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CHAPITRE IV.
Article IV. - DU SACREMENT DE PENITENCE.
Question I
Qu’est-ce que le sacrement de pénitence ?
C’est le sacrement dans lequel on reçoit d'un prêtre l'absolution des péchés qu'on a commis, après qu'on lui en a témoigné son regret en lui en faisant une exacte confession.
Nous avons pour preuve de ce pouvoir de nous absoudre donné à 1'Eglise, la promesse que Notre-Seigneur en a faite à ses apôtres par ces paroles : Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez ; et par ces autres paroles : Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel.
On voit clairement par ces paroles, combien ce sacrement a d'efficacité et renferme de consolations, puisqu'il remet les péchés, quelque honteux, quelque énormes, quelque diversifiés qu'ils soient, à ceux qui s'en trouvent coupables devant Dieu, et cela par le ministère des prêtres, d'après la divine institution de Jésus-Christ. C'est pourquoi le pouvoir des prêtres de la nouvelle loi est beaucoup plus noble et beaucoup plus vénérable que
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celui des prêtres de l'ancienne, puisque, comme
le dit saint Chrysostôme, il leur est donné de prononcer,
non sur la lèpre du corps, mais sur 1'état de l'âme
qu'a souillée le péché, et je ne dis pas seulement
de prononcer sur l'état de l’âme, mais de faire disparaître
même ses souillures et de les effacer entièrement. C'est ce
qui a fait dire ainsi à saint Augustin : " Que fait l'Eglise, à
laquelle il a été dit : ce que vous délierez sera
délié ? Elle fait ce que Notre-Seigneur a dit à
ses apôtres : Déliez-le et le mettez en liberté (1).
"
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. JEAN, XX, 22 : " Recevez le Saint-Esprit, etc. "
2. MATTHIEU, XVIII, 48 : " En vérité je vous le dis, tout ce que vous lierez, etc. "
3. Lévitique, IV, 22-35 : " Si un prince pèche, et qu'ayant fait par ignorance quelqu'une des choses qui sont défendues par la loi du Seigneur, - il reconnaisse ensuite son péché, il offrira pour hostie au Seigneur un bouc sans tache, pris d'entre les chèvres. - Il lui mettra la main sur la tête, et lorsqu'il l'aura immolé au lieu où l'on a coutume de sacrifier les holocaustes devant le Seigneur, parce que c'est pour le péché - le prêtre trempera son doigt dans le sang de l'hostie offerte pour le péché, il en touchera les cornes de l'autel des holocaustes et répandra le reste au pied de l'autel. - Il fera brûler la graisse sur l'autel, comme on a coutume de faire aux victimes pacifiques ; et le prêtre priera pour lui et pour son péché, et il lui sera pardonné. - Que si quelqu'un d'entre le peuple pèche par igno-
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rance, et qu'ayant fait quelqu'une des choses qui sont défendues par la loi du Seigneur, et étant tombé en faute, - il reconnaisse son péché, il offrira une chèvre sans tache. - Il mettra sa main sur la tête de l'hostie qui sera offerte pour le péché, et il l'immolera au lieu destiné pour l'holocauste. - Le prêtre ayant pris du sang avec son doigt, en touchera les cornes de l'autel des holocaustes, et répandra le reste au pied de l'autel. - Il en ôtera aussi toute la graisse, comme on a coutume de l'ôter aux victimes pacifiques ; il le fera brûler sur l'autel devant le Seigneur, comme une oblation d'agréable odeur ; il priera pour celui qua aura commis la faute, et elle lui sera pardonnée. - Que s'il offre pour le péché un sacrifice de brebis, il prendra une brebis qui soit sans tache ; - il lui mettra la main sur la tête, et il l’immolera au lieu où l'on a coutume d’égorger les hosties des holocaustes. - Le prêtre ayant pris avec son doigt du sang de la brebis, en touchera les cornes de l'autel des holocaustes, et répandra le reste au pied de l'autel. - Il en ôtera aussi toute la graisse, comme on a coutume de l'ôter au bélier qu'on offre pour l'hostie pacifique ; il la brûlera sur l'autel, comme un encens offert au Seigneur ; il priera pour celui qui offre, et pour son péché ; et il lui sera pardonné. "
4. Lévitique, V, 4-10, 15-19 : " Si un homme ayant juré et de ses lèvres et confirmé par serment et par sa parole, qu'il fera quelque chose de bien ou de mal, l'oublie ensuite, et qu'après cela il se ressouvienne de la faute qu'il a commise : - qu'il fasse pénitence pour son péché et qu'il prenne dans ses troupeaux une jeune brebis, ou une chèvre qu'il offrira ; et le prêtre priera pour lui et pour son péché. - Mais s'il n'a pas le moyen d'offrir ou une brebis, ou une chèvre qu'il offre au Seigneur deux tourterelles, ou deux petits de colombes, l'un pour le péché et l'autre en holocauste : - Il les donnera au prêtre qui, offrant le premier pour le péché, lui fera retourner la tête du côté des ailes, en sorte néanmoins qu'elle demeure toujours attachée au cou, et qu'elle n'en soit pas tout-à-fait arrachée. - Il fera ensuite l'aspersion du sang de l'hostie sur les côtés de l'autel, et il en fera distiller tout le reste au pied, parce que c'est pour le péché. - Il brûlera l'autre, et en fera un holocauste, selon la coutume; et le prêtre priera pour cet homme et pour son péché et il lui sera pardonné. - Si un homme pèche par ignorance coutre les cérémonies dans les choses qui sont sanctifiées au Seigneur, il offrira pour sa faute
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un bélier sans tache pris dans les troupeaux, qui pourra valoir deux sicles, selon le poids du sanctuaire. - Il restituera le tort qu'il aura fait, en y ajoutant par-dessus une cinquième partie, qu'il donnera au prêtre, lequel offrant un bélier, priera pour lui, et son péché lui sera pardonné. - Si un homme pèche par ignorance en faisant quelqu’une des choses qui sont défendues par la loi du Seigneur, et qu'étant coupable de cette faute il reconnaisse ensuite son iniquité, - il prendra du milieu des troupeaux un bélier sans tache, qu'il offrira au prêtre, selon la mesure et l'estimation du péché ; le prêtre priera pour lui, parce qu'il a fait cette faute sans la connaître, et elle lui sera pardonnée, - parce qu'il a péché par ignorance contre le
Seigneur. "
5. Lévitique, VI, 4-7 : " Le Seigneur parla à Moïse et lui dit : L'homme qui aura péché en méprisant le Seigneur7 et en refusant à son prochain ce qui avait été commis à sa foi, ou qui aura par violence ravi quelque chose, ou qui l'aura usurpé par fraude et par tromperie ; - ou qui ayant trouvé quelque chose qui était perdu le nie, et y ajoute encore un faux serment, ou qui aura fait quelque autre faute de toutes celles que les hommes ont coutume de commettre ; - cet homme étant convaincu de son péché - rendra en son entier tout ce qu'il aura voulu usurper injustement : il donnera de plus une cinquième partie à celui qui en était le possesseur et à qui il avait voulu faire tort ; - et il offrira pour son péché un bélier sans tache, pris d’entre le troupeau, qu’il donnera au prêtre, selon l’estimation et la qualité de la faute : - le prêtre priera pour lui devant le Seigneur, et tout le mal qu’il aura fait en péchant lui sera pardonné. "
6. Ibidem, XIII, 1-4, 16-17, 37 : " Le Seigneur parla encore à Moïse et à Aaron, et leur dit : - L'homme dans la peau et dans la chair duquel il se sera formé une diversité de couleur, ou une pustule, ou quelque chose de luisant qui ressemble à la plaie de la lèpre, sera amené au prêtre Aaron ou à quelqu'un de ses fils. - Et s'il voit que la lèpre paraisse sur la peau, que le poil ait changé de couleur et soit devenu blanc, que les endroits où la lèpre paraît soient plus enfoncés que la peau et le reste de la chair, c’est la plaie de la lèpre ; et il le fera séparer de la compagnie des autres. - Que s'il paraît une blancheur luisante sur la peau, sans que cet endroit soit plus enfoncé que le reste de la chair, et que le poil soit de la même couleur qu'il a toujours été, etc. - Que si la peau se change
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et devient encore toute blanche, et qu’elle couvre l’homme tout entier, - le prêtre le considéra et déclarera qu’il est pur. - Mais si la tache demeure dans le même état, et si le poil est noir, qu’il reconnaisse par là que l’homme est guéri, et qu’il prononce sans rien craindre qu’il est pur. "
7. Ibidem, XIV, 1-7, 19-20 : " Le Seigneur parla encore à Moïse et lui dit : - Voici ce que vous observerez touchant le lépreux, lorsqu’il doit être déclaré pur. Il sera amené au prêtre. - Et le prêtre étant sorti du camp, lorsqu’il aura reconnu que la lèpre est bien guérie, il ordonnera à celui qui doit être purifié d’offrir pour soi deux passereaux vivants, dont il est permis de manger, du bois de cèdre, de l’écarlate et de l’hysope. - Il ordonnera de plus que l’un des passereaux soit immolé dans un vaisseau de terre sur de l’eau vive. - Il trempera l’autre passereau qui est vivant, avec le bois de cèdre, l’écarlate et l’hysope dans le sang du passereau qui aura été immolé ; - il fera sept fois les aspersions avec ce sang sur celui qu’il purifie, afin qu’il soit légitimement purifié. Après cela il laissera aller le passereau vivant, afin qu’il s’envole dans les champs, etc.- Le prêtre en même temps priera pour lui devant le Seigneur, et il offrira le sacrifice pour le péché ; ensuite il immolera l’holocauste ; - et il le mettra sur l’autel avec les libations qui doivent l’accompagner ; et cet homme sera purifié selon la loi, etc. "
8. MATTHIEU, VIII, 4 : " Allez, montrez-vous au prêtre, et offrez le don prescrit par Moïse, afin que cela leur serve de témoignage. "
9. LUC, XVII, 14 : " Allez, montrez-vous aux prêtres
; mais comme ils y allaient, ils furent guéris. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. Le concile de Trente, Session XIV, Exposition de la doctrine, etc., c. 1 : " Si tous ceux qui sont régénérés par le baptême en conservaient une telle reconnaissance envers Dieu, qu'ils demeurassent constamment dans la justice qu'ils y ont reçue par son bienfait et par sa grâce, il n'y aurait pas eu besoin d'établir d'autres sacrements pour la rémission des péchés. Mais comme Dieu, qui est si riche en miséricorde, connaît toute la fragilité de notre nature, il a bien voulu accorder aussi un remède pour faire recouvrer la vie à ceux mêmes qui depuis leur baptême se seraient livrés à la servitude du péché et à la
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puissance du démon ; et ce remède c'est le sacrement de pénitence, par lequel le bienfait de la mort de Jésus-Christ est appliqué à ceux qui ont eu le malheur de tomber depuis leur baptême. "
" La pénitence, il est vrai, a de tout temps été nécessaire pour obtenir la grâce et la justice à tous ceux qui se sont une fois souillés de quelque péché mortel, quand même ils auraient d'ailleurs à en être purifiés par le sacrement de baptême parce qu'il faut en tout cas renoncer à ses dispositions perverses et s'en corriger, regretter sincèrement l'offense faite à Dieu, et détester du fond du cœur les péchés qu'on a commis. C'est ce qui a fait dire au prophète : Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités et votre péché n'entraînera pas votre ruine. Notre-Seigneur a dit aussi : Si vous ne faites pénitence vous périrez tous de la même manière. Et saint Pierre, prince des apôtres, disait en recommandant la pénitence aux pécheurs qui demandaient à être baptisé : Faites pénitence, et que chacun de vous reçoive le baptême. Néanmoins la pénitence n'était pas un sacrement avant la venue de Jésus-Christ, et elle ne l'est pas non plus, même depuis sa venue, pour ceux qui n'ont pas encore reçu le baptême. "
" Or, Notre-Seigneur Jésus-Christ a particulièrement institué le sacrement de pénitence, lorsqu'après sa résurrection, il souffla sur ses disciples en disant : Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. Par cette action si remarquable et par ces paroles si claires, tous les Pères se sont accordés à entendre que la puissance de remettre et de retenir les péchés avait été communiquée aux apôtres et à leurs légitimes successeurs pour qu'ils en usassent à l'égard des fidèles tombés en péché depuis leur baptême. Et les novatiens, qui refusaient opiniâtrement de reconnaître ce pouvoir de remettre les péchés, ont été condamnés avec beaucoup de raison par l'Eglise, et, comme hérétiques expulsés de son sein. C'est pourquoi le saint concile, approuvant et tenant pour très-véritable ce sens donné aux paroles de Notre-Seigneur, condamne les interprétations imaginaires de ceux qui, pour combattre l'institution de ce sacrement, détournent et appliquent faussement ces expressions à la puissance (qu'a aussi l'Eglise) de prêcher la parole de Dieu et d'annoncer 1'Evangile de Jésus-Christ. "
2. Ibidem, canon 1 : " Si quelqu'un dit que la Pénitence
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(telle qu'elle est usitée) dans l'Eglise catholique, n'est pas un sacrement véritable et proprement dit, institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour réconcilier les fidèles avec Dieu, toutes les fois qu'ils tombent dans le péché après avoir été baptisés, qu'il soit anathème. "
3. Le même concile, session VI, c. 44 : " Quant à ceux qui ont perdu par le péché la grâce de la justification qu'ils auraient reçue, ils peuvent la recouvrer encore, avec l'aide de Dieu et par les mérites de Jésus-Christ, pourvu qu'ils se mettent en devoir de l'obtenir en recourant au sacrement de pénitence. Tel est en effet le moyen qui leur est laissé de réparer leur chute : moyen que les saints Père ont appelé si à propos la seconde planche après le naufrage que nous a fait essuyer la perte de la grâce. Car c'est en faveur de ceux qui sont tombés dans le péché depuis leur baptême, que Jésus-Christ a institué le sacrement de pénitence lorsqu'il a dit : Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. Aussi faut-il bien faire entendre aux fidèles que la pénitence du chrétien, quand il est retombé dans le péché est fort différente de celle du baptême, et qu'elle doit renfermer non-seulement la cessation des péchés commis, ou leur détestation ou un cœur contrit et humilié, mais encore leur confession sacramentelle, ou du moins la volonté de la faire quand on en trouvera l'occasion ; et de plus, l'absolution que doit donner le prêtre, et la satisfaction (qu'on doit acquitter soi-même par les jeûnes, par les aumônes, par les prières, et par les autres pieux exercices de la vie spirituelle) ; non pas, il est vrai, pour la peine éternelle, qui est remise avec le péché lui-même par le sacrement, ou par le vœu du sacrement, mais pour la peine temporelle, qui, comme l’enseignent les livres saints, n'est pas toujours entièrement remise, comme elle l'est dans le baptême, ceux qui, méconnaissant la grâce de Dieu qu'ils ont reçue ont contristé l'Esprit-Saint, et n'ont pas craint de profaner le temple de Dieu. C'est de cette pénitence qu'il est écrit (Apoc., II, 5) : Souvenez-vous de l'état d'où vous êtes déchu ; faites pénitence et reprenez t'exercice de vos première œuvres ; et encore (II Cor., VI, 10) : La tristesse qui est selon Dieu produit pour le salut de l'âme une pénitence solide ; et ces autres paroles (MATTH., III, 2) : Faites pénitence ; et ces autres encore (LUC, III, 8) : Faites de dignes fruits de pénitence. "
4. Ibidem, canon 20 : " Si quelqu'un dit que celui qui est
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tombé dans quelque péché depuis son baptême ne peut s'en relever avec la grâce de Dieu ; ou bien, qu'il peut à la vérité recouvrer la grâce qu'il avait perdue, mais par la foi toute seule et sans le secours du sacrement de pénitence, contre ce que l’Eglise romaine et universelle, instruite par Jésus-Christ et par ses apôtres, a toujours fait profession de croire, d'observer et d'enseigner jusqu’à ce jour, qu'il soit anathème. "
5. Le concile de Florence : " Le quatrième sacrement est la Pénitence, dont la matière, si l'on peut parler ainsi, etc. "
6. Le concile de Constance, session XV, a condamné entre autres l'article huitième de Jean Iluss, ainsi conçu : " Les prêtres qui vivent mal, de quelque façon que ce soit, pensent infidèlement au sujet des sept sacrements de l'Eglise. "
7. S. GREGOIRE de Nysse, Lib. de vitâ Moysis, sive de vitâ perfectâ : " Moïse a fait sortir de l'eau d'un rocher au point d'en inonder le désert : fait merveilleux qui nous représente la vertu du sacrement de pénitence. Car ceux qui après avoir bu de l'eau du rocher, retournent à leurs appétits grossiers et regrettent les oignons de l'Egypte, quoiqu'ils perdent par là tous leurs avantages et méritent d'être condamnés à périr dans le désert, peuvent néanmoins par la vertu de la pénitence retrouver le rocher qu'ils ont perdu, et rouvrir par le repentir les sources qu'ils ont obstruées par leurs péchés. "
8. S. BERNARD, in Vitâ Malachiæ episcopi Hyberniæ : " Malachie rétabli l'usage si salutaire de la confession, du sacrement de confirmation, des contrats de mariages, toutes choses que le peuple ignorait ou négligeait. "
9. Le concile de Trente, session XIV, exposition de la doctrine, etc., chapitre 6 : " A l'égard du ministre de ce sacrement (de pénitence), le saint concile déclare fausses, et absolument contraires à la vérité de l'Evangile, toutes ces doctrines funestes qui étendent à d'autres hommes qu'aux évêques et aux prêtres le ministère des clefs confié à ces derniers, comme si ces paroles de Notre-Seigneur : Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel ; et : Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez, avaient été adressées contre l'institution même de ce sacrement, indifféremment et indistinctement à tous les fidèles, de sorte que chacun d'eux aurait la puissance de remettre les péchés, savoir, les péchés publics par la correction, pourvu seulement qu'on y
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acquiesce, et les péchés secrets par l'aveu spontané qu'on en ferait au premier venu.
" Le saint concile déclare aussi que les prêtres de même qui sont en péché mortel ne laissent pas de remettre les péchés, en leur qualité de ministres de Jésus-Christ, par la vertu du Saint-Esprit qu'ils ont reçue dans leur ordination ; et que ceux-là sont dans une grave erreur, qui soutiennent que les mauvais prêtres perdent par cela seul une telle puissance. "
" Or, quoique l'absolution sacerdotale soit la dispensation d'un bienfait dont le prêtre lui-même n'est pas l’auteur, ce n'est pas cependant un ministère pur et simple qu'il exerce, ou la simple commission d'annoncer 1'Evangile ou de déclarer que les péchés sont remis ; mais c'est un acte judiciaire, et dans lequel le prêtre prononce sa sentence en qualité de juge. Et par conséquent, le pénitent ne doit pas tellement se reposer sur la foi qu'il a en Jésus-Christ, qu'il se croie absous véritablement et devant Dieu, en vertu de sa foi toute seule, quand même il n'aurait point de contrition, ou que le prêtre n'aurait pas l'intention d'agir sérieusement ou de l'absoudre véritablement. Car la foi sans la pénitence ne procurerait point la rémission des péchés ; et celui-là serait bien négligent par rapport à son salut, qui, s'apercevant qu'un prêtre ne l'absoudrait que par jeu, ne se mettrait pas en peine d'en chercher un autre qui le fit sérieusement. "
10. Ibidem, canon 10 : " Si quelqu'un dit que les prêtres coupables de péché mortel cessent par cela seul d'avoir la puissance de lier et de délier ; ou que les prêtres ne sont pas les seuls ministres de l'absolution, mais que c'est à tous les fidèles chrétiens et à chacun d'eux en particulier, que s'adressent ces paroles : Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel ; et celles-ci : Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez ; de sorte qu'en vertu de ces paroles chacun ait le pouvoir d'absoudre des péchés publics par la correction seulement, si celui qui en est l'objet y défère des secrets par la confession volontaire qu'on lui en ferait, qu'il soit anathème. "
11. S. AMBROISE, Lib. I de Pænitentiâ, c. 2 : " Ils disent qu'ils font honneur à Jésus-Christ, en lui réservant à lui seul le pouvoir de remettre les péchés. Mais c'est en cela même qu'ils lui font injure, puisqu'ils violent ses commandements. Il a dit
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dans son Evangile : Recevez le Saint-Esprit : les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez ; et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. Je demande qui l'honore davantage, de celui qui obéit à ses ordonnances, ou de celui qui y résiste ? L'Eglise lui prouve dans les deux cas sa soumission, en liant et en déliant les pécheurs. L'hérésie, par son inflexible rigueur et son défaut d'obéissance veut lier ce qu'elle refusera ensuite de délier et refuser de délier ce qu'elle a lié ; en quoi elle se condamne elle-même. Car le Seigneur a voulu au contraire que le pouvoir de délier fût égal à celui de lier, puisqu'il a mis à l'un et à l'autre une égale condition. Donc celui qui n'a pas le droit de délier, n'a pas non plus celui de lier. Car comme, d'après la déclaration de Notre-Seigneur, celui qui a le pouvoir de lier a aussi celui de délier, nos adversaires se percent pour ainsi dire eux-mêmes de leurs propres traits en refusant le pouvoir de délier puisque, s'il en est ainsi, ils doivent refuser également celui de lier. Comment donc l'un pourrait être permis, tandis que l'autre ne le serait pas ? Ceux à qui l'un et l'autre pouvoir a été accordé également, ou doivent avoir ces deux pouvoirs à la fois, ou bien ils n'ont ni l'un ni l'autre. Eh bien, c'est l'Eglise qui jouit à la fois de ces deux pouvoirs, et c'est l'hérésie qui n'a ni l'un ni l'autre des deux. En effet, c'est un droit réservé aux prêtres seuls. C'est donc à juste titre que l’Eglise revendique ce droit, puisque les véritables prêtres sont ceux qu'elle consacre ; l'hérésie au contraire ne peut pas le revendiquer, parce qu'elle n'a pas de prêtres légitimas. Et comme par le fait elle ne revendique pas ce droit, elle prononce des-lors contre elle-même que, si elle ne doit pas le revendiquer, c'est qu'elle n'a pas de prêtres ; ainsi d'une impudente obstination ressort, comme on le voit, un fort modeste aveu. A cela revient encore ce qu'il me reste à dire, que celui qui a reçu l'Esprit-Saint, a reçu le pouvoir de délier comme de lier les pécheurs. Car il est écrit : Recevez le Saint-Esprit ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. Donc celui qui ne peut pas délier les pécheurs, par-là même n'a pas reçu le Saint-Esprit. Car la fonction du prêtre est un don de l'Esprit-Saint ; or, l'Esprit-Saint a bien le droit de délier comme de lier les pécheurs. Comment donc peuvent-ils s'attribuer les dons de l'Esprit-Saint, ceux qui refusent de reconnaitre son droit et son pouvoir ? Que dis-je ? ils poussent leur témérité plus loin encore : car, tandis que l'esprit de Dieu est plus porté à la miséricorde
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qu'à la sévérité, ils ne veulent pas ce que l'esprit de Dieu déclare vouloir, ils font ce que ce même esprit déclare ne pas vouloir, puisque sévir est l'affaire du juge, et que remettre au contraire est un acte de miséricorde. On te pardonnerait donc plutôt, Novatien, de t'attribuer le droit de remettre, que d'usurper celui de lier. Car aspirer à celui-ci, c'est te montrer sans miséricorde pour le pécheur ; au lieu que t'attribuer celui-là ce serait témoigner de la compassion pour les maux de tes semblables. Mais ils disent pour se défendre qu'ils n'exceptent que les crimes les plus graves, et qu'ils pardonnent aux fautes les plus légères. Ce n'est pourtant pas là ce qu'a dit l'auteur même de votre erreur, ce Novatien qui prétendait qu'on ne devait accorder la pénitence à personne, afin sans doute de ne pas lier ce qu'il ne pourrait délier ensuite, ou de ne pas donner à ses adeptes en les liant l'espoir d'être un jour délivré. Vous désavouez donc votre propre père par votre manière de penser, vous qui distinguez parmi les péchés ceux que vous croyez devoir délier et ceux que vous jugez être sans remède. Mais cette distinction n'a point été posée par Dieu, qui a promis à tout le monde sa miséricorde et qui a donné à ses prêtres le droit illimité de faire grâce. Toutefois, que celui qui a aggravé sa faute, aggrave aussi sa pénitence ; car les crimes, à mesure qu'ils sont plus énormes, demandent des larmes plus amères. Nous ne pouvons donc approuver ni Novatien, qui refusait à tout le monde le pardon, ni vous autres ses disciples, qui l'imitez et en même temps le condamnez, qui diminuez la pénitence là où il faudrait l'exiger plus sévère, la miséricorde de Jésus-Christ nous inspirant plutôt d'apporter les plus grands remèdes aux maux les plus grands. Mais quelle perversité est la vôtre, d'appeler à votre tribunal ce qui est susceptible de pardon, et de réserver au tribunal de Dieu ce qui selon vous n'en est pas susceptible ? N'est-ce pas là choisir pour soi-même le rôle de la miséricorde et renvoyer à Dieu le devoir d'être sévère ? Et où cela est-il écrit ? Il est écrit au contraire que Dieu est véritable et que tout homme est menteur ; selon ce que David dit à Dieu : Afin que vous soyez reconnu fidèle dans vos paroles, et victorieux dans les jugements que les hommes feront de vous (Rom, III, 4 ; Ps. L, 6). Afin donc que nous sachions que Dieu est plus porté à la miséricorde qu'ami de la sévérité, voici ce qu'il a dit lui-même : J'aime mieux la miséricorde que le sacrifice (Os., VI, 6). "
12. Ibidem, c. 7 : " Le Seigneur veut que ses disciples aient
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de l'autorité, il veut qu'ils puissent faire en son nom les mêmes prodiges qu'il faisait lui-même lorsqu'il était sur la terre. Pour dernier mot, voici ce qu'il leur a dit : Vous ferez des prodiges encore plus grands que ceux que je fais. Il leur a donné le pouvoir de ressusciter les morts. Et quoiqu'il pût rendre lui-même à Saul l'usage de la vue, il l'adressa de préférence à son disciple Ananie pour que celui-ci opérât sur ses yeux ce miracle de guérison. Il voulut aussi que Pierre marchât sur la mer comme lui-même ; et comme l'apôtre chancelait, il le reprit d'avoir par la faiblesse de sa foi amoindri le don de la grâce. Lumière du monde par nature, il voulut que ses disciples le fussent par grâce à leur tour. Et parce qu'il devait remonter au ciel après en être descendu, il éleva Elie au ciel, sauf à le rendre à la terre quand le temps en sera venu. Se proposant aussi de baptiser par l'Esprit et par le feu, il inaugura le baptême par l'entremise de Jean. Enfin il a donné tout pouvoir à ses disciples, puisqu'il il dit d'eux : Ils chasseront les démons en mon nom, etc. (MARC, XVI, 17). Il leur a donc donné tout pouvoir ; mais ce pouvoir n'est pas de l'homme ; il est tout entier l'effet des divines largesses. Eh ! pourquoi imposez-vous les mains, et attribuez-vous à vos paroles de bénédiction des guérisons qui peuvent se déclarer à la suite ? Pourquoi vous flattez-vous que les possédés du démon puissent être délivrés par votre ministère ? Pourquoi baptisez-vous, si les péchés ne peuvent pas être remis par le ministère de l'homme ? Dans le baptême assurément se fait la rémission de tous les péchés. Qu'importe que les prêtres prétendent user de ce pouvoir par la pénitence ou par l'eau du baptême ? Quel que soit le moyen employé, c'est toujours le même ministère. Vous direz peut-être que la grâce des sacrements opère dans l'eau baptismale ; mais pourquoi pas aussi dans la pénitence ? Le nom de Dieu qui y est invoqué y est-il inefficace ? Qu'est-ce donc à dire ? Que vous revendiquez la grâce de Dieu, ou que vous la répudiez au gré de votre caprice. Mais c'est orgueil intolérable, plutôt que crainte religieuse, de rebuter des gens qui ne demandent que d'être admis à la pénitence. Vous ne pouvez pas apparemment supporter le spectacle de leurs larmes. Vos yeux seraient blessés de la vue de leurs haillons et de la cendre répandue sur leurs vêtements. "
13. Le même, Lib. II de Pænitentiâ, c. 2 : " Je pourrais encore dire à celui qui croit que ce qui se lit dans l'Epître aux Hébreux (VI, 4) doit s'entendre de la pénitence, que ce qui est
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impossible aux hommes est possible à Dieu, et que Dieu peut, quand il le veut, nous pardonner des péchés dont nous regardons nous-mêmes le pardon comme impossible. Ainsi donc Dieu peut accorder ce qui nous paraît impossible à obtenir. Il paraissait impossible, par exemple, que l'eau lavât les péchés. Naaman le Syrien n'imaginait pas non plus que la lèpre pût être guérie par un peu d'eau ; mais ce qui était impossible, Dieu l'a rendu possible en nous confiant par le fait une si grande grâce. De même il ne paraissait pas possible que les péchés fussent remis par la pénitence. Mais Jésus-Christ a donné à ses apôtres ce pouvoir, qui de leurs mains a passé celles des prêtres. Voilà donc comment ce qui paraissait impossible est devenu possible. "
14. S. CYRILLE d'Alexandrie, in Joannem lib. XII, c. 56 : " Comment donc, dira quelqu'un, si Thomas était absent au moment où Jésus-Christ souffla sur ses apôtres en disant : Recevez le Saint-Esprit, a-t-il reçu lui-même le Saint-Esprit ? Nous répondrons à cela que, d'après l'intention de Jésus-Christ, la vertu de l'Esprit-Saint s'est transmise à tous les apôtres ; car ce n'est pas à quelques-uns seulement, mais à tous qu'il l'a donnée. Ainsi donc, soit présents soit absents, les apôtres ont reçu l'Esprit-Saint comme l'a entendu celui qui nous l'a envoyé. Que cette réponse que nous donnons ne fasse pas violence au texte, mais qu'elle soit fondée en vérité, c'est ce que nous démontrerons par l'autorité de 1'Ecriture. Dieu ordonna autrefois à Moïse de faire choix de soixante-dix vieillards de toutes les tribus. A cette occasion, il dit qu'il prendrait de l'esprit de Moïse et qu'il le répartirait entre les soixante-dix. Mais comme deux de ces soixante-dix, Eldad et Médad, etc. (Nom., XI, 26 et suiv.) "
" Comment donc se fait-il que le Sauveur ait fait part à ses disciples d'un pouvoir et d'une autorité qui ne convient originairement qu'à la nature divine ? C'est qu'en effet il n'y a rien d'étrange à ce que ceux qui possèdent l'Esprit-Saint en eux-mêmes puissent remettre les péchés. Car lorsqu'ils les remettent ou les retiennent, c'est alors l'Esprit-Saint qui les remet ou les retient par leur ministère. Or c'est ce qui peut avoir lieu, pensons-nous, de deux manières, savoir, par le baptême et par la pénitence. Car, ou nous admettons au baptême après avoir éprouvé leurs dispositions ceux qui renoncent à l'infidélité, comme nous en éloignons ceux que nous en trouvons indignes, ou nous frappons de nos censures les enfants de 1'Eglise qui tombent en faute
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et nous les recevons à pénitence. C'est ainsi que Paul, écrivant aux Corinthiens, livrait le fornicateur à Satan pour mortifier sa chair, afin de sauver son âme (I Cor., V, 5), et que plus tard il le reçut en grâce de peur que cet homme ne se laissât accabler par un excès de tristesse (II Cor., II, 7). Puis donc que l'Esprit de Jésus-Christ habitant en nous, accomplit par nous des œuvres qu'il n'appartient qu'à Dieu de faire, comment ne serait-il pas Dieu par nature, celui qui possède en lui-même le pouvoir propre à la nature divine, et qui ordonne avec autorité la dispense des lois dont Dieu est l'auteur ? "
15. S. GREGOIRE, Hom. XXVI in Evangelia, sur ces paroles, Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, etc. : " Ainsi non-seulement ils ont l'assurance de leur paix avec Dieu, mais de plus ils reçoivent le pouvoir de remettre aux autres les obligations contractés envers la justice divine, et ils deviennent à cet égard les dépositaires du pouvoir d'en haut, en sorte qu'ils ont le droit, comme représentants de Dieu, de retenir aux uns leurs péchés, et de les remettre aux autres. Ainsi convenait-il que Dieu élevât en honneur ceux qui avaient accepté tant d'humiliations pour l'intérêt de sa gloire. Ceux qui craignent pour eux-mêmes la sévérité des jugements de Dieu, sont établis juges des âmes, et tout en appréhendant de se voir eux-mêmes condamnés, ils condamnent ou absolvent les autres. Or les évêques tiennent aujourd'hui la place des apôtres dans l'Eglise. C'est à ceux à qui est échue cette dignité qu'appartient aussi à leur tour le pouvoir de lier et de délier. Honneur sublime, sans doute, mais fardeau redoutable. Comment celui qui ne sait pas se conduire lui-même, pourra-t-il se faire juge de la conduite d'autrui ? "
16. S. CHRYSOSTOME, in Joannem Hom. LXXXV : " Jésus-Christ ne dit pas : Vous avez reçu mais : Recevez le Saint-Esprit. On ne se tromperait pourtant pas en disant que les apôtres reçurent en ce moment un pouvoir et une grâce spirituelle, non pas, si l'on veut, pour ressusciter les morts et faire des miracles sensibles, mais pour remettre les péchés ; car les dons de l'Esprit-Saint sont de différentes sortes ; c'est pourquoi il a ajouté : Les péchés seront remis, etc., montrant par là quelle sorte de puissance il leur accordait. Ce fut cinquante jours après qu'ils reçurent le pouvoir de faire des miracles, aussi leur dit-il : Vous recevrez la vertu de l’Esprit qui surviendra en vous, et vous me rendrez témoignage, à savoir par les miracles qu'ils opérèrent tant il est vrai
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que les grâces et les dons du Saint-Esprit sont de bien des sortes et au-dessus de toute expression. "
17. S. CYPRIEN, ad Cornelium Epist. LIV (al. LIII) : " Le divin législateur a dit lui-même que ce qui serait lié sur la terre le serait aussi dans le ciel, et que ce qui serait délié sur la terre par les mains de l'Eglise le serait également dans le ciel. "
18. S. HILAIRE, in Matthæum Can. 16 : " Heureux portier du ciel, à qui sont confiées les clefs de l'éternel séjour et dont le jugement prononcé ici-bas fait autorité dans le ciel, en sorte que ce qui est lié ou délié sur la terre, l'est en conséquence dans le ciel même ! "
19. S. PACIEN, ad Sympronianum novatianum Epist. I : " Jamais Dieu ne ferait entendre de menaces au pécheur qui ne se convertit pas, s'il n'était disposé à pardonner à celui qui se convertit. C'est là, dit notre adversaire, une chose que Dieu seul peut faire. J'en conviens ; mais ce qu'il fait par le ministère des prêtres n'est que l'exercice de sa puissance. Car que signifient ces paroles qu'il dit ses apôtres : Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel ? Pourquoi ces paroles, si les hommes n'avaient pas le pouvoir de lier et de délier ? Est-ce aux apôtres seuls qu'appartient ce pouvoir ? C'est donc à eux seuls aussi qu'appartient le pouvoir de baptiser, à eux seuls le pouvoir de donner l'Esprit-Saint, a eux seuls le pouvoir de purifier les hommes de leurs péchés, puisque tout cela n'a pas été enjoint à d'autres qu'aux apôtres ? Si le pouvoir de conférer le baptême n'a pas été conféré d'une autre manière que celui de lier et de délier, il faut dire ou que l'un et l'autre à la fois nous ont été transmis par succession des apôtres, ou que ni l'un ni l'autre ne nous appartient aujourd'hui. L'Apôtre a dit : J’ai posé le fondement, mais c'est un autre qui sur ce fondement élève l'édifice (I Cor., III, 10). Il est donc vrai que l'édifice que nous élevons est celui dont les apôtres ont jeté le fondement. Enfin les évêques aussi sont appelé apôtres, et c'est de ce nom que Paul appelle Epaphrodite (Phil., II, 25) : Mon frère Epaphrodite, dit-il, qui est mon aide dans mon ministère, et mon compagnon dans mes combats, et qui est aussi votre apôtre. Si donc le pouvoir de baptiser et celui de conférer le chrême, qui sont des dons bien supérieurs, sont passés des apôtres aux évêques, assurément ceux-ci ont dû également hériter de celui de lier et de délier. Et quoique nos péchés nous rendent indignes de nous attribuer ce pouvoir, l'honneur que
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nous avons d'occuper la chaire des apôtres nous autorise à croire que Dieu ne nous le retirera pas, puisqu'il voit dans les évêques les représentants de son Fils unique. Que les défauts personnels de l'évêque n'engagent personne à mépriser son caractère. Souvenons-nous que l'apôtre saint Pierre appelle Notre-Seigneur lui-même du nom d'évêque : Maintenant, dit-il (I PIERRE, II, 25), vous êtes retournés à l'évêque et au pasteur de vos âmes. Qu'est-ce que Dieu pourra refuser à l'évêque, en qui son nom seul marque un pouvoir divin ? Il est vrai qu'il aura à rendre compte de son administration, s'il s'y montre infidèle, s'il est injuste et partial dans ses jugements. Dieu, n'en doutons pas, se gardera bien de ratifier de tels arrêts. Si au contraire 1'évêque juge avec équité, il est vraiment alors le coopérateur de Dieu. C'est à des laïques que saint Paul disait : Ce que vous accordez à quelqu'un par indulgence, je l'accorde aussi, car si j'use moi-même d'indulgence, je le fais à cause de vous, au nom et en la personne de Jésus-Christ, afin que Satan n'emporte rien sur nous, car nous n'ignorons pas ses pièges (II Cor., II, 40-11). Si l'Apôtre témoigne que c'est lui-même qui accorde les grâces que peuvent accorder de simples laïques, comment répudierait-t-il celles qu'accorderait un évêque ? Donc ni la confirmation, ni le baptême, ni la rémission des péchés, ni la reproduction sur l'autel du corps de Jésus-Christ, ne sont l'effet du simple pouvoir de l'évêque, rien de tout cela ne lui appartient en propre ; tout lui vient de l'autorité apostolique. "
20. S. JEROME, ad Heliodorum Epist. I, c. 7 : " A Dieu ne plaise que je parle mal de ceux qui tiennent dans l'Eglise la place des apôtres ; qui consacrent le corps de Jésus-Christ par la vertu des paroles qu'ils prononcent ; qui nous ont faits chrétiens ; qui, ayant les clés du royaume du ciel, jugent en quelque façon avant le jour du jugement, et qui veillent à ce que l'épouse de Jésus-Christ se conserve chaste et pure (Cf. Lettres de saint Jérôme, trad. par D. Roussel, t. I, p. 15-16). "
21. S. AUGUSTI N, de civitate Dei, lib. XX, c. 9 : " Et je vis des trônes et j'en vis plusieurs s'asseoir sur ces trônes, et la puissance de juger leur fut donnée (Apoc., XX, 12). Il ne faut pas croire que ces paroles regardent le jugement dernier : il s'agit ici de trônes de juges, et de ces juges mêmes qui gouvernent l'Eglise. Et cette puissance de juger qui leur est donnée ne saurait mieux s'entendre que de cette promesse : Ce que vous lierez sur la terre
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sera lié dans le ciel, et ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. Et de là ce mot de l'Apôtre : Pourquoi entreprendrais-je de juger ceux qui sont hors de l’Eglise ? N'est-ce pas à ceux qui sont dans l'Eglise que vous avez droit de juger ? (I Cor., V, 12) "
22. S. CHRYSOSTOME, Hom. V de verbis Isaiæ, Vidi Dominum : " Quoique le trône d'un roi excite l'admiration par les pierreries qu'on y voit incrustées et par les dorures qui en font l'ornement, son utilité après tout se borne à la terre, et sa puissance ne va pas plus loin. Mais un prêtre a son trône placé dans les cieux, et c'est de là qu'il exerce ses jugements. Qui est-ce qui a dit cela ? Le roi du ciel lui-même : Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. Qu'y a-t-il de comparable à cet honneur ? Le ciel emprunte à la terre ses décisions. Le juge siège ici-bas, et le Seigneur obéit à son ministre, et ratifie du haut du ciel le jugement qu'il a porté. "
23. Le même, liv. III du Sacerdoce : " Guérir la lèpre du corps, ou plutôt juger seulement de la guérison, tel était le privilège des prêtres dans la loi de Moïse : et cependant vous savez avec quel empressement on se disputait la dignité sacerdotale. Mais ce n'est pas la lèpre du corps, c'est l'impureté de l'âme que guérissent les prêtres de la loi nouvelle ; ce n'est pas le droit de juger de la guérison, c'est le droit de guérir qu'ils exercent : d'où il suit que ceux qui les méprisent sont à mon avis beaucoup plus coupables, encourent des peines beaucoup plus rigoureuses que Dathan et ses complices. "
24. S. AUGUSTIN, de verbis Domini Serm. VIII, c. 4 : " Quel autre ressuscitera un pécheur mort dans ses péchés que celui qui, après avoir fait lever la pierre du sépulcre, a crié : Lazare, sortez dehors ? Mais qu'est-ce que sortir dehors, sinon produire au dehors ce qui était caché ? Celui qui confesse ses péchés, c'est celui-là qui sort du sépulcre. Mais pour sortir du sépulcre, il faut être déjà vivant. Pour être ainsi vivant, il faut être ressuscité. Donc s'accuser soi-même en confession, c'est rendre gloire à Dieu. "
Ibidem, c. 2 : " Quelqu'un dira en conséquence : A quoi sert le ministère de l'Eglise, si celui qui confesse ses péchés est déjà ressuscité par la voix divine qui le fait ainsi sortir du tombeau ? A quoi sert à celui qui se confesse le ministère de l'Eglise, de l'Eglise à laquelle il a été dit : Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel ! Pour le savoir, considérez Lazare lui-même ; il sort du sépulcre, mais les mains et les pieds liés. Il vivait déjà
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ce pécheur, puisqu'il confessait ses péchés, mais il ne marchait encore qu'avec peine, embarrassé de ses liens. Que fait donc l'Eglise, l'Eglise à laquelle il a été dit : Ce que vous délierez sera délié, sinon exécuter cet ordre que Notre-Seigneur donna immédiatement après à ses disciples : Déliez-le, et laissez-le aller ? "
25. Ibidem, Serm. XLIV, c. 6 : " Il est donc nécessaire que celui qui est rendu à la vie soit délié, et mis en état de marcher. C'est la charge qu'il a imposée à ses disciples en leur disant : Ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. "
26. Le même, Tract. LXIX in Joannem : " Qu'est-ce que sortir dehors, sinon montrer à découvert ce qu'on a de secret dans le cœur ? Mais pour vous donner la force de faire cet aveu, il faut que Dieu vous appelle à haute voix, c'est-à-dire par un puissant effort de sa grâce. C'est pourquoi, après que fut sorti du tombeau, encore chargé de liens, ce mort, image fidèle de celui qui se confesse et qui n'a pas encore reçu l'absolution de ses crimes, le Seigneur dit aux ministres qui l'accompagnaient : Déliez-le et laissez-le aller. Que veulent dire ces paroles, Déliez-le et laissez-le aller ? La même chose que ces autres-ci : Ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. "
27. Le même, in Libro L homiliarum, hom. XXVII (al. Serm. CCCLII), c. 3 : " Lazare leva la tête et sortit du tombeau ; mais il était lié, comme le sont les hommes qui ont confessé leurs péchés et qui font pénitence. Ils sont déjà sortis de l'état de mort ; car ils ne confesseraient pas leurs péchés, s'ils n'étaient pas en voie de sortir de cet état. L'acte même de confesser ses péchés est une preuve qu'on sort de cet abîme. Mais que dit le Seigneur à son Eglise ? Ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. C'est-à-dire que ce Lazare, ce mort soustrait aux regards des vivants, ce cadavre en putréfaction, revenant à l'état de vie et sortant du tombeau par la confession des péchés, l'œuvre de la miséricorde divine étant ainsi accomplie, c'est à l'Eglise à remplir à son tour son ministère en obéissant à ces autres paroles : Déliez-le et laissez-le aller (Cf. S. Aurelii Augustini opera omnia, t. V, p. 1370, édition des Bénédictins ; col. 2032, édition de Gaume). "
28. Le même, in Psalmum CI Concione II : " Qu'eût-il servi à Lazare d'être sorti du sépulcre, si Jésus-Christ n'eût dit en même temps : Déliez-le, et laissez-le aller ? Il est vrai que Jésus-Christ lui-même le ressuscita du tombeau par la force de sa voix toute-
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puissante ; il est vrai que le cri qu'il jeta fit rentrer
son âme dans son corps ; il est vrai qu'il fit ôter lui-même
cette pierre dont on l'avait recouvert, et qu'alors on le vit sortir encore
lié. Il en sortit non de lui-même mais par la force de celui
qui le ressuscitait. Voilà ce qui se fait véritablement dans
le cœur d'un pénitent. Lorsqu'un homme se repent de ses péchés,
il est déjà ressuscité lorsqu'il s'accuse lui-même
et que par une humble confession il découvre ce qu'il y avait de
plus caché dans sa conscience, il est déjà tiré
du tombeau ; mais il n'est pas encore délié. Quand est-il
délié et quels sont ceux qui le délient ? Ce sont
ceux à qui Jésus-Christ a dit : Tout ce que vous délierez
sur la terre sera délié dans le ciel. L'Eglise a le pouvoir
de délier les péchés mais le mort ne peut être
ressuscité que par le cri puissant que Jésus-Christ fait
entendre au fond de son cœur. C'est là, mes frères, ce que
Dieu fait au dedans de vous (Cf. Sermons de S. Augustin sur les Psaumes,
t. V, p. 395-396). "
Question II
Pourquoi le sacrement de pénitence nous est-il nécessaire ?
Le sacrement de pénitence est nécessaire à l'homme pour que, s'il vient à perdre la grâce de son baptême et à5 se faire de nouveau ennemi de Dieu, il puisse par ce moyen obtenir le pardon de ses péchés, se réconcilier avec son Dieu, et repasser ainsi de la mort à la vie, et de l'état d'impiété à un état de sainteté et de justice.
C'est pourquoi les Pères ont appelé non sans raison la pénitence une seconde planche après le naufrage, puisqu'elle nous retire du gouffre du péché mortel où notre vertu aurait fait naufrage, et qu'elle nous fait recouvrer la faveur et l'amitié de Dieu, quelque nombreux et quelques énormes que soient les crimes que nous ayons pu commettre.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. EZECHIEL, XVIII, 30-32 : " Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités et l'iniquité n'attirera plus votre ruine. - Ecartez de vous toutes les prévarications dont vous vous êtes rendus coupables, et faites-vous un mur nouveau et un esprit nouveau. Et pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël ? - Je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu. Venez à moi, et vivez. "
2. Ibidem, XXXIII, 11-16 : " Je jure par moi-même,
dit le Seigneur, que je ne veux point la mort de l’impie, mais que l'impie
se convertisse, qu'il quitte sa voie, et qu'il vive. Convertissez-vous,
convertissez-vous, quittez vos voies toutes corrompues ; pourquoi mourrez-vous,
maison d'Israël ? - Vous donc, fils de l'homme, dites aux enfants
de mon peuple : En quelque jour que le juste pèche, sa justice ne
le délivrera point ; et en quelque jour que l'impie se convertisse,
son impiété ne lui nuira point : et en quelque jour que le
juste vienne à pécher, il ne pourra point vivre dans sa justice.
- Si, après que j'aurai dit au juste qu'il vivra, il met sa confiance
dans sa propre justice, et commet l'iniquité, toutes ses œuvres
de justice seront mises en oubli, et il mourra dans l'iniquité qu'il
aura commise. - Si, après que j'aurai dit à l'impie : vous
mourrez très certainement, il fait pénitence de son péché
et agit selon la droiture et la justice ; - si cet impie rend le gage qu'on
lui avait confié, s'il restitue le bien qu’il avait ravi, s'il marche
dans les commandements de vie, et s'il ne fait rien d'injuste, il vivra
très certainement : non, il ne mourra point. - Tous les péchés
qu'il avait commis ne lui seront point imputés : il a fait ce qui
était droit et juste, et ainsi il vivra très-certainement.
"
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AMBROISE a écrit sur la pénitence deux livres entiers, sur lesquels il s'explique de la manière suivante dans le préambule de son commentaire sur le psaume XXXVII : " J'ai déjà composé deux petits traités sur la pénitence, et je crois que je ferai bien de traiter encore ce sujet de nouveau : 1° parce qu'il est utile de demander tous les jours le pardon de ses fautes ; 2° parce que l'exhortation à la pénitence, qui fait l'objet de ces deux traités, ne peut servir, qu'autant qu'on la met en pratique : il reste donc à expliquer de quelle manière la pénitence doit
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s'accomplir. Car ce n'est pas tout de la faire ; il faut de plus la faire comme il faut. "
2. S. AUGUSTIN, Lib. I de adulterinis conjugiis, c. 28 : " Il y a pour la réconciliation (avec Dieu par la pénitence) la même nécessité que pour le baptême, si le pénitent se trouve en danger de mort. Car l'Eglise, cette mère commune de tous les fidèles, ne peut pas vouloir qu'aucun d'eux sorte de ce monde sans l'assurance d'être en paix avec Dieu. "
3. Ibidem, Lib. II, c. 16 : " Si un pécheur s’accuse d'avoir tué sa femme coupable d'adultère, comme ce péché est dès lors passé et qu'il ne suppose pas que le pécheur persévère dans l'habitude du crime, il est effacé par le baptême, s'il s'agit d'un catéchumène ou par la pénitence et la réconciliation, s'il s'agit d'un fidèle baptisé (Cf. S. Aurelii Augustini opera omnia, t. VI, p. 413, édition des Bénédictins ; col. 697, édition de Gaume). "
4. Le grand concile de Latran, canon 1 : " Si, après avoir reçu le baptême quelqu'un tombe dans le péché, il peut toujours recouvrer son innocence pur la pénitence. "
5. Le concile de Trente, session XIV, c. 2 : " Au reste, il est évident que ce sacrement diffère du baptême en plusieurs manières. Car outre que la matière et la forme, qui font l'essence du sacrement, en sont fort dissemblables, il est constant que le ministre du baptême n'a point à exercer l'office de juge, puisque l'Eglise n'exerce sa juridiction que sur ceux qui sont préalablement entrés dans son sein par la porte du baptême. Car pourquoi, dit l’Apôtre (I Cor., V, 12), entreprendrais-je de juger ceux qui sont hors de l'Eglise ? Il en est autrement des domestiques de la foi, que Notre-Seigneur Jésus-Christ a faits une fois membres de son corps en les purifiant dans l'eau du baptême : car pour ces derniers, s'ils viennent à se souiller de quelque péché, il a voulu, non qu'ils soient de nouveau lavés par un second baptême, ce qui ne saurait être permis dans l'Eglise catholique, mais qu'ils comparaissent comme coupables devant ce tribunal de la pénitence, pour pouvoir être acquittés par la sentence sacerdotale, non pas une fois seulement, mais toutes les fois que, se repentant de leurs péchés, ils y auront recours. De plus, autre est l'effet du baptême, autre est celui de la pénitence. Par le baptême en effet nous sommes revêtus de Jésus-Christ, et, devenus en lui des créatures tout-à-fait nouvelles, nous obtenons une rémission
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pleine et entière de tous nos péchés ; par la pénitence, au contraire, nous ne pouvons parvenir à ce renouvellement total et complet, qu'à force de gémissement et d'expiations, ainsi que l'exige la divine justice. Aussi ce sacrement est-il appelé par les Pères et avec raison, un baptême laborieux, et il n'est pas moins nécessaire pour le salut quand on est retombé après le baptême, que le baptême lui-même ne l'est avant qu'on ait reçu cette nouvelle naissance. "
6. Le concile de Florence : " L'effet de ce sacrement, c'est l'absolution des péchés. "
7. S. JEROME, Lib. II adversùs Pelagianos, rapporte plusieurs passages de 1'Ecriture qui servent à montrer les heureux effets de la pénitence. "
8. S. PACIEN, ad Sympronianum novatianum Epist. I : " Craignons de pécher, mais ne craignons pas de nous repentir ; ayons honte d'être tombés dans le péril, mais n'ayons pas honte de chercher notre délivrance. Qui serait assez inhumain pour enlever à un naufragé la planche qui pourrait lui sauver la vie ? Qui pourrait envier à un blessé le remède qu'on lui offre pour guérir ses plaies ? "
9. S. JEROME, in caput III Isaiæ : " La seconde planche après le naufrage, c'est la pénitence ; et notre consolation dans notre misère, c'est de faire oublier à notre Dieu notre impiété passée. "
10. Le même, Epist. VIII ad Demetriadem, c. 6 : " Ceux qui ont été assez malheureux pour s'engager dans le crime, peuvent se servir de la pénitence comme d'une planche après le naufrage ; mais une vierge doit conduire son vaisseau de manière à ce qu'il ne soit jamais endommagé par la tempête (Cf. Lettres de saint Jérôme, trad. par D. Guillaume Roussel, t. Ier, page 371). "
11. S. AMBROISE, ad virginem lapsam, c. 8 : " La pénitence est aussi nécessaire aux pécheurs que les médecins le sont aux malades. Mais de quelle nature et de quelle étendue pensez-vous que doive être cette expiation ? Elle ne peut que surpasser ou tout au moins égaler la faute commise. . . . . C'est plutôt dans les actes que dans les paroles, que la pénitence doit consister. . . . . Lorsque vous aurez compris. . . . qu'après le sacrement de baptême, il ne vous reste plus d'espoir que dans la pénitence, quelles afflictions, quelles tortures ne serez-vous pas heureuse d'endurer pour échapper aux peines éternelles? . . . . Vous qui déjà êtes entrée dans les voies de
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la pénitence, persistez, malheureuse, persistez à en faire les œuvres ; attachez-vous fortement à cette planche de salut, dans l'espérance qu'elle pourra vous aider à vous retirer de ce gouffre de crimes. "
12. Le concile de Trente, session VI, c. 14 : " Les saints Pères appellent à nôtre propos (le sacrement de pénitence) la seconde planche après le naufrage de la grâce qu'on a perdue. "
13. Le même, session XIV, canon 2 : " Si quelqu'un, confondant les sacrements, dit que c'est le baptême même qui est le sacrement de pénitence, comme si ces deux sacrements n'étaient pas distincts l'un de l'autre, et qu'ainsi c'est mal à propos qu'on appelle la pénitence une seconde planche après le naufrage, qu'il soit anathème. "
14. TERTULLIEN, Lib. de Pænitentiâ, c. 7 : " Que personne n'abuse de la bonté de Dieu en se rendant plus criminel, et en péchant de nouveau à chaque fois qu'il reçoit son pardon. Mais il viendra un temps où, si nous pouvons encore pécher, nous ne pourrons plus échapper à la colère de Dieu. Nous avons échappé une fois ; nous jetterons-nous de gaieté de cœur dans le danger, dans l'espérance d’y échapper encore ? Voyez la plupart de ceux qui se sont sauvés d'un naufrage : ils renoncent à la navigation, et rendant hommage à Dieu qui leur a sauvé la vie, ils ne perdent jamais le souvenir du péril qu'ils ont couru. J'aime cette modestie timide qui craint de se rendre importune à Dieu en lui demandant de nouveau la même faveur ; ils tremblent de hasarder ce qu'ils ont déjà obtenu; ils évitent de courir une seconde fois les risques d'un évènement qu'ils ont déjà appris à redouter. L'homme qui craint son Dieu, l'honore. Mais notre opiniâtre ennemi ne s'endort jamais dans sa malice. C'est surtout quand il voit l'homme échappé à ses liens qu'il redouble sa fureur, qui ne fait que s'enflammer de ce qui devrait l'éteindre. Il faut bien qu'il s'afflige et qu'il gémisse quand il voit que par le pardon accordé au repentir, tant d'œuvres de mort sont détruites dans l'homme, et tant de titres de condamnation annulés. Il pleure de rage en pensant que ce pécheur devenu serviteur du Christ, doit un jour le juger, lui et ses anges. Voilà pourquoi il l'épie, il l'attaque, il l'obsède, pour voir s'il lui sera possible de faire pécher ses yeux par la concupiscence charnelle, d'envelopper son âme dans les filets du siècle, d’ébranler sa foi par la crainte des puissances terrestres, ou de le détourner du droit chemin par des doctrines perverses. Il n'épargne pour cela ni les tentations ni les scandales.
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Dieu donc, prévoyant tous ces stratagèmes
de l'esprit infernal, après avoir fermé, il est vrai, la
porte de ce pardon sans réserve qu'il nous accorde dans le baptême
a ouvert au pécher relaps un dernier refuge. Il a placé à
l'entrée du vestibule la seconde pénitence, qui laisse entrer
ceux qui frappent ; mais une fois seulement, parce que c'est déjà
la seconde : il ne faudrait pas revenir plus souvent (Ici Tertullien donne
dans l’exagération des montanistes). Pouvez-vous dire que ce ne
soit pas assez ? C'était déjà plus que vous ne méritiez,
puisqu’on vous rendait ce que vous aviez perdu. Si Dieu a été
assez indulgent ; pour vous le rendre, montrez-vous au moins reconnaissant
de ce bienfait nouveau, et même plus grand que le premier ; car rendre,
c'est plus que donner, comme c'est pour vous-même un plus grand malheur
d'avoir perdu, que de n'avoir jamais obtenu. Toutefois, ne vous découragez
pas, si vous venez à avoir besoin de cette seconde pénitence.
Craignez de pécher de nouveau, mais ne craignez pus de vous repentir
de nouveau ; évitez de vous relancer dans les périls, mais
non d'en obtenir la délivrance. Point de fausse honte ; à
de nouvelles maladies, il faut de nouveaux remèdes. Le moyen de
témoigner votre reconnaissance an Seigneur, c'est de ne pas rejeter
le don qu'il vous offre. Vous l'avez offensé, mais vous pouvez encore
vous réconcilier avec lui. Vous savez à qui il faut satisfaire,
et vous savez aussi qu'il recevra votre satisfaction. "
Question III
Quand est-ce que ce sacrement est reçu comme il faut, et qu’il produit son effet ?
C'est lorsque celui qui implore la rémission de ses péchés accomplit ces trois actes, savoir, la contrition, la confession et la satisfaction : trois conditions qui embrassent l'ouvrage entier de la conversion de l'homme et de sa pénitence extérieure, en même temps que de son renouvellement spirituel. Saint Chrysostôme en parle ainsi : " La pénitence, quand elle est parfaite, fait que le pécheur se soumet à tout ; elle met dans son cœur la contrition, dans sa bouche la confession de ses fautes, dans ses œuvres enfin l'humilité. "
L'utilité de cette pénitence résulte, comme l'enseigne saint Chrysostôme, de ce que, comme nous pouvons offenser Dieu en trois manières, savoir, par les directions de notre cœur, par nos paroles et par nos actions, elle nous présente aussi trois moyens
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de nous réconcilier avec lui, savoir, la contrition du cœur, les aveux de la bouche, et les œuvre de satisfaction.
C'est à la contrition que font allusion ces paroles du Psalmiste : Le sacrifice que Dieu demande est une âme brisée de douleur ; vous ne rejetterez pas, ô mon Dieu, un cœur contrit et humilié.
La confession nous est indiquée par ces paroles de saint Luc : Beaucoup de ceux qui avaient reçu le don de la foi venaient confesser et déclarer ce qu'ils avaient fait de mal. Elle nous est de même enseignée par ces autres paroles de l'apôtre saint Jacques : Confessez vos péchés les uns aux autres.
Enfin, c'est à la satisfaction que se rapportent ces dignes fruits de pénitence dont Jean-Baptiste prêchait la nécessité et parmi ces fruits de pénitence, il faut compter l'aumône, que recommandait à son tour le prophète Daniel dans les termes suivants : Rachetez vos péchés par des aumônes, et vos iniquité par la miséricorde que vous exercerez envers les pauvres. " On ne répare les grands crimes, dit saint Ambroise, que par de grandes expiations. "
C'est à cela aussi que nous devons rapporter les
paroles par lesquelles saint Paul exprimait la crainte de voir plusieurs
des Corinthiens à qui il écrivait de ne pas faire pénitence
des impuretés, des fornications et des dérèglements
infâmes qu'ils avaient commis, et dont la triste nouvelle avait fait
couler ses larmes.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. II Samuel, XVI, 5-8, 11-13 : " Le roi David vint donc jusqu'auprès de Baliurim, et il en sortit un homme de la maison
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de Saül appelé Séméï, fils de Géra, qui s'avançant dans son chemin, maudissait David, - lui jetait des pierres ainsi qu'à tous ses gens, pendant que tout le peuple et tous les hommes de guerre marchaient à droite et à gauche à côté du roi. - Et il maudissait le roi en ces termes : Sors, sors, homme de sang, homme de Bélial. - Le Seigneur a fait retomber sur toi tout le sang de la maison de Saül. . . . . - Laissez-le me maudire, dit le roi, selon l'ordre du Seigneur ; - peut-être que le Seigneur verra mon affliction, et me fera quelque bien pour ces malédictions d'aujourd’hui. - David continuait son chemin, escorté de ses gens, et Séméï qui le suivait, marchant à côté sur le haut de la montagne, le maudissait, lui jetait des pierres et faisait voler la poussière. "
2. Psaume L, 19, 5-6 : " Le sacrifice qui plaît à Dieu, c'est un cœur touché de repentir ; vous ne rejetterez pas, ô mon Dieu ! un cœur contrit et humilié. - Car je reconnais ma faute, et mon crime est sans cesse présent à mes yeux. - C'est devant vous, devant vous seul, que j'ai osé pécher ; quelque sentence donc que vous prononciez, elle sera toujours juste ; vous serez irréprochable dans tous vos jugements, etc. "
3. Psaume VI, 7 : " Je me suis épuisé à force de gémir chaque nuit ; j'arrose mon lit de mes pleurs ; j'inonde ma couche de mes larmes. "
4. Ps. XXXVII, 7-8, 18-19 : " Je succombe à mes maux et suis courbé vers la terre ; je marche accablé de tristesse tout le jour. - Mes entrailles sont pleines d'un feu dévorant, et il n'y a plus dans ma chair aucune partie qui soit saine. - Je suis prêt à subir le châtiment et la peine qui m'est due est toujours présente à mes yeux. - Je fais l'aveu de mon iniquité, et la pensée de mon crime m'agite. "
5. Ps. CI, 4-5, 10 : " Mes os se sont desséchés comme le bois que consume la flamme. Mon cœur navré s'est flétri comme l’herbe. - Je mangeais la cendre avec mon pain, et je mêlais mes larmes avec mon breuvage. "
6. II Samuel, XII, 13-14 : " David dit à Nathan : J'ai péché contre le Seigneur. Nathan lui répondit : Le Seigneur vous a remis en conséquence votre péché : vous ne mourrez point. - Cependant comme vous avez été cause des blasphèmes que les ennemis du Seigneur ont proférés contre lui, le fils qui vous est né mourra d'une mort certaine. "
7. Ibidem, XXIV, 10-13 : " Après ce dénombrement du
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peuple, David sentit un remords dans son cœur, et dit au Seigneur : J'ai commis un grand péché dans cette action ; mais je vous prie, Seigneur, de pardonner l'iniquité de votre serviteur, parce que j’ai agi comme un insensé. - Le matin, lorsque David fut levé, le Seigneur adressa sa parole à Gad, prophète et voyant de David, et lui dit : - Allez dire à David : Voici ce que dit le Seigneur : Je vous donne le choix de trois fléaux ; choisissez celui que vous voudrez que je vous envoie. - Gad étant donc venu vers David, lui dit de la part du Seigneur : Ou votre pays sera affligé de la famine pendant sept ans ; ou vous fuirez pendant trois mois devant vos ennemis qui vous poursuivront ; ou la peste sera dans vos états pendant trois jours. Délibérez donc maintenant, et voyez ce que vous voulez que je réponde à celui qui m'a envoyé. "
8. I Rois, XXI, 23-29 : " Achab n'eut point son pareil en méchanceté, ayant été comme vendu pour faire le mal aux yeux du Seigneur ; car il y était excité par Jézabel sa femme. - Et il devint tellement abominable, qu'il suivait les idoles des Amorrhéens que le Seigneur avait exterminés à l'entrée des enfants d'Israël. - Achab, ayant entendu ces paroles, déchira ses vêtements, couvrit sa chair d'un cilice, jeûna, dormit avec un sac pour vêtement et marcha la tête baissée. - Alors le Seigneur adressa sa parole à Elie de Thesbé et lui dit : - N'avez-vous pas vu Achab humilié devant moi ? Puis donc qu'il s'est humilié à cause de moi, je ne le frapperai point de son vivant des maux dont je l'ai menacé ; mais, sous le règne de son fils, je les ferai tomber sur sa maison. "
9. JONAS, III, 7-10 : " Il fit crier partout et publier dans Ninive cet ordre de la bouche du roi et de ses princes : Que les hommes et les bêtes, les bœuf et les brebis, ne mangent rien : qu’on ne les mène point aux pâturages, et qu’ils ne boivent point d'eau. - Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, et qu'ils crient au Seigneur de toute leur force : que chacun se convertisse ; qu'il quitte sa mauvaise voie et l’iniquité dont ses mains sont souillées. - Qui sait si Dieu ne se retournera point vers nous pour nous pardonner, s'il n’apaisera point sa fureur et sa colère, et s'il ne changera point l'arrêt qu'il a porté pour nous perdre ? - Dieu considéra leurs œuvres ; il vit qu'ils s'étaient convertis en quittant leur mauvaise voie, et la compassion qu'il eut d’eux l'empêcha de leur envoyer les maux qu’il avait résolu de leur infliger. "
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10. Actes, XIX, 18 : " Plusieurs de ceux qui croyaient, etc. " (comme dans le corps de la réponse).
11. Nombres, V, 6-7 : " Lorsqu'un homme ou une femme auront commis quelqu'un des péchés qui arrivent d'ordinaire aux hommes, et qu'ils auront violé par négligence le commandement du Seigneur, et seront tombés en faute, - ils confesseront leur péché, et ils rendront à celui contre qui ils auront péché le juste prix du tort qu'ils lui auront fait, en y ajoutant encore le cinquième par-dessus. "
12. JACQUES, V, 16 : " Confessez vos fautes l'un à l'autre, etc. " (comme dans le corps de la réponse).
13. MATTHIEU, III, 2 : " Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche. "
14. LUC, III, 8 : " Faites donc de dignes fruits de pénitence. "
15. Actes, XXVI, 20 : " Mais j’annonçai premièrement à ceux de Damas, dit Paul, et ensuite dans Jérusalem, dans toute la Judée, et aux Gentils, qu’ils se repentissent de leurs péchés, et qu'ils se convertissent à Dieu en faisant de dignes œuvres de pénitence. "
16. DANIEL, IV, 24 : " Rachetez vos péchés par des aumônes, etc. " (comme dans le corps de la réponse, page 25.)
17. II Corinthiens, XII, 21 : " Lorsque je serai revenu
auprès de vous, je crains que Dieu ne m'humilie et que je ne sois
obligé d'en pleurer plusieurs, qui étant déjà
tombés dans des impuretés, des fornications et des dérèglements
infâmes, n'en ont point fait pénitence. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. Le concile de Florence, dans sa Doctrine sur les sacrements : " Le quatrième sacrement est la Pénitence, dont les actes du pénitent forment comme la matière, et ces actes sont au nombre de trois. Le premier est la contrition du cœur, qui demande qu'on ait de la douleur des péchés commis et la résolution de ne plus en commettre de nouveaux. Le second est la confession qui doit se faire de bouche, et qui consiste en ce que le pécheur confesse entièrement à son propre prêtre tous les qu’il se rappelle avoir commis. Le troisième est la satisfaction qu'on doit offrir pour ses péchés de la manière que le prêtre le juge à propos, et qui coexiste principalement dans la prière, le jeûne et l'aumône. La forme de ce sacrement, ce sont les paroles de l’absolution que le prêtre prononce en disant : Je vous absous, etc. "
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2. Le concile de Trente, session XIV, exposition de la doctrine, etc., c. 3 : " Les actes du pénitent lui-même, qui sont la contrition, la confession et la satisfaction, sont comme la matière de ce sacrement. Ces actes du pénitent, étant requis d'institution divine pour l'intégrité du sacrement ou pour qu'on obtienne la pleine et entière rémission de ses péchés sont appelés pour cette raison les parties de la pénitence. " Le concile avait commencé par déclarer que " la forme du sacrement de pénitence qui fait principalement sa force et sa vertu, est renfermé dans ces paroles que prononce le ministre, Je vous absous, etc. A ces paroles la sainte Eglise a la louable coutume de joindre quelques prières mais qui ne tiennent nullement à l'essence de la forme de ce sacrement, et ne sont point nécessaires pour son administration. "
3. Même session, canon 4 : " Si quelqu’un nie que trois actes soient requis dans le pénitent pour l'entière et parfaite rémission de ses péchés, savoir, la contrition, la confession et la satisfaction, qui sont comme la matière du sacrement de pénitence, et en font les trois parties ; ou si encore quelqu'un ose dire que la pénitence n'a que deux parties, savoir, les terreurs d'une conscience agitée à la vue du péché qu'on a commis, et la foi ou l'assurance que peut donner l'Evangile ou l'absolution, qu'on a obtenu la rémission de ses péchés par la grâce de Jésus-Christ, qu'il soit anathème. "
4. S. CHRYSOSTOME, Serm. de Pænitentiâ : " La pénitence, quand elle est parfaite, etc., " comme dans le corps de la réponse, page 24 et plus bas, question X, témoignage 3.
5. Le vénérable Bède, in caput V Epistolæ S. Jacobi : " Découvrons au prêtre, comme nous le prescrit la loi, l'impureté de la lèpre qui nous afflige, et prenons soin de nous en purifier de la manière et tout le temps qu'il juge à propos de nous le prescrire. "
6. S. AMBROISE, ad virginem lapsam, c. 8, comme
plus bas, question VIII, témoignage 14.
Question IV
Qu’est-ce que la contrition ?
La contrition est une douleur intérieure d'avoir offensé Dieu, et une détestation des péchés qu'on a commis, jointe à un ferme propos de ne plus les commettre. Pour parvenir à obtenir cette contrition, on doit considérer soigneusement la laideur des péchés
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dont on se trouve coupable, leur grandeur et leur multitude ; penser avec amertume au malheur qu'on a eu d'offenser la souveraine bonté, de perdre la grâce de Dieu et ses autres dons ; envisager avec crainte l'inévitable nécessité d'une mort dont on ignore d'ailleurs le jour, l'effroyable rigueur du jugement à venir, et les châtiments éternels préparés aux pécheurs.
C'est à quoi reviennent ces paroles d'Ezéchias : Je repasserai devant vous toutes les années de ma vie dans l'amertume de mon âme ; ainsi que celles-ci de David : J’ai été saisi de frayeur à la pensée de vos jugements ; ce cri de douleur du même roi : Je tombe en défaillance, et je suis brisé par la douleur ; dans l'affliction où mon âme est plongée, je pousse des rugissements ; ces autres paroles qu’il dit ensuite : Je fais l'aveu de mon iniquité, et la pensée de mon crime m’agite.
Dieu lui-même fait entendre ainsi sa voix au pécheur : Tu t'es relâché de ta première ferveur ; souviens-toi de l'état d’où tu es déchu, et fais pénitence. Jésus-Christ a dit aussi dans l'Evangile : Craignez celui qui, après avoir ôté la vie, a le pouvoir de jeter dans l'enfer. Oui, je vous le répète, c'est celui-là qu'il faut craindre.
Or, cette douleur de contrition nous dispose à
recevoir le pardon de nos péchés si elle est accompagnée
en nous de la confiance en la miséricorde divine, et du désir
sincère d'accomplir toutes les conditions requises pour le sacrement
de pénitence.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Hébreux, IX, 27 : " Il est arrêté que les hommes meurent une fois, et qu'ensuite ils soient jugés. "
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2. SOPHONIE, I, 15-16 : " Ce jour sera un jour de colère, un jour de tristesse et de serrement de cœur un jour d'affliction et de misère, un jour de ténèbres et d'obscurité, un jour de nuages et de tempêtes, - Un jour où les villes fortes et les hautes tours trembleront au son et au retentissement de la trompette. "
3. MATTHIEU, XXV, 41 : " Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel qui a été préparé pour le démon et pour ses anges. "
4. MARC, IX, 42-43 : " Il vaut mieux pour vous d'entrer dans la vie n'ayant qu'une main, que d'en avoir deux et d'aller en enfer, dans un feu qui ne s'éteindra jamais, - où le ver qui les ronge ne meurt point, et où le feu qui les brûle ne s'éteint point. "
5. II Corinthiens, XII, 21 : " Lorsque je serai revenu auprès de vous, je crains que Dieu ne m'humilie, et que je ne sois obligé d'en pleurer plusieurs, qui étant déjà tombé dans des Impuretés, des fornications, et des dérèglements infâmes, n'en ont point fait pénitence. "
6. II Corinthiens, VII, 9-10 : " Maintenant je me réjouis, non de ce que vous avez eu de la tristesse, mais de ce que votre tristesse vous a portés à la pénitence. La tristesse que vous avez eue a été selon Dieu ; et ainsi la peine que nous vous avons causée ne vous a été nullement préjudiciable. - Car la tristesse qui est selon Dieu, produit pour le salut une pénitence qui ne laisse point de regrets ; au lieu que la tristesse de ce monde produit la mort. "
7. MATTHIEU, X, 28 : " Craignez celui qui peut perdre
l'âme et le corps dans l'enfer. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. Le concile de Trente, session XIV, c. 4 : " La contrition, qui tient la première place parmi les actes du pénitent, est une douleur intérieure et une détestation du péché que l'on a commis, avec le ferme propos de ne plus pécher à l'avenir. Or, ce mouvement de contrition a été nécessaire de tout temps pour obtenir le pardon des péchés, et il sert de préparation à la rémission des péchés dans l'homme tombé après son baptême, s'il est accompagné de confiance en la miséricorde divine, et du désir sincère de faire d’ailleurs tout ce qui est requis pour recevoir comme il faut le sacrement de pénitence. Le saint concile déclare en conséquence que cette contrition ne renferme pas seulement la cessation du péché, le dessein et même le commencement d'une vie nouvelle ; mais qu'elle comprend de plus la détestation de la
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vie passée, d'après cette parole du Prophète : Rejetez loin de vous toutes les prévarications dont vous vous êtes rendus coupables, et faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau. Et certes, si l'on fait réflexion sur ces cris de douleur qu'ont laissés échapper les saints : C'est contre vous seul que j'ai péché, c'est en votre présence que j'ai commis le mal; Je me suis épuisé à force de gémir, chaque nuit j'arrose mon lit de mes pleurs ; Je repasserai devant vous ma vie entière dans l’amertume de mon âme, et sur d'autres paroles semblables, on comprendra sans peine qu'elles avaient pour principe une haine formelle de la vie passée et une vive détestation des péchés commis. Le saint concile déclare en outre que, quoique la contrition puisse être parfaite par son motif, qui serait alors la charité, et qu'ainsi elle réconcilie quelquefois l'homme avec Dieu avant qu'il ait reçu par le fait le sacrement de pénitence, on ne doit pourtant pas attribuer cette réconciliation à la contrition elle-même, indépendamment du vœu que renferme cette contrition de recevoir le sacrement. Quant à la contrition imparfaite, qu'on appelle attrition, et qui a pour motif ordinaire, soit la considération de la laideur du péché, soit la crainte des peines de l'enfer, si elle exclut la volonté de pécher et qu'elle renferme l'espérance du pardon, le saint concile déclare que non-seulement cette sorte de contrition ne rend pas l'homme hypocrite ni plus grand pécheur, mais qu'elle est même un don de Dieu, et l'effet du mouvement de l'Esprit-Saint, qui, sans habiter encore le cœur du pénitent, le touche cependant, et lui ouvre les voies de la justification. Et quoiqu'elle ne puisse le justifier par elle-même sans le sacrement de pénitence, elle ne l'en dispose pas moins à obtenir la grâce de Dieu attachée à ce sacrement. Car ce fut celle crainte qui, ébranlant les Ninivites à la prédication et aux menaces effrayantes de Jonas, leur fit faire pénitence et obtenir miséricorde du Seigneur. C'est donc contre toute vérité, comme contre toute justice, que certaines gens accusent les écrivains catholiques d'enseigner que le sacrement de pénitence confère la grâce sans que ceux qui le reçoivent y coopèrent en rien, ce qui a de tout temps été contraire à la doctrine et aux sentiments de 1'Eglise ; et il n'est pas moins faux que la contrition soit, comme on voudrait aujourd'hui le faire croire, un acte contraint ou forcé et non volontaire et libre. "
2. Le concile de Florence : " La contrition du cœur demande du pénitent qu'il ait de la douleur du péché qu'il a commis, avec la résolution de ne plus le commettre. "
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3. S. AUGUSTIN, Serm. III in Natali Domini, qui est septimus de tempore : " La pénitence n'est rendue certaine que par la haine que l'on conçoit du péché et par l'amour qu'on ressent pour Dieu. Quand vous vous repentez de telle sorte, que vous trouviez amer pour votre âme ce qui auparavant vous semblait doux, et que les même choses qui vous causaient un plaisir sensible ne soient plus pour votre esprit qu'un objet d'affliction, c'est vraiment alors que vous poussez vers Dieu ce gémissement : J'ai péché devant vous, et j’ai commis le mal en votre présence. C'est avec raison que vous dites, J'ai péché devant vous, car nul homme n'est sans péché ; et, J'ai péché devant vous seul, parce qu'on peut être sans péché devant les hommes, mais on ne peut pas l'être devant Dieu. Faites, Seigneur, miséricorde à un misérable, vous qui l'avez si longtemps supporté dans sa vie criminelle. Que l'humilité de son repentir vous engage à lui accorder sa guérison, vous que sa longue persistance n'a pu porter à l'abandonner. (Au pécheur) : Dites-lui d'un cœur nageant dans les larmes : Que votre infinie bonté ait compassion de ma misère ; que votre miséricorde qui n'oublie personne, me fasse pardonner ma perversité. Dans mon désespoir, j'invoque votre toute-puissance ; dans les maux qui affligent mon âme, je n'ai que vous pour pouvoir me guérir. Déployez votre bonté sur moi, après avoir si longtemps suspendu le glaive de votre vengeance ; effacez mes crimes sans nombre par la multitude de vos miséricordes. . . . . La vraie pénitence est celle qui convertit tellement, qu'on ne retourne plus à ses anciens désordres ; qui inspire un tel repentir, qu'on ait horreur de pécher de nouveau. . . . Que les pécheurs pénitents ouvrent, pour écouter les leçons de Jésus-Christ, des oreilles que peut-être ils ont ouvertes jusqu'ici à des discours profanes et criminels. Qu'ils ouvrent pour contempler la beauté de la vertu, des yeux qu'ils ont ouverts pour contempler le vice. Qu'ils se pénètrent du repentir de leurs crimes, ceux qui jusqu'ici ne se sont occupés que de voluptés. Que la vertu relève ceux que le vice a fait déchoir. Que les consolations que la pénitence fait naître produisent le dégoût des habitudes criminelles. "
4. Le même, Lib. de pænitentiæ medicinâ, c. 2, sive lib. L homiliarum homiliâ quinquagesimâ, c. 2 : " Celui qui a le discernement de ce qu'il fait, et qui veut recevoir la grâce attachée aux sacrements de l'Eglise, ne peut entrer dans les voies d'une vie nouvelle, à moins qu'il ne se repente de l'ancienne qu'il a menée
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5. Ibidem, c. 15 (al. 5) : " Qu'est-ce que David offrit au Seigneur pour se le rendre propice ? Si vous aviez souhaité un sacrifice, lui dit-il, je n’aurais pas hésité à vous en offrir ; mais un holocauste n'aurait aucun prix à vos yeux. Le sacrifice que Dieu demande est un cœur touché de repentir ; vous ne rejetterez pas, ô mon Dieu, un cœur contrit et humilié (Ps. L, 18-19) Non content d'offrir lui-même un sacrifice digne de Dieu, il nous montre par ces paroles quel sacrifice doit faire aussi le nôtre. Car il ne suffit pas d'amender ses cœurs et de cesser de faire le mal ; il faut de plus satisfaire à Dieu pour le passé par les larmes de la pénitence, par les gémissements de la douleur, par le sacrifice d'un cœur contrit et par le mérite de l'aumône. Heureux les miséricordieux, parce que Dieu leur fera miséricorde (MATTH., V, 7). On ne vous dit pas seulement, en effet, de vous abstenir du péché ; mais l'Ecriture vous dit de plus d'implorer de la bonté du Seigneur le pardon des péchés déjà commis (Ecclé., XXI, 4). Pierre était déjà disciple de Jésus-Christ ; déjà il avait baptisé au nom de Jésus-Christ plusieurs nouveaux fidèles. Considérez donc Pierre, tout-à-l'heure si présomptueux, renonçant à son divin maître puis saisi de crainte, et redevable de sa guérison aux larmes de sa pénitence (MATTH., XXVI, 75). Après la descente du Saint-Esprit, un certain Simon voulut acheter à prix d'argent les dons de cet Esprit-Saint, méditant ainsi un trafic impie et criminel, quoiqu'il eût reçu déjà le baptême de Jésus-Christ ; repris par saint Pierre, il reçut de lui le conseil de recourir à la pénitence. L'apôtre saint Paul dit aussi dans quelqu'une de ses lettres, adressées, comme on le sait, à des fidèles : Je crains que Dieu ne m’humilie lorsque je serai revenu près de vous, et que je ne sois obligé d'en pleurer plusieurs, qui étant déjà tombés dans des impuretés, des fornications et des dérèglements infâmes, n'en ont pas fait pénitence (II Cor., XII, 21). Nous ne manquons donc ni de préceptes pour bien vivre, ni d'exemples non seulement de personnes qui ont bien vécu, mais aussi de personnes qui ont fait pénitence pour recouvrer la santé de l'âme qu'elles avaient perdue par le péché. "
6. S. FULGENCE, évêque de Ruspe, Lib. 1 de remissione peccatorum ad Euthymium, c. 42 : " Quelques-uns, effrayés à la vue de leurs crimes, gémissent, il est vrai, et prient pour en obtenir le pardon, mais sans cesser pour cela d'en suivre le cours. Ils avouent leurs méfaits, et ils refusent d'y mettre un terme. Ils s'accusent humblement devant Dieu des péchés dont ils sentent
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le poids, et ces péchés qu'ils détestent de bouche, ils les accumulent par leur attachement obstiné à des habitudes perverses. Ils implorent le pardon par d'humbles gémissements et ils l’éloignent par la malice de leurs œuvres. Ils demandent au médecin de les guérir et ils prêtent pour leur malheur de nouvelles forces à leur maladie. Les gens de ce caractère n'effaceront jamais leurs péchés par leurs larmes, faute d'accompagner leurs gémissements d'un changement de vie. "
7. S. CHRYSOSTOME a deux homélies sur le Psaume L ; voici comme il s'exprime dans la seconde : " Ayez pour registre votre conscience, et écrivez-vos péchés de chaque jour. Lorsqu’ensuite vous serez couchés sans avoir à craindre d'être dérangé par personne, en attendant que le sommeil vous prenne, compulsez ce registre que votre conscience vous offrira, en rappelant à votre mémoire tous les péchés que vous aurez commis, soit par paroles, soit par actions, soit par pensées. C'est l'avis que vous donne le roi- prophète : Indignez-vous contre vous-mêmes, et ne péchez plus, vous dit-il ; étendus sur vos lits, ouvres vos cœurs à la réflexion et au repentir dans le silence. . . . (Ps. IV, 7). Dites-vous à vous-même : Voici un jour de plus que nous venons de passer, ô mon âme ; or, quel bien, avons-nous fait, ou quel mal, avons-nous commis ? Et si vous y avez fait quelque bien, rendez-en grâces à Dieu ; si au contraire vous avez commis quelque mal, promettez-vous bien de ne plus le faire. . . . . Appliquez-vous à vous bien pénétrer de la crainte de l'enfer ; faites-vous à vous-même une amputation qui ne vous causera pas de douleur ; érigez contre vous-même au fond de votre conscience un tribunal sévère, instruisez votre cause sans retard, afin que, le jour qui suivra, vous ne vous portiez plus si facilement à commettre le péché (Cf. Opera S. Joan. Chrysost., t. V, p. 589, édit. des Bénédictins ; pag 716-717, édit. de Gaume. Le savant éditeur bénédictin, c'est-à-dire D. Montfaucon, d'accord avec Fronton-le-Duc, range cette homélie parmi les pièces faussement attribuées à saint Chrysostôme). "
8. Le même, Lib. I de Compunctione cordis, vers la fin : " Que font, dites-le-moi, les forces du corps, lorsque nous avons à châtier notre cœur, à prier attentivement, à repasser nos péchés, à dépouiller l'insolence et l’orgueil, à humilier notre esprit ? Car c'est là ce qui apaise la colère de Dieu envers nous, et certes tout cela ne demande pas beaucoup de peine ; cependant nous ne le faisons pas. L'expression de la douleur ne se manifeste pas
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seulement en se couvrant d'un sac, en s'enfermant dans une cellule, en vivant dans les ténèbres ; elle se témoigne encore par un retour continuel sur nos fautes, par un examen entier de notre conscience, par l'appréciation exacte du chemin que nous avons à parcourir et de la distance qui nous sépare du royaume des cieux. Comment pratiquer tout cela, me demanderez-vous ? Quel moyen faut-il employer ? Avoir sans cesse devant les yeux les flammes de l'enfer, les anges peuplant l'espace et recueillant de tous les coins du monde ceux qu'ils doivent y précipiter ; penser quel malheur doit être pour une âme, en laissant même de côté les tourments de l'enfer, la privation de la vue de Dieu. Oui, quand nous n'aurions pas à redouter ces feux éternels, ces supplices sans fin, la pensée seule d'être séparé de Jésus-Christ, lui si bon, si dévoué à l'homme, lui qui s'est livré à la mort pour nous sauver, qui a tout souffert pour nous arracher au châtiment et nous réconcilier avec son Père que nos péchés avaient irrité contre nous ; cette pensée, dis-je, devrait suffire pour nous empêcher de faillir, même sans avoir égard aux biens infinis qui peuvent être notre partage ; la crainte de la haine de Jésus-Christ doit être pour nous au-dessus de tous les supplices, et doit suffire pour nous réveiller de notre engourdissement. N'est-il pas vrai qu'au récit de ces cinq vierges exclues du lit nuptial pour n'avoir pas entretenu l'huile de leur lampe, nous ressentons la douleur mortelle qui dut les accabler ? Quel sera donc le cœur assez dur pour ne pas gémir de voir qu'un pareil malheur le menace ? quelle sera l'âme assez faible pour faire le mal en ayant sous les yeux un tel exemple ? "
9. Le même, de Compunctione cordis lib. II, vers la fin : " Il y a tant d'avantages à recueillir de l'examen que l'on fait de ses fautes, que saint Paul n'était pas à confesser à toute occasion les siennes, quoiqu'il pût penser qu'elles étaient depuis longtemps effacées. Car les péchés mêmes, dont il avait reçu le pardon dès avant son baptême, il se les rappelait continuellement, quelque vertu qu'eût pu avoir son baptême, pour s'en purifier encore davantage, quelque pure qu'eût été ensuite sa vie, au point que sa conscience ne lui faisait aucun reproche et qu'il n'avait à gémir sur aucuns péchés nouveaux. . . En considérant la multitude de nos péchés passés, nous n'apprécierons que mieux le prix de la grâce divine, en même temps que cette considération servira à nous humilier et à nous guérir d'une vaine enflure. Car, plus
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nous nous verrons coupables, plus nous aurons honte de nous-mêmes. Paul donc rappelait à sa mémoire ses péchés même pardonnés ; et nous, nous ne voulons pas seulement rappeler à la nôtre les péchés dont nous nous sommes rendus coupables depuis notre baptême des péchés qui mettent notre âme en danger, et dont il nous faudra rendre un compte rigoureux. Et lors même que, sans que nous le voulions, ils nous reviennent à la pensée, nous les éloignons au plus tôt de notre esprit, de peur de nous en faire de la peine même un moment. Or, quels maux n'entraîne pas à sa suite une délicatesse aussi déraisonnable ? Il en résulte en effet, qu'apathiques et lâches pour tout bien faire, nous sommes réduits à l'impuissance de confesser même des péchés passés. Car comment pourrons-nous le faire, si nous sommes dans l'habitude de n'en supporter pas même le souvenir ? Il en résulte encore que nous retombons facilement dans des péchés nouveaux. Car si nous avions toujours présentes à notre mémoire nos fautes passées, ce souvenir serait comme un aiguillon qui nous piquerait d'ardeur pour faire mieux à l'avenir, et qui, en nous imprimant la crainte, nous ferait surmonter notre mollesse et notre insouciance. Mais si vous vous ôtez à vous-même ce frein, qui vous retiendra dès-lors sur le penchant du précipice où vous entraîne votre témérité et vous empêchera de tomber dans le gouffre de la perdition (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. Ier, pag. 151-152, édit. des Bénédictins ; pag. 186-187, édit. de Gaume) ? "
10. S. AUGUSTIN, Lib. de pænitentiæ medicinâ, c. 9, vel. 4 in Hom. L : " Que l'homme érige contre lui-même le tribunal de sa raison, qu'il réfléchisse que nous avons tous à comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ pour recevoir chacun la rétribution de ce que nous aurons fait ici-bas, soit en bien, soit en mal ; qu'il se reproche lui-même ce qu'il a fait, pour n'être pas forcé plus tard de subir ce supplice. Car c'est la menace que Dieu fait au pécheur par ces paroles : Je vous convaincrai, et je vous dévoilerai à vos propres yeux (Ps. XLIX, 21). Déféré ainsi par lui-même à son propre tribunal, qu'il ait pour accusateur le remords, pour témoin la conscience, pour bourreau la crainte. Qu'ainsi flagellé, il laisse couler ses larmes en confessant ses crimes. Enfin, qu'il porte contre lui-même cette sentence, qu'il ne mérite pas de participer au corps et au sang de Jésus-Christ, et que pour n'être pas sevré des joies du ciel par l'arrêt définitif
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du souverain juge, il consente à l'être du céleste aliment par les pasteurs de l'Eglise. Qu'il se représente vivement le jugement à venir, et que, tandis que les autres s'approcheront de l'autel dont il se verra lui-même éloigné, il considère quel affreux malheur ce serait pour lui d'être précipité dans la mort éternelle au lieu de cette vie éternellement heureuse qui sera le partage des élus. "
11. S. AMBROISE, ad virginem lapsam, c. 8 : " C'est plutôt dans les actes que dans les paroles, que la pénitence doit consister. C'est dans cet esprit qu'elle s'accomplira, si vous pensez à la gloire dont vous êtes déchue, à ce livre de vie d’où vous avez été rayée, si vous vous croyez déjà toute proche de ces ténèbres extérieures où les yeux verseront des pleurs sans fin, où il se fera d'éternels grincements de dents. Lorsque vous aurez compris toutes ces peines, et que la foi, que vous avez encore sans doute, vous persuadera que toute âme qui a péché doit être livrée en proie aux supplices ou aux flammes de l'enfer, et qu'après qu'on a reçu le baptême il ne reste plus de ressource que dans la pénitence, quelles afflictions, quelles tortures ne serez-vous pas heureuse d'endurer pour échapper aux peines éternelles ? Méditez profondément en vous-même sur toutes ces considérations et rendez-vous juge, mais juge sévère de votre propre faute. Commencez par éteindre en vous tout attachement pour cette vie d'ici-bas ; regardez-vous comme morte pour la terre, et cherchez les voies qui vous assureront une vie nouvelle. Il faut ensuite vous couvrir d'habits de deuil, soumettre et votre esprit et votre corps, avec chacun de ses membres, à une rude pénitence. " Voir la suite de ce passage plus loin, question VIII, témoignage 14.
12. Le concile de Trente, session XIV, canon 5 : " Si quelqu'un dit que la contrition qu'on se procure par l'examen, le dénombrement et la détestation de ses péchés, en repassant ses années dans l'amertume de son âme, en pesant attentivement la gravité de ses fautes, leur multitude, leur difformité, la perte qu'on a faite du bonheur éternel, la damnation éternelle qu'on a méritée ; qu'une telle contrition même accompagnée du ferme propos de mener une vie meilleure, n'est pas une douleur véritable ou utile, et ne prépare pas à recevoir la grâce, mais ne fait que des hypocrites et rend l'homme plus coupable qu'il ne l'était déjà ; ou que c'est une douleur forcée et non volontaire et libre, qu'il soit anathème. "
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13. S. AMBROISE, Lib. I de Pænitentiæ, c. 1 : " On ne peut bien faire pénitence si l'on n'a pas l'espérance de son pardon. "
14. S. AUGUSTIN, Lib. de pæniteniæ medicinâ, c. 11, vel 4 in homiliâ L : " Que l'homme se juge donc lui-même volontairement sur le mal qu'il a commis, et qu'il améliore sa conduite, tandis qu'il le peut, pour n'être pas jugé un jour, lorsqu'il ne le pourra plus, par Dieu même malgré lui. Et après qu'il aura porté contre lui-même une sentence sévère, mais médicinale, qu'il aille trouver les pasteurs de l'Eglise, chargés de lui en ouvrir l'entrée ; que plein de respect pour l'Eglise, et se conduisant envers elle comme un bon fils à l’égard de sa mère, il se soumette à la pénitence que lui imposera le ministre des sacrements, et qu'en offrant avec ferveur le sacrifice d'un cœur contrit, il ne recouvre pas seulement pour lui-même la santé de l'âme, mais qu'il donne aussi le bon exemple aux autres. Si son péché a été cause de scandale, qu'il ne refuse pas, si 1'évêque le juge à propos, de faire pénitence aux yeux de plusieurs et même de tous les fidèles, qu'il n'oppose pas de résistance et qu'il n'envenime pas sa plaie par une honte qui lui serait funeste. Qu'il se rappelle sans cesse que Dieu résiste aux orgueilleux, et donne sa grâce aux humbles. Car qu'y aurait-il de plus malheureux, comme de plus déraisonnable, que de ne pas rougir d'être couvert de plaies qu'on ne saurait cacher, et de rougir d'y voir appliquer un appareil salutaire ? "
15. Le même, Enchirid. ad Laurentium, c. 65 : " Quelques grands que soient les crimes dont on demande à l'Eglise d'être absous, on ne doit point désespérer de la miséricorde de Dieu, pourvu qu'on fasse une pénitence proportionnée aux fautes commises. Dans la pénitence elle-même, s'il s'agit de crimes à expier par la séparation temporaire du corps de Jésus-Christ, on doit avoir égard moins à la durée de la pénitence qu'à la vivacité de la douleur : car Dieu ne méprise jamais un cœur contrit et humilié. Cependant, comme le cœur de l'homme est caché pour tout autre que pour lui-même, et que les paroles et les autres signes ne suffisent pas pour en manifester les dispositions, que connaît celui-là seul à qui le Psalmiste disait : Mon gémissement n'est pas caché à vos yeux, ce n'est pas sans sujet que ceux qui président au gouvernement des âmes ont marqué le temps que doit durer la pénitence pour satisfaire aussi à l'Eglise, dans laquelle seule on peut obtenir la rémission de ses péchés, car c'est elle qui a reçu l'Esprit-Saint en gage des promesses de son
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divin époux, et c'est par la vertu de l'Esprit-Saint seulement que les péchés peuvent nous être remis, et que nous pouvons recouvrer nos droits à la vie éternelle. "
16. S. AMBROISE, in Psalmum XXXVII : " Celui qui fait pénitence doit se soumettre aux peines satisfactoires, afin que puni dans ce monde, il se préserve par là des châtiments éternels. . . . Une humble confession est le meilleur plaidoyer que puisse faire le pécheur : c'est en rougissant de nos fautes commises que nous échapperons à la peine qui serait inévitable, si nous cherchions à les justifier. . . Comme un mal intérieur ne peut être guéri que lorsqu'il a fait éruption par quelque abcès, ainsi le péché est une maladie qui s'aggrave tant qu'on la tient secrète et qui se dissipe au contraire dès qu'on la révèle par une humble confession. "
17. Le même, ad virginem lapsam, c. 8 : Voir
ce passage plus haut, même question, témoignage 11, page 38,
et la suite plus bas, question VIII, témoignage 14.
Question V
La confession est-elle nécessaire ?
Elle l'est certainement ; et non-seulement, comme quelques-uns se l'imaginent, cette confession intérieure que nous devons faire tous les jours devant Dieu, à l'exemple de David, qui s'écriait : J'ai dit : Je confesserai au Seigneur et je déclarerai contre moi-même mon injustice ; mais aussi la confession extérieure que l'on fait à un prêtre de tous les crimes dont on se souvient après l'examen sérieux qu'on a fait de sa conscience.
C'est ainsi que nous lisons des fidèles de la primitive Eglise, que plusieurs de ceux qui avaient reçu le don de la foi venaient confesser et déclarer le mal qu'ils avaient fait.
La nécessité de cette confession nous est démontrée non-seulement par les saintes lois de l'Eglise et les vénérables écrits des Pères, mais encore par le divin témoignage de Jésus-Christ, qui s'en est suffisamment expliqué par ces paroles : Les péchés seront remis à ceux à qui cous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. Car, comme la fonction de remettre ou de retenir les péchés suppose l'autorité d'un juge, un prêtre ne saurait s'en acquitter comme il faut, à moins de bien connaître l'état du pécheur, ou d'être instruit de la cause sur laquelle il doit prononcer. Or, cette instruction de la cause serait im-
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possible, si celui qui se présente au prêtre
comme à son médecin et à son juge, ne lui découvrait
pas les plaies de son âme par une confession volontaire, et ne le
mettait à même, par ses propres aveux, de voir s'il est expédient
ou non de le délier de ses péchés.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
Actes, XIX, et JEAN, XX (comme dans le corps de
la réponse).
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. CHRYSOSTOME, in Matthæum, hom. XLII : " Jugez-vous vous-même, punissez-vous vous-même de vos péchés ; pleurez, soupirez dans l'amertume de votre âme, gémissez profondément, humiliez-vous, affligez-vous, rappelez à votre mémoire tous vos péchés en particulier. Ce souvenir est un supplice secret et intérieur qui n'est connu que de celui qui est entré dans les sentiments d'une vive componction, et qui sait par sa propre expérience combien la mémoire des fautes passées est pénible pour une âme touchée d'un véritable regret. C'est pourquoi Dieu propose la justification comme prix de cette pénitence sincère : Accusez-vous de vos péchés, dit-il (ISAIE, XLIII, 26, selon les Septante), si vous voulez devenir juste. Car c'est sans doute un moyen bien propre à nous corriger, que de rassembler tous les péchés de notre vie, de les repasser dans notre mémoire et de nous en occuper sans cesse (Cf. Homélies ou sermons de S. Jean Chrysost., trad. par P.-A. de Marsilly, t. II, p. 291-292). "
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2. ORIGENE, in Psalmum XXXVII, Hom. I : " Jésus-Christ était, il est vrai, le médecin par excellence, pour qui aucune maladie n'était incurable ; mais ses disciples, que ce soit Paul ou que ce soit Pierre, ou tout autre, sont aussi médecins, ainsi que ceux qui ont succédé aux apôtres pour le gouvernement de l’Eglise, et qui se trouvent par-là même chargé de la cure des âmes ; car Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais il l'attend à pénitence. "
3. Le même, Homel. II in Leviticum : " Vous avez vu combien de sacrifices pour les péchés étaient ordonnés sous la loi ; voyez maintenant combien de moyens d'obtenir la rémission de nos péchés nous sont recommandés dans l’Evangile. Le premier est, etc. Il en reste un septième, quoique laborieux et pénible, qui est la pénitence, lorsque le pécheur lave son lit de ses larmes, qu'elles sont comme le pain dont il se nourrit nuit et jour, lorsqu'il ne rougit pas de confesser ses péchés au prêtre et de lui en demander le remède, à l'exemple de celui qui disait : J'ai dit : Je dénoncerai au Seigneur l'injustice dont je suis coupable, et vous m'avez pardonné mon impiété. "
4. S. CHRYSOSTOME, Liv. III du Sacerdoce, comme plus haut, question I, témoignage 23, page 17.
5. S. GREGOIRE de Nysse, in mulierem peccatricem : " Faites part de votre peine au prêtre, comme à un père. Car quel est le père, si peu digne qu'il puisse être de ce nom, quelque insensible qu'il soit, qui ne souffre de voir ses enfants dans la tristesse, ou qui ne se réjouisse de les voir dans la joie ? C'est ainsi qu'un prêtre s'attriste à la vue des péchés de celui que la religion lui donne pour fils, comme Jacob éclata en cris de douleur à la vue de la tunique ensanglantée qu'il prenait pour celle de son fils Joseph, comme David pleura la mort d'Absalon, comme Héli pleura Ophni et Phinées morts sur le champ de bataille, comme Moïse pleura sur l'impiété de son peuple, qui par inconstance s'était fait un veau d'or. Ayez donc encore plus de confiance en celui qui vous a engendre à Dieu, qu'en ceux mêmes à qui vous devez votre existence physique. Découvrez-lui sans crainte les secrets de votre cœur ; montrez-lui vos plaies secrètes comme au médecin de votre âme. Il prendra les intérêts de votre honneur comme de votre guérison. Les parents sont plus sensibles au déshonneur de leurs enfants, que leurs enfants eux-mêmes. Car comme la gloire des enfants jaillit sur leurs parents, il en est de même de ce qui peut tourner à leur ignominie. Nous ignorons
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quel sera le terme de notre vie ; prévenons-en le moment par notre vigilance. Il serait contradictoire que, tandis que ceux qui prennent soin de leur santé se purgent aux approches de la canicule, de peur que les humeurs dont ils seraient remplis ne donnent trop de prise sur eux aux chaleurs de l’été, ceux qui ont à sauver leur âme ne prévinssent pas le moment incertain de leur mort, et les ardeurs de ce feu qui ne s'éteindra jamais. Avez-vous perdu par votre négligence la drachme évangélique que vous aviez reçue et qui faisait votre richesse ? Allumez, pour la retrouver, la lampe de la pénitence. Cherchez partout avec soin. Efforcez-vous de la retrouver, ensevelie qu'elle est peut-être sous la couche de vos funestes penchants ; dès que vous l'aurez retrouvée, prenez-la pour ne plus vous en dessaisir, et invitez vos voisins, je veux dire votre prochain, à s'en réjouir avec vous, et à s'en réjouir en Jésus-Christ. "
6. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I de miraculis, c. 5 ; voir plus haut, article de l'Eucharistie, question X, témoignage 13, page 487, tome II.
7. Le même, ibidem, c. 5 ; voir à la suite de la même question, témoignage 16, page 489, tome II.
8. Ibidem, c. 4 : " Un prêtre nommé Gilbert, voulant se convertir, entra au monastère de Saint-Jean-d'Angély, situé en Saintonge, et y passa saintement le reste du temps qu'il vécut. Or, il n'y avait pas encore longtemps qu'il était dans ce monastère, qu'une maladie dont il se trouvait atteint le réduisit à l'extrémité. Après qu'on l'eut étendu sur un cilice et sur la cendre, conformément à l'usage des chrétiens et particulièrement des religieux, les moines vinrent pour le recommander à Dieu par leurs prières en attendant le départ de son âme, et l'entourèrent en chantant des psaumes. On s'attendait à le voir rendre bientôt son dernier soupir, lorsque tout-à-coup reprenant ses esprits et ouvrant les yeux, il se mit à répéter à haute voix la profession de foi qui se chante tous les jours, et qui commence par ces mots : Quicumque vult salvus esse, etc. ; et au lieu qu'auparavant tout le monde savait qu'il était très-ignorant, même en fait de lecture, il prononçait les mots si distinctement et si bien, que ceux qui ne le connaissaient pas l'auraient pris pour un homme fort instruit et tout-à-fait verse dans les lettres. Tous ceux qui étaient présents, frappés de cette singularité, se tenaient dans l'admiration. Après être resté ainsi longtemps en suspens, l'un d'eux, le prieur, nommé Grégoire, dont c'était plus parti-
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culièrement la partie, homme d'une grande spiritualité, comprenant qu'il avait eu quelque vision secrète, se baissa vers le moribond et lui demanda pourquoi il s'était écrié, et s'il n'avait pas eu quelque vision à leur propre insu. J'ai vu, lui répondit-il aussitôt, une personne d'un maintien grave, vêtue de blanc, et vénérable par sa vieillesse, qui m'a apporté tout-à-l’heure un vase plein d'eau, et qui m'a dit : Sachez que je suis venu pour laver vos pieds qui sont sales, et quand ils seront lavés, vous serez entièrement propre. Et comme il voyait bien que ses paroles m'avaient jeté dans l’étonnement, il ajouta : Ne savez-vous pas que vous avez besoin de cette eau pour vous purifier, vous qui avez commis tel crime que vous savez bien, mais que vous avez caché à dessein, sans le révéler à qui que ce soit ? Sachez donc bien que vous ne sauriez être sauvé, à moins que vous ne fassiez la confession salutaire de ce péché que vous avez caché jusqu'ici pour votre malheur. Dieu, dont la miséricorde est sans mesure, ne voulant pas que vous vous perdiez malgré ce crime, permet que vous repreniez l'usage de vos sens, afin que vous puissiez vous confesser de cet énorme péché et vous sauver par ce moyen. Voilà la cause qui m'a fait perdre connaissance, et qui fait aussi que je reviens à vous. Ayant dit ces mots, il pria l'assemblée de s'éloigner et ne retint que le prieur, à qui il fit la confession de ce péché secret. Après qu'il en eut reçu l'absolution ainsi que de ses autres péchés, le lendemain venu, à la première heure du jour, les moines étant en prière autour de lui, la joie peinte sur le visage, il rendit tranquillement son dernier soupir. C'est un fait que j'ai appris, comme de première main, d'un moine de ce même monastère, nommé Lectus, qui en avait été témoin oculaire. Car ce religieux étant venu à Cluny par un mouvement de piété, m'a servi d'écrivain et est devenu mon fils très-cher en Jésus-Christ. "
9. Ibidem, c. 6 : " Je crois faire plaisir au lecteur en rapportant ici un autre miracle assez frappant, dont j’ai été moi-même témoin avec plusieurs autres, ainsi qu'on va le voir. Tous les contemporains savent assez la cause qui m'a obligé d'aller à Rome avec plusieurs religieux da notre ordre. A mon retour, j'ai rapporté avec moi une de ces fièvres romaines assez violente. On me conseilla, pour m'en guérir, d'aller au pays natal respirer l'air qui avait alimenté mon enfance. Je fis choix, pour cet effet, du célèbre monastère de Soucilange, qui dépend de Cluny, et j'y passai le carême entier, en ayant plus à souffrir des accès de la
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fièvre que des rigueurs du jeûne. Tandis que j'y vivais dans une maison séparée du reste de la communauté, voilà que mon oreille est frappée des cris presque continuels d'un moine malade, couché dans la maison voisine et à l'étage inférieur, et ses cris devenaient de jour en jour plus fatigants. Dans les commencements, ses cris avaient pour objet tout ce qui se présentait à son esprit troublé par la maladie. Mais à la fin, il ne faisait plus entendre, sans aucune interruption et de toute la force de sa voix, que cet unique cri : Hélas ! mes frères pourquoi ne venez-vous pas à mon secours ? Pourquoi êtes-vous sans pitié pour moi ? Pourquoi n'éloignez-vous pas de moi ce grand et terrible roncin (je cite son expression), qui, des ruades qu'il me lance, me fracasse la tête, me défigure le visage et me brise les dents ? Eloignez-le, messieurs, éloignez-le ; je vous en supplie, au nom de Dieu, éloignez-le ! Puis il adressait la parole au démon lui-même qui lui apparaissait sous la forme de ce cheval, et lui parlait à peu près en ces termes, que pouvaient entendre toutes les personnes présentes : Au nom de madame sainte Marie, mère de Dieu, au nom des saints apôtres, je t'adjure, ne me tourmente pas, mais laisse-moi en paix ! Ce moine, avant sa conversion, avait été un brave militaire selon le monde, et depuis son entrée en religion, je l'avais eu longtemps près de moi ; c'était un homme plein de foi, et d'une conduite irréprochable aux yeux des hommes. J'endurai bon gré mal gré ces cris importuns pendant presque tout le carême, qu'il ne cessa de crier, sans que je pusse lui porter secours, à cause de la maladie dont j'étais moi-même affligé. Sur ces entrefaites arriva la fête de Pâques. Cette fête passée comme je me trouvais un peu mieux sans être encore rétabli, j'allai voir cet autre malade et je lui demandai ce que voulaient dire ces cris qu'il faisait entendre depuis si longtemps. Il me répondit : C'est ce roncin, oui, ce roncin, qui me tourmente sans me laisser de repos. Il ne cesse de me frapper les joues de ses coups de pieds. En même temps il me montrait l'endroit où il voyait ce cheval, et qui n'était autre que le mur où son lit s'appuyait. Puis, la vue de tous ceux qui étaient présents, il se mit à tourner la tête de côté et d'autre, et, comme s'il eût voulu la soustraire aux coups de l'animal, il cherchait à la cacher sous son oreiller ou plus bas encore. Nous prenions en pitié les peines du pauvre homme, ne pouvant rien faire de mieux pour le soulager. Je fis donc apporter de l'eau bénite, et j'en aspergeai tant le malade lui-même que la
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place qu'il nous montrait ; après cette aspersion, je lui demandai s'il voyait toujours le même démon. Il répondit, et qu'il le voyait encore, et qu'il en était toujours également maltraité. Mais pour que personne ne s'étonne que l'aspersion de l'eau n'ait pas suffi pour mettre le démon en fuite, qu’on se rappelle seulement que, lorsque le mal est intérieur, il ne sert de rien d'appliquer à l'extérieur les meilleurs onguents. J'appelle mal intérieur le péché mortel que ne savait guérir la réception d'aucun sacrement, tant qu'il reste caché au fond de l'âme. Cela se voit clairement dans les principaux sacrements de l'Eglise, tels que le baptême et le corps du Seigneur. Car si ces sacrements pouvaient sauver malgré le péché qu'on cacherait en soi-même, Judas ne serait pas allé se pendre après avoir reçu avec les autres disciples, le sacrement du corps de Jésus-Christ, et saint Pierre n'aurait pas dit à Simon le magicien, qui avait alors reçu le baptême : Vous n’avez point de part à cette grâce, et vous ne pouvez rien prétendre à ce ministère ; car je vois que vous êtes plein d'un fiel amer, et lié à l'iniquité (Act., VIII, 21, 23). Notre-Seigneur, en effet, ne nous a pas moins recommandé de pratiquer les œuvres de la foi que les sacrements de la foi, comme on peut s’en convaincre au sujet de ce même sacrement de baptême, d'après ce qu'a déclaré son divin auteur. Car après avoir dit : Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, il a ajouté aussitôt : Leur enseignant à mettre en pratique toutes les instructions que je vous ai données. Il a donc ordonné les 2 choses à la fois ; il a voulu qu’elles fussent observées également ; il a fait voir que l'une sans l'autre serait insuffisante pour le salut. Voilà pourquoi ce malade a pu recevoir 1'aspersion de l'eau bénite sans être pour cela délivré du démon, à cause, comme on va le voir, du péché qu'il cachait dans son cœur. Quand je vis la chose, je l'exhortai à s'examiner avec soin sur sa vie passée, et à confesser tous les péchés, surtout les plus graves, qui lui reviendraient à la mémoire. Ayant obtenu cela de lui, je ne gardai avec moi que deux témoins, congédiant tous les autres, et je m'assis à ses côtés, en tenant à la main, jusqu'à ce que tout fût fini, une petite croix de bois avec l'image de Notre-Seigneur, pour l’animer davantage à faire sa confession. Il se mit donc à la faire, et à avancer peu à peu dans ce travail ; et comme son mal l'empêchait de fois à autre de bien suivre l’ordre de ses idées, je venais à son aide en le lui rappelant autant que possible à la mémoire. C'est ainsi qu'à
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l'aide de mes faibles efforts il reprenait la suite de ses paroles, et continuait sa confession. Et comme il avait déjà déclaré une grande partie de ses péchés et qu'il voulait passer à ce qu'il lui en restait à dire, le voilà qui détourne de nouveau la tête, et qui la retourne de toutes les façons, cherchant de fois à autre, comme il l'avait fait déjà à la cacher sous son coussin. Et comme je lui demandais ce que voulait dire ce geste désordonné : Voyez, monsieur, me dit-il ; ce roncin qui ne me quitte jamais m'inquiète plus encore que de coutume et fait tout ce qu'il peut avec ses ruades pour me fracasser les dents et la tête. Pressez-vous donc, mon frère, lui répartis-je ; c'est le malin esprit qui voudrait empêcher votre salut ; mais persévérez seulement, et vous serez vainqueur. Reprenant donc la suite de sa confession, il la continuait avec plus de ferveur encore qu'auparavant, en ne laissant rien passer de tout ce qui s'offrait à sa mémoire de ce qu'il avait fait, tant dans le monde que dans l’état monastique. Mais au plus fort de sa narration, voilà qu'il pousse de nouvelles plaintes, en adressant la parole à je ne sais quel autre qu'il croyait voir près de lui. Pourquoi m'empêche ? lui disait-il. Pourquoi m'interrompre ? Ou parle à ma place, ou laisse-moi prier tout seul. Comme je lui demandais à qui et pourquoi il disait ces choses : j'ai à mon chevet, me répondit-il, un personnage inconnu qui me dit tout le mal que j'ai fait dans ma vie. Mais en même temps qu'il me le rappelle, il m'empêche de le confesser. Tout ce qu'il me dit est vrai, et il s’oppose, malgré ma volonté, à ce que je le répète. Je lui disais que c'était encore là un démon et je l'exhortais à ne pas perdre pour cela courage. Il revenait alors à sa confession et cherchait à l'achever. Mais voici un nouveau spectacle : que de fois, forcé de changer de propos, après avoir recommencé à me confesser ses péchés, il se plaignait des démons qui le force tantôt de menaces et tantôt de coups cherchaient à lui fermer la bouche ! Un moment il disait que c'était le roncin qui le frappait à la bouche de ses coups de pieds ; un autre moment, que c'était le démon à son chevet qui lui coupait la parole. Si je ne me trompe, ce fut jusqu’à une quarantaine de fois que sa confession fut ainsi interrompue par les démons : tant cet ennemi obstiné, avide comme toujours de la perte des âmes, luttait avec fureur contre nous deux. Ce combat se continua sans relâche depuis la première heure jusqu'à la troisième du jour. C'est à cette heure que je viens de dire, heure d'ordinaire favorisée des communications de l'Esprit-Saint,
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que ce divin Esprit nous fit obtenir la victoire. Nous fûmes donc vainqueurs, ou plutôt le vainqueur fut cet Esprit lui-même, sans lequel le mauvais esprit ne saurait être vaincu. Assurément, ce fut par un effet de la miséricorde divine que notre ennemi fut alors défait, et que le religieux, en ce dernier moment de sa vie, rappelant à sa mémoire tous les péchés de sa vie passée et en faisant la confession, obtint par cet aveu salutaire le recouvrement complet de la paix de son âme. Admirons ici, et aimons encore plus la bonté de Dieu pour nous autres malheureux pécheurs ; elle n’a pas permis que ce religieux sortît de ce monde, qu’elle ne lui eût premièrement pardonné, au moyen de la pénitence et de la confession, ce qui aurait pu faire obstacle à son salut. J’eus aussi, en ce moment, la preuve de la fidélité avec laquelle la mémoire de ce bon religieux lui rappela les péchés de sa vie. Car, comme il dit qu’il y avait quelques années qu’il avait confié un autel bénit à un des frères, je saisis cette occasion pour m’assurer de la fidélité de sa mémoire, et ayant fait demander l’autel en question au moine qu’il m’avait nommé, je vis bientôt celui-ci m’apporter l’objet gardé par lui en dépôt. La confession étant donc achevée, j’appelai les moines du couvent auprès du malade ; je lui donnai l’absolution selon la coutume, et je lui imposai une pénitence, en recommandant à ses confrères de l’acquitter à sa place, s’il venait à mourir. Le religieux reçut cette absolution avec beaucoup de dévotion, adora profondément la croix que je lui mis devant les yeux, et recommande avec beaucoup de ferveur son corps et son âme aux mérites de la passion de Notre-Seigneur. Toute cette cérémonie achevée, je lui demandai, en présence tant de tous les moines que de tous les laïques présents, ce qu’il disait de ce roncin dont il s’était plaint si fort, et s’il le voyait encore comme auparavant. A cette demande, le malade lève la tête d’un air alarmé, jette un regard en apparence inquiet du côté où il avait coutume de le faire précédemment, promène ensuite sa vue tout à l’entour, et, pleurant de joie, il s’écrie : J’en jure par l’âme de mon père ! il ne paraît plus rien. Je le questionne ensuite au sujet de ce mauvais conseiller qui ne quittait pas son chevet, il y avait peu d’instants ; il regarde alors à cette même place où il l’avait vu auparavant, et puis il s’écrie : Cet autre s’est aussi retiré ! Tous alors de concert nous rendons grâces à Dieu, qui sauve ceux qui espèrent en lui. Je recommandai ensuite aux gardiens du mourant de l’observer avec la plus grande attention. Or, personne ne
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l’entendit plus jeter le moindre cri, tandis qu'auparavant les moines qui couchaient dans la même maison ne pouvaient avoir de repos, tant ils étaient importunés par ses cris continuels. Interrogé encore de fois à autre par les moines, et aussi par les domestiques, s'il voyait quelque chose de ce qu'il avait vu auparavant, il répondait à toutes ces questions qu'il ne voyait plus rien qui lui fît de la peine, qu'il n'avait plus rien à souffrir de tout cela. Je lui réitérai les mêmes questions, et il me répondit que tout allait bien et parfaitement à son gré. Il vécut encore ce jour-là tout entier et la nuit d'après et ce ne fut que le lendemain, vers la sixième heure du jour, qu'il rendit en paix son dernier soupir, en nous laissant à peu près assurés d e son salut, et fort édifiés de la sincérité de sa pénitence. "
10. Ibidem, lib. II, c. ult. : " Comme je reprenais la route de Cluny, à mon retour d'Angleterre, en traversant la France, je m'arrêtai à un monastère de l'ordre de Cluny, qui s'appelle Rueil, où je reçus l'hospitalité. C e monastère avait alors pour prieur un religieux nommé Bernard, natif de Poitiers, jeune encore, de bonnes manières, plein d'activité et gouvernant sagement sa maison. Il était pour le moment agité d'une fièvre violente qui l'obligeait à garder constamment le lit. Je le trouvai donc dans cet état à mon arrivée. Je m'approchai de lui après la prière prescrite, et je lui demandai avec intérêt comment il se portait. Il me répondit ce qu'il suffisait d'avoir des yeux pour voir, qu'il souffrait beaucoup de ces accès de fièvre. Je l’avertis alors, comme c'était mon devoir, de s'examiner tandis qu'il avait bonne connaissance, de faire sa confession, et de ne rien omettre de ce qui pouvait assurer son salut, et rendre prospère pour lui ce grand voyage. Il se rendit volontiers à ma demande, et commença à me faire sa confession, après avoir congédié tous les autres. Quand il l'eut achevée de son mieux, je lui donnai les avis que je crus à propos, puis je lui accordai l'absolution, comme c'est l'usage. Je lui imposai une pénitence telle que me semblait la requérir la confession qu'il m'avait faite, et je pris ensuite congé de lui, en lui promettant de revenir le voir le lendemain. Le matin arrivé, je lui tins ma promesse, et ayant écarté tous les témoins, je lui continuais les avis secrets que j'avais commencé la veille à lui donner. Alors se tournant vers moi de toute son âme, s'il ne le pouvait de son corps même : J'ai péché, me dit-il, dom Pierre, oui, j’ai grièvement péché, en cachant à dessein, dans la confession que j'ai faite hier,
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quelque chose que j'aurais dû dire. J'ai été appelé pour cela en jugement cette nuit dernière, et il m'a fallu voir des choses effrayantes. Il y avait là, d'un certain côté un nombre considérables d'hommes tout noirs et d'un si horrible aspect, qu'à peine est-il possible à un homme d’en supporter la vue. Ils ont apporté deux plats dans l'un desquels je voyais mon âme pesée, et dans l'autre mes œuvres. Ils m'accusaient de tous les côtés, et entassaient contre moi des accusations, les unes vraies, les autres fausses. Je me trouvais là comme dans les ceps, et assailli de tant d'accusateurs comme d'accusations à la fois, que la crainte m'empêchait de répondre. Après qu'ils m'ont eu ainsi tourmenté et laissé inquiet et tout tremblant, un homme de très-bonne mine s'est présenté à son tour et a dit à cette foule d'hommes, ou plutôt de démons : Que demandez-vous ? Cet homme n’est pas assurément des vôtres. La confession qu'il a faite hier à son abbé l'a arraché certainement de vos mains. Il n'en est rien, ont-ils répliqué alors ; ce que vous dites n'est pas du tout vrai. Car nous savons et nous savons très-bien, ce qu'il a dit et ce qu'il a caché. Il a supprimé très-certainement des péchés dont il a la conscience : et ce n'est pas oubli de sa part, c'est omission faite à dessein. Et comme mon excellent protecteur ne pouvait nier la vérité qui lui était objectée quoique par des menteurs, et qu'il ne voulait pourtant pas m'abandonner, j’ai passé cette nuit entière dans les transes les plus terribles. Ce n'est qu'au point du jour que je me suis réveillé et que je suis revenu à moi-même. Maintenant que je vois clairement que Dieu m’a fait, par cette vision, la grâce de me résoudre à confesser sans détour ce que j'avais eu dessein de taire, je vais déclarer tout sans réserve, non-seulement à Dieu lui-même, mais à vous aussi, mon père, pour ne pas frustrer plus longtemps mon âme du salut qui lui est préparé. Cela dit, il reprit sa confession et déclara avec la dernière exactitude tout ce qui lui restait encore à déclarer. Sa confession ainsi achevée, je lui donnai l’absolution, comme c'était mon devoir ; puis je lui donnai l’extrême-onction, je lui administrai le corps du Seigneur, en vue de lui assurer de plus en plus la vie éternelle, je le recommandai à Dieu avec instance, ainsi qu'aux prières de la communauté, et je lui fis ainsi mes adieux pour reprendre ma route avec les compagnons de mon voyage. "
11. Le grand concile de Latran, canon 21 : " Tous les fidèles parvenus à l'âge de discrétion confesseront tous leurs péchés au moins une fois l'an à leur propre prêtre ; ils accompliront la péni-
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tence qui leur sera imposée et recevront avec respect le sacrement de l'Eucharistie au moins à Pâques, à moins qu'ils ne croient devoir s'en abstenir pendant quelque temps pour une cause raisonnable, et de l'avis de leur propre prêtre. Ceux qui ne s'acquitteront pas de ce devoir seront condamnés à être privés de leur vivant, de l'entrée de l'église et après leur mort, de la sépulture ecclésiastique. Ce statut sera publié souvent dans les églises, afin que personne n'en prétende cause d'ignorance. Que si quelqu'un veut pour une juste cause confesser ses péchés à un prêtre étranger, il en demandera et en obtiendra la permission de son propre prêtre, parce qu'autrement cet étranger ne pourrait ni le lier ni le délier. "
" Le prêtre de son côté doit être prudent et discret, panser, comme un bon médecin les plaies de son malade, verser l'huile et le vin, en prenant des informations exactes sur les circonstances relatives tant au pécheur lui-même qu'à son péché pour pouvoir juger prudemment des conseils qu'il doit lui donner, et des remèdes qu'il doit employer au besoin pour le guérir. Qu'il prenne garde par-dessus tout de découvrir par des paroles ou par des signes, ou de toute autre manière, les péchés qu'on lui confesse ; et s'il a besoin de demander lui-même conseil, qu'il le fasse avec prudence sans faire connaître la personne dont il s'agit car quiconque osera révéler un péché qui lui aura été dit au tribunal de la pénitence, sera non-seulement déposé de sa dignité sacerdotale, mais encore renfermé étroitement dans un monastère pour, faire pénitence le reste de ses jours. "
12. Le concile de Florence, Doctr. de sacramentis : " La confession orale demande que le pécheur confesse entièrement à son propre prêtre tous les péchés dont il se souvient, etc. Le ministre de ce sacrement est un prêtre qui ait le pouvoir d'absoudre, soit ordinaire, soit par commission du légitime supérieur. "
13. Le concile de Trente, session XIV, c. 5 : " En conséquence de l'institution du sacrement de pénitence que nous avons expliquée, l'Eglise universelle a toujours entendu que la confession de tous les péchés a été dès-lors aussi instituée par Notre-Seigneur, et qu'elle est nécessaire de droit divin à tous ceux qui ont péché depuis leur baptême. Car Notre-Seigneur Jésus-Christ, devant quitter la terre pour monter au ciel, a laissé les prêtres pour être ses vicaires, ou pour juger et présider à sa place ; en sorte que les fidèles sont obligés de leur déférer tous les péchés où ils peuvent tomber, pour qu'en vertu du pouvoir des clefs
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dont les prêtres sont investis, ils puissent, par une juste sentence, leur remettre ou leur retenir leurs péchés. Car il est manifeste qu'ils ne pourraient pas porter ce jugement s'ils n'avaient auparavant instruit la cause, ni garder l'équité dans l'injonction des pénitences, si on ne leur faisait connaître ses péchés que d'une manière générale au lieu de le faire en particulier et en détail. Il suit de là que les pénitents doivent dire en confession tous les péchés mortels dont ils se sentent coupables après une exacte discussion de leur conscience, quand même il s'agirait de péchés secrets, ou commis seulement contre les deux derniers commandements de Dieu ; car ces péchés sont quelquefois plus graves, et en même temps plus dangereux que les péchés publics. "
" Quant aux péchés véniels, qui ne nous font pas perdre la grâce de Dieu, et dans lesquels il nous est plus ordinaire de tomber, quoiqu'on fasse bien, et qu'il soit fort utile et fort sage de s'en confesser, comme le fait voir l'usage des personnes pieuses, on peut néanmoins sans péché les supprimer en confession, et les expier par plusieurs autres moyens. Mais comme tous les péchés mortels, même de simple pensée, rendent les hommes enfants de colère et ennemis de Dieu, il est nécessaire pour en obtenir le pardon, de le demander à Dieu par une confession humble et sincère. C'est pourquoi, lorsque les fidèles confessent avec soin tous les péchés qui se présentent leur mémoire, ils en obtiennent sans aucun doute le pardon général de la divine miséricorde. Mais s'ils font autrement, et qu'ils retiennent sciemment quelques-uns de leurs péchés, ils ne présentent rien à la bonté divine qu'elle puisse leur remettre par le ministère du prêtre. Car si un malade rougit de découvrir sa plaie à son médecin, celui-ci ne pourra pas guérir par son art un mal qu'il ne connaîtra pas. "
" Il s'ensuit encore qu'il faut également expliquer en confession les circonstances qui changent l'espèce du péché, parce que sans cela les péchés ne seraient ni complètement exposés par les pénitents, ni suffisamment appréciés par les juges, qui ne pourraient alors, ni juger comme il faut de leur grièveté, ni leur appliquer une pénitence convenable. Il est donc tout-à-fait déraisonnable de dire que ce détail de circonstances a été inventé par des gens qui ne savaient que faire, ou qu'il suffit pour toutes ces circonstances de dire que c'est contre son frère qu'on a péché. C'est de plus une impiété d'ajouter que la confession prescrite en
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ces termes est d'une pratique impossible, ou de la présenter comme le bourreau des consciences. Car il est constant que tout ce que l’Eglise demande des pénitents, c'est qu'après s'être examinés avec soin, et avoir sondé tous les plis et replis de leur conscience, ils fassent la confession des péchés par lesquels ils se souviennent d'avoir offensé mortellement leur Seigneur et leur Dieu. Quant aux autres péchés qui ne se présentent pas à l'esprit après cet examen, ils sont censés compris en général dans la même confession ; et c'est pour ces péchés que nous disons avec foi comme le Prophète : Purifiez-moi, Seigneur, de mes péchés cachés. Cependant, par cette difficulté même qu'elle présente et par la honte qu'on éprouve à découvrir ses fautes, la confession pourrait paraître un joug pénible, si ce joug n'était allégé par tant d'avantages et de consolations que l'absolution procure immanquablement à tous ceux qui reçoivent ce sacrement avec les dispositions requises. "
" Quant à la pratique de se confesser secrètement au prêtre seul, bien que Jésus-Christ n'ait pas défendre de faire la déclaration publique de ses fautes, soit pour s'en punir soi-même et s'en humilier, soit pour servir aux autres d'exemple et faire satisfaction à l'Eglise qu'on aurait scandalisée, il n'y a pas cependant de précepte divin qui en fasse une obligation, et il ne serait guère à propos d'ordonner par une loi humaine de faire la confession publique de ses péchés, surtout si ces péchés étaient secrets. Puis donc que la confession secrète sacramentelle, qui a été pratiqué dans l'Eglise dès les commencements comme elle l'est encore aujourd'hui, a de tout temps été recommandée d'un accord unanime par tous les saints Pères même les plus anciens, par cela seul est convaincue de fausseté et de calomnie la prétention de ceux qui ne rougissent pas de présenter la confession comme une invention humaine, contraire au précepte divin, et qui aurait pour première origine le statut porté au concile de Latran. Car ce que l'Eglise a décrété dans ce concile, ce n'est pas précisément l'obligation imposée aux fidèles de se confesser, puisqu'elle savait bien que cette obligation était déjà établie et certaine de droit divin ; mais l'obligation imposé à tous les fidèles de se confesser au moins une fois l'année, dès qu'ils sont parvenus à l'âge de discrétion. De là cette coutume salutaire observée dans toute l’Eglise avec tant d'avantages pour les âmes de se confesser dans le saint temps du carême qui est plus particulièrement un temps de salut : coutume que ce concile approuve extrême-
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ment et sanctionne lui-même, comme favorable à la piété et digne d'être conservée. "
14. S. CLEMENT, ou l'auteur inconnu des Lettres au frère de Notre-Seigneur, Epist. I : " Si quelqu'un laisse son cœur s'infecter d'envie, d'infidélité ou de quelque autre des vices que nous avons nommés, qu'il n'ait pas honte, s'il a à cœur le salut de son âme, d'en faire la confession au pasteur de cette église, pour en recevoir sa guérison au moyen de quelque conseil salutaire et de la parole de Dieu que celui-ci pourra lui rappeler ; et s'il persévère ensuite dans la foi et dans la pratique des bonnes œuvres, il pourra se soustraire au supplice du feu éternel et obtenir la récompense céleste. . . Saint Pierre recommandait à chacun de veiller à tout instant sur ses propres actions, et d'avoir partout Dieu présent aux yeux de sa foi, et de bien se convaincre de la nécessité de faire à Jésus-Christ le sacrifice des mauvaises pensées qui surviennent, et d'en faire la confession aux prêtres du Seigneur. "
15. S. DENIS l'Aréopagite, ad Demophilum Epist. 8 : " Mais vous, comme il paraît par votre lettre, vous avez odieusement repoussé, en vertu de je ne sais quel droit, celui que vous nommez un impie et un pécheur et qui se jetait aux pieds du prêtre en votre présence puis, comme il suppliait avec humilité, comme il confessait n'être venu que pour chercher la guérison de ses maux, vous, vous avez eu l'impudeur d'attrister par d'injurieuses paroles ce bon prêtre, parce qu'il accueillait le repentir, et qu'il jugeait un pécheur digne de miséricorde. "
16. TERTULLIEN, Lib. de Pænitentiâ, n. 8 : " On se soulage du poids de ses péchés en les confessant, autant qu'on les aggrave en les dissimulant. La confession est un commencement de satisfaction ; la dissimulation un acte de révolte. "
Ibidem, n. 9 : " Plus cette seconde et dernière pénitence est nécessaire, plus l'épreuve en doit être laborieuse : il ne suffit donc pas que le repentir soit dans la conscience ; il faut de plus qu'il se manifeste par quelque acte extérieur. C'est cet acte que nous désignons le plus ordinairement par ce mot grec exomologesis, et par lequel nous confessons au Seigneur notre péché, non pas qu'il l'ignore, mais parce que cette confession est un commencement de satisfaction, que la confession amène le repentir, et que le repentir apaise la colère de Dieu. L'exomologèse est donc un exercice qui a pour but d'humilier l'homme et de l'anéantir en lui imposant une conduite qui lui attire la miséricorde, en rendant
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son extérieur et sa table, en le courbant sous le sac et la cendre, en lui apprenant à couvrir son corps de poussière et à plonger son âme dans la douleur, et en convertissant en moyens de pénitence tout ce qui fut l'instrument de son péché. D'ailleurs elle ne connaît du boire et du manger que ce qu'il faut pour soutenir la vie, et non pour flatter la sensualité ; elle nourrit la prière par le jeûne ; elle gémit, elle pleure, elle crie et le jour et la nuit vers le Seigneur son Dieu ; elle se roule aux pieds des prêtres, elle s'agenouille devant les amis de Dieu ; elle sollicite les prières de tous les frères afin qu'ils soient ses mandataires auprès de la divine clémence. Voilà ce que fait l'exomologèse pour donner plus de prix à la pénitence pour honorer le Seigneur par la crainte des maux dont il nous menace, pour se substituer à l'indignation divine en prononçant elle-même contre le pécheur, enfin pour éviter, que dis-je ? pour acquitter la dette des supplices éternels par les afflictions qu'elle s'impose dans le temps. Ainsi, en abattant l'homme, elle le relève ; en le souillant de poussière, elle le purifie ; en l'accusant, elle le justifie ; en le condamnant, elle l'absout. Crois-moi, moins tu te pardonneras toi-même, plus Dieu te pardonnera. "
Ibidem, c. 10 : " La plupart cependant reculent devant la pénitence comme devant une déclaration qui les affiche en public, ou bien la remettent de jour en jour, plus dociles, si je ne me trompe, à la voix de la honte qu'à celle du salut, à peu près comme ces malades qui, rougissant de découvrir à l'œil du médecin leurs plaies secrètes se laissent mourir par l'effet de leur honte. Quoi ! on ne pourra supporter la honte de satisfaire à un Dieu que l'on a offensé, et d'être réintégré dans ses droits au salut dont on s'était rendu indigne ! Belle excuse que ta honte, en vérité ; tu marchais dans le crime tête levé, tu n'oses courber ta tête pour demander grâce ! Pour moi, je ne sacrifie point à la honte, quand il m'est plus avantageux de la sacrifier elle-même lorsqu'elle semble m'adresser cette exhortation : " N'aie point égard à moi ; il vaut mieux que je périsse pour ton salut. " Assurément tu aurais à souffrir de ce sacrifice, si l'on se prévalait de ta déclaration pour t'insulter par la moquerie, comme on le fait dans le monde, où l'affliction de l'un est le triomphe de l'autre, et où l'on s'élève sur les ruines d'autrui. Mais au milieu de tes frères qui servent comme toi le même maître, qui n'ont avec toi qu'une même espérance, une même crainte, une même joie, une même douleur, une même souffrance, puisque c'est le même
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Esprit qui anime tous ceux qui ont le même Seigneur et le même Père, pourquoi les crois-tu d'une autre nature que toi ? Pourquoi fuis-tu ceux qui sont tombés avec toi, comme s'ils devaient applaudir à ta chute ? Le corps ne peut se réjouir des douleurs d'un de ses membres ; loin de là, il faut qu'il souffre tout entier, et que tout entier il concoure à la guérison du membre malade. L'Eglise est dans un fidèle comme dans un autre ; mais l'Eglise, c'est Jésus-Christ. Ainsi quand tu fléchis les genoux devant tes frères, c'est le Christ que tu touches, le Christ que tu implores. De même quand ils répandent des larmes sur toi, c'est encore le Christ qui souffre, le Christ qui invoque son Père. Ce qu'un fils demande, il l'obtient aisément. Vraiment, la dissimulation qui cache son péché se promet de grands avantages de cette mauvaise honte ! En effet, nous parviendrons sans doute à cacher à Dieu ce que nous dérobons à la connaissance de l'homme ! Ainsi donc nous mettons en parallèle l'estime des hommes et le jugement de Dieu ? Vaut-il mieux se damner en secret, que d'être absous en public ? "
Ibidem, c. 12 : " L'exomologèse te fait peur ; pense aux flammes de l'enfer, que l'exomologèse éteindra pour toi ; réfléchis d'abord sur la grandeur du châtiment, pour ne plus hésiter sur l'adoption de ce remède. . . . . Or, puisque le Seigneur, ainsi que tu le sais, t'a donne après la première grâce, qui est le baptême, une autre ressource dans l'exomologèse, pourquoi renoncer à ton salut ? Pourquoi faire difficulté d'employer le remède qui te guérira infailliblement ? Les animaux eux-mêmes, quoique privés du don de la parole comme de la raison, savent reconnaître au besoin les remèdes que Dieu a destinés pour les guérir (Les exemples que Tertullien va citer sont empruntés à des récits qui pourront sembler fabuleux ; mais l’instinct des animaux est incontestable, et prouvé par mille autres faits qu'on ne saurait nier). Le cerf, blessé d'une flèche, pour faire sortir de sa plaie le fer qui s'y est enfoncé avec ses pointes si difficiles arracher, se guérit lui-même en broutant le dictame. L'hirondelle a-t-elle aveuglé ses petits, elle sait leur rendre la vue par l'application de sa chélidoine. Le pécheur, qui sait que l'exomologèse est établie de Dieu pour lui rendre le salut de l'âme, négligera-t-il donc d'employer ce moyen qui replaça sur le trône le roi de Babylone ? Ce roi, en effet, offrit à Dieu durant sept années entières le sacrifice de sa pénitence, pratiquant l'exomologèse pendant un temps si long par l'humiliation ou il vivait, laissant croître ses ongles à la
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manière de l'aigle, et ressemblant au lion par la forêt inculte de sa chevelure. Merveilleuse récompense de cet extérieur sauvage ! Celui qui était pour les hommes un spectacle d'horreur, trouvait grâce devant Dieu ! Au contraire, le monarque égyptien qui refusa si longtemps à son maître le peuple de Dieu qu'il accablait de tribulation, et qui, après l'avoir congédié, vola sur ses pas pour le combattre, malgré tant de plaies dont lui et ses sujets avaient été frappés et qui auraient dû l'avertir, périt englouti dans les flots d'une mer qui, après s'être entr’ouverte pour le peuple élu, laissa retomber ses vagues sur son persécuteur. Pourquoi ce châtiment ? c'est que l'impie avait répudié la pénitence et l'exomologèse qui en est comme le ministre. Mais pourquoi parler plus longtemps de ces deux planches du salut de l'homme, en paraissant viser plutôt à l’effet du style qu'obéir à l'impulsion de ma conscience ? Pécheur moi-même, chargé de toute espèce de flétrissures et né seulement pour la pénitence, comment me tairais-je sur elle, puisqu'Adam, le premier auteur de la vie humaine et tout à la fois de la révolte contre le Seigneur, rendu par la pénitence au paradis qui avait été fait pour lui, ne cesse de la publier ? "
17. ORIGENE, Hom. I in Psalmum XXXVII ; voir plus haut, même question, témoignage 2, page 42.
18. Le même, Hom. II in Psalmum eumdem : " Je suis donc tout prêt à recevoir les verges et les fouets pour ma correction, et j'accepte tous ces châtiments, pourvu que j'échappe par-là au supplice du feu éternel. Ainsi donc je suis préparé à recevoir tous les châtiments et ma douleur est continuellement devant mes yeux (Ps. XXXVII, 18). Oui, j'ai ma douleur toujours devant mes yeux pour racheter les peines éternelles par les afflictions présentes.
Je déclarerai mon iniquité. Nous avons dit plus d'une fois qu'il faut entendre par ces paroles la confession des péchés. Ainsi voyez le soin que prend 1'Ecriture de nous dire qu'on ne doit pas cacher son péché dans son cœur. Car de même qu'on se procure du soulagement en vomissant la nourriture mal digérée, les flegmes ou toute autre humeur que chargerait l'estomac, ainsi ceux qui gardent cachés dans leur cœur des péchés commis, s'en trouvent comme suffoqués, et ne peuvent être guéris qu'en se procurant, par l'accusation qu'ils feront eux-mêmes de leurs fautes, une sorte de vomissement salutaire. Seulement examinez avec soin quel sera celui à qui vous devrez de préférence confesser votre péché. Faites choix avant tout d'un médecin à qui vous puissiez exposer votre état d'infirmité spirituelle, qui sache pleurer avec vous,
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souffrir avec vous, et ayant une fois acquis la certitude de l’étendue de ses lumières comme de la bonté de son cœur, suivez exactement tous les conseils qu'il vous donnera, et s'il juge à propos pour l'édification des autres et pour votre propre guérison, que vous fassiez la confession de votre maladie devant toute l’assemblée des fidèles, soumettez-vous avec prudence à une décision que vous devez croire suffisamment éclairée. "
19 Le même, Hom. II in Leviticum, comme plus haut, témoignage 3, page 42.
20. S. CYPRIEN, Tractat. vel serm. de lapis : " Ah ! combien j'aime mieux la foi et les salutaires frayeurs de ceux qui, sans avoir sacrifié aux idoles, ni porté dans leurs mains l'attestation de leur apostasie, mais seulement parce qu'ils en ont eu la pensée, viennent avec simplicité et repentir ouvrir leur conscience aux prêtres du Seigneur, déposer un fardeau qui leur pèse, et à de légères blessures appliquer un énergique remède, en se rappelant qu'il est écrit : On ne se joue point de Dieu (Gal., VI, 7). - Je vous en conjure donc, mes bien-aimés, que chacun de ceux de vous qui ont péché confesse sa faute, tandis qu'il est encore sur la terre, tandis que sa confession peut être reçue tandis que la satisfaction du coupable et l'absolution du prêtre peuvent trouver grâce devant Dieu. Revenons au Seigneur de tout notre cœur, et implorons sa miséricorde, en témoignant par des gémissements qui n'aient rien de simulés le repentir que nous éprouvons de notre crime. "
21. S. PACIEN, in Parænesi ad pænitentiam, sive in libello de pænitentiâ et confessione : " Je m'adresse d'abord à vous, qui ayant péché refusez de faire pénitence ; vous qui, si éhonté d'une part, êtes si timides de l'autre ; qui, sans rougir de commettre le péché, rougissez d'en faire la confession. . . L'Apôtre dit encore à l'évêque : N'imposez précipitamment les mains à personne, et ne vous rendez pas complice des péchés d’autrui. Que ferez-vous, vous qui trompez l'évêque ; qui, ou bien abusez de son ignorance, ou bien ne lui faites connaître qu'imparfaitement l'état de votre âme ? Je vous en conjure donc, mes frères, au nom de ce Dieu pour qui rien n'est caché, épargnez-moi moi-même en cessant de me cacher les plaies de votre conscience. Les malades qui ont à cœur leur guérison ne craignent pas de se faire connaître leurs médecins, quand même ceux-ci devraient faire sur les parties les plus secrètes de leur corps les opérations les plus douloureuses. Nous en avons connu quelques-uns qui n'ont pas
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rougi d'exposer en pareil cas au tranchant du scalpel, au mordant de la pierre infernale, les parties mêmes que la pudeur oblige de tenir cachées. Et quels avantages après tout des hommes mortels comme eux pouvaient-ils leur procurer ? Et un pécheur craindra ! Un pécheur rougira d'acheter un bonheur sans fin au prix d'une honte d'un moment ! et il aimera mieux soustraire à la vue d'un ministre, qui offrirait pour sa guérison un sacrifice au Seigneur, des plaies que ses efforts après tout ne sauraient cacher ! Et de quoi peut rougir devant un homme celui qui n'a pas rougi de pécher devant Dieu ? Vaut-il donc mieux mourir que de faire mourir en nous cette honte que la honte nous fait craindre d'éprouver ; et ne devons-nous pas plutôt nous résigner à essuyer cette confusion qui nous fera retirer tant d'avantages du sacrifice que nous aurons fait ainsi d'une pudeur intempestive ? Si vous rougissez de paraître pécheur devant vos frères au moins ne craignez pas les regards de ceux qui ont partagé vos chutes. Un corps peut-il se réjouir du malheur arrivé à quelqu'un de ses membres ? Au contraire il en souffre comme lui, et se concerte avec lui pour y apporter remède. Nous appartenons tous à un même corps qui est l'Eglise, et l'Eglise ne fait qu'un avec Jésus-Christ ; par conséquence celui qui ne craint point de confesser ses péchés à ses frères aura pour plaider en sa faveur les larmes de 1'Eglise, et sera absous, grâce aux prières de Jésus-Christ. Maintenant adressons-nous à ceux qui, assez sages et assez avisés pour confesser leurs péchés par motif de pénitence, ignorent ce que c'est que la pénitence et quels sont les remèdes à appliquer à leurs maux ; semblables en cela à ceux qui découvrent leurs plaies à leurs médecins sans craindre de leur dire tout ce qu'ils souffrent, mais qui d'un autre côté négligent d'appliquer les remèdes qu'on leur indique, ou refusent de prendre les potions qu'on leur prescrit. "
22. S. JEROME, in caput X Ecclesiastæ, sur ces paroles, Si momorderit serpens in silentio : " Si le serpent infernal mord
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quelqu'un à l'insu des autres, et lui donne ainsi la mort en lui infiltrant son venin mortel ; si ensuite celui qui a éprouvé ce malheur garde son mal en silence, s'il n'en fait point pénitence, s'il se refuse à découvrir sa plaie à celui qui est chargé de le diriger, il sera bien difficile à ce dernier de le guérir. Car si un malade rougit de faire connaître à son médecin l'état de sa maladie, le médecin ne guérira pas un mal qu'il ne pourra connaître. "
23. S. CHRYSOSTOME, Hom. XXX in Genesim, et hom. X in Matthæum ; voir plus haut, article de l'Eucharistie, question X, témoignage 12 et 13, page 487, tome II.
24. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, liv. XX, c. 9 ; passage cité plus haut, question I, témoignage 21, page 16.
25. S. GREGOIRE, in Evangelia Hom. XXVI ; passage cité plus haut, même question, témoignage 15, page 54.
26. S. CHRYSOSTOME, liv III du Sacerdoce, et Hom. V de verbis Isaiæ ; voir ibidem, témoignage 23 et 22, page 17.
27. S. JEROME, ad Heliodorum, ibidem, témoignage 20, page 16.
28. Le concile de Latran, canon 21, cité plus haut, témoignage 10, pages 30 et suiv.
29. Le concile de Worms, c. 28 : " Les prêtres imposeront des pénitences proportionnées aux crimes des pécheurs. Ils devront par conséquent examiner à part l'état de chacun d'eux, remonter à l'origine de leurs fautes, en peser les circonstances, avoir égard aux dispositions et aux gémissements des coupables, en usant de précautions pour bien s'en assurer ; tenir compte aussi des temps et des lieux, de l'âge et de la qualité des personnes, et faire pour toutes ces circonstances diverses une juste application des saintes règles dont ils ne devront jamais détourner leur attention. "
30. ORIGENE, Hom. I et II in Psalmum XXXVII, comme
plus haut, témoignage 2 et 16, pag. 42 et 57.
Question VI
Qu’est-ce que les saints Pères enseignent au sujet de la confession ?
Tous les Pères, d'un accord unanime, ne se contentent pas de recommander comme de reconnaître l'utilité et les avantages de la confession : ils en relèvent aussi l'obligation et la nécessité.
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Pour ne produire là-dessus, entre tant d'illustres témoins de la doctrine des Pères, qu'un petit nombre des plus remarquables, voici en particulier ce que dit saint Basile-le-Grand : " Nous regardons comme obligatoire pour chacun de confesser ses péchés à ceux à qui a été confiée la dispensation des mystères de Dieu. Car nous trouvons dans l'histoire de la vie des saints que les anciens pénitents confessaient de même leurs péchés. "
Voici maintenant le témoignage de saint Cyprien : " Je vous en conjure, mes frères que chacun de ceux d'entre vous qui ont péché confesse sa faute, tandis qu'il est encore sur la terre, tandis que sa confession peut être reçue, tandis que la satisfaction du coupable et l'absolution du prêtre peuvent obtenir crédit auprès de Dieu. "
Joignons à ces témoignages celui de saint Augustin, qui s'exprime là-dessus de cette manière : " Faites pénitence comme l'usage en est établi dans l’Eglise, afin que l'Eglise prie pour vous. Que personne ne se dise à soi-même, mon action est secrète et n'a que Dieu pour témoin ; Dieu est là qui me pardonne, puisqu'il connaît le repentir qui est dans mon cœur. Ce serait donc en vain qu'il aurait été dit : Ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel ? Ce serait donc en vain que les clefs auraient été données à l'Eglise de Dieu ? Voulons-nous donner le démenti à l'Evangile de Dieu, aux paroles de Jésus-Christ ? Pouvons-nous vous promettre ce qu'il vous refuse ? Ne serions-nous pas alors des séducteurs ? " Saint Augustin dit encore dans un autre endroit : " Certaines gens se persuadent qu'il leur suffit pour leur salut de confesser leurs péchés à Dieu seul, pour qui rien n'est caché et qui connaît le secret de toutes les consciences. Ils refusent, ou bien ils rougissent, ou bien encore ils dédaignent de se montrer aux prêtres, que Dieu cependant, dans la personne du promulgateur de sa loi, a établis pour faire le discernement entre la lèpre et la lèpre. Mais je ne veux pas vous laisser dans cette fausse opinion, ni permettre que la honte ou l'orgueil vous empêche de confesser vos péchés au vicaire du Seigneur. Car vous ne devez pas dédaigner de vous soumettre au jugement de celui que Dieu ne dédaigne pas d'avoir pour vicaire. "
Ce qu'a écrit saint Léon à ce sujet n'est pas moins formel : " La miséricorde infinie de Dieu est tellement empressée à nous relever de nos chutes, que non contente de nous avoir offert la grâce du baptême, elle nous présente encore la pénitence comme le moyen de recouvrer nos droits à la vie éternelle, en invitant
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ceux qui auraient payé d'ingratitude le bienfait
de la régénération qu'ils ont reçu, à
recevoir de nouveau le pardon de leurs crimes en se condamnant eux-mêmes
par leur propre jugement ; de manière toutefois, que dans les desseins
de la bonté divine, cette indulgence ne puisse s'obtenir que par
les prières des prêtres. Car tel est le pouvoir que le médiateur
entre Dieu et les hommes, Notre-Seigneur Jésus-Christ, a confié
aux pasteurs de son Eglise, d'imposer la pénitence aux pécheurs
sur la confession qu'ils leur font de leurs péchés, et de
les admettre, une fois purifiés par une expiation suffisante, à
la participation des sacrements en leur ouvrant la porte de la réconciliation.
"
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
Comme ci-dessus, à la question première.
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TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. BASILE, in Regulis brevioribus, quæst. 288 : " Nous regardons, etc., " comme page 61, dans le corps de la réponse.
2. Le même, ibidem, quæst. 229 : " Les fautes commises doivent-elles être déclarées sans honte devant tout le monde, ou à quelques-uns seulement ? Et dans ce dernier cas, à qui et comment convient-il de les déclarer ? - Réponse. On doit confesser les péchés de la même manière qu'on s'y prend pour découvrir les maux corporels. De même donc qu'on ne découvre pas à tout le monde indifféremment cette dernière sorte de maux, mais ceux-là seulement qui savent la manière de les guérir, de même on ne doit faire la confession de ses péchés qu'à ceux qui peuvent en procurer la guérison, conformément à ce qui est écrit : Vous qui êtes plus forts, supportez les faiblesses des infirmes (Rom., XV, 1), c'est-à-dire, portez-y remède par vos soins et votre diligence. "
3. Le même, Epist. canonicâ ad Amphilochium, can. 73 : " Si quelques-uns de ceux qui sont tombés dans les péchés dont nous avons parlé deviennent meilleurs à la suite de la confession qu'ils en ont faite, celui à qui la bonté divine a confié le pouvoir de lier et de délier ne fera rien de condamnable en abrégeant la pénitence de ceux qu'il verra dans ces dispositions, puisque l'histoire sainte elle-même nous fait voir que ceux qui confessent leurs péchés avec plus de larmes s'attirent plus promptement la miséricorde de Dieu. "
4. S. CYPRIEN, Serm. de lapsis : " Je vous en conjure, etc., " comme, page 61, dans le corps de la réponse.
5. Le même, Epist. X (al. IX) ad presbyteros et decanos : " Dissimuler ces vérités à ses frères c'est jeter dans l'illusion ces infortunés. Ils pourraient, en faisant une véritable pénitence, satisfaire à Dieu et au Père des miséricordes par la prière et les bonnes œuvres ; mais non, on les trompe afin de mieux les perdre ; ils pourraient se relever, on les précipite dans un abîme plus profond. Quoi ! tandis que des pécheurs souillés de fautes moins graves sont assujettis à une pénitence dont la durée est fixée, sont condamnés à l'exomologèse suivant les prescriptions de la discipline, et ne sont réintégrés dans la communion que par l'imposition des mains épiscopales et de celles du clergé ; aujourd'hui, quand les plaies saignent encore, quand la persécution est encore allumée, avant que la paix soit rendue à l’Eglise elle-même, des pénitent publics sont admis à la communion,
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on prie pour eux à voix haute ; et avant qu'ils aient fait pénitence, sans qu'ils aient confessé leurs iniquités, sans que l'évêque et le clergé leur aient imposé les mains, on leur donne l'Eucharistie ! Tandis qu'il est écrit : Celui qui mangera indignement le pain du Seigneur, ou boira indignement son calice, sera coupable du corps et du sang de Jésus-Christ. "
6. Le même, Epist. LV (al. LIV) ad Cornelium : " Je le demande, rendent-ils hommage à Dieu, ces sacrilèges qui, insultant à sa justice comme à sa majesté, osent dire aux prévaricateurs, en présence des menaces et des châtiments éternels prononcés contre les idolâtres : " Que vous importe la colère de Dieu ? Ne craignez point les jugements du Seigneur ; n'allez pas frapper aux portes de l'Eglise. " Est-ce pour rendre hommage à Dieu que des prêtres suppriment les épreuves de la pénitence, dispensent de la confession, foulent aux pieds l'autorité épiscopale, distribuent une paix frauduleuse, et que des excommuniés offrent la communion, afin d'empêcher ceux qui sont tombés de se relever, ou ceux qui sont hors de l’Eglise de rentrer dans son sein?. . . mais il ne leur a pas suffi de répudier l'Evangile, de soustraire aux criminels l'espérance de la satisfaction et de la pénitence, d'ôter jusqu'au sentiment, jusqu'au fruit du repentir tous ces hommes souillés de vols, d'adultères et d'idolâtrie, ni enfin de les dispenser de la prière et de l'exomologèse. Que font-ils ? En dehors de l'Eglise et contre l’Eglise, ils ouvrent un conciliabule séparé, où ils appellent tous les pervers que leur conscience accuse, et qui ne veulent ni de pénitence à accomplir, ni de Dieu à désarmer par leurs supplications. "
7. S. AUGUSTIN, Hom. XLIX ex Libro L homiliarum : " Faites pénitence, etc., " comme, page 61, dans le corps de la réponse.
8. Le même, Hom. XLI : " Ce n'est pas seulement après que la pénitence a été imposée que l'on doit s'abstenir de ces désordres, c'est aussi avant qu'on ait mérité de l'encourir ; car si l'on attend au dernier moment, on ne sait pas si l'on pourra seulement recevoir la pénitence, ou confesser ses péchés à Dieu et à son ministre. "
9. Le même, Hom. L, c. 9 : " Celui qui tombe dans le péché après son baptême est-il donc assez ennemi de soi-même pour ne pas changer de vie, tandis qu'il en a le temps ? En persévérant au contraire dans le péché, que fait-il autre chose que de s'amasser un trésor de colère pour le jour de la manifestation du juste jugement de Dieu ? Si Dieu lui conserve la vie, c'est l'effet de sa
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patience qui invite le pécheur à faire pénitence de son péché. Qui donc se trouvant engagé dans les funestes liens du péché peut refuser, ou différer ou balancer de demander à l'Eglise qu'elle le délie ici-bas, pour qu'il soit délié dans le ciel ? Qui donc ose se promettre le salut par cette unique raison qu'il porte le nom de chrétien? . . . Que l'homme se juge donc là-dessus de son propre mouvement ; qu'il s'empresse de changer sa conduite en mieux, tandis qu'il le peut, de crainte que, lorsque le temps sera passé pour lui de le faire, il ne soit jugé bon gré malgré par le Seigneur, etc., " comme plus haut, question IV, témoignage 14, page 39.
10. Ibidem, c. 5 : " Mais supposons qu'il ne soit pas certain que Dieu pardonne au repentir. Que perdra, en implorant sa miséricorde celui qui n'a pas craint de se perdre éternellement en offensant sa justice ? Quel est le coupable qui puisse être certain que l'empereur lui pardonnera ? Et cependant, pour obtenir ce pardon, on prodiguera les sommes d'argent, on traversera les mers, on bravera les tempêtes en s'exposera à mille morts, pour échapper à une seule mort. Ensuite c'est un homme qu'on implore, et par l'intermédiaire d'autres hommes ; on le fait sans hésiter, quoiqu'on en ignore le succès. Combien cependant le pouvoir de l'Eglise n'est-il pas plus assuré que le pouvoir ou la volonté des rois, puisqu'il est promis a ses pasteurs que tout ce qu'ils délierons sur la terre sera délié dans le ciel ! Et l'humilité qui se soumet à l'Eglise de Dieu a quelque chose de bien plus honorable, de bien moins pénible et de bien plus avantageux surtout, puisque par-là on se soustrait à la mort éternelle sans avoir rien à craindre de ces supplices que peuvent infliger les empereurs. "
11. Le même, Lib. II de visitatione infirmorum, c. 4 : " Il en est qui se persuadent qu'il leur suffit pour le salut de confesser leurs crimes à Dieu seul, à qui rien n'est caché et pour qui toutes les consciences sont à nu, etc. . . . . Faites venir le prêtre auprès de vous, et faites-lui part des secrets de votre conscience. Ne vous laissez point séduire par cette fausse idée, qu'il suffit pour être sauvé de faire à Dieu la confession de ses péchés sans recourir aux prêtres. Je ne nie pas après tout qu'on ne doive souvent redire à Dieu l'aveu des péchés qu'on a commis. Car, heureux est celui qui prendra ses péchés, petits ou grands, et qui les brisera contre la pierre (Ps. CXXXVI, 9). Or, la pierre c'est le Christ. Mais je vous conjure, en vous rappelant à ce sujet la saine doctrine,
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de ne pas vous laisser endormir par les flatteurs ; car il vous faut avant tout consulter le prêtre pour qu'il soit votre médiateur auprès de votre Dieu. Autrement, comment aurait son accomplissement cet oracle divin, tant de la loi écrite que de la loi de grâce : Allez, montrez-vous aux prêtres ; et cet autre : Confessez vos péchés les uns aux autres ? Etablissez donc vous-même le prêtre juge, à la place de Dieu, des plaies de votre âme ; mettez-lui à découvert toutes vos voies, et il vous appliquera le remède de la réconciliation. "
Ibidem, c. 5 : " Voyez dans le prêtre l'ange de Dieu lui-même. Car les lèvres du prêtre, dit Malachie, sont les dépositaires de la science, et c'est de sa bouche que l'on recherche les prescriptions de la loi, parce qu'il est l'ange du Seigneur des armées (MALACH., II, 7). Et avec quel respect un serviteur de Dieu ne doit-il pas parler à Dieu et à son ange ! Révélez-lui tous les secrets de votre cœur ; qu'aucune barrière ne l'empêche de pénétrer dans le sanctuaire de votre conscience. N'ayez pas honte de dire en présence d'un seul ce que vous n'avez pas eu honte de faire en présence d'une multitude. Pécher, c'est le fait de l'homme ; se retirer du péché c'est le devoir du chrétien ; y persévérer c'est le propre du démon. Découvrez donc à l'ange de Dieu les péchés qui vous inquiètent le plus ; ne cherchez pour les dire ni voiles, ni équivoques, ni détours. Vous indiquerez aussi les lieux où vous avez péché, à quelles époques, avec quelles personnes, sans toutefois les nommer ; votre négligence à reprendre vos amis pour qu'ils se retirent du péché ; l'âge que vous aviez lorsque vous avez fait telle chute, le rang que vous occupiez dans l'Eglise, le nombre de fois, si c'est une ou deux fois seulement, ou si c'est d'habitude ; si vous l'avez fait par contrainte, ou bien de votre plein gré. Car toutes ces diversités de circonstances modifient le jugement qu'on doit en porter. Or, si on les supprime ou qu'on les déguise par artifice, on donne la mort à son âme ; si on les découvre avec simplicité, on en obtient la guérison à l'aide de la pénitence. Exposez-les dans un ordre convenable, dites-les sans détour, multipliez vos efforts pour vous en corriger. Pourquoi rougir de confesser ce que vous n'avez pas rougi de faire ? Il vaut mieux essuyer un peu de confusion devant un homme seulement, que de se voir flétri au jour du jugement sous les yeux de tant de millions d'hommes. Confessez donc nominativement tous les crimes qui vous causent du remords ; dites la malice spéciale qu'en renferment quelques-uns à votre connaissance,
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confessez au moins en gros les péchés journaliers dont vous n'êtes pas encore purifié. Si vous prenez ces précautions, vous pourrez compter sur l'indulgence de votre juge. "
12. S. LEON, Epist. 91 ad Theodorum Forojuliensem episcopum : " Pour lever les scrupules de celui qui vous consulte, je vous ferai part de ce que prescrit la règle ecclésiastique par rapport aux pénitents. La miséricorde infinie. . . . . la porte de la réconciliation (voir ce passage dans le corps de la réponse, p.61-62). Le Sauveur lui-même intervient dans cette œuvre et ne saurait être étranger à ce qu'il a chargé ses ministres de faire de sa part, puisqu'il nous a dit : Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles ; de sorte que, s'il se fait quelque chose de louable par notre ministère, nous ne devons pas douter que nous n'en soyons redevables à la grâce de l'Esprit-Saint. Mais si quelqu'un de ceux en faveur desquels nous implorons le Seigneur se trouve empêché par un obstacle quel qu'il soit de prendre sa part de l'indulgence offerte ici-bas, et qu'il meure avant d'avoir par ce moyen obtenu sa guérison, il ne pourra pas, une fois enlevé de ce monde, obtenir une grâce accordée seulement pour ce monde-ci. Et nous n'avons point à discuter les mérites et les actes de ceux qui meurent dans ces conditions, puisque le souverain maitre, dont les jugements sont incompréhensibles, a réservé à sa justice ce que le ministère sacerdotal laisse ainsi imparfait, voulant imprimer par ce moyen la crainte que nous devons avoir de sa puissance, et porter chacun de nous, par ces châtiments infligés à la paresse ou à l'indifférence, à appréhender pour soi- même un semblable malheur. Car il est fort utile et même nécessaire que les péchés soient remis avant le dernier jour par le ministère des prêtres. Quant à ceux qui demandent la pénitence et la réconciliation tout à la fois dans un cas de nécessité ou de danger imminent, on ne doit ni leur interdire les moyens de satisfaire, ni refuser de les réconcilier sur-le-champ : car nous ne pouvons marquer des bornes ou fixer des délais à la miséricorde de Dieu, qui ne fait jamais attendre son pardon à celui qui se convertit sincèrement puisqu'il nous a dit par son Prophète : Si vous vous convertissez et que vous gémissiez de vos fautes, vous serez sauvé (EZECH., XXXIII, 12) ; et ailleurs : Confessez le premier vos iniquités et vous serez justifié (Is., XLIII, 26, selon les Septante) ; et encore: Il y a en Dieu de la miséricorde et on peut attendre de lui une rédemption abondante (Ps. CXXIX, 7). C'est pourquoi nous ne devons pas nous montrer difficiles à faire part aux hommes des libéralités
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de Dieu, ni voir d'un œil indifférent les larmes et les gémissements de ceux qui s'accusent, puisque nous devons croire que la pénitence elle-même est un don de Dieu, suivant cette parole de l’Apôtre : Dans l'espérance que Dieu pourra leur donner un jour l'esprit de pénitence et qu'ainsi ils sortiront des pièges du diable, qui les tient captifs pour en faire ce qu'il lui plaît (II Tim., II, 25 -26). Chaque chrétien doit donc examiner sérieusement sa conscience, et ne pas remettre d'un jour à l'autre à se convertir à Dieu, de peur qu'en renvoyant à la fin de sa vie le moment de satisfaire, il ne compte sur un temps qui lui sera refusé : au lieu de courir ainsi les risques de sa fragilité et de son ignorance, qu'il profite des moyens qui lui sont offerts actuellement de mériter son plein pardon par une satisfaction pleine et entière et qu'il n'attende pas ce moment fatal où il trouverait à peine le temps, soit de faire la confession de ses péchés, soit d'être réconcilié à Dieu par le ministère du prêtre. Néanmoins, comme je l'ai dit, il faut venir en aide même à ces chrétiens négligents et ne leur refuser ni la pénitence, ni le bienfait de la communion, si, quand même ils auraient perdu l'usage de la parole, ils paraissent en faire la demande par quelque signe. Que s'ils sont tellement abattus par la violence de leur mal, qu'ils ne puissent plus témoigner en présence du prêtre ce désir qu'ils auraient exprimé avant son arrivée, on se contentera du témoignage des fidèles présents et on leur accordera le bienfait de la pénitence et de la réconciliation, en prenant soin toutefois d'observer la règle des anciens canons par rapport à ceux qui auraient péché contre Dieu en renonçant à leur foi. "
13. Le même, Epist. 80 ad episcopos per Campaniam, Samnium et Picenum constitutos, c. 2 : " Je veux qu'on prenne tous les moyens pour faire cesser un usage contraire aux règle apostoliques, et que je sais s'être introduit dernièrement par l’effet d'une coupable présomption, qui est de faire lire publiquement par chacun le détail mis par écrit de tous ses péchés tandis qu'il suffit d'en faire aux prêtres seuls la confession secrète. Car, bien qu'il puisse sembler louable, et conforme à la piété de ne pas rougir, par la crainte qu'on doit avoir de Dieu, de confesser ainsi ses péchés devant les hommes ; comme cependant il y a certains péchés que ceux qui demandent à en faire pénitence doivent craindre de rendre publics, nous devons faire disparaître au plus tôt une pratique aussi blâmable, de peur que bien des personnes ne soient détournées de recourir au remède de la
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pénitence, soit par l'effet de la honte, soit par
la crainte de donner à leurs ennemis personnels les moyens de provoquer
contre elles toute la rigueur des lois. Car il suffit de faire cette confession
à Dieu premièrement et ensuite au prêtre chargé
d'intercéder en faveur des pénitents pour leur obtenir le
pardon de leurs péchés. Plusieurs même pourront être
invités par-là à faire pénitence de leurs fautes,
s'ils voient que la confession qu'ils en feront restera secrète
par rapport au peuple. "
Question VII
Que sommes-nous obligés de croire par rapport à la satisfaction ?
Nous sommes obligés de croire, qu'autre est la satisfaction de Jésus-Christ notre rédempteur, autre est celle que les fidèles pénitents doivent acquitter eux-mêmes. La première a été accomplie uns fois dans la personne de Jésus-Christ crucifié lorsque ce divin agneau a effacé les péchés du monde, en réconciliant à Dieu ceux qui étaient par nature des enfants de colère ; la seconde, qui est l'œuvre des pénitents eux-mêmes s'accomplit tous les jours dans le sein de l'Eglise, dans la personne des membres de Jésus-Christ lorsque ceux-ci, après avoir fait la confession de leurs péchés acquittent la pénitence que le prêtre leur a imposée en leur donnant l'absolution ; ou bien lorsqu'ils se portent d'eux-mêmes à faire de dignes fruits de pénitence pour réparer au moins en partie les fautes de leur vie passée.
Cette satisfaction a pour objet de venger la justice de Dieu et tout à la fois de corriger le pécheur, et bien loin d'obscurcir le bienfait de la satisfaction de notre divin rédempteur, elle en relève l'éclat et le mérite. Car ce n'est que parce que la satisfaction de Jésus-Christ a précédé, et surtout qu'elle aide la nôtre, que nous pouvons, suivant l'expression de l'écrivain sacré, faire des œuvre d'équités et de justice, en nous punissant nous-mêmes de nos crimes, en effaçant en nous les restes de nos péchés et en nous procurant des grâces de Dieu plus abondantes, en témoignant enfin par de tels actes que nous embrassons de notre plein gré la croix de Jésus-Christ, que nous renonçons à nous-mêmes que nous mortifions notre chair, que nous voulons détruire en nous le vieil homme pour mener une vie plus parfaite, en combattant avec ardeur et courage nos passions et nos penchants contraires à la règle.
C'est ainsi que la satisfaction a été pratiquée, et par David, et
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par les Ninivites, et par tant d'autres, qui ont fait pénitence sous le cilice et sur la cendre, dans les gémissements, les larmes, les jeûnes et les autres macérations de la chair, et qui, comme le témoigne l'Esprit-Saint, se sont rendus agréable à Dieu par ce moyen. L’Ecriture, pour nous inculquer et nous recommander mieux cette partie de la pénitence nous crie : Convertissez-vous à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et les gémissements. Et ailleurs : Convertissez-vous, et faites pénitence de toutes vos prévarications et l'iniquité ne vous attirera plus votre ruine. Saint Paul nous enseigne aussi que la tristesse qui est selon Dieu opère en nous l'ardeur à venger contre nous-mêmes sa justice, et il nous avertit en général que, si nous nous jugions nous-mêmes, nous n'aurions pas à redouter les jugements de Dieu. Ainsi nous ne nous arrêterons pas à disputer sur ce mot de satisfaction, qui du reste est fréquemment répété dans les écrits des Pères puisque les Ecritures nous montrent si clairement la nécessité de la chose même.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Hébreux, IX, 25-28 : " Il n'y est pas entré non plus pour s'offrir lui-même plusieurs fois, comme le grand-prêtre entre tous les ans dans le sanctuaire, portant en offrande du sang autre que le sien ; - car autrement il eût fallu qu'il souffrit plusieurs fois depuis la création du monde ; au lieu qu'il n'a paru qu'une fois vers la fin des siècles pour abolir le péché en s'offrant lui-même pour victime. - Et comme il est arrêté que les hommes meurent une fois, et qu'ensuite ils soient jugés - ainsi le Christ a été offert une fois pour effacer les péchés de plusieurs, et la seconde fois il apparaîtra, sans avoir rien du péché pour le salut de ceux qui l'attendent. "
2. Ephésiens, V, 2, 25-26 : " Jésus-Christ nous a aimés et s'est lui-même livré pour nous, en s'offrant à Dieu comme une oblation et une victime d'agréable odeur. - Jésus-Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré lui-même pour elle, - afin de la sanctifier, après l'avoir purifiée dans le baptême de l'eau, etc. "
3. Ibidem, IV, 32 : " Pardonnez-vous mutuellement, comme Dieu aussi vous a pardonné en Jésus-Christ. "
4. I JEAN, II, 2 : " C'est lui qui est la victime de propitiation pour nos péchés ; et non-seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde. "
5. JEAN, I, 29 : " Voici l'agneau de Dieu, voici celui qui efface les péchés du monde. "
6. Ephésiens, II, 3-6 ; " Nous étions, par la corruption de notre nature, enfants de colère aussi bien que les autres hommes. - Mais Dieu qui est riche en miséricorde, poussé par l'amour extrême dont il nous a aimés - lorsque nous étions morts par nos péchés, nous a rendu la vie en Jésus-Christ, par la grâce duquel vous êtes sauvé; - et il nous a ressuscité avec lui, et nous a fait asseoir dans le ciel en Jésus-Christ. "
7. II Corinthiens, V, 18 : " Le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui-même par Jésus-Christ et qui nous a confié le ministère de cette réconciliation. - Car Dieu a réconcilié les hommes avec lui-même en Jésus-Christ ne leur imputant point leurs péchés et il a mis en nous la parole de cette réconciliation. - Nous faisons donc la charge d'ambassadeurs de Jésus-Christ, et c'est Dieu même qui vous exhorte par notre bouche. Ainsi nous vous conjurons, au nom de Jésus-Christ, de vous réconcilier avec Dieu, - qui, pour l'amour de nous, a
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traité celui qui ne connaissait point le péché comme s'il eût été le péché même afin qu'en lui nous devinssions justes de sa justice. "
8. Exode, XXXII, 31-35 : " Moïse retourna vers le Seigneur, et lui dit : Ecoutez-moi, je vous supplie. Le peuple a commis un très-grand péché, puisqu'il s'est fait des dieux d'or ; mais pardonnez-lui cette faute, - ou effacez-moi maintenant de votre livre que vous avez écrit. - Le Seigneur lui répondit : J'effacerai de mon livre celui qui aura péché contre moi. - Mais toi, va, conduis ce peuple où je t'ai dit : mon ange marchera devant toi ; mais, au jour de la vengeance, je les punirai du crime qu'ils ont commis. - Le Seigneur frappa donc le peuple, parce qu'il avait sacrifié au veau d'or qu'Aaron lui avait fait. "
9. Nombres, XII, 9-15 : " (Le Seigneur) irrité contre eux (Aaron et Marie), s'en alla. - Or, la nuée qui étai sur le tabernacle se retira : et voilà que Marie fut couverte d'une lèpre semblable à la neige. Et Aaron l'ayant regardée, et l’ayant vue blanchie par la lèpre - dit à Moïse : Je vous prie, mon Seigneur, ne nous faites point porter le péché que nous avons commis follement ; - et que celle-ci ne devienne pas comme les morts, ou comme l'enfant qui est jeté hors du sein de sa mère : voilà déjà la moitié de son corps qui est dévoré par la lèpre. - Or, Moïse cria vers le Seigneur, disant : O Dieu, je vous conjure, guérissez-la. - Le Seigneur répondit : Si son père eût frappé son visage, n'eût-elle pas été dans la confusion au moins durant sept jours ? Qu'elle soit séparée pendant sept jours hors du camp, et après on la rappellera. - Marie fut donc éloignée du camp pendant sept jours ; et le peuple ne quitta point ce lieu, jusqu'à ce que Marie fût rappelée. "
10. Ibidem, XIV, 19-39 : " (Moïse dit au Seigneur) : Pardonnez donc, je vous prie, le péché du peuple, selon la grandeur de votre miséricorde comme vous lui avez été propice depuis sa sortie d’Egypte jusqu'à ce jour. Et le Seigneur dit : J'ai pardonné selon la parole. - Comme il est vrai que je vis, toute la terre sera remplie de la gloire du Seigneur. - Mais tous les hommes qui ont vu ma majesté et les miracles que j'ai faits en Egypte et au désert, qui m'ont déjà tenté par dix fois, et n'ont point obéi à ma parole, - ne verront pas la terre que j'ai promise à leurs pères ; tous ceux aussi qui m'ont mépris n'y entreront point. - Mais pour mon serviteur Caleb, qui, plein d'un autre esprit, m'a toujours suivi, je l'introduirai dans la
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terre qu'il a parcourue, et sa race la possédera. - Et parce que les Amalécites et les Chananéens habitent dans les vallées, demain mettez-vous en marche, et retournez au désert par le chemin de la Mer Rouge. - Or, le Seigneur parla à Moïse et à Aaron, disant : - Jusqu'à quand cette multitude perverse murmurera-t-elle contre moi ? J'ai entendu les plaintes des enfants d'Israël. - Dis-leur donc : J'en jure par moi-même, dit le Seigneur ; comme vous avez parlé en ma présence, ainsi j'agirai envers vous. - Vos corps seront gisants dans le désert. Vous tous qui avez été comptés depuis l'âge de vingt ans et au-dessus, et qui avez murmuré contre moi, - vous n'entrerez point dans la terre sur laquelle j'ai levé ma main en signe que je vous y ferais habiter, excepté Caleb, fils de Jéphoné et Josué fils de Nun ; - et j'y introduirai vos enfants, dont vous avez dit qu'ils seraient en proie aux ennemis, afin qu'ils voient la terre que vous avez méprisé. - Vos cadavres resteront étendus dans cette solitude. - Et vos enfants seront errants dans le désert durant quarante ans, et ils porteront la peine de votre rébellion jusqu'à ce que les cadavres de leurs pères soient consumés dans le désert. - Selon le nombre des quarante jours que vous avez considéré cette terre, un jour comptant pour un an, vous porterez la peine de vos iniquités durant quarante ans, et vous connaîtrez ma vengeance. - Car, comme je l'ai dit, j'agirai contre cette multitude perverse de même qu'elle s'est élevée contre moi ; elle sera consumée et mourra dans ce désert. - Et tous ceux que Moïse avait envoyés pour reconnaître la terre, et qui, étant de retour, excitèrent les murmures de toute l’assemblée en représentant cette terre comme funeste, furent frappés et moururent devant le Seigneur. - Mais Josué fils de Nun, et Caleb, fils de Jéphoné survécurent seuls de tous ceux qui étaient allés visiter la terre. - Or, Moïse raconta ces paroles à tous les enfants d'Israël et le peuple en fut contristé. "
11. Ibidem, XX, 9-12, 23-30 : " Moïse prit donc la verge qui était en la présence du Seigneur, selon l'ordre qu'il en avait reçu, - et assemblant la multitude devant la pierre, il leur dit : Ecoutez, incrédules et rebelles : pourrons-nous vous faire sortir de l'eau de cette pierre ? - Et quand Moïse eut élevé la main, il frappa deux fois la pierre de sa verge, et il en sortit une grande abondance d'eau, dont le peuple but, ainsi que les troupeaux. - Or, le Seigneur dit à Moïse et à Aaron : Puisque vous n'avez point cru en moi, et que vous ne m'avez point rendu
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la gloire qui m'est due devant les enfants d'Israël, vous n'introduirez point ces peuples dans la terre que je leur donnerai. . . . . Le Seigneur dit à Moïse : - Qu'Aaron s'en aille se réunit à son peuple ; car il n'entrera pas dans la terre que j'ai donné aux enfants d'Israël, parce qu'il a été incrédule à ma parole aux eaux de contradiction. - Prends Aaron et son fils avec lui, et tu les conduiras sur la montagne de Hor. - Et, quand tu auras dépouillé le père de ses vêtements, tu en revêtiras Eléazar son fils ; Aaron sera réuni à ses pères et mourra en ce lieu. - Moïse fit comme le Seigneur lui avait commandé et ils montèrent sur la montagne de Hor devant toute la multitude. - Et lorsqu’Aaron eut déposé ses vêtements, il en revêtit Eléazar son fils. Aaron étant mort au sommet de la montagne, Moïse et Eléazar descendirent. - Or, toute la multitude, voyant qu'Aaron était mort, pleura trente jours sur lui dans toutes les familles. "
12. Psaume XCVIII, 6-8 : " Moïse et Aaron ont été au nombre de ses prêtres, et Samuel fut un de ses adorateurs : ils invoquaient le Seigneur, et il les exauçait. - Il leur parlait du sein de la colonne que formait la nue ; et eux, ils gardaient ses ordonnances et les lois qu'il leur avait données. - Seigneur, qui êtes notre Dieu, vous les exauciez ; vous étiez pour eux un Dieu propice, lors même que vous punissiez en eux tout ce qui pouvait vous y déplaire. "
13. II Samuel, XII, 7-17 : " Nathan dit à David : Vous êtes cet homme. Voici ce que dit le Seigneur Dieu d'Israël : Je t'ai sacré roi sur Israël, et je t'ai délivré de la main de Saül et je t'ai donné la maison de ton seigneur et les femmes de ton seigneur ; et je t'ai donné la maison d'Israël et celle de Juda; et si cela te paraît peu, j'y ajouterai beaucoup encore. - Pourquoi donc as-tu méprisé la parole du Seigneur jusqu'à faire le mal en ma présence. Tu as fait périr par l'épée Urie l’Héthéen et tu as pris pour femme sa femme, et tu l'as tué par l'épée des enfants d'Ammon. - C'est pourquoi l'épée ne sortira jamais de ta maison, parce que tu m'as méprisé, et que tu as pris pour ta femme la femme d'Urie l'Héthéen. - Voici ce que dit le Seigneur : Je susciterai le mal contre toi ; il naîtra de ta propre maison ; et je prendrai tes femmes devant tes yeux, et je les donnerai à un autre qui dormira avec elles à la face du soleil. - Et David dit à Nathan : J'ai péché contre le Seigneur, etc. " Et le reste comme plus loin, même question, témoignage 27.
14. II Samuel, XXIV, 10-17 : " Le cœur de David fut frappé
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après que le peuple eut été compté, et David dit au Seigneur : j'ai péché en cette action; mais, Seigneur, je vous prie, remettez l'iniquité de votre serviteur, car j'ai agi comme un insensé. - Et David se leva dès le matin, et le Seigneur parla à Gad le prophète et voyant de David, et lui dit : Va, et parle à David : Voici ce que dit le Seigneur : L'option de trois fléaux t'est donnée ; choisis celui que tu voudras, et je te l'enverrai. - Et quand Gad fut venu vers David, il lui parla en ces termes : Ou la famine viendra sur la terre durant l'espace de sept ans, ou tu fuiras tes ennemis durant trois mois, et ils te poursuivront ; ou la peste sera pendant trois jours dans ton royaume. Maintenant donc délibère et vois ce que je répondrai à celui qui m'a envoyé. - Et David dit à Gad - Je suis dans une trop grande angoisse : il vaut mieux que je tombe entre les mains du Seigneur (car ses miséricorde sont grandes), qu'entre les mains des hommes. - Et le Seigneur envoya la peste en Israël depuis le matin jusqu'au temps marqué ; et depuis Dan jusqu'à Bersabée soixante-dix mille hommes moururent. - Et, comme l'ange du Seigneur étendait sa main sur Jérusalem pour en faire périr les habitants, le Seigneur eut pitié de son affliction, et dit à l'ange qui frappait le peuple : Il suffit, retire ta main. Et l'ange du Seigneur était alors près de l'aire d'Aréuna le Jébuséen. - Et David dit au Seigneur, quand il vit l'ange qui frappait le peuple : C'est moi qui ai péché et qui ai agi injustement. Ceux-ci, qui ne sont que les brebis, qu'ont-ils fait ? Je vous prie, que votre main se tourne contre moi, et contre la maison de mon père. "
15. Proverbes, XI, 31 : " Si le juste sur la terre est livré à la mort, que sera-ce du pervers et de l'impie ? "
16. Ecclésiastique, V, 2-5 : " Ne suis pas dans ta force les mauvais désirs de ton cœur - et ne dis pas : Que je suis puissant ! ou : Qui me forcera à rendre compte de mes actions ? Car le Dieu vengeur appesantira le poids de ses vengeances. - Ne dis pas : J'ai péché et que m'est-il pour cela arrivé de funeste ? Car le Très-Haut est lent à punir les crimes. - Ne sois pas sans crainte sur le péché pardonné et n'ajoute pas péché sur péché. "
17. ISAIE, LVI, 1 : " Voici ce que dit le Seigneur : Gardez les règles de l'équité et agissez selon la justice, parce que le salut que je dois envoyer est proche, et que ma justice sera bientôt manifestée. "
18 EZECHIEL, XVIII, 21-22, 27 : " Si l’impie fait pénitence de tous les péchés qu'il a commis, s'il garde tous mes préceptes,
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et qu'il agisse selon l'équité et la justice, il vivra certainement ; non, il ne mourra point. - Je ne me souviendrai plus de toutes les iniquités qu'il a commises ; il vivra dans les œuvres de justice qu'il aura faites. - Et lorsque l'impie se sera détourné de l'impiété où il avait vécu et qu'il agira selon l'équité et la justice, il rendra aussi la vie à son âme. "
19. JEREMIE, XXII, 3 : " Voici ce que dit le Seigneur : Agissez selon l'équité et la justice, etc. "
20. II Corinthiens, VII, 9-44 : " Maintenant j'ai de la joie, non de ce que vous avez eu de la tristesse, mais de ce que votre tristesse vous a porté à la pénitence. La tristesse que vous avez eue a été selon Dieu ; et ainsi la peine que nous vous avons causée ne vous a été nullement désavantageuse. - Car la tristesse qui est selon Dieu, produit pour le salut une pénitence sans fâcheux retour ; au lieu que la tristesse de ce monde produit la mort. - Considérez donc combien cette tristesse selon Dieu, que vous avez ressentie, a produit en vous, non-seulement de vigilance sur vous-mêmes, mais de soin de vous justifier auprès de nous, d'indignation contre cet incestueux, de crainte de la colère de Dieu, de désir de nous revoir, de zèle pour nous défendre, d'ardeur à venger ce crime ; vous avez fait voir, par toute votre conduite, que vous étiez purs et irréprochables dans cette affaire. "
21. Psaume L, 1-5 : " Ayez pitié de moi, ô mon Dieu, selon votre grande miséricorde, - et effacez mon iniquité, selon la multitude de vos bontés. - Lavez-moi de plus en plus de mon iniquité, et purifiez-moi de mon péché. - Parce que je connais mon iniquité et que j'ai toujours mon péché présent devant les yeux. - J'ai péché devant vous seul, j'ai fait le mal en votre présence ainsi vous serez toujours juste, quelque sentence que vous prononciez sur moi : vous serez irrépréhensible dans tous vos jugements, etc. "
22. LUC, IX, 23 : " Il disait aussi à tout le monde : Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il porte sa croix tous les jours, et qu'il me suive. "
23. MATTHIEU, XVI, 24 : " Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il porte sa croix, et qu'il me suive. "
24. Romains, VI, 3, 6, 7 : " Car étant une fois morts au péché, comment vivrons-nous encore dans le péché ? - Notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit détruit et que désormais nous ne soyons plus asservis au péché. - Car celui qui est mort est délivré du péché. "
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25. Ephésiens, IV, 22-24 : " Dépouillez-vous du vieil homme, selon lequel vous avez vécu autrefois, et qui se corrompt en suivant l'illusion de ses passions. - Renouvelez-vous dans l'intérieur de votre âme, - et revêtez-vous de l'homme nouveau qui est créé à la ressemblance de Dieu, etc. "
26. Colossiens, III, 9-10 : " N'usez point de mensonge les uns envers les autres ; dépouillez-vous du vieil homme et de ses œuvres - et revêtez-vous de cet homme nouveau qui, par la connaissance de la vérité qu'il a reçue, se renouvelle selon l'image de celui qui l'a crée, etc. "
27. II Samuel, XII, 13-17 : " David dit à Nathan : J’ai péché contre le Seigneur. Nathan lui répondit : Le Seigneur vous a remis aussi votre péché : vous ne mourrez point. - Mais néanmoins, comme vous avez été cause que les ennemis du Seigneur ont blasphémé, assurez-vous que le fils qui vous est né va perdre la vie. - Nathan retourna ensuite en sa maison. Le Seigneur frappa l'enfant que la femme d'Urie avait eu de David, et on désespéra bientôt de le sauver. - David pria le Seigneur pour l'enfant, il jeûna il se retira à part, et se coucha sur la terre. - Les principaux de sa maison vinrent le trouver, et lui firent de grandes instances pour l'obliger à se lever de terre ; mais il refusa, et ne mangea point avec eux. "
28. I Chroniques, XXI, 16 : " Et David levant les yeux vit l'ange du Seigneur qui était entre le ciel et la terre, et qui avait à la main une épée nue et tournée contre Jérusalem. A l'heure même, lui et les anciens, couverts de cilices, se prosternèrent en terre. "
29. Psaume XXXIV, 13-15 : " Mais moi, lorsqu'ils me tourmentaient, je me revêtais d'un cilice ; - j'affligeais mon corps par le jeûne et je réitérais ma prière dans mon cœur. - J'en usais avec chacun d'eux comme avec un ami et un frère ; tel qu'un fils qui pleure sa mère, j'étais abattu par la douleur. "
30. Psaume LXVIII, 11-12 : " J'ai humilié mon âme par le jeûne et ma douleur a été l'objet de leurs risées. - J'ai pris pour vêtement un cilice, et ils en ont fait le sujet de leur raillerie. "
31. JONAS, III, 5-10 : " Les Ninivites crurent à Dieu ; ils ordonnèrent un jeûne public, et ils se couvrirent de sacs depuis le plus grand jusqu'au plus petit. - Cette nouvelle ayant été portée au roi de Ninive, il se leva de son trône quitta ses habits, se couvrit d'un sac et s'assit sur la cendre. - Ensuite il fit crier
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partout et publier cet ordre dans Ninive de la part du roi et de ses princes : Que les hommes et les bêtes, les bœuf et les brebis ne mangent rien ; qu'on ne les mène point aux pâturages, et qu'ils ne boivent point d'eau. - Que les hommes soient couverts de cendre, ainsi que les animaux, et qu'ils crient vers le Seigneur de toute leur force ; que chacun se convertisse, qu'il quitte sa mauvaise voie et l'iniquité dont ses mains sont souillées. - Qui sait si Dieu ne se retournera point vers nous pour nous pardonner, s'il n'apaisera point sa fureur et sa colère et s'il ne révoquera pas l'arrêt de notre perte qu'il a porté ? - Dieu considéra leurs œuvres ; il vit qu'ils s'étaient convertis en quittant leur mauvaise voie, et la compassion qu'il eut d'eux l'empêcha de leur envoyer les maux qu'il avait résolu de leur faire. "
32. I Rois, XXI, 27-29 : " Achab, ayant entendu ces paroles, déchira ses vêtements, couvrit sa chair d'un cilice, jeûna et dormit avec un sac, et marcha ayant la tête baissée. - Alors le Seigneur adressa sa parole à Elie de Thesbé et lui dit : - N'avez-vous pas vu Achab humilié devant moi ? Puis donc qu'il s'est humilié à cause de moi, je ne ferai point tomber sur lui, pendant qu'il vivra, les maux dont je l'ai menacé ; mais sous le règne de son fils, je les ferai tomber sur sa maison. "
33. I Machabées, II, 14 : " Mathathias et ses fils déchirèrent leurs vêtements, se couvrirent de cilices et firent un grand deuil. "
34. I Machabées, III, 46-47 : " Lorsque Lysias eut envoyé une armée contre eux, les Juifs s'assemblèrent et vinrent à Maspha, vis-à-vis de Jérusalem, parce qu'il y avait eu autrefois à Maspha un lieu de prière dans Israël. - Ils jeûnèrent ce jour-là, se revêtirent de cilices, se mirent de la cendre sur la tête et déchirèrent leurs vêtements, etc. "
35. II Machabées, III, 19 : " Les femmes, revêtue de cilices qui les couvraient jusqu'à la ceinture, allaient en foule par les rues. "
36. MATTHIEU, XI, 21-22 : " Malheur à toi, Corozaïn ! malheur à toi, Bethsaïde ! parce que, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps que ces villes auraient fait pénitence dans le sac et dans la cendre. -C'est pourquoi je vous déclare qu'au jour du jugement Tyr et Sidon seront traitée moins rigoureusement que vous. "
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37. LUC, X, 13 : " Malheur à toi, Corozaïn ! malheur à toi, Bethsaïde ! parce que si les miracles qui ont été faits chez vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il, a longtemps que ces villes auraient fait pénitence dans le sac et dans la cendre. "
38. Judith, IV, 8-17 : " Tout le peuple ensuite cria vers le Seigneur avec beaucoup d'instance, et ils humilièrent leurs âmes dans les jeûnes et les prières, eux et leurs femmes. - Les prêtres se revêtirent de cilices; et on prosterna les enfants devant le temple du Seigneur ; et ils couvrirent d'un cilice l'autel du Seigneur. - Puis ils crièrent tous d'un même cœur et d'un même esprit vers le Seigneur, le Dieu d'Israël, afin qu'il ne permît pas que leurs enfants fussent donnés en proie, leurs femmes enlevées et dispersées, leurs villes détruites, leur sanctuaire profané, ni qu'eux-mêmes devinssent l'opprobre des nations. - Alors Eliachim, le grand-prêtre du Seigneur, alla dans tout le pays d'Israël et il parla au peuple, en lui disant : Sachez que le Seigneur vous exaucera, si vous persévérez toujours dans le jeûne et dans la prière devant le Seigneur. - Souvenez-vous de Moïse, serviteur de Dieu, qui vainquit Amalec, ce peuple qui s'appuyait sur sa force et sur sa puissance, sur son armée, sur ses bouchers, sur ses chariots et sur ses chevaux, en le combattant non avec le fer, mais avec l'ardeur et la sincérité de sa prière. - C'est ainsi que seront traités tous les ennemis d'Israël si vous persévérez dans cette œuvre que vous avez commencée. - Le peuple étant donc touché de cette exhortation, priait le Seigneur et demeurait toujours devant Dieu : - en sorte que ceux-même qui offraient des holocaustes au Seigneur, étaient revêtus de cilices en lui présentant les victimes, et la cendre était sur leurs têtes - Et tous priaient Dieu de tout leur cœur qu'il lui plut de visiter son peuple d'Israël. "
39. Judith, VII, 4 : " Les Israélites, voyant cette multitude se prosternèrent en terre ; et se couvrant la tête de cendres, ils prièrent d'un même cœur le Dieu d'Israël afin qu'il lui plût de faire éclater sa miséricorde sur son peuple. "
40. Ibidem, VIII, 5, 6, 14-17 : " Elle avait au plus haut de sa maison une chambre secrète pour elle, où elle demeurait enfermée avec les filles qui la servaient. - Et portant un cilice sur ses reins, elle jeûnait tous les jours de sa vie, hors les jours de sabbat, le premier jour de chaque mois, et les fête de la maison d'Israël. - Mais comme le Seigneur est patient (dit Judith
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aux prêtres Chabri et Charmi), faisons pénitence de cette faute même, et implorons sa miséricorde avec beaucoup de larmes. - Car Dieu ne menace point comme l'homme, et il ne s'enflamme point de colère comme les enfants des hommes. - C'est pourquoi humilions nos âmes devant lui, reconnaissons que nous sommes ses esclaves, demeurons dans un esprit d'abaissement, - et prions le Seigneur avec larmes de nous faire sentir, en la manière qu'il lui plaira, les effets de sa miséricorde. "
41. Ibidem, IX, 1 : " Judith entra dans son oratoire ; et se revêtant d'un cilice, elle se mit de la cendre sur la tête et, se prosternant devant Dieu, elle s'écriait vers lui. "
42. JOEL, II, 11-1 7 : " Le jour du Seigneur est grand, il est terrible ; et qui pourra en soutenir l'éclat ? - Maintenant donc, dit le Seigneur, convertissez-vous à moi de tout votre cœur, dans les jeûnes, dans les larmes et dans les gémissements. - Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, et convertissez-vous au Seigneur votre Dieu, parce qu'il est bon et compatissant, patient et riche en miséricorde, et qu'il peut nous faire grâce du mal dont il nous a menacés. - Qui sait s'il ne se retournera point vers nous, et s'il ne nous pardonnera point, et si après nous avoir affligé, s’il ne nous comblera point de ses bénédictions, afin que vous présentiez au Seigneur votre Dieu vos sacrifices et vos offrandes ? Faites retentir la trompette dans Sion ; ordonnez un jeûne saint ; convoquez une assemblée solennelle ; - faites venir tout le peuple, avertissez-le qu'il se purifie ; assemblez les vieillards, amenez les enfants, et ceux qui sont encore à la mamelle ; que l'époux sorte de sa couche, et l’épouse de son lit nuptial. - Que les prêtres et les ministres du Seigneur, prosternés entre le vestibule et l'autel, fondent en larmes, et s'écrient : Pardonnez, Seigneur, pardonnez à votre peuple ! "
43. DANIEL, IX, 3 : " Je tournai mon visage vers le Seigneur mon Dieu, pour le prier et le conjurer dans les jeûnes, le sac et la cendre. "
44. JOB, XLII, 6 : " C'est pourquoi je m'accuse moi-même et je fais pénitence dans la poussière et dans la cendre. "
45. JEREMIE, VII, 26 : " Fille de mon peuple, revêtez-vous d'un cilice, couchez-vous sur la cendre, pleurez avec amertume, comme une mère qui pleure son fils unique. "
46. JEREMIE, IV, 8 : " Couvrez-vous de cilices ; pleurez et poussez en haut vos cris et vos hurlements, parce que vous n'avez point détourné de dessus vous la colère et la fureur du Seigneur. "
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47. Id., XXV, 34 : " Poussez des lamentations, pasteurs, et criez ; couvrez-vous de cendres, vous les chefs de mon troupeau. "
48. Id., XLVIII, 37 : " Toutes les têtes seront dépouillées de leurs cheveux, et toutes les barbes seront rasées ; ils auront tous les mains liées et le cilice sur le dos. "
49. Id., XLIX, 3 : " Revêtez-vous de cilices, faites retentir vos plaintes et vos soupirs. "
50. EZECHIEL, VII, 18 : " Ils se revêtiront de cilices et ils seront saisis de frayeur. "
51. Lamentations de Jérémie, II, 10 : " Les vieillards de cette ville, qui est appelée fille de Sion, se sont assis sur la terre, et sont demeurés dans le silence ; ils ont couvert leurs têtes de cendres, ils se sont revêtus de cilices ; les filles de Jérusalem tiennent leurs têtes baissées vers la terre. "
52. EZECHIEL, XVIII, 30-32 : " Convertissez-vous et faites pénitence, etc. - Ecartez loin de vous toutes les prévarications dont vous vous êtes rendus coupables ; faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau. Et pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël ? - Je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu. Revenez à moi, et vivez. "
53. I Corinthiens, XI, 31 : " Si nous nous jugions
nous-mêmes, etc. ; " comme dans le corps de la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. GREGOIRE, in caput IX lib. I Regum, sur ces paroles : Dixit Samuel cœco, etc. : " Jésus-Christ ne s'est pas chargé de faire pour nous tout ce que nous avons nous-mêmes à faire. Il est vrai qu'il nous a tous rachetés par sa croix ; mais il reste à celui qui veut recueillir les fruits de sa rédemption et régner avec lui, de porter sa croix à son tour. Celui-là voyait bien ce qu'il nous reste ainsi à chacun à faire, qui disait : Si nous souffrons avec lui, nous régnerons avec lui (II Tim., II, 12). C'est comme si l'Apôtre nous avait dit : Ce que Jésus-Christ a accompli dans sa personne, ne servira qu'à celui qui accomplira dans la sienne ce qu'il lui reste faire à lui-même. C'est ce qui a fait dire à l'apôtre saint Pierre : Jésus-Christ a souffert pour nous en vous laissant son exemple, afin que vous marchiez sur ses traces (I PIERRE, II, 21) ; et à saint Paul : J’accomplis dans ma personne ce qui reste des souffrances de Jésus-Christ (Col., I, 24). "
2. S. BASILE, in Regulis brevioribus, quæst 12 : " Dieu nous ayant envoyé son Fils unique pour nous faire obtenir la rémission
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de nos péchés a fait dès-lors ce qui dépendait de lui pour nous pardonner à tous. Mais comme l'écrivain inspiré ne célèbre pas seulement la miséricorde d e Dieu, mais aussi son jugement et sa justice (Ps. C, 4), il est indispensable que nous fassions de notre côté ce que les prophètes et les apôtres nous ont marqué touchant la nécessité de la pénitence pour rendre hommage de cette manière à la justice de Dieu, et donner occasion à sa miséricorde par le pardon qu'il nous accordera. "
3. S. CYPRIEN, Epist. LIX (al. LVIII) ad Fidum presbyterum : " Nous avons lu, frère bien-aimé, la lettre où vous nous parlez d'un certain Victor qui a perdu son rang de prêtre et auquel notre collègue Thérapius, par une imprudente précipitation, a donné la réconciliation avant que le coupable eût accompli entièrement sa pénitence et payé à la justice divine la dette de la satisfaction. Nous ne le cacherons pas, cette infraction à l'autorité de notre décret, cette réconciliation accordée avant le temps déterminé pour la réparation du crime, sans la participation et la demande du peuple, lorsqu'aucune maladie, aucun autre péril ne la rendait nécessaire, ne nous a pas médiocrement surpris. "
4. Le même, Epist, X (al. IX) ad Clerum : " Ils pourraient, en faisant une véritable pénitence, satisfaire à Dieu et au Père des miséricordes par la prière et les bonnes œuvres. "
5. TERTULLIEN, Lib. de Pænitentiâ, c. 5 : " Celui qui par le repentir avait résolu de satisfaire à Dieu, se repent de son repentir, afin de rester en grâce avec le diable. "
Ibidem, c. 7 : " Mais il ne faut pas se décourager cependant, si l'on vient à avoir besoin d'un second pardon. Fuyez la rechute, mais ne fuyez pas une seconde grâce. Evitez de vous exposer de nouveau au danger, mais n'écartez pas de vous la main secourable qui veut vous sauver une seconde fois. Point de fausse honte ; à une nouvelle maladie, il faut de nouveaux remèdes. Le moyen de témoigner votre reconnaissance au Seigneur, c'est de ne pas refuser le don qu'il vous offre. Vous l'avez offensé, mais vous pouvez encore vous réconcilier avec lui. Vous savez à qui il faut satisfaire, et combien il s'empressera de recevoir votre satisfaction. "
Ibidem, c. 8 : " Si vous aviez un doute à cet égard, parcourez ce que l'Esprit-Saint mande aux Eglises : il attribue à celle d'Ephèse de n'avoir plus la charité ; il reproche à celle de Thyatire ses dissolutions et son penchant à l’idolâtrie ; à celle de Sardes, de n'avoir que des œuvre imparfaites ; il reprend les fidèles de
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Laodicée d'avoir trop de confiance dans leurs richesses ; et cependant il les exhorte tous à la pénitence, et même il leur fait des menaces. Or, il ne menacerait pas les impénitents, s'il n'avait d'autre part l'intention de leur pardonner dès qu'ils viendraient à se repentir. "
Ibidem, c. 9 : " Cette confession est un commencement de réparation et de satisfaction. La confession amène le repentir, et le repentir apaise le Seigneur. "
6. Le concile de Trente, session XIV, chapitre VIII du sacrement de pénitence : " Enfin, à l'égard de la satisfaction, qui de toutes les parties de la pénitence, est celle qui de tout temps a été la plus recommandée aux chrétiens par les saints Pères et qui cependant, sous prétexte d'une piété extrême se trouve la plus combattue en ce siècle par des personnes qui ont l'apparence de la piété, mais qui en répudient l'esprit véritable, le saint concile déclare qu'il est tout-à-fait faux et contraire à la parole de Dieu de dire que la faute n'est jamais pardonnée au tribunal de Dieu, sans que la peine soit aussi remise tout entière Car, outre la tradition divine, il se trouve dans les livres saints plusieurs exemples éclatants et fameux, qui condamnent manifestement cette erreur. "
" Et certes, la justice même de Dieu semble exiger de lui, qu'il ne reçoive pas en grâce ceux qui, n'étant pas encore baptisés, n'ont péché que par ignorance, de la même manière que ceux qui, après avoir été déjà délivrés de la servitude du péché et du démon, et avoir reçu le don du Saint-Esprit, n'ont pas craint de profaner sciemment le temple de Dieu et de contrister l'Esprit-Saint. Et il convient à la clémence divine elle-même de ne pas nous remettre nos péchés sans exiger de nous quelque satisfaction, de peur que, prenant de là occasion de les regarder comme peu de chose, nous ne venions à tomber dans des crimes plus énormes par une conduite ingrate et injurieuse à l'Esprit-Saint, et que nous n'amassions ainsi sur nos têtes un trésor de colère pour le jour des vengeances. Car il est hors de doute que ces peines satisfactoires sont un frein puissant qui nous empêche de retomber dans le péché et nous oblige à nous tenir davantage sur nos gardes et à être plus vigilants à l'avenir, en même temps qu'elles achèvent de nous guérir en corrigeant, par la pratique des vertus contraires, les habitudes vicieuses que nous aurait fait contracter une vie coupable. "
" Aussi l'Eglise de Dieu n'a-t-elle jamais connu de voie plus
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assurée pour détourner les châtiments dont nous pouvons être menacés par la justice divine, que ces œuvre de pénitences pratiquées avec une véritable douleur. Ajoutez à cela qu'en souffrant pour nos péchés au moyen de ces satisfactions volontaires, nous nous rendons conformes à Jésus-Christ qui a satisfait pour nos péchés, et de qui nos œuvres mêmes empruntent toute leur efficacité ; et qu'ainsi c'est pour nous un gage certain, que si nous souffrons avec Jésus-Christ, nous serons aussi glorifiés avec lui (II Tim, II, 12). "
" Et en effet cette satisfaction, que nous acquittons pour nos péchés, n'est pas tellement la nôtre, qu'elle n'emprunte sa vertu de notre divin Sauveur. Car si, d'une part, nous ne pouvons rien de nous-mêmes comme de nous-mêmes, nous pouvons tout de l'autre avec le secours de celui qui nous fortifie (Phil, IV, 13). Ainsi l'homme n'a rien dont il puisse se glorifier ; mais tout le sujet de notre gloire est en Jésus-Christ (II Cor., X, 47), en qui nous vivons, en qui nous méritons et en qui nous satisfaisons, lorsque nous faisons de dignes fruits de pénitence, qui eux-mêmes empruntent de lui leur vertu, sont offerts par lui au Père et en sa considération sont acceptés par le Père. "
" Les prêtres du Seigneur doivent donc, autant que l'esprit de Dieu et la prudence pourra le leur suggérer, enjoindre aux pénitents des satisfactions salutaires et proportionnées à leur état et à la qualité de leurs crimes ; de crainte que, s'ils les traitaient avec trop d'indulgence et les flattaient dans leurs désordres en n'imposant que des pénitences très-légères pour des fautes très graves, ils ne se rendissent complices des péchés d'autrui. Ils doivent aussi prendre garde à ce que la satisfaction qu'ils imposent aux pécheurs ne serve pas uniquement de soutien à leur faiblesse dans la vie nouvelle qu'ils embrassent, mais qu'elle leur tienne lieu aussi de correction pour leurs péchés passés. Car les anciens Pères s'accordent à enseigner comme l’Eglise d'aujourd'hui, que les clefs ont été confiées aux prêtres, non-seulement pour qu'ils puissent délier, mais aussi pour qu'ils lient au besoin. Et ils n'ont pas pensé pour cela que le sacrement de pénitence fut un tribunal de vengeance ou de supplices, pas plus qu'aucun catholique n'a jamais pu croire que ces quelques satisfactions que nous offrons à Dieu obscurcissent ou diminuent en quoi que ce soit l'éclat des satisfactions et des mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais les novateurs, qui ne veulent pas comprendre cette explication si naturelle, a force de répéter
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que la meilleure pénitence consiste à mener une vie nouvelle, finissent par supprimer toute œuvre satisfactoires, et par en nier toute la vertu. "
7. Ibidem, chapitre IX : " Le concile enseigne en outre, que telle est l'étendue de la libéralité divine, qu'elle accepte comme des satisfactions suffisantes non-seulement les pénitences volontaires que nous nous imposons à nous-mêmes pour nous punir de nos péchés, ou qu'un confesseur nous enjoint à proportion de la gravité de nos fautes, mais encore, et c'est ce qui prouve combien Dieu nous aime, toutes les afflictions qu'il nous envoie dans ce monde, si nous les supportons avec patience, et les offrons à Dieu le Père par Notre-Seigneur Jésus-Christ. "
8. S. AUGUSTIN, Lib. II de peccatorum meritis et remissione, c. 54 : " De même que nos premiers parents ont obtenu, ainsi que nous le croyons avec fondement, en vivant dans la justice, le reste de leur vie, d'échapper aux peines éternelles grâce aux mérites du Sauveur, et que cependant ils n'ont pu rentrer, leur vie durant, dans le paradis terrestre ; ainsi cette chair de péché, tant que nous lui restons unis après nos péchés pardonnés, quand même nous vivrions désormais dans une parfaite innocence, ne serait pas pour cela exempte de la mort, dont le péché héréditaire nous a fait contracter la dette. C'est ce que 1'Ecriture nous fait entendre à l'occasion du patriarche David (II Sam., XII) qui, menacé de la colère de Dieu par le prophète député vers lui. A cause du double crime dont il s'était rendu coupable, obtint son pardon par l'aveu qu'il en fit, comme le lui assura le prophète lui-même et qui cependant vit fondre sur lui les maux dont il avait été menacé, pour que la mort, qui lui enleva bientôt l'enfant qui lui vint, fût pour lui la source d'une humiliation salutaire. "
9. Le même, Lib. XXII contra Faustum Manichæum : " L'esprit de Dieu voyait-il dans David autre chose que les dispositions intimes de son cœur lorsque, repris par le prophète, il dit aussitôt : J'ai péché, et que par ce simple mot il obtint sur-le-champ l'assurance de son pardon ? Et pour quel effet, sinon pour son salut éternel ? Car les maux dont Dieu l'avait menacé pour sa correction n'en eurent pas moins leur cours, de sorte qu'en même temps que sa confession lui a valu l'exemption de l'éternel supplice, l'affliction qui lui survint acquitta, en l'éprouvant, la peine temporelle qu'il lui restait à subir. Et ce n'est pas une preuve médiocre de la constance de sa foi, de sa
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résignation parfaite et de sa soumission à la volonté divine, que de le voir, lorsque ces maux lui arrivèrent malgré ce que le prophète lui avait dit que Dieu lui avait pardonné, s'abstenir de toute plainte, soit à l'égard du prophète qu'un autre à sa place aurait pu accuser de l'avoir trompé, soit à l'égard de Dieu même qui lui aurait fait donner une fausse assurance de pardon. C'est que ce roi profondément religieux, qui savait élever son âme vers Dieu, mais jamais contre Dieu, comprenait parfaitement quels châtiments éternels ses péchés lui auraient fait encourir si le Seigneur n'avait eu égard à sa confession et à sa pénitence, et que les maux temporels dont il se voyait éprouvé, bien loin d'être à ses yeux une rétractation de ce pardon divin, étaient au contraire le moyen ménagé pour sa guérison. "
10. S. GREGOIRE, lib. IX Moralium in Job, c. 27, sur ces paroles du chapitre IX du livre de Job, Sciens quod non parceres deliquenti : " Si Dieu ne pardonne point à celui qui pèche, qui est-ce qui pourra éviter la mort éternelle, puisque personne n'est absolument exempt de péché ? N'est-ce pas plutôt qu'il pardonne au pénitent, mais non au pécheur ? Car il est vrai de dire que nous cessons d'être pécheurs du moment où nous pleurons nos péchés. Mais comment expliquer ce regard que le Sauveur jette sur Pierre, dans le moment où cet apôtre le renie, et qui a pour effet de faire couler ses larmes? Comment expliquer encore cette voix du ciel que Paul eut le bonheur d'entendre, dans le temps même où il travaillait avec ardeur à éteindre sur la terre le nom du Christ ? Mais aussi c'est que le péché fut puni et expié dans la personne de chacun de ces deux apôtres : car il est écrit de saint Pierre qu'il se rappela la parole que Jésus lui avait dite, et qu'étant sorti dehors, il pleura amèrement. Et la Vérité même, qui avait appelé saint Paul, dit de lui : Je lui montrerai combien il faut qu'il souffre pour mon nom. "
" Il reste donc toujours établi que Dieu ne pardonne point celui qui pèche, puisqu'il ne laisse aucun péché sans punition. Car, ou l'homme le punit lui-même par la pénitence, ou Dieu le punit dans l'homme par sa justice. Et c'est ainsi que Dieu ne pardonne point au péché, puisqu'il ne le laisse jamais impuni. Par exemple, ce ne fut qu'après avoir fait l'aveu de son double crime, que David obtint cette parole de grâce : Le Seigneur vous a remis votre péché. Ce qui n'empêcha pas qu'il ne fût affligé dans la suite, de tribulations sans nombre, et réduit à prendre la fuite, en expiation du péché qu'il avait commis. Nous-mêmes nous avons
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été lavés du péché originel par le baptême ; et cependant, après que ce péché a été effacé en nous, nous n'en serons pas moins punis plus tard par la mort temporelle dont personne n'est exempt. "
" C'est donc avec beaucoup de raison que Job dit ici : Sachant que vous ne pardonnez point à celui qui pèche. Car, lors même qu'il nous pardonne nos péchés, il en prévient le retour en les punissant, soit par nous, soit par lui-même. Il a soin d'effacer dans ses élus toutes les taches de leurs péchés par des afflictions temporelles, pour n'être pas obligé d'en poursuivre la vengeance dans l'éternité. "
11. S. AUGUSTIN, Tract. CXXIV in Evangelium Joannis : " Ce n'est pas pour les biens dont on jouit qu'on a besoin de patience, mais seulement pour les maux que l'on souffre. C'est ce que nous faisons en cette vie malheureuse, dont il est dit dans l'Ecriture, que la vie de l'homme sur la terre est une tentation continuelle (JOB, VII, 4), et dans laquelle nous demandons tous les jours à Dieu qu'il nous délivre des maux dont elle est remplie (MATTH., VI, 43). Nous n'en sommes pas moins obligés d'endurer ces maux avec patience, quand même nous aurions reçu déjà la rémission de nos péchés, quoique ce soit uniquement le péché qui en est la cause primitive. Car il est juste que la punition dure plus longtemps que la faute, de peur que si nous étions quitte de l'une aussitôt que de l'autre, la faute ne nous parût trop légère. Et c'est ainsi que l'homme, même après avoir obtenu la rémission de la damnation éternelle qu'il avait encourue par son péché, ne laisse pas d'en être puni en ce monde, soit pour être averti par là des maux que le péché entraîne après lui, soit pour que ces maux eux-mêmes l'obligent à se corriger, soit enfin pour qu'ils servent d'exercice à sa patience (Cf. Les traités de S. Augustin sur l'Evangile de S. Jean, etc., t. IV, p. 235-236). "
12. S. CHRYSOSTOME, Hom. LXXX ad populum Antiochenum : " Quoi ! J'ai passé à pécher ma vie entière et je serai sauvé si je fais pénitence ? - Assurément. - Et quelle preuve en avez-vous ? - La bonté de Dieu. - Ne comptez pas sur votre pénitence, qui ne saurait effacer d'aussi grands péchés. - Si cette pénitence était considérée isolément, vous auriez raison de craindre ; mais joignez-y la miséricorde de Dieu, et soyez certain que celle-ci l'emportera sur votre malice : car Dieu est infini-
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ment miséricordieux, et si rempli de clémence, qu'il n’a pas même épargné son fils pour racheter d'ingrats esclaves. Ne me dites pas : J'ai trop commis de péchés, et comment pourrai-je être sauvé ? Cela n'est pas possible à vous, mais cela est possible à votre Dieu, qui peut toujours effacer les péchés, au point qu'il n'en reste aucune trace. C'est ce qui n'a pas lieu dans les maladies ou dans les plaies corporelles, dont il reste toujours la cicatrice ou une certaine difformité, qui en demeure comme la preuve subsistante, quelle que soit l'habileté du médecin. Celui-ci aurait beau faire tous ses efforts, jamais il ne pourrait faire disparaître entièrement les traces de la plaie. L'infirmité de notre nature, l'impuissance de l'art, le peu de vertu des médicaments, tout s'y oppose. Mais Dieu, au contraire, lorsqu'il efface les péchés, n'y laisse ni cicatrices ni aucune trace, mais en rendant la santé à l'âme, il lui rend aussi sa beauté ; en même temps qu'il remet an pécheur les peines qu'il a méritées, il le constitue dans un état de justice, et il le rend aussi pur que s'il ne s'était jamais souillé. Le péché eût-il fait à ce pécheur un nombre infini de plaies, s'il en fait pénitence, et qu'il accompagne sa pénitence de quelques bonnes œuvres, Dieu fait tellement disparaître les plaies de son âme, qu'il n'en reste ni cicatrices, ni traces, ni le moindre vestige. "
13. Le même, in Ps. L, s'étend beaucoup sur la pénitence de David.
14. Le même, in caput Matthæum III, homil. X : " Quand même nos crimes ne mériteraient pas de pardon, faisons toujours pénitence et nous remporterons des couronnes. Et quand je parle de pénitence, je ne veux pas dire celle qui se bornerait à ne plus faire les péchés qu'on commettait autrefois, mais ce qui vaut bien mieux encore, celle qui se porte à la pratique du bien. Faites, dit saint Jean, de dignes fruits de pénitence. Et comment en ferons-nous? En faisant précisément le contraire du passé. Vous avez, par exemple, enlevé le bien d'autrui ? Donnez dorénavant le votre. Vous avez croupi dans des impuretés coupables? Abstenez-vous à des jours marqués du commerce de votre propre femme, exercez-vous à la continence. Vous avez insulté et maltraité les passants ? Bénissez désormais ceux qui vous insulteront vous-mêmes, faites du bien à ceux qui vous feront du mal. Car il ne suffit pas pour se guéri de tirer le fer de la plaie ; il faut encore, appliquer des remèdes. Avez-vous fait des excès dans le manger ou dans le boire ? Jeûnez maintenant et
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condamnez-vous à l'eau, et paralysez ainsi les
fâcheux effets qu'aurait pour vous votre intempérance. Ou
bien auriez-vous jeté un regard impudique sur une beauté
étrangère ? Ne regardez plus aucune femme, et vous éloignerez
de vous le danger (Cf. S. Joan. Chrys. opere, t. VII, p. 146-147,
édit. des Bénédict.; pag. 169-170, édit de
Gaume ; Serm de S. Chrysost, sur S. Matthieu, trad. par Marsilly,
t. Ier, pag. 217-2 18). "
Question VIII
Rapportez quelques sentences des Pères au sujet de la satisfaction ?
Voici ce qu'enseigne à ce sujet saint Cyprien, ce saint martyr, cet éloquent témoin de la tradition : " Si Dieu est un père compatissant, il est un juge non moins redoutable. A de profondes blessures appliquez de longs, d'énergiques remèdes ; la pénitence ne doit pas être moindre que la prévarication. Ce qu'il vous reste à faire, c'est de prier sans relâche, de passer tous vos jours dans le deuil, de prolonger vos nuits dans les veilles et dans les larmes, de consumer tout le reste de votre vie dans les gémissements de la pénitence, de vous prosterner dans la poussière, de vous rouler sur la cendre et le cilice. " Voici ce qu'il dit encore : " C'est le Seigneur qu'il faut prier, c'est lui qu'il faut fléchir par une juste satisfaction. . . . Repassons nos fautes dans l'amertume de notre cœur ; perçons les ténèbres d'une conscience coupable, et jugeons-la sans flatterie. . . . . Entrons dans le chemin de la pénitence que nous montre le pontife du Seigneur ; employons les remèdes énergiques qu'il nous trouve dans les livres saints, et n'omettons rien de ce qui peut nous guéri des plaies même secrètes dont nous lui avons fait la confession, en déchargeant dans son sein le fardeau qui pesait à notre conscience. Ne cessons de faire pénitence et d'implorer la miséricorde du Seigneur, de peur que ce que nous retrancherions de la satisfaction qui est due, n'augmente l'énormité de notre crime. "
Saint Augustin a dit aussi en termes très-énergiques : " Ce n'est pas assez pour nous de réformer nos cœurs et de cesser nos désordres si nous ne satisfaisons à Dieu pour le passé par un repentir sincère, par d'humbles gémissements, par le sacrifice d'un cœur contrit, et par le mérite de l'aumône. "
Voici encore ce que nous trouvons dans saint Jérôme : " Affligeons un corps qui s'est énervé dans les délices d'une vie
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molle ; que des pleurs continuels offrent une compensation pour nos rires sans fin ; échangeons les étoffes mollettes et les vêtements de soie contre les rudes aspérités du cilice. "
C'est aussi ce que veulent dire les paroles suivantes de saint Ambroise : " Celui qui fait pénitence doit non-seulement effacer son péché par ses larmes, mais de plus couvrir ses fautes passées par une vie exemplaire, pour qu'il n'en porte pas un jour la peine. " Le même Père dit ailleurs : " On ne guérit les grandes plaies que par un traitement long et difficile ; on n'expie les forfaits que par une satisfaction qui les égale en grandeur. "
Voici enfin ce que dit à son tour saint Grégoire
: " Que celui qui se reproche d'avoir fait des choses illicites, ait bien
soin de s'abstenir de quelques autres même permises, afin de satisfaire
par ce moyen à son créateur. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. CYPRIEN, Serm. de lapsis : " Si Dieu est un père compatissant, etc., " comme dans le corps de la réponse.
2. Le même, ad Cornelium Epist. LV (al. LIV), dit en parlant des hérétiques : " Et mon indignation ne s'allumerait pas
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contre vous, dit le Seigneur ? Mais eux, que font-ils ? Ils se jettent à la traverse pour empêcher qu'on ne prie ce Dieu qui nous menace de sa colère ; ils empêchent qu'on ne fléchisse par la prière et les œuvres de satisfaction ce Christ, qui reniera, comme il le déclare quiconque l'aura renié. "
" Pour ce qui nous concerne, nous n'avons épargné ni les lettres ni les plaintes, même pendant la persécution ; mais nous n'avons pas été écoutés. Nous avons fait plus ; dans plusieurs assemblées d'évêques, nous avons ordonné avec menaces que tous nos frères eussent à entrer dans les voies de la pénitence et défendu que l'on accordât imprudemment la réconciliation à ceux qui ne pleureraient point leur crime. Et voilà que ces sacrilèges, empiétant sur les droits de Dieu et cédant à une aveugle fureur contre ses évêques, rompant ouvertement avec l'Eglise et tournant contre elle des armes parricides, couronnent leur ouvrage par une malice infernale, et travaillent sans relâche à empêcher la clémence divine de fermer dans son Eglise les blessures de tant de combattants. Ils corrompent la pénitence de ces infortunés par leurs mensonges et leurs artifices, afin que la justice divine soit frustrée de la satisfaction qu'elle exige, afin que celui qui a rougi d'abord ou tremblé de se montrer chrétien ne se mette plus en peine de retrouver Jésus-Christ son maître, afin que le transfuge ne retourne pas à l'Eglise qu'il a désertée. Les satisfactions légitimes qui rachetaient les fautes, ils les arrêtent, les pleurs qui lavaient les blessures, ils les tarissent ; à l'ombre d'une paix fallacieuse, ils enlèvent la paix véritable ! Je crois voir une marâtre cruelle, qui, les bras étendus, ferme au repentir des criminels le sein bienfaisant de leur mère de peur que la voix de leurs larmes et de leurs sanglots ne soit entendue. "
3. Le même, ad clerum Epist. X (al. IX), comme dans la question précédente, témoignage 4, page 78.
4. Le même, Serm. de lapsis : " C'est le Seigneur qu'il faut prier, c'est lui qu'il faut fléchir par une juste satisfaction. Repassons nos fautes dans l'amertume de notre cœur perdons les ténèbres d'une conscience coupable, et jugeons-la sans flatterie. Souvenons-nous qu'en abandonnant les voies du Seigneur et en rejetant sa loi, nous avons foulé aux pieds ses ordonnances et ses salutaires avertissements. Qu'attendre d'un homme que la persécution n'a pas rendu meilleur ? La foi changera-t-elle un cœur que la tribulation a laissé coupable ? Cette tête superbe s'humiliera-t-elle après sa chute ? Ce cœur gonflé d'orgueil, sera-t-il
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brisé par sa défaite ? Voyez l'homme égaré par sa passion ! Meurtri, couché dans la poussière, il menace insolemment celui qui est resté debout ; il s'emporte en discours sacrilèges contre celui qui ne livre point précipitamment Jésus-Christ à la souillure de ses mains, à la profanation de ses lèvres. Malheureux! Reconnaissez votre démence! Vous vous déchaînez contre l'ami qui veut détourner de votre tête la colère divine, qui appelle sur vous la miséricorde paternelle, qui ressent vos blessures, ces blessures que vous ne ressentez pas vous-mêmes et verse pour vous des larmes que votre crime ne peut vous arracher. Vous comblez la mesure de vos prévarications. Le moyen je vous prie, que Dieu vous soit compatissant, quand votre haine inflexible poursuit ses ministres ? Pourquoi fermez-vous l’oreille à nos salutaires avertissements ? Pourquoi refusez-vous d'entrer dans les sentiers de la pénitence que nous ouvrons devant vous ? Pourquoi repoussez-vous avec l'obstination de l'emportement et de la fureur la main qui vous apporte les remèdes évangéliques destinés à vous rendre la santé ?. . . "
" Hélas ! combien de prévaricateurs qui, repoussant la pénitence et la confession de leurs crimes, deviennent tous les jours la proie des esprits immondes ! Combien qui sont agités jusqu'à la démence, jusqu'à la fureur ! . . . . . Ah ! combien j'aime mieux la foi et les salutaires frayeurs de ceux qui, sans avoir sacrifié aux idoles, sans porter dans leurs mains l'attestation de leur apostasie, mais pour en avoir eu la pensée seulement, viennent, avec simplicité et repentir, ouvrir leur conscience aux prêtres du Seigneur, déposer un fardeau qui leur pèse et à de légères blessures appliquer d'énergiques remèdes en se rappelant qu'il est écrit : " On ne se joue pas de Dieu ! . . . . . . " Qu'il (le pécheur) recoure donc à la pénitence et ne cesse d'implorer la miséricorde du Seigneur, de peur que ce qu'il retrancherait de la satisfaction qu'il doit, n'augmente l'énormité de son crime. "
5. Le même, Serm. de opere et eleemosynis, nous avertit de racheter nos péchés par des aumônes, et il dit entre autres choses remarquables : " Purifions-nous, au moyen des aumônes des souillures, quelles qu'elles soient, que nous avons contractées. De même que le feu de l'enfer s'éteint dans l'eau salutaire du baptême, ainsi tous les crimes sont comme étouffés par l'aumône et les bonnes œuvres. Si nous voulons nous purifier et nous guérir de nos péchés, ce sont des remèdes spirituels qu'il faut appliquer à nos plaies. La satisfaction est le remède salutaire que Dieu a mis
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entre nos mains pour nous guérir de nos blessures. Les saintes lettres nous ont appris ce qu'ont à faire les pécheurs : c'est de satisfaire à Dieu par des œuvres de justice, et de mériter leur pardon en exerçant la miséricorde. "
6. AUGUSTIN, Hom. L in lib. L homiliarum, c. 5 : " Ce n'est pas assez, etc., " comme dans le corps de la réponse.
7. Le même, Enchirid. ad Laurentium, c. 70 : " Gardons-nous bien de penser que nous puissions impunément commettre tous les jours de ces crimes énormes dont la peine sera l'exclusion du royaume de Dieu, pourvu seulement que nous les rachetions tous les jours aussi par des aumônes. Car il faut de plus changer de vie, en même temps que satisfaire par des aumônes pour les péchés de la vie passée, et non pas croire qu'on puisse acheter par ce moyen la liberté de pécher encore. Car Dieu n'a donné à personne cette liberté (Ecclé., XV, 21), quoique sa miséricorde le porte à effacer les péchés déjà commis, pourvu qu'on s'efforce de satisfaire comme on le doit à sa justice. "
8. Ibidem, c. 71 : " A l'égard des fautes légères et de tous les jours, dont cette vie n'est jamais exempte, la prière journalière qu'on coutume de réciter les fidèles en est le remède suffisant. Car il n'appartient qu'à ceux qui sont devenus les enfants de Dieu par l'eau et par l'Esprit-Saint, de lui dire en cette qualité : Notre Père qui êtes aux cieux. Je dis donc que cette prière a la vertu d'effacer les fautes légères et de tous les jours. Elle peut même contribuer à effacer les péchés plus grands dans les fidèles qui y ont renoncé par un véritable changement de vie, si, de même que c'est avec vérité qu'ils disent, Pardonnez-nous nos offenses, parce qu'il y a toujours en nous des péchés à pardonner, ils ajoutent avec la même vérité : Comme nous-pardonnons a ceux qui nous ont offensés, c'est-à-dire, s'ils font véritablement ce qu'ils disent, et s'ils accordent du fond du cœur à ceux qui les ont offensés le pardon que leur demandent ceux-ci, et qui est une espèce d'aumône (Cf. S. Aur. Augustini opera, t. VI, p. 221-223, édit des Bénéd. ; col. 382-383, édit. de Gaume ; le Manuel de saint Augustin dans les Traités choisis, t. II, p. 401-402). "
9. Ibidem, c. 65 : " Quelque grands que soient les crimes, etc., " comme plus haut, question IV, témoignage 15, page 39.
10. S. JEROME, ad Eustochium Epist. XXVII, in epitaphio Paulæ, n. 7 : " Affligeons un corps, etc., " comme dans le corps de la réponse.
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11. S. CHRYSOSTOME, Hom. X in Matthæum, comme dans la question précédente, témoignage 11, page 82.
12. S. AMBROISE, Lib. II de Pænitentiâ, c. 5 : " Celui qui fait pénitence, etc., " comme dans le corps de la réponse.
13. Le même, Lib. I de Pænitentiâ, c. 46 : " Je veux que le coupable espère son pardon, qu'il le demande par ses larmes, qu'il le demande par ses gémissements, qu'il le demande par les larmes de tout le peuple ; qu'il supplie pour que le pardon lui soit accordé, et qu'après que la communion lui aura été refusée deux et même trois fois, il croie qu'on a agi avec encore trop d'indulgence à son égard. Que les rebuts qu'il essuiera lui fassent redoubler ses gémissements, qu'il revienne à la charge, qu'il se jette aux pieds de son juge, qu'il les entrelace de ses bras, qu'il les baise de sa bouche, qu'il les lave de ses pleurs, et qu'il ne les lâche qu'après qu'il se sera entendu dire ces paroles : Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu'il a beaucoup aimé (LUC, VIII, 47). J'ai connu des pénitents à qui leurs larmes avaient tracé des sillons sur leurs visages, dont les joues étaient comme labourées par leurs pleurs continuels, qui étendaient leurs corps pour être foulés par les pieds des passants, dont le visage pâle attestait leurs jeûnes continuels, et semblait une image vivante de la mort. "
14. Le même, ad virginem lapsam, c. 8 : " Il faut vous couvrir d'habits funèbres, soumettre votre esprit et votre corps, et chacun de vos membres, à de rudes corrections. Coupez ces cheveux qui n'ont servi qu'à votre vanité, qu'à votre perte. Faites deux sources de larmes de ces yeux, qui n'ont pu regarder innocemment un homme. Que la pâleur couvre ce visage, qui a rougi d'impudicité. Abattez ce corps par les austérités, les macérations et les jeûnes ; couvrez de cilices et de cendres ces membres, dont la beauté a été pour vous un objet de complaisance. Que ce cœur se fonde comme de la cire ; qu'il se tourmente par les jeûnes et s'agite par le remords de s'être laissé vaincre par son ennemi. Que l'esprit éprouve aussi son propre tourment, pour avoir cédé aux mauvaises impressions du corps dont il avait l'empire. "
" Telle est la vie que vous devez mener désormais, telle est la pénitence que vous devez pratiquer ; si vous y persévérez, vous pourrez espérer avec confiance, sinon la gloire, au moins l'exemption des peines. Car le Seigneur a dit : Convertissez-vous à moi, et je me convertirai à vous. Convertissez-vous de tout votre cœur, dans les jeûnes les pleurs et les gémissements ; déchirez vos
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cœurs, et non vos vêtements : car Dieu est plein de bonté et de miséricorde. C'est ainsi que David, ce grand roi, s'est converti et a recouvré la grâce ; c'est ainsi que Ninive, cette ville pécheresse échappa à la ruine dont elle était menacée. C'est ainsi que le pécheur, s'il ne se pardonne pas à lui-même trouvera en Dieu son pardon, et que, s'il rachète dans cette courte vie les peines éternelles de l'enfer, il n'aura rien à craindre du dernier et irrévocable jugement. "
" On ne guérit les grandes plaies que par un traitement long et difficile, on n'expie les forfaits que par un châtiment proportionné, et il est certain que le crime s'allège lorsqu'on le confesse, et qu'on s'en repent avec sincérité. Mais celui qui veut tenir ses fautes secrètes est découvert malgré lui, et malgré lui ses fautes sont rendues publiques, et cette publicité aggrave le crime. Vous ne pouvez pas nier que ce ne soit là ce qui vous arrive ; que votre affliction réponde donc à la grandeur de votre péché. "
" Si le pécheur réfléchissait sur la sentence que Dieu portera sur le monde, il se garderait bien d'aggraver ce jugement, soit par ses infidélités, soit en portant son attention sur les vanités du siècle. Quelque durée que dû avoir sa vie, il supporterait de plein gré les tourments passagers d'ici-bas, quelque douloureux qu'ils pussent être dans l'espoir d'échapper aux flammes éternelles. Mais vous, qui déjà êtes entré dans la carrière de la pénitence, persistez avec courage à la parcourir, attachez-vous fortement à cette planche de salut, dans l'espérance d'échapper par son moyen à ce gouffre de crimes dans lequel vous alliez être engloutie. Jusqu'au dernier jour de votre vie, attachez-vous à la pénitence. "
15. Le même, Lib. I de Pænitentiâ, c. 2 : " Que celui qui a eu le malheur d'aggraver sa faute aggrave aussi sa pénitence. Le fleuve des larmes doit s'élever à la hauteur du crime. "
16. S. GREGOIRE, Hom. XXXIV in Evangelia : " Que celui qui se reproche, etc., " comme dans le corps de la réponse.
17. EUSEBE d'Emèse, Hom. V ad monachos : " Ne pensons pas que des péchés qui ont fait dans l'âme des plaies profondes puissent être effacés si facilement. Il est besoin de beaucoup de gémissements et de larmes, et d'une douleur vivement sentie pour guérir les maux de l'âme. Il ne faut rien de moins que tout l'effort de la contrition, pour arracher du cœur une habitude invétérée. Il ne suffit pas de dire du bout des lèvres : J'ai péché, pardonnez-moi, faites-moi grâce. Saül disait aussi : J'ai péché,
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et cependant il n'obtint point le pardon que mérita David par un simple mot de repentir. Pourquoi cette différence ? Parce que la confession du premier ne renfermait que de vaines paroles, et non un regret sincère, parce qu'il ne rachetait pas l'énormité de son crime par l'humilité de sa prière. Ce n'est pas assez d'une contrition superficielle, pour racheter des crimes auxquels la mort éternelle serait due, et une pénitence qui n'a rien de durable ne saurait expier des désordres pour lesquels s'allumera un feu qui ne doit jamais s'éteindre. "
18. Le même, Hom. X ad monachos : " Ces péchés plus grands que les autres ont besoin pour être expiés de profonds gémissements, et comme d'une fontaine de larmes, pour qu'on puisse dire avec le Prophète : Dans l'affliction où mon âme est plongée, je pousse des rugissements (Ps. XXXVII, 9). . . . Toutes les nuits je laverai mon lit de mes larmes (Ps. VI, 7) ; et encore : Je mangeais la cendre comme le pain, et je mêlais mes larmes avec mon breuvage (Ps. CI, 10). Que personne ne dédaigne de s'humilier ainsi. C'était un grand roi qui disait ces paroles ; c'était un grand roi qui faisait ces choses. Chacun doit donc pleurer la perte de son âme, comme il ferait à la mort d'une personne chère ; chacun, tout en nourrissant l'espérance de réparer bientôt sa perte, doit se frapper la poitrine en témoignage de sa douleur, quand le péché a donné la mort son âme, comme une mère désolée se frappe la poitrine, quand elle a perdu son fils unique. Car l'âme est cette fille unique dont parle le Prophète quand il dit : Sauvez ma vie du tranchant de l'épée, ô mon Dieu, dérobez l’âme unique que je possède à la meute acharnée qui me poursuit (Ps. XXI, 21). Pourquoi l'appelle-t-il son unique ? C'est, ou parce qu'elle doit être aimée comme une fille unique, soit parce qu'elle sera seule pour rendre compte au tribunal du souverain juge : voila pourquoi tout le poids de notre douleur doit se porter sur elle, quand le péché lui a donné la mort, pour que nos larmes soient une source de vie qui la ressuscite, et notre foi un feu vivifiant qui la ranime. Notre componction doit être le baume qui referme ses plaies, et nos prières doivent prendre de nouvelles forces dans la pensée du jugement à venir, et un nouvel appui dans les œuvres de miséricorde. Prêtons une oreille docile à cet avis du Prophète : Suivez, ô roi ! le conseil que je vous donne, et rachetez vos péchés par les aumônes (DAN., IV, 24).
18. THEODORET, in Epitome divinorum decretorum, c. de pænitentiâ : " Les plaies que le péché fait à l'âme, même après le
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baptême, sont toujours susceptibles d'être guéries ; non pas, il est vrai, comme auparavant par le pardon pur et simple et par la foi toute seule, mais au moyen de beaucoup de larmes et de gémissements, de jeûne et de prières à proportion du nombre et de la gravité des fautes. Car ceux qui refusent d'entrer dans de semblables dispositions ne doivent pas même, d'après ce qui nous a été enseigné, être reçus dans nos assemblées ou être admis à la participation des sacrements. Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, nous a dit le divin Maître, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux (MATTH., VII, 6). Telles sont les lois de l'Eglise sur la pénitence. "
19. Le même, Lib. IV hæreticarum fabularum,
de Audianis : " Ces hérétiques (les Audiens) se vantent
de remettre les péchés. Car partageant en deux parts les
livres saints mêlés avec d'autres faussement inspirés,
auxquels, c'est-à-dire aux uns comme aux autres, ils attribuent
une vertu secrète merveilleuse, ils ordonnent à leurs adeptes
de passer entre tous ces livres disposés en deux rangées
et de confesser, en faisant cette action, les péchés qu'ils
peuvent avoir à se reprocher. Aussitôt cette confession faite,
ils leur donnent l'absolution, sans leur fixer de temps pour la pénitence,
comme le prescrivent les lois de l’Eglise, mais en leur en faisant de plein
droit la remise entière. Ceux qui se soumettent à cette démarche,
sachant bien que ce n'est qu'un jeu, cachent les péchés qu'ils
se reprochent réellement, et n'en confessent que de légers
et de ridicules, qu'ils rougiraient même de déclarer si d'ailleurs
ils ne partageaient la folie de leurs maîtres. "
Question IX
Pourra-t-on satisfaire aussi après la mort ?
Pour répondre à cette question, il faut distinguer diverses classes de ceux qui viennent à mourir. Car parmi eux, les uns se trouvent avoir conservé jusqu'à la fin la grâce de Dieu et l'innocence de la vie : de ce nombre sont ces justes, tels qu'Abraham, Isaac et Jacob, dont parle Manassé dans sa prière et dont il dit que, comme ils n'ont pas péché, ce n'est pas pour eux que la pénitence a été établie. D'autres ont péché à la vérité et ont perdu la grâce de Dieu, mais ils ont expiés leurs désordres le reste de leur vie par de dignes fruits de pénitence : tels ont été David, Ezéchias, saint Pierre, sainte Magdeleine. Ces deux premières classes n'ont aucun besoin de satisfaire après la mort, et en sont aussi tout-à-fait exemptes.
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Mais un nombre beaucoup plus grand se trouve dans un terme moyen ; c'est la classe de ceux qui, comme le dit saint Augustin, ne sont ni parfaitement bons ni complètement mauvais, ou qui n'ont pas fait suffisamment pénitence dans le cours de leur vie ; qui par conséquent ne seront sauvés qu'en passant comme par le feu, ou après avoir acquitté dans l'autre monde à la justice divine ce qui aura manque à leur pénitence dans celui-ci. Car rien de souillé n'entrera dans le royaume des cieux.
Pour revenir donc à la question qui nous est proposé, cette dernière classe de défunts doit être condamnée à offrir à Dieu une satisfaction sévère. Toutefois, la clémence divine a coutume de modérer la rigueur de leurs peines, en ayant égard à la piété des vivants, qui intercèdent pour leurs frère défunts, en les considérant comme toujours membres de cette Eglise, à laquelle ils appartiennent eux-mêmes, et qui peuvent leur obtenir par leurs suffrages la délivrance de leurs péchés et des châtiments rigoureux qui en seraient la suite. C'est ce que confirme l'autorité de ces paroles de 1'Ecriture : C'est une sainte et salutaire pensée que celle de prier pour les morts, afin qu'ils soient délivrés des liens de leurs péchés. C'est pourquoi cette même Ecriture a loué Judas Machabée, pour le zèle religieux avec lequel ce grand homme fit offrir à grands frais non-seulement des prières, mais encore des sacrifices pour les péchés de ceux de ses soldats qui avaient péri dans un combat.
La même vérité nous est enseignée par les conciles et par les saints Pères qui nous ont transmis là-dessus comme sur le reste la vraie doctrine de l’Eglise. Contentons-nous de citer ici saint Augustin, dont le grave témoignage nous tiendra lieu de tous les autres : " Nous lisons dans les livres des Machabées, dit ce Père, qu'un sacrifice fut offert pour des morts. Mais quand même ; on ne le lirait nulle part dans les anciennes Ecritures, nous n'en devrions pas moins déférer sur ce sujet à l'autorité de l'Eglise universelle, qui nous déclare assez nettement ce qu'elle pense là-dessus par les prières que les prêtres font à l'autel, et dans lesquelles se trouve toujours comprise une mention spéciale des défunts. " Le même Père dit ailleurs : " Qu'il (le fidèle) croie qu'il n'y aura des peines du purgatoire à subir qu'avant le suprême et redoutable jugement. " Et quoi de plus clair que ces autres paroles ? " Il ne faut pas douter que les prières de l'Eglise, le saint sacrifice qu'elle offre à Dieu, les aumônes que l'on fait en vue de soulager les âmes des défunts contribuent à leur soula-
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gement, en portant le Seigneur à les traiter avec plus de miséricorde, que leurs péchés ne le méritent. Car c'est là une coutume qui nous vient par tradition de nos pères et qui est observée dans toute l’Eglise. " Ainsi parlait saint Augustin il y a douze (plus de quatorze) cents ans, pour ne rien dire d'autres Père plus anciens, tels que saint Cyprien, Origène, saint Denis, saint Clément, qui tous s'accordent en ce point.
C'est pourquoi saint Chrysostôme nous exhorte, dans les homélies qu'il nous a laissées, à nous occuper nous-mêmes les premiers de soulager les défuntes et à y intéresser aussi les autres fidèles. Car " ce n'est pas sans motif que les apôtres ont prescrit de faire mémoire des défunts dans nos redoutables mystères. C'est qu'ils savaient combien il en revenait de profit à ces âmes, combien elles pouvaient en recueillir d'avantages. " Voilà comme saint Chrysostôme s'est exprimé sur ce sujet.
Cette doctrine enfin est celle que l’Eglise, fidèle, interprète de l’Ecriture, a constamment enseignée en soutenant contre les Aëriens qu'il y a un feu purifiant, dit du purgatoire, destiné à faire subir aux fidèles morts en Jésus-Christ la peine des péchés qu'ils n'auraient pas achevé ici-bas d'expier par la pénitence, à moins, comme le dit saint Augustin, que la piété de leurs frères vivants ne vienne, à leur secours.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. II Samuel, XII, 13 - 17 : " David (ayant été repris par Nathan pour un crime d'homicide et d'adultère qu'il avait commis) dit à Nathan : J'ai péché contre le Seigneur. Nathan lui répondit : Le Seigneur à son tour vous a remis votre péché ; vous ne mourrez point. - Mais cependant, comme vous avez été cause que les ennemis du Seigneur ont blasphémé, assurez-vous que le fils qui vous est né va perdre la vie. - Nathan retourna ensuite à sa maison. Le Seigneur frappa l'enfant que la femme d'Urie avait eu de David, et on désespéra bientôt de le conserver. - David pria le Seigneur pour l'enfant ; il jeûna, il se retira en particulier, et demeura couché sur la terre. - Les principaux de sa maison vinrent le trouver, et lui firent de grandes instances pour l'obliger à se lever de terre ; mais il refusa, et il ne mangea point avec eux. "
2. Psaume VI, 7 : " Je me suis épuisé à force de gémir ; chaque nuit j'arrose mon lit de mes pleurs ; j'inonde ma couche de mes larmes, etc. "
3. ISAIE, XXXVIII, 15 : " Je repasserai devant vous (dit Ezéchias) toutes les années de ma vie dans l'amertume de mon âme. "
4. MATTHIEU, XXVI, 74-75 : " Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer qu'il ne connaissait point cet homme ; et aussitôt le coq chanta. - Et Pierre se ressouvint aussitôt de la parole que Jésus lui avait dite : Avant que le coq chante, vous me renierez trois fois. Et étant sorti, il pleura amèrement. "
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5. LUC, VII, 37-40, 44-50 : " Et voilà qu'une femme pécheresse de la ville, ayant appris qu'il était à table chez le pharisien, apporta un vase d'albâtre, rempli de parfums. - Et se tenant derrière lui à ses pieds, elle commença à les arroser de ses larmes ; elle les essuyait de ses cheveux, les baisait et les embaumait de ces parfums. - Le pharisien qui l'avait invité, voyant cela, dit en lui-même: Si cet homme était prophète, il saurait sans doute qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est, c'est-à-dire que c'est une femme de mauvaise vie. - Alors Jésus prenant la parole, lui dit : Simon, j'ai quelque chose à vous dire. Il répondit : Maître, parlez. . . . . - Et se tournant vers la femme, il dit il Simon : Voyez-vous cette femme ? Je suis entré chez vous : vous ne m'avez point donné d'eau pour laver mes pieds ; et elle, au contraire, les a arrosés de ses larmes, et les a essuyés de ses cheveux. - Vous ne m'avez point donné de baiser ; mais elle, depuis que je suis entré, n'a cesse de me baiser les pieds. - Vous n'avez point répandu d'huile sur ma tête et elle a répandu ses parfums sur mes pieds. - Je vous déclare donc que beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu'elle a beaucoup aimé ; mais celui à qui l'on remet moins, aime moins. - Alors il dit à cette femme : Vos péchés vous sont remis. - Et ceux qui étaient à table avec lui, commencèrent à dire en eux-mêmes : Qui est cet homme, qui remet même les péchés ? - Mais Jésus dit à cette femme : Votre foi vous a sauvée ; allez en paix. "
6. I Corinthiens, III, 11-15 : " Personne ne peut établir un autre fondement que celui qui a été posé, et ce fondement c'est Jésus-Christ. - Si donc on élève sur ce fondement un édifice d'or, d'argent, ou de pierres précieuses, ou si l'on en élève un de bois, de paille, de foin ; - l'ouvrage de chacun paraîtra enfin, et le jour du Seigneur fera voir quel il est, parce qu'il sera manifesté par le feu, et que ce feu mettra à l'épreuve l'ouvrage de chacun. Si quelqu'un a bâti sur ce fondement un ouvrage qui demeure sans être brûlé, il en recevra la récompense. - Si l'ouvrage d'un autre est consumé par le feu, il en éprouvera de la perte ; il ne laissera pas pour cela d'être sauvé, mais ce sera comme en passant par le feu. "
7. Apocalypse, XXI, 27 : " Il n'entrera dans cette cité céleste rien de souillé ; ni aucun de ceux qui commettent l'abomination et le mensonge ; mais ceux-là seulement qui sont écrits dans le livre de vie de l'Agneau. "
8. Psaume XIV, 1, 2 : " Seigneur, qui sera digne d'habiter
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dans votre tabernacle, de demeurer sur votre montagne sainte ? Ce sera celui qui vit sans tache, et qui pratique la justice. "
9. Ibidem, XXIII, 3-4 : " Qui pourra monter au lieu qu'habite l’Eternel ? Qui sera digne de s'arrêter sur la montagne sainte ? - Ce sera celui dont les mains sont innocentes et le cœur pur ; qui ne jure pas en vain par sa vie, et qui ne profère point un serment trompeur. "
10. II Machabées, XII, 42-46 : " Mais le vaillant Judas engageait le peuple à se préserver du péché, en voyant sous leurs yeux ce qui était arrivé par suite des péchés de ceux qui avaient péri dans la bataille. - Et ayant recueilli, d'une quête qu'il fit faire, douze mille drachmes d'argent, il les envoya à Jérusalem, afin qu'on offrît un sacrifice pour les péchés des soldats morts : tant étaient bons et religieux ses sentiments sur la résurrection ; - car, s'il n'avait espéré que ceux qui avaient été tués ressusciteraient un jour, il eût regardé comme vain et superflu de prier pour les morts. - Il considérait aussi sans doute qu'une grande miséricorde était réservée à ceux qui étaient morts dans un acte cher à la religion. - C'est donc une sainte et salutaire pensée que celle de prier pour les morts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés. "
11. I Samuel, XXXI, 11-13 : " Les habitants de Jabès de Galaad ayant appris le traitement que les Philistins avaient fait à Saül, - tous les plus vaillants d'entre eux sortirent, marchèrent toute la nuit, et ayant enlevé le corps de Saül et ceux de ses enfants restés suspendus à la muraille de Bethsan, ils revinrent à Jabès de Galaad, où ils les brûlèrent - Ensuite ils prirent leurs os, les ensevelirent dans le bois de Jabès, et jeûnèrent sept jours entiers."
12. II Samuel, I, 11-1 2 : " Alors David prit ses vêtements et les déchira, et tous les hommes qui étaient avec lui firent de même. - Ils s'abandonnèrent au deuil et aux larmes, et ils jeûnèrent jusqu'au soir à cause de la mort de Saül et de son fils Jonathas, du peuple du Seigneur et de la maison d'Israël. "
13. Ibidem, III, 31-36 : " Alors David dit à Joab et à tout le peuple qui était avec lui : Déchirez vos vêtements, couvrez-vous de cilices, et pleurez aux funérailles d'Abner. Et le roi David suivait le cercueil. - Après qu'Abner eut été enseveli à Hébron, le roi David éleva la voix et pleura sur son tombeau ; tout le peuple pleura aussi avec lui. - Et le roi témoignant son deuil par ses larmes, dit : Abner, tu n'es point mort comme les lâches. - Tes mains n'ont point été liées ni tes pieds chargés
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de fers ; mais tu es mort comme ceux qui tombent devant les enfants d'iniquité. Tout le peuple à ces mots redoubla ses larmes. Et tous étant revenus pour manger avec David, lorsqu'il était encore grand jour, David fit un serment en ces termes : Que Dieu me traite avec toute sa sévérité si je mange du pain ou quoi que ce soit avant le coucher du soleil. -Tout le peuple l'entendit, et ce que le roi avait fait lui plut extrêmement. "
14. Tobie, IV, 18 : " Mettez votre pain et votre vin sur le tombeau du juste, et gardez-vous d'en manger et d'en boire avec les pécheurs. "
15. Ecclésiastique, VII, 37 : " La libéralité plaît à tous ceux qui vivent ; ne vous refusez pas à l'étendre jusque sur les morts. "
16. Ibidem, XVII, 18-19 : " L'aumône de l'homme est devant Dieu comme un sceau, et il en conservera le bienfait comme la prunelle de son œil. - Dieu s'élève enfin, et il rendra à chacun son salaire, et il précipitera les méchants au fond de l'abîme. "
17. Ibidem, XXXVII, 24 : " Que la paix, où le mort est entré apaise en vous le regret de sa mort, et vous console de ce que son âme s'est séparée de son corps. "
18. JEREMIE, XVI, 5-7 : " Car voici ce que dit le Seigneur : N'entrez point dans une maison de deuil, et n'y allez point pour pleurer ou pour consoler ceux qui y sont : car j'ai retiré ma paix de ce peuple, dit le Seigneur ; j'en ai retiré ma pitié et mes miséricordes. - Ils mourront en cette terre, grands et petits ; ils ne seront ni pleurés ni ensevelis ; on ne se fera point d'incisions à leur mort, et on ne se rasera point les cheveux. - On ne donnera point de pain à l'enfant, resté orphelin, pour le soulager ; on ne lui présentera point la coupe pour le consoler de la mort de son père et de sa mère. "
19. II Timothée, I, 16-18 : " Que le Seigneur répande sa miséricorde sur la famille d'Onésiphore, parce qu'il m'a souvent assisté, et qu'il n'a point rougi de mes chaînes ; - mais qu'au contraire, étant venu à Rome, il m'a cherché avec empressement, jusqu'à ce qu'il m'eût trouvé. - Que le Seigneur lui fasse la grâce de trouver miséricorde devant lui en ce grand jour. "
20. I JEAN, V, 16-17 : " Si quelqu'un voit son frère commettre un de ces péchés qui ne vont point à la mort, qu'il prie, et Dieu donnera la vie à cet homme dont le péché ne va point à la mort. Mais il y a un péché qui va à la mort, et ce n'est pas pour ce péché-là que je dis qu'il faut prier. - Toute iniquité est péché ; mais il y a un péché qui va à la mort. "
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21. MATTHIEU, XII, 31-32 : " Tout péché et tout blasphème sera remis aux hommes ; mais le blasphème contre le Saint-Esprit ne leur sera point remis. - Et quiconque aura parlé contre le Fils de l'homme, obtiendra la rémission de son péché ; mais si quelqu'un parle contre le Saint-Esprit, son péché ne lui sera remis ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir. "
22. Ibidem, V, 25-26 : " Accordez-vous promptement avec votre adversaire, pendant que vous êtes en chemin avec lui, de peur que votre adversaire ne vous livre au juge, et que le juge ne vous livre au ministre de la justice, et que vous ne soyez mis en prison. - Je vous le dis en vérité, vous ne sortirez point de là que vous n'ayez payé jusqu'à la dernière obole. "
23. MALACHIE, III, 1-3 : " Voici le dominateur qui vient, dit le Seigneur des armées. - Qui pourra soutenir le jour de son avènement ? qui restera debout à sa vue ? Car il sera comme le feu qui fond les métaux et comme l'herbe dont se servent les foulons. - Il sera comme un homme qui s'assied pour faire fondre et pour épurer l'argent ; et il purifiera les enfants de Lévi comme l'or et l'argent qu'on passe par le feu ; et ils offriront au Seigneur leurs sacrifices avec des mains pures. "
24. Philippiens, II, 10-11 : " Afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, - et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu son Père. "
25. Apocalypse, V, 3, 13 : " Mais nul ne pouvait
ni dans le ciel, ni sur la terre, ni sous la terre, ouvrir le livre ni
le regarder. - Et j'entendis toutes les créatures qui sont dans
le ciel, sur la terre, sous la terre, dans la mer et dans toute son étendue
s'écrier : A celui qui est assis sur le trône, et à
l'Agneau, bénédiction, honneur, gloire et puissance dans
les siècles des siècles. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. MANASSE, roi de Juda, dans la prière qu'il fit lorsqu'il était captif à Babylone (Nous plaçons cette prière de Manassé parmi les témoignages de la tradition, parce qu'elle a citée avec éloge par plusieurs Pères ; mais nous ne la rangeons pas parmi les témoignages de l’Ecriture parce qu'elle n'a pas été admise dans le canon des livres saints par le concile de Trente) : " Vous donc, Seigneur, Dieu des justes, vous n'avez pas établi la pénitence pour les justes qui n'ont pas péché tels qu'Abraham, Isaac et Jacob ; mais pour moi, pauvre Pécheur. "
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2. S. AUGUSTIN, Enchirid. ad Laurentium, n. 110 (Cf. S. Aurel. Augustini opera, t. VI, p. 236-238, édit des Bénéd., col. 402-403, édit. de Gaume ; Traités choisis de saint Augustin, t. II, pag. 460-462) : " On ne peut nier que les âmes des fidèles défunts soient soulagées par la piété de leurs parents ou de leurs amis survivants, quand ceux-ci offrent pour elles le sacrifice du divin Médiateur ou qu'ils font des aumônes dans cette même intention. Mais ces œuvres de charité et de religion ne sont utiles qu'à celles d'entre ces âmes qui, pendant qu'elles ont été sur la terre, ont mérité d'en pouvoir tirer du soulagement après leur mort. Car il y a des fidèles dont la vie n'est ni assez sainte pour n'avoir pas besoin de ces secours après leur mort, ni assez mauvaise pour n'en pouvoir tirer aucun avantage. Il y en a, au contraire, dont la vie a été assez pure pour que leurs âmes n'aient pas besoin de cette assistance ; comme il y en a d'autres aussi dont les péchés sont de telle nature, que les œuvre de piété dont il s'agit, après leur départ de ce monde, ne peuvent leur être d'aucun secours. Il suit de là que ce n'est que durant cette vie que chacun se rend digne, ou de pouvoir être soulagé, ou d'être traité sans miséricorde après la mort. "
" Que personne donc ne se flatte de pouvoir mériter de Dieu, après qu'il sera sorti de ce monde, ce qu'il aura négligé de se procurer durant la vie. Ainsi, les prières et les bonnes œuvres que l’Eglise pratique pour obtenir le soulagement des défunts n'ont rien de contraire à cette vérité que nous enseigne l’Apôtre, que nous comparaîtront tous devant le tribunal de Jésus-Christ afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu'il aura faites pendant qu'il aura été revêtu de son corps. Car si une âme mérite que ces bonnes œuvres puissent lui être utiles, c'est qu'elle l'aura mérité pendant son union avec le corps. Il est certain, en effet, que ces secours ne profitent pas à tous les défunts. Et d'où cela vient-il, sinon de la différente vie que chacun aura menée tandis qu'il aura été en ce monde ? Lors donc qu'on offre pour les fideles défunts le sacrifice de l'autel ou quelque aumône que ce soit, ces œuvres de piété, si elles se rapportent à des âmes parfaitement pures, ne sont autre chose que des actions de grâces ; ou, si elles se rapportent à des âmes médiocrement coupables, elles servent à apaiser la justice de Dieu en leur faveur ; ou enfin, si on les rapporte à des pécheurs impénitents, ce ne sont nullement des secours qui les soulagent, mais uniquement des conso-
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lations telles quelles pour ceux qui leur survivent. Quant aux âmes auxquelles ces œuvres de religion sont utiles, l'utilité qu'elles en retirent consiste, ou à obtenir une rémission pleine et entière, ou à recevoir de l'adoucissement dans les peines auxquelles elles sont condamnées. " Saint Augustin répète absolument les mêmes paroles dans son livre De octo Dulcitii quæstionibus, q. II, en déclarant que c'est d'ici qu'il les a prises. Il explique la même doctrine au livre XXI de la Cité de Dieu, chapitre 24.
3. Le vénérable BEDE, in caput XI Proverbiorum : " Il faut observer que, quoique les impies n'aient aucun pardon à espérer après la mort, ceux néanmoins qui sont morts sans avoir sur la conscience autre chose que des péchés légers peuvent en obtenir la rémission même après leur départ de ce monde, soit au moyen des peines qu'ils endurent, soit grâce aux prières de leurs proches, aux aumônes et aux messes rapportées à leur soulagement. Toutefois cela ne peut servir que pour les péchés légers, et jusqu'au jour du jugement. "
4. S. AUGUSTIN, in Psalmum XXXVII : " Seigneur, ne me reprenez pas dans votre colère, et ne me châtiez pas dans votre courroux. Que je ne sois pas du nombre de ceux à qui vous direz : Allez au feu éternel, qui a été préparé pour le démon et pour ses anges. Ne me reprenez pas dans votre colère ; mais purifiez-moi plutôt dans cette vie, et rendez-moi tel qu'il n'y ait plus rien en moi qui ait besoin d'être purifié même par ce feu, que devront endurer ceux qui ne seront sauvés qu'après avoir passé comme par le feu (I Cor., III, 15). Et pourquoi ? parce qu'ici-bas ils élèvent sur le fondement (de Jésus-Christ) un édifice de bois, de foin ou de paille. S'ils avaient élevé un édifice d'or, d'argent ou de pierres précieuses, ils seraient en sûreté contre le premier de ces feux aussi bien que contre le second : contre le feu éternel qui tourmentera éternellement les impies, et contre ce feu purifiant qui n'empêchera pas d'être sauvés ceux qui en endureront les ardeurs. Car tout en déclarant que ces derniers seront sauvés, l’Apôtre ajoute : Mais cependant après être passé comme par le feu. Parce qu'il est dit de ces personnes qu'elles seront sauvées, on tient peu de compte du feu par lequel elles passeront. Et cependant, quoiqu'il n'entraîne pas avec lui la damnation éternelle, ce feu ne laissera pas d'être plus épouvantable que tous les tourments qu'un homme peut endurer dans la vie présente. Vous savez combien les méchants ont souffert de maux ici-bas, et combien on pourrait encore leur en faire souffrir. Ils n'ont rien souffert néanmoins que
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ce que peuvent endurer les plus innocents. Car qu'ont pu souffrir les magiciens, les voleurs, les adultères, les scélérats, les sacrilèges, par les lois de la justice séculière, qu'un saint martyr n'ait souffert en confessant le nom du Sauveur ? Les maux de la vie présente sont donc beaucoup plus supportables que ceux de l'autre vie ; et pourtant, que ne font pas les hommes, que ne se soumettent-ils pas à faire pour être exempts de ces maux ! A combien plus forte raison ne devraient-ils pas se porter à faire ce que Dieu leur ordonne, pour n'avoir pas un jour à souffrir ces autres maux beaucoup plus intolérables (Cf. Sermons de saint Augustin sur les Psaumes, Paris, 1683, t. II, p. 177-178) ? "
5. Le même, Cité de Dieu, liv. XXI, c. 26 : " Celui qui ne donne pas à ces affections humaines (qu'il peut avoir pour une épouse, pour un père pour des enfants, etc.) la préférence sur l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ et qui, en cas d'épreuve, renoncerait aux objets de sa tendresse plutôt qu'à Jésus-Christ ; celui-là sera sauvé en passant comme par le feu, car il est inévitable que la douleur de telles séparations soit d'autant plus cuisante, que les attaches de son amour auront été plus profondes. "
6. Le même, Lib. de fide et operibus, c. 16, explique ainsi ce passage : Fundamentum aliud, etc. (I Cor., III, 13) : " Prenons pour exemple celui qui demanda à notre bon maître quel bien il lui fallait faire pour gagner la vie éternelle et qui en obtint pour réponse que, s'il voulait entrer dans la vie, il devait garder les commandements ; qui demanda ensuite quels commandements il devait garder, et à qui il fut répondu : Les commandements, Vous ne tuerez point, etc., et vous aimerez votre prochain comme vous-même ; à condition sans doute, en observant tout cela, d'avoir la foi en Jésus-Christ et la foi, comme c'est assez évident, qui opère par la charité. Eh bien! s'il eût fait de plus ce que Notre-Seigneur lui recommanda en outre par ces paroles : Si vous voulez être parfait, etc., il aurait élevé sur le fondement dont je viens de parler, de l'or, de l'argent et des pierres précieuses ; car il ne se serait alors occupé d'autres pensée que de Dieu et des moyens de lui plaire, et de semblables pensées ont, si je ne me trompe, de l'or, de l'argent et des pierres précieuses. Mais s'il lui restait, au contraire, une affection charnelle pour ses richesses, sans négliger toutefois de s'en servir pour faire d'abondantes aumônes, et sans chercher à les augmenter par des moyens injustes, pas plus que de consentir à quelque mauvaise action par la crainte
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de les perdre ou de les diminuer (puisque consentir à cela, ce serait se séparer du fondement) ; la seule affection charnelle qu'il garderait, comme je l'ai dit, pour ses richesses, et qui ferait qu'il ne pourrait s'en voir privé sans douleur, serait comme du foin, du bois ou de la paille qu'il superposerait sur le fondement : surtout, si l'on suppose en outre qu'il aurait une épouse à laquelle, comme c'est naturel, il chercherait à plaire, et qui l'obligerait par conséquent à s'occuper des choses du monde. Ainsi, comme ces objets, pour lesquels on conserve une affection charnelle, ne sauraient être perdus sans qu'on en ressente du regret ; ceux qui les possèdent de cette manière tout en restant attaché au fondement de la foi qui opère par la charité, fondement qu'ils ne voudraient pas sacrifier pour tout au monde même à ces sortes de biens, seront sensiblement affectés de la perte qu'il leur en faudra faire, et par conséquent ne parviendront au salut qu'après avoir passé par le feu ou le creuset de la douleur. Mais cette douleur sera pour eux un feu d'autant plus supportable, qu'ils auront été moins attachés à la possession de ces richesses, ou qu'ils les auront regardées avec plus d'indifférence. " Ce même passage se trouve répété dans le livre De octo Dulcitii quæstionibus, q. I.
7. Le même, in Psalmum LXXX : " Que personne ne croie qu'en élevant sur ce fondement (de Jésus-Christ) des adultères, des blasphèmes, des sacrilèges des idolâtries ou des parjures, on puisse être sauvé quoique en passant par le feu, comme si ces crimes étaient le bois, le foin et la paille dont parle saint Paul. Cela doit s'entendre de celui qui bâtit l'amour des choses de la terre sur le fondement du ciel, c'est-à-dire sur Jésus-Christ. Cet amour qu'il a pour les choses temporelles et périssable brûlera mais il sera sauvé lui-même à cause de la solidité du fondement qu'il aura posé (Cf. Sermons de saint Augustin sur les Psaumes, etc., t. IV, p. 422). "
8. ORIGENE, Homélie XII sur Jérémie : " Et voyez si cela n'est pas raisonnable. Qui est celui qui est sans péché ? C'est celui qui ne pèche plus depuis qu'il a embrasse la foi, qu’il a reçu le baptême et qu'il a entendu le Seigneur lui dire : Vos péchés vous sont remis. Mais si, après avoir obtenu le baptême et le pardon de nos péchés, nous nous souillons de nouveau ; si, toujours imparfaits, nous nous écartons de la voie tracée par les apôtres ; si nous commettons quelque injustice, ou si, sans cesser d'être justes, nous nous laissons néanmoins tomber dans quelques fautes,
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examinons quel traitement nous aurons alors à subir : au sortir du siècle présent, notre vie se trouvant mélangée de vices et de vertus, recevrons-nous la récompense de ces vertus, avec le pardon de ces vices dont nous nous trouverons coupables ? ou bien serons-nous punis pour nos fautes, sans être récompensés pour nos vertus ? Ni l'un ni l'autre ; mais il faut dire plutôt que nous serons, et punis pour nos fautes, et récompensés pour nos vertus. Car si, sur le fondement de Jésus-Christ établi dans votre cœur vous superposez, non pas seulement de l'or, de l'argent et des pierres précieuses (car je suppose que vous en avez), mais aussi du bois, du foin et de la paille, que voulez-vous qui vous arrive, lorsque votre âme sera séparée de votre corps ? Voudriez-vous entrer dans le saint des saints avec ce bois, ce foin ou cette paille, et souiller ainsi le royaume de Dieu ? ou bien trouveriez-vous juste d'être jeté dehors à cause de ce bois, de ce foin ou de cette paille, sans qu'il vous soit tenu compte de votre or, de votre argent et de vos pierres précieuses ? Mais cela ne serait pas juste non plus. Que conclure de là sinon que le feu devra d'abord vous être appliqué pour consumer ce bois, cette paille, ce foin, etc. . . ? Nous souffrirons premièrement pour nos injustices commises ; puis nous serons récompensés pour la justice que nous aurons pratiquée. "
9. Le même, homélie XIII sur Jérémie : " Si quelqu'un reste fidèle à la grâce de son baptême, il aura part à la gloire de la première résurrection. Mais celui qui est réservé pour la seconde résurrection, c'est celui qui a péché et qui a besoin du baptême de feu, qui le purifiera en consumant tout ce bois, tout ce foin et toute cette paille qu'il aura amassés autour de lui. Puis donc que nous voyons que les choses se passeront ainsi pour nous après la mort, étudions l’Ecriture avec soin, et conformons-nous à ses préceptes que nous aurons gravés profondément dans nos cœurs afin de nous trouver, s'il est possible, parfaitement purifiés de nos péchés au sortir de cette vie, et d'être en état d'être admis dans la société des saints. "
10. Le même, homélie XXIV sur les Nombres : " Cette vie est pour nous un temps de guerre et de combat contre les Madianites, c'est-à-dire contre les vices de notre propre chair et contre les puissances ennemies. Nous avons pour témoins la troupe des anges et des vertus célestes, qui attendent avec anxiété quand et comment nous sortirons de ce combat, et quelles dépouilles nous pourrons en remporter ; ils observent avec attention, ils notent avec le plus grand soin, quels sont ceux d'entre nous qui
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se seront enrichis d'une plus grande quantité d'or, ou du moins d'argent, ou enfin de pierres précieuses. Ils examinent aussi si quelqu'un se trouve n'avoir que de l'airain, ou du fer, ou du plomb ; si tel autre n'est pas porteur de vaisseaux de bois ou de terre, ou de quelque autre matière semblable, tels qu'il en faut pour les usages d'une grande maison. Car dans une grande maison, dit l'Apôtre, il n'y a pas seulement des vases d'or et d'argent, mais il y en a aussi de bois et d'argile (II Tim., II, 20). Ils regardent donc avec soin ce que chacun de nous peut emporter avec soi au moment de son départ d'ici-bas ; et ils assigneront à chacun sa place, selon le prix des objets qu'il aura apporté avec lui, et qui prouveront la manière dont il aura combattu ou travaillé. Toutefois ce ne sera pas, sans que tout cela ait été éprouvé auparavant, telle chose par le feu, et telle autre par l'eau. Car le feu éprouvera l'ouvrage de chacun (I Cor., III, 13). C'est pour cela que nous lisons (Nom., XXXI, 21-24) : Voici ce qu'ordonne la loi que le Seigneur a donné à Moïse : Que l'or, l'argent, l'airain, le fer, le plomb et l’étain et tout ce qui peut passer par les flammes, soit purifié par le feu ; et que tout ce qui ns peut souffrir le feu, soit sanctifié par l'eau d'expiation. Vous laverez vos vêtements le septième jour, et après avoir été purifiés, vous rentrerez dans le camp. Voyez-vous comme tout le monde a besoin d'être purifié au sortir du combat de cette vie, etc. ? "
11. Le même, homélie VI sur l'Exode : " Les actes louables de la vie humaine sont de trois espèces ; car ils peuvent consister ou dans des pensées ou dans des paroles, ou dans des actions. C'est ce que l'Apôtre nous fait entendre lorsqu'il dit (I Cor., III) : Celui qui élève sur ce fondement de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, etc., distinguant ainsi trois sortes d'actes louables. Puis il indique aussi trois sortes d'actes blâmables, qu'il désigne par le bois, le foin et la paille. . . . . Celui qui est sauvé, est sauvé en passant par le feu, parce que, s'il y a du plomb dans le passé de sa vie, ce plomb est liquéfié par le feu, et qu'une fois qu'il est séparé du reste, il ne se trouve plus à la fin que de l'or pur. Comme l'or est le métal le plus estimé ici-bas, il représente la sainteté ; aussi-bien l'or a-t-il coutume d’être éprouvé par le feu, comme les justes doivent l'être par la tentation (Ecclé., II, 5). Il faudra donc que tous nous soyons mis en contact avec le feu ; tous, il faudra que nous passions par cette épreuve. Le Seigneur sera comme un homme qui s'assied pour faire fondre et pour épurer l'argent, et il purifiera les enfants de Juda (MALACHIE, III, 3). Une fois arrivé là,
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si quelqu'un se présent avec beaucoup de bonnes œuvres et quelques mauvaises pourtant qui y soient entremêlées, celles-ci seront comme le plomb qui se fondra et se volatilisera, et bientôt il ne restera que de l'or pur. Si un autre apporte une plus grande quantité de plomb avec quelque peu d'or, le feu aura sur lui plus de prise, exercera une action plus violente, afin que l'or, en quelque petite quantité qu'il soit, puisse être dégagé de tout cet alliage. Enfin, si quelque autre ne présente en lui-même que du plomb, il arrivera de lui ce qui est écrit : Il sera submergé sous la violence des eaux, et il tombera comme une masse de plomb (Exode, XV, 10). "
12. S. GREGOIRE, livre IV de ses Dialogues, c. 39, répond en ces termes à la question, s'il y a un feu du purgatoire après la mort : " Le Seigneur dit dans 1'Evangile : Marchez tandis que vous avez la lumière (JEAN, XII, 35). Il a dit aussi par son prophète : Je vous ai exaucé au temps favorable, et je suis venu à votre secours au jour du salut (Is., XLIX, 8). Paroles que l'apôtre saint Paul développe ainsi : Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut (II Cor., VI, 2). Salomon a dit de même : Faites promptement tout ce que votre main pourra faire, parce qu'il n'y aura plus ni action, ni raison, ni sagesse, ni science dans le tombeau où vous courez (Eccles., IX, 10). David a dit aussi : Sa miséricorde s'étend à tous les siècles. Il résulte de tous ces textes, que chacun paraîtra au jugement tel qu'il aura été en sortant de ce monde. Nous n'en devons pas moins croire fermement qu'il y aura avant le jugement un feu destiné à purifier les âmes de leurs péchés légers, puisque la Vérité a dit : Si quelqu'un blasphème contre le Saint-Esprit, ce péché ne lui sera remis ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir (MATTH., XII, 32). Ce qui nous donne à entendre qu'il y a des péchés qui sont remis dans ce siècle et d'autres qui le seront dans le siècle à venir. Car, par-là même qu'il est nié de quelques péchés seulement qu'ils puissent être remis dans l'autre monde, il s'ensuit qu'il y en a qui pourront y être remis. Mais il n'y a toutefois que les péchés légers dont nous devions croire qu'ils peuvent être remis dans l'autre monde : de ce nombre sont, par exemple, les paroles inutiles, les ris immodérés, les péchés qui se commettent si aisément dans les ménages et dont ne peuvent s'abstenir ceux-là même qui savent se préserver du péché dans tout le reste ; les péchés d'ignorance en matières peu importantes : tous ces péchés chargent la conscience après la mort, si l'on n'en a pas obtenu le pardon
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durant cette vie. Car, puisque l’Apôtre a dit que Jésus-Christ est le fondement, et qu'il ajoute aussitôt après : Si quelqu'un élève sur ce fondement, etc., il sera sauvé, mais en passant comme par le feu (I Cor., III, 15) ; quoique ces paroles puissent s'entendre du feu de la tribulation qui peut nous éprouver pendant la vie présente, si néanmoins on veut les entendre du feu du purgatoire qui nous sera réserva après la mort, on fera bien de considérer que ceux dont l’Apôtre déclare qu'ils pourront être sauvés en passant par le feu, ce ne sont pas ceux qui placeront sur le fondement divin du fer, de l'airain ou du plomb, c'est-à-dire les péchés les plus graves, et par-là même les plus difficiles à détruire, mais ceux qui n'y apporteront que du bois, du foin ou de la paille, c'est-à-dire des péchés légers que le feu consumera facilement. Sachons bien toutefois qu'il n'y aura à pouvoir être purifié dans l'autre vie des péchés même légers que ceux qui dans la vie présente auront mérités par leurs bonnes œuvres de pouvoir l’être. "
13. Le vénérable BEDE, in III caput Lucæ, sur ces paroles, Il vous baptisera dans l'Esprit-Saint et dans le feu : " Il y en a qui entendent ce baptême de l'Esprit- Saint de ce qui se fait dans la vie présente et ce baptême de feu de ce qui se fera dans la vie future, en ce sens que, de même que nous renaissons présentement de l'eau et de l'Esprit-Saint en obtenant la rémission de nos péchés, nous serons purifiés après la mort et avant le dernier jugement des péchés légers qui nous seront restés, par le baptême du feu du purgatoire, conformément à ces paroles de l’Apôtre : Si quelqu'un élève sur ce fondement de l’or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin ou de la paille, le feu fera l'épreuve de l’ouvrage de chacun. Si l'ouvrage de quelqu'un demeure sans être brûlé, il recevra la récompense, si au contraire ; l'ouvrage de quelqu'un brûle dans cette épreuve, il en éprouvera de la perte ; il ne laissera pas toutefois d'être sauvé, mais ce ne sera qu'en passant, comme par le feu. Quoique ces paroles puissent s'entendre du feu de la tribulation qui peut nous éprouver pendant la vie présente, si néanmoins on veut les entendre du feu du purgatoire qui nous sera réservé après la mort, on fera bien de considérer que ceux dont l'Apôtre déclare qu'ils pourront être sauvés en passant par le feu, ce ne sont pas ceux qui placeront sur le fondement divin du fer, de l'airain ou du plomb, c'est-à-dire les péchés les plus graves, etc. " Le reste comme à la fin du témoignage précédent.
14. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, liv. XXI, c. 24 : " Il y en a
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parmi les morts pour qui les prières de l'Eglise ou de certaines âmes pieuses sont exaucées : ce sont ceux qui, après avoir été régénérés en Jésus-Christ, n'ont, ni tellement mal usé du temps et de la vie qu'on les juge indignes de la clémence suprême, ni tellement bien, qu'ils n'aient encore besoin de la miséricorde de Dieu. Et de même à la résurrection des morts, après l'expiation que subissent les âmes des trépassés, plusieurs obtiendront la grâce d'être sauvée du feu éternel. Car il ne serait pas vrai de dire qu'il en est auxquels il ne sera pardonné ni en ce monde ni en l'autre, s'il n'y en avait à qui il sera pardonné dans l'autre vie, quoiqu'ils n'obtiennent pas encore leur pardon dans celle-ci. "
15. Le même, Hom. XVI in libro L homiliarum (Cette homélie, au moins dans sa plus grande partie, n'est pas de saint Augustin. V. NAT. ALEX., Hist. eccl. V sæc., p. 103, édit de Venise) : " Ceux qui auront commis des péchés pour lesquels il leur faudra subir des peines temporelles, c'est-à-dire, ceux à qui s'appliquent ces paroles de 1Apôtre : Si l'ouvrage de quelqu'un brûle, il en éprouvera de la perte, il ne laissera pas néanmoins d'être sauvé, mais en passant comme par le feu ; ceux-là auront à passer par ce fleuve de feu auquel le Prophète faisait allusion par ces paroles : Un fleuve de feu courait devant lui ( DAN., VII, 10 ) ; ils passeront, dis-je, par ce fleuve de feu dont les ondes se dérouleront d'une manière effroyable. La durée du passage sera d'autant plus longue, que les péchés à expier seront plus graves et plus nombreux. La flamme intelligente proportionnera ses ardeurs à la culpabilité de chacune des âmes ; et autant on aura fait preuve de folie en se laissant entraîner au mal, autant le châtiment témoignera de discernement par la manière dont il sévira. Et comme Dieu compare quelque part l'âme pécheresse d une chaudière d'airain, en disant : Mettez cette chaudière vide sur des charbons ardents, afin qu'elle s'échauffe, que l’airain se brûle, que son ordure se fonde au-dedans, et que sa rouille se consume (EZECH., XXIV, 11) ; c'est là que seront soumises à l'action du feu les paroles inutiles, les pensée mauvaises ou impures, toute cette multitude de péchés légers qui avaient altéré la pureté de l'âme ; là aussi sera consumée l'étain ou le plomb, je veux dire ces fautes de toute espèce qui se commettent sans qu'on s'en aperçoive et qui avaient obscurci dans cette âme l'éclat de sa ressemblance avec Dieu : fautes qui toutes auraient pu être effacées dès ici-bas, et avec bien moins de peine, au moyen des aumônes et des œuvres de pénitence. C'est ainsi que demandera compte à chacun de
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nous celui qui s'est livré pour nous, et s'est soumis aux lois de la mort en souffrant le supplice de la croix. "
16. Le même, Serm LI de sanctis sive L de animabus defunctorum (Le passage cité ici est plutôt un extrait de S. Césaire, sermon XXXVII. Voir le t. Ier des Sermons de saint Césaire, Paris, 1760, p. 319-331. Le traducteur de ces sermons était l'abbé de Villeneuve, curé au diocèse de Sens) : " Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, qui est Jésus-Christ ; que si on élève sur ce fondement un édifice d'or, d'argent, de pierres précieuses, de bois, de foin, de paille, l'ouvrage de chacun paraîtra enfin ; car le jour du Seigneur le fera connaitre, parce qu'il sera manifesté par le feu, et que le feu mettra à l'épreuve l'ouvrage de chacun. Celui qui aura élevé sur ce fondement un ouvrage qui subsiste, en recevra la récompense, celui dont l'ouvrage sera consumé par le feu, en éprouvera de la perte : il ne laissera pas néanmoins d'être sauvé, mais ce sera comme en passant par le feu. Plusieurs, prenant mal le sens de ce passage, se font illusion à eux-mêmes et demeurent dans une sécurité qui les trompe. Ils croient qu'en élevant des crimes capitaux sur le fondement de Jésus-Christ, ces péchés pourront être purifiés par le feu passager dont parle l'Apôtre ; mais que, pour eux, ils ne laisseront pas de parvenir à la vie éternelle. C'est trop se flatter, mes très-chers frères, c'est se séduire soi-même que d'attribuer ce sens aux paroles de saint Paul ; c'est une façon de les entendre qu'il faut corriger et réformer. Quand l’Apôtre dit : Il ne laissera pas néanmoins d'être sauvé mais comme en passant par le feu, ce ne sont pas les péchés capitaux, mais les péchés légers qui seront purifiés par ce feu passager. . . Le feu passager dont parle L’Apôtre ne pourra purifier les péchés considérables ; c'est le feu éternel qui tourmentera sans relâche celui qui aurait laissé dominer en lui quelques-uns de ces péchés à moins qu'il ne se corrige sérieusement, qu'il ne s'abstienne réellement de ces péchés, qu'il n'en fasse une longue pénitence, s'il en a le temps, et qu'il ne répande des aumônes abondantes. . . Si nous reconnaissons avec une vraie et sincère humilité que nous souffrons beaucoup moins encore que nous ne le méritons, c'est un moyen de nous purifier assez bien en ce monde de ces sortes de péchés pou r que le feu du purgatoire ne trouve rien, ou que très-peu de chose à brûler et purifier dans le siècle à venir. Si au contraire nous ne nous mettons pas en peine de rendre grâces à Dieu dans les tribulations qu'il nous envoie, si nous ne sommes pas fidèles à racheter nos péchés par nos bonnes œuvres, nous resterons dans ce feu
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du purgatoire, jusqu'à ce que ces petits péchés dont je viens de parler, comme du bois, du foin et de la paille, soient absolument consumés et détruits. "
" Mais qu'est-ce que cela me fait d'être longtemps en purgatoire, me dira quelqu'un, pourvu que je parvienne à la vie éternelle ? Est-ce faire usage de sa raison que de parler ainsi, mes très-chers frères ? Ignorez-vous donc que ce feu du purgatoire sera plus sensible et plus cuisant que tout ce qu'on peut sentir et voir de peines en ce monde, et même que tout ce qu'on peut en imaginer ? Un jour est comme mille ans, et mille ans comme un jour, dit le roi prophète (Ps. LXXXIX, 4), en parlant du jour du jugement : d'où savez-vous donc, vous qui parlez ainsi, si vous passerez seulement quelques jours, quelques mois ou des années entières dans ce feu du purgatoire ? Vous ne voudriez pas aujourd'hui mettre un de vos doigts au feu ; comment donc ne craignez-vous pas d'y être tourmentés en corps et en âme, même pour peu de temps?. . . "
" Lors donc que vous entendrez lire ce texte de l'Apôtre : Si quelqu'un élève sur le fondement de Jésus-Christ de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, vous vous souviendrez qu'il, est question des saints et des chrétiens parfaits, qui, comme un or épuré, mériteront de recevoir les récompenses éternelles ; que par ceux qui élèvent sur ce fondement du bois, du foin, de la paille, il faut entendre les bons chrétiens, mais qui négligent de se purifier de leurs péchés légers ; vous vous souviendrez, dis-je, qu'à moins que la justice divine ne les purifie de ces péchés par beaucoup de tribulations, ou que chacun d'eux ne les rachète par d'abondantes aumônes, ce ne sera que par des douleurs très-cuisantes que s'accomplira en eux ce que dit 1'Apôtre : Celui dont l'ouvrage sera consumé par le feu, en éprouvera de la perte ; il ne laissera pas néanmoins d'être sauvé, mais en passant comme par le feu. "
17. S. GREGOIRE, passage déjà cité plus haut, page 111.
18. S. BERNARD, Serm. de obitu Humberti monachi : " Sachez qu'après cette vie, ce qu'on aura négligé d'acquitter ici-bas, sera exigé au centuple et jusqu'à la dernière obole. "
19. S. JEAN-DAMASCENE, dans son discours qui a pour titre : Que ceux qui sont morts dans la foi sont aidés par les messes et les bonnes œuvre des vivants ; ce passage a été rapporté d'avance à l'article du sacrement de l'Eucharistie, question VII, témoignage 107, tome II, page 413.
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20. Le concile de Florence, dans ses lettres d'union: " Nous définissons. . . . . que les âmes de ceux qui, vraiment pénitents, l sont morts dans la grâce de Dieu, avant d'avoir fait de dignes fruits de pénitence pour expier leurs péchés d'action (Ce mot action doit être pris ici lato sensu, et comme comprenant les péchés de parole et de pensées, qui sont aussi des actions, ou pour mieux dire, des actes, à leur manière. Le texte latin porte : de commissis satisfecerint et omissis) ou d'omission, sont purifiées après la mort par les peines du purgatoire, et qu'elles sont soulagées de ces peines par les suffrages des fidèles vivants, tels que le sacrifice de la messe, les prières, les aumônes et les autres bonnes œuvres que les fidèles ont coutume de faire les uns pour les autres, selon les usages pratiqués dans 1'Eglise ; et que les âmes de ceux qui n'ont point péché depuis leur baptême, ou celles qui, après avoir contracté la tache du péché, en ont été purifiées, soit avant la mort, soit depuis la mort, ainsi que nous venons de le dire, entrent aussitôt dans le ciel, et voient clairement tel qu'il est le Dieu unique en trois personnes, les unes cependant plus parfaitement que les autres, suivant les mérites de chacune d'elles ; mais que les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel commis depuis l’âge de raison, ou même seulement avec le péché originel, descendent aussitôt en enfer, quoiqu’elles ne doivent pas toutes y recevoir un égal châtiment. "
21. Le concile de Trente, session VI, canon 50 : " Si quelqu'un dit que tout pécheur pénitent qui obtient la grâce de la justification, reçoit par-là même la remise entière de sa faute, avec celle de la peine éternelle qu'il aurait encourue, de manière à n'avoir plus à subir aucune peine temporelle soit dans ce monde, soit dans l’autre, c'est-à-dire dans le purgatoire, pour pouvoir ensuite être admis au royaume des cieux, qu'il soit anathème. "
22. Le même concile, session XXV, première partie, Décret au sujet du purgatoire : " L'Eglise catholique, instruite par le Saint-Esprit, ayant toujours enseigné, suivant les saintes Ecritures et la doctrine ancienne des Pères, comme elle l'a fait dans les conciles précédents, et tout récemment encore dans le concile général actuel, qu’il y a un purgatoire, et que les âmes qui y sont détenues reçoivent du soulagement des suffrages des fidèles, et particulièrement du saint sacrifice de la messe ; le saint concile ordonne aux évêques de veiller avec un soin particulier à ce que partout on enseigne et on prêche aux fidèles,
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sur l'article du purgatoire une doctrine conforme à celle des saints Pères et des saints conciles, et que tous également règlent là-dessus leur croyance. Quant aux questions difficiles et trop subtiles en cette matière qui ne servent de rien pour l'édification, et dont l'effet ordinaire n'est pas de nourrir la piété, elles devront être bannies des prédications qui se font devant le peuple. Les évêques ne permettront pas n on plus qu'on répande ou qu'on avance sur ce sujet des récits incertains et suspects de fausseté. Ils interdiront de plus tout ce qui sent la superstition, ou une vaine curiosité, l’amour du gain, comme pouvant prêter au scandale ou être de mauvaise édification pour les fidèles. Mais ils tiendront la main à ce que les suffrages des fidèles vivants, particulièrement les messes, les prières, les aumônes et les autres bonnes œuvres qu'on a coutume d'offrir pour les fidèles défunts, continuent de se faire avec piété et dévotion selon 1'usage de l'Eglise, et que ce qui est dû pour ces âmes, par suite de fondations testamentaires ou autrement, soit acquitté avec soin et exactitude, et non avec négligence, par les prêtres, ou autres ministres de l’Eglise, ou par tous autres enfin que cette obligation regarde. "
23. Le vénérable BEDE, exposition. allegoric. In Samuelem, lib, IV, c. 10, sur ces paroles du dernier chapitre du premier livre des Rois, Et ils jeûnèrent sept jours : " C’est un usage louable et conforme à l'écriture, que celui de jeûner sept jours pour les morts, afin qu'ils puissent entrer dans le repos. "
24. Le quatrième concile de Carthage, auquel assistait saint Augustin, canon 79 : " Ceux qui ayant exactement observé les lois de la pénitence, mourront en voyage, ou autrement, sans avoir pu recevoir de secours, ne laisseront pas de recevoir la sépulture ecclésiastique et de participer aux prières et aux oblations. "
25. Le même concile, canon 93 (Voir sur ce canon notre Dictionnaire universel des conciles, t. I, col. 490 (Carthage, l'an 398)) : " On excommuniera, comme meurtriers des pauvres, ceux qui refusent aux églises les oblations pour les défunts ou qui les remettent avec peine. "
26. Le onzième concile de Tolède, canon 12 : " Par rapport à ceux qui, ayant reçu la pénitence sont sortis de cette vie avant d'être réconciliés, nous avons décrété que leur mémoire serait recommandée dans les églises et que les oblations qu'on ferait pour leurs âmes seraient acceptées par les prêtres (Voir ibidem, t. II, col. 980, et Conc. LABB., t. VI, col. 553, ad annum 675). "
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27. Le concile de Tribur, canon 31 : " Si quelqu'un est surpris à voler ou à exercer quelque rapine, et qu'il meure dans cet acte même qui n'aura pu lui être inspiré que par le démon, nous défendons à qui que ce soit de prier ou de donner des aumônes pour le repos de son âme ; et si néanmoins il se fait quelque aumône pour lui, nous voulons qu'elle ne profite ni aux clercs ni aux pauvres, mais qu'elle soit laissée de côté comme exécrable (Cf. LABB., Conc., t. IX, col. 456, ad annum 895). "
28. Le premier (al. 2) concile de Brague, canon 54 (al. 33) : " On ne donnera point la sépulture ecclésiastique, c'est-à-dire celle qui se fait au chant des psaumes, à ceux qui se seront tués eux-mêmes, soit par assassinat, soit par poison, soit en se précipitant, soit en se pendant, ou de quelque autre manière que ce soit, ni à ceux qui auront été punis de mort pour leurs crimes. On ne fera pas non plus mémoire d'eux dans les oblations (Voir sur ce canon et sur le suivant, c'est-à-dire sur les canons 32 et 56 de ce concile de Brague, notre Dictionnaire des conciles, t. Ier, col. 374-375, et LABBE, Conc., t. V, col. 841-842, ad annum 563, c. XVI et XVII). "
29. Le concile de Florence, dans les lettres d'union, passage rapporté plus haut, témoignage 20, page 116.
30. Le concile de Trente, session XXV; comme plus haut, témoignage 24, page 116.
31. Le même concile, session XXII, chapitre 2 et canon 3, comme plus haut, article de l'Eucharistie, question VII, témoignage 128, tome II, page 421.
32. S. AUGUSTIN, Lib. de curâ pro mortuis gerendâ, c. 1, dit, pour répondre à la question qui lui avait été faite s'il pouvait être utile à un mort que son corps fût enterré près du tombeau d'un saint : " Il vous semble, à ce que vous me dites, que ce n'est pas sans quelque utilité réelle que les fidèles pieux procurent cet honneur aux cendres de leurs proches. Vous ajoutez encore que ce ne peut pas être sans but que 1'Eglise universelle a coutume de prier pour les morts, et qu'on peut inférer de cette pratique que les morts doivent retirer quelque profit de ce que la piété de leurs proches leur procure pour lieu de sépulture un tel voisinage, qui témoigne de la confiance qu'on a dans les suffrages des saints. Mais en même temps vous me faites savoir que, s'il en est ainsi, vous ne voyez pas comment cette opinion peut s'accorder avec ce que dit l’Apôtre, que nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Jésus-Christ afin que chacun reçoive ce
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qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu'il aura faites étant revêtu de son corps (II Cor., V, 40). Car cette sentence de l’Apôtre revient à dire que nous devons faire avant la mort ce que nous voulons qui nous serve après la mort, au lieu d'attendre pour cela le moment où il ne nous restera plus qu'à recevoir le prix de ce que nous aurons fait avant de mourir. Mais cette difficulté s'évanouit, si l'on considère que l'utilité qui peut revenir aux morts des choses dont il s'agit est le fruit de la manière dont ils auront vécu durant leur pèlerinage et qu'ainsi il est toujours vrai de dire qu'ils sont aidés par ces devoirs religieux qu'on leur rend, à proportion de ce qu'ils auront fait pendant la vie. Car il y a des morts à qui ces honneurs ne servent de rien, soit que leurs œuvres aient été tellement mauvaises, qu'ils soient devenus indignes d'être aidés en rien par tout ce qu'on fera pour eux, soit que leur vie ait été tellement sainte, qu'ils n'aient plus besoin d'aucun secours. C'est donc la manière dont nous aurons vécu sur la terre, qui décidera de l'utilité ou de l'inutilité que pourront avoir pour nous ces pieux devoirs remplis pour nous par nos proches après notre mort. Car ce serait en vain qu'on nous chercherait, pour nous faire retirer de ces pratiques quelque profit après notre mort, des mérites que nous n'aurions pas acquis avant de mourir. C'est ainsi que 1’Eglise, ou les proches mêmes des défunts peuvent être utiles à ceux-ci par toutes ces pratiques religieuses, et que cependant chacun ne reçoit que ce qui est dû à ce qu'il a fait étant revêtu de son corps. Car c'est pendant la vie seulement que chacun peut mériter que tout cela lui serve après sa mort (tout le passage cité jusqu'ici se trouve reproduit dans le livre des douze questions de Dulcitius, question II). Ce peu pourrait suffire pour répondre à votre demande : toutefois, comme on élève d'autres difficultés qu'il me semble à propos de résoudre, je vous prie de me suivre encore quelques instants. Nous lisons dans les livres des Machabées qu'un sacrifice fut offert pour les morts. Mais quand même cela ne se lirait nulle part dans les anciennes Ecritures, l'autorité de l’Eglise universelle, dont la pratique en cette matière ne saurait être révoquée en doute, n'en aurait pas moins droit à notre déférence, la recommandation des morts se faisant toujours à l'autel avec les autres prières mêlées au saint sacrifice. " Dans les chapitres suivants, le saint Docteur continue à parler de la sépulture accordée aux morts, et de l'usage de les enterrer de préférence auprès des tombeaux des martyrs.
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33. Le même, Cité de Dieu, liv. XXI, c. 16 : " Telle est la clémence de Dieu à l'égard des vases de miséricorde qu'il destine à la gloire, que la première et la seconde enfance de l'homme, l'une soumise sans défense à la domination de la chair, l'autre en qui la raison ne combat pas encore, qui n'a d'autre avantage sur la première enfance que l’usage de la parole, et où la faiblesse de l'intelligence, incapable de précepte, laisse régner toutes les machinations vicieuses ; cette première ou cette seconde enfance venant à être atteinte de la mort, du moment ou elle a participé aux sacrements du divin médiateur et est passée par conséquent de la puissance des ténèbres au royaume de Jésus-Christ, non-seulement n'est pas livré aux supplices éternels, mais n'a pas même à subir, au sortir de la vie, l'épreuve du purgatoire. Car la seule régénération spirituelle suffit pour rendre impuissante à nuire après la mort l'alliance que la génération charnelle contractée avec la mort même, etc. . . Quiconque donc désire éviter les peines éternelles, ne doit pas se contenter de recevoir le baptême ; mais il faut encore que, justifié en Jésus-Christ, il passe véritablement sous son empire. Qu'il soit bien convaincu que les peines du purgatoire ne peuvent avoir lieu qu'avant le suprême et redoutable jugement (M. L. Moreau a traduit ainsi cette dernière phrase : " Qu'il se garde de croire qu'aucune peine purifiante devance le suprême et redoutable jugement. " C'est un vrai contre-sens. La foi nous enseigne au contraire que le purgatoire n'existera plus après le jugement général. Voici au surplus la phrase de saint Augustin : Purgatorias autem pæna nullas futuras opinetur, nisi ante illud ultimum tremendumque judicium. Cela ne m’empêche pas de rendre justice à la traduction habituellement fidèle de M. L. Moreau). "
34. S. AUGUSTIN, De verbis apostoli, serm 32 (al. 34), c. 4 : " La pompe des funérailles, les troupes de pleureurs, la somptuosité des ornements, la magnificence des tombeaux, sont des moyens de consoler les vivants, plutôt que de soulager les morts. "
Ibidem, c. 2 : " Mais quant aux prières de l'Eglise, au saint sacrifice et aux aumônes qui se font pour leurs âmes, il n'est pas douteux que tout cela ne leur soit profitable, et n'engage le Seigneur à les traiter avec plus d’indulgence que ne l'auraient mérité leurs péchés. Car c'est une pratique observée dans toute l'Eglise, conformément à la tradition de nos pères dans la foi de prier au milieu du saint sacrifice, et de déclarer expressément que l'on offre ce sacrifice même, pour ceux qui sont morts dans la communion du corps et du sang de Jésus-Christ. Et lorsqu'on
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se porte à faire dans cette même intention des œuvres de miséricorde, qui peut douter qu'elles leur soient utiles aussi bien que les prières qu'on fait pour eux ? Nul doute que tout cela ne serve aux défunts, pourvu que ceux-ci aient passé le temps de la vie de manière à ce que cela leur soit utile après la mort. Car quant à ceux qui au moment de la mort n'avaient pas cette foi qui opère par la charité et à qui pour cette raison les sacrements ont dû être refusés, c'est en vain qu'on leur rendrait ces pieux devoirs. . . . . Ce ne sont pas de nouveaux mérites qu'acquièrent les morts, lorsque leurs proches font pour les soulager quelques bonnes œuvres ; mais ce sont leurs mérites acquis d'avance qui leur valent ces avantages. Car ce n'est que lorsqu'ils étaient vivants, qu'ils ont pu mériter que ces choses pussent leur être utiles après la mort. Et ainsi, arrivé à la fin de sa carrière, chacun de nous ne pourra obtenir dans l'autre monde que ce qu'il aura mérité dans ce monde-ci. Qu'il soit donc permis aux cœurs sensibles de s'attrister sur la mort de leurs proches ; mais que leur douleur ait ses bornes, que leurs larmes aient leur consolation, dans l'espérance que leur donne la foi, que ceux qui les quittent par la mort, ne les quittent que pour passer à une vie meilleure. . . Qu'on prenne soin de leurs restes, et qu'on leur élève des tombeaux : 1'Ecriture nous autorise à compter ces choses parmi les bonnes œuvres, puisqu'elle loue et préconise non-seulement ceux qui ont honoré ainsi les restes mortels des patriarches et d'autres saints personnages, qui du reste n'avaient rien au-dessus de l'humanité, mais encore ceux qui ont cru honorer de même le corps de l'Homme-Dieu. Qu'on s'empresse donc, si l'on veut, de rendre à ceux qu'on regrette ces derniers devoirs, si propres à tempérer une douleur trop naturelle ; mais qu'on s'attache surtout à faire pour eux ce qui peut véritablement leur être utile, tel que des prières, des oblations, des aumônes, si l'on a une affection plutôt spirituelle que charnelle pour ceux dont les corps, il est vrai, sont privés de vie, mais dont les âmes sont toujours vivantes. "
35. S. ISIDORE de Séville, Lib. I, de officiis ecclesiasticis, c. 18 : " Nous regardons comme nous ayant été transmis par les apôtres l'usage d'offrir des sacrifices et de faire des prières pour le repos des fidèles défunts, puisque nous trouvons cet usage établi dans tout l'univers. Car il est pratiqué par toute l'Eglise catholique, qui n'ordonnerait pas pour leurs âmes des sacrifices et des aumônes, si elle n'espérait obtenir par de tels moyens le pardon
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de leurs péchés. Et d'ailleurs Notre-Seigneur, en disant que, si quelqu'un pèche contre le Saint-Esprit, ce péché ne lui sera remis ni dans ce monde ni dans l'autre, marque bien suffisamment qu'il y en a à qui leurs péchés seront remis dans l'autre monde, après qu'ils en auront été purifiés par le feu du purgatoire (quodam purgatorio igne). Aussi saint Augustin a-t-il dit quelque part (Enchirid. ad Laur., c. 71), qu'on ne saurait douter que les âmes des fidèles défunts soient soulagées par la piété de leurs parents ou de leurs amis survivants, quand ceux-ci offrent pour elles le sacrifice du divin Médiateur, ou qu'ils font des aumônes dans cette même intention, pourvu que ces âmes aient mérité pendant la vie que de telles œuvres puissent leur être utiles. Car ces secours ne profitent pas à tous les défunts. Et d'où cela vient-il, sinon de la différente vie que chacun aura menée tandis qu'il aura été en ce monde ?. . . . . Car si ces œuvres, de piété se rapportent à des âmes parfaitement pures, elles ne sont autre chose que des actions de grâces ; si elles se rapportent à des âmes médiocrement coupables, elles servent à apaiser la justice de Dieu en leur faveur, etc. " Voir plus haut, témoignage 2, page 104.
36. RABAN MAUR, Lib. II, De institutione clericorum, c. 44 : " Nous regardons comme nous ayant été transmis par les apôtres, " et le reste comme au témoignage précédent jusqu'à : Quodam purgatorio igne. Raban poursuit ainsi : " Aussi saint Grégoire dans ses dialogues, et le savant Bède dans son histoire de gestis Anglorum, rapportent de nombreux exemples ou diverses visions qui prouvent que les âmes des défunts sont puissamment secourues par les sacrifices qu'on offre pour elles. Et saint Augustin a dit quelque part qu'on ne saurait douter que les âmes des fidèles défunts soient soulagées par la piété de leurs parents ou de leurs amis, " et le reste comme vers la fin du témoignage précédent.
37. S. CYPRIEN, Epist. LII (al. 51) ad Antonianum : " L'Eglise continue de montrer avec orgueil la couronne de ses vierges ; la pudeur et la chasteté marchent d'un pas ferme dans leur glorieuse carrière, et la continence n'est point détruite parce que l'adultère a obtenu son pardon. Autre chose est de se présenter pour solliciter sa grâce, autre chose est d'entrer tout-à-coup en possession de la gloire ; et autre chose est pour un captif de ne sortir de sa prison qu'après avoir payé jusqu'à la dernière obole, autre chose de recevoir sur-le-champ le prix de la fidélité
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et de la vertu ; autre chose est d'être longtemps purifié par la flamme et de passer au creuset des douleurs, autre chose d'avoir lavé toutes ses iniquités dans le sang du martyre ; autre chose est enfin de rester sous le coup de la sentence divine jusqu'au jour du jugement, autre chose de recevoir aussitôt la couronne des mains de Dieu. "
38. Le même, Ad plebem et clerum Furnitanorum, Epist. LXVI (al. 65) : " C'est en méditant ces religieuses pensées, et avec une salutaire prévoyance que les évêques nos prédécesseurs ont défendu à tout chrétien mourant d'appeler aucun ecclésiastique aux fonctions de tuteur ou de curateur, à voulu que, s'il contrevenait à cette sage disposition, son nom ne fut point mentionné à l'autel, et que le sacrifice ne fut pas offert pour le repos de son âme. Pourquoi nommer à l'autel de Dieu, dans les prières du prêtre, celui qui a voulu détourner le prêtre de l'autel ? "
" En conséquence, puisque Victor, au mépris de la défense renouvelée dernièrement dans un concile, n'a pas craint de nommer tuteur le prêtre Geminius Faustinus, il n'y a pas lieu de faire d'oblation pour son âme, et son nom ne sera prononcé dans aucune prière de l'Eglise. Nous entendons par-là nous conformer au vénérable et saint décret que nos devanciers ont jugé nécessaire. "
39. ORIGENE ; les passages qui ont trait à ce paragraphe ont déjà été rapporté plus haut, témoignage 8 et suiv., page 408.
40. S. DENIS l'Aréopagite, Lib. de eccles. hierarchiâ, c. 7 : " Le divin hiérarque rassemble le chœur sacré. Si le défunt appartenait au rang des clercs, on le place devant l'autel, et le pontife commence la prière qu'il adresse à Dieu, avec l'action de grâces. Si le défunt était de l'ordre des moines, ou du peuple saint, on le place dans l'oratoire et devant l'entrée du chœur et le pontife fait également la prière et l'action de grâces. Puis les diacres récitent les promesses véridiques contenues dans les divines Ecritures touchant notre résurrection, et chantent pieusement des hymnes empruntés aux psaumes touchant le même dogme et dans le même sens. Ensuite le premier des diacres renvoie les catéchumènes, proclame les noms de ceux qui dorment déjà dans la mort, met sur le même rang, en le nommant par son nom, celui qui vient de mourir, et invite les fidèles à demander pour leur frère défunt un doux repos en Jésus-Christ. Cependant le divin hiérarque s'avance, prononce sur le cadavre une pieuse prière ; après quoi il le salue, et tous
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les assistants font le même salut avec lui. Cette cérémonie achevée, le pontife répand de l'huile sur le défunt, prie saintement pour toute l'assemblée et dépose le corps en un lieu honorable, à côté des corps de ceux qui occupaient durant leur vie le même rang hiérarchique. "
Saint Denis, expliquant ensuite la prière que fait l'évêque (ou le hiérarque, comme il l'appelle), ajoute : " Par cette prière, on sollicite à la clémence divine de pardonner au défunt toutes les fautes qu'il a commises par une suite de la fragilité humaine, et de le recevoir dans la lumineuse région des vivants, dans le sein d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, là ou il n'y a plus ni douleur, ni tristesse, ni gémissement. . . . . "
" Vous allez dire peut-être que ce sont là des choses justes, mais que néanmoins elles n'expliquent pas pourquoi le hiérarque s'adresse à la clémence divine, et demande que le défunt obtienne la rémission de ses fautes et une glorieuse place parmi les élus dans l'héritage céleste. Car, si tous reçoivent de la justice d'en-haut la récompense de ce qu'ils ont fait ici-bas de bien ou de mal, celui donc qui est mort ayant achevé sa course et ses œuvres personnelles, quel autre partage la prière pontificale peut-elle lui valoir que celui qu'il a conquis lui-même et qui est le paiement de sa vie terrestre ? "
" Je sais très-bien et les saintes lettres nous l'apprennent, qu'il sera donné à chacun selon son mérite. Car le Seigneur, y est-il dit (II Cor., V, 10), tient un compte exact, et chacun recevra ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu'il aura faites tandis qu'il aura été revêtu de son corps. Ensuite, que les prières des justes ne soient d'aucune efficacité pour les vivants ni à plus forte raison (La traduction latine porte nedùm post mortem. Canisius prouve ici par l'autorité de saint Jean-Damascène (serm. de defunctis), que ce mot nedùm a dans cet endroit le même sens que quantò mugis) pour les morts, à moins qu'on ne soit digne de cette sainte intercession, c'est ce qui nous est transmis et enseigné par les Ecritures. Car quel avantage revint-il à Saül de la prière de Samuel ?. . . J'affirme donc, conformément à la parole sacrée, que les prières des justes nous sont très-utiles dans cette vie, mais à une condition : c'est que celui qui est désireux des dons divins, et pieusement disposé à les recevoir, reconnaisse intimement sa propre indignité, qu'il s'adresse à quelques pieux personnages, qu'il les conjure de lui venir en aide et de prier avec lui : alors il retirera de ce concours un immense avantage. . . . .
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Si donc quelqu'un viole cet ordre saintement établi, et que, plein d'une déplorable présomption, il s'estime suffisamment préparé au commerce divin et dédaigne le secours des justes, s'il adresse à Dieu des demandes déplacées et profanes, sans désir bien arrêté des choses divines, assurément et par sa faute, son imprudente prière sera rejetée. "
" Quant à l'explication de ces prières que le hiérarque prononce sur le défunt, je crois nécessaire de la donner, d'après les enseignements que nous ont transmis nos maîtres inspirés. "
" Le pontife sacré. . . sait par les livres inspirés qu'une vie glorieuse et divine est réservée ; d'après une équitable appréciation et en raison du mérite de chacun, à tous ceux qui auront vécu saintement, et que la charitable indulgence de Dieu daigne fermer les yeux sur les taches qu'ils ont contractées par un effet de la faiblesse humaine : car nul n'est exempt de souillure, comme il est encore écrit (JOB, XIV, 4, d'après les Septante). Le hiérarque a lu ces promesses dans nos infaillibles oracles : il demande donc qu'elles s'accomplissent, et que les saintes récompenses soient accordées à ceux qui ont vécu dans la piété. . . . Car, interprète qu'il est de l'équité divine, il ne demanderait pas des choses que Dieu ne tiendrait point pour agréables, et qu'il n'aurait pas promis de donner. Aussi ne faut-il pas de semblables prêtres pour ceux qui meurent dans le péché. . . . . A son tour, le peuple fidèle doit obéir aux pontifes dans l'exercice de leurs fonctions, comme à des hommes inspirés, car il est dit (LUC, X, 46) : Qui vous méprise me méprise (Les Œuvres de saint Denis Aréopagite, trad. de M. l'abbé Darboy ; id. trad. du frère Jean de S. François, Paris, 1629, p. 119-120, 122-126). "
41. S. CLEMENT, pape, ou l'auteur de la lettre à saint Jacques frère du Seigneur : " Saint Pierre enseignait qu'il fallait régler à toute heure les actions de sa vie. . . , ensevelir les morts, faire avec soin leurs funérailles, prier et faire des aumônes pour eux, etc. "
42. Le même, ou l'auteur des Constitutions apostoliques, liv. VI, c. 29 : " Sans avoir recours à aucune des observances (qui se pratiquaient chez les juifs ou chez les gentils), réunissez-vous dans les cimetières pour faire de saintes lectures et chanter des psaumes, en mémoire des martyrs et des autres saints qui ont quitté le siècle et pour vos frères qui sont morts dans le Seigneur ; et offrez dans vos églises et dans vos cimetières
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l'Eucharistie si agréable à Dieu, ou l'antitype (c'est-à-dire le sacrement) du corps de Jésus-Christ ; et lorsque des fidèles sont morts, accompagnez-les avec le chant des psaumes à leur dernière demeure : car la mort des saints de Dieu est précieuse à ses yeux (Ps. CXV, 5). L'Ecriture dit encore ailleurs : (Ecclé., XLV, 4) : La mémoire du juste est en bénédiction ; et (Sag., III, 4) : Les âmes des justes sont dans la maison de Dieu. Car ceux qui ont eu foi en Dieu ne sont pas morts, quoique leurs corps soient dans le sépulcre ; c'est ce que le Seigneur disait aux Sadducéens : N'avez-vous pas lu au sujet de la résurrection des morts qu'il est écrit, je suis le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob? Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants; car tous sont vivants par rapport à lui. Donc, puisqu'ils sont vivants devant Dieu, leurs restes mêmes sont dignes d'honneur ; et ce qui le prouve, c'est que le cadavre du prophète Elisée ressuscita un homme tué par des brigands de Syrie, par cela seul que son corps avait touché le sien : ce qui ne serait jamais arrivé, si le corps d'Elisée n'avait pas été un corps saint. "
43. S. CHRYSOSTOME, in Epist. ad Philipp. hom. III (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. XI, p. 217, édit des Bénéd. ; pag. 249-251, édit. de Gaume) : " Pleurons sur les pécheurs, non-seulement s'ils sont morts, mais encore s'ils sont vivants. Réjouissons- nous au sujet des justes, non-seulement s'ils sont vivants, mais encore s'ils sont passés à une autre vie. . . Poussez des gémissements au sujet de ceux qui meurent au sein de l'opulence, et qui n'ont pas songé à se servir de leurs richesses pour procurer du soulagement à leurs âmes ; qui avaient l'occasion de se purifier de leurs péchés, et qui n'ont pas voulu en profiter. . . . . Pleurons sur eux, non pas un jour ou deux seulement, mais toute notre vie. De telles larmes ne seront pas le produit d'un sentiment aveugle, mais l’effet d'un amour sincère. . . . . Pleurons leur sort, aidons-les selon nos forces, cherchons pour leur venir en aide quelque moyen, qui, si faible qu'il soit, puisse les aider cependant. Comment cela, direz-vous ? En priant pour eux, et en exhortant les autres à faire de même, en versant pour eux d'abondantes aumônes dans le sein des pauvres. On éprouve de la consolation à faire ces sortes d'œuvres. Car entendez Dieu qui vous dit : Je protégerai cette ville à cause de moi, et à cause de David mon serviteur (II Rois, XX, 6). Si le simple souvenir d'un juste a tant de
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puissance, quel effet n'auront pas des œuvres accomplies pour les morts ? Ce n'est pas vainement qu'il a été prescrit par les apôtres de faire mémoire des morts dans les saints mystères : ils savaient qu'il en revenait pour eux beaucoup de profit et d'utilité. Car lorsque tout un peuple étend des mains suppliantes, que tout le clergé est en prières et que la victime sainte est sur l'autel, comment ne toucherions-nous pas le cœur de Dieu en le priant pour les morts ? Cela toutefois ne doit s'entendre que de ceux qui sont morts dans la foi ; quant aux catéchumènes, ils ne peuvent avoir part à cette consolation, mais ils sont privés de tous ces moyens de secours, un seul excepté. Quel est ce moyen qui peut leur servir ? C'est de donner aux pauvres en vue de les soulager ; il en résulte alors pour ces âmes un certain rafraîchissement : car la volonté de Dieu est que nous nous aidions les uns les autres. "
44. Le même, Hom. XLI in I ad Cor. ; voir plus haut, article de l'eucharistie, question VII, témoignage 105, page 411 et suiv., tome II.
45. Le même, Hom. LXIX au peuple d'Antioche ; ce sont les mêmes paroles que dans le passage cité tout-à-l’heure de l'homélie II sur l’épitre aux Philippiens.
46. S. JEAN-DAMASCENE, Orat. de defunctis, passage cité à l’article de l'Eucharistie, question VII, témoignage 107, page 413, tome II.
47. S. ATHANASE, cité par saint Jean-Damascène dans le passage mentionné tout-à-l'heure.
48. S. GREGOIRE de Nysse, cité par saint Jean-Damascène (ibidem) : " Les hérauts et les disciples de Jésus-Christ n'ont rien enseigné ou prêché dans les Eglises de Dieu, qui n'eût sa raison et son utilité. Mais ce qui est surtout utile et agréable à Dieu, c'est de faire mémoire dans les saints offices de ceux qui sont morts dans la vraie foi. "
49. S. EPIPHANE, contre les hérésies, hérésie 75 ; ce passage se trouve rapporté déjà plus haut, article de l'Eucharistie, question VII, témoignage 113, page 415, tome II.
50. S. AUGUSTIN, livre des hérésies, adressé à Quodvultdeus, hérésie 53 : " On dit qu'Aërius ajouta quelques autres hérésies qui lui sont propres, comme celle d'enseigner qu'il ne fallait pas prier ni offrir le sacrifice pour les morts, ni observer les jeûnes prescrits à leur intention. "
51. S. JEAN-DAMASCENE, livre des hérésies, et en parlant d'Aërius :
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" Quand il vit qu'on lui refusait l'épiscopat, il résolut de prêcher un tas d'opinions contraires à l'enseignement de l'Eglise, et il ne le céda en rien aux plus forcenés ariens. Il ajouta aux erreurs de ces derniers quelques autres qui lui sont propres, comme de combattre l'usage d'offrir le sacrifice pour les morts. "
52. Le concile de Trente, sessions VI et XXV, passages rapportés plus haut, témoignages 21 et 22, page 116.
53. Le concile de Florence ; passage rapporté de même plus haut, témoignage 20, page 116.
54. S. AUGUSTIN, in Psalmum XXXVII, passage rapporté plus haut, témoignage 4, page 103.
55. Le même, livre II sur la Genèse, contra Manichæos, c. 20 : " Celui qui aura cultivé son champ avec soin, et aura ainsi gagné son pain à force de travail, pourra bien être sujet au même travail jusqu'à la fin de sa vie ; mais, cette vie finie, il n'aura plus rien à souffrir. Celui au contraire qui n'aura pas cultivé son champ, et l'aura laissé se remplir d'épines verra pendant sa vie sa terre maudite dans tout ce qu'il fera, et de plus, une fois sorti de ce monde, il lui faudra subir ou le feu du purgatoire, ou les peines éternelles de l'enfer. C'est ainsi que personne n’échappe à cette sentence portée contre Adam : La terre sera maudite, etc. (Gen., III, 47). Toutefois, faisons en sorte de n'éprouver les effets de cette malédiction pas ailleurs que dans cette vie. "
56. S. GREGOIRE, sur le troisième psaume de la pénitence, et sur le premier verset, Domine, ne in furore tuo arguas me, neque in ira tuâ corripias me : " C'est comme si le Psalmiste disait : Je sais qu'après cette vie les uns expieront leurs péchés dans les flammes du purgatoire, les autres subiront la damnation éternelle. Mais convaincu que le feu même du purgatoire est plus intolérable que toutes les tribulations de la vie présente, je ne désire pas seulement de n'avoir pas à essuyer votre fureur en subissant la damnation éternelle, mais je crains encore d'être repris par votre colère en ayant à endurer ces autres flammes dont le supplice aura un terme. "
57. Le même, Lib. IV Dialogorum, c. 59 ; voir ce passage cité plus haut, même question, témoignage 12, page 111.
58. S. BERNARD, Serm. LVI sur le Cantique des cantiques : " Gardez-vous de ces détracteurs, de ces chiens à la dent acérée. Ils nous tournent en ridicule parce que nous baptisons les enfants, que nous prions pour les morts, que nous implorons les suffrages
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des saints. Ils se hâtent de proscrire Jésus-Christ dans tout âge de la vie comme dans tout sexe, dans les adultes comme dans les enfants, dans les vivants comme dans les morts. . . Ils privent les morts de l'assistance des vivants, et les vivants des suffrages de ceux des morts qui nous ont précédés dans la céleste patrie. . . Ils refusent de croire qu'il y a un feu purifiant après la mort ; mais ils veulent que l'âme séparée du corps passe sur-le-champ ou à 1'état de parfait repos, ou à l'état de damnation. Qu'ils demandent donc à celui qui a déclaré qu'il y a des péchés qui ne seront remis ni dans ce monde ni dans l'autre, pourquoi il a tenu ce langage, s'il n'y en a aucun qui puisse être remis dans l'autre monde (Voyez aussi sur ce sujet la lettre de Pierre le Vénérable contre les pétrobruisiens). "
59. S. AUGUSTIN, Enchirid., c. 110 : " On ne peut nier que les âmes des fidèles défunts soient soulagées par la piété de leurs parents ou de leurs amis survivants, quand on offre pour elles le sacrifice du divin Médiateur, etc. " Voir plus haut le reste de ce passage, témoignage 2, page 104.
60. Le même, Lib. de curâ pro mortuis gerendâ, ad Paulinum episcopum, c. 4 : " Vous dites que vous ne sauriez croire dépensés en pure perte les soins que se donnent les pieux fidèles pour obtenir le soulagemen1 des âmes de leurs proches. . . " Voir plus haut le reste de ce passage, même question, témoignage 29, page 118.
61. Ibidem, c. 4 : " C'est un témoignage touchant de l'affection que l'on conserve pour les morts, que de ménager leur sépulture auprès des tombeaux des saints : car si ce n'est pas vainement qu'on prend soin de les ensevelir, on ne peut pas regarder non plus comme vain le choix du lieu où on les ensevelira. Mais lorsque les vivants cherchent à consoler leur douleur par ces témoignages qu'ils donnent de leurs regrets, je ne vois pas en quoi cela peut servir au soulagement de leurs amis défunts, si ce n'est en ce que le souvenir du lieu où reposent les corps de ceux qu'ils pleurent, les engage à recommander leurs âmes à l'intercession des saints, sous la protection spéciale desquels ils les ont ainsi placés : chose toutefois qu'ils pourraient faire également quand bien même ils ne pourraient pas procurer aux corps de leurs proches un tel lieu de sépulture. " Puis, expliquant pourquoi les tombeaux sont appelés monuments (sans doute, dit-il, parce qu'ils nous servent de moniteurs), il ajoute : " Toutes les fois donc qu'un pieux fidèle
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se rappelle le lieu où est déposé le corps de celui dont la mémoire lui est chère et que le nom de l'illustre martyr auprès duquel ce corps est déposé lui revient à la pensée, il se sent aussitôt porté à recommander à ce martyr cette âme pour laquelle il s’intéresse si particulièrement. Et il n'est pas douteux que cette attention des fidèles pour les âmes de leurs amis ou de leurs proches, ne profite à ceux qui s'en sont rendus dignes pendant leur vie. Mais quand même on se trouverait empêché, soit de donner à certains morts aucune sépulture, soit de les ensevelir dans de semblables conditions, on n'en devrait pas moins faire pour eux des prières, ne fût-ce que sous une dénomination générale et sans exprimer leurs noms, comme l’Eglise a coutume de le pratiquer en recommandant à Dieu en général tous ceux qui sont morts dans la foi chrétienne et catholique, afin que ceux qui n'ont laissé sur la terre ni parents ni amis pour leur rendre ccs derniers devoirs, ne soient pas abandonnés du moins par cette mère commune de tous les fidèles Mais si ces prières elles-mêmes faisaient défaut, je ne vois pas à quoi il servirait aux morts d'être inhumés dans des lieux saints. "
62. Ibidem, c. 18 : " Ces principes étant
établis, nous devons croire qu'il ne revient aux morts de tout ce
que nous faisons pour eux, que le fruit des sacrifices, des prière
et des aumônes que nous offrons pour leur soulagement : encore tout
cela ne leur sert-il pas à tous, mais à ceux-là seulement
qui, pendant la vie, se sont mis en état de se le rendre utile.
Mais comme nous ne pouvons pas faire nous-mêmes ce discernement,
nous devons faire ces bonnes œuvres ou ces prières indistinctement
pour tous ceux qui ont été baptisé, afin de n'omettre
aucun de ceux à qui elles peuvent et doivent être applicables.
Car il vaut mieux faire quelque chose de trop pour des âmes à
qui cela ne pourra ni nuire ni être utile, que de l'omettre pour
d'autres à qui cela servirait. Toutefois, c'est une obligation qui
regarde plus spécialement les proches parents des défunts,
pour qu'à leur tour ils puissent réclamer le même office
de leurs propres héritiers. "
Question VIII
Quelle est l’excellence et quels sont les avantages de la pénitence ?
C'est la pénitence qui a marqué le début de la prédication évangélique ; elle fait encore tous les jours la joie des anges dans le
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ciel ; elle est cette voie étroite de la vie présente, cette porte basse par laquelle les fidèles cherchent à entrer dans la vie bienheureuse, et à ravir avec violence le royaume des cieux. C'est elle qui relève les pécheurs de leurs chutes, les guérit de leurs blessures, les fortifie dans leur faiblesse, les rappelle de la mort à la vie, et répare en eux toutes leurs pertes ; enfin, quelques maux que le péché puisse faire à l'âme, la pénitence en fournit le remède. Par elle nous témoignons la haine que nous avons de nos péchés commis, le mépris de nous-mêmes, notre soumission aux lois divines ; affligés, elle nous console ; blessés, elle cicatrise nos plaies ; humiliés, elle nous fait reconquérir la gloire.
C'est par elle que nous triomphons des démons et de tous nos vices ; par elle, que nous détournons de dessus nous les châtiments que nous avons mérités ; par elle, que nous apaisons la colère de Dieu, que nous nous attirons sa grâce, que nous nous procurons une gloire éternelle.
De là ces paroles que Jésus-Christ nous
adresse dans son Evangile : Faites pénitence, car le royaume
des cieux est proche ; Je ne suis pas venu appeler les justes, mais
les pécheurs à la pénitence ; Si vous ne faites pénitence,
vous périrez tous. Mais ceux-là seulement font une vraie
pénitence qui, pour conclure cette réponse par une pensée
de saint Cyprien, fidèles au précepte divin et dociles au
ministre de Dieu, fléchissent le Seigneur par leur soumission et
par la justice de leurs œuvres.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. MATTHIEU, III, 1-8 : " Or, en ce temps-là, Jean-Baptiste vint prêcher au désert de Judée, - en disant : Faites pénitence
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car le royaume des cieux est proche. - C'est de lui que le prophète Isaïe a parlé lorsqu'il a dit : Voix de celui qui crie dans le désert : préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers. - Or, Jean avait un vêtement de poil de chameau, et une ceinture de cuir autour de ses reins, et sa nourriture était de sauterelles et de miel sauvage. - Alors il attira à lui toute la ville de Jérusalem et toute la Judée et tout le peuple des environs du Jourdain. - Et lui confessant leurs péchés, ils étaient baptisés par lui dans les eaux du Jourdain. - Mais voyant plusieurs des pharisiens et des sadducéens qui venaient à son baptême, il leur dit : Race de vipères qui vous a averti de fuir la colère à venir ? Faites donc de dignes fruits de pénitence. "
2. Idem, IV, 17 : " Depuis lors, Jésus commença à prêcher et à dire : Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche. "
3. MARC, I, 4, 14-15 : " Jean était dans le désert baptisant et prêchant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés. - Jésus vint dans la Galilée, prêchant l'Evangile du royaume de Dieu, - et disant : Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Faites pénitence et croyez à l’Evangile. "
4. LUC, XV, 7-10 : " Je vous dis de même, dit le Sauveur aux pharisiens et aux scribes, qu'il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence, que pour quatre vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de pénitence. - Ou, quelle est la femme qui ayant dix drachmes, si elle en perd une, n'allume sa lampe, et balayant sa maison, ne la cherche avec grand soin, jusqu'à ce qu'elle la trouve ? - Et après l'avoir trouvée, elle appelle ses amies et ses voisines, et leur dit : Réjouissez-vous avec moi, parce que j'ai retrouvé la drachme que j'avais perdue. - Je vous le dis de même, il y aura une grande joie parmi les anges de Dieu pour un seul pécheur qui fera pénitence. "
5. MATTHIEU, VII, 13-14 : " Entrez par la porte étroite ; car la porte de la perdition est large, et la voie qui y mène est spacieuse, et grand est le nombre de ceux qui s'y engagent. - Que la porte de la vie est petite ! Que la voie qui y mène est étroite, et qu'il y en a peu qui la trouvent ! "
6. Idem, XI, 12 : " Or, depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu'à présent, le royaume du ciel s'obtient par violence, et les violents seuls le ravissent. "
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7. Idem, V, 5 : " Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés. "
8. JEREMIE, XVIII, 6-9 : " Comme l'argile est dans la main du potier, dit le Seigneur, ainsi vous êtes dans ma main, maison d'Israël. - Quand j'aurai prononcé contre un royaume ou une nation l'arrêt de sa destruction et de sa ruine ; - si cette nation fait pénitence des désordres pour lesquels je l'aurai menacée, je me repentirai aussi moi-même du mal que j'aurai résolu de lui faire, - et en même temps je prononcerai un autre arrêt sur cette nation ou sur ce royaume, pour qu'il se relève et s'affermisse. "
9. EZECHIEL, XVIII, 21-23 : " Si l'impie fait pénitence de tous les péchés qu'il a commis, s'il garde tous mes préceptes et agit selon l'équité et la justice, il vivra certainement ; non, il ne mourra point. - Je ne me souviendrai plus de toutes les iniquités qu'il aura commises ; il vivra en récompense des œuvres de justice qu'il aura accomplies. - Est-ce que je veux la mort de l'impie, dit le Seigneur Dieu ? Ne veux-je pas plutôt qu'il se convertisse, qu'il se retire de sa mauvaise voie et qu'il vive. "
10. Idem, 26-28 : " Lorsque le juste se sera détourné de sa justice, qu'il aura commis l'iniquité et qu'il sera mort en cet état, il mourra en punition des œuvres d'iniquités qu'il aura commises. - Et lorsque l'impie se sera détourné de l'impiété où il avait vécu et qu'il agira selon l'équité et la justice, il rendra ainsi la vie à son âme. - Comme il a considéré son état, et qu'il s'est détourné de toutes les œuvres d'iniquité qu'il avait commises, il vivra certainement et, ne mourra point. "
11. Idem, 30-32 : " Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités et votre iniquité ne vous attirera plus votre ruine. - Ecartez loin de vous toutes les prévarications dont vous vous êtes rendus coupables, et faites-vous un esprit nouveau et un cœur nouveau. Eh ! pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël ? - Je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu. Revenez donc à moi, et vivez. "
12. Idem, XXXIII, 10-16 : " Vous donc, fils de l'homme, dites à la maison d'Israël : Voici la manière dont vous avez coutume de parler : Nos iniquités, dites-vous, et nos péchés sont sur nous ; nous languissons et nous nous consumons dans nos crimes : comment donc pourrions-nous vivre ? - Dites-leur donc ces paroles : Je jure par moi-même, dit le Seigneur, que je ne veux point la mort de l'impie, mais qu'il se convertisse,
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qu'il quitte sa voie et qu'il vive. Convertissez-vous, quittez vos voies toutes corrompues ; pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? - Vous donc, fils de l'homme, dites aux enfants de mon peuple : En quelque jour que le juste pèche, sa justice ne le délivrera point : et en quelque jour que l'impie se convertisse, son impiété ne lui nuira point : et en quelque jour que le juste vienne à pécher, il ne pourra point vivre, quelle qu'ait été sa justice. - Si, après que j'aurai dit au juste qu'il vivra, il met sa confiance dans sa propre justice et commet l'iniquité, toutes ses œuvres de justice seront mises en oubli, et il mourra en punition de l'iniquité qu'il aura commise. - Si, après que j'aurai dit à l'impie : Vous mourrez très-certainement, il fait pénitence de son péché, et agit selon la droiture et la justice ; - si cet impie rend le gage qu'on lui avait confié, s'il restitue le bien qu'il avait ravi, s'il marche dans la voie des commandements qui donnent la vie, et qu'il ne fasse rien d'injuste, il vivra très-certainement ; non, il ne mourra point. - Tous les péchés qu'il aura commis ne lui seront point imputés ; il aura fait ce qui est droit et juste, et ainsi il vivra très-certainement. "
13. JONAS ; voir à la question VII de ce chapitre, p. 74, n° 31.
14. MATTHIEU, III, 7-8 : " Race de vipères qui vous a avertis de fuir la colère à venir ? - Faites donc de dignes fruits de pénitence. "
15. II Corinthiens, VII, 10 : " Car la tristesse qui est selon Dieu, produit pour le salut une pénitence qui ne laisse point de regrets ; au lieu que la tristesse de ce monde produit la mort. "
16. Actes, XI, 18 : " Ils ont glorifié Dieu en disant : Dieu donc a fait part aussi aux gentils du don de la pénitence qui mène à la vie. "
17. MATTHIEU, IV, et Luc, V; comme dans le corps de la réponse, page 130.
18. LUC, XIII, 1-9 : " En ce temps-là même, quelques personnes se trouvèrent là qui lui parlèrent des Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang avec leurs sacrifices. - Sur quoi Jésus prenant la parole, leur dit : Pensez-vous que ces Galiléens fussent les plus grands pécheurs de toute la Galilée parce qu'ils ont été traités de la sorte ? - Non, je vous l'assure ; mais si vous ne faites pénitence vous périrez tous aussi bien qu'eux. - Croyez-vous aussi que ces dix-huit hommes sur lesquels la tour de Siloé est tombée, et qu'elle a tués fussent plus coupables que tous lus habitants de Jérusalem ? - Non, je vous l'assure,
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mais si vous ne faites pénitence vous périrez
tous aussi bien qu'eux. - Et il leur dit cette parabole : Un homme avait
un figuier planté dans sa vigne ; et venant pour, chercher du fruit,
il n'y en trouva point. - Alors il dit à son vigneron : Il y a déjà
trois ans que je viens chercher du fruit ce figuier sans y en trouver ;
coupez-le donc, car pourquoi occupe-t-il inutilement la terre? - Le vigneron
lui répondit : Seigneur, laissez-le encore cette année afin
que je laboure au pied, et que j'y mette du fumier. - Peut-être portera-t-il
du fruit ; sinon, vous le ferez couper. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, ou l’auteur quel qu'il soit du livre De verâ et falsâ pænitentiâ, c. 1 : " Toutes les autorités les plus respectables, tous les exemples les plus édifiants conspirent pour nous convaincre du mérite de la pénitence. Elle guérit les langueurs, elle purifie les lépreux, elle ressuscite les morts, elle met les vices en fuite, elle perfectionne les vertus, elle protège et affermit l'âme, elle supplée à tout, elle renouvelle tout, elle porte partout la joie, la santé et le contentement. Elle rend aux perclus l'usage de leurs membres, aux aveugles celui de la vue. Elle réprime la joie immodéré corrige les excès et tempère le zèle. Celui qui ne se connaît pas lui-même, apprend par elle à se connaître, celui qui se cherche lui-même, apprend par elle à se trouver. C'est la pénitence qui rapproche l'homme de la nature angélique, et qui rend la créature à son créateur. C'est elle qui a rendu au bon pasteur sa brebis perdue, qui a fait retrouver à la femme désolée la drachme qu'elle cherchait. C'est elle qui a ramené l'enfant prodigue à son père, qui a remis l'homme blessé par les voleurs entre les mains de l'hôtelier chargé de soigner ses plaies. Par elle on obtient et on conserve tous les biens; elle dissipe les ténèbres, ramène la lumière et est comme le feu qui rend à un précieux métal sa pureté et son éclat. "
2. S. BASILE a composé une homélie entière sur la pénitence ; c'est la dernière de ses homélies sur divers sujets. Consulter ses Œuvres complètes.
3. S. CHRYSOSTOME a écrit dix belles homélies sur la pénitence, qu'on trouvera au tome V de ses Œuvres (ou dans les tomes I et II de l'édition des Bénédictins) ; elles sont suivies d'un sermon sur la pénitence, ou se trouve ce passage : " O pénitence, qui par l'effet de la miséricorde divine remets les péchés et
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rouvres le ciel ; qui guéris l'homme brisé par la douleur de ses fautes, et lui rends la joie qu'il avait perdue ; qui rappelles les morts à la vie, et rétablis dans sa condition primitive l'homme déchu par le péché, qui nous fais rentrer dans le chemin de la gloire, et éloigner de nous le désespoir qui répare nos forces, et nous donnes droit à une plus grande abondance de grâces : ô pénitence que n'aurais-je pas encore à dire ta louange ? Tu brises tous les liens, tu fais tomber toutes les chaînes et tu calmes toutes les tempêtes ; tu ramènes dans les âmes l'espérance, l'ordre, la paix et la sérénité. O pénitence, plus éclatante que l'or, plus brillante que le soleil, tu triomphes du péché, tu surmontes la lâcheté, tu résistes au désespoir. La pénitence combat la cupidité, crucifie la mollesse, abat la colère, affermit la concorde, foule aux pieds l'orgueil, met un frein à la langue, règle les mœurs déteste la malice, exclut l'envie. La pénitence, quand elle est parfaite, met le pécheur dans la disposition de se soumettre volontiers à tout, de céder à la violence, de souffrir l'injustice, de présenter la joue gauche à celui qui le frappe à la joue droite. L'oblige-t-on à faire mille pas, il en fait encore mille autres ; le maltraite-t-on, il en rend grâces ; l'injurie-t-on, il se tait ; lui parle-t-on avec aigreur, il répond par des caresses ; à genoux devant son supérieur, il s'abaisse encore devant son inférieur même : la contrition est dans son cœur, la confession dans sa bouche, l'humilité dans toutes ses œuvres. Telle est la vraie pénitence, la pénitence vraiment profitable. Ce sont de tels pénitents que Dieu exauce : affamés, il les nourrit ; altérés, il les désaltère. Ce qui passe pour folie est sagesse à leurs yeux ; ce qui effraie la nature est ce qui a des attraits pour eux ; ce qui la flatte au contraire est ce qu'ils ne peuvent supporter ; ce qui sent la volupté est ce qui leur inspire de la répugnance. O pénitence, mère de la miséricorde et maîtresse des vertus, qui dira la grandeur de tes œuvres ? Tu absous les coupables, tu redresses les pécheurs, tu les relèves de leurs chutes, tu les sauves du désespoir. C'est toi que Jésus-Christ nous montre comme l'avant-courrière du royaume des cieux : Faites pénitence, nous dit-il, car le royaume des cieux est proche. Jean-Baptiste ne tient pas à son sujet un autre langage : Faites de dignes fruits de pénitence parce que le royaume des cieux est près d'arriver. Par toi Jésus-Christ a gagné le bon larron pour l'emmener au ciel avec lui ; par toi David, après son péché, a eu le bonheur de recevoir de nouveau l'Esprit-Saint ; par toi Manassé a fait oublier tous ses crimes ;
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par toi le pardon a été accordé à l'apôtre saint Pierre, après qu'il se fut rendu coupable d'un triple reniement ; par toi l'enfant prodigue a été ramené à son père et a mérité d'obtenir non-seulement ses caresses et ses baisers, mais encore les honneurs d'un festin où il s'est vu servir le veau gras, après qu'on l'a eu revêtu de sa première robe ; par toi la femme pécheresse en est venue répandre un torrent de larmes, dont elle a arrosé les pieds de son divin Maître, qu'elle a essuyés ensuite de ses cheveux; par toi la grande ville de Ninive et tout son peuple s'est tout d'un coup tourné vers Dieu, a senti ta vertu, a aspiré ton parfum, a goûté ta douceur, a revêtu ton cilice, s'est nourri de ta cendre, a prolongé tes jeûnes, a laissé couler tes larmes, a connu tes soupirs et tes gémissements, a recueilli enfin l'abondante moisson de tes fruits, et, grâce à tes œuvres non-seulement a échappé à sa ruine qui déjà était décrétée, mais encore a reçu la couronne réservée à la vertu. A quoi comparerai-je la pénitence ? Elle est comme un champ fertile, comme une vigne féconde, comme un arbre chargé de fruits : le pécheur affamé, vient apaiser sa faim, ranimer sa confiance en Dieu, et prendre tous les jours des forces nouvelles. "
4. S. CYPRIEN, Epist. XIV (al. 13) ad Clerum : " Qui fait pénitence ? Celui qui, fidèle au précepte divin, doux, patient, docile aux prêtres de Dieu, fléchit le Seigneur par sa soumission et la justice de ses œuvres. "
ARTICLE V. - DU SACREMENT DE L’EXTREME-ONCTION.
Question I
Que devons-nous croire au sujet du sacrement de l’extrême-onction ?
Nous devons croire, conformément à l’enseignement constant de l'Eglise, que l’extrême-onction est un signe sacré qui a pour matière l'huile sainte à laquelle, d'après l'institution divine, est attachée une vertu céleste pour procurer aux malades le salut, tant de l’âme que du corps.
L'apôtre saint Jacques rend un témoignage bien remarquable à la vérité de ce sacrement, par ces paroles de l'épître qu’il nous a laissée : Quelqu'un parmi vous est-il malade ; qu'il appelle les prêtres de l'Eglise, et que ceux-ci prononcent sur lui des prières en
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lui faisant des onctions avec de l'huile au nom du
Seigneur ; et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur
lui donnera du soulagement, et s'il a des péchés ils lui
seront remis.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. S. JACQUES, Epist. canonicâ, c. 5, v.
14-15, comme dans le corps de la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. Le concile de Constance, session XV, a condamné l’article VIII de Jean Huss ainsi conçu : " Les prêtres qui vivent mal pensent contrairement à la foi au sujet des sept sacrements de l’Eglise. "
2. Le concile de Florence, in Doctrina de Sacramentis : " Le cinquième sacrement est l'extrême-onction, dont la matière est l'huile d'olive bénie par l'évêque. Ce sacrement ne doit se donner qu'aux malades en danger de mort, et on doit leur faire les onctions aux parties du corps que nous allons dire : aux yeux à cause de la vue, aux oreilles à cause de l'ouïe, aux narines à cause de l'odorat, à la bouche comme à l'organe du goût et de la parole, aux mains comme à l'organe du toucher, aux pieds à cause des démarches dont ils ont été l'instrument, aux reins à cause des voluptés qui y ont leur siège. La forme de ce sacrement consiste dans ces paroles : " Que par cette sainte onction et sa tendre miséricorde le Seigneur vous pardonne tous les péchés que vous avez commis par la vue, etc. " Et ainsi sur tous les autres organes. Le ministre de ce sacrement, c'est le prêtre. L'effet qu'il produit, c'est la guérison de l'âme, et aussi celle du corps lui-même, autant que cela peut être à propos. L'apôtre saint Jacques s'exprime au sujet de ce sacrement en ces termes : Quelqu'un parmi vous est-il malade, etc. "
3. Le concile de Trente, session XIV, Doctrine au sujet du sacrement de l’extrême-onction : " Le saint concile a jugé à propos d'ajouter à ce qui vient d'être exposé de la pénitence ce qui suit
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touchant le sacrement de l'extrême-onction que les saints Pères ont considéré comme la consommation, non-seulement de la pénitence, mais de toute la vie chrétienne qui doit, être une pénitence continuelle. Premièrement donc, à l’égard de l'institution de ce sacrement, le saint concile déclare et enseigne que notre divin Rédempteur, qui dans sa clémence infinie, a voulu pourvoir ses serviteurs de moyens de défense pour tous les temps contre tous les traits des divers ennemis de leur salut, en même temps qu'il nous a préparés dans les autres sacrements de puissants secours pour nous garantir pendant la vie de tout ce qui pourrait apporter un dommage notable notre bien spirituel, nous présente dans l'extrême-onction une ressource infaillible pour assurer un heureux terme à notre carrière. Car, bien qu'il soit vrai que l'ennemi de notre salut épie à tous les instants de notre vie toutes les occasions qui peuvent s'offrir à lui de dévorer nos âmes, il n'y a pas de circonstances où il fasse plus d'efforts et emploie plus de stratagèmes pour nous perdre entièrement en nous ôtant, s'il le pouvait, la confiance en la divine miséricorde, que lorsqu'il nous voit menacé d'une mort prochaine. "
Ibidem, chapitre 1 : " Or, cette sainte onction des malades a été instituée par Notre-Seigneur Jésus-Christ comme un sacrement véritable et proprement dit de la nouvelle alliance : insinué dans l'Evangile de saint Marc, elle se trouve surtout recommandée aux fidèles et promulguée en quelque sorte par l'apôtre saint Jacques, frère de Notre-Seigneur. Quelqu'un parmi vous, écrivait cet épître, se trouve-t-il malade ; qu'il fasse venir les prêtres de l'Eglise, qui prononceront sur lui des prières et l'oindront d'huile au nom du Seigneur ; et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur lui donnera du soulagement, et s'il a des péchés ils lui seront remis. Par ces paroles, comme l’Eglise l'a appris de la tradition apostolique, transmise comme de main en main jusqu’à nous, l’Apôtre nous enseigne quels sont à la fois la matière, la forme, le ministre et l'effet de ce sacrement salutaire. Car, quant à la matière, l’Eglise a compris que ce devait être l'huile bénie par l'évêque : et en effet l'onction représente avec beaucoup de convenance la grâce de l'Esprit-Saint, dont l'âme du malade est fortifiée invisiblement. Elle a compris de même que la forme devait être dans des paroles semblables à celle-ci : Que par cette onction, etc. "
Ibidem, chapitre 2 : " Quant à l'effet réel de ce sacrement, il est indiqué par les paroles suivantes : Et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur lui donnera du soulagement, et s'il a
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des péchés, ils lui seront remis. Car cet effet n'est autre que la grâce du Saint-Esprit, dont l'onction purifie le malade des restes de ses péchés, et de ses péchés mêmes, s’il lui en reste à expier, et le soulage et l’affermit en même temps, en l'animant de confiance en la miséricorde de Dieu ; en sorte que, soutenu par ce moyen, il supporte plus aisément les incommodités et les peines de son mal, résiste plus facilement aux tentations du démon qui, comme l'antique serpent, cherche à le mordre au talon, et il obtient de fois à autre la santé du corps, si elle peut être avantageuse au salut de son âme. "
Ibidem, chapitre 3 : " Pour ce qui est de déterminer quels sont ceux qui doivent, soit recevoir ce sacrement, soit en être les ministres, les paroles rapportées plus haut nous le disent encore d'une manière assez intelligible. Car nous y voyons que les véritables ministres de ce sacrement ce sont les prêtres de l'Eglise, et par ce mot il faut entendre ici non les plus anciens ou les principaux du peuple, mais soit les évêques, soit les prêtres ordonnés légitimement par eux, et par l'imposition des mains sacerdotales. Ces paroles font voir en même temps, que c'est aux malades que cette onction doit être faite, et à ceux-là surtout dont l'état présente tant de danger, qu'ils semblent sur le point de mourir ; et de là vient qu'on l'appelle aussi le sacrement des mourants. Que si les malades reviennent en santé après avoir reçu cette onction, ils pourront encore recourir à ce même sacrement, quand ils viendront à retomber dans le même danger. "
" Il ne faut donc nullement écouter ceux qui, contrairement à la doctrine si claire et si précise de l'apôtre saint Jacques, enseignent que cette onction n'est qu'une invention humaine, ou un usage reçu des Peres, qui n'est fondé sur aucun précepte divin, et ne renferme aucune promesse de grâce ; ni ceux non plus qui prétendent que l'usage de cette onction n'existe plus, comme s'il devait se rapporter uniquement au don de guérir les maladies dont avait été favorisé la primitive Eglise ; ni ceux qui disent que le rit observé par l'Eglise romaine dans l'administration de ce sacrement est incompatible avec la doctrine de l'apôtre saint Jacques, et doit par conséquent être changé en un autre ; ni ceux enfin qui affirment que cette dernière onction peut être dédaignée sans péché par les fidèles : car toutes ces assertions contredisent évidemment les paroles si claires de ce grand apôtre. Et il est incontestable que l’Eglise romaine, qui est la mère et la maîtresse de toutes les autres Eglises, n'observe dans l’admi-
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nistration de ce sacrement, pour ce qui en constitue la substance, que les choses prescrites par saint Jacques : de sorte qu'on ne pourrait dédaigner d'en tenir compte sans se rendre coupable d'un péché grave, et sans faire injure à l'Esprit-Saint lui-même. "
" Voilà ce que le saint concile œcuménique fait profession de croire et d'enseigner par rapport aux sacrements de pénitence et d'extrême-onction, et ce qu'il veut qui soit également cru et professé par tous les chrétiens. Et il ordonne que les canons qui vont suivre soient inviolablement observés en même temps qu'il condamne et anathématise à jamais ceux qui soutiendraient la doctrine opposée. "
Ibidem, canon 1 : " Si quelqu'un dit que l'extrême-onction n'est pas véritablement et à proprement parler un sacrement institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ, et promulgué par l'apôtre saint Jacques, mais un simple rite reçu de nos pères et une invention purement humaine, qu'il soit anathème. "
Ibidem, canon 2 : " Si quelqu'un dit que cette sainte onction ne confère pas la grâce, ou ne remet pas les péchés, ou n'apporte aux malades aucun soulagement, mais que l'usage en est actuellement aboli, comme si ce n'eût jamais été autre chose que le don d'opérer des guérisons autrefois commun dans l’Eglise, qu'il soit anathème. "
Ibidem, canon 3 : " Si quelqu'un dit que le rite et l'usage de l'extrême-onction, tel qu'il est observé par l'Eglise romaine, est incompatible avec la doctrine de l'apôtre saint Jacques, et doit être changé par conséquent, ou qu'il peut être méprisé sans péché par les chrétiens, qu'il soit anathème. "
Ibidem, canon 4 : " Si quelqu'un dit que, par ces prêtres de l'Eglise, que l'apôtre saint Jacques exhorte à faire venir pour oindre les malades, il faut entendre non les prêtres ordonnés par l'évêque, mais les plus anciens de chaque communauté et qu'ainsi le ministre proprement dit de l'extrême-onction n'est pas le prêtre seul, qu'il soit anathème. "
4. Le pape Innocent 1, Epist. I ad Decentium Eugubinum episcopum, c. 8 : " Puisqu'il a plu à votre fraternité de me consulter sur ce point comme sur le reste, mon cher fils Célestin diacre a ajouté dans sa lettre que vous me demandiez l'explication de ce passage de l'épître de l'apôtre saint Jacques : Si quelqu'un parmi vous est malade, qu'il appelle les prêtres auprès de lui, et que ceux-ci prononcent sur lui des prières en lui faisant en même temps des onctions avec de l'huile au nom, du Seigneur, et la prière
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de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le rétablira, et s'il a des péchés ils lui seront remis. Il n'est pas douteux que ces paroles ne doivent s'entendre des fidèles malades, qui peuvent recevoir l’onction du saint chrême (Sancto oleo chrismatis. De ce que l'huile mêlée de baume pour la confirmation, etc., est appelée plus particulièrement saint chrême, quelques-uns croient pouvoir inférer que le même nom ne convient pas à l'huile des infirmes. C'est une erreur. Ce nom de chrême, à en considérer l'étymologie, ne signifie pas autre chose qu'onction, quelle que soit d'ailleurs la bénédiction qui puisse y être ajoutée), consacré par l'évêque, et auquel non-seulement les prêtres, mais aussi tous les autres chrétiens peuvent recourir pour leur propre besoin ou pour celui de leurs proches (" Tout ce qui peut faire quelque embarras là-dessus (sur la question du ministre de l'extrême-onction), ce sont ces paroles de la même décrétale (du pape Innocent 1 à l'évêque de Gobio) : Quod non est dubium de fidelibus ægrotis accipi, vet intelligibi debere, qui sancto oleo chrismatis perungi possunt, quod ab episcopo confectum, non solùm sacerdotibus, sed et omnibus uti christianis licet, in suâ aut in suorum necessitate ungendum (Au lieu de quod ab episcopo confectum. . . ungendum, Canisius lisait : quo ab episcopos confecto. . . ungendo, ce qui semble quelque peu plus correct, sans satisfaire encore absolument. La collection des conciles de Labbe porte : quo ab episcopo confecto. . . inungendo, et en marg, pour variante à ce dernier mot : ad ungendum, qui pourrait satisfaire mieux que tout le reste, si l'on ne devait pas lire plutôt inungendis, leçon, il est vrai, que je n'ai lue nulle part, mais que semble exiger tout le contexte. Il serait bon de consulter sur ces leçons les anciens manuscrits. V. Conc. LABBE, t. II, col. 1247-1248). Je dis que ces paroles peuvent faire quelque embarras, parce qu'elles semblent faire entendre qu'il était permis aux fidèles de s'oindre de celle huile faite et consacrée par l'évêque, et d'en oindre les autres dans leurs maladies. M. de Tillemont (t. X, p. 665) ne voyait point d'autre sens donner à ces paroles ; mais il semble qu'étant par elles-mêmes assez équivoques, il vaut mieux les entendre conformément à la tradition et à la pratique constante de l'Eglise, qui a toujours confié ce ministère aux prêtres et aux évêques. Ainsi je rendrais ce texte en cette sorte : " Il ne faut pas douter que (ce passage de saint Jacques) ne doive s'entendre des fidèles malades, lesquels peuvent être oints de cette huile sainte, qui a été consacrée par l'évêque, et qui doit être employée, non-seulement pour les prêtres, mais pour tous les chrétiens, tant dans leurs maladies que dans celles de leurs proches. " (CHARDON, Histoire des sacrements, Extrême-Onction, ch. V, col. 768, t. XX ; Theologiæ curs. compl., édit. Migne)). Du reste, il me paraît superflu d'ajouter qu'il n'y avait point à élever sur le droit des évêques en cette matière un doute, qui ne serait pas admissible par rapport à celui des prêtres. Car si les prêtres sont seuls nommés dans le passage en
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question, c'est parce que les évêques, embarrassés d'autres soins, ne peuvent pas aller à tous les malades. Si cependant l'évêque le pouvait, ou qu'il jugeât plus convenable de visiter en personne quelque malade, de le bénir et de lui faire les onctions, nul doute qu'il n'en ait le droit, puisque c'est à lui qu'il appartient de consacrer le chrême lui-même. Quant à ceux qui sont encore en pénitence, ils ne peuvent recevoir cette onction, qui est une espèce de sacrement. Car comment ceux à qui les autres sacrements sont refusés pourraient-ils avoir droit à recevoir celui-ci ? "
5. S. PIERRE DAMIEN, Serm. I in dedicatione Ecclesiæ : " Le troisième sacrement est l'onction des infirmes. Lorsque nous tombons malades et que la fièvre de nos péchés nous rend la mort imminente, l'esprit de piété vient à notre secours, et il se souvient que nous sommes poussière. Car voici ce qu'a dit saint Jacques : Quelqu'un parmi vous est-il malade, qu'il fasse venir près de lui les prêtres de l’Eglise, et que ceux-ci prononcent sur lui des prières en l'oignant d'huile en même temps au nom du Seigneur, et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le soulagera, et s'il a des péchés, ils lui seront remis. Onction admirable, précieux onguent, qui rend la santé, efface le péché, imprime la crainte de Dieu ! Voyez comme la main du prêtre soulage la personne du malade, et apaise au moyen de l'onction sainte les mouvements désordonnés des sens. C'est pour cela que les saints Pères ont vu dans cette onction un sacrement. "
6. S. BERNARD, in Vitâ S. Malachiæ episcopi : " Un noble avait sa demeure près du monastère de Bangor. Son épouse se trouvant atteinte d'une maladie mortelle, Malachie fut prié de se rendre auprès d'elle avant qu'elle mourût et de lui administrer l'extrême-onction : il s'y rendit, et entra dans sa chambre. La vue du saint remplit la malade de joie, comme de l'espérance de recouvrer la santé. Comme il s'apprêtait à lui faire les onctions, on jugea plus à propos de remettre cette cérémonie au lendemain matin, car on approchait de la nuit. Malachie y consentit, et se retira avec les gens de sa suite, après avoir toutefois donné sa bénédiction à la malade. Peu d'instants s'étaient écoulés, lorsqu'il s'éleva tout-à-coup un grand cri, et qu'on entendit beaucoup de gémissements et de tapage dans toute la maison ; et le sujet de tout cela, c'était que la personne venait de mourir. Malachie, ayant entendu ce bruit, s'empressa d'accourir suivi de ses disciples. Il s'approche du lit, et voyant qu'elle était réellement morte, il s'en désolé, en se reprochant à lui-même de l'avoir laissée mourir
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sans la grâce du sacrement. Puis, élevant ses mains vers le ciel ; Pardonnez, Seigneur, s'écria-t-il, j'ai agi en insensé ; c'est moi qui ai péché en lui différant le sacrement, et non pas elle qui voulait le recevoir. En disant ces mots, il protesta devant tout le monde, qu'il n'admettrait aucune consolation, et ne donnerait aucun repos à son esprit, s'il n'était remis à même de faire la chose pour laquelle il était venu. Et debout en présence du cadavre, il ne cessa toute la nuit de pousser des gémissements en répandant sur ce corps inanimé un torrent de larmes, qui remplaçaient en quelque sorte l'huile sainte dont il n'avait pu lui faire les onctions. En même temps qu'il s'acquittait de ce pieux devoir, il disait à ses disciples : Veillez et priez. C'est ainsi qu'ils passèrent les uns et les autres la nuit entière sans prendre de sommeil, tout occupés à gémir, et ses disciples à réciter des psaumes. Le jour venu, le Seigneur exauça son serviteur, parce que son divin esprit, qui prie pour les saints par des gémissements ineffables, priait avec lui. Bref, le cadavre ouvre les yeux, et celle qu'on avait pleurée comme morte, se frottant de ses mains, le front et les tempes, comme ont coutume de faire ceux qui sortent d'un profond sommeil, se dresse sur son lit, et reconnaissant Malachie, le salue avec respect. Le deuil se trouvant ainsi changé en joie, tout le monde est saisi d'admiration de ce qu'on voit ou de ce qu'on entend dire. Malachie de son côté bénissait le Seigneur, et se répandait en actions de grâces. Il n'en fit pas moins les onctions saintes sur la personne ressuscitée, sachant bien que ce sacrement remet les péchés, et que la prière de la foi a pour effet de soulager les malades. Ensuite il s'en alla, laissant la personne ressuscité achever de se guérir ; car elle vécut encore quelque temps pour manifester la gloire de Dieu en elle, et après avoir accompli la pénitence que Malachie lui avait imposée, elle mourut de nouveau en odeur de sainteté, et son âme s'envola vers Dieu pleinement assurée de son éternelle félicité. "
Enfin saint Bernard s'exprime ainsi sur les derniers moments de saint Malachie lui-même : " Le jour de sa mort n'était déjà plus si éloigné, et le saint ordonna qu'on lui fit les onctions saintes. Comme l'assemblé des moines s'avançait en conséquence pour donner à la cérémonie toute la solennité possible, le saint ne souffrit pas qu'ils prissent la peine de monter jusqu'à lui, mais il descendit lui-même vers eux, car sa chambre était située à l’étage supérieur de la maison. En cet état, il reçoit les onctions, et puis, ayant pris le viatique, il retourne à son lit en se
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recommandant aux prières des moines et en les recommandant eux-mêmes à Dieu. "
8. Le concile de Worms, canon 72 (Cf. LABBE, Conc., t. VIII, col. 958, ad annum 868. Au reste ce canon, et il en est de même de tous les autres à partir du 46e, ne se trouve pas dans toutes les éditions) ; le concile, après avoir rapporté les paroles de saint Jacques, ajoute : " Ces paroles doivent s'entendre sans aucun doute des fidèles malades, etc. Quant aux pénitents on ne doit pas leur accorder l’extrême-onction, parce que c'est une sorte de sacrements. Car comment serait-il permis d'accorder celui-là seul à ceux à qui tous les autres sont refusés ? " Il est aisé de voir que ces dernières paroles sont empruntée la lettre de saint Innocent 1 cité plus haut, témoignage 4, page 141.
9. Le vénérable BEDE, in caput V Jacobi, Ungentes eum oleo, etc. : " C'est ce que l’Evangile nous dit qu'ont fait les apôtres, et c'est la coutume qu'observe toujours l'Eglise, en prescrivant aux prêtres d'oindre les malades d'huile bénie à cet effet, et de leur procurer leur guérison en faisant sur eux des prières. Et ce n'est pas seulement aux prêtres, mais c'est aussi à tous les autres chrétiens qu'il est permis de recourir à cette onction pour leur propre besoin ou pour celui de leurs proches. Il n'y a néanmoins que l'évêque qui ait le droit de consacrer l'huile employée à cet usage. Car ces paroles, au nom du Seigneur, signifient que l'huile dont il est question a dû être consacrée au nom du Seigneur, A moins qu'on n'aime mieux les entendre en cet autre sens, que les prêtres en faisant cette onction aux malades doivent invoquer sur eux le nom du Seigneur. Et s'il a des péchés, ils lui seront remis. Bien des gens sont frappés de maladie ou même de mort à cause des péchés qu’ils gardent dans leur âme. De là vient que l'Apôtre écrivait aux Corinthiens, dont plusieurs ne se faisaient pas scrupule de recevoir le corps du Seigneur en mauvais état : C'est à cause de cela qu'il y a parmi vous beaucoup de malades et de languissants, et que plusieurs dorment du sommeil de la mort (I Cor., XI, 30). Si donc un malade est en état de péché, et qu'il en fasse la confession aux prêtres de l'Eglise, ses péchés lui seront remis, pourvu qu'il y renonce de tout son cœur et qu'il prenne soin de s'en corriger. Car les péchés ne peuvent être remis qu'autant qu'on les confesse et qu'on s'en corrige. "
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Question II
Qu’est-ce que l’Apôtre nous enseigne par ces paroles (Infirmatur quis in vobis) ?
L'Apôtre nous fait voir premièrement que l'élément et la matière de ce sacrement, c'est l'huile consacrée par la bénédiction pontificale, comme le dit fort bien le vénérable Bède. Or, l'huile signifie la joie intérieure et la force spirituelle, que le malade puise dans ce sacrement par la grâce de Dieu.
L'Apôtre indique ensuite quel en est le ministre proprement dit, savoir le prêtre, qui doit faire ces saintes onctions d'une manière décente en les accompagnant de prières. Et ce n'est pas sans dessein qu'il a été écrit des apôtres, qu'ils oignaient d'huile beaucoup de malades et les guérissaient.
Saint Jacques nous marque de plus que ce sont les malades
qui ont à recevoir ce sacrement, parce qu'en effet, suivant la pratique
de l’Eglise, on ne fait cette sainte onction que dans les cas de maladies
graves et dangereuses.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
S. MARC, VI, 43, comme dans le corps de la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. Le vénérable BEDE, in caput VI Marci, sur ces paroles, Dæmonia multa ejiciebant, et ungebant oleo multos ægrotos et sanabantur : " L'apôtre saint Jacques dit ces paroles : Quelqu'un parmi vous est-il malade, qu'il fasse venir les prêtres de l'Eglise, et que ceux-ci prononcent sur lui des prières en l'oignant d'huile en même temps au nom du Seigneur, et s'il a des péchés ils lui seront pardonnés. Il est évident d'après ce passage que c'est de tradition apostolique que vient la coutume observée dans l'Eglise de faire certaines onctions sur les énergumènes et les autres infirmes, avec de l'huile consacrée par la bénédiction épiscopale. "
2. Le même, in caput VIII Lucæ : " Il m'a été rapporté par
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un prêtre voisin de notre monastère, qu'il avait voulu délivrer du démon une femme consacrée à Dieu, mais qu'il n'avait pu y réussir, tant que la chose était demeurée secrète ; qu'aussitôt, au contraire, que cette femme eut confessé les imaginations dont sa tête était travaillée, il avait dissipé les illusions de l'esprit malin au moyen des prières et des autres cérémonies prescrites en pareil cas, en même temps qu'il avait guéri cette femme des ulcères incorporels qu'elle avait contracté par son commerce avec le démon en employant divers remèdes accompagnés de sel bénit. Mais comme il ne pouvait réussir (Il faut ici se reporter aux mœurs de ces temps-là. On sait qu’aujourd'hui le Rituel romain interdit strictement de faire l’onction des reins aux personnes du sexe) à fermer un de ces ulcères, plus profond que les autres, qu'elle avait au côté sans qu'il se rouvrît aussitôt, il avait appris de celle-là même dont il cherchait la guérison le moyen de l'en guérir. Si vous mêlez, lui dit-elle, de l'huile consacrée pour les infirmes au médicament que vous employez, je serai aussitôt rendue à la santé ; car j'ai contemplé une fois en esprit, dans une ville lointaine que je n'ai d’ailleurs jamais vue des yeux du corps, une jeune fille affligée de la même manière que moi, qui avait été guérie de cette façon par un prêtre. Le prêtre dont je parle lui fit ce qu'elle lui avait demandé, et sur-le-champ l'ulcère obéit au remède auquel il avait résisté jusque-là. "
3. Le même, in caput V Jacobi, comme à la question précédente, témoignage 9, page 145.
4. Le pape Innocent 1, Epist. I ad Decentium Eugubinum episcopum, comme à la question précédente, témoignage 4, page 141.
5. Le concile de Meaux, canon 4 (Ce canon ne se trouve pas dans les collections ordinaires. Peut-être appartient-il à un autre concile de Meaux que celui qui a été tenu l'an 845, le seul dont. il nous reste aujourd'hui les actes), cité par Burchard, lib. IV, c. 78, et par Ives de Chartres, part. 1, c. 269 : " Chaque prêtre le jour du jeudi-saint, doit prendre avec lui trois petits vases, l'un pour le chrême un autre pour l'huile qui servira à oindre les catéchumènes et le troisième pour l'huile des malades, conformément ces paroles de l'Apôtre : Quelqu'un est-il malade, qu'il fasse venir les prêtres de l'Eglise, etc. "
6. THEOPHYLACTE, in caput VI Evangelii secundùm Marcum : " De tous les évangélistes, saint Marc est le seul qui raconte que les apôtres faisaient des onctions, usage que recommande d’ailleurs l'apôtre saint Jacques dans l'épître qu’il nous a laissée, et dans
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laquelle il s'exprime ainsi : Quelqu'un parmi vous est-il malade, qu'il appelle près de lui les prêtres de l'Eglise, et que ceux-ci prononcent sur lui des prières en lui faisant en même temps certaines onctions avec de l'huile. Or l'huile, comme on le sait, fortifie nos membres pour le travail, en même temps qu'elle sert pour nous éclairer, et qu'elle dissipe la tristesse lorsque nous la mêlons à nos aliments ; elle est donc propre à signifier les effets de la miséricorde de Dieu, et la grâce de l'Esprit-Saint, qui nous rend le travail léger, éclaire nos esprits et répand une joie spirituelle dans nos cœurs. "
7. S. CHRYSOSTOME, liv. III du Sacerdoce : " Ce n'est pas seulement en nous engendrant en Jésus-Christ, c’est encore après notre régénération qu'ils (les prêtres) peuvent nous remettre nos péchés. Quelqu'un parmi vous est-il malade ; qu'il appelle les prêtres de l'Eglise, et qu'ils fassent sur lui des prières en l’oignant d'huile au nom du Seigneur, etc. "
8. ORIGENE, Hom. II in Leviticum : " Vous avez vu combien il y avait dans la loi de sacrifices prescrits pour les péchés ; voyez maintenant combien il y a dans l'Evangile de moyens destiné à les remettre. Le premier, c'est le baptême. Le second, c'est le martyre. . . . . Il en est un septième, quoique laborieux et pénible, qui est la pénitence, et qui consiste en ce que le pécheur lave son lit de ses larmes, et qu'il s'en nourrit nuit et jour, et qu'enfin il ne rougit pas de déclarer son péché au prêtre du Seigneur, et de lui en demander le remède à l'exemple de celui qui a dit : Je l’ai juré, je confesserai contre moi-même mon iniquité au Seigneur, et vous m'avez pardonné l'impiété dont mon cœur s'était rendu coupable. Par là s'accomplit ce que dit l'Apôtre : Si quelqu'un est malade, qu'il appelle près de lui les prêtres de l'Eglise, etc. "
9. THEOPHYLACTE, in caput VI Marci, comme plus haut, témoignage 6, page 147.
10. Le vénérable BEDE, comme plus haut, témoignage 1, p. 146.
11. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. I de Miraculis, c. XX, dit en parlant d'un malade nommé Benoît : " Cet homme de Dieu se trouvant malade, on eut soin de le mettre en état, au moyen de l'onction de l'huile sainte et de la participation salutaire au corps de Notre-Seigneur, d'accomplir le voyage de la terre au ciel, et bientôt arriva le jour de la fin de ses peines. "
12. Le même, Lib. II, c. ultimo : " Après que ce bon frère (malade) eut fait sa confession avec autant de sincérité que de ferveur, et qu'il eut été oint de l'huile sainte, qu'il eut pris enfin dans la communion de nouvelles forces pour conquérir la vie
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éternelle, je le recommandai avec sollicitude à
la bonté de Dieu et aux prières de la communauté.
"
Question III
Quel est l’effet ou le fruit de ce sacrement ?
Premièrement, ce sacrement confère le pardon des péchés dont le malade ne se serait pas suffisamment déchargé au moyen de la pénitence, et dont il importe avant tout qu'il obtienne la guérison.
En second lieu, il sert à expulser la maladie même corporelle, ou du moins à la rendre plus supportable, selon que cela peut être plus avantageux au malade lui-même. Enfin, il procure au malade la consolation et la confiance dont il a surtout besoin dans ce dernier et terrible combat qu'il lui faut soutenir au sortir de la vie, et contre les douleurs aigües qui le tourmentent, et contre les puissances infernales qui redoublent contre lui en ce moment l'impétuosité de leurs attaques. Ainsi, quoique la santé ne lui soit pas toujours rendue par ce moyen, puisque souvent il succombe après avoir reçu ce sacrement, il n'en obtient pas moins des grâces toutes spéciales pour supporter avec plus de constance la violence de ses maux, et accepter avec plus de résignation la mort elle-même. Et c'est là ce que Dieu promet à chacun de nous par ces paroles de son apôtre : La prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur lui donnera du soulagement, et s'il a des péchés, ils lui seront remis.
L'huile, par ses qualités naturelles, est très propre aussi, comme l'a expliqué Théophylacte (Voir question précédente, témoignage 6, page 147), a désigné ces divers effets. C'est pourquoi nous devons nous appliquer à retenir ce salutaire avertissement de saint Augustin : " Toutes les fois qu'il survient à quelqu'un une maladie, qu'il s'empresse de participer au corps et au sang de Jésus-Christ, et ensuite de recevoir les onctions sur ses membres, pour qu'on voie en lui l'accomplissement de ces paroles de l’Apôtre : Quelqu'un parmi vous est-il malade, qu'il fasse venir les prêtres qui prononceront sur lui des prières et lui feront des onctions, et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur lui donnera du soulagement, et s'il a des péchés ils lui seront remis.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
S. JACQUES, Epist. V, 14, comme dans le corps de
la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. BERNARD, in vitâ Malachiæ, comme à la question 1, témoignage 6, page 142.
2. Le concile de Trente, session XIV, chapitre 2 et canon 2, comme à la même question, témoignage 3, page 138.
3. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, Lib. VI, epist. 1 ad Theobaldum abbatem, cherche ainsi à expliquer pourquoi l'onction des malades peut se réitérer, tandis que celles de la confirmation et de l'ordre ne se réitèrent jamais : " L'onction des infirmes doit être réitérée, parce que la rémission des péchés, qui rend cette onction nécessaire, a besoin aussi de l'être. C'est ce qu'indiquent ces paroles impératives de l'Apôtre : Quelqu'un parmi vous est-il malade, qu'il appelle auprès de lui les prêtres de l'Eglise, et que ceux-ci prient sur lui, et lui fassent, des onctions avec de l'huile au nom du Seigneur. L'Apôtre ajoute : Et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur lui accordera du soulagement, et s’il a des péchés, ils lui seront pardonnés. Ainsi, puisqu'il est certain que cette onction a pour but, de sauver le malade par la prière animée de foi dont elle est accompagnée, de lui procurer du soulagement et la rémission de ses péchés, pourquoi serait-il défendu de réitérer cette onction, lorsque la cause pour laquelle on y a recours se reproduit elle-même ? Si, après avoir recouvré une fois la santé, on ne retombait jamais dans aucune maladie ; si, après avoir reçu l'extrême-onction une première fois, on ne retombait jamais dans aucun péché, j'avoue qu'il ne serait pas permis de réitérer jamais cette onction. Mais si au contraire il arrive, et
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raison y aura-t-il alors de refuser à ce malheureux une onction qui le soulagerait de nouveau, qui lui remettrait de nouveau ses péchés ? L'Apôtre lui-même ne semble-t-il pas vouloir nous faire entendre qu'il faut administrer cette onction à une personne, toutes les fois que cette personne se trouve malade ? Ces paroles en effet : Quelqu'un parmi vous est-il malade, qu'il appelle près de lui les prêtres de l'Eglise ; ces paroles, dis-je, peuvent-elles avoir un autre sens ? Car remarquez qu'il ne dit pas : Quelqu'un est-il malade une fois ; remarquez qu'il ne dit pas : Qu'il appelle une fois près de lui les prêtres de l’Eglise ; mais sans dire si l'on fera une ou plusieurs onctions, sans fixer aucun nombre pour ces onctions, il ordonne qu'on fasse venir auprès du malade les prêtres de l’Eglise, qu'on fasse sur lui les prières recommandées par la religion, et qu'on l'oigne d'huile sainte pour lui procurer son soulagement et la rémission de ses péchés. Je ne crois donc pas pouvoir me permettre de dire une parole dont l'Apôtre s'est abstenu lui-même, d'ajouter à ce qu'il a écrit de penser ce que ses propres expressions nous insinuent qu'il n'a pas pensé. Il ne paraît pas du tout par ces paroles que l’Apôtre n’ait eu en vue, ou n'ait ordonné qu'une seule onction, puisqu'il savait bien que les hommes ne tombent pas seulement une fois malades, mais qu'ils sont sujets à retomber souvent, soit dans la même maladie, soit dans des maladies différentes, même après avoir recouvre la santé ; puisqu'il savait qu'après avoir obtenu une première fois le pardon de leurs péchés, il arrive trop souvent aux pauvres mortels de pécher de nouveau, et de pécher encore. Car c'est ce même apôtre qui a dit : Nous manquons tous en bien des choses (JAC., III, 2). Celui donc qui a établi une onction médicinale pour nos premières maladies et nos premières chutes, aurait-il refusé de remédier à nos maladies subséquentes et à nos chutes nouvelles ? Telle n'est pas assurément la croyance de l'Apôtre, tel n'est pas le sens de la prédication apostolique ; jamais un apôtre n'a voulu dire qu'on doive refuser à un malade le remède qui lui convient, à un pécheur pénitent la rémission de ses péchés. Or, quoique cette absolution soit souvent accordée sans être accompagnée d'aucune onction par les ministres de l’Eglise, soit aux personnes en santé, soit aux malades, on ne doit pas cependant refuser à ces derniers l'onction sainte, pas plus que l'absolution, puisque, par les paroles que nous venons d'expliquer, l'Apôtre ordonne de leur accorder l'une et l'autre toutes les fois qu'ils se trouvent dans cet état. "
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4. S. CYRILLE d'Alexandrie, in Oratione de exitu animæ : " Je crains pour moi-même cet enfer, dont la durée n'aura point de fin. Je redoute ces flammes, dont il m'est impossible de calculer l'ardeur. J'ai horreur de ces ténèbres, que ne viendra tempérer aucune lumière. Je frémis à la pensée de ce ver rongeur qui ne mourra point. Je tremble à la vue des anges du jugement, parce qu'ils seront sans miséricorde. Je me sens saisi de terreur en me représentant la sentence irréformable qui sera portée en ce dernier jour, ce tribunal sévère, ce juge inexorable. J'envisage avec effroi ce fleuve de feu embrasé sous les yeux de ce juge, et ces flammes pétillant avec furie, etc. . . . . Quelle épouvante, quels frissons, quel tremblement, quel combat livrer pour une âme qui vient de quitter son corps, et qui se voit cernée d'un côté par les puissances célestes, de l'autre par les princes des ténèbres, par les instigateurs du mal, par ces terribles exacteurs qui ne feront grâce d'aucune peine, par tous ces esprits répandus dans l'air, par le chef même des démons, le premier de tous les homicides, dont la langue est comme un glaive acéré et dont le Prophète a dit ces paroles : Les flèches du puissant sont pénétrantes et portent avec elles des charbons allumés ; il est là embusqué comme un lion dans son repaire, cet horrible dragon, cet apostat, ce monstre, ce roi des ténèbres, ce dominateur de la mort ; il suppute malignement tout ce que j'ai fait pendant ma vie, tous mes péchés commis par actions, par paroles, par ignorance ou de propos délibéré depuis mes premières années jusqu'à ce moment où je serai surpris par la mort. De quelle crainte, de quelle frayeur ne pensez-vous pas qu'une âme doive être saisie dans ce jour, où elle verra ces cruels démons, ces immortels ennemis du salut des hommes, se tenir devant elle comme ces éthiopiens couleur d’ébène dont le seul aspect sera pour elle un intolérable tourment ! A leur vue, l'âme recule d'effroi, se trouble, se déconcerte, et demande asile aux anges du ciel qui consentent à la recevoir dans leurs rangs ; mais au moment où elle est pour s'envoler avec eux, voilà qu'elle est arrêtée au passage où chaque âme est obligé de rendre compte de tous les actes de sa vie. Ce passage est distribué en manière d'échelons, à chacun desquels il faut répondre sur une espèce particulière de péché. Au premier on a à répondre au sujet des péchés de la bouche, tels que mensonges, jurements, parjures, paroles oiseuses, ou bouffonnes, ou vaines, excès des viandes, abus du vin, débauche de table, ris immodérés et indécents, chansons et conversations déshonnêtes
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Mais de leur côté les saints anges, dont cette âme n'est pas du tout abandonnée, font valoir tout ce qu'elle a pu dire de bien, ses prières, ses actions de grâces, les psaumes, les hymnes et les autres chants sacrés, les cantiques spirituels, les lectures faites dans l'Ecriture sainte, en un mot, toutes les diverses manières dont la bouche de l'homme peut s'employer à honorer Dieu. Au deuxième échelon, il faut répondre sur tous les péchés de la vue, regards impudiques, curieux, immodestes, séducteurs. Au troisième, il s'agit des péchés de l'ouïe ou de tout ce qui peut introduire par ce sens les esprits immondes dans notre âme. Au quatrième, des péchés de l'odorat, et des actes de sensualité de ce genre ordinaires aux femmes mondaines, aux prostituées et aux actrices de théâtre. Au cinquième, on a à répondre de tout le mal qu'on a pu commettre par attouchement. Plus loin, et à des postes divers, on se trouve interrogé sur les péché d'envie, de jalousie, de vaine gloire, de faste et de luxe, de cruauté, d'emportement, de colère, de fornication, d'adultère, de mollesse, de perfidie, d'empoisonnement, et sur tant d'autres non moins détestables, non moins détestés de Dieu. Ainsi chaque vice, chaque crime a ses examinateurs qui les discutent et en pèsent la gravité. Combien l'âme soumise à tous ces examens ne doit-elle pas trembler et s'inquiéter tant qu'elle ne se voit pas acquittée par le jugement final ! Quelle heure pénible, douloureuse, critique et désolante que celle qu'il lui faut passer ainsi en attendant son acquittement ! Car, en face des esprits malins, les puissances célestes font valoir à leur tour en faveur de cette âme tous ses actes méritoires et vertueux, toutes les actions, toutes les paroles, toutes les pensées qu'elle peut avoir pour recommandation. Et ainsi, placée entre ces deux armées qui se combattent, elle reste glacée d'effroi, jusqu'à ce qu'elle se voie, ou jetée dans l'affreuse prison, ou heureusement délivrée pour ce qu'elle a fait ou dit de bien pendant la vie. Chacun n'aura pas besoin d'autres chaînes pour le lier, que de la chaîne de ses péchés personnels. "
5. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. XXIV Moralium, c. 17 et 18 (al. 8) : " Il se glisse donc souvent dans l'esprit des élus contre leur gré des pensées qu'ils notent en eux-mêmes avec soin, et dont ils considèrent la malice devant Dieu ; et s'ils redoutent en tout temps le jugement sévère que Dieu en portera, ils l’appréhendent encore bien davantage, lorsqu'obligés de payer le tribut que notre nature doit à la mort, ils se voient sur le point de comparaître au tribunal du souverain juge. La crainte est alors
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d'autant plus vive, que l'éternité, dont les conditions sont encore incertaines, paraît plus proche. Alors il ne passe plus de pensées inutiles, ni de fantômes vains devant les yeux de leur âme, parce que, tout le reste leur échappant, ils n'ont plus à regarder qu'eux-mêmes, et celui qui est prêt à les juger. L'épouvante croît à l’approche de ce jugement terrible, et, témoin de la décomposition d'organes qui déjà s'opère en eux, plus ils touchent de près au moment où ils auront à rendre compte de toute leur vie, plus leurs alarmes prennent de corps et d'intensité. Quand même ils ne se souviendraient pas d'avoir péché dans les choses qu'ils connaissent, toujours est-il qu'ils craignent pour ce qui a pu échapper à leur connaissance, parce qu'ils savent bien qu'ils ne peuvent ni se connaître ni se juger parfaitement eux-mêmes. Et c'est ainsi que, plus leur mort approche, plus leur conscience est en quelque sorte ingénieuse à les tourmenter. "
" C'est pour cela que notre divin Rédempteur, à la veille de rendre son dernier soupir pour le salut du monde, voulant subir jusqu’à la fin les conditions de notre nature devenue la sienne, tomba en agonie, et dans cet état redoubla ses prières (LUC, XXII, 43). Eh ! qu'est-ce qu'avait à demander pour lui-même dans son agonie, celui qui pendant sa vie mortelle distribuait déjà en souverain les dons célestes ? C’est qu'aux approches de sa mort, il a voulu exprimer en lui-même le combat que nous aurons, nous autres, à soutenir, et la frayeur inévitable dont nous serons saisis, lorsque la dissolution de nos organes sera pour nous l'annonce de notre prochain appel au divin tribunal. Et ce n'est pas sans sujet qu'une âme alors, quelle qu'ait été sa vie, se sente frappée d’épouvante puisque dans un instant il lui faudra passer à un état que rien désormais ne pourra changer. "
" Alors cette âme voit clairement qu’elle n'a pas pu parcourir la carrière de la vie présente sans commettre bien des fautes, et que même les meilleures actions qu'elle a faites n'en sont pas exemptes, si Dieu les juge sans miséricorde. Car qui d'entre nous pourrait surpasser, ou seulement égaler la vertu de nos pères ? Et cependant David lui-même dit dans un de ses psaumes : N'entrez point en jugement avec votre serviteur, puisque nul homme vivant ne peut se justifier en votre présence (Ps. CXLII, 2). Saint Paul, tout en déclarant que sa conscience ne lui reproche rien, ne manque pas non plus d'ajouter qu'il n'est pas justifié pour cela (I Cor., IV, 4), et saint Jacques reconnaît de même, que nous faisons tous beaucoup de fautes (JAC., III, 2). Saint Jean déclare
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à son tour que, si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous faisons illusion à nous-mêmes, et que la vérité n’est point en nous (I JOAN., I, 8). Que ferons-nous donc, nous qui ne sommes que comme du bois fragile, si les colonnes elles-mêmes tremblent ainsi ? Et comment de faibles roseaux seraient-ils fermes, tandis que les cèdres eux-mêmes sont ébranlés par cette tempête ? "
" Il est donc vrai que même les âmes justes, lorsqu'elles voient se dissoudre leur chair mortelle, sont troublées quelquefois par la crainte du jugement qu'elles auront à subir. Et quoiqu'elles aient pu jouir de quelque calme durant cette vie, ce trouble est en quelque façon inévitable pour elles au moment de la mort, de sorte qu'on peut dire d'elles aussi, qu'elles n'ont plus que de l’aversion pour le pain, et pour tous ces mets dont elles étaient auparavant si arides (JOB, XXXIII, 20) ; ou bien encore, en considérant la frayeur qu'elles éprouvent, ce qu'on lit à la suite de ces premières paroles, qu'elles sentent déjà la corruption, et que leur vie ressemble à la mort (Ibid., 3) (Cf. Les morales de saint Grégoire, pape, sur le livre de Job, tome III, pag. 603-605). "
6. Le même, Hom. XXXIX in Evangelia : " Nous devons considérer attentivement combien sera terrible pour nous le moment de notre mort, quelle sera alors notre inquiétude, combien le mal que nous aurons fait reviendra alors fortement à notre mémoire, combien notre bonheur passé s'échappera de notre souvenir, quelle terreur s'élèvera dans notre âme à la pensée de notre juge. Alors les esprits malins demanderont, au départ de cette âme, le salaire du mal qu'ils lui auront fait faire. Ils rappelleront tout ce qu'elle aura fait d'après leur suggestion, et réclameront pour elle la société de leurs tourments. Mais pourquoi parler seulement des âmes perverties, puisque ces mauvais esprits s'attaqueront en ce moment aux élus eux-mêmes, et ne se donneront pas de repos qu'ils n'aient trouvé en eux quelque méfait, dont ils demanderont aussi la rétribution ? Il n'y en a jamais eu qu'un parmi les hommes qui ait pu dire sans crainte avant de quitter la terre : Je n’ai plus beaucoup de choses à vous dire, car le prince de ce monde est venu, et il n'a rien trouvé en moi qui lui appartienne (JEAN, XIV, 30). Comme le prince de ce monde voyait en lui un mortel, il croyait trouver en lui quelque chose à revendiquer. . . . . Songeons donc un peu, et représentons-nous avec larmes de quelle fureur le prince de ce monde sera animé contre nous au jour de notre mort,
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et avec quelle passion il cherchera à trouver en nous quelque chose qui lui appartienne, puisqu'il aurait voulu avoir à réclamer quelque chose dans les actions de Dieu même revêtu de notre nature. Qu'aurons-nous dire ou à faire pour nous défendre, nous, hélas ! qui avons commis tant de crimes ? Qu'aurions-nous à opposer à notre ennemi, comment pourrions-nous nous défendre de ses poursuites, si nous n'avions pas une ressource assurée dans notre union avec celui en qui le prince de ce monde n'a pu rien trouver qui lui appartint ? Mais à quoi nous servirait-il d'être unis par la foi à notre rédempteur, si nous lui étions opposés par notre conduite ? Car il a déclaré lui-même que tous ceux qui disent, Seigneur, Seigneur, n'entreront pas pour cela dans le royaume des cieux. Il est donc nécessaire de joindre la sainteté des œuvres à la pureté de la foi. "
8. S. JEAN CLIMAQUE, in Libro de 30 gradibus, gradu 7 : " Un religieux nommé Etienne, qui demeurait en ce lieu, et avait passé plusieurs années dans le monastère, s'y était rendu éminent par ses jeûnes et par ses larmes, et y avait enrichi son âme de plusieurs autres insignes vertus. Mais ayant un grand amour pour la vie solitaire et érémitique, il se retira dans une cellule vers la descente de la montagne sainte de Coreb (Horeb), où le prophète Elie fut autrefois honoré de la vue de Dieu (I Rois, XIX, 8). Et depuis, cet homme vraiment illustre, voulant embrasser une pénitence encore plus austère et plus laborieuse que celle qu'il pratiquait, se retira au quartier des anachorètes nommé Siden, et y vécut durant plusieurs années dans la plus étroite et la plus sévère discipline. Car ce lieu était dépourvu de toute consolation humaine, et presque inaccessible à tous les hommes, étant éloigné d'environ soixante-dix milles de toute bourgade. Mais ce bon vieillard revint vers la fin de sa vie à sa première cellule, qui était en la sainte montagne de Coreb, dont nous venons de parler, où il avait avec lui deux disciples de Palestine qui étaient fort pieux, et qui s'y étaient retirés un peu avant qu'il y retournât. Quelques jours après il tomba malade de la maladie dont il mourut. La veille du dernier jour de sa vie, il eut un ravissement d'esprit, et ayant les yeux ouverts il regardait à droite et à gauche des deux côtés de son lit ; et, comme s'il eût vu des personnes qui lui fissent rendre compte de ses actions, il répondait si haut que tous ceux qui étaient présents l’entendaient, et tantôt il leur disait : Oui, je le confesse, cela est vrai ; mais j'ai jeûné tant d'années pour
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expier cette faute. Tantôt il disait : Cela n'est pas vrai ; il est certain que vous mentez : je ne l'ai point fait. Et tantôt : Pour cela, je le confesse ; vous dites vrai ; mais j'en ai pleuré, mais j'en ai fait pénitence par plusieurs services que j'ai rendus aux religieux. Puis il disait de nouveau : Cela n'est point vrai ; vous êtes des imposteurs. Mais sur d'autres accusations il disait : Cela est vrai, et je n'ai rien à dire touchant ce point ; mais Dieu est miséricordieux. Certes ce jugement invisible et si sévère était un spectacle qui causait de l'horreur et de l'effroi. Et ce qu'il y avait de plus terrible, c'est qu'ils l'accusaient même des choses qu'il n'avait point faites. O mon Dieu ! Si un solitaire et un anachorète déclara qu'il n'avait rien à répondre touchant quelques-uns de ses péchés dont on l'accusait, quoiqu'il eût passé environ quarante ans dans la vie religieuse et solitaire, et qu'il eût le don des larmes, malheur sur moi, malheur sur moi, misérable ! Mais d'où vient qu'il n'objectait pas alors aux démons cette parole d'Ezéchiel (VII, 3, 8) : Je vous jugerai selon l’état où je vous trouverai, dit le Seigneur ? Certes il ne put alléguer rien de semblable pour sa défense. Gloire soit rendue à Dieu, qui seul en sait la raison. Au reste quelques-uns m'assurèrent comme une chose très-véritable que lorsqu'il était dans le désert il donnait à manger de sa propre main à un léopard. Durant ce compte qu'on lui faisait rendre, son âme se sépara de son corps, ayant laissé entièrement incertain quelle avait été la conclusion de ce jugement, et la sentence qui avait été prononcée (L'Echelle sainte, ou les degrés pour monter au ciel, traduction d'Arnaud d’Andilly. Nous avons laissé subsister ce morceau à cause de la naïveté du récit, et pour répondre à notre engagement de reproduire Canisius en entier, quoiqu'on ne voie pas qu'il y soit question le moins du monde du sacrement de l'extrême-onction). "
9. EUSEBE, d’Emèse, Hom. I ad monachos : " Trouvons-nous tout préparé pour notre dernière heure, au lieu de nous en laisser surprendre comme tant d'autres qui négligent de s'y préparer. Que l'incertitude même du sort qui nous attend assure nos précautions ; tenons-nous tous les jours en garde contre un péril, qui tous les jours peut nous surprendre. Il sera trop tard pour une âme de se repentir des fautes commises pendant la vie, si elle attend le dernier jour où elle se verra séparée de son corps, et investie aussitôt par la nuit éternelle qui l'enveloppera de ses ombres ; lorsqu'elle sera forcé de laisser étendre sans mouvement ce triste compagnon, ou plutôt ce provocateur de
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ses désordres, cet auteur de ses égarements, et auquel elle aura été ses défaites dans les combats qu'elle avait à soutenir ; lorsque, réduit à le quitter, elle poussera sur lui ces gémissements lamentables : Qu'as-tu gagné avec ces passions dont tu brûlais et qui ont allumé un feu que rien ne pourra éteindre ? Tout cela est passé comme une ombre ; les plaisirs se sont enfuis, et il ne te reste qu'un opprobre éternel pour les crimes dont tu demeureras éternellement coupable. Malheur à moi, à qui il faudra bon gré mal gré rentrer dans ce vase de corruption, pour brûler éternellement avec lui en expiation de quelques plaisirs fugitifs ! Que dirons-nous de ce fatal moment où elle entendra prononcer sur elle une sentence irrévocable, en même temps que les spectres infernaux insulteront à son malheur ? Que fera-t-elle, lorsque les ministres de la mort l'entraîneront dans le vide de l'air, et la transporteront par des sentiers ténébreux au-delà des régions que le jour éclaire, dans d'autres régions où la lumière ne saurait atteindre ? lorsqu'accompagnée du triste cortège de ses péchés, et parvenue aux derniers confins de ce monde, elle tombera dans le vide immense ; dans le chaos illimité qui sépare la région de la vie de celle de la mort, et où, exilée de la nature même, elle cessera de respirer l'air qui entretient la vie ? lorsque, disant au monde le dernier adieu, et ayant la mort devant soi, en même temps qu'elle laissera la vie derrière elle, elle se sentira entraînée dans l'épouvantable abîme, enchaînée qu’elle sera par tous les crimes dont elle se sera rendue coupable, et condamnée à un supplice auquel ne peut être égalé que le bien même qu'elle aura perdu ? "
10. SULPICE-SEVERE, de transitu sancti Martini : " Il dit ensuite au démon qu'il aperçut autour de lui : Que fais-tu là, monstre sanguinaire ? Tu ne trouveras rien en moi qui t'appartienne, et je serai reçu dans le sein d'Abraham. Ayant dit ces mots, il rendit son esprit à Dieu, accompagné qu'il était de l'immense cortège de ses bonnes œuvres. "
11. THEOPHYLATE, in caput sextum Marci : " L'huile est utile pour le travail ; elle sert à éclairer ; elle produit la joie ; elle signifie en conséquence la miséricorde de Dieu, et la grâce de l'Esprit-Saint qui nous rend le travail léger, éclaire nos esprits et répand dans nos âmes une joie spirituelle. "
12. S. AUGUSTIN, Serm. CCXV de tempore : " Toutes les fois qu'on se trouve malade, on doit recevoir le corps et le sang de Jésus-Christ, et se fortifier par l'onction sainte, pour se conformer
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à cette prescription de l'Apôtre : Quelqu'un, de vous est-il malade qu'il appelle près de lui les prêtres de l’Eglise, etc. Considérez, mes frères, que celui qui recourra à l'Eglise dans la maladie, méritera de recouvrer la santé du corps et d'obtenir la rémission de ses péchés. "
13. Le même, in Tractatu de rectitudine catholicæ conversationis : " Toutes les fois que quelqu'un tombera malade, qu'il ne s'adresse pas aux magiciens, aux sorciers, aux devins ; qu'il ne consulte ni les fontaines, ni les arbres, ni les chiffres ; mais qu'il mette sa confiance uniquement dans la miséricorde de Dieu, qu'il reçoive l'eucharistie avec foi et piété, qu'il demande dévotement à l'Eglise l'onction de l'huile sainte, et comme l'a dit l'Apôtre, la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur lui accordera du soulagement. Il recouvrera non-seulement la santé du corps, mais aussi celle de l'âme, et on verra s'accomplir dans sa personne cette promesse de Notre-Seigneur : Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom par une prière faite avec foi, vous le recevrez. "
14. Le même, in libro II de visitatione infirmorum, c. 4 : " On ne doit pas négliger d'observer ce précepte de l'apôtre saint Jacques : Quelqu'un de vous est-il malade, qu'il fasse venir les prêtres de l’Eglise, afin que ceux-ci fassent sur lui des prières et qu'ils l’oignent de l'huile sainte au nom de Jésus, et la prière de la foi sauvera le malade. Demandez qu'on fasse ainsi à votre sujet, et pour le bien de votre âme, ce qu'a prescrit saint Jacques, ou pour mieux dire, Notre-Seigneur par l'organe de son apôtre. Car cette onction de l'huile consacrée est le signe de l'onction de l'Esprit-Saint lui-même. Ne refusez pas non plus, ô mon fils, de recevoir pour votre renfort la chair vivifiante de notre Dieu ; ce sera pour vous un viatique salutaire. "
15. Le même, in Speculo, in præfatione : " Qui ne sait que dans l'Ecriture sainte, je veux dire les Ecritures canoniques, telles que les prophéties, les évangiles, les écrits des apôtres, il se trouve des choses écrites simplement pour qu'on les sache et qu'on les croie, etc. ; d'autres aussi qui le sont pour qu'on les observe et les mette en pratique, si elles sont ordonnées, ou pour qu'on se garde de les faire, si elles y sont marquées comme défendues ? Ensuite, parmi les choses soit prescrites soit défendues, les unes consistent en des signes ou en des sacrements qui servent comme d'enveloppe à des mystères, et qui pouvaient être obligatoires pour le peuple de l'ancienne alliance, mais
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qu'aujourd'hui le peuple chrétien n'a point à observer : il suffit qu'il en garde la mémoire et qu'il en ait l'intelligence. D'autres sont des préceptes à observer encore aujourd'hui, tant pour ce qui est à faire, que pour ce qui est à éviter. Or, c'est pour traiter des choses de cette dernière espèce, c'est-à-dire, qui restent commandées, ou défendues, ou simplement permises encore aujourd'hui, comme elles l'étaient dans l'ancienne loi, que j'ai entrepris cet ouvrage, où mon dessein est de montrer comme dans un miroir, autant que Dieu m'en donnera la faculté, toutes les choses de cette nature que je pourrai recueillir dans les livres canoniques, et qui peuvent servir à régler les mœurs et édifier la piété du peuple chrétien. " Puis, dans le cours de l'ouvrage, saint Augustin fait valoir l'autorité de l'apôtre saint Jacques, et en particulier les paroles de cet apôtre déjà si souvent rapportées, Quelqu'un de vous est-il malade, qu'il fasse venir les prêtres de l’Eglise, et que ceux-ci fassent sur lui des prières en l'oignant d'huile au nom du Seigneur, etc.
ARTICLE VI. - DU SACREMENT DE L’ORDRE.
Question I
Qu’est-ce que le sacrement de l’ordre ?
C'est celui dans lequel on reçoit des grâces spéciales et un pouvoir spirituel, pour remplir d'office quelque fonction dans l’Eglise.
C'est ce sacrement qui est comme la porte par laquelle doivent nécessairement entrer tous ceux qui veulent être de légitimes dispensateurs des mystères aussi bien que de la parole de Dieu, les ministres de Jésus-Christ et de son Eglise, les évêques, les prêtres, les diacres, tous ceux enfin qui ont à exercer selon les saints canons et avec autorité des fonctions sacrés.
Car personne, comme le dit l’Ecriture, ne s'attribue ou ne doit s'attribuer cet honneur, c'est-à-dire celui d'exercer le ministère ecclésiastique, s’il n'y est appelé de Dieu comme Aaron, ou s'il n'y est initié par le signe visible de l'ordination qu'il aura reçue et s'il n'est légitimement ordonné par son évêque, et envoyé pour accomplir l'œuvre d'un ministère déterminé, qu'il doit exercer
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suivant la place qu'il occupe et conformément aux
règles de la tradition divine et apostolique.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. I Corinthiens, IV, 1 : " Que les hommes nous regardent comme les ministres de Jésus-Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu. "
2. MALACHIE, II, 7 : " Les lèvres d u prêtre seront les dépositaires de la science, et c'est de sa bouche que l'on demandera à recevoir la connaissance de la loi, parce qu'il est l'ange du Seigneur des armées. "
3. I Timothée, III, 1-2, 8 : " Si quelqu'un souhaite l'épiscopat, il désire une œuvre sainte. - Il faut qu'un évêque soit irrépréhensible, que les diacres aussi soient chastes. "
4. Ibidem, V, 17 : " Que les prêtres qui gouvernent bien soient doublement honorés, surtout ceux qui travaillent à la prédication de la parole et à l'instruction. "
5. Ephésiens, IV, 11-1 4 : " Lui-même il a donné à son Eglise quelques-uns pour être apôtres, d'autres pour être prophètes, d'autres pour être prédicateurs de l'Evangile, et d'autres pour être pasteurs et docteurs ; - afin qu'ils travaillent tous à la perfection des saints, aux fonctions de leur ministère, à l'édification du corps de Jésus-Christ ; - jusqu’à ce que nous parvenions tous à l'unité d'une même foi et d'une même connaissance du Fils de Dieu, à l'état d’un homme parfait, à la mesure de l'âge et de la plénitude selon laquelle Jésus-Christ doit être formé en nous ; - afin que nous ne soyons plus comme des enfants, comme des personnes inconstantes qui se laissent emporter à tous les vents des opinions humaines, par la malice des hommes, et par l'adresse qu'ils ont à engager artificieusement dans l'erreur, etc. "
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6. I Corinthiens, XIV, 2-3, 19, 34 : " Celui qui parle une langue inconnue ne parle pas aux hommes, mais à Dieu, puisque personne ne l'entend, quoiqu'il dise par inspiration des choses pleines de mystères. - Mais celui qui prophétise parle aux hommes pour les édifier, les exhorter et les consoler. - J'aimerais mieux ne dire dans l’Eglise que cinq paroles dont j'aurais l'intelligence pour en instruire aussi les autres, que d'en dire dix mille en une langue inconnue. - Que les femmes se taisent dans les églises, etc. "
7. I Corinthiens, XII, 28-30 : " Dieu a établi dans son Eglise, premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs ; ensuite ceux qui ont la vertu de faire des miracles, puis ceux qui ont la grâce de guérir les maladies, ceux qui ont le don d'assister les frères, ceux qui ont le don de gouverner, ceux qui ont le don de parler diverses langues, ceux qui ont le don de les interpréter. - En effet, tous sont-ils apôtres, tous sont-ils prophètes, tous sont-ils docteurs ?- Tous ont-ils le don d'interpréter les langues ? "
8. Hébreux, V, 4 : " Et nul ne s'attribue à soi-même cet honneur, mais il faut y être appelé de Dieu comme Aaron. "
9. Actes, I, 24-26 : " Seigneur, vous qui connaissez les cœurs de tous les hommes, montrez-nous lequel des deux vous avez choisi - pour remplir ce ministère et l'apostolat dont Judas est déchu par son crime pour s'en aller en son lieu. - Alors ils les tirèrent au sort, et le sort tomba sur Mathias qui fut associé aux onze apôtres. "
10. MATTHIEU, X, 1, 5-8 : " Ayant assemblé ses douze disciples, il leur donna pouvoir sur les esprits immondes, etc. - Jésus envoya ces douze en leur disant : N'allez point vers les nations, et n'entrez pas dans les villes des Samaritains, mais allez plutôt aux brebis perdues de la maison d'Israël. - Et en allant, prêchez-leur en disant : Le royaume des cieux est proche. - Guérissez les malades, etc. "
11. LUC, IX, 1-2 : " Jésus ayant rassemblé ses douze apôtres, leur donna puissance et autorité pour chasser les démons et pour guérir les maladies ; - et il les envoya prêcher le royaume de Dieu, et rendre la santé aux malades. "
12. MARC, XVI, 15 : " Allez par tout le monde, et prêchez l’Evangile à toute créature. "
13. JEAN, XX, 21 : " Comme mon père m'a envoyé, je vous envoie de même. "
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14. Idem, XVII, 18 : " Comme vous m'avez envoyé dans le monde, de même je les ai envoyé dans le monde. "
15. Actes, XIII, 2-4 : " Or, pendant qu'ils rendaient leur culte au Seigneur et qu'ils jeûnaient, le Saint-Esprit leur dit : séparez-moi Paul et Barnabé pour l'œuvre à laquelle je les ai destinés. - Alors, après avoir jeûnes et priés, ils leur imposèrent les mains et les laissèrent aller. - Et étant ainsi envoyés par le Saint-Esprit, ils allèrent à Séleucie, et de là s'embarquèrent pour passer en Chypre. "
16. Tite, I, 5-6 : " Je vous ai laissé en
Crète, afin que vous y régliez tout ce qu'il y a à
régler que vous y établissiez des prêtres en chaque
ville, d'après l'ordre que je vous en ai donné - choisissant
celui qui sera irréprochable, etc. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. XX contra epistolam Parmeniani, c. 43 : " Quant à ce que quelques-uns d'entre eux, cédant à la force de la vérité, s’étaient pris à dire, que celui qui se sépare de l'Eglise ne perd pas le caractère du baptême, mais que cependant il perd le droit de le donner à d'autres, je pourrais par bien des raisons en démontrer l’inconséquence. D'abord, on est dans l'impuissance de dire pourquoi celui qui ne peut pas perdre le caractère du baptême, peut perdre le droit de le donner. Car l'un comme l'autre est un sacrement ; et il faut une certaine consécration pour recevoir l'un aussi bien que l'autre, je veux dire, pour être baptisé aussi bien que pour être ordonné : aussi, dans l'Eglise catholique, l'un ne peut-il pas plus être réitéré que l'autre. En effet, si quelques-uns de leurs chefs, reconnaissant le crime de leur schisme, reviennent à nous, et que nous les recevions pour le bien de la paix ; si, de plus, nous jugeons à propos de leur accorder le même rang de dignité qu'ils occupaient dans leur parti, nous ne les ordonnons pas pour cela de nouveau, mais nous reconnaissons que leur ordination est valide, aussi bien que leur baptême, parce que le mal était dans leur séparation même d'avec nous, mal qu'a dû suffisamment corriger leur rentrée dans l'unité ; mais il n'était pas dans les sacrements, qui ont toujours leur vérité, quelle que soit la main qui les confère. Et, lorsque l’Eglise juge à propos que ceux de leurs chefs qui rentrent dans son sein n'y exercent pas le pouvoir dont ils jouissaient dans le parti qu'ils ont quitté, elle ne leur ôte pas pour cela le sacrement de leur ordination, mais elle le reconnaît
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toujours en eux. C'est pourquoi on ne les soumet pas comme ceux du peuple à la cérémonie de l'imposition des mains (C'est-à-dire à la pénitence publique), de peur de faire injure, je ne dis pas à leur personne, mais au sacrement dont ils conservent le caractère. Ou si quelquefois il nous arrivait de le faire par ignorance, on voudrait bien nous pardonner une erreur que nous nous garderions de soutenir avec opiniâtreté, et que nous désavouerions plutôt dès que nous l'aurions connue. Car notre Dieu n'est pas un Dieu de dissension, mais un Dieu de paix (I Cor., XIV, 35) ; et ce ne sont pas les sacrements de l'Eglise, qu'emportent avec eux ceux qui se séparent de l'Eglise, que Dieu peut avoir en abomination ; ce sont leurs personnes elles-mêmes. Or, de même qu'ils reçoivent dans le baptême ce qu'ils peuvent ensuite communiquer à d'autres, ainsi reçoivent-ils dans l'ordination le droit de la conférer à leur tour, pour leur perte il est vrai dans un cas comme dans l'autre, tant qu'ils n'ont pas la charité qui ne peut être l'apanage que de l'unité. Mais après tout, autre chose est de n'avoir un bien d'aucune manière, autre chose est de l'avoir pour son malheur, autre chose enfin est de l'avoir pour son salut. . . Si nous sommes répréhensibles, qu'ils expliquent eux-mêmes pourquoi le sacrement de baptême serait inadmissible, tandis que celui de l'Ordre ne le serait pas, puisque, selon eux, celui qui se sépare de l'Eglise ne perd pas son baptême tout en perdant son ordination. Car si, comme personne n'en doute, l'un est un sacrement aussi bien que l'autre, pourquoi perd-on celui-ci et ne perd-on pas celui-là ? L'un de ces sacrements ne mérite pas plus que l'autre qu'on lui fasse injure. "
2. Le même, Lib. de bono conjugali, c. 24 : " Quoique les ordinations des clercs se fassent pour la desserte des églises, ceux qui sont une fois ordonnés conservent toujours leur ordination, quand même on ne leur donnerait ensuite aucune église à desservir ; ou si certaine faute qu'ils viennent à commettre leur fait perdre leur emploi, ils n'en conservent pas moins le sacrement qui leur a été conféré, encore que ce soit pour leur condamnation. "
3. Le même, Lib. I de Baptismo contra donatistas, c. 1 : " Le sacrement de baptême, voilà ce que reçoit celui qui est baptisé ; et le sacrement qui confère le droit de donner le baptême, voilà ce que reçoit celui qui est ordonné. Or, de même que celui qui est
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baptisé, s'il vient à se séparer de l'unité, ne perd pas pour cela le baptême qu'il a reçu, ainsi celui qui est ordonné, s’il vient à se séparer de l'unité, ne perd pas pour cela le droit de donner le baptême, droit qui se confond avec son ordination même. Car on ne doit pas faire injure à un sacrement plus qu’à un autre. Si l'un des deux se perd avec la sainteté, l'autre doit se perdre aussi ; si l'un subsiste dans les méchants, l’autre doit subsister de même. De même donc que l'on considère comme toujours valide le baptême qu'ont reçu ceux qui se séparent de l'unité, même après cette séparation accomplie, on doit considérer aussi comme valide le baptême que donnent ceux qui se sont séparés de l'unité, et qui, en se séparant, n’ont pas pu perdre le droit de donner le baptême qu'ils avaient avant leur séparation. Et comme on ne rebaptise pas ceux qui rentrent dans l’Eglise, et qui avaient été baptisés avant de faire schisme avec elle, ainsi n'ordonne-t-on pas de nouveau, lorsqu'ils reviennent à l'Eglise, ceux qui étaient ordonnés avant de s'être séparés d’elle, mais, ou on leur rend la fonction qu'ils remplissaient auparavant, si le bien de l'Eglise le demande, ou, si on ne la leur rend pas, on leur laisse toujours faire valoir le sacrement qu'ils ont reçu tellement qu'on ne leur impose pas les mains comme on le fait aux laïques. Félicien (Donatiste qui avait fait schisme d'avec les donatistes mêmes, en prenant le parti de Maximien, principal auteur du schisme qui s'était déclaré parmi eux. On voit que saint Augustin oppose ici à Parménien qu'il combat, un argument ad hominem), par exemple, en se séparant des autres donatistes avec Maximien, avait-il perdu le pouvoir de conférer le baptême plus que le baptême même qu'il avait reçu ? Ceux dont il s'était séparé ne l'ont-ils pas reçu sans difficulté quand il est revenu à eux, et n'ont-ils pas reçu de la même manière ceux qui sont revenus avec lui, et qui n'avaient d'autre baptême que celui qu'il leur avait conféré dans le temps qu'il partageait le schisme de Maximien ? "
4. S. LEON-LE-GRAND, Epist. LXXXI ad Dioscorum Alexandrium : " Ce que nous savons que nos pères ont observé avec le plus grand soin, nous demandons que vous le pratiquiez vous-mêmes, savoir de ne pas ordonner des prêtres ou des ministres tous les jours indifféremment, mais seulement la veille du jour de la résurrection, et que le jeûne soit alors observé, tant par ceux qui reçoivent l'ordination, que par ceux qui la donnent. On observera le même règlement, si, en gardant toujours
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le jeûne de la veille (C'est-à-dire en s'abstenant de prendre aucune nourriture depuis le milieu de la nuit du vendredi au samedi jusqu'à ce que l'ordination soit terminé, n'importe qu'elle se fasse le samedi ou le dimanche au matin), on ne fait l'ordination que dans la matinée du dimanche même, qui s'identifie pour ainsi dire avec la soirée du jour précédent, comme la nuit qui les joint l'une à l'autre appartient sans contredit au jour de la résurrection, ainsi que l’Eglise a coutume de le proclamer dans les offices de la fête de Pâques. Outre la coutume qui fait autorité en ce point, et que nous savons fondée sur la doctrine des apôtres, nous avons le témoignage de l'écrivain sacré qui nous apprend (Act., XIII) que les apôtres ayant résolus d’après la volonté de l'Esprit-Saint, d'envoyer Saul et Barnabé prêcher l'Evangile aux gentils, jeûnèrent et se mirent en prières pour leur imposer les mains, nous faisant entendre par-là avec quel respect et quelle ferveur ce sacrement, qui renferme tant de grâces, doit être administré aussi bien qu'être reçu. Ce sera donc vous conformer avec un zèle digne de tout éloge aux règlements apostoliques, que de maintenir vous-même cette discipline relative à l'ordination des prêtres dans les églises sur lesquelles le Seigneur vous a donné juridiction, de ne jamais faire ces sortes de consécrations en d'autres temps que le jour de la résurrection de Notre-Seigneur, que l'on doit compter à partir du samedi soir, et qui nous rappelle de si grands mystères afin que tout ce que Notre-Seigneur a institué de plus remarquable, s'observe de préférence dans ce jour privilégié. C’est en ce jour-là même qu'a commencé le monde, comme c'est le même jour que Notre-Seigneur, en ressuscitant, a détruit l a mort et inauguré la vie. C'est en ce même jour que les apôtres ont reçu de leur divin maître la trompette évangélique qu'ils devaient faire entendre à tous les peuples, et la mission de propager le sacrement de baptême dans l'univers entier. C'est en ce jour, comme l'atteste saint Jean l'Evangéliste, que Notre-Seigneur étant entré, quoique portes fermées dans l'appartement où les disciples étaient rassemblés, souffla sur eux et leur dit : Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez (JEAN, XX, 22-23). Enfin c'est en ce jour qu'est descendu l'Esprit-Saint conséquemment la promesse que Jésus-Christ en avait faite ses apôtres, afin que nous sachions que c'est une règle qui nous a été tracée par le Ciel même, de pratiquer les mystérieuses cérémonies des
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consécrations sacerdotales le jour même où sont descendues sur nous toutes les grâces. "
5. S. GREGOIRE, in caput X libri I Regum : " Samuel conféra à Saül l'onction royale, et Dieu donna en même temps au nouveau roi un cœur nouveau (I Sam., X, 9), pour que nous apprenions de là que, si ceux qui sont préposés au gouvernement des Eglises font la cérémonie extérieure de nous conférer les ordres sacrés, c’est Dieu lui-même qui fait pénétrer en nous par sa puissance la vertu des sacrements. Or, la vertu des sacrements, c'est la grâce septiforme de l'Esprit-Saint. Et ceux qui reçoivent cette grâce sont intérieurement renouvelés comme s'ils recevaient un cœur nouveau : car, quand l'Esprit-Saint fortifie un cœur par l'infusion de sa grâce, il le fait devenir tout autre qu'il n'était auparavant. "
6. Le même, in caput X libri I Regum : " David reçoit l’onction au milieu de ses frères, ce qui signifie que celui qui est choisi pour enseigner les autres, ne doit point se glorifier de la dignité à laquelle il est élevé, mais garder pour ses frères une charité égale à son élévation même. Et comme c'est par le ministère des hommes que les dons spirituels sont communiqués abondamment à ceux qui sont choisis pour gouverner les autres, l'Ecriture ajoute : Depuis ce temps-là l'Esprit du Seigneur fut toujours en David (I Sam., XVI, 13). L'Esprit du Seigneur en effet entre à la suite de l'onction reçue, parce que c'est une loi que nous recevions les sacrements par une action extérieure pour recevoir intérieurement la grâce du Saint-Esprit. L'homme agit au-dehors ; mais c'est Dieu, et non pas l'homme, qui agit au-dedans. L'homme se remue au-dehors, l'Esprit s'insinue au-dedans ; l'homme communique à l'homme l'ordination sainte, mais en même temps l'Esprit pénètre intimement celui qui la reçoit, et autant ce dernier est élevé aux yeux des hommes par la sublimité de l'Ordre qui lui est conféré, autant aux yeux de Dieu il reçoit de force de l'Esprit-Saint. L'Ordre lui est conféré au-dehors, pour qu'il s'occupe désormais de l'œuvre de Dieu ; la grâce lui est communiquée au-dedans, pour qu'il remplisse avec succès la charge qui lui est confiée. Car autrement, comment une chair si fragile pourrait-elle soutenir un si pesant fardeau ? Puis donc que cette charge, si lourde qu'elle soit, est confiée à la faiblesse même, l'Esprit vient en aide à celle-ci, et lui rend le fardeau non-seulement facile, mais même doux à porter, tant il lui communique de force par sa toute-puissante vertu. "
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7. S. GREGOIRE de Nysse, Orat. de sancto baptismo : " L'ordination épiscopale rend vénérable celui qui la reçoit ; elle le tire du commun des autres fidèles ; de simple particulier qu'il était, il devient tout d'un coup le précepteur, le supérieur, le docteur de la piété et le dispensateur des sacrés mystères : tout cela lui arrive, sans qu'il paraisse en lui aucun changement au-dehors, et son âme est ainsi transformée en mieux par l'action invisible de la grâce (Cf. Bibliothèque portative des Pères de l'Eglise, Paris, 1759, tome II, page 540). "
8. Le concile de Florence, in Doctrinâ de sacramentis : " Le sixième sacrement est celui de l'Ordre, dont la matière est l'instrument que l'évêque met en main pour indiquer l'Ordre reçu comme le calice avec le vin, et la patène avec le pain, pour la prêtrise ; le livre des Evangiles pour le diaconat ; le calice vide avec la patène vide aussi pour le sous-diaconat : et ainsi des autres Ordres qui se trouvent désignés par les instruments particuliers de leurs fonctions. La forme de l'Ordre de la prêtrise consiste dans ces paroles : " Recevez le pouvoir d'offrir dans l'Eglise le sacrifice pour les vivants et pour les morts, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. " Et ainsi de la forme particulière chacun des autres Ordres. Le ministre ordinaire de ce sacrement, c'est l'évêque. "
9. Le concile de Trente, session XXIII, chapitre 1 : " Le sacrifice et le sacerdoce sont tellement liés ensemble dans l'ordre des desseins de Dieu, que, sous quelque loi qu'on se considère, l'un n'a jamais existé sans l'autre. Puis donc que dans le Nouveau-Testament, Jésus-Christ a laissé à son Eglise un sacrifice visible qui est celui de la sainte Eucharistie, il faut avouer aussi qu'il doit y avoir dans cette Eglise un nouveau sacerdoce, visible et extérieur comme l'ancien, qu'il est destiné à remplacer. Or, que ce sacerdoce ait été institué par ce même Sauveur, et que Jésus-Christ a donné à ses apôtres et leurs successeurs dans le sacerdoce le pouvoir de consacrer, d'offrir et d'administrer son corps et son sang, aussi bien que celui de remettre ou de retenir les péchés, c'est ce que nous attestent les livres saints, et ce qu'a constamment enseigné la tradition de l'Eglise catholique. "
Ibidem, chapitre 2 : " Mais comme un tel sacerdoce est un ministère vraiment divin, il convenait, pour qu'il pût s'exercer
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avec plus de dignité et de respect, qu'il y eût dans la hiérarchie si sagement ordonnée de l'Eglise catholique plusieurs Ordres de divers degrés, subordonnés au sacerdoce lui-même et tellement distribués entre eux, que la simple tonsure leur servît d’entrée, et qu'ensuite les Ordres mineurs fussent comme autant de degrés pour s'élever successivement aux Ordres majeurs. Les livres saints font en effet une mention expresse non-seulement des prêtres, mais aussi des diacres, et indiquent en termes remarquables ce qu'on doit particulièrement observer dans leur ordination. Nous voyons ensuite que dès le berceau de l'Eglise les noms des Ordres inférieurs étaient en usage, aussi bien que les fonctions propres à chacun d'eux, savoir, les noms et les fonctions de sous-diacres, d'acolytes, d'exorcistes, de lecteurs et de portiers, quoique à degrés inégaux : car les Pères et les conciles, en même temps qu'ils font une mention fréquente des autres Ordres inférieurs, rangent le sous-diaconat parmi les Ordres majeurs. "
Ibidem, chapitre 3 : " Puisqu'il est manifeste, d’après le témoignage de l’Ecriture, la tradition venue des apôtres et le consentement unanime des Pères, que l'ordination confère la grâce, en même temps qu'elle est un rite extérieur, consistant en paroles et en signes visibles, il est indubitable que l'Ordre est véritablement dans la rigueur du terme un des sept sacrements de l'Eglise catholique. Car voici ce que disait l'Apôtre à son disciple Timothée (II Tim., I, 6-7) : Je vous avertis de rallumer ce feu de la grâce de Dieu, que vous avez reçu par l'imposition de mes mains ; car Dieu ne nous a pas donné un esprit de timidité, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse. "
Ibidem, chapitre 4 : " Or, comme le sacrement de l'Ordre imprime, aussi bien que le baptême et la confirmation, un caractère que rien ne peut ni effacer ni ôter, le saint concile condamne à bon droit le sentiment de ceux qui disent que les prêtres de la nouvelle loi n'ont qu'une autorité purement temporaire, et que, quoique légitimement ordonnés, ils peuvent repasser à l'état laïque s'ils cessent d'exercer le ministère de la parole de Dieu. Affirmer que tous les chrétiens indifféremment sont prêtres de la loi nouvelle, ou qu'ils jouissent tous les uns comme les autres d'un égal pouvoir dans l'ordre spirituel, ce n'est autre chose que jeter le désordre dans cette hiérarchie ecclésiastique comparable (par l'ordre qui y règne) à une armée rangée en bataille, comme si, contre la doctrine de saint Paul, tous devaient être apôtres,
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tous prophètes, tous évangélistes, tous pasteurs, tous docteurs. Le saint concile déclare en conséquence, qu’indépendamment des autres degrés ecclésiastiques, les évêques, qui ont pris la place des apôtres, appartiennent en première ligne cet ordre hiérarchique, et qu'ils ont été placés par le Saint-Esprit, comme le dit le même Apôtre, pour régir l’Eglise de Dieu ; qu'ils sont supérieur aux prêtres, que c'est à eux à donner le sacrement de confirmation, à ordonner les ministres de l’Eglise, et à remplir plusieurs autres fonctions qui surpassent le pouvoir des autres ministres d'un ordre inférieur. Le saint concile enseigne en outre que le consentement, ou l'autorité, comme on voudra l'appeler, du peuple et de la puissance ou de la magistrature séculière n'est pas tellement nécessaire pour l'ordination des évêques, des prêtres et des autres ministres, que l'ordination devienne nulle si cette condition n'est pas remplie ; il déclare au contraire que ceux qui, sans être appelés et institués par d'autres que par le peuple, par la puissance séculière ou par le magistrat, se portent à exercer ce ministère, ou qui s'y ingèrent d'eux-mêmes par leur propre témérité, ne doivent pas être considérés comme des ministres de l’Eglise, mais comme des voleurs et des larrons, qui ne sont point entrés par la porte du bercail. "
" Voilà ce que le saint concile a jugé à propos de rappeler en général aux chrétiens au sujet du sacrement de l'Ordre ; et il a pris le parti de condamner par les canons ci-dessous les erreurs contraires, afin que tous s'attachent, avec l'aide de Jésus-Christ, à suivre la règle de foi, et puissent avec moins de peine reconnaître et embrasser la vérité catholique au milieu des ténèbres que répandent tant d'erreurs. "
Ibidem, canon 1 : " Si quelqu'un dit qu'il n'y a pas sous la loi nouvelle un sacerdoce visible et extérieur, et qu'il n'existe pas de pouvoir particulier de consacrer et d’offrir le vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ, et de remettre ou de retenir les péchés ; mais que tout se réduit à la commission et au simple ministère de prêcher l’Evangile, et que ceux qui ne prêchent pas cessent dès-lors d'être prêtres, qu'il soit anathème. "
Ibidem, canon 2 : " Si quelqu'un dit qu'il n'y a pas dans l'Eglise catholique, outre le sacerdoce, d'autres Ordres, soit majeurs, soit mineurs, par lesquels on puisse s'élever au sacerdoce comme par autant de degrés, qu'il soit anathème. "
Canon 3 : " Si quelqu'un dit que l'Ordre ou l'ordination n'est pas un sacrement véritable et proprement dit, institué par Notre-
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Seigneur Jésus-Christ ; mais que c'est une pure invention humaine, imaginée par des hommes étrangers aux questions ecclésiastiques, ou bien une simple forme établie pour élire les ministres de la parole de Dieu et des sacrements, qu'il soit anathème. "
Canon 4 : " Si quelqu'un dit que le Saint-Esprit n'est pas donné par l'ordination sacrée, et qu'ainsi c'est en vain que les évêques disent alors, Recevez le Saint-Esprit ; ou que l'ordination n'imprime pas le caractère ou que celui qui a été une fois ordonné prêtre peut redevenir laïque, qu'il soit anathème. "
Canon 5 : " Si quelqu'un dit que l'onction sacrée qu'emploie l'Eglise dans la sainte ordination, non-seulement n'est pas nécessaire, mais doit être méprisée et rejetée comme pernicieuse, aussi bien que les autres cérémonies du sacrement de l'Ordre, qu'il soit anathème. "
Canon 6 : " Si quelqu'un dit qu'il n'y a pas dans l'Eglise catholique une hiérarchie établie par l'ordre de Dieu, et composée d’évêques, de prêtres et de ministres, qu'il soit anathème. "
Canon 7 : " Si quelqu'un dit que les évêques ne sont pas supérieurs aux prêtres ou qu'ils n'ont pas le pouvoir de confirmer et d'ordonner ; ou que ce pouvoir qu'ils ont, les prêtres le partagent avec eux ; ou que les Ordres qu'ils confèrent sans le consentement ou l'intervention du peuple ou de la puissance séculière sont nuls ; ou que ceux qui n'ont été ni ordonnés ni envoyés selon les règles par la puissance ecclésiastique et légitime, mais qui viennent d'ailleurs, sont de légitimes ministres de la parole et des sacrements, qu'il soit anathème. "
Canon 8 : " Si quelqu'un dit que les évêques promus par l’autorité du souverain pontife ne sont pas de vrais et légitimes évêques, mais une institution purement humaine, qu'il soit anathème. "
10. S. AMBROISE, in caput XII prioris ad Corinthios, sur ces paroles, Il y a différentes sortes de grâces : " Celui qui est chargé d'un ministère ecclésiastique reçoit par une opération de l'Esprit-Saint, une grâce, quelle qu'elle soit d'ailleurs, qui ne lui est pas personnelle, mais qui se rapporte à l'Ordre qu'il est chargé d'exercer. "
11. THEOPHYLACTE, in caput XIX Lucæ : " Le maître donna dix dragmes à ses serviteurs. Ces serviteurs, ce sont ceux à qui est confié un ministère dans l'Eglise, et qu'on appelle doyens (decemviri, du nombre dix) à cause de la perfection de la présidence ecclésiastique. Car rien de plus parfait que cette hiérarchie
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formée de degrés différents dans le nombre justement requis pour sa perfection, tellement qu'un moindre nombre de ces degrés serait un défaut, et un plus grand, un excès. Trois états de vie apparaissent dans l’Eglise, la vie purgative, l'illuminative et la vie parfaite. Or, chacun des Ordres établis dans la hiérarchie répond à chacun de ces trois états. Les diacres purifient les âmes par l'instruction et la doctrine. Les prêtres introduisent la vie illuminative par le baptême. Les évêques constituent la perfection de l'ordre sacerdotal, par le pouvoir qu'ils ont d'ordonner. Voilà trois ordres dans l'Eglise avec les opérations propres à chacun, et il n'y a ni plus ni moins d'ordres de ministres chargés de gouverner les fidèles que ces trois. Le maître donc a distribué à ces serviteurs dix mines, c'est-à-dire dix dons différents, donnés à chacun à faire valoir. Car tous ceux qui sont revêtus de quelque pouvoir dans l’Eglise ont reçu certains dons, quelque indignes qu'ils puissent en être, en vertu de leur onction (ou consécration) même : preuve éclatante, de la miséricorde divine à notre égard (Voyez aussi sur ce sujet l'ouvrage de saint Denis l’Aréopagite sur la hiérarchie ecclésiastique, chap. 5 et 6) ! "
12. PIERRE le Vénérable, abbé de Cluny, lib. VI, Epist. I ad Theobaldum abbatem : " Pourquoi l'onction que reçoivent les mains des prêtres pour offrir et administrer le saint sacrifice n'est-elle jamais réitérée ; et pourquoi en est-il de même de cette autre plus abondante qui est faite sur la tête d'un évêque ? C'est qu'il n'y a aucune raison de le faire de nouveau, de consacrer par une nouvelle onction les mains d'un prêtre ou la tête d'un pontife. Car le sacrement qu'ils ont une fois reçu de l'Esprit-Saint ne peut être effacé ou détruit en eux par aucun moyen, pas même par la suspense ou la déposition qu'ils auraient justement encourue. C'est ce que démontre l’usage général et public de l’Eglise, qui ne réitère jamais la cérémonie de la consécration à un prêtre qu'elle réintègre, quelque long que soit le temps qu'il ait été dégradé, pas plus qu'elle ne fait une nouvelle ordination pour les évêques qui sont transférés d’un siège à un autre. "
13. S. CYPRIEN, Epist. LII (al. 51) ad Antonianum ; voir plus bas, question V, dans le corps de la réponse.
14. TERTULLIEN, livre des Prescriptions, c. 41 ; ce passage sera rapporté plus bas, question VII, dans le corps de la réponse.
15. Le concile de Latran tenu sous Innocent III, chapitre 3 : " Comme quelques-uns, prenant le masque de la piété sans en avoir l'esprit, comme le dit l’Apôtre (II Tim., III, 5), s'at-
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tribuent d'eux-mêmes le droit d'annoncer la parole de Dieu, tandis que le même apôtre dit en termes formels : Comment prêcheront-ils, s'ils ne sont envoyés ? Nous ordonnons que tous ceux qui, malgré la défense qui leur en aurait été faite, ou sans être envoyés par le Saint-Siège ou par l'évêque particulier du lieu, ont la témérité d'usurper l'office de la prédication, soit en particulier, soit en public, soient frappés d’excommunication, et que s'ils ne se corrigent pas au plus tôt, ils encourent les autres peines qu'on jugera à propos de leur infliger. "
16. Le pape INNOCENT III, Epist. I ad universos fideles, tam in urbe Metensi quàm in ejus diœcesi constitutos, tit. de hæreticis, c. Cùm ex injuncto : " Comme, en vertu de la charge apostolique qui nous est confiée, nous sommes, pour nous servir du langage de l'Apôtre, débiteur envers les savants comme envers les ignorants (Rom., I, 14), nous devons procurer selon notre pouvoir le salut de tous, en retirant les méchants de leurs vicieuses habitudes, et en soutenant les bons dans la pratique de la vertu. Nous avons besoin pour cet effet d'un discernement tout spécial lorsque les vices se déguisent sous les apparences de la vertu, et que l’ange de Satan se transforme en ange de lumière (II Cor., XI, 1 4). Notre vénérable frère l’évêque de Metz nous a fait savoir par une lettre qu'il nous a adressée, qu'un nombre considérable de laïques et de femmes, tant de la ville de Metz que du reste du diocèse, se prenant en quelque sorte du désir de connaître les Ecritures, se sont fait traduire en français les évangiles, les épîtres de saint Paul, le psautier, les morales de Job, et plusieurs autres livres encore ; qu'ils s'adonnent à cette étude avec une telle ardeur, et plût à Dieu que nous pussions dire avec une telle prudence, qu'ils osent se réunir pour cet objet, hommes et femmes, en assemblées secrètes, où ils font eux-mêmes, les uns à l’égard des autres, l'office de prédicateurs en même temps qu'ils témoignent du mépris pour ceux qui ne veulent pas se joindre à eux, et qu'ils traitent comme étranger ceux qui refusent de prêter l'oreille à leurs discours ou d'applaudir à leur conduite. Quelques curés ayant voulu les en reprendre, ils leur ont résisté en face, et ils ont cherché dans les Ecritures des raisons pour prouver qu'ils n'avaient pas à leur obéir. Quelques-uns même d'entre eux se font un jeu de la simplicité de leurs prêtres ; et lorsque ceux-ci leur proposent la parole de vie, ils murmurent sourdement qu'ils trouvent cela mieux expliqué dans leurs livres, et qu'ils pourraient eux-mêmes
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le dire plus habilement. Or, quoique le désir de comprendre les divines Ecritures, et l'attention règle sur elles ses discours, ne soient pas blâmable, mais plutôt dignes de louanges, plusieurs de ces laïques méritent de justes reproches, de ce qu'ils s'assemblent en sociétés secrètes, de ce qu'ils usurpent l'office de la prédication, de ce qu'ils se jouent de la simplicité des prêtres, et se séparent de leur communion. Car Dieu, cette vraie lumière qui éclaire tout homme qui vient en ce monde, déteste à un tel point les œuvres de ténèbres, qu'avant d'envoyer ses apôtres dans le monde entier prêcher l’Evangile à toute créature, il leur donna cet ordre en termes formels : Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le à la lumière du jour ; et ce que vous m'entendez vous dire a l’oreille, prêchez-le sur les toits (MATTH., X, 27) ; faisant clairement entendre par ces paroles, que la prédication évangélique ne doit pas se faire en secret dans des conventicules, mais en public dans les Eglises, comme cela se pratique dans tout le monde catholique. Car, suivant le témoignage de la vérité même, celui qui fait le mal déteste la lumière et la fuit, de peur que ses œuvres ne soient blâmées ; celui au contraire qui se conduit selon la vérité aime la lumière et ne craint pas que ses œuvres paraissent, parce qu'elles ont pour principe l'esprit de Dieu (JEAN, III, 20-21). Aussi lisons-nous que le grand-prêtre des Juifs ayant interrogé Jésus au sujet de ses disciples et de sa doctrine, il leur répondit : J’ai parlé publiquement à tout le monde, j'ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s'assemblent, et je n'ai rien dit en secret (JEAN, XVIII, 20). Que si l’on objecte que Notre-Seigneur a défendu d'un autre côté de donner les choses saintes aux chiens, et de jeter des perles devant des pourceaux (MATTH., VII, 6), et que lui-même a dit, non à tout le monde, mais à ses seuls apôtres : Il vous a été donné, à vous, de connaître les mystères du royaume des cieux, mais pour les autres, ils ne leur sont proposés qu'en paraboles (LUC, VIII, 10) ; qu'on sache que les chiens et les pourceaux ne sont pas ceux qui reçoivent les choses saintes avec action de grâces, ou qui recueillent les perles avec amour, mais ceux qui dilacèrent les choses saintes et qui font des perles l'objet de leurs dédains ; tels que ceux, par exemple, qui, bien loin de vénérer comme le font les catholiques, les paroles de l’Evangile et les sacrements de l’Eglise, les ont plutôt en abomination : comme ces hérétiques qui ne savent qu'aboyer et blasphémer, et dont l'apôtre saint Paul nous avertit de fuir la société, après
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qu'ils auront refusé de se rendre à nos avertissements réitérés (Tit., III, 10). Si les mystères de la foi ne doivent pas être exposés indifféremment à tout le monde, c'est que tout le monde n'est pas également capable de les comprendre. Voilà pourquoi on doit le faire seulement à ceux qui peuvent en avoir l'intelligence. C'est pour cela aussi que l'Apôtre disait à certains fidèles : Je ne vous ai nourris que de lait comme des enfants, et non pas de viandes solides (I Cor., III, 1-2) ; car c'est aux forts que conviennent les viandes solides (Hébr., V, 14) ; et qu'il disait à d'autres : Nous prêchons la sagesse aux parfaits, au lieu que je n'ai point fait profession parmi vous de savoir autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié (I Cor., II, 2, 6). Telle est en effet la profondeur des saintes Ecritures, que non-seulement les gens simples et sans lettres, mais même les savants et les sages ne sauraient parvenir à en avoir une parfaite intelligence. C'est ce qui a fait dire à l'écrivain sacré : Ils se sont épuisés inutilement dans leurs recherches (Ps. LXIII, 7). De là cette ancienne prescription de la loi divine : Tout être vivant qui touchera à la montagne sera lapidé (Exod., XIX, 12) ; et dont le sens est, que les simples et les ignorants ne doivent pas prétendre à atteindre jusqu'aux hauteurs de la céleste doctrine. Car il est écrit : Ne recherchez point ce qui est au-dessus de vous (Ecclé., III, 22). C'est pourquoi l'Apôtre nous donne cet avis, de ne point nous élever au-delà de ce que nous devons dans les sentiments que nous avons de nous-mêmes (Rom., XII, 3). Car, comme un corps est composé de plusieurs membres, et que tous ces membres n'ont pas la même fonction (ibid., 4), ainsi, y a-t-il divers ordres dans l'Eglise, dont chacun a son emploi particulier ; car, dit encore le même Apôtre Jésus-Christ a donné à son Eglise quelques-uns pour être apôtres, quelques autres pour être prophètes, d’autres pour être docteurs (Eph., IV, 11). Puis donc que l'ordre des docteurs est des plus distingué dans l'Eglise, tout le monde indifféremment ne doit pas usurper l'office de la prédication. Car, comme dit l'Apôtre, comment prêcheront-ils, s'ils ne sont envoyés (Rom., X, 48) ? Et la Vérité elle-même recommande à ses disciples, de prier le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour la faire (MATTH., IX, 38). Si quelqu'un allègue que c'est Dieu qui envoie invisiblement les hommes dont il s'agit, bien qu'ils ne soient pas envoyés par les hommes, la mission invisible étant d’un bien plus grand prix que la mission visible, et la mission qui vient de Dieu ayant une tout autre dignité que celle qui vient des hommes, nous
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serons en droit de répondre que, comme cette mission invisible est cachée, il ne suffit pas d'affirmer simplement qu'on est envoyé de Dieu, puisque tout hérétique pourrait également le faire, mais qu'il faut de plus justifier sa mission par la puissance des miracles ou par quelque témoignages de l’Ecriture. Aussi le Seigneur, voulant envoyer Moïse en Egypte vers les enfants d'Israël, pour que celui-ci pût justifier sa mission à leurs yeux, lui donna en signe de cette mission le pouvoir de changer sa baguette en serpent, et ensuite ce serpent en sa baguette. Jean-Baptiste, à son tour, prouva sa mission par ce témoignage de l'Ecriture : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la voie du Seigneur, comme dit le prophète Isaïe (JEAN, I, 23). Nous ne devons donc point en croire celui qui se dit envoyé de Dieu sans avoir reçu de mission des hommes, s'il ne produit en sa faveur quelque témoignage de l'Ecriture, ou s'il n'opère quelque miracle. Car l’Evangéliste témoigne de ceux que nous savons avoir été envoyés de Dieu, qu'étant partis, ils se mirent à prêcher en tous lieux, le Seigneur agissant avec eux et appuyant leur prédication par des miracles (MARC, XVI, v. ult.). Et quoique la science soit absolument nécessaire aux prêtres pour l'enseignement dont ils sont chargés, puisque, comme le dit le Prophète, les lèvres du prêtre sont dépositaires de la science, et que c'est de sa bouche qu'on recueille la connaissance de la loi (MALACH., II, 7), on ne doit pas pour cela médire des prêtres peu instruits ou même qui ne sont qu'étudiants, puisqu'on doit toujours honorer en eux le caractère sacerdotal : ce qui fait que le Seigneur a dit dans sa loi : Vous ne parlerez point mal des dieux (Exod., XXII, 28), entendant par-là les prêtres, qui sont appelés dieux à cause de l'excellence de leur ordre et de la dignité de leur emploi. C'est dans le même sens qu'il est dit de l'esclave qui aurait demandé rester chez son maître, qu’il fallait que son maître le présentât devant les dieux (Exod., XXI, 28). Car, comme, selon la parole de l’Apôtre, soit que l'esclave tombe, soit qu'il demeure ferme, cela regarde son maître (Rom., XIV, 4) ; un prêtre n'a de correction à recevoir que de l'évêque auquel il est subordonné et qui la lui administrera dans un esprit de douceur, plutôt que de la recevoir du peuple qu'il est chargé de corriger lui-même, et qui ne pourrait l'exercer par conséquent que dans un esprit d'orgueil ; et si, comme il est écrit, on ne doit pas maudire son père ou sa mère, mais plutôt les honorer, cela doit s'entendre encore beaucoup mieux du père spirituel, que du
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père selon la chair. Et que personne ne prétende
justifier sa présomption par ce que nous lisons d'un prophète
qui fut repris par son ânesse (Nom., XXII), ou par ce défi
porté aux juifs par Notre-Seigneur : Qui de vous me convaincra
de péché (JEAN, VIII, 46) ? Car autre chose est
de reprendre en secret son frère quand on a à se plaindre
de lui (ce qui est un devoir pour chacun d’après l'Evangile, et
c'est de cette manière que Balaam fut repris par son ânesse),
autre chose est de reprendre en public son frère qu'on croit en
faute, ce qui n'est permis à personne selon la vérité
de l'Evangile. Au contraire, celui qui dit à son frère vous
êtes un fou, mérite le feu de l'enfer (MATTH., V, 22).
Autre chose est encore, qu'un supérieur assuré de son innocence
consente de lui-même à s'entendre accuser par ses inférieurs
(et c'est en ce sens que nous devons entendre la parole de Jésus-Christ
qu'on nous objecte) ; autre chose est de voir un inférieur s’élever
témérairement contre son supérieur dans l'intention
de le décréditer plutôt que de le corriger charitablement,
tandis que son devoir se borne à lui être soumis. Que s'il
devenait nécessaire qu'un prêtre fût écarter
de son troupeau comme indigne ou incapable, l'ordre veut en ce cas qu'on
porte l'affaire au tribunal de l’évêque à qui il appartient,
comme on sait, de destituer les prêtres comme c'est à lui
de les instituer. "
Question II
Tous les chrétiens ne sont-ils pas également prêtres ?
Tous les chrétiens peuvent être appelés prêtres en ce sens, que de même que les prêtres ont coutume d'exercer certains ministères sacrés et d'offrir des sacrifices visibles, ainsi tous ceux qui sont régénérés en Jésus-Christ peuvent et doivent tous les jours offrir des sacrifices spirituels, tels que des prières des actes de louanges, des actions de grâces, des pratiques de mortification et d'autres actes de ce genre par lesquels ils rendent à Dieu un continuel hommage ; et c'est pour cela qu'ils sont appelés prêtres dans l’Ecriture, et qu'ils sont dits offrir à Dieu des victimes spirituelles, ou exercer devant lui un sacerdoce spirituel.
Mais si nous prenons ce mot de sacerdoce dans son sens propre, il est faux que tous les chrétiens indifféremment soient prêtres ; car, à vrai dire, il n'y a de prêtres que ceux que l'Eglise a chargés d'être les ministres proprement dits des sacrements, et à qui elle a conféré le droit de consacrer, d'offrir, de distribuer la sainte Eucharistie, et de remettre ou de retenir aux fidèles leurs péchés.
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C'est des prêtres de la loi nouvelle, dans le sens que nous venons d’expliquer, que saint Paul a dit ces paroles : Que les prêtres qui gouvernent bien soient doublement honorés, principalement ceux qui travaillent à la prédication de la parole de Dieu, et à l'instruction des peuples. Chose qui assurément ne saurait convenir aux femmes, à qui le même apôtre défend d'enseigner dans l’Eglise, et ordonne au contraire de se taire ; ni en général à ceux qui composent le peuple chrétien proprement dit, et dont le devoir est de suivre le pasteur comme de dociles agneaux, et non de conduire eux-mêmes le troupeau, et qui ne doivent pas se préférer aux pasteurs, mais qui doivent se soumettre à eux, et écouter, observer, mettre en pratique, selon le précepte de l’Evangile, tout ce que leur disent ceux-ci du haut de la chaire de vérité, soit que ces derniers le pratiquent eux-mêmes, soit qu'ils ne le pratiquent pas.
De même donc que dans l’Eglise triomphante les anges ne sont pas tous du même ordre, n'ont pas tous le même pouvoir, mais se tiennent chacun à la place qui lui est assignée pour observer et exécuter fidèlement les choses qui leur sont prescrites ; ainsi l’Eglise militante, qui est la maison de Dieu et comme une armée rangée en bataille, a de même ses ministres particuliers, qu'elle sépare du reste des chrétiens et qu'elle range dans un ordre admirable pour remplir ici-bas les fonctions publiques de son ministère, et pour procurer le commun avantage du peuple chrétien en s'adonnant d'une manière toute spéciale et selon la place qu'ils occupent, à ce qui regarde le service de Dieu et le salut des âmes.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Apocalypse, I, 5-6 : " Il nous a lavés de nos péchés dans son sang, - et nous a faits rois et prêtre de Dieu son Père. "
2. Ibidem, V, 10 : " Et vous nous avez faits rois et prêtres pour notre Dieu, et nous règnerons sur la terre. "
3. I PIERRE, II, 9, 5 : " Quant à vous, vous êtes la race choisie, l'ordre des prêtres-rois, la nation sainte, le peuple conquis. - Entrez vous-même aussi dans la structure de cet édifice comme des pierres vivantes, pour former un édifice spirituel et un sacerdoce saint, afin d'offrir à Dieu des sacrifices spirituels qui lui soient agréables par Jésus-Christ. "
4. Romains, XII, 1 : " Je vous conjure donc, mes frères, par la miséricorde de Dieu, de lui offrir vos corps comme une hostie vivante, sainte et agréable à ses yeux, en sorte que le culte que vous lui rendez soit un culte raisonnable. "
5. Psaume XLIX, 23 : " Le sacrifice qui m'honore, c'est un sacrifice de louange. "
6. Ps. L, 19 : " Le sacrifice qui plaît à Dieu, c'est un cœur touché de repentir : vous ne rejetterez pas, ô mon Dieu ! un cœur contrit et humilié. "
7. Philippiens, IV, 18 : " Maintenant j'ai tout, et en abondance ; je suis comblé de biens depuis que j'ai reçu d’Epaphrodite ce que vous m’avez envoyé comme une oblation d'excellente odeur, comme une hostie que Dieu accepte volontiers, et qui lui est agréable. "
8. Hébreux, XIII, 15-16 : " Offrons donc sans cesse à Dieu par Jésus-Christ un sacrifice de louanges, c'est-à-dire le fruit des lèvres qui rendent gloire a son nom. - Souvenez-vous d'exercer la charité, et de faire part de vos biens aux autres, car c'est par de semblables hosties qu'on se rend Dieu favorable. "
9. I Timothée, V, 17 : " Que les prêtres qui gouvernent bien, etc. (comme dans le corps de la réponse).
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10. Ibidem, II, 11-12 : " Que les femmes se tiennent en silence, et dans une entière soumission lorsqu'on les instruit : - car je ne permets point aux femmes d'enseigner, ni de prendre de l'autorité sur leurs maris ; mais qu'elles demeurent dans le silence. "
11. I Corinthiens, XIV, 34-36 : " Que les femmes se taisent dans l’Eglise, car il ne leur est pas permis d'y parler ; mais elles doivent être soumises, selon que la loi l'ordonne. - Si elles veulent s'instruire de quelque chose, qu'elles le demandent à leurs maris, lorsqu'elles seront dans leurs maisons ; car il est honteux à une femme de parler dans l'Eglise. - Est-ce de vous que la parole de Dieu est sortie, ou êtes-vous les seuls à qui elle soit venue ? "
12. JEAN, X, 11, 16 : " Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. - J'ai d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie, il me faut aussi les amener, et elles entendront ma voix, et il n'y aura plus qu'un même troupeau et un même pasteur. "
13. JEAN, XXI, 15, 17 : " Paissez mes agneaux. . . . Paissez mes brebis. "
14. I PIERRE, V, 2, 4 : " Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, etc. Et lorsque le prince des pasteurs paraîtra, vous remporterez une couronne de gloire qui ne se flétrira jamais. "
15. Idem, II, 13-14, 17-18, 25 : " Soyez donc soumis pour l'amour de Dieu a toute sorte de personnes : soit au roi, comme au souverain ; - soit aux gouverneurs, comme à ceux qui sont envoyés de sa part, etc. - Rendez à tous l'honneur, aimez vos frères, etc. - Serviteurs, soyez soumis à vos maîtres avec toute sorte de respect ; non-seulement ceux qui sont bons et doux, mais a ceux aussi qui sont rudes et fâcheux. - Car vous étiez comme des brebis égarées ; mais maintenant vous êtes retournés à celui qui est le pasteur et l'évêque de vos âmes. "
16. Hébreux, XIII, 17 : " Obéissez à vos conducteurs, demeurez soumis a leurs ordres ; afin qu'ainsi qu'ils veillent pour vos âmes, comme devant en rendre compte, ils s'acquittent de ce devoir avec joie, et non en gémissant, ce qui ne vous serait pas avantageux. "
17. Romains, XIII, 1-2, 5 : " Que toute personne soit soumise aux puissances supérieures ; car il n'y a pas de puissance qui ne vienne de Dieu, et c'est lui qui a établi toutes celles qui sont
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sur la terre. - Celui donc qui résiste aux puissances, résiste à l'ordre de Dieu ; et ceux qui y résistent attirent la condamnation sur eux-mêmes. - Il est donc nécessaire de vous soumettre à elles non-seulement par la crainte du châtiment, mais aussi par un devoir de conscience. "
18. MATTHIEU, XXIII, 2-3 : " Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse. - Observez donc ce qu'ils vous disent ; mais ne faites pas ce qu'ils font. "
19. LUC, X, 16 : " Celui qui vous écoute, m’écoute ; celui qui vous méprise, me méprise ; et celui qui me méprise méprise celui qui m'a envoyé. "
20. I JEAN, IV, 6 : " Celui qui connaît Dieu nous écoute ; celui qui n'est point de Dieu ne nous écoute point. C'est par-là que nous discernons l'esprit de vérité et l'esprit de l'erreur. "
21. Ephésiens, I, 20-21 : " Le ressuscitant d'entre les morts, et le faisant asseoir à sa droite dans le ciel, - au-dessus de toutes les Principautés, de toutes les Puissances, de toutes les Vertus, de toutes les Dominations et de tous les noms de dignité qui peuvent être non-seulement dans le siècle présent mais encore dans le siècle à venir. "
22. Colossiens, I, 16 : " Car tout a été créé par lui dans le ciel et sur la terre : les choses visibles et les invisibles, soit les Trônes, soit les Dominations, soit les Principautés, soit les Puissances, tout a été créé par lui et pour lui. "
23. DANIEL, VII, 10, 9 : " Un million d'anges le servaient, et mille millions assistaient devant lui : le jugement se tint, et les livres furent ouverts. - J'étais attentif à ce que je voyais, jusqu’à ce que les trônes fussent placés et que l'Ancien des jours s'assît. "
24. I Timothée, III, 15 : " Afin que vous sachiez comment vous devez vous conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu vivant, la colonne et la base de la vérité. "
25. Cantique des cantiques, VI, 9 : " Quelle est celle qui s'élève brillante comme l'aurore, belle comme la lune, éclatante comme le soleil, terrible comme une armée rangée en bataille. "
26. Hébreux, V, 1 : " Tout pontife est pris d'entre les hommes, et est établi pour les hommes, en ce qui regarde le culte de Dieu, afin d'offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. "
27. Ibidem, VIII, 3 : " Car tout pontife est établi pour offrir des dons et des victimes. "
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28. Ibidem, XIII, 17 : " Ils veillent au bien de vos âmes, comme devant en rendre compte. "
29. II Corinthiens, V, 20, 18 : " Nous remplissons
la charge d'ambassadeurs de Jésus-Christ, et c'est Dieu même
qui vous exhorte par notre bouche. - Le tout vient de Dieu qui nous a réconciliés
avec lui-même par Jésus-Christ, qui nous a confié le
ministère de cette réconciliation. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. BASILE, Lib. II de Baptismo, c. 8 : " Si quelqu'un nous fait cette objection : Que signifie donc ce que dit l’Apôtre, Je veux que les hommes prient indifféremment en tout lieu (I Tim, II, 8), le Seigneur lui-même nous ayant donné le droit d'adorer Dieu en tous lieux, quand il a dit : Ce est ni à Jérusalem, ni sur cette montagne, qu'on sera désormais obligés d’adorer le Père (JEAN, IV, 21) ? nous répondrons que cette expression, en tout lieu, ne comprend pas les lieux destinés par l'usage aux actes grossiers et profanes, mais que cela veut dire seulement que l'adoration du vrai Dieu, au lieu d'être concentrée dans l’étroite enceinte de Jérusalem, devait désormais s’étendre à tous les pays du monde, et spécialement, comme le fait entendre la prophétie, à tous les lieux proprement destinés pour y offrir des sacrifices, et où désormais serait seule immolée l'adorable victime. Car, encore bien que le Prophète ait dit, Vous serez tous appelés prêtres de Dieu (Is., LXI, 6), nous ne devons cependant pas tous indistinctement usurper cette fonction, et personne n'a le droit de s'adjuger à soi-même un ministère accordé à un autre, mais chaque fidèle doit se contenter des dons qu'il a reçus de Dieu, conformément à la doctrine de l’Apôtre, qui, après avoir dit à tous : Je vous conjure, par la miséricorde de Dieu, d'offrir vos personnes comme des hosties vivantes, etc. (Rom., XII, 1), nous apprend par la comparaison qu'il fait de l'harmonie qui règne entre les divers membres d'un corps, et qui contribue si puissamment à sa beauté et à son bien-être, la nécessité et tous les avantages de la charité que nous garderons entre nous et en Notre-Seigneur Jésus-Christ, en n'enviant point aux autres les dons qui leur sont particulièrement destinés. "
2. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, liv. XX, c. 10 : " Mais ils seront prêtres de Dieu et de Jésus-Christ, et ils règneront mille ans avec lui. Il ne faut pas entendre ces paroles des seuls évêques ou des seuls prêtres, qui forment dans l'Eglise, à propre-
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ment parler, le véritable corps sacerdotal, mais de tous les fidèles, qu'il nomme ainsi, parce qu'ils sont tous membres d'un seul grand-prêtre, comme on les appelle tous chrétiens, à cause du chrême mystique auquel ils ont tous part. Et c'est d'eux que l'apôtre saint Pierre a dit : Le peuple saint et le sacerdoce royal. "
3. Le pape S. LEON, Serm. III in anniversario assumptionis suæ ad ponlificatum : " Bien qu'il y ait des degrés différents dans l'Eglise de Dieu, et qu'elle soit comme un corps composé de plusieurs membres, tous cependant nous ne sommes qu'un en Jésus-Christ (I Cor., XII, 13). La différence des emplois n'empêche pas que nous ne soyons tous, petits et grands, réunis sous le même chef. L'unité de la foi et du baptême est le lien de notre société : c'est ce qui fait notre gloire, et cette gloire se répand sur tous, selon cet oracle de l'apôtre saint Pierre : Vous entrez vous-mêmes dans la structure de l'édifice, comme étant des pierres vivantes pour composer une maison spirituelle, et un ordre de saints prêtres, afin d'offrir à Dieu des sacrifices spirituels, qui lui soient agréables par Jésus-Christ (I PIER., II, 5). Le même apôtre ajoute : Vous êtes la race choisie, l'ordre des prêtres-rois, la nation sainte, le peuple conquis, afin que vous publiiez les grandeurs de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière (ibid., 9). Le signe de la croix fait autant de rois de tous ceux qui ont été régénérés en Jésus-Christ. L'onction du Saint-Esprit consacre les prêtres ; tous les chrétiens sont de race royale, et participent à la dignité sacerdotale ; cet honneur, quoiqu'il nous appartienne à nous-mêmes spécialement, n’est point exclusivement attaché à notre seule personne, ni à notre seul ministère. Car qu'y a-t-il de plus noble, de plus royal en quelque sorte, qu'un esprit parfaitement soumis à Dieu, et qui règle tous les mouvements du corps ? Et quoi de plus saint et de plus sacerdotal, que de conserver son innocence, et d'offrir à Dieu une conscience pure ; de faire de son cœur une espèce d'autel, pour y immoler l'holocauste d'une piété consommée ? Tous ont cet avantage, par la grâce de Dieu ; mais moi, je suis particulièrement obligé d'avoir une religieuse reconnaissance de mon exaltation, comme d'un honneur qui me regarde personnellement. Mais cette bénédiction, qui se répand sur le chef avec plus d'abondance, ne s'en communique pas moins suffisamment à tous les membres, par une espèce d'écoulement (Cf. Sermons de saint Léon, pag. 13-14). "
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4. S. AMBROISE, Lib. IV de sacramentis, c. 1 : " Quelqu'un dira peut-être : Qu'est-il revenu au peuple de ce que la verge da grand-prêtre a refleuri toute desséchée qu'elle était (Nom., XVII) ? Mais ce peuple, qu'est-il autre chose qu'un peuple de prêtres ce peuple à qui il a été dit : Vous êtes la race choisie, l'ordre des prêtres-rois, la nation sainte, ainsi que s'est exprimé l'apôtre saint Pierre (I PIER., II, 9) ? Chacun de nous a reçu l’onction sacerdotale et royale en même temps. Mais la royauté et le sacerdoce dont il s'agit, sont une royauté et un sacerdoce spirituels. Nous lisons encore que dans le second tabernacle il y a l'autel des parfums. L'autel des parfums est celui d'ou se répand une bonne odeur. Et vous aussi, vous êtes la bonne odeur de Jésus-Christ ; il n'y a plus en vous de ces souillures que le péché laisse après lui, plus rien de cette infection que répandent les erreurs dont la contagion est si funeste. "
5. S. IGNACE, Epist. ad Heronem Ecclesiæ Antiochenum diaconum : " Ne faites rien sans avoir consulté les évêques. Car à eux le pontificat ; à vous, d'exercer sous eux votre ministère. C'est à eux qu'il appartient de baptiser, d'offrir le saint sacrifice, d'ordonner les prêtres, d'imposer les mains ; à vous, il appartient de les servir, comme nous voyons que saint Etienne servait Jacques et les autres prêtres présents à Jérusalem (Cette lettre de saint Ignace. V. NAT. ALEX., Hist. eccl. II sæc). "
6. S. CHRYSOSTOME, liv. III du Sacerdoce ; nous rapporterons ce passage plus bas, question VI, témoignage 2.
7. Le même, ibidem, liv. VI : " Quel doit être le prêtre qui a mission de prier Dieu pour toute une ville, que dis-je ? pour le monde entier, et de le conjurer d'être indulgent pour les péchés des vivants et des morts ? Quel doit être, je vous le demande, un évêque à qui la sainte assurance de Moïse et d'Elie ne suffirait pas, selon moi, pour adresser au Seigneur de semblables prières ? En effet, comme si le monde tout entier eût été remis à sa garde, comme s'il était le père commun de tous les hommes, il s'approche de la majesté souveraine pour la supplier d'éteindre le feu de la guerre qui dévore la terre, d'apaiser les troubles qui l'agitent, pour y faire régner la paix et le bonheur, et d'arrêter le cours de ces fléaux qui désolent les citoyens et les empires. Il faut en conséquence que celui qui prie pour tous l'emporte autant sur chacun d'eux, qu'il est juste que le protecteur l'emporte sur le protégé. Mais quand sa voix invoque l'Esprit-Saint, quand il
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offre le redoutable sacrifice, quand dans ses mains repose le maître de la nature, à quel rang, dites-moi, nous convient-il de le placer ? Quelle pureté, quelle piété n’exigeons-nous pas de lui ? Quelles doivent être ces mains ? Quelle doit être cette langue qui prononce de telles paroles ? Y a-t-il rien au monde qui doive être plus pur, plus saint qu'une âme où l'Esprit-Saint se plaît à habiter ? Voyez alors, voyez les anges se presser autour de lui ; le chœur des célestes Vertus descendu dans le sanctuaire qu'il remplit, chanter des hymnes saints en l'honneur du grand roi qui est assis sur l'autel ! " Et le reste comme plus haut, article de l'Eucharistie, question VI, témoignage 14, tome II, page 385.
8. Le même, Hom. LXXXIII (al. 82) sur saint Matthieu : " Ce n'est point la puissance des hommes qui agit sur les choses que l'on offre sur l'autel. C'est Jésus-Christ qui opéra autrefois ces merveilles dans la dernière cène et qui les opère encore aujourd'hui. Nous, nous tenons ici la place de ses ministres ; mais il n'y a que lui qui sanctifie ces offrandes, et qui fasse en elles tout le changement. Que nul Judas, nul avare n'ait donc la hardiesse d'approcher. . . . . Ce n'est pas seulement à vous qui participez simplement aux saints mystères que j'adresse cette exhortation, mais c'est à vous aussi qui en êtes les dispensateurs et les ministres, puisque, la dispensation de ces dons divins vous étant confiée, il est important de vous avertir de vous en acquitter avec zèle (Cf. Sermons de saint Jean Chrysostôme, trad. par P. A. de Marsilly, tome III, pag. 561-562). "
9. Ibidem, Hom. LI (al. 80) : " Quand vous voyez le prêtre vous présenter cette nourriture sacrée, ne pensez pas que ce soit la main du prêtre qui vous la donne ; croyez plutôt que c'est Jésus-Christ même qui vous tend la main pour vous la donner. Car, comme dans votre baptême ce n'est point le prêtre qui vous baptise, mais que c'est Dieu dont la grâce toute-puissante vous purifie alors invisiblement, sans qu'aucun ange ou archange, ou quelque autre que ce soit, ait la hardiesse de s'approcher de vous et de vous toucher, vous devez croire de même que c'est Jésus-Christ qui vous communie de sa propre main. Lorsque Dieu vous engendre pour être du nombre de ses enfants, il le fait lui seul, et cette régénération est un don qui vient tout entier de lui (Cf. ibidem, tome II, page 467). "
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10. S. JEROME, Epist. I ad Heliodorum, c. 7 : " A Dieu ne plaise que je parle mal de ceux qui tiennent dans l'Eglise la place des apôtres ; qui consacrent le corps de Jésus-Christ par la vertu des paroles qu'ils prononcent ; qui nous ont faits nous-mêmes chrétiens ; qui, ayant les clefs du royaume du ciel, jugent en quelque façon avant le jour du jugement (Cf. Lettres de saint Jérôme, trad. par D. Roussel, t. I, p. 15-16). "
11. Le même, Dial. contra Luciferianos, c. 8 : " Hilaire, n'étant que diacre à l'époque où il s'est séparé de l’Eglise, en se croyant apparemment être à lui seul le monde entier, n'a le pouvoir ni de consacrer l'Eucharistie, puisqu'il n'a ni évêque ni prêtres dans son parti, ni celui de donner le baptême, qui ne s'administre point sans l’Eucharistie. Et comme il est mort à l'heure qu'il est, sa secte est également morte avec lui : car, étant simple diacre, il n'a pu ordonner aucun clerc. Mais une Eglise qui n'a pas de prêtres ou de ministres, n'est pas une Eglise. Laissant donc de côté ces pauvres gens, qui cumulent dans leurs personnes la double qualité de laïque et d'évêques, apprenez ici ce qu'il faut penser d'une Eglise quelle qu'elle soit, etc. "
12. Le même, Epist. 85 ad Evagrium : " Qui pourrait tolérer le spectacle de ces ministres des tables et des vases (il veut parler des diacres), qui s'élèvent avec orgueil au-dessus de ceux-là mêmes, qui par leurs prières produisent sur les autels le corps et le sang de Jésus-Christ ? "
13. VICTOR Africain, Lib. II de persecutione Wandalirâ : " Que des foules sans nombre aient afflué de toutes les villes et de tous les pays pour visiter les martyrs de Dieu, c'est de quoi témoignent toutes les routes et tous les chemins, qui n'ont plus suffi à cette immense multitude, en sorte qu'obligés de s'épar piller sur les montagnes et les collines, on en voyait descendre tous ces fidèles portant des cierges dans leurs mains ; et plusieurs déposant leurs petits enfants sur les tombeaux des martyrs, laissaient échapper ce cri : A qui nous laissez-vous en garde, en allant vous-mêmes recueillir vos couronnes ? Qui baptisera ces petits dans les eaux vivifiantes ? Qui nous admettra à la pénitence, et, en nous réconciliant avec Dieu, nous délivrera de nos péchés ? Car c'est à vous qu'il a été dit : Ce que vous délierez sur la terre sera délié dans les cieux. Qui, lorsque nous serons morts, prononcera sur nos corps les prières solennelles ? Qui offrira sur nos
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autels le saint sacrifice ? Nous quitterions volontiers ce monde avec vous, si par ce moyen nous pouvions obtenir de ne pouvoir être séparés de vous, pas plus que des enfants de leurs pères. "
14. S. CYPRIEN, Epist. LIV (al. 53) ad Cornelium : " Il sera glorieux à des évêques d’avoir accordé la paix à des martyrs. Prêtres du Seigneur, occupés tous les jours à lui offrir des sacrifices, nous lui aurons préparé des hosties vivantes. "
15. TERTULLIEN, des Prescriptions contre les hérétiques, c. 41 ; nous rapporterons ce passage plus bas, question VII, dans le corps de la réponse.
16. S. EPIPHANE, contre les marcionites, hérésie 42 : " Marcion permet aux femmes de conférer le baptême. Car chez ces hérétiques, tout est dérisoire, et n'est rien que cela, puisqu'ils ne font pas même difficultés de célébrer leurs mystères sous les yeux de leurs catéchumènes (cf. S. Epiphanii opera omnia græcè-latina, tom. 1, pag. 305). "
17. Le même, contre les pépuziens, hérésie 49 : " Chez eux aussi les femmes sont évêques, prêtres, tout ce qu'on voudra, sans que leur sexe puisse faire obstacle ; attendu qu'en Jésus-Christ il n'y a plus de différence d’homme et de femme (Gal., III, 28). "
18. S. LEON, Epist. LXII ad Maximum episcopum Antiochenum : " Il convient aussi que votre fraternité à veiller avec attention à ce que personne, excepté les prêtres du Seigneur, ne s'arroge le droit d'enseigner et de prêcher, que l'on soit moine ou que l'on soit laïque, ou quelle que soit la science dont on se glorifie. Car, quoiqu'il soit à désirer que tous les enfants de l'Eglise aient assez d'instruction pour pouvoir la communiquer aux autres, on ne doit permettre a personne, en dehors de l'ordre sacerdotal, de s'ingérer de soi-même dans l'office de la prédication, puisque tout doit être fait avec ordre dans l'Eglise de Dieu, et qu'il convient que dans ce corps de Jésus-Christ, les membres principaux remplissent eux-mêmes leur office, et que les moins élevés en dignité ne s'insurgent pas contre les plus dignes. "
19. S. DENIS l’Aréopagite, de cælesti hierarchiâ, c. 10 : " Tous les esprits sont les interprètes et les envoyés d'une puissance supérieure. Les premiers portent les volontés immédiates de la Divinité, que d'autres reçoivent pour les transmettre à ceux qui viennent ensuite. Car notre Dieu, en qui toutes choses forment une harmonie sublime, a tellement constitué la nature des êtres,
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soit raisonnables, soit purement intellectuels, et réglé leur perfectionnement, que chaque hiérarchie forme un tout parfaitement organisé et comprend des puissances de trois degrés divers. Même, à vrai dire, chaque degré offre en lui ce merveilleux accord : c'est pour cela sans doute que la théologie représente les pieux séraphins comme s'adressant l'un à l'autre (ISAIE, VI, 3) : enseignant ainsi avec une parfaite évidence, selon moi, que les premiers communiquent aux seconds la connaissance des choses divines (Cf. Les Œuvres de saint Denis l'Aréopagite, trad. de M. l'abbé Darboy ; id. trad. du frère Jean de saint François, p. 35 ; ??? ???????? ????????? ??? ??????????? ????? ??????, pag. 61-62). "
20. S. ANACLET, pape et martyr, ou l'auteur de la lettre adressée sous le nom de ce pape à tous les évêques et à tous les fidèles (Celte lettre ou décrétale n’est pas du pape S. Anaclet, V. NAT. ALEX., Hist. eccl. I Sæc) : " Comme l'a dit le bienheureux Clément notre prédécesseur (Epist. (C'est une autre décrétale supposée) I ad fratrem Domini), l'Eglise entière est comme un grand vaisseau, qui transporte à travers la mer orageuse une multitude de gens de divers pays, qui tous se hâtent d'arriver à la capitale d'un puissant royaume. Que le constructeur de ce navire soit donc à vos yeux le Seigneur Dieu tout-puissant ; que le pilote soit Jésus-Christ, et que l’évêque soit celui qui en dirige la proue. Que les prêtres y fassent l'office de nautoniers, les diacres celui de pourvoyeurs, ceux qui s'occupent de catéchiser, une fonction analogue dans le navire, et que tous les fidèles en soient les passagers. Que cette mer enfin représente le monde entier. "
21. Le même, Epist. II ad universos episcopos in Italiâ constitutos (C'est encore une décrétale supposée), c. 4 : " La division des provinces était en grande partie organisée longtemps même avant Jésus-Christ, et les apôtres n'ont eu besoin que de la renouveler de la part de Dieu, comme l'a fait aussi après eux le bienheureux Clément notre prédécesseur. Et dans les capitales de ces provinces, où étaient établis depuis longtemps les principaux magistrats chargés de faire observer les lois du siècle, et auxquels ceux des autres villes qui ne pouvaient avoir accès aux palais des rois ou des empereurs, ou à qui même cela était refusé, recouraient dans leurs besoins pour échapper à l'oppression ou l'injustice ; c'est
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dans ces mêmes villes que les lois divines et ecclésiastiques ont voulu qu'il y eût des patriarches ou des primats, ce qui revient au même sous des noms différent (Les titres de primats et de patriarches ont pu être confondus dans les commencements ; ce n'est guère qu'au cinquième siècle que le titre de patriarche a été affecté aux quatre ou cinq principaux sièges, tant de l'Eglise d'occident que de celle d'orient), auxquels les évêques pussent recourir et en appeler au besoin. Les mêmes lois ont réglé aussi que les autres villes métropolitaines, moins élevées en dignité que les premières, auraient leurs métropolitains qui seraient soumis aux primats, comme cela se pratiquait déjà dans la législature civile, et qui n'auraient pas eux-mêmes le titre de primats, mais celui de métropolitain ou d'archevêques. Ces métropoles, quoique établies sur des provinces obligées de reconnaître leur juridiction, ont dû reconnaître à leur tour l'autorité des primats, et les causes majeures de leurs provinces être déférées à ces derniers, pour que de cette manière les torts pussent être redressés, les opprimés être délivrés de l'oppression, et les causes des évêques et autres semblables être terminées, sauf les droits et l'autorité suprême du siège apostolique. Telle est la tradition que nous avons reçue des anciens, des apôtres mêmes et des saints Pères, et dont nous vous recommandons l'observation, et pour le présent et pour les temps à venir, en vous priant de faire part de notre volonté a nos autres frères et à tous les fidèles. "
22. Le même, Epist. III ad omnes episcopos ac reliquos Christi sacerdotes, c. 3 (C'est encore une pièce supposée) : " L'ordre de l'épiscopat est le même pour tous les évêques, quoique ceux des principales villes portent le titre particulier de primats, appelés patriarches par quelques-uns. Quant à ceux qui ont été établis métropolitains par le bienheureux apôtre Pierre, ou par notre prédécesseur saint Clément, ou par nous enfin d'après l'ordre du Seigneur, ils ne peuvent pas être tous primats ou patriarches, mais ceux-là seulement aux sièges desquels cet honneur a été attribué dès les anciens temps ; tous les autres auront le titre d'archevêques ou de métropolitains, et non celui de primats ou de patriarches, puisque les lois du siècle établissent la même règle par rapport à leurs magistrats. Nous vous envoyons, inscrite dans un autre tome que celui-ci, la liste des principales villes qui ont reçu des primats des mains des saints apôtres, ou de celles du bienheureux Clément, ou enfin des nôtres. Quant à cette sainte Eglise romaine
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et apostolique, ce n'est pas des apôtres, mais du Seigneur lui-même qu'elle a reçu sa primauté. . . " Le reste comme plus haut, article des commandements de l’Eglise, question IX,
témoignage 56, page 45.
23. S. ISIDORE évêque de Séville, Lib. II de ecclesiasticis officiis, c. 5 : " Venons-en maintenant aux ordres les plus vénérables établis parmi les clercs ; montrons l'origine de chacun, le fondement sur lequel repose le sacerdoce, et quel a été l'auteur de la hiérarchie établie entre les évêques. Pour trouver l'origine du sacerdoce, il faut remonter jusqu'à Aaron, quoique avant Aaron Melchisédech a déjà offert un sacrifice, et après Melchisédech, Abraham, Isaac et Jacob. Mais ces derniers n'offraient leurs sacrifices que pour obéir à un mouvement spontané de leur propre volonté, et non pour remplir le devoir d'un sacerdoce proprement dit. Aaron est le premier qui ait reçu parmi les Juifs le titre de prêtre, qui ait été revêtu des ornements pontificaux, et qui ait offert des victimes pour obéir à l'ordre exprès du Seigneur, qui avait dit à Moïse : Prenez Aaron et ses fils, et placez-les près de l’entrée du tabernacle du témoignage : et lorsque vous aurez lavé avec de l’eau le père et les enfants, vous revêtirez Aaron de ses vêtements, c'est-à-dire de la tunique de lin, de la robe de couleur d'hyacinthe, de l'éphod et du rational, que vous lierez avec la ceinture ; et vous lui mettrez la tiare sur la tête, et la laine sainte sur la tiare. Vous répandrez ensuite sur sa tête de l'huile de consécration, et il sera sacré de cette manière Vous ferez approcher aussi ses enfants, vous les revêtirez de leurs tuniques de lin, vous les ceindrez de leurs ceintures ; c'est ce que vous ferez à Aaron et à ses enfants. Vous leur mettrez la mitre sur la tête et ils seront mes prêtres pour me rendre un culte perpétuel (Exod., XXIX, 4-9). Remarquons ici qu'Aaron a été établi grand-prêtre, c'est-à-dire évêque, et que ses fils nous représentent les prêtres placés sous la dépendance des évêques. Car ils étaient eux-mêmes prêtres, et devaient être assistés à leur tour par des lévites, aussi bien que le grand-prêtre. Mais il y avait entre Aaron grand-prêtre, et ses fils prêtres aussi, cette différence, qu'Aaron portait par-dessus sa tunique le rational, la robe de couleur d'hyacinthe, la couronne d'or, la mitre, la ceinture d'or, l’éphod et les autres ornements que nous avons tout-à-l'heure mentionnés ; au lieu que les fils d'Aaron assistaient aux sacrifices avec leur simple tunique, la ceinture et la tiare. Mais on demandera peut-être quel personnage à son tour pouvait représenter Moïse. Car si les fils d'Aaron
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représentaient les prêtres, et si Aaron lui-même représentait le grand-prêtre, c'est-à-dire l'évêque ; Moïse lui-même qui représentait-il? Sans aucun doute il représentait le Christ. Je puis même dire qu'il le représentait véritablement en tout, qu'il était la figure parfaite de ce divin Médiateur placé entre Dieu et les hommes, chef des peuples, véritable prince des prêtres, pontife souverain, à qui l'honneur et la gloire appartiennent dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. C'est m'être assez étendu sur les commencements du sacerdoce de l'ancienne loi. Maintenant sous la nouvelle, l'ordre sacerdotal a commencé après Jésus-Christ, par l'apôtre Pierre, car c'est à cet apôtre qu'a été donnée la primauté du pontificat dans l’Eglise chrétienne. Notre-Seigneur lui a dit en effet : Vous êtes Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle ; et je vous donnerai les clefs du royaume des cieux. Ainsi donc, Pierre a reçu le premier le pouvoir de lier et de délier, et c'est lui aussi qui le premier a amené le peuple par sa prédication à la connaissance de la foi ; bien que les autres apôtres aient reçu avec lui un pouvoir et une dignité semblable à la sienne, et qu'ils aient comme lui prêché l’Evangile dans tout l'univers, établissant partout des évêques qui leur ont succédé, non plus avec égard à la chair et au sang, comme auparavant selon l'ordre d'Aaron, mais suivant le mérite de chacun et les prédilections de la grâce divine, ainsi que Dieu lui-même s'en est expliqué en parlant à Héli : Voici ce que dit le Seigneur Dieu d'Israël : J'avais déclaré et promis que votre maison et la maison de votre mère serviraient pour jamais devant ma face ; mais maintenant je suis bien éloigné de cette pensée, dit le Seigneur. Car je glorifierai quiconque m'aura rendu gloire, et ceux qui me méprisent tomberont dans le mépris (I Sam., II, 50). Or nous pouvons compter quatre classes d'apôtres : la première, de ceux qui reçoivent leur mission uniquement de Dieu, comme Moïse ; la seconde, de ceux qui reçoivent la leur de Dieu par l'entremise de l'homme, comme Josué ; la troisième de ceux qui la reçoivent uniquement par l'entremise de l'homme, comme aujourd'hui qu'on est élevé au sacerdoce par le concours du peuple et des autorités. La quatrième classe comprend ceux qui ne tiennent leur mission que d'eux-mêmes, comme les faux apôtres et les faux prophètes. Or ce nom d'apôtres signifie envoyés, parce que Jésus-Christ les a envoyés prêcher l’Evangile pour éclairer tous les peuples de la vraie foi. Le nom d'évêque à son tour signifie plutôt, comme l'a dit un de nos sages, le travail
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auquel s'occupe celui qui exerce cette dignité
que sa dignité même ; car c'est un mot grec, qui a lui-même
pour étymologie ?????? (??????
lui-même vient de s?????????,
j’observe) ou scopus, ou l'intendance qu'a l’évêque
sur le peuple dont il est chargé. Ce mot pourrait donc se traduire
par celui de surintendant, et il fait voir que celui-là ne serait
évêque que de nom, qui envisagerait dans sa dignité
plutôt la prééminence qu'elle lui donne, que les moyens
qu'elle lui fournit de se rendre utile. La cérémonie de l'imposition
des mains usitée pour l'ordination des évêques remonte
à une origine très-ancienne. C'est ainsi que nous lisons
que le saint patriarche Isaac étendit sa main sur la tête
de Jacob pour le bénir. Jacob fit la même chose à ses
fils, et Moïse étendit de même ses mains sur Josué
afin d'appeler sur lui l'esprit de force dont il avait besoin pour gouverner
le peuple d'Israël. Ainsi celui qui est venu accomplir la loi et les
prophètes, Notre-Seigneur Jésus-Christ, a-t-il imposé
les mains à ses apôtres, comme nous l'a rapporté l'évangéliste
saint Luc : Il les mena au-delà de Béthanie et élevant
ses mains sur eux, il les bénit (LUC, XXIV, 50). Enfin, nous
lisons dans les Actes que les apôtres, pour obéir l'ordre
de l'Esprit-Saint, consacreront évêques Paul et Barnabé
en leur imposant les mains, et leur donnèrent ainsi mission pour
aller prêcher l'Evangile. "
Question III
Quels sont les passages de l’Ecriture où il est question de ce sacrement ?
Ce sont, par exemple, les passages où il est dit que les apôtres imposaient les mains, lorsqu'il était question d'élire, d'instituer et d'ordonner des ministres de l’Eglise. Car c'était là comme un symbole certain et efficace de la grâce que communique le sacrement de l'ordre dans tous ses degrés divers, et qui doit nous inspirer une si grande estime pour ce sacrement.
C'est pourquoi saint Paul, écrivant à Timothée qui tenait de lui l'épiscopat, lui rappelait en ces termes la grâce qu'il avait reçue dans ce sacrement : Ne négligez pas la grâce qui est en vous, qui vous a été donnée d’après une inspiration prophétique par l'imposition des mains des prêtres. Il lui disait encore : Je vous avertis de rallumer ce feu de la grâce de Dieu, que vous aurez reçu par l'imposition de mes mains.
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Mais, comme il importe beaucoup de faire un juste choix
de ceux qui auront à remplir les charges ecclésiastiques
et qui en reçoivent le pouvoir dans ce sacrement, le même
apôtre dit à tous les évêques, dans la personne
de son cher disciple : N'imposez légèrement les mains
à personne, et ne vous rendez point complice des péchés
d'autrui.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Tite, I, 5 : " Je vous ai laissé en Crète afin que vous y régliez tout ce qu'il y a à régler, que vous y établissiez des prêtres en chaque ville, d'après l'ordre que je vous en ai donné. "
2. Actes, VI, 5-6 : " Et ils choisirent Etienne, etc. Ils les présentèrent aux apôtres, qui après avoir prié, leur imposèrent les mains. "
3. Ibid., XIII, 3-4 : " Alors après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent (à Paul et à Barnabé) les mains et les laissèrent aller. - El étant ainsi envoyés par le Saint-Esprit, ils allèrent à Séleucie. "
4. Ibid., XIV, 22 ; voir à la question suiv., témoignage 7, p. 199.
5. I Timothée, IV, 14 : " Ne négligez pas la grâce qui est en vous, qui vous a été donnée, suivant une révélation prophétique par l'imposition des mains des prêtres. "
6. Ibid., V, 22 : " N'imposez légèrement les mains à personne. "
7. II Timothée, I, 6 : " Je vous avertis,
etc. " (Comme dans le corps de la réponse).
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AMBROISE, Livre de la dignité sacerdotale, c. 5 : " Qui confère, dites-moi, la grâce sacerdotale ? Est-ce Dieu, ou bien est-ce l'homme ? Vous répondez sans doute que c'est Dieu ; mais encore est-ce par l'homme que Dieu confère cette grâce. L'homme fait l'imposition de ses mains, et Dieu donne sa grâce. L'homme étend une main suppliante, et Dieu bénit de sa main toute-
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puissante. L’évêque assigne le rang, et Dieu donne le mérite : Episcopus intiat ordinem, et Deus tribuit dignitatem. "
2. NICEPHORE, Hist. eccl., lib. V, c. 14 : " Illustre pontife, dit Martyrius à Nectaire, vous avez tout récemment effacé en vous toute tache spirituelle par le baptême que vous avez reçu, et aussitôt après vous avez été élevé à la dignité sacerdotale. Or, nous savons par les saintes constitutions qui nous régissent, que l'un et l'autre, savoir le saint baptême et l'épiscopat servent de remède et d'expiation au péché. Vous-même en ce moment, vous semblez à mes yeux un enfant nouvellement né. Pour moi, depuis longtemps purifié par la grâce divine du baptême, je n'en ai pas moins continué à m'abandonner toute ma vie à mes passions. Il conclut ces paroles en refusant le sacerdoce. "
3. THEOPHYLACTE, in Epist. I ad Timotheum caput IV, sur ces paroles, Ne negligas donum, etc. : " L’Apôtre entend ici le don de la doctrine, que Timothée avait reçu dans son ordination épiscopale, pour laquelle il avait été désigné par une inspiration prophétique ou par le Saint-Esprit lui-même comme nous l'avons déjà expliqué. Par l'imposition des mains des prêtres, c'est-à-dire, des évêques : car de simples prêtres n'avaient pas pour attribution d'ordonner des évêques. Admirez ici combien est grande la vertu des mains sacerdotales. "
4. HAYMON, évêque d’Halberstadt, sur ces paroles de l’Apôtre (I Tim., IV, 14), Ne négligez pas la grâce, etc. : " Ce que l'Apôtre appelle ici du nom de grâce, c'est la foi, la sagesse, la rémission des péchés, la grâce enfin de l’épiscopat, donnée à Timothée, d'après une inspiration particulière qui avait été faite à saint Paul, pour apprendre à cet apôtre que saint Timothée était digne de la charge épiscopale. "
5. THEOPHYLACTE, in Epist. II ad Timotheum caput I, sur ces paroles, Admoneo te ut ressuscites gratiam Dei : " Comme je sais, dit l'Apôtre, que votre foi est sincère, je vous recommande de réveiller en vous sans relâche, et de travailler à augmenter sans cesse la grâce que vous avez reçue pour gouverner l'Eglise, pour faire des miracles, pour pratiquer en un mot toutes les vertus qui conviennent à un évêque. Car de même que le feu a besoin de combustibles qui l'alimentent, ainsi la grâce a besoin de zèle, de vigilance et de sagesse pour ne jamais se ralentir. Sans toutes ces qualités elle s'éteint. C'est ce que l’Apôtre fait entendre ailleurs encore par ces paroles : N'éteignez pas l'esprit de Dieu (I Thess., V, 19). - Qui est en vous par l'imposition de mes mains.
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V0us possédez en vous sans doute la grâce que vous avez reçue au moment où je vous imposais les mains, que je vous faisais et vous consacrais évêque. Or, vous devez vous appliquer à entretenir et augmenter ce feu divin, prêcher avec liberté force et courage la parole dont le ministère vous a été confié, et vous montrer en tout généreux et fidèle. "
6. S. LEON-LE-GRAND, Epist. LXXXVII ad episcopos Africanos per Mauritaniam Cæsareensem, constitutos, c. 1 : " Qu'est-ce qu'imposer les mains précipitamment (citò), sinon accorder l'honneur du sacerdoce sans faire subir d'épreuve à ceux qui n'ont pas l’âge voulu, qui n'ont point encore de mérites acquis, qui n'ont point été formés par la pratique à une discipline sévère ? Et qu'est-ce que se rendre complice des péchés d’autrui, sinon, en ordonnant un prêtre indigne, se rendre tel qu'il est lui-même ? Car de même qu'un évêque qui fait un digne choix, mérite qu'on lui attribue le bien qui en sera la suite, ainsi celui qui fait entrer un sujet indigne en part de son sacerdoce, se fait à lui-même un tort des plus graves. Aucune considération personnelle ne doit porter à enfreindre les lois générales de l'Eglise ; et on ne doit pas considérer comme légitime une dignité qui n'est due qu'à une infraction de ces lois. C'est avec raison que nos pères ont réglé dans leurs vénérables statuts, en parlant de l’élection des prêtres, qu'il ne fallait considérer comme propres aux fonctions ecclésiastiques, que ceux dont la vie entière depuis leur plus bas âge jusqu’à celui où ils sont parvenus, aurait été occupé par l'exacte observation de la discipline ecclésiastique, et à qui leur passé rendrait de cette manière un témoignage favorable, en sorte qu'un honorable avancement fût infailliblement assuré à quiconque s'en serait rendu digne par la multitude de ses travaux, par la chasteté de ses mœurs et par le dévouement de sa personne. Car si les honneurs qu'accorde le monde lui-même ne sont d'ordinaire le prix que du travail du temps et d'une constance éprouvée, si l'on y blâme les promotions que ne justifie pas le mérite du sujet, quelle discrétion et quelle prudence ne doit-on pas apporter dans la distribution de fonctions divines et de pouvoirs d'origine céleste, pour ne violer en rien les règles établies par les apôtres ou les conciles ? "
7. Le concile de Rome tenu sous saint Sylvestre, c. 11 (Il s'agit ici du prétendu concile de l'an 324 : c’est un concile supposé. Voir là-dessus notre Dictionnaire universel des conciles, t. II, article ROME, l'an 324) :
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" Que personne ne passe de l'état laïque à une dignité ecclésiastique quelconque, depuis les fonctions de l'acolyte jusqu'à celles de l'évêque, s’il n'a commencé par être lecteur pendant trente ans, puis exorciste un jour au moins ; et qu'après cela il soit fait acolyte, qu'il en remplisse dix ans les fonctions ; puis, qu'il soit fait sous-diacre, et qu'il passe cinq années dans cet ordre. Qu'alors il soit élevé au diaconat, si le témoignage de trente prêtres qui l'auront examiné lui est favorable, et qu'il devienne diacre cardinal, à condition, ainsi l'a ordonné le premier siège, qu'il serve en cette qualité l'espace de sept ans. Car si quelqu'un aspire à l'honneur de devenir prêtre, il doit passer ces sept années d'épreuves sous les yeux de tout le clergé romain, fournir pendant ce temps les preuves de son instruction, de la légitimité de sa naissance, de la noblesse de son caractère et obtenir de l'assentiment de tous les prêtres l’ordre de la prêtrise, où il devra passer encore trois années (avant de pouvoir parvenir à l'épiscopat). "
8. Le concile de Trente, session XXIII, Décret de réformation, chapitre 7 : " Le saint concile ordonne, suivant les saints canons, que lorsque l’évêque se disposera à faire une ordination, il fasse appeler à sa ville, le mercredi qui précédera le jour marqué ou tel autre jour qui lui conviendra, tous ceux qui auront l'intention de s'engager ainsi au ministère sacré des autels ; et que, se faisant assister de prêtres et d'autres gens expérimentés et versés dans la connaissance de la loi divine et des ordonnances ecclésiastiques, il examine avec soin et exactitude l'état de la famille, les qualités personnelles, l'âge, l'éducation, les mœurs, l'instruction et la croyance de ceux qui devront être ordonnés. "
9. Ibid., chapitre 12 : " A l'avenir, nul ne sera promu à l'ordre du sous-diaconat avant la vingt-deuxième année de son âge, au diaconat avant la vingt-troisième, ni à la prêtrise avant la vingt-cinquième. Que les évêques sachent bien cependant que tous ceux qui auront atteint l'âge marqué ne devront pas pour cela être admis aux ordres en question, mais ceux-là seulement qui en seront dignes, et dont la bonne conduite puisse tenir lieu d'un âge plus avancé. Les réguliers ne seront pas non plus ordonnés avant l'âge que nous avons dit, sans préjudice de l'examen de l’évêque qu'ils seront obligés eux-mêmes de subir, nonobstant tous privilèges contraires. "
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Question IV
Combien compte-t-on de degrés dans le sacrement de l’ordre ?
Avant tout, distinguons en général les ordres mineurs des ordres majeurs. Les ordres mineurs sont au nombre de quatre, savoir les ordres de portier, de lecteur, d'exorciste et d'acolyte. Les ordres majeurs sont au nombre de trois, savoir le sous-diaconat, le diaconat et la prêtrise. Ensuite on trouvera que parmi les prêtres, les uns sont d'un ordre supérieur, et les autres, d'après l’institution de Jésus-Christ même d'un ordre moins élevé.
Les prêtres d'un ordre supérieur, ce sont les apôtres, et les évêques leurs successeurs, qui surpassent tous les autres sans contredit par l'éminence de leur pouvoir et par l'excellence de leurs prérogatives. Car c'est à eux, comme l'atteste l’Ecriture, à prendre garde à eux-mêmes et à tout le troupeau, sur lequel l'Esprit-Saint les a établis pour le paître et le surveiller, pour gouverner l'Eglise, pour régler ce qui reste à y régler, pour placer en chaque ville de dignes pasteurs.
Les prêtres d'un ordre inférieur, à l’exemple des soixante-douze disciples qui dépendaient des apôtres, doivent s'employer au ministère de l’Eglise sous l'autorité des évêques, offrir les dons des fidèles et des sacrifices pour l'expiation des péchés, et travailler comme de bons ouvriers à la moisson que le Seigneur attend de leur zèle sans oublier jamais leur propre dépendance.
Qu'à leur tour les clercs placés dans les ordres mineurs regardent comme leur affaire spéciale d’aider en bien des choses les évêques et les prêtres comme de maintenir l'ordre parmi les fidèles dans la célébration des saints offices, et qu’ainsi ils se forment peu à peu et comme par degrés à exercer eux-mêmes plus tard des fonctions plus élevées dans l’Eglise.
Pour les trois ordres majeurs, s'ils confèrent un pouvoir plus grand que ceux dont nous venons de parler, c'est particulièrement dans ce qui a rapport à l'auguste mystère de l'Eucharistie. C'est donc au sous-diacre et au diacre à servir les prêtres, et à les approcher de plus près que ne le peuvent les autres ministres, lorsqu'ils célèbrent le redoutable sacrifice. Ensuite, bien que, quant an sacrement de l'ordre et au pouvoir de dire la messe, il n'y ait pas de différence entre les évêques et les prêtres, les premiers cependant sont bien supérieurs aux seconds, si l'on fait attention au droit qui leur appartient de gouverner l'Eglise,
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d'exercer leur juridiction sur les âmes, de confirmer les baptisés et d'ordonner les clercs.
Mais il n'entre pas dans notre dessein d'expliquer les
fonctions non plus que les obligations particulières à chacun
de ces ordres. Tenons du moins pour constant que tous ils méritent
une singulière estime, et doivent être religieusement conservés.
Car leur institution repose, comme sur un fondement inébranlable,
sur le témoignage de la tradition apostolique et sur une discipline
constamment observée dans l’Eglise, et maintenue jusqu'à
nos jours.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. LUC, IX, 1-2 : " Jésus ayant assemblés ses douze apôtres, leur donna puissance et autorité sur tous les démons avec le pouvoir de guérir les maladies. - Puis il les envoya prêcher le royaume de Dieu, et rendre la santé aux malades. "
2. Id., X, 1 : " Quelque temps après, le Seigneur choisit encore soixante-douze autres disciples, qu'il envoya devant lui, deux à deux, dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même il devait aller. "
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3. Actes, XX, 28 : " Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau, sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques pour gouverner l’Eglise de Dieu, qu'il a acquise par son sang. "
4. I PIERRE, V, 1-4 : " Je vous en prie donc, vous qui êtes prêtres, etc. - paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non forcément, mais par une affection toute volontaire qui soit selon Dieu ; non par un honteux désir du gain, mais par une charité désintéressée ; - non en dominant sur l’héritage du Seigneur, mais en vous rendant le modèle du troupeau par une vertu sincère. - Et lorsque Jésus-Christ le chef des pasteurs paraîtra, vous obtiendrez une couronne de gloire qui ne se flétrira jamais. "
5. Hébreux, XIII, 17 : " Obéissez à vos conducteurs, parce qu'ils veillent pour le bien de vos âmes, comme devant en rendre compte ; soyez-leur soumis, afin qu'ils s'acquittent de ce devoir avec joie, et non en gémissant, ce qui ne vous serait pas avantageux. "
6. Tite, I, 5 : " Je vous ai laissé en Crète afin que vous régliez ce qui reste à régler, que vous établissiez des prêtres en chaque ville, comme je vous l'ai commandé. "
7. Actes, XIV, 22 : " Et, ayant ordonné (On lit dans le grec : ??????????????? ?? ?????? ????????????, c’est-à-dire, leur ayant créé des prêtres par la cérémonie de l’imposition des mains) des prêtres en chaque église, non sans faire des prières et pratiquer des jeûnes, ils (Paul et Barnabé) les recommandèrent au Seigneur, qui leur avait accordé la grâce de croire en lui. "
8. LUC, X ; comme ci-dessus, témoignage 2.
9. Hébreux, V, 1 : " Tout pontife est pris d'entre les hommes, et il est établi pour les hommes, en ce qui regarde le culte de Dieu, pour offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. "
10. Hébreux, VIII, 5 : " Tout pontife est établi pour offrir des dons et des victimes. "
11. MATTHIEU, IX, 37-38, et LUC, X, 2 : " La moisson est
abondante, mais les ouvriers sont en petit nombre. - Priez donc le maître
de la moisson d'envoyer des ouvriers pour travailler à sa moisson.
"
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. Le quatrième concile de Carthage, où se trouvait saint Augustin, canon 6 : " L'acolyte reçoit de l’évêque l'instruction, dont il a besoin pour bien gérer sa charge, et l'archidiacre lui
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remet en même temps le chandelier avec le cierge, afin qu'il sache que, par son ministère, il est destiné à allumer les luminaires de l’église. Il en reçoit aussi la burette vide, pour servir le vin qui doit être employé au sacrifice eucharistique du sang de Jésus-Christ. "
2. Le même concile, canon 7 : " Quand on ordonne l’exorciste, il doit recevoir de la main de l'évêque un livre dans lequel sont écrits les exorcismes ; et il faut que l'évêque lui adresse ces paroles : Recevez ce livre, et apprenez-le de mémoire ; ayez le pouvoir d'imposer les mains sur un énergumène, soit baptisé, soit catéchumène. "
3. Le même concile, canon 8 : " Avant d'ordonner le lecteur, l'évêque doit instruire le peuple de sa foi de ses mœurs et de ses bonnes dispositions ; après quoi il lui donne, en présence du peuple, le livre dans lequel il doit lire, et il lui dit : Recevez, et soyez lecteur de la parole de Dieu. Si vous remplissez fidèlement et utilement votre devoir, vous aurez part à la récompense de ceux qui sont les ministres de la parole de Dieu. "
4. Le même concile, canon 9 : " L'archidiacre doit instruire le portier, avant de le présenter pour qu'il soit ordonné ; puis, à sa prière, l’évêque ordonne le sujet qu'il lui présente, en donnant à celui-ci les clefs de l'église qu'il prend sur l’autel, et lui disant : Faites comme devant rendre compte à Dieu de toutes les choses qui sont enfermées sous ces clefs (Voir à l’article CARTHAGE, l'an 398, dans notre Dictionnaire des conciles, tome Ier, col. 483-484). "
5. Le concile de Laodicée, canon 23 (al. 24) : " L'entrée des cabarets est défendue aux ecclésiastiques depuis les prêtres jusqu’aux diacres, et ensuite, en parcourant les degrés de la hiérarchie, jusqu’aux ministres, aux lecteurs, aux chantres, aux exorcistes, aux portiers et à l'ordre des ascètes (Voir ibidem, col. 1037 et les conciles de Labbe, t. Ier, col. 502). "
6. Le concile de Trente, session XXIII, chapitre 2 et canon 2, comme plus haut, question I, témoignage 9, page 168.
7. S. IGNACE, Epist. ad Antiochenses (Noël Alexandre nie l'authenticité de cette lettre, précisément à cause du passage cité ici. Hist. eccl. I sæc., c. XII, art. 16. Voir de plus la sainte Bible, trad. par Sacy, tome IV, page 239, édit. in-folio) : " Je salue les sous-diacres, les lecteurs, les chantres, les portiers, les travailleurs (laborantes), les exorcistes et les confesseurs. "
8. S. DENIS l'Aréopagite, Lib. eccles. hierarchiæ, c. 5 : " Pour le reste des ministres subalternes, les uns se tiennent auprès des
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portes fermées du saint lieu ; les autres remplissent quelque autre fonction de leur ordre. Les plus élevées d'entre eux, les diacres, s’unissent aux prêtres pour présenter sur l'autel le pain sacré et le calice de bénédiction après toutefois qu'a été chanté par l'assemblé entière la profession de foi. "
9. S. CORNEILLE, pape et martyr, dans une lettre à Fabius évêque d'Antioche, qui nous a été conservée par Eusèbe, Histoire ecclésiastique, livre VI, c. 33 : " Cet excellent défenseur de l’Evangile, dit-il ironiquement en parlant de Novat, a tout-à-fait oublié qu'il ne devait y avoir qu'un évêque dans cette Eglise catholique (l’Eglise de Rome). Il n'ignorait pas cependant (car comment eût-il pu l'ignorer) qu'il s'y trouvait quarante-six prêtres, sept diacres, sept sous-diacres, quarante-deux acolytes, cinquante-deux exorcistes et lecteurs avec les portiers, quinze cents veuves ou malades et indigents, que, grâces à Dieu, cette Eglise entretient et nourrit. "
10. Le vénérable BEDE, in caput X Lucæ : " De même que tout le monde reconnaît que les douze apôtres représentaient d'avance tout le corps des évêques qui devaient être créés dans la suite, ainsi nous ne devons pas ignorer que les soixante-douze disciples représentaient les prêtres ou le sacerdoce d'un degré inférieur. Toutefois, dans les premiers temps de l'Eglise, les uns et les autres, comme nous l'attestent les écrits des apôtres, s'appelaient d'un nom commun, tantôt prêtre, tantôt évêque. Le premier de ces noms (qui signifie anciens) indique la maturité de raison que les uns et les autres doivent avoir ; le second (qui signifie surveillants) indique la vigilance qu'exige la charge pastorale. "
11. S. CLEMENT, pape et martyr, Epist. I ad fratrem Domini (C'est une décrétale supposée) : " Saint Pierre disait tenir de l’enseignement divin, que les évêques représentaient les apôtres et les prêtres les autres disciples. "
12. S. ANACLET, pape et martyr, Epist. II ad universos episcopos Italiæ (C'est une autre décrétale supposée, et il en est de même de la suivante), c. 2 : " Sous la loi nouvelle, l'ordre sacerdotal a commencé, après Jésus-Christ, etc. " C'est un extrait de saint Isidore de Séville rapporté plus haut, question II, témoignage 23, p. 191, jusqu’à ces mots inclusivement : des évêques qui leur ont succédé. La décrétale en question continue ainsi : " Et dont l'ordination doit se faire de la manière que nous avons déjà déclarée.
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Celui qui reçoit leur enseignement, reçoit Dieu même ; et celui qui les méprise, méprise celui qui les a envoyés, et dont ils sont les ambassadeurs, et il sera indubitablement méprisé par le Seigneur. Or, les apôtres voyant que la moisson était abondante, et les ouvriers au contraire en petit nombre, prieront le maître de la moisson d'y envoyer des ouvriers. C'est à cette occasion qu'ils (L’Evangile dit expressément que le choix des soixante-douze disciples fut fait par Jésus-Christ lui-même) firent choix de soixante-douze disciples, que représentent aujourd'hui les prêtres, qui leur ont succédé dans l’Eglise. "
13. Le même, Epist. III ad omnes episcopos et sacerdotes, c. 1 : " L'ordre des prêtre se subdivise en deux autres, et cette distinction, qu'a établi Notre-Seigneur, ne doit être méconnue par personne. Or, vous savez que les apôtres ont été élus et institués par Jésus-Christ, et qu'ensuite ils se sont dispersés pour prêcher l’Evangile dans les diverses provinces. Mais comme la moisson devenait abondante, et qu'il ne se trouvait pas assez d'ouvriers, Notre-Seigneur leur ordonna d'élire, pour s'en aider, soixante-douze disciples, dont les prêtres tiennent aujourd'hui la place. "
14. S. JEROME, Epist. LIV ad Marcellam, adversùs Montanum : " Chez nous, les évêques tiennent la place des apôtres ; chez eux (les montanistes) au contraire, ils ne viennent qu'en troisième ligne. "
15. S. CYPRIEN, Epist. 69 (al. 68) ad Florentium seu Puppianum : " Le Christ a dit aux apôtres, et dans leurs personnes, aux successeurs des apôtres : Celui qui vous écoute m'écoute e
celui qui m'écoute, écoute celui qui m'a envoyé. Celui qui vous méprise me méprise, et méprise en même temps celui qui m'a envoyé. Telle est la source ordinaire du schisme et de l'hérésie. Une présomption orgueilleuse commence par faire mépris de l'évêque, qui doit être unique dans chaque église, etc. "
16. Le même, Epist. 65 (al. 64) ad Rogatianum : " Les diacres doivent se souvenir que Notre-Seigneur a choisi ses apôtres, et dans la personne de ses apôtres, les évêques et les autres supérieurs ecclésiastiques. Puis, quand il fut monté au ciel, les apôtres se choisirent des diacres pour être les ministres de leur épiscopat et de l’Eglise. S'il nous est permis à nous de nous élever contre Dieu, qui institue les évêques, les diacres peuvent aussi s'élever contre nous, de qui ils tiennent tout ce qu'ils sont. "
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17. S. IGNACE, épître aux Philadelphiens : " Le ministère des prêtres est grand, sans doute ; mais combien l'est encore plus celui du pontife suprême (Suivant Sacy, qui a donné la traduction de cette lettre de saint Ignace à la suite de sa traduction de la Bible, tome IV, in-folio, il faut entendre Jésus-Christ par le pontife suprême, et c'est le sens que paraît aussi présenter la suite de ce passage) ! A lui est ouvert le Saint des saints ; à lui seul sont confiés les secrets de Dieu (Nous ne trouvons rien dans la traduction donnée par M. de Genoude de l’épître de saint Ignace aux Philadelphiens, qui répond au passage cité ici par Canisius ; et qui nous paraît trop suspect de fausseté pour que nous nous donnions la peine de le traduire. Le voici : Principes subditi estote Cæsari, milites principibus, diaconi presbyteris, ut sacrorum administratoribus. Presbyteri verò et diaconi, atque omnis clerus simul cum omni populo, et militibus atque principibus, sed et Cæsares, obediant Episcopo. Episcopus verò Christo, sicut Patri Christus : et ità unitas per omnia servatur.). "
18. S. AUGUSTIN, in Psalmum XLIV : " Que veut dire ceci : Il vous est né des enfants à la place de vos pères ? Les apôtres ont été envoyés pour être vos pères ; mais il vous est né, au lieu des apôtres, des enfants qui ont été établis évêques. Car d'où sont nés les évêques aujourd'hui répandus dans le monde entier ? L'Eglise les appelle ses pères ; c'est elle-même qui les a enfantés ; c'est elle qui les a établis sur les sièges de nos pères dans la foi. Ainsi, ô Eglise sainte, ne vous croyez pas abandonnée pour être privée aujourd'hui de voir à votre tête le bienheureux Pierre, pour être privée de voir le bienheureux Paul, pour être privée de voir ceux qui vous ont donné la naissance : vous avez trouvé dans vos enfants mêmes la succession de vos pères. Il vous est né des des enfants à la place de vos pères (Cf. Sermons de saint Augustin, etc., t. II, p. 462-463). "
19. S. LEON, Epist. 88 ad episcopos Germaniæ et Galliæ, après avoir fait l'énumération des fonctions des évêques ajoute : " Toutes ces fonctions sont interdites aux chorévèques, que l'on sait avoir été établis sur le modèle des septante disciples, aussi bien qu'aux prêtres, qui les représentent également : car quoiqu'ils aient la consécration (qui constitue le sacerdoce), ils ne sont pas pour cela placés au plus haut degré de la dignité pontificale. Or, les canons nous font une loi de n'attribuer ces hautes fonctions qu'à ceux qui occupent ce degré, afin que la distinction des degrés mêmes et la sublimité de la suprême dignité pontificale en soient davantage relevées. "
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20. INNOCENT III, Lib. I de mysterio altaris sive de mysteriis evangelicæ legis ac sacramenti Eucharistiæ, c. 6 : " Dans le Nouveau-Testament, c'est Jésus-Christ lui-même qui a établi deux différents degrés de sacerdoce, en créant douze apôtres d'une part, et de l'autre soixante-douze disciples, qu'il envoyait deux à deux devant lui dans tous les pays et dans toutes les villes où il devait aller lui-même. Car de même que, sous la loi, Moïse établit des souverains pontifes pour gouverner les peuples, mais en leur adjoignant, pour les aider, des ministres d'une dignité inférieure (car il transmit à Eléazar et à Ithamar, fils d'Aaron, la plénitude de l'autorité paternelle, pour qu'ils pussent suffire a l'immolation des victimes et aux autres fonctions du sacerdoce ; et dans le désert il fit de même part de l'esprit de Moïse à soixante-dix vieillards expérimentés à l'aide desquels ce législateur gouvernait sans peine cette multitude) : ainsi Jésus-Christ adjoignit à ses apôtres d'autres disciples, dont ils s'aidèrent pour remplir de leurs prédication l’univers entier. Les premiers du sacerdoce, je veux dire les évêques, tiennent donc la place des apôtres, et les seconds, c'est-à-dire les prêtres, tiennent celle des disciples. "
21. Le quatrième concile de Carthage, canons 6 et suivants, cité plus haut sur cette même question, témoignages 1, 2, 3 et 4.
22. S. ISIDORE de Séville, Lib. II de officiis ecclesiasticis, c. 11 : " L'ordre des lecteurs a son modèle ainsi que son origine dans les prophètes. Ce sont les lecteurs qui publient la parole de Dieu, et à qui il est dit : Criez sans relâche ; faites retentir votre voix comme une trompette (Is., LVIII, 1). L’évêque, en les ordonnant, commence par rendre compte au peuple de la conduite de leur vie. Enfin, devant le peuple présent, il leur met en main le livre des divins oracles pour qu'ils puissent annoncer la parole de Dieu. Celui qu'on élèvera à ce degré devra être suffisamment instruit, avoir la connaissance des mots et de ce qu'ils signifient, savoir distinguer le commencement des phrases, leur milieu et leur fin, etc. "
23. Ibidem, c. 13 : " Dans le premier ordre des ministres nous trouvons les exorcistes, par analogie aux ministères établis autrefois dans le temple de Salomon, et rétablis depuis par Esdras. Ce sont ceux qu'Esdras nomme actores (peut-être les nathinéens, ESDR., I, 70), et qui maintenant remplissent la fonction d'exorcistes dans l'Eglise de Dieu. Lorsque l'évêque les ordonne, il leur met entre les mains, conformément au canon
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(c'est le canon 7 du quatrième concile de Carthage cité plus haut), le livre où sont écrits les exorcismes, en leur donnant le pouvoir d'imposer les mains sur les énergumènes, soit baptisés, soit catéchumènes. "
24. Ibidem, c. 14 : " Les portiers (ostiarii) sont ceux qui dans l'Ancien-Testament avaient un nom semblable (janitores), et qui gardaient à tour de rôle les portes du temple de Jérusalem et tout ce qui appartenait au temple, tant en dedans qu'en dehors. Les portiers doivent avoir le discernement de ce qui est saint d'avec ce qui ne l'est pas, pour n'admettre dans l'église que des fidèles. Nous ne pouvons entrer dans l’église qu'autant qu'ils nous acceptent ; car ils ont le droit, tant d'accueillir les bons, que d'exclure les méchants. "
25. Le même, Lib. VII etymologiarum, c. 12 : " Les acolytes sont appelés de ce nom en grec ; en latin ce sont les céroféraires, nom qui vient de l'emploi qu'ils ont de porter les cierges, quand on doit lire l'Evangile ou offrir le saint sacrifice. Car ils doivent alors allumer des cierges et les porter, non pour dissiper les ténèbres, puisque le soleil est alors sur l'horizon, mais en signe de joie, et pour que cette lumière matérielle nous rappelle cette autre lumière dont il est dit dans l’Evangile : Il était la vraie lumière, qui éclaire tout homme à mesure qu'on vient en ce monde (JEAN, I, 9). "
26. RABAN MAUR, archevêque de Mayence, Lib. I de institutione clericorum, c. 9 : " Les acolytes sont appelés de ce nom en grec, etc. ; " comme au témoignage précédent de saint Isidore que Raban a trouvé bon de copier littéralement. Il ajoute : " Ils étaient figurés par ceux que le Seigneur avait chargés d’allumer tous les jours dans le tabernacle les lampes placées sur le chandelier (à sept branches). "
27. Ibidem, c. 10 : " Les exorcistes, nom qui vient d'un mot grec, pourraient être appelés en latin adjurantes ou increpantes. Ils invoquent le divin nom de Jésus sur les catéchumènes ou sur ceux qui sont possédés de l'esprit impur, en adjurant ce dernier de sortir de leurs corps. Josèphe rapporte que ce fut le roi Salomon qui établit et enseigna à son peuple les différentes manières d'exorciser, ou de faire ces adjurations, qui doivent avoir pour effet de chasser le démon du corps des possédés et de l'empêcher de s'en rendre maître de nouveau. Les Actes des apôtres témoignent aussi de cette pratique, puisque nous y lisons que quelques exorcistes juifs qui allaient de ville en ville entreprirent
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d'invoquer le nom de Jésus sur ceux qui étaient possédés des malins esprits (Act., XIX, 13). "
28. Ibidem, c. 11 : " Les lecteurs tirent leur nom de ce qu'ils sont chargés de lire ; les psalmistes empruntent le leur des psaumes qu'ils ont pour fonction de chanter. Ceux-là annoncent au peuple la doctrine qu'il doit suivre ; ceux-ci, par leurs chants, éveillent les sentiments de componction dans ceux qui les entendent. . . . . L'ordre des lecteurs a son modèle comme sa première origine dans les prophètes, etc. " Raban répète encore ici saint Isidore. Voir plus haut, témoignage 22, page 204.
29. Ibidem, c. 12 : " Les portiers, etc. " A part quelques expressions modifiées, mais qui n'altèrent pas le sens de la phrase, c'est encore une répétition de ce qu'avait écrit saint Isidore. Voir plus haut, témoignage 24, page 205.
30. Le premier concile d'Aix-la-Chapelle, tenu sous Louis-le-Débonnaire, c. 2, 3, 4 et 5, répète à son tour mot pour mot ce qu'avait écrit saint Isidore des portiers, des lecteurs, des exorcistes et des acolytes. Voir plus haut pour tous ces passages, témoignages 22, 24, 23 et 25, page 204, 205, 204, et 205.
31. Le concile de Rome (Nous avons déjà averti que les actes de ce concile sont supposés) sous le pape saint Sylvestre, c. l : " Sylvestre, évêque de la ville de Rome, ayant convoqué ses frères les prêtres, évêques et diacres, citoyens romains, rassembla près de son siège deux cent quatre-vingt-quatre évêques, à qui l'empereur Constantin ordonna qu'on fournit des voitures et des provisions, et auxquels s'adjoignirent cinquante-sept autres évêques du pays de Rhinocorure, dont les signatures se trouvent sur les actes de leur concile, cent quarante-deux prêtres de la ville de Rome, six diacres, six sous-diacres, quarante-cinq acolytes créés pour ce même concile, vingt-deux exorcistes, quatre-vingt-dix lecteurs de la ville de Rome, dont les parents étaient présents ; quatorze notaires de l'Eglise, qui écrivaient par ordre les actes de martyrs qu'ils pouvaient recueillir. "
32. Ibidem, c. 3 : " Ensuite il marqua dans le synode les distinctions à observer, défendant de recevoir les accusations d'un prêtre contre son évêque, celles d'un diacre contre un prêtre, ou d'un sous-diacre contre un diacre, ou d'un acolyte contre un sous-diacre, ou d'un exorciste contre un acolyte, ou d'un lecteur contre un exorciste, ou d'un portier contre un lecteur, ou d'un
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laïque contre qui que ce fût. . . Le sous-diacre, l'acolyte, l'exorciste, le lecteur, etc. (Outre que ce canon est supposé, la doctrine qu'il renferme ne paraît pas fort saine. L'apôtre saint Paul, en défendant à son disciple saint Timothée de recevoir des accusations contre des prêtres, à moins qu'elles ne fussent appuyées de la déposition de deux ou trois témoins, n'exigeait pas que ces témoins, pas plus que l'accusateur, fussent prêtres ou évêques ; il suffisait pour l'Apôtre que ces témoins ou accusateurs fussent hommes, ayant des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et un esprit pour comprendre). "
33. Ibidem, c. 7 : " Sylvestre disait à haute voix à ses collègues que depuis le sous-diacre jusqu'au lecteur tous fussent soumis, mais seulement lorsqu'ils seraient en fonction dans l'Eglise, au diacre cardinal de l'Eglise de Rome ; au lieu que les prêtres, les diacres, les sous-diacres, les acolytes, les exorcistes, les lecteurs, devaient être soumis en tout lieu au pontife, soit devant le peuple, soit hors de la vue du peuple. "
34. Ibidem, c. 9 : " Qu'aucun lecteur ou portier ne touche aux vases sacrés, qu'aucun acolyte ne présente à un prêtre une chose consacrée par un autre prêtre, à moins que cela ne lui soit commandé par le prêtre même auteur de la consécration. "
35. Le quatrième concile de Carthage, canon 3 : " Quand on ordonne un prêtre, tandis que l'évêque le bénit et tient la main sur sa tête, tous les autres prêtres qui sont présents avancent aussi leurs mains. "
36. Ibidem, canon 4 : " L'évêque fait seul l'ordination du diacre en étendant la main sur sa tête, parce qu'un diacre n'est pas consacré pour le sacerdoce, mais pour le ministère. "
37. Ibidem, canon 5 : " Le sous-diacre ne reçoit point l'imposition des mains ; mais il reçoit de la main de l'évêque la patène et le calice vide, et de la main de l'archidiacre la burette avec l'eau et le manuterge. "
38. S. ISIDORE, Lib. II de officiis ecelesiasticis, c. 7 : " L'ordre des prêtres a commencé aux enfants d'Aaron, comme nous l'avons dit : car ceux qui dans l'Ancien-Testament étaient dits être revêtus du sacerdoce, sont ceux qui maintenant sont appelés, prêtres ; et ceux qui étaient appelés princes des prêtres s'appellent évêques aujourd'hui. Or, ce mot prêtre signifie ancien, et vient d'un mot grec qui a ce sens. C'est à eux comme aux évêques qu'est confiée la dispensation des mystères de Dieu. Car ils sont chargés du gouvernement des Eglises, et sont les coopérateurs
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des évêques dans la consécration du corps et du sang du Sauveur, aussi bien que dans l'instruction des peuples et dans l'office de la prédication. Toutefois c'est aux évêques qu'a été réservée l'ordination et la consécration des clercs, de peur que la concorde ne fût détruite et des scandales engendrés par la prétention que pourrait avoir chacun à introduire une discipline particulière. L'apôtre saint Paul attribue évidemment aux prêtres un sacerdoce proprement dit, lorsqu'écrivant à Tite, il lui dit ces paroles : Je vous ai laissé en Crète afin que vous y régliez tout ce qui reste à régler et que vous établissiez des prêtres en chaque ville, selon l'ordre que je vous en ai donné ; choisissant entre les autres celui qui sera irréprochable, qui n'aura épousé qu'une femme, dont les enfants seront fidèles, non accusés de débauche, ni désobéissants : car il faut que l'évêque soit irréprochable (Tit., I, 5-7). Cela fait bien voir que cet apôtre comprenait sous le nom d'évêques les prêtres eux-mêmes (Malgré l'autorité de saint Isidore de Séville, il est plus naturel d’entendre ici par prêtres de vrais évêques, plutôt que d'entendre par évêques de simples prêtres. Tirin, adoptant une opinion mitoyenne, entend ici par prêtres les évêques à établir dans les grandes villes, et les curés à placer dans les villes moins considérables. Voir son Commentaire sur la Bible, pag. 304). Et dans sa première épître à Timothée, tout en traçant les devoirs des évêques et des diacres, il garde le silence sur ceux des prêtres, parce qu'il les comprenait sous le nom d'évêques, les deux degrés se trouvant voisins l'un de l'autre et presque identiques. Dans son épître aux Philippiens, il s'adresse de même aux évêques et aux diacres ; aux évêques, dis-je, et non à l’évêque, quoiqu'il ne dût pas y avoir plus d'un évêque dans cette seule ville de Philippes (Phil., I, 1). Et dans les Actes des apôtres, saint Paul, au moment de partir pour Jérusalem, rassemble les prêtres de l’Eglise, et leur dit entre autres recommandations : Prenez garde au troupeau, sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques (Act., XX, 28). De là vient que les canons, d'accord avec ce que dit saint Paul dans sa lettre à Tite, exigent les mêmes qualités dans les prêtres que dans les évêques. Or, ce nom de prêtre ou d'anciens, il l'attribut au mérite et à la science, plutôt qu’à l’âge. Car nous lisons dans les Nombres (XI) que Dieu prescrivit à Moïse d'élire des anciens. Dans les Proverbes il est dit de même (XX, 29), que la gloire des vieillards est dans leurs cheveux blancs. Mais quels sont ces cheveux blancs ? C'est sans contredit la sagesse, de laquelle il est
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écrit : Les cheveux blancs de l’homme, c'est sa prudence (Sag., IV, 9). Et bien que les hommes vécussent plus de neuf cents ans depuis Adam jusqu’à l'époque d'Abraham, aucun patriarche n'est appelé du nom d'ancien avant Abraham lui-même, qui cependant a vécu beaucoup moins d'années que les autres. Ce nom d'anciens ou de prêtres doit donc être attribué à la sagesse plutôt qu'à la décrépitude de l'âge. S'il en est ainsi, il n'y a qu'à s'étonner de voir quelquefois ordonner prêtres des sujets à qui la sagesse fait défaut. "
39. Ibidem, c. 8 : " L'ordre des diacres a commencé à la tribu de Lévi. En effet, le Seigneur prescrivit à Moïse, après que celui-ci eut consacrés prêtre Aaron et ses fils, de consacrer semblablement la tribu de Lévi à la place des premiers-nés de tout le peuple pour le service du culte divin, pour la garde du temple, pour le soin de transporter l'arche et le tabernacle, ainsi que tous les divers ustensiles du ministère sacré, de faire les démarcations du camp, de déposer le tabernacle et de le lever de nouveau. Les hommes de cette tribu, du moment où ils avaient atteint leur vingt-cinquième année, étaient tenus à ce service ; et c'est aussi la règle qu'ont établie les saints Pères dans le Nouveau-Testament. Sous la loi de l’Evangile, nous voyons les premiers commencements de cet autre ordre dans ce passage des Actes des apôtres : Les apôtres ayant convoqué la multitude des disciples, leur dirent : Il n'est pas à propos que nous abandonnions le soin d'annoncer la parole de Dieu pour le ministère des tables, etc. (Act., VI, 2). En conséquence de quoi les apôtres ou leurs successeurs ont établi que dans toutes les Eglises il y aurait sept diacres, qui seraient élevés au-dessus des autres fidèles, et qui se tiendraient comme des colonnes autour de l'autel de Jésus-Christ. Ce nombre sept n'est pas sans mystère : les diacres sont ces sept anges sonnant de la trompette, ces sept chandeliers d'or, ces sept voix de tonnerre dont il est parlé dans l’Apocalypse (I et II). Ils doivent, en effet, faire l'office de héraut en avertissant à haute voix le peuple, tantôt de prier, tantôt de fléchir les genoux, de chanter ou d'écouter les leçons qui se lisent dans l'église : ce sont eux qui nous crient de prêter l'oreille aux paroles du Seigneur ; enfin, qui nous annoncent l’Evangile : le prêtre, s'il n'est aidé de leur ministère, conserve bien son nom, mais sans pouvoir exercer son office. Car si c'est au prêtre qu'il appartient de consacrer, c'est au ministre qu'il appartient de distribuer le sacrement aux fidèles : le premier a pour fonction de prier, et le second a pour la sienne de chanter ; celui-là con-
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sacre les choses offertes, celui-ci les distribue une fois consacrées. Il n'est pas permis aux prêtres eux-mêmes qui pourraient être tentés de sentiments d'enflure, d'enlever le calice de dessus la table du Seigneur, s'il ne leur est mis en main par le diacre. C'est aux lévites à apporter les oblations sur l'autel, aux lévites à tenir propre la table du Seigneur, aux lévites à couvrir de ses rideaux l'arche du testament. Car il n'est pas permis à tout le monde de pénétrer dans la profondeur des mystères que les lévites en conséquence doivent couvrir d'un voile, pour qu'ils ne soient pas exposés à des regards pour lesquels ils doivent rester inaccessibles, ou touchés par des mains qui ne peuvent tenir un tel dépôt. C'est pour cela que les lévites assistent à l'autel en habits blancs, à cause de la vie céleste qu'ils doivent mener, et de la pureté intérieure en même temps qu'extérieure avec laquelle ils doivent approcher du sacrifice. Car il convient que le Seigneur ait pour ministres des hommes qui ne soient point atteints de la contagion du vice, mais qui plutôt aient une chasteté éminente. L'apôtre saint Paul explique avec détail à son disciple Timothée quelles doivent être les qualités des diacres. Après avoir marqué celles qui conviennent à ceux qu'on choisit pour le sacerdoce, il ajoute immédiatement au sujet des diacres : Qu'on prenne pour diacres des hommes qui soient irréprochables, comme les évêques ; qui soient honnêtes et bien réglés, c’est-à-dire continents ; qui ne soient point doubles dans leurs paroles, pour ne pas porter le trouble parmi les amis de la paix ; qui ne soient point sujets à boire beaucoup de vin, puisque là ou est l'ivresse, là règnent la passion et la fureur ; qui ne cherchent point de gain sordide (I Tim., III, 8), de peur qu'ils ne se fassent d'un ministère céleste un moyen de thésauriser pour la terre. C'est encore chercher un gain sordide, que de penser aux choses présentes plutôt qu'aux biens éternels. L'Apôtre continue ainsi (Ibid., v. 10) : Ils doivent aussi être éprouvés auparavant, puis admis au saint ministère, s'ils ne se trouvent coupables d'aucun crime. Ils doivent donc être éprouvés comme les évêques avant leur ordination, et n'y être admis qu'autant qu'ils en sont trouvés dignes. "
40. Ibidem, c. 10 : " Les sous-diacres, appelés ??????????? chez les Grecs, se trouvent mentionné dans Esdras (ESDR., VIII, 8) sous le nom de nathinéens, qui signifie servant Dieu dans l’humilité (Le sens de ce mot semble plutôt devoir être ceux qui sont donnés ou consacrés à Dieu). A leur ordre appartenait ce Nathanaël dont parle
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l’Evangile de saint Jean (I, 45), et qui, averti par une révélation divine, eut le bonheur de confesser la divinité du Sauveur, et, par sa promptitude à répondre à la voix céleste, mérita que Notre-Seigneur dit de lui : C'est ici un vrai Israélite, en qui il n'y a pas d'artifice (JEAN, I, 47). Ils sont occupés dans le temple de Dieu à recueillir les offrandes des fidèles et à servir les lévites en présentant aux diacres auprès de l'autel les vases destinés à contenir le corps et le sang de Notre-Seigneur. Les saints Pères ont établi à leur sujet que, comme ils touchent de leurs mains les saints mystères, ils doivent être chastes, s'abstenir du commerce de leurs femmes, et être exempts de toute impureté charnelle, conformément à ce que dit le Prophète : Soyez purs, vous qui portez les vases du Seigneur. A leur ordination, ils ne reçoivent pas l'imposition des mains comme les prêtres et les lévites, mais seulement le calice et la patène des mains de l'évêque et de celles de l'archidiacre la burette avec l'eau et le manuterge. "
41. RABAN, Lib. I de institutione clericorum, c. 6 : " L'ordre des prêtres a commencé aux enfants d'Aaron, etc. " C'est une copie de ce qu'avait écrit avant lui saint Isidore, et que nous venons de rapporter, témoignage 38, page 207.
42. Ibidem, c. 7 : " Les lévites ont emprunté leur nom de leur auteur, c'est-à-dire de Lévi, dont la tribu était occupée au service du temple. En effet, le Seigneur prescrivit à Moïse etc., " comme plus haut, témoignage 39, page 209.
43. Ibidem, c. 8 : " Les sous-diacres sont appelés de ce nom, qui est d'origine grecque, parce qu'ils servent les lévites dans leur ministère ; ils reçoivent dans le temple de Dieu les oblations des mains des fidèles et les présentent aux lévites à l'autel. Chez les Hébreux, ils sont appelés nathinéens, comme l'attestent le livre des Chroniques et celui d'Esdras, et ce mot signifie, qui servent Dieu dans l'humilité, etc. " Le reste comme dans le passage cité plus haut de saint Isidore, témoignage 40, page 210.
44. Le concile d'Aix-la-Chapelle, c. 6 : " Les sous-diacres, etc. " C'est le passage répété de saint Isidore. Ibidem, c. 7 : " L'ordre des diacres, etc. " Ce sont encore les paroles de saint Isidore. Ibidem, c. 8 : " L'ordre des prêtres, etc. " C'est toujours saint Isidore.
45. ARATOR, in Acta apostolorum, c. 13 : " Ils partagèrent le ministère des autels entre sept hommes choisis dans l'assemblée,
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et qui pourraient être appelés lévites. Qu'elle est glorieuse cette Eglise, qui porte en ses mains le calice de vie, où est contenu le sang de l'agneau ! Ce nombre de sept renferme bien des mystères, sur lesquels les bornes que je me suis imposées ne me permettent pas de m'étendre, de crainte qu'en ayant trop de choses d dire, je n'en dise pas assez sur chacune. Que les ministres aient soin de bien se pénétrer de leurs devoirs ; qu'ils considèrent combien doivent être éclatantes les vertus de ceux dont le nombre seul est quelque chose de mystique et de sacré, qui a son modèle dans les cieux (passage en latin dans la version imprimée). "
46. S. DAMASE pape, Epist. IV de chorepiscopis (Cette prétendue lettre de saint Damase, au jugement des critiques modernes, est une pièce supposée. V. NAT. ALEX., Hist. eccl. IV sæc, c. II, édit. de Venise. On va voir tout-à-l'heure qu'en particulier les paroles citées ici appartiennent au pape saint Léon-le-Grand), après avoir dit que les chorévèques tenaient la place des soixante-douze disciples, continue ainsi : " Qu'il ne leur soit pas permis de consacrer des prêtres, des diacres, des sous-diacres ou des vierges, ni d'ériger des autels, ni de les consacrer, ni de dédier des églises, ni de consacrer le chrême, ni d'en oindre les enfants au front, ni de réconcilier publiquement les pénitents, ni d'envoyer des lettres formées (Consulter au sujet de ces lettres formées le savant ouvrage du R. P. Perrone, intitulé : le Protestantisme et la règle de foi, tome II, pages 116, 578 et suiv., dans notre traduction), ni de bénir le peuple, ni d'entrer avant l'évêque dans le baptistère ou dans le sanctuaire, ni de baptiser ou de confirmer un enfant en présence de l'évêque, ni de réconcilier un pénitent sans son autorisation, ni de consacrer en sa présence le corps et le sang de Jésus-Christ, à moins qu'il ne le lui ordonne lui-même ni d'enseigner, ou de saluer, ou d'exhorter le peuple en sa présence ; mais que toutes ces fonctions appar-
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tiennent aux seuls pontifes, c'est ce que vous ont appris les statuts des Pères et les saints canons. "
47. S. ISIDORE, Lib. II de Officiis ecclesiasticis, c. 7 : " C'est aux prêtres, aussi bien qu'aux évêques, qu'est confiée la dispensation des mystères de Dieu, etc. " comme plus haut, témoignage 59, page 209.
48. S. JEROME, Dial. adv. Luciferianos, passage rapporté plus haut, art. de la Confirmation, question II, témoignage 5, page 240, tome II.
49. S. LEON-LE-GRAND, Epist. 88 ad episcopos Germaniæ et Galliæ, dit les mêmes choses que ce que nous avons rapporté comme de saint Damase (témoignage 46), et entre autres les paroles suivantes : " Quoique le ministère des chorévèques et des prêtres soit en beaucoup de choses le même que celui des évêques, ils doivent savoir cependant que certaines choses leur sont défendues, partie en conséquence d'anciennes prescriptions, partie en vertu des règles ecclésiastiques d'une date plus récente, comme de consacrer les prêtres, les diacres, ou les vierges, d'ériger des autels, etc. "
50. Le deuxième concile de Séville, canon 7, répète en parlant des chorévèques et des prêtres les paroles tout-à-l'heure citées de saint Léon.
51. S. EPIPHANE, adversùs Aerium, hær. 75, dit en exposant l'hérésie d’Aërius : " A l'entendre parler, on eût dit une furie plutôt qu'un homme, et il vociférait des paroles telles que celles-ci : Quelle différence y a-t-il entre un évêque et un prêtre ? Ils ne diffèrent en rien l'un de l'autre : c'est, d'une part comme de l'autre, le même ordre, le même honneur, la même dignité. L'évêque impose les mains ; le prêtre les impose aussi : l'évêque baptise ; le prêtre baptise de même : l'évêque règle le culte divin ; le prêtre le règle également. " Puis entreprenant la réfutation de cette hérésie, saint Epiphane s'exprime ainsi : " Comment admettre que les prêtres soient égaux aux évêques ? L'ordre des évêques donne à l'Eglise les pères dont tous les fidèles sont les enfants ; c'est cet ordre qui engendre les uns et les autres ; l'ordre des prêtres au contraire ne peut pas engendrer des pères ou des docteurs à l’Eglise, mais seulement des enfants au moyen du, baptême. Eh ! comment le prêtre aurait-il le pouvoir d'en créer lui-même, lui qui n'a aucun droit d'imposer les mains cet effet ? Quelle raison y aurait-il donc de dire le prêtre égal à l'évêque ? N'est-il pas évident qu’Aërius s'est laissé aveugler par la jalousie ou par l'envie de disputer ? "
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" Aërius nous objecte, à l'appui de son erreur, que l’Apôtre adresse une de ses lettres aux prêtres et aux diacres, sans parler d'évêques, et qu'ailleurs il écrit à un évêque même : Ne négligez pas la grâce qui est en vous, et qui vous a été donnée par l'imposition des mains du corps des prêtres (I Philip., I, 1; I Tim., IV, 14). Une autre de ses épîtres, ajoute-t-il, est adressée seulement aux évêques et aux diacres. L'évêque, infère-t-il de là, est donc une même chose avec le prêtre. Cet homme ignorant en histoire comme en logique ne peut donc pas comprendre que, comme à cette époque la prédication évangélique ne faisait que de commencer, le saint Apôtre n'écrivait que les choses que pouvait lui suggérer l'occasion qui se présentait à lui. Il écrivait en conséquence aux évêques et aux diacres là où il y avait des évêques ; car les apôtres ne pouvaient pas tout créer en même temps, et il fallait des prêtres et des diacres, pour faire le service de chaque église. Et dans les endroits où il ne se trouvait personne qui fût digne d’être élevé à l'épiscopat, il fallait bien se passer d'évêques ; dans ceux au contraire où il y avait besoin d'un évoque, et où il se trouvait quelqu'un digne de remplir cette place, on établissait alors un évêque. D'un autre côté, si le peuple n'était pas assez nombreux, personne n'était fait prêtre, et on se contentait d'y mettre un évêque. Au lieu qu'il ne peut pas y avoir de prêtre sous-diacre. Aussi l’Apôtre avait-il soin qu'un diacre fût toujours adjoint à l'évêque pour l'accomplissement de son ministère, cela pouvant, alors suffire à l'Eglise pour son gouvernement. Et c'est ainsi seulement que les rangs du ministère ecclésiastique pouvaient être remplis dans ces temps reculés. Car tout ne peut pas être complet dès le commencement, mais il a fallu du temps pour pouvoir parvenir par des degrés insensibles à combler tous les vides, etc. "
52. S. AMBROISE, in caput IV Epistolæ ad Ephesios (Ces commentaires sur les épîtres de saint Paul, comme nous l’avons déjà observé, ne sont pas de saint Ambroise, mais d'Hilaire de Sardaigne, diacre de l'Eglise romaine), sur ces paroles, Et ipse dedit quosdam quidem apostolos, etc. : " Les apôtres ici, ce sont les évêques. Les prophètes, ce sont ceux qui expliquent les Ecritures, quoiqu'il y eût dans ces commencements de l’Eglise des prophètes proprement dits, tels qu'Agabe et les quatre vierges qui prophétisaient, comme cela se trouve rapporté dans les Actes des apôtres (Act., XXI), ce qui était alors
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téméraire pour établir la foi dans les esprits ; mais aujourd'hui nous appelons prophètes ceux mêmes qui se bornent à expliquer l'Ecriture. Les évangélistes, ce sont les diacres, tels qu'était le diacre Philippe. Car quoiqu'ils ne soient pas prêtres et qu'ils n'aient pas de chaire en propre, ils peuvent cependant évangéliser, comme le faisaient Etienne et ce Philippe dont je viens de parler. Sous le nom de pasteurs on peut entendre les lecteurs, qui nourrissent le peuple qui les écoute de la lecture des livres saints : car l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (MATTH., IV). Les docteurs, ce sont les exorcistes, parce qu'ils sont chargés dans l'Eglise de réprimer les esprits inquiets ; on peut entendre encore ceux qui étaient chargés d'instruire les enfants, comme c'est la coutume parmi les Juifs ; coutume que nous avons adoptée, mais que notre négligence a laissé perdre. On voit aisément que le plus honorable après l’évêque, c'est celui qui est appelé prophète, à cause du talent qu'il a d'expliquer les sens cachés de l'Ecriture, et surtout les promesses de la vie à venir. On peut entendre par ce mot les prêtres. Pour l'évêque, il réunit dans sa personne tous les ordres à la fois : car il est le prince des prêtres, il est prophète, il est évangéliste, en un mot, il peut remplir tous les ministères que réclament les besoins des fidèles. Mais quand une fois il y a eu des églises établies dans tous les lieux du monde, et des fonctions particulières assignées à chaque ministre, les choses prirent une autre face que celle qu'elles avaient eue d'abord. Car dans les commencements tous étaient en possession d'enseigner et de baptiser, en tout lieu et à toute occasion. - Philippe, par exemple, ne fit point choix d'un lieu ou d'un jour particulier pour baptiser l'eunuque, et il ne se prépara pas non plus par le jeûne à cette action. De même Paul et Silas ne remirent point à quelque jour solennel le baptême du geôlier de la prison et de toute sa famille (Act., XVI, 17). Pierre ne prit pas de diacres avec lui, et ne fit point choix d'un jour pour baptiser Corneille et tous les gens de sa maison ; et ce ne fut pas lui-même qui les baptisa, mais il les fit baptiser par ceux des fidèles qui l'avaient accompagné depuis Joppé (Act., X, 48). Car il n'y avait pas d'autres diacres à cette époque que les sept diacres qui furent les premiers ordonnés. Pour favoriser donc la multiplication des fidèles on permit d'abord à tout le monde, et d'évangéliser, et de baptiser, et d'expliquer l'Ecriture dans l'Eglise. Mais depuis que l'Eglise s'est répandue partout, et qu'on
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a établi dans chaque lieu des réunions de
fidèles avec leurs conducteurs particuliers, et tout le reste des
choses nécessaires pour un bon gouvernement, il a fallu statuer
que personne désormais ne prétendît exercer dans l'Eglise
des fonctions sans en avoir le droit en vertu de l'ordination qu'on aurait
reçue ; et ainsi le gouvernement de l’Eglise sous ce rapport prit
une face toute différente : car si tous avaient le droit d'exercer
les mêmes charges, ces charges en seraient, avilies, en même
temps que plus mal exercées. De là l'usage maintenant établi
d'interdire la prédication aux diacres, la fonction de baptiser
aux simples clercs et aux laïques, et de ne pas baptiser tous les
jours indifféremment, si ce n'est en cas de maladie. C'est pourquoi
tout ce qu'a écrit l'Apôtre ne convient pas également
pour les temps où nous sommes arrivés, parce que cela se
rapportait spécialement à l'époque où l'on
était alors du premier établissement de l'Eglise. "
Question V
Qu’est-ce qu’ont dit les anciens Pères au sujet de ce sacrement ?
Voici en quels termes saint Augustin, ce docteur vraiment catholique, a déclaré sur ce point sa pensée, et tout à la fois celle de l’Eglise : " Ce que nous lisons, savoir que Notre-Seigneur souffla sur ses disciples peu de jours après sa résurrection, et qu'il leur dit : Recevez le Saint-Esprit, doit s'entendre du pouvoir qu'il leur a conféré de faire les fonctions ecclésiastiques. Car comme tout se fait par l’Esprit-Saint dans le ministère divinement établi, Notre-Seigneur voulant, donner à ses disciples la règle et comme le modèle de ce qu'ils auraient à faire dans la suite, leur dit : Recevez le Saint-Esprit. Et pour montrer qu'il s'agit ici d'un pouvoir à exercer dans l’Eglise, il ajoute : Les péchés seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez, et ils seront remis à ceux à qui vous les remettrez. Cette communication de l'Esprit-Saint est une grâce que reçoivent comme de main en main ceux qui sont ordonnés pour que leur autorité soit respectée des fidèles. De là vient que l'Apôtre dit à Timothée : Gardez-vous bien de négliger la grâce qui est en vous, et qui vous a été donnée par l'imposition des mains sacerdotales. Il a donc fallu que l'Esprit-Saint fût donné ainsi aux apôtres au moins une fois, pour que dans la suite on fût porté à croire que le même don continuait d'être transmis à leurs successeurs. " Ainsi s'est exprimé saint Augustin.
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les canons (dits) des apôtres contiennent les règles suivantes : " Que l'évêque soit ordonné par deux ou trois autres évêques ; que le prêtre soit ordonné par un seul évêque et qu'il en soit de même du diacre et des autres clercs. " On lit ensuite : " Si un évêque ou un prêtre, ou un diacre, ou un sous-diacre, ou un lecteur, ou un chantre néglige de jeûner pendant le carême, ou le mercredi ou le vendredi de chaque semaine, qu'il soit dégradé de son rang, à moins que ce ne soit la maladie qui l'empêche de remplir ce précepte. "
S. CAIUS, cet illustre pape et martyr de la fin du troisième siècle de l’Eglise, nous a laissé le dénombrement des différents ordres ecclésiastiques, dans le passage suivant : " Si quelqu'un mérite d'être évêque, qu'il commence par être ordonne portier, puis lecteur, ensuite exorciste, puis acolyte, après cela sous-diacre, puis diacre, ensuite prêtre, enfin évêque, s'il se trouve réellement le mériter. "
Aussi voyons-nous que saint Cyprien loue le pape Corneille, " comme d'une chose qui l'honorait aux yeux du peuple et du clergé, de n'être pas arrivé subitement à l'épiscopat mais de s'être élevé de degré en degré jusqu'au faîte du sacerdoce, en passant par tous les ordres inférieurs de la hiérarchie ecclésiastique, et en méritant ainsi les complaisances du Seigneur par son zèle dans l'administration des choses saintes ; de n'avoir ensuite ni brigué, ni envahi, ni même désiré l’épiscopat ; mais de s'être montré toujours paisible, toujours modeste, toujours réservé, toujours humble, en sorte qu'il n'accepta l'épiscopat que lorsqu'il y fut forcé. "
L'Eglise actuelle donc ne peut pas se dispenser de conserver et de défendre comme son héritage des ordres reconnus dès les temps apostoliques, comme le font voir les écrits des Denis, des Anaclet et des Ignace, et qui ont été maintenus de la même manière dans tous les âges suivants.
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TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. quæstionum veteris et novi Testamenti, q. 93 : " Ce que nous lisons, savoir que Notre-Seigneur a soufflé sur ses disciples, etc. " Comme dans le corps de la réponse.
2. Le même, Lib. II contra epistolam Parmeniani, c. 13, comme plus haut, question I, témoignage 1, page 163.
3. Canon 1 dit des apôtres : " Que l’évêque, etc., " comme dans le corps de la réponse.
4. Canon 2 dit des apôtres : " Le prêtre sera ordonné par un seul évêque et il en sera de même du diacre et des autres clercs. "
5. Canon 68 dit des apôtres : " Si un évêque ou un prêtre, etc., " comme dans le corps de la réponse.
6. Dans le décret de Gratien, distinction 59, se trouve cite le pape Urbain, qui défend par un décret (Il s'agit sans doute ici du pape Urbain II, et des canons 3 et 5 du concile de Clermont de l'an 1095, présidé par ce pontife. Cf. LABBE, Conc., t. X, col. 507) de n'admettre personne au sacerdoce, qui n'ait auparavant parcouru avec éloge les autres degrés. De même le pape saint Grégoire, dont voici les paroles : " Qu'aucun laïque, quelque mérite qu'il ait, n'aspire au souverain sacerdoce. " De même Célestin I, qui dit dans sa
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lettre II aux évêques de la Gaule : " Que personne n'aspire au souverain sacerdoce, à moins de s'être d'abord formé à la vie et la science ecclésiastique (Cf. LABBE, Conc., t. II, col. 1620). "
7. Ibidem, distinction 60, il est fait mention d'un concile tenu à Clermont en Auvergne par le pape Urbain (Il s'agit ici du canon 5 du concile de Clermont, tenu l’an 1095, et du pape Urbain II, qui présida ce concile), et où l'on défend d'ordonner personne archidiacre, qui ne soit diacre préalablement, ni archiprêtre ou doyen, qui ne soit prêtre. On cite de même le pape Calixte (Il s'agit de même ici du pape Calixte II, et du 2e canon du concile de Toulouse de l'an 1119, que ce pape présida. Cf. LABBE, Conc., t. II, col. 857), qui porta le décret de n'ordonner personne prévôt, archiprêtre ou doyen, qui ne fût prêtre, ni personne archidiacre, qui ne fût diacre. Les décrets de ces deux papes ont été confirmés aussi par Innocent II. Gratien cite encore un autre décret (C'est le canon 5 du concile de Clermont) du pape Urbain, qui ordonne de n'élire évêque que des clercs déjà engagés dans les ordres sacrés.
8. Ibidem, distinction 61, se trouve citée la lettre de saint Grégoire-le-Grand à la reine Brunehault, qui est la cent treizième (C'est la cinquième de ce même livre dans la collection de Labbe. Cf. LABBE, Conc., t. V, col. 1289) du septième livre de ses lettres, et où il déclare que des laïques ne doivent jamais être ordonnés immédiatement prêtres. Gratien cite aussi la lettre d'Hormisdas aux évêques d'Espagne (Cf. LABBE, Conc., t. IV, col. 1467) sur les qualités que doivent avoir ceux qu'on ordonne, et qu'on choisit pour gouverner les églises. De même la lettre d'Innocent I à Aurèle évêque de Carthage (Cf. Ibidem, t. II, col. 1264), où ce pape s'exprime ainsi : " C'est une chose déplorable qu'on veuille devenir maître sans avoir jamais été disciple, et occuper le plus haut degré du sacerdoce sans avoir jamais servi dans les degrés inférieurs. " De même, la lettre du pape saint Léon aux évêques d'Afrique, que nous avons rapportée plus haut, question III, témoignage 6, page 195 ; le concile de Laodicée, canon 12, portant qu'il ne faut élire personne évêque qu'après une longue-épreuve de sa vie et de ses mœurs ; et la lettre troisième du pape Célestin I, adressée à tous les orthodoxes, c. 2 ; un autre témoignage du pape saint Léon, disant qu'il ne faut pas confier le gouvernement de l'Eglise à des ignorants ou à des novices, etc. "
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9. Ibidem, distinctions 62 et 63, où il est question de l'élection des ecclésiastiques.
10. Ibidem, distinction 64, 65 et suivantes, où l'on traite de l'ordination.
11. S. CAIUS, pape et martyr, Epist. ad Felicem episcopum : " Par rapport aux ordinations d'évêques, de prêtres, de diacres, et des clercs des ordres inférieurs, comme les apôtres et leurs successeurs, particulièrement Anaclet et quelques autres en ont parlé suffisamment, il n'est pas nécessaire de revenir sur ce qu'ils ont statué, autrement que pour le confirmer. Nous dirons cependant que ce que nous voulons qui soit observé par vous comme par tout le monde, c'est qu'on n'élève aux ordres ecclésiastiques que ceux qui s'en seront rendus dignes, en sorte qu'il n'y ait d'évêques que ceux qui auront commencé par être portiers, puis lecteurs, " et le reste comme dans le corps de la réponse (Il n’est pas démontré que cette décrétale soit de saint Caïus, pape et martyr).
12. S. DAMASE, dans le Pontifical (Il s'agit ici du Liber Pontificatis, qui est sans autorité) : " Caïus a réglé qu'on ne parviendrait que par degrés aux ordres établis dans l’Eglise : Qu'il n'y ait d'évêques, a-t-il dit, que ceux, etc., " comme dans le témoignage précédent.
13. S. CYPRIEN, Epist. 52 (al. 51), comme dans le corps de la réponse.
14. Le pape ZOZIME, Epist. I ad Hesychium episcopum Salomitanum : " Il a été statué d'une manière toute particulière par nos prédécesseurs, et en dernier lieu par nous-mêmes, que personne ne doit avoir la témérité d'aspirer, contrairement aux règles établies par les Pères, au plus sublime degré du souverain sacerdoce, sans s’être auparavant formé comme par degrés successifs à l'accomplissement régulier des devoirs ecclésiastiques ; et que non-seulement une ambition de ce genre ne devait pas être tolérée, mais qu'il fallait la punir même dans ceux qui auraient ordonné le sujet indigne, et par-là mérité d'être destitués eux-mêmes des fonctions d'un ordre qu'ils se seraient permis de conférer irrégulièrement contre les canons. . . . . Opposez-vous à des ordinations de cette espèce ; mettez une barrière invincible à l'orgueil et à la témérité. Vous avez pour vous y engager les lois de vos pères, et l'autorité du siège apostolique. Car si, dans le
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siècle même, on n'obtient pas de prime abord les plus hauts emplois, mais qu'on ne puisse y parvenir que par degrés, et à la suite de longues épreuves, quel sera l’homme assez téméraire, assez éhonté, pour vouloir enseigner avant d'avoir appris soi-même, et commander avant d'avoir fait ses première armes dans la milice céleste, qui est d'une tout autre importance, et où chacun a besoin d'être éprouvé comme l'or dans le feu ? Qu'on commence par prendre les habitudes de cette milice sacrée, qu’on commence, si l'on veut, par les humbles fonctions de lecteur ; qu'on ne dédaigne pas ensuite d'exercer celles d'exorciste, d'acolyte, de sous-diacre, de diacre ; et qu'on ne passe pas de l'un à l'autre de ces ordres comme par saut, mais qu'on observe à cet égard les interstices réglés par nos pères. Puis, qu'on n'ordonne prêtre que celui à qui son âge donne en quelque sorte le droit de s'attribuer ce titre, en même temps qu'il s'en sera rendu digne par de longues années passées dans la pratique de toutes les vertus. C'est après cela seulement qu'il sera permis d'aspirer à la dignité de souverain pontife. . . Voici quels sont les interstices à observer pour chaque degré. Que celui qui aura été destiné dès son enfance au service des autels demeure dans l'ordre des lecteurs jusqu’à la vingtième année de son âge ; s'il ne s'engage que déjà grand, mais immédiatement cependant après son baptême, qu'il reste cinq ans lecteur ou exorciste ; puis, qu'il soit acolyte ou sous-diacre l'espace de quatre années ; qu'il se mette de cette manière en état d’être élevé au diaconat, où il restera cinq ans, supposé qu'il se conduise sans reproche. Après avoir ainsi fourni les preuves de la solidité de sa foi, il pourra être admis à recevoir l'ordre de la prêtrise ; et si sa vie paraît de plus en plus exemplaire, il pourra à la fin espérer d’obtenir le plus haut degré du sacerdoce. On observera en tout cas cette loi, de n'admettre à ces divers ordres ni bigames, ni pénitents, ni époux de veuves. Et que cette loi oblige aussi les défenseurs (ou avocats) de l'Eglise, qui voudraient passer de l'état laïque à la cléricature. "
15. S. DENS l'Aréopagite, Lib. de eccles. hierarchiâ, c. 5 : " Celui qui doit être élevé à la dignité épiscopale fléchit les genoux devant l'autel. Là, on lui met sur la tête le livre des divines Ecritures ; le prélat consécrateur étend la main sur lui, et récite de pieuses invocations. C'est ainsi que se fait l'ordination des évêques. "
" Le prêtre se met aussi à genoux devant l’autel. L'évêque
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alors lui impose la main droite sur la tête, prononce de saintes prières et opère ainsi la consécration sacerdotale. "
" Le diacre amené devant l'autel ne fléchit qu'un genou ; sa tête est ombragée par la main droite du pontife, et sa consécration s’achève par les prières marquées pour la consécration des diacres. "
" Au reste, le hiérarque consécrateur trace sur chacun d'eux le signe de la croix ; on publie leur nom et l'ordre qu'ils reçoivent et on termine par la cérémonie d’un saint baiser, tous les membres de la hiérarchie, l’évêque à leur tête, saluant ainsi celui qui est promu à quelqu'un des ordres sacrés (Cf. Les Œuvres de saint Denis l'Aréopagite, trad. de M. l’abbé Darboy ; id. trad. du frère Jean de S. François, p. 406 ; ??? ???????? ?????????, ?. ?. ?., p. 192-193, Paris, 1562). "
16. Le même, lettre VIII au moine Démophile : " Tous ne sont pas admis à nos saints mystères avec une faveur égale ; les évêques sont au premier rang ; puis viennent les prêtres et ensuite les diacres. Hors de l'enceinte réservée aux clercs se trouvent les moines ; c'est là, c'est près des portes qu'on les initie, c'est près des portes qu'ils se tiennent, non qu'ils en soient les gardiens, mais parce que telle est leur place, et pour leur apprendre qu'ils font plutôt partie du peuple que des ordres sacrés. C'est pourquoi, d'après les sages constitutions de l’Eglise, les moines sont appelés à la participation des choses saintes ; mais le soin de les administrer est confié à d’autres, à ceux du sanctuaire : car ceux qui environnent l’autel avec piété y voient et entendent les mystères augustes qui leur sont révélés à découvert ; puis s'inclinant avec amour vers la foule que n'admet pas l'enceinte voilée, ils les manifestent aux moines dociles, au peuple saint, à ceux qui se purifient encore, à chacun selon son mérite. "
17. S: ANACLET, pape et martyr, Epist. II ad omnes episcopos et reliquos Christi sacerdotes, parle en détail des deux degrés du sacerdoce, de l'ordination et de l'institution des évêques et des prêtres ; des degrés de classification à observer par rapport aux évêques et aux villes. Tout cela a déjà été rapporté en partie ci-dessus, question II, témoignage 20, page 188 (On y verra aussi que c'est une pièce supposée).
18. S. IGNACE, Epist. ad Antiochenos ; ce passage a été rapporté plus haut, question IV, témoignage 7, page 200.
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Question VI
Quel est l’ordre le plus fréquemment exercé dans l’Eglise ?
C'est l'ordre de prêtrise, où le sacerdoce, sur l'excellence et la dignité duquel saint Chrysostôme et saint Ambroise ont écrit des livres entiers. Le grand saint Ignace en parle également en ces termes : " Le sacerdoce est le comble de tous les honneurs qui puissent s'obtenir parmi les hommes : l'outrager, c'est outrager Dieu même et le Seigneur Jésus-Christ premier-né de toute créature, et seul par nature souverain prêtre de Dieu. " Nous avons même pour le prouver les oracles divins : " Les lèvres du prêtre, y lisons-nous, sont dépositaires de la science, et c'est de sa bouche que l'on s'empressera de recueillir la connaissance de la loi, parce qu'il est l'ange du Seigneur des armées. " Nous lisons encore : " Celui qui, s'enflant d'orgueil, ne voudra point obéir au commandement du pontife, qui en ce temps-là sera le ministre du Seigneur votre Dieu, ou à l'arrêt du juge, sera puni de mort, et vous ôterez le mal du milieu d'Israël, afin que tout le peuple entendant ce jugement soit saisi de crainte, et qu'à l'avenir nul ne s'élève d’orgueil. " C'est pourquoi l’Apôtre fait la recommandation suivante : " Ne recevez d'accusation contre un prêtre que sur la déposition de deux ou trois témoins. " Et c'est à Timothée, évêque d’Ephèse, que l'Apôtre donne cet avis, aussi bien que cet autre déjà cité plus haut : " Que les prêtres qui gouvernent bien soient doublement honorés, mais principalement ceux qui travaillent à la prédication de la parole et à l'instruction des peuples. "
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. MALACHIE, II, 7 : " Les lèvres du prêtre seront les dépositaires de la science, etc., " comme dans le corps de la réponse.
2. AGEE, II, 12 : " Interrogez les prêtres sur la loi. "
3. Deutéronome, XVII et I Timothée,
V (comme dans le corps de la réponse).
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. IGNACE, Epist. ad Smyrnenses, comme dans le corps de la réponse, et plus haut, article des Commandements de l’Eglise, question XII, témoignage 4, page 97, tome II.
2. S. CHRYSOSTOME, livre II du Sacerdoce : " Le sacerdoce s’exerce sur la terre, mais on le range avec raison dans l’ordre des choses célestes ; car ce n’est ni un homme, ni un ange, ni un archange, ni aucune puissance créée qui l’a instituée ; c’est au Saint-Esprit lui-même que nous devons de pouvoir remplir une fonction toute angélique avec un corps mortel. Le prêtre qui en est chargé doit donc être aussi pur que s’il était déjà placé dans le ciel parmi les esprits bienheureux. . . . . Si l’on réfléchit que c’est un homme enveloppé de chair et de sang qui se rapproche ainsi d’une nature sainte et immortelle, on concevra toute l’excellence des dons que la grâce de l’Esprit-Saint répand sur les prêtres, car c’est par eux que s’opèrent ces grandes choses et d’autres non moins précieuses, dans l’intérêt de la dignité et du salut des hommes. Eh ! quoi ! des êtres nés et rampants sur la terre sont les dispensateurs des trésors du ciel, et ont reçu une puissance que Dieu a refusée aux anges et aux archanges ! Car ce n’est pas à ces derniers qu’il a été dit : Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. Ce pouvoir de lier, les princes de la terre l’exercent aussi, sans doute, mais sur les corps seulement ; au lieu que le lien sacerdotal s’applique à l’âme, et étend sa vertu jusque dans le ciel ; l’acte qu’exécute le prêtre sur la terre, Dieu le confirme dans le séjour de sa gloire, et le maître ratifie la sentence qu’a portée le serviteur. C’est de la puissance des êtres supérieurs que Dieu a revêtu ses ministres d’ici-bas ; car tous ceux, dit-il, de qui vous remettrez les péchés, leurs péchés leur seront remis ; tous ceux de qui vous les retiendrez, ils leurs seront retenus. Y a-t-il un pouvoir plus grand que celui-là ? Le Père a donné au Fils tout pouvoir de juger ; ce pouvoir, le Fils l’a transmis
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aux prêtres. Ce grand empire qu'l1s doivent à sa libéralité semble en faire des habitants du ciel, supérieur à toutes les faiblesses de la nature humaine, et affranchis du joug des passions terrestres. Si jamais un roi venait à accorder à un de ses sujets le droit de jeter dans les fers et d'en retirer qui bon lui semblerait, cet heureux favori serait l'objet des respects publics, et tous les regards seraient tournés sur lui ; quel homme donc chargé d’un pouvoir aussi supérieur à celui-là que le ciel l'est à la terre, et que l'esprit l'est au corps, pourra s'imaginer que le présent qu'on a daigné lui en faire ait assez peu de valeur pour qu'il ne mérite que ses mépris. Erreur et folie ! Folie manifeste, de repousser avec dédain une puissance qui seule nous ouvre la route du salut et nous assure les biens à venir. Car s'il est impossible d'entrer dans le royaume des cieux à moins d'avoir été régénéré par l'eau et par l'esprit, et si celui qui ne mange pas la chair, qui ne boit pas le sang du Seigneur, est privé de la vie éternelle, bienfaits qui ne peuvent nous arriver que par des mains sanctifiées, c'est-à-dire, par les mains des prêtres, qui donc, je vous le demande, échappera, sans leur ministère, aux feux de l'enfer, ou ceindra la couronne d'immortalité ? C’est le prêtre oui, c'est lui seul qui peut nous enfanter à la vie spirituelle et nous régénérer par le baptême. . . . "
" Les prêtres nous revêtent de Jésus-Christ, nous ensevelissent avec le Fils de Dieu, et nous font les membres de ce chef divin. C'est pourquoi nous devons non-seulement respecter leur pouvoir plus que celui des rois et des princes, mais les révérer plus que les auteurs de nos jours. Nos père nous ont engendrés par le sang et la chair, au lieu que les prêtres nous ont engendrés à Dieu ; c'est à eux que nous devons notre régénération bienheureuse, la véritable liberté et notre adoption selon la grâce. Guérir de la lèpre du corps, ou plutôt juger seulement de sa guérison, tel était le privilège des prêtres dans la loi de Moïse ; et cependant vous savez avec quel empressement on se disputait la dignité sacerdotale. Or ce n'est pas la lèpre du corps, c'est l'impureté de l'âme que guérissent les prêtres de la loi nouvelle ; ce n'est pas le droit de juger de la guérison, c'est le droit même de guérir qu'ils exercent ; d'où il suit que ceux qui les méprisent sont plus coupables, encourent des peines plus rigoureuses que Dathan et ses complices. . . . . "
" Ce n'est pas seulement le droit de punir, c'est surtout celui de faire du bien qui constitue, en faveur des prêtres, un pri-
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vilège supérieur à celui des parents. Il y a entre le pouvoir des uns et celui des autres la même différence qu'entre la vie présente et la vie future. Les uns nous engendrent pour le temps, les autres pour l’éternité, etc. "
3. Le même, Hom. IV de verbis Isaïæ Vidi Dominum (Cf. S. Joannis Chrys. opera, t. VI, p. 127 et 132, édit. de Bénéd., pag. 146-147 et 152-153, édit. de Gaume ; Biblioth. choisie des Pères de l’Eglise, Paris, 1700, tome IV, page 294) : " Autre est l'objet du pouvoir de la royauté, autre est celui du sacerdoce ; mais celui-ci est plus grand que celui-là. Car ce n'est pas ce qui paraît au dehors qui fait la royauté, et ce n'est pas des pierreries qui brillent sur sa personne, et des dorures dont il est couvert, que le prince tire sa grandeur. Les droits du prince ne s'étendent que sur les choses de la terre, mais ceux du sacerdoce vont plus loin, puisqu'il est dit : Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. Le prince est chargé des intérêts d’ici-bas ; moi, je le suis des intérêts du ciel ; et quand je dis moi, je veux dire le pontife. Si donc vous voyez un prêtre indigne, n'accusez pas pour cela le sacerdoce : ce n'est pas la chose qu'il faut alors condamner, mais celui qui en fait un mauvais usage. Car que Judas ait trahi son divin maître ce n'est pas la faute de l'apostolat dont il était honoré, mais c'était la faute de ses dispositions personnelles. De même, ce n'est pas le sacerdoce qu'il faut condamner, mais c'est celui dont l'âme est pervertie. N'accusez donc pas le sacerdoce ; n'accusez que la perversité de celui qui en est revêtu. . . . . "
" Les corps sont soumis au prince, et les âmes au pontife, le prince remet les dettes qui pèsent sur les biens ; le pontife remet celles qui chargent les âmes. L'un contraint, l'autre persuade ; l'un emploie les moyens physiques, l'autre la force morale ; les armes de l'un sont matérielles, celles de l'autre sont spirituelles ; l'un fait la guerre contre les barbares, l'autre la fait contre les démons. L’autorité du pontife est donc plus grande que celle du prince ; et c'est pour cela que le prince baisse la tête sous la main du pontife, et que dans l'Ancien-Testament c'étaient les prêtres qui oignaient les rois. "
4. Le même, ibidem, hom. V : " Le sacerdoce est une puissance plus grande, plus vénérable que la royauté même. Ne me vantez ni la pourpre, ni le diadème, ni les vêtements dorés. Tout cela passe comme une ombre, et a moins de prix que les fleurs du printemps. Car toute la gloire de l'homme est comme
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l’herbe, dit l’Ecrivain sacré (Is., XL, 6), cette gloire fût-elle celle d'un roi. Non, ne me vantez rien de tout cela ; mais si vous voulez voir la différence qu'il y a entre un pontife et un empereur, examinez la nature du pouvoir donné à chacun, et vous verrez que le premier est placé bien plus haut que le second. Car si le trône attire notre admiration par les pierreries qui y sont incrustées, et par l'or qui lui sert de ceinture, sa puissance ne s'exerce que sur les choses de la terre, et ne s'étend pas au-delà ; au lieu que le trône du pontife a son siège dans les cieux, et porte là ses décrets. Et qui l'a dit ? Le roi même du ciel : Car vous ce que vous délierez sur la terre, a-t-il dit, sera délié dans le ciel, etc. Quelle dignité peut être comparée à celle-là ? Le ciel reçoit de la terre l'initiative de ses jugements. Ainsi le juge est sur cette terre, et le Seigneur obéit à l'esclave ; et le jugement que l'esclave prononce ici-bas, le Seigneur le confirme là-haut. Et le pontife se trouve placé entre Dieu et les hommes, tantôt faisant descendre sur nous les grâces d'en-haut, tantôt faisant monter là-haut nos prières ; ici réconciliant avec les hommes un Dieu irrité, là délivrant les hommes d'entre les mains de sa justice. C'est pourquoi Dieu a voulu que les rois abaissassent leurs têtes sous la main des pontifes, nous enseignant par-là que la puissance de ces derniers est plus grande que celle des premiers : car c'est à l'inférieur à recevoir la bénédiction du supérieur. "
5. S. GREGOIRE, Pastoral, deuxième partie, chapitre IV, s'attachant à faire voir par les livres saints avec quelle discrétion le perdre et le prédicateur doivent ouvrir la bouche, ce grand pape dit ces paroles : " Quiconque se charge du sacerdoce prend les fonctions de prédicateur. "
6. S. CYPRIEN, Epist LV (al. 54) ad Cornelium : " Puisque le Seigneur a dit dans son Evangile : " Celui qui dira à son à frère, insensé, ou celui qui lui dira raca, sera condamné au feu de l'enfer, " je le demande, échapperont-ils à la vindicte divine ces pervers qui vomissent l'injure, je ne dirai pas seulement contre leurs frères, mais contre les pontifes auxquels Dieu a daigné conférer tant d'honneur que, dans la loi ancienne, quiconque refusait d'obéir au grand-prêtre ou au juge alors en fonction était puni de mort sur-le-champ ? Le Seigneur Dieu parle ainsi dans le Deutéronome : Celui qui s'enorgueillira en ne voulant point obéir au commandement du grand-prêtre ou du juge qui gouvernera dans ces jours-là, cet homme-là mourra, et tout le
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peuple, entendant ce jugement, craindra, et nul désormais n’osera s'enorgueillir. " Voir plus haut la suite de ce passage, article des Commandements de l'Eglise, question XI, témoignage 9, pag. 34, tome II.
7. Le même, Epist. 68 (al 64) ad Rogatianum : " Le Seigneur notre Dieu dit dans le Deutéronome : Celui qui s'enorgueillira en ne voulant point obéir au commandement du prêtre, ou à la sentence du juge alors en fonction, cet homme-là mourra, et tout le peuple entendant ce jugement craindra, et nul désormais ne commettra l'impiété. Pour nous convaincre que cet oracle, émane de la majesté de Dieu, avait pour but de faire honorer et respecter la personne de ses prêtres, nous voyons que trois lévites, Coré, Dathan et Abiron, ayant osé résister au grand-prêtre Aaron, lever fièrement la tête, et s’égaler au pontife qu'avait établi le Seigneur, furent engloutis à l'instant par la terre, qui s'entrouvrit sous leurs pieds, châtiment bien digne de leur sacrilège audace ! Ils ne furent pas les seuls qui périrent. Les deux cent cinquante téméraires qui avaient partagé leur révolte furent consumés par des flammes que le Seigneur fit sortir de l'autel, afin qu'il fût bien démontre que les prêtres de Dieu sont vengés par celui qui fait les prêtres. "
" Nous lisons aussi dans le livre des Rois que les Juifs ayant insulté Samuel à cause de son grand âge, comme il vient de vous arriver à vous-même aujourd'hui, le Seigneur s'écria dans son indignation : Ce n'est pas toi, c'est moi qu'ils ont méprisé. Afin de venger son prêtre, il leur suscita pour roi Saül, qui pressura ce peuple orgueilleux, l'abreuva d'outrages, et le foula aux pieds : tant il est vrai que le Seigneur venge les outrages faits à ses prêtres ! Salomon, animé par l'Esprit-Saint, nous apprend par son témoignage quelle est la grandeur et la puissance de l'autorité sacerdotale (Ecclé., VII, 31) : Crains le Seigneur de toute ton âme, et révère ses prêtres. Et ailleurs (ibid., 33) : Honore Dieu de toute ton âme, et respecte ses prêtres. Il avait ces préceptes présents à la mémoire, le bienheureux apôtre Paul, suivant ce que nous lisons dans les Actes des apôtres, puisqu'alors qu'on lui demanda pourquoi il répondait ainsi au grand-prêtre : Mes frères, dit-il, j'ignorais que ce fût là le grand-prêtre ; car il est écrit : Tu ne maudiras pas le chef de ton peuple (Act., XXIII, 5). Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, notre roi, notre juge et notre Dieu, ne cessa point, jusqu'aux derniers moments de sa passion, de rendre honneur aux pontifes et aux prêtres, quoique
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eux-mêmes n'eussent pas gardé la crainte de Dieu, et qu'ils refusassent de reconnaître Jésus-Christ. En effet, au lépreux qu'il vient de guérir, il adresse ces paroles : Allez vous montrer au prêtre, et offrez-lui votre don en témoignage (MATTH., VIII, 4). Avec cette humilité dont il nous a recommandé la pratique, il appelait encore du nom de prêtre celui qu'il savait bien n'être qu'un sacrilège. De même encore, lorsque au temps de sa passion il reçoit un soufflet et qu'on lui dit : Est-ce ainsi que tu réponds au grand-prêtre ? au lieu de s'emporter contre la personne du pontife, il se contente de défendre sa propre innocence : Si j’ai mal parlé, dit-il, montrez ce que j'ai dit de mal ; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous (LUC, XVIII, 23) ? Modèle d'humilité et de patience, il nous enseignait la patience et l'humilité en les pratiquant le premier. Il nous apprenait en effet à honorer les véritables prêtres quand il respectait lui-même ceux qui n'avaient plus que l'ombre du sacerdoce. Or, les diacres doivent se souvenir que Notre-Seigneur a choisi ses apôtres, et dans la personne de ses apôtres, les évêques et les autres supérieurs ecclésiastiques. Puis, quand il fut remonté au ciel, les apôtres se choisirent des diacres pour être les ministres de leur épiscopat et de l’Eglise. S'il nous est permis nous de nous élever contre Dieu, qui institue les évêques, les diacres peuvent aussi s'élever contre nous, de qui ils tiennent tout ce qu'ils sont. Le diacre dont vous vous plaignez fera donc pénitence de sa rébellion ; il rendra à son évêque l’honneur qui lui appartient, et lui donnera toutes les satisfactions possibles avec la plus profonde humilité. Le schisme et l’hérésie n'ont pas d'autre origine. On commence par se complaire dans sa propre sagesse, on affiche le mépris pour l'évêque ; insensiblement on sort de l'Eglise ; on élève au-dehors un autel profane, on trouble la paix de Jésus-Christ, on attente à l'œuvre de Dieu, et l'on brise les liens de l'unité. "
8. S. GREGOIRE, Lib. XII epistolarum, Epist. 31 ad Felicem episcopum Siciliæ : " Si David, le plus juste des rois, n'a pas osé porter la main sur Saül, qu'il savait pourtant être abandonné et rejeté de Dieu, combien ne doit-on pas se garder davantage de porter sur l'oint du Seigneur, ou sur les prédicateurs de la sainte Eglise, la main de la détraction ou du blâme, de la légèreté ou de l'outrage ? Car le mépris déversé sur eux, l'injure qui leur est faite retombe sur Jésus-Christ, dont ils sont les ambassadeurs. Tous les fidèles doivent donc bien se garder de faire de l'évêque l’objet de leurs censures ou de leur malignité, et qu'ils se rappellent l'exemple
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de Marie, qui fut frappée d'une lèpre immonde pour avoir mal parlé de Moïse à l'occasion de l'éthiopienne, et ces paroles du Psalmiste, Gardez-vous bien de toucher à ceux que l'onction m'a consacrés, et de faire outrage à mes prophètes (Ps. CIV, 15). Nous lisons aussi dans la loi de Dieu : Vous ne parlerez point en mal des dieux, et vous ne maudirez point le prince de votre peuple (Exod., XX, 28). Les inférieurs, tant clercs que laïques, doivent donc bien faire attention à ne pas relever témérairement ce qu'ils verraient de répréhensible dans l'évêque ou dans tout autre supérieur, de peur qu'en blâmant même ce qui est mal, la pente de l'orgueil ne les fasse tomber dans un mal encore plus grand. On doit aussi les avertir de ne pas prendre prétexte des fautes de leurs supérieurs pour leur résister avec audace. Mais que bien plutôt la considération qu'ils feront en eux-mêmes des fautes de ceux-ci les pénètre d'une crainte salutaire, et ne les empêche pas de leur rester soumis : car la conduite des évêques ou des supérieurs ne doit pas être l'objet de la censure de leurs subordonnés, quelque répréhensible d’ailleurs qu'elle puisse paraître. "
9. S. FABIEN, pape et martyr, Epist. II ad episcopos Orientales : " En tout jugement il doit nécessairement se trouver quatre personnes, savoir le juge, l'accusateur, le défenseur et les témoins. En conformité à cet usage, nous ordonnons que les ouailles du troupeau n'aient pas la témérité de critiquer le pasteur préposé à leur garde : car la conduite des supérieurs ne doit pas être l’objet de la censure de leurs subordonnés, et le disciple ne peut pas être au-dessus du maître, selon cet oracle de la vérité : Le disciple n'est pas au-dessus du maître, ni le serviteur au-dessus de celui au service de qui il est. . . L'exemple de Cham fils de Noé fait voir que Dieu condamne ceux qui publient les défauts de leurs pères, ou qui osent les accuser ou en dire du mal. Car si un évêque s'écarte de la foi, ses subordonnés doivent d'abord le reprendre en secret. Mais si, ce qu’à Dieu ne plaise, il se montre incorrigible, il faut alors l'accuser devant ses primats, ou devant le siège apostolique. Pour le reste en quoi il peut être blâmable, ses subordonnés ou ses ouailles feront mieux de le supporter, que de l'accuser ou de le décrier publiquement ; car lorsque ses inférieurs se donnent cette licence, ils résistent à l'ordre de Dieu même qui les a placés au-dessus d'eux, selon ce que dit l'Apôtre, que celui qui résiste à la puissance résiste à l'ordre établi de Dieu, etc. "
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10. Voir la même doctrine exprimée dans les
lettres 1, 2 et 3 d'Anaclet, et dans l'épître de Télesphore
à tous les évêques (Il s'agit ici de fausses décrétales,
et il en est de même de la précédente).
Question VII
Que faut-il penser des mauvais prêtres ?
C'est un ordre divin qu'il n'est pas donné à l'homme d'abolir, d'honorer les prêtres dans l'Eglise, qu'ils soient bons, ou même qu'ils soient mauvais. Car c'est lui-même qui veut qu'on reconnaisse, qu'on reçoive, qu'on écoute et qu'on respecte dans la personne de ses ministres celui qui a dit : Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moise. Observez donc et faites tout ce qu'ils vous disent ; mais n’imitez pas leurs œuvres : car ce qu'ils disent, ils ne le font pas.
Au reste, il y a une distinction à faire entre les mauvais prêtres, et on ne doit la docilité et l’obéissance qu'à ceux d'entre eux qui, légitimement ordonnés et envoyés par leurs évêques, ont reçu la mission et le droit d'enseigner, et professent effectivement la saine doctrine de l'Eglise ; quant aux autres, on doit les éviter comme des ennemis et les fuir comme la peste.
Voici les sages avis que donne à ce sujet saint Irénée, ce Père des premiers siècles de l’Eglise : " C'est aux évêques et aux prêtres qui tiennent des mains des apôtres le dépôt de la foi, et qui ont reçu l'ordination d'après l'institution même du Christ, que nous devons nous en rapporter pour les véritables règles de notre croyance. Quant à ceux qui s'éloignent du sein de l’Eglise, quel que soit le lieu où ils se réunissent, nous devons les tenir pour suspects, à l’égal des hérétiques et des gens pervertis, ou comme des hommes égarés par l'orgueil et qui ne se complaisent qu'en eux-mêmes, ou bien enfin comme des hypocrites, qui n'ont pour mobile de leur conduite qu'un vil intérêt et une vaine gloire. . . . . Il faut donc s'éloigner avec soin de tous ceux qui ne professent pas une foi franche et sincère, et ne s'attacher qu'à ceux qui restent fidèles à la doctrine des apôtres, et dont les discours sont en tout conformes aux lois de la vérité et de la charité, et ont pour objet le salut de leurs frères. " Voilà ce qu'écrivait saint Irénée qui avait eu pour maître saint Polycarpe, disciple de l'apôtre saint Jean. Tertullien n'avait pas une doctrine
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différente, lorsque, parlant des hérétiques
de son temps, il leur faisait ce reproche : " Leurs ordinations se font
au hasard, par caprice et sans suite. Tantôt ils élisent des
néophytes, tantôt des hommes engagés dans le siècle,
tantôt même nos apostats, pour s'attacher par l'attrait de
l'ambition à ceux qu'ils ne peuvent retenir par celui de la vérité.
Nulle part on n'avance en grade comme dans le camp des rebelles où
la rébellion tient lieu de mérite. Aussi ont-ils aujourd'hui
un évêque et demain un autre ; celui qui est diacre aujourd'hui,
sera demain lecteur ; le prêtre d'aujourd'hui sera le laïque
de demain, puisque tant il y a qu'ils chargent de simples laïques
des fonctions sacerdotales. " Ainsi Tertullien a-t-il tracé de main
de maître le portrait des sectaires, non-seulement de son temps,
mais aussi du nôtre, leurs mœurs perverses, et leurs procédés
tout profanes dans la mobilité de leur culte et les élections
de leurs ministres.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Ecclésiastique, VII, 31-33 : " Craignez le Seigneur de toute votre âme, et ayez de la vénération pour ses prêtres. - Aimez
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de toutes vos forces celui qui vous a créé, et n'abandonnez pas ses ministres. - Honorez Dieu de toute votre âme, révérez les prêtres "
2. MATTHIEU, X, 40 : " Celui qui vous reçoit, me reçoit ; et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé. "
3. LUC, X, 16 : " Celui qui vous écoute m'écoute, et celui qui vous méprise me méprise ; et celui qui me méprise méprise celui qui m'a envoyé. "
4. JEAN, XIII, 20 : " En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque reçoit celui que j'ai envoyé, me reçoit moi-même et quiconque me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé. "
5. MATTHIEU, XXIII, 2 : " Les scribes et les pharisiens
sont assis sur la chaire de Moïse, etc. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. CHRYSOSTOME, Hom. 2 in Epist. 2 ad Timotheum : " Obéissez, poursuit l’Apôtre, à ceux qui ont commandement sur vous, et soyez-leur soumis, sachant qu'ils veillent sur vous comme devant rendre compte a Dieu de vos âmes (Hebr., XIII, 17). De bonne foi, quand vous le voyez s'exposer pour vous seuls à tant de travaux et de dangers, où serait votre reconnaissance de méconnaître les droits qu'il a sur vous ? Quelque régularité qu'il apporte dans l'exercice de son ministère, tant qu'il vous voit conserver des préventions contre son autorité ou sa personne, peut-il être sans inquiétude, et ne pas trembler sur le compte qu'il aura à rendre ? Calculez en effet toute la sévérité de l'examen qu'il aura à subir pour chacun de vous en particulier. Quelques égards que vous puissiez lui témoigner, équivaudront-ils jamais à la sévérité du jugement auquel il doit s'attendre ? Quand vous donneriez votre vie pour lui, votre sacrifice vaut-il celui de l'homme obligé de donner la sienne des milliers de fois pour chacun de ceux qui sont confié à sa sollicitude ? Mais où est ce dévouement que nous réclamons en faveur des pasteurs ? A peine leur accorde-t-on une simple déférence dans le langage ; et voilà la source de tous les maux qui nous désolent, la chaîne des devoirs qui vous liaient à vos pasteurs est rompue ; plus de respect, plus de frein. "
" Obéissez à ceux qui ont commandement sur vous, et soyez-leur soumis. En vous demandant votre obéissance pour vos pasteurs, qu'y gagnent-ils qui ne vous soit plus avantageux à vous-mêmes ? Que vous les honoriez, ce n'est pas là ce qui les sauvera : que vous les méconnaissiez, vous augmentez leurs mérites et leurs
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récompenses. Enfin, c'est pour vous, pour votre avantage que tout doit arriver. Car s'ils trouvent de la déférence dans leurs inférieurs, cela même leur sera reproché un jour, comme Dieu le reprochait au grand-prêtre Héli par ces paroles (I Sam., II, 28, et VIII, 7) : Je vous ai choisi de la maison de votre père ; et si au contraire leurs inférieurs leur manquent, il leur dira comme Samuel : Ce n'est pas vous qu'ils ont rejeté mais c'est moi. - Qui honore le prêtre honore Dieu ; qui le méprise s'attaque à Dieu lui-même. Ce sont les paroles de Jésus-Christ. Ce n'est pas vous, c'est moi en personne qu'ils ont dédaigné, avait dit le Seigneur à Samuel. Les Juifs ne s'éloignèrent de Dieu qu'après qu'ils eurent osé se porter contre Moïse aux excès les plus violents. Vous respectez le ministre de Dieu : à plus forte raison Dieu lui-même. "
" Ce prêtre ne mériterait personnellement aucun hommage ; Dieu ne vous saura pas moins gré de la considération que vous portez pour l'amour de lui à l'homme qui ne la mérite pas. Vous accordez l'hospitalité à l'étranger que vous ne connaissez pas, et vous en êtes récompensé : le serez-vous moins pour avoir obéi au prêtre, quand Dieu vous le commande ? Les scribes et les pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse ; faites tout ce qu'ils vous ordonneront de faire, dit Jésus-Christ, mais ne faites pas ce qu'ils font. "
" Qu'est-ce que le prêtre ? c'est l'ange du Seigneur. Il ne parle point de lui-même ; quand vous lui manquez, vous manquez au Seigneur qui l'a établi son organe et son représentant. Mais, d'où sais-je qu'il tienne de Dieu un aussi auguste privilège ? Si vous en doutez, quel point d'appui reste-t-il à votre espérance ? S'il n'est pas auprès de vous le représentant de Dieu, que devient votre baptême ? Il n'y a plus qu'illusion dans la réception des sacrements, dans les bénédictions que ses mains vous confèrent ; il n'y a plus pour vous de christianisme. Quoi ! un prêtre même qui s'en est rendu indigne, tient de Dieu sa mission ? Non, mais la juridiction qu'il exerce est celle de Dieu qui agit par son ministère, pour le salut du peuple, sans avoir égard au mérite du prêtre. Il ne dédaigna point autrefois d'emprunter l'organe d'une ânesse, ni celui de l'infidèle Balaam ; il ne dédaigna pas davantage celui du prêtre établi pour le gouvernement de son peuple. S'il a pu admettre un Judas au nombre de ses apôtres, s'il a opéré par le ministère de ces prophètes menteurs à qui il sera dit : Je ne vous connais pas, retirez-vous de moi, vous qui commettez
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l’iniquité, qui l'empêche d'agir encore par le prêtre, qu'il daigne associer à son divin ministère ? "
" En vous opiniâtrant à nous juger avec tant de sévérité, vous vous établissez à la place de Dieu pour l'ordination de vos pasteurs ; vous intervertissez l'ordre naturel ; vous bouleversez toute la hiérarchie. Saint Paul vous dira : Pour moi, il m'importe peu que vous me jugiez, vous ou quelques autres que ce soient. Et encore : De quel droit jugez-vous votre frère ? à plus forte raison, votre pasteur ? Si Dieu vous en avait donné l'injonction, vous auriez besoin de lui obéir, vous seriez même coupables d'y manquer ; mais bien loin de là, il vous le défend en termes exprès ; vous entreprenez au-delà de tous vos droits. Coré, Dathan et Abiron s'élevèrent contre Aaron, après qu'il eut laissé le peuple se faire un veau d'or. La prévarication du prêtre empêcha-t-elle les rebelles d'être rigoureusement punis ? Ne vous occupez que de ce qui vous concerne personnellement. Il est bien vrai que si votre pasteur venait vous enseigner un autre Evangile que celui de Jésus-Christ, fût-il un ange, vous ne lui devriez point l'obéissance. Dans tout autre cas, sa conduite ne vous fait rien : c'est sa doctrine, non sa vie, qu'il faut suivre. A défaut de tout autre, vous avez dans saint Paul un maître qui vous instruit par sa vie autant que par sa parole. "
" Mais ce prêtre manque de charité envers les pauvres ; il administre mal les biens de l'Eglise. - D'où le savez-vous ? Vous prononcez avant l'information. Combien d'arrêts l'on hasarde sur de simples soupçons ! Dieu n'en agit pas ainsi : avant de punir la ville pécheresse : Il faut, dit-il, que je descende, et que je voie par mes propres yeux ce qui en est ; je saurai si leur iniquité est consommée comme l'annonce ce cri qui est venu jusqu’a moi, ou si cela n'est pas. Quand vous auriez tout discuté, tout examiné, tout vu, attendez le juge ; n'entreprenez pas sur l'autorité de Jésus-Christ ; c'est à lui à prononcer, non à vous. Vous êtes au rang des serviteurs, restez donc au rang des serviteurs. Brebis, ne portez pas un œil curieux sur votre pasteur, de peur de vous rendre coupable des fautes dont vous l'accusez. "
" Mais ce qu'il m'ordonne de faire, il ne le fait pas lui-même ; ce qu'il vous ordonne ? Non : si c'était lui qui vous l'ordonnerait, vous n'auriez pas de récompense à prétendre ; mais c'est Jésus-Christ qui vous le commande. Quand ce serait Paul lui-même, il n'aurait pas droit de vous rien ordonner en son propre nom. Ce n'est donc pas à lui qu'il faut obéir, mais à Dieu qui vous parle par sa bouche. Ne jugeons donc pas les autres, mais
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jugeons-nous nous-mêmes : bornons-nous à discuter nos propres actions. "
" Il devrait valoir mieux que moi. - Pourquoi, je vous prie ? - Parce qu'il est prêtre - Mais, s'il est prêtre, avez-vous de votre côté les charges laborieuses qui lui sont imposées ? Avez-vous ses travaux, ses sollicitudes ? Il doit valoir mieux que vous : qu'en concluez-vous ? Si cela n'est pas, est-ce pour vous une raison de vous perdre ? Toutefois où est la preuve qu'il vaille moins que vous ? On vous a dit qu'il avait commis tel crime. Mais si l'on accusait en votre présence tel officier du prince d'avoir dérobé la pourpre impériale, vous permettriez-vous de le redire ? Non, vous craindriez de vous trouver compromis en répétant d'aussi absurdes accusations ; et vous oubliez, à l'égard du prêtre, que Jésus-Christ a dit qu'au jour du jugement il vous serait demande compte de vos paroles oiseuses ! Plutôt que de vous croire meilleur, que n'imitez-vous l'action du publicain, gémissant comme lui, comme lui vous frappant la poitrine, abaissant les yeux vers la terre ? Quand même vous le seriez en effet, l'opinion que vous en auriez gâterait le mérite de l'être. Vous l'êtes réellement. Continuez donc de l'être par votre humilité et votre discrétion : autrement vous cessez de l'être par la présomption d'une fausse confiance. Pourtant, examinez-vous bien vous-mêmes, descendez au fond de votre conscience : Que chacun interroge ses propres actions, nous dit l’Apôtre (Gal., VI, 4), et alors il trouvera sa gloire en ce qu'il verra de bon en lui-même et non en se comparant avec les autres ; car chacun portera son propre fardeau. Dites-moi, lorsque dans une maladie vous allez trouver le médecin, penseriez-vous à l'entretenir d'autre chose que de votre maladie, vous enquérir si tels et tels sont dans le même cas que vous ? Quand vous sauriez que lui-même n'est pas mieux portant que vous, cela vous empêcherait-il de penser à votre mal ? Vous arrêteriez-vous à lui dire que, puisqu'il est médecin, il ne devrait pas être malade ; et que, ne se portant pas mieux que vous, vous vous retirez avec votre mal, au risque de le rendre incurable ? En supposant ce prêtre atteint des mêmes infirmités que vous, quel profit en retirerez-vous ? Il sera puni de ses fautes ; vous ne le serez pas moins des vôtres. Si vous vous occupez de lui, que ce soit pour vous rappeler le jour où vous fûtes initié à la vie spirituelle. Un fils endure tout de la part de son père ; le respect qu'il lui doit lui ferme la bouche sur ses défauts. Ne vous glorifiez point, vous dit l'Ecclé-
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siastique (III, 12), de ce qui déshonore votre père : car sa honte n'est pas votre gloire. Quand même il aurait perdu le sens, sachez toujours l'excuser. Or, devez-vous moins d’égard à votre père spirituel ? Honorez-le, en retour de ce qu'il vous administre tous les jours les choses saintes, qu'il vous procure l'audition des divines Ecritures, qu'il orne pour vous ce temple, qu'il veille pour vous, qu'il prie pour vous, qu'il intercède pour vous auprès de Dieu, qu'il offre pour vous des sacrifices, qu'il remplit pour vous tous les actes de son ministère. Ayez égard à tout cela, pensez à tout cela, et que votre piété ne fasse pas défaut. "
" Que ce soit un méchant homme, que vous importe ? Ce n'est pas la vertu de l'homme qui communique aux sacrements conférés par ses mains leur divin caractère. Leur efficacité tient aux dispositions que vous-même vous y apportez ; et toute la justice du ministre ne suppléerait pas au défaut de ces dispositions de votre part ; de même ses iniquités ne sauraient préjudicier à la vertu du sacrement. Une fois, Dieu se servit des vaches pour sauver son peuple, en retirant son arche sainte d'entre les mains des Philistins (I Sam., VI, 7). Est-ce que cela aurait pu être l'œuvre de la vie du prêtre de la sainteté du prêtre ? "
" Les dons que Dieu dispense ne dépendent point du plus ou moins de mérite de son ministre. Il n'y remplit d'autre fonction que celle d'instrument ; c'est la grâce qui fait tout. Le prêtre n'a qu'à ouvrir la bouche, et Dieu fait tout le reste : lui seul donne aux mystérieux symboles toute leur efficacité. Mesurez la distance qui sépare Jean-Baptiste de Jésus ; écoutez Jean lui-même lui dire : J'aurais besoin d'être baptisé par vous (MATTH., III, 14), et : Je ne suis pas digne de délier les cordons de ses souliers. Malgré toute cette distance qui les sépare, voyez-vous descendre l'Esprit-Saint, que Jean ne possédait pas lui-même ? Car c'est de la plénitude du Fils de Dieu, nous dit l'Evangéliste (JEAN, I, 16), que nous avons reçu tous tant que nous sommes. Et cependant le Saint-Esprit n'est pas descendu, que Jésus ne fût baptisé ; pourtant ce n'est pas Jean qui l'a fait descendre. Pourquoi tout ce mystère ? Pour vous apprendre que c'est au prêtre à poser le symbole, mais que toute sa fonction se borne là. La distance qui sépare un homme d'un autre homme n’égale pas celle qui séparait Jean de Jésus ; néanmoins l’Esprit-Saint descendit sur Jésus à l'action de Jean, pour vous faire voir que c'est Dieu qui fait tout, qui accomplit tout. Je vais dire quelque chose de plus fort, et qui pourra paraître paradoxal, mais qui ne doit cependant ni
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vous révolter ni vous scandaliser. Quoi donc, direz-vous ? C'est que cette offrande, ce sacrifice, que ce soit le premier venu qui l'offre, que ce soit Paul, que ce soit Pierre, est la même offrande, le même sacrifice que celui que Jésus-Christ a distribué à ses disciples, et que les prêtres maintenant consacrent et offrent tous les jours : celle-ci n'est pas inférieure à celle-là, parce que celle-ci non plus que celle-là ne reçoit pas sa sanctification des hommes, mais de Jésus-Christ même. Car de même que les paroles que prononça dans cette occasion ce Dieu Sauveur, sont les mêmes que prononce encore aujourd'hui le prêtre, ainsi en est-il du sacrifice lui-même, ainsi en est-il des baptêmes conférés ; ainsi tout est-il constamment accordé à la foi. L'Esprit-Saint descendit sur Corneille, parce que celui-ci avait commencé par faire preuve de bonne volonté en faisant de son côté ce qui dépendait de lui-même, ou en croyant de tout sen cœur. Or, ce qui est offert ici est le corps de Jésus-Christ, comme ce qui était offert et distribué aux apôtres. S'imaginer que l'oblation actuelle a moins de prix que celle d'alors, c'est oublier que Jésus-Christ n'est pas moins présent et n'agit pas moins dans le moment actuel que dans le moment d'autrefois. "
2. Le même, Hom. LXV in Genesim : " Joseph fit une loi aux Egyptiens de donner au roi la cinquième partie de leurs récoltes, en n'exceptant de cet impôt que les terres des prêtres. Que les hommes de nos jours apprennent de là quelles attentions on avait autrefois pour les prêtres des idoles, et qu'ils soient engagés par cet exemple à ne pas rendre moins d'honneurs aux prêtres du Dieu de l'univers. Car si ces idolâtres, quoique dans l'erreur par rapport à l'objet de leur culte, honoraient ainsi les ministres de leurs idoles, parce qu'ils savaient que c'était témoigner leur reconnaissance à ces idoles mêmes, combien ne se rendraient pas coupables les chrétiens qui chercheraient à diminuer les ressources de leurs prêtres ? Ne savez-vous pas que l'honneur que vous pouvez leur rendre remonte au Dieu même de toutes choses ? Ne regardez donc point en cela les qualités personnelles de celui à qui vous rendez cet honneur. Car ce n'est pas à cause de sa personne que vous devez faire pour lui ce qui dépend de vous ; mais c'est à cause de celui qu'il sert, afin d'en obtenir avec usure la récompense de votre bonne action. . . . Ne soyons donc pas pires que les infidèles, qui honoraient ainsi les ministres de leurs idoles dans l'ignorance où ils étaient de la fausseté de leur culte ; mais autant la vérité l'emporte sur l'erreur, et les prêtres
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du vrai Dieu sur ceux des idoles, autant l'honneur que nous rendrons à nos prêtres doit l'emporter sur celui qu'ils rendaient aux leurs, afin d'en obtenir d'en haut à proportion une abondante récompense (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. IV, pag. 626-627, édit. des Bénédictins ; pag. 726-727, édit. de M. Gaume). "
3. ORIGENE, Homil. VII in Ezechielem : " Ceux qui par leur état de vie sont exposés à la vue de tous, sont plus que les autres attaqués par l'ennemi, afin que la ruine même d'un seul, ne pouvant être cachée, entraîne du scandale pour toute la multitude, et que la foi trouve un obstacle dans les mauvais exemples de ceux-là mêmes qui sont chargés de la propager. Le démon, comme nous l'avons dit, se fait des armes de tout, et des choses qui ont une apparence de bonté, toutes mauvaises qu'elles soient, et de ce qui est mauvais de sa nature, pour faire tomber dans ses pièges l’âme de chacun. C'est pourquoi celui qui voudra sauver son âme, ni ne se laissera séduire par les caresses des hérétiques qui voudraient lui infiltrer leurs erreurs, ni ne prendra scandale de la conduite de ma vie, si peu conforme qu'elle soit peut-être à la doctrine que je prêche ; mais considérant le dogme en lui-même et ne s'attachant qu'à connaître la foi de l’Eglise, il laissera de côté ma personne, et embrassera ma doctrine, selon le précepte du divin Maître qui a dit : Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse. Ecoutez et faites tout ce qu'ils vous disent, mais ne faites pas ce qu'ils font ; car ce qu'ils disent, ils ne le font pas. Ces paroles s'appliquent bien à moi, qui enseigne ce qui est bien et qui fais le contraire, et qui me vois assis sur la chaire de Moïse comme le scribe et le pharisien. O peuple, si tu n'as point à accuser ma doctrine d'erreur, ou d'opposition contre la foi de l'Eglise, et que tu aperçoives néanmoins en moi les actes criminels d'une vie coupable, tu es averti de ne pas régler ta vie sur celle de celui qui t'enseigne, mais de faire plutôt ce qui t'es enseigné. Ne nous faisons les copistes de personne, ou si nous voulons imiter quelqu'un, portons-nous à imiter Jésus-Christ. Nous avons encore les Actes des apôtres, et nous savons par les écrits mêmes des prophètes la vie qu'ils ont menée : voilà de véritables et solides modèles, et que nous pouvons chercher sans crainte à imiter. Mais si nous cherchons au contraire de mauvais exemples pour les suivre, ou pour dire qu'un tel enseigne d'une manière et agit de l'autre,
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nous allons contre les instructions du Seigneur, qui nous a recommandé de considérer plutôt dans nos maîtres la doctrine qu'ils nous enseignent, que leur vie. "
4. S. BERNARD, Serm. LXVI in Cantica : " Il n'y a point à nous étonner que ceux qui ne reconnaissent pas l'Eglise déprécient les ordres établis dans l’Eglise, rejettent ses institutions, méprisent ses sacrements, désobéissent à ses préceptes. Les papes, les archevêques, les évêques, les prêtres disent-ils, sont autant de pécheurs, et par là même ils ne sont propres ni à donner ni à recevoir les sacrements. Est-ce donc que jamais ces deux choses ne peuvent se rencontrer ensemble, d'être évêque et d'être pécheur en même temps ? Rien de plus faux. Caïphe était évêque, et cependant quel pécheur n’était-ce pas que lui, pour porter contre Notre-Seigneur une sentence de mort ! Si vous niez qu'il fût évêque, vous aurez contre vous le témoignage de saint Jean, qui rapporte sa prophétie en témoignage de son pontificat. Judas était prêtre, et, tout avare et tout scélérat qu’il était, élu par Notre-Seigneur. Douterez-vous de l'apostolat de celui qui a été élu en cette qualité par Notre-Seigneur lui-même ? Ne vous ai-je pas choisis tous les douze, disait-il à ses apôtres, et cependant un de vous est un démon (JEAN, VI, 71) ? Vous entendez Jésus-Christ dire du même qu'il était apôtre et qu'il était un démon, et vous refusez d'admettre qu'un pécheur puisse être évêque ? Les scribes et les pharisiens étaient assis sur la chaire de Moïse, et ceux qui ne leur ont pas obéi comme à leurs évêques se sont rendus par là coupables de désobéissance envers Notre-Seigneur lui-même, qui leur avait intimé cet ordre : Faites ce qu'ils disent : Il est évident par ces dernières paroles, que quoique scribes, quoique pharisiens, c'est-à-dire quoique très-grands pécheurs, c’est à eux cependant, en considération de la chaire de Moïse, que s'appliquait aussi cette autre parole du divin Maître : Celui qui vous écoute m'écoute et celui qui vous méprise me méprise. "
5. S. AUGUSTIN, Epist. 137 (al. 78) ad Hipponenses : " Que font-ils à cette porte (Adversùs me insultabunt qui sedebant in portâ. P. LXVIII, 13), et que cherchent-ils autre chose, que de trouver, s'ils le peuvent, quelque évêque, quelque clerc, quelque solitaire, quelque vierge consacrée à Dieu qui tombe en faute, pour s'en autoriser à croire que tous les autres ne valent pas mieux, encore qu'ils ne soient pas en état de les convaincre faute
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de notoriété ? Cependant lorsqu'il arrive que des femmes soient surprises en adultère, mettent-ils à la porte pour cela leurs propres femmes ? Font-ils pour cela le procès à leurs propres mères ? D'où vient donc que, dès qu'il y a quelque conviction, ou seulement quelque soupçon de crime contre ceux qui professent une vie sainte, ils conçoivent une mauvaise opinion de tous les autres, et prennent à tâche de l'inspirer à tout le monde ?. . . Les hérétiques n'ayant aucune raison pour justifier leur séparation, se rejettent sur des crimes personnels, ramassant tout ce qu'ils peuvent contre nous, et y ajoutant encore mille faussetés, afin que, s'ils ne peuvent obscurcir la vérité des oracles de l’Ecriture qui nous montre l'Eglise de Jésus-Christ répandue par toute la terre, ils puissent au moins rendre odieux ceux qui en prêchent la doctrine, et contre qui il leur est libre d'inventer tout ce qu'il leur plaît. Mais pour vous, ce n'est pas ainsi que vous avez été instruits dans l'école de Jésus-Christ, si toutefois vous avez entendu sa voix, et que ce soit lui qui vous ait enseignés. Car, quand il a dit, en parlant des pasteurs et des ministres de l'Eglise : Faites ce qu'ils disent, mais ne faites pas ce qu'ils font, il a prémuni ses fidèles contre les mauvais dispensateurs qui font le mal que la corruption leur inspire, tout en prêchant la doctrine de Jésus-Christ. J'espère qu'avec le secours de vos prières, Dieu me fera la grâce, qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois pas réprouvé moi-même. Mais si vous vous glorifiez, que ce soit dans le Seigneur, et non pas en moi. Car, quelque régulièrement qu’on vive dans ma maison, je suis homme, et je vis parmi des hommes ; et je n'ai garde de présumer que nous soyons meilleurs que ceux qui étaient renfermés dans l'arche, où il se trouva un réprouvé, quoiqu'il n'y eût en tout que huit personnes. Je suis bien éloigné de croire que ma maison soit plus sainte que celle d'Abraham, à qui Dieu commanda de chasser l'esclave et son fils ; ni que celle d'Isaac, qui n'avait pour tous enfants que ces deux jumeaux dont Dieu a dit : J’ai aimé Jacob, et j'ai haï Esaü (MALACH., I, 2) ; ni que celle de Jacob même, dont le fils aîné souilla la couche de son père ; ni que celle de David, dont un des enfants viola sa propre sœur, et un autre se révolta et prit les armes contre le père le plus saint et le plus doux qui fut jamais. Je n'ai garde de présumer que notre société soit plus pure que ce qui composait celle de saint Paul, dans laquelle on ne peut pas dire qu'il n'y eût que des saints, après ce que j'ai déjà cité de ce saint apôtre : Nous avons à soutenir des combats
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au dehors, et des frayeurs au dedans (II Cor., VII, 5) ; et ce qu'il dit encore ailleurs, où après avoir fait l'éloge de la foi et de la sainteté de Timothée en disant de lui qu'il n'y avait personne qui fût plus sincèrement porté pour le bien des fidèles, il ajoute que tous cherchaient leurs propres intérêts, au lieu de ceux de Jésus-Christ (Philip., II, 20-21). Je n'ai garde de présumer que notre société vaille mieux que celle de Jésus-Christ même, où entre douze apôtres il se trouva un voleur et un traître que les autres ont été obligé de souffrir ; ni enfin que ma maison soit plus pure que le ciel même où des anges sont devenus démons (Cf. Les lettres de saint Augustin, t. II, p. 130-135 ; S. Augustini opera, t. II, col. 185-186, édit. des Bénédictins). "
6. EUSEBE, cité par saint Damascène, Lib. III Parallelorum, c. 45 : " Beaucoup de prêtres qui vivent dans le péché n'en célèbrent pas moins le saint sacrifice, et Dieu, loin de rejeter le sacrifice qu'ils offrent, consacre par la vertu de l'Esprit-Saint les dons posés par eux sur l'autel, en sorte que le pain devient le corps adorable du Sauveur, et le vin son précieux sang. Il en est donc qui croient agir conformément à l'équité et à la raison, en refusant de recevoir de telles mains l'aliment sacré, ignorant sans doute que leur condamnation n'en sera que plus sévère. Car qui êtes-vous pour juger le ministre chargé de vous gouverner ? N'avez-vous pas entendu l'Apôtre nous dire : Vous ne maudirez point le prince de voire peuple (Act., XXIII, 5) ? Et encore : Qui êtes-vous pour juger le serviteur d'autrui ? Qu'il se tienne debout ou qu'il tombe, c'est l'affaire de son maître (Rom., XIV, 4). Quand avez-vous vu la brebis chercher à guérir le pasteur ? Et vous, vous dressez une accusation contre votre pasteur ? Mais si un animal dépourvu de raison n'aiguise pas ses dents contre le pâtre qui le conduit, vous qui êtes doué de raison, vous devez beaucoup moins, simple brebis que vous êtes, remuer votre langue pour accuser votre pasteur. Obligé de suivre ses leçons et de l'avoir pour guide, vous n'avez pas le droit de le reprendre et de le juger ; vous devez vous conformer à ce que vous dit l'Apôtre de ne pas juger avant le temps, jusqu'à ce que le Seigneur vienne, qui produira à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qui manifestera les plus secrètes pensées des cœurs, et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui sera due (I Cor., IV, 5). C'est à lui à porter son jugement sur vous-même. Et quant à ce qui le
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concerne lui-même, c'est le Seigneur qui le jugera. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés (MATTH., VII, 1). Vous faites ce que vous devez, en rendant l'honneur et le respect à qui il appartient, conformément à cet avis de l'Apôtre : Rendez à chacun ce qui lui est dû, le tribut à qui le tribut, l'honneur a qui l'honneur (Rom., XIII, 7). Faites en sorte d'accomplir ce que la règle demande de vous. Offrez à l'Eglise les prémices de vos fruits, sans examiner trop curieusement l'emploi qu'on peut en faire. "
7. S. AUGUSTIN, Serm. XLIX de verbis Domini, c. 5 : " On doit aimer le pasteur, tolérer le mercenaire, éviter le larron. Il y a dans l'Eglise de ces hommes dont parle l’Apôtre, qui n'annoncent l'Evangile que par occasion (Phil., I, 18), en vue d'être honorés, ou loués, ou récompensés par les hommes ; pour qui l’Evangile n'est qu'un moyen d'obtenir des faveurs, et qui cherchent moins le salut de celui à qui ils l'annoncent, que leur propre intérêt. Celui donc qui apprend le chemin du salut de celui qui refuse d'y entrer lui-même, et qui croit à celui qui lui est annoncé sans mettre son espérance dans celui qui le lui annonce, retirera du profit de la parole qui lui aura été annoncée, tandis que le ministre même de qui il l'aura reçu y trouvera sa condamnation. "
Ibidem, c. 6 : " Vous avez entendu Notre-Seigneur dire des pharisiens : Ils sont assis sur la chaire de Moïse. Il n'y avait pas que les pharisiens que Notre-Seigneur eût en vue en disant ces paroles : car son intention n'était pas sans doute d'envoyer à l’école des Juifs ceux qui croiraient en lui, pour qu'ils pussent y apprendre les moyens d'arriver au royaume des cieux. Notre-Seigneur n'est-il pas venu dans le but de former une Eglise, et de séparer du reste de la nation, comme le froment de la paille, les Juifs qui croiraient en lui, de faire en un mot des circoncis et des incirconcis comme deux murs qu'il joindrait ensemble en s'en faisant lui-même la pierre angulaire ? Mais sous ces noms de pharisiens et de sadducéens il a voulu faire entendre qu'il y aurait dans son Eglise des hommes qui diraient et ne feraient pas, et lui-même il s'est figuré dans la personne de Moïse. Car Moïse le représentait véritablement. "
Ibidem, c. 7 : " Lorsqu'un laïque qui veut se conduire bien voit un clerc se conduire mal, que se dit-il à lui-même ? Il se dit à lui-même : Le Seigneur a dit : Faites ce qu'ils disent, et ne faites pas ce qu'ils font. Je marcherai dans la voie du Seigneur, et non sur les traces de son ministre. J'écouterai celui-ci me dire,
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non ses paroles à lui, mais les paroles de Dieu. Je m'attacherai à Dieu ; qu'il s'attache, lui, aux objets de ses passions. Carsi1 je voulais me défendre devant Dieu en disant, j'ai vu ce clerc attaché à votre Eglise mener une mauvaise vie, et c'est pour cela que j'ai mal vécu moi-même, ne me dirait-il pas : Méchant serviteur, n'avais-tu pas entendu ces paroles de moi, Faites ce qu'ils disent, et ne faites pas ce qu'ils font ? Mais un mauvais laïque, un infidèle du nombre de ceux qui n'appartiennent pas au troupeau de Jésus-Christ, qui n'appartiennent pas au froment de Jésus-Christ, mais qui sont tolérés comme peut l'être de la paille dans une aire, que se dit-il à lui-même lorsque la parole de Dieu le presse de sortir de ses habitudes criminelles ? Sortez ? que me dites-vous ? Les évêques eux-mêmes, les clercs eux-mêmes ne le font pas, et vous m'obligez à le faire ? Il se cherche à lui-même, non un avocat pour défendre sa cause qu'il sait mauvaise, mais un compagnon de son supplice. Car les méchants quels qu'ils soient, qu'il aura voulu imiter, ne le défendront point au jour du jugement. Et de même que le démon ne séduit pas ceux qu'il peut séduire dans l'intention de les faire régner avec lui, mais bien plutôt dans celle de les perdre avec lui, ainsi tous ceux qui suivent les exemples des méchant se cherchent à eux-mêmes des compagnons de leurs supplices, et non des avocats pour le royaume des cieux. "
8. S. CHRYSOSTOME, Hom. 85 in Joannem : " Elle est grande, la dignité des prêtres : Tout ce que vous aurez remis sur la terre, sera remis dans le ciel. C'est ce qui faisait dire à saint Paul : Obéissez à vos conducteurs, et soyez soumis à leur autorité ; ayez pour eux tout le respect possible. Car pour vous, vous n'avez à vous occuper que de votre propre conduite, et, pourvu qu'elle soit bonne, vous n'aurez aucun compte à rendre de celle des autres ; au lieu que le prêtre, quand même il vivrait bien dans son particulier, s'il ne veille pas exactement sur vous et sur les autres dont il a la charge, sera envoyé en enfer avec les méchants, et souvent il arrivera que, sans avoir rien qui le condamne dans sa vie personnelle, il se trouve perdu à cause de la vôtre, ou pour n'avoir pas bien rempli à votre égard le devoir de sa charge. Connaissant donc tous les périls que vous leur occasionnez, ayez-leur-en de la reconnaissance : et c'est ce que saint Paul vous insinue en vous rappelant qu'ils veillent pour vos âmes, et non pas simplement pour vos âmes, mais comme devant en rendre compte. Il faut donc que vous ayez pour eux les plus
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grands égards. Si au contraire vous vous joignez à ceux qui les insultent, vous vous ferez le plus grand tort à vous-mêmes. Tant que le pilote d'un navire voit les choses aller bien, les passagers eux-mêmes sont en sûreté ; mais si ceux-ci l'insultent et le maltraitent, le chagrin qu'il en éprouve l’empêche d'apporter la même vigilance, déconcerte son habileté, et fait que malgré lui il expose le vaisseau à tous les périls. C’est ainsi que le prêtre, s’il est environné de votre estime, pourra s'occuper avec succès de l'affaire de votre salut ; au lieu que si vous le faites tomber dans le découragement, il n'en sera que plus exposé avec vous aux périls de la tempête, quelque bonne volonté qu'il ait naturellement. Rappelez-vous ce que Jésus-Christ a dit du devoir des Juifs : Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse ; faites donc tout ce qu'ils vous disent de faire. Mais aujourd'hui ce qu'on doit dire des prêtres, ce n'est plus qu'ils sont assis sur la chaire de Moïse, mais qu'ils sont assis sur la chaire de Jésus-Christ, puisqu'ils sont chargés d'enseigner à sa place sa doctrine. C'est ce qui a fait dire à saint Paul : Nous représentons Jésus-Christ dont nous sommes les ambassadeurs, et c'est Dieu qui vous exhorte par notre bouche. Ne voyez-vous pas quel respect on témoigne d’ordinaire aux magistrats séculiers, quoiqu'on puisse d'ailleurs les surpasser par la noblesse de la naissance, par l'honnêteté des mœurs et par l'étendue de l'intelligence ? Mais l'autorité qu'ils tiennent du souverain empêche de faire toutes ces considérations, et on respecte la volonté de ce dernier, quel que soit celui qu'il en a établi l’interprète. Ainsi, que le pouvoir vienne d'un homme, on n'a pour lui que du respect ; mais qu'il vienne de Dieu, on méprisera celui qui en sera le dépositaire, on l'insultera, on le couvrira d'outrages, et tandis qu'on s'interdira de juger ses égaux, on exercera sa critique contre les prêtres du Seigneur. Quelle excuse aurons-nous donc, de ne pas voir la poutre qui est dans notre œil et de nous échapper en railleries amères pour une paille aperçu dans l'œil d'autrui ? Ne savez-vous pas qu'en jugeant ainsi les autres, vous rendez plus sévère le jugement qui sera porté sur vous-mêmes. Si je parle ainsi, ce n'est pas pour approuver les prêtres indignes : ils excitent bien plutôt ma pitié et mes gémissements ; mais je dis que cela n'autorise pas leurs inférieurs à les juger, surtout si ces derniers sont incapables de le faire. Quand même leur vie serait tout-à-fait désordonnée, il ne vous reviendrait aucun mal de respecter en eux la charge qu'ils ont reçu de Dieu. Car si Dieu a fait parler une ânesse, et forcé
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un prophète à prononcer des paroles de bénédictions, s’il a fait servir un animal sans raison et un prophète menteur à l’utilité d'un peuple ingrat tel que les Juifs, il pourra bien mieux encore se servir des prêtres même mauvais pour vous faire part de ses grâces, et pour vous envoyer le Saint-Esprit, s'il voit en vous des cœurs reconnaissants (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. VIII, p. 517-518, édit. des Bénéd. ; pag. 589-590, édit. de M. Gaume). "
9. S. IRENEE, contra hæreses, lib. IV, c. 43 (al. 26), comme dans le corps de la réponse.
10. Le même, ibidem, livre III, c. 2 : " Si nous les rappelons (les hérétiques) à l'autorité de la tradition, qui nous a été transmise par les apôtres, et dont le dépôt est gardé fidèlement par les prêtres des églises, ils nous résistent en disant, qu'étant eux-mêmes doués de plus de sagesse que les prêtres, et même que les apôtres, eux seuls aussi ont découvert la vérité tout entière. "
11. Ibidem, c, 3, comme plus haut, article des Commandements de l'Eglise, question IX, témoignage 47, pag. 43, t. II.
12. Le même, ibidem, Lib. IV, c. 44 (al. 26) : " Il faut donc s'éloigner avec soin, etc. " comme dans le corps de la réponse.
13. TERTULLIEN, Prescriptions contre les hérétiques, c. 41 : " Leurs ordinations, etc. " comme dans le corps de la réponse.
14. S. EPIPHANE, hérésies 42 et 49, comme
plus haut, question II, témoignages 16 et 17, page 487.
Question VIII
Quelle est la vertu de ce sacrement, et quel en est l’effet ?
La vertu de ce sacrement est des plus grandes, et ses effets des plus variés. Car ceux qui reçoivent dans de bonnes dispositions ces sept ordres dont nous avons parlé y obtiennent des grâces de Dieu et un pouvoir spirituel, pour remplir utilement les fonctions attachées à chacun de ces ordres, et se trouvent établis légitimes ministres et médiateurs, pour ainsi dire, entre Dieu et son peuple. C'est ce qui a fait dire à saint Ambroise (Ce n'est pas saint Ambroise, mais Hilaire de Sardaigne, son contemporain, qui a dit ces paroles, comme c'est lui qui est l'auteur du commentaire sur les épîtres de saint Paul, d’où elles sont extraites. Voir NAT. ALEX., Hist. eccl. II sæc., c.VI, art. 14) : " Celui qui est investi d'une charge ecclésiastique reçoit
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par l'exercer dignement, plutôt que pour son propre avantage, une grâce quelle qu'elle soit d'ailleurs, par la vertu de l'Esprit-Saint. "
" De plus, ceux qui sont placé dans ces ordres, ont par-là même un titre certain et honorable qui les relève, eux et leur ministère, et qui commande le respect aux autres, en les faisant connaître comme spécialement chargés du service de l'Eglise, et ayant droit en cette qualité à une estime et à des égards particuliers. Mais malheur à ceux qui, au lieu d'attendre qu'ils soient appelés de Dieu comme Aaron, s'abandonnent a une orgueilleuse présomption, en s'ingérant d’eux-mêmes comme le roi Ozias dans les fonctions sacerdotales ! C'est à ceux-là que s'adresse le reproche que Dieu faisait autrefois entendre par Jérémie (XXIII, 21) : Je n'envoyais point ces prophètes et ils couraient ; je ne leur parlais point, et ils prophétisaient. "
Ceux qui se conduisent de la sorte, l’Ecriture nous avertit de les regarder non comme des ministres de l’Eglise, mais comme des voleurs, des larrons, des renards, des chiens et des loups ; parce qu'au lieu d'entrer par la porte, ils envahissent sans vocation légitime, et contre la volonté de Dieu, les fonctions ecclésiastiques en ne prenant conseil pour cela que de leur propre témérité ou en mettant à profit leur crédit auprès de l'autorité civile ou la faveur populaire. Comment prêcheront-ils, s'ils ne sont envoyés, disait cet apôtre qui lui-même avait reçu en sa personne des marques si éclatantes de la mission divine ? "
" Il est indubitable que sans cette distinction d'ordres ecclésiastiques, sans ce sacerdoce spécialement institués, il n'y aurait plus de hiérarchie ecclésiastique, hiérarchie qui se compose de prêtre et d'autres ministres inférieurs, aussi bien que d'évêques légitimement ordonnés ; il n'y aurait pas même d'Eglise, d'Eglise du moins qu'on puisse comparer à une armée rangée en bataille, puisqu'il n'y aurait plus moyen de reconnaître ses vrais et légitimement ministres : de plus, la charge et l'autorité de l'enseignement seraient avilies ; l'administration des sacrements se ferait sans discernement, sans prudence, sans fruit ; enfin les fonctions ecclésiastiques seraient interverties, et comme l'expérience ne le montre que trop, des doctrines fausses autant que nouvelles seraient introduites par ces nouveaux et faux docteurs ; et l'Eglise serait exposée être ébranlée presque sans cesse par de terribles et funestes révolutions, comme celle dont nous
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sommes déjà les victimes (Partout où les calvinistes ont eu le dessus, ils ont troublé les Etats, a dit Grotius, protestant lui-même). C'est pourquoi l'apôtre saint Paul, non content de reconnaître l’existence dans l'Eglise de ces différents degrés de ministres, nous a donné à comprendre combien cette différence de fonctions est utile et nécessaire, en ajoutant que c'est Dieu même qui l'a établie, comme nous l'avons déjà dit, afin que chacun s'occupant des fonctions particulières de son ministère tous travaillent de concert à la perfection des saints, à l'édification corps de Jésus-Christ, afin que nous ne soyons plus comme des enfants, comme des personnes flottantes, et qui se laissent emporter à tous les vents des opinions humaines, par l'effet de la tromperie des hommes, et de l’adresse qu'ils ont à engager artificieusement dans l'erreur.
Et c'est là certainement une note fort éclatante et des plus certaines de la vraie Eglise, que cette succession perpétuelle, et qui jusqu'ici n'a jamais été interrompue, d'évêques et de ministres légitimement ordonnés, que Dieu y a établis pour en régler le gouvernement. Et c'est une raison de plus de conserver intacte cette institution de ministères divers dans l'Eglise de Jésus-Christ, comme un sûr garant de sa force et de son unité, et de l'honorer, par respect pour l'ordre établi par Dieu même, jusque dans les ministres qui se conduisent indignement. C'est ce qui a fait dire à saint Augustin : " Quand même dans cette succession d'évêques, qui se sont suivis depuis saint Pierre jusqu'à Anastase qui occupe aujourd'hui le même siège, il s'en serait glissé quelqu'un, pendant ces temps de persécution, qui se serait rendu coupable d'avoir livré aux païens les saintes Ecritures, il n'en saurait tirer aucun préjugé contre l'Eglise ou contre les autres qui n'auraient pas trempé dans ce crime, puisque Jésus-Christ a pourvu d'avance au repos et à la sûreté des innocents, quand il a dit au sujet des mauvais pasteurs : Faites ce qu'ils disent, mais ne faites pas ce qu'ils font. "
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Actes, VI, 5-6, 8-10 : " Ils élurent Etienne, homme plein de foi et du Saint-Esprit, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas, et Nicolas prosélyte d'Antioche. Ils les présentèrent aux apôtres, qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains. - Or, Etienne qui était plein de grâce et de force, faisait de grands prodiges et de grands miracles parmi le peuple. - Et quelques-uns de la synagogue, appelée la synagogue des affranchis, et de celle des Cyrénéens, et des Alexandrins, et de ceux de Cilicie et d'Asie, s'élevèrent contre Etienne, et ils disputaient avec lui. - Mais ils ne pouvaient résister à la sagesse et à l'esprit qui étaient en lui. "
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2. Actes, XIII, 2-5 : " Or, pendant qu'ils rendaient leur culte au Seigneur, et qu'ils jeûnaient, le Saint-Esprit leur dit : Séparez-moi Saul et Barnabé pour l'œuvre à laquelle je les ai destinés. - Alors, après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent les mains, et les laissèrent aller. - Et étant ainsi envoyés par le Saint-Esprit, ils allèrent à Séleucie, et de là ils s'embarquèrent pour passer en Chypre. - Lorsqu'ils furent arrivés à Salamine, ils prêchaient la parole de Dieu dans les synagogues des Juifs. "
3. Actes, XIV, 20-22 : " Ils retournèrent à Lystre, à Icône et à Antioche, - fortifiant le courage des disciples. - Ayant ensuite ordonnés des prêtres en chaque Eglise, non sans faire des prières et pratiquer des jeûnes, ils les recommandèrent au Seigneur. "
4. Actes, XV, 2, 41 : " Sur cela, une grande sédition s'étant élevée, et Saul et Barnabé ayant longtemps disputé avec eux, il fut résolu que Paul et Barnabé, et quelques-uns d'entre les autres iraient à Jérusalem vers les apôtres pour faire décider cette question. - Paul traversa la Syrie et la Cilicie, confirmant les églises et leur ordonnant de garder les préceptes des apôtres et des prêtres. "
5. I Timothée, IV, 14 : " Ne négligez pas la grâce qui est en vous, qui vous a été donnée suivant une révélation prophétique, par l'imposition des mains des prêtres. "
6. Tite, I, 5 : " Je vous ai laissé en Crète afin que vous y régliez tout ce qui reste à régler et que vous établissiez des prêtres en chaque ville, comme je vous l'ai dit. "
7. Nombres, XVI, 31-35 : " Parlant de la sédition de Coré, l'écrivain sacré dit ces paroles : " La terre se rompit sous leurs pieds ; - et s'entrouvrant, elle les dévora avec leurs tentes, et tout ce qui était à eux. - Ils descendirent tout vivants dans l'enfer, recouverts par la terre, et ils disparurent du milieu de la multitude. - Tout Israël qui était là autour s'enfuit au cri des mourants, en disant : Craignons que la terre ne nous engloutisse aussi. - En même temps le Seigneur fit sortir un feu qui tua les deux cent cinquante hommes qui offraient de l'encens. "
8. Hébreux, V, 4 : " Et personne ne peut s'attribuer à soi-même cet honneur ; mais il faut y être appelé de Dieu, comme Aaron. "
9. I Chroniques, XIII, 5-10 : " David fit donc assembler tout Israël depuis Sihon d'Egypte, jusqu'à l'entrée d’Emath, afin que l'on ramène l'arche de Cariathiarim. - Et David suivi de tout Israël, prit le chemin de la colline de Cariathiarim, qui est dans Juda, pour aller quérir l’arche du Seigneur Dieu assis sur
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les Chérubins où son nom est invoqué. - On mit donc l'arche de Dieu sur un chariot neuf, de la maison d'Ahinadab. Oza et son frère conduisaient ce chariot. - Or David et tout Israël témoignaient leur joie devant l'arche, en chantant de toute leur force des cantiques, et jouant de la harpe, de la lyre, du tambour, des tymbales et des trompettes. - Mais lorsqu'on fut arrivé près de l'aire de dindon, Oza qui vit qu'un des bœufs avait fait un peu pencher l'arche en regimbant, étendit la main pour la soutenir. - Alors le Seigneur irrité contre Oza le frappa pour le punir d'avoir touché l'arche, et il tomba mort devant le Seigneur. "
10. II Sam., VI, 6-7 : " Lorsqu'on fut arrivé près de l'aire de Nachon, Oza porta la main à l'arche de Dieu, pour la retenir, parce que les bœufs regimbaient et la faisaient pencher. - En même temps la colère du Seigneur s'alluma contre Oza ; et il le frappa à cause de sa témérité, et Oza tomba mort sur la place, devant l'arche du Seigneur. "
11. II Chroniques, XXVI, 16-21 : " Dans ce haut point de puissance et de grandeur, son cœur (Ozias) s'éleva d'orgueil pour sa perte ; il négligea le Seigneur son Dieu ; et après être entré dans le temple du Seigneur, il voulut y offrir de l'encens sur l'autel des parfums. - Le pontife Azarias y entra aussitôt après lui, accompagné de quatre-vingts prêtres du Seigneur, tous gens d'une grande fermeté. - Ils s'opposèrent au roi, et lui dirent : Il ne vous appartient pas, Ozias, d'offrir de l'encens devant le Seigneur ; mais c'est aux prêtres, c'est-à-dire aux enfants d'Aaron qui ont été consacrés pour ce ministère. Sortez du sanctuaire, et ne méprisez point notre conseil, parce que cette action ne vous sera point imputé à gloire par le Seigneur notre Dieu. - Ozias, transporté de colère, et tenant toujours l'encensoir à la main pour offrir de l'encens, menaça les prêtres. Dans ce moment il fut frappé de lèpre, et elle parut sur son front en présence des prêtres dans le temple du Seigneur, auprès de l'autel des parfums. - Et quand le pontife Azarias et tous les autres prêtres eurent jeté les yeux sur lui, ils aperçurent la lèpre sur son front, et ils le chassèrent promptement. Lui-même saisi de frayeur il se hâta de sortir, parce qu'il sentit tout d'un coup que le Seigneur l'avait frappé de cette plaie. Le roi Ozias fut donc lépreux jusqu'au jour de sa mort, et il demeura dans une maison séparé, à cause de cette lèpre qui le couvrait, et qui l'avait fait chasser de la maison du Seigneur. "
12. JEREMIE, XXIII ; comme dans le corps de la réponse. "
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13. Id, XIV, 14 : " Les prophètes prophétisent faussement en mon nom : je ne les ai point envoyés, je ne leur ai point ordonné de dire ce qu'ils disent, je ne leur ai point parlé. Ils ne prophétisent pour vous que visions mensongères, que divinations, qu'illusions trompeuses et que séductions de leur propre cœur. "
14. Id., XXVII, 15 : " Je ne les ai point envoyés, dit le Seigneur, et ils prophétisent faussement en mon nom, pour vous chasser de votre terre et vous faire périr, vous et vos prophètes qui vous annoncent l'avenir. "
15. Id., XXIX, 9 : " Ils vous prophétisent faussement en mon nom ; ce n'est pas moi qui les ai envoyés. "
16. JEAN, X, 1, 10, 12 : " Je vous le dis en vérité, celui qui n'entre pas par la porte dans la bergerie des brebis, mais qui y monte par un autre endroit, est un voleur et un larron. - Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. - Le loup les ravit et disperse le troupeau. "
17. Cantique, II, 13 : " Prenez les petits renards qui ravagent les vignes. "
18. Actes, XX, 29-30 : " Je sais (dit Paul aux anciens de l'Eglise d'Ephèse) qu'après mon départ, il entrera parmi vous des loups ravissants qui n'épargneront point le troupeau ; - Et que parmi vous-mêmes, il s'élèvera des gens qui publieront des doctrines corrompues, afin d'attirer des disciples après eux. "
19. MATTHIEU, VII, 13-16 : " Gardez-vous des faux prophètes qui viennent à vous sous des peaux d'agneaux, et qui au-dedans sont des loups ravissants. - Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. "
20. Romains, X, 14-15 : " Comment entendront-ils la parole, si personne ne la leur prêche ? - Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s'ils ne sont envoyés ? "
21. Actes, XIII, 2 : " Séparez-moi Saul et Barnabé, etc. "
22. Cantique, VI, 3 : " Vous êtes belle, ma bien-aimée, et pleine de douceur ! Vous êtes ravissante comme Jérusalem et terrible comme une armée rangée en bataille. "
23. I Corinthiens, XII, 28-30 : " Dieu a établi dans son Eglise, premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs ; ensuite ceux qui ont la vertu de faire des miracles, puis ceux qui ont la grâce de guérir les maladies, ceux qui ont le don d'assister les frères, ceux qui ont le don de gouverner, ceux qui ont le don de parler diverses langues, et ceux qui ont le don de les interpréter. - En effet, tous sont-ils apôtres ? tous sont-ils prophètes ? tous sont-ils docteurs ? - tous font-ils
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des miracles ? tous ont-ils la grâce de guérir les maladies ? tous parlent-ils plusieurs langues ? tous ont-ils le don de les interpréter ? "
24. Ephésiens, IV, 11-12 : " Jésus-Christ
a donné à son Eglise quelques-uns pour être apôtres,
d'autres pour être prophètes, d'autres pour prêcher
l’Evangile, et d'autres pour être pasteurs et docteurs ; - afin que
les uns et les autres travaillent à la perfection des saints, etc.
"
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. Le concile de Florence : " L'effet du sacrement de l'ordre, c'est une augmentation de grâce pour rendre celui qui le reçoit capable de remplir son ministère. "
2. Le concile de Trente, session XXIII, chapitre 3 et canon 3, comme plus haut, question I, témoignage 9, page 168.
3. S. GREGOIRE-LE-GRAND, in caput X libri I Regum, comme plus haut, question I, témoignage 5, page 167.
4 S. AMBROISE, in caput XII prioris ad Corinthios, comme plus haut, question I, témoignage 10, page 171.
5. S. CYPRIEN, Epist. LXXVI (al. 73) ad Magnum : " Si l’Eglise est une, il en résulte qu'elle ne peut être à la fois en dedans et en dehors. Est-elle du côté de Novatien ? Donc elle n'était point avec Corneille. Mais, si elle était avec Corneille, légitime successeur de Fabien, et honoré de la double palme du sacerdoce et du martyre, donc Novatien n'est point dans l'Eglise. Verrait-on en lui par hasard un évêque ? Mais, foulant aux pieds les traditions de l'Evangile et des apôtres, il ne succède à personne et commence à lui-même. Par quel moyen gouvernerait-il l'Eglise, celui qui a reçu son ordination hors de l’Eglise ? Or, que celle-ci ne puisse être ni dehors, ni divisé contre elle-même, mais qu'elle forme un tout indivisible, une maison où toutes les parties s'enchaînent dans une indestructible unité, l'Ecriture nous le prouve visiblement dans le sacrement de la Pâque et de l'Agneau, emblème de Jésus-Christ. La victime sera mangée toute entière dans une même maison, et vous ne transporterez point sa chair au dehors. Même symbole dans Rahab, qui était aussi le type de l'Eglise. Elle reçoit cet ordre : Tu rassembleras dans ta maison ton père, ta mère, tes frères et toute ta parenté. Quiconque franchira le seuil de ta maison, son sang sera sur sa tête. Symbole auguste, où nous voyons tous ceux qui veulent échapper à la mort du monde et vivre de la vie spirituelle, obligés de
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s'abriter dans la maison unique de l’Eglise. En d'autres termes, quiconque, après avoir reçu la grâce dans l’Eglise, la trahit par une lâche désertion, ne devra imputer sa ruine qu’à lui-même. C'est ce que Paul explique en nous recommandant (Tit., III, 10) de fuir l'hérétique comme un méchant et un prévaricateur déjà condamné par son propre jugement. Car il est coupable de sa propre perte, celui qui, sans avoir été chassé par l'évêque, se jette volontairement hors de l'Eglise, court de plein gré à l'hérésie, et se condamne par son propre orgueil. Voilà pourquoi le Seigneur, voulant nous apprendre que l'unité émane de l'autorité divine, nous dit : Mon père et moi, nous ne sommes qu'une même chose. Et, réduisant son Eglise à la même unité, il ajoute : Il n'y aura qu’un troupeau et qu'un pasteur. Il n'y a qu'un troupeau ; l’Evangile est formel. Comment donc associer au troupeau celui qui n'en fait point partie ? Y a-t-il un seul prétexte pour regarder comme pasteur le profane qui, alors que le légitime pasteur vivait encore, alors qu'il siégeait dans la chaire suprême par une ordination régulière, sans prédécesseur et commençant à lui-même, vient troubler la paix du Seigneur, déchirer son unité par ses dissidences, et se bannir de la maison de Dieu, c'est-à-dire de l'Eglise, asile de paix et de concorde, destiné seulement aux cœurs unis, comme le Saint-Esprit l'atteste par la bouche du Psalmiste : Dieu rassemble dans une même maison ceux qu'unit un même sentiment ? "
" Le sacrifice institué par Notre-Seigneur témoigne encore de l'unité de sentiments qui doit régner parmi tous les chrétiens. Lorsque le Seigneur appelle son corps ce pain formé d'une multitude de grains de blé, il nous montre l'union de notre peuple, qu'il portait dans sa personne. Il en est de même du vin. Quand il appelle son sang ce vin, qui a été exprime de plusieurs grappes et de plusieurs grains, pour se confondre en un seul et même breuvage, il désigne encore notre troupeau, formé par le mélange et la réunion de la multitude. Novatien est-il uni au pain du Seigneur ? Est-il mêlé à son calice ? S'il est prouvé qu'il garde l'unité de l'Eglise, il pourra dès-lors posséder la grâce du baptême unique, du baptême de l’Eglise. "
" Enfin, que le sacrement de l'unité soit indivisible ; que ceux-là aient renoncé à toute espérance et se jettent dans l'abîme de la perdition, en excitant contre eux la colère du Seigneur, qui établissent un schisme et abandonnent l’évêque pour se créer hors de l'Eglise un fantôme d'autorité, la divine
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Ecriture nous le déclare encore au livre des Rois, lorsque dix tribus se séparèrent de Juda et de Benjamin, et abandonnèrent leur roi pour s'en choisir un autre. Le Seigneur, est-il dit, (II Rois, XVII, 21), s'indigna contre tous les enfants d'Israël ; il les rejeta de devant-sa face, et il les livra en proie à leurs ennemis, pour les punir de s'être séparés de la maison de David, et d'avoir élu pour roi Jéroboam, fils de Nabath. Vous l'entendez ? La colère du Seigneur s'allume, et il livre à la dévastation les enfants d'Israël parce qu'ils avaient rompu l'unité et s'étaient choisis un autre roi. Telle fut sa colère contre les auteurs de ce schisme, que l'homme de Dieu, député vers Jéroboam pour lui reprocher son crime et lui annoncer le châtiment qui l'attendait, reçu la défense de manger de leur pain et de boire de leur eau dans leur maison. Celui-ci, au lieu d'obéir à cet ordre, et ayant mangé avec eux contre le précepte de Dieu, fut déchiré à son tour par un lion. Et on vient nous dire après cela que l'eau salutaire du baptême et la grâce céleste peuvent nous être communes avec les schismatiques, quand les aliments qui soutiennent la vie du corps ne le sont même pas ! Notre-Seigneur confirme cette vérité dans l’Evangile ; que dis-je ? il l'éclaire de nouvelles lumières en mettant au nombre des païens tous ceux qui rompirent avec Juda et Benjamin, et abandonnèrent Jérusalem pour se retirer à Samarie. La première fois qu'il envoie ses disciples exercer le ministère du salut, il leur dit expressément : N'allez point vers les nations, et n'entrez point dans les les villes des Samaritains. Il les envoie donc aux Juifs d'abord, avec l'ordre de laisser de côté encore les gentils ; mais, lorsqu'il ajoute : Vous n'entrerez point dans les cilles des Samaritains, où se trouvaient les schismatiques, il prouve que schismatique et païen c'est la même chose. "
" Novatien, objecte-t-on, garde la même loi que l’Eglise catholique, baptise avec le même symbole que nous, reconnaît le même Dieu pour Père, le même Jésus-Christ comme Fils, le même Saint-Esprit ; et l'interrogatoire de son baptême ne différant en rien du nôtre, lui donne le droit de l'administrer. D'abord, il n'est pas vrai que les schismatiques aient le même symbole que nous et les mêmes interrogatoires. En effet, cette question : Croyez-vous à la rémission des péchés et à la vie éternelle par la sainte Eglise ? ils ne peuvent la prononcer sans mentir à eux-mêmes, puisque l'Eglise n'est pas de leur côté. En second lieu, ils proclament par leur propre bouche que la rémission des
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péchés ne se donne que par l'Eglise. Du moment qu'ils n'ont pas l'Eglise de leur côté, ils déclarent que les péchés ne sont pas remis parmi eux. Ils reconnaissent avec nous, dit-on, le même Dieu pour Père, le même Jésus-Christ pour Fils, le même Saint-Esprit. Et qu'importe la communauté des croyances ? Coré, Dathan et Abiron reconnaissaient, invoquaient le même Dieu qu'Aaron et Moïse, le Dieu unique, le Dieu véritable. Ils avaient même loi, même culte. Et néanmoins, parce que, franchissant la limite de leur ministère, ils s'élevèrent contre Aaron, investi par Dieu lui-même d'un légitime sacerdoce, et usurpèrent audacieusement la sacrificature, la céleste vengeance les atteignit au milieu de leur sacrilège entreprise. Dieu ne pouvait ni ratifier, ni rendre profitables des sacrifices impies, attentatoires à l'ordonnance établie par lui-même. Ce n'est pas tout : les encensoirs qui avaient reçu ces oblations illégales, fondus par l'ordre du Seigneur, et purifiés de leurs souillures, furent réduits en lames et suspendus auprès de l'autel, afin qu’à l'avenir nulle main sacerdotale ne les touchât ; souvenir terrible pour la postérité, monument d'indignation et de vengeance ! Au reste l’Ecriture sainte nous le dit : Qu'ils deviennent un monument qui rappelle aux enfants d'Israël que tout homme étranger de la race d'Aaron ne doit pas s'approcher pour offrir l’encens au Seigneur, s'il ne veut pas souffrir comme Coré. Et cependant ils n'avaient pas créé un schisme ; ils ne s'étaient pas révolté à main armée contre les prêtres du Seigneur, après avoir fait scission entre eux ; bien moins coupables que ceux qui déchirent l'Eglise, violent avec la paix l'unité divine, s'efforcent d'établir une chaire illégale, envahissent l'épiscopat, usurpent le baptême et le sacrifice. Mais quels succès attendent-ils de leur criminelle audace ? Comment obtiendront-ils quelque faveur d'un Dieu contre lequel ils sont en guerre ? Ainsi, tous ceux qui pactisent avec le baptême de Novatien ou de ses pareils, affirment en vain qu'on peut être lavé et sanctifié par le baptême salutaire, là où il est avéré que celui qui baptise n'a ni droit, ni pouvoir. L'Ecriture sainte va nous faire comprendre avec quelle rigueur Dieu châtie cette hardiesse. En effet, la vengeance ne se borne pas aux chefs et aux premiers auteurs de la rébellion, elle vit frapper chacun de leurs complices, s'ils ne séparent pas leur cause de la cause des coupables. Ecoutez le Seigneur s'expliquant là-dessus par la bouche de Moïse : Retirez-vous des tentes de ces hommes impies, et ne touchez à rien de ce qui est a eux, de peur d'être enveloppés dans
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leurs péchés. La menace que le Seigneur avait prononcée par la bouche de Moïs eut son accomplissement. Quiconque ne se sépara point de Coré, de Dathan et d'Abiron, fut frappé à l'heure même en punition de cette alliance sacrilège. Leçon formidable, d'où il résulte que s'associer aux sacrilèges emportements de l'hérésie et s'armer avec elle contre l'autorité dont Dieu a investi son Eglise, c'est courir au même châtiment. Le Saint-Esprit nous le témoigne encore par la bouche d'Osée (IX, 4) : Leurs sacrifices ressemblent aux banquets de funérailles, ils rendent impurs ceux qui y participent. C'était nous dire en d'autres termes que tout est commun entre le complice et le chef, crime et Châtiment. Je le demande, quel crédit auront-ils auprès de Dieu, ceux auxquels il inflige de si terribles supplices ? "
6. Le concile de Trente, session XXIII, chapitre 4, comme plus haut, question I, témoignage 9, page 169.
7. Le concile de Laodicée, canon 13 (Cf. LABBE, Conc., t. Ier, col. 1497-1498. V. de plus notre Dictionnaire universel des conciles, t. 1er, col. 1536, article LAODICEE, vers l’an 364) : " On ne doit pas abandonner aux passions de la multitude l'élection de ceux qui doivent être promus au sacerdoce. "
8. S. LEON-LE-GRAND, Epist. 87 ad episcopos Africanos per Mauritaniam Cæsareensem constitutos : " Que s'il faut apporter beaucoup de prudence et de discernement dans le choix des ministres de l'Eglise à tous les degrés, pour qu'il n'y ait rien de désordonné, rien qui blesse ou qui choque dans la maison de Dieu, combien ne doit-on pas encore davantage faire attention à ne pas commettre d'erreur dans l’élection de celui qui est établi au-dessus de tous ? Car tout chancellera dans la société chrétienne, si les qualités qui doivent se trouver dans le corps ne se trouvent pas dans le chef lui-même. "
9. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Epist. 52 ad episcopos Galliarum : " La divine Sagesse a voulu qu'il y eût des différences d'ordres et de degrés, afin que les inférieurs gardant le respect aux supérieurs, et ceux-ci usant de charité pour ceux-là, la diversité même des fonctions contribuât à entretenir la concorde, et que chaque emploi fût administré avec plus de perfection. Car il n'était pas possible de maintenir le tout dans son ensemble, à moins d'établir cet ordre harmonieux dans les fonctions diverses. Or, que le gouvernement et la conservation même des êtres créés exigent que les qualités de tous ne soient
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pas les mêmes, c'est ce que nous montre l'ordre observé dans la hiérarchie céleste, où les uns sont archanges, les autres simplement anges, et par conséquent inférieurs aux premiers, et où par-là même il faut reconnaître une différence d'ordre et de pouvoir. "
10. S. DENIS l’Aréopagite, Lib. de ecclesiast. hierarchiâ, c. 5: " Il est temps de traiter des ordres sacrés, de leurs attributions, de leur vertu ou de leur efficacité, de leur perfection, et d'expliquer comment ces choses sont réparties entre les trois ordres principaux. On verra de cette manière que la sage constitution de notre hiérarchie écarte et rejette absolument tout ce qui est irrégulier, désordonné et confus, et qu'elle fait briller au contraire dans l'heureux ensemble de ses divers degrés la décence, l’harmonie et la majesté. Or, au traité des hiérarchies célestes, nous avons, je pense, suffisamment expliqué cette triple distinction qui caractérise toute hiérarchie, en disant d'après l'autorité de la tradition, qu'on y trouve d'abord le don divin, la grâce, puis les esprits qui ont la science et le pouvoir d'initier, enfin ceux qui reçoivent de ces derniers le bienfait de l'initiation. "
" Nous avons donc établi qu’à l'ordre épiscopal appartient la vertu de perfectionner, et qu'il perfectionne en effet ; à l'ordre sacerdotal la vertu de conférer la lumière et que réellement il la confère ; à l’ordre des diacres la vertu de purifier et de discerner les différents sujets, de sorte cependant que le premier a le secret de donner non-seulement la perfection, mais encore la lumière et la pureté, et que le second peut à la fois illuminer et purifier. Les inférieurs n'exercent pas les fonctions des supérieurs, et ils ne doivent pas se laisser emporter à une si téméraire usurpation. Mais les puissances plus rapprochées de Dieu connaissent leur propre force, et ont en même temps le secret de la perfection des puissances moins élevées. "
" Mais les ordres des Eglises étant les images des opérations divines, en ce qu'ils représentent l'harmonieux mélange des splendeurs diverses que Dieu fait éclater dans ses actes, ils se divisent en puissances de premier, second et troisième degré hiérarchiquement distinctes, pour reproduire par là, comme je l'ai dit, l'unité et la variété des œuvres divines. Car, puisque la Divinité commence par purifier les esprits auxquels elle se communique, puis les illumine, et enfin les réforme à l'image de sa propre perfection, il est juste que la hiérarchie, figure des choses célestes, se divise en ordres et en puissances multiples, pour
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faire voir clairement que les opérations divines s'exécutent avec une parfaite harmonie, et sans la moindre confusion dans tous ses divers degrés (Cf. Les Œuvres de saint Denis l’Aréopagite, trad. par M. l'abbé Darboy ; idem, trad. du frère Jean de saint François, pag. 99, 105-106 ; ??? ???????? ?????????, ?. ?. ?., pag. 180, 191-192, Paris, 1562). "
11. S. IRENEE, adversùs hæreses lib. III, c. 3 : " Mais comme il serait trop long de rappeler ici les noms de tous ceux qui ont successivement gouverné chacune des Eglises, il suffira de ceux qui se sont succédés dans le gouvernement de celle de ces Eglises qui est la plus grande, la plus ancienne, la plus célèbre, celle qui a été fondée à Rome par les apôtres saint Pierre et saint Paul, qui a reçu d'eux-mêmes le précieux dépôt de la tradition et de la foi prêchée chez toutes les nations ; et nous laisserons en dehors de la communion des fidèles tous ceux qui, soit pour satisfaire leurs passions ou une vaine gloire, soit par aveuglement, soit par perversité, ont quitté les sentiers de la vérité, etc. " Voir pour la suite ce même passage rapporté plus haut, article des Commandements de l'Eglise, quest. IX, témoignage 6, p. 28, t. II.
12. Ibidem, Lib. IV, c. 43 (al. 26), comme plus haut, question VII, témoignage 8, page 246.
13. S. OPTAT de Milève, Lib. II contra Donatistas, comme plus haut, article des Commandements de l’Eglise, question IX, témoignage 8, page 30, tome II.
14. S. AUGUSTIN, Epist. 165 ad Generosum, passage rapporté de même plus haut, ibidem, témoignage 9, page 51, tome II.
15. Le même, Epist. 42 ad Madaurenses ; voir plus haut, ibidem, témoignage 10, page 31, tome II.
16. Le même, contra epistolam Manichæi, quam vocant funda menti, c. 4 ; voir plus haut, article du Symbole, question XVIII, témoignage 23, page 406, tome I.
17. Le même, in Psalmo contra partem Donati ; voir plus haut, article des Commandements de l'Eglise, question IX, témoignage 11, page 31, tome II.
18. TERTULLIEN, Prescriptions contre les hérétiques, c. 36 ; voir plus haut, ibidem, témoignage 48, page 43, tome II.
19. S. AUGUSTIN, Epist. 165 ; c'est le passage rapporté à la fin de la réponse à la question actuelle, page 248.
20. Le même, Lib. II contra litteras Petilani, c. 51 ; voir plus haut, article des Commandements de l’Eglise, question IX, témoignage 12, page 52, tome II.
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ARTICLE VII. - DU SACREMENT DE MARIAGE.
Question I
Qu’est-ce que le Mariage ?
Le mariage est l'union légitime divinement établie entre l'homme et la femme, afin qu'ils passent ensemble inséparablement tout le temps de leur vie.
Je dis, l'union légitime, c'est-à-dire fondée sur le mutuel consentement des époux et sur l'absence de tout degré de parenté ou d'alliance, ou de tout autre empêchement semblable de mariage, qui rendrait leur union illicite ou même tout-à-fait nulle de droit.
Si l'on demande quel est l'auteur primitif de cette union
établie entre des époux, on n'en trouvera pas d'autre que
Dieu lui-même, qui a uni dans le paradis terrestre le premier homme
et la première femme dont tous les hommes sont descendus, et a béni
en même temps leur union. Si l'on considère ensuite la fin
de cette institution, on verra que c'est la propagation du genre humain
en vue de la gloire de Dieu, en même temps que l'amour et la fidélité
réciproque des époux, et subsidiairement aussi le dessein
de prévenir le désordre de la fornication dans l'état
actuel de faiblesse de notre nature corrompue.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Genèse, XXIV, 57-58 : " Laban et Raguel lui dirent : Appelons la jeune fille, et sachons d'elle-même ce qu'elle pense. - On l'appela donc, et quand elle fut venue, ils lui demandèrent : Voulez-vous bien aller avec cet homme ? Je le veux bien, répondit-elle. "
2. Tobie, VII, 15-17 : " Raguel prenant la main droite de
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sa fille, la mit dans la main droite de Tobie et dit : Que le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob soit avec vous ; que lui-même vous unisse et accomplisse sa bénédiction en vous. - Et ayant pris du papier, ils dressèrent le contrat de mariage. - Après cela ils firent le festin en bénissant Dieu. "
3. Genèse II, 21-24 : " Le Seigneur Dieu envoya donc un sommeil à Adam, et pendant que celui-ci dormait, il tira une de ses côtes, et mit de la chair à la place ; - et de la côte qu'il avait tirée d’Adam, le Seigneur Dieu forma la femme, et l'amena à Adam. - Adam dit alors : Voilà maintenant l'os de mes os, et la chair de ma chair ; celle-ci s'appellera vierge, parce qu'elle est sortie du sexe viril. - C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à son épouse, et ils seront deux dans une seule chair. "
4. MATTHIEU, XIX, 3-8 : " Et les pharisiens vinrent à lui pour le tenter, et lui dirent : Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme pour quelque cause que ce soit ? - Il leur répondit : N'avez-vous pas lu que celui qui créa l'homme dès le commencement, le fit mâle et femelle, et qu'il dit : - A cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à son épouse et ils ne seront plus tous deux qu'une même chair ? - Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l'homme donc ne sépare point ce que Dieu a uni. - Ils lui dirent : Pourquoi donc Moïse a-t-il prescrit à l'homme de donner à sa femme un acte de répudiation, et de la renvoyer ? - Il leur répondit : C'est à cause de la dureté de vos cœurs, que Moïse vous a permis de renvoyer vos femmes ; mais il n'en a pas été ainsi dès le commencement. "
5. I Corinthiens, VII, 2-6, 10-11 : " Néanmoins, pour éviter la fornication, que chaque homme vive avec sa femme, et chaque femme avec son mari. - Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, et la femme ce qu'elle doit à son mari. - Le corps de la femme n'est point en sa puissance, mais en celle de son mari ; de même le corps du mari n'est point en sa puissance, mais en celle de sa femme. - Ne vous refusez point l'un à l'autre ce devoir, si ce n'est du consentement de l'un et de l'autre pour un temps, afin de vaquer à la prière ; et ensuite vivez ensemble comme auparavant, de peur que votre penchant à l'incontinence ne donne lieu à Satan de vous tenter. - Or, je vous dis ceci par condescendance, et non par commandement. - Quant à ceux qui sont mariés ; ce n'est pas moi, mais c'est le Seigneur qui
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leur fait ce commandement : Que la femme ne se sépare point de son mari. - Si elle s'en est séparée, qu'elle reste sans se marier, ou qu'elle se réconcilie avec son mari, et que le mari de même ne quitte point sa femme. "
6. Ephésiens, V, 22-33 : " Que les femmes
soient soumises à leurs maris, comme au Seigneur ; - parce que le
mari est le chef de la femme, comme Jésus-Christ est le chef de
l’Eglise, qui est son corps, et dont il est aussi le Sauveur. - Comme donc
l'Eglise est soumise à Jésus-Christ, de même aussi
les femmes doivent être soumises en tout à leurs maris. -
Et vous, maris, aimez vos femmes, comme Jésus-Christ a aimé
l'Eglise jusqu’à se livrer lui-même pour elle, - afin de la
sanctifier, après l'avoir purifiée dans le baptême
de l'eau par la parole de vie, - pour la faire paraître devant lui
pleine de gloire, n'ayant ni taches, ni rides, ni rien de semblable, mais
toute sainte et sans défaut. - C'est ainsi que les maris doivent
aimer leurs femmes comme leur propre corps ; en effet, celui qui aime sa
femme, s'aime soi-même. - Car personne ne hait sa propre chair ;
mais on la nourrit et on l'entretient, comme Jésus-Christ fait à
l’égard de l'Eglise ; - parce que nous sommes les membres de son
corps, formés de sa chair et de ses os. - C'est pourquoi l'homme
quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme,
et ils deviendront tous deux une même chair. - Ce sacrement est grand,
savoir en ce qu'il représente Jésus-Christ et l’Eglise. Que
chacun de vous aime donc sa femme comme soi-même, et que la femme
révère son mari. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. de fide et operibus, c. 7 : " Qu'arrivera-t-il, demande-t-on, si une personne épouse un homme qu'elle ne sait pas être marié avec une autre ? Si elle l'ignore constamment, elle ne sera jamais adultère pour cela ; mais si elle vient à l'apprendre, elle commencera de l’être du moment où, sachant qu'il est marié avec une autre femme, elle n'en continuera pas moins d'avoir commerce avec lui. De la même manière que quelqu'un est possesseur de bonne foi, tant qu'il ignore que le bien qu'il possède appartient à autrui, et qu'il devient possesseur de mauvaise foi aussitôt que, venant à le savoir, il se maintient néanmoins dans sa possession. Qu'on ne se laisse donc point égarer par une pitié déplacée, quand on nous voit corriger ces sortes de désordres, comme si nous rompions alors des mariages,
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tandis que dans la cité de Dieu et sur sa sainte montagne, qui est son Eglise, le mariage est tellement indissoluble tant par la nature du lien qu'on y contracte, que par le sacrement qui le consacre, qu'il n'est pas même permis au mari de céder sa femme à un autre, comme nous lisons de Caton qu'il le faisait, non-seulement sans encourir le blâme, mais même en s'attirant par la les louanges de ses concitoyens. "
2. Le même, Lib. I de nuptiis et concupiscentiâ, c. 10 : " Comme les mariages des chrétiens ne se recommandent pas seulement par la fécondité des époux ou le nombre des enfants qui peuvent en être le fruit, ni par la chasteté seulement, qui est l'effet de la fidélité conjugale, mais encore par le sacrement qui en sanctifie le lien ; ce qui a fait dire à l'Apôtre : Maris, aimez vis femmes, comme Jésus-Christ a aimé l’Eglise ; l'effet de ce sacrement est sans contredit, que l'homme et la femme une fois unis par le mariage restent de même ensemble le reste de leur vie, sans qu'il leur soit permis jamais de se séparer, si ce n'est pour cause de fornication. Car c'est là ce qui s'observe en Jésus-Christ et en son Eglise, qui toujours vivants l'un et l'autre, ne se sépareront jamais l'un de l'autre par aucun divorce. Tel est le respect que les époux chrétiens, qui sont sans aucun doute les membres de Jésus-Christ gardent à ce sacrement dans la cité de notre Dieu, et sur sa montagne sainte qui est son Eglise, que, bien que le but qu'ils se proposent dans leurs mariages soit d'avoir des enfants, ils ne se permettent cependant jamais de congédier une épouse stérile pour en épouser une autre qui soit féconde. S'ils le faisaient, ils seraient adultères, le mari en épousant la femme féconde et l'épouse stérile en se mariant à un autre homme ; et cela en vertu de la loi de l’Evangile, quoi que puisse statuer à cet égard la loi du siècle aux yeux de laquelle il est permis aux époux, en cas de divorce, de passer à d'autres mariages, licence que Moïse même, comme nous l'atteste l'Ecriture, avait accordée aux Juifs à cause de la dureté de leurs cœurs. Telle est la force du lien du mariage une fois contracté entre deux personnes chrétiennes tant qu'elles sont vivantes, qu'on leur accorderait plutôt de se remettre ensemble, quoique légitimement séparées, que de rester avec celles à qui ils se seraient attachés depuis leur séparation. Car ils ne seraient pas adultères à l’égard de ces dernières s'ils avaient cessé par leur divorce d'être époux d'une autre. Que l'époux légitime cependant vienne à mourir, l'époux survivant pourra alors contracter un
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véritable mariage avec la personne qui jusque là ne pouvait être pour lui qu’une occasion d’adultère. C’est ainsi qu’il existe entre les époux vivants un lien tellement indissoluble, que ni le divorce ni l’adultère ne sauraient le rompre. Mais dans ces derniers cas le lien subsiste comme reproche du crime commis, plutôt que comme témoignage de l’union conjugale ; de même que l’âme qui se rend coupable d’apostasie, en rompant l’alliance qu’elle a contractée avec Jésus-Christ, perd la foi, sans perdre pour cela le sacrement de la foi qu’elle a reçue l’eau de la régénération : car si elle le perdait en abandonnant l’Eglise, il lui faudrait le recevoir de nouveau en revenant à elle. Toutefois elle ne le garde dans son apostasie que comme sujet de condamnation pour elle, et non plus comme titre de récompense. "
3. Ibidem, c. 21 : " Le sacrement de mariage répondra : Il a été dit de moi dans le paradis terrestre dès avant le péché : L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à son épouse, et ils seront deux dans une même chair. Ce sacrement, l’Apôtre l’appelle grand en Jésus-Christ et en son Eglise. Mais quelque grand qu’il soit en Jésus-Christ et en son Eglise, il ne l’est pas également dans chaque homme et dans chaque femme qui se marient : il l’est cependant assez pour rendre indissoluble l’union qu’ils ont contractée. "
4. Le même, De bono conjugali, c. 24 : " Chez toutes les nations, dans toute la famille humaine, les avantages du mariage du mariage consistent en la génération des enfants et dans la chasteté des époux ou la fidélité qu’ils se doivent. Pour le peuple de Dieu en particulier, les avantages, ces avantages consistent en plus dans la sainteté du sacrement, qui est telle, que ce serait un crime pour les époux, tant qu’ils sont tous les deux vivants, de songer à se marier avec d’autres, quand même il y aurait divorce entre eux, ou qu’ils se proposeraient en cela d’avoir des enfants. Et quoique ce soit ici la seule cause pour laquelle le mariage a été institué, quand même cette cause se trouverait frustrée de son effet, le lien conjugal n’en resterait pas moins indissoluble jusqu’à la mort des époux. C’est ainsi que, bien que les clercs soient ordonnés pour la desserte des églises, ils conservent toujours le caractère (sacramentum) de leur ordination, quand même il ne se trouverait pas pour eux d’Eglise à gouverner ; ou si un clerc vient à perdre son emploi en punition de quelque faute, il lui restera toujours néanmoins le sacrement qu’il a reçu, quoique ce ne soit plus alors que pour sa propre condamnation. Que le mariage ait pour but
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d'engendrer des enfants, c'est ce que l’Apôtre nous atteste quand il dit : J'aime mieux que les jeunes veuves se marient, et que, comme si on lui eût demandé pourquoi, il ajoute aussitôt : qu’elles aient des enfants (I Tim., V, 44), qu’elles gouvernent leur ménage. Les paroles que je vais citer regardent le devoir de la chasteté conjugale ou la fidélité que se doivent les époux : le corps de la femme n'est point en sa puissance, mais en celui de son mari ; de même le corps du mari n'est point en sa puissance, mais en celle de sa femme (I Cor., VII, 4). Ces autres paroles se rapportent à la sainteté du sacrement : L'épouse ne doit pas se séparer de son mari ; que si elle s'en sépare, qu'elle demeure sans se marier, ou qu'elle se réconcilie avec son mari : et que le mari de même ne quitte point sa femme (I Cor., VII, 10-11). Tels sont donc les trois avantages que peut offrir le mariage et qui le rendent légitime : la génération des enfants, la fidélité des époux et la sainteté du sacrement. Ce serait sans doute quelque chose de meilleur encore et de plus parfait, de ne chercher pas même se donner une postérité selon la chair, de renoncer par conséquent pour toute sa vie à un commerce charnel de cette nature, et de choisir Jésus-Christ seul pour époux, pourvu que l'on se propose en cela ce que marquait l'Apôtre par ces autres paroles, de s'occuper du soin des choses du Seigneur, et de ce qu'on doit faire pour plaire à Dieu (I Cor., VII, 32). "
5. S. AMBROISE (ou plutôt le diacre Hilaire), in caput V Epistolæ ad Ephesios : " L'Apôtre fait entendre que l'union de l'homme et de la femme renferme un grand mystère. Sans le dévoiler entièrement, il énonce une autre cause qui ne le contredit pas, et qu'il sait concourir également au profit du genre humain : c'est l'union de Jésus-Christ et de son Eglise. Car, de même que l'homme quitte ses parents pour s'attacher à son épouse, ainsi l'Eglise s'attache et reste soumise à Jésus-Christ, son divin chef. "
6. S. PIERRE DAMIEN, Serm. I de Dedicatione, dit en parlant du sacrement de mariage : " Ce sacrement est grand, dit l'Apôtre, et le Seigneur a dit lui-même à ce sujet dans l'Evangile : C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à son épouse, et ils seront deux dans une même chair. N'est-ce pas être aussi unis que possible, que d'avoir une même chair, une même table, un même lit, tous les biens communs ensemble ? Que le mariage soit traité avec honneur, dit ce vase d'élection ; que le lit nuptial soit conservé sans tache. Par ces paroles sont réprouvés les
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mariages incestueux, et sont encouragés tous les mariages légitimes. "
7. Le pape Lucius III, Lib. V Decretalium Gregorii, tit. VII de hæreticis, c. 9, ad abolendum : " Tous ceux qui ne craignent pas de penser et d'enseigner sur le sacrement du corps et du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sur le baptême, sur la confession des péchés, sur le mariage, sur les autres sacrements de l’Eglise, autrement que ne le fait par sa doctrine et par ses actes l'Eglise romaine ; et généralement tous ceux que cette même Eglise romaine ou les évêques particuliers dans leurs diocèses, de l'avis de leur clergé ou le clergé même, le siège vacant, en prenant, s'il le faut, l'avis des évêques voisins, auront déclarés hérétiques, nous les frappons d'anathème pour tout le reste de leur vie. "
8. Le concile de Constance, session XV, condamne l'article 8 de Jean Hus conçu en ces termes : " Les prêtres qui vivent dans le crime pensent d'une manière contraire à la foi sur les sept sacrements de l’Eglise, etc. "
9. Le concile de Trente, session XXIV, canon 1 : " Si quelqu'un dit que le mariage n'est pas véritablement et à proprement parler un des sept sacrements de la loi évangélique institués par Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais que c'est un sacrement d'invention humaine et qui ne confère pas la grâce, qu'il soit anathème. "
10. S. AMBROISE, De institutione virginis, c. 6 : " Le mariage n'existe que par le contrat. Car ce n'est pas la perte de la virginité qui le constitue, mais la convention des époux. Enfin, le mariage existe dès-lors que l'union est consentie, sans qu'il soit besoin pour cela que l'acte conjugal soit consommé. "
11. S. CALLISTE I, Epist. II, c. 4 (C'est une fausse décrétale, mais qui n'a rien que de conforme à la discipline observée de tout temps dans l’Eglise. V. LABBE, Conc., t. Ier, p. 614) : " Les mariages entre proches parents sont défendus, puisqu'ils se trouvent interdits par les lois tant divines que profanes. En effet, les lois divines non-seulement considèrent comme illégitime la postérité sortie de semblables unions, mais la déclarent même abominable. De leur côté, les lois du siècle déclarent infâmes et incapables d'hériter les enfants qui en naissent. Nous aussi, nous attachant à marcher sur les traces de nos pères, nous notons d'infamie les enfants nés de ces mariages, et nous les jugeons infâmes, souillés qu'ils
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sont de la tache d'infamie. Nous repoussons les hommes de cette espèce, et nous n'admettons pas les accusations qu'ils voudraient porter contre quelqu'un, puisque les lois du siècle ne les admettent pas non plus. Qui doute en effet que les lois humaines ne doivent être observées, tant qu'elles n'ont rien de contraire à la raison et à l’honnêteté, et surtout si elles sont établies dans l'intérêt général de la société, et qu'elles viennent à l'appui de l'autorité ecclésiastique. Or, nous appelons proches parents ou consanguins ceux que les lois des empereurs romains et grecs appellent de ce nom et reconnaissent capables d'hériter. "
12. Le grand concile de Latran tenu sous Innocent III, canon 50 (Cf. LABBE, Conc., t. XI, part. 1, col. 201-202 ; voir aussi notre Dictionnaire universel des conciles, t. Ier, col. 1008-1009) : " On ne doit pas trouver à reprendre que les lois humaines soient modifiées selon les circonstances, surtout si cela est réclamé par l'urgence de la nécessité ou par les avantages évidents qui en résulteront : car Dieu lui-même a changé dans le Nouveau-Testament quelque chose de ce qu'il avait établi dans l'ancien. Puis donc que les défenses de contracter mariage dans les deuxièmes et troisième degrés d'affinité et de marier les enfants nés d’un second mariage avec les consanguins du premier mari, entraînent souvent des difficultés et même quelquefois du danger pour les âmes, nous qui voudrions faire cesser ces funestes effets en levant les prohibitions qui leur ont donné occasion, nous révoquons avec l'approbation du saint concile, les constitutions portées en cette matière, et nous déclarons par la présente constitution les personnes dont il s'agit libres de contracter mariage ensemble. La défense de contracter mariage ne dépassera pas dorénavant le quatrième degré de consanguinité ou d'affinité, parce que dans les degrés plus éloignés que ceux-là une pareille défense ne saurait être observée sans inconvénient. . . Puis donc que cette prohibition est maintenant restreinte au quatrième degré, nous voulons qu'elle soit tellement irrévocable nonobstant toute constitution contraire, publiée soit par nous soit par nos prédécesseurs, que ceux qui auraient eu la témérité de s'unir en contravention avec cette défense ne puissent être admis à alléguer pour s'y autoriser le long temps qu'ils auraient déjà vécu dans cet état, puisqu'une semblable circonstance, bien loin de diminuer la faute, l'augmente au contraire, et que les crimes sont d'autant plus condamnables qu'ils retiennent depuis
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plus longtemps dans leurs liens l'âme qui s'y est malheureusement engagée. "
13. Le concile de Trente, session XXIV, canon 3 : " Si quelqu'un dit qu'il n'y a que les degrés de parenté et d'alliance marqués dans le Lévitique (VII) qui puissent empêcher de contracter mariage, ou le rompre même quand il est contracté, et que l'Eglise ne peut pas donner dispense en quelques-uns de ces degré, ou établir un plus grand nombre de degrés qui empêchent ou rompent le mariage, qu'il soit anathème. "
14. Ibidem, canon 4 : " Si quelqu'un dit que l'Eglise n'a pas pu établir certains empêchements qui rompent le mariage, ou qu'elle s'est trompée en les établissant, qu'il soit anathème. "
15. Ibidem, dans le débat de réformation sur le mariage, chapitre 2 : " L'expérience fait voir que, par suite de la multiplicité des prohibitions, souvent on contracte mariage sans le savoir dans les degrés prohibés, d'où il arrive qu'on ne peut ensuite éviter, soit un très-grand péché si l'on reste dans cet état, soit un très-grand scandale si l'on se sépare. Le saint concile voulant en conséquence obvier à cet inconvénient, et commençant sa réforme par l'empêchement de parenté spirituelle, ordonne que, conformément aux saints canons, on n'admettra pour chaque baptême qu'un parrain ou qu'une marraine, ou tout au plus qu'un parrain et qu'une marraine, et qu'il n'y aura de parenté spirituelle qu'entre eux, d'une part, et leur filleul ou filleule, et son père ou sa mère, de l'autre ; et de même entre celui ou celle qui baptise, d'une part, et le baptisé ou la baptisée et son père ou sa mère, de l'autre. Le curé, avant de se mettre en devoir de conférer le baptême, aura soin de demander ceux à qui il appartiendra, quel est celui, ou quels sont ceux qu'ils auront choisis pour parrains ou marraines, et il n'en admettra ni n'en inscrira point d'autres en cette qualité ; il les avertira en même temps de la parenté spirituelle qu'ils auront contractée, pour que leur ignorance sur ce point ne puisse leur servir d'excuse. Si d'autres que les personnes désignées touchent le sujet à baptiser au moment de son baptême, ils ne contracteront par là aucune parenté spirituelle, nonobstant toutes constitutions à ce contraires. S'il se fait par la faute ou la négligence du curé quelque chose de contraire ce qui est ici prescrit, la punition en est remise a la discrétion de l'ordinaire. "
" La parenté qui se contracte par la confirmation ne dépassera pans non plus le prélat, confirmant ou le parrain et la marraine,
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d'une part, et le confirmé ainsi que son père et sa mère, de l'autre ; tout autre empêchement de parenté spirituelle, ou entre toutes autres personnes, est aboli. "
16. Ibidem, chapitre 3 : " L'empêchement d'honnêteté publique pour fiançailles est aboli par le concile, du moment où ces fiançailles pour quelque raison que ce puisse être, seraient frappées de nullité si au contraire ces fiançailles sont valides, l'empêchement ne dépassera pas le premier degré parce qu'une semblable prohibition étendue à d'autres degrés aurait de graves inconvénients. "
17. Ibidem, chapitre 4 : " Quant à l'empêchement dirimant qui résulte de l'affinité contractée par un commerce illicite, le saint concile le restreint au premier et au second degré d'affinité et le lève par rapport à tous les degrés ultérieurs. "
18. Ibidem, chapitre 5 : " Si quelqu'un a la témérité de contracter sciemment mariage dans les degrés prohibés, on l'obligera à se séparer sans espérance de jamais obtenir dispense, surtout si, non content de contracter un semblable mariage, il ose encore le consommer. S'il le fait par ignorance, et qu'il ait en même temps négligé les solennités requises d'ordinaire pour la célébration des mariages, il sera soumis aux mêmes peines ; car il n'a pas droit à l'indulgence de l’Eglise, après le mépris qu'il a montre témérairement pour ses sages prescriptions. Mais si, après toutes les solennités d’usage, il vient à découvrir quelque empêchement ignoré jusque-là, et que son ignorance par rapport à cet empêchement ait été excusable, on se montrera plus facile à lui accorder la dispense, qui d'ailleurs sera gratuite. On n'accordera jamais, ou que rarement du moins, des dispenses pour des mariages qui ne seraient pas encore contractés ; et quand on en accordera, elles seront toujours motivée et gratuites. On ne dispensera jamais dans le second degré, si ce n'est entre des familles princières et pour quelque intérêt public. "
19. S. FULGENCE, Epist. I de conjugali debito, et voto continentiæ à conjugibus emisso, c. 3 : " L'usage du mariage sera raisonnable, si les époux ne se le permettent qu'en temps propice, et non pour assouvir leur passion, mais pour se procurer des enfants. Car l'union chaste des époux, sans mélange de passion désordonnée, est un des biens que Dieu a faits ; bien qu'il ne faut pas confondre avec le mal que la prévarication de nos premiers parents y a introduit, et qui n'a jamais pu être la conséquence de notre condition primitive. Mais comme actuellement il n'arrive
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jamais que l'acte de génération ait lieu dans ce corps de mort sans que la concupiscence s'y glisse, les époux chrétiens, sans provoquer ce mouvement déréglé, le souffrent cependant, et si les lois de la fécondité naturelle exigent qu'on en subisse la nécessité vu l'état actuel de corruption de notre nature même, l'honnêteté du mariage chrétien enseigne du moins à le renfermer dans de certaines bornes. Les époux doivent donc, en désirant voir leur union féconde, réprimer les excès de l’appétit sensuel. Si l'usage du mariage est tellement réglé que l'âme, au lieu d'obéir à une passion effrénée, ait en vue la postérité qui pourra en naître, et si les enfants qu'on en attendait une fois mis au monde, on se hâte de les purifier de leur tache par le bienfait de la naissance spirituelle, l'acte charnel en ce cas n'est point imputé à péché aux époux chrétiens, à raison de la pureté de leur intention, de la juste modération qu'ils s'appliquent à garder, de l’offrande qu'ils font à Dieu de leurs enfants, et du baptême qu'ils s'empressent de leur procurer, grâce aux mérites du Rédempteur qui reforme ainsi l'ouvrage qu'il a créé lui-même, redevenant en quelque sorte le père de ceux dont il est le premier auteur. Si donc les époux tombent dans la fornication, ils pèchent mortellement ; mais s'ils gardent la fidélité du lit nuptial, et que cependant ils excèdent quelque peu dans ce qui leur est permis, en mêlant leur intention principale d'avoir des enfants quelque consentement au plaisir déréglé de la chair, ils ne sont pas sans doute exempts de péché, mais c'est un péché dont il leur sera facile d'obtenir le pardon au moyen de la prière et des bonnes œuvres, parce qu'au moins la fidélité conjugale aura été gardée, encore que l'infirmité naturelle ait fait déposer les justes limites ; et il en est de la femme sous ce rapport comme du mari. "
20. S. ISIDORE, Lib. II de ecclesiasticis officiis, c. 19 : " Le mariage légitime est celui qui n'a pas en vue la passion, mais les enfants qui pourront naître ; et il n'a pas été institué pour servir à la volupté, mais pour perpétuer le genre humain. Les lois mêmes romaines sur le mariage ne lui assignent pas d'autre fin. Lors donc que quelqu'un y recherche le plaisir plus qu'il n'est nécessaire pour remplir ce but, il y a péché dans ce qu'il fait alors, et ceux qui le commettent fréquemment en souillant ainsi le lit conjugal par leur incontinence devront l'expier par des aumônes et des prières non moins fréquentes. "
21. S. CHRYSOSTOME, Hom. XXI in Epist. Pauli ad Ephesios,
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dans l'exhortation morale qui termine cette homélie, s'étend particulièrement sur les règles à observer dans le mariage.
22. Le même, Hom. V in Epist. I ad Thessalonicenses : " La femme est unie à l'homme pour vivre en société avec lui et lui procurer des enfants, et non pour des actes de turpitude ou de dissolution ; pour régler le ménage, pour faciliter à son mari des habitudes d'honnêteté et de chasteté, et non pour lui être une occasion de fornications nouvelles. "
23. S. BASILE, Lib. de verâ atque integerrimâ virginitate : " Les mariages sont légitimes et conformes à l'institution de Dieu, quand la passion de la volupté ne fait pas enfreindre les lois divines, et qu'on ne se marie que dans l'espérance de trouver pour cette vie une assistance salutaire, et dans le but d'avoir des enfants. C'est ainsi que le mariage est honorable, lorsque le plaisir impur ne commande pas à la raison, mais que c'est plutôt la raison qui commande au plaisir, en faisant des deux époux une même chair conformément à la loi divine. Car comme la raison même fait un devoir ou une nécessité aux besoins de s'unir, cette union des âmes entraîne celle des corps qui en sont inséparables. Mais si les âmes dès le principe se proposent une chose toute différente, et que la chair ensuite se laisse aller par une pente naturelle à la volupté, en entraînant avec elle l'âme qui lui est unie, l'âme qui obéit à ce penchant fait un acte abominable. Car ce qui n'est autorisé ni par la raison naturelle ni par une loi juste, est sans contredit condamné comme criminel au jugement de la conscience. La femme donc est liée à la loi du mariage, tant que son mari est vivant ; mais si son mari meurt, elle redevient libre : qu'elle se marie à qui elle voudra, pourvu que ce soit selon le Seigneur (I Cor., VII, 39). Vous voyez que l'Apôtre ne dit pas simplement, qu'elle se marie, mais qu'elle se marie selon le Seigneur. Car la femme qui, devenue libre par la mort de son mari, recouvre la faculté de se marier, ne doit pas pour cela se marier à qui que ce soit indifféremment, mais seulement selon le Seigneur. Or, qu'est-ce que se marier selon le Seigneur ? C'est ne pas se faire l'esclave des voluptés de la chair, mais se marier par raison, et pour pouvoir mener une vie tranquille et heureuse. Car c'est pour une semblable fin que le Créateur a institué le mariage. "
24. S. AUGUSTIN, Lib. IX de Genesi ad litteram, c. 7 : " Enfin la faiblesse des deux sexes qui se laissent entraîner si facilement aux choses honteuses, trouve un soutien dans le lien légitime du
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mariage, qui offre ainsi à notre nature malade un remède dans ce qui lui conviendrait, quand bien même elle se serait conservée toujours dans son état primitif de santé. Car de ce que l'incontinence est un mal, il ne s'ensuit pas que le mariage, contracté même par des incontinents, ne soit pas un bien : bien plus, ce mal lui-même ne doit pas nous porter à inculper ce bien, mais c'est plutôt ce bien qui doit faire pardonner ce mal, attendu que ce que le mariage a de bon par sa nature ne peut jamais être péché. Or, le mariage présente trois sortes de biens ou d'avantages, savoir la fidélité à laquelle les époux s'y engagent, les enfants qui peuvent en naître, et le sacrement qui le consacre. La fidélité demande que, tant que le lien conjugal subsiste, on n'en contracte pas de nouveaux avec d'autres personnes. Ce qu'on doit aux enfants, c'est de les recevoir avec reconnaissance de la main de Dieu, de les élever avec soin, et de leur procurer le bienfait de l'instruction chrétienne. Enfin le respect dû au sacrement exige que le mariage soit indissoluble, ou que si les époux se séparent, ils ne se marient pas à d'autres, fût-ce même avec l'intention d'avoir des enfants. Telle est, j'ose le dire, la règle du mariage, dont l'effet est de rendre la fécondité honorable, ou encore de servir de frein à l'incontinence. Comme nous avons suffisamment traité ce sujet dans le livre que nous avons publié dernièrement sur les avantages qui naissent du mariage (de bono nuptiarum), où nous avons aussi assigné à la continence qu'on peut garder dans le veuvage et à la pratique exacte de la virginité les rangs particuliers qui leur conviennent, il serait superflu de nous y arrêter ici plus longtemps. "
25. S. CHRYSOSTOME, in Psalmum XLIII : " Que mérite celui qui outrage ainsi l'ouvrage de Dieu, surtout, quand celui qui se permet ces désordres a une épouse ? Ne m'alléguez pas le penchant de la nature. Car le mariage vous a été laissé libre, précisément pour que vous ne dépassiez pas les justes bornes. Quels supplices ne méritez-vous pas ? Dieu a pourvu à votre tranquillité et à votre honneur, en vous donnant une épouse pour apaiser en vous les révoltes de la nature, pour le faire sans danger, sans honte pour vous. Et vous, vous chargez d'outrages celui qui ne cesse de vous montrer une attention si paternelle (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, tome V, p. 158, édition des Bénédictins ; p. 188, édition de M. Gaume). "
26. Le même, Homil. III de verbis Isaiæ : " Si quelqu'un viole
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le temple de Dieu, Dieu le perdra (I Cor., III,
17). Ici ce n'est pas un simple reproche, une censure seulement, c'est
l'annonce d'un châtiment terrible. Salomon aussi connaissait la différence
qui existe entre les péchés plus graves et ceux qui le sont
moins ; or, faisant la comparaison du vol et de l'adultère, il parle
ainsi de l'un et de l'autre : Ce n'est pas étonnant qu'un homme
dérobe pour avoir de quoi manger, lorsqu'il est pressé de
la faim. Cependant, s'il est pris, il rendra sept fois autant, et il donnera
tout ce qu'il a dans sa maison. Mais celui qui est adultère perdra
son âme par la folie de son cœur (Prov, VI, 30-32). L'un
comme l'autre est péché, dit-il, mais l'un est un péché
moindre, l'autre en est un bien plus grand : car le premier trouve son
excuse dans l'indigence qui le presse, le second au contraire n'a point
d'excuse qu'il puisse faire valoir. Mais, direz-vous, ce dernier peut alléguer
aussi la nécessité que lui impose le penchant de la nature.
L'épouse qui lui a été donné en partage lui
ôte ce subterfuge, et ne lui laisse aucun moyen de défense.
Car le mariage et son légitime usage lui a été permis,
précisément pour qu'il ne puisse alléguer aucun semblable
prétexte. La femme a été donnée à l'homme
pour qu'il puisse contenir la fougue de son tempérament, et calmer
la tempête qu'excitent en lui les passions. De même donc qu'un
pilote qui ferait naufrage dans un port n'aurait aucune excuse pour couvrir
sa maladresse, ainsi l'homme qui, quoique mis en sûreté par
le mariage dont il a contracté le lien, convoite l'épouse
d'un autre homme, ou jette un regard trop curieux sur une femme quelconque,
n'a rien qui le justifie ou qui l'excuse, soit devant les hommes, soit
devant Dieu, quand même il alléguerait mille fois le penchant
de la nature (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. VI, p. 115-116,
édition des Bénédictins, p. 133-134, édit.
Gaume). "
Question II
En quel sens le mariage est-il un sacrement ?
En ce sens que cette union étroite établie entre l'homme et la femme, est un signe non-seulement convenable, mais même religieux et sacré, en vertu de sa divine institution, de l'union sainte et indissoluble de Jésus-Christ avec son Eglise.
Ce signe lui-même fait que les époux chrétiens reçoivent la grâce de Dieu, lorsqu'ils contractent mariage de la manière
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prescrite. Et cette grâce conférée aux époux perfectionne l'amour qu'ils se portent naturellement l'un à l'autre, confirme l'indissolubilité de leur union, et les sanctifie tous les deux, pour que non-seulement ils soient et demeurent deux dans une même chair conformément à leur vocation, mais qu'ils se gardent encore une fidélité et un attachement réciproques. Et c'est ainsi que, suivant la doctrine de l'Apôtre, le mariage sera traité avec honneur par les époux, et que le lit nuptial sera sans tache.
C'est aussi ce qui a fait dire à ce même
apôtre, en parlant du mystère de cette union : Ce sacrement
est grand, je le dis en Jésus-Christ et en son Eglise ; et à
saint Augustin : " On loue dans les époux chrétiens non-seulement
la fécondité, dont leurs enfants sont le fruit ; non-seulement
la chasteté, dont leur fidélité est le gage ; mais
encore le sacrement ou le sens mystérieux que renferme leur union.
Ce qui a fait dire l’Apôtre : Epoux, aimez vos épouses,
comme Jésus-Christ a aimé son Eglise. " Le même
Père a dit de plus : " Dans le mariage la sainteté du sacrement
doit être encore plus considérée que la fécondité
des époux. "
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Tobie, III, 16-18, 22 : " Vous savez, Seigneur (dit Sara, fille de Raguel), que je n'ai jamais désiré de mari, et que j'ai conservé mon âme pure de tout mauvais désir. - Je ne me suis jamais mêlée à ceux qui aiment les divertissements, et je n'ai jamais eu de société avec ceux qui se conduisent avec légèreté. Que si j'ai consenti à recevoir un mari, je l'ai fait dans votre crainte, et non pour suivre ma passion. "
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2. Tobie, VI, 16-18, 22 : " Alors l’ange Raphaël dit à Tobie : Ecoutez-moi, et je vous apprendrai quels sont ceux sur qui le démon a du pouvoir. - Lorsque des personnes s'engagent dans le mariage de manière à bannir Dieu de leur cœur et de leur esprit, et qu'ils ne pensent qu'à satisfaire leur brutalité, comme les chevaux et les mulets qui sont sans raison, le démon a pouvoir sur eux. - Mais pour vous, après que vous aurez épousé cette jeune fille, etc., - vous prendrez cette jeune fille dans la crainte du Seigneur, et dans le désir d'avoir des enfants, plutôt que par un mouvement de passion, afin de participer à la bénédiction de Dieu, et d'avoir des enfants de la race d'Abraham. "
3. Tobie, VIII, 9 : " Tobie lui dit : Et maintenant, Seigneur, vous savez que ce n'est point pour satisfaire ma passion que je prends ma parente pour épouse ; mais dans le seul espoir d'une postérité par laquelle votre nom soit béni dans toute la suite des siècles. "
4. Genèse, II. . . . ., comme ci-dessus à la question précédente, page 261.
5. Hébreux, XIII, 4 : " Qu'en toutes choses le mariage soit respecté, et que le lit nuptial soit sans tache ; car Dieu condamnera les fornicateurs et les adultères. "
6. Ephésiens, V. Comme ci-dessus à
la question précédente, page 262.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AMBROISE, in caput V ad Ephesios, passage cité plus haut question I, témoignage 5, page 265.
2. S. AUGUSTIN, passage également cité plus haut, témoignage 1, et suiv., page 262.
3. S. ISIDORE, Lib. II de ecclesiasticis officiis, c. 19 : " Les avantages du mariage sont au nombre de trois, la fécondité, la fidélité et le sacrement. " La fidélité demande, etc., " passage cité déjà comme de saint Augustin, question I, témoignage 23, page 272. " Cette union entre époux est appelée sacrement, parce que de même que l'Eglise ne peut pas se séparer de Jésus-Christ, ainsi la femme ne doit pas se séparer de son époux. Ce sacrement d'une union indissoluble entre l'époux et l'épouse existe donc dans chaque mariage chrétien, comme entre Jésus-Christ et son Eglise. C'est ce qui a fait dire à l'Apôtre : Ce n'est pas moi, mais c'est le Seigneur qui leur fait ce commandement,
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savoir, que la femme ne se sépare point de son mari, etc. " Voir le reste de ce passage à la question suiv., témoignage 13.
4. Le concile de Florence : " Le septième sacrement est le mariage, qui est un signe de l'union de Jésus-Christ avec son Eglise, selon ce qu'a dit l'Apôtre : Ce sacrement est grand, etc. La cause efficiente du mariage est régulièrement le mutuel consentement des époux, exprimé par des paroles qui indiquent le présent. On compte aussi trois principaux biens qui peuvent résulter du mariage. Le premier, ce sont les enfants qu'on pourra en avoir et qu'on devra élever selon Dieu. Le second, c'est la fidélité que les époux doivent se garder l'un à l'autre. Le troisième, c'est l'indissolubilité du mariage, vu qu'il signifie l'indissoluble union de Jésus-Christ avec son Eglise. "
5. Le concile de Trente, session XXIV, exposition de la doctrine touchant le sacrement de mariage : " Le premier père du genre humain, inspiré de Dieu même, a déclaré la perpétuité et l'indissolubilité du lien conjugal par ces paroles : C'est ici maintenant l'os de mes os, et la chair de ma chair. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à son épouse et ils ne seront tous deux qu'une même chair. Mais que ce lien ne puisse exister qu'entre deux, c'est ce que Notre-Seigneur nous a enseigné plus clairement encore, lorsque, après avoir rapporté ces paroles comme prononcées par Dieu même, il a ajouté : Ils ne sont donc plus deux, mais une même chair ; et qu'il a confirmé par les paroles suivantes l'indissolubilité de ce lien proclamée par Adam dès l'origine du monde : Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. Quant à la grâce destinée à perfectionner cet amour naturel et à confirmer l’indissolubilité de cette union, en même temps qu'à sanctifier les époux, c'est Jésus-Christ lui-même, auteur et consommateur de tous les sacrements, qui l'a méritée à tous les hommes par ses souffrances, comme nous l'a fait entendre l'apôtre saint Paul, quand il a dit : Epoux, aimez vos épouses, comme Jésus-Christ a aimé son Eglise et s'est livré lui-même pour elle ; et qu'il a ajouté bientôt après : Ce sacrement est grand, je le dis en Jésus-Christ et en son Eglise. Ainsi le mariage contracté sous l'empire de la loi évangélique l'emportant en excellence sur les mariages des temps anciens à cause de la grâce que Jésus-Christ y a attachée, c’est avec raison que les saints Pères, les conciles et la tradition universelle de l’Eglise l'ont toujours envisagé comme un des sacrements de la nouvelle loi : et c'est pour n'avoir pas tenu compte de cette tradition, que des
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hommes impies de ce siècle non-seulement ont très-mal pensé de ce sacrement si digne de notre respect, mais encore abusant de l’Evangile selon leur coutume pour ouvrir la porte à une licence toute charnelle, ont dit et écrit au grand détriment des fidèles, bien des choses contraires à la croyance de l’Eglise catholique et à la coutume suivie religieusement depuis le temps des apôtres. Le saint concile voulant opposer une digue à leur témérité, a jugé à propos de foudroyer les principales erreurs et hérésies de ces schismatiques, de peur que d'autres encore ne se laissent gagner par cette funeste contagion, et il les a anathématisés, eux et leurs erreurs, dans les termes suivants, etc. " Suivent douze canons sous forme d'anathèmes dont nous avons déjà rapporté plusieurs.
6. S. EVARISTE pape et martyr, Epist. I ad omnes episcopos africanos (Nous avons déjà observé que c'est une fausse décrétale) : " Nous tenons des apôtres par tradition que l'union entre l'homme et la femme doit être légitime. Or, elle ne le serait pas, comme nous l'avons appris de nos pères ou des apôtres eux-mêmes et de leurs successeurs, si la femme n'était demandée à ceux qui ont autorité sur elle et sous la garde desquels elle est, puis fiancée par les auteurs de ses jours ou par ses plus proches parents, et dotée conformément aux lois ; qu'enfin elle reçoive quand il en sera temps, la bénédiction du prêtre, bénédiction qui sera accompagnée de prières particulières et de l'offrande du saint sacrifice ; qu'elle soit gardée et remise à son époux par des paranymphes suivant l'usage, qu'elle soit demandée à ses plus proches parents quand le temps en sera venu, qu'elle soit dotée selon les lois, et acceptée solennellement ; que les deux époux vaquent ensuite à la prière l'espace de deux ou trois jours, qu'ils gardent ensemble la chasteté, qu'ils élèvent une honnête famille, et s'attachent à plaire au Seigneur dans tous les actes de leur vie. Car c'est par tous ces moyens qu'ils plairont au Seigneur, et qu'ils n'auront pas pour enfants des bâtards, mais des enfants légitimes et capables d'hériter. Sachez donc, mes chers et vénérables frères, que les mariages contractés dans ces conditions sont légitimes, comme l'enseigne la foi catholique. "
7. Le concile de Trente, Décret de réformation touchant le mariage, chapitre I : " Quoiqu'il ne faille pas douter que les mariages clandestins, contractés librement par les deux époux,
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soient valides et de véritables mariages, tant que l’Eglise ne les a pas rendus nuls, et qu'on doive par conséquent condamner, comme le saint concile les condamne avec anathème, ceux qui nient que ces mariages soient vrais et valides, et qui affirment faussement que les mariages des enfants de familles, contractés sans le consentement de leurs parents, sont nuls par cela seul, et qu'il dépend des parents de les valider ou de les annuler ; il n'est pas moins vrai que la sainte Eglise de Dieu a toujours eu en horreur, pour d'excellentes raisons, ces sortes de mariages, et qu'elle les a toujours défendus. Mais le saint concile s'apercevant que l'esprit de désobéissance a rendu ces prohibitions inutiles, et considérant les péchés énormes qui résultent de ces mariages clandestins, surtout par rapport ceux qui ne craignent pas de passer leurs jours dans un état de damnation, en abandonnant l'épouse avec laquelle ils ont contracté clandestinement pour contracter publiquement avec une autre, et vivre ainsi dans un adultère de tous les instants ; l’Eglise qui d’ailleurs ne juge pas des choses secrètes et cachées, ne pouvant obvier à un tel mal que par quelque remède d'une efficacité particulière ; le concile donc, suivant l'exemple de celui de Latran tenu sous Innocent III, ordonne qu’à l'avenir, avant que l'on contracte mariage, le propre curé des parties contractantes annoncera trois fois publiquement dans l’Eglise, pendant la messe solennelle, par trois jours de fêtes consécutifs, les noms de ceux qui doivent contracter ensemble, et qu’après les publications faites ainsi, s'il ne se présente aucun légitime empêchement, on procédera à la célébration du mariage en face de l'Eglise, où le curé, après avoir interroge l'époux et l'épouse, et obtenu la déclaration de leur consentement réciproque, dira sur eux : Je vous unis par le lien du mariage au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, ou se servira d'autres expressions, suivant l'usage reçu dans chaque province. "
" S'il y avait un soupçon fondé que le mariage pût être malicieusement empêché à l'occasion de ces trois publications, on pourrait se contenter même d'une seule publication, pourvu du moins que le mariage se célébrât en présence du curé et de deux ou trois témoins ; puis, avant qu'il fût consommé, on ferait les publications à l'église, pour découvrir plus facilement les empêchements qui pourraient se trouver ; à moins que l'ordinaire ne trouvât plus expédient d'accorder la dispense de
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ces publications : ce que le saint concile abandonne à son jugement et à sa prudence. "
" Quant à ceux qui entreprendraient de contracter mariage autrement qu'en présence du curé ou d'un autre prêtre autorisé par le curé lui-même ou par l'ordinaire, et de deux ou trois témoins, le saint concile les rend absolument inhabiles à contracter de cette manière, et déclare de tels contrats invalides et nuls, comme il les casse et les annule par le présent décret. "
" Le saint concile ordonne aussi que le curé ou tout autre prêtre qui assistera à un mariage sans le nombre de témoins voulu, comme les témoins qui y assisteraient sans le curé ou un autre prêtre, ainsi que les contractants eux-mêmes, seront sévèrement punis, à la discrétion de l'ordinaire. "
" Il exhorte de plus les époux à ne point demeurer ensemble dans la même maison avant qu'ils aient reçu à l’église la bénédiction du prêtre, et il ordonne que cette bénédiction sera donnée par le propre curés, sans qu'aucun autre que le curé lui-même ou l'ordinaire, puisse accorder à un autre prêtre la permission de la donner, nonobstant tout privilège et toute coutume, même de temps immémorial, qu’on doit en ce cas nommer abus plutôt qu'usage légitime. Si un curé ou un autre prêtre séculier ou régulier, était assez téméraire pour marier ou bénir des époux sans la permission de leur curé, quand même il prétendrait avoir en sa faveur un privilège ou une coutume de temps immémorial, il sera par là même suspendu de droit, jusqu'à ce que cette suspense soit levée par l'ordinaire du curé à qui devait assister au mariage ou donner la bénédiction nuptiale. "
" Le curé aura un registre sur lequel il inscrira les noms des époux et des témoins, ainsi que le jour et l'heure du mariage contracté, et il le gardera soigneusement chez lui. "
" Enfin, le saint concile exhorte les époux à faire la confession exacte de leurs péchés et à recevoir avec piété le sacrement de l'eucharistie, avant qu'ils contractent leur mariage, ou du moins trois jours avant de le consommer. "
" S'il y a à ce sujet dans quelques provinces d'autres usages louables ou d'autres pieuses cérémonies que celles qu'on vient de dire, le saint concile désire vivement qu'on les retienne et qu'on les observe. "
" Et pour que personne n'ignore ces salutaires instructions, le saint concile enjoint à tous les ordinaires de faire publier au plus tôt et expliquer ce décret au peuple dans chaque église
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paroissiale de leurs diocèses, de manière que cela se fasse plusieurs fois la première année, puis les années suivantes autant de fois qu'il semblera à propos. Il ordonne en outre que ce décret ait force et vigueur dans chaque paroisse trente jours après la première publication qui en aura de faite dans cette paroisse, à compter de ce jour-là même. "
8. S. CHRYSOSTOME, Hom. XX in Epistolam ad Ephesios : " Oui, c'est un mystère, et un grand mystère, que l'homme abandonnant celui qui l'a engendré et élevé, aussi bien que celle qui l'a conçu et enfanté, et qui a enduré pour lui tant de douleurs ; que l'homme, dis-je, abandonnant ceux qui lui ont fait tant de bien, et avec qui il a passé tous les jours de son enfance et de sa jeunesse, s'attachant à une étrangère, à une inconnue, et la mette dans son amour au-dessus de tout autre objet créé. Oui, c'est un mystère. Et les parents voient cela, et ils le souffrent sans s'en fâcher ; ils se fâcheraient plutôt s'ils ne le voyaient faire, et ils se sentent heureux de supporter pour ce sujet de grandes dépenses, de mettre pour cela à contribution tout leur avoir. Oui, c'est un grand mystère, qui couvre une sagesse profonde. C'est là ce que faisait entendre Moïse de sa voix prophétique ; c'est aussi là ce que nous prêche saint Paul, quand il nous dit de sa grande voix : En Jésus-Christ et en son Eglise. Mais cette parole n'a pas été dite pour l'homme seul, mais aussi pour son épouse, afin qu'il en prenne soin comme de sa propre chair, de même que Jésus-Christ prend soin de son Eglise, et que la femme ait du respect pour son mari (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, tome XI, page 148, édit. des Bénédictins ; page 170, édit. Gaume). "
9. S. A.MBROISE, Lib. I de Abraham, c. 7 : " Il n'est permis à personne de connaître d’autre femme que son épouse. C'est pour cela que le droit de contracter mariage vous a été donné, afin que vous ne tombiez pas dans les filets du démon, en péchant avec une femme qui vous serait étrangère. Etes-vous là avec une femme ? ne cherchez point à vous délier, parce que, tant qu'elle vit, il ne vous est pas permis d'en prendre une autre : autrement, ce serait vous rendre coupable du crime d'adultère. . . Nous savons que le mariage a pour régulateur et pour protecteur Dieu même, qui ne saurait souffrir que le lit nuptial soit souillé par un étranger. Que néanmoins celui-ci se porte à le faire, qu'il sache qu'il pèche contre Dieu, dont il viole la loi et anéantit le
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bienfait. Et en péchant contre Dieu, il perd tout droit au sacrement divin. "
10. S. FULGENCE, Epist. II ad Gallam de statu viduali, c. 5 : " Les mariages des chrétiens sont des mariages saints, parce que la chasteté conjugale y est observé quant à ce qui regarde le corps, et la pureté de la foi quant à ce qui regarde l'âme. Nous avons pour l'affirmer l'autorité de l'Apôtre, qui dit : Que le mariage soit traité avec honneur par tous ceux qui s'y engagent, et que le lit nuptial soit conservé exempt de souillure. Le mariage n'est donc pas l'effet du péché, mais l'ouvrage de Dieu ; et en se rendant mutuellement le devoir auquel ils se sont engagés, les époux tant qu'ils se tiennent dans les bornes de la modestie, ne font qu'accomplir le précepte de Jésus-Christ, parce qu'alors ils ne manquent pas à la chasteté, pas plus qu'à l'amour conjugal. Ce que repousse la chasteté conjugale, ce sont les commerces adultères ; aussi quiconque est attaché aux règles d'une honnête pudeur se garde-t-il bien de demander à d'autres qu'à l'unique personne à laquelle il est uni, ce qu'il sait ne devoir lui-même qu’à cette personne. "
11. S. AMBROISE (Ou plutôt le diacre Hilaire, véritable auteur des commentaires dits de saint Ambroise sur les épîtres de saint Paul. Voir NAT. ALEX., Hist. eccl. IV sæc., édition de Mansi ou de Venise), in caput V ad Ephesios, comme plus haut, question précédente, témoignage 5, page 265.
12. S. LEON-LE-GRAND, Epist. XCII ad inquisitiones Rustici episcopi Narbonensis, c. 4 : " Toute femme unie à un homme n'est pas pour cela son épouse, de même que tout fils n'est pas pour cela héritier de son père Or, les contrats de mariages entre personnes libres et d’égale condition sont légitimes de droit divin, longtemps avant que le droit romain eût déclare qu'ils l'étaient. Une épouse est donc autre chose qu'une concubine, de même qu'une esclave est autre chose qu'une personne libre. C'est pourquoi l'Apôtre, voulant montrer la différence qui existe entre ces deux classes de personnes, emprunte le témoignage de la Genèse où Dieu dit à Abraham : Mettez dehors la servante et son fils (Gal., IV, 30) ; car le fils de l'esclave ne doit pas être héritier avec votre fils Isaac. La société conjugale ayant donc été établie dès l'origine des choses pour représenter le mystère de Jésus-Christ et de son Eglise outre l'union des sexes qui en est le résultat, il est incontestable qu'il n'y a pas mariage là où ce mystère ne saurait avoir sa signification. "
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13. S. AUGUSTIN, Lib. I de nuptiis et concupiscentiâ, c. 10 et 21 ; c'est ce qui a été déjà rapporté à la question précédente, témoignages 2 et 3, page 263 et 264.
14. Le même, Lib. de bono conjugali, c. 18,
comme dans le corps de la réponse à la question actuelle,
et ci-dessous, question III, témoignage 10.
Question III
Un mariage peut-il quelquefois être dissous ?
Un mariage ne peut jamais être dissous ; c'est un lien indissoluble ; ce que prouvent ces paroles du premier homme : L'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à son épouse et ils ne seront tous deux qu'une même chair. Cette vérité, Jésus-Christ l'a aussi confirmé, lorsqu'il a répété ces paroles d'Adam comme inspirée de Dieu lui-même, en y ajoutant ces autres paroles : Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. Il a dit encore ailleurs : Quiconque renvoie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère et celui qui épouse une femme renvoyée par son mari, commet un adultère. Saint Paul expliquant cette loi de Dieu, ce précepte inviolable en un mot, de l'indissolubilité du lien conjugal, s'est exprimé de la manière suivante : Quant à ceux qui sont déjà mariés, ce n'est pas moi, mais c'est le Seigneur qui leur fait ce commandement, savoir, que la femme ne se sépare point d'avec son mari ; que si elle s'en sépare qu'elle demeure sans se marier, ou qu'elle se réconcilie avec son mari ; et que le mari de même ne quitte point sa femme. Il dit encore plus loin : La femme est liée à la loi du mariage, tant que son mari est vivant.
En conséquence quand même les époux n’auraient aucune espérance d'avoir des enfants, et qu'ils éprouveraient toutes les incommodités de la vie, tous les maux enfin, leur mariage n'en pourrait pas davantage être dissous, et le lien en est tellement fort, surtout si le mariage a été consommé qu'il reste indissoluble jusqu’à la fin de leurs jours. C'est pourquoi l'un des époux ne peut pas quitter l'autre d'une manière absolue, si ce n'est pour embrasser l'état religieux avant que le mariage n'ait été consommé. Que s'il se présenté des raisons qui obligent les époux se séparer, le lien qui les unit n'est pas dissous pour cela ; il n'y a que la cohabitation entre eux qui pour lors se trouve empêchée.
La raison de cette indissolubilité doit se prendre de Jésus-Christ même, qui s'est uni l’Eglise, sa chère et unique épouse,
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de façon à ce qu'elle ne se sépare
jamais de lui ni qu'il ne se sépare jamais d'elle. Et cette union
qui existe entre l'homme et la femme ne les lie pas seulement l'un à
l'autre d'une manière indissoluble ; mais elle exclut en outre toute
polygamie, c'est-à-dire qu'elle interdit à l'homme d'avoir
plusieurs femmes, comme à la femme d'avoir plusieurs maris. C'est
pour cela que Jésus-Christ, voulant et fortifier le lien du mariage,
et le ramener à la pureté de son état primitif, s'est
servi de cette expression énergique : Ils ne seront tous doux qu'une
même chair, comme de cette autre tout-à-fait semblable : Ils
ne sont plus deux, mais une seule chair.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. MATTHIEU, XIX, 4-6 : " N'avez-vous pas lu que celui qui créa l'homme au commencement, les fit mâle et femelle, et qu'il dit : - A cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils ne feront plus tous deux qu'une même chair. - Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. - Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni. "
2. MARC, X, 6-9 : " Dès le commencement du monde, Dieu
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forma un seul homme et une seule femme. - C'est pourquoi, l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à son épouse. - Et ils seront deux dans une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. - Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni. "
3. LUC, XVI, 48 : " Quiconque renvoie sa femme et en prend une autre, commet un adultère, et quiconque épouse celle que son mari a renvoyée, commet un adultère. "
4. MARC, X, 11-12 : " Quiconque renvoie sa femme et en épouse une autre, commet envers elle un adultère ; - et si une femme quitte son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère. "
5. Romains, VII, 2-3 : " Une femme mariée est lié par la loi du mariage à son mari tant qu'il est vivant ; mais s'il vient à mourir, elle est dégagée de la foi qui la liait son mari. - Si donc elle épouse un autre homme pendant la vie de son mari, elle sera tenue pour adultère ; mais si son mari vient à mourir, elle est affranchie de cette loi, et elle peut en épouser un autre sans être adultère. "
6. I Corinthiens, VII, 10 : " Quant à ceux qui sont mariés, etc. " (Comme dans le corps de la réponse).
7. Ephésiens, V. (Comme ci-dessus, question I, page 262).
8 Cantique, V, 1-2, 9 : " Je suis venu dans mon jardin, ma sœur mon épouse, etc. - Ouvrez moi, ma sœur, ma bien-aimée, ma colombe, ma toute belle, etc. - Qu'a donc votre bien-aimé au-dessus de tout ce qu'on aime, ô la plus belle des femmes ? Qu'a donc votre bien-aimé au-dessus de tout ce qu'on aime, pour que vous nous conjuriez ainsi ? "
9. Genèse, II ; comme à la question
I, témoignage 3, p. 261.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. ORIGENE, Tract. VII in Matthæum : " Je sais qu'il y a des évêques qui, sans y être autorisé par l’Ecriture, ont permis de se remarier du vivant même de l'autre époux. En cela ils ont agi contre l’Ecriture, qui dit expressément que la femme est liée tant que son époux est vivant (I Cor., VII, 39) ; qui dit encore : Tant que son mari sera vivant, elle sera adultère si elle se met avec un autre (Rom., VII, 2-3). . . De même qu'une femme est adultère, si elle se marie avec un autre du vivant de son époux, quand même cette nouvelle union semblerait sanctionnée par les lois du siècle, ainsi en est-il de l’homme qui, quand même il s'y
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croirait autorisé par ces mêmes lois, épouserait une autre femme du vivant de sa première épouse : il serait de même adultère, en vertu de la sentence de Jésus-Christ. "
2. Le quarante-huitième canon des apôtres (Il ne paraît pas que ces canons aient une date antérieure au quatrième siècle. Voir Mansi, dans ses notes sur l'histoire ecclésiastique de Noël-Alexandre) : " Si un laïque, renvoyant sa propre épouse, en épouse une autre, quand même celle-ci aurait été congédiée par son mari, qu'il soit excommunié. "
3. S. AMBROISE, in caput XVI Lucæ : " Gardez-vous de renvoyer votre épouse, de peur de faire injure à Dieu qui est l’auteur de votre union. Car si vous devez supporter les défauts des étrangers, à plus forte raison devez-vous user de la même tolérance à l’égard de votre épouse, en vous appliquant à la rendre elle-même plus traitable. Ecoutez ce qu'a dit Notre-Seigneur : Celui qui renvoie sa femme, est cause de l'adultère qu'elle peut commettre ensuite (MATTH., V, 32). Car celle-ci, à qui il n'est pas permis, tant que son mari est vivant, de songer à un autre, peut alors être tentée de manquer à son devoir. Celui donc qui est la cause de son égarement devient coupable de son crime. Où l'envoyez-vous, cette femme déjà chargée d’enfants et enceinte de nouveau ? Où cette autre accablée de vieillesse portera-t-elle ses pas chancelants ? Vous commettrez une cruauté si, retenant les enfants, vous expulsez la mère : en même temps que vous manquerez en cela à l'amour conjugal, vous ferez outrage à la piété maternelle. Vous commettrez une cruauté encore plus grande, si à cause de la mère vous expulsez aussi les enfants, lorsque ces enfants devraient plutôt racheter aux yeux de leur père la faute commise par leur mère. Dans quels périls ne jetterez-vous pas cette jeune épouse en exposant sa fragilité à des tentations violentes ! Quelle impiété n'exercerez-vous pas envers cette autre, en l'abandonnant dans sa vieillesse, après l'avoir dépouillée de sa virginité dans sa jeunesse ! Ainsi donc il sera permis à l'empereur de priver de sa retraite, en le congédiant ignominieusement, un vétéran qui aura blanchi sous ses drapeaux, et à un propriétaire de chasser de sa ferme le fermier usé avant le temps par l’excès du travail ? Est-ce donc qu'il vous serait permis de faire à votre égard ce qui ne l'est pas à l’égard d’un inférieur ? Ainsi vous congédiez votre épouse comme de plein droit et sans crime de sa part, et vous vous croyez la chose permise, parce qu'elle n'est pas défendue par la loi
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humaine : mais elle est défendue par la loi divine. Vous qui vous faites honneur d'obéir aux hommes, respectez donc aussi l'autorité de Dieu. Ecoutez la loi de Celui à qui obéissent ceux qui postent des lois : Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni (MATTH., XIX, 6). Mais non-seulement vous violez en cela le précepte divin ; vous détruisez encore l'ouvrage de Dieu. Souffrirez-vous, je vous le demande, que vos propres enfants passent de votre vivant sous la domination d'un beau-père ? ou que, la mère elle-même restant vivante, ils se voient maltraités pas une marâtre ? Supposez qu’elle ne cherche pas un nouveau mari après que vous l'aurez répudiée ; comment donc aura pu vous déplaire une femme qui vous gardera sa foi, même après que vous aurez à son égard parjuré la vôtre ? Supposez au contraire qu'elle se remarie ; la nécessité où vous l'aurez mise de le faire sera votre crime, et ce que vous appelez mariage ne sera autre chose qu’un adultère. Qu'importe en effet que vous le reconnaissiez pour ce qu'il est, ou que vous dissimuliez l'adultère sous le nom spécieux de mariage, si dans tous les cas vous en être coupable ? N'est-ce pas plutôt un crime plus grand encore d'ériger votre crime en loi, que de le commettre simplement ? "
4. S. AUGUSTIN, de adulterinis conjugiis, lib. II, c. 5 : " De même que celui qui a une fois reçu le sacrement de régénération, s'il vient à être excommunié pour quelque crime, ne perd pas le caractère de son baptême (nec illo sacramento caret), quand même il ne serait jamais réconcilié avec Dieu ; ainsi une femme qui a été une fois unie par le lien conjugal à son époux, si elle vient à être congédiée pour cause de fornication, n'est point affranchie de ce lien, quand même elle ne serait jamais réconciliée à son mari ; mais elle ne pourra l'être que si son mari vient à mourir. Celui au contraire qui est excommunié ne perdra jamais le caractère de son baptême, quand même il ne serait jamais réconcilié, parce que Dieu qui lui a imprimé ce caractère est immortel. Or ce caractère lui reste, afin que, si nous voulons ne pas nous écarter des sentiments de l’Apôtre, nous nous gardions de dire qu'un adultère doit être compté pour mort, et qu'en conséquence son épouse peut se remarier à un autre homme. Car, bien que l'adultère soit une espèce de mort, non pour le corps il est vrai, mais ce qui est bien pire, pour l’âme, ce n'est pas cependant de cette mort que l’Apôtre parlait lorsqu'il disait : Si son mari vient à mourir, qu’elle se remarie a qui elle voudra ; mais de la mort qui résulte de la séparation du corps et de l'âme. Car
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si le lien conjugal était rompu par l'adultère de l'un des époux, il s'ensuivrait cette absurdité dont j'ai montré les funestes conséquences, qu'une femme devrait à son impudicité d’être affranchie de ce lien, c'est-à-dire d'être désormais indépendante de l’autorité de son époux. Et ainsi, chose tout-à-fait absurde, elle ne serait pas adultère en s'unissant à un autre homme, parce que son adultère même l'aurait affranchit de l'autorité de son mari. Or, si cela est tellement contraire à la raison, qu'il n'est pas même nécessaire d’être chrétien, mais qu'il suffit d'être homme pour refuser de l'admettre, il faut donc s'en tenir à dire qu'une femme reste engagée, tant que son mari est vivant, ou pour parler plus clairement encore, tant que le corps de son mari reste uni à son âme. Par la même raison le mari reste toujours engagé par ses serments, tant que la vie n'a pas quitté le corps de son épouse. D'où il suit que s'il veut congédier celle-ci pour cause d'adultère, il ne doit pas prendre une autre femme, à moins de vouloir tomber dans la faute même qu'il aurait reprochée à son épouse. De même si la femme se sépare de son époux comme coupable d'adultère envers elle, elle ne doit pas chercher un autre mari, parce qu'elle resté liée tant que son mari est vivant, et qu'il n'y a que la mort de celui-ci qui puisse lui rendre la liberté de se marier à un autre. "
5. Ibidem, c. 9 : " Eh ! qu'importe qu'elle se réconcilie avec son mari, si, ne se laissant pas touchée par la divine miséricorde, elle reste adultère par rapport à Dieu, pourvu encore que pendant sa séparation d’avec son mari, elle n'ait pas contracté avec quelque autre un de ces mariages monstrueux, qui ne serait qu'un adultère proprement dit ? Car la femme est liée tant que son mari est vivant. Donc, par la même raison, le mari reste lié tant que sa femme est vivante. La permanence de ce lien fait que ni l'un ni l’autre ne peut entreprendre un autre mariage sans se rendre coupable d'adultère. Et ainsi des deux époux il se fait quatre adultères, savoir les deux époux eux-mêmes et leurs complices respectifs. Car, bien que le crime soit plus grand de quitter sa femme pour en prendre une autre sans avoir à reprocher à la première aucune fornication, ce qui est l'adultère condamné dans l’Evangile de saint Matthieu (XIX, 9), il n'y a pas néanmoins que ce crime qui soit un adultère ; mais c'en est un autre, comme il est dit dans saint Marc (X, 11), qu'un homme quitte sa femme pour prendre une autre femme, ou qu'une femme quitte son mari pour prendre un autre mari, ou
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comme il est dit dans saint Luc (XVI, 48), qu'un homme quitte sa femme pour prendre une autre femme, ou qu'un homme prenne la femme congédiée par le premier. J'ai discuté assez au long dans le premier livre ces divers passages. "
6. Le même, Lib. L homiliarum, hom. XLIX, c. 2 : " Il ne vous est pas permis d’avoir pour épouses des femmes dont les premiers maris sont encore vivants. Et vous, femmes, il ne vous est pas permis d'avoir pour époux des hommes dont les premières épouses vivent encore. Ce serait là des mariages adultères, sinon de droit humain, à coup sûr de droit divin. Il ne vous est pas permis non plus d'épouser du vivant du mari la femme que ce dernier a répudiée. Il n'y a que la cause de fornication qui autorise un homme à congédier sa femme adultère ; mais il ne serait pas autorisé pour cela à prendre une autre femme du vivant de celle qu’il aurait congédiée. Et vous, femmes, il ne vous est point permis de prendre pour époux des hommes que leurs femmes elles-mêmes auraient répudiés. Non, cela ne vous est point permis. Ce seraient là des adultères plutôt que des mariages. Méprisez tant que vous voudrez la personne d'Augustin, mais craignez Jésus-Christ. "
7. Le concile de Milève, canon 17 : " Les Pères du concile ont décrété que, conformément aux enseignements de l’Evangile et à la discipline établie par les apôtres, ni le mari congédié par son épouse, ni l’épouse congédiée par son mari, ne pourraient se marier à d'autres ; mais qu'ils devaient demeurer en cet état, ou se réconcilier ensemble. S'ils refusent de le faire, qu'ils soient mis en pénitence. Il sera bon de solliciter pour ce sujet la promulgation d'une loi impériale "
8. S. AUGUSTIN, Lib. de bono conjugali, c. 7 : " Cette alliance contractée entre les époux est tellement sacrée en vertu du sacrement qu'elle constitue, que la séparation même qui par la suite aurait lieu entre eux ne saurait l'anéantir, puisque la femme ne peut sans adultère épouser un autre homme, tant que celui qui l'a congédiée est vivant ; et le mal qui en résulte, c'est à ce dernier qu'elle doit l'imputer. . . . . "
" Ce lien entre les époux est si fort, que, bien qu'il soit formé par le motif d'avoir des enfants, il ne serait pas rompu quand bien même ce motif ne pourrait plus être de mise. Car, à ne considérer que ce motif, un homme pourrait congédier sa femme qu'il verrait stérile, pour en prendre une autre qu'il croirait féconde ; et pourtant la chose n'est plus permise aujourd'hui,
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pas plus qu'il ne l'est de prendre en pareil cas une femme de plus, comme y autoriseraient les lois romaines : et certes la multiplication du genre humain pourrait être plus grande, si l'époux adultère étant congédié, on contractait un autre mariage, ou que l'époux adultère pût lui-même en contracter un autre. Si néanmoins cela n'est pas permis, comme semble nous le dire la loi divine, qui ne voit qu'un lien aussi fort doit avoir une haute signification ? Je ne pense pas en effet qu'une telle fermeté eût pu être donnée à ce lien conjugal formé entre des êtres mortels d'une nature si infirme, s'il n'y avait là un sacrement relatif à quelque chose de plus élevé, qui s'opposât, ne fût-ce que pour les punir, aux efforts qu'ils feraient ensuite pour le dissoudre ou pour le rompre ? Car, quand même le divorce interviendrait entre les époux, l'engagement contracté par eux ne serait pas pour cela anéanti ; et même séparés, ils seraient toujours époux l’un de l'autre, et le mariage qu'ils contracteraient avec d'autres personnes, après ce divorce consommé, serait toujours un adultère. Or, ce n'est que dans la cité de notre Dieu, et sur sa montagne sainte, qu'il en va ainsi de l’époux à l’épouse. "
9. Le même, ibidem, c. 15 : " Dans la cité de notre Dieu, où le lien nuptial formé une première fois entre deux êtres humains renferme un sacrement (ou une signification sacrée et mystérieuse), le mariage une fois contracté ne peut être dissous que par la mort. Car ce lien continue de subsister, quand même le désir d'avoir des enfants, qui en aurait été le motif, se trouverait frustré par la stérilité de l’épouse ; et les époux mêmes assurés désormais qu’ils ne pourraient avoir d'enfants l'un de l'autre, n'en seraient pas plus en droit de se séparer pour contracter de nouveaux mariages, fût-ce même dans le dessein de se donner une postérité. "
10. Ibidem, c. 18 : " De même qu'on ne peut pas servir deux ou plusieurs maîtres, ainsi une épouse ne peut pas du vivant de son époux passer à un nouveau mariage ; et c'est ce qui n'a jamais été permis, pas plus que cela ne le sera jamais. Car c'est toujours un mal d’apostasier le culte du Dieu unique, pour passer à des superstitions qui sont sous ce rapport de véritables adultères. Aussi les saints dont s'honore notre Eglise n'ont-ils jamais fait ce qui est rapporté de Caton, cet illustre Romain, qui cédait son épouse à ses amis pour leur donner, de son propre vivant, des enfants qui pussent les appeler leurs pères. Car, dans les mariages contractés entre les fidèles, il faut con-
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sidérer la sainteté du sacrement plus encore que la fécondité de l'épouse. "
11. Ibidem, c. 24 : " Chez toutes les nations etc. " comme plus haut, question I, témoignage 4, page 264.
12. S. JEROME, Eloge funèbre de Fabiole, ad Oceanum Epist. XXX, c. 1 : " Jésus-Christ défend au mari de quitter sa femme, si ce n'est en cas d'adultère ; et à la femme que son mari aura quittée, il lui défend de se remarier. Ces paroles s'adressent aux femmes aussi bien qu'aux hommes : car une femme n'est pas moins en droit de quitter son mari lorsqu'il lui est infidèle qu'un mari ne l'est de répudier sa femme quand elle est coupable de ce même crime. Si, comme le dit saint Paul, celui qui s'unit à une femme prostituée devient un même corps avec elle (I Cor., VI, 16), il s'ensuit également qu'une femme qui habite avec un homme impudique et débauché n fait qu'un même corps avec lui. Autre est ici la loi de Jésus-Christ, autre est celle des Césars ; autre est la jurisprudence de Papinien, autre est la doctrine de saint Paul notre apôtre. Ceux-là, lâchant la bride à l'incontinence des hommes, et leur défendant seulement le viol et l'adultère, leur permettent de s'abandonner à toute sorte de débauches avec les femmes perdues ou de vile condition ; comme si c'était la condition des personnes, et non la corruption du cœur qui ferait le crime. Mais, selon la loi de l’Evangile, ce qui n'est pas permis aux femmes est également interdit aux hommes et, comme ils servent le même Dieu, ils ont aussi les mêmes obligations à remplir. . . . . "
" Fabiole donc, s'étant persuadée qu'elle avait eu raison de quitter son mari, et ne sachant pas jusqu'où s'étendaient les obligations de la loi évangélique, qui défend aux femmes, sous quelque prétexte que ce soit, de se remarier du vivant de leurs maris, reçut sans y penser une blessure, en voulant empêcher le démon de lui en faire plusieurs autres. Mais pourquoi m'arrêter ici à excuser une faute dont on a déjà perdu le souvenir, et qu'elle a confessé et expié par la pénitence ? Après la mort de son second mari, dans un temps où les veuves dont la conduite n'est pas régulière, se voyant affranchies des liens du mariage qu'elles regardaient comme une rude servitude, ont coutume de vivre avec plus de liberté, d’aller aux bains, de courir dans les places publiques et de prendre des airs de courtisanes, on vit, qui le croirait ? Fabiole revenue à elle-même, se couvrir d'un sac, faire une confession publique de sa faute, et la veille de Pâques, à la vue de Rome entière, se mettre au rang des pénitentes
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à la porte de la basilique où était autrefois le palais de ce Lateranus auquel un empereur fit trancher la tête (Plautius Lateranus eut la tête tranchée pour avoir conspiré contre Néron. Son palais était sur le mont Cœlius. L'empereur Constantin y fit bâtir une église magnifique, qu'il dédia au Sauveur, avec une chapelle sous le vocable de saint Jean-Baptiste, et qu'on appelle aujourd'hui Saint-Jean-de-Latran, du nom de ce Lateranus.). On la vit les cheveux épars, les mains souillées de poussière, la tête couverte de cendres, le corps prosterné contre terre, tirant des larmes des yeux de l’évêque, des prêtres et de tout le peuple témoin de ce spectacle attendrissant (Cf. Lettres choisies de saint Jérôme, traduites par D. Roussel, tome II, pag. 353-355). "
13. S. ISIDORE de Séville, Lib. II de officiis ecclesiasticis, c. 19 : " Ce n'est pas moi, dit l'Apôtre, mais c'est le Seigneur qui fait ce commandement, que la femme ne se sépare point de son mari. Car, le Seigneur défend aux époux de se séparer pour quelque raison que ce soit, de peur que l'époux congédié ne s'unisse avec un autre homme suivant la pratique des Juifs que Notre-Seigneur a condamnée par ces paroles : Celui qui renvoie sa femme, si ce n'est pour cause de fornication, et qui en épouse une autre, commet un adultère. Il n'y a, dit ici saint Jérôme (in caput XIX Matthæi), que l'adultère qui doive arrêter la piété conjugale. . . . . Que faire donc, si l'épouse est stérile, si elle est difforme, si elle est cassée de vieillesse, si elle est adonnée au vin, à la colère, à tous les vices, si elle est vaine, curieuse, fainéante, disputeuse, médisante ? Il faut la garder, bon gré mal gré, puisque vous l'avez une fois acceptée. Car vous étiez libre alors, et de votre plein gré vous vous êtes mis sous le joug ; et un homme une fois marié, comme vous le dit Lactance (Lib. VI, divin. instit., c. 23), ne peut fréquenter une autre femme, soit esclave soit libre, parce qu'il doit garder la foi de mariage qu'il a jurée. Car il ne faut pas juger de la loi divine comme de la loi civile, qui ne voit d'adultère que dans la femme, lorsque celle-ci, quoique mariée, se laisse corrompre par un autre homme, et qui considère comme exempt d'adultère le mari qui commet la même infidélité : la loi divine au contraire a tellement fait une même chair des deux époux, que l'un des deux, quel qu'il soit, ne peut, sans adultère, manquer à son engagement envers l'autre. "
14. Au livre III des Décrétales publiées par Grégoire IX, titre XXXII, De conversione conjugatorum, chap. 2, Verùm,
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Alexandre III dit en répondant à l'archevêque de Salerne : " Même après le consentement donné par des paroles de présent, il est licite à l'un des deux époux d’entrer malgré l'autre dans un monastère (comme nous lisons que l'ont fait plusieurs saints), pourvu qu'il n'y ait pas eu de commerce charnel entre ces deux époux ; et alors celui des époux qui restera dans le monde, s'il refuse de garder la continence, pourra contracter un second mariage. Car comme ils ne sont pas devenus une même chair, rien n'empêche que l'un se donne à Dieu, tandis que l'autre demeurera dans le siècle. " (V. ibidem, c. 7, Ex publico, une réponse de ce même pape Alexandre III à l'évêque de Brescia.)
15. Ibidem, c. 14, Ex parte tuâ, Innocent III écrit dans les termes suivants à l'archevêque de Lyon : " Quoiqu'il puisse sembler raisonnable, que du moment où les époux ont donné leur consentement par des paroles de présent, leur mariage ne puisse être dissous en aucun cas tant qu'ils sont vivants tous les deux, et qu'ainsi l'un ne puisse pas du vivant de l'autre contracter un nouveau mariage, quand même celui-ci, après le mariage contracté, deviendrait hérétique ou bien refuserait de demeurer avec sa partie conjointe autrement que pour lui faire offenser le Créateur (cum contumeliâ Creatoris), à moins qu'on ne se trouvât déterminé à agir autrement par quelque révélation divine, ainsi que nous le lisons de quelques saints ; nous cependant, ne voulant pas nous écarter des traces suivies par nos prédécesseurs qui ont répondu aux consultations qu'on leur avait adressées, que tant que le mariage n'est pas consommé par le commerce charnel, il est licite à l'un des époux d'entrer en religion, même sans avoir pris l'avis de l'autre, tellement que ce dernier peut dès-lors passer à un second mariage, nous vous conseillons d'observer la même règle dans le cas dont il s'agit. "
16. Le concile de Trente, session XXIV, canon 6 : " Si quelqu'un ose dire que le mariage contracté, mais non consommé, n'est pas dirimé par la profession solennelle en religion de l'un des deux époux, qu'il soit anathème. "
17. Le concile de Florence : " Le troisième bien ou avantage du mariage, c'est son indissolubilité fondée sur ce qu'il représente l'union indissoluble de Jésus-Christ et de son Eglise. Or, quoiqu'il soit permis de se séparer de lit pour cause de fornication, on n'est pas en droit pour cela de contracter un autre mariage, puisque le lien du mariage une fois légitimement contracté est indissoluble. "
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18. Le concile de Trente, session XXIV, canon 7 : " Si quelqu'un ose dire que l’Eglise se trompe, lorsqu'elle enseigne comme elle l'a fait jusqu'ici, conformément à la doctrine de l’Evangile et des apôtres, que le lien du mariage ne peut pas être dissous par l'adultère de l'un des époux, tellement que ni l'un ni l'autre, pas même celui des deux qui est innocent de l'adultère ne peut contracter mariage du vivant de sa partie conjointe, en sorte que ce serait se rendre soi-même coupable d'adultère que de contracter un autre mariage du vivant de la partie adultère, n'importe que ce soit l'homme ou que ce soit la femme : si quelqu'un, disons-nous, ose dire que l’Eglise se trompe en quelqu'un de ces points, qu'il soit anathème. "
19. Ibidem, canon 8 : " Si quelqu'un ose dire que l'Eglise se trompe, lorsqu'elle déclare que des époux peuvent pour grand nombre de causes être séparés de lit ou de cohabitation, qu'il soit anathème. "
20. S. AUGUSTIN, De adulterinis conjugiis, lib. I, c. XI : " Il nous reste à dire que saint Matthieu n'a exprimé qu'une partie de ce qu'il pouvait dire pour faire entendre le tout, et qu'il n'en a pas moins enseigné comme les autres évangélistes que l'homme devient adultère, si après avoir quitté sa femme il en épouse une autre, soit que la femme qu'il a quitté soit coupable de fornication, soit qu'elle n'en ait pas même été accusé par son mari. " Au chapitre IX de ce même livre, saint Augustin avait déjà résolu cette difficulté de la manière suivante : " Pourquoi Notre-Seigneur a-t-il parlé de fornication en particulier, au lieu de dire en général ? Quiconque quitte sa femme et en épouse une autre commet un adultère, si l'homme devient adultère toutes les fois qu'il épouse une autre femme, et quand même celle qu'il quitterait se serait rendue coupable de fornication ? C'est, je pense, que Notre- Seigneur a voulu par là montrer davantage la gravité de ce précepte. Car, qui peut nier que l'adultère ne soit plus criminel, lorsqu'il se commet à l'égard d'une épouse innocente, que lorsque cette épouse elle-même s'est rendue coupable de fornication ? Non, toutefois, que dans ce dernier cas ce ne soit plus un adultère de passer à un autre mariage ; tout ce que je veux dire, c'est que l'adultère est alors moins criminel. L'apôtre saint Jacques s'est servi d'une semblable manière de parler lorsqu'il a dit (IV, 17) : Celui-là est coupable de péché qui, sachant le bien qu'il doit faire, ne le fait pas. Est-ce qu'on peut en conclure que tel autre ne soit pas coupable, qui ne fait pas le bien dont il n'a pas connaissance ? Assurément
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cet autre là serait encore coupable, mais il le serait moins que le premier. Car un mal peut être moindre qu'un autre, et être cependant un mal (Cf. S. Augustini opera, tome VI, pag. 393 et 390-392, édition des Bénédictins : col. 668 et 664-665, édition de M. Gaume). "
21. S. ISIDORE de Séville, Lib. II de officiis ecclsiasticis, c. 19 : " Que le mariage doive avoir lieu, non entre un époux et plusieurs épouses, mais entre un époux et une épouse, c’est ce qui prouve l'exemple de l'union formée par Dieu même entre nos premiers parents. Car après que Dieu eut créé l'homme, et lui eut donné une compagne semblable à lui, et tirée d'une de ses côtes, il s'en tint là, sans chercher à Adam d'autres épouses, et ainsi ces deux premiers époux ont marqué dans leur propre exemple à tous leurs descendants quelle était la sainteté de l'union conjugale et la volonté primitive de Dieu à cet égard. De même, dans le sens spirituel, l'union individuelle de Jésus-Christ et de son Eglise exige une semblable unité dans le mariage de l'homme et de la femme, tant parce que cette unité est dans la nature même de la chose, que parce qu'elle est essentielle à la vérité du sacrement. Par contre, la pluralité des épouses a commencé par un homme maudit de Dieu. Ce fut Lamech à qui le premier, en épousant deux femmes, commit l’attentat de faire que trois à la fois devinssent une même chair. Quelqu'un objectera peut-être que les patriarches aussi prenaient plusieurs épouses, et voudra en conclure que la même chose nous est permise aussi. Oui, sans doute, cela est permis, devrons-nous dire, pourvu qu'on puisse nous prouver que cette pluralité de femmes puisse avoir comme autrefois une signification mystérieuse. Il est vrai cependant que l'Apôtre conseille de se marier en secondes noces, mais seulement pour remédier à l’incontinence. Car il vaut mieux, après tout, contracter une seconde union avec un homme, que de commettre, pour obéir à sa passion, la fornication avec plusieurs. Mais si l'on se donnait la licence, de se marier un plus grand nombre de fois, ce ne serait plus vertu, mais ce serait crime : Sæpiùs autem nubendi licentia, jam non est religionis, sed criminis (Par ces derniers mots, saint Isidore semble réprouver les troisièmes noces. Si telle était la pensée du saint docteur, il contredit en ce point la doctrine de l’Eglise, aussi bien que toute la tradition. Il vaut mieux entendre ces paroles en ce sens, que le motif qui porte alors à contracter de nouveaux mariages est le plus souvent une passion effrénée plutôt qu'un sentiment religieux). "
22. Le concile de Trente, session XXIV, canon 2 : " Si
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quelqu'un ose dire qu'il est permis aux chrétiens
d'avoir plusieurs femmes à la fois, et que cela n'est défendu
par aucune loi divine, qu'il soit anathème. "
Question IV
Le mariage est-il permis à tout le monde ?
Pas toujours. Car c'est une tradition qui nous vient des apôtres, suivant le témoignage de saint Epiphane, qu'il y a péché à contracter mariage après qu'on a fait vœu de garder la virginité toute sa vie. Et saint Jérôme affirme que c'est un péché si grand, si énorme, que les vierges qui se marient après avoir été une fois consacrées ont moins des adultères ajoute-t-il, que des incestueuses. Saint Augustin a dit aussi de son côté : " Une vierge qui pourrait se marier sans péché (tant qu'elle reste libre), ne peut plus se marier dès qu'elle est consacrée à la vie religieuse, sans devenir adultère par rapport à Jésus-Christ. Et la raison, c'est qu'elle a regardé derrière elle, et abandonné par cela seul la place qu'elle occupait auprès du divin époux. "
Par conséquent, " ce que dit l'Apôtre qu'il vaut mieux se marier que de brûler du feu impur, ne regarde, comme l'explique fort bien saint Ambroise, que les vierges qui n'ont pas encore fait de vœu, mais non celles qui ont déjà reçu le voile. Quant à celle qui s'est déjà vouée à Dieu et qui a reçu le voile, elle est dès-lors mariée et unie indissolublement à l'immortel époux ; et si, malgré cet engagement, elle veut contracter un mariage profane, elle commet un adultère et se voue à la mort. " C'est ainsi que s'est exprimé là-dessus saint Ambroise. Aussi a-t-on de tout temps fait l'éloge du rescrit de l'empereur Jovien, inséré par l'empereur Justinien dans le code des lois romaines, et qui porte que " si quelqu'un ose, je ne dis pas enlever, mais seulement tenter des vierges consacrées à Dieu en leur offrant l'appât du mariage, il devra être puni de mort. "
Même chose à dire des moines et des clercs engagés dans les ordres sacrés : ils encourent leur damnation, si, lâchant la bride à la passion de la volupté, ils démentent ou rendent vaine, irritam fecerunt, comme le dit l’Apôtre, la promesse qu'ils ont faite à Dieu et à l'Eglise. Car ils ont renoncé volontairement au mariage, du moment où ils ont fait le vœu formel de garder le célibat toute leur vie, ou que du moins ils s'y sont engagés tacitement en recevant les ordres sacrés.
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Qu'ils se rendent donc dociles à cet avis que Dieu
leur donne : Si vous avez fait un vœu, ne tardez pas à l'acquitter.
Et ailleurs : Faites des vœux au Seigneur votre Dieu, et accomplissez-les.
Jésus-Christ lui-même les en avertit par ces autres paroles
: Celui qui met la main à la charrue, et qui regarde derrière
soi, n'est pas propre au royaume de Dieu.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. I Corinthiens, VII, 8-10 : " Pour ce qui est des célibataires et des veuves, je leur déclare qu'il leur est bon de demeurer en cet état, comme j'y demeure moi-même. - Si néanmoins ils sont trop faibles pour garder la continence, qu'ils se marient ; car il vaut mieux se marier que de brûler d'un feu impur. - Quant à ceux qui sont mariés, ce n'est pas moi, mais c'est le Seigneur qui leur fait ce commandement : que la femme ne se sépare pas de son mari, etc. "
2. I Timothée, V, 11-13 : " Pour les jeunes veuves, ne les admettez point ; car après avoir vécu avec mollesse, elles secouent le joug de Jésus-Christ, et, veulent se remarier, - encourant ainsi leur condamnation devant Dieu en rendant vaine la foi qu'elles lui avaient donnée auparavant. - D'ailleurs, vivant dans l'oisiveté, elles s'accoutument à aller de maison en maison ; non-seulement
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oisives, mais encore causeuses et curieuses, s'entretenant de choses dont elles ne devraient pas parler. "
3. Ecclésiaste, V, 3-4 : " Si vous avez fait un vœu à Dieu, ne différez point de le lui acquitter : car la promesse infidèle et imprudente lui déplaît ; mais accomplissez tous les vœux que vous lui aurez faits. - Il vaut beaucoup mieux ne point faire de vœux que d'en faire, et de ne pas les accomplir. "
4. Deutéronome, XXIII, 21-23 : " Lorsque vous aurez fait un vœu au Seigneur votre Dieu, ne différez point de l'accomplir, car le Seigneur vous en demandera compte ; et si vous différez, votre délai vous sera imputé à péché. - Vous ne pécherez point en ne vous engageant par aucune promesse ; - Mais du moment où une parole sera sortie de votre bouche, vous l'observerez et vous ferez selon ce que vous aurez promis au Seigneur votre Dieu, puisque vous l'aurez promis volontairement par votre propre bouche. "
5. Psaume LXXV, 12 : " Faites des vœux, " etc.; comme dans le corps de la réponse, page 10.
6. LUC, IX, 57-62 : " Comme ils étaient en chemin,
un homme lui dit : Seigneur, je vous suivrai partout où vous irez.
- Jésus lui répondit : Les renards ont leurs tanières,
et les oiseaux du ciel leurs nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas où
reposer sa tête. - Puis il dit à un autre : Suivez-moi. Et
cet autre lui répondit : Seigneur, laissez-moi auparavant ensevelir
mon père - Jésus lui répartit : Laissez aux morts
le soin d'ensevelir leurs morts ; mais vous, allez annoncer le royaume
de Dieu. - Un autre lui dit aussi : Seigneur, je vous suivrai, mais laissez-moi
disposer de ce que j'ai dans ma maison. - Jésus lui répondit
: Quiconque ayant mis la main à la charrue, regarde derrière
soi, n'est point propre au royaume de Dieu. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. EPIPHANE, contre les apostoliques, hérésie LXI : " Ce que les apôtres ont enseigné se trouve en partie dans l’Ecriture, et en partie dans la tradition, selon ce que dit l'apôtre saint Paul : Sicut tradidi vobis ; ailleurs : Sic doceo, et tradidi in Ecclesiis ; ailleurs encore : Si continetis, nisi frustra credidistis (I Cor., XI, 23 ; XIV, 33 ; XV, 2). Les saints apôtres donc ont enseigné qu'il y a péché à contracter mariage après qu'on a fait vœu de virginité. D'un autre côté, l’Apôtre a écrit : Si une vierge se marie, elle ne pèche pas en cela (I Cor., VII, 28). Comment donc ceci
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s'accorde-t-il avec cela ? C'est que l'Apôtre voulait parler d'une vierge non consacrée à Dieu, qui pouvait ne pas trouver à se marier à cause du trop petit nombre de chrétiens qu'il y avait à cette époque. L’Apôtre lui-même fait voir que c'est là le sens de ses paroles, lorsqu'il dit ailleurs : N'admettez point les jeunes veuves ; car la mollesse de leur vie les portant à secouer le joug de Jésus-Christ, elles veulent se remarier, et encourent ainsi leur condamnation devant Dieu, en violant la foi qu'elles lui avaient donnée auparavant (I Tim., V, 11-12). Si donc celle qui est devenue veuve après l'expérience qu'elle a faite du monde, et qui, s'étant alors consacrée à Dieu, se remarie ensuite, encourt sa condamnation, pour avoir violé la foi qu'elle avait jurée ; à combien plus forte raison la vierge qui s'est consacrée à Dieu sans avoir jamais connu le monde, et qui se marie malgré cela, n'est-elle pas coupable d'avoir par esprit de mollesse secoué le joug de Jésus-Christ, violé une foi jurée encore plus solennellement, et n'encourt-elle pas sa condamnation, pour s'être désistée de sa promesse faite à Dieu même ? "
2. S. JEROME, Lib. I contra Jovinianum, c. 7 : " Si une vierge se marie, elle ne pèche pas en cela. Il ne s'agit pas ici d'une vierge qui s'est consacrée au service de Dieu : car dans ce dernier cas une vierge qui se marie encourt sa condamnation, comme coupable d'avoir violé la foi qu'elle avait jurée d'abord. Que si notre adversaire objecte que ces dernières paroles ont été dites des veuves, combien ces mêmes paroles ne doivent-elles donc pas avoir davantage de force par rapport aux vierges, à qui cela même qui leur était permis autrefois, ne l'est plus maintenant ? Car les vierges qui se marient après leur consécration sont coupables plutôt encore d'inceste, que d'adultère. "
3. S. BASILE-LE-GRAND, Lib. de verâ virginitate : " Après avoir voué à Dieu leur virginité, elles se laissent séduire et vaincre par l’appât des voluptés charnelles, et voudraient couvrir le crime de leur fornication du nom honorable de mariage. Elles n'ignorent pas, ces personnes, quoiqu'elles feignent de l'ignorer, que celle qui a violé l'alliance contractée avec son époux ne peut plus, ni être appelée l'épouse de celui qu'elle a abandonné en succombant à une pensée criminelle, ni l'être non plus par quelque loi que ce soit de celui à qui elle s'est livrée par passion en quittant son époux. Car un mariage n'est légitime et conforme à l'institution de Dieu, que lorsque la passion de la volupté ne fait pas enfreindre les lois divines, et qu'on se marie dans l'espérance
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de trouver pour cette vie une utile assistance, et dans le but d'avoir des enfants. . . . . "
" Que celui-là ne se fasse pas illusion, qui renonce à sa virginité pour s'abandonner au vice de la chair. Car le mariage qu'il contracte en ce cas lui sera imputé à péché, premièrement parce que c'est la volupté et la prévarication qu'il lui donne pour base, et ensuite parce qu'il n'était plus libre de le faire : car l'époux de cette âme n'est pas mort, pour qu'elle puisse se remarier à qui elle voudra. Tant que vit son immortel époux, cette âme est à bon droit jugée adultère, qui devenue esclave des vices de la chair, fait entrer un homme mortel dans le lit de son divin maître. "
4. Le même, Epist. 185 ad virginem lapsam : " Rappelez à votre souvenir la profession solennelle que vous avez faite en présence de Dieu, des anges et des hommes. Rappelez à votre souvenir cette auguste assemblée, ce chœur sacré de vierges. . . Aujourd'hui, qui ne s’écrierait en gémissant : Comment cette cité fidèle, si pleine de droiture et d'équité, est-elle devenue une prostituée (Is., I, 21) ? Et comment le Seigneur lui-même ne dirait-il pas à quelqu'un de ses serviteurs qu'animerait l'esprit de Jérémie : As-tu vu ce que m'a fait la fille d'Israël (JEREM., XVIII, 3) ? Je l’avais rendue mon épouse par une alliance de justice et de jugement, de compassion et de miséricorde, comme je le lui avais promis par mon prophète (OSEE, II, 19). Mais elle au contraire, elle s'est attachée à des étrangers, et bien que moi, son immortel époux, je sois toujours vivant, elle s'abandonne à l'adultère et recherche l'union d’autres époux que de moi. . . . . "
S'adressant au séducteur : " Tu as pris les membres de Jésus-Christ pour en faire ceux d'une courtisane. . . Il vaudrait mieux pour cet homme qu'on lui eût attaché au cou une meule de moulin et qu'on l'eût jeté dans la mer, plutôt que de violer comme il l'a fait le corps d'une vierge. Quel serait l'esclave assez téméraire, assez imprudent, pour oser se mettre dans le lit de son maître ? Quel serait le voleur assez insensé pour porter ses mains sur les dons mêmes consacrés à Dieu, je ne dis pas sur une matière insensible, mais sur des corps animés, et renfermant des âmes faites à l'image de Dieu ? A-t-on jamais entendu dire que quelqu'un, en plein midi, et en pleine cité, ait osé peindre des figures de pourceaux immondes sur la statue de l'empereur ? Si quelqu'un déshonorait l'épouse d’un homme mortel, il serait mis à mort sans miséricorde sur la déposition de deux
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ou trois témoins : quel supplice ne mérite donc pas celui qui, foulant aux pieds le Fils de Dieu, rend adultère l'épouse qu'il s'était unie, et affecte d'ignominie la vierge qu'il s'était consacrée. "
5. S. AUGUSTIN, in Ps. LXXXIII : " On retourne en arrière, mes frères, lorsque, du lieu et de l'état où l'on s'était avancé et où l'on avait fait vœu de se tenir, on tombe dans le relâchement, et qu'on quitté ce qu'on avait entrepris. Un homme, par exemple, a promis à Dieu de vivre chaste dans le mariage : car c'est là le premier degré d'une vie juste ; il a renoncé à la fornication et aux autres impuretés criminelles : s'il revient à les commettre, il tourne la tête en arrière. Un autre, poussé par une grâce de Dieu plus forte, a pris une résolution plus généreuse : il a promis à Dieu de ne jamais se marier : cet homme, qui pouvait sans se perdre se marier avant d'avoir fait ce vœu, ne le peut plus quand une fois il l'a fait : il serait condamné, s'il se mariait. Quoiqu'il ne fasse en se mariant que ce que font ceux qui n'ont point prononcé de semblables vœux, Dieu le condamnera, tandis qu'il ne condamnera pas les autres qui auront fait la même chose que lui. Pourquoi, sinon parce qu'il a tourné la tête en arrière ? Car il s'était déjà avancé bien avant, et si loin que les autres n'avaient pu aller jusque-là. "
" De même une vierge qui pouvait sans péché se marier si elle l'eût voulu, devient adultère par rapport à Jésus-Christ, si elle se marie après s'être consacrée à lui comme à son époux. Car, quelque avancée qu'elle fût, elle a regarde en arrière (Cf. Sermons de saint Augustin, etc., t. IV, p.452-453). "
6. Le même, in Ps. LXXV : " Offrez des vœux au Seigneur notre Dieu, mais ayez soin aussi de les accomplir. Que chacun fasse à Dieu les vœux qu'il pourra; mais qu'après les avoir faits, il les acquitte. Ne faites aucun vœu que vous n'acquittiez : que chacun voue ce qu'il peut ; mais qu'il accomplisse ce qu'il a voué Ne soyez pas négligents à faire des vœux ; car ce n'est point par vos propres forces que vous pourrez les accomplir. Vous échouerez malheureusement, si vous présumez de vous-même. Mais si vous mettez votre espérance en celui-là seul à qui vous offrez vos vœux, vouez-lui en assurance ce que vous voudrez, et soyez sûr qu'avec sa grâce vous pourrez l'accomplir. "
" Quels sont les vœux que nous devons offrir tous ensemble ? C'est de croire en lui ; c'est d'espérer qu'il nous donnera la vie éternelle ; c'est de vivre saintement dans la vie commune à tous
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les chrétiens : car il y a une manière de vie qui est commune à tous les fidèles. Ne point dérober, par exemple, c'est une loi commune pour tous. Ce n'est pas une chose qu'on ne défende qu'aux vierges qui se sont consacrées à Dieu, et qu'on permette aux femmes qui sont mariées. De même l’adultère est généralement défendu à toutes sortes de personnes. On ordonne également à tous d'éviter les excès du vin. . . Ce sont là des vœux que nous sommes obligés de faire. Mais, outre ces vœux généraux, il en est d'autres plus particuliers qu'on peut s'engager à remplir. L'un, par exemple, fait vœu d'être chaste dans le mariage, en sorte qu'il ne connaisse point d'autre femme que la sienne ; une femme de même fait vœu de ne point connaître d’autre homme que son mari. D'autres, après avoir été engagés dans le mariage, font vœu de ne plus en contracter d'autres, et d'en bannir même la pensée ou le désir : et ces derniers ont voué à Dieu quelque chose de plus que les premiers. D'autres font vœu dès leur jeunesse de renoncer au mariage, et de demeurer toujours vierges sans user même de la liberté qu'ils ont de se marier, comme ces autres qui y ont renoncé volontairement après en avoir fait l'expérience : et le vœu de ces derniers dont je parle est le plus partait de tous. D'autres promettent à Dieu de faire de leur maison comme l'hospice commun de tous ceux de leurs frères qui leur demanderont asile, et c'est là un vœu d'un grand prix aux yeux de Dieu. Un autre promet de quitter tout son bien et de le distribuer aux pauvres, pour embrasser la vie de communauté dans la société d'autres serviteurs de Dieu : ce vœu est aussi d'une grande perfection. "
" Faites des vœux et acquittez-les au Seigneur votre Dieu. Que chacun fasse tel vœu qu'il voudra ; mais qu'il ait soin d'acquitter ceux à qu'il aura faits. Si quelqu'un, après avoir fait un vœu, revient sur ses pas, il commet un mal en cela. Une vierge, après avoir voué une perpétuelle virginité, veut embrasser l'état de mariage. Que veut-elle en cela? Ce que veulent toutes les autres jeunes personnes de son sexe. Que veut-elle ? ce qu'a voulu sa mère. Ce qu'elle veut est-il donc un mal ? Oui certainement. Pourquoi ? A cause du vœu qu'elle a fait à Dieu. Voyez ce que saint Paul dit de ces sortes de personnes : quoiqu'il permette aux jeunes veuves de se remarier si elles le veulent (I Tim., V, 14), il n'en dit pas moins ailleurs (I Cor., VII, 14), qu'elles seraient plus heureuses si elles demeuraient comme elles sont. Il assure bien qu'elles seront plus heureuses si elles ne
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se marient pas ; il ne dit pas qu'elles soient coupables si elles se marient. Mais que dit-il au contraire de celles qui, après avoir fait vœu, n'acquittent pas la promesse qu'elles ont faite au Seigneur ? Ce qu'il en dit, c'est qu'elles ont encouru leur condamnation pour avoir violé la foi qu'elles avaient donnée (I Tim., V, 12), nous marquant par ces dernières paroles le vœu qu'elles avaient fait et qu'elles n'avaient pas acquitté. "
" Que celui donc qui s'est retiré dans un monastère ne dise pas : Je m'en vais quitter ce monastère ; n'y aura-t-il de sauvés que ceux qui vivent dans les monastères et ceux qui n'y sont pas ne laissent-ils pas d'être à Dieu? On lui répondra : Ceux dont vous parlez n'ont point fait de vœux ; et vous, vous en avez fait un : vous avez regardé derrière vous. . . . . "
" Une femme qui avait résolu de demeurer vierge, et qui se marie ensuite, n'est pas coupable pour la simple volonté qu'elle a de se marier ; mais parce qu'après avoir renoncé au mariage, elle fait comme la femme de Loth qui regarda derrière elle. Ne craignez point, mes frères, ne soyez point irrésolus, vous tous qui le pouvez, vous à qui Dieu inspire de vous élever à un plus haut état de vie ; car ma pensée, en vous tenant ce langage, n'est pas de vous détourner de faire des vœux, mais de vous porter plutôt à en faire, et à les accomplir exactement. "
" Peut-être qu'avant que je vous eusse parlé, vous vous proposiez de faire un vœu, et que maintenant vous ne le voulez plus. Mais pesez bien ce que dit le Psalmiste. Le Psalmiste ne dit pas : Ne faites pas de vœux ; mais il dit : Faites des vœux, et acquittez-les au Seigneur votre Dieu. Quoi ! parce que je viens de vous dire : Acquittez les veux que vous aurez faits, vous ne voudrez plus en faire ? Est-ce donc que vous vouliez faire des vœux pour ne pas les acquitter ? Faites plutôt l'un et l'autre. Que l’un se fasse par votre volonté, l’autre se fera par le secours de Dieu. Tenez les yeux arrêtés sur celui qui s'est fait votre guide, et vous ne regarderez point derrière vous pour voir la Sodome d'où il vous a fait sortir. Votre guide est devant vous ; la Sodome d'où il vous a retiré est derrière. Attachez-vous à celui qui conduit vos pas, et il n'aura point à vous condamner pour avoir regardé en arrière (Cf. Sermons de saint Augustin, etc., p. 238-243). "
7. Le même, De bono viduitatis, c. 8 : " Celles donc qui ne peuvent pas garder la continence doivent se marier avant d'en
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faire profession, et de prononcer un vœu qu'elles ne pourraient ensuite violer sans crime. Car c'est de ces sortes de veuves que l'Apôtre a dit ces paroles : La mollesse de leur vie les portant à secouer le joug de Jésus-Christ, elles veulent ensuite se marier, et encourent ainsi leur condamnation, comme coupables d'avoir violé la foi qu'elles avaient d'abord donnée, c'est-à -dire d'avoir, pour passer au mariage, abandonné la résolution qu'elles avaient prise d'abord de vivre dans la continence. Car elles manquent en cela à la promesse qu'elles avaient faite à Dieu, et que leur inconstance les empêche d'accomplir. "
8. Ibidem, c. 9 : " Que celle-là donc qui peut comprendre, comprenne en effet, que celle qui ne saurait garder la continence se marie ; que celle qui n'a pris encore aucune résolution, délibère en elle-même ; que celle qui en a pris une, y persévère, qu'elle ne donne prise en rien à l'ennemi, qu'elle ne fasse à Jésus-Christ aucune soustraction de ce qu'elle lui aura voué. Car il n'y a point à craindre la damnation dans le mariage, pourvu qu'on reste fidèle aux lois de la pudeur. Mais dans le veuvage et la virginité, une plus grande perfection est exigée : car une fois qu'on y a fait vœu de continence, on ne peut plus, sans encourir la damnation, non-seulement contracter mariage, mais même en former le désir, c’est ce que fait voir le langage de l'Apôtre, qui ne dit pas : La mollesse de leur vie les portant à secouer le joug du Christ, elles se marient ; mais : elles veulent se marier ; et il ajoute qu'en cela elles encourent leur condamnation, par le violement de la foi qu'elles avaient d'abord donnée, de sorte que, quand même elles ne se marieraient pas, du moment où elles veulent se marier, elles sont coupables. "
9. Ibidem, c. 11 : " Je ne crains point d'avancer que manquer au devoir de la chasteté parfaite, quand on a fait vœu de la garder, est un crime plus grand que l’adultère. Car si, comme on n'en peut douter, une femme chrétienne pèche contre Jésus-Christ même dont elle est un des membres, quand elle manque à la fidélité qu'elle doit à son mari, combien ne l'offense-t-elle pas encore plus grièvement, lorsque c'est à lui-même en personne qu'elle manque de fidélité, en ne lui acquittant pas ce qu'elle lui a promis, quoiqu'elle fût libre avant qu'elle lui en eût fait la promesse ?. . . Quand le vœu a été une fois prononcé, on doit réprimer sans relâche et surmonter constamment des désirs qu'il n'est plus permis de satisfaire. "
10. OECUMENIUS, sur ces paroles du chapitre 7 de la première
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épître aux Corinthiens, Si nupserit virgo, non peccavit : " L'Apôtre appelle vierge dans cet endroit, non celle qui est consacrée à Dieu, mais simplement une jeune personne qui n'est pas mariée. Car quant à celle qui est consacrée à Dieu, si elle se marie, elle rend celui qu'elle épouse coupable d'adultère à l'égard de Jésus-Christ. "
11. S. CYPRIEN, ad Pomponium Epist. LXII (al. 61) : " Qu'un mari survienne et trouve son épouse dormant avec un autre, sa colère s'allume à cet aspect ; que dis-je ? la rage et la jalousie vont l'armer peut-être du poignard. Et quand il aperçoit à côté de tout autre que de lui la vierge qui lui est consacrée, l'épouse qu'il a marquée du sceau de sa sainteté, Jésus-Christ, notre seigneur et notre juge, resterait sans indignation et ne vengerait pas ces unions incestueuses ? . . . . "
" Si quelqu'une d'entre elles a souillé la couronne virginale, qu'elle pleure son crime avec les larmes d'une longue pénitence, puisque ce n'est pas envers un époux mortel, mais envers Jésus-Christ lui-même qu'elle a été adultère. "
12. S. CHRYSOSTOME, Lib. de virginitate, c. 39 ; après avoir cité dans le chapitre précédent les paroles de saint Paul à Timothée, Cùm luxuriatæ fuerint in Christo, nubere volunt, damnationem habentes, etc., et produit ensuite ce passage du chapitre 7 de l'épître aux Corinthiens, Dico autem innuptis et viduis, Bonum est illis si sic permanserint sicut. et ego ; quòd si se non continent, nubant, etc., le saint docteur ajoute : " Comment donc l’Apôtre blâme-t-il cette veuve du parti qu'elle pourrait prendre de se remarier, après qu'il l'en a laissé libre ? et comment condamne-t-il un mariage qu'il avoue pouvoir se contracter dans le Seigneur ? Soyez tranquille, il n'y a point là de contradiction ; car ce n'est pas du même mariage qu'il dit ces deux choses opposées. De même en effet que, quand il disait : Si une vierge se marie, elle ne pèche point en cela, il ne parlait pas de celle qui aurait précédemment renoncé au mariage, puisqu'il est évident pour tout le monde que dans ce dernier cas une vierge commettrait un péché, et même un péché inouï, mais seulement de celle qui ignore jusque-là ce que c'est que le mariage, et qui n'a encore décidé en elle-même, ni si elle prendra cet état, ni si elle ne le prendra pas, mais qui reste suspendue entre ces deux partis ; de même il veut parler ici d'une veuve qui, après la perte qu'elle a faite de son mari, est restée libre de tout engagement qu'elle puisse prendre, et qui est encore à décider en elle-même quel sera la
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parti auquel elle se déterminera ; tandis que, dans l'autre passage objecté de l'Apôtre, il s'agissait d'une veuve qui ne serait plus maîtresse de se remarier, comme ayant embrassé déjà l’état plus parfait de la continence. Car une femme peut être veuve sans être pour cela dans la classe des veuves (attachées à ce titre au service de l’Eglise), si elle ne juge pas à propos de faire profession de viduité. C’est pour cette raison que l'Apôtre a dit quelque part : Qu'on ne fasse choix que des veuves qui ont au moins soixante ans, et qui n'ont pas été mariées plus d'une fois. Car la personne qui est simplement veuve peut bien se marier si elle le veut ; au lieu que l'Apôtre condamne sévèrement celle qui aurait promis à Dieu de rester veuve le reste de ses jours et qui se marierait néanmoins comme ayant foulé aux pieds l'alliance qu'elle aurait faite avec Dieu. Ce n'est donc pas à ces dernières, mais aux autres qu'il donne ce conseil, que si elles ne peuvent vivre dans la continence, elles doivent se marier, parce qu'il vaut mieux après tout pour elles être mariées que de brûler du feu impur (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. Ier, p. 298, édit. des Bénéd. ; pag. 364-365, édit. de M. Gaume). "
13. S. FULGENCE, Epist. I de conjugali debito, c. 6 : " On peut sans péché user avec modération de toutes les choses permises en elles-mêmes, tant qu'on n'en a pas fait le renoncement ; et par conséquent, tant que le mari ou la femme ne s'est pas engagé du consentement de l'autre à vivre dans une continence perpétuelle, ils peuvent se permettre ensemble l'usage du mariage. Car il est écrit : Si vous prenez une épouse, vous ne péchez point en cela ; et si une vierge se marie, elle ne pèche pas non plus. Mais bien qu'il soit vrai qu'une vierge peut se marier sans péché, on trouvera des vierges qui pècheront si elles se marient. Une vierge en effet ne pèche point en se mariant, si avant de se marier elle n'a pas voué à Dieu sa virginité. Mais si n'étant, comme dit l'Apôtre (I Cor., VII, 37), engagée par aucune nécessité et se trouvant dans un plein pouvoir de faire ce qu'elle voudra, elle prend une ferme résolution dans son cœur, et juge en elle-même qu'elle doit garder la virginité, elle pèchera grièvement si après ce vœu fait à Dieu de sa virginité, elle contracte mariage avec quelque homme. Car saint Paul déclare de certaines veuves qu'elles encourent la damnation, parce qu'après avoir fait profession de continence, elles ne repoussent pas la pensée qui lui vient ensuite de se marier. L'Apôtre recommande à Timothée de ne point admettre
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des veuves de ce caractère : Gardez-vous, lui écrit-il, d’admettre de jeunes veuves, parce que la mollesse où elles vivent les portant à secouer le joug de Jésus-Christ, elles veulent se remarier, s'engageant ainsi dans leur condamnation par le violement de la foi qu'elles avaient jurée auparavant. L'engagement pris une fois de vivre dans la continence ne laisse donc plus libre de se marier, et les personnes qui se sont ainsi engagées ne peuvent plus sans péché, non-seulement commettre la fornication, mais même contracter mariage, et la volonté seule qu'elles en auraient les rendrait criminelles, quand même elles n'en viendraient pas à l'exécution. Car ce n'est pas en vain qu'il a été écrit : Quand la concupiscence a conçu, elle enfante le péché (JAC., I, 15). "
14. Ibidem, c. 7 : " Il n'y a donc pas que la virginité consacrée à Dieu qui doive être gardée avec crainte et tremblement ; mais la continence qu'ont promise des personnes veuves ou mariées ne doit pas moins l’être. Avant d'avoir fait aucune espèce de vœu, ni une vierge n'est condamnable si elle se marie, ni les personnes mariées qui se rendent le devoir ne le sont non plus ; mais si, visant d'abord à la perfection, une personne s'est liée elle-même en faisant profession de virginité ou de continence, elle pèche grièvement ensuite, si elle se croit toujours permis ce qui le lui était auparavant. En pareille matière, en effet, aucune nécessité ne peut autoriser à reprendre une liberté qu'on s'est ôtée soi-même en en faisant à Dieu le sacrifice ; et celui qui viole son vœu ne peut rien alléguer qui puisse justifier sa transgression, puisque personne ne l'avait obligé auparavant à faire ce vœu. "
15. S. AMBROISE, Lib. ad virginem lapsam, c. 5 : " Vous avez donc aussi perdu le souvenir de ce dimanche de la résurrection, de ce saint jour où vous vous présentâtes à l'autel pour recevoir le voile, où, dans l’église du Seigneur, au milieu d'une assemblée solennelle, marchant entre les nouveaux convertis qui, tous vêtus de blanc, portaient des flambeaux allumés, vous vous avanciez comme la fiancée d'un roi ? Vous l’avez donc oubliée cette allocution qui vous fut adressée : " Regarde, jeune vierge, regarde autour de toi, oublie tout ce peuple, ne te souviens plus de la maison de ton père. Le roi même désirera ta beauté ; car c'est le Seigneur, c'est ton Dieu qui est ton maître. " Rappelez-vous cette affluence de peuple qui assistait aux noces de votre divin époux. Il fallait garder la foi jurée devant tant de témoins ; il fallait penser incessamment à cette virginité promise. Mieux eût valu perdre la vie que de perdre la chasteté. "
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" Ce fut après ces paroles, après mille éloges accordées à votre pureté, qu'au jour de votre consécration on vous couvrit du saint voile. Tous les assistants signèrent votre contrat, non par écrit il est vrai, mais par assentiment ; et tous, d'un accord unanime, ils crièrent : Ainsi soit-il ! Je sens couler mes larmes à ces souvenirs attendrissants. Quel effroi j'éprouve, quand je m'arrête à considérer ce qui se passe maintenant ! Si une femme, après avoir contracté mariage dans toutes les formes prescrites, quoiqu'elle ne se trouve unie qu'à un simple mortel, ne saurait commettre d'adultère sans encourir d'affreux dangers, que doit-il en être pour une vierge qui, ayant contracté dans l’église une union toute sainte avec le divin époux devant une infinité de témoins, en présence des anges et des armées du ciel, a rompu cette alliance par un infâme adultère ? Non, je ne sais quel supplice, quel genre de mort on peut imaginer pour elle. "
" Quelqu'un dira peut-être : " Mieux vaut se marier, que de brûler du feu impur. " Mais cette maxime ne regarde que celles qui ne sont pas liées et qui n'ont pas encore reçu le voile ; car pour celles qui l'ont reçu et qui sont promises et consacrées à Jésus-Christ, elles ont déjà contracté union, elles sont associées à un époux immortel. Si elles veulent après cela s'engager dans un mariage profane, elles commettent un adultère et sont passibles de mort. Mais s'il en est ainsi, quelle peine sera réservée à celle qui s'est déshonorée par une infamie secrète, et qui veut encore paraître ce qu'elle n'est plus ; qui est vierge par son état et qui a cessé d'être vierge en réalité, et qui enfin est doublement adultère, et par le fait, et par les apparences ! "
16. S. JEROME, Lib. I adv. Jovinianum, comme plus haut, témoignage 2, page 298.
17. S. AUGUSTIN, Lib. I, de adult. conjugiis, c. 15 : " Ceux qui ne peuvent garder la continence font bien sans doute de se marier ; et s'ils font bien de le faire, c'est que cela leur est permis. Mais les personnes qui ont une fois fait vœu de continence, ni ne font bien de se marier, ni ne font même en cela une chose simplement permise. Quant à une personne qui, ayant embrassé la foi chrétienne, voudrait se séparer de son époux resté infidèle, elle ferait bien en cela une chose qui lui serait permise, mais qu'il ne serait pas à propos pour elle de faire. "
18. Le même, Lib. de bono viduitatis, c. 8, comme plus haut, témoignage 7, page 302.
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19. OECUMENIUS, in caput VII Epist. I ad Corinthios, passage cité plus haut, témoignage 40, page 303.
20. S. ISIDORE de Séville, Lib. II de officiis ecclesiasticis, c. 17 : " Les personnes dont l'Apôtre dit qu'elles ne pèchent pas si elles se marient, sont celles qui n'ont pas fait vœu de chasteté. Mais celles au contraire qui en ont pris l'engagement dans leur cœur encourent leur condamnation si elles font autrement, parce que, comme dit le même apôtre, elles ont violé la foi qu'elles avaient auparavant jurée. Car ce qui de sa nature leur était permis, leur est devenu illicite par suite de leur vécu, de même qu’Ananie et Saphire ne pouvaient plus sans péché retenir quoi que ce fût du prix de leur bien, et ont mérité, en se le permettant néanmoins d’être frappés de mort subite. "
21. S. LEON, Epist. XCII ad Rusticum, c. 14 ; ce passage se retrouvera cité plus bas, témoignage 31.
22. Le Code de Justinien, tit. De episcopis et clericis, lege quintâ, quæ est Joviani imperatoris : " Si quelqu'un ose, je ne dis pas enlever, mais seulement tenter des vierges consacrées à Dieu en leur présentant l'appât du mariage, qu'il soit puni de mort. "
23. Sozomène et Nicéphore font mention de cette loi dans leurs histoires ecclésiastiques : le premier, livre VI, c. 3 ; le second, livre X, c. 39.
24. Le second concile de Tours (l'an 566 ou 567), canon 21 (al. 20) : " Le pape Innocent, dans sa réponse à Victrice évêque de Rouen, a prononcé au sujet des vierges qui se marient après avoir pris Jésus-Christ pour époux et reçu le voile, qu'elles méritent à peine d'être admises à faire pénitence : " Car, ajoute-t-il, s'il faut prendre pour règle de considérer comme adultère une femme qui s'unit à un autre homme du vivant de son propre mari, combien n’est pas plus condamnable encore celle qui, après avoir fait choix de l’immortel époux, le quitte pour s'unir à un mortel ? " Et il dit ensuite : " Quant à celles qui n’ont pas encore pris le voile, et qui se marient après avoir témoigné du moins vouloir garder la virginité, elles doivent faire quelque temps pénitence, parce qu'elles étaient comme fiancées à Dieu. Car si les contrats passés de bonne foi entre les hommes doivent être fidèlement gardés, à combien plus forte raison n'est-on pas punissable, si l'on viole une promesse qu'on a faite à Dieu ? " Puis, il dit, en faisant allusion aux veuves : " Si l’apôtre saint Paul a prononcé contre celles d'entre elles qui quittent la résolution qu'elles auraient prise
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à rester dans leur état, qu'elles encourent en cela leur condamnation, parce qu'elles violent la foi qu'elles avaient donnée auparavant, combien cela n'est-il pas plus vrai des vierges qu'on aura vues violer leurs engagements antérieurs ? " Qui parmi les ministres des autels oserait s'inscrire en faux contre ces décret partis du siège apostolique ? ou, ce qui est encore pire, contre la sentence priée par l'apôtre saint Paul, ce vase d'élection que conduisait l'Esprit-Saint, après que l'Apôtre lui-même a écrit ces autres paroles également inspirées : Si quelqu’un prêche un autre évangile que celui que j’ai prêché, qu'il soit anathème (Gal., I, 8) ? Et de qui admettra-t-on les enseignements, si ce n'est de ceux qu'a envoyés ou autorisés le siège apostolique ? Aussi, nos pères ont-ils toujours religieusement observé ce qu'une telle autorité recommandait à leur fidélité. Nous attachant en conséquence à ce qu'a prescrit là-dessus, soit l'apôtre saint Paul, soit le pape Innocent, et que nous insérons ici dans nos canons, ordonnons que personne n'ait la témérité d'enlever, ou de rechercher, ou de recevoir en mariage une vierge consacrée à Dieu, et qui a pris l’habit de la religion pour honorer Jésus-Christ, puisque même la loi romaine porte expressément que quiconque aura enlevé une vierge consacrée à Dieu ou une veuve, s'il contracte mariage avec elle à la suite de cette action, sera puni de mort (lib. I Cod. Theod. de rapt. vel matr.), et que si quelqu'un ose non pas même enlever, mais seulement tenter une vierge par l'appât du mariage, il sera puni de mort (ibid., l. 2) ; enfin, que les annales même des gentils nous attestent que chez ces peuples les vierges consacrées à la déesse Vesta, si elles rompaient leur engagement et se laissaient corrompre, devaient être enterrées toutes vivantes. Si des vierges, chez ces peuples infidèles, devaient subir un tel châtiment, à combien plus forte raison celles qui ont quitté l'habit séculier pour honorer le Sauveur du monde, ne doivent-elles pas s'attendre à une punition sévère ? C'est ainsi que nous lisons dans les décrets du concile d'Arles (deuxième concile d'Arles, c. 32) : " Par rapport aux vierges qui se sont vouées à Dieu et ont vécu quelque temps dans cette glorieuse profession, si ensuite, et surtout après qu'elles auront atteint leur vingt-cinquième année, elles se déterminent d’elles-mêmes à contracter un mariage profane, nous ordonnons qu'elles soient privées de la communion ainsi que ceux qu'elles auront épousés, de manière qu'on les admette à la pénitence si elles demandent d'y être admises, mais qu'on leur diffère longtemps
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la communion qui en sera le prix. " La même loi se trouve établie parmi les anciens canons de Milève (concile de Milève, c. 26) : " Si un évêque, y est-il dit, donne le voile à une vierge avant qu'elle ait atteint l'âge de vingt-cinq ans, à cause du danger que courait sa chasteté par la puissance de ceux qui la demanderaient en mariage, ou qui chercheraient à l'enlever, ou parce qu'elle aurait demandé cette grâce étant en danger de mort, le concile ne l'improuve pas, pourvu que les parents de cette vierge, ou ceux dont elle dépend l'aient appuyée dans sa demande. " Pour nous, ce que nous demandons, c'est que ceux-là mêmes que la loi punit de mort se convertissent pour la vie de leurs âmes, en se rendant dociles aux enseignements de l’Eglise. Mais si, refusant d'observer les décrets dont nos pères nous ont laissé l’héritage, ils dédaignent d’écouter leur pasteur et de se soumettre à la pénitence, nous ordonnons qu'ils soient frappés du glaive spirituel de la parole divine, et privés de la communion. Ceux donc qui persisteront dans leur opiniâtreté, et continueront à se vautrer dans la fange de leurs désordres, au lieu de rompre l'union illicite qu'ils auront contracté seront frappés par l'excommunication pour le reste de leur vie. Et les évêques, prêtres, diacres ou sous-diacres, qui seraient assez présomptueux pour leur donner la communion, seront excommuniés par tous les évêques, et condamnés à demeurer dans cet état jusqu'au synode suivant. "
25. S. BASILE-LE-GRAND, Quæstione vel regulâ 14 fusius à explicatâ : " Les religieux qui, après avoir fait profession parmi leurs frères, violeront leur engagement, seront traités comme rebelles envers Dieu, qu'ils auront pris à témoin de leur vœu solennel. Or, si quelqu’un pèche contre Dieu, qui priera pour lui (I Sam., II, 25)? Car si celui qui s'est une fois voué à Dieu embrasse un autre état de vie, il se rend coupable de sacrilège, en dérobant à Dieu en quelque sorte sa propre personne qu'il lui avait auparavant consacrée. Or, il est tout-à-fait juste et conforme à la raison de ne jamais leur rouvrir la porte du monastère, quand même ce ne serait qu'en passant et par manière d'hospitalité. Car rien de plus précis que la règle tracée par l’Apôtre, de nous tenir à l'écart de ceux qui vivent dans le dérèglement, et de n'avoir point de commerce avec eux, afin qu’ils en aient de la confusion et de la honte (II Thess., III, 14) (Cf. Les Ascétiques de saint Basile, page 124). "
26. Le même, Serm. I de institutionibus monachorum seu
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serm. IV exercitamentorum pietatis : " Nous devons donner tous nos soins à ne rien faire d'indigne de notre profession, et ne pas nous exposer à nous voir condamnés comme Ananie. Car celui-ci était d’abord tout-à-fait le maître de ne pas vouer ou promettre à Dieu le bien qui lui appartenait ; mais une fois que, cédant apparemment à une tentation de vaine gloire, il eut consacré à Dieu tout ce qu'il possédait, pour se faire admirer des autres par cette action en apparence héroïque, il provoqua contre lui, en dérobant une partie du prix de la vente qui en fut faite, la juste indignation de Dieu, dont saint Pierre fut le ministre, et tout moyen lui fut ôté de faire pénitence de son crime. De même avant que quelqu'un ait fait profession de la vie religieuse, il est libre, comme l'y autorisent les lois de concert avec l'indulgente bonté de Dieu, de vivre comme les autres et de contracter mariage. Mais quand une fois il s'est librement engagé, il doit se conserver lui-même à son Dieu, comme un bien qui lui est consacré, de peur d'encourir la peine réservée au sacrilège, s'il venait à profaner, en rentrant dans la vie commune, un corps qui appartient à Dieu désormais (Cf. Les Ascétiques de saint Basile, pag. 42-43). "
27. Le même, In constitutionibus monasticis, c. 20, seu in institutionibus exercitatoriis, c. 21 : " De même que les membres d'un corps, naturellement unis entre eux, ne peuvent être séparés du corps lui-même sans être aussitôt frappés de mort, ainsi un moine, dès qu'une fois il est devenu un même corps avec les autres religieux, en contractant avec eux des liens que l'Esprit-Saint a cimentés, ne peut plus en aucune manière se séparer de ses frères. Que s'il le fait néanmoins, il perd la vie de l'âme, en même temps que la grâce de l'Esprit-Saint, parce qu'il a violé le traité fait avec son Créateur. S’il vient à objecter que parmi ses frères il y en avait de vicieux (car je ne pense pas qu'il ose étendre son blâme sur tous, et ce n'est pas pour être vicieux qu'ils sont entrés en communauté, ni surtout pour l’être tous à la fois) ; si donc il objecte qu'il s'en trouve quelques-uns parmi ses frères qui mettent partout le désordre, qui n'ont aucun soin de bien vivre, et portent atteinte à la discipline qui convient à des religieux, que par conséquent il est bien autorisé à quitter la société de gens de ce caractère, il allègue là un motif nullement recevable pour enfreindre ses vœux. Car ni Pierre, ni André, ni Jean ne se sont séparés du reste des apôtres
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cause de la méchanceté de Judas, ni aucun autre apôtre n'a pris de là occasion de se retirer, ni ne s'est autorisé de la perfidie de cet apostat pour refuser l'obéissance à Jésus-Christ ; mais ils ont plutôt abandonné ce traître à sa perversité pour s'attacher plus fortement à la doctrine et à l'imitation des vertus de leur divin maître. . . . Ainsi donc tout moyen et tout prétexte de justification est ôté à celui qui voudrait se séparer de la société de ses frères, et il est clair maintenant qu'une pensée semblable ne peut avoir pour principe que la fougue des passions, le goût de l'oisiveté, l’étourderie et l'inconstance d'esprit. "
28. Le même, Epist. CLXXXIII (al. 44 vel 3) ad monachum elapsum et profugum (Cf. S. Basilii opera, t. III, p. 131, Paris, 1730 ; les Ascétiques de saint Basile, pag. 553-554) : " Nous ne vous donnons pas le salut, car il n'y a pas de salut pour les impies. Je ne puis croire encore ce qui m'est rapporté, et je ne puis concevoir comment vous avez pu vous porter à une telle action, à un désordre si inouï, si toutefois la chose s'est passée comme elle le paraît aux yeux de tout le monde. J'admire comment tant de sagesse a été anéantie, comment une piété si sincère s'est démentie tout-à-coup, d'où a pu venir un si profond aveuglement, comment enfin, mettant de côté toute réflexion, vous avez entraîné la ruine de tant d'âmes. Car si ce qu'on dit est vrai, votre chute, en vous perdant le premier, a jeté le découragement dans tous ceux qui en ont eu connaissance, et a été un opprobre pour la religion, qui a perdu en vous un de ses meilleurs athlètes. C'est donc vous avant tout que je pleure. Eh ! quel prêtre en effet ne gémirait à votre sujet ? Quel ecclésiastique pourrait voir votre malheur d'un œil indifférent ? Quel laïque ne s'en attristerait ? Quel solitaire n'en verserait des larmes ? A l'aspect de votre chute, le soleil lui-même s'est obscurci, et les vertus du ciel ont été ébranlées : votre folie a tiré des pleurs même des rochers les plus durs. Nos ennemis même ont déploré vos dérèglements. O stupidité ! ô inhumanité pour vos frères ! Quoi ! vous n'avez été retenu ni par la crainte de Dieu, ni par celle des hommes ! Vous ne vous êtes mis en peine de personne, et vous avez tout enveloppé dans un commun naufrage ! . . . Voyez si, en voulant remplir certaines obligations, vous ne manquez pas à celles que vous avez contractées envers Dieu, en présence de tant de monde. "
29. Le même, in Epist. CLXXXIV (al. 46) ad alium monachum elapsum : " Rappelez à votre mémoire les baisers de paix que
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vous avez reçu de tant de saints, etc. Vos promesses n'étaient donc que d'affreux parjures, et l'opprobre jeté sur tout l'état monastique a rejailli jusque sur les apôtres et sur Jésus-Christ même. Vous avez déshonoré cette profession de chasteté qui faisait votre gloire, jeté l'opprobre sur les vœux de religion, et nous avez rendus la fable des gentils et des juifs (Cf. S. Basilii opera, t. III, p. 153, édition citée plus haut). "
30. S. CHRYSOSTOME, Epist. VI (al. lib. II) ad Theodorum lapsum : " Le mariage est une chose légitime, j’en conviens moi-même. Car le mariage doit être traité de tous avec honnêteté et le lit nuptial être sans tache, et Dieu au contraire jugera les fornicateurs et les adultères (Hébr., XIII, 4). Mais vous, vous ne pouvez plus garder les lois du mariage. Car abandonner le céleste époux pour vous attacher à une femme, c'est un crime d'adultère, quoiqu'il vous plaise de le décorer du nom de mariage ; ou plutôt, c'est un crime qui surpasse l'adultère lui-même, autant que Dieu est au-dessus des hommes. Ne vous en laissez donc pas imposer par ceux qui vous diraient : Dieu n'a pas défendu le mariage. Je le sais aussi bien qu'eux, Dieu n'a pas défendu le mariage, mais il a défendu l'adultère que vous voulez commettre, hélas ! en cherchant à vous marier. . . . . Pour revenir à ce que j'ai dit d'abord, si vous n'aviez pris aucun engagement, personne ne vous accuserait d'avoir abandonné votre drapeau ; mais vous n'êtes plus le maître de vos actions, à présent que vous êtes au service d'un si grand roi. Car si le corps de la femme mariée n'est pas en sa puissance, mais en celle de son mari, ceux qui sont engagés à Jésus-Christ sont bien moins encore les maîtres de leurs personnes (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. Ier, pag. 38-39, édition des Bénédictins ; p. 46-47, édition de M. Gaume). "
31. S. LEON-LE-GRAND, Epist. XCII ad Rusticum Narbonensem episcopum, c. 13 : " Un moine ne peut, sans se rendre coupable de péché, manquer à l'engagement qu'il a contracté une fois volontairement et librement. Car chacun doit acquitter les veux qu'il a faits à Dieu. Celui donc qui, abandonnant sa profession, passe à l'état militaire ou à celui de mariage, doit faire satisfaction à l'Eglise en se soumettant à la pénitence publique. Car, bien que l'état militaire soit innocent en lui-même et que le mariage en lui-même aussi puisse être légitime, c’est toujours une prévarication que d'abandonner un état plus parfait dont on avait pris l'engagement, pour un autre qui l'est moins. "
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32. Ibidem, c. 14 : " Les jeunes personnes qui, de leur plein gré ou sans y être forcées par leurs parents, ont embrassé l’état de virginité et en ont fait profession, se rendent coupables de prévarication si elles se marient dans la suite, quand même elles n'auraient pas encore été admises à la cérémonie de leur consécration, parce que certainement on leur eût accordé cet honneur, si elles avaient persévéré dans leurs dispositions. "
33. Ibidem, c. 15 : " On ne saurait douter que ce ne soit se rendre coupable d'un grand crime, que de renoncer à son engagement et de violer la consécration qu'on a faite de soi-même à Dieu. Car si les conventions humaines ne peuvent être impunément foulées aux pieds, à quoi ne devront pas s'attendre ceux qui auront enfreint l’alliance contractée par eux avec Dieu même ? "
34. S. AUGUSTIN, in Ps. LXXV : " Nous avons déjà rapporté ce passage, témoignage 6 ; à quoi on peut encore ajouter cet autre extrait : " Que dit Jésus-Christ, lorsqu'il parlait du jour du jugement ? Souvenez-vous de la femme de Loth. Il dit cette parole pour tout le monde. Car, que fit la femme de Loth ? Elle fut délivrée de Sodome ; mais ayant pendant le chemin tourné la tête en arrière, elle demeura au lieu même où elle s'était retournée. Dieu la changea en une statue de sel, afin que les hommes en la voyant deviennent sages par son exemple ; qu'ils n'agissent point comme des insensés ; qu'ils ne regardent point derrière eux, de peur qu'en donnant mauvais exemple, ils ne soient arrêtés tout court, et ne servent d'instruction aux autres. "
33. Le même, Serm. I de communi vitâ clericorum (c'est le 49e de diversis, c. 4), cité par le. concile d'Aix-la-Chapelle de l'an 816, c. 12 : " Celui qui renonce à la vie de communauté, tant célébrée dans les Actes des apôtres, après qu'il l'avait embrassé d'abord, manque à ses vœux, et perd tous les avantages de sa sainte profession. Qu'il craigne, non pas moi, mais Dieu qui est son juge. Je sais combien on est criminel de professer la sainteté et de ne pas la mettre en pratique. Faites des vœux au Seigneur votre Dieu, nous crie le Psalmiste, mais prenez soin de les acquitter (Ps. LXXV, 12). Il vaut mieux ne pas faire de vœux, nous dit encore l’Ecriture, que d'en faire pour ne pas les acquitter (Ecclés., V, 4). Une vierge peut être consacrée à Dieu sans être dans un monastère, et sans être obligée d'y entrer ; elle l'est cependant de ne pas se marier. Que si elle est une fois entrée dans un monastère et qu'ensuite elle en sorte, tout en gardant sa virginité, elle est à moitié tombée. Un clerc professe de même
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deux choses, la sainteté et la cléricature. Il professe la sainteté, il professe aussi la vie de communauté, il professe les avantages des douceurs que l'on trouve à vivre ensemble comme des frères (Ps. CXXXIII, 1). S'il quitte ce genre de vie, et qu'il reste clerc néanmoins, il est, lui aussi, à moitié tombé. "
36. Le concile de Chalcédoine, canon 16 : " Si une vierge s'est consacrée à Dieu, il ne lui est plus permis de se marier, et il en est de même d'un moine. Si néanmoins ils se trouvent convaincus de l'avoir fait, ils demeureront excommuniés. Nous statuons cependant qu'on pourra les traiter avec quelque indulgence, si cela semble à propos à l'évêque du lieu. "
Du célibat des prêtres et des clercs.
37. S. EPIPHANE, hérésie 59 contre les Cathares : " L'honneur et l'éminente dignité du sacerdoce ne permettent pas que celui qui, après la mort de sa première femme, se marie en secondes noces, reçoive la charge de prêcher l'Evangile de Jésus-Christ. Et c'est là une règle que l'Eglise de Dieu observe exactement. Elle n'admet pas même en qualité d’évêque, de prêtre, de diacre ou de sous-diacre celui qui n'est marié qu'en première noces et qui a sa femme vivante avec des enfants, à moins qu'il ne professe la continence ou qu'il ne passe à l'état de veuvage : du moins est-ce là ce qui se fait quand les canons sont observés à la rigueur. Vous direz peut-être qu'il y a des pays où les prêtres, les diacres et les sous-diacres continuent de fréquenter leurs femmes. J'en conviens ; mais cela est contraire à la règle, et n'est l'effet que du relâchement qui s'est introduit, ou bien du trop petit nombre de ministres qui s'offraient pour gouverner un trop grand nombre de fidèles. Car l'Eglise, que dirige l'Esprit-Saint, voyant en toutes choses ce qu'il y a de plus convenable, a voulu que le ministère du culte divin pût s'exercer sans distraction et s'employer avec une liberté entière au salut des âmes. Or, je dis qu'il est convenable qu’à raison des besoins journaliers et souvent imprévus du peuple fidèle, il y ait des prêtres et des diacres aussi bien que des évêques tout entiers consacrés à Dieu. Car si l'Apôtre recommande aux simples fidèles eux-mêmes de vivre dans la continence pour pouvoir vaquer à la prière au 'moins quelque temps, a combien plus forte raison ne le recommanderait-il pas aux ministres sacrés, pour qu'ils puissent sans distraction vaquer à leur ministère dans l'affaira si importante du salut des âmes ? "
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38. Le même, in compendiarâ verâ doctrinâ fidei apostolæ et catholicæ Ecclesiæ : " L'ordre le plus élevé est le sacerdoce, pour lequel on ne choisit d'ordinaire que des hommes qui aient conservé leur virginité, ou du moins que des hommes qui mènent la vie solitaire. Que s'il ne s'en trouve pas en nombre suffisant, on choisit alors parmi ceux qui pratiquent la continence même à l’égard de leurs propres épouses, ou parmi ceux qui sont veufs et qui n'ont été mariés qu'une fois. Car, quant à ceux qui auraient contracté un second mariage, il n'est pas permis dans l'Eglise catholique de les admettre au sacerdoce, quoique cependant celui qui serait resté veuf après avoir gardé la continence dès le commencement, puisse être admis en qualité d'évêque, de prêtre, de diacre ou de sous-diacre. "
39. S. JEROME, Lib. I contra Jovinianum, c. 19 : " L'Apôtre ne dit pas, qu'on choisisse pour évêque celui qui n'a qu'une femme et qui vit avec elle ; mais celui qui n'a jamais eu qu'une femme, et qui maintient les enfants qu'il en a eus dans l'obéissance et dans les habitudes de la vertu (I Tim., III, 4). Vous reconnaîtrez sans doute qu'on ne peut pas admettre pour évêque quelqu'un qui, dans l'épiscopat même songerait à se donner des enfants. Car si l'on surprenait un évêque dans de pareils délits, on ne le lui pardonnerait pas comme à un homme marié, mais on le condamnerait comme adultère. Ajoutons à cela, que si un laïque ou en général tout fidèle a besoin, pour se mettre en état de prier, de s'abstenir de l'acte conjugal, le prêtre qui doit offrir tous les jours le saint sacrifice pour le peuple chrétien doit donc prier continuellement, et que s'il doit prier continuellement, il doit continuellement aussi s'abstenir du mariage. "
40. Le même, adversùs Vigilantium, c. 4 : " O crime ! Il a, dit-on, des évêques pour complices de sa scélératesse, si toutefois il faut appeler évêques ceux qui n'ordonnent pas de diacres qu'auparavant ceux-ci n'aient pris femme, ceux qui ne croient à la pudicité d’aucun célibataire et qui, de plus, montrent combien saintement ils vivent, en portant sur tout le monde de mauvais soupçons et en ne conférant les sacrements du Christ par les mains de leurs diacres, qu’à condition de voir enceintes les femmes de ces derniers, ou d'entendre crier leurs enfants dans les bras de leurs mères. Que feront les Eglises d'orient ? Que feront celles de l'Egypte et du siège apostolique, elles qui ne reçoivent pour clercs que ceux qui sont ou vierges, ou continents, ou qui
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cessent d'avoir des femmes s'ils en avaient avant d'être ordonnés ? (Cf. Œuvres choisies de saint Jérôme, traduites par Collombet, tome VIII, pag. 158-161) ? "
41. S. AUGUSTIN, Lib. II de adulterinis conjugiis, c. 20 : " Quand nous avertissons ceux qui semblent faire consister la supériorité de l'homme sur la femme dans une licence sans mesure, de ne pas s'exposer à périr éternellement en se livrant à l’adultère, nous avons coutume de leur proposer pour exemple la continence des clercs, qui le plus souvent sont pris malgré eux pour porter ce fardeau, et qui l'ayant une fois accepté, le mènent à bonne fin avec l'aide de Dieu. Nous leur disons donc : Et vous, si le peuple vous faisait violence pour vous imposer une pareille charge, n'en rempliriez-vous pas saintement les devoirs quand une fois vous en seriez chargés, en demandant à Dieu, par une conversion subite, sans qu'auparavant vous y eussiez jamais pensé la grâce nécessaire pour les remplir ? L'honneur qui leur en revient, nous objectent-ils alors, est pour eux une fiche de consolation. Nous leur répondons : Et vous, le motif de la crainte devrait vous contenir encore bien davantage. Car si tant de ministres de Dieu, quoique pris à l'improviste, ont accepté un tel fardeau, dans l'espérance de paraître avec plus d'éclat dans l'héritage de Jésus-Christ, combien ne devez-vous pas vous appliquer davantage à vivre purs de tout adultère, dans la crainte, je ne dirai pas de briller moins dans le royaume de Dieu, mais de brûler dans le feu de l'enfer ? "
42. S. FULGENCE, De fide, ad Petrum diaconum, c. 3 : " C'est Dieu qui a institué et béni le mariage dans la personne de nos premiers parents. C'est ce qui a fait dire à l’Apôtre : Que le mariage soit traité de tous avec honneur, et que le lit nuptial soit conservé sans tache. Si donc des serviteurs de Dieu s'abstiennent de viande et de vin, ce n'est pas qu'ils croient immondes ces sortes d'aliments, mais c'est qu'ils aspirent à mener une vie plus pure ; et s'ils s'abstiennent de se marier, ce n'est pas qu'ils condamnent le mariage, mais c'est qu'ils regardent la continence perpétuelle comme une chose plus parfaite que le mariage, surtout depuis qu'il a été dit de la continence : Que celui qui peut comprendre, comprenne (MATT., XIX, 12) ; et du mariage au contraire : Que celui qui ne saurait vivre dans la continence, se marie (I Cor., VII, 9). Car la première est un acte de vertu, et le second un remède au péché. Et comme il ne faut jamais laisser
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une maladie sans le remède qui lui est propre, si quelqu'un, après que la mort lui aura enlevé une première épouse, veut passer à un second, puis à un troisième mariage, il ne pèchera point en cela, pourvu qu'il y observe les lois de la chasteté, c’est-à-dire qu'il ne contracte que des unions légitimes, et que les époux se gardent l'un à l'autre une exacte fidélité, le mari en ne connaissant point d'autres femmes que son épouse, la femme en ne connaissant point d'autres hommes que son mari. Que si l'un ou l’autre excède dans l'usage des droits que lui donne l'union légitime qu'il a contractée, le péché n’est alors que véniel, pourvu que le lien conjugal soit respecté. Mais ce que nous venons de dire ne regarde que ceux qui n'ont pas fait vœu de continence. Quant à celui qui se serait fait eunuque en vue du royaume des cieux, et qui aurait promis à Dieu dans son cœur de garder la continence, il encourrait sa condamnation suivant le langage de l’Apôtre, non-seulement en s'abandonnant à la fornication, mais même en voulant contracter mariage, parce qu'il violerait, en se conduisant ainsi, la foi qu'il aurait donnée. De même donc que, comme l'enseigne l’Apôtre, il est dans l'ordre que l'homme rende à la femme ce qu'il lui doit, comme la femme ce qu'elle doit au mari, attendu que l’homme qui prend une femme ne pèche point, et que la vierge qui s'attache à un mari ne pèche pas non plus ; ainsi, suivant le même apôtre, celui qui, n'étant engagé dans aucune nécessité, et se trouvant tout-à-fait le maître de faire ce qu'il voudra, prend une ferme résolution dans son cœur, et promet à Dieu de garder la continence, doit s'appliquer avec sollicitude à la garder jusqu'à la fin, s'il veut ne pas encourir sa condamnation par le violement de la foi qu'il aurait donnée auparavant. De même, si les personnes engagées dans le mariage ont fait vœu une fois d'un mutuel consentement de garder la continence toute leur vie, elles sont nécessairement liées par ce vœu et elles ne se doivent plus l'une à l'autre ce qui auparavant était le droit de chacun des époux, mais elles doivent à Dieu la continence qu'elles lui ont vouée. Car, pour posséder le royaume du ciel promis aux saints, chacun doit, oubliant ce qui est derrière soi, et s'avançant vers ce qui est devant soi, mettre en pratique ce qui est recommandé par le Psalmiste, en vouant volontiers au Seigneur ce qu'il sait devoir contribuer à son avancement dans la perfection, et en acquittant avec promptitude ce qu'il a voué. Car, à celui qui aura acquitté ses vœux, Dieu accordera à son tour la récompense du ciel qu'il a promise. "
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43. S. GREGOIRE, Lib. III, Epist. 34, ad Leonem episcopum Catanensem : " Il nous est revenu de plusieurs côtés que c'était depuis longtemps la coutume établie parmi vous de permettre aux sous-diacres de contracter mariage. Pour que cet abus ne se renouvelle plus à l'avenir, le diacre de ce siège apostolique, agissant en vertu de l'autorité de notre prédécesseur, mit à choix ceux de ces sous-diacres qui étaient mariés, ou de n'avoir plus de commerce avec leurs femmes, ou de se retirer du ministère sacré. . . Que votre fraternité soit donc vigilante sur ce point, et qu'elle prenne garde ce que ceux qu'elle élèvera à cet office renoncent, s'ils sont mariés, à user de leurs femmes ; qu'elle les oblige en un mot par des ordres sévères à se conduire en tout conformément aux décrets du siège apostolique. "
44. S. LEON-LE-GRAND, Epist. XCII ad Rusticum Narbonensem episcopum, c. 5 : " La loi de la continence est la même pour les ministres des autels que pour les évêques et les prêtres qui, tant qu'ils étaient laïques ou lecteurs, pouvaient et se marier et avoir des enfants, mais qui, du moment où ils sont ordonnés, ne sont plus libres de faire là-dessus ce qui auparavant leur était permis. Faisant donc succéder dans leurs personnes l'union des esprits à l'union des corps, ils doivent, sans renvoyer leurs épouses, se conduire avec elles comme s'ils n'en avaient pas, en sorte que, sans manquer à la charité qu'ils se doivent entre époux, ils s'interdisent cependant l'acte charnel du mariage. "
45. Le même, Epist. LXXXIV ad Anastasium episcopum, c. 4 : " Quoique ceux qui n'appartiennent pas au clergé soient libres de se malin et de se donner des enfants, cependant, pour l’honneur de la parfaite continence, nous interdisons même aux sous-diacres tout commerce charnel : de sorte que ceux qui ont des femmes doivent faire comme s'ils n'en avaient pas, et ceux qui n'en ont pas demeurer dans le célibat. Si cette règle doit être observée dans l'ordre du sous-diaconat, qui n'est que le quatrième à partir du plus élevé, à combien plus forte raison ne doit-elle pas s'observer dans les trois degrés supérieurs, savoir, le diaconat, la prêtrise et l'épiscopat, dont doivent paraître indignes ceux qu'on saurait n'avoir pas pleinement renoncé à l'usage du mariage ? "
46. S. BERNARD, Serm. 65 in Cantica, dit en parlant des hérétiques : " Pour se joindre à eux, les femmes quittent leurs maris, et les maris leurs femmes. Les clercs et les prêtres, tant jeunes que vieux, abandonnent leurs églises et leurs peuples, et laissant
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croître leurs cheveux et leur barbe, se mêlent à eux, pour qu'on les retrouve ensuite parmi les tisseurs et les tisseuses. . . Je m'adresse à l'un d'eux, et je lui fais cette demande : Mon ami, quelle est cette femme, et comment se fait-il que vous l'ayez avec vous ? Est-elle votre épouse ? Non, me répond-il, car le vœu que j'ai fait s'y oppose. C'est donc votre fille ? Pas davantage. Qu'est-elle donc ? ne serait-elle pas votre sœur ou votre nièce ou votre parente, ou votre alliée enfin, à quelque degré que ce soit ? Rien de tout cela. Et comment votre continence peut-elle être en sûreté dans sa compagnie ? Assurément cette cohabitation ne vous est pas plus permise que le mariage même. Car l'Eglise, sachez-le bien, ne la défend pas moins dans tous ceux qui ont fait vœu de continence. Si vous ne voulez pas scandaliser l'Eglise, mettez cette femme à la porte (Cf. Les Sermons de saint Bernard sur le Cantique des cantiques, tome II, pag. 253-254). "
47. Le concile de Trente, session XXIV, canon 9 : " Si quelqu'un dit que les clercs engagés dans les ordres sacrés, ou les réguliers qui ont fait profession solennelle de chasteté, peuvent contracter mariage, et qu'une fois contracté, ce mariage est valide, nonobstant la loi de l’Eglise ou le vœu qu'ils ont fait, et que dire le contraire c'est condamner le mariage ; et que tous ceux qui ne se sentent pas avoir le don de chasteté peuvent toujours se marier, quand même ils auraient fait vœu du contraire ; qu'il soit anathème, puisque Dieu ne refuse point ce don à ceux qui le lui demandent comme il faut, et qu’il ne permet pas que nous soyons tentés au-dessus de nos forces (I Cor., X, 13). "
48. Le quatrième concile de Carthage, canon 104 : " Autant la chasteté est un avantage précieux, autant on doit apporter de soin à la conserver. Les femmes donc qui, étant devenues veuves, soit encore jeunes, soit dans un âge mûr, se sont consacrées à Dieu en quittant l'habit séculier pour se revêtir de l'habit religieux en présence de l’évêque et de l’Eglise, et qui ensuite passent à des noces séculières, encourront par là leur condamnation, comme dit l'Apôtre (I Tim., V, 12), pour avoir osé violer la promesse faite à Dieu. Elles seront donc séparées de la communion des fidèles, et ne pourront pas même communiquer dans les repas avec eux. Car si les femmes adultères sont criminelles envers leurs époux, combien les veuves qui manquent ainsi à l'engagement religieux qu'elles ont pris ne méritent-elles pas
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davantage ce reproche d'adultère, si, pour obéir à une passion effrénée, elles violent le vœu qu'elles ont fait, non par contrainte, mais de leur plein gré, en passant ainsi à de secondes noces ? Et quand même on leur aurait fait violence et qu'on les aurait enlevées, si ensuite l'attrait de la volupté charnelle les fait consentir à demeurer unies à leur ravisseur ou à leur corrupteur, elles ne devront pas moins être condamnées à la même peine. C'est d'elles que l’Apôtre a dit que, par suite de la mollesse de leur vie, elles veulent se remarier, s’engageant ainsi dans leur condamnation par le violement de la foi qu'elles avaient donnée. "
49. S. AUGUSTIN, De bono viduatis, c. 8 et 9, comme plus haut, témoignages 7 et 8, pag. 302 et 303.
50. S. ISIDORE de Séville, De officiis ecclesiasticis, lib. II, c. 18 : " L'Apôtre déclare des veuves qu'elles s'engagent dans la damnation, quand elles veulent se marier après avoir résolu de garder la continence. Car voici ce qu'il en dit : La mollesse dans laquelle elles vivent les portant à secouer le joug de Jésus-Christ, elles veulent ensuite se marier, et s'engagent ainsi dans la damnation par le violement de la foi qu'elles avaient jurée auparavant, c'est-à-dire, parce qu'elles n'ont pas persévéré dans la résolution louable qu'elles avaient d'abord prise. Il ne dit pas : elles se marient ensuite, mais : elles veulent ensuite se marier. Car beaucoup d'entre elles sont détournées de se marier effectivement, sinon par leur attachement à leur vœu, du moins par la crainte du déshonneur. Celles donc qui voudraient bien se marier, mais qui ne se marient pas, uniquement parce qu'elles ne pourraient le faire sans danger, auraient mieux fait de ne pas faire de vœu et de se marier, que de brûler ainsi en elles-mêmes d'un feu impur, en trahissant du reste par leur air évaporé le chagrin qu'elles éprouvent du parti qu'elles ont pris, quoiqu'elles soient encore retenues par la honte ; et il n'est pas douteux que, si elles ne changent la disposition de leur cœur et ne vainquent de nouveau la volupté par le sentiment de la crainte de Dieu, elles doivent être comptées parmi les morts, soit qu'elles vivent dans les délices, puisque, au témoignage de l’Apôtre (I Tim., V, 6), celle qui vit dans les délices est morte, quoiqu'elle paraisse vivante, soit même qu'elles se consument dans les travaux et les jeûnes, si elles le font sans esprit de pénitence, et par ostentation plutôt que par désir de s'amender. "
51. In Sexto Decretatorum, lib. VI, tit. 15, de voto et voti redemptione, BonifaceVIII écrit en ces termes à l'évêque de Béziers : " Considérant que la solennité des vœux est d'institution pure-
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ment ecclésiastique, tandis que le lien du mariage a reçu son unité et son indissolubilité du chef même de l'Eglise ou du Créateur de toutes choses, qui l'a institué dans le Paradis terrestre et dans l'état d'innocence ; nous déclarons par le présent décret qu'on ne doit réputer vœux solennels, quant à la force qu'ils peuvent avoir d'annuler les mariages qu'on voudrait ensuite contracter, que ceux qui auront été rendus tels par la réception de quelque ordre sacré, ou par la profession expresse ou tacite faite dans un des ordres religieux approuvé par l'autorité apostolique. Tout autre vœu, quoiqu'il puisse être un obstacle au mariage qu'on voudrait contracter, et que sa violation doive attirer des peines d'autant plus rigoureuses à celui qui s'en rend coupable, que le vœu qu'il aura fait aura été plus connu, et que par conséquent il ne peut le violer sans un grand scandale, n'a pas cependant la force d'annuler le mariage quand une fois il est contracté. "
52. S. BERNARD, ad Fulconem (Foulques, chanoine régulier et dans la suite archidiacre de Langres, était rentré dans le monde malgré les vœux qu'il avait faits. C'est à cette prévarication que saint Bernard fait allusion ici), Epist. II : " Pourquoi donc, direz-vous, m'accorder le privilège de vos réprimandes, quand vous apercevez dans la conduite des autres quelque chose de plus répréhensible peut-être que dans la mienne ? Je vous réponds que c'est à cause du caractère particulier de votre erreur et de l’énormité de votre crime. Si la plupart des jeunes gens mènent une vie dissolue, malgré leurs désordres et leurs dérèglements, ils sont plus excusables en ce qu'ils n'ont point encore fait profession de sage vie et de régularité. Ce sont des pécheurs et non des prévaricateurs. Et vous, quelles que soient la décence et l'honnêteté de vos mœurs, vous aurez beau vous conserver avec un soin extrême chaste, sobre, et en tout parfaitement religieux, votre culte ne sera jamais aussi agréable à Dieu, que votre prévarication n'est horrible à ses yeux. "
53. S. ANSELME, ad quamdam dominam, Epist. 4 : " Si vous êtes repentante, j'ai encore bonne espérance de votre salut ; mais si vous ne l'êtes pas, que puis-je attendre autre chose que votre damnation ? Car il est impossible que vous puissiez être sauvée autrement qu'en reprenant l'habit et l'état que vous avez quittés. "
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Question V
Est-ce donc que l’Eglise contraint certaines personnes au célibat ?
L'Eglise, comme une tendre et sage mère, n'y contraint aucun de ses enfants ; elle n'en impose d'elle-même la loi à personne ; mais à ceux qui d'eux-mêmes l'ont embrassé de la manière que nous l'avons dit, elle demande qu'ils accomplissent leur vœu ou leur engagement, au lieu de manquer à la parole qu'ils ont donnée à Jésus-Christ et à son Eglise.
L'Eglise est donc autorisée à les presser d'acquitter leur promesse, et d'observer le conseil évangélique dont ils ont fait la profession solennelle ; conseil évangélique si clairement exprimé par ces paroles de saint Paul : Celui qui marie sa fille fait bien (il faut sous-entendre ici, tant qu'elle n'est pas liée par le vœu de célibat) et celui qui ne la marie pas fait mieux ; et encore par ces autres paroles : Il est avantageux à l'homme de ne toucher à aucune femme. C'est pourquoi l'Eglise, fidèle à suivre en tout l'exemple de Jésus-Christ, a de tout temps fait l'éloge des eunuques volontaires, de ces spadones voluntarii, comme les appelle Tertullien, qui se sont faits eux-mêmes eunuques pour le royaume de Dieu, c'est-à-dire pour être saints et purs de corps comme d'esprit, en combattant pour Dieu, quoique revêtus de chair, comme s'ils étaient étrangers à la chair.
Nous avons ici deux erreurs dangereuses à éviter : l’une, de ceux qui avec Jovinien exaltent tellement le mariage, qu'ils l’égalent ou le préfèrent même au célibat ou à la virginité, malgré la doctrine contraire et bien formelle de saint Paul et de tous les Pères ; l'autre, de ceux qui représentent la continence et le célibat comme à peu près impraticables pour les chrétiens et qui prétendent pour cette raison qu'on ne doit ni l'embrasser facilement, ni en faire la promesse. C'est que ces hommes ne savent pas apparemment combien la grâce de Jésus-Christ, qui n'a cessé depuis tant de siècles, pas plus qu'elle ne cesse encore aujourd'hui, d'être accordée ceux qui ont la foi, et qui la demandent avec humilité, ardeur et persévérance, de force pour alléger le joug du Seigneur, et pour rendre l'état de continence aussi praticable que salutaire. Du nombre de ces eunuques volontaires était saint Paul, qui affirmait avec tant de confiance, que Dieu est fidèle, et qu’il ne souffrira pas qu'on soit tenté au-dessus de ses
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forces, mais qu'il fera même tirer avantage de
la tentation en donnant la force d'y résister. C'est pourquoi
saint Augustin, ayant à expliquer ces paroles du Psalmiste, Faites
des vœux au Seigneur votre Dieu et accomplissez-les, s'exprime ainsi
: " Ne soyez pas négligents dans les vœux que vous faites. Ce n'est
pas, il est vrai, par vos propres forces que vous pourrez les accomplir
: vous succomberez, si vous présumez de vous-mêmes. Mais,
si vous mettez votre appui en celui à qui vous offrez vos vœux,
vouez-lui avec assurance ce que vous voudrez, et soyez sûr de pouvoir
l'accomplir par sa grâce. " Saint Augustin dit encore ailleurs :
" C'est une heureuse nécessité que celle qui oblige de faire
ce qu'il y a de mieux. "
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. I Corinthiens, VII ; comme dans le corps de la réponse, page 323.
2. MATTHIEU, XIX, 10-12 : " Ses disciples lui dirent : Si telle est la condition de l'homme et de la femme, il n'est pas avantageux de se marier. - Il leur dit : Tous n'entendent pas cette
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parole, mais ceux-là seulement à qui il a été donné de l'entendre. - Car il y a des eunuques sortis tels du sein de leur mère ; il y en a qui ont été faits eunuques par les hommes, et il y en a qui se sont rendus eunuques eux-mêmes pour gagner le royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre ceci le comprenne. "
3. ISAIE, LVI, 3-5 : " Et que l'eunuque ne dise point : Je ne suis qu'un bois aride. - Car voici ce que le Seigneur dit aux eunuques : Ceux qui gardent mes jours de sabbat, qui se portent à ce qui m'est agréable et qui demeurent fermes dans mon alliance, - je leur donnerai dans ma maison et dans l'enceinte de mes murs un nom et une place d'honneur qui leur vaudra mieux que des fils et des filles ; je leur donnerai un nom qui ne s'éteindra jamais. "
4. I Corinthiens, VII, 32-34, 38-40 : " Celui qui n'est point marié s'occupe du soin des choses du Seigneur, et de ce qu'il doit faire pour plaire au Seigneur. -Mais celui qui est marié s'occupe du soin des choses du monde et de ce qu'il doit faire pour plaire à sa femme, et ainsi il se trouve partagé. - De même une femme non mariée et une vierge s'occupent du soin des choses du Seigneur, afin d'être saintes de corps et d'esprit ; mais celle qui est mariée s’occupe du soin des choses du monde et de ce qu'elle doit faire pour plaire à son mari. . . - Celui qui marie sa fille fait bien ; mais celui qui ne la marie point fait encore mieux. La femme est liée à la loi du mariage, tant que son mari est vivant ; mais si son mari meurt, elle est libre : qu'elle se marie à qui elle voudra, pourvu que ce soit selon le Seigneur. - Cependant elle sera plus heureuse si elle demeure veuve, comme je le lui conseille ; et je crois que j'ai aussi l'esprit de Dieu. "
5. I Corinthiens, X, 13 : " Dieu est fidèle,
etc. Il vous fera tirer avantage de la tentation, en vous donnant la force
d'y résister. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
SUR LE CELIBAT DES PRETRES ET DES AUTRES ECCLESIASTIQUES (1).
4. Le V. BEDE, Lib. III de tabernaculis et vasis ejus ac vestibus sacerdotum, c. 9 : " Personne ne peut recevoir le sacerdoce ou être consacré pour le service de l'autel, s'il n'a cette sorte de chasteté qui réprime tout désir du mariage, c'est-à-dire, s'il n'est
(1) Déjà beaucoup de ces témoignages ont été produits à la suite de la question précédente.
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demeuré vierge, ou du moins s'il n'est libre de tout engagement matrimonial. Ce genre de vertu n'est commandé à personne par une loi expresse de Dieu, mais doit être un sacrifice volontaire qui lui soit offert, puisqu'il a dit lui-même : Tous ne sont pas capables de cette résolution (MATTH., XIX, 11). Et cependant il invite pathétiquement à la prendre tous ceux qui en sont capables, par ces autres paroles : Que celui qui peut comprendre ce que je dis, le comprenne. Et un peu plus bas, il promet à ceux qui quitteront pour l'amour de lui leur femme, leur famille ou les embarras de ce siècle le centuple pour le temps présent, et la vie éternelle pour le siècle à venir. Aussi n'est-ce pas sans dessein que Moïse reçoit l’ordre de vêtir Aaron et ses fils d'une manière différente du reste du peuple, et que Dieu lui dit en particulier : Vous leur ferez des caleçons de lin pour couvrir ce qui n'est pas honnête dans le corps (Exod., XXVIII, 42) ; comme s'il disait : Qu'ils aient soin de couvrir les parties déshonnêtes de leur corps ; et vous, faites faire des caleçons au pontife et à ses fils, tracez-leur la règle de la chasteté, intimez à ceux qui doivent exercer le sacerdoce l'obligation de s'abstenir de leurs femmes. Toutefois vous n'imposerez par contrainte à personne le joug de la continence ; mais ceux du moins qui voudront exercer le sacerdoce, et servir au ministère de l'autel, cesseront de leur plein gré de donner pouvoir sur eux à leurs femmes. Une fois ce sacrifice accompli, et leur dessein arrêté de se dévouer aux fonctions du sanctuaire et de l'autel, il ne leur restera plus qu'à observer cette loi divine qui règlera jusque dans ses derniers détails la vie dont ils devront donner l'exemple, et l’enseignement qu'ils auront à donner au peuple, et, donnant sa sanction à leur résolution généreuse, relèvera dignement leur sacerdoce par l'éclat de toutes les vertus, telles en particulier que la sagesse, la patience, la douceur, la miséricorde, le zèle du salut des âmes, l'humilité et la crainte de Dieu. Sans ce cortège qui doit les accompagner, ils seront tenus pour prévaricateur et condamnés à mourir. Car c'est donner très-certainement la mort à son âme, que de prétendre au sacerdoce tout en menant une vie voluptueuse. "
2. Le même, in primum caput Lucæ, sur ces paroles, Et factum est ut implerentur dies officii ejus, abiit in domum suam : " Cela appuie ce que je viens de dire, que les pontifes, tant que duraient leurs fonctions, devaient non-seulement ne pas fréquenter leurs épouses, mais n'approcher pas même de leurs maisons. Et par là l'exemple se trouve donné aux prêtres du temps actuel de
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garder une chasteté perpétuelle, puisqu'ils doivent servir l'autel sans interruption. Comme il fallait alors que tous les prêtres fussent pris dans la famille d'Aaron pour se succéder les uns aux autres, il était indispensable de leur accorder un temps qu'ils pussent employer à se susciter des descendants en même temps que des successeurs. Mais aujourd'hui qu'il ne s'agit plus dans le sacerdoce de succession charnelle, mais uniquement d'une succession de vertus, les prêtres, pour pouvoir constamment servir à l'autel, doivent s'abstenir constamment aussi du commerce des femmes, et garder conséquemment une perpétuelle chasteté. "
3. S. JEROME, in caput I Epistolæ ad Titum : " Si l'on recommande aux laïques de s'abstenir de leurs femmes pour vaquer à la prière, que dirons-nous d'un évêque qui doit offrir tous les jours à Dieu des victimes sans tache pour ses péchés et pour ceux de son peuple ? Ouvrons les livres des Rois, et nous verrons le prêtre Abimélech ne consentir à donner des pains de proposition à David et aux gens de sa suite, qu'après lui avoir demandé si lui et ses gens s'étaient abstenus d'approcher, non pas seulement de femmes étrangères, mais de leurs propres femmes. Et si David ne lui eût répondu qu'ils n'avaient point fréquenté de femmes depuis trois jours, il ne leur aurait jamais cédé de ces pains qu'il leur avait d'abord refusés. Or, il y a entre les pains de proposition et le corps de Jésus-Christ la même différence, qu'entre l'ombre et le corps, entre la figure et la vérité, entre l'image des biens futurs et ces biens eux-mêmes. En même temps donc que les autres vertus, telles que la douceur, la patience, la sobriété, la modération, le désintéressement, l'hospitalité et l'affabilité doivent se faire remarquer dans l'évêque, à plus forte raison que dans les laïques eux-mêmes, il doit de plus offrir dans sa personne l'exemple d'une chasteté, et pour ainsi parler, d'une pudeur sacerdotale qui le porte à s'abstenir non-seulement de toute action impure, mais même d'un regard, d'une pensée qui distrairait un cœur tout occupé, comme il doit l'être de l'honneur de consacrer le corps de Jésus-Christ. "
4. Le même, in Apologiâ pro libris adversùs Jovinianum, c. 5 : " Nous avons dit clairement que le mariage est permis dans l'Evangile, mais sans pouvoir toutefois prétendre en se renfermant dans ses limites, obtenir le prix de la chasteté. Si les personnes mariés trouvent cela difficile à digérer, qu’elles ne s'en fâchent pas contre moi, mais plutôt contre les saintes Ecritures,
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ou bien encore contre tous les évêques, les prêtres et les diacres, contre tout l'ordre sacerdotal et clérical, où personne ne croit pouvoir offrir le saint sacrifice, s'il ne s'abstient de l'acte permis entre les époux. " Et c. 8 : " Les apôtres, ou étaient vierges, ou s'ils étaient mariés, gardaient la continence ; les évêques, les prêtres et les diacres, pour être éligibles, doivent être ou vierges, ou veufs, ou du moins garder, à partir de leur sacerdoce, une perpétuelle chasteté. "
5. ORIGENE, Hom. XXIII in libr. Numerorum : " Si la prière du juste est pour Dieu un encens qu'il accepte volontiers, si l'élévation de ses mains est comme le sacrifice du soir (Ps. CXL, 2) ; si, d'un autre côté, l'Apôtre dit aux personnes engagées dans le mariage : Ne vous refusez point l'un à l'autre le devoir conjugal, si ce n’est d'un mutuel consentement et pour un temps, afin de vous exercer à l'oraison, et ensuite revenez à vivre ensemble comme auparavant (I Cor., VII, 5) ; il est certain que le sacrifice perpétuel est impossible à ceux qui s'embarrassent dans les nécessités du mariage. De là il me semble s'ensuivre comme une conséquence nécessaire, qu'il n'appartient d'offrir le sacrifice perpétuel, qu'à celui qui se dévoue lui-même à une chasteté perpétuelle. "
6. S. AMBROISE, Epist. LXXXII (al. 63) ad Vercellensem Ecclesiam, n° 62 : " L'Apôtre prescrit à l'évêque de n'avoir qu’une femme, non qu'il exclue de l’épiscopat celui qui n'en a pas du tout, cela étant au-dessus de la loi et du précepte, mais pour faire entendre qu'il doit, en gardant la chasteté conjugale, conserver la grâce de son baptême. Ce n'est pas non plus pour l'obliger par son autorité apostolique à se donner des enfants dans le sacerdoce ; car il dit : qui ait des enfants, et non pas : qui fasse des enfants ; et il lui défend de plus de contracter de nouveaux mariages. "
" Je n'ai pas voulu omettre cette explication, parce que plusieurs entendent ces paroles comme si saint Paul avait voulu dire, que l'évêque n'ait qu'une femme qu'il ait épousée depuis son baptême, et que le baptême eût, en le purifiant, levé l'obstacle qui l'aurait empêché auparavant de contracter ce nouveau lien. Je conviens que ce sacrement efface généralement tous les péchés et que, si un homme s'est souillé avec plusieurs femmes auxquelles il n'était point uni par les liens du mariage, tous ces crimes lui sont remis par la grâce qu'il reçoit ; mais le baptême ne dissout pas le mariage, lorsqu'on l'a contracté une seconde
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fois. Il purifie du péché, mais il ne dispense pas de la loi. On ne commet aucune faute en se remariant ; mais c'est au contraire une loi à laquelle on se soumet de nouveau. Le baptême n'affranchit donc pas de cet engagement comme si c'était un péché ; mais il le laisse subsister comme une loi. C'est cette loi que reconnaît l'Apôtre en disant : Que l’évêque soit sans crime, et qu'il n'ait épousé qu’une femme. Celui donc qui est sans crime et qui n'a épousé qu'une femme, est dans les conditions exigées pour entrer dans l'épiscopat. Pour celui qui a épousé deux femmes, quoiqu'il n'ait commis en cela aucun péché qui le souille, il n'en est pas moins exclu de la dignité du sacerdoce. "
" J'ai exposé ce que prescrit la loi ; disons aussi ce que dicte la raison. Mais auparavant, reconnaissons que non-seulement saint Paul a fait cette ordonnance pour les évêques et pour les prêtres, mais que les Père du concile de Nicée y ont ajouté que quiconque serait bigame ne serait point admis à la cléricature Et en effet, comment un bigame pourrait-il consoler une veuve, l'honorer, l'exhorter à rester dans le veuvage, à ne pas violer la foi qu'elle a promise à son mari, si lui-même ne l'a pas gardé à sa première épouse ? Quelle différence y aurait-il entre le peuple et le prêtre s'il n'y avait que les mêmes lois pour l'un comme pour l'autre ? Un évêque ou un un prêtre doit exceller par son genre de vie, autant que par la dignité de sa profession (Cf. Les Lettres de saint Ambroise, etc., trad. par le P. Duranti de Bonrecueil, de l'Oratoire, t. III, p. 180-182). "
7. Le même, Des devoirs des ministres sacrés, liv. 1, c. 50 : " N'oubliez pas que vous devez remplir votre ministère dans toute sa sainteté, dans toute son intégrité ; que vous devez craindre de le souiller par une union illicite, puisque vous étiez déjà purs de corps, pleins d'une incorruptible pudeur, étrangers même aux liens du mariage, lorsque vous avez reçu la grâce de ce saint ministère. J'insiste sur ce point, parce que, dans presque tous les lieux éloignés des villes, des hommes même investis du saint ministère ont eu des enfants, et ils s'autorisent d'un ancien usage, relatif à une époque ou les sacrifices ne se célébraient que par intervalles ; et cependant, même alors, la chasteté était imposée au peuple deux ou trois jours durant, pour qu'on pût s'approcher du sacrifice exempt de toute souillure ; on lavait aussi ses vêtements, l'Ancien-Testament nous le dit (Exod., XIX, 10). Si l'on abordait avec tant de respect l'image de la vérité, que ne devrait-on
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pas faire pour la vérité elle-même. Apprenez, prêtre et lévite, ce que c'est que laver vos vêtements, pour que vos corps soient purs quand vous célébrerez le sacrifice. "
8. EUSEBE, Démonstration évangélique, livre I, c. 9 : " On pourra nous demander pourquoi (les anciens patriarches) désiraient ardemment le mariage et la multiplication de leur famille, tandis que nous négligeons entièrement ce soin, et pourquoi, tandis qu'il est écrit qu'ils se rendaient le Seigneur propice par l'immolation des victimes, nous évitons les sacrifices comme une impiété. Ces deux difficultés d'un assez grand poids semblent détruire ce que nous venons d'avancer, en montrant qu'en cela nous ne nous conformons pas aux usages de l'ancienne religion. Or, nous pouvons offrir la réponse suivante, tirée du livre des Hébreux, et dire : Ceux qui, avant Moïse ont mérité un glorieux témoignage pour leur piété, ont vécu au commencement de la vie et des jours du monde ; au lieu que les préceptes qui nous sont donnés tendent à la consommation de toutes choses. Aussi ces saints personnages cherchèrent-il avec grand soin à augmenter le nombre de leurs héritiers, car c'était le temps de l'accroissement et de la multiplication du genre humain, qui était pour ainsi dire à la fleur de son âge. Pour nous, ce n'est plus notre but, car maintenant toutes choses déclinent et tendent à leur fin ; la consommation générale approche ; voici la fin de la vie ; l’Evangile est prêchée à nos portes, et l'on entend retentir la nouvelle de la rénovation et de la régénération du siècle futur qui approche. - Voilà notre première réponse ; en voici une autre. "
" Ces hommes des premiers jours, dont la vie était sans sollicitude et libre d'obligations, n'éprouvaient nul obstacle à réunir leur famille et leurs enfants pour se livrer avec recueillement à l'adoration de la Divinité avec leurs femmes, leurs enfants et leur famille, n'ayant point à craindre d'être distraits d'une si noble occupation par des étrangers, tandis que mille choses extérieures, mille privations étrangères nous assiègent et nous écartent de la pratique continuelle de ce qui plaît à Dieu. Une instruction évangélique nous apprend que tel est le motif de s'abstenir du mariage. Voici donc ce que je vous dis, mes frères, le temps est court, et ainsi il faut que ceux mêmes qui ont des femmes soient comme n'en ayant point, et ceux qui pleurent, comme ne pleurant point, ceux qui se réjouissent, comme ne se réjouissant point, ceux qui achètent, comme ne possédant point, enfin ceux qui usent de ce
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monde, comme n'en usant point ; car la figure de ce monde passe. Je désire vous voir dégagés de soins et d'inquiétudes. Or, celui qui n'est pas marié s'occupe uniquement du soin des choses du Seigneur et de ce qu'il doit faire pour plaire au Seigneur ; mais celui qui est marié s’occupe du soin des choses du monde, et de ce qu'il doit faire pour plaire à sa femme, et ainsi il se trouve partagé. De même, une femme qui n'est pas mariée et une vierge s'occupent du soin des choses du Seigneur, afin d'être saintes de corps et d'esprit ; mais celle qui est mariée s'occupe du soin des choses du monde et de ce qu'elle doit faire pour plaire à son mari. Or, je vous dis cela pour votre avantage ; non pour vous dresser un piège, mais pour vous porter à ce qui est plus parfait et qui vous donnera un moyen plus facile de prier Dieu sans empêchement (I Cor., VII, 31). "
" En blâmant les ineptes futilités des circonstances et des choses extérieures, qui n'existaient pas pour les anciens, l'Apôtre fait connaître clairement pourquoi il faut s'abstenir du mariage. Nous ajouterons une troisième raison de l'ardeur qu'eurent les anciens fidèles à voir se multiplier leur race : tandis que les autres hommes se plongeaient dans le mal, que leurs mœurs devenaient cruelles, inhumaines et sauvages, que leur culte dégénéra en superstitions impies, ces hommes de foi, peu nombreux et faciles à compter, s'écartèrent de la vie commune et des usages du reste du monde. Séparés donc des autres nations et vivant loin d'elles, ils instituèrent des usages contraires, une vie conforme à la sagesse et à la vraie religion et libre de tout commerce avec les autres hommes. Afin donc de conserver à ceux qui viendraient après, comme une étincelle sacrée qui ranimât le culte qu'ils suivaient eux-mêmes, et pour qu’à leur mort ne périt pas la sainte piété, ils durent former le dessein d'avoir des enfants et de les élever pour être les maîtres et les précepteurs de leur postérité, persuadés de l'obligation de laisser des héritiers de leur piété et de leur religion à ceux qui viendraient dans la suite des temps. C'est d'eux que descendent les nombreux prophètes les justes, le Sauveur lui-même, ses disciples et ses apôtres. Si quelques-uns de leurs descendants ont été pervers, ainsi que la paille naît avec le bon grain, il ne faut pas accuser ceux qui furent leurs pères et leurs maîtres ; ne savons-nous pas que quelques disciples du Sauveur s’égarèrent par un désordre de leur volonté ? "
" Telle est la cause du dessein que formèrent les patriarches pour la multiplication de leur race, cause qui n'existe plus pour nous ; car aujourd'hui, dans les contrées, dans les villes, dans
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les campagnes, nous voyons de nos yeux une multitude de nations, des peuples innombrables attirés par la grâce de Dieu à la lumière de l'Evangile, et animés du même esprit, s'empresser d'accepter le joug de la loi évangélique ; de sorte que les docteurs et les prédicateurs de la parole de vie peuvent à peine suffire, quoique dégagés de tout lien de la vie et de toute sollicitude. Or, l'affranchissement des liens du mariage les met en état de s'occuper de soins d'un ordre plus relevés en procurant une naissance spirituelle et divine, non pas à deux ou trois enfants seulement, mais à des milliers d’âmes, en se chargeant de leur éducation dans l'ordre du salut, et de la direction de toute la suite de leur vie. "
" Enfin, si l'on examine la vie des anciens patriarches dont nous parlons, on trouvera que si dans leur jeunesse ils cherchaient à avoir des enfants, ils s'abstenaient de bonne heure du mariage. Il est écrit en effet (Gen., V, 22), qu’après avoir engendré Mathusala, Hénoch plut au Seigneur. L'histoire sacrée marque spécialement que ce fut après la naissance de ce fils qu'Hénoch plut au Seigneur, et elle ne dit pas qu'il ait engendré d'autres enfants dans la suite. Lorsqu'après la naissance de ses fils, Noé, cet homme juste, eut échappé à la destruction générale seul avec sa famille, il cessa d'avoir des enfants, quoiqu'il ait vécu encore longtemps depuis. Isaac, après le double enfantement de son épouse, ne s'approcha plus d'elle. Joseph, quoiqu'il vécût en Egypte, ne fut père que de deux fils, que lui donna une seule épouse. Il est raconté de Moïse, et d'Aaron son frère, qu'ils eurent des enfants avant l'apparition dont ils furent favorisés ; mais on ne saurait trouver qu'ils en aient engendré après la révélation qui leur fut faite des desseins de Dieu. Que dire de Melchisédech ? Il apparut sans famille, sans race, sans héritier. Ainsi de Josué, successeur de Moïse, et d'un grand nombre de prophètes. Nous avons exposé au long, dans un autre endroit, le motif qui porta Abraham et Isaac à multiplier leur race ; c'est là que nous avons traité de la polygamie et de la nombreuse race des anciens fidèles, et nous y renvoyons le lecteur studieux, en l'avertissant que les lois de la nouvelle alliance n'interdisent pas absolument le mariage, mais que les prescriptions en sont conformes à celles qui dirigeaient ces saints personnages. Il faut, dit l’Ecriture, qu'un évêque n'ait épousé qu'une seule femme (I Tim., III, 2). Ceux qui sont consacrés à Dieu, et qui se livrent à l'exercice du sacré ministère, doivent s'abstenir désormais de tout commerce avec leurs épouses.
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Cependant les saintes lettres condescendent à la faiblesse de ceux qui ne sont pas jugés dignes d'un si grand honneur (Cf. Démonstr. évangel., édit. Migne). "
9. Dans Gratien, distinction 28, on trouve cités les canons suivants :
10. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Epist. ad Petrum subdiaconum : " Que les évêques n'ordonnent sous-diacres que ceux qui ont commencé par leur promettre de vivre dans la chasteté, parce qu'on ne doit employer au service de l'autel que ceux dont la chasteté a d'abord été éprouvée. "
11. INNOCENT II : " Nous ordonnons que ceux qui se seront mariés ou qui auront pris des concubines depuis qu'ils auront reçu le sous-diaconat, soient privés de tout office comme de tout bénéfice ecclésiastique. Car, comme ils doivent être les temples vivants et les vases du Seigneur, les sanctuaires de l'Esprit-Saint, ce serait une indignité qu'ils se livrassent à la dissolution et l'impudicité. "
12. Le cinquième (Ou plutôt le 4e tenu l'an 633. Cf. LABBE, Conc., t. V, col. 1713-1714) concile de Tolède, canon 26 : " Lorsque des prêtres ou des diacres sont placés dans des paroisses, ils doivent promettre à leur évêque de vivre chastement et dans la crainte de Dieu, afin que cet engagement qu'ils prendront les oblige de vivre selon la sainteté de leur état. "
13. Le deuxième concile de Tolède, canon 4 : " Ceux qui, dès l'enfance, seront destinés à la cléricature par leurs parents, recevront d'abord la tonsure, et seront mis ensuite au rang des lecteurs pour être instruits dans la maison dépendante de l’église, sous les yeux de l'évêque, par celui qui leur sera préposé. Lorsqu'ils auront dix-huit ans accomplis, l’évêque leur demandera, en présence du clergé et du peuple, s'ils veulent se marier ou non : si Dieu leur donne la pensée de conserver la grâce de la chasteté et qu'ils promettent d'y être fidèle sans jamais contracter mariage, on aura égard à leur désir d’entrer dans la voie étroite, et on les admettra à se charger du joug si léger du Seigneur. On commencera par éprouver leur résolution, et puis on leur confiera, à la vingtième année de leur âge, l'office de sous-diacres. A vingt-cinq ans accomplis, s'ils se sont conduits sagement, on les ordonnera diacres, mais en veillant sur eux, afin qu'ils ne se marient point, et qu'ils n'aient aucun commerce secret avec des femmes. S'ils sont convaincus d'une pareille faute, ils seront regardés comme des sacrilèges et chassés de l’Eglise. S'il y en a
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qui, au moment où ils seront interrogés, témoignent désirer le mariage, nous ne pouvons pas leur ôter une liberté que leur laisse l'Apôtre, et si, mariés et arrivés à l'âge mûr, ils promettent de garder la chasteté du consentement de leurs femmes, ils pourront aspirer aux ordres sacrés. "
14. Le troisième (Ou plutôt le second (tenu l’an 453), canon 2. Quant à l'autre canon cité à la suite de celui-ci, il ne se trouve dans les actes d'aucun des trois premiers conciles d'Arles. Cf. LABBE, Conc., t. IV, col. 1011) concile d'Arles : " On ne doit pas admettre au sacerdoce quelqu'un qui se trouve engagé dans les liens du mariage, à moins qu'il ne se soit préalablement converti (nisi præmissa, al. promissa, fuerit conversio), c'est-à-dire, qu'il n'ait promis ou fait profession de garder la continence. " Gratien cite encore cet autre canon du même concile : " Le concile a décrété de plus, qu'on n'ordonnerait plus à l'avenir de diacres qui fussent mariés, à moins qu'ils n'eussent pris la résolution de se convertir en faisant profession de chasteté. "
15. On trouve encore dans Gratien, distinction 82, la citation suivante de la lettre du pape Sirice (à Himère, évêque de Tarragone) : " Nous avons appris de plusieurs tant prêtres que lévites (ou diacres), qu'après avoir blanchi dans le ministère sacré, ils sont venus à avoir des enfants, soit de leurs propres femmes, soit d'autres qui leur sont étrangères, et qu'ils cherchent à s'en justifier par ce qu'on lit dans l'Ancien-Testament, qu'il était permis aux prêtres et aux ministres du temple d'user du mariage. Qu'il me dise maintenant, cet avocat de la volupté, ce précepte du vice, s'il croit que la loi de Moïse ou plutôt cette même loi qui avait pour auteur Dieu lui-même, lâchât absolument toutes brides à la passion dans les ministres sacrés, pourquoi donc Dieu faisait à ceux d'entre eux qui étaient chargés de la garde du Saint des saints, la recommandation ainsi conçu : Soyez saints, parce que je suis saint, moi le Seigneur votre Dieu (Lévit., XX, 26) ? Pourquoi encore, pendant l'année qu'ils avaient à remplir leurs fonctions, les prêtres étaient-ils obligés d'habiter dans le temple, loin de leurs maisons ? C'était sans aucun doute afin qu'ils ne pussent pas avoir de commerce charnel avec leurs épouses, et qu'ainsi exempts de toutes souillures, ils pussent offrir à Dieu des sacrifices qui lui fussent agréable. Si, le temps de leur service achevé, ils pouvaient s'occuper de se donner des descendants en fréquentant de nouveau leurs épouses, c’est parce qu'il n'y avait que la tribu de Lévi qui dût fournir des ministres pour les diverses fonc-
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tions à remplir dans le temple. C'est pour cela que le Fils de Dieu, pendant les jours qu'il a honoré les hommes de sa présence, a déclaré qu'il était venu accomplir la loi, plutôt que la détruire. Et il a voulu que l’Eglise, dont il est l'époux remarquable par sa beauté entre tous les enfants des hommes (Ps. XLIV, 3), resplendit de la gloire de la chasteté, afin que, lorsqu'il reviendra pour exercer son jugement, il puisse la trouver sans tache et sans aucune ride, comme il l'a ordonné par son Apôtre (Eph., V, 27). Cette loi nous oblige à perpétuité, nous autres prêtres et lévites, de sorte qu'à partir du jour de notre ordination, nous devons consacrer nos corps et nos âmes à la modestie et à la pureté en nous attachant du reste à plaire en tout à notre Dieu dans l'offrande des sacrifices que nous lui faisons tous les jours. Or, ceux qui vivent selon la chair ne peuvent, comme nous l'enseigne ce vase d'élection, être agréables à Dieu (Rom., VIII, 8). Mais vous, vous ne vivez plus selon la chair, mais selon l'esprit, si toutefois l'Esprit de Dieu habite en vous (I Cor., III, 16). Et où l'Esprit de Dieu pourra-t-il habiter, sinon dans des corps qui soient saints, comme nous le disions tout-à-l'heure ? Toutefois, comme quelques-uns de ceux dont nous parlons gémissent ainsi que vous nous le rapportez, de ce que leur ignorance a été la cause de leur chute, notre sentiment est qu'il faut user à leur égard de quelque indulgence, à condition que, sans espérance de pouvoir s'élever plus haut, ils resteront toute leur vie au rang où ils étaient quand ils sont tombés et avec promesse de leur part de garder désormais la continence. Quant à ceux qui allèguent pour leur excuse un privilège abusif, et qui soutiennent que cela leur était permis par l'ancienne discipline, qu'ils sachent qu'en vertu de notre autorité ils seront privés dorénavant de toute charge ecclésiastique, puisqu'ils en ont si mal usé jusqu'ici, et qu'ils ne pourront plus à l'avenir célébrer les saints mystères, dont ils se sont eux-mêmes exclus en cherchant à satisfaire d'impures passions. Et comme les exemples que nous avons sous les yeux sont pour nous un avertissement de nous précautionner pour l'avenir, si désormais ce qu'à Dieu ne plaise, un évêque, un prêtre ou un diacre se trouve dans un cas semblable, qu'il sache que tout accès lui sera interdit à notre indulgence ; car il est indispensable de retrancher avec le fer des chairs corrompues qu'aucun médicament ne peut guérir. "
Le même, Epist. IV ad episcopos Africæ, c. 9 : " Nous recommandons en outre aux prêtres et aux lévites, conformément aux lois de la pudeur et de l'honnêteté, de n'avoir pas de commerce
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avec leurs femmes, à cause du ministère divin qu'ils sont obligés d'exercer tous les jours. Car saint Paul écrivait aux Corinthiens : Abstenez-vous d'user du mariage pour pouvoir vaquer à la prière (I Cor., VII, 8). Si donc la continence est ordonné aux laïques pour qu'ils puissent être exaucé dans leurs prières, à combien plus forte raison un prêtre ne doit-il pas être préparé à tout moment par une parfaite pureté au saint sacrifice, ou au sacrement de baptême qu'il peut être appelé à administrer tous les jours ? S'il se voyait en pareille occasion souillé de quelque impureté charnelle, que pourrait-il faire ? S'excuserait-il de répondre à la demande qu'on lui ferait ? ou, s'il y répondait dans quelles dispositions le ferait-il ? Comment pourrait-il se croire en état d'être exaucé, tandis qu'il est écrit : Tout est pur pour ceux qui sont purs ; rien au contraire n'est pur pour les impurs et les infidèles (Tit., I, 15) ? Je vous exhorte donc, je vous avertis, je vous conjure d'ôter de dessus nous un tel opprobre, qui pourrait nous être reproché par les gentils eux-mêmes. On objectera peut-être que l'Apôtre compte parmi les qualités de l'évêque qu'il n'ait qu'une femme. Mais l’Apôtre ne dit pas que l'évêque doive pour cela continuer à engendrer des enfants ; il veut plutôt lui marquer les règles de continence à garder par la suite. Car il ne pouvait pas repousser du sacerdoce ceux qui seraient purs de tout commerce charnel, celui qui avait dit : Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi (I Cor., VII, 7), et ailleurs en termes encore plus significatifs : Ceux qui vivent selon la chair ne sauraient être agréables à Dieu (Rom., VIII, 8). Pour vous, vous ne vivez plus selon la chair, mais selon l'esprit. "
16. Ibidem, distinct. 82, c. 1, on trouve citées ces paroles du pape Innocent I : " Vous demandez quelle conduite il faut garder à l’égard des diacres ou des prêtres dont des femmes devenues mères ont trahi l'incontinence. Sur ce point les prescriptions divines sont assez connues, ainsi que les instructions données par l’évêque Sirice, de bienheureuse mémoire, portant que les prêtres et les diacres incontinents devaient être privés de toute fonction ecclésiastique, et que tout accès devait leur être interdit à un ministère que la continence seule peut remplir convenablement. Car c'était un point de l'ancienne loi, et qui a été observé dès le commencement, que les prêtres demeureraient dans le temple pendant tout le cours de l'année où ils seraient en fonctions, afin qu'étant occupé à offrir des sacrifices, ils passent se conserver purs et sans tache, et qu'on n'admettrait
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à remplir ce saint ministère personne qui aurait eu commerce avec sa propre femme, attendu qu'il est écrit : Soyez saints, parce que je suis saint, moi qui suis le Seigneur votre Dieu. Il est vrai qu'on leur permettait pourtant d'user de leurs femmes à cause de la nécessité qu'il y avait pour eux de se donner une postérité, le sacerdoce étant exclusivement réservé aux hommes de la tribu de Lévi. Combien donc la continence ne doit-elle pas être gardée davantage, à partir du jour de leur ordination, par des prêtres ou des lévites dont le sacerdoce ou le ministère n'a point à se perpétuer dans une même famille, et pour qui il ne se passe pas un seul jour où ils ne puissent être appelés, soit à célébrer les saints mystères, soit à conférer le sacrement de Baptême ? Car si l'apôtre saint Paul écrivait aux Corinthiens de s'abstenir de l'usage du mariage pour qu'ils pussent vaquer à la prière, c'est à des laïques qu'il faisait cette injonction, à combien plus forte raison des prêtres devront-ils user de cette retenue, eux dont les prières et les sacrifices doivent être continuels ! Que s'ils sont souillés de quelque impureté charnelle, de quel front oseront-ils offrir des sacrifices ? Comment pourront-ils se croire en état d’être exaucés, tandis qu'il est écrit : Tout est pur pour ceux qui sont purs ; rien au contraire n'est pur pour les impurs et les infidèles. Mais peut-être s'autoriseront-ils de ce que l'Apôtre compte parmi les qualités d’un évêque, qu’il n'ait qu'une femme. Mais l'Apôtre ne dit pas que l’évêque doive pour cela continuer à engendrer des enfants ; il veut plutôt indiquer les règles de continence que l'évêque devra garder par la suite. Car il ne pouvait pas repousser du sacerdoce ceux qui seraient purs de tout commerce charnel, celui qui avait dit : Je voudrais que tout le monde fût comme moi ; et encore plus expressément : Ceux qui vivent selon la chair ne sauraient plaire à Dieu. Pour vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l'esprit. L'Apôtre ne dit pas non plus que l’évêque doit engendrer des enfants, mais seulement qu'il peut en avoir ; ce qui est bien différent. S'il est prouvé que quelques-uns n'auront pas pu avoir connaissance du règlement donné pour toutes les provinces par l'évêque Sirice, on leur pardonnera leur ignorance, à condition que dorénavant ils s'abstiendront de l'usage du mariage ; et on pourra les maintenir dans le rang qu'ils occupent, mais sans qu'ils puissent être élevés à un degré supérieur. Ils devront même regarder comme une grâce d'être maintenus dans une place qu'ils auraient mérité de perdre. Mais si d'autres sont convaincus
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d'avoir connu le règlement de Sirice, et de n'en avoir pas moins continué de s'abandonner à leurs désirs sensuels, il faudra les déposer sans miséricorde, en punition de ce qu'ils auront mieux aimé suivre leur convoitise, que d'obéir à une injonction qu'ils ne pouvaient ignorer. "
17. Le concile d'Agée (Cf. LABBE, Conc., t. IV, col. 1384-1385), c. 9, recommande dans les termes suivants l'observation des décrets des papes Sirice et Innocent : " Le concile a décrété en outre que, si des prêtres ou des diacres mariés veulent cohabiter de nouveau avec leurs épouses, on observera à leur égard le statut du pape Innocent ou du pape Sirice, inséré à la suite de ces canons. " Le concile rapporte ensuite des extraits de la lettre d'Innocent I à Exupère de Toulouse, où ce pape fait mention du statut de son prédécesseur en ajoutant que, " si ce statut concernant la vie que doivent mener les ecclésiastiques envoyés par l'évêque Sirice aux diverses provinces, n'était pas parvenu dans quelques-unes, l'ignorance de ces provinces sur ce point serait excusée, pourvu qu'à l'avenir elles se missent en devoir de s'y conformer. Quant à ceux qui se trouveraient (par suite de cette ignorance antérieure) dans le cas de la défense portée par le statut, ils seront maintenus dans les fonctions de leur ordre, mais sans espérance d'être promus à un ordre supérieur. C'est assez pour eux, etc., " comme on vient de lire au témoignage précédent.
18. THEOPHYLACTE, in caput VII prioris ad Corinthios : " Ainsi c'est une gloire pour un père chrétien que sa fille reste vierge, et c'est une chose qui lui mériterait les éloges de l'Apôtre. Un autre cependant qui marierait sa fille ferait bien de même, c'est-à-dire qu'en cela il ne pècherait point. Car tout ce qui n'est pas péché, est bien par là même. Mais il vaut mieux qu'un père ne marie pas sa fille ; car c'est non-seulement un bien, mais de plus un acte de vertu. " Ce commentateur avait dit un peu plus haut : " Si une vierge se marie, elle ne pèche pas en cela. L'Apôtre dans cet endroit appelle vierge, non celle qui est consacrée à Dieu (car pour cette dernière si elle se mariait, elle pècherait très-certainement, comme coupable d'adultère pour avoir violé la foi jurée à son véritable époux qui est Jésus-Christ), mais simplement une fille non mariée qui n'a pas perdu sa virginité. Dans ce cas, si elle se marie, elle ne pèche pas ; car le mariage n'est pas une chose impure. "
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19. S. JEROME, Lib. I contra Jovinianum, comme plus haut, question IV, témoignage 2, page 298.
20. S. GREGOIRE-LE-GRAND, in caput XV libri I Regum : " Quelques-uns, après avoir fait profession de continence, se laissent vaincre par la concupiscence de la chair, et croient pouvoir se sauver dans l'état de mariage. D'autres, entendant ces paroles de l’Apôtre, Que chaque homme ait sa femme, et que chaque femme ait son mari, s'imaginent que tout le monde indistinctement est compris dans cette injonction, et qu'en conséquence les personnes consacrées à Dieu peuvent user du mariage. Ceux qui donnent un tel sens à ces paroles se trouvent d'avance figurés par les chameaux d'Amalec : ils ruminent ce qui leur est enseigné, puis à une doctrine toute spirituelle ils donnent une signification toute terrestre (Hujusmodi enim sensus Amatechita camelus est, qui quasi à ratione incipit, sed ad irrationabilem vitam trahit. L. c., p. 344 C. édit. de Paris, 1705, S. Greg. Papæ I oper., t. III). "
21. S. EPIPHANE, contra apostolicos, hær. LXI, dit sur ces paroles de saint Paul, Si quis autem turpem se videri existimat super virgine suâ, quòd sit superadulta, et ita oportet fieri, quod vult faciat, non peccat si nubat (I Cor., VII, 36) : " Est-ce que l'Apôtre donne cette instruction pour faire changer de parti à la vierge qui a une fois vouée à Dieu sa virginité ? Non, ce n'est pas de ces vierges-là qu'il s'agit, mais de celles qui, arrivées à l'âge de se marier, ont gardé le sceau de la virginité, non pour la virginité même, mais parce qu'elles ne trouvaient personne qui les demandât en mariage. "
22. S. JEROME, in caput LVI Isaiæ : " Il faut entendre par eunuques ceux dont Notre-Seigneur nous parle dans l’Evangile, et qui se sont faits tels pour le royaume des cieux ; tels étaient les apôtres eux-mêmes, à qui, comme ils demandaient dans leur étonnement, à la vue de la difficulté de la chose : Qui pourra être sauvé ? le Sauveur répondit : Que celui-là comprenne, qui est capable de comprendre (MATTH., XIX). C'est pour cela aussi que l'Apôtre dit au sujet de ces sortes d'eunuques, c'est-à-dire des vierges, qu'il n'a point de commandement du Seigneur à leur intimer, mais seulement un conseil, comme ayant obtenu lui-même cette grâce du Seigneur, et n'ayant pas d'autre désir que de les voir la partager avec lui. En effet, ajoute-t-il, le temps est court : ce qui reste à faire, c'est donc que ceux qui
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ont des épouses vivent comme s'ils n'en avaient pas. Car celui-là est un vrai serviteur de Jésus-Christ qui, pour mieux s'attacher à son service, se trouve libre de tout engagement ou de tout lien conjugal. . . . . "
" Nous avons déjà dit que les véritables eunuques sont ceux qui peuvent s'occuper tout entiers de ce qui regarde le service de Dieu, et au sujet desquels la Sagesse s'exprime ainsi : Heureuse celle qui, étant stérile, n'a rien qui la souille, et qui a conservé sa couche pure et sans tache : elle recevra sa récompense, lorsque Dieu visitera les âmes saintes (Sag., III, 13). Heureux aussi l'eunuque dont les mains sont pures de toute iniquité, et qui n'a pas médité le mal contre le Seigneur. En récompense de sa fidélité, il recevra des faveurs particulières, et une place privilégiée dans le temple du Seigneur. Une telle stérilité sera rendue féconde par la virginité qui en est le principe ; de tels eunuques forceront l'entrée du royaume des cieux, et en feront la conquête. Ce sont ceux-là qui gardent véritablement le sabbat, en s'abstenant comme ils le font de l'œuvre de la chair. Ce sont ceux-là qui ont vraiment choisi ce qu'il y a de plus agréable à Dieu, en lui offrant au-delà de ce qu'il exigeait de leur part, et en consultant son désir, plutôt que d'user du pouvoir que leur laissait l'Apôtre. Ce sont ceux-là qui ont fait avec le Seigneur une alliance éternelle, en ne vaquant pas seulement quelques instants à la prière, pour retourner aussitôt après à ce qui en éloigne, mais en tenant à occuper dans la maison de Dieu, qui est son Eglise, la place qu'ils savent être la plus avantageuse. Car il y a plusieurs demeures dans la maison du Père céleste (JEAN, XIV, 2) ; et l'eunuque qui aura observé tout ce qui est marqué dans la loi, aura une place distinguée dans la cité de Dieu, dont il sera comme une des tours par le caractère sacerdotal dont il sera revêtu et, au lieu d'une postérité charnelle, il engendrera une multitude d'enfants spirituels. Tel était, au rapport des historiens ecclésiastiques, cet eunuque que Jésus aimait entre tous ses autres disciples, l'évangéliste saint Jean, qui reposa sur la poitrine de Jésus, et à qui sa virginité donna des ailes pour le faire arriver à son tombeau plus vite que le chef même des apôtres qui, pénétré dans les secrets de la génération du Verbe, a osé dire ce que tous les siècles ignoraient jusque-là : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu : il était en Dieu au commencement. "
23. S. BASILE, Lib. de verâ virginitate : " Et il y a des eunuques
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qui se sont faits eux-mêmes tels pour le royaume des cieux ; qui sont même d'une qualité qui les élève au-dessus de tous les autres, parce que, n'ayant pour se conserver chastes, ni les moyens naturels, ni l'attrait d'aucune récompense à recevoir d’hommes dont ils peuvent dépendre, ils se dévouent d’eux-mêmes en vue du royaume des cieux aux glorieuses luttes de la virginité, dédaignant par le même motif les plaisirs du mariage et toutes les séductions du siècle, et ils font la conquêt du royaume céleste à force de sueurs et de fatigues. . . Celui qui, obéissant aux mouvements de la grâce, s'est fait lui-même eunuque, et a pris pour son partage le don précieux de la continence et l'accomplissement le plus parfait de toutes les vertus, c'est à lui qu'en récompense de ses héroïques actions sera réservée une place distinguée dans le royaume céleste. " Saint Basile donne ici l'explication des paroles d'Isaïe sur le même sujet. Le saint docteur avait dit là-dessus dès le commencement de son livre : " La virginité est quelque chose de grand et de tout-à-fait admirable, puisque, pour tout dire en un mot, elle rend l'homme, autant que possible, semblable à Dieu par sa pureté. Elle n'est pas une perfection corporelle qui se communique à l'âme ; mais elle est une vertu de l'âme qui maintient le corps dans son intégrité. "
24. S. AUGUSTIN, de sanctâ virginitate, c. 24 : " Quels sont ces eunuques dont Dieu parle par la bouche d'Isaïe, et à qui il promet de donner dans sa maison et dans sa sainte cité une place distinguée, et qui leur vaudra mieux qu'une nombreuse postérité, sinon ceux qui se font eux-mêmes eunuques pour le royaume des cieux ? Car pour ceux qui sont eunuques par une opération faite dans leur chair pour les rendre inhabiles à engendrer, tels que sont les eunuques des riches et des souverains, s'ils se font chrétiens et qu'ils gardent les commandements de Dieu, mais dans une telle disposition d'esprit, que s'ils pouvaient se marier, ils le feraient, ils n'ont point à attendre dans la maison de Dieu une place au-dessus de celle qui peut appartenir tout autre fidèle engagé dans le mariage, qui élèverait dans la crainte de Dieu ses enfants nés d'un mariage légitime en leur apprenant à mettre en Dieu leur espérance ; mais ce n'est point à ceux-là qu'est promise cette place distinguée, qui vaut mieux qu'une nombreuse postérité. Car ce n'est pas par vertu, mais par une nécessité physique, qu'ils s'abstiennent de l'œuvre charnelle du mariage. "
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25. Ibidem, c. 25 : " Après avoir dit des eunuques : Je leur donnerai dans ma maison, et dans l'enceinte de ma cité, une place distinguée, et qui leur vaudra mieux qu'une postérité nombreuse ; de peur que quelqu'un ne donnât à ces paroles un sens trop grossier, en les entendant d'une récompense temporelle, il ajoute aussitôt : Je leur donnerai un nom éternel et impérissable. Ce nom éternel, quel qu'il puisse être du reste, qui est promis aux eunuques de Dieu, et qui signifie sans doute une gloire singulière et privilégiée, est un nom qui ne leur sera point commun avec les autres, pas même avec ceux qui seront d'ailleurs admis comme eux dans ce même royaume et cette même maison. Et c'est peut-être pour cette raison que cette récompense promise aux eunuques volontaires est désignée par ce mot de nomen ou de nom, puisque le nom est le mot qui sert à distinguer dans l'esprit, une personne ou une chose de tout le reste. "
26. TERTULLIEN, Lib. I ad uxorem, c. 6 : " Si l'on embrasse la continence dans le mariage, à combien plus forte raison faudra-t-il se l'imposer quand la mort a rompu ce lien, etc. ? "
27. S. JEROME, adv. Jovinianum, lib. I, c. 2 : " Jovinien dit que les vierges, les veuves et les femmes mariées qui une fois ont été baptisées en Jésus-Christ, ont toutes le même mérite, si elles ne diffèrent point les unes des autres par le reste de leurs actions. " Dans la suite de l'ouvrage, l'illustre docteur réfute au long cette hérésie.
28. S. AUGUSTIN, de hæresibus ad Quodvultdeum, hær. 82 : " L'hérésie des Jovinianistes, qui a eu pour auteur un moine nommé Jovinien, s'est élevée de notre temps, et lorsque nous étions encore jeunes. Jovinien prétendait, à l'exemple des philosophes stoïciens, que tous les péchés étaient égaux ; qu'un homme une fois régénéré par le baptême ne pouvait plus pécher, et que les jeûnes et les abstinences ne servaient de rien. Il réduisait à néant la virginité de Marie, qui, disait-il, avait cessé d'être vierge en devenant mère. Il ne voulait pas non plus que les vierges qui se consacraient à Dieu, et les hommes qui faisaient vœu de continence et de chasteté perpétuelle, eussent plus de mérite en cela que les personnes mariées qui menaient la vie commune : tellement que des vierges consacrées à Dieu, et d'un âge même avancé, qui vivaient à Rome où il enseignait cette doctrine, se marièrent, dit-on, après qu'elles l'eurent entendu la leur débiter. Quant à lui, ni il n'avait, ni il ne voulait avoir de femme, non qu'il eût l'intention en cela d'acquérir
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plus de mérites devant Dieu pour la vie éternelle, mais son motif était qu'il ne voulait pas avoir les embarras du mariage. Cette hérésie cependant n'a pas tardé à être étouffer et à s'éteindre, sans avoir pu faire seulement une victime ou une dupe dans tout le sacerdoce. "
29. Le concile de Trente, session XXIV, canon 10 : " Si quelqu'un dit que l'état de mariage doit être préféré à celui de virginité ou de célibat, et que ce n'est pas quelque chose de meilleur ou de plus heureux de demeurer dans la virginité ou dans le célibat que de se marier, qu'il soit anathème. "
30. S. AUGUSTIN, livre VI des Confessions, chapitre 11 : " Je croyais que je serais trop malheureux d'être à jamais privé des embrassements d'une femme ; et le remède de votre miséricorde (ô mon Dieu), efficace contre cette infirmité, ne venait pas à ma pensée, faute d'en avoir fait l'épreuve ; car j'attribuais la continence aux propres forces de l'homme, en même temps que je sentais ma faiblesse. J'ignorais, insensé qu'il est écrit : Nul n'est chaste, si vous ne lui en donnez la force. Et vous me l'eussiez donnée, si le gémissement intérieur de mon âme eût frappé à votre oreille, si ma foi vive eût jeté dans votre sein tous mes soucis. "
31. Ibidem, livre VIII, chapitre 11 : " Du côté où se tournait mon front, et où je redoutais de passer, se dévoilait la chaste majesté de la continence, m'invitant, non plus avec le sourire de la courtisane, mais par d'honnêtes caresses, à m'approcher d'elle sans crainte ; et elle étendait pour me recevoir et m'embrasser ses pieuses mains, toutes pleines de bons exemples, enfants, jeunes filles, jeunesse nombreuse, tous les âges, veuves vénérables, femmes vieillies dans la virginité ; et dans ces saintes âmes, la continence n'était pas stérile ; elle enfantait ces générations de joies célestes qu'elle doit, Seigneur, à votre conjugal amour ! Et elle semblait me dire, par une douce et encourageante ironie : Quoi ! ne pourras-tu ce qu'ont bien pu faire ces enfants et ces femmes ? Est-ce donc en eux-mêmes qu'ils le peuvent, et non dans le Seigneur leur Dieu ? C'est le Seigneur leur Dieu qui leur a fait don de moi. Tu t'appuies sur toi-même et voilà que tu chancelles : cela t'étonne ? Jette-toi hardiment entre ses bras, n'aie pas peur ; il ne se retirera pas pour te laisser tomber. Jette-toi hardiment, il te recevra, il te guérira. "
32. ORIGENE, in caput XIX Matthæi, tract. 7 : " C'est une parole que tous ne comprennent pas, mais ceux-là seulement à qui il
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a été donné de la comprendre. Comme quelques-uns abusent de ces derniers mots, à qui il a été donné, pour alléguer qu'ils voudraient bien garder la chasteté, mais qu'ils n'en ont pas le pouvoir, nous devons leur répondre, que s'ils prennent ces mots simplement en eux-mêmes, sans faire attention à cette autre parole : Demandez, et il vous sera donné ; quiconque demande, reçoit
(MATTH., VII, 7), ou ils ne sont pas chrétiens, ou ils ne connaissent pas les Ecritures ; car celui qui veut devenir capable de comprendre cette parole dite à l'avantage de la chasteté, n'a qu'à en faire avec foi la demande à celui qui l'a prononcée, et il recevra infailliblement de lui ce qu'il lui aura demandé ; étant assuré de ce qu'il nous a dit, que quiconque demande reçoit. Qui est donc celui qui demande de cette manière ? C'est celui qui croit à cette autre parole de Jésus-Christ : Si vous priez avec persévérance, croyez fermement que vous recevrez (MARC, XI, 24). Or, celui qui demande, doit, autant qu'il est en lui, prier d'esprit et de cœur, en se rappelant cet avertissement de l'Apôtre : Priez sans relâche (I Thess., V, 17). Il est bon de savoir aussi quelles sont les choses qu'on doit demander, pour qu'on puisse espérer de les recevoir ; comme de faire attention à ces paroles : Je vous dis que, quand il (l'ami) ne se lèverait pas pour lui donner (à l'autre) les pains qu'il lui demanderait à cause qu'il est son ami, si néanmoins celui-ci persévérait à frapper, il se lèverait à cause de son importunité, et lui en donnerait autant qu'il en aurait besoin (LUC, XI, 8-10) ; je vous dis de même : demandez, et il vous sera donné ; cherchez : et vous trouverez ; frappez à la porte, et elle vous sera ouverte : car quiconque demande, reçoit ; qui cherche, trouve ; et on ouvrira à celui qui frappe. "
33. S. JEROME, in c. XIX Matthæi : " Tout le monde ne comprend pas cette parole. Que personne ne croie qu'il faille pour cela attribuer à la destinée ou bien encore au hasard l'avantage accordé aux uns d'être vierges, tandis que les autres ne le sont pas ; mais c'est qu'il est donné de l'être à ceux qui l'ont demandé, qui l'ont voulu, qui ont fait leurs efforts pour l'obtenir. Car il sera donné à quiconque demandera ; celui qui cherchera trouvera, et on ouvrira la porte à celui qui y aura frappé. . . "
Cette parole de Notre-Seigneur : " Que celui qui peut comprendre, comprenne, est celle d'un général qui anime ses soldats à remporter le prix de la chasteté, et c'est comme s'il leur disait : Que celui qui peut combattre, combatte donc, s'il veut vaincre et triompher. "
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34. S. CHRYSOSTOME, Hom. LXIII (al. 62) in caput XIX Matthæi : " Qui peut comprendre ceci, le comprenne. Il dit ces paroles pour animer encore davantage les hommes à la pratique de cette vertu, en leur représentant combien elle est élevée, sans les y obliger comme une loi qu'il leur impose. C'est donc par l'effet d'une grande miséricorde qu'il nous tient ce langage, nous montrant en même temps que la chose nous est possible, et par là nous excitant plus vivement encore à nous y porter de nous-mêmes. "
" Vous direz peut-être : Si la chose dépend de nous, comment Jésus-Christ a t-il commencé par dire : Tout le monde n'est pas capable d'entendre cette parole, mais ceux-là seulement à qui il a été donné d’en haut ? Je répondrai que Jésus-Christ s’est ainsi exprimé pour nous faire entendre que cette vertu ne s'acquiert qu'à la suite d'un grand combat, mais non pour nous faire penser qu'elle soit l'effet de la destinée ou d'une nécessité inévitable. Dieu fait ce don à l'âme qui en a la volonté. Il nous enseigne donc par ces paroles, que celui qui entre dans cette carrière a besoin d'un puissant secours d'en haut, qui lui sera toujours donné, pourvu qu'il en ait le désir sincère. "
" Toutes les fois, en effet, que Jésus-Christ parle de quelque grande vertu, il parle en même temps du don de Dieu, comme lorsqu'il disait à ses apôtres : Il vous a été donné de connaître les mystères du royaume de Dieu (LUC, VIII, 10). Et il est aisé de voir ici que le don du ciel n'exclut nullement l'action de notre propre volonté. Car si la virginité était un don de Dieu, qui n'exigeait nul concours de notre part pour l'obtenir, ce serait vainement que Jésus-Christ nous aurait promis le ciel pour récompense, et qu'il aurait distingué des eunuques ordinaires ceux dont il parlait en ce moment (Cf. Homélies de S. Chrysostôme, trad. par P.-A. de Marsilly, t. III, pag. 88-89 ; S. Joannis Chrysost. opera, pag. 624, édit. des Bénéd. ; pag. 702-703, édit. de Gaume). "
35. S. AUGUSTIN, in Ps. LXXV, comme dans le corps de la réponse, vers la fin.
36. Le même, Epist. XLV ad Armentarium et Paulinam uxorem ejus : " Avant que votre vœu fût prononcé, il vous était libre de vous mettre à un rang inférieur, quoique ce ne soit pas après tout une liberté si heureuse, que celle qui consiste à ne pas devoir ce qu'on ne payerait qu'avec profit. Mais enfin, puisque
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maintenant vous vous trouvez lié, je n'ai plus
à vous engager à un grand acte de vertu ; mais seulement
à vous détourner d’un acte énorme d’infidélité.
Car ne pensez pas qu'en manquant au vœu que vous avez fait, vous retourniez
simplement à l'état ou vous étiez avant de le faire.
Car alors vous eussiez eu simplement moins de mérite, mais sans
être pour cela criminel. Au lieu que maintenant, si, ce qu'à
Dieu ne plaise, vous violiez votre promesse, vous deviendriez d'autant
plus malheureux, que vous eussiez été plus heureux en vous
y montrant fidèle. Et que cela ne vous porte pas à vous repentir
d'avoir fait ce vœu ; réjouissez--vous au contraire de n'avoir plus
une liberté qui n'eût fait que vous appauvrir. Tenez donc
ferme ; accomplissez ce que vous avez promis : celui qui l'exige de vous
vous aidera à le lui acquitter. C'est une heureuse nécessité
que celle qui nous pousse à ce qu'il y a pour nous de plus avantageux
(Cf. Lettres de saint Augustin, t. III, p. 260). "
Question VI
RESUME DE TOUTE LA DOCTRINE PRECEDENTE.
Tout ce que nous avons dit jusqu'ici, avec toute la brièveté que nous avons pu y mettre, a particulièrement pour but de donner aux simples une idée précise de la doctrine catholique sur les sept sacrements de l'Eglise. On trouvera que ces sacrements peuvent se ranger dans deux classes : la première, qui se compose des cinq premiers, se rapporte généralement au salut de tous les fidèles ; la seconde, qui comprend les deux derniers, se rapporte en particulier à la propagation de l’Eglise et à la multiplication du peuple de Dieu. Mais à quelque classe qu'ils appartiennent, tous ces sacrements, si nécessaire d’ailleurs à l'Eglise dans son état présent, n’ont d'autre vertu que celle qu'ils ont reçue de l'institution divine.
Le Baptême a pour effet de nous faire renaître à la vie spirituelle, dont le principe est en Jésus-Christ. La Confirmation accroît les forces que le chrétien a déjà reçues dans le Baptême. L'Eucharistie est la nourriture et le breuvage tout à la fois, le viatique enfin qui convient à notre état de pèlerinage ici-bas. La Pénitence nous présente un antidote efficace contre toutes les maladies de l'âme ; elle nous relève de nos chutes, et nous guérit
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de nos blessures. Vient ensuite l'Extrême-Onction qui nous fortifie, nous console et nous soutient dans notre dernière lutte avec la mort. L'Ordre donne des ministres à l'Eglise, pour que, par leur moyen, les choses saintes soient traitées avec la dignité convenable, et fidèlement administrée aux fidèles. Enfin, le Mariage a pour objet de perpétuer le peuple chrétien et de remédier au penchant qui pousse l'homme à l'incontinence.
Observons encore une autre différence qui existe entre les sacrements : c'est que le Baptême, la Confirmation et l'Ordre, mais ces trois seulement, une fois conférés, ne peuvent plus se réitérer. Le Baptême est nécessaire à tout le monde indistinctement. L'Eucharistie n'est nécessaire qu'à ceux qui ont le discernement suffisant, et la Pénitence à ceux qui sont retombés dans le péché depuis leur baptême. Quant à tous les autres sacrements, l'usage en est arbitraire, pourvu qu'on n'ait de mépris pour aucun, et qu'on ne néglige pas de les recevoir comme on le doit, dès que le besoin s'en fait sentir.
Tels sont les remèdes divins que le céleste Samaritain a puisé dans son infinie miséricorde, et dont il a confié la dispensation aux pasteurs de l’Eglise, pour venir au secours de ces pauvres blessés qui sont tous les pécheurs, et les rétablir, s’ils le veulent, en état de parfaite santé. Connaître la valeur exacte de ces remèdes, les recevoir avantageusement pour le salut, les appliquer fidèlement aux autres, c'est là ce qu'il faut demander, non à l'industrie de l'homme, mais uniquement à la sagesse du chrétien. Puisque nous avons achevé ce que nous avions à dire de cette SAGESSE dans la mesure que nous nous étions proposée, il nous reste à traiter, avec l'aide de Dieu, l'autre partie de cet ouvrage, qui comprendra les principes de la JUSTICE chrétienne.
LA SAGESSE INSPIRE LA VIE A SES ENFANTS ; ELLE ATTIRE A ELLE CEUX QUI LA CHERCHENT ET ELLE MARCHE DEVANT EUX DANS LA VOIE DE LA JUSTICE : CELUI QUI L'AIME, AIME LA VIE (Ecclé., IV, 12).
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. JEAN, III, 3 : " Si quelqu'un ne renaît de l’eau et du Saint-Esprit, etc. "
2. Tite, III, 5 : " Il nous a sauvé par l’eau de la régénération, et par le renouvellement du Saint-Esprit. "
3. Actes, VIII, 17 : " Alors ils leur imposaient les mains, et ils recevaient le Saint-Esprit. "
4. JEAN, VI, 52, 56 : " Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. - Ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage. "
5. JEAN, XX, 23 : " Ceux à qui vous remettrez leurs péchés, ils leur seront remis, etc. "
6. EZECHIEL, XVIII, 30-31 : " Convertissez-vous et faites pénitence de tous vos péchés, et votre iniquité ne vous attirera plus votre ruine. - Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau, etc. "
7. JACQUES, V, 14-15 : " Quelqu'un parmi vous est-il malade ; qu'il appelle les prêtres de l'Eglise, et que ceux-ci prient sur lui en l'oignant d'huile au nom du Seigneur. - Et la prière de la foi sauvera le malade ; le Seigneur le soulagera, et s'il a des péchés, ils lui seront remis. "
8. Tite, I, 5 : " Je vous ai laissé en Crète afin que vous établissiez des prêtres en chaque ville, comme je vous l'ai commandé. "
9. I Corinthiens, VI, 1-2 : " Que les hommes nous regardent
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comme les ministres de Jésus-Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu. - Or, ce qui est à désirer dans les dispensateurs, c'est qu'ils soient trouvés fidèles. "
10. Ephésiens, V, 32 : " Ce sacrement est grand, je veux dire en ce qu'il représente Jésus-Christ et l'Eglise. "
11. I Corinthiens, VII, 2 : " Pour éviter la fornication, que chaque homme vive avec sa femme, et chaque femme avec son mari. "
12. JEAN, III, 3 : " Si quelqu'un ne renaît de l'eau et du Saint-Esprit, etc. "
13. Apocalypse, II, 5 : " Souvenez-vous donc de quel état vous êtes déchu, et faites pénitence en revenant à la pratique de vos premières œuvres : si vous y manquez, je viendrai à vous, et j'ôterai votre chandelier de sa place, si vous ne faites pénitence. "
14. LUC, X, 33-34 : " Un samaritain qui voyageait étant venu à l'endroit où était cet homme, et l'ayant vu, en fut touché de compassion. - Il s'approcha donc de lui, versa de l'huile et du vin dans ses plaies, et les banda. "
15. I Corinthiens, IV, et JEAN, XX (comme ci-dessus).
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. Le concile de Florence : " Les cinq premiers sacrements se rapportent à la perfection spirituelle de chaque chrétien pour son salut particulier ; les deux derniers, au gouvernement de l’Eglise entière et à la multiplication de ses enfants. Le Baptême nous donne une nouvelle naissance ; la Confirmation augmente en nous la grâce et nous fortifie dans la foi ; ainsi régénérés et fortifiés, l'Eucharistie entretient nos forces par l'aliment divin qu'elle nous présente. Si le péché vient à affliger notre âme de quelque maladie spirituelle, la Pénitence est là pour nous en offrir la guérison ; l'Extrême-Onction a aussi pour effet de nous guérir de nos maux, soit spirituels, soit corporels, selon qu'il convient au salut de notre âme ; l'Ordre a été institué pour le gouvernement de l’Eglise et pour la multiplication spirituelle de ses enfants ; le Mariage, pour fournir à cette multiplication ou à cet accroissement ses éléments même matériels. "
2. Le même concile : " Trois de ces sacrements, savoir le Baptême, la Confirmation et l'Ordre, impriment dans l'âme un caractère ou un signe spirituel ineffable, qui les distingue des autres. C’est ce qui fait que la même personne ne peut pas les
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recevoir plus d'une fois. Les quatre autres n'impriment pas de caractère, et peuvent par conséquent être réitérés. "
3. Le concile de Trente, session VII, canon 9, des Sacrements en général : " Si quelqu'un dit qu'il n'y a pas trois sacrements, savoir le Baptême, la Confirmation et l'Ordre, qui impriment dans l'âme un caractère, c'est-à-dire une marque spirituelle et ineffaçable qui empêche qu'on puisse les réitérer, qu’il soit anathème. "
4. S. AUGUSTIN, Lib. II contra epist. Parmeniani, c. 13, enseigne au sujet du Baptême et de l'Ordre, que ces sacrements ne se réitèrent pas. Voir plus haut, article du sacrement de l'Ordre, question I, témoignage 1, page 163.
5. Le concile de Trente, session XXI, chapitre 4 : " Enfin le saint concile enseigne à ce sujet, que les petits enfants qui n'ont pas encore l’usage de la raison n'ont aucune nécessité qui les oblige de recevoir le sacrement de l'Eucharistie, puisque, étant régénérés par l'eau du baptême, et ainsi incorporé à Jésus-Christ, ils ne peuvent pas perdre il cet âge la grâce d'adoption divine qu'ils ont reçue. Il ne faut pas pour cela condamner l'antiquité qui observait cet usage en divers pays. Car en même temps que l'Eglise d'alors avait de bonnes raisons pour se conduire de la sorte eu égard aux circonstances où elle se trouvait, elle agissait ainsi, n'en doutons pas, sans croire pour cela que ces enfants ne pussent être sauvés que par ce moyen. "
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SECONDE PARTIE.
PRINCIPES DE LA JUSTICE CHRETIENNE.
Question préliminaire.
Quelles sont les choses qui entrent dans le domaine de la justice chrétienne ?
Deux choses principalement, telles qu'elles sont indiquées par ces paroles : Evitez le mal, et pratiquez le bien. Ce qu'Isaïe nous marque aussi par les paroles suivantes : Cessez de faire le mal, et apprenez à faire le bien. C'est-à-dire, comme le dit saint Paul, qu'il nous faut dépouiller du vieil homme avec ses actes, et revêtir le nouveau par des actes d'une justice et d'une sainteté véritables. La première de ces deux choses s'obtient en s'appliquant à connaître et à fuir le péchés qui est en effet le plus grand mal que nous ayons à craindre ; la seconde, en recherchant et en pratiquant la vertu.
Mais, pour remplir ce double devoir de justice, nous avons toujours besoin de la grâce de Dieu, qui nous a été acquise et en même temps promise par Notre-Seigneur Jésus-Christ. A l'aide de cette grâce, qui doit présider au commencement et à la suite de toutes nos actions, nous verrons s'opérer dans nos âmes ce que dit l'apôtre saint Jean, que celui qui fait les œuvres de justice, c'est celui-là qui est juste, comme Jésus-Christ est juste. Le même apôtre nous avertit en même temps, que celui au contraire qui commet le péché est enfant du démon.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Psaume XXXVI, 27 : " Détournez-vous du mal et faites le bien. "
2. Psaume XXXIII, 15 : " Détournez-vous du mal et faites le bien ; recherchez la paix et appliquez-vous avec ardeur à l'acquérir. "
3. I PIERRE, III, 10-11 : " Si quelqu'un aime la vie et désire avoir des jours heureux, qu'il empêche que sa langue ne se porte à la médisance, et que ses lèvres ne prononcent des paroles de tromperie. - Qu'il se détourne du mal et qu'il fasse le bien ; qu'il recherche la paix et s'applique avec ardeur à l'acquérir. "
4. Tobie, IV, 23 : " Ne craignez point, mon fils. Il est vrai que nous sommes pauvres ; mais nous aurons une affluence de biens si nous craignons Dieu, si nous nous retirons de tout péché et que nous fassions le bien. "
5. Ecclésiastique, III, 32 : " Le cœur sage et prudent s'éloignera du péché, et il prospérera dans les œuvres de justice. "
6. Romains, XII, 9 : " Ayez le mal en horreur, et attachez-vous fortement au bien. "
7. Colossiens, III, 8-10 : " Mais maintenant quittez aussi vous-mêmes tous ces péchés : la colère, l'aigreur, la malice, la médisance que les paroles déshonnêtes soient bannies de votre bouche. - N'usez point de mensonge les uns envers les autres ; dépouillez-vous du vieil homme et de ses œuvres ; - et revêtez-vous de cet homme nouveau, qui par la connaissance de la vérité, se renouvelle selon l'image de celui qui l'a créé. "
8. Ephésiens, IV, 22-32 : " Dépouillez-vous du vieil homme, dont vous avez suivi les penchants dans votre première vie, et qui se corrompt en s’abandonnant aux désirs que fomente l’erreur. Renouvelez-vous dans l’intérieur de votre âme. - Revêtes-vous de l'homme nouveau qui est créé à la ressemblance de Dieu dans la justice et la sainteté, qui sont l'apanage de la vérité. - C'est pourquoi, vous éloignant de tout mensonge, que chacun de vous parle à son prochain selon la vérité parce que nous sommes membres les uns des autres. - Si vous vous mettez en colère, gardez-vous de pécher ; que le soleil ne se couche point sur votre colère. - Ne donnez point entrée au démon. - Que celui qui dérobait ne dérobe plus ; mais que plutôt il s'occupe, en travaillant de ses propres mains, à quelque ouvrage bon et utile, pour avoir de quoi donner à ceux qui sont dans l'indigence,
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- Que votre bouche ne profère aucune parole mauvaise
; mais que tout ce que vous direz soit propre à nourrir la foi,
et inspirer la piété à ceux qui vous entendent. -
Et ne contristez point l'Esprit de Dieu, cet Esprit-Saint qui vous a marqué
comme d'un sceau pour le jour de la rédemption. - Que toute aigreur,
tout emportement, toute colère, tout cri emporté, toute médisance,
que toute malice enfin soit bannie d'entre vous. - Mais soyez bons et miséricordieux
les uns envers les autres, vous pardonnant mutuellement, comme Dieu aussi
vous a pardonné en Jésus-Christ. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Serm. LIX de tempore : " La justice n'est autre chose que s'abstenir de pécher et s'abstenir de pécher, c'est garder les prescriptions de la loi. L'observation de ces prescriptions se réduit à deux chefs : ne rien faire de ce qui est défendu et faire tout ce qui est ordonné. C’est ce que dit le Psalmiste en d'autres termes : Eloignez-vous du mal, et pratiquez le bien (Ps. XXXIII, 18). Si vous vous éloignez du mal, mais sans faire aucun bien, vous êtes transgresseur de la loi ; car la loi ne prescrit pas seulement d'avoir horreur des choses mauvaises, elle prescrit aussi de faire de bonnes actions. On ne vous dit pas seulement de ne pas dépouiller le prochain des vêtements qui le couvrent ; on vous dit encore de revêtir des vôtres ceux que vous trouvez dépouillés des leurs. "
2. S. CHRYSOSTOME, in Psalmum IV, sur ces paroles, Sacrificate sacrificium justitiæ : " Ce n'est pas assez pour nous de nous abstenir du mal ; mais il faut encore que nous fassions le bien. C'est pourquoi le Psalmiste ne manque pas de dire : Evitez le mal, et pratiquez le bien (Ps. XXXVI, 27). Car l'omission des actes de vertu peut nous rendre punissables tout aussi bien que les actions mauvaises. Et en effet, ceux qui n'auront pas nourri des pauvres affamés, qui n'auront pas donné à boire à ceux qui avaient soif, qui n'auront pas vêtu ceux qu'ils auront trouvés nus, n'auront sans doute ni volé, ni fait acte d'avarice, ni usurpé le bien d'autrui par cela seul ; néanmoins comme ils n'auront pas fait l'aumône, cela suffira pour les faire condamner à des supplices sans fin. Nous voyons par là qu'il ne nous suffit pas pour être sauvés de nous abstenir du mal, mais qu'il nous faut encore faire le bien et pratiquer la vertu. C'est pour cela aussi que le Prophète, après nous avoir inspiré l’aversion du mal en éveillant la componction dans nos âmes, après nous avoir disposés à faire
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des actes de vertus, après avoir amolli la dureté de nos cœurs, ne manque pas de nous recommander aussi les œuvres de justices par ces paroles : Offrez à Dieu un sacrifice de justice et mettez votre espérance dans le Seigneur. Or, par ce mot de justice il n'entend pas ici une seule vertu particulière mais l'ensemble de toutes les vertus, de même que nous disons un juste, pour dire un homme qui pratique toutes les vertus à la fois. "
3. Le même, Hom. XVI in Epist. ad Ephesios : " Ce n'est pas assez d'être exempt de tout mal, si l'on veut obtenir le royaume du ciel ; il faut de plus faire une ample provision de vertus. Car si nous devons nous abstenir de faire le mal pour n'avoir rien à craindre des peines de l'enfer, nous devons aussi pratiquer la vertu pour pouvoir prétendre à la récompense céleste. A moins encore qu'on n'aime mieux dire que ne pas faire le bien, c'est déjà un mal. Car ne pas faire le bien, c'est le fait de la paresse ou de la lâcheté ; or, la paresse est un mal, et non-seulement un mal, mais la cause et le principe de bien d'autres maux. Car, comme le dit le Sage, l'oisiveté a appris aux hommes à faire toute sorte de mal (Ecclé., XXXIII, 29). Gardons-nous donc bien de nous occuper de questions insensées, telles que celle-ci : Quelle sera la place de celui qui n'aura fait aucun bien ? Car ne pas faire de bien, c'est par-là même faire le mal. Dites-moi en effet, je vous prie, si vous aviez un serviteur qui ne vous volerait pas, qui ne vous manquerait pas de respect, qui ne vous contredirait jamais, qui ne s'enivrerait point, qui ne commettrait aucun autre désordre semblable, mais qui, d'un autre côté passerait les jours entiers sans rien faire, sans remplir aucun des services qu'un serviteur doit à son maître, ne lui infligeriez-vous aucun châtiment ? ne le feriez-vous pas plutôt châtier comme un mauvais serviteur ? Dites-moi si ce n'est pas là ce que vous feriez. Ce serviteur cependant n'aurait point fait de mal. C'est donc déjà un mal, que de s'en tenir à ne point en faire. Etendons notre comparaison à d'autres états. Qu'un de vos fermiers ne fasse aucun dégât dans vos biens, qu'il n'en usurpe, qu'il n'en dérobe rien, mais qu'il reste à la maison continuellement les bras croisés, sans s'occuper ni de semer, ni de labourer, ni de mettre les bœufs à l'attelage, ni de cultiver les vignes, ni de faire aucun des autres travaux qui concernent le bien de la ferme, ne le punirez-vous pas de sa négligence ? Et cependant, il ne vous aura fait aucun tort direct que vous puissiez lui reprocher. Que dis-je ? il vous aura fait tort, par cela seul qu'il sera resté sans rien faire. Car c'est faire tort,
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d’après la manière commune de penser, que de ne pas rendre les services qu'on est obligé de rendre. Si donc un domestique, un ouvrier, un membre d'une société quelconque se rend coupable lorsque, se contentant de ne pas faire le mal, il néglige de faire le bien, il doit en être de même dans la société fondée par Jésus-Christ. "
4. S. PROSPER, Lib. sententiarum ex Augustino, sent. 98 : " La justice tout entière se réduit à éviter le mal et faire le bien : règle qu'on doit observer à travers toutes les adversités de la vie ; car la seule chose qui ne soit point sujette à se perdre, c'est l'accomplissement des devoirs. "
5. S. BERNARD, Serm. I in festo Pentecostes : " Comme il nous a été commandé d'éviter le mal et de faire le bien, admirez comment l'Esprit-Saint vient pour ces deux choses au secours de notre faiblesse. Car il y a différentes espèces de grâces, quoique ce soit toujours le même Esprit (I Cor., XII, 4). Pour nous faire donc éviter le mal, il opère trois choses en nous, savoir la componction, la prière et la rémission des péchés. Maintenant, pour nous porter à faire le bien, que veut opérer en nous ce même Esprit, source lui-même de tout bien ? Trois choses encore : il nous avertit, il nous excite et il nous éclaire. Il avertit notre mémoire, il éclaire notre raison, il excite notre volonté. "
6. S. AUGUSTIN, Lib. de gratiâ et libero arbitrio ad Valentinum, c. 9 : " C'est Dieu même qui opère en nous le bien que nous faisons, selon cette parole de l'Apôtre : C'est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire selon, son bon plaisir (Philipp., II, 13). Voilà pourquoi le Psalmiste se dit à lui-même : Le Seigneur vous couronne de sa miséricorde et des dons de sa tendresse (Ps. CII, 4) ; parce que les bonnes œuvres que Dieu couronne sont des effets de sa miséricorde. Car il ne faut pas s'imaginer que, parce que saint Paul nous dit que c'est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir, il nous refuse pour cela le libre arbitre. Non, sans doute, ou si c'était là sa pensée, il n'aurait pas dit immédiatement auparavant : Opérez votre salut avec crainte et tremblement (Ibid., II, 12). Car ordonner à l'homme d'agir, c'est lui rappeler qu'il peut user de son libre arbitre. Mais l'Apôtre veut que les fidèles opèrent leur salut avec crainte et tremblement, afin qu'ils ne s'enflent pas de leurs bonnes œuvres en se les attribuant a eux-mêmes (Cf. Traités choisis de saint Augustin, Paris, 1757, tome Ier, p. 225-226). "
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7. Ibidem, c. 18 : " Afin qu'on ne se figure pas que le libre arbitre demeure sans action sous l'opération de la grâce. Dieu nous dit par la voix du Psalmiste : N'endurcissez pas vos cœurs (Ps. XCIV, 8). Il dit encore à son peuple par le prophète Ezéchiel (XVIII, 31-32) : Rejetez loin de vous toutes les abominations et les impiétés que vous avez commises contre moi. Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau, et observez tous mes commandements. Et pourquoi mourriez-vous, Maison d’Israël ? Je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu ; revenez à moi, et vous vivrez. Souvenons-nous que, si Dieu dit ici : Convertissez-vous et vous vivrez, nous lui disons de notre côté : O Dieu, convertissez-nous. Souvenons-nous que celui qui dit : Rejetez toutes vos iniquités, est celui qui justifie l'impie. Souvenons-nous que c'est le même qui nous dit : Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau, et qui dit ailleurs : Je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau. Pourquoi donc celui qui dit : Faites-vous, dit-il : Je vous donnerai ? Pourquoi commande-t-il, si c'est lui-même qui doit donner ? Pourquoi donne-t-il, si c'est l'homme qui doit faire, sinon parce que Dieu donne ce qu'il commande, quand il aide celui à qui il commande, afin que celui-ci fasse ce qui lui est commandé ? Il faut donc reconnaître qu'il y a toujours en nous une volonté, libre, mais qu'elle n'est pas toujours bonne. Elle est toujours libre ; mais elle use de sa liberté tantôt par rapport à la justice, quand elle se rend esclave du péché, et alors elle est mauvaise ; tantôt par rapport au péché, quand elle s'en affranchit ou qu'elle demeure sous l'empire de la justice, et pour lors elle est bonne. La grâce de Dieu au contraire est toujours bonne, et c'est elle qui fait que la volonté de l'homme devient bonne, de mauvaise qu'elle était auparavant. C'est elle aussi qui fait croître la bonne volonté qu'elle a commencé de former, et qui la rend assez forte pour pouvoir accomplir tous les commandements de Dieu qu'elle voudra, en le lui faisant vouloir fortement et pleinement. Lors donc que l’Ecriture dit : Si vous voulez, vous observerez les commandements (Ecclé., XV, 10, selon les Septante), elle nous apprend par là que, quand l'homme veut accomplir les commandements et qu'il ne le peut pas, il doit reconnaître que cela vient de ce qu'il ne le veut pas encore pleinement, et prier pour obtenir de Dieu une volonté qui ait un degré de force suffisant pour les accomplir. Car c'est ainsi que Dieu aide l'homme à faire le bien qu'il lui commande. Et en effet, il ne nous est
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vraiment avantageux de vouloir le bien, que lorsqu'il est en notre pouvoir de le faire ; et il ne nous est avantageux de pouvoir faire le bien, que lorsque nous voulons faire usage de ce pouvoir : car, que nous sert-il, ou de vouloir ce que nous ne pouvons pas, ou de pouvoir ce que nous ne voulons pas (Cf. Traités choisis de saint Augustin, Paris, 1757, tome Ier, pag. 250-251) ? "
8. Ibidem, c. 16 : " Il est indubitable que nous gardons les commandements, si nous le voulons. Mais comme c'est Dieu qui prépare la volonté, il faut lui demander la grâce de vouloir assez fortement, pour accomplir effectivement ce que nous voulons. Il n'est pas moins certain que c'est nous qui voulons, quand nous voulons ; mais c'est Dieu qui nous fait vouloir le bien, lui dont il est dit dans le texte cité tout-à-l'heure : C'est Dieu qui prépare la volonté (Prov., VIII, 35 selon les Septante) ; dont il est écrit encore : C'est le Seigneur qui dirigera les pas de l’homme, et alors l'homme aimera la voie de Dieu (Ps. XXXVI, 23) ; dont l'Apôtre a dit à son tour : C'est Dieu qui opère en vous le vouloir même (Philip., II, 13). Enfin, il est certain que c'est nous qui agissons quand nous faisons quelque chose ; mais c'est Dieu qui fait que nous agissions alors, en donnant à notre volonté des forces très-efficaces, suivant ce qu'il dit lui-même : Je ferai que vous marchiez dans la voie de mes préceptes, que vous gardiez mes ordonnances et que vous les observiez (EZECH., XXXVI, 27). Quand Dieu s'exprime ainsi : Je ferai que vous fassiez, que nous dit-il autre chose sinon : Je vous ôterai le cœur de pierre qui vous empêchait de faire le bien, et je vous donnerai un cœur de chair, qui vous portera à le faire ? C'est-à-dire : Je vous ôterai ce cœur dur, opposé à la justice, et qui vous rendait désobéissants, et je vous donnerai un cœur docile et soumis, pour faire ce qui vous est commandé. Enfin, c'est Dieu qui fait que nous fassions le bien, puisque nous lui disons : Mettez, Seigneur, une garde à ma bouche (Ps. CLX, 3) ; c'est-à-dire, faites que je mette une garde à ma bouche : grâce que David avait obtenue quand il disait dans un autre psaume (XXXVIII, 2) : J’ai mis une garde à ma bouche (Cf. Ibid., pag. 250-251). "
9. Le même, Enchirid. ad Laurentium, c. 32 (al. 9) : " Il ne reste point d'autre parti à prendre que de reconnaître que par ces paroles : Tout dépend non de l'homme qui veut ou qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde (Rom., IX, 16), saint Paul a voulu
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marquer qu'il faut que tout soit attribué à Dieu, qui prépare en l'homme le vouloir pour l'aider ensuite, et qui l'aide après l'avoir préparé. Car il y a plusieurs dons de Dieu que la volonté de l'homme précède ; mais elle ne les précède pas tous, et elle est elle-même un des dons qu'elle ne précède pas. L'Ecriture sainte nous apprend ces deux vérités : l'une, quand elle dit : La miséricorde de Dieu me préviendra (Ps. LVII, 11) ; l'autre, quand elle dit : La miséricorde de Dieu me suivra (Ps. XXII, 6). Elle prévient l'homme lorsqu'il ne veut pas, afin qu'il veuille, et elle le suit lorsqu'il veut, afin que sa bonne volonté ne soit pas stérile (Cf. Traités choisis de saint Augustin, Paris, 1757, tome II ; le Manuel de saint Augustin, pag. 343). "
10. S. JEROME, adv. Jovinianum lib. II, c. 2 : " Dieu nous a créés libres, et nous ne sommes entraînés nécessairement ni au vice, ni à la vertu. Car si c'était la nécessité qui nous ferait agir, il n'y aurait matière en nous, ni à châtiment, ni à récompense. Dans le bien que nous faisons, c'est Dieu qui nous donne la force ; car tout dépend non de l'homme qui veut ou qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde, et qui nous aide à mener notre œuvre à bonne fin ; dans le mal au contraire ou dans les péchés que nous commettons, c'est nous qui en posons le principe, et c'est le démon qui nous excite et nous anime à l'accomplir. "
11. Le concile de Trente, sess. VI, canon 2 : " Si quelqu'un dit que la grâce divine que Jésus-Christ nous a méritée, nous est donnée uniquement pour que nous puissions plus aisément vivre dans la justice et nous procurer la vie éternelle, comme si nous pouvions faire l'un et l'autre sans la grâce et par notre seul libre arbitre, quoiqu'avec plus de peine ou de difficulté, qu'il soit anathème. "
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SECTION I.
DU MAL QU’IL S’AGIT D’EVITER.
ARTICLE I.
DU PECHE EN GENERAL.
Question I
Qu’est-ce que le péché ?
Comme le dit saint Augustin, le péché est
la volonté de retenir ou d'obtenir ce que la justice interdit, et
dont on est libre de se passer. Suivant ce même docteur, le péché
est encore toute parole, toute action ou tout désir contraire à
la loi de Dieu. Saint Ambroise dit à son tour : " Qu'est-ce que
le péché, sinon l'infraction de la loi divine, et la désobéissance
aux commandements qui nous sont venus du Ciel ? "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. de duabus animabus contra manichæos, c. 11 : " Le péché est la volonté de retenir ou d'obtenir une chose que la justice interdit, et dont on est libre de se passer. "
2. Le même, Lib. I Retractationum, c. 15 : " La définition que nous avons donné du péché (dans l'ouvrage cité tout-à-l'heure), en disant que c'est la volonté qu'a un individu de retenir ou d'obtenir ce que la justice lui interdit, et dont il est le maître de se passer, me paraît une définition juste, parce que j'y définis ce qu'est le péché en lui-même, en faisant abstraction du châtiment qu'il entraîne après lui. Pourquoi donc, nous objectent les pélagiens, appelez-vous péché l'état des enfants, en qui vous reconnaissez que la volonté n'est nullement coupable ? Nous répondons que ces enfants ne sont pas coupables par leur propre volonté, mais qu'ils sont tenus pour coupables à
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cause de leur origine. Or, Adam avait sans contredit sa volonté, et ayant péché par sa volonté, il a introduit de cette manière le péché dans le monde. . . . . Nous n'avons donc point à nous inquiéter de cette objection tirée de l'état des enfants, que nous savons n'être tenus pour coupables qu'à cause de l'origine qu'ils tirent d'Adam, qui certainement a péché par sa propre volonté. "
3. Ibidem, c. 13 : " Le péché appelé originel, qui se trouve dans les enfants mêmes qui n'ont pas encore l'usage de leur volonté, pourrait cependant sans abus de langage être appelé un péché volontaire, puisqu'étant contracté par l'effet de la volonté perverse du premier homme, il est devenu en quelque sorte héréditaire (lisez peut-être plutôt volontaire, volontarium au lieu de hæreditarium). Il faut donc admettre la vérité de ce que j'ai dit, qu'il est si vrai que le péché est un mal volontaire, qu'il cesserait d'être péché s’il n'avait pas la volonté pour cause. "
4. Le même, de Genesi ad literam lib. imperf., c. 1 : " C'est la croyance catholique, que toute espèce de mal est ou péché, ou peine du péché, et que le péché lui-même n'est qu'un assentiment coupable de la volonté libre, qui se porte à ce que la justice lui interdit, sans y être forcé par la nécessité ; qu'en conséquence le péché n’est pas dans les choses mêmes (que Dieu a faites), mais dans l'usage qu'on en fait qui n'est pas légitime. Or, pour que l'usage des choses créées soit légitime, il faut que l'âme s'en tienne aux prescriptions de la loi de Dieu, qu'elle aime Dieu parfaitement et reconnaisse son entière dépendance par rapport à lui, et qu'ensuite dans l'emploi qu'elle fait des choses soumises en quelque sorte à son propre domaine, elle se conduise sans passion, sans affection désordonnée, mais en se conformant en tout à ce que Dieu lui a prescrit. "
5. Le même, Lib. XXII contra Fanstum manichæum, c. 27 : " Le péché est une action, ou une parole, ou un désir contraire à la loi éternelle. Or, la loi éternelle, c’est la raison divine, ou la volonté de Dieu, en tant que cette divine volonté ordonne le maintien et s'oppose au renversement de l'ordre naturel. "
6. Le même, Lib. I contra duas epistolas pelagianorum, c. 13 : " Ce qui est péché, c'est tout ce qui se fait, se dit ou se médit d'une manière coupable, par l'effet, soit de la concupiscence de la chair, soit de l'ignorance (des devoirs à remplir) ; et l'on en reste coupable, quand même l'acte accompli n'aurait pas laissé de traces, tant que la faute n'a pas été pardonnée. "
7. S. AMBROISE, Lib. de Paradiso, c. 8 : " Qu'est-ce que le
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péché, sinon l'infraction de la loi divine, et la désobéissance à ses commandements qui nous sont venus du Ciel ? "
8. S. AUGUSTIN, Lib. II de consensu Evangelistarum, c. 4 : " Le denier, qui représente le nombre nécessaire pour la justice exacte, sert à nous désigner les dix commandements. Or, le péché est la transgression de la loi. "
9. Le vénérable BEDE, in caput III Epist.
I Joannis, sur ces paroles, Tout homme qui commet un péché
est violateur de la loi (verset 4) : " Que personne ne dise : Autre
chose est de pécher, autre chose est de violer la loi. Que personne
ne dise : Je suis pécheur mais sans être pour cela violateur.
Car tout homme qui commet un péché commet une violation
de la loi ; et le péché n'est rien autre chose
que la violation de la loi. La vérité de cette sentence de
l'Apôtre se sent mieux dans le grec, qui est la langue dans laquelle
cette épître est composée. Car chez les Grecs le péché
s'appelle ??????, mot qui, d'après
son étymologie, veut dire ce qui est contre la loi ou qui est fait
sans loi : car la loi en grec se dit ?????.
Lors donc que saint Jean nous dit que tout homme qui commet le péché
commet une violation de la loi, ??????,
et que tout péché est une violation de la loi, il fait clairement
entendre que tout péché que nous commettons est une prévarication
contre la loi de Dieu, conformément à ces paroles du Psalmiste
(Ps. CXVIII, 119) : J’ai considéré comme prévaricateur
tous les pécheurs de la terre. Car tous ceux qui pèchent
sont coupables de prévarication : ce qui est vrai, non-seulement
de ceux qui ne tiennent aucun compte des prescriptions de la loi écrite,
mais encore de ceux qui, soit faiblesse, soit négligence, soit même
ignorance, portent atteinte à l'intégrité de la loi
naturelle qui nous a été intimée à tous dans
la personne de notre premier père. C'est ce qu'indique la force
du mot latin iniquitas, qui revient à dire la chose, quelle
qu'elle soit, qui n'est pas conforme à l'équité ;
or, dit l'Apôtre, qui facit peccatum, et iniquitatem facit ; et
peccatum est iniquitas. Car quiconque pèche blesse par-là
même l'équité de la loi divine. "
Question II
Combien y a-t-il d’espèces de péché ?
Il y a trois espèces de péché, savoir : le péché originel, le mortel et le véniel.
Premièrement, nous appelons péché originel celui qui nous vient par transmission d'Adam, ce premier père du genre
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humain, et qui, contracté par nous dans l'acte même de notre conception, est effacé par le baptême dont Jésus-Christ est l'auteur. Voici l'idée que nous en donne saint Paul : Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort est entrée ensuite par le péché, et c'est ainsi que la mort est passée dans tous les hommes par un seul homme, en qui tous ont péché. Ailleurs, adressant la parole aux fidèles baptisés eux-mêmes, il montre dans les termes suivants la vertu qu'a le baptême chrétien d’effacer le péché : Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et dans l'Esprit de notre Dieu.
En second lieu, le péché mortel est, pour nous servir de l'expression usitée, un péché actuel qui ôte la vie spirituelle et donne la mort à l'âme de celui qui le commet : mort qui le sépare de Dieu, qui lui ferme l'entrée de son royaume et le rend digne d'un supplice sans fin. De là vient qu'il est écrit : La mort est la solde du péché. Commettre l'injustice, c'est s'attirer sa propre perte. . . les méchants ont appelé la mort par leurs paroles et par leurs œuvres.
Enfin, le péché véniel est aussi un péché actuel, mais qui ne rend pas pour cela l'homme ennemi de Dieu, et que Dieu en conséquence nous pardonne facilement. C'est de cette sorte de péché que saint Jean a dit dans une de ses épîtres : Si nous disons que nous sommes sans péchés, nous nous en imposons à nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous. Car, comme le déclare aussi l'apôtre saint Jacques, nous commettons tous beaucoup de fautes. Et si nous en croyons le Sage, le juste tombe sept fois par jour et se relève.
De plus, il est certain que parmi les péchés, les uns sont plus grands que les autres ; et la justice divine, comme la justice humaine elle-même, demande que les plus graves reçoivent un châtiment plus sévère. C’est pourquoi Notre-Seigneur Jésus-Christ a marqué dans les termes suivants la différence à mettre, tant pour la grièveté de la faute que pour celle du châtiment, entre les péchés commis sciemment et les péchés d’ignorance : Le serviteur qui aura connu la volonté de son maitre, mais qui ne se sera pas tenu prêt, et ne l'aura pas exécuté, sera battu rudement ; celui au contraire qui, pour ne pas l'avoir connue, aura fait des choses punissables, subira un châtiment moins sévère. Ailleurs, notre divin Sauveur, parlant du péché de colère et de ses différents degrés, a prononcé la sentence suivante : Quiconque se mettra en colère contre son frère méritera d'être condamné par le jugement ; quiconque dira a son frère Raca, méritera d'être condamné par le conseil ; et quiconque lui dira : Vous êtes un insensé, méritera d’être condamné
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au feu de l’enfer. Comme on le voit dans ce passage,
à mesure que le péché grandit, la peine qui lui est
destiné grandit de même, pour parler comme saint Grégoire
: la colère qui n'est encore que dans le cœur méritant de
n'être reprise qu'au tribunal du jugement ; celle qui s'exhale en
paroles méritant la confirmation de la première sentence
au tribunal du conseil, et celle qui joint l'insulte aux paroles, méritant
la condamnation au feu de l'enfer.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Romains, V ; I Corinthiens, VI ; Romains, VI ; Sagesse, I ; I JEAN, I ; JACQUES, III ; Proverbes, XXIV ; LUC, XII ; MATTHIEU, V : comme dans le corps de la réponse.
2. Psaume L, 7 : " Car j'ai été conçu dans l'iniquité, et ma mère m'a enfanté dans le péché. "
3. I Corinthiens, VI, 11 : " C'est ce que quelques-uns d'entre vous ont été autrefois ; mais vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et dans l'Esprit de notre Dieu. "
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4. Ibidem, c. 9-10 : " Ne savez-vous pas que ceux qui commettent l'injustice n'hériteront pas du royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, - ni les impudiques, ni les abominables, ni les voleurs, ni les avares, ni les ivrognes, ni les médisants, ni les ravisseurs du bien d'autrui ne seront héritiers du royaume de Dieu. "
5. Galates, V, 19-21 : " Or, il est aisé de connaître les œuvres de la chair, qui sont la fornication, l'impureté, etc., - et autres choses semblables, au sujet desquelles je vous déclare, comme je vous l'ai déjà dit, que ceux qui les commettent ne seront point héritiers du royaume de Dieu. "
6. Apocalypse, XXI, 8 : " Pour ce qui est des lâches déserteurs de leur devoir et des incrédules, des abominables et des homicides, des fornicateurs et des empoisonneurs, des idolâtres et de tous les menteurs, ils auront pour partage l'étang brûlant de feu et de soufre, qui est la seconde mort. "
7. I JEAN, I, 8-10 : " Si nous disons, etc. (comme dans le corps de la réponse). - Si nous confessons nos péchés, Dieu, qui est juste et fidèle, nous les remettra, et il nous purifiera de toute iniquité. - Si nous disons que nous n'avons point péché, nous le taxons de mensonge, et sa parole n'a plus d'actes dans nos cœurs. "
8. Ecclésiaste, VII, 21 : " Il n'y a pas d'homme juste sur la terre, qui fasse le bien et qui ne pèche point. "
9. JEAN, XIX, 11 : " Celui qui m'a livré à
vous, a commis un plus grand péché. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Enchirid. ad Laurentium, c. 64 (al. 17, vel 22) : " C'est par la rémission des péchés que l’Eglise qui est sur la terre subsiste jusqu’à la fin des siècles, et que ce qui était perdu se retrouve, et ne périt pas pour l'éternité. Ce n'est pas par le baptême seulement que les péchés sont remis. Ce sacrement a été établi pour l'abolition du péché originel : en nous faisant renaître spirituellement, il nous a ôté la souillure que nous avions contractée par notre naissance charnelle : il efface de plus dans les adultes tous les péchés actuels qu'ils ont commis par pensées, par paroles ou par actions. Mais outre cette rémission pleine et entière, par laquelle l'homme commence à être renouvelé, et qui le délivre de tous les péchés, tant originels qu'actuels, qui le rendaient coupable, nous avons sans cesse besoin d'une nouvelle
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rémission, parce que le cours de cette vie, dans les adultes qui ont l'usage de la raison, ne se passe pas sans péché, à quelque degré de justice qu'on soit parvenu. Les enfants de Dieu sont toujours aux prises avec la mort spirituelle, tant qu'ils sont dans cette vie. Et quoiqu'il soit vrai de dire, que les enfants de Dieu sont ceux qui sont mus par l'esprit de Dieu, l'esprit de Dieu qui les porte au bien, et qui les excite à se rapprocher de Dieu comme ses enfants, n'empêche pas que leur propre esprit, appesanti par leur corps mortel, ne produise en eux, enfants des hommes qu'ils sont aussi, des mouvements tout humains, qui, en les détournant de Dieu, les font retomber sur eux-mêmes, et les rendent coupables de péché. Il y a cependant une grande différence entre les péchés qu’ils commettent : car, quoique tout crime soit péché, tout péché n'est pas crime. C'est pourquoi nous reconnaissons que la vie des justes sur la terre peut être exempte de tout crime ; mais, dit saint Jean, si nous disons que nous n'avons pas de péchés, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous (I JEAN., I, 8) (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II ; le Manuel de saint Augustin, pag. 390-391). "
2. Le concile de Trente, session V, comme nous le rapporterons plus loin dans l'Appendice sur la chute de l'homme et sa justification selon la doctrine du concile de Trente, chap. II et III.
3. S. AUGUSTIN, Lib. III contra duas epistolas pelagianorum, c. 5 : " Quoique le diable soit l'auteur et le provocateur de tous les péchés, tous les péchés cependant ne font pas qu'on soit enfant du diable. Car les enfants de Dieu pèchent eux aussi, puisque, s'ils disaient qu'ils n'auraient aucun péché, ils se séduiraient eux-mêmes et que la vérité ne serait point en eux. Mais ils pèchent en tant qu'ils font partie des enfants de ce siècle-ci : car, en tant qu'ils sont enfants de Dieu, ils ne pèchent point, puisqu'il est vrai de dire que quiconque est né de Dieu ne pèche point. "
4. Le même, Cité de Dieu, liv. XXI, c. 16 : " On ne saurait nier que le feu éternel soit plus vif ou plus léger suivant les degrés du crime, soit que la violence et l'intensité de la peine varie exactement selon l'intensité des fautes commises, soit que la flamme également ardente ne cause pas à tous une égale souffrance. "
5. Le même, Serm. XVIII de verbis Apostoli, c. 4 : " Il n'y a en résumé que deux demeures permanentes, savoir, ou le feu éternel, ou le royaume éternel. Il est vrai que dans le feu éternel,
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par exemple, l'un sera plus tourmenté, l’autre le sera moins ; mais, malgré cette différence, tous seront de même tourmentés, tous seront de même dans le feu éternel. Toute la différence, encore une fois, consistera dans le plus et le moins. La ville de Sodome, par exemple, sera traitée au jour du jugement avec moins de sévérité que telle autre ville. Il y en a aussi qui parcourent les terres et les mers pour faire un prosélyte et qui, lorsqu'ils y ont réussi, font de ce prosélyte un enfant de perdition deux fois plus coupable qu'eux-mêmes. Ainsi les uns seront tourmentés deux fois plus que les autres ; les uns plus, les autres moins. Ce n'est pas là une région où vous puissiez vous choisir une place. Les moindres des tourments qu'on y endure sont plus affreux que ceux que vous redouteriez le plus dans ce monde. "
6. S. GREGOIRE, Lib. XXI Moralium, c. 5 (al. 3) : " Raca en hébreu est une parole d'indignation, qui montre bien qu'on est en colère, sans marquer pour cela une colère tout-à-fait emportée. Jésus-Christ reprend donc premièrement le simple mouvement de colère, quand même on ne s'échapperait point en paroles ; ensuite la colère accompagnée de paroles vives, quand même elles ne seraient pas absolument emportée ; enfin la colère qui s'exprime par des paroles d'outrages, comme quand on traite quelqu'un de fou, en joignant l'éclat de la voix à l'emportement du langage. Et remarquez qu'il déclare que le simple mouvement de colère mérite d'être puni en jugement ; que la colère qui s'exprime par le mot raca doit être punie par le conseil, et que celle qui s'exprime par ces mots, vous êtes un fou, doit être punie par le feu de l'enfer. Car la rigueur de la punition doit être proportionnée à la faute commise, le jugement ayant pour objet de discuter la cause, le conseil de prononcer la sentence, et le feu de l'enfer étant l'exécution de la sentence prononcée (Cf. Les Morales de saint Grégoire, etc., t. III, p. 342-343). "
7. S. AUGUSTIN, Lib. I de sermone Domini in monte : " Quelle différence y a-t-il entre la condamnation par le jugement, la condamnation par le conseil, et la condamnation au feu de l'enfer ? Cette dernière, d'après son simple énoncé, est la plus grave des trois, et sa gravité même fait voir que Notre-Seigneur a mis des degrés de la première à la seconde, comme de celle-ci à la troisième. Mais il n'y aurait pas de degrés dans le châtiment, s'il n'y en avait aussi dans la faute commise. Voici donc les degrés à distinguer dans ces trois péchés. Le premier, c'est de se laisser
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aller à la colère, tout en la renfermant
dans son cœur. Que si la colère s'exprime par des paroles qui, sans
rien énoncer de distinct, marquent cependant le mouvement dont le
cœur est agité, elle est certainement plus caractérisée
que si elle était contenue par le silence. Mais si non-seulement
la voix de la personne en colère se fait entendre, mais que de plus
elle s'échappe en termes de reproches tout-à-fait injurieux,
peut-on douter que ce soit encore beaucoup plus que si l'on n'avait pu
entendre que le son sourd de la voix ? Dans le premier cas donc il n'y
a qu'une chose à reprendre, savoir, le mouvement même de colère
; dans le second il y en a deux, savoir, la colère et le ton irrité
; dans le troisième il y en a trois, qui sont la colère même,
le ton emporté et la parole injurieuse. Comparez maintenant à
ces trois degrés de faute les trois degrés de châtiment.
Dans le jugement, on admet encore la défense. Dans le conseil, quoique
le jugement aussi s'y trouve, le contexte du discours oblige d'y mettre
une distinction, et d'y remarquer en particulier le prononcé de
la sentence, puisqu'il n'y est plus question de discuter contre l'accusé
s'il mérite d'être condamné, mais d'examiner entre
juges quelle peine il est à propos de décerner contre cet
homme d'avance condamné comme coupable. Enfin, le feu de l'enfer
ne laisse plus douteuse ni la condamnation de l'accusé, comme le
jugement, ni la peine du condamné, comme le conseil : l'une et l'autre
est certaine, par-là même que c'est le feu de l'enfer. Voilà
donc des degrés tant dans le crime que dans la peine ; mais qui
pourrait dire la manière dont ces peines sont appliquées
invisiblement aux âmes à proportion de ce que chacune d'elles
a pu mériter ? "
Question III
Pourquoi doit-on éviter le péché ?
C'est premièrement, parce que Dieu n'a commandé à personne de faire le mal, et n'a donné à personne la permission de pécher, mais qu'il hait au contraire ceux qui commettent l'iniquité, comme l'Ecriture nous l'atteste en termes formels. Rien n'est même plus haïssable et plus détestable aux yeux de Dieu ; et quoiqu'il aime du reste tout ce qui existe, il poursuit le péché, mais le péché seul, de sa haine et de sa vengeance, et il ne souffre pas qu'il reste impuni sur la terre, pas plus que dans le ciel.
Ensuite, pour qu'on ne s'imagine pas que le péché soit un mal peu à craindre, qu'on fasse réflexion que c'est le péché qui
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a été cause du supplice que Jésus-Christ, l’innocence même, a subi sur la croix, et de la mort cruelle qu'il y a endurée. Car c'est pour nos iniquités que ce divin Sauveur a été percé de plaies ; c'est pour nos crimes qu'il a été brisé ; c'est des iniquités de nous tous qu'il a porté le poids, et c'est pour nos péchés, pour les péchés, dis-je, du monde entier, qu'il s'est fait victime de propitiation. Mais, s'il nous a lavés de nos péchés dans son sang, c'est afin que tous ceux qui sont ensevelis avec lui par le baptême, meurent au péché par sa grâce, et qu'ils vivent pour la justice, sans jamais se lasser de marcher dans les sentiers de cette nouvelle vie. Ceux donc qui, après avoir reçu la grâce de Jésus-Christ dans le baptême, retombent volontairement dans le péché, pèchent contre Jésus-Christ même, se font ses persécuteurs, le crucifient de nouveau, et se verront condamnés au tribunal de ses vengeances non moins rigoureusement que les infidèles. Car voici là-dessus la doctrine de saint Paul : Si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il n'y a plus désormais d'hostie pour nos péchés, mais il ne nous reste plus qu'une attente effroyable de notre jugement. C'est de ceux qui se rendent ainsi coupables que l'apôtre saint Pierre a dit ces paroles : " Il eût mieux valu pour eux qu'ils n'eussent point connu la voie de la justice, que de retourner en arrière après l’avoir connue, et d'abandonner la loi sainte qui leur avait été donnée. Que celui donc qui est debout prenne garde de tomber ; car s'il fait cette rechute, son dernier état deviendra pire que le premier.
De plus, ceux qui commettent le péché et l'iniquité sont ennemis de leur âme, si nous voulons en croire l'archange Raphaël. L'homme en effet qui fait le mal tue son âme ; l’âme qui aura péché, c'est celle-là qui mourra. Or, rien de plus funeste que cette sorte de mort, qui prive l'homme pour l'éternité de la société de tous les saints, des joies du ciel qu'il partagerait avec les anges, et par-dessus tout du bien suprême et éternel, dont la connaissance et la possession peut seule faire notre parfaite félicité.
Ajoutons à cela, que telle est la nature ou la malignité du péché, que non-seulement il fait perdre ceux qui le commettent, quelque justes qu'ils aient été jusque-là, la grâce de Dieu et sa gloire ; mais que de plus il les dévoue à des maux sans mesure et sans fin, tant pour l'âme que pour le corps, et les rend infiniment malheureux, non pas seulement pour cette vie, mais pour la vie future, en les asservissant à la tyrannie des démons et les livrant en proie à des supplices éternels.
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Il est bon de noter ici les exemples nombreux de pécheurs condamnés et punis, que nous présentent les Ecritures, comme ceux de Caïn, de Pharaon, de Nabuchodonosor, des Sodomites, des Egyptiens, des Israélites, et de tant d'autres dont les crimes ont été si sévèrement punis par la justice divine. Il faut aussi bien nous pénétrer des maximes qui nous inculquent la fuite et la détestation du péché ; de celles-ci, par exemple, que celui qui commet le péché se rend esclave du péché ; que Dieu poursuit de sa haine et l'impie et son impiété ; que le péché rend les peuples malheureux ; qu'il faut fuir le péché comme on fuirait un serpent ; que Dieu ne veut pas l'iniquité ; que le méchant n’habitera point près de lui ; que ceux qui commettent l'injustice ne subsisteront point devant ses yeux ; que celui qui pèche même en une seule chose perdra beaucoup de biens ; que nous devons avoir Dieu présent à l'esprit tous les jours de notre vie, nous garder de consentir jamais à aucun péché, et de violer les commandements de notre Dieu.
Toutes ces maximes ont pour but de nous porter à voir en Dieu un juge équitable et sévère des péchés de l'homme, et nous servir de cette connaissance pour le craindre, et de cette crainte pour pourvoir à notre salut, et par là échapper aux châtiments effroyables qui sont réservés aux pécheurs ; car les fléaux qui les attendent sont sans nombre.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Ecclésiastique, XV ; ISAIE, LIII ; I JEAN, II ; Hébreux, X ; II PIERRE, II ; Tobie, XII ; Sagesse, XVI ; EZECHIEL, XVIII ; JEAN, VIII ; Sagesse, XIV ; Proverbes, XIV ; Ecclésiastique, XXI ; Psaume V ; Ecclésiaste, IX ; Tobie, IV ; Psaume XXXI. Voir tous ces textes dans le corps de la réponse.
2. Psaume, V, 7-8 : " Vous haïssez tous ceux qui commettent l’iniquité ; vous perdrez tous ceux qui profèrent le mensonge. - Le Seigneur aura en abomination l'homme sanguinaire et trompeur. "
3. Ecclésiastique, XII, 3-4 : " Le Très-Haut a les péchés en haine, - et il rendra aux pécheurs et aux impies leur salaire, les gardant pour le jour de la vengeance. "
4. Sagesse, XIV, 9 : " Dieu a également en horreur l'impie et son impiété. "
5. Proverbes, XV, 8-9 : " Les sacrifices des méchants sont abominables devant Dieu ; il aime la prière des justes. - La voie de l'impie est en abomination aux yeux du Seigneur ; il aime celui qui cherche la justice. "
6. Exode, XXIII, 7 : " Vous ne ferez point mourir l'innocent et le juste ; car je déteste l’impie. "
7. Sagesse, XI, 23 : " Vous aimez tout ce qui est, et vous ne haïssez rien de tout ce que vous avez fait ; car, si vous l’aviez haï, vous ne l'auriez point créé. "
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8. ISAIE, XIV, 11-15 : " Ton orgueil a été précipité dans les enfers : ton cadavre est resté étendu sur la terre ; ta couche sera la pourriture, et ton vêtement ce seront les vers. - Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer, toi qui paraissais si brillant au point du jour ? Comment te trouves-tu renversé sur la terre, toi qui frappais de plaies les nations ? - Tu disais dans ton cœur : Je monterai jusqu'aux cieux, j'établirai mon trône au-dessus des astres de Dieu ; je ferai mon séjour sur la montagne de l'alliance, dans les régions de l'aquilon. - Je m'élèverai au-dessus des nuées, et je deviendrai semblable au Très-Haut. - Et cependant te voilà précipité dans l'enfer, au plus profond de ses abîmes. "
9. II PIERRE, II, 4-7, 9-11 : " Si Dieu n'a point épargné les anges qui ont péché, mais s'il les a précipités dans l'abîme, où ils restent enchaînés pour y être tourmentés et tenus comme en réserve jusqu'au jour du jugement ; - s'il n'a point épargné l'ancien monde, mais s'il n'a sauvé que sept personnes avec Noé, prédicateur de sa justice, en même temps qu'il a fait fondre les eaux du déluge sur le monde des méchants ; - s'il a puni les villes de Sodome et de Gomorrhe, en les ruinant de fond en comble, et les réduisant en cendres pour les faire servir d'exemple à ceux qui vivraient dans l'impiété ; - et s'il a délivré le juste Loth, que ces abominables affligeaient et persécutaient par leur vie infâme. . . . . - c'est que le Seigneur sait délivrer ceux qui le craignent des maux par lesquels ils sont éprouvés, et qu'il réserve les pécheurs pour être punis au jour du jugement. - Mais sa justice éclatera surtout contre ceux qui, pour satisfaire leurs désirs impurs, suivent les mouvements de la chair ; qui méprisent les puissances ; qui sont audacieux, pleins d'eux-mêmes, et qui, blasphémant contre la saine doctrine, ne craignent point d'introduire des sectes nouvelles. - Au lieu que les anges, quoique supérieurs en force et en puissance, ne se condamnent point les uns les autres avec des paroles de malédiction. "
10. Lévitique, XXVI, 14-33 : " Que si vous ne m'écoutez pas et ne gardez pas tous mes commandements ; - si vous dédaignez de suivre mes lois, et méprisez mes ordonnances ; si vous ne faites pas ce que je vous ai prescrit, et que vous rendiez mon alliance vaine ; - voici la manière dont j'en userai aussi avec vous : Je vous visiterai bientôt par l’indigence et par des ardeurs qui vous dessècheront les yeux et vous consumeront. Ce sera
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en vain que vous sèmerez vos grains ; ce que vous aurez sera dévoré par vos ennemis. - Je tournerai ma face contre vous, et vous tomberez devant vos ennemis, et vous serez assujettis à ceux qui vous haïssent ; vous fuirez sans même que vous soyez poursuivis. - Que si après cela même vous ne m'obéissez point, j'amènerai sur vous, afin de vous châtier, sept fois plus de maux encore, à cause de vos péchés ; - et je briserai l'orgueil de votre force, et je ferai que le ciel soit pour vous de fer, et la terre d'airain. - Tous vos travaux seront infructueux ; la terre ne vous produira point de grains, et les arbres ne vous donneront point de fruits. - Que si vous vous opposez encore à moi, et que vous refusiez toujours de m'écouter, je multiplierai vos maux sept fois davantage, à cause de vos péchés. - J’enverrai contre vous des bêtes sauvages qui vous dévoreront, vous et vos troupeaux, qui réduiront toute votre multitude à un petit nombre, et qui de vos chemins feront des déserts. - Que si après cela vous ne voulez point encore vous corriger, et que vous persistiez à vous mettre en guerre contre moi, - je me mettrai aussi en guerre contre vous, et je vous frapperai sept fois plus rudement à cause de vos péchés. - Je ferai planer sur vous le glaive vengeur de mon alliance ; et quand vous vous serez réfugiés dans les villes, j'enverrai la peste au milieu de vous ; et vous serez livrés entre les mains de vos ennemis ; - après que je vous aurai enlevé le pain, soutien de votre vie, en sorte que dix femmes cuiront vos pains dans un même four, et vous le distribueront au poids, et que vous mangerez sans pouvoir être rassasiés. - Que si après cela vous ne m'écoutez pas encore, et que vous persistiez à vous déclarez contre moi, - je me déclarerai aussi contre vous ; j'opposerai ma fureur à la vôtre, et je vous affligerai de sept plaies nouvelles cause de vos péchés, - et vous serez réduits à vous repaître de la chair de vos fils et de vos filles. - Je détruirai vos hauts lieux, je briserai vos simulacres ; vous tomberez au milieu des ruines de vos idoles, et mon âme vous aura en une telle abomination, - que je changerai vos villes en solitudes ; je ferai de vos sanctuaires des lieux déserts, et je ne recevrai plus de vous l'odeur des sacrifices. - Je désolerai votre pays ; j'en ferai un sujet d'étonnement pour vos ennemis mêmes, lorsqu'ils s'en verront les maîtres et qu'ils l'habiteront. - Je vous disperserai parmi les nations, et mon glaive vous poursuivra dans votre fuite ; votre pays sera rendu désert, et vos villes seront démolies. "
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11. Deutéronome, XXVIII, 18-23 : " Que si vous ne voulez pas écouter la voix du Seigneur votre Dieu, et que vous ne gardiez et ne pratiquiez point toutes ses ordonnances et les cérémonies que je vous prescris aujourd'hui, toutes ces malédictions tomberont sur vous et vous accableront. - Vous serez maudits dans la ville, et vous serez maudits dans les champs. - Vos greniers seront maudits, et les fruits que vous aurez mis en réserve seront maudits de même. - Le fruit de votre ventre, aussi bien que le fruit de votre terre sera maudit ; maudits seront de même vos grands troupeaux de bœufs et vos troupeaux de brebis. - Vous serez maudits au commencement et à la fin de toutes vos œuvres. - Le Seigneur enverra sur vous la détresse et la famine, et il répandra sa malédiction sur tous vos travaux, jusqu’à ce qu'il vous réduise en poudre, et qu'il vous extermine tout-à-coup, à cause du mal que vous aurez fait. - Le Seigneur mettra la peste à votre poursuite, jusqu'à ce qu'il vous ait fait périr dans le pays en possession duquel vous allez entrer. - Le Seigneur vous fera sentir les atteintes de la misère et de la pauvreté, de la fièvre, du froid, des chaleurs brûlantes, de la corruption de l'air et de la nielle, et il vous accablera de toutes sortes de maux jusqu’à ce que vous périssiez entièrement. - Au-dessus de vous, le ciel sera d'airain ; et sous vos pieds, la terre sera de fer. "
12. I PIERRE, II, 21-24 : " Jésus-Christ a souffert pour nous, vous laissant par là un exemple, afin que vous marchiez sur ses pas ; - lui qui n'a commis aucun péché, et dont la bouche a été étrangère à toute parole de mensonge. - Quand on le chargeait d'injures, il ne répondait point par des injures ; quand on le maltraitait, il n'opposait aucune menace ; mais il s'abandonnait au pouvoir de celui qui le jugeait injustement. - C'est lui qui dans sa personne a suspendu nos péchés à la croix, afin qu'étant morts à nos péchés, nous vivions pour la justice ; c'est par ses plaies livides que vous avez été guéris. "
13. Apocalypse, I, 5 : " Le Christ nous a aimés, et nous a lavés de nos péchés dans son sang. "
14. Romains, VI, 2-4 : " Etant morts une fois au péché, comment vivrons-nous encore dans le péché ? - Ne savez-vous pas que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort ? Car nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour mourir au péché. "
15. I PIERRE, II, 24 : " C'est lui qui dans sa personne a sus-
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pendu nos péchés à la croix, afin qu'étant morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. "
16. Romains, VI, 4 : " Afin que comme Jésus-Christ est ressuscité d'entre les morts pour la gloire de son Père nous marchions aussi dans les sentiers d'une vie nouvelle. "
17. I Corinthiens, X, 12 : " Que celui donc qui croit être ferme prenne garde de tomber. "
18. LUC, XI, 26 : " Alors il s'en va prendre avec lui sept autres esprits plus méchants que lui ; et entrant dans cette maison, ils en font leur demeure, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. "
19. MATTHIEU, XII, 45 : " Alors il s'en va prendre, etc. " (Comme ci-dessus, LUC, XI.)
20. Tobie, XII ; 21. Sagesse, XVI ; 22. EZECHIEL, XVIII : voir tous ces passages dans le corps de la réponse.
23. JACQUES, I, 15 : Le péché consommé engendre la mort. "
24. Psaume XXXIII, 21 : " Une mort funeste sera le fruit des crimes de l'impie. "
25. Romains, VI, 23 : " La mort est la solde du péché. "
26. MATTHIEU, VII, 23 : " Retirez-vous de moi, ouvriers d'iniquité. "
27. Id., XXV, 41 : " Allez loin de moi, maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. "
28. LUC, XIII, 27 : " Retirez-vous de moi, vous tous ouvriers d'iniquité. "
29. Psaume VI, 9 : " Retirez-vous de moi, vous tous qui commettez l'iniquité. "
30. EZECHIEL, XVIII, 24-26 : " Que si le juste se détourne de sa justice, et qu'il vienne à commettre l'iniquité et toutes les abominations ordinaires à l'impie, vivra-t-il alors ? Toutes les œuvres de justice qu'il aura faites seront oubliées et il mourra dans la prévarication où il sera tombé, et dans le péché qu'il aura commis. - Après cela vous dites : La voix du Seigneur n'est pas juste. Ecoutez donc, maison d'Israël : Est-ce ma voie qui n'est pas juste ? Et ne sont-ce pas plutôt les vôtres qui sont corrompues ? - Car lorsque le juste se sera détourné de sa justice, qu'il aura commis l'iniquité, et qu'il sera mort en cet état, il mourra dans les œuvres injustes qu'il aura commises. "
31. Id., XXXIII, 12-13 : " En quelque jour que le juste pèche, sa justice ne le sauvera point : et en quelque jour que l'impie se convertisse, son impiété ne lui nuira point : et en
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quelque jour que le juste vienne à pécher, il ne pourra vivre dans sa justice. - Si après que j'aurai dit au juste qu'il vivra, il met sa confiance dans sa propre justice, et qu'il commette l'iniquité, toutes ses œuvres de justice seront mises en oubli, et il mourra dans l'iniquité qu'il aura commise. "
32. JUDITH, V, 18-23 : " Toutes les fois (dit Achior à Holopherne) qu'ils ont adoré un autre Dieu que le leur, ils ont été livrés en proie au glaive et à l'opprobre. - Et toutes les fois qu'ils se sont repentis d'avoir abandonné le culte de leur Dieu, le Dieu du ciel leur a donné la force de se défendre. - C'est ainsi qu'ils ont vaincu les rois des Chananéens, des Jébuséens, des Phérézéens, des Héthéens, des Hévéens, des Amorrhéens, et tous les vaillants hommes d'Hésébon, et qu'ils sont entrés en possession de leurs terres et de leurs villes. - Et tant qu'ils n'ont point péché en présence de leur Dieu, ils ont vu les biens se multiplier pour eux ; car leur Dieu hait l'iniquité. - Aussi s'étant retirés, il y a quelques années, de la voie que Dieu leur avait ordonné de suivre, ils ont été défaits dans les combats par diverses nations, et beaucoup d'entre eux ont été emmenés captifs dans une terre étrangère. - Mais depuis peu, étant revenus au Seigneur leur Dieu, ils se sont réunis à la suite de cette dispersion, ils ont repeuplé ces montagnes, et ils possèdent de nouveau Jérusalem où est leur temple. "
33. Exode, XXXII, 33-34 : " Le Seigneur répondit : J'effacerai de mon livre celui qui aura péché contre moi, - et au jour de la vengeance, je les visiterai, eux et ce péché qu'ils auront commis. "
34. Nombres, XIV, 22, 23, 27, 28, 29 : " Tous les hommes qui ont vu l'éclat de ma majesté, et les miracles que j'ai faits en Egypte et dans le désert et qui m'ont déjà tenté de dix fois différentes, et qui n'ont point obéi ma voix, - ne verront point la terre que j'ai promise à leurs pères avec serment, et nul de ceux qui m'ont outragé par leurs paroles n'y entrera. - J'ai entendu les plaintes des enfants d'Israël. - Dites-leur donc : Comme il est vrai que je vis, dit le Seigneur, je vous traiterai selon le souhait que je vous ai entendu former. - Vos corps seront étendus morts dans ce désert. "
35. Ecclésiastique, XXI, 4 : " Tout péché est comme un glaive à deux tranchants, et la blessure qu'on en reçoit est incurable. "
36. Psaume X, 6 : " Il fera pleuvoir sur les impies des fléaux
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auxquels ils n'échapperont pas. Le feu, le soufre et le vent des tempêtes, voilà la coupe qu'il leur prépare, et qu'ils boiront un jour. "
37. LUC, XVI, 22-24 : " Le riche mourut aussi, et il fut enseveli dans l'enfer. - Et comme il était dans les tourments, il leva les yeux en haut, et vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. - Et il dit en s'écriant : Abraham mon père, ayez pitié de moi, et envoyez Lazare, afin qu'il trempe d'eau l'extrémité de son doigt, et qu'il rafraîchisse ma langue ; car je souffre cruellement dans ces flammes. "
38. Genèse, IV, 11-12 : " Tu seras maudit sur cette terre, qui a ouvert ses pores pour recevoir le sang de ton frère versé par ta main. - Après que tu l'auras cultivée, elle restera sans te donner ses fruits ; tu seras fugitif et errant sur la terre. "
39. Exode, XIV, 27-28 : " Comme les Egyptiens s'enfuyaient, les eaux vinrent au-devant d'eux, et le Seigneur les enveloppa au milieu des flots. - Les eaux s'étant retournées de la sorte, couvrirent les chars et les cavaliers de toute l'armé de Pharaon qui étaient entrés dans la mer à la poursuite des Israélites et il n'en échappa pas un seul. "
40. DANIEL, IV, 28-30 : " On entendit cette voix du ciel : Voici ce qui t'est annoncé, seigneur Nabuchodonosor : Ton royaume passera en d'autres mains, - et tu seras chassé de la société des hommes ; tu habiteras avec les animaux des champs et les bêtes sauvages ; tu mangeras de l'herbe comme font les taureaux, et sept révolutions sidérales passeront sur toi, jusqu'à ce que tu reconnaisses que le Très-Haut a un pouvoir absolu sur les empires et qu'il les donne à qui il lui plaît. - Cette parole fut accomplie à la même heure en la personne de Nabuchodonosor : il fut chassé de la société des hommes ; il se reput d'herbe comme font les taureaux ; son corps se trempa de la rosée du ciel ; les cheveux et les ongles lui crûrent comme les plumes d'un aigle, et comme les griffes des oiseaux. "
41. Genèse, XIX, 21-23 : " Alors le Seigneur fit descendre du ciel sur Sodome et sur Gomorrhe une pluie de soufre et de feu, - et détruisit ces villes avec tous leurs habitants, tout le pays d'alentour avec ceux qui l'habitaient, et toutes les plantes qui y puisaient leur sève. "
42. EZECHIEL, XVI, 49-50 : " Voici quelle a été l'iniquité de Sodome ta sœur : l'orgueil, l'intempérance, et l'opulence, et l'oisiveté d'elle et de ses filles ; elles ne tendaient point la main
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au pauvre et à l'indigent. - Elles se sont élevées, et elles ont commis des abominations devant moi : c'est pourquoi je les ai détruites, comme tu le vois. "
43. Exode, VII, VIII, IX, X, XII et XIV ; on y lit la description des dix plaies dont Dieu affligea les Egyptiens, en punition de ce que Pharaon roi d'Egypte n'avait pas obéi au Seigneur en laissant les Israélites sortir de son royaume.
44. Deutéronome, XXXII, 22-26 : " Ma fureur s'est allumée comme un feu, et elle fera sentir ses ardeurs jusqu'au plus profond des abîmes, elle dévorera la terre avec ses germes ; elle consumera les montagnes jusque dans leurs fondements. - Je les accablerai de maux ; je décocherai contre eux toutes mes flèches. - Ils périront de faim, et leurs corps seront la pâture des oiseaux de proie. - J'armerai contre eux les dents des bêtes féroces, la fureur des serpents et de tous les animaux qui rampent sur la terre. - Le glaive les dévastera au dehors, et au dedans l’épouvante ; le jeune homme et la jeune fille, l'enfant et le vieillard, périront. - J'ai dit : Où sont-ils ? J'effacerai leur mémoire du souvenir des hommes. "
45. Nombres, XVI, 3, 20-21, 25-26, 31, 35, 41, 49 : " Qu'il vous suffise (dit Coré avec les 250 de son parti) que tout le peuple soit saint, et que le Seigneur soit avec nous. Pourquoi vous élevez-vous sur le peuple du Seigneur ? - Le Seigneur parla à Moïse et à Aaron, et leur dit : - Séparez-vous du milieu de cette assemblée, afin que je la détruise en un moment. - Moïse se leva donc et s'en alla aux tentes de Dathan et d'Abiron, et les anciens d'Israël le suivirent. - Et il dit à la multitude : Retirez-vous des tentes de ces hommes impies, et ne touchez à rien qui soit à eux, de peur que vous ne soyez enveloppés dans le châtiment de leurs péchés. - Aussitôt donc qu'il eut cessé de parler, la terre se fendit sous leurs pieds ; - et ouvrant ses abîmes, elle les engloutit avec leurs tentes et toutes leurs richesses. - Ils descendirent tout vivants dans l'enfer, recouverts par la terre, et ils disparurent du milieu de la multitude. -Tout Israël qui était là autour, s'enfuit au cri des mourants, en disant : Craignons que la terre ne nous engloutisse aussi. - En même temps le Seigneur fit sortir un feu qui tua les deux cent cinquante hommes qui offraient l'encens. . . - Le lendemain, toute la multitude des enfants d'Israël murmura contre Moïse et Aaron, en disant : Vous avez fait périr le peuple du Seigneur. - Et comme la sédition se formait, que le tumulte croissait,
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Moïse et Aaron s'enfuirent vers le tabernacle de l'alliance. Lorsqu'ils y furent entrés, la nuée les couvrit, et la gloire du Seigneur se manifesta. - Et le Seigneur dit à Moïse : - Retirez-vous du milieu de cette multitude : je m'en vais les exterminer tout aussitôt. Alors s'étant prosterné contre terre, - Moïse dit à Aaron, prenez votre encensoir, mettez-y du feu de l'autel et l'encens dessus, et allez vite vers le peuple, afin de prier pour lui, car déjà la colère du Seigneur éclate, et la plaie s'étend sur le peuple. - Aaron fit ce que Moïse lui commandait : il courut au milieu du peuple que le feu dévorait déjà, il offrit de l'encens, - et se tenant debout entre les morts et les vivants, il pria pour le peuple, et la plaie s'arrêta. . . - Le nombre de ceux qui furent frappés de cette plaie fut de quatorze mille sept cents hommes, outre ceux qui avaient péri dans la sédition de Coré. "
46. JEAN, VIII, 34 ; voir le texte dans le corps de la réponse, page 367.
47. Sagesse, XIV, 9, ibidem.
48. Proverbes, XIV, 34, ibidem.
49. Ecclésiastique, XXI, 2, ibidem.
50. Psaume V, 5, ibidem.
51. Ecclésiaste, IX, 18, ibidem.
52. Tobie, IV, 6, ibidem.
53. Psaume XXXI, 10, ibidem.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. BERNARD, Serm. III in Natali Domini : " Reconnaissez, ô homme, combien sont graves des blessures qui n'ont pu être guéries que par celles d'un Dieu. Si ce n'étaient pas des blessures mortelles, et que la mort éternelle n'en eût pas dû être la suite, jamais le fils de Dieu ne serait mort pour y apporter remède. "
2. S. CHRYSOSTOME, Hom. XXIV (al. 23) in Matthæum : " Celui qui est dans l'enfer est en même temps privé du royaume de Dieu, supplice bien plus intolérable que celui des flammes. Je sais que la plupart des chrétiens ne craignent que de brûler dans l'enfer, et paraissent insensibles à la perte de la gloire céleste ; mais moi, je vous déclare qu'une telle perte est un mal plus horrible que le feu éternel. Et ne vous étonnez pas, si je ne puis vous rendre la chose sensible par des paroles. Car nous ne comprenons pas assez combien est grand le bonheur de jouir de Dieu, pour concevoir ensuite quel est le malheur de ceux qui en sont
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privés. Mais saint Paul qui, dans son ravissement, avait goûté ces choses ineffables, savait bien que le plus insupportable de tous les maux serait d'être exclu de la gloire de Jésus-Christ. Et nous aussi nous le saurons un jour, lorsque le moment sera venu pour nous d'en faire l'épreuve. . . "
" L'enfer est sans doute un supplice horrible. Cependant dix mille enfers ensemble ne seraient encore rien en comparaison de ce malheur que je disais d'être exclu de la gloire céleste, d’être l'objet de la haine de Jésus-Christ, entendre de sa bouche divine ces paroles foudroyantes : Je ne vous connais point ; et ces reproches sanglants : Vous m'avez vu souffrir la faim, et vous ne m'avez pas donné à manger. Il vaudrait mieux pour nous d'être percés de mille foudres, que de voir ce Dieu de bonté détourner de nous son visage, et ces yeux si doux ne pouvoir nous regarder qu'avec colère (Cf. Homélies de saint Chrysostôme sur saint Matthieu, tome Ier, homélie XXIII, exhortation). "
3. Le même, Hom. XLVIII ad populum Antiochenum : " Le feu de l'enfer, j'en conviens, est un supplice intolérable, et au-delà de tout ce qu'on peut imaginer. Soyez persuadés cependant que la perte du royaume céleste est un mal plus intolérable encore. "
4. Le même, Epist. V ad Theodorum lapsum : " Il en est de si peu sensés qu'ils ne voient d'autre mal à éviter que le feu de l'enfer. Mais moi, je dis au contraire qu'il y a un autre supplice beaucoup plus affreux, et que c'est celui de se voir privé de la gloire céleste, et je suis convaincu que tous les maux de l'enfer doivent causer beaucoup moins de regrets à ceux qui y sont soumis, que ne doit le faire la perte du ciel, malheur le plus grand de tous. "
5. Le même, Hom. VIII ad populum Antiochenum : " C'est la coutume des coupables, que tout leur soit suspect ; une ombre, un simple bruit les glace d'effroi : ils croient que tout ce qui les entoure a conjuré leur ruine. S'ils voient un homme s'empresser pour une affaire, ils se persuadent aussitôt que c'est à eux-mêmes qu'il en veut ; s'ils aperçoivent des gens qui s'entretiennent entre eux, ils s'imaginent qu'on s'occupe d'eux-mêmes. Tel est le caractère du péché : il rend l’âme timide et soupçonneuse ; il se trahit lui-même sans qu'il soit besoin de dénonciateur ; sans accusateur il se condamne. "
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" Bien différente est la conduite du juste : l’Ecriture fait une peinture admirable de la timidité de l'un, et de l'assurance de l'autre. L'impie, dit Salomon, prend la fuite, sans que personne le poursuive (Prov., XXVIII, 1). Mais qu'est-ce qui lui cause cette épouvante ? C'est sa conscience ; c'est cet accusateur secret qu'il porte partout avec lui ; et comme il ne peut se soustraire lui-même, il ne saurait non plus échapper à ce vautour intérieur qui le ronge et le dévore. Pour le juste, au contraire, il a, dit encore le Sage (ibid.), une confiance de lion. "
6. Le même, Hom. XVII in Genesim : " Rien de pire que le péché. Car, une fois entré dans notre âme, non-seulement il nous couvre de honte, mais encore il ôte la raison à ceux-là mêmes qui auparavant étaient remplis d'intelligence et de sagesse. "
7. Le même, Hom. LI (al. 52) in Joannum : " Rien de plus hideux que le péché, rien de plus impur. C'est pourquoi le Prophète, voulant nous en donner une idée, s'écriait : La pourriture et la corruption s'est mise dans mes plaies (Ps. XXXVII, 6) (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, tome VIII, p. 309, édit. des Bénédictins ; p. 353, édition de M. Gaume. "
8. Le même, Homélie XXXVII (al. 38) in Joannem : " Le péché est un mal bien funeste : il est la ruine de l'âme, et souvent par surcroît il répand sa contagion sur le corps lui-même. Il se commet en un instant, et le châtiment en durera toute l'éternité. Si, après en avoir été punis sévèrement une première fois, nous y tombons de nouveau, nous en subirons un châtiment encore plus sévère ; et cela avec raison. Car celui à qui une première correction n'a pas suffi, doit être traité comme un incorrigible et un insolent que les maux extrêmes peuvent seuls réduire. La correction infligée d’abord aurait dû toute seule le rappeler à lui-même et le rendre plus traitable ; mais puisqu'elle est restée sans effet sur lui et qu'il n'en persiste pas moins dans ses désordres, il ne devra imputer qu'à lui-même les terribles châtiments que ses provocations lui auront attirés. Mais si, quand une première correction ne nous a servi de rien, nous devons encourir, même ici-bas, un châtiment plus sévère, à quels supplices effroyables ne devons-nous pas nous attendre pour l'éternité, si tous les désordres que nous avons pu commettre sont restés impunis jusque-là ? Et pourquoi, nous demandera-t-on,
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tous ne sont-ils pas châtiés de même ? Car nous voyons beaucoup de ces méchants qui n'en sont pas moins remplis de santé et d'embonpoint, et à qui tout réussi dans leurs entreprises. Mais que cela ne nous rassure pas sur leur compte ; au contraire, plaignons-les davantage. Car l'impunité dans laquelle ils vivent ici-bas leur pronostique un châtiment plus sévère pour l'éternité. C'est ce que faisait entendre saint Paul, quand il disait : Lorsque nous sommes jugés dans le siècle présent, c'est le Seigneur qui nous châtie, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde. Car les peines de ce monde ne sont que des avertissements ; les supplices proprement dits, ce seront les peines de l'éternité (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. VIII, pag. 216, édition des Bénédictins). "
9. Le même, Hom. XXVIII in Epistolam ad Romanos : " Bannissons de nos cœurs le péché, qui est plus à craindre pour nous que le démon lui-même. Car le démon, absolument parlant, ne nous fait pas perdre le royaume des cieux, puisque, si nous nous tenons sur nos gardes par rapport à lui, il contribue plutôt à nous le faire gagner ; au lieu que le péch nous le fait perdre absolument. Le péché est un démon que notre propre volonté s'impose à elle-même, une folie de notre choix (Cf. Ibidem, t. IX, p. 726). "
10. Le même, Hom. XLI in Acta Apostolorum : " Il nous importe moins d'être délivrés du démon, que de l’être du péché. Ce n'est pas le démon qui nous fermera l'entrée du royaume des cieux ; il contribuera plutôt quelquefois, quoique malgré lui, à nous y faire entrer (Cf. Ibidem, t. IX, p. 313). "
11. Le même, Hom. de Jonâ prophetâ : " Le péché est la charge de toutes la plus pesante. Aussi le prophète Zacharie en trouve-t-il l'emblème dans le plomb ; et David, pour nous en faire le tableau, dit que ses iniquités se sont élevées au-dessus de sa tête et qu'elles se sont appesanties sur lui comme un fardeau insupportable (Ps. XXXVII, 8). "
12. S. BASILE, Hom. in Ps. XXXIII : " Tout fidèle chrétien a un ange près de lui, à moins qu'il ne l'éloigne par ses mauvaises actions. Car, de même que la fumée fait fuir les abeilles, et que les odeurs fétides contraignent les colombes à chercher ailleurs un asile, ainsi notre ange gardien est-il chassé de nous par les formes hideuses et l'horrible infection du péché. "
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13. S. AUGUSTIN, Lib. expositionis quarumdam propositionum
ex Epistola ad Romanos, prop. 42 : " Par ces paroles de l’Apôtre,
Vendu pour être assujetti au péché (Rom.,
VII, 14), il faut entendre que celui qui pèche vend son âme
au démon en recevant pour prix les voluptés terrestres. C'est
pour cela que nous disons que Notre-Seigneur nous a rachetés,
parce que nous étions vendus de la manière que je viens de
dire. "
Question IV
Quel est le chemin qui conduit à l’abîme du péché ?
Il y a trois degrés principaux par lesquels on s'enfonce dans l'abîme du péché, savoir, la suggestion, la délectation et le consentement.
La suggestion consiste dans les mauvaises pensées ou les tentations qui nous viennent de l'ennemi de notre âme, que cet ennemi soit le monde, ou que ce soit la chair, ou que ce soit le démon. La délectation, c’est le plaisir que nous cause à nous-mêmes la suggestion du tentateur. Le consentement enfin, c'est l'adhésion délibérée que donne au péché lui-même notre volonté séduite. C’est ce consentement qui fait comme la consommation du péché, et qui non-seulement souille l'âme et la tue, mais encore la rend digne devant Dieu des peines éternelles, quand même on n'en serait pas venu à l'exécution. C’est ce qui a fait dire avec beaucoup de raison, que la suggestion est comme la semence du péché, la délectation sa nutrition, et le consentement son accroissement complet.
Si nous examinons encore de plus près quels sont les degrés les plus ordinaires qui conduisent au péché, nous trouverons que la suggestion fait naître la pensée et la pensée l’affection ; que de l'affection naît ensuite la délectation, de la délectation le consentement, du consentement l'action, de l'action l'habitude, de l'habitude de commettre le mal le désespoir de revenir au bien, du désespoir de revenir au bien la témérité de justifier ses péchés, de la témérité de justifier ses péchés l'impudence de s'en faire gloire, et de l'impudence de se faire gloire de ses fautes la damnation. Telle est la longue et horrible chaîne, tels sont les funestes liens, les horribles entraves, au moyen desquels Satan tient l'homme sous son empire et le précipite, hélas ! dans toutes sortes de maux, pour le faire aboutir à l'éternel abîme. Il est donc fort important d'observer et de discerner avec soin ces divers degrés
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de croissance du péché pour ne pas exposer,
en faisant fausse route, le salut de notre âme.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. JACQUES, I, 14-15 : " Chacun est tenté par sa propre concupiscence, qui l'entraîne et le séduit - Quand la concupiscence a conçu, elle enfante le péché, et le péché étant consommé engendre la mort. "
2. Tobie, IV, 6 : " Gardez-vous de consentir jamais à aucun péché, et de violer les préceptes du Seigneur notre Dieu. "
3. Romains, VI, 12 : " Que le péché ne règne donc point dans votre corps mortel, en sorte que vous obéissiez à ses désir déréglés. "
4. MATTHIEU, V, 22 : " Quiconque se mettra en colère contre son frère méritera d'être condamné par le jugement ; celui qui dira à son frère : Raca, méritera d’être condamné par le conseil ; celui qui lui dira : Vous êtes un fou, mériter d'être condamné au feu de l'enfer. "
5. Proverbes, V, 22 : " Le méchant se trouve pris dans son iniquité, et il est lié par les chaînes de ses péchés. "
6. Psaume CXVIII, 61 : " Les pièges des méchants m'environnent. "
7. II Samuel, XXII, 6 : " Les filets du trépas m'environnaient de toutes parts, les pièges de la mort m'avaient surpris. "
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TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. I de sermone Domini in monte, c. 12 : " Remarquez qu'il ne dit pas (MATTH., V, 28), Quiconque aura en lui un mauvais désir pour une femme, mais, Quiconque aura regardé une femme avec un mauvais désir pour elle, ou pour mieux dire, avec l’intention d'avoir un mauvais désir pour elle : ce qui n'est plus seulement éprouver les tentations de la chair, mais pleinement consentir à la tentation, en sorte que, bien loin de réprimer le désir criminel, on l'assouvirait si l'on en trouvait le moyen. Car il y a comme trois degrés par lesquels on arrive à commettre le péché : la suggestion, la délectation et le consentement. La suggestion est le fait de la mémoire ou des sens corporels, comme lorsque nous voyons, entendons, sentons, goûtons ou touchons quelque chose. Si la pensée de jouir de l'objet présent ainsi par la mémoire ou par les sens cause à l'âme quelque délectation, et que cette délectation soit illicite, il faut la réprimer. Par exemple, lorsque, tout en gardant le jeûne, nous sentons notre appétit s’éveiller à la vue de quelques mets, il y a là une délectation, mais à laquelle nous ne donnons pas notre consentement, puisque la raison dont nous écoutons la voix nous en fait faire le sacrifice. Mais si nous y consentions au contraire, ce serait alors qu'il y aurait péché. Or, ce consentement est connu de Dieu, quand même les hommes n'en verraient rien. Ce sont là les trois degrés, disposés de telle manière que la suggestion est comme l'œuvre du serpent, auquel elle ressemble par la facilité avec laquelle elle se glisse et s'insinue, ou par la lubricité même de la sensation : car quoique les images ou les fantômes de l'imagination soient formés dans l'âme, leur cause cependant est extérieure et toute matérielle ; et si l'âme éprouve quelque affection secrète outre la sensation et le mouvement corporel, ce qu'elle éprouve est néanmoins toujours quelque chose de subtil et de glissant en quelque manière ; et plus cette affection se glisse subtilement dans l'âme, plus il est naturel de la comparer au serpent. Ces trois choses donc, comme j'ai déjà commencé à le faire entendre, rappellent le fait raconté dans la Genèse, la suggestion représentant fort bien les paroles insinuantes que le serpent dit à Eve. Puis, l'appétit charnel qui suit la suggestion, c'est la délectation, comme l'éprouve aussi la première cette mère commune de tout le genre humain. Enfin, lorsque la raison donne son consentement, elle fait ce que fit Adam en se laissant gagner par la première
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femme. Et lorsque ces trois actes sont consommés, l'homme est chassé du paradis, c'est-à-dire qu'il se trouve déchu de l'heureux état de justice, et se voit condamné à mourir, et par un châtiment bien mérité. Car la suggestion qui lui a été faite ne lui a pas imposé la nécessité de consentir. Et tout ce que Dieu a fait est bon, mais pourvu que chaque chose reste à sa place, et que les créatures les plus élevées, telles que la créature raisonnable, ne se ravalent pas au rang de celles qui leur sont bien inférieures. Or, personne n'est forcé de se ravaler ainsi, et c'est pourquoi, lorsqu'on le fait, on est inexcusable et on doit en porter la peine. Car si l’on a commis le péché, c'est qu'on y a volontairement consenti. La délectation, tant que le consentement est refusé, ou est nulle ou du moins n'est que légère ; ce qui n'empêche pas que ce ne soit un grand péché d'y consentir, quand elle est défendue. Ensuite, si tout se borne au consentement donné, le péché est commis dans le cœur. Si l'on en vient de plus à faire l'action consentie, il semble que la convoitise se trouvant satisfaite devrait par-là même cesser. Mais il arrive que, la suggestion se renouvelant, la délectation n'en devient que plus vive ; encore le serait-elle bien davantage, si elle se tournait en habitude par la répétition des mêmes actes. Car il est pour lors bien difficile de la vaincre ; quoique cependant on puisse toujours en venir à bout avec la grâce de Jésus-Christ, pourvu qu'on ne se manque pas à soi-même et qu'on ne craigne pas de combattre sous les étendards de ce divin chef : et c'est ainsi que tout rentrera dans l'ordre, l'homme étant soumis à Jésus-Christ comme la femme à l'homme lui-même. De même donc qu'on arrive à commettre le péché par trois degrés, qui sont la suggestion, la délectation et le consentement, il y a dans le péché lui-même trois degrés nouveaux, qui sont comme trois morts plus terribles l'une que l'autre, savoir, la volonté de pécher en tant qu'elle demeure dans le cœur, cette même volonté réduit à l'acte, et enfin le péché passé en habitude. Tant qu'on ne fait que consentir intérieurement au mal, quoique mort déjà, on est encore dans la maison, pour ainsi parler ; quand on en est venu à l'acte extérieur, le cercueil qui renferme le mort est déjà à la porte de la ville ; enfin, lorsqu'on se trouve sous le poids de l'habitude criminelle, c'est que le corps est dans le sépulcre et qu'il sent mauvais. On n'a qu'à lire l’Evangile, et on verra que Notre-Seigneur a ressuscité de ces trois sortes de morts. Il sera peut-être bon aussi de peser les différentes manières dont s'y prend le Sauveur pour opérer
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chacune de ces résurrections. A la première, il se contente de dire : Enfant, levez-vous (MATTH., IX). A la seconde, il dit : Jeune homme, levez-vous, je vous le commande (LUC, VII). A la troisième, il frémit en lui-même, il pleure, il frémit encore, et enfin il s'écrie : Lazare, sortez dehors (JEAN, XI). "
2. Le même, Lib. XII de Trinitate, c. 12, n. 17 : " Lorsque l’âme, exerçant sur les objets sensibles la faculté de raisonner dont elle est douée, est invitée par l'appât que lui présentent les sens à mettre dans ces biens passagers et particuliers sa fin dernière, au lieu de ne la faire consister que dans ce bien universel qui est le bien immuable ou le souverain bien, c'est alors comme le serpent qui parle à la femme. Si elle consent à cet attrait, elle mange alors du fruit défendu. Si ce consentement se renferme dans la pensée et que la raison prenant le dessus empêche qu'on ne fasse servir ses membres à l'iniquité (Rom., VI, 13), c'est le fruit défendu mangé par la femme seule. Mais si l'on consent tellement à pécher en mésusant des choses de ce monde qui s'offrent à nos sens, qu'on aille jusqu’à faire l'action mauvaise dès qu'on en a le pouvoir, c'est la femme qui entraîne son mari à manger avec elle le fruit défendu. Car il ne peut se faire qu'on se décide non-seulement à penser avec plaisir à quelque péché, mais encore le commettre réellement, sans que la raison, au pouvoir de laquelle il est d'appliquer les forces corporelles à l'action, ou d'en arrêter le jeu, cède elle-même et se soumette à faire l'action mauvaise. "
" Nous ne devons pas nier pour cela que l'on pèche, lors même qu'on se borne à penser avec plaisir à des choses défendues, sans avoir la volonté de les faire, et simplement pour s'en délecter en soi-même, tandis qu'on devrait en rejeter même la pensée aussitôt qu'elle se présente à l'esprit ; nous voulons dire seulement que le péché est bien moindre que si l'on se portait à faire réellement l’action criminelle. C'est pourquoi nous devons demander pardon et frapper notre poitrine pour ces péchés de pensée comme pour les autres, en disant : Pardonnez-nous nos offenses ; et faire de même ce qui est dit ensuite, c'est-à-dire, pardonner nous-mêmes à ceux qui nous ont offensés. Car on ne peut pas raisonner de nous dans cette circonstance comme de nos deux premiers parents, qui faisaient chacun une personne à part, de sorte que si la femme avait seule mangé du fruit défendu, elle aurait seule aussi été condamnée à mourir ; on ne peut pas dire de même de quelqu'un que, s'il se borne à penser
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avec plaisir à des choses mauvaises dont il devrait détourner sur-le-champ sa pensée, et que, sans se résoudre à faire l'action elle-même défendue, il se contente de s'en repaître l'esprit, il n'y ait alors qu'une partie de lui-même qui s'expose à la damnation, comme la première femme aurait pu se perdre toute seule sans son mari : ce serait folie de le penser. Car ici il n'y a pas deux personnes, mais une seule, et elle sera tout entière condamnée si ces péchés dits de pensée, qui, sans supposer la volonté de faire la chose mauvaise, supposent celle d'y prendre plaisir en soi-même, ne sont effacés par la grâce du Médiateur (Cf. S. Augustini opera, etc., tome VIII, pag. 921-922, édition des Bénédictins ; col. 1398-1399, édition de Gaume). "
3. S. GREGOIRE, Hom. XVI in Evangelia : " Il est bon que nous sachions distinguer dans la tentation trois choses, la suggestion, la délectation et le consentement. Pour nous, quand nous sommes tentés, nous nous laissons aller aisément à la délectation, et même assez souvent au consentement formel, parce que, corrompus dès notre origine, nous trouvons en nous-mêmes un ennemi à combattre sans relâche. Mais un Dieu incarné dans le sein d'une vierge, et venu au monde sans péché, ne trouvait point en lui-même une contradiction semblable. Il a donc pu être tenté par suggestion, mais non par aucune délectation mauvaise qu'il ait pu éprouver. Et ainsi toute cette tentation qu'il a essuyée de la part du démon s’est passée au dehors, sans l'affecter en lui-même. "
4. Le même, Lib. IV Moralium, c. 27 (al. 46) : " Le péché se forme dans le cœur par quatre degrés, et par quatre autres il s'accomplit dans les actions. Les quatre degrés par lesquels le péché se forme dans le cœur sont la suggestion, la délectation ou le plaisir, le consentement et l'impudence qu'on aurait de chercher à le justifier. La suggestion vient du démon, le plaisir vient de la chair ; le consentement vient de la volonté, et l'impudence qui cherche à justifier le péché commis vient de l'orgueil. Aussi est-ce par ces quatre moyens que le démon a détruit l’innocence du premier homme. Car le serpent suggère le mal ; Eve y prit plaisir ; Adam y consentit, et ensuite il refusa impudemment d'avouer sa faute. Or, ce qui s'est passé dans le premier auteur de notre race, se passe encore tous les jours dans ses descendants. C'est le serpent qui donne son perfide conseil,
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lorsque l'ennemi invisible de nos âmes nous insinue en secret ses pernicieuses suggestions. C'est Eve qui prend plaisir aux paroles du serpent, lorsque la chair se laisse attirer et gagner par cet appât, c'est Adam qui consent aux désirs de sa femme en oubliant sa supériorité sur elle, quand la raison se laisse entraînée par les désirs charnels et dément ainsi à la rectitude qui lui a été donnée. Enfin c'est Adam qui, rappelé par la voix de Dieu, refuse d'avouer sa faute, lorsqu'on se fait gloire de ses chutes même avec d'autant plus d'audace qu'on se trouve plus loin du chemin de la vérité. "
" Le péché d'action s'accomplit aussi en passant par quatre degrés semblables. Car premièrement on pèche en secret ; après cela on commet le péché sans honte même à la vue des hommes ; puis on s'en fait une habitude ; enfin on s'y endurcit, soit qu'on se laisse séduire par la présomption, soit qu'on se laisse vaincre par le désespoir (Cf. Les Morales de saint Grégoire, etc., t. Ier, p. 375-376). "
5. Le vénérable BEDE, in I caput Jacobi : " La tentation a lieu de trois manières : par la suggestion, par la délectation et par le consentement. La suggestion est le fait de notre ennemi ; la délectation, ou bien même le consentement, est le fait de notre faiblesse. Si notre ennemi ne peut nous entraîner par ses suggestions à prendre plaisir ou à consentir au péché, la tentation elle-même rehausse le prix de notre victoire, et ajoute des fleurons à la couronne de vie que nous n'aurons plus qu'à attendre. Si au contraire il réussit à nous détourner tant soit peu de la voie droite, et à nous faire trouver dans le vice des attraits trop séduisants, le plaisir que nous y prenons est déjà une chute, mais qui seule ne va pourtant pas jusqu’à nous donner la mort. Enfin, si ce plaisir conçu dans la pensée est suivie de la mauvaise action qu'il enfante, c'est la mort pour nous, et notre ennemi peut en toute sûreté chanter victoire. Appuyons cette doctrine par des exemples. Joseph fut tenté par les paroles que lui adressa la femme de son maître (Gen., XXXIX) ; mais comme il ne donna point entrée dans son cœur au mauvais désir, la tentation se borna à la suggestion, sans aller jusqu'à la délectation ni surtout jusqu'au consentement : aussi ne fut-ce pour lui qu'une victoire, David fut tenté en voyant une femme qui n'était pas la sienne, et comme il n'avait pas su vaincre l'appétit charnel, la concupiscence l'emporta et l'entraîna dans le mal. Et quand il
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eut consommé le crime qu'il avait conçu il se trouva par son propre aveu jugé digne de mort (II Sam., XII, 3) : mort cependant qu'il détourne de dessus sa tête par son prompt repentir. Judas fut tenté par l'amour de l'argent, et comme il était avare, sa concupiscence l'emporta et l'entraîna, et il tomba dans l'état de mort en consentant au péché. Job fut tenté en bien des manières ; mais comme l'amour divin prévalait en lui sur l'amour de ses possessions, et même de sa propre personne, il put bien être tenté par les suggestions de l'ennemi, mais sans pouvoir être amené à consentir ou même à prendre simplement plaisir au péché. Par conséquent, ce que dit l'Apôtre que le péché, lorsqu'il est consommé, engendre la mort, doit s'entendre contrairement à ce qu'il venait de dire de celui qui souffre la tentation, et qui, par suite de cette épreuve, mérite de recevoir la couronne de vie. Car autant celui qui surmonte la tentation mérite une telle récompense, autant celui qui se laisse surmonter par elle, en cédant à la concupiscence, encourt justement sa peine. "
6. S. GREGOIRE-LE-GRAND, in responsione ad undecimam interrogationem Augustini Cantuariensis archiepiscopi : " Tout péché s'accomplit par trois degrés différents, par la suggestion, par la délectation et par le consentement. La suggestion est l'œuvre du démon, la délectation celle de la chair, le consentement l'œuvre de la volonté. Car lorsque le serpent suggéra le premier péché commis dans le monde, Eve qui personnifiait la chair trouva le fruit délectable, et Adam qui personnifiait la volonté donna son consentement. Et il est besoin de beaucoup de sagacité pour distinguer avec précision entre la suggestion, la délectation et le consentement. En effet, qu'on ne prenne aucun plaisir au péché que suggère le malin esprit, le péché alors n'existe nullement. Lorsqu'au contraire la chair éprouve du plaisir, le péché dès-lors prend pour ainsi dire naissance ; et il est consommé si la volonté donne son consentement avec réflexion. La suggestion est donc comme la semence du péché, la délectation en est l'aliment, et le consentement en forme le développement complet. Il arrive souvent aussi que la chair se délecte de la pensée mauvaise suggérée par l'esprit malin, sans que la raison consente à cette délectation. Et comme la chair ne peut pas se délecter sans le concours de l'âme, l'âme cependant qui résiste aux voluptés de la chair se trouve en quelque sorte enchaînée malgré elle par la délectation charnelle, de sorte qu'elle la
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combat par raison et lui refuse son consentement, sans pouvoir toutefois l'empêcher de se faire sentir ni cesser d'y être enchaînée, état qui la fait gémir et soupirer après sa délivrance. C’est ce qui faisait dire à ce généreux soldat de l'armée céleste : Je sens dans les membres de mon corps une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit, et qui me tient captif sous la loi du péché, qui règne dans les membres de mon corps (Rom., VII, 23). S’il était captif, il n'est donc pas vrai qu'il combattît : il combattait cependant ; disons donc qu'il était captif et ne l'était pas tout à la fois. Ainsi la loi des membres combattait contre la loi de l'esprit. Il combattait ; donc il n'était pas captif. Voilà donc l'homme tout à la fois pour ainsi dire captif et libre. Libre, par la justice à laquelle il reste attaché, captif, par la délectation qu'il supporte malgré lui. "
7. Le même, Lib. IV Moralium, c. 27, passage rapporté plus haut, même question, témoignage 4, page 387.
8. S. ISIDORE, évêque de Séville, Lib. II de summo bono, c. 23 : " Voici par quels degrés le péché se forme en nous. La mauvaise pensée produit une délectation, celle-ci engendre le consentement, le consentement amène l'action, l'action l'habitude, et l'habitude une sorte de nécessité ; et l'homme ainsi embarrassé dans ces liens se trouve enveloppé dans le vice comme dans un réseau au point qu'il ne peut s'en dégager, à moins que la grâce divine ne l'en retire en le prenant comme par la main. Commettre le péché, c’est tomber, pour ainsi dire, dans un puits ; s'en faire une habitude, c'est rendre l'orifice du puits si étroit, que celui qui y est tombé une fois, ne peut plus en sortir. Quelquefois cependant Dieu délivre ces malheureux désespérés en leur facilitant les moyens de revenir par la conversion à la véritable liberté de ses enfants. Car sa miséricorde demande que nos péchés soient remis, et un effet de sa protection c'est que nos péchés ne nous engloutissent pas dans l'abîme. C’est un bien grand mal que de pécher ; mais c'est un mal encore plus grand de s'en faire une habitude. On se retire du premier sans beaucoup de peine ; mais, pour sortir de l'autre, il faut de grands efforts, une forte application à résister à l'habitude contractée. Le Prophète dit de ceux qui sont dans l'habitude de faire le mal, qu'ils sont tombés au fond de l'abîme, parce que l'habitude est comme une chaîne qui ôte à l'homme sa liberté, en sorte qu'on pèche lors même qu'on ne voudrait pas pécher. Se relever au contraire tout aussitôt de sa chute, ce n'est pas être tombé
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au fond de l'abîme. L'Apôtre nous dit qu'il y a dans nos membres une loi qui nous porte au péché. Cette loi, c'est l'habitude du péché contracté à force de le commettre, habitude dont nous ne sortons pas ensuite quand nous le voulons, parce qu'elle est devenue comme une nécessité qui nous retient dans ses chaînes. "
9. S. AUGUSTIN, Confessions, livre VIII, c. 5 : " C'est après un tel loisir (celui dont Victorinus jouissait depuis sa conversion) que je soupirais, non plus dans des liens étrangers, mais dans les fers de ma propre volonté. Le démon tenait dans sa main mon vouloir, et il m'en avait fait une chaîne, et il m'en avait lié. Car la volonté pervertie fait la passion ; l'asservissement à la passion fait l'habitude, le défaut de résistance à l'habitude fait la nécessité. Et ces nœuds d’iniquité étaient comme les anneaux de cette chaîne dont m'enlaçait le plus dur esclavage. . . "
" Vainement (ô mon Dieu) je me plaisais en votre loi selon l'homme intérieur, puisqu'une autre loi luttait dans ma chair contre la loi de mon esprit, et m'entraînais captif sous la loi du péché, incarné dans mes membres. Car la loi du péché, c'est la violence de l'habitude qui entraîne l'esprit et le retient contre son gré, mais non contre la justice, puisqu'il s'est volontairement asservi. "
10. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. XXV Moralium, c.
12 (al. 8) : " Tout péché qu'on n'a pas soin d'effacer promptement
par la pénitence est, ou péché et cause de péché
nouveaux, ou péché et peine d'un péché antérieur.
Et, en effet, tout péché que la pénitence n'a point
expié entraîne dans un autre par son propre poids (Cf. Les
Morales de saint Grégoire, etc., t. III, p. 672). "
Question V
Quels sont les moyens les plus faciles d’éviter le péché ?
Le premier, c'est de bien considérer quels dangers et quels maux les péchés que nous commettrions entraîneraient à leur suite. Un autre, c'est d'y résister tout d'abord et avec courage, et de repousser dès le principe les suggestions mauvaises qui nous y feraient tomber trop aisément. Un troisième enfin, c'est de leur opposer avec énergie la pratique des vertus contraires, en nous appuyant toujours sur la grâce de Jésus-Christ.
Voici donc les avis que nous donne l'Ecclésiastique : Ne vous
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laissez point aller à vos mauvais désirs,
et détournez-vous de ce que vous ferait suivre votre propre volonté.
Si vous contentez votre âme dans ses désirs déréglés,
elle vous rendra la joie de vos ennemis. De là aussi cet oracle
divin : Si vous faites bien, n'en serez-vous pas récompensé
? Et si vous faites mal, ne porterez-vous pas aussitôt la peine
de votre péché ? Mais le désir qui vous y porte
est soumis à votre pouvoir, et vous devez le dominer. Et c'est
ici que trouve son emploi cette armure spirituelle, dont l'apôtre
saint Paul veut que les soldats de Jésus-Christ se munissent contre
le péché et contre toutes les embûches du démon
pour qu'ils puissent combattre avec avantage, résister dans les
jours mauvais, et éteindre tous les traits enflammés de l'ennemi.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Ecclésiastique, XVIII, et Genèse IV. Voir les textes dans le corps de la réponse.
2. Psaume CXXXVI, 9 : " Heureux celui qui prendra tes enfants et les brisera contre la pierre. "
3. JACQUES, IV, 7-8 : " Soyez soumis à Dieu ; résistez au contraire au démon, et il s'éloignera de vous. - Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous. "
4. I PIERRE, V, 8-9 : " Le démon, votre ennemi, tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer. - Résistez-lui donc, en demeurant fermes dans la foi, sachant que vos frères dispersés dans le monde endurent les mêmes tribulations que vous. "
5. Romains, XII, 1, 5, 9-21 : " Je vous conjure donc, mes frères, par la miséricorde de Dieu, de lui offrir vos corps comme une hostie vivante, sainte et agréable à ses yeux, et de lui rendre un culte vraiment spirituel. - Et ne vous conformez pas au siècle
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présent ; mais transformez-vous en des hommes nouveaux par le renouvellement de votre esprit, en sorte que vous cherchiez en toutes choses ce qui est conforme à la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui est digne de louange, ce qui est parfait. - Je vous exhorte aussi, vous tous, selon le ministère qui m'a été donné par grâce, de ne point vous élever au-delà de ce que vous devez dans les sentiments que vous avez de vous-mêmes, mais de vous tenir dans les bornes de la modération, selon la mesure du don de la foi que Dieu a départi à chacun de vous. - Car, comme dans un seul corps, nous avons plusieurs membres, et que tous ces membres n'ont pas la même fonction, - ainsi, quoique nous soyons plusieurs, nous ne formons en Jésus-Christ qu'un même corps, et nous sommes tous membres les uns des autres. - Ayez le mal en horreur, et attachez-vous fortement au bien. - Que chacun ait pour son prochain une affection vraiment fraternelle ; prévenez vous les uns les autres par des témoignages de déférence. - Ne soyez pas nonchalants dans ce qui est de votre devoir ; conservez-vous dans la ferveur de l'esprit ; souvenez-vous que c'est le Seigneur que vous servez. - Réjouissez-vous dans l'espérance des biens promis ; soyez patients dans les maux, persévérants dans la prière, - charitables pour soulager les nécessités des saints, toujours prêts à donner l'hospitalité. - Bénissez vos persécuteurs ; bénissez-les, et ne faites point d'imprécations contre eux. - Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, et pleurez avec ceux qui pleurent. - Soyez tous unis dans un même esprit ; ne vous élevez point à des pensées trop hautes, mais contentez-vous volontiers de ce qu'il y a de plus humble. Ne soyez point sages à vos propres yeux. - Ne rendez à personne le mal pour le mal ; ayez soin de faire le bien, non-seulement devant Dieu, mais aussi devant tous les hommes. - Vivez en paix, si cela se peut, et autant qu'il est en vous, avec toutes sortes de personnes. - Ne vous vengez point vous-mêmes, mais donnez lieu à la colère ; car il est écrit : La vengeance m'est réservée, et c'est moi qui l'exercerai, dit le Seigneur. - Au contraire, si votre ennemi a faim, donnez-lui à manger ; s'il a soif, donnez-lui à boire : car, en agissant de la sorte, vous amasserez des charbons de feu sur sa tête. - Ne vous laissez pas vaincre par le mal ; mais travaillez à vaincre le mal par le bien. "
6. Ephésiens, IV, 1-3, 22-32 : " Je vous conjure donc, moi qui suis dans les chaînes pour le Seigneur, de vous conduire d'une manière digne de l'état auquel vous êtes appelés, - pra-
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tiquant en tout l'humilité la douceur, la patience, vous supportant les uns les autres avec charité, - vous appliquant à conserver l'unité d'un même esprit par le lien de la paix. - Dépouillez-vous du vieil homme, ou des restes de ce que vous étiez autrefois, et qui n'engendreraient que corruption par suite de l'attrait des plaisirs séducteurs. - Renouvelez-vous dans l'intérieur de votre âme. - Revêtez-vous de l'homme nouveau, tel qu'il a été fait à l'image de Dieu dans la justice et la sainteté qui sont l'apanage exclusif de la vérité. - C’est pourquoi, renonçant au mensonge, que chacun ne parle à son prochain que conformément à la vérité, parce que nous sommes membres les uns des autres. - Si vous vous mettez en colère, gardez-vous de pécher ; que le soleil ne se couche point sur votre colère - Ne donnez point accès au démon. - Que celui qui dérobait ne dérobe plus ; mais qu'il travaille plutôt de ses mains à quelque ouvrage bon et utile pour avoir de quoi donner à ceux qui sont dans l'indigence. - Que votre bouche ne profère aucune parole mauvaise ; mais que tout ce que vous direz soit propre à nourrir la foi, et à inspirer la piété à ceux qui en seront témoins. - Ne contristez pas l'Esprit de Dieu, cet Esprit-Saint par lequel vous avez été marqués comme d'un sceau pour le jour de votre rédemption. -Que toute aigreur, tout emportement, toute colère, toute querelle, toute médisance, toute malice soient bannis d'entre vous. - Soyez au contraire bons et miséricordieux les uns pour les autres, vous pardonnant mutuellement, comme Dieu vous a pardonné en Jésus-Christ. "
7. Philippiens, IV, 5-9 : " Que votre modestie soit connue de tous les hommes : le Seigneur est proche. - Ne vous inquiétez de rien ; mais en quelque état que vous soyez, présentez à Dieu vos demandes par des supplications et des prières accompagnées d'actions de grâces. - Que la paix de Dieu qui surpasse toutes nos pensées, garde vos cœurs et vos esprits en Jésus-Christ. - Enfin, mes frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, tout ce qui peut vous rendre aimables, tout ce qui est de bonne édification, tout ce qui est acte de vertu, tout ce qui est louable dans le règlement des mœurs, soit l'entretien de vos pensées. - Mettez en pratique la doctrine que vous avez apprise et reçue de moi, ce que vous avez entendu dire de moi, et ce que vous avez vu en moi. "
8. Ephésiens, VI, 10-18 : " Enfin, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans sa vertu toute-puissante. - Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, pour pouvoir vous défendre
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des embûches et des artifices du démon. - Car nous avons combattre, non contre des hommes de chair et de sang, mais contre les principautés et les puissances infernales, contre les princes du monde, c'est-à-dire de ce siècle ténébreux contre les esprits de malice répandus dans l'air. - C'est pourquoi prenez les armes de Dieu, invincibles à tous les traits, afin que vous puissiez résister dans les jours mauvais et demeurer prêts à soutenir tous les assauts. - Soyez donc fermes ; que la vérité soit la ceinture de vos reins, que la justice soit votre cuirasse. - Que vos pieds aient pour chaussure la disposition à suivre comme à annoncer l'Evangile de la paix. - Servez-vous par-dessus tout du bouclier de la foi, afin de pouvoir repousser tous les traits enflammés de l'esprit malin. - Prenez encore le casque du salut et le glaive spirituel, qui est la parole de Dieu ; - invoquant Dieu en esprit et en tout temps, par toutes sortes de supplications et de prières et vous employant, avec une vigilance et une persévérance continuelles, à prier pour tous les saints et pour moi. "
9. Hébreux, XII, 3-4 : " Pensez donc en
vous-mêmes à celui qui a souffert une si grande contradiction
de la part des pécheurs, afin que vous ne vous découragiez
point et que vous ne tombiez pas dans l'abattement ; - car vous n'avez
pas encore résisté jusqu’à répandre votre sang,
en combattant contre le péché. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. BERNARD, Serm. V de Quadragesimâ : " Nous avons sans doute un grand combat à soutenir contre les ruses de l'esprit infernal, contre ses assauts si fréquents, si continuels, d'autant plus à craindre pour nous que l'ennemi qui nous les livre est invisible, et que sa longue expérience dans la science du mal jointe à sa subtilité naturelle ne l'a rendu que trop adroit. Néanmoins il dépend toujours de nous de vaincre, et personne dans ce combat n'est terrassé malgré soi. Le désir qui vous porte au mal est soumis à votre pouvoir, et vous devez le dominer (Gen., IV, 7). Votre ennemi peut faire naître en vous le mouvement de la tentation ; mais il est en votre pouvoir d'y donner ou d'y refuser votre consentement. Il est laissé à votre option d'attacher votre ennemi à votre service même en faisant coopérer à votre bien tout le mal qu'il médite contre vous. Qu'il allume en vous le désir des viandes ; qu'il vous fasse naître des pensées de vanité ou d'impatience, ou qu'il excite en vous des mouvements de volupté : refusez simplement de consentir, et autant de fois que vous aurez résisté, autant
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vous obtiendrez de couronnes. Je ne puis disconvenir cependant, mes frères, que tout cela ne soit pénible et semé de périls ; mais, d'un autre côté, si nous résistons avec courage, nous goûterons même au plus fort du combat, une paix exquise qui sera le fruit de la bonne conscience. Je crois aussi que, si nous repoussons ces pensées aussitôt que nous les sentirons en nous, si nous les rejetons avec un généreux mépris, notre ennemi se retirera couvert de confusion, et ne sera plus si empressé de renouveler contre nous ses attaques. "
2. Le même, Serm. 29 ex parvis sermonibus : " Nous nous procurons l'approbation de Dieu de trois manières, par nos pensées, par nos affections et par notre intention. Car nos pensées doivent être saintes, selon qu'il est écrit : Les saintes pensées seront votre sauvegarde ; vos affections de même doivent être pures, et votre intention doit être droite. Or, ces trois choses dont je viens de parler sont dans l'âme ; mais, dans l'âme elle-même, elles ont chacune leur place distincte et, pour ainsi dire, leur localité particulière. Les pensées résident dans la mémoire, les affections dans la volonté et l'intention dans la raison. Et pour voir plus clairement le procédé et la différence des trois, cherchons un exemple dans les choses extérieures. Si notre corps vient à prendre un mauvais teint, mais que tout le mal se borne là et que la peau seule soit affectée, notre visage présentera alors un triste aspect, mais sans que notre santé en soit atteinte. Qu'ensuite une matière purulente ou une tumeur livide vienne à se montrer, le corps. ne perdra pas seulement sa beauté, mais sa santé elle-même se trouvera attaquée. Enfin, que le mal pénètre plus avant, et que des chairs il se communique aux os, on pourra avec sujet désespérer de notre vie même. C'est ainsi, par rapport à notre âme, que lorsque le péché est suggéré à la mémoire par la pensée, mais sans que la volonté y prenne de délectation, ni que la raison y donne son consentement, il y aura bien alors une certaine laideur répandue sur la surface de l'âme, de sorte qu'il n'y aura plus sujet de lui dire : Vous êtes toute belle, ma bien-aimée (Cant., IV, 7) ; mais, bien qu'il y ait tache en elle, il n'y aura pas encore de maladie. Si ensuite la volonté éprouve un sentiment de plaisir, mais que la raison y résiste, l’âme est alors malade ou infirme, mais sans que sa maladie aille à la mort ; elle n'en doit pas moins s'écrier : Guérissez-moi, Seigneur, et je serai guérie (JEREM., XVII, 14). Enfin, la mort aura lieu, si la raison donne son consentement au péché ; car c'est alors le péché
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dont il est dit : L'âme qui aura péché mourra (EZECH., XVIII, 20). David marque et déplore les trois degrés en disant à Dieu dans la personne du pécheur chassé du paradis et jeté au milieu de la dissipation du monde présent : Votre main s'est appesantie sur moi (XXXVII, 3). Et comme les désirs charnels sont la peine du péché, il ajoute (ibid., 4) : Il n'est aucune partie de mon corps qui n'ait ressenti votre indignation. Puis, pour marquer les effets de la faiblesse qu'a eue la raison de consentir au péché : Il n'est aucun de mes os qui ne soit ébranlé, depuis que j'ai péché. Ailleurs, il préconise les trois degrés du bien opposés à ceux que nous venons de voir dans le pécheur en disant dans la personne du juste (Ps. LXXVI, 4) : Je me suis souvenu de Dieu, et j'y ai trouvé ma joie ; je me suis exercé dans la méditation. Car il a trouvé sa joie par sa volonté, et il s'est exercé par sa raison. Afin donc que Dieu ne soit pas chassé de notre âme par les pensées tumultueuses qui y affluent comme on voit un peuple insurgé se répandre dans un palais laissé désert, mettons à la porte de notre âme ce portier qui s'appelle Souvenir de notre profession, et qu'ainsi toutes les fois que l'âme se trouvera obsédée de pensées honteuses, elle s'en reprenne et se dise à elle-même : Dois-tu donc t'occuper de ces pensées, toi prêtre, toi homme d’église, toi religieux ? Un professeur de vertu doit-il donner entrée dans son âme à ces turpitudes ? Un serviteur de Jésus-Christ, un ami de Dieu, peut-il s'arrêter même un instant à ces frivolités ? En vous gourmandant ainsi vous-mêmes, vous arrêterez le torrent des mauvaises pensées par le seul souvenir de votre profession. De même, à la porte de la volonté où les désirs charnels prétendraient avoir droit d'entrée comme dans leur propre maison, mettez cet autre portier qui s'appelle Souvenir de la céleste patrie. Car c'est lui qui pourra chasser les mauvais désirs comme un coin enfoncé dans le bois chasse un autre coin, et accueillir sans retard celui qui a dit : Me voici à la porte et j'y frappe (Apoc., III, 20). Enfin, devant la chambre de la raison, il faudra mettre un rude concierge qui ne se laisse gagner par aucun ennemi, soit public, soit caché, qui voudrait entrer, et qui les éloigne tous sans miséricorde : ce concierge, c'est le Souvenir de l'enfer. Car pour les autres, c'est-à-dire la mémoire et la volonté, c'est un mal tolérable que la mémoire par exemple, accueille une mauvaise pensée, ou que la volonté admette un sentiment impur. Mais ce qui serait intolérable et tout-à-fait mortel, ce serait que la raison perdit la droiture d'intention qu'elle doit toujours garder. "
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3. Le même, Serm. XLIX in Cantica : " Et comment, direz-vous, puis-je faire des progrès, moi qui porte envie aux progrès que font mes frères ? Vous le pouvez malgré cela, pourvu que vous désavouiez ce sentiment d'envie qui vous vient, ou que, si vous en éprouvez le sentiment, vous lui refusiez votre consentement. Il arrive souvent qu'on n'ait pas autre chose à faire que de guérir la passion dont on est obsédé sans condamner pour cela l’action même que la passion fait commettre. Prenez garde seule ment à ne pas nourrir en vous-même des desseins iniques, comme de favoriser les progrès d'une maladie, de propager un fléau, de persécuter un innocent, de déprécier les bonnes actions du prochain, de le décréditer, de l'opprimer, de vous opposer au bien qu'il voudrait faire. Si vous dirigez ainsi votre intention en tendant toujours à quelque chose de plus parfait, vous ne recevrez aucun préjudice de ce qui se trouvera être le fait, non de votre propre volonté, mais du péché qui habite en vous (Rom., VII, 17). Il n'y a donc point de damnation pour celui qui ne fait pas servir ses membres d'instruments à l'iniquité comme sa langue à la calomnie, le reste de sa personne à faire à son prochain un tort quel qu'il soit, mais qui gémit plutôt de ces sortes de sentiments qui s'élèvent dans son cœur et qui s'applique à déraciner par la confession, par la pénitence, par la prière, les vices invétérés dont il se trouve atteint ; qui enfin, lorsqu'il voit qu'il ne peut en venir à bout, en devient plus indulgent par rapport aux autres, et plus humble par rapport à soi-même. Quel esprit raisonnable pourrait condamner un homme, qui aurait appris de Notre-Seigneur à être doux et humble de cœur ? Gardons-nous de croire éloigné du salut celui qui se fait imitateur du Sauveur lui-même de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ce divin époux de l’Eglise qu'il s'est formée. "
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Article II. - DES SEPT PECHES CAPITAUX.
Question I
Quels sont les péchés dont on doit surtout se donner garde ?
Ce sont ceux qu'on appelle capitaux, parce qu'ils sont
comme à la tête des autres, et comme autant de racines viciées
d'où naissent des fruits empestés ; comme la source enfin
des vices, des désordres, des turpitudes et des scandales de toute
espèce qui en débordent et se répandent à flots
sur tout le genre humain.
Question II
Quels sont ces péchés capitaux ?
On en compte sept, savoir l'orgueil, l'avarice, la luxure,
l'envie, la gourmandise, la colère et la paresse. Mais autant nous
devons les fuir et les poursuivre de notre haine, autant, si nous sommes
désireux du salut de notre âme, nous devons nous adonner avec
amour à la pratique des vertus qui leur sont opposées. A
l'orgueil est opposée l'humilité, à l'avarice la libéralité,
à la luxure la chasteté, à l'envie la charité,
à la gourmandise la tempérance, à la colère
la patience, à la paresse enfin la ferveur ou la pieuse activité
d'une âme toute occupée de son salut.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Colossiens, III, 12 : " Revêtez-vous donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés d'entrailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de modestie, de patience, etc. "
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2. II Corinthiens, IX, 6-7 : " J'ai cru nécessaire de prier nos frères de prévenir mon arrivée près de vous, afin qu'ils aient soin que l'aumône que vous avez promis de faire soit prête pour ce moment ; mais de telle sorte que ce soit un don offert par la charité, et non arraché à l'avarice. - Or, je vous avertis que celui qui sème peu, moissonnera peu ; et que celui qui sème avec abondance, moissonnera aussi avec abondance. - Que chacun donne ce qu'il aura résolu en lui-même de donner, non avec tristesse, ni comme de force ; car Dieu aime celui qui donne avec joie. "
3. Actes, XXIV, 25 : " Mais comme Paul lui parlait de la justice, de la chasteté, etc. "
4. I Corinthiens, XIII, 4 : " La charité est patiente, douce, bienfaisante, etc. "
5. Ecclésiastique, XXXI, 19-22, 31-32, 35-40 : " Usez en homme tempérant de ce qui vous est servi, de peur que vous ne vous rendiez odieux en mangeant beaucoup. - Cessez le premier de manger par modestie, et n'y excédez point, de peur de tomber en faute. - Si vous êtes assis avec beaucoup de personnes, ne portez pas la main aux viandes avant eux, et ne demandez pas le premier à boire. - Un peu de vin n'est-il pas plus que suffisant à un homme réglé ? Vous n'aurez point non plus d'inquiétude durant le sommeil, et vous ne sentirez point de douleur. - Le feu éprouve la dureté du fer, et le vin bu avec excès fait reconnaître le cœur des superbes. - Le vin pris avec tempérance est une seconde vie ; si vous en prenez modérément vous serez sobre. - Le vin a été créé dès le commencement pour être la joie de l'homme, et non pour l'enivrer. - Le vin pris modérément est la joie de l'âme et du cœur. - La tempérance dans le boire est la santé de l'âme et du corps. - Le vin bu avec excès produit la colère et l'emportement, et attire de grandes ruines. - Le vin bu avec excès est l'amertume de l’âme. - L'ivrognerie inspire l'audace ; elle fait tomber l'insensé, elle ôte la force, et elle cause des blessures à plusieurs. "
6. Hébreux, X, 36 : " La patience vous est nécessaire, afin qu'en faisant la volonté de Dieu ; vous puissiez obtenir l'effet de ses promesses. "
7. I Corinthiens, XV, 58 : " Ainsi, mes chers frères, demeurez fermes et inébranlables et travaillez sans cesse de plus en plus à l'œuvre de Dieu, sachant que votre travail ne restera pas sans récompense devant le Seigneur. "
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Question III
Qu’est-ce que l’orgueil, et quels sont les rejetons de ce premier des péchés capitaux ?
L'orgueil est un amour déréglé de notre propre excellence, soit qu'il reste caché dans le cœur soit qu'il se manifeste au dehors.
Ce vice est comme le père ou le chef de tous les autres ; mais ses principaux rejetons sont la désobéissance, la jactance, l'hypocrisie, la contention, l'opiniâtreté, la discorde, la curiosité.
Voici en quels termes Tobie avertit de se précautionner
contre un vice aussi funeste : Ne souffrez jamais que l'orgueil domine
ou dans vos pensées ou dans vos paroles; car c'est par l'orgueil
que tous les maux ont commencé. De là cette doctrine
de l’Apôtre : Dieu résiste aux superbes, et donne sa grâce
aux humbles. Et même si nous devons en croire l'Ecclésiastique,
l'orgueil est haï de Dieu et des hommes. . . Dieu a fait
sécher les nations superbes jusque dans leurs racines, et il a planté
les humbles à leur place. . . Pourquoi donc, vous qui n'êtes
que terre et que cendre, vous élèveriez-vous d'orgueil ?
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Tobie, IV, Ecclésiastique, X ; JACQUES, IV; I PIERRE V ; voir ces textes dans le corps de la réponse.
2. Deutéronome, XVII, 12-15 : " Mais celui qui, s'enflant d'orgueil, ne voudra point obéir au commandement du pontife qui en ce temps-là sera le ministre du Seigneur votre Dieu, ni à l'arrêt du juge, sera puni de mort, et vous ôterez le mal du milieu d'Israël - afin que tout le peuple entendant ce jugement soit saisi de crainte, et qu'à l'avenir nul ne s'enfle d'orgueil. "
3. Sagesse, V, 8-9 : " De quoi nous a servi notre orgueil ? Qu'avons-nous retiré de la vaine ostentation de nos richesses ? -
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Toutes ces choses sont passées comme l'ombre, et comme un messager qui court, etc. "
4. MATTHIEU, XXIII, 11-12, 14, 27-28 : " Celui qui est le plus grand parmi vous, sera le serviteur des autres. - Car quiconque s'élèvera, sera abaissé ; et quiconque s'abaissera, sera élevé - Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui, sous prétexte de vos longues prières, dévorez les maisons des veuves ; c'est pour cela que vous subirez un jugement plus rigoureux. - Malheur vous, scribes et pharisiens hypocrites, semblables à des sépulcres blanchis, qui au dehors paraissent beaux aux yeux des hommes, mais qui au dedans sont pleins d'ossements de morts et de toutes sortes d'immondices. - Ainsi au dehors vous paraissez justes aux yeux des hommes, mais au dedans vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquité. "
5. Proverbes, XIII, 10 : " Il y a toujours des querelles entre les superbes. "
6. Genèse, XLIX, 7 : " Que leur fureur soit maudite, parce qu'elle est opiniâtre. "
7. Proverbes, VI, 16-19 : " Il y a six choses que le Seigneur hait, et il a la septième en abomination : - les yeux altiers, la langue menteuse, les mains qui versent le sang innocent ; - le cœur qui médite de noirs desseins, les pieds légers pour courir au mal ; - le faux témoin qui affirme des mensonges, et celui qui sème la discorde entre des frères. "
8. I Timothée, V, 13 (l'Apôtre dit
en parlant de certaines jeunes veuves) : " Elles ne sont pas seulement
oisives, mais elles sont encore causeuses et curieuses, s'entretenant de
choses dont elles ne devraient point parler. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. CHRYSOSTOME, Hom. XLIII ad populum Antiochenum (L'édition du P. Montfaucon, comme celle de M. Gaume, ne compte sous le titre d'homélies adressées au peuple d’Antioche que les vingt-et-une dites de statuis. Le passage dont il s'agit ici se retrouve dans l'homélie 2e sur l'épître de saint Paul à Tite, t. XI, p. 740-743, édit. de Montfaucon ; pag. 802-805, édit. Gaume, excepté toutefois la conclusion de ce passage, qui n'est pas la même dans Canisius que dans l'homélie précitée dont nous donnons ici la traduction) : " Comme des vents impétueux déchaînés sur une mer paisible la bouleversent jusque dans ses abîmes, au point de mêler aux vagues le sable déposé au fond de ses eaux ; ainsi ces deux passions (la vaine gloire et la cupidité), mais surtout la vaine
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gloire, une fois entrées dans l'âme, y mettent tout en désordre, et frappent d'aveuglement l'esprit qui s'en laisse dominer. Il est encore facile, quand on le veut, de maîtriser la passion des richesses ; mais pour se mettre au-dessus de celle de la gloire, il faut beaucoup d'efforts, une sagesse consommée et une âme angélique qui habite le ciel plus que la terre. Car il n'est pas de passion, non, il n'en est aucune qui soit aussi tyrannique que celle-ci, et dont l'empire, quoiqu'il ne soit pas partout égal, soit aussi universel. Comment donc pourrons-nous la vaincre, sinon complètement du moins en quelque chose ? Ce sera en portant nos regards vers le ciel, en ayant Dieu toujours devant les yeux, en élevant nos pensées au-dessus des choses de la terre. Représentez-vous, lorsque vous sentez ce désir de la gloire, que vous l'avez déjà obtenue ; voyez à quoi elle aboutit pour vous, et vous trouverez le néant pour résultat ; représentez-vous en même temps les dommages qu'elle vous cause, les biens qu'elle vous fait perdre ; car elle vous obligera à subir bien des travaux et bien des dangers, et elle vous en fera perdre les fruits et la récompense. Considérez de plus que les méchants font la plus grande partie du genre humain, et vous n'aurez que du mépris pour l'opinion qu'ils pourront se former de vous. Examinez de chaque homme à part ce qu'il est, et vous verrez combien il est ridicule que vous attachiez de l'importance à son estime : vous verrez qu'il y aurait plutôt de la honte à en concevoir, que de l'orgueil. Après cela, élevez vos pensées plus haut. Lorsqu'au milieu d'une bonne action que vous faites, il vous vient à l'esprit d'en rendre les hommes témoins, et que vous vous tourmentez pour trouver des spectateurs qui vous admirent, pensez que Dieu vous voit, et cela suffira pour éteindre ce désir dans votre cœur. Quittez la terre un instant ; transportez-vous sur un plus grand théâtre au séjour des cieux. Les hommes ne vous auront pas plutôt loué qu'ils se mettront à vous blâmer, à vous déprécier, à vous censurer ; ou quand même ils ne le feraient pas, leurs éloges ne vous rapporteraient aucun fruit. Mais auprès de Dieu il n'en est pas ainsi, et s'il nous loue de nos bonnes actions, c'est qu'il s'en réjouit en lui-même. Vous avez parle éloquemment et on vous a applaudi ; quel profit en retirez-vous ? Si en vous applaudissant ils profitent de vos paroles pour se convertir et devenir meilleurs, pour se dépouiller de leurs vices invétérés, vous devez alors vous réjouir véritablement, non des louanges qui vous sont données, mais de ce changement heureux si merveilleusement opéré
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dans la conduite de vos auditeurs. Mais si, tout en vous étourdissant de leurs applaudissements continuels comme de leurs louanges, ils n'en retirent aucun profit pour eux-mêmes, vous devez plutôt en gémir puisque cela ne servira qu'à les condamner. Ou bien, est-ce de piété que vous vous faites gloire ? Si vous êtes vraiment pieux, et que votre conscience ne vous reproche aucune mauvaise action, vous faites bien de vous réjouir, non de paraître pieux, mais de l'être en effet ; si au contraire vous ne l'êtes pas, et que cependant vous vouliez en avoir la réputation, rappelez-vous alors que ce ne sont pas les hommes qui vous jugeront au dernier jour, mais celui qui connaît parfaitement les choses les plus cachées. Que si, malgré la conscience que vous auriez de vos péchés, vous vous voyiez l'objet de l'estime générale, il vous faudrait non pas vous en réjouir mais gémir plutôt, en ayant continuellement présent la pensée de ce grand jour où tout sera mis à découvert et qui éclairera les turpitudes ensevelies jusque-là dans les ténèbres. Sont-ce des honneurs qui vous causent de l'orgueil ? Fuyez-les plutôt, bien persuadé qu'en les acceptant vous vous constitueriez débiteur de la chose acceptée. Personne au contraire ne se met-il en peine de vous honorer ? Réjouissez-vous alors, puisque dans cc cas Dieu n'aura point à vous demander compte d'honneurs qui vous auront été étrangers N'avez-vous pas lu dans les prophètes comment, entre tant d'autres reproches, Dieu adresse encore celui-ci à son peuple : De vos enfants je me suis fait des prophètes et de vos jeunes hommes des nazaréens (AMOS, II, 11) ? Vous gagnerez donc, par cette privation d'honneurs, d'être moins exposé à subir un jour un jugement sévère. Car celui qui, au lieu d'être honoré dans la vie présente, s'y voit méprisé et regardé comme un homme de rien, ou même, si vous le voulez, insulté, bafoué, foulé aux pieds, s'il n'y gagne rien autre chose, en recueillera du moins cet avantage, qu'il n'aura point à rendre compte des honneurs que ses semblables lui auraient conférés. Cela lui servira de plus à réprimer sa vanité, à le tenir dans l'humilité, à le faire rentrer en lui-même, et à réprimer en lui tout sentiment d'orgueil. Celui au contraire qui se voit élevé au faîte des honneurs, outre qu'il contracte par-là de graves obligations dont il lui faudra rendre compte, se laisse facilement aller à l'orgueil et à la vaine gloire, et se fait l'esclave des hommes. Puis, subissant de plus en plus cette tyrannie, il se voit contraint de faire bien des choses qu'il ne voudrait pas faire.
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" Persuadés donc qu'il vaut mieux pour nous d'être privés de tous ces faux biens que d'en jouir, ne recherchons pas les honneurs ; s'ils nous sont offerts, évitons de les accepter, repoussons-les plutôt, et faisons tout pour en éteindre en nous-mêmes la passion funeste. Ces paroles s'adressent tant à ceux qui commandent qu'à ceux qui n'ont qu'à obéir. Car l'âme qui soupire après les honneurs et la gloire, ne verra pas le royaume des cieux. Cette parole n'est pas de moi ; elle est de l'Esprit-Saint : non, elle ne le verra pas, quand même elle aurait d'ailleurs pratiquée la vertu. Car voici ce que l'Esprit-Saint déclare à ce sujet : Ils ont reçu leur récompense (MATTH., VI, 5). Celui donc qui n'a plus de récompense à attendre, comment pourra-t-il voir le royaume des cieux ? Ce n'est pas que je m'oppose à ce qu'on recherche la gloire, mais que ce soit la gloire véritable la gloire qui vient de Dieu ; et, comme dit l'Apôtre, qu'on tire sa louange, non des hommes, mais de Dieu (Rom., II, 29). Soyons pieux intérieurement et non en nous entourant de faste et d'une vaine ostentation ; jetons cette peau de brebis sous laquelle se déguisent des loups ravissants, ou soyons brebis nous-mêmes. Rien de plus vil que la gloire humaine. Car, dites-moi, si vous voyez une troupe de tout petits enfants, l'idée vous vient-elle de leur demander la gloire qui fait l'objet de votre ambition ? Eh bien ! conduisez-vous en général envers tous les hommes, sous le rapport de la gloire, comme vous le feriez à l'égard de ces enfants. C'est pour cela qu'on appelle vaine gloire la gloire qui vient des hommes. Voyez ces masques que mettent sur leurs visages les gens de théâtre : qu'ils sont beaux! qu'ils sont brillants ! qu'ils sont parfaits en tout point ! Pourriez-vous me montrer une beauté aussi accomplie dans quelque personnage réel ? Vous ne sauriez en trouver. Eh bien ! vous êtes-vous jamais épris d'amour pour ces beautés factices ? Jamais. Pourquoi ? Parce que ce n'est que du carton, et qu'elles imitent la beauté, sans être des beautés réelles. C'est ainsi que la gloire des hommes n'a rien de solide ; c'est une imitation de la gloire, sans être la vraie gloire. La seule gloire véritable est celle que nous possédons au-dedans de nous ; celle du dehors cache souvent des turpitudes, encore ne les cache-t-elle qu'aux yeux des hommes, et jusqu'au soir seulement ; le théâtre défait et les masques enlevés, chacun ne paraît plus que ce qu'il est réellement. Gardons-nous donc bien de faire de la piété une affaire d'ostentation. Car, dites-moi, quel avantage y a-t-il à attirer sur soi les regards de la multitude ? C'est
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de la vanité et rien autre chose : rentrez chez vous et rendu à vous-même, il ne vous reste rien de tout cela. Vous avez paru sur la place publique ; tous les regards se sont tournés vers vous ; que vous en est-il resté ? Rien : tout s'est dissipé et évanoui comme la fumée. Et comment pouvons-nous nous passionner pour des choses si peu durables ? Quelle folie ! quelle extravagance !
N'ayons donc en vue que de mériter les louanges de Dieu. Si c'est là l'objet de nos désirs, nous cesserons de rechercher les louanges des hommes ; mais quand même elles nous viendraient, nous n'en ferons nul cas et nous les foulerons aux pieds : nous nous comporterons à leur égard comme quelqu'un qui, cherchant de l'or, n'aurait atteint que de la boue. Qu'on vous loue, vous n'en serez pas mieux ; qu'on vous blâme, vous n'en serez pas plus mal. A moins toutefois que ce ne soit de Dieu que vous vienne la louange ou le blâme ; car alors l'un et l'autre devra vous être avantageux ou funeste ; mais il n'y a que vanité dans tout ce qui vous viendra des hommes. En nous conduisant ainsi, nous ressemblerons à Dieu, qui n'a point besoin de la gloire que les hommes peuvent lui rendre : Je ne tire point ma gloire des hommes, a-t-il dit lui-même (JEAN., V, 41). Est-ce là peu de chose, dites-moi?. . . Lorsque votre volonté s'opposera à ce que vous méprisiez la gloire, dites-vous à vous-même qu'en la méprisant vous ressemblerez à Dieu, et cette considération suffira pour vous la faire mépriser. Vous ne sauriez d'ailleurs être esclave de la gloire sans vous rendre l'esclave de tout le monde à la fois, sans tomber dans le pire de tous les esclavages. Car les maîtres les plus impérieux, exigent moins de leurs esclaves que la gloire n'impose de servitude à ceux qui la courtisent ; et il n'est pas de bassesses qu'elle ne leur fasse dire et faire, d'autant plus exigeante à leur égard qu'elle les trouve plus obséquieux. Fuyons donc, fuyons, de grâce, une telle servitude. Et le moyen, direz-vous ? C'est de penser en sages sur les choses d'ici-bas, et de considérer que le présent tout entier n'est qu'un songe et qu'une ombre. Si nous faisons ces réflexions la victoire nous sera facile, et nous ne nous laisserons vaincre ni dans les petites choses ni dans les grandes. Mais si, même dans les petites choses, nous n'opposons aucune résistance, comment dans les grandes occasions pourrons-nous être vainqueurs ? Pour réprimer plus efficacement cette passion malheureuse, remontons jusqu'à ses sources, qui sont les pensées vaines et terrestres ; prenons donc des sentiments élevés, méprisons la terre, regardons le
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ciel, et nous mériterons ainsi d'obtenir un jour la récompense céleste. "
2. S. BERNARD, Tract. de gradibus humilitatis, fait l'énumération des douze degrés de l'orgueil qui suivent : " La curiosité, la légèreté d'esprit, le vain contentement qu'on a de soi-même, la jactance, la singularité, l'arrogance, la présomption, la manie de justifier les péchés même qu'on a commis, les fausses confessions, l'esprit de révolte, la liberté qu'on se donne de pécher, enfin l'habitude que l'on contracte de le faire. "
3. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. XXXIV Moralium, c. 17 (al. 11 et 12) : " Il faut remarquer que ce Léviathan qui nous est ici représenté sous la forme d'un monstre, a son regard porté en haut, parce que l'orgueil, lorsqu'il se produit, paraît tout d'abord dans le regard. Les orgueilleux, en effet, enflés de la vaine opinion qu'ils ont d'eux- mêmes, regardent comme d'en haut tout ce qu'ils voient, et plus ils se dégradent réellement, plus ils s'élèvent dans leur pensées. Si l'orgueil ne se révèle pas par les yeux, comme par les fenêtres par où l'âme se montre, le Psalmiste n'aurait pas fait à Dieu cette prière : Vous sauverez le peuple humble, et vous humilierez les yeux des superbes. . . (Ps. XVII, 28). "
" C'est uniquement par l'orgueil que Léviathan est tombé dans tous les excès dont il a été parlé. . . Ce grand arbre n'eût point été desséché dans toutes ses branches par tous les vices dont il a été atteint, s'il n'eût été avant tout gâté dans sa racine. Car il est écrit que l'orgueil est le principe de tout péché (Ecclé., X, 15). C'est par ce vice qu'il est tombé et c'est par ce même vice qu'il a entraîné l'homme après lui dans sa chute. . . Comme une racine se cache dans la terre, et qu'elle pousse ses rejetons au dehors, de même l'orgueil évite de paraître, quoique ce soit de lui que naissent tous les vices qui se produisent au grand jour ; car il ne s'en montrerait jamais un seul, si l'orgueil n'agissait intérieurement en les nourrissant comme de sa sève. C'est cet orgueil qui fait bouillonner le cœur de Léviathan comme une chaudière sur un brasier ; de là aussi cette espèce de fureur ou de folie qu'il fait passer dans le cœur de l'homme et qui le renverse pour ainsi dire de fond en comble, qui se produit ensuite par des actes notoires. Car soyons bien convaincus que cette écume d'œuvres mauvaises ne s'échappe point de l'âme que celle-ci n'ait été d'abord mise en ébullition par le feu de la vaine gloire (Cf. Les Morales de saint Grégoire, etc., t. IV, p. 731-732).
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4. Le même, ibidem, c. 18 (al. 42) : " Les autres vices n'attaquent que les vertus qui ne peuvent subsister sans les détruire. Ainsi la colère combat la patience ; la gourmandise, l'abstinence ; l'impureté, l'incontinence : et ainsi des autres. Mais l'orgueil, que nous avons dit être la racine de tous les vices, ne pouvant se contenter de la destruction d'une seule vertu, s'attaque à toutes les parties de l'âme, et comme une maladie contagieuse, les infecte toutes à la fois de son virus ou de son venin. . . "
" Le premier mal que souffre celui qui a sacrifié la liberté de son âme à sa tyrannie, c'est de s'aveugler et de perdre la rectitude du jugement. Tout le bien que les autres font, il le trouve mal ; tout ce qu'il fait, quoique mal que ce soit, il le trouve bien ; toujours plein de mépris pour les actions d'autrui, toujours plein d'estime pour les siennes propres (Cf. Les Morales de saint Grégoire, etc., t. IV, p. 732-733). "
5. Le même, ibidem, c. 20 (al. 13) : " Tous les orgueilleux prennent le ton haut quand ils parlent, affectent du dédain quand ils se taisent (clamor in locutione, amaritudo in silentio) ; rient aux éclats on bien sont tristes jusqu’à la fureur (dissolutio in hilaritate, furor in tristitiâ) ; sont déshonnêtes dans leurs actions et tout à la fois honnêtes dans leurs manières (inhonestas in actione, honestas in imagine) ; fastueux dans leur démarche, aigres dans leurs réponses (crectio in inccssu, rancor in responsione). Leur esprit est toujours fort pour faire affront, faible pour supporter soi-même l'injure ; lent à obéir, prompt à exiger des autres l'obéissance ; paresseux à faire ce dont ils sont capables et à quoi ils sont obligés, ardent à entreprendre ce qu'ils ne peuvent ni ne doivent exécuter. Aucune exhortation n'est assez pathétique pour les déterminer à faire les choses auxquelles ils ne seront pas portés d'eux-mêmes ; et quant à celles qu'ils souhaitent en secret, ils demandent qu'on les engage à s'en charger : car comme ils craignent que leurs désir ne les fassent mésestimer, ils voudraient faire paraître qu'ils n'auraient fait autre chose alors que de céder à la violence (Cf. Ibidem, p. 738). "
6. Le même, ibidem, c. 22 (al. 14) : " C'est pour cela que le Fils unique de Dieu s'est revêtu de notre faiblesse ; c'est pour cela que, tout invisible qu'il est dans son essence infinie, il a voulu paraître, non pas simplement visible, mais méprisable et abject ; c'est pour cela qu'il a souffert toutes les injures, les
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moqueries, les opprobres et les tourments de sa passion, afin qu'un Dieu humilié apprît à l'homme à ne pas être superbe (Cf. Les Morales de saint Grégoire, etc., t. IV, p. 740). "
7. Le même, ibidem, c. 23 (al. 14) : " Puis donc que notre Rédempteur gouverne les cœurs des humbles, et que Léviathan est appelé le roi des orgueilleux, nous voyons clairement que le caractère des réprouvés c'est l'orgueil, et qu'au contraire la marque distinctive des élus c'est l'humilité. Il suffit par conséquent de savoir laquelle de ces deux qualités quelqu'un possède pour trouver aussitôt sous quel chef il combat (Cf. Ibidem, p.743). "
8. Le même, ibidem, lib. XXIII, c. 7 (al. 6) : " On peut partager tous les présomptueux en quatre classes principales. La première comprend ceux qui s'imaginent ne tenir que d'eux-mêmes les biens qu'ils possèdent ; la seconde, ceux qui, sachant bien qu'ils leur viennent d'en haut, les regardent comme une récompense due à leurs mérites, la troisième ceux qui se vantent de qualités dont ils sont dépourvus ; la quatrième ceux qui veulent, au mépris des autres, posséder seuls ce qu'ils peuvent avoir de bonnes qualités. "
" Celui-là se vantait de ne tenir que de lui-même ce qu'il avait, que l'Apôtre apostrophait ainsi : Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu ? Si vous l'avez reçu en effet, pourquoi vous glorifiez-vous comme si vous ne l'aviez reçu de personne (I Cor., IV, 7) ? Le même apôtre nous avertit encore de ne pas attribuer à nos mérites précédents le don de la grâce, lorsqu'il dit dans une autre épître : C'est par la grâce que vous êtes sauvé en vertu de la foi ; et cela ne vient pas de vous, puisque c'est un don de Dieu ; cela ne vient pas de vos œuvres, pour que personne ne s'en glorifie (Eph., II, 8-9). Il dit ailleurs en parlant de lui-même : J'étais auparavant un blasphémateur, un persécuteur, un outrageux ennemi de son Eglise, mais j'ai trouvé miséricorde (I Tim., I, 13) ; faisant assez voir par ces paroles que la grâce ne se donne pas en considération des mérites, puisqu'il nous marque expressément ce qu'il avait mérité par ses crimes, et ce qu'il a reçu par pure bonté. "
" D'autres se vantent de posséder ce qu'ils n'ont point, comme l'indiquent au sujet de Moab ces paroles d'un prophète : Je connais sa présomption et son arrogance, et je sais qu'il n'a pas la force qu'il veut faire paraître (JEREM., XLVIII, 29). C'est ce que nous témoigne encore ces autres paroles, dites à l'ange de l'église de Laodicée : Vous dites : Je suis riche, je suis comblé de biens, et
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je n'ai besoin de rien ; et vous ne savez pas que vous êtes malheureux et misérable, et pauvre, et aveugle, et nu. "
" Enfin, il y en a qui veulent avoir seuls, à l'exclusion de tous les autres, les avantages qu'ils possèdent. Ce fut pour un semblable défaut que le pharisien de l’Evangile sortit du temple sans avoir été justifié, parce qu'il s'attribuait à lui seul le mérite des bonnes œuvres en se préférant au publicain qui priait dans le même lieu. Jésus-Christ prend soin de guérir ses apôtres de ce vice de présomption lorsqu'après qu'ils lui eurent dit au retour de leur mission : Seigneur, les démons eux-mêmes mus sont assujettis par la vertu de votre nom (Luc, X, i7), il leur répondait aussitôt, pour leur ôter cette vaine complaisance en cette puissance d'opérer des miracles dont ils avaient été favorisés : Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair (ibid., 18). Car cet esprit superbe, s'enflant de ses sublimes qualités, avait dit en lui-même : J'élèverai mon trône au-dessus des astres du ciel, je m'assiérai sur la montagne du Testament, dans les régions de l'aquilon ; je serai semblable au Très-Haut (Is., XIV, 13-14). Et c'est avec un admirable à-propos que Notre-Seigneur, voulant réprimer ce sentiment de présomption dans le cœur de ses disciples, leur remit aussitôt sous les yeux le jugement effroyable que ce maître d'orgueil s'était attiré, afin de leur apprendre par sa triste ruine ce qu'ils devaient craindre d'un vice aussi détestable. "
" L'esprit de l'homme est plus sujet à tomber dans cette dernière espèce de présomption que dans les autres, en se glorifiant d'avoir lui seul les dons qu'il possède. Et cependant c'est en cela qu'il ressemble le plus au démon ; car quiconque se réjouit en lui-même d'avoir seul le bien qu'il possède, quiconque cherche à paraître élevé au-dessus des autres, imite ce malheureux esprit qui, dédaignant la société des autres anges, voulut porter son trône au plus haut point de l'aquilon, et ambitionnant avec orgueil une grandeur égale à celle du Très-Haut, s'efforça par l'effet de ce désir criminel de s'élever à une hauteur qui le distinguât de tout le reste (Cf. Les Morales de saint Grégoire, etc., t. III, p. 491-494). "
9. S. PROSPER, évêque de Riez, Epist. ad Demietriadem (Cette lettre n'est pas de saint Prosper, mais de l'auteur quel qu'il soit du livre de la vocation des Gentils, au jugement de Noël-Alexandre et de la plupart des critiques. Il est d'ailleurs fort douteux que saint Prosper ait jamais été évêque. V. NAT. ALEX., Hist. eccl. V sæc,. p. 123, édit. de Venise) :
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" S'il en est qui s'imaginent avoir des biens qu'ils n'aient pas reçus de Dieu, et dont ils soient eux-mêmes les auteurs, il est évident qu'ils n'ont pas l'esprit de Dieu, mais celui du monde, et qu'ils sont enflés de cette sagesse du siècle dont le Seigneur a dit : Je détruirai la sagesse des sages, et je renverserai la science des savants (I Cor., I, 19). De toutes les chutes que l'homme peut faire, de tous les crimes que l'on peut commettre, point de chute plus terrible, point de crime plus punissable que la chute et que le crime des orgueilleux, surtout lorsque l'orgueil s'attaque à Dieu même Car, autre est l'orgueil de ceux qui par simple amour-propre désirent d'être préférés à tous les autres, autre est l'orgueil de ceux qui, dédaignant la grâce de Dieu, prétendent pouvoir faire par eux-mêmes ce qu'ils ne peuvent exécuter qu'avec son secours, et, au lieu de mettre leur confiance en Dieu, ne s'appuient que sur leurs propres forces, encourant ainsi cette malédiction prononcé par le Prophète : Maudit est l'homme qui met sa confiance en l'homme, qui se fait un bras de chair, et dont le cœur se retire du Seigneur (JEREM., XVII, 5). Cette sorte d'orgueil a pour premier auteur le prince des démons qui, pour s'être rapporté à lui-même l'excellence des dons qu'il avait reçu du Créateur et avoir prétendu égaler sa gloire à la sienne, a été précipité du haut du ciel avec les autres anges qu'il avait entraînés dans son apostasie. Et s'il a pu causer aussi la ruine de nos premiers parents, c'est parce qu'il a su persuader à leur sotte crédulité par ses malins artifices, qu'ils trouveraient plus d'avantages pour eux-mêmes à suivre leur propre volonté qu'à demeurer sous la garde de la loi qui leur avait été faite. Ainsi l'orgueil est le commencement du péché, soit qu'on le considère dans la chute de l'ange, soit qu'on l'envisage dans la prévarication de l'homme : on peut aussi bien l'appeler avarice, ces deux mots désignant également la passion de vouloir s'élever au-dessus de ce qu'on est, et de se rapporter à soi-même les biens qu'on possède comme si l'on pouvait avoir en commun avec Dieu d'être la source et le principe des avantages dont on se voit pourvu. . . "
" Comme il est rare qu'on ose se vanter de ses vices, et que se glorifier de ses turpitudes est le plus sûr moyen de tomber dans le mépris, c'est surtout dans la pratique des actes de vertu qu'on doit se tenir en garde contre l'orgueil, parce que ce vice n'attaque personne plus dangereusement, que ceux qui méritent effectivement la louange. Car on en voit beaucoup qui, attachés
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au service de Dieu, et méditant sa loi jour et nuit, ont crucifié leur chair avec leurs vices et leurs convoitises, ont résisté à tous les attraits des passions, ne se sont laisse ni décourager par les pertes qu'ils ont subies, ni abattre par les persécutions, ni amollir par la prospérité, ni séduire par les avantages que leur offrait le monde, ni effrayer par les maux dont il les menaçait. Par quel côté donc le démon pouvait-il attaquer une vertu si forte, si généreuse, si magnanime, si ce n'est en inspirant le désir de la louange à ceux à qui il n'avait pu persuader l'amour du vice, et en ourdissant contre ces enfants d'Adam les mêmes trames, qui lui avaient si bien réussi contre le père de la race humaine ? Ce n'est donc pas aux cœurs lâches et tièdes, mais plutôt aux âmes ferventes et ardentes pour le bien, que cet esprit malin présente l'appât de la gloire humaine, afin de renverser par leur élévation même ceux qu'il n'a pu ébranler par ses attaques directes. Et ainsi, plus leurs mérites sont éclatants, plus il les trouve propres aux embûches qu'il leur dresse. Mais la sollicitude de l’Apôtre nous prémunit contre ce péril par cet avis qu'il nous donne à tous, d'opérer notre salut avec crainte et tremblement. Car c'est Dieu, qui opère en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir (Philip., II, 12-13). Ainsi, plus on fait de progrès dans la voie des commandements de Dieu, plus on a sujet de craindre et de trembler que le sentiment des mérites acquis, joint à cette avidité qu'on a naturellement pour les louanges, ne fasse concevoir de l'orgueil du bien que l'on fait, et ne souille l'âme par la chose même qui fait sa gloire. Si donc c'est à Dieu et à sa puissance divine que doivent se rapporter toutes les choses qui regardent la vie et la piété (II PIERRE, I, 3), nous ne devons rien craindre tant que ce désir des louanges, qui porte à ravir à Dieu la gloire qui lui appartient du bien qui est en nous, pour nous en attribuer le mérite à nous-mêmes. Et tandis que les autres passions ne portent atteinte qu'aux vertus qui leur sont spécialement opposées, celle-ci, en attirant à elle-même toutes les vertus, les corrompt toutes également. C'est pourquoi, bien que nous devions déteste en général toute sorte d'orgueil, n'importe que ce soient les honneurs, ou la noblesse de la naissance, ou les richesses qui en soient l'occasion, nous trouverons que l'orgueil le plus dangereux est celui qui flatte les vertus mêmes qu'il veut détruire. Mais comme une chute est d'autant plus grave, que celui qui la fait tombe d'un lieu plus élevé, le prince de l'orgueil est d'autant plus ravi de joie, qu'il
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voit déchoir d'une vertu plus haute ceux dont il cause la ruine. . . "
" L'orgueil, l'ambition et la vanité peuvent faire perdre tout le mérite de l'aumône et même du martyre, si c'est par le désir des louanges que l'on fait le sacrifice de ses biens, ou si c'est par confiance en soi-même plutôt qu'en s'appuyant sur la vertu de Dieu, qu'on se porte à subir la persécution et les tourments. "
10. S. ISIDORE, Lib. II de summo bono, c. 38 : " Tout pécheur est orgueilleux, puisqu'en- faisant le mal, il traite avec mépris les divins préceptes. C'est donc à bon droit que l'orgueil est appelé le principe de tout péché, puisqu'il n'y aurait pas de transgression, s'il n'y avait avant tout désobéissance aux commandements divins. L'orgueil a dans un cœur des racines d'autant plus profondes, qu'il porte plus haut ses vues ; et la chute de l'orgueilleux sera d'autant plus affreuse, que ses prétentions auront été plus élevées. Car celui qui s'enfle d'orgueil, est comprimé bientôt par la justice de Dieu. Se repaître de pensées d'ambition, c'est se nourrir de vent. C'est ce qui a fait dire au Prophète : Tous vos pasteurs ne se repaîtront que de vent (JEREM., XXII, 22), c'est-à-dire de pensées vaines. Ceux qui se glorifient de leurs vertus, seront juges par leurs œuvres mêmes qu'ils prennent pour des vertus, mais qui ne sauraient en être, puisque, s'ils font le bien, ils ne le font pas avec une volonté droite. Car une vertu sans humilité et sans charité doit être plutôt regardée comme un vice. De même que l'orgueil est le principe de tous les crimes, il est la ruine de toutes les vertus. Il les combat jusqu'à la dernière comme il est le premier de tous les péchés à entrer en lice avec elles. Ou bien il triomphe dès la première attaque, en introduisant de prime-abord le péché dans l'homme ; ou bien, s'il ne peut y réussir de cette manière, il triomphe encore de nous en se glissant parmi nos vertus. L'orgueil est donc le plus redoutable de tous les péchés, puisque les vertus comme les vices de ceux à qui il s'attaque lui servent de moyens pour entraîner leur ruine. L'orgueil trouve sa mort là ou il a trouvé sa naissance ; il est à lui-même son fléau et il est vrai de dire des orgueilleux qu'ils sont punis par où ils ont péchés. L'orgueil engendre l'arrogance, plutôt que l'arrogance n'engendre l'orgueil. Car la vaine jactance ne se produit au dehors, qu'après que l'esprit s'est élevé secrètement en lui-même. El si l'orgueil a la priorité d'origine par rapport à cet autre vice que je viens de dire, il l'emporte aussi en culpabilité. Il est plus
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avantageux à l'arrogant de tomber dans une faute manifeste qui l'oblige à s'humilier devant Dieu, que de concevoir d'une action éclatante des sentiments d'orgueil qui rendent sa chute plus funeste et sa perte plus irrémédiable. "
11. S. FULGENCE, Epist. III ad Probam de virginitate, c. 16 : " On appelle l'orgueil le principe de tout péché pour faire voir que tous les péchés, sortent de ce vice comme de leur racine. Variant ses moyens d'attaque, l'orgueil cause la ruine des hommes charnels en fomentant en eux des désordres qu'aucun palliatif ne peut déguiser ; et quant aux hommes spirituels eux-mêmes, s'ils n'ont soin de se tenir sur leurs gardes, il leur livre pour les vaincre des combats invisibles. Qui ne sait en effet que les fornicateurs, les idolâtres, les adultères, les impudiques, les abominables, les voleurs, les avares, les ivrognes, les médisants, les ravisseurs du bien d'autrui, sont autant d'orgueilleux qui s'élèvent contre Dieu, et qui, dédaignant son culte, combattent au service du démon son ennemi ? Il en est d'autres qui paraissent aux yeux des hommes les ennemis-nés de l'orgueil, et qui sont au fond ses champions les plus à craindre. Ce sont ceux qui commettent l'iniquité avec une telle adresse, que les hommes prennent ce qu'ils font pour des actes de justice. C'est à ces derniers que s'adresse ce reproche de Notre-Seigneur dans l'Evangile : Vous avez grand soin de paraître justes devant les hommes, mais Dieu voit le fond de vos cœurs (LUC, XVI, 15). Pour faire voir plus clairement que c'est des orgueilleux qu'il parle, Notre-Seigneur ajoute : Car ce qui est grand aux yeux des hommes, est en abomination devant Dieu. Quant à ceux qui, tout en faisant profession de la foi chrétienne, n'en violent pas moins avec éclat la loi de Jésus-Christ, ce divin Sauveur leur adresse cet autre reproche : Pourquoi me dites-vous, Seigneur, Seigneur, et ne faites-vous pas ce que je dis (Luc, VI, 46) ? L'Apôtre des gentils de son côté reprend dans les termes qu'on va lire les gens de cette espèce : Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs œuvres étant détestables et rebelles, et inutiles à toute sorte de bien (TITE, I, 4 6). Saint Jacques dit aussi : Mes frères, que servira-t-il à quelqu'un de dire qu'il a la foi, s'il n'a point les œuvres ? La foi pourra-t-elle le sauver (JACQ., II, 14) ? L’humilité, que Notre-Seigneur nous a enseigné en disant : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (MATTH., XI, 29), ne consiste donc pas dans la foi toute seule, mais dans la foi et les œuvres jointes ensemble. Car il est écrit que les démons aussi
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croient et tremblent (JACQ., II, 19), et cependant ils ne sont pas humbles devant Dieu. C'est ce qui a fait dire aussi à l'apôtre saint Paul, que la sagesse de la chair est ennemie de Dieu, parce qu'elle n'est point soumise à la loi de Dieu, et ne peut même lui être soumise (Rom., VIII, 7). Cette sagesse, comme le dit saint Jaques, n'est point une sagesse qui vienne d'en haut, mais c'est une sagesse terrestre, animale, diabolique. "
12. Ibidem, c. 17 : " L'orgueil se trahit, lorsqu'on tombe dans une faute manifeste. Mais, lorsqu'au contraire l’iniquité se couvre des apparences de la justice, le venin de l'orgueil s'insinue plus aisément et pénètre avec plus de danger : c'est ce qui arrive, quand ceux qui font profession de vertu méprisent les autres comme étant au-dessous d'eux, ou attribuent à leurs propres forces les bonnes qu'ils font. L'orgueil qui porte ainsi ceux qui se croient justes à mépriser les autres comme pécheurs se trouve condamné dans la personne du pharisien. Voici en quels termes l'Evangile nous en parle : Jésus dit aussi cette parabole, etc. . . (Luc, XVIII, 9-12). Devant le juge aussi juste que miséricordieux qui est au ciel, ce n'est pas l'orgueilleuse vanterie de quelques bonnes œuvres qui fait trouver grâce, mais c'est plutôt l'humble confession que l'on fait de ses péchés. Pour ceux qui s'attribuent orgueilleusement à eux-mêmes le mérite de leur bonne volonté ou de leurs actions louables, l'Apôtre les condamne en ces termes : Ne connaissant point la justice qui vient de Dieu, et s'efforçant d'établir la leur propre, ils ne se sont point soumis à Dieu pour recevoir cette justice qui vient de lui (Rom., X, 5). Celui donc qui refuse orgueilleusement de reconnaître la justice qui vient de Dieu, doit subir les funestes conséquences de l'injustice qu'il commet en cela lui-même. Ainsi de ces quatre sortes d'orgueil, qui conduisent, pour ainsi parler, le char auquel le démon attache les orgueilleux pour les entraîner dans l'enfer avec lui, deux lui servent à perdre les âmes qu'il sait être sujettes aux passions grossières et les deux autres à triompher de celles qu'il trouve plus accessibles aux vices à proprement parler spirituels. Aux uns il présente l'appât de la volupté, aux autres les attraits de la vertu. Il dépouille celles-ci de leur virginité, sans qu'elles se doutent de la fornication qu'elles commettent ; il assouvit tellement celles-là de plaisirs impurs, qu'elles n'ont plus de souci du mépris qu'elles s'attirent. "
13. S. GREGOIRE, Lib. XXXI Moralium, c. 31 (al. 20) : " Lorsque l'orgueil, qui est le roi de tous les vices, s'est pleine-
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ment assujetti un cœur, il le livre aussitôt aux sept péchés capitaux, comme à ses lieutenants, pour y faire leurs ravages ; et ceux-ci entraînent à leur suite toute l'armée des vices, qui en naissent effectivement comme les enfants de leurs pères. Mais nous expliquerons la chose plus clairement, si nous faisons en particulier l'énumération aussi exacte qu'il nous sera possible, et de ces chefs, et des troupes qui les suivent. "
" La racine de tout péché, c'est l'orgueil, dont il est dit dans l'Ecriture : L'orgueil est le principe de tout péché (Ecclé., X, 14). Ce qu'il produit avant tout le reste, ce sont les sept vices principaux qui sortent de cette racine empestée, savoir : la vaine gloire, l'envie, la colère la tristesse, l'avarice, la gourmandise et la luxure. C'est parce qu'il souffrait de nous voir asservis à ces sept fils de l'orgueil que notre divin Rédempteur, pour nous délivrer de leur tyrannie est venu leur livrer des combats spirituels à l'aide des sept dons de l'Esprit-Saint dont il avait la plénitude. Mais chacun de ces vices mène contre nous toute une armée. La vaine gloire est suivie de la désobéissance, de la jactance, de l'hypocrisie, des contentions, de l'opiniâtreté, de la discorde, de l'amour de la nouveauté. L'envie amène à sa suite la haine, les médisances secrètes, les détractions publiques, la joie qu'on éprouve des disgrâces du prochain, et le chagrin qu'on ressent de sa prospérité. La colère produit les querelles, l'emportement, les outrages, les clameurs, l'indignation, les blasphèmes. La tristesse est suivie de la malignité, de la rancune, de la pusillanimité, du désespoir, de la tiédeur par rapport aux choses commandées et du laisser-aller par rapport aux choses défendues. L'avarice amène é sa suite la trahison, la fraude, la tromperie, les parjures, l'inquiétude, les violences, la dureté à l'égard des malheureux. La gourmandise produit les folles joies, la bouffonnerie, l'impureté, le bavardage, l'abrutissement. La luxure amène après elle l'aveuglement, l'irréflexion, l'inconstance la précipitation, l'amour-propre, la haine de Dieu, l'attachement à la vie présente, l'horreur d'une autre vie après celle-ci, le désespoir enfin. Ainsi, puisque ces sept vices principaux en attirent tant d'autres à leur suite, ce sont comme des armées qu'ils conduisent contre celui dont ils cherchent à se rendre maîtres. "
" De ces sept vices cinq sont spirituels et les deux autres charnels. Au reste, ils ont entre eux tous une si grande affinité qu’ils s'engendrent les uns les autres. Le premier vice qu'engendre
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l’orgueil c'est la vaine gloire, qui, quand elle a une fois communiqué sa corruption à l'âme qu'elle possède, enfante l'envie à son tour : car celui qui aspire à se faire un vain nom, se chagrine d’en voir d'autres obtenir de préférence à lui-même cet avantage. L'envie de son côté engendre la colère ; car plus l'âme est rongée d'envie, plus elle s'aigrit, et perd insensiblement sa tranquillité et sa douceur, à peu près comme ces membres malades qu'on ne saurait toucher, sans qu'ils en ressentent une impression douloureuse. De la colère ensuite naît la tristesse, parce que l'âme qui se laisse aller à la colère tombe dans le trouble en s'agitant d'une manière désordonnée, et ayant une fois perdu le calme et le bonheur, elle ne se repaît plus que de pensées chagrines. La tristesse à son tour dégénère en avarice, parce qu'un cœur agité qui ne trouve plus le bonheur en soi-même cherche au-dehors des sujets de consolations, et désire d'autant plus ardemment d'obtenir les biens extérieurs, que la joie intérieure lui échappe davantage. Restent les deux vices charnels, qui sont la gourmandise et la luxure : or, il n'est personne qui ne voie que celle-ci est naturellement engendrée par celle-là (Cf. Les Morales de saint Grégoire, etc., t. IV, p. 478-480). "
14. S. PROSPER, ou l'auteur de la Vie contemplative, livre III, c. 2 (On a déjà observé que l'auteur de cet ouvrage est Julien Pomère) : " La sainte Ecriture a prononcé un arrêt immuable quand elle a dit : L'orgueil est le principe de tous les péchés. Quoi de plus clair, et en même temps de plus sage ? Le principe, nous dit l'Ecriture, non de quelques péchés seulement, mais de tous les péchés, c'est l'orgueil : elle nous fait entendre par-là que l'orgueil est la cause de tous les péchés, attendu que non-seulement il est un péché lui-même mais que de plus aucun péché n'a pu ni ne pourra jamais se commettre sans celui-là. Le péché n'est en effet qu'un mépris de Dieu, qui nous fait fouler aux pieds ses commandements. Or, ce mépris de Dieu ne peut être inspiré à l'homme que par l'orgueil, qui a été également la cause de la perte éternelle du diable, devenu tel d'ange qu'il était au commencement. Ce méchant esprit, sachant bien que c’était l'orgueil qui l'avait précipité du ciel, et rejeté dans ces régions ténébreuses comme dans une prison, n'a pas cru pouvoir mieux perdre l'homme que Dieu avait créé dans l'état d’innocence, qu'en l'infectant à son tour par ses subtils stratagèmes de
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ce même vice d'orgueil ; bien assuré qu'une fois l'orgueil entré dans le cœur de l'homme, celui-ci se porterait sans peine à commettre tous les autres péchés, qui ne peuvent être enfantés que par l'esprit d'orgueil. C'est ainsi que le premier homme, se laissant séduire par cet esprit superbe, a dévoué à la corruption et à la mort sa postérité tout entière, qui était en lui comme dans son germe : devenu corruptible et mortel, il n'a pu engendrer dès-lors que des êtres sujets aux mêmes misères et la perte que son orgueil a dû lui attirer est devenue également la peine de son péché dans tous ses descendants. C'est pour cela que nous n'avons plus le même pouvoir qu'il avait primitivement de résister au péché. "
15. S. AUGUSTIN, Epist. LVI (al. 118) ad Dioscorum : " Si l’humilité ne précède, n'escorte et ne suit tout ce que nous faisons de bien ; si nous ne commençons par nous la proposer ; si nous ne l'avons en vue en agissant, et si après l'action nous ne nous y tenons constamment fidèles, en réprimant la satisfaction et la joie que nous voulons toujours trouver dans le bien que nous avons fait, nous en perdrons le fruit, et l'orgueil nous l'enlève infailliblement (Cf. Lettres de saint Augustin, t. III, p. 93-94). "
16. S. BERNARD, Serm. III ex parvis sermonibus : " Il y a l'orgueil de l'esprit, l'orgueil du parler, l'orgueil d'action, et l'orgueil de la tenue. L'orgueil de l'esprit consiste en ce qu'on se fait grand à ses propres yeux. C'est de cet orgueil que le Sage demande à Dieu d'être exempt quand il dit : Ne me donnez point des yeux altiers (Ecclé. XXIII, 5). Et ailleurs : Malheur à vous qui êtes sages à vos propres yeux (ISAIE, V, 21. L'orgueil du parler ou de la langue, c'est ce qu'on appelle jactance, et il consiste à ne pas penser seulement, mais penser avantageusement de soi. C’est contre cette autre espèce d'orgueil que s'élève le Prophète, lorsqu'il dit : Que le Seigneur perde entièrement toutes les lèvres trompeuses, et la langue qui se vante avec insolence (Ps. XI, 4). L'orgueil d'action consiste à agir avec ostentation, pour paraître grand. C’est à quoi le Psalmiste fait allusion par ces paroles : Celui qui agit avec orgueil ne demeurera point dans ma maison (Ps. C, 7). L'orgueil de la tenue, c'est celui d'une personne qui se revêt d’habillement de prix pour se donner de la gloire. C'est ce genre d'orgueil que reprend l’Apôtre dans les femmes qui recherchent les habits somptueux (I Tim., II, 9) ; c'est
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cet orgueil que signalait Notre-Seigneur, quand il disait : Ceux qui s'habillent avec luxe et mollesse sont dans les palais des rois (MATTH., XI, 8), où l'orgueil a comme établi son règne. Notre-Seigneur a assigné à l’âme gardienne cinq remèdes propres à la guérir de cette funeste maladie, savoir : la considération du lieu, celle de notre corps, les tentations du démon, les enseignements de Jésus-Christ et ses exemples. Le lieu, c'est un exil ; notre corps, c'est un fardeau ; la tentation, c'est un danger ; l'enseignement de Jésus-Christ, c'est une règle ; ses exemples, c'est un guide. Ce sont là les cinq sens, si je puis parler ainsi, par lesquels Dieu produit l'humilité dans l'âme. Car de même que l'âme est la vie du corps, Dieu est la vie de l'âme ; et comme le corps est mort, lorsque l'âme ne fait pas circuler la vie en lui à l'aide des cinq sens dont il est pourvu, ainsi l'âme elle-même est morte, quand Dieu ne l'entretient pas dans l'humilité par quelqu'un de ces cinq moyens. "
17. Le même, Serm. IV de adventu Domini : " Il nous est plus avantageux de cacher que de montrer le bien qu'il peut y avoir en nous, de même que les mendiants, pour s'attirer quelque Aumône, ne se revêtent pas d'habits de prix, mais montrent leurs membres demi-nus, ou couverts des ulcères dont ils peuvent être affligés, pour toucher de compassion ceux qui les voient. C'est la règle qu'observa le publicain à la différence du pharisien, et c'est ce qui lui valut d’être justifié, tandis que l'autre ne put pas l'être. C'est pourquoi Jésus-Christ disait : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (MATTH., XI, 29). Observez au sujet de ces paroles qu'il y a deux sortes d'humilité, l'une de connaissance et l'autre d'affection, et c'est celle-ci qui est appelée l’humilité de cœur. Par la première nous nous convainquons nous-mêmes que nous ne sommes rien, et pour cela il nous suffit de l’expérience que nous pouvons faire de nous-mêmes et de notre faiblesse ; par la seconde nous foulons aux pieds la gloire du monde, et pour l'apprendre, il faut aller à l'école de celui qui s'est anéanti lui-même en prenant la forme d'esclave, et qui a fui lorsqu'on le cherchait pour le faire roi, qui s'est offert au contraire lui-même lorsqu'on le cherchait pour le couvrir d'opprobres, et lui faire subir l'ignominieux supplice de la croix. "
18. S. CHRYSOSTOME, Hom.VIII (al. 9) in Joannem : " Débiteur, vous aussi, envers la divine justice, qui aurait à vous condamner pour les même crimes, vous enviez aux autres le bienfait de la rédemption qu'ils ont reçue, et vous voudriez être le seul à y
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prendre part : n'est-ce pas là, je ne dis pas seulement une basse envie, une sotte vanité, mais une fureur sans nom qui devrait vous attirer les plus sévères châtiments ? Car qu'est-ce autre chose que de planter en vous-même la racine de tous les maux, qui est l'orgueil ? C'est pour cela que le Sage a dit que l'orgueil est le principe de tout péché (Ecclé., X, 15), c'est-à-dire qu'il en est la racine et pour ainsi dire le père. C'est ce vice qui a fait déchoir le premier homme de l'état de félicité où il avait été créé ; c'est ce même vice qui dès auparavant avait fait perdre à son séducteur le rang sublime qu'il occupait dans le ciel. Sachant ainsi par son expérience personnelle que la perte du ciel même pouvait être la conséquence de ce péché, ce malin esprit ne trouva pas d'autre moyen plus efficace pour entraîner l'homme dans son malheur. C'est en flattant son amour-propre de la pensée de devenir l'égal de Dieu même, qu'il ébranla sa fidélité et le précipita avec lui dans l'abîme. Car, rien ne fait perdre l'amitié de Dieu et n'allume contre nous le feu de l'enfer, comme ce vice de l'orgueil, qui une fois maître de l'âme, la dépouille du mérite de toutes les vertus telles que la chasteté, la virginité, les jeûnes, les prières et les aumônes qu'elle aurait d'ailleurs pratiquées, et fait d'elle un objet impur et maudit. Car, comme nous en avertit l'Ecrivain sacré, tout orgueilleux est impur aux yeux du Seigneur (Prov., XVI, 6). Sachons donc réprimer cette enflure de notre âme, couper cette tumeur funeste si nous voulons être purs, et éviter le châtiment que l'ange rebelle aura éternellement à subir. Car pour vous convaincre que le sort de l'orgueilleux sera le même que celui de cet esprit infernal, vous n'avez qu'à écouter saint Paul vous dire, en parlant des qualités qu'il faut avoir pour être évêque : Que ce ne soit point un néophyte de peur que s'élevant d'orgueil, il ne tombe dans la même condamnation que le diable (I Tim., III, 6). Dans quelle condamnation ? Dans le même malheur, veut-il dire, dans les mêmes supplices et les mêmes tourments. Mais comment, direz-vous, pourrons-nous éviter un mal semblable ? En rentrant en nous-mêmes, en considérant la multitude de nos péchés, la grandeur des châtiments qui leur seraient réservés dans l'autre monde, et la vanité de tout ce qui brille le plus ici-bas, et dont l'éclat n’est aussi éphémère que peut l'être la beauté des fleurs de printemps. Si nous avons soin de nous entretenir sans cesse de ces pensées en même temps que de rappeler à notre mémoire les exemples de ceux qui se sont le plus distingués par leurs vertus, il ne sera plus si facile au démon
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de nous tenter d'orgueil, quelques efforts qu'il puisse
faire pour cela, ni à plus forte raison de nous faire succomber
à ses embûches (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t.
VIII, pag. 55-56, édit des Bénédictins ; pag. 64-65,
édit de Gaume). "
Question IV
Qu’est ce que l’avarice, et quels sont les rejetons de cet autre péché capital ?
L'avarice est le désir immodéré d'avoir. Car on regarde avec raison comme avare, non-seulement celui qui ravit le bien d'autrui, mais encore celui qui le convoite, ou qui conserve avec trop d'attache son propre bien.
Les filles de l'avarice sont la trahison, la fraude, la tromperie, le parjure, l'inquiétude la violence, l'inhumanité et la dureté du cœur.
L'Apôtre condamne expressément ce vice, qu'il appelle une véritable idolâtrie, et il dit de plus : Ceux qui veulent devenir riches, tombent dans la tentation et dans le piège du diable, et en divers désirs inutiles et pernicieux, qui précipitent les hommes dans la perdition et dans la damnation. Car la passion pour le bien est la racine de tous les maux. Et nous trouvons écrit ailleurs : Rien n'est plus détestable que l'avare. Il n'y a rien de plus injuste que celui qui aime l'argent ; car un tel homme vendrait son âme même. Jésus-Christ nous déclare de son côté que nous ne pouvons servir Dieu et l'argent. Et il nous donne cet avis : Ne vous inquiétez pas du lendemain. Saint Paul, développant cette pensée, nous crie : Que votre vie soit exempte d'avarice ; soyez contents de ce que vous avez, puisque Dieu a dit lui-même : Je ne vous délaisserai point, je ne vous abandonnerai point. De sorte que nous pouvons dire avec confiance : Le Seigneur est mon secours. Ayant de quoi nous nourrir il a de quoi nous couvrir, nous devons être contents.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. I Timothée, VI ; Ecclésiastique, X ; MATTH., XI ; Hébreux XII. (Voir ces textes dans le corps de la réponse.)
2. II Timothée, III, 2-5 : " Il y aura des hommes amoureux d'eux-mêmes, avares, fiers, hautains, médisants, désobéissants à leurs pères et à leurs mères, ingrats, impies, - dénaturés, ennemis de la paix, calomniateurs, intempérants, inhumains, sans affection, - traîtres, insolents, enflés d'orgueil, et plus amateurs de la volupté que de Dieu ; - qui auront l'apparence de la piété mais qui en abdiqueront la vérité et l'esprit. Fuyez donc ces sortes de gens. "
3. I Corinthiens, VI, 8-10 : " C'est vous-mêmes qui faites le tort ; c'est vous qui causez le dommage, et c'est à l'égard de vos propres frères. - Ne savez-vous pas que ceux qui commettent l'injustice ne seront point héritiers du royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les fornicateurs, ni les idolâtres, etc., - ni les avares, ni les ivrognes, ni les médisants, ni les ravisseurs du bien d'autrui, ne seront héritiers du royaume de Dieu. "
4. Ecclésiastique, XI, 31, 33-34 : " N'introduisez pas toutes sortes de personnes dans votre maison ; car les pièges du trompeur sont innombrables. - Il dresse ses embûches en changeant le bien en mal, et il imprime des taches aux actions les plus pures. - Une seule étincelle allume un grand feu ; ainsi le trompeur multiplie les meurtres, et le pécheur tend des pièges pour avoir l'occasion de répandre le sang. "
5. ZACHARIE, VII, 17 : " Qu'aucun de vous ne forme dans son cœur de mauvais desseins contre son ami ; et n'aimez point à faire de faux serments ; car ce sont là toutes choses que je hais, dit le Seigneur. "
6. MATTHIEU, VI, 24-28,31-34 : " Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent. - C'est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez point où vous trouverez de quoi manger pour le soutien de votre vie, ni d'où vous recevrez des vêtements pour couvrir votre corps. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? - Considérez les oiseaux du ciel ; ils ne
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sèment point, ils ne moissonnent point, et ils n'amassent rien dans des greniers, et cependant votre Père céleste les nourrit : n'êtes-vous pas beaucoup plus qu'eux ? - Qui d'entre vous, avec tous ses soins, peut ajouter à sa taille la hauteur d'une coudée ? - Et pourquoi vous inquiétez-vous pour le vêtement ? Considérez comment croissent les lis des champs, etc. - Ne vous inquiétez donc point en disant : Que mangerons-nous ? que boirons-nous ? ou de quoi nous vêtirons-nous ? - comme font les païens qui recherchent toutes ces choses ; car votre Père sait que vous en avez besoin. - Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données comme par surcroît. - C'est pourquoi ne vous inquiétez point pour le lendemain ; car le lendemain pourra s'occuper de lui-même : à chaque jour suffit son mal. "
7. Proverbes, XXII, 22-23 : " Ne dépouille pas le faible, en profitant de sa faiblesse, et n'opprimez pas le pauvre dans les jugements ; - car le Seigneur prendra sa cause en main, et il affligera ceux qui auront affligé son âme. "
8. Proverbes, XXI, 13, 6 : " Celui qui ferme l'oreille au cri du pauvre criera lui-même, et ne sera point écouté. - Celui qui amasse des trésors avec une langue de mensonge est un homme vain et sans jugement, et il s'engagera dans les filets de la mort. "
9. Colossiens, III, 5-6 : " Faites mourir les membres de l'homme terrestre qui est en vous, la fornication, etc., les mauvais désirs, et l'avarice, qui est une idolâtrie ; - puisque ce sont ces excès qui font tomber la colère de Dieu sur les enfants de l'infidélité. "
10. Ephésiens, V, 5-6 : " Sachez que nul fornicateur, nul impudique, nul avare, dont le vice est une véritable idolâtrie, ne sera héritier du royaume de Jésus-Christ notre Dieu. - Car c'est là ce qui attire la colère de Dieu sur les enfants de l'infidélité. "
11. ISAIE, V, 8-9 : " Malheur à vous qui joignez toujours à vos maisons une maison nouvelle, et qui étendez vos champs sans mesure ! Voulez-vous donc habiter seuls sur toute la surface de la terre ? - Mes oreilles ont tout entendu, dit le Seigneur des armées, etc. "
12. MARC, X, 24-25 : " Mes enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans leurs richesses d'entrer dans le royaume de Dieu ! - Il est plus aisé à un câble (autr. à un chameau) de passer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. "
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13. HABACUC, II, 6 : " Malheur à celui qui multiplie des biens qui ne sont pas lui ! Jusqu'à quand amassera-t-il, pour son malheur, des monceaux de boue ? "
14. JACQUES, V, 1-3 : " Mais vous, riches, pleurez, poussez des cris et des hurlements, à la vue des misères qui doivent fondre sur vous. - La pourriture consume les richesses que vous gardez ; les vers dévorent les vêtements que vous tenez en réserve. - La rouille ronge l'or et l'argent que vous recelez ; et cette rouille portera témoignage contre vous, et comme un feu consumera votre chair : c'est là le trésor de colère que vous vous amassez pour les derniers jours. "
15. Ecclésiastique, XXXI, 5, 8-11 : " Celui qui aime l'or ne sera point innocent. - Heureux le riche qui a été trouvé sans tache, qui n'a point couru après l'or, et qui n'a point mis son espérance dans l'argent ni dans les trésors. - Qui est-il ? et nous le louerons ; car il a fait des choses admirables durant sa vie. - Il a été éprouvé par l'appât de l'or, et il est resté intact ; sa gloire sera éternelle : il a pu transgresser les commandements de Dieu, et il ne les a point transgressés, il a pu commettre le mal, et il ne l'a pas commis. - C'est pourquoi ses biens ont été affermis dans le Seigneur, et toute l'assemblée des saints racontera ses aumônes. "
16. BARUCH, III, 16, 18, 19 : " Où sont maintenant ces princes des nations, - qui amassaient dans leurs trésors l'or et l'argent, dans lesquels les hommes mettent toute leur confiance, et qu'ils recherchent avec une passion qui n'a point de bornes ? - Ils ont été exterminés, ils sont descendus dans les enfers, et d'autres sont venus prendre leur place. "
17. Psaume XLVIII, 17-2, 11-12 : " Que l'envie ne vous trouble point lorsqu'un homme est dans l'opulence, et que la splendeur de sa maison s'accroît ; - car, à la mort, il n'emportera rien avec lui ; sa gloire ne le suivra pas lorsqu'il descendra dans le tombeau. - On l'estime heureux, et il ne se refuse rien pendant sa vie ; il vous loue, si, par vos biens, vous contribuez à ses jouissances. - Mais il ira enfin rejoindre ses pères, et il sera, comme eux, privé de la lumière pour toujours. - Hélas ! au sein de la grandeur, l'homme n'a point d'intelligence ; il est semblable aux animaux sans raison. - Et ils laisseront leurs richesses à des étrangers, - et ils n'auront désormais que leurs sépulcres pour demeure et pour habitation, d'âge en âge. "
18. LUC, XII, 13-21 : " Ayez soin de vous bien garder de
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toute avarice ; car dans quelque abondance qu'un homme
se trouve, sa vie ne lui est point assurée par les biens qu'il possède.
- Et il leur fit entendre cette parabole : Il y avait un homme riche, dont
les terres avaient extraordinairement rapporté. - Et il s'entretenait
en lui-même de ces pensées : Que ferai-je ? car je n'ai rien
où je puisse renfermer tout ce que j'ai à recueillir. - Voici,
dit-il, ce que je ferai : j'abattrai mes greniers, et j'en bâtirai
de plus grands, et j'y amasserai toute ma récolte et tous mes biens
; - et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as beaucoup
de biens en réserve pour plusieurs années ; repose-toi, mange,
bois, fais bonne chère. - En ce même moment Dieu lui dit :
Insensé que tu es, on va te redemander ton âme cette nuit
même ; et pour qui sera ce que tu as amassé ? - Il en est
ainsi de celui qui amasse des trésors pour soi-même et qui
n'est point riche en ce que Dieu demande de lui. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. BASILE, sur ces paroles, J’abattrai mes greniers, et j'en mettrai de plus grands (c'est la sixième des homélies de ce saint sur ce même sujet) : " Que l'exemple de ce riche que condamne l'Evangile se présente sans cesse à votre esprit. Attentif à garder les biens dont il jouit déjà, inquiet pour ceux qu'il espère recueillir, sans savoir s'il vivra le lendemain, il devance ce lendemain par les fautes qu'il commet dès aujourd'hui. Le pauvre n'est pas encore venu le supplier, et il manifeste déjà la dureté de son cœur, il n'a pas recueilli ses fruits, et il donne déjà des marques de son avarice. . . "
" Puisque vous n'avez que des idées terrestres, que vous vous faites un dieu de votre ventre, que vous êtes tout charnel, entièrement asservi à vos passions, écoute la réponse qui vous convient ; ce n'est pas un homme, c'est le Seigneur qui vous la fait lui-même : Insensé, on vous redemandera cette nuit votre âme, et ce que vous avez mis en réserve, à qui est-ce que cela reviendra (LUC, XII, 20) ? "
" Vous aurez, si vous voulez, d'excellents greniers : ce sont les estomacs des pauvres. Amassez-vous des trésors dans le ciel (MATTH., V, 20) : ce que vous y mettrez en réserve ne sera ni mangé par les vers, ni rongé par la rouille, ni pillé par les voleurs. Je donnerai aux pauvres, direz-vous, lorsque j'aurai construit de nouveaux greniers. Vous fixez un long terme à votre vie ; prenez garde que la mort ne se presse et ne devance ce terme. Promettre
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de faire du bien annonce plutôt un cœur dur qu'une âme bienfaisante. Vous promettez, non pour donner dans la suite, mais pour vous débarrasser dans le moment. Car enfin, qui vous empêche de donner dès aujourd'hui ? Le pauvre n'est-il pas à votre porte? . . . L'indigent périt de faim, le pauvre nu tremble de froid, l'infortuné débiteur est traîné en prison ; et vous remettez l'aumône au lendemain ! Ecoutez Salomon : Ne dites pas à celui qui vous demande : Revenez, et je vous donnerai demain ; car vous ignorez ce qui arrivera le jour suivant (Prov., III, 28). Que de grâces vous avez à rendre à votre souverain bienfaiteur, et comment pouvez-vous mieux lui en témoigner votre reconnaissance et votre joie qu'en exerçant la libéralité envers les pauvres, pour n'être pas obligé vous-même d'aller assiéger les portes d'autrui, mais pour voir au contraire les malheureux se tenir à la vôtre ? Et vous êtes triste, abattu, d'un abord difficile, évitant d'être rencontré, de peur que le moindre don ne vous échappe des mains malgré vous. Vous ne connaissez que cette parole : Je n'ai rien, je ne donnerai pas, je suis pauvre moi-même. Oui, vous êtes vraiment pauvre et dénué de tout bien spirituel. Vous êtes pauvre de charité, pauvre de bienfaisance, pauvre de confiance en Dieu, pauvre d'espérance éternelle. Ah! partagez vos récoltes avec vos frères ; donnez à celui qui a faim de ce blé qui demain sera pourri. C'est le genre d'avarice le plus cruel de tous, que de ne pas faire part aux indigents, même des choses qui se corrompent. "
" Quel tort est-ce que je fais, direz-vous peut-être, en gardant ce qui est à moi ? Comment à vous ? où l'avez-vous pris ? d'où l'avez-vous apporté dans ce monde ? C'est comme si quelqu'un, s'étant emparé d'une place dans les spectacles publics, voulait empêcher les autres d'entrer, et jouir seul, comme d'une chose qui lui serait propre, d'un plaisir qui doit être commun. Tels sont les riches : des biens qui sont communs, ils les regardent comme leur étant propres, parce qu'ils s'en sont emparés les premiers. Que si chacun, après avoir pris sur ses richesses de quoi satisfaire ses besoins personnels, abandonnait son superflu à celui qui manque du nécessaire, il n'y aurait ni riches ni pauvres. N'êtes-vous pas sorti nu du sein de votre mère ? Ne retournerez-vous pas nu dans le sein de la terre ? Et d'où vous viennent les biens dont vous êtes possesseur ? Si vous croyez les tenir du hasard, vous êtes un impie ; vous méconnaissez celui qui vous a créé, vous ne rendez pas grâces à celui qui vous les a donnés. Si vous avouez qu'ils vous viennent de Dieu, dites-nous pourquoi vous les avez
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reçu de ce maître commun ? Dieu ne serait-il pas injuste, d'avoir fait un partage aussi inégal des biens de ce monde ? Pourquoi êtes-vous riche, et votre frère est-il pauvre ? N'est-ce pas afin que vous receviez le prix de votre bienfaisance et d'une administration fidèle et que lui, il soit abondamment récompensé de sa résignation et de sa patience ? Vous qui engloutissez tout dans le gouffre d'une insatiable avarice, vous croyez ne faire tort à personne, lorsque vous privez du nécessaire tant de misérables. Quel est l'homme injustement avide ? N'est-ce point celui qui n'est pas satisfait lorsqu'il a ce qui doit lui suffire ? Quel est le voleur public ? N'est-ce pas celui qui prend pour lui seul ce qui est destiné à tous? N'êtes-vous pas un homme injustement avide, un voleur public, vous qui vous appropriez seul ce que vous avez reçu pour le donner aux autres ? . . . Le pain que vous gardez est à celui qui a faim ; l'habit que vous tenez dans vos coffres est à celui qui est nu ; la chaussure qui se gâte chez vous est celui qui n'en a pas ; l'or que vous enfouissez est à celui qui est dans le besoin (Tout cela doit s'entendre de l'usage que le riche est obligé devant Dieu de faire de ses biens, mais non du droit de propriété qu'y prétendrait le pauvre. Voyez sur cette question la Somme théologique de saint Thomas, 2. 2, q. 32, art. 5). Ainsi donc, vous faites tort à tous ceux dont vous pouviez soulager l'indigence. . . "
" De quel prix ne vous paraîtront pas au jour du jugement ces paroles : Venez, les bénis de mon père, posséder le royaume qui vous a été préparé depuis la création du monde : car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné a boire ; j'étais nu, et vous m'avez revêtu (MATTH., XXV, 34 et suiv.) ! Combien ne frémirez-vous pas au contraire, quelle sera votre terreur et votre tremblement, quand vous entendrez cette condamnation : Retirez-vous de moi, maudits, allez dans les ténèbres extérieures qui ont été préparées pour le démon et pour ses anges : car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas revêtu (MATTH., XXV, 41 et suiv.) ! Ce n'est pas celui qui a pris que l'Evangile condamne ici, mais celui qui n'a pas donné. "
2. Le même, Homélie contre les riches avares (c'est la septième de ses homélie sur divers sujets) : " L'avenir est incertain, disent-ils, il faut se précautionner contre les nécessités imprévues. Il est incertain si vous pourrez avoir un jour besoin de l'argent que vous enfouissez, mais il ne l'est pas si vous devez
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être puni de votre cruauté envers les pauvres. . . J'en ai vu plusieurs qui jeûnaient, qui priaient, qui gémissaient, qui pratiquaient toutes les œuvres de piété où l'on ne débourse rien, et qui n'auraient pas donné une obole à des pauvres. A quoi leur servent toutes leurs vertus, qui ne peuvent leur ouvrir le royaume des cieux ? Un chameau, dit Jésus-Christ, entrerait plus facilement par le trou d'une aiguille, qu'un riche par la porte du ciel (Luc, XVIII, 23). La sentence est claire ; celui qui l'a prononcée est incapable de mentir ; mais qu'il est peu de gens sur qui elle fasse impression ! . . . . . "
" Que répondrez-vous à votre juge ? Quoi ! vous revêtez des murailles, et vous n'habillez pas un homme ? Vous décorez des chevaux, et vous ne vous mettez pas en peine que votre frère soit couvert de haillons ? Vous laissez pourrir votre blé, et vous ne nourrissez pas des malheureux qui périssent de faim ? Vous enfouissez votre or, et vous dédaignez un misérable qui est pressé par l'indigence ?. . . "
" Votre porte est assiégée de misérables qui réclament votre pitié du ton le plus pathétique. Vous les rebutez, vous dites que votre bien ne pourrait suffire à ceux qui vous demandent : votre bouche le proteste en jurant, mais votre main dans son silence vous confond. Oui, la bague précieuse qui brille sur votre doigt publie votre parjure. Combien ne pourrait-on pas payer de dettes avec le prix de votre diamant ! Combien ne pourrait-on pas rétablir de familles ruinées ! Votre seule garde-robe suffirait pour vêtir tout un peuple qui périt de froid. Cependant vous avez la barbarie de renvoyer le pauvre sans lui faire la plus modique aumône. Vous ne craignez pas le courroux de votre juge, ni le châtiment dont il doit punir votre dureté. Vous n'avez pas eu compassion des autres ; on n'aura pas compassion de vous. Vous avez fermé votre porte ; la porte du ciel ne vous sera pas ouverte. Vous avez refusé du pain ; vous n'obtiendrez pas la vie éternelle. Vous dites que vous êtes pauvre ? j'en conviens avec vous. Celui-là est pauvre, qui a beaucoup de besoins ; or, vous avez beaucoup de besoins, parce que vos désirs sont insatiables. Vous voulez ajouter dix talents à dix autres que vous avez déjà quand vous en aurez vingt, vous voudrez en avoir encore le double, et votre bien qui grossit ne fait qu'allumer votre convoitise, loin de l'éteindre. . . . . L'amour des richesses produit dans le cœur des riches des effets contraires à leurs désirs. . . . . Leur esprit est déchiré par mille inquiétudes parce qu'ils sont jaloux de
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surpasser toujours ce qui est au-dessus d'eux. Ils devraient se réjouir et remercier le Seigneur de ce qu'ils sont plus à l'aise que tant d'autres ; ils s'affligent et se désespèrent d'être moins riches que deux ou trois personnes. Quand ils sont parvenus à atteindre la fortune d'un homme plus riche qu'ils ne l'étaient déjà eux-mêmes, ils font aussitôt de nouveaux efforts pour égaler celle de tel autre qui les surpasse encore. Quand ils ont égalé celui-ci, leur rivalité s'attache à un troisième. Et comme ceux qui montent les degrés d'une échelle vont toujours d'échelon en échelon jusqu'à ce qu'ils soient parvenus au plus élevé, ainsi les hommes cupides ne s'arrêtent dans leur folle passion que lorsque, montés au plus haut degré de la fortune, ils s'exposent eux-mêmes à une chute plus fâcheuse. . . . . Malheureux, qui vous rendez ainsi insatiable pour le malheur de vos semblables, quand vous servirez-vous de ce que vous avez acquis ? Quand jouirez-vous enfin, sans vous tourmenter continuellement pour faire de nouvelles acquisitions ? "
" Malheur, dit le Prophète, à ceux qui, pour faire tort à leur prochain, joignent maison à maison et champ à champ (Is., V, 8). Que faites-vous autre chose, vous qui inventez mille prétextes pour envahir ce qui appartient a votre prochain ? La maison de ce voisin, dites-vous, offusque la mienne ; c'est une maison de bruit et de tumulte, c'est un refuge de vagabonds. Quels prétextes n'alléguez-vous pas pour inquiéter un voisin qui vous gêne. Vous ne lui donnez aucun repos, vous le persécutez sans relâche, vous ne cessez pas de le tourmenter et de le vexer, jusqu'à ce que vous l'ayez contraint de chercher une autre retraite. Qu'est-ce qui a fait périr Naboth (I Rois, XXI) ? N'est-ce pas l'avidité d'Achab, qui voulait s'emparer de la vigne de cet infortuné Israélite ? L'homme cupide est un mauvais voisin à la ville comme à la campagne. La mer respecte les bornes qui lui ont été assignées, la nuit observe toujours les mêmes règles : l'homme cupide ne connaît ni temps, ni mesure ; incapable de se modérer, il ressemble au feu qui saisit et dévore tout. Les fleuves qui n'ont que de petits commencements croissent peu à peu, se débordent enfin avec impétuosité et entraînent tout ce qui s'oppose leur passage. C'est ainsi que ceux qui ont établi leur puissance sur les ruines de plusieurs qu'ils ont opprimés s'enhardissent à des injustices nouvelles, et se servent des premières victimes de leur cupidité comme d'autant d'instruments pour en accabler d'autres. C'est des excès mêmes de leurs crimes
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qu'ils tirent des moyens d'augmenter leur puissance. Les premiers qu'ils ont rendus malheureux, ils les contraignent de les seconder dans leurs injustes projets, de leur prêter du secours pour faire à d'autres tout le mal qu'ils pourront. Est-il un voisin, est-il un ami, est-il un associé qui soit à l'abri de leurs fureurs ? Rien ne résiste à la violence des richesses ; tout cède à leur tyrannie ; tout redoute cette puissance envahissante. . . . . "
" Suspendez un peu, ô riche, le cours de vos iniquités ; prenez quelque temps pour réfléchir ; considérez à quoi aboutira enfin tout cet empressement à grossir votre fortune. Vous avez tant d'arpents de terre propres au labour, tant d'autres plantés d'arbres ; vous avez des collines, des plaines, des prés, des fontaines, des fleuves. Quel sera le terme de tout cela ? Trois coudées de terre seulement vous attendent ; un tombeau de quelques pierres suffira pour renfermer votre chétif cadavre. Pourquoi donc prenez-vous tant de peines ? Pourquoi commettez-vous tant d'injustices ? Pourquoi entassez-vous tant de biens inutiles? Que dis-je, inutiles. Ils seront l'aliment d'un feu éternel. Ne reviendrez-vous jamais de cette ivresse ? Ne reprendrez-vous pas de meilleurs sentiments ? Ne rentrerez-vous pas en vous-même ? Ne vous représenterez-vous pas le tribunal du Fils de Dieu ? Que pourrez-vous répondre, lorsque vous serez environné des anciennes victimes de vos injustices, qui solliciteront la vengeance du juge suprême ? Que ferez-vous alors ? Quels défenseurs paierez-vous ? Quels témoins subornerez-vous ? Comment corromprez-vous un juge qu'on ne peut séduire ? Il n'y aura pas là d'orateurs habiles, de discours artificieux propres à faire illusion au juge et à lui dérober la vérité. Vos flatteurs, votre argent, vos dignités ne vous suivront point. Sans amis, sans secours, sans défenseur, sans défense, confus, honteux, triste, abattu, tremblant, vous serez laissé seul avec vos crimes. De quelque côté que vous portiez les yeux, vous verrez les témoignages évidents de ces crimes, les larmes de l'orphelin, les gémissements de la veuve, les pauvres que vous aurez outragés, les serviteurs que vous aurez maltraités, les voisins que vous aurez irrités : tout s'élèvera contre vous. Vos mauvaises actions, triste compagnie, seront tout votre cortège. L'ombre suit le corps ; les péchés suivent l'âme et présentent la silhouette de ce qu'elle est. Aussi ne pourra-t-on nier alors ce qu'on aura fait ; les plus impudents ne pourront ouvrir la bouche. Les actions de chacun déposeront contre lui-même, non en élevant la voix, mais en se montrant telles qu'il les aura commises. . . . . "
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" Si vous ne désirez pas le royaume céleste, si vous ne redoutez pas l'enfer, où trouver un remède pour guérir votre âme ? Si les punitions les plus horribles ne vous effraient pas, si les récompenses les plus magnifiques ne vous invitent pas, nous parlons à un cœur de pierre. "
" Considérez, ô homme, quelle est la nature des richesses. Pourquoi l'éclat de l'or vous éblouit-il de la sorte ? L'or, l'argent, le jaspe, l'agate, l'hyacinthe, l'améthyste, en un mot, les pierres les plus précieuses ne sont réellement que des pierres. Voilà ce que les richesses ont de plus brillant. Vous renfermez une partie de ces pierres, et vous condamnez leur éclat aux ténèbres. Vous en portez quelques-unes aux doigts, vous vous glorifiez de leur splendeur et de leur prix. A quoi vous sert, je vous le demande, de montrer votre main, parce qu'un beau diamant y brille ? . . . Quel homme fier de sa parure a pu prolonger sa vie d'un jour ? Quel est celui dont la mort ait respecté les richesses ? Quel est celui que les maladies aient épargné à cause de son argent ? Jusqu'à quand l'or sera-t-il le piège des âmes, l'hameçon de la mort, l'appât du péché ? . . . L'argent vous a été donné pour subvenir aux besoins de votre vie, et non pour vous porter au crime ; pour être la rançon de votre âme, et non l'occasion de votre perte. "
" Il faut, dites-vous, que je conserve mes biens pour mes enfants. Tel est le prétexte spécieux de la cupidité. Vous objectez des enfants, et vous satisfaites votre avarice. . . Lorsque vous demandiez à Dieu de bénir votre mariage et de vous donner des enfants, avez-vous ajouté à votre prière ces mots : Donnez-moi des enfants, afin que je désobéisse à vos préceptes ; donnez-moi des enfants, afin que je n'arrive pas au royaume des cieux ? D'ailleurs, avez-vous une caution de la vertu de vos enfants ? Avez-vous quelqu'un qui vous assure qu'ils feront un bon usage des biens que vous leur laisserez ? Les richesses sont pour bien des jeunes gens un moyen de débauches et d'infâmes désordres. N'entendez-vous pas l'Ecclésiaste vous dire (V, 82) : J'ai vu une folie prodigieuse, des richesses amassées pour un enfant dont elles ont fait le malheur ; et ailleurs encore : Je laisse à un homme après moi des biens amassés avec de grandes peines ; qui peut savoir s'il sera sage ou insensé (Ecclés., II, 18) ? Prenez donc garde que ces richesses si laborieusement amassées par vous ne deviennent un jour la matière des crimes de vos enfants, et que vous ne soyez puni, et pour vos péchés personnels, et pour ceux que vous aurez
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fait commettre à d'autres. Votre âme vous est plus proche que vos enfants ; vous tenez à elle par un lien plus étroit : elle a le droit d'aînesse ; il faut qu'elle soit la première partagée. Procurez-lui d'abord une vie abondante, une vie éternelle ; après cela, vous distribuerez à vos enfants leur subsistance. . . . . Ce discours s'adresse à ceux qui ont des enfants ; ceux qui n'en ont pas, comment pourront-ils justifier leur avarice ? "
" Je ne vends pas ce que j'ai, dit un avare, et je ne le donne pas aux pauvres, parce qu'on a mille besoins dans la vie. Ce n'est donc pas du Seigneur que vous recevez des leçons ce n'est donc pas l'Evangile qui doit régler votre conduite ; mais vous êtes à vous-même votre législateur et votre maître. . . . Mais, dites-vous, je jouirai de mes biens pendant ma vie, et, à ma mort, je ferai les pauvres mes héritiers par mon testament. C'est-a-dire, que vous deviendrez charitable envers les hommes quand vous ne serez plus parmi les hommes : c'est lorsque je vous verrai parmi les morts, que je vous dirai ami de vos frères. On vous saura beaucoup de gré d'être devenu libéral et généreux, quand vous serez couché dans le tombeau et réduit en poussière !!! Pour quel temps, dites-moi, demanderez-vous à être récompensé ? Est-ce pour celui de votre vie, ou pour celui qui suivra votre mort ? Pendant tout le temps que vous avez vécu livré aux plaisirs et plongé dans les délices, vous n'avez pas même daigné jeter un regard sur le pauvre. Après le trépas, quelles œuvres peut-on faire ? de quelles actions peut-on demander le prix ? . . . Et d'ailleurs, qui vous annoncera le moment de quitter la vie ? qui vous répondra du genre de votre mort ? Combien de gens n'ont-ils pas été enlevés subitement par un accident imprévu sans pouvoir prononcer une parole avant de mourir ! A combien d'autres la fièvre n'a-t-elle pas causé un délice complet ! Pourquoi donc attendez-vous le temps où vous ne serez plus à vous-même, où vous serez plongé dans une nuit profonde, ou du moins accablé par le mal, où personne ne viendra à votre secours, où vous aurez à vos côtés un héritier avide, qui ne songera qu'à pourvoir à ses intérêts et à rendre inutiles vos bonnes résolutions ?. . . . . "
" Prenez les devants, et construisez-vous vous-même un tombeau. La piété est une belle sépulture. Sortez de ce monde revêtu de tous vos biens. Faites-vous une parure de vos richesses ; ayez-les avec vous. Suivez les avis d'un excellent conseiller, de Jésus-Christ qui vous aime, qui s'est rendu pauvre à cause de nous, afin que nous nous enrichissions par sa pauvreté
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(II Cor., VIII, 9), qui s'est livré lui-même pour être le prix de notre rédemption (I Tim., II, 6) (Cf. Homélies, etc., de saint Basile-le-Grand, trad. par M. l'abbé Auger, pag. 216-231). "
3. S. PROSPER (Ou plutôt Julien Pomère, qui, d'après Nansi, est le véritable auteur de cet ouvrage. V. NAT. ALEX., Hist. eccles. V sæc. nota ad art. 24. cap. IV, p. 131, édit de Venise), Lib. II de vitâ contemplativâ, c. 18 : " L'impérieuse cupidité, au mépris des commandements divins, nous pousse à cumuler pour la ruine de nos âmes les biens de la terre, à leur transporter toute notre sollicitude et tous nos soins, à y faire consister notre gloire, et à nous prévaloir avec ivresse de l'étendue de nos domaines, plutôt qu'à nous faire pauvres d'esprit en vue de la béatitude céleste. O forfait inouï ! on dédaigne de porter le joug si doux de Jésus-Christ et on se soumet volontairement à la dure tyrannie de la cupidité, on rejette le fardeau si léger de la loi évangélique, ce fardeau qui allège plutôt qu'il ne charge, ceux qui veulent l'accepter, et on s'impose à soi-même une charge écrasante qu'on aurait plutôt fait de déposer que de porter : car il est plus aisé de fouler aux pieds la cupidité elle-même, dont on se fait ainsi le captif, qu'il ne l'est de la satisfaire ; c'est pourquoi ceux qui ont la faiblesse de céder à ses premières attaques, quand une fois ils sont tombés sous sa tyrannie, n'ont plus même la force de vouloir lui résister. Et c'est par un juste jugement de Dieu, que pour n'avoir pas voulu nous opposer à ce qu'elle entrât dans nos âmes, nous ne pouvons plus ensuite échapper à son empire. O joug intolérable de la cupidité qui rend les démons vainqueurs de ceux qui auraient pu si facilement les vaincre ; qui promet monts et merveilles à ceux qu'elle séduit et, par l'appât qu'elle leur présente des biens temporels, les engage pour leur éternel malheur à commettre mille bassesses. Elle les tient en captivité dans ces chaînes dorées dont l'éclat fatal a ébloui leurs yeux, et ce qu'il y a de pire, c'est qu'en les faisant obéir à tous ses caprices, elle a pour ce faire l'assentiment de leur volonté. Elle détruit en nous par ses affreux ravages tout ce qui peut nous rester de modestie et de pudeur ; et, comme si elle craignait encore de notre part, après avoir triomphé de notre faiblesse, quelque retour désespéré à la vertu, elle achève de nous dépouiller de tout sentiment d'honnêteté, pour que, désormais sans aucunes armes après avoir refusé de nous en servir contre elle, nous ne puissions plus en aucune
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manière nous affranchir de sa tyrannie. Elle nous entraîne à tout ce qu'elle veut, et fait succéder en nous, sans nous donner de relâche, à des désirs immodérés d'accroître nos richesses, des désirs plus immodérés encore. "
4. Ibidem, c. 16 : " Que celui à qui l'envie de posséder présente des attraits, aspire donc à posséder Dieu, qui possède lui-même tout ce qu'il a créé, et il trouvera en lui tout ce qu'il peut légitimement souhaiter d'avoir. Car comme celui-là seul possède, que Dieu possède lui-même le premier, qu'il se mette donc avant tout sous le domaine de Dieu, et Dieu sera tout à la fois son maître et son héritage. Eh ! qui peut être plus heureux que celui qui possède celui qui l'a créé et qui a pour richesses la divinité même ? Qu'il cultive un tel bien par les bonnes œuvres qu'il fera, et il en recueillera les fruits les plus abondants. Qu'il vive en lui et de lui, et qu'avec cela il sache se passer de tous les biens de la terre. Car le Créateur de l'univers ne peut pas être mis de pair avec ce qu'il a créé, et il ne saurait consentir à n'entrer que comme moitié dans un cœur partagé entre lui et la créature. Enfin, que peut demander de plus à celui qui, en possédant son Créateur, possède toutes choses ? Qu'est-ce qui pourrait suffire à celui qui le souverain bien ne suffit pas ? Celui-là possédait son souverain bien et en était en même temps possédé, qui disait en esprit : Seigneur, mon partage est de garder votre loi (Ps. CXVIII, 57), et encore : Le Seigneur est la part qui m'est échue en héritage et la portion qui m'est destinée (Ps. XV, 5). "
5. S. ISIDORE, Lib. II de summo bono, c. 41 : " Point de péché plus pernicieux que l'avarice et l'amour des richesses. C'est ce qui a fait dire à Salomon : Il n'y a rien de plus injuste que celui qui aime l'argent ; car un tel homme vendrait son âme même, puisqu'il se dépouille tout vivant de ses propres entrailles (Ecclé., X, 10). La cupidité fournit la matière à tous les crimes. De la vient que l'Apôtre a dit : La cupidité est la racine de tous les maux, et quelques-uns en étant possédés se sont égarés en perdant, de vue les enseignements de la foi (I Tim., VI, 10). Si donc on coupe la racine de tous les crimes, on empêchera toutes sortes de péchés de se multiplier. Beaucoup de gens ont perdu jusqu’à la foi par leur avidité de s'enrichir. C'est la passion du gain qui a vendu le Sauveur. Telle est en plusieurs la violence du désir qui les possède de se rendre maîtres du bien d'autrui, qu'ils ne craignent pas pour cela de se faire homicides, comme fit Achab, qui versa le sang innocent pour assouvir sa cupidité. Souvent il arrive que des
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hommes injustes viennent à bout d'obtenir les biens qu'ils convoitent ; mais c'est alors pour porter avec plus d'éclat la peine de leurs désirs criminels. Au contraire, Dieu ne permet pas que ses élus puissent satisfaire les mauvais désirs qui leur naissent, et il leur envoie la douleur au lieu de la satisfaction temporelle qu'ils cherchent, afin qu'une semblable expérience les fasse rentrer en eux-mêmes, et les détermine à revenir au Seigneur après s'en être éloigné. Soyons donc convaincus que c'est par des vues de miséricordes que Dieu contrarie les désirs que nous formons, lorsque ces désirs ont pour objet les biens temporels, et que c'est au contraire par un secret jugement de Dieu que d'autres trouvent aussitôt l'accomplissement de leurs désirs, puisque leur damnation n'en sera que plus rigoureuse. La cupidité ne sait jamais dire : C'est assez. L'avare est toujours dans le besoin, et plus il acquiert, plus il cherche à acquérir ; et il est tourmenté non-seulement du désir d'augmenter ses richesses, mais encore de la crainte de les perdre. Nous entrons pauvres dans cette vie, et nous en sortirons de même. Si nous regardons les biens de ce monde comme des biens périssables, pourquoi les désirons-nous avec tant d'ardeur ? La plupart des hommes puissants brûlent d'une telle passion pour l'accroissement de leurs domaines, que tout voisinage les chagrine, et qu'ils obligent les faibles à transférer ailleurs leur demeure. C'est à ceux-là que Dieu dit par son prophète : Malheur à vous qui joignez maison à maison, et qui ajoutez terres à terres, jusqu'à ce qu'enfin le lieu vous manque : serez-vous donc les seuls qui habiterez sur la terre (Is. V, 8) ? Le même prophète déclare dans les termes suivants que de tels hommes deviennent bientôt les victimes de l'enfer, c'est-à-dire du démon qui les entraîna avec lui dans l'abîme : C'est pour cela que l'enfer a étendu ses entrailles, et qu'il a ouvert sa gueule jusqu’à l'infini, et tout ce qu'il y a de puissant, d'illustre et de glorieux y descendra (Is., V, 14). Et il n'y a point à s'étonner que les feux de l'enfer dévorent après leur mort ceux qui ont refusé d'éteindre les flammes de leur cupidité pendant leur vie. Si l’ardeur de la cupidité met leur cœur comme en ébullition, c'est qu'elle est allumée en eux au souffle de l'esprit infernal. "
6. S. AUGUSTIN, Lib. III de libero arbitrio, c. 17 : " L'avarice, ne doit pas s'entendre seulement de l'amour de l'argent, d'où elle a pris son nom, parce que chez les anciens la monnaie était faite ordinairement de ce métal, soit pur, soit mélangé ; mais elle doit s'entendre aussi de
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tout désir immodéré par rapport aux biens, c'est-à-dire, de tout désir auquel on se laisse aller d'avoir au-delà du nécessaire (Cf. Les livres de saint Augustin du libre arbitre, p. 260). "
7. Le même, Serm. CXCVI de tempore, le même que le 28e de diversis, c. 1-3 : " La Vérité, qui ne peut ni nous tromper, ni se tromper elle-même, nous fait entendre ses enseignements ; écoutons-les avec crainte, et mettons-nous en mesure de les observer. Abstenez-vous, nous dit-elle, de toute avarice (LUC, XII, 15). Quoi, de toute avarice ? Pourquoi ajouter ce mot toute ? N'eût-il pas suffi de dire : Gardez-vous de l'avarice ? Cherchons dans l'Evangile à quelle occasion a été prononcée cette parole, et nous en devinerons sans peine le motif. Quelqu'un était venu porter à Jésus-Christ une plainte contre son frère, qui s'était emparé de tout le patrimoine de leur famille, en refusant de lui en céder la part à laquelle il avait droit. Cet homme ne convoitait pas en cela le bien d'autrui : il ne faisait autre chose que réclamer ce qui lui avait été laissé par ses parents. Voilà une cause juste, et qui n'avait pas besoin de longues preuves. Mais écoutons le jugement de la Vérité et l'enseignement qu'elle va nous donner. O homme, répondit Jésus-Christ. O homme. . . Vous qui estimez tant cet héritage, qu'êtes-vous autre chose qu'un homme ? Qui m'a établi arbitre entre vous ? Il refuse d'être l'arbitre de leurs partages : qui m'a établi, dit-il, arbitre entre vous ? Vous demandez un service ; écoutez ce conseil : Je vous le dis, gardez-vous de toute avarice. "
" Vous, vous appelleriez avare ou cupide celui qui convoite le bien d'autrui ; mais moi, je vous dis : ne soyez avare ni cupide pas même à l'égard de votre propre bien. Voilà le sens de ce mot : de toute avarice. Il ne faut pas, mes frères, passer légèrement sur ce que nous dit Notre-Seigneur, notre Rédempteur, notre Sauveur, celui qui est mort pour nous, qui a donné son sang pour prix de notre rédemption, qui s'est fait notre avocat comme il est notre juge ; il ne faut pas passer légèrement sur cette parole : Gardez-vous. Il sait de quel grand mal il est question ; pour nous, nous ne le savons pas, mais croyons-le du moins. Gardez-vous, nous dit-il. De quoi ? De toute avarice. C'est mon bien que je garde, je laisse à autrui le sien. Gardez-vous de toute avarice. Il n'y a pas d'avares que ceux qui usurpent le bien d'autrui ; celui-là aussi est avare, qui a de l'attache pour son propre bien. Mais si celui qui conserve son bien avec attache est déjà si répréhensible, qu’elle damnation n'encourt donc pas celui qui usurpe le bien des autres ? "
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8. S. AMBROISE a consacré tout son livre sur Naboth de Jezraël à disserter contre les riches avares. Au chapitre premier, il dit entre autres choses : " N'y aura-t-il donc jamais de bornes à cette insatