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Saint Pierre Canisius

Le Sacrement de l’Eucharistie - La Sainte Messe
édition numérique par JESUSMARIE.com, 10 août 2008

article III. Le Sacrement de l’Eucharistie
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QUESTION I : Que signifie ce nom d'Eucharistie ?

Le sacrement le plus grand et sans comparaison le plus saint de tous, qui surpasse tout ce que l'Eglise peut avoir d'ailleurs de plus noble, de plus admirable, de plus efficace, et de plus salutaire, est ce que désigne ce nom d'eucharistie.

Et c'est avec raison qu'on l'appelle ainsi, c'est-à-dire bonne grâce ou action de grâces, puisqu'il contient le principal et le plus grand des dons de Dieu, la source même et l'auteur de toute grâce, et qu'il nous rappelle tous les biens les plus précieux que nous avons reçu de lui, et pour lesquels particulièrement nous devons lui rendre grâces et publier sa gloire. Eh! quel plus grand bienfait aurions-nous pu désirer, que celui de recevoir encore tous les jours le corps et le sang de celui qui pour l'amour de nous à voulu naître d'une vierge, mourir sur une croix et entrer dans sa gloire, et de nous incorporer tout entiers à tout lui-même dans cet ineffable sacrement ?
 
 
 
 

TEMOIGNAGE DE LA TRADITION.
 
 

1. S. DENIS l'Aréopagite, De ecelesiasticâ hierarehiâ, c. 2 : « Enfin le pontife convie l'initié à la très-sainte Eucharistie, et le fait entrer en participation de ce mystère qui opère si efficacement la sainteté. »

2. Le même, c. 3 : « Car, comme disait notre illustre maître, c'est le sacrement des sacrements. Car il n'est guère d'usage qu'on célèbre aucune de ces augustes cérémonies sans que la très-sainte Eucharistie, achevant l'ouvre commencée, vienne

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élever l'initié vers Dieu. » Dans ce même chapitre, l'auteur appelle l'Eucharistie les mystères augustes (Cf. Les ouvres de saint Denis l'Aréopagite, trad. Par M. l'abbé Darboy, page 269).

3. Le concile de Trente, session XIII, chapitre II : « Notre Sauveur, étant près de quitter ce monde pour aller à son père institua ce sacrement, dans lequel il répandit pour ainsi dire, les richesses de son amour pour les hommes, en y renfermant le souvenir de toutes ses merveilles, et il nous commanda d'honorer sa mémoire en le recevant, et d'annoncer sa mort jusqu'à ce qu'il vienne lui-même juger le monde. Il a voulu aussi que ce sacrement fût reçu comme une nourriture spirituelle, qui entretînt la vie dans les âmes et les fortifiât, en les faisant vivre de la vie même de celui qui à dit (JEAN, VI) : Celui qui me mange vivra aussi pour moi ; et comme un antidote, par lequel nous fussions guéris de nos fautes journalières et préservés des péchés mortels. Il a voulu de plus qu'il fût le gage de notre gloire à venir, et de la félicité éternelle et enfin le symbole de l'unité de ce corps dont il est lui-même le chef, et auquel il a voulu que nous fussions unis et attachés par le lien de la foi, de l'espérance et de la charité, comme des membres exactement adaptés et joints ensemble, afin que nous confessions tous la même chose, et qu'il n'y ait point de schisme ni de division parmi nous. »

4. Le même, ibidem, c. 5 : « La très-sainte Eucharistie à ceci de commun avec tous les autres sacrements, qu'elle est un symbole d'une chose sainte, et une forme ou un signe visible d'une grâce invisible ; mais ce qu'elle à de singulier et de particulièrement remarquable, c'est que les autres sacrements n'ont la force et la vertu de sanctifier qu'au moment ou on les reçoit au lieu que, pour ce qui est de l'Eucharistie, l'auteur même de la sainteté y réside même avant qu'on la reçoive. Car les apôtres n'avaient pas encore reçu l'Eucharistie de la main de Notre-

Seigneur, qu'il leur assurait déjà avec vérité que c'était son corps qu'il leur présentait. Et telle à toujours été la croyance de l'Eglise de Dieu, qu'après la consécration, le vrai corps de Notre-Seigneur et son vrai sang, conjointement avec son âme et sa divinité, sont réellement présents sous les espèces du pain et du vin, c'est-à-dire son corps sous l'espèce du pain, et son sang sous l'espèce du vin, par la vertu des paroles mêmes ; mais son corps aussi

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sous l'espèce du vin, et son sang sous l'espèce du pain, et son âme sous l'une et sous l'autre, en vertu de cette liaison naturelle et de cette concomitance par laquelle ces parties en Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est ressuscité des morts et qui ne doit plus mourir, sont unies entre elles, et la divinité de même, à cause de son admirable union hypostatique avec le corps et l'âme de Notre-Seigneur. C'est pourquoi il est très-véritable que l'une ou l'autre espèce prise séparément contient tout autant que toutes les deux ensemble ; car Jésus-Christ est tout entier sous l'espèce du pain, et sous la moindre partie de cette espèce, comme aussi sous l'espèce du vin, et sous toutes les parties de cette autre espèce. »

5. S. AMBROISE, de Sacramentis, lib. VI, c. 3 : « Vous êtes venu à l'autel, vous avez reçu la grâce de Jésus-Christ. »

6. S. CYPRIEN, de Lapsis, après avoir rapporté quelques miracles qui avaient eu lieu à l'occasion de l'Eucharistie, ajoute : « Ce seul exemple suffirait pour prouver que Dieu se retire de quiconque le renie, et que ce que l'on prend sans en être digne est inutile pour le salut, puisque l'aliment fécond dépouillé de sa sainteté se convertit en poussière. »

7. ORIGENE, contra Celsum, lib. VIII, c. 33 : « Pour nous qui nous attachons à plaire au Créateur de cet univers, nous mangeons avec prière et actions de grâces envers celui qui nous les donne, les pains que nous lui offrons, pains qui, par la prière deviennent un corps saint, et dont la vertu sanctifie ceux qui s'en nourrissent avec un cour bien préparé. » Ibidem, c. 57 : « Ce que nous craignons, c'est de manquer de reconnaissance à l'égard de Dieu.. Le pain que nous appelons Eucharistie est le symbole de notre reconnaissance à son égard. »

8. S. CHRYSOSTOME, Homélie LV au peuple d'Antioche, et LXXXIII, al. LXXXII, sur l'Evangile de saint Matthieu (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. VII, page 787-788, édit. de Montfaucon ; col 889-890, édit. de Gaume) : « Déférons à Dieu en toutes choses, et gardons-nous de le contredire, quand même ce qu'on nous annoncerait de sa part nous semblerait contraire au témoignage de notre raison et de nos sens : que l'autorité de sa parole prévale en nous sur ce que notre raison ou nos sens peuvent nous rapporter. Observons aussi cette règle à l'égard des mystères, en ne nous arrêtant pas aux apparences, mais en nous attachant surtout à sa doctrine. Car sa

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parole ne saurait nous tromper, au lieu que nos sens sont sujets à l'erreur. Sa parole n'a jamais manqué son effet ; trop souvent au contraire nos sens se trompent. Puis donc qu'il a dit : Ceci est mon corps, obéissons et croyons, et voyons-le des yeux de notre intelligence. Car les dons que Jésus-Christ nous à apportés ne sont rien de ce qui tombe sous nos sens ; mais sous des formes sensibles, tout y est intellectuel. Ainsi, même dans le baptême, sous l'action sensible qui nous confère la grâce attachée à l'eau, se cache un effet tout spirituel, qui est notre renaissance ou le renouvellement de notre âme. Si vous étiez un pur esprit, Dieu vous eût accordé ses dons sous une forme purement spirituelle ; mais comme votre âme est unie à un corps, il vous donne les biens spirituels sous des formes sensibles. Oh combien n'y en a-t-il pas qui disent en ce moment : Je voudrais bien voir son visage, son attitude, ses vêtements, sa chaussure ! Eh bien, vous pouvez le voir, le toucher, le manger même. Vous voudriez voir ses vêtements, et voici qu'il se donne lui-même à vous, non-seulement pour que vous le voyiez, mais pour que vous le touchiez, que vous le mangiez, que vous le receviez en vous-même. . . Considérez quel honneur vous est fait, à quelle table vous êtes admis. Celui que les anges n'envisagent qu'en tremblant, qu'ils n'osent contempler en face à cause des éclairs qui s'échappent de ses regards, c'est celui-là même dont nous sommes invités à nous nourrir, à la substance duquel nous mêlons la nôtre au point de devenir un même corps et une même chair avec lui. Qui racontera les ouvres de la puissance du Seigneur, et qui pourra jamais dire toutes les louanges qui lui sont dues ? Quel est le berger qui ait jamais nourri ses brebis de sa propre substance ? Et qu'est-il besoin de parler de berger ? Il y a bien des mères qui, ayant une fois mis au monde leurs enfants, les abandonnent à des nourrices ; mais lui, bien loin de consentir à rien de semblable, il nous nourrit de son propre sang, et il n'omet aucun moyen de nous unir à lui. Voyez, il a été engendré de notre substance. Mais cela, direz-vous, ne fait rien à la généralité des hommes. Vous êtes dans l'erreur, cela touche de prés tous les hommes sans exception. Car s'il s'est unit à notre nature, il est évident q e cela nous intéresse tous ; et si cela nous intéresse tous, cela intéresse chacun de nous en particulier. Mais, répliquerez-vous, s'il en est ainsi, comment se fait-il que tous n'ont pas retiré du profit de sa venue ? La faute en est, vous répondrai-je, non à lui-même qui se proposait en cela le salut de nous tous,

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mais à ceux d'entre nous qui contrarient ses vues bienveillantes. Car par les sacrements, dont il est l'auteur, il s'unit à chaque fidèle ; il nourrit ainsi par lui-même ceux qu'il a engendrés, au lieu de les abandonner à d'autres, et il vous donne cette preuve de plus, que c'est votre chair même qu'il a adoptée. Ne négligeons donc rien pour répondre à tant de prévenance et d'amour. Ne voyez-vous pas avec quelle impétuosité les enfants s'approchent des mamelles de leurs mères ? avec quelle ardeur ils collent leurs lèvres sur leur sein ? Que ce ne soit pas avec moins d'empressement que nous nous approchions de cette table sacrée, que nous appliquions nos lèvre à la coupe qui contient ce breuvage céleste ; ou plutôt, que ce soit avec encore bien plus d'avidité que, comme des enfants à la mamelle, nous aspirions à ce bienfait divin ; et n'ayons pas d'autre regret, que celui de nous voir privé quelquefois de cet aliment (Cf. Homélies ou sermons de saint Jean Chrysost., trad. par P.-A de Marsilly, t. III, p557-561). »

9. Le même, Homil. XLV (al. XLVI) in Joannem (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. VIII, page 272) et LXI ad populum Antiochenum : « Unissons donc sa chair à la nôtre dans ce festin sacré pour devenir un même corps avec lui, non pas seulement par l'affection de nos cours, mais dans la réalité même. Car telle est l'union qui s'opère en nous au moyen de l'aliment qu'il nous donne, en témoignage de son amour pour nous. C'est pour cela qu'il s'unit à nous en substance, qu'il nous rend participants de son propre corps, pour n'être qu'un avec lui, comme un corps uni à son chef. C'est à quoi Job faisait allusion, en parlant de ses serviteurs, qui lui étaient si passionnément attachés, qu'ils auraient voulu ne faire qu'une même chair avec lui : Qui nous donnera de sa chair, disaient-ils (JOB, XXXI, 31), afin que nous en soyons rassasiés ? Voilà ce qu'a fait Jésus-Christ lui-même ; pour captiver davantage notre affection, en même temps que pour nous montrer l'amour qu'il a lui-même pour nous, il nous à permis non-seulement de le voir, mais de le toucher, de nous repaître de sa substance, d'appliquer nos dents contre sa chair, de satisfaire ainsi toute l'ardeur de nos désirs... Il arrive souvent que des parents donnent leurs enfants à nourrir des étrangers ; mais moi, nous dit-il, je ne me conduis pas ainsi ; bien loin de là, je vous nourris de ma propre chair, je me mets tout entier à votre merci ; je veux vous élever tous jusqu'à moi, vous donner à tous la garantie de votre gloire future. Car celui

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qui se donne lui-même à nous dès ici-bas, le fera bien davantage encore dans l'autre vie. J'ai voulu me faire votre frère c'est à cause de vous que je me suis uni la chair et le sang ; je vous abandonne de nouveau cette chair et ce sang, par lesquels je me suis approprié votre nature. Ce sang nous donne de vifs traits de ressemblance avec notre divin roi, communique à nos âmes une beauté sans égale, leur imprime un éclat que rien ne peut flétrir, et les revêt d'une éternelle jeunesse. Bien différent de celui qui provient des éléments ordinaires, et qui n'arrive à cet état qu'après avoir passé par divers changements, ce sang qui nous est offert répand immédiatement la vie dans nos âmes, et les remplit de sa vertu. Reçu avec les dispositions convenables, ce sang chasse les démons et les éloigne de nous, en même temps qu'il nous concilie les anges et leur maître souverain. Car à peine ce sang divin s'est-il produit, que les démons s'enfuient et que les anges au contraire accourent. C'est ce sang qui, versé sur la croix, a lavé le monde entier de ses souillures. Voyez tout ce qu'en a dit Paul dans son épître aux Hébreux. C'est ce sang qui a purifié le sanctuaire et le Saint des saints. Si ce sang simplement figuré chez les Hébreux a eu tant de vertu, soit dans leur temple de Jérusalem, soit en Egypte aux portes de leurs maisons, combien plus ne doit-il pas en avoir dans sa vérité ! »

10. Le même, de Sacerdotio, lib. III : « O miracle ! ô bonté inépuisable de Dieu ! Celui qui est assis à la droite de Dieu son Père repose, à cette heure solennelle, dans les mains de tous, se livre aux embrassements de qui veut le recevoir, et cela sans prestige, mais de la manière la plus simple, aux yeux et à la vue de tous ceux qui ont la foi ! Y a-t-il là quelque chose que vous puissiez mépriser ? quelque chose qu'un homme puisse croire au-dessous de soi ? Voulez-vous connaitre à l'aide d'une autre merveille l'excellence de ce sacrifice ?  Représentez-vous Elie, etc. Quel homme, à moins que sa raison éteinte ne se soit changée en folie ou en délire, osera mépriser un mystère aussi redoutable ? »

11. Le même, Hom. II ad populum Antiochenum (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. II, pag. 34, édition de Montfaucon ; col. 40 édit. de Gaume ; Les Homélies de saint Jean Chrysostome au peuple d'Antioche, trad. par Maucroix, chanoine de la cathédrale de Reims, pag. 48-49) : « Le manteau que reçut Elisée était à ses yeux un très-riche héritage ; et c'en était en effet un très-grand, et plus précieux même que

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tout l'or du monde. Et à partir de ce moment il y eut deux Elies, l'un transporté en-haut, l'autre resté sur la terre. Je sais que vous béatifiez ce juste en vous-mêmes, et qu'il n'est aucun de vous qui ne voulût être à sa place. Que direz-vous, si je parviens à vous démontrer qu'en participant aux mystères, vous avez, tous tant que vous êtes reçu beaucoup plus que ce saint prophète ? Car si Elie à laissé son manteau à son disciple, le Fils de Dieu en montant au ciel nous a laissé à nous sa propre chair. Encore faut-il admettre qu'Elie en laissant son manteau à son disciple s'en est dépouillé lui-même, au lieu que Jésus-Christ, tout en nous laissant sa chair ici-bas, l'a enlevé dans le ciel avec lui. Gardons-nous donc de perdre courage, ou de nous chagriner, ou de déplorer le malheur des temps : car celui qui n'a pas dédaigné de verser son sang pour tout le monde, et qui nous rend encore aujourd'hui participants de son corps et de son sang, que refuserait-il de sacrifier pour notre salut ? »

12. Le même, Homil. III in Epistolam ad Ephesios (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. XI, pag. 21, édit. de Montfaucon ; col 24, édit. de Gaume), et LXI ad pop. Antiochenum : « Puisque nous parlons du corps de Jésus-Christ, nous tous qui participons à ce corps divin, nous tous qui recevons des gouttes de ce sang, pénétrez-vous bien de cette pensée, que celui auquet nous participons est précisément le même qui est assis dans le ciel, qui est adoré par les anges, qui est à la droite de l'infinie majesté. Hélas, que de moyens de salut n'avons-nous pas entre les mains ! Il nous à faits son propre corps, il nous à rendus participants de son propre corps, et rien de tout cela ne nous détourne du vice. O ténèbres ! ô abîme ! ô insensibilité ! »

13. S. CYRILLE d'Alexandrie, Lib. IV in Joannem, c. 16 : « La manne dont se nourrissaient les Hébreux ne leur procurait pas la vie éternelle, mais tout au plus un rassasiement momentané. Ce n'était donc pas là le pain véritable, le vrai pain venu du ciel. Au lieu que le corps sacré de Jésus-Christ nous alimente pour l'immortalité et la vie éternelle : ainsi ce divin Sauveur l'a-t-il déclaré lui-même. Mais les Hébreux ont bu de l'eau qui coulait du rocher. Eh ! quel avantage en ont-ils retirés puisqu'ils sont morts ? Cette eau n'était donc pas non plus le véritable breuvage ; mais le véritable breuvage, c'est le sang de Jésus-Christ, par la vertu duquel est ruiné dans ses fondements l'empire

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de la mort. Car ce sang n'est pas simplement du sang humain, mais le sang de celui qui, uni à la vie substantielle, est devenu notre vie. Ainsi donc nous sommes le corps et les membres de

Jésus-Christ, parce que nous recevons le Fils de Dieu lui-même en participant à ce mystère. »

14. Ibidem, c. 17 : « Comme c'est une chose de difficile intelligence, et que nous ne pouvons guère atteindre que par la foi, il a recours à plusieurs moyens pour nous en faire sentir l'utilité, en donnant toujours la foi pour base de son enseignement. Celui, dit-il, qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi et je demeure en lui. De même en effet qu'un morceau de cire fondu avec un autre se confond et s'identifie avec lui, de même celui qui reçoit le corps et le sang de Notre-Seigneur s'unit tellement à lui par une suite nécessaire de cette action, que Jésus-Christ est en lui, et que lui-même est en Jésus-Christ. Vous trouverez quelque chose de semblable dans l'Evangile de saint Matthieu : Le royaume des cieux, y a dit Notre-Seigneur (MATTH., XIII, 33), est semblable à du levain qu'une femme mêle dans trois mesures de farine. Nous dirons en son lieu ce que représente cette femme avec ses trois mesures de farine, et même ce que peut signifier cette mesure ; aujourd'hui bornons-nous à parler du levain. De même qu'un peu de levain, comme

le dit saint Paul, fait lever toute une masse de pâte, ainsi ce sur quoi ont été prononcées quelques paroles de bénédiction attire à soi l'homme entier et le remplit de sa grâce ; et c'est ainsi que Jésus-Christ demeure en nous, comme nous en lui. Tant il est vrai que le levain tout entier pénètre la masse entière. »

15. Le même, in Joannem Lib. X, c. 13 : « Nous ne nions pas cependant que nous ne soyons spirituellement unis à Jésus-Christ par une foi vive et une charité sincère. Mais nous nions que nous n'ayons aucun moyen de nous unir à Jésus-Christ selon la chair, et nous disons que penser ainsi ce serait contredire les divines Ecritures. Car qui oserait nier que Jésus-Christ ne soit la vraie vigne même dans ce sens, et que nous ne soyons dans ce sens aussi les branches qui reçoivent de lui la sève et la vie (JEAN, XV, 5) ? Entendez Paul vous dire que nous sommes tous un même corps en Jésus-Christ (I Cor., X, 17) ; quoique nous soyons plusieurs, nous ne sommes qu'une même chose en lui ; car nous participons tous à un même pain. Notre adversaire pense-t-il que nous ignorions la vertu de la bénédiction mystique ? Cette bénédiction se consommant en nous, n'est-ce pas corporelle-

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ment qu'elle fait habiter Jésus-Christ en nous par le don qu'il nous fait de son propre corps ? Eh ! pourquoi les membres des fidèles sont-ils les membres de Jésus-Christ ? Ne savez-vous pas, dit encore le même apôtre (I Cor., VI, 15), que vos membres sont les membres de Jésus-Christ ? Et de ces membres de Jésus-Christ je ferais les membres d'une prostituée ? A Dieu ne plaise. Le Sauveur a dit aussi (JEAN., VI, 77) : Celui-là qui mange ma chair, et qui boit mon sang, demeure en moi, et je demeure en lui. D'où il faut conclure que Jésus-Christ n'est pas seulement en nous par la charité, mais aussi par la présence réelle de sa substance. Car de même que de la cire fondue avec d'autre cire fait un même tout avec elle, ainsi par la communication qu'il nous fait de son corps et de son sang, Jésus-Christ est en nous, et nous sommes en lui. Car notre corps, corruptible qu'il est de sa nature, ne pouvait autrement passer à l'état d'incorruptibilité, que par son union avec un corps d'une nature incorruptible. Si vous refusez de croire à ma parole, croyez du moins à celle de Jésus-Christ. En vérité, dit-il, en vérité je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'Homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. L'entendez-vous nous dire hautement que nous n'aurons pas la vie, si nous ne buvons son sang et ne mangeons sa chair ? Il dit que sans cela nous n'aurons pas la vie en nous, c'est-à-dire en notre corps. Et par cette vie, on peut entendre à bon droit la vie corporelle : car c'est de ce genre de vie que nous ressusciterons au dernier jour. Et comment cela se fera-t-il ? C'est ce que je ne serai pas en peine d'expliquer. La chair du Fils de Dieu devenue incorruptible a des-lors la vertu de communiquer la vie ; elle ne peut donc être subjuguée par la mort. C'est pourquoi une fois identifié avec nous, elle bannit la mort de tout notre être. Car c'est toujours la chair du Fils unique de Dieu. C'est comme ne faisant qu'un avec sa chair qu'il a dit cette parole : Je le ressusciterai. Pourquoi donc notre adversaire soutient-il que ce n'est pas selon la chair que nous sommes les branches dont Jésus-Christ est le cep ? Ne peut-on pas dire avec raison que le cep c'est son humanité, et que nous sommes les branches de ce cep par communauté de nature ? Car les branches doivent être de la même nature que le cep. Ainsi est-il vrai de dire que Jésus-Christ est le cep, et que nous sommes ses branches, et quant au corps, et quant à l'âme. »

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16. Le même, in Joannem lib. XI, c. 26 : « Considérons qu'outre l'union de consentement et de volonté, il peut y avoir union même de substances entre nous et nos frères, entre nous tous et Dieu : car quoique chacun de nous ait son individualité propre, il peut y avoir cependant entre nous cette union même corporelle. Quoique Pierre et Paul soient une même chose en Jésus-Christ, Pierre n'est pas Paul cependant. Cela posé comme les trois personnes en Dieu ont une nature commune, examinons comment il se peut faire aussi que nous soyons une même chose corporellement entre nous, et une même chose spirituellement avec Dieu. Le Fils unique de Dieu qui est engendré de la substance de son Père et qui possède la même nature avec lui, s'est fait chair suivant le langage de 1'Ecrivain sacré et s'est uni à notre nature d'une manière aussi étroite qu'elle est ineffable. Car celui qui est Dieu par nature s'est fait véritablement homme, non pas qu'il soit simplement théophore, ou possédant Dieu en lui-même par participation de ses grâces, comme le prétendent ceux qui méconnaissent la vertu de ce mystère mais aussi véritablement Dieu qu'il est véritablement homme. Ainsi a-t-il uni en lui-même deux natures si disparates ; ainsi nous a-t-il rendus participants de la nature divine. La communication, et pour parler ainsi, la cohabitation de l'esprit divin s'est consommé premièrement dans le Christ, et de lui elle a passé à nous, lorsque s'étant fait homme, il a consacré son temple par l'onction de cet esprit divin. Le principe donc de notre participation à l'esprit de Dieu, et de notre union avec Dieu, est dans le mystère (de l'incarnation) du Christ. Car c'est en lui que nous sommes tous sanctifiés.

Afin donc de nous unir entre nous et avec Dieu, quelque séparés que nous soyons de corps et d'âme, il a trouvé un moyen conforme aux desseins de son Père et de sa sagesse : ce moyen c'est son corps, qui nous étant communiqué à tous à la table mystique, fait de nous tous un même corps entre nous et avec lui. Car comment croire étranger à cette union substantielle, ceux qui sont unis en un même Jésus-Christ par la communion à son même corps individuel ? En effet, si nous mangeons tous un même pain, nous devenons tous un même corps : le corps de Jésus-Christ n'admet pas de division. C'est pourquoi l'Eglise aussi est devenue le corps de Jésus-Christ en même temps que nous sommes tous ses membres, comme le dit saint Paul. Unis tous ensemble au même Jésus-Christ au moyen de son corps, en le recevant invisiblement en nous, nos membres s'adaptent à lui plus encore

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qu'à nous-mêmes. Or, que l'Eglise soit un corps composé de tous les fidèles comme de ses membres, et que ce corps ait le Sauveur pour chef, c'est ce que saint Paul nous fait voir par ces paroles (Eph., IV, 15-16) : Afin que pratiquant la vérité par la charité, nous croissions en toutes choses dans Jésus-Christ qui est notre chef ou notre tête ; et c'est de lui que tout le corps, dont les parties sont jointes et unies ensemble avec une si juste proportion, refait par tous les vaisseaux qui portent l'esprit et la vie, l'accroissement qu'il lui communique par la vertu de son influence, selon la mesure qui est propre à chacun des membres, afin qu'il se forme ainsi et se perfectionne par la charité. Ensuite, que cette union corporelle avec Jésus-Christ s'opère par la participation qui nous est faite de sa chair, c'est ce qu'atteste encore le même apôtre, lorsqu'il dit en parlant du mystère de la piété (Eph., III, 5-6) : (Ce mystère du Christ) qui n'a point été découvert aux enfants des hommes dans les autres temps, comme il est révélé maintenant par le Saint-Esprit à ses saints apôtres et aux prophètes, savoir, que les Gentils sont appelés au même héritage que les Juifs, qu'ils sont membres du même corps, et qu'ils ont part à la même promesse de Dieu en Jésus-Christ. Mais si nous sommes tous en

Jésus-Christ un même corps entre nous, et non-seulement entre nous, mais aussi avec celui qui par sa chair vient habiter en nous, comment ne serions-nous pas tous ensemble une même chose, et entre nous, et en Jésus-Christ ? Car c'est Jésus-Christ qui est le lien de cette union, étant comme il l'est Dieu et homme tout ensemble. Mais c'est nous être assez expliqués sur l'union corporelle. »

17. Ibidem, c. 27 : « En vertu de la bénédiction mystique, le Fils de Dieu s'unit à nous corporellement comme homme, et spirituellement comme Dieu, en communiquant à notre esprit, par l'influence du sien, le principe d'une nouvelle vie et d'une sorte de participation à la nature divine. Jésus-Christ est donc le lien de notre union avec Dieu le Père puisque, en même temps qu'il nous est uni comme homme, il est uni par nature à son Père comme Dieu. Car il n'était pas possible que la nature humaine, sujette comme elle l'est à la corruption, s'élevât à un état d'immortalité, à moins qu'une nature immortelle et incorruptible ne s'abaissât jusqu'à elle, et ne la fit entrer, par son union avec elle, en participation de ses propres privilèges. Ainsi avons-nous été renouvelés et rappelés pour ainsi dire à notre union avec Dieu le Père par la médiation du Sauveur, qui est Jésus-

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Christ. Recevant en effet corporellement et substantiellement, comme il a été dit, le Fils de Dieu, uni par nature au Père, nous entrons en participation de sa gloire en participant ainsi à sa nature. »

18. S. HILAIRE de Poitiers, de Trinitate, Lib. VIII : « Je demanderai à ceux qui n'admettent qu'une unité de volonté entre le Père et le Fils, si Jésus-Christ est maintenant en nous quant à sa nature véritable ou bien simplement par l'accord des volontés. Car si le Verbe s'est vraiment fait chair, et si c'est vraiment le Verbe fait chair que nous prenons en aliment dans le sacrement qu'il a institué, comment ferions-nous difficulté de croire qu'il demeure en nous quant à sa nature même, lui qui en se faisant homme s'est uni indissolublement notre nature même corporelle, et a uni sa nature corporelle à sa nature divine dans le sacrement où il nous donne sa chair à manger ? C'est ainsi que nous devenons tous une même chose, le Père étant en Jésus-Christ et Jésus-Christ étant en nous. Que celui donc qui voudra nier que le Père soit réellement en Jésus-Christ, commence par nier qu'il soit lui-même réellement en Jésus-Christ au que Jésus-Christ soit réellement en lui, attendu que comme le Père est en Jésus-Christ et Jésus-Christ en nous, ils font que nous sommes une même chose en eux. Si donc le Christ s'est uni réellement notre nature corporelle, et si cet homme qui est né de Marie est réellement le Christ, si c'est en réalité que nous recevons son corps dans nos saints mystères et que par là nous devenions une même chose, parce que le Père est en lui et lui en nous, comment peut-on soutenir qu'il n'y ait entre le Père et lui qu'unité de volonté lorsque le sacrement lui-même a pour effet naturel de produire une unité parfaite ? »

19. S. IRENEE, adversus hæreses lib. V, c. 2 : « Elle est donc chimérique de tous points l'opinion de ceux qui dédaignent ainsi de reconnaître tous les desseins de Dieu sur nous, qui refusent le salut à l'homme, et nient la régénération de la chair, disant que la chair n'est pas capable de devenir incorruptible. Or, si cette régénération de la chair ne pouvait pas avoir lieu, alors il serait faux que Notre-Seigneur nous eût rachetés de son sang ; il ne serait pas vrai que le vin fût changé en son sang dans l'Eucharistie, et que le pain qui nous y est donné fût son corps. Car, le sang suppose les veines et les chairs, et tout ce qui fait partie de la substance de l'homme, en qui le Verbe de Dieu a bien voulu s'incorporer pour notre salut. Il nous a donc réellement

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racheté par son sang, selon ces paroles de l'Apôtre : « Par le sang » duquel nous avons été rachetés et nous avons reçu le pardon « de nos péchés. » Et c'est parce que nous sommes ses membres, qu'il nous nourrit au moyen des choses qu'il a créées ; c'est pour nous qu'il fait luire son soleil et tomber la pluie quand il le veut. Il fait servir à notre usage ce calice, qui est un objet créé et qui contient son sang ; et ce pain, créature aussi, qui contient son corps, que nous mangeons, et qui nourrit notre corps. Il faut donc reconnaître que le vin et le pain de l'Eucharistie deviennent, par le pouvoir de la parole de Dieu, le corps et le sang de Jésus-Christ et servent ensuite à nourrir et à entretenir la vie dans notre corps ; mais alors, comment peut-on ne pas reconnaître que la chair, ou que notre corps peut également recevoir de Dieu le don de la vie éternelle dès que ce corps se nourrit du corps et du sang du Christ, et devient un de ses membres, et comme le dit l'Apôtre saint Paul dans l'épître aux Ephésiens : « Parce que nous sommes les membres de son corps, formé de sa chair et de ses os ? » Or, ces paroles ne peuvent s'appliquer à quelque chose de purement incorporel et d'invisible, car un esprit n'a ni chair ni os ; mais elles s'appliquent évidemment à une chose conformée comme l'homme, et qui contient de la chair, des nerfs et des os, pour qui le vin qui est dans le calice, et qui est le sang du Christ, et le pain qui est son corps, deviennent une nourriture (Cf. Les Pères de l'Eglise, trad. par M. de Genoude). »

20. S. CYRILLE de Jérusalem, Catech. IV mystagog. : « Sous l'espèce du pain on vous donne le corps, et sous l'espèce du vin on vous donne le sang, afin que, prenant ainsi le corps et le sang de Jésus-Christ vous deveniez participants de son corps et de son sang. Ainsi nous serons Christophores, c'est-à-dire que nous porterons Jésus-Christ lorsque nous aurons reçu dans notre estomac son corps et son sang, et de cette manière nous deviendrons participants de la nature divine, comme l'a dit saint Pierre (II PIERRE, 1, 4).

21. S. CHRYSOSTOME, Homil. XLV in Joannem, ou LXI ad populum antiochenum, passages déjà cités plus haut, même question, témoignage 9, page 266.

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QUESTION II
 
 

Que contient en particulier ce sacrement ?

Il est trois choses que contient l'Eucharistie : les espèces visibles, la substance du corps et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et la vertu spirituelle de la grâce. Car ce qui y paraît à nos yeux, ce sont les espèces visibles du pain et du vin ; ce que la foi, et non les sens ou la raison, nous fait voir contenu sous ces espèces, c'est le vrai corps et le vrai sang du Sauveur. Enfin, le fruit que nous retirons de ce sacrement, c'est une grâce particulière de l'Esprit-Saint, effet propre de ce sacrement, comme nous le montrerons dans la suite.
 
 
 
 

TEMOIGNAGE DE L'ECRITURE.
 
 

1. MATTHIEU, XXVI, 26-28 : « Or, pendant qu'ils soupaient, Jésus prit du pain, et l'ayant béni, il le rompit et le donna à ses disciples, en leur disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps. - Et prenant le calice, il rendit grâces, et il le leur donna en disant : Buvez-en tous ; - car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui sera répand pour plusieurs, en rémission des péchés. »

2. MARC, XIV, 22-24 : « Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain, et l'ayant béni, le rompit, et le leur donna en disant : Prenez, ceci est mon corps. - Et ayant pris le calice, après avoir rendu grâces, il le leur donna, et ils en burent tous. - Et il leur dit : Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui sera répandu pour plusieurs. »

3. Luc, XXII, 19 -20 : « Puis il prit le pain, et ayant rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, en disant : Ceci est mon corps qui est livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. - Il prit de même la coupe après avoir soupé en disant : Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang, qui sera répand pour vous. »

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4. I Corinthiens, XI, 23-30 : « C'est du Seigneur que j'ai appris ce que je vous ai enseignés, savoir, que le Seigneur Jésus, la nuit même où il devait être livré, prit du pain, - et ayant rendu grâces, rompit ce pain, et dit : Prenez et mangez, ceci est mon corps, qui sera livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. - Il prit de même le calice après avoir soupé en disant: Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous le boirez. - Car toutes les fois que vous mangerez ce pain et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. - C'est pourquoi quiconque mangera ce pain ou boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable de la profanation du corps et du sang du Seigneur. - Que l'on s'éprouve donc soi-même, et qu'on mange ainsi de ce pain et qu'on boive de ce calice. - Car quiconque mange ce pain et boit ce calice indignement, mange et boit sa propre condamnation, ne faisant pas le discernement qu'il doit du corps du Seigneur. C'est pour cela qu'il y a parmi vous beaucoup do malades et de languissants. »
 
 
 
 

TEMOIGNAGE DE LA TRADITION.
 
 

1. S. CYRILLE de Jérusalem, Catech. IV mystagogicâ : « Puis donc que Jésus-Christ affirme de ce pain que c'est son corps, qui oserait en douter désormais ? Et puisqu'il a dit : Ceci est mon sang, qui osera le révoquer en doute, ou prétendre au contraire que ce n'est pas son sang ? Il changea autrefois l'eau en vin, à Cana en Galilée, par sa seule volonté ; et on refusera de croire qu'il a change le vin en son sang ? Quoi ! il aurait fait un étonnant miracle à des noces profanes où il aurait été invité, et nous refuserions de confesser qu'il a donné son corps et son sang aux enfants de l'époux ? Que ce soit donc avec une entière certitude que nous recevions le corps et le sang de Jésus-Christ. Car, sous l'espèce du pain, c'est son corps qu'on vous donne ; sous l'espèce du vin, c'est son sang. Ne vous arrêtez donc pas à voir dans ces objets du pain et du vin : c'est le corps et le sang de Jésus Christ, selon la parole de Jésus-Christ lui-même. Quoi que les sens puissent vous suggérer là-dessus, consultez simplement votre foi ; n'en jugez pas d'après votre goût, mais croyez sans hésiter après les enseignements de votre foi toute seule que c'est le corps et le sang (de votre Dieu) qui vous sont donnés. Instruit et convaincu de cette vérité, que ce qui paraît à nos yeux être du pain, n'est pas du pain, quoiqu'il le semble au goût, mais le corps de

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Jésus-Christ, et que ce qui paraît à nos yeux être du vin, n'est pas du vin, quoiqu'il en ait le goût, mais le sang de Jésus-Christ. »

2. THEOPHYLACTE, in Marci decimum quartum caput : « Ceci est mon corps, ceci, dis-je, que vous prenez. Car ce n'est pas du pain qui ne soit que la figure ou le symbole du corps de Jésus-Christ mais il est changé dans ce corps même. Voici en effet les paroles de Notre-Seigneur : Le pain que je donnerai, c'est ma chair ; il n'a pas dit, c'est la figure de ma chair, mais c'est ma chair. Il a dit encore : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme

(JEAN, VI, 54). Et comment se fait-il, direz-vous, qu'on ne voie pas sa chair ? O homme, cela se fait pour ménager notre faiblesse. Car comme le pain et le vin sont de ces choses auxquelles nous sommes habitués, ils ne nous inspirent aucune horreur ; au lieu qu'en voyant du sang et de la chair, l'horreur nous saisirait et nous deviendrait insurmontable : en conséquence la bonté divine, condescendant à notre infirmité, a maintenu les apparences du pain et du vin, tout en les transsubstantiant dans la chair et dans le sang (de Jésus-Christ) L'Evangile dit : Le sang du Nouveau-Testament, par opposition à l'Ancien. Car l'Ancien-

Testament avait aussi le sang pour symbole, et on en aspergeait le peuple et le livre de la loi. »

3. Le même, in Matthæi caput XXVI : « En disant : Ceci est mon corps, il fait voir que le pain que l'on consacre à l'autel est le corps même de Notre-Seigneur, et non pas une simple figure qui ait avec ce corps une certaine analogie. Car il n'a pas dit : Ceci est une figure, mais : Ceci est mon corps. Le pain en effet est transformé par une opération ineffable, encore qu'il n'en paraisse rien. Comme nous sommes faibles, et que nous avons horreur de manger de la chair crue, et surtout de la chair humaine, c'est du pain qui paraît, mais c'est de la chair dans la réalité. Et ayant pris la coupe, il rendit grâces, et la leur donna en disant : Buvez-en tous ; ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, répandu pour plusieurs pour la rémission des péchés. Comme l'Ancien-Testament avait ses sacrifices sanglants, ainsi le Nouveau-Testament a son sang et son sacrifice. »

4. Le même in Joannis caput VI : « Remarquez ici que le pain que nous mangeons dans nos mystère n'est pas une simple figure de la chair du Sauveur, mais sa chair même ; car il n'a pas dit : Le pain que je donnerai est la figure de ma chair, mais : Est ma chair. Ce pain en effet est transformé par les paroles

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sacrées en vertu de la bénédiction mystique et de l'influence de l'Esprit-Saint, dans la chair de Jésus-Christ. Et que personne ne se laisse troubler de ce qu'on lui impose cette croyance. Car dès le temps où Notre-Seigneur vivait parmi nous, et se nourrissait comme nous, le pain qu'il mangeait était changée en son corps, et s'assimilait à sa chair sacrée en contribuant à son accroissement et à l'entretien de ses forces à la manière ordinaire. Qu'est-ce donc qui empêche que maintenant encore le pain ne se change dans sa chair ? Mais comment se fait-il, objecterez-vous, qu'il ne paraisse pas de la chair, mais du pain ? C'est pour que nous puissions nous en nourrir sans répugnance. Car s'il paraissait de la chair, cela pourrait nous éloigner de la communion. Mais grâce à la condescendance de Dieu pour notre faiblesse, cet aliment mystique n'a d'autres apparences que celles auxquelles nous sommes naturellement habituées. »

5. S. CYRILLE d'Alexandrie, Lib. ad Calosyrium episcopum Arsenoiten : « J'apprends qu'il y en a d'autres qui osent dire que la bénédiction mystique perd tout son effet à l'égard des espèces consacrées que l'on conserve jusqu'au lendemain. C'est extravaguer, que de parler de la sorte. Car Jésus-Christ ne souffre aucune altération, ni son corps aucun changement, mais les paroles de bénédiction une fois prononcées conservent toujours leur effet, et la grâce qui leur est attachée est permanente. »

6. S. AMBROISE, de Sacramentis, lib. IV, c. 4 : « On vous a appris que le pain se change dans le corps de Jésus-Christ et que le vin et l'eau mis dans le calice se changent dans son sang par l'effet des paroles de la consécration. Vous direz peut-être : Je ne vois aucune apparence de sang. Il est vrai, mais ce que vous voyez a avec le sang quelque similitude. Car de même qu'il n'y a ici que similitude de sa mort, il y a similitude de son précieux sang, pour que ce sang lui-même ne vous cause pas d'horreur, et que cependant il vous fasse recueillir les fruits de votre rédemption. On vous a donc appris que ce que vous recevez c'est le sang de Jésus-Christ. »

7. Le même, de Sacramentis, lib. VI, c. 1 : « De même que Notre-Seigneur Jésus-Christ est le véritable Fils de Dieu, non à la manière de nous autres qui sommes enfants de Dieu par grâce, mais en tant qu'il est né de la substance de son Père ; de même la nourriture que nous prenons est, ainsi qu'il nous l'a enseigné, sa véritable chair, et le breuvage que nous prenons ensuite est son véritable sang. Mais peut-être direz-vous comme

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quelques-uns même de ses disciples, quand il leur eut fait entendre ces paroles : Si l'on ne mange ma chair et si l'on ne boit mon sang, on ne demeurera point en moi, et on n'aura point la vie éternelle ; peut-être direz-vous : Comment cela est-il vrai? je vois la similitude du sang, mais je n'en vois pas la substance. J'ai commencé par vous dire que la parole de Dieu est assez puissante pour pouvoir changer la nature des choses. Ensuite, quand les disciples eurent entendu Jésus-Christ leur dire qu'il leur donnerait sa chair à manger et son sang à boire, ils commencèrent à se retirer d'avec lui ; mais Pierre, loin de suivre leur exemple, dit lui seul à Notre-Seigneur : Vous avez les paroles de la vie éternelle ; comment pourrais-je vous quitter ? De crainte donc que d'autres encore, par une certaine horreur du sang, ne soient tenté de parler comme ces autres disciples, et que la grâce de la rédemption ne soit ainsi frustré de son effet, on vous donne le sacrement sous des symboles, mais vous n'en recevez pas moins le vrai sang de Jésus-Christ avec toute sa vertu. Je suis, dit-il, le pain vivant descendu du ciel. Mais la chair cependant n'est pas descendue du ciel, puisqu'il l'a prise sur la terre dans le sein d'une vierge. Comment donc ce pain, et ce pain vivant, est-il descendu du ciel ? Parce que ce même Seigneur Jésus-Christ a tout à la fois la nature divine et la nature humaine, et qu'ainsi vous qui recevez sa chair, vous devenez, au moyen de cet aliment, participant de sa divine substance. »

8. S. JEAN-DAMASCENE, Orthodoxæ fidei, lib. IV, c. 24 : « Si donc la parole de Dieu est vivante et efficace, et qu'il ait fait par elle tout ce qu'il a voulu ; s'il a dit : Que la lumière se fasse, et qu'elle ait été faite ; que le firmament se fasse, et qu'il ait été fait (Gen., I, 3 et suiv.) ; si c'est par la parole du Seigneur que les cieux ont été affermis, et que ce soit le souffle de sa bouche qui fasse toute leur vertu (Ps. XXXII, 6) ; si c'est la parole de Dieu qui a fait le ciel et la terre, l'eau, le feu et l'air, avec toute leur beauté et enfin cet animal, le plus noble de tous, qui s'appelle l'homme ; si le Verbe divin lui-même s'est fait homme au moment marqué par sa volonté ; s'il s'est formé un corps du sang pur et immaculé d'une chaste vierge sans le concours d'aucun homme, et sans faire perdre à cette vierge sa virginité , que pourrait-on alléguer pour nier qu'il puisse changer du pain en son corps, du vin et de l'eau en son sang ? Il a dit autrefois : Que la terre produise des plantes verdoyantes (Gen., I, 11), et encore aujourd'hui on la voit, dès qu'elle est fécondée par la pluie, renouveler ses pro-

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ductions, toujours également docile, toujours également remué par le précepte divin. Dieu a dit : Ceci est mon corps, ceci est mon sang, faites ceci en mémoire de moi ; et son ordre tout-puissant aura son effet jusqu'à ce qu'il revienne sur la terre ; car ces paroles : Jusqu'à ce qu'il vienne, sont de lui-même ou de son apôtre (I Cor., XI, 26), et la vertu de l'Esprit-Saint, faisant l'office d'une pluie fécondante fait venir à point cette nouvelle moisson. Car, comme tout ce que Dieu a fait, il l'a fait par le concours de son divin Esprit, c'est ce même Esprit qui, par son opération toujours agissante, produit des effets qui surpassent tous les effets naturels, et qui ne peuvent être compris que par la foi. Comment cela se fera-t-il en moi, disait la sainte Vierge, puisque je ne connais pas d'homme ? L'archange Gabriel lui répond : Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. Vous aussi, vous demandez à présent comment il se fait que du pain devienne le corps de Jésus-Christ et que du vin mêlà d'eau devienne son sang ? Je vous réponds de même : Le Saint-Esprit y survient, et c'est lui qui opère ces choses qui sont au-dessus de tout ce qu'on peut dire ou concevoir. Or, tout cela se fait sur du pain et du vin, parce que Dieu connaît trop bien la faiblesse humaine, qui prend aisément ombrage de tout ce qui n'entre pas dans ses habitudes. C'est pourquoi tant est grande l'indulgence qu'il a pour nous, qu'il se sert des choses de la nature les plus communes pour produire des effets au-dessus de la nature. Et de même qu'à cause de la coutume où sont les hommes de se laver avec l'eau et de s'oindre avec l'huile, il a attaché dans le baptême la grâce de l'Esprit-Saint à ces deux éléments pour en faire le  sacrement de notre régénération (Saint Jean-Damascène semble ne faire ici qu'un seul sacrement du baptême et de la confirmation, tant parce qu'autrefois ces deux sacrements s'administraient immédiatement à la suite l'un de l'autre, que parce que la confirmation est considéré par les Pères comme la perfection du baptême. De là cette expression de saint Denis l'Aréopagite, la perfection ou le perfectionnement (qui résulte) du chrême, pour signifier la confirmation.) ; de même, comme les hommes ont coutume de sustenter leur vie avec le pain et le vin, c'est à ces éléments qu'il a voulu attacher sa divine présence en les changeant dans son corps et dans son sang, pour qu'à l'aide de ces symboles tout naturels, nous puissions nous élever à ce qui surpasse la nature. Sans doute qu'il a pris dans le sein d'une vierge le corps qu'il a uni à sa divinité et ainsi il est bien vrai qu'il ne l'a pas pris du ciel ; mais il n'en

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est pas moins vrai que le pain et le vin sont changés dans le corps et le sang d'un Dieu. Si vous demandez comment cela peut se faire, qu'il vous suffise de savoir que cela se fait par la vertu de l'Esprit-Saint, comme c'est encore par l'Esprit-Saint que ce même Dieu s'est formé un corps dans les entrailles d'une vierge. Rien de plus évident même pour notre raison, que la vertu toute puissante de la parole de Dieu ; mais quant à savoir la manière dont cette parole opère c'est de quoi notre raison est absolument incapable. Il est bon de dire aussi, que de même que le pain et le vin sont changés par la digestion dans le corps et le sang de celui qui s'en nourrit, et deviennent ainsi un corps tout différent de ce qu'ils étaient auparavant, de même le pain et le vin avec l'eau offerts sur l'autel sont changés par une opération merveilleuse dans le corps et dans le sang de Jésus-Christ et ne forment plus dès-lors deux corps différents mais un seul et même corps. Ce sacrement obtient donc à ceux qui s'en approchent avec foi et amour le pardon de leurs péchés, la vie éternelle, le bien de leur corps et de leur âme, comme il doit au contraire attirer des châtiments et la damnation même à ceux qui le reçoivent indignement ou sans avoir la foi, de la même manière que la mort du Sauveur procure le salut et la vie éternelle à tous les vrais fidèles et qu'elle sera au contraire une occasion de damnation et de supplices pour les incrédules ou pour ceux qui l'ont crucifié. Qu'on se garde bien du reste de croire que ce pain et ce vin ne soient que la figure du corps et du sang de Jésus Christ ; c'est au contraire son vrai corps uni à sa divinité puisqu'il a dit lui-même : Ceci est, non le signe de mon corps, mais mon corps, non le signe de mon sang, mais mon sang. Et auparavant, parlant aux juifs, il avait dit : Si vous ne mangez la chair du fils de l'Homme et si vous ne buvez son sang vous n'aurez pas la vie en vous. Car ma chair est une  vraie nourriture, et mon sang est un vrai breuvage. Et encore : Celui qui me mange, vivra.

N'approchons en conséquence qu'avec une crainte respectueuse, une conscience pure et une foi inébranlable et il nous sera fait, sans aucun doute, selon que notre foi sera ferme et constante. Apportons à l'accomplissement de ce devoir une pureté tant spirituelle que corporelle ; car lui-même nous offre en sa personne les deux substances unies. Allons à lui avec une sainte ardeur, recevons dans nos mains disposées en croix, le corps du crucifié ; que ce charbon divin placé sur nos lèvres sur nos yeux, sur notre front, nous change en lui-même, mêle sa flamme à celle de nos désirs

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consume nos péchés et répande sa lumière dans nos cours ; que ce feu divin nous embrase, et fasse de nous autant d'êtres divins. C'est ce charbon qu'Isaïe aperçut en vision. Or, un charbon n'est pas un simple combustible, mais c'est un combustible que le feu pénètre. De même le pain de la communion n'est pas de simple pain, mais c'est du pain uni à la divinité (Ceci n'est pas exact, et pourrait favoriser le système hérétique de l'impanation). Le corps (de Jésus-Christ) uni à sa divinité n'est pas non plus une nature simple, mais ce sont les deux natures, la nature corporelle et la nature divine, qui s'y trouvent unies ensemble. Comme Abraham revenait du combat où il avait vaincu les rois de peuples étrangers, Melchisédech, prêtre du Très-Haut l'accueillit avec du pain et du vin qu'il offrit en sacrifice. Ce sacrifice figurait le nôtre, comme Melchisédech lui-même figurait le vrai pontife qui est Jésus-Christ.

Car nous lisons dans les Psaumes (Ps. CIX, 5) : Vous êtes le prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech. Ce pain était aussi figuré par les pains de proposition. Ce sacrifice est le sacrifice pur et non sanglant que le Seigneur a prédit par son prophète devoir lui être offert depuis le levant jusqu'au couchant. C'est le corps et le sang de Jésus-Christ, destiné à nous procurer le salut de l'âme et du corps, qui ne se consume, ni ne se corrompt, ni ne se change en immondices (Dieu nous garde de proférer un tel blasphème) ; mais qui tend à notre conservation et à notre bien-être, qui éloigne de nous tous les maux, qui nous purifie de toutes souillures. S'il trouve que nous soyons comme de l'or chargé d'alliage, il nous dégage par une épreuve salutaire de cet alliage funeste, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde. Il nous guéri de toutes les maladies, il nous sauve de tous les maux, selon ce que dit l'Apôtre (I Cor., XI, 31-32) : Si nous nous jugions nous-mêmes nous ne serions pas jugés. Mais lorsque nous sommes jugés de la, sorte, c'est le Seigneur qui nous châtie, afin que nous ne soyons pas condamné avec le monde. Ce qui se rapporte à ce qu'il dit : C'est pourquoi celui qui régit indignement le corps et le sang du Seigneur, mange et boit sa propre condamnation. Purifiés donc par cette épreuve, nous nous unissons au corps du Seigneur, et à son Esprit, et nous devenons nous-mêmes le corps de Jésus-Christ. Ce pain est comme les prémices de cet autre pain au-dessus de toute substance, qui nous sera donné un jour. Car ces mots : panem supersubstantialem, de

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l'Oraison dominicale (MATTH., VI, 11) signifient, ou cette nourriture à venir, ou le pain que nous prenons tous les jours pour soutenir notre existence. Mais de quelque manière qu'on les entende, ils désignent très-bien le corps de Notre-Seigneur. Car la chair du Seigneur est un Esprit vivifiant, puisque c'est de l'Esprit vivifiant qu'elle a été conçue. Car ce qui est né de l'Esprit est esprit (JEAN., III, 6). Si je parle de la sorte, ce n'est pas pour nier que la chair de Jésus-Christ soit corporelle de sa nature, mais pour montrer que c'est une chair vivifiante et divine. Que si quelques-uns, comme saint Basile, cet homme inspiré de Dieu, ont dit que le pain et le vin sont la figure du corps et du sang de Notre-Seigneur, ils n'ont pas dit cela du pain et du vin après la consécration mais du pain et du vin avant qu'ils soient consacrés. Ce sacrement est appelà aussi participation,  parce que nous participons par son moyen à la divinité de Jésus-Christ. Il est appelà surtout à juste titre communion, parce qu'il est le moyen de notre union avec Jésus-Christ en nous rendant participants de sa chair et même de sa divinité, et par conséquent aussi de notre union entre nous. Car comme nous prenons tous part à un même pain, nous sommes tous un même corps, un même sang en Jésus-Christ, tous membres les uns des autres, ou membres du même corps dont Jésus-Christ est le chef. Prenons bien garde du reste de recevoir ce sacrement de la main des hérétiques, ou de le leur donner nous-mêmes ; car le Seigneur a dit (MATTH., VII, 6) : Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux : autrement vous deviendriez complices de leur erreur, et passibles de la même condamnation. Si en effet ce sacrement nous unit entre nous en même temps qu'à Jésus-Christ, il n'est pas douteux qu'il ne nous unisse de cour et de volonté avec tous ceux qui le reçoivent avec nous. Car cette union est une union de cours et notre volonté ne peut y être étrangère. Nous sommes tous un même corps, dirai-je en répétant les paroles de l'Apôtre, parce que nous participons tous à un même pain. Or, ces saintes espèces sont appelées figures ou symboles des choses à venir, non qu'elles ne soient véritablement le corps et le sang de Jésus-Christ, mais parce que nous ne participons présentement que par leur moyen à la divinité de Jésus-Christ au lieu que dans le siècle futur cette participation se fera sans intermédiaire et par une vue intuitive. »

9. S. AUGUSTIN, in Evangelium Joannis Tract, XXVI : « Nous,

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aussi, nous avons reçu cet aliment visible ; mais autre chose est le sacrement, autre chose est sa vertu. Combien n'y en a-t-il pas qui participent à l'autel, et qui meurent néanmoins et qui meurent précisément pour y avoir participé ! C'est ce qui a fait dire à l'Apôtre (I Cor., XI, 29) : Celui-là mange et boit sa condamnation. La part que prit Judas à la cène du Seigneur ne fut-elle pas un véritable poison pour cet apostat ? Et cependant il le prit ce morceau, et après qu'il l'eut pris, l'ennemi entra en lui : non pas toutefois qu'il eût reçu quelque chose de mauvais, mais parce que, mauvais lui-même, il prit une chose excellente dans de perverses dispositions. »
 
 

QUESTION III
 
 

Qu'est-il principalement nécessaire de savoir au sujet de ce sacrement ?

Il y a surtout cinq choses qu'il importe de savoir sur le sacrement de l'eucharistie. La première est la vérité de l'Eucharistie ou la présence réelle ; la seconde, la transsubstantiation du pain et du vin ; la troisième, l'obligation d'adorer le saint sacrement de l'autel ; la quatrième, l'oblation et le sacrifice eucharistique ; la cinquième, la communion sous les deux espèces ou sous une seulement. Voilà de quoi il importe principalement d'être instruit pour les temps où nous vivons.
 
 
 
 

TEMOIGNAGE DE LA TRADITION.
 
 

         Ces témoignages ont été recueillis par l'évêque de Rochester, Lib. IV, adversùs OEcolampadium ; par Tonstall, Gropper, Garet, etc. Ils vont être rapportés en détail dans les articles qui suivent.
 
 

QUESTION IV
 
 

Que faut-il donc penser de la vérité de l'Eucharistie ou de la présence réelle ?

Nous devons croire avec toute l'Eglise, contre tous les capharnaïtes anciens et nouveaux, que sous les espèces du pain et du vin

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la vraie chair et le vrai sang de Jésus-Christ sont rendus présents dans l'Eucharistie, par le ministère du prêtre, il est vrai, mais au fond par la vertu et la puissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour qui rien n'est impossible. Il a dit, et tout a été fait; il a commandé et tout a été créé.

C'est dans la cène ou le repas qu'il fit avant sa passion, qu'ayant pris dans ses mains premièrement le pain et ensuite le calice, comme pour nous rendre certains, tous tant que nous sommes, et de l'institution, et de la vérité de ce sacrement, il dit dans les termes les plus clairs : Ceci est mon corps, qui est livré pour vous ; Ceci est mon sang, qui sera répandu pour plusieurs. Il avait dit précédemment en faisant la promesse de cette institution : Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. Il avait dit : Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Et le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde.

D'autres témoignages, tant des évangélises que de 1'apôtre saint Paul, établissent avec non moins de clarté la foi en ce mystère, et ne nous laissent aucun lieu de douter que Jésus-Christ ne soit tout entier dans l'Eucharistie selon sa nature divine comme selon sa nature humaine, et que son intention ne soit de demeurer de cette manière avec nous jusqu'à la consommation des siècles.

Nous avons donc et nous recevons dans nos temples cette même chair de Jésus-Christ qui apparaissait autrefois en Palestine aux yeux de ses disciples comme de ses ennemis ; mais ici elle ne tombe plus sous les sens, elle n'est plus sujette à s'altérer ou à se corrompre : elle est invisible, impassible, immortelle, toute rayonnante d'une gloire divine, mais que nous ne pouvons contempler présentement qu'avec les yeux de la foi, tandis que la vue immédiate de cette même gloire est pour les saints du ciel une source d'ineffables délices.

Et il y a encore aujourd'hui des sacramentaires qui, par une impiété horrible et cent fois condamnée, osent nier ce mystère parce qu'ils ne peuvent le comprendre, comme s'il devait être soumis aux investigations de notre raison, et non pas plutôt être adoré avec respect, et qui pervertissent pour cela d'une manière étrange les passages les plus clairs de l'Evangile ! C'est absolument comme s'ils voulaient faire disparaître le soleil du monde, rendre l'Eglise veuve de son divin époux, et enlever aux fidèles

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le pain de vie, afin qu'il n'y ait plus rien dans le désert de ce monde qui puisse nous soutenir et nous consoler de notre exil.
 
 
 
 

TEMOIGNAGE DE L'ECRITURE.
 
 

1. JEAN, VI, 53-54, 60-61 : « Les juifs disputaient donc les uns contre les autres, en disant : Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger ? - Jésus leur dit : etc. - Ce fut en enseignant dans la synagogue de Capharnaüm que Jésus leur dit ces choses. - Plusieurs donc de ses disciples, l'ayant entendu, dirent : Ce discours est dur, et qui peut l'écouter ? »

2. LUC, I, 37 : « Il n'y a rien d'impossible à Dieu. »

3. MARC, X, 27 : « Tout est possible à Dieu. »

4. Psaume CXLVIII, 5 : « Il a parlé et toutes choses ont été faites, etc.; » comme dans le corps de la réponse.

5. LUC, XXII ; MARC, XIV ; MATTHIEU, XXVI ; I Corinthiens, XI ; voir ci-dessus, à la deuxième question, ces divers témoignages.

6. JEAN, VI, 56 : «  Ma chair est vraiment une nourriture, etc.; » comme dans le corps de la réponse.

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7. I Corinthiens, X, 16-17, 20-21 : « N'est-il pas vrai que le calice de bénédiction que nous bénissons est la communion du sang de Jésus-Christ et que le pain que nous rompons est la communion du corps du Seigneur ? - Car nous ne sommes tous ensemble qu'un seul pain et un seul corps, nous tous qui participons à un même pain. - Vous ne pouvez point boire le calice du Seigneur et le calice des démons. - Vous ne pouvez point participer à la table du Seigneur et à la table des démons. »

8. MATTHIEU, XXVIII, 20 : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles. »
 
 
 
 

TEMOIGNAGE DE LA TRADITION.
 
 

1. S. CYRILLE, in Joannem, lib. IV, c. 22, sur ces paroles :

Cela vous scandalise ! que sera-ce donc, si vous voyez le Fils de l'Homme monter là où il était auparavant ? « Beaucoup de ceux qui suivaient Jésus-Christ ne comprenant pas le sens de ses expressions, en concevaient du trouble par suite de leur peu d'intelligence. Car lui ayant entendu dire : En vérité, en vérité je vous le dis, si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous, ils s'imaginaient que Jésus-Christ voulait les ramener à la vie féroce des brutes, faire d'eux des anthropophages et des buveurs de sang humain : choses qui font horreur, même à en entendre simplement parler. C'est qu'ils ne connaissaient pas encore le mode et l'économie admirable de ce mystère. Ce qui les tourmentait encore, c'était cette autre pensée : Comment la chair de cet homme pourra-t-elle nous procurer une vie éternelle ? Comment pourra-t-elle nous empêcher de mourir ? Mais celui aux yeux de qui tout est nu et à découvert (Hébr., IV, 43), pénétra leur pensée, aiguillonne leur foi en les entretenant d'un nouveau prodige. C'est en vain, leur dit-il, que vous vous troublez de mes paroles ; si vous vous refusez à croire que mon corps puisse être pour vous un principe de vie, que ferez-vous quand vous me verrez m'envoler au ciel ? Car je ne me contente pas de vous dire que je monterai au ciel, pour que vous ne me demandiez pas de nouveau comment cela pourra se faire ; mais je vous déclare que vous le verrez vous-même de vos yeux. Que direz-vous donc, quand vous serez témoins de ce spectacle ? Ne sera-ce pas là une preuve évidente de votre peu de raison ? Car si vous pensez que ma chair ne puisse pas vous procurer la vie, comment pourra-t-elle s'élever dans le ciel avec la légèreté de l'oiseau ? Comment pourra-t-elle voler à travers

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les airs? N'est-ce pas là une chose impossible pour les hommes quels qu'ils soient ? Si donc ma chair peut s'élever au ciel contre les lois de la nature, qu'est-ce qui empêche qu'elle ne vous vivifie aussi contre les lois de la nature ? Celui qui a rendu céleste ce corps terrestre, l'a rendu de même vivifiant, tout corruptible qu'il est de sa nature. »

2. S. AUGUSTIN, in Evangelium Joannis Tract. 27 : « La chair ne sert de rien ; cela est vrai, mais de la manière que l'entendaient les Capharnaïtes ; car ils entendaient par là de la chair mise en morceaux comme dans un marché, et non la chair vivifiée par l'esprit. Or, je ne donne pas ma chair à manger, de la manière que l'entendaient les Capharnaïtes. » Voir un autre passage de saint Augustin extrait de sa paraphrase sur le psaume 98, rapporté plus bas sur cette même question, témoignage 49.

3. S. CYPRIEN, De cona Domini (Ce sermon ne paraît pas être de saint Cyprien) : Une dispute s'était élevée, comme le rapporte l'évangéliste saint Jean, à l'occasion d'un discours si nouveau, et les personnes venues pour écouter Jésus-Christ étaient toutes stupéfaites de l'entendre leur dire : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Quelques-uns, refusant de croire, ou ne pouvant comprendre une chose si prodigieuse, se retirèrent et abandonnèrent Jésus-Christ : il leur semblait trop horrible et trop monstrueux de se nourrir de chair humaine ; car ils s'imaginaient qu'il les engageait à manger sa chair bouillie ou rôtie, et coupée en moreaux, auquet cas elle serait insuffisante pour nourrir le genre humain tout entier, et une fois cette chair consumée, c'en serait donc fait de la religion, puisqu'il n'y aurait plus de victime, ni par conséquent de sacrifice à offrir. Mais à entendre la chose de cette manière, la chair et le sang ne servent de rien ; parce que, comme le divin maître l'a lui-même expliqué, ces paroles sont esprit et vie, et que l'homme trop charnel ne saurait atteindre à l'intelligence d'un mystère aussi profond, à moins qu'il ne soit aidé par la foi. »

4. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I, Epist. 2 : « Il a attaché ce sacrement à des espèces on ne peut mieux accommodées au genre ordinaire de la vie humaine, afin que la simple réflexion suffit pour convaincre que ce pain terrestre en apparence, mais céleste en réalité, procure aux hommes une vie immortelle, et non pas seulement une vie mortelle, comme à coutume

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de le faire le pain ordinaire. Et ainsi, par un miracle des plus singuliers et des plus étonnants, on ne voit pas dans ce sacrement ce qui s'y trouve, et on voit ce qui ne s'y trouve pas ; et par ce moyen est épargné à l'homme l'horreur qu'il éprouverait s'il avait à se nourrir de chair crue, de chair vivante, et surtout de chair humaine. C'est cette pensée qui fit dire à quelques disciples, qui ne comprenaient pas leur divin maître : Cette parole est dure, et qui est-ce qui peut l'entendre ? Mais bien loin d'être dure, cette parole est au contraire pleine de douceur. Car si Jésus-Christ nous donne sa chair en nourriture, il ne nous la donne pas par morceaux, ni contre son gré, ni de manière à ce que cela lui cause de la douleur ; mais c'est uniquement par amour et par affection qu'il se donne à nous et se fait notre aliment et notre breuvage, sans que sa personne cesse pour cela d'être intacte, inviolable, immortelle et incorruptible dans le ciel où il règne comme le dit l'apôtre saint André ; sans qu'il perde rien de sa beauté ni de sa gloire, ni de tous ses droits à nos hommages d'adoration comme de reconnaissance, pour l'honneur qu'il nous fait de nous appeler à partager son immortalité en nous offrant en gage son corps immortel. Cette parole n'est donc ni cruelle ni dure, mais elle est plutôt  affectueuse et aimable, puisque ce n'est ni par nécessité, ni par contrainte, mais de plein gré et par l'impulsion de son cour qu'il nous a donné sa chair à manger et son sang à boire. Ce n'est pas non plus une parole contraire à la raison, puisqu'en même temps qu'elle garantit le pardon aux pécheurs, elle assure à notre divin bienfaiteur ses droits à notre reconnaissance. Toutefois la réalité du corps et du sang demeure cachés sous les espèces du pain et du vin par ménagement pour nos dispositions naturelles, et aussi pour l'exercice de notre foi et l'augmentation de nos mérites. C'est pour cela que ce sacrement est appelé mystère espèce et figure, parce que sous une forme extérieure la vertu divine cache et renferme le corps et le sang du Rédempteur. Mais notre esprit encore charnel, et trop habitué aux choses sensibles, objecte et dit : Je sais que c'est le corps et le sang du Rédempteur que reçoivent les fidèles dans le sacrement de l'autel ; mais je désirerais savoir pourquoi ils leur sont donnés à boire et à manger. Car je n'aurais plus de questions à faire, s'ils m'étaient donnés seulement pour que je les honore et que je les adore. Mais comme ils me sont donnés de plus à manger et à boire, voilà ce qui trouble et confond ma raison, trop faible encore gour goûter de si sublimes mystères.

