ou pour de l’argent (des degrés académiques, des offices publics, des sacrements, des indulgences). Ce doit être quelque chose d’existant et de définissable, car personne ne veut faire un contrat pour un droit sans valeur et illusoire. Ce doit être quelque chose de bon et de légal, Ainsi, on ne peut pas vendre les parts d’une compagnie qui n’a pas d’actifs, une maison, un lot ou des biens meubles non définis. Ce doit être quelque chose de bon et de légal, car quelqu’un ne peut s’obliger à commettre l’iniquité. Si c’est un péché (un contrat pour vendre une maison dans le but de vexer un tiers), l’entente, en elle-même, est valide. Mais si la substance est mauvaise (un contrat de fornication avec une prostituée), l’entente est nulle avant même que le péché promis n’ait été effectué. Mais il semble à plusieurs moralistes qu’après la commission de l’acte, celui qui a promis est obligé de payer l’argent, à moins que la loi ne rende nul ce contrat (1886). Si la loi ne fait que dénier sa protection à une entente pécheresse, ou l’interdit en imposant des peines, il semble que, après que le péché ait été commis, on doive, en autant que la stricte justice a son mot à dire, suivre la règle qui veut que le droit soit avec le possesseur. Aux États-Unis, les contrats immoraux et illégaux, et ceux qui sont contraires à l’ordre public, sont généralement considérés comme nuls. Mais, dans quelques cas, la loi déclare immorales les conditions portant sur un futur non existant, mais tient pour valides les ententes auxquelles on les a ajoutées (les testaments et les legs entre vifs).
1879- Les contrats peccamineux. Il n’y a aucune forme de contrat qui ne puisse devenir peccamineux quand à sa substance, en raison d’une offre ou de considérations mauvaises (on peut vendre des objets immoraux, on peut financer des projets criminels). Mais il y a certaines formes de contrats qui se prêtent tout particulièrement à des abus, et qui sont, en conséquence, fréquemment associés avec des circonstances ou des résultats mauvais. Certains contrats sont souvent rendus illicites par la loi naturelle. Ainsi, un cadeau est un péché du donneur, quand il est fait par un employeur dans le but de séduire une servante; et de la part de la servante quand il est accepté pour encourager les intentions illégales de l’employeur. Mais si le don est inconditionnel, il n’y a aucune obligation en justice de le retourner. Emprunter est chose mauvaise quand le prêteur est en plus grand besoin que soi, ou quand quelqu’un devient indument lié au prêteur. Prêter est chose mauvaise quand le prêteur ne peut pas se permettre de se séparer de la chose prêtée, ou quand l’emprunteur est encouragé par la prodigalité, ou quand il fera un mauvais usage de la chose empruntée.
Les paris sont souvent entachés de péché, puisqu’un grand nombre d’entre eux sont des incitations au péché (une gageure à l’effet qu’un tel a peur de se saouler), ou des résultats de mauvais motifs, (des paris faits dans le but de tromper, ou pour satisfaire l’avarice, ou pour vivre sans travailler), ou des causes de grands maux (ruine d’une famille, fraude, scandale, corruption). Le jeu est entaché de péché quand la forme du sport est contestable (les anciens combats de gladiateurs dans lesquels les combattants se massacraient les uns les autres); ou quand les motifs ou les circonstances sont mauvais (jouer comme un joueur de poker professionnel pour ne pas avoir à travailler; jouer aux cartes toute la journée le dimanche, pour miser plus haut qu’on peut se le permettre; dépenser son temps dans l’enfer des jeux de casino). La loterie est mauvaise quand l’objet est mauvais, Une tombola pour le choix d’un poste important, avec le risque que des incompétents soient sélectionnés, ou quand les circonstances sont mauvaises (si des personnes sont amenées à la superstition, à la paresse ou à la prodigalité). La spéculation est un péché dans plusieurs circonstances, puisqu’elle apporte souvent une fièvre des jeux de hasard qui rend le spéculateur incapable de s’aider lui-même et d’aider ceux qui dépendent de lui; et qui cause la pauvreté et le crime. La mise en gage de propriétés est souvent injustifiable, puisqu’elle prive les gens d’une propriété nécessaire pour se lancer, avec de l’argent emprunté, dans une aventure extravagante et inutile qui n’est souvent qu’un mirage.
1880- Les contrats illégaux. Pour raison d’ordre public, la loi publique désapprouve plusieurs contrats ci-haut mentionnés, au moins en certains cas. Parfois la loi rend, en cour, un contrat inapplicable, sans que soit mise en cause l’obligation naturelle. En conséquence, si un parieur n’est pas autorisé à rencontrer un juge, le gagnant peut conserver ses biens, et le perdant devrait payer. Si la loi n’a fait que déclarer que tel contrat est illégal, cette déclaration semblerait avoir pour effet que le contrat retient sa validité naturelle, à moins que la partie qui en a souffert ne désire le désavouer. Quant à la dimension peccamineuse d’un tel contrat, cela dépend de la façon dont on caractérise la loi : pénale ou préceptrice. Ainsi, plusieurs moralistes regardent les lois qui rendent les gageures illégales comme préceptrices, sous peine de péché véniel. Mais d’autres ne les regardent que comme punitives. D’autres exemples de contrats illégaux sont des dons faits à un juge lors d’un procès, la loterie en Grande Bretagne et aux États-Unis, certains jeux de hasard dans certains états, et la loi commune au sujet du clergé, les jeux de hasard pour de l’argent, le marché noir, le trafic (canons 138, 142). Si la loi rend un contrat annulable, l’effet en est que le contrat possède sa force naturelle, tant que la cour ne décide pas en sens contraire. En conséquence, si un pari est annulable en loi, le gagnant peur conserver ses gains jusqu’à ce qu’il soit obligé par un juge de s’en défaire; mais le perdant n’est pas obligé de payer, à moins qu’il n’approuve le pari.
Si la loi rend un contrat invalide par le fait même, l’entente perd sa force naturelle (558-560). Dans la plupart de nos états, les paris sous forme de contrat sont illégaux et sont nuls par décision statutaire ou judiciaire. Dans beaucoup d’états, la jurisprudence permet de recouvrer l’argent perdu des mains du gagnant. Les dons offerts comme pots de vin sont invalides, et ceux qui donnent ou prennent de tels dons sont coupables de péchés sérieux et d’une offense criminelle. Dans quelques-uns de nos états, certains contrats de jeux sont, également, nuls.
1881- Qualités nécessaires aux personnes contractantes. De par la loi naturelle, il est nécessaire qu’elles aient un usage de la raison suffisant pour comprendre ce qu’elles font. Sont excluses incompétents, les enfants et les fous, ou ceux qui sont saouls, ou temporairement hors d’eux-mêmes, ou ceux qui ont besoin d’un gardien pour les choses importantes. De par la loi positive, il est nécessaire qu’elles ne soient pas légalement exclues. Dans le droit canon, les administrateurs de propriété ecclésiale et les religieux profès à vœux solennels sont incapables de faire certains contrats (canons 1527, 536). Dans la loi civile, il y a des restrictions sur les pouvoirs de contracter des mineurs, des femmes, des fous, des gardiens, et des corporations. Les personnes non encore conçues ne sont pas habilitées par la loi civile à recevoir une donation, et il y a beaucoup de prohibitions concernant le don et l’acceptation de cadeaux par ceux qu’on soupçonne à bon droit de trafic d’influence.
Les privilèges légaux des mineurs. La loi accorde certains bénéfices aux mineurs. Par exemple, dans certains cas, ils ne sont pas liés par une entente non exécutée, tandis que l’autre partie y est tenue. Ou, dans un contrat qui a été exécuté, ils peuvent recouvrer une propriété sans restaurer ou sans offrir de restaurer la considération, s’ils n’y ont rien d’autre pour la remplacer. Les mineurs ou d’autres personnes qui sont légalement inaptes à contracter, peuvent se prévaloir des bénéfices de la loi avec une bonne conscience, s’ils sont de bonne foi. Car il est normal que la loi protège ceux qui sont incapables de se protéger eux-mêmes. Et ceux qui font des contrats avec ces gens-là devraient savoir qu’ils le font à leurs dépens.
Les mineurs et ceux qui sont considérés comme inaptes par la loi ne peuvent pas se prévaloir du bénéfice de la loi, s’ils ont été de mauvaise foi (si un mineur a, par tromperie, induit quelqu’un à lui vendre à lui)
1883- Les qualités nécessaires pour un contrat valide. Il doit être voulu, c’est-à-dire que quelqu’un doit accepter intérieurement et non seulement en paroles la proposition que lui fait l’autre partie. Si quelqu’un ne consent qu’à la forme du contrat, le contrat est nul; et la même chose est probablement vraie si quelqu’un n’accepte pas à l’intérieur de lui-même les obligations d’un contrat; s’il quelqu’un accepte les obligations, mais n’a pas l’intention de les remplir : le contrat est valide, mais illégal. Celui qui contracte invalidement pèche, et il est tenu, au for externe d’observer le contrat fait sérieusement; et, au for interne, de réparer le dommage fait à l’autre partie, en donnant un vrai consentement, ou en faisant restitution. Celui qui contracte illégalement pèche aussi, et il est lié par son engagement. Il doit être externe, c’est-à-dire qu’on doit manifester par un moyen sensible son adhésion à la proposition contenue dans le contrat présenté. Le qui ne dit mot consent ne vaut que quand le contrat est favorable à la partie silencieuse, ou quand elle pourrait ou devrait facilement manifester son manque de consentement, si la proposition lui déplaisait. Dans le cas de contrats entre parties qui ne sont pas présentes les unes aux autres, il n’est pas nécessaire, pour la validité, que soit communiquée à celui qui offre l’acceptation de celui à qui est faite la proposition, si le contrat est gratuit. Mais le contraire semble vrai, si le contrat est onéreux. Nous parlerons plus tard (1885) des qualités légales requises pour les contrats. Il doit être mutuel, c’est-à-dire qu’il doit y avoir une rencontre d’esprits dans le même sens, ou une adhésion des deux parties à la même chose. La mutualité requiert que le consentement soit contemporain, c’est-à-dire que l’acceptation de l’un soit donnée pendant que l’offre de l’autre tient encore. Mais il n’est pas nécessaire que les deux parties soient présentes l’une à l’autre, ou qu’ils contractent par une communication personnelle directe; ou, (du moins, selon la loi morale) que celui qui a fait l’offre soit informé de l’accomplissement de l’entente mutuelle. La loi aux États-Unis stipule généralement qu’une offre peut être retirée immédiatement, ou après un temps raisonnable, à moins qu’il était fait à temps pour une raison particulière; et qu’un contrat fait avec un absent ne commence que quand celui qui a fait l’offre reçoit l’acceptation de celui à qui l’offre a été faite, si le dernier s’était engagé à cela, ou si les deux communiquent par le biais d’une agence. Dans les autres cas, il commence au moment où l’acceptation est communiquée à l’agent de celui qui a fait l’offre.
Il doit être libre, c’est-à-dire qu’il doit avoir une grande attention portée à ses actes, et qu’il faut qu’il veuille ce qu’il fait, pour que ce soit, en somme, un acte humain. Si le contrat est d’une grande importance, il devrait y avoir la même sorte d’attention que celle qui est nécessaire pour commettre un péché mortel (173). S’il est d’une importance moindre, la délibération doit correspondre au sérieux de la chose. Mais quelques moralistes pensent qu’il faut une attention ou une délibération parfaite dans tous les contrats, puisque les contractants assument des obligations en justice.
1884- Les défauts qui invalident un consentement. Les défauts qui vicient le consentement en privant quelqu’un d’une connaissance, en empêchant donc un choix judicieux, .rendent les contrats ou nuls ou annulables (40-55). Ces empêchements sont les suivants. Une erreur, qui est le jugement d’un fait ou d’une loi se rapportant à un contrat, non en harmonie avec la vérité, mais non causée malicieusement par d’autres personnes. Si l’erreur est substantielle (si elle porte sur la nature du contrat, ou sur la nature de la matière-sujet du contrat) l’entente est naturellement invalide. Si l’erreur n’est qu’accidentelle, (sur des aspects du contrat, la matière-sujet ou le contractant, qui ne sont voulus qu’indirectement). Une entente onéreuse est naturellement valide, mais la loi positive, pour plus de liberté, accordera souvent le privilège de la rescinder (canon 1684, n 2). Mais si l’erreur ne peut pas être prouvée, les tribunaux se prononceront pour la validité du contrat. La fraude qui est une erreur ou une faute que l’on trouve dans les contrats, qui est causée à l’une des deux parties par les représentations malhonnêtes de l’autre, ou d’un tiers (quand un agent d’assurance ment au sujet des bénéfices, ou quand celui qui prend une police d’assurance ment au sujet de son âge ou de sa santé). La fraude existe, donc, quand il y a une intention au moins indirecte de tromper, ainsi que des affirmations, des actes ou des omissions planifiés pour tromper. Mais les vantardises habituelles des vendeurs et des commanditaires sur l’excellence sans pareille de leurs produits ne sont pas frauduleuses, puisque tous comprennent qu’il faut prendre cela avec un grain de sel. Les effets de la fraude sur la valeur des contrats sont semblables à ceux que produit l’erreur. Mais on devrait noter que celui qui est coupable de fraude est tenu à compenser la partie offensée pour les pertes encourues, même si le contrat est valide et non rescindable, et même si la personne coupable n’était pas partie prenante au contrat.
La peur, qui est un trouble de l’esprit causée par la croyance en un danger imminent, porte sur soi ou sur les autres (41 et suiv). Elle rend un contrat invalide en loi naturelle, quand elle dissipe tout consentement (quand elle paralyse la raison, et quand elle fait en sorte que quelqu’un rejette intérieurement ce qu’il a accepté extérieurement), et probablement aussi, quand elle enlève la liberté parfaite dans un contrat gratuit, ou fait entrer quelqu’un dans un contrat pour immunité après une vexation injuste. Elle rend un acte ou un engagement invalide, selon la loi positive, dans plusieurs cas (le canon déclare nuls les élections, les résignations, les mariages, les vœux etc faits sous l’influence de la peur). Les contrats sont considérés naturellement annulables si une des parties extorque injustement le consentement de l’autre par une grande peur; ou si une tierce partie intimide quelqu’un au point de lui faire accorder quelque chose par un contrat gratuit. Et la loi positive traite les ententes contractées sous la pression de la peur comme des contrats rescindables (canon 103, n,2). Une peur injustement causée, même si elle ne rend pas un contrat nul ou annulable, est parfois une des raisons qui font de la restitution un devoir, comme quand une tierce partie, par ses menaces injustes, force une personne innocente à faire des contrats dispendieux, avec quelqu’un qui ne sait rien sur la coercition. Si grande qu’elle soit, la peur n’affaiblit un contrat, en aucune façon, s’il y a un consentement, et si la peur provient d’une cause naturelle (un orage), ou d’une cause humaine qui agit en toute justice (un homme offensé qui menace d’intenter un procès).
La violence ou la coercition, qui ressemble à la peur, la dernière étant une force morale et l’autre une force physique (52). Selon la loi naturelle, la violence invalide un contrat, à moins de supposer qu’elle n’est que concomitante, comme quand Luc a recours à la coercition pour faire signer à Marc un contrat qu’il avait l’intention de signer. La loi positive ne reconnait pas, ou écartera, les ententes faites sous une contrainte puissante (103, no 1).
1885- La forme du contrat. La forme du contrat est la manière externe dans laquelle, selon la loi positive, le consentement interne des parties peut être exprimé et manifesté. Ainsi, le droit canon, dans certains contrats (engagement de mariage, mariage, aliénation de propriété d’église), requiert des procédures spécifiques sous peine de nullité. La loi civile dans les États-Unis désigne des formalités variées qu’on doit utiliser pour le transfert de propriétés (qu’une démarche ayant pour but des biens immeubles soit signée, écrite, scellée, et attestée; qu’un don soit fait par livraison, que certains contrats soient écrits; qu’aucun ne soit un contrat de valeur, à moins d’une raison particulière, ou qu’il soit autrement en papier avec un sceau). La loi a le pouvoir d’annuler les contrats informels, par le fait même, mais on discute à savoir si cela correspond à l’intention des nouveaux codes. La règle pratique à suivre est donc qu’on doit favoriser le possesseur, à moins que la cour n’ait statué contre sa réclamation. On devrait noter, également, que des conditions légales comme la considération de choses précieuses dans les simples contrats sont requises pour leur acceptabilité, non pour la validité. Et, en conséquence, un bon contrat à qui il manque cette sorte de condition, est obligatoire en conscience, même s’il n’est pas défendable en cour.
1886- Les parties accidentelles d’un contrat. Contraignante est l’entente qui oblige un contractant à payer une certaine indemnité à l’autre partie, si elle ne respecte pas son contrat, ou ne l’effectue pas avant telle date. Cette entente oblige en conscience, si la promesse a été sérieusement faite, si la pénalité n’est pas excessive, et si le bris de l’entente est coupable. Les serments qui s’ajoutent aux contrats ont un effet moral sur les contrats eux-mêmes, et aussi sur les actes qui leurs sont contraires. En ce qui a trait aux contrats, le serment ajoute l’obligation de la religion à celle de la justice, si le contrat est valide et non rescindable. Et l’opinion commune des moralistes est à l’effet qu’il renforce un contrat extérieurement, c’est-à-dire qu’il induit une obligation de religion à garder les promesses, si le serment est invalide et rescindable par la loi positive, et joue en faveur d’un privilège privé. Mais un serment ne peut, en aucune façon, solidifier, pour le bien public, un contrat qui est naturellement invalide ou positivement rescindable. Les actes qui sont contraires à un contrat invalide et rescindable, confirmé par un serment valide, sont des péchés puisqu’ils sont irréligieux. Mais ils ne sont ni invalides, ni injustes (canon 2260).
Les conditions sont des accidents ou des circonstances ajoutées à un contrat de façon que le consentement ou le non consentement dépende de leur existence ou de leur accomplissement. Une condition immorale, si elle n’est pas remplie, enlève du contrat toute obligation, exception faite pour des parties séparables qui ne sont pas affectées par la clause immorale, Mais, si elle a été remplie, il semble qu’il y a ait une obligation morale de payer la considération promise (1878). Les modes sont des accidents ou des circonstances ajoutées à un contrat de façon à qualifier les droits et les devoirs des contractants, ou le but, la matière, le temps du contrat, mais pas de façon à faire dépendre le consentement de l’accomplissement de la chose désignée. Ainsi, si Pierre lègue de l’argent à Paul principalement parce que Balbus est son neveu, et en second lieu, parce qu’il veut l’amener à utiliser cet argent pour son éducation, Paul accepte l’obligation en acceptant l’argent. Mais le don n’est pas enlevé si l’obligation n’est pas satisfaite. Si un donneur ajoute un mode immoral à son don (que le récipiendaire ait à user immoralement du don fait), on considère cette intention comme non existante, et le don demeure malgré tout.
