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John A. McHugh, o.p. - Charles J. Callan, o.p.
THEOLOGIE MORALE un cours complet selon saint Thomas d'Aquin et les meilleurs auteurs modernes

Imprimatur Francis cardinal Spellman, Archbishop of New York, New York, May 24, 1958
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N°1995- Les avocats. Le mot avocat est un terme général employé pour désigner tous ceux qui sont versés dans la loi, et qui fournissent aux autres une assistance par des moyens légaux,  pendant les procès ou hors cour.   Ainsi, en marge des procès, un avocat peut agir comme aviseur légal, donner une instruction, une information ou une direction sur les droits et les devoirs qui se rapportent à la loi.   Pendant un procès, il agit comme jurisconsulte en donnant des conseils,  ou se charge, à la place du client, de la défense ou de la poursuite.  Les avocats qui s’occupent des parties les plus mécaniques des procès sont souvent appelés « mandataires », (attorneys) pour les distinguer des conseillers, qui plaident pendant les procès.  Mais, en général,  un « mandataire légal » et un avocat sont des termes synonymes.   Les conseillers sont connus en Angleterre sous le nom de « barristers », quand ils plaident en cour supérieures.  Ils sont appelés  solliciteurs en cour de la chancellerie, et avocats dans la loi romaine.  Le droit canon fait la distinction entre l’avocat qui défend et le procureur qui représente un plaideur.  Le premier argumente pour son client en évoquant la loi qui joue en sa faveur.  Le dernier n’agit que comme représentant de son client, et a un mandat limité.

 1996- Les qualifications des avocats.  Les compétences morales et mentales requises sont la connaissance de leur profession, et la dévotion à la justice, à la morale, à la constitution et à la loi (1943).  Un avocat doit avoir à cœur la dignité et la réputation du barreau, et être loyal envers ses associés.  Mais il ne doit pas hésiter à dénoncer des pratiques qui portent atteinte à l’honneur de sa profession.  Ce qui est requis selon la loi pour exercer la profession d’avocat, varie selon le lieu ou le gouvernement.   Dans le droit canon, il est nécessaire qu’un avocat soit un docteur ou un expert en jurisprudence ecclésiastique, qu’il ait vingt et un ans, et qu’il ait été dument approuvé. (canon 1657).

 1997- Le devoir d’un avocat en introduisant des cas. Il ne peut pas jeter  de l’huile sur le feu dans des conflits,  ni fomenter des divisions pour se donner par là  du travail   ou un  gagne-pain.  Le catéchisme du concile de trente dénonce cette pratique comme l’une des plus importantes violations du dixième commandement.  Parmi les avocats, on considère cela  comme un manque de professionnalisme, et une violation de la loi commune.  Cette  offense est un acte criminel. Un avocat ne peut pas prendre ou aider une cause injuste, à savoir, une qui est en opposition avec la loi positive ou  morale, comme quand quelqu’un vient lui demander de piloter un projet mauvais qui consiste à harasser et à opprimer une personne innocente.  Celui qui défend l’injustice est un coopérateur, et est donc coupable (1779).  Mais si un cas a une bonne base en loi, l’avocat n’est pas obligé de s’enquérir des dispositions subjectives ou de la conscience du client, et il peut prendre le cas, même s’il ne sait pas si le client est de bonne foi.

 Un avocat ne devrait pas refuser une cause juste, simplement parce que la personne qu’on lui demande d’aider est indigente ou mal vue.   La justice commutative ne l’oblige pas à offrir ses services à quelqu’un qui en a besoin, mais il  a le devoir, en justice légale, de donner le meilleur de lui-même s’il est engagé comme avocat pour défendre un pauvre.  Il peut avoir aussi un devoir de charité, si quelqu’un qui est en besoin lui demande une aide légale. 1998-  Étant affirmatif, le précepte qui porte sur les œuvres de miséricorde n’oblige pas à chaque instant.  En conséquence, un avocat n’est pas obligé, par la charité, de se dévouer à chaque cas sur lequel il vient butter (1227).  Ainsi, la charité ne demande pas qu’on coure un peu partout à la recherche des nécessiteux; mais qu’on aide ceux qui sont à portée de main.  La charité ne demande pas non plus qu’on prenne soin des besoins à venir, mais qu’on aide ceux qui sont maintenant malheureux.  La charité ne demande pas non plus qu’on donne la même aide à tous, car quelques-uns ont un droit plus grand à recevoir la charité que d’autres (1 Tim. V, 8).  La charité ne demande pas non plus qu’on aide ceux qui peuvent facilement s’aider eux-mêmes, ou qui peuvent obtenir de l’aide d’autres personnes qui sont mieux placées que nous pour les dépanner.

 1999- La charité n’oblige pas aux œuvres d’aumône, si l’inconvénient que subirait le donateur serait sans proportion avec la détresse du bénéficiaire (1158). Les moralistes  expliquent ainsi les inconvénients qui correspondent aux degrés variés de détresse.   Si la détresse est extrême (un prisonnier est sur le point d’être injustement condamné à mort), un inconvénient proportionnel serait, selon certains, une perte grave, ou, selon d’autres, au moins une partie des biens d’une propriété (1231, 1251).  Si la détresse est très grave, ou grave, (un accusé sera condamné injustement à un long et dur emprisonnement), la perte de biens sans lequel quelqu’un ne pourrait pas maintenir son niveau de vie est, selon une opinion, non excessive.  Mais, selon une autre opinion, n’importe laquelle perte importante est excessive.  Si la détresse est ordinaire, (un accusé sera injustement condamné à une petite amende), la perte de biens superflus est, selon certains, un inconvénient proportionnel.  Mais d’autres opinent que la seule assistance qui doit être donnée est celle qui ne cause aucun inconvénient, comme un avis ou une autre chose du genre.

 2000- Quand doit-on penser qu’une cause est injuste ?  Dans les cas civils, l’accusation ou la défense sont injustes quand elles n’ont clairement aucun droit moral. Un avocat qui recommande la poursuite en justice dans ce genre de cas est injuste envers la partie adverse, si elle perd; il est injuste envers son client s’il perd, et s’il doit en conséquence faire des dépenses non nécessaires.  En règle générale, un avocat catholique ne devrait pas accepter de cas de divorce.  La situation d’un avocat est différente de celle d’un juge. Il arrive qu’un  juge ne puisse pas refuser un cas sans inconvénient pour-lui-même (1949, 1997).  L’avocat, lui, est libre d’accepter ou de refuser ces cas. La prohibition générale  est fondée sur le fait que, dans ce pays, la plupart des cas de divorce conduisent à un remariage invalide.  Quelques moralistes soutiennent que, puisque c’est le remariage non le divorce qui est intrinsèquement mauvais, un avocat pourrait accepter un cas de divorce pour une très grave raison, pour relever, par exemple,  des conditions financières désespérées.  En pratique, du au danger de scandale, l’exception devrait être rare.   Des exceptions qui sont possibles incluent des cas où le divorce est recherché pour un mariage invalide aux yeux de l’Église.  Par exemple, pour un mariage civil de catholiques, ou pour certains avantages civils.

 Quand il n’y a pas de danger de remariage.  Dans tous les cas qui concernent des catholiques, l’avocat devrait avoir à l’esprit la nécessité imposée aux catholiques par le troisième concile de Baltimore, de consulter l’autorité ecclésiastique avant de se lancer dans une séparation civile (du lit et de la table).  Dans les cas criminels, la poursuite est injuste, si l’accusé est clairement innocent.  Mais la défense n’est pas injuste, même si l’accusé est connu pour être coupable.  Car la loi la naturelle et la loi positive donnent toutes deux à l’accusé le droit de se défendre. En conséquence, il peut choisir ou recevoir un avocat, en dépit de sa culpabilité.

 2001- Le devoir d’un avocat quand la justice d’un cas est douteuse.  Dans une cause civile, l’avocat peut agir pour le demandeur ou pour le défendeur.  Il peut même prendre un cas où la justice semble moins probable, car le but d’un procès est de chasser le doute, et il arrive souvent que la cause, qui semblait douteuse ou moins probable au début, sorte gagnante après examen.   Quelques moralistes distinguent quatre cas dans lesquels le doute en est un de fait. Si le cas de l’un est moins ou également probable, on dit qu’il peut le prendre.  Mais non si cela est vrai de l’autre (le demandeur).   Dans un cas criminel, quand sont impliqués la vie, la réputation ou d’autre bien important, l’opinion commune est qu’un avocat ne peut pas poursuivre si le cas est douteux ou moins probable, mais qu’il peut défendre son client, même s’il est certain que l’accusé est coupable.  Le rôle du procureur n’est pas nécessairement d’obtenir une condamnation, mais de voir à ce que la justice soit observée, tandis que le rôle du défendeur est de voir à ce que l’accusé ne soit privé d’aucun droit ou  d’aucune protection que lui assure la loi.

 2002- Si, par ignorance, un avocat  prend un cas injuste, en le croyant juste, il est excusé ou n’est pas excusé selon le caractère de son ignorance (28, 249).  Ainsi, une ignorance antécédente excuse du crime et du devoir de restitution; l’erreur concomitante excuse de restitution mais non de péché; l’ignorance conséquente n’excuse ni de péché ni de restitution, si elle est crasse;  mais, elle diminue la responsabilité si elle n’est que légèrement coupable.

 2003- Le devoir d’un avocat qui découvre qu’un cas est réellement injuste.  Un avocat qui a pris un cas en croyant qu’il était juste, et qui découvre qu’il est injuste, se doit à lui-même d’abandonner le cas, car il ne peut pas honorablement coopérer avec l’iniquité.   Le même principe s’applique si le client l’incite à d’injustes manœuvres pour supporter sa cause, même si elle est juste.   L’avocat doit à son patient, dans la présente hypothèse, de préserver inviolée la confiance de son client (1988).  Il devrait s’efforcer de persuader le client d’abandonner le cas, mais puisque le cas du client est injuste, il ne peut pas recommander un compromis, sauf pour les dépenses.

 2004- Les devoirs de l’avocat envers le client. Puisque chaque contrat dépend du consentement mutuel des contractants, et puisque le but d’une personne qui prend un avocat est de recevoir un avis sûr  et une aide honnête, et de donner en retour une compensation équitable,  il s’ensuit que le devoir d’un avocat envers son client est de donner ce qu’on attend de lui, et de ne pas exiger plus qu’il ne mérite.  Avant le procès, l’avocat devrait être parfaitement honnête envers son client sur l’opportunité du litige, ou sur son rôle de conseiller.  S’il y a une raison qui ferait en sorte qu’il ne serait pas le plus qualifié pour cette cause,  il devrait en parler, pour que celui qui le consulte ait la liberté du choix.  Il devrait aussi étudier la question qui lui est présentée, et donner une opinion honnête sur les chances de l’emporter.  Si une entente à  l’amiable peut être négociée hors cour, l’avocat devrait la recommander, et s’il ne  voit pas clairement quel est le parti qui est dans son droit, il devrait conseiller un compromis.

 Pendant qu’il s’occupe d’un cas, l’avocat doit se montrer fidèle aux intérêts de son client, et diligent dans les choses pour lesquelles il a été engagé.  La loyauté demande qu’un avocat ne se  dévoue qu’à son client (il ne peut pas prêter son aide à la partie adverse, ni en recevoir des dons ou des compensations, canons 1666,2407), et qu’il respecte la confiance que le client a placée en lui (il ne peut pas utiliser contre son client les informations qu’il reçoit de lui).  La diligence requiert que l’avocat milite pour son client au mieux de ses compétences et de ses efforts; qu’il lui présente tous les remèdes et toutes les défenses que la loi lui accorde, si  pauvre, ou impopulaire ou persécuté qu’il soit, et qu’il mène à bien sa tâche avec toute la rapidité possible.   Après le procès, il devrait s’acquitter avec honnêteté de ce qu’il a à faire, et se montrer digne de la confiance qui avait été placée en lui. La compensation pour les services rendus par l’avocat devrait être juste, c’est-à-dire un retour équitable pour ce qu’il a donné. Le montant de ses frais devrait être déterminé par  des normes telles que la loi ou la coutume, ou par la valeur de son apport personnel (son temps, son travail, la perte d’autres emplois ou projets, le risque pris en se chargeant de cette affaire), ou par ce que le client a reçu (le montant d’argent qu’il a gagné, le bénéfice qu’il a remporté).  La richesse d’un client ne justifie pas une facturation excessive;  mais la pauvreté d’un client fait parfois un devoir de charité de diminuer les frais, ou de ne rien demander du tout (1236, 1239). Il est clair qu’un avocat ne peut pas se compenser lui-même avec l’entreprise de son client, contrairement aux  justes désirs de ce dernier.

 2005- Les devoirs d’un avocat envers les autres parties. Les devoirs d’un avocat envers son client ne l’exemptent pas de certains devoirs envers d’autres personnes qui ont part au procès.  Car il doit répondre de ses actions devant sa conscience, et ne peut pas se comporter comme s’il devait gagner à tout prix, ou comme si  c’était le client qui devait  être blâmé pour tout ce qui est déshonorant.  Ainsi, il doit montrer du respect au juge et du civisme à la partie adverse, les avocats et les témoins. On ne devrait donc jamais avoir recours à un langage irrespectueux, et à des arguments ad hominem. On doit se montrer poli et courtois.  La vérité et l’honnêteté sont dues à la partie adverse.  Il est contraire à la vérité de citer des statuts ou des décisions qui ne sont plus en force, de citer à tort et à travers des lois, des déclarations ou des témoignages des opposants; de présenter comme un fait avéré ce qui n’a pas encore été démontré,  de produire de faux témoins ou de faux documents, d’inciter les clients ou les témoins  à inventer de faux témoignages, d’ergoter ou de sophistiquer.  Il est injuste de tenter d’obtenir une faveur spéciale d’un juge ou d’un jury; de faire des remarques tendancieuses dans le but d’influencer le jury ou les spectateurs; de réserver les arguments décisifs pour le moment où la partie adverse n’aura plus le temps voulu pour  répondre;  de forger des fausses preuves.

 2006- -La dissimulation de la vérité dans la présentation d’un cas.  La dissimulation de la vérité dans la présentation ou la défense d’un cas est-elle un péché ?  Si la dissimulation n’est ni injuste ni mensongère,  elle est légale.   Car un avocat devrait dissimuler les faits qui nuiraient à sa cause (des incidents qui ne sont vraiment pas pertinents, mais qui seraient préjudiciables à son client), ou qu’il a appris sous le sceau de la confidentialité.   Cette dissimulation  n’est pas une chose  injuste, puisque la partie adverse n’a aucun droit à cette connaissance.  Ce n’est pas non plus une tromperie, parce qu’elle ne fait que permettre que les autres en tirent des conclusions erronées. Elle n’en est donc  pas la cause.  L’avocat n’est pas non plus tenu en justice à indiquer aux opposants des matières qui leur sont favorables, qu’ils ignorent ou dont ils ne font pas mention.  Si la dissimulation est injuste et mensongère, elle est illégale.  Ainsi, si un avocat découvre qu’une fraude majeure a été commise, ou que l’opposition et la cour se sont fait acheter, il est injuste s’il en tire avantage en se taisant.  Semblablement, un procureur  est injuste s’il supprime des faits ou des témoignages, ou des documents qui établiraient l’innocence d’un accusé.

 2007- Le péché qu’il y a à introduire  des documents faux ou trafiqués.  On pèche contre la vérité par cette pratique, quand le document est fictif en son entier, ou quand on le substitue à un original perdu, ou quand un instrument authentique a été changé (1980  1991).  Cette pratique est aussi contre la justice légale, puisque la loi requiert qu’aucune fausse représentation ne soit faite des preuves produites.  En effet, il s’agit là d’une chose très sérieuse.  Car s’il était jamais permis de falsifier les documents présentés en preuve, on aurait tracé la voie à une quantité innombrable de fraudes, au grand détriment du public.  La justice commutative se trouve offensée par cette forme de malhonnêteté, si la cause défendue n’est pas certainement juste.  Car la partie adverse, puisque la justice est peut-être de son côté, a le droit de ne pas être défaite par des moyens illégaux.  Mais si la cause défendue est certainement juste, il n’y a pas, en soi, de violation de la justice commutative, puisque la partie adverse n’est privée de rien qui lui appartienne, mais est plutôt empêchée de commettre une injustice. Il pourrait, cependant, y avoir eu  par accident une injustice commutative, (si on savait que l’usage d’un faux document est quelque chose de risqué, et fait perdre automatiquement le cause du client.)  La charité envers soi-même est violée par cette tromperie, puisqu’un avocat ne devrait pas faire passer les intérêts de son client avant sa propre conscience, sa réputation et sa carrière.

 2008- Quand un avocat est-il tenu à la restitution ?  Un dommage injuste oblige à la restitution (1763). Et, en conséquence,  un avocat doit indemniser son client ou la partie adverse pour les pertes que les deux ont souffertes par sa conduite injuste.  Le client a un droit à la restitution s’il a été forcé à faire des dépenses inutiles, parce que son avocat ne lui a pas dit qu’il n’avait pas de chance de gagner ou que c’était trop risqué;  ou parce qu’il a perdu sa cause par le fait que son avocat était incompétent ou négligent ou a aidé la partie adverse; ou parce que sa réputation ou sa carrière en ont pris un coup par le viol de ses renseignements confidentiels.   La partie adverse a droit à la restitution si elle a perdu un droit ou a été condamnée parce que l’avocat a pris injustement le cas contre elle, ou s’il a subi d’autres offenses parce que l’avocat a usé de faux moyens à son désavantage.  Si un avocat agit comme le mandataire de son client pour une pratique injuste, le devoir de restitution repose premièrement sur le client, et secondairement sur l’avocat (1783).  Si l’avocat  est le seul coupable, il est responsable pour les dommages causés.  Il n’y a aucun devoir de restitution si on n’a violé que la justice légale (si on a usé d’une tromperie pour permettre de gagner au côté qui a le droit pour lui); ou si on a péché contre la charité (si quelqu’un refuse de prendre le cas d’une personne en besoin).  Une possession injuste oblige aussi à la restitution (1770).  Et, en conséquence, un avocat qui s’approprie les biens de son client sans droit, ou qui demande des frais trop  élevés pour ses services, ou qui tire en longueur un cas pour le lucre, ou qui n’a pas remboursé quand il s’est retiré d’un cas, devrait rendre ses biens mal acquis.  Si le montant des frais est déterminé par la loi, un avocat qui prend plus que la somme légale n’encourt pas nécessairement le devoir de restitution.  Tout dépendra du caractère de la loi, si elle est pénale ou préceptrice; et, si elle est préceptrice,  elle engage en vertu de la justice légale ou commutative.

 2009-  Des  paroles injustes.  Nous en venons maintenant à l’injustice commise par des mots prononcés hors cour, ou aux classes d’injustice verbale qui ne sont pas propres aux cours, mais qui sont commises en toute circonstance, en public ou en privé.  On distingue ici les principaux péchés d’après les offenses voulues par celui qui parle.  Les voici.   Des mots entachés de péché qui produisent dans l’esprit d’une autre personne le mal d’une faute, la privant ainsi des mérites qui sont associés avec la vertu.  Quelques méchants parleurs privent leur prochain des tributs qui sont payés à la vertu par d’autres, comme l’honneur (par mépris), le bon renom (diffamation), l’amitié (insinuations), pendant que d’autres méchants parleurs privent quelqu’un du tribut de la vertu payé par sa propre conscience, à savoir, le respect de soi, la paix de l’âme (moquerie).

 Des paroles mauvaises qui causent une punition.  Ces mots entrent dans la catégorie de malédiction. 2010-   Le mépris.  Le mépris est un déshonneur injuste montré à une personne en sa présence.  Il est injuste. Et, en conséquence, ne sont pas coupables du péché de mépris ceux qui disent des paroles déshonorantes à des gens qui méritent un reproche (Luc XX1V, 25).  Notre seigneur a appelé les deux disciples  sans intelligence et lents à comprendre.  En Galates 111, 1, dit aux Galatiens qu’ils sont sans cervelle. Semblablement, ce n’est pas du mépris d’appeler quelqu’un par un nom qui semble un peu irrespectueux, si c’est fait sous forme de taquinerie ou par matière de jeu, et si l’autre ne s’en formalise pas, et sourit.   Ainsi, envoyer un comique se moquer d’un des spectateurs pour faire rire le monde, n’est pas considérer comme du mépris en règle générale, puisque la plupart des personnes ne sont pas dupes de ces paroles, et ne prennent pas ces farces au sérieux.  Mais il faut veiller à éviter les excès dans les prises de bec sérieuses et enjouées.  Saint Augustin dit que, même pour corriger quelqu’un, on ne devrait pas employer des mots de blâme.  Seulement dans des cas de grande nécessité.  Le mépris est un déshonneur; et il se distingue ainsi des mots qui offensent un autre droit (la tromperie offense la réputation).  L’honneur est une manifestation externe du respect ressenti pour l’excellence ou la supériorité dans une perfection naturelle ou surnaturelle donnée par Dieu, comme la vertu, l’autorité, la noblesse, le rang, la richesse etc…  Le mépris est soit négatif, comme quand on refuse ostensiblement de montrer aux autres l’honneur qui leur est du (le salut, le titre ou le signe de respect qu’autorise la coutume), soit positif, comme quand on manifeste des signes d’irrespect (des mots qui dénigrent la vertu ou l’intelligence, ou qui avilissent quelqu’un).   C’est un mépris fait à un autre en sa présence, c’est-à-dire que c’est un affront dirigé immédiatement contre la personne (la moquerie d’Élisée  par les petits garçons, près de Bethel, dans rois 1V, 11, 23).ou médiatement (le déshonneur des ambassadeurs de David par les Ammonites, dans 11 roi, 10), ou au moins à sa connaissance (les ennemis de saint Paul dans Phil. 1, 17), qui parlèrent de lui en l’insultant, en espérant que leurs mots lui seraient rapportés).

 2011- Toutes les personnes méritent-elles d’être honorées ?  Si on prend le mot honneur au sens strict, impliquant un respect montré à une personne qui l’emporte sur les autres par une bonne qualité, ou qui excelle parmi les êtres humains, on ne peut alors montrer de l’honneur qu’à ceux qui sont plus excellents ou plus vertueux que d’autres.

 Si on prend le mot honneur au sens large et habituel, comme signifiant un respect envers une qualité naturelle, morale ou surnaturelle, qui rend quelqu’un plus digne que d’autres, on peut alors le manifester à toute créature raisonnable (sauf aux damnés qui sont irrémédiablement  mauvais, et incapables de  relations d’amitié). Car il n’y a personne, quel que mauvais et bas qu’il soit, chez  qui il n’y a pas quelque chose qui commande le respect. Saint Paul exhorte les chrétiens à être toujours les premiers à rendre hommage aux autres (Rom X11, 10; et il nous incite à penser que les autres sont meilleurs que nous (Phil 11, 3).

2012- Diverses formes de mépris. En raison des signes utilisés dans son extériorisation, le mépris est fait de mots (voleur, fou, bâtard) ou d’actes qui correspondent à des paroles (des caricatures, des cartes de souhait insultantes, des lettres caustiques ou au vitriol, des pamphlets, des gestes ou des actes scandaleux, des sourires sardoniques, des moqueries).  En raison de la chose signifiée, ou du mal qu’on veut à un autre, on divise l’injure en a) reproche, lequel accuse un autre d’un péché (d’ivrognerie), en b) en imputation, laquelle rend quelqu’un coupable d’une faute ou de ses conséquences (ivrognerie ou emprisonnement ou maladies provenant de l’alcoolisme) en c) ou sarcasme, qui se rit de l’infortune ou de l’infériorité  d’autrui (de sa basse extraction, de sa pauvreté ou des faveurs déjà faites).