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Car qui ne serait troublé, comme l'ont été autrefois ces disciples de Jésus-Christ, de s'entendre dire que contre tout ce qui est usité parmi les hommes, contre les sentiments mêmes de piétés les plus naturels, le corps et le sang de Jésus-Christ, que dis-je? l'homme-Dieu tout entier soit manié entre les mains, broyé entre les dents, dévoré comme une nourriture ordinaire par des hommes, le maître par ses disciples, le Seigneur par ses esclaves, le Christ par des chrétiens ? Mais vous l'avouez vous-même, vous qui objectez ces choses, les même objections ont été faites autrefois à Jésus-Christ par ses premiers disciples, qui furent aussi les premiers à lui dire : Cette parole est dure, et qui pourrait la digérer ? Les mêmes choses ont été objectées par les Juifs incrédules et raisonneurs : Comment, disaient-ils, cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? Cette question assurément n'est pas nouvelle, mais ancienne ; elle n'est pas de fraîche date, mais de date fort antique ; elle touche par sa vétusté aux fondements mêmes du christianisme, aussi bien ce n'est pas un simple docteur, c'est le Sauveur lui-même, comme nous l'atteste l'Evangile, qui l'a pulvérisée. Et puisque le même instant, pour ainsi dire, l'a vue naître et mourir, c'est se montrer bien novice parmi nous autres chrétiens, que de se laisser ébranler par une difficulté ensevelie depuis plus de mille ans. Comme cependant il ne faut rien négliger de ce qui pourrait être une occasion d'incrédulité ou de scandale, la charité qui supporte tout doit encore supporter cette infirmité de nos frères, pour y remédier s'il est possible, par la patience. Car le Sauveur lui-même, ce céleste médecin, nous a appris que c'était là le traitement qui convenait à ces sortes d'infirmes, lorsqu'il a dit à ses disciples encore novices, et qui se scandalisaient aussi de ce qu'il venait de leur enseigner : Cela vous scandalise ! Que sera-ce donc, si vous voyez le fils de l'homme monter là où il était auparavant ? C'est l'Esprit qui vivifie ; la chair ne sert de rien. Par ces courtes paroles, qui ne sont pas un reproche sévère, mais plutôt un avertissement paternel, la Sagesse de Dieu incarné a levé avec toute la clarté possible toute la difficulté dont il s'agit, et a dissipé par la lumière de l'Esprit, tout ce nuage amoncelé par les pensées des hommes de chair. Si vous voyez, dit-il, le fils de l'homme monter là où il était auparavant ? C'est l'esprit qui vivifie ; la chair ne sert de rien. C'est-à-dire, comme vous me voyez maintenant vivre confondu avec les hommes, vous ne pouvez penser de moi, quant à ce qui regarde ce sacrement, rien de plus que ce que vous pen-

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seriez de tout autre homme ; et c'est pour cela que n'ayant que des pensées charnelles, vous vous imaginez que je veux vous donner ma chair coupée par morceaux. Mais après que je serai monté au ciel, après que j'aurai glorifié dans les splendeurs de Dieu cette chair mortelle jusqu'ici ; vous comprendrez alors que c'est l'esprit, c'est-à -dire mes paroles entendues spirituellement, qui vivifient. La chair au contraire ne sert de rien; c'est-à-dire, que ces mêmes paroles, entendues dans un sens charnel, donnent plutôt la mort. Car je donnerai ma chair aux hommes, non pour être coupé par moreaux, pour être dilacéré, broyé sous les dents ; car prise de cette manière elle ne servirait de rien ; mais je la donnerai pour être partagée sans douleur, sans diminution d'elle-même, pour être mangée sans altération de ses parties : car c'est l'esprit qui vivifie, et ma chair, prise dans ce sens, donne à ceux qui la reçoivent non pas une vie mortelle, mais la vie éternelle. »

5. Le premier concile d'Ephèse dans l'épître synodique à Nestorius, qu'on attribue au concile d'Alexandrie, mais qui fut lu et approuvé dans ce concile d'Ephèse, troisième ocuménique : « Nous faisons donc en outre cette observation nécessaire en même temps que par le sacrifice non-sanglant que nous célébrons dans nos églises, nous rappelons la mort selon la chair, la résurrection et l'ascension de Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, nous nous sanctifions par ces bénédictions mystiques , en participant au corps et au sang précieux de Jésus-Christ notre commun Rédempteur, que nous recevons, non, ce qu'à Dieu ne plaise, comme nous ferions un aliment ordinaire, ni comme la chair d'un homme sanctifié et uni au Verbe par la grâce seulement, ou devenu simplement son temple, mais comme une chair vraiment vivifiante, et devenue la propre chair du Verbe lui-même. Car comme il est la vie substantielle en sa qualité de Dieu, il a rendu vivifiante, par son union avec elle, la chair qu'il s'est approprié. Ainsi, quoiqu'il nous dise (JEAN., VI, 54) : En vérité, en vérité je vous le dis, si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous, nous ne devons pas considérer sa chair comme celle d'un homme simplement semblable à nous ; car comment la chair d'un pur homme pourrait-elle être vivifiante par sa nature ? Mais comme devenue la propre chair de celui qui s'est fait et a voulu être appelé fils de l'homme pour l'amour de nous. »

8. Le second concile ocuménique de Nicée, Act. VI, tom. 3 ;

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«  Aucun des Apôtres ni des Père n'a dit que le sacrifice non-sanglant fût l'image de Jésus-Christ ; car ce n'est point ce qu'ils avaient appris de sa bouche. Mais voici les paroles qu'ils lui ont entendu dire : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous..... Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi et je demeure en lui..... Il prit le pain, et ayant rendu grâce, il le rompit et le donna à ses disciples, en disant : Prenez et mangez ; ceci est mon corps. Et ayant pris le calice, il rendit grâces, et dit : Prenez et buvez ; ceci est mon sang. Il ne dit pas,

Prenez et mangez, ceci est l'image de mon corps, mais ceci est mon corps. De plus, Paul, ce divin apôtre, ne faisant que répéter les paroles du Seigneur, a dit à son tour : C'est du

Seigneur lui-même que j'ai appris ce que je vous ai transmis, etc. Parcourez toute l'Ecriture, vous ne trouverez nulle part que, soit le Seigneur, soit les Apôtres, soit les Pères aient appelé une simple figure ce sacrifice non-sanglant offert par le prêtre, mais ils l'ont appelé le corps même et le sang même (de Jésus-Christ). Il est vrai que quelques Père ont appelé antitypes, c'est-à-dire signes ou représentation, les dons offerts avant la consécration ; de ce nombre ont été saint Eustathe, le puissant adversaire des Ariens, et saint Basile, qui tous deux ont un même langage, parce que tous deux ont suivi la voie royale de la doctrine orthodoxe : l'un, savoir saint Eustathe, expliquant ces paroles des proverbes de Salomon (Prov., IX, 5) : Mangez mon pain et buvez le vin que j'ai mêlé d'eau pour vous, dit qu'elles désignent par le pain et le vin les antitypes de Jésus-Christ et l'autre, c'est-à-dire saint Basile, a dans la même source, parlé ainsi de l'oblation du Seigneur : « O Dieu , nous approchons avec confiance de l'autelsacrée et en vous présentant les antitypes du saint corps et du sang de votre Christ, nous vous prions et vous invoquons. » Ce qui suit dans la liturgie qui porte le nom de ce Père fait voir encore plus clairement sa pensée, et de quelle manière ces choses ont été appelées antitypes avant la consécration. Mais, après la consécration, on les nomme, on les croit et elles sont proprement le corps et le sang de Jésus-Christ. Toutefois ces novateurs, tout en voulant abolir les saintes images, ont introduit une autre image qui n'en est point une, mais qui est réellement le corps et le sang de Jésus-Christ. Mais dominé par la passion, et aveuglé par la sagesse du siècle, ils se font illusion à eux-mêmes, en disant que cette sainte oblation

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se fait par adoption. Dire cela, c'est une folie manifeste, et appeler image le corps et le sang du Seigneur, ce n'est pas une extravagance moindre. Mais de semblables assertions ne renferment pas moins d'impiété que d'inconséquence. »

7. Le grand concile de Latran tenu sous Innocent III, c. 1 : « Il n'y a qu'une Eglise universelle des fidèles hors de laquelle personne absolument n'est sauvé, et dans laquelle Jésus-Christ à la fois prêtre et victime, donne son vrai corps et son vrai sang dans le sacrement de l'autel sous les espèces du pain et du vin ; le pain étant transsubstantié au corps de Jésus-Christ, et le vin en son sang, par la puissance divine ; afin que, pour rendre parfait le mystère de l'unité nous recevions de ce qui est à lui ce qu'il a reçu de ce qui est à nous. Personne ne peut consacrer ce mystère que le prêtre ordonné légitimement, en vertu de la puissance des clefs de l'Eglise, que Jésus-Christ a donné aux apôtres et à leurs successeurs. »

8. Le concile de Constance, session VIII, condamna les trois articles qui suivent de Jean Wicleff : « 1. La substance du pain et du vin matériel demeure dans le sacrement de l'autel après la consécration ; 2. Les accidents ne demeurent point sans sujet dans ce sacrement ; 3. Jésus-Christ n'y est point identiquement, vraiment et réellement selon sa propre présence corporelle. »

9. Le concile de Florence : à la forme du sacrement de l'Eucharistie consiste dans les paroles du Sauveur, qui opèrent ce sacrement ; car le prêtre qui fait ce sacrement représente la personne de Jésus-Christ. Et c'est en vertu de ces paroles, que la substance du pain est changée dans le corps de Jésus-Christ et celle du vin dans son sang, de telle manière cependant, que Jésus-Christ est contenu tout entier sous l'espèce du pain, et tout entier sous l'espèce du vin, ainsi que sous chaque partie de l'hostie consacré et du vin consacré lorsque ces parties se trouvent séparées. »

10. Le concile de Trente, session XIII, c. 1 : « En premier lieu le saint concile enseigne et reconnaît ouvertement et simplement, que dans l'auguste sacrement de l'eucharistie, après la consécration du pain et du vin, Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, est contenu véritablement, réellement et substantiellement sous l'espèce de ces choses sensibles; car il ne répugne point que notre Sauveur soit toujours assis la droite du Père dans le ciel, selon sa manière naturelle d'exister, et que néanmoins en plusieurs autres lieux il nous soit présent sacramentelle-

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ment en sa substance, par une manière d'exister qui ne pouvant s'exprimer qu'à peine par paroles, peut néanmoins être conçu par l'esprit éclairé de la foi, comme possible à Dieu, et que nous devons croire très-constamment. Car c'est ainsi que tous ceux de nos prédécesseurs qui ont été sans la véritable Eglise de Jésus-Christ, lorsqu'ils ont traité de ce très-saint sacrement, ont reconnu et professé ouvertement, que notre Rédempteur institua ce sacrement si admirable dans la dernière cène, lorsqu'après la bénédiction du pain et du vin, il déclara en termes clairs et précis qu'il leur donnait son propre corps et son propre sang (MATTH,. XXVI, 26-28). Et ces paroles, rapportées de même par les autres saints évangélistes et répétées depuis par saint Paul, portent en elles-mêmes cette signification propre et très manifeste, selon laquelle elles ont été entendues par les Pères ; c'est une témérité insupportable que des hommes opiniâtres et méchants osent les détourner selon leur caprice et leur imagination, des explications métaphoriques par lesquelles la vérité de la chair et du sang de Jésus-Christ est niée, contre le sentiment universel de l'Eglise, qui, étant comme la colonne et le ferme appui de la vérité, a détesté ces inventions d'esprits impies comme des suggestions de Satan ; conservant toujours la mémoire et la reconnaissance qu'elle doit pour ce bienfait, le plus excellent qu'elle ait reçu de Jésus-Christ. »

11. Ibidem, c. 3 : « Telle a toujours été la croyance de l'Eglise de Dieu, qu'après la consécration le vrai corps de Notre-Seigneur et son vrai sang, conjointement avec son âme et sa divinité, sont réellement prescrits sous les espèces du pain et du vin, c'est-à-dire son corps sous l'espèce du pain, et son sang sous l'espèce du vin, par la force des paroles mêmes ; et de plus son corps sous l'espèce du vin, et son sang sous l'espèce du pain, et son âme sous l'une et sous l'autre, en vertu de cette liaison naturelle et de cette concomitance par laquelle ces parties en Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est ressuscité des morts et qui ne doit plus mourir, sont unies entre elles ; et il en est de même de la divinité, à cause de son admirable union hypostatique avec le corps et l'âme de Notre-Seigneur. C'est pourquoi il est très-certain que l'une ou l'autre espèce prise séparément contient autant que toutes les deux ensemble ; car Jésus-Christ est tout entier sous l'espèce du pain et sous la moindre partie de cette espèce comme aussi sous l'espèce du vin et sous toutes les parties de cette autre espèce. »

12. S. IGNACE, Epist. ad Smyrnenses, cité par Théodoret,

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Dialog. 3 d'Eranistes ou de Polymorphe : « Ils n'admettent pas les Eucharisties et les oblations, parce qu'ils ne reconnaissent pas que l'Eucharistie est la chair de Jésus-Christ notre Sauveur, qui a souffert pour nos péchés et que son Père a ressuscité dans sa bonté. »

13. TERTULLIEN, Lib. de resurr. carnis, c. 8 : « C'est la chair qui se nourrit du corps et du sang de Jésus-Christ, pour que l'âme s'engraisse de la substance de son Dieu. »

14. Le même, Lib. de idololatriâ, c. 7 : « Un homme zélé pour la foi parlerait toute une journée sur cette matière en gémissant de voir un chrétien quitter les idoles pour venir à l'Eglise, sortir des ateliers du démon pour entrer dans la maison de Dieu ; lever vers le Dieu créateur des mains qui viennent de créer des idoles ; adorer le Seigneur avec ces même mains qui au dehors se font adorer elles-mêmes dans leurs ouvres ; porter sur le corps de Notre-Seigneur des mains qui donnent des corps aux démons. Le scandale serait moindre s'ils recevaient d'une main étrangère ce qu'ils souillent ; mais ils vont jusqu'à donner aux autres ce qu'ils ont souillé. Des faiseurs d'idoles ont été admis dans les ordres sacrés de 1'Eglise. O crime ! Les juifs n'ont trempé qu'une fois leurs mains dans le sang du Sauveur ; pour eux, ils déchirent son corps tous les jours. O mains sacrilèges qu'il faudrait couper ! A ces impies de savoir maintenant si c'est par figure qu'il a été dit : « Si votre main est pour vous un sujet de scandale, coupez-la. » Et quelles mains méritent plus d'être coupées que celles qui chaque jour scandalisent le corps de Jésus-Christ (Cf. Les pères de l'Eglise, trad. par M. de Genoude, t. VIII) ? »

15. S. CYPRIEN, Lib. de lapsis : « La voila sous nos yeux, cette vaillante milice du Christ qui, ferme contre les assauts de la persécution, brisa ses plus violents efforts, prête à subir la prison, et armée contre la mort !.... Vos nobles mains, longtemps accoutumées aux ouvres de Dieu, se sont dérobées à d'impures oblations. Vos lèvres sanctifiées par le céleste aliment et rougies par le sang immortel, ont rejeté avec dégoût des mets, restes sacrilèges des idoles.....

« Au mépris de la sévérité évangélique, contre la défense du Seigneur, des docteurs téméraires accordent la réconciliation à des cours mal préparés ; paix trompeuse et pleine d'illusion, paix funeste à qui la donne, infructueuse à qui la reçoit. On n'attend pas le temps nécessaire pour la guérison ; on ne demande point

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la satisfaction le remède véritable ; on étouffe la pénitence au fond des âmes ; on efface le souvenir d'un crime encore récent. Que fait-on par-là ? On recouvre le mal en le dissimulant ; on referme une plaie qui va s'envenimer davantage et devenir mortelle. Eh quoi ! au sortir des autels du démon, les voilà s'approchant du Saint des saints, avec des mains encore souillées par un fétide encens ! Avec une poitrine gonflée encore d'aliments corrupteurs, avec une bouche d'où s'exhale leur crime et un reste de contagion, ils envahissent le corps du Seigneur ; quoique la divine Ecriture leur crie avec menace : « Quiconque sera pur pourra manger de la victime pacifique. L'homme souillé qui mangera de la victime pacifique offerte au Seigneur, sera exterminé du milieu de son peuple. » Le témoignage de l'Apôtre n'est pas moins formel : « Vous ne pouvez boire la coupe du Seigneur et la coupe des démons ; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à la table des démons. » Ecoutez encore la menace terrible que le même apôtre adresse ailleurs aux profanateurs : « Quiconque mange ce pain et boit indignement le calice du Seigneur, se rend coupable du corps et du sang de Jésus-Christ. »

« Cette tête superbe s'humilie-t-elle après sa chute ? Ce cour gonflé d'orgueil est-il brisé par sa défaite ? Voyez l'homme égaré par sa passion ! Meurtri, couché dans la poussière il menace insolemment celui qui est resté debout ; il s'emporte en discours sacrilège contre celui qui ne livre point précipitamment Jésus-Christ à la souillure de ses mains, à la profanation de ses lèvres. Malheureux ! reconnaissez votre démence ! Vous vous déchaînez contre l'ami qui veut détourner de votre tête la colère divine, qui appelle sur vous la miséricorde paternelle, qui ressent vos blessures, ces blessures que vous ne ressentez pas vous-même et verse pour vous des larmes que votre crime ne peut vous arracher

(Cf. Les pères de l'Eglise, trad. par M. de Genoude, t. V bis). »

16. HESYCHIUS, in caput XXII Levitici, expliquant ces paroles du verset 44 : Celui qui aura mangé sans le savoir des choses qui auront été sanctifiées, s'exprime de la manière suivante : « Les Saints des saints sont à proprement parler les mystères de Jésus-Christ, parce que c'est de son corps que l'ange Gabriel disait à la Vierge : Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très Haut vous couvrira de son ombre ; c'est pourquoi le (fruit) SAINT qui

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naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. C'est de lui aussi qu'Isaïe a dit (LVII, 45) : Le Dieu saint qui habite dans le lieu très-haut, c'est-à-dire dans le sein du Père. Car ce n'est pas seulement aux étrangers ou aux mercenaires qu'il a interdit la participation à ces mystères ; mais il défend encore d'en faire part à ceux qui n'en ont pas l'intelligence. Ceux-là en effet mangent sans le savoir des choses sanctifiées, qui en ignorent la vertu et l'excellence, qui ne savent pas que c'est réellement le corps et le sang de Jésus-Christ qui participent aux mystères sans connaître la vertu des mystères. C'est à ceux-là que s'adressent ces paroles de Salomon, ou plutôt de l'Esprit-Saint qui les lui dictait (Prov., XXIII, 1) : Lorsque vous serez assis pour manger avec le prince, considérez avec attention ce qui sera servi devant vous. Dieu prescrit en termes formels à celui qui est dans cet état d'ignorance d'ajouter une cinquième partie, qui lui donne l'intelligence dont il est privé par rapport aux saints mystères Les paroles même du Lévitique peuvent nous faire connaître en quoi consiste cette cinquième partie ; car nous y lisons : Il ajoutera une cinquième partie à ce qu'il aura mangé. Comment peut-il ajouter une cinquième partie à ce qu'il a mangé ? Car cette cinquième partie, d'après le texte, ne doit pas être différente de ce qu'il a mangé, ni prise d'ailleurs, mais elle doit être la cinquième partie de la chose même qu'il a mangée et y être ajouté ou surajoutée comme disent les Septante. Donc cette cinquième partie, ce sont les paroles prononcées par Jésus-Christ lui-même sur l'offrande mystique. Ce sont ces paroles qui nous délivrent de l'ignorance, en écartant de notre esprit toute pensé charnelle et terrestre par rapport aux choses saintes, et qui nous obligent de les entendre spirituellement et d'une manière digne de Dieu ; et c'est là, à proprement parler, la cinquième partie, parce que l'Esprit divin qui est en nous, et les paroles qu'il nous a appris à répéter, nous donnent comme un sens nouveau qui nous met en état de nous élever à la hauteur de ce mystère. Quiconque donc aura mangé sans le savoir des choses sanctifiées, c'est-à-dire qui l'aura fait sans connaître leur vertu, comme nous venons de le dire, ajoutera cette cinquième partie à ce qu'il aura mangée et donnera le tout au prêtre pour le sanctuaire. Car tout ce qui regarde la sanctification du sacrifice mystique, et le passage ou le changement des choses sensibles en des choses dont la foi seule nous donne l'intelligence (à sensibilibus ad intelligibilia translationem sive commutationem), c'est au véritable prêtre, qui est Jésus-Christ, qu'il faut

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le donner, c'est à lui seul qu'il faut réserver la gloire de ce miracle, puisque ce n'est que par sa vertu, ou en vertu de ses paroles, que les choses qui paraissent à nos yeux sont sanctifiées au point de n'être plus accessibles aux sens charnels de l'homme. »

17. S. OPTAT, contra Donatistas, lib. VI : « Venons-en maintenant à ces faits qu'on vous reproche, et dont vous ne sauriez nier ni la cruauté ni la folie. Car quoi de plus sacrilège que de briser, de rejeter, de détruire des autels consacrés à Dieu, et sur lesquels vous avez vous-même offert autrefois (le saint sacrifice) ; sur lesquels ont été présentés à Dieu les voux du peuple, les membres de Jésus-Christ ; sur lesquels le Dieu tout-puissant a été invoqué sur lesquels est descendu l'Esprit-Saint, et où tant de fidèles ont trouvé le gage de leur salut éternel, la sauvegarde de leur foi, l'espérance de leur future résurrection ? Des autels, dis-je, sur lesquels le Sauveur n'a pas voulu que la communauté chrétienne déposât d'autres offrandes, que des hosties pacifiques, que des symboles de concorde et de charité.

Déposez, a-t-il dit (MATTH., V, 24), votre offrande devant l'autel, et allez d'abord vous mettre d'accord avec votre frère, pour que le prêtre puisse ensuite se charger de votre offrande. Qu'est-ce en effet qu'un autel, que le lieu où reposent le corps et le sang de Jésus-Christ ? Et c'est là ce que votre fureur a brisé ou ratissé ou détruit !..... Si l'envie vous faisait voir en nous des hommes souillés, que vous avait fait Dieu, qu'on avait coutume d'invoquer sur ces autels ? En quoi vous avait offensé Jésus-Christ dont le corps et le sang y étaient si souvent offerts ? En quoi vous étiez-vous offensés vous-mêmes pour vous punir ainsi en brisant des autels sur lesquels avant nous vous avez offert vous-mêmes pendant longtemps, et sans doute avec piété ? En poursuivant avec tant d'impiété votre vengeance contre nous dans ces lieux où habitait jusque-là le corps de Jésus-Christ vous vous êtes vengés contre vous-mêmes. En cela vous avez imité les juifs. Ceux-ci ont étendu leurs mains sur Jésus-Christ en croix ; vous, vous l'avez frappe sur l'autel. Si vous vouliez poursuivre les catholiques jusque dans cet asile, au moins deviez-vous y faire grâce à vos sacrifices d'autrefois. Maintenant vous étalez votre orgueil, là où autrefois votre humilité présentait ses offrandes ; vous péchez sans scrupule, là où vous aviez coutume d'intercéder pour les péchés de la multitude. En agissant ainsi, vous vous êtes associés sans pudeur à des prêtres sacrilèges, vous vous êtes rendus complices des attentats de la gentilité.

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C'est de vous que le Seigneur se plaignait autrefois par la bouche du prophète Elie ; car, plus que tous les autres, vous avez mérités le reproche contenu dans les paroles suivantes de ce prophète (II ROIS., XIX, 10) : Seigneur, ils ont brisé vos autels. En disant vos autels, le prophète fait entendre que ces autels deviennent la propriété de Dieu, du moment où l'on y a offert quelque sacrifice. Il aurait dû suffire à votre témérité d'avoir dilacéré les membres de l'Eglise, d'avoir divisé par vos séductions les peuples depuis longtemps ramenés à l'unité. Au moins auriez-vous ainsi épargné les autels. Pourquoi, avec ces autels, avez-vous exterminé la piété des peuples ? Ces autels étaient le véhicule par lequel les prières communes parvenaient aux oreilles de Dieu ? Pourquoi avez-vous intercepté cette voie à la prière ? Pourquoi de vos mains impies avez-vous renversé cette échelle, par les degrés de laquelle nos supplications s'élevaient jusqu'à Dieu?... Il est donc reconnu que vous avez, et ratissé et brisé des autels. Pourquoi tout-à-coup votre fureur s'est-elle ralentie à ce sujet ? Car nous voyons que, changeant d'avis depuis, vous ne brisez plus les autels, mais que vous vous contentez de les ratisser ou de les déplacer. Si ce dernier moyen pouvait suffire, vous reconnaissez par là même que vous ne deviez pas faire ce que vous avez fait d'abord. Et cependant vous avez aggravé encore cet attentat, en brisant jusqu'aux calices où avait été déposé le sang de Jésus-Christ ; vous les avez mis à l'encan, vous en avez fait l'objet d'un commerce sacrilège pour lequel vous n'avez pas même fait un choix entre les acheteurs. Ainsi avez-vous effacé de ces calices l'empreinte de vos propres mains, puisque vous vous en étiez servis avant nous. Et puis vous les avez mis en vente. Peut-être ont-ils été achetés par des femmes impures pour leurs impurs usages. Peut-être ont-ils été achetés par des païens qui en auront fait des cassolettes pour brûler de l'encens devant leurs idoles. O crime détestable ! O forfait inouï ! Enlever à Dieu ces objets, pour les offrir à des idoles ! Les soustraire à Jésus-Christ, pour les faire servir à des actes sacrilèges ! »

18. S. LEON-LE-GRAND, Serm. VII de passione Domini : « Nous comprenons que c'est par un effet de la divine Providence, que les sacrilèges magistrats du peuple juif et ses prêtres impies, qui avaient cherché tant de fois l'occasion d'exercer leur fureur contre Jésus n'ont pu exécuter leurs cruels projets qu'au moment de la fête de Pâques. Il fallait en effet que la figure fit place enfin à la réalité, que la promesse eût son accomplisse-

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ment, qu'à l'agneau figuratif succéda le véritable agneau de Dieu, et qu'un sacrifice unique remplît la signification de toutes les diverses victimes. Car tout ce qui avait été prescrit par l'ordre de Dieu, et par le ministère de Moïse au sujet de l'immolation de l'agneau, prophétisait Jésus-Christ, et était comme l'annonce de son sacrifice. Afin donc que les ombres fissent place à la réalité et que les figures s'évanouissent à l'apparition de la vérité, l'antique observance est abrogée par un sacrement nouveau ; au sang des animaux est substitué le sang de la nouvelle victime, et les cérémonies légales trouvent leur accomplissement dans leur abolition même..... Ces pontifes scrupuleux, ces prêtre exacts craignaient qu'il ne s'élevât quelque sédition le jour de la principale solennité, non qu'ils voulussent en cela empêcher le peuple de prévariquer, mais c'est qu'ils voulaient empêcher Jésus-Christ de leur échapper d'entre les mains. Mais Jésus, inébranlable dans sa propre résolution, et fidèle à répondre aux volontés de son Père à son égard, mettait le sceau à l'Ancien-Testament, et établissait une pâque nouvelle. Car, comme ses disciples étaient à table avec lui pour faire la cène mystique, pendant qu'à la cour de Caïphe on discutait les moyens de le mettre à mort, lui-même, en instituant le sacrement de son corps et de son sang, enseignait quelle était la victime qui devait désormais être offerte à Dieu, sans même éloigner de ce mystère celui qui devait le trahir, pour qu'il devînt de plus en plus évident qu'aucune injure personnelle n'était le motif qui poussait ce misérable à cet acte monstrueux d'impiété. »

19. Le même, Epist. XXIII ad clerum et plebem Constantinopolitanæ urbis (Cf. LABBE, Conc., t. IV, col. 48.) : « On doit considérer comme étrangers à la grâce divine, et comme hors de la voie du salut, ceux qui refusant de reconnaître la nature humaine en Jésus-Christ contredisent l'Evangile et se mettent en opposition avec le symbole de notre croyance. Ils ne font pas réflexion que, par suite de ce premier aveuglement, ils se mettent dans la nécessité de nier et la réalité des souffrances, et la réalité de la résurrection de Jésus-Christ, l'une et l'autre étant impossible, si l'on refuse de reconnaître en Jésus-Christ une chair semblable à la nôtre. Dans quelle profonde ignorance, dans quelle indifférence stupide ne sont-ils pas tombés pour être arrivé au point de ne pouvoir

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apprendre, ni de leurs frères qu'ils sont à portée d'entendre, ni des livres qu'ils peuvent avoir entre les mains, ce qui est tellement reconnu et admis par tout le monde dans l'Eglise de Dieu, que les enfants eux-mêmes quand ils reçoivent le sacrement de la foi, confessent cette vérité du corps et du sang de Jésus-Christ ? Car c'est là ce qui nous est donné et ce que nous recevons dans la distribution mystique qui nous est faite de l'aliment spirituel, afin que pénétrés de la vertu de cette nourriture céleste, nous devenions comme la propre chair de celui qui s'est fait chair. »

20. THEODORET, Dialog. 2, qui inscribitur Inconfusus : « L'orthodoxe. Dites-moi donc, les symboles mystiques qui sont offerts à Dieu par les prêtres de Dieu, de quoi sont-ils les symboles ? - Eranistes. Ils sont les symboles du corps et du sang du Seigneur. - L'orthod. Est-ce d'un vrai corps, ou de ce qui ne serait pas un vrai corps ? - Eranistes. D'un vrai corps. - L'orthod. Très-bien, car il faut à une image un archétype qui en soit le modèle. Les peintres en effet ne font qu'imiter la nature, et représenter les images des choses qu'ils y trouvent. - Eranistes. C'est vrai. - L'orthod. Si donc les divins mystères représentent un vrai corps, le corps de Notre-Seigneur est donc toujours un corps, non changé dans la nature divine, mais pénétré de cette gloire. - Eranistes. C'est bien à propos que vous en êtes venu à me parler des divins mystères ; car c'est cela même qui va me servir à vous prouver que le corps de Notre-Seigneur est changé dans une autre nature. Répondez donc, s'il vous plaît à mes questions. - L'orthod. D'accord. - Eranistes. Comment appelez-vous ce qui est apporté sur l'autel, avant les paroles d'invocation du prêtre ? - Orthod. C'est ce qu'on ne doit pas dire à découvert car il est vraisemblable qu'il y a ici quelques personnes non initiée aux mystères - Eranistes. Répondez alors en termes couverts. - L'orthod. C'est l'aliment que l'on forme avec des semences de telle espèce. - Eranistes. Et l'autre signe, comment le nommons-nous ? - L'orthod. De ce nom commun, qui signifie une sorte de boisson. - Eranistes. Mais après la consécration, comment appelez-vous ces choses ? - L'orthod. Le corps de Jésus-Christ et le sang de Jésus-Christ. - Eranistes. Vous croyez donc que vous devenez participant du corps et du sang de Jésus-Christ ? - L'orthod. Sans doute. - Eranistes. De même donc que les symboles du corps et du sang de Notre-Seigneur sont autres avant les paroles d'invocation du

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prêtre, qu'ils ne sont après ces paroles qui ont la vertu de les changer, de même le corps de Notre-Seigneur depuis son ascension est changé dans la divine substance. - L'orthod. Vous voici pris dans vos propres filets. Car les signes mystiques après la consécration ne perdent rien de leur propre nature, ils demeurent dans leur propre substance (Ils demeurent dans leur propre substance prise non pas numériquement, ni mêmes pacifiquement, mais génériquement ; autrement, comment seraient-ils devenus ce qui est l'objet de notre foi et de notre adoration ?), ils conservent leur figure, leur forme ; ils peuvent être vus et touchés comme auparavant ; et cependant ce sont ces mêmes signes qui deviennent l'objet de notre foi et de notre adoration, comme étant devenus réellement ce qui est l'objet de notre foi. Comparez donc l'image à son modèle, et voyez la ressemblance. - Eranistes. Cependant ce symbole mystique change de nom et ne s'appelle plus ensuite comme il s'appelait d'abord, mais il s'appelle le corps. - L'orthod. Vous me semblez bien ignorant, car il ne s'appelle pas corps seulement, il s'appelle aussi pain de vie, et c'est le Seigneur qui l'a appelé ainsi. »

21. S. JEAN-DAMSCENE, Lib. IV, de orthod. fide, c. 14: « C'est pourquoi, si la parole de Dieu est vive et efficace, si le Seigneur a fait tout ce qu'il a voulu, etc. », comme plus haut, question II, témoignage 8, page 279.

22. Le même, Hist. de Barlam et de Josaphat, c. 19, fait parler Barlam à Josaphat dans les termes suivants : « Confessez de plus un baptême de l'eau et de l'Esprit -Saint pour la rémission des péchés. Recevez en outre les mystères sans tache de Jésus-Christ et en croyant d'une foi ferme que c'est le corps et le sang de notre Dieu, qu'il a donnés à ceux qui croient en lui pour la rémission de leurs péchés. Car, dans la nuit où il devait être livré, à Jésus-Christ confirma la nouvelle alliance à ses disciples et à ses apôtres, et dans leur personne tous ceux qui croiraient en lui, par ces paroles : Prenez et mangez, ceci est mon corps, qui est immolé pour vous pour la rémission des péché. Et ayant pris de même le calice, il le leur présenta en disant : Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est répandu pour vous pour la rémission des péchés. Ainsi donc la parole de Dieu, celle parole vive et efficace, et à laquelle rien n'est impossible, par ces mois sacrés et par l'assistance du Saint-Esprit, change le pain et le vin qui ont été offerts dans son corps et dans son sang. »

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23. Le même, Lib. III Parallelorum, c. XLV, dit d'après Eusèbe : « Beaucoup de pécheurs contribuent à la confection des sacrés mystères et Dieu ratifie ce qu'ils font, parce qu'ils sont prêtres et leur qualité de pécheur n'empêche pas l'Esprit-Saint de sanctifier les oblations présentées par leurs mains, de sorte que le pain n'en devient pas moins le précieux corps de Notre-Seigneur, et le vin son précieux sang. »

24. S. AMBROISE, de Sacramentis, lib. IV, c. 4 : « Vous direz peut-être : ce n'est là qu'un pain commun. Oui, avant les paroles de la consécration ; mais après la consécration, ce n'est plus du pain, c'est la chair de Jésus-Christ. Etablissons donc bien cette vérité. Comment ce qui est pain peut-il être le corps de Jésus-Christ ? Cela se fait par la consécration. La consécration donc avec quelles paroles se fait-elle, et de qui sont ces paroles ? Les paroles de Jésus-Christ. Les autres paroles qui sont prononcées ont pour objet de louer Dieu ; la prière se fait pour le peuple, pour le souverain, pour tout le reste ; mais quand une fois on est arrivé au moment de consacrer l'auguste sacrement, le prêtre ne se sert plus de ses propres paroles, il se sert des paroles de Jésus-Christ. C'est donc la parole de Jésus-Christ qui opère ce sacrement. Quelle est cette parole ? La même que celle qui a fait toutes choses. Le Seigneur a commandé et le ciel a été fait ; le Seigneur a commandé et la terre a été faite ; le Seigneur a commandé et les mers ont été formées ; le Seigneur a commandé, et toutes les créatures sont venues à l'existence. Voyez donc combien la parole de Jésus-Christ est productive ! Si cette divine parole a eu la vertu de faire de rien ce qui n'était pas ; à combien plus forte raison peut-elle faire que ce qui était déjà soit changé en quelque autre chose ? Le ciel n'était pas, la terre n'était pas, la mer n'était pas. Mais écoute le Prophète (Ps. CXLVIII, 9) : Il a dit, et tout a été fait ; il a commandé, et tout a été créé. Pour vous répondre en conséquence, ce n'était pas le corps de Jésus-Christ avant la consécration ; mais après la consécration, je vous le déclare, c'est le corps de Jésus-Christ. Il a dit, et cela a été fait; il a commandé et cela a été créé. Vous-même vous étiez mais vous étiez ce qu'on appelle le vieil homme, depuis que vous êtes sanctifiés, vous êtes devenu une nouvelle créature. Voulez-vous savoir combien cela est vrai ? Toute créature, a dit l'Apôtre, est nouvelle en Jésus-Christ. Apprenez donc que de même que la parole, de Jésus-Christ a coutume de changer toute créature, elle change aussi quand elle veut

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les lois de la nature. Comment, demandez- vous ? Je vais vous l'apprendre, et d'abord j'en trouve un exemple dans sa génération même. Il est ordinaire qu'aucun homme ne puisse être engendré que par l'union d'un homme et d'une femme. Mais quand il a plu autre chose au Seigneur, qui a opéré ce mystère, Jésus-Christ, cet homme-Dieu, médiateur entre Dieu et les hommes, est né de l'Esprit-Saint et d'une vierge. Vous voyez donc qu'un homme est né d'une vierge contre ce qui arrive d'ordinaire et contre toutes les lois. Voici un autre exemple : Le peuple hébreu était vivement poursuivi par les Egyptiens ; le passage lui était fermé par la mer : Moïse touche les eaux en leur intimant un commandement divin, et les eaux se partagèrent, non certes conformément à l'ordre de la nature, mais pour obtempérer à l'ordre venu du ciel. Encore un autre exemple : le peuple était dévoré par la soif ; il accourait à une fontaine ; mais l'eau de cette fontaine était amère. Moïse jette du bois dans la fontaine, et cette fontaine, d'amère qu'elle était devient douce, c'est-à-dire que sa nature fut changée et qu'elle emprunta sa douceur du bienfait de Dieu. Un quatrième exemple : le fer d'une coignée était tombé dans l'eau ; en suivant sa nature de fer, il s'était enfoncé dans le fond du bassin. Elisée y jette du bois, et le fer s'élève du fond de l'eau, et il surnage, contrairement sans aucun doute à sa nature de fer : car le fer est sans contredit d'une matière plus pesante que l'eau. Ne comprenez-vous pas par tous ces exemples combien la parole divine est puissante ? On vous a donc appris, etc., » comme plus haut, question II, témoignage 6, page 278.

25. Ibidem, c. 5 : « Voulez-vous vous convaincre que la consécration se fait avec des paroles célestes ? Apprenez quelles sont ces paroles. Le prêtre dit : Rendez-nous cette oblation légitime, spirituelle, agréable : c'est-à-dire la figure du corps et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, la veille de sa passion, prit du pain entre ses mains, leva les yeux au ciel vers vous, Père saint, Dieu éternel et tout-puissant, et rendant grâces, il le bénit, le rompit, et après l'avoir rompu, le donna à ses apôtres et à ses disciples en disant : Prenez et mangez-en tous. De même, après le souper, la veille de sa passion, il prit le calice, leva les yeux au ciel, vers vous, Père saint, Dieu éternel et tout-puissant, et rendant grâces à son Père le bénit et le donna à ses apôtres et à ses disciples en disant : Prenez et buvez-en tous, car ceci est mon sang. Pesez bien toutes ces circonstances. La

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veille de sa passion, est-il dit, il prit le pain entre ses mains sacrées. Avant d'être consacré, c'est du pain ; après que les paroles de Jésus-Christ ont été prononcées, c'est le corps de

Jésus-Christ. Enfin, écoutez ces paroles : Prenez et mangez-en tous ; car ceci est mon corps. Et avant les paroles de Jésus-Christ, le calice ne contient que du vin et de l'eau. Quand les paroles de Jésus-Christ ont produit leur effet, c'est le sang qui a racheté le monde. Voyez donc de combien de manières la parole de Jésus-Christ peut opérer des changements dans les choses. Ensuite, Notre-Seigneur Jésus-Christ prend soin de nous attester lui-même que c'est son corps et son sang que nous recevons. Devons-nous douter de la fidélité de sa parole ou de la vérité de son témoignage. Revenez maintenant avec moi à ma proposition. C'est assurément un grand prodige, que cette manne qui pleuvait du ciel pour les Hébreux. Mais essayez de comprendre quel est le plus grand prodige des deux, de la manne du ciel, ou du corps de Jésus-Christ. C'est assurément le corps de Jésus-Christ qui est l'auteur du ciel. Ensuite, celui qui a mangé la manne est mort. Celui qui mangera ce corps obtiendra la rémission de ses péchés et vivra éternellement. Ce n'est pas inutilement que vous dites, en recevant la communion : Amen, confessant de cette manière dans votre esprit que c'est le corps de Jésus-Christ que vous recevez. Le prêtre vous dit : Le corps de Jésus

Christ ; vous lui répondez : Amen, c'est-à-dire, oui, le vrai corps. Ce que la langue confesse, que le cour le ratifie. »

26. S. CYRILLE, in Joannem, lib. IV, c. 13 : « Tout ce que ne comprend pas un esprit mal fait, aussitôt son orgueil le lui fait rejeter comme frivole et même faux, et il ne cèdera 1à-dessus à aucune autorité, comme s'il n'y avait rien au-dessus de lui : tels ont été les juifs, comme nous pourrons nous en convaincre. Car tandis qu'ils auraient dû recueillir avec amour les paroles du Sauveur, dont la puissance divine leur était démontrée par les miracles qu'il faisait à leurs yeux ; tandis qu'ils auraient dû au moins lui demander de leur résoudre les difficultés qu'ils trouvaient dans sa doctrine, nous les voyons faire tout le contraire. « Eh ! comment, disent-ils, cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? » Les paroles d'un Dieu les révoltent et dans leur impiété, il ne leur vient pas même à la pensée que rien n'est impossible à Dieu. Car comme ils étaient charnels, ils ne pouvaient, selon ce qu'enseigne saint Paul (I Cor., III, 2), comprendre les choses spirituelles. Bien loin de là, un si grand

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mystère ne leur paraît que folie. Mais nous, faisons notre profit des fautes des autres, et croyant ce mystère avec une ferme foi, ne demandons jamais le comment, ni par paroles, ni en nous-mêmes, lorsqu'il s'agit de vérités si sublimes. Ce mot comment est une parole judaïque qui pourrait nous attirer notre éternelle damnation. C'est pourquoi, comme Nicodème disait aussi :

Comment ces choses peuvent-elles se faire? il entendit Jésus lui répondre : Vous êtes docteur en Israël, et vous ignorez ces choses ? Ainsi donc, comme je viens de le dire, instruits par les fautes des autres, ne demandons pas le comment, dès qu'il s'agit de quelque ouvre de Dieu, mais souffrons qu'il ait seul la connaissance et tout le secret de l'ouvre qu'il opère. Car de même que, malgré l'ignorance où nous sommes de ce que Dieu est dans sa nature, nous serons justifié par notre foi, pourvu que nous croyions qu'il récompensera ceux qui le cherchent, de même quoique nous ignorions le secret de ses ouvres, croyons seulement sans hésiter qu'il peut tout, et l'humilité de notre foi ne sera pas laissée sans récompense. C'est à entrer dans de pareils sentiments que Dieu lui-même nous exhorte par le prophète Isaïe (ISAIE, LV, 8) : Mes conseils, nous dit-il, ne sont pas vos conseils, et mes voies ne sont pas vos voies ; mais comme le ciel est élevé au-dessus de la terre, ainsi mes voies sont au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées. Comment donc celui dont la sagesse et la puissance sont si supérieures par rapport à nous, ne ferait-il pas des choses assez merveilleuses pour que le secret en échappât à notre intelligence ? Ne savez-vous pas quelle est la pratique ordinaire des mécaniciens ? Ce qu'ils nous disent de leur savoir-faire nous paraît quelquefois incroyable ; mais comme nous les avons vus faire déjà des choses semblables, nous les croyons capables de faire encore ce qu'ils nous promettent. Comment donc ne seraient pas dignes du dernier supplice, ceux qui méprisent tellement le Créateur de toutes choses, qu'ils osent lui demander le comment de ce qu'il fait ? Ils n'ignorent pas qu'il est la source de toute sagesse ; 1'Ecriture leur apprend que tout lui est possible. Mais si vous, juif que vous êtes, vous demandez encore comment, je m'autoriserai de votre exemple pour vous demander à mon tour comment vous avez pu sortir de l'Egypte, comment la verge de Moïse a pu se changer en serpent ; comment sa main a pu être couverte de lèpre en un instant, et l'instant d'après revenir à son premier état ; comment toutes les eaux de l'Egypte ont pu
 
 

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être changées en sang ; comment vos pères ont pu traverser le lit de la mer, sans plus de peine que s'ils eussent marché sur la terre ferme ; comment un peu de bois a pu changer des eaux amères en eaux douces ; comment des sources d'eau ont pu couler d'un dur rocher ; comment le Jourdain a pu s'arrêter ; comment Jéricho cette ville imprenable, a pu voir ses murs tomber au seul cri de vos guerriers ? D'autres exemples sans nombre vous prouveraient au besoin que, si vous demandez le comment, il vous faudra anéantir toutes les Ecritures, jeter au rebut la doctrine des prophètes et les écrits de Moïse lui-même. Vous auriez donc bien mieux fait d'en croire Jésus-Christ ou de lui demander humblement de vous résoudre vos difficultés que de vous écrier comme des gens hors d'eux-mêmes : Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? Ne voyez-vous pas qu'en parlant ainsi, vous ne faites autre chose que donner la preuve de votre orgueil ? »

27. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I, epist. II, répondant à ce que disaient les pétrobrusiens que la messe n'était rien, et qu'on ne devait pas la célébrer : « Après avoir nié le baptême, leur dit-il, après avoir brûlé les croix, après avoir détruit les temples, au point qu'il ne reste plus rien de si sacré que n'ait profané votre audace, vous vous attaquez maintenant au crucifié lui-même, au Seigneur des temples, à l'auteur du Baptême, et non contents d'enlever à son Eglise ses biens, vous voulez le lui enlever lui-même. Vous niez que le corps et le sang de Jésus-Christ soient rendus présents par la vertu de la parole divine et par le ministère des prêtres et vous affirmez que tout ce que les ministres de l'autel semblent faire dans le sacrement de l'autel, est inutile et superflu. Encore, si votre hérésie se contenait dans les bornes de celle de Bérenger qui niait bien la vérité du corps de Jésus-Christ, mais non le sacrement, l'espèce ou la figure, je me tiendrais sans peine quitte de la tache que je me suis imposée de vous répondre et je vous renverrais, je ne dis pas à Ambroise, à Augustin, à Grégoire, à ces anciens et vénérables docteurs de l'Eglise que vous avez rejetés, mais aux plus savants catholiques de nos jours, à Lanfranc, à Guitmond, à Alger, qui se sont surpassés les uns les autres par la manière savante et habile dont ils ont établi la vérité du corps et du sang de Jésus-Christ caché sous les voiles eucharistiques, de sorte qu'ils ont satisfait surabondamment à toutes les questions que pourrait soulever le lecteur même le plus

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scrupuleux. Si vous pouviez lire et comprendre leurs livres, ils vous feraient bien revenir de votre aveugle opiniâtreté, comme ils en ont fait revenir tant d'autres, guéris de leurs doutes un plus grand nombre encore, et confirmé dans leur foi tant de fidèles. Mais comme vous avez ajouté à l'erreur, à l'hérésie et à la perversité de l'archidiacre d'Angers un nouveau degré d'erreur, d'hérésie et de perversité ; que vous niez non-seulement la vérité du corps et du sang de Jésus-Christ, mais le sacrement lui-même, l'espèce ou la figure de son corps et de son sang, et qu'ainsi vous ôtez au peuple de Dieu tout sacrifice qu'il puisse offrir, votre nouvelle erreur exige une réfutation nouvelle..... Mais peut-être croira-t-on impossible que du pain soit changé en chair, et que du vin soit changé en sang. Peut-être aussi pensera-t-on que la substance si limitée du corps de Jésus-Christ ne saurait suffire depuis tant de siècles à la sainte avidité du monde entier. Car c'est là, comme je l'ai appris, ce qu'objectait aussi Bérenger. Comme il dissertait à Angers avec quelques personnes sur ce sacrement du corps de Jésus-Christ : Quand même, disait-il, le corps de Jésus-Christ serait de la taille de cette tour énorme qui s'élève devant nos yeux, il y a bien des années qu'il ne resterait plus rien de sa substance, mangé comme vous supposez qu'il l'est par tant de peuples de toutes les parties du monde. Langage dont la perversité n'était égalé que par la perversité de son cour. Mais que répondre à ceux qui ne veulent pas que Dieu puisse plus, qu'ils ne peuvent eux-mêmes ; qu'il sache plus, qu'ils ne savent eux-mêmes ; qu'il fasse plus, qu'ils ne font eux-mêmes ? Que répondre à ceux qui s'ingénient à réduire la sagesse éternelle et la toute-puissance de Dieu à des limites si étroites, que, si l'on voulait les en croire, il n'y aurait plus ni sagesse ni puissance divines, plus de Dieu par conséquent ? Que dire à des sourds, ou à des hommes qui refusent d'entendre ce que leur crie un prophète (ISAIE, XL, 13) : Qui a connu les desseins de Dieu, ou qui est entré dans ses conseils ? et ailleurs (JOB, XXVIII, 12) : D'où vient la sagesse, et où se trouve l'intelligence ? Elle est cachée aux yeux de tous ceux qui vivent ; et un autre encore (BARUCH, III, 30) : Qui a passé la mer, et qui l'a trouvée et a mieux aimé la rapporter avec lui que l'or le plus pur ? Est-ce que d'une mer à l'autre, du levant au couchant, le monde entier ne fait pas retentir ces paroles (Ps. CXXXI V, 6) : Le Seigneur a fait tout ce qu'il a voulu dans le ciel, sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes ? Et qui pourrait en faire le

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dénombrement ?. . . Voyez donc, qui que vous soyez qui refusez de croire ou qui doutez du moins que le pain soit changé dans le corps de Jésus-Christ et le vin en son sang dans le sacrement de son Eglise, si ce n'est pas vous défier, ou de sa bonté, ou de sa puissance, ou de toutes les deux à la fois. Car ce ne peut être que l'un de ces deux motifs qui vous porte ici, soit à douter, soit à refuser de croire. Car ou il l'a voulu mais ne l'a pas pu, ou il l'a pu mais ne l'a pas voulu, ou bien enfin il ne l'a ni voulu ni pu faire. Mais qu'il l'ait voulu, c'est ce dont vous ne pouvez douter, pour peu que vous croyiez à 1'Evangile, puisqu'il n'aurait pas recommandé de le faire en sa mémoire, s'il n'avait pas voulu qu'on le fît. Qu'il l'ait pu ensuite, c'est ce dont vous êtes assurés si vous en croyez le prophète. Car s'il a fait tout ce qu'il a voulu, il a donc fait ceci même, puisqu'il a voulu le faire. Il a donc voulu et il a pu faire que le pain fût changé en son corps, et le vin en son sang. Et puisqu'il l'a voulu et qu'il l'a pu, donc il l'a fait. Car si Dieu est tout puissant, et que Jésus-Christ est Dieu, il s'ensuit qu'il peut changer le pain dans son corps et le vin dans son sang, comme il peut faire également tout le reste. Et quoique la toute-puissance de Dieu suffise pour répondre à toutes les objections, citons néanmoins des exemples, auxquels soient obligés de se rendre les hommes même les plus stupides. Que dites-vous, vous qui osez contredire une vérité si évidente ? Je ne crois pas, dit l'un ; je doute, dit l'autre, que le pain de l'autel soit changé en chair, et que le vin soit changé en sang, parce qu'il me semble nouveau et tout-à-fait insolite qu'une substance d'une certaine espèce soit changée en une autre d'espèce toute différente. Cela me semble nouveau, puisque cela n'est jamais arrivé ; insolite, puisque cela ne s'est jamais vu. Mais revenez avec moi sur les siècles passés, vous verrez que ce qui vous paraît nouveau est déjà fort ancien, et que ce qui vous paraît  insolite n'est que fort ordinaire. Rappelez-vous, comme vous le dit saint Ambroise (de Sacram., lib. IV, c. 4), la verge de Moïse changée en serpent ; rappelez-vous les eaux de l'Egypte changées en sang ; et si vous reconnaissez qu'une verge et un serpent, de l'eau et du sang soient des substances d'espèces différentes, vous reviendrez de votre opinion mal conçue. »

28. S. JUSTIN, philosophe et martyr, dans sa première apologie pour les chrétiens adressée à l'empereur Antonin le Pieux : « Après avoir purifié par l'eau du baptême le néophyte qui croit, embrasse et professe notre doctrine, nous le conduisons dans l'assemblée

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des frères ; nous prions pour lui, pour nous, pour tous les autres en quelque lieu qu'ils soient ; et le but de notre prière, c'est d'obtenir de Dieu la grâce de nous montrer toujours dignes de la vérité après l'avoir connue, et d'arriver au bonheur éternel par une vie pleine de bonnes ouvres, et par la fidèle observation de ses préceptes. Les prières finies, nous nous saluons tous par le baiser de paix ; puis on présente à celui qui préside l'assemblée du pain et une coupe mêlée de vin et d'eau ; il les prend et rend gloire au Père de toutes choses, au nom du Fils et du Saint-Esprit. Il achève l'ouvre eucharistique, ou l'action de grâces de tous les bienfaits dont Dieu nous a comblés. Quand il a fini, tout le peuple prononce : Amen, qui signifie en hébreu : Ainsi soit-il. Alors ceux que nous appelons diacres distribuent aux assistants le pain avec le vin et l'eau consacré par les paroles de l'action de grâces, et en portent aux absents. - Nous appelons cet aliment Eucharistie. Nul ne peut y participer, s'il ne croit à la vérité de 1'Evangile, s'il n'a été auparavant purifié et, régénéré par l'eau du baptême, s'il ne vit selon les préceptes de Jésus-Christ ; car nous ne prenons pas cette nourriture comme un pain, comme un breuvage ordinaire. De même que Jésus-Christ notre Sauveur, incarné par la parole de Dieu a pris véritablement chair et sang pour notre salut ; de même on nous enseigne que cet aliment qui, par transformation nourrit notre chair et notre sang, devient par la vertu de la prière qui contient ses propres paroles, la chair et le sang de ce même Jésus incarné pour nous. - Les apôtres eux-mêmes nous ont appris, dans les livres qu'ils nous ont laissés et qu'on appelle Evangiles, que Jésus-Christ leur avait ordonné de faire ce qu'il fit lui-même, lorsqu'ayant pris du pain et rendu grâces, il dit : Ceci est mon corps, et qu'ayant pris ensuite la coupe et rendu grâces, il dit : Ceci est mon sang. Et voilà ce que les démons ont encore essayés d'imiter par l'institution des mystères de Mithra. Vous savez, ou vous pouvez savoir, que dans la célébration de ces mystères, on présente à l'initié du pain et de l'eau, en prononçant certaines paroles mystérieuses. - Pour nous, depuis l'institution de la divine Eucharistie, nous ne cessons de nous entretenir d'un si grand bienfait. Chez nous, les riches se plaisent à secourir les pauvres, car nous ne faisons qu'un ; et chacun de nous, en présentant son offrande, bénit le Dieu créateur par Jésus-Christ, son Fils, et par le Saint-Esprit. Le jour qu'on appelle jour du soleil, tous les fidèles de la ville et de la campagne se rassemblent en un même lieu ; on lit les écrits

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des apôtres et des prophètes, aussi longtemps qu'on en a le loisir ; quand le lecteur a fini, celui qui préside adresse quelques mots d'instruction au peuple, et l'exhorte à reproduire dans sa conduite les grandes leçons qu'il vient d'entendre. Puis, nous nous levons tous ensemble, et nous récitons des prières. Quand elles sont terminées, on offre, comme je l'ai dit, du pain avec du vin mêlé d'eau ; le chef de l'assemblé prie et prononce l'action de grâces avec toute la ferveur dont il est capable. Le peuple répond : Amen. On lui distribue l'aliment consacré par les paroles de l'action de grâces, et les diacres le portent aux absents. Les riches donnent librement ce qu'il leur plaît de donner ; leur aumône est déposée entre les mains de celui qui préside l'assemblée, elle lui sert à soulager les orphelins, les veuves, ceux que la maladie ou quelque autre cause réduit à l'indigence, les infortunés qui sont dans les fers, les voyageurs qui arrivent d'une contrée lointaine ; il est chargé en un mot de pourvoir aux besoins de tous ceux qui souffrent. - Nous nous assemblons le jour du soleil, parce que c'est le premier jour de la création, celui où Dieu dissipa les ténèbres et donna une forme à la matière et parce que c'est encore en ce jour que Jésus-Christ notre Sauveur est ressuscité d'entre les morts. Car il fut crucifié la veille du jour de Saturne, et le lendemain de ce même jour, le jour du soleil, il apparut à ses apôtres et à ses disciples, et leur enseigna ce que nous venons de vous exposer. »

29. S. IRENEE, adversùs hæreses, lib. IV, c. 32 : « Ensuite, pour enseigner à ses disciples que c'est un moyen de montrer sa reconnaissance envers Dieu, et de se le rendre favorable, que de lui offrir les prémices des biens de la terre, bien que Dieu n'ait nul besoin de ces offrandes, il prit du pain, qui est un fruit de la terre, rendit grâces et dit : Ceci est mon corps. Il offrit aussi dans le calice le vin, qui est un fruit de la terre ; mais ce vin, transformé en son propre sang, marquait la différence entre les sacrifices de l'ancienne et de la nouvelle loi. C'est cette oblation du Nouveau-Testament que les apôtres ont enseigné à l'Eglise, qui la renouvelle maintenant chaque jour par toute la terre, en offrant à Dieu les prémices de ses propres dons. C'est ce sacrifice nouveau que le prophète Malachie a prédit quand il disait :

« Mon amour n'est point en vous, dit le Seigneur des armées, et je ne recevrai plus de présents de votre main ; car, depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, mon nom est grand parmi les nations ; et l'on m'offre des parfums en tous lieux,

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une oblation pure est offerte à mon nom, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur des armées (Cf. Les Pères de l'Eglise, trad. par M. de Genoude, t. III, p.387-388). »

30. Le même, Ibidem, c. 34 (al. 18) : « D'ailleurs, comment le pain qui est offert en actions de grâces dans le sacrifice serait-il pour eux le corps de Notre-Seigneur ainsi que son sang, puisqu'ils ne le reconnaissent pas pour le Fils de Dieu, c'est-à-dire pour son Verbe, par qui tout est fécondé dans la nature, qui fait croître les plantes, qui fait jaillir les fontaines, qui fait germer le blé et fait mûrir la moisson ?

« Ne prétendent-ils pas encore qu'il ne nous faut attendre que la corruption du tombeau, et jamais une vie nouvelle, encore bien que nous fassions notre aliment du corps et du sang de Jésus-Christ ? Qu'ils changent donc de pensées, ou qu'ils s'abstiennent entièrement d'offrir le sacrifice. Quant à nous, notre foi est conforme à la nature de l'Eucharistie, et l'Eucharistie elle-même est conforme à notre foi. Nous reconnaissons, en faisant notre oblation, que les dons que nous offrons à Dieu nous les tenons de sa bonté et nous avons foi dans la double résurrection de la chair et de l'esprit, que nous attendons du mérite de l'oblation. Car, de même que le pain qui sert au sacrifice est un fruit de la terre, lequel par la toute-puissance de Dieu cesse d'être un pain ordinaire et devient l'Eucharistie, dans laquelle entrent deux éléments, l'un terrestre et l'autre céleste ; ainsi nos corps, en recevant l'Eucharistie, participent de la nature céleste, deviennent impérissables et sont marqués du sceau de la résurrection.

« Notre oblation est donc envers Dieu, qui n'a cependant nul besoin de nous, un moyen d'expression de notre reconnaissance et un moyen de sanctification (Cf. Ibidem, pag. suiv). »

31. JUVENCUS, prêtre, Lib. I V evangelicæ historiæ : « Après avoir dit ces paroles, il rompt le pain, puis le distribue, et après  avoir fait une prière au Saint des saints, il enseigne à ses disciples que c'est son propre corps qu'il leur donne. Ensuite il prend le calice, et l'ayant rempli de vin, il le sanctifie par ses paroles salutaires, le donne à boire à ses disciples, en leur enseignant en même temps que c'est son propre sang qu'il leur a donné. Et il leur dit : Ce sang remettra les péchés du peuple ; buvez-le ; car, croyez à mes paroles qui sont la vérité même, je ne goûterai plus de ce jus de la vigne, jusqu'à ce que, mis en possession d'une

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vie plus heureuse dans le royaume de mon Père, il me soit donné d'y boire d'autre vin nouveau. »

32. TERTULLIEN, où l'auteur du poème contre Marcion, livre V, c. 8 : « Célébrant la pâque la veille de sa passion, et donnant à ses disciples, chose mémorable, le pain et puis le vin : C'est ici, leur dit-il, mon corps et mon sang qui sera versé pour vous. Et il leur ordonna de continuer à faire la même chose après lui. »

33. S. HILAIRE de Poitiers, de Trinitate, lib. VIII : « Il ne faut pas dans les choses de Dieu parler d'après le sens humain ou l'opinion du siècle ni, par des interprétations forcées et téméraires, détourner à un sens étranger et impie la sagesse des paroles divinement inspirées. Lisons ce qui est écrit, ayons l'intelligence de ce que nous lisons, et alors il ne manquera rien à notre foi. Il n'y aurait que de la folie et de l'impiété dans ce que nous dirions de la présence réelle de Jésus-Christ en nous, si nous ne l'avions appris de lui-même ; car c'est lui-même qui a dit : Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi et je demeure en lui. Il n'y a plus moyen de douter de la présence réelle de son corps et de son sang. Car c'est vraiment sa chair et c'est vraiment son sang, d'après la déclaration de Notre-Seigneur lui-même comme d'après les enseignements de notre foi. Et si nous mangeons sa chair et buvons son sang, c'est pour qu'il demeure en nous et que nous demeurions en lui. N'est-ce pas là de la vérité ? Que cela cesse d'être vrai pour ceux-là seulement, qui nient que Jésus-Christ soit le vrai Dieu. Il est donc en nous quant à sa chair, comme nous sommes en lui, et ce que nous sommes est avec lui en Dieu. »

34. S. CYRILLE d'Alexandrie, in Joannem , lib. IV, c. 16, à l'occasion de ces paroles : Ma chair est vraiment une nourriture, etc., distingue de nouveau entre la bénédiction mystique et la manne, entre l'eau qui coule d'un rocher et la communion du calice.

35. ORIGENE, Homil. VII in lib. Numerorum : « La loi de Dieu ne se montre plus à nous comme auparavant sous des figures et des images, mais sous les propres traits de la vérité ; et ce qui était annoncé autrefois sous forme d'énigme, nous apparaît  dans toute sa réalité. Autrefois c'était un baptême énigmatique qui se passait dans la nuée et dans la mer (I Cor ., X, 2) ; maintenant c'est une régénération véritable qui s'accomplit dans l'eau et par la vertu de l'Esprit-Saint. Alors la manne était donnée

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énigmatiquement en nourriture ; aujourd'hui c'est la vraie nourriture de l'âme, la chair du Verbe de Dieu qui nous est donnée en toute réalité, comme il le dit lui-même (JEAN., VI, 56) : Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. (Cf. LABBE, Conc., t. VIII, col. 1282-1283)

36. EUSEBE, d 'Emèse, Homil. V de Paschate ; c'est le passage que nous rapporterons plus bas, question V, témoignage 16.

37. S. LEON-LE-GRAND, Serm. VI de jejunio septimi mensis : voir plus bas, question actuelle, témoignage 47.

38. Le deuxième concile de Chalon-sur-Saône, c. 46 : « Il faut user d'une grande discrétion dans la réception du corps et du sang de Notre-Seigneur. Car on doit craindre d'un côté, si l'on y apporte trop de délais, que cela ne tourne à la perte de l'âme, d'après ces paroles du Seigneur lui-même (JEAN., V I) : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Et d'un autre côté, si on le reçoit témérairement, on doit craindre ce que dit l'Apôtre (I Cor., XI, 29) : Celui qui mange et boit indignement, mange et boit sa propre condamnation. Ainsi donc, d'après l'enseignement de ce même apôtre, on doit s'éprouver soi-même, avant de se porter à manger de ce pain et à boire de ce calice, c'est-à-dire qu'on doit s'abstenir quelques jours des ouvres de la chair, et se préparer par la pureté du corps et de l'âme à recevoir un si grand sacrement, à l'exemple de David, qui, s'il n'avait déclaré qu'il s'était abstenu de l'usage du mariage depuis plusieurs jours, n'aurait pu être admis à recevoir du grand-prêtre les pains de proposition (Cf. LABBE, Conc., t. VIII, col. 1282-1283). »

39. S. CYRILLE, in Joan., lib. IV, c. 45 : « Je le ressusciterai au dernier jour. Je le ressusciterai, dit-il, c'est-à-dire mon corps qu'il mangera, voilà ce qui le ressuscitera au dernier jour. Car, lui et sa chair, c'est tout un : ce que je dis, non pour faire entendre qu'il ne soit pas autre chose par sa nature, mais parce qu'étant une fois incarné, il ne fait pas deux fils, mais un seul Fils de Dieu. Moi donc, dit-il, qui me suis fait homme, je ressusciterai au dernier jour par ma propre chair ceux qui s'en nourriront.... Et de même qu'une étincelle de feu mise dans du foin ou de la paille, l'embrase en peu d'instants, ainsi le Verbe de Dieu, s'attachant comme une étincelle à notre nature, l'a pénétré tout entière de sa chaleur, et l'a ramené à la vie, en détruisant totalement la mort. » Ã

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40. Ibidem, c. 10, sur ces paroles : Le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde : « Notre-Seigneur a donné son corps pour la vie de tous, et en nous le donnant, il nous communique de nouveau la vie ; comment cela ? c'est ce que je vais essayer de dire en peu de mots. C'est que le Fils de Dieu étant vivifiant par lui-même, a vivifié la chair à laquelle il s'est uni ; et non-seulement il l'a vivifiée mais, par cette union intime avec elle, il l'a rendue elle-même vivifiante ; et ainsi cette chair vivifie à son tour tous ceux qui en deviennent participants, elle les préserve de la mort et les en délivre à tout jamais. »

41. THEOPHYLACTE, in caput VI Joannis, comme plus haut, question II, témoignage 4, page 277.

42. Le même, in caput XIV Marci, comme plus haut, question II, témoignage 2, page 276.

43. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I, epist. 2 contra Petrobruisianos : « Dites-nous, divin auteur du Nouveau-Testament, si vous avez voulu que ce Testament ne dure qu'un jour, comme le prétendent ces hommes, ou si vous n'avez pas plutôt ordonné qu'il soit éternel. Qu'ils entendent là-dessus, non ma réponse, mais la vôtre, afin qu'ils se convertissent, non à moi, mais à vous. Quoi donc ? Dans cette dernière cène que vous avez faite avec vos disciples, substituant une nouvelle pâque à l'ancienne, vous avez pris du pain, vous avez rendu grâces, vous l'avez rompu, vous l'avez donné à vos disciples. Mais qu'avez-vous dit ? Prenez, ceci est mon corps, qui sera livré pour vous. Et qu'avez-vous ajouté ? Faites ceci en mémoire de moi. Vous avez pris de même le calice après le souper, et vous avez dit : Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour vous et pour plusieurs, pour la rémission des péchés. Avez-vous bien entendu ? Ne soyez pas comme ces statues (Ps. CXIII et CXXXIV) qui ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n'entendent pas. Vous l'avez entendu de la bouche non d'un docteur ordinaire, mais de celui de qui le Père a dit hautement : Ecoutez-le (MATTH., XVII, MARC, IX, et LUC, IX). Car il y a des corps célestes comme il y a des corps terrestres ; et tout ce qui tombe sous les sens de la vue, de l'ouïe, de l'odorat, du goût ou du toucher, est corps. Afin donc que personne ne vînt à penser que ce corps fût celui d'un animal ou de quelque homme inconnu ; pour exclure tout autre corps visible ou invisible, après avoir dit : Recevez, Notre-Seigneur a ajouté : Ceci est mon corps. C'est donc son corps, et non celui d'un autre, qu'il a donné à ses

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disciples. Ensuite, pour qu'il ne vînt à la pensée de personne qu'il eût créé dans ses mains un corps qui fût le sien, sans être pour cela ce qu'il était lui-même il a ajouté : Qui sera livré pour vous. Comme s'il avait dit : N'élevez aucun doute, ne vous créez aucune chimère, ne vous égarez pas dans telles et telles pensées, parce que ce n'est ni un autre corps que le mien, ni le corps d'un autre que de moi-même : ce n'est point un corps nouvellement créé mais le même qui sera livré pour vous, qui sera crucifié pour vous, qui mourra pour vous. Et de même il a dit sur le calice : Ceci est mon sang ; c'est-à-dire, ce n'est le sang ni des taureaux, ni des béliers, ni d'un autre homme, mais c'est mon sang, mon propre sang ; non produit par une nouvelle création, mais le même qui sera répandu pour vous, qui coulera sous les verges, qui jaillira de mes mains et de mes pieds cloués sur la croix, et de mon côté percé d'une lance. Que pouvait-il dire de plus clair, de plus évident, de moins équivoque pour affirmer la vérité de son corps et de son sang ? Longtemps même avant sa passion, ne disait-il pas souvent à ses disciples et aux juifs, pour leur faire naître le désir de ce sacrement si auguste et si salutaire : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Le pain que je donnerai est ma chair ; ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage ? Pourquoi cela ? afin que si, à ce nom de corps, votre pensée voulait s'égarer sur des corps différents, ce mot de chair dissipât toute illusion à cet égard. De même en entendant prononcer ce nom de fils de l'homme, ne pensez pas qu'il s'agisse de la chair d'un autre homme que de celui qui, étant le Fils de Dieu, s'est fait le fils de l'homme par un singulier bienfait, par une opération toute miraculeuse. Et c'est pour nous recommander le souvenir et la reconnaissance de cet acte étonnant de sa miséricorde, qu'il néglige si souvent de se nommer le Fils de Dieu, comme il l'est par lui-même, pour se nommer seulement le fils de l'homme, comme il l'est pour nous. C'est ainsi qu'il nomme sa chair, pour exclure tout corps différent, et la chair du fils de l'homme, pour faire mieux entendre que c'est la sienne, et non celle d'un autre. »

44. S. EPIPHANE, in Ancorato : « Nous voyons que le Sauveur prit entre ses mains, comme dit l'Evangile, qu'il se leva de table, qu'il prit ces choses, et qu'après avoir rendu grâces, il dit : Telle et telle chose est mon corps, est mon sang. Et nous voyons que ces (espèces) n'ont rien qui ressemble ou qui

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réponde, soit à sa chair et à ses membres, soit à sa divinité. Car elles sont de forme ronde, et n'ont ni sentiment ni vie. En disant : Ceci est mon corps, ceci est mon sang, il a voulu marquer l'influence de la grâce. Aussi personne ne doit-il faire difficulté d'ajouter foi à sa parole, et celui qui refuserait de croire là-dessus ce qu'il a dit, serait hors de la voie du salut.

Sur sa parole donc, nous croyons que c'est son corps et son sang. Nous savons d'ailleurs que notre Dieu est tout intelligence, tout action, tout lumière, tout entier incompréhensible et que c'est par sa grâce qu'il nous a fait ce don. »

45. S. CYRILLE de Jérusalem, Catechesi VI mystagogicâ : « Puisque c'est Jésus-Christ lui-même qui affirme et qui dit du pain, Ceci est mon corps, qui oserait désormais le révoquer en doute ? Et puisqu'il affirme et dit de même, Ceci est mon sang, qui pourrait en douter et dire que ce n'est pas son sang ? »

46. S. CHRYSOSTOME,  Homil. LXXXIII in Matthæum et LX ad populum Antiochenum, passage rapporté plus haut, question I, témoignage 8, page 264.