Si un agent viole un mode (il paie $1001 quand on lui avait demandé de payer $1000), mais non une condition (il achète une terre au lieu d’une maison), le contrat demeure en force.
1887- L’obligation morale d’entrer dans un contrat. Il y a un devoir de justice quand quelqu’un s’est engagé privément ou publiquement à faire un contrat. Exemples. Un marchand qui ouvre un magasin pour que le grand public en soit patron. Un commissaire-priseur qui fait une vente devant ses patrons invités, un propriétaire qui signe avec un autre un contrat de vente, ou un homme et une femme qui font des épousailles solennelles. Il y a un devoir de charité quand un voisin est dans un si grand besoin qu’il mérite d’être secouru, en lui faisant, par exemple, un prêt, ou en aidant à ce qu’un prêt lui soit fait. Ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter (Matt. V, 42). Un homme bon est une sécurité pour son voisin (Eccl XX1X, 18),
1888- - Chaque contrat valide oblige à être fidèlement observé, par devoir de conscience, même s’il est inapplicable, et sans obligation civile. Nous allons discuter les titres de cette obligation. La qualité de l’obligation. Les contrats onéreux obligent en vertu de la justice commutative, et sous peine de restitution; les contrats gratuits obligent, selon certains moralistes, en justice; selon d’autres par fidélité; selon d’autres encore, en justice et par fidélité, selon que l’entend celui qui oblige (1692, 1753). En pratique, on peut suivre la règle voulant qu’une promesse, un pari ou tout autre contrat gratuit, n’oblige qu’en vertu de la fidélité, et qu’il ne comporte aucune obligation de restitution, à moins qu’il soit certain que celui qui obligeait avait l’intention d’obliger en justice. On est responsable, cependant, des dommages causés par le bris d’une promesse. L’obligation en question semble en être une de justice légale seulement, quand on ne peut pas attribuer de valeur pécuniaire à la chose promise, et quand elle consiste à se conformer à la loi (une caution pour garder la paix ou se présenter en cour).
La dimension quantitative de l’obligation. Dans les contrats onéreux, le degré d’obligation dépend de l’importance de la matière-sujet; et c’est donc un péché mortel de violer un contrat qui porte sur un droit grave. Dans les contrats gratuits, le degré d’obligation dépend entièrement, selon certains, de la volonté de la personne qui se lie libéralement. Mais d’autres soutiennent qu’il dépend de l’importance de la matière-sujet.
Les sujets de l’obligation. Les parties contractantes, ou ceux qui les remplacent (héritiers, exécuteurs), ou ceux qui sont responsables des contrats (ceux qui ont commandé l’entente) sont tenus moralement de remplir cet engagement, tandis que les autres sont tenus de ne pas intervenir dans son accomplissement.
Les objets de l’obligation. Il y a, directement, le devoir d’observer ce qui est contenu explicitement ou implicitement dans l’entente, et indirectement, de compenser pour les pertes occasionnées par la rupture du contrat. Un contrat rescindable oblige jusqu’à ce qu’il soit légalement désavoué par la partie qui a le droit de le rescinder. Un quasi contrat impose à la partie, qui a tiré profit des services ou des dépenses d’un autre, une obligation morale de faire une compensation. Si un contrat transfert la propriété (un contrat de vente qui passe le titre à l’acheteur), celui à qui la propriété a été transférée doit assumer les risques et les dépenses de la chose transférée. Mais s’il ne transfert pas la propriété (un contrat de vente), ou ne l’a pas fait encore, (un contrat de vente dans lequel le titre passera à l’acheteur plus tard, sur réception, ou au moment du paiement), celui qui a transféré doit assumer le risque et les dépenses (1796).
1889- Cessation de l’obligation. L’obligation d’un contrat cesse de plusieurs façons. Par l’action des contractants, comme quand celui à qui on a fait la promesse --et les deux parties ensemble- renonce à son droit à une promesse faite gratuitement en faveur de l’autre, ou quand quelqu’un refuse de tenir parole. Par l’action de la loi, comme par prescription ou par annulation. Par impossibilité, comme quand une chose qui a été librement promise est devenue illégale ou inutile, ou quand le destinataire d’un don meurt avant le donateur. Le vol. Le vol est la prise secrète de ce qui appartient à un autre, avec l’intention de se l’approprier, contrairement aux désirs raisonnables du propriétaire. C’est une prise, c’est-à-dire un déplacement de biens. Mais le vol inclut aussi la réception et la conservation de la propriété, puisque le tort fait est semblable à celui causé par une chose qui a été emportée ailleurs. En conséquence, est un voleur celui qui ne rapporte pas des objets déposés, empruntés ou trouvés, ou qui ne rembourse pas l’argent qu’il a emprunté, quand il le pourrait et le devrait. C’est une chose faite en secret, c’est-à-dire qu’on s’empare d’une propriété à l’insu du propriétaire ou du possesseur légal, même si le vol est fait en sa présence. Le vol diffère donc du cambriolage. C’est s’emparer d’une propriété. Ceci n’inclut pas seulement les choses corporelles (les livres, l’argent, les bijoux, les vêtements), mais aussi les choses incorporelles (le brevet, la marque de commerce, les droits d’auteur), et même les personnes, si on les regarde comme des possessions. En conséquence, le plagiat, ou les atteintes portées au droit d’auteur, les enlèvements de personnes sont des sortes de vol. C’est s’emparer d’un bien qui appartient à un autre, c’est-à-dire de biens dont un autre est le propriétaire, le possesseur légal, l’usufruitier, le gardien ou le dépositaire. En conséquence, quelqu’un peut se voler lui-même en enlevant furtivement ses biens au dépositaire, dans le but de le rendre responsable de ce qu’ils valent, ou de le priver d’un usage, auquel il a droit. C’est s’emparer de biens avec l’intention de se les approprier, pour pouvoir s’en servir, en jouir, à l’exclusion du propriétaire légal.
En conséquence, strictement parlant, ce n’est pas voler que s’emparer d’une propriété avec l’intention de l’emprunter pendant un certain temps, ou de la détruire. Mais ce sont des actes de possession illégale, ou de d’endommagement illégal. Il est obligatoire de prendre l’objet d’un autre, si la chose est nécessaire pour empêcher qu’un crime ne se commette (enlever ou cacher un fusil avec lequel quelqu’un a l’intention de tuer). Il est contraire aux désirs du propriétaire. Cela se réfère à la substance (c’est-à-dire, l’affectation d’une propriété à son usage personnel), mais non au mode (c’est-à-dire que le vol a été fait dans le secret). En conséquence, si le propriétaire ne s’oppose pas à ce que sa propriété soit aliénée, mais s’il n’accepte pas qu’on la lui prenne à son insu, celui qui prend un bien de cette façon pèche au moins véniellement, mais n’est pas coupable de vol au sens strict. 1890- Le vol est contraire aux désirs raisonnables du propriétaire ou du possesseur légal, car aucune offense n’est faite s’il consent ou devrait consentir à perdre son bien. Le propriétaire consent si la personne qui prend les biens agit en se conformant à une coutume générale reconnue (quand une servante prend des choses qui ont été volontairement laissées sur la table de sa maîtresse, et quand elle est certaine qu’on ne désire pas les garder). Le propriétaire devrait consentir quand la justice interdit qu’il intervienne (quand un homme affamé prend de la nourriture qui appartient à un riche). Ou si un devoir domestique l’oblige à donner ce qui a été pris (quand une femme prend dans les poches de son mari l’argent dont a besoin la famille, et qu’il ne veut pas donner). Car une femme et une famille ont le droit de recevoir du chef de la maison l’aide nécessaire. Mais le propriétaire n’est pas tenu à consentir à la perte de ses biens pour la simple raison qu’il en fait un mauvais usage, à son propre désavantage spirituel, ou qu’il les doit en charité à celui qui les a pris. En conséquence, c’est voler que d’enlever un flacon d’alcool de la poche d’un ivrogne; de prendre un livre à quelqu’un qui ne peut pas le lire sans se faire du tort, ou de soutirer de l’argent à un riche parce qu’on est pauvre, et parce que ce riche ne donne pas d’aumônes.
1891- Un usage non autorisé des fonds d’autrui, Quelle est la faute de quelqu’un qui dépense, selon ses vues personnelles, de l’argent qu’on lui avait confié pour d’autres fins ? Il n’y a pas de vol, car on suppose que le but de celui qui s’est servi de l’argent n’était que de faire un emprunt temporaire de l’argent. Il y a un acte d’injustice si on ne peut pas présumer la permission du propriétaire, car les droits d’un propriétaire sont violés quant on convertit sa propriété en usages qui lui déplaisent. Ainsi, si on pense que le propriétaire ne pourra jamais rentrer dans son argent, ou qu’il perdra des profits par l’usage qu’on en fait, on a commis le délit d’un dommage injuste, du moins en intention (un dépositaire se sert d’un dépôt pour jouer à la loterie, ou le cadre d’une compagnie fait un prêt non autorisé, au lien d’investir cet argent pour que la compagnie en tire des profits. Il n’y a pas de péché si on peut raisonnablement présumer l’autorisation du propriétaire, car aucune offense n’est faite à celui qui consent de bonne grâce. Ainsi, si celui qui gère le capital d’un autre a la chance de faire une grande quantité d’argent aujourd’hui en utilisant ces fonds à son nom propre, mais ne peut pas contacter le propriétaire, il peut présumer le consentement de l’autre, si le capital ne souffre aucune perte, et s’il est absolument certain que les fonds seront retournés le lendemain. Mais c’est un cas qui ne devrait se présenter que rarement, à cause du risque encouru.
1892- La comparaison du vol et du cambriolage (le vol à main armée). Ils diffèrent selon l’espèce, car le vol contient une injustice commise à la propriété du possesseur. Mais le cambriolage, qui est une prise injuste et violente de ce qui appartient à autrui, contient une injustice à la propriété et à la personne. Le non consentement du propriétaire dans le cas du vol est du à son ignorance de la perte. Dans le cas du cambriolage, il est du à l’intimidation et à la force, Ils diffèrent en gravité. Le cambriolage, ou le vol à main armée, est, de par sa nature, la sorte la plus sérieuse de vol, car le cambrioleur fait une double offense, et la répugnance du propriétaire au vol à main armée est plus grande.
1893- Les sortes de vol et de cambriolage. Il y a une grande variété de vols, les différences provenant des circonstances dans lesquelles le vol est perpétré. Ainsi, quelqu’un qui vole dans une église est coupable d’un vol sacrilège. Celui qui se sert des biens publics à ses fins particulières est coupable de spéculation; celui qui dérobe ses parents pratique le vol domestique. Il y a aussi plusieurs façons de commettre un vol. Sont coupables de vol grave, les bandits, les voleurs de grand chemin, les cambrioleurs, les usuriers, les profiteurs, les juges véreux, les créanciers sans entrailles qui privent leurs débiteurs du nécessaire, les endettés qui évitent de payer par des banqueroutes frauduleuses, les travailleurs qui extorquent d’injustes salaires, ceux qui forcent leurs subordonnés à s’adonner à des magouilles et au travail au noir. L’Écriture présente deux formes de cambriolage comme des péchés qui crient vengeance : frustrer les laboureurs de leur salaire (Jac. V, 4), et opprimer le pauvre, ce qui arrive fréquemment quand on nie les droits de quelqu’un qui n’est pas en mesure de les revendiquer. On range aussi parmi les voleurs les personnes suivantes : les pickpockets, les parasites, les contrebandiers, les faussaires, les faux-monnayeurs, les escrocs, les arnaqueurs, et ceux qui font un mauvais usage des fonds qui leur ont été confiés. Dans la loi civile, le vol est aussi connu sous le nom de larcin, et est défini comme l’enlèvement illégal d’une propriété qui appartient à son propriétaire. On distingue les formes suivantes de larcin.
Selon la manière de la perpétration, un vol est un larcin quand la propriété est soustraite à la possession de son propriétaire par quelqu’un qui n’en a pas la possession, qu’il soit un étranger ou un gardien. C’est un détournement de fonds quand le vol est commis par quelqu’un à qui le propriétaire avait conféré une possession temporaire, à cause d’une relation fiduciaire entre eux. C’est un faux prétexte quand le vol est commis par quelqu’un qui procure une possession permanente ou un titre de propriété par le moyen d’une représentation frauduleuse. Selon la matière ou la quantité volée, on appelle le vol un petit larcin quand il tombe en bas d’une certaine somme fixée par la loi; un grand larcin, quand il dépasse cette somme.
1894- La culpabilité du vol. De par sa nature, le vol --et bien plus encore le cambriolage ou le vol à main armé-- est un péché grave, parce qu’il s’oppose aux vertus de charité et de justice. Il est expressément interdit par le septième commandement : Tu ne voleras pas (Ex XX, 15); et il exclut les voleurs de la vie éternelle : Ni les voleurs ni les extorqueurs ne posséderont le royaume de Dieu (1 Cor V1, 10). Le voleur attaque le droit inné d’un individu à sa propriété, et met en péril la paix et la stabilité de la société elle-même. Le vol est un péché grave même s’il porte sur de petites sommes régulièrement extorquées, comme il arrive quand un marchand triche habituellement sur le poids ou la quantité. Une balance truquée est en abomination au Seigneur (Prov X, 1). Innocent X (Denzinger 1188) a condamné la proposition voulant que ce ne soit pas un devoir grave de restituer une large somme obtenue par de petits moments à des moments différents. Les peines canoniques pour le vol incluent l’exclusion des actes et des tâches, des censures et la déposition (canon 2354). A cause de l’imperfection de l’acte, le vol peut n’être qu’un péché véniel. Exemples. Quand un voleur est cleptomane, et vole sans réfléchir, ou quand quelqu’un est invinciblement ignorant que la chose qui a été prise ne lui appartient pas, ou quand la somme volée est insignifiante (quand la chose volée a peu de valeur, ou quand le propriétaire est plutôt opposé à ce qu’on lui enlève son bien à son insu, qu’à ce qu’on le lui enlève, ou quand il est plutôt indifférent à la perte de ses biens).
1895- Le vol d’une petite quantité peut être un péché mortel (187). Ceci peut arriver à cause des circonstances internes ou subjectives, comme quand le voleur a l’intention de voler autant qu’il peut, ou une grande qualité grappillée ici et là; ou quand il veut voler un petit montant par ci, par là, et continuer à agir ainsi jusqu’à ce qu’il ait volé une somme considérable. Ou quand un enfant vole un petit montant d’argent à ses parents, et pense faussement que le vol est, en lui-même, un péché grave. A cause de circonstances externes et objectives, comme quand la somme prise aujourd’hui est petite mais constitue, avec l’argent déjà volé, une large somme; ou quand le voleur prévoit des conséquences sérieuses de son acte (que la personne qui a été victime d’un vol deviendra suspecte, sera arrêtée ou relâchée. On devrait noter, toutefois, que les conséquences du vol ne font pas nécessairement du vol un péché grave, précisément en tant qu’il est un péché de vol (dans le cas qu’on vient de donner, le vol était un péché véniel, mais le dommage injuste un péché mortel) ou même précisément en tant qu’il est un péché d’injustice (si quelqu’un vole un tableau de peu de valeur, prévoyant que son propriétaire sera affecté par sa perte outre mesure, le péché contre la justice est petit, mais le péché contre la charité est mortel.
1896- La détermination de la quantité qui constitue un péché grave de vol ou de cambriolage, (ou un dommage injuste), est une tâche très difficile, parce que les facteurs dont dépend l’offense sont, dans une certaine mesure, flous, et varient de cas en cas. En conséquence, il y a une grande diversité d’opinions parmi les moralistes sur cette question; et il sera souvent difficile de déterminer, dans les cas individuels, si un vol est mortel ou véniel. Mais en raison des intérêts spirituels et temporels qui sont impliqués, il est nécessaire de donner au moins des règles générales, pour la direction, qui rendront quelqu’un capable de distinguer entre le grave et le véniel, et de savoir quand le devoir de restitution s’impose ou non.
1897- Les moralistes s’entendent sur les points suivants. La norme pour mesurer la gravité d’une matière n’est pas invariable, mais diffèrera selon les circonstances de temps et de lieu. Ainsi, l’argent a un pouvoir d’achat inférieur à celui qu’il avait pendant la guerre civile; et la même quantité n’ira pas si loin et ne durera pas si longtemps aux États-Unis que dans d’autres pays de l’Europe. En conséquence, toutes choses étant égales, il est moins nuisible de voler dix dollars en 1958 qu’il l’était de voler la même somme en 1858; de voler cette somme à un américain plutôt qu’à un européen. La norme pour un pays particulier ou pour une époque déterminée doit être interprétée moralement, non mathématiquement, car elle dépend des opinions ou de l’estimation des gens prudents, qui, après tout, ne sont que des approximations sujettes à révision. En conséquence, il serait absurde de faire une distinction rapide et rigide entre le vol véniel et le vol mortel. Par exemple, de décider, à partir du seul montant d’argent, que celui qui a volé $50,00 est certainement coupable d’un péché mortel, et digne de l’enfer, tandis que celui qui aurait volé $49,00 n’aurait commis qu’un péché véniel, et n’aurait rien à craindre de l’enfer. Les figures données par les moralistes pour une matière grave sont des moyennes, et on ne peut donc pas s’attendre à pouvoir les appliquer à chaque localité individuelle, à chaque moment, ou à chaque personne offensée. Mais quand elles sont basées sur les conditions actuelles, elles peuvent rendre service. Si une somme volée est beaucoup au-dessus ou en dessous d’elles, elles indiquent vraiment l’espèce théologique du péché. Si elle est juste au-dessus ou en dessous, elles offrent une base pour la probabilité, ou montrent au moins qu’il y a lieu de douter. 1898- Les moralistes sont aussi unanimes dans leur mesure de l’offense commise par un vol, eu égard à ce qui suit. Elle devrait être estimée par la perte subie par la propriété, c’est-à-dire que doit être considéré un péché grave le vol qui, en raison des circonstances et de l’indiction commune, inflige une perte considérable à un propriétaire et un affront à ses droits de propriété. C’est une question de gros bon sens, car le premier venu est capable de voir la différence qu’il y a entre voler une cent et cent dollars.
On devrait l’estimer par l’offense faite à la personne, c’est-à-dire par la répugnance qu’a un propriétaire à subir une perte. Rien de plus clair, car la répugnance d’un propriétaire est un des composants du vol, comme il a été expliqué plus haut dans la définition. Et chacun accordera volontiers qu’une quantité qui pourrait être considérable, si elle était volée à un étranger, ne le serait pas si elle est volée à un parent complaisant. 1899- Il y a deux opinions au sujet de l’estimation de la perte d’une propriété. Ainsi, une opinion plus ancienne soutenait que la norme devait être absolue, c’est-à-dire que la perte devrait être déterminée indépendamment de la richesse ou de la pauvreté de la personne offensée, puisque la situation financière de cette personne est une circonstance étrangère au vol. Le riche a autant de droit à son dix dollars que le pauvre en a au sien. Il donc aussi offensant de dépouiller le riche de son dix dollars que de dépouiller le pauvre du même montant. Ce qui est un vol mortel dans un cas, l’est aussi dans tous les cas.
