ARTICLE 5
Les parties quasi intégrales
et potentielles de la justice
La vertu de religion
et ses vices opposés
(somme théologique IIa-IIae qq. 79-100)
2139- Les parties intégrales de la justice. Les parties intégrales d’une vertu sont certaines fonctions nécessaires au parfait usage de la vertu. Par exemple : la mémoire, la docilité, la perception, et la rapidité sont requises pour l’exercice le plus complet de la prudence. (1648 suiv.) On appelle ces parties ici quasi intégrales, pour qu’elles ne soient pas confondues avec les parties intégrales proprement dites, ou les divisions de quantité dans un composé matériel. Dans son usage premier, la partie intégrale se dit des choses corporelles; dans son emploi dérivé, des choses incorporelles (comme les vertus), Les deux articles précédents ont traité des parties subjectives de la justice. Le présent article va commencer par une considération des parties intégrales et des péchés opposés.
2140- On trouve les parties intégrales de la justice dans les mots du psaume XXX111, 15. Détourne-toi du mal, et fais le bien ! Car l’homme parfaitement juste observera l’égalité de la justice en donnant aux autres leur du, et préservera cette égalité en se gardant des injures. Ainsi, ces parties intégrales sont des actes de vertu. En conséquence, éviter le mal n’est pas une attitude purement négative. Cela inclut une répudiation positive, faite par la volonté, de tout désir de faire du tort aux autres. Et cela se produit spécialement quand quelqu’un est agressé, mais refuse de se livrer à l’injustice. Ces parties intégrantes de la justice sont aussi distinctes les unes des autres. Les autres vertus morales régulent les passions en les amenant au juste milieu qui se trouve entre deux extrêmes. En conséquence, pour ces vertus, se détourner du mal est la même chose que faire du bien. Mais la justice régule les opérations humaines et les choses externes en les réduisant à l’égalité, et en évitant ce qui renverse l’égalité. Ainsi, pour la justice, c’est une chose de faire le bien, et c’en est une autre d’éviter le mal. Les parties intégrales de la justice sont aussi spéciales, c’est-à-dire qu’elles sont distinctes des autres vertus. Car, tandis que chaque vertu se détourne du mal et fait le bien, les deux actes que nous considérons maintenant font ces choses dans le but précis d’accomplir la justice. Ainsi, celui qui observe les commandements et les prohibitions de la loi afin de rendre leur du à Dieu et au bien commun est parfait selon la justice légale. Celui qui donne aux autres ce qui leur est du, et évite aussi de leur faire du tort, est parfait selon la justice particulière. Aux deux parties intégrales de la justice sont opposés les deux péchés de transgression et d’omission (35-39).
2141- Les parties potentielles de la justice. Les parties potentielles de la justice, c’est-à-dire ses vertus annexes, sont ces bonnes habitudes qui sont complémentaires de la justice. Elles participent à sa nature ou à son activité à un certain degré, mais pas entièrement. Nous avons vu plus haut (1664 et suiv) que la sage délibération et la sage décision appartiennent à la prudence dans la mesure où elles se rapportent au réglage rationnel de la conduite, mais qu’elles sont loin d’en être son acte principal, lequel est la conduite sage. Voilà pourquoi on les considère comme des parties potentielles. De la même manière, il y a un grand nombre de vertus qu’on doit assigner à la justice, puisqu’elles régulent la volonté de l’homme par rapport aux autres, mais qui doivent être considérées comme ses parties potentielles, parce ce qu’elles n’ont rien à voir avec une ou l’autre des deux notes essentielles restantes de la justice stricte, à savoir, qu’un remboursement soit donné qui est égal à la dette, et que la dette soit due en vertu d’un droit strict ou légal (1692).
2142- On donne, dans l’énumération suivante, les parties potentielles principales de la justice dans lesquelles il y a une dette stricte, mais non un remboursement égal. Ainsi, à Dieu, l’homme doit tout ce qu’il peut lui manifester en fait d’honneur et de vénération. Mais, malgré tous ses efforts, il ne peut jamais rendre à Dieu un culte qui est égal à la dette qu’il a contractée envers lui. L’homme ne peut donc pas remercier suffisamment Dieu pour ses bienfaits. Que dois-je donner en retour au Seigneur pour tout ce qu’il m’a fait ? (CXV, 12). La vertu de religion est donc une partie potentielle de la justice. Aux parents, les enfants ne peuvent pas faire un plein retour pour les bienfaits de la vie et de l’éducation, Et on peut dire la même chose de son pays. Un juste retour est hors de question dans les honneurs payés aux dieux et aux parents. (Aristote, éthiques, livre V11, chap. 16). Mais une personne est considérée vertueuse si elle rend les honneurs qui sont en son pouvoir (Aristote). La vertu de piété est donc elle aussi, une partie potentielle de la justice. Dans des cas exceptionnels, cependant, un enfant peut faire à ses parents un don égal ou plus grand que ce qu’il a reçu d’eux. Par exemple, en arrachant son père à la mort, il fait en retour un don égal au don de la vie; et en convertissant ses parents à la foi, il leur donne la vie spirituelle, laquelle a plus de valeur que la vie humaine qu’il a reçue d’eux. Aux hommes de vertu, nous sommes incapables de faire en retour un don suffisant pour le bien qu’ils nous ont donné par leur instruction et leur exemple. L’honneur que nous leur rendons est donc moindre que le bienfait reçu d’eux. La vertu de respect ou de révérence est donc une partie potentielle de la justice.
2143- Les degrés de la dette morale. Les parties potentielles de la justice qui restent sont celles dans lesquelles il n’y a pas de dette légale ratifiée par la loi, mais une dette morale à laquelle quelqu’un est lié par la probité propre à la vertu. Il y a donc deux degrés de dette morale. Une dette morale est plus urgente quand, sans observer la justice, on ne peut pas pratiquer une vertu, c’est-à-dire qu’on ne peut pas préserver son caractère d’homme vertueux. Ainsi, si une dette morale est considérée du point de vue du débiteur, il est obligé de montrer aux autres en paroles et en actes ce qu’il est vraiment, a été ou désire être (la vertu de franchise). Si la dette est considérée du point de vue du créancier, à qui un remboursement est du, il y a le devoir de gratitude envers lui pour ses bienfaits et de punition pour les offenses (les vertus de gratitude et de réprimande). Ces parties de la justice que nous venons de mentionner se distinguent facilement des actes qui appartiennent à la justice générale et particulière, et qui sont dues comme des dettes légales. Ainsi, le témoignage véridique d’un témoin est une obligation légale, car la personne qui questionne a un droit strict d’entendre la vérité, Mais la franchise en société ou l’habitude de dire la vérité aux autres est une obligation morale imposée par Dieu mais non sanctionnée par la loi. La compensation pour des services rendus en vertu d’un contrat est un devoir légal, et le débiteur doit payer. Mais la reconnaissance pour des dons ou des bienfaits n’est qu’un devoir moral. Et, en règle générale, la loi ne se soucie pas de la gratitude ou de la reconnaissance. La punition d’un délinquant par l’autorité publique est un acte de justice commutative. Mais une punition entreprise par une personne privée comme mesure d’autodéfense, qui fait appel à la loi ou qui, vigoureusement mais légalement, repousse une agression, est un acte d’une vertu annexée à la justice.
Une dette morale est moins urgente quand quelqu’un peut préserver la vertu sans la payer. Mais ce n’est pas le plus convenable ou le meilleur chemin de la vertu. Les exemples les plus importants ici sont les vertus d’amitié, d’affabilité, et de libéralité. Traiter les autres d’une façon amicale, et se rendre agréable en compagnie est quelque chose qui convient, non à cause des bienfaits qu’on a reçus des autres, mais parce que ces bienfaits nous ont rendus meilleur, et pour rendre la vie plus plaisante à tous. Semblablement, la libéralité n’est pas quelque chose qui est du, mais elle manifeste une excellente disposition envers l’argent et les autres biens temporels, à savoir, la volonté de les distribuer de grand cœur. Sans l’amitié et la libéralité, on peut maintenir la paix et l’harmonie dans les rapports sociaux, mais avec elles, ces dernières sont maintenues plus facilement, et reçoivent un ajout de grâce et de distinction.
2144-(epieikeia) Les parties potentielles de la justice mentionnées plus haut s’ajoutent à la justice particulière. Il reste encore une autre vertu à nommer, celle d’epieikeia qui appartient à la justice légale. C’est une partie subjective de la justice puisque c’est la fonction supérieure de la justice légale, la guidant pour suivre le droit substantiel, et le préserver de tout danger de pur légalisme, ou d’une interprétation outrancière, ou littérale (358). Avec celle-là, la vertu qui couronne la justice, l’énumération de ses parties est parvenue à sa fin.
2145- La vertu de religion. Nous allons maintenant continuer en traitant des différentes parties de la justice dans l’ordre donné plus haut, commençant à la vertu qui donne à Dieu ce qui lui est du. La religion (sainteté) se définit comme une vertu morale qui nous dispose à rendre à Dieu le culte et l’honneur qui lui appartiennent de plein droit comme suprême auteur de toute chose. Ainsi, la religion est une vertu morale. Car, bien qu’elle tende vers Dieu, elle n’est pas comprise parmi les vertus théologales, mais parmi les vertus morales, étant l’une des parties potentielles de la justice. C’est une inclination, c’est-à-dire que c’est une tendance de l’âme, ou l’exercice d’une habitude dans un acte. Les actes de religion sont soit élicités par elle, ou commandés par elle, en tant qu’ils sont ses activités propres et qu’ils procèdent directement d’elle, et qu’ils sont dirigés immédiatement vers Dieu (adoration, sacrifice, prière); ou appartiennent à une autre vertu utilisée par la religion pour l’honneur de Dieu, comme visiter les malades, prendre soin des veuves et des orphelins, toutes choses qui sont des actes de miséricorde. Se garder pur des contaminations du monde est un acte de tempérance. Mais quand ces actes sont faits pour rendre gloire à Dieu, ils sont eux aussi des actes de religion (Jacques, 1, 27). C’est un acte payé à Dieu, c’est-à-dire que, étant un acte de justice, il rend à un autre ce qui lui est du. L’hommage religieux donné aux saints ou aux images se réfère à Dieu, pour lequel ils sont vénérés. Il est payé à Dieu comme Être suprême, parce qu’il est notre Créateur et notre Maître. La religion offre à Dieu le tribut du culte, c’est-à-dire une œuvre interne ou externe faite pour reconnaître la majesté de Dieu, et pour imprimer dans l’âme d’autrui le sentiment de sa grandeur suprême.
2146- La religion comme vertu morale, La religion se range parmi les vertus morales, et non parmi les vertus théologales. Une vertu théologale a la fin dernière comme objet immédiat ou comme matière-sujet (la foi s’intéresse directement à Dieu, puisqu’elle le croit et croit en lui), et n’a pas de juste milieu (la foi ne peut pas se porter aux extrêmes, en croyant, par exemple, trop à Dieu). Mais les vertus morales ont les moyens comme objet immédiat (la justice s’intéresse directement aux actions que nous devons aux autres), et elles doivent observer le juste milieu (la justice doit payer le juste prix, ni plus ni moins, et à tel moment, à tel endroit, à telle personne). Mais il est clair que la religion a pour objet immédiat de rendre un culte qui est du, même si c’est Dieu qui est la personne à qui le culte est offert, et même si son excellence est la base de cette nécessité. Et on doit garder la modération dans le culte, en tenant compte des circonstances de temps, de lieu et de personne.
Mais il est impossible d’être trop fervent, trop amoureux de Dieu, trop zélé pour Dieu, car, même en faisant tout notre possible, nous ne pourrons jamais rendre à Dieu ce qu’on lui doit (Eccl XL111, 33).
La religion est la plus grande des vertus morales, car la personne pour laquelle elle est pratiquée est Dieu lui-même, et nous avons donc plus d’obligation envers elle qu’envers les autres vertus morales. La justice générale et la justice particulière se rapportent à ce qui est du aux créatures, mais le droit qu’ont sur nous les créatures est bien plus faible que celui que Dieu a sur nous. Il n’y a pas de contradiction dans le fait de faire de la religion une partie de la justice et de la préférer à la justice. Car il est plus exact d’envisager les parties intégrales et potentielles des vertus comme des quasi-parties, puisqu’on ne les appelle des parties que par analogie avec les parties que l’on trouve dans les êtres matériels et vivants, bien qu’elles ne soient pas semblables à ces parties à tous égards. (1647, 1648, 2139). Le fait que la religion ne puisse pas défrayer au complet sa dette de reconnaissance, ne la rend pas non plus inférieure à la justice, car, dans les matières de vertu, la bonne volonté est plus importante que la capacité de payer. Puisque la religion est la vertu morale par excellence, l’irréligion est la plus grande offense faite aux vertus morales (un blasphème malicieux est pire que l’injustice ou l’intempérance).
2147- La supériorité de la religion en tant que vertu. La religion est donc supérieure aux vertus morales. Elle est supérieure à la justice légale, la principale des vertus morales qui traitent du bien humain et naturel. Elle est supérieure à l’humilité, la principale des vertus morales qui modèrent les passions. Elle est supérieure à la miséricorde, la plus grande des vertus qui soulagent le prochain dans ses besoins et ses misères. Car la religion est offerte à Dieu, non parce qu’il en a besoin, mais pour sa gloire externe et notre plus grand bien. Elle est plus grande que le repentir, car elle honore Dieu, tandis que le repentir ne fait que disposer ou préparer à satisfaire à son honneur. Elle est plus grande que les grandes offrandes externes faites à Dieu sans âme, car l’obéissance vaut mieux que le sacrifice 1 Rois, XV, 22). C’est-à-dire que les actes internes de la religion (le respect, la dévotion) ont plus de valeur que les actes externes du culte faits avec pompe et magnificence, mais sans les dispositions internes qui plaisent à Dieu.
2148- La nécessité des actes de religion. Les actes internes (dévotion et prière) sont tout à fait nécessaires, car c’est l’âme qui les produit, et c’est par eux que les actes externes sont agréés. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité. (Jn 1V, 24). Les actes externes (adoration, sacrifice) sont, eux aussi, nécessaires à l’homme. Dieu n’a pas besoin de ces actes, il est vrai (XL1X, 13), car aucune créature ne peut ajouter à la gloire que Dieu possède en lui-même. Mais l’homme a besoin de l’élévation et de la perfection qu’il reçoit par la communion avec l’Être suprême. Et comme il n’est pas tout entier esprit, il doit utiliser des symboles et des cérémonies pour susciter, maintenir et fortifier des sentiments dans son âme. En conséquence, bien que la loi cérémoniale de l’ancien testament ait été abolie par le Christ (342), la religion chrétienne reconnait le besoin de cérémonies, comme le montrent clairement les Écritures, l’enseignement et la pratique de l’Église de tous les siècles. Dans le nouveau testament, nous apprenons que le Seigneur a fait usage de prières vocales, qu’il a prié à genoux, qu’il a chanté des psaumes. Et des actes externes de religion semblables sont attribués à saint Pierre, à saint Paul et à saint Étienne (Luc XX11, 31; Matt. XXV1, 39; Actes des Ap. 11, 42; V11, 59; 1X, 40). Le culte public est une nécessité, aussi, à cause de la nature de l’Église, comme société visible.
2149- Les actes internes de religion. Ces actes internes sont des offrandes faites à Dieu par l’âme qui lui rend un culte. Ils peuvent se réduire à deux : la dévotion, qui est l’offrande de la volonté et qui est le plus grand acte de religion, puisque les autres actes procèdent de la volonté. La prière, qui est l’offrande de l’intelligence, car, dans la prière, les pensées montent vers Dieu, comme une fumée d’oblation.
2150- Définition de la dévotion. On définit la dévotion comme la volonté de se vouer aux choses qui appartiennent au service divin. Nous en trouvons un exemple dans l’Exode XXXV, 21, là où il est dit que la multitude offrit les premiers fruits au Seigneur avec empressement et dévotion. Quelqu’un qui est dévoué à un autre, prend fort à cœur ses intérêts. De la même façon un dévot est zélé au service de Dieu. Ainsi, la dévotion est un acte de la volonté, c’est-à-dire une offrande de soi-même au service de Dieu, fin dernière. Mais on trouvera la dévotion en d’autres actes, dans la mesure où ils sont faits sous l’impulsion de la volonté, comme la prière, l’adoration, le sacrifice. Les regards, la voix, les gestes de ceux qui prient ou qui prennent part au saint sacrifice sont mus par la dévotion interne, et deviennent des expressions appropriées à l’honneur montré à Dieu et à l’exemple donné à autrui. La dévotion est spontanée et empressée, c’est-à-dire que la personne dévote choisit promptement l’honneur divin comme fin à donner à ses actes. Elle est rapide aussi à choisir les moyens idoines. Le grand modèle de tout cela est le Seigneur, qui a déclaré que sa nourriture est de faire la volonté de son Père (Jn 1V, 34). On pratique la dévotion dans les choses qui appartiennent au service de Dieu. Ainsi, celui qui s’offre lui-même à Dieu en un acte d’union spirituelle ou d’amitié, exerce la vertu de charité, tandis que celui qui a l’intention de faire le bien pour glorifier Dieu, pratique la dévotion. Mais la dévotion et la charité ne sont pas séparées, car la charité inspire la dévotion, et la dévotion nourrit la charité.
2151- On ne devrait pas confondre la dévotion avec l’émotion, la consolation spirituelle, ou les exercices pieux nommés dévotions. Ainsi, l’émotion ou le plaisir profane ou humain n’est pas de la dévotion. On prend souvent l’une pour l’autre quand l’émotion ou le plaisir est d’un caractère élevé, et est causée par des exercices religieux. La joie esthétique, le plaisir littéraire, ou la satisfaction intellectuelle ne sont pas nécessairement unis à ce fort attachement à Dieu et au besoin de faire sa volonté, ce qui est l’âme de la dévotion. On appelle souvent dévotion les consolations spirituelles, mais elles sont tout autre chose. La dévotion substantielle dont nous parlons présentement est dans la volonté, et elle consiste dans la forte inclination à louer et à honorer Dieu, tandis que la dévotion accidentelle est plutôt un appétit sensible qui consiste dans un sentiment de douceur ou d’élévation éprouvé dans les exercices de piété. Ce sentiment a souvent un effet sur le corps, comme quand une dévote personne pleure de joie à la pensée de Dieu. La dévotion substantielle est essentielle, et devrait être maintenue même s’il n’y a ni sentiment, ni attirance, ni ferveur. Un exemple de cela est fourni par notre Seigneur.qui pria intensément durant l’agonie du jardin et la désolation de la croix. La dévotion accidentelle n’est pas mauvaise en elle-même, ni inutile, et on peut la demander. Mais elle est dangereuse pour les personnes qui en tirent vanité, ou qui s’y attachent immodérément, ou qui la confondent avec la dévotion substantielle. Car, comme la vision consolante du Thabor, elle passe, et elle n’est pas une fin en elle-même.