47. S. LEON-LE-GRAND, Serm. VI de jejunio septimi mensis : « Le Seigneur ayant dit : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez son, sang, vous n'aurez pas la vie en vous, vous devez approcher de cette table, en ne formant aucun doute sur la vérité du corps et du sang de Jésus-Christ. Car c'est à la foi à nous apprendre quelle est la chose que nous recevons alors dans notre bouche. En vain répondrions-nous Amen si nous contredisions dans notre cour la vérité de ce mystère. »

48. Le concile général de Vienne, tenu sous Clément V, approuva les constitutions dites Clémentines. Or, dans une de ces constitutions, intitulée De reliquiis et veneratione sanctorum, sont rapportées avec éloge les lettres apostoliques d'Urbain IV pour la célébration de la fête du saint sacrement ; et il est dit dans ces lettres, entre autres éloges du sacrement de l'Eucharistie : « Dans cette commémoration sacramentelle de Jésus-Christ, Notre-Seigneur est présent au milieu de nous dans sa propre substance, quoique sous une forme différente de la sienne. Car au moment de monter au ciel, il dit à ses apôtres et à ses disciples : Voilà que je suis avec vous jusqu'à la fin des siècles, les assurant par cette douce promesse qu'il demeurerait avec eux d'une présence même corporelle. »

49. S. AUGUSTIN, in Psalmum 98 : « C'est de la terre qu'il

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a pris le corps dont il a daigné se revêtir, puisque la chair vient de la terre, et que c'est de la chair de la chaste Marie sa mère qu'il a pris son corps. C'est revêtu de cette chair, qu'il converse avec nous ; c'est cette même chair qu'il nous a donné à manger pour notre salut ; et personne ne se nourrit de cette chair, qu'on ne l'ait auparavant adorée. . . Ils (les Capharnaïtes) trouvèrent dure cette parole qu'il leur avait dite : Si l'on ne mange ma chair, on n'aura pas la vie éternelle. Prenant ces paroles dans un sens grossier et charnel, ils s'imaginèrent que Notre-Seigneur voulait leur donner son corps par morceaux, et c'est ce qui leur fit dire : Cette parole est dure. Mais ce n'était pas cette parole qui était dure, c'était leur cour. »

50. Le même, in Psalmum XXXIII, concione 1, interprétant de Jésus-Christ dans un sens mystique ce qui est dit de David au premier livre des Rois, CXXI , 13, qu'il se contrefit le visage devant les Philistins et qu'il se laissait tomber entre leurs mains, paroles qu'il lisait comme s'il y avait eu : Il était porté dans ses mains : « Qui pourrait deviner, dit en conséquence le saint docteur, comment un homme pourrait être porté dans ses propres mains ? Quel exemple y en a-t-il jamais eu ? Un homme peut bien être porté par les mains d'un autre, mais non par les siennes propres. Nous ne voyons pas de moyen d'entendre à la lettre ces paroles de David ; mais nous pouvons les entendre de la même manière de Jésus-Christ. Car Jésus-Christ était porté dans ses mains, quand il disait, en montrant ce qu'il tenait : Ceci est mon corps. Car ce corps, il le tenait entre ses mains. » S. AUGUSTIN revient sur ce sujet, concione II: « Comment, se demande-t-il encore, était-il porté dans ses mains ? C'est qu'il prit entre ses mains ce que savent les fidèles, en leur nommant son corps et son sang ; il se portait donc lui-même d'une certaine façon quand il disait : Ceci est mon corps. »

51. PROSPER, évêque de Riez, in parte secundâ, c. 23, de promissionibus et prædictionibus (Cet ouvrage n'est pas de saint Prosper d'Aquitaine, qui d'ailleurs n'a peut-être jamais été évêque, mais d'un auteur africain de ce même nom, que la persécution des Vandales obligea de chercher un refuge en Campanie, sous le pontificat de saint Léon. Voir NAT. ALEX., Hist. eccle., V sæc., t. V, p. 130, édit. de Mansi) : « Notre-Seigneur Jésus-Christ était porté dans ses propres mains, lorsqu'il dit en tenant de ses mains son corps dans le pain sanctifié : Ceci est mon corps qui sera livré pour vous (Nous supprimons ici une phrase de citation qui ne fait rien à la thèse). »

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51. S. CHRYSOSTOME, Homil. II in posteriorem epistolam ad Timotheum : « Cette sainte oblation, qu'elle soit offerte par les mains de Pierre, ou de Paul, ou d'un prêtre quel qu'il soit, est la même que Jésus-Christ a présentée à ses disciples, et que les prêtres consacrent encore aujourd'hui. Celles-ci ne sont pas moins saintes que celle-là, parce que ce ne sont pas les hommes, mais Jésus-Christ qui les consacre comme il avait consacré la sienne. Car, comme les paroles que les prêtres prononcent sont les mêmes que celles qu'avait prononcées Jésus-Christ, l'oblation est aussi la même. »

53. Le même, Hom. XXIV in priorem epistolam ad Corinthios (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. X, p.217-219, édition de Montfaucon, p.253-256, édit. de Gaume) dit en parlant de la communion du corps de Jésus-Christ : « Allons à Dieu avec respect et modestie, et quand vous verrez la chose offerte, dites-vous vous-même : C'est ce corps qui m'a mérité de n'être plus cendre et poussière ; c'est lui qui de captif m'a rendu libre. C'est grâce à lui que j'espère obtenir le ciel et les biens qu'il renferme, une vie immortelle, le bonheur des anges, la société de Jésus-Christ. C'est ce corps qui, percé de clous et battu de verges, n'en a pas moins triomphé de la mort ; c'est ce corps qui, mis en croix, a fait pâlir le soleil, et l'a obligé à retirer ses rayons, a déchirer le voile du temple, a fendu les rochers, a fait trembler la terre entière ; c'est ce corps qui, tout ensanglanté et percé d'une lance, a laissé s'échapper de son côté entr'ouvert deux sources salutaires, l'une de sang et l'autre d'eau, pour le monde entier..... Jésus-Christ, vainqueur de ce dragon qu'on appelle la mort, est sorti de ses abîmes avec beaucoup de puissance, et son corps rayonnant de gloire s'est élevé non-seulement jusqu'au ciel, mais jusqu'au trône du Très-Haut. C'est ce corps qu'il nous a laissé pour trésor et pour aliment par un admirable effet de sa charité infinie pour nous. Car ne voit-on pas ceux qui s'aiment avec passion, aller jusqu'à se faire des morsures ? et Job voulant donner l'idée de l'affection que ses domestiques lui portaient, ne leur met-il pas à la bouche ces paroles (JOB, XXXI, 31) : Qui nous donnera de nous rassasier de ses chairs ? C'est ainsi que Jésus-Christ pour nous porter à l'aimer davantage, a voulu nous nourrir de sa chair même..... C'est ce corps que les mages ont révéré dans la crèche ; tout infidèles, tout barbares qu'ils étaient, ils ont quitté

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leur patrie, leurs familles, et entrepris un long voyage pour venir se prosterner devant ce corps avec les sentiments les plus vifs d'une adoration profonde..... Et vous, ce n'est pas à une crèche qu'on vous envoie l'adorer, c'est à l'autel ; il n'est plus entre les mains d'une femme, mais entre celles du prêtre qui vous le présente sous des symboles que l'Esprit divin a pénétré de sa vertu..... Je vous montre non pas seulement des anges, ni des archanges, ni les cieux des cieux, mais le Seigneur de toutes ces choses. Pensez-vous bien que vous avez sous les yeux ce qu'il y a de plus grand sur la terre ; que non-seulement vous le voyez, mais que vous le touchez ; que non-seulement vous le touchez, mais que vous le mangez même, ou que vous pouvez l'emporter dans votre maison ? »

54. S. JEAN-DAMASCENE, Lib. II Parallelorum, c. 50 : « Autrefois, lorsque l'ange exterminateur vit des portes marquées du sang de l'agneau (Exod., XII, 23), il sut respecter ces maisons et épargner ceux qui les habitaient. Aujourd'hui, combien l'esprit infernal ne respectera-t-il pas davantage, je ne dis pas des portes marquées du sang d'un animal, mais des fidèles qui ont reçu dans leurs bouches le sang de Jésus-Christ ou de la Vérité même. Car si l'ange, qui n'avait sous les yeux que le sang figuratif, s'en est éloigné par respect, à combien plus forte raison le démon ne prendra-t-il pas la fuite, à l'aspect de la Vérité vivante ?.. De même qu'une mère nourrit son enfant de son sang ou de son lait, ainsi Jésus-Christ nourrit-il de son propre sang ceux qui ont pris en lui une nouvelle naissance. »

55. Les prêtres d'Achaïe, dans l'histoire de l'apôtre saint André (L'authenticité des actes du martyre de saint André est soutenue par Noël-Alexandre, mais tenue pour suspecte par Roncaglia. - Voir NAT. ALEX., Hist . eccl., t. III, c. XII. art. 10. édit. de Venise ou de Mansi) : « Je sacrifie tous les jours, dit André, à Dieu tout-puissant, non en lui offrant de la fumée ou le sang des boucs, ou la chair des taureaux, mais l'agneau sans tache que j'immole tous les jours sur l'autel de la croix ; et après que tout le peuple des croyants s'est nourri de sa chair et abreuvé de son sang, cet agneau, tout sacrifié qu'il est, reste toujours plein de vie, et quelque réel qu'ait été son sacrifice, et quoique véritablement le peuple ait mangé sa chair et bu son sang, il n'en survit pas moins en entier, toujours également pur, toujours immortel. »

56. Le second concile de Nicée, action ou session VI, tome 3, comme plus haut, même question, témoignage 6, page 291.

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57. GUITMOND, archevêque d'Averse, Lib. I de veritate corporis et sanguinis Christi in Eucharistiâ, rapporte les traits suivants des conciles tenus à Verceil sous Léon IX, à Tours sous Victor II, et à Rome sous Nicolas II, où fut condamné l'hérésie de Bérenger : « Se prévalant donc de quelques faibles raisons, de l'espèce de celles dont l'hérésie a toujours su s'appuyer pour se donner à elle-même quelque apparence de vérité, faisant valoir aussi quelques textes mal compris de l'Ecriture sainte, qui a toujours été un piège de mort pour les sectaires, il (Bérenger) répandit secrètement partout où il put le faire pénétrer le venin de son hérésie au moyen de ses disciples, la plupart pauvres, qu'il corrompait autant par les moyens de subsistance qu'il leur procurait que par ses discours séduisants. Si d'autres encore que ces misérables se montrèrent favorables à son hérésie, ce furent particulièrement ceux qui, effrayés de cette sentence de l'Apôtre, Celui qui mange et qui boit indignement, mange et boit sa propre condamnation, aimeraient mieux voir s'abolir ou devenir beaucoup plus rare la sainte communion qu'ils sont obligés de fréquenter suivant la pratique de l'Eglise que de s'arrêter dans leurs désordres par la crainte (de faire des communions indignes). C'est ainsi, et par de tels suppôts, que le mal se propagea. Mais à peine cet enseignement pervers fut-il devenu public, que les hommes restés fidèles au dogme catholique, gravement alarmés autant qu'indignés des progrès du mal, s'assemblèrent à Verceil, présidé par le pape Léon d'heureuse mémoire présent en personne. Là, après une étude sérieuse de la question, ils frappèrent d'un anathème perpétuel s'ils ne se convertissaient, Bérenger et les fauteurs de son

Hérésie. Et comme après la mort de ce saint pape, l'hérésiarque ne cessait d'outrager sa mémoire, et par ses paroles et par ses écrits, ainsi que celle des autres qui avaient pris part au concile, appelant saint Léon lui-même, ce miroir du sacerdoce catholique, non pas pontifex, mais pompifex et pulpifex, et lui reprochant avec invectives de s'être laissé infatuer par Lanfranc pour tenir ce qu'il appelait concilium vanitatis, il se vit contraint dans le concile général qui s'assembla à Tours sous la présidence du vénérable Grégoire (C'était saint Grégoire VII) aujourd'hui pape, et alors archidiacre de l'Eglise romaine, de souscrire de sa propre main à la doctrine selon laquelle le pain et le vin offerts dans le sacrifice eucharis-

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tique deviennent, non figurativement, mais réellement, le corps et le sang de Jésus-Christ. Quelque temps après, oubliant sa rétractation, mais forcé bientôt de céder à la puissance de la vérité dans le concile général rassemblé à Rome, il brûla ses écrit de ses propres mains sous les yeux du pape Nicolas d'heureuse mémoire et en présence de tout le concile, anathématisa son erreur, et renouvela et signa de nouveau sa déclaration déjà faite et signée à Tours dans les termes suivants : Moi, Bérenger, diacre indigne de l'Eglise de Saint-Maurice d'Angers, instruit de la foi véritable, catholique et apostolique, j'anathématise toutes les hérésies, surtout celle dont j'ai été accusé jusqu'ici, qui consiste à soutenir que le pain et le vin qu'on place sur l'autel sont après la consécration le sacrement, mais non la vérité du corps et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et qu'ils ne peuvent être touchés, rompus ou broyés sous la dent des fidèles d'une manière sensible autrement que dans le sacrement. Je me soumets aussi à la sainte Eglise romaine et au siège apostolique, et je professe de cour et de bouche que je n'ai pas d'autre foi par rapport au sacrement de la sainte cène, que celle qu'enseigne, d'après l'autorité de l'Evangile et des apôtres, et que me l'a rappelée ce saint concile ayant à sa tête le seigneur et vénérable pape Nicolas : savoir, que le pain et le vin que l'on place sur l'autel ne sont plus après la consécration un simple sacrement, mais sont aussi le vrai corps et le vrai sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; et qu'ils sont, non pas seulement d'une manière sacramentelle, mais en vérité, touchés par les prêtres, rompus et broyés sous la dent des fidèles ; ainsi je le jure par la sainte et consubstantielle Trinité et par ces saints Evangiles de Jésus-Christ. Quant à ceux qui contrediraient cette foi, je les déclare dignes d'un éternel anathème avec leurs dogmes et leurs sectateurs. »

58. LANFRANC, archevêque de Cantorbéry, parle à son tour de ces conciles, et premièrement de celui de Rome tenu sous Léon IX, dans son livre du sacrement de l'Eucharistie contre Bérenger, de la manière suivante : « Du temps du saint pape Léon, ton hérésie a été déférée au siège apostolique. Dans le concile qu'il présidait et où se trouvaient grand nombre d'évêques, d'abbés et de religieux, de divers ordres et de diverses nations, on a lu par son ordre en présence de tout le monde ces mêmes lettres que tu m'as envoyées sur le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car leur porteur, ou

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ton commissionnaire, ne m'ayant pas trouvé en Normandie, les avait remises à certains clercs. Ceux-ci les ayant lues, et y ayant aperçu des choses contraires à la foi commune de l'Eglise, les avaient données à lire à d'autres par zèle pour Dieu, et en avaient parlé à un plus grand nombre encore. De façon que l'on s'était formé une opinion non moins désavantageuse de moi-même que de toi, en voyant que c'était à moi que ces lettres étaient adressées, plusieurs s'imaginant que je favorisais tes doctrines, soit par affection pour ta personne, soit pour la conformité de mes opinions avec les tiennes. Un certain clerc de Reims les ayant en conséquence déférées à Rome, et lecture en ayant été faite, comme on vit que tu exaltais Jean Scot (Erigène), que tu dépréciais Paschase (Ratbert), et que tu pensais autrement que tous les autres sur l'Eucharistie, on prononça contre toi une sentence de condamnation, en te privant de la communion de cette sainte Eglise, que tu aurais voulu priver elle-même de sa communion. Après cela le pape m'ordonna de me lever, de me blanchir du soupçon qui me couvrait comme une tache, d'exposer ma foi, et après l'avoir exposée, de la justifier par des autorités sacrées, plus encore que par des arguments. Je me levai donc, je dis ce que je pensais, je prouvai ce que j'avais dit, et mes preuves plurent à tous, comme elles ne déplurent à personne. Ensuite fut indiqué le concile, qui se tint à Verceil au mois de septembre suivant sous la présidence du même pape : tu as été mandé à ce concile, et tu as négligé de t'y rendre. Pour moi, cédant aux ordres autant qu'aux prières du même pontife, je restai avec lui jusqu'à la tenue du concile même. Là, en présence de tous ceux qui s'y étaient rendus de toutes les parties du monde, on lut le livre de Jean Scot sur l'Eucharistie qui fut condamné ; on exposa ton sentiment et on le condamna de même ; on consulta la foi de l'Eglise, telle que je la professe et la soutiens, et on y souscrivit d'un commun accord. Deux clercs qui se disaient tes envoyés ayant voulu te défendre, furent dès le premier abord mis hors de combat et pris dans leurs pièges. Saint Léon ne s'écarta de cette première décision dans aucun de tous ses conciles, tenus en diverses provinces, soit qu'il y présidât lui-même soit qu'il les fît présider par ses légats. Le pape Victor son successeur d'heureuse mémoire, n'y fut pas moins fidèle, et tout ce qu'il statua ou fit statuer sur cette question comme sur les autres, il le confirma par sa propre

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autorité et par celle de tous ses conciles. Enfin au concile de Tours, auquel assistèrent et présidèrent ces légats, on t'a donné l'option de défendre toi-même ta cause. Mais n'osant pas entreprendre de la défendre, tu as confessé devant tous les assistants la foi commune de l'Eglise, tu as juré de ne plus avoir dorénavant d'autre croyance, comme j'ai fait voir que tu l'avais juré déjà au concile de Rome. Or, j'ai rapporté plus haut en peu de mots ce qui s'était passé à ce sujet sous le pape Nicolas. » Voici ce que Lanfranc avait dit un peu avant ce dernier passage : « Le reste fut discuté, examiné et condamné par Nicolas d'heureuse mémoire souverain pontife de tous les chrétiens et en même temps par cent treize évêques assemblés à Rome. Toi-même inclinant ton corps, sans humilier ton âme, tu as jeté au feu, allumé de tes mains au milieu de tout le concile assemblé, les livres qui contenaient ta doctrine perverse, en jurant par tout ce qu'il y a de plus grand que tu conserverais inviolablement la foi enseignée par les pères qui étaient présents et que tu ne prêcherais plus ton ancienne doctrine sur le corps et le sang de Notre-Seigneur. Violateur sacrilège de cette promesse, tu n'en as pas moins écrit encore depuis contre ce concile même contre la vérité catholique, contre la croyance commune de toutes les Eglises. »

59. THOMAS de Waldo écrit en ces termes, t. II de Sacramentis, c. 43, au sujet du concile tenu à Rome sous Grégoire VII contre Bérenger : « Sous Léon, Bérenger est accusé et condamner ; relaps, il est accusé et condamné de nouveau sous Victor, successeur de

Léon. A Victor a succédé Etienne, à Etienne Benoît, à Benoît Nicolas, sous lequel il se voit réduit au silence et condamné en présence du concile général tenu à Rome dans l'église Constantinienne. Il retombe dans ses premières extravagances ; à Nicolas succède Alexandre, à Alexandre Grégoire VII, appelé auparavant Hildebrand, qui avait déjà triomphé de ses sophismes au concile de Tours, où il présida comme légat du pape Victor, et qui l'avait aussi réfuté en dernier lieu à Rome dans l'église du Sauveur, comme le prouvent les actes de ce concile, et c'est ce que j'ai trouvé dans le vieux livre des décrets des souverains pontifes, au titre des décrets de ce dernier. Voici ce que j'y lis : « L'an de l'incarnation du Verbe éternel mil soixante-dix-neuf, au mois de février, indiction seconde, la sixième année du pontificat du seigneur et pape Grégoire VII, à l'honneur de Dieu et à l'édification de la sainte Eglise, et pour le salut tant des corps que des

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âmes, sur l'ordre du siège apostolique, se sont rassemblé les archevêques, évêques et abbé ou religieux des provinces voisines, pour tenir concile : tous étant donc rassemblés dans l'église du Sauveur, on a discuté la question du corps et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ... Enfin Bérenger, principal auteur de cette erreur, confessa en présence du concile assemblé qu'il s'était trompé en enseignant, comme il l'avait fait longtemps, cette impiété, et ayant imploré sa grâce, il l'obtint de la clémence du Saint-Siège. Il fit avec serment la déclaration suivante : Moi, Bérenger, je crois de cour et je confesse de bouche que le pain et le vin que l'on place sur l'autel sont changés substantiellement par la vertu mystérieuse de la prière sacrée et par les paroles du divin Rédempteur dans la chair véritable et vivifiante et dans le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et qu'après la consécration c'est le vrai corps de Jésus-Christ, le même qui est né de la Vierge, qui a été offert pour le salut du monde et suspendu sur la croix, et qui est assis maintenant à la droite du Père ; et que c'est aussi le vrai sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le même qui a coulé de son côté ; que c'est son corps et son sang, non pas seulement en figure et d'une manière sacramentelle, mais en propriété de nature et en vérité de substance, comme il est exprimé dans ce bref : j'ai lu, et vous m'avez compris : c'est ainsi que je crois. Je n'enseignerai plus rien de contraire à cette foi : qu'ainsi Dieu m'ait en aide, et ces saints Evangiles. »

60. Le concile de Constance, session VIII, condamna cet article III de Jean Wicleff : « Jésus-Christ n'est point identiquement, vraiment et réellement selon sa propre présence corporelle dans le sacrement de l'autel. »

61. Le concile de Trente, session XIII, canon 1 : « Si quelqu'un nie que le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec son âme et sa divinité, et par conséquent Jésus-Christ tout entier, soit contenu véritablement, réellement et substantiellement au sacrement de la très-saint Eucharistie, mais soutient qu'il y est seulement comme par manière de signe, ou bien en figure, ou en vertu : qu'il soit anathème. »
 
 

QUESTION V
 
 

Que faut-il croire par rapport à la transsubstantiation ?

Il faut sur ce point admettre et professer avant tout deux choses : l'une, que le prêtre qui consacre l'Eucharistie doit être

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légitimement ordonné ; l'autre, que les paroles secrètes de la consécration, et dont le prêtre qui tient la place de Jésus-Christ se sert pour consacrer à l'autel le pain et le vin, ont la puissance de changer en un moment le pain au corps de Notre-Seigneur, et le vin en son sang.

Changement vraiment étonnant et dont la foi seule peut donner la mesure ; qui s'opère par la vertu toute-puissante de Jésus-Christ et au moyen de ces seules paroles ; et ce n'est pas sans raison que la sainte Eglise catholique a appelé ce changement du nom de transsubstantiation, puisque la substance du pain et du vin est certainement changée au corps et au sang de Jésus-Christ.

Si en effet la parole d'Elie a pu faire descendre le feu du ciel, comment la parole de Jésus-Christ, et c'est le raisonnement que faisait saint Ambroise, ne pourrait-elle pas changer la nature des éléments ? Il est dit des ouvres de la création (Ps. CXLVIII, 5) : Dieu a dit, et tout a été fait ; il a commandé et tout a été créé. Comment donc la parole de Jésus-Christ qui a pu faire de rien ce qui n'était pas, ne pourrait-elle pas changer des choses qui existent déjà dans ce qu'elles n'étaient pas auparavant ? Il ne faut pas plus de puissance sans doute pour changer la nature des choses, que pour les tirer du néant. Rien de plus clair d'ailleurs que ces paroles de Jésus-Christ : Ceci est mon corps, ceci est mon sang ; elles ne laissent aucun lieu de penser qu'il puisse rester du pain et du vin dans l'Eucharistie après la consécration.

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TEMOIGNAGE DE L'ECRITURE.
 
 

1. Psaume CXLVIII, 5 ; c'est le passage tout-à-l'heure rapporté dans le corps de la réponse.

2. MATTHIEU, XXVI ; c'est l'extrait cité plus haut, question II, témoignage de l'Ecriture 1, page 275.

3. MARC, XIV ; c'est l'extrait rapporté de même plus haut, question II, témoignage de 1'Ecriture 2, page 275.
 
 
 
 

TEMOIGNAGE DE LA TRADITION.
 
 

1. Le grand concile de Latran, canon 1 : « Personne autre ne peut consacrer ce mystère, que le prêtre ordonné légitimement en vertu de la puissance des clefs de l'Eglise, que Jésus-Christ a donné aux apôtres et à leurs successeurs. »

2. S. CHRYSOSTOME, de Sacerdotio, lib.III, n. 5 : « Si l'on considère que c'est un homme enveloppé de chair et de sang qui se rapproche ainsi d'une nature sainte et immortelle, on concevra toute l'excellence des dons que la grâce de l'Esprit-Saint répand sur les prêtres : car c'est par eux que s'opèrent ces grandes choses, et d'autres non moins précieuses dans l'intérêt de la gloire et du salut des hommes. »

3. S. JEROME, Epist. I ad Heliodorum, c. 7 ; voir ce passage rapporté plus haut, chapitre du Symbole des apôtres question XIX, témoignage 3, page 124, tome Ier.

4. Le même, Epist. LXXXV ad Evagrium : « Qui pourrait tolérer qu'un ministre des tables et des veuves (un diacre) s'élevât avec orgueil au-dessus de ceux dont les prières ont la vertu de rendre présent le corps et le sang de Jésus-Christ. »

5. S. JUSTIN, A pologiâ I pro Christianis ad Antoninum Pium : « On nous enseigne que cet aliment qui, par transformation, nourrit notre chair et notre sang, devient par la vertu de la prière qui redit ses propres paroles, la chair et le sang de ce même Jésus incarné pour nous, etc., » comme plus haut, question IV, témoignage 29, page 503.

6. S. I RENEE, adversùs hæreses, lib. V, c. 2 ; ce passage a déjà été rapporté plus haut, question I, témoignage 19, page 273.

7. S. AMBROISC, De Sacramentis, lib. IV, c. 4; voir plus haut, question IV, témoignage 24, page 311.

8. Le même, Lib. de his qui mysteriis initiantur, c. 9 : Combien d'exemples ne pouvons-nous pas invoquer, pour prouver que ce qu'on reçoit alors n'est pas ce que la nature a

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formé mais ce que la bénédiction a consacré ?.... Si la bénédiction donnée par un homme a pu opérer un changement dans la nature des choses, que dirons-nous d'une consécration faite par un Dieu, etc., » et le reste comme plus bas, même question, témoignage 37.

9. S. AUGUSTIN, Serm. XXVIII de verbis Domini : « Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour. Je me rappelle ce que je vous ai dit à ce sujet, lorsque je vous parlais des sacrements. Je vous ai dit, qu'avant que les paroles de Jésus-Christ soient prononcées, ce qui est offert à l'autel s'appelle pain, et qu'après ces paroles cela ne s'appelle plus pain, mais le corps (de Jésus-Christ). Pourquoi donc dans l'oraison dominicale disons-nous notre pain ? Nous disons notre pain, il est vrai, mais notre pain supersubstantiel. Ce n'est donc pas ce pain qui se change en notre corps, mais le pain de la vie éternelle qui nourrit notre âme. »

10. S. CYPRIEN, De cona Domini : « Du moment où le Seigneur a dit : Faites ceci en mémoire de moi, etc., » comme plus bas, question VII, témoignage 113. Et un peu plus loin : « Ce pain que Notre-Seigneur présentait à ses disciples, est devenu chair par la toute-puissance de la parole divine ; changement qui ne consiste pas dans les apparences, mais qui se fait dans la nature des choses mêmes. »

11. S. CHRYSOSTOME, Homil. II in Epist. II ad Timotheum : « Comme les paroles prononcées par Jésus-Christ sont les mêmes que les paroles prononcées par les prêtres, il en est de même de l'oblation. » Le reste comme plus haut, question IV, témoignage 52, page 319.

42. Le même, Homil. de proditione Judæ : « Et maintenant ; c'est ce même Jésus-Christ qui nous a préparé ce festin, et même qui le bénit. Car ce n'est pas un homme qui change dans le corps et le sang de Jésus-Christ les choses offertes sur la table du Seigneur, mais c'est bien le même Jésus-Christ qui a été crucifié pour nous. Les paroles sont prononcées par la bouche du prêtre, mais elles reçoivent de Dieu toute leur vertu. Ceci est mon corps, dit le prêtre au nom de Jésus-Christ, ces paroles impriment la consécration aux choses offertes. Et de même que cette parole : Croissez et multipliez-vous et remplissez la terre, quoique dite une seule fois, produira son effet jusqu'à la fin des siècles pour la multiplication des êtres vivants, ainsi la parole que je viens de

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rapporter n'a été dite qu'une fois, et n'en aura pas moins son effet jusqu'au dernier avènement pour la vérité du sacrifice sur tous les autels du monde. »

13. BESSARION, patriarche de Constantinople, Lib. de sacram. Eucharistiæ et verbis quibus consecratio peragitur : « Personne n'ignore que, comme la transsubstantiation qui se fait en un instant du pain (et du vin) dans le corps et dans le sang de Jésus-Christ est au-dessus de toute conception humaine, et ne peut être attribué qu'à la puissance divine, ainsi les paroles qui opèrent ce sacrement doivent avoir une vertu toute spéciale comme ce sacrement lui-même. Il est évident d'ailleurs qu'il n'y a rien de plus puissant ni de plus efficace que les paroles d'un Dieu. C'est donc une nécessité d'avouer que ce divin sacrement ne peut exister qu'en vertu des paroles de Jésus-Christ. Car personne ne niera que des effets divins ne requièrent une puissance divine, ni que les paroles de Jésus-Christ soient de toute efficacité, puisqu'il n'est pas seulement homme, mais Dieu aussi et le créateur de toutes choses, dont la seule volonté a suffit pour faire sortir tout cet univers du néant, qui d'une parole a guéri des malades, ressuscité des morts, et fait les autres miracles rapportés dans l'Evangile. De plus, les prières que nous adressons à Dieu nous obtiennent d'autant plus facilement ce que nous lui demandons que nous sommes plus dignes de l'obtenir, et que nous le demandons dans de meilleures conditions. Or, le changement du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ n'est pas l'effet du mérite que peuvent avoir nos prières mais dépend uniquement de la puissance de celui qui a fait toutes choses de rien, sans que le prêtre y intervienne autrement que comme instrument. De là vient que la consécration est également valide, qu'elle soit faite par des prêtres indignes, ou qu'elle soit faite par de saints prêtres. D'où il résulte que ce n'est pas la sainteté du prêtre, mais Jésus-Christ lui-même qui change le pain et le vin en son corps et en son sang par ses propres paroles que le prêtre ne fait que répéter. Car si c'étaient nos prières qui produisissent cet effet, les prières d'un homme de bien, fût-il simple laïque, devraient le produire de préférence à celle d'un mauvais prêtre. Or, il ne conviendrait pas, et il serait préjudiciable au salut, que l'effet d'un tel sacrement dépendît d'une chose incertaine : car il est incertain si nos prières et nos supplications seront agréables à Dieu ; et il arriverait de là que le salut que nous attendrions de la vertu de ce mystère serait abandonné à l'aventure. Pour que cela ne soit pas à

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craindre, et qu'il n'y ait aucun doute à élever sur le salut que ce sacrement procure à ceux qui le reçoivent dignement, il est absolument nécessaire que la vertu d'un si grand sacrement dépende uniquement des paroles de Notre-Seigneur. La substance du pain et du vin conserve sa nature, jusqu'à ce que soient prononcées toutes les paroles nécessaires à la consécration. Ces paroles prononcées, la transsubstantiation s'opère et le sacrement a sa perfection. Outre toutes ces considérations, comme Notre-Seigneur a voulu que ce sacrifice sans tache fût offert en mémoire de lui, puisqu'il a dit : Faites ceci en mémoire de moi, sa mémoire est certainement plus vivante pour nous, lorsque nous répétons les paroles sorties de sa bouche divine, que si nous en rapportions d'autres différentes. C'est ce que nous confirme l'apôtre saint Paul, lorsqu'il dit (I Cor., XI, 20) que la mort du Seigneur est annoncée par ce sacrifice. Comment en effet l'annoncer d'une manière plus claire, que par la consécration qui est faite du pain et du vin avec les paroles mêmes dont il s'est servi ? Les fidèles cependant doivent croire que le Père et le Saint-Esprit concourent avec le Fils dans ce grand ouvrage de la transsubstantiation du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ. Car toutes les ouvres qui ont rapport aux créatures sont communes à la Trinité entière et rien absolument ne se fait que par l'action du Fils, avec le bon plaisir du Père et la volonté de l'Esprit-Saint. Or, pour tout cela il faut un ministre qui y soit propre et qui ait les qualités suffisantes. Il aura ces qualités s'il a reçu par sa consécration le pouvoir d'en remplir les fonctions, et s'il est ordonné prêtre. Car ces paroles n'ont pas une telle efficacité qu'elles produisent leur effet n'importe par qui elles soient prononcées ; bien loin de là, elles n'ont aucune vertu si elles sont prononcées par tout autre que par un prêtre. La raison de cela est que Dieu l'a ainsi voulu, l'a ainsi ordonné, l'a ainsi réglé. Celui donc qui transgressera sa loi et sa volonté en ce point, aura pour premier châtiment de sa témérité l'impuissance à laquelle il sera réduit. Il faut de plus que le prêtre apporte l'intention voulue dans l'accomplissement de ce devoir qui lui est imposé par Jésus-Christ. Car c'est ce divin Sauveur lui-même qui nous a recommandé  de faire la même chose en mémoire de lui, afin que nous sachions bien que c'est sa mort qui est annoncée par ce sacrifice de son corps et de son sang, et que nous ne sommes dans cette action que ses instruments. Et si quelqu'un prononçait les paroles du Seigneur, ou toutes autres

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paroles par lesquelles il croirait pouvoir opérer ce sacrement, sans avoir l'intention ici marquée et qu'il crût satisfaire ainsi à l'ordre prescrit par Jésus-Christ ne ferait absolument rien, et son désir serait frustré de tout effet. Il faut en outre une matière propre et convenable à la chose, savoir du pain de pur froment, et du vin qui soit extrait des raisins. Si un prêtre, même avec une intention droite, et en prononçant les paroles du Seigneur, se sert de toute autre matière, tout son travail sera nul : car jamais le pain qu'on ferait avec de l'orge ou du mil, ou d'autres semblables semences, ni la bière ou le lait ou le miel, ne seront changées au corps et au sang de Jésus-Christ. C'est ce qui nous est déclaré par les canons des apôtres et par la doctrine constante de l'Eglise. Pourquoi cela? Parce que ce Dieu tout-puissant l'a ainsi voulu, l'a ainsi réglé, et que c'est un crime damnable de transgresser en quoi que ce soit ses ordres souverains. Voilà donc ce qui est absolument indispensable pour l'accomplissement de cet auguste mystère et dont l'omission entraînerait la nullité de tout ce qu'on ferait. » Voir dans l'ouvrage même beaucoup d'autres détails dans lesquels est entré le savant auteur.

14. S. GREGOIRE de Nysse, in Oratione catecheticâ quæ dicitur magna, c. 37 : « Ce pain, comme le dit l'Apôtre, est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière, non qu'il devienne le corps du Verbe par cela seul qu'il est mangé mais parce qu'il est transsubstantié (transmutatus, comme porte la version latine) par la parole, comme nous l'avons dit, savoir par ces mots : Ceci est mon corps. » Le reste de ce passage sera rapporté plus bas, même question, témoignage 40.

15. Le même, in Oratione de sancto Baptismate : « Ce pain est d'abord du pain ordinaire ; mais dès qu'il a été consacré par les paroles mystérieuses, il s'appelle, comme il l'est en effet, et le corps de Jésus-Christ ; il en est de même du vin. Avant donc d'être

Sanctifiées, ce sont des choses de peu de prix ; après cette sanctification, qui est l'ouvre de l'Esprit-Saint, elles ont une valeur inappréciable. »

16. S. PROSPER, ou saint Augustin, in Libro sententiarum Prosperi, cité par Gratien, de Consecratione, distinctione secundâ : Sous ces espèces visibles du pain et du vin, nous vénérons des choses que nous ne voyons pas, savoir le corps et le sang (de Notre-Seigneur) ; et nous ne pensons plus de ces deux espèces ce que

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nous en pensions avant la consécration puisque nous faisons profession de croire, qu'avant la consécration c'est le pain et le vin, tels que la nature les a formés, et qu'après la consécration au contraire c'est la chair et le sang de Jésus-Christ, grâce à la vertu surnaturelle des paroles sacrées (post consecrationem verd carnem Christi et sanguinem, quod benedictio consecravit). »

17. EUSEBE d'Emèse, Homil. V de Paschate (Cette homélie n'est pas d'Eusèbe d'Emèse, mais de quelque auteur latin du cinquième siècle ou des suivants - V. NAT. ALEX., Hist. eccles., t. IV, p.289, édit de Mansi) : « Comme il devait enlever à nos regards et transporter dans le ciel le corps qu'il s'était uni, il était nécessaire qu'il instituât en ce jour le sacrement de son corps et de son sang, afin que ce qu'il offrait une fois pour notre rachat, devînt à perpétuité l'objet de notre culte, et que, comme tous les jours nous aurions à goûter les fruits de notre rédemption, tous les jours aussi nous pussions en rendre grâces, en conservant dans nos cours le souvenir vivant de cette victime toujours présente. Victime vraiment unique, vraiment parfaite, qui doit être appréciée non par les sens de l'homme, mais par la foi, et que les yeux ne peuvent apercevoir, mais que le cour seul sait discerner, en déférant, comme il le doit, à l'autorité de cette divine parole : Ma chair est vraiment un aliment, et mon sang est vraiment un breuvage. Loin donc d'ici toute pensée de doute ou d'incrédulité, puisque nous avons pour garant de la vérité de la chose l'auteur même du bienfait. Car c'est ce prêtre invisible qui, agissant mystérieusement par sa toute-puissance sur ces substances visibles, les consacre dans la substance de son corps et de son sang, en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps ; prenez et buvez, ceci est mon sang. De même donc que sur l'ordre de Dieu sont sortis tout-à-coup du néant les cieux, les profonds abîmes avec la vaste étendue de ce continent, ainsi avec la même puissance la parole divine opère dans les saints mystères, et fait obéir les éléments dociles. Voyez donc de quels inestimables bienfaits nous sommes redevables à la bénédiction divine, et, pour que vous ne trouviez pas impossible ou contradictoire que des substances terrestres et périssables soient changées en la substance de Jésus- Christ, interrogez-vous vous-même, vous qui déjà avez reçu en lui une nouvelle naissance. »

18. S. CYPKIEN, Serm. de conâ Domini (Nous avons déjà dit que ce sermon n'était pas de saint Cyprien) : « Ce pain

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commun, changé (par assimilation) en notre chair et en notre sang, entretient notre vie et concourt à l'accroissement de nos forces : cet effet dont nous sommes témoins tous les jours vient en aide à la faiblesse de notre foi, et nous donne la preuve sensible de l'effet mystérieux attaché à ces signes visibles, et de l'union plus spirituelle encore que corporelle qu'ils nous font contracter avec Jésus-Christ..... Ce pain que Notre- Seigneur présenta à ses disciples, est devenu chair par la toute-puissance de la parole divine, changement qui ne consiste pas dans les apparences, mais qui s'opère dans la nature des choses mêmes : et de même que la personne de Jésus-Christ ne laissait voir que son humanité, en tenant cachés sa divinité, ainsi cette essence (essentia) divine pénètre d'une manière ineffable ces objets visibles qui servent de matière au sacrement. »

19. S. CYRILLE de Jérusalem, Catechesi mystagogicâ : « Le pain et le vin de l'Eucharistie étaient simplement du pain et du vin avant l'invocation mystérieuse de l'adorable Trinité ; cette invocation faite, le pain devient le corps de Jésus-Christ et le vin devient son sang. »

20. Le même, Catechesi mystagogicâ I : « Le pain de l'Eucharistie, après que l'Esprit-Saint ait été invoqué, n'est plus du pain commun, mais c'est le corps de Jésus-Christ. »

21. Le même, Catechesi mystagogicâ IV ; c'est le passage déjà rapporté question II, témoignage 4, page 276.

22. S. AMBROISE, de Sacramentis, lib. V, c. 4 : « Je vous ai dit, que ce qui est offert s'appelle pain avant que les paroles de Jésus-Christ aient été prononcées, et qu'aussitôt qu'elles l'ont été cela ne s'appelle plus du pain, mais le corps de Jésus-Christ. »

23. Le même, de Sacramentis, lib. IV, c. 4 : « La consécration une fois faite, le pain se trouve changé en la chair de Jésus-Christ.... Si cette divine parole a eu la vertu de faire de rien, etc. » C'est le passage rapporté plus haut, question précédente, témoignage 24, page 303.

24. Le même, ibidem, c. 5 ; c'est le passage rapporté plus haut, question précédente, témoignage 25, page 304.

25. Le même, De fide ad Gratianum imperatorem, lib. IV, c. 5 ; « Toutes les fois que nous participons à ces saintes oblations qui par les paroles mystérieuses et sacrées ont été changées au corps et au sang de Jésus-Christ, c'est sa mort que nous annonçons. »

26. S. CHRYSOSTOME, Homil. LXXXIII in Matthæum : « Ce

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que Notre-Seigneur fit à ce souper surpasse toutes les forces humaines ; et c'est lui encore qui le réitère, qui l'effectue de nouveau ; nous, nous ne sommes que ses ministres ; c'est lui qui opère dans ce mystère toute la sanctification et tout le changement. » On peut voir le reste de ce passage rapporté à la question I, témoignage 8, page 264.

27. Le même, Serm. de Eucharistiâ in enconis : « Est-ce du pain et du vin que vous voyez ? Ce que vous prenez passe-t-il dans vos entrailles comme les autres aliments ? A Dieu ne plaise, et gardez-vous bien de le penser. Car comme la cire mise au feu s'assimile à sa substance, en sorte qu'il ne reste plus rien de la sienne, ainsi en est-il des éléments qui entrent dans la célébration de ce mystère. »

28. S. JEAN-DAMASENE, De orthodoxa fide, lib. IV, c. 14, passage rapporté plus haut, question II, témoignage 8, page 279, où il est bon de noter les expressions suivantes de ce Père : Du pain et du vin Jésus-Christ a fait son corps ; il a fait de cela son corps et son sang ; le pain et le vin sont changés au corps et au sang d'un Dieu ; le pain, le vin et l'eau, par l'invocation et la présence de l'Esprit-Saint, sont changés merveilleusement au corps et au sang de Jésus-Christ et ne font plus deux substances, mais une seule.

29. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I, Epist. 2 : « Qu'ils considèrent combien leur incrédulité est déraisonnable, combien leur doute est aveugle, lorsqu'ils refusent de croire avec une ferme foi que le pain est changé par la vertu divine en la chair de Jésus-Christ et le vin en son sang, tandis que par la même vertu tant de changements s'opèrent tous les jours dans la nature. Est-ce que le corail, par exemple, mis au feu ne change pas sa nature de feu en sa nature de pierre, quelque différentes que soient ces deux substances ? Est-ce que la cendre des ossements du basilic n'a pas la vertu de changer l'airain en or, quelque différence d'espèce qui existe entre ces deux métaux ? Est-ce que le phénix, cet oiseau qui, comme on le croit, vit jusqu'à cinq cents ans, ne renaît pas de ses cendres après s'être étendu sur le bûcher d'aromates qu'il s'est construit à lui-même, quelque différente que soit la nature de la poussière de celle de l'oiseau (Nous n'avons pas besoin d'observer que ces exemples, empruntés à une histoire naturelle peu exacte, ont besoin d'être rectifiés ou supprimés aujourd'hui qu'une étude plus approfondie de la nature a forcé les savant à ranger ces prétendus faits parmi les fables) ? Et pour qu'on n'ait pas à alléguer que

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ce sont là des faits inouïs et avancés sans preuve, qu'on fasse attention du moins à d'autres faits des plus communs et tout à fait journaliers : pour peu qu'on y réfléchisse, on cessera de douter. Si l'on aime mieux en croire sa propre expérience que celle d'autrui, on n'a qu'à prendre de la fougère pour en faire du verre par un procédé fort connu, et à la vue de cette prodigieuse transformation, si l'on ne veut pas admirer la puissance divine, on devra du moins admirer la sienne propre. Qu'on remarque encore comment l'élément si liquide et si fluide de l'eau se transforme en glace dans la saison de l'hiver parmi nous, et en toute saison dans la Norique et la Scythie, et même se durcit tellement en quelques endroits, comme sur les Alpes, qu'il se trouve changé en pierre, et qu'il devient cristal, fossile qui n'est autre chose que de la glace qui a achevé de se durcir avec les années (Pour la rectification de cet autre fait, nous renvoyons à la belle théorie d'Haüy sur la cristallisation). Qu'on admire comment de ce même cristal, taillé en vase et rempli d'eau, il sort du feu, malgré toute l'incompatibilité de ces deux éléments pour peu qu'on le tienne exposé aux rayons du soleil, et comment ainsi un cristal froid et aride, et qui plus est, de l'eau froide et humide devient un feu sec et ardent. Qu'on dise comment dans toutes les contrées la volonté du Créateur fait sortir tous les jours du sein de la terre, de cet élément informe, tant de substances, d'espèces, de qualités, de couleurs différentes et de propriétés mêmes opposées ; et si l'on veut entrer dans le détail de cet examen, on finira de vivre avant qu'on ait pu réussir à en achever le dénombrement. Mais pourquoi chercher des exemples pour prouver la vérité du changement du pain dans la chair, et du vin dans le sang de Jésus-Christ, lorsque je vois tous les jours un pain semblable se changer dans ma propre chair, et du vin se changer de même dans mon sang, et que cela est tellement visible, qu'il n'est pas besoin de consulter ma foi, mais simplement d'ouvrir mes yeux pour m'en convaincre ? Ce sont là des faits dont tout le monde, dont chaque homme est témoin, puisque sans ces transformations du pain en chair et du vin en sang, pas un homme ne pourrait subsister. Plusieurs peut-être passeront leur vie sans manger de pain, un plus grand nombre sans boire de vin ; mais le nombre est

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bien plus grand de ceux qui font habituellement usage, de pain, et souvent de vin. Et c'est à cette majorité du genre humain que j'ai fait allusion, quand j'ai dit tout-à-l'heure que pas un homme ne saurait subsister à moins que du pain ne se change en son corps, et du vin en son sang. En effet, la grande majorité du genre humain vit principalement de pain, et fait ordinairement usage du vin ; et c'est ce que feraient généralement tous les hommes, si dans les climats froids la terre n'était pas hors d'état de faire venir les raisins à maturité et dans d'autres plus froids encore de faire jaunir les moissons. Il n'en est pas moins incontestable, que tous les hommes, à moins d'en être empêché soit par la maladie, soit par la faiblesse de l'âge, usent ou peuvent user de pain et de vin. Mais ceux-là mêmes que la maladie ou la faiblesse de l'âge empêche d'en user, sont toujours naturellement capables de le faire. D'une manière donc ou d'une autre, tout homme fait usage de pain et de vin. Et ainsi la nature opère dans tout homme, ce qu'on nie, ou du moins ce qu'on fait difficulté de croire qui puisse se faire en Jésus-Christ. La nature opère dans tout homme à l'aide d'une digestion suffisante, ce qu'on doute que puisse faire Jésus-Christ par une bénédiction divine ! La nature, disons-nous, fait par la digestion des aliments dans le corps humain, que le pain se change en chair et le vin en sang, la partie la plus pure de ces aliments, comme le savent ceux qui sont tant soit peu initiés aux sciences humaines, se distribuant dans les membres, pour nourrir, fortifier et accroître la substance de la chair et du sang, et leur partie la plus grossière comme la moins nécessaire au soutien du corps, en étant rejetée par les canaux ordinaires. C'est ainsi, comme chacun sait, que le pain se change en notre chair et le vin en notre sang : opération qui ne s'accomplit pas dans un homme seulement, mais dans tous les hommes, ni dans un temps seulement, mais dans tous les temps. Pourquoi donc refuserait-on ou hésiterait-on de croire que Dieu peut faire par sa puissance ce que la nature fait tous les jours par la voie de la digestion ? Le pouvoir que Dieu a déployé à l'égard de la nature humaine en la créant, ne pourra-t-il pas l'exercer de même pour sa restauration ? Que toute incrédulité donc, que tout doute cesse sur ce point ; car la parole toute-puissante de Dieu, par laquelle toutes choses ont été faites, comme elle donne tous les jours au pain la vertu de se changer en chair, et au vin celle de se changer en sang par l'effet de la

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digestion, peut également faire tous les jours que par la consécration le pain et le vin soient changés dans son corps et dans son sang, je veux dire dans le corps et le sang du Fils de Dieu

fait homme. Car celui qui a dit, et tout a été fait, qui a ordonné et tout est sorti du néant peut bien faire dans sa propre personne ce qu'il fait dans la personne de tous, et opérer, en vue du salut éternel de ses fidèles ce même changement de substances qu'il opère tous les jours en vue de conserver la vie temporelle de chacun de nous. Et de plus, quoi d'étonnant à ce que Dieu fasse d'une chose une autre chose, si à l'origine du monde il a fait tout de rien ? Car, comme le disent les Pères de l'Eglise, il faut beaucoup plus de puissance pour créer ce qui n'était pas, que pour opérer un changement dans ce qui était déjà. On dira peut-être : on ne peut nier sans doute qu'une chose ne puisse être changée en mille autres différentes ; mais quand ces changements s'opèrent dans les substances, il s'en opère d'analogues dans leurs apparences ; au lieu que dans ce sacrement, la substance est changée sans que la forme le soit.

Je pourrais répondre que de telles questions sont insipides, qu'il n'appartient point à l'homme qui est si faible de s'arroger toute puissance, à l'homme qui est si borné de s'arroger toute sagesse ; d'autant plus qu'il y a une raison certaine, et évidente aux yeux de presque tout le monde, pour que le changement de substance n'entraîne pas le changement de forme. Mais comme il me faut en passer par cette nécessité de satisfaire la curiosité de ces hommes qui voudraient, s'il était possible, pénétrer les secrets mêmes du troisième ciel, donnons des exemples pour faire voir que des substances sont changées quelquefois sans qu'il se fasse de changement dans leur forme, comme j'ai montré déjà que souvent dans la nature la forme change avec la substance elle-même. Et pour ne pas nous épuiser à la recherche d'exemples tirés de loin, prenons-les dans ce que nous avons déjà cité et fait valoir pour prouver nos assertions précédentes. Par ces exemples, tirés d'objets visibles, la vérité de la foi que nous avons à ces choses invisibles sera rendue sensible aux sens mêmes du corps. Vous donc, qui que vous soyez, qui vous étonnez que la chair de Jésus-Christ soit cachée sous le symbole du pain, et son sang sous celui du vin, et qui ne pouvez concevoir que la nature même du pain et du vin soit changée sans changement des espèces, consultez vos propres yeux, et rendez-vous à leur témoignage, quelque incompétent

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qu'il soit par lui-même, pour reconnaître la vérité des choses invisibles dont il s'agit d'après ce qui se passe dans les choses même visibles. Voyez l'eau changée en glace, la glace en cristal ; vous vous convaincrez qu'il y a là changement de substances, quoique leurs formes ou leurs espèces subsistent toujours. »

30. Le grand concile de Latran, canon ou chapitre 1 : « Le corps et le sang de Jésus-Christ sont véritablement dans le sacrement de l'autel sous les espèces du pain et du vin, le pain étant transsubstantié au corps de Jésus-Christ et le vin en son sang par la puissance divine, etc. »

31. Le concile de Trente, session XIII, c. 4 : « Et parce que Jésus-Christ notre Rédempteur a dit que ce qu'il offrait sous l'espèce du pain était véritablement son corps, on a en conséquence toujours tenu pour constant dans l'Eglise de Dieu, et le saint concile définit encore de nouveau, que par la consécration du pain et du vin il se fait une conversion et un changement de toute la substance du pain en la substance du corps de Notre-Seigneur, et de toute la substance du vin en la substance de son sang ; changement qui fort à propos et dans un sens tout-à-fait propre a été nommé transsubstantiation par la sainte Eglise catholique. »

32. Ibidem, canon 32 : « Si quelqu'un dit que la substance du pain et du vin demeure au très-saint sacrement de l'Eucharistie, conjointement avec le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ et nie en conséquence ce changement admirable et singulier de toute la substance du pain dans le corps de Jésus-Christ, et de toute la substance du vin dans son sang, en sorte qu'il ne reste que les espèces du pain et du vin ; changement que l'Eglise catholique est convenue d'appeler du nom tout-à-fait exact de transsubstantiation : qu'il soit anathème. »

33. Le concile de Rome tenu sous saint Grégoire VII, dans la confession de foi de Bérenger rapportée plus haut, question IV, témoignage où il faut noter ces paroles : Le pain et le vin sont changés substantiellement dans la vraie et propre chair et dans le sang vivifiant de Notre-Seigneur Jésus-Christ. »

34. Le concile de Constance, session VIII, condamna les articles suivants de Jean Wicleff : « 1. La substance du pain et du vin matériel demeure dans le sacrement de l'autel après la consécration ; 2. les accidents ne demeurent point sans sujet dans ce sacrement. »

35. Le concile de Florence : « Le prêtre parlant au nom de

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Jésus-Christ consacre ce sacrement. Car par la vertu des paroles mêmes qu'il prononce, la substance du pain est changée en celle du corps de Jésus-Christ et celle du vin est changée en son sang. »

36. LANFRANC, Lib de sacramento Eucharistiæ : « L'Eglise répandue par toute la terre confesse que c'est du pain et du vin qui sont mis sur l'autel pour être consacrés mais que dans la consécration l'un et l'autre sont changés d'une manière incompréhensible et ineffable dans la substance de la chair et du sang (de Jésus-Christ).... Nous croyons donc que les substances terrestres qui sont sanctifiées divinement sur la table de l'autel par le ministère du prêtre, sont par l'effet ineffable, incompréhensible et tout-à-fait admirable de la puissance divine, changées en l'essence du corps de Notre-Seigneur, quoique leurs espèces et quelques autres de leurs qualités continuent de subsister, pour empêcher le dégoût qu'on éprouverait si l'on voyait de la chair crue et sanglante, et pour augmenter dans les fidèles le mérite de leur foi : le corps même de Notre-Seigneur n'en demeurant pas moins dans le ciel placé à la droite du Père, dans son état d'immortalité, d'intégrité, d'incorruptibilité, de perfection, de sorte qu'on peut dire en toute vérité que ce que nous recevons est le corps né de la Vierge sans être lui-même que c'est le corps né de la Vierge quant à l'essence, aux propriétés et à la vertu ; que ce n'est pourtant pas ce corps, si l'on fait attention à l'espèce du pain et du vin et aux autres accidents ci-dessus énoncés. C'est cette foi qu'a tenue dès les premiers temps et que tient encore l'Eglise répandue dans tout l'univers, et qui porte le nom de catholique. »

37. S. AMBROISE, Lib. de iis qui mysteriis initiantur, c. 9 : « Considérez maintenant lequel est le plus excellent du pain des anges ou de la chair de Jésus-Christ qui est certainement un corps vivifiant. La manne, ce pain des anges, tombait du ciel ; le corps de Jésus-Christ est au-dessus du ciel : la première appartenait au ciel, le second appartient au Seigneur même du ciel ; la première était sujette à se corrompre dès qu'on la gardait plus d'un jour ; le second est tellement éloigné de la corruption, que quiconque s'en nourrit avec piété devient lui-même incorruptible. Pour les Juifs l'eau a coulé d'un rocher, pour vous coule le sang de Jésus-Christ : eux, ils n'ont été désaltéré que pour le moment, et vous, vous l'êtes pour l'éternité. Le Juif boit, et il a encore soif ; pour vous, quand vous aurez bu de ce saint breuvage, vous ne serez plus altéré. Eux, ils ne possédaient que

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l'ombre, et vous vous possédez la réalité. Si l'ombre était admirable, que sera-ce donc de la réalité même ? Convainquez-vous en effet que ce n'était que l'ombre que ce qui se passait chez les Juifs. Ils buvaient, dit l'Apôtre (I Cor., X, 4), de l'eau du rocher qui les suivait ; or, ce rocher c'était Jésus-Christ. Cependant plusieurs d'entre eux ne plurent pas à Dieu, puisqu'ils périrent dans le désert. Or, tout cela était figuratif par rapport à nous. Voyez-vous maintenant lequel des deux l'emporte ? Car la lumière l'emporte sans doute sur l'ombre, la vérité sur la figure, le corps du créateur du ciel sur la manne du ciel même. Vous direz peut-être : C'est autre chose que je vois ; comment pouvez-vous m'affirmer que je reçois le sang de Jésus-Christ ? Voilà donc ce qu'il nous reste à démontrer. Que d'exemples n'aurions-nous donc pas à faire valoir, pour prouver qu'autre chose est ce que la nature a formé, autre chose est ce que la bénédiction a consacré et que la bénédiction a plus de vertu que ne peut en avoir la nature, puisqu'elle va jusqu'à changer la nature même ? Moïse jette à terre le bâton qu'il tenait, et ce bâton se change en serpent. Il ressaisit ce serpent par la queue, et le serpent redevient ce qu'il était d'abord. Ne voyez-vous pas dans ce miracle la nature, soit du serpent, soit du bâton de Moïse, deux fois changée ? Les eaux des fleuves de l'Egypte étaient pures ; tout-à-coup on les voit couler en sang, en sorte qu'on ne pouvait plus en boire. Mais voici que le prophète prie, et le sang disparaît des fleuves, et leurs eaux reprennent leur nature. Le peuple hébreu se voyait cerné d'un côté par les Egyptiens, de l'autre par la mer. Moïse lève sa verge, et l'eau se sépare, se condense comme un rempart, et un chemin solide s'ouvre à ce peuple au sein des eaux. Le Jourdain reflue et remonte vers sa source contre sa propre nature. N'est-il pas clair qu'ici la nature, et de la mer, et des fleuves, a été changée ? Le peuple se mourait de soif ; Moïse frappe un rocher, et il en sort de l'eau. La grâce (Il faut attacher ici à ce mot grâce, comme dans les exemples suivant, la simple idée d'un pouvoir surnaturel) n'agissait-elle pas encore ici contre la nature, en faisant sortir de ce rocher de l'eau, que la nature lui refusait auparavant ? Telle était l'amertume des eaux de Mara, que le peuple ne pouvait en boire. Moïse y jette un peu de bois, et l'eau perd son amertume, corrigée ainsi par l'action instantanée de la grâce. Un des fils de prophètes qui suivaient Elisée laisse échapper et couler au fond de l'eau le

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fer de sa coignée. A sa prière, Elisée jette aussi du bois dans l'eau, et le fer surnage, assurément contre sa nature : car le fer est naturellement plus pesant que l'eau. Nous voyons donc que la vertu de la grâce est supérieure à celle de la nature, et cependant nous ne parlons encore que de la grâce attachée à la bénédiction des prophètes. Si donc la bénédiction donnée par des hommes a pu changer la nature, qu'aurons-nous à dire de celle donnée par un Dieu, ou de la bénédiction attachée par le Sauveur à ses propres paroles ? Car ce sont les paroles de Jésus-Christ qui opèrent dans ce sacrement qui vous est conféré. Si une parole d'Elie a pu faire descendre le feu du ciel, la parole de Jésus Christ n'aurait-elle pas le pouvoir de changer les éléments ? Vous avez lu ces paroles dans l'histoire de la création du monde : Dieu a dit, et tout a été fait ; il n'a fait qu'ordonner, et tout a été tiré du néant (Ps. CXLVIII, 5). La parole de Jésus-Christ, qui a pu faire de rien ce qui n'était pas, ne pourra-t-elle donc faire que ce qui est déjà devienne autre que ce qu'il était ? Il ne faut pas plus de pouvoir sans doute pour changer la nature des choses, que pour la créer toute entière. Mais pourquoi tant de raisonnements ? Servons-nous plutôt des exemples que nous fournit Jésus-Christ ; et par celui de l'Incarnation, établissons la vérité du mystère de l'Eucharistie. Est-ce selon l'ordre naturel que Notre-Seigneur Jésus-Christ est né de Marie ? Si nous consultons cet ordre, nous ne voyons de génération possible qu'au moyen de l'union des sexes de l'homme et de la femme. Il est donc bien clair que c'est contre l'ordre de la nature que cette vierge a pu devenir mère. Or, le corps que nous produisons sur l'autel est ce même corps qui est né d'une vierge. A quoi bon chercher ici l'ordre de la nature, puisque ce n'est que contre cet ordre que ce même corps a pu naître ? C'était assurément le vrai corps de Jésus-Christ qui était crucifié, qui était mis au tombeau ; c'est donc lui aussi qui est véritablement dans ce sacrement. Jésus-Christ nous le fait entendre hautement lui-même : Ceci est mon corps, a-t-il dit. Avant la bénédiction attachée à ces paroles célestes cette substance porte un autre nom ; après la consécration au contraire elle ne s'appelle plus que le corps de Jésus-Christ. Lui-même a dit aussi : Ceci est mon sang. Avant la consécration c'est une autre substance ; après la consécration c'est le sang de Jésus-Christ. Et vous, vous répondez Amen, c'est-à-dire cela est vrai. Croyez donc de cour ce que vous confessez de bouche, et que vos sentiments intérieurs soient conformes à vos paroles. »

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38. THEOPHYLACTE, in caput XIV Marci : passage cité plus haut, question II, témoignage 2, page 276.

39. Le même, in caput VI Joannis ; passage cité ibidem, témoignage 4, page 277.

40. S. GREGOIRE de Nysse, in Oratione catecheticâ quæ dicitur magna, c. 37 : « Nous cherchions à nous expliquer comment le corps de Jésus-Christ contenu dans ce sacrement peut vivifier tous ceux qui ont la foi, et, à qui il est distribué sans diminution de lui-même, quelque grand que soit le nombre de ceux qui y participent. Peut-être ne sommes-nous pas loin de la vérité en répondant que l'homme ne subsiste qu'au moyen des aliments, c'est-à-dire du manger et du boire ; que ce qui constitue le manger c'est principalement le pain, et que le vin et l'eau constituent le boire. Or, le Verbe de Dieu, qui est Dieu, comme nous l'avons dit, s'étant uni la nature humaine, n'a pas prétendu changer notre nature ; mais il a voulu que son corps se soutînt par les mêmes moyens que les nôtres, c'est-à-dire par le manger et par le boire. Le manger, c'est le pain. De même donc que par rapport à nous, comme nous l'avons déjà dit plus d'une fois, en voyant le pain, on voit en quelque façon le corps de l'homme, puisque ce pain, pris une fois comme aliment, s'identifie avec le corps ; ainsi (M. Labbesse (Chefs d'ouvre, t. X, p.190) a traduit autrement ce passage, et fait dire à saint Grégoire : « De même celui qui a reçu le Seigneur en recevant le pain est devenu semblable à lui. » Ce qui nous paraît être un véritable contresens, qu'on pourra trouver suivi même de plusieurs autres) le corps que Dieu s'est uni, du moment où il s'était nourri de pain, devenait en quelque sorte la substance de ce pain, qui, comme je l'ai dit, devenait lui-même une même chose avec son corps. Car le corps de Jésus-Christ devait avoir toutes les propriétés communes à nos corps, et par conséquent celle aussi de trouver dans le pain son aliment. Mais ce corps, étant d'ailleurs uni au Verbe, se trouvait élevé à la dignité divine. J'ai donc raison de penser que maintenant encore le pain sanctifié par la parole de Dieu (Dei verbo) est changé (transmutari) dans le corps du Verbe de Dieu (in Dei verbi corpus). Car le pain contenait virtuellement ce corps même. Mais il a été sanctifié par la présence du Verbe, qui est venu habiter dans la chair comme dans son temple. Puis donc que le pain  transsubstantié (transmutatus) en ce corps s'est trouvé divinisé par là-même, un fait semblable doit reproduire de semblables consé-

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quences. Car, comme alors la grâce du Verbe a sanctifié le corps qu'il s'était uni, et dont la substance, alimentée par le pain, était pain en quelque façon ; de même ici le pain, comme dit

l'Apôtre (I Tim., IV, 5), est sanctifié par la parole de Dieu (Dei verbo) et par la prière et devient le corps du Verbe (corpus Verbi), non plus, il est vrai, par voie d'alimentation, mais, comme je viens de le dire, par l'effet de la parole qui le transsubstantie (a verbo transmutatus), à savoir par la vertu de ces paroles : Ceci est mon corps. De plus, comme pour entretenir la chair de l'homme dans un état de vie, il faut qu'il s'y mêle des humeurs, dans lesquelles notre organisation terrestre ne pourrait se conserver, c'est pour cela que si, d'une part, nous assurons l'existence à notre corps par une nourriture substantielle, nous fournissons de l'autre aux humeurs un principe de même nature qu'elles, qui, mêlé à notre substance, se décompose et devient du sang, surtout si le vin y ajoute sa chaleur. La chair que Dieu s'est unie devait aussi en ce point ressembler à la nôtre ; et puisque le Verbe s'est fait homme pour diviniser notre humanité en lui communiquant sa divinité même, il rend par l'effet de sa grâce tous les fidèles participants de sa chair en s'unissant à leurs corps, dont l'aliment ordinaire est le pain et le vin, afin que leur union avec sa substance immortelle les rende immortels eux-mêmes. Et telle est la vertu des paroles de bénédiction par lesquelles les symboles sacrés sont transsubstantiés au corps de Jésus-Christ (in ilud transelementatâ eorum quæ apparent naturâ). »

41. GUITMOND, archevêque d'Averse, Lib. III de sacramento Eucharistiæ adversùs Berengarium, après avoir réfuté ceux qui nient la présence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, ajoute : « Cela soit dit contre les partisans du sens figuré. Maintenant il s'agit pour nous de combattre ces autres adversaires qui, cédant à la force de la vérité, sont forcés d'avouer que la substance du corps de Notre-Seigneur est réellement présente dans l'Eucharistie, mais qui refusent en même temps de croire que le pain et le vin sont changés par la vertu des paroles du Sauveur dans son corps et dans son sang, et qui mêlant ainsi à la substance du corps de Jésus-Christ la substance du pain et du vin, ont par leurs subtilités formé une nouvelle hérésie. Je les appelle autres que les premiers, à cause de cette autre erreur, quoiqu'au fond ils ne s'en distinguent guère. Car premièrement, autant qu'ils le peuvent et qu'ils trouvent de gens disposés à les entendre, ils s'attachent à soutenir que le sacre-

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ment ne contient rien de la substance du corps et du sang de Jésus-Christ. Mais cette position, comme nous l'avons dit, ne leur paraissant bientôt plus tenable, ils aiment mieux avoir recours à cette autre impiété, que de partager humblement une même croyance avec le commun des fidèles. » Guitmond répond à leurs raisons, puis il dit : « Ces raisons étant de nulle valeur, et nos adversaires n'en ayant point d'autres à nous opposer, quelle folle prétention ont-ils donc d'impaner, pour ainsi dire, et d'inviner (impanent et invinent) Jésus-Christ de leur autorité privée ? Que le Christ se soit incarné, à la bonne heure ; c'est ce que requérait le dessein qu'il s'était proposé de nous racheter : les prophètes l'avaient prédit, lui-même l'a montré par le fait, les apôtres en ont fait le sujet de leur prédication, et le monde s'est soumis à le croire. Mais que le Christ s'impane ou s'invine, c'est, comme je l'ai dit, ce qu'aucune raison n'oblige d'affirmer, ce que les prophètes n'ont point prédit ce que le Christ n'a montré par aucun fait, ce que les apôtres n'ont point prêché, ce que le monde enfin n'a point cru, jusqu'ici, sauf le très-petit nombre de ces hérétiques D'où leur est donc venu cette funeste erreur ? Le monde entier s'accorde à dire : De même que l'âme raisonnable et la chair unies ensemble font un seul et même homme, de même Dieu et l'homme unis ensemble font un seul et même Christ. Personne n'ose dire : De même Dieu et l'homme, et le pain et le vin unis ensemble, font un seul et même Christ. D'où leur vient donc cette manie d'impanation (companatio) ? Le savant archevêque produit ensuite plusieurs témoignages des Pères qui prouvent le changement du pain dans le corps de Jésus-Christ et du vin dans son sang, et il ajoute : « Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même a tué d'avance ces impanateurs du souffle de sa bouche, lorsque prenant le pain entre ses mains, il le bénit après avoir rendu grâces, et dit ces paroles : Ceci est mon corps. Il ne dit pas : Dans ceci est caché mon corps ; il ne dit pas : Dans ce vin est caché mon sang ; mais il dit : Ceci est mon sang, etc. Pour moi, plus je réfléchis sur cette idée d'impanation, plus je me trouve dans l'impuissance d'exprimer 1'étonnement, et tout à la fois l'indignation que j'éprouve à la vue de la sotte témérité de ces hommes, et de leur folle présomption. Car d'opposer des raisons humaines à l'autorité divine, c'est déjà folie ; mais c'est bien plus extravagant de résister à cette souveraine autorité sans raison quelconque. Mais de plus, aboyer sans relâche contre Dieu, sans avoir de raisons à son appui et en les

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ayant toutes contre soi, c'est extravaguer au-delà de tout ce qu'il est possible de dire. Surpassant en perversité les plus pervers, ils font tant, que les partisans du sens figuré sont justifiés à nos yeux, si nous osons le dire, en comparaison d'eux-mêmes. Car les premiers ne pouvant s'élever au-dessus du rapport de leurs sens, semblent ne s'être trompés que par faiblesse en quelque sorte ; au lieu que ces derniers ne pouvant justifier leur erreur ni par le témoignage de leurs sens, ni par la raison, ni par l'autorité de l'Ecriture, paraissent obéir uniquement à l'orgueil le plus présomptueux, le plus extravagant, lorsque, malgré tous les témoignages de la nature, dont ils prétendent cependant avec tant de chaleur défendre les droits (car on ne peut concevoir naturellement comment dans un corps solide, tel que le pain, pourrait se cacher un autre corps solide), malgré tous les témoignage de nos livres saints, et n'ayant en laveur de leur opinion ni témoignage des Pères, ni oracles divins, ni miracles à faire valoir, ils n'en persistent pas moins dans leur aveugle opiniâtreté à combattre la foi catholique si solidement défendue, sans doute pour s'épargner la confusion de paraître vaincus par elle. »
 
 

QUESTION V
 
 

Le sacrement de l'Eucharistie doit-il être pour nous un objet de culte et d'adoration ?

La religion demande particulièrement de nous que nous rendions un culte convenable à celui que nous croyons présent dans l'Eucharistie, c'est-à-dire le culte que des créatures doivent à leur créateur, des sujets à leur maître, des esclaves affranchis à leur rédempteur souverain.

L'Ecriture nous intime ce devoir en ces termes : Que tous les anges de Dieu l'adorent.... Tous les rois de la terre l'adoreront, tous les peuples lui seront assujettis. Ailleurs le prophète divinement inspiré, contemplant en esprit ce sacrement, et tout ce qu'il présente de grand au cour de l'homme, ne se contente pas de dire : Les pauvres mangeront, et ils seront rassasiés, et ils loueront le Seigneur ; mais il ajoute : Toutes les familles des nations seront dans l'adoration en sa présence ; et encore : Tous ceux qui se sont engraissés des biens de la terre ont mangé et ont adoré.

On applaudit aux mages, et aux autres dont il est parlé dans l'Evangile, qui ont rendu les honneurs divins à Jésus-Christ

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encore revêtu d'une chair mortelle, en se prosternant devant lui et en l'adorant. Or, c'est ce même Jésus-Christ qui s'offre maintenant à nous dans l'Eucharistie, non plus dans son état de mortalité, mais dans un état d'immortalité environné de gloire et au plus haut degré de puissance. C'est donc à bien juste titre que nous témoignons de notre foi par notre maintien et nos sentiments religieux, en rendant à cette souveraine majesté nos devoirs de soumission et de reconnaissance, et en nous adressant à elle avec le juste sentiment de notre dépendance comme de nos besoins.
 
 
 
 

TEMOIGNAGES DE L'ECRITURE.
 
 

1. MATTHIEU, IV, 10 : « Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui. »

2. Apocalypse, XIV, 7 : « Adorez celui qui a fait le ciel et la terre, et la mer, et tout ce qu'ils contiennent, et les sources des eaux. »

3. Apocalypse, XIX et XXII : « Adorez Dieu. »

4. Hébreux, I, 6 : « Et lorsqu'il introduit de nouveau son premier-né dans le monde, il dit : Que tous les anges de Dieu l'adorent. »

5. Psaume XCVI, 8 : « Adorez-le, vous tous qui êtes ses anges. Sion l'a entendu, et elle s'en est réjouie. »

6. Psaume LXXI, 71 : « Tous les rois de la terre l'adoreront : toutes les nations lui seront assujetties. »

7. Psaume XXI, 27-29 : « Les pauvres mangeront et ils seront rassasiés, et ceux qui cherchent le Seigneur le loueront, etc. -

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Et tous les divers peuples des nations seront dans l'adoration en sa présence. »

8. MATTHIEU, II, 11 : « Et en entrant dans la maison, ils trouvèrent l'enfant avec Marie sa mère ; et se prosternant ils l'adorèrent. »

9. JEAN, IX, 35, 38 : « Croyez-vous au Fils de Dieu, etc. ? Et Se prosternant, il l'adora. »

10. MATTHIEU, XIV, 33 : « Alors ceux qui étaient dans la barque, s'approchant de lui, l'adorèrent en lui disant : Vous êtes vraiment le Fils de Dieu. »

11. MATTHIEU, IX, 18 : « Un chef de la synagogue l'aborda et l'adora. »

12. Ibidem, XXVIII, 16-17 : « Cependant les onze disciples s'en allèrent en Galilée sur la montagne que Jésus leur avait indiquée. - Et le voyant, ils l'adorèrent. »

13. LUC, XXIV, 51-52 : « Et il s'enleva au ciel. - Pour eux, après l'avoir adoré, ils s s'en retournèrent à Jérusalem tout remplis de joie. »

14. Romains, VI, 9 : « Jésus-Christ étant ressuscité d'entre les morts ne mourra plus, et la mort n'aura plus d'empire sur lui. »

15. Psaume XCIV, 1, 3-5 : « Venez, réjouissons-nous devant le Seigneur. - Parce que le Seigneur est le grand Dieu, et le grand roi au-dessus de tous les dieux ; - parce que la terre dans toute son étendue est en sa main, et que les hautes montagnes lui appartiennent ; - parce que la mer est à lui, etc. »
 
 
 
 

TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
 
 

1, S. AUGUSTIN, in Ps. XCVIII, sur ces paroles : Adorez l'escabeau de ses pieds, parce qu'il est saint : « Qu'avons-nous à adorer ? L'escabeau de ses pieds. Ce que les latins ont appelé scabellum, escabeau ; d'autres suppedaneum, c'est-à-dire marchepied, ou ce qu'on met sous les pieds. Mais considérez, mes frères, ce qu'il nous est ordonné d'adorer ici. Ailleurs 1'Ecriture dit (ISAIE, LXVI, 4) : Le ciel est ma demeure, et la terre n'est que l'escabeau de mes pieds. Est-ce donc la terre qu'elle nous ordonne d'adorer, puisqu'elle dit que c'est là l'escabeau des pieds de Dieu ? Et comment nous sera-t-il permis d'adorer la terre, lorsque d'un autre côté l'Ecriture nous dit ouvertement : Vous adorerez le Seigneur votre Dieu (MATTH., IV; Deut., VI) ? Et maintenant c'est l'escabeau des pieds de Dieu que nous devons adorer ? Et par cet escabeau, il faut entendre la

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terre ? Je ne sais quel parti prendre : d'un côté, je n'ose adorer la terre, de peur d'entendre ma condamnation sortir de la bouche de celui qui a fait le ciel et la terre. De l'autre, je n'ose me refuser à adorer l'escabeau des pieds de mon Dieu, puisque le Psalmiste nous crie : Adorez l'escabeau de ses pieds. Je veux savoir quel est l'escabeau de ses pieds, et l'Ecriture me répète : La terre est l'escabeau de mes pieds. Dans ma perplexité je m'adresse à Jésus-Christ, puisque c'est lui que je cherche dans toute celle étude, et je trouve le moyen de pouvoir sans impiété adorer la terre, ou le marchepied de Dieu. Car c'est de la terre qu'il a pris le corps dont il a daigné se revêtir, puisque la chair vient de la terre, et que c'est de la chair de la chaste Marie qu'il a pris son corps. Et puisqu'il a vécu ici-bas revêtu de cette chair, et qu'il nous la donne en aliment pour notre salut, comme d'ailleurs personne ne prend cet aliment divin sans l'avoir préalablement adoré, nous savons maintenant comment il se fait qu'on adore cet escabeau de ses pieds, en sorte que non-seulement nous ne péchons pas en l'adorant, mais que nous pécherions même si nous ne l'adorions pas. Mais est-ce la chair qui vivifie ? Notre-Seigneur nous a dit lui-même, tout en nous recommandant l'ouvrage de terre dont il s'agit : C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. C'est pourquoi, lorsque vous vous inclinez et vous prosternez devant tel ou tel ouvrage de terre, considérez bien moins la terre elle-même, que le Saint par excellence qui a pour escabeau de ses pieds ce que vous adorez ; c'est pour cela que le Psalmiste a su ajouter : Adorez l'escabeau de ses pieds, parce qu'il est saint. »

2. S. AMBROISE, Lib. III de Spiritu Sancto, c. 12 : « Quel est donc cet escabeau qui est sous les pieds du Seigneur ? Car nous lisons ailleurs ces paroles : Le ciel est mon trône, et la terre est l'escabeau qui est sous mes pieds. Or, nous ne devons pas adorer la terre, parce que ce n'est qu'une créature.