Une plus récente opinion, qui semble aujourd’hui plus commune, distingue deux normes : une absolue, qui fixe la quantité les plus élevée, laquelle est toujours une matière grave en raison de sa magnitude, quel que riche que soit celui qui a perdu de l’argent; et la norme relative, qui propose une échelle de montants plus petits, qui sont une matière grave à cause des conditions économiques de la personne offensée par un vol. On soutient qu’une norme relative devrait être établie, puisque l’offense du vol est ressentie davantage par ceux qui ont moins de moyens pour rebondir; et qu’une norme absolue est aussi nécessaire, puisque, sans elle, la propriété d’un riche ne serait pas suffisamment sauvegardée; et l’ordre et la paix de la société seraient compromis.
1900- Les opinions et les montants d’argent qui sont des matières graves. L’opinion la plus ancienne, selon laquelle il n’y a qu’une seule somme, invariable pour toutes les classes et les conditions, considère être une matière grave le montant d’argent nécessaire à acquitter des dépenses d’une journée, selon l’état de vie de chacun et ses obligations. Un homme dont la situation financière est à mi-chemin entre la richesse et la pauvreté, car la perte d’une journée de revenu ou de dépenses est généralement considéré comme une perte sérieuse. Et tous devraient prendre une norme à partir de la moyenne. La somme journalière suffisante peut être calculée à partir du montant du salaire journalier ou du revenu. Aux États-Unis, en 1955, la moyenne salariale quotidienne se situait entre 14 et 15 dollars par jour. Mais si on ne considère que les travailleurs qualifiés ou spécialisés, ou d’autres qui sont dans des circonstances modérément prospères, la moyenne serait considérablement plus élevée. Elle pourrait bien flotter entre 25 et trente dollars.
L’opinion commune aujourd’hui fixe le montant absolu, --- lequel est une matière grave, même quand on a volé un multimilliardaire ou la société --à l’équivalent d’un salaire hebdomadaire pour un père de famille qui vit dans des circonstances favorables, mais qui dépend de son travail pour son entretien. Quand au momtant précis, les moralistes sont d’opinions différentes. Ainsi, le Père Francis Connell CSSR a écrit en 1945 dans American ecclesiastical review (p.69) Si on veut fixer une norme générale, en tenant compte des conditions et de la valeur de l’argent, il semblerait que la somme qui constituerait un péché mortel serait 40 dollars. En 1946, écrivant dans Homelitic and pastoral revew (p.694) le père Joseph Donovan C. M. affirmait : Il est difficile de voir qu’un montant inférieur à 100 dollars pourrait être absolument grave. Et il est probable que le montant doit être supérieur. Le montant a été critiqué comme étant excessif, et ne fut pas accepté rapidement par les moralistes. A la page 127 de la troisième édition de ses Outlines of moral theology (1956), le Père Francis J Connell CSSR suggéra 75 dollars comme un montant absolu raisonnable, compte tenu de la valeur de l’argent de l’époque; et comme norme pratique, cette somme a été acceptée par la plupart des confesseurs et des moralistes. Une matière relativement grande correspond à la somme nécessaire pour soutenir un travailleur et sa famille pendant une journée, ou, d’après certains, le montant requis pour ne soutenir que le travailleur. Une matière relativement grave correspondrait à 5 dollars pour un pauvre en chômage, à 20,35 dollars pour des travailleurs spécialisés, et pour ceux qui vivent dans le confort, et à 75 dollars pour les riches. La dernière somme constitue la norme absolue. Pour qu’une norme générale établisse une matière relativement grave, on convient de prendre le pouvoir de gain quotidien ou de dépenses qui ne se rapporte pas aux classes les plus riches, mais dont le salaire, ou la charité, ne leur donne que ce qu’il faut pour vivre. Cela ne veut pas laisser entendre que les auteurs cités tiennent pour le salaire hebdomadaire comme norme. Le Père Connell, par exemple, définit la norme absolue comme une somme qui est si large que la société en souffrirait beaucoup si elle pouvait être volée sans péché grave au plus riche de tous ou à une corporation. (op. cit. pp. 127-128).
Ce qui nous intéresse chez ces moralistes, ce sont les sommes précises indiquées par eux à des moments différents, sans que nous connaissions bien la norme utilisée par eux pour arriver aux sommes particulières suggérées.
1901- Qu’est-ce qui constitue une matière grave dans le vol d’objets sacrés ? Si ces objets ont une valeur qui peut être mesurée par de l’argent (l’or ou les diamants qui entrent dans un reliquaire), on détermine la gravité de la matière par la valeur matérielle, comme pour les objets profanes. Si ces objets n’ont pas de valeur monétaire (des reliques de martyrs), on évalue la gravité de la matière d’après la dignité ou la rareté de l’objet. Ainsi, ce serait un péché sérieux de voler la moindre petite parcelle de la vraie croix. 1902- On a dit plus haut (1888) qu’on estimait la gravité du vol non seulement par la perte d’une propriété, mais aussi par la perte personnelle, c’est-à-dire par la répugnance, la réticence ou la peine que ressent le propriétaire à la perte de son bien. Cela ne veut pas dire qu’une plus grande répugnance augmente la gravité du vol, si elle est excessive ou déraisonnable, (ce n’est pas un péché mortel de voler un dollar à un radin, si ce dernier, en raison de son amour de l’argent, ressent la perte d’un dollar comme un autre ressentirait la perte de 40 dollars). Mais une moins grande répugnance du propriétaire diminue l’offense, et augmente donc le montant requis pour qu’il y ait matière grave. Il y a trois raisons qui diminuent tout spécialement la répugnance du propriétaire à la perte de ses biens. En raison des personnes qui volent, le propriétaire a moins de répugnance à être volé quand ces personnes ont un plus grand droit ou sont plus aimées (les enfants ou la femme), ou quand la coutume leur permet une plus grande liberté que celle qui est accordée aux autres (serviteurs, employés). En raison des choses volées, le propriétaire a moins de répugnance à être volé quand les choses ont peu de valeur, comme les plantes qui sont produites par la nature, et qui sont laissées sans protection, comme les framboises qui poussent au bord du chemin, les branches, comme des arbres poussant sur des terres non cultivées. En raison de la manière dont le vol a été fait, le propriétaire est ordinairement moins répugnant à être volé quand on enlève les biens graduellement, et en certaines occasions, que quand ils sont enlevés tout d’un coup.
1903- L’opinion commune sur la matière grave des vols domestiques. Dans un vol fait à des parents, le double de la quantité usuelle est requis. Mais, dans un cas particulier, les parents peuvent être tout autant répugnants, et avec de bonnes raisons, à être volés par des membres de leur famille que par des étrangers. Et, dans ce cas, la règle ne s’appliquerait pas. En conséquence, en considérant les vols faits par les enfants, on doit prendre en compte la capacité qu’a la famille de supporter la perte d’argent, le nombre des enfants, l’usage fait de l’argent volé, la libéralité ou la parcimonie des parents, l’affection que les parents ont ou n’ont pas pour les enfants qui volent. Ainsi, si les parents se serrent la ceinture pour élever et éduquer une famille nombreuse, un vol par les enfants représente une matière sérieuse. Pour un vol fait à un mari, une plus grande somme est requise. Mais, il y a des exceptions, comme quand un mari est particulièrement opposé à ce que ses biens soient volés par sa femme. Par exemple, quand l’argent qu’elle soutire n’est pas employé au profit de la famille ou pour des dépenses utiles, mais pour la vanité ou le péché, ou au détriment du mari et de la famille (1799).
1904- Le vol fait par la femme ou par un enfant mineur. Selon la loi en vigueur aux États-Unis, une femme ne peut pas voler les biens de son mari, ni le mari les biens de la femme. Mais ce principe se réfère au mariage en communauté de biens (Robinson, Elementary law 563). L’homme et la femme peuvent aussi se marier en séparation de biens, et, dans ce cas, chacun est coupable d’injustice, si l’un prend ou endommage les biens de l’autre. Selon la loi américaine, le père a droit aux gains des enfants mineurs qui vivent avec lui, et qui sont à sa charge. Mais la loi ne donne au père de famille aucun droit sur les biens personnels des enfants. Ainsi, un père de famille serait coupable de vol s’il prenait illégalement ou utilisait la propriété personnelle de son enfant.
1905- L’opinion commune du vol commis par les employés. Si les choses volées sont de petits articles que l’employeur fournit habituellement pour aider ses employés, (nourriture, breuvage, crayon, stylo, papier), le vol n’est pas sérieux, en règle générale. Mais il y a des exceptions, comme quand un employé donne ou vend à d’autres ces objets volés, ou quand il s’en sert ou les gaspille à un point tel que l’employeur subit une perte considérable. On devrait aussi considérer comme circonstance spéciale la grande ou la faible valeur des services donnés par un employé, s’il est bien vu ou mal vu par l’employeur. Si la chose volée n’est pas destinée à être consommée, (les meubles de la maison ou du bureau, les marchandises du magasin, des outils ou de la machinerie pour l’usine), ou est d’une grande valeur (des vins rares, du tabac de qualité), la matière grave est semblable à celle d’un vol commis par un étranger. En fait, la faute de l’employé est plus sérieuse du fait de son abus de confiance et de sa violation de contrat. La propriété d’un employeur serait sujette à des risques continuels si les employés s’accordaient plus de liberté que les étrangers.
1906- Vol de choses pour lesquelles le propriétaire a moins d’intérêt. La végétation qui appartient au grand public et qui est laissée sans protection. Si ces choses sont de peu d’importance, (des fruits sauvages, ou des baies, des arbres tombés, des branches), il ne semble pas que ce soit un vol de les prendre, du moins quand quelqu’un est pauvre et est un membre de la communauté, car les lois contre ces actes sont habituellement considérées comme pénales. Mais quelqu’un pèche, et peut même pécher gravement quand un dommage important est fait à une propriété publique (en abattant des arbres, en emportant ailleurs des plants et des fleurs, en abimant les arbustes),
La végétation qui appartient à des particuliers et qui est laissée sans protection. Si on n’en prend qu’une petite quantité (une pomme, ou une grappe de raisins suspendue au-dessus de la voie publique, et que prend un passant), il semble qu’aucun vol n’ait été commis, à moins que le propriétaire ou la loi ne l’ait interdit expressément. Mais il semble aussi que c’est un péché véniel si on en prend davantage (autant que peut manger une personne qui a l’estomac dans les talons), et un péché mortel si on en prend une quantité dont la valeur marchande est égale à une matière grave. 1907- Voyager sans acquitter le péage. Est-ce un péché de voyager par transport public sans payer ? Si quelqu’un voyage sans payer ou sans acheter de billet, il semble bien qu’un vol ait été commis, à moins que la compagnie soit disposée à accorder un voyage gratuit. On peut prétendre que la compagnie de transport ne souffre aucune perte du fait qu’un passager ne paye pas son billet, puisque le même nombre de trains ou les mêmes dépenses seraient de toute manière requises. Mais puisque les propriétaires ne veulent pas fournir leurs services gratuitement, celui qui s’en sert sans payer est coupable de vol. Si quelqu’un voyage sans payer, mais utilise le billet d’un autre, il n’y a pas d’injustice si les règles de la compagnie le permettent. Exemple. (Pierre achète un billet aller-retour, mais donne le billet de retour à Paul). Mais il y a de la fraude si les règles de la compagnie et le consentement de l’acheteur rendent le billet non transférable. (Paul utilise un billet demi-prix que Pierre avait reçu de la compagnie comme un privilège personnel).
1908- De petits vols qui forment une grosse somme. De petits montants d’argent volés peuvent finir par former de larges sommes. Cela arrive de la façon suivante. Un voleur prend de petites sommes, en plusieurs occasions, à la même personne ou à d’autres, et il continue ainsi jusqu’à ce qu’il ait acquis une somme importante. Un voleur conspire avec d’autres voleurs pour voler, le même jour, de l’argent à une personne ou à plusieurs, et bien que le montant volé par chacun soit petit, le montant saisi par tous est grand. Semblablement, des dommages minimes ou des vexations insignifiantes peuvent croitre en importance, et devenir des injustices mortelles. Ainsi, si Thomas se donne pour but de porter atteinte à la santé, au succès, à la réputation, aux finances de Luc, s’il planifie et met en œuvre une campagne systématique formée de petites offenses répétées chaque jour pendant des années, Thomas est coupable, au moins en intention, de dommages sérieux.
1909- Les petits vols qui finissent par prendre les proportions d’un vol sérieux sont un péché grave dans les cas suivants. Ils sont des péchés mortels en raison du fait que, tout en ne volant que de petits montants de temps en temps, quelqu’un a, dès le début, décidé de voler une grande somme qui sera équivalente à une matière grave; ou quand quelqu’un conspire avec d’autres de voler une forte somme, en ne volant à chacun que peu d’argent. Dans ces cas-là, l’intention est de commettre une injustice grave, ou contre un individu (si tout a été soutiré de la même personne), ou contre la société (si des portions ont été perçues de différentes personnes). En, en conséquence, quelqu’un est coupable intérieurement d’un péché grave, même s’il ne l’a pas encore accompli extérieurement. Exemples. Des marchands qui usent de faux poids et mesures, ou qui adultèrent les matières premières en y ajoutant de l’eau, et font ainsi de grands profits par de petites entorses à la loi. Ils font des péchés mortels en raison de l’intention subséquente, alors qu’ils n’avaient pas pour but de voler de grandes quantités Mais ils se sont rendu compte que de petits vols commis ici et là constitueront une matière grave, si on les ajoute à d’autres vols antérieurs. Ils décidèrent quand même d’aller de l’avant, et de retenir les biens volés. Cela ne veut pas dire que plusieurs péchés véniels se transforment en un péché mortel (189), mais seulement que l’objet d’un péché qui est léger en lui-même devient sérieux en raison de la circonstance selon laquelle il est moralement relié aux péchés antérieurs. Le dernier acte dans une série, où chaque acte est inter relié, ne peut pas être pris isolément, mais en relation avec les actes qui précèdent, comme on le voit dans la violation d’un jeûne, ou dans l’omission des parties d’une heure de bréviaire. Dans les cas que nous considérons maintenant, une injustice est donc faite réellement et volontairement, et un péché mortel est commis, même si tout cela n’avait pas été prévu d’avance. 1910- Le cas de jeunes hommes qui sont éduqués gratuitement dans l’espoir qu’ils avanceront jusqu’à la prêtrise, et qui ne persévèrent pas. S’ils agissent de mauvaise foi, (s’ils n’entrent dans le collège ou le séminaire que pour y recevoir une éducation soignée, ou pour éviter de travailler, ou s’ils continuent, après avoir renoncé à devenir prêtres), ils sont coupables de vol, et sont tenus à la restitution.
S’ils ne sont pas de mauvaise foi (s’ils désirent faire un essai loyal, ou s’ils commencent avec l’intention de tenir jusqu’au bout), ils ne sont pas coupables d’injustice. Cela est vrai, même s’ils sont renvoyés pour paresse, ou pour d’autres fautes, pourvu qu’il n’y ait pas eu d’intention de frauder. 1911- Dans les cas qui suivent, de petits vols qui forment de gros vols quand ils sont ajoutés à d’autres, ne semblent pas être la cause d’une perte grave, et ne sont donc pas des péchés mortels. Le petit vol d’une personne qui suit les petits vols d’autres personnes, quand rien ne les réuni, car, dans ce cas, aucun des voleurs ne peut être responsable de la perte infligée par les autres. Exemple. Paul sait que plusieurs personnes ont volé à Pierre neuf dollars, et que dix dollars serait pour lui une grosse perte. Mais il lui vole quand même un dollar. Les petits vols de différentes personnes qui volent ensemble, et qui ne s’influencent les unes les autres que par l’exemple, car l’influence est une occasion, non une cause de l’acte de l’imitateur (1447, 1763). Exemple. Luc et Marc entrent tous les deux dans un magasin, et voient qu’il est laissé sans surveillance. Luc vole donc un certain nombre d’objets, et part. Marc le voit faire, et vole d’autres objets à son tour, les deux vols représentant ensemble une somme importante.
1912- La connexion morale entre les actes répétés de vol. La connexion morale entre les actes répétés de vol par une personne est nécessaire, comme il a été dit, pour que ces actes s’unissent de façon à former un péché grave. Cette connexion morale n’existe pas, cependant, si la série a été rompue par des interruptions ou des révocations. Ainsi, la connexion est brisée par interruption quand il y a un long intervalle entre de petits vols, parce que des vols qui sont rares et non fréquents n’infligent pas des pertes sévères à un individu ou à une société. Cela suppose, évidemment, qu’il n’y ait aucune intention de faire habituellement de petits vols pour s’ enrichir, mais que quelqu’un vole à n’importe lequel moment, quand l’occasion ou la nécessité se présente, ou (selon certains) qu’on ne veuille voler que de petits montants, et à de longs intervalles de temps. La connexion est aussi rompue par la restitution ou la révocation. Il est clair que si le voleur a rapporté ses anciens vols, on ne doit pas les compter avec les vols qui suivront. Et il semble aussi, même si ce n’est pas admis par tous, que s’il a, en toute sincérité, pris la résolution de rapporter ce qu’il a pris (des choses qui sont inutiles pour lui), il n’y a pas de connexion entre les vols passés et ceux qu’il commet maintenant.
1913- Les intervalles de temps entre les vols. L’intervalle de temps qui brise la connexion entre les petits vols ne peut pas être déterminé avec une exactitude mathématique. Mais la règle suivante semble suffisamment exacte. Les vols s’unissent pour former un grand vol quand une propriété considérable est prise par degrés, mais dans une période de temps telle qu’elle soit un avantage notable pour le voleur et un désavantage notable pour le perdant. Quelques moralistes pensent que six mois sont un espace d’une longueur suffisante pour empêcher l’union entre les vols; mais que deux mois sont un espace trop court pour empêcher l’union. D’autres, au contraire, croient qu’on devrait prendre en considération les montants volés, et, qu’en conséquence, les intervalles suivants entre les vols les répartissent entre des péchés véniels distincts, sans aucun amalgame. Une période d’un an entre les vols, dont chacun représente le montant d’une grave matière, quand il y a recel (un couturier qui a pris une partie importante du matériel de son patron l’an passé, fait la même chose cette année). Une période de deux mois, quand le vol porte sur une matière grave, mais quand il n’y a pas de recel (quand un voleur frustre un restaurant du prix demandé pour un repas de haute gamme au début de Janvier, et fait la même chose au début de Mars). Mais il difficile d’imaginer comment quelqu’un pourrait contracter une habitude de voler de cette façon et ne pas avoir l’intention de voler une forte somme. Car quelqu’un qui vole la valeur d’une grave matière à tous les deux mois, doit certainement réaliser que sa malhonnêteté l’enrichira considérablement. De plus, le voleur pourrait avoir besoin de cet intervalle de deux mois pour éviter la suspicion; d’un mois, quand la chose volée est fort loin de constituer une matière grave (un mets ordinaire, cuit à la va vite et servi). Une période d’à peu prés deux semaines, quand les matières sont très petites, (quand un voleur prend quelques gorgées d’une bouteille de vin dans une certaine maison, lors de ses intrusions nocturnes, ou enlève des objets sans valeur marchande comme souvenir). Ces vols-là ne dépasseraient pas cinq ou dix cents par mois.