Les dévotions sont des formes variées d’un culte externe rendu à Dieu, au Christ, à la sainte Vierge, aux saintes, aux lieux de pèlerinage. Il peut être liturgique, populaire, public ou privé. Des exemples sont la dévotion des quarante heures, les neuvaines, le rosaire, les stations du chemin de croix, l’usage des scapulaires et des médailles, les pèlerinages à la Sainte Vierge, les lampions, etc. Toutes les dévotions qui sont approuvées par l’Église sont bonnes et utiles en elles-mêmes. Mais les dévots en font souvent un mauvais usage, prenant les dévotions pour la dévotion, et le non essentiel pour l’essentiel. Comme quand toute l’insistance est mise sur les images ou les cantiques, ou sur un attachement sentimental à tel saint. Les personnes qui multiplient les dévotions externes peuvent ne pas posséder le moindre degré d’une vraie dévotion.
2152- La cause externe et interne de la dévotion. La cause externe de la dévotion est Dieu qui, par grâce, accorde le désir de le servir joyeusement. Et voilà pourquoi l’Église demande à Dieu dans ses prières qu’il répande sur nous une disposition à la piété et à la dévotion, et qu’il accroisse en nous la dévotion qui mène au salut. Mais il y a aussi une cause interne, à savoir la prière mentale ou la considération des choses divines, car la volonté suit l’intelligence. En conséquence, il est impossible d’insuffler aux actes externes une vraie dévotion à moins qu’on ne se livre quotidiennement à la méditation ou à l’oraison. Les sujets de la prière mentale qui stimulent la dévotion peuvent être réduits à deux. On devrait penser à ses propres faiblesses (les péchés, les dangers, les tentations) et au besoin qu’on a de Dieu, car c’est cela qui sert à enlever les obstacles à la dévotion. Ceux qui voudraient se vouer à Dieu doivent s’affranchir de la présomption et de la volonté propre, comme le pèlerin qui alla prier au temple, et qui dit : Je lèverai mes yeux vers les montagnes, d’où me vient le secours (Ps. CXX, 1). On devrait penser à des choses qui susciteront l’amour de Dieu, comme sa bonté, la mémoire de ses bienfaits, les mystères de la vie du Christ. Car, tout en inspirant la charité, ces considérations implanteront indirectement la dévotion à Dieu. Il est bon pour moi de m’accrocher à Dieu, et de placer mon espoir dans le Seigneur, dit le Psalmiste, après avoir passé en revue les bénédictions reçues de la Providence (Ps. LXX11, 28).
2153- La prière. On peut la prendre dans plusieurs sens, Ainsi, au sens le plus large, la prière est n’importe lequel acte de religion, ou une vie sainte. Saint Augustin dit qu’une bonne vie est la meilleure des prières. Et le commandement de Dieu voulant que nous devons toujours prier a été entendu au sens que nous devons toujours faire du bien. Dans un sens moins large, la prière est l’élévation de notre esprit vers Dieu, pour l’honorer, l’adorer, le remercier. Le motif de la vénération qui est présent ici distingue la prière des simples pensées sur Dieu, comme quand quelqu’un discute de sujets théologiques pour satisfaire la curiosité ou fournir de l’information. Dans son sens le plus strict, la prière est la demande à Dieu de choses qui conviennent. Par choses convenables, on entend celles qui sont légales et profitables. En conséquence, ce ne serait pas une prière mais une moquerie de demander à Dieu une aide pour pécher, ou pour faire des miracles inutiles. Nous considérons la prière, ici, surtout dans son sent strict.
2154- La prière psychologique. De par sa nature, la prière est un acte de la raison, car elle est une conversation ou une communication avec Dieu. Elle n’appartient pas, toutefois à la raison spéculative, mais à la pratique, puisqu’elle n’est pas un simple vecteur d’appréhension, de jugement ou de raisonnement, ou une présentation de demandes ou de projets à Dieu pour qu’il les accepte. Par prière, ici, nous n’entendons pas réfléchir sur Dieu, comme dans une méditation ou une contemplation (bien qu’on les appelle prière mentale), mais parler à Dieu. La prière, dans son origine, est un acte de la volonté, car la raison pratique ne présente à Dieu que les choses que désire celui qui prie. La prière est donc l’interprète du désir. En effet, Dieu peut prendre la volonté comme une requête, et accorder ce qui n’a pas été demandé. Le Seigneur entend les désirs du pauvre (Ps. 1X. 17). Avant qu’ils crient, je les entendrai (Is LXV, 24). De plus, la prière devrait surgir d’une inclination envers Dieu lui-même, et d’une union avec lui. (Ps. XL1, 1,2 ; Ps. XXV1, 4).
2155- La nécessité de la prière. Une prière n’est pas nécessaire au sens où Dieu aurait besoin d’être informé de nos besoins, ou ne pourrait pas être heureux sans nos hommages, ou pourrait être induit par elle à changer ses plans. Elle est nécessaire pour nous. Bien que Dieu accorde parfois des faveurs sans qu’on les lui demande, Il désire que nous ayons habituellement le double bénéfice de la prière et de la faveur accordée en réponse à la prière. Dieu pourrait donner des légumes sans la culture humaine de la terre, ou même des outils ou des instruments, sans que l’homme les invente ou les produise. Mais l’homme perdrait les fruits qui relèvent du travail de l’esprit et du corps. La prière est très bénéfique, même quand elle ne reçoit pas de réponse. Elle invite l’homme à accomplir son devoir de base qui consiste à honorer son Créateur, à maintenir en activité ses puissances spirituelles, et à exercer les vérités nécessaires de foi, d’espérance et de charité. Elle lui donne le privilège de parler directement avec Dieu, et avec le Christ, et de lui demander ce qu’il désire. Elle est une intimité avec Dieu qui doit, avec le temps, corriger et élever toute la vie spirituelle de l’homme. La prière est donc un déversement de tout son cœur en Dieu, le Père céleste. Elle apportera aussi de la consolation et du secours dans les malheurs et les périls.
2156- Le devoir de la prière pour tous les adultes. La prière est nécessaire de précepte divin, comme l’Écriture le déclare en plusieurs endroits. Ainsi, on nous commande de veiller et de prier (Matt. V11, 7 et suiv.). De prier sans cesse (1 Thes V, 17). De veiller en priant (1 Pi, 1V, 7). Dans la messe, la prière du Seigneur est préfacée par ces mots : Commandés par des préceptes salutaires, et avertis par des instructions divines, nous osons dire : notre Père. Il n’y a, toutefois, aucun précepte divin de prière orale, ni de l’usage que nous devons faire des paroles du Christ. Mais on doit, au moins, prier mentalement, et de la manière indiquée par le Christ. La prière est aussi nécessaire comme moyen (360), au moins en règle générale. Non pas au sens où Dieu ne pourrait pas sauver quelqu’un sans la prière, mais où il en a fait une condition indispensable. Comme cela est vrai aussi du baptême, sans lequel nul ne peut se sauver. C’est l’opinion commune, et elle repose sur de forts arguments. Ainsi, il y a certains biens nécessaires (comme la persévérance) qu’on ne peut posséder sans la prière. Et il y a certains devoirs nécessaires (comme les actes de foi, de charité, de religion) qu’on ne peut accomplir sans la prière. Il y a aussi l’enseignement de l’Église, des Pères et des docteurs à l’effet qu’on a besoin de la prière pour observer les commandements (concile de Trente); que nul n’est aidé s’il ne prie pas (Gennadius); que la prière est à l’âme ce que la respiration est au corps (St Benoit); que celui qui prie sera surement sauvé, tandis que celui qui ne prie pas sera surement damné (St Alphonse ).
2157- Les temps et la fréquence de la prière. Quant aux temps et à la fréquence de la prière qui permettent de remplir l’obligation, on trouve les mêmes opinions et conclusions que pour les actes de foi, d’espérance et de charité (929 et suiv. 1095-1097. 1593 et suiv.) Sur ce point, nous pouvons conclure de la façon suivante. Directement, ou en raison du précepte de la prière lui-même, il y a un devoir de prier au début de la vie morale, fréquemment pendant la vie (on ne peut préciser si ce doit être à chaque jour, à chaque semaine, à chaque mois, à chaque année. Mais cela ne cause aucune difficulté pratique, puisque ceux qui assistent dévotement à la messe aux jours prescrits remplissent le devoir de prier). Et aussi en danger de mort. Au début de la vie morale, la raison et la volonté devraient se tourner vers Dieu, et cela constitue une prière, au moins au sens large. Pendant la vie, la prière devrait être fréquente et continue, selon les paroles de l’Écriture. A l’heure de la mort, la prière est nécessaire, parce qu’on nous invite à demander la persévérance jusqu’à la fin.
Indirectement, ou en raison de certains préceptes autres que celui de la prière, la prière est nécessaire à chaque fois qu’on a besoin de recourir à Dieu pour remplir un devoir, ou pour éviter ce qui est défendu. Ainsi, on devrait prier à la messe, car, selon la loi ecclésiale, on doit entendre la messe dévotement. On devrait aussi prier quand une tentation dangereuse nous assaille, ou quand il y a de grandes calamités, surtout de caractère public. Car le précepte de charité nous commande de nous aider nous-mêmes, et d’aider les autres quand ils sont en difficulté.
2158- Les corollaires pratiques au sujet de la prière, en référence à la confession, Les catholiques pratiquants, c’est-à-dire ceux qui observent les préceptes de l’Église, qui s’accusent de négliger les prières du matin et du soir ou d’avant les repas, ne peuvent pas être considérés comme coupables de péché, même pas de péché véniel, à cause de cette négligence, car il n’y a aucun précepte qui commande directement des prières. Mais il peut souvent y avoir un péché véniel pour d’autres raisons, comme quand l’omission est due à de la tiédeur, ou, quand, indirectement, il y a un devoir de prier à ces moments pour des raisons spéciales, comme les besoins quotidiens ou les tentations. Nous ne sommes donc pas d’accord avec ceux qui enseignent que l’omission de la prière du matin ou du soir, surtout quand elle est habituelle, n’est jamais une matière suffisante pour l’absolution.
Les catholiques non pratiquants, c’est-à-dire ceux qui se sont éloignés de la messe et des sacrements contrairement aux lois de l’Église, et qui sont devenus des transgresseurs habituels, qui n’ont rien à dire sur leur négligence de la prière, devraient avoir à répondre à la question suivante : dans toutes leurs années d’absence de leurs devoirs, ont-ils aussi omis toutes les prières ? Car, si tel était le cas, ils ont péché contre le devoir de la prière. Les prières du matin, du soir, et d’avant les repas devraient être chaudement recommandées à tous, parce que ce sont des coutumes qui nous viennent des premier siècles; et aussi parce que ceux qui en font peu de cas finissent par négliger toutes les prières, ou tout au moins, s’exposent eux-mêmes aux dangers, ou à la perte de grâces précieuses.
2159- A qui peut-on offrir des prières ? On ne peut donner qu’à Dieu le nom de communicateur de toutes les grâces. Le Seigneur donne la grâce et la gloire (Ps.LXXXV111, 12). Mais on peut aussi prier les saints en tant qu’intercesseurs. La fumée d’encens des prières des saints montait devant Dieu des mains de l’ange. (Apo. V111, 4). En conséquence, l’Église demande à Dieu d’avoir pitié de nous; et elle demande aux saints de prier pour nous. Il est permis d’invoquer privément les prières d’un enfant mort après le baptême, d’une âme du purgatoire. On peut même demander les prières de ceux qui sont encore vivants sur cette terre, comme saint Paul le fait fréquemment dans ses épitres. Il n’y a pas de commandement nous obligeant à prier les saints. Quelqu’un qui ne les prie pas ne serait donc pas, pour cela, coupable d’un péché grave. Mais il y aurait un péché grave si on négligeait leur intercession par mépris, et un péché véniel si on le faisait par négligence (surtout la sainte Vierge, la médiatrice de toutes les grâces).
2160- Les personnes pour lesquelles on offre des prières. Il y a une obligation en charité de prier pour soi-même, ainsi que pour les autres, car nous devrions demander les choses que nous avons l’obligation de désirer (2161). Ce devoir, est enseigné dans l’Écriture, (Notre Seigneur a prié pour Pierre, saint Paul a demandé les prières de ses églises, saint Jacques V, 16, nous invite à prier les uns pour les autre afin d’être sauvés), dans le credo et la liturgie de la messe, car nous professons la foi dans la communion des saints, et nous offrons l’oblation du sacrifice pour les vivants et les morts. On devrait prier pour les ennemis dans les prières communes qui sont offertes pour tous, et pour en particulier dans des prières spéciales, quand il y a une raison spéciale, comme une grave nécessité ou le scandale qui serait donné si on refusait de se joindre à une prière faite pour son ennemi (Matt. V, 44). Mais on ne doit pas prier pour le succès des mauvais projets d’un ennemi. On n’est pas non plus obligé de faire des prières spéciales pour lui, en plus de celles qui sont nécessaires (1151). Pour les excommuniés, on doit prier dans des prières privées, quand la loi le permet, comme pendant les offices du vendredi saint, et durant les messes, à certaines conditions (2262). On doit prier pour les pécheurs, à moins qu’ils ne soient déjà perdus. On doit aussi prier pour les âmes du purgatoire, même si cette obligation ne semble pas grave, car on ne sait jamais avec certitude que telle âme a besoin de prières. Quant aux bienheureux, on peut prier pour leur canonisation ou leur gloire accidentelle, mais pas pour leur gloire essentielle qu’ils possèdent déjà.
2161- Les choses pour lesquelles on peut prier. Les maux. On ne peut jamais prier pour un mal moral, même le plus léger, et ce serait un grave manque de respect d’engager Dieu à devenir notre associé dans la commission d’un péché. Quant aux maux physiques, on ne peut pas les demander comme quelque chose de mauvais, mais il est permis de les désirer au sens large, en tant qu’ils sont des biens. Ainsi, on peut demander pour soi-même la maladie, la pauvreté ou la mort, pour autant que ces maux sont des moyens de correction, de progrès, de mérite, de pénitence, ou de fuite du péché. On peut demander à Dieu qu’il réprime un ennemi, même par le moyen de malheurs temporaires, si la chose est nécessaire pour l’empêcher de péché.
Les choses indifférentes. On ne peut pas désirer une chose indifférente, s’il n’y a pas d’intention morale pour la justifier (83). On ne peut pas demander à Dieu qu’il exauce des désirs capricieux (de remporter une partie pour le seul gain). Mais il ne semble pas qu’il y ait un grave manque de respect en agissant ainsi. Les biens temporels. On ne peut pas les demander comme intention première, parce que nous devons chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice (Matt. V1, 33). On ne peut pas non plus demander une chose temporelle inconditionnellement, car nous ne savons pas si elle sera bénéfique ou maléfique. Mais on peut demander les choses temporelles comme intention seconde (en tant que moyens qui nous aident à décrocher les biens spirituels), et conditionnellement (en supposant qu’ils seront spirituellement utiles). Ainsi, l’Église prie pour la protection contre les orages, contre les perturbations, et demande une température clémente, des moissons abondantes, et la paix. Les biens spirituels, Le salut éternel et les moyens qui le procurent devraient être les principaux objets de nos désirs, et nous devrions les demander sans cesse. Parce que Dieu est notre vraie fin, et les choses qui conduisent vers lui ne peuvent pas nous être nuisibles.
On peut demander des miracles, mais ce n’est pas une bonne chose de demander des privilèges qui sont réservés pour d’autres (s’asseoir à la droite du Christ, dans la gloire).
2162- Les qualités de la prière. Quant à la manière de la faire, la prière est accompagnée ou non accompagnée par des actes externes du culte, comme des mouvements corporels, ou des paroles. Mais il arrive souvent que les pensées sont exprimées en mots, et nous avons alors ce qu’on appelle la prière vocale. Une prière faite par un individu, pour lui-même ou pour les autres, peut être interne. Mais la prière publique qui est offerte par les ministres de l’Église au nom de l’Église doit être vocale, car elle doit être manifestée au peuple pour lequel elle est offerte. Mais l’usage de paroles ou d’autres signes extérieurs est avantageux même pour la prière privée, puisqu’elles suscitent une plus grande dévotion et aident à rester attentifs. Quand à la durée, la prière peut être continuelle ou interrompue. La prière devrait être continuelle si l’on considère sa cause, qui est la ferveur religieuse ou le désir du salut. Et c’est dans ce sens qu’on peut comprendre les prières de l’Écriture qui nous commandent de toujours prier (Luc, XV111, 1; Eph. V1, 18; 1 Thes V, 17). Mais si nous parlons de la prière elle-même, il est impossible de prier sans arrêt dans cette vie, car il y a beaucoup d’autres choses que l’on doit faire, et le repos est nécessaire. Quant à la quantité, les prières sont longues ou brèves. Le Seigneur a rejeté la croyance à l’effet que l’efficacité d’une prière dépendait de sa longueur (Matt. V1,7). Mais il n’a pas défendu les longues prières, puisqu’il a souvent passé des nuits à prier. La règle au sujet de la longueur des prières privées est qu’on devrait prier aussi longtemps que cela favorise la dévotion, et qu’on devrait cesser quand la lassitude ou la perte d’attention mentale nous prend. Semblablement, les prières publiques ne devraient pas être allongées au point de rendre les fidèles inattentifs. Les pères du désert avaient l’habitude d’offrir à Dieu, comme prière, de courtes mais ardentes oraisons jaculatoires, craignant qu’une prière prolongée n’éteigne la ferveur de l’esprit qu’ils avaient allumée au début. Mais, tant que la dévotion continue, on ne devrait pas arrêter la prière.