 2013- La façon de confesser l’injure en confession. Il faut mentionner les circonstances essentielles à une espèce, c’est-à-dire celles qui changent une espèce ou en ajoutent une nouvelle (le fait que l’injure était blasphématoire, ou scandaleux ou calomnieux, ou s’adressait à des clercs ou à des parents). Les circonstances qui sont purement accidentelles sont celles qui ont été données dans le paragraphe précédent. Elles n’ont pas à être mentionnées, car elles ne sont que des façons différentes de commettre le même péché de mépris.

 2014- La gravité du mépris. De par sa nature, le mépris est un péché grave d’injustice, car elle frustre quelqu’un de son honneur, lequel  est plus précieux que toute possession externe. Car il est un témoignage donné à la vertu et à l’estime chèrement gagné que nous portent les autres. En conséquence, on est souvent prêt à sacrifier la santé, la richesse ou la vie pour sauver son honneur. Celui qui appelle son frère un fou furieux mérite l’enfer (Matt. V, 22). Et les méprisants sont classés avec ceux qui sont livrés à leur sens réprouvé (Rom 1, 30). Mais comme les péchés de la langue ne sont imputables que dans la mesure où ils expriment la pensée de celui qui les profère, les mots méprisants ne sont des péchés graves que quand ils procèdent de l’intention directe d’infliger une disgrâce sérieuse. (Pierre adresse à  Paul une épithète qui n’est pas offensante en elle-même, mais il s’en sert pour exprimer son suprême mépris), ou d’une intention indirecte de le faire  (par manière de jeu,  Luc donne à Marc un titre offensant, sans vouloir le blesser.  Mais il sait que Marc prendra cela à cœur, et qu’il en sera déshonoré aux  yeux de ceux qui sont présents.)

 En raison de l’imperfection de l’acte ou de la petitesse de la matière, le mépris n’est qu’un péché véniel.  Ainsi, si quelqu’un à qui la colère fait perdre la tête, et qui parle sans savoir ce qu’il dit, appelle un autre par un très vilain nom, il n’y a pas suffisamment d’attention pour qu’il y ait  péché grave.  Et si quelqu’un, qui agit en sachant parfaitement ce qu’il fait, s’adresse à un autre  dans un langage qui n’est que légèrement irrespectueux, le tort causé n’est pas suffisant pour constituer un péché mortel.
2015- La gravité de la matière du mépris dépend non seulement du caractère des signes d’irrespect, mais aussi des personnes concernées.  Ainsi, moins l’offenseur doit de respect à l’offensé, moindre est l’offense.   En conséquence, un inférieur qui appelle son supérieur un menteur ou un âne commet une faute plus grande que ne commettrait un supérieur qui se servirait des mêmes mots envers son sujet. Moins la personne qui méprise a d’autorité, ou moins venimeuse est sa parole, moindres sont le déshonneur et le péché.  Ainsi, les poissardes étaient autrefois connues pour leur vitupération, mais on ne prêtait pas attention à leurs racontars.  Une personne de ce caractère pourrait ne commettre qu’un péché véniel en utilisant un mot très offensant, tandis qu’une personne d’un caractère plus respectable pourrait pécher mortellement en utilisant les mêmes mots.  Semblablement, quand les parents ou les professeurs traitent les enfants d’écervelés, de têtes de pioche, de débiles, d’abrutis, de tètes de linotte,  de cons, il n’y a généralement aucune mauvaise intention derrière ces expressions. En conséquence, on ne commet certainement pas de grand péché en s’exprimant ainsi,  même quand on ne s’excuse pas.

 2016- Est-ce que la gravité du mépris est diminuée par le fait que la personne offensée ressente peu l’offense ?  Si on ressent moins le mépris  parce que le déshonneur lui-même est moindre, la gravité de la faute est évidemment diminuée.  Par exemple, si un offenseur n’est pas  pris au sérieux (2015).  Si on ressent moins le mépris parce que la personne offensée est douce et patiente,  la gravité du péché n’est pas diminuée, elle est plutôt augmentée (1725).   Si la personne offensée ne ressent pas du tout l’offense (parce qu’elle a la peau dure ou qu’elle est très à l’aise), le dommage causé est moindre, mais le tort fait demeure.   Autrement, on pourrait excuser un vol fait à un riche sous le prétexte qu’il ne souffrira pas de ce qu’il a perdu.

 2017- Les causes du mépris. L’orgueil en est souvent une cause, dans la mesure où ceux qui se considèrent meilleurs que les autres sont prompts à exprimer le mépris qu’ils nourrissent envers les autres, s’ils pensent que cela ajoutera à leur propre gloire.  (Prov. V1, 2).  Mais une personne de cet acabit dédaignera même d’insulter ceux qu’elle méprise.  La folie (1621) est souvent une cause de mépris, car le fou parle sans avoir réfléchi, ou sans se soucier du tort que ses paroles peuvent causer (Prov. XX, 3).  En conséquence, ceux qui parlent de façon blessante à d’autres pour mettre les rieurs de leur côté, sans se soucier de l’irrespect qu’ils montrent, ne peuvent pas se justifier en déclarant que tout cela était pour rire.

 La colère est la cause habituelle des mépris verbaux. Car le coléreux cherche à montrer sa vengeance au grand jour. Et il n‘y a pas de moyens plus aisés, plus propres à cette fin que des paroles sarcastiques. D’où le danger des réprimandes acerbes faites par les supérieurs. Le sujet sera blessé par les mots durs qu’on lui aura appliqués, et le supérieur, dans sa rage, se portera facilement aux extrêmes. Il ira même jusqu’au péché mortel avec ses paroles inconsidérées (invectives), en raison des circonstances (le scandale donné).
 2018- Le devoir de supporter le mépris. Quant à la disposition interne, on devrait être prêt et consentant à souffrir du mépris sans répliquer, si la chose est nécessaire. Car le précepte de la patience requiert qu’on soit intérieurement prêt à tolérer les offenses, et à donner lieu à la colère, si les circonstances demandaient une telle retenue. Notre Seigneur a parlé en ce sens quand il a commandé de présenter l’autre joue à celui qui frappe (Matt.  5, 39). Et il a mis en pratique son enseignement à ne répliquant pas à l’insolence de ceux qui étaient implacables, et qui ne faisaient que lui mettre des bâtons dans les roues. Quant à la conduite externe, on devrait repousser les mépris quand il y a de bonnes et justes  raisons pour le faire. Voilà pourquoi notre Seigneur a protesté contre le coup illégal qui lui a été donné par un garde, que le juge aurait du réprimander (Jean 18, 23). Il a aussi réfuté ceux qui l’accusaient d’être un blasphémateur, un goinfre  un démoniaque, ou un factieux.  Mais si l’auto défense ne peut rien obtenir de bien, ou si elle entraînerait de plus grands maux, il est préférable de ne rien répondre. On devrait désirer posséder le droit à l’honneur et à une bonne renommée (la vertu et une vie digne) plutôt que posséder l’honneur lui-même et la réputation elle-même. Car la bonté est toujours une bénédiction, mais la prospérité est souvent une vraie infortune. Notre seigneur dit qu’être persécuté, méprisé et  calomnié range quelqu’un parmi les meilleurs hommes du passé (Matt. 5, 12).

 2019- La raison principale pour laquelle il faut résister aux paroles infamantes et à la détraction. Le bien de l’offenseur est une raison suffisante. Pour que son audace soit subjuguée, et qu’il soit détourné de ce genre d’offenses dans le futur. D’où les paroles des proverbes (26) : il faut répondre à un fou pour qu’il ne pense pas qu’il est sage. Le bien des autres est une autre raison. Pour qu’ils ne soient pas démoralisés par l’avilissement de ceux qui ont toujours été considérés  comme des exemples et des guides, si le silence apparait comme de la faiblesse ou un aveu de fautes. Voilà pourquoi saint Grégoire le Grand a enseigné qu’il fallait que les prédicateurs répondent aux détracteurs, de peur que la parole de Dieu ne porte pas de fruit. Le bien propre de quelqu’un est la troisième raison de répondre au mépris. Car jouir du respect et de l’estime d’autrui aide plusieurs personnes à agir comme il faut. Et la bonne réputation de quelqu’un retient plusieurs pécheurs dans la voie qui mène à l’enfer. C’est pourquoi l’Ecclésiastique (41, 15) avertit de prendre grand soin de son bon renom, et les proverbes placent la bonne renommée avant la santé (bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée).

 2020- Le devoir de celui qui réplique au mépris et à la détraction. L’esprit de la réponse devrait être celui de la charité, non celui de la vengeance, ou d’une anxiété inquiète ou exagérée au sujet de son honneur ou de sa réputation. Autrement, l’offensé devient semblable à l’offenseur (Prov. XX11, 23). Une personne pècherait même en gardant  le silence devant le mépris, si l’intention derrière cette non résistance était mauvaise (faire enrager davantage l’autre en ignorant son attaque). Le ton de la réponse devrait être modéré, et la réplique ne devrait pas aller au-delà des limites de la légitime défense (1833). Il est permis de nier l’accusation ou de répliquer en retournant l’accusation contre l’assaillant, ou de le poursuivre en cour pour libelle diffamatoire. Mais il n’est pas permis de le provoquer en duel, ou de répondre à des calomnies par des calomnies (1843).

 2021- Le devoir de faire restitution pour des mépris. Si le mépris n’est pas contraire à la justice commutative, il n’y a aucun devoir de restitution.  En conséquence, un déshonneur qui est purement négatif, comme le devoir de se découvrir quand on rencontre un membre du clergé, n’oblige pas quelqu’un à restituer.  Car l’omission est contraire à la vertu de respect, mais non à la justice distributive. Le cas serait différent, toutefois, si un déshonneur négatif était si cuisant qu’il équivaudrait à un irrespect positif.  Comme quand, à l’entrée d’un personnage distingué, tous se lèvent à l’exception d’un seul, qui demeure assis, et toise le nouvel arrivant.

 Si le mépris est contraire à la justice commutative, la restitution est due. Tous s’entendent à dire que le mépris viole la justice commutative quand il devient une diffamation, ou quand une insulte est commise en présence de spectateurs, dans le but de rendre le vilipendé  méprisable à leurs yeux. Mais il y a deux opinions au sujet du cas où le mépris n’est qu’une insulte présentée en l’absence de spectateurs, et dont le but est de faire apparaître la personne en question vile à ses propres yeux.

 2022-  Opinions sur le devoir de restitution pour l’insulte. Une opinion soutient qu’une offense a été faite, mais non un dommage, et qu’en conséquence, la satisfaction est due, mais non la restitution. Les tenants de cette opinion ajoutent que la satisfaction est pénale, et donc non obligatoire avant une sentence judiciaire.  Une autre opinion estime qu’un dommage et une offense ont été commis, puisque l’homme regarde une insulte, même faite en privé, comme une privation injuste d’un grand bien. Une satisfaction très humiliante, comme la demande de pardon à genoux, peut attendre, puisqu’elle est pénale, un ordre de l’autorité.  Mais les autres formes de réparation, comme une formulation de regret, ou une demande de pardon, devraient être faites sans ordre quelconque (Matt. V, 24).

 2023- Quelle sorte de réparation doit-on faire pour le mépris ? La règle, en général,  est en effet qu’on doit réparer le mépris en offrant la sorte de biens dont l’offensé a été privé. On répare donc le déshonneur par l’honneur, l’irrespect par le respect. La partie offensée devrait être mise au courant que la réparation a été faite, ou, au moins, qu’on lui a rendu des honneurs. Si le mépris a rendu quelqu’un responsable d’autres dommages qui s’ensuivirent (si quelqu’un avait prévu qu’un affront conduirait à des pertes d’argent, des inimitiés, des querelles, des versements de sang etc.) il a l’obligation, en plus, d’offrir une compensation pour ces pertes. En particulier, les marques d’honneur qui devraient être présentées, par mode d’expiation, sont des excuses publiques. Car elles constituent à la fois une satisfaction pour le tort causé, et une marque d’estime. Selon certains moralistes, il faut parfois faire davantage. Car si l’insulte était de taille, une simple demande de pardon peut n’être pas suffisante. D’un autre côté, il suffit de peu de chose quand l’insulte était sans malice. Plusieurs moralistes soutiennent que des excuses publiques respectueuses sont une réparation suffisante pour un mépris.  Parmi les formes bénignes de restitution pour déshonneur causé, on trouve des signes d’amitié, des salutations courtoises, des plaisanteries, une invitation à diner, un discours élogieux.

 2024- La façon de faire des excuses. Elles doivent être faites avec autant de formalités que celles qui ont accompagné l’insulte. En conséquence, si l’offense était publique, la reconnaissance de l’erreur devrait aussi être publique. Elles peuvent être faites personnellement ou par un intermédiaire. Si la personne coupable ne peut pas facilement apparaître devant la personne offensée, elle peut envoyer ses regrets par lettre, ou par courriel.
2025-  Puisque la gravité du mépris dépend de la relation entre les parties et de d’autres circonstances, des excuses ne sont pas toujours nécessaires.  Ainsi, si l’offenseur est un inférieur ou un égal, il faut, pour une insulte sérieuse, faire des excuses, au moins quand la partie offensée le demande.   Ainsi, la salutation cordiale d’un enfant n’est pas une expiation suffisante pour un vilain mot adressé à son père. Si un inférieur déshonore un supérieur par ignorance, il paye une amende en reconnaissant son ignorance, et en montrant du respect, comme a fait saint Paul (Actes XX111, 5).  Si l’offenseur est un supérieur, les excuses ne sont jamais nécessaires. Car, en s’abaissant, il pourrait perdre le prestige que comporte son office. Ainsi, si un père a utilisé des paroles dures envers son enfant, il ne serait pas convenable qu’il demande pardon à son enfant, mais il devrait montrer des marques de bonté capables de guérir la plaie.

 2026- La cessation de l’obligation de restitution. L’obligation de restitution pour un acte de mépris cesse dans certains cas (1797, 1798).  Ainsi, l’impossibilité excuse. Car quand on ne peut pas faire réparation sans raviver une vielle querelle qui avait été enterrée ou oubliée. L’oubli par la personne offensée excuse. La partie offensée pardonne la dette expressément quand il dit et montre qu’il ne désire pas recevoir des excuses. Il pardonne implicitement quand il riposte par une action tout aussi offensante, quand il se défend en rétorquant avec un mépris semblable, ou  quand il obtient satisfaction d’une cour de justice.
2027-  Le confesseur ne devrait pas imposer le devoir de faire des excuses dans certains cas. Ainsi, si le commandement de restituer devenait nuisible, on devrait l’omettre, comme quand un pénitent est de bonne foi et serait rendu de mauvaise foi par une admonition. Si ce commandement n’est pas nécessaire, on devrait l’omettre, comme quand le devoir de faire des excuses a cessé pour une raison ou pour une autre.  Dans le cas des enfants qui parlent ou agissent de façon irrespectueuse en présence de personnes âgées, n’attendez pas qu’ils fassent des excuses pour des choses insignifiantes. Mais, d’un autre côté, il peut souvent être conseillé d’exiger de ces enfants des excuses pour rudesse, pour les en guérir.

 2028- Diffamation. La diffamation est le salissage injuste de la réputation de quelqu’un par des mensonges. Elle est injuste, car elle n’a aucun motif raisonnable à présenter. La diffamation diffère d’une juste révélation des fautes d’autrui. Elle est une action de salir, de noircir, c’est-à-dire qu’elle est un enlèvement ou une diminution de la réputation. La diffamation ombrage ou obscurcit le brillant d’un bon renom. Elle est contre  la réputation, c’est-à-dire contre l’opinion favorable qu’a le public de la vertu,  du caractère ou des bonnes qualités d’un personnage.   Ainsi, c’est la diffamation qui dit qu’un tel est un ivrogne, ou qu’un professionnel est incompétent,  si personne ne les connait sous ce jour.  Si une personne n’a qu’une mauvaise réputation (un criminel  condamné à la prison; un flâneur qu’on a souvent vu ivre sur la rue; une commère qui lance des rumeurs scandaleuses) parler de ses défauts vrais et publics, ce  n’est pas de la diffamation. Ce n’est pas non plus une faute d’en parler s’il y a une raison qui le justifie (discuter d’un procès pour meurtre dont parlent les journaux, ou  raconter une anecdote qui ne fera de tort à personne).  Mais ceux qui, sans raison et en causant du tort, discutent des faiblesses connues de leurs voisins sont des pécheurs,  des commères, des colporteurs de ragots.  La diffamation est contre la réputation d’une personne, de quelqu’un qui possède des droits.   Celui qui est offensé par la diffamation peut être une personne naturelle (un être rationnel, enfant ou adulte, grand ou petit, riche ou pauvre) ou une personne morale (une société, un groupe, une collection d’individus doués de raison).  Il peut être vivant ou décédé, car la mort ne détruit pas l’âme, et n’enlève pas le droit à la réputation.  Elle est contre la réputation de quelqu’un, c’est-à-dire qu’elle est un péché d’injustice. Et quelqu’un ne peut pas être strictement injuste envers lui-même.  Mais l’auto diffamation peut être employée dans un sens plus large,  pour désigner un péché opposé à la charité (1575 et suiv.)

 Elle est accomplie par le moyen de mots, par communication orale ou son équivalent.  On peut donc diffamer par des mots prononcés par la bouche, par  le langage des sourds-muets,  par l’écrit, par un geste, par le silence, ou par un regard.  Elle est faite par des mots ou signes qui sont secrets, c’est-à-dire par des mots prononcés devant d’autres, mais en l’absence de la personne vitupérée, ou en son absence présumée.  Le diffamateur est comme un voleur qui désire faire du tort mais qui ne veut pas que la victime connaisse son nom.

 2029- Les différences entre diffamation et mépris. Elles diffèrent dans leurs buts, car le diffamateur désire blesser quelqu’un  dans sa réputation, tandis que le méprisant tend à blesser quelqu’un dans son honneur, à ses propres yeux ou aux yeux d’autrui. Elles diffèrent dans leur manière de procéder, car la diffamation opère dans le dos, l’injure en pleine face. Le diffamateur a du respect pour son ennemi car il craint de l’affronter, et a recours au travail de sape. Mais celui qui insulte, méprise son ennemi, et montre son mépris en l’insultant en pleine face.

 2030- Différentes formes d’offense à un bon renom. En raison de l’intention, l’offense est soit diffamatoire (comme dans des choses désobligeantes qui sont dites dans le dos de quelqu’un), ou soit méprisante (comme quand des choses désobligeantes sont dites à quelqu’un en sa présence, par manière d’insulte). En conséquence, il peut y avoir une offense à la réputation qui n’est pas un mépris, (la rumeur secrète que Pierre est un ivrogne). Et un mépris qui est injurieuse à une réputation (quand on appelle Pierre un ivrogne devant d’autres personnes qui croyaient qu’il était sobre). En raison du but, la diffamation est voulue explicitement ou implicitement. Dans le premier cas, le diffamateur se donne directement comme but de salir la réputation de son prochain; dans le second, il désire quelque chose qui n’est pas nécessaire, comme l’indulgence envers la négligence, la légèreté ou le bavardage, même si le salissage de la réputation est prévu. La diffamation explicite est régulièrement une offense mortelle; l’implicite une vénielle. Mais les degrés de culpabilité peuvent changer si l’un cause un dommage léger, et l’autre un grave. En raison de l’offense causée, la diffamation est une détraction ou une calomnie. La détractation noircit une réputation en révélant des fautes ou des défauts réels. La calomnie porte offense à la réputation par des racontars dénués de vérité. Une forme commune de calomnie est un mélange de vérités et de faussetés (quand un historien attribue à un vilain personnage, en plus de ses crimes réels, des fautes qu’il n’a pas commises; ou de demi-vérités qui ressemblent à des mensonges (quand un historien raconte que tel homme a tué tel homme, sans parler des causes qui le déterminèrent, comme une provocation, un défi, une erreur; ou quand un biographe s’étend sur les crimes de son héros, mais ne fait aucune mention de sa conversion). En raison des moyens utilisés, la diffamation est directe ou indirecte. La diffamation directe est plus ouverte et plus affirmative; l’indirecte est plutôt dissimulée ou négative. Il y a aussi la distinction entre la calomnie orale  et le libelle diffamatoire, qui est écrit ou imprimé. Le libelle est plus grave puisqu’il a une permanence que n’ont pas les paroles.

 2031- Exemples de diffamation indirecte. Une louange feinte est une forme subtile de diffamation, comme quand on dit d’une personne absente qu’elle n’a pas encore commis de meurtre, ou que, comme tout le monde, il a quelques bons points, car pour l’auditeur ces paroles véhiculent l’impression que celui l’interlocuteur n’a pas une haute impression de celui dont il parle.

 Le silence est parfois une forme voilée de diffamation.  Exemple.   Paul dit à Pierre que Luc est bon, et Pierre lui répond malicieusement : « Parlons d’autre chose. Il faut être charitable. »  Jacques dit devant ses invités que l’absent Marc est, au témoignage de Jean, un dépravé. Mais Jean, qui est présent, ne proteste pas.

Le persiflage  est diffamatoire, comme quand on dit que telle personne n’est pas aussi pieuse ou si fiable qu’elle le paraît; qu’il y a encore matière à progrès; ou qu’il est bien meilleur maintenant que dans le passé; ou qu’il y a deux côtés à une médaille; ou qu’il est bon, mais…   Le déni de bonnes qualités est diffamatoire quand il diminue l’estime qu’on porte à une personne.   Les bonnes qualités dont on parle ici sont celles qui distinguent ou recommandent quelqu’un, surtout des qualités morales (des habitus vertueux, des dispositions et des actions).  Ce sont aussi celles qui sont naturelles et internes (comme le savoir, la rapidité de pensée, l’expérience, la  force et la santé corporelle, et la beauté des femmes).  Ce sont, enfin, les biens naturels et externes (la richesse, la noblesse, des aides compétents,  ou d’excellentes marchandises).

 2032- Exemples de diffamation directe. Voici. Une interprétation sinistre.  Quand on affirme que les paroles ou les actes de quelqu’un qui étaient bons ou qui se prêtaient à une bonne interprétation,  étaient en fait dictés par la cupidité, l’ambition ou l’orgueil.   Une révélation injuste (détraction). Quand on révèle des fautes ou des crimes secrets. L’exagération. Quand on fait d’un péché véniel un péché mortel; d’une faute exceptionnelle ou non préméditée  un péché habituel et délibéré.  Ou quand on déforme un péché pour en faire un péché odieux. Ou quand on rend responsable tout un groupe des fautes commises par un seul.  Ceux qui ajoutent leur grain de sel  ou leurs commentaires  à une histoire diffamatoire, quand elle passe de bouche à oreille.  Comme le dit le proverbe : la rumeur s’accroit  en avançant.  La fausse  justification (calomnie) est la pire sorte de diffamation.  Innocent X1 a condamné la proposition voulant que, pour défendre son droit et son honneur, on  puisse, sans pécher sérieusement,  se servir d’une calomnie.  (Denzinger 1194).

 2033- On commet la diffamation directe par des mots ou par des insinuations.  Exemples de diffamation par insinuation.  Des expressions ambigües ou des déclarations à double sens qui suscitent la suspicion, ou qui font souvent plus d’offense que des accusations franches.  Ainsi, dire en riant ou avec un ton ironique qu’une certaine personne est humaine, ou large de vue, ou prudente peut correspondre à des volumes d’offenses, car ces mots peuvent être pris dans un mauvais sens.  Semblablement, des expressions comme : « si seulement je pouvais parler ! » peuvent entacher la réputation de quelqu’un.  Des exemples de diffamation par paroles claires et nettes sont toutes ces déclarations innombrables  qui, en termes généraux, ou en termes spécifiques, tendent à noircir le bon renom de quelqu’un.