Quelques auteurs pensent qu’une semaine ou même un jour empêchera de fusionner des vols extrêmement petits. Et il y a surement des objets dérisoires (une aiguille, une allumette, un morceau de charbon, un fil) qui ne vaudraient jamais une forte somme après plusieurs années.
1914- L’espèce et le nombre des petits vols qui fusionnent pour constituer une grave matière. Si les vols procèdent d’une intention formée d’avance de voler par tranches une grave somme, chacun d’eux est un péché mortel, mais il ne forment pas numériquement des péchés distincts, à moins qu’il n’y ait eu une révocation de l’intention (214, 215). Si les vols ne procèdent pas d’un plan formé à l’avance, ceux qui ont précédé le dernier vol en date (celui dont l’addition rend la matière grave) sont tous des péchés véniels de vols séparés. Le vol qui fait déborder le vase est un péché mortel, si le voleur est conscient qu’il a volé une somme considérable. Autrement, c’est un péché véniel. L’acte accompli après qu’on se soit rendu compte de la gravité de la matière, est le péché mortel initial, s’il signifie le consentement donné à la grande injustice commise (recel des biens mal acquis, intention de ne pas restituer); il est un péché mortel additionnel s’il signifie un renouvellement du consentement antérieurement donné (le vol d’une nouvelle petite somme, avec l’intention de la conserver avec tous les autres).
1915- La somme requise pour une matière grave dans des petits vols qui fusionnent. Selon une opinion, elle est toujours plus large que la somme requise pour une matière grave dans le vol d’une même somme, en une seule occasion. Car le propriétaire ne ressent pas autant la perte quand ses biens sont dérobés en petite quantité et à des temps différents. Ainsi un homme a moins de répugnance à se faire voler cent dollars en cents et en petites coupures sur une période d’un an, qu’à se le faire prendre par un pickpocket. Selon une autre opinion, une matière grave pour petits vols n’est pas plus large qu’une matière grave pour de larges vols de même quantité, si le petit voleur a, tout au long, l’intention d’accumuler une somme considérable. Mais quelques moralistes qui sont de cette opinion veulent faire une exception pour le cas où le petit voleur dérobe les biens non d’une seule personne mais de plusieurs, car de cette façon la perte est répartie sur plusieurs personnes, et cause moins de tort. Une grave matière, dans ce cas, disent-ils, est la même que la matière absolument grave.
1916- Il y a plusieurs opinions au sujet du montant requis pour qu’il y ait une matière grave dans le cas de petits vols qui fusionnent. Si tous les vols ont été faits contre la même personne, l’opinion générale fixe la matière grave à une, une et demie, ou deux fois le montant fixé pour de larges vols. Quelques moralistes limitent cela aux cas où le voleur n’aurait pas, au début, l’intention de commencer à voler une grande quantité (1915); et d’autres affirment que le montant que l’on considère pour parler de vols larges est la somme relative, non l’absolue. Si les vols ont été commis contre des personnes différentes, quelques-uns pensent que la matière grave est la même que la matière absolue d’un vol large, tandis que d’autre la font une, une fois et demie ou deux fois ce montant. Ici aussi, quelques moralistes limitent ces augmentations dans la somme pour une matière grave au cas où il n’y avait pas d’intention, au tout début, de voler un montant considérable.
1917- Le vol fait à des copropriétaires. Est-ce un péché grave de voler un montant considérable d’une propriété qui appartient à des copropriétaires ? Si le montant pris est absolument grave, le péché est sérieux, pour les raisons données à 1898. Si le montant pris est relativement grand, (parce qu’une communauté est très pauvre, ou parce que les propriétaires ne sont que deux ou trois, et que la perte individuelle est élevée), le péché est sérieux. Le péché n’est pas sérieux si le montant pris n’est pas relativement grand, comme cela arrive quand une organisation n’est pas pauvre et a plusieurs membres, ou quand la répartition de la perte entre les copropriétaires fait en sorte qu’ils la ressentent peu.
1918- Restitution en cas de vol. La restitution est due pour toute propriété volée. Celui qui a volé une forte somme et en a retourné une partie, ne conservant que ce qui constitue une matière légère, est tenu sous peine de péché véniel de rapporter le reste. Les confesseurs devraient exiger la restitution même de petits montants, quand cela est possible, pour détourner les chrétiens du vol. Et il peut être même utile de demander aux enfants de se faire pardonner par leurs parents pour des fautes de ce genre. On doit aussi restituer à cause des dommages causés par le vol (1895). Ainsi, si quelqu’un vole le râteau d’un pauvre fermier, lequel est de peu de valeur en lui-même, mais qui représente pour le fermier une importante perte, il est responsable pour l’outil et pour la perte.
1919- Cas douteux. Les doutes qui viennent de la loi. Les règles données par les moralistes sur la matière grave des vols ne doivent pas être considérées comme certaines et authentiques, puisqu’elles ne sont que les opinions de certains théologiens, et n’ont aucune approbation ou sanction de l’Église. Elles sont raisonnables et fondées. Mais en dépit de toute leur valeur, il arrivera des cas où on doutera si le vol et un péché mortel ou véniel (1896). Il n’est pas honteux de reconnaître son ignorance dans ces cas, car saint Augustin lui-même a admis qu’il ne savait pas toujours où tracer la ligne de démarcation. En conséquence, les confesseurs ne devraient pas se sentir obligés de trancher dans chaque cas si le péché est mortel ou véniel. Au contraire, il devra parfois être nécessaire d’éviter de donner une réponse définitive, en se contentant d’insister sur la malice de tout vol, et sur la nécessité de restituer, Mais il ne faut pas obliger quelqu’un à restituer quand les moralistes ne sont pas d’accord.
Les doutes factuels. L’application de la règle pour matière grave sera, à certains moments, très difficile en raison d’incertitudes au sujet des circonstances de temps et de personne etc. Dans ces cas, on doit avoir recours aux règles de décision qui conviennent à une conscience qui doute. Si un voleur ne connait pas celui qu’il a volé, on pourra aussi avoir des doutes au sujet de la gravité ou de la légèreté de la matière. Mais la présomption sera à l’effet que le perdant est un homme au revenu moyen, Quand il y a une grande vraisemblance que le propriétaire n’était pas vraiment répugnant à être volé, on doit insister sur le fait qu’il faut arrêter de voler à l’avenir, mais on ne peut pas toujours imposer la restitution. Si un petit voleur ne sait pas comment il a volé, ni si tous les vols provenaient de la même personne, ni si les intervalles entre les vols étaient grands ou petits, ni s’il avait, dès le début, l’intention de voler une large somme, le confesseur aura à se former une opinion en questionnant le pénitent au sujet du temps de sa dernière confession, des montants qu’il prenait généralement, de la fréquence générale des vols etc.
1920- La conversion de la propriété d’un autre. La conversion d’une propriété due par d’autres ou tenue par eux peut être permise et même tolérée quand le propriétaire ou le possesseur serait déraisonnable s’il s’y objectait comme dans les cas suivants. En cas d’extrême nécessité. Car, d’après la loi, chacun a le droit de préserver sa vie en usant des choses temporelles de la terre (1571). En cas de danger de mort, les choses nécessaires pour échapper au danger deviennent propriété commune; et une personne en danger de mort ne commet aucune offense si, pour sauver sa vie, elle use des biens d’un autre. Dans certains cas, quand la compensation occulte est la seule façon de se défendre ou d’assurer son droit à la propriété. Car ce n’est pas une mauvaise chose de prendre ce qui nous est du, si cela peut se faire sans porter atteinte aux droits des autres.
1921- Les conditions pour une occupation légale des biens d’autrui en cas d’extrême besoin. L’occupation doit être nécessaire, pour pouvoir revendiquer son droit naturel ou celui d’un autre à un bien suprême, comme la vie, ou ce qui lui correspond (la libération d’une prison infecte, la guérison d’une maladie redoutable). Un bien suprême est en jeu, donc, quand quelqu’un est dans un besoin extrême, quasi extrême ou grave (1236), c’est-à-dire, est exposé à un risque certain ou très probable de perdre la vie, des membres, la liberté, la vue, la chasteté, etc. L’occupation est nécessaire quand il n’y a pas d’autre moyen (comme mendier) de détourner le danger. L’occupation doit être faite sans détriment aux droits des autres. En conséquence, l’occupation ne peut pas du tout se faire quand le propriétaire est dans un danger égal (on ne peut pas, pour sauver sa propre vie, soutirer la planche à quelqu’un qui est en train de se noyer). On ne peut pas garder ce qu’on a pris, si le danger est passé (celui qui a réquisitionné la voiture de son voisin, pour échapper à un voyou, doit retourner la voiture). Négliger de demander une permission ne dépasse habituellement pas un péché véniel, et n’impose pas le devoir de restitution, s’il y a une vraie raison pour occuper les biens d’autrui, On ne peut pas prendre ces biens sans permission, ni de force, si cela peut être obtenu sans grande difficulté, si on peut en prendre possession paisiblement.
1922- La restitution des biens occupés. Est-on obligé de restituer des biens occupés qui ont été consommés (nourriture ou breuvage), si on est capable par la suite de réparer en argent ? Si celui qui a occupé des biens ne pensait pas qu’il serait jamais capable de payer pour ce qu’il a pris, il n’est pas tenu à la restitution. Non à cause de la possession, puisque la chose a péri, non à cause du fait de l’avoir pris, puisqu’il n’y avait pas de contrat onéreux, ni à cause d’une offense, puisqu’il a agi à l’intérieur de ses droits. Le propriétaire ne peut pas se plaindre de cela puisque la charité l’oblige à donner volontairement à celui qui se trouve dans un extrême besoin, et à ne pas s’attendre à ce que ses aumônes soient remboursées; et puisque la justice interdit qu’il bloque l’appropriation de ce dont a besoin une personne en détresse. Il semble, cependant, qu’un cas de ce genre ne puisse pas arriver souvent; et si jamais il se présentait, la chose la plus raisonnable serait de payer pour ce qui a été utilisé. Quelques moralistes pensent qu’il est plus probable qu’il y ait une obligation en justice à faire cela, puisque l’occupation n’est légale que dans la mesure où elle est nécessaire. Si celui qui a occupé des biens avait alors l’idée d’être capable de payer pour ce qu’il a pris, il est tenu à la restitution, car on ne doit pas occuper un bien plus longtemps qu’il n’est nécessaire. Et si un prêt suffit pour dépanner quelqu’un, il n’est pas juste d’attendre un don. En conséquence, ceux qui ont braqué des boulangeries, en temps de pénurie, sont tenus à faire des restitutions aux boulangers, si possible.
1923- Occupation en cas de nécessité grave. Est-il permis d’occuper des biens en cas de nécessité grave ou ordinaire ? Non, ce n’est pas permis. Car, autrement les portes seraient ouvertes toutes grandes à des voleurs sans nombre; et la sécurité de la propriété et de la paix du public prendrait fin. Innocent X1 a condamné la proposition voulant qu’il soit possible de voler quand le besoin est grand (Denzinger 1186). Une occupation de ce genre est moins coupable, toutefois, que celle qui se fait sans nécessité; et le vol pourrait n’être qu’un péché véniel si quelqu’un est dans un besoin grave, ou a vainement cherché du travail ou des dons pour s’en sortir. Comme quand un pauvre père vole ici et là parce qu’il n’est pas capable de fournir à sa famille toute la nourriture dont elle a besoin.
1924- L’occupation d’une forte somme par quelqu’un qui est dans un pressant besoin. Une opinion soutient que, même faite dans le but d’éviter la mort, cette occupation n’est pas permise, car personne n’a le droit à des moyens extraordinaires pour protéger sa vie. Une deuxième opinion maintient que cette occupation est légale, sous les conditions données à 1921, car la vie est plus précieuse qu’une grosse somme d’argent; et dans des besoins extrêmes de ce genre, le droit à la propriété cède le pas au droit à la vie. Une troisième opinion fait la distinction entre les cas où la nécessité extrême est prochaine ou urgente, (un gardien non armé est menacé d’une mort instantanée s’il ne livre pas sur-le-champ l’argent qu’il a sous sa protection); et le cas où elle est éloignée (le médecin dit à un tuberculeux qu’il va mourir dans peu de temps à moins qu’il n’aille respirer l’air des montagnes; mais le patient est trop pauvre pour suivre ces instructions). Dans le premier cas, la personne en besoin peut prendre ce qui est nécessaire (à cause des raisons données dans la deuxième opinion, et parce que la loi civile le permet). Mais il n’est pas tenu de le faire (à cause des raisons que donne la première opinion). Dans le dernier cas, il est plus probable qu’il n’ait aucun droit d’occupation, car cela serait préjudiciable au bien-être public; et la loi civile l’interdit expressément (1571, 1253).
1925- Les devoirs d’un propriétaire envers quelqu’un qui est dans un besoin pressant. La charité l’oblige à venir en aide à une personne nécessiteuse, mais s’il oublie ce devoir il n’offense pas la justice, et n’est pas tenu à restituer (1240, 1753). En justice, le propriétaire est tenu à ne pas empêcher une personne nécessiteuse à prendre ce dont elle a droit. Mais si le propriétaire fait cela et si la nécessité cesse, il n’y a pas de devoir de restitution, car le droit d’un nécessiteux finit avec la nécessité.
1926- Recevoir un secours d’un voleur, est-ce légal ? Est-il permis à une femme et aux enfants de recevoir un support financier du père, s’il est un voleur ? La chose est permise quand les personnes lésées n’ont pas été privées de leurs biens, ou de l’espoir d’une restitution. Cela arrive quand le dit support ne provient pas de la propriété volée, et quand le voleur est capable de faire des restitutions par le moyen d’autres propriétés qui lui appartiennent; ou quand la femme et les enfants gagnent autant par leur travail que ce qu’ils reçoivent comme support familial. Dans ce cas, la famille peut accepter du voleur, même les choses qui ne sont pas absolument nécessaires. Cela est permis quand aucune restitution n’est faite aux personnes lésées; mais l’obligation de restitution a cessé du fait d’une grave nécessité (1797). Voilà ce qui arrive quand le support ne provient pas de la propriété volée, et quand le voleur est incapable de faire une restitution en puisant dans sa propre propriété sans appauvrir sa famille, qui est en besoin grave. Dans ce cas, la famille peut prendre du voleur seulement les choses qui sont nécessaires, selon l’état de vie de chacun. Cela est permis quand les personnes volées sont privées de leurs biens. Mais le droit d’occuper ces biens provient de l’extrême nécessité de la famille (1920) : ce qui se produit quand le support provient de la propriété volée elle-même. Mais la famille peut n’user que ce qui est vraiment nécessaire pour le soulagement d’une grande détresse.
1927- La compensation. La compensation est de deux sortes : stricte ou légale, large ou extra légale. Au sens strict, c’est une demande reconventionnelle, ou la comparaison des dettes de deux personnes avec celles d’une autre, dans l’intention d'annuler les dettes de l’un ou des autres. Cette méthode d’extinction de dettes est permise par la loi dans le but de réduire la somme des dépenses causées par les litiges. Elle porte le nom de dédommagement, ou de compensation quand le créancier accuse son débiteur de ne pas exécuter une partie du contrat en litige. Et la demande de compensation est enclenchée quand le créancier opère une comparaison entre la dette que lui devait le débiteur et les dettes que le créancier (qui se plaint de ne pas être payé) a contractées envers lui. Une demande reconventionnelle est juste quand aucune offense n’est faite à une partie (il serait injuste de garder le cheval de Pierre que vous avez emprunté, simplement parce que sa valeur équivaut au montant d’argent que Pierre vous doit, car le cheval peut avoir plus de valeur pour Pierre). La chose est légale quand la chose est reconnue par la loi (1797, 1798). Au sens large, la compensation est la récupération sommaire par un créancier de la chose ou de la dette que lui devait le débiteur. La récupération est sommaire au sens où le créancier ne va pas voir un juge, ne procède pas selon la loi, mais prend chez le débiteur ou ouvertement (compensation ouverte) ou secrètement (compensation occulte) ce qui lui est du.
1928- La légalité de la compensation occulte. Ordinairement, ou en elle-même, elle n’est pas légale, car elle contient des maux comme du mépris envers les procédures légales requises, du scandale, de l’infamie, des désordres publics, une menace que le bien commun sera lésé par de fréquents abus, le danger que le débiteur n’encoure une perte par un deuxième paiement de la même dette. Innocent X1 a condamné la proposition voulant que les serviteurs puissent pratiquer une compensation occulte quand ils estiment que leurs services valent plus que le salaire qu’ils reçoivent. (Denzinger 1187). Exceptionnellement, ou par accident, cela est permis. Car, sous certaines conditions, ni le bien public ni le bien privé ne sont offensés; et cela est parfois nécessaire pour faire reconnaître un droit.. Comme la loi naturelle donne l’autorisation d’occuper les biens d’autrui en cas de besoin extrême, elle justifie aussi la compensation occulte dans les cas spéciaux déjà mentionnés.
1929- La compensation occulte illégale et la restitution. Est-ce qu’une compensation occulte illégale oblige quelqu’un à la restitution ? Si la compensation n’est pas seulement illégale mais aussi offensante (une servante prend ce qui ne lui est pas du sous prétexte de compensation), on ne peut pas l’appeler compensation, car c’est vraiment un vol, et la restitution s’impose. Si la compensation est illégale mais non offensante, (une servante prend ce qui lui est vraiment du, mais elle aurait pu l’obtenir en le demandant), il n’y a ni vol ni devoir de restitution, puisque la propriété d’un autre n’a pas été volée.
1930- Les conditions requises par la justice commutative pour une compensation occulte. Avant la compensation. Il doit y avoir un droit strict à la chose prise, car, s’il n’y a pas un droit de ce genre, on prend, contre sa volonté, ce qui appartient à un autre, et on commet un vol. En conséquence, si un employeur a en toute liberté promis de donner un cadeau à une servante, et manque ensuite à sa parole, la servante n’a aucun droit de prendre ce qui avait été promis, car cela n’est du qu’en vertu de la libéralité, de la fidélité ou de la gratitude, mais non en vertu de la justice commutative. La même chose s’applique à un héritier non nécessaire à qui on n’a rien légué dans un testament, puisqu’il n’a aucun droit strict à l’héritage. C’est aussi une chose injuste de prendre une compensation pour une dette avant l’échéance. Pendant la compensation. On ne doit causer aucun tort au débiteur (en prenant plus que ce qui est du; en prenant quelque chose dont le débiteur a besoin pour gagner sa vie), ni à des tierces parties (en prenant des biens déposés avec ceux du débiteur). Autant que possible, la compensation devrait être faite avec des biens de même nature que ceux qui ont été pris ou endommagés. Car le débiteur ne devrait pas être contraint de se départir de choses qu’il désire conserver, et qui ne sont pas nécessaires pour satisfaire le créancier. Après la compensation. On doit éviter d’offenser le débiteur (exiger un paiement qui ne lui est pas encore du, qu’on peut lui refuser ou le lui retourner) et des tierces parties (lancer des rumeurs sur un serviteur pour détourner l’attention de son acte de compensation occulte).
