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John A. McHugh, o.p. - Charles J. Callan, o.p.
THEOLOGIE MORALE un cours complet selon saint Thomas d'Aquin et les meilleurs auteurs modernes

Imprimatur Francis cardinal Spellman, Archbishop of New York, New York, May 24, 1958
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 2244- Les actes externes de religion en honneur de Dieu.  Nous en venons maintenant à ces actes extérieurs de  religion dont se sert  le culte divin pour honorer Dieu (2175).   Ces choses sacrées sont de deux classes, à savoir les objets qui servent à la sanctification de l’homme (sacrements, sacramentaux), et les mots qui donnent le pouvoir sur les autres, ou la manifestation de révérence envers Dieu (le nom divin).  On traitera plus loin des sacrements et des sacramentaux. Pour le moment, nous nous contenterons parler de l’honneur montré à Dieu par l’emploi de son nom. En conséquence, nous aborderons l’un après l’autre les sujets suivants : l’emploi du nom divin pour confirmer, devant d’autres, ses déclarations ou ses promesses (les serments); l’emploi du nom divin pour amener les autres à faire ou à omettre quelque chose (abjuration); l’emploi du nom divin pour exprimer la louange et la demande.

 2445- Les serments. Un serment consiste à appeler Dieu comme témoin de la véracité de ce que l’on dit.  Un serment en appelle à Dieu, c’est-à-dire qu’il choisit Dieu comme témoin de ce qui est dit.  Le serment n’est pas seulement une parole adressée aux autres, ou une déclaration qu’un fait est connu de Dieu : (Dieu sait qu’elle a été une bonne femme).  C’est à Dieu que l’on s’adresse, c’est Dieu que l’on invoque.  Ce n’est pas non plus une prière pour que Dieu confirme la vérité des paroles. On en appelle à Dieu pour qu’il corrobore cette vérité par son propre témoignage.  Il n’est pas question d’un témoignage déjà donné (les paroles de Dieu dans l’Écriture) mais d’un témoignage à être donné sur la matière présente.  N’est donc pas un serment une prière à Dieu pour prouver son innocence, ou la preuve d’une proposition théologique par une citation biblique.

 C’est un appel à Dieu.  Et en conséquence, si on fait appel à une créature (comme dans l’expression : sur mon honneur, parole d’honneur), ou à une fausse déité (par Jupiter), il n’y a pas de serment. Il fait appel à Dieu pour qu’il porte témoignage, c’est-à-dire,  pour que  la vérité de ses paroles soit confirmée par Dieu lui-même, qui ne peut ni tromper ni être trompé. Celui qui fait un serment ne demande pas que Dieu intervienne illico par un signe visible ou miraculeux, mais que Dieu confirme ce qui est dit, où et quand ça lui plaira, au moins en ce jour où il fera briller sa lumière dans les ténèbres, et révèlera les secrets des cœurs (1 Cor 1V, 5). La force probante du serment consiste en ce que celui qui croit en Dieu ne sera pas assez mauvais ou assez pervers pour prendre le Saint des saints à témoin de son iniquité et de son mensonge.

 2246- Les différentes sortes de serments. En raison de la matière, un serment est soit déclaratoire ou prometteur. Un serment déclaratoire réfère au passé et au présent (Je jure que j’ai vu l’accident). Un serment prometteur réfère au futur (Je jure que j’accomplirai mon devoir fidèlement).  Le serment prometteur est soit sans un pacte fait avec un autre (Je jure que je vous traînerai devant les tribunaux si vous faites cela), soit avec un pacte.  Ce serment est appelé confirmatoire.  Et selon que le pacte est avec Dieu ou avec un homme, ou avec les deux, il est ou un vœu assermenté  ou un contrat assermenté, ou un vœu assermenté et un contrat.  En raison de la façon dont il est fait, un serment est contestataire ou exécratoire.  Le vœu contestataire fait simplement appel à Dieu comme un témoin (Dieu est mon témoin que c’est vrai, je jure par Dieu que c’est vrai). Le vœu exécratoire demande à Dieu, même si le nom divin n’est pas expressément mentionné, de punir le jureur dans sa personne, ou dans des personnes, ou dans les biens qui lui appartiennent, si la déclaration qui a été faite n’est pas vraie (Que Dieu me frappe à mort si ce que je dis n’est pas vrai.  Que le démon emporte mes enfants si je jure faussement).  La forme habituellement employée : ainsi que Dieu m’aide et ces saints évangiles,  a un sens exécratoire, la signification étant : que Dieu m’aide si je dis la vérité, mais  qu’il me refuse son aide si je mens.

 En raison de la personne invoquée, un vœu est explicite ou implicite. Le premier appelle Dieu par son nom (Dieu m’est témoin. Je dis la vérité dans le Christ).  L’autre appelle une créature en tant qu’elle est le reflet d’un attribut divin, ou qu’elle représente Dieu d’une façon quelconque (le serment de Moïse dans le Deutéronome XXX, 19 : j’en appelle au ciel et à la terre en ce jour pour témoigner que je vous ai offert la vie et la mort).  En raison de la forme légale, un serment est solennel ou simple, judiciaire ou extra judiciaire.  Le serment solennel se prend avec cérémonie (devant l’autel, une main placée sur la bible, et l’autre levée); le serment  simple, fait en privé, sans formulaire spécial de mots ou de cérémonie.  Le serment judiciaire  se prend en cour, ou à l’occasion de décisions publiques qui portent sur des questions de droit, d’un fait ou d’une délinquance (dans le droit canon,  les serments calomnieux ou malicieux, qui sont traités dans les livres canoniques).  Le serment extra judiciaire, solennel ou simple, est prêté en d’autres circonstances (quand deux contractants fortifient leur pacte par un serment).  On trouve dans la Genèse des exemples de serments solennels X1V, 22; XX1V, 2,3; Jer XXX1V, 18).

 2247- La différence morale existant entre les diverses espèces de serments.  Essentiellement, il n’y a pas de différence, puisque toutes les espèces ont en commun les traits mentionnés dans la définition. Accidentellement, il y a une différence dans les circonstances des formes, dans la solennité etc.  De plus, une sorte de serment peut être plus obligatoire (le vœu solennel est plus sacré que le vœu simple à cause de la délibération spéciale qui lui est accordée, et le scandale causé par sa non observance). Ou il peut y avoir d’autres sortes d’obligation en plus de celle de la religion (le vœu d’observer un contrat lie en religion et en justice).

 2248- La légalité des serments. Il est permis de prêter un serment qui a les qualités requises, car, dans l’Écriture, Dieu lui-même est représenté comme prêtant serment (Gen XX11, 16; Ps C1X, 4; Hebr V1, 13; V11, 21); les saints prêtent serment, et sont loués comme pour avoir fait ce qu’ils devaient faire (11 Cor 1, 23). Ps. X1V, 4); et l’Église a toujours fait usage des serments.  L’origine des serments est la foi de l’homme en Dieu, et leur but en est un des plus importants, à savoir,  occtroyer de l’autorité à des choses importantes.  En effet, un serment est un acte de religion, car les hommes ne jurent que par quelqu’un qui est plus grand qu’eux (Hebr. V1, 13). Et ainsi, un serment est une reconnaissance révérencielle de la connaissance supérieure de Dieu, de sa vérité et de sa justice. Il n’est pas permis de faire un serment auquel manque une qualité nécessaire,  Nous devrions noter ici une importante différence entre un serment et les autres actes de religion, comme les vœux. Un serment n’est pas désirable pour lui-même, puisqu’il est occasionné par la faiblesse humaine et sa non fiabilité.  En conséquence, comme les médicaments et les antidotes que la maladie rend nécessaires, on ne devrait y avoir recours que quand on en a vraiment besoin, avec parcimonie.   Un vœu ou un autre acte de religion, au contraire,  tire son origine du désir d’honorer Dieu, sans être imposé par un besoin à satisfaire.  Il peut donc être utilisé plus souvent.  Cela explique pourquoi l’Écriture interdit de contracter l’habitude de jurer (Eccl, XX111, 9; Matt. V, 33; Jac V, 12).  Mais c’est mal interpréter ces textes que de voir une interdiction absolue de tout serment.  A la lumière du contexte et d’autres textes, il est clair que les passages cités réprouvaient les pharisiens qui enseignaient que les serments immoraux  étaient légaux, pourvu seulement que la matière soit vraie,  ou que le nom divin ne soit pas prononcé.   Ils réprouvaient aussi ceux qui se plaisent à jurer en toute occasion.

 2249- Qualités nécessaires pour un serment légal,   Les qualités nécessaires qui devraient servir de compagnes à un serment sont énoncées en Jérémie. 1V, 2 : Et tu feras un  serment. Comme Dieu vit, dans la vérité, dans le jugement, et dans la justice.  Le jugement réfère aux bonnes dispositions de la personne qui prête serment; la vérité et la justice, à la justesse de la cause pour laquelle elle jure.   Ainsi, un serment devrait être judicieux, (c’est-à-dire que celui qui en fait un  ne devrait agir ainsi que quand il a un pressent besoin); avoir de la foi et de la dévotion, et d’une façon respectueuse envers le Dieu qu’il invoque.   Un serment qui n’est pas judicieux est appelé imprudent, comme quand on fait un serment pour une chose triviale ou pour s’amuser.  Un serment doit être véridique, c’est-à-dire qu’on ne peut faire de serment que pour ce qu’on estime vrai,  Un serment auquel manque la vérité est une fausseté ou un parjure. Comme quand quelqu’un affirme par serment quelque chose qu’il sait être faux, ou promet ce qu’il n’a pas l’intention d’accomplir, ou jure qu’il est certain quand il n’a pas d’opinion, ou jure avec une restriction mentale, ou après une investigation insuffisante.

 Un serment doit être juste, c’est-à-dire qu’on ne devrait pas promettre ce qu’on n’a aucun droit de promettre (dire un mensonge), et on ne devrait pas dire ce qu’on n’a aucun droit de dire.  La matière du serment, en ce qui a trait à son objet et aux circonstances, doit être bonne, même quand on jure en toute vérité et sincérité. Un serment auquel fait défaut la justice porte le nom de mauvais serment.  Et quand quelqu’un promet sous serment de commettre un meurtre, ou de ne pas suivre de qui est de conseil, ou prêtre serment sur un fait réel de façon cependant à causer un mal non nécessaire à une autre personne, ou de tirer gloire de ses propres crimes.

 2250- Les serments qui sont des péchés. Un serment imprudent ou irrespectueux n’est de sa nature qu’un péché véniel, puisque sa malice ne consiste pas en une offense directe à la vérité divine ou à un autre attribut divin, mais seulement en de l’étourderie.  Et de plus, il n’est pas contraire au but d’un serment, lequel est de confirmer la vérité.  Mais, accidentellement, il peut être un péché grave, en raison du scandale donné (quand une personne de distinction jure sans nécessité), ou en raison du danger auquel s’expose le jureur (quand quelqu’un jure habituellement, et est, par là-même, mis dans l’occasion de jurer faussement ou injustement).  En raison des maux causés par la familiarité, etc…à laquelle mènent les serments habituels.  Notre Seigneur nous a avertis de nous contenter, en règle générale,  de confirmer la vérité par une simple assertion ou négation (Matt. V, 2).  Pour les communications ordinaires de chaque jour, au moins,  la parole d’un chrétien ou d’un honnête homme devrait être suffisante sans serment.

 Un serment qui est un mensonge et un parjure est (172), de par la nature de l’acte, toujours mortel, puisqu’il consiste essentiellement en un mépris de Dieu et en un manque de respect pour ses attributs. Le parjure ose demander à Dieu d’être un complice de son mensonge, ou bien il suppose qu’on peut tromper Dieu.  En conséquence, seulement en raison de l’imperfection de l’acte, le parjure peut-il échapper à la coulpe  de péché mortel,
Comme quand quelqu’un prononce un parjure sans réflexion suffisante ou sans pleinement consentir à son serment ou à sa fausseté.  Le pape Innocent X1 a condamné la doctrine qui voulait que le parjure ne soit qu’un péché léger (Denzinger, n. 1174).  Dans le droit canon, ceux qui se parjurent sont forclos d’agir comme témoins ou de donner un témoignage crédible,  et sont sujets à des peines à la discrétion de l’Ordinaire (canons 1757, 1795, 2323).  Dans la loi civile américaine, le parjure est un faux serment donné devant un tribunal, et il est un crime contre la justice publique, tandis que la subornation de témoins  et les faux serments donnés dans des circonstances privées sont aussi des crimes ou des offenses punissables.

 Un serment mauvais, même si la chose jurée est vraie et si le serment a été donné seulement après une longue réflexion et d’une façon respectueuse, est un péché contre la religion, et contre n’importe laquelle vertu qu’il offense.  Le péché commis à cause d’un serment est, de par sa sature, mortel, selon certains puisque le jureur insulte gravement Dieu en lui demandant de participer à son péché, et en tournant en instrument de péché ce qui devrait être un acte de religion.  D’autres soutiennent que le péché n’est que véniel, puisque ce n’est pas un manquement sérieux au respect du à Dieu de lui demander de témoigner de ce qui est vrai.  D’autres font dépendre la gravité du péché de la méchanceté de la matière ou des circonstances. Cette méchanceté commise en raison d’une déclaration ou d’une promesse est vénielle ou mortelle selon le cas.  Ainsi, il y a une grave injustice à révéler un fait qui est sérieusement nuisible à un autre, et que quelqu’un est tenu de tenir secret sous le sceau de la confidentialité.   Il y a un scandale véniel  quand on jure dans le but d’amener une personne à une faute légère ou à une détraction.  Il y a un grave péché à promettre de commettre une impureté.  Il y a un léger péché de vol  en promettant de voler une petite somme d’argent.   Enfin, d’autres tiennent que le serment est un péché mortel quand il confirme un péché grave (un serment confirmant une détraction sérieuse); et qu’il est véniel dans d’autres cas (un serment confirmant la fierté d’avoir commis des péchés mortels).

 2251- La restriction mentale dans un serment. La restriction mentale au sens strict (la restriction interne de ses mots pour que l’auditeur ne puisse pas en saisir la vraie signification, comme quand quelqu’un dit qu’il a vu Rome, voulant dire qu’il a vu une peinture de Rome).  Elle est un mensonge, et ne peut pas être utilisée dans un serment,  sans parjure. Voyez les propositions condamnées par Innocent X1 (Denzinger, no 1176)
 

 La restriction mentale au sens large (la restriction mentale de certains mots dont on peut saisir le sens par les circonstances, comme quand un serviteur dit que son maître n’est pas à la maison, voulant laisser entendre qu’il ne peut pas recevoir) n’est permise que quand il y a des raisons de justice ou de charité qui le demandent.   En conséquence, c’est un péché mortel de jurer avec cette sorte de restriction mentale  quand celui qui pose la question a le droit de connaître la vérité.  Il n’y a pas de péché du tout quand le questionneur  n’a pas le droit de questionner, et quand la restriction mentale est la seule échappatoire à un mal sérieux.  Quand le questionneur n’a pas le droit d’exiger un serment et quand le déponent n’a pas de droit à la restriction mentale (quand le serment n’est que privé, et n’a rien à voir avec un contrat ou à d’autre matière importante), la culpabilité de la restriction mentale est contestée.  Quelques-uns pensent que le serment est un péché mortel, parce qu’il est  gravement irrévérencieux de sommer Dieu de témoigner en faveur d’une parole prononcée intentionnellement pour induire en erreur. D’autres pensent que ce serment n’est qu’un péché véniel, parce qu’il n’offense pas la vérité ou la justice, mais qu’il n’est qu’un manque de  jugement et de discernement.

 2252- Coopération dans les serments peccamineux.  La coopération formelle n’est jamais permise, parce qu’elle fait en sorte que le coopérateur veuille la faute de ce qu’il fait.  Ainsi, celui qui, par un commandement, un conseil, une promesse, induit quelqu’un à jurer faussement est le principal coupable du crime, ou un associé (1513, 1778).   La coopération matérielle est permise quand elle a pour elle une raison suffisante.  Comme quand un homme de loi demande à une personne de prêter serment, alors qu’il sait pertinemment qu’elle va se parjurer.  Car le bien public demande que, dans certains cas, des serments soient exigés, en dépit du fait que ce serment sera pour certaines personnes une occasion de parjure.  Mais le législateur ne devrait pas multiplier les tentations en demandant des témoignages assermentés à tout bout de champ.  Autrement, les serments deviennent une simple formalité dépourvue de toute valeur, et le crime de parjure devient quelque chose de commun.

 2253- Les serments peccamineux demandés ou acceptés par des personnes privées. Des serments irréfléchis ou irrespectueux.  Il n’est pas permis de demander ou de recevoir un serment quand on n’en a pas un grand besoin public ou privé.  Autrement on fait d’une chose sacrée  quelque chose de trivial et de banal. Il n’est pas permis non plus de demander un serment à quelqu’un qui n’y croit pas, ou d’en recevoir un (Mennonites, les Quakers).  Autrement, on force quelqu’un à jurer contre sa conscience, et à aller contre ses convictions religieuses.   On peut demander à  ceux qui pensent que les serments sont une mauvaise chose de se lier eux-mêmes par leur parole d’honneur solennelle; et ils pourront, s’ils parlent faussement,  être punis pour parjure, comme ceux qui ont juré.

 Les serments qui sont des parjures.  Il n’est pas permis à une personne privée de demander un serment à quelqu’un ou d’en recevoir, si elle est certaine qu’il va commettre un parjure.   Mais quand on a une raison suffisante,  on peut demander et recevoir un serment, même si on ne sait pas si la personne dira la vérité ou mentira.  Les serments mauvais.  Il est clairement illégal de demander ou de recevoir un serment mauvais dans lequel quelque chose de mauvais est proféré ou promis, parce que c’est la chose elle-même qui  est désirée,  et qu’il y a une coopération formelle.  Mais ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose de demander ou de recevoir un serment mauvais lorsque sa malice se trouve non dans la matière du vœu, mais dans la disposition du jureur.   Car il peut n’y avoir qu’une coopération matérielle.  Ainsi, celui qui soutire une promesse assermentée de commettre un meurtre consent au meurtre.  Mais celui qui demande une promesse assermentée contre un tiers pour quelque chose qui est nécessaire, ne consent pas nécessairement à la haine, si la personne qui a juré est inspirée par la haine ou la vengeance.