« Voyons néanmoins si la terre que le prophète veut que nous adorions ne serait pas cette terre dont le Seigneur Jésus s'est revêtu dans son incarnation. Il faut donc entendre la terre par cet escabeau dont parle le Prophète, et par cette terre la chair de Jésus-Christ, laquelle nous adorons aussi aujourd'hui dans les saints mystères, et que les apôtres adorèrent autrefois en sa personne ; car Jésus-Christ n'est point divisé : Jésus-Christ est indivisible, il est un ; et quand nous l'adorons comme Fils de Dieu, nous ne méconnaissons pas en lui sa qualité de fils de Marie. »

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3. Le concile de Trente, sess. XVIII, chapitre 5 : « II ne reste donc aucun lieu de douter que tous les fidèles selon la coutume reçue de tout temps en l'Eglise catholique, ne soient obligés d'honorer le très-saint sacrement du culte de latrie qui est dû au vrai Dieu. Car, quoiqu'il ait été institue par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour être pris et reçu par les fidèles, on ne doit pas moins l'adorer, puisque nous y croyons présent le même Dieu, de qui le Père éternel en l'introduisant dans le monde, a dit : Et que tous les anges de Dieu l'adorent (Ps. XCVI) ; le même que les mages, se prosternant en terre, ont adoré ; le même enfin que l'Ecriture témoigne avoir été adoré par les apôtres en Galilée. Le saint concile déclare de plus que la coutume a été très-saintement et très-pieusement introduite dans l'Eglise, de destiner tous les ans un certain jour et une fête particulière pour rendre honneur à cet auguste et adorable sacrement avec une vénération et une solennité particulières et pour le porter en procession avec respect et avec pompe par les rues et les places publiques ; car il est bien juste qu'il y ait certains jours de fête établis auxquels tous les chrétiens puissent, par quelque démonstration solennelle et extraordinaire de respect, témoigner leur gratitude et leur reconnaissance envers leur commun Maître et Rédempteur, pour un bienfait si ineffable et si divin, par lequel la victoire et le triomphe de sa mort sont rappelés à notre mémoire. Et d'ailleurs, il est nécessaire aussi que la vérité victorieuse triomphe ainsi du mensonge et de l'hérésie, afin que ses adversaires, à la vue d'un si grand éclat et au milieu d'une si grande joie de toute l'Eglise, ou perdent tout courage et sèchent de dépit, ou que touchés de honte et de confusion, ils viennent enfin à se reconnaître. »

4. Même session, canon 6 : « Si quelqu'un dit que Jésus-Christ fils unique de Dieu, ne doit pas être adoré au saint sacrement de l'Eucharistie d'un culte de latrie, même extérieur ; et que par conséquent il ne faut pas non plus l'honorer d'une fête solennelle et particulière, ni le porter avec pompe et appareil aux processions, selon la louable coutume et l'usage universel de la sainte Eglise, ou qu'il ne faut pas l'exposer publiquement au peuple pour le faire adorer, et que ceux qui l'adorent sont idolâtres : qu'il soit anathème. »

5. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I, epist. 2 : « Mais vous insistez encore, et vous dites : Je veux que la chair de Jésus-Christ ait été donnée aux hommes pour qu'ils la vénèrent

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et l'adorent avec toute sorte de respect dans tous les siècles ; mais pourquoi la leur donner aussi pour qu'ils la mangent ? Car il est évident pour tous les fidèles qu'on doit l'honorer et l'adorer.... Jésus-Christ donne clairement sa chair aux hommes, il leur donne son sang, non pas seulement pour être l'objet de leur respect et de leurs adorations, mais aussi pour leur servir d'aliment et de breuvage. »

6. EUTHYME, in Ps. XXI : Les pauvres mangeront, et seront rassasiés, etc. « Les pauvres, ce sont tous les vrais chrétiens, ceux du moins qui se nourrissent de l'aliment spirituel de la doctrine évangélique, véritable nourriture et véritable soutien de l'âme. Ou bien cela veut dire : Les fidèles mangeront le corps du Sauveur, et boiront son sang et ils seront rassasiés, remplis qu'ils seront de l'Esprit-Saint, et ils célébreront par des hymnes dans ce festin sacre les louanges de Dieu. De sorte que ce verset contient une prédiction, non-seulement de la prédication de l'Evangile, mais encore de l'établissement de ce banquet mystique et sacramentel. Leurs cours vivront dans les siècles des siècles. Le Seigneur dit en effet dans 1'Evangile : Je suis le pain de vie ; et : Celui qui mangera de ce pain vivra éternellement, savoir, s'il observe en même temps les commandements du divin maître. Par le cour, l'écrivain sacré entend ici tout l'homme, parce que dans tout être vivant c'est le cour qui est comme le foyer de la vie. C'est comme si le Psalmiste disait : Ils mourront, il est vrai, mais ils ressusciteront pour la vie éternelle. »

7. EUSEBE, in Catenâ doctorum græcorum in Psalmos, sur le même verset : « Il dit premièrement : Ils mangeront ; bientôt après il dit : Tous ceux qui se sont engraissés des biens de la terre ont mangé et ils ont été rassasiés. Après avoir mangé, ils sont appelés gras, pingues ; avant qu'ils mangeassent de ce repas auquel ils étaient tous invités, ils étaient appelés pauvres. Mais quel est le fruit à recueillir de cette action? Leurs cours vivront dans les siècles des siècles ; car le pain de vie qu'il nous donne produit l'immortalité et la vie éternelle. Il dit en effet : Je suis le pain de vie, qui est descendu du ciel, et qui donne la vie éternelle. Et encore : Si quelqu'un mange de mon pain, il vivra éternellement, etc. Vous voyez comme tout s'accorde dans ce psaume : Les pauvres mangeront, et ils seront rassasiés et leurs cours vivront dans les siècles des siècles. »

8. S. AUGUSTIN, in Ps. XXI, expositione I : « Les riches de la terre ont aussi mangé le corps que leur Dieu a bien voulu

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prendre ; et s'ils n'ont pas été rassasiés comme les pauvres jusqu'à être amenés à l'imiter (dans son renoncement à tout), ils l'ont adoré du moins. »

9. Le même, Epist. CXX ad Honoratum, c. 24 : « J'acquitterai mes voux à la vue de ceux qui le craignent. Par ses voux il entend le sacrifice de son corps, qui est le sacrement des fidèles. C'est pourquoi, après avoir dit : J'acquitterai mes voux à la vue de ceux qui le craignent, il ajoute aussitôt : Les pauvres mangeront, et ils seront rassasiés ; car ils seront rassasiés du pain descendu du ciel, si, s'attachant à sa doctrine, et vivant dans sa paix et son amour, ils imitent son humilité. Les apôtres ont été particulièrement pauvres de cette manière, et rassasiés aussi plus que tous les autres. »

10. Ibidem, c. 27 : « Tous les riches de la terre ont mangé et ont adoré. Par les riches de la terre nous devons entendre les orgueilleux, si c'est avec justesse que nous entendrons tout-à-l'heure par pauvres les humbles, de qui le Seigneur a dit dans l'Evangile : Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est a eux. Car ce n'est pas sans motif que le Psalmiste les a distingués les uns des autres, en disant premièrement des pauvres : Les pauvres mangeront et seront rassasiés ; puis des riches : Tous ceux qui sont engraissés des biens de la terre ont mangé et ont adoré. En effet, eux aussi ont été attiré à la table de Jésus-Christ et participent à son corps et à son sang ; mais ils adorent seulement sans être rassasiés parce qu'ils ne vont pas jusqu'à l'imitation. Car tout en mangeant celui qui s'est fait pauvre pour l'amour de nous, ils dédaignent d'être pauvres eux-mêmes, quoique Jésus-Christ ait souffert en nous laissant son exemple pour que nous suivions ses traces (I PETR., II, 21). Mais, parce qu'il s'est humilié lui-même en se rendant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix, les riches dédaignent et refusent de s'abaisser de même, par crainte, il est vrai, plutôt que par grandeur d'âme, et par conséquent par infirmité, plutôt que par preuve de leur force. Mais comme Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, de sorte qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers (Phil., II, 9), les riches frappés de sa gloire et de sa renommée répandue dans tout l'univers viennent eux-mêmes à la table mystique, mangent et adorent, mais sans être rassasiés parce qu'ils n'ont pas faim et soif de la justice. »

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11. S. CHRYSOSTOME, Homil. XXIV in Epist. I ad Corinthios (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. X, p.218, édit. de Montfaucon ; p.255, édit. de Gaume) : « C'est ce corps qu'ont révéré les mages en le voyant couché dans la crèche. Ces hommes de pays barbares et infidèles ont abandonné pour cela leur patrie, leurs foyers, ont entrepris un long voyage, et arrivés au pied du divin enfant, ils l'ont adoré avec crainte et tremblement. Imitons donc au moins ces barbares, nous qui sommes citoyens des cieux. Eux, ils n'avaient devant les yeux qu'une crèche et une pauvre chaumière, rien de cet appareil qui vous apparaît maintenant, et ils se sont approchés avec beaucoup de respect ; vous, vous le voyez non dans la crèche, mais sur l'autel ; ce n'est pas une femme qui le tient, c'est un pontife qui le sert, c'est l'Esprit-Saint qui répand ses grâces avec abondance sur ses symboles sacrés. Vous ne voyez pas simplement son corps, comme ces sages de la gentilité ; mais vous savez sa puissance, tout le détail de sa mission divine, vous n'ignorez rien des mystères qu'il a accomplis, vous avez été instruits exactement de tout. Réveillons donc notre foi et nos sentiments de respect, et montrons encore plus de piété que ces barbares, de peur qu'en approchant témérairement, et comme pour une action profane, nous n'amassions des charbons de feu sur nos têtes. Je dis cela, non pour vous défendre d'approcher, mais pour que vous n'approchiez pas témérairement. »

12. Le même, in Matth., hom. VIII (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. VII, p.111-114, édit. de Montfaucon ; p.129-132, édit. de Gaume) : « Suivons donc, nous aussi, les mages., et empressons-nous d'aller à Jésus : quand même tout le monde en serait troublé, courons nous autres à la demeure de l'enfant ; quand même les rois, quand même les peuples, quand même les tyrans voudraient nous intercepter le chemin, ne négligeons rien pour satisfaire notre désir. C'est par une telle résolution que nous triompherons de tous les dangers. Les mages eux-mêmes, s'ils n'avaient pas vu l'enfant, n'auraient pas échappé au piège que leur tendait le roi des Juifs. Avant qu'ils fussent parvenus à la crèche, les frayeurs, les périls, les troubles les assaillaient de toutes parts ; mais dès qu'une fois ils eurent adoré l'enfant, ils jouirent du calme et de la sécurité ; devenus pontifes par le fait même de l'hommage religieux qu'ils viennent de rendre, ou de l'offrande qu'ils

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viennent de faire, ce n'est plus une étoile, c'est un ange qui désormais leur sert de guide. Vous donc aussi, laissant là le peuple juif, la ville tout entière jetée dans le trouble, le tyran sanguinaire, la vaine pompe du siècle, hâtez-vous d'arriver à Béthléhem où se trouve la maison du pain mystique (Béthléhem, d'après son origine hébraïque, veut dire maison de pain). Fussiez vous simple berger, entrez toujours, et vous verrez l'enfant dans la crèche. Fussiez-vous roi, si vous n'entriez pas, votre pourpre ne vous servirait de rien ; fussiez-vous mage, que cela ne vous empêche pas d'entrer, pourvu que vous veniez pour vénérer et adorer, et non pour fouler aux pieds le Fils de Dieu ; que vous vous acquittiez de ce devoir avec crainte en même temps qu'avec joie : car ces deux sentiments peuvent s'allier ensemble. Mais prenez garde de ressembler à Hérode et de dire comme lui : Pour que j'aille aussi l'adorer moi-même, tout en méditant le projet de le faire mourir. Car c'est à ce roi impie que ressemblent ceux qui s'approchent indignement des saints mystères, puisque l'Apôtre a dit (I Cor., XI, 27) : Celui qui mange et qui boit indignement, devient coupable du corps et du sang du Sauveur. En effet, les gens de ce caractère portent en eux-mêmes un tyran qui envie au Christ sa royauté, un tyran qui s'appelle Mammon, et qui est plus injuste même que le roi Hérode. Car pour se saisir de Jésus il envoie ceux qu'il a à son service, et qui, s'approchant en apparence pour l'adorer, l'égorgent dans l'acte même de l'adoration. Craignons donc aussi de n'avoir que le maintien de suppliants et d'adorateurs, et de nous montrer tout autres dans la réalité. Pour l'adorer, faisons le sacrifice de tout. Si c'est de l'or que nous avons entre les mains, faisons-lui-en l'offrande, au lieu de l'enfouir, comme font les avares. Car si alors ces étrangers lui offrirent leur or simplement par honneur, que dira-t-on de vous si vous refusez le vôtre même à son besoin ? S'ils ont fait un si long voyage pour jouir de la vue de Jésus nouveau-né quelle excuse pourrez-vous avoir en refusant de faire seulement un pas vers un village voisin, pour le visiter dans la maladie ou dans la prison ? Eh quoi ! nous avons compassion de nos ennemis mêmes lorsque nous les voyons dans la peine ou dans la captivité ; et vous, vous seriez sans pitié pour votre bienfaiteur et votre maître ? Les mages ont offert leur or ; et vous, vous lui refuseriez votre pain ? Ils furent remplis de joie

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en revoyant l'étoile ; et vous, vous resteriez insensible à la vue de Jésus-Christ pauvre et nu ? Eh! qui de vous, après avoir reçu de lui mille bienfaits, a entrepris pour lui un voyage lointain, comme l'ont fait ces barbares, je me trompe, ces philosophes sages entre tous les philosophes du monde ? Eh! qu'ai-je à parler d'un voyage lointain ? Il y a parmi vous des femmes d'une telle mollesse, qu'elles ne feraient pas le trajet le plus court pour le visiter dans sa crèche mystique, à moins de s'y faire porter sur des mules. D'autres, qui ne craindraient pas de faire la route, préfèrent à ce pèlerinage, les uns le tracas des affaires séculières, les autres les spectacles des théâtres mondains. Enfin ces barbares n'avaient pas encore vu Jésus-Christ et quoiqu'ils ne le connussent pas, ils n'en firent pas moins pour lui un si long voyage ; et vous qui le connaissez, vous ne les imitez pas, mais vous dédaignez de retourner le voir, et vous lui préférez un comédien. Vous laissez Jésus-Christ que vous voyez dans la crèche pour aller voir des femmes sur le théâtre. Quels châtiments ne méritent pas de si indignes procédés ? Car, dites-moi, si quelqu'un vous promettait de vous introduire dans le palais impérial et de vous y faire voir l'empereur assis sur son trône, préféreriez-vous ce spectacle celui du théâtre ? Et pourtant la vue du trône impérial ne vous rendrait ni plus puissant ni plus riche. Ici au contraire, et de ce banquet sacrée coule pour vous une source spirituelle de feu purifiant. Et vous désertez ce banquet, et vous courez au théâtre pour voir des femmes au bain, et la pudeur foulée aux pieds, tandis que Jésus-Christ qui a ici son trône, n'obtient que vos dédains Il est ici près de la fontaine, adressant ses instructions, non plus à la Samaritaine seulement, mais à la ville entière ; hélas peut-être en effet à une seule samaritaine. Car personne maintenant ne reste auprès de lui ; mais les uns sont seulement présents de corps, les autres ne le sont d'aucune manière. Malgré cette désertion, lui-même ne quitte pas ce lieu, mais il persiste à nous demander à boire, non de l'eau, mais de saintes affections, car c'est aux saints qu'il réserve les choses saintes. Et ce n'est pas de l'eau qu'il nous offre pour notre part de ce banquet, c'est son sang plein de vie, son sang, symbole de sa mort, mais devenu principe de vie. Et vous vous éloignez de cette fontaine de sang précieux, de ce calice du salut, pour aller dans ces repaires diaboliques voir nager une prostituée et causer le naufrage à votre âme ? »

13. S. CHRYSOSTOME, Homil. LXI ad populum Antiochenum, ou

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3° homélie sur l'épître aux Ephésiens (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. XI, p.23, édit. de Montfaucon ; p.26-27, édit. de Gaume) : « Considérons que la matière de ce banquet, c'est le corps de celui qui est assis au plus haut des cieux et qui est adoré par les anges. C'est une table royale qui vous est apprêtée ; des anges en sont les ministres, le roi lui-même s'y trouve présent ; et vous vous y laissez emporter par le sommeil ! Vous vous y présentez avec des habits malpropres, et vous vous y tenez avec indifférence ! Mais mes habits sont propres, dites-vous. Prenez-y donc place, et soyez du festin.... Lorsque la victime est offerte, que le Christ, cet agneau divin, est immolé, lorsque vous entendez ces mots : Prions tous ensemble (Paroles de la liturgie alors usitée), lorsque vous voyez tirer les rideaux, pensez alors que le ciel s'entrouvre, et que les anges descendent. »

14. Le même, Liv. VI du Sacerdoce : « Voyez alors, voyez les anges se presser autour de lui ; le chour des célestes vertus descendu dans le sanctuaire qu'il remplit, chanter des hymnes saints en l'honneur du grand roi qui trône sur l'autel ! Ce qui s'y passe en ce moment suffit pour en donner la foi. Quant à moi, je me souviens d'avoir entendu un vieillard, homme d'une grave autorité et qui plus d'une fois avait été honoré de ces sortes de révélations, raconter que dans une vision il avait vu, autant que la chose est possible à un simple mortel, les anges revêtus de robes éclatantes descendre du haut des cieux, entourer l'autel, la tête baissée comme des soldats en présence de leur général. Je le crois fermement. Une autre personne, qui ne l'avait point appris par ouï-dire, mais qui l'avait vu de ses yeux et entendu de ses oreilles, m'a raconté que ceux qui, sur le point de sortir de cette vie, ont participé avec une conscience pure aux saints mystères, sont, au moment où ils expirent, entourés des anges, qui, par respect pour ce qu'ils ont reçu, les accompagnent dans ce passage de la terre au ciel. »

15. Le même, Hom. I de verbis Isaiæ, Vidi Dominum (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. VI, p.97, édit. de Montfaucon ; p.112, édit. de Gaume) : « Malheureux ! tandis que tu devrais répéter avec crainte la doxologie angélique, faire avec humilité ta confession au Créateur de toutes choses, et par là implorer le pardon de tes offenses, tu te tiens ici à la façon des  comédiens et des musiciens, agitant les

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mains sans respect, trépignant des pieds, prenant une posture dissolue. Comment ne crains-tu pas, comment ne trembles-tu pas en opposant cette témérité aux saints oracles qui retentissent dans ces lieux ? Ne fais-tu donc pas réflexion que le souverain maître est ici, invisiblement présent, lui à qui aucun mouvement n'échappe et qui sonde les consciences ? Ne sais-tu donc pas que les anges entourent cette table sacrée, et n'y assistent qu'avec frayeur ? Mais tu n'y penses même pas. »

16. Le même, De incomprehensibili Dei naturâ contra Anomoos, hom. III (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. I, p.469-470, édit. de Montfaucon ; p.573-575, édit. de Gaume) : « Cette multitude immense présentement rassemblée et qui écoute mes paroles avec tant d'avidité, j'ai cherché vainement plus d'une fois à la voir également présente à l'heure de nos redoutables mystères, et j'ai profondément gémi de ce qu'on se rend avec tant d'empressement pour entendre la parole d'un simple mortel, qu'on l'écoute jusqu'à la fin avec tant de patience, tant d'assiduité tandis qu'au moment où Jésus-Christ doit se rendre présent dans nos saints mystères l'église est vide et à peu prés déserte.... Ce ne sont pas seulement des hommes qui prononcent ces paroles augustes ; mais les anges sont là qui se prosternent devant notre commun maître, mais les archanges sont là qui profitent du moment de l'oblation pour lui adresser leurs prières. Et de même que les hommes coupent des branches d'olivier qu'ils agitent aux yeux de leurs rois, pour s'attirer leur clémence au moyen de ce symbole de paix, de même les anges présentant en guise de rameaux d'olivier le corps même du Sauveur, implorent le Seigneur en faveur de nous tous, en lui disant en quelque façon : Nous vous prions, Seigneur, pour ces ouvrages de vos mains que vous avez daigné prévenir tellement de votre amour, que vous avez donne votre vie pour eux ; nous répandons ici nos prière en faveur de ceux pour qui vous avez vous-même versé votre sang ; nous vous implorons pour ceux en faveur desquels vous avez immolé ce même corps. C'est pour cela que dans ce même moment le diacre fait approcher les énergumènes et leur ordonne d'incliner la tête en silence en se bornant à se tenir en posture de suppliants : car il ne leur est pas permis de mêler leurs prières à celles de l'assemblée. C'est pour cela qu'il les met sous les yeux de tous, afin que touché de leur malheur et de leur résignation qui s'exprime assez par leur

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silence, vous usiez de votre crédit pour parler vous-mêmes en leur faveur. »

17. Le même, Hom. IV contra eosdem Anomoos (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. I, p.477-478, édit. de Montfaucon ; p.584-585, édit. de Gaume) : « Pour vous savoir gré de votre empressement, nous vous enseignerons par quel motif nous faisons cette prière pour les autres, et pourquoi le diacre ordonne alors aux possédés et aux maniaques d'approcher et d'incliner leurs têtes. Pourquoi agit-il ainsi ? C'est que la possession des démons est une rude chaîne, une chaîne plus difficile à rompre que le fer. De même donc que, lorsque le juge est sur le point de se montrer et de s'asseoir sur son tribunal, les geôliers font sortir de la prison tous leurs captifs, qu'ils rangent au bas du tribunal, la pâleur sur leurs fronts, leurs habits déchirés, leurs têtes échevelées, la tristesse peinte sur tous leurs traits ; ainsi nos pères ont-ils voulu, qu'au moment ou Jésus-Christ doit, pour ainsi dire, s'asseoir sur son trône et honorer les saints mystères de sa présence on introduise les possédés comme autant de prisonniers, non pour leur demander compte de leurs crimes, comme on le fait à ceux dont je parlais tout-à-l'heure, ni pour leur faire subir leur châtiment et leur supplice, mais pour que tout le peuple de la ville, se trouvant assemblé, tous ensemble fassent pour eux des supplications, que tous implorent pour eux le souverain maître et l'engagent par leurs cris à exercer sur eux sa clémence.

« Dernièrement j'adressais mes reproches à ceux qui s'absentent de cette prière et qui se tiennent dehors pendant ce temps. Maintenant je vais les adresser à ceux qui y assistent, non qu'ils fassent mal d'y assister, mais parce que tout en y assistant ils ne se conduisent pas mieux que ceux qui n'y assistent pas, en conversant comme ils font les uns avec les autres dans ce moment solennel.... Si le diacre ordonne à toute l'assemblée de se tenir droit avec décence, ce n'est pas uniquement par manière de formule ; mais c'est pour que nous ne laissions pas nos pensées ramper à terre, et que, surmontant cette mollesse qui est l'effet des occupations mondaines, nous puissions élever nos âmes à Dieu. Pensez en présence de qui vous êtes, dans la société de qui vous devez adresser à Dieu vos prières : c'est avec les chérubins que vous allez le prier. Voyez quels compagnons vous avez de vos prières et qu'il vous suffise, pour vous tenir dans le

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recueillement, de considérer que, tout composé que vous êtes de chair et de sang, vous êtes admis dans la société des esprits célestes pour chanter ensemble les louanges de notre maître à tous. »

18. S. NIL, abbé, Epist. ad Anastasium episcopum : « Jean (Il s'agit de saint Jean Chrysostôme), cet admirable évêque de l'église de Constantinople, que dis-je ? cette gloire de l'univers entier, cet homme d'un esprit si pénétrant, voyait presque continuellement la maison de Dieu remplie de chours d'anges, mais surtout lorsque s'offrait le divin sacrifice, et il ne pouvait dissimuler là-dessus son admiration et sa joie dans sa correspondance particulière avec ses amis les plus intimes. Au moment, leur disait-il, où le prêtre commençait le saint sacrifice, beaucoup de ces célestes esprits descendant du ciel, pieds nus, vêtus de robes éclatantes, les yeux attentifs, les épaules penchées, entouraient aussitôt l'autel avec respect et en silence, et restaient dans cette attitude jusqu'à ce que le sacrifice non sanglant fût terminé. Alors se répandant de tous côtés dans le temple, ils s'attachaient aux évêques, aux prêtres et aux diacres qui distribuaient le corps de Jésus-Christ et son précieux sang, et les aidaient avec zèle dans cette fonction. Je vous écris ces choses, afin que bien instruits de la dignité du saint sacrifice, vous preniez garde de vous en acquitter avec négligence, en perdant la crainte de Dieu. »

49. S. AMBROISE, Oratione I præparatoriâ ad missam, écrit entre autres choses : « Je vous conjure, Seigneur, par cet auguste mystère de votre corps et de votre sang, qui tous les jours nous nourrit, nous abreuve, nous purifie et nous sanctifie dans votre église et nous rend participants de votre divinité, de me donner les vertus nécessaires pour que j'approche de votre autel avec une conscience pure, et qu'ainsi ce divin sacrement devienne mon salut et ma vie. Car vous avez dit ces paroles de bénédiction : Le pain que je donnerai est ma chair pour la vie du monde ; celui qui me mange vivra pour moi ; il demeure en moi, et je demeure en lui ; je suis le pain vivant descendu du ciel ; celui qui mangera de ce pain vivra éternellement. O pain rempli de suavité, rectifiez mes goûts pour que je puisse sentir toute la douceur de votre amour. Guérissez-moi de toute langueur, pour que je n'aime plus d'autre beauté que la vôtre. O pain très-pur, qui renfermez en vous tout ce qu'il y a de délicieux, et tout ce qui peut être agréable au goût, que mon cour vous dévore et que

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mon âme se repaisse de vos délices. Que l'ange se rassasie pleinement de vous ; que l'homme dans son état de pèlerinage trouve en vous de quoi le soutenir, et que, fortifié par un tel viatique, il résiste à la fatigue de la route. Pain très-saint, pain vivant, pain de toute beauté, pain très-pur qui êtes descendu du ciel et qui donnez la vie au monde, venez dans mon cour et purifiez-le de toute impureté de la chair et de l'esprit. Entrez dans mon âme ; guérissez-moi, et donnez-moi la pureté tant intérieure qu'extérieure. Soyez toujours mon soutien et le salut de mon corps et de mon âme. Ecartez les pièges qui me sont tendus de tous côtés.

Que mes ennemis prennent la fuite à votre aspect ; afin que, fortifié au dedans et au dehors par votre présence, je parvienne heureusement à votre royaume, où nous vous verrons, non plus comme ici-bas sous le voile du mystère, mais à découvert face à face, lorsque vous aurez remis votre royaume à Dieu votre Père et que Dieu sera tout en tous. Alors je serai rassasié pleinement de vous, et je n'aurai plus ni faim ni soif dans toute l'éternité. »

20. S. GREGOIRE de Nazianze, Orat. XI in laudem sororis suæ Gorgeniæ : « Elle (Gorgonie) était affligée d'une grave maladie, qui présentait les symptômes les plus extraordinaires comme les plus inquiétants, etc. N'ayant plus d'autre ressource, elle eut recours au souverain médecin des hommes, et profitant de l'obscurité de la nuit, dans un moment où la maladie lui laissait quelque relâche, elle se jette pleine de foi au pied de l'autel, et invoquant à grands cris celui qu'on y honore, en lui donnant tous les noms les plus propres à toucher sa miséricorde et lui rappelant la mémoire de tous les prodiges qu'il avait jamais opérés (car elle possédait l'histoire tant ancienne que moderne), elle en vient enfin à un acte de témérité qui ne fera qu'ajouter à sa gloire. Dans l'ardeur de sa piété, elle suit l'exemple de cette femme qui arrête ses pertes de sang en touchant la frange de la robe de Jésus-Christ. Et écoutez ce qu'elle fit. Après avoir approché sa tête de l'autel, en poussant des cris et versant des larmes, à l'exemple de cette autre femme qui avait arrosé des siennes les pieds du Sauveur, et en protestant qu'elle ne changerait pas de place qu'elle n'eût recouvré la santé, après que cet antidote d'espèce nouvelle eut coulé sur tout son corps, et qu'elle eut trempé de ses larmes les antitypes même du corps et du sang de Jésus-Christ qu'elle tenait à la main, tout-à-coup, ô miracle, elle se sent guéri, et elle se relève parfaitement libre de corps comme d'esprit, obtenant ainsi ce qu'elle avait espéré en récompense de

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son espérance même, et redevable en quelque sorte à sa force d'âme des forces corporelles qui lui étaient rendues. »

21. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. IV Dialogorum, c. 58 : « Quel est le fidèle qui puisse douter qu'au moment même du sacrifice le ciel s'ouvre à la voix du prêtre, que les chours des anges soient présents dans ce mystère pour faire leur cour à Jésus-Christ, qu'il s'établisse un commerce entre le ciel et la terre, entre les choses de là-haut et les choses d'ici-bas, une union ineffable du visible à l'invisible ? »

22. ORIGENE, Hom. V in diversos Evangelii locos : « Quand vous prenez cet aliment incorruptible, quand vous goûtez ce pain de vie, ce breuvage salutaire, vous mangez et buvez le corps et le sang du Sauveur ; alors le Seigneur entre véritablement dans votre maison. Vous donc, vous humiliant vous-même, imitez ce centenier, et dites : Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison. Car si on le recevait indignement, on ne le recevrait que pour sa propre condamnation. »
 
 

QUESTION VI
 
 

Que faut-il croire au sujet du sacrifice de l'autel ?

On doit croire sans aucun doute que l'Eucharistie n'a pas été instituée seulement pour servir de nourriture aux chrétiens, ce qui fait qu'on l'appelle aliment céleste, breuvage ou calice du salut, pain vivant, pain de vie ; mais qu'elle a été instituée aussi pour être offerte comme le grand sacrifice, comme le sacrifice proprement dit de la nouvelle alliance : de là vient que dès les commencements elle a reçu les noms d'hostie, de sacrifice, de victime, d'oblation, d'holocauste.

Or, nous offrons ce sacrifice, pour qu'il nous serve comme de mémorial perpétuel de la passion du Sauveur, pour qu'il témoigne à Dieu de notre reconnaissance, qu'il écarte de nous les maux et nous obtienne les biens, tant de la vie présente que de la vie future, et qu'il serve  à la rémission des péchés non seulement des vivants, mais aussi des morts, comme  l'enseignent les Père conformément au témoignage de l'Ecriture et à la tradition apostolique.

C'est ce sacrifice unique et incomparable, que Notre-Seigneur Jésus-Christ a institué dans la dernière cène sous les espèces du pain et du vin, en recommandant à ses apôtres, comme aux premiers qu'il ait ordonné prêtres de la nouvelle alliance, et

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dans leurs personnes à leurs successeurs, de l'offrir à leur tour, par ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi.

C'est cette oblation, qui était figurée par tous les sacrifices de la loi de nature aussi bien que de la loi écrite et qui en est la consommation et la perfection, puisqu'elle renferme tous les biens dont ces divers sacrifices n'étaient que les symboles.

C'est là le sacrifice perpétuel que Daniel nous atteste ne devoir désormais cesser qu'avec le monde.

C'est à ce sacrifice qu'appartient le sacerdoce selon l'ordre de Melchisédech que David a prédit devoir être éternel dans la personne du Christ.

C'est cette oblation pure, qui ne reçoit aucune atteinte de l'indignité ou de la perversité de ceux qui en sont les ministres, et qui remplaçant à elle seule les sacrifices sans nombre de l'ancienne loi, est offerte en tout lieu, c'est-à-dire parmi tous les peuples de l'univers, à la louange du nom de Dieu et de notre divin Rédempteur comme nous le lisons dans Malachie.

C'est ce sacrifice de la messe, cette sainte liturgie, à laquelle rendent un témoignage si éclatant les canons et les traditions des apôtres, les conciles, la croyance et la pratique universelle et constante de toute l'Eglise, grecque et latine, d'Orient comme d'Occident.

Ce sacrifice de la messe, si nous voulons nous en former une juste idée est une représentation véritable et vivante, et en même temps une oblation non sanglante, mais non moins efficace, de la passion de Notre-Seigneur, et de ce sacrifice sanglant qui a été offert pour nous sur la croix.

Un premier effet de ce sacrifice, c'est de nous rendre continuellement présent la mémoire de notre Rédempteur, comme de ses mystères et de ses bienfaits, suivant ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi. Paroles que l'Eglise a pris soin d'interpréter avec une si scrupuleuse exactitude, que tout l'appareil qu'elle a jugé à propos de donner à ce sacrifice, les ornements sacrés, les vases qu'on y emploie, les cérémonies qu'on y exécute, tout ce qui s'y passe en un mot, a pour objet de nous rendre ce souvenir présent devant les yeux, de nous donner une plus haute idée d'un si grand sacrifice, et de porter les fidèles par tous ces signes et ces secours extérieurs, à méditer plus facilement et plus sûrement les mystère divins qui y sont célébrés.

Un autre effet, c'est de nous appliquer, à nous et à tous les fidèles tant vivants que décédés, les fruits de l'oblation de

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Jésus-Christ faite sur la croix, et de notre rédemption qui en a été la suite.

C'est ce qui a fait dire à un ancien que ce sacrement est tout à la fois un médicament et un holocauste, pour nous guérir de nos infirmités et nous purifier de nos iniquités. Un autre a dit aussi, écrivant sur ce sujet : « Celui que les juifs ont immolé par envie, et dont ils croyaient anéantir jusqu'au nom, nous le reproduisons en vue de notre salut sur nos saints autels, sachant bien que nous n'avons point d'autre remède pour nous rendre la vie et nous sauver de la mort. » Nous omettons pour plus de brièveté d'autres témoignages de ces Pères qui attestent la même foi ou qui expriment la même doctrine.

De là il résulte clairement que Jésus-Christ est appelé et est en effet notre victime de deux manières, d'une manière sanglante et d'une manière non sanglante. Sur la croix, il s'est offert pour nous comme victime sanglante, pour accomplir dans sa personne, comme le véritable agneau sans tache, le type de l'agneau pascal qui était immolé chez les juifs, et répondre ainsi à la figure par la réalité. Dans la cène au contraire, et de même sur nos autels, il a voulu être offert d'une manière non sanglante, comme le dit saint Cyrille, pour donner ainsi sa perfection au sacrifice de Melchisédech qui s'était borné à offrir du pain et du vin, pour être ainsi le véritable prêtre selon l'ordre de Melchisédech et rendre son sacerdoce éternel, s ans qu'aucun autre puisse jamais remplacer le sien.

Dans le premier sens que nous venons de dire, il n'a accompli son sacrifice qu'une fois et dans un seul endroit de la Judée comme s'en est expliqué saint Paul dans son épître aux Hébreux, dans le second, il le réitère des milliers de fois, et en tous lieux, comme l'avait annoncé le prophète Malachie, c'est-à-dire que ce sacrifice se célèbre également partout où l'Eglise se trouve répandue. Là il s'est offert en mourant ; ici il s'offre pour rendre vivant et perpétuel le souvenir de sa mort, et en faire découler sur nous, comme sur ses membres, les salutaires effets, en sorte que ce sacrifice de la messe soit l'application journalière des fruits obtenus par cet autre sacrifice offert pour nous sur la croix.

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TEMOIGNAGES DE L'ECRITURE.
 
 

1. JEAN, VI, 48,51, 52, 56,59 : « Je suis le pain de vie. - Je suis le pain vivant  descendu du ciel. - Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement et le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde. - Ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage. - Celui qui mange ce pain vivra éternellement. »

2. I Corinthiens, X, 16 : « Le pain que nous rompons n'est-il pas la communion du corps du Seigneur ? »

3. Ibidem, XI, 26 : « Toutes les fois que vous mangerez ce pain, etc. »

4. Proverbes, IX, 2-5 : « La sagesse a immolé ses victimes ; elle a préparé le vin et disposé sa table. - Elle a envoyé ses servantes pour appeler à la forteresse et aux murailles de la ville. - Quiconque est simple, qu'il vienne à moi. Et elle a dit aux in-

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sensés : - Venez, mangez le pain que je vous donne, et buvez le vin que je vous ai préparé. »

5. Genèse, IV, 4 : « Abel offrit aussi des premiers-nés de son troupeau, et ce qu'il avait de plus gras, et le Seigneur regarda Abel et ses présents. »

6. Ibidem, VIII, 20-21 : « Or, Noé dressa un autel au Seigneur ; et prenant de tous les animaux et de tous les oiseaux purs, il les offrit en holocauste sur cet autel. - Le Seigneur le reçut comme une odeur très-agréable. »

7. Ibidem, XIV, 18 : « Mais Melchisédech, roi de Salem, offrant du pain et du vin, parce qu'il était prêtre du Très-Haut, bénit Abraham, en disant : Qu'Abraham soit béni du Dieu Très-Haut, qui a créé le ciel et la terre, etc. »

8. Exode, XII, 3-5 7, 13 : « Qu'au dixième jour de ce mois, chacun prenne un agneau pour sa famille et pour sa maison. - Cet agneau sera sans tache, ce sera un mâle ; et il sera né dans l'année ; vous pourrez prendre aussi un chevreau qui ait ces même qualités. - Vous le garderez jusqu'au quatorzième jour de ce même mois, et toute la multitude des enfants d'Israël l'immolera au soir. - Ils prendront de son sang, et ils en mettront sur les deux poteaux et sur le haut des portes des maisons où ils le mangeront. - Et ce sang sera un signe qui me fera reconnaître les maisons où vous demeurez ; je verrai ce

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sang, et je passerai outre ; et la plaie de mort ne vous touchera point, lorsque j'en frapperai toute 1'Egypte. »

9. DANIEL, XII, 11 : « Depuis le temps que le sacrifice perpétuel sera aboli, et que l'abomination de la désolation aura été établie, il se passera mille deux cent quatre vingt-dix jours. »

10. Ibidem, IX, 26-27 : « Et après soixante-deux semaines, le Christ sera mis à mort, etc. - Il confirmera son alliance avec plusieurs dans une semaine, et à la moitié de la semaine, les hosties et les sacrifices cesseront ; l'abomination de la désolation sera dans le temple, et la désolation durera jusqu'à la consommation et jusqu'à la fin du monde. »

11. Psaume CIX, 4 : « Le Seigneur a juré, et son serment demeurera immuable ; vous êtes le prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech. »

12. Hébreux, VII, 1, 11- 12 : «  Car ce Melchisédech, roi de Salem, et prêtre du Dieu Très-Haut qui vient au devant d'Abraham lorsqu'il retournait de la défaite des rois, et qui le

Bénit, etc. - Car si le sacerdoce de Lévi sous lequel le peuple a reçu la loi, avait pu rendre les hommes parfaits, qu'était-il besoin qu'il s'élevât un autre prêtre qui fût appelé prêtre selon l'ordre de Melchisédech et non pas selon l'ordre d'Aaron ? - Car le sacerdoce étant changé, il faut nécessairement que la loi soit aussi changée. »

13. Genèse, XIV, comme plus haut, n° 5.

14. Nombres, XXVIII, 3-10 : « Voici les sacrifices que vous devez offrir : Vous offrirez tous les jours deux agneaux de l'année sans tache, comme un holocauste perpétuel ; - L'un le matin, et l'autre le soir ; - avec un dixième d'épha de farine qui soit mêlé avec une mesure d'huile très-pure, de la quatrième partie d'un hin. - C'est l'holocauste perpétuel que vous avez offert sur la montagne de Sinaï comme un sacrifice d'une odeur très agréable au Seigneur, qui était consumé par le feu. - Et vous offrirez pour offrande de liqueur une mesure de vin de la quatrième partie d'un hin, pour chaque agneau, dans le sanctuaire du Seigneur. - Vous offrirez de même au soir l'autre agneau avec toutes les mêmes cérémonies du sacrifice du matin, et ses offrandes de liqueur, comme une oblation d'une odeur très-agréable au Seigneur. - Le jour du sabbat, vous offrirez deux agneaux de l'année sans tache, avec deux dixième de farine mêlé d'huile, pour le sacrifice ; et les offrandes de liqueurs - qui se répandent selon qu'il est prescrit chaque jour de la

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semaine, pour servir à l'holocauste perpétuel, etc. » Puis il est parlé en particulier des oblations de chaque solennité. »

15. MALACHIE, I, 10-11 : « Mon affection n'est point en vous, dit le Seigneur des armées, et je ne recevrai point de présent de votre main. - Car depuis le lever du soleil jusqu'à son couchant, mon nom est grand parmi les nations, et l'on sacrifie en tout lieu, et l'on offre à mon nom une oblation toute pure, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur des armées. »

16. Ephésiens, V, 2 : « Jésus-Christ nous a aimé, et s'est livré lui-même pour nous, en s'offrant à Dieu comme une oblation et une victime d'agréable odeur. »

17. Hébreux, X, 14 : « Car, par une seule oblation, il a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés. »

18. MARC, XIV, 12 : « Or, le premier jour des azymes, auquel on immolait l'agneau pascal, ses disciples lui dirent, etc. »

19. Hébreux, X, 25-28 : « Et il n'y est pas aussi entré pour s'offrir lui-même plusieurs fois comme le grand-prêtre, etc., - car autrement il eût fallu qu'il eût souffert plusieurs fois depuis la création du monde ; au lieu qu'il n'a paru qu'une fois vers la fin des siècles pour abolir le péché, en s'offrant lui-même pour victime. - Et comme il est arrêté que les hommes meurent une fois, et qu'ensuite ils soient jugés, - ainsi Jésus-Christ a été offert une fois, pour effacer les péchés de plusieurs ; et la seconde fois, il apparaîtra, sans avoir rien du péché, pour le salut de ceux qui l'attendent. »
 
 
 
 

TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
 
 

1. S. DENIS l'Aréopagite, Ecclesiast. hierarch., c. 3 : « Fixons le regard de notre attention sur chacun des rites qui s'observent en la célébration de l'Eucharistie, et sur leur signification profonde. Le hiérarque, après avoir prié au pied de l'autel sacré, l'encense d'abord, puis fait le tour du temple saint. Revenu à l'autel, il commence le chant des psaumes que tous les ordres ecclésiastiques continuent avec lui. Après cela, des ministres inférieurs lisent les très-saintes Ecritures, et ensuite on fait sortir de l'enceinte sacrée les catéchumènes et avec eux les énergumènes et les pénitents : ceux-là restent seuls, qui sont dignes de contempler et de recevoir les divins mystères. Pour le reste des ministres subalternes, ceux-ci se tiennent auprès des portes fermées du saint lieu ; ceux-là remplissent quelque autre fonction de leur ordre. Les plus élevés d'entre eux, les diacres, s'unissent

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aux prêtres pour présenter sur l'autel le pain sacré et le calice de bénédiction, après toutefois qu'a été chanté par l'assemblée entière la profession de la foi. Alors le pontife achève les prières et souhaite à tous la paix ; et tous s'étant donné mutuellement le saint baiser, on récite les noms inscrits sur les sacrés diptyques. Ayant tous purifié leurs mains, le hiérarque prend place au milieu de l'autel, et les prêtres l'entourent avec les diacres désignés. Le hiérarque béni Dieu de ses ouvres merveilleuses, consacre les mystères augustes, et les offre à la vue du peuple sous les symboles vénérables qui les cachent. Et quand il a ainsi présenté les dons précieux de la divinité, il se dispose à la communion, et y convie les autres. L'ayant reçue et distribuée, il termine par une pieuse action de grâces. Et tandis que le vulgaire n'a considéré que les voiles sensibles du mystère lui, toujours uni à l'Esprit-Saint, s'est élevé jusqu'aux types intellectuels des cérémonies dans la douceur d'une contemplation sublime, et avec la pureté qui convient à la gloire de la dignité pontificale. » L'auteur explique ensuite plus en détail les raisons de chacun de ces rites avec les significations mystiques qu'il en présente (Cf. Les Ouvres de sait Denis l'Aréopagite, trad. par M. l'abbé Darboy, p.272-273 ; les Ouvres du divin saint Denis, etc., trad. par le frère Jean de saint François, page 72-73).

2. Le même, Lettre VIII au moine Démophile : « Etant un jour en Crète, je reçus l'hospitalité chez Carpus, personnage, s'il en fut, éminemment propre aux contemplations divines, cause de l'extrême pureté de son esprit. Il n'abordait jamais la célébration des saints mystères sans qu'auparavant dans ses prières préparatoires il ne fût consolé par quelque douce vision (Cf. Les Ouvres de sait Denis l'Aréopagite, trad. par M. l'abbé Darboy, p.272-273 ; idem, trad. par le frère Jean de saint François, Paris, 1629, page 251-252). »

3. S. IGNACE, Epist. ad Smyrnenses : « Point de baptême, point d'agapes, sans la permission de l'évêque (Nous suivons ici la traduction de M. de Genoude. La traduction latine citée par Canisius porte : Non licet sine episcopo, neque oferre, neque sacrificium immolare, neque missas celebrare. Nous ne saurions dire laquelle des deux traductions est la plus exacte, n'ayant pas le texte original sous les yeux). »

4. S. JUSTIN, philosophe et martyr, Dialogue avec le juif Tryphon : « Il (Dieu) l'atteste lui-même lorsqu'il dit que maintenant, en tous lieux, chez les nations, on lui offre des sacrifices

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purs et agréables. Qui ne sait que Dieu ne reçoit de sacrifices que des mains de ses prêtres ?

« Le sacrifice offert partout en son nom est celui que Jésus-Christ a institué et prescrit d'offrir, je veux dire le sacrifice eucharistique du pain et du vin, que les chrétiens offrent en tous lieux ; aussi lui sont-ils tous agréables, ainsi qu'il le déclare tandis qu'il rejette vos sacrifices et ceux de vos prêtres ; témoins ses propres paroles : « Je ne recevrai plus  d'offrandes de votre  main ; depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, mon nom est glorifié chez les nations ; et vous, vous le profanez. »

5. S. BASILE, Serm. II de Baptismo, c. 2 : « Peut-on sans danger remplir les fonctions du sacerdoce, si l'on n'a sa conscience exempte de péchés, son cour purifié de toute souillure ? C'est ce que Moïse nous a enseigné d'avance par ses types figuratifs, lorsque, par exemple, faisant le détail des règlements que Dieu lui avait tracés, il a écrit ces paroles (Lévit., XXI, 16-17) : Le Seigneur parla encore à Moïse et lui dit : Dites ceci à Aaron : Si un homme d'entre les familles de votre race a une tache sur le corps, il n'offrira point les pains à son Dieu, etc. Or, Notre-Seigneur nous dit de son côté, en parlant de lui-même : Celui-ci est plus grand que le temple ; que l'impiété ou le crime de celui qui ose offrir le corps du Seigneur avec une conscience souillée st d'autant plus énorme que cette céleste victime qui s'est offerte à Dieu son Père en odeur de suavité, surpasse en excellence les béliers et les taureaux. Ce que je dis, non par manière de comparaison ; car il n'y a aucune comparaison à établir entre des victimes si différentes. Mais les taches dont il peut être question sous la nouvelle loi ne sont pas celles qui s'attachent au corps, mais celles qui consistent dans la violation de quelqu'un des préceptes évangéliques, soit qu'on l'omette en entier, soit qu'on n'en observe qu'une partie, ou qu'on l'observe d'une manière différente de ce que Dieu demande de nous. Nous devons donc en tout temps sans doute, mais surtout lorsqu'il s'agit pour nous de célébrer un aussi auguste mystère, mettre en pratique le précepte de l'Apôtre conçu en ces termes (II Cor., VII, 1, VI, 3) : Ayant donc reçu de Dieu de telles promesses, mes chers frères purifions-nous de tout ce qui souille le corps ou l'esprit, achevant l'ouvre de notre sanctification dans la crainte de Dieu, et prenant garde de donner en quoi que ce soit aucun sujet de scandale, afin que notre ministère ne soit point déshonoré ; mais rendons-nous recommandables en agissant en toutes choses comme les ministres de Dieu. C'est ainsi qu'on pourra

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se rendre digne de célébrer les saints mystères, selon l'Evangile de Dieu. »

6. TERTULLIEN, Lib. de Oratione, c. 14 : « Il y en a qui pensent qu'on ne doit point célébrer le saint sacrifice pendant les oraisons des jours de stations, parce que, disent-ils, la communion interrompt la station et doit la faire cesser. N'est-ce pas une erreur que de croire que l'Eucharistie puisse faire cesser un devoir, au lieu de le rendre plus obligatoire ? Quand on reçoit le corps du Christ, cette participation au sacrifice n'exclut pas du tout l'accomplissement des autres devoirs. »

7. S. AUGUSTIN, Epist. XXIII ad Bonifacium episcopum : « N'est-il pas vrai que Jésus-Christ n'a été immolé qu'une fois dans sa personne, et que cependant il est immolé encore sacramentellement, non-seulement à toutes les fêtes de Pâques, mais même tous les jours de l'année, en sorte que chacun pourrait répondre sans mensonge à celui qui lui en ferait la demande, qu'effectivement il est immolé tous les jours ? Car si les sacrements n'avaient quelque ressemblance avec les choses dont ils sont les sacrements, ils cesseraient par cela seul d'être des sacrements, etc. »

8. Le même, Lib. XX contra Faustum manichæum, c. 21 : « Quel est le prêtre qui, célébrant le saint sacrifice sur les tombeaux de quelques saints, a jamais dit : Nous offrons ce sacrifice à vous, Pierre, ou Paul, ou Cyprien ? Mais ce sacrifice qu'on offre, on l'offre à Dieu qui a couronné les martyrs, en mémoire (Le latin porte apud memorias eorum, c'est-à-dire auprès des tombeaux ; mais ce mot tombeaux ne rend pas assez la force du mot latin memorias) de ceux qu'il a couronné, et sur les lieux mêmes afin que l'aspect du théâtre de leur victoire excite davantage les sentiments dont nous devons être affectés à l'égard de ces anciens frères d'armes que nous pouvons imiter, et à l'égard de Dieu qui par sa grâce nous rend capables de le faire.....

Ce serait un bien moindre péché de revenir des tombeaux des martyrs dans un état d'ivresse, que de sacrifier aux martyrs même à jeun. J'ai dit sacrifier aux martyrs, mais non sacrifier à Dieu en mémoire des martyrs : chose qu'il nous est très-ordinaire de faire, mais seulement de la manière que nous voyons prescrite dans le Nouveau-Testament, et de ce culte que nous appelons latrie, et qui n'est dû qu'à Dieu. Mais que ferai-je, ou comment pourrai-je démontrer à des hérétiques si aveugles combien a de

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force ce que nous lisons dans les Psaumes (Ps. XLIX) : Le sacrifice de louanges est celui qui m'honore, et c'est là la voie par laquelle je lui montrerai le salut de Dieu ? Le corps (caro et sanguis) à immoler dans ce sacrifice, était promis figurativement par les victimes qu'on immolait avant que le Christ vint sur la terre ; au moment de sa passion, il était offert selon la vérité dans sa personne même ; depuis son ascension au ciel, on l'offre commémorativement au moyen du sacrement de l'autel. »

9. S. FULGENCE, évêque de Ruspe, Lib. II ad Monimum, c. 2 : « Vous dites que plusieurs vous ont questionné au sujet du sacrifice du corps et du sang de Jésus-Christ, qu'on croit communément être immolé au Père seul. Vous assurez même que c'est sur cette difficulté que ces hérétiques s'appuient le plus. Mais ce n'est pas d'aujourd'hui seulement que les hérétiques, privés qu'ils sont de la lumière de la vérité, se croient en état de triompher de la vérité par des questions auxquelles ils ont commencé par succomber eux-mêmes. Car la gloire de ceux dont les sentiments sont terrestres, tourne à leur propre confusion, etc. (Phil., III, 19) Comment ne haïraient-il pas le Fils de Dieu, qu'ils sont forcés de reconnaître pour son Fils unique, mais qu'ils font, par une aveugle présomption, d'une nature différente de celle du Père ? Ou comment ne seraient-ils pas impies pour le malheur de leurs âmes, ceux qui ne veulent ni glorifier le Fils unique de Dieu, Dieu lui-même, conjointement avec le Père, ni permettre de l'honorer par un seul et même sacrifice ? » Aux chapitres 3 et 4 qui viennent après, le saint évêque fait voir que les patriarches Abraham, Isaac et Jacob ont sacrifié non-seulement au Père, mais encore au Fils, et que par conséquent aujourd'hui encore on offre dans l'Eglise chrétienne le sacrifice au Fils comme au Père.

10. Ibidem, c. 5 : « Nous citerons un passage extrait des Prophètes, qui prouvera évidemment que ces hommes inspirés de Dieu ont su certainement que, sous la nouvelle loi, des hosties spirituelles seraient offertes par les fidèles non-seulement au Père, mais aussi au Fils. Voici, au sujet du sacrifice qui a lieu maintenant dans l'Eglise, ce que dit le prophète Sophonie (SOPH, III, 8-10) : Attendez-moi, dit le Seigneur, pour le jour à venir de ma résurrection. C'est alors que je rendrai pures les lèvres des peuples, afin que tous invoquent le nom du Seigneur, et que tous se soumettent à son joug dans un même esprit. Ceux qui demeurent au-delà des fleuves d'Ethiopie viendront m'offrir leurs prières, et les enfants de

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mon peuple, dispersés en tant de lieux, viendront m'offrir leurs hosties. Quoi de plus clair, je vous le demande, que cette prophétie ? Quelle retraite à son obstination l'infidélité hérétique pourra-t-elle trouver, pour se soustraire à l'éclat d'une telle lumière?. . . Le même qui nous ordonne de l'attendre pour le jour à venir de sa résurrection a daigné annoncer que des hosties lui seraient offertes par tous les peuples, faisant connaître par là qu'il aurait pour agréable le sacrifice que l'humble piété des fidèles offrirait à la fois au Père et au Fils.... Si quelques catholiques ont pu paraître jusqu'ici être dans l'ignorance par rapport à ce sacrement, ils doivent maintenant savoir que l'Eglise catholique offre également au Père, au Fils et au Saint-Esprit, c'est-à-dire la Trinité entière, tous les sacrifices et toutes les formes d'hommages qu'elle rend à la Divinité, comme c'est au nom de la Trinité entière que l'on sait que le baptême est administré. Car si quelqu'un adresse ses prières spécialement à la personne du Père, c'est toujours sans préjudice de ce qu'il doit au Fils et au Saint-Esprit. Au reste, la conclusion de la prière, qui contient toujours exprimés les noms du Fils et du Saint-Esprit, fait voir qu'il n'y a aucune différence à faire entre les trois personnes. Et lorsque le fidèle adresse nommément ses supplications à la seule personne du Père, il n'en a pas moins l'intention d'honorer toute la Trinité. De même, lorsque le sacrifice est offert au Père, il l'est en même temps, dans l'intention de l'Eglise qui l'offre, à toute la sainte Trinité. Nous donc qui offrons à la Trinité, seul et vrai Dieu, un seul et même sacrifice, ne nous laissons pas ébranler par les vaines objections des hérétiques, puisque les oracles divins, aussi bien que les exemples des saints qui nous ont précédés, nous autorisent à suivre cet usage, et à nous y tenir fortement attachés. »

11. THEODORET, c. XX, Sanctorum Patrum historiæ in vitâ S. Maris : « Saint Maris, désirant depuis longtemps voir célébrer le sacrifice spirituel et mystique, demanda que la cérémonie pût s'en faire dans sa cellule même. J'y consentis volontiers, et comme le bourg n'était pas éloigné, je fis apporter les vases sacrés ; puis me servant des mains des diacres en guise d'autel, j'offris le sacrifice mystique, source de toutes les grâces (mysticum, divinum et salutare). Pendant ce temps-là, Maris se sentait intérieurement rempli de délices spirituelles, et se croyait au ciel même, en ne se lassant pas de répéter qu'il n'avait jamais goûté une telle joie. Pour moi, après toute l'affection qu'il m'a témoignée, je

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croirais manquer à ce que je lui dois, si je ne faisais pas son éloge même depuis qu'il n'est plus, et ce que je dois aux autres, si je ne leur proposais pas à imiter de si beaux exemples. »

12. S. AVIT, Lib. V, c. 10, après avoir expliqué l'histoire de l'Agneau pascal rapporté au chap. XII de l'Exode, ajoute : « O Christ roi, reconnaissez donc en nous votre sang, et délivrez vos sujets de la captivité d'Egypte ; et partout où, Agneau sans tache, vous serez immolé en sacrifice, et où l'on recevra votre chair en aliment, détournez-la aussitôt votre bras vengeur. Faites aussi que, nous dépouillant du vieil homme, nous vivions d'une vie nouvelle pour recevoir votre corps et nous abreuver de votre sang divin. »

13. S. JEAN-DAMASCENE, in vitâ Barlaam et Josaphat, c. 12 : « D'autres (moines), dont les cellules sont distantes les unes des autres, se réunissent tous les dimanches dans une seule et même église, où ils participent aux divins mystères, c'est-à-dire au sacrifice non-sanglant du corps adorable et du sang précieux de Jésus-Christ qu'il nous a donné dans sa bonté pour la rémission de nos péchés et pour le salut tant de nos corps que de nos âmes. »

14. Ibidem, c. 19 : « Barlaam étant rentré dans la chambre du fils du roi, et y ayant célébré le sacrifice non-sanglant, le fit participer par la communion aux saints mystères. »

15. Ibidem, c. 39 : « Barlaam envoie ensuite Josaphat vers quelques frères qui demeuraient à une certaine distance de lui, pour leur porter les choses qui pouvaient être nécessaires à la célébration du saint sacrifice. Ayant donc entrepris et achevé de grand cour ce long voyage, et fait apporter ce qu'il fallait pour célébrer les saints mystères, le divin Barlaam offrit à Dieu le sacrifice non-sanglant, et après y avoir participé le premier, il en fit part à Josaphat avec la même joie. »

16. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I, Epist. II (cette lettre est dirigée contre les Pétrobrusiens qui niaient le sacrifice

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de la messe) : « Ennemis de Dieu, c'est l'Eglise de Dieu qui va vous répondre que ni elle ne peut exister elle-même sans sacrifice, ni elle n'offre dans ce sacrifice autre chose que le corps et le sang de son Rédempteur. Elle offre, il est vrai aussi, au Seigneur son Dieu le sacrifice d'un esprit brisé de douleur, suivant cette parole du prophète (Ps. L, 19) : Un esprit brisé de douleur est un sacrifice digne de Dieu. Elle offre un sacrifice de justice, comme le dit le même prophète (Ps. L, 2,) : C'est alors qu'il vous plaira d'agréer un sacrifice de justice ; elle offre un sacrifice de louange, ce sacrifice dont il est parlé au psaume précédent (Ps. XLIX, 14) : Immolez à Dieu un sacrifice de louanges. Mais elle offre en même temps un sacrifice bien plus agréable à Dieu que tous ceux-là, en lui offrant celui qui, comme dit l'Apôtre (Hébr., IX, 14), s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache, pour purifier notre conscience des ouvres mortes, à nous faire rendre un vrai culte au Dieu vivant. Elle offre l'agneau de Dieu, qui efface les péchés du monde (JEAN, I, 29) ; qui ne meurt pas, même lorsqu'il est immolé ; qui est partagé sans diminution de lui-même et mangé sans destruction de son être. Elle l'offre pour elle-même puisque c'est pour elle-même qu'il s'est offert ; et ce qu'il a fait une fois en sacrifiant sa vie, elle le fait tous les jours en l'offrant en sacrifice. Mais comme je sais que ces choses sont bonnes à dire plutôt aux fidèles qui s'en édifient qu'aux infidèles qui s'en moquent, réservons ces perles précieuses, au lieu de les exposer à être foulées aux pieds par les pourceaux : c'est à vous à nous faire voir, si cela vous est possible, pourquoi vous défendez aux hommes de sacrifier au Dieu du ciel. Et comme c'est là le principal acte du culte divin, l'acte institué par Dieu même pour que l'homme lui témoigne sa dépendance, produisez vos arguments, si, contre ma conviction intime, vous en avez à faire valoir ; dites pourquoi vous ne voulez pas que les serviteurs fassent acte de soumission à l'égard de leur maître, les hommes à l'égard de Dieu, les créatures à l'égard du Créateur, ceux qui sont rachetés à l'égard de leur Rédempteur et pourquoi votre perversité met en ouvre tous les moyens pour empêcher qu'ils lui rendent le genre de culte qui n'est dû qu'à lui, et qu'ils lui doivent certainement. Dites-nous, je vous prie, pourquoi le sacrifice chrétien déplaît à des chrétiens tels que vous, si toutefois vous l'êtes encore, tandis que les sacrifices ont toujours été le signe auquel Dieu a discerné ceux qui le servent d'avec ceux qui ne le servent pas, le signe qui caractérise l'hommage qui lui est dû exclusi-

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vement aux hommes quels qu'ils soient, et qui empêche de confondre l'honneur qui lui appartient avec ces témoignages de déférence par lesquels l'Apôtre nous recommande (Rom., XII, 10) de nous prévenir les uns les autres. Pourquoi vous porté-je défi ? Afin que, voyant que les anciens pères et tous les justes des temps passé ont plu à Dieu par la justice qu'ils ont pratiqué et les sacrifices qu'ils ont offerts ; observant que Dieu a ordonné de ne les offrir qu'à lui ; vous rappelant qu'il a exterminé ceux qui sacrifiaient à des dieux étrangers ; reconnaissant enfin que c'est là le culte qui convient à la Divinité et qui lui a été rendu par les saints de tous les siècles, vous consentiez à ce que vous avez empêché jusqu'ici, et que vous permettiez aux hommes d'offrir à Dieu les sacrifices que leur devoir est de lui offrir. Car pourquoi empêcher les enfants de suivre leurs pères ? Pourquoi ne pas leur permettre d'imiter par le principal signe de leur foi, ceux qu'ils imitent déjà par la foi ? Dieu, en même temps qu'il approuve les sacrifices offerts par les juifs, réprouverait-il ceux des chrétiens ? N'a-t-il pas plutôt pris en dégoût les sacrifices des juifs, comme il l'a témoigné par Isaïe (ISAIE, I, 11), par ces paroles : Tout cela m'est a dégoût ; je n'aime point les holocaustes de vos troupeaux, ni le sang des veaux, des agneaux et des boucs ? Ne dit-il pas par un autre prophète (Ps. XLIX, 9) : Je n'ai pas besoin de prendre des veaux de votre maison, ni des boucs de vos troupeaux ? Ne répète-t-il pas par Malachie (MALACH., I, 10) : Mon affection n'est point en vous, et je ne recevrai point de présents de votre main ? Par toutes ces manières de parler, il ne réprouve pas absolument les sacrifices établis pour ces temps-là, mais seulement la conduite perverse de ceux qui les offraient. Aussi ajoute-t-il par l'organe du prophète Isaïe (I, 15) : Vos mains sont pleines de sang. Il serait bien étonnant que le principal culte dû à la Divinité ne pût pas lui être rendu aujourd'hui, tandis qu'il lui a été rendu avec tant d'empressement et de zèle dans tous les siècles antérieurs. Il serait bien étonnant qu'on défendît aux chrétiens tout seuls d'offrir des sacrifices à Dieu, tandis que les patriarches, les prophètes, les juifs, les gentils, les fidèles, reçoivent de Dieu même l'ordre de lui en offrir. Il serait bien étonnant qu'aujourd'hui pour la première fois les sacrifices religieux fussent abolis dans le monde, tandis que jamais, dans tous les âges qui se sont succédé jusqu'ici, le monde n'a été sans sacrifices. Car jamais, même au milieu des plus profondes ténèbres de son ignorance et de sa corruption, le monde n'a telle-

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ment oublié Dieu, qu'il ne restât toujours quelques hommes, en quelque petit nombre qu'ils fussent, qui servaient Dieu par des ouvres de justice, et montraient par leurs sacrifices qu'ils le servaient ainsi. Aujourd'hui au contraire, s'il plaît au monde d'adopter votre nouvelle doctrine, il fera ce qu'il n'avait encore jamais fait, et comme ce peuple emmené en captivité (OSÉE, III, 4), il restera sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, sans éphod et sans théraphins ; et cessant de sacrifier à Dieu, il cessera par là même d'être le peuple de Dieu. Il arrivera dans ces temps de grâce ce qui n'est jamais arrivé dans des temps de colère, savoir, que les chrétiens cessant de sacrifier à Dieu, le culte qui avait toujours eu cours dans le monde disparaîtra totalement du monde, et que le chrétien qui prouve sa soumission à Dieu par le culte qu'il lui rend, abandonnant le culte dû à Dieu seul, paraîtra désormais être tout-à-fait sans Dieu. »

17. S. CHRYSOSTOME, Hom. XVII in Epist. ad Hebræos (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. XII, pag.168-169, édit. de Montfaucon ; pag. 241-242, édit. de Gaume) :

« Quoi donc ? Est-ce que nous n'offrons pas tous les jours (Jésus-Christ) ? Sans doute tous les jours, mais par la commémoration que nous faisons de sa mort ; et cette commémoration n'est pas multiple, mais toujours la même. Comment cela? Parce qu'il n'a été offert qu'une fois, comme cette autre victime n'était introduite qu'une fois dans le Saint des saints. Celle-ci était le type de celle-là comme le sacrifice d'alors l'était de celui d'aujourd'hui ; car c'est toujours la même victime que nous offrons, et non pas un agneau un jour, et un autre jour un autre agneau, mais toujours le même : c'est donc toujours le même sacrifice. Autrement, comme il est offert en beaucoup de lieux, il y aurait donc à ce compte beaucoup de Christs ? Mais non ; c'est partout le même Christ, ici tout entier, ailleurs tout entier, partout le même corps ou la même personne. De même donc que c'est un seul et même corps, quoiqu'il soit offert en beaucoup de lieux, de même c'est partout et toujours un seul et même sacrifice.

C'est ce même sacrifice que notre divin pontife a le premier offert, et qui nous a purifiés. C'est ce sacrifice que nous offrons nous-mêmes encore aujourd'hui ; car il est impérissable et nous le célébrons en mémoire de ce qui s'est fait alors. . . Mais puisque je suis venu à parler de ce sacrifice, je veux vous adresser à ce sujet quelques mots, à vous qui êtes initiés. Beaucoup d'entre

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vous ne participent à ce sacrifice qu'une fois l'année, d'autres deux fois, d'autres plus souvent. . . »

18. Liturgies de saint Jacques, de saint Basile et de saint Chrysostôme ; voir plus bas, même question, témoignage 69.

19. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, liv. XXII, c. 8 : « Hespérius, ancien tribun, est auprès de nous ; il a sur le territoire de Fussales une métairie appelée Zubédi. S'étant assuré que l'influence des malins esprits répandait la désolation parmi ses esclaves, parmi ses troupeaux et dans toute sa maison, il vint en mon absence prier nos prêtres que l'un d'entre eux se rendit chez lui afin de conjurer par ses oraisons la puissance ennemie. Un prêtre y alla, et offrit le sacrifice du corps du Seigneur avec les plus ardentes prières pour faire cesser ces malignes attaques. Et aussitôt la miséricorde de Dieu les fit cesser. »

20. S. CHRYSOSTOME, Hom. LXXVII (al. LXXVIII) in Joannem (Cf. Opera S. Joan. Chrys., t. VIII, p.460, édit. de Montfaucon ; p.531, édit. de Gaume) : « Nous nous donnons le baiser les uns aux autres dans la célébration des saints mystères, pour montrer que nous ne faisons qu'un, tous tant que nous sommes ; nous prions tous en commun pour ceux qui ne sont pas encore initiés ; nous offrons le sacrifice pour les malades, pour les fruits de la terre, pour le monde entier. »

21. Le même, Hom. XVIII in Acta apostolorum (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. IX, pag.149-150, édit. de Montfaucon ; pag.157-158, édit. de Gaume) : « Beaucoup construisent des halles, des maisons de bains ; personne ne bâtit d'église : on se procurerait tout le reste, plutôt que de se procurer des églises. Je vous prie donc et vous supplie, je vous demande en grâce, ou plutôt je vous ordonne, à vous tous qui avez des maisons de campagne, de ne pas négliger d'y avoir des églises. Ne me dites pas : L'Eglise n'est pas loin, elle est toute voisine, la dépense serait grande, et le profit modique. Si vous avez à donner aux pauvres, entrez plutôt dans cette dépense ; pourvoyez à la pension du maître d'école, du diacre et des prêtres qui y seront appelés. Conduisez-vous pour l'Eglise comme vous le feriez pour une femme que vous épouseriez, ou pour une de vos filles que vous marieriez ; payez sa dot. Si vous le faites, tout le voisinage vous bénira. Que de biens en effet en résulteront ! Est-ce peu de chose, que votre pressoir soit béni ? Est-ce peu de chose, que Dieu reçoive les prémices de tous les

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fruits de vos terres ? Cela contribuera à rendre les cultivateurs plus heureux. Le prêtre en sera plus respecté et tout le pays en sera plus tranquille. On vous devra la continuité des prières, la régularité des offices, la célébration du saint sacrifice qui se fera tous les dimanches. Lequel, dites-moi, s'attirera le plus de louanges, de celui qui élèvera de magnifiques tombeaux pour qu'on puisse dire de lui que c'est à lui qu'on les doit, ou de vous qui aurez élevé des églises ? Songez que vous aurez votre récompense à l'avènement de Jésus-Christ si vous élevez quelque autel à la gloire de Dieu. . . Sera-ce un petit avantage, dites-moi, que votre nom soit continuellement répété dans les saints sacrifices, et que chaque jour des prières soient faites à Dieu pour le pays ? »

22. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Dialog ., lib. IV, c. 57 : « Nous avons aussi entendu dire qu'un homme ayant été pris et mis dans les chaînes par les ennemis, sa femme faisait offrir pour lui le saint sacrifice à des jours marqués ; que longtemps après ayant obtenu de la rejoindre, il se convainquit que les jours où les chaînes lui avaient été ôtées étaient ceux-là mêmes où à sa femme avait fait offrir le saint sacrifice. Ce récit acquiert un nouveau degré de vraisemblance par ce qui nous a été assuré à nous-mêmes avec toute certitude, il y a sept ans : Agathus, évêque de Palerme, comme me l'ont attesté et me l'attestent encore beaucoup de personnes pieuses et dignes de foi, ayant reçu l'ordre de se rendre à Rome du temps de mon prédécesseur d'heureuse mémoire, essuya dans la traversée une violente tempête au point de perdre l'espérance d'échapper au naufrage. Son nautonier, nommé Baroca, qui aujourd'hui est clerc de cette même église, conduisait le canot attaché au navire ; mais la corde s'en étant rompue, il avait disparu avec le canot lui-même au milieu des flots. Le navire, n'ayant plus alors d'autre conducteur que l'évêque, parvint enfin après beaucoup de périls et de secousses à l'île d'Ostica. Le troisième jour du débarquement, l'évêque, qui de la côte cherchait toujours des yeux le nautonier qui lui avait échappé avec son canot, vivement affligé de ne pas le voir reparaître le crut mort, et sa charité le portant à lui rendre, fût-il toujours vivant, les devoirs qu'on remplit envers ceux dont on déplora la perte, il fait offrir pour le soulagement de son âme au Dieu tout-puissant le sacrifice de la victime sainte ; ce sacrifice achevé, il remet le navire en état et fait voile vers l'Italie. Mais à peine est-il débarqué à Porto, qu'il retrouve le nautonier

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qu'il croyait mort. Transporté de joie d'une si heureuse rencontre, il lui demande comment il avait pu subsister sur la mer pendant tant de jours, au milieu de tant de périls. Le nautonier lui apprit alors que tant que le canot, tout rempli d'eau qu'il était, avait pu se soutenir au milieu des vagues, il avait flotté ou nagé avec lui, et que le canot était venu plus tard à chavirer, il s'était assis sur sa quille ; que ce manège s'étant renouvelé plusieurs fois, tant le jour que la nuit, il allait succomber à la fatigue aussi bien qu'à la faim qui le dévorait lorsque la miséricorde de Dieu vint à son secours de la manière suivante, comme on peut encore aujourd'hui l'apprendre de lui-même. Luttant, dit-il, contre les flots, et sentant mes forces s'épuiser, je me trouvai tout-à-coup dans un accablement d'esprit qui, sans être le sommeil, n'était cependant pas pour moi l'état de veille ordinaire ; quelqu'un alors m'apparut au milieu de la mer où j'étais et me présenta du pain pour réparer mes forces. A peine eus-je pris cette nourriture, que je me sentis fortifié et bientôt après un navire venant à passer m'accueillit, m'arracha à tous ces périls et me ramena à terre. L'évêque entendant ces mots, lui demanda quel jour la chose était arrivée et les renseignements qu'il en obtint le convainquirent que c'était le jour même où ce prêtre de l'île d'Ostica avait offert pour lui le saint sacrifice. »

23. BEDE, Anglic. hist., lib. IV, c. 22 : « Dans le combat où périt le roi Edwin, il se passa un fait mémorable et fort authentique, dont le récit, que je ne crois pas devoir omettre, pourra contribuer au salut de ceux qui en auront connaissance. Parmi ceux de ses soldats qui périrent avec lui, se trouvait un jeune homme appelé Huma, qui après avoir passé le reste de ce jour-là et la nuit suivante parmi les cadavres, et comme s'il était lui-même du nombre des morts, reprit ses sens enfin, et se remettant sur son séant banda comme il put ses blessures. Puis, après avoir pris quelque peu de repos, il se leva, et se mit en route pour trouver, s'il pouvait, quelque ami qui lui donnât ses soins. Mais au lieu de cela, il fut découvert et fait prisonnier par des soldats de l'armée ennemie, qui le conduisirent à leur chef, savoir au comte du roi Edilrède. Interrogé par ce prince qui il était, il n'osa pas se dire soldat, et il répondit qu'il était un pauvre paysan, un homme même marié qui était venu avec d'autres de sa condition porter des vivres à l'armée. Le prince, le prenant en pitié, fit soigner ses plaies, et quand la guérison fut à peu prés opérée, il ordonna, pour l'empêcher de prendre la

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fuite, qu'on le tînt attaché pendant la nuit ; mais ce fût en vain : car à peine ceux qui l'avaient attaché eurent-ils disparu, que ses liens se défirent. C'est qu'il avait un frère nommé Tuma, prêtre et abbé d'un monastère dans la ville qui aujourd'hui s'appelle de son nom Tumiacestir. Cet abbé à qui on avait rapporté que son frère avait été tué dans la bataille, s'était rendu sur le lieu du combat pour chercher son corps parmi les morts, et en ayant trouvé un autre qui lui ressemblait parfaitement, il avait cru que c'était lui-même, l'avait en conséquence transporté à son monastère, l'avait enseveli avec honneur, et avait fait dire plus d'une messe pour la délivrance (Nous sommes forcés de rendre par délivrance le mot absolutio qui est dans le texte original, et dont l'étymologie est solvere, dissoudre ou délier) de son âme. L'effet de ces messes fut, comme je viens de le dire, de rendre inutiles tous les efforts qu'on faisait pour lier son frère. Cependant le comte entre les mains de qui était le prisonnier, surpris de ce fait merveilleux, lui en demanda la cause, et voulut savoir de lui s'il n'avait pas en sa possession quelqu'une de ces lettres salutaires, dont on raconte tant de fables, pour rendre impuissants tous les liens dont on voulait l'attacher. Le prisonnier répondit qu'il ne connaissait rien de tous ces secrets. Mais j'ai, ajouta-t-il, un frère prêtre dans mon pays, et je sais que, me croyant mort, il fait dire pour moi souvent des messes, qui auraient pour effet, si j'étais parmi les morts, de délivrer mon âme des peines qu'elle aurait à endurer. Comme le comte le garda quelque temps près de lui, ceux qui l'étudiaient avec plus de soin virent bien à ses traits, à son maintien et à son parler, qu'il n'était pas un homme du peuple, mais plutôt de famille noble. Alors le comte, le prenant à part, le pressa davantage de lui dire d'où il était en lui promettant de ne lui faire aucun mal, s'il lui révélait simplement sa condition ou son origine. Le prisonnier déférant à sa demande, lui fit connaître qu'il avait été officier de son roi. « Je voyais bien, reprit le prince, que vous n'étiez pas un paysan. Vous méritez donc la mort, puisque tous vos frères et vos proches ont été tués dans la bataille ; et cependant je ne vous ferai pas mourir, pour ne pas manquer à la parole que je vous ai donnée. » Lorsque le blessé fut guéri, son maître le vendit à Londres à un certain Frison ; mais ce nouveau maître, pas plus que l'ancien, ne put jamais réussir à l'attacher. Ses ennemis ayant donc essayé ainsi de tous les liens, et celui qui l'avait acheté voyant qu'il ne pouvait l'attacher avec

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aucun, lui donna la faculté de se racheter s'il le pouvait. C'était le plus souvent à la troisième heure du jour, heure à laquelle se disaient les messes, que ses liens se défaisaient. Le prisonnier, sur la promesse qu'il fit de revenir ou d'envoyer le prix de sa rançon, put se rendre à Cantica (Peut-être Cantorbéry) auprès du roi Lodheri, qui était neveu par sa mère de la reine Edildrida, et qui avait été comme lui officier de cette reine. Il lui demanda et obtint de lui la somme nécessaire pour se racheter, et fit passer cette somme à son maitre, comme il l'avait promis. Puis il s'en retourna dans son pays, et arrivé près de son frère, il lui raconta en détail les revers qu'il avait essuyés, les consolations qu'il avait éprouvées et se convainquit par les révélations que celui-ci lui fit à son tour, que ses liens s'étaient défaits aux moments précis où les messes avaient été dites. Il comprit en même temps que tout le reste qui lui était arrive d'heureux ou d'avantageux au milieu de tant de périls, il le devait à la protection du ciel, intéressé en sa faveur par les prières de son frère et par l'oblation de la victime sainte.

Et beaucoup de ceux qui entendirent les récits de cet homme, se sentirent excités à prier avec plus de foi et de dévotion, à faire des aumônes, ou à offrir au Seigneur le saint sacrifice pour la délivrance de ceux de leurs proches qui pouvaient être décédés. Car ils comprirent par là que la sainte messe servait à sauver éternellement l'âme et le corps. Cette histoire m'a été racontée par des personnes qui la tenaient de celui-là même qui en était le sujet ; et c'est ce qui m'a déterminé à la donner avec confiance dans cette histoire ecclésiastique. »

24. S. CLEMENT, pape et martyr, Epist. III de officio sacerdotum et clericorum (Cf. LABBE, Conc., tom. I, col. 108. C'est une fausse décrétale ; une partie du passage cité ici paraît, avoir été prise dans une lettre du pape Félix IV (Conc., tom. IV. col, 1655), qui elle-même n'est pas authentique) : « Nous devons, tandis que nous sommes ici-bas, consulter la volonté de Dieu sur le lieu ou il nous est permis de sacrifier : car il n'est pas permis de sacrifier ou de célébrer des messes ailleurs que dans les lieux consacrés ou du moins autorises à cet effet par l'évêque de l'endroit même, légitimement ordonné. Car l'Ancien-Testament concourt, avec le Nouveau pour nous inculquer que ces choses-là ne doivent pas se pratiquer autrement. C'est ce que les apôtres ont appris du Seigneur, et qu'ils nous ont transmis ; c'est aussi ce que nous

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enseignons nous-mêmes, et que nous recommandons à tous ceux que cela regarde d'observer et d'enseigner exactement. »

28. S. IRENEE, Adversùs hæreses, lib. IV, c. 32 : « Ensuite, pour enseigner à ses disciples que c'est un moyen de montrer sa reconnaissance envers Dieu et de se le rendre favorable, que de lui offrir les prémices des biens de la terre, bien que Dieu cependant n'ait nul besoin de ces offrandes, il (Jésus-Christ) prit du pain, qui est un fruit de la terre, rendit grâces, et dit : Ceci est mon corps. Il offrit aussi dans le calice le vin, qui est un fruit de la terre ; mais ce vin, transformé en son propre sang, marquait la différence entre les sacrifices de l'ancienne loi et ceux de la nouvelle. C'est cette oblation du Nouveau-Testament que l'Eglise, instruite par les apôtres, réitère chaque jour par toute la terre, en offrant à Dieu les prémices de ses propres dons. C'est ce sacrifice nouveau que le prophète Malachie a d'avance annoncé quand il disait (MALACH., I, 10-11) : « Mon affection n'est point en vous, dit le Seigneur des armées, et je ne recevrai plus de présent de votre main ; car, depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, mon nom est grand parmi les nations ; et l'on me sacrifie en tout lieu, et l'on offre en mon nom une oblation toute pure, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur des armées. » Le sens de cette prophétie est évidemment qu'aussitôt que l'ancien sacrifice, le sacrifice de l'ancienne loi sera aboli, le nouveau sacrifice, qui aura pour objet une offrande plus pure, et qui aura lieu par toute la terre, commencera ; et dès-lors le nom de Dieu sera glorifié par toutes les nations (Cf. Les Pères de l'Eglise, trad. par M. de Genoude, t. III). »

26. S. CHRYSOSTOME, Homil. III in Epist. ad Philippenses (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. XI, pag.217-218, édit. de Montfaucon ; pag.250-251, édit. de Gaume) :

« Ce n'est pas vainement que les apôtres ont prescrit de faire mémoire des morts dans nos redoutables mystères : ils savaient qu'il leur en revenait beaucoup de profit, beaucoup d'utilité. »

27. Le même, Hom. LXIX ad populum Antiochenum, dit encore les même choses : « Ce n'est pas sans raison que les apôtres ont prescrit de faire ainsi mémoire des morts dans nos redoutables mystères. Car ils savaient qu'il leur en revenait beaucoup de profit, beaucoup d'utilité. Lorsque le peuple entier est là tendant ses mains élevées au ciel, que le corps des prêtres est rassemblé, que l'auguste victime est sur l'autel, comment ne fléchirions-nous pas, en priant pour eux, la justice de Dieu? »

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28. S. JEAN-DAMASCENE, Orat. de defunctis, discours dont le sujet est que les fidèles qui ont quitté cette vie sont aidés par les messes et les bonnes śuvres des vivants : « Or les disciples du Verbe, ces témoins assidus de ses actions, ces pécheurs du monde entier, ces disciples, dis-je, du Sauveur, ces divins apôtres ont ordonné que dans ces saints et redoutables mystères qui procurent la vie à nos âmes, on ferait mémoire de ceux qui seraient morts avec la foi, etc. » Voir plus bas, témoignage 107, pour le reste de ce passage.