1931- Doit-on être moralement certain qu’il s’agit d’un droit strict, ou, en d’autres termes, doit-on exclure un doute raisonnable du fait ou de la loi ? Le doute de fait doit être exclu, car dans ce genre de doute, la présomption est avec le possesseur. Ou, à tout le moins, il est certainement interdit d’accomplir un acte qui offensera probablement une autre personne (713). De plus, chacun peut se rendre compte que le bien public souffrirait grandement si la compensation occulte était permise quand l’existence d’une dette était incertaine. En conséquence, s’il n’est que probable que quelqu’un a vendu des biens à une autre personne, ou que cette autre personne n’a pas encore payé pour les services reçus, il vaut éviter la compensation occulte.
Quant au doute de la loi, la question est controversée. Quelques moralistes pensent qu’elle doit aussi être exclue, puisque le possesseur ne devrait pas être privé de sa possession à moins qu’il soit certain qu’il existe un droit qui le lui permette. D’autres pensent que la compensation occulte peut être effectuée en dépit d’un simple doute sur la loi, si le doute ne porte que sur la manière de faire la compensation, ou si la probabilité en faveur du créancier est si forte qu’un juge pourrait en conscience trancher pour lui contre le possesseur. Nous avons ici comme exemples de doutes de loi trois cas qui sont matière à dispute entre les moralistes. Le premier. Peut-on prendre de l’argent comme compensation pour une diffamation qui ne sera pas réparée par une restauration de réputation (1802, 1803). Le second. Peut-on refuser de réparer pour une diffamation quand on a été diffamé par un autre et qu’on n’a pas reçu de restitution ? Le troisième. A-t-on des droits à un héritage dont on est exclu à cause d’une simple formalité ? Certains moralistes estiment que, dans ces cas, le droit est probable, mais qu’on ne devrait prendre la décision d’agir que sur l’avis de personnes compétentes et consciencieuses, puisque la chose est très compliquée et qu’il y a un grand danger de s’illusionner.
1932- Certains cas dans lesquels il y a un droit strict à la compensation. Les employés (serviteurs, ouvriers, artisans, secrétaires) ont un droit strict quand ils sont lésés par la non observance d’un contrat (le salaire promis n’est pas payé, des soustractions injustes sont faites au salaire, comme par le moyen d’amendes pour le bris rare et non intentionnel d’outils, lesquelles ne sont pas autorisées par le contrat; exiger un travail qui n’est pas stipulé dans le contrat); ou quand un contrat injuste leur est imposé (ils sont induits par des menaces ou par la force à accepter un salaire inférieur au salaire minimum; ou on profite de leur grande misère pour leur arracher le consentement à un salaire inférieur au salaire minimum). Les marchands ont un droit strict quand une dette qu’ils ne peuvent pas récupérer leur est certainement due; ou quand ils ont vendu en bas du juste prix minimal, parce qu’ils ont été injustement forcés d’agir ainsi, ou parce qu’ils se sont trompés en facturant. Ils peuvent compenser en diminuant les poids et les mesures. A un droit à la compensation celui qui a été condamné par une sentence manifestement injuste, parce que la loi est certainement injuste ou parce que le juge a clairement donné une mauvaise décision en matière de fait (il a présumé par erreur qu’une dette avait été contractée, ou qu’elle n’avait pas été payée).
1933- Quelques cas pour lesquels il n’y a aucun droit à la compensation. Les employés n’ont pas le droit de compensation pour des soustractions à leur salaire, s’ils ont coupablement abimé la propriété de leur employeur, ou s’ils ont accepté cette soustraction. Ni non plus pour la petitesse de leur salaire, s’ils l’ont librement accepté (s’ils ont considéré que c’était une faveur d’être employés, et si l’employeur n’avait pas vraiment besoin d’eux; ou si l’employeur a compensé par des présents, des loges à l’aréna, des billets gratuits pour le football). Ni pour des travaux inusités, s’ils ont été engagés pour des services généraux (à moins qu’on ne leur demande d’accomplir un travail d’un genre complètement imprévu, comme une mission très périlleuse); ou s’ils sont entrepris ces travaux librement sans la connaissance ou le désir (exprimé ou tacite) de l’employeur. Les marchands n’ont aucun droit à une compensation pour des biens vendus par eux en dessous du juste prix minimal, s’ils ont librement accepté de vendre à ce prix.
1934- Les enfants et les employés, et compensation. Il y a des cas qui donnent matière à réflexion, comme les parents qui emploient leurs propres enfants, et des employeurs qui sont forcés de sous payer à cause de la malhonnêteté de leur aide. Les enfants qui travaillent pour leurs parents et qui ont droit à un salaire en vertu d’une entente ou de par la loi, ont les mêmes droits que les autres employés, mais l’injustice envers eux serait moins fréquente. Dans ce pays, le père a le droit d’engager et de payer son enfant non encore émancipé. Mais l’enfant devient indépendant du père quand il atteint l’âge de majorité, ou quand le père abandonne son droit. Les employés qui sont sous payés parce que l’employeur a un aide qui le trompe, ont droit à une compensation occulte, s’ils sont forcés de prendre moins que le salaire minimum (1932). Autrement, ce n’est pas permis, à moins qu’il soit certain que l’employeur n’ait pas d’objection à ce que les employés honnêtes reçoivent plus que leur paye. En pratique, à cause du grand danger d’injustice, on conseille à ces ouvriers de revendiquer un meilleur salaire avec l’aide de leurs syndicats, ou d’aller travailler ailleurs.
1935- Les conditions requises par la justice légale pour une compensation occulte. On ne doit pas avoir recours à une compensation occulte si on peut facilement obtenir le paiement à l’amiable, ou devant les tribunaux. Car l’ordre de la loi et le bien-être public requièrent qu’on n’ait pas recours au moyen extraordinaire de compensation occulte, si les moyens ordinaires suffisent, et ne causent pas de notables difficultés. Mais, en règle générale, il semble que cela n’oblige que sous peine de péché véniel, puisque, ordinairement, l’abandon de la procédure normale dans cette matière n’est pas sérieusement nuisible aux mœurs ou à l’ordre. Cela n’impose pas non plus un devoir de restitution, puisque celui qui ne prend que ce qui lui appartient ne porte aucune offense à la justice commutative. S’il est certain que d’autres moyens seront futiles, (parce qu’on n’a pas asses de preuves pour gagner, ou parce que la décision serait biaisée,) ou nuisibles (parce que de grandes dissensions s’élèveront, ou de lourdes dépenses causées par les litiges), la compensation occulte n’est même pas véniellement coupable.
La compensation occulte, selon la loi, ne devrait pas être faite par un dépositaire, car il a un droit pour les services et les dépenses contractées en prenant soin de l’objet déposé, mais par pour n’importe quelle autre dette que peut lui devoir celui qui a fait le dépôt. Cela est obligatoire au moins au for externe. 1936- Quelques conditions requises par la charité pour une compensation occulte (1165, 1236, 1483). La charité envers l’endetté. Le créancier devrait voir à ce que, si possible, le débiteur ne souffre aucune perte à l’occasion d’une compensation. En conséquence, pour épargner au débiteur les maux d’une mauvaise conscience causée par une dette ou d’un deuxième paiement de la dette, le créancier devrait, si possible, informer le débiteur que la dette a été cancellée, ou qu’il n’attend plus de paiement. La charité envers des tiers. Le créancier devrait, si possible, prévenir tout souci ou toute perte pour autrui qui pourrait être occasionné par la compensation, comme une suspicion de vol qui pourrait porter sur les serviteurs.
1937- La légalité de la compensation ouverte. Si la propriété de quelqu’un est en train d’être volée ou emportée au loin, la loi permet de la protéger ou de la recouvrer par la force. Car ce n’est que de la juste défense. Si la propriété de quelqu’un a déjà été emportée au loin, mais existe toujours et se trouve en un endroit sur, la justice légale requiert qu’on demande à la cour le redressement. Mais il ne semble pas qu’il y ait une grave faute si l’on récupère ses biens en usant d’une force modérée, puisque cette propriété est la nôtre, et que la façon publique de s’en saisir permet à la loi de prendre connaissance du cas. La loi américaine reconnait, avec certaines restrictions, les droits de récupération et d’entrée en possession, au moyen desquels une personne prend possession légale de biens qui lui avaient été illégalement pris, ou enlevés.
Si une dette qui est due à quelqu’un est démentie par le débiteur, il n’est pas permis de lui arracher un paiement par la force, puisque c’est une chose contraire à la loi et une cause de scandale et de troubles sociaux. Et de plus, il n’est pas propriétaire des biens celui qui les prend par la force.
1938- Choses à noter pour les confesseurs. Avant le fait, la compensation occulte ne doit être conseillée que très rarement, soit parce que, la plupart du temps, elle est illicite (1928), en raison d’un danger d’injustice, de scandale et de troubles, soit parce que la loi civile n’a pas coutume de la reconnaître comme remède, mais la voit plutôt comme un vol. Il ne convient pas de parler en public de la compensation occulte, et il importe que ceux qui, en privé, ont à répondre à des questions là-dessus, même quand sont présentes les conditions nécessaires pour la rendre licite, la présentent comme une chose qui n’est que tolérée. Après le fait, on peut plus facilement porter un jugement sur la compensation en faveur de celui qui en a fait usage, pour savoir s’il faut restituer. Mais on doit parler prudemment et de façon évasive, pour que cette façon de faire ne semble pas être, en elle-même et en règle générale, licite et approuvée.
1939- La justice judiciaire. Nous passons maintenant des injustices commises par action à celles commises en paroles, en privé ou hors cours. La justice judiciaire sera traitée sous les titres suivants : l’injustice chez les juges, les plaignants, les accusateurs, les défenseurs, les témoins, les avocats.
1940- Le devoir du jute.
Le jugement est l’acte propre
de la justice (1727). En conséquence, quand il se produit dans les
conditions requises, il n’est pas seulement légal, mais vertueux.
L’exercice du jugement public appartient au juge. Il est
une personne investie d’une autorité qui lui permet de prendre une décision
dans les questions litigieuses, qui se rapportent tant au domaine
civil qu’au criminel. Ainsi, au sens strict, le juge est un officiel
qui a l’autorité publique nécessaire pour présider aux tribunaux,
où de graves matières sont débattues, où l’on applique
les formes de procédure reconnues, et dont la fonction est de mener
à bien un procès, et de régler les questions de fait ou de loi qui surgissent.
Au sens large, est un juge quiconque possède l’autorité légale
de prononcer une sentence obligatoire, dans les matières civiles
ou criminelles. On peut aussi appliquer ce nom à ceux qui président à
un tribunal où des questions mineures ou urgentes sont examinées et traitées
sommairement; à ceux qui ne président pas à un tribunal, mais qui sont
des avocats affectés comme officiers d’une cour pour régler des questions
de procédure, ou pour intenter des procès; à ceux qui agissent comme
assistants du juge qui préside, en déterminant la vérité des faits
allégués dans les cas civils, ou l’innocence ou la culpabilité
d’un accusé dans les cas criminels (procès avec jury); ou ceux qui
sont choisis par les parties en conflit ou par une cour, comme des substituts
pour les cours ordinaires, institués par la loi, pour entendre et régler,
sans formalités légales, une question disputée (des arbitres).
1941- Les classes de cour. Il y a des classes variées de cour, et donc, plusieurs sortes de juges. Ainsi, d’après leur dignité relative et la juridiction, il y a des cours plus hautes et plus basses; des cours de première, de seconde et de dernière instance. D’après les cas qu’elles jugent, les cours sont ou civiles (qui traitent des offenses privées), ou criminelles, (quand la communauté poursuit en justice les auteurs de maux publics). Selon la loi qu’elles utilisent, les cours sont ecclésiastiques ou séculières. Selon la forme procédurale et les remèdes employés, les cours aux États-Unis sont divisées en cours de droit commun, cours d’équité, d’homologation, de l’amirauté, ou de cours martiales.
1942- La juridiction. L’autorité est nécessaire au juge, car le jugement est une décision obligatoire qui peut être exécutée de force. Et cela suppose que celui qui prononce le jugement est le supérieur de la personne jugée. Ainsi, celui qui agit comme juge, quand lui fait défaut la juridiction, agit invalidement (à moins que la juridiction ne soit accordée à un juge ecclésiastique par supplétion, comme dans une erreur commune. canon 209; et il porte atteinte aux droits d’un autre juge et de la personne jugée. Exemples. Des juges séculiers agissant dans des cas ecclésiastiques, et des juges ecclésiastiques, dans les causes temporelles.
1943- Les qualifications d’un juge. Mentalement, il doit être versé dans la connaissance de la loi, et reconnu pour sa prudence, afin qu’il ait la capacité de se prononcer correctement sur les questions qui sont portées à sa connaissance. Car, comme il est l’interprète autorisé et le gardien de la loi, il est tenu par un quasi contrat, avec la communauté et avec ceux qui se présentent devant lui, à remplir sa charge avec compétence. Si un juge réalise qu’il n’a pas la compétence voulue, il doit démissionner, ou compenser pour ses déficiences par l’étude ou la consultation de personnes plus compétentes que lui. Étant étranger à la loi, un juré n’a pas à avoir la connaissance ou l’expérience d’un avocat. Mais c’est son devoir d’écouter attentivement les déclarations, les arguments et les témoignages, ainsi que les instructions du juge. Moralement, un juge doit être un amoureux de la justice, qu’elle soit commutative, distributive ou légale, car le travail propre d’un juge est d’appliquer la loi à des cas particuliers, et de déclarer officiellement les droits et les obligations mutuelles des plaideurs qui sont devant lui. Il ne doit pas faire acception des personnes, ne pas se déclarer contre ou pour quelqu’un pour des raisons de rang, de position, de richesse. Il ne doit pas non plus être influencé par la peur ou les faveurs, par des soulèvements populaires, ou par l’ambition personnelle. Ce n’est pas seulement la justice légale, mais aussi la commutative qui l’oblige à remplir ses devoirs consciencieusement. Car, en acceptant son poste, il contracte avec la communauté une entente l’obligeant à remplir ses fonctions fidèlement; et il promet que ceux qui paraitront devant lui recevront un jugement équitable. Un juré devrait être une personne consciencieuse, à l’esprit ouvert, sans préjugés d’aucune sorte.
1944- La conduite du juge. Un juge doit être au-dessus de tout soupçon, puisque le respect pour la cour est la vie-même de l’état. Mais on a de bonnes raisons de suspecter un juge qui juge dans son propre cas; ou dans un cas où il sera naturellement enclin à pencher d’un côté. D’où le devoir de s’abstenir de certaines choses. Ainsi, il devrait se garder des activités financières, sociales et politiques qui fourniront des motifs de croire qu’il se sert de son poste pour promouvoir des intérêts privés. Il ne devrait pas intervenir dans des cas où ses intérêts ou ceux de ses amis pourraient apparaître en conflit avec son devoir de stricte impartialité, comme quand il poursuit lui-même quelqu’un en cour, ou quand un parent proche, un ami personnel ou un ennemi fait partie des plaideurs. Le canon 1613 du code de droit canon défend à un juge ecclésial de présider au procès d’une personne parente par le sang ou l’alliance, en droite ligne ou du premier ou du deuxième degré de la ligne collatérale; ou de quelqu’un dont il est le gardien ou l’administrateur; ou dans les cas où il a agi comme avocat ou procureur, ou dans ceux où il a quelque chose à perdre ou à gagner. Il doit éviter un comportement qui tendrait à soulever des doutes sur son impartialité, comme invectiver les avocats ou les témoins, donner, sans les expliquer, des décisions qui paraissent arbitraires, des rencontres privées avec l’une des deux parties pour exercer une pression sur elle.
1945- Accepter des dons des plaideurs ou d’autres. Un juge peut-il accepter de l’argent ou d’autres biens de personnes dont les intérêts dépendent de lui, comme des plaideurs, des avocats, ou de leurs amis ? Si les biens sont extorqués par la menace, des pressions, ou d’injustes vexations, le juge est coupable de cambriolage, puisqu’il s’empare par la force de ce dont il n’a aucun droit. Si les dons sont donnés comme paiements pour les services du juge durant le procès, le juge pèche contre la justice commutative en recevant un salaire pour des services dus, puisque son salaire vient de la communauté qui l’oblige à administrer la justice sans que n’aient rien à payer ceux qui ont recours à ses services. Il ne lui est pas permis non plus, de prendre de l’argent comme compensation, parce qu’il entend une cause avant l’autre, ou pour aller plus vite, ou pour consacrer un temps inhabituel à un cas compliqué, ou pour décider en faveur d’une partie, quand les arguments se valent des deux côtés. Mais la loi pourrait permettre à un juge de faire payer ses dépenses par les deux parties, si le procès avait exigé des dépenses personnelles (pour le voyage ou l’embauche d’assistants), et s’il n’y avait pas de fonds publics pour défrayer ces coûts. Si les biens sont offerts comme des pots de vin, pour que le juge soit influencé à décider contre la justice, il est clair qu’une grave injustice a été commise envers la communauté et la partie offensée. Si les dons sont donnés comme des dons gratuits, sans condition incluse, quelques moralistes pensent qu’ils peuvent être légalement acceptés, s’il y a peu de probabilité qu’ils influencent le juge (parce qu’ils sont petits ou donnés à la fin du procès). Mais d’autres soutiennent, et, semble-t-il, plus correctement, que la loi naturelle et la loi positive interdisent cela. La loi naturelle l’interdit à cause du danger. Les présents et les dons aveuglent les yeux des juges, et les rend muets, les rendant incapables de corriger (Eccl XX, 31), et à cause de la méfiance et du scandale qui en résulteront. Il est incorrect de supposer que de petits dons offerts après la sentence n’auront pas d’influence sur le jugement, car les parties plaidantes rivaliseraient bientôt entre elles dans l’offrande de cadeaux, tandis que les juges commenceraient à penser aux pourboires qu’ils pourraient recevoir à la fin des procès. Le doit canon interdit à tous les juges et à tous ceux qui participent au procès d’accepter quelque don que ce soit, en lien avec le procès (canon 1624). Et la loi civile impose des peines sévères pour des pourboires offerts comme dons.
Si les biens sont donnés comme de simples aumônes, par pur civisme, ou pour hospitalité reçue, (de la nourriture ou du breuvage comme cela se fait pour tout invité ou visiteur), il ne semble pas illégal en soi de l’accepter, mais il serait préférable de l’éviter à cause du danger de scandale.
