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John A. McHugh, o.p. - Charles J. Callan, o.p.
THEOLOGIE MORALE un cours complet selon saint Thomas d'Aquin et les meilleurs auteurs modernes

Imprimatur Francis cardinal Spellman, Archbishop of New York, New York, May 24, 1958
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ARTICLE 8
LA VERTU DE TEMPÉRANCE
                                (somme théologique IIa-IIae qq 141-170)

 2461- La définition de la tempérance.   La tempérance est une vertu morale qui régule, selon la raison, la jouissance des plaisirs plus bas et les désirs des sens.  Elle modère le plaisir et le désir, et, en conséquence, elle  modère aussi la tristesse causée par l’absence de plaisir.  Comme on a besoin d’une vertu spéciale (la force)  pour contrôler les fortes émotions (la peur de la mort), de la même façon, une vertu (la tempérance) est nécessaire pour tenir en bride les émotions les plus ardentes (le plaisir et le désir).   Cette vertu modère le plaisir sensible, c’est-à-dire la satisfaction provenant de l’usage des sens externes, la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher.  Les plaisirs spirituels qui proviennent de l’intelligence, de la volonté et de l’imagination (l’étude de la théologie, la lecture des classiques, les rencontres familiales ou amicales) ne sont pas opposés à la raison, si ce n’est par accident, quand ils empêchent une activité spirituelle plus élevée. Certains d’entre eux (comme le plaisir intellectuel) peuvent être appelés purement spirituels, puisqu’ils ne se répercutent pas sur l’appétit sensible.  D’autres, au contraire (comme les plaisirs qui viennent  de la volonté) peuvent porter le nom de plaisirs mixtes, puisqu’à certains moments, ils excitent avec véhémence l’appétit sensitif, et affectent puissamment le corps (une mère qui meurt de joie au retour d’un enfant cru mort).

 La tempérance modère les plaisirs plus bas, c’est-à-dire la satisfaction causée d’abord par le toucher et le goût, et puis, par d’autres sens,  dans les activités nécessaires à la préservation de l’individu (manger et boire), et de l’espèce (les relations sexuelles).  Ces  plaisirs de bas étage sont appelés animaux ou charnels,  puisqu’ils sont communs à l’homme et à la bête, et se rebellent puissamment contre la raison.  Une vertu spéciale de tempérance est donc nécessaire pour faire que l’homme suive la raison au lieu de Bacchus ou Vénus.   Des plaisirs sensibles plus élevés, d’un autre côté, sont produits par un objet sensible, non en vertu d’une relation à la jouissance vénérienne ou gustative, mais à cause d’une perfection présente dans l’objet qui le rend agréable au sens (le plaisir tiré d’un magnifique panorama, de la musique classique, du parfum des fleurs, ou d’habits de velours).  L’esthète, le mélomane  ou le dilettante obtient, de ces sensations agréables,  un plaisir inconnu aux animaux,  qui n’est pas de sa nature opposé à la raison, et qui ne conduit pas à des excès charnels.   En conséquence, ces plaisirs sensibles élevés ne sont pas frustres mais raffinés.  Ils devraient être modérés par la prudence, mais leur danger n’est pas assez grand pour requérir, pour leur régulation,  une vertu spéciale comme la tempérance.   Nous ne devrions pas non plus classer dans les plaisirs charnels les joies qu’apporte le bien-être physique, comme le repos, la détente qu’apporte un bain de mer, ou un massage, le confort d’une douce brise, l’aisance que donne la force, ou la récréation.

 2462- La règle de la modération.  La règle de modération que la tempérance impose aux appétits charnels consiste en ceci : Livre-toi-s-y  seulement en autant que la nécessité le requiert,  et que le devoir le permet.   Car le plaisir est un moyen, dont la fin est un besoin raisonnable de la vie. C’est donc une perversion de faire d’un moyen une fin, en s’y abandonnant sans qu’il soit du, et sans en avoir besoin (85).  Mais on doit entendre le mot nécessité au sens large, de façon à ne pas inclure seulement ce qui est essentiel, mais aussi les agréments de la vie (l’assaisonnement, les desserts).   Quant aux plaisirs vénériens, la régulation signifie qu’ils ne devraient pas exister en dehors du mariage;  et, dans le mariage, pour la création des enfants et d’autres fins légitimes du mariage.  Quant aux plaisirs de la table, on ne devrait  se les permettre que pour le bénéfice de l’esprit et du corps, et de la manière, de la quantité et de la qualité requises.   Mais on peut réguler le boire et le manger par le but supérieur de la mortification, et en restant sur son appétit.

 2463- L’excellence de la tempérance.  La tempérance est l’une des quatre vertus principales ou cardinales.   Elle tient en laisse  l’une des passions les plus naturelles et les plus nécessaires de la vie présente; et, parmi les vertus, elle excelle dans la qualité de la modération, puisqu’elle mâte l’inclination qui est la plus difficile à juguler; et elle veille sur les sens, les portes d’entrée de l’âme (2441).  La sagesse enseigne la tempérance, la prudence, la justice et la force, ce qu’il y a de plus utile dans la vie (Sag V111, 7).  De par sa nature, la tempérance n’est pas la plus importante des vertus morales, mais la moins importante.  Car la justice et la bravoure rendent un plus grand service au bien-être public; et le bien de la multitude, au dire d’Aristote, est plus divin que le bien d’un individu.   Mais, à des points de vue particuliers, la tempérance possède une supériorité.  Car elle est plus tendre et plus gracieuse que la force, plus exigeante que la justice.  Et il n’y a peut-être pas d’autre vertu dont on n’ait toujours un plus  pressant besoin.

 2464- Les vices opposés à la tempérance.  Le vice par déficience a été appelé insensibilité, et il consiste en un dégoût déraisonnable des plaisirs sensibles inférieurs, qui rend incapable de s’en servir quand et comme la raison le commande.  Ainsi, les stoïques et les manichéens croyaient que les joies matérielles étaient intrinsèquement mauvaises,  et il y a eu des avocats fanatiques des abstentionnistes de toute boisson alcoolique (les aquariens)  et des puritains qui ne permettaient pas à un homme d’embrasser sa femme le dimanche, des prudes et des censeurs qui suspectaient le mal partout sans raison, des Pharisiens qui se croyaient souillés si un pécheur leur parlait, des misogynes qui désapprouvent le mariage).   Ce péché est véniel par lui-même, mais il peut devenir mortel en raison de certaines circonstances, comme quand ce qui est du dans le mariage est injustement refusé, ou quand on ne prend pas une nourriture suffisante.   Ce vice est plus rare que son opposé, et on ne doit pas le confondre avec l’austérité, qui, pour promouvoir le   bien spirituel,  sacrifie certaines réjouissances sensibles légales non nécessaires.

 Le vice par excès est l’immodération, qui inclut la gloutonnerie et l’impureté.  C’est le plus honteux des vices, parce que le plus indigne d’un être raisonnable.  Elle asservit l’homme aux plaisirs dont jouissent les plus vils animaux. A la différence des autres vices, elle ne contient en elle-même rien qui se rapporte à l’intelligence, à l’esprit inventif, à la générosité, et absolument rien qui pourrait la relier à la vertu.   Les plus bas degrés de la dépravation sont atteints quand l’immodération devient bestiale dans sa manière d’agir, comme quand on est affamé de chair humaine, ou quand on désire le plaisir de Sodome et de Gomorrhe.  L’immodération est appelée par Aristote un péché d’enfant, car, comme un enfant est avide de plaisir et le poursuivra malgré tout  s’il ne reçoit pas d’instruction ou d’éducation, l’immodéré ne pense qu’à son appétit, et ira toujours en empirant, s’il n’accepte pas la discipline de la raison.  L’enfant est excusable, mais l’homme immodéré devrait savoir mieux qu’un enfant.   L’immodération est pire que la timidité,  Car la première recherche une délectation égoïste, et agit volontairement  sans aucune retenue, tandis que l’autre cherche à assurer son auto préservation, faisant face à une menace externe.

 Les parties de la tempérance. Les parties subjectives ou les espèces de la tempérance sont au nombre de deux, puisqu’il y a deux objets distincts de la vertu.  Ces objets sont les deux délectations du toucher qui sont régulées par la vertu, à savoir, ceux qui sont associés avec la nourriture, et ceux qui sont associés à la fonction générative.  La première partie subjective de la tempérance inclut, pour le manger,  la frugalité, et, pour le boire, la sobriété.   La deuxième partie inclut la chasteté, en ce qui a trait à l’acte sexuel principal, et la décence ou la pudicité, en ce qui a trait aux actes secondaires (les baisers, les touchers, les étreintes).  Les parties intégrales sont aussi au nombre de deux, puisqu’il y a deux conditions nécessaires au parfait exercice de la tempérance.  Ces conditions sont la peur et l’évitement de ce qui est honteux (la pudeur, la réserve, la délicatesse), et l’amour de ce qui est honorable.  La gêne ou la pudeur est une passion, mais comme l’impavidité physique est une disposition au courage moral, le peur de recevoir des reproches est une préparation à la vertu.  En conséquence, cette délicatesse de sentiment est une passion louable, et elle est assignée surtout à la tempérance, parce qu’elle est une attirance vers ce qui est spirituellement beau et bon, une habitude très utile pour la tempérance, qui doit subordonner le plaisir au bien, le charnel au spirituel.

 2465- Les parties potentielles de la tempérance sont ses vertus mineures ou servantes.  Elles ressemblent à la tempérance dans la mesure où leur plus grande gloire consiste dans la modération. Mais elles lui sont inférieures dans la mesure où ce qui est modéré par elles est moins récalcitrant que ne sont les appétits sexuels ou la gloutonnerie.  On trouve d’abord parmi ces parties potentielles celles dont la tâche modératrice est déjà plus difficile qu’à l’ordinaire, même s’il ne s’agit pas de la plus grande difficulté.   Nous avons ici la continence, qui calme une volonté agitée par une passion immodérée, et la douceur, qui gouverne la passion de la colère.  Celles qui viennent après sont celles dont la tâche modératrice  rencontre des difficultés ordinaires ou faibles, parce qu’elles gardent en ordre des matières qui sont moins étrangères de la raison.   On donne le nom commun de modestie à toutes les vertus de ce second groupe.   Elles se réduisent à quatre : l’humilité et la studiosité,   qui modèrent respectivement les appétits internes d’excellence et de connaissance;  la modestie dans le comportement et la modestie dans la vie qui régulent respectivement les actes externes du corps et les biens externes du boire, du manger, de l’habillement, de l’ameublement.

 2466- La frugalité.  La frugalité est une vertu qui modère, d’après la raison, le désir et la jouissance des plaisirs de la table. C’est une vertu spéciale parce que l’appétit qu’elle mâte est très puissant, et parce qu’elle est souvent tentée en raison du besoin constant d’alimentation.  Elle modère en évitant l’excès et le défaut dans la manducation, en tenant compte du temps, du lieu, de la quantité et de la qualité. Il n’y a donc pas, pour la nourriture, une quantité standardisée, fixée  une fois pour toutes, puisque les devoirs et les besoins ne sont pas les mêmes pour tous.  En, en conséquence, celui qui prend plus ou moins que ce qui est normal ou habituel ne peut pas, à cause de cela seulement, être accusé de manquer à la frugalité. Le juste milieu,  pour un individu,  n’est pas si rigidement fixé qu’il ne permette pas une certaine latitude à l’intérieur de certaines limites. Il faut noter aussi que la frugalité n’est pas la même chose que l’abstinence.  Ainsi, n’est pas frugale une personne qui est immodérément abstinente, en se refusant la nourriture nécessaire pour la vie ou pour son travail, ou pour des travaux optionnels meilleurs que son abstinence.  Car elle n’est pas guidée par la prudence et le devoir.  Elle modère d’après la raison, c’est-à-dire qu’elle décide ce qui convient à telle personne, non seulement du point de vue de la santé corporelle, de la vigueur et de la longévité, comme le font les arts de la médecine et de l’hygiène, mais aussi et surtout du point de vue des biens supérieurs, comme la maîtrise de soi, le contrôle des passions, le renoncement.   Elle modère les plaisirs de la table, c’est-à-dire le désir de la jouissance et la jouissance elle-même de la nourriture et des boissons non alcooliques.   La modération dans ce qui enivre est la vertu spéciale de la sobriété, dont on parlera plus tard.   En conséquence une personne qui boit trop de coca cola, de thé ou de café pèche contre la frugalité; celui qui boit trop de whisky,  de bière ou de vin pèche contre la sobriété.

 2467- Les degrés de la frugalité.  Au  plus bas degré se trouve la pratique de la vertu de tempérance. Elle fait prendre la quantité suffisante de nourriture de  boisson pour la préservation non seulement de la vie et de la santé, mais aussi pour conserver sa forme physique.  Et cela, en évitant tous les excès.   Un degré plus élevé de la pratique de l’austérité (du renoncement) consiste à prendre moins que ce qui est nécessaire pour conserver sa meilleure condition physique, mais suffisamment pour se maintenir en vie ou en santé.  La personne austère (ascète) mange moins que ce qu’elle peut raisonnablement prendre, mais pas en deçà de ce que sa santé ou son travail ne requiert.  La diminution de sa nourriture sera fort probablement,  à la longue,  utile à sa santé, et avantageuse à sa longévité.  Car, comme le dit le sage Galien, la frugalité est la meilleure médecine.  Mais même si un régime austère comportant quelques inconvénients pour la santé, pouvait quelque peu abréger la vie,  il est quand même licite, car, c’est par cette sorte de renoncement raisonnable aux biens temporels, qu’on peut se procurer les biens plus élevés de l’âme et de la vertu (1164 suiv, 1561 suiv,)

 2468- L’austérité (le renoncement, le sacrifice). Les deux formes principales de l’austérité sont le jeûne et l’abstinence.  Nature.  Le jeûne naturel est la privation de toute nourriture et de toute boisson, ou l’omission de recevoir dans l’estomac tout ce qui porte le nom de nourriture, breuvage ou médicament.  Le jeûne moral est la privation d’une certaine quantité de nourriture que l’on pourrait prendre sans intempérance.  L’abstinence est la privation d’une certaine sorte de nourriture,  comme la viande ou les œufs.   Les sortes.   Le jeûne ou l’abstinence sont, quant à la durée, perpétuel (l’abstinence de la viande des Chartreux) ou temporaire (l’abstinence le vendredi).  Elle est volontaire (un jeûne provenant d’un voeu privé) ou obligatoire (les jeûnes et les abstinences prescrits par l’Église).  Nous parlerons plus tard du jeûne ecclésiastique et de l’abstinence, quand nous traiterons des préceptes de l’Église et de la communion.

 2469- L’excellence du jeûne et de l’abstinence. La légalité. Le jeûne et l’abstinence sont des actes de vertu, parce qu’ils subjuguent la chair rebelle,  préparent l’esprit pour la contemplation des choses saintes (Dan X, 3 suiv), satisfait pour les péchés (Joël 1, 12), et ajoute du poids aux prières (Tob X11, 8; Judh 1V, 11; Matt XV11, 20).   Les plus grands hommes de l’ancien et du nouveau testament ont pratiqué le jeûne : Moïse, Elie, Jean le Baptiste et saint Paul.   Notre Seigneur lui-même a jeûné quarante jours  et quarante nuits (Matt. 1V, 2).  Saint Paul fait entrer  le jeûne parmi les vertus : dans les jeûnes, dans la connaissance, dans la chasteté. (11 Cor V1, 5).  Nous avons comme exemples d’abstinence Daniel qui a refusé les mets préparés par le roi (1, 8, suiv), et Eléazar qui mourut plutôt que de manger du porc interdit (11 Mach. V1, 18 suiv).  L’abstention de nourriture solide ou liquide n’est pas en elle-même une vertu, si on l’observe pour des motifs indifférents ou mauvais,  comme uniquement pour recouvrer la santé au moyen d’une diète sévère, ou pour s’entraîner pour une compétition sportive, ou pour conserver sa ligne, ou pour mettre fin à ses jours;   pour simuler la vertu ou professer de fausses doctrines;  ou si elle est poussée à l’extrême.  Les quarante jours de jeûne de Moïse, d’Élie et du Sauveur sont admirables, mais pas facilement imitables.

 L’obligation.  En général, le jeûne et la pénitence sont obligatoires en vertu de la loi naturelle, parce que, sans eux,  on ne peut atteindre certaines fins nécessaires.   Ils sont des remèdes pour les péchés passés, et des préservatifs contre  les futurs.  Et, comme le péché est l’état ordinaire de l’homme (Jac 111, 2; Gal V, 17), il serait présomptueux de négliger  ces  antidotes.  Sous la loi positive, le jeûne et l’abstinence ont été prescrits dans le détail, et cela s’imposait puisque c’est le devoir de l’Église de déterminer le temps, la manière, et les autres circonstances des devoirs naturels de religion, que la loi naturelle elle-même n’a pas déterminées.

 2470- Les péchés opposés à la frugalité.  Le péché d’insuffisance en matière d’alimentation, l’anorexie,  consiste à se laisser mourir de faim. C’est le péché des pseudo martyrs, de ceux qui, pour avoir un visage émacié, se soumettent à une diète très sévère (qui se privent de nourriture pour combattre l’obésité) qui endommagent leur corps et font d’eux une proie de la maladie.  C’est aussi le péché de ceux qui, poussés par un zèle maniaque  pour un jeûne rigoureux, se privent du nécessaire vital, ou mangent ce que leur estomac restitue.   Ce péché ne diffère pas du suicide ou de l’offense corporelle traitée plus haut (1566 suiv. 1857 suiv.) C’es la même chose de vous tuer à petites doses ou d’un seul coup..  Et celui qui se tue en jeûnant est semblable à quelqu’un qui offre à Dieu un sacrifice avec un bien qui appartient à autrui. (Saint Jérôme).   Le péché d’excès dans la nourriture est la gloutonnerie.   Il n’y a pas de péché à désirer la nourriture ou à trouver du plaisir en mangeant, parce que l’Auteur de la nature a voulu qu’un acte aussi essentiel que manger soit délectable; et c’est un fait que l’estomac et la santé souffrent quand on mange sans appétit, ou à contre coeur.  Mais le goinfre se porte à l’excès à cause de la jouissance déraisonnable  qu’il trouve à se nourrir.

 2471- Les façons de commettre la goinfrerie. Il y a plusieurs façons de pécher par goinfrerie, mais on peut les réduire toutes à deux.   La goinfrerie dans la nourriture, ou la boulimie,  est un excès dans la substance, la quantité, la qualité de la nourriture.  Le gourmet  est très exigeant au sujet de la qualité des mets. Il lui faut du filet mignon, du champagne, du foie gras  et des truffes.  Il n’est satisfait que par ce qu’il y a de meilleur.   Le cannibalisme semble être licite en cas d’extrême nécessité, mais  il n’est pas permis de tuer des êtres humains pour les manger.
Le goinfre ou le gourmand n’est pas très regardant sur les mets qu’on lui sert, mais il s’empiffre plus qu’il ne devrait.  Il est difficile de plaire à l’épicurien par la qualité de la nourriture.  Même quand il n’a pas de raison de festoyer, il lui faut une grande variété de mets,  et ils doivent être apprêtés selon toutes les règles de l’art, afin de procurer à son palais  le plus de délectation possible.   Nous ne devrions pas, toutefois, classer parmi les gloutons ceux qui ont une bonne raison pour demander des petits plats, comme quand la santé ou un dur labeur force quelqu’un à suivre une diète sévère.   La gloutonnerie  est un excès par rapport au temps ou à la manière de se nourrir.  Il y a excès par rapport au temps, quand quelqu’un attend avec trépidation la cloche du diner, mange avant ou après les heures de repas, ou s’attarde longuement  à table. Il y a excès par rapport à la manière,  quand quelqu’un mange avidement, rapidement ou égoïstement, se précipitant, comme un tigre, sur la nourriture,  l’engloutissant comme un chien, ou ne laissant rien aux autres, comme un pourceau.

 2472- La culpabilité de la gloutonnerie. La gloutonnerie est un péché mortel quand elle est sérieuse au point de détourner l’homme de sa fin, lui faisant préférer son appétit à Dieu. Ainsi, pèchent gravement les bambocheurs qui se voient incapables de payer leurs dettes, au grave détriment de leurs créanciers; ou  qui s’empiffrent au point de ne pas pouvoir beaucoup travailler, et qui doivent passer le meilleur de leur temps à des exercices ou dans des cures; ou qui, pour avoir trop mangé, commettent de sérieux écarts de conduite : de colère, d’impureté, ou de négligence de leurs devoirs religieux ou professionnels.  A tous ceux-là, s’applique la parole de saint Paul :  dont le dieu est leur ventre (Phil. 111, 9).   Manger jusqu’à ce qu’on vomisse ce que l’on a ingurgité  semble bien être un péché mortel, si le vomissement est causé par la quantité de nourriture ingérée, car un tel acte semble être gravement opposé à la raison.  Mais il n’y a pas de péché grave si le vomissement est du au mets lui-même (des insectes), ou à la faiblesse de l’estomac.

 La gloutonnerie en elle-même est un péché véniel, puisqu’elle est un désordre qui se rapporte aux moyens, et non un détournement de la fin.  Cela se produit quand quelqu’un est désordonnément friand de mets qui procurent des  jouissances gastronomiques, mais n’est pas prêt à leur sacrifier des devoirs sérieux.   Ainsi, une personne qui  fait trop de cas des mets délicats, ou qui fait ripaille de temps en temps, ne pèche que véniellement, s’il ne se rend pas incapable de faire son devoir, ou si sa faiblesse passagère ne scandalise personne.
2473-   La gloutonnerie comme péché capital.  La première condition que doit remplir un péché capital est qu’il soit une des sources principales d’une mauvaise attirance.  Cette condition se trouve vérifiée dans la gloutonnerie, car tous cherchent le bonheur, et la gloutonnerie contient un des ingrédients du bonheur, le plaisir porté à un degré inhabituel.   Parmi toutes les délectations sensibles, celles du palais et de l’estomac sont reconnues pour être, après les plaisirs de l’amour sexuel, les plus intenses.   La première des trois tentations avec lesquelles Satan a assailli le Christ était celle de la gourmandise (Matt. 1V, 1-4).  La seconde condition pour qu’un vice soit capital est qu’il soit la cause finale ou intermédiaire d’un bon groupe de péchés.  On retrouve aussi cette condition dans la gloutonnerie, car l’homme cupide est tellement en amour avec son péché mignon que, pour le choyer, il est très prêt à supporter diverses sortes de maux, qu’il ne devrait pas permettre.  Les maux de l’âme qui sont causés par la gloutonnerie sont la lourdeur, car un estomac surchargé rend incapable l’esprit de réfléchir sur les choses les plus sublimes, ou de tenir compte du devoir de la modération dans les réjouissances en mots ou en actes (Eccl 11, 3); une joie délirante dans la volonté, un sentiment de sécurité et de contentement et de liberté, car le glouton ne pense qu’au plaisir d’un moment, et n’a pas d’yeux pour voir la gravité de son péché; la loquacité en paroles, parce que ses facultés mentales étant engourdies, et sa volonté emballée, le glouton donne toute licence à sa langue, péchant souvent par détraction, par trahison de secrets, par contumélie et blasphème (Prov X,   19); la légèreté dans l’action, car le glouton veut donner libre cours à ses esprits animaux, ce qu’il fait par des farces déplacées, et par des pitreries.  Les maux du corps qui sont dus à la gloutonnerie sont l’obésité et la crise cardiaque.   Le gourmand est souvent dégoûtant dans sa façon de manger; son haleine est fétide.  Il doit prêter une grande attention aux nécessités naturelles, l’excrétion, l’éructation; et il souffre de la goute ou d’indigestion, ou d’autres maladies.

 2474- La sobriété. En son sens le plus strict, la sobriété est une vertu qui maintient la modération et la tempérance dans le goût qu’on a  pour les boissons alcooliques et dans leur usage.   Ainsi, la sobriété s’intéresse à ce qui enivre, c’est-à-dire, aux substances qui agissent comme un poison sur les nerfs et sur le cerveau.   Cette vertu diffère donc de la frugalité, car, elle doit mâter un vice beaucoup plus séduisant et délétère que la gloutonnerie.  L’alcool a un effet similaire à celui d’une drogue narcotique, car il engourdit l’esprit et le corps, au point parfois de complète insensibilité.  De sorte que ceux qui sont sous son influence sont incapables de penser, de parler ou de marcher correctement.  Mais il donne un sentiment d’euphorie, et laisse après lui une soif insatiable, de sorte que ceux qui ont trop bu boiront de nouveau,  Comme dit le proverbe : qui a bu boira.  L’enivrement habituel vient à bout des bonnes mœurs et de la santé, et l’ivrogne marche, d’un pas rapide,  vers une fin précipitée et honteuse.    La sobriété porte sur les boissons, c’est-à-dire les breuvages et les médicaments.   Mais elle contrôle aussi, en second lieu, le goût pour les narcotiques, comme l’opium, le chloroforme, le tabac, la drogue, et le désir de respirer des liqueurs fortes, ou des vapeurs ou des gaz, qui peuvent produire une intoxication.

 2475- L’obligation de pratiquer la sobriété.  Tous devraient cultiver la sobriété, mais certains plus que d’autres.   Ainsi, à cause  des  grands maux physiques causés par le  manque de sobriété, cette vertu devrait être cultivée spécialement par les jeunes, les femmes âgées, et les sédentaires.  Les jeunes subissent un grand dommage de l’alcool, parce qu’il compromet leur croissance, et affecte plus sérieusement leurs esprits et leurs corps,  qu’il ne fait pour les adultes.  Les personnes âgées n’ont pas la force d’expulser le poison qu’ils ont avalé, et sont donc plus malmenés par l’alcool.   Étant plus excitables que les hommes, les femmes sont facilement désaxées par les boissons fortes.   Et c’est pourquoi les Romaines s’abstenaient, autrefois, de boire du vin.  Enfin, les sédentaires ou les casaniers ne sont pas capables d’évacuer facilement l’alcool de leur système; et ils en ressentent les mauvais effets plus fortement que ceux  qui vivent à l’extérieur, ou qui font un travail manuel.  Mais il n’y a aucune constitution, même celle d’un Sanson,  que l’alcool ne finisse par abattre.

 En raison des plus grands maux spirituels qui résultent de leur manque de sobriété, certains individus ont un besoin plus impérieux de la vertu de sobriété.  Ainsi, il y en a qui se font un tort spirituel plus grand que d’autres en s’enivrant, comme les jeunes dont les passions s’enflamment plus facilement, et les femmes qui perdent alors leur moyens de défense.   Voilà pourquoi saint Paul recommande la sobriété aux femmes qui deviennent plus vulnérables à la séduction (1 Tim 111, 2; Tit 11, 6).  Il y en a qui font plus de tort à autrui en s’enivrant, comme ceux qui ont à instruire les autres (Tim 11, 2),  ou qui règnent sur le peuple (Prov XXX1, 4).

 2476- Les péchés contre la sobriété. On peut appeler, par manque d’autre nom, le péché par excès une sur sobriété.  Ceux qui la commettent sont ceux qui condamnent, comme intrinsèquement mauvaises,  toutes les satisfactions ou les délectations que procurent les boissons alcoolisées (les Manichéens qui disaient que le vin était le fiel du fiable); ceux aussi qui se refusent à eux-mêmes et aux autres les boissons alcooliques, quand leur usage est nécessaire (les encratites, qui ne permettaient que l’eau pour le saint sacrifice de la messe; ou un fanatique abstentionniste qui laisserait mourir un homme plutôt que de lui donner une dose nécessaire de cognac).

 Le péché par défaut  contre la sobriété est l’ivrognerie, qui est une privation volontaire et injustifiée de l’usage de la raison, causée par une trop grande consommation  de boissons enivrantes.   L’ivrognerie est un péché, (l’ivrognerie active). Il faut donc la distinguer de l’ivrognerie  en tant que condition (l’ivrognerie passive).  Il y a une ivrognerie active, ou le péché d’ivrognerie, quand l’enivrement est volontaire et inexcusable.  Il y a une ivrognerie passive, ou le pur état d’ivrognerie  quand manque une ou l’autre des deux conditions suivantes.   Habituellement, ceux qui pèchent par ivrognerie recherchent la paix que donne l’oubli,  Mais il semble que cela ne soit pas essentiel au péché d’ébriété, car la malice de l’ivrognerie ne se trouve pas seulement dans un plaisir excessif, mais aussi et surtout dans la subordination de l’esprit à la chair, et dans le  dommage fait à l’esprit et au corps.  En conséquence, une personne qui cède à l’insistance d’un convive l’invitant à boire du vin alors que le vin la dégoûte, est coupable d’ivrognerie, si elle  en prend trop.

 2477- Cas d’ivrognerie purement passive.  L’ivrognerie involontaire.   Ceci se produit quand il y a une ignorance invincible d’un fait (quand un adulte s’enivre de bonne foi parce qu’il n’avait pas de raison de supposer qu’un cocktail était si fort, ou parce que son estomac était très faible); ou de la loi, (quand un enfant s’enivre parce qu’il ne sait pas que c’est mal); ou quand il y a un manque d’intention (quand on oblige de boire quelqu’un qui ne le veut pas).

 L’ivrognerie excusable. Cela se produit, selon la plupart des moralistes, quand il y a une raison proportionnellement grave qui justifie le mal de l’enivrement (103).  Ces raisons sont, par exemple, pour sauver une vie (échapper à une mort causée par une morsure de serpent), la cure d’une maladie sérieuse (choléra ou influenza), l’évitement d’une souffrance aigue (avant une opération chirurgicale, ou après un très douloureux accident, ou quand il n’y a pas d’autre moyen de soulager un grave cas d’insomnie).  Dans tous ces cas-là, on admet généralement qu’on peut rendre quelqu’un inconscient avec des anesthésiques ou des sédatifs (comme le chloroforme,  l’éther, la morphine, l’opium).  Et, si aucun autre remède n’est disponible, il n’y a aucune raison qui nous empêche de considérer les boissons alcooliques comme des remèdes pris sur l’ordre d’un médecin ou  d’une personne responsable. Mais il y a quelques moralistes qui refusent de permettre l’enivrement pour quelque raison que ce soit, puisqu’ils le voient  comme quelque chose d’intrinsèquement mauvais.  En plus des  excuses déjà données, il y en a quelques-uns qui la voient comme un moyen d’échapper à une mort violente, ou quand un cambrioleur menace de tuer à moins qu’on ne s’enivre.   Mais tous sont d’accord pour enseigner que l’enivrement ne peut pas être justifié par des avantages ordinaires, comme pour échapper à une légère peine physique (mal de dents, mal de mer), ni par le désir d’éviter ce qui peut l’être par d’autres moyens.

 2478- La moralité de l’abstinence totale. L’obligation.  Il n’y a pas, en soi, d’obligation de s’abstenir, perpétuellement ou temporairement,  de tout breuvage enivrant, car c’est pour l’usage de l’homme que Dieu a voulu qu’ils soient.  Et un usage modéré des boissons alcooliques est considéré par beaucoup, surtout quand le taux d’alcool est bas, comme un stimulant pour la digestion, un rafraîchissement, un excellent fortifiant, et un remède.  L’exemple de notre Seigneur, qui changea l’eau en vin, qui but du vin dans les banquets,  et qui fit du vin l’un des éléments des rites les plus sacrés, est une preuve péremptoire qu’il n’y a pas de péché à boire des boissons alcoolisées.  L’Écriture l’enseigne aussi clairement en louant un usage modéré du vin (Eccl XXX1, 36). Saint Paul recommande à Timothée de prendre un peu de vin pour ses maux d’estomac (1 Tim V, 23), et Jésus déclare que ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme (Matt XV, 2).  Mais, par accident, il y a une obligation d’abstinence totale quand un plus grand bien requiert que l’on sacrifie les boissons enivrantes, que ce bien se rapporte à soi-même (quand elles sont un danger sérieux pour la santé ou pour les mœurs, ou quand on s’est engagé par un vœu ou un serment à s’en abstenir), ou à un autre (quand elles donnent un scandale sérieux Rom X1V, 21).  Si la sécurité publique est mise en danger par l’ivrognerie, et si on peut imposer l’abstinence obligatoire, et que cette abstinence soit la méthode la plus raisonnable de corriger le mal, nous ne voyons pas d’objection à des lois prohibitives.  Mais que ces conditions existent oui ou non dans un lieu ou un cas particulier, c’est une question de fait qui doit être décidé par une étude impartiale.

 La légalité.  Il est en soi permis de s’abstenir librement de tout ce qui enivre, dans l’intérêt d’un bien supérieur (pour bonifier l’esprit, pour mieux  l’appliquer aux études Eccl 11, 3), pour réduire au silence les langues calomnieuses, pour pratiquer la mortification, ou pour donner un bon exemple. Mais, par accident, il n’est pas permis de s’en abstenir quand la loi (la célébration de la messe), ou la nécessité (un homme qui meurt de l’influenza, et qui ne peut pas être sauvé sans whiskey)  demandent de boire des spiritueux.  Les nazaréens  (Nom V1, 3), Samson (juges 13, V11) Judith (X11, 2, 19), et Jean le Baptiste (Luc 1, 15) en sont des exemples.

 2479- Les degrés du péché d’ivrognerie,   Le péché d’ivrognerie complète ou parfaite est un excès volontaire des boissons enivrantes,  qui fait perdre à quelqu’un l’usage de sa raison.  Cela ne veut pas dire que, pour être ivrogne, il faille devenir insensible ou inconscient, délirer ou être incapable de marcher, mais uniquement que quelqu’un perd le pouvoir mental de se diriger moralement, même s’il conserve assez de jugement pour poser des actions physiques (traverser une rue sans se faire frapper,   monter un escalier sans tomber,  ou  retrouver son chemin sans aide).  Les signes d’une ivrognerie parfaite consistent dans le fait que l’ivrogne ne peut plus faire la distinction entre le bien et le mal; qu’il commet des forfaits dont il aurait horreur quand il est sobre (battre sa femme, foncer sur un piéton, blasphémer ou se bagarrer); qu’il ne se souvient plus de ce qu’il a fait quand il était ivre.  Le péché d’ivrognerie imparfaite ou incomplète est un excès volontaire de boissons enivrantes qui engendre de la confusion dans l’esprit.  En conséquence, quelqu’un qui est physiquement affecté par  la boisson, mais qui est encore capable d’user de sa raison, qui titube, qui dit des choses incohérentes, ou voit double, mais qui sait qu’il ne devrait ni battre sa femme, ni tuer, ni blasphémer, ni se bagarrer,  est imparfaitement ivre.  Il y a aussi des circonstances qui aggravent la malice de l’ivrognerie parfaite ou imparfaite,   Ainsi, il est pire d’être un saoulard qu’un ivrogne occasionnel; et plus grave de boire sans arrêt  pendant une semaine, que pendant une soirée.

 2480- La malice du péché d’ivrognerie.  L’ivrognerie parfaite est un péché mortel, parce que c’est un désordre grave de se priver du jugement moral, et de s’exposer ainsi à perpétrer des crimes.   De plus, c’est une chose monstrueuse de se dépouiller sans nécessité de sa raison, le plus grand bien naturel de l’homme, et de faire de soi-même pendant tout ce temps, un maniaque, plus proche de la bête que de l’homme.  Saint Paul déclare que ceux qui ont revêtu le Christ doivent mettre de côté l’ivrognerie ainsi que d’autres œuvres des ténèbres (Rom X111, 13), et que les ivrognes n’hériteront pas du royaume de Dieu (Gal V, 21).  L’opinion à l’effet que l’ivrognerie parfaite n’est qu’un péché véniel si elle n’est pas habituelle est devenue maintenant obsolète. Et est complètement rejetée l’opinion voulant que l’ivrognerie parfaite ne soit  mortelle que si  elle dure un temps considérable.   Car la malice essentielle de l’ivrognerie dépend de sa nature et non de sa durée.  Quelqu’un qui boit suffisamment pour se rendre complètement ivre, et échappe ensuite aux conséquences par des actes artificiels (en utilisant une drogue, ou en provoquant un vomissement), ne pèche pas mortellement par ivrognerie.  Mais il semble que cette personne dégoûtante ne puisse pas ne pas pécher par gloutonnerie, offense à sa santé, ou scandale.

 L’ivrognerie imparfaite est un péché véniel, parce que le tort causé n’est pas considérable, car quelqu’un qui est pompette ne souffre habituellement que d’un léger mal de tête et d’un certain déséquilibre. En vérité, si le vin ou la bière n’ont pour effet qu’une hilarité modérée et la loquacité, il n’y a pas là de péché. Accidentellement, l’ivrognerie imparfaite peut devenir un péché mortel en raison des circonstances, comme quand une personne en état d’ivresse donne un grand scandale à cause de sa position ou de sa réputation, ou quand le motif est d’enflammer la passion, ou de commettre un autre péché mortel sérieux; ou quand l’ébriété est souvent réitérée, ou quand l’ivrogne néglige sérieusement son travail, sa famille, ou ses devoirs religieux; ou commet d’autres graves offenses par son amour de la bouteille.   En fait, il  peut  commettre un péché grave même quand il ne va pas jusqu’à l’ébriété, s’il lui faut, par exemple, sa boisson forte avant de se coucher.  Car l’habitude de boire des boissons alcooliques fréquemment (une gorgée de whiskey plusieurs fois par jour) est, d’après les médecins, plus dangereuse pour la santé qu’une saoulerie peu fréquente, surtout si les portions sont généreuses et si le buveur est jeune.

 2481- L’ivrognerie comparée aux autres péchés.  Elle n’est pas le pire des péchés.  Les péchés contre les vertus théologales sont plus vicieux puisqu’ils offensent le bien divin. Or, l’ivrognerie n’offense qu’un bien humain.  Plusieurs péchés contre les vertus morales sont pires, parce qu’ils injurient un plus grand bien humain, Exemple.   On commet un plus grand dommage quand on enlève la vie que quand on se prive de l’usage de sa raison.  Mais, dans ses conséquences, c’est un des péchés les plus ruineux (2472, 1473).  Pour la société, d’abord, puisqu’un large pourcentage de crimes est du à l’intempérance (la folie, la misère, le divorce); pour la religion, ensuite, puisque la complaisance dans un plaisir  sensuel attise l’appétit pour d’autres plaisirs, tout en créant un dégoût des choses spirituelles, de  l’effort et du renoncement; pour l’intelligence, car une grosse cuite dérobe à quelqu’un  sa raison et  sa mémoire; quatrièmement pour le corps, car l’ivrognerie non seulement abat le système nerveux et a de pénibles effets secondaires sous la forme d’affreux  maux de tête et d’estomac, mais elle cause aussi des désastres permanents (au cerveau, au cœur, au nerfs, aux reins et au foie), affaiblit le système immunitaire, et amène une mort précoce;  pour les biens de la fortune, puisque les ivrognes sont prêts à tout dilapider pour se procurer de la boisson; sixièmement, pour  la postérité, puisque les parents alcooliques transmettent à leurs enfants des faiblesses organiques.

2482- La responsabilité de l’ivrogne pour ses péchés commis en état d’ivresse.   Si l’ébriété est entièrement volontaire et coupable, l’ivrogne est responsable de tous les péchés qu’il a prévus ou qu’il aurait du prévoir.  Car, alors, ces péchés sont voulus dans leur cause (94). En conséquence, celui qui, sous l’influence de la boisson, a développé l’habitude de blasphémer, de révéler des secrets, de se bagarrer, devrait dire, en confession, qu’il était en état d’ivresse quand il a commis ces péchés, ou qu’il avait l’intention de les  commettre quand il s’est enivré.   Dans des circonstances similaires, quelqu’un qui a manqué à la messe parce qu’il était ivre est responsable de ce manquement.  Quelqu’un qui est trop ivre pour se rendre à un rendez-vous d’affaire, et qui cause ainsi un dommage à quelqu’un,  est tenu à la restitution.  Mais si les péchés graves n’ont été prévus que vaguement,  ils auront la valeur de péchés véniels.   Si l’enivrement est entièrement volontaire et coupable, mais si les péchés qui ont suivi n’ont pas été prévus, et ne le pouvaient humainement pas,  l’ivrogne est en partie excusé pour le mal qu’il a causé.  En conséquence, une personne qui se saoule pour la première fois, ou qui se couche habituellement après s’être enivré,  n’est pas responsable pour les gros mots qu’il a employés, si la pensée de choses profanes était éloignée de son esprit quand  il s’est enivré.   Mais si la personne n’était pas complètement saoule, et avait une certaine idée de la malice des mauvaises paroles qu’elle a dites,  et du scandale qu’elles apportent, elle est au moins coupable véniellement de profanité et de scandale.

  Si l’enivrement est involontaire, la personne ivre est complètement excusée en cas d’ivrognerie complète.  Elle n’est excusée que partiellement en cas d’une ivrognerie incomplète qui n’exclut pas toute prise de conscience de la gravité de ce qui a été dit ou fait en état d’ébriété (canon 2201).  Dans la loi civile, l’ivrognerie n’est pas reconnue comme une excuse pour un acte criminel, mais elle peut avoir un effet d’atténuement.

  2483- La coopération matérielle dans le péché d’ivrognerie. S’il n’y a pas de grave raison pour la coopération, elle est illicite.  La seule hospitalité n’est pas une raison pour dresser une table remplie de spiritueux, quand quelques-uns des hôtes sont alcooliques.  Et la simple amitié ne justifie pas de remplir de nouveau les verres quand quelques-uns sont déjà éméchés. Les parents et tous ceux qui exercent une autorité quelconque, sont coupables de scandale s’ils s’enivrent devant leurs sujets.  Ceux qui poussent les autres à s’enivrer sont coupables de séduction.  Ceux qui fournissent des boissons enivrantes à quelqu’un pour qu’il devienne ivrogne sont coupables de coopération formelle.  S’il y a une raison grave pour la coopération, elle n’est pas illicite (1515 suiv 1538 suiv).  Est-ce licite de persuader quelqu’un de s’enivrer pour l’empêcher de faire un grand mal ?  Les moralistes en discutent.  (1502).
2484- Est-il permis, pour une raison grave, d’enivrer quelqu’un quand il ne sera coupable d’aucun péché ?  Selon une certaine opinion, ce n’est pas permis, parce que l’ivrognerie, comme l’impureté, est intrinsèquement mauvaise, et n’est donc jamais permissible, puisque la fin ne justifie pas les moyens.  En conséquence, tout comme il est interdit d’induire une personne ivre en impureté, de la même façon il est interdit d’enivrer un enfant ou un idiot (306).  Mais, selon l’opinion la plus répandue, il est permis d’enivrer quelqu’un pour une raison grave. Ainsi, si un criminel était sur le point de faire sauter un édifice et de détruire plusieurs vies,  il serait permis et même obligatoire de mettre des intoxicants dans son breuvage,  pour le rendre sans force.   Si quelqu’un était sur le point d’être rôti par des cannibales, et pouvait se sauver en leur faisant boire une boisson enivrante, il n’y aurait pas de péché à les enivrer.
 2485- Usage licite des narcotiques. Il y a un grand nombre de substances qui produisent, sur l’esprit et le corps, des effets similaires à ceux produits par les boissons enivrantes, comme la morphine, l’opium, le chloroforme, l’éther et les gaz hilarants.
A eux s’appliquent donc les principes donnés plus haut pour les stupéfiants. Ainsi, ce serait un péché sérieux de se geler  en usant, sans raison valable, de la morphine. Mais il est permis de prendre de l’éther pour une opération, du gaz après une extraction de dent, de la morphine quand elle a été prescrite par un médecin pour soulager la douleur.  Dans son discours du 14 févr 1957, le pape Pie XII a parlé des aspects spéciaux de l’usage de drogues que fait l’analgésie. Voici quelques-unes des questions qui lui étaient soumises.  Y a-t-il une obligation morale générale de refuser l’analgésie, et d’accepter la souffrance physique en esprit de foi ? Après avoir indiqué que, dans certains cas, l’acceptation des souffrances physiques s’impose comme une sérieuse obligation, le pape a répondu que
l’usage de narcotiques pour soulager les douleurs n’entrait pas en conflit avec l’esprit de la foi. La souffrance peut empêcher et empêche effectivement l’accomplissement de devoirs fort importants; elle peut donc licitement être évitée.  Il est vrai, également, que la souffrance peut être acceptée volontairement pour remplir le devoir chrétien de renoncement et de purification intérieure.

Est-il permis, pour les moribonds ou les malades en danger de mort, de faire usage de narcotiques quand existent des raisons médicales pour leur emploi ?  Le pape a répondu oui. Pourvu qu’il n’existe aucun autre moyen, et pourvu que, dans les circonstances données, ce recours n’empêche pas de remplir des devoirs moraux ou religieux. Les devoirs dont on parle ici sont, par exemple, prendre d’importantes décisions financières, mettre ordre à ses affaires, faire un testament, ou se confesser (si le moribond refuse de remplir ses devoirs, et persiste dans sa demande de narcotiques, le médecin peut les lui administrer sans se rendre coupable de coopération formelle dans la faute commise, puisque cette faute ne procède pas des narcotiques mais de la volonté immorale du patient).
Voici quelques unes des circonstances et des conditions indiquées pour un usage licite de narcotiques dans le cas qui nous concerne. Si le moribond a reçu les derniers sacrements, si des raisons médicales suggèrent clairement le recours à l’anesthésie, si on ne dépasse pas la dose permise, si on a bien évalué  l’intensité et la durée du traitement, et enfin, si le patient y consent, il n’y a pas alors d’objection majeure à l’usage de l’anesthésie; elle est moralement permissible.

Peut-on utiliser les narcotiques si le soulagement de la peine aura pour effet probable un abrègement de la vie ?  Le pape a répondu que «toute forme d’anesthésie directe,
c’est-à-dire l’administration d’un narcotique dans le but de causer ou de hâter la mort est illégal, parce que ce serait présumer pouvoir disposer directement de sa vie.
Si entre l’emploi de narcotiques et l’abrègement  de la vie il n’existe aucun lien causal direct, imposé soit par l’intention des parties intéressées, ou soit par la nature des choses, (comme ce serait le cas si le soulagement de la peine ne pouvait être obtenu que par
l’abrègement de la vie), et si, au contraire, l’administration de narcotiques produisait un double effet, le soulagement de la douleur et le raccourcissement de la vie, cet emploi de narcotiques est alors légal. Cependant, il faut déterminer s’il existe une proportion raisonnable entre les deux effets, et si les avantages d’un effet contrebalancent les inconvénients de l’autre. Il est important aussi de se demander  si l’état actuel de la science médicale ne rend pas possible d’obtenir le même résultat par d’autres moyens.  Enfin, dans l’emploi de narcotiques, on ne devrait pas dépasser les limites du vraiment nécessaire. »

2486- La vertu de pureté.
Comme la frugalité et la sobriété président aux plaisirs de l’instinct d’auto préservation, de la même façon la pureté gouverne ceux qui appartiennent à l’instinct de préservation de l’espèce.  La pureté est un mot général pour les vertus de chasteté, de décence, et de pudeur pudicité.  Et son rôle est de réguler de près les mouvements internes de l’âme (pensées, désirs), et de loin, les paroles et les actes qui se rapportent, à l’extérieur, aux plaisirs sexuels.  En son sens le plus strict, la chasteté est une vertu qui, à l’aide de la raison, modère ou mâte dompte le plaisir vénérien, surtout dans son acte principal ou consommé, ou dans ces centres corporels principaux (les organes génitaux).  En conséquence, la chasteté est double.  Il y a la chasteté conjugale et la célibataire.  La chasteté conjugale s’abstient de tout plaisir non naturel, et, dans le mariage, se sert raisonnablement de ce qui est naturel; la chasteté du célibataire s’abstient du plaisir vénérien, comme de quelque chose d’illégal,  dans son cas.   La décence (la pudicité) dans son sens le plus strict, est une vertu qui modère, par le sentiment de la honte, le plaisir vénérien,  surtout dans ses actes externes secondaires ou non consommés (les regards, les conversations, les touchers, les étreintes, les baisers), lesquels sont reliés â l’acte principal comme  son instigation, sa préparation, son signe externe ou son accompagnement.  L’acte conjugal, même légal, occasionne un sentiment de honte, et la même chose est vraie pour les actes non consommés.  Mais la décence est surtout tournée vers ces derniers, parce qu’ils sont plus fréquents que l’acte consommé.  La décence veut donc que les manifestations du désir charnel soient conduites avec la pensée que ce désir provient d’une passion basse et rebelle, très éloignée en elle-même de la raison, et qui n’est pas mieux faite pour une expression intempestive ou une exhibition publique que ne le sont les actes des animaux les plus déraisonnables.
 

2487- La chasteté et la décence ne sont pas des vertus séparées, la décence étant plutôt une circonstance de la chasteté.  Ainsi, la chasteté modère aussi les actes  secondaires, car la raison doit réguler le plaisir que l’on prend dans ces actes, si l’on veut que cette passion soi sous contrôle.  La décence modère aussi l’acte premier, car, dans les rapports matrimoniaux, il ne devrait y avoir rien d’indigne, rien qui fasse rougir.
2488-   La virginité.  La forme la plus haute de la chasteté est la virginité.  Elle est une pureté sans tache qui conserve la fleur de l’innocence originelle. La chasteté conjugale fait usage  modérément et vertueusement des plaisirs vénériens; la virginité s’en abstient entièrement et vertueusement.  La virginité est de trois sortes.   La virginité du corps signifie que le mâle n’a jamais eu de relation sexuelle avec une vierge; que l’hymen d’une vierge est inviolé.   Cette pureté physique appartient à la vertu de virginité accidentellement, en tant que conséquence ou signe de la vertu.  Mais elle n’appartient pas à la vertu essentiellement, puisque la vertu est dans l’âme et non dans le corps.  En conséquence, quelqu’un peut avoir la virginité corporelle sans la vertu de virginité (un enfant nouveau-né); et vice-versa, (une vierge consacrée qui a été violée).  La virginité de la partie la plus basse de l’âme (les passions) est la liberté dans le  plaisir vénérien volontairement expérimenté.  En premier lieu, cela réfère au plaisir dans les actes consommés, et, en second lieu, dans les actes non consommés, les actes internes, les pensées et les désirs.   Cette sorte de pureté appartient essentiellement à la vertu de virginité, puisque les plaisirs sexuels sont l’élément matériel ou la matière-sujet de la virginité, dont la fonction est d’éliminer toute complaisance envers eux. En conséquence, quelqu’un qui a eu une expérience volontaire de ces satisfactions, légales ou gravement illégales, a perdu la virginité de façon permanente, même si la vertu de chasteté peut demeurer ou être recouvrée.  Car la virginité ne peut pas continuer quand sa matière-sujet a été enlevée.  Il est à noter que les plaisirs involontaires, comme les pollutions nocturnes, le viol, ne portent pas atteinte  à la vertu de virginité.

 La virginité de la plus haute partie de l’âme est l’intention de s’abstenir de tout acte vénérien dans le futur.  Cette pureté de l’âme appartient aussi  essentiellement à la vertu de virginité,  puisque les actes des appétits sensitifs ne sont rendus moraux et vertueux que par la direction que leur donnent la raison et la volonté.   En conséquence, quelqu’un qui n’a eu aucune expérience d’un plaisir charnel, mais qui a l’intention de se marier et d’utiliser les moyens du mariage, ou d’agir de façon non chaste, n’a pas, dans le premier cas, la vertu de virginité, et n’a pas dans le deuxième, la vertu de chasteté.

2489-    La perte de la virginité.  La virginité physique ou corporelle ne peut jamais être retrouvée quand elle a été une fois perdue.  Car cette virginité signifie qu’une certaine action corporelle n’a pas  eu lieu, tandis que sa perte signifie que cette action a eu lieu.   Évidemment, un miracle pourrait redonner l’intégrité corporelle.  Mais une question plus importante est la suivante : est-ce que la virginité morale ou la vertu de virginité est, elle aussi, irrécupérable ?  Si la vertu a été perdue en son élément matériel principal, elle ne peut pas être retrouvée.   Cet élément matériel (l’absence de toute expérience séminale volontaire) ne peut pas être restauré, car même Dieu ne peut pas faire que ce qui a eu lieu n’ait pas eu lieu.  Il faudrait noter, toutefois, une fois pour toutes, que la perte de la virginité n’implique pas nécessairement la perte de la chasteté conjugale; et qu’on peut retrouver la chasteté perdue par le repentir.   Si la virginité a été perdue en son élément formel, et si l’intention de ne pas s’abstenir était illégale,  et productive d’insémination naturellement bien que non actuellement,  il semble que la vertu ne puisse être restaurée.  Car, dans ces cas, la pécheresse veut, au moins indirectement, la perte de l’élément matériel principal de la virginité.  Et il répugne à la raison d’attribuer la gloire de la virginité à quelqu’un qui a péché ainsi,   Il n’est pas avantageux de rappeler  constamment  aux pénitentes que leur virginité est  irrémédiablement perdue, mais il faut répondre à ceux qui nous le demandent que  tous les péchés dont on se repent sont remis.

 Si la virginité a été perdue en son élément formel, et si l’intention de ne pas s’abstenir était légale (une jeune fille qui n’a pas encore fait de vœux décide de se marier et d’avoir des enfants, mais change d’idée et veut demeurer célibataire), ou était illégale mais ni naturellement ni actuellement  productive d’insémination (la non chasteté externe d’un enfant non pubère incapable d’émissions, ou interne, ou excitant faiblement la non chasteté d’un adulte), la vertu peut être recouvrée, certainement dans le premier cas, probablement dans le second.   Car la matière de la virginité n’est certainement pas enlevée par la simple intention d’avoir un plaisir vénérien légal, et probablement pas par des plaisirs qui ne tendent pas vers l’insémination.  Le recouvrement de la virginité se fait dans le premier cas par la rétractation de l’intention contraire, et dans le deuxième,  par le repentir et le renouvellement du ferme propos.

 2490- Les conditions nécessaires à la vertu de virginité.  Quant à sa manière, il semble plus raisonnable  que cette résolution soit exprimée par un vœu.  La raison en est que, d’après certains moralistes, la virginité est une vertu spéciale seulement à cause du caractère sacré que la religion lui confère; et, d’après d’autres, à cause aussi de l’inébranlabilité de la renonciation qu’apporte un vœu.

  Mais on tient aussi comme probable qu’une virginité non  vouée à Dieu peut porter le nom du plus bas degré de la vertu spéciale de virginité.   Elle est, au moins, un très haut degré de la vertu de chasteté.  En ce qui a trait au motif, la virginité doit, pour sa justification, invoquer une raison extrinsèque.  Mais c’est sa propre fin qui justifie la chasteté, la modération raisonnable.  La virginité, au contraire, n’est pas auto justificatrice, puisqu’elle est, par elle-même, infructueuse et non avantageuse.  En conséquence, elle ne mérite pas de louanges à moins qu’elle ne se mette au service d’un bien supérieur à celui de la procréation, comme un bien de l’âme (le philosophe Platon est demeuré célibataire pour mieux se consacrer à la philosophie), ou de la volonté (le nouveau testament recommande la virginité pour une plus grande dévotion aux choses de Dieu).  La virginité qui ne procède que du mépris envers les choses sensibles serait considérée comme un excès; et la continence pratiquée uniquement pour échapper aux fardeaux du mariage, et pour se couler la vie douce, ne serait rien d’autre que de l’égoïsme.  Mais la virginité vécue pour des motifs de renoncement, approuvés par la raison, observe le juste milieu (Pie X11, la virginité sacrée, 25 mars l954).

  2491- L’excellence de la virginité.  La virginité détient le plus haut rang parmi les diverses formes de chasteté.  Chaque sorte de chasteté (prénuptiale, conjugale, ou propre à une veuve) est d’une grande importance, parce qu’à cette vertu est confiée  la droite propagation de la race entière, et la santé morale et physique de l’individu, dans la plus ardente des passions.  La reproduction matérielle de l’espèce humaine est, évidemment, un besoin plus urgent que la virginité, puisque sans elle le genre humain s’éteindrait.   Et s’il y avait un danger d’extinction de la race, il serait plus nécessaire de se marier que de pratiquer la continence.  Mais si nous faisons porter  notre attention sur le cours ordinaire des choses, et si nous comparons la virginité avec la chasteté non virginale du point de vue de leur noblesse, on doit dire que la virginité est plus avantageuse pour la société et l’individu que les autres formes de chasteté.  Elle est plus avantageuse pour la société, car l’exemple de son excellence est un paratonnerre pour les  bonnes mœurs, et sa permanence donne la possibilité d’un service plus complet et  plus empressé à la société.  Elle est plus avantageuse pour l’individu, car il est préférable d’être employé au service de Dieu que d’être plongé dans les choses du monde.  Et ceux qui ne sont pas mariés ont plus de temps à accorder aux choses surnaturelles, et avec moins de distractions.   L’Écriture affirme la supériorité de la virginité sur le mariage par ses enseignements (notre Seigneur en Matt X1X, 12, conseille la virginité; saint Paul dans 1 Cor V11, 7, et suiv;  dit que c’est l’état le meilleur et le plus béni); par ses exemples (Notre Seigneur, la sainte Vierge, saint Jean baptiste, saint Jean l’évangéliste, et dans l’ancien testament,  Elie, Elisée, Jérémie); et par ses récompenses promises (Ap X1V, 4).   Une philosophie matérialiste  populaire rend, aujourd’hui, des impulsions sexuelles refoulées responsables de l’hystérie, et d’autres déséquilibres émotionnels, mais l’expérience a fait la preuve que la continence est bénéfique à la santé physique et psychique.

  La virginité n’occupe pas le premier rang parmi les vertus. Les vertus théologales la surpassent, étant son but.  Le martyre et l’obéissance religieuse sont plus grands parce qu’ils sacrifient les biens supérieurs de la vie et de la volonté propre. Il peut donc arriver qu’une personne mariée ou un pénitent (Luc V11, 37 suiv) surpasse une vierge dans la foi, l’espérance et la charité, et puisse être plus sainte.

  2492- Le péché d’impureté. Le péché qui est aussi connu sous le nom de luxure, est un désir désordonné de plaisir sexuel.  Son objet est le plaisir sexuel, c’est-à-dire la sensation de jouissance physique dans les organes corporels ou la satisfaction psychique des appétits les plus bas de l’âme, qui sont dérivés d’actes reliés à la génération. En conséquence, il faut distinguer l’impureté de la sensualité (laquelle est un attachement désordonné à un plaisir esthétique ou à d’autres sensations  similaires); la luxure du luxe (lequel est un désir excessif de bien-être et de confort); et de la curiosité (qui est un penchant excessif pour les joies intellectuelles).  Mais on devrait noter que le plaisir sensuel conduit aisément  à la délectation vénérienne, et que la curiosité intellectuelle envers la sexologie est dangereuse.  En conséquence, cette sensualité et cette curiosité peuvent être et sont souvent une tentation d’impureté.  L’impureté est dans le désir, car les passions en elles-mêmes sont indifférences (121), et elles deviennent  peccamineuses uniquement quand la volonté consent à leur abus.  L’impureté est désordonnée, c’est-à-dire qu’elle court après le plaisir contre le dictat de la raison.   Cela se produit quand des gens non mariés recherchent une gratification sexuelle, ou quand ceux qui sont mariés la recherchent par des moyens non naturels.   C’est une perversion et un péché de tromper l’estomac pour gratifier le palais, car Dieu a voulu que le plaisir attaché à la manducation serve à la nutrition.  Ou, comme le dit le proverbe : il ne faut pas vivre pour manger, mais manger pour vivre. Le plaisir sexuel, lui aussi,  a été voulu  par Dieu comme une incitation à  accomplir un acte qui a pour but la propagation et l’éducation des enfants, devoirs qui ne peuvent être correctement remplis que dans l’état matrimonial.   En conséquence, ceux qui recherchent le plaisir vénérien en dehors du mariage, ou autrement que la nature le prescrit, agissent déraisonnablement, car ils sacrifient la fin aux moyens.  L’instinct guide l’animal correctement dans ces matières;  mais  l’homme est une créature plus noble, et il doit se guider lui-même à l’aide de  la raison et de la religion.

  2493- Les sortes d’impureté.  L’impureté est consommée quand l’acte perdure jusqu’à sa conclusion naturelle, et quand s’est produite la complète satisfaction vénérienne.  Cela arrive dans l’insémination, laquelle est le terme du processus déclenché par la pensée impure, et le désir et la réalisation de son plaisir complet.  L’insémination se produit lors du coït ou par des éjaculations hors de l’utérus, nommées  pollutions.  Équivalentes à l’insémination, sur le plan moral, sont d’autres émissions qui accompagnent la gratification ou complète, ou presque complète, mais au cours de laquelle le liquide ne coule pas (les émissions urétrales pour les garçons qui ne sont pas pubères, ou pour les eunuques, le flot vaginal dans les femmes, les distillations urétrales).  L’impureté consommée est soit naturelle (valable pour la reproduction, conforme à la fin voulue par la nature), comme dans la fornication et l’adultère, ou contraire à la nature (qui ne vaut pas pour la reproduction), comme dans la sodomie et la pollution.  L’impureté n’est pas consommée quand elle ne se rend pas  jusqu’à sa conclusion naturelle de complète satisfaction et d’insémination. Il y a deux classes de péchés non consommés, à savoir l’interne (pensées et désirs), et l’externe (paroles, regards, baisers).   Cela se produit sans commotion charnelle (quand un vieillard frigide éprouve un plaisir mental au souvenir des actions de sa jeunesse), ou avec une commotion charnelle, c’est-à-dire avec une excitation dans les organes génitaux qui prépare le chemin pour l’insémination.

   2494- La gravité du péché d’impureté. L’impureté est un péché mortel, parce que c’est un désordre qui compromet un bien d’un ordre plus élevé (la propagation de la race) et qui traine avec soi des maux moraux et physiques, publics et privés des plus sérieux,    L’homme n’a pas plus le droit d’avilir son corps par la luxure qu’il n’a le droit de le tuer par le suicide, car  Dieu est le seigneur absolu du corps,  et il interdit sévèrement l’impureté sous toutes ses formes.    Ceux qui font les œuvres de chair, selon la nature (fornication, adultère), ou contrairement à la nature (les sodomites), ou par un péché non consommé (le souillé, l’impur) n’obtiendront pas le royaume de Dieu (Gal V, 19; 1 Cor V1, 9 suiv).n’ont pas, non plus, d’héritage avec le Christ (Eph V, 5).   L’impureté n’est pas le pire des péchés, parce que les péchés contre Dieu  sont plus graves (haine de Dieu, sacrilège) que les péchés commis contre les biens créés; et les péchés de malice sont plus inexcusables que les péchés de passion ou de fragilité.   Mais les péchés charnels sont particulièrement disgracieux en raison de leur animalité (2464, 224), et, dans un chrétien, ils sont une sorte de profanation, puisque son corps a à été donné au Christ dans le baptême et dans les autres sacrements (1 Cor V1, 11-19).

  L’impureté est l’un des sept vices capitaux.  Les péchés capitaux ont une prééminence dans le mal, et les vertus cardinales ont une supériorité dans le bien.  La prééminence dans le mal est due, d’abord, à une sorte spéciale d’attirance que possède un vice, qui en fait une fin pour la commission d’autres péchés qui lui servent de moyens ou de motivation.  Elle est due, en second lieu, à un pouvoir ou une influence qui est si fort qu’il précipite ceux qui sont sous son charme dans différentes sortes de péché. L’impureté est, en réalité,  une maladie morale qui ravage toutes les parties de l’âme, ses effets mortels apparaissant dans la raison, dans la volonté et dans la parole.  Car plus quelqu’un se soumet à la domination des passions, moins apte il devient  pour les choses plus élevées et plus nobles de la vie.  Et plus la vie intérieure est ignoble, plus vulgaire, plus triviale et plus dégoûtante sera la conversation,  C’est pourquoi les pères imputent à l’impureté les péchés suivants d’imprudence : une mauvaise compréhension de la fin et du but de la vie; l’irréflexion dans les décisions, l’inconstance à suivre un but fixé et à en prendre les moyens(1693).   Ils attribuent aussi à l’impureté les péchés suivants commis par la volonté : l’épicurisme (qui suborne tout au plaisir corporel), la haine de Dieu (qui a en horreur le législateur suprême qui interdit et punit la luxure); par les moyens, l’amour du présent et l’horreur de la vie future (puisque l’homme charnel se plait dans les  plaisirs charnels et repousse la pensée de la mort et du jugement).   Enfin, ils assignent les péchés suivants de la langue à l’impureté (le sujet de conversation de l’obscène est ordurier, car la bouche parle de l’abondance du cœur  (Matt. X11, 34); ses expressions elles-mêmes sont biscornues, car la passion ennuagent l’esprit.  L’origine de son discours est le vide de son esprit qui se manifeste dans des paroles frivoles; et le but de sa vie est un divertissement inconvenant, farci de farces plates ou vulgaires.

2495- Les fruits mauvais de l’impureté.  En plus de ces conséquences morales, l’impureté est aussi prolifique en autres fruits mauvais.  Ainsi, elle est, pour le pécheur, comme un cruel aiguillon toujours menaçant, qui lui enlève toute paix (Saint Ambroise); comme une épée qui tue les plus nobles instincts (saint Grégoire le grand); comme une chute de la dignité humaine dans une condition inférieure à celle des bêtes (Eusèbe de Césarée).  Pour la société, elle est un désastre de multiples façons puisqu’elle propage l’anxiété mentale et les maladies physiques, rompt la paix des familles, apporte la honte et la disgrâce à des enfants innocents, dévore les fortunes, et mène à des crimes innombrables d’injustice et de violence.
 

2496- L’impureté est-elle jamais un péché véniel ?  En raison de l’imperfection de l’acte, l’impureté est vénielle quand il n’y a pas eu de délibération suffisante ou de consentement.  Une invincible ignorance du sixième commandement peut parfois exister, surtout en ce qui a trait aux péchés internes de pensée, aux péchés externes de pollution si la personne est jeune; aux autres péchés externes quand les circonstances compliquent les choses (les baisers et les touchers par des fiancés, l’onanisme quand les mariés sont pauvres ou la femme malade). Et ce qui est encore plus fréquent c’est l’ignorance du sens véritable  du sixième commandement (ignorance de la malice théologique de ce que l’on sait être mauvais).  En raison de la matière, l’impureté, selon l’enseignement de tous, est toujours mortelle, si elle est voulue directement, mais souvent vénielle, si elle n’est qu’indirectement voulue.  L’impureté est directement voulue quand quelqu’un pose un acte avec l’intention d’obtenir une délectation vénérienne illégale; ou se rend compte que cette jouissance est déjà présente, et y consent.  Quelle que soit la brièveté du consentement volontaire, quelle que soit la légèreté de la commotion de la nature animale, quel que soit l’éloignement de l’acte de  consommation, il y a toujours une offense sérieuse faite à un grand bien, ou au moins le danger prochain d’un dommage, et donc de péché mortel (260). C’est l’enseignement de l’Église qu’un léger acquiescement à l’impureté est un danger sérieux (elle déclare que la luxure a abattu même les plus forts. Prov. V11, 26). C’est aussi celui de l’Église (qui condamne l’opinion que les baisers libidineux ne sont pas des péchés. Cf Denzinger, 1140).  C’est aussi celui de la théologie (qui nous rappelle que notre raison a été assombrie par le péché originel, la volonté affaiblie, et les passions renforcées).   C’est également l’enseignement de l’expérience (qui montre que qui aime le feu périra). Une étincelle n’est pas une vétille si elle est proche d’un baril de poudre; un seul petit défaut dans une machine peut causer une catastrophe; et n’est pas sûr le premier pas que l’on fait sur une pente glissante.

L’impureté est indirectement voulue quand, délibérément et sans raison suffisante, on pose un acte qui n’est pas le plaisir vénérien (que cet acte soit bon comme une prière faite avec une grande ferveur sensible, ou mauvais, comme la gloutonnerie, ou indifférent, comme la lecture d’un livre, un bain), mais qui produit un plaisir sexuel prévu (consommé ou non consommé), qu’on ne désire pas directement, et auquel on ne consent pas.  L’impureté, qui est ainsi indirectement désirée, est un péché, parce que le plaisir est prévu et permis sans raison suffisante (102), ou, en d’autres termes, parce qu’on s’expose au danger de la souillure interne (consentement), ou de la pollution externe sans justification (260).   L’impureté indirecte est mortelle quand il y a un danger prochain de péché grave dans l’acte fait, c’est-à-dire, quand l’acte posé, par lui-même ou de par sa nature, incite fortement l’agent à une passion sexuelle, comme quand quelqu’un regarde longtemps et fixement des images obscènes, sachant que toujours ou presque toujours cela suscite des émotions impures.   Le péché est véniel quand il n’y a qu’un danger éloigné de péché grave.  Cela arrive quand l’acte posé n’est pas un acte vénérien (une conversation sur des sujets anodins), mais n’est qu’une légère  incitation au mal (un regard jeté en passant sur un objet obscène), ou quand l’agent lui-même n’est pas gravement affecté par lui (quand un vieillard, ou un homme frigide, ou un artiste qui observe attentivement  un nu avec la seule pensée d’exceller dans son art)

  2497- Tentations contre l’impureté.  Avant de traiter des diverses sortes d’impureté, nous allons parler brièvement des tentations qui sont des occasions de péché, et des devoirs de la personne tentée.  La tentation externe vient du démon ou du monde, et le devoir de lui faire la lutte a été traité plus haut (252, 1455, 1495 suiv).  Ainsi, celui qui trouve que telle personne, tel lieu ou telle chose est pour lui une source de tentation à l’impureté doit se laisser guider par les principes qui se rapportent aux occasions de péché (263 et suiv).  Quelqu’un qui découvre qu’une personne désire le séduire pour l’entraîner dans l’impureté, doit refuser tout consentement interne (254), et doit aussi résister à la violence quand il y a une chance de succès, ou quand la chose est  nécessaire pour éviter de donner du scandale, ou de consentir (autodéfense 1841).      La tentation interne vient de la chair.  Elle consiste en des troubles ou des excitations commençantes des organes ou des fluides qui servent à la génération (érections,  mouvements clitoridiens).  Il arrive parfois que cela se produit involontairement, sans aucune intention ou consentement de la volonté, par des états physiologiques, ou par des états psychiques,  Dans ces cas, il n’y a pas de péché.   Saint Pie V a condamné l’enseignement de Baïus à l’effet que ceux qui éprouvent des poussées de concupiscence contre leur volonté sont des transgresseurs de la loi : tu ne convoiteras pas. (Denzinger 1050, 1051, 1075).   La tentation est parfois directement volontaire quand la passion est délibérément excitée dans le but de commettre un péché, Il y a alors une faute grave.    La tentation est parfois indirectement volontaire quand, avec la prévision de la passion mais sans son désir, on fait une action qui la provoque.   Dans ce dernier cas, aucun péché n’est commis  s’il y a une juste raison pour l’action excitative (un médecin voit et entend des choses qui sont calculées pour être une tentation, mais c’est pour l’exercice de sa profession).   Mais s’il n’y a pas de juste raison pour l’action, (lire un livre érotique par pure curiosité), on commet un péché, et sa gravité dépend des dangers plus ou moins grands auxquels on s’expose.

  2498- La résistance aux tentations internes.  La lutte à mener contre les tentations internes doit se faire sur plusieurs fronts.  En raison de son sujet, le conflit est principalement dans la volonté, à laquelle il appartient de donner ou de refuser le consentement.  Il appartient en second lieu aux autres puissances de l’âme et du corps, les quelles, sous le commandement de la volonté, posent des actes élicités dans le but de triompher de la tentation.  En raison de sa manière, le conflit est soit une évacuation de la tentation (la cessation d’un acte qui produit la tentation), soit une résistance active ou passive.   La résistance passive est la suspension de l’activité qui se rapporte à la tentation,  jusqu’à ce que la tentation prenne fin d’elle-même.  Comme quand la volonté ne consent ni ne s’oppose, ou quand, extérieurement, rien n’est fait pour ou contre.  La résistance active est l’opposition positive offerte à la tentation.   Elle se fait de deux façons.    Premièrement, par le moyen de la fuite, comme quand, intérieurement, l’esprit tourne son attention vers d’autres choses (des études absorbantes, la méditation de la passion du Christ); ou quand la volonté prend d’autres résolutions (des actes d’amour de Dieu ou de pureté).  Ou quand, extérieurement, le corps s’éloigne des conditions qui excitent les tentations.  En second lieu, par le moyen de l’attaque, quand l’esprit se tourne contre la tentation (en réfléchissant sur les dangers, en demandant à Dieu de l’enlever) ou quand la volonté rejette la tentation (en la méprisant, en exprimant son dégout, sa désapprobation, son refus de consentir, en prenant la ferme décision de ne pas céder, ou en choisissant les mesures capables de combattre la passion), ou quand on s’inflige des mortifications et des privations.    En raison de ses circonstances, la résistance à la tentation est soit prolongée, (quand elle dure longtemps), ou est renouvelée à différents intervalles;  soit  brève, quand l’acte de lutte est ponctuel, et n’est pas répété.

  2499- Quelle opposition à la tentation est-elle suffisante ?  L’opposition aux tentations de la chair doit être suffisante pour les vaincre, quand la tentation est due à la maintenance d’un acte coupable ou injustifié.  Car on est obligé de cesser de pécher ou de faire ce qui est déraisonnable.    Cela arrive quand la tentation est directement volontaire. Par exemple. Quelqu’un qui a voulu faire l’expérience des tentations en lisant un livre très séduisant, doit abandonner cette lecture. Ou quand la tentation n’est pas directement volontaire et est sans raison suffisante.  Par exemple, Quelqu’un qui éprouve une tentation charnelle due à la lecture d’un livre qu’il lit par simple curiosité,  doit cesser de le lire.    Mais nul n’est  tenu à omettre ou à interrompre des actes nécessaires ou utiles comme le repos, le sommeil, la prière et la charité,  On doit refuser au mal son consentement, mais continuer à faire le bien.

  2500- Une opposition insuffisante, nuisible et non nécessaire.   Dans d’autres cas, l’opposition aux tentations de la chair doit être telle qu’elle suffise pour empêcher quelqu’un de consentir, c’est-à-dire,  se protéger soi-même contre le danger prochain de péché.  En conséquence, est insuffisante la résistance qui ne fortifie pas la volonté.  Il semble que la résistance passive de la volonté soit de cette sorte, puisqu’il est fort difficile pour la volonté de demeurer inactive en présence d’une stimulation charnelle ou de motions des appétits sensibles sans être troublée par les mauvaises suggestions.   Dans la résistance externe, toutefois, l’opposition passive suffit lorsqu’elle est seule faisable, et quand la tentation surgit d’un travail nécessaire, ou d’un repos qu’on ne peut discontinuer ou interrompre par une résistance active.  Pourvu que la volonté exprime son déplaisir et sa désapprobation.  Mais la passivité externe n’est pas permissible quand la volonté a besoin de l’aide de la résistance externe, comme dans le cas d’une tentation véhémente et prolongée.   Est nuisible la résistance qui fortifie la tentation.   En conséquence, la résistance par l’attaque directe ou par le rejet formel, doit souvent être  omise en donnant la préférence à la résistance par la fuite ou le mépris.   Car c’est un enseignement des pères et des docteurs, confirmé par l’expérience, que l’acharnement mis à repousser les passions ne fait que les fortifier, et que la résolution d’écraser à coups de massue  une tentation faible et passagère ne fait que lui donner une plus grande longévité.  Il est préférable de tuer tout de suite un maringouin plutôt que de prendre le risque de se casser le coup en l’attaquant en haut ou en bas d’un escalier.

Elle n’est pas nécessaire la résistance qui implique une impossibilité physique ou morale,   Ainsi, n’est pas requis, dans les cas ordinaires au moins, un acte prolongé de résistance, ou qui est répété après quelques minutes, ou une résistance qui inclut une austérité corporelle extrême.  Quand une tentation est plus véhémente qu’à l’ordinaire, ou est due à la faute de quelqu’un, il devrait, pour un plus grand danger,  y avoir proportionnellement une plus grande résistance.  Mais quand la tentation est médiocrement dangereuse, il suffit de la rejeter fermement et brièvement, et de répéter l’opération quand se lève une nouvelle crise ou un nouveau danger, et quand la reprise de la résistance est utile.

2501- Les armes contre les tentations charnelles. Les armes les plus puissantes contre les tentations charnelles sont les spirituelles. Et parmi elles, la plus nécessaire est la grâce, que l’on doit demander dans la prière (Sag. V111, 21), surtout par l’intercession de la bienheureuse Vierge Marie (Pie X11, la virginité sacrée, mars 25, 1954).

 Mais on ne devrait pas négliger les moyens corporels,  surtout les préventifs.  Les mesures physiques dont nous parlons ici sont l’hygiène sexuelle par des thérapies normales, et les thérapies sexuelles pour les cas anormaux.  Les règles sanitaires spéciales, dont l’observance favorise les bonnes mœurs, sont tout spécialement le développement d’habitudes de propreté corporelle, d’un dur travail mental et physique, d’exercices physiques intenses, et l’évitement des habitudes insalubres (comme la constipation, l’usage des drogues), des vêtements inconvenants, et du manque de sommeil.  Il faut recourir au service d’un médecin consciencieux et compétent pour le traitement médical ou chirurgical des malformations, et  pour les maladies corporelles ou mentales qui ont un effet néfaste sur la vie sexuelle.

  Les mesures religieuses sont diverses formes de mortification corporelle, comme la modestie des yeux et la garde  d’autres sens;  la privation de nourriture (le jeûne et l’abstinence) et du sommeil (les veilles, les vigiles); les pénitences ascétiques  que l’on s’inflige en employant  des cilices,  des ceintures de chasteté, ou en se donnant la discipline.  Mais les austérités doivent être adaptées à l’âge, à la santé, au devoir d’état, ou à d’autres circonstances de la personne qui les pratique.  Et on ne doit pas s’y livrer sans le consentement du confesseur ou du directeur.

  2502- La culpabilité de la négligence dans la résistance aux tentations. C’est un péché de ne pas engager la lutte contre la tentation, puisque celui qui ne résiste en rien, même pas passivement, capitule et se livre au péché. C’est pourquoi l’Église a condamné l’indifférence quiétiste aux tentations que prônait Molinos (Denzinger 1237, 1257, 1267). C’est aussi un péché de résister de façon insuffisante, i.e. tardivement et lâchement.  La malice théologale.  C’est un péché grave ou véniel d’être négligent dans les tentations,  selon la grandeur ou la petitesse du danger auquel la négligence expose quelqu’un (256-262). Ainsi, ce n’est pas un péché sérieux d’omettre toute résistance à une tentation faible et mourante, ou de négliger, par nonchalance ou insouciance, toute résistance externe, quand le danger a été éloigné par le mécontentement ressenti ou la résolution de l’éviter.   Mais c’est un péché sérieux de badiner avec une tentation très attirante, ou de laisser tomber la résistance quand une tentation prend son essor et croît au point de rendre malaisée la maîtrise de soi.  Et cela est vrai même si, finalement, on ne donne pas son consentement à la suggestion impure.

  La malice morale.  Les négligences qui portent sur la tentation charnelle ne diffèrent pas par l’espèce, mais par le degré, selon le progrès que fait le stimulus dans  la luxure complète.  Même quand il y a un objet devant l’esprit (fornication, adultère), la différence d’espèces de l’objet ne semble pas entraîner une différence d’espèce de péchés, puisque le péché est l’insouciance devant la tentation présente.  En conséquence, il suffit de confesser qu’on a été négligent, quand on avait à bannir les pensées ou les .émotions impures.
2503-    Les applications.  Les principes donnés ici,  portant sur les émotions de l’appétit sensible et les rébellions de la chair,  devraient s’appliquer à d’autres actes  involontaires de la raison, de la volonté et de l’imagination (129).  Ainsi, les pensées ou les images de scènes impures passagères devraient être traitées de la même façon que les tentations de la chair.  Les principes qui sont donnés ici pour une personne qui subit une tentation devraient être appliqués à la personne qui cause la tentation.  Comme c’est un péché mortel de commettre l’impureté, c’en est aussi un de solliciter l’impureté.  Puisqu’il commet un péché mortel de luxure celui qui s’enivre pour éprouver des émotions charnelles, il en commet aussi un  celui qui enivre quelqu’un pour l’entraîner au péché. Comme c’est un péché mortel de s’exposer à un danger extrême, en lisant un livre pornographique, c’est aussi un péché mortel de désirer exposer quelqu’un à un danger similaire.  Et cela est vrai, même quand la tentation ne remporte aucun succès.  Les médecins qui minimisent le mal de la masturbation, ou qui conseillent la fornication aux jeunes hommes pour la raison absurde que la continence est insalubre et engendre l’impuissance, participent au péché de pollution ou de fornication de ceux à qui ils ont donné ces conseils. Et les jeunes qui veulent séduire autrui par leurs coiffures, leur maquillage, et leur nudité etc  ont la faute, si non le gain, de la séduction.

  2504- Les péchés d’impureté non consommés. Ces péchés incluent tous les péchés préparatoires dans lesquels le péché sexuel illégal n’est pas poussé jusqu’à son terme, le coït ou la pollution.   Nous allons parler d’abord des péchés internes de pensée, de jouissance et de désir (232 suiv).  Nous parlerons ensuite des péchés externes des regards indécents, des paroles, des baisers, et des étreintes prolongées.

2505-    Les pensées impures.  Les pensées impures sont des représentations, dans l’esprit ou l’imagination, d’objets vénériens impurs, desquels on tire un plaisir sexuel délibéré.   Ce sont des représentations, c’est-à-dire des images mentales de choses absentes pour les sens, mais pensées ou imaginées comme présentes.   Ainsi, les pensées impures diffèrent des désirs, qui consistent dans une attirance et la volonté de les accomplir, et aussi du contact sensuel  avec des objets présents aux yeux, aux oreilles, au toucher. Elles sont accompagnées du plaisir délibéré de la volonté, c’est-à-dire qu’on les désire ou on leur donne brièvement son consentement après avoir perçu leur présence ou leur malice, même si on ne ressent aucun plaisir sensible,  ou s’il n’y a aucune menace de le ressentir.  Ainsi, les pensées impures diffèrent des pensées de tentation qui sont des formes transitoires et non désirées qui apparaissent dans l’esprit, ou auxquelles on pense avant d’en saisir le véritable caractère, ou qui s’impatronisent  en dépit des efforts faits pour les mettre à la porte.  Une pensée de tentation n’est pas un péché, mais une occasion de mérite quand on y résiste, quelle que soit la durée de son occupation (2497).   Le plaisir se prend dans un objet vénérien, c’est-à-dire,  dans la pensée de fornication, d’adultère ou d’un autre péché charnel commis par soi-même ou par un autre.   En conséquence, il ne faut pas confondre les pensées impures avec le plaisir pris dans la connaissance de l’impureté (un professeur de médecine ou de morale n’est pas impur quand il se réjouit de sa connaissance en sexologie, laquelle est nécessaire pour l’accomplissement de son devoir d’état), ou avec le plaisir pris dans la manière moralement indifférente d’un péché vénérien.  Exemple. Souligner l’aspect ridicule d’un péché qu’on déteste n’est pas une pensée impure (233-236).

   2506- La malice des pensées impures. La malice théologale.  Les pensées impures sont des péchés mortels, car celui qui se réjouit à la pensée d’un péché, aime ce péché, et en est donc coupable,  Elles sont des péchés véniels quand il n’y a pas d’attention suffisante, et aussi quand la matière est légère, à cause de l’éloignement du danger d’une pensée qui n’est qu’indirectement volontaire.  Elles sont mortelles quand il y a une délibération complète ou quand la pensée impure est directement voulue ou gravement dangereuse (2496).  La malice morale,  Les pensées impures ont la même malice spécifique que l’objet qui est accueilli, dans l’esprit,  comme un hôte bienvenu,  Car non seulement c’est donner l’hospitalité à l’impureté dans l’esprit, mais c’est commettre une sorte spéciale d’impureté (90, 235).  En conséquence, il s’ensuit, en premier lieu, qu’un objet spécifiquement différent (comme c’est le cas dans les différents péchés consommés) fait un péché spécifiquement différent (se délecter dans une pensée de relations sexuelles est de la fornication mentale, si les personnes en question ne sont pas mariées; et c’est un adultère mental, si elles sont mariées). En second lieu, des objets non spécifiquement différents (comme c’est le cas dans les différents péchés non consommés d’obscénité), ne font pas des péchés spécifiquement différents (penser avec plaisir à un baiser illégal, et penser coupablement à un toucher non permis sont tous les deux une obscénité mentale, ou des pensées impures).  Troisièmement, les malices spéciales d’objets dont l’esprit peut se détacher  (celles qui dans l’acte externe ne changent pas l’espèce ou n’expliquent pas le plaisir vénérien); et dont il se détache effectivement,  (se délecter de la pensée d’une femme mariée et parente, si la pensée qu’elle est mariée plait ou déplait, est de la fornication mentale, et non de l’adultère).  En pratique, on conseille aux confesseurs qu’ils s’abstiennent de poser des questions sur l’espèce morale de la délectation morose.  Car les fidèles, pour la plupart, ne savent pas faire la distinction entre les espèces morales  des pensées, et l’interrogatoire serait soi inutile soit périlleux, en raison de la matière.  Si ces cas devenaient plus fréquents, il serait très dommageable  tant aux confesseurs qu’aux pénitents, si le prêtre s’enquérait de ce qui peut à peine être connu. Il suffit donc, habituellement, de découvrir quelle est leur espèce théologique (si la volonté s’y est complu), ou l’espèce morale générale (est-ce que l’acte interne fut une délectation morose ou un désir) canon 888, 2,   normes données aux confesseurs pour l’application du sixième commandement, saint office, mai 16, 1943)

  2507- La réjouissance impure.  La réjouissance impure est un plaisir délibéré de l’esprit au souvenir d’un péché passé d’impureté. En conséquence, le péché de réjouissance est commis quand on pense,  en les approuvant, aux fornications des jours passés.  Mais on ne commet pas le péché de se réjouir quand on  limite sa réjouissance aux bons effets d’une fornication (l’adorable enfant qui en est né), ou à un plaisir légal du passé, comme quand une veuve pense à son mariage passé, sans commotions charnelles présentes ou sans danger d’en provoquer.  Les circonstances sont plus promptement rapelées dans les pensées impures, car ici, l’âme se représente un cas de péché actuel, non imaginaire.  Et la représentation mentale sera quand même plus distincte quand il s’agit d’une impure réjouissance d’une sous espèce morale non perçue.  Il arrive même des cas où on ne distingue plus la réjouissance impure de la pensée impure.   Les principes du chapitre précédent s’appliquent à la réjouissance impure.

  2508- Les désirs impurs.  Le désir impur est une intention délibérée de commettre un péché dans le futur,  C’est une intention délibérée, c’est-à-dire, une intention ou une volonté à laquelle on consent intérieurement,   En conséquence, un désir impur n’est pas la même chose que l’affirmation d’un fait, comme quand un homme passionné déclare qu’il pècherait s’il n’en redoutait pas les conséquences, ne voulant rien dire d’autre  qu’il est faible, non qu’il désire pécher.   Ce n’est pas non plus la même chose qu’une simple velléité, qui désire le plaisir sexuel dans des circonstances qui le rendrait légal, comme quand un homme marié désirerait être marié à une autre que la sienne; ou que lui et l’autre femme soient libres de se marier légitimement.   Mais ces velléités sont stupides et vénielles,  Mais elles deviennent souvent graves en raison du danger qui rôde.  Un désir impur existe quand la volonté consent inconditionnellement (comme quand quelqu’un désire ou décide de forniquer demain), ou conditionnellement, sous un prétexte qui n’enlève pas la malice (comme quand quelqu’un décide qu’il forniquerait s’il ne craignait pas la punition;  ou désire qu’il lui soit permis par la loi de pratiquer la fornication).  C’est une intention de commettre l’impureté, et il n’y a donc pas de désir impur à vouloir ce qui n’est pas un plaisir vénérien (le soulagement mental, spirituel ou corporel qui suit une pollution involontaire);  ou ce qui est un plaisir vénérien permis (quand des fiancés pensent, mais sans commotion charnelle ou sans le danger qu’il y en ait, aux avantages de leur future relation matrimoniale).

  2509- La malice des désirs impurs. Les désirs impurs sont des péchés mortels, et ont la malice de l’objet et des circonstances qui sont dans l’esprit.   C’est-à-dire qu’on commet la même sorte de péché en désirant qu’en commettant l’impureté.  Voilà pourquoi notre Seigneur a dit que celui qui regarde une femme avec un regard de convoitise impur a déjà commis l’adultère dans son cœur (Matt. V, 28); et voilà pourquoi le neuvième commandement défend les péchés des désirs impurs.  Les principes donnés en 2506, 2507, s’appliquent aussi aux désirs impurs, avec cette différence, que quand il veut un acte externe, l’esprit considère l’objet comme il est en lui-même, non comme il est mentalement représenté. Il est donc peu vraisemblable qu’il puisse ne pas tenir compte de circonstances qui lui sont connues. Mais même ici, une investigation faite par un confesseur n’est pas souhaitable, en raison de son impossibilité morale.

  2510- L’obscénité ou la lubricité.   Après les péchés internes, viennent les péchés externes d’obscénité, de lubricité, ou d’indécence.  On peut les définir comme des actes externes qui sont faits avec ou sans un plaisir vénérien délibéré non consommé, et qui ne se rapportent pas à l’acte conjugal.  Ils sont des actes externes du corps, comme le regard, la parole, les baisers, les touchers, les câlins, les étreintes, les pressions de la main etc.  Sont aussi coupables de lubricité ceux qui permettent qu’on les touche, qu’on les embrasse ou qu’on leur fasse toutes sortes de familiarités indécentes, à moins qu’il soit moralement impossible de résister, comme quand une femme qui ne donne aucun consentement interne ne peut pas, sans être tuée,  se défendre contre un baiser arraché par force; ou qui ne peut, sans un grave scandale, refuser de serrer la main à quelqu’un qui nourrit pour elle un amour impur. L’indécence (un regard impur) peut s’appliquer à une personne, à un animal, ou à un objet artificiel, comme une statue ou un livre.  Ils sont exécutés, ces actes,  au moyen de la passion ou avec passion, c’est-à-dire que la passion cause ou accompagne le désir impur ou un autre acte.   Ces actes non consommés sont indifférents en eux-mêmes, et peuvent être faits pour une juste cause.  Ils deviennent des péchés à cause de la passion mauvaise qui les anime. Le motif charnel apparaît soit dans la fin de l’acte (un baiser indécent tend naturellement à l’impureté, ou à un grave danger de commettre l’impureté, même si le motif du baiser est bon) ou dans la fin de l’action (un baiser décent devient un baiser impur si celui qui embrasse est mu par un désir charnel).  En conséquence, il n’y a pas de péché de lubricité quand un des actes dont nous parlons maintenant est accompli en même temps que les externes, et tout innocemment par rapport au motif interne et à la qualité. (par le sens du devoir, non par le désir du plaisir).  Le plaisir désiré ou auquel on consent est un plaisir vénérien, c’est-à-dire il n’y a ^pas de faute de lubricité quand les actes en question sont accomplis pour satisfaire  un plaisir de nature spirituelle  (comme quand les membres d’une même famille s’embrassent affectueusement); ou s’il n’est que purement sensuel (quand une servante embrasse la peau tendre d’un enfant).  Pour la distinction entre les plaisirs intellectuels, sensuels et vénériens, voir plus haut (2461).

  Les actes externes ne sont pas consommés  par la pollution ou la consommation. Ils sont souvent son résultat, mais ils sont un degré différent de péché, et on commet la lubricité souvent sans eux (2486). La lubricité est quelque chose qui n’est pas tourné vers l’acte conjugal. Le coït est légal dans le mariage, et cela légitime tous les gestes préparatoires.  Ainsi, la règle qui vaut pour les époux est que les baisers vénériens et les autres actes du même genre sont permis, s’ils sont faits dans le but d’exercer les actes d’un mariage légitime, et s’ils se maintiennent dans les bornes de la décence et de la modération.  Ils sont des péchés graves ou légers, selon le cas, quand ils sont inconvenants ou immodérés. Ils sont des péchés véniels,  en raison de l’usage désordonné ou  immodéré d’une chose permise (85), ou quand on ne recherche que le plaisir.  Ils sont des péchés mortels selon qu’ils tendent ou ne tendent pas à la pollution solitaire, car ils sont alors des actes de lubricité.  On traitera plus haut, dans la question 3, des droits et des devoirs que l’on trouve  durant les fréquentations et les fiançailles.

2511- Les cas dans lesquels aucun crime n’est commis,  Puisque la lubricité vient de ou est accompagnée par un plaisir vénérien coupable, elle n’existe pas dans les cas suivants.   Dans les enfants qui n’ont pas atteint la puberté,  et la capacité du plaisir sexuel,  Il n’y a donc pas de péché provenant  d’un danger prochain quand ils nous regardent ou quand ils nous touchent. Ce serait autre chose s’ils étaient des adolescents.   Ces enfants peuvent, quand même, pécher contre la modestie ou l’obéissance, au moins véniellement, On devrait les former,  dès leur jeune âge, à la réserve et à la décence, et c’est un péché moral très sérieux de scandaliser leur innocence.  Nous allons parler de l’éducation sexuelle des enfants dans la question des devoirs des divers états. Si un adulte était aussi peu ému qu’un enfant par le stimulus de la passion, il ne commettrait aucune faute en embrassant et en touchant.   Mais il s’agit de cas très rares     Dans les personnes adultes quand elles font un acte dangereux, sans consentement, ou sans l’existence d’un danger propre, et ayant une raison suffisante.   Ainsi, un étudiant de littérature peut lire une histoire érotique d’un auteur classisque, s’il est à l’épreuve des dangers, et ne cherche qu’à améliorer son style.  Mais avant de mettre entre les mains des enfants ce genre livres, il faudrait les censurer. Un professeur de médecine ou de théologie morale peut parler à ses élèves, en pesant ses paroles, des maladies vénériennes ou des péchés vénériens.  Un artiste peut, pour ses tableaux,  utiliser des nus comme modèles, en autant que c’est nécessaire.  Les fermiers peuvent regarder un taureau qui saillit une vache.  Des regards ou des touchers qui seraient immodestes sont permis quand on prend son bain, ou quand on travaille comme médecins ou infirmières (2497).
 

2512- Les conditions qui règlent la propriété des actes externes. La convenance des actes externes dont on a parlé en 2510, inclut deux conditions. Du point de vue de l’objet, l’acte ne doit pas porter sur les parties du corps qui sont honteuses et privées.  On a coutume de distinguer les parties du corps qui restent, celles qui ne sont pas honteuses, entre celles qui sont convenantes , celles qui sont découvertes (la face, les mains, les pieds), et celles qui sont moins convenantes  et qui sont recouvertes (les jambes, la poitrine, le dos). Mais, au sujet des parties moins convenantes, les coutumes ont fort à dire. Par exemple, il n’est pas inconvenant de se promener sur une plage au milieu d’une foule avec les jambes nues et les bras nus.  Et, dans les pays tropicaux, il n’est pas déplacé de s’exhiber en public avec moins d’habits que l’on ne fait dans les pays plus froids.  Du point de vue du sujet, on doit accomplir l’acte avec modération et  avec un respect des coutumes raisonnables. Ainsi le baiser de colombe,  appelé baiser français, et les embrassades ardentes ou prolongées sont reconnus pour être indécents, même quand ils ne sont pas accompagnés par une excitation sexuelle. Les abus oraux commis par ou avec l’un et l’autre sont indécents à cause de l’objet (la partie du corps impliquée), à cause du sujet (le mode de l’action).  C’est la forme la plus dégoûtante de la lubricité, et elle est habituellement associée à la pollution.

  2513- La moralité du baiser et des actes similaires. En eux-mêmes, ou de par leur nature, ces actes sont indifférents, puisqu’ils peuvent être employés non seulement pour le mal (Job XXX1, 27; Luc, XX11, 48), mais aussi pour le bien, comme on le voit dans l’exemple des baisers de paix (1 Thess V, 26), dans le baiser de la salutation fraternelle (Gen XXV11, 26, 27), et le baiser de l’hommage respectueux (Luc V11, 38, 45). Par accident, ou à cause des circonstances, ces actes sont souvent des péchés véniels ou mortels, commis contre la pureté ou d’autres vertus, ou contre les deux. Ainsi, on offense la justice par des injures ou de la violence  (des baisers volés, des baisers non hygiéniques qui transmettent des maladies vénériennes ou d’autres). On offense la charité par le scandale donné par l’objet de l’affection, ou à cause des témoins (des baisers donnés par des ecclésiastiques ou des religieux, pour saluer un membre du sexe opposé, des baisers donnés par des adultes à des enfants, et qui sont préjudiciables au sens enfantin de la modestie et de la réserve).  On offense la pureté elle-même par des familiarités qui ne sont pas impures en elles-mêmes mais qui constituent un péril pour la vertu de l’une ou des deux parties,  comme cela arrive surtout dans les démonstrations d’affection sensuelle ou de plaisir.  Mais même s’il y avait une certaine commotion charnelle, ce n’est pas un péché de donner, avec une intention pure, la salutation propre à un pays (donner une poignée de mains à une femme, embrasser sa belle-mère ou sa bru)

2514- La moralité de la gratification sensuelle.  La gratification sensuelle, ou le plaisir expérimenté par la perfection d’une action  ou d’un objet sensible, est quelque chose d’indifférent et de louable en soi (2461, 2492).   Quand elle provient d’objets qui n’excitent par le plaisir vénérien (la beauté des cieux, ou d’un panorama ou d’une symphonie, le parfum des fleurs) elle ne tend pas à l’impureté.   Mais quand elle provient d’objets qui provoquent le plaisir sexuel, (le  beau visage, les yeux tendres, la voix suave, la  peau douce d’une vedette) elle approche si près des frontières de la gratification sexuelle, qu’elle semble n’être qu’une seule et même chose avec elle.   D’où la question : la gratification sensuelle délibérée,  qu’apportent les objets sexuellement excitants,  est-elle toujours un péché mortel ?   Plusieurs moralistes répondent par l’affirmative, et donnent pour raison que, dans l’état de la nature déchue, il n’y a personne qui puisse être sur qu’une telle gratification ne soit pas pour lui ou pour elle une occasion prochaine de pollution, ou de ce qui est moralement la même chose, un commencement de pollution.  Cette opinion ne prend pas en compte une gratification non délibérément recherchée, ou à laquelle on n’a pas cédé, ni l’expérience de ceux  pour qui l’attraction vénérienne de l’objet est nulle ou voisine de la nullité (les baisers sensuels d’une servante donnés à un enfant).  D’autres moralistes contestent donc,  et se dissocient de cette approche rigoriste. Ils maintiennent que, puisque l’attraction sensuelle et l’attraction vénérienne sont réellement distinctes, il y a toujours la possibilité d’en vouloir une dans vouloir l’autre.  Pour les auteurs de ce traité, il semble qu’il existe un chemin mitoyen.  Comme on l’a dit plus haut (2497), c’est parfois un péché, et parfois ce n’en est pas un, d’aller à la rencontre de la tentation, selon la raison et l’intention qu’on a.  Et une tentation voulue sans  raison justificatrice, même seulement indirectement, est un péché grave ou léger, selon le risque que l’on prend d’un plus  ou moins grave danger.
Il semble que certaines formes de gratification sexuelle (celles qui proviennent de musiques ou de tableaux qui sont d’une grande beauté, mais en même temps modestes) soient peu séductrices, même pour les passionnés; tandis que d’autres formes (celles qui proviennent de baisers prolongés d’une belle personne de sexe opposé) sont puissamment séductrices.  En conséquence, si on recherche le plaisir sensuel de la deuxième manière, il y a vraisemblablement un péché mortel.

 2515- L’espèce théologale du péché de lubricité. En lui-même, et de par sa nature, ce péché est mortel, même si l’acte externe (baiser etc.) est décent, et de peu de durée (2512), car l’obscénité est le consentement donné à un plaisir vénérien illégal, qui, par la nature du cas, est une matière sérieuse, tendant soit à la copulation illicite, ou à la pollution proprement dite (2496). En conséquence, même une poignée de main donnée avec une intention lubrique, est un péché mortel.  Si on trouve une faute d’adultère même dans des pensées lubriques (Deut V, 21), et dans les  regards (Matt. V, 28), on la trouve encore bien plus dans les baisers passionnés, les étreintes, et les conversations. L’Écriture condamne fortement toute forme d’obscénité, tout langage impur (quant à la lubricité, que son nom ne soit même pas prononcé parmi vous, ni l’obscénité, ni un discours stupide (Eph V, 3,4); les lectures impures : les mauvaises communications corrompent les bonnes mœurs (1 Cor V, 33); les regards impurs : quiconque regarde une femme en la convoitant a déjà commis l’adultère (Matt. V, 28); les baisers impurs et les autres touchers : il est bon pour l’homme de ne pas toucher à la femme, mais de redouter la fornication. Que chaque homme ait sa femme à lui ! (1 Cor V11, 1).

 Par accident, ce péché peut être véniel de la façon suivante. En premier lieu, en raison de l’imperfection de la délibération, comme quand une personne qui est sous l’influence de l’alcool, de drogues, ou du sommeil, agit en ne comprenant qu’a demi ce qu’elle fait, surtout si elle n’a jamais connu le péché de lubricité.  En second lieu, en raison de la légèreté de la matière, quand l’acte obscène est indirectement volontaire, et le danger éloigné (2496). Comme quand on risque un léger danger en cédant au désir sensuel de contempler une peinture célèbre, ou à une impulsion de curiosité, de légèreté, de divertissement, de participer à des réjouissances convenables, ou même à des conversations oiseuses, au cours desquelles se présentent des regards ou des touchés qui provoquent  un faible degré d’émotion sexuelle. Quand une faute mortelle d’impureté arrive en ces occasions, peu nombreux sont ceux qui pourraient y échapper sans se retirer ou se confiner à l’isolement.  Mais même dans les cas qui arrivent par accident, il y peut y avoir d’autres péchés mortels (l’ivrognerie, le scandale).

2516-   Dans une large proportion,  les péchés de lubricité ne sont qu’indirectement volontaires; et ils sont dont mortels ou véniels selon la grandeur du danger auquel on s’expose.  On ne peut donner aucune règle moulée dans le ciment pour déterminer dans l’abstrait quelles sont les choses qui sont ou ne sont pas gravement dangereuses, puisque la force de la concupiscence, et la direction qu’elle prend,  ne sont pas les mêmes pour  tous. Certains sont des obsédés sexuels, d’autres sont frigides ou indifférents.  Certains ont des inclinations normales, d’autres anormales (homosexualité, sadisme, masochisme,  fétichisme sexuel).  L’hyper sexualité et une sexualité anormale ne sont pas en eux-mêmes des péchés, mais elles sont des manifestations de cette concupiscence désordonnée, qui est un effet du péché originel. Quand on y cède, elles deviennent la cause d’un péché actuel.  Elles peuvent avoir une maladie comme cause prochaine.  Mais puisque ces différences subjectives existent bel et bien, ce que nous dirons dans les prochains paragraphes au sujet de la gravité ou de la légèreté du danger ne s’appliquera qu’aux personnes normales, ou dans la moyenne et considérées dans l’abstrait, car il est impossible de traiter de chaque cas particulier.

 2517- Les circonstances qui augmentent ou diminuent le danger de péché.  L’agent.  Il y a moins de danger avant et après que durant la puberté;  moins pour un invalide que pour un homme en bonne santé; moins pour un eskimo que pour un tahitien; moins pour quelqu’un qui a été formé à se garder contre la passion vénérienne (un célibataire) , que pour quelqu’un qui a satisfait tous ses désirs (un veuf); moins, dans certains cas, pour les époux qui peuvent en toute légalité jouir des plaisirs du mariage, que pour ceux qui vivent seuls.  La familiarité peut aussi apporter une certaine dose d’immunité, (quand la coutume admet la nudité dans les bains, ou dans les statues des places publiques, les habitants du lieu sont moins troublés par ces choses que les étrangers).  Ceux qui savent pas expérience  que certaines choses les excitent très peu, ne courent pas de grand danger en les rencontrant.

 La personne ou la chose qui est l’objet de l’acte. Il y a moins de séduction chez un animal que chez un humain; moins dans un petit animal que dans un grand; moins dans une représentation que dans l’original; moins dans les enfants que dans les adultes; moins dans son propre sexe que dans celui d’une autre personne, ou du sexe opposé; moins dans un vieillard casanier que dans un jeune actif.   Les sens utilisés.  L’ouïe (et, pour une raison semblable, la lecture) est moins dangereuse que la vue, parce que l’audition est plus proche des activités immanentes de la pensée et du désir; tandis que la vue possède davantage un caractère émanent (c’est-à-dire, entendre ou lire le récit d’un acte obscène c’est être plus éloigné de lui. La séduction est donc moins grande que quand on le voit dans une image ou en réalité).  Mais la vue est moins dangereuse que le toucher, parce que la vue est une sorte de perception plus élevée et moins matérielle. Elle n’a avec sont objet qu’un contact cognitif, non physique (regarder des gens s’embrasser n’est pas aussi émouvant que quand on donne ou qu’on reçoit une embrassade)  En conséquence, les touchers impurs sont la forme la plus dangereuse de la lubricité.

 Le degré de danger correspond à la proximité de l’acte de génération (les histoires obscènes sont pires quand elles parlent d’actes consommés, que quand elles ne portent que des actes non consommés, ou sut les parties  génitales (les touchers impurs sont pires quant ils portent sur les organes de reproduction que sur les parties non honteuses).

 La manière. Il y a plus de danger quand l’acte est prolongé que quand il est bref; quand il est ardent que quand il est calme; (un regard jeté en passant sur une image obscène n’est pas aussi dangereux qu’une contemplation; une simple accolade est moins dangereuse qu’une étreinte passionnée.)  Plus l’objet séducteur est exposé, et plus dévoilées en sont les parties, plus grand est le danger ( des fréquentations entre personnes qui sont peu vêtues, ou qui sont seules dans la noirceur, ou dans une chambre fermée aves les toiles baissées, est plus dangereux que les fréquentations de ceux qui sont modestement habillés, et assis dans un parc achalandé).

 2518- Cas dans lesquels le danger de pécher est grave ou léger.  Un médecin doit connaître la différence entre les maladies mortelles et non mortelles.  De la même façon, un prêtre doit connaître la distinction entre les différentes formes de lèpre spirituelle.  Mais quand certains cas sont décrits comme moins dangereux, cela ne veut pas dire qu’ils ne le soient pas  du tout, et qu’on ne devrait pas s’en soucier.  Il faut, surtout,  en matière d’impureté, se rappeler l’avertissement de l’Écriture.  Celui qui méprise les petites choses  tombera peu à peu (Eccl. X1X, 1). Avec ceci en pensée, nous ajoutons maintenant quelques exemples de danger grave ou léger dans les cas où un acte libidineux est indirectement volontaire, mais  est causé par la curiosité, le jeu, la légèreté ou d’autres raisons insignifiantes semblables.

 La parole.  Des histoires sales ou à double sens, des conversations, des chansons, de la musique, ou des émissions de radio de divertissement, sont un grand danger quand il s’agit de personnes très impressionnables, en raison de l’âge ou du caractère, ou si le sujet est obscène (la description d’actes sexuels dégoutants ou non naturels), ou si la manière est très séductrice (les termes utilisés ne conviennent pas à une société civilisée, ou l’histoire entre dans tous les détails, ou l’on fait l’éloge du péché, ou la conversation est prolongée).  D’un autre côté, le danger est léger, quand les personne présentes sont des adultes d’âge mur, et non fortement portées  à l’impureté, surtout si le sujet et le langage ne sont pas vraiment révoltants. Mais, en raison des circonstances, il y peut y avoir un péché sérieux, quand le locuteur ou l’auditeur sont des gens qui donnent habituellement le bon exemple.  Une parole obscène n’est généralement pas un péché sérieux quand les personnes en question sont maris et femmes, ou un groupe de personnes mariées.  Au contraire, c’est généralement une affaire sérieuse quand les gens sont un groupe de jeunes du même sexe. C’est plus sérieux quand ils sont un groupe mixte, et encore plus sérieux quand ce sont des garçons et des filles, ou des jeunes hommes et des jeunes femmes.  Le fait que les jeunes d’aujourd’hui n’admettent pas cela, ne change rien à la chose..

 Les remarques faites pour les paroles s’appliquent aussi à la lecture, qui est une sorte de discours silencieux. Une différence importante entre les deux, dans le cas présent, cependant, est que la lecture est souvent plus dangereuse que la conversation, puisqu’elle dure plus longtemps. Les lettres d’amour et les romans étaient autrefois les tentations les plus redoutables dans ce domaine.  Mais aujourd’hui, elles pâlissent en comparaison avec le flot de pornos aisément accessibles à tous (les magazines qui répandent les goûts dépravés, les livres pseudo scientifiques qui corrompent les jeunes de tous les pays). Même sans grand danger pour soi-même, on peut se rendre coupable d’un péché grave en lisant des livres obscènes, dans le but d’apporter son aide aux vendeurs d’immoralité, ou de scandale, ou par la désobéissance montrée à l’Église (1455, suiv. 1529, 1530).

 Les regards. Il n’y a généralement pas de danger de péché à la vue de la nudité d’un petit enfant, ou des parties inconvenantes des personnes du même sexe.  Il n’y a généralement qu’un léger danger dans ses propres organes génitaux ou ceux  des autres du même sexe, dans le coït des animaux, à moins que le regard soit fixe et prolongé, et l’objet tout près.  Il y a un grave danger à regarder une personne complètement nue du sexe opposé, ou le coït des êtres humains (à moins que le regard soit bref et distrait).  La représentation des parties du corps ou les actes que nous venons de mentionner (les images, les dessins, les diagrammes etc) comportent en général les mêmes dangers que les originaux, bien qu’il y ait une perte dans la force de la séduction.  Des circonstances peuvent même rendre les représentations aussi  ou plus dangereuses (en raison d’un voile transparent  qui recouvre la peinture, ou la sculpture qui ne fait qu’augmenter son attrait; ou en raison d’une musique suggestive, d’une danse voluptueuse, des applaudissements d’une grande foule donnés à un spectacle immoral, sur la scène ou sur un écran).  Oscar Wilde a dit que l’esthétique est au-dessus de la morale. Cette parole est contraire à la moralité (puisque toute conduite devrait être conduite par la raison), et à l’art (car la plus grande beauté est celle de la vertu, de l’esprit et de la pureté).

 Les touchés. Les baisers sont sérieusement dangereux pour la pureté quand ils sont échangés longuement et passionnément  entre adultes de sexes différents, qui sont attirés l’un vers l’autre en tant que mâle et femelle.  Dans les autres cas, les baisers, s’ils sont appliqués sur les parties décentes du corps, et d’une façon décente, peuvent n’être que légèrement dangereux. La danse, aussi, comporte des dangers quand elle est véhémente (surtout les danses modernes), ou de longue durée. Les danses traditionnelles ne comportent habituellement aucun danger. Les touchés sous les vêtements sont plus graves que ceux qui sont faits à l’extérieur.

 2519- L’espèce morale de la lubricité.  Théoriquement, il est fort probable que les péchés imparfaits d’impureté ne diffèrent pas des parfaits auxquels ils tendent.  Car les circonstances naturelles ou antécédentes d’un acte ont vraiment la même moralité que l’acte lui-même (2486).  Dans l’ordre physique, le fœtus, le bébé et l’enfant ne diffèrent pas essentiellement de l’homme fait. Et, semblablement, dans l’ordre moral la pensée, la fin et le commencement externe d’un meurtre  ne diffèrent pas essentiellement du meurtre lui-même, même si, pour une raison quelconque, l’acte n’a pas été complété.  En conséquence, les mots immodestes, les lectures, les regards et les touchés appartiennent à la fornication, à l’adultère, à l’inceste ou à la sodomie, selon leur tendance (lire une histoire d’amour immodeste en compagnie d’une femme mariée, et l’embrasser, c’est un commencement d’adultère.  Et si  la personne coupable a fait un vœu de chasteté, c’est aussi un sacrilège).  Mais l’espèce se tire seulement de l’objet, non des circonstances purement accidentelles, comme la faculté qui élicite (un regard immodeste  ne diffère pas essentiellement d’un toucher immodeste); ou de l’intensité (le plaisir incomplet dans les touchés éprouvé par un non pubère ne diffère pas essentiellement, selon certains moralistes, du plaisir complet dont il est capable).  De plus, il semble que, en ce qui concerne les regards, mais non les touchés, le coupable peut facilement faire abstraction  de certaines circonstances (2506).  Par exemple, quelqu’un qui regarde immodestement une personne consacrée à Dieu peut ne penser qu’à son amour illégal pour une personne d’un autre sexe.  Il peut ainsi être coupable d’une fornication naissante, mais non d’un sacrilège.  Ou il peut penser à l’autre pour son seul plaisir,  sans ressentir pour elle aucun amour.. Il peut alors être coupable d’un commencement de pollution.  Une opinion moins probable fait de la lubricité une espèce de péché distincte de la pollution, et des autres péchés consommés.

 En pratique, les pénitents devraient dire, en confession, que leur péché était une luxure indécente et non complète (comme la pollution); et ils doivent préciser si la faute de  lubricité a été commise par la parole, la lecture, les regards, les touchés, les baisers ou les étreintes, avec des hommes ou des femmes, des gens mariés ou célibataires, des parents ou des étrangers. Autrement, puisque la plupart des pénitents sont incapables de distinguer les espèces de péché, il y aura un grand danger de confessions incomplètes.  Et, de plus, les péchés habituellement commis dans les cas de lubricité (scandale, injustice, les mauvaises compagnies) ne seront pas avoués. Si un péché consommé de pollution, de fornication a été une conséquence de l’indécence, ce péché consommé devrait être,  devrait être confessé à part.   Semblablement, ceux qui exposent ou incitent les autres à des pensées impures ou à de la lubricité dans les regards, les baisés ou les touchés devraient confesser la sorte de péché qui a été désiré (1497), même si le désir n’a pas pu se réaliser, qu’il que se soit agi d’une fornication commençante, d’un sacrilège ou de sodomie etc.  Mais il y a des moralistes qui admettent une confession générale (dans laquelle le pénitent déclare qu’il a péché (mortellement ou véniellement, selon les circonstances,) par indécence, si la lubricité était solitaire ou avec une autre personne, sans scandale et sans désir lubrique de l’autre personne).

1520- Les péchés consommés d’impureté. Il y a, en tout, sept espèces d’actes complétés d’impureté.  Ainsi, certains péchés d’impureté sont contraires à la raison, parce qu’ils n’observent pas les fins des relations sexuelles.  Les fins sont, d’abord, la procréation des enfants (à laquelle s’oppose l’impureté non naturelle, et, en seconde lieu, l’éducation des enfants (auquel s’oppose la fornication).  D’autres péchés sont contre la raison parce qu’ils violent un droit de la personne avec laquelle a lieu une relation sexuelle (inceste), ou une troisième partie à laquelle cette personne appartient.  Si une tierce partie est offensée dans ses droits conjugaux, il y a adultère; si c’est dans ses droits personnels, il y a le viol, selon que l’offense est faite avec ou sans force; si c’est dans ses droits religieux, il y a un sacrilège.  Cette deuxième catégorie de péchés est classée sous l’impureté plutôt que sous l’injustice, parce que le but de la personne coupable et son acte appartiennent au péché vénérien.

2521- La malice comparative des péchés de luxure consommée.   Dans l’abus d’un acte, le pire des maux est le mépris de ce que la nature elle-même détermine comme le fondement duquel tout dépend.  Comme dans les matières spéculatives, la pire des erreurs est celle qui contredit les premiers principes. Or, les premiers dictats de la nature en ce qui a trait aux relations sexuelles sont qu’elle serve à la race et à la famille,   En conséquence le péché commis par une luxure non naturelle (qui porte atteinte à  la race en empêchant sa propagation), et le péché d’inceste (qui fait tort à la famille en offensant la piété) sont les pires des péchés charnels.

Dans l’abus d’un acte, le moindre mal est celui qui observe les fondements naturels, mais fait fi de ce que la raison enseigne au sujet des choses secondaires, comme dans la manière d’accomplir l’acte.  Mais la raison requiert que, dans les relations sexuelles, les droits de l’individu soient respectés.  Une très sérieuse violation d’un droit individuel est l’adultère, qui usurpe la relation sexuelle légalement due à un autre. Le plus près en gravité  est le viol, qui se saisit violemment d’une personne qui est sous le soin d’un autre, ou qui est vierge.  Celui qui vient juste après est la défloration, qui passe par-dessus le droit de gardiennage, ou enlève la virginité, mais sans violence.  Le dernier parmi ces péchés est la fornication, laquelle est une indignité faite non à un vivant mais à un non né. 2522-   La multiplication des péchés de luxure. Différentes sortes de luxure peuvent se rencontrer dans un seul et même acte, comme quand un vice non naturel (la sodomie) est commis avec un parent (inceste). Le sacrilège, bien entendu, aggrave chaque sorte de péché charnel.  En conséquence, il y a la sodomie sacrilège, l’adultère sacrilège, l’inceste sacrilège etc.

2523- La fornication. La fornication est la copulation d’un homme non marié avec une femme non mariée. C’est une copulation ou une relation sexuelle destinée à la génération des enfants.  Ainsi, elle diffère de la lubricité qui consiste dans des actes non consommés, et d’une relation sexuelle sodomitique, qui est consommée, mais qui est inapte à la génération.  L’onanisme est une circonstance aggravante de la fornication, ou plutôt un nouveau péché de relation sexuelle non naturelle.  Il est commis par des personnes non mariées, et il diffère ainsi de l’adultère.   Il est commis avec une femme, ce qui le distingue de la sodomie.   Il est commis avec une femme qui n’est pas une vierge, et diffère ainsi de la défloration.

2524- La gravité de la fornication. C’est de foi que la fornication est un péché mortel. Ainsi, elle est gravement interdite par la loi positive divine.  Ainsi, les putains et ceux qui les fréquentent sont une abomination aux yeux du Seigneur (Deut XX111, 17); les fornicateurs sont dignes de mort (Rom 1, 29,32); ils n’entreront pas dans le royaume de Dieu (Gal V, 19-21; Hébr. X111, 14; Ap. XX1, 8).  Les pères de l’église enseignent que la fornication est un crime grave (saint Fulgence), et qu’il apporte la condamnation au coupable (saint Chrysostome). On trouve les déclarations que l’Église a faites sur ce péché dans le concile de Vienne, et dans les censures d’Alexandre V11 et d’Innocent X1 (Denzinger, nn 477, 1125, 1198).  La fornication est gravement défendue par la loi naturelle. Car, c’est sérieusement contraire à la raison de causer un tort à un être humain pour toute sa vie. Mais c’est précisément ce que fait la fornication en privant l’enfant non né de ses droits naturels à  la légitimité, à la protection de ses deux parents, et à l’éducation dans son cercle familial. Il est vrai que, dans certains cas, on ne prévoit aucune naissance  d’enfant; ou on pourvoit à son éducation.  Mais ces cas sont l’exception puisque, de par sa nature, la fornication  tend à la négligence de l’enfant.  Et on doit juger la moralité des actes non par ce qui est exceptionnel ou accidentel, mais par ce qui est usuel et naturel.  Ceux qui se livrent à la fornication pensent à leur plaisir plutôt qu’à leur devoir,  et ils éviteront la plupart du temps le lourd fardeau de la paternité.  La société serait gravement atteinte si les relations sexuelles non naturelles étaient permises en tout temps.  En conséquence, saint Paul réprouve les païens pour leurs péchés de fornication, même s’ils ne connaissaient pas l’Écriture (1 Cor V1, 9-11); Eph V, 1-6), car la raison elle-même aurait du leur enseigner l’illégalité de cette pratique. Il semble, pourtant,  que l’ignorance invincible du tort causé par la fornication est possible auprès de peuples frustres et barbares, puisque l’offense faite à un autre n’apparait pas aussi facilement dans ce péché que dans plusieurs autres.

2525- La fornication comparée aux autres péchés. C’est un péché moins sérieux que ceux qui portent offense à un bien divin (l’incroyance, le désespoir, la haine de Dieu, l’irréligion), ou à la vie humaine (l’avortement), ou aux biens humains de ceux qui existent déjà  (l’adultère). C’est un péché plus grave que ceux qui n’offensent qu’un bien externe (le vol), ou qui ne sont opposés qu’à la décence dans le mariage (des baisers d’époux inconvenants).

2526- Les circonstances de la fornication. La circonstance qui aggrave la malice est la condition de la personne avec laquelle le péché est commis (que la femme soit une veuve, ou la secrétaire de son patron, sa servante ou une mineure).  Les circonstances qui ajoutent une malice nouvelle à la fornication sont de plusieurs sortes.  Ainsi les circonstances antécédentes sont les désirs distincts du péché entretenus avant; la sollicitation ou le scandale donné à l’autre partie ou aux parties avec lesquelles le péché a été commis.  Les circonstances concomitantes  sont la qualité des personnes (la fornication est un sacrilège si une des deux parties est consacrée à Dieu, et aussi, selon certains, si une partie est un chrétien et l’autre un païen; il y a injustice, si l’un des deux est fiancé à un autre; ou à cause de la qualité de l’acte lui-même (s’il est accompli comme un acte d’anonisme, même si on peut trouver des raisons pour excuser la pollution, si elle provient de la bonne intention de discontinuer l’acte); ou à cause des  circonstances subséquentes qui  sont les offenses faites au partenaire dans le péché (en refusant de payer le support ou une restitution due); ou aux enfants (en les exposant, en les avortant, en les négligeant).
 Les moralistes se demandent si la fornication d’une personne engagée (fiancée)  avec une tierce partie est une espèce distincte de péché. Selon certains, c’est une espèce distincte, ou, à tout le moins, une forme d’adultère, en raison de l’infidélité conjugale.  D’après d’autres, c’est une espèce distincte si la partie coupable est une femme, mais non si c’est un homme, car l’infidélité de l’une est  beaucoup plus sérieuse que celle de l’autre. D’après d’autres encore, ce n’est jamais une espèce distincte, puisque la promesse de se marier est un engagement soluble, et l’offense qui est faite au contrat n’est donc pas des plus sérieuses. Selon cette dernière opinion, la manière dont est commis le péché  est une circonstance aggravante, non une espèce distincte, qui devrait être déclarée comme telle en confession.

 2527- Les formes de la fornication.  Il y a trois formes spéciales de fornication, qui sont toutes essentiellement semblables, mais qui diffèrent accidentellement par la malice ou les résultats. Ainsi, la fornication ordinaire est celle qui est commise avec une femme qui n’est ni une putain ni une concubine.  Ce péché est, en lui-même, le moins grave des trois, puisqu’il n’est pas aussi nuisible que la fréquentation des prostituées, ni aussi prolongé que le concubinage. La fornication ordinaire a aussi ses degrés de mauvais à pire.  Ainsi, des personnes fiancées qui pèchent ensemble habituellement, sont pires que celles qui ne pèchent que de temps en temps.  Et les circonstances du genre de l’onanisme artificiel et de l’avortement s’ajoutent à la faute

La fornication avec une prostituée.  La fornication commise avec une prostituée, c’est-à-dire avec une femme qui fait un commerce de relations sexuelles illicites,  et qui se vend à tout venant pour un salaire.  Une prostituée choisit rarement sa vie par passion ou par amour, mais elle y est embarquée par la traite des blanches, ou elle y entre elle-même poussée par la pauvreté, ou après avoir subi un dur échec.  Ce péché est pire que la fornication ordinaire, du point de vue de la propagation, puisque peu de prostituées deviennent mères.  Mais ce sont les personnes coupables et la société qui en subissent les pires conséquences, car la vie d’une prostituée est un esclavage dégradant.  A ceux qui couchent avec elle,  elle communique les pires maladies, qui sont ensuite transmises aux femmes innocentes et aux enfants,  Et à l’innocent, elle devient souvent une cause de ruine, en poursuivant son trafic dans les rues et sur les places publiques.  Aujourd’hui, d’après les comptes-rendus fiables des journaux, plusieurs hommes et plusieurs femmes se sont enrichis dans le sordide commerce connu sous le nom de la traite des blanches. Cet horrible abus a pris des proportions internationales, et est devenu une machine bien rodée  qui profite non seulement à la prostitution, mais à beaucoup d’autres crimes.  Les tenanciers de bordels coopèrent donc avec cette injustice criante qui est souvent faite aux femmes tombées, et avec les criminels qui détruisent les âmes et les corps pour leur propre avantage.

L’amour libre est une fornication commise avec une concubine, c’est-à-dire, avec une femme qui n’est pas une pécheresse publique, mais qui s’est liée à  un homme pour qu’ils aient ensemble des relations sexuelles, comme s’ils étaient mariés.  D’après les statistiques, c’est une chose assez répandue en Europe, où le mariage légal est souvent précédé par des unions libres.  Le mariage à l’essai prôné par quelques-uns dans ce pays, dans  lequel les amoureux acceptent de vivre ensemble comme mari et femme pendant un certain temps, ou tant qu’on trouvera du plaisir à vivre ensemble, ce mariage entre, lui aussi, dans la catégorie du concubinage.  A un certain point de vue, ce péché  est pire que la fornication avec les putains, du fait qu’il inclut le désir de se maintenir dans l’état de péché, du moins pour un certain laps de temps. De plus, on y trouve souvent un scandale public et du mépris pour l’opinion publique,  que d’autres formes de fornication peuvent ne pas connaître.  Celui qui pratique le concubinage vit dans une occasion prochaine de péché. On ne peut donc  lui donner l’absolution  que s’il renvoie sa concubine, s’ils cohabitent;  ou accepte de se ternir loin d’elle, s’ils ne cohabitent pas.

2528- L’État et les lieux de la prostitution.  Il est clair que le gouvernement civil n’a pas le droit de financer les lieux de prostitution ou d’en fournir, ou d’en autoriser la pratique,  puisque la fornication est intrinsèquement mauvaise.  Mais que devrait-on dire de la tolérance de la prostitution ou d’une licence accordée par l’autorité publique ?  En théorie, le pouvoir civil  a le droit de tolérer ou d’autoriser, car si le bien commun souffre  un plus grand mal à moins qu’un mal plus petit n’ait la permission de continuer à exister,  on devrait supporter le moindre mal.  Et il est certain qu’il y a des maux plus grands  que la prostitution (comme le viol, les crimes contre nature, et la luxure).  En pratique, la question est débattue. Les vieux moralistes ont soutenu que la tolérance était en fait plus bénéfique au bien commun que la suppression.  Mais,  dans les conditions actuelles, plusieurs moralistes soutiennent que c’est une faute de donner une autorisation quelconque à la prostitution,  Même dans nos grandes villes, où seule la licence pourrait être avantageuse, les buts que se propose la tolérance ne sont pas atteints, car le mal moral semble plus grand, puisqu’une légalité apparente est donnée à la prostitution, sa pratique est facilitée, ses maisons de débauche deviennent des antres de toute sorte d’iniquité, et ne se réalise pas le plan de ségrégation.  Les maux physiques ne sont pas diminués, mais peut-être augmentés, car même avec une inspection médicale, les maladies vénériennes comme la syphilis ne peuvent pas être prévenues.

2529- La défloration et le viol. La défloration et le viol sont des espèces distinctes de luxure, car chacun d’eux, dans son concept propre, inclut une difformité importante spéciale, qui ne se trouve pas dans les autres espèces d’impureté.  La défloration est la connaissance charnelle illégale d’une femme qui est vierge dans son corps (1488 a). Elle a la difformité spéciale de priver la femme de son intégrité physique, laquelle est hautement estimée par les femmes non mariées, en raison du respect qu’elles se portent à elles-mêmes.  Quelques moralistes ne considèrent pas que la défloration est un péché  spécial, à moins qu’elle ne soit faite par la violence, ou à moins qu’un tort n’ait été fait au droit parental sur la vierge. Et même les auteurs qui considèrent que la défloration est un péché spécial, pensent que la nouvelle malice qui s’y trouve est légère et vénielle.  Et donc, non une matière nécessaire de confession.  Le premier péché de fornication par un mâle n’est pas un péché spécial, car les conséquences ne sont pas aussi sérieuses pour l’homme que pour la femme.  Mais, bien entendu, la séduction est toujours un péché spécial, que la partie offensée soit mâle  ou femelle.

Le viol est une coercition physique ou morale  (par la force ou la peur) exercée contre une personne (mâle ou femelle, mariée ou célibataire, pure ou corrompue), ou contre son ou ses gardiens, pour le forcer lui ou elle à faire un acte de luxure. Elle a la difformité spéciale d’infliger une offense corporelle à la personne ravie.  Le péché de viol ne doit pas être confondu avec le crime canonique de rapt, qui consiste dans l’enlèvement, et qui est un empêchement au mariage (canon 1074); ni avec la séduction, comme quand on fait croire à une innocente personne qu’un acte d’impureté est permis;  ou quand on a été trompé par de fausses promesses de mariage. Semblable au viol est la connaissance charnelle d’une personne droguée, hypnotisée ou inconsciente, ou la séduction d’un enfant. Une personne qui a été enlevée a l’obligation de rejeter tout consentement interne, de résister, et de crier, dans la mesure du possible (2497).

2530 L’adultère. L’adultère est aussi une espèce distincte de luxure.  Définition. L’adultère est une relation sexuelle avec le mari ou la femme d’un autre.  Si le péché est commis seulement en désir, il y a un adultère mental.  Si les amoureux  se permettent des familiarités illégales sans aller jusqu’au bout de leur passion,  ou si une personne mariée est coupable de luxure solitaire, il y a un adultère imparfait,  La culpabilité de l’adultère.  L’adultère est un péché grave, puisqu’il est un acte d’impureté, et est expressément interdit par le sixième commandement (Exode, XX, 14)l; et il a été placé parmi les péchés qui excluent du royaume de Dieu (1 Cor V1, 9, 10). C’est un péché spécial parce qu’il est une violation de la foi jurée dans le contrat et le sacrement de mariage (Matt. X1X, 5; Rom V11, 3; Cor V11, 39). Même quand un mari autorise sa femme à commettre l’adultère, ou vice versa, l’injustice demeure, car, bien que l’individu ne soit pas   formellement offensé, l’état du mariage l’est, puisqu’aucune personne mariée n’a le droit de donner une permission opposée à la sacralité des vœux du mariage (Denzinger, 1200).

Les degrés de malice.  Il y a trois degrés de malice dans l’adultère. Le premier est celui dans lequel un homme marié pèche avec une femme célibataire; le deuxième celui dans lequel une femme mariée pèche avec un homme célibataire; celui dans lequel un homme marié pèche avec la femme d’un autre homme. Le second est pire que le premier, en raison des conséquences (la stérilité, l’incertitude de la paternité, le fait de devoir élever un enfant illégitime dans une famille).  Le troisième est pire que le deuxième, parce qu’en plus des conséquences déjà mentionnées, il contient une double injustice (l’infidélité à une femme innocente, et l’infidélité à un mari innocent), et il multiplie le péché.  Si le mari ou la femme d’un adultère est infidèle lui aussi, l’injustice est diminuée mais non enlevée, car  il ne faut pas considérer seulement les époux, mais les enfants, la famille, la société, et Dieu. Et le tort fait par l’une des parties ne fait pas disparaître le droit à la fidélité voué par tous ces gens mariés.

Les effets.  La partie, dont les droits de mariage ont été lésés par l’adultère, avait le droit, selon des codes civils anciens, de tuer une femme prise en adultère. Mais ces lois étaient contraires à la charité et à la justice,   Contraires à  la justice, puisqu’on ne peut mettre personne à mort sans l’avoir entendu, et parce qu’aucune personne offensée ne peut être accusatrice et juge dans la cause qui la concerne.  Contraires à la charité, puisque  ces vengeances sommaires enverraient à la mort les adultères souillés de leurs péchés, sans leur accorder l’occasion du repentir.  Les remèdes du droit canon pour les épouses innocentes viendront plus haut (2542).

2531- L’inceste. L’inceste est le péché commis avec une personne apparentée à  des degrés qui interdisent le mariage.  C’est une impureté interne ou externe.  Les désirs internes forment un inceste mental, tandis que les actes externes non consommés (les baisers), ou consommés sont un inceste actuel.  Il est commis avec un parent, c’est-à-dire avec une personne mâle ou femelle qui est proche de quelqu’un par le lien d’un ancêtre commun (une relation par le sang, la parenté, ou la consanguinité) ou du mariage avec un parent (affinité) ou par l’administration sacramentelle (parenté spirituelle), ou l’adoption.  Les autres sortes de parenté n’appartiennent pas à l’inceste, mais peuvent conférer une nouvelle malice.  Par exemple, si les deux parties sont lc pasteur et la paroissienne, le confesseur et la pénitente, il y a du scandale, de la séduction,  Cette relation se trouve à l’intérieur des degrés canoniques.   Ainsi, le mariage entre les parents de sang est défendu à tous les degrés en ligne directe (de la femme ou de l’homme), et dans les trois premiers degrés de la ligne collatérale.  Ce qui inclut, pour un homme, ses sœurs, ses nièces, ses petites filles.  Le mariage entre ceux qui sont légalement apparentés à tous les degrés de la ligne directe (comme la mère ou la fille de l’épouse), et aux premiers deux degrés de la ligne collatérale (la sœur, le cousin germain, la tante ou la nièce de l’épouse). La relation spirituelle, qui est un empêchement de mariage, existe entre une personne baptisée et celle qui la baptise, et aussi entre le parrain et le filleul, dans le baptême. Une relation légale existe entre le tuteur et le pupille, quand et comme la loi civile en fait un empêchement au mariage.   On commet un inceste à l’intérieur des degrés interdits.  Et il n’y aurait pas de péché d’inceste si les parties avaient obtenu la dispense d’un empêchement.

2532- L’inceste comme une espèce distincte de péché.  Il y a une distinction spécifique entre l’inceste et les autres formes de luxure, puisque l’inceste ne viole pas seulement la piété, mais aussi le respect que se doivent les uns aux autres ceux qui sont étroitement apparentés,  au point d’être inaptes à contracter un mariage légal.  La nature elle-même a ce péché en horreur, car, en dehors des cas exceptionnels où une dispense est donnée, un mariage légal lui-même avec des proches parents serait une incitation à commettre plusieurs péchés avant le mariage, et empêcherait l’élargissement du cercle des amis que produit le mariage entre des personnes non apparentées; et causerait un affaiblissement physique et mental de la race.  Dans l’Écriture, on parle de l’inceste avec une horreur particulière, comme d’un acte néfaste méritant la mort (Lev XX, 11), et comme un acte qui indigne même les païens ( 1Cor V, 1, suiv.). Il y a trois espèces distinctes d’inceste.  Le naturel (entre parents par le sang ou par le mariage); le spirituel (entre le baptisé et le baptiseur ou son parrain); et légal (entre personnes qui sont apparentés en vertu d’une adoption qui empêche le mariage).  Le premier viole la piété qui est due à l’origine naturelle; le second, celle qui est due à l’origine spirituelle; et le troisième, celle qui est due à l’origine légale. Et, dans chaque espèce, plus proche est la relation,  plus grand est le péché (un inceste avec une belle sœur est moins grave qu’un inceste avec sa sœur; l’inceste avec une sœur est moins grave qu’un inceste avec une mère.

2533- La sacrilège charnel,  Le sacrilège charnel est la violation par un acte d’impureté de la sacralité d’une personne, d’un lieu, d’une chose.  C’est une violation de la sacralité, et c’est donc un péché spécial qui ajoute l’irréligion à la luxure (2308). C’est un acte d’impureté externe ou interne, consommé ou non consommé. L’impureté, toutefois, doit être reliée à ce qui est sacré de façon à traiter sa sainteté avec mépris (l’irrespect formel).  Et il n’y a pas de sacrilège si l’impureté est associée avec quelque chose de sacré de façon à ne montrer aucun manque de respect notable. ( manque de respect  matériel).  Sa première espèce est le sacrilège personnel commis par une personne consacrée (2309), quand il est impur intérieurement ou extérieurement, ou par une personne non consacrée quand, en désir ou en acte, elle commet l’impureté avec une personne consacrée. Si deux personnes consacrées pèchent ensemble, il y a un double sacrilège qui multiplie le péché.  Sa seconde espèce est un sacrilège commis dans un lieu.  Il est commis quand un acte impur est perpétré dans un lieu sacré de façon à montrer un manque de respect formel, En conséquence, les actes consommés faits dans une église sont sacrilèges, et la chose est probablement vraie pour les actes non consommés, s’ils sont repoussants (des danses lascives).  Cela vaut même pour les désirs internes de pécher dans une église.  Mais des pensées impures  ou des regards de curiosité dans une église ne sont pas sacrilèges.

Sa troisième espèce est un sacrilège réel.  Il arrive quand une impureté est commise de façon à montrer un manque de respect à un objet sacré.(2311). Ainsi, il y a un sacrilège de cette sorte quand quelqu’un commet une impureté après la communion, ou quand quelqu’un se sert du sacrement de pénitence comme un moyen de solliciter l’impureté.  Mais le fait que quelqu’un commette une impureté en portant un scapulaire n’a rien de sacrilège, à moins le mépris en soit la motivation.

2534- La luxure non naturelle, Les pires péchés d’impureté sont les crimes commis par une luxure non naturelle, car ils utilisent l’acte sexuel non seulement de façon illicite, mais d’une façon qui forfait à sa fin, la reproduction. A certains points de vue non vénériens, cependant, les péchés naturels d’impiété peuvent être pires que les non naturels.  Pat exemple, l’adultère est pire en ce qui a trait à la justice;  la luxure sacrilège pire en ce qui regarde la religion.  Il y a quatre espèces distinctes d’impuretés non naturelles : la pollution, le coït non naturel, la sodomie et la bestialité (Denzinger n 1124).   Car la procréation requiert la copulation. Et, en conséquence, la pollution n’est donc pas naturelle, car elle procure l’insémination sans la copulation.  Seul ou avec d’autres.  Pour la procréation, la nature demande une copulation véritable, c’est-à-dire, celle qui permettre une union fertile entre les deux éléments de vie : le sperme et l’ovule.   En conséquence, un coït non naturel ne répond pas à cette nécessité, car il n’emploie par l’organe propre à l’union sexuelle. Ou par un onanisme naturel ou artificiel, l’acte est frustré de sa conclusion.   Ce péché est pire que la pollution, puisque la pollution omet la relation sexuelle, tandis qu’un coït non naturel est un abus positif.   Pour la procréation la nature requiert une relation hétérosexuelle, une condition méprisée par la sodomie.  Elle est une relation luxurieuse entre mâles (pédérastie, uranisme), ou entre femmes (tribadisme, saphisme, lesbianisme).  Ce péché est pire que le coït non naturel, car c’est une plus grande perversité de négliger l’un des deux éléments nécessaires à  la vie,  que la forme légitime de leur union (Gen X1X, 24, 25 : Lév XX, 13; Rom, 1, 26, 27). En dernier lieu, pour la procréation, la nature requiert une relation sexuelle homogène. Cette loi est violée par la bestialité qui est le coït d’un être humain avec un animal.  C’est la pire des impuretés non naturelles, puisqu’elle pèche contre la condition la plus fondamentale pour qu’existe un acte sexuel, à savoir que les participants soient de la même nature (XX, 15, 16).  Semblable à la bestialité est le crime de nécrophilie  (une relation sexuelle avec un mort).

2535- La pollution. La pollution est l’émission volontaire de semence étrangère au coït.   C’est une émission, c’est-à-dire une éjaculation.   La sécrétion interne, dans la soi disant insémination féminine,  fait partie pour plusieurs moralistes de la pollution. Les motions charnelles dont on a parlé en 2497, sont une préparation pour la pollution.   C’est une décharge de semence,  c’est-à-dire du fluide masculin qui fertilise l’ovule féminin. Mais on trouve une pollution équivalente, du point de vue moral, dans la décharge de certains fluides non prolifiques qui sont des accessoires de la génération, ou qui produisent dans leur mouvement une satisfaction vénérienne, comme le fluide vaginal dans les femmes (l’insémination féminine);  le fluide urétral dans les mâles capable ou incapable de procréation (la distillation).  Il n’y a pas de pollution, cependant, dans les décharges naturelles comme la menstruation.  Elle est étrangère au coït, et diffère donc des autres actes consommés.  Mais on peut commettre la pollution seul, ou avec un autre.  Et dans le dernier cas, elle appartient par réduction à l’adultère, à la fornication, à la sodomie etc.  Elle est directement ou indirectement volontaire.   Directement, quand quelqu’un la veut comme une fin (pour le seul plaisir); comme un moyen (comme un soulagement à la tentation ou à des malaises corporels; pour obtenir un échantillon de semence dans le but de faire un diagnostic médical).   Indirectement, quand quelqu’un, sans  raison suffisante, fait quelque chose en prévoyant qu’il en résultera une pollution.  Dans tous ces cas, la pollution est formelle ou peccamineuse, et on ne doit pas la confondre avec une pollution matérielle ou naturelle, qui est une décharge de la semence ou une distillation involontaire et  non imputable,

2536- Cas de pollution matérielle  ou non coupable,  La pollution involontaire est passive ou active. La première arrive même à l’état de veille.  Elle est provoquée par des causes minimes comme un mouvement physique, et elle n’est pas accompagnée par un plaisir.  Quand elle est habituelle, c’est une maladie, due à une faiblesse organique. L’autre  arrive durant le sommeil, et peut être causée par une surabondance de fluide  Elle est accompagnée du plaisir, et souvent par des rêves libidineux.  C’est un moyen fourni par la nature pour soulager le système, et elle est donc salubre et  bénéfique, à moins que ces décharges nocturnes  ne soient trop fréquentes. Il n’y a aucune obligation de réprimer une pollution commencée involontairement pendant le sommeil, puisqu’on peut la regarder comme un acte de la nature, mais il faut  en retirer le consentement (2498 suiv,)  De plus, si on  considère la pollution naturelle, non dans sa gratification vénérienne,  mais uniquement dans ses bons effets (qu’elle met un terme à la tentation, qu’elle est bonne pour l’esprit et la santé), il n’y a pas de péché à se réjouir de son effet, ou à la désirer, pourvu qu’on ne fasse  rien pour la produire, et que l’intention soit droite.  Car alors, l’objet de la volonté est indifférent, et la fin est bonne.   Une pollution non imputable est causée par un acte permis qui fait prévoir à quelqu’un qu’une pollution s’ensuivra, s’il n’y a aucun danger prochain de péché, et si la pollution n’est que permise, et cela, pour une raison proportionnellement grave.

2537- Une pollution non imputable,  Pour la pollution non imputable, on devrait faire les distinctions suivantes.  Le danger encouru par un acte peut être une pollution formelle (avec consentement au péché) ou une pollution matérielle (sans consentement au péché). Le danger de pollution est prochain ou éloigné. Dans le premier cas, il est celui de qui découle naturellement et habituellement la pollution; et dans l’autre cas, celui duquel la pollution ne découle pas naturellement et habituellement.  Les actes lointainement dangereux sont des actes qui ne sont pas d’une sorte vénérienne, comme l’équitation, la gymnastique, la consommation de boissons alcooliques, et aussi les actes qui sont de nature sexuels, qui excitent doucement, comme les conversations ou les livres  (2517, 2518).   La raison pour courir après un danger de pollution est sérieuse ou légère.

 Une grave raison est une vraie nécessité (la guérison d’une maladie, ou le soulagement d’une souffrance), ou une grande utilité (la préservation de la santé, la propreté du corps).  Une raison sérieuse est ce qui est avantageux pour l’âme et pour le corps (les marques de politesse, la jouissance d’un confort raisonnable).  Une raison frivole en est une dans laquelle aucun des motifs mentionnés n’est trouvé (la satisfaction d’une curiosité vaine, le soulagement  d’une démangeaison).

 2538- Les occasions prochaines ou éloignées de pollution.  Il n’est jamais permis de s’exposer soi-même à un danger prochain de pécher, car celui qui aime le danger aime le péché (258, 260).  Mais si quelqu’un emploie des moyens pour éloigner le danger, il peut l’affronter pour de bonnes raisons (258, 260. 261). Il est permis de permettre un effet mauvais, quand il y a une justification suffisante, d’après le principe du double effet (103 et suiv). En conséquence, s’il y a un danger prochain de pollution formelle (c’est-à-dire, un consentement au péché), aucune raison ne justifie un acte qui n’est même pas d’une nature sexuelle, comme faire de l’équitation. Mais si l’acte est nécessaire, on doit éloigner le danger  par l’emploi de moyens spéciaux, comme la prière, de fermes résolutions etc. (2497 suiv.)  S’il y a un danger prochain de pollution matérielle, une raison grave suffit (le soin des patients par les médecins et les infirmières, l’assistance à ceux qui prennent leur bain, des chaudes boissons soporifiques pour favoriser le sommeil). S’il y a un danger éloigné de pollution matérielle, une raison sérieuse suffit (les formes de salutation propres à un pays, les exercices physiques, une posture modérément confortable, l’assaisonnement de la nourriture). Une raison légère peut excuser quelqu’un d’un péché mortel (une curiosité indiscrète pour les sciences de l’anatomie et de la sexologie).

 2539- La malice théologale  de la pollution coupable.  De par sa nature, la pollution est un péché mortel, parce qu’elle est un acte d’impureté, et une perversion de la nature (2534). De plus, ses conséquences sont des plus offensantes à la société, car elle tend à restreindre quelqu’un à la recherche de son propre plaisir, et à l’évitement des fardeaux du mariage); à l’individu, (quand elle devient habituelle, elle affaiblit le pouvoir de l’esprit et de la volonté, et entraîne souvent une perte de vigueur physique, surtout chez les adolescents).  Dans l’Écriture, elle est présentée comme gravement illicite (1 Cor, V1, 10; Gal V, 19; Eph V, 3). La pollution est donc toujours un péché mortel, quant elle est voulue directement (quand on la pratique délibérément pour se délester de la tentation,  ou d’une irritation corporelle due au surplus de fluide,  ou à la passion).  Et aussi quand elle est indirectement voulue, s’il y a un danger prochain de consentement au péché (comme quand quelqu’un qui a toujours expérimenté une pollution formelle en certaine compagnie, retourne au même endroit sans nécessité, ou sans prendre des moyens  efficaces pour prévenir une rechute); ou un grave danger de pollution et aucune raison suffisante pour la permettre (des familiarités indécentes qui font prévoir des pollutions nocturnes).

 En raison de l’imperfection de l’acte interne, la pollution n’est parfois qu’un péché véniel.  Cela arrive dans le cas d’une invincible ignorance (des jeunes enfants qui ne comprennent pas le mal de la masturbation, des étudiants à qui on a enseigné qu’elle était favorable à la santé, ou qu’elle n’est pas bonne pour la santé mais, innocente) ou d’un consentement incomplet (quand une personne est encore à moitié endormie, et n’a pas habituellement de désir pour la pollution ;  quand elle est  psychopathe, et n’est pas  pleinement responsable de ses actes).  En raison de la légèreté de la matière, la pollution est un péché véniel quand elle est voulue indirectement, et permise sans raison suffisante, si, de par la nature de l’action accomplie, il n’y avait qu’un faible danger qu’elle se produise (2496).  Des exemples sont des lectures de romans d’amour, pour tuer le temps,  avant de s’endormir, avec la prémonition qu’elles pourraient causer une pollution pendant le sommeil,

 2540- Si l’action productrice de la pollution est gravement illicite, comme étant sérieusement opposée à la chasteté (une obscénité), ou à une autre vertu (la dépendance aux drogues ou à l’alcool), quelqu’un est-il, à cause de cela, coupable d’un péché grave de pollution ?  Si on considère le cas dans l’abstrait, la réponse est non.   Car le péché n’est que véniel,  si l’action en question n’est que lointainement dangereuse par rapport  à la pollution (une action qui n’est pas de nature vénérienne, comme l’intempérance qui ne tend pas nécessairement à l’impureté;  un acte vénérien qui est momentané comme un désir, n’affecte pas fortement les passions) (2517, 2518).  Si on regarde le cas dans le concret, la réponse est oui en règle générale, quand il est question d’une habitude. Car, en règle générale, ceux qui se comportent habituellement ainsi, donnent leur consentement à la pollution ainsi qu’au péché qui précède. Les moralist4es notent, toutefois, que celui qui se repent de la cause de la pollution avant qu’elle ne se produise, n’est pas coupable de cette pollution.

 2541- L’espèce morale de la pollution coupable. L’espèce générale de la pollution est distincte des autres péchés consommés d’impureté, puisqu’elle n’est pas naturelle, et cela, d’une façon spéciale (2534).   Et Denzinger no 1124.  Mais certains moralistes regardent cette pollution-là (2493, 2535), comme un péché non consommé, puisqu’elle existe sans une vraie insémination.  Et, en conséquence, selon eux, on peut ne le présenter en confession que comme un plaisir impur (2519 b).  L’espèce particulière de pollution dérive des circonstances qui lui donnent une nouvelle malice essentielle,  Si elle est solitaire et commise par une seule personne qui n’est liée ni par le mariage ni par un vœu, et qui n’est pas accompagnée par une pensée de désir, à l’exception de son auto gratification personnelle (auto érotisme, narcissisme), il n’y a que le péché de pollution.  Mais il y a d’autres péchés si elle est commise par quelqu’un qui a des obligations spéciales (adultère ou sacrilège), si elle a lieu avec une autre personne (séduction, coopération, rapt), ou si elle est commise avec des pensées impures, ou des désirs impurs portant sur autrui (l’adultère mental, la fornication, la sodomie, la bestialité).  La façon avec laquelle on exerce la pollution (que la pollution coopératrice soit active ou passive, qu’elle soit une  fellation, un accouplement, ou un toucher, avec ou sans instrument), est en elle-même une circonstance accidentelle, D’après certains auteurs, la pollution coopératrice qui ne se fait que  par le seul toucher, n’est pas une espèce différente, s’il n’y a pas d’amour envers l’autre personne, mais le seulement le désir de la gratification sexuelle. En conséquence, on peut la présenter en confession comme une pollution faite par le toucher.

 2542- Les peines pour immoralité décrites dans les canons 2357-2359.  Les laïcs qui sont coupables de certaines offenses contre le sixième commandement, deviennent infâmes une fois reconnus coupables, et sont exclus des actes ecclésiastiques légitimes. Dans le cas de l’adultère, l’épouse offensée peut obtenir une séparation, temporaire ou perpétuelle, de l’époux offensant (canon 1129). Les clercs des ordres mineurs sont sujets à des punitions spéciales, et peuvent même être expulsés de l’ordre ecclésiastique. Les clercs qui sont dans les ordres majeurs sont sujets à des peines stipulées par la loi (la suspension, l’infamie, la déposition) pour des crimes graves,  comme le concubinage, l’adultère, et aux peines décrétées par le supérieur légitime pour d’autres manquements.

 2543- Les parties potentielles de la tempérance.  Les appétits du plaisir sont les plus difficiles à mâter, et nous avons besoin d’une vertu comme la tempérance pour les réguler, et les garder sons le contrôle de la raison. Les vertus analogues ou potentielles de la tempérance sont celles qui sont capables de freiner mais non de mâter les appétits animaux (la continence); et celles qui contrôlent et régulent les appétits moins violents qui portent sur la vengeance, l’exercice de l’autorité, la supériorité par l’excellence dans un domaine, la connaissance, l’amusement et l’exhibitionnisme (la douceur,  2465).

 2544- La continence. Sa nature.  Cette qualité, comme nous l’entendons ici, est la condition de quelqu’un qui n’a pas conquis une maîtrise suffisante sur ses passions pour empêcher de fortes rébellions fréquentes et persistantes, mais qui est moins troublé par elles, ou qui a moins de soucis à les contrer.  Sa relation à la tempérance.   Une plus grande difficulté augmente le mérite, si elle est due à la présence d’un obstacle corporel ou externe (un homme maladif ou qui supporte une forte opposition mérite plus, pour son travail, qu’un homme qui jouit d’une santé florissante, ou qui reçoit des bonus). Non pas toutefois si sa condition défavorable est due à l’absence d’une excellence spirituelle (quelqu’un qui trouve difficile de travailler parce qu’il est un paresseux ne mérite rien de plus que celui qui trouve le travail aisé parce qu’il  est vaillant). Ainsi, la tempérance est plus avantageuse que la continence, car elle contrôle la passion avec une plus grande aisance, parce qu’elle a soumis aux dictats de la raison non seulement les appétits les plus hauts, mais les plus bas.

 Son opposé. Le vice opposé à la continence est l’incontinence.  Elle ne suit pas le dictat de la raison qui lui enjoint de résister aux assauts de la passion. Elle voit et approuve les choses les plus hautes, mais suit les plus basses.  Ce péché est moins grave que l’intempérance, comme une indisposition passagère est moins grave  qu’une maladie chronique. Car la passion va et vient, et l’incontinent regrette rapidement sa faiblesse. Mais une habitude coupable de gourmandise ou d’impureté est permanente. Elle ressemble tellement à une seconde nature que ceux qui y sont adonnés  se réjouissent quand ils ont satisfait leurs désirs (Prov. 11, 14).  L’incontinence dans le plaisir est moins disgracieuse que l’incontinence  dans la colère, car la colère est moins éloignée de la raison.  Mais, d’un autre côté, un coléreux  pèche habituellement plus gravement par le plus grand tort qu’il fait aux autres.  Il est plus difficile de mâter la colère que l’intempérance. Car la colère est comme une tempête qui s’abat avec force sur l’âme en une attaque foudroyante.  Et pourtant, il est plus difficile de ne pas être conquis par le plaisir, parce qu’il assiège constamment l’âme, et demande une vigilance de chaque instant.

 2545- La douceur,  La douceur ou la gentillesse est la vertu qui modère la colère.  Elle est une vertu, puisqu’elle consiste dans la modération d’après la droite raison.  Notre Seigneur l’a proclamée bénie (Matt. V, 4),  et saint Paul l’énumère parmi les fruits de l’Esprit saint (Gal, V, 23). Des modèles illustres de douceur sont Joseph (Gen.. 1, 20), Moïse (Nom X11, 3), David (1 Rois XX1V), le Christ (Luc, XV; Jn 1, 29; V111, 11), saint Paul (Atc XX, 31).  Son rôle est la modération, et, en conséquence, dans sa manière,  sinon dans sa matière, elle est semblable à la tempérance.  Elle suit le juste milieu entre les deux extrêmes de l’indignation coupable  et de l’indulgence coupable.

 Sa matière est la passion de la colère, c’est-à-dire, un appétit sensitif qui incite quelqu’un à se venger d’un mal en punissant son auteur.  Comme les autres passions, la colère est indifférente en elle-même, mais elle devient bonne ou mauvaise selon qu’elle est  raisonnable ou déraisonnable.  Le doux se fâche parfois, mais seulement quand il le devrait, où il le devrait et comme il le devrait Ps 1V, 5).  Sa colère n’est pas une impulsion aveugle, mais un zèle réglé  qui attaque le mal seulement après que la raison ait montré que c’est la voie à suivre. La colère.

2546-  La colère est coupable quand elle est déraisonnable dans sa matière ou dans sa manière d’être. Ainsi, elle est déraisonnable quant à sa matière (sa vengeance), quand elle punit sans raison valable (quand la personne punie est innocente, quand la punition  est excessive,  quand on ne tient pas compte de l’ordre légal, quand le mobile n’est pas la justice ou  la correction, mais la haine. Elle est déraisonnable quant à sa manière (le degré d’excitation senti ou montré), quand la passion dépasse la mesure. Une grande colère n’est pas un péché quand elle répond à un grand mal (la colère de Jésus contre les changeurs de monnaie du temple Jn V1, 14 suiv;  celle de Mathathias contre les Juifs idolâtres dans 1 Macc. 2, 24). Mais s’emporter pour un rien est un péché.

 2547- La gravité du péché de colère. Si la colère est un péché en raison de sa matière, ce péché  est mortel par sa nature, comme étant opposé à la justice et à la charité. Il peut être véniel, cependant, en raison de l’imperfection de l’acte (une impulsion subite de d’abattre ceux qui ne partagent pas son opinion); ou en raison de la légèreté de la matière (une tape, une frappe, ou un coup de poing sur les oreilles donné à un enfant dissipé, quand une  parole de reproche aurait suffi). Si la colère est un péché en raison de sa manière, ce péché  est véniel par sa nature.  Car, un excès dans une passion qui est une chose indifférente n’est pas un désordre sérieux (2450). Mais le péché peut être mortel en raison des circonstances, comme quand une personne en colère agit comme quelqu’un qui a perdu la tête, blasphémant, maudissant, brisant les meubles, donnant du scandale à cause de sa position sociale, du temps, du lieu; ou portant atteinte à sa santé par une violence poussée jusqu’au paroxysme.

 2548- La colère est-elle un péché plus grave que la haine et l’envie ? Quant à sa matière, elle est moins grave que la haine ou l’envie, car elle poursuit le mal sous le déguisement d’un bien spirituel, prétendant que le tort voulu est juste; tandis que la haine et l’envie choisissent le mal précisément en tant qu’il est offensant, ou en tant qu’il est un moyen pour l’obtention de son bien ou de sa gloire temporelle et externe.  Semblablement, la colère est moins grave objectivement que la concupiscence, car le voluptueux recherche l’utile ou le plaisir, tandis que le rancunier poursuit ce qu’il présentera comme juste.  Quant à sa manière, la colère, dans certaines de ses manifestations violentes, ressemble à  certains des vices mentionnés. Quand on le croise, l’homme en furie fait une cène, et fait un fou de lui;  son sang bouille, il a le visage rouge, ses yeux dardent du feu, il a la boche écumeuse, il tremble, et se conduit comme un taureau enragé.

 2549- La colère comme l’un des vices capitaux. Elle a une certaine prééminence dans le mal.  Sa matière est passablement attrayante, car la vengeance est douce et le manteau de justes représailles la fait paraître bonne. Sa manière est puissante, car elle pousse quelqu’un à oser les crimes les audacieux.  C’est la source de plusieurs péchés.  Dans le cœur, la colère produit de l’indignation contre l’objet qui déplait, --que le coléreux considère comme vil et indigne,-- et de l’amertume,  en raison de la façon dont  il est traité, laquelle remplit l’esprit de plans de revanche.  Les péchés en parole dus à la colère sont des cris incohérents de rage, des mots de contumélie et de blasphème (Matt V, 22); et ses actions peccamineuses comportent des querelles et toutes les sortes d’offenses.
2550-  L’indulgence coupable, L’indulgence coupable qui est opposée par excès à la douceur, est souvent un péché moral en raison du grand dommage infligé au bien commun, et de la protection apportée au crime.  Ainsi, le prêtre Élie a été sérieusement réprouvé et puni parce qu’il a fermé les yeux sur de graves désordres, ou les a corrigées pour la forme (1 Rois 11,111).

  2551- La clémence. La clémence est une vertu qui, dans un esprit de bonté et de modération,  incite quelqu’un à punir aussi peu que la justice le lui permettra. La clémence est une vertu parce qu’elle est raisonnable; elle fait du bien aux autres, et rend heureux le bienfaiteur. Elle est autant bénéfique aux intérêts publics qu’aux privés.  La miséricorde et la vérité préservent le roi, et son trône est fortifié par la clémence (Prov. XX, 28).   Elle incite quelqu’un à être condescendant, c’est-à-dire à tempérer ou à relâcher la sévérité de la loi.  Ainsi, elle diffère des vertus de  justice légale, et du pardon charitable, car, quand la chose est  nécessaire,  la première insiste sur la rigueur de la loi (2381 suiv), tandis  qu’à toutes les fois où cela est permis, l’autre donne une amnistie ou le pardon pur et simple (1198).  Sa matière est la punition, c’est-à-dire le mal externe du châtiment infligé aux malfaiteurs.  En conséquence, elle diffère de la douceur, qui se rapporte à l’émotion interne de la colère, et de la miséricorde, qui traite des biens externes donnés aux souffrants.  Elle est compréhensive en autant que le permet la loi, c’est-à-dire qu’elle agit avec un sens de responsabilité envers les droits et les demandes du bien commun et les intérêts de tous ceux qui sont impliqués; et elle décide en vertu d’un jugement éclairé et impartial,  quand les circonstances de personnes, de temps et de lieu, d’actions et de cause,  justifient une prise de distance d’avec les strictes demandes de la loi ou de la coutume.  La clémence n’est pas la même chose  qu’un laxisme arbitraire ou un sentimentalisme.  Elle est mue, en premier lieu, par sa bonté dont bénéficie  l’offenseur.  Elle diffère ainsi de la vertu d’équité (qui est mue par le sentiment d’une justice plus haute), et des vices du favoritisme, d’extorsion, de poltronnerie ou de lâcheté (qui n’accordent leur protection qu’aux amis, ou à ceux qui offrent des pots de vin, ou qui forcent la main).  Elle est mue, en second lieu, par un esprit de modération.  Plusieurs personnes sont gâtées par l’exercice de l’autorité.  Prenant conscience de leur importance, elles désirent faire usage de leur pouvoir jusqu’à la limite, et laisser les autres par terre autant que possible.  Le clément, au contraire, garde la mesure, et exerce son autorité avec modération.  La douceur est pour tous, mais la clémence est la vertu propre des supérieurs.

 2552- Les vices opposés à la clémence, L’extrême par défaut est la cruauté, qui est une dureté de cœur, qui ne fait ressentir aucune émotion devant la souffrance des autres, mais qui dispose quelqu’un à infliger des punitions excessives.  La pire forme de cruauté est la sauvagerie qui trouve un plaisir inhumain dans la souffrance des autres, et qui inflige des peines sans tenir compte de la faute ou de l’innocence. L’extrême par excès est une indulgence indue, qui épargne  la fessée quand on devrait la donner.  Il y a des moments où la sévérité est nécessaire, comme quand un crime est malicieux et fait de sang froid; quand un récidiviste est entêté et irréformable, ou quand la douceur portera atteinte au bien public ou ne fera qu’à inviter l’offenseur à répéter son acte.  Dans ces cas, il ne serait pas sage, mais plutôt néfaste, d’adoucir une sentence donnée par une loi juste ou une coutume respectable.

 2553- L’humilité.  L’humilité est la vertu qui rend  modeste quelqu’un qui désire la grandeur.  C’est une vertu, c’est-à-dire une excellence morale, et une disposition volontaire.  En conséquence, elle n’est pas semblable à l’humilité physique (les circonstances basses et humbles dans lesquelles quelqu’un est né), ou à l’humilité involontaire, (l’humiliation qui retombe sur ceux qui font leur propre éloge). Elle est liée à la grandeur, c’est-à-dire aux plus grandes choses qui appartiennent à la magnanimité (2448 suiv).  Il n’y a pas d’opposition entre ces deux vertus, car la grandeur d’âme fait qu’on a une si grande estime des dons reçus de Dieu qu’on aspire à l’amélioration à laquelle ils préparent, tandis que l’humilité fait tellement réaliser ses propres insuffisances qu’elle empêche qu’on aspire à une excellence qui n’est pas faite pour soi.  Elle est modeste, c’est-à-dire qu’elle régule selon les dictats de la raison, la passion des grandeurs, de façon à ce qu’on évite les extrêmes de l’orgueil, de l’abjection, et de la petitesse d’âme (2465).

 2554- Les trois actes d’humilité.  Son acte régulateur est dans l’intelligence, et consiste dans la connaissance et l’acceptation de son infirmité et de son infériorité, non seulement en comparaison avec Dieu, mais aussi avec les hommes.  Son acte essentiel est dans l’appétit, et consiste dans la régulation des désirs de  grandeur,  de façon à ce que, reconnaissant ses limites, on n’ambitionne pas ce qui n’est pas à notre portée.  Les degrés d’humilité plus élevés sont ceux qui ne désirent pas les honneurs, ou qui en souffrent, ou qui désirent le déshonneur. L’acte qui l’exprime est la conduite externe.  Saint Benoit dit qu’un humble évite la singularité dans ses actions, parle peu, et doucement, pratique la modestie,  ne regarde pas partout curieusement, et  ne rit pas à gorge déployée.  Mais il y aussi une fausse humilité qui n’est qu’externe. Elle n’est qu’une orgueilleuse hypocrisie (Eccl. 1X, 23).
2555- Ce que requiert l’humilité.  L’humilité requiert deux choses.  Elle est principalement un abaissement de soi-même devant Dieu (Gen XV11, 27); et elle n’est pas opposée à la vérité et au bon ordre.  Voici donc les règles suivantes qui portent sur l’abaissement de soi-même devant les créatures qui nous sont semblables.  Dans l’acte interne, l’humilité requiert que chacun reconnaisse que son prochain est meilleur que lui, si la comparaison est faite entre ce que j’ai reçu de la nature, et ce qu’un autre a reçu de Dieu (Phil 11, 3; Osée X111, 9). Mais ce n’est pas contre l’humilité de croire qu’on a plus de grâce divine et moins d’imperfection humaine qu’un autre, si on a de bonnes raisons de le penser (Eph. V, 111; Gal 11, 15). Dans l’acte externe, l’humilité requiert qu’on montre des signes de respect envers ce que les autres ont de meilleur. Mais, des personnes qui sont en autorité, saint Augustin a dit que, bien que, en ne tenant compte que de Dieu, elles  devraient   se prosterner aux pieds de tous, en tenant compte aussi des hommes, elles ne devraient pas s’abaisser  aux yeux de leurs inférieurs de façon à faire mépriser   leur dignité ou leur autorité.  Comme les autres vertus, l’humilité doit être guidée dans ses manifestations par la prudence, en ce qui a trait au temps, au lieu, et autres circonstances.

 2556- L’excellence de l’humilité. L’humilité est inférieure aux vertus théologales qui tendent immédiatement à la fin elle-même, et aussi aux vertus intellectuelles, ainsi qu’à la justice légale, qui dispose correctement l’esprit et la volonté par rapport aux moyens qui tendent à cette fin.   L’humilité et les vertus restantes incitent quelqu’un à suivre la direction de l’esprit et de la volonté, mais avec cette différence que, tandis que l’humilité rend quelqu’un prêt à se soumettre à tout ce qui est droit, la tempérance, la force et les autres vertus ne  préparent à la soumission que  dans l’une ou l’autre matière particulière.

 A ces vertus-là, l’humilité est supérieure. L’humilité prépare le terrain pour la construction de l’édifice spirituel,  négativement ou indirectement. Car, comme Dieu résiste aux superbes, et donne sa grâce aux humbles (Jacq 1V, 6),  c’est l’humilité qui enlève les obstacles que rencontrent les autres vertus.  Mais c’est la foi qui, spirituellement et directement, pose la pierre angulaire de la vie spirituelle, car la foi est la première approche de Dieu. Celui qui veut venir à Dieu doit croire (Hebr. X1, 6).

 2557- L’orgueil. L’orgueil est un désir désordonné de sa propre excellence. C’est un désir, car l’objet de l’orgueil est quelque chose qui plaît, et qui est  difficile d’obtention. Ce désir porte sur l’excellence, c’est-à-dire, sur un haut degré d’une perfection (comme la vertu, le savoir, la beauté, la réputation, l’honneur), ou sur la supériorité sur les autres, en se voyant plus parfait que les autres. L’excellence recherchée est personnelle, c’est-à-dire que l’objet de l’orgueil est le moi, l’égo, lequel est placé plus haut que les autres. L’ambition recherche la grandeur dans les honneurs et les dignités; la présomption la grandeur dans l’accomplissement d’un grand dessein; et la vanité la grandeur dans la réputation et la gloire. L’orgueil, qui est la source de ces vices, cherche la grandeur dans le moi ou l’ego, ou dans ces choses avec lesquelles le moi orgueilleux  s’identifie, comme les enfants, la famille, ou la race. C’est un désir désordonné, quant à la matière, comme quand quelqu’un désire une excellence ou une supériorité qu’il ne mérite pas (l’égalité avec notre Seigneur); ou quant à la manière, quant quelqu’un désire expressément posséder une excellence ou une supériorité, sans accepter la sujétion qui est due (posséder une vertu indépendamment de Dieu ou de son aide). Dans le premier cas, l’orgueil s’oppose à la grandeur d’âme (la magnanimité); dans l’autre, à l’humilité. Le mépris propre à l’orgueil est son dédain pour toute sujétion; et le mépris qui appartient à la désobéissance, est son dégoût pour les commandements. Mais l’orgueil mène naturellement au mépris de la loi, de Dieu et du prochain (2367).

 2558- Les actes d’orgueil.   Dans son intelligence, l’orgueilleux a une estime exagérée de sa propre valeur, et c’est cette estime de lui-même qui est la cause d’un désir désordonné d’honneur et d’exaltation. Mais l’orgueil peut aussi être la cause de mégalomanie, car ceux qui ont la tête enflée finissent par penser qu’ils sont aussi grands qu’ils veulent l’être. La volonté de l’orgueilleux adore sa grandeur, et aspire à ce qu’elle soit reconnue et glorifiée par tous. Dans ses paroles et ses actes, l’orgueilleux se trahit lui-même par sa vantardise, par les louanges qu’il se donne à lui-même, par son auto suffisance, son port de tête hautain, ses gestes déclamatoires, son train de vie luxueux;   son arrogance, son insolence, sa perfidie, son mépris des droits et des sentiments des autres.

 2559- La culpabilité de l’orgueil. L’orgueil complet qui détourne de Dieu, parce qu’il considère la sujétion réfractaire  à sa propre excellence, est, de par sa nature, un péché mortel, parce qu’il est une manifeste rébellion contre l’Être suprême (Eccl Xm 14).  Tel était l’orgueil de Lucifer; mais un orgueil de cette ampleur  est rare dans les êtres humains. L’orgueil complet peut être véniel en raison de l’imperfection de l’acte, quand il n’est qu’un désir à moitié délibéré. L’orgueil incomplet qui tourne quelqu’un de façon désordonnée vers l’amour de l’excellence créée, mais sans sentiments déplacés envers les supérieurs, est en lui-même un péché véniel, car il n’y pas de désordre sérieux dans l’excès d’une passion indifférente en elle-même. Mais les circonstances peuvent rendre mortel cet orgueil (quand il fait un tort sérieux aux autres).

 2560- L’orgueil comparé aux autres péchés. Gravité. L’orgueil complet est moins grave que la haine de Dieu, car le premier a pour objet son excellence personnelle; le second, la séparation de Dieu.  Mais après la haine de Dieu, l’orgueil complet est, de tous les péchés mortels, la pire déloyauté.   Il sépare directement de Dieu, puisqu’il abjure son allégeance à l’Être suprême;  tandis que les autres péchés ne séparent de Dieu qu’indirectement, puisqu’ils ne l’offensent pas par mépris, mais par ignorance, ou sous le coup d’une violente passion ou d’un puissant désir.   L’origine. L’orgueil a été le premier des péchés, car c’est lui qui a fait désirer aux anges déchus une béatitude semblable à celle de Dieu,  et à Adam et Ève la connaissance du bien et du mal  (Eccl X, 15; Prov. XV111, 2; Tob 1V, 14).   L’influence.  On appelle l'orgueil la mère et la reine des sept vices capitaux, à savoir la vaine gloire (2450), la gloutonnerie (2473), la luxure (2494), l’avarice (2426) la lubricité (1322), l’envie (1342), et la colère (2549).  Non pas au sens que chaque péché est le résultat de l’orgueil (car plusieurs personnes pêchent par ignorance et passion), mais dans le sens où le désir immodéré d’excellence personnelle est un mobile qui peut entraîner quelqu’un dans n’importe lequel péché, comme la convoitise offre un moyen qui est utile pour tout projet temporel (1 Tim V1, 10).  L’orgueil est aussi très dangereux puisqu’il dérobe la récompense de la vertu elle-même (Matt. V1, 2).  Et comme l’humilité est le premier pas qui mène au ciel, l’orgueil est le premier pas qui conduit  en enfer.

 2561- L’abjection. L’autre extrême de l’orgueil est l’abjection. En tant qu’elle détourne des plus hautes choses auxquelles on devrait aspirer, ce péché est le même que la pusillanimité de l’âme, et elle s’oppose à la grandeur d’âme (la magnanimité) 2451. En tant qu’elle se tourne vers les choses basses, ou accepte une soumission aux autres qui est déraisonnable, ce vice s’oppose directement  à l’humilité.  Exemples.  Des savants qui perdent leur temps à chercher le sexe des anges, quand ils pourraient être beaucoup plus utiles s’ils employaient leur talent à répondre à des besoins urgents;  ou qui se laissent corriger et guider par les erreurs ou les faux principes d’un ignorant.

 2562- La studiosité.   La studiosité est la vertu qui rend quelqu’un modeste dans le désir de la connaissance.   Son objet est le désir de la connaissance. Car l’homme est doté de facultés sensibles et intellectuelles; et  la nature l’incite à exercer ces facultés pour voir, entendre, imaginer, appréhender, juger, raisonner. Sa fonction est de rendre quelqu’un modeste dans ses désirs (2465 c), c’est-à-dire qu’elle régule, conformément à la raison, les tendances de la nature, de façon à pouvoir modérer l’excès et le défaut dans la recherche du savoir. D’un côté, l’âme a une envie irrépressible de découvrir et d’apprendre.  Mais comme la faim corporelle mène à la goinfrerie si elle n’est pas régulée, de la même façon, la faim intellectuelle peut devenir un vice (curiosité), si elle n’est pas modérée. D’un  autre côté, le corps a une répulsion pour l’effort, la fatigue et la discipline que lui impose l’étude. Et si on ne la surmonte pas, cette répulsion,  on devient coupable du péché de négligence ou d’ignorance (904, 1326, 1671).  Son caractère est donc celui de la vertu, puisqu’elle conserve dans la modération un appétit naturel, en évitant les extrêmes de l’excès et de défaut, et en faisant la garde des sens et de l’esprit. Cette vertu reçoit des louanges dans les Prov XXV11, 11 Etudie la sagesse, mon fils, et rends mon cœur heureux. Et en 1  Tim, 1V, 13 Applique-toi à la lecture . Essentiellement, c’est une partie potentielle de la tempérance, car sa caractéristique principale  est la modération d’un désir intempestif.  Mais, en second lieu, elle appartient à la force, car un étudiant a besoin d’un grand courage, de persévérance et de discipline.

 2563- Les vices opposés à la studiosité.  Le vice par excès s’appelle curiosité. C’est un désir de savoir qui est désordonné en raison du motif (quand quelqu’un est curieux  de ce que font les autres pour pouvoir leur faire du tort; quand quelqu’un dévisage un autre pour satisfaire un désir impur); ou en raison des circonstances (la curiosité au sujet des dernières nouvelles, ou des cancans qui détournent quelqu’un de  son devoir, ou de choses plus importantes; la curiosité qui consulte les diseuses de bonne aventure; une curiosité qui tente de pénétrer  les mystères insondables de Dieu Ecc. 111, 22).   Le vice opposé à la studiosité par défaut est la négligence. Elle est une omission volontaire de l’étude des choses qu’on se doit de connaître, comme quand un écolier perd son temps dans les sports et la fainéantise. On trouve habituellement dans la même personne  la curiosité et la négligence (ceux qui, sans raison, se mêlent des affaires des autres, ne savent pas, en règle générale,  bien s’occuper des leurs).

 2564- La malice des péchés contre la studiosité.  La curiosité en elle-même est vénielle, car s’attarder à ce qui est superflu ne semble pas être une sérieuse offense.   Mais les circonstances peuvent parfois la rendre mortelle.  Ainsi, la matière-sujet peut la rendre sérieuse, comme quand la curiosité porte sur des livres obscènes, ou sur  un désir irrépressible de regarder des images  impudiques; ou quand elle  essaie de découvrir des secrets sacramentaux ou professionnels.  Le but peut aussi la rendre sérieuse, comme quand quelqu’un enquête ou espionne pour noircir la réputation de quelqu’un (Prov XX1V, 15). Les moyens peuvent  aussi la rendre mortelle quand on a recours à la calomnie, à la fraude, à la lecture de documents personnels, pour recueillir de l’information.   La négligence est mortelle ou vénielle d’après la gravité qu’a le  devoir de connaissance.  Ainsi, si un avocat n’a pas pris une seconde pour étudier un dossier, et se trouve ainsi responsable de la condamnation de son client, sa négligence serait un péché mortel.
2565-   La modestie,  La modestie devrait contrôler non seulement les passions internes qui portent sur  la réussite  et le  savoir, mais aussi sur les mouvements externes du corps (la modestie dans la vie).  La modestie modère donc  les mouvements externes du corps  dans les choses sérieuses et dans le divertissement.

 2566- La conduite modeste.  La vertu.  La raison devrait réguler les mouvements et les gestes corporels, parce qu’ils sont des indications du caractère et des dispositions de quelqu’un, et parce qu’ils expriment les sentiments que nous éprouvons envers ceux avec qui nous vivons. En conséquence, loin de les voir comme quelque chose d’indifférent, la raison demande qu’ils conviennent à notre âge, à notre sexe, à notre position sociale; ainsi qu’à ceux des autres (ce que le bon usage demande dans la vie,  les affaires et  le commerce). Ainsi, le savoir vivre vertueux fait usage de la sincérité qui rend quelqu’un respectueux en acte, et l’affabilité, qui rend quelqu’un avenant et amène en compagnie (2421).  Que ce soit une vertu importante pour les individus et la société, les autorités humaines et divines le déclarent.  L’Ecclésiastique (1X1, 26, 27), attire l’attention sur l’importance que revêtent le regard, le rire et la tenue. Saint Augustin dit que nos mouvements ne devraient avoir rien d’offensant pour les autres. Et Aristote mentionne parmi les qualités d’un homme de caractère élevé un comportement posé et digne.

 Les vices opposés. Plusieurs vices offensent par excès ou par défaut un comportement modeste.  Ainsi la sincérité est offensée par l’impétuosité et l’affectation; la considération envers les autres par la flatterie et l’impolitesse; et le respect de soi quand on est guindé ou servile,
2567-   La relaxation modeste.  La vertu. Comme le corps rompu par le travail manuel demande le rafraîchissement du sommeil et la récupération qu’apportent les vacances, ou le changement de travail, de la même façon l’esprit  ne peut être sain et actif que si, de temps en temps, il est soulagé par des amusements ou des violons d’Ingres.  Le désir de la récréation est donc une des inclinations les plus importantes de l’homme, et il est nécessaire qu’il soit tempéré par la droite raison. Celui qui consacre une partie de sa vie aux passe-temps et aux jeux de société possède la vertu qu’Aristote appelait eutrapélie, et que saint Thomas appelle la gaité ou la joie de vivre.

 Le péché par excès.  La relaxation peut être excessive de plusieurs façons.  Il arrive parfois que le divertissement lui-même soit inconvenant (des comédies obscènes, des danses lascives, des jeux de hasard truqués). C’est parfois la conduite   de la personne elle-même qui est à blâmer  (ceux qui font de la récréation la partie la plus importante de leur vie ( Sag. XV, 12) ; ceux qui ne se divertissent que pour le plaisir; ou qui rient de tout).  Les circonstances rendent parfois un amusement inconvenant, comme quand un homme grave se rabaisse lui-même en faisant le pitre, ou quand une femme prend part à un sport qui ne convient pas à son sexe. Comme quand on consacre au golf ou à la pêche des heures qu’on devrait employer pour Dieu, pour l’étude ou pour son travail. Quand on choisi le vendredi saint ou un jour du carême pour un piquenique ou un bal. Quand on utilise une église pour les sports ou la comédie.  Quand on caricature ou parodie la sainte Écriture ou des objets sacrés.  Quand on passe tellement de temps dans les théâtres, les salles de cinéma, les voyages et autres divertissements qu’il n’en reste plus pour les devoirs de justice, de charité, ou de religion.  Quand on compromet sa santé par des jeux très violents (comme la boxe).

 Le péché par défaut.  Les personnes qui pèchent par défaut sont celles qui se privent de la détente nécessaire  (les avares qui ne veulent pas prendre de congé ni partir en voyage de peur de perdre de l’argent); ou qui critiquent les récréations que se donnent les autres (les rabats joie  qui désirent que les autres soient misérables; les fanatiques qui pensent que le plaisir vient du démon). On peut trouver des excuses à ceux qui ne rient jamais s’ils n’ont pas le sens de l’humour ou s’ils  souffrent beaucoup. Mais ils devraient essayer parfois d’esquisser un sourire, ou au moins, de ne pas froncer les yeux devant un plaisir innocent.
2568-  La gravité des péchés opposés à une réjouissance modérée.  La gravité absolue.  Les péchés que nous venons de mentionner sont mortels ou véniels selon le caractère de ce qui est fait, et les circonstances.   Ainsi, c’est un péché mortel de se recréer dans une rêverie sauvage et dans la débauche.  Ou de conduire ses enfants au démon en leur interdisant  toute  détente nécessaire.  C’est un péché véniel de passer un peu trop de temps à jouer à la belotte,  ou de travailler trop fort.

 La gravité comparative.  Il est pire de trop se relaxer que pas assez, car on ne désire pas un amusement pour lui-même, mais on doit le subordonner à des choses sérieuses. C’est la même chose pour les assaisonnements. Il est plus insensé  de prendre trop de sel que pas assez, parce que le sel est secondaire. Ainsi, il est plus déraisonnable de trop jouer que pas assez.
2569-   La modestie dans le style de vie et le vêtement.  Les biens extérieurs, comme les maisons et les vêtements, sont nécessaires pour le corps et pour l’âme.  Les autres comme l’ameublement, les décorations,  les voitures, les radios, les rafraichissements pour les visiteurs, sont utiles pour maintenir son statut social. Mais on peut faire un usage immodéré de ces biens, et voilà pourquoi on a besoin d’une vertu qui en régule l’emploi, c’est-à-dire, de  façon à ce que ces biens expriment vraiment notre statut social réel, et ne soient pas une offense pour les autres.

 Le péché par excès.   On le commet, ce péché, quand le mode de vie est extravagant,  d’après le jugement des concitoyens. Ou quand, comme le riche vêtu de pourpre et de fin lin  de l’évangile, quelqu’un ne recherche que l’exhibitionnisme ou la gratification sensuelle; ou quand quelqu’un est trop préoccupé par les choses extérieures (quand on passe trop de temps devant le miroir, ou quand on dépense trop d’argent chez le couturier). Les dignitaires et les ministres de l’autel ne sont pas coupables d’excès dans la pompe et la splendeur sanctionnées par l’Église, puisqu’il s’agit là d’un honneur  qui s’adresse à Dieu.  Le péché par défaut.  On commet ce péché quand le mode de vie de quelqu’un n’est pas conforme à la norme raisonnable adoptée par une communauté.   Surtout si cela est du à la négligence, à   la décence, ou à la singularité.    Exemples,  Ceux qui, par insouciance, vont un peu partout sans s’être ni lavés ni rasés; qui gardent leur appartement dans un état de désordre et de malpropreté, qui sont tout débraillés;  les femmes qui s’habillent en homme, les nudistes qui se promènent tout nus dans les endroits publics, et les cyniques qui méprisent les conventions d’une société civilisée.  Ce n’est pas un péché, cependant, mais un acte vertueux de tempérance de porter des habits simples et pauvres dans un esprit de mortification et d’humilité.

 2570- La moralité de l’auto embellissement.  Il n’est pas permis de s’embellir soi-même pour améliorer son apparence, ou pour épater le bourgeois.  Pour les femmes, il n’y a pas en soi de faute à recourir à des moyens qui améliorent leur apparence, comme les remèdes pour les difformités, comme les teintures faciales, les poudres, les cosmétiques, les bigoudis et les permanents.  Mais, accidentellement, il  pourrait y avoir un péché (la tromperie).  Un homme pauvre serait un trompeur s’il adoptait le style de vie d’un riche pour faire croire à une femme qu’il est riche; une femme serait aussi une trompeuse si elle utilisait son mascara et ses faux sourcils pour se rajeunir aux yeux d’un prétendant (2404).  Ce n’est pas non plus un péché en soi de désirer être complimentée pour son apparence et sa robe,  Ainsi, une femme devrait s’efforcer d’être attrayante pour son mari (1 Cor V11, 34). Et pour gagner un soupirant, une femme peut utiliser modérément des colliers ou des bracelets (1 Tim 11, 9).  C’est un péché mortel, cependant, de s’attifer ou de  s’accoutrer de façon à susciter une tentation charnelle, ou à éveiller des mauvais désirs chez autrui. Comme quand on  veut capturer l’amour sexuel de quelqu’un sans le mariage (Prov, V11, 10).  C’est un péché véniel de séduire quelqu’un par pure vanité, pour la folle ambition d’être perçue comme une femme élégante  et à la mode. Par un décret de la sacrée congrégation du concile (12 Janv. 1930),  les curés et les vicaires, les parents et les professeurs reçoivent l’ordre de s’opposer à tout vêtement indécent, d’expulser de la sainte table et même de l’Église les femmes et les filles immodestement vêtues; et de faire, à chaque huit décembre, un sermon spécial sur la décence (1456, 1457).

 2571- Les compléments à la vertu de tempérance. Le don du saint Esprit qui perfectionne la tempérance est la crainte du Seigneur. La vertu de tempérance fait qu’on s’abstient des plaisirs illégaux, parce qu’il est raisonnable d’agir ainsi.   La crainte de Dieu a la même abstinence que  la révérence.   Le don de crainte regarde d’abord la grandeur du Père céleste devant lequel les nations ne sont qu’une goutte d’eau, une graine, ou une poussière.  (Is X1, 15).  Et c’est ainsi qu’il réprime la présomption, et rend service à la vertu d’espérance (1041 suiv).  Mais, en second lieu, il regarde l’insignifiance de chaque plaisir sans Dieu, et voit que ces joies inférieures sont passagères, insipides et amères, comme la poussière que le vent emporte; comme une mousse éparpillée par la tempête (Sag V, 15), comme la fumée emportée par la brise, comme un doux poison qui se change en fiel et détruit tout (Job XX, 12 suiv).  Et à cause de cela, la crainte de Dieu soutient la tempérance, laquelle doit régler les aspirations de la chair et des bas appétits.  La crainte de Dieu fait dont que l’on s’éloigne vivement  de ces choses qui poussent à offenser Dieu.  C’est pourquoi le psalmiste prie ainsi : Perce ma chair avec ta crainte (CXV111, 120). La béatitude qui correspond au présent don est la deuxième : Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Ceux qui ont le don de la crainte de Dieu perçoivent la vraie nature des plaisirs illicites, et la fin mauvaise qui attend ceux qui les poursuivent.  Ils préfèrent donc le renondement, c’est-à-dire  se priver de tout plaisir mauvais pour l’amour de Dieu, dans cette vie et dans la vie bienheureuse à venir.  Votre tristesse sera changée en joie (Jn XX, 160.

 Les fruits de la crainte de Dieu, la modestie, la continence et la chasteté. Comme un bon arbre qui produit une riche moisson de fruits délicieux, la crainte révérencielle de Dieu produit des actes de vertu qui ont en eux-mêmes une saveur délicieuse, qui est plus délectable et plus durable que celle des fruits de la terre. Ces fruits délicieux de l’esprit de crainte de Dieu sont la modestie dans les paroles, dans les actions et dans les choses externes; la continence de la célibataire, et la chasteté des époux en pensées et en désirs.

2572- Les commandements de la tempérance. Les préceptes négatifs, Dans le décalogue, les vices de la tempérance qui sont le plus opposés à l’amour de Dieu et du prochain (1Tim 1, 5) sont expressément interdits, comme l’adultère en acte et en désir.  Ailleurs, d’autres péchés sont interdits. Ainsi, l’ivrognerie (les ivrognes ne possèderont pas le royaume 1 Cor V1, 10), toute sorte de luxure (les œuvres de la chair sont la fornication, l’impureté, l’immodestie, la luxure …ceux qui font ces choses n’obtiendront pas le royaume (Gal V, 17-21);  la colère (Rejetez loin de vous toute rancœur, toute colère et toute indignation Eph. 1V, 31).; la colère Dieu résiste aux orgueilleux Jacques 1V, 6).

 Les préceptes affirmatifs. Les façons positives d’observer la tempérance (les règles sur le jeûne) ne sont pas prescrites dans le décalogue.   Car la loi se limite à quelques à quelques principes généraux qui sont d’une application universelle, tandis que la manière de pratiquer le jeûne et l’abstinence doit convenir aux conditions  de temps et de lieu.  Ainsi, il appartient à l’Église de préciser, par sa législation, les détails de la mortification du boire et du manger, pour qu’elle soit adaptée aux conditions toujours changeantes de la vie humaine (2469).
 
 
 

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Traduction originale française par JesusMarie.com, 7 octobre 2016 : autorisation est donnée à tout catholique de reproduire sur tous supports cette traduction à condition de mentionner JesusMarie.com comme auteur de la traduction

Titre Original : Moral Theology A Complete Course Based on St. Thomas Aquinas and the Best Modern Authorities. Révision par le père Edward P. Farrel, o.p. New York City Joseph F. Wagner, Inc. London : B. Herder. All Rights Reserved by Joseph F. Wagner, Inc., New York, printed in the United States of America Note : Nous avons contacté le frère dominicain américain responsable des droits littéraires des frères de cette province de l'Ordre des Frères Prêcheurs, celui-ci affirme que cette THEOLOGIE MORALE, dans sa version originale anglaise, est maintenant dans le domaine public, c'est pourquoi nous la publions et la proposons en téléchargement. Si nos informations étaient fausses, merci de nous contacter par l'email figurant en première page du site pour que nous puissions immédiatement retirer tout ce qui serait litigieux. JesusMarie.com attache la plus grande importance au respect des droits des ayants droits et au respect des lois. Tout ce qui est publié, l'est avec autorisation, relève du domaine public ou est le fruit de notre propre esprit.

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