2163- La confiance requise pour le succès de la prière. La confiance doit exclure le doute ou la méfiance par rapport à Dieu ou à la prière elle-même. Comment peuvent-ils appeler à leur aide celui en qui ils n’ont pas cru. (Rom. X, 14). Celui qui hésite qu’il ne pense pas recevoir quelque chose du Seigneur (Jacques, 1, 6,7). La confiance n’exclut pas le doute au sujet de ses propres dispositions ( Ce n’est pas à cause de notre justice que nous présentons nos prières à Dieu. mais pour la multitude de tes tendres miséricordes ). Au contraire, la prière du Pharisien n’a pas été entendue, parce qu’il mettait sa confiance en lui-même (Luc XV111, 9). La confiance dans la prière ne signifie pas non plus qu’on puisse demander inconsidérément des choses temporelles (2161).
2164- L’intention et l’attention. L’attention est l’application volontaire de l’esprit à ce que l’on fait. Elle diffère de l’intention, qui est un acte de la volonté et non de l’intelligence, mais d’une volonté qui consiste dans le désir d’accomplir un acte. La prière demande l’attention et l’intention. Il doit y avoir une intention, car la prière, dans son origine, est un acte de la volonté, et elle n’appartient à la religion qu’à cause de la dévotion qui l’élicite. Quelqu’un qui, en lisant un roman à voix haute, se trouve à réciter les paroles d’une prière contenues dans le roman, ne prie pas si son intention est le plaisir ou l’instruction, et non la religion. Et même quelqu’un qui dit des paroles attentivement pendant le sacrifice de la messe peut ne pas prier, si son motif n’est pas religieux. Il y doit y avoir de l’attention, car la prière est, de par sa nature, un acte de l’esprit (2154). On ne dit pas qu’un perroquet ou un phonographe prie quand il récite les paroles du Notre Père ou du Je vous salue Marie.
2165- L’intention requise dans la prière. On a l’intention actuelle quand on veut expressément ou implicitement offrir une prière. Comme quand quelqu’un dit en lui-même : je vais lire une prière, ou quand, sans un acte explicite de ce genre, il fait ce qui constitue une prière, en produisant des actes internes de foi, en récitant le rosaire, en lisant dans un livre de prières. Cette sorte d’intention est nécessaire au début d’une prière, et elle est ce qu’on peut avoir de mieux dans tous le cours de la prière. On a une intention virtuelle quand quelqu’un se consacre à la prière en vertu d’une intention actuelle formée au début, et jamais rétractée, même si de temps en temps, à cause de la faiblesse humaine, on pense à d’autres choses qui sont sans rapport avec la prière. L’intention du début continue à moins qu’elle n’ait été rétractée directement par une intention contraire, ou indirectement par l’accomplissement d’actes étrangers à une prière. L’intention virtuelle suffit à une prière plus ou moins longue, car une intention actuelle continuelle et interrompue est humainement impossible. Plus l’esprit se débat pour garder la penser axée sur un seul objet, plus nombreuses sont les pensées qui accourent pour le distraire, comme le démontre l’expérience. On a une intention habituelle quand quelqu’un prie non en vertu d’une intention actuelle préalable, mais à cause d’une inclination résultant d’actes antérieurs. Ce n’est pas proprement une intention, et ça ne suffit pas pour la prière, puisque les actes accomplis de cette façon ne procèdent pas actuellement ou virtuellement d’une détermination de la volonté. Ainsi, on ne dit pas qu’une personne endormie ou enivrée prie, quand elle répète mécaniquement les paroles connues du pater, car sa volonté ne joue aucun rôle dans ce marmottage. Pas plus que la volonté d’un somnambule qui ne joue aucun rôle dans les dangereuses marches qu’il entreprend.
2166- L’attention dans la prière. En raison de son objet, l’attention est externe ou interne, selon que l’esprit ne s’applique qu’aux parties externes de la prière (l’exclusion des actes externes inconsistants avec la prière, et la posture du corps convenable) ou qu’aux parties internes (les mots, le sens, le motif). L’attention interne est dite verbale ou superficielle quand elle ne porte que sur les mots, comme quand quelqu’un qui ne comprend pas le sens d’une prière, la dit lentement pour ne pas faire de fautes de prononciation. Elle est littérale quand elle ne porte que sur le sens, comme quand quelqu’un qui dit une prière difficile à comprendre, met toute son application à suivre le sens. Elle est spirituelle quand elle porte sur le but de la prière (le culte rendu à Dieu par un acte de religion). En raison de son sujet, l’attention est parfaite ou imparfaite. L’attention parfaite chasse toute distraction, même involontaire. L’attention imparfaite repousse les distractions volontaires, mais pas les involontaires.
2167- Les actes qui excluent l’attention externe. Quelles sont les actions externes qui sont inconsistantes avec la prière externe et qui empêchent l’attention externe ? Les actes qui excluent l’attention externe sont ceux qui, du fait de leur nature (à cause de la grande application mentale qu’ils demandent) ou de la faiblesse de l’esprit d’une personne (car, tous ne peuvent pas, comme Jules César, penser à plusieurs choses en même temps) rendent impossible la concentration dans la prière. Des actes de ce genre, sont des lectures sur d’autres sujets, de la peinture, de l’écriture, du placotage avec des gens autour de soi, des rires à gorge déployée. Mais si celui qui prie agit ainsi par inadvertance (si une personne qui récite le rosaire ne se rend pas compte qu’elle porte toute son attention sur un message publicitaire posé sur un mur), la distraction est involontaire et sans faute. Ces actes n’excluent pas l’attention externe qui n’interfère pas du tout ou très légèrement avec la concentration dans la prière. Ces actes sont, par exemple, marcher lentement, faire de l’équitation, admirer un paysage, cueillir des fleurs, s’habiller, se déshabiller, prendre un bain, se peigner les cheveux etc. L’Église prescrit au prêtre certaines prières pendant qu’il revêt les habits sacerdotaux, Et c’était, pour les moines, une règle fort ancienne d’unir le travail à la prière.
2168- Quand l’attention externe est-elle suffisante ? Dans la prière, l’intention externe est-elle suffisante quand l’attention interne est volontairement exclue ? Dans les prières publiques, l’attention externe suffit pour produire de nombreux effets. Ainsi, dans l’administration des sacrements, le manque d’intention interne dans le ministre ne rend pas le sacrement invalide, puisque les sacrements produisent la grâce par l’accomplissement même du sacrement (ex opere operato). Dans les suffrages publics, le manque de dévotion et les distractions d’un prêtre ne privent pas le bénéficiaire du fruit impétré, puisqu’on offre les prières publiques au nom de l’Église elle-même, Dans le bréviaire, une attention purement externe suffit pour remplir l’obligation positive, d’après un grand nombre de moralistes, parce qu’il n’est pas certain que l’Église exige davantage. Dans toutes les prières, une simple attention externe ne suffit pas pour obtenir ce qu’on demande, ni pour le mérite, ni pour la satisfaction. Car prier avec un manque de dévotion volontaire n’est pas un acte qui mérite une rétribution. Ce n’est pas à une réponse favorable qu’il doit s’attendre, mais à une punition. Avant ta prière, prépare ton âme, et ne te comporte pas comme quelqu’un qui tente Dieu (Eccl. XV111, 23). Bien loin d’être un acte religieux, c’est un manque de respect envers Dieu.
2169- La sorte d’attention interne requise dans la prière. Le minimum qui suffit pour obtenir les bénéfices personnels du mérite et de l’impétration est l’attention verbale ou littérale, et l’intention imparfaite qui est mêlée avec des distractions involontaires ou certains vagabondages de l’esprit. En effet, quelqu’un qui a l’intention de bien prier, mais dont toute sa prière est une distraction continuelle en dépit de ses efforts, ne perd pas son mérite, mais l’augmente plutôt à cause de sa bonne volonté et de ses efforts. Mais pour un rafraichissement spirituel, il faut se libérer des distractions. Car, comme un étudiant ne tire aucun profit d’un cours si son esprit est à cent lieues de la classe, et comme un auditeur ne retire aucune instruction d’un discours fait en langue étrangère (1 Cor X1V, 4), de la même façon, celui qui prie avec l’esprit absent perd la dévotion et la joie qui sont communiquées par la communion actuelle avec des pensées célestes.
2170- Les distractions. Comme certains actes externes excluent l’attention externe, de la même façon, certains états internes excluent l’attention interne. Ces actes sont connus sont le nom de distractions, et on peut les définir comme des actes internes ou des omissions qui sont opposés à la nature ou au but de la prière, mais qui s’agitent durant la prière. Les distractions sont des actes ou des omissions. Ainsi, une personne qui roupille durant la prière, est inattentive, et pèche par omission. Mais celle qui cherche des gags pour ses films ou pour ses romans pendant la prière est distraite par commission. Les distractions entrent parfois en opposition avec la nature de la prière. On trouve dans la prière vocale les paroles et le sens. En conséquence, même si quelqu’un est plongé dans la méditation, il n’y a pas de prière vocale si les mots sont mal prononcés, ou escamotés, ou estropiés de façon à produire un non sens ou un contre sens. Bien qu’une négligence sur un mot ou l’autre n’exclue pas nécessairement une attention superficielle. Ceux qui, en raison d’une longue familiarité avec les prières sont capables de les réciter automatiquement sans penser aux mots ou à leur sens littéral ou mystique, ne sont pas distraits si leurs pensées portent sur le motif de la prière. Mais il ne serait pas convenable de n’observer aucun ordre dans ces matières. Par exemple, de toujours méditer sur les mystères glorieux pendant le temps de la passion, et sur les mystères douloureux pendant la période de Pâque.
Les distractions sont souvent en opposition avec le but de la prière. Le but de la prière est l’union de l’esprit avec Dieu, tandis que le but de celui qui prie est le bien spécial demandé. L’union avec Dieu est, dans la prière, nécessaire avant toute autre chose. Et bien qu’il faille y penser expressément (2169), il ne faut pas avoir dans l’esprit des pensées qui lui soient contraires. Les pensées, les désirs, les imaginations sont contraires à la fin de la prière, quand ils ne sont pas des moyens pour cette fin (des pensées mauvaises ou oiseuses, ou portant sur des occupations légales ou des affections honnêtes qui n’ont rien à voir avec la prière); ou quand ils sont des moyens menant à cette fin, mais sont ravalés à un usage purement naturel (quand l’attention aux paroles devient un exercice pour cultiver sa voix, ou quand l’attention à la lettre se transforme en étude grammaticale; ou quand l’attention au but de la prière devient une spéculation sur des questions théologiques aberrantes; ou quand on pense à l’argent, à la nourriture, aux vêtements pour lesquels on prie, comme s’ils étaient la fin de la prière.)
Les distractions arrivent durant la prière. En conséquence, une interruption n’est pas une distraction. Comme quand celui qui prie reçoit un coup de téléphone qui lui demande de se rendre à tel endroit pour affaire; ou quitte la prière momentanément pour noter une pensée importante qui lui passe par la tête. Aucune de ces interruptions ne peut être appelée distraction, comme quand quelqu’un commence à prier ou se sent si indispos ou si peu motivé qu’il remet à plus tard l’exécution de son dessein
2171- Les distractions volontaires et involontaires. Les distractions proviennent en premier lieu du but quand, par exemple, quelqu’un qui prie somnole délibérément par intervalles, lorsqu’il se sent la tête lourde; ou quand quelqu’un resasse dans son esprit les parties d’un discours qu’il va présenter. Elles proviennent, en second lieu, de la négligence, comme quand une personne qui prie ne désire pas expressément être inattentive, mais dit ses mots à la course, sans faire effort pour penser à ce qu’elle dit ou à ce qu’elle fait. Ceux qui parlent rarement de choses religieuses ou en lisent rarement, mais qui lisent énormément de choses futiles, ou qui ne parlent que de choses profanes, se préparent un grand nombre de distractions, à moins qu’elles ne contrattaquent en se procurant des aides pour rester attentives, comme des images ou des livres de prière. Les distractions involontaires sont celles qui ne proviennent ni du but ni de la négligence, mais de la faiblesse humaine. Ainsi, une personne qui est affectée par des maux de tête, des scrupules ou la dépression, qui est épuisée physiquement ou troublée mentalement, ou qui est entourée de bruit et de tapage, est souvent incapable de se concentrer pendant longtemps, quelle que soit la grandeur de son désir. En effet, sains Thomas dit qu’il est pratiquement impossible de dire un notre père sans distraction, et que plusieurs personnes sont distraites contre leur volonté par le plus léger bruit ou par tout mouvement qui se présente inopinément.
2172- La culpabilité de la distraction dans la prière. Les distractions involontaires ne sont pas des péchés, car à l’impossible nul n’est tenu. En conséquence, un pénitent qui n’a que ces choses-là à avouer en confession reçoit une simple bénédiction au lieu d’une absolution. Les distractions volontaires sont des péchés. Car, bien qu’on soit libre de parler à Dieu en tout temps, on est tenu à le faire avec respect, dans l’esprit et la vérité, comme Dieu le demande. La communion avec Dieu se fait par des moyens spirituels, et c’est un grand manque de respect de tourner son esprit ailleurs, quand on a établi le contact. Bien plus, la manifestation d’un intérêt de pure forme déplait à Dieu, comme les holocaustes que Dieu réprouvait parce qu’ils étaient offerts sans amour. Mais, de par sa nature, ce péché n’est que véniel. Car est maintenue l’intention de prier, ainsi que la bonté morale essentielle de l’acte. Et le défaut consiste dans le fait que l’intention a été négligemment mise en application (78),
2173- Quand la distraction volontaire est-elle un péché mortel, et quand est-elle un péché véniel ? C’est un péché véniel quand on dit une prière non obligatoire, même avec l’intention expresse d’être inattentif ; et aussi quand on dit une prière obligatoire (le bréviaire) avec des distractions dues à la nonchalance, mais sans qu’on laisse tomber l’intention de prier. C’est un péché mortel quand quelqu’un se livre à des distractions par mépris, et quand on dit une prière obligatoire avec des distractions qui durent pendant une partie considérable de la prière, et qui sont délibérément entretenues. 2174- Les distractions durant le bréviaire sont l’absence d’attention que l’Église requiert sous peine du péché grave de ne pas avoir satisfait une obligation canonique. Il y a deux opinions au sujet des distractions qui rendent la récitation du bréviaire insuffisante ou entachée de péché grave. D’après l’opinion la plus ancienne, l’attention interne est requise. Mais il semble, que, généralement, ceux qui soutiennent cette opinion ne prétendent pas que les distractions internes seules privent le bréviaire de ce qui lui suffit pour remplie l’obligation. Ainsi, ils soutiennent que celui qui a eu des distractions volontaires peut considérer qu’il a rempli son devoir, à moins qu’il soit certain qu’il ait été conscient de son état de distraction, et qu’il n’ait rien fait pour y mettre fin. Selon l’opinion de plusieurs moralistes modernes, l’attention externe suffit. En conséquence, selon cette opinion, on encourt un péché mortel par un défaut considérable de l’attention externe, et non interne.
2175- Les actes externes de la religion. Nous en venons maintenant à ces actes de la religion qui sont accomplis extérieurement. Mais on devrait noter que, comme la dévotion et la prière trouvent une expression externe, les actes externes de la religion devraient procéder de la dévotion interne. On devrait classer les actes externes de la religion en trois groupes : les actes dans lesquels on offre à Dieu son corps comme marque de vénération (adoration); les actes dans lesquels on offre à Dieu des biens externes (sacrifices, offrandes, prémices, dime) ou promis (vœux); les actes dans lesquels on utilise des choses divines pour honorer Dieu (sacrements, les serments, l’adjuration, les louanges).
2176- Définition de l’adoration. L’adoration est un honneur rendu à Dieu par des actes corporels offerts en reconnaissance de son excellence suprême, et notre dépendance de lui. C’est donc une reconnaissance de notre dépendance de Dieu, et, comme telle, elle diffère des honneurs, qu’on peut montrer même à un égal. C’est une reconnaissance de son excellence suprême, et elle diffère ainsi de la vénération que nous portons aux créatures qui nous sont supérieures. L’adoration (latrie), n’est pas la même chose que le culte sacré ou la vénération montrée à la bienheureuse Vierge Marie.(hyperdulie) et aux saints (dulie), à cause de leur grâce surnaturelle et de leur gloire. Elle est encore moins semblable au culte civil montré aux personnes illustres à cause de leurs qualités personnelles, comme une grande connaissance acquise, la dignité ou le pouvoir politique, le génie littéraire ou musical. Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu le serviras (Matt. 1V, 10).
2177- L’unité et la variété de l’adoration. L’adoration est une, mais elle a plusieurs façons de s’exprimer. L’unité de l’adoration dépend de l’unité de son objet. Il n’y a qu’un seul Dieu auquel appartiennent les différents attributs divins; et les trois personnes divines partagent la même majesté. En conséquence, il n’y a qu’une seule adoration. La variété dans l’adoration est dans l’expression. La plus haute expression de l’adoration est interne. Elle ne dépend pas d’actes corporels ou de lieux. Elle est offerte par les anges comme par les hommes. La plus basse expression d’adoration est faite par des actes corporels, comme les génuflexions, les prostrations, la prière face à l’est, et l’usage de lieux sacrés pour le culte. Tous ces actes externes servent comme aides à la dévotion, et comme symboles de la gloire divine (Matt. XV111, 20; Luc X1X, 46). Quelques-unes des actions ici mentionnées sont parfois employées dans le culte religieux ou civil qui s’adresse aux créatures. Mais l’adoration interne n’appartient qu’à Dieu seul.
2178- Définition du sacrifice. Le sacrifice est une offrande à Dieu, et le vrai changement d’une chose sensible faite par un ministre validement ordonné en reconnaissance de la domination suprême de Dieu, ou de notre sujétion. C’est une offrande ou une oblation, c’est-à-dire que quelqu’un fait un don directement à Dieu lui-même. Ainsi, le sacrifice diffère des contributions que le peuple rend au clergé ou à l’Église. Il offre une chose sensible, un objet perceptible par les sens, ou caché sous des espèces sensibles, Car le sacrifice est un signe externe de l’offrande interne, par laquelle l’âme se soumet à Dieu. Il est fait par un prêtre validement ordonné, car le sacrifice est un acte public fait au nom de la communauté. Il ne peut donc être offert que par ceux qui représentent la communauté. Saint Paul déclare qu’un grand prêtre est choisi parmi les hommes pour offrir un sacrifice; et que personne ne peut s’arroger cet honneur à moins d’être appelé comme Aaron (Hebr. V, 4)
Il n’est offert qu’à Dieu seul, puisque
Dieu seul est notre cause première et notre fin dernière. Celui qui sacrifie
à d’autres Dieux en plus du Seigneur sera mis à mort (Exod. 22, 20).