1946- L’obligation qu’a un juge de restaurer, comme suit, les choses reçues. Si la rétention des biens est contraire aux désirs raisonnables de la personne qui les a donnés, la restitution est nécessaire. En conséquence, le juge doit retourner l’argent qui a été extorqué, et les paiements faits par les parties privées pour l’exercice de ses devoirs officiels. Si la rétention des biens est contraire à la loi, la restitution est là aussi nécessaire. En conséquence, si le juge a pris une bribe, il doit la retourner, parce que l’entente est nulle, et parce qu’il ne peut pas légalement remplir sa part du contrat en agissant contrairement à la justice. La même chose est vraie quand la loi invalide le contrat en vertu duquel il a reçu les biens, ou quand un décret de la cour l’oblige à retourner un don gratuit qui lui a été fait. Si la rétention des biens n’est contraire ni à la volonté du donateur, ni à la loi, la restitution n’est pas nécessaire. Ainsi, si un juge a reçu un simple don et si aucune corruption n’a été voulue ni pratiquée, il a péché en le prenant, mais la donation a été valide, et il n’y a aucune obligation de le retourner. Et même s’il a pris une bribe, et à cause d’elle a agi contre la justice, il semble qu’il n’y ait pas d’obligation naturelle de faire une restitution à la partie qui a donné la bribe, puisque ce dernier a reçu une considération pour le paiement, mais le juge est tenu d’indemniser la partie offensée.
1947- Les devoirs d’un juge au cours d’un procès. Le but de l’investigation est de découvrir la vérité dans la matière débattue devant la cour. Et conséquemment, c’est le devoir d’un juge d’accorder à un cas toute la réflexion et toute l’attention qu’il mérite. La méthode de procéder a pout but d’assurer que les deux parties soient écoutées équitablement, et qu’on avance rondement, pour que des délais inutiles ne nuisent pas aux plaideurs. Le juge devrait donc observer les formes nécessaires et coutumières de la loi, tout en évitant les pertes de temps et les interruptions indues. Ce n’est pas la coutume des Romains, dit Festus aux Juifs qui lui avaient demandé de condamner Paul, de condamner quelqu’un avant que celui qui est accusé ait ses accusateurs présents, et ait la possibilité de rétorquer pour se défendre (Act. XXV, 15).
1948- Les devoirs d’un juge à la conclusion d’un procès. La sentence doit être juste; elle doit être basée sur la loi et sur les faits. Même si un juge n’approuve pas personnellement une loi, la trouvant déraisonnable, non nécessaire ou trop sévère, il doit quand même la mettre en force.. Car il n’a pas été nommé pour changer ou réformer les lois, mais pour les appliquer. Mais sans sacrifier l’esprit. La sentence, en règle générale, ne doit pas être adoucie, car autrement les droits de l’état ou de la partie gagnante seraient lésés. Mais il y a des circonstances ou le bien public ou une autre raison suffisante demande un relâchement. Et, dans ces cas, les juges ont le pouvoir de refuser de passer une sentence, ou de suspendre une sentence déjà annoncée. On devrait accorder à la partie perdante l’opportunité que la loi lui reconnait de chercher un reversement de la sentence.
1949- Une sentence passée sous une loi manifestement injuste. Si la loi est manifestement opposée à la loi naturelle ou à la loi divine, et si la sentence qu’elle a inspirée commande de faire un acte intrinsèquement mauvais (la cohabitation de ceux qui ne sont pas vraiment mariés, la tuerie miséricordieuse des incapables physiques ou mentaux, la stérilisation eugénique des infirmes ou des criminels), le juge devrait démissionner plutôt que de donner une telle sentence. Si la loi est manifestement opposée à la loi naturelle et à la loi divine, et si une sentence qui en provient imposerait une peine grave (la mort ou un long emprisonnement), au transgresseur de la loi, la sentence serait illégale. Mais si elle n’imposait qu’une légère peine (une faible amende, ou un court emprisonnement), il semble qu’on pourrait tolérer cette sentence, car la personne condamnée pourrait, dans un cas de ce genre, être vue comme cédant ses droits dans l’intérêt du bien public, lequel souffre par la perte de juges consciencieux. L’acte du juge, en donnant la sentence, ne serait qu’une coopération matérielle, laquelle est licite dans des cas graves (1515 et suiv.). Si la loi est manifestement opposée à la loi ecclésiastique, la sentence peut être donnée en toute légalité, si on peut éviter un scandale. L’Église cède ses droits dans ce cas, comme cela se fait souvent en faveur des juges catholiques, de peur qu’ils ne soient privés de leurs positions.
1950- Un juge catholique peut-il accorder un permis de divorce, s’il n’y a ni scandale ni prohibition positive catholique ? Le juge peut accorder un divorce à un couple non marié validement, même s’ils s’étaient mariés civilement. Cela se produirait dans le cas de catholiques mariés devant un maire, ou un ministre non catholique. Également, quand l’Église a déclaré invalide un mariage, on peut accorder un divorce civil pour bénéficier des effets civils. Un divorce peut être accordé si le juge sait qu’une des parties invoquera le mariage paulinien. Si le juge est moralement certain qu’aucune des deux parties ne tentera de se remarier, et si le divorce n’est recherché que pour les effets civils, il peut accorder le divorce. Dans le cas des catholiques, il faudrait obtenir le consentement des autorités ecclésiales.
Si le mariage est valide, et si l’on sait que les parties chercheront à contracter de nouveau un mariage, quelques moralistes considèrent qu’un décret de divorce est intrinsèquement mauvais, car il ne fait qu’appliquer une loi qui s’efforce, contrairement au droit divin, de dissoudre le lien du mariage. D’autres moralistes (et c’est l’opinion la plus répandue), font une distinction. Ils pensent que le décret de divorce ne concerne pas l’obligation religieuse des demandeurs, mais est seulement une déclaration officielle selon laquelle l’état considère que les effets civils du mariage n’existent plus. Dans certaines circonstances, (la perte de son poste pour refus d’accepter un cas de divorce, la perte de prestige, antagonisme etc.) ce genre de décret est en lui-même moralement indifférent, et peut être permis.
S’il est question d’un divorce partiel d’époux catholiques, (séparation pour le lit et la table), un décret de ce genre est permis, si l’Église consent, et si c’est pour une raison reconnue par les autorités ecclésiastiques, comme l’adultère. 1951- Quand les faits sont contraires à la connaissance qu’en a le juge. Dans un cas civil, le juge pourrait suivre les preuves connues du public plutôt que sa connaissance privée, car il agit comme une personne publique, non comme une personne privée. De plus, l’état a le pouvoir de transférer la propriété de l’un à l’autre, quand le bien commun le demande. Et le bien commun demande que les décisions civiles soient basées sur des faits connus par le grand public plutôt que sur une connaissance privée. Quelques moralistes rejettent cette conclusion pour la raison qu’il est intrinsèquement mauvais de forcer une personne à payer ce qu’elle ne doit pas, même si les faits sont contre elle. Dans un cas criminel, le juge devrait suivre la preuve plutôt que son information personnelle, si la preuve plaide en faveur de l’acquittement de l’accusé. Car il est préférable pour le bien-être général qu’un coupable échappe à la justice humaine plutôt qu’un innocent soit condamné injustement. Dans un cas où la preuve témoigne de la culpabilité de l’accusé, et où la connaissance personnelle qu’en a le juge l’assure de son innocence, le juge ne doit pas condamner, s’il peut trouver un moyen légal de ne pas le faire. Mais si la preuve est faite, et si le juge a le devoir de prononcer sa sentence, il n’est pas facile de déterminer quelle doit être la marche à suivre. Selon sains Thomas, le juge devrait condamner puisqu’il est un officier public, et doit donc être guidé par les allégations et les preuves présentées pendant le procès, surtout si l’on considère que l’ordre public et le respect pour la loi dépendent de la bonne réputation des cours de justice. Si les juges pouvaient ignorer à volonté les preuves présentées devant eux pour donner libre cours à une connaissance privée qu’ils prétendent avoir, la confiance du public dans l’intégrité de la cour serait ébranlée, les hommes se feraient justice eux-mêmes, et la paix et l’ordre, dont dépend le bonheur de la communauté, prendraient fin. De plus, le juge n’est pas coupable en émettant une sentence en ce cas, puisqu’il ne veut pas le mal, et agit selon les principes du double effet (103 et suiv,). Selon une deuxième opinion, attribuée à saint Bonaventure, le juge devrait acquitter l’accusé, puisqu’il est intrinsèquement mauvais de condamner à mort quelqu’un dont l’innocence est certaine. Selon une troisième opinion, que saint Alphonse considère probable, le juge devrait condamner l’accusé dans des cas criminels mineurs où on n’impose que de l’argent comme peine (car l’état a le droit d’exercer son domaine suprême pour sauvegarder un bien public important, comme le respect de la loi et des cours.) Mais il devrait acquitter l’accusé dans les cas majeurs, là où on inflige des peines personnelles, car la société n’a pas le droit de priver un innocent de sa vie et de sa liberté.
1952- Quand le juge est la cause injuste d’une preuve accablante. Dans certains cas, le juge peut être la cause injuste d’une preuve qui convainc de crime un innocent, comme quand un juge a commis un crime, et a jeté la suspicion sur l’accusé (Dan. X111); ou quand le juge a convaincu certaines personnes de témoigner faussement contre un homme qu’il sait être innocent. Une opinion soutient que le juge serait obligé de condamner un accusé pour les raisons déjà données dans l’opinion de saint Thomas, si le juge était incapable de réfuter la preuve. Mais ceux qui soutiennent cela, ajoutent que c’est une chose purement spéculative, car, dans un cas concret, il y aurait plusieurs façons qui permettraient au juge de s’en sortir lui et l’accusé. Une autre opinion soutient qu’en aucun cas le juge de la présente hypothèse ne pourrait condamner l’accusé. Ceux qui approuvent cette opinion expliquent que saint Thomas ne pensait qu’au cas où le juge n’est pas la cause d’une accusation injuste. Car celui qui est coupablement cause d’un dommage a l’obligation d’enlever cette cause avant qu’elle ne produise effet, si cela est possible. Et, dans le cas présent, il est possible au juge, si tout le reste a échoué, de libérer la personne innocente en témoignant pour elle, ou même en reconnaissant sa propre faute.
1953- Des conclusions pratiques au sujet des trois opinions disputées données plus haut à 1951. Dans un cas jugé selon le droit canon, il semble qu’on devrait suivre l’opinion de saint Thomas, puisque le canon 1869 no 2 déclare que le juge ecclésiastique ne doit pas émettre de sentence à moins qu’il ait une connaissance certaine de la matière sur laquelle porte la sentence. Et que cette certitude doit provenir des faits et des preuves mis en lumière au cours du procès. Dans un procès civil, il semble que toute cette controverse est aujourd’hui dénuée d’importance pratique. Car les décisions sont souvent confiées à des jurys; et, pour être admis à cet office, les jurés ne doivent avoir aucune opinion arrêtée (comme c’est le cas aux États-Unis). Ou ils ont l’obligation de se servir de leur connaissance privée quand ils votent, et de la communiquer aux autres au cours des délibérations (comme c’est le cas dans quelques autres pays). En conséquence, la question morale qui demande s’il est permis de décider d’après sa connaissance privée en ignorant les preuves publiques, disparait presque complètement. Mais quand un cas de ce genre arrive de fait, la position de la loi civile est d’accord, me semble-t-il, avec celle de saint Thomas. Ni un juge ni un jury ne peuvent considérer un fait privé qu’ils connaissent personnellement, quelle que soit son importance pour l’issue du procès, à moins qu’il n’ait été présenté comme preuve à la cour (Robinson, elementary law, 334). Mais on devrait, dans ce cas, imposer la peine la plus légère. Si un juge était personnellement certain que le verdict du jury est injuste, il pourrait offrir son propre témoignage, ou faire appel pour qu’il soit gracié.
1954- Le principe voulant qu’un juge ne soit guidé que par ses connaissances publiques s’applique aussi à d’autres officiels à qui on demande de suivre les résultats d’une investigation publique, mais non à ceux à qui l’on demande d’agir d’après leur meilleure connaissance, publique ou privée. Ainsi, la connaissance publique doit guider ceux qui sont les ministres d’une cour, et à qui il revient de mettre les écrits à exécution. Car ils sont les instruments et les sujets du président de la cour. S’ils ont des informations privées importantes, il devrait en faire part à titre de témoins. La connaissance privée qui est opposée à la connaissance publique, et qui est plus fiable, doit être le guide de ceux qui sont supposés agir selon la connaissance la plus véridique qu’ils possèdent. En conséquence, un supérieur qui a le pouvoir d’affecter des gens à des postes, devrait ignorer les votes de ses conseillers, s’il peut prouver qu’ils se trompent dans l’opinion qu’ils ont d’un candidat. Il peut confirmer ou annuler leur choix, au mieux de sa connaissance.
1955- Quand la faute est douteuse
dans les cas criminels. Dans un cas criminel ou dans un cas où la
peine a été infligée, si la faute de l’accusé est douteuse, la sentence
devrait aller dans le sens de l’acquittement. Car personne ne devrait
être condamné à moins que sa faute ne soit moralement certaine.
Ainsi, selon le droit canon, un juge ecclésiastique qui n’est pas certain que sera juste la sentence prononcée en faveur d’un plaignant (d’un demandeur), doit déclarer que ce dernier n’a pas prouvé son cas, et renvoyer le défendeur. Mais exception est faite pour les cas qui ont la faveur de la loi (comme le mariage, les testaments, canon 1869.) Le droit canon déclare que le fardeau de la preuve échoit à celui qui porte une accusation, et il statue que le défendeur doit être acquitté si le plaignant ou l’accusateur ne parvient pas à prouver sa cause, même si l’accusé ne dit mot (canon 1748). Selon la loi civile, les règles qui régissent les preuves s’exercent aussi dans les cas de doute. Quelqu’un ne doit pas être considéré comme coupable tant que l’état n’aura pas prouvé clairement, et hors de tout doute raisonnable, qu’il l’est, dans chacun des chefs d’accusation. Dans les cas capitaux, la preuve du délit doit être équivalente en poids et en gravité au témoignage direct de deux témoins compétents et fiables. Un doute raisonnable dans l’esprit d’un juré est un doute pour lequel il peut donner une raison adéquate et satisfaisante.
1956- Le doute dans les causes civiles. Dans les cas civils, si on ne sait pas, après investigation, en faveur de qui décider, voici quelles sont les règles qui semblent être justes. Si les droits des deux parties sont inégaux, la décision devrait être prise en faveur de celui dont les réclamations sont plus fondées. Car le juge est nommé par la société pour découvrir la vérité dans un litige, et décider au mérite. Ainsi la décision devrait être favorable au parti dont les arguments sont au moins de force égale, mais qui a la possession légitime (car la possession est neuf points en loi), ou dont le cas jouit de la faveur de la loi (en droit canon, les cas de veuves, de pupilles, de mineurs), ou pour la partie dont le cas est plus probant et plus probable. Innocent X1 a condamné la proposition voulant qu’un juge puisse décider en faveur de quelqu’un dont les arguments sont moins probables. Si les deux parties sont à égalité, quelques moralistes pensent que la propriété en question devrait être également divisée entre les deux parties; d’autres, qu’on devrait les persuader de faire un compromis; ou, si la chose est impossible, qu’on décide en faveur de l’une des deux. Mais si la loi positive détermine la façon de procéder dans un tel cas, il faudrait suivre ses provisions. Ainsi, dans le droit canon, si un juge ne sait pas lequel des deux compétiteurs a la possession, il peut l’accorder à tous les deux sans la diviser, ou il peut leur ordonner de la déposer entre les mains d’un séquestre, en attendant le résultat du litige (canon 1697).
1957- Qu’est-ce qui devrait être décidé quand le défendant a la possession, avec un titre probable, et quand le plaignant a un titre plus probable ? Si la possession n’est pas certaine, ou non certainement légitime, la décision doit se faire en faveur du plaignant, car une possession incertaine ne crée aucune présomption de droit. Le cas le plus probable doit donc prévaloir. Si la possession est certainement légitime, l’opinion commune est à l’effet que la décision soit prise en faveur du défendant, car une possession certaine ne peut pas être renversée par une possession plus probable, mais seulement par des arguments probants. Quelques moralistes croient, cependant, que le juge devrait décider en faveur du plaignant, car la possession ne prévaut que quand les arguments sont de force égale des deux côtés; ou qu’il pourrait au moins décider en sa faveur, car il est probable que, en présentant un cas plus convaincant, le plaignant aurait suffisamment établi son droit d’éjecter le défendant.
1958- La norme avec laquelle un juge doit peser les preuves. Quand la force probante d’un argument est établie par la loi elle-même, on devrait suivre la loi légale. Ainsi, dans le droit canon, certaines sortes de preuves sont expressément déclarées démonstratives (un instrument public non contesté, canon 1816), tandis que d’autres preuves sont considérées comme insuffisantes ou seulement de valeur partielle (certaines sortes de témoignage, canon 1756). Semblablement, dans la loi civile, des documents publics sont des preuves suffisantes à première vue. Une interprétation orale d’un document écrit qui contredit son contenu n’est pas admise. Quand la force probante d’un argument est laissée à la discrétion du juge, celui-ci doit suivre sa conscience, c’est-à-dire qu’il doit décider sincèrement et impartialement, au mieux de sa capacité, quelle est la valeur de l’argument, s’il est décisif, vraisemblable, ou faible. Ainsi, en jugeant une preuve circonstancielle, un juré doit se servir de son gros bon sens, pour déterminer si les prémisses sont douteuses, ou les déductions illogiques. En évaluant un témoignage, le juge doit avoir présent à l’esprit la qualité des témoins, et le caractère du témoignage,
1959- L’obligation morale d’une sentence juridique qui est certainement juste. Elle lie en conscience, car ce n’est que l’application de la loi à un cas particulier; et la loi oblige en conscience (377). Elle oblige en vertu de la justice légale, quand le cas n’est que pénal. En conséquence, celui qui est mis à l’amende par la cour est tenu, par un devoir d’obéissance, à payer l’amende. Elle oblige aussi en vertu de la justice commutative, quand le cas porte sur un droit strict. En conséquence, si la cour demande à un héritier de payer pour un héritage, il devra faire restitution s’il néglige son devoir (1728).
1960- L’obligation morale d’une sentence juridique qui est certainement injuste. Si la sentence est injuste parce qu’elle est l’application d’une loi injuste, elle ne produit aucune obligation dans les cas où le juge ne peut pas légalement appliquer la loi (1949), car une loi injuste n’oblige pas en conscience par elle-même, mais seulement par accident (377, 461). Si la sentence est injuste parce qu’elle n’est pas basée sur une loi ou sur une preuve, ou parce que le procès n’a pas été conduit équitablement, elle ne produit aucune obligation par elle-même, mais il peut y avoir une obligation par accident, comme quand un scandale ou une grogne en résulterait. En conséquence, Celui qui, par le biais d’une injustice criante, est privé d’un héritage, a le droit à la compensation occulte (1928), et l’autre partie est tenue à la restitution de l’héritage (à moins qu’elle soit de bonne foi, ou qu’il y ait prescription ), et aussi des dommages, si elle a plaidé de mauvaise foi.