 2254- Les serments fictifs. Un serment fictif est celui d’une personne qui jure extérieurement sans avoir l’intention de prendre Dieu comme témoin.  Cette sorte de serment est invalide, car, comme il a déjà été dit, sans intention réelle de jurer il n’y a pas de serment. En conséquence, un serment fictif ne produit aucune obligation religieuse;  mais il peut comporter une obligation de justice, comme quand le serment est la cause injuste du tort infligé à quelqu’un.  Cette sorte de serment est un péché, car si le témoignage est erroné, il inclut le grave péché  de déshonorer Dieu; s’il est véridique, il inclut le péché véniel de prendre le nom de Dieu en vain.  Le serment est un péché grave si les circonstances sont telles qu’un serment sincère est  obligatoire, comme quand  un supérieur ou un juge impose légalement un serment dans une chose sérieuse; ou quand les parties à un contrat onéreux se lient elles-mêmes par serment,  pour donner plus de vigueur à leur pacte.

 2255- Les expressions confondues avec les serments.   Voici les expressions que l’on confond habituellement par erreur avec les serments peccamineux.  Une parole profane ou vulgaire comme : l’enfer, le démon, nom d’une pipe.  Des malédictions comme : Va au diable. Que Dieu te damne.  De la contumélie comme bâtard, fils de putain.  Un vain usage du nom de Dieu : par Dieu,  Christ.  Une tentation de Dieu  comme : s’il y a un Dieu, qu’il me frappe mortellement.  Le blasphème comme :  Que Dieu périsse si ce n’est pas vrai.   Les expressions : parole d’évangile, la parole de Dieu elle-même n’est pas plus véridique. Je suis aussi innocent que la bienheureuse Vierge Marie.  Si ces paroles sont employées pour confirmer la vérité, elles n’ont aucunement la prétention d’affirmer une égalité avec celui qui les profère et Dieu et les saints.  Elles ne sont donc que des péchés véniels,  pour avoir pris le nom de Dieu en vain.  Mais si elles servent à confirmer une erreur, elles sont des péchés mortels de blasphème.

 2256- Obligations imposées à un serment-promesse.   Un serment déclaratoire impose l’obligation de dire la vérité ou de réparer tout dommage qui résulte de la fausseté ou de l’injustice d’une déclaration. En plus, une serment-promesse  oblige quelqu’un, en vertu de la religion, à accomplir une promesse.   Car, comme il a été dit plus haut (2249), un serment doit avoir pour lui la vérité.   En conséquence, l’Écriture demande à ceux qui ont fait un serment de remplir leur promesse (Matt. V, 33), de ne pas rendre la parole inefficace (Num XXX1, 3).  Mais la chose promise doit être faisable et légale.  Autrement, le serment n’est ni judicieux ni juste.   Ainsi, une promesse inexécutable ne lie pas, car personne ne peut s’engager à faire quelque chose  qu’il ne peut pas faire (2201).   Ainsi, le serment de venger le meurtre par le meurtre est nul, et on commet un péché aussi bien en le prenant qu’en l’exécutant.

 2257- L’obligation imposée par des serments négatifs.  L’obligation de remplir la promesse faite sous serment de ne pas  faire ce qui est meilleur (de ne pas prendre un vœu), ou de faire ce qui est oiseux et inutile (le vœu de compter ses pas) dépend des circonstances. Si les droits des tierces personnes n’entrent pas en ligne de compte, ces serments ne tiennent pas le coup (celui qui jure de ne pas faire de vœu de façon louable en mépris du serment).  Car on ne peut pas appeler Dieu comme témoin ou comme garant de ce qui lui agrée le moins,  ou de ce qui ne l’honore en aucune façon, ou de ce sur quoi une tierce personne n’a aucun droit. Si les droits d’une tierce personne sont impliqués, ces serments obligent à donner à la tierce personne ce qui lui est du par la promesse (une infirmière qui a fait le vœu de demeurer auprès d’un malade ne peut pas le violer en entrant en religion).    2258-    L’obligation d’un serment  est personnelle.  Un serment ajouté à une promesse faite  et qui est obligatoire en justice,  est personnel.  En conséquence, il lie celui qui a fait le serment, mais non ses héritiers (2216).

 2259- L’interprétation des serments-promesses.  On doit interpréter strictement un serment, car on présume que celui qui a fait une promesse entendait placer sur lui le fardeau le moins lourd.   Ainsi, si une personne jure d’observer les statuts d’une certaine congrégation, il va de soi qu’elle s’engage à observer les statuts actuels et non ceux du futur.  Si elle s’engage par serment à ne pas jouer aux jeux de hasard, sa promesse n’exclut pas les jeux de société.   Mais si celui qui promet agit frauduleusement, il faut interpréter le serment d’après la compréhension qu’en a celui qui a reçu la  promesse (canon 1321).  Un serment est toujours sujet aux limitations ou aux réserves  que demandent la nature du cas, la loi ou la coutume.  En conséquence, même si un serment est fait inconditionnellement, les conditions suivantes sont supposées.  Si l’accomplissement sera physiquement et moralement possible.  Les droits des supérieurs restant saufs.  A moins que l’autre partie ne renonce à son droit. A moins que l’autre partie ne soit incapable  de garder sa part de l’alliance.  A moins que ne vienne un changement considérable dans les conditions. Si celui qui fait une promesse explique d’avance à celui à qui la promesse est faite ce qu’il entend par son serment, il ne jure que dans le sens qu’il a expliqué.

 Un serment suit la nature  et les conditions de l’acte qu’il confirme (la résolution, la promesse, le vœu, le contrat), car ce qui est accessoire suit ce qui est principal.   En conséquence, si l’acte auquel le serment est attaché ne peut pas être obligatoire (un acte nuisible au salut éternel, ou au bien public, ou aux droits d’un tiers), le serment n’ajoute pas une contrainte  supplémentaire à cet acte (canon 1318).   Si l’acte est naturellement invalide (une promesse obtenue d’une fraude substantielle), le serment est également invalide.  Si l’acte n’est pas effectué (une promesse non acceptée), le serment non plus n’a pas à l’être. Si l’acte cesse d’obliger (une promesse de secret faite pour un certain temps), le serment cesse aussi d’obliger.   Si l’acte n’est pas obligatoire sous peine de péché grave, le serment n’est pas obligatoire sous peine de péché grave (si quelqu’un jure d’observer les statuts d’une université, il n’est pas tenu d’observer ceux qui sont négligés par la majorité. Il ne commet aucun péché  en transgressant ceux qui ne sont que pénaux ou optionnels; et  aucun péché grave en violant ceux qui n’obligent que sous peine de péché véniel.

 2260- La sorte d’obligation produite par un serment-promesse valide.  L’obligation en est une de religion, parce que la signification du serment consiste en ceci qu’il ajoute  le devoir du respect du à Dieu, au devoir de fidélité due à la promesse.  On jure pour rendre ses promesses plus dignes de confiance grâce au caractère sacré du serment.  La violation d’une promesse assermentée est donc toujours un péché contre la religion.  Il y a d’autres péchés qui s’ajoutent dans d’autres espèces de serment, à savoir, un second péché contre la religion dans le cas d’un vœu assermenté; un péché contre la justice et la fidélité dans le cas d’un contrat assermenté; un second péché contre la religion et un péché contre la justice et la fidélité, dans le cas d’un vœu et d’un contrat assermentés (2246 a).  Toutes choses étant égales par ailleurs, l’obligation est moindre que celle produite par un vœu, parce que le vœu lie en vertu de la fidélité à Dieu, mais le serment, seulement en vertu du respect. L’obligation à la fidélité semble être plus grande, parce que l’infidélité contient toujours un manque de respect, mais non vice-versa.   Bien plus, dans le cas d’un vœu, ce n’est pas seulement l’accomplissement de la promesse qui est sacré, mais la chose promise elle-même est sacrée, ce qui n’est pas vrai dans le cas d’un serment.   Un serment déclaratoire, toutefois, semble lier plus qu’un vœu, parce que c’est une plus grande injure faite à Dieu de le rendre témoin d’une fausseté, que de briser une promesse qui lui a été faite.

 2261- Degré d’obligation d’un serment-promesse valide. L’obligation est grave de par la nature même du serment parce que la vertu de religion l’emporte sur toutes les autres vertus morales (2146). Il n’y a aucun doute qu’on commet un péché mortel  quand on fait une promesse sous serment sans avoir l’intention de la remplir.  Car, cela, c’est un parjure (2250).  Et aussi quand on refuse d’honorer un engagement important fait sous serment. Car, dans une matière sérieuse, c’est de l’irréligion et de l’injustice.  Les remarques portant sur la matière grave qui ont été faites pour les vœux (2211) s’appliquent ici.  Mais puisque le vœu oblige plus strictement, il faut une plus grand somme de matière sérieuse  en violation d’un vœu. L’obligation peut être légère en raison de la petitesse de la matière impliquée. Même un vœu,  qui lie davantage qu’un serment, peut n’être obligatoire que véniellement de la façon suivante. (2211).  Une personne qui fait une promesse sous serment,  qui est déterminée à remplir sa promesse, mais qui change d’avis par après, sans raison suffisante, ne montre pas d’irrespect envers Dieu, parce que, quand elle l’a fait, elle avait l’intention de l’honorer;  elle n’offense pas non plus sérieusement son prochain, puisque, comme nous le supposons, la matière du serment est petite.   Ainsi, si quelqu’un qui avait juré de ne plus boire de vin, prend une gorgée de temps en temps, ces manquements à sa promesse ne seraient que véniels.  Quelques moralistes cependant sont d’avis que tout manquement à une promesse faite sous serment, quelque petite que soit la matière, est un péché mortel, parce que, selon eux, un parjure est commis par le bris de la promesse.   Cette façon de voir est rejetée par le plus grand nombre, parce que la signification d’une promesse faite sous serment est qu’on appelle Dieu comme témoin de la vérité de l’intention présente et de l’obligation (grande ou petite) d’un accomplissement futur.

 2262- La cessation de l’obligation d’une promesse faite sous serment.  L’obligation de cette promesse, comme celle d’un vœu (2226) cesse intrinsèquement et extrinsèquement.  Intrinsèquement, un serment cesse quand il y a un changement substantiel dans la matière (il est ou il est devenu irréalisable et illégal comme le serment d’Hérode à Salomé); quand la raison principale du vœu a cessé  (Pierre a juré de donner une aumône à Paul parce qu’il est pauvre.  Mais Paul gagne soudain le gros lot), ou à l’expiration de la date limite.  Extrinsèquement, un serment cesse par révocation (quand l’état ou une personne privée à qui la promesse sous serment a été faite révoque le droit et remet l’obligation); par annulation (quand un père annule un serment de son enfant mineur); par dispense (quand l’Église donne l’absolution pour un serment fait sous la contrainte); par commutation (quand l’Église change la matière d’un serment en quelque chose qui convient mieux).  Ceux qui peuvent dispenser, annuler ou commuer des vœux ont les mêmes pouvoirs que sur les serments.   Mais si la dispense d’un serment est nuisible à d’autres qui ne veulent pas renoncer à la promesse, seul le siège apostolique peut donner la dispense, et seulement pour une raison nécessaire (canon 1320).

 2263- L’adjuration. L’adjuration est l’invocation du nom de Dieu utilisée dans une demande ou un commandement fait à une autre personne pour pousser cette personne à faire ou à omettre quelque chose.   C’est une invocation, et sous cet aspect, elle est semblable au serment, car toutes les deux font appel au nom de Dieu.  Elle invoque le nom de Dieu explicitement (Je t’ordonne au nom de Dieu), ou implicitement (Je vous supplie au nom de la passion du Christ).  Si on donne un ordre ou si on fait une demande au nom d’une créature, et sans référence aux attributs de Dieu qui se réfléchissent en elle, il n’y a pas d’adjuration proprement dite.  Comme quand on implore une faveur d’une autre personne au nom d’un saint, d’un parent ou d’un ami.  Elle est utilisée dans un commandement et dans une demande.  Elle diffère donc de la prière qui ne peut pas prendre la forme d’un commandement.  Mais on peut utiliser l’adjuration dans les prières faites à Dieu ou aux saints, comme cela se fait dans les obsécrations.  Son but est de pousser quelqu’un à faire ou à omettre quelque chose; et elle se distingue par là du serment.  Le but d’un serment est de confirmer ses paroles par le témoignage de Dieu, tandis que le but d’une adjuration est d’influencer quelqu’un à faire quelque chose en faisant appel à la crainte, le respect et l’amour qu’il a pour Dieu.

 2264- Les espèces d’adjuration. L’adjuration est solennelle ou privée.  L’adjuration solennelle se fait au nom de l’Église par ses ministres, et dans la forme rituelle qui a été prescrite pour elle, comme dans le cas des exorcismes du baptême.  L’adjuration simple se fait par les personnes privées, et sans formules rituelles.   L’adjuration est impérative ou déprécative. On donne l’impérative sous la forme d’un commandement présenté à des inférieurs ou aux démons, comme quand saint Paul écrit aux Thessaloniciens : Je vous commande par le Seigneur de faite en sorte que  cette épitre soit lue. (1 Thes. V, 27).  On donne la déprécative sous la forme d’une demande faite à Dieu, ou à n’importe laquelle créature non damnée.  Comme saint Paul écrit aux Romains : Je vous supplie, frères, par l’amour de Dieu, de présenter à Dieu vos corps comme un sacrifice vivant  (Rom X11, 1).

 2265- Les qualités d’une adjuration légale.  L’adjuration est légale, et elle est un acte de la vertu de religion puisqu’elle exprime du respect envers les attributs de Dieu, en s’en servant comme des motifs  d’appel. Mais comme un serment, l’adjuration doit être accompagnée par des qualités qui la rendent légale.   Ainsi elle doit être judicieuse.  Et en conséquence sont coupables de péché les personnes qui l’utilisent sans nécessité (ceux qui font pression constamment sur l’amour de Dieu et d’autres motifs religieux en demandant n’importe quoi); ou sans dévotion (ceux qui, lorsqu’ils sont en colère, ont l’habitude de dire : pour l’amour de Dieu).   Le péché commis ne semble pas grave, parce qu’il y n’a pas un grand manque de respect, et la malice consiste à prendre le nom de Dieu en vain, mais non comme une insulte.   Elle doit être véridique.  Et, en conséquence une adjuration est un péché quand elle utilisée pour étayer un mensonge, comme quand une personne riche prétend être pauvre et mendie au nom de Dieu.  Le péché commis ne semble pas grave, puisqu’est bon l’acte auquel l’autre personne est invitée; et l’acte d’adjuration lui-même ne demande pas à Dieu de témoigner du mensonge,  mais ne fait que se servir de son nom sans raison.  Si la déception est un péché mortel, cependant, quelques moralistes pensent que l’adjuration qui s’y rajoute est un péché grave contre la religion.  Elle doit être juste, et c’est pourquoi une adjuration est un péché quand elle est employée pour obtenir quelque chose d’illégal, comme quand on demande au nom de Dieu qu’une personne mente ou commette un meurtre.   L’adjuration est gravement irrévérente envers Dieu si la chose demandée (un mensonge joyeux) n’est qu’un péché véniel.

 2266- Les personnes qui peuvent être adjurées.   Dieu peut l’être,  mais seulement d’une façon déprécative, comme cela se fait dans les obsécrations : par Jésus-Christ, par ta passion et ta mort.   Le but des adjurations que l’on adresse à Dieu n’est pas de changer les décrets divins, mais d’obtenir par sa bonté ce qu’il a désiré de toute éternité que nous demandions dans nos prières.  Mais on ne peut pas utiliser la même formule d’adjuration pour toutes les créatures.   Ainsi, l’adjuration déprécative peut être utilisée en référence à ceux qui nous sont supérieurs.  En conséquence, nous pouvons prier les anges et les saints au nom de Dieu pour qu’ils nous accordent une demande.  Et un mendiant peut demander au nom de Dieu l’aumône qu’un riche lui donne.  On peut employer l’adjuration impérative  à l’endroit des supérieurs et inférieurs.  On ne peut pas adjurer les démons dans des mots amicaux, ni dans le but d’obtenir d’eux des services ou des avantages, mais avec des mots de reproche, et seulement pour mettre fin à leurs activités funestes. On ne peut utiliser aucune forme d’adjuration pour les créatures irrationnelles, puisqu’elles n’ont pas la connaissance suffisante pour recevoir un commandement ou une demande.   On doit entendre  les adjurations d’animaux, d’éléments, d’objets inanimés qui sont contenues dans le rituel comme des adjurations déprécatives adressées à Dieu, ou des adjurations impératives adressées aux mauvais esprits, à l’effet que les créatures sur lesquelles on prie servent à notre plus grand bien et non à notre perte.  Des exemples sont les exorcismes de l’eau, du sel, des souris, des locustes, des maisons, ou des orages électriques.

 2267-  Les exorcismes.   Quant à leur effet, les exorcismes sont de deux sortes : les exorcismes au sens strict (les expulsions des démons des corps des possédés), et les exorcismes au sens large (la diminution de l’influence des démons).  Des exemples de la première sorte se trouvent dans l’évangile où l’on voit notre Seigneur chasser  plusieurs esprits mauvais des corps des personnes tourmentées.  Des exemples de la seconde sorte se trouvent dans les exorcismes administrés au baptême, et dans ceux du sel, et  d’autres créatures  irrationnelles inanimées. Quant à leur manière, les exorcismes sont de deux sortes : solennels et privés.  Les premiers sont faits  au nom de l’Église de la façon prescrite par le rituel;  et leur administration est réservée aux clercs qui ont une permission spéciale et expresse de l’Ordinaire (canon 1551,1). Les seconds peuvent être faits même par les laïcs, et nous lisions que certains saints comme saint Antoine et sainte Catherine de Sienne avaient une puissance supérieure sur les esprits mauvais. Il est recommandé que les prêtres aient recours fréquemment aux exorcismes privés, du moins en secret,  pour les personnes qui sont affligées par des tentations ou des scrupules.  Ils peuvent utiliser la forme suivante : au nom de Jésus-Christ, esprit méchant, je te commande de sortir de cette créature de Dieu.
 2268- Les effets des adjurations. Les adjurations que l’on fait à des êtres humains comme nous, n’imposent aucune obligation religieuse à ceux auxquelles elles s’adressent.  En conséquence, si un riche fait la sourde oreille à un appel à la charité fait au nom de Dieu, il viole la charité mais non la religion; si un enfant ne tient pas compte d’un ordre donné au nom de Dieu, il viole l’obéissance,  mais non la religion. Les adjurations adressées au démon ne sont pas d’une efficacité absolue, du  moins pas quant à la totalité de ce que l’on désirait.  Car le pouvoir sur les esprits des ténèbres n’est donné  que dans la mesure où il peut servir à la propagation de la foi.   Mais nous pensons qu’un exorcisme prononcé légalement par quelqu’un qui a reçu l’ordre d’exorcisme, agit de par lui-même  (ex opere operato). Il réussit au moins à restreindre la puissance du démon. En mon nom, ils chasseront les démons (Marc XV1, 17).

 2269- La louange à Dieu. Après avoir discuté des serments et des adjurations, dans lesquels on honore le nom de Dieu, et desquels on attend, comme fin immédiate, quelque avantage humain, nous en venons maintenant à l’honneur montré au nom de Dieu par la louange, de laquelle la fin immédiate est quelque avantage spirituel.
 

 On définit ainsi la louange : la déclaration, avec approbation, de la grandeur de quelqu’un. Les louanges divines comprennent des prières de louange, d’hommage et d’action de grâce.  Mais elles diffèrent de la prière proprement dite, la demande (2153). 2270- La louange interne et externe faite à Dieu.  La louange interne s’exprime par les pensées et les affections de l’âme. C’est la plus importante partie de la louange, et sans elle, la louange externe perd une grande partie de sa valeur.  Notre Seigneur a reproché aux pharisiens d’honorer Dieu avec leurs lèvres, alors que leurs cœurs étaient loin de Lui (Matt. XV, 8).   Et saint Paul invite les Éphésiens à chanter dans leurs cœurs pour le Seigneur Eph. V, 19).  La louange externe s’exprime par des mots.  ( Je bénirai le Seigneur en tout temps. Sa louange est toujours dans ma bouche. Ps XXX111, 1); ou par des chants (nous avertissant les uns les autres par des chants, des hymnes et des cantiques spirituels, chantant au Seigneur sous l’action  de la grâce dans vos cœurs, Col 111, 16) ou en musique (Louez-le au son de la trompette, avec le psaltérion et la harpe, avec le tambourin, les chœurs, les cordes et les orgues, au son strident des cymbales. Ps CL).

 2271- L’excellence de la louange divine.  La louange est due à Dieu.  Son essence et ses attributs sont ineffables et au-dessus de toute louange (Eccl. XL111, 33), et ils doivent être honorés par les plus grands actes d’adoration et de révérence.  Mais on doit déclarer et glorifier  les effets de sa bonté qu’il nous montre.  Je me souviendrai des tendres miséricordes du Seigneur, de la louange au Seigneur pour tous les bienfaits qu’il a répandus sur nous (Is LX111, 7).   La louange de Dieu est avantageuse à l’homme.  La louange interne élève l’âme dans les hauteurs, et la prépare à recevoir des grâces de Dieu, tandis que la louange externe aide l’esprit à garder son attention fixée sur Dieu, chasse les choses qui lui sont contraires, et édifie les autres personnes.  Saint Augustin raconte dans ses confessions  que son cœur a été ému jusqu’à verser des larmes quand il a entendu les hymnes et les cantiques de l’Église.

 2272- Les qualités qui devraient être présentes dans les louanges divines.  A l’intérieur de l’âme, il y devrait y avoir de la dévotion. Il est utile à  ceux qui chantent ou écoutent les louanges de Dieu de comprendre  le sens des mots, mais il suffit pour la dévotion que l’on sache que ce sont la grandeur et la bonté divines qui sont proclamées.  L’intention devrait être d’honorer Dieu.  Et, en conséquence, aucun acte de religion personnelle n’a lieu, si en récitant ou en entendant les louanges de Dieu, on ne pense qu’à se faire valoir ou à se faire plaisir. On devrait toujours prêter attention à ce que l’on dit.  Et c’est pourquoi saint Augustin dit que c’est un péché de se concentrer sur  la musique plutôt que sur la louange proclamée par la musique (2164 et suiv).  À l’extérieur, les louanges divines devraient être respectueuses envers Dieu, et aider à la méditation et à la dévotion.  En conséquence, la loi du Christ repousse de son service tout ce qui est d’un caractère trouble, profane et sensuel, comme des mises en scène théâtrales, des instruments musicaux qui éloignent l’esprit des pensées religieuses, les arts lascifs et les valses dansantes (canon 1264).   Et Pie X, dans son motu proprio de 1903 a stipulé qu’il ne doit rien  y avoir dans les cérémonies ecclésiales qui soit calculé pour diminuer la piété, scandaliser,  dégoûter, d’attenter à  la dignité des fonctions sacrées ou de désacraliser la messe  (39 Juin, 1952).  Le péché commis par une mauvaise conduite ou par des étourderies pendant le saint sacrifice de la messe dépend de la gravité du manque de respect manifesté envers Dieu, ou du scandale donné aux fidèles.

 2273- Les péchés contre la religion.   En tant que la religion est une vertu morale, et qu’elle consiste donc dans l’observance du juste milieu, les péchés qui lui sont opposés le sont par excès ou par défaut. Les péchés par excès n’offensent pas parce qu’ils offrent trop d’actes d’adoration à Dieu (chose impossible), mais parce qu’on rend un culte  à Dieu là où il n’est pas du, ou d’une manière qui n’est pas due (superstition).  Les péchés par défaut portent offense en niant le respect religieux qui est du à Dieu (tenter Dieu, le parjure), ou à des choses sacrées (sacrilège, simonie).

 2274- La superstition.   La superstition est une fausse religion, ou un vice qui offre à Dieu un culte inapproprié au vrai Dieu ou au vrai culte, ou à un faux dieu.   Un culte inapproprié rendu au vrai Dieu est faux ou superflu.   Le faux culte est opposé à la vérité de  religion (les rites de l’ancien testament qui signifient que le Christ n’est pas encore venu), ou des rites (une messe célébrée par un laïc,  une messe dite selon une forme désapprouvée par l’Église), ou des faits (des révélations fictives, des extases, du mysticisme, des miracles, des reliques etc), ou des mœurs (sacrifice humain, louanges à Dieu comme accompagnement à des paroles ou à des chants lascifs, etc).  On rend un culte superflu quand une observance externe ne sert en aucune manière au but de la religion (la gloire de Dieu, l’élévation de l’âme vers Dieu, la répression des passions), ou quand elle est opposée à la loi ou à une coutume reçue.  Les fins que la religion se proposent ne peuvent pas être atteintes par des actions folichonnes en elles-mêmes (le marmottage continuel de sons dépourvus de sens), ou dans leur intention (une insistance indue sur les petits détails d’un acte religieux, comme la couleur des cierges sur l’autel, la taille  du célébrant, la température, comme si des conséquences de grande valeur en découlaient).  La chaîne de prières est un autre exemple d’une superstition qui met la valeur d’un acte cultuel dans de petites circonstances externes.  On ne suit pas la loi ou la coutume quant on se livre à des superstitions comme des croix additionnelles, des alleluia, des credo faits en violation des rubriques de la messe, ou des dévotions qui consistent à jeûner  le dimanche,  ou à des nouvelles formes de piété qui n’ont pas été approuvées par l’autorité ecclésiale.   Il n’y a pas de superstition, cependant, dans les formes de culte approuvées par l’Église (les neuvaines, les triduums, les messes grégoriennes, etc), car l’église ne reconnait aucune prière ou dévotion à moins qu’elle ne soit vraie et utile, en tant qu’expression de la religion.

 2275- La culpabilité d’un culte impropre rendu à Dieu.  Le faux culte est, de par sa nature, un péché grave.  Il insulte sérieusement Dieu, parce qu’il lui offre du déshonneur au lieu de l’honneur, et il est aussi très dommageable à l’homme parce que, par sa fausseté, il jette du discrédit sur le nom de la religion.  Un culte superflu est, de par sa nature, un péché véniel, parce qu’il ne comporte pas de majeure irrévérence envers Dieu; et, puisqu’il est n’es pas reconnu par la loi ecclésiastique, il n’a pas d’effet sur la religion.  Accidentellement, cependant, il peut être un péché mortel, quand il est exécuté de façon à causer un grave scandale.

 2276- Le culte d’une fausse déité.  On rend un culte à une fausse déité en offrant à une créature un acte d’hommage qui n’est du qu’à Dieu.  En conséquence,  il y a trois espèces de cette superstition : une créature est reconnue comme Dieu quand on lui offre un sacrifice qui témoigne  de son excellence suprême et infinie (idolâtrie); on donne à une créature le crédit d’une connaissance divine, quand on lui demande des renseignements sur des  choses cachées  que Dieu seul peut communiquer si on les lui demande (divination); on considère qu’une créature est le chef suprême, quand on lui demande une aide que Dieu seul peut donner (la vaine observance).

  2277- Définition de l’idolâtrie.  L’idolâtrie est le culte suprême de latrie offert à une créature. C’est le culte suprême.  En conséquence, n’est pas de l’idolâtrie la révérence inférieure d’hyperdulie ou de dulie, ou l’honneur civil, rendue respectivement à la très sainte Vierge, aux anges, aux saints, et aux supérieurs.  Les signes externes du culte qui appartiennent à Dieu seul (comme les sacrifices, les prêtres, les temples, les autels) ne peuvent jamais être utilisés pour vénérer une créature; ni, avec l’intention d’adorer;   les signes qui sont communs à Dieu et aux créatures (les génuflexions, les prostrations, les prières). L’idolâtrie est offerte, c’est-à-dire que, de cette offrande, on veut faire un acte  cultuel.  Elle est, à tout le moins, quelque chose de très sérieux.   En conséquence, ce ne serait pas de l’idolâtrie   d’accomplir une cérémonie païenne de façon à ce que les assistants puissent comprendre qu’aucun rite religieux n’a été performé (si c’était fait sur une scène de théâtre, ou en riant).  On offre l’idolâtrie à une créature.  Et, en conséquence, et  n’est pas de l’idolâtrie l’hommage relatif que l’on réserve aux images de la trinité, ou du Christ, à cause des personnes qu’elles représentent.  La créature à laquelle on rend un culte d’idolâtrie est soit une personne (un ange, l’âme d’un défunt, un être humain vivant sur la terre); ou une créature irrationnelle  (le bœuf apis, ou une plante sacrée); ou une substance inanimée (les statues, les peintures, les éléments, les astres); ou un être fictif (Jupiter et les autres dieux de la mythologie).

 2278- Les sortes d’idolâtrie.   L’idolâtrie est interne ou externe.  L’idolâtrie interne comporte l’intention d’adorer une créature, comme quand les satanistes offrent des sacrifices aux démons.  L’idolâtrie externe accomplit un rite externe qui signifie l’adoration d’une créature, même s’il n’y a pas d’intention d’adorer, comme quand un chrétien, qui a peur d’être tué, brûle de l’encens devant une idole.  L’idolâtrie  interne est parfaite ou imparfaite. La parfaite inclut la croyance dans le faux dieu, comme quand un païen ignorant adore le soleil ou la lune.  On commet une idolâtrie imparfaite  lorsque, sans foi dans un faux dieu, se trouve la volonté d’offrir une adoration divine en haine du vrai Dieu pour obtenir un pouvoir donné par les démons.

 2279- La culpabilité de l’idolâtrie.  L’idolâtrie est un crime très grave.  Elle déclenche la rébellion contre la majesté de Dieu, elle attaque la vertu de religion, est une incroyance ou un rejet de la foi, et est un objet de scandale. Voilà pourquoi elle est défendue par le premier commandement. Tu n’auras pas de dieux étrangers devant moi.  Tu ne les adoreras pas ni ne les serviras.  (Ex. XX, 111).  L’idolâtrie en elle-même, et à son degré le plus élevé, est le plus grave des péchés, parce qu’elle suppose la haine de Dieu (puisqu’elle veut le priver de sa propre excellence, en la donnant à une créature), et une incroyance blasphématoire (puisque l’idolâtre professe publiquement que Dieu n’est pas au-dessus de tout). Or, il a été dit plus haut que l’incroyance, la haine de Dieu et le blasphème sont les péchés les plus énormes (820, 895, 1301, 1302).  Il s’ensuit donc que la pire forme d’idolâtrie est un péché plus grave que tous les autres.   Mais l’idolâtrie, en raison des dispositions de la personne qui la commet, peut être moins grave que les autres péchés.   Ainsi, c’est pire de haïr ou de rejeter Dieu intérieurement que d’adorer une idole extérieurement seulement.  C’est pire de blasphémer avec une grande haine et un grand mépris que de pratiquer l’idolâtrie avec une moins grande malice.   L’imperfection de l’acte, comme dans les cas d’ignorance ou de manque de consentement, rend le péché véniel, ou non existant.

  2280- Comparaison des différents péchés d’idolâtrie.  L’idolâtrie interne est pire que l’idolâtrie externe, parce que c’est dans la première, non dans l’autre, que se trouve l’approbation de la superstition commise.   L’idolâtrie imparfaite est pire que la parfaite, si on les considère toutes les deux en tant qu’idolâtrie, car la première provient de la malice, et l’autre d’une ignorance plus ou moins grande. L’idolâtrie  devient plus grave quand le mobile est plus coupable,  ou rend l’acte plus volontaire (c’est pire de sacrifier à une idole pour s’insinuer dans les bonnes grâces des  idolâtres et pour narguer les chrétiens, que si le motif est d’échapper à la mort des mains des païens).

 2281- La possibilité de l’idolâtrie dans le culte chrétien. Les chrétiens qui rendent un culte au vrai  Dieu peuvent commettre le péché d’idolâtrie. Ainsi, dans l’adoration de l’eucharistie, il y aurait de l’idolâtrie, du moins matérielle, si une hostie non consacrée était exposée à l’adoration des fidèles, ou donnée en communion.  Dans la vénération des saints, il y aurait de l’idolâtrie si on les honorait ou les invoquait comme s’ils possédaient les attributs divins.

  2282- Définition de la divination  (la voyance, le métier de diseuses de bonne aventure, de tireuses de cartes, de médiums) est une forme de superstition dans laquelle les mauvais esprits sont invoqués explicitement ou implicitement pour découvrir ce qui est futur ou caché.   C’est une forme de superstition, car elle cherche à obtenir, par des moyens naturels, une connaissance qu’on ne peut recevoir que de Dieu, ou de ceux qui tiennent sa place, ou des prédicateurs.   Elle comporte l’invocation des esprits mauvais, car l’information recherchée surpasse les pouvoirs de la nature.  Et, comme elle est illicite, on ne peut l’attendre des pouvoirs surnaturels qui sont bons (Dieu, les anges, les saints).   L’invocation est explicite ou implicite.  On a explicitement recours aux esprits mauvais quand on prie le démon, ou on contracte une entente avec lui.   On y a recours implicitement quand on ne s’adresse pas à un esprit mauvais, mais quand, pour découvrir une connaissance,  on emploie des moyens qui, de par leur nature ou la volonté de Dieu,  ne sont pas appropriés à l’effet désiré.   La connaissance désirée porte sur les choses futures ou cachées, c’est-à-dire sur des choses qui ne peuvent pas être déduites de leurs causes, ou découvertes par des moyens naturels (les actes futurs des être libres, les pensées secrètes du cœur).

 2283- Distinction entre le fait et le péché de la divination.   Le fait de la divination,-- c’est-à-dire la manifestation actuelle par les esprits mauvais de choses humainement inconnaissables—n’est pas impossible, puisque les démons sont très supérieurs aux hommes en intelligence et en connaissance.  Et c’est l’enseignement de la révélation qu’ils emploient leurs pouvoirs pour tromper et séduire l’humanité.   Leur connaissance, cependant, ne s’étend ni aux futurs contingents, ni aux secrets des cœurs.  Et on ne peut jamais prêter foi  à leurs paroles. Un cas de communication réelle faite par un mauvais esprit est celui de la fille de Philippe qui était possédée par un esprit python  (Actes, 16-18).  Mais,  on ne peut douter que dans beaucoup de cas de divination, l’intervention démoniaque ne soit qu’imaginaire.   On commet un péché de divination quand on désire bénéficier d’une connaissance occulte provenant de sources interdites; ou quand on se sert de moyens qui permettent d’obtenir une connaissance d’autres sources, même s’il n’y a aucune communication avec le démon, ou si les esprits mauvais ne disent pas un mot.