29. S. IRENEE, contra hæreses, lib. IV, c. 32, comme plus haut, témoignage 24, page 369.

30. EUSEBE, Démonstration évangélique, lib. I, c. 10 : « Il a enfin offert à son Père pour notre salut, la victime la plus admirable, l'offrande la plus agréable dont il a établi que nous célébrerions la mémoire comme un sacrifice à Dieu. C'est ce que prédit David dans ses transports prophétiques lorsqu'il s'écrit : J'ai attendu le Seigneur avec une grande patience; il s'est abaissé vers moi, il a exaucé ma prière il m'a tiré de l'abîme de misère et de la boue profonde. Il a placé mes pieds sur la pierre; il a dirigé mes pas. Il m'a mis dans la bouche un cantique nouveau pour être chanté à notre Dieu. Et voici quel est ce cantique nouveau : Vous n'avez voulu ni oblations, ni sacrifices ; mais vous m'avez donné un corps. Vous n'avez pas demandé d'holocaustes même pour le péché alors j’ai dit : Me voici ; je viens (Ps. 39, 4). Il est écrit de moi à la tête de votre livre que je ferai votre volonté, je l'ai voulu. » Ce  prophète ajoute : J'ai annoncé la justice dans une grande assemblée. Par ces paroles le saint roi nous apprend évidemment qu'aux anciens sacrifices et aux holocaustes d'autrefois, a succédé la présence corporelle et l'immolation du Christ à Dieu ; et dans l'effusion de sa joie, il annonce à toute l'Eglise ce grand mystère exposé à la tête du livre par l'expression prophétique. Sur le point de célébrer sur une table et par des symboles augustes la mémoire de ce sacrifice de son corps et de son sang salutaire, nous apprenons de lui à dire : Vous avez préparé une table pour moi, à la vue de ceux qui me persécutent. Vous inondez ma tête d'une huile odorante. Que votre calice, qui m'enivre de joie, est admirable ! (Ps. 22, 5) Par ces paroles le prophète désigne clairement cette onction mystique et ces redoutables sacrifices du Christ, où nous immolons, à chaque jour de notre vie, une victime non-sanglante, spirituelle et d'agréable odeur au Dieu suprême, suivant les préceptes que nous avons reçu du pontife

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le plus auguste de tous. - C'est ce qu'Isaïe, le grand prophète admirablement inspiré de l'Esprit-Saint, a vu dans l'avenir et a prédit en ces termes (ISAIE, XXV, 1) : Seigneur, mon Dieu, je vous glorifierai : je louerai votre nom, parce que vous avez opéré des merveilles. Puis il dévoile ces merveilles en ajoutant : Le Seigneur des armées préparera un festin à tous les peuples. Ils s'abreuveront de joie ; ils boiront le vin ; ils s'inonderont de parfums sur cette montagne. Annonce ces paroles aux nations ; car telle est sa volonté sur les nations. - Telles sont les merveilles qu'Isaïe a prédites ; elles faisaient espérer l'onction de parfum et d'agréable odeur, non pas aux juifs, mais aux gentils ; aussi ont-ils obtenu non-seulement cette onction précieuse, mais encore l'auguste titre de chrétiens. Le prophète leur promet même la joie du vin, laissant à entendre par là le mystère de la nouvelle alliance célébré aujourd'hui à découvert chez toutes les nations. » Un peu plus haut, parlant des gentils et des juifs convertis à Jésus-Christ, le savant apologiste avait dit encore : « Tandis que nous célébrons chaque jour la mémoire de son corps et de son sang, honorés que nous sommes de la possession d'un sacrifice bien supérieur à celui des anciens..... »

31. S. CYPRIEN, ad Cæcilium, epist. LXIII : « Si Jésus-Christ, Notre-Seigneur et notre Dieu est lui-même le pontife de Dieu le Père ; s'il s'est offert le premier à lui en sacrifice ; s'il a dit : Faites ceci en mémoire de moi, le prêtre ne tient véritablement ici-bas la place de Jésus-Christ qu'autant qu'il imite ce que Jésus-Christ a fait ; il n'offre à Dieu le Père un sacrifice complet, légitime, qu'autant qu'il l'offre à Jésus-Christ et comme Jésus-Christ. Ce n'est pas le matin, objecte-t-on, c'est après le repas du soir que le Seigneur a offert le calice mêlé d'eau et de vin. D'accord ; mais il ne suit pas de là que nous devions l'offrir à ce moment. Il fallait que le Christ l'offrît vers le déclin du jour, afin que l'heure elle-même du sacrifice figurât la chute et les ténèbres du monde, ainsi qu'il est écrit dans l'Exode : Et toute la multitude des enfants d'Israël le mangea vers le soir. Et encore dans les psaumes : L'oblation de mes mains est comme le sacrifice du soir. Mais nous, nous célébrerons le matin la résurrection du Seigneur. Et puisque, dans chacun de nos sacrifices, nous faisons mémoire de sa passion, car la passion du Seigneur est le sacrifice que nous offrons, nous ne devons pas faire autre chose que ce qu'il a fait. En effet, l'Ecriture dit : Toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de ce calice, vous annoncerez

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la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne. Toutes les fois donc que nous offrons le calice en mémoire du Seigneur et de sa passion, faisons ce qu'il 'est certain qu'il a fait. »

32. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, liv. X, c. 20 : « Aussi le vrai médiateur entre Dieu et les hommes, médiateur en tant qu'il a pris la forme d'esclave, Jésus-Christ homme, recevant comme Dieu le sacrifice avec son Père, et seul Dieu avec lui, a préféré cependant, sous la forme d'esclave, être lui-même le sacrifice, plutôt que de le recevoir, pour ne laisser aucun prétexté à croire qu'il soit permis de sacrifier à quelque créature que ce soit. Lui-même est donc le prêtre qui offre, lui-même est l'offrande ; et c'est ce mystère qu'il a voulu perpétuer dans le sacrifice que l'Eglise offre tous les jours ; l'Eglise, ce corps dont il est le chef, et qui s'offre elle-même par lui. Les antiques sacrifices des saints étaient autant de figures de ce vrai sacrifice ; sens unique, caché sous tant de signes, comme on énoncé une même pensée sous des formes différentes, pour éveiller l'attention et prévenir l'ennui. Devant ce sacrifice auguste et véritable, tous les sacrifices menteurs ont disparu. »

33. Le même, contra Faustum Manichæum, lib. XX, c. 21, comme plus haut, témoignage 8, page 369.

34. Le même, in Ps. XXXIII, conc. (Cf. Opera. S. Augustini, tom. IV, pag. 215, édit. des bénédictins, col. 307, édit. de Gaume) : « Il se contrefit le visage dans les états de son père, qui le laissa partir, et il s'en alla. C'est que là était le sacrifice selon l'ordre d'Aaron, et qu’à la place de ce sacrifice il institua au moyen de son corps et de son sang le sacrifice selon l'ordre de Melchisédech. Il se contrefit donc le visage, en changeant, comme il fit, le sacerdoce. »

35. S. CHRYSOSTOME, Hom. LXXXIII in Matthæum (Cf. Opera. S. Joannis Chrysostômi, tom. VII, édit. de Montfaucon ; pag. 882-883, édit. de Gaume) : « Il dit donc : J'ai désiré ardemment de manger cette pâque, c'est-à-dire, de vous promulguer la nouvelle loi, et d'instituer une pâque qui aura la vertu de vous rendre spirituels. Et il but lui-même de ce calice. Car de peur qu'en entendant ces choses, il ne leur vînt à la pensée de dire : Quoi donc ! c'est du sang que nous buvons, et de la chair que nous mangeons ? et que cette pensée ne les jetât dans le trouble, comme en effet, la première fois qu'il avait parlé de son dessein, beaucoup d'entre eux s'était scandalisés de ses paroles ; de peur donc qu'ils ne fussent de même troublés

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il leur donna le premier l'exemple, les engageant ainsi à prendre part avec confiance aux saints mystères. Pour cette raison donc il but lui-même le premier son sang. Quoi donc, direz-vous, faut-il faire aussi ce qui se faisait autrefois ? Nullement. Car s'il dit à ses disciples, Faites ceci, c'est pour qu'ils cessassent de faire cela. Car si ceci suffit, comme il est certain, pour la rémission des péchés, l'autre chose est désormais superflue. C'est pourquoi il a joint au mystère le souvenir du bienfait, comme autrefois dans la pâque juive, et par là il a fermé la bouche aux hérétiques. Car lorsque ceux-ci s'en viennent nous dire : qu'est-ce qui démontre que le Christ ait été immolé ? nous avons pour les en convaincre, outre les autres moyens, nos mystères eux-mêmes. Car si Jésus n'était pas mort, de quoi le sacrifice que nous célébrons serait-il le symbole ? Voyez-vous combien il a pris à cśur de nous rappeler continuellement qu'il est mort pour nous ? Car comme il devait dans la suite paraître des hérétiques tels que les disciples de Marcion, de Valentin, de Manès, qui nieraient cet ordre des desseins de Dieu, il ne cesse de nous rappeler la mémoire de sa passion par les mystères mêmes qu'il nous ordonne de célébrer tous les jours, afin que personne ne puisse être séduit par ces fausses doctrines, et c'est ainsi qu'il nous instruit en même temps qu'il nous sanctifie au moyen de ce banquet sacré. En effet, c'est de la passion qu'il a endurée que découlent pour nous toutes les grâces. »

36. Le même, Hom. XXIV in Epist. I ad Corinthios (Cf. Opera. S. Joan. Chrysost., tom. X, p.215, édit. de Montfaucon ; pag. 249-250, édit. de Gaume) : « Comme l'ancienne loi s'adressait à des hommes trop imparfaits, il avait bien voulu alors avoir pour agréable la même espèce de sang qu'ils offraient aux idoles, afin de les éloigner des idoles mêmes, ce qui était faire preuve d'une bonté inouïe ; mais ici, comme il s'agissait d'établir un culte bien plus respectable et bien plus auguste, il change l'espèce même du sacrifice, et il veut être immolé lui-même à la place des animaux sans raison. Mais pourquoi l'Apôtre ajoute-t-il, Quem frangimus, que nous rompons ? C'est en effet ce que nous voyons pratiquer dans l'Eucharistie ; sur la croix cependant la même chose n'a point eu lieu ; ce fut plutôt tout le contraire suivant cette parole : Vous ne briserez aucun de ses os. Mais ce qu'il n'a pas souffert sur la croix, il le souffre dans l'oblation journalière par amour pour

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nous, et il consent à être mis comme par morceaux, afin de nous rassasier tous. »

37. S. MARTIAL, Epist. ad Burdegalenses, c. 3 (C’est une épître supposée, mais qui n’a rien que de conforme à la foi de tous les temps. Elle ne paraît pas remonter plus haut que le onzième siècle. Voir NAT. ALEX., Hist. eccles. Sæc. I, c. XIII, art.11) : « Comme on réduisait en cendres les autels des démons, nous avons ordonné qu'on réservât pour nos saints mystère l'autel du Dieu inconnu, cet autel que nous avons dédié sous le nom du Seigneur Dieu d'Israël et à Etienne son témoin, qui a souffert la mort pour lui de la part des Juifs. Vous pratiquez le culte non d'un homme, mais du vrai Dieu ; car Etienne n'était pas Dieu, mais seulement son ami ; il sacrifia sa vie pour lui rendre témoignage : la table qui est dressée est teinte de sang, parce que Jésus-Christ a prouvé par l'effusion même de son sang qu'il est Dieu ; et celui qui croira, recevra la récompense de sa foi. En effet, le sacrifice offert sur l'autel ne s'offre, ni à un homme, ni à un ange, mais au Dieu Créateur. Et ce n'est pas seulement sur un autel sanctifié, mais en tout lieu que s'offre à Dieu une oblation pure, ainsi qu'il nous l'a attesté lui-même. C'est son corps et son sang que nous offrons pour la vie éternelle, en disant : Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, le fassent en esprit et en vérité. Car lui-même, quoique son corps fût sans tache et exempt de péché, comme ayant été conçu du Saint-Esprit et étant né de la vierge Marie, il a souffert qu'il fût immolé sur l'autel de la croix. Mais ce corps que les Juifs ont immolé par envie, en croyant effacer son nom de dessus la terre, nous l'offrons pour notre salut sur l'autel sanctifié, bien convaincus que c'est le seul moyen pour nous de nous procurer la vie et d'éviter la mort : car c'est Jésus-Christ lui-même qui nous a ordonné de faire cela en mémoire de lui. Quant aux sacrifices qui s'offraient aux idoles, je vous ai déjà fait connaître que c'était là une des principales causes de la domination que le diable exerçait sur vous. Et comme la communion au Dieu vivant est pour vous une source de vie, ainsi la participation à la table des idoles était pour vous une cause de réprobation, de maladies, de désordres et d'autres maux sans nombre. »

38. S. DENIS l'Aréopagite, Eccles. hierarch., c. 3 : « Le hiérarque debout au saint autel, bénit les śuvres admirables que, dans sa providence, Jésus-Christ a faites pour le salut du genre humain, par le bon plaisir du Père dans le Saint-Esprit,

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pour parler comme nos oracles. Quand donc il les a louées ; quand, par l'śil de  l'entendement, il les a contemplées avec un pieux respect, il procède à la célébration mystique du sacrifice en la manière que Dieu a instituée. Ayant donc payé le tribut de louanges à la divine bonté, saisi de cette crainte que la religion réclame d'un pontife, il s'excuse d'oser approcher ces mystères si excellents, et il s'écrit vers le Seigneur : « Vous l'avez dit : Faites ceci en mémoire de moi. » Puis il demande la grâce de n'être pas indigne de ce ministère par lequel l'homme imite un Dieu, et de retracer Jésus-Christ dans la célébration, la distribution des choses sacrées et pour ceux aussi qui doivent y communier la grâce de les recevoir avec une pureté parfaite. Alors il achève l'śuvre sainte, et offre aux regards les mystères sous les symboles qui les rendent sensibles (Cf. Les Śuvres de saint Denis l’Aréopagite, trad. par M. l’abbé Darboy, p.285-286 ; Les Śuvres du divin saint Denis, trad. par le frère Jean de Saint-François, p.85-86 ; les mêmes, textes grec, édit. de Paris, 1562, p.156). »

39. S. CLEMENT, pape et martyr, ou plutôt l'auteur inconnu des Constitutions apostoliques, liv. V, c. 18 : « Le Seigneur ayant été mis en croix dans la sixième férie, et étant ressuscité le matin du dimanche, nous voyons ainsi accomplie la prophétie qui disait (Ps. LXXXI, 8) : Levez-vous (Resurge), Seigneur, jugez la terre, car vous avez pour héritage toutes les nations ; et cette autre (Ps. XI, 6) : Je me lèverai maintenant, je procurerai leur salut en les mettant en un lieu sûr, et j'agirai en cela avec une entière liberté ; cette autre enfin (Ps. XL, 11 ) : Vous, Seigneur, ayez compassion de moi, et ressuscitez-moi, et je leur rendrai ce qu'ils méritent. Vous donc aussi, maintenant que Notre-Seigneur est ressuscité d'entre les morts, offrez votre sacrifice, celui qu'il vous a recommandé par ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi. Et après cela cessez votre jeûne en célébrant avec joie la résurrection de Jésus-Christ, gage elle-même de notre propre résurrection ; et que ce soit là pour vous une loi stable et perpétuelle dans toute la suite des siècles, jusqu’à ce que le Seigneur vienne. »

40. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I, Epist. 2 : « Comme je crois avoir suffisamment démontré la vérité du sacrifice chrétien, dites maintenant pourquoi, nous enviant ce même sacrifice, je veux dire le corps et le sang de notre Rédempteur, vous ne l'accordez pas à d'autres qu'à ceux-là même qui ont assisté avec Jésus-Christ à la cène fameuse célébrée la veille de

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sa passion. Si vous remettez toujours, comme vous l'avez fait jusqu'ici, à me répondre, je vous prouve qu'il n'a été institué, ni pour eux seulement, ni pour ces temps-là seuls ; mais que c'est un présent fait par l'auteur de tous les biens à tous les fidèles jusqu’à la consommation des siècles. Mais je m'étonne au-delà de tout ce que je puis dire, je suis tout stupéfait de voir que cette opinion ait pu venir dans l'esprit des hommes qui se vantent de croire à l’Evangile, tandis que les paroles de Jésus-Christ qui combattent cette hérésie s'y trouvent si clairement exprimées que si elles paraissent encore douteuses ou obscures, il n'y a plus ni clarté ni certitude dans aucune de ses instructions ou de ses autres paroles. Que pouvait-il dire en effet de plus assuré comme de plus clair, contre ceux qui prétendent que le corps et le sang de Jésus-Christ n'ont été produits alors que sous forme de sacrement, n'ont été donné que pour la circonstance d'alors, que l'ordre qu'il a intimé lui-même à ses disciples en leur disant : Faites ceci en mémoire de moi ? Comment l'hérétique ose-t-il donc dire : Ne faites pas ceci, pensant que Jésus-Christ donne l'ordre contraire par ces paroles : Faites ceci ? Ceci, dis-je, et non autre chose ; ceci même qui vous est donné à manger, qui vous est donné é boire, mon corps en un mot avec mon sang. Faites ceci, vous dis-je encore une fois, en mémoire de moi. Que demandez-vous de plus ? Quelle autre assurance voulez-vous que celle-là ? Cette seule parole, si courte qu'elle soit, répond à tous les verbiages de l'erreur, de sorte que ce n'est plus que par surabondance de raisons qu'on peut chercher ailleurs encore de quoi mettre aux abois l'ennemi pervers de nos dogmes. Jésus-Christ n'a pas dit seulement : Prenez et mangez, prenez et buvez ; mais : Ce que vous mangez et buvez, faites-le de même. S'il en est ainsi, il est donc faux, malgré ce que vous dites, ô hérétiques, que ce soit alors seulement que ce sacrement ait été donné par Jésus-Christ, que ce soit alors seulement qu'il ait été reçu par les apôtres, puisque ce qu'il a fait, il leur a ordonné de le faire aussi ; ce qu'il a distribué, il a voulu qu'ils le distribuassent aussi à d'autres. »

41. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, liv. X, c. 20, comme plus haut, témoignage 32, page 384.

42. Le même, contra Faustum Manichæum, lib. VI, c. 5, parlant des sacrifices de l'Ancien-Testament, ajoute ces paroles : « Ces sacrifices étaient autant de figures des nôtres et tous, malgré leurs différences particulières, représentaient un même

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sacrifice, celui dont nous faisons maintenant mémoire. De là vient que ce sacrifice s'étant enfin accompli, ou ayant été offert en son temps, les sacrifices anciens ont été abolis quant à leur célébration, tout en ne perdant rient de leur autorité quant à la signification qu'ils renfermaient. »

43. S. HIPPOLYTE, évêque et martyr, Orat. de consummatione mundi et Antichristo (L'authenticité de cet opuscule est soutenue par Noël Alexandre contre plusieurs critiques protestants, Hist. eccles. tertii sæculi, t. IV, c. IV, art. 4. Mais aujourd'hui on le considère généralement comme supposé, depuis qu'on a retrouvé le véritable ouvrage de saint Hippolyte sur l'Antéchrist, par la découverte faite en 1661 de son manuscrit, dont on trouvera la traduction dans les Pères de l’Eglise, trad. de M. de Genoude) : « Les églises gémiront de se voir dans le deuil, n'ayant plus ni sacrifice, ni offrande d'encens, ni culte agréable à Dieu. Mais les édifices sacrés seront dans ces temps-là comme des cabanes désertes ; on n'y offrira plus le corps et le sang de Jésus-Christ ; il n'y aura plus, ni liturgie, ni chant des psaumes, ni lecture des Ecritures sacrées. Mais les hommes seront plongés dans les ténèbres, en proie à la désolation la plus profonde, et à une complication de malheurs sans fin. »

44. S. CHRYSOSTOME, Operis imperfecti in Mattæum (Cet ouvrage est faussement attribué à saint Jean Chrysostôme. V. NAT. ALEX., Hist. eccles. IV sæc., c. VI, art. 29),

hom. XLIX, sur ces paroles : Lorsque vous verrez l'abomination de la désolation : « Ainsi les paroles du prophète se rapportent plutôt à la fin du monde, quoique la prophétie, comme Jésus-Christ nous l'enseigne, ait en vue les deux événements. Or, voici quelles étaient les paroles du prophète (DAN., IX, 27) : A la moitié de la semaine les hosties et les sacrifices seront abolis, l'abomination de la désolation sera dans le temple, et la désolation durera jusqu'à la consommation et jusqu'à la fin. Dans ce passage c'est l'armée romaine qui est surnommée l'abomination de la désolation, parce qu'elle devait réduire à la désolation le culte judaïque. Dans l'Evangile au contraire c'est l'Antéchrist qui est appelé l'abomination de la désolation, parce qu'il répandra la désolation dans les âmes qu'il séparera de Dieu. Car avant que les Romains prissent Jérusalem ou à la moitié de la semaine prédite, Jésus-Christ en promulguant sa doctrine avait abrogé le sacrifice judaïque. Il est dit en effet qu'il prêcha trois ans et demi, ce qui fait la moitié d'une semaine d'années, pour que le sacrifice qui jusque-là avait été en usage cessât d'être pratiqué,

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et qu'on offrit à la place le sacrifice de louanges qui consiste dans les paroles, le sacrifice de justice qui consiste dans les śuvres et le sacrifice d'hostie pacifique qui est l'Eucharistie. Il y aura désolation jusqu'à la fin des siècles, parce que l'usage des sacrifices judaïques ne sera jamais rétabli. De même toute la moitié d'une semaine, c'est-à-dire pendant trois années et demie, ce sacrifice des chrétiens sera aboli par l'Antéchrist, les chrétiens fuyant loin de lui dans les déserts, sans qu'il reste personne pour fréquenter les églises, ou pour offrir à Dieu des oblations. »

45. S. CYPRIEN, ad Cæcilum Epist. 63, al. 62 : « Sachez le donc ; il nous a été commandé de garder la tradition en offrant le calice du Seigneur et de ne rien pratiquer que ce que le Seigneur a pratiqué lui-même le premier pour nous, c'est-à-dire de mêler l'eau et le vin dans le calice qui est offert en sa commémoration. En effet, puisque Jésus-Christ a dit : Je suis la vigne véritable, il en résulte que le sang de Jésus-Christ n'est pas de l'eau, mais du vin. L'on ne peut pas dire que son sang, par lequel nous avons été rachetés et vivifiés, soit dans le calice, quand le vin manque au calice, le vin qui représente le sang de Jésus-Christ et auquel rendent témoignage les symboles et les mystères des saintes Ecritures. En effet, ouvrons la Genèse, qu'y trouvons-nous ? Noé est un des premiers symboles qui représentent la passion de Notre-Seigneur; nous la retrouvons dans le vin que boit le patriarche, dans l'ivresse où il est plongé, dans sa nudité aperçue et scandaleusement divulguée par le second de ses fils, dissimulée et pieusement recouverte par les deux autres. Ne poussons pas plus loin les détails ; qu'il nous suffise de le remarquer : Noé, figure de la vérité à venir, ne boit pas de l'eau, mais du vin, exprimant ainsi d'avance la passion du Sauveur. L'Ecriture nous montre encore dans le grand-prêtre Melchisédech l'image de l'auguste sacrifice : Melchisédech, dit-elle, roi de Salem, offrit le pain et le vin ; car il était prêtre du Dieu tout-puissant, et il bénit Abraham. Or, que Melchisédech portât en lui-même le type du Sauveur, l'Esprit-saint le déclare dans les Psaumes, lorsque le Père s'adresse ainsi au Fils : Je t'ai engendré avant l'étoile du matin ; tu es le prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech. Quel est cet ordre ? D'où prend-il son origine ? C'est que Melchisédech a été le prêtre du Dieu vivant ; c'est qu'il a offert le pain et le vin, et qu'il a béni Abraham. En effet, qui peut s'appeler à meilleur droit le prêtre du Dieu vivant, que Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a offert à Dieu,

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comme autrefois le roi de Salem, le sacrifice du pain et du vin, c'est-à-dire son corps et son sang ? Afin que, dans la Genèse, le grand-prêtre Melchisédech bénit légitimement Abraham, Dieu voulut qu'il préludât par l'image du sacrifice de Jésus-Christ, qui résidait dans le pain et dans le vin. Puis, lorsque Notre-Seigneur, complétant ce symbole, offrit le pain et le calice mêlé de vin, celui qui est la consommation de la vérité accomplit la vérité de ce qui n'était alors qu'une image. Le Saint-Esprit nous montre aussi d'avance par la bouche de Salomon une figure du sacrifice du Seigneur. L'immolation de la victime, le pain, le vin, l'autel, les apôtres eux-mêmes tout y est nommé : La sagesse, dit-il, s'est bâti une demeure ; elle l'a appuyé sur sept colonnes. Elle a immolé ses victimes ; elle a mêlé le vin, dans sa coupe ; elle a dressé sa table ; elle a envoyé ses serviteurs, et elle a appelé des lieux les plus hauts de la ville pour convier à son calice, etc. »

46. EUSEBE, Démonstration évangélique, liv. V, c. 3 : « L'évènement de l'oracle saint n'est-il pas merveilleux pour celui qui considère comment notre Sauveur, le Christ de Dieu, accomplit aujourd'hui encore par ses ministres les rites du sacrifice, selon l'ordre de Melchisédech ? Car, de même que le pontife des nations, loin d'immoler des victimes, n'offrit que le pain et le vin quand il bénit Abraham, de même notre Sauveur et Seigneur le premier, et ceux qui chez les nations tiennent leur sacerdoce de lui, et qui consomment le sacrifice spirituel suivant les lois de l'Eglise, figurent avec le pain et le vin les mystères de son corps et de son sang salutaire, que Melchisédech avait prévu par l'inspiration divine, et dont il employait la figure par anticipation, ainsi que le témoigne le récit de Moïse, ainsi conçu : Melchisédech, roi de Salem, offrit le pain et le vin, car il était prêtre du Très-Haut et il bénit Abraham (Gen., 14, 18). »

47. S. JEROME, Epist. XVII, n. 2, ou plutôt sainte Paule et sainte Eustochium engageant Marcella à venir à Bethléhem : « Relisez la Genèse et vous y trouverez pour souverain de cette ville Melchisédech, roi de Salem, qui dès-lors figura le Christ en offrant le pain et le vin, et inaugura le mystère chrétien par la représentation symbolique du corps et du sang du Sauveur : In typo Christi panem et vinum obtulit, et mysterium christianum in Salvatoris sanguine et corpore dedicavit. »

48. Le même, à Evagre, Epist. CXXVI : « Melchisédech qui était chananéen et non hébreu d'origine, a figuré d'avance le sacerdoce du Fils de Dieu, à qui s'appliquent ces paroles du

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psaume CIX : Vous êtes prêtre pour l’éternité selon l'ordre de Melchisédech. On donne à ces derniers mots plusieurs interprétations diverses, ces paroles pouvant faire allusion, soit à ce que Melchisédech seul a été prêtre et roi tout à la fois, soit à ce qu'il a exercé le sacerdoce avant que la circoncision eût été établie de sorte que ce ne sont pas les gentils qui ont emprunté des juifs l'institution du sacerdoce, mais plutôt les juifs qui l'auraient empruntée des gentils ; soit ce que Melchisédech n'a pas reçu l'onction sacerdotale, comme le prescrit la loi de Moïse (Lévit., VIII, 12), mais l'onction de cette huile de joie dont parle le Psalmiste

(Ps. XLIV, 8), et qui consistait principalement dans la pureté de sa foi ; soit enfin à ce qu'il n'a pas immolé des victimes composées de chair et de sang, et pris dans sa main le sang de vils animaux, mais à ce qu'il a offert simplement du pain et du vin, sacrifice tout autrement pur que ces sacrifices sanglants, et qui représente si bien le sacrement institué par Jésus-Christ même. Je m'étendrai là-dessus bien davantage, si les lois de la brièveté pour cette lettre que je vous écris ne m'obligeaient à me restreindre. »

49. S. AUGUSTIN, in Ps. XXXIII, conc. 2 : « Il se contrefit le visage dans les états de son père qui le laissa partir, et il s'en alla. C'est que là était le sacrifice selon l'ordre d'Aaron, et qu’à la place de ce sacrifice il institua avec son corps et son sang le sacrifice selon l'ordre de Melchisédech. Il se contrefit donc le visage en changeant, comme il le fit, le sacerdoce. Il abandonna le peuple juif, et il passa aux gentils. Mais qu'entendre par ce mot, il affectait (Affectabat). C'est la traduction d’un mot grec qui fait suite aux précédents du verset 13 du chapitre XXI, I Rois, de la version des Septante. Ce mot devrait se traduire plutôt par il faisait semblant ; mais il nous a fallu conserver le jeu de mots employé par saint Augustin) ? Il faut entendre par la qu'il était plein d'affection. Car quoi d'affectueux comme la  miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ ! »

50. S. EPIPIIANE, Hom. LV Melchisedechianorum (Cf. S. Epiphanii opera, t. I, p.469-470) : « Abraham lui offrit des pains et du vin, etc. Comme c'était de lui que devait sortir le sacerdoce de la circoncision, afin que toute hauteur qui s'élève contre la science de Dieu fût renversée par la science de Dieu, Dieu ne voulut pas que la circoncision, se prévalant de son sacerdoce, se prît à contredire le sacerdoce de sa sainte Eglise. C'est pourquoi Abraham offrit la dîme à Melchisédech.

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Et comme Lévi et Aaron devaient descendre d'Abraham, ce sont eux-mêmes qui ont offert cette dîme dans sa personne. Dans la suite, quoique le sacerdoce de la circoncision subsistât encore dans la famille d'Aaron et de ses fils, l'Ecriture n'en a pas moins prononcé cet oracle par la bouche de David, à la douzième génération de puis Lévi et la septième depuis Aaron ; il fallait donc que la dignité sacerdotale ne restât pas à l'ancien sacerdoce, mais qu'elle fût transférée au sacerdoce selon l'ordre de Melchisédech, qui avait précédé Moïse et Aaron. C'est ce qui a lieu depuis Jésus-Christ jusqu’à ce jour, maintenant que le sacerdoce ne se transmet plus par ordre de génération mais par ordre de mérite. Le premier de tous les sacerdoces a été celui d'Abel, qui était incirconcis ; le second, celui de Noé et le troisième, celui de Melchisédech, également incirconcis.... Comme Abraham était âgé d'environ quatre-vingt-huit ou quatre-vingt-dix ans, Melchisédech vint à sa rencontre, et lui offrit des pains et du vin, symboles mystérieux et auxquels font allusion ces paroles de Notre-Seigneur : Je suis le pain vivant ; comme ils représentaient aussi en partie son sang, qui coula de son côté percé pour nous laver de nos péchés et pour purifier et sauver nos âmes. »

51. S. JEAN-DAMASCENE, Lib. IV de orthodoxâ fide, c. 14 ; voir ce passage rapporté plus haut, question II, témoignage 8, page 279.

52. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, liv. XVII, c. 20, expliquant ces paroles, Venez, mangez mon pain, s'exprime ainsi : Venez manger de mon pain, et buvez le vin que je vous ai préparé. Ces paroles nous font connaître clairement que la Sagesse de Dieu, le Verbe coéternel au Père s'est bâti dans le sein d'une vierge une maison vivante, un corps humain ; qu'il y a joint l'Eglise, comme les membres à la tête qu'il a offert en sacrifice l'immolation des martyrs ; qu'il a préparé le banquet du pain et du vin, symboles où apparaît aussi le sacerdoce selon l'ordre de Melchisédech ; qu'il y a convié les insensés et les pauvres de raison ; car, dit l'Apôtre, Dieu a choisi les faibles selon le monde, pour confondre les forts. A ces faibles, cependant, la sagesse dit ensuite : Renoncez à la folie, afin de vivre, et cherchez la sagesse, afin d'avoir la vie. Or, avoir place à sa table, c'est commencer d'avoir la vie. Et par ces paroles de l'Ecclésiaste : Il n'y a de bien pour l'homme que de boire et de manger ; que faut-il entendre, sinon la participation à cette table, où le souverain prêtre et

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médiateur du Nouveau-Testament nous donne son corps et son sang selon l'ordre de Melchisédech ? En effet, ce sacrifice a succédé à tous les sacrifices de l'ancienne loi, qui n'étaient que des ombres de celui qui devait s'offrir un jour. Aussi reconnaissons-nous, au psaume trente-neuvième, la voix de ce même médiateur parlant en prophétie : Vous n'avez pas voulu de victimes ni, d’offrandes, mais vous m'avez formé un corps ; car pour tout sacrifice et pour toute offrande, son corps est offert et servi à tous ceux qui y participent. »

53. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. 1, Epist. 2 contra Petrobrusianos : « Le sacrifice chrétien n'est pas multiple, mais plutôt unique ; car de même que tous les chrétiens qui offrent ce sacrifice ne font qu'un même peuple répandu dans le monde entier, et que Dieu à qui ce sacrifice est offert est un, comme la foi avec laquelle il est offert est une, ainsi la chose même qui est offerte est une également. La multiplicité des victimes en usage chez le peuple juif a fait place à l'unité de victime chez les chrétiens. Comme en effet toutes ces victimes, par leur multiplicité même, étaient incapables de rendre parfait celui qui les offrait, Dieu a trouvé une victime qui, précisément par son unité, suffit, toute seule pour purifier, sanctifier et rendre parfaits ceux qui la lui offrent. Les taureaux, les béliers, les agneaux, les chèvres, les boucs, chargent de leurs graisses et ensanglantent de leur sang les autels des juifs ; l'agneau de Dieu, qui efface les péchés du monde, est seul offert sur les autels des chrétiens. . . C'est là notre sacrifice, le sacrifice de la loi évangélique et du Nouveau-Testament, l'holocauste du peuple nouveau, qui, offert à Dieu une fois sur la croix par l'homme-Dieu, doit continuer d'après ses ordres à être offert par son peuple sur les autels. Car ce qui est offert aujourd'hui n'est pas différent de ce qui a été offert alors ; mais ce que Jésus-Christ a offert une fois, il a chargé son Eglise de l'offrir de même dans tous les temps. »

54. S. MARTIAL, Epist. ad Burdegalenses, ou pour mieux dire, l'auteur quel qu'il soit de cette lettre, chapitre 3 ; passage cité plus haut, témoignage 57, page 386.

55. S. JUSTIN, philosophe et martyr, dialogue avec le juif Tryphon ; passage cité plus haut, témoignage 4, page 567.

56. S. IRENEE, Adversùs hæreses, lib. IV, c. 32 : passage cité plus haut, témoignage 25, page 381.

57. Le même, ibidem, c. 53 : « Comme le nom du Fils

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provient du Père, et que le sacrifice est offert par l'Eglise au Dieu tout-puissant par l'entremise de Jésus-Christ, la prophétie de Malachie se trouve juste en tous points, lorsqu'il dit : « On sacrifie en tous lieux et on m'offre des parfums, et une offrande pure est offerte en mon nom. » Or, les parfums, comme il est dit dans l'Apocalypse de saint Jean, sont les prières des saints. »

58. Ibidem, c. 54 : « L'oblation que Notre-Seigneur a enseigné à l'Eglise à offrir chaque jour par toute la terre, est un sacrifice de pureté aux yeux de Dieu, et qui lui est agréable ; non pas, nous le répétons, que Dieu ait besoin d'aucun sacrifice, mais parce qu'il veut que l'homme qui fait l'offrande trouve un moyen de salut dans cette offrande même, si elle parait à Dieu digne d'être agréée de lui. . . Et il ne faut pas dire que les oblations aient été abolies ; mais autre chose étaient alors les oblations, autre chose sont-elles aujourd'hui : autrefois c'était le peuple qui offrait le sacrifice, aujourd'hui c'est l'Eglise. Le sacrifice subsiste donc toujours, mais il a changé d'espèce et de forme, car il se fait maintenant dans une ère de liberté, tandis qu'alors il avait lieu dans une ère de servitude. . . C'est donc parce que l'Eglise offre avec la simplicité du cśur que ce sacrifice monte vers Dieu comme une offrande pure. . . Ainsi, ce qui peut rendre notre offrande agréable à Dieu, c'est notre sentiment de reconnaissance envers lui, c'est une foi pure et sincère, c'est notre ferme espérance jointe à un amour fervent, ce sont enfin toutes les dispositions intérieures. Mais il n'y a que l'Eglise qui puisse accomplir le sacrifice dans toute sa pureté en offrant à Dieu avec des actions de grâces les prémices de ses propres créatures. . . D'ailleurs, comment le pain qui est offert en actions de grâces dans le sacrifice serait-il pour eux le corps de Jésus-Christ ainsi que son sang, puisqu'ils ne le reconnaissent pas pour Fils de Dieu, c'est-à-dire pour son Verbe, par qui tout est fécondé dans la nature, qui fait croître les plantes, jaillir les fontaines, germer les blés et mûrir les moissons ? Et d'un autre côté, comment peuvent-ils dire que notre chair est incapable de résurrection et qu'elle tombe en pourriture pour toujours, elle qui reçoit pour aliment le corps et le sang de Notre-Seigneur ? Qu'ils changent donc de pensée, ou qu'ils s'abstiennent entièrement d'offrir le sacrifice. Quant à nous, notre foi est conforme à la nature de l'Eucharistie, et l'Eucharistie elle-même est conforme à notre foi. Nous reconnaissons, en faisant notre oblation, que les dons, que nous offrons à Dieu, nous les tentons de sa bonté,

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et nous avons foi dans la double résurrection de la chair et de l'esprit, que nous attendons du mérite de l'oblation. Car, de même que le pain qui sert au sacrifice est un fruit de la terre, lequel, par la toute-puissance de Dieu, cesse d'être un pain ordinaire et devient l’Eucharistie, ayant en elle deux substances, la substance spirituelle et la substance matérielle, ainsi nos corps, en recevant l'Eucharistie, participent de la nature céleste, deviennent impérissables et sont marqués du sceau de la résurrection. - Notre oblation est donc envers Dieu, qui n'a cependant nul besoin de nous, un moyen d'expression de reconnaissance, et un moyen de sanctification (Cf. Les Pères de l'Eglise, trad. par Genoude, t. III, p. 388-389 et 392). »

59. S. CHRYSOSTOME, Hom. (Cette homélie ne se trouve pas, du moins sous ce titre, dans l'édition des bénédictins) super Ps. XCV, citant ce passage de Malachie, Non est mea voluntas in vobis, etc., s'exprime ainsi : « Voyez avec combien d'éloquence et de clarté il désigne la table mystique sur laquelle s'offre la victime non-sanglante. Sous le nom d'encens (thymiama) pur, il entend les prières sacrées qui suivent l'oblation. Car c'est là l'encens qui réjouit le cśur de Dieu, encens qui n'est pas pris dans les productions de la terre, mais qui s'exhale d'un cśur pur. Voyez-vous comme ce sacrifice angélique se célèbre sans obstacle en tous lieux ? Voyez-vous comme cet autel n'est circonscrit par aucunes limites ? L'encens est offert en tous lieux à mon nom. Il est donc une victime pure ; et cette victime, c'est avant tout la victime mystique, sacrifice céleste et digne de toute vénération. Il y a aussi en nous diverses espèces de sacrifices, etc. » Après être entré dans le détail de ces sacrifices admis dans la nouvelle loi, l'illustre commentateur conclut de cette manière : « Nous avons donc d'abord le sacrifice qui contient l'auteur de notre salut (illud salutare donum) ; en second lieu, le sacrifice qu'ont offert les martyrs ; en troisième, le sacrifice de prières ; en quatrième lieu, le sacrifice de joie ; en cinquième lieu, le sacrifice de justice ; en sixième lieu, celui de l'aumône; en septième lieu, celui de louange ; en huitième lieu, celui de componction ; en neuvième lieu, celui d'humilité ; en dixième lieu, celui de prédication, si toutefois je n'en ai pas omis quelqu'un en croyant en compter dix, tandis qu'au fond je n'en aurais nommé que neuf. Quel est donc ce sacrifice que j'aurais omis de nommer ? Le voici : le dixième c'est celui de fructification. »

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60. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, liv. XIX, c. 23 : « Le plus glorieux, le plus excellent sacrifice à offrir à Dieu, c'est nous-mêmes ; nous sa cité, dont nous célébrons le mystère dans nos oblations connues des fidèles comme nous l'avons dit aux livres précédents. Car les victimes devaient cesser, ces victimes que les Juifs immolaient en figure de l'avenir ; du levant au couchant, un seul sacrifice allait s'offrir chez tous les peuples ; nous en sommes aujourd'hui témoins et telle a été la promesse des divins oracles répétés par les prophètes hébreux. »

61. Ibidem, liv. XVIII, c. 33 : « Malachie, annonçant l'Eglise que nous voyons déjà répandu dans le monde par la vertu de Jésus-Christ, dit clairement aux Juifs, en la personne de Dieu : Mon affection n'est point en vous, et je ne recevrai point d'offrandes de vos mains ; car depuis le soleil levant jusqu'au couchant, mon nom est grand parmi les nations, et il va m’être sacrifié en tous les lieux, et il sera offert à mon nom une oblation pure, car mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur. Puisque nous voyons s'offrir partout, de l'aurore au couchant, ce sacrifice qui est celui du sacerdoce de Jésus-Christ, selon l’ordre de Melchisédech et qu'au contraire celui des Juifs, à qui Dieu avait dit : Mon affection n'est point en vous, et je ne recevrai point d'offrandes de vos mains, etc., est partout aboli, comme ils ne peuvent le nier, pourquoi donc attendent-ils encore un autre Christ, après que la prophétie qu'ils lisent et qu'ils voient accomplie n'a pu s'accomplir que par lui. »

62. Le troisième canon (dit) des apôtres : « Si un évêque ou un prêtre offre autre chose pour le sacrifice que ce qui a été prescrit par le Seigneur, c'est-à-dire, s'il met sur l'autel du miel ou du lait, d'autre liqueur que du vin, des oiseaux, des animaux, des légumes ou autre chose quelconque, contre ce qu'a ordonné le Seigneur, qu'il soit déposé dès que la circonstance le permettra. »

63. Ibidem, canon IX : « Si un évêque un prêtre ou un diacre, ou tout autre inscrit dans le catalogue sacerdotal, refuse de communier lorsqu'il assiste au sacrifice, sans en donner d'excuses raisonnables, qu'il soit privé de la communion, à cause du scandale qu'il a causé au peuple, en donnant lieu de soupçonner que celui qui a fait l'oblation ne l'a pas bien faite. »

64. S. CLEMENT, pape et martyr, ou plutôt l'auteur des Constitutions apostoliques, liv. VI, c. 23 : « Jésus-Christ a aboli la circoncision qu'il a accomplie dans sa personne ; car c'est lui qui était l'attente des nations. Il a changé de même le baptême, le

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sacrifice, le sacerdoce, le culte qui jusqu'alors n'était offert que dans un lieu ; à la place de ces baptêmes (ou de ces purifications) qui se pratiquaient tous les jours, il en a institué un seul, qui se pratique en mémoire de sa mort. Au lieu d'une tribu sacerdotale, il a ordonné qu'on élût indifféremment pour le sacerdoce ceux de toute nation qu'on en trouverait dignes, et que sans faire attention aux défauts corporels, on eût plutôt égard aux qualités morales, à la place du sacrifice sanglant, il en a établi un spirituel et non-sanglant, qui est le sacrifice mystique de son corps et de son sang, qui se célèbre en représentation de sa mort. Au lieu d'un culte borné à un certain lieu, il a voulu qu'on célébrât ses louanges de l'aurore au couchant, partout où il a établi son règne. »

65. Le premier concile de Nicée, canon XIV (Ce canon, qui se trouve en effet le quatorzième dans Isidore Mercator, est plutôt le dix-huitième d'après les collections ordinaires. V. LABBE, Conc., t. II, col. 37-38) : « Ni la règle, ni la coutume ne permettent que ceux qui n'ont pas le pouvoir d'offrir, donnent le corps de Jésus-Christ à ceux qui ont ce pouvoir. »

66. Le concile de Laodicée, canon 19 : « Après le sermon de l'évêque, on  fera séparément les prières des catéchumènes. Quand ceux-ci seront sortis, on fera celles des pénitents ; et enfin, après que ceux-ci auront reçu l'imposition des mains, et qu'ils se seront

Retirés, on fera à trois reprises la prière des fidèles. Premièrement, on priera en silence ; les secondes et les troisièmes prières se prononceront à haute voix, et ensuite on donnera la paix. Quand les prêtres l'auront donnée à l'évêque, les laïques se la donneront. Après cela on consommera l'oblation, et on ne laissera approcher de l'autel pour communier que ceux qui sont du clergé. »

67. Le même concile, canon 58 : « Il n'est pas permis aux évêques et aux prêtres d'offrir le sacrifice dans leurs maisons. »

68. Le concile d'Ephèse, Epist. ad Nestorium, comme plus haut, question IV, témoignage 5, page 294.

69. Le concile de Trente, session XXII, chap. 4 : « Comme sous l'ancien Testament, selon le témoignage de l'apôtre saint Paul, il n'y avait rien de parfait ni d'accompli à cause de la faiblesse et de l'impuissance du sacerdoce lévitique, il a fallu, Dieu le père des miséricordes l'ordonnant ainsi, qu'il s'élevât un autre prêtre selon l'ordre de Melchisédech, savoir Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui pût rendre accomplis et conduire à une parfaite justice tous ceux qui devaient être sanctifiés. Or, quoique Notre-

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Seigneur Dieu dût une fois s'offrir lui-même à Dieu son Père, en mourant sur l'autel de la croix, pour y opérer la rédemption éternelle, néanmoins comme son sacerdoce ne devait pas être éteint par la mort, pour laisser à l'Eglise, sa chère épouse, un sacrifice visible tel que la nature des hommes le requérait, qui représentât le sacrifice sanglant qui devait s'accomplir une fois sur la croix, et qui en conservât la mémoire jusqu'à la fin des siècles en appliquant sa vertu si salutaire pour la rémission des péchés que nous pouvons commettre tous les jours ; dans la dernière cène la nuit même qu'il fut livré, se déclarant prêtre établi pour l'éternité selon l'ordre de Melchisédech, il offrit à Dieu le Père son corps et son sang, sous les espèces du pain et du vin, et sous ces même symboles les donna à prendre à ses apôtres, qu'il établissait dès-lors prêtres du nouveau Testament ; et par ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi, il leur ordonna, à eux et à leurs successeurs dans le sacerdoce, de continuer à les offrir, ainsi que l'Eglise catholique l'a toujours entendu et enseigné. Car, après avoir célébré l'ancienne Pâque, que l'assemblée des enfants d'Israël immolait en mémoire de la sortie d’Egypte, il établit la Pâque nouvelle, se livrant lui-même pour être immolé par le ministère des prêtres au nom de l'Eglise, sous des signes visibles, en mémoire de son passage de ce monde à son Père, lorsqu'il nous racheta par l’effusion de son sang, nous arracha de la puissance des ténèbres et nous transféra dans son royaume. C'est cette offrande pure, qui ne peut être souillée par l'indignité ni par la malice de ceux qui l'offrent, que le Seigneur a prédit par Malachie, I, 1, devoir être offerte en tout lieu à l'honneur de son nom, devenu grand parmi les nations. C'est la même que l'apôtre saint Paul, écrivant aux Corinthiens, a marqué assez clairement quand il a dit : (I Cor., X, 21) : Que ceux qui sont souillés par leur participation à la table des démons ne peuvent participer à la table du Seigneur ; entendant par ce nom de table la même chose que l'autel. C'est elle enfin qui, sous la loi de nature et sous la loi écrite, était figurée et représentée par diverses sortes de sacrifices, en tant qu'elle renferme tous les biens qui n'étaient que signifié par tous ces sacrifices anciens, dont elle est la perfection et l'accomplissement. »

Ibidem, canon 1, du sacrifice de la messe : « Si quelqu'un dit qu'à la messe on n'offre pas à Dieu un sacrifice véritable et proprement dit, ou qu'offrir ne signifie autre chose que donner Jésus-Christ à manger aux fidèles qu'il soit anathème. »

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Ibidem, canon 2 : « Si quelqu'un dit que par ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi (I Cor., XI ; Luc. XXII), Jésus-Christ n'a pas établi les apôtres prêtres ou n'a pas ordonné qu'eux et les autres prêtres offrissent son corps et son sang ; qu'il soit anathème. »

70. Les liturgies de saint Jacques, de saint Basile, de saint Chrysostôme, comme plus bas, même question, témoignage 105 et suivants.

71. S. ALEXANDRE I, Epist. I ad omnes orthodoxos, c. 4 (C'est une fausse décrétale ; il en est de même des onze témoignages suivants) : « Dans les oblations qui se font au Seigneur aux messes qu'on célèbre, il faut rappeler la passion de Notre-Seigneur par l'offrande de son corps et de son sang, et n'offrir par conséquent dans le sacrifice, en répudiant toute opinion superstitieuse, que du pain et du vin mêlé d'eau. On ne doit pas en effet (et c'est ce que la tradition, d'accord avec la raison, nous enseigne) offrir seulement du vin ou seulement de l'eau dans le calice du Seigneur ; mais on doit offrir les deux mêlés l'un à l'autre, parce que nous lisons que les deux à la fois coulèrent de son côté à sa mort. La vérité elle-même nous dit d'offrir dans le sacrement le calice et le pain par ces paroles : Jésus prit le pain et le bénit, etc. »

72. S. TELESPHORE, pape et martyr, Epist. ad omnes episcopos, c. 2 : « On doit célébrer des messes dans la nuit de la nativité de Notre-Seigneur, et y chanter solennellement l'hymne angélique, parce que c'est en cette nuit que les anges firent aux bergers l'annonce qui nous est attestée par la Vérité même dans les termes suivants : Il y avait des bergers, etc. (Luc, II, 8). Dans les autres temps de l'année, les messes ne doivent pas être célébrées avant la troisième heure du jour, parce que c'est à cette heure que Notre-Seigneur a été crucifié et que le Saint-Esprit, comme il est marqué dans les livres saints (MARC, XV, 25 ; Act., II, 15), est descendu sur les apôtres. Quant aux évêques, ils doivent, selon les temps et les lieux, réciter le même hymne angélique avec solennité aux messes qu'ils peuvent célébrer. »

73. S. FELIX, pape et martyr, Epist. 2 ad episcopos Galliæ : « Nous avons convoqué, pour tenir votre place, plus de soixante-dix de nos frères, évêques comme nous, pour examiner régulièrement et décider semble les points suivants. . . Nous avons statué dans ce concile, et nous vous ordonnons, à vous et à toute les églises de l'observer, que les messes se célèbrent sur les

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tombeaux (super memorias) des martyrs, pour que leur mémoire soit perpétuée ainsi que leur culte. »

74. S. HYGIN, pape et martyr, cité par Gratien, De consecratione, distinctione I : « On doit toujours célébrer la messe à la consécration de toute espèce de basiliques. . . . . »

75. S. SOTERE, pape et martyr, cité également par Gratien, De consecratione, distinctione I, c. ut illud : « Nous avons été d'avis, que lorsque des prêtres au temps où les messes doivent se dire, célèbrent les saints mystères, s'il survient un cas de maladie qui empêche de les achever, il doit être libre à l'évêque ou au prêtre ou à un autre, d'achever l'office commencé. »

« Personne ne doit être assez téméraire pour dire la messe après avoir bu ou mangé si peu que ce soit. »

« Nous avons aussi ordonné qu'aucun prêtre n'ose célébrer la messe autrement qu'en présence de deux assistants au moins qui lui répondent, etc. »

76. S. EVARISTE, pape et martyr, cité par saint Ives de Chartres, parte III, c. 4, et par Burchard de Worms, Lib. III Decretorum, c. 27 : « On doit toujours célébrer la messe à la consécration de toute espèce de basiliques. » C'est le même décret attribué tout-à-l'heure au pape saint Hygin.

77. S. FABIEN, pape et martyr, cité in Codice decretorum sexdecim librorum, lib. V, c. 9 : « Le sacrifice ne doit pas être reçu de la main d'un prêtre incapable d'accomplir avec les rites prescrits les oraisons, ou les actions, ou les autres parties de la messe. »

78. S. DAMASE, pape, in Pontificali, dit en parlant du pape saint Alexandre, martyr : « Celui-ci joignit la mention de la passion de Notre-Seigneur aux prières que les prêtres ont coutume de dire en célébrant la messe. »

79. Le même, en parlant de saint Sixte I : « Il statua qu'au moment où le prêtre commencerait l'action de la messe, le peuple se mettrait à chanter l'hymne Sanctus, Sanctus, Sanctus Domini, Deus Sabaoth, etc. »

80. Le même, en parlant de saint Télesphore : » Il établit l'usage de célébrer la messe dans la nuit de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; tandis qu'en tout autre temps de l'année on ne célébrera pas avant la troisième heure du jour, parce que c'est à cette heure que Notre-Seigneur est monté au Calvaire (ascendit in crucem); et aussi l'usage de dire l'hymne angélique Gloria in excelsis Deo, avant le sacrifice. »

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81. Le même, en parlant de saint Félix I : « Il ordonna qu'on célébrât les messes sur les tombeaux ou les mémoires des martyrs. »

82. Le même, Epist. IV de chorepiscopis : « Il ne leur est pas permis (aux chorévèques) de consacrer des prêtres, des diacres, des sous-diacres ou des vierges, ni d'ériger des autels, ni de faire des onctions ou des consécrations, etc., ni de réconcilier publiquement quelque pénitent que ce soit au milieu de la messe. »

83. Le second concile de Carthage (Cf. LABBE, Conc., t. II, col. 1160, ad annum 390), canon 5 : Tous les évêques dirent : « Qu'il soit défendu aux prêtres de faire le chrême, de consacrer les vierges, et de réconcilier les pénitents dans l'assemblé ou la messe publique. »

84. Le concile d'Agde, c. 21 (Cf. LABBE, ibid., t. IV, col. 1386, ad annum 506) : « Si quelqu'un veut avoir un oratoire particulier dans sa terre, en dehors des paroisses où le peuple a coutume ou est obligé de s'assembler, nous lui permettons d'y faire dire la messe pour la commodité de sa famille à toutes les fêtes de l'année, excepté Pâque, Noël, l'Epiphanie, l'Ascension, la Pentecôte , la Nativité de saint Jean-Baptiste, et les autres jours solennels, où elle ne doit pas être dite ailleurs que dans les villes ou dans les paroisses. Les clercs qui, dans ces jours solennels, diraient la messe ou feraient l'office dans ces oratoires particuliers sans la permission de l'évêque seraient excommuniés. »

85. S. AMBROISE, Epist. XXXIII, ad Marcellinam sororem suam, de non tradenbis basilicis : « Le jour suivant, qui était un dimanche, après les leçons, le sermon fini, les catéchumènes congédiés, pendant que j'expliquais le symbole à quelques compétents réunis dans le baptistère à la basilique Porcienne, on vint me donner avis que l'on avait envoyé du palais des dizeniers qui déjà mettaient à l'église des tentures qu'ils avaient apportées, et que, sur le bruit qui s'en était répandu, une partie du peuple catholique s'y rendait pour s'opposer à leur dessein. Je n'interrompis point mon instruction, et je me disposai à célébré la messe. Tandis que j'offre le saint sacrifice, j'apprends que le peuple s'était saisi d'un certain Castulus, honoré par les ariens du titre de prêtre, qui passait sur la place dans le moment ; j'en fus touché jusqu'aux larmes, et continuant l'oblation, je suppliais le Seigneur de venir à mon secours, et de ne pas permettre qu'il y eût du sang répandu pour la cause de l'Eglise, ou que du moins il n'y en eût pas

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d'autre que le mien, que j'étais prêt à verser pour le salut non-seulement du peuple fidèle, mais des impies eux-mêmes. Quoi de plus ? Je dépêchai des prêtres et des diacres, et par leur moyen je sauvai cet homme du péril qu'il courait. »

86. S. AUGUSTIN, Serm. 91 de tempore (Ce sermon n'est pas de saint Augustin. V. NAT. ALEX., Hist. eccles., t. V, p. 107, édit. de Mansi) : « Dans la lecture que nous allons faire à la messe, vous allez voir, nos très-chers frères que les enfants d'Israël après le passage de la mer Rouge arrivèrent à Mara, etc. »

87. Le même, Serm. 237 de tempore, c. 8 : « Après le sermon se fait le renvoi des catéchumènes (fit missa catechumenis). Les fidèles resteront ; on se rendra au lieu de la prière. Vous savez en quel lieu, et ce que nous disons à Dieu avant tout : Pardonnez-nous nos offenses, etc. »

88. Le même, Serm. 25 (Ce sermon n'est pas de saint Augustin. V. ibidem, p. 109), parlant de l'obligation de célébrer les jours de dimanche : « Que personne en ce jour ne se dispense d'assister aux messes qu'on célèbre ou ne se tienne chez soi en repos, tandis que les autres se rendent à l'église ou ne s'occupe à la chasse, et fasse l'śuvre du diable, en parcourant les champs et les bois, en faisant retentir l'air de ses cris ou de ses ris dissolus, au lieu de pousser du fond de son cśur des gémissements et des prières vers Dieu. Quelques autres, ce qui est encore plus détestable, restent à la porte de l'église au lieu d'y entrer, ne font point de prières, ne gardent point le silence pendant la célébration des messes ; mais tandis que dans l'église se font les saintes lectures, eux-mêmes se tiennent au dehors, soit pour plaider entre eux, soit pour se poursuivre mutuellement par des calomnies, soit pour perdre le temps à des jeux de hasard. Je vais encore vous dire un autre sujet de ma douleur : C'est qu'il y en a, et particulièrement parmi les puissants du siècle qui, lorsqu'ils viennent à l'église, ne se mettent point en peine de célébrer les louanges de Dieu, mais obligent au contraire le prêtre à abréger la messe, et à chanter à leur caprice, sans lui permettre de suivre les règle de 1'Eglise, à cause de leurs appétit gloutons ou des passions qui les dominent. »

89. Le concile de Milève (Cf. LABBE, Conc., t. II, col. 1540, ad annum 416), où se trouvait saint Augustin, a porté le canon suivant qui est le douzième : « Le concile a décrété que tous fassent usage des formules de prières ou d'oraisons

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ou de messes, ou de préfaces, ou de recommandations ou d'impositions de mains qui auront été approuvées par le concile ; et que personne n'introduise d'autres formules qui n'auraient pas été rédigées par des personnes sages, ou que le concile n'aurait pas approuvées, de peur que, par l'effet de l'ignorance ou de la précipitation il ne s'y mêle à des choses contraires à la foi. »

90. Le quatrième concile de Carthage, auquel assista encore saint Augustin, a dressé ainsi son canon 84 : « Que l'évêque n'empêche personne, soit païen, soit hérétique ou juif, d'entrer à l'église pour entendre la parole de Dieu, jusqu'à la messe des catéchumènes (C'est-à-dire jusqu'à ce qu'on renvoie les catéchumènes. Missa, renvoi ou congé). »

91. S. LEON-LE-GRAND, ad Dioscorum Alexandrinum Epist. 81 : « Pour que nos usages s'accordent en tout, nous voulons que toutes les fois que la solennité de la fête appelle un plus nombreux concours du peuple, et que la foule se trouve si grande que la même basilique ne puisse la contenir tout entière on réitère l'oblation du sacrifice, de peur que les derniers arrivés ne paraissent exclus d'y participer à la différence des premiers : car il est conforme à la raison aussi bien qu'à la piété que le sacrifice soit offert autant de fois que la basilique se trouve remplie par une nouvelle réunion de fidèles. Au contraire, une partie du peuple serait immanquablement privée de satisfaire sa dévotion, si la messe n'étant dite qu'une fois, il n'y avait à pouvoir offrir le sacrifice que ceux qui seraient arrivés dans la première partie de la journée. Nous recommandons en conséquence vivement à votre fraternité de vous conformer avec soin à la coutume que nous observons ainsi d'après la tradition de nos pères, afin que nous soyons en tout d'accord de conduite comme de croyance. »

92. Le même, ad episcopos Germaniæ et Galliæ Epist. 88 : « Il n'est permis aux chorévèques et aux prêtres ni de réconcilier publiquement à la messe quelque pénitent que ce soit, ni d'adresser à qui que ce soit des lettres formées. »

93. Consulter sur les cérémonies de la messe saint Denis l'Aréopagite comme plus haut, témoignage 1. Beaucoup d'autres ont écrit aussi sur ces cérémonies ou ces rites, en particulier ceux qui ont composé des livres entiers sur les offices divins ou ecclésiastiques comme saint Isidore de Séville, Walfroy, abbé

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de saint Gal, Alcuin, Amalaire, archevêque de Trèves, Angelome, Raban, archevêque de Mayence (de institutione clericorum), Remi d'Auxerre, Hérigère, abbé de Lobbe, Bernon, abbé d'Augy (de officio missæ), Bernold, prêtre de Constance, saint Ives de Chartres (in sermonibus de rebus ecclesiasticis), Hildebert du Mans, saint Anselme de Cantorbéry, saint Honoré d'Autun, Hugues de Saint-Victor, Rupert, abbé de Tuits, Innocent III (in libris de officio missæ), Guillaume d'Auxerre , Jean Beleth, saint Thomas d'Aquin (de expositione missæ, et Summ. Theol. (p. 3, qu. 83), Guillaume Durand, évêque de Mende, l'auteur du Micrologue, et beaucoup d'autres (parmi lesquels il est bon aujourd'hui de citer le cardinal

Bona, le P. Lebrun, Gavanti, Baldeschi, etc.)

94. Le concile de Trente, session XXII, chapitre 5 : « Or, la nature de l'homme étant telle, qu'il ne peut aisément et sans quelque secours extérieur s'élever à la méditation des choses divines, l'Eglise, comme une bonne mère a établi pour cette raison certains usages, comme de prononcer la messe des paroles à basse voix, d'autres d'un ton plus élevé, et elle a introduit des cérémonies comme les bénédictions mystiques, les luminaires, les encensements, les ornementations, et plusieurs autres choses semblables, conformément à la discipline et à la tradition des apôtres soit pour rendre plus recommandable la majesté d'un si grand sacrifice, soit aussi pour porter les fidèles par ces signes sensibles, si propres à éveiller les sentiments de religion et de piété, à s'élever à la contemplation des mystères sublimes renfermés dans ce sacrifice. »

95. Le même, même session, canon 7 : « Si quelqu'un dit que les cérémonies, les ornements et les signes extérieurs dont se sert l'Eglise catholique dans la célébration de la messe, sont plutôt des instruments ou des occasions d'impiétés que des actes de piété et de religion, qu'il soit anathème. »

96. S. CHRYSOSTOME, Hom. III in Epist. ad Ephesios (Cf. Opera. S. Joannis Chrysostômi, tom. XI, pag. 22, édit. de Montfaucon ; pag. 25-26, édit. de Gaume) :

« Dites-moi, voudriez-vous aller à l'oblation sans vous être lavé les mains ? Je ne saurais le penser ; mais vous aimeriez mieux ne point y aller du tout, que de le faire avec des mains souillées. Etant donc si scrupuleux dans les petites choses, comment osez-vous approcher et toucher même ces mystères avec une âme infectée de corruption ? Et cependant la sainte victime n'est

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qu'un instant dans vos mains, au lieu qu'elle passe tout entière dans la substance de votre âme. Voyez-vous ces vases si propres, si luisants ? Eh bien, il faut que nos âmes soient plus pures que tout cela, plus éclatantes de propreté ou de sainteté. Pourquoi ? Parce que ces vases eux-mêmes n'existent que pour notre service. Ce ne sont pas ces vases qui participent à ce qu'ils contiennent ; ils n'en ont pas le sentiment : vous, au contraire, et vous y participez, et vous en avez la conscience. Mais vous ne voudriez pas vous servir d'un vase mal propre, et vous osez approcher avec une âme impure ? Voyez quelle contradiction, quelle anomalie ! » On retrouve la même pensée dans l'homélie au peuple d'Antioche (ou 82 sur S. Matthieu).

97. Le même, Hom. XIV in Epist. ad Ephesios (Cf. Opera. S. Joan. Chrysost., tom. XI, p.108, édit. de Montfaucon ; p.124, édit. de Gaume) : « Admis dans la société des chérubins auprès du trône de notre souverain roi, c'est en ce moment-là même que vous insultez votre frère. Ne voyez-vous pas ces vases sacrés servent-ils à autre chose ? quelqu'un oserait-il les faire servir à autre chose qu'aux saints mystères ? Or, sachez que vous êtes quelque chose de plus sacré, et beaucoup plus sacré que ces vases ? Pourquoi donc vous souiller et vous déshonorer vous-même ? »

98. PRUDENCE, ???? ????????, hymn. 2; le préfet y parle ainsi à Laurent : « On nous a rapporté qu'une coutume passée en loi dans vos orgies, c'est que vos pontifes fassent leurs libations dans des vases d'or ; qu'un sang sacré y écume dans des coupes d'argent, et que des cierges portés sur des chandeliers d'or éclairent les sacrifices que vous célébrez ainsi pendant la nuit. » A quoi le saint martyr répond : « J'en conviens, notre Eglise est riche, elle possède beaucoup d'or et de choses de prix, et rien au monde ne la surpasse en richesses. L'empereur lui-même, tout maître qu'il est du Capitole, et quoique son nom se trouve gravé sur toutes les pièces de monnaie, ne possède pas autant de vaisseaux d'argent chargés d'emblèmes. »

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99. OPTAT de Milève, contra Donatistas, lib. VI : « S'il fallait renverser les autels, il ne fallait pas les briser pour cela ; s'il fallait les briser, qu'était-il besoin de les racler ? Quelle est cette sagesse nouvelle et insensée de chercher à renouveler, en les ratissant, ces ustensiles sacrés et les dépouiller pour ainsi dire de leur peau, dans l'espérance de les voir revêtir une peau nouvelle, tandis qu'au contraire, si vous pouvez les diminuer de volume, vous ne pouvez pas les faire changer de nature ? Raclez et ratissez tant qu'il vous plaira ; vous y retrouverez toujours ce qui fait l'objet de vos fureurs. Si votre passion contre nous vous fait trouver immondes les mystères que nous célébrons au nom de Dieu, comment pouvez-vous ignorer que, pour célébrer ces mystères nous étendons des linges sur le bois dont sont construits nos autels, et qu'ainsi ce n'est pas le bois, mais le linge seul qui touche à nos saints mystères ? Que si leur contact suffit seul pour pénétrer toute l'épaisseur du linge, il pénètre par la même raison toute l'épaisseur du bois. S'il peut pénétrer le bois, il pénétrera aussi la terre. Si vous ratissez le bois, ratissez donc aussi ou bêchez la terre qui le porte. Pratiquez-y une large fosse, pour arriver à cette pureté qui fait votre ambition. Mais prenez garde toutefois de tomber dans les enfers, et d'y trouver Coré, Dathan et Abiron, ces premiers schismatiques, c'est-à-dire vos maîtres. C'est donc un fait certain que vous avez brisé et ratissé nos autels. D'où vient que tout-à-coup votre fureur sur ce point s'est ralentie ? Car nous voyons que vous avez ensuite changé d'avis, et que vous ne brisez plus les autels, mais que vous vous contentez de les ratisser ou de les déplacer. Si ceci était suffisant, vous jugez donc que ce que vous avez fait d'abord, vous ne deviez pas le faire. Et pourtant vous avez porté cet attentat à un degré plus monstrueux encore en brisant même les calices tout imbibés encore du sang de Jésus-Christ ; » et le reste comme à la question IV, témoignage 47, page 298.

100 S. JEROME, Epist. ad Theophilum Alexandrinum ante libros Paschales : « Nous avons admiré dans votre ouvrage l'utilité qu'en retireront les Eglises ; instruit, si on ne l'était pas encore, par le témoignage des Ecritures sacrées, on saura désormais avec quel respect on doit recevoir les choses saintes, et servir au ministère des autels de Jésus-Christ ; on verra dans les vases sacrés, dans les linges et les autres choses employées au saint sacrifice, non des objets privés de sainteté comme de sentiment,

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mais des objets qui, par leur rapport avec le corps et le sang d'un Dieu, méritent notre vénération comme ce corps et ce sang lui-même. »

101. S. CYRILLE de Jérusalem, Catechesi V mystagogicâ : « Vous avez vu le diacre présenter de l'eau à l'évêque pour qu'il se lave les mains, etc. Longtemps après, le diacre s'écrie : Embrassez-vous et donnez-vous le baiser ; et alors nous nous donnons tous ensemble le baiser de paix. Puis 1'évêque s'écrie : Elevez vos cśurs en haut. Vous répondez : Nous les tenons élevés vers le Seigneur. L’évêque dit ensuite : Rendons grâces au Seigneur. Vous répondez : Cela est convenable et juste. Nous faisons ensuite mention du ciel, de la terre et de la mer, du soleil et de la lune, des astres et de toutes les créatures, tant raisonnables que privées de raison ; tant de celles que nous voyons, que de celles qui ne peuvent tomber sous nos yeux ; des anges, des archanges, des vertus, des dominations, des principauté, des puissances, des trônes et des chérubins, qui couvrent leurs faces de leurs ailes, comme pour leur dire avec David : Glorifiez le Seigneur avec moi. Nous rappelons aussi ces chérubins que la lumière de l'Esprit-Saint renait visibles à Isaïe qui environnaient le trône de Dieu, qui se couvraient la face de deux de leurs ailes et disaient : Saint, saint, saint est le Seigneur le Dieu des armées. Car si nous récitons cette prière séraphique qui nous a été enseignée par nos anciens, c'est pour entrer en communion par cette sublime mélodie avec la troupe entière des célestes esprits ; et sanctifiant nos pensées par de tels hymnes, nous prions le Dieu de toute bonté de faire descendre son Esprit-Saint sur les choses offertes, pour faire du pain le corps de Jésus-Christ, et du vin son sang. Car une fois pénétrées la vertu de l'Esprit-Saint, ces choses deviennent saintes et toutes transsubstantiés (transmutatur). Ensuite, lorsque le sacrifice spirituel est consommé et que l'oblation non-sanglante de la victime de propitiation est achevée, nous prions Dieu pour la paix de l'Eglise entière, pour la tranquillité du monde, pour les rois, pour les gens de guerre, pour nos amis, pour les malades et les affligés, et en général pour tous ceux qui ont besoin de secours. Or, c'est le cas où nous nous trouvons tous. Dans ce sacrifice que nous offrons, nous faisons aussi mémoire de ceux qui sont morts avant nous : premièrement des patriarches, des prophètes, des apôtres, des martyrs, afin que Dieu reçoive nos prière en ayant égard à leur intercession ; puis, pour les saints pères et évêque décédés.