Une offrande de messe en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie ou
des saints signifie que le sacrifice est offert à Dieu en remerciement
pour leurs mérites, ou comme une demande d’imitation de leurs vertus.
On peut faire des oblations aux hommes, mais on n’offre des sacrifices
qu’à Dieu. Par le changement de la chose offerte, car elle devient
alors la victime du sacrifice. En effet, l’acte suprême du culte
réservé à Dieu agit sur la substance même d’une chose externe, pour
exprimer par là que l’adorateur offre son être à Dieu. Le changement
dans la chose sacrifiée consiste en ce qu’elle devient sacrée, ou mise
à part comme l’objet central de l’acte par excellence du culte.
Il est fait en reconnaissance du pouvoir
suprême de Dieu et de notre sujétion. C’est-à-dire qu’il est
un acte dont la fin propre et directe est la pratique de la vertu
de religion. Ainsi, le sacrifice diffère des actes de sacrifice
comme la continence, l’abstinence, le martyre, même quand ils sont offerts
en honneur de Dieu, car la fin propre et directe de ces actes se rapporte
à une autre vertu que la religion. L’acte sacrificiel peut n’avoir
aucun autre but que le culte, mais les autres actes vertueux ont d’autres
fins pour les rendre louables, même quand ils sont utilisés comme actes
du culte.
2179- Ce qui est essentiel au sacrifice. On peut dire que le signe externe consiste d’une matière et d’une forme. La matière est une chose sensible utilisée comme victime, qu’elle soit inanimée (le pain et le vin de Melchisédech) ou animée (l’agneau pascal), ou humaine (notre Seigneur dans sa passion). La forme est une action sensible qui rend la victime sacrée, en la dédiant par une oblation sacrificielle (la fraction du pain, la libation du vin, l’offrande de l’agneau immolé, l’acceptation volontaire et visible de la mort par notre Seigneur). Dans la messe, le Christ est sacrifié, non sous son apparence visible, mais en tant que présent dans les espèces sacramentelles, et offert par l’intermédiaire de son représentant. Et, en conséquence, dans la messe, la victime est rendue sensible par le moyen des espèces qui la signifient et la contiennent, tandis que la consécration par le prêtre suprême est rendue sensible par les paroles du ministre sacerdotal qui agit en la personne du Christ. La chose interne qui est signifiée dans le sacrifice est, en premier lieu, l’offrande de soi à Dieu, en reconnaissance de ce que c’est de lui que nous avons notre être, et que c’est en lui que se trouve notre bonheur. Mais, en second lieu, elle signifie les fruits qui dérivent pour nous de cette union (les bienfaits de la rédemption et du salut). Ainsi, la mort sacrificielle du Christ est aussi un symbole de la mort de l’homme au péché et de la vie en Dieu (1 Pi. 1V, 1).
2180- L’obligation du sacrifice. Le sacrifice interne ou spirituel est obligatoire pour tous, puisque tous sont tenus à offrir à Dieu la dévotion de leur volonté, la communion de l’esprit, et la reconnaissance de sa suprématie. Le sacrifice externe proprement dit consiste dans un signe externe qui indique le culte interne rendu à Dieu. Il est nécessaire de par la loi naturelle, car la raison elle-même démontre que l’homme est un être inférieur et dépendant. Il devrait donc reconnaître la supériorité de Dieu et sa soumission par des actes qui se rapportent à sa nature, laquelle est faite d’un composé d’âme et de corps, et pour laquelle les choses sensibles sont des signes des vérités surnaturelles.
2181- Les exemptions basées sur la loi naturelle. Bien que le sacrifice extérieur proprement dit soit obligatoire de par la loi naturelle, il n’est pas le premier précepte de la nature, et la nature n’en précise pas les modalités. Ainsi le fait de l’obligation peut être inconnu à quelqu’un, puisque (bien que la raison l’indique) elle n’est pas évidente, et repose sur un nombre de prémisses d’où on la déduit. A la différence du devoir d’honorer les parents, qui provient immédiatement des premiers principes, le devoir d’offrir un sacrifice est une conclusion éloignée. Il permet donc l’ignorance invincible (320). La manière d’accomplir l’obligation, puisque la loi naturelle ne le précise pas, doit être déterminée par les lois positives, ou, en leur absence, en conformité avec les circonstances dans lesquelles on vit. Avant que la loi positive ne soit donnée, il n’y avait pas de rite obligatoire pour le sacrifice, et l’oblation n’était pas réservée à des personnes spéciales. Et c’est pourquoi nous lisons que dans le temps des patriarches, il y avait une grande liberté dans les cérémonies et les ministres du sacrifice. Mais, sous la loi mosaïque, la façon de sacrifier a été prescrite dans les moindres détails, et le ministère confié aux fils d’Aaron, à l’exclusion des rois eux-mêmes. Tandis que sous la loi du Christ, il n’y a qu’un seul sacrifice, celui de la croix perpétué dans la messe, de façon non sanglante. Et les ministres qui ont le pouvoir d’offrir le sacrifice ne sont que les évêques et les prêtres.
2182- Le sacrifice est-il supérieur à tous les autres actes de religion ? Le sacrifice n’est pas supérieur à l’acte interne de religion ou au sacrifice interne de l’âme qui donne la vie et le mouvement aux rites externes (2149). La multitude offrait des prières et des holocaustes avec dévotion (11 Par XX1X, 31). L’obéissance est meilleure que le sacrifice (1 Rois XV, XX11). Le sacrifice est prééminent parmi tous les actes de religion. Certains actes de religion sont optionnels (les vœux, les serments), mais le sacrifice est une obligation naturelle. Certains actes de religion sont obligatoires, mais on peut aussi montrer aux créatures des marques de respect similaires (les offrandes, les louanges), tandis qu’aucune sorte de sacrifice ne peut être offerte aux créatures. Certains actes de religion sont réservés à Dieu, mais ils n’ont pas de rites qui lui soient propres, et qui ne puissent être employés pour d’autres (actes d’adoration). Mais le sacrifice est un service réservé à Dieu, et que seuls les prêtres peuvent accomplir. Les sacrements servent premièrement au bien-être de l’homme; le sacrifice existe premièrement pour honorer Dieu. Les actes non sacrificiels de la religion peuvent être accomplis au nom d’un individu (adoration), tandis que le sacrifice est fait au nom de la communauté. D’autres actes de religion peuvent signifier la dépendance à Dieu pour les choses temporelles et corporelles (l’offrande des premiers fruits), mais le sacrifice signifie la dépendance de l’âme elle-même à l’égard de Dieu, pour son existence et sa béatitude.
2183- Les offrandes. Les offrandes sont des dons faits immédiatement à Dieu, à être employés, sans changement, pour le culte divin, ou pour les besoins des ministres du culte divin, le but étant de rendre un culte à Dieu par le paiement d’un tribut. Ainsi, les offrandes sont des dons, c’est-à-dire qu’elles sont données à Dieu spontanément, sans obligation, ou, tout au moins, sans que la loi n’en ait fixé le montant. La raison naturelle enseigne que l’homme devrait verser une partie de ses biens, comme une offrande de reconnaissance, pour la divine bonté, quand il y a des représentants de Dieu à qui le don peut être fait. Le don devrait être une offrande volontaire (Exod. XXV, 2), à moins qu’il n’y ait certaines circonstances qui en fassent une dette, comme un contrat, une promesse, une coutume, ou les besoins des ministres de l’Église. Elles sont faites immédiatement à Dieu lui-même, et elles différent ainsi des dimes. Elles ne sont pas changées dans l’acte du culte (une offrande de vases sacrés). Elles ne sont du moins pas changées dans la condition sacrée d’une victime sacrificielle (les chandelles, l’encens consumés pendant la messe). Ainsi, une offrande simple diffère d’une obligation sacrificielle. Les offrandes sont vouées au service de Dieu, puisque ce sont des dons qui lui ont été faits. Voilà pourquoi elles sont utilisées dans le culte divin, et si elles sont consacrées (calices, vêtements), elles ne peuvent pas servir à un autre but. Ou elles sont utilisées pour les besoins des ministres du culte divin, ou des pauvres, puisque ceux qui font le service de l’autel doivent vivre de l’autel (1 Cor 1X, 14). Et notre Seigneur a partagé sa bourse avec le pauvre (Matt. XXV1, 31). Elles sont données comme une marque d’honneur à Dieu, surtout pour le remercier des bienfaits que nous recevons de Lui. Ainsi, dans l’ancienne loi, les gens étaient obligés de donner les premiers fruits de leurs champs et de leurs arbres à Dieu, en remerciement pour le don de la terre promise et de ses fruits (Deut. XXX1, 10).
2184- Les biens qui ne représentent pas des offrandes convenables pour Dieu. Ainsi, ces biens qui sont interdits par la loi positive ne peuvent pas être offerts à Dieu. Dans l’ancienne loi, certains animaux ne pouvaient pas être offerts, soit parce qu’ils étaient légalement impurs, (les chiens étaient associés aux rites païens, et étaient regardés comme des symboles de rapacité), ou soit parce qu’ils étaient d’une qualité inférieure (un mouton aveugle ou boiteux). Ces biens dont un offrant n’a pas le droit de se départir, ou qui sont inconvenants en raison des circonstances, ne peuvent jamais être donnés à Dieu comme offrandes. Ainsi, on ne peut pas offrir à Dieu de l’argent qui appartient à un autre (Eccl. XXXV, 21); un fils ne peut pas donner à Dieu, comme offrande, l’argent qu’il doit dépenser pour ses parents en besoin (Matt. XV, 3-6). On ne peut pas non plus offrir à la messe du vin frelaté ou altéré, ni les fruits de la prostitution, en cas de scandale, ni des dons qui sont mesquins et dérisoires.
2185- Les contributions. Les contributions au support du clergé et des causes de l’Église ne sont ni des sacrifices ni des offrandes au sens strict de ces mots, puisqu’elles ne sont pas données directement à Dieu, mais aux ministres de Dieu. La façon de faire des contributions ecclésiales a varié avec le temps. Ainsi, dans les premiers âges de l’Église, les clercs chargés d’âmes, étaient soutenus par les dons volontaires du peuple. Ces dons étaient faits principalement pendant la messe. On apportait à l’offertoire le pain et le vin et les autres choses nécessaires au culte divin et au support du clergé (c’est l’origine de la quête), tandis que de la nourriture pour l’agapè ou pour les pauvres étaient présentée à la fin du canon pour recevoir une bénédiction, ou avant la messe.
Après que la paix ait été donnée à l’Église, et après que le nombre des fidèles et des prêtres ait augmenté, on a jugé qu’il était nécessaire de mettre sur pied des moyens qui assureraient un revenu certain et régulier. Aussi tôt que le sixième siècle, les anciennes coutumes des prémices et des dimes firent l’objet de décisions conciliaires, et furent imposées comme des taxes spécifiques sur la récolte et le revenu. Un système plus permanent de support ecclésial a été celui des dotations ou des bénéfices, qui, à cause des difficultés croissantes des méthodes plus anciennes, se développèrent autour du sixième siècle, et devinrent universelles au onzième. Les frais liés à l’administration des rites sacrés et les offrandes de messe étaient déjà en usage dès le septième siècle. Aujourd’hui le système des bénéfices est la règle, et les prémices et les dimes sont rares, bien que reconnus par le droit canon. Dans quelques pays où les bénéfices ont été confisqués, une compensation partielle est faite sous forme de pensions. Dans d’autres pays (comme les États-Unis), le système est constitué d’offrandes libres des fidèles.
2186- Obligation de contribuer au
soutien du clergé. La loi naturelle. Ceux qui sont au service
du bien-être général, dans les domaines spirituels ou temporels, devraient
être supportés par ceux qu’ils servent. Car, comme ils donnent
aux autres leur temps et leur travail, c’est un devoir de justice que
ces derniers donnent quelque chose en retour pour les bienfaits qu’ils
en reçoivent. En conséquence, comme les citoyens sont naturellement tenus
d’apporter leur contribution aux affaires publiques, les fidèles sont
naturellement tenus, d’apporter, selon leurs moyens, une aide aux ministres
du culte. La loi divine. Notre Seigneur a commandé à ses
disciples de dépendre, pour leur subsistance, de ceux à qui ils prêchent.
Car le laboureur mérite sa nourriture (Matt. X, 10). Et saint Paul
(1 Cor 1X. 13, 14) : Ceux qui travaillent dans les lieux saints mangent
les choses qui sont dans les lieux saints, et ceux qui servent à l’autel
participent à l’autel. Ainsi, le Seigneur a ordonné que ceux
qui prêchent l’évangile vivent de l’évangile. La loi de l’Église.
Les canons affirment que c’est la loi naturelle et la loi divine qui
obligent les fidèles à subvenir aux besoins du clergé (1496).
Et quand à la manière d’apporter sa contribution, ils sanctionnent
les coutumes locales, comme les paiements paroissiaux (canon 463), les
dimes et les prémices (canon 1502).
2187- L’Église, le siège apostolique,
les églises individuelles et les personnes morales de la loi ecclésiastique
ont le droit aux moyens temporels requis pour remplir leur mission.
Et, en conséquence, les fidèles ont le devoir de contribuer aux
causes de l’église qui sont nécessaires, comme le culte divin, la propagation
de l’évangile, et la charité (canons 1495 et suiv.)
2188- La qualité de l’obligation de contribuer à l’Église. L’obligation en est une de justice ainsi que de religion, car il y a un quasi contrat entre les fidèles et l’Église et ses ministres : les prêtres et les évêques sont obligés de remplir leur ministère, et les fidèles doivent les soutenir dans leurs besoins temporels. C’est pourquoi saint Paul compare les salaires donnés au clergé aux gages ou aux fruits payés aux laboureurs. Il n’est pas étrange que ceux qui sèment des choses spirituelles pour les autres récoltent des choses temporelles. Car un soldat ne sert pas à ses frais. Un jardinier, un berger, un laboureur, et un meunier espèrent recevoir leur part pour leur travail. Même l’animal qui sert l’homme a le droit d’être bien traité (1 Cor 1X, 4 et suiv.) L’obligation est grave, car elle provient de la justice et de la religion (1748, 2148). Celui qui refuse d’offrir sa contribution à l’Église élude le paiement pour services reçus, et refuse son aide au culte divin.
2189- Attitudes envers ceux qui refusent d’apporter leur contribution. Les devoirs du prêtre envers ceux qui refusent de pourvoir aux besoins de l’Église sont comme suit. Ils ne devraient pas refuser l’absolution, à moins qu’il soit certain que le pénitent est en état de péché mortel. En conséquence, d’après Kenrick et l’ensemble des moralistes, le confesseur ne devrait pas imposer de paiement sous peine de refus d’absolution, à moins qu’il y ait une loi fixant une taxe, ou que le membre délinquant de l’Église n’inflige une sévère privation à l’Église, ou de lourds fardeaux à ceux qui doivent payer davantage. En dehors de ces cas, l’Église, pour le bien des âmes, n’insiste pas sur ses droits, comme nous voyons dans la façon de se comporter de saint Paul envers les Corinthiens, qui avaient négligé de l’aider matériellement. L’Apôtre ne les as pas corrigés, chose qu’il aurait faite s’il avait pensé qu’ils étaient coupables d’un péché mortel. Quant à la restitution, il semble qu’on ne devrait pas insister là-dessus. Celui qui a coupablement refusé de payer à l’Église ce qu’il lui doit a offensé la justice, cela est vrai, mais l’Église s’intéresse plus aux choses spirituelles qu’aux temporelles, et au lieu de mettre un obstacle à la conversion d’un pécheur, ou d’être une occasion de scandale au faible, elle préfère renoncer à son droit (1487).
Quant à l’administration des sacrements et des sacramentaux, on ne devrait pas les refuser à ceux qui ne sont pas capables d’en payer les frais. Le bénéficiaire des rites se déshonore en refusant de faire ce que font les autres, mais c’est la religion elle-même qui se déshonorerait si on refusait des rites pour des raisons d’argent. 2190- Ceux à qui sont dues les contributions religieuses. L’Église tout entière devrait contribuer à aider le pape, le pasteur de tout le troupeau du Christ, qui est chargé du salut éternel de tous. Dans l’ancienne loi, les lévites eux-mêmes étaient obligés de payer la dime au grand prêtre (Num XV111, 26). Mais le montant d’argent à être donné à Pierre est laissé à la générosité et à la dévotion religieuse des contributeurs. Chaque paroisse devrait donner à son évêque un montant juste qui soit suffisant pour répondre à ses besoins.
2191- Les vœux. Un vœu est une promesse faite à Dieu d’accomplir ce qui est meilleur. C’est une promesse, c’est-à-dire une entente par laquelle quelqu’un s’engage devant quelqu’un à faire ou à omettre quelque chose (Eccl V, 3,4,). Ainsi un vœu diffère d’une décision de faire du bien, ou de l’intention d’en faire. Car, en plus de la délibération et du désir, il comporte le décret de la raison qui place quelqu’un dans la nécessité morale d’accomplir sa promesse. Ainsi, les personnes qui font de bonnes résolutions, ou qui se promettent à elles-mêmes de faire de bonnes démarches (un ivrogne qui promet de s’abstenir de boissons alcooliques), ne pêchent pas contre un vœu, quand elles manquent à leurs résolutions. Une promesse ou une résolution faite sous serment n’est pas nécessairement un vœu. Et, en conséquence, quelqu’un qui jure d’observer la chasteté peut être libéré de cette obligation par un supérieur ecclésiastique qui n’a pas le pouvoir de dispenser d’un vœu de chasteté (2234, 2262).