 2284- Les formes de la divination explicite.  La divination dans laquelle il y a une invocation explicite du démon est de plusieurs sortes selon le médium,  l’instruction qui est donnée ou attendue.  Ainsi, le médium est direct s’il a une forme sensible externe représentant le démon (prestige), ou une image interne dans l’imagination, ou un rêve contenant la réponse.  Le médium est indirect et rationnel quand il est un être vivant, mort ou vif.  La divination par l’évocation des défunts est connue sous le nom de nécromancie, tandis que celle qui est donnée par des personnes vivantes possédées du démon  porte le nom de pythonisme.  Le spiritisme moderne tient à la fois de la nécromancie  (puisque l’on consulte les esprits des morts) et du pythonisme (puisque des personnes qui sont supposées être sous le contrôle des esprits familiers agissent comme médiums).   Le médium est indirect et irrationnel quand il est un corps solide (comme la pierre, le fer ou le cristal) sur lesquels apparaissent des figures ou des signes; des idoles qui profèrent des oracles; des tables tournantes, ouiija, sur lesquelles sont données des réponses écrites ou par coups; les baguettes devineresses censées tracer le chemin vers n’importe laquelle personne ou chose cachée; des corps liquides (hydromancie), de l’air (aéromancie), ou du feu (pyromancie); ou les entrailles des victimes sacrificielles, ou les prodiges naturels, comme les éclairs (haruspice).  On pourrait mentionner ici aussi les ordalies, les épreuves du feu, de l’eau bouillante, des tournois qu’on utilisait pour déterminer la culpabilité ou l’innocence d’une personne accusée.

 2285- Les formes de l’invocation implicite. La divination dans laquelle ne se trouve qu’une invocation implicite des esprits mauvais est multiple, comme sont multiples les causes naturelles dont on attend une connaissance préternaturelle. En voici quelques-unes parmi les principales. Celles qui sont faites par l’esprit humain, quand on a recours à la clairvoyance. On suppose que certaines personnes possèdent le don naturel de percevoir ce qui a été dit ou fait à distance, ou même de lire dans les esprits,  sans utiliser les moyens normaux de communication, au moins quand elles sont en transe ou dans un état hypnotique.  Ce soi disant don inné  est souvent appelé une seconde vue ou de la télépathie.   Certains moralistes soutiennent qu’il y a suffisamment de preuves qui démontrent que certains individus  possèdent, comme un sixième sens, une vision à distance, surtout parmi les peuples primitifs, les jumeaux ou les amis intimes.  De plus, plusieurs faits qui ont été connus par la télépathie ont été suffisamment vérifiés pour rendre la télépathie plausible.  Il n’est donc pas illicite de croire en la télépathie ou de la pratiquer, si on exclut toutes les superstitions et les invocations au démon. La divination qui est faite à partir du corps humain dans la physionomie, phrénologie, et la chiromancie.  Le physionomiste prétend qu’en étudiant les traits,  les formes  du visage et toute l’apparence externe de quelqu’un, il peut en découvrir le caractère caché, les capacités latentes ou les défauts. Le phrénologiste affirme qu’il peut lire les traits mentaux et moraux d’une personne d’après les bosses ou les proéminences du crâne.  Le chiromancien ou le palmiste promet de prédire le futur, lire le passé, découvrir un caractère présent secret et les aptitudes d’un individu par la forme, les lignes et la configuration de la main ainsi que  du caractère des lignes et des marques de ses paumes.

 La divination qui est faite à partir d’évènements non humains et nécessaires dans l’astrologie. Cette pseudoscience donne des prédictions sur le destin d’un individu tirées de l’étude de son horoscope (la position des corps célestes au moment de sa naissance), et de certaines règles d’interprétation.  La divination qui est faite à partir d’évènements non humains et contingents dans les augures et les auspices.  Elle devine à partir des voix ou de la manière de voler des oiseaux; des présages ou prodiges qui devinent un futur qui a une chance d’arriver (comme croiser une femme aux cheveux roux, ou un bossu, ou quelqu’un qui éternue); des sortilèges, lesquels devinent par des dés ou des signes arbitrairement choisis (comme les lettres qui apparaissent quand ou ouvre un livre au hasard), le nombre ou les figures qui apparaissent quand on lance les dés, ou quand on brasse les cartes.  Les superstitions qui portent sur les présages sont de deux sortes. Il y a des évènements qui sont considérés comme des signes de chance, et d’autres, de malchance (rencontrer un chat noir, renverser du sel, casser un miroir, ouvrir un parapluie dans la maison).

 2286- La malice du péché de divination.  L’espèce théologique.  S’il y a une invocation explicite des esprits mauvais, la divination, de par sa nature, est un péché mortel qui n’admet aucune légèreté de matière, car elle donne une adoration divine à une créature, agit en termes amicaux avec l’ennemi de Dieu, et prépare quelqu’un pour l’apostasie  et pour l’éternelle damnation.  S’il n’y a pas d’invocation explicite des esprits mauvais, le péché est quand même de sa nature mortel, en raison du commerce implicite avec le démon.   Mais, la plupart du temps, le péché sera léger d’après les dispositions de celui qui offense Dieu (parce qu’il est ignorant, ou consulte la divination par manière de jeu, ou par curiosité, ou sans y avoir foi).  En conséquence, on devrait avertir  les fidèles de ne pas aller rencontrer les diseuses de bonne aventure, et de ne pas se fier à leurs rêves.  Mais, en dehors des cas de scandales sérieux---la direction habituelle de sa vie laissée aux mains de la superstition, et la coopération dans un péché sérieux du devin---, le péché sera habituellement véniel,  du moins chez les jeunes.   Des gens qui agissent occasionnellement ou qui omettent d’agir dans des choses indifférentes, à cause des rêves  qui les ont remplis de peur ou d’espoir,  se voient souvent excusés de tout péché.

 L’espèce morale. On considère généralement que toutes les formes de divination appartiennent à la même espèce d’un culte rendu à un faux Dieu (Deut. XV111, 10-12). Cependant, s’il y a eu un pacte explicite avec le démon, on devrait le dire au confesseur, pour qu’il soit capable de déterminer la gravité du péché, et de s’enquérir d’autres péchés qui la plupart du temps accompagnent ce genre de pacte (le blasphème, la promesse de servir le démon, les sacrilèges).

 2287- Quand la connaissance est obtenue de Dieu. Il n’y a pas de péché de divination quand la connaissance est obtenue de Dieu.  Ainsi, Dieu peut communiquer avec quelqu’un directement dans une vision ou un rêve, et il y a des exemples de cela dans l’Écriture.  Mais, en règle générale, on ne devrait pas se guider d’après des rêves, comme s’ils étaient des moyens de connaissance surnaturelle, puisque presque tous les rêves sont produits par des causes naturelles.  Ce n’est pas un péché de penser qu’un rêve extraordinaire a été envoyé par Dieu, un rêve dans lequel le futur a été prédit merveilleusement, ou un avertissement donné a été envoyé par Dieu, ou qui a produit un grand bien spirituel. Dieu peut se communiquer par le moyen d’autres êtres humains.  Et, en conséquence, ce n’est pas une superstition de prêter foi aux  visions privées ou aux révélations qui ont été reconnues par l’Église, ou qui ont la marque d’authenticité requise par Dieu.   Dieu s’est souvent communiqué par le moyen d’êtres irrationnels ou de prodiges.  Ainsi, Gédéon prit les paroles des soldats ennemis comme une prémonition de la victoire (Juges, V11, 15). Eliezer choisit un signe qui lui permit de connaître celle qui devait être l’épouse d’Isaac (Gen XX1V, 14).  Josué a découvert la faute d’Achan  en tirant au sort (Jos V11, 14). Et saint Matthias a été élu par les apôtres en tirant au sort (1, 23-26).  Mais il s’agissait là de cas exceptionnels,  de personnes qui étaient inspirées par Dieu pour le consulter ainsi, et ce serait de la superstition de rechercher des renseignements par ces moyens, sans la volonté de Dieu.  Ceux qui désirent une lumière et une guidance devraient aller voir les enseignants dont Dieu a fait cadeau à la terre.  Ils devraient prier Dieu,  lui laissant les moyens et les chemins de sa réponse.

En conséquence, l’Église a statué qu’il était illégal, même en privé, de demander aux esprits mauvais de donner des réponses par le moyen d’une écriture automatique (collec de propaganda fide 1894); ou d’interroger les défunts dans des séances de spiritisme (AAS 1917, 1X, 208). Ce n’est pas de la superstition, toutefois, quand on n’a pas à  la portée de la  main d’autres moyens d’information, d’offrir, dans des matières graves, une prière à Dieu, et de tirer ensuite au sort pour savoir quelle orientation choisir (Prov. XV1, 33). ,

 2288- Quand la connaissance est obtenue par des causes naturelles.  Il n’y a pas de faute de divination quand on obtient la connaissance du futur ou de choses cachées par le moyen de causes naturelles proportionnelles, ou d’indications.  Ainsi, la connaissance d’évènements futurs est naturellement déduite de leurs causes nécessaires, quand elles sont connues.  On peut prédire un effet avec certitude, si la cause pointe à ce point dans une seule direction, que le résultat est invariable (la rotation de la terre autour du soleil ramène toujours les quatre saisons de l’année).  Il peut être prédit avec la plus grande probabilité, si la cause est ainsi constituée qu’elle a toujours une conséquence certaine (une semence correctement plantée croît et devient un arbre).   Ainsi, il n’y a pas de superstition dans les prédictions astronomiques, dans les prévisions météorologiques, dans les tables d’espérance de vie faites par les experts des compagnies  d’assurance. Toutes ces choses proviennent des lois scientifiques.      On peut déduire naturellement la connaissance de choses cachées, avec plus ou moins de certitude, de la présence de leurs causes connues, de leurs effets, ou d’indications. En conséquence, on n’accusera pas un médecin de pécher par superstition si, au vu  des symptômes  qui sautent aux yeux, il conclut à la nature de la maladie  ou détermine le stade de sa progression.  Les moralistes d’aujourd’hui admettent généralement que l’usage de la baguette ou de la pendule  du sourcier  pour découvrir de l’eau souterraine, des nappes phréatiques, des puits d’huile ou des gisements  miniers,  n’a rien à voir avec la superstition.  Mais on diffère d’opinion  sur la cause du phénomène.  Il est vrai que plusieurs moyens de détection ou de découverte, supposément scientifiques, sont dus à une mauvaise compréhension des principes scientifiques, ou de la logique.  Mais, puisqu’ils s’appuient sur des causes naturelles, leurs auteurs sont coupables d’ignorance ou d’espièglerie plus que de superstition.

 2289- Le recours au sort. Est-il permis de s’en remettre au sort pour régler une affaire, quand on n’a aucunement l’intention de rechercher un oracle préternaturel ? Il est permis d’agir ainsi,  si, pour justifier cette démarche, il y a une raison de nécessité, d’utilité ou d’amusement.  En conséquence, s’il n’existe pas d’autre moyen convenable pour  parvenir à une  décision, on peut utiliser les dés ou les cartes afin de décider comment répartir des terres ou des biens entre plaignants, ou lequel de nombreux compétiteurs recevra une récompense ou un poste.  Mais, si la loi l’interdit, il n’est pas permis d’agir ainsi (les élections ecclésiales ne peuvent pas être tirées au sort) ou s’il n’y a aucune nécessité (il est au moins stupide de se servir des évangiles pour décider au sort de matières qui pourraient l’être par la réflexion); ou si on offense une autre personne ( faire décider par le sort des mérites de deux contestants quand ils sont inégaux;  tricher en manipulant les dés ou les cartes).

 2290- La  vaine observance.  Une observance vaine est la superstition qui attribue à certaines choses des effets qu’elles sont incapables de produire naturellement.   Elle attribue les effets aux choses naturelles, mais elle laisse entendre que, d’une certaine façon, des forces surnaturelles, non religieuses, sont à l’œuvre dans ou par ces choses.   Ainsi dans la vaine observance, il y a,  comme dans la divination,  une invocation expresse ou implicite des esprits mauvais.   Les alchimistes qui pensaient qu’il y avait une pierre philosophale capable de transmuer les bas métaux en or, ou en un élixir qui pourrait grandement prolonger la vie, ne pensaient qu’aux  causes naturelles.  Et, en conséquence, tout bien considéré,  ils semblent être coupables  de fausse science plutôt que de superstition.  Mais le matérialisme scientifique est une plus grande forme d’ignorance crasse que toutes les superstitions qui mettent leur confiance dans les pouvoirs matériels.

 Les éléments dont se sert la vaine observance sont les personnes, les actes, les objets, les circonstances, les événements. On peut même employer des choses sacrées comme matériel pour la vaine observance, comme cela se passe quand on attribue des résultats sacrés à une circonstance accidentelle et non nécessaire d’un rite sacré (la taille ou la couleur des cierges).  Ici encore, la divination et la vaine observance sont semblables, puisque les mêmes moyens sont employés pour les deux.    Les effets recherchés dans la vaine observance, ou la fin qu’elle se propose, sont un fait ou un événement.  C’est ce trait qui distingue la vaine observance de la divination; la dernière vise la connaissance occulte, la première  les résultats surnaturels.   Le fait ou l’évènement attendu est quelque chose qui surpasse les pouvoirs naturels des agents physiques ou humains (une sensation sans excitant externe; une lecture des pensées sans indications externes, la connaissance scientifique sans étude, des exploits physiques sans force physique correspondante, la détection de secrets et de choses cachées sans moyens humains de détection), ou même du monde spirituel  (la création, la génération de nouvelles substances, l’évocation des morts, la motion interne de la volonté humaine). Il n’y a rien qui soit un  pouvoir naturel dans les choses utilisées pour produire la substance ou le mode d’effets désirés, c’est-à-dire aucune force ou activité inhérente et suffisante.  En conséquence, on ne doit pas confondre la vaine observance avec les merveilles scientifiques ou naturelles dont l’explication échappe au grand public, ou que les savants eux-mêmes peuvent à peine expliquer.  Ainsi les trucs déroutants de la magie blanche sont dus à la prestidigitation, au ventriloquisme, à des trompes l’œil etc.  Les changements physiologiques (les convulsions, l’hystérie, le somnambulisme, les cures physiques) produits par mesmérisme, hypnotisme,  s’expliquent par la suggestion, et la puissance motrice des images excitée pour produire des mouvements corporels, des passions ou des changements; les phénomènes mentaux (l’hyperesthésie, les visions enchanteresses, l’augmentation de la vigueur de l’esprit) provenant de certaines drogues, comme le haschisch, le mescal et l’opium, qui sont causés par les propriétés de ces drogues.

 Il n’y a pas de pouvoir communiqué dans la chose employée, c’est-à-dire, pas de vertu instrumentale infusée par une cause supérieure.   Ainsi, puisque les sacrements, les sacramentaux et les reliques miraculeuses reçoivent de Dieu une efficacité plus ou moins grande pour produire des résultats qui transcendent la nature,  il n’y a pas de superstition quand on les emploie comme il le faut.   Mais, comme on vient de le noter plus haut, on peut se servir des choses sacrées elles-mêmes de façon superstitieuse.   Cela arrive quand on les considère comme les principaux agents, ou quand, contrairement à la révélation, on estime qu’ils agissent infailliblement ou indépendamment de toute coopération ou disposition humaine.

 2291- Les formes de la vaine observance. Voici quelques-unes des formes de la vaine observance. Celles qui mettent en usage de vaines cérémonies, en espérant qu’elles procureront certains effets désirés;  celles par lesquelles on met une confiance exagérée dans les rites légaux et les objets sacrés.  Celles par lesquelles on dirige sa vie avec des évènements fortuits et arbitraires, dans l’espoir  qu’ils ont le pouvoir d’influencer la vie favorablement ou défavorablement.   Cette forme de superstition ressemble à la divination par le moyen du sort.   La différence en est que, en tirant au sort, on recherche surtout la connaissance du futur, tandis qu’en observant les augures on ne recherche que la guidance de sa conduite. On trouve des exemples de cette aberration  dans les personnes qui craignent de partir en voyage un vendredi, ou de commencer une affaire importante quand la lune est plongée dans la noirceur.

2292- De vaines observances dont on attend les effets désirés. On attend parfois des résultats utiles, comme, d’un art notoire, la connaissance de l’esprit; d’observances curatives,  la santé du corps.  L’art notoire consiste dans la répétition de certaines formules, ou dans la contemplation de certaines figures, dans les prières et les jeûnes ajoutés de temps en temps.  Et on supposait que ces pratiques nous obtiendraient une connaissance infuse sans qu’il soit nécessaire d’étudier ou de suer pour l’acquérir.  Les observances curatives sont des remèdes qu’utilise l’homme ou la bête, et qui n’ont manifestement aucune propriété curative naturelle (une patte de lièvre portée dans une poche pour protéger quelqu’un contre le  rhumatisme).  On espère obtenir  parfois des résultats miraculeux, comme le pouvoir de déclencher des orages, la télékinésie, la matérialisation, la lévitation, par le moyen des incantations, des sacrements théurgistes, des rites spiritistes etc. Ces choses-là  sont connues sous le nom d’art noir ou de magie noire.  On espère aussi,  pour obtenir de mauvais effets,  recevoir le pouvoir d’aveugler quelqu’un d’un seul regard (le mauvais œil, ou la fascination); le pouvoir de lancer un maléfice par certaines paroles, d’apporter une maladie ou un malheur à une personne,  en frappant ou perçant son image, d’exciter un amour impur par l’administration de philtres d’amour ou de charmes (sorcellerie).

2293- Distinction entre le fait et le péché de la vaine observance.  Le fait.  Les démons possèdent naturellement des pouvoirs sur notre monde qui surpassent ceux des humains. Et il n’est pas impossible pour eux de produire des prodiges ou des semblants de miracles. Par des incantations et d’autres secrets, les magiciens d’Égypte changèrent des bâtons en serpents (Exod V11, 12; V111, 7).   Le nouveau testament raconte que Simon le magicien ensorcela les Samaritains par sa magie (Act V111, 2); et il prédit clairement les prouesses  trompeuses de Satan et de l’antéchrist (Matt. XX1V, 24; 11 Thess 11, 9).  Mais il y a des limites au pouvoir des esprits déchus.   Par exemple, ils ne peuvent pas infuser de la connaissance, et l’occultisme n’a contribué en rien à l’avancement de la science ou de la civilisation.  De plus, plusieurs effets qui ont été attribués à des interventions démoniaques étaient dus à des causes naturelles ou à de la fraude (une large proportion des phénomènes spiritistes). Ou on suppose qu’ils existaient uniquement parce que le peuple s’emballait,  ou était enclin à persécuter (la plupart des accusations de sorcellerie des siècles passés).

Le péché.   La vaine observance dans laquelle on ne  trouve aucune expresse invocation des esprits mauvais est assez répandue.  On trouve même des religieux, des personnes éduquées et douées de sens pratique,  qui sont poussés à l’action par des  peurs ou des espoirs  superstitieux,  ou qui mettent leur confiance dans des charmes ou des amulettes.   Mais la vaine observance qui comporte une invocation expresse des démons est un péché relativement rare.   Il n’est pas impossible, toutefois, que quelqu’un en vienne à un tel degré de désespoir ou de malice qu’il désire recourir à Satan; ou qu’il soit à ce point emporté par la curiosité, le désir de la richesse, le pouvoir, la gloire, les honneurs, qu’il soit prêt à échanger son âme pour tout cela.  L’histoire nous enseigne qu’il y avait autrefois des sorciers, et l’Écriture contient de sévères interdictions d’avoir affaire avec eux (Lev. 1X, 31; XX, 27; Deut. XV111, 10).

2294- La superstition dans les observances religieuses.  On trouve parfois de la superstition même dans les observances religieuses.   Ainsi, il y a de la superstition dans l’observance elle-même quand de vaines additions sont faites à un usage approuvé (l’addition, à une prière contre les maladies, de gestes et de respirations profondes qui n’ont rien à voir avec Dieu). Il  y a de la superstition dans la forme de l’observance quand on limite la vertu d’un rite sacré à une circonstance sans importance (la forme d’un reliquaire, le jour où un sacrement a été reçu), ou quand on attend d’une chose sacrée un effet qui n’est pas de son ressort (une certitude infaillible de salut éternel qui nous vient de l’accomplissement d’une certaine dévotion, de la présence de saintes images ou d’objets bénis). Mais il n’y a pas de superstition à attacher de l’importance à des circonstances qui ont un sens sacré (les jours saints, des symboles religieux, ou à mettre, dans des choses sacrées, une confiance  qui se base sur leur caractère ou leur approbation tacite (l’espoir et l’assurance de recevoir des  bénédictions et même le salut éternel,  par l’observance fidèle d’une dévotion autorisée).

2295- La culpabilité de la vaine observance. La malice de la vaine observance est essentiellement la même que celle de la divination, car dans les deux superstitions  la vertu de religion est offensée par le culte entaché de péché qui y est pratiqué. Ainsi, de par la nature même de l’acte, il y a un péché grave quand on s’adonne conjointement  à la vaine observance et à l’invocation des esprits mauvais, ou à la pratique de faux rites religieux (car on fait une offense sérieuse à l’honneur du à Dieu), ou quand une vaine observance sert à lancer une malédiction sur quelqu’un (car une injustice sérieuse est commise).  Il n’y a régulièrement qu’un péché véniel quand une vaine observance n’a aucun caractère religieux,  et qu’elle ne consiste que dans une croyance stupide en ce qui ne dépend que du hasard (comme un lapin qui traverse la rue, la mention de la mort, la présence d’une personne considérée comme un Jonas), ou l’emploi de moyens disproportionnés (changer de place quand on joue aux cartes pour renverser la chance),  Car, normalement, il n’y pas d’irrévérence dans ce genre de comportement. Et le pire qu’on puisse dire de ces actes, c’est qu’ils sont imbéciles et vains.  La plupart du temps, ils ne comportent pas le moindre péché, la vaine observance provenant de l’ignorance ou de la facétie.

Il n’y a pas de péché du tout, mais plutôt une vertu subjective dans les pratiques religieuses auxquelles ont attribue un trop grand pouvoir, en raison de la naïveté ou d’une invincible ignorance.  Comme quand quelqu’un, qui est fidèle aux devoirs essentiels de la religion,  a plus de confiance dans une petite dévotion personnelle qu’il n’a dans tout le reste.  Mais ce genre de superstition peut être dommageable et destructif, même si, en elle-même, elle est la moins répréhensible de toutes les formes de superstition.

2296- Coopération dans la divination, ou une autre forme de superstition. La coopération formelle  n’est, bien entendu, jamais permise. (agir comme un médium  dans une séance de spiritisme); la coopération matérielle n’est permise que quand il y a une raison proportionnellement grave, aucun danger de péché ou de scandale.  Ainsi, il  semble qu’un savant ne commet pas de péché quand il agit comme un spiritiste dans le but de découvrir l’arnaque; ou qui fait des expériences avec les tables tournantes pour savoir si les phénomènes anormaux sont dus aux personnes présentes

  2297- Les cas douteux de vaine observance.    Les cas qui sont un sujet de doute ou de disputes sur la présence de la vaine observance ou la divination.  Il y a souvent de l’incertitude au sujet de l’origine des faits extraordinaires. Proviennent-ils de causes naturelles ou préternaturelles ?  Ainsi, les moralistes sont généralement d’opinion que certains phénomènes de spiritisme (le mouvement de la table, la réponse aux questions et la cure de maladies psychiques), sont produits par les pouvoirs naturels de la matière et de l’esprit.  Mais d’autres penchent du côté d’une explication surnaturelle.  Il y parfois aussi de l’incertitude au sujet du caractère religieux ou irréligieux de certains faits ou pratiques.  Quant aux faits, ils apparaissent parfois si merveilleux qu’ils semblent transcender les pouvoirs de la nature.  Mais on a souvent beaucoup de difficulté à déterminer si la source en est bonne  ou mauvaise (quand une personne inconnue qui n’a pas la réputation d’être pieuse, a un pouvoir remarquable de traiter ou de guérir toutes sortes de maladies).  Quant aux pratiques, elles sont parfois susceptibles d’une interprétation religieuse ou superstitieuse.  Ainsi, quelqu’un qui dit  que Dieu nous bénisse à un éternuement, peut avoir l’intention de prier pour le malade.   Celui qui frappe sur du bois après une fanfaronnade,  peut avoir l’intention de prier celui qui est mort sur le bois de la croix.

2298- La licéité de l’emploi de moyens douteusement superstitieux. Il  est permis d’employer des moyens qui ne sont que douteusement superstitieux, si sont présentes les conditions qui suivent. Il doit y avoir, intérieurement et subjectivement, une bonne conscience par rapport à l’emploi des moyens.  On peut suivre la règle qui veut que tout ce qui n’a certainement pas une origine surnaturelle peut être considéré comme naturel.  Mais on ne doit pas attribuer à Dieu ce qui semble être d’un caractère surnaturel,  à moins qu’il n’ait la marque et les fruits d’une œuvre divine.  Quand on utilise légalement des moyens d’un caractère douteux, il est à conseiller de répéter fréquemment qu’on agit pour une cause raisonnable, et qu’on n’a aucun désir de participer à une superstition. Il ne doit rien y avoir, extérieurement et objectivement, dans l’objet, les circonstances ou les résultats, qui permette d’utiliser des moyens illicites.   Ainsi,  même si une pratique n’est pas superstitieuse, elle peut être interdite à cause de l’immoralité de son objet ou de sa tendance (des fraudes utilisées par des psychologues, les messages obscènes donnés par  les télépathes de laboratoire) ou de son but (des coups frappés sur un guéridon employé comme un instrument de prétendues révélations) ou en raison des conséquences mauvaises pour le corps ou l’âme (les habitués de la table ouija scandalisent les autres, ou finissent souvent par le suicide ou la folie).

2299- L’irréligion. Nous attaquons maintenant les quatre péchés qui offensent la religion  par défaut, à savoir, tenter Dieu et le parjure, qui montrent un manque de respect à Dieu lui-même,  et le sacrilège et la simonie, qui montrent un manque de respect envers les choses saintes (2273).  On a déjà parlé plus haut du parjure (2249),   Nous ne regarderons donc que les trois autres formes d’irréligion.

2300- Tenter Dieu.  Tenter Dieu consiste dans une parole ou une action qui teste Dieu pour savoir s’il possède ou exercera telle ou telle perfection.  C’est une parole ou une action qui sont semblables à une prière qui se propose de découvrir si Dieu possède la connaissance, la puissance et la bonté; ou un bravade lancée dans le but de prouver qu’il n’y a pas de Dieu.  C’est une parole ou une action qui teste Dieu. Ce n’est pas une tentative de séduction (puisqu’il est impossible de porter Dieu au péché), mais une expérience.  Celui qui tente Dieu désire que Dieu donne la preuve de certains de ses attributs.  Cette expérience ne porte que sur Dieu.  En conséquence, il n’y a pas de tentation de Dieu si on teste légitimement le caractère d’un être humain. Dieu lui-même a mis à l’épreuve certains saints hommes comme Abraham, Job et Tobie, pour faire connaître leurs vertus, et les donner en exemple aux autres.   Au sujet des esprits, saint Jean a dit : Ne croyez pas tous les esprits, mais éprouvez-les pour savoir s’ils viennent de Dieu, parce que plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde (1 Jn 1V, 1).  Le but est de découvrir, sans tenir compte des moyens ordinaires d’instruction et de conduite formulés par Dieu, si Dieu possède ou exercera un attribut. La tentation de Dieu provient donc de l’incroyance ou de la présomption.

2301-  Les cas dans lesquels il n’y a pas de tentation de Dieu.   Chercher la preuve des perfections divines n’est pas tenter Dieu, si le motif n’est que de trouver d’autres raisons pour ce qu’on accepte déjà, ou pour expérimenter avec le sentiment ce qu’on admet déjà spéculativement. En conséquence, un théologien peut étudier les attributs de Dieu, pour en obtenir de nouveaux éclaircissements.   En conséquence, aussi, ou peut prouver la douceur de Dieu ou la bonté de sa volonté par le goût spirituel ou la délectation dans les choses divines (Ps XXX, 9; Rom X11, 2).  Chercher un signe de la volonté de Dieu ou une manifestation de ses perfections n’est pas une tentation de Dieu, si cela n’est pas fait par curiosité,  par orgueil ou autre motif mauvais, mais pour une raison qui s’impose, ou une grande utilité, comme quand Gédéon a prié pour avoir un signe que Dieu lui avait vraiment parlé, et qu’il était avec lui (les Juges, V1, 17-37); ou quand Élie a demandé à Jéovah de montrer son pouvoir devant ceux qui adoraient Baal (3, Rois XXV111, 37).  En conséquence, il ne tente pas Dieu celui qui, quand lui font défaut tous les moyens humains d’aide dans une situation critique, demande humblement un signe de Dieu; ou celui qui dans une chose de grande importance, demande une aide miraculeuse si cela plaît à Dieu; ou qui s’expose à un danger sérieux pour un bien essentiel qui ne peut pas autrement être obtenu, confiant que Dieu sera avec lui.

2302- Les sortes de tentation de Dieu.  En relation à sa source, la tentation de Dieu provient de l’incroyance ou de la présomption.  La première est la tentation de Dieu proprement dite.  Elle existe quand on ne croit pas que Dieu possède certains attributs, ou quand on en doute, et quand on décide de mettre Dieu à l’épreuve. Comme quand les Israélites mirent en doute  la providence et le pouvoir de Dieu (Ex XV11, 7; Ps LXXV11. 18,19); ou quand une personne qui doute de la réelle présence, demande une apparition miraculeuse de Jésus dans l’hostie.  L’autre péché est une tentation de Dieu au sens large. On le commet quand, sans une cause juste,  on demande une manifestation miraculeuse de la volonté de Dieu; ou quand un paresseux demande que son travail soit fait miraculeusement; ou quand quelqu’un, qui ne s’est jamais soucié de sa santé, demande à Dieu de suppléer à son insouciance.   Mais on ne doit pas identifier la tentation de Dieu avec le péché théologique de la présomption (1081).

En relation à la manière dont elle est faite, elle est expresse ou interprétative.  Elle est expresse quand ont entend par un mot ou un acte mettre Dieu à l’épreuve au sujet de sa connaissance, de sa  puissance, de sa crédibilité, ou d’autre perfection (comme quand les Juifs ont demandé à Jésus qu’il descende de la croix, s’il était le Fils de Dieu); ou pour satisfaire une curiosité ou une vantardise (comme quand Hérode a demandé à Jésus de lui faire quelques tours de passe-passe pour le divertir).  La tentation de Dieu est interprétative quand on ne désire pas découvrir les perfections de Dieu, ni faire des requêtes présomptueuses, mais qu’on agit quand même, ou on omet d’agir de façon à ce que  la conduite de quelqu’un ne serve à rien à moins d’être une tentation de Dieu.  Comme quand un croyant promet inconsidérément un miracle pour convaincre un incroyant; ou quand un malade refuse tout traitement médical (Eccl XXXV111, 4); ou quand un professeur se présente à son cours sans aucune préparation etc.  Une prière faite sans les dispositions nécessaires est une quasi tentation de Dieu (Eccl. XXV111, 23), parce qu’elle est  irrespectueuse et présomptueuse.   Mais, elle n’est pas une vraie tentation de Dieu, ni n’est, de sa nature, un péché mortel, la fin directe de l’acte étant la paresse, ou un autre état d’esprit qui ne convient pas à la prière.
 

 2303- Les causes qui excluent la tentation interprétative de Dieu.  Il n’y a pas, à proprement parler,  de tentation interprétative de Dieu si on agit imprudemment, ou si on court après le danger. Cela  se produit de la façon suivante. Si on ne se soucie pas de ce que les résultats soient mauvais ou pas, ou si on désire qu’ils puissent être mauvais (quand quelqu’un qui est las de vivre, cherche une occupation dangereuse pour la diversion et l’excitation qu’il y trouve; ou quand quelqu’un s’abstient de certains remèdes pour faire un acte modéré de mortification).  Quand on ne désire pas un résultat mauvais, mais quand on est assez niais ou téméraire pour croire qu’un risque imprudent s’impose,   ou que le hasard ou la chance nous fera échapper à une catastrophe.  Comme quand un étudiant se présente à un examen sans la moindre préparation, croyant qu’on ne lui demandera que ce qu’il sait.

 2304- Le refus de la médecine ou de l’hygiène.  S’il y a une raison suffisante pour cette conduite, aucun péché n’est commis.  Il peut y avoir plusieurs raisons naturelles (les remèdes sont nuisibles, ou inutiles ou coûtent trop cher); surnaturelles (Sainte Agathe refusa tous les remèdes parce que Jésus lui-même était son médecin; certains saints recevaient le conseil céleste de ne faire aucun effort pour guérir leurs maladies physiques, à cause du profit spirituel qu’ils en tiraient.)  Mais s’il n’y a pas de raison suffisante pour justifier cette conduite, c’est un péché.  Ainsi, on pèche contre la foi si la raison de l’incroyance est l’existence du mal ( la science chrétienne ou l’eddysm, comme le stoïcisme ancien,  attribue la maladie et la souffrance à l’imagination, et ses partisans  disent que la seule cure qui existe est la foi).  On pêche en tentant Dieu, si la raison de l’action est une vaine attente de miracles; on est coupable de suicide ou d’homicide, si le but est de mettre fin à la vie.

 2305- La culpabilité de la tentation de Dieu.  L’essence de la tentation de Dieu consiste à douter de la perfection de Dieu, à faire appel à la providence extraordinaire de Dieu,  en mésestimant la providence ordinaire qu’il a établie.  Elle est un péché parce qu’elle comporte un doute injustifiable ou une ignorance vincible dans l’intelligence, ou de la présomption dans la volonté. D’où le commandement donné dans le Deutéronome, V1, 16 : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu.    Mais l’ignorance invincible excuse du péché.  Et, en conséquence, beaucoup de ceux qui ont eu recours à des ordalies au moyen de tests dangereux et douloureux (marcher pieds nus sur des charbons ardents, risquer la mort en eau profonde) pour que Dieu donne son verdict, s’en sont tirés sans tenter Dieu, à cause de leur bonne foi.  Cette pratique a été condamnée par l’Église au neuvième siècle.  Douter de la volonté positive et inconnue de Dieu, ou faire appel à la providence extraordinaire de Dieu (la directe intervention de la première cause), sans sous estimer la  providence ordinaire de Dieu (des causes secondes affectées par Dieu),  n’est pas un péché, si cela est justifié par la nécessité.  Ainsi, étant incapable de résister aux nations liguées contre lui, le roi Josaphat pria ainsi : Comme nous ne savons pas quoi faire, nous ne pouvons que tourner notre regard vers vous. (11 Paral XX, 12).  Et le Seigneur a promis à ses disciples que, quand ils seront incapables de préparer leur défense dans les persécutions à venir, le Saint Esprit parlerait par leurs bouches (Matt. X, 19); et qu’il les rendrait capables de faire des choses difficiles, comme transporter des montagnes,  quand la choses sera vraiment nécessaire (Matt. XV11, 19).  Ce n’est pas de l’incroyance de douter des matières qui appartiennent à Dieu quand elles sont réellement douteuses ( non de sa perfection, mais de sa volonté positive et inconnue).  En conséquence, on ne tente pas Dieu quand on demande des garanties divines pour une religion présentée comme divinement révélée (795).  Ce n’est pas de la présomption de demander à Dieu un signe ou une preuve, si c’est Dieu qui pousse à demander cela.  (Abraham, dans la Genèse, XV, 8, a reçu de Dieu une inspiration l’incitant à demander un signe de la promesse selon laquelle la terre promise serait donnée à sa postérité; Achaz, en Isaïe, a reçu l’invitation de demander un signe pour le bien des autres). Ou si, quand un signe venant de Dieu semble nécessaire ou très utile, on le demande prudemment et à la condition que ce soit agréable à Dieu (les apôtres, dans les actes, ont prié pour obtenir des signes,  des prodiges qui confirment leur prédication).

 2306- La malice de la tentation de Dieu.  C’est un péché qui est directement contre la religion.  Car on montre du mépris à Dieu quand on lui demande de donner la preuve de ses perfections;  ou quand on prend la liberté de laisser de côté les moyens ordinaires et d’en demander d’autres.   Ce péché est moins grand, cependant, que celui de la superstition.  Car la tentation de Dieu professe le doute, tandis que la superstition   professe une erreur positive.  La tentation de Dieu offense aussi les autres vertus, comme la foi (quand on doute des perfections de Dieu); l’espérance (quand on présume que Dieu fera tout, tout seul, sans notre coopération); la charité (quand on prend les risques les plus fous, dans le fol espoir d’être miraculeusement protégé).  Elle est un péché mortel de sa nature, puisqu’elle offense la religion.  Mais le péché peut n’être que véniel en raison de l’imperfection de l’acte, quand quelqu’un demande un miracle sans aucune nécessité, par faiblesse de foi, ou par manque de réflexion (Luc 1, 11-20). Il peut être véniel aussi en raison de la légèreté de la matière, comme une parole sans importance, ou une affaire mineure.  2307--En règle générale, la tentation de Dieu n’est qu’un péché véniel.  Ce péché est rarement mortel, excepté dans les cas suivants.   Quand on a l’intention d’offenser Dieu gravement, comme en doutant de sa bonté, et en demandant un miracle pour satisfaire sa curiosité. Quand on s’expose à un grave péril, comme sauter du toit d’un haut édifice, (plonger tête première dans un puits),  refuser tous les remèdes ou tous les moyens propres à conserver la santé, dans l’attente que Dieu pourvoira miraculeusement.  Quand on cause un grand tort à autrui, comme quand quelqu’un, qui demande témérairement des miracles, expose la foi à la dérision des incroyants, ou scandalise les croyants.

 2308- Le sacrilège. Le sacrilège, au sens large, est n’importe lequel péché contre la religion.  Mais, au sens strict, où nous le prenons maintenant, on le définit comme la violation d’une chose sacrée.  Le sacrilège est contre une chose, c’est-à-dire une personne, un lieu, un objet voué au culte divin, qui est donc une possession de Dieu.  Le sacrilège diffère des deux péchés précédents d’’irréligiosité (la tentation et le parjure).  Car ils  sont contre la révérence qui est due à Dieu, tandis que le sacrilège est contre la révérence due aux choses, en raison de leur usage dans le culte divin.  Il est contre une chose sacrée, c’est-à-dire, contre la sainteté qu’une chose acquiert en étant dédiée à Dieu (une église ou un calice consacré; une vierge qui a fait à Dieu le vœu de virginité); ou de l’immunité ou du privilège qui lui a été accordée par l’Église, en raison de sa consécration à Dieu (les privilèges cléricaux).  Mais le sacrilège n’est présent  que quand une chose sacrée est attaquée dans sa qualité de chose sacrée.  En conséquence, celui qui viole la virginité d’une vierge consacrée à Dieu est coupable de sacrilège, puisque c’est sa virginité qui a été vouée à Dieu.   Celui qui la frappe est aussi coupable de sacrilège, puisqu’il attaque l’immunité sacrée que la loi ecclésiastique lui a conférée.  Celui qui la calomnie ou la vole n’est pas coupable de sacrilège, puisque son nom et ses biens ne sont pas voués au culte divin, et ne sont pas protégés par la loi en vertu d’un caractère sacré spécial.

 Le sacrilège est une violation, c’est-à-dire, une action ou une omission physiquement ou moralement injurieuse au caractère sacré d’une personne, d’un lieu ou d’une chose.  La différence entre l’injure faite dans le sacrilège et celle faite dans la simonie est que la première injustice appartient à la classe des maux infligés dans les commutations involontaires, comme le vol, le cambriolage, ou le braquage (1748, 1815), tandis que la dernière injustice appartient à la catégorie des maux perpétrés dans les commutations involontaires, comme l’achat, la vente, le prêt.   Dans les deux cas, il y a une offense faite à la propriété ou la possession de Dieu.  Mais, la différence est que, dans le sacrilège, les parties impliquées sont les personnes sacrilèges agissant en agresseurs contre Dieu.  Mais, dans la simonie, les parties sont deux hommes qui marchandent pour acheter ou vendre des choses consacrées à Dieu.

 2309- Quelle sorte de consécration doit être violée par un sacrilège constitué ?  Il y a différentes opinions au sujet de la sorte d’affectation au culte  qui est nécessaire à une consécration offensée par un sacrilège.  L’opinion la plus répandue, aujourd’hui, est à l’effet que l’affectation doit être faite par le moyen d’un rite sacré, ou par une consécration faite par l’Église.   En conséquence, d’après cette opinion, la violation d’un vœu privé ou d’une résolution n’est pas un sacrilège.   Mais une perfidie, ou une déloyauté. La raison sur laquelle se base cette opinion est que l’acceptation publique de l’Église, qui a le contrôle du culte divin, est un facteur nécessaire pour consacrer une chose au culte divin; et que plusieurs absurdités découleraient du principe que chaque individu a le pouvoir de rendre sacrés sa propre personne, ses actes et ses possessions.  Mais, selon une opinion mieux fondée, aucune affectation publique n’est nécessaire si la consécration est personnelle. Et ainsi, même la violation d’un vœu privé de virginité serait sacrilège.  La raison en est que même un vœu privé sépare quelqu’un du monde et en fait  un consacré.  Selon un point de vue encore plus rigoureux, aucune assignation publique au culte n’est nécessaire, que la consécration soit personnelle ou non personnelle.  En conséquence, même la violation d’un jeûne serait sacrilège.    La raison en est que tout ce qui est mis à part pour l’honneur de Dieu, privément ou publiquement, devient sacré pour Dieu.

 2310- Le sacrilège est-il un péché spécial ?  En ce qui a trait à sa matière ou à son sujet, le sacrilège peut être appelé improprement un péché général, dans le sens où plusieurs classes de péchés peuvent être sacrilèges (un meurtre est un sacrilège quand on tue une personne consacrée; la luxure est un sacrilège quand on viole une personne consacrée à Dieu; un vol est un sacrilège quand on dérobe des objets consacrés au culte divin etc).   En ce qui a trait à sa forme ou à son essence, c’est-à-dire proprement parlant, le sacrilège est un péché spécial, parce qu’il y a une difformité particulière contenue dans la nature même du sacrilège, laquelle  n’existe pas dans les autres péchés, à savoir, le manque de respect montré envers Dieu, en méprisant les choses qui lui sont consacrées.   De plus, il peut y avoir un péché de sacrilège qui est séparé des autres péchés,-- comme le meurtre, la luxure, le vol, par exemple,--- quand le droit d’asile est violé.

 2311- Les espèces de sacrilège.   On commet un sacrilège personnel quand la sainteté d’une personne est violée.  On commet un sacrilège spécial quand le caractère sacré d’une personne est violé.  Cela se produit, en premier lieu, quand on fait  un tort corporel ou réel à un clerc (en le tabassant, en le citant devant un tribunal séculier, en l’obligeant à remplir son service militaire).  Et, en second lieu,  quand  une personne qui a consacré à Dieu sa virginité par un vœu  est infidèle à son vœu.  Les canonistes ont traité du  sacrilège commis par une agression lors des questions de privilèges du canon 119, 120, et de l’immunité (canon 121).  L’impureté sacrilège commise avec une personne vouée à la chasteté est un grave péché de luxure, même si elle n’est que pensée ou désirée.  On commet un sacrilège local quand on porte atteinte au  caractère sacré d’un lieu. On considère qu’un lieu est sacré ou religieux quand il possède la sainteté en tant que choses consacrée, ou béni pour servir au culte divin, ou pour l’inhumation des fidèles, c’est-à-dire : les églises, les oratoires publics ou semi-publics, et les cimetières consacrés. On porte atteinte à la sainteté d’un lieu par la désacralisation  ou la profanation.  La désacralisation  est l’accomplissement, dans un lieu sacré,  d’un acte si irrévérencieux qu’il le contamine au point qu’aucun office divin ne peut y être célébré tant que le rite de réconciliation n’aura pas été performé.  Le canon 1172  énumère quatre causes de désacralisation : le crime d’homicide, le versement sérieux et injurieux de sang humain, des emplois impies ou sordides (si l’église était transformée en bordel, en étable ou en dépotoir) et l’inhumation d’un infidèle ou d’un excommunié par sentence condamnatoire ou déclaratoire.

 La profanation d’un lieu sacré est le manque d’égard envers le respect religieux ou l’immunité qui lui est du, et qui, d’une façon ou d’une autre, le contamine matériellement (si on ne garde pas une église propre et attrayante); si on tient sur le parvis d’une’église des foires ou des kermesses; si on s’en sert pour présenter des spectacles, des films, des banquets, ou des procès); si on viole le droit d’asile; si on brise, démolit ou brûle une église). On traite plus au long de ces matières dans les commentaires des canons 1172 et suivants.  On commet un sacrilège réel quand on viole le caractère sacré d’un objet.  Un objet est sacré quand il contient l’Auteur de la sainteté ou confère de la sainteté (l’eucharistie et les autres sacrements); quand il est naturellement relié aux sacrements ou aux personnes sacrées (les vases sacrés, les images et les reliques des saints); quand il est mis de côté pour servir au culte (l’eau bénite et les autres sacramentaux, les cierges d’autel); ou la maintenance de l’Église et de ses ministres (les biens meubles et immeubles d’une paroisse, l’argent laissé pour l’entretien du clergé, des séminaristes etc).  On commet une injure envers la sainteté d’un objet  en le traitant de façon indigne, par un dommage injuste ou en le vouant à un usage profane.  Exemples d’un traitement indigne. L’administration ou la réception invalide et coupable d’un sacrement; les parodies des saines écritures; la façon scandaleuse de s’acquitter des rites sacrés ou de réciter des prières, l’emploi de calices consacrés, d’autres vases sacrés ou d’articles bénis à des fins profanes; l’usage de certains articles saint non bénis à des fins ignobles et sordides, la manipulation des calices etc…par ceux qui n’ont pas le droit de toucher aux vases sacrés (canon 1306).  Exemples d’un dommage injuste ou d’une conversion sont la destruction et la combustion de reliques et des images qui servent au culte; le vol de l’argent ou des biens qui appartiennent à l’Église.

 2312- Des cas spéciaux se rapportant à un sacrilège local.  Un sacrilège local n’est pas commis par n’importe lequel péché, même grave, qui est fait dans une église.  Car le propre de ce sacrilège est qu’il est  une offense telle à la sainteté du lieu qu’il rend horrible.  Méprisable ou vil  ce qui doit être vénéré.    Ainsi, il n’y a pas de sacrilège dans les détractions, les mensonges, les parjures, les blasphèmes, et dans la plupart des péchés internes, quand ces choses sont faites dans une église ou un cimetière. Mais il y a deux sortes de péchés qui sont des profanations sacrilèges de lieux saints, à savoir le vol et l’impureté.  Le vol dans un lieu saint est certainement sacrilège, quand la chose confisquée est sacrée (un calice, de l’argent dans les troncs).   Il n’est probablement pas sacrilège quand la chose prise n’est pas sacrée (le porte-monnaie d’une personne agenouillée), et si la chose prise n’avait pas été mise sous la garde de l’Église. Mais, on n’est pas d’accord là-dessus.   L’impureté, si elle est externe et complète (l’effusion volontaire de semence) est sacrilège,  quoique, d’après le code, elle ne semble pas être une désacralisation.  La même chose est probablement vraie pour des péchés externes mais incomplets (comme les touchers, les regards, les mots, les gestes).  Les actes internes d’impureté ne sont pas sacrilèges, à moins qu’ils incluent le désir de pécher à l’externe dans un lieu saint.

 2313- Les cas où il ne se trouve aucun sacrilège.  Dans les cas suivants, aucun sacrilège n’est commis.  Quand la chose violée n’est pas sacrée.  Il n’y a pas de sacrilège personnel dans un acte d’impureté commis par une personne qui a fait un vœu privé de virginité (opinion commune).  Bien que certains moralistes enseignent qu’on commet un sacrilège personnel en violant les voeux de pauvreté et d’obéissance (voyez Merkelbach summa theologiae moralis 11, no 804, 4), il semble préférable de s’en ternie à l’opinion contraire, et de réduire le sacrilège personnel à  la violation de la chasteté par des personnes qui ont fait des vœux religieux, ou qui sont des postulants ou des novices.  Il n’y a pas de sacrilège local dans l’usage profane d’un lieu dédié à des œuvres de piété, mais qui n’a pas été mis à part d’une façon spéciale par les autorités ecclésiales (comme un oratoire privé, un hôpital géré par des laïcs), ni dans l’enterrement des infidèles dans un cimetière non béni.

 Il n’y a pas de sacrilège réel  dans l’usage profane de choses mises à part exclusivement pour un usage sacré (l’emploi des candélabres et des cierges d’autel pour lire dans sa chambre) ou qui n’ont pas été bénies ou consacrées (voler de l’argent promis à l’église, mais non livré; ou les biens personnels d’un clerc).  Quand la chose injuriée est sacrée, mais quand  l’action ou l’omission n’est pas opposée à l’attribut qui le rend saint, ou à une loi qui a été faite pour lui assurer le respect.  Ainsi, quelqu’un qui a fait le vœu de chasteté ne commet pas un sacrilège s’il s’enivre, ou emploie un langage profane, car il n’a pas fait un vœu qui s’oppose à  ces péchés.  Un lieu sacré n’est pas violé de façon sacrilège par un acte qui n’est pas opposé à sa sainteté, ou au respect demandé par la loi (les récitals d’orgue, la vente des chandelles dans le portique, la violence physique exercée contre un casse-pieds).  On ne commet pas de sacrilège en détruisant irrévérencieusement un vieux vêtement en lambeaux, en maniant sans respect des agnus dei, des reliques, et d’autres objets que tous peuvent toucher.

 2314- Le caractère sacré comme circonstance aggravante d’un péché.  Mais un péché qui n’est pas sacrilège est souvent rendu pire en raison du caractère sacré  que possèdent certaines choses.  Un péché est donc aggravé par des circonstances de personne et de lieu. Ainsi, il est pire pour une personne vouée à Dieu de blasphémer ou de mentir, que pour une autre qui n’a pas fait de vœux. Il est pire de se livrer à des conversations frivoles ou calomnieuses dans une église que sur la rue.   Le péché ajoute la malice additionnelle de sacrilège si le pécheur a choisi expressément un temps et un lieu pour montrer son mépris.   Ainsi, ce n’est pas un sacrilège de se saouler un dimanche ou un jour saint, à moins que quelqu’un n’ait  eu l’intention de montrer par là son mépris pour un jour saint. Ce n’est pas un sacrilège d’agir avec étourderie dans une église, à moins que ce comportement n’ait pour  but de montrer le mépris qu’on nourrit pour les églises.

 La malice du sacrilège.  La malice morale du sacrilège est celle de l’irréligiosité (2299).  On regarde habituellement les trois sortes de sacrilège (personnel, local, réel) comme trois sortes d’espèces distinctes de péché.  Car, la loi considère comme des sortes différentes d’offense les affronts faits à une personne, à sa propriété immobilière, et à ses biens meubles.  De la même façon,  sont inégales les offenses faites aux ministres de Dieu, à la maison de Dieu, et aux objets qui servent au culte de Dieu.   Il est plus que probable qu’il n’existe pas de sous espèce de ces trois classes de sacrilège.    En conséquence, dans la mesure où on ne considère que le manque de respect, il ne semble pas y avoir de différence essentielle entre le péché de violer et de frapper une vierge consacrée.

 2315- La malice théologique du sacrilège est morelle, de par sa nature même.  Il est fort pénible pour un homme de voir traiter avec mépris ses représentants, sa maison, ou ses biens meubles. Semblablement, manquer de respect envers les choses de Dieu  c’est manquer de respect envers Dieu lui-même. On voit le sérieux du sacrilège par les châtiments qui ont frappé Core, Dathan et Abiron (nom XV10 ou les fils d’Eli  (1 Rois, 11, 17; 1V, 11), ou le roi Baltazar (Dan V, 11 suiv), et les vendeurs du temple (Jn 11, 14).  Mais le sacrilège peut être véniel en raison de l’imperfection de l’acte (quand quelqu’un frappe un prêtre sans penser qu’il est un membre du clergé), ou de la petitesse de la matière (citer l’Écriture pour dire un bon mot, utiliser un linge d’autel qui n’est que légèrement souillé ou troué, toucher à un calice sans permission,  violer quelques pièces d’argent de l’église.)

 2316- Les conditions pour juger de la gravité du sacrilège.  Pour pouvoir décider, dans un cas concret, si un sacrilège est un péché grave ou véniel, on devrait considérer l’état mental de l’offenseur et le caractère externe de l’offense.   Ainsi, si le but qu’on se propose consiste directement et formellement à déshonorer Dieu, le péché est grave.   Mais, s’il a un autre but, le péché peut être léger.  Si la chose déshonorée est reliée de très près à Dieu, ou si l’acte déshonorant, est, selon l’opinion générale, plus insultant, le péché est plus sérieux.  Un traitement indigne de l’eucharistie est le pire de tous les sacrilèges.  Un mauvais usage d’une personne sacrée est pire qu’un manque de respect envers une église.  Fouler aux pieds les saintes espèces marque plus de mépris que communier indignement.

 2317- La simonie dérive du nom du magicien Simon.  C’est  la première personne du nouveau testament, en autant que nous le sachions, qui a commis cette faute.   Car il est écrit de Simon dans les actes V111, 18 et suivants, qu’il a tenté d’acheter  le pouvoir de l’imposition des mains.  Mais ce péché n’était pas inconnu dans l’ancien testament, comme nous le voyons dans les exemples de Balaam (Nom XX11, 7); de Ciezi (1VRois  20 et suiv). et de Jason (11 Mach 1V, 7 et suiv).

 2318- La simonie.  Définition de la simonie.   On définit la simonie  comme la volonté arrêtée d’acheter ou de vendre pour un bien temporel ce qui est spirituel intrinsèquement ou extrinsèquement.  La simonie est dans la volonté, car c’est un acte d’injustice qui prétend avoir ou recevoir un droit de possession sur les choses spirituelles qui appartiennent à Dieu seul.   Et l’injustice est un vice de la volonté.   En conséquence, la simonie n’est pas un péché interne de l’intellect.  Car, bien que celui qui pratique la simonie extérieurement fait en quelque sorte profession de croire à l’hérésie voulant que l’homme est le propriétaire des choses spirituelles, et laisse à penser  qu’il croit que la vente des choses spirituelles est légale, il peut  comprendre que les choses de Dieu n’ont pas de prix et vouloir quand même en donner ou en recevoir un prix.  Encore une fois, il ne faut pas identifier la simonie avec l’acte externe du marchandage de choses spirituelles.
Car, bien que la loi ne punisse que la simonie externe ou complétée, la faute et la malice du péché sont présentes même quand on n’a que le désir de trafiquer les choses saintes.   La simonie est une volonté arrêtée, c’est-à-dire qu’elle est l’acte du choix libre et réfléchi d’une forme interne ou externe de simonie, comme un moyen désirable.   En conséquence, pour qu’il y ait péché de simonie, il ne suffit pas  que se trouve  un désir non pleinement volontaire, causé par une ignorance non coupable, ou un consentement imparfait. D’un autre côté, il est nécessaire, pour encourir le péché de simonie, qu’il y ait un pacte mutuel.  Mais il suffit qu’une seule partie ait le désir de conclure un pacte, ou d’obliger quelqu’un à la simonie.  C’est un désir d’acheter ou de vendre, c’est-à-dire de donner ou de recevoir un bien temporel en échange d’un bien spirituel. Il est question ici, non seulement d’un contrat de vente, mais de n’importe laquelle forme de contrat onéreux, comme la location, le prêt, le troc,  le je donne pour que tu donnes; le  je fais pour que tu fasses. Mais pour être simoniaque, il n’est pas nécessaire qu’un contrat soit rempli ou explicitement formulé. Même s’il n’a pas été rempli ou s’il n’a a été que tacitement fait, le contrat est simoniaque, si les circonstances suffisent pour démontrer une intention mauvaise.  En conséquence, il ressort clairement  de la partie présente de la définition, qu’il n’y a pas de simonie dans un contrat gratuit (quand quelqu’un fait un don à un autre en espérant et en attendant que, plus tard, par reconnaissance, il reçoive en retour  quelque chose de spirituel, qu’une personne reconnaissante a le droit de donner; quand un pauvre offre de faire une neuvaine pour des bienfaiteurs qui lui font l’aumône).  Mais c’est de la simonie de faire un contrat onéreux déguisé en contrat gratuit.  Exemple.  « Je vous donne cet argent comme un pur don à la condition que nous ne serez pas ingrat, mais que vous me donnerez cette faveur spirituelle comme un pur don ».    Le prix, dans la simonie, est une chose, une action, ou une abstention qui joue en faveur du bénéficiaire.  La simonie, au sens strict, est commise quant on offre un bien temporel pour un bien spirituel (un sacrement payé par de l’argent).  Au sens large, on commet le péché de simonie quand, contrairement à la loi sur la simonie,  on échange des choses semblables (2323).  Ainsi, si l’Église défend qu’on échange une messe pour une autre messe, ou un bénéfice pour un autre bénéfice, ou l’office de sacristain pour celui de bedeau, les transgresseurs sont coupables de la deuxième forme de simonie.

 La matière de la simonie est quelque chose d’intrinsèquement et extrinsèquement spirituel.  En général, le spirituel est ce qui procède de Dieu  ou tend vers Dieu en tant qu’auteur et fin du salut éternel (le destin, la loi, les moyens, les œuvres etc,  qui nous sont proposés dans la religion et la révélation chrétienne).   Parmi ces choses, sont intrinsèquement spirituelles celles qui appartiennent à l’ordre surnaturel en raison du caractère inhérent qui leur est propre (la grâce, la messe, les sacrements, les miracles), ou d’une union intime avec les choses spirituelles ( les bénéfices attachés aux choses spirituelles, la consécration donnée à un calice).  Sont extrinsèquement spirituelles celles qui sont en elles-mêmes temporelles, mais qui sont considérées comme spirituelles par la loi de l’Église, en signe de révérence envers celles  qui sont intrinsèquement spirituelles (le saint chrême, si on ne regarde que la matière de l’huile et des autres ingrédients).  Si la matière d’un contrat n’est ni intrinsèquement ni extrinsèquement spirituelle, on ne commet  pas de simonie en achetant ou en vendant (les livres de dévotion, les meubles d’un presbytère, les effets personnels d’un clerc).
 2319- Le prix temporel dans la simonie. Le prix temporel dans la simonie est un bien ou un avantage temporel.  Saint Grégoire le Grand distingue trois sortes de prix simoniaques.  Les voici.  Le prix donné de main à main est soit de l’argent ou soit des choses qui valent de l’argent, comme des biens meubles ou immeubles, des droits corporels ou incorporels.  Ce serait de la simonie que de donner un bénéfice en échange d’une somme d’argent, d’un prêt ou d’une propriété.  Le prix oral (de la langue) comprend toutes les formes de patronage, comme la louange, la recommandation, la protection, la défense, l’opposition aux compétiteurs etc.  Ce serait de la simonie que d’accorder un bénéfice en échange d’une influence favorable  que le bénéficiaire, avec d’autres personnes influentes,  déploierait lors du vote électoral.  Le prix par le service consiste dans n’importe laquelle sorte de travail ou d’aide fourni au bénéfice d’un autre, comme l’administration de son entreprise, ou l’éducation de ses enfants.

 2320- La chose spirituelle dans la simonie. La chose spirituelle inhérente à la simonie est aussi de trois sortes.  Ce qui est spirituel par nature est une chose qui est surnaturelle en elle-même, comme la grâce sanctifiante, les dons du Saint Esprit, et le pouvoir des ordres ou de la juridiction.  Ce qui est surnaturel, par sa cause, est une chose produite par un agent ou un pouvoir surnaturel, comme la santé obtenue par miracle.  Ce qui est surnaturel par son effet est la chose qui possède  le pouvoir  de produire des résultats surnaturels, en vertu de l’acte lui-même (ex opere perato), ou en vertu de celui qui le fait (ex opere operantis),  comme les sacrements, les prières, les sermons

 2321- Une chose temporelle unie avec une chose spirituelle.   Des deux manières suivantes, des choses sont rendues spirituelles en référence à la simonie, par le moyen d’une union intime avec les choses spirituelles.  Par une connexion nécessaire, quand une chose temporelle est tellement annexée à une chose spirituelle qu’elle ne peut pas exister sans elle.   Cela inclut donc la chose annexée  et aussi peut-être celles qui ont été annexées concomitamment et intrinsèquement (2322);  par une connexion contractuelle quand le spirituel et le temporel sont des objets partiels d’un contrat.  Comme quand dans le cas de la vente d’un calice consacré, le prix est haussé en raison de la consécration.   2322- Une chose temporelle annexée à une spirituelle.   Une chose temporelle est annexée à une spirituelle de trois façons.  La chose temporelle est annexée antécédemment,  si elle précède la chose spirituelle comme sa matière ou son sujet préparée, désignée et présupposée.   Ainsi, sont de cette sorte toutes les choses qui reçoivent une consécration ou une bénédiction (les calices, les chapelets), ou une propriété à laquelle est attaché un droit de patronage.  Les reliques appartiennent proprement à cette catégorie, mais, puisqu’elles n’ont habituellement aucune valeur pécuniaire, on a coutume de les classer parmi les spirituelles.

 La chose temporelle est annexée concomitamment si elle est simultanée à la chose spirituelle en tant qu’étant l’action ou l’effort qui la produit.  Si l’union est essentielle et inséparable, on dit de la chose temporelle qu’elle a été annexée intrinsèquement (le travail accompli en disant la messe, en prêchant, en visitant un malade).  Si l’union n’est pas essentielle, on dit de la chose temporelle qu’elle a été annexée extrinsèquement (le travail spécial en célébrant la messe, si elle a été chantée, ou dite dans une église éloignée, ou  à une heure déterminée).    La chose temporelle est annexée conséquemment quand elle présuppose une chose spirituelle comme  la cause de laquelle elle dépend.

 2323- Les différentes sortes de simonie.   En référence à sa matière ou aux lois violées, la simonie est soit contraire à la loi naturelle, ou soit contraire à  la loi divine, ou à une loi positive ecclésiale.  La simonie contraire à la loi divine consiste dans l’échange de choses temporelles pour des choses qui sont spirituelles ou annexées immédiatement aux choses spirituelles (2321), comme les sacrements, les indulgences, la juridiction.  La simonie contraire à la loi ecclésiale consiste dans un échange qui a l’apparence d’une simonie contraire à la loi divine, ou qui y conduit facilement.  Elle est donc interdite par l’Église, pour sauvegarder le respect envers les choses sacrées, comme quand quelqu’un viole la loi en prenant de l’argent pour des huiles saintes.   Dans la première forme de simonie, des choses d’un ordre différent (les spirituels et les temporels) sont échangées l’une pour l’autre.   Dans l’autre sorte de simonie, des choses du même ordre (des choses spirituelles pour des choses spirituelles, des temporelles pour des temporelles etc) sont échangées,  là où la loi le défend (canon 727).

 En référence à la manière dont elle est commise, la simonie est interne ou externe.   La simonie interne est le désir, sans entente externe, de troquer du spirituel pour du temporel.  Elle est purement mentale, si rien n’est fait à l’extérieur en raison du désir interne (si la personne qui désire commettre de la simonie fait un cadeau en argent à quelqu’un dans l’espoir que l’autre se sentira moralement obligé  de donner quelque chose de spirituel en retour; ou si quelqu’un donne quelque chose de spirituel en s’attendant  à une somme d’argent importante en compensation).  La simonie externe est un pacte externe librement contracté entre deux parties qui s’engagent à échanger des biens spirituels pour des biens temporels.  On l’appelle purement conventionnelle, si aucune des deux parties n’a accompli sa part de l’entente; semi réelle ou mixte si l’une des deux parties a fait ce à quoi elle s’était engagée; réelle, si les deux parties ont accompli, au moins en partie, ce qu’ils avaient promis.  Un pacte simoniaque est explicite s’il est exprimé clairement par des mots ou par des signes (« Je vous donnerai cent euros pour votre vote »).

 2324- La simonie confidentielle. La simonie commise en référence à des bénéfices est dite confidentielle, parce que le contrat est illégal, ne donnant aucune protection judiciaire.  Il n’y a donc que la confiance dans la parole de quelqu’un qui puisse assurer que l’entente sera respectée.  Les canonistes discutent au long et au large des contrats suivants où la simonie confidentielle se rencontre.  Un contrat fait grâce à l’accès accorde un bénéfice avec l’entente que le bénéficiaire le  résiliera plus tard,  de telle sorte que le bienfaiteur y ait accès de nouveau, ou une tierce partie.  Un contrat fait grâce à l’entrée renonce à un bénéfice dont on n’a pas encore pris possession, avec l’entente que la personne qui entre maintenant en sa possession laissera la place libre pour son prédécesseur, s’il le résilie lui-même ou est promu.  Le contrat grâce au  retour  renonce à un bénéfice déjà possédé avec l’entente qu’il peut être recouvré  par la personne qui y renonce maintenant ou une tierce personne.   Le contrat de réservation d’une partie des profits  obtient un bénéfice pour un autre avec la stipulation qu’il paiera un certain pourcentage de ses revenus à celui  qui les lui a obtenus, ou à une troisième partie (canon 1441).

 2325- La simonie contre la loi divine.  La simonie contre la loi divine se commet en référence aux choses spirituelles quand un prix temporel est formellement donné ou reçu pour elles,    Ainsi, une chose temporelle constitue un prix quand elle est regardée comme la fin de la chose ou de l’action spirituelle elle-même, une des choses échangée étant utilisée comme la mesure de la valeur de l’autre.  Cela arrive quand une personne désire acheter ou vendre une chose spirituelle, soit parce qu’elle pense que sa valeur peut s’exprimer en argent ou en un autre bien temporel, ou soit, ou parce qu’elle estime qu’elle doit la traiter comme si l’argent avait la même valeur.  Comme quand quelqu’un s’acquitte d’une tâche spirituelle en excluant tout autre motif que le lucre (Denzinger, no 1196).  Une chose temporelle est virtuellement considérée comme un prix,  quand elle est voulue comme seule fin prochaine par l’agent, même s’il n’a pas réfléchi à sa valeur réelle en termes de prix.  Cela arrive quand quelqu’un donne une chose temporelle, et quand son acte n’a pas d’autre but immédiat que l’acquisition d’une chose spirituelle; ou quand on rend un prétendu service gratuit avec l’intention d’obliger par là le bénéficiaire à accorder en retour un bien spirituel; ou quand on accorde une faveur temporelle gratuite  comme compensation  pour un bénéfice spirituel, ou vice versa (Denzinger, no 1195). C’est de la simonie, car celui qui ne pense explicitement qu’à un échange, s’engage implicitement à payer ou à recevoir  un prix.  Et si cela n’était pas de la simonie, la simonie ne serait alors entièrement un acte de la raison.  Car rien n’est plus facile que de vouloir que la chose temporelle échangée ne soit pas le prix, mais seulement le motif du contrat ou de la compensation gratuite.

 2326- La chose temporelle ne devient pas le prix virtuel de la chose spirituelle s’il y a un motif prochain légal (reconnu par le droit canon ou par une coutume légitime). Car le don de la chose temporelle et le désir de recevoir une chose spirituelle sont seulement la raison éloignée ou l’occasion de l’acte.  Car, dans un cas de ce genre, la chose spirituelle est donnée pour un motif légitime, et elle n’est pas le prix de la chose spirituelle.   Exemples.  Si le bénéficiaire de la chose spirituelle a un droit sur elle, il n’y a pas de simonie. Ainsi, les ministres de l’autel  ont un droit aux choses temporelles qui leur permettent de vivre (2186).  Et quand on leur demande des choses spirituelles (intention de messe, les sacrements, les fonctions sacrées), ce n’est pas de la simonie de faire une offrande, si le bienfaiteur donne librement, par amitié, par générosité, par charité ou reconnaissance, de façon donc, à ce que cette offrande soit un don purement et simplement.   Il n’y a pas de simonie, même s’il espère recevoir quelque chose de spirituel comme signe d’appréciation.  Mais un don charitable ou amical peut facilement être de la simonie masquée, c’est-à-dire qu’il peut y avoir un prétexte de libéralité pour cacher le réel but qui est celui d’achat de choses spirituelles avec des temporelles.

 2327- Les règles d’Alexandre 111 pour déterminer la simonie.   Alexandre 111 a donné plusieurs règles pour déterminer si un don est fait d’une façon désintéressée ou avec une intention simoniaque.  Voici des signes d’une intention simoniaque.  La qualité du donneur (s’il est pauvre, ou en grand besoin, ou non reconnu pour sa générosité); la quantité du don (qui correspond à la valeur d’un bénéfice vacant, qui est étonnamment large); le temps du don (quand le destinataire du don  n’a besoin de rien, ou quand il est sur le point de faire des nominations à des postes, ou après avoir fait des approches).  Si un cadeau est fait en concordance avec une chose spirituelle reçue, on peut présumer qu’il y a eu une intention simoniaque, à moins qu’il n’y ait eu, pour le don,  un motif sincère raisonnable.
 Voici maintenant des signes d’une intention désintéressée.  La qualité du donneur (riche, connu pour sa bonté et sa compassion, généreux envers tous,  ou  qui est parent du bénéficiaire); la quantité du don (petite, ou normale); le temps du don (quand un besoin ou une circonstance spéciale le demande).

 2328- La simonie contraire à la loi divine en référence aux choses annexées aux spirituelles.   C’est une simonie contraire à la loi divine de vendre ou d’acheter des choses annexées aux choses spirituelles conséquemment (les revenus d’un bénéfice), ou concomitamment et intrinsèquement (le travail ordinaire et la fatigue liés à la prédication, à la célébration de messes), car, dans le premier cas, le temporel provient d’un spirituel et est moralement une seule chose avec lui, tandis que dans l’autre cas, le temporel n’a de valeur qu’autant qu’il est uni à du spirituel. Ce n’est pas une simonie contraire à la loi divine d’acheter ou de vendre des choses annexées aux spirituelles antécédemment (les cierges bénis, les vêtements liturgiques), si on ne hausse  pas le prix à cause de la chose spirituelle,  ou des choses annexées concomitamment et extrinsèquement (le travail religieux extraordinaire et la fatigue causée par une longue distance ou une heure tardive).  Car, dans les deux cas, le temporel a sa valeur propre, et est considéré comme étant inséparable du spirituel.   Mais il y a de la simonie contraire à la loi divine, si on augmente le prix à cause de la chose spirituelle (si on ajoute quelque chose à une bénédiction donnée à une chandelle).  Et il y a de la simonie contraire à la loi ecclésiastique si la transaction est défendue ou simoniaque (sont contraires au canon 1441 des déductions ou des paiements  faits dans l’acte de la promotion à un bénéfice).

 2329- Les conditions nécessaires pour la simonie contraire à la loi ecclésiale.  Il doit y avoir un échange par le moyen de quelque contrat onéreux. Mais il suffit, pour qu’il y ait simonie, que l’entente soit tacite et non exécutée, comme nous l’avons expliqué plus haut (2323).  Il doit y avoir une loi de l’Église qui interdit l’échange par motif de respect pour les choses saintes.  L’échange simoniaque a lieu quand on donne une chose temporelle annexée à une spirituelle  pour une autre chose temporelle annexée à une spirituelle.  Les canonistes énumèrent les cas suivants comme des exemples de simonie contraire à la loi ecclésiale :  des dons faits à l’occasion de concessions de bénéfices paroissiaux, avec lettres de recommandation. (545), de la fondation de fraternités, de la vente d’huile béni ou de saint chrême, ou du droit de patronage (470), ou de la rémunération pour la collecte des quêtes ou des intentions de messe (canon 840, 1303).

 2330- La simonie certaine et incertaine.  Les cas où la simonie est certaine sont l’administration des sacrements ou des sacramentaux, pour le profit et les faveurs,  par ceux qui en sont indignes;  la vente d’indulgences, les taxes ou les impôts faits contrairement à la loi ecclésiale (une messe de binaison). On trouve d’autres exemples  en 2323 et suiv.  L’Église demande que soit gratuite l’administration des sacrements  de confirmation, d’eucharistie, de pénitence, d’extrême onction, et d’ordre. Mais des coutumes locales ou des conditions particulières peuvent légitimer des exceptions.  Il y a des moralistes qui enseignent qu’il n’y a pas de simonie quand on exige un montant d’argent pour l’exercice d’un ministère obligatoire, si le motif simoniaque est absent. Les cas controversés de simonie sont ceux dans lesquels on soutire un montant d’argent supérieur à ce qui est juste et légal de demander en pareil cas (une offrande de  messe d’un montant supérieur à ce que permet la coutume).  Il y en a qui prétendent qu’il y a là  de la simonie parce que le surplus ne peut que provenir de la  chose spirituelle.  D’autres soutiennent  qu’il n’y a pas de simonie, mais seulement une augmentation injuste du prix permis pour le support du prêtre.  D’autres affirment qu’il n’y a pas de simonie au for interne si l’intention n’est pas simoniaque, mais qu’il y en a une au for externe à cause de la présomption d’une intention simoniaque.

 2331- Les cas douteux de simonie.   Dans certains dons et paiements, la présence ou l’absence de la simonie dépend de l’objet pour lequel ils sont donnés. Ainsi, quand ils sont donnés pour une omission d’un acte spirituel, il y a simonie si l’omission inclut l’exercice du pouvoir spirituel (omettre l’absolution c’est retenir les péchés et les censures). Il n’y a pas de simonie si l’omission provient du libre exercice de la volonté (omettre la messe, la confession). Quand ils sont donnés pour une omission due à l’opposition ou à l’ennui, de façon à ce que quelqu’un puisse obtenir un poste ou un bénéfice.  Il y a simonie si la chose temporelle est donnée pour le bénéfice lui-même, ou comme moyen pour s’y rendre (si quelqu’un n’a pas de droit strict à une chose spirituelle, ou si l’opposition est juste), comme quand un candidat à un bénéfice paye un compétiteur pour qu’il se retire, ou paye un accusateur pour garder le silence.  Il n’y a pas de simonie si la chose temporelle est donnée comme une libération d’une injuste vexation (si quelqu’un a un droit strict à une chose spirituelle et que l’opposition est clairement injuste,  comme quand quelqu’un qui a acquis un droit à un poste, paye un ennemi pour l’empêcher de susciter des empêchements).  Le paiement fait par Jacob à Ésau pour le droit d’aînesse, auquel Jacob avait droit par disposition divine, on peut le considérer comme n’ayant pas pour but la bénédiction paternelle ou d’autres droits spirituels de l’aîné, mais l’immunité contre la persécution d’Ésaü  Quand ils sont donnés pour de l’instruction, il y a simonie si l’instruction a pour fin directe le bénéfice spirituel du disciple (les instructions catéchétiques, la préparation aux examens).   Quand ils sont donnés pour admission à un ordre religieux,  il y a simonie si l’argent est donné pour l’état religieux lui-même, les vœux et les autres choses spirituelles.  Il n’y a pas de simonie si l’argent est donné pour défrayer le coût des dépenses de la communauté.

 2332- Les cas dans lesquels une transaction n’est pas illégale mais permise.  Il n’y a pas de simonie quand une chose temporelle est donnée à l’occasion d’une chose spirituelle, mais non pour elle,  Cela arrive quand il existe un juste titre à l’obtention d’un bien temporel, comme le droit de support (les salaires des pasteurs, les offrandes de messe, la quête), des valeurs extrinsèques dans un travail ou un objet (le travail spécial que représente la célébration de la messe dans certaines circonstances, et d’après quelques-uns, l’amour spécial qu’on a pour les reliques, le manque à gagner dans certains activités pastorales.  Il n’y a pas de simonie quand quelque chose de valeur est donné en échange, mais pas pour une chose spirituelle, et non en contravention de la loi anti simonie.   Cela arrive quand on échange une chose semblable pour une chose semblable (une messe pour une messe), ou une chose temporelle pour une chose associée à une spirituelle, comme étant son sujet (de l’argent pour un rosaire, ou un lot dans un cimetière béni).  Dans le premier cas, il n’y a pas de prohibition; dans l’autre, les choses temporelles ont leur valeur propre distincte que l’on peut payer, si on ne hausse pas le prix à cause de la spirituelle (canon 730, 1539).

 2333- Les cas dans lesquels la transaction n’est pas simoniaque mais coupable.   Les péchés contre Dieu. Quelqu’un qui accomplit des fonctions de religion premièrement et principalement, en autant qu’est concerné son  motif personnel,  pour le salaire, les offrandes ou les dons, n’est pas coupable de simonie, puisqu’il ne regarde même pas virtuellement  le bien temporel comme un prix du spirituel,   Mais il pêche par manque de dévotion, et son péché peut même être mortel (un chanoine se rend au chœur uniquement parce que l’office divin  lui procure ce qu’il faut pour vivre).
Le code n’appelle pas simonie les fautes commises contre l’argent offert pour la célébration de messes;  mais la loi pénale les classe parmi les offenses faites contre la religion (2324). Le népotisme, le favoritisme, et toutes les manœuvres politiques déshonnêtes, qui ont pour but d’obtenir des dignités ecclésiales, ne sont pas, par elles-mêmes, simoniaques.  Mais elles sont une approche indigne et scandaleuse des choses saintes.

 Les péchés commis contre les autres. Ce n’est pas de la simonie, mais de l’injustice, de refuser  un sacrement à des paroissiens qui ne donnent pas un sou à la quête;  de hausser les dimes, et même, de prendre de l’argent pour l’omission d’un acte spirituel qui est du en justice (refuser d’entendre la confession d’un paroissien); ou de demander de l’argent pour payer un acte spirituel de ce genre (pour entendre une confession).  Prendre de l’argent, par des voies interdites,  est de la désobéissance (prendre des offrandes de messe au confessionnal, gagner de l’argent à la loterie, ou en faisant un commerce interdit par le droit canon). Strictement parlant, il n’y a pas de simonie à parier dix euros pour  un chapelet, car il n’est pas question là-dedans  de chercher à établir une équivalence entre ces deux choses. Il n’en demeure pas moins qu’une telle pratique est scandaleuse.  La cupidité, qui porte à obtenir ou à garder de l’argent, appartient à l’avarice, non nécessairement à la simonie.

 2334- Cas dans lesquels une transaction n’est pas simoniaque, mais vertueuse.  Certains actes faits en l’honneur de Dieu (acheter un objet spirituel,  comme un vase sacré ou une relique, de quelqu’un qui en ferait un mauvais usage), quand l’acheteur a en vue la prévention d’une profanation. Ce n’est certainement pas de l’irrévérence envers une chose sacrée d’employer les moyens nécessaires pour la soustraire aux outrages.   Quelques actions faites pour le bien des autres (donner des récompenses aux enfants qui fréquentent les sacrements, ou l’école du dimanche; donner des dots aux jeunes filles pour qu’elles puissent entrer en religion; fournir  une éducation gratuite à des jeunes méritants, comme encouragement à embrasser l’état ecclésiastique).  Dans tous ces cas, il n’y a pas d’achat de choses spirituelles parce que le temporel est un pur don, et parce que le bien spirituel n’est pas reçu par le donneur du temporel, mais par un autre.   Il n’y a pas de simonie dans les frais imposés pour les dispenses, ou dans les aumônes parfois prescrites pour les indulgences. Car le temporel n’est pas un prix payé pour acheter le spirituel. Mais, dans le premier cas, il est plutôt une peine ou un prix pour les dépenses; et dans l’autre, une bonne œuvre spirituelle, et un devoir prescrit comme condition pour obtenir un bénéfice spirituel.   Quelques actes que l’on fait pour son bien spirituel (si quelqu’un était en danger de mort, et ne pourrait être baptisé que par quelqu’un qui demande de l’argent pour conférer le sacrement), ce ne serait pas de la simonie de payer en argent, puisque le prix serait offert non pour le sacrement, mais pour écarter un obstacle injuste inposé.

 2335- La malice théologique du péché de simonie. La simonie contraire à la loi divine est, de par sa nature, un péché mortel, et en chaque cas.  La petitesse de la chose spirituelle vendue importe peu, car  cette chose est sans prix, et on commet une faute grave en lui attribuant un prix.  La simonie est une sérieuse injure faite à Dieu, puisqu’elle usurpe son titre d’unique Seigneur des choses spirituelles (1 Cor 1V, 1); aux choses spirituelles elles-mêmes, puisqu’elle estime leur valeur au moyen d’un  vil gain matériel (Prov 111, 15; Atc. V11, 20); et aux bénéficiaires, qui devraient recevoir gratuitement les dons de Dieu (Matt. X, 8). Voilà pourquoi saint Pierre a déclaré que Simon le magicien comme méritait la perdition (Act. V111, 20); et la loi parle de la simonie comme de la pire des pestes : un cancer, une lèpre, un fléau.

 La simonie contraire à la loi ecclésiastique est un péché mortel de par sa nature, puisque, pour protéger la religion,  elle  est interdite par cette même loi, sous peine de péché grave.  Mais, dans des cas particuliers, elle peut n’être qu’un péché véniel, puisque, quand la matière n’est pas sérieuse (382),  les lois de l’Église n’obligent pas sous peine de péché grave.

 2336- La malice morale du péché de simonie. La simonie est réductible à un sacrilège réel (2311). On la traite séparément à cause du grand nombre des questions qu’elle nous pose,  et aussi parce qu’on a raison de la considérer comme une espèce distincte de péché (2308 et suiv).  La malice morale de la simonie est donc celle de l’irréligion.  La simonie contraire à la loi divine et la simonie contraire à la loi ecclésiale sont, selon l’opinion commune, semblables en malice morale,   Car, bien que la seule prohibition de l’Église ne rende pas sacrée une chose qui ne l’est pas, elle  rend  une chose non sacrée  invendable,  précisément parce qu’elle est reliée à des choses sacrées.  En d’autres mots, le motif de la loi est la protection des choses sacrées, contre une apparence de danger de simonie;  et le motif de la loi est le facteur qui détermine le caractère moral des préceptes et des prohibitions de la loi humaine.  Ainsi, manquer la messe le dimanche est un péché contre la religion, parce que l’Église commande, au nom de la vertu de religion, que l’on assiste à la messe le dimanche.  Manger de la viande le vendredi est un péché contre la tempérance, parce que l’Église interdit l’usage de la viande le vendredi au nom de la vertu de tempérance. En conséquence, ce n’est pas seulement de la désobéissance, mais de la simonie de violer une loi qui interdit un certain contrat à cause de sa ressemblance à la vente du spirituel pour du matériel.  De plus, celui qui s’expose volontairement au danger immédiat d’un péché veut la malice de ce péché.

 2337- L’invalidité et les peines des contrats simoniaques. Tous les contrats simoniaques sont invalides et sans force au for externe ou au for interne, parce qu’ils vendent ce qui n’est pas achetable, selon la loi divine et la loi ecclésiastique.  Si le contrat porte sur des bénéfices, des offices ou des dignités etc. (« Votez comme je le désire, et je vous accorderai telle ou telle faveur ».  « Procurez-moi telle dignité, et je vous paierai grassement ».), leur concession est nulle et non avenue, même si l’acte simoniaque est fait par une tierce partie à l’insu du bénéficiaire, à moins que cela ne soit fait par la tierce partie pour offenser le  bénéficiaire, ou en dépit de ses protestations (canon 729). Les résignations simoniaques produisent aussi l’invalidité (canon 185).  Les commissions (canon 1441), les présentations (canon 1465, 2, et la prescription ne valent pas pour quelqu’un qui tient un bénéfice obtenu grâce à la simonie (canon 1446).   Certains contrats simoniaques soumettent les parties coupables à des peines spéciales.  Ainsi, la peine pour des nominations, des élections et des promotions simoniaques est l’excommunication qui prend effet immédiatement, dès que la sentence est portée (latae sententiae) réservée au saint siège, et la privation perpétuelle de tout droit de nommer, d’élire, de recommander, et de suspendre (canon 2392).   La peine de la simonie pour l’élévation aux ordres ou l’usage d’autres sacrements est la suspicion d’hérésie réservée au saint siège (canon 2371).

 2338- Quand les peines canoniques pour la simonie ne s’appliquent pas.  La simonie purement mentale n’est pas sujette aux peines ecclésiastiques, puisque l’Église ne porte pas de jugement sur les actes internes. Mais cela ne diminue  en rien  un péché qui reste grave aux yeux de Dieu.  La simonie externe est sujette aux peines ecclésiastiques, mais les canonistes discutent sur le  sens de certains canons.  Par exemple, si seule la simonie réelle est punie (latae sententiae), dès que la sentence est portée; si les peines des canons 729 et 2392 s’appliquent uniquement à la simonie contraire à la loi divine, ou aussi à celle qui est contraire à la loi ecclésiale.

2339- L’influence de la simonie sur les effets spirituels.  Les effets sur le pouvoir des ordres.  Les sacrements administrés par un simoniaque  sont valides, car la loi n’annule que le contrat fait au sujet du sacrement, non le sacrement lui-même.   Il semble aussi que dans le cas des sacramentaux (comme de simples bénédictions) la bénédiction n’est pas annulée par la vente d’un article, pourvu que le prix ne soit demandé que pour l’objet et non pour la bénédiction. Un objet béni et consacré perd sa bénédiction ou sa consécration quand il est mis en vente (canon 1305).

Les effets du pouvoir de juridiction.   Les actes de juridiction sont valides en dépit de la simonie, à moins d’indication contraire.   Les indulgences sont perdues (ipso facto) par le fait-même, si on prend quelque chose de temporel pour un objet indulgencié (canon 924).  Même simoniaque, la profession religieuse est valide, semble-t-il.

2340- La restitution d’un bien temporel reçu pour un bien spirituel.  Si le contrat simoniaque est semi réel (si la chose spirituelle n’a pas été reçue), le prix doit être retourné, car, nous avons là le cas d’un contrat immoral et  inexécuté (1878, d).  Si le contrat simoniaque est réel (si la chose spirituelle a été reçue), il faudrait retourner le prix, car ce cas en est un de justice commutative, un prix temporel étant pris pour une chose (une bénédiction)  qui n’a pas de prix temporel; ou pour un service que quelqu’un devait offrir gratuitement (le sermon d’un curé).  Mais si un service n’était pas obligatoire, il n’y a pas, selon certains, de devoir de restitution, si la chose spirituelle ne peut être restaurée (quand quelqu’un a reçu de l’argent pour une messe déjà payée, ou a demandé un prix excessif pour exercer une fonction sacrée.)

2341- Restitution d’un prix  temporel reçu pour des choses temporelles annexées aux spirituelles.    La restitution est obligatoire dans les cas suivants.  Quand la justice commutative est violée, comme quand on demande, pour un cierge ou un rosaire bénis,  un montant supérieur à celui du marché, ou au juste prix; ou quand quelqu’un, par la crainte ou la force, contraint  quelqu’un à échanger un calice pour un ciboire; quand la loi ou la sentence du juge impose une restitution ou une peine pour une offense, comme quand, pour de l’argent, quelqu’un a renoncé à son bénéfice en faveur d’une autre personne.

2342- Les circonstances de la restitution pour simonie.   Le temps de la restitution. Si la simonie est contraire à la loi naturelle, la restitution est due avant la sentence.  Si elle n’est contraire qu’à la loi ecclésiale, la restitution n’est due qu’après la sentence.   La personne à laquelle  la restitution doit être faite. On devrait donner une satisfaction au propriétaire ou à la partie lésée (à la personne qui a été obligée de payer en argent pour une bénédiction); ou, si cela est impossible, aux pauvres ou à des œuvres de charité.  Les revenus dérivés d’un bénéfice obtenu par simonie devraient être retournés à l’église à laquelle le bénéfice appartient, --à moins ce que ce soit une chose avantageuse aux coupables,--- ou de préférence à la charité, à la religion, ou à celui qui succède dans le bénéfice.    Excuses de restitution. L’impossibilité, l’acquittement, ou la permission de l’Église dispensent du devoir de restitution.

2343- La restitution d’une chose spirituelle reçue en simonie.  On doit retourner, même avant la sentence, une chose spirituelle reçue de façon simoniaque (canon 729, 1). Ainsi, si c’est un bénéfice, un poste ou une dignité qui a été obtenu ou conféré grâce à la simonie, il faut y renoncer.  La partie coupable ne peut pas non plus en garder les fruits, à moins qu’elle ne soit de bonne foi et qu’elle en ait reçu la permission. Si le bien spirituel est quelque chose d’autre qu’un bénéfice, il faudrait également y renoncer, pourvu qu’il soit retournable (il est impossible de rendre un sacrement reçu, ou une consécration donnée dans une église), et que la restitution ne cause pas d’irrévérence (ce serait pécher contre la révérence envers les choses sacrées de rendre au vendeur des objets bénis ou des reliques, s’il a l’intention de les profaner).
 
 
 
 

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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction

Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.

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