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Enfin, nous prions pour tous ceux qui nous ont été enlevés par la mort, persuadés que nous sommes que leurs âmes reçoivent un très-grand soulagement de ce sacrifice saint et redoutable que nous offrons pour elles sur nos autels. Et c'est ce que nous voulons vous prouver par un exemple. Car nous savons qu'il y en a beaucoup qui disent : De quoi peut servir à une âme qui sort de ce monde en état de péché qu'on fasse mention d'elle dans ce sacrifice ? Mais si un roi, offensé par quelques-uns de ses sujets, les avait frappés d'exil, et qu'ensuite les proches de ces derniers, après avoir tressé une couronne de leurs mains, la lui offrissent pour en obtenir leur grâce, n'est-il pas vrai qu'il leur ferait quelque remise de la peine à laquelle il les aurait condamnés ? C'est ainsi qu'en priant pour les défunts qui peuvent être en état de péché, nous ne tressons pas à la vérité une couronne, mais nous offrons Jésus-Christ immolé pour nos péchés, pour rendre la souveraine bonté propice à eux comme à nous. Puis vous dites cette prière que le Sauveur a enseignée à ses disciples, en appelant Dieu notre père avec une conscience pure, et lui disant : Notre Père qui êtes aux cieux, etc. Après cela, l'évêque dit : Les choses saintes pour les saints. Vous répondez alors : Un seul est saint, un seul qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ. Vous avez entendu enfin le ministre vous répéter cette divine mélodie par laquelle il vous a exhortés à prendre part aux saints mystères, en vous disant : Goûtez et voyez, que le Christ est le Seigneur, etc. »

102. S. CLEMENT, pape et martyr, Epist. II ad fratrem Domini (Cette lettre n’est pas de saint Clément) : « Voici la règle à tenir par rapport aux vases sacrés : les couvertures de l'autel, la chaire, les chandeliers, les voiles, quand ils sont usés de vétusté, doivent être détruits par le feu : car il n'est pas permis de faire un usage profane de ce qui a été employé au sanctuaire, mais on doit plutôt le brûler. Les cendres de ces objets doivent être jetées dans le baptistère, afin de n'être foulées aux pieds par personne ou d'être ramassées dans un trou de muraille ou dans quelque fosse pratiquée dans ce dessein. Qu'aucun clerc, par un excès d'ignorance, ne s'ingère d'ensevelir un mort, pas plus qu'un diacre de couvrir ses épaules avec ce qui aura servi à couvrir l'autel, ou qui aura été donné pour le banquet divin. Le diacre qui aurait commis cet attentat, ou qui aurait traité sans respect et avec négligence les saints mys-

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tères, serait éloigné de l'autel et frappé d’anathème pendant trois ans et demi. Si un prêtre néglige d'avertir un clerc, il demeurera excommunié dix ans et cinq mois, pour n'avoir pas instruit ses subordonnés au sujet de l'auguste sacrement, et ce ne sera qu’après ce temps qu'il obtiendra à force de soumission d'être réconcilié à l’Eglise. Les couvertures (palla) et les voiles employés au sanctuaire, qui seront devenus sales, devront être lavés près du lieu saint par un diacre aidé de ministres inférieurs sans être porté hors de ce lieu même, de peur que quelque parcelle du divin sacrement venant à s'en détacher, ne tombe dans un lieu profane ; ce qui ne pourrait arriver sans péché pour celui qui en serait cause : c'est pourquoi nous ordonnons aux ministres de se conformer à cette règle avec beaucoup de soin et d'exactitude. On doit se procurer un bassin tout neuf, qui ne soit pas employé à d'autres usages, et on n'y lavera que ce qui aura servi à l'autel. Les rideaux tenus aux portes de l'Eglise ne devront pas être lavés dans ce bassin, mais dans un autre. C'est aux portiers, comme nous l'ont appris les anciens, à prendre soin de ces rideaux, et à veiller à ce que personne, par mépris ou par ignorance, n'ait à témérité d'y essuyer ses mains, comme à reprendre sur-le-champ ceux qui s'en rendraient coupables, afin que tout le monde sache que le rideau qui forme la galerie de la maison du Seigneur est quelque chose de saint. »

103. Le vénérable Bède, Hist. anglic., lib. I, c. 29 : « En outre, le même pape Grégoire, touché de la plainte que lui avait adressée l'évêque Augustin, de trouver dans ce pays (l'Angleterre) une abondante moisson, mais avec peu d’ouvriers, lui envoya, avec les premiers dont j'ai parlé plusieurs coopérateurs ou ministres de la parole, à la tête desquels il Mellit, Just, Paulin, Rufinien, et qu'il chargea en même temps de lui porter tous les ustensiles nécessaires au culte et au ministère de l'église tel que des vases sacrés, des parements d'autels ; comme aussi ce qui sert à orner les églises, les vêtements propres aux prêtres ou aux clercs, des reliques des saints apôtres et martyrs, enfin beaucoup de livres. Il lui écrivit en même temps pour l'informer qu'il lui avait accordé le pallium, et l'instruire de la manière dont il devait s'y prendre pour établir des évêques dans la Bretagne. »

104. S. CYPRIEN, Ad clerum et plebem Furnitanorum, Epist. 66, al. 65 : « C'est en méditant ces religieuses pensées et par l'effet d'une salutaire prévoyance, que les évêques nos prédécesseurs

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ont défendu à tout chrétien mourant d'appeler aucun ecclésiastique aux fonctions de tuteur ou de curateur, voulant, s'il contrevenait à cette sage disposition, qu'il ne fût point recommandé à l'autel, et que le sacrifice ne fût pas offert pour le repos de son âme. Pourquoi nommer à l'autel de Dieu, dans les prières du prêtre, celui qui a voulu détourner le prêtre du service de l'autel ?

«  En conséquence, puisque Victor, au mépris de la défense renouvelée dernièrement dans un concile, n'a pas craint de nommer tuteur le prêtre Geminius Faustinus, il n'y a lieu de faire aucune oblation pour son âme, et son nom ne sera prononcé dans aucune prière de l'Eglise. Nous entendons par là nous conformer au vénérable et saint décret que nos  devanciers ont jugé indispensable. Nous espérons ensuite qu'il en sortira pour les autres

L’avertissement de ne pas jeter de nouveau dans les embarras du siècle les ministres de l'autel. Le moyen le plus sûr d'arrêter ce désordre à l'avenir, c'est de le châtier dans les coupables. »

105. S. CHRYSOSTOME, Hom. XLI in Epist. I ad Corinthios (Cf. Opera. S. Joan. Chrys., tom. X, p.392-393, édit. de Montfaucon ; p. 457-458, édit. de Gaume) : « Si quelqu'un meurt même en état de péché, vous devez vous réjouir de ce que le cours de ses péchés est arrêté et de ce qu'il ne pourra plus en ajouter de nouveaux , et l'aider en même temps autant que vous le pouvez, non par vos larmes, mais par des prières, des supplications, des aumônes et des oblations. Car ce n'est pas en vain que ces choses ont été établies et que nous faisons mémoire des morts dans les divins mystères, en suppliant pour eux l'agneau qui s'y offre et qui s'est chargé des péchés du monde ; mais c'est afin qu'il leur en revienne quelque consolation ; et ce n'est pas non plus en vain que celui qui est à l'autel s'écrie en célébrant les mystères redoutables : Pour tous ceux qui se sont endormis en Jésus-Christ, et pour ceux qui célèbrent leur mémoire. Car ces paroles ne seraient pas prononcées si elles n'avaient pas pour objet de soulager les morts. A Dieu ne plaise en effet que ce que nous faisons soit une comédie lorsque c'est au contraire l'effet de la volonté de l'Esprit-Saint. Empressons-nous donc de soulager les morts, en célébrant ainsi leur mémoire. Car si les enfants de Job se trouvaient purifiés par les sacrifices qu'offrait pour eux leur père, comment douter qu'il revienne quelque consolation aux morts eux-mêmes des sacrifices que nous offrons pour eux ? Et c'est ce qui nous est indiqué par ces paroles de

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saint Paul (II Cor., I, 11) : Afin que la grâce que nous avons reçue en considération de plusieurs personnes, soit aussi reconnue par les actions de grâces que plusieurs en rendront pour nous. Ne nous lassons pas de secourir les défunts et d'offrir pour eux des prières ; car nous avons ici de quoi expier les péchés de tout l'univers. C'est pour cela qu'en célébrant nos mystères nous prions avec confiance pour le monde entier, en mêlant leurs noms à ceux des martyrs, des confesseurs et des prêtres. Car nous formons tous ensemble un même corps, quoique dans ce corps il se trouve des membres plus nobles que d'autres ; et nous pouvons obtenir miséricorde pour ces derniers par nos prières, par nos offrandes, par l'invocation de ceux dont nous mêlons les noms aux leurs. Pourquoi donc vous affliger et vous lamenter, tandis que vous pouvez procurer tant de grâces à ceux que vous avez perdus ? »

106. Le même, Hom. XXI in Acta apostolorum (Cf. Opera. S. Joan. Chrysost., tom. IX, p.175-176, édit. de Montfaucon ; p.188, édit. de Gaume) : « Ce n'est pas vainement que se font pour les morts des oblations, des supplications, des aumônes : tout cela a été établi par l'Esprit-Saint qui veut que nous nous aidions les uns les autres. Voyez en effet : ce mort est aidé par vous ; et vous, vous vous trouvez aidé à cause de lui : vous avez fait un généreux mépris de vos richesses, en vous portant à tel acte de miséricorde ; et en même temps que vous procurez ainsi le salut à votre prochain, il vous procure, lui, la bonne occasion de faire l'aumône. Ne doutez pas qu'il ne lui en revienne quelque avantage. Ce n'est pas vainement que le diacre s'écrie : Pour ceux qui se sont endormis en Jésus-Christ, et pour ceux qui célèbrent leur mémoire ; ce n'est pas simplement le diacre qui fait entendre ces paroles, mais c'est l’Esprit-Saint, et par l'Esprit-Saint j'entends son inspiration. Qu'avez-vous à dire ? La victime est entre nos mains, tout est préparé, tout est là sur l'autel ; là sont présent les anges, les archanges ; là est présent le Fils de Dieu ; tous les assistants se tiennent dans une crainte religieuse : au milieu du silence général s'élève cette voix imposante des diacres ; et vous pensez que tout cela se fait sans aucun but ? Ainsi donc seraient inutiles aussi les oblations qui se font pour l’Eglise, pour les prêtres pour tous les fidèles ? A Dieu ne plaise ; mais tout cela se fait avec la certitude d'obtenir des grâces. »

107. S. JEAN-DAMASCENE, dans son discours qui a pour titre,

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que ceux qui sont morts dans la foi sont aidés par les messes et les bonnes śuvres des vivants : « Les disciples et les témoins des actions du Verbe, et à qui nous devons la conversion du monde entier, les apôtres du Sauveur enfin, sont ceux-là mêmes qui ont établi qu'on ferait mémoire des fidèles morts en célébrant les redoutables et divins mystères. Usage que l'Eglise catholique et apostolique a constamment retenu depuis lors jusqu’à ce jour, et qu'elle continuera à retenir de même jusqu’à la fin du monde. Et ce n'est pas sans raison, sans but ou sans motif que cet usage a été établi. On ne peut pas considérer comme inutile ce que recommande et ce que continue à maintenir une religion qui, comme la nôtre est exempte de toute erreur : au contraire, tout dans cette religion est utile, est agréable à Dieu, et peut devenir pour ceux qui l'observent un moyen de salut. . . . . Bien plus, le grand Athanase, dans ce beau discours qu'il a prononcé sur les morts, s'est exprimé en ces termes : Quand même celui qui est mort dans des sentiments de piété serait placé dans l'air, vous ne devriez pas moins implorer la bonté de Dieu en sa faveur et faire brûler l'huile et la cire à son tombeau. Car ces choses sont agréables à Dieu, et nous obtiennent de lui des grâces considérables. L'huile et la cire en effet sont offertes en guise d'holocauste, et le sacrifice non-sanglant a la vertu d'apaiser la justice divine. Enfin la bienfaisance envers les pauvres a pour effet d'accroître nos mérites. C'est pourquoi celui qui fait des oblations pour les défuntes, etc. Car les apôtres chargés de nous annoncer les vérités divines, nos pères et nos maîtres, inspirés qu'ils étaient par l'Esprit de Dieu, et qui élevés par la grâce au-dessus d'eux-mêmes, ont participé dans un degré plus ou moins élevé à la puissance divine, sont ceux-là même qui, pour plaire davantage à Dieu, ont établi et sanctionné ces usages de célébrer des messes et des anniversaires, de faire des prières et de chanter des psaumes en mémoire de ceux qui nous ont été enlevés par la mort. Et tout cela, grâces à Dieu, n'a cessé de se pratiquer de plus en plus jusqu’à ce jour de l'orient au couchant et du nord au midi, pour l'honneur et la gloire de ce grand Dieu qui exerce un empire souverain sur les rois eux-mêmes. »

108. S. AUGUSTIN, De curâ pro mortuis gerendâ, c. 1 : « Nous lisons dans les livres des Machabées qu'un sacrifice fut offert pour les morts. Mais quand même nous n'en lirions rien dans les anciennes Ecritures, nous n'en aurions pas moins à nous soumettre à l'autorité de l'Eglise universelle, qui recommande

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clairement cet usage, puisque, parmi les prières que le prêtre fait à l'autel, se trouve aussi la commémoration des morts. »

109. Le même, De verbis Apostoli, Serm. 32, al. 34, c. 1 : « La pompe des funérailles, le nombre de ceux qui y assistent, la magnificence qu'on, déploie, les riches décorations des tombeaux, sont des consolations pour les vivants, plutôt que des soulagements pour les morts. » Ibidem, c. 2 : « Mais quant aux prières que fait l'église, au sacrifice salutaire qui est offert, et aux aumônes qu'on distribue pour leurs âmes, ne doutons pas qu'elles n'en reçoivent du soulagement, et que Dieu ne soit engagé par là à les traiter avec plus d'indulgence qu'elles ne le méritent pour leurs péchés. Car cet usage qui nous vient de nos pères, l'Eglise l'observe en tous lieux, en priant dans le sacrifice même à l'endroit marqué pour la commémoration des morts, et en témoignant qu'elle fait cette commémoration pour ceux qui sont morts dans la communion du corps et du sang de Jésus-Christ. Et lorsque l'on se porte à faire des śuvres de miséricorde pour ces mêmes âmes, qui doute qu'elles n'en soient soulagées, puisque ce n'est pas sans fruit que des prières sont offertes à Dieu pour elles ? »

110. Le même, Confessions, liv. IX, ch. 11 : « (Monique) s'adressant à tous deux (à ses deux fils) : Laissez, dit-elle, ce corps partout où vous voudrez, et qu'un tel soin ne vous trouble pas. Ce que je vous demande seulement, c'est de vous souvenir de moi à l'autel du Seigneur, partout où vous serez. »

111. Même livre, ch. 12, saint Augustin dit en parlant toujours de sa mère : « Le corps porté à l'église, j'y vais, j'en reviens, sans une larme, pas même ces prières que nous répandîmes au moment où l'on offrit pour elle le sacrifice de notre rédemption, alors que le cadavre est déjà penché sur le bord de la fosse où on va le descendre ; à ces prières mêmes, pas une larme ; mais, tout le jour, ma tristesse fut secrète et profonde. »

112. Même livre, ch. 13 : « Aux approches du jour de sa dissolution, elle ne songea pas à faire somptueusement ensevelir, embaumer son corps ; elle ne souhaita point un monument particulier ; elle se soucia peu de reposer au pays de ses pères ; non, ce n'est pas là ce qu'elle nous recommanda ; elle exprima ce seul vśu que l'on fit mémoire d'elle à votre autel : elle n'avait passé aucun jour de sa vie sans assister aux mystères qu'on y célèbre. Elle savait bien que là se trouve dispensé la sainte victime par qui a été effacé la cédule qui nous était contraire, et par laquelle aussi a été vaincu l'ennemi qui dans la supputation qu'il fait de

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nos fautes, avide qu'il est de nous trouver en défaut ne trouve rien à redire en l'auteur de notre victoire (Cf. Les Confessions de saint Augustin, trad. par L. Moreau). »

113. S. EPIPHANE contre Aërius, hérésie LXXV (Cf. S. Epiphanii opera, t. 1, p.908-911) : « Ensuite, dit Aërius, pourquoi faites-vous mention des morts lorsqu'ils ne sont plus ? Car qu'un vivant prie, ou qu'il fasse une śuvre de religion ou de charité, en quoi cela peut-il servir à un mort ? Mais si les prières des fidèles vivants sont de quelque utilité pour les morts, que personne donc ne se mette plus en peine de pratiquer la piété ou de faire des bonnes śuvres ; mais qu'on ne songe plus qu’à se faire d'eux des sortes d'amis par des présents par des recommandations faites au lit de la mort, afin que ceux-ci prient pour nous, et qu'ainsi nous soyons exempts de rien souffrir dans l'autre monde, et que nos péchés ne nous y soient pas reprochés sans miséricorde. » Saint Epiphane répond : « Eh ! quoi de plus utile, que de faire commémoraison des morts ? Quoi de plus avantageux comme de plus digne de  louanges ? Par là nous témoignons, et nous proclamons ce dogme si conforme à la piété, que ceux mêmes qui sont morts n'en sont pas moins vivants ; qu'ils ne sont pas anéantis mais qu'ils sont vivants devant Dieu ; et qu'en priant pour nos frères, passés ainsi à un autre état d'existence, nous ne sommes pas sans espérance d'obtenir leur soulagement. Quand même les prières que nous faisons pour eux n'effaceraient pas leurs fautes entières, elles ne seraient pas pour cela inutiles. Mais comme, tant que nous sommes ici-bas, nous sommes sujets à nous tromper, soit qu'il y ait de notre faute, soit sans faute de notre part, pour ne manquer en rien autant que possible, nous faisons mémoire tant des justes que des pécheurs : des pécheurs pour qui nous implorons la miséricorde de Dieu ; et des justes, que nous rangeons parmi les saints pères, les patriarches, les prophètes, les apôtres, les évangélistes, les martyrs et les confesseurs, les évêques et les anachorètes, tous les ordres enfin, en réservant l'adoration et l'honneur suprême à Notre-Seigneur Jésus-Christ attendu qu'il n'est pas un pur homme comme les autres, et qu'aucun homme ne peut être mis en comparaison avec lui, quand même on supposerait qu'il aurait acquis des milliers et des milliers de degré de justice et de sainteté. . . Pour revenir à mon sujet, l'Eglise observe en cela la tradition qu'elle a reçu des Pères. Or, qui oserait violer le com-

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mandement d'un père ou d'une mère ? Ecoutez ce que dit Salomon (Prov., I, 8) : Ecoutez, mon fils, les instructions de votre père et n'abandonnez point la loi de votre mère ; indiquant par ces mots les enseignements que nous a donnés par écrit, ou sans écrit, notre Père qui est Dieu, dans l'union du Fils et du Saint-Esprit, et les préceptes aussi de notre mère qui est l'Eglise, préceptes qu'aucun n'a le droit de nous dispenser d'observer. Puis donc que 1’Eglise a établi des règlements, que ces règlement sont justes, et que nous n'avons rien à y reprendre, cela seul suffit encore pour réfuter notre séducteur. Mais laissons ce scarabée, ce vil insecte, que nous venons d'écraser sous le poids de l'autorité de l'Eglise et par la puissance de Dieu même ; et aidés du secours divin, essayons de réfuter à leur tour les autres hérésies »

114. S. CYPRIEN, ou l’auteur de l'opuscule intitulé Serm. De cśnâ Domini : « Depuis que le Seigneur a dit : Faites ceci en mémoire de moi, ceci est ma chair, ceci est mon sang, toutes les fois que nous répétons avec foi ces mêmes paroles, ce pain substantiel et ce calice consacré par une bénédiction solennelle procurent la vie et le salut à l'homme qui les reçoit et qui ne les offre pas seulement comme un holocauste, mais qui, trouve aussi le remède à ses infirmités et le pardon de ses péchés. »

115. La liturgie dite de saint Jacques : « Sanctifiez nos âmes, nos corps et nos esprits, tournez nos pensées vers la piété afin que nous vous offrions avec une conscience pure nos dons, nos présents, les prémices de nos fruits, pour que les péchés que nous avons commis soient effacés, et que vous soyez propice à tout votre peuple. . . . . afin qu'au moyen de ce divin sacrifice qui ne peut manquer de vous être agréable, vous nous admettiez à la vie éternelle. . . Ne nous rejetez pas, tout pécheur que nous sommes, qui osons vous offrir ce sacrifice auguste et non-sanglant. Nous supplions et nous implorons votre bonté, afin que ce mystère qui a été établi pour notre salut ne tourne pas à la condamnation du peuple, mais qu'il serve plutôt à effacer nos péchés et à purifier nos corps et nos âmes, etc. En nous permettant de nous approcher de votre saint autel, rendez-nous dignes par votre miséricorde infinie de vous offrir ces présents et ce sacrifice, pour nous et pour les péchés que le peuple a commis par ignorance ; faites, Seigneur, que nous vous offrions avec une crainte  respectueuse et avec une conscience pure ce sacrifice spirituel et non-sanglant, et quand vous l'aurez accueilli favorablement sur votre autel invisible, élevé au-dessus des cieux, envoyez-nous en

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retour la grâce de votre Esprit-Saint. O Dieu, jetez un regard sur nous, et acceptez ce témoignage de notre culte spirituel, comme vous avez accepté les dons d'Abel, les sacrifices de Noé, ceux de Moïse et d'Aaron, les hosties pacifiques de Samuel, la pénitence de David, l'encens de Zacharie ; et de même que vous avez reçu des mains de vos apôtres ce culte véritable, soyez assez bon pour recevoir aussi des nôtres tout pécheurs que nous sommes, ces dons déposés sous vos yeux ; faites en même temps que notre offrande vous soit agréable, étant sanctifiée par l'Esprit-Saint, et qu'elle serve à nous obtenir le pardon de nos péchés ainsi que des péchés du peuple commis par ignorance, et le repos des âmes de ceux qui sont morts avant nous, afin que trouvés dignes, tout pécheurs, tout abjects, tout indignes que nous sommes, de servir à votre saint autel, nous obtenions la récompense promise aux dispensateurs fidèles et prudents, et que nous trouvions grâce et miséricorde dans ce jour redoutable où vous rendrez à chacun selon ses śuvres. . . . . Ayez pitié de nous, puisque ce n'est qu'avec crainte et tremblement que nous approchons de votre saint autel, et que nous vous offrons ce sacrifice auguste et non-sanglant pour nos péchés et pour ceux que le peuple a commis par ignorance. »

116. S. BASILE-LE-GRAND , dans sa liturgie : « Faites, Seigneur, que le sacrifice que nous offrons pour obtenir le pardon de tous nos péchés, ainsi que de l'ignorance de votre peuple, soit trouvé digne d'être reçu et admis en votre présence. . . Permettez-nous, selon toute l'étendu de votre miséricorde, d'approcher de votre saint autel, et rendez-nous dignes de vous offrir ce sacrifice spirituel et non-sanglant pour nos péchés et pour toutes les ignorances du peuple. »

117. S. CHRYSOSTOME, dans sa liturgie (Cf. Opera. S. Joan. Chrys., tom. XII, p.786-793, édit. de Montfaucon ; p.1023-1030, édit. de Gaume) : « Rendez-nous dignes de vous offrir nos prières nos supplications et nos sacrifices non-sanglants pour tout votre peuple. . . Vous servir, c'est une fonction grande et redoutable pour les puissances même célestes. Mais cependant par votre bonté ineffable et sans mesure vous vous êtes fait homme sans changer pour cela votre nature divine, vous avez pris le nom de notre pontife, et en votre qualité de souverain maître de toutes choses, vous nous avez confié le ministère de ce sacrifice solennel et non-sanglant. . . . Jetez un regard sur moi, qui ne suis qu'un pécheur et un

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serviteur inutile. . ., et rendez-moi digne de servir à votre table sainte, et de consacrer votre corps saint et immaculé et votre précieux sang. . . Car c'est vous qui offrez, comme c'est vous qui êtes offert, qui recevez et qui donnez en même temps, ô Christ notre Dieu. . . Seigneur Dieu tout-puissant, vous le seul saint, qui avez pour agréable le sacrifice de louanges de ceux qui vous invoquent de tout leur cśur, recevez notre prière, tout pécheur que nous sommes, faites-la monter à votre saint autel, et rendez-nous propres à vous offrir des présent et des sacrifices spirituels pour nos péchés, et pour les ignorances du peuple ; et rendez-nous dignes de trouver grâce devant vous, en sorte que notre sacrifice vous soit agréable, que votre Esprit-Saint répande sa grâce sur nous, sur ces dons et sur tout votre peuple. . . . Nous vous offrons encore ce sacrifice spirituel pour le monde entier, pour la sainte Eglise catholique et apostolique, pour ceux qui mènent une vie pure et sainte, pour nos empereurs très-attachés à votre foi et à votre Christ, pour toutes les personnes qui composent leur cour et pour toute leur armée. »

118. S MARTIAL, Epist. ad Burdegalenses, c. 3. Voir plus haut, même question, témoignage 37, page 386.

119. S. JEROME, in caput I Epist. ad Titum : « Que doit-on penser de l'évêque, qui est chargé d'offrir tous les jours à Dieu des victimes sans tache pour ses péchés et ceux du peuple ? »

120. S. AMBROISE, Lib. 1 Officiorum, c. 48 : « L'ombre se voyait dans la loi, l'image se voit dans l’Evangile, la vérité se verra dans le ciel. Auparavant on offrait des agneaux et d'autres animaux ; maintenant c'est le Christ qui est offert ; mais il est offert comme homme, comme se soumettant à son sacrifice ; et il s'offre lui-même comme prêtre afin de nous remettre nos péchés. Mais ce n'est encore là que l'image ; la vérité est dans les cieux, où il intercède pour nous comme notre avocat auprès de son père. Ici donc l'image, l'image partout, et nous ne voyons que sous forme d'image ; là-haut seulement, où tout sera amené à sa perfection, nous verrons face à face, parce que la perfection c'est la vérité. »

121. Le même, in ps. XXXVIII : « Nous avons vu le pontife par excellence descendre parmi nous, nous l'avons vu et entendu offrir pour nous son sang : suivons-le selon nos forces, nous autres prêtres, afin d'offrir le sacrifice pour le peuple. Quelque faibles de mérites que nous soyons, le sacrifice que nous offrons n’en est pas moins auguste ; quoique Jésus-Christ ne paraisse

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pas, c'est lui néanmoins qui s’offre, quand nous offrons son corps. Disons plus, c'est lui-même qui offre en notre personne, puisque c'est sa parole qui sanctifie le sacrifice que nous offrons. »

122. S. ALEXANDRE I, pape et martyr, Epist. I ad omnes orthodoxos, c. 4. (Cette décrétale est supposée, ainsi que la suivante) ; comme plus haut, témoignage 69, page 398.

On lit ensuite : « Les péchés et les crimes sont effacés par ces sacrifices que nous offrons au Seigneur. C'est pourquoi on doit faire une mention fréquente de sa passion par laquelle nous avons été rachetés, la rappeler et la recommander au Seigneur. C'est par de telles hosties que Dieu sera apaisé et réconcilié et qu'il nous pardonnera nos péchés, quelque énormes qu'ils soient. Il ne peut y avoir en effet de sacrifice plus grand, que celui du corps et du sang de Jésus-Christ, et aucune oblation ne peut surpasser celle-là, ni même l'égaler. On doit l'offrir avec une conscience pure, la recevoir de même et tout le monde doit la traiter avec respect. Elle doit être d'autant plus vénérée qu'elle surpasse toutes les autres en excellence. »

123. Le même, ad omnes episcopos, Epist. 2 : « Ceux qu'il a voulu placer au rang de ses apôtres sont ceux-là qui doivent intercéder pour le peuple, et manger les péchés du peuple, c'est-à-dire les effacer et les consumer par leurs prières et leurs oblations. »

124. S. GREGOIRE de Nazianze, Orat. 3 quæ est I in Julianum imperatorem : « Ici, si l'on en croit ceux qui s'honorent d'avoir été dans sa confidence (de Julien l'apostat),  commence le cours de ses nombreux forfaits. Il voulut, grand Dieu ! à quel affreux détail suis-je obligé de descendre ! il voulut effacer dans un sang impur le caractère que lui avait imprimé le baptême ; à ce saint mystère il oppose un mystère d'abomination, semblable à cet animal immonde qui se roule dans la fange ; il souille, il profane ces mêmes mains purifiées autrefois par la participation au sacrifice non-sanglant qui nous communique les fruits de la passion de Jésus-Christ et nous associe à sa divinité. »

125. S. AUGUSTIN, Serm. IV de Innocentibus : « Quoi de plus noble, quoi de plus honorable, que de reposer sous l'autel, où l'on offre le sacrifice à Dieu. . ., où le Seigneur lui-même fait l'office de prêtre, selon ce qui est écrit : Vous êtes le prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech ? C’est à bon droit que les âmes des justes reposent sous l'autel, puisque c'est sur le même autel que le corps de Notre-Seigneur est offert. Et c'est à bon

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droit que les justes demandent la vengeance de leur propre sang, là où le sang de Jésus-Christ est répandu pour les pécheurs. Il convenait donc d'associer ainsi les martyrs à leur divin maître en plaçant leurs tombeaux là où l'on célèbre tous les jours la mémoire de sa mort, comme il l'a dit lui-même : Toutes les fois que vous ferez ces choses, vous annoncerez ma mort, jusqu'à ce que je vienne ; car comme ils sont morts en retour de ce qu'il est mort pour eux, ils ne peuvent mieux reposer ailleurs qu'au milieu des mystères qui rappellent sa mort même. »

126. Le troisième (L quatrième, selon LABBE) concile de Brague, c. 4 (Canon 2, selon le même. Cf. LABBE, Conc., t. VI, col. 562) : « Puisque ce sont les sacrifices offerts à Dieu qui doivent effacer tous les péchés et tous les crimes, que restera-t-il à offrir à Dieu pour l'expiation des péchés si l'on pèche dans l'oblation même du sacrifice ? »

127. S. GREGOIRE, Hom. 37 in Evangelia : « Car l'hostie du saint autel offerte avec componction et piété contribue singulièrement à nous réconcilier avec Dieu, puisque celui qui étant ressuscité d'entre les morts ne meurt plus, souffre encore de nouveau pour nous sous la forme mystérieuse de cette hostie. Car autant de fois que nous lui offrons l'hostie de sa passion, autant de fois nous lui rappelons sa passion pour qu'il nous en applique les fruits. Beaucoup sans doute d'entre vous, mes frères, savent d'avance le fait que je veux simplement rappeler ici à votre mémoire Il n'y a pas bien des années qu'un homme fait prisonnier par les ennemis fut emmené dans une contrée lointaine. Comme il état toujours retenu dans les fers, sa femme ne le voyant point revenir de sa captivité, crut que la mort avait terminé sa vie. Elle faisait donc offrir pour lui chaque semaine le saint sacrifice comme pour un mort. Or, toutes les fois qu'elle faisait ainsi offrir le sacrifice pour le soulagement (absolutione) de son âme, les liens qui enchaînaient son époux se défaisaient (solvebantur). Bientôt il put rentrer dans sa patrie, et raconter avec admiration à son épouse que ses liens s'étaient détachés tel jour de chaque semaine. Son épouse fit la supputation des jours et des heures, et se convainquit que ces faits avaient eu lieu aux heures même ou elle avait fait célébrer le saint sacrifice. Concluez de là avec assurance, mes frères, combien la sainte hostie que nous offrons pour nous-mêmes peut avoir

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de force pour rompre les liens qui tiendraient nos âmes captives, si, offerte par une personne pour un autre qu'elle-même elle a pu rompre les liens qui retentaient le corps de celui-ci enchaîné. »

128. Le concile de Trente, session XXII, chapitre 2 : « Et comme le même Jésus-Christ qui s'est offert lui-même une fois sur l'autel de la croix en répandant son sang, est contenu et immolé sans effusion de sang dans le divin sacrifice qui s'accomplit à la messe, le saint concile déclare que ce sacrifice est véritablement propitiatoire, et que par là nous obtenons miséricorde et trouvons grâce et secours au besoin, si nous approchons de Dieu, contrits et pénitents avec un cśur sincère, une foi droite, et dans un esprit de crainte et de respect. Car Notre-Seigneur, apaisé par cette offrande, et accordant la grâce et le don de pénitence, remet les péchés et les crimes, même les plus grands, puisque c'est la même et l'unique hostie, et que c'est le même qui s'est offert autrefois sur la croix qui s'offre encore à présent par le ministère des prêtres sans qu'il y ait de différence que dans la manière d'offrir. Et c'est même par le moyen de cette oblation non-sanglante que l'on reçoit avec abondance les fruits de celle qui s'est faite avec effusion de sang tant il s'en faut que par elle on déroge en aucune façon à cette dernière. C'est pourquoi, conformément à la tradition des apôtres, cette oblation se fait non-seulement pour les péchés, les peines, les satisfactions et les autres nécessités des fidèles vivants, mais aussi pour ceux qui sont morts en Jésus-Christ et dont les âmes ne sont pas encore pleinement purifiées. »

129. Le concile d’Ephèse, Epist. ad Nestorium, comme plus haut, question IV, témoignage 5, page 294.

130. Le second concile de Nicée, action VI, tom. 3, comme plus haut, même question, témoignage 6, pages 294 et suiv.

131. AUGUSTIN, contra Faustum lib. XX, c. 24 ; comme plus haut, question actuelle, témoignage 8, page 369.

132. EUSEBE, Démonstration évangélique, liv. 1, c. 10 ; comme plus haut, même question, témoignage 46, page 391.

133. S. GREGOIRE de Nazianze, Orat. IV, quæ secunda est in Julianum imperatorem : « Ils n'immoleront plus au démon leurs fils et leurs filles, ils ne commettront plus tous ces crimes que les prophètes reprochaient jadis au peuple d'Israël. » Mais pour ne parler ici que de ce qui nous touche de plus près, désormais ils ne profaneront plus nos temples par leurs regards ; ils ne souilleront plus d'un sang impur nos autels consacrés par l'immolation

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non-sanglante de la victime sainte ; ils ne déshonoreront plus nos sanctuaires en y érigeant des autels à l'honneur des démons. Leurs mains avares et sacrilèges ne pilleront plus nos offrandes ; ils ne mettront plus par une cupidité insatiable le comble à leur impiété. Ils n'outrageront plus la vieillesse de nos prêtres, la sainteté de nos diacres, la pudeur de nos vierges. »

134. Le même, Carm. ad episcopos : « O vous qui offrez à Dieu le sacrifice non-sanglant, glorieux pasteurs des âmes, qui portez dans vos mains l'ouvrage du tout-puissant, qui réconcilie Dieu avec les hommes, régulateur du monde, lumière de la vie terrestre, maître de la parole, qui nous initiez à une vie immortelle et éclatante de gloire, représentant du Christ, assis sur des trônes pour nous juger tous, etc. (Cf. Gregorii theologi opera, t. II, pag.824-825). »

135. Le même, Carm. ad Constantinopolitanos episcopos et ipsam urbem : « O vous qui offrez à Dieu le sacrifice non-sanglant, qui adorez un Dieu unique en trois personnes. »

136. S. GREGOIRE de Nysse, in Christi resurrectionem oratione 1 : « Celui qui règle tout par sa puissance, n'a pas besoin d'attendre soit la trahison de Judas, soit la fureur aveugle des juifs, soit la sentence inique de Pilate, pour faire de leur méchanceté l'occasion du salut de tous les hommes ; mais il prévient leur dessein, et par un sacrifice mystérieux, et dont les hommes ne pouvaient pénétrer le secret, il s'offre lui-même comme victime pour nous, et s'immole lui-même, ce pontife par excellence, et tout à la fois cet agneau de Dieu, qui efface les péchés du monde. Quand est-ce qu'il le fit ? Ce fut lorsque, donnant à ses disciples assemblés son corps à manger et son sang à boire, il fit entendre clairement (MATTH., XXVI, 28) que le sacrifice de l'agneau était accompli. Car le corps d'une victime ne peut pas être donné en nourriture, tant que cette victime est vivante. Par conséquent, lorsqu'il donna son corps à manger et son sang à boire à ses disciples, c'est que son corps était déjà immolé d'une manière mystérieuse et invisible, selon qu'il l'avait lui-même voulu et exécuté par sa puissance. Son âme ne s'en trouvait pas moins dans ce mystère avec son corps et son sang, et avec son âme sa vertu divine, qui en était inséparable.

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Si donc quelqu'un voulait dater de ce moment le sacrifice par lequel s'offrit à Dieu comme un agneau, pour le salut du genre humain, ce prince des prêtres par excellence, d'une manière qu'on ne peut ni dire ni concevoir, il ne serait pas éloigné de la vérité. C'est en effet le soir qu'ils mangèrent ce corps adorable, et ce soir-là était la veille du jour où l'on devait manger la pâque. »

137. S. CYRILLE d'Alexandrie, Epist. X ad Nestorium (Cf. LABBE, Conc., t. III, col. 403-404. Voir aussi notre Dictionnaire universel des conciles, t. Ier, col. 87-88) : « Nous annonçons la mort de Jésus-Christ et nous confessons sa résurrection et son ascension, en célébrant dans les Eglises le sacrifice non-sanglant ; ainsi nous nous approchons des eulogies mystiques, et nous sommes sanctifiés en participant à la chair sacrée et au précieux sang de Jésus-Christ, le Sauveur de nous tous. Nous ne la recevons pas comme une chair commune, à Dieu ne plaise, ni comme la chair d'un homme sanctifié et uni au Verbe par son mérite ou en qui la Divinité a simplement habité ; mais comme vraiment vivifiante et personnelle au Verbe lui-même. Car comme il est la vie substantielle en tant que Dieu, sa chair, avec laquelle il s'est uni, est devenue elle-même principe de vie. Encore donc qu'il nous dise : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, etc., nous ne devons pas croire pour cela que sa chair soit celle d'un homme de même condition que nous (car comment la chair d'un homme serait-elle vivifiante de sa nature ?) ; mais la chair de celui qui s'est fait et appelé le fils de l'homme à cause de nous. »

138. Le même, dans l'explication qu'il donna au concile d'Ephèse du onzième anathématisme contre Nestorius (Cf. LABBE, Conc., t. III, col. 825-828) : « Nous offrons dans nos églises le sacrifice saint, vivifiant et non-sanglant, en croyant fermement que ce n'est pas le corps et le sang d'un homme comme nous, ou qui n'ait rien de plus que nous ; mais en révérant l'un et l'autre comme le propre corps et comme le propre sang du Verbe, principe universel de vie. Car la chair toute seule ne peut pas être vivifiante de sa nature. Et le Sauveur lui-même nous atteste cette vérité lorsqu'il nous dit : (JEAN, VI, 64) La chair ne sert de rien, c'est l'esprit qui vivifie. Car comme cette chair est devenue la propre chair du Verbe, elle est vivifiante par cela seul, comme le Sauveur s'en est

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expliqué lui-même (JEAN, VI, 58) : Comme mon père qui m'a envoyé est vivant, et que je vis par mon père, ainsi celui qui me mange vivra aussi par moi. Mais comme Nestorius et ses partisans anéantissent ce mystère par leur téméraire prétention, c'est pour cela, et à bien bon droit, que nous avons dressé cet anathématisme. »

139. S. JEROME, in caput XXVI. Matthæi : « Après avoir accompli la Pâque figurative, et mangé l'agneau avec ses apôtres, il prend le pain qui fait la force de l'homme, et il en vient tout-à-coup à célébrer la Pâque véritable, en présentant son vrai corps et son vrai sang, sous ces même emblèmes du pain et du vin que Melchisédech, prêtre du Très-Haut, avait employées dans son offrande figurative. »

140. OCUMENIUS, in caput V epistolæ Divi Pauli ad Hebræos, super ea verba, Tu es sacerdos, etc. : « Il n'aurait pas dit, vous êtes le prêtre éternel, s'il n'avait eu égard qu'au sacrifice offert une fois seulement par notre Dieu ; mais il a eu en même temps en vue les prêtres de la nouvelle loi, par les mains desquels Jésus-Christ sacrifie et est sacrifié tout à la fois, après nous avoir enseigné dans la cène mystique la manière de célébrer ce sacrifice. »

141. SÉDULIUS, Lib. III (al. IV) operis Paschalis, dit en faisant la description de la guérison des dix lépreux (LUC, XVII) : « Enfin quel est celui qui est présent, si ce n'est Jésus-Christ, le pontife et le prêtre selon l'ordre de Melchisédech, l'auteur de ce double sacrifice dans lequel on lui offre tous les jours les dons qui ne nous viennent que de sa libéralité, le produit des moissons et le jus de la vigne ? »

142. CLAUDE Marius Victor, Lib. III commentariorum in Genesim : « Melchisédech, ce roi de Salem, avait offert le pain et le vin à Abraham après sa victoire, et par cette offrande il avait préfiguré l'offrande mystique dans laquelle Jésus-Christ donne à son Eglise son propre corps comme un pain vivifiant, et son sang comme un céleste breuvage. »

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143. S. CHRYSOSTOME, Hom. XVII in Epist. ad Hebræos : « Il nous a commandé de l'offrir tous les jours, parce qu'il connaissait notre infirmité et pour nous rendre plus présent le souvenir de nos péchés. Quoi donc ? Est-ce que nous ne l'offrons pas tous les jours, etc., » comme plus haut, témoignage 17, page 378.

144. S. AUGUSTIN, ad Bonifacium episcopum : « Est-ce que Jésus-Christ n'a pas été immolé une seule fois en sa personne ? Et cependant il est immolé sacramentellement non-seulement toutes les fois que revient la solennité de Pâques, mais encore tous les jours pour le salut des peuples : et certes celui-là ne mentirait pas, qui répondrait à la question qu'on lui en ferait, que Jésus-Christ est encore aujourd'hui immolé. »

145. THEOPHYLACTE, in caput V Epist. ad Hebræos sur ces paroles, Vous êtes le prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech : « Que les Juifs nous disent donc quel autre que Jésus-Christ a été prêtre selon l'ordre de Melchisédech ? Tous les prêtres jusqu'alors n'avaient-ils pas été prêtres sous la loi ? Ne célébraient-ils pas tous le Sabbat ? N'offraient-ils pas tous des victimes ? Il est donc évident que ces paroles n'ont été dites que de Jésus-Christ. Car lui seul a offert son sacrifice comme Melchisédech en se servant de pain et de vin. Mais pourquoi le Psalmiste a-t-il dit : Vous êtes le prêtre éternel ? Parce qu'il continue toujours à intercéder auprès de son Père avec le corps qu'il a immolé pour notre salut, etc. Ou bien encore, parce que l'oblation qui se fait tous les jours et continuera de se faire dans tous les siècles par le ministère des prêtres doit être attribué à Jésus-Christ lui-même comme au pontife et au prêtre par excellence, en même temps qu'il y est lui-même la victime offerte, consentant ainsi à s'immoler lui-même, à se laisser mettre en morceaux et distribuer pour notre salut. Toutes les fois en effet que ce mystère se renouvelle, c'est la mort de Jésus-Christ qui est annoncée. »

146. Le même, in caput VII Epist. ad Hebræos, sur ces paroles, Il demeure prêtre pour toujours : « Nous disons que Jésus-Christ étant éternel, est effectivement prêtre pour toujours. Car nous croyons qu'aujourd'hui encore il continue à s'offrir par ses ministres. »

147. Le même, in caput X Epist. ad Hebræos : « Ici on pourrait faire cette question : Est-ce que nous offrons, nous aussi, des hosties non-sanglantes ? Sans doute, répondrons-nous ; en cela du reste nous faisons mémoire de la mort du Sauveur ; et cette mort

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est une et non multiple, car il n'a été offert qu'une fois. Et c'est toujours la même victime que nous offrons, ou plutôt c'est tous les jours de la même oblation que nous faisons mémoire. Par conséquent, c'est toujours le même sacrifice. Car, pour nous renfermer dans la question actuelle, si le Christ est offert en plusieurs endroits à la fois, y aura-t-il pour cela plusieurs Christs ? Pas le moins du monde ; mais ce sera partout le même Christ, ici tout entier, là tout entier, partout le même corps. Et de même que Jésus-Christ offert en plusieurs lieux à la fois est partout le même corps ou la même personne, et non plusieurs, ainsi en est-il du sacrifice. Car la victime que nous offrons aujourd'hui est la même que celle qui a été offerte au jour même de sa passion ; au lieu que celles de l'ancienne loi, l'agneau pascal par exemple, n'étaient pas les mêmes un certain jour ou une certaine année, que celles qui avaient été offertes un autre jour ou une autre année ; et le sacrifice du jour actuel n'était pas la commémoration du sacrifice du jour précédent mais c'était autant de sacrifices comme de victimes à part. »

148. OCUMENIUS, in quintum caput Epistolæ ad Hebræos, comme plus haut, témoignage 140, page 424.

149. PHOTIUS, cité par Ocuménius sur le même passage de l'épître aux Hébreux : « Comme Jésus-Christ s'est offert d'abord sans répandre son sang, et qu'il ne s'offre maintenant que de cette manière en sacrifice, le prophète a eu raison de dire que Jésus-Christ est prêtre selon l'ordre de Melchisédech. »

150. Le même Ocuménius, in caput septimum, sur ces paroles, il demeure prêtre pour toujours : « Il faut entendre ce mot pour toujours dans le même sens que le reste, ou bien en ce sens que le genre du sacerdoce de Melchisédech (vous savez ce que je veux dire) doit toujours subsister. »

151. Le même, in ejusdem Epistolæ caput decimum : « Ceux, dit l'Apôtre, qui offrent beaucoup de victimes, et chaque année de nouvelles, ne peuvent pas par là rendre parfaits ceux qui suivent les prescriptions de la loi. Quoi donc ! est-ce que nous n'offrons pas toujours des victimes non-sanglantes ? Non ; mais nous faisons continuellement mémoire de la même mort de Jésus-Christ et c'est toujours le même corps de Jésus-Christ dont nous faisons notre aliment. Car ce n'est pas aujourd'hui le corps d'un certain Jésus-Christ, demain le corps d'un autre, mais c'est toujours le corps du même Jésus-Christ au lieu que les sacrifices des Juifs exigeaient des victimes différentes, comme des brebis, des boufs

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des chèvres; par conséquent, c'étaient autant de différents sacrifices : les nôtres au contraire se réduisent tous à un seul, quoiqu'ils exigent de notre part des actions multipliées. »

152. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. 1, Epist. 2 : « Nous avons maintenant à examiner une difficulté que nous opposent non-seulement les incrédules mais qui arrête aussi quelques fidèles, savoir, pourquoi ce sacrifice est réitéré tant de fois, puisqu'il suffit que Jésus-Christ a été offert une fois sur la croix pour effacer les péchés du monde entier, et surtout que ce n'est pas un jour un sacrifice, un autre jour un autre sacrifice, mais que c'est toujours le même sacrifice, c'est-à-dire le même Jésus-Christ. Car si le sacrifice de la croix a suffi, celui de l'autel doit paraître superflu. Mais loin de nous de le penser ; car ce ne peut être que pour de justes raisons que le Fils de Dieu, qui est selon l'Apôtre la Sagesse de Dieu, l'a ainsi établi et enseigné. Cette Sagesse en effet, étant souverainement raisonnable, ou pour mieux dire la source et la perfection de toute raison, n'a pu rien faire ni rien ordonner sans raison. Par conséquent lorsque le Fils de Dieu a tenu ce langage à ses apôtres et qu'il leur a prescrit le rite de ce sacrement, c'est, il n'en faut pas douter, qu'il avait des raisons pour le faire. Cette raison seule est déjà suffisante pour quiconque croit que Jésus-Christ, auteur de ce sacrement, est Dieu et la Sagesse de Dieu. Il a plu cependant à l'auteur d'un tel bienfait de nous donner la raison de ce don qu'il a fait aux hommes ; et il s'en est ouvert, au moment même où il nous a fait don de ce sacrement. Car après avoir dit, Faites ceci, il a ajouté aussitôt en mémoire de moi. Telle est donc la raison de ce sacrement : l'avantage de nous rappeler Jésus-Christ. Le Sauveur savait ce qu'il avait fait, ce qu'il allait faire pour nous ; il connaissait tout le prix de ce premier bienfait, par lequel il s'était revêtu de notre humanité ; il connaissait toute l'excellence du second, par lequel il allait donner sa vie pour nous. Il savait qu'il nous sauverait par cet acte d'une charité immense ; mais il savait aussi qu'aucun de nous ne se sauverait effectivement sans apprécier cet acte à sa juste valeur. Il savait que le double ouvrage de son incarnation et de sa passion était grand en lui-même par-dessus tout autre ; mais il savait aussi que les hommes pour qui cet ouvrage s'exécutait, devaient en montrer de la reconnaissance. Ils le devaient, puisque c'était pour eux que sa chair était appliqué à ce supplice, pour eux que son âme était livrée à cette tristesse, pour leur procurer la vie enfin qu'il allait endurer la mort. Ils le

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devaient, pour aimer Jésus-Christ, pour s'attacher à Jésus-Christ, pour ne jamais se séparer de Jésus-Christ. Mais il leur eût été impossible de l'aimer s'ils l'avaient oublié ; et ils ne pouvaient en conserver un souvenir constant, qu'au moyen d'un signe de même nature. Afin donc qu'ils n'effaçassent jamais de leur cour ce qui devait y demeurer toujours profondément gravé, il fixa dans le cour de chaque homme un lien indissoluble pour en retenir à jamais la mémoire, pour rappeler continuellement à notre esprit le souvenir de notre rédemption, pour nous engager à en rendre grâces à notre rédempteur, et à nous en montrer reconnaissants en rendant notre foi agissante pas la charité. Sans doute que le souvenir aurait pu absolument se conserver dans la mémoire sans aucun signe sensible comme on se rappelle bien des choses, tant de l'ordre divin, que de l'ordre purement humain à l'aide de la seule tradition, ou de la simple lecture, ou enfin d'une instruction particulière ; mais comme l'a dit un pacte ,l'attention est moins vivement excité par ce qui ne frappe que l'oreille, que par ce qui tombe sous le sens de la vue ; et la chose ici était tellement importante, que les hommes devaient être fortement excités à y penser, à s'y attacher et à s'en nourrir. Il était donc convenable et juste que le souvenir de l'incarnation et de la mort du Fils de Dieu ne fût pas réveillé par le seul sens de l'ouïe, mais qu'il le fit aussi par celui de la vue. C'est pour cela que Jésus-Christ a institué ce signe, qui d'ailleurs n'est pas un simple signe, mais est en même temps la chose qu'il signifie. Je reprends : ce signe est en même temps la chose qu'il signifie, quant à la réalité du corps lui-même, ou de la chair et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Du reste, Jésus-Christ n'y souffre plus comme autrefois les douleurs et la mort, quoiqu'on dise toujours qu'il y est immolé. Et si l'on se sert de ce langage, c'est parce que sur l'autel on le rompt, on le partage, on le mange, sans qu'il en reçoive toutefois aucun mal, et que par ces signes et d'autres semblables, on représente autant que cela peut se faire, la mort du Seigneur. Et ainsi, comme je viens de le dire, ce signe est en même temps la chose qu'il signifie quant à la vérité du corps et du sang de Jésus-Christ. Mais il est surtout signe de sa mort parce que c'est là ce que nous dit ouvertement

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l'Apôtre dans le verset que j'ai rapporté. Toutes les fois, a-t-il dit, que vous mangerez ce pain ou que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur. Ce souvenir y enflammant notre amour, suffirait pour guéri notre âme de tous ses vices et pour la remplir de toutes les vertus ; et ainsi, en se rappelant tous les jours au moyen de ce sacrement le bienfait de la rédemption, tous les jours aussi les pénitents se procureraient le pardon de leurs péchés. Sans doute que l'agneau de Dieu immolé sur la croix ôte et efface pleinement les péchés du monde ; mais, comme je l'ai dit, son oblation sur l'autel n'est pas pour cela inutile. Et pour vous inviter à vous en convaincre par vous-même et par ce qui vous est personnel, interrogez-vous vous-même et demandez-vous à vous-même ce qui vous touche le plus, si toutefois vous croyez fermement ce que vous faites profession de croire ; si c'est d'entendre dire, Jésus-Christ a apparu autrefois parmi les hommes ; ou d'entendre dire, Jésus-Christ converse maintenant même parmi les hommes ; d'entendre dire : Il a été autrefois mis en croix, ou d'entendre dire : Il est maintenant offert sur l'autel ; laquelle de ces deux choses, dis-je, vous touche le plus, et vous porte davantage à l'admirer et à l'aimer, de son absence indiquée par les première propositions, ou de sa présence marquée par les secondes. Mais je sais que vous n'irez pas contre ce qui est d'expérience que les hommes sont plus vivement touchés de ce qui est présenté à leurs yeux que de ce qui en est éloigné, puisqu'on doute souvent de l'un, au lieu que l'incrédulité par rapport à l'autre ne serait pas admissible. On sera donc plus frappé se voir Jésus-Christ présent que de l'entendre dire absent ; de le voir de ses yeux que de le connaître seulement par ouï-dire ; on sera plus porté par là à l'admirer, à l'aimer ; et en l'aimant, on se procurera à soi-même la rémission de ses péchés puisqu'on a droit à l'indulgence à proportion de ce qu'on aime Jésus-Christ, d'après ce qu'il a dit lui-même au sujet de Marie la pécheresse (LUC, VII, 47) : Beaucoup de péchés lui ont été remis, parce qu'elle a beaucoup aimé. »
 
 

QUESTION VIII
 
 

Doit-on recevoir l'Eucharistie sous une espèce seulement, telle que celle du pain, ou bien doit-on la recevoir sous les deux espèces du pain et du vin ?

Pour les prêtres, c'est-à-dire ceux qui offrent le sacrifice, il

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est certain qu'ils sont obligés de prendre ce sacrement sous les deux espèces, puisque sans ces deux espèces présentes ils ne pourraient ni consacrer comme il faut, ni offrir comme il faut l'Eucharistie. Il serait superflu d'en dire ici la raison, qui se rattache plutôt au sacrifice de la messe.

Mais quant aux autres fidèles, il faut reconnaître qu'ils ne sont obligés par aucun précepte divin à recevoir le sacrement de l'Eucharistie sous les deux espèces, mais qu'il leur suffit pour le salut de le recevoir sous l'une des deux. Si, par exemple, nous étudions la discipline de l'ancienne Eglise, nous trouverons qu'on y distribuait aux fidèles tantôt une seule espèce, tantôt les deux à la fois. Si nous consultons l'Ecriture sainte, nous verrons qu'en parlant de ce sacrement, elle fait mention souvent, il est vrai, du pain et du vin, mais quelquefois aussi du pain seulement. Car si nous lisons : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous ; nous lisons aussi : Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. D'un côté nous lisons : Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ; mais de l'autre nous lisons aussi : Le pain que je donnerai est ma chair pour la vie du monde. Et celui qui a dit : Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi et je demeure en lui, a dit aussi : Celui qui mange ce pain vivra éternellement ; sans ajouter, comme nous le pourrions, que saint Luc ne mentionne que la fraction du pain.

Nous pouvons encore nous autoriser de l'exemple de Jésus-Christ lui-même, qui a premièrement institué ce sacrement sous les deux espèces dans la dernière cène, et l'a distribué de même à ses apôtres, mais qui ensuite se trouvant à Emmaüs avec deux de ses disciples, leur présenta l'Eucharistie sous une espèce seulement, après quoi il se déroba à leur présence : car c'est de cette manière que les Pères entendent cet endroit de l'Evangile.

On ne doit donc condamner ni les fidèles d'aujourd'hui qui, se contentant d'une seule espèce, s'abstiennent de l'usage du calice, comme on a commencé à le faire depuis déjà bien des siècles, ni les fidèles d'autrefois qui, à l'époque où à l'Eglise le permettait, participaient généralement aux deux espèces. Mais l'expérience, cette grande maîtresse, a fait voir avec le temps qu'il était beaucoup plus commode par rapport au peuple, beaucoup plus sûr et beaucoup plus avantageux sous bien des rapports, d'interdire l'usage du calice et de ne donner la com-

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munion que sous l'autre espèce. Et c'est aussi ce que l'Eglise a prescrit depuis longtemps, non qu'elle se soit écartée en cela des enseignements ou des prescriptions de son divin époux, puisqu'elle est la colonne et la base de la vérité, en même temps que la fidèle dispensatrice des mystères de Dieu ; mais elle a fait usage en cela du pouvoir qu'elle a reçu de son époux de dispenser les saints mystère pour l'édification et l'utilité commune des fidèles, selon que lui semble l'exiger la nature des circonstances, qui forcent quelquefois à apporter des modifications dans le culte même.

Les paroles de l'Evangile nous démontrent en effet que Jésus-Christ a donné à ceux avec qui il a célébré la cène le pouvoir non-seulement de prendre, mais encore de consacrer et d'offrir l'Eucharistie, que dis-je ? de gouverner aussi et d'administrer l'Eglise entière. Il a abandonné à leur jugement, à leur prudence et à leur autorité, le droit de régler à l'avenir et de modifier selon les temps tout l'état de la religion, et en particulier l'ordre et la manière de dispenser l'Eucharistie aux fidèles. C'est ce que saint Augustin prouve d'après saint Paul, et ce qu'il nous serait aisé de confirmer par quantité d'usages qu'ont établi les apôtres.

Les laïques n'ont point à se plaindre qu'on leur fasse injure, si, sous ce rapport, on ne leur fait pas, comme sous beaucoup d'autres, la part égale à celle des prêtres. Car tout le monde avoue que Jésus-Christ n'est pas divisé entre les deux espèces, comme en deux parties de lui-même, mais qu'il est tout entier présent sous une espèce comme sous les deux, et même sous la plus petite parcelle d'une hostie consacrée, et qu'on le reçoit de même tout entier, c'est-à-dire à la fois sa chair, son sang, son âme et sa divinité. Mais du moment où l'on reçoit Jésus-Christ tout entier, on doit recevoir aussi le fruit tout entier ou la grâce tout entière attachée à ce sacrement auguste. Ainsi les laïques n'y perdent rien, soit que l'on considère la chose même contenue dans le sacrement, savoir Jésus-Christ, Dieu et homme tout à la fois, soit qu'on fasse attention aux grâces et aux avantages qu'ils peuvent retirer de l'Eucharistie pour le salut de leurs âmes ; mais ils reçoivent autant sous une seule espèce qu'ils recevraient sous les deux, s'il leur était permis de le faire ainsi.

Il n'y a plus à élever sur ce sujet ni doute ni contestation possible, depuis que l'Esprit-Saint, qui selon la promesse de Jésus-Christ, enseigne et dirige l'Eglise, s'en est expliqué ouvertement par son organe, et a confirmé son enseignement par l'autorité

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même de plusieurs conciles généraux. On peut donc conclure sans crainte de se tromper, que cette coutume de ne communier que sous une espèce n'est point contraire au précepte divin, qu'elle repose sur l'autorité de 1'Eglise elle-même, qu'elle a pour elle la prescription du temps et l'assentiment général des peuples chrétiens, enfin la raison et le motif d'utilité, et qu'elle doit être observée comme une loi, que l'Eglise seule pourrait changer.

         Nos adversaires eux-mêmes, malgré tout leur tapage, sont dans l'impuissance d'indiquer aucune époque où cette coutume aurait commencé de s'établir ; et il y a lieu de s'étonner de trouver encore certains esprits qui, sous ombre de piété, se forment une opinion différente et conspirent sur ce point avec les hérétiques modernes contre la vénérable autorité de 1'Eglise entière. Combien n'ont- ils pas à craindre, qu'en s'acharnant avec tant de violence et d'opiniâtreté à vouloir obtenir un rite extérieur de plus dans l'usage de ce sacrement, ils n'en perdent le fruit interne, et que Jésus-Christ tout entier ne leur échappe, au point même qu'il vaudrait mieux pour eux ne pas du tout communier ! Car ni la foi, ni les sacrements ne peuvent servir de rien à qui se sépare de l'unité de l'Eglise. Ce qui a fait dire à saint Augustin, que tous les sacrements de Jésus-Christ, sans la charité qui attache à l'unité, tournent à la damnation plutôt qu'au salut de ceux qui les reçoivent ; et encore : De quoi sert à un homme la pureté de sa foi, la validité même des sacrements qu'il peut recevoir, si le schisme l'a atteint mortellement et lui a fait perdre la charité ? Et il n'est pas douteux que ceux qui abusent de ce divin symbole d'unité pour en faire un symbole de division et de schisme, ne pèchent contre Jésus-Christ lui-même.

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TEMOIGNAGES DE L'ECRITURE.
 
 

1. I Corinthiens, X, 16 : « N'est-il pas vrai que le calice de bénédiction que nous bénissons est la communion du sang de Jésus-Christ et que le pain que nous rompons est la communion du corps du Seigneur ? »

2. Ibidem, XI, 26-28 : « Toutes les fois que vous mangerez ce pain et que vous boirez ce calice, etc. - C'est pourquoi quiconque mangera ce pain ou boira le calice du Seigneur indignement, etc. - Que l'homme donc s'éprouve lui-même et qu'il mange ainsi de ce pain, et qu'il boive de ce calice. »

3. Actes, II, 42 : « Ils persévéraient dans la doctrine des apôtres, dans la communion de la fraction du pain, et dans les prières. »

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4. JEAN, VI ; voir plus bas, n° 29.

5. LUC, XXIV, 30-31, 35 : « Et comme il était avec eux à table, il prit le pain et le béni ; et l'ayant rompu, il le leur donna. - En même temps, leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant leurs yeux. - Ils racontèrent aussi eux-mêmes ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu à la fraction du pain. »

6. Actes, XX, 7 : « Le premier jour de la semaine, les disciples s'étant rassemblés pour rompre le pain, Paul s'entretenait avec eux, etc. »

7. Ibidem, XXVII, 35-36 : « Après avoir dit cela, il prit du pain ; et ayant rendu grâces à Dieu devant tous, il le rompit et se mit à manger. - Tous les autres reprirent courage, et se mirent aussi à manger. »

8. MATTHIEU, XXVI, 26-27 : « Or, pendant qu'ils soupaient, Jésus prit du pain ; et l'ayant béni, il le rompit, et le donna à ses disciples, en leur disant : Prenez et mangez ; ceci est mon corps. - Et prenant le calice, il rendit grâces et il le leur donna, en disant : Buvez-en tous, car ceci est mon sang, etc. »

9. MARC, XIV, 22-23 : « Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain, etc. - Et ayant pris le calice, après avoir rendu grâces, il le leur donna, et ils en burent tous. »

10. LUC, XXII, 19-20 : « Et ayant pris le pain, il rendit

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grâces, etc. - Il prit de même la coupe après avoir soupé en disant : Ce calice est la nouvelle alliance, etc. »

11. I Corinthiens, XI, 23, 25 : « Le Seigneur Jésus, la nuit même qu'il devait être livré, prit le pain, etc. - Il prit de même le calice, etc. »

12. I Timothée, III, 13 : « La maison de Dieu est l'Eglise du Dieu vivant, la colonne et la base de la vérité. »

13. I Corinthiens, IV, 1 : « Que les hommes nous regardent comme les ministres de Jésus-Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu. »

14. II Corinthiens, X, 8 : « Car quand je me glorifierais un peu davantage de la puissance que le Seigneur m'a donné pour votre édification, et non pour votre destruction, je n'aurais pas sujet d'en rougir. »

15. Ibidem, XIII, 10 : « Je vous écris ceci étant absent, afin de n'avoir pas lieu, lorsque je serai présent, d'user avec sévérité de la puissance que le Seigneur m'a donnée pour vous édifier et non pour vous détruire. »

16. MATTHIEU, XXVI, 20, 26 : « Le soir étant venu, il se mit à table avec ses douze disciples, etc. - Pendant qu'ils soupaient, Jésus prit du pain, etc. »

17. MARC, XIV, 17, 22 : « Le soir étant venu, il se rendit là avec les douze, etc. - Et pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain, etc. »

18. LUC, XXII, 14, 19 : « Et quand l'heure fut venue, il se mit a table, et les douze apôtres avec lui, etc. - Et ayant pris du pain, il rendit grâces, etc. »

19. Actes, XX, 28 : « Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établi évêques pour gouverner l'Eglise de Dieu, qu'il a acquise par son propre sang. »

20. I PIERRE, X, 2 : « Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, etc. »

21. LUC, X, 16 : « Qui vous écoute m'écoute qui vous méprise, me méprise. »

22. Ephésiens, IV, 11- 12, 14 : « Il a donné lui-même à son Eglise quelques-uns pour être apôtres, etc., d'autres pour être pasteurs et docteurs ; afin que les uns et les autres travaillent à la perfection des saints, aux fonctions de leur ministère, à l'édification du corps de Jésus-Christ ; - afin que nous ne soyons plus comme des enfants, comme des personnes flottantes,

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qui se laissent emporter à tous les vents des opinions humaines, par la tromperie des hommes, et par l'adresse qu'ils ont à engager artificieusement dans l'erreur. »

23. I Corinthiens, XI, 34 : « Je réglerais les autres choses lorsque je serai venu chez vous. »

24. MATTHIEU, XVIII, 18 : « En vérité je vous le dis, tout ce que vous délierez sur la terre, etc. »

25. JEAN, XX, 23 : « Ceux dont vous remettrez les péchés, etc. »

26. I Timothée, III, 2, 8, 13 : « Il faut qu'un évêque soit irrépréhensible. - Que les diacres de même soient honnêtes, etc. - Car le bon usage qu'ils auront fait de leur ministère les fera monter plus haut. »

27. Ibidem, IV, 13-14 : « En attendant que je vienne, appliquez-vous à la lecture, à l'exhortation et à l'instruction. - Ne négligez pas la grâce qui est en vous, qui vous a été donnée suivant une révélation prophétique, etc. »

28. Tite, I, 5 : Etablissez des prêtres en chaque ville. »

29. JEAN, VI, 48-52, 553-59 : « Je suis le pain qui donne la vie. - Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. - Mais voici le pain qui est descendu du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. - Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. - Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement et le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde. - Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. - Car ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui. - Comme mon Père qui m'a envoyé est vivant, et que je vis par mon Père ; de même celui qui me mange, vivra aussi par moi. - C'est là le pain qui est descendu du ciel, non comme la manne que vos pères ont mangée, et ils n'en sont pas moins morts. Celui qui mange de ce pain vivra éternellement. »

30. LUC, XXII, 31-32 : « Simon, Satan a demandé à vous cribler tous, comme on crible le froment ; - mais j'ai prié pour vous en particulier, afin que votre foi ne défaille point : lors donc que vous aurez été converti, ayez soin d'affermir vos frères. »

31. JEAN, XIV, 16-17, 26 : « Je prierai mon Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu'il demeure éternellement

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avec vous ; l'Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point ; mais pour vous, vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera avec vous, et il sera en vous. - Mais le Consolateur, qui est le Saint-Esprit que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. »

32. JEAN, XVI, 12-13 : « J'ai encore bien des choses à vous dire, mais vous ne pouvez les concevoir présentement. - Mais lorsque l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité. »

33. ISAIE, LIX, 21 : « Voici l'alliance que je ferai avec eux, dit le Seigneur : mon esprit qui est en vous, et mes paroles que j'ai mises en votre bouche ne sortiront point de votre bouche, ni de la bouche de vos enfants, ni de la bouche des enfants de vos enfants, depuis le temps présent jusque dans l'éternité, dit le Seigneur. »

34. MATTHIEU, XVIII, 17 : « S'il n'écoute point l'Eglise, regardez-le comme un païen et un publicain. »
 
 
 
 

TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
 
 

1. TERTULLIEN, Ad uxorem, lib. II, n° 5 : « Déroberez-vous à ses regards (de votre mari) ce que vous prenez en secret avant toute nourriture ? S'il vient à découvrir que c'est du pain, ne supposera-t-il pas que c'est ce pain dont on fait tant de bruit ? Et comme il ne peut pénétrer un mystère qu'il ignore, que d'alarmes, que de soupçons ! Il ne rêvera que meurtres, qu'empoisonnements. »

2. S. CYPRIEN, Serm. V, de lapsis : « Une chrétienne avait osé porter ses mains, tout impures qu'elles étaient, sur le vase où reposait, dans sa maison, le corps du Seigneur. Des flammes en sortirent tout-à-coup pour arrêter ses doigts profanateurs. Enfin, un chrétien dont la conscience était souillée de crimes, se présenta, caché dans la foule, pour recevoir le corps du Seigneur ; mais il ne put ni le manger, ni le toucher. En ouvrant la main, il n'y trouva qu'un peu de cendres. Ce seul exemple suffirait pour prouver que Dieu se retire de quiconque le renie, et que ce que l'on prend sans en être digne est inutile pour le salut, puisque l'aliment fécond, dépouillé de sa sainteté, se convertit en poussière (Cf. Les Pères de l'Eglise, trad. par M. de Genoude, t. V bis). »

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3. ORIGENE, Hom. III in Exodum : « Je veux vous convaincre de votre obligation par des exemples. Vous savez, vous qui avez coutume d'assister aux divins mystères avec quel respect vous usez de toutes les précautions, lorsque vous recevez le corps du Seigneur, pour qu'il ne tombe rien à terre, pour qu'il ne se perde rien du don sanctifié. Vous vous regarderiez comme très-coupables et avec raison, s'il en tombait la moindre chose par l'effet de votre négligence. Mais si vous êtes si soigneux de conserver intact le corps du Seigneur, et si vous avez raison de l'être en effet, comment pouvez-vous croire que ce soit un moindre crime de profaner la parole de Dieu (Il y a dans ce rapprochement fait par Origène entre deux choses disparates une exagération qu'on pourra corriger en consultant la note mise plus loin au témoignage 16), que de profaner son corps ? »

4. S. BASILE-LE-GRAND, Epist. Ad Cæsariam patritiam : « Qu'il n'y ait aucun péché à se communier soi-même de sa propre main, lorsqu'on y est forcé dans les temps de persécution, ou qu'il n'y a ni prêtre ni diacre présent, c'est ce qui n'a pas besoin de preuves, puisque cette pratique se trouve autorisée par la coutume des siècles antérieurs, et même par ce qui se passe sous nos yeux. Car tous ceux qui mènent la vie solitaire dans des déserts où ils n'ont pas de prêtres à leur portée, se communient eux-mêmes avec 1'Eucharistie qu'ils gardent dans leurs cellules. A Alexandrie et dans toute 1'Egypte, chaque fidèle garde le plus communément la communion chez soi. Nous devons croire en effet que, du moment où le prêtre a consacré et distribué le sacrifice, chacun peut y avoir part en le prenant à sa manière. C'est au prêtre, il est vrai, à donner dans l'Eglise à chacun sa portion ; mais c'est à celui qui la reçoit à la prendre comme il l'entend, et à se la mettre dans la bouche avec sa propre main. Le sacrement a donc la même vertu, soit qu'on reçoive du prêtre une seule portion, soit qu'on en reçoive plusieurs à la fois. »

5. S. JEROME, in Apologiâ ad Pammachium pro libris adv. Jovinianum, n° 6 : « Je sais que c'est l'usage à Rome, que les fidèle reçoivent tous les jours le corps de Jésus-Christ, et cet usage, je ne le loue ni ne le blâme. Car il est libre à chacun d'abonder dans son sens. Mais je m'adresse à la conscience de ceux qui communient le même jour qu'ils ont usé du droit conjugal, et qui, comme dit Perse, noctem flumine purgant. Pourquoi

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n'osent- ils pas aller aux tombeaux des martyrs ? Pourquoi n'entrent-ils pas dans les églises ? Est-ce que le Christ qu'on adore en public n'est pas le même que le Christ qu'on sert chez soi ? Ce qui n'est pas permis à l'église ne l'est pas non plus à la maison. Rien n'est caché pour Dieu, et les ténèbres elles-mêmes sont le jour pour lui. »

6. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I, de miraculis, c. 1 : « Un paysan d'Auvergne avait plusieurs ruches, dans lesquelles les abeilles distillaient leur douce liqueur. Comme il craignait que ses abeilles ne vinssent à le quitter, ou mourir, ou se perdre par quelque accident, il eut le malheur de consulter de ces sorciers qui, par une opération diabolique, changent en instruments de leurs maléfices les bienfaits de Dieu même et vont, chose horrible, jusqu'à faire servir les sacrements de Jésus-Christ à leur magie sacrilège. Au sortir de là, il vint à l'église et ayant, selon la coutume, reçu du prêtre le corps du Seigneur, il eut soin de le garder dans sa bouche sans l'avaler, suivant l'instruction qu'il avait reçue puis s'approchant d'une de ses ruches, il colla sa bouche contre un des trous, et, souffla avec effort. Car on lui avait dit que s'il soufflait sur ses abeilles le corps de Jésus-Christ qu'il aurait gardé dans sa bouche, aucune d'elles ne périrait, aucune d'elles ne déserterait ; mais que toutes lui seraient fidèles et lui donneraient du miel en bien plus grande abondance qu'il n'avait pu en avoir jusque-là. Il fit donc ce qui lui avait été indiqué, et appliquant sa bouche contre la ruche, il soufflait dedans de toute sa force. Mais par l'effet même de l'effort qu'il faisait, le corps de Notre-Seigneur s'échappant de sa bouche tomba à terre auprès de la ruche. En même temps toutes ces abeilles, sortant de leurs alvéoles, s'approchent avec respect du corps de leur Dieu, et l'ayant soulevé de terre avec les mêmes précautions que si elles avaient eu la raison, elles l'introduisirent avec honneur dans leur ruche. Témoin de ce spectacle, notre homme, soit par insouciance, soit par dédain, se retira comme il était venu pour vaquer à ses affaires domestiques. Mais comme il était en chemin, saisi tout-à-coup, comme il l'a rapporté depuis, d'une terreur inexprimable, il rentre dans son bon sens et vient à se dire à lui-même qu'il a mal agi. Touché donc de repentir, ou plutôt poussé par une force invisible, il revient sur ses pas, et pour se punir lui-même de son crime, il tue avec rage ces mêmes abeilles dont il avait voulu s'assurer la conservation par cet horrible crime. Après les avoir

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toutes détruites, il enfonce son regard dans ces rayons que tout-à-l'heure il voulait conserver, et il aperçoit, ô prodige ! au milieu de ces rayons et de tout ce miel le corps du Seigneur, qu'il avait laissé échappé de sa bouche, et qui avait pris la forme d'un  fort joli enfant semblable à un enfant qui vient de naître. Ce miracle, comme on le pense bien, le remplit d'étonnement et de frayeur, et après avoir longtemps cherché avec perplexité ce qu'il avait à faire, il s'arrêta au parti suivant : de prendre cette hostie dans ses mains et de la porter à l'église, puis, comme l'enfant qu'elle présentait à ses regards lui paraissait sans vie, de l'y enterrer seul et sans témoins. Mais comme il se mettait ainsi en devoir de porter à l'église le divin enfant pour l'y enterrer, celui-ci, s'échappant de ses indignes mains, s'évanoui subitement de sa présence. Ce fait, qui est tout récent, a été rapporté par l'homme lui-même a son propre prêtre, et par ce dernier à l'évêque de Clermont, qui me l'a raconte à son tour, et je me suis fait un devoir de l'apprendre à tous ceux qui me feraient l'honneur de me lire. Au reste, un si grand crime n'est pas resté bien longtemps impuni ; mais bientôt ce lieu auparavant populeux est devenu désert par la mort successive de tous ceux qui l'habitaient. »

7. Le concile de Trente, session XXI, c. 4 : « On ne peut pas conclure non plus des paroles de Notre-Seigneur, au chapitre sixième de saint Jean, de quelque façon qu'elles soient entendues, selon les diverses interprétations des Pères et des Docteurs, que Notre-Seigneur ait commandé la communion sous les deux espèces. Car le même qui a dit (JEAN, VI, 54) : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous, a dit aussi : Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le même qui a dit : Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, a dit aussi : Le pain, que je donnerai est ma chair pour la vie du monde. Enfin le même qui a dit : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui, a néanmoins dit aussi : Celui qui mange ce pain vivra éternellement. »

8. S. AUGUSTIN, ad Casulanum, Epist. 86 (al. 36) : « Le jour de la résurrection est appelé le premier de la semaine (prima sabbati) par saint Matthieu, l'unième de la semaine (una sabbati) par les trois autres évangélistes, et il est certain que c'est le jour que nous appelons dimanche. Ou bien donc les disciples (Act., XX) se trouvaient rassemblés dans la soirée du sabbat et au commen-

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cement de la nuit qui touchait au dimanche, c'est-à-dire au premier jour de la semaine, et dans ce cas (saint Paul) ayant à rompre le pain (c'est-à-dire à distribuer la communion) cette nuit-là même, de la manière qu'on le rompt dans le sacrement du corps de Jésus-Christ, prolongea son entretien jusqu'au milieu de la nuit, afin qu'après le sacrifice célébré, il pût le reprendre jusqu'au point du jour, parce qu'il était fort pressé pour partir le dimanche ; ou du moins, etc. . . . (Cf. Opera S. Augustini, tom. II, pag. 78, édit. des Bénédictins ; col. 117-118, édit. de Gaume) »

9. S. CHRYSOSTOME, ou plutôt l'auteur de l'ouvrage imparfait sur saint Matthieu (Ce passage est à peu prés intraduisible, et d'ailleurs n'est d'aucune autorité. C'est pourquoi nous le laissons tel que nous le trouvons dans Canisius) : « Aliud est sanctificatio, aliud sanctificatum. Sanctificatio enim est, quod alterum sanctificat ; sanctificatum autem, alterum sanctificare non potest, quamvis ipsum sit sanctum. Ut putà signas panem tuum, quem manducas, sicut ait Paulus (I Tim., IV) : Sanctificatur enim per verbum Dei et orationem. Sanctificasti cum, non fecisti sanctificationem. Quod autem sacerdos de manu suà dat, non solùm sanctificatum est, sed etiam sanctificatio est : quoniam hoc non solùm datur, quod videtur, sed etiam illud quod intelligitur. De sanctificato ergo pane licet et animalibus jactare et infidelibus dare : quia non sanctificat accipientem. Si autem tale esset quod de manu sacerdotis accipitur, quale est quod in mensâ manducatur, omnes de mensâ manducarent, et nemo de manu sacerdotis acciperet. Unde et Dominus in viâ non solùm benedixit panem , sed de manu suâ dedit Cleophæ et socio ejus. Et Paulus navigans non solùm benedixit panem, sed de manu suâ porrexit Lucæ et cæteris discipulis suis. Quod autem de manu porrigitur, nec animalibus dandum est, nec infidelibus porrigendum, quia non solùm sanctificatum, sed etiam sanctificatio est, et sanctfiicat accipientem. »

10. HESYCHIUS, in Levitici caput nonum : « La gloire du Seigneur apparaîtra, c'est-à-dire, la présence de l'Esprit-Saint se manifestera. C'est là, dit Moïse, la parole que le Seigneur vous a intimée. La parole, à savoir la parole mystique, au sujet de laquelle le Seigneur avait dit : Faites ceci en mémoire de moi. C'est ce que notre législateur a coutume d'appeler parole, parce qu'un tel mystère s'accomplit principalement au moyen de la parole, la parole du Seigneur ayant la vertu de changer ce

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qui paraît en quelque autre chose de plus auguste qui ne paraît pas. Ainsi, lorsqu'il présenta la manne pour figure du pain de vie descendu du ciel : C'est là, disait-il (Exod., XVI, 13-16), le pain que le Seigneur vous a donné à manger ; c'est là la parole que le Seigneur vous a intimée. Qu'est-ce donc que le législateur veut faire entendre d'après ce qui a été dit, sinon que l'Esprit-Saint descendit pendant qu'ils accomplissaient le saint mystère et qu'ils célébraient la cène du Seigneur ? C'était en effet le jour appelé le jour du Seigneur, le jour où les apôtres étaient obligés de célébrer la cène mystique. Car nous-mêmes nous attachant à la tradition qu'ils nous ont laissée, nous choisissons particulièrement le dimanche pour nos assemblées de religion. Nous voyons que Jésus-Christ après sa résurrection s'est manifesté de même par la fraction du pain, comme saint Luc le dit ouvertement. »

11. THEOPHYLACTE, In vigesimum quartum caput Lucæ : « Une autre chose nous est encore signifiée par ces mots (aperti sunt oculi corum) : c'est que les yeux de ceux qui prennent le pain consacré s'ouvrent pour reconnaître ce que c'est qu'ils prennent. Car le corps du Seigneur a une vertu prodigieuse et indicible. »

12. BEDE, sur le chapitre 24 de saint Luc : « C'est en vue de quelque mystère qu'il a permis qu'ils aperçussent en lui d'autres traits que les siens, et qu'ainsi ils ne le reconnussent qu'à la fraction du pain (Presque tout ce passage a été emprunté par le vénérable Bède à saint Augustin, comme on le verra bientôt par le témoignage 14), afin que personne ne se flatte de connaître Jésus-Christ, s'il ne participe à son corps , c'est-à-dire, s'il ne fait partie de l'Eglise, dont l'Apôtre nous fait voir l'unité représentée symboliquement dans le pain, lorsqu'il dit (I Cor., X, 17) : « Nous sommes tous un même pain, un même corps. Au moment où il leur présentait le pain consacré, leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent. Leurs yeux sans doute devaient s'ouvrir pour le reconnaître, l'obstacle qui les empêchait de le reconnaître étant levé. Rien n'empêche de conjecturer que cet obstacle leur venait du démon pourvu qu'on admette en même temps que ce fut Jésus-Christ qui le permit jusqu'au moment du sacrement du pain, pour nous faire comprendre, que c'est en participant à l'unité de son corps que nous écarterons l'obstacle par lequel l'ennemi de notre salut voudrait nous empêcher de reconnaître Jésus-Christ. »

13. S. CHRYSOSTOME, ou plutôt l'auteur de l'ouvrage imparfait sur saint Matthieu ; comme plus haut, témoignage 9.

14. S. AUGUSTIN, De consensu Evangelistarum, lib. III, c. 25 :

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« Il y avait dans leurs yeux une certaine fascination, que Dieu permit en vue de quelque mystère, qui leur resta jusqu'au moment de la fraction du pain, et qui leur faisant voir Jésus-Christ sous d'autres traits que les siens, les empêcha de le reconnaître si ce n'est au moment de la fraction du pain, comme le dit saint Luc. Cette illusion qu'ils éprouvèrent, était une suite de l'ignorance où ils étaient encore que Jésus-Christ dût mourir et ressusciter : non que Jésus-Christ, qui est la vérité même, cherchât à les tromper, mais parce qu'incapables eux-mêmes d'avoir l'intelligence de la vérité, ils voyaient les choses autrement qu'elles n'étaient ; et afin que personne ne se flatte de connaître Jésus-Christ s'il ne participe à son corps, c'est-à--dire s'il ne fait partie de 1'Eglise, dont l'Apôtre nous fait voir l'unité représentée symboliquement dans le pain, lorsqu'il dit (I Cor., X, 17) : Nous sommes tous un même pain et un même corps ; afin aussi que, lorsqu'il leur présenterait le pain consacré, leurs yeux s'ouvrissent, et qu'ils le reconnussent. Rien n'empêche de conjecturer. . . ; » et le reste comme à la fin du témoignage 12.

