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John A. McHugh, o.p. - Charles J. Callan, o.p.
THEOLOGIE MORALE un cours complet selon saint Thomas d'Aquin et les meilleurs auteurs modernes

Imprimatur Francis cardinal Spellman, Archbishop of New York, New York, May 24, 1958
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ARTICLE 7
LA VERTU DE FORCE
(somme théologique IIa-IIae qq 123-140)

 2437- La vertu de force.  Cette vertu vient tout de suite après la justice, et avant la tempérance.  La prudence revendique plus de bonté parce qu’elle a affaire directement à la raison, le bien essentiel de l’homme.  La justice suit parce qu’elle réalise les dictats de la raison dans les affaires humaines.  Les autres vertus assurent le  règne de la raison contre la rébellion des passions : la force réprime la peur, le très grand ennemi de la raison, et la tempérance subjugue le plaisir, lequel est, après la peur, le plus grand ennemi de la raison humaine (157, 1627, 1688).  La force est plus noble que la tempérance, parce qu’elle est  plus étroitement reliée à la raison. C’est la vertu la plus difficile à pratiquer, parce qu’il est plus difficile de supporter la souffrance que de s’abstenir du plaisir.

 2438- La force en général.  La force (étymologiquement, puissance, vigueur, fermeté) au sens général, est une qualité morale qui rend une personne inébranlable face au danger ou à la difficulté.  Elle a plusieurs sens.  Elle est utilisée pour un semblant de vertu,  qui a l’acte mais non ce que requiert une vertu morale (la connaissance, le libre choix).  Ainsi certains sont braves par ignorance ou manque de réflexion, parce qu’ils n’ont pas le sens du danger  (les drogués), ou parce qu’ils ont pris l’habitude d’agir sans réfléchir, ou parce que plusieurs succès leur ont monté à la tête.  D’autres sont braves par respect humain, parce que la poltronnerie ou la lâcheté est sévèrement punie; ou par passion parce qu’ils sont rendus hors d’eux-mêmes par la souffrance, la colère ou la convoitise.  On l’emploie pour désigner une vertu à l’état frustre, ou une aptitude naturelle à soutenir une attaque ou à affronter un danger.  Ainsi, certains sont ainsi bâtis que la pensée du risque, de la souffrance ou de la mort ne les affecte pas véritablement  (impavidité, intrépidité), mais les attire ou les stimule (l’audace, la témérité).  Cette sorte de bravoure corporelle est une préparation ou une prédisposition au courage moral.

 La force est aussi le nom d’une vertu générale ou plutôt d’une condition générale qui doit se trouver dans chaque vertu.  Parce qu’il n’y a pas de vertu sans fermeté et persistance dans le bien, comme le mot vertu (force)  lui-même l’indique. Ainsi, on ne peut pas dire d’une personne qui est faiblement encline à la tempérance, et   qui n’oppose pas de forte résistance à la tentation, qu’elle possède la vertu de tempérance.  Finalement, la force est le nom d’une vertu spéciale, qui confère et de la vigueur et de la persévérance dans les épreuves, les périls et les souffrances, dans tout ce qui menace ou inflige des maux sévères.  Ce n’est pas de cette force-là dont nous parlons maintenant.

 2439- La définition de la force. On définit la force comme une vertu qui, face aux plus grands maux, modère les passions de la peur et de la confiance dans les limites dictées par la droite raison. L’objet premier de la force ce sont les passions qui font que  l’appétit sensible  est attiré ou repoussé par un objet placé devant lui comme bon ou mauvais, agréable ou désagréable,   La justice porte sur les opérations, la force et la tempérance sur les passions (1709).  Les passions qui relèvent surtout de la force sont la crainte et la confiance.  Et ainsi, elle est séparée de la tempérance qui traite des passions du plaisir.  La force a à faire avec ce qui est  désagréable aux sens;  la tempérance, avec ce qui leur est agréable.   La peur est une perturbation de l’âme produite par l’imminence d’un mal externe, auquel on ne peut pas facilement échapper.   La confiance est un sentiment d’autosuffisance qui pousse quelqu’un à affronter ou à attaquer un mal qui nous menace.  La fonction de la force est de modérer la peur et la confiance, ou de les garder dans le juste milieu entre l’excès et le défaut.  Les passions en elles-mêmes ne sont point mauvaises, mais elles ont besoin d’être régulées (121, 122).   En conséquence, sans la vertu de force quelqu’un devient poltron ou téméraire.   La force agit quand elle a à faire face aux plus grands maux, même quand se présente la mort, le plus grand des maux corporels et la tereur  des terreurs.  La vertu est l’acte d’un homme parfait.  Nous n’attribuons donc pas la force à un homme qui n’a de bravoure que pour ce qui est peu redoutable, ou pas du tout (se faire arracher une dent ou piquer un doigt).  La régulation droite de la peur origine donc de bonnes qualités différentes, selon la sorte d’objet qui inspire l’alarme.  A la force au sens strict, s’il est question du mal naturel suprême (la mort); à la force au sens large, s’il est question de maux corporels moins grands (coups, blessures); à une autre vertu, s’il est question d’autres sortes de maux (la libéralité régule la peur de perdre de l’argent).

 Le motif de la force est la conformité avec la droite  raison. L’homme courageux méprise le danger parce qu’il ne veut pas être en reste avec la vertu, et parce qu’il a pour but Dieu et la vraie béatitude.  La force s’exerce donc vraiment seulement quand quelqu’un est courageux pour une bonne cause : le but de l’action et la fin de l’agent doivent être vertueux.  Le but de la bravoure est vertueux quand c’est le bien commun (les soldats qui se battent pour défendre leur pays), ou le bien d’une vertu particulière (un juge qui milite pour la justice, une vierge pour la pureté, un martyr pour la religion).  Le but d’un homme brave est bon quand il accomplit un acte indifférent pour pratiquer la vertu (veiller sur quelqu’un lors d’une épidémie de peste à cause de l’amitié; entreprendre un voyage dangereux pour faire un pèlerinage). Mais ce n’est pas la force  qu’on pratique si la bravoure n’a rien à voir avec la vertu (l’imperturbabilité pendant une maladie ou un naufrage d’une personne qui a décidé de se suicider); ou si elle est opposée à la vertu (l’audace et le sang froid d’un pirate, d’un bandit, d’un tueur à gage ou d’un duelliste).  Prendre le risque d’une mort ignoble avec panache n’est pas de la vertu.

 2440- Les deux actes de la force.  La modération de la peur est suivie de l’endurance et de la fermeté au milieu du danger, comme dans le cas des martyrs.   Cet acte, dans le langage courant, porte le nom de courage. Il n’est pas exact de parler d’une résistance passive ou d’un courage passif.   Par elle, en effet, aucun acte externe n’est produit.  Mais cela est du à une résolution interne plus intense et à la maîtrise de soi, comme le refus d’accepter la défaite, de sacrifier des principes, ou de faire la paix avec le mal.  L’endurance à supporter n’est donc pas la même chose que l’indifférence ou l’apathie stoïque.  La modération de la confiance est suivie, quand les circonstances le demandent, par une attaque prudente;  ou même, quand le discernement est la meilleure partie de la valeur, par la retraite, comme cela se passe à la guerre.   Un homme vraiment brave ne craint pas qu’on l’appelle un lâche, et, en conséquence, il n’avancera pas quand la raison l’interdit, ni n’hésitera à se retirer quand la raison le commandera.  L’endurance courageuse  est un acte de force  plus noble qu’une attaque courageuse, car l’endurance se bat contre une force supérieure, tandis que l’attaque est engendrée par l’enivrement de la puissance, l’objet de crainte étant encore distant, été sa ruée est rapide et passagère (Prov XV1, 32).  C’est pourquoi ceux qui manifestent du courage en attaquant ne se montrent pas toujours courageux quand ils sont attaqués.  Mais les deux actes sont nobles, et chacun est nécessaire en son temps.

 2441- L’excellence de la force.  Son rang.  La force est l’une des quatre vertus principales ou cardinales.   Une vertu principale en est une qui exerce, dans les plus difficiles circonstances, une des quatre qualités que chaque vertu morale doit avoir.  Ces qualités sont la fermeté (car chaque vertu est une habitude ou une qualité fortement enracinée), la rectitude (puisque chaque vertu incline vers le bien comme ce qui est droit ou obligatoire), la modération (puisque la vertu est morale, c’est-à-dire qu’elle tire ses normes de la raison), et la discrétion ou le discernement (puisque les bonnes inclinations doivent recevoir une vraie direction).  La rectitude dans les relations avec autrui  est très difficile à cause de l’amour-propre, ainsi que la modération dans la gouverne des appétits,  et le discernement dans la conduite de ses actions.  Mais la fermeté est plus difficile en présence des plus grands dangers,  En conséquence, avec la justice, la tempérance et la prudence, il faut associer la force comme l’une des plus importantes de toutes les vertus.  Ces quatre vertus importantes sont aussi appelées cardinales (du mot latin cardo  gond), parce que toute la vertu morale pivote autour d’elles. Ainsi, bien que les périls de mort soient plutôt rares, les occasions de ces périls sont communes, et chacun est constamment incité à exercer la vertu de force (être toujours prêt à supporter toutes les épreuves plutôt que de renoncer à la justice, la pureté ou la religion).

 Son utilité.  La force a une utilité générale particulière, car elle se trouve à être avantageuses partout.  Ainsi, on admire les braves et les justes en temps de paix et de guerre, tandis que ceux qui pratiquent la vertu de libéralité ne servent que dans certaines occasions.   La force est comme une tour fortifiée, ou comme une armée qui protège les autres vertus;  et on fait sans cesse appel à elle.   La vie de l’homme est un combat (Job V11, 1), et il faut un esprit viril pour lutter contre les tentations, les injustices, les infirmités, et les pièges qui menacent la vertu.  Sans la force, donc, personne ne peut se sauver, car le royaume des dieux n’est conquis que par les violents (Matt. X1, 12); et seuls ceux qui combattent seront couronnés (11 Tim 11, 5).

 2442- Le martyre. Comme le jugement est l’acte principal de la justice (1727), ainsi le martyre est l’acte principal de la force, et, dans un sens, le plus parfait de tous les actes.   Car on définit le martyre comme l’acceptation volontaire, pour l’amour de Dieu, d’une mort violente infligée à cause de la haine de la vertu. Le martyre appartient à la force, car c’est elle qui le produit.  Il appartient à l’amour de Dieu, car c’est lui qui le commande (1Cor X111, 13).  Il appartient à la foi, car c’est elle qui l’attire.  Si on ne le  regarde qu’en tant qu’acte de courage, il peut être inférieur  à d’autres actes, puisque la force n’est pas la vertu la plus haute; et les biens pour lesquels le martyr a été martyrisé sont préférables au martyre lui-même.  Ainsi, intérieurement, il a la charité pour fin, et il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour son prochain  (Jn XV, 13).  C’est le plus grand signe d’amour de Dieu.  Extérieurement, c’est une profession de foi dans la supériorité des biens invisibles et  futurs sur les visibles et les présents.  Et aucune preuve plus efficace de la foi ne peut être donnée que le martyre. (Job 11, 4; 11 Cor 1V, 2).

 2443- Les sortes de martyre. On emploie souvent le mot martyre au sens large et avec inexactitude.  Voici quelles sont donc les différentes sortes de martyre.  Le faux martyre est la mort soufferte pour une mauvaise cause, quand quelqu’un meurt pour témoigner en faveur de principes ou de doctrines erronées (pour l’anarchie).  Le martyre est le témoignage du sang donné à la vérité, non à l’erreur.  Et ainsi, ce n’est pas la souffrance, mais la cause qui fait le martyr.   Un martyre impropre est la mort soufferte pour un bien purement naturel, comme quand quelqu’un meurt pour la cause de la science, ou d’un parti politique, ou pour des vérités divines naturelles, mais sans motif religieux.  Un martyre vrai, qui n’est pas la vertu mais le couronnement du martyre, est la mort infligée à un enfant en haine du Christ, comme cela s’est passé pour les saints innocents.  C’est, pour les enfants, un baptême de sang qui est comme un substitut de la vertu des adultes, et qui prend la place du baptême d’eau (Matt. X, 39).   La vertu du martyre aux yeux de Dieu (le martyre théologique), se trouve soit dans le désir, soit dans l’acte.  Le martyre de désir, qui est un désir de mourir pour Dieu, peut avoir la même gloire essentielle que le martyre en acte.  Mais il lui manque la gloire accidentelle, puisqu’il ne subit pas réellement l’épreuve (89-93).   Le martyre en acte,  lequel est une souffrance externe endurée  au nom de la justice, a trois degrés.   Son plus bas degré est une souffrance à laquelle manque l’une ou l’autre des conditions essentielles (2444)  pour l’autosacrifice suprême (le martyre imparfait).  Le degré plus élevé  a toutes les conditions essentielles (le martyre parfait), tandis que le degré le plus haut a aussi les accidents les plus souhaitables pour le martyre (le martyre complet). La vertu du martyre aux yeux de l’Église (le martyre canonique),  est ce qui, en plus des conditions d’un vrai martyre, possède aussi les indications externes qui prouvent son existence et son caractère.

 2444- Les conditions du martyre. Puisque le martyre est une vertu et le témoignage suprême, il doit avoir les conditions suivantes.  La cause du martyre doit être la foi (persécution parce que le martyre est un catholique), ou une vertu contenant une profession de foi, en autant qu’on prend, pour Dieu,  la défense d’un bien divin (la chasteté) ou d’un bien humain (la vérité de la science, la défense du pays).   Le persécuteur doit être motivé par la haine de la vertu.  Mais il n’est pas nécessaire qu’il soit un incroyant, ou qu’il avoue que sa haine de la vertu est la cause de la persécution, ou que ce soit lui qui prononce la sentence de mort ou qui l’exécute.  Le martyr doit accepter le martyre volontairement (une intention actuelle ou virtuelle suffit, et peut être aussi habituelle).  Il doit être innocent du crime qui a provoqué la sentence de condamnation à mort; et il doit être en état de grâce, ou au moins repentant.   Il doit mourir pour un motif vertueux.  Pas pour la vaine gloire, pas par désespoir, ou pour toute autre raison. Quelques moralistes font de la non résistance une condition pour ce qu’on appelle le martyre parfait; alors que d’autres en font une condition pour ce que nous appelons le martyre complet.   Selon la première opinion, les croisés ou les autres soldats qui sont morts pour une cause juste,  ne peuvent pas recevoir le nom de martyrs de la religion;  mais, selon la seconde opinion, ils peuvent prendre rang parmi les martyrs.   La peine infligée aux martyrs doit être la mort, instantanée (comme dans la décapitation), ou retardée (comme une mort par la faim graduée, la mort par un empoisonnement lent, par des blessures mortelles, par un emprisonnement). En conséquence, ceux qui n’ont pas été tués mais ont été torturés, mutilés ou emprisonnés (saint Jean l’évangéliste), sont des confesseurs de la foi, mais des martyrs, seulement dans un sens imparfait.  Il y a des moralistes qui pensent que la souffrance est nécessaire au martyre parfait, et qu’en conséquence, ceux qui ont été mis à mort sans souffrir ne sont pas des martyrs au sens strict.   Mais d’autres, avec de meilleures raisons semble-t-il, s’opposent à cela.  Ceux qui n’ont pas été tués (ceux qui meurent d’une maladie contagieuse contractée en allant soigner les malades, ou provenant de leurs austérités), ou qui se sont tués eux-mêmes (ou les circoncellions qui pensaient conquérir le martre par le suicide) ne sont pas des martyrs (1856, sainte Apollonia et sainte Pélagie)
 
 

 2445- Des questions pratiques au sujet du martyre.   Le désir du martyre.  Est requis pour le salut le désir général ou la volonté de subir  le martyre, si la nécessité se présente (1 Jn 111, 16; Rom X, 10).  Hors le cas de nécessité, le désir général du martyre n’est pas un précepte, parce que  le martyre est un acte qui tient à la  perfection.  Ce désir est un conseil évangélique, puisque le Christ nous y incite (1 Pi 11, 2), et plusieurs saints ont prié pour obtenir la grâce du martyre.    Le choix du martyre. En règle générale, il n’est pas permis de se présenter de sa propre volonté pour être martyrisé, car cela donne au tyran une occasion de commettre une injustice, et, en général, il n’y a pas de raisons suffisantes d’ordre privé ou public qui autorisent ce péché (103 suiv).  Exceptionnellement, cela est permis quand il n’y a pas de danger que quelqu’un soit vaincu par les supplices, et quand il y a des raisons urgentes pour justifier cet acte, comme la gloire de Dieu ou la paix des fidèles.

 La provocation du martyre. En règle générale, il n’est pas permis de provoquer une persécution en détruisant des idoles,  puisque, normalement, ce geste rendra quelqu’un coupable de complicité et de présomption.  Mais il y a des cas exceptionnels, comme quand le bien des âmes demande qu’on attaque les choses mauvaises (Dan X1V, 26; Matt. X1V, 3,4).  On ne peut pas cependant donner au seul fait de vivre vertueusement  le nom de provocation de persécution (Tob, V111, 9), ni au fait de  tancer un persécuteur après avoir été arrêté (11 Macc. V111, 15-17; Act V11, 51-54).  La fuite du martyre. La fuite est parfois coupable, parfois obligatoire, parfois optionnelle, selon les circonstances, comme nous l’avons expliqué plus haut (1005, 1006).

 2446- Les péchés opposés à la force.  Le nombre.  Il y a quatre vices opposés à la force, deux par excès, deux par défaut, selon que la peur et la confiance ne sont pas régulés,  conformément à  leur désir de modération,  d’après le temps, le lieu, la personne, la manière, et autres circonstances. Celui qui a peur quand il ne le devrait pas est un  timoré (celui qui se suicide parce qu’il craint les épreuves et les soucis; celui qui néglige la religion par respect humain).  Celui qui ne craint pas quand il le pourrait et le devrait est imperturbable (celui qui s’expose au danger de mort pour le plaisir de la chose).  Celui qui n’ose pas quand il le pourrait et le devrait est un poltron (un supérieur qui ne corrige pas un sujet quand il le devrait).  Celui qui ose quand il ne devrait pas est téméraire (un supérieur qui corrige quand il n’y a aucune chance d’un bon résultat).

 Ces péchés, par nature, sont véniels, puisque un excès ou un défaut dans les émotions, lesquelles sont en elles-mêmes indifférentes, ne représente pas un désordre sérieux.   Mais ils deviennent mortels s’ils conduisent à un mal grave (si, par peur de persécution, quelqu’un devient un païen), ou à un grand danger (si, par une folle imprudence, quelqu’un s’expose à la mort ou à la mutilation).  L’insensibilité et la témérité ont pour cause l’orgueil et la vaine gloire, le mépris de la vie ou de la force des autres.   La timidité ou la couardise  diminuent la responsabilité, même si elles ne l’enlèvent pas.

 2447- Les parties de la force.  Comme nous avons dit plus haut, les parties d’une vertu sont subjectives, intégrales et potentielles (1635, 1636).  La force n’a pas de parties subjectives, car elle porte sur une matière très spécialisée, à savoir, le danger de mort.  Et, en conséquence, il n’y a pas de place pour des différences d’espièces, bien qu’il y ait des différences de degrés (il  faut un plus grand courage pour faire face à une mort ignominieuse ou cruelle (Jésus) que pour affronter la mort au milieu des ovations, ou avec peu de souffrances (Socrate).  Les parties intégrales de la force sont celles qui, face au plus grand danger,  sont nécessaires pour le parfait fonctionnement de ses devoirs.  Or, le premier acte de la force, l’attaque, requiert une grandeur d’âme (qui fait que quelqu’un aime les meilleures choses et méprise tout ce qui leur est opposé), et une grandeur dans l’action elle-même (qui fait accomplir généreusement ce qui avait été noblement entrepris).   Le second acte de la force, l’endurance, requiert de la patience (que l’âme ne soit pas terrassée par les difficultés), et la persévérance (que l’âme ne soit pas détournée de son projet ou découragée  par une opposition  incessante).

 Les parties potentielles de la force sont les quatre déjà citées, mais pratiquées face  à des dangers mineurs. 2448- La grandeur d’âme ou la magnanimité est une vertu qui incite quelqu’un à aspirer à l’excellence dans les choses très honorables, mais à estimer les honneurs et en user avec modération.  Le premier acte de cette vertu est l’aspiration.  Il désire le plus haut degré de toutes les vertus, les choses très difficiles et qui satisfont un esprit  généreux et noble, comme une grande austérité, un grand labeur, un grand sacrifice etc.   Ainsi, elle ressemble à la force, car les deux vertus s’exercent dans des circonstances difficiles. Le second acte de la vertu est la modération. Elle estime les honneurs à leur vraie valeur, car elle s’applique grandement à obtenir les plus grands honneurs (une bonne réputation devant Dieu et devant les hommes), sachant qu’ils sont solides et durables.  Mais elle s’intéresse moins aux honneurs de moindre valeur (l’estime et les applaudissements du monde), sachant qu’ils sont éphémères et évanescents, et qu’ils sont le partage aussi bien des bons que des méchants.  En conséquence, les magnanimes  ne sont pas exaltés par la prospérité, ni abattus par l’adversité.  Cette vertu diffère de la force, puisque la force porte sur les dangers, chose désagréable, tandis que la magnanimité vise les honneurs, chose plaisante.

 2449- Comparaison entre la magnanimité et l’humilité.  La magnanimité et l’humilité sont différentes mais non contraires.  Ainsi, la grandeur d’âme fait que quelqu’un se juge digne de grandes choses, quand il en est vraiment digne, en raison des dons que Dieu lui a octroyés (Luc 1, 46). En conséquence, les magnanimes font passer le bien avant l’utile, et ils ne se préoccupent pas indument de ce qui est de peu de valeur.  Ils sont lents à demander des faveurs, et prompts  à en accorder.  Ils ne se laissent pas vaincre en générosité,  ne sont  pas obséquieux, et  ne se montrent familiers qu’avec leurs amis.  Mais, s’ils sont vraiment magnanimes, ils sont humbles aussi, sachant que le bien vient de Dieu, et que d’eux-mêmes ils sont faibles et pécheurs.   La magnanimité rend quelqu’un supérieur aux choses viles, car elle fait détester tout ce qui ne conviendrait pas aux dons reçus de Dieu.  En conséquence, comme le dit saint Thomas, le magnanime ne fait pas étalage de ses idéaux; il ne s’immisce  pas de lui-même dans les places ou les postes d’honneur.  Il ne se plaint  ni ne se souvient des offenses. Il n’est pas hautain avec les inférieurs, mais amène et compréhensif; avec tous, il  est calme et tranquille.  Il parle avec sincérité, et n’est porté ni à trop louer ni à trop blâmer.  Mais, bien que le noble méprise tout ce qui est mesquin, il n’est pas orgueilleux.  Il peut donc voir le bien qui est dans les autres, et porter du respect à ceux qui lui sont supérieurs.

 2450 Les vices opposés à la grandeur d’âme par excès.  Les vices opposés à la grandeur d’âme par excès se trouvent dans le désir des grands exploits, d’honneur et de réputation quand, où et de la façon dont on ne doit pas les désirer.   Un désir excessif de prouesses et de grands exploits est de la présomption, laquelle cherche à obtenir de plus grandes choses que celles qu’elle peut faire (1075).   Cela arrive chez les personnes ambitieuses qui surestiment leurs capacités, assumant des postes qu’ils sont incapables de remplir, ou exerçant des pouvoirs sans mandat. Cela arrive aussi chez les gens du peuple qui attribuent à leur caractère ou à leur habilité des avantages fortuits comme la santé ou la naissance.  La présomption est un péché mortel quand sa cause est un péché grave (le manque de foi), ou quand ses effets sont vraiment nocifs (comme quand un ignorant prétend pouvoir enseigner ou pratiquer la médicine; quand quelqu’un qui est très faible, a la présomption de se mettre dans une occasion de péché).  Il n’y a pas de péché si, de bonne foi, on vise trop hau, ou à cause d’une ignorance non coupable.

Le désir excessif des honneurs (2010, 2011, 2351) est l’ambition, ou une envie désordonnée des distinctions et des louanges.  Le magnanime désire les honneurs quand ils sont dus, ou pour une juste raison, comme la gloire de Dieu ou l’avantage du prochain (Matt. XV, 16; Hébr. V, 4).  L’ambitieux, au contraire, cherche à être honoré plus qu’il ne le mérite (un ignorant aspire à des degré académiques; un tyran cherche à être respecté à cause de sa tyrannie;  un inférieur cherche à se maintenir perpétuellement  dans des postes électifs temporaires; un riche ou un athlète désire obtenir une gloire supérieure à celle que méritent les hommes éminents pour leur savoir ou leur vertu).  Ou ils courent après les honneurs, comme les Pharisiens qui aimaient les premières places dans les banquets,  les premiers bancs dans les synagogues, et les salutations sur la place publique, et à être appelés Rabbi (Matt. XX111, 7; i Tim 111, 1; Matt. XX, XXV).  Étant un désir excessif d’une chose indifférente, ce péché n’est pas en soit mortel, mais il peut le devenir par une cause qui est sérieusement mauvaise (si toute la vie de quelqu’un n’est qu’une course aux honneurs), ou par un résultat qui est sérieusement nuisible (si quelqu’un commet ou est prêt à commettre une injustice sérieuse ou un manque sérieux à la charité pour pouvoir obtenir une dignité convoitée).  L’ambition se guérit par la charité, car la charité n’est pas ambitieuse (1 Cor X111, 5; Gal V, 13).

La vanité est un désir excessif de louanges et de célébrité (2028, 2269).  Le magnanime désire que ses concitoyens aient une bonne opinion de lui (1575 suiv), mais il désire aussi que sa bonne réputation soit bien fondée; et son mobile est la gloire de Dieu et le salut des âmes.   Le vaniteux, au contraire, est désireux d’une admiration et de louanges qu’il n’a pas méritées (ceux qui veulent recevoir des louanges pour des vertus qu’ils ne possèdent pas), ou qui sont sans valeur (ceux qui veulent plaire par leur apparence extérieure, qui veulent apparaître savants au yeux des ignorants, ou qui feraient tout pour être connus), ou qui, sans raison suffisante,  cherchent à être admirés (ceux qui se font de la publicité pour leur propre gloire).  La vanité, comme l’ambition, n’est  par elle-même qu’un péché véniel, qui peut devenir mortel en raison de sa cause (quand le motif est de cacher des crimes planifiés), ou ses résultats (quand le désir d’être fameux fait que quelqu’un se targue de ses crimes, ou refuse de réparer les offenses faites à d’autres, ou néglige l’honneur à rendre à Dieu), ou sa matière (quand quelqu’une tire  vanité d’une injustice habilement filoutée). La vanité est l’un des péchés capitaux (268), car c’est l’un des motifs qui poussent souvent l’homme à commettre un péché, puisque tous désirent l’excellence. Et, en conséquence, l’amour de la gloire est un des plus grands incitatifs à l’action.  L’ambition elle-même convoite les honneurs à cause de la gloire qu’ils apportent.  La progéniture de la vanité comprend les péchés par lesquels l’homme cherche illégalement à faire parade de ses talents, à prouver qu’il n’est pas inférieur, et  à obtenir ainsi popularité et gloire.   Dans la première classe, se trouve la divulgation, par des paroles ou des actes,  des exploits réels ou prétendus (l’hypocrisie vantarde), la culture des nouveautés et des excentricités faites pour attirer l’attention (comme la singularité dans les opinions, la prononciation et le vêtement etc).

Dans la dernière classe, il y a des péchés de l’intelligence  qui font que l’on tient obstinément à ses propres vues (entêtement, opiniâtreté); des péchés de la volonté qui font qu’on résiste aux désirs des autres (la discorde); des péchés en paroles qui font que l’on conteste âprement (la grabuge); et les péchés d’action qui font que quelqu’un refuse de céder à quelqu’un qui est en autorité (désobéissance).

2451- Le vice opposé à la grandeur d’âme par défaut. Le péché opposé à la magnanimité par défaut est la pusillanimité, qui ne désire pas des grandes choses quand elle devrait les désirer.   La pusillanimité est un péché parce qu’elle exclut la noblesse de l’âme, provient d’une ignorance paresseuse de sa capacité et de sa valeur,  d’une fausse peur d’échouer, et aboutit à la perte des grandes choses qui auraient pu être faites pour Dieu et pour l’humanité. L’Écriture réprouve Jonas qui s’est dérobé à  la grande tâche que Dieu lui avait confiée (Jon 1, 1 suiv), et le serviteur timoré qui a enfoui son talent (Matt. XXv, 24).   On ne doit pas confondre la pusillanimité avec l’humilité, car l’humilité ne nourrit pas le désir immodéré et déraisonnable de l’excellence, tandis que la pusillanimité  réprime même le désir de grandeur qui est raisonnable et modéré.  En fait,  la mesquinerie ou la bassesse des sentiments peut s’associer avec l’orgueil en raison du refus obstiné de se charger de ce qui est commandé (Prov XXV1, 16).  Ainsi, Moïse et Jérémie montrèrent de l’humilité par les peurs qu’alimentait leur indignité (Exod 111, 2; Jér 1m 6).  Mais ils auraient péché par pusillanimité et aussi par orgueil si, à cause d’elles, ils avaient repoussé la charge que Dieu leur confiait.

La pusillanimité est par elle-même un péché véniel (2450), mais elle peut devenir mortelle en raison de la matière ou des conséquences, comme quand quelqu’un est si auto dépréciateur qu’il néglige de graves obligations de corriger des abus.   Elle est essentiellement plus mauvaise que la présomption, car elle détourne quelqu’un des choses et des entreprises qui sont nobles.  Elle est donc plus qu’elle  opposée à la magnanimité,  Mais radicalement la présomption est pire, parce qu’elle est issue de l’orgueil (Eccl XXXV11, 3). La peur d’entreprendre de grandes choses n’est parfois pas du tout un péché, comme quand elle est due à une ignorance non coupable de ce qu’on l’on peut faire ou de ce que l’on mérite, à une frousse qui éclipse le jugement, ou d’une maladie corporelle, ou d’un sens d’infériorité causé par l’éducation, une répression excessive, ou une habitude (Col 111, 21).

2452- La grandeur de l’action. La grandeur de l’action est l’exécution de grandes choses auxquelles quelqu’un est attiré par grandeur d’âme.  La vertu en est une générale, si elle  inclut n’importe quelle sorte de performances. Elle est spéciale si on la restreint à la générosité princière dans la dépense de larges sommes d’argent pour de grandes œuvres (la vertu de magnanimité ou de munificence).  Le munificent dépense de larges sommes de son propre argent pour le culte divin (construction d’églises, de monastères), et pour le bien commun (construction d’écoles, d’hôpitaux).   Cette vertu ressemble à la force par la grandeur de ses accomplissements; mais elle est inférieure à la force, car elle ne porte pas sur le sacrifice de soi,  mais des biens. Les mécènes et les généreux parons de la religion sont parmi les plus grands bienfaiteurs de l’humanité, car, sans eux, les meilleures choses languiraient faute de support.   Les vices opposés à cette vertu sont, par défaut,  la mesquinerie, et par excès la vulgarité. Le mesquin est incapable de faire des choses sur une grande échelle; il préfère ruiner  un travail noble plutôt que de faire les dépenses qui s’imposent (après avoir tracé le plan d’une belle église, il va le gâcher  en utilisant des matériaux de qualité douteuse.  Le vulgaire, au contraire, est avide d’ostentation, de grosses dépenses là où ça ne vaut pas la peine.  Il se montre libéral pour des travaux sans importance (ses besoins personnels de confort), ou il gaspille son argent dans de grandes œuvres dont on n’a nul besoin.  Comme quand il surcharge sa résidence d’ornementations de mauvais goût, ou quand, pour jeter de la poudre aux yeux,  son déjeuner de noces  est servi avec une profusion extravagante de mets et un  gaspillage éhonté.   Par eux-mêmes, ces péchés sont véniels, mais ils peuvent devenir mortels en raison des circonstances.   La munificence est la vertu du riche, mais les pauvres peuvent eux aussi, à cause de leur bonne intention,  avoir le mérite de cette vertu, surtout quand, selon leurs moyens, ils se montrent libéraux envers les grandes entreprises.

2453- La patience.  La patience est une vertu qui, par son amour de la modération, contrôle la tristesse causée par les afflictions présentes, au point qu’elle ne trouble pas excessivement les puissances internes de l’âme, ni ne produit rien de désordonné dans la conduite externe.  Elle diffère donc de ce qui suit.  De la tempérance, car, bien que la tempérance régule elle aussi la tristesse, la tristesse dont elle s’occupe est causée par les plaisirs, tandis que celle dont s’occupe la patience est causée par la présence de maux, surtout de ceux qui proviennent des ennuis que les autres nous causent.   Elle diffère de l’endurance ou de la force, car la force régule la peur de la mort, tandis que la patience, la tristesse causée par des maux de toute sorte, comme la maladie, le deuil, la perte de l’argent, la persécution.  Elle diffère de la  persévérance et de la constance, car la matière de ces vertus est un bien qui ne peut être obtenu que par une longue attente, ou qui doit être continuellement exercé, tandis que la matière de la patience est un mal que l’on doit endurer dans le présent.   Mais puisque le retard d’un bien désiré cause de la tristesse (Prov X111, 12), et puisque la continuation d’un bien finit par ennuyer, la persévérance et la constance sont incluses toutes les deux dans la patience.

2454- La grandeur de la patience. Son rang.  La patience vaut moins que les vertus théologales, et est également inférieure à la force et à la tempérance, les quels protègent contre les plus grands obstacles qui sont mis  à la bonté.  Car le rôle de la patience est seulement de préserver quelqu’un des petits empêchements, comme les adversités ordinaires de la vie. Mais, d’un autre côté, la patience est une partie de la force, une partie potentielle parce qu’elle ne va pas jusqu’à  l’héroïsme suprême de la force.  Elle en est une partie intégrale parce que le courage en face de la mort est bonifié par la sérénité que procure la patience.

Sa nécessité.  La patience est une vertu très utile.  Sans elle, on ne peut pas continuer à marcher longtemps sur le chemin de la vertu, à cause des nombreuses épreuves que l’on rencontre (Hebr. X, 36).  Or, avec elle, les ennemis des autres vertus sont anéantis.   Et c’est pourquoi on l’appelle la racine et la gardienne de la vertu (Rom V, 3,4; Jac 1, 2-4; Luc Xv1, 19).   Mais, dans la patience, il y a des degrés.   Le plus bas est l’équanimité, qui n’offense Dieu ni en pensée, ni en parole, ni en action, même quand ont est durement éprouvé (Job 11, 7-10).  Un degré plus grand est la soumission  laquelle préfère l’adversité à la prospérité (Ps. CXV111, 71). Le degré le plus élevé est la joyeuse résignation qui fait qu’on sourit dans la souffrance, et qu’on se réjouit dans la tribulation (11 Cor X11, 10; V11, 4).

2455- Les vices opposés à la patience sont l’apathie, qui est une insensibilité brutale que ne trouble ni sa propre infortune ni celle des autres,  Ce n’est pas une vertu, mais une façon de vivre inhumaine et non naturelle, qui ne veut rien savoir de l’homme en tant qu’être sensible et raisonnable.  Le péché par excès dans la souffrance est l’impatience, qui se plaint avec excès dans les afflictions, ou qui manifeste un esprit rebelle par les regards, les paroles et les actions (Prov X1V, 17; Jud V111, 24, 25).  L’impassibilité et l’impatience sont par eux-mêmes des péchés véniels, qui peuvent devenir mortels en raison de certaines circonstances, comme quand l’homme impassible cause un grand scandale par ses actes sans cœur, ou quand l’impatient blasphème (2450, 2451). 2456-   La constance est une vertu qui est si convaincue de la bonté qu’il y a à continuer dans le droit que ne la fatigue ni la longueur du temps,  ni la répétition des efforts que requiert une bonne œuvre (la vertu de persistance ou de persévérance).  Elle  n’est pas découragée par l’opposition que rencontre toute bonne œuvre (la virilité), mais continue sans s’émouvoir, tant qu’elle n’est pas arrivée à la conclusion que demande la droite raison.

La vertu.  La constance appartient à la force, puisque l’essence des deux est la lutte contre la difficulté. Mais la constance lui est inférieure, parce qu’il est plus noble et plus héroïque de ne pas être  déboussolé par le péril de la mort que de ne pas être conquis par la pression exercée par la monotonie ou par l’opposition.   La constance est une vertu très importante, car  il ne sert à rien de bien commencer un travail si on ne le mène pas  à sa conclusion.  Sans elle, on met la main à la charrue, et on regarde en arrière (Luc 1X, 62); ou on commence à bâtir, mais on ne finit pas (Luc X1V, 30).  Avec elle, le travail commencé est couronné, la moisson sera récoltée (Gal V1, 9, 10); et le salut assuré (Matt. X, 22).  L’Écriture abonde en exhortations à la constance (1 Cor XV. 58; 11 Tim 111, 13; Eccl X1, 21, 22; V, 12; Jn V111, 31; Hébr X11, 7).   Mais la persévérance finale est un don spécial de Dieu (1 Pi V1, 10).

Les vices opposés. Le vice opposé à la constance par déficience est  la faiblesse, et par excès,  la pertinacité. La personne efféminée qui manque de l’énergie nécessaire pour poursuivre  un bien nécessaire, capitule devant  la lassitude ou les difficultés,  en abandonnant ce qu’elle a entrepris ou, se livre au mal (Matt. X1, 7,8).  L’opiniâtre continue dans la voie qu’il a choisie même quand la droite raison lui demande d’arrêter, comme quand quelqu’un a fait un vœu et ne désire pas accepter la dispense que nécessite un changement de circonstances.   Ces péchés sont véniels, à moins qu’ils aillent à l’encontre d’un grave devoir, comme quand une personne efféminée laisse tomber la résolution d’éviter une occasion très dangereuse de péché, ou quand un cabochard décide de jeûner pendant  toute la durée du carême,  tout en sachant que cela endommagera sérieusement sa santé.

2457- Les compléments de la force. Nous allons maintenant parler du don, de la béatitude et des fruits qui correspondent à la force (159, 2433).   Le don de force est un habitus infus qui rend les puissances  appétitives prêtes à répondre à l’encouragement du Saint Esprit, et les remplit d’un courage plus grand que le courage humain.  Ainsi, le don de force supplée à ce qui manque à la vertu de force.  La vertu est régulée par les règles et les normes de la prudence humaine, tandis que le don est inspiré par la présence et le commandement du Saint Esprit lui-même (Ps XL111, 4; XXV11, 2,3).  La vertu fortifie l’âme, mais le don soutien même les faiblesses de la chair, car l’Esprit aide notre infirmité (Rom V111, 26; Luc XX11, 43). La vertu aide à affronter les périls de mort, mais le don fortifie dans les difficultés qui se rencontrent dans la vie et à la mort, renforçant non seulement le courage, mais aussi les vertus alliées, comme la magnificence, la munificence, la patience et la persévérance, car nous pouvons tout en celui qui nous fortifie (Phil 1V, 13).  La vertu donne une ferme résolution d’adhérer au droit,  même devant la mort elle-même, tandis que le don donne une confiance inébranlable qu’on surmontera toutes les difficultés, et qu’on remportera  la couronne de la victoire (Rom 8, 31 et suiv).

La béatitude qui est l’exercice spécial du don de force est la huitième : bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la cause de la  justice, car le royaume des cieux est à eux (Matt. V, 10).  Le don de force fait que les persécutés éprouvent une grande confiance et une grande sécurité  dans  le combat qu’ils ont à mener;  et c’est un avant-goût de la récompense éternelle que procure ce don (Gen XV, 1; Rom V111, 18; Cor 1V, 17; Ps XC111, 19; Cor 1,1).  D’autres assignent à ce don la béatitude des doux, et de ceux qui ont faim et soif de justice.   Les fruits qui sont les plus appropriés ici sont la patience à supporter le malheur, et la persévérance dans l’attente du bien ou dans son accomplissement.   Car ce sont ces actes qui ajoutent la dernière touche de maturité à la force (2447, 2454, 2456).  Et dans leur état le plus excellent (2454), ils n’ont plus d’amertume, mais rien que de la douceur.

 2458- Les commandements de la force. Nous les trouvons dans l’ancien et dans le nouveau testament.  Dans l’ancien testament, nous trouvons des préceptes de bravoure dans les combats, comme dans le Deut XX, 3 : Ecoute, Israël. Tu vas combattre aujourd’hui contre tes ennemis. Que ton cœur ne soit pas épouvanté.  Ne crains pas, ne fuis  pas, ne les crains pas. Le nouveau testament commande le courage devant les ennemis spirituels.  Votre adversaire le démon tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer .Résistez-lui en étant forts dans la foi. (1 Pi V, 8).  Résistez au démon, et il s’enfuira (Jac 1V, 7).  Combattez  le bon combat (1 Tim V1, 12).  Elle commande aussi la force en présence des dangers corporels : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent pas tuer l’âme (Matt. X, 28).   Les vertus annexes sont de bonnes conseillères  (comme pour la magnanimité et le munificente) quand les préceptes inclinent l’âme à de ce qui est excellent et surabondant.   Elles sont commandées (comme dans le cas de la patience et de la persévérance), quand les rendent nécessaires certaines conditions de l’existence terrestre.  La magnanimité est recommandée dans l’invitation à être parfait (Matt. V, 48), à aimer Dieu avec plus d’ardeur (1560), et à suivre les conseils (364 suiv), et dans la louange accordée à l’excellente vertu de Noé (Gen V1, 9), ou de Jean-Baptiste (Matt. V1, 11), et de Marie-Madeleine (Luc X11, 42).  La munificence est recommandée dans les éloges donnés à Salomon (Eccl XLV11, 20, ou à Madeleine (Marc C1V, 9), et à Joseph d’Arimathie (Luc XX111, 50).  La patience est commandée en Luc, XX1, 19 (Dans la patience, vous posséderez vos âmes), et dans les Romains  XX11, 12 (Soyez patients dans la tribulation).   La persévérance dans Eccl 11, 4 (Dans la tristesse endurez). Dans Matthieu X, 22 (Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé). Dans 1 Cor XV, 58 (Soyez constants et inébranlables). Et dans les Hébreux XX1, 7 (Persévérez sous la férule de la discipline).

 2459- L’obligation des préceptes de force et des vertus annexes.  Les préceptes de force sont négatifs et prohibitifs.  Ils sont donc obligatoires en tout temps; il est donc toujours obligatoire d’omettre ce qu’ils interdisent (371). Il n’est jamais permis, par contre,  d’être timoré, insensible, lâche, ou téméraire, de faire quelque chose qui est intrinsèquement mauvais, même d’échapper à la mort (317, 318).   Mais il n’est pas obligatoire de sacrifier sa vie pour l’accomplissement d’un précepte positif, à moins que n’en résulte une offense envers Dieu, ou à la sécurité publique, ou une perte spirituelle extrême pour soi-même.(317, 818, 361).   Les préceptes de patience et de persévérance sont aussi négatifs, et, en conséquence, il n’est jamais permis d’être coupable d’impatience ou d’opiniâtreté.  Mais comme la patience et la persévérance ne sont pas aussi difficiles que la force, elles ont, elles aussi,  leurs préceptes affirmatifs. Ces lois obligent toujours, mais pas en toute occasion (371).  Ainsi, on doit être toujours disposé à pratiquer la patience, mais quand on n’a pas d’épreuves à supporter, on n’a pas l’occasion de pratiquer cette vertu.  La patience ne cesse jamais d’être une vertu, mais il y a une pseudo-patience qui consiste dans la tolérance des maux qui ne devraient pas être tolérés.  Elle n’est pas une vertu mais une sorte de complaisance ou de lâcheté, qui appartient aux natures efféminées plutôt qu’aux patientes.

 2460- Les sujets de la force.  Les lois ont une extension universelle, et en conséquence il ne serait pas vrai de dire que la force active est masculine, que la passive est féminine, que la patience, donc est une vertu féminine.  Mais on attend un courage plus grand chez ceux qui ont une force plus grande (l’adulte, l’homme en bonne santé), ou une plus grande nécessité (les soldats, les policiers, les pompiers, les pasteurs, les médecins, les gouvernants).   Le conseil de pratiquer la munificence, toutefois, ne s’applique qu’aux riches,  quant à l’exercice de la vertu, puisque les autres n’ont pas les moyens de l’exercer.
 
 

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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction

Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.

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