Un vœu est une promesse faite à Dieu, c’est-à-dire que la personne qui fait un vœu a l’intention d’honorer Dieu et de se lier à Dieu. On peut faire un vœu en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie, ou d’un autre saint, au sens où quelqu’un voue à Dieu ce qu’il promet aux saints, ou que l’on demande à un saint d’être un témoin ou un assistant d’un vœu; ou que l’on offre le voeu principalement à Dieu, et secondairement à un saint. En conséquence, si quelqu’un faisait une promesse à un saint (une fille promet la virginité perpétuelle à la sainte Vierge), sans penser à Dieu, ou sans la pensée de s’engager devant Dieu, la promesse serait un acte appartenant à la vertu de vénération (dulie), mais elle ne serait pas un acte de religion ou un vœu. Des promesses faites à des personnes vivantes, même dans des circonstances solennelles (une promesse faite sur le lit de mort d’une mère mourante) sont sacrées, mais elles ne sont pas des vœux. Un vœu est une promesse d’accomplir ce qui est meilleur. C’est-à-dire que, puisqu‘un vœu est une promesse libre faite à Dieu à qui seul le bien plaît, et à qui ce qui est moins bon plait moins, un vœu ne promet pas à Dieu quelque chose de mauvais, d’indifférent, ou de moins plaisant. Ce serait un déshonneur que de promettre à Dieu quelque chose qui l’offenserait. Ce ne serait pas l’honorer que de lui promettre une chose sans valeur ou inutile. Ce ne serait pas l’honorer d’une façon spéciale de lui offrir quelque chose qu’il n’agrée pas. En conséquence, ce serait irréligieux de faire le vœu de voler, de compter ses pas, de préférer le mariage au célibat. On appelle vœux certaines promesses solennelles (les vœux du baptême et du mariage), mais elles ne sont pas des vœux au sens strict du terme, car elles ne promettent pas ce qui est meilleur, ceux qui promettent n’ayant nullement l’intention de s’imposer l’obligation de la religion.
2192- Les différentes sortes de vœux. En raison de son objet, un vœu est soit personnel (la promesse de faire ou d’omettre tel acte, comme le jeûne, ou la fuite de l’occasion du péché), soit réel (la promesse d’un paiement ou d’un objet, comme d’une aumône) soit mixte (la promesse d’une action et d’un objet, comme un pèlerinage à un sanctuaire avec une offrande). En raison du sujet du vœu, il est soi singulier (fait par une personne physique), soit commun (fait par une personne morale ou une communauté). En raison de sa durée, un voeu est soit temporaire (un an), soit perpétuel (toute la vie). En raison de la manière avec laquelle il est fait, un vœu est soit absolu (un vœu inconditionnel de chasteté), ou conditionnel (le vœu d’aller en pèlerinage si on recouvre la santé; un vœu d’entrer en religion si les parents y consentent). Un vœu conditionnel est soit non pénal, comme dans l’exemple qu’on vient de donner, ou soit pénal, quand la promesse porte sur une peine à subir si on commet une faute (un vœu de dire le rosaire à toutes les fois qu’on blasphème; de jeûner à chaque fois qu’on s’enivre; ou de faire des aumônes à toutes les fois qu’on est déshonnête). En raison de sa forme, un vœu est soit exprimé oralement ou tacite (assumé extérieurement en raison d’un devoir auquel il est annexé, comme quand quelqu’un prend le sous diaconat dans l’église latine, auquel est attaché le devoir de célibat). Il faut noter, cependant, que certains moralistes considèrent que le célibat imposé par le sous diaconat est un devoir prescrit par la loi ecclésiastique, et non par un vœu. Le vœu exprimé peut, à son tour, être explicite (manifesté par des signes qui expriment directement le vœu, comme quand celui qui fait un vœu mentionne la pauvreté ou la chasteté), ou implicite (comme quand celui qui fait un vœu ne mentionne que l’obéissance selon la règle, une règle qui inclut les vœux de pauvreté et de chasteté.) Un vœu explicite est soit déterminé (quand la chose promise est nommée par son nom : un pèlerinage), soit indéterminée (un pèlerinage ou un jeûne, ou autre chose). En raison de sa position devant l’Église, un vœu est soit privé (fait sans l’intervention ou l’acceptation de l’Église, comme quand une personne en danger de chavirer fait un vœu), ou soit public (fait devant l’Église et accepté en son nom par un supérieur ecclésiastique, comme les vœux faits dans les ordres et congrégations approuvés). Le vœu public est simple ou solennel, comme l’Église l’a déterminé dans les différents instituts.
2193- Les vœux dans le droit canon. On trouvera les dispositions canoniques qui se rapportent aux vœux en général aux canons 1307-1315, tandis que les vœux religieux sont traités dans la section des religieux (canon 492 et suiv.) Et les effets des vœux sur le mariage sont déclarés dans les canons 1072, 1073, 1058). On trouvera dans les commentaires de ces parties du code, un traitement plus complet des aspects canoniques des vœux, que ce que nous pouvons donner ici.
2194- Distinction entre vœux solennels
et vœux simples. Cette distinction vient-elle de la loi divine
ou de la loi ecclésiastique ? Quant à la solennité accidentelle
(les conditions de temps, de lieu, d’âge, de santé, de rubriques) le
vœu solennel dépend de l’Église. Il n’y a aucun doute que
l’Église a le droit de déterminer ces matières comme les circonstances
le requièrent.
L’Église peut donc imposer des
conditions pour la validité des vœux solennels, et elle peut aussi changer
ces conditions comme elle le juge bon. Quant à la solennité essentielle
(les caractéristiques internes qui distinguent les vœux solennels des
autres vœux), les vœux essentiels dépendent non de la loi ecclésiale,
mais de la divine. Car, à la différence des autres vœux, ils ne
sont pas une pure promesse d’actes, mais une donation irrévocable de
son être à Dieu, une consécration interne spirituelle, ou des épousailles
acceptées par l’Église. Quelques moralistes rejettent cela, et placent
la différence entre les vœux solennels et les autres vœux dans les effets
juridiques différents qu’ils produisent, selon le droit canon. Les vœux
solennels, en effet, rendent invalide toute action qui leur est opposée,
tandis que les vœux simples la rendent illicite, mais non invalide (579).
Mais tous acceptent que l’Église puisse, pour de justes raisons, dispenser
même des vœux solennels.
2195- La connaissance et la réflexion nécessaires à la validité du vœu. Il doit y avoir dans l’intelligence de celui qui fait un vœu le même genre de connaissance et de délibération que celui qui est requis pour faire un contrat important. Car celui qui fait un vœu assume une grave obligation (1883). La règle que prônent plusieurs moralistes est à l’effet que la délibération qui suffit pour commettre un péché mortel suffit aussi pour un vœu. Mais cela ne semble pas exact, car on peut commettre un péché mortel quand il n’y a qu’une perception confuse de la gravité d’un péché (177). Ainsi un vœu est invalidé par une ignorance substantielle ou une erreur (Pierre pense que sa montre en or est en laiton, et fait le vœu de la donner en aumône; Paul pense qu’est proche un sanctuaire éloigné, et fait le vœu d’y aller à pied; Luc apprend que son père en bonne santé est malade, et fait le vœu d’aller en pèlerinage pour obtenir sa guérison.) Mais pas par une erreur ou une ignorance qui n’est qu’accidentelle (Pierre pense qu’un sanctuaire qui est distant de quatre kilomètres n’est distant que de trois, et fait le vœu d’y aller. Mais il aurait fait le vœu de toute façon, même s’il avait connu la véritable distance; Paul a comme intention principale d’accomplir un acte de religion, et, en second lieu, de visiter un ami. Il fait vœu d’aller en pèlerinage à la ville voisine, sans savoir que son ami avait déménagé).
Les vœux de religion, selon l’opinion commune des moralistes, ne sont pas invalidés en raison d’une ignorance ou d’une erreur qui porte sur des points accidentels, même si les vœux n’auraient pas été faits si ces accidents avaient été connus. Car le bien commun demande que l’état religieux, comme l’état du mariage, ait de la stabilité, et que ceux qui entrent en religion aient l’intention d’accepter toutes les obligations inhérentes. Un vœu est invalidé par l’absence d’une pleine délibération (les vœux faits par les enfants qui n’ont pas le parfait usage de leur raison, par des personnes qui ne sont qu’à moitié conscientes, ou qui sont cacochymes ou schizophrènes; par des impulsifs qui ne réfléchissent qu’après coup aux conséquences de leurs actions). Mais non par l’absence d’une délibération longue et studieuse (un vœu est valide quand quelqu’un a pensé à sa signification et à son obligation, même s’il l’a fait rapidement et sans réfléchir à tous les détails, et a regretté d’avoir prononcé son vœu peu de temps après l’avoir fait).
2196- La liberté de la volonté est nécessaire pour la validité d’un vœu. Dans la volonté de la personne qui prononce un vœu, il doit y avoir la liberté du choix, et l’absence de ces empêchements qui enlèvent l’autodétermination ou le consentement. Ainsi, la loi naturelle elle-même invalide un vœu fait sous une contrainte ou une peur qui ont la force d’empêcher la délibération requise. La loi naturelle, selon plusieurs moralistes, invalide un vœu dicté par une peur grave (même si elle ne trouble pas la raison) qui a été insufflée injustement et dans le but de forcer quelqu’un à prononcer un vœu. La raison invoquée par cette opinion est que Dieu ne peut pas accepter une promesse faite à lui-même, qui a été arrachée par l’injustice, et que nul n’est lié par une promesse obtenue par une pression injuste. La loi positive (le canon 1307) invalide un vœu extorqué par une peur grave et injuste. Plusieurs canonistes interprètent cette loi comme voulant dire que, même quand la crainte injuste n’est pas utilisée comme un moyen pour forcer quelqu’un de faire un vœu, mais pousse quand même quelqu’un à faire un vœu, la promesse est nulle au for interne et au for externe, d’après le droit canon.
2197- Les cas dans lesquels la crainte n’invalide pas un vœu. Tous admettent que la crainte n’invalide pas un vœu quand elle procède d’une cause matérielle (vœux faits pendant un orage en mer), ou d’une cause interne (vœux faits sous la crainte de tomber dans le péché à moins de prononcer des vœux). Parce que, dans ces cas, on choisit un fardeau plus léger pour éviter un plus grand, et la chose choisie n’est pas involontairement choisie, mais volontaire à un certain point (44). On admet communément que la peur n’invalide pas quand elle procède d’une cause externe et juste (si on menaçait un coupable de lui infliger les peines de la loi à moins qu’il ne s’engage pas vœu à ne pas répéter son offense, puisque la cause du voeu est alors interne plutôt qu’externe : la faute de la personne qui prend le vœu, et son désir d’échapper à la peine.
2198- Les vœux de validité douteuse. Dans les cas suivants, les moralistes ne s’entendent pas sur cette question : la peur invalide-t-elle un vœu ? La peur injustement causée, mais légère, invalide-t-elle un vœu au for interne ? ( Les parents de Pierre le pressent constamment à entrer en religion. Il fait un vœu pour combler leurs désirs). Quelques-uns sont pour la négative, arguant qu’une peur légère ne peut pas être considérée comme une véritable cause d’un vœu. D’autres sont pour l’affirmative parce que, disent-ils, des raisons légères poussent les gens à prendre de graves décisions, et il n’est pas raisonnable de penser que Dieu acceptera un vœu présenté par une peur injuste, même légère. On se demande aussi si une peur injustement causée invalide quand la personne à l’origine de la peur entend forcer quelqu’un non à faire un vœu, mais autre chose (Pierre menace de tuer Paul à moins qu’il ne lui paye une large somme d’argent; et Paul fait le vœu de donner de l’argent à la religion s’il échappe au danger). Quelques-uns sont pour l’affirmative, et se réfèrent au canon 1307 mentionné plus haut. D’autres sont pour la négative, parce que le vœu a été fait, non pour amadouer l’agresseur, mais pour honorer Dieu et en retirer des bienfaits. C’est là l’interprétation donnée par la législation du pré code. D’autres ajoutent d’autres distinctions. Ils affirment l’invalidité dans les cas où la crainte est la cause des vœux, et ils nient l’invalidité dans le cas où la peur n’est que l’occasion d’un vœu.
2199- L’intention nécessaire à la validité d’un vœu. Comme il a été dit dans l’explication de la définition, un vœu doit inclure une volonté de se lier, c’est-à-dire, l’intention de faire un vœu. L’objet de cette intention est l’obligation elle-même, non son accomplissement. En conséquence, celui qui fait un vœu, sans vouloir se lier, fait un vœu invalide. Car il a deux intentions contraires, et, (à moins que l’intention de faire un vœu soit plus forte), la substance du vœu est exclue. Au contraire, celui qui fait un vœu avec l’intention de ne pas le respecter, fait un vœu valide, mais illicite, puisqu’il veut vraiment se lier lui-même. Mais il pêche par son intention de ne pas tenir son vœu (1883). La qualité de l’intention doit être telle que sera préservé le caractère du vœu en tant qu’acte délibéré, et un engagement sincère à une obligation qui sera préservée. En conséquence, une intention habituelle, (ayant l’intention de faire un vœu le lendemain. Pierre prononce les paroles du vœu en dormant) ne suffit pas, parce que cet acte n’est ni délibéré ni humain. Semblablement, une intention externe (Pierrette est forcée par ses parents d’entrer dans un couvent. Elle prononce ses vœux en ne faisant porter toute son attention que sur la cérémonie externe et sur une intention indirecte; (prévoyant que s’il boit des boissons alcooliques, il s’engagera par vœu à toutes sortes de choses, Matthieu boit et fait un vœu). Elles ne sont pas suffisantes, parce qu’il n’y pas de vrai consentement à l’obligation. D’un autre côté, il suffit d’avoir une intention actuelle implicite ou tacite (Titus reçoit le sous diaconat, en acceptant les obligations attenantes à cet ordre, mais sans savoir que le célibat est l’une d’entre elles), ou une intention virtuelle (Pierre avait l’intention de prendre l’habit, mais au moment de prononcer ses voeux, il est distrait et ne prête pas attention aux mots). Dans aucun de ces cas, il n’y a un acte humain, et un vrai consentement à une obligation (2164, 2165).
2200- La matière d’un vœu. Un vœu est une promesse libre, et sa matière ne peut donc pas être quelque chose de nécessaire. Un vœu est fait à Dieu, et sa matière ne peut pas être quelque chose qui ne lui plait pas. 2201- Les vœux qui promettent quelque chose de nécessaire. Si la nécessité est absolue, parce qu’une certaine chose doit être ou ne peut pas être, le vœu est invalide. Le vœu de mourir est nul, parce que la mort est une chose nécessaire. Le vœu d’éviter le péché véniel, délibéré et indélibéré, est nul, parce que, sans un privilège spécial de Dieu, il est impossible d’accomplir ce vœu. Le vœu voulant que son enfant entrera en religion est également nul, parce que personne n’a de pouvoir sur ce qui dépend de la volonté des autres. Les vœux faits par des communautés n’obligent pas leurs successeurs en tant que vœux, mais seulement en tant que lois ou coutumes qui ont force de loi, ou à des contrats auxquels on donne son assentiment. Si la nécessité est hypothétique, parce qu’une certaine chose doit être faite ou omise, si on observe la loi naturelle ou positive, le vœu est valide Car, bien qu’il soit nécessaire d’observer un commandement (pour éviter l’enivrement), il n’est pas nécessaire d’ajouter à l’obligation présente, une nouvelle obligation de religion. La matière la plus convenable pour un vœu, cependant, est quelque chose qui est conseillé mais non imposé, comme, par exemple, de pratiquer le célibat
2202- Quant l’accomplissement d’un vœu n’est que partiellement possible, si celui qui fait un vœu a l’intention que sa promesse soit définitive, qu’elle l’oblige à accomplir tous les items, le vœu est invalide, puisque son accomplissement dans ces termes est impossible. Ainsi, si quelqu’un a fait le vœu d’aller en pèlerinage à pied, mais n’a pas été capable de le faire; ou a fait le vœu de marcher jusqu’à Rome sans tenir compte de l’immense distance, il n’y a pas d’obligation. Si celui qui fait un vœu avait l’intention que les choses promises pourraient être séparées, on peut solutionner la difficulté comme suit. Il n’est tenu à rien si la matière est séparable, mais si c’est la partie principale qui est impossible (il a fait le vœu d’aller en pèlerinage et aussi d’y aller pieds nus. Si le pèlerinage s’avère impossible, il n’est pas tenu à marcher pieds nus pendant une distance équivalente.) Il est tenu à la partie qui est possible, si elle est vraiment séparable, et était voulue comme la partie la plus importante du vœu (s’il a fait le vœu d’aller pieds nus à un pèlerinage, mais ne peut pas marcher nu pieds.)
Si l’intention de celui qui fait un vœu est incertaine, il semble qu’il soit tenu de faire ce qui est possible (si quelqu’un a fait le vœu de payer pour la construction d’une église, mais devient capable de n’en payer qu’une partie). Mais s’il y a de bonnes raisons de penser qu’il avait l’intention de faire un vœu entier, ou un vœu séparable dont la partie principale est devenue impossible à réaliser, on peut trancher dans le sens de cette présomption (465).2203- Les vœux qui promettent quelque chose qui déplait à Dieu. Les vœux qui promettent quelque chose qui est toujours mauvais (voler), sont invalides en raison de l’irrévérence. Ils sont des péchés graves si le péché promis est mortel. Les vœux qui promettent quelque chose qui peut se révéler bon ou mauvais (le vœu de Jephté d’immoler la première personne qui viendrait à sa rencontre) sont imprudents, et la partie qui est peccamineuse ne devrait pas être observée. 2204- Que devrait-on dire des vœux qui promettent quelque chose de bon, mais qui ont une fin mauvaise ou d’autres mauvaises circonstances ? Le vœu est invalide et illicite si la mauvaise circonstance affecte la chose promise elle-même, de sorte que l’accomplissement du vœu ne peut être qu’un péché. Exemple. Quelqu’un promet de donner une aumône à un mendiant pour l’entraîner dans le péché; ou de bâtir une église pour satisfaire son orgueil ou son mépris. Semblablement, invalides et illicites sont les vœux faits pour obtenir quelque chose de mauvais (le vœu de faire une aumône pour avoir du succès dans un cambriolage), ou pour rendre grâce pour ce succès obtenu (le vœu de donner à Dieu la moitié du butin de son vol), Car ces vœux ne peuvent pas être accomplis sans l’implicite admission que Dieu est l’auteur du vol. Le vœu est valide mais illicite si les mauvaises circonstances affectent seulement l’acte de faire un vœu. Car la chose promise est bonne, et a tout ce qu’il faut pour être accomplie correctement, mais la disposition de celui qui fait un vœu n’est pas exempte de péché en faisant sa promesse ainsi. On devrait noter, toutefois, qu’une mauvaise circonstance ne prive pas toujours l’action de faire un vœu de sa bonté substantielle (78). Ainsi, si quelqu’un fait le vœu de construire une église, et si le seul motif qu’il a ce sont les applaudissements qu’il va recevoir, le vœu est substantiellement illicite; mais si la vaine gloire est seulement un motif secondaire, le vœu est substantiellement licite.