15. EUSEBE de Césarée, Hist. eccles., lib. VI, c. 36, rapporte l'histoire suivante, qu'il avait prise dans la lettre de saint Denis d'Alexandrie adressée à Fabius d'Antioche : « Il y avait dans notre ville un vieillard chrétien nommé Sérapion qui, après avoir passé sans reproche une bonne partie de sa vie, avait eu la faiblesse de succomber dans la persécution. Plus d'une fois il avait demandé par d'humbles supplications d'être réconcilié à l'Eglise ; mais, comme il avait sacrifié aux idoles, personne ne répondît à sa prière. Etant tombé  dangereusement malade, il fut trois jours sans parole et sans connaissance ; le quatrième, il reprit un peu ses sens, et dit à son neveu qu'il avait demandé : Combien de temps encore, mon cher fils, me retiendrez-vous sur cette terre ? Hâtez-vous, je vous prie, et laissez-moi partir au plus tôt ; appelez auprès de moi quelque prêtre. Après avoir dit ces mots, il perdit de nouveau la parole. L'enfant court chercher un prêtre : or il était déjà nuit. Le prêtre, qui se trouvait aussi malade, ne pouvant aller lui-même, mais se rappelant d'un autre côté l'instruction que j'avais donnée de faire participer aux saints mystère ceux qui se trouveraient sur le point de mourir, du moment où ils en feraient la demande, surtout s'ils l'avaient déjà faite étant encore en santé, afin qu'ils pussent sortir de ce monde en paix et avec une bonne espérance, ce prêtre donc remit à l'enfant une faible portion de l'Eucharistie, en lui recom-

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mandant de l'humecter avant de la déposer dans la bouche du vieillard. L'enfant revient chargé du précieux dépôt, et il n'était pas encore rentré, que Sérapion, recouvrant de nouveau la parole, lui dit : Est-ce vous, mon fils, qui êtes de retour ? Quoique le prêtre ne puisse venir, faites bien ce qu'il vous a recommandé et laissez-moi partir en paix. L'enfant fait donc couler dans la bouche du vieillard, après l'avoir détrempé, la parcelle qu'il avait apportée avec lui, et le vieillard ne l'eut pas plus tôt introduite dans son estomac, qu'il rendit son dernier soupir. »

16. S. AUGUSTIN, Lib. L homiliarum, hom. 26 (Cette homélie n'est pas de saint Augustin. Au jugement de Noël-Alexandre, le passage même cité renferme une exagération indigne de ce saint docteur ; car la parole de Dieu écrite ou annoncée n'est ni Dieu, ni même rien de divin, si ce n'est par ce qu'elle signifie, par l'inspiration qui en est le principe et par la révélation qui en est l'objet, au lieu que le corps de Jésus-Christ est divin par son union hypostatique avec la divinité. V. hist. eccles. V sæc., t. V, p. 105, édit. de Mansi) : « Le soin que nous apportons, lorsqu'on nous présente le corps de Jésus-Christ pour qu'il n'en tombe rien à terre de nos mains, apportons-le de même à ce que la parole de Dieu qui nous est distribuée ne s'échappe pas de notre cour. Car celui qui entend la parole de Dieu avec indifférence ne se rend pas moins coupable, que celui qui laisse tomber à terre par sa négligence le corps de Jésus-Christ. »

17. Le même, Serm. 252 de tempore (Ce sermon n'est pas non plus de saint Augustin. V. ibid., p. 110) : « De même que les femmes présentent des linges d'une grande propreté pour y recevoir le corps de Jésus-Christ, de même elles doivent ne s'en approcher qu'avec un corps chaste et un cour pur. »

48. S. AMBROISE, Orat. funebr. de excessu fratris sui Satyri : « M'arrêterai-je à louer sa fidélité au service de Dieu ? Il n'était pas encore initié aux mystères d'un ordre plus relevé. Prés de faire naufrage, le vaisseau qui le portait avait échoué contre des rochers et menaçait de s'engloutir dans les flots. Craignant, non pas de mourir, mais d'être privé des mystères en quittant la vie, il sollicita de ceux qu'il savait être initié le divin sacrement des fidèles. Ce n'était point esprit de curiosité, mais désir de se procurer dans la sainte Eucharistie l'appui de sa foi; car il la fit enfermer dans un linge qu'il se passa autour du cou, et il se jeta de la sorte dans la mer, sans se mettre en peine de se procurer quelque débris du vaisseau pour pouvoir s'en aider en flottant sur l'eau ; il ne lui fallait d'autre soutien que sa foi, et, se

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croyant assez fort de ce seul appui, il ne pensa pas à chercher ailleurs son  secours. . . . . . . . . . . . . . . Ses espérances et sa foi ne furent point trompées. A la fin, sauvé le premier des ondes, quand il eut abordé à terre, il s'empressa de reconnaitre celui en qui il avait mis sa confiance ; et, immédiatement après qu'il eut délivré par ses mains ses compagnons d'infortune, ou qu'il se fut assuré de leur délivrance, il dirigea ses pas vers l'église de Dieu, pour lui rendre grâces et s'instruire des mystères de la vie éternelle, en déclarant qu'il n'y avait point de devoir qui dût passer avant celui de la reconnaissance. »

19. S. PAULIN, Vita S. Ambrosii : « Honorat, évêque e l'Eglise de Verceil, qui s'était couché dans l'appartement supérieur pour prendre un peu de repos, s'entendit appeler trois fois par une voix qui lui disait : Hâtez-vous de vous lever, car il va bientôt expirer. Il descendit donc, et présenta au saint (à Ambroise) le corps de Notre-Seigneur. Ambroise ne l'eut pas plus tôt reçu qu'il rendit son dernier soupir, emportant avec lui cet excellent

viatique, pour aller, fortifié par le divin aliment, jouir de la société d'Elie et du commerce des anges, dont il avait mené la vie sur la terre. »

20. S. AMPHILOQUE, évêque d 'Icône, Vita Basilii Magni (Cette Vie de saint Basile, quoique attribuée à saint Amphiloque par Combefis, est regardée comme une pièce supposée par tous les autres savants, tels que Daronius, Bellarmin. etc. Voir l'histoire ecclés. de Noël-Alexandre, t. IV, c. VI, art. 21, édit de Venise) : « Basile partageant (comme il célébrait le s saints mystère) le pain en trois parts, consomma l'une avec beaucoup de respect, réserva la seconde pour qu'on l'ensevelit avec lui, et mit la troisième dans la colombe doré suspendue au-dessus de l'autel. . . Vers la neuvième heure, le grand Basile notre père se rendit dans l'église pour l'office de la messe avec les principaux du clergé et de la ville ; et après avoir pris le pain avec eux, il les congédia en leur donnant ses dernières instructions et le saint baiser, et en les recommandant tous avec lui-même au Seigneur ; il prit la troisième portion qu'il avait réservée de la communion pour qu'on l'ensevelît avec lui ; puis, se remettant au lit, il rendit grâces avec effusion au Seigneur notre Dieu, au moment où son âme allait quitter son corps, et c'est ainsi que, le sourire sur les lèvres il rendit son dernier soupir. »

21. BEDE, livre IV de l'Histoire d'Angleterre, c. 14, dit en parlant d'un enfant malade : « Le prêtre crut l'enfant ; et ayant

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appelé ses frères, il fit préparer une table, dit la messe, voulut que tous communiassent selon l'usage, et ordonna qu'on portât à l'enfant malade une petite portion du saint sacrifice. Cela fait, l'enfant mourut quelques instants après. »

22. Ibidem, c. 24 : « Le soir, aux approches de la nuit où il allait quitter cette vie terrestre, Cedmon pria son ministre de prépare cette nuit-là même le lieu où l'on déposerait son corps pour le dernier repos. Quoique étonné de cette demande que lui faisait son maître, qui ne lui paraissait pas si près de ses derniers moments, le ministre n'en exécuta pas moins l'ordre qu'il avait reçu de lui. Et là, comme ils causaient ensemble avec gaieté, et avec eux aussi ceux qui s'y trouvaient d'avance, lorsqu'il était déjà plus de minuit, Cedmon se prit à demander s'ils avaient avec eux 1'Eucharistie. Eh ! qu'est-il besoin d'Eucharistie, lui répondirent-ils ? Vous n'avez pas à mourir encore, vous qui causez si gaiement avec nous comme un homme en bonne santé. N'importe, répliqua-t-il, apportez-moi l'Eucharistie. L'ayant alors reçu dans sa main, il leur demanda si tous étaient contents de lui, s'ils n'avaient point quelque reproche à lui faire. Ils lui répondirent tous qu'ils ressentaient pour lui la plus tendre affection, bien loin d'avoir contre lui aucun sujet de plainte, et ils le prièrent à leur tour de leur accorder sa paix. Je n'ai, mes enfants, leur répliqua-t-il aussitôt, que des sentiments de paix pour tous les serviteurs de Dieu. Dans ces dispositions, il se munit du viatique céleste, se prépara à passer à une autre vie, et leur demanda si le moment approchait du réveil des moines pour l'office de la nuit. Le moment en approche, lui répondirent-ils. Bien, leur dit-il alors, nous n'avons donc à attendre que jusque-là. Et se signant du signe de la croix, il posa sa tête sur son oreiller, et après un léger sommeil il termina ainsi doucement sa vie. »

23. THEODORET, évêque de Cyr, in Philotheo, sive ltistoriâ sanctorum Patrum, in vitâ 26, quæ est Simeonis : « A l'exemple de Moïse et d'Elie, ces hommes divins, il résolut de jeûner quarante jours. En conséquence il pria Bassus, qui était occupé alors à visiter les prêtres des campagnes dont il avait l'inspection, de ne lui rien laisser dans sa cellule, et d'en murer même la porte avec du mortier. Bassus lui représentait la difficulté de son entreprise et cherchait à l'en détourner, ajoutant que se faire mourir de mort violente, ce n'était pas un acte de vertu, mais plutôt un crime, et le plus grand de tous. Eh bien ! ô mon Père,

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dit alors l'homme de Dieu, dépose ici dix pains et une bouteille d'eau. Car si je sens que mon corps ait besoin de nourriture, j'en prendrai. A la bonne heure, dit alors Bassus ; et après avoir déposé le pain et l'eau, il fait murer sa porte comme il le lui avait demandé. Au bout des quarante jours, Bassus revient, fait ouvrir la porte et entre dans la cellule ; il retrouve la même quantité de pain et d'eau qu'il, avait laissée, mais le solitaire lui-même sans vie, muet et immobile. Ayant donc pris une éponge, il commença par mouiller ses lèvres puis il mit dans sa bouche les symboles des divins mystères ; le solitaire retrouvant alors ses forces, se lève prend quelque peu de nourriture, c'est-à-dire des laitues, des chicorées et d'autres aliments semblables, qu'il avale en les mâchant à peine. Bassus rempli d'admiration à la vue de ce fait merveilleux, s'en retourna rejoindre son propre troupeau, composé de plus de deux cents moines, à qui il en fit le récit. Quelque nombreux qu'ils fussent, il voulait qu'ils ne possédassent désormais ni bêtes de charge, ni moulins, ni argent, ni qu'ils sortissent du monastère pour se procurer les choses nécessaires ou pour visiter leurs amis, mais qu'ils s'y tinssent renfermés, et qu'ils se contentassent de ce qui leur serait envoyé par la faveur de l'Esprit-Saint. »

24. EVAGRE le Scholastique, Histoire ecclésiastique, livre IV, c. 35 : « Epiphane, étant mort sur le siège de Constantinople, eut pour successeur Ménas, sous l'épiscopat duquel eut lieu un miracle des plus mémorables. C'était une ancienne coutume à Constantinople, que s'il restait de nombreuses parcelles du corps très-sain de Notre-Seigneur Jésus-Christ, on les donnât à manger aux petits enfants qui allaient aux écoles. Le cas s'en étant présenté, le fils d'un juif, vitrier de profession, se mêla aux autres enfants ; et ses parents lui ayant demandé la cause de son retard, il leur répondit ce qui lui était arrivé, ajoutant qu'il avait mangé avec les autres de son âge. Le juif enflammé de colère jette son fils dans la fournaise tout ardente, où il faisait fondre son verre. La mère qui s'était mise à chercher son enfant et ne pouvait le trouver, parcourait toute la ville en poussant des cris lamentables et en faisant à Dieu d'ardentes prières. Au bout de trois jours, se tenant à la porte de l'atelier de son mari, et cédant aux mouvements de sa douleur, elle appelle tout-a-coup l'enfant par son nom. L'enfant, qui reconnaît la voix de sa mère, lui répond aussitôt du fond de la fournaise. La mère alors ouvre la porte avec violence et pénètre jusqu'à la fournaise, où elle voit

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son enfant debout au milieu des charbons allumés, sans qu'il en reçût aucune atteinte. Interrogé comment il avait pu se conserver ainsi sain et sauf : C'est une femme vêtu de pourpre, répondit-il, qui, venant à diverses reprises me visiter, me donnait de l'eau pour éteindre les flammes qui m'entouraient ; elle m'apportait aussi à manger, toutes les fois que j'avais faim. Ce fait ayant été porté à la connaissance de Justinien, l'empereur ordonna de baptiser la mère et l'enfant, et quant au père, qui refusa obstinément de se faire chrétien, il le fit crucifier à l'entrée du bourg des figuiers (in Sycis) (Nicéphore rapporte la même histoire, Hist. eccl., lib. 27, c. 25, et il ajoute qu'il lui était souvent arrivée étant enfant, de manger aussi des restes du pain eucharistique). »

25. S. GREGOIRE de Tours, Lib. I de gloriâ martyrum, c. 86 : « Je me rappelle un fait que j'ai entendu raconter dans ma jeunesse. C'était le jour de la fête du grand Polycarpe martyr, et on la célébrait à Riom en Auvergne. Après donc que l'histoire de son martyre eut été lue, ainsi que beaucoup d'autres leçons suivant la règle établie dans l'Eglise, le moment d'offrir le sacrifice arriva : le diacre, ayant pris la tour qui contentait le mystère du corps de Notre-Seigneur, se mit en devoir de la porter, et quand il fut entré dans le temple, avant qu'il pût la placer sur l'autel, elle s'échappa de ses m mains, et traversa l'air en se dirigeant vers l'autel, sans que le diacre pût la rejoindre : or cela, croyons-nous, n'est arrivé, que parce que ce diacre n'avait pas la conscience pure : car on rapportait de lui que plusieurs fois il s'était souillé d'adultère. Il ne fut donné de voir ce miracle qu'à un prêtre et à trois femmes, dont l'une était ma mère ; il resta invisible pour tous les autres. J'avoue que j'étais aussi moi présent à cette fête, et que je n'obtins pas plus que les autres la grâce d'en être témoin. »

26. GUILLAUME, abbé de Saint-Thierry, dans sa Vie de saint Bernard, livre I, c. 11 : « C'était le jour d'une fête solennelle ; un moine à qui il (Bernard) avait interdit pour un temps la communion en punition d'une faute secrète, craignant d'être remarqué, et n'osant en porter la honte, s'approcha de lui présomptueusement pour communier avec les autres. Le saint, le voyant s'approcher, ne voulut pas le repousser, parce que sa faute était cachée, mais il priait Dieu au fond de son cour, pour qu'une présomption aussi criminelle tournât à quelque chose de mieux. Notre homme prit donc l'Eucharistie ; mais il ne pouvait réussir

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à la faire entrer dans sa gorge, et tous ses efforts n'aboutissant à rien, inquiet et tremblant, il la gardait dans sa bouche. L'heure de Sexte étant achevée, il prit à part le saint abbé, et se jetant à ses pieds, il lui fit part de ce qu'il souffrait en fondant en larmes ; en même temps, tenant sa bouche ouverte il lui montrait l'Eucharistie. Le saint lui fait une réprimande, entend sa confession, l'absout, et alors le moine repentant consomme la communion sans difficulté. »

27. Le concile de Trente, session XXI, c. 2 : « Déclare aussi le saint concile qu'à l'égard de la dispensation des sacrements, l'Eglise a de tout temps eu le droit d'établir ou même de changer, sans toucher au fond de leur essence, ce qu'elle a jugé de plus à propos pour le respect dû aux sacrements eux-mêmes, ou pour l'utilité de ceux qui les reçoivent selon la diversité des temps et des lieux et des conjonctures ; et c'est ce que l'Apôtre a semblé insinuer assez clairement quand il a dit (I Cor., IV, 1) : Qu'on nous considère comme les ministres de Jésus-Christ et comme les dispensateurs des mystères de Dieu. Et il est assez manifeste qu'il s'est servi lui-même de cette puissance en plusieurs occasions, et particulièrement à l'égard de ce sacrement même lorsqu'après avoir établi certains règlements sur la manière d'en approcher, il ajoute (I Cor., XI, 34) : Je règlerai le reste quand je serai arrivé. C'est ainsi que notre mère la sainte Eglise, qui a le sentiment intime de l'autorité qu'elle a reçu pour l'administration des sacrements, quoique l'usage des deux espèces fût assez ordinaire au commencement de la religion chrétienne s'étant aperçue par la suite des temps que cette coutume avait déjà cessé en plusieurs endroits, s'est déterminée d'après des raisons très-justes et très-graves à approuver l'usage contraire de communier sous une seule espèce et en a fait une loi qu'il n'est pas permis de rejeter ni de changer selon son caprice, sans l'autorité de la même Eglise. »

Ibidem, canon 2 : « Si quelqu'un dit que la sainte Eglise catholique n'a pas eu des causes justes et raisonnables pour donner la communion sous la seule espèce du pain aux laïques, et même aux ecclésiastiques quand ils ne consacrent pas, ou qu'elle a erré en ce point, qu'il soit anathème. »

28. S. JUSTIN, philosophe et martyr, Apologie I pour les chrétiens : « Les apôtres eux-mêmes nous ont appris, dans les livres qu'ils nous ont laissés et qu'on appelle Evangiles, que Jésus-Christ leur avait ordonné de faire ce qu'il fit lui-même, lors-

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qu'ayant pris du pain et rendu grâces, il dit : Faites ceci en mémoire de moi ; ceci est mon corps, et qu'ayant pris ensuite la coupe et rendu grâces, il dit de même : Ceci est mon sang ; et c'est ce qu'il ne dit qu'à eux. »

29. S. AUGUSTIN, à Janvier, Epist. CXVIII, n° 6 : « Car le Sauveur, pour recommander plus vivement à ses disciples ce sublime mystère voulut que ce fut la dernière instruction qu'il leur donnât avant sa mort, pour qu'elle restât plus profondément gravée dans leurs cours comme dans leur mémoire. S'il ne leur dit pas en même temps l'ordre dans lequel ils auraient à s'y conformer, c'est qu'il voulait leur en laisser le soin eux-mêmes, comme à ceux qu'il chargeait du gouvernement de son Eglise. »

30. S. BASILE, ad Cæsariam Patritiam, comme plus haut, témoignage 4, page 438.

31. S. CYRILLE d'Alexandrie, à Calosyrius évêque d'Arsinoë : « J'entends dire qu'il y en a qui refusent de reconnaître à la bénédiction mystique sa vertu sanctifiante, si l'on en réserve quelque partie pour un autre jour. C'est extravaguer que de parler de la sorte. Car Jésus-Christ n'éprouve aucune altération, ni son corps aucun changement, mais la vertu de la bénédiction, avec la grâce qui y est attachée, reste toujours la même. »

32. Le même, in Joannem, lib. IV, c. 17 : « De même qu'un peu de levain, comme dit saint Paul, suffit pour faire lever toute la masse, de même quelques paroles de bénédiction suffisent pour transformer tout l'homme en Jésus-Christ et pour le remplir de sa grâce ; et c'est ainsi que Jésus-Christ demeure en nous, et nous en Jésus-Christ. Oui, c'est bien là le levain qui se communique à toute la masse. »

33. Le concile de Florence : « C'est le prêtre, parlant en la personne de Jésus-Christ, qui consacre ce sacrement. Car par la vertu de ces paroles mêmes la substance du pain est changée dans le corps de Jésus-Christ, et la substance du vin est changée dans son sang, de manière cependant que Jésus-Christ est contenu tout entier sous l'espèce du pain, et tout entier sous l'espèce du vin ; et de même Jésus-Christ est tout entier sous chaque partie de l'hostie consacrée et de vin consacré, après la séparation qui peut en être faite. »

34. EUSEBE d'Emèse, Hom. V sur la fête de Pâques (Il n'est pas vraisemblable, comme nous l'avons déjà dit, que ces divers sermons attribués à Eusèbe d'Emèse soient en effet de cet évêque, qui d'ailleurs était arien) : « La

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participation à l'Eucharistie ne consiste pas dans la quantité qu'on en reçoit, mais dans sa vertu. Le corps de Jésus-Christ donné par l'évêque est aussi grand dans une simple parcelle que dans la totalité (des espèces consacrées) ; et lorsqu'il est distribué dans l'assemblé des fidèles, de même que tous ensemble le reçoivent tout entier, ainsi chacun le reçoit tout entier. Ainsi se vérifia la parole de l'Apôtre (II Cor., VIII, 415) : Celui qui en reçoit beaucoup, n'en a pas plus que les autres, et celui qui en reçoit moins, n'en a pas moins que les autres. Si nous donnions un pain à manger à plusieurs personnes affamées, chacune de ces personnes ne pourrait pas jouir du pain entier, mais elle n'en recevrait qu'une partie tandis que le reste passerait aux autres. Il n'en est pas de même de ce pain : lorsqu'il est distribué, chacun se trouve en avoir reçu autant lui seul que tous ensemble ; un seul le reçoit tout entier : deux le reçoivent tout entier, plusieurs le reçoivent tout entier sans la moindre diminution ; parce que la bénédiction de ce sacrement sait bien se communiquer, mais elle ne sait pas se perdre. »

35. Le concile de Trente, session XIII, c. 3 : « Il est très-vrai que l'une ou l'autre espèce contient autant que toutes les deux ensemble ; car Jésus-Christ est tout entier sous l'espèce du pain et sous la moindre partie de cette espèce, comme aussi sous l'espèce du vin et sous toutes les parties de cette autre espèce. »

Ibidem, canon 3 : « Si quelqu'un nie que dans le vénérable sacrement de l'Eucharistie Jésus-Christ tout entier soit contenu sous chaque espèce, et sous chacune des parties de chaque espèce après la séparation qui peut en être faite, qu'il soit anathème. »

36. Dans Gratien, De consecratione, dist. 2, c. Qui manducat, et dans le vénérable Bède, in caput X Epist. I ad Corinthios, ex serm. Augustini de verbis Evangelii : « Que le Christ nous serve d'aliment. Il peut être mangé sans cesser de vivre, comme il a pu être mis à mort et cependant ressusciter. Et quand nous le mangeons, nous ne le partageons pas pour cela en morceaux. C'est là ce qui se fait dans le sacrement, et les fidèles savent de quelle  manière il est vrai qu'ils mangent la chair de Jésus-Christ. Chacun en reçoit sa part. De là vient que la grâce elle-même est appelée de ce nom de part ou de portion, partes. Il est mangé par portions, et il demeure tout entier. Il est mangé par portions dans le sacrement, et il demeure tout entier dans le ciel, il demeure tout entier dans votre cour. Car il était tout entier en son père quand il s'est incarné dans la vierge : il l'a remplie de

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lui-même, sans quitter son père. Il se faisait chair, pour devenir notre aliment ; il restait tout entier avec son père pour être toujours l'aliment des anges. »

37. Ibidem, ex Hieronymo, serm. Dominicæ quintæ post Epiphaniam : « Chacun reçoit Jésus-Christ tout entier ; et il est tout entier dans chaque portion ; il ne s'amoindrit point en se communiquant à chacun, mais il se donne à chacun tout entier. »

Ibidem, ex Hilario papâ : « Là où est une partie du corps, là est le corps tout entier. Il en est du corps du Seigneur comme de la manne, qui en était la figure et pour ainsi parler, le signe avant-coureur, et dont il est dit (Exod., XVI, 18) : Celui qui en avait recueilli davantage n'en avait pas plus que les autres, et celui qui en avait recueilli moins n'en avait pas moins que les autres ; car c'est moins la quantité apparente qu'il faut apprécier dans ce mystère que la vertu spirituelle du sacrement. »

38. S. AUGUSTIN, à Janvier, Epist. CXVIII, n° 5, répond ainsi certaines questions qui lui avaient été adressées sur le jeûne et sur le temps de l'oblation : « Je réponds à cela, que si l'Ecriture nous marquait là-dessus ce qu'il faut faire, nous devrions sans aucun doute nous conforter ponctuellement à tout ce qu'elle nous prescrirait, de sorte qu'il n'y aurait plus à disputer sur la manière de faire la chose, mais seulement sur la manière d'entendre le mystère. Je donnerai la même réponse pour tout ce qu'il y aurait d'établi en cette matière par la pratique universelle de 1'Eglise. Car faire difficulté d'agir conformément à cette pratique universelle, ce serait donner la preuve de la plus folle témérité. »

39. Le concile de Constance, session XIII : « Quelques-uns dans certains pays ayant la témérité d'affirmer qu'il y a obligation pour le peuple chrétien de recevoir l'Eucharistie sous l'une et l'autre espèce du pain et du vin, de sorte que, dans ces mêmes pays, la foule des laïques communie non pas seulement sous l'espèce du pain, mais aussi sous celle du vin, et quand même ils auraient déjà soupé, ou qu'ils auraient rompu le jeûne d'une façon quelconque, prétendant et soutenant avec opiniâtreté que c'est ainsi que l'on doit communier, malgré la coutume contraire de l'Eglise qu'ils ont la criminelle hardiesse de condamner comme sacrilège, quelque louable qu'elle soit en elle-même, et malgré les raisons et les autorités dont elle est appuyée : en conséquence, le saint concile général légitimement assemblé à Constance par le mouvement de l'Esprit-Saint,

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s'occupant avec zèle de prémunir les fidèles contre cette erreur, après avoir pris l'avis de plusieurs docteurs en droit tant divin qu'humain, déclare, statue et définit que, quoique Jésus-Christ ait institué cet adorable sacrement après la cène, et qu'il en ait fait la distribution sous les deux espèces à ses apôtres, l'autorité des saints canons et la coutume louable et approuvée de l'Eglise n'en font pas moins un devoir de ne point attendre après le souper pour consacrer ce sacrement, et de ne pas le recevoir autrement qu'à jeun, si ce n'est en cas de maladie ou pour quelque autre cas de nécessité prévu par le droit ou admis par l'Eglise. Et c'est par le motif raisonnable d'évite certains dangers ou certains scandales, que la coutume s'est introduite de ne donner la communion aux laïques que sous l'espèce du pain, tout en maintenant l'obligation pour le célébrant de communier sous les deux espèces, bien que dans la primitive Eglise les simples fidèles communiassent aussi de même sous les deux, puisqu'on doit croire très-fermement et sans hésiter que le corps de Jésus-Christ est réellement contenu avec son sang, et son sang avec son corps, tant sous l'espèce du pain que sous l'espèce du vin. Cette coutume ayant donc été introduite pour de sages raisons par 1'Eglise et par les saints Pères, et s'observant uniformément depuis de très-longue années, elle doit passer pour loi, sans qu'il soit permis de la condamner, ou de la changer à son caprice, sans y être autorisé par l'Eglise elle-même. Dire donc que c'est commettre un crime ou un sacrilège que d'observer cette coutume ou cette loi, c'est tomber dans une erreur manifeste, et ceux qui soutiennent avec opiniâtreté le contraire de la doctrine qui vient d'être exposée doivent être réprimés comme des hérétiques et punis sévèrement, soit par les ordinaires des lieux ou leurs officiaux, soit par les inquisiteurs de la perversité hérétique, dans les royaumes ou les provinces où il serait entrepris ou enseigné quelque chose de contraire à ce décret ; et on se conformera sur ce point aux prescriptions canoniques et légales, que la nécessité de défendre la foi catholique contre les hérétiques et leurs fauteurs a fait établir. Ce même concile statue et ordonne à ce sujet que les révérendissimes Pères et seigneurs, les patriarches, primats, archevêques et évêques, ainsi que leurs vicaires pour le spirituel établis en quelque lieu que ce soit, dirigeront des procédures, au nom de ce saint concile, avec charge, sous peine d'excommunication, de punir de fait ceux qui, contre la teneur de ce décret, exhorteraient les prêtres

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donner au peuple ou le peuple lui-même à recevoir la communion sous les deux espèces du pain ou du vin, ou qui enseigneraient qu'il faut en user de cette manière : que si ces derniers reviennent à pénitence, on les réconciliera à l'Eglise, en leur enjoignant une pénitente salutaire selon la qualité de leur faute. Ceux au contraire qui, s'endurcissant de plus en plus, négligeront de revenir à pénitence, seront réprimés comme hérétiques à l'aide des censures ecclésiastiques et même, s'il en est besoin, on invoquera contre eux le secours du bras séculier. »

40. Le concile de Bâle, session XXX (L'ocuménicité du concile de Bâle n'est point généralement admise pour la session dont il s'agit ; elle est au contraire rejetée par la plupart, quoique la doctrine en soit exacte pour le point dont il s'agit) : « Pour faire voir plus clairement pour l'explication de la vérité catholique ce qu'il faut croire ou observer par rapport à l'usage de ce sacrement, pour l'avantage et le salut du peuple chrétien, après une étude longue et approfondie, faite dans ce concile même, des divines Ecritures, des saints canons et de l'enseignement des Pères et des docteurs, et après avoir fait toutes les  considérations à faire avant de se porter à cette décision, le saint concile définit et déclare, que les fidèles, soit clercs, soit laïques qui communient, excepté le célébrant, ne sont point obliges par le précepte divin à recevoir l'adorable sacrement de 1'Eucharistie sous les deux espèces, c'est-à-dire sous les espèce du pain et du vin. C'est à l'Eglise, que dirige toujours l'Esprit de vérité, et avec laquelle Jésus-Christ ne cessera de demeurer selon sa parole jusqu'à la fin des siècles, à régler la manière dont ce sacrement doit être administré à ceux qui ne célèbrent pas, suivant qu'elle le juge plus expédient pour l'honneur du sacrement et le salut des fidèles. Mais soit qu'on communie sous les deux espèces ou qu'on le fasse sous une seule, la communion est toujours également salutaire, pourvu qu'on la reçoive en bon état et conformément aux lois et à la pratique de l'Eglise. Et il n'y a nullement à douter que la chair ne se trouve pas seule sous l'espèce du pain, pas plus que le sang ne se trouve seul sous l'espèce du vin ; mais au contraire Jésus-Christ est tout entier sous chacune des deux espèces. La louable coutume de communier le peuple laïque sous une seule espèce, introduite pour des causes raisonnables par l'Eglise et par les saints Pères, observée jusqu'ici depuis plusieurs siècles et recommandée depuis longtemps par les docteurs les plus habiles dans la connaissance de la loi divine, des saintes

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Ecritures et droit canonique, doit désormais passer pour loi, et il n'est permis à personne de la condamner, ou de la changer sans y être autorisé par l'Eglise. »

41. Le concile de Trente, session XXI, dans son préambule : « Le saint concile de Trente, ocuménique et général, légitimement assemblé sous la conduite du Saint-Esprit. . ., voyant qu'au sujet du redoutable et très-saint sacrement de l'Eucharistie il se répand en divers lieux, par l'effet de la malice et des artifices du démon, plusieurs erreurs monstrueuses , qui sont cause que dans quelques provinces bien des personnes semblent avoir renoncé à la foi et à l'obéissance dues a l'Eglise catholique, a jugé à propos d'exposer ici ce qui regarde la communion sous les deux espèces, et celle des petits enfants. C'est pourquoi il interdit à tous les fidèles chrétiens d'être assez téméraires pour croire, ou enseigner ou prêcher autre chose à l'avenir sur ces objets, que ce qui est expliqué et défini dans les décrets qui vont suivre. »

Ibidem, c. 1 : « Le saint concile donc, instruit par le Saint-Esprit, qui est l'esprit de sagesse et d'intelligence, de conseil et de piété, et se conformant au jugement et à la pratique de l'Eglise elle-même, déclare et enseigne que les laïques, et les ecclésiastiques quand ils ne consacrent pas, ne sont obligés par aucun précepte divin à recevoir le sacrement de l'Eucharistie sous les deux espèces, et qu'on ne peut en aucune manière douter, sans blesser la foi, que la communion sous une seule espèce soit suffisante pour le salut. Car quoique, dans la dernière cène, Notre-Seigneur Jésus-Christ ait institué cet auguste sacrement sous les espèces du pain et du vin, et qu'il l'ait distribué de cette manière à ses apôtres, il ne s'ensuit pas qu'il ait eu en vue d'obliger tous les fidèles à recevoir de même l'Eucharistie sous les deux espèces. On ne peut pas conclure non plus de ses paroles rapportées au sixième chapitre de l'Evangile selon saint Jean, qu'il ait fait un précepte de la communion sous les deux espèces, de quelque manière qu'on les entende suivant les diverses interprétations des Pères et des docteurs. Car le même qui a dit : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous, a dit aussi : Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. » Et le reste comme plus haut, témoignage 7.

Ibidem, c. 2, comme plus haut, témoignage 27, page 449.

Ibidem, c. 3 : « Déclare de plus, qu'encore que dans la

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dernière cène, comme il a déjà été dit, notre Rédempteur ait institué et donné A ses apôtres ce sacrement sous les deux espèces, il faut néanmoins reconnaître que c'est Jésus-Christ tout entier, et tout le sacrement de l'Eucharistie, qu'on reçoit même sous une seule espèce, et qu'ainsi ceux qui ne communient que sous une espèce ne sont privés, quant au fruit qu'ils en retirent, d'aucune grâce nécessaire au salut. »

Ibidem, canon l : « Si quelqu'un dit que tous les fidèles chrétiens, et chacun d'eux en particulier, sont obligés par le précepte divin, ou de nécessité de salut, à recevoir sous les deux espèces le sacrement de la sainte Eucharistie, qu'il soit anathème. »

Ibidem, canon 2, comme plus haut, témoignage 27.

Ibidem, canon 3 : « Si quelqu'un nie que Jésus-Christ, l'auteur et la source de toutes les grâces, soit reçu tout entier sous la seule espèce du pain, par cette raison, qui est très fausse, que ce serait contre la volonté de Jésus-Christ qu'on ne le recevrait que sous une espèce, qu'il soit anathème. »

42. S. AUGUSTIN, contra Cresconium grammaticum, lib. I, n° 53 : « Quoique l'Ecriture ne contienne aucun exemple de baptêmes donnes par des hérétiques, nous ne nous en conformons pas moins, même sur cet article, à la doctrine de l'Ecriture, en faisant là-dessus ce que prescrit l'Eglise universelle, dont l'autorité s'appuie du témoignage de l'Ecriture même ; et puisque l'Ecriture sainte ne peut pas nous tromper, que tous ceux donc qui craignent de s'égarer sur une question aussi obscure, s'en rapportent là-dessus aux décisions de cette Eglise que l'Ecriture nous désigne si clairement pour maîtresse. »

43. Le même, Contra epistolam Peitiliani, de unitate Ecclesiæ, c. 4 : « Jésus-Christ tout entier, c'est le chef et son corps avec lui. Le chef, c'est le Fils unique de Dieu ; son corps, c'est l'Eglise, et tous les deux ensemble sont l'époux et l'épouse, deux dans une même chair. Ceux qui pensent sur la nature du chef contrairement à l'enseignement des Ecritures, ne font pas partie de l'Eglise, quand même ils se trouveraient sur tout le reste parfaitement d'accord avec 1'Eglise. . . Et de même, ceux qui s'accordent avec l'Ecriture sur la question du chef, mais qui sont séparés de l'unité de l'Eglise, ne font pas partie de l'Eglise, parce qu'ils contredisent le témoignage de Jésus-Christ lui-même au sujet de l'Eglise qui est son corps. Ceux, par exemple, qui contre l'enseignement manifeste des livres saints, refusent de

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croire que Jésus-Christ est né selon la chair de la vierge Marie, et de la race de David, ou qu'il est ressuscité avec le même corps qui avait été mis en croix et déposé dans un sépulcre, ne sont pas dans l'Eglise, quand même ils se trouveraient mêlés avec l'Eglise, parce qu'ils ne reconnaissent pas le véritable chef de l'Eglise, qui est Jésus-Christ sans pouvoir alléguer pour excuse l'obscurité de l'Ecriture , puisqu'au contraire l'Ecriture est on ne peut plus claire et on ne peut plus expresse sur cet article. Et de même tous ceux qui croient que Jésus-Christ est venu dans la chair, ainsi que je viens de le dire, et qu'il est ressuscité dans cette même chair dans laquelle il est né et a souffert, qu'il est le Fils de Dieu, Dieu en Dieu, une même chose avec le Père et son Verbe éternel par qui tout a été fait, mais qui cependant ne sont pas en communion avec son corps entier qui est l'Eglise, qui sont en un mot séparés de quelqu'une de ses parties, ceux-là, dis-je, ne font manifestement pas partie de l'Eglise catholique. »

44. Le même, Lib. III, contra litteras Petiliani donatistæ, c. 40 : « Tous les sacrements etc., » comme plus haut, dans le corps de la réponse à cette question VIII.

45. Le même, lib. 1, de Baptismo contra donatistas, c. 8 : « De quoi sert, etc., » comme plus haut, dans le corps de la même réponse.

46. Le même, Cité de Dieu, c. 23 : « Les hérétiques et les schismatiques, séparés de l'unité de ce corps (dont l'Apôtre a dit : Nous ne sommes tous ensemble qu'un même pain et qu'un même corps), peuvent bien recevoir le même sacrement, mais sans aucun fruit ; que dis-je ? ils ne le reçoivent qu'à leur détriment, et aggravent par là leur condamnation, plutôt qu'ils n'en obtiennent des grâces mêmes tardives. Car ils ne sont pas dans le lien de paix, qui nous est représenté par ce sacrement. »

47. Le concile de Trente, session XIII, c. 2 : « Il (notre Sauveur) a voulu de plus qu'il (ce sacrement) fût le gage de notre gloire à venir et de notre félicité éternelle, et enfin le symbole de l'unité de ce corps, dont il est lui-même le chef, et auquel il a voulu que nous fussions unis et attachés par le lien de la foi, de l'espérance et de la charité comme des membres exactement adaptés et joints ensemble, afin que nous n'eussions tous qu'un même langage, et qu'il n'y eût point de schismes ni de divisions parmi nous. »

48. Ibidem, chapitre 8 : « Enfin le saint concile avertit avec

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un soin paternel, exhorte, prie et conjure, par les entrailles de notre Dieu, tous ceux en général et en particulier qui portent le nom de chrétiens de se réunir enfin et de s'accorder tous ensemble dans ce signe d'unité dans ce lien de charité et ce symbole de concorde. »
 
 

QUESTION IX
 
 

Quels sont les fruits d'une communion bien faite ?

Ces fruits sont nombreux et du plus grand prix : car c'est là le banquet sacré où Jésus-Christ se fait notre aliment, où nous rappelons la mémoire de sa passion, où notre âme est comblée de grâces, et où nous recevons le gage de notre gloire à venir, comme le chante l'Eglise dans les transports de joie et d'admiration que lui cause l'heureuse expérience qu'elle a de ces avantages.

C'est là le pain qui est descendu du ciel, et qui donne la vie au monde, qui soutient et affermit nos âmes dans l'état de vie spirituelle.

C'est cette sainte table, ou cette communion, qui est le signe et le moyen de l'union en vertu de laquelle tous les fidèles sont entre eux comme les membres d'un même corps, et se trouvent associés aux mérites de toutes les âmes saintes et pieuses ; et, ce qui mérite surtout notre respect, qui forme un lien étroit entre Jésus-Christ notre divin chef et nous, en sorte que nous demeurions en lui, qu'il demeure en nous, et qu'ainsi nous parvenions à la vie éternelle.

C'est là le viatique propre à notre pèlerinage et à notre état de combat sur la terre, véritable manne envoyée du ciel pour nous consoler dans le désert de cette vie, pour faire nos délices, pour nous remplir de grâces, et nous donner la force d'arriver à la Jérusalem céleste.

Mais voici surtout deux effets, comme l'enseigne excellemment saint Bernard, que ce sacrement produit en nous : c'est de faire que, d'une part, nous ressentions moins les atteintes du péché véniel, et que, de l'autre, nous refusions tout consentement au péché mortel. « Si quelqu'un de vous, dit ce Père, n'éprouve plus si souvent ni si violemment les mouvements de la colère, de l'envie, de la luxure et d'autres semblables passions, qu'il en rende grâces au corps et au sang de Notre-Seigneur, dont la vertu produit en lui cet effet, et qu'il se réjouisse de voir les plaies de son âme toucher à leur guérison. » Il dit encore ailleurs:

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« Ce corps sacré est un remède à nos maux, et un fanal pour la route que nous avons à parcourir ; il soutient notre faiblesse, il fait notre force et nous en donne le sentiment, il guéri  nos langueurs. Par lui l'homme est rendu plus docile à la correction, plus patient dans le travail, plus ardent dans son amour pour Dieu, plus précautionné contre les dangers, plus prompt à l'obéissance, plus empressé à rendre grâces. »

Rien donc d'étonnant dans ce qu'écrit saint Ignace (d'Antioche), que nous devons nous approcher souvent et avec empressement de l'Eucharistie, qui est la gloire de Dieu, comme il l'appelle. Car par notre fidélité à cet exercice, nous repousserons les incursions de Satan, dont les attaques sont autant de flèches enflammées qui tendent à faire entrer le péché dans nos âmes. Ce pain sera pour nous un aliment d'immortalité, un antidote contre la mort, et un principe de vie en Dieu par Jésus-Christ.
 
 
 
 

TEMOIGNAGES DE L'ECRITURE.
 
 

1. I JEAN, VI, 32, 59 : « C'est mon Père qui vous donne le véritable pain du ciel ; - Car le pain de Dieu est celui qui descend du ciel, et qui donne la vie au monde. - Je suis le pain

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de vie. - Les juifs se mirent donc à murmurer contre lui, parce qu'il avait dit : je suis le pain vivant descendu du ciel. - Je suis le pain de vie. - Mais voici le pain qui est descendu du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. - Je suis le pain vivant descendu du ciel. - Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde. - Celui qui me mange, vivra aussi par moi. Celui qui mange ce pain, vivra éternellement. »

2. I Corinthiens, X, 17 : « Car nous ne sommes tous ensemble qu'un même pain et un même corps, nous tous qui participons à un même pain et à un même calice. »

3. JEAN, VI, 57 : « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui. »

4. Exode, XVI, 12, 36 : « Ce soir vous mangerez de la chair, et au matin vous serez rassasiés de pain, etc. - Le matin il se trouva aussi sur la terre une rosée tout autour du camp. - Et la surface de la terre en étant ouverte, on vit paraître dans le désert quelque chose de menu et comme pilé au mortier, qui ressemblait à ces petits grains de gelée blanche qui tombent sur la terre. Les enfants d'Israël ayant vu cela se dirent l'un à l'autre : Man hu ? c'est-à-dire : Qu'est-ce que cela ? Car ils ne savaient ce que c'était. Moïse leur dit : C'est là le pain que le Seigneur vous donne à manger. - Voici ce que le Seigneur ordonne : Que chacun en ramasse ce qu'il lui en faut pour manger, prenez-en un gomor pour chaque personne, selon le nombre de ceux qui demeurent dans chaque tente. - Les enfants d'Israël firent ce qui leur avait été ordonné, et ils en amassèrent, les uns plus, les autres moins. - Et l'ayant mesuré à la mesure d'un gomor, celui qui en avait le plus amassé n'en eut pas davantage ; et celui qui en avait moins préparé n'en avait pas moins ; mais il se trouva que chacun en avait amassé selon qu'il en pouvait manger. - Et la maison d'Israël donna à cette nourriture le nom de manne. Elle ressemblait à la graine de coriandre, elle était blanche, et elle avait le goût qu'aurait la plus pure farine mêlée avec du miel. Or les enfants d'Israël mangèrent de la manne pendant quarante ans, jusqu'à ce qu'ils vinssent dans la terre où ils devaient habiter : c'est ainsi qu'ils furent nourris, jusqu'à ce qu'ils entrassent sur les premières terres du pays de Chanaan. - Or, le gomor est la dixième partie de l'éphi. »

5. Deutéronome, VIII, 3 : « Il vous a affligés de la faim, et

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il vous a donné pour nourriture la manne qui était inconnue à vous et à vos pères pour vous faire voir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »

6. Sagesse, XVI, 20-21 : « Vous avez donné à votre peuple la nourriture des anges ; vous lui avez fait pleuvoir du ciel un pain préparé sans aucun travail, qui renfermait en soi tout ce qu'il y a de délicieux et tout ce qui peut être agréable au goût. - Car la substance de votre créature faisait voir combien est grande votre douceur envers vos enfants, puisque s'accommodant à la volonté de chacun d'eux, elle se changeait en tout ce qui leur plaisait. »

7. JEAN, VI, 49-50 : « Vos pères ont mangé la manne dans le désert et sont morts, - Mais voici le pain qui est descendu du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. »
 
 
 
 

TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
 
 

1. S. BASILE, Serm. I. de Baptismo, c. 5 : « Celui qui se trouve régénéré par le baptême doit être admis à se nourrir des divins mystères. . . Nous lisons vers la fin de l'histoire évangélique : Jésus ayant pris le pain, le rompit après avoir rendu grâces, et le donna à ses apôtres en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps, qui est rompu pour vous, faites ceci en mémoire de moi. Et ayant pris la coupe, il la leur donna après avoir rendu grâces, en disant : Buvez-en tous, ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui est répandu pour plusieurs et pour la rémission des péchés : faites ceci en mémoire de moi. C'est ce que l'Apôtre atteste aussi dans son épître aux Corinthiens (I Cor., XI, 23) par ces paroles : J'ai appris du Seigneur, etc. Quel est l'objet de ces paroles, comme de l'action qu'elles nous recommandent ? De nous rappeler continuellement la mémoire de celui qui est mort et ressuscité pour nous, et de nous porter à observer inviolablement en présence de Dieu et de son Christ l'instruction de l'Apôtre exprimée en ces termes (II Cor., V, 14-15) : L'amour de Jésus-Christ nous presse, considérant que si un seul est mort pour tous, donc tous sont morts, et que Jésus-Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux. Celui donc qui va recevoir le corps et le sang de Jésus-Christ, pour rappeler la mémoire de celui qui est mort et ressuscité pour nous, ne doit pas seulement être purifié de tout ce qui souille le corps ou l'esprit, s'il ne veut pas manger et boire pour sa con-

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damnation ; mais il doit de plus représenter au vif la mémoire de celui qui est mort et ressuscité pour nous, en mourant au péché, au monde et à lui-même, et en vivant pour Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur . »

2. S. AMBROISE, in Ps. CXVIII, v. 4, serm. 15 : « Vous avez pour aliment la doctrine apostolique ; nourrissez-vous-en, et vous ne tomberez pas en défaillance. Prenez d'abord cette nourriture ; puis vous passerez à celle que vous offre Jésus-Christ, à la participation du corps de Notre-Seigneur, à ce banquet mystique, à ce breuvage dont s'enivre la piété des fidèles, joyeux qu'ils sont alors d'avoir obtenu la rémission de leurs péchés et de se voir affranchis de la crainte de la mort, comme des soins et des inquiétudes du siècle. Une ivresse de cette nature ne fait pas chanceler le corps, elle le relève plutôt ; elle ne trouble pas la raison, mais elle l'éclaire et la divinise. »

3. Le concile de Trente, session XIII, c. 2 : « Ce fut au moment de quitter ce monde pour aller il son Père, que notre divin Sauveur institua ce sacrement, dans lequel il a répandu, pour ainsi dire, les richesses de son divin amour envers les hommes, en y renfermant le souvenir de tontes ses merveilles ; et il nous a prescrit d'avoir soin en le recevant d'honorer sa mémoire et d'annoncer sa mort jusqu'à ce qu'il vienne lui-même juger le monde. Il a voulu aussi que ce sacrement fût reçu comme un aliment spirituel, qui nourrît nos âmes et les fortifiât, en les faisant vivre de la vie de celui qui a dit : Celui qui me mange vivra par moi, et comme un antidote par lequel nous fussions purgés de nos fautes journalières, et préservés des péchés mortels. Il a voulu de plus qu'il fût le gage, etc. » Et le reste comme à la question précédente, témoignage 48.

4. THEOPHYLACTE, in caput VI Joannis : « Il est évident que dans ce passage Jésus-Christ veut parler de la communion mystique de son corps ; car le pain que je donnerai, dit-il, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde. Remarquez ici que le pain que nous mangeons dans nos mystères n'est pas une simple figure de la chair du Sauveur. . ., » et le reste comme plus haut, question II, témoignage 4 ; à quoi il faut ajouter les paroles suivantes de ce même commentateur : « La chair qui nous sert d'aliment n'est pas celle d'un pur homme, mais celle d'un Dieu, qui a la vertu de nous diviniser, comme étant substantiellement unie (contemperata, comme le porte la version latine) à la divinité même. »

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5. S. CYRILLE d'Alexandrie, in caput VI Joannis, comme plus haut, question 1, témoignages 13 et 14, pages 268 et 269, et question IV, témoignages 34, 39 et 40, pag. 313,314 et 315.

6. Le même, Lib. IV in Joannem, c. 14 : « Si vous ne mangez, dit-il, la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Car on ne peut pas participer par la sainteté à la vie de la foi, si l'on ne reçoit Jésus-Christ rendu présent par les paroles mystiques. Car Jésus-Christ est la vie par essence, étant engendré du Père source éternelle de la vie, et il communique à son corps aussi cette vertu vivifiante, par suite de l'union ineffable de ce corps avec le Fils de Dieu, par qui tout est vivifié : union tellement étroite, que ce corps s'appelle son corps, et ne fait qu'un avec lui. Car du moment qu'il s'est incarné, les deux ne font qu'un, c'est-à-dire qu'une personne, sans division aucune, si ce n'est que le Verbe de Dieu le Père, et son temple formé de la substance d'une vierge, gardent chacun leur nature propre. Car l'homme substantiellement uni au Verbe de Dieu n'est pas de la même nature que ce Verbe, et toutefois il ne fait qu'un avec lui par l'effet de son ineffable union. La chair du Sauveur étant donc devenue vivifiante par son union avec le Verbe de Dieu, qui est la vie par essence, lorsque nous venons à nous en nourrir nous possédons la vie en nous, puisque nous sommes alors unis à ce qui est devenu la vie même. C'est pourquoi, dans les résurrections de morts qu'il opérait, Jésus-Christ n'agissait pas seulement comme Dieu par forme de simple commandement et de volonté souveraine ; mais il voulait aussi que son corps, coopérât à sa manière, pour faire voir par le fait même que la chair qu'il s'était unie était vivifiante, et que les fidèles apprissent par là que c'était son corps, et non celui d'un autre. Car lorsqu'il ressuscita la fille de ce chef de synagogue, il la prit par la main, nous dit l'Evangéliste (MATTH., IX, 25), et la releva en disant : Ma fille, levez-vous ; de sorte qu'il la ressuscita et par sa parole et par son attouchement à la fois, par une seule et même opération de sa personnalité qui réunissait les deux natures, celle d'un Dieu et celle d'un homme. De même, comme il entrait dans la ville de Naïm, et qu'il trouva à sa rencontre le cadavre du fils unique d'une veuve, il toucha ce cadavre en disant : Jeune homme, levez-vous, je vous le commande. Ce n'est donc pas, comme nous l'avons déjà dit, par sa parole seulement, c'était aussi par son toucher qu'il ressuscitait les morts, pour faire voir ainsi que son corps

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pouvait donner la vie. Que si son simple toucher a la vertu de ranimer des ossements tombé en dissolution, comment sa chair elle-même reçue en aliment ne nous communiquerait-elle pas la vie ? Ah ! sans doute qu'en s'identifiant à nous, elle nous rendra participants de son immortalité. Ne demandez pas le comment à l'exemple des juifs ; rappelez-vous seulement que l'eau, quoique froide de sa nature, oublie sa froidure naturelle et bouillonne à la présence du feu. C'est ainsi que nous-mêmes, quelque tendance que notre corps ait naturellement à se dissoudre, nous le guérissons de son infirmité naturelle en le faisant participer à la vie, et nous le dépouillons de sa mortalité pour lui faire revêtir l'immortalité de Dieu même. Car il ne fallait pas seulement que notre âme fût vivifiée par le don de l'Esprit-Saint ; il fallait aussi que ce corps terrestre et grossier fût rendu immortel par des moyens, tels que le goût, la nourriture et le toucher, accommodés à sa nature. Et que le juif ne s'imagine pas dans son aveuglement que nous inventions des mystères dont il n'y aurait pas d'exemples ; car il verra, s'il se donne la peine d'examiner avec attention, que la chose dont il s'agit a eu lieu, bien qu'en figure, dès le temps de Moïse. Car qu'est-ce qui procura à leurs pères leur délivrance d'entre les mains des Egyptiens, lorsque la mort frappait tous les premiers-nés de ce dernier peuple ? Tout le monde ne sait-il pas qu'ils n'échappèrent à la mort que pour avoir suivi les instructions de leur Dieu, en mangeant de la chair de l'agneau, et en marquant de son sang les portes de leurs maisons ? L'extermination en effet, c'est-à-dire précisément la mort de ce corps, frappait de son fléau le genre humain en punition du péché du premier homme. Car c'est le péché qui nous a valu cette sentence foudroyante : Tu es terre, et tu retourneras en terre. Mais comme le Christ devait vaincre dans sa chair cet affreux tyran, ce mystère a dû être figuré dans les temps anciens, et Dieu a voulu qu'on pût alors échapper à la mort en se sanctifiant avec le sang des animaux. Pourquoi donc, ô Juif, te troubles-tu en voyant la vérité  dont tu portais en toi-même la figure ? Pourquoi, dis-je, te troubles-tu de cette parole de Jésus-Christ, Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous, puisque les institutions mosaïques elles-mêmes et les ombres de la loi devaient d'avance te servir d'instruction et te préparer à l'intelligence de ce mystère ? »

7. Le concile de Florence : « L'effet de ce sacrement, c'est

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d'unir à Jésus-Christ celui qui le reçoit dignement. Et comme c'est par la grâce que l'homme est incorporé à Jésus-Christ et uni à ses membres, il s'ensuit que ceux qui reçoivent dignement ce sacrement obtiennent en le recevant une augmentation de grâces, et que tous les effets que le manger et le boire proprement dits opèrent pour la vie du corps, comme de soutenir, d'augmenter et de réparer ses forces, et de procurer son bien-être, ce sacrement les opère également pour la vie de l'âme, en nous rappelant le doux souvenir de notre Sauveur, en nous retirant du mal, en nous affermissant dans le bien et en nous faisant croître en toute sorte de grâces et de vertus. »

8. S. CHRYSOSTOME, in Joannem, hom. XLV, comme plus haut, question I, témoignage 9, page 266.

9. S. HILAIRE, de Trinitate, lib. VIII, ibidem, témoignage 18, page 273.

10. S. LEON-LE-GRAND, Serm. 14, de passione Domini: « La participation qui nous est accordée du corps et du sang de Jésus-Christ a pour avantage de nous changer dans la chose même que nous prenons, et de nous pénétrer tout entiers, corps et âme, de celui en qui nous sommes morts, ensevelis et ressuscités suivant cette parole de l'Apôtre (Col., III, 3-4) : Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ lorsque Jésus-Christ, qui est votre vie, viendra à paraître, vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire. »

11. S. CYRILLE, in Joannem, lib. XI, c. 26 ; lib. X, c. 13 ; et lib. IV, c. 17, comme plus haut, question I, témoignage 14 et suivants, pages 268 et 269.

12. S. GREGOIRE de Nysse, in Oratione catecheticâ quæ dicitur magna, c. 37 : « L'homme étant pour ainsi dire, double, puisqu'il est composé de l'âme et du corps, il faut que ces deux parties de son être s'avancent de concert sur les traces de celui qui nous conduit au salut. Or l'âme, s'unissant à Dieu par la foi, opère ainsi sa sanctification, car l'union avec la vie doit donner la vie. Quant au corps, il ne peut arriver à la participation de cette gloire que par des moyens à lui propres ; et, de même que nous avons recours à une boisson bienfaisante pour neutraliser en nous le poison mortel qu'une main perfide a versé dans notre coupe, de même aussi il faut qu'une potion salutaire s'introduise dans nos entrailles pour réparer par sa vertu les désordres que le vice a causés en nous. Nous avons savouré à longs traits un principe désorganisateur ; il faut que nous en

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neutralisions les effets par une nourriture qui en produise de contraires, en chassant de notre corps le poison mortel qui menaçai notre existence. Or, ce précieux antidote, quel sera-t-il, sinon le corps que nous avons vu triompher de la mort, et devenir par là le gage assuré de notre vie ? Car comme un peu de levain suffit, dit l'Apôtre, pour communiquer ses propriétés à toute la farine qu'on y mêle, de même le corps du Christ mort pour nous, lorsqu'il est introduit dans le nôtre le régénère tout entier en lui. Et si un poison délétère donne la mort à notre organisme, le corps immortel de Jésus fait participer sa nature impérissable à celui qui le reçoit. Mais nos entrailles ne peuvent rien recevoir qu'en mangeant ou en buvant. C'est donc par ces moyens naturels que nous devons nous incorporer l'esprit de vie, et le corps de Jésus a seul cette propriété. D'autre part, nous avons démontré que notre corps ne peut être appelé à l'immortalité que par son mélange avec celui qui est immortel lui-même. Il nous reste encore à examiner comment il peut se faire que ce corps unique, qui se donne chaque jour sur toute la surface du globe à tant de milliers d'hommes, soit tout entier dans chacun, et reste lui-même toujours intact. »

13. Le premier concile de Nicée, canon 12 (C'est, il est vrai, le douzième dans la collection d'Isidore, mais le treizième dans les collections ordinaires. (V. LABBE, Conc.,t. II, col. 33-34, 42, 48, et notre Dictionnaire universel des conciles, t. II, col. 86-87)) : « A l'égard des mourants, on gardera toujours la loi ancienne et canonique, en sorte que, si quelqu'un décède, il ne sera point privé du dernier viatique si nécessaire. Si quelqu'un a reçu la communion étant à l'extrémité et qu'il revienne à la santé, il sera rangé parmi ceux qui ne participent qu'à la prière. En général, à l'égard de tous les mourants qui demandent d'être admis à la participation de l'Eucharistie, l'évêque ne l'accordera qu'avec discernement. »

14. Le second concile d'Arles, canon 12 (Cf. LABBE, Conc., t. IV, col. 1012) : « Quant à ceux qui meurent en état de pénitent, le concile a été d'avis de ne refuser à aucun d'eux la communion, et de recevoir les oblations qu'ils laissent à la mort, en récompense de ce qu'ils se sont soumis aux règles de la pénitence. »

15. Le troisième concile d'Orléans, canon 24 (C'est le vingt-cinquième dans les collections ordinaires. V. LABBE, Conc., t. V, col. 302, ad annum 538. Ce canon et les deux qui précèdent n'ont pas une force péremptoire pour la thèse à prouver ici, ces mots de communion et de viatique pouvant s'entendre de la simple absolution aussi bien que de l'Eucharistie, d'après Claude d'Aubépine et d'autres savants canonistes. Voir LABBE, Conc., t. II, col. 78-80. Ajoutons néanmoins que cette absolution même pouvait donner droit à  l'Eucharistie, du moins au moment de la mort, comme le prouve le fait de Sérapion, rapporté pages 443 et suiv.) : « Ceux qui,

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après avoir été admis à la pénitence (publique), retournent à la vie séculière, ou embrassent le parti des armes, seront excommuniés jusqu'à la mort ; mais on leur accordera le viatique. »

16. S. CHRYSOSTOME, du Sacerdoce, liv. VI : « Une autre personne, qui ne l'avait point appris par ouï-dire, mais qui l'avait vu de ses yeux et entendu de ses oreilles, m'a raconté que ceux qui, sur le point de sortir de cette vie, ont participé avec une conscience pure aux saints mystères sont, au moment où ils expirent, entourés des anges, qui, par respect pour celui qu'ils ont reçu les accompagnent dans ce passage. »

17. S. PAULIN, in Vitâ sancti Ambrosii, comme plus haut, question précédente, témoignage 19, page 445.

18. EUSEBE, Hist. eccl., lib VI, c. 36, comme plus haut, question précédente, témoignage 16 , page 443.

19. NICEPHORE, Eccles. hist., lib. VIII, c. 31 : « On rapporte du martyr Lucien, que devant mourir bientôt, comme le tyran lui avait ôté la liberté d'approcher du temple et du sanctuaire, et que ses plaies comme ses liens lui interdisaient tout mouvement, il célébra nos mystères redoutables sur sa propre poitrine, et prit part ainsi lui-même le premier au sacrifice sans tache, en même temps qu'il invita les autres à imiter son exemple. C'est dans la prison que se célébra ce sacrifice, et ce chour sacré qui entourait le martyr mourant, semblait une église assemblée. »

20. Le même historien, Lib. XIII, c. 37, dit en rapportant l'exil de saint Jean Chrysostôme : « Comme il était dirigé vers Pityunte, et à la veille d'aller se réunir à son Dieu, Pierre et Jean, qui avaient été les guides de sa vie entière, lui apparurent pendant la nuit au milieu de ses méditations, et lui parlèrent avec beaucoup d'amitié en lui annonçant et la victoire qu'il allait remporter contre les démons et le bonheur qu'il allait avoir d'être reçu dans le sein de Dieu, et tous les biens enfin dont il allait jouir. Puis ils lui firent prendre un aliment céleste et ineffable, et à partir de ce moment il ne prit plus aucune

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nourriture. Tout cela a été rapporté par ceux qui lui faisaient cortège, et à qui il l'avait confié. Arrivé à Comane en Arménie, il fut conduit au temple du martyr Basilisque, qui, dit-on, avait été évêque, et avait souffert le martyre sous Maximin. Le martyr lui apparut alors pendant son sommeil, et lui fit entendre ces paroles : Ayez bon courage, mon cher frère Jean, demain nous serons ensemble. Il avertit de même le gardien du temple de préparer une place pour recevoir le confesseur. La troupe, après avoir quitté ce lieu, ayant fait trente stades de chemin, s'égara on ne sait comment, et se retrouva auprès du temple du martyr. L'évêque ayant donc alors fait ses dernières dispositions, et essayé de dire à ceux de sa suite quelques paroles d'instruction, prit ses souliers et ses plus beaux habillements en témoignage de sa joie, sanctifia son âme par la communion qui l'unit avec son Dieu, puis il s'écria : Seigneur, gloire à vous de tous les évènements. Et s'étant marqué lui-même du signe de la croix, de cet étendard sous lequel il avait livré ses combats, il quitta la terre pour aller régner avec Jésus-Christ et recevoir de lui la récompense des travaux qu'il avait endurés pour son nom, heureux sans doute lui-même de ce changement de condition, mais digne d'être pleuré par tous ceux qui l'ont connu, et qui ont pu apprécier tout le charme de sa doctrine. »

21. GEORGES CEDRENUS, in Historiarum compendio, dit en esquissant l'histoire de l'empereur Maurice : « Maurice, à son réveil, dépêcha son garde du corps pour se faire amener Philippique. Celui-ci, désespérant dès-lors de conserver sa vie, commença par demander la sainte communion, et quand une fois il l'eut reçue il se mit en devoir de se rendre auprès de l'empereur, en laissant son épousé désolée, qui, couverte d'un sac et se roulant dans la cendre, remplissait l'air de ses cris lamentables. »

22. Le même, dans l'histoire qu'il décrit de l'empereur Phocas : « On dit que Théodose, envoyé de Maurice vers Chosroès, fut fait prisonnier à Nicée par des émissaires de Phocas, puis mis à mort quand il eut atteint le lieu nommé Leucacte ; mais qu'avant de mourir, il demanda qu'on lui permît de participer aux saints mystères et qu'après l'avoir obtenu, il en rendit grâces à Dieu, puis prit une pierre dont il se frappa trois fois la poitrine en faisant cette prière : Seigneur Jésus-Christ, vous savez que je n'ai fait tort à personne ; qu'il me soit donc fait maintenant selon ce qu'ordonnera votre puissance. Après qu'il eut dit ces paroles, on lui trancha  la tête. »

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23. S. GREGOIRE, Hom. XL, in Evangelia : « Romula fut atteinte de cette infirmité corporelle appelé paralysie par les Grecs ; et obligée de garder le lit plusieurs années, elle était privée presque entièrement de l'usage de ses membres, sans qu'une aussi triste situation lui fît perdre la patience. Au contraire, la perte qu'elle faisait de ses forces ne faisait qu'accroître ses vertus. . . . . La quatrième nuit donc, elle appela Redempta, son institutrice, et quand celle-ci fut venue, elle lui demanda le viatique qu'elle reçut. Redempta et la condisciple de Romula étaient encore près du lit de la malade, lorsque tout-à-coup elles virent s'arrêter sur la place devant la porte de la cellule deux chours de chanteurs, dont la différence de voix trahissait la différence de sexes, de sorte que les hommes commençaient le chant, et que les femmes répétaient le refrain. Ce fut pendant que cette troupe céleste célébrait ainsi d'avance son trépassement à la porte de sa cellule, que cette sainte âme quitta son enveloppe de chair. »

24. S. AVITE, lib. V, c. 20 : « Ainsi les hommes des premiers temps jouissaient-ils d'une longue et heureuse vieillesse, tandis qu'une manne d'une éclatant blancheur offrait au peuple un aliment sacré et que la terre goûtait les productions du ciel : symbole mystique, qui, longtemps d'avance, annonçait cet autre aliment appelé le corps de Jésus-Christ, fruit miraculeux d'une vierge sans tache, et qui dans toute la suite des âges devait descendre continuellement des hauteurs céleste sur les autels sacrés pour devenir la nourriture des mortels. »

25. S. BERNARD, Serm de cona Domini : « Nous sommes tombés comme sur un tas de pierres et dans une boue fangeuse ; chute qui ne nous a pas seulement salis, mais encore blessés et maltraités horriblement. Quelques instants nous suffirent pour nous laver, mais un long traitement nous sera indispensable pour nous guérir. Nous sommes lavés dans le baptême par lequel est effacée la sentence de notre condamnation, et qui a

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pour effet d'empêcher la concupiscence de nous nuire, pourvu toutefois que nous lui refusions notre consentement. Ainsi se trouve nettoyée cette vieille plaie de notre nature ; ainsi se trouve révoquer notre arrêt de mort. Mais qui pourra réprimer ces révoltes terribles de la chair ? Qui pourra supporter la démangeaison de cet ulcère ? Rassurez-vous, la grâce fera ce nouveau miracle, et le sacrement du corps et du sang de Notre-Seigneur vous offre la garantie de votre sécurité. Car ce sacrement produit en nous deux effets : l'un, d'affaiblir la tentation, etc. »

26. S. CYRILLE, in Joannem, lib. IV, c. 7 : « Occupez-vous de pieuses pensées, menez une vie religieuse et sainte ; et prenez votre part de cette bénédiction mystique, qui, croyez-moi, éloigne non-seulement la mort, mais encore toutes les maladies. Car, comme Jésus-Christ habite par elle en nous, il apaise les révoltes de notre chair, nous affermit dans la piété, et calme les passions de notre âme. . . . . De même qu'un peu de levain. . . . . ., et le reste, comme plus haut, question I, à la fin du témoignage 14, page 269.