 2034- La bonne renommée ou la réputation.  La bonne renommée ou la réputation est de plusieurs sortes.   En raison de l’objet, la bonne renommée est positive ou négative. Une négativement bonne réputation consiste dans l’absence d’opinion défavorable, tandis qu’une positivement bonne réputation est le jugement commun favorable à la valeur d’une personne.   En raison de sa relation  au caractère réel d’une personne,  elle est vraie ou fausse. Ainsi, quand quelqu’un est regardé par tous comme un homme honnête, sa réputation est vraie s’il est vraiment honnête; mais elle est fausse, quand il ne l’est pas.   En raison de son degré, elle est ordinaire ou extraordinaire.  Un bon renom ordinaire est ce dont tout le monde a besoin, et il consiste dans la croyance populaire que tel individu est fiable et compétent dans le domaine qui correspond à son devoir d’état.   La réputation extraordinaire est celle qui n’est pas nécessaire, comme la célébrité dont jouit un homme d’état, un orateur, un financier, un mathématicien, pour leur habilité inhabituelle ou leur capacité au-dessus de la moyenne.

 2035- Le droit à une bonne réputation. Ceux qui sont complètement inconnus (par leur identité et leur caractère) n’ont aucun droit à la réputation, puisque la réputation se rattache à ceux qu’on peut nommer et décrire.  Et, en conséquence, ce n’est pas une diffamation de dire d’un étranger qui passe dans la rue, à la noirceur, qu’il  a été un criminel.  Mais ce pourrait être un jugement téméraire.  Ceux qui sont connus par leur visage et par leur nom, mais qui n’ont pas encore montré ce qu’ils valaient,  ont un droit à une négativement bonne réputation, car on ne peut pas considérer qu’un homme est mauvais, tant que sa conduite n’a pas prêté flanc à un jugement défavorable (1727).  Ce n’est pas une diffamation de dire d’une famille inconnue qui vient de s’installer dans le voisinage que nous ne savons pas quelle sorte de gens ils sont. Mais c’est de la diffamation de dire qu’ils semblent indésirables.   Ceux qui sont connus à quelque par et qui ont déjà acquis un bon renom ont   droit à une réputation positivement bonne, si la réputation est vraie.  C’est un bien qu’ils ont chèrement  acquis.  Si elle est fausse, ils sont en possession d’un bien, et la possession par elle-même commande le respect.

 2036- La culpabilité de la détraction. La loi civile ne punit pas habituellement la médisance, si le médisant peut prouver que ses affirmations sont vraies.  Mais cela ne rend pas moralement bonne  une médisance véridique.   Dieu défend et punit des crimes, comme la fornication, sur lesquels la loi humaine ferme  parfois les yeux. La nocuité de la médisance (diffamation véridique) est publique et privée.  La diffamation cause un tort public.  La paix et l’ordre d’une communauté seraient sérieusement menacées s’il était permis d’attaquer les réputations  simplement parce qu’un individu se persuade qu’elles sont sans fondement.  La personne dont on médit serait entravée dans son travail officiel et ses relations sociales;  les innocents seraient noircis autant que les coupables; et les parents et les amis partageraient les souffrances des offensés.  La diffamation cause aussi un mal privé.   La paix et la sécurité d’un individu serait inutilement assaillies.  La réputation est profitable pour les choses temporelles et spirituelles. Et c’est donc de la cruauté de la voler à quelqu’un, quand il n’a rien fait pour en être privé, et qu’il ne fait de tort à personne.

 2037- Le droit à une vraie et à une fausse réputation.   Ainsi, le droit à une vraie réputation est un droit absolu et universel, qui ne cesse en aucune circonstance.  Car le droit et la justice exigent qu’on ne présente pas comme mauvais quelqu’un qui est vraiment bon.  Ce droit s’applique autant à la réputation ordinaire qu’extraordinaire.  Le droit à une fausse réputation est un droit relatif et limité, qui cesse quand le bien commun, sur lequel il repose, ne l’appuie  plus (quand il ne peut  plus être maintenu sans injustice). De plus, il n’y aucun droit à une réputation extraordinaire, si elle est fondée sur des fausses prémisses, car le bien commun ne requiert pas ce genre de droit.   Ainsi, ce n’est pas de la détraction de montrer que la renommée d’un homme influent n’est basée que sur de la publicité ou sur des slogans.

 2038- La culpabilité du commérage ou de la critique des défauts réels et connus.  Ce n’est pas une chose injuste en soi puisqu’elle ne détruit pas une réputation qui n’existe pas.  Elle est coupable, s’il n’y a rien qui la justifie, mais pas mortellement grave en elle-même,  car on ne fait pas de tort grave à une réputation déjà mauvaise.   Le péché commis est habituellement celui de paroles oiseuses, ou de manque de charité, à cause de la non édification donnée aux auditeurs, ou de la malice qui poussait la commère à parler, ou de la tristesse qu’éprouve la personne blessée.   Le commérage est une chose dangereuse, puisqu’il ouvre la voie à la détraction, comme la détraction prépare la voie à la calomnie.

 2039- Espèces morales de diffamation.   Les moralistes sont d’accord pour soutenir  qu’une diffamation mauvaise est un crime contre la justice et la charité.   Elle viole la justice, puisqu’elle porte atteinte à un droit qui n’est pas moins strict que celui de la propriété sur les biens de la fortune.  Elle viole la charité puisqu’elle est opposée à l’amitié et à l’amour du prochain.  Ils s’entendent aussi pour dire que d’autres espèces de péché peuvent s’ajouter à la diffamation (l’infidélité ou le blasphème).   Les moralistes ne s’entendent pas sur la question suivante : certaines formes de diffamation sont-elles des sous espèces distinctes, ou seulement des degrés d’une espèce plus basse ?  Il y en a qui soutiennent que la médisance et la calomnie sont des espèces distinctes, parce que la calomnie ajoute le mensonge à la diffamation.  D’autres disent que les détractions portant sur des péchés spécifiquement distincts sont des sortes distinctes de détraction (c’est une espèce de péché de dire de quelqu’un qu’il est un ivrogne, et une autre espèce de dire qu’il est un voleur; et la raison en est que la réputation de sobriété est une réputation différente de celle d’honnêteté.)  D’autre soutiennent que, étant contraire à la piété, la diffamation des parents est une forme spéciale de diffamation.   Il y a, au contraire, des moralistes qui rejettent toutes ces distinctions, et tiennent que la différence entre les diffamations est dans le plus ou le moins, puisqu’elles ont toutes la note caractéristique d’attaque à la réputation, laquelle n’est qu’un seul droit.   En conséquence, comme le vol d’une vache ou d’un chat ne sont que des formes plus ou moins grandes du même péché de vol, de la même façon la médisance et la calomnie ne seraient que des degrés plus ou moins grands du péché de diffamation (2012, 2013, 2115),

 2040- Les espèces de péché de diffamation. Comme l’espèce des péchés doit  être nommément déclarée en confession, la question de la distinction entre les diffamations a une importance pratique.   L’opinion commune à être observée à ce sujet est la suivante. Le pénitent est obligé, en règle générale, dans les matières sérieuses, de dire si la diffamation était une simple médisance ou une calomnie.  La raison pour cela, selon certains, est la différence spécifique entre ces deux péchés.  Selon d’autres, la raison en est que, sans cela, le confesseur ne peut pas savoir si le péché est véniel ou mortel, ou quelle restitution il doit imposer. Quand à la détraction qui porte sur les parents ou sur les supérieurs, il semble qu’il faille mentionner la qualité de la personne qu’on a calomniée ou détractée, s’il y a eu une incitation à l’irrespect et à la désobéissance.  Le pénitent n’est pas obligé de mentionner les péchés ou les défauts qu’il a attribués à la personne offensée.  Le confesseur  ne devrait pas non plus chercher à les connaître, à moins que la chose soit nécessaire pour déterminer la gravité du péché, ou la sorte de réparation à être imposée (2013),  De plus, des questions au sujet de ce qui a été dit pourraient facilement déboucher sur le dévoilement du nom de la personne diffamée. Le confessionnal serait ainsi tourné en un lieu de diffamation.

 2041- La multiplication numérique des diffamations.  Elles sont multipliées quand il y a plusieurs actes peccamineux  portant sur des objets différents.  Exemple.  Quand Pierre accuse faussement Paul, aujourd’hui,  d’être  un voleur, et Jacques, demain, il y a deux calomnies (209).  Les diffamations sont multipliées aussi quand il  y a plusieurs actes peccamineux pourtant sur le même objet.  Exemple.  Pierre accuse faussement Paul d’être un voleur, et répète la même chose le lendemain.  Il y a deux calomnies. Mais si Pierre commence son histoire aujourd’hui,  et ne la finit que le lendemain, il n’y a qu’une calomnie (214,215). Les diffamations sont aussi multipliées quand il y a un seul acte peccamineux portant sur plusieurs objets distincts. Par exemple.  Quand Pierre dit mensongèrement que les deux pires voleurs qu’il connait sont Paul et Luc, il y a deux péchés. Mais si Paul et Luc sont considérés comme une seule et même chose (la firme de Pierre et Luc), il n’y a qu’un seul péché. Il ferait une calomnie semblable s’il disait que Paul vient d’une famille déshonnête (216-219).  Si Pierre calomnie Paul devant dix personnes, il ne semble pas qu’il commette dix diffamations, mais dix scandales, puisque les dix forment un tout sur le plan de la réputation, mais sont des individus en ce qui concerne l’exemple. Si Pierre fait une calomnie en disant que Paul a violé les dix commandements, il peut y avoir dix calomnies, ou une seule, d’après l’intention et l’effet (217, 218).

 2042- L’espèce théologique de la diffamation.  De par sa nature, la diffamation est un péché mortel. Voilà  pourquoi l’Apôtre déclare (Rom 1, 29, 30), que les détracteurs sont détestés par Dieu.  En premier lieu, elle inflige une offense atroce au bien-être public, semant partout des haines, des dissensions et des désordres.  Tellement que les détracteurs sont appelés à juste titre une abomination pour l’humanité (Prov. XX1V, 9).  En raison de la petitesse de la matière ou de l’imperfection de l’acte, la diffamation peut n’être qu’un péché véniel.  La critique du prochain  est un vice si répandu que toute l’humanité (même les personnes pieuses)  serait plongée dans des péchés mortels continuels si ce n’était pas un fait  que les fautes en parole proviennent souvent de l’ignorance, de l’irréflexion, ou d’un emportement  (Jacq 111, 1 et suiv.); et que les choses dites font généralement peu de tort à la personne critiquée.

 2043- La gravité du tort fait par la diffamation est bien exprimée par saint Bernard quand il dit que la diffamation inflige d’un seul coup une blessure mortelle à la personne diffamée, sur le diffamateur lui-même, et sur l’auditeur.   Ainsi, on vole la personne diffamée, et de façon souvent irréparable, de son bon renom, une des possessions les plus précieuses. Celui qui est diffamé est privé de plusieurs opportunités spirituelles et temporelles, et il s’enlise  souvent jusqu’à la ruine sociale et morale, et même jusqu’au suicide.   L’Écriture dit que la langue du détracteur est effilée comme un rasoir.  Et il la compare à une flèche trempée dans du poison, et à un serpent venimeux.  Le diffamateur détruit son bon renom, au moins aux yeux de Dieu, car il salit son âme avec la faute, il se déshonore lui-même devant les autres.  Car c’est une chose bien connue que la diffamation est le vice de ceux qui se sentent inférieurs ou coupables. Et ce qui est le pire, c’est qu’on se repent rarement de ce péché, ou qu’on le répare peu souvent par la satisfaction.  Car le diffamateur est généralement trop fier, haineux, jaloux ou vindicatif pour reconnaître son erreur.  Ou il est tellement aveugle que la pensée du tort qu’il a causé et l’obligation qu’il a de satisfaire ne lui traversent même pas l’esprit.  L’auditeur est scandalisé et contaminé par ce qu’il entend, ses convictions sont ébranlées, son respect pour la vertu et la religion détruit. Tout l’incite donc à continuer dans la même ligne que le diffamateur.

 2044- Comparaison de la diffamation avec d’autres offenses commises envers le prochain.   La diffamation est moins grave que les offenses faites aux biens internes.  En conséquence, l’homicide et l’adultère, qui sont opposés aux biens du corps et de la vie, sont des péchés plus graves que la diffamation.  La diffamation est un péché moins grave que les offenses perpétrées avec mépris  contre les biens externes les plus élevés. Car,  étant secrète, la diffamation n’ajoute pas l’insulte à l’offense.   En conséquence, comme le cambriolage est plus offensif que le vol, de la même façon l’injure est plus offensante que la diffamation.  Le péché de diffamation est plus grave que celui de l’offense contre les biens externes inférieurs, comme les territoires ou l’argent.  Car la réputation et l’honneur se rapprochent des choses spirituelles en raison de leur relation à la vertu, tandis que la richesse est de l’ordre des choses corporelles.   Voilà pourquoi l’Écriture enseigne qu’un bon renom vaut mieux que ceinture dorée (Prov. XX11, 1), qu’il est plus durable que des milliers de précieux trésors (Eccl. XL1, 15).  2045- Il est à noter que la comparaison que nous faisons ici est basée sur la nature des péchés comparés, car, en raison des circonstances, l’ordre donné pourrait être inversé.  Exemple.  Une offense légère est moins sérieuse qu’une calomnie outrageuse; le vol de milliers de dollars est plus coupable que la circulation d’une histoire ridicule  qui fait du tort, mais seulement à un moindre degré, à la réputation de quelqu’un (220).

  2046- Règle pour déterminer la gravité de la diffamation.  La règle pour déterminer si la matière de la diffamation est sérieuse ou pas est la somme de dommage causé par la diffamation. Il faut donc considérer plusieurs facteurs.  Ainsi, le défaut (petitesse du corps, prodigalité)  imputé au prochain doit être considéré, car certains défauts sont moins disgracieux que d’autres (la petitesse d’esprit ou d’âme, l’avarice).  Et il est plus offensant de révéler un seul péché mortel qu’une centaine de péchés véniels.   On doit tenir compte de la personne qui est diffamée, car des défauts imputés qui ne font pas de tort à une personne peuvent en faire à une autre (l’accusation d’être un bon vivant peut être prise comme une louange par ceux qui aiment s’amuser, mais vue comme insultante par des personnes sérieuses et rangées). On doit regarder aussi le diffamateur.  Car on fait peu de cas des paroles de certains, et on attache beaucoup d’importance au moindre mot prononcé par d’autres.   En effet, une condamnation faite par telle personne équivaut à une louange. Enfin, il faut considérer la personne devant qui la diffamation est faite.  Car chacun sait qu’il est plus dommageable de parler en mal des autres devant certaines personnes que devant d’autres (1461, 1462).

 2047- Le tort fait par la révélation des défauts. Si les défauts sont des imperfections naturelles du corps ou de l’âme qui ne comportent aucune tache morale ou turpitude, et si la révélation qu’on en fait ne cause pas de tort (dire que telle personne est sourde, bossue, un mendiant, ou bouchée), il n’y là rien de sérieux ou de peccamineux, car aucun tort n’est causé.  Et ces défauts sont d’une nature telle qu’ils peuvent être connus par l’observation.  Mais si les défauts sont honteux ou causent du dommage, la diffamation est un péché grave (dire qu’une personne célèbre est illégitime, ou est un mulâtre, ou que son parent le plus proche est un criminel).  Si les défauts ont un lien avec une tache morale, mais n’y sont pas reliés nécessairement, ce n’est pas un péché grave de les révéler, (soupe au lait,  un paquet de nerf, fier, radin), on ne fait pas grand tort en en parlant.  Mais si les défauts mentionnés impliquent des fautes morales actuelles (dire qu’une personne a une maladie vénérienne de cause inconnue, ou qu’elle a le delirium tremens, le délire des grandeurs, ou est d’une nature passionnée), la révélation est diffamatoire, et plus ou moins coupable.  Si les défauts sont moraux, celui qui les révèle est coupable de péché de diffamation.  Mais  le mal fait par l’imputation d’une faute morale est plus grand dans certains cas, et plus petit dans d’autres.  Certains péchés sont rendus plus disgracieux par leur dégradation (les péchés de la chair,  224). Et selon ce point de vue, c’est un péché plus grand d’accuser quelqu’une de gloutonnerie ou dérèglement sexuel que d’orgueil.   Quelques péchés (la sollicitation, la sodomie) sont spécialement odieux aux yeux de la loi, et produisent une infamie légale, parce qu’ils font plus nocifs ou inspirent plus de dégoût.  (canons 2320, 2328, 2343, 2351,2356, 2357).

 Il y a aussi d’autres diffamations qui nuisent moins à la réputation, mais qui causent plus de dommage à la propriété matérielle (il est habituellement plus  nuisible à la carrière d’un homme d’affaire d’être accusé d’incompétence, de malhonnêteté, d’insouciance  que d’indifférence religieuses ou d’impureté).  Enfin, il y a des degrés dans la malice des mêmes sortes de péché (197), comme dans une pensée de colère, une parole coléreuse, et un geste inspiré par la colère; comme entre être pompette et ivre, un mensonge occasionnel ou habituel.

 2048- Est-ce un péché de raconter les fautes secrètes de quelqu’un, si, au même moment, on parle aussi de son repentir et de sa conversion?  Si l’infamie demeure en dépit d’un changement de vie pour le mieux (comme c’est généralement le cas),  le narrateur est coupable d’un péché de détraction.  Ainsi, c’est faire un grand tort à quelqu’un qui occupe une haute position de révéler qu’il était un ivrogne, mais qu’il a suivi une cure et a surmonté son vice.  Le même principe s’applique à ceux qui louent d’une main et détractent de l’autre (cette personne est très instruite mais très malhonnête).  Si l’infamie ne demeure pas parce que l’expiation a  été  si extraordinaire que les auditeurs n’attachent plus d’importance à la faute passée, le récit de cette faute n’est pas coupable de péché de diffamation.  Ainsi, ce n’est pas de la détraction de raconter qu’un saint a été si peiné par un mensonge qui lui a échappé  qu’il en a fait pénitence pendant toute sa vie.  Ou bien qu’une personne qui était tiède, chose assez commune, est devenue plus tard fervente à un suprême degré.  Mais la honte qui est attachée aux péchés rares ou charnels est rarement effacée par la mention du repentir, à moins que la personne dont on parle soit morte depuis longtemps, ou était de ceux dont on n’attendait pas grand-chose.

 2049- Le tort fait en raison de la personne diffamée. Des fautes sérieuses sont souvent attribuées à certaines personnes sans péché sérieux, parce que, en raison de la vie vécue par ces personnes, ou la notoriété qu’elles ont déjà obtenue, elles n’éprouvent aucun dommage quand leur  on impute des défauts de ce genre.
 Ainsi, si tout le monde sait qu’un tel  a pour compagnons des mordus des jeux de hasard, ou fréquente les membres de la pègre, il ne souffrira pas beaucoup si l’on révèle qu’il blasphème,  qu’il perd beaucoup d’argent à la loterie, ou qu’il boit sans retenue.  Et si on sait que quelqu’un a ces vices, il ne souffrira pas un grand tort si on ajoute d’autres détails,  comme qu’il a été arrêté pour tromperie et pour conduite en état d’ivresse.  Mais le cas est autre si on l’accuse de défauts différents de ceux qui sont connus (dire de quelqu’un, qui est connu pour être un menteur, qu’il est aussi un voleur), à moins que la personne dont on parle ait une si mauvaise réputation qu’aucun crime qu’on pourrait lui imputer ne peut la  salir davantage.    Des fautes légères ou des actes qui ne sont pas mauvais en eux-mêmes sont souvent matière à une grave diffamation  quand on les attribue à certaines personnes (quand nos attentes sont si hautes envers certaines  personnes que même des petits défauts sont des taches sérieuses à leur réputation).  Dire d’un laïc qu’il est un fieffé menteur ou qu’il a un faible pour  le sexe opposé pourrait n’être qu’un péché véniel, ou pas de péché du tout; mais la même assertion au sujet d’un évêque serait sérieusement diffamatoire. 2050-   La diffamation suppose que la partie qui a été offensée est en possession d’un bon renom.  Mais il est possible que le même individu qui jouit d’une bonne renommée, en un lieu et à un certain moment, soit mal vu à un autre endroit et à un autre moment.   Voilà pourquoi un nombre de cas spéciaux de diffamation se présentent à l’examen.

 Ainsi, il y a le cas d’une personne qui a un bon renom à un endroit et un mauvais,  ailleurs. C’est-à-dire qu’elle a perdu sa bonne renommée ailleurs du fait d’une sentence finale valide, d’une conviction et d’une confession faite dans un procès public (canon 2197).  Il y a le cas d’une personne qui a une bonne réputation à un endroit, mais qui en a une mauvaise ailleurs.  C’est-à-dire que son crime est connu d’un si grand nombre de personnes qu’il est moralement impossible de le garder secret ou de l’excuser.  Il y aussi le cas d’une personne qui a actuellement un bon nom, et qui avait autrefois une mauvaise réputation.  C’est-à-dire que son mauvais renom d’autrefois a été oublié ou effacé par plusieurs années de vie exemplaire.

 2051- Signification de : de mauvaise réputation en un certain endroit. La place dont on parle est soit une communauté fermée (un monastère, un collège, une famille), soit  une communauté ouverte (un village, un quartier, une paroisse, une ville).  La notoriété alléguée est soit universelle (connue par toute la communauté), ou générale (connue par la plus grande partie de la communauté), suffisante (connue par un si grand nombre que tous finalement seront mis au courant).  Un crime qui n’est connu que par un ou deux, ou par un petit groupe de chrétiens, n’est pas notoire.

 2052-  Le nombre de personnes requises pour qu’il y ait une notoriété suffisante.  Quelques moralistes avancent des chiffres.  Par exemple, dans une communauté fermée de trente ou de cent membres, un fait est notoire s’il est connu par sept ou quinze personnes.    Dans un quartier de quarante personnes, il est notoire s’il est connu par huit personnes de familles différentes.  Dans un village de mille personnes, il est notoire s’il est connu par vingt personnes qui habitent ici et là.  D’autres moralistes soutiennent qu’aucune règle invariable ne peut être avancée, mais que, dans chaque cas, la matière doit être déterminée par un jugement pondéré basé sur le caractère du crime, la qualité de la personne coupable, sur les personnes présentes à ce moment-là, ainsi que  l’importance de la ville.  Ainsi, si le crime a été commis à un endroit central à partir duquel les nouvelles se sont rapidement répandues, un petit nombre de spectateurs suffirait pour rendre notoire une action dans le territoire environnant.

 2053- La publicité d’une commission ou le rapport.   La perte d’une réputation se produit soit par la publicité donnée à un crime, ou par la publicité du rapport.   Ainsi, un crime a de la publicité au moment même où il est perpétré, quand il est fait dans un lieu public (sur la rue, dans une salle publique), ou dans un lieu public, mais devant un nombre considérable de personnes, ou quand ses indications ont été publicisées (par une confession, par le fait de garder une femme aux mœurs douteuses dans sa propre maison), ou quand il a été porté à la connaissance et au jugement du grand public (les actes d’un officiel, les paroles de celui qui présente une communication publique, les actions de quelqu’un dont il tire gloire).  Un crime a de la publicité dans le  rapport qu’on en fait, quand il est généralement connu, par ce qu’en raconte le peuple, ou par présomption ou suspicion.