1961- L’obligation morale d’une sentence judiciaire en cas de doute. Si le doute porte sur un fait ou sur une loi, non sur le droit du juge de prononcer une sentence, (1955 et suiv.) on peut suivre la sentence en toute sécurité, car c’est le devoir d’un juge de statuer sur des choses douteuses, et de promouvoir le bien-être public en mettant fin aux litiges. Ainsi, dans les cas criminels douteux, le juge acquitte parfois un homme coupable, et dans les cas civils douteux, il accorde parfois une propriété à quelqu’un qui n’a aucun droit sur elle. Mais ces sentences ne sont pas injustes pour autant, puisqu’elles sont basées sut des règles qu’une longue expérience a démontré être nécessaires pour le bien public. Si le doute porte sur la justice de la sentence, il y a une obligation en conscience d’observer le jugement, puisque la présomption est en faveur du juge. S’il n’en était pas ainsi, l’autorité des tribunaux de justice toucherait à son terme, car presque tous ceux qui perdent leur procès pensent qu’il ont été traités injustement. Mais on peut en appeler du jugement, quand la loi le permet.
1962- Quand un juge est tenu à la restitution. Un juge est tenu à restituer quand il cause des dommages injustes à une communauté ou à des plaideurs (1762). En conséquence, il doit rappeler son acte injuste, ou réparer au mieux de ses capacités le dommage causé. Mais les conditions d’un injuste dommage doivent être vérifiées (1763). Ainsi, l’acte du juge doit être objectivement injuste, c’est-à-dire en violation d’un droit strict de justice commutative. Cela se produit quand il conduit un procès de façon injuste (quand il fait fi d’une procédure essentielle, procède sans qu’il y ait d’accusateur, etc.) ou quand il passe une sentence injuste (il condamne sans la preuve d’un fait ou d’un crime, ou en dépit de la démonstration d’innocence; vote pour l’acquittement quand il n’y a aucun doute raisonnable qu’il y a eu délit; impose des peines qui sont insuffisantes ou excessivement sévères; ou accorde une propriété à quelqu’un qu’il sait n’avoir aucun droit sur elle).
L’acte du juge doit être efficacement injuste, c’est-à-dire qu’il doit être la cause réelle de la perte encourue. En conséquence, il n’y a aucun devoir de restitution si aucune perte n’en résulte ( si la partie qui est dans le vrai gagne en dépit du manque d’équité du juge), ou si la perte ne peut pas être attribuée à l’action du juge (quand un juge n’est pas complètement impartial dans ses recommandations au jury, mais quand ses paroles n’ont pas eu d’influence sur les membres du jury, car les jurés auraient donné un verdict injuste de toute façon). L’acte du juge doit être subjectivement injuste. C’est-à-dire que le juge doit être sérieusement responsable du dommage causé par sa coupable ignorance, sa négligence ou sa mauvaise foi. Même s’il a fait des fautes par un manque excusable d’attention ou par erreur, il devient sérieusement responsable des dommages, si après les avoir prévus, il n’a pas fait ce qui était en son pouvoir pour les prévenir (1769).
1963- Quand un juge n’est pas tenu à restituer. Un juge n’est pas tenu à restituer pour des violations de vertus autres que la justice commutative. Ainsi, la charité est offensée mais non la justice, si le juge a une haine personnelle envers la personne qui est devant lui, mais ne permet pas qu’elle influence sa conduite ou ses décisions. La justice légale est offensée, mais non la commutative, quand le juge se montre négligent envers des dommages exemplaires, pourvu que le bien commun n’en souffre pas. Car il ne semble pas qu’il existe aucun droit strict pour imposer une amende avant que la sentence ne soit rendue. Mais cela fait l’objet d’une discussion entre les moralistes, de ceux, en particulier, qui soutiennent que le juge est sous contrat avec la communauté en cette matière, et qu’en conséquence, il offense la justice commutative, s’il est plutôt récalcitrant à donner des amendes.
1964- Les sortes d’accusation. Nous passons des injustices commises par les juges à celles commises par les accusateurs. Il faut noter qu’il y a deux sortes d’accusation. Une accusation extrajudiciaire est celle qui est portée devant un supérieur pour qu’il puisse corriger ou modérer, sans recours à un procès juridique, un sujet qui est un délinquant. Il s’agit de la correction évangélique ou canonique, dont nous avons parlé à 1293, 1289. Et l’accusation judiciaire, qui est celle qui nous intéresse présentement, est celle qui est portée devant un juge, pour qu’un redressement puisse être obtenu contre un accusé, par un procès tenu en bonne et due forme. 1965- Une accusation judiciaire se fait, elle aussi, de deux façons. L’accusateur, parfois, n’agit pas comme l’une des deux parties antagonistes, et n’assume pas le fardeau d’avoir à prouver son accusation. Il fait une plainte officielle ou une dénonciation, et se retire du cas, laissant à un avocat ou à un policier la tâche d’examiner s’il faut instituer un procès, et convoquer l’informateur comme un témoin. L’accusateur est parfois l’une des deux parties antagonistes pendant le procès, et il assume alors le fardeau de prouver son accusation.
Dans le droit canon, il y a deux sortes de procéduriers, celui qui agit dans les cas civils, et le procureur, l’accusateur dans les causes criminelles. Dans la loi américaine, dans les cas de délit privé l’accusateur est connu sous le nom de plaignant ou demandeur. Dans les cas de délit public, il est le procureur public.
1966- Le devoir d’une accusation judiciaire ou la dénonciation. Si un tort a été commis qui est directement préjudiciable au bien-être général, (trahison, contrefaçon, banditisme), il y a une obligation de porter une accusation, car chaque membre de la société est tenu de venir à son aide quand sa paix et son ordre sont mis en danger. Et cela se fait en coopérant avec les tribunaux. Le devoir envers sa famille requiert aussi que quelqu’un poursuive en justice, quand cela s’avère nécessaire pour protéger ses membres contre un grand mal. Si le tort commis n’est pas immédiatement préjudiciable au bien-être public, il n’y a pas, de ce seul fait, une obligation de porter une accusation, car le but de l’accusation est d’obtenir une punition ou une correction pour un tort causé. Une fin à laquelle on ne peut pas renoncer quand le bien commun est en jeu, mais qu’on peut cesser de poursuivre quand des intérêts privés sont seuls en cause. Mais, par accident ou en raison des circonstances, il y a souvent une obligation de dénoncer des maux privés.
1967- Les cas dans lesquels il y a un devoir de déposer une plainte pour des maux privés. La plainte est obligatoire en vertu de la justice commutative quand, en raison de son poste, une personne a été engagée pour accuser les violateurs de la loi. Et, en conséquence, une négligence sérieuse de la part de cette personne entraîne le devoir de restitution pour tout dommage causé par sa faute. Exemples. Un gardien qui faillit à son devoir de rapporter des vols; un juré qui ne vote pas pour une accusation quand il le devrait; un procureur insouciant. L’obligation est grave quand un danger ou une offense au bien commun est sérieux. La plainte est obligatoire en vertu de la justice légale, quand il y a un précepte positif de la loi qui requiert qu’une accusation soit portée. La loi civile oblige rarement à cela par devoir de conscience, mais il y a un grand nombre de cas dans le droit canon qui obligent de dénoncer par devoir de conscience (quand il y a eu une sollicitation à des choses honteuses). Cette plainte est obligatoire en vertu de la charité, quand, sans inconvénient sérieux, on peut sauver quelqu’un d’un mal grave, comme d’une sentence injuste de mort ou d’une infamie. Délivre ceux qui sont conduits à la mort (Prov. XX1V, 2). Sauve le pauvre, et arrache le nécessiteux des mains des pécheurs (LXXX1, 4).
1968- Un accusateur est-il obligé de s’accuser lui-même ? En règle générale, il n’est pas tenu à s’avouer coupable, ni explicitement, ni implicitement. Car cela est trop opposé à l’inclination naturelle, et la loi ne le demande donc pas (552). Cela demeure vrai même si même si un accusé s’est injustement déclaré innocent, et n’a pas été questionné par la suite, et a été acquitté. Car la justice légale n’oblige un accusé de donner une réponse vraie que quand on le questionne (1978). Dans le droit canon, ceux qui subiraient un dommage causé par leurs propres témoignages ne sont pas obligés à témoigner. Et, en conséquence, les personnes qui ont raison de craindre que leur témoignage les soumettrait, eux et leurs parents, à l’infamie, à une humiliation ou à d’autre désavantage, ne peuvent pas être contraintes de témoigner (canon 1755, no. 2). Dans la loi civile, quelqu’un ne peut pas être condamné sur son seul témoignage, à moins que l’aveu n’ait été volontaire, c’est-à-dire qu’il n’ait été fait ni sous la crainte, ni dans l’espoir d’une faveur, et qu’il ne résulte d’aucune espèce de coercition.
Dans des cas exceptionnels, quelqu’un serait tenu de s’accuser lui-même, c’est-à-dire, s’il y avait une nécessité communautaire grave et urgente qui passerait avant la perte qu’entraînerait une auto accusation (1576). L’auto accusation est aussi un devoir quand quelqu’un est la cause gravement coupable de la punition d’un innocent, s’il n’existe pas d’autre moyen légal de se libérer. Cette auto accusation n’apportera pas à l’accusateur un mal beaucoup plus sérieux que celui que l’innocent souffrirait.
1969- Les conditions éthiques pour une accusation ou une dénonciation légale. Il ne doit y avoir aucune offense au bien-être de la communauté. En conséquence, si l’ordre et la paix étaient troublés par l’accusation d’un crime privé, duquel on ne peut anticiper aucun dommage futur, il serait préférable de laisser ce crime occulte impuni plutôt que d’imposer de plus grands maux au public. Il ne doit y avoir non plus aucune offense au bien-être des individus. En conséquence, si l’accusateur ne croit pas que son accusation est juste, ou s’il sait qu’il n’y a pas de preuves adéquates qui la justifient, ou si la loi lui a retiré le droit de porter une accusation (quand sa connaissance provient du confessionnal, ou de confidences), l’accusation portée serait injuste. Si l’offenseur offre de faire une satisfaction complète pour un tort privé, et s’est déjà amendé, ou n’avait pas l’habitude de commettre ce genre de délit, ou si la perte que lui fera subir son accusation sera cent fois pire que le tort qu’il a causé, ce serait manquer à la charité de faire une accusation formelle (1200, 1201).
1970- Les personnes qui ne peuvent pas agir comme accusateurs. Généralement parlant, les personnes qui suivent sont naturellement incapables d’agir comme accusateurs. Ceux qui sont coupables de crimes plus grands, ou qui sont infâmes, puisqu’il ne convient pas qu’ils accusent. Ceux qui sont les ennemis de l’autre partie, puisqu’ils sont aveuglés par le mépris et la vengeance. Ceux qui sont des parents proches de l’autre partie, puisque c’est pour eux une chose non naturelle d’attaquer leur propre chair et leur propre sang.
1971- En faveur de qui doit-on dénoncer un mal privé ? On peut le dénoncer en sa propre faveur, car on n’est pas obligé de sacrifier son propre droit pour faire un redressement. L’accusation est donc permise en ce cas (1199). Ceux qui sont considérés comme étant une seule et même personne avec la partie offensée, peuvent accuser, comme par exemple, les parents, le mari, la femme, les enfants. Quelqu’un peut dénoncer un mal privé en faveur d’un tiers innocent, comme quand un innocent est harassé par l’oppression, même quand il ne peut le défendre qu’un subissant un grave inconvénient (1967). On peut dénoncer un tort privé en faveur de la partie coupable elle-même, comme quand elle n’est coupable d’offenses qui ne nuisent qu’elle-même (ivrognerie, impuretés), si elle a déjà une mauvaise réputation, ou si sa délinquance est notoire.
1972- Accusation et correction fraternelle.
Qu’elle soit obligatoire ou permissible, l’accusation devrait-elle
être précédée par une correction fraternelle ? Les moralistes ont là-dessus
des opinions divergentes. Mais peut-être pouvons-nous réconcilier les
deux vues opposés de la façon suivante. Du point de vue du but
de l’accusation, (la punition, la vindicte, l’exemple), il n‘y a
pas d’obligation à une admonition fraternelle antérieure, puisque le
but de l’admonition est l’amendement d’un malfaiteur (1289, 1293).
Du point de vue de la circonstance selon laquelle il pourrait y avoir un
espoir de corriger le malfaiteur et de prévenir le mal, la correction
fraternelle antérieure peut souvent être un devoir de charité
pour les délits privés, si la punition n’est pas vraiment nécessaire
au bien-être public.
1973- Une accusation injuste. On commet une injustice en accusant quelqu’un de la façon qui suit. On commet une offense envers un accusé quand on lui impute faussement un crime par malice (calomnie), ou quand on est trop prompt à croire des rumeurs. La communauté commet une injustice si celui qui a le devoir de faire une poursuite ne fait qu’une fausse attaque, ou s’acoquine avec la défense; ou si, sans de bonnes raisons, il abandonne la poursuite.
1974- La cessation du devoir d’accusation. Le devoir d’accusation cesse quand on découvre que l’accusation est fausse. Exemple. Quand le procureur découvre que l’accusé est réellement innocent (1969); quand on réalise que l’accusation ne mènerait à rien, comme quand on découvre que les autorités sont déjà au courant du fait au sujet duquel on voulait apporter des informations; ou quand on découvre que les accusations ne peuvent pas être prouvées.
1975- Le défendeur, La partie qui a à répondre aux accusations faites par le demandeur ou le procureur, est connue sous le nom de défendeur de l’accusé. Nous allons maintenant parler des façons dont il peut être coupable d’injustice, et nous considérerons les cas suivants : le défendeur dans les cas civils, l’accusé innocent dans les cas criminels, l’accusé coupable dans les cas criminels.
1976- Le devoir du défendeur dans les cas civils. Avant la sentence. Si la cause du plaignant ou du demandeur est clairement juste, le défendeur devrait reconnaître la justice de la réclamation, et se retirer du cas. Mais si un défendeur peut s’objecter à des arguments présentés par le demandeur, qui sont valides, mais non conformes aux formes procédurières Après la sentence, Si la cause du demandeur est clairement juste, mais perd en cour, le défenseur est obligé en justice de payer les frais de cour, même si le demandeur ne va pas en appel. Il est aussi obligé en conscience d’indemniser le demandeur pour les frais d’avocats, si ce dernier a perdu sa cause suite à des moyens injustes employés par le défendant.
1977- Les devoirs de celui qui a été arrêté pour crime. Si la personne accusée est innocente, elle peut se sauver, ou offrir une résistance effective, pourvu qu’elle ne cause pas d’offenses à ceux qui l’attaquent, et qu’aucun scandale ou désordre public ne résulte de sa résistance. Cela est conforme à la loi naturelle, qui permet à quelqu’un d’user de l’autodéfense contre une injuste agression. Mais puisque la loi positive requiert que l’accusé se soumette à une arrestation qui n’est pas manifestement illégale, et qu’elle autorise les policiers à employer la force contre ceux qui résistent, il semble que, en règle générale, l’accusé devrait permettre qu’on l’arrête, mais en protestant, s’il ne peut pas fuir. Si l’accusé est coupable, il peut s’enfuir, puisqu’il n’a pas été encore condamné comme coupable, ni privé officiellement de sa liberté. Mais il ne doit pas offrir de résistance à ceux qui viennent pour l’appréhender, puisque leur agression n’est pas injuste. Si elle n’a pas encore été condamnée, la personne accusée peut même se servir de toutes sortes de trucs pour s’évader de prison, comme se creuser un tunnel, déjouer la vigilance des gardiens. Mais elle ne peut pas employer des moyens mauvais comme le soudoiement des officiers.
1978- Le devoir qu’a l’accusé de plaider coupable, s’il est questionné par un juge. Si l’accusé est innocent, il est clair qu’il peut ne pas plaider coupable. S’il plaide coupable pour échapper à de très grands maux, il serait fautif de mensonge (si assermenté, de parjure) mais non d’auto diffamation. Car, en tant que propriétaire de sa réputation, il a le droit de la sacrifier pour échapper à des maux plus grands. Il ne serait pas non plus, d’après certains, coupable de suicide si la peine de mort était la conséquence de sa confession. Car son but était d’éviter ce qu’il redoutait plus que la mort. Quand l’accusé est coupable, il doit répondre franchement, si le juge a le droit de poser la question. Car si le juge a le droit de questionner, l’accusé a l’obligation de répondre, même si des choses déplaisantes pouvaient s’ensuivre. Si l’accusé est coupable, mais le juge n’a aucun droit de le questionner au sujet de son délit (si le juge ne questionne pas selon la loi; ou s’il questionne en préjugeant de la culpabilité de l’accusé), ou si l’accusation ne peut pas être prouvée en droit, l’accusé n’est pas obligé de répondre. Il peut garder le silence ou donner une réponse évasive; mais il n’a pas le droit de mentir.
1979- Le droit légal d’un juge de questionner un accusé au sujet de son délit. Selon une législation ancienne, le juge a ce droit, et il peut le mettre en œuvre par la torture, quand le bien commun le demande, et quand la culpabilité de l’accusé est vraisemblable, à cause d’indices manifestes de crime, ou d’une demi-preuve de culpabilité. Cette pratique n’était pas, en elle-même, contraire à la loi naturelle, et a eu quelques bons effets. Mais elle laissait la porte ouverte à de grands abus. Quelques moralistes enseignent qu’un juge ne peut pas imposer l’ obligation grave de confesser une faute, dans les cas de peine capitale ou d’autres semblables, si l’accusé a l’espoir de s’en tirer, et si un acquittement ne causerait pas de tort palpable au bien public. Ils apportent comme argument que la loi ne peut pas, en règle générale, obliger si rigoureusement. Selon la législation civile moderne, le juge n’a pas le droit d’arracher une confession. Ainsi, selon la loi américaine, personne ne peut, dans des cas criminels, être forcé de témoigner contre lui-même (constitution, article V). Dans la loi américaine, celui qui plaide non coupable ne commet pas un mensonge, même si l’accusé sait qu’il est coupable, car tout le monde comprend qu’en plaidant ainsi, l’accusé ou est innocent ou se sert du privilège qu’il a de ne pas faire une confession. Ce n’est pas non plus un mensonge de dire qu’une accusation improuvable est une calomnie, car une accusation qui ne peut pas être prouvée en droit est, en droit, une calomnie.