27. Le même, in Joannem, lib. III, c. 37 : « Que ceux qui, ayant reçu le baptême, sont devenus participants de la grâce divine, soient bien persuadés que, s'ils oublient de fréquenter l'église, ou que, par un faux respect, ils se tiennent longtemps éloignés de la table mystique qui les unirait à Jésus-Christ, ils s'excluent par là même de la vie éternelle ; car un tel éloignement, bien qu'il semble avoir pour principe un sentiment de religion, scandalise néanmoins et est un piège pour les autres fidèles. C'est pourquoi l'unique parti à prendre pour eux, c'est de faire tous leurs efforts pour se purifier de leurs péchés, et après avoir jeté en eux les fondements d'une vie chrétienne, de s'empresser hardiment de participer à la vie. Mais le démon emploie mille artifices divers pour tromper les hommes. Il commence par pousser ses dupes à commettre des crimes honteux ; puis, lorsqu'il les voit chargés de péchés, il leur inspire de l'éloignement pour la gloire de Jésus-Christ, c'est-à-dire pour ce qui pourrait les faire sortir de leurs honteux désordres comme d'une ivresse passagère. Efforçons-nous donc de rompre de pareils liens où il voudrait nous retenir, et secouant de dessus nous le joug de nos péchés, servons le Seigneur avec crainte. Surmontons par la continence les voluptés de la chair, et mettons à profit la grâce céleste qui nous est offerte dans la participation au corps de Jésus-Christ. . . C'est là, c'est là le moyen de mettre en fuite le

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démon, et de parvenir à la vie et à l'incorruptibilité, en nous rendant participants de la nature divine. »

28. CASSIEN, conférence 22, ou la seconde de l'abbé Théonas, c. 6 : « Nous  connaissons un religieux qui, fidèle à garder la chasteté tant du corps que de l'âme, dont il avait acquis le don par son humilité en même temps que par son extrême vigilance sur lui-même n'éprouvait pas même d'illusions nocturnes, excepté toutes les fois qu'il avait à communier le lendemain ; car alors il se trouvait à son réveil toujours souillé de quelque pollution. Après s'être longtemps abstenu de communier par la crainte que cela lui causait de profaner les saints mystères, il finit par consulter là-dessus les anciens du monastère dans l'espérance de trouver dans leurs conseils un remède au mal qui l'affligeait. Les médecins spirituels à qui il s'était adressé, s'étant mis à chercher la cause de sa maladie, qui dans les cas semblables est ordinairement le trop de nourriture, virent bien que ce ne pouvait pas être cette cause pour le fait en question, puisque, indépendamment de l'austérité de ce religieux bien connue, la circonstance particulière des veilles de fête où de telles pollutions avaient coutume d'arriver, ne permettait pas de les attribuer à une nourriture trop abondante. Ils crurent donc devoir les rapporter plutôt à ce qui est compté pour la seconde cause de ces sortes d'accidents, et commencèrent à conjecturer que c'était peut-être la faute de l'âme elle-même que le corps épuisé par le jeûne se trouvât sujet à ces illusions impures, qui arrivent quelquefois aux hommes les plus mortifiés, en punition de l'orgueil qu'ils conçoivent de leur pureté corporelle conservée jusque-là, et pour leur rappeler que la chasteté est principalement un don de Dieu ; qu'on ne doit pas attribuer aux forces humaines. Ils lui demandèrent en conséquence s'il s'était cru capable d'obtenir cette vertu par ses seuls moyens et sans le secours divin ; mais il repoussa avec horreur cette pensée impie, en déclarant avec humilité qu'il n'avait pu conserver son corps pur même les autres jours, que parce qu'il avait été aidé en cela par la grâce de Dieu. Ils virens donc qu'il n'y avait d'applicable à notre religieux que la troisième cause de ces sortes d'illusions, savoir les pièges que lui tendaient en secret les esprits malins, et convaincus que ce n'était en lui la faute ni de l'orgueil de l'esprit ni de l'immortification de la chair, ils prononcèrent sans hésiter qu'il devait s'approcher avec confiance des saints mystères, de peur que s'il continuait à s'en tenir

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éloigné, il ne s'engageât de plus en plus dans les filets du démon, et ne perdît la sainteté en cessant de recevoir celui qui est la sainteté même. Notre religieux ayant suivi ce conseil se trouva avoir si bien réussi à déjouer les ruses du démon, que la vertu du corps de Notre-Seigneur opérant en lui, il cessa d'éprouver les accidents qui l'avaient tant affligé. »

29. S. BERNARD, cité par saint Thomas d'Aquin dans son opuscule 59, c. 5 : « Ce corps sacré, etc. », comme dans le corps de la réponse à la précédente question.

30. S. CHRYSOSTOME, Hom. XXIV in I Epist. ad Corinthios (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. X, p. 218, édit. de Montfaucon ; p. 255, édit. de Gaume) : « Autant il y a de danger à en approcher témérairement, autant il est funeste et mortel de ne prendre aucune part à ce festin mystique. Car cette table sacrée est le soutien de nos âmes, le repos de nos pensées, le sujet de notre confiance, notre espérance, notre salut, notre lumière, notre vie. Si nous paraissons devant Dieu recommandés par ce sacrifice, ce sera comme une armure d'or qui nous protégera, et qui nous fera franchir avec hardiesse le seuil du sanctuaire où il réside. Eh ! qu'est-il besoin que je renvoie à l'avenir la preuve de ce que j'avance ? Tandis même que nous sommes ici-bas, ce mystère fait pour nous de la terre un ciel. »

31. Le même, in Mattæum Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. VII, p. 516-517, édit. de Montfaucon ; p. 581, édit. de Gaume), hom. LI (al. L) : « Touchons donc, nous aussi, la frange de sa robe ; ou plutôt il ne tient qu'à nous de le posséder tout entier. Car voici que son corps est ici mis à notre disposition, son corps, dis-je, et non pas seulement son vêtement ; et non pas seulement pour que nous puissions le toucher, mais pour que nous puissions nous en nourrir et nous en rassasier. Approchons donc avec foi, nous tous qui avons chacun notre infirmité. Car si ceux qui ne touchaient que le bord de son vêtement en ressentaient une si grande vertu, que n'éprouveront pas ceux qui le posséderont tout entier ? Or approcher avec foi ce n'est pas seulement recevoir le signe extérieur, mais c'est avoir le sentiment de la présence de Jésus-Christ même. Qu'importe en effet que vous n'entendiez pas sa voix ? Qu'il vous suffise de le voir étendu à vos yeux ; d'ailleurs vous pouvez aussi entendre sa voix, qui retentit à vos oreilles par l'organe de ses évangélistes. Croyez

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donc que c'est encore ici la cène ou il siégeait au milieu de ses disciples. Car nulle différence entre les deux. Ce n'est pas un homme qui fait les frais de celle-ci, pas plus que ce n'était un homme qui faisait les frais de celle-là, mais c'est lui-même qui nous sert l'une comme il a servi l'autre. »

32. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I, Epist. 2, contra Petrobrusianos : « Gardons-nous de considérer comme inutile le sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ ; ce sacrement qui nous rend sa mémoire plus présente, qui nous invite à l'aimer avec plus d'ardeur, qui nous obtient un pardon plus entier de nos péchés. Non, il n'est pas inutile, ce sacrement qui nous le rend présent non-seulement en tant que Dieu, mais encore en tant qu'homme, et cela jusqu'à la consommation des siècles. Non, il n'est pas inutile, puisque par son moyen le corps de Jésus-Christ répare nos forces spirituelles, comme il a déjà réparé notre nature tombée, en sorte que, nourris par ce même corps qui a été donné pour prix de notre rachat, nous pouvons nous repaître de son humanité en attendant que nous puissions nous rassasier dans la contemplation de sa divinité et de sa gloire. »

33. S. IGNACE, Epist. ad Ephesios, comme dans le corps de la réponse.

34. S. BASILE, ad Cæsariam Patritiam (Cf. S. Basilii Cæsarære Cappadoc. archiep. opera omnia, Paris, 1730, t. III, p. 186) : « Communier et participer tous les jours au corps et au sang de Jésus-Christ, c'est une pratique très-louable et très-utile puisqu'il a dit lui-même d'une manière si expresse : Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle (JEAN, VI, 55). Qui doute en effet que de participer fréquemment à la vie, ce ne soit vivre à proportion davantage ? C'est pourquoi nous sommes dans l'usage de communier quatre fois par semaine, savoir le dimanche, le mercredi, le vendredi et le samedi, et les autres jours aussi, quand nous, célébrons la mémoire de quelque saint. . . » Le reste comme à la question précédente, témoignage 4, page 438.

35. S. AMBROISE, de Sacramentis, lib. V, c. 4 : « Je vous ai dit que ce qu'on offre est du pain avant qu'on ait prononcé les paroles de Jésus-Christ, et que ce n'est plus du pain, mais son corps même quand ces paroles ont été prononcées. Pourquoi donc dans l'oraison dominicale, que nous récitons ensuite, disons-nous, notre pain? Nous disons, il est vrai, notre pain,

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mais notre pain suprasubstantiel. Il ne s'agit pas ici du pain qui passe en notre substance matérielle mais de ce pain de la vie éternelle qui nourrit notre âme. Nous l'appelons, nous, quotidien, c'est-à-dire de tous les jours. Ainsi, ni l'interprétation latine, ni l'interprétation grecque, ne sont à mépriser Le mot grec renferme à lui seul les deux significations ; le mot latin donne du moins l'une des deux. Mais si c'est votre pain quotidien, pourquoi ne le recevez-vous qu'une fois l'année comme les Grecs ont coutume de le faire en Orient ? Prenez tous les jours ce qui est destiné à vous profiter tous les jours. Vivez de manière à mériter de le recevoir tous les jours de même. Celui qui ne mérite pas de le recevoir tous les jours, ne mérite pas de le recevoir au bout de l'année. Suivez l'exemple de Job, qui offrait tous les jours un sacrifice pour ses fils, de peur qu'ils n'eussent commis quelque péché dans leurs pensées ou dans leurs discours. Toutes les fois que vous voyez offrir le sacrifice, vous entendez rappeler la mort de Jésus-Christ, sa résurrection, son ascension, la rémission de vos péchés ; et vous ne faites pas votre pain quotidien de ce pain de vie ? Quiconque est blessée cherche un remède pour se guérir. Nous le sommes tous, puisque tous nous péchons. Or, le remède de nos blessures, c'est le vénérable et céleste sacrement. Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien. Il sera votre pain quotidien, si vous le recevez tous les jours. Si Jésus-Christ est votre pain de tous les jours, il ressuscitera tous les jours pour vous. Comment cela ? Cherchez à comprendre ces paroles : Vous êtes mon fils, je vous ai engendré aujourd'hui. »

36. S. CHRYSOSTOME, Hom. LXI au peuple d'Antioche, et IIIe sur 1'épître aux Ephésiens (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. XI, p. 22-24, édit. de Montfaucon ; p. 26-28, édit. de Gaume) : « Dans les autres temps de l'année vous n'approchez pas, quoique souvent vous puissiez être purs ou en état d'approcher ; à Pâques vous approchez, lors même que vous vous trouvez coupables de quelque crime. O fatale habitude ! ô téméraire présomption ! C'est en vain que nous offrons tous les jours le sacrifice, en vain que nous montons tous les jours à l'autel, puisque personne ne vient y prendre part. Si je vous parle ainsi, ce n'est pas  simplement pour que

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vous y preniez part désormais, mais pour vous engager à vous en rendre dignes. Si vous n'êtes pas dignes de prendre part au sacrifice, vous ne l'êtes donc pas non plus de participer à la prière. Vous entendez le crieur dire à haute voix : Vous qui êtes en pénitence retirez-vous tous. Or, tous ceux qui ne participent pas, sont par là même en pénitence Si vous êtes du nombre des pénitents, vous ne devez pas participer avec nous ; car quiconque ne participe pas, est du nombre des pénitents. Pourquoi donc, quoiqu'on vous dise, relirez-vous, vous qui n'êtes pas en état de prier, restez-vous sans rougir ? Mais vous n'êtes pas des pénitents, vous êtes de ceux qui peuvent participer, et vous ne vous mettez pas en peine de le faire ? Vous regardez donc cela comme si ce n'était rien ? Considérez, je vous prie : c'est une table royale qui vous est apprêtée ; des anges en sont les ministres ; le roi lui-même s'y trouve présent ; et vous vous y laissez emporter par le sommeil ? vous vous y présentez avec des habits malpropres, et vous vous y tentez avec indifférence. Mais mes habits sont propres. . . Prenez-y  donc place, et soyez du festin. Tous les jours le maître du festin vient faire la visite des convives ; il dit un mot à chacun d'eux ; et maintenant il interroge en ces termes votre conscience : Mes amis, pourquoi êtes-vous entrés ici sans avoir la robe nuptiale ? Il ne dit pas, pourquoi avez-vous pris place ? Mais avant même que vous le fassiez, et au moment où vous entrez, il vous fait entendre que vous n'êtes pas dignes ; car il ne dit pas, pourquoi vous êtes-vous mis à table ? mais : pourquoi êtes-vous entrés ? Voilà ce qu'il nous dit encore maintenant à tous, si nous nous présentons sans honte ni repentir de nos fautes. Quiconque ne veut pas participer aux mystères, est dans l'état que je viens de dire. C'est aussi pour cela qu'on commence par mettre hors de l'église les pécheurs publics. Car de même que lorsque le maître se met à table, il ne faut pas que ceux de ses serviteurs qui l'ont offensé se présentent devant lui, mais qu'ils doivent se tenir éloignés ; de même ici, lorsque l'hostie est sur l'autel, que le Christ, cet agneau de Dieu, est immolé, quand vous entendez ces mots, Prions tous ensemble, quand vous voyez tirer les rideaux, pensez alors que le ciel s'entrouvre, et que les anges descendent (Ce dernier passage a déjà été cité à la question VI, témoignage 13). De même donc qu'il ne doit paraitre ici personne qui ne soit initié, ainsi ne doit-il, avoir non plus personne

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même initié qui n'ait la pureté convenable. Dites-moi, si quelqu'un invité à un festin se lavait les mains et se mettait à table, et qu'ensuite il ne voulût prendre aucun mets, n'offenserait-il pas par là celui qui l'aurait invité ? Ne vaudrait-il pas mieux qu'il s'abstînt tout-à-fait de paraître ? Vous de même, vous vous êtes rendu à ce banquet sacré ; vous avez chanté l'hymne, vous vous êtes déclaré digne d'être admis par cela même que vous ne vous êtes pas retiré avec les indignes : comment donc êtes-vous demeuré ici sans prendre part au festin ? J'en suis indigne, dites-vous.  - Vous l'êtes donc aussi de prendre cette part que vous prenez aux prières. Car ce n'est pas seulement par les oblations, c'est aussi par les chants sacrés que le Saint-Esprit manifeste sa présence et son action. Ne voyez-vous pas avec quel soin nos domestiques épongent nos tables, nettoient nos maisons, disposent les plats ? C'est ce qui se fait ici par les prières, par l'avertissement que donne le crieur : nous passons ainsi en quelque sorte l'éponge par toute l'église, afin que, cette église étant propre, on puisse y servir le festin, sans qu'il y ait, quelque part que ce soit, de tache qui paraisse. S'il en était autrement, indigne qu'on serait d'avoir part au banquet, on le serait aussi d'en repaître ses yeux ou ses oreilles. Si une bête touche à la montagne, dit l'oracle divin (Exod., XIX, 13), qu'elle soit lapidée. Ainsi ce peuple était-il indigne d'y monter ; et cependant il y monta plus tard, et il vit l'endroit où Dieu avait manifesté sa présence. Aussi vous est-il permis d'entrer quand tout est achevé, et de voir ; mais quand l'hostie est présente, abstenez-vous de paraître : il ne vous est pas plus permis d'être présent, qu'à un catéchumène. Car ce n'est pas la même chose de ne pas assister du tout aux mystères, que d'y assister pour en faire dédain, et se rendre par cela seul indigne d'y prendre part. Je pourrais vous en dire davantage et en des termes encore plus sévères, mais je m'arrête ici pour ne rien dire de trop ; ce ne sont pas quelques paroles de plus qui corrigeront ceux que n'auront pas corrigés les paroles que je viens de dire. Afin donc de ne pas vous rendre plus coupables, bornons-nous à vous exhorter, non à vous abstenir d'assister à nos mystères mais à vous rendre dignes, et d'y assister, et d'y prendre part. Dites-moi, si un roi vous disait : « Si vous faites telle chose, vous serez admis à ma table (Il y a ici une variante dans le texte), » ne feriez-vous pas tout pour obtenir cet

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honneur ? Le Roi des rois nous ouvre le ciel, il nous invite à sa table ; et nous nous faisons prier, et nous opposons des retards, au lieu de nous empresser et d'accourir à son appel ? Eh ! quelle espérance nous restera-t-il de salut ? Il n'y a point à prétexter notre faiblesse, il n'y a point à prétexter les infirmités de notre nature ; notre lâcheté seulement, voilà ce qui nous rend indignes. Je n'en dirai pas davantage ; mais je prie celui qui touche les cours, qui donne l'esprit de componction, de toucher aussi les vôtres et d'y faire pénétrer la semence salutaire, afin que la crainte même vous fasse concevoir et enfanter l'esprit de piété et qu'ainsi vous puissiez participer avec confiance aux saints mystères. Vos enfants, dit le Psalmiste (Ps. CXXVII, 3), seront rangés autour de votre table comme de jeunes oliviers. Soyez donc comme de jeunes oliviers, en qui il n'y ait rien qui sente la vétusté, comme des oliviers qui ne soient ni sauvages, ni agrestes, ni incultes, mais qui se chargent de ce fruit admirable de douceur appelé olive ; et, pleins d'une force divine, entourez ainsi la table du festin, non sans vous y être préparés, non sans y avoir réfléchi, mais avec crainte et respect. Mais de même que la nourriture la plus saine devient cause ou occasion de maladie, si elle entre dans un estomac mal disposé ainsi en est-il de nos redoutables mystères (Cette dernière phrase ne se trouve pas dans l'homélie sur l'épître aux Ephésiens). »

37. S. CYPRIEN (ou plutôt RUFFIN), de Orat. Dom., serm. 6 : « Nous l'appelons notre pain, parce que Jésus-Christ n'est le pain que de ceux qui participent à son corps. Mais pourquoi lui demandons-nous que ce pain nous soit donné tous les jours ? Parce que, résidant en Jésus-Christ et recevant tous les jours dans l'Eucharistie l'aliment de notre salut, nous demandons de n'en être point privé en punition de quelque prévarication considérable ; parce que ne point être admis à la réception du pain céleste, c'est être séparé du corps de Jésus-Christ ainsi qu'il le déclare lui-même : Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel, si quelqu'un mange de ce pain ; il vivra éternellement ; le pain que je donnerai pour la vie du monde, c'est ma chair. Si le pain eucharistique, reçu avec des dispositions convenables, donne la vie éternelle, n'est-il pas à craindre qu'en renonçant à cet aliment sacré et en nous tenant éloignés du corps du Seigneur, nous ne perdions la vie, conformément à cette menace : Si vous ne mangez la chair

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du fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous ? Voilà donc le malheur que nous cherchons à prévenir ; nous conjurons Dieu de nous donner notre pain de tous les jours, c'est-à-dire Jésus-Christ, afin que, demeurant en Jésus-Christ, et vivant de sa vie, nous ne soyons jamais séparés de son esprit et de son corps (Il y a dans le latin à sancitifcatione ejus et corpore). ))

38. S. JEROME, ad Lucinium, Epist. XXVIII : « Quant aux questions que vous m'adressez au sujet du samedi, si l'on doit jeûner ce jour-là, et au sujet de l'Eucharistie, si l'on doit la recevoir tous les jours, comme on dit que cela se pratique à Rome et en Espagne, c'est sur quoi a écrit Hippolyte, cet homme si éloquent et divers écrivains ont recueilli aussi sur ces questions les sentiments de différents auteurs. Pour moi, voici mon sentiment : c'est qu'on observe les traditions ecclésiastiques, surtout si elles n'intéressent pas la foi, de la même manière qu'elles nous ont été transmises par les anciens, et que la coutume pratiquée par les uns ne préjudicie en rien à celle que suivent les autres. Et plût à Dieu que nous pussions jeûner en tout temps, comme nous lisons dans les Actes des apôtres que l'ont fait dans les jours de la Pentecôte et le jour du dimanche l'apôtre saint Paul et les fidèles avec lui (Act., XIII, XX, XXVII). Et certes on ne doit pas pour cela les accuser de manichéisme, puisqu'ils ne faisaient autre chose que préférer l'aliment spirituel à l'aliment corporel ; et de même on peut bien recevoir tous les jours l'Eucharistie, pourvu qu'on le fasse avec une conscience exempte de reproche et sans nous condamner nous-mêmes on peut bien tous les jours s'entendre adresser l'exhortation du Psalmiste : Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux (Ps. XXXIII) ; on peut bien dire avec lui : Mon cour a produit une excellente parole. »

39. S. CYRILLE, in Joannem, lib III, c. 57, comme plus haut, même question, témoignage 27, page 370.

40. CASSIEN, Conférence XXIII, ou la IIIe de l'abbé Théonas, c. 24 : « Si nous nous reconnaissons pécheurs, nous ne devons pas pour cela nous éloigner de la table sainte mais puiser au contraire dans cette considération un motif de plus d'en approcher pour y trouver un remède aux maux de notre âme, pourvu toutefois que, pénétrés d'humilité et remplis d'une foi vive, nous nous jugions nous-mêmes indignes de recevoir une si grande grâce, et comme des malades qui demandent au céleste médecin leur

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guérison. Autrement, nous ne devrions pas même croire pouvoir communier dignement une seule fois dans toute l'année, fût-ce à la fête de Pâques, comme le pratiquent certains religieux, qui se font une telle idée de la dignité de ce sacrement divin et tout à la fois de la sainteté qu'il faut y apporter, qu'ils se persuadent à eux-mêmes que pour le recevoir il est indispensable d'avoir une sainteté parfaite et une pureté exempte de toutes taches, tandis que c'est plutôt ce sacrement lui-même qui nous rend saints et purs. En pensant ainsi, ces hommes se trouvent commettre ce péché même de présomption qu'ils prétendent éviter, puisque, s'ils communient une fois l'année, c'est qu'alors ils s'en croient dignes. Il conviendrait beaucoup mieux d'approcher des saints mystères tous les dimanches pour, trouver un remède à nos maladies spirituelles, en croyant et confessant avec une sincère humilité que nous ne pourrons jamais en être dignes, plutôt que de nous persuader vainement, par l'effet d'un orgueil secret, que nous sommes dignes d'y participer après une année de préparation.
 
 

QUESTION X
 
 

Quelles sont les conditions requises pour recevoir dignement l'Eucharistie et en recueillir les fruits ?

La réponse ici est facile ; c'est celle de l'Apôtre : Que l'on s'éprouve soi-même, et qu'après cette épreuve on mange de ce pain. C'est en ce sens que saint Augustin a dit aussi : « Dans le corps de Jésus-Christ est toute notre vie ; il faut donc changer de vie, si l'on veut recevoir la vie. »

Cette épreuve de soi-même ou ce changement de vie renferme quatre conditions, savoir, la foi, la pénitence l'attention de l'esprit et le maintien qui conviens à une personne chrétienne.

La foi interdit tout doute par rapport aux vérités que nous avons énumérées, et qui concernent ce mystère ; et on sera dans cette disposition, pourvu qu'on acquiesce simplement et sans réserve comme on y est certainement obligé à tout ce que croit et enseigne l'Eglise.

La pénitence dont nous parlerons bientôt plus au long, exige qu'on déteste ses péchés, qu'on en fasse à un prêtre la confession explicite, et qu'on en reçoive l'absolution.

L'attention de l'esprit s'obtiendra, si l'on s'occupe sérieusement de ce sacrement auguste par des prières et des méditations pieuses.

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Enfin la décence du maintien demande qu'on ne se présente à la sainte table que dans un état de pureté à jeun, modeste et recueilli, sans rien qui ressente la malpropreté ou la négligence.

Ceux au contraire qui reçoivent indignement la sainte Eucharistie n'y trouvent pas la vie, mis leur condamnation, et au témoignage de l'Apôtre, se rendent coupables du corps et du sang de Jésus-Christ, en sorte qu'ils encourront une condamnation sévère avec le traître Judas et les Juifs déicides.
 
 
 
 

TEMOIGNAGES DE L'ECRITURE.
 
 

1. I Corinthiens, XI, 28-32 : « Que l'homme donc s'éprouve soi-même et qu'il mange ainsi de ce pain, et boive de ce calice. - Car quiconque mange ce pain et boit ce calice indignement mange et boit sa propre condamnation, ne faisant pas le discernement qu'il doit du corps du Seigneur. - C'est pour cette raison qu'il y a parmi vous beaucoup de malade et de languissants, et que plusieurs dorment du sommeil de la mort. - Que si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés de Dieu. - Mais lorsque nous sommes jugés de la sorte, c'est le Seigneur qui nous châtie, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde. »

2. I Timothée, III, 15 : « La maison de Dieu est l'Eglise du Dieu vivant, la colonne et la base de la vérité. »

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TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
 
 

1. THEOPHYLACTE, sur le chapitre XI de la première Epître aux Corinthiens : « Je ne vous donne point d'autres juges mais je vous abandonne vous-même à vous-même. Jugez donc et interrogez votre conscience, et approchez, non quand sont arrivés les féries d'usage, mais quand vous vous trouvez suffisamment pur et en état de le faire dignement. »

2 S. ANSELME, sur le même passage de l'Apôtre : « Que personne n'ose s'approcher dans un état indigne ; mais que l'homme, c'est-à-dire cet être raisonnable, éprouve, c'est-à-dire discute et examine sa conscience, puisque, par cela même qu'il est homme, il n'est point sans péché. Qu'il s'éprouve auparavant lui-même c'est-à-dire, qu'il examine et considère sa vie, pour savoir s'il peut, ou non, s'approcher dignement. Car il est rare qu'il puisse se trouver quelqu'un tellement juste et vertueux, qu'il ne puisse rien découvrir, en discutant ses actions, qui l'éloigne au moins pour un temps du corps et du sang de Jésus-Christ, à moins qu'il ne s'en confesse, et qu'il ne l'efface par la pénitence. Qu'il s'éprouve lui-même, et qu'ainsi, c'est-à-dire, après s'être éprouvé, il mange de ce pain et boive de ce calice, parce que c'est alors seulement qu'il pourra le faire avec profit. Qu'il commence donc par discuter sa conscience et par se purifier, parce que celui qui mange et qui boit indignement, c'est-à-dire sans s'être examiné, mange et boit sa propre condamnation. Celui-là mange et boit indignement, qui a commis, ou quelque péché grave ou un grand nombre de péchés légers (La sainte théologie enseigne que la confession n'est pas absolument nécessaire pour obtenir le pardon de ses péchés légers ou véniels, quelque nombreux qu'ils soient ; mais le grand nombre de péchés légers peut faire craindre une disposition perverse dans la volonté), et qui ne s'en confesse pas avant d'approcher de la sainte table. »

3. S. GREGOIRE, in lib. I Regum, lib. II, c. 1 : « Que l'on s'éprouve soi-même, et qu'après s'être éprouvé on mange de ce pain et boive ce calice. Que veut dire ici ce mot s'éprouver, sinon se purifier de ses souillures, afin de ne se présenter qu'en bon état à la table du Seigneur ? Il (l'Apôtre) ajoute en particulier au sujet des intempérants : Celui qui mange et qui boit indignement, mange et boit sa propre condamnation. Nous donc qui péchons tous les jours, recourons aussi tous les jours aux larmes de la pénitence, parce qu'il n'y a que cette vertu qui nettoie et purifie

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l'âme des souillures qu'elle peut avoir contractées. Et il sera vrai de dire alors que ceux qui ont faim seront rassasiés, parce que plus nous mettons de soin à nous purifier par les larmes de la pénitence, plus nous obtenons de fruits abondants de la grâce divine dans le festin spirituel qui nous est offert. »

4. S. GREGOIRE de Nysse, de perfecti christiani hominis formâ ad Olympium monachum : « Celui qui, en considérant le mystère, dirait que notre Dieu est véritablement notre nourriture et notre breuvage, ne parlerait pas un langage impropre, puisque sa chair est vraiment une nourriture, et que son sang est vraiment un breuvage. Et en ce sens tout le monde est également invité à entrer en participation de sa substance ; car recevoir cet aliment, et ce breuvage, c'est se nourrir et s'abreuver de lui-même. Toutefois on doit se rappeler l'avertissement de l'Apôtre : Que chacun s'éprouve soi-même, et qu'ainsi on mange de ce pain, et qu'on boive de ce calice. Car celui qui mange et boit indignement, mange et boit sa propre condamnation. C'est aussi ce que l'Evangéliste semble avoir voulu nous faire entendre, lorsqu'il a dit de ce sénateur juif qu'il enveloppa le corps de Notre-Seigneur dans un linceul blanc, et qu'il le déposa dans un sépulcre tout neuf. Ainsi le précepte de l'Apôtre et l'observation de 1'Evangéliste nous rappellent également que nous devons recevoir le corps sacré de Notre-Seigneur dans une conscience pure, et que si nous nous trouvons souillés de quelque péché, nous devons nous en purifier par les larmes de la pénitence. »

5. S. AUGUSTIN, Serm I de tempore : « Faisons tous nos efforts avec l'aide de Dieu, pour ne nous approcher de l'autel du Seigneur qu'avec un cour pur, un corps chaste et une conscience droite, afin de recevoir son corps et son sang non pour notre condamnation, mais pour le salut de notre âme. Car ce n'est que dans le corps de Jésus-Christ que nous trouverons la vie, suivant ce qu'il a dit lui-même : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Changeons donc de vie, si nous voulons recevoir la vie. Si nous ne changeons pas de vie, nous ne recevrons la vie que pour notre condamnation ; elle ne produira pas notre salut, mais notre perte ; elle n'engendrera pas en nous la vie, mais la mort. »

6. S. BASILE-LE-GRAND, Quæst. 172 ex quæstionibus compendio explicatis, sive in regulis brevioribus : « Demande. Avec quel respect, quelle conviction, quelle disposition d'esprit en un mot

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devons-nous participer au corps et au sang de Jésus-Christ ? - Réponse. L'Apôtre nous apprend avec quel respect, par ces paroles : Celui qui mange et qui boit indignement, mange et boit sa propre condamnation. Quant à la conviction que nous devons apporter, elle nous sera inspirée par la foi que nous aurons à ces paroles du Sauveur : Ceci est mon corps qui est livré pour vous : Faites ceci en mémoire de moi ; par la foi aussi à ce témoignage de saint Jean qui, après avoir célébré la gloire du Verbe, nous fait assister à son incarnation par ces simples paroles : Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire du Fils unique du Père plein de grâce et de vérité ; par la foi encore à ce témoignage de l'apôtre saint Paul (Philip., II, 6-8) : Ayant la forme et la nature de Dieu, il n'a point cru que ce fût pour lui une usurpation d'être égal à Dieu; mais il s'est anéanti lui-même en prenant la forme et la nature de serviteur, en se rendant semblable aux hommes, et en se faisant reconnaître pour homme par tout ce qui a paru de lui au dehors. Il s'est rabaissé lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort de la croix. Lors donc que l'esprit du fidèle, en ajoutant foi à ces témoignages, comme à tant d'autres si éclatants que nous pourrions rapporter, se sera instruit de la grandeur de la gloire, et par là même se trouvera saisi d'admiration pour l'humilité et l'obéissance de celui qui s'est soumis à son père jusqu'à vouloir bien endurer la mort en vue de nous procurer la vie, il sera disposé, ce me semble, à l'aimer, et Dieu le Père qui n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous tous, et son Fils unique qui s'est rendu obéissant jusqu'à la mort pour notre rédemption et notre salut ; et il donnera son assentiment à l'Apôtre qui trace la règle suivante à ceux qui ont le cour droit : L'amour de Jésus-Christ nous presse, dit-il, considérant que si

Jésus-Christ est mort pour nous tous, donc tous sont morts, et que Jésus-Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes mais pour celui qui est mort et qui est ressuscité pour eux (II Cor., V, 14-15). C'est ainsi que doit être disposé et préparé celui qui participe à la communion du pain et du calice. »

7. Le même, Sermone vel libro I de Baptismo, c. 3 : « Celui donc qui va recevoir le corps et le sang de Jésus-Christ ; » et le reste comme à la question précédente vers la fin du témoignage 1, page 461.

8. Le même, Serm. sive lib. II de Baptismo, c. 3 : « Dieu ayant dans l'ancienne loi menacé des châtiments d'en haut ceux

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qui auraient osé toucher aux choses saintes sans être eux-mêmes purs, menace, il est vrai, principalement figurative et destinée à nous servir d'instruction ; voici en quels termes elle était conçu : Le Seigneur parla aussi à Moïse et lui dit : Parlez à Aaron et à ses fils, afin qu'ils ne touchent pas en certains temps aux oblations sacrées des enfants d'Israël pour ne pas souiller ce qu'ils m'offrent, et qui m'est consacré : je suis le Seigneur : dites-leur ceci pour eux et pour leur postérité : Tout homme de votre race qui étant devenu impur s'approchera des choses qui auront été consacrées et que les enfants d'Israël auront offertes au Seigneur, périra devant le Seigneur : Je suis le Seigneur . . . Si une telle menace a été prononcée contre ceux qui approcheraient témérairement d'objets sanctifiés par les hommes, qui pourra dire à quoi doit s'attendre celui qui use de la même témérité à l'égard d'un si grand et si redoutable mystère ? Car comme il y a ici plus que le temple de Jérusalem, suivant l'expression du divin oracle (MATTH., XII, 6), la témérité que commet celui qui touche au corps de Jésus-Christ avec une conscience souillée est d'autant plus criminelle, d'autant plus punissable, que la sainteté de la céleste victime l'emporte davantage sur des sacrifices de taureaux et de boucs, selon ce que dit l'Apôtre : Celui qui mangera indignement ce pain, ou qui boira indignement le calice du Seigneur, sera coupable de la profanation de son corps et de son sang. L'Apôtre, pour marquer plus fortement l'énormité de ce crime et imprimer davantage la crainte de la condamnation qu'il entraîne à sa suite, use de répétition et ajoute : Que chacun s'éprouve soi-même et qu'ainsi on mange de ce pain et qu'on boive de ce calice ; car celui qui mange et qui boit indignement, mange et boit sa propre condamnation, en ne faisant pas le discernement qu'il doit au corps du Seigneur. Que si celui qui n'avait qu'une impureté légale (et nous savons par la loi elle-même ce que figurait cette impureté) encourait néanmoins un châtiment si terrible, combien plus terrible encore devra être la condamnation encourue par celui qui ose dans son état de péché attenter au corps du Seigneur ? Purifions-nous donc de toute souillure (et par souillure j'entends, comme on n'aura pas de peine à le concevoir, autre chose que des impuretés légales) et n'approchons des saints mystères qu'après nous être ainsi purifiés si nous voulons ne pas partager le châtiment de ceux qui ont mis à mort Notre-Seigneur, puisqu'il est vrai que celui qui mangera indignement ce pain, ou qui boira indignement le calice du

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Seigneur, sera coupable de la profanation de son corps et de son sang ; si nous voulons aussi obtenir la vie éternelle, selon la promesse que nous en a faite celui qui ne peut nous tromper, notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, pourvu qu'en mangeant et en buvant nous nous souvenions qu'il est mort pour nous, et que nous nous conformions à cette sentence de l'Apôtre : L'amour de Jésus-Christ nous presse, considérant que, si un seul est mort pour nous, donc tous sont morts, et que Jésus-Christ est mort pour nous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et qui est ressuscité pour eux

(II Cor., V, 14-15). Et c'est à quoi nous nous sommes engagés en recevant le baptême. »

9. S. CYPRIEN, Serm. de lapcis : « Au mépris de la sévérité de 1'Evangile, contre la défense du Seigneur, des esprits téméraires accordent la communion à des gens mal préparés : paix trompeuse et pleine d'illusion, funeste à qui la donne, infructueuse à qui la reçoit. On n'attend pas le temps nécessaire pour la guérison ; on ne demande point à la satisfaction le remède véritable ; on étouffe la pénitence au fond des âmes ; on leur fait perdre le souvenir des crimes les plus énormes. Que fait-on par-là ? on recouvre le mal en le dissimulant ; on referme une plaie qui va s'envenimer davantage et devenir mortelle ? Eh quoi ! au sortir des autels du démon, ils s'approchent du Saint du Seigneur, les mains encore toutes souillée d'un fétide encens. Ils n'ont pas encore digéré les viandes offertes aux faux dieux, et leur bouche répand toujours l'odeur dégoutante de leur crime, et ils n'envahissent pas moins le corps du Sauveur, malgré l'Ecriture qui crie (Lévit., XXII, 3) : Quiconque sera pur pourra manger de la victime pacifique ; l'homme souillé qui mangera de la chair d'une

victime pacifique offerte au Seigneur, sera exterminé du milieu de son peuple : Le témoignage de l'Apôtre n'est pas moins formel : Vous ne pouvez pas boire la coupe du Seigneur et la coupe des démons ; vous ne pouvez pas participer à la fois à la table du Seigneur et à la table des démons. Ecoutez encore la menace terrible que le même apôtre adresse ailleurs aux profanateurs : Quiconque mangera indignement ce pain ou boira indignement la coupe du Seigneur, sera coupable de crime contre le corps et le sang du Seigneur. Vaine défense ! inutiles oracles ! En dépit de toutes ces menaces, on fait violence au corps et au sang de Jésus-Christ et on se rend plus coupable par cette odieuse profanation que par l'apostasie même. Avant d'avoir confessé publiquement et expié leur crime, avant

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que leur conscience ait été purifiée par le sacrifice et l'imposition des mains de l'évêque, avant qu'ils aient apaisé un Dieu irrité qui les menace dans son indignation, ils croient avoir la paix, parce que quelques-uns se vantent faussement de la leur avoir donnée. »

10. Le concile de Trente, session XIII, c. 7 : « Si l'on ne doit se permettre l'exercice d'aucune fonction sainte à moins d'être soi-même dans de saintes dispositions, plus un chrétien doit reconnaître la sainteté et la divinité de ce sacrement céleste, plus il doit être soigneux de ne le recevoir qu'avec respect et piété, surtout après ces paroles si pleines de terreur que nous lisons dans l'Apôtre (I Cor., XI, 29 ) : Celui qui mange et boit indignement, mange et boit sa condamnation, en ne faisant pas le discernement qu'il doit du corps du Seigneur. C'est pourquoi, quand on veut communier, on doit rappeler à sa mémoire ce précepte : Que chacun s'éprouve soi-même. Or, la coutume de l'Eglise fait voir que cette épreuve si nécessaire consiste en ce que quiconque se sent la conscience chargée d'un péché mortel ne doit pas, quelque contrition qu'il lui semble en avoir, s'approcher de la sainte Eucharistie, sans avoir auparavant eu recours à la confession sacramentelle. Et c'est ce que le saint concile ordonne comme devant être toujours observé par tous les chrétiens et même par les prêtres obligés par état de célébrer, à moins qu'ils ne puissent se procurer de confesseur. Et si une nécessité pressante oblige un prêtre à célébrer sans s'être confessé, il doit le faire ensuite le plus tôt qu'il le pourra. »

Ibidem, canon 11 : « Si quelqu'un dit que la foi seule est une préparation suffisante pour recevoir le sacrement de la très-sainte Eucharistie, qu'il soit anathème. »

« Et pour empêcher qu'un si grand sacrement ne soit reçu indignement, et qu'il ne tourne par conséquent à la condamnation et à la mort de celui qui le reçoit, le saint concile ordonne et déclare que ceux qui se sentent la conscience chargée de quelque péché mortel, quelque contrition qu'ils croient en avoir, doivent nécessairement, s'ils peuvent trouver un confesseur, faire précéder la communion par la confession sacramentelle. Et si quelqu'un avait la témérité d'enseigner ou de prêcher le contraire, ou bien même de l'affirmer avec opiniâtreté ou de le soutenir en dispute publique , qu'il soit excommunié par cela seul. »

11. HESYCHIUS, prêtre de Jérusalem, in caput XXVI Levitici : « N'envisageons qu'avec respect le sanctuaire du Seigneur, et

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gardons-nous de souiller nos corps, ou d'approcher témérairement, et sans nous être scrupuleusement examinés, du corps de Jésus-Christ en qui réside la source de toute sainteté, puisque c'est en lui qu'habite la plénitude de la divinité ; mais commençons par nous éprouver nous-mêmes, en nous rappelant ce qu'a dit saint Paul : Quiconque mangera indignement ce pain ou boira indignement le calice du Seigneur, etc.; Que chacun s'éprouve soi-même, etc. De quel genre d'épreuve veut-il ici parler ? De celle qui consiste à ne s'approcher des choses saintes qu'avec un cour pur ou repentant des fautes commises, pour obtenir ainsi d'être purifié de ses péchés. »

12. S. CHRYSOSTOME, Hom. XXX in Genesim : « Nous voici enfin arrivé à la fin de la sainte quarantaine ; nous avons accompli la carrière du jeûne et grâces à Dieu, nous sommes près d'en toucher la récompense. Toutefois ne nous négligeons pas pour cela, mais que ce soit plutôt une raison pour nous d'apporter plus de soin, de zèle et de vigilance. . . . Puisque par la grâce de Dieu nous sommes entrés dans cette grande semaine (la semaine sainte), nous devons jeûner avec encore plus d'exactitude, prier avec plus d'assiduité, faire la confession entière de nos fautes, nous adonner plus que jamais à la pratique des bonnes ouvres, faire d'abondantes aumônes, remplir les devoirs de la justice, de la douceur chrétienne et de toutes les vertus, afin qu'ainsi préparé, nous jouissions dimanche prochain de l'abondance des dons du Seigneur. »

13. Le même, Hom. X in Matthæum : « Voici le temps solennel de la pénitence (confession), qui approche, tant pour ceux qui ont été baptisés que pour les catéchumènes : pour les baptisés, afin qu'ayant fait pénitence, ils soient reçus à la participation des mystères sacrés pour les catéchumènes, afin que leurs taches étant effacées par les eaux du baptême, ils approchent de la table du Seigneur avec une conscience pure (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. VII, p. 146, édit. des Bénédictins ; pag. 168-169, édit de Gaume. Homélies ou Sermons de S. Jean Chrysostôme, trad. par P.-A. de Marsilly, t. I, p. 215). »

14. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I de miraculis, c. 2 : « Un prêtre d'Allemagne, tout en se vautrant chaque jour dans la fange des vices, ne craignait pas d'approcher sans honte de l'autel du Seigneur, et de profaner le mystère de notre rédemption en célébrant fréquemment la messe. Après avoir

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continué longtemps ce genre de vie, il éprouva enfin, comme nous allons le dire, les effets de la colère et tout à la fois de la miséricorde du Seigneur. Car comme il vivait dans ce désordre, il arriva un jour que disant la messe comme de coutume, en touchant de ses mains impures le Saint des saints en même temps que son cour était rempli de pensées criminelles, quand ce fut le moment de la communion, le corps et le sang de Jésus-Christ ne pouvant plus souffrir d'être ensevelis dans un tel cloaque, disparurent tout-à-coup d'entre ses mains. Saisi d'étonnement et tout stupéfait, il quitte l'autel aussitôt la messe finie ; et voyant bien par ce témoignage sensible qu'il s'était attiré l'indignation de Dieu, il voulut cependant en avoir une preuve encore plus certaine, et résolut de dire de nouveau la messe. Il fit donc comme à l'ordinaire ; mais arrivé au moment de prendre la sainte communion, tout disparut comme à la première fois. Quelque alarmé et inquiet qu'il fût à la vue de ce nouveau prodige, il voulut une troisième preuve plus forte encore que les deux premières, et se remit il dire la messe une troisième fois. Pendant qu'il est occupé à considérer les espèces et à les palper de ses mains, et que déjà il les approche de sa bouche, elles disparaissent encore de devant ses yeux, de ses mains et de sa bouche, à cette troisième fois comme aux deux premières. Cédant enfin à l'évidence du miracle, et reconnaissant avec effroi qu'il s'est attiré tout le poids de la colère de Dieu, il commence à se repentir de sa conduite passée et songe aux moyens qui peuvent lui rester d'échapper à un si grand péril. Comme il sait que la pénitence est le dernier remède offert aux pécheurs, il l'embrasse avec ardeur, et allant trouver son évêque, il lui confesse avec larmes tout ce qu'il a fait comme tout ce qui lui est arrivé, se soumet de grand cour à la pénitence que celui-ci lui impose, et quelque longue qu'elle soit, l'accomplit jusqu'au bout. Cela fait, il retourne à l'évêque, et s'ouvrant à lui comme à son père de ses dispositions les plus intimes, il le supplie humblement de l'admettre à la participation des sacrements. Celui-ci se trouvant assuré, et par sa confession qu'il avait entendue, et par le changement qu'il voyait en lui, que Dieu lui avait d'avance pardonné, consentit à ce qu'il reprît ses fonctions sacerdotales ; et lui, de son côté, comptant sur la bonté de Dieu autant que sur le témoignage de sa conscience, se mit en devoir de les remplir avec zèle. Il s'approche donc de l'autel, offre à Dieu ses larmes et son cour brise, et arrive bientôt au moment de la communion

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après avoir accompli tout le reste. Mais voici que par un miracle inouï et dont notre siècle seul a pu être témoin, les pains des trois messes précédentes qui s'étaient évanouis de sa présence alors qu'il n'était pas disposé pour les recevoir dignement, redescendent du ciel, et se montrent à sa vue déposés sur l'autel, maintenant qu'il est devenu digne d'y participer au jugement de Dieu même Il regarde dans le calice, et le voit plein jusque près des bords, en sorte que les pertes des messes précédentes profitaient pour ainsi dire à celle-ci. Saisi donc d'admiration et pénétré de reconnaissance pour son Dieu, il voit, s'en pouvoir douter, que sa pénitence a été agréée, que la justice de Dieu est satisfaite à son égard et qu'il n'a plus qu'à célébrer sa miséricorde ; et bien qu'il n'eût mis qu'un pain sur l'autel, il goûte le bonheur d'en consommer quatre, ou plutôt c'est le même Jésus-Christ, son même corps et son même sang qu'il reçoit quatre fois dans son cour. Voilà ce que m'a raconté l'évêque de Clermont, en présence d'un grand nombre de personnes. »

15. Ibidem, c. 3 : « Je ne dois pas non plus passer sous silence un autre fait semblable qui s'est passé dans ce même pays. Il s'y trouvait un jeune homme éprit des vanités du monde, et livré à la dissolution, comme on a coutume de le faire à cet âge. Ne cherchant depuis longtemps qu'à satisfaire ses passions impures, il finit par faire parler de lui au sujet d'une femme mariée. Le soupçon de ses rapports adultères courait déjà depuis quelque temps dans tout le voisinage, lorsqu'il tomba si dangereusement malade, qu'on désespéra bientôt de sa vie. Comme il gardait le lit, et que sa mort approchait, on manda prés de lui, conformément à la coutume de l'Eglise, un prêtre pour entendre sa confession et lui donner le saint viatique. Le prêtre étant arrivé, se met à l'exhorter et à le prier instamment de ne pas avoir honte de confesser ses péchés et de déclarer en particulier, dans l'intérêt de son propre salut, le crime dont il était accusé par la voix publique. Le malade acquiesce à sa demande, et s'empressa de faire la confession de ses fautes. Cette confession achevée, le confesseur l'interroge de nouveau sur le crime en question ; mais il aime mieux faire un mensonge, et il répond qu'il n'en est nullement coupable. Et comme le prêtre, poussé par le soupçon que lui faisait naître la rumeur publique, continuait à le presser, il prononça ce serment : Que je reçoive pour mon salut le corps du Seigneur que vous m'avez apporté comme il est vrai que je ne suis pas coupable du crime dont on m'accuse.

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Le prêtre, persuadé par cette réponse, lui administre la communion sans crainte. Mais le malade l'ayant reçu ne pouvait l'avaler. Et quoique, peu d'instants auparavant, il pût prendre sans peine des aliments bien plus solides, il se voyait dans l'impuissance, je ne dis pas seulement de faire entrer dans son estomac, mais même de faire aborder à son gosier cette modique parcelle d'hostie consacrée. Surpris de ce fait étrange, le malade se met à faire tous ses efforts pour avaler l'hostie. Mais il ne pouvait en venir à bout, et tous ses efforts n'aboutissaient à rien ; voyant donc qu'il ne pouvait l'avaler, il la cracha à côté de son lit. Ensuite, épouvanté de son action, il rappelle le prêtre qui s'était retiré. Le prêtre revient, et demande au malade pourquoi il l'avait rappelé. Le malade alors, touché de la grâce, confesse la faute qu'il a commise ; il avoue son mensonge, et reconnaît la vérité du crime dont il avait nié auparavant qu'il fût coupable. Le prêtre le voyant ainsi touché de repentir et prêt à faire toutes les pénitences qu'il exigera de lui, compatit à sa douleur, l'absout et lui donne de nouveau la sainte communion. L'ayant reçue il la fit pénétrer dans ses entrailles avec si peu de peine, qu'on vit bien alors que ce n'était pas par un effet du hasard, mais par la vertu divine qu'il n'avait pu d'abord avaler l'hostie. Il vécut encore quelques moments après avoir confessé son crime et reçu la communion, et puis il expira tranquillement. J'ai appris ce fait non pas seulement de deux ou de trois témoins, mais du prieur du monastère dont j'ai parlé, homme probe et digne de foi, ainsi que des religieux de ce même monastère et de beaucoup d'autres, dont les uns disaient l'avoir vu se passer sous leurs yeux, les autres l'avoir entendu raconter au prêtre lui-même. »

16. Ibidem, c. 5 : « Il y avait à peu prés dans le même temps à la tête d'un monastère de la Tour-sur-Marne en France, dépendant de notre abbaye, un religieux qui, ne pouvant se guérir d'une maladie dont il était atteint depuis longtemps, pria Raoul, abbé du monastère de Chalons, de se rendre près de lui pour lui procurer la guérison tant du corps que de l'âme ; car cet abbé était également habile par rapport à l'un et l'autre. Celui-ci s'empresse de lui rendre ce devoir de charité, et vient aussitôt le voir. Le trouvant en danger, il l'exhorte à faire sa confession. Le malade s'y prête volontiers ; il fait donc sa confession, mais sans, apporter la simplicité nécessaire : car il retenait par une crainte mal placée les plus graves de ses péchés,

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ou les péchés mortels qu'il avait commis, et perdant la crainte de Dieu, il ne déclara que ses fautes légères de tous les jours. Après cette confession simulée, il demande à recevoir le corps de Notre-Seigneur. On le lui apporte ; il le reçoit dans sa bouche hypocrite, mais il ne peut malgré tous ses efforts le faire passer dans son estomac, et il est forcé de le rendre tout entier par morceaux dans le vase qu'on lui met sous la bouche, avec le vin qu'il avait pris. L'abbé qui était venu pour répondre à sa demande, frappé de cet accident, ou plutôt de cet effet de la justice divine, et persuadé que le malade n'a pas bien fait sa confession, l'avertit de nouveau de ne point craindre de lui confesser ses péchés sans plus de déguisement, s'il en avait caché quelqu'un. Cette exhortation, jointe à une touche secrète de la grâce, le fait rentrer en lui-même, et déchargeant sa conscience de tous les poisons mortels qu'il tenait secrets ; il fait avec un cour contrit et humilié l'aveu désormais sincère et complet de tout ce qu'une honte criminelle lui avait fait cacher jusque-là. Après avoir mérité par cette humiliation salutaire l'absolution de ses fautes, il reçoit l'Eucharistie, la même qu'il avait été forcé de rendre, et l'avale sans plus de peine que ne l'eût fait à sa place une personne en bonne santé. Et pour qu'il n'y eût aucun doute sur la vérité du miracle, tandis qu'il avait été forcé de rendre par petits fragments une parcelle du corps de Jésus-Christ qu'il n'avait pu avaler, il prit sans aucune peine après sa confession non-seulement le corps de Notre-Seigneur, mais encore d'autres aliments à la suite. Ainsi fortifié par la confession, l'absolution et la communion, ce religieux vécut encore trois jours, et ensuite il mourut. J'ai voulu porter à la connaissance de mes lecteurs ce fait extraordinaire, que je tiens de ce même abbé Raoul. »

17. S. CHRYSOSTOME, Hom. LXXXIII in Matthæum et LX ad populum Antiochenum : « Que personne ne s'approche de cette table sacrée avec dégoût, avec négligence, avec froideur ; que tous s'en approchent avec avidité, avec ferveur, avec amour. Car si les Juifs, pour manger l'agneau pascal, avaient coutume de se tenir debout, chaussés comme pour le voyage, un bâton à la main et dans l'attitude d'hommes pressant leur départ, avec combien plus d'ardeur ne devons-nous pas nous porter à manger l'agneau de la loi nouvelle ? En effet, s'ils avaient à quitter l'Egypte pour gagner la Palestine, et si pour cette raison ils se mettaient en posture de voyageurs ; vous, vous avez un tout autre voyage

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à faire : vous avez à passer de la terre au ciel. Vous devez donc bien veiller sur vous-mêmes sachant quel sévère châtiment attend ceux qui communient indignement. . . Qui donc doit être plus pur que celui qui participe à un tel sacrifice ? Quel rayon de soleil ne doit pas le céder en pureté à la main qui reçoit une telle viande, à la bouche qui se pénètre de ce feu spirituel, à la langue qui s'enivre de ce sang précieux ? Représentez-vous l'honneur que vous recevez, et la table à laquelle vous êtes admis. Celui que les anges ne regardent qu'en tremblant et saisis de frayeur en présence de sa majesté, ou plutôt, qu'ils n'osent regarder à cause de cet éclat qui les éblouit, est celui-là même qui deviens notre aliment, une même substance avec la nôtre, un même corps, une même chair. Qui pourra parler assez dignement de la personne du Seigneur, et publier comme il le doit ses louanges (Ps. CV, 2) ? Quel berger a jamais donné son sang pour la nourriture de ses brebis?. . . »

         « Ne voyez-vous pas avec quelle ardeur les petits enfants saisissent le sein de leurs nourrices, avec quelle avidité ils collent leurs lèvres sur leurs mamelles ? Que notre empressement ne soit pas moindre à nous approcher de cette table sacrée, sucer, pour ainsi dire, le lait spirituel de ces mamelles divines ; courons-y plutôt avec encore plus d'impétuosité pour attirer dans nos cours, comme des enfants de Dieu, la grâce de son Esprit-Saint, et que tout notre regret, notre unique douleur soit de nous voir privés quelquefois de cet aliment céleste (Cf. Opera S. Joan. Chrys., t. VII ; Homélies de S. Jean Chrys., trad. par Marsilly, t. III). »

18. Le même, Hom. III in Epist. ad Ephesios, et LXI au peuple d'Antioche : « Nous tous qui participons au corps de Jésus-Christ, qui rougissons nos lèvres de son sang, n'oublions pas que c'est le corps et le sang de celui qui trône dans les cieux, qui est adoré par les anges, qui est assis à la droite du Père tout-puissant. . . . . Une table royale vous est servie, les anges en sont les ministres, le roi s'y trouve en personne, et vous ne vous en mettez pas en peine ? Vos vêtements sont souillés, et vous ne faites rien pour les rendre propres ? - Mais non, ils ont toute la propreté désirable. - Approchez donc, et communiez. Tous les jours il vient pour visiter ses convives, il se montre affable pour tout le monde, en ce moment même il parle intérieurement à chacun de vous. »

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19. S. AMBROISE, il y a dans le tome IV de ses ouvres, ancienne édition, à la suite de son livre De dignitate sacerdotali, deux prières préparatoires pour la messe, dont l'une commence par ces mots, Sacerdos et veré pontifex Jesu Christe, etc.; l'autre par ces mots : Summa et incomprehensibilis natura, etc.

20. S. AUGUSTIN, Serm II de tempore : « Nous sommes invités à un festin, où l'on nous offre non ce qui a coutume de nourrir les hommes, mais le pain qui nourrit les anges. C'est pourquoi toutes les fois que vous voyez approcher la fête de Noël ou quelque autre solennité, vous devez plusieurs jours avant, comme je vous en ai souvent averti, vous abstenir non-seulement de tout commerce illégitime, mais de l'usage même légitime du mariage. »

21. Le même, Serm. CCLII de tempore : « Celui qui approche de cet autel avec un corps chaste, un cour pur et une conscience sans reproche, aura le bonheur un jour d'être admis à l'autel du ciel. Enfin, mes frères ce que je vous recommande n'est ni pénible ni difficile : je ne vous demande rien que ce que je vous vois faire tous les jours. Les hommes d'entre vous qui désirent communier ont soin de se laver les mains, et les femmes d'avoir des linges propres pour y recevoir le corps de Jésus-Christ. Rien de pénible, mes frères dans ce que je vais vous dire : Que les hommes purifient leurs consciences par des aumônes, comme ils purifient leurs mains avec de l'eau. Et que le soin que les femmes prennent d'avoir des linges propres pour y recevoir le corps de Jésus-Christ, elles l'apportent de même à ne recevoir les sacrements de Jésus-Christ que dans un corps chaste, un cour pur et une conscience exempte de péchés. Je vous le demande, mes frères voudriez-vous serrer vos vêtements, dans un coffre plein de saletés ou d'ordures ? Et si vous avez cette attention par rapport à des vêtements, de quel front voudriez-vous recevoir Jésus-Christ dans une âme souillée de péchés ? »

22. CASSIEN, Conférence XXII, qui est la seconde de Théonas, c. 5 : « Nous devons sans aucun doute apporter tous nos soins pour nous conserver chastes et purs dans le temps surtout où nous désirons d'approcher des saints autels, et veiller par-dessus tout à ne pas perdre dans la nuit même qui devra précéder immédiatement le jour de la communion une pureté corporelle gardée jusqu'à ce moment. Cependant, si le perfide ennemi de nos âmes, pour nous empêcher de recourir au céleste remède

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vient à tromper notre vigilance, et qu'il fasse valoir pour nous en éloigner une pollution survenue en nous, soit par suite de quelque besoin naturel, soit par l'effet de ses suggestions malignes, mais sans participation volontaire ni consentement de notre part, nous pouvons et nous devons n'en approcher pas moins avec confiance de la table eucharistique. Mais si c'est au contraire par notre faute que cet accident nous sera arrivé, rentrons alors en nous-mêmes et rappelons-nous en tremblant cette sentence de l'Apôtre : Celui qui mange indignement ce pain et qui boit indignement ce calice, sera coupable de la profanation du corps et du sang de Jésus-Christ. »

23. Le même, Lib. VI de conobiorum institutis, c. 8 : « Si la discipline exacte et sévère observée pour des combats profanes d'athlète, dont le saint apôtre nous a proposé l'exemple (I Cor., IX), est bien comprise de chacun de nous ; que ne devrons-nous pas faire, dans quel état de chasteté et de pureté ne devrons-nous pas conserver nos corps et nos âmes, nous qui sommes obliges de nous nourrir tous les jours de la chair vivifiante de l'agneau sans tache, dont même ce qui n'était que la figure exigeait de ceux qui en approchaient, d'après les prescriptions de la loi ancienne, une pureté exempte de toute souillure. Car voici ce que nous lisons à ce sujet dans le Lévitique : Il ne sera permis de manger de la chair de l'agneau qu'à ceux qui seront purs. L'homme qui étant souillé mangera de la chair de l'hostie salutaire offerte au Seigneur, périra devant le Seigneur (Lévit., XXII, 3). »

24. S. AUGUSTIN, ad Januarium Epist. CXVIII (al. LIV), c. 6 : « Il est clair que les apôtres n'étaient pas à jeun la première fois qu'ils reçurent le corps et le sang du Sauveur. Faut-il pour cela faire un crime à l'Eglise catholique de ce que maintenant on n'accomplit pas cette action autrement qu'à jeun ? Car il a semblé bon à l'Esprit-Saint que pour l'honneur de cet auguste sacrement le corps de Noire-Seigneur entrât dans la bouche des chrétiens avant toute autre nourriture. Et c'est pour cela que cette même pratique s'observe par toute la terre. Car, de ce que Jésus-Christ ne donna ce sacrement à ses disciples qu'après qu'ils eurent mangé, il ne s'ensuit pas que les chrétiens ne doivent s'assembler pour le recevoir qu'après avoir diné ou soupé ou qu'ils doivent participer aux mystère au milieu de leurs repas, comme faisaient ceux que reprend l'Apôtre. Si le Sauveur avait réservé pour la fin du repas l'institution de ce

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mystère, c'était afin que cette action étant la dernière de sa vie, elle demeurât plus  profondément gravée dans le cour et dans la mémoire de ses disciples, qu'il devait quitter immédiatement après pour accomplir le sacrifice de sa passion. Ainsi donc il ne s'arrêta point à leur prescrire la manière dont on aurait à recevoir dans la suite l'Eucharistie, mais il laissa la chose à régler à ses apôtres, par le ministère desquels il devait établir et former les Eglises. Car je crois bien que si Jésus-Christ avait ordonné qu'on ne reçût l'Eucharistie qu'après avoir mangé, personne n'aurait eu la témérité de changer cet usage (Cf. Les Lettres de saint Augustin, trad. en français, Paris, 1684, tome Ier p. 501-502). »

24. ORIGENE, In diversos Evangelii lucos hom. V : « Quand vous recevez le saint et incorruptible aliment, quand vous approchez votre bouche du pain de vie et du breuvage céleste, que vous mangez et buvez en un mot le corps et le sang de Jésus-Christ, c'est alors véritablement que le Seigneur entre dans votre maison. Humiliez-vous donc vous-même, et dites comme le centenier : Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison. »

25. CASSIEN, Conférence XXII, ou deuxième de Théonas, c. 7 : « Nous devons tellement entourer de l'humilité comme d'un rempart toutes les avenues de notre cour, que nous soyons toujours parfaitement pénétrés de cette pensée que jamais nous ne pourrons parvenir à un degré de pureté qui nous rende dignes de recevoir le corps sacré de Jésus-Christ, quand même nous aurions accompli avec la grâce de Dieu toutes les choses ci-dessus indiquées. D'abord, parce que telle est la dignité de cette manne céleste qu'aucun mortel revêtu de cette chair de boue ne peut mériter par lui-même d'y participer, mais que c'est un bienfait dont il ne peut être redevable qu'à la libéralité divine. Ensuite, parce qu'il n'est donné à personne, dans cette vie de perpétuels combats, d'être assez sur ses gardes, pour ne pas recevoir de fois autre des blessures au moins légères. »

26. S. CHRYSOSTOME, in Joannem hom. XLV, et ad populum Antiochenum LXI : « Si vous approchez avec une conscience pure, ce sera pour votre salut ; si c'est au contraire avec une conscience criminelle, ce sera pour votre condamnation et votre châtiment. Car celui qui mange et boit indignement le corps et le sang du Seigneur, mange et boit sa propre condamnation. Et si

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ceux qui salissent la pourpre royale ne sont pas moins punissables que ceux qui la déchirent, peut-on s'étonner que ceux qui reçoivent le corps de Jésus-Christ avec une conscience souillée soient punis du même supplice que ceux qui l'ont mis en croix ? Voyez de quel épouvantable châtiment les menace l'Apôtre : Celui, dit-il (Hébr., X, 28-29), qui a violé la loi de Moïse est condamné à mort sans miséricorde sur la déposition de deux ou trois témoins. Combien donc croirez-vous que celui-là sera jugé digne d'un plus grand supplice, qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, qui aura tenu pour une chose vile et profane le sang de l'alliance par lequel il a été sanctifié. . . . . ? »

28. S. BASILE-LE-GRAND, Serm. seu lib. II de Baptismo, c. 3, comme plus haut, témoignage 7, page 485.

29. THEODORET, in caput XI prioris ad Corhthios : « Ces mots, sera coupable du corps et du sang du Seigneur, signifient que, de même que Judas livra Jésus-Christ à ses ennemis, et que ceux-ci l'insultèrent et le couvrirent d'opprobres, de même c'est comme si on l'accablait d'outrages et d'ignominie, quand on reçoit son corps sacré dans des mains impures, et dans une bouche souillée de crimes. »

30. CASSIEN, Conférence XXII, ou deuxième de l'abbé Théonas, c. 8 : « Rappelons-nous en tremblant cette sentence de l'Apôtre : Celui qui mangera indignement ce pain ou qui boira indignement ce calice, sera coupable de la profanation du corps et du sang du Seigneur . . . Car celui qui mange ou qui boit indignement, mange et boit sa propre condamnation, en ne faisant pas le discernement qu'il doit du corps du Seigneur, c'est-à-dire en ne mettant pas de différence entre ce pain céleste et les plus vils aliments, et en paraissant ignorer que la pureté de l'âme et du corps est indispensable pour le recevoir. Il infère de là cette conséquence. C'est pour cela qu'il y a parmi vous beaucoup de malades et de  languissants, et que plusieurs dorment du sommeil de la mort ; entendant par là les maladies et les morts spirituelles qui étaient la juste peine d'une semblable témérité. Car il y en a beaucoup qui, pour prix de cette présomption qu'ils ont d'approcher sans les dispositions requises, sont faibles dans la foi, et sans force contre les tentations, dominés qu'ils sont par les passions qui les tiennent asservis, et qui dorment du sommeil du péché sans que jamais une crainte salutaire les fasse sortir de cette funeste léthargie. L'Apôtre dit ensuite : Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés de Dieu ; c'est-à-dire, si nous nous jugions nous-mêmes indignes de la

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réception des sacrements toutes les fois que nous sommes atteints de quelque plaie spirituelle, nous nous appliquerions sans doute à nous en rendre dignes en nous amendant par la pénitence, et nous n'aurions pas à craindre de la part du Seigneur qu'il nous envoyât des châtiments sévères pour nous obliger du moins par ce moyen à rentrer en nous-mêmes, et à recourir aux remèdes propres à nous guérir, de peur que si nous n'étions pas jugés dignes d'expier nos fautes dès ici-bas par des afflictions passagères, nous ne fussions condamnés dans le siècle à venir avec les pécheurs dont toute l'espérance se borne aux biens du monde présent. C'est ce qui nous est évidemment signifié par ces paroles du Lévitique (XXII, 3) : Il n'y aura d'admis à manger de la chair des victimes que ceux qui seront purs : Tout homme qui étant souillé mangera de la chair de l'hostie sainte offerte au Seigneur, périra devant le Seigneur. »

31. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I de miraculis, c. 25 : « Il y avait à Lésigné (Castrum Leziniacum) en Poitou, un prêtre qui participait fréquemment dans le sacrement de l'autel au corps et au sang de Jésus-Christ, c'est-à-dire à la source de toute pureté, plutôt par état que par dévotion, et qui ne s'en livrait pas moins aux ouvres impures de la chair. Et comme il se vautrait depuis longtemps comme un pourceau immonde dans la fange des voluptés, en se complaisant dans ses propres infamies, effrayé à la fin par les remords de sa conscience, comme cela arrive de fois à autre à tous les méchants, il se mit à rechercher l'amitié de quelques pieux personnages, et se lia au moins en apparence, avec l'abbé de Bonneval et les religieux de son monastère. Ceux-ci, après l'avoir longtemps averti de changer de vie, et l'avoir exhorté sans relâche à renoncer au siècle, ne recueillirent de tous leurs efforts qu'une espérance sans effet. Car faisant semblant de les écouter avec plaisir, et leur faisant toujours espérer sa conversion, il profitait de leur société pour s'en faire gloire, et cependant ni leurs avis ni leurs exemples n'étaient assez puissants pour le retirer du mal. Tandis qu'il s'engageait ainsi dans les voies tortueuses d'une vie criminelle, et qu'il s'amassait, par son obstination dans le mal un trésor de colère pour le jour de colère, il vint à tomber malade, et la maladie faisant tous les jours de nouveaux progrès, bientôt il fut réduit à l'extrémité. Le prieur du monastère dont nous venons de parler était venu lui faire visite, et avait passé avec lui sur sa prière, une partie du jour. A l'entrée de la nuit, comme tout

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le monde s'était retiré, et que le prieur était resté seul à côté du lit, le malade lui cria tout-à-coup d'une voix épouvantable : A mon secours, prieur, à mon secours. Voici deux lions terribles qui s'élancent sur moi ; leurs gueules s'ouvrent déjà pour me mettre en pièces et pour me dévorer. Priez donc le Seigneur qu'il m'en délivre, avant que je devienne la proie de leurs morsures. En même temps qu'il disait ces paroles, il tremblait de tous ses membres, et, la frayeur lui donnant des forces dans son état de défaillance, il se retirait en arrière comme pour échapper aux atteintes de ces deux monstres. Le prieur, hors de lui-même à ces cris et à ces gestes effrayants, était saisi d'effroi ; le danger cependant lui fait une nécessité d'avoir recours à la prière, et il supplie comme il le peut le Seigneur en faveur de ce misérable.

Alors, pendant qu'il prie, le malade lui dit en changeant l'accent de sa voix : Bien, bien ; les cruels monstres se sont retirés, et ils ne reparaîtront plus, grâce à vos prières. Et comme il garda la présence d'esprit jusqu'à son dernier souffle, sans perdre une seule de ses facultés comme c'est assez ordinaire aux malades, se tournant alors du côté du prieur, il se mit à lui parler de toutes sortes de choses comme il eût pu le faire dans le meilleur état de santé. Il s'était écoulé près d'une heure à cet entretien où les deux interlocuteurs parlaient à qui mieux mieux, lorsque notre homme se remit à crier d'une manière bien plus effrayante encore que la première : Voici le feu qui descend du ciel comme un torrent dévastateur, il se dirige vers ce lit, et tout-à-l'heure il va ne faire de moi qu'une cendre. Hâtez-vous de venir à mon secours, et priez pour que j'échappe à cette mort affreuse. En disant ces mots, il soulevait ses couvertures de ses mains et de ses bras, et les opposait dans son effroi au feu invisible comme si elles eussent pu l'en défendre. Vains efforts ! Ce rempart matériel ne pouvait rien contre un feu spirituel, destiné à venger Dieu de toute une vie d'impiété. Le prieur plus alarmé que jamais se remet en prière, et implore la miséricorde de Dieu avec toute la ferveur qu'il peut y mettre. Pendant qu'il prie ainsi, et après quelques moments, le patient interrompt sa prière en lui disant d'un ton joyeux : Rassurez-vous, je n'ai plus non à craindre du feu. Car, comme il descendait sur moi, un large drap s'est interposé, et arrivé à ce drap, le feu n'a pu aller plus loin. Maintenant que je suis sauvé de ce danger, je vous prie de ne point me quitter, jusqu'à ce que vous voyiez la fin de tout cela. Ces paroles obligèrent à rester quelque temps encore le prieur que la crainte

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aussi bien que sa règle sollicitait de s'en retourner au monastère ; il se releva donc de prière, et se rassit près du malade. Et tandis qu'il cherchait à le distraire de ses frayeurs par des paroles de consolation, et que tous les deux reprenaient leur conversation comme de plus belle, voilà que le malade devient muet et tombe dans une espèce d'extase. Le prieur voyant qu'il n'était plus à lui, ne s'attendait plus qu'à le voir expirer. Mais quand la nuit fut en grande partie écoulée, il revient lui-même et dit d'une voix gémissant : Hélas me voilà jugé pour toujours ; malheureux que je suis, me voilà damné pour l'éternité. Je suis livré au pouvoir de cruels bourreaux, condamné avec le diable et ses anges à un feu qui ne s'éteindra jamais. Voyez cette chaudière toute pleine de graisse bouillante, qu'ont apporté ici les ministres de mes tourments, et qu'ils ont mise sur le feu pour m'en frotter tous les membres. Et comme le prieur continuait à prier cette troisième fois comme les deux premières : Cessez, lui dit le moribond, de prier pour moi ; ne vous fatiguez plus pour un homme en faveur duquel vos prière ne peuvent plus rien. Le prieur lui disait : Mon frère, revenez à vous, demandez miséricorde au Seigneur tandis que vous vivez encore. Mais lui de reprendre : Pensez-vous donc que je déraisonne? Je ne déraisonne pas, mais c'est dans mon bon sens que je dis ces choses. Et saisissant la coule du prieur, il continua ainsi : N'est-ce pas votre coule que je tiens à la main ? Sans doute, lui répondit le prieur. Eh bien, reprit-il, comme il est vrai que ceci est une coule, et que c'est de la paille qui me sert de couche, ainsi est-il vrai que ce que j'ai devant les yeux est une chaudière embrasée. Et comme il disait ces mots, une goutte de ce feu invisible sortant de la chaudière qui causait son effroi, tomba sur sa main à la vue du prieur, et, chose étonnante à dire, consuma sa peau et sa chair jusqu'à la moelle de l'os. Voilà, s'écria-t-il alors d'une voix pénétrante, la preuve indubitable de ce que je vous dis. Car de même qu'une goutte tombée de la chaudière a consumé à vos yeux une partie de ma chair, ainsi la chaudière entière va me consumer tout entier. Comme le prieur restait tout stupéfait, le moribond reprit en ces termes : Voilà la chaudière elle-même que les monstres de l'enfer approchent tout près de moi, et déjà ils avancent leurs mains pour me saisir et m'y jeter. Puis, après quelques instants : Voilà qu'ils saisissent par tous les bouts le drap sur lequel je suis couché et qu'ils me jettent dans la chaudière embrasée pour m'y faire frire à jamais.

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Ce fut là comme le dernier adieu qu'il adressa au prieur et aux autres moines qui s'étaient rassemblés pour être témoins de cet horrible spectacle ; éteignant sa voix, et retournant sa tête en arrière il remit son esprit comme une victime dévouée irrévocablement aux esprits infernaux. Tous aussitôt furent saisis d'une telle frayeur, que tout le monde prit la fuite, et il ne resta personne à la maison pour garder ce cadavre. Dès que le jour fut levé, on s'empressa de le mettre en terre. Quelques jours après, comme la nouvelle de ce terrible événement s'était répandue dans tous les environs, on voulut s'assurer de la vérité en ouvrant le tombeau, et on vit à la main du cadavre de ce mauvais prêtre le trou qu'y avait fait, comme il vivait encore, la goutte embrasée, triste avant-courrière de sa damnation éternelle. Or, dirons-nous, conformément à la doctrine de saint Grégoire, toute cette vision n'a point eu lieu pour ce malheureux prêtre lui-même, puisqu'elle ne lui a servi de rien ; mais pour nous apprendre, à nous, dans les desseins de la divine Providence, avec quelle attention on doit s'attacher à remplir les devoirs de la charge sacerdotale, et avec quel respect doivent se traiter les divins mystères. »
 

Fin du tome 2 du Grand Catéchisme de saint Pierre Canisius.
 

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