Le vœu est valide et licite si les circonstances mauvaises n’affectent ni l’acte promis, ni l’acte de faire un vœu, chacune de ces deux choses restant bonnes. Ainsi, il est légal le vœu de faire une aumône à toutes les fois qu’on cède à une mauvaise habitude. Il est aussi permis de faire le vœu de faire une offrande à Dieu si on réchappe indemne à un duel . Car ce vœu ne demande pas à Dieu de bénir le duel, mais de protéger la vie de quelqu’un. 2205- Les vœux qui promettent quelque chose d’indifférent. Ces vœux sont invalides s’il n’y a pas de circonstance qui les rende honorables à Dieu (si quelqu’un promet de mettre de côté, à chaque mois, une partie de son salaire.) Le péché commis par ceux qui promettent, par vœu, des choses nécessaires, impossibles ou indifférentes ne semble pas dépasser le péché véniel, car ce vœu est illicite non parce que sa matière est mauvaise et déplait à Dieu, mais parce qu’elle n’est pas bonne et ne lui plaît pas. Il semble que ce soit un péché d’irréflexion plutôt que d’irrévérence. Ces vœux sont valides et légaux s’il y a une circonstance qui rend honorable la matière-sujet indifférente (si quelqu’un fait le vœu d’épargner, chaque mois, un montant suffisant pour pratiquer la charité).
2206- La signification d’un meilleur bien. Il est aussi nécessaire pour la validité d’un vœu que la chose promise soit un bien meilleur, car la volonté de Dieu est notre sanctification (1 Thess 1V, 3) et que le vœu soit fait à Dieu. Par un bien meilleur on n’entend pas le meilleur qui soit, car alors on ne pourrait s’engager par vœu qu’à ce qu’il y a de plus excellent, ce qui n’est pas vrai, Nous entendons donc par un bien meilleur celui qui est préférable à son bien contraire (la virginité est meilleure que le mariage), ce qui est absolument ou objectivement préférable à son contraire (il est préférable de faire l’aumône que de ne pas le faire; d’observer la loi du jeûne que de ne pas l’observer); ce qui est subjectivement et relativement meilleur que son contraire (il est mieux de se marier que de commettre la fornication, ou de vivre en concubinage, ou de donner du scandale, ou de laisser des enfants illégitimes). En règle générale, cependant, il n’est pas conseillé de faire le vœu de se marier, car même si le vœu n’est pas invalide, il ne semble pas avoir de grands avantages. Si une personne pense que le mariage est meilleur pour elle, qu’elle fasse le vœu de se marier, ou qu’elle s’engage à épouser la personne de son choix.
2207- Les vœux invalidés par la promesse d’un moindre bien. Le vœu de faire ce qui est le moins plaisant à Dieu (le vœu de ne jamais faire de vœu, de ne jamais suivre un conseil évangélique) est invalide en lui-même. Il peut y avoir des cas, cependant, où des vœux de cette sorte puissent être meilleurs, et donc valides (quand une personne qui est encline à faire des vœux reçoit l’ordre de son confesseur de ne pas faire d’autres vœux, sans son avis). Le vœu de faire ce qui peut facilement devenir moins agréable à Dieu semble être aussi invalide. Ainsi, si quelqu’un faisait le voeu de ne jamais plus jouer pour consacrer plus de temps à la prière, ou pour éviter les tentations, ce voeu pourrait être plus tard la cause d’un dommage spirituel, car, parfois, il plait davantage à Dieu qu’on prenne des récréations, au lieu de toujours s’en abstenir. 2208- Le cas de quelqu’un qui a fait deux vœux opposés. Si les vœux sont également bons, ou si on ne sait pas lequel est le meilleur, le premier prévaut; le second étant impossible, il n’oblige pas. Si le deuxième est certainement meilleur, il prévaut, et le premier n’oblige pas, étant impossible. Ainsi, si quelqu’un a d’abord fait le vœu d’aller en pèlerinage, et ensuite de demeurer à la maison pour s’occuper d’un malade durant une épidémie, le pèlerinage ne devrait pas être un obstacle au besoin plus urgent de veiller sur ceux qui sont dans la détresse.
2209- L’obligation d’un vœu. Chaque vœu valide exige son accomplissement, car il est une promesse, et la fidélité aux promesses est un devoir moral. L’Écriture déclare qu’on doit remplir ses vœux, et qu’il est préférable de ne pas faire de voeu plutôt que d’en faire sans les honorer. (Eccl. V, 4); que Dieu considérera comme un péché la non observance d’un vœu (Deut XX111, 21); qu’une promesse déloyale lui déplaît (Eccl. V, 3). La qualité de l’obligation. Un vœu est un acte de religion, puisqu’il promet à Dieu un tribut d’honneur, même si la chose promise (le jeûne, la virginité) n’appartient pas au culte, mais à une autre vertu. Mais il semble qu’on ne commet un sacrilège que par les péchés contre certains vœux, à savoir, ceux dont la matière est une chose sacrée dédiée à Dieu. Exemple. La violation d’un vœu de jeûner ne serait pas sacrilège, tandis que la violation d’un vœu public de chasteté l’est. Toutes les transgressions des vœux sont toutes, en tant que telles, des péchés contre la religion. La quantité de l’obligation. En tant qu’il est un devoir de religion (2146, 2148), un vœu oblige sous peine de péché grave. Mais, dans un cas particulier, le péché commis peut n’être que véniel, à cause de la légèreté de la matière, ou de l’imperfection de l’acte.
2210- La gravité de l’obligation d’un vœu. Le vœu a la nature d’une loi privée, puisque c’est une obligation que celui qui le fait s’impose volontairement à lui-même. Mais la loi engage sous peine de péché grave quand la matière-sujet et l’intention du législateur requièrent une obligation stricte (381). En conséquence, la gravité de la matière dans un vœu dépend de l’importance plus ou moins grande de la chose promise, et de la volonté de celui qui fait le vœu de s’obliger gravement. Ainsi, la chose vouée doit être d’une grande importance, ou en elle-même (chasteté), ou en vertu de sa relation au culte divin (le jeûne, la communion), On ne peut pas s’engager à une grave obligation par un vœu dont la matière est absolument ou relativement d’une importance mineure (un je vous salue Marie quotidien, une aumône d’un euro). L’intention de celui qui fait un vœu doit être de se lier sous peine de péché grave. Il est libre de ne s’obliger à rien par vœu. Mais s’il choisit de faire un vœu, il peut se lier lui-même, même si la matière du vœu est de grave importance, sous peine de péché léger ou grave (ou seulement d’une peine), comme il le veut. Une exception devra être faite, toutefois, pour les vœux publics qui se prennent dans les instituts religieux, et pour les vœux de célibat et de chasteté pris à la réception du sous diaconat. Car la loi de l’Église, pour le plus grand bien de tous, décrète que ces vœux obligent sous peine de péché mortel.
2211- Règles pour déterminer ce qui, dans un vœu, est une matière importante. Dans les vœux personnels, on peut faire d’un acte d’omission le sujet d’une grave obligation, s’il peut devenir le sujet d’un précepte grave de l’Église (l’assistance à la messe, la confession, la communion, un rosaire, un jeûne ou une abstinence). Dans les vœux réels, quelques moralistes déterminent la matière d’après les normes de la justice commutative (1896 suiv.) Mais une telle règle semble impraticable. Les montants de vol absolument ou relativement graves sont déterminés par la richesse de la personne volée. Mais, puisque Dieu est le propriétaire de toutes choses, nous ne voyons pas comment pouvoir déterminer des montants en référence à lui. Mais, d’un autre côté, le devoir de religion oblige plus strictement que celui de la justice commutative. Il ne semble donc pas que la matière grave soit la même dans les deux cas. En pratique, la matière n’est pas grave quand elle est de peu d’importance, ou quand celui qui fait un vœu ne veut qu’une légère obligation. Si la matière est de peu d’importance, et si l’intention de celui qui fait un vœu est incertaine, on peut déterminer quelle est l’obligation du vœu par mode d’une présomption basée sur la coutume, les circonstances du vœu, ou la règle voulant qu’une grave obligation ne doit pas être prise pour acquise (709, 714, 659).
2212- L’union d’une matière
légère avec une matière grave. Si celui qui vote a déterminé
la relation des éléments d’un vœu les uns par rapport aux autres,
on doit juger de l’union ou de la fusion d’après son intention.
Ainsi, s’il désire que les différents éléments soient des parties
d’un même tout, il y a coalescence (s’il fait le vœu de donner un
euro aux pauvres à chaque jour, et néglige sa promesse pendant une année,
il y a un péché grave). Mais s’il veut que chacun des items représente
une promesse distincte, il n’y a pas de coalescence (s’il fait le vœu
de dire un je vous salue Marie à chaque jour, et néglige de le faire
pendant une année, il y a plusieurs péchés véniels). Si quelques-uns
des éléments ont été accomplis et d’autres omis, et si les omissions
coalescent, il y a un péché grave d’après quelques moralistes, dès
qu’une quantité importante est atteinte, Mais d’autres croient
qu’il n’y a un péché grave que quand un pourcentage imposant
(un tiers, un quart) de la matière vouée a été négligé.
Si celui qui fait un vœu n’a pas déterminé la relation entre les éléments
du vœu, la présomption favorise généralement la coalescence dans les
vœux réels, et la non coalescence dans les vœux personnels (comme dans
les exemples du
vœu de donner un euro à chaque jour,
ou de dire un je vous salue Marie, chaque jour.) Mais il y a des
exceptions, comme quand on fait le vœu de faire une petite aumône à
chaque samedi, en l’honneur de la sainte Vierge. Car, l’intention
principale pourrait ne pas être l’aumône, mais l’honneur à apporter
à la sainte Vierge.
2213- Les temps où un vœu oblige. Un vœu négatif (ne pas boire de boissons alcooliques) oblige tout de suite et toujours. Un vœu positif pour lequel celui qui fait un vœu a assigné un temps particulier, n’oblige qu’à ce moment. Si on avait voulu le temps comme circonstance principale (le vœu de dire un chapelet à la fête de l’assomption), le vœu expire après ce temps, même si on a coupablement omis de l’accomplir. Mais si on n’avait voulu un temps que comme une circonstance secondaire (un vœu d’aller à la confesse la semaine prochaine, fait par quelqu’un qui en a un grand besoin), le vœu demeure en force après que le temps se soit écoulé sans qu’on l’ait observé (458 suiv). L’anticipation de l’accomplissement d’un vœu en raison de l’impossibilité de l’observer au temps marqué n’est pas nécessaire, à moins que le vœu ait choisi un certain laps de temps, et qu’il ne puisse pas être observé à la fin du temps prescrit. Exemple. Si quelqu’un a fait le vœu de dire un chapelet aujourd’hui, et prévoit qu’il sera occupé pendant tout l’après-midi, il devrait le dire l’avant-midi (470, 471). Un vœu positif pour lequel celui qui fait un vœu n’a pas choisi de temps spécial devrait accompli aussitôt qu’il conviendra de le faire, car, telle est la loi de toute promesse absolue. Et, de plus, on ne peut pas trouver de meilleur temps que celui-là pour l’accomplir. Quand tu auras fait un vœu à ton Seigneur, tu ne tarderas pas à l’accomplir, parce que le Seigneur ton Dieu va te le demander. Et ton retard sera imputé à péché. (Deut. XX111, 21).
2214- Les retards dans l’accomplissement d’un vœu. On peut commettre un péché en retardant d’accomplir un vœu gravement obligatoire, pour lequel aucune date n’avait été fixée. Il n’y a pas de péché si le délai est raisonnable, à retarder, à cause de la matière-sujet du vœu, de deux ou trois jours un rosaire ou un jeûne; à remettre une semaine plus tard un pèlerinage de cinquante kilomètres; à plusieurs mois un pèlerinage de 1000 kilomètres) ou à cause des circonstances (si quelqu’un doit retarder son entrée en religion jusqu’à ce que sa santé se soit améliorée ou qu’il ait fermé son commerce). Il y a un péché véniel si le délai est raisonnable mais ne diminue pas considérablement ce qui a été promis, ni ne compromet son accomplissement. Ainsi, un chapelet, un jeûne ou un pèlerinage est aussi bon aujourd’hui qu’il le sera l’an prochain; et, à part le fait de l’oublier ou de l’omettre, aucun laps de temps ne semble constituer un délai important, relativement à cette obligation. Il y a un péché mortel si le délai est déraisonnable, et déprécie considérablement ce qui a été promis, ou compromet grandement l’accomplissement du vœu. Ainsi, remettre à plus tard le vœu d’entrer en religion amoindrit la valeur de la chose promise, si on attend jusqu’à la vieillesse. Il met la promesse en péril celui qui demeure dans le monde pendant plusieurs années, et s’expose au danger de perdre sa vocation. Les moralistes estiment que, pour un vœu d’entrer en religion, trois ou quatre ans seraient un délai considérable..
2215- La personne obligée d’accomplir un vœu. Un vœu personnel oblige seulement celui qui fait un vœu, parce que, de par sa nature, un vœu est une loi qu’on s’impose à soi-même (463, 1696, 188). Mais les vœux faits par une ville ou par une communauté peuvent être obligatoires aux sujets en vertu d’une loi; et les vœux pris par des ancêtres peuvent obliger la postérité en vertu d’une coutume légale et obligatoire. Un vœu réel (et un vœu mixte pour la partie qui est réelle) oblige aussi les héritiers. Mais ce genre de vœu est une dette de la propriété de celui qui fait un vœu (canon 1310).
2216- La façon d’accomplir un vœu. Les dispositions internes. Il n’est pas nécessaire que quelqu’un ait, au moment où il réalise un vœu, le désir de l’accomplir, pourvu qu’il n’ait pas d’intention contraire. Car un vœu ne lie qu’à ce qui a été promis (477). En conséquence, si quelqu’un a fait le vœu d’entendre une messe, et y assiste par dévotion, sans se souvenir de son vœu, on peut considérer cette présence à la messe comme un accomplissement du vœu. Les dispositions externes. Si le vœu est personnel, on doit l’accomplir personnellement, car c’est à soi qu’on a promis son acte. Et en conséquence, si l’accomplissement en personne devient impossible, il n’est ni nécessaire ni valide de le faire par procuration. Si un vœu est réel, quelqu’un peut se servir de biens donnés par d’autres. Mais nul pauvre n’est obligé de quémander, puisque ce sont ses biens à lui qui avaient été promis.
2217- L’obligation de certaines sortes de vœux. Le vœu conditionnel, Celui qui a fait un vœu conditionnel n’a d’obligation que si la condition est remplie. Et ceci est probablement vrai quand la condition a été remplie équivalemment, mais non formellement. (Pierre a sa belle-mère à sa charge. Il fait le vœu d’entrer en religion dès qu’elle se remariera. Mais elle meurt subitement, et il n’a plus à s’en occuper). Celui qui fait un vœu n’est pas coupable envers le vœu s’il prévient l’accomplissement de la condition, à moins qu’il n’use des moyens illégaux. De tels moyens ne sont pas employés quand on n’est pas obligé de remplir la condition (le vœu de faire une aumône de dix euros si on se saoule); ou si le non accomplissement est du à la faiblesse, et non au but de faire avorter le vœu (le vœu de faire une aumône de cent euros si quelqu’un demeure sobre toute l’année, mais s’enivre une fois ou l’autre par accident ou par faiblesse). Ou si la non observation est due à l’exercice de son droit (le vœu d’entrer en religion si les parents consentent, joint à une tentative légale de persuader ses parents de ne pas consentir). Celui qui fait un vœu est coupable d’un péché contre le vœu, s’il a recours à des moyens illégaux pour empêcher l’avènement de la condition (s’il s’enivre volontairement pour ne pas offrir les aumônes promises en cas de sobriété; ou s’il se sert de fraude ou de force pour empêcher ses parents de consentir au vœu qu’il a fait dépendre de leur consentement.
Un vœu pénal. Celui qui fait un vœu n’est pas obligé par le vœu, si l’acte contre lequel le vœu est fait est commis par lui, mais n’est pas un péché (Claudine a fait le vœu de ne plus jouer aux cartes. Mais elle a joué dans certaines situations après en avoir reçu la dispense), ou s’il n’est que matériellement peccamineux. (Pierre a fait le vœu de ne pas blasphémer, mais il lui est arrivé de le faire par inadvertance); ou il n’est pas coupable envers le vœu, du moins si la punition est pour la violation du vœu (Paul a fait le vœu de ne pas se quereller sous peine d’aumônes à donner au cas où il romprait sa promesse. Mais il lui est arrivé en certains occasions de se quereller, pêchant contre la charité, mais ne manquant pas à son vœu); ou est véniellement coupable en raison de l’imperfection de l’acte, au moins si la peine est grave. Si celui qui fait un vœu n’a pas déterminé le nombre de fois qu’il doit subir sa peine, il semble qu’il ne devrait la payer qu’après le premier manquement, si la peine est grave et une de celles qu’on n’a pas coutume de répéter (un pèlerinage éloigné, une très grosse aumône). Mais elle devrait être répétée après chaque faute si la peine est légère, et une de celles qu’on a coutume de répéter (une dizaine de chapelet, une aumône d’un euro).
Le vœu disjonctif. Le vœu est nul si l’un des objets à être choisi est mauvais, vain ou impossible (le vœu de gagner ou de voler de l’argent pour une aumône). Celui qui fait un voeu n’est tenu à rien si, avant son choix, une des choses qu’il avait à choisir est devenue impossible (Paul fait le vœu de donner l’un des deux calices qu’il possède, mais avant qu’il fasse son choix, l’un des deux calices est volé); ou si, après son choix, la chose choisie devient impossible (Luc a décidé de donner le plus large de ses calices, mais avant qu’il puisse le donner, il a été volé). Celui qui fait un vœu est tenu, cependant, à remplir sa promesse si une des choses à être choisies est devenue, par sa faute, impossible avant le choix. (Le calice de Jacques a été volé avant qu’il ait fait son choix, parce qu’il avait coupablement retardé de choisir). Ou si la chose non choisie est devenue impossible après le choix (Luc a décidé de donner le calice large, et le petit a été volé après coup).