La loi générale de l’Église statue, pour les procès ecclésiastiques, que, quand le juge questionne les parties en conflit, elles sont obligées de répondre et de dire la vérité, à moins que la question ne soit pas légitime (des questions portant sur des matières anodines ou privilégiées, ou des questions captieuses), ou que la réponse incriminerait les parties elles-mêmes (canon 1743). Un juge ecclésiastique n’a pas le droit non plus d’obliger un accusé, par serment, de dire la vérité (canon 1744). Une instruction du Saint Office de l866 a requis que, dans un cas de sollicitation, la partie coupable devrait avouer sa faute. Mais la directive était normative plutôt que préceptrice. Une loi particulière (les statuts et règles d’un institut religieux) pourrait peut-être prescrire une confession à un accusé, mais la plupart des constitutions des instituts religieux ne lient que sous peine de châtiment. Et, pour le reste, un supérieur ecclésiastique pourrait tout au plus conseiller une confession par l’accusé, mais non l’imposer.
1980- Les droits et les devoirs d’un accusé en conduisant sa propre défense. En relation aux juges ou aux avocats. Si on le questionne, l’accusé ne peut pas cacher la vérité par des mensonges, des ambigüités ou des demi-vérités, puisque ces choses-là sont des moyens mauvais. Il ne peut pas non plus faire des réponses évasives, si on l’interroge légalement. Mais si la question qui lui est posée est illégale, il peut répondre évasivement. On tient communément que les mensonges proférés, en donnant des témoignages ou des preuves, ne sont pas nécessairement des péchés mortels, car aucun parjure peut n’avoir été fait, et aucun dommage grave causé (si un innocent trafique un document, et sans faire de tort à personne, échappe à une sentence injuste). En référence à l’opposant ou à ses témoins. L’accusé a le droit de révéler les crimes secrets mais réels des accusateurs, quand il exerce son droit légal de prendre les témoins en défaut et de démontrer leur incompétence, ou le droit naturel de se soustraire aux accusations portées contre lui. Il importe peu que la preuve présentée par l’accusation soit vraie ou fausse, qu’elle ait respecté ou pas les formes de procédure. Mais il ne doit pas aller au-delà des limites d’une autodéfense modérée (1826). Innocent X1 a condamné la proposition selon laquelle il est probable que, pour défendre son droit ou son honneur, la calomnie puisse être utilisée, sans qu’on commette de péché mortel (Denzinger 1194).
1981- Si l’accusé présente comme objection des crimes secrets de l’opposition, il doit se garder de commettre une injustice, ou de manquer à la charité. Ainsi, c’est commettre une injustice de révéler des crimes qu’on ne peut pas prouver, ou qui sont sans rapport avec le chef d’accusation (il pourrait être inutile de prouver que la personne qui atteste que l’accusé a commis un meurtre est un fornicateur, mais il pourrait convenir de montrer que ce témoin est un menteur, un malhonnête, ou un ennemi de l’accusé), ou qui n’ont pas à être révélés (si on peut disqualifier un témoin en montrant qu’il est faible d’esprit, ou qu’il a des liens de dépendance avec l’opposition, il n’est pas nécessaire de le diffamer). Révéler un crime est un manque de charité, si le témoin souffrira plus par cette diffamation que l’accusé ne souffrirait par le témoignage. Mais si les témoins apportent de fausses preuves de leur propre gré, ils prennent le risque d’essuyer les révélations de la défense.
1982- Les droits et les devoirs d’un accusé qui a été trouvé coupable. Appels. Il est permis d’en appeler d’une sentence injuste (ou à cause de l’innocence de l’accusé, ou de l’illégalité du procès), parce que l’appel est un moyen d’autodéfense accordé à un innocent. Il n’est pas permis d’en appeler d’une sentence qui est certainement juste, seulement pour gagner du temps, ou pour triompher d’un adversaire. Mais on peut faire appel quand on a de justes raisons, (dans les cas criminels, l’espoir d’obtenir une sentence plus douce, ou de prolonger sa vie; dans les cas civils, la découverte de nouvelles preuves, ou d’arguments probables allant contre la sentence donnée.) Mais celui qui a donné sa parole de ne pas faire appel de la décision d’un arbitre devrait s’en tenir à sa promesse. Et il n’y a pas d’appel contre la décision finale de la cour suprême, laquelle, dans l’Église, est le souverain pontife, et dans l’état, la cour suprême.
L’évasion d’une prison. Si la sentence était injuste, il est permis par la loi de s’évader, à moins que les moyens employés ne soient intrinsèquement mauvais (le meurtre des geôliers), ou que les résultats qui s’ensuivront ne soient plus dommageables que l’incarcération elle-même (le renversement de l’ordre public, le risque trop grand de la tentative d’évasion). Si la sentence était juste, il y a des opinions divergentes sur la légalité de la fugue. Certains moralistes pensent que cela n’est jamais permis, parce qu’une sentence juste est un précepte de l’autorité auquel on doit obéir. D’autres pensent qu’elle est permise dans des cas graves (quand le prisonnier a été condamné à mort, ou à un emprisonnement à vie, ou quand les conditions de vie dans une prison sont insalubres. Parce qu’une loi humaine ne peut pas imposer comme normal ce qui est trop difficile pour la nature humaine). D’autres pensent que la fuite est toujours permise, parce que la sentence de la cour est à l’effet que le prisonnier soit enfermé de force, non qu’il demeure dans la prison de son plein gré.. Mais on n’est pas nécessairement obligé de s’échapper (1857).
Résistance à la sentence. Si la sentence est injuste, la résistance n’est pas illégale en elle-même. Car, on a le droit à l’autodéfense contre une accusation injuste (Ez. XX, 27). En conséquence, si quelqu’un était condamné à se tuer lui-même (en prenant du poison), l’opinion commune considère que la sentence serait injuste (1856), et donc, non obligatoire. Si la sentence est juste, même si c’est une sentence de mort, il n’est pas permis d’opposer de résistance. Car le juge qui dument prononce une sentence sur une personne coupable a le droit d’être obéi (Rom X111, 1-5).
1983- Le bris de la prison et la restitution. Si on ne pèche pas on défonçant une prison, est-on obligé de restituer à cause des dommages causés par son évasion ? Si les dommages n’ont pas été causés par l’évasion, mais arrivent par après, accidentellement (l’évasion d’autres prisonniers), il n’y a aucune obligation de faire restitution pour eux, car la fuite n’a pas été la cause efficace et injuste de ces dommages. Si les dommages proviennent de la fuite comme de leur cause efficace et injuste, il y a une obligation de restituer (1763). Comme quand un prisonnier cause, en s’échappant, des dommages inutiles, ou des dommages qui sont sans proportion avec le mal qu’il chercher à fuir. Mais les dommages ordinaires de propriété, comme un trou dans un mur, ne semblent pas injustes, s’il n’y a pas d’autre moyen de sortir.
1984- La crédibilité des témoins et le témoignage. Un témoin, en cour, est une personne qui déclare, au cours d’un procès, qu’il connait telle déclaration, telle action ou omission se rapportant aux matières en litige. Le témoignage des témoins a force de preuve seulement dans la mesure où ils apparaissent avoir une connaissance de la matière sur laquelle ils témoignent, et semblent véridiques. En conséquence, certaines sortes de témoins et de témoignages n’ont aucune fiabilité ou crédibilité. Ainsi, un témoin n’est pas crédible, par sa propre faute (s’il est regardé dans sa communauté comme étant d’une franchise douteuse, ou s’il a la réputation d’être un calomniateur), ou sans faute de sa part, si son pouvoir d’observation ou sa mémoire sont anormalement faibles, ou s’il est dévoué à une des deux parties en litige, ou s’il en est ennemi). On a le devoir de présumer qu’une personne est bonne tant que le contraire n’apparait pas, si elle est la seule à avoir des intérêts dans ce procès. Mais, s’il y a un danger pour une tierce partie, on doit être sur ses gardes (1744). En conséquence, saint Jean nous avertit de ne pas croire à tous les esprits (1 Jn 1V, 1). Le témoignage devient peu fiable à cause du grand nombre de témoins (un seul témoin est souvent insuffisant pour prouver légalement, spécialement dans les matières plus graves), ou de la qualité de leurs preuves, (parce que, sur des points essentiels, un témoin se contredit lui-même, ou est contredit par les autres témoins, ou parce qu’il y a des signes de collusion ou de conspiration), ou du contre-interrogatoire de l’opposition.
1985- L’obligation d’apparaître spontanément comme témoin. Il y a une obligation de justice commutative d’offrir un témoignage, si quelqu’un est sous contrat, comme quand quelqu’un est engagé comme détective ou agent, pour ramasser des preuves contre ceux qui violent la loi. Il y a une obligation de justice légale de témoigner, même au risque de sérieux inconvénients, si le témoignage est nécessaire pour détourner un mal sérieux qui menace le bien-être de la collectivité. Quelqu’un qui est au courant d’un complot contre la paix de l’état devrait révéler ce qu’il sait aux autorités publiques, même au risque de sa vie. Mais une personne qui sait qu’un crime a été commis, n’est pas tenue de témoigner à ce sujet, si la fuite du criminel n’apportera pas de tort sérieux au bien-être public ou privé (si quelqu’un sait qu’un cas apparent de suicide était en fait un homicide commis accidentellement). Il y a une obligation en vertu de la charité de rendre un témoignage (mais pas au coût de sérieux inconvénients), si le témoignage est nécessaire pour empêcher un mal sérieux qui menace une personne privée. Quelqu’un qui peut démontrer que la preuve utilisée pour pendre un innocent est fausse, devrait témoigner en faveur de l’accusé, à moins que son témoignage ne lui apporte un mal égal à celui du condamné.
1986- L’obligation de comparaître, lors d’une convocation légale, pour donner un témoignage. Celui qui évite une comparution (en s’envolant vers un autre état, en se cachant) ne viole probablement pas la justice par son comportement, car un ordre qui n’a pas été reçu ne peut pas être violé. Celui qui ne tient pas compte d’une citation à comparaître porte offense à la justice légale, puisque la sommation de comparaître exige l’obéissance. Mais il ne semble pas qu’il viole la justice commutative, à moins que la partie en faveur de laquelle il pourrait témoigner ait un strict droit à son témoignage.
1987- L’obligation du témoin à répondre franchement. Un témoin que l’on questionne légalement (par quelqu’un qui a l’autorité de le questionner), et juridiquement (selon la forme et l’ordre prescrits par la loi), est obligé, par le fait-même, à répondre en toute franchise, au mieux de ses connaissances. Car on est tenu d’obéir à un supérieur quand il donne un ordre. Mais il y a des exceptions à cette règle, c’est-à-dire, quand une loi plus haute exempte quelqu’un de l’obligation de divulguer un certain renseignement, ou quand la question posée se rapporte seulement à ce que quelqu’un sait juridiquement. Dans tous ces cas, le témoin peut répondre qu’il ne sait rien, car il n’a aucune connaissance qu’il puisse ou doive divulguer..
Ainsi, la loi naturelle permet le mutisme quand une révélation causerait un tort considérable au témoin ou à ceux qui lui sont reliés de près. Car le commandement d’un supérieur n’oblige pas à l’acceptation de si grands inconvénients. Cela suppose, évidemment, que la révélation n’est pas requise pour prévenir un grand mal qui frapperait la société, ou un mal beaucoup plus grand que celui qui menace le témoin. Quelqu’un qui sait qu’il sera assassiné s’il témoigne contre un caïd de la mafia, n’est pas normalement tenu à faire le sacrifice de sa vie. Le droit canon et la loi civile excusent les témoins dans le cas où ils auraient à faire des révélations qui les exposeraient à des persécutions ou à des châtiments (canon 1755, 2, 2). La loi naturelle ordonne le mutisme quand une révélation offenserait des droits divins publics ou privés.
1888- Les matières sur lesquelles un témoin ne devrait pas témoigner. Il y a certains cas dans lesquels la loi naturelle interdit à un témoin de faire connaître un fait sur lequel on le questionne. Un témoin ne doit jamais parler de choses qu’il ne connait que par le sacrement de confession. Car briser le sceau de la confession est une injure faite aux droits de Dieu. Dans un procès ecclésiastique, un prêtre peut refuser de parler de choses qu’il ne connait que par le sacrement de confession, même s’il a la permission du pénitent (1757, 3,2). Un témoin peut, en règle générale, ne pas révéler des informations qui ne lui sont connues que sous le couvert de la confidentialité, comme les communications entre avocat et client, médecin et patient. Car l’intérêt de la société aussi bien que celui des individus requiert qu’aient une assurance contre la diffamation ceux qui mettent leur confiance en d’autres, surtout s’ils ont un grand besoin d’aide professionnelle. Les communications privilégiées sont reconnues autant par le droit canon que par la loi civile. Mais on peut se servir d’une connaissance obtenue confidentiellement quand la chose est nécessaire pour détourner un grand mal qui menace le bien-être public ou une personne innocente, que cette personne soit celle qui a confié le secret, ou une tierce partie, ou soi-même. Car obliger à garder le secret dans ces cas serait vouer aux gémonies la protection contre le crime.
Ainsi, un avocat peut faire état de connaissances confidentielles, si la chose s’avère nécessaire pour se défendre contre les fausses accusations d’un client, ou pour prévenir un crime qu’un client veut commettre. Un témoin peut ne pas parler de matières qu’il connait injustement (par écoute électronique, par coercition illégale, en enivrant quelqu’un, en lisant des documents privés sans permission). Car, comme la connaissance a été injustement acquise, elle ne peut pas être utilisée correctement. (2420). 1889- Il y aussi certains cas où la justice ne réfère qu’à ce que le témoin sait juridiquement, ou où il lui est demandé de répondre selon l’esprit du questionneur. Si on demande à un témoin de déclarer ce qu’il sait au sujet d’un cas, il n’est pas obligé de dire ce qu’il en pense, ou ce dont il n’est pas certain. Et si on lui demande ce qu’il a entendu, il n’est pas obligé de rapporter ce que lui ont dit des personnes peu fiables. Si on lui demande s’il pense que l’accusé est coupable d’un crime, il n’est pas obligé de mentionner un acte illégal de l’accusé fait de bonne foi. Mais dans un cas civil où l’enquête porte sur des fautes juridiques, le témoin devrait signaler même l’existence de fautes dans lesquelles il n’y a avait aucun élément de faute théologique.
S’il est le seul à avoir la connaissance d’une faute, et s’il est certainement inutile pour lui de témoigner sans rien qui puisse corroborer ses dires, il semble qu’il puisse taire ce qu’il sait. Mais si le témoignage d’un seul témoin est suffisant d’après la loi, le témoin devrait raconter les faits qui lui sont connus.
1990- Un faux témoignage est-il un péché ? Quand nous parlons d’un faux témoignage, nous parlons d’un témoignage que le témoin sait être faux. En raison de ce faux serment, le témoin est coupable de parjure, lequel est un grand péché contre la vertu de religion. En raison de l’offense faite par le témoignage, le témoin est coupable d’injustice. Tu ne porteras pas de faux témoignages contre ton prochain. La justice légale est aussi offensée, puisqu’un faux témoignage est un acte de désobéissance envers l’autorité légitime. Et la justice commutative est habituellement violée, puisque, par un faux témoignage, un des plaideurs subit généralement une perte. En raison d’une fausseté délibérée, le témoin est coupable d’un mensonge qui n’est pas toujours un péché grave. 1991- Il peut, effet, arriver, bien que rarement, qu’un faux témoignage ne soit qu’un péché véniel. Par exemple, quand le témoin n’est pas sous serment, et donne un faux témoignage sur une chose hors de propos, ou sans avoir bien réfléchi à ce qu’il disait, ou quand il forge ou modifie un document pour suppléer à celui qui a été perdu, et pour prouver que ses droits sont fondés.
1992- L’obligation d’un témoin à la restitution. L’obligation d’une restitution par un témoin pour ne pas avoir accompli proprement ses devoirs. Si le témoin n’a pas péché contre la justice commutative, il n’y a pas d’obligation de restituer (1753). En conséquence, s’il a évité de présenter le témoignage auquel il n’était tenu que par la justice légale ou la charité, il est coupable de péché, mais il n’est pas tenu à restituer. Semblablement, s’il a donné un faux témoignage, et a par là privé l’état d’une amende imposée par la loi pénale, ou a soustrait un coupable à la punition, il a péché contre la justice légale, mais il n’est pas obligé de compenser pour l’amende, ou de payer les dommages. Si le témoin a péché contre la justice commutative matériellement mais non formellement, il n’est pas la cause gravement coupable du dommage, et il n’est donc pas obligé, en droit, de faire une restitution (1764). Mais il peut y avoir une obligation en vertu de la charité. Mais s’il se rend compte que son témoignage était matériellement ou véniellement injuste, et qu’il causera de sérieux dommages, il est obligé de révoquer son témoignage, ou de prévenir les dommages d’une manière qui convient davantage (1769), si c’est possible. Si le témoin a péché formellement contre la justice commutative, il est la cause efficace et coupable du dommage qui en résulte, et est donc obligé à restituer, à moins qu’il n’y ait une cause qui l’excuse (1797 et suiv). Donc, si un faux témoignage ou un témoignage portant sur des sujets que le témoin n’a pas le droit de révéler, a conduit un innocent à la peine capitale, le témoin qui a donné ce témoignage doit se rétracter, même au risque de sa vie propre. Car, à dangers égaux, les droits de l’innocent prévalent. Si Pierre, en donnant un faux témoignage, a exempté Paul de payer pour des dommages faits à la propriété publique, Pierre doit faire une restitution pour les dommages causés, si Paul ne fait pas de réparations.
1993- Un témoin est-il coupable contre la justice commutative quand il cache illégalement des faits, et qu’une autre personne en souffre ? Si par cacher on entend la destruction de faits ou de preuves (brûler un testament, ou en forger un), le témoin ou l’autre personne responsable est coupable d’un acte positif d’injustice commutative, et est tenu à restituer. Si par cacher on entend un silence au sujet des faits matériels que le témoin a l’obligation légale de révéler, il faut faire la distinction entre le témoin qui n’est pas obligé par contrat d’apporter des preuves, et celui qui l’est. Le premier témoin est un coopérateur négatif, et il pèche contre la justice commutative (1780).
1994- Le paiement de témoins.
Un témoin a-t-il le droit d’accepter un paiement pour donner un témoignage
vrai et légal ? Pour le témoignage lui-même, un témoin ne peut
pas accepter de paiement, parce qu’il est tenu à dire la vérité
de son propre chef, comme le juge est tenu à dispenser la justice de plein
gré.. Pour les dépenses qu’il fait et pour le temps perdu par
sa présence au procès, il peut accepter un paiement, puisque, comme dit
saint Paul, celui qui rend service à un autre n’est pas tenu à défrayer
les dépenses encourues (Cor 1X, 7).
Le droit canon et le droit civil permettent
que des compensations raisonnables soient accordées aux témoins (canons
1787, 1788). Mais si un témoin reçoit une compensation qui excède le
montant que la loi autorise, la cour et la partie adverse ont le droit
d’en être informés.
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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction
Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.