 
 2054- Révélation au sujet d’une personne qui a une mauvaise réputation ailleurs.  Cette révélation n’est pas contraire à la justice commutative, selon l’opinion commune des moralistes, parce que la condamnation prive le criminel  de son droit à la réputation (en ce qui a trait à la matière où il est trouvé coupable) dans tous les endroits.  Et le public a souvent intérêt à connaître le nom de ceux qui ont été condamnés ailleurs.  On devrait faire une exception pour le cas où un procès se déroule secrètement, dans le but d’épargner la réputation du condamné, comme quand une corporation expulse un de ses membres après un interrogatoire et un vote défavorables (2957).  Cette révélation est contraire à la charité quand elle prive quelqu’un, sans raison, du bon renom qu’il possède, et qu’il n’aurait pas autrement perdu, car nous devrions aimer notre prochain comme nous-mêmes.  Exemple. Pierre a été emprisonné pendant un certain temps dans la ville de A, pour cause d’ivrognerie. Il va ensuite  s’installer dans la ville éloignée de B, et par sa bonne conduite, il s’est construit une bonne réputation.  Luc arrive de la ville A et malicieusement répand le fait que Pierre a déjà fait de la prison pour cause de boisson.  Luc manque sérieusement à la charité.

 2055- Révélation au sujet d’une personne qui a une mauvaise réputation ailleurs. Si la personne en question va bientôt perdre la réputation qu’elle a en cet endroit, on peut considérer les cas suivants.  Si la mauvaise réputation a été causée par la publicité donnée à une mauvaise action, la révélation n’est pas opposée à la justice commutative.  Car celui qui pèche publiquement renonce à son droit à la réputation auprès de tous ceux qui auront la connaissance de ses actions.  La révélation est contre la charité, néanmoins, s’il n’y a pas de raison suffisante pour la justifier.  Mais puisque la nouvelle serait communiquée  de toute façon par d’autres sources, il n’y a ni  dommage ni péché sérieux de commis par cette révélation.  Si la mauvaise réputation vient d’une rumeur publique injuste, la révélation est, selon certains moralistes, opposée à la justice commutative, puisque ce n’est rien d’autre qu’une continuation et une extension de l’offense première.   D’autres soutiennent que, à moins qu’on l’on sache que la rumeur est fausse, la révélation, dans ce cas, n’est pas injuste. Car, comme on le suppose, le révélateur n’était pas l’auteur de la rumeur; et ceux à qui il l’a communiquée l’auraient appris de toute façon  sans lui.  Bien entendu, si la personne au sujet de qui la révélation est faite souffre  un dommage considérable par la perte subite de son bon nom, la personne qui a fait sans nécessité cette révélation est coupable d’un crime sérieux. Et la rumeur ne devrait jamais être représentée  comme un fait avéré.

2056- Si la révélation est faite au sujet de quelqu’un qui a actuellement une mauvaise réputation, mais qui ne court aucun risque de perdre pour cela la bonne réputation dont il jouit ici, les opinions diffèrent au sujet de l’étendue de la faute. Quelques-uns tiennent que la révélation dans ce cas est un grand péché de charité. Car, dans une matière sérieuse, elle attriste quelqu’un et viole ainsi la règle d’or de faire aux autres ce que nous aimerions qu’ils nous fassent.  D’autres ajoutent que c’est aussi un péché grave contre la justice, si la personne diffamée tient grandement à sa réputation, parce qu’elle le prive sans raison d’un grand bien auquel il a droit.  D’autres soutiennent que cette révélation n’est pas un péché grave, ni contre la justice (puisque le droit de la communauté de connaître les crimes commis ailleurs l’emporte sur le droit d’un individu), ni contre la charité  (puisque la charité n’oblige pas à s’imposer de graves inconvénients).

 D’autres font la distinction entre des cas différents.  Ainsi, quelques-uns disent que si le crime en question est très nuisible au public (meurtre, trahison, le trafic des blanches, une impunité scandaleuse), l’opinion ci-dessous est vraie. Mais si elle n’est pas de ce caractère, (l’ivrognerie d’un particulier), les opinions ci-dessous sont vraies.  Quelques moralistes, distinguent dans le cas des fautes non pernicieuses,  entre celles qui sont notoires partout, du fait qu’elles ont été commises en public, et entre celles qui ne le sont qu’à cause de la rumeur.  Dans le premier cas, ils disent que la manifestation n’est pas injuste, car, quoique le bien public ne la réclame pas, la personne coupable a renoncé elle-même  à son droit en péchant en public.  Mais dans le dernier cas, elle peut facilement être injuste (voir le paragraphe précédent).  Le seul fait, cependant, qu’une faute qui ne représente aucune menace au bien-être public ait été commise en public ne semble pas être une raison suffisante pour sa divulgation (quand elle rend difficile à un homme de gagner sa vie  ou de  soutenir sa famille). Et nous pensons que quelqu’un qui parle de ce genre de faute sans nécessité, pèche contre la charité, s’il ne pèche pas contre la justice.  Et ce péché est mortel.

 2057- Notoriété dans une communauté close.   La notoriété dans une communauté close n’est pas une publicité absolue, et en conséquence, les conclusions déjà données sur la publicité absolue ne s’appliquent pas aux communautés closes.  Ainsi, si une faute est notoire dans une communauté fermée, les membres peuvent en parler entre eux, s’il y a une raison suffisante pour ce faire.   En conséquence, si la majorité des membres d’une maison religieuse sont au courant d’une faute qui a été commise là, cette faute  peut être communiquée, sous forme d’instruction ou d’avertissement,  à quelqu’un qui l’ignore.   Semblablement.  Les serviteurs dans une maison peuvent raconter aux autres domestiques les fautes que tous savent.   Si une faute est notoire dans une communauté close, mais pas à l’extérieur, les membres, en règle générale,  ne peuvent, sans commettre une injustice,  la divulguer   par la parole ou par l’écrit à ceux qui sont à l’extérieur.  Car, généralement parlant, il n’y a aucune raison, aucune nécessité, aucune utilité, capable de justifier  une telle révélation.   De plus, la communauté elle-même souffre dans sa réputation par de telles révélations.  Car les gens de l’extérieur auront l’impression que la communauté a des membres gangrenés, ou est laxiste, ou qu’elle manque d’unité.   Transporter des histoires d’un monastère à un autre (même du même ordre) est une forme de détraction, selon saint Alphonse.

 2058- Révélation au sujet d’une personne qui a une mauvaise réputation.  Quand la révélation se rapporte à quelqu’un qui avait dans le passé une mauvaise réputation, mais qui a un bon renom maintenant, ou parce que son crime a été oublié ou parce qu’il s’est réformé, on doit faire une distinction entre une notoriété juridique et une notoriété actuelle.  Si la mauvaise réputation était une notoriété juridique, sa révélation n’est pas injuste puisqu’une condamnation prononcée dans une cour de justice  donne le droit aux autres d’en faire connaître la sentence, n’importe où ou à n’importe lequel moment.  Mais il est plus probable que ce soit un péché mortel contre la charité, si elle est faite sans nécessité, puisqu’elle détruit la réputation d’une personne et de sa famille, qu’il avait recouvrée par des moyens honnêtes.  Elle l’a privé ainsi d’un bien qui lui était très utile, et qui ne nuisait  à personne.

 Si la perte antérieure de réputation n’est devenue notoire que maintenant, la révélation pèche contre la charité, selon l’avis de tous les moralistes, puisqu’elle n’observe pas la règle d’or de faire aux autres ce qu’on voudrait qu’ils nous fassent.   Plusieurs soutiennent qu’elle est aussi injuste, puisqu’un crime effacé est semblable à un crime occulté, que nul ne peut révéler sans injustice (2067).   De plus, la personne qui s’est construit une nouvelle réputation possède un droit sur elle,  et, par la révélation de l’ancienne réputation, ce droit est enfreint. D’autant plus que  son présent bon renom est perdu et ne sert plus à rien.  Il est à noter que le bien commun accepte  parfois des exceptions. Ainsi, il n’est pas défendu aux historiens de faire des révélations sur des évènements qui jettent une lumière nouvelle et défavorable sur la jeunesse ou l’enfance d’une personne décédée (2072).

 2059- Un cas où le nom de  la personne diffamée n’est pas donné.  S’il n’y a rien qui signale un individu, et si on ne donne aucune indication  sur le corps auquel il appartient, aucun  péché  n’est commis.  En conséquence, si quelqu’un dit : Une certaine personne que nous appellerons Pierre a volé une brebis,  sa déclaration ne comporte aucun péché, même si ce qu’il raconte est vrai. Semblablement, si quelqu’un dit que dans la ville où il vit il y a plusieurs criminels,  ou que parmi ses nombreux auditeurs, il y a en a qui vivent en état de péché mortel, il n’y a pas de diffamation.  Mais s’il y a quelque chose qui permet d’identifier l’individu dont on parle, ou si on nomme  au corps auquel il appartient, on commet un péché par ce renseignement.   En conséquence, si le récit de la brebis volée par Pierre comportait des détails qui permettaient facilement aux auditeurs de reconnaitre Pierre, ce récit porterait atteinte à la réputation de Pierre.   De plus, si quelqu’un déclare que dans une certaine cité, qu’il appelle par son nom, quatre-vingt-dix pour cent des gens mariés sont alcooliques, ou que la personne coupable d’un acte scandaleux est le membre d’un ordre religieux, un tort est causé directement à des individus, ou un dommage à des sociétés.  Il est vrai qu’une organisation n’est pas réellement discréditée par la mauvaise conduite de  l’un de ses membres.  Mais, pour le peuple, la disgrâce de l’un est souvent la disgrâce de tous.

 Diffamation d’une personne décédée ou morale (légale).  La diffamation de quelqu’un qui est mort récemment ou depuis longtemps, est peccamineuse par elle-même,  puisque les décédés peuvent laisser un souvenir glorieux ou honteux.  Et il est raisonnable qu’on désire que son nom soit respecté après sa mort, dans son propre intérêt et dans celui des autres.  D’où le dicton : des morts ne dire que du bien.  Mais, par accident, ce n’est pas un péché de faire des révélations sur les morts au nom de la  vérité historique (2072).  Diffamer un mort est un péché moins grand que diffamer un vivant, puisque le mort a moins besoin que l’autre  d’une bonne réputation.  Mais les circonstances peuvent être telles que celui qui porte atteinte à la réputation d’un mort cause un grand tort et commet un péché mortel.

 2060- La diffamation de personnes morales (légales) est aussi un péché en elle-même, car ces corps possèdent, comme les personnes naturelles, le droit à un bon renom. L’estime publique leur est vraiment nécessaire, et la loi leur donne la protection suffisante pour qu’ils en jouissent.  Ainsi, il est offensant de dire d’un certain ordre religieux, ou monastère ou diocèse qu’il  est relâché, ou que certaines corporations financières sont mal gérées.  Mais, par accident, ce n’est pas un péché de faire des révélations sur des organisations, quand on a des raisons suffisantes pour le faire.  Par exemple, si un parti politique tend des pièges aux citoyens, ou si un magasin pratique la fraude, le bien commun requiert de faire connaître les faits.   Ce n’est pas non plus un péché de mentionner des fautes ou des défauts qui sont connus de tous, par exemple, qu’un certain gouvernement est belliqueux, que telle personne est arriérée, qu’un certain groupe s’inspire de principes et de pratiques erronés (Tit 1, 12).
 2061- Le tort causé en raison de la personne du diffamateur.   Plus grande est son autorité, la personne du diffamateur augmente le tort causé. Une personne qui est censée être mieux informée (un témoin des évènements)  que les autres, ou qui a la réputation d’être véridique, fait plus de tort en diffamant que quelqu’un dont l’autorité est nulle.  La personne du diffamateur  cause moins de tort quand son autorité est faible.   En conséquence, ceux qui ont donné des rapports défavorables sur d’autres (comme peut-être, ce n’est pas impossible, il semblerait, mais je n’en ferais pas serment)  et ceux dont l’autorité est faible (les bavards, les étourdis, les envieux, les commères, les menteurs) font moins de mal que ceux qui jouissent de la confiance publique.  Le confesseur ne devrait pas laisser les diffamateurs s’en tirer aisément,  puisque beaucoup agissent selon l’adage voulant que si on jette suffisamment de boue, il y en aura toujours assez qui collera, quelle que folle que soit l’accusation. 2062- Une des formes les plus communes de la diffamation est la narration de seconde main d’un crime ou d’un défaut, comme quand le diffamateur introduit la remarque suivante ; on dit, on rapporte, j’ai oui dire etc. Ce mode de diffamation diminue le péché quand il affaiblit l’impact de l’histoire sur les auditeurs.   En conséquence, le dommage est moindre  si quelqu’un dit que la conversation de la ville porte sur le fait que Pierre est un alcoolique invétéré, et si les auditeurs n’y voient qu’une vague rumeur qui ne peut pas nommer sa source, ni être confirmée par aucun fait,  et qui est donc peut crédible.

 Le mode diffamatoire ne diminue pas le péché quand il n’affaiblit pas l’impression causée par le récit.  Au contraire, il augmente  le péché quand il ajoute du poids à l’histoire. En conséquence, si quelqu’un déclare que l’on dit que Pierre est un ivrogne invétéré, et si, d’après la formulation, les auditeurs en viennent à la conclusion que cette accusation procède de personnes crédibles, ou qu’elle est basée sur une connaissance publique, le tort causé est plus grand.    La justice est violée si la narration elle-même incite l’auditeur  à des pensées sinistres ou à des suspicions. Car, en ce cas, le narrateur cause du tort. La charité pourrait être la seule à être violée si ce n’est que le caractère des auditeurs (leurs esprits frivoles ou soupçonneux, ou leur propre culpabilité) qui engendre en eux cette mauvaise opinion,  Car, alors, le narrateur  n’est que l’occasion du tort (1447, 1464).

 2063- Le tort fait par les auditeurs.  La qualité des auditeurs fait une différence, puisqu’elle peut faire en sorte que la personne diffamée soit plus ou moins coupable par  elle-même (s’ils sont soupçonneux, crédules, coupables eux-mêmes, ou ont des préjugés, ils croiront plus facilement du mal des autres), ou aux yeux des autres ( si les auditeurs sont des colporteurs de ragots, ou des ennemis de la personne diffamée, ils répandront allègrement cette nouvelle).  La perte elle-même peut être plus grande ou plus petite selon le caractère ou la position de l’auditeur (la perte de la réputation d’un ami ou d’une personne vertueuse est ressentie plus fortement, la perte de la réputation des chefs d’entreprise ou des employeurs est des plus dommageable etc.)  La quantité des auditeurs fait aussi une différence, puisque, toutes choses étant égales par ailleurs égales, il est plus dommageable d’être déshonoré devant plusieurs que devant un seul. En conséquence, le fait que beaucoup de personnes soient présentes quand la diffamation est énoncée, est une circonstance aggravante du péché.   Les moralistes discutent entre eux pour savoir si cela multiplie les péchés numériquement, de sorte que l’on commette autant de péchés de diffamation qu’il y a de personnes qui l’ont entendue, ou qui en ont été marquées.  Ceux qui sont pour la multiplication des péchés mettent de l’avant que la personne diffamée a un droit distinct à sa réputation auprès de toutes les personnes présentes.  Ceux qui rejettent la multiplication des péchés affirment que le droit à la réputation est un seul et même objet, puisque la réputation est l’opinion des autres, qu’ils soient nombreux ou pas.   La dernière opinion semble plus commune, et sa portée pratique est à l’effet qu’un pénitent n’a pas à mentionner le nombre de personnes devant lesquelles il a diffamé son prochain (217).

 2064- La malice de  la diffamation est-elle aggravée par le fait que les auditeurs sont spéciaux, et pensent que le défaut mentionné est plus sérieux qu’il ne l’est en réalité ?  Si on ne considère que le tort causé à la réputation, il ne semble pas que la sévérité des auditeurs augmente la culpabilité de la diffamation, car on mesure le tort causé à la réputation par l’opinion commune, non par les idées particulières de certaines personnes.  Exemple.  Paul raconte que Pierre passe beaucoup de temps à raconter des anecdotes humoristiques et à lire des romans policiers. Le petit groupe de personnes auxquelles il parle sont de l’opinion qu’il s’agit là d’un des crimes les plus noirs.  Si nous tenons compte d’autres dommages causés, les idées particulières de l’auditeur peuvent ajouter de la culpabilité à la diffamation.  Ainsi, si une jeune personne à la conscience délicate sera scandalisée d’apprendre que Pierre joue aux cartes, et si des personnes âgées qui l’entendent seront amenées à rompre toute relation commerciale avec lui, les péchés de scandale et de dommage injuste s’ajoutent à celui de diffamation.  La diffamation détruit souvent dans l’auditeur toute foi dans l’humanité, ou toute croyance dans la religion.

 2065- La détraction à une personne discrète.  La détraction est-elle un péché mortel si la révélation d’un péché sérieux est faite sans raison suffisante, mais à une personne prudente et discrète, qui ne propagera pas l’information,  et qui ne sera pas influencée par elle ?  Si le but du narrateur est d’infliger une offense sérieuse à son prochain, il a commis un péché mortel, parce que la gravité du péché se mesure par la malice qui se trouve dans la volonté.  Si le but du narrateur n’est pas d’infliger une offense sérieuse, mais seulement de se livrer à sa démangeaison de parler,  la gravité du péché dépend du tort réel causé.  Car on veut indirectement le mal commis par une action, même si on ne le veut pas directement (102).   En conséquence, si e mal causé est réellement sérieux, le détracteur commet un péché mortel, à moins que ne l’en excusent l’imperfection de sa délibération ou de son consentement.  Quel mal est donc fait dans ce cas-là ? Il semble que la plupart des moralistes pensent qu’un grand tort a été causé, puisque la perte de son bon renom aux yeux d’un homme prudent est généralement plus pénible que ne serait la même perte aux yeux de gens irréfléchis.   Il y a, pourtant, des moralistes qui n’approuvent pas cette façon de voir, et qui soutiennent que le tort fait est minime.  Ils justifient cette opinion par l’idée que la perte de sa réputation aux yeux d’un homme prudent (exception faite pour le cas où il est la personne que l’on estime par-dessus tous les autres, ou quand le crime révélé est énorme ou avilissant) n’est pas un grand coup porté à une réputation, puisque la réputation consiste dans l’opinion d’un grand nombre de personnes, et puisqu’un homme prudent sera porté à aider plutôt qu’à mépriser une personne diffamée en sa présence.
 

 Les tenants de la première opinion invoquent  aussi  la ressemblance qu’elle a avec  la contumélie et le  jugement bâclé, parce que ces deux péchés sont graves,  même quand la perte de l’honneur et de la réputation ne touche  qu’une seule personne.  Mais d’autres rejettent la parité alléguée.  Car, alors que la contumélie implique le désir d’offenser quelqu’un, et que le jugement précipité et tendancieux comporte l’imputation à autrui d’un défaut dont il n’est pas coupable, ou dont il n’est pas considéré coupable, la détraction dont nous parlons actuellement n’a aucun désir d’offenser ou de calomnier quelqu’un.  Les deux opinions sont probables, mais la première semble plus commune et plus vraisemblable.

 2066- Faire en sorte que quelqu’un se déprécie lui-même. Il n’est pas impossible de faire en sorte que quelqu’un se déprécie lui-même.  Exemple. Lui faire croire qu’il est un bâtard, que les autres le méprisent, qu’il a peu de talent ou qu’il a un caractère impossible.  Est-ce de la diffamation ?  Est-ce un péché ?  Rabaisser quelqu’un à ses propres yeux n’est pas une diffamation au sens strict, puisque la diffamation est de par sa nature une offense à la réputation qu’il a auprès des autres, ou le public,  non à l’opinion que quelqu’un a de lui-même.   Ce péché appartient plutôt à la dérision (2106). Rabaisser l’opinion que quelqu’un a de lui-même est coupable ou non coupable, dépendant du but poursuivi ou des moyens employés.   Ainsi, si un parent qui désire rabattre l’orgueil ou la présomption de son fils, lui fait un fidèle récit de ses manquements et de ses limites, il fait un acte de correction vertueuse.  Mais si un envieux qui désire induire un sens d’infériorité chez quelqu’un, le prive de la paix de l’esprit à laquelle il a droit, et d’une confiance raisonnable en lui-même, il viole la charité et la justice, et il a le devoir de restituer.

 2067- Révéler des matières dommageables à un tiers.   Dans quels cas est-il permis de révéler des matières qui seront nuisibles à un tiers ?  Si la communication est fausse, ce n’est jamais permis, quelle qu’importante que soit la raison.  Car la fin ne justifie pas les moyens. C’est donc un péché de recourir à la calomnie pour défendre sa propre réputation ou sa dignité (2035, 2036).  Si la communication est véridique, et si la chose est bien connue par les personnes auxquelles il s’adresse, il n’y a pas de diffamation, à moins que cette révélation n’ait l’effet de convaincre ceux qui doutaient ou étaient incertains, ou leur révèle un détail important qu’ils ignoraient.  Si la communication est véridique, mais les défauts sont secrets et inconnus aux personnes auxquelles on les révèle, il y a une diffamation, à moins que la personne dont on révèle les secrets n’ait perdu son droit à un bon renom, à cause du droit d’une autre personne qui a préséance, et qui ne peut pas être autrement sauvegardé (2035). Dans ce dernier cas, il n’y a aucune obligation de garder le silence, ni pour raison de justice (puisque le droit inférieur doit passer après le droit supérieur),  ni pour raison de charité (puisque cette vertu n’oblige pas au prix d’un grand inconvénient).   Ainsi, notre Seigneur a fait connaître aux apôtres que les Pharisiens étaient des hypocrites (Luc, XX1;  Matt. V11, 6).  Et saint Paul a dit à Timothée qu’Alexandre et Hymeneus n’avaient ni foi ni bonne conscience (1 Tim 1, 20).

 2068- Les droits qui passent avant  une fausse réputation.   Il faut préférer le bien public à une fausse réputation, car le bien-être public est la base du droit à une telle réputation, l’individu étant indigne de la réputation dont il jouit (2037).  Il est donc permis de dénoncer auprès des autorités légitimes  les criminels ou les conspirateurs, ou de témoigner contre eux.  Les employeurs  ont le droit de discuter entre eux des manquements et des imperfections de leurs employés qui font tort à leur entreprise.   Les sujets devraient manifester les abus sur lesquels on les questionne lors d’une visite canonique;  les étudiants dans un collège devraient donner des informations sur leurs condisciples  qui pervertissent les mœurs de l’institution, ou exercent une mauvaise influence sur les autres.

On peut préférer  le bien privé de parties innocentes à la réputation de quelqu’un qui jouit d’une fausse réputation.  On peut, pour sa propre défense,  révéler des défauts secrets.  Exemple.  Une personne dont on attaque injustement la vie, l’honneur, la  propriété peut révéler les péchés d’un coupable pour affaiblir la crédibilité des accusateurs.  Quelqu’un qui a été offensé par son supérieur peut en parler à un ami  pour obtenir du réconfort;  ou a un confesseur, à un avocat ou à un thérapeute pour être conseillé et secouru.  On peut aussi, pour protéger les autres,  révéler des défauts secrets.  Exemple.  On peut mettre en garde des personnes candides contre les séducteurs,  les imposteurs, les arnaqueurs.  On doit révéler les empêchements de mariage; ou avertir une jeune femme que l’homme avec lequel elle est engagée est un criminel ,  un cancéreux, ou un séropositif. On devrait révéler le nom du véritable auteur d’un crime pour lequel un innocent souffrira. On devrait dire la vérité à des enquêteurs au sujet de serviteurs ou d’autres employés.  On peut aussi préférer le plus grand bien de la personne, dont les fautes sont révélées, au bien moins grand de sa fausse réputation.  Car c’est dans son intérêt que le bien plus élevé soit promu, au détriment d’un bien inférieur.  Il est permis de parler aux parents des bévues de leurs enfants (que leur fille est engagée dans une liaison scandaleuse), en vue de leur correction; ou de parler à des personnes  de l’inconduite de leurs  amis qui n’en font qu’à leur tête, pour qu’ils prient pour leur conversion.

2069-  Une attaque illégale contre une fausse réputation.  Si la fausse réputation d’un autre n’est pas la cause injuste d’une perte redoutée, il n’est pas permis de le dépouiller de son bon renom.  Exemples. Il n’est pas permis d’accuser quelqu’un qui est sur le point d’être promu à un poste dont il est digne, si le motif de l’accusation est de s’approprier cet honneur pour soi-même ou pour un autre.   Ce serait encourager les ambitieux à pratiquer l’espionnage, la fabrication de preuves,  etc.  Et la paix publique serait mise en danger. Il n’est pas permis d’accuser quelqu’un qui ne fait de tort à personne, si le motif de l’accusation est de détourner l’attention de soi-même, et de démontrer, par cette comparaison, sa propre excellence.

2070- Les conditions qui justifient la révélation des défauts des autres. En révélant des défauts à cause d’un bien nécessaire, on doit observer les conditions d’un acte à double effet (103)  Ainsi, l’action ne doit pas être mauvaise en elle-même.  Et en conséquence, on ne peut pas rompre le sceau du secret auquel on est lié, ni faire usage de connaissances injustement acquises, ni faire des révélations à plus de personnes que le cas ne le demande, ni faire de révélation si un avertissement à l’offenseur suffira (1286).  Il faut se donner pour but le bon résultat, et ne faire que  permettre  le mauvais résultat de la perte de réputation.  Ceux qui assignent de pieux motifs  (la pitié, le zèle, la sincérité) à des paroles contre le prochain, mais qui sont en fait motivés par la haine, la vengeance, l’ambition, pèchent en raison de leur mauvaise intention.  Une forme hypocrite de diffamation est pratiquée par certaines personnes extérieurement dévotes qui, sous le prétexte de demander des prières pour la conversion de quelqu’un, répandent des racontars sur le compte  de personnes qu’elles n’aiment pas,    La raison pour permettre un mal doit être suffisamment importante.  En conséquence, le bon résultat escompté doit en être un que la révélation a de bonnes chances de produire.  Et il doit être d’une certaine importance, car il serait cruel de fouler aux pieds le bon renom de quelqu’un pour la seule possibilité qu’un bien considérable en sortirait; ou avec la certitude qu’un léger bénéfice sera obtenu.  Il semble, cependant, que le bien escompté doive être d’une valeur égale au bien d’une réputation, puisque l’innocent et le coupable ne sont pas sur un pied d’égalité.  Et, de plus, tous admettent, par exemple, que la réputation d’un employé qui vole son employeur ne doit pas être préférée aux biens de l’employeur.   Dans le doute au sujet de la gravité du mal qui en résultera,  il faut favoriser l’innocent.

2071- Révélations au sujet d’officiers publics ou de candidats à des postes publics. Elles sont légales quand le bien public les réclame (quand quelqu’un a eu recours à des pratiques corrompues pour être élu, ou quand il est incompétent, ou quand il a été coupable de méfaits dans son travail, ou quand les conditions du paragraphe précédent sont observées).  Ces révélations sont illégales quand le bien public en souffre (quand la sécurité, la dignité de la société elle-même seraient mises en danger  par des attaques sur le chef du gouvernement), ou quand les conditions requises ne sont pas présentes, (quand on fait des attaques ad hominem à un politique, ou quand on fait des révélations par partisannerie ou  parti prix).  La loi permet des commentaires honnêtes sur les paroles ou les actes des hommes publics, mais elle permet aussi  un recours en justice pour des critiques qui comportent un dénigrement inique du caractère d’un politique, ou des accusations injustes.

2072- Les révélations au sujet de personnages historiques.  Ces révélations ne sont pas permises, à moins qu’il n’y ait des raisons proportionnelles qui les justifient.  Pour les historiens, il y a suffisamment de raisons pour raconter impartialement les crimes et les vertus de ceux qui figurent dans leurs pages. Voici quelles sont ces raisons.  La nature de l’histoire comme un rappel des faits et des causes (« la première loi de l’histoire est de ne pas oser dire des mensonges, et de ne pas craindre de dire tout ce qui est vrai » Léon X111);  les droits des personnes dont on raconte la vie dans ces annales (il est souvent impossible de comprendre les actions de quelqu’un ou de  lui rendre justice à moins de révéler le crime secret d’un autre) ; les droits des lecteurs (le lecteur a le droit de savoir que les persécuteurs de la religion ont été mauvais dans leur vie privée). L’historien peut donc chercher des documents qui rapportent les vies et les actions de personnages historiques du passé.  Il peut recueillir des renseignements semblables au sujet d’évènements actuels.  Il peut raconter les défauts ou les manquements du passé qui étaient inconnus ou qui avaient été oubliés.  Mais les informations d’un caractère purement privé qui n’ont pas eu d’impact sur les évènements publics, n’appartiennent pas, selon certains moralistes, au domaine légitime de l’historien.   Car autrement, il y aurait une fin aux droits des défunts  à leur réputation.   De plus, il y a le risque de calomnie et de violation de la justice élémentaire, puisque l’historien est un juge auto proclamé, et que la personne accusée ne peut pas se défendre.   Ces révélations historiques  ne sont pas légales, à moins que les conditions mentionnées en 2070 ne soient observées.   Ainsi, un historien ne devrait pas révéler des défauts qu’une personne défunte lui avait racontés sous le sceau de la confidentialité.  Il ne devrait pas non plus se laisser emporter par ses sympathies ou ses antipathies dans le rendu de ses jugements.  Il ne devrait pas publier ce qui est de nature à faire plus de tort que de bien, comme des faits de la vie de personnes récemment décédées, dont la révélation ferait du tort à des personnes encore en vie.  2073- Il n’est pas toujours facile de prévoir qu’un plus grand mal s’ensuivra, si la personne dont l’honneur est entaché est grandement estimée à cause du prestige de sa fonction ou de ses grands exploits. Cela dépendra, en grande partie, des circonstances et de la façon dont l’auteur traitera son sujet.   Ainsi, en soi et de par la nature des choses, ne cause pas de grand dommage le fait de dire la vérité sur les imperfections des grands hommes, car seuls le préjugé, l’erreur ou le mal ont raison de redouter la vérité.  Les Écritures inspirées elles-mêmes racontent franchement les manquements publics des personnages qui occupaient des positions civiles ou religieuses élevées.  Par exemple, l’hésitation de Moïse, l’infidélité d’Aaron, la faute du roi David, la désobéissance du prophète Jonas, les reniements de Pierre, les doutes de Thomas, la trahison de Judas.  Ces histoires ne sont pas nocives, mais contiennent, au contraire, des leçons utiles pouvant servir à l’instruction, à l’avertissement et à la direction d’autrui..

Par accident, à cause de conditions spéciales, il peut y avoir plus de désavantage que d’avantage à écrire sur les fautes des grands (1001).  Ainsi, la classe de personnes pour laquelle quelqu’un écrit peut manquer de maturité (un manuel d’histoire pour enfants ferait scandale s’il parlait ouvertement des crimes sexuels); les conditions du temps peuvent être peu favorables (une nouvelle production historique pourrait  faire tort à une classe de personnes à un moment où elle est dénigrée); l’effet total d’un libre peut être mauvais (les chroniques de scandales, les biographies historiques,  les pièces ou les romans écrits pour séduire). La classe d’écrivains modernes connus comme des démystificateurs, dont le but est de détruire tout culte de héros, offensent la vérité et l’idéal en n’ayant d’yeux que pour le mal.  Tandis que les historiens soi disant psychologiques sont souvent subjectifs et immoraux.

2074- Révélations sur des personnes qui figurent à la une des journaux.  Si les matières révélées sont de caractère public, la légalité ou l’illégalité de la révélation dépendra des raisons qui poussent à parler, et de la façon dont la chose est présentée.  En discutant des affaires publiques, les journalistes ont le droit d’attirer l’attention sur les fautes et les manquements des hommes publics, puisque la liberté de la presse protège la liberté et le progrès.  Et ceux qui optent pour la vie publique acceptent implicitement  qu’on critique leur conduite en commentant les nouvelles du jour.  Un journal a le droit de parler de meurtres, de vols et d’autres crimes publics qui ont été commis,  puisque le bien commun requiert que les auteurs des offenses publiques soient connus pour ce qu’ils sont.   Mais si cette sorte de nouvelles rend un mauvais service à l’ordre, à la paix et à  la dignité d’un pays, ou si la nouvelle a été obtenue par des moyens injustes ou déshonnêtes,  ou si le motif n’est que de piquer la curiosité, pour satisfaire ses préventions, ou pour faire de l’argent, les gestionnaires du journal sont moralement coupables, même s’il est dans son droit, selon la loi civile.   Les journaux jaunes et les tabloïdes sont répréhensibles parce qu’ils sont une offense à l’esprit et aux mœurs de leurs lecteurs, en raison de l’importance excessive accordée aux crimes, et au sensationnalisme.  Si les matières révélées sont de nature privée, la moralité de la révélation doit être jugée par les principes donnés en 2067 et suivants.  Ce serait une chose mauvaise de prendre l’habitude d’épier la vie et les affaires privées même des personnes publiques simplement pour pimenter l’information.  Mais si le public ou une personne privée ont intérêt à connaître une nouvelle, et si les autres conditions sont observées (2070) on peut même révéler des défauts privés qui sont réels et certains.

2075- L’injustice dans les critiques professionnelles.  Une injustice est causée par les critiques professionnels (de livres, de pièces de théâtre, de musique) envers ceux qui se fient à leur opinion, s’ils se sont engagés à  porter un jugement objectif et non biaisé, et s’ils ne respectent pas leur engagement. C’est le lecteur qui en souffre (1793). Même s’il ne s’est engagé à rien,  le critique est quand même fautif  de tromperie et de manque de charité, s’il remplit son devoir avec insouciance, en faisant des éloges à tort et à travers.    Le critique commet une injuste envers l’auteur qu’il analyse s’il sous évalue à dessein son œuvre (parce qu’il en est jaloux, ou parce qu’il est d’une humeur massacrante, ou bien parce qu’il s’est laissé acheter) ou s’il fait l’éloge d’un raté pour rabaisser un écrivain reconnu.  Une critique malveillante peut, par un trait de plume, ruiner le travail de plusieurs années.  Et l’ignorance n’excuse pas ces censeurs qui  pratiquent d’injustes dénonciations (905).

2076- La coopération dans la diffamation.  Non seulement le diffamateur pèche, mais aussi ceux qui coopèrent avec lui.   Parmi les coopérateurs de la diffamation il y a ceux qui donnent l’ordre de diffamer, et ceux qui montrent comment faire; ceux qui protègent les diffamateurs, et ceux qui participent à la diffamation, en tournant la conversation vers un certain objet, ou en s’unissant aux critiques.  La forme la plus ordinaire de participation à une diffamation est celle de l’auditeur, car personne ne peut réussir sa diffamation à moins d’avoir des auditeurs réceptifs.   Ceux qui écoutent une détraction, en donnant leur consentement à ce qui est dit, participent à la faute de la détraction.  Cela se produit de la façon suivante.  L’auditeur consent directement à la diffamation quand il provoque l’orateur  (en disant : parle-nous de telle ou de telle chose !), en louant hypocritement une personne absente pour rabaisser quelqu’un; en applaudissant, en félicitant, en riant, en montrant de grandes marques d’amitié à ceux qui leur apportent des nouvelles contre les autres, ou de la froideur envers ceux qui ne se prêtent pas à ce jeu; ou quand il se réjouit intérieurement des diffamations qu’il entend, parce qu’il hait le diffamé.   L’auditeur consent indirectement à la diffamation quand il ne provoque pas le narrateur, ou n’approuve  pas ce qu’il dit, mais ne fait rien pour arrêter la diffamation ou pour protéger les autres contre elle, quand il pouvait ou devait faire l’une de ces deux choses.

2077- La culpabilité du consentement direct à la diffamation. L’auditeur qui consent directement participe à la faute du diffamateur, selon les paroles de saint Paul.  Ceux qui font ce genre de chose (les détracteurs) sont dignes de mort, et non seulement ceux qui le font mais aussi ceux qui consentent à ce qu’ils font (Rom 1, 32).  En effet, saint Bernard dit qu’il n’est pas facile de dire ce qui mérite le plus la condamnation, de diffamer ou d’écouter la diffamation. Mais nous pouvons faire la distinction suivante. Celui qui provoque le diffamateur est plus coupable que le diffamateur lui-même.  L’auditeur pèche contre  le détracteur qu’il scandalise en l’induisant au péché, et envers le diffamé qu’il dépouille de son bon renom.  Ainsi, il est à la fois non charitable envers le détracteur, et injuste envers le diffamé.  C’est lui  qui est la cause qui déclenche tout le tort commis (2065).

Celui qui écoute volontiers le diffamateur peut être plus coupable en son for intérieur que le diffamateur, puisque sa haine du prochain et son amour de l’injustice peuvent être plus intenses.   Mais, extérieurement, son péché est moindre, puisque, comme on le suppose, il n’est pas obligé de résister à la diffamation, et qu’il ne donne aucun signe de coopération à l’injustice externe.   Il pèche contre la justice affectivement (en désir), mais non effectivement (en parole ou en acte).

 2078-   Les personnes qui écoutent par curiosité.   Que penser des auditeurs qui écoutent volontiers les paroles diffamatoires, non parce qu’ils approuvent le tort ou le mal qui est commis, mais parce qu’ils sont curieux  de nature, ou parce qu’ils trouvent l’orateur intéressant ?   Si ces auditeurs pouvaient ou devaient mettre fin à  la diffamation, ils consentent indirectement par leur silence, et sont ainsi coupables (2079).   Si ces auditeurs ne sont ni capables ni tenus d’arrêter la diffamation, quelques moralistes voudraient quand même les rendre coupables de péché grave, puisqu’ils désirent écouter quelque chose seulement pour le plaisir qu’ils peuvent en tirer, sachant très bien qu’ils ne peuvent obtenir cette connaissance qu’au prix de la bonne réputation qu’ils ont de leur prochain.  Mais l’avis général est que, dans ce cas, il n’y a pas de péché grave, car l’auditeur n’approuve pas le mal moral (il ne s’intéresse que dans le langage gracieux, éloquent et spirituel de l’orateur, ou à l’étrangeté de la chose racontée,  ou il est à l’affut des nouvelles les plus récentes, 234).   Et ce qu’il entend ne cause pas, chez lui,  l’avilissement de son prochain.  Mais on suppose ici que l’auditeur n’encourage la diffamation en aucune façon, et qu’il n’est pas tenu d’y mettre fin. La curiosité au sujet de choses qui ne nous concernent pas est, cependant, un péché véniel.

 2079- La culpabilité d’un consentement indirect à la diffamation. L’auditeur qui consent indirectement à la diffamation en ne l’empêchant pas comme il le devrait, est aussi coupable de péché, et dans l’Écriture, sa conduite est fortement condamnée : N’aie rien à voir avec les détracteurs ! (Prov. XX1V, 21);  Bouche tes oreilles avec des épines pour ne pas entendre une mauvaise langue (Eccl. XXV111, 28).  On admet communément que l’auditeur en question pèche deux fois contre la charité, et gravement,  si la diffamation est sérieusement dommageable.   Car il  pèche contre le détracteur en refusant de lui donner une correction fraternelle (1258);  et il pèche aussi envers le diffamé en refusant d’élever sa voix en défense d’un absent qui ne peut pas se défendre lui-même.  Il est aussi communément admis que, si l’écouteur est le supérieur ou le diffamateur de la personne absente, il pèche plus gravement, puisqu’il est tout particulièrement obligé de corriger un sujet qui médit en sa présence, ou de défendre son sujet absent diffamé.    Si l’auditeur est une personne privée, non responsable de la réputation de la personne diffamée, il ne pèche pas contre la justice par son consentement indirect à la diffamation.   En fait, les inférieurs ou les égaux d’un diffamé  pèchent  rarement gravement en négligeant de s’opposer à des  remarques diffamatoires.

2080- La faute d’un supérieur qui consent à la diffamation.   Un supérieur qui consent indirectement à la diffamation d’un non sujet par un sujet se rend-il par là coupable d’injustice ?  En ce qui a trait à l’offense spirituelle, (la culpabilité du péché encouru par le diffamateur), le supérieur est coupable d’injustice envers son sujet, si en vertu d’un contrat ou de sa charge, il est tenu de corriger les fautes, et néglige de le faire.

 Ainsi, un évêque a l’appui de son peuple, et il y a entre l’évêque et son peuple une entente implicite qu’il les dirigera dans les choses spirituelles, et qu’il réprouvera leurs fautes. En conséquence, il semble qu’un directeur spirituel est injuste s’il manque à son devoir de corriger un subordonné qui lui rapporte des récits diffamatoires.   En ce qui a trait à l’offense temporaire, (le tort à la réputation causé par une personne malicieuse, tout dépend de si le supérieur est tenu par son poste ou par contrat de prévenir des offenses faites à des non sujets par ses sujets. Si le supérieur exerce son autorité dans l’ordre temporel, et s’est engagé envers ceux qui ne sont pas ses  sujets à les protéger contre des diffamations provenant de ses sujets, il est tenu en justice d’honorer sa promesse. Mais l’opinion commune est à l’effet qu’un supérieur religieux n’est pas responsable, de par sa charge, de la réputation ou du bien-être temporel de ceux qui ne sont pas ses sujets.

 2081- Un supérieur qui consent indirectement à la diffamation d’un sujet se rend-il coupable d’injustice ? S’il le supérieur a autorité dans l’ordre temporel, il se rend injuste par son inaction, pour autant que la loi, la coutume et une entente le contraignent à prévenir la diffamation d’un sujet.  Ainsi, un gardien qui est chargé du soin de la réputation de son pupille, doit faire effort pour qu’il ne soit pas diffamé.  Si le supérieur a autorité dans l’ordre spirituel, quelques moralistes pensent qu’il pèche contre la justice par  son inaction, puisque la réputation est étroitement liée aux biens spirituels, qui sont nécessaires pour l’influence morale qu’ils ont  sur les autres, et qui sont aussi utiles pour la persévérance personnelle dans la vertu. Mais d’autres, -et il semble que ce soit le plus  grand nombre, sont d’un avis contraire : ils soutiennent que la relation entre la réputation et les biens spirituels n’est qu’accidentelle.

 2082- Les circonstances qui diminuent la faute d’un consentement indirect.  Le consentement indirect à la diffamation n’est souvent qu’un péché véniel. Ainsi, en raison de la légèreté de la matière, comme quand le diffamateur ne mentionne que des défauts anodins; en raison d’une réflexion insuffisante, comme quand l’auditeur est distrait, et ne réalise pas clairement la gravité de ce qu’il entend; en raison d’un consentement insuffisant, comme quand la faute qu’il a commise, en ne faisant pas taire le diffamateur, ou en ne protestant pas contre la diffamation, était due à la nonchalance, à la gêne ou à la crainte, à tout le  moins quand la diffamation n’est pas extrêmement dommageable à la réputation ou à un autre bien, ni sérieusement diffamante.

 2083- L’inaction en face de la diffamation. Il arrive souvent que l’inaction en face de la diffamation d’une tierce personne ne soit pas du tout un péché.  Ainsi, il n’y a pas de péché quand quelqu’un est incapable d’agir (quand un discours infamant est prononcé par une personne en autorité qui ne souffrira aucune interruption); quand aucune action ne peut obtenir un succès quelconque; quand une contestation provoquerait une pire diffamation; quand l’auditeur ne peut pas trouver les mots qu’il faut pour réfuter. Les scrupuleux ne devraient pas tenter de réprimander, puisqu’ils n’ont pas ce qu’il faut pour cela. Leurs tentatives de défendre un absent les rendrait probablement ridicules,  et ils  seraient souvent injustes pour les personnes qu’ils soupçonnent de diffamation.  Il n’y a pas de péché quand quelqu’un n’est pas obligé d’agir, (quand une intervention exposerait quelqu’un à des maux sérieux, quand la diffamation n’est pas grave,  ou n’est pas prise au sérieux, quand l’auditeur n’est pas certain si l’orateur est vraiment coupable de diffamation, ou s’il est tenu d’intervenir.)  Il est souvent peu sage d’interrompre un récit diffamatoire, car un grand nombre de ces histoires promettent de faire des révélations importantes, mais finissent en queue de poisson.  C’est la montagne qui enfante une souris.

 2084- Les façons de s’opposer à une diffamation faite en notre présence.  Une résistance positive consiste à ordonner au diffamateur de la fermer, ou à réfuter ses paroles si elles sont fausses, ou à faire une réprimande si elles sont vraies.  Ce mode de correction est généralement requis si l’auditeur est le supérieur du diffamateur.  Il est parfois recommandé s’il est son égal.  La résistance négative consiste à quitter l’assemblée, en ne prenant aucune part à la conversation, ou en changeant le sujet, ou  en manifestant son déplaisir par son regard ou ses paroles. Le vent du nord repousse  la pluie, comme fait une triste mine à la langue médisante (Prov. XXV, 23).  Cette façon de résister est habituellement la meilleure pour un inférieur, et en règle générale, elle est aussi celle qui convient le mieux entre égaux (1267).

 2085- La restitution pour la diffamation.  La restitution pour des offenses infligées  est nécessaire (1759). Elle est donc obligatoire pour le diffamateur.  Dans le langage de l’Écriture, (Prov 13, 13), celui qui parle en mal de son prochain, s’oblige lui-même pour le futur.  Voici quelles sont les deux offenses qu’il faut réparer. L’injuste prélèvement, c’est-à-dire la réputation de laquelle il a privé quelqu’un; l’injuste dommage, c’est-à-dire le tort fait à la réputation, ou les pertes qui résultent de la diffamation (comme l’impossibilité d’obtenir ou de retenir une position, le déclin de l’entreprise etc. choses qui étaient prévues au moins confusément).  Il est clair qu’il n’y a pas de devoir de restitution si, en dépit des paroles médisantes, l’offensé n’a à déplorer aucune perte (les auditeurs n’ont pas prêté attention aux paroles ou ne les ont pas crues).

 2086- La gravité de l’obligation de la restitution.  L’obligation de la restitution pour diffamation est grave ou légère, d’après le degré de l’offense causée.  Et l’obligation grave oblige au prix de sérieux inconvénients;  la légère, au prix de petits.  Mais il faut noter les points suivants.  L’offense n’est pas nécessairement grave si le défaut imputé à quelqu’un est grave, car  il faut considérer un bon nombre de circonstances (le blasphème est une imputation grave, mais il ne nuirait pas beaucoup à un homme connu pour son impiété 2053). L’offense n’est pas nécessairement légère si le défaut imputé est léger, car des circonstances pourraient rendre l’offense compromettante (ce n’est pas une grande diffamation de dire d’une femme qu’elle est bavarde, ou incapable de parler ou d’épeler correctement, mais  un très grand dommage serait causé à une femme si elle perdait, à cause de cela, un poste bien rémunéré).

 2087- Les conditions qui entraînent un devoir de restitution.  La restitution n’est pas obligatoire, à moins que quelqu’un ne soit l’auteur injuste et efficace du dommage (1763).  En conséquence, des révélations défavorables à la réputation des autres entraînent le devoir de restitution seulement quand sont présentes les conditions suivantes.  Le dommage à la réputation ou toute autre perte doit être injuste objectivement.  En conséquence, ceux qui ont des raisons valables pour faire connaître les vices des autres, ne sont pas tenus à la restitution.  Le tort doit être injuste subjectivement.  Si donc un homme de bonne foi parle des défauts d’un autre, en pensant qu’ils sont vrais et publics, alors qu’ils sont faux et secrets, il  n’est pas tenu à restituer, s’il découvre son erreur après  que la diffamation aura été réfutée. (2102).  Mais s’il se rend compte de sa faute quand l’offensé est toujours dans le noir à cause du récit, il devient, à partir de ce moment, responsable de la diffamation et injuste subjectivement, s’il n’entreprend aucune démarche pour corriger l’erreur, dans la mesure où il le peut, sans subir de graves inconvénients (1769).

 Le tort doit être du à son action, en tant que sa cause efficace.  En conséquence, quelqu’un n’est pas tenu à restituer si l’auditeur avait pensé que l’orateur dénigrait un autre, alors qu’il ne dénigrait personne.  2088-  Les coopérateurs et la restitution.  Ceux qui ont coopéré à commettre une injustice sont aussi tenus de restituer (1178 suiv.).Ils sont donc tenus à indemniser la personne qui a été diffamée. Les coopérateurs positifs sont tenus à la restitution, c’est-à-dire  ceux qui commandent, qui conseillent ou encouragent la diffamation.  La même chose vaut pour ceux qui participent à une conversation diffamatoire, ou qui ne font qu’écouter, mais qui, par leurs questions, ou par leurs marques d’intérêt ou d’approbation, incitent le diffamateur à continuer, ou à parler avec plus d’assurance.  Les coopérateurs négatifs sont aussi tenus à la restitution, s’ils étaient tenus en justice de résister, ou d’empêcher la diffamation.  Cela s’appliquera principalement à un supérieur qui ne prévient pas, comme il le devrait, la diffamation d’un sujet ou d’une communauté, faite par un sujet ou un non sujet (2080),

 2089- Les circonstances de la restitution. Nous allons maintenant parler des circonstances de la restitution pour diffamation, des personnes tenues à la restitution en plus du diffamateur, à savoir ses héritiers, les auditeurs etc, ; les personnes auxquelles il faut faire une restitution;  la façon et le temps  de faire restitution (1781 et suiv.)

 2090- La restitution, pour diffamation,  à être faite par un héritier du diffamateur. Pour l’offense faite à la réputation, il semble que l’héritier ne soit pas tenu à restituer, puisque le devoir de restitution, pour faute commise contre la réputation,  est personnel, c’est-à-dire qu’il est une obligation de poser  un acte de rétractation ou d’excuse, mais non une obligation à payer une compensation (1750, 1802). Mais quelques uns tiennent qu’on peut satisfaire pour une diffamation par une compensation pécuniaire (1750, 1802); et que si la partie offensée insistait sur cette sorte de compensation pour l’offense infligée, les héritiers seraient obligés de payer.  Pour le dommage qui résulte de l’offense faite à la réputation, l’héritier est tenu à réparer, puisque la restitution pour pertes en est une véritable, et repose sur la propriété du défunt.  Mais ceux qui sont de bonne foi doivent parfois être laissés dans leur illusion,  de peur qu’ils deviennent coupables d’un péché formel.

 2091- Les personnes auxquelles doit être faite la restitution pour diffamation. C’est à la personne diffamée qu’est due la restitution pour atteinte à la réputation. Et cela est vrai même après le décès de la personne. Celui qui déshonore les morts en profanant leurs tombes ou leurs os, doit à leur mémoire de leur faire réparation.  De la même façon, celui qui diffame des défunts doit à leur réputation de faire restitution.  En fait, les héritiers peuvent être tenus en conscience de mettre le paquet  sur cette restitution.  Et il semble qu’ils ne peuvent pas fermer les yeux, puisque ce n’est pas leur propre réputation qui a été lésée.  Les auditeurs ne sont pas tenus à restituer, puisqu’ils n’ont causé aucune injustice, mais peut être obligatoire une réparation pour le scandale donné.  Et puisque la justice rendue à la personne diffamée requiert la rétractation ou d’autres formes de réparation, le diffamateur doit rétracter ses paroles devant les auditeurs qui les avaient entendues.   En conséquence, si la diffamation est apparue dans un journal, une réparation honorable devrait apparaître dans le même journal, et avec la même publicité qui avait été donnée à la diffamation.

 2092- La responsabilité du diffamateur pour avoir répandu la diffamation.  Le diffamateur est-il tenu de rétracter,  devant un plus vaste auditoire, ses propres mots que les membres de cet auditoire ont  appris de ses premiers auditeurs ?  Si le diffamateur n’est pas responsable de la diffusion de ses paroles au-delà du petit cercle auquel il les avait communiquées, (s’il a imposé le silence  à ses auditeurs, ou avait de bonnes raisons de penser qu’ils garderaient ses remarques pour eux-mêmes, et que ses paroles ont, malgré tout, fusé à l’extérieur), l’opinion commune veut qu’il ne soit pas tenu à faire de réparation devant les auditeurs qui sont venus après.  Si le diffamateur est responsable de la divulgation de ses paroles, (s’il a donné à ses auditeurs la permission de le citer, ou s’il savait très bien qu’ils répandraient au loin ses paroles), il est tenu à faire réparation devant les derniers qui ont entendu ses paroles, dans la mesure où c’est possible, surtout s’il était coupable de calomnie.  Pour savoir si c’est lui ou ses auditeurs qui ont le premier devoir de restitution, il faut regarder la relation qu’ils ont dans leur coopération (1784).  Il devrait demander à ses auditeurs de se rétracter devant leur auditeurs, si c’est le mieux qu’il peut faire.

 2093- La première façon de restituer pour diffamation. Si la diffamation était calomnieuse, le diffamateur ( et aussi le propagateur) doit retirer ses mots, si ce qu’il a dit était faux. Si la chose s’avère nécessaire, il devrait aussi faire une déclaration écrite sous serment, ou, à tous le moins, admettre qu’il a menti.  La raison en est que la partie offensée a un plus grand droit à sa réputation que la partie coupable n’en a,  Mais le diffamateur n’est pas obligé de proclamer  sa propre malice,  Il peut lui suffire de dire que sa déclaration précédente n’était pas correcte.  Si la diffamation prenait la forme d’une détraction, le diffamateur ne peut pas dire, à parler franchement,  que ses paroles étaient fausses.  Et il doit combattre directement et indirectement l’effet de la diffamation par des choses qui sont favorables à la personne qu’il a offensée. S’il ne parvient pas à convaincre ses auditeurs, il devrait leur  faire comprendre  que ses déclarations étaient injustes, qu’il n’avait par le droit de les énoncer, et qu’il voudrait qu’ils considèrent qu’il n’a jamais dit ce qu’il a dit (révocation directe).   Si, en renfonçant la conviction que la diffamation était vraie,  la cure devenait  pire que la maladie,  le diffamateur devrait ne pas parler de ses premières déclarations.  Mais  il devrait honorer et louanger la personne diffamée de façon telle que les autres soient amenés à penser, non que la restitution a été faite, mais que la bonne opinion qu’ils avaient antérieurement de la personne diffamée était correcte (révocation (indirecte). Ainsi, si le diffamateur sait que la personne diffamée s’est réformée, il peut mettre en évidence et exalter les vertus qu’elle possède maintenant. Si la personne diffamée n’est pas encore sortie de son ornière, il peut lui chercher des excuses, ou mettre l’éclairage sur les bonnes qualités qu’elle possède, ou parler en termes généraux de l’estime qu’il a pour elle.  Si les auditeurs en étaient venus à déshonorer la personne détractée, le diffamateur peut lui montrer des signes d’estime et de confiance etc.

 2094- D’autres façons de faire la restitution.  Si les auditeurs n’étaient impressionnés par aucune de ces tentatives de satisfaction, que devrait-on faire ?  Si, dans le cas d’une calomnie, les auditeurs refusaient d’accepter que la diffamation était fausse, le diffamateur n’est obligé à rien de plus. Car le calomniateur a fait tout ce qu’il pouvait pour changer l’idée erronée des auditeurs. Et la mauvaise opinion qu’ils conservent du diffamé ne doit pas être attribuée au diffamateur mais à  leur malice propre ou à leur entêtement.   Si les auditeurs ne peuvent pas être vraiment impressionnés par la révocation directe ou indirecte de la détraction, le diffamateur ne peut donc pas faire une compensation honorable par la restauration de la réputation.  Mais il peut faire une compensation utile en donnant au diffamé un bénéfice d’une valeur égale au bien de la réputation que l’offensé pourra accepter.   Ainsi, si la personne offensée se montre satisfaite avec de l’argent reçu en compensation, il devrait payer pour les dommages causés.  Si cette sorte de compensation est de peu utilisée ou ne convient pas, (car peu de personne se satisferaient d’un montant d’argent comme compensation pour la perte d’une réputation) l’offenseur devrait donner un autre bien qui, à son jugement et à celui d’un homme prudent, est davantage proportionnel au bien perdu.  Des excuses ne sont pas suffisantes, puisque la demande de pardon ne restaure pas ce qui a été pris. Elles ne sont pas non plus à conseiller, parce que l’admission que fait quelqu’un à un autre qu’il l’a secrètement diffamé, et qu’il le regrette maintenant, peut mener à des querelles et à des haines plutôt qu’au pardon et à la paix.

 2095- Réparation légale pour une diffamation. Est obligé d’obéir celui qu’un jugement de cour légal a condamné à faire une réparation,  et à être puni pour diffamation.  Mais si la satisfaction imposée par un jury est excessive ou insuffisante, elle peut être écartée par la cour.  Dans le droit canon (canon 2355), quelqu’un qui a été convaincu de diffamation peut recevoir comme sentence une satisfaction, le remboursement des dommages, d’autres peines convenables, même la suspension ou la perte d’un emploi ou d’un bénéfice.

 2096- Le moment de la restitution pour diffamation.  On devrait la faire aussi tôt que possible, car, plus grand est le retard, plus grave  est l’offense dont souffre l’offensé,  puisque plus la diffamation s’étend, plus il devient difficile de la corriger,  Elle a certainement la vie plus dure si elle n’est pas corrigée au début.  Mais la prudence conseillera parfois d’attendre un moment favorable à une rétractation. On doit promettre  la restitution avant de recevoir l’absolution.  Et s’il y a un doute fondé au sujet de la sincérité de la promesse, le confesseur peut remettre l’absolution à plus tard, c’est-à-dire, après la restitution.

 2097- La cessation du devoir de restitution.  Le devoir de restitution cesse, au moins temporairement, dans certains cas (1797 et suiv.). Voilà pourquoi celui qui a été coupable d’injustice en diffamant quelqu’un, est parfois dispensé de faire réparation. Ainsi, quelqu’un est exempté de réparation temporairement en raison d’impossibilité. Il en est exempté définitivement en raison de la perte du bon renom de quelqu’un, ou de la cessation de sa propre obligation.

 2098- Exemption de la restitution en raison d’impossibilité.  L’impossibilité physique excuse,  par exemple, si on ne savait pas qui étaient les personnes devant lesquelles on a a fait une détraction;  ou si on ne peut pas se rappeler le nom de la personne qu’on a offensée par une détraction, ou en ayant fait des offrandes de messe  pour elle.  L’impossibilité morale dispense de la restitution. Comme par exemple, si le diffamateur souffrait un tort plus grand que celui qu’il a infligé à l’offensé (si le diffamateur ne peut pas se rétracter sans perdre sa vie, ou sa réputation, laquelle est plus valable que celle d’une personne obscure).   Mais si l’offenseur a induit l’offensé au péril de mort, ou s’il a calomnié un innocent, il doit faire satisfaction même au péril de sa propre vie, ou au risque de perdre sa propre réputation.  Car le droit d’un innocent l’emporte sur celui d’un diffamateur coupable.

 2099- L’exemption de la restitution en raison de la cessation du bon renom de l’offensé. Le diffamateur peut être aussi excusé de restituer en raison de la cessation du bon renom de l’autre partie pour d’autres motifs, comme quand le défaut secret qui a été d’abord été connu par le diffamateur devient public par une autre source.  Le détracteur est dispensé du devoir de restaurer la réputation puisque la personne qu’il a diffamée, a, indépendamment de la première diffamation, perdu son droit  à la restitution (2053 et suiv.)  Le détracteur n’est pas pour autant dispensé de payer les dommages infligés à la personne diffamée, ou pour les dépenses encourues.  Quelques moralistes soutiennent qu’il est obligé de payer une compensation pour l’infamie soufferte avant que le crime soit ne révélé par d’autres.

 2100- L’exemption de la restitution en raison de la cessation de l’obligation. L’acte de la personne diffamée met un terme à l’obligation, lorsque, sans faire de tort à personne, elle pardonne expressément ou tacitement l’offense.  Car elle est le propriétaire de sa propre réputation, comme elle l’est de son argent et de ses terres.   Ainsi, on peut souvent présumer que les parents ne chercheront pas à se faire rembourser pour les critiques que leur ont adressées leurs enfants. Une action de la personne offensée met aussi fin à l’obligation, selon l’opinion commune des moralistes,  quand elle a infligé à son diffamateur une offense égale à celle qu’elle avait reçue de lui, et ne veut pas faire de satisfaction.  Car bien qu’il soit illégal de rendre à quelqu’un le mal pour le mal, et qu’il soit vrai qu’un tort ne guérit pas un autre tort, celui qui ne paye pas un créancier ne peut pas exiger du créancier qu’il lui paye un montant semblable qu’il lui doit.   Ainsi, si Pierre a brûlé la grange de Jacques, et si, en représailles, Jacques brûle celle de Pierre, et si personne ne veut payer pour les dommages causés, les dettes se neutralisent les unes les autres, si elles sont de valeur égale.   Le même principe s’applique à la récrimination diffamatoire.

 2101- Le droit que la personne diffamée a de pardonner l’offense,  La personne diffamée a le droit de pardonner une injure, si cette injure  ne touche qu’elle-même. Mais elle n’a pas toujours le droit de pardonner une offense quand la diffamation cause du tort aux autres.   Ainsi, la personne diffamée pècherait contre la justice, et son acte serait invalide, si elle remettait la dette de restitution malgré le fait que sa réputation était nécessaire à la réputation des autres. (quand un moine perd son bon renom, le monastère est lui aussi disgracié); ou était nécessaire pour l’accomplissement de devoirs que d’autres lui devaient en justice (quand un prélat, un prêtre ou un officiel perd son bon nom, il a perdu la bonne influence qu’il pouvait exercer sur ses sujets).  C’est une conclusion probable.    La personne diffamée pècherait contre la charité, mais son acte serait valide si elle oubliait la dette de restitution, en dépit du fait que sa réputation était nécessaire à l’accomplissement des charitables devoirs qu’il devait aux autres; ou que son silence en face de la diffamation causerait un grand scandale (quand un prédicateur a perdu sa réputation, ses paroles ne touchent personne, et il devient ainsi incapable d’accomplir ses devoirs de charité par l’instruction des ignorants.)

 2102- Dispensation de la restitution quand la réputation a été recouvrée.  L’obligation de restitution pour diffamation cesse aussi quand la réputation a été recouvrée sans l’aide du diffamateur.  Car il est clair qu’on n’est pas obligé de redonner à quelqu’un  ce qu’il a déjà.  Mais on peut quand même être obligé de restituer pour dommages encourus.  Et quelques-uns pensent qu’on doit faire une compensation (excuses, honneurs, louange) pour l’infamie ou l’offense qui existait avant que la réputation soit regagnée.  Les façons usuelles de recouvrer une réputation sans l’aide du diffamateur sont les suivantes : la perte de crédibilité de la diffamation quand deviennent manifestes les faits qui la contredisent;  ou quand des témoins prouvent sa fausseté; ou quand un tribunal la déclare libelle diffamatoire; par l’oubli, comme quand un crime lointain s’est effacé complètement de la mémoire du peuple.

 Quand le diffamateur ne sait pas si sa diffamation passée a été oubliée, il doit se comporter avec grande prudence, car, s’il s’informe, il peut  raviver la plaie de la diffamation. Mais, d’un autre côté, s’il ne dit rien, une diffamation qui n’a jamais été démentie ni rétractée peut rebondir. Il devra donc examiner attentivement les circonstances, et traiter la personne diffamée comme il voudrait qu’on le traite lui-même en pareil cas.

 2103- Les rumeurs et le colportage de ragots. La rumeur ou le colportage de ragots est une parole qui nuit à une autre personne, qui est murmurée à l’oreille, et qui a pour but de rompre une amitié vertueuse.  C’est une parole défavorable, c’est-à-dire que le chuchoteur dit quelque chose à l’oreille de son auditeur qui le détournera de la personne dont il parle.  La chose attribuée à la personne absente peut être mauvaise ou paraître mauvaise.  Mais dans les deux cas, ce sera quelque chose qui déplaira à celui qui l’entend.  Le colportage de ragots n’implique pas   nécessairement la diffamation. Il est murmuré à l’oreille, c’est-à-dire que le chuchoteur parle en privé, et la plupart du temps, sous la forme d’une confidence, à la personne qu’il veut empoisonner.   Il va souvent d’une personne à l’autre, parlant différemment à chacun, pour décupler son efficacité.  Cette sorte de chuchotement est connue sous le nom de parole à double sens. Il a pour but le bris d’une amitié, c’est-à-dire que le chuchoteur malveillant se propose de détruire le sentiment d’affection et de respect que celui qui l’écoute éprouve pour la personne absente. Cette fausse confidence est incomplète quand elle ne fait que rompre une amitié; elle est complète quand elle rend ennemis ceux qui étaient amis, et sème des rancoeurs et des inimitiés. Un homme passionné allume des conflits, et un pécheur trouble ses amis, et apporte des frictions au milieu de ceux qui vivaient en paix (Eccl. XXV111, 11)    Le ragot et la parole à double sens sont maudits (XXV111, 15). Quand on aura éloigné le colporteur de ragots, les troubles cesseront (Prov. XXV1, 20). La confidence fielleuse diffère donc de la diffamation, car elle essaie de dérober l’amitié, et la diffamation, la réputation.  Elle s’attaque à une amitié vertueuse, car la tentative de rompre une amitié nuisible n’est pas un péché, mais un acte de charité. Comme quand les parents tentent d’éloigner  leur fille d’un vaurien dont elle s’est amourachée; ou leur garçon, d’une secte maçonnique qui attire les jeunes par son visage philanthropique (1353)
 2104- La culpabilité de la fausse confidence.  L’espèce théologique.  Le chuchotement malveillant est de par sa nature un péché mortel, puisque Dieu le déteste (l’âme du Seigneur déteste celui qui sème la discorde parmi les frères (Prov. V1, 19), et prive l’homme du bien d’une amitié vertueuse, le plus grand des biens externes.  Un ami fidèle est une puissante défense, et celui qui l’a trouvé a trouvé un trésor). Rien ne peut être comparé à un ami fidèle, et ni l’or ni l’argent ne peuvent peser plus lourd que le bien de l’amitié.  Un ami fidèle est la médecine de la vie et de l’immortalité (Eccl, V1, 14-16). La fausse confidence chuchotée est un péché plus grand que la contumélie ou la diffamation, puisqu’on estime moins l’honneur que l’amitié, et puisque la réputation n’est qu’un moyen qui conduit à l’amitié.
 L’espèce morale. En général, ce genre de chuchotement est un péché contre la justice à cause des moyens injustes (fraude, mensonge, détraction) auxquels il a recours, mais de par sa nature, il n’est qu’un péché contre la charité.  Car la partie lésée n’a aucun droit à l’amitié, laquelle est une relation libre qui peut être interrompue au gré de chacun.
 2105- Les circonstances qui affecteront l’espèce de chuchotement.   Les circonstances changent-elles l’espèce de ce chuchotement ? L’espèce théologique change quand l’acte peccamineux est imparfait en malice (quand celui qui murmure à l’oreille n’a pas bien réfléchi au mal qu’il causerait); ou quand le tort causé est léger (quand aucune inimitié n’a été produite, ou quand l’amitié brisée n’était ni grande ni importante).  Ce n’est pas une petite chose, cependant, de détruire des amitiés qui sont vraiment nécessaires, comme celles qui existent entre mari et femme, parents et enfants.   L’espèce morale ne se subdivise pas,  car, bien qu’il y ait différentes sortes d’amitié (111) le chuchotement pervers ne porte pas sur des particularités, mais sur le caractère général commun à eux tous, à savoir, l’unité des âmes et l’affection mutuelle.  En conséquence, le chuchoteur n’est pas obligé de mentionner en confession que l’amitié qu’il a brisée était basée sur l’utilité, le plaisir ou la vertu. Il est clair, toutefois, qu’on peut ajouter une nouvelle espèce à ce péché.  Ainsi, celui qui sépare les époux dans le but de prendre la femme pour lui, est coupable d’adultère.  Celui qui sème la zizanie entre le patron et les employés, dans le but de confisquer l’entreprise, est coupable aussi de vol.  Celui qui sépare le chef de ses sujets est  coupable aussi de sédition.
 2106- La dérision ou le sarcasme. La dérision est une plaisanterie qui reproche à quelqu’un un défaut pour l’embarrasser ou lui faire honte.  C’est une plaisanterie.  On la dit en riant, et elle cherche à faire des défauts de quelqu’un un objet de ricanement et d’amusement.  Ainsi, elle diffère de la contumélie, de la détraction et du chuchotement, qui sont toutes prononcées sérieusement. Son but est de procurer la confusion ou le ridicule, c’est-à-dire qu’elle cherche à enlever la bonne opinion que quelqu’un a  le droit d’avoir de lui, et la paix de la conscience dont il jouit.  Ainsi, elle diffère, par son objet et son but, des autres mots offensants que nous avons considérés jusqu’ici (2009).  L’intention de faire perdre à quelqu’un sa belle assurance en le ridiculisant est formelle ou matérielle  selon que le but est de déconcerter quelqu’un ou de faire une farce, bien que l’on comprenne que cette soi disant farce apportera de la honte et de la souffrance au raillé.
 2107- Distinction entre dérision et plaisanterie.  Une plaisanterie modérée au dépends d’un autre n’est pas de la dérision, ni un péché. Si elle est inspirée par la charité, c’est une taquinerie. Elle peut être aussi une correction fraternelle. Railler quelqu’un qui fait un fou de lui-même est souvent la meilleure façon de le corriger.  Car plusieurs redoutent davantage d’être appelés méchants qu’idiots.  Semblablement une remarque satyrique est souvent une excellente réprimande, et elle sert à rabrouer une personne qui a une trop haute opinion d’elle-même. Dans ce genre de cas, une vérité dite par manière de jeu est, pour un pécheur,  un acte de charité. La détente ou la récréation peut être aussi une occasion de plaisanter sur le dos de quelqu’un. Un échange sympathique de mots d’esprit, portant sur des défauts anodins,  par des personnes qui se plaisent à ce chassé croisé est une forme raisonnable d’amusement.  Il  appartient à la vertu appelée  eutrapélie. Mais certains qui se gaussent d’une plaisanterie faite sur le dos du voisin, sont extrêmement susceptibles au ridicule, et grimpent dans les rideaux  si on rit à leurs dépens, ou s’ils ne font que le soupçonner. 2108-   Même une plaisanterie qui se veut bonne peut être peccamineuse à cause de la façon offensante ou blessante avec laquelle elle est présentée (2010).  Il y a trois sortes générales d’amusement, mais elles ne constituent pas des espèces distinctes de péché quand la plaisanterie est illégale, puisque la différence qu’elles ont entre elles, est accidentelle, en autant que la moralité est impliquée.  Ainsi, la plaisanterie orale est faire par des mots ou des rires. La plaisanterie faciale est faite par l’expression du visage (le pincement du nez, la grimace). La plaisanterie gestuelle est un truc que l’on joue à un autre (un chahut).
 2109- La culpabilité de la dérision. Quand le rieur traite avec légèreté   un mal grave, il commet un péché mortel, car il fait montre d’un grand mépris envers la personne raillée, la traitant comme si elle ne valait rien (quand on rit du malheur de quelqu’un).  En effet, la dérision est une offense plus grande que la contumélie,  Car le médisant traite sérieusement le malheur de son prochain, tandis que le plaisantin le raille, et est donc plus insultant.  L’Écriture menace d’un grave châtiment  le railleur. Dieu méprisera les méprisants (Prov. 111, 34).  Mais si un grave malheur est considéré communément comme léger en raison de la condition inférieure de la personne qui a ce défaut (un enfant ou un idiot), il n’y a pas de grand péché de mépris.  Quand le plaisantin traite légèrement un mal qui est réellement léger,  il n’y a pas eu de mépris d’exprimé, mais un sérieux embarras pour la personne raillée. Car la paix d’une bonne conscience est une grande bénédiction Notre gloire consiste dans le témoignage de notre conscience (11 Cor, 1, 12) Un esprit assuré est comme une fête perpétuelle  (Prov. XV, 10).  Et ce qui le trouble peut causer de l’angoisse et nuire considérablement.  Si la farce n’est qu’une badinerie, le péché peut n’être que véniel.  Mais si l’offensé souffre de dépression ou de perturbations pour avoir été ridiculisé, les moralistes ne s’entendent pas   sur la qualité du péché.  Quelques-uns pensent qu’un péché mortel a été commis,  si le railleur a prévu les sérieux maux qui s’ensuivraient.   Mais d’autres tiennent que le péché est véniel, puisque c’est la susceptibilité excessive de la personne raillée qui est cause de cette  grave perturbation.
 2110- La gravité du péché de dérision s’accroit par l’objet qu’elle vise, car plus grande est la révérence due à une personne, plus grande est l’offense quand on en fait une dérision.  Ainsi, la pire forme de dérision est celle qui porte sur Dieu.  Elle n’est pas distincte du blasphème. Isaïe (1V, rois, X1X, 6) appelle les moqueurs du Dieu d’Israël des blasphémateurs. Et saint Luc (XX11, 64, 65) dit que les soldats qui l’ont couronné pour se moquer de lui ont blasphémé.  La dérision la plus grande après celle-là, est celle des parents.  Et l’Écriture déclare l’horreur spéciale qu’elle nourrit pour ce péché. L’œil qui se moque de son père, que les corbeaux le saisissent  et que les aiglons le mangent ! (Prov. XXX, 17). Enfin, on peut considérer comme une énormité la dérision d’un saint, car la vertu mérite l’honneur, et  ceux qui la tournent en ridicule détournent les gens de l’estime et de la pratique qu’ils lui doivent.
 2111- La malédiction. La malédiction, en général, consiste à parler en mal d’une personne ou d’une chose, c’est-à-dire dans le but que le mal énoncé retombe sur elle.  Ainsi, elle diffère de la contumélie et de la dérision, car la contumélie consiste à dire du mal d’un autre et la diffamation ou le chuchotement consistent à parler en mal contre quelqu’un. La malédiction diffère aussi de la prédiction du mal. Et quelques passages des psaumes imprécatoires sont, bien que formulés en termes de malédiction, des prophéties du futur. Un exemple est le psaume CV111, qui prédit le sort du traître Judas.  La malédiction est de deux sortes.  Impérative, quand on déclare avec autorité que tel châtiment doit être infligé, ou qu’un malheur doit frapper une personne ou un objet. C’est de cette façon-là que, pour les pécheurs,  Dieu décrète des peines temporelles ou éternelles, que les juges condamnent les criminels, et que l’Église anathématise les opiniâtres. Optative. Quand quelqu’un qui n’a pas le pouvoir ou l’autorité pour ordonner une peine, exprime le souhait qu’une infortune ou un malheur quelconque s’abatte sur une personne ou sur une chose. Exemples : Malheur à toi ! Puisses-tu te casser une jambe ! Que le diable d’emporte ! Que Dieu te damne !  Une malédiction faite sous la forme d’une prière porte le nom d’imprécation.
 2012- Quand la malédiction n’est  pas coupable ? Maudire une personne n’est pas un péché quand le mal commandé ou désiré n’est pas voulu pour lui-même, mais pour un bien. L’intention, alors, porte sur un bien et non sur un mal.  Ainsi on peut commander un mal pour le bien qui se trouve dans la justice, comme quand un juge décrète une peinte capitale, laquelle est physiquement un mal, mais moralement une légitimation de la justice, et donc, un bien.  Quelques  malédictions proférées par des saints dans la bible sont de ce genre : ils proclament la juste sentence de Dieu, comme quand Elie appela le feu du ciel sur ses persécuteurs (1V, Rois, 1), et quand Élisée maudit les garçons qui s’étaient moqués de lui (1V, Rois 11, 24). Ou elles expriment la soumission de la volonté humaine au juste décret de Dieu : Et les lévites prononceront à haute voix : maudit soit celui qui ne se conforme pas aux mots de cette loi ! Et tout le peuple dira : Amen  (Deut XXV11, 14, 26).  On peut désirer le mal si l’intention ne porte que sur le bien du public qu’il contient, ou sur l’utilité privée, comme quand on espère qu’un jury trouvera coupable un dangereux criminel, si on ne pense qu’à la sureté de la communauté et non aux souffrances ou à la mort du criminel.  Il est donc permis de désirer que les ennemis de la religion ou de son pays soient confondus et défaits. Il est permis de prier Dieu pour qu’il inflige une maladie à un pécheur pour qu’elle le convertisse ou l’empêche de nuire aux autres.   Mais en désirant le malheur, on doit se rappeler qu’il n’est pas toujours permis de faire ce qu’on désire qui arrive d’une façon légale.  Il n’est pas non plus permis de désirer un plus grand mal pour échapper à un plus petit mal (1308 et suiv.)
 2013- La culpabilité de la malédiction. Maudire une personne est un péché quand le mal ordonné ou désiré est voulu précisément pour la perte de cette personne. De par sa nature, ce péché est mortel, puisqu’il exclut du ciel le maudisseur Ni les maudisseurs ni les extorqueurs  ne posséderont le royaume de Dieu (1 Cor V1, 10). Elle est essentiellement opposée à la charité, étant l’expression innée de la haine (1296). Mais, toutes choses étant égales par ailleurs, la malédiction optative est moins sérieuse que la diffamation.  Car, on cause moins de tort à quelqu’un en lui souhaitant du mal qu’en le lui infligeant.  En raison de l’imperfection de l’acte ou de la légèreté de la matière, la malédiction n’est plus parfois qu’un péché véniel.   L’acte est imparfaitement délibéré quand quelqu’un maudit sous le coup de la passion; il est imparfaitement intentionnel quand quelqu’un maudit par manière de jeu, ou par habitude, ou ne désire pas vraiment que le mal convoité s’accomplisse.  Les malédictions du genre de Va au diable, Que Dieu te damne ne signifient habituellement pas qu’on désire effectivement que telle personne soit condamnée à un enfer perpétuel.  Elles ne sont donc que des péchés véniels.   Mais il faut se rappeler que des péchés véniels de cette sorte peuvent devenir mortels en raison du scandale (quand des parents maudissent de la sorte leurs enfants habituellement, ou des supérieurs leurs sujets), ou en raison d’une irrévérence (quand les enfants maudissent leurs parents).  La matière d’une malédiction est légère, quand le mal impétré n’est nocif qu’à un faible degré (désirer qu’une personne perde une petite somme d’argent).
 2014- Les règles pour décider de la gravité de ce péché.  Des personnes qui ont fulminé une grave malédiction envers quelqu’un, se demandent parfois si elle procédait d’un volonté assez mauvaise  pour constituer un péché mortel.  Pour ce genre de doutes, les moralistes ont donné les règles suivantes.  Si la raison pour douter est qu’après la malédiction on est revenu à soi, et qu’on espère qu’aucun malheur ne frappera la personne en question, un péché mortel a été commis durant la malédiction, mais la mauvaise disposition est tôt disparue.  Si la raison de douter est qu’on n’est pas sûr de l’état d’esprit dans lequel on était en maudissant, un bon critère de cet état d’esprit sera ce que l’on ressentira envers la personne maudite.  Ainsi, si on se sent bien disposé envers cette personne, la présomption sera à l’effet que la malédiction n’était qu’une expression passagère de colère.  Mais si on ressent de l’hostilité envers la dite personne, on peut présumer que la mal exprimé par la malédiction était voulu.  Si on ne ressent que de l’indifférence envers cette personne, la présomption ira avec ce qu’on désire habituellement dans ses malédictions, c’est-à-dire,  donner une expression forcenée à un déplaisir, ou  manifester une haine malsaine.
 2015- Les circonstances qui changent l’espèce morale de la malédiction.  Il y a certaines circonstances de personnes et d’objets qui changent l’espèce morale de la malédiction, et qu’on doit donc mentionner en confession.   Ainsi, en raison de la différence entre les personnes maudites, l’espèce change, car là où un amour spécial ou un respect est du, un péché spécial est commis par haine du respect. La malédiction la plus grave est celle envers Dieu, laquelle est un péché de blasphème (887). Celle qui est la plus proche en méchanceté est la malédiction des parents, laquelle est un crime d’impiété.  En raison de la différence entre les maux désirés, l’espèce change aussi, puisque les malices essentielles de la volonté et de l’action sont les mêmes (90, 242).  A ce point de vue, la malédiction diffère de la contumélie et de la détraction, car, dans ces péchés, les maux prévus ne sont pas agréables à celui qui parle, mais lui déplaisent (2013).  Ainsi, celui qui souhaite la mort pour son voisin commet un meurtre dans son cœur; celui qui souhaite la perte d’une propriété est un voleur dans son cœur; s’il maudit une autre personne en termes généraux, sans mentionner aucun mal en particulier, il commet un péché de haine.
 2016- La multiplication numérique des crimes de malédiction.  En raison de la différence spécifique entre les maux désirés (la mort, la disgrâce, la pauvreté) on se rend coupable de plusieurs péchés par un seul et même acte.  Car, bien que l’acte soit physiquement un, il est moralement multiple, comme il a été dit dans le paragraphe précédent.   Mais quelques moralistes prétendent qu’un seul péché a été commis si tous les différents maux désirés sont unis dans l’esprit comme des expressions d’un seul et même péché de haine, ou comme des moyens de n’infliger qu’une seule offense (217).  En raison des différentes personnes maudites, on est toujours coupable de plusieurs péchés par un seul et même acte, ou on est au moins coupable d’un péché qui équivaut à plusieurs.  Car, celui qui maudit toute une famille, ou un groupe désire expressément et formellement du mal à chacun d’entre eux.  Il est donc différent d’un voleur qui vole plusieurs personnes, mais qui ne désire pas les offenser individuellement. (218).
 2017- La malédiction du mal. Ce n’est pas un péché comme tel de maudire le mal, c’est-à-dire de désirer que le péché et le mal soient défaits.   En conséquence, il est permis de prier contre les esprits mauvais, contre les ennemis de Dieu et de l’homme. Mais c’est un péché de maudire une créature de Dieu, même si elle fait partie des damnés, car la nature de chaque créature est bonne, puisqu’elle vient de Dieu.  Ce n’est pas un péché de maudire le mal symboliquement, c’est-à-dire de maudire une créature de Dieu en tant qu’elle représente le mal, comme étant sa cause (Job a maudit le jour de sa naissance, le commencement de bien des maux) ou un lieu (David a maudit le mont Gelboe, le lieu où Saül et Jonathan ont été tués). Mais ce serait un péché de maudire ces créatures en elles-mêmes.  2018-  Ce n’est pas un péché de maudire une créature irrationnelle en raison de sa relation à l’homme, s’il y a une raison suffisante de maudire l’homme lui-même (2112), ou en raison du bien que procure la justice (quand Dieu a maudit la terre en punition du péché d’Adam; quand Jésus a maudit le figuier comme un signe de la malédiction de la Judée), ou en raison du bien de l’utilité (quand on désire que l’alcool commandé par un ivrogne soit perdu)
 2019- Malédiction illégale d’une créature irrationnelle. Il n’est pas permis de maudire une créature irraisonnable, en tant même qu’elle est une créature de Dieu, car en agissant ainsi, on porte atteinte à Dieu lui-même, et en encourt la faute de blasphème.  Il n’est pas permis de maudire une créature irraisonnable, considérée précisément dans sa relation à l’homme, car il n’y a pas de juste raison pour maudire un homme.   Ainsi, si on désire que meure le bétail  de quelqu’un, en ne pensant qu’au tort que cela ferait au propriétaire des animaux, on est coupable d’un péché de malédiction (2113).  Il n’est pas permis non plus de maudire une créature irrationnelle considérée en elle-même, car un tel acte est vain et inutile.  Ceux qui maudissent l’inclémence de la température, l’infertilité du sol, l’entêtement des mules, ou d’autres animaux, l’inutilité d’un outil etc, ne commettent pas, en règle générale, un péché grave, car ils ne cherchent qu’à donner un débouché à leur impatience ou à leur mauvaise humeur.
 2020- Le murmure. Maugréer, marmonner ou bougonner est l’expression d’un mécontentement injuste, ou d’une plainte par des sons non articulés, ou par des mots secrets.  Il est injuste, et il ne diffère donc pas essentiellement des paroles données plus haut.  Si c’est une injustice faite à l’honneur, il est réductible à la contumélie; si c’est une offense faite à la réputation, il appartient à la diffamation.  L’injustice du marmonnage résulte soit de la chose dont on se plaint (les murmures des enfants envers les ordres justes de leurs parents), soit de la façon dont se fait la plainte (un subordonné se plaint d’un ordre injuste, mais en se fâchant, en insultant).  Il se fait par des mots inarticulés. Il s’agit là d’une différence accidentelle entre les péchés oraux et le murmure.
 2121- La fraude.  Ayant discuté des différentes sortes d’injustice, qui sont commises dans des commutations involontaires, nous passons maintenant à l’étude des injustices qui sont faites dans des transactions volontaires (1743).

 On peut réduire ces vices à ceux qui suivent.   Des injustices perpétrées contre les personnes qui ne sont pas du tout consentantes (vol, braquage), comme quand on vole un objet qui a avait été confié à quelqu’un comme un gage ou un prêt; ou quand on force quelqu’un, par la menace ou la violence, à signer un contrat qui lui est défavorable, et auquel il ne veut pas donner son consentement.  Il n’est pas nécessaire de parler  de vol ou de braquage dans les contrats,  car les mêmes principes s’appliquent aux vols et aux braquages hors contrat (1890 et suiv.)  Des injustices perpétrées contre quelqu’un qui est  partiellement consentant.  Il consent à un contrat, mais il ne le veut que partiellement, puisqu’on use de  fraude ou  de ruse avec lui.  Ces offenses sont de deux sortes.  La fraude, un péché commis en vendant et en achetant ou en signant d’autres contrats dans lesquels un paiement est fait pour une raison valable.  L’usure est un crime commis en prêtant de l’argent pour qu’un paiement soit fait pour quelque chose qui n’existe pas.

  2122- Définition de la fraude. Par fraude (1677-1679), nous entendons ici la conduite illégale d’un des contractants, qui désavantage l’autre quand ce dernier  consent à un contrat (la fausse représentation d’une marchandise), ou qui enlève l’égalité qui devrait exister entre les parties contractantes (le coût excessif d’une marchandise 1750). Le contrat de vente est le type de tous les contrats fautifs (1749) Et on peut réduire à ce contrat tous les autres, qu’ils soient certains ou aléatoires, car dans chacun d’entre eux il y a une chose qui est achetée (dans les contrats aléatoires, l’espoir d’obtenir tel prix), et un prix qui est payé pour l’achat. Il suffira donc de parler des fraudes commises dans les ventes, car les mêmes principes qui les gouvernent, s’appliquent aussi aux autres formes de contrat.

 2123- Deux sortes d’injustice dans les ventes. L’égalité entre le vendeur et l’acheteur requiert que chacun donne l’équivalent de ce qu’il reçoit. Voilà pourquoi les injustices commises dans les ventes se réduisent à deux sortes : injustices dans les prix fixés ou payés; injustices dans les biens fournis ou pris.  2124- L’injustice qui concerne le prix. On commet un crime en déterminant un prix, de la façon suivante. Par la fraude, quand on trompe quelqu’un pour le faire payer plus que ne vaut la marchandise. Car celui qui se lie par un contrat a droit à ce qu’aucune escroquerie ne soit tentée contre lui.  Car un contrat est une entente qui requiert la connaissance et le consentement.  Par surfacturation ou paiement excessif, car le but de la vente est l’avantage mutuel de l’acheteur et du vendeur.  En conséquence, l’un ne devrait pas être surfacturé au profit de l’autre, et les bénéfices devraient  être également répartis. C’est donc une injustice de vendre un objet plus cher ou de l’acheter moins cher qu’il ne vaut.

 2125- Les critères d’un prix juste. La norme constitutive d’un prix juste n’est pas purement subjective, c’est-à-dire que la justesse du prix ne dépend pas de désirs arbitraires, ou de besoins spéciaux des contractants, ou d’un monopole qui contrôle les prix.  Elle est objective, c’est-à-dire qu’elle est fondée sur la valeur de la chose vendue, sur sa capacité d’être bénéfique et profitable pour celui qui la possède, sur sa rareté, sur les heures de travail mises pour sa production,  sur le soin pris pour sa conservation etc…La norme officielle pour les biens qui sont utilisés par tous (les choses nécessaires pour la vie, et celles qui favorisent le confort) est le jugement commun exprimé par une loi (le prix légal) ou fondé sur des habitudes librement prises entre acheteurs et vendeurs de tel endroit à tel moment (le prix du marché).  Pour les objets qui ne sont pas d’usage courant, et qui n’ont pas de prix fixe (des trouvailles archéologiques rares, des manuscrits ou des tableaux anciens), la norme est le jugement prudent des parties, ou la décision d’un expert agréé par les deux.

 2126- L’obligation d’observer les prix déterminés par la loi ou par  la coutume.  Le prix légal (dans certains pays, les prix des monopoles gouvernementaux du tabac ou du sel, chose rare aujourd’hui) est ordinairement obligatoire en vertu de la justice commutative.  Car, ne pas en tenir compte   fait du tort à l’une des deux parties.  Mais dans des cas exceptionnels, le prix, pour raison d’équité, peut ne plus être obligatoire (quand le législateur ne le requiert pas expressément).  Le prix du marché est, ordinairement, tout aussi obligatoire, et pour la même raison. Mais, on doit noter que le prix courant tolère une certaine flexibilité, puisque tous ne s’entendent pas sur le même prix.  Et c’est pourquoi il y a un prix plus élevé, un plus bas, et un  moyen. On commet une injustice quand on vend au-dessus du prix le plus élevé, c’est-à-dire quand quelqu’un vend beaucoup plus cher que les autres marchands au même endroit et au même moment; ou quand quelqu’un achète en bas du prix le plus bas, c’est-à-dire quand quelqu’un paye un montant beaucoup plus bas que les autres acheteurs.  Saint Alphonse donne comme règle que quand un bien de consommation est évalué à 5, il peut être vendu pour 6 ou 4;  quand il est évalué à 10, il peut être vendu pour 12 ou 8; quand il est évalué à 100, il peut être vendu pour 105 ou 95.

 2127- Quand peut-on faire fi du prix du marché sans commettre d’injustice ? Dans quelques cas exceptionnels, quelqu’un peut dédaigner le prix du marché  sans commettre d’injustice, s’il a des raisons pour justifier sa décision.   Les raisons qui se fondent sur la matière du contrat portent sur le fait que la valeur de la chose mise en vente a augmenté ou diminué (la marchandise est d’une excellence extraordinaire ou d’une grande rareté);  que quelqu’un perdrait de l’argent ou risquerait d’en perdre en le vendant au prix du marché (l’acheteur se prive, par cet achat, d’un argent qui serait employé plus utilement dans d’autres transactions);   que l’objet devrait être racheté plus cher s’il était vendu à ce prix;  qu’en attendant, le vendeur pourra faire une meilleure vente plus tard; que l’objet que veut acheter quelqu’un est particulièrement estimé par le vendeur, et ne peut pas être dupliqué.  Dans ces cas, le vendeur devrait indiquer à l’acheteur que, pour des raisons spéciales, il demande un prix plus élevé, pour que l’acheteur potentiel ait la possibilité d’aller voir ailleurs.  Des raisons qui se fondent sur la façon dont a été formulé le contrat.  Ce sont des formes certaines exceptionnelles de vente qui sont justifiées par la loi ou la coutume, et qui ne violent pas la justice basique.  Les ventes à l’encan sont de ce genre.  Et si les conditions des contrats aléatoires sont observées, de façon à ce que le risque soit égal de part et d’autre, ce n’est pas une injustice  de prendre un prix au-dessus du prix courant le plus élevé, ou de miser ou d’acheter en bas du prix minimum.

 2128- Si la raison de la hausse du prix est une accommodation, parce que l’acheteur éventuel l’a en très haute estime, cette augmentation du prix au-dessus du prix du marché est-elle justifiée ?  Si l’article est convoité par plusieurs en raison de sa valeur, la valeur du marché a aussi augmenté, et on peut donc hausser le prix.  Mais si cette plus value est due uniquement à la pénurie, comme en temps de guerre, la hausse du prix serait une forme cruelle d’injustice, connue sous le nom de mercantilisme.  Si l’article n’a augmenté de valeur que pour une seule personne, le vendeur ne peut pas hausser son prix pour cette seule raison, puisque la valeur spéciale qu’a cet objet ne lui est pas inhérente, et il ne peut donc pas être vendu par le marchand comme s’il était sa possession propre.  Si cependant, le vendeur désirait le donner gratuitement, il pourrait le faire sans  difficulté.   Les mêmes principes s’appliquent à l’achat d’un article à un prix moindre que sa valeur, pour la seule raison que le fait de payer comptant a une valeur spéciale pour le vendeur.

 2129- Les ventes injustes basées sur l’ignorance  de la valeur réelle.  Il y a aussi des cas où un objet est acheté à un prix injuste, parce que sa vraie valeur était inconnue aux contractants, ou était cachée.  Si sa valeur était inconnue à cause d’une erreur substantielle, (une femme achète des bijoux de pacotille pensant que ce sont des diamants authentiques), le contrat est invalide.  Si elle était inconnue à cause d’une erreur individuelle d’un contractant, (une femme achète une perle de grande valeur pour quelques euros, parce que le vendeur n’en connaissait pas la valeur réelle), le contrat est injuste.  Si elle n’était pas connue à cause d’une erreur publique qui se reflétait dans le prix courant, (un vendeur de tableaux vend à un bas prix un tableau de maître à un expert qui  est le seul à en apprécier à la juste valeur), le contrat est valide et juste.  Il est aussi permis d’acheter au prix actuel certaines choses, quand on sait de bonne source qu’elles augmenteront de valeur, car nul n’est obligé de communiquer aux autres ses propres connaissances.  Si la valeur cachée n’est la propriété de personne ou est abandonnée, (quelqu’un achète un champ en sachant ce que le propriétaire ne sait pas, qu’un trésor y est caché; ou il achète une oie dans l’estomac duquel se trouvent des pépites d’or, et ne sait pas d’où elles viennent), l’acheteur a le droit de faire cette acquisition.  Mais si on peut en découvrir le propriétaire, (un homme achète un paletot de seconde main dans un magasin, et découvre une large quantité d’argent cousue dans le linge.  Et il est capable, s’il le veut, de rapporter l’argent à son propriétaire), l’acheteur doit restituer.

 2031- L’obligation de restituer à cause de prix injustes.  Possession injuste. S’il y avait de la mauvaise foi sans fraude, le vendeur devrait rétablir la différence entre ce qu’il a reçu et le plus haut prix courant; l’acheteur, la différence entre ce qu’il a payé et le prix courant le plus bas.  Des surfacturations ou des sous paiements dans les prix conventionnels devraient être compensés, selon une norme raisonnable, comme la décision d’experts.   Le dommage injuste. S’il y a eu de la mauvaise foi et de la fraude qui ont entraîné des dommages à l’une des deux parties, il faut compenser pour les pertes, même si le juste prix lui-même n’a pas été violé par excès ou par défaut (1762).  La nullité. S’il y avait de la bonne foi des deux côtés, il n’y a pas d’obligation de restaurer, à moins qu’on suppose qu’il y ait eu une erreur substantielle, un manque de consentement, une entente conditionnelle.  Ce qui rend la vente nulle ou rescindable (1725).

 2131- L’injustice à propos de la chose vendue.  Après avoir parlé des injustices commises par rapport au prix, nous parlerons maintenant des injustices commises par rapport à la chose vendue.  Un contrat suppose que la chose vendue soit d’un certain caractère, et une injustice est donc rendue si l’une des deux parties induit volontairement en erreur l’autre partie au sujet du caractère de l’objet.
  Ainsi, l’espèce de la chose vendue entre dans le contrat. Il est donc injuste de tromper quelqu’un au sujet de la nature de la chose qui est vendue (le vendeur offre des substituts inférieurs ou des biens adultérés à ceux qui désirent le véritable et authentique article; ou l’acheteur trompe un vendeur inexpérimenté en lui faisant croire qu’un tissu de grande qualité ne vaut presque rien).  La quantité de la chose vendue fait aussi partie du contrat.  Il est donc injuste de donner moins ou de donner plus que ce dont on était convenu.  Tu n’auras pas des poids dans ton sac, un plus grand et un plus petit. Il n’y aura pas non plus dans ta maison un boisseau plus grand et plus petit. (Deut. XXV, 13, 14).  La qualité de la chose vendue appartient aussi au contrat. Et il y a donc une fraude si l’une des parties trompe l’autre à ce sujet (le cheval vendu est poussif ou lent, alors qu’il devrait être en santé et fringant).

 2132- Les défauts dans la chose vendue. S’il y a des défauts dans un objet vendu, et si une réduction équitable est faite dans le prix en raison de son imperfection, il n’y a pas d’injustice dans le prix. Mais le vendeur est injuste s’il cache les défauts, en dépit d’une condition contraire du contrat, car il fait tort à l’acheteur en l’induisant à une entente contraire à sa volonté. Il y a une condition explicite  quand l’acheteur demande s’il y a des défauts dans l’objet, ayant la ferme intention de ne rien acheter qui comporte un défaut important.   Dans un tel cas, si le vendeur cache même un défaut accidentel (un défaut qui rend l’objet moins désirable pour l’acheteur), le contrat est nul en raison d’un manque de consentement, ou, comme d’autres pensent, il est rescindable en raison de la fraude pratiquée.  Mais si le défaut est sans importance, le contrat est bon et légal, à moins que le contraire ne soit expressément stipulé, car il n’y a pratiquement rien qui n’ait quelques petits défauts.  Il y a une condition implicite quand l’acheteur ne pose pas de question, et qu’il y a un défaut essentiel (un défaut qui rend l’objet indésirable ou dangereux) et qui est caché;  ou parce qu’il est tel qu’il passerait facilement inaperçu, ou parce que l’acheteur est inexpérimenté et incapable de le détecter. Puisque chaque personne qui achète quelque chose s’attend à recevoir quelque chose qui lui servira,  il n’y a pas de consentement, et le contrat est invalide si on donne à quelqu’un quelque chose de nuisible (de la viande faisandée ou  empoisonnée) qui ne sera d’utilité ni pour son usage personnel ni pour la vente (un cheval boiteux).

 2133- Les circonstances qui permettent de ne pas révéler les défauts. La justesse du prix étant supposée, le vendeur n’est pas injuste en n’attirant pas l’attention sur les défauts de la chose qu’il vend, si l’acheteur ne pose pas de question là-dessus, et s’il n’y a pas de condition implicite à l’effet  que le vendeur se devrait de fournir cette information.  Cela arrive de la façon suivante.   Si le défaut est caché, mais seulement accidentel, il n’y a pas de condition voulant que le vendeur indique le défaut, car l’entente portait seulement sur le fait que l’acheteur reçoive un bien qui corresponde à la valeur de son argent.  Mais la plupart des marchands veulent plaire à leurs clients, et reprendront un article qui ne fait pas l’affaire.   Si le défaut est visible mais accidentel, il n’y a pas de condition voulant que le vendeur renseigne son client au sujet de choses qu’il peut et doit voir par lui-même.  Car, on suppose que l’acheteur se montrera prudent et attentif en faisant ses emplettes.  Et le vendeur n’est pas payé pour suppléer à son défaut, ni pour assister l’acheteur pour qu’il fasse de bons achats.   Ainsi, si quelqu’un achetait un cheval borgne parce qu’il ne l’avait pas examiné, il devrait blâmer sa propre négligence pour son piètre achat, non le silence du vendeur.

 2134- La définition du négoce ou du commerce.   Le commerce au sens strict, est l’achat d’un objet avec l’intention de le vendre tel qu’il est, en faisant un  profit. Si l’une des conditions mentionnées dans cette définition fait défaut, il s’agit d’un négoce au sens large.   Ainsi, le commerce inclut un achat.  En conséquence, celui qui vend le produit de sa ferme ou de sa vigne ne fait pas strictement du commerce.  Il faut qu’il y ait l’intention de revendre la chose achetée. En conséquence, il  fait du commerce au sens large  celui qui achète quelque chose pour son usage  propre, et le revend ensuite parce qu’il ne lui plait pas. L’objet doit être vendu tel quel, c’est-à-dire, comme il était quand il l’a acheté.  Autrement, on ne peut pas parler de commerce au sens strict, comme quand quelqu’un achète des couleurs et une toile et en fait une peinture.  L’objet doit être vendu à un prix plus élevé que celui qu’il a payé pour l’acheter. En conséquence, on ne peut pas parler de commerce au sens strict si on vent au prix coûtant.

 2135- La moralité du commerce au sens strict.  Le négoce semble une chose mauvaise, du fait que faire de l’argent peut être un encouragement à l’avarice.  Mais, en réalité, avoir pour but le profit est chose moralement indifférente, ni mauvaise, donc, ni bonne.  Tout dépendra de la raison ultime pour laquelle on se lance dans la finance.  Celui qui fait de l’acquisition de l’argent le seul but de son existence est un matérialiste. Mais celui qui a une fin plus élevée, comme le bien public, ou le soutien de sa famille, est vertueux.  Le commerce est interdit aux clercs par le droit canon (canon 142), et la raison en est que les clercs doivent être affranchis des distractions et des dangers qu’apporte le négoce, pour qu’ils se consacrent exclusivement à leurs devoirs spirituels (11 Tim 11, 4).

 2136- L’usure. On commet le péché d’usure de deux façons. L’usure, au sens strict, consiste à prendre un intérêt en raison d’un titre intrinsèque (c’est-à-dire, en raison de l’usage) pour de l’argent prêté ou autre objet fongible, à la condition qu’il sera restauré tel quel (un emprunt). Cela est injuste, car c’est exiger de l’argent pour ce qui n’existe pas, c’est-à-dire pour l’usage, en tant que valeur distincte, d’un fongible dont l’unique valeur est dans l’usage. (Aristote, Saint thomas d’Aquin, somme théologique 11 11 q.78 a.1) Voilà quelle était l’opinion de la plupart des théologiens médiévaux.  Elle était basée sur le fait que l’argent n’était qu’un moyen d’échange.  L’intérêt était permis cependant, sur la base de titres externes, c’est-à-dire la compensation pour les dépenses d’une transaction, la perte d’une occasion de faire une bonne affaire.

 L’usure, au sens large, et le plus répandu, est la prise d’intérêt pour un fongible prêté là où il y a un titre externe pour l’intérêt (la perte ou l’inconvénient souffert par un prêteur), mais dont le taux chargé est injuste, excédant celui qui est fixé par la loi, ou est juste et raisonnable (canon 1543). Elle est injuste quand le prêteur prend  plus que ne vaut son prêt.  Elle est non charitable quand le prêteur ne demande pas plus que ne vaut son prêt,  mais exige drastiquement ce qui lui est du, comme un homme sans cœur.  Des exemples d’usure au sens large sont des actes de prédateurs qui tirent profit de la détresse du pauvre en leur faisant payer des intérêts énormes pour de petites sommes; ou qui s’en tiennent à la lettre de l’entente, au grand détriment de l’emprunteur.

 Dans les années récentes, un nouveau concept d’usure a fait surface. Il se base sur le fait que, dans les temps modernes, la fonction de l’argent a changé.  Dans les temps anciens, il n’était qu’une mesure d’échange, qui ne pouvait pas facilement devenir un capital.   Avec l’émergence du système capitaliste, les opportunités pour investir augmentèrent, et l’argent assuma le rôle d’un facteur de production. L’argent a obtenu une nouvelle valeur et une nouvelle fonction. Il devint virtuellement productif.  Et, ainsi, aujourd’hui, l’argent fructifie. Ainsi, mettre de l’argent à la disposition d’un autre pour qu’il soit employé dans des projets de développement constitue un service économique, et, comme tel, vaut son prix  comme tout autre service.  Le prix de l’argent est l’intérêt moderne, qui semble différer totalement de l’ancien contrat d’intérêt, et qui ressemble plus à une location et à un bail.  Ainsi considéré, l’intérêt, ou le prix de l’argent, est déterminé de la même façon que le prix de tout autre service.  Le prix injuste, ou l’usure, est un prix excessif. Voilà quel est le concept moderne de l’usure.

 2137- Les principes obligatoires dans toutes les formes de contrat.  Les principes d’égalité et d’honnêteté qui sont moralement obligatoires dans les ventes et les prêts à intérêt sont aussi obligatoires dans les autres formes de contrat.   Voici des exemples d’égalité.   Les contrats gratuits. Évidemment, ces contrats ne requièrent pas l’égalité par rapport à la récompense, puisque leur nature est qu’aucune récompense n’est donnée pour ce qui est reçu.  Mais, l’égalité doit être observée par d’autres moyens.  Ainsi, il doit y avoir un consentement mutuel, l’offre d’un côté et l’acceptation de l’autre, car chacun doit honorer les promesses gratuites faites à l’autre.  Il doit y avoir un retour de la même chose qualitativement et quantitativement, comme elle était quand elle a été empruntée, à moins que cela ne signifie une perte pour l’emprunteur.  De plus, tout l’avantage  reçu par une partie est balancé par le fait qu’elle doit supporter les dépenses ordinaires, et qu’elle est tenue à en prendre soin, sans pouvoir exiger de l’autre partie un effort particuilier.  Ainsi, un emprunteur a tout l’avantage du prêt, et il est obligé d’user d’un soin extrême dans son usage de la propriété du prêteur, tandis que celui qui fait un dépôt a tous les avantages du contrat, et ne peut pas demander au dépositaire  plus qu’une diligence ordinaire.

 Les contrats aléatoires.   Les contrats aléatoires ou les contrats chanceux se rapportent à un évènement incertain dont l’issue dépend de la chance ou du flair ou d’une combinaison des deux.  Les formes principales de paris sont la loterie et les jeux de hasard, auxquels  il faut ajouter les assurances  et les spéculations boursières. Toutes ces choses-là sont indifférentes en elles-mêmes, et tirent leur moralité des circonstances.  Cependant, en plus de se conformer aux exigences des contrats en général,  les jeux de hasard doivent observer des conditions spéciales  pour garantir leur légalité.  Pour être un vrai contrat aléatoire, le résultat devrait être objectivement incertain, et non quelque chose de déterminé d’avance.  Même si les joueurs peuvent être subjectivement certains qu’ils gagneront, personne ne peut manipuler un objet de façon à éliminer toute possibilité de gagner pour son adversaire. Si quelqu’un insiste pour parier quand l’autre est assuré d’un résultat qui le favorise, ce n’est pas une gageure qu’il fait, mais un don.  Chacun doit parier avec l’argent dont il dispose, et dont il n’a pas besoin pour payer d’autres obligations. (supporter sa famille, payer ses dettes).  Le fait de ne pas observer ces mesures de prudence a mené à plusieurs péchés de vol ou de négligence.   Si une personne mise avec de l’argent appartenant à une autre personne, elle a droit aux gains, sous le titre de fruits industriels.  Cependant, s’il  lui était impossible de rendre l’argent si elle le perdait, le pari est nul, et les gains doivent être restaurés à l’autre joueur,  puisque le montant misé ne pouvait pas être légalement gagné par le parieur.

 On doit conserver une proportion raisonnable entre ce qui est misé et les gains probables.  Et tous les paris devraient offrir une chance équitable de gagner. L’égalité n’est pas nécessaire. Les cotes et les handicaps devraient être offerts par le côté favori; mais les cotes peuvent être gagées par d’autres parieurs.  L’honnêteté doit empêcher de fixer à l’avance l’issue d’une sorte illégale de jeu. Les conventions de chaque pari ou partie établissent les normes de la tricherie.  Ainsi, un faux dé, des cartes dissimulées, ou marquées,  annulent le pari.  Mais conduire un cheval en le retenant par la bride, juste pour le maintenir en forme, sans l’éperonner pour remporter la victoire, est quelque chose à quoi on peut s’attendre dans des courses de chevaux.  Mais les gains obtenus par la triche doivent être remboursés.    Le perdant doit payer.

Mais puisque la loi civile interdit plusieurs sortes de jeux de hasard, la question qui se pose est la suivante. Un pari interdit par la loi constitue-t-il la  matière d’un contrat valide qu’il faut observer ?  Si la loi est purement pénale, le contrat est valide, et l’obligation tient.  Si c’est une loi qui lie moralement, le contrat est alors invalide, et le perdant ne doit probablement pas payer. Mais il a commis un péché en jouant.  Le jeu de hasard n’est pas un péché en lui-même, mais il ouvre la voie à de si sérieux abus qu’il a été strictement réglementé par des lois civiles qui lient en conscience.

L’assurance se réduit à des contrats aléatoires, bien que son but soit différent de celui du jeu de hasard.  Car, elle ne porte pas sur un bien incertain, c’est-à-dire, faire de l’argent rapidement, mais sur un mal incertain, c’est-à-dire, éviter une perte.  En plusieurs cas,  quelqu’un qui ne prend pas d’assurance joue plus que celui qui en prend.

 Les conditions requises pour la validité.   Les conditions spéciales requises pour la validité d’un contrat d’assurance  sont fondées sur sa nature aléatoire. Cela suppose, en particulier, que la matière du contrat soit, en quelque façon, en dehors du contrôle et de l’assureur et de l’assuré, et indépendante de leur pouvoir légal ou moral. De là découle la deuxième condition essentielle : qu’il y ait un risque à courir pour les deux.  Quelques moralistes maintiennent aujourd’hui que plusieurs contrats d’assurance sont injustes envers l’assuré, en raison du manque d’un risque proportionnel de la part de l’assureur.  Ils soutiennent que l’assureur élude tous les risques et fait des profits alléchants, quand l’assurance est sur une si large échelle que l’emploi des tables statistiques le favorise  Le fait que les compagnies d’assurance figurent parmi les corporations les plus florissantes apporte de l’eau au moulin, et explique pourquoi quelques moralistes favorisent l’assuré dans les cas de restitution qui n’impliquent aucune fraude de la part du bénéficiaire.    D’autres moralistes avancent que ces sortes d’injustice ne peuvent pas être prouvées, que les profits plus élevés sont dus à une plus grande efficacité et à un meilleur service; que les primes sont rajustées quand il devient évident qu’elles sont sans proportion avec le risque encouru  par les assureurs.

 On demande à l’assureur d’être capable de payer les indemnités à un taux normal, mais non de tout couvrir à la fois.  Son droit aux primes correspond à son obligation de payer les indemnités, tandis que ses capacités sont basées sur des pertes éventuelles arrivant successivement.  Quant à l’assuré, son obligation de base est de faire une description honnête et complète du risque encouru. La plupart du temps, les cas moraux se rapportent à des erreurs, à des fausses indications faites de bonne foi, et à de la fraude.  La loi naturelle et la civile indiquent toutes les deux les effets que ces éléments ont sur un contrat d’assurance.  La loi naturelle invalide un contrat dans lequel le consentement de l’une ou des deux parties provient d’une erreur substantielle concernant la nature ou la matière du contrat (en assurance, le risque encouru).  En général, quand l’erreur de l’assuré est telle qu’il n’aurait pas signé le contrat s’il avait su, le contrat est invalide, même si l’erreur est due à un mauvais renseignement donné par l’assuré.  Dans ce genre de cas, l’assuré innocent, à cause de l’invalidité du contrat,  n’a aucun droit à l’indemnité.  Mais il a un droit naturel à toutes les primes déjà payées puisqu’il n’y a pas eu de contrat et que l’assureur n’a aucun droit sur elles.  En cas de fraude, à tout le moins après une décision du juge, l’assuré n’aurait aucun droit aux primes.  Il a aussi l’obligation de compenser pour les dépenses faites par l’assureur.   L’erreur est considérée, en loi naturelle,  comme accidentelle et non invalidante, quand, sachant les faits,  l’assureur a émis une police d’assurance avec une prime plus élevée.  Dans ce cas, le bénéficiaire peut accepter l’indemnité, mais sur le montant du en primes, il doit retourner la différence.  Un cas spécial d’erreur substantielle impliquant une maladie inconnue à l’assuré, non découverte et indécouvrable par les docteurs de la compagnie d’assurance, est considérée, en loi naturelle,  par les moralistes, comme n’invalidant pas un contrat.   On met de l’avant que l’assureur doit assumer ce genre de risque, et que l’assuré a1 l’intention de couvrir ces sortes de conditions inconnues.  De plus une clause invalidante se rapportant à cette éventualité peut être considérée pénale en nature, et obligatoire uniquement après la sentence du juge.  Les contrats d’assurance  et les lois civiles qui les régissent sont si compliqués que la connaissance d’un expert en loi est requise pour comprendre le statut légal de plusieurs cas d’assurance. Cependant,  quelques dispositions de la loi civile qui diffèrent de celles de la loi naturelle doivent être présentes à l’esprit du prêtre ou du confesseur quand il traite de ces matières. Il y en a deux qui favorisent les compagnies d’assurance plutôt que les assurés.

 Quand une fraude ou une mauvaise représentation mène à une erreur accidentelle, le contrat est déclaré nul ou annulable. L’omission d’une information ou une mauvaise représentation faite de bonne foi qui conduit à une erreur accidentelle rend aussi le contrat d’assurance annulable ou peut-être nul. Il est probable que le bénéficiaire, dans ces cas-là, soit autorisé à réclamer les bénéfices qui lui sont dus, s’agissant d’un contrat naturellement valide, puisque ces dispositions de la loi civile sont contraires aux conclusions de la loi naturelle.  Il serait, cependant, obligé à  la restitution pour dommages causés par sa fraude ou sa fausse représentation commise avec une faute théologique grave.  Une prescription reconnue par la loi civile et rendue obligatoire à certains endroits, favorise l’assuré, la clause de la validation ou de l’incontestabilité.  La compagnie d’assurance reconnait la validité d’une police, après qu’un certain temps se soit écoulé, même dans des cas impliquant de la fraude de la part de l’assuré.  Si, avant l’échéance, le contrait était annulable, la compagnie perd son droit de contester la validité.  Si le contrat était invalide, il est validé. D’après les termes de cette clause, l’obligation naturelle de restaurer pour raison de fraude cesse, et le bénéficiaire peut garder en toute légalité l’argent de l’assurance.

 Les obligations qui surviennent après que la police a été accordée. L’assuré doit payer les primes au temps et selon les termes déterminés dans la police.  L’assuré ne doit pas augmenter le risque assumé par la compagnie.  Concrètement, dans les cas de propriétés assurées, l’assuré est tenu par la justice commutative, à ne pas détruire délibérément ou à ne pas endommager la propriété couverte par la police, sous peine de perdre tout droit à une compensation.  La compensation peut être réclamée, cependant, si l’action destructrice ou endommageante n’était que théologiquement correcte.  Il ne doit pas réclamer ou accepter d’indemnité  pour des articles non endommagés. Il ne doit pas faire de réclamation qui dépasse un juste estimé des dommages encourus.  Quelques moralistes soutiennent qu’on peut faire une réclamation pour un montant plus élevé, avec l’intention d’obtenir une juste valeur après que l’ajusteur de la compagnie d’assurance ait fait son investigation et a abaissé la valeur estimée.  On peut accepter l’estimé de l’ajusteur même s’il est plus haut que celui de l’assuré, pourvu qu’on n’ait rien tenté pour empêcher un examen libre et complet du dommage.

Les opérations sur les marchés financiers et autres semblables sont d’abord et avant tout des contrats de vente et d’achat.  Ils deviennent des contrats aléatoires quand ils assument la qualité de la spéculation, c’est-à-dire, des paris sur des changements futurs de prix.  On admet généralement que ces contrats ne sont pas moralement mauvais en eux-mêmes, et qu’ils suivent les lois du pari.  On ajoute une justification additionnelle du fait que certaines transactions fournissent, en plusieurs circonstances,  le capital requis pour des opérations d’envergure.  Quelques voix discordantes montent en épingle  certains aspects de ces transactions. Par exemple, négocier d’après les valeurs futures du blé, du seigle, et d’autres produits de base est, selon eux,  immoral, puisque c’est déterminer des prix indépendamment de la valeur réelle des produits, des lois de l’offre et de la demande.  Cependant, ces arguments semblent porter sur des abus contrôlables, sinon déjà contrôlés par les lois du marché et les lois civiles plutôt que sur l’immoralité des opérations elles-mêmes.

 Les contrats onéreux.  Les contrats requièrent qu’il y  ait égalité entre la récompense et la chose reçue.  Ainsi, dans un bail, le propriétaire ne doit pas extorquer une location excessive, et le locataire doit payer fidèlement son loyer.  Dans un contrat ouvrier, l’employeur doit payer un juste salaire (c’est-à-dire celui qui, au minimum, rencontre les besoins primaires du travailleur et de sa famille, et qui correspondra à la valeur spéciale du service donné.)  Pour un exposé complet de la théologie du juste salaire, voyez Jérémish Newman.  Et le travailleur, de son côté, doit donner une pleine journée de travail, tant  sur le plan de la qualité que de la quantité.  En partenariat, les membres doivent partager les profits et les pertes selon une répartition raisonnable.  Pour les garanties, les gages et les hypothèques, la justice requiert que le fardeau ne soit pas disproportionnel au bénéfice reçu.

 2138- Les contrats frauduleux.   Voici des exemples de fraude dans les contrats.   Dans les contrats gratuits, un donataire qui, par fausse représentation, reçoit un don. Un prêteur qui omet de signaler à l’emprunteur les défauts ou les dangers de la chose prêtée.  Dans les contrats onéreux, un propriétaire  qui cache des défauts à celui qui loue une maison; les membres d’une compagnie de renseignements  qui cachent des informations aux partenaires, ou qui donnent de fausses indications pour attirer les investisseurs;  des créanciers qui  cachent la connaissance qu’ils sont de l’insolvabilité de quelqu’un dont ils ont la preuve.  Dans les contrats aléatoires, quelqu’un qui parie sur une chose considérée comme incertaine, mais sur laquelle il a des informations certaines; ou qui sait qu’il sera incapable de payer s’il perdait; ou qui ne permettra aucune gageure, même s’il sait que les probabilités sont en sa faveur; un  joueur qui prétend être un débutant afin d’entraîner quelqu’un dans une partie où il faut de la dextérité; ou qui n’observe pas les règles du jeu; ou qui truque les cartes et les dés; à la loterie un tireur qui manipule les boules pour favoriser un des joueurs.
 

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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction

Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.

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