Un vœu douteux. Les doutes au sujet de ce qui est essentiel, c’est-à-dire : un vœu a-t-il réellement été fait; (est-ce que c’était un vœu ou une simple résolution; est-ce qu’il y avait l’intention ou l’attention requise; est-ce que le vœu était invalide à cause de la peur); ou est-ce qu’un vœu qui a certainement été fait doit être accompli, doit être exécuté d’après les principes qui dirigent une conscience douteuse (672) ? Ainsi, s’il est plus probable qu’un vœu ait été fait, ou qu’il n’ait pas été accompli, on doit décider de l’obligation d’après les probabilioristes. Mais si un doute positif demeure, quand on ne sait même pas si une résolution a été prise, et si le vœu a été réalisé, il n’y a pas d’obligation selon les probabilioristes. Les doutes au sujet des accidents, c’est-à-dire si le vœu était de telle ou de telle sorte (les circonstances de qualité, de quantité, de nombre) doivent être réglés d’après les règles raisonnables d’interprétation de l’esprit de celui qui a fait le vœu.
2218- Les règles générales d’interprétation des vœux douteux. On peut interpréter les vœux privés d’après l’intention expresse ou présumée de celui qui a fait un vœu, car ce vœu est une loi privée, et celui qui fait un vœu en est le législateur. On doit interpréter les vœux publics d’après la saine doctrine de théologiens approuvés et de canonistes chevronnés.
2219- Les règles spéciales d’interprétation
de l’esprit de celui qui fait un vœu. Un vœu douteux devrait
être interprété à partir d’une exégèse interne, c’est-à-dire
d’après le langage lui-même du vœu et de la signification habituellement
attachée aux termes employés. Car on présume que celui qui a fait
un vœu entendait s’exprimer dans les mots habituellement employés pour
des vœux. Ainsi le vœu de virginité signifie la même chose
que le vœu de chasteté, et devrait être compris ainsi, à moins qu’on
ait de bonnes raisons de l’entendre autrement. On doit interpréter la
langue d’un vœu à la lumière du but de celui qui a fait un vœu (le
vœu de donner un calice à une église ne peut signifier donner un calice
en verre, puisque l’Église n’emploie que les calices en métal précieux).
Le vœu d’entendre une messe à chaque jour ne signifie pas qu’on doive
entendre deux messes le dimanche, puisque le but du vœu est de ne laisser
passer aucun jour sans entendre une messe. Un vœu douteux
qui ne peut être expliqué par une analyse interne, devrait être jugé
d’après des présomptions générales, c’est-a-dire d’après les
coutumes (celui qui fait le vœu de faire une aumône, on s’attend à
ce que sa promesse corresponde à celle faite par ceux qui sont dans sa
condition); d’après la coutume ou la loi en ce qui a trait à
la matière du vœu (on considère que celui qui promet par vœu de faire
un jeûne perpétuel s’engage à jeûner à tous les jours autres que
le dimanche et les jours de fête).
D’après les règles qui régissent
l’interprétation des lois. Puisque les choses odieuses
doivent être prises au sens strict, celui qui fait le vœu de donner quelque
chose peut déterminer lui-même ce qu’il désire donner, pourvu que
ce ne soit pas risiblement petit. Il doit tenir compte des conditions qui
sont impliquées dans chaque vœu relativement à sa possibilité,
aux droits des autres, et au changement de circonstances. Celui qui
promet de devenir un religieux laisse entendre qu’il se conformera à
la règle; celui qui promet de faire un don montre qu’il a l’intention
de le faire sans porter préjudice au droits de tierces personnes.
Les avantages des vœux pour ceux qui les font. Un premier avantage est qu’un vœu fortifie la volonté de faire le bien et d’éviter le mal. C’est un avantage majeur. Puisque la nature humaine est si faible et si inconstante, et a tant besoin d’aide, le vœu ajoutera de la détermination et de la persévérance dans les efforts. Un vœu est une promesse qui lie non seulement au nom de l’honneur, mais aussi en tant que devoir religieux. C’est un acte qui a un droit spécial à l’aide divine et à une réponse favorable. Il est donc un allier puissant pour mener une vie vertueuse. Il est vrai que celui qui fait un voeu s’expose à commettre un plus grand péché s’il devient infidèle. Mais il n’y a pas de bien sans risque. Et le risque dépend, ici, non du vœu lui-même, mais de la faiblesse de la volonté qui peut en faire un mauvais usage. Le cultivateur qui ne pensera qu’aux dangers apportés par les tempêtes dévastatrices ne sèmera ni ne moissonnera (Eccl. X1, 4).
2220- Un second avantage consiste en ce qu’un vœu rend plus méritoire et plus honorable le bien accompli. Il ajoute à la vertu pratiquée (l’abstinence) la vertu maîtresse (le culte divin ou la religion, la plus excellente parmi les vertus morales). Il offre à Dieu une plus parfaite sujétion, puisqu’il lui présente non seulement une action ici et là, mais le pouvoir lui-même de la volonté de faire l’opposé. Il agit en vertu d’une résolution meilleure et avec une plus grande fermeté, circonstance qui donne la perfection à la vertu. Tout cela devrait s’entendre de soi, ou avec la qualification de toutes choses étant égales par ailleurs. Car si nous supposons que quelqu’un qui n’a pas fait de vœu sert Dieu avec une grande charité et une grande ferveur, on ne pas peut douter qu’il soit meilleur aux yeux de Dieu que celui qui a fait des vœux et les accomplit avec négligence et à contre cœur.
2221- Quand un bon vœu peut être un péché. Un vœu bon en lui-même peut être un péché ou une occasion de péché, d’après les dispositions de celui qui le fait. Ainsi, en faisant un vœu, on commet un péché si on agit imprudemment, c’est-à-dire si on ne prend pas les circonstances en considération. En conséquence, avant de faire un vœu, on devrait réfléchir attentivement et consulter son confesseur, ou une autre personne prudente. Après avoir fait des vœux, on peut pécher en regrettant ce qu’on a fait, si ces regrets incluent le désir de ne pas remplir son obligation (quand quelqu’un regrette d’avoir respecté son vœu dans le passé, ou se promet à lui-même de ne plus en tenir compte par la suite; ou quand quelqu’un observe des vœux pour des seuls motifs humains, et aimerait pouvoir les violer). Ou quand on manifeste une ingratitude envers Dieu (quand on regrette, sans raison valable, d’avoir contracté un vœu). Le péché commis par l’intention de ne pas remplir son obligation est mortel ou véniel, d’après la nature de l’obligation. Le péché d’ingratitude est véniel. Il n’y a pas de péché du tout, semble-t-il, si, pour un motif raisonnable, quelqu’un regrette d’avoir fait tel vœu, désire qu’il n’y ait aucune obligation d’accomplir quelque chose de surérogatoire promis par vœu, à moins que, par ces désirs, on ne soit exposé à la tentation, et au danger de pécher contre le vœu.
2222- Le mérite qu’il y a à accomplir un vœu qu’on regrette d’avoir fait. Si quelqu’un regrette d’avoir fait un vœu, mais a l’intention de le conserver, la bonne œuvre accomplie est-elle meilleure en raison du vœu ? Si la décision de garder son vœu est motivée par des raisons religieuses (le désir de plaire à Dieu ou la peur de l’offenser), l’œuvre est plus méritoire que si elle avait été faite sans vœu. Parce qu’elle a la double valeur d’un acte de religion et d’un acte de quelque autre vertu, d’une bonne œuvre et du voeu de la faire. Mais si l’intention de garder son vœu est conditionnée par un motif humain (le désir de plaire à quelqu’un, ou d’obtenir une faveur), la bonne œuvre n’est pas rendue plus méritoire. Elle n’est même pas méritoire du tout, si elle n’est pas faite pour Dieu.
2223- Qui peut faire un vœu ? Tout être humain vivant sur la terre, qu’il soit catholique ou pas, est apte à faite un vœu, à moins d’un empêchement provenant de la loi naturelle ou positive. La loi naturelle exclut les vœux faits par ceux qui ne sont pas maîtres de leurs propres actes, ou qui n’ont pas l’usage de raison. Car, puisqu’un vœu est une loi que quelqu’un s’impose sciemment à lui-même, il ne peut pas être fait par ceux qui n’ont pas le droit de disposer de leurs actes, ou qui ne comprennent pas le sens d’une obligation. En conséquence, les religieux et ceux qui sont soumis à quelqu’un, voient restreint leur droit de faire des vœux, tandis que les enfants et les malades mentaux sont totalement incapables de faire un vœu.
La loi positive de l’Église a posé certaines conditions pour la validité des vœux publics (âge, noviciat). Les personnes qui ne remplissent pas ces conditions sont inaptes à faire un vœu. Le pouvoir de lier et de délier a été donné à l’Église, et les règles qui régissent les vœux publics sont un exercice de ce pouvoir, pour le bien de l’Église tout entière et pour ceux qui prennent des vœux. Quant aux vœux privés, on se demande si l’Église a le pouvoir de leur imposer des règles, puisqu’ils sont des actes internes (426), mais il semble qu’elle n’en a jamais faites.
2224- Une double dépendance de la volonté d’un autre. Ceux qui ne sont pas maîtres de leurs propres actes sont inaptes à faire un vœu, en raison de leur sujétion ou de leur dépendance de la volonté d’un autre. Ce genre de dépendance est double. Il y a une dépendance de la volonté du sujet, comme dans le cas des religieux qui ont fait le vœu d’obéir à la règle et aux supérieurs; et dans le cas de ceux qui n’ont pas atteint l’âge de la puberté, et qui doivent être guidés et dirigés par leurs pères ou leurs précepteurs. La dépendance ne signifie pas qu’un sujet doive avoir le consentement explicite de son supérieur pour chacun de ses actes, mais qu’il ne doive rien désirer ni faire contrairement à la volonté du supérieur. Il y a une dépendance provenant de la matière du vœu, quand elle est sujette aux désirs d’une autre personne, comme il arrive dans les cas de ceux qui ont des obligations envers les autres. Ainsi, une femme ne peut pas faire un vœu de chasteté sans le consentement de son mari, car elle enfreindrait les droits conjugaux; un serviteur ne peut pas faire le vœu de passer dans une église le temps pour lequel il est payé; un fils qui vit avec ses parents et n’a pas atteint encore l’âge adulte, ne peut pas faire le vœu de donner en aumônes son salaire, car il le doit à sa famille.
2225- La validité des vœux faits par les sujets. Si le vœu est contraire aux droits d’une autre personne, il est invalide sans son consentement. Ainsi, si la femme fait un vœu de chasteté sans avoir obtenu le consentement de son mari, son vœu l’oblige à solliciter son consentement. Mais il est sans force s’il refuse son consentement. Si le vœu est contraire à la sujétion due à un autre, il est invalide si ce dernier refuse son consentement. Ainsi, si un religieux fait le vœu d’accomplir un acte sans demander la permission comme le prescrit sa règle, le vœu serasans force, tant que la permission ne sera pas obtenue. S’il promet de faire un acte qui est bon en lui-même, mais absolument défendu par sa règle, (si un novice qui est tenu de demeurer dans le cloître fait le vœu d’aller en pèlerinage, le vœu est nul, puisqu’il vaut mieux pour lui de garder la règle. Si le vœu n’est ni contre le droit d’un autre, ni contre la sujétion due, il semble que, sans le consentement d’un supérieur, le vœu est valide. Ainsi, si un religieux fait, privément, le vœu de faire ce qui est commandé dans une règle particulière, ou de faire ce qui est conseillé par ses supérieurs, ou ce qui est bon et non défendu, le vœu est valide, tant qu’il n’a pas été annulé par le supérieur. Car, comme il a été dit dans le paragraphe précédent, un sujet n’est pas tenu à avoir une autorisation explicite de ses supérieurs pour chacun de ses actes. Et, on suppose, dans cet exemple, que ce qui a été promis par vœu n’est pas préjudiciable aux droits du supérieur et des autres.
2226- La cessation des vœux. Puisqu’un vœu est une loi privée, il peut cesser, comme une loi cesse dans certaines circonstances (500). Il y a donc deux façons pour un vœu de cesser d’obliger. Le voeu cesse de l’intérieur, ou pour des causes internes, quand la matière du vœu a tellement changé qu’elle devient nuisible ou inutile; ou quand l’intention du vœu ne se réalise plus dans le vœu. Car il est de la nature d’un vœu de produire un plus grand bien, pour la plus grande gloire de Dieu. Il est clair aussi qu’un vœu temporaire se termine à l’expiration de la date limite; et qu’un vœu conditionnel cesse quand les conditions ne sont plus remplies (quelqu’un émet le vœu de faite une offrande en action de grâces pour la guérison de sa mère, mais elle meurt). Le vœu cesse de l’extérieur, ou pour des causes externes, quand il est annulé ou suspendu par l’autorité de Dieu, à qui il était fait (dispense), ou par l’autorité de celui qui a un pouvoir sur la volonté de celui qui a fait un vœu, ou sur la matière du voeu (annulation), ou même par l’autorité de celui-là même qui a fait un vœu, dans la mesure où il possède le droit de substituer un bien égal à celui qu’il a promis, ou meilleur (commutation). 2227- Les vœux publics ne cessent pas pour des causes internes, car cela entraînerait de grands désavantages aux communautés religieuses, et à leurs religieux. Voici les cas principaux de vœux privés qui cessent pour des causes internes.
Ils changent s’il y a un changement substantiel dans la chose promise, car, alors, la matière-sujet est devenue moralement différente. Il y a eu un changement substantiel si la matière du vœu est devenue illicite (Pierre a fait le vœu de donner de l’argent à un mendiant. Mais il apprend que le va-nu-pieds emploie l’argent de la mendicité pour s’enivrer). Ou il est devenu inutile (Paul a fait le vœu de ne pas visiter les gens d’une certaine maison, à cause du langage de charretier employé. Mais ils se sont établis ailleurs). Ou s’il est devenu un obstacle à un plus grand bien (Luc a fait le vœu d’aller en pèlerinage, mais une épidémie a éclaté, et il est préférable pour lui de rester à la maison, et de prendre soin des malades). Ou s’il est devenu impossible à réaliser (Marc a promis de faire une aumône, mais il a perdu son argent, et ne peut donc pas tenir sa promesse). Quelques moralistes pensent qu’il y a un changement substantiel quand les circonstances sont tellement différentes, que si on les avait prévues, on n’aurait jamais fait ce vœu. Les voeux cessent lors de la disparition de la raison principale qui a incité quelqu’un à faire un vœu. Ainsi, si Jacques fait le vœu de donner une somme d’argent à une institution parce qu’il la croit pauvre, et si elle se montre riche avant qu’il ait accompli son vœu, son obligation ne tient plus.
2228- L’annulation des vœux. L’annulation d’un vœu se fait de deux façons, directement ou indirectement. On trouvera un traitement complet de ce sujet dans les commentaires des canons 1312, 499. 88,89, 657, 501. L’annulation directe est l’oeuvre d’une personne distincte de celui qui a fait un vœu, laquelle, en agissant immédiatement sur l’acte du vœu, le rappelle et le rend sans force. En conséquence, cette sorte d’annulation peut être produite par tous ceux qui ont une autorité privée sur la volonté de celui qui a fait un vœu, qui les rende capables de confirmer ou de canceller ces actes. On trouve l’autorité privée sur la volonté d’un autre dans le pouvoir parental du père, ou d’un supérieur religieux sur ses sujets. L’autorité parentale peut être invoquée pour annuler les vœux des enfants (au moins, de ceux qui n’ont pas encore atteint la puberté), puisque ces enfants sont inaptes à décider par eux-mêmes. Le supérieur religieux peut aussi annuler directement des vœux privés de profès faits après la profession, puisque ces sujets ont fait un quasi contrat de soumission à ce sujet. Le pouvoir domestique du mari, selon certains moralistes, ne peut pas annuler directement les vœux post matrimoniaux de l’épouse, puisque la femme a la capacité voulue pour se conduire elle-même dans ces affaires, et n’a contracté aucun engagement de sujétion à leur endroit. Mais d’autres soutiennent que la loi positive, au moins (Num XXX, 2, 17; Eph V, 24) donne au mari cette autorité. Le pouvoir paternel, en cette matière, est détenu non seulement par le père, mais par tous ceux qui tiennent sa place (la mère, ou un gardien). Le pouvoir de gouverner est détenu par les abbesses, par les supérieurs immédiats ou réguliers, par les évêques, pour les communautés non exemptes, et par le pape. pour toutes les communautés.
L’annulation indirecte est l’œuvre d’une personne distincte de celui qui a fait un vœu, laquelle, se saisissant de la matière ou de l’objet du vœu, suspend l’obligation produite par le vœu. En conséquence, cette sorte d’annulation peut être pratiquée par tous ceux qui ont un droit sur la matière du vœu, tant et aussi longtemps que ce vœu est préjudiciable à leurs droits. Ainsi, un pape peut annuler le vœu de n’importe lequel de ses fidèles qui contrevient à ses droits ou ceux de l’Église; les parents peuvent annuler même les vœux de ceux qui ont atteint la puberté, quand ces vœux entrent en conflit avec l’ordre familial. Les supérieurs religieux peuvent annuler les vœux des novices qui sont contraires à la discipline religieuse. Les maris et les épouses peuvent s’annuler leurs voeux les uns les autres s’ils outrepassent les droits conjugaux; un maître peut annuler le vœu d’un de ses serviteurs qui l’empêche de faire ce pourquoi il a été embauché.
2229- La raison nécessaire à l’annulation d’un vœu. Une juste raison est-elle nécessaire pour l’annulation d’un vœu ? Il n’est pas nécessaire, pour la validité, qu’il y ait une juste raison, parce qu’est toujours présente, en tout vœu, la condition implicite : à moins que le supérieur ne refuse, ou une autre personne dont le consentement est nécessaire. Pour la légalité, il est nécessaire qu’il y ait une juste raison, car il n’est pas permis de priver Dieu de l’honneur qui lui a été promis, à moins d’avoir de bonnes raisons d’agir ainsi (canon 1312). Mais le péché commis par quelqu’un qui annule un vœu ou qui demande l’annulation d’un vœu ne dépasse pas, habituellement, un péché véniel
2230- Différences entre une annulation directe et indirecte. Une annulation directe éteint un vœu, puisqu’elle affecte l’acte du vœu lui-même. Et, en conséquence, si un père annule le vœu de son fils qui a atteint l’âge de quatorze ans, le vœu cesse complètement. Une annulation indirecte, au contraire, ne fait que suspendre le vœu, puisqu’elle n’affecte que la matière du vœu, et cette matière peut être soustraite au pouvoir de l’annulateur. Ainsi, si un maître annule le vœu que son cuisinier a fait d’assister à la messe à tous les jours, le vœu reprendrait vie quand le cuisinier irait travailler ailleurs. Celui qui a le pouvoir d’annuler directement peut exercer ce pouvoir même s’il avait autorisé le vœu, ou promis de ne pas l’annuler, ou l’avait approuvé. Car, il conserve son pouvoir sur son sujet, et peut changer d’avis. Mais celui qui ne possède qu’un pouvoir indirect d’annulation, il est plus probable qu’il ne puisse plus annuler, une fois qu’il a donné à un voeu sa permission ou sa ratification. Parce que son pouvoir n’est que sur la matière du vœu, et cette matière n’est plus sous son contrôle après qu’il ait consenti à ce qu’elle soit dédiée à Dieu.
2231- La dispense. La dispense est le relâchement d’un vœu accordé au nom de Dieu par quelqu’un qui a la juridiction requise. C’est un relâchement, c’est-à-dire qu’elle enlève l’obligation (401). Ainsi, une dispense diffère de la simple déclaration ou interprétation que la loi ne lie pas. C’est le relâchement d’un vœu, c’est-à-dire que la dispense, au moins dans la pratique, enlève non seulement l’obligation, mais le vœu lui-même. Ce n’est pas seulement une suspension ou une commutation, mais un effacement complet du vœu. Elle est donnée au nom de Dieu, c’est-à-dire que, agissant au nom de Dieu, celui qui accorde la dispense remet la promesse qui avait été faite à Dieu. Ainsi, une dispense diffère de l’annulation, parce que cette dernière est faite par l’annulateur en son nom propre, en raison de l’autorité qu’il a sur la volonté de celui qui a fait un vœu, ou sur la matière du vœu. Elle est donnée par celui qui a la juridiction requise, c’est-à-dire, par l’autorité spirituelle publique de l’Église, au for externe. Car, comme un vœu est une obligation faite à Dieu, il ne peut être effacé que par un acte de ceux que Dieu a établis comme ses représentants dans les matières spirituelles. Ici aussi, la dispense diffère de l’annulation, car la dernière ne requiert pas le pouvoir de juridiction, mais seulement le pouvoir gouvernemental ou parental.
2232- Les raisons qui suffisent pour obtenir une dispense. Une dispense est accordée au nom de Dieu, et, en conséquence, à la différence d’une annulation, elle requiert une juste raison pour sa validité. Car le retrait d’une promesse religieuse n’est satisfaisant, aux yeux de Dieu, que s’il existe une raison qui le justifie. Une dispense concédée pour une raison insuffisante est invalide, même si toutes les parties concernées étaient de bonne foi. Mais, dans le doute, on présume que la raison était suffisante. On peut réduire en deux classes les raisons suffisantes pour justifier une dispense. Le bien public de la communauté ou de l’Église (si une personne liée par vœux mène une vie dissolue, au grand scandale de la population); le bien privé de celui qui fait un voeu (s’il trouve l’observance d’un vœu trop difficile, s’il a fait un vœu après une grande réflexion, ou avec une crainte insuffisante pour justifier une annulation 2195, 2196).
2233- La culpabilité d’une dispense non nécessaire des vœux. Le supérieur qui accorde une dispense est coupable s’il est certain qu’il n’y a pas de raison suffisante, ou s’il en doute. Mais il dispense légalement et validement s’il est certain qu’il y a une raison en faveur de la dispense, mais doute si elle est suffisante (407). Normalement, un supérieur à qui on a demandé d’accorder une dispense, ne devrait pas être anxieux au sujet du droit qu’il a de la donner, car l’insistance elle-même d’un sujet indique que le vœu est devenu nuisible ou inutile. Le sujet est coupable s’il demande une dispense tout en sachant qu’il n’a aucun droit de l’obtenir, ou s’il s’en sert en sachant qu’il n’y a aucune raison qui la justifie. Mais en cas de doute au sujet de la valeur justificatrice de la raison, le sujet devrait se laisser guider par le jugement de son supérieur, et non par le sien, car la décision appartient au supérieur.
2234- Ceux qui ont le pouvoir de dispenser. L’Église a le pouvoir de dispenser aussi bien des vœux privés que publics. Notre Seigneur lui a donné ce pouvoir quand il a dit : Tout ce que vous délierez sur la terre sera lié dans le ciel. (Matt. XV1, 19). Et ce pouvoir a été exercé depuis le tout début. Voici ceux qui ont le pouvoir de dispenser. Le pape, puisqu’il est le vicaire du Christ sur la terre, a la plénitude du pouvoir de dispenser. Il peut dispenser de tout vœu dispensable, vœux solennels inclus. Et il y a certains vœux qu’il est le seul à pouvoir dispenser. Les vœux réservés au pape ou à son délégué, sont presque tous les vœux publics de chasteté parfaite et perpétuelle, et d’entrer dans un ordre religieux à vœux solennels. Les deux derniers vœux sont réservés, toutefois, seulement quand ils ont été faits de façon absolue, et en toute liberté, par quelqu’un qui a dix-huit ans révolus. Les ordinaires locaux et les supérieurs avec une juridiction quasi épiscopale (les abbés) comme les prélats réguliers, peuvent dispenser des vœux non réservés. Dans certains cas, comme une nécessité urgente ou un vœu douteux, ils peuvent dispenser aussi des deux vœux privés réservés au pape. Ces matières sont traitées plus longuement par les canonistes, surtout à l’occasion des canons 258, 1045). C’est l’opinion commune des moralistes que les confesseurs réguliers qui possèdent les privilèges qu’ont les ordres mendiants, peuvent dispenser, au confessionnal et à l’extérieur du confessionnal, de tous les vœux non réservés, qui n’ont pas été faits principalement pour l’avantage d’un tiers parti, et accepté par lui. Les curés et les autres confesseurs peuvent dispenser d’un vœu de chasteté découvert au dernier moment, quand toutes les préparations ont été faites pour le mariage (1045).
2235- La dispense des vœux religieux de chasteté. Est-ce que l’Église dispense des vœux de chasteté pris lors d’une profession religieuse, ou de la réception des ordres sacrés ? Il n’y a pas d’exemple connu de dispense du vœu de chasteté pris au cours d’une profession religieuse, ou de la réception des ordres sacrés. Il n’y a aucun exemple connu de dispense publique du célibat des prêtres dans le but de contracter un mariage. Mais des dispenses publiques sont accordées du vœu religieux de chasteté. Il y a eu des cas où l’on a permis à des sous diacres et à des diacres de se marier pour le bien de l’église ou d’une nation, et où les mariages des prêtres ont été validés, comme au temps du schisme anglican et de la révolution française. Mais les clercs qui ont joui de ces dispenses étaient interdits d’exercice de leurs pouvoirs cléricaux.
2236- La dispense d’un vœu faite pour le bénéfice d’un tiers. Si la promesse est gratuite et n’a pas encore été accepté par une tierce partie, la dispense peut être donnée. Car dans un tel cas, la seule obligation qu’il y ait est celle qui procède du vœu, et l’Église peut dispenser des vœux. En conséquence, si quelqu’un a fait le vœu de faire dire des messes pour le repos de l’âme d’une personne décédée, ou de donner des aumônes aux pauvres, sans nommer personne en particulier, il peut recevoir une dispense de ce vœu. Si la promesse est gratuite et acceptée par une tierce partie, mais est faite d’abord et avant tout en l’honneur de Dieu, et secondairement seulement pour le bénéfice d’un tiers, il est probable qu’on puisse en être dispensé. Car ce qui est secondaire dans la promesse devrait venir après ce qui est premier. Et ici, on peut dispenser du vœu, lequel est la première intention,
Si la promesse est gratuite et acceptée, et si l’intention de rendre un tiers bénéficiaire n’est pas subordonnée à l’intention de faire un vœu, ou si la promesse est onéreuse, on ne peut pas facilement accorder la dispense. La raison en est que dans ces cas, il est question non seulement d’un vœu, mais d’un contrat; non seulement d’une obligation envers Dieu, mais aussi d’une obligation envers un homme. Et la justice demande que les droits d’une partie à un contrat ne lui soient pas enlevés sans son consentement. Ainsi, on ne peut pas dispenser d’un vœu de stabilité fait à l’entrée dans une congrégation, sans le consentement de la congrégation elle-même. Car le vœu était aussi un contrat fait entre la congrégation et celui qui l’avait voué. Il y a des exceptions, toutefois, comme quand une tierce partie renonce à son droit, ou quand le Pape, en vertu de sa suprême autorité sur les biens ecclésiastiques, ou de son autorité gouvernementale, accorde une dispense pour de justes et suffisantes raisons.
2337- Les personnes qui peuvent recevoir une dispense de vœux. On peut accorder une dispense à des sujets, et, dans certains cas, même à des non sujets. Ainsi un supérieur, dont la faculté n’a pas été limitée, peut s’accorder à lui-même une dispense. Mais il est conseillé de toujours demander une dispense à une autre personne, à cause du danger d’illusion. Un ordinaire local a aussi le pouvoir de dispenser non seulement ses sujets, mais aussi des étrangers qui résident dans son diocèse (canon 1313). On peut donner la dispense au confessionnal ou en dehors du confessionnal, à moins que le contraire ne soit stipulé dans la faculté d’accorder des dispenses. Il convient davantage de la donner au confessionnal. On ne peut donner une dispense qu’à ceux qui veulent l’accepter. Et, sous cet aspect, elle diffère de l’annulation, laquelle peut être faite même contre la volonté de celui qui a fait un vœu. La raison en est que celui qui a fait un vœu s’est imposé à lui-même librement cette obligation (403). Cela vaut au moins pour la dispense d’un vœu privé.
2238- La commutation des vœux. La commutation d’un vœu est la substitution d’une bonne œuvre à celle promise par un vœu, avec le transfert de l’obligation religieuse à la nouvelle œuvre. La commutation diffère de l’annulation et de la dispense, car ces deux dernières enlèvent l’obligation, tandis que la commutation ne fait que changer la matière, l’obligation du vœu demeurant inchangée. Ainsi, si le vœu de faire un pèlerinage est commué en prières, il n’y a plus d’obligation de faire un pèlerinage, mais on est tenu par vœu de dire les prières qui le remplacent. Le pouvoir de l’Église de commuer des vœux est clair, d’après ce qu’on a dit au sujet du pouvoir d’accorder des dispenses. Car celui qui peut faire quelque chose de plus grand peut aussi faire quelque chose de plus petit.
2239- Les sortes de bonnes œuvres qui peuvent être substituées aux vœux. La bonne œuvre peut être une œuvre meilleur que la première, c’est-à-dire, une œuvre plus difficile, plus agréable à Dieu, et plus avantageuse spirituellement pour celui qui fait un vœu. En conséquence, si quelqu’un a fait le vœu de donner une aumône à un pauvre étranger, le vœu peut être commué, si l’étranger n’a pas accepté la promesse, en faveur d’un autre étranger plus pauvre, ou de son propre père, s’il est pauvre. La bonne œuvre peut être une œuvre également bonne, c’est-à-dire une œuvre, qui, au plan moral, a les mêmes difficultés ou la même valeur spirituelle. Ainsi, on peut échanger une prière pour une autre qui est de longueur égale, ou une aumône pour une autre d’un montant égal, ou un pèlerinage pour un autre d’une distance égale. Mais on doit déterminer l’égalité non mathématiquement, mais moralement. Et, en conséquence, une sorte de travail peut être échangée pour une autre; une sorte de vœu pour une autre sorte. Et il n’est pas nécessaire que les œuvres soient absolument de la même valeur. En fait, la nouvelle œuvre qui, objectivement n’est qu’égale, est subjectivement meilleure, puisqu’elle est plus avantageuse pour celui qui a fait un vœu. La bonne œuvre peut même être une œuvre moins bonne, c’est-à-dire une œuvre qui est clairement moins difficile ou moins méritoire, comme quand la messe est commuée en un rosaire.
2240- Les personnes qui peuvent avoir l’autorité de commuer un vœu. La commutation d’un vœu non réservé en quelque chose de meilleur ou d’également bon, peut être faite par celui qui a fait le vœu, si aucun droit d’un tiers ne le défend. Car les buts du vœu originel (l’honneur de Dieu, et le bien spirituel de celui qui fait un vœu), sont mieux ou également remplis. Mais, on ne devrait pas, ordinairement, commuer ses propres vœux, car, pour la plupart des gens, ce n’est pas une chose facile de décider ce qui est un bien meilleur ou égal. Combien comprennent le rang des vertus ? Et même si quelqu’un sait, par exemple, que la religion est meilleure que les autres vertus morales, il ne peut pas, à partir de là seulement, décider que le rosaire est un substitut au jeûne, meilleur ou égal, Celui qui désire une commutation pour son vœu devrait donc consulter son confesseur ou un autre prêtre. La commutation d’un vœu en quelque chose de moins bon peut être accordée seulement par quelqu’un qui a une faculté spéciale. Car cette sorte de commutation participe à la nature de la dispense, en autant qu’elle relâche, d’une certaine façon, un vœu originel. Ceux qui ont le pouvoir de dispenser (les confesseurs réguliers qui ont les privilèges des ordres mendiants), ont aussi le pouvoir de commuer. Mais ceux qui n’ont que le pouvoir de commuer ne peuvent pas changer un vœu en quelque chose d’une valeur beaucoup moindre. Une bonne règle à suivre pour la commutation d’un vœu en quelque chose de moins est de choisir comme substitut la réception fréquente du sacrement de l’autel. Les limitations ou les dispenses en raison des droits d’un tiers (2236) s’appliquent aussi aux commutations.
2241- La cause requise pour la commutation d’un vœu. Pour une commutation en quelque chose de meilleur, aucune cause n’est requise, puisque la nouvelle œuvre est sa propre justification. Pour la commutation en une chose de valeur égale, une cause est requise, parce que c’est une marque d’inconstance, et donc une chose désagréable à Dieu, de laisser tomber ses promesses sans une bonne raison. Mais une intention légère est suffisante, comme une plus grande dévotion, ou moins de danger de violer un vœu. Car, la commutation en quelque chose de moindre valeur a besoin d’une raison proportionnelle, non seulement pour la légalité, mais aussi, très probablement, pour la validité. Car, cette sorte de commutation est une dispense partielle.
2242- Le retour au vœu originel. Le retour au vœu originel par quelqu’un qui l’avait commué est toujours légal, et, dans certains cas, il peut être obligatoire. Il est légal même quand le vœu a été changé en quelque chose de meilleur. Car la commutation est un privilège, et il n’y a aucune obligation d’utiliser un privilège personnel (523). Certains moralistes soutiennent que cette doctrine ne s’applique pas quand c’est celui qui a fait un vœu qui l’a commué en quelque chose de meilleur. Mais l’opinion commune veut que le principe du privilège s’applique à tous les cas, et que quelqu’un peut même choisir entre différentes œuvres, si le vœu a été commué un certain nombre de fois. Ceux qui font des vœux devraient, cependant, se garder de changements fréquents et oiseux, puisque l’inconstance est nuisible spirituellement. Le retour au vœu originel est obligatoire, d’après certains moralistes, quand celui qui a fait un vœu l’a commué en quelque chose de mieux, et quand cette nouvelle matière est devenue impraticable. Car, l’effet de la commutation n’était pas d’éteindre l’autre vœu immédiatement, mais d’offrir une satisfaction à sa place. Et en conséquence, quand cette satisfaction se révèle impossible, le vœu doit être exécuté. D’autres rejettent cela, et maintiennent que le vœu a été éteint immédiatement, puisque celui qui commue un vœu est immédiatement tenu par vœu à l’œuvre substituée. Tous accordent, cependant, que si la commutation a été accordée par l’autorité, le vœu est éteint, et il n’y a plus d’obligation d’y retourner si l’œuvre substituée devient impossible à faire, même si l’impossibilité est due à la faute de celui qui a fait le vœu. En conséquence, si un pèlerinage est commué en un jeûne, et si celui qui a fait le vœu devient, par sa faute, malade au point de ne pouvoir jeûner, il n’y a pas d’obligation de faire un pèlerinage ou de jeûner. On devrait noter, cependant, que les vœux privés faits avant la profession religieuse sont suspendus aussi longtemps que celui les a faits demeure dans l’institut où il est entré. Et, en conséquence, s’il est renvoyé ou s’il quitte de lui-même, ses vœux reprennent toute leur vigueur (canon 1315).
2243- Les devoirs des confesseurs
relativement aux vœux privés. Un confesseur ne devrait pas permettre
facilement aux pénitents de faire des vœux privés, car un vœu est une
matière sérieuse, et il devrait être précédé d’une longue réflexion.
On se repentira probablement très vite d’avoir fait un voeu à la hâte,
dans un accès de ferveur (2221). Mais s’il semble qu’un pénitent
tirera profit d’un vœu, le confesseur devrait lui en donner la permission.
Mais il serait souvent conseillé de limiter la durée du vœu, au début.
à un mois ou à un an. Le confesseur ne devrait pas aisément recommander
la commutation des vœux privés, de peur que ceux qui s’y sont engagés
ne soient encouragés à faire de continuels changements. D’un
autre côté, s’il y a de bonnes raisons pour un changement (comme un
danger ou une difficulté dans la matière du vœu, ou une plus grande
dévotion dans la nouvelle matière) le confesseur ne devrait pas s’opposer
à une commutation. Les confesseurs qui n’ont pas les facultés
requises doivent avoir recours aux autorités, pour les dispenses et les
commutations-dispenses. Et on conseille le même procédé pour des cas
d’annulation difficiles (quand un mari et son épouse ont fait un vœu
mutuel de continence).
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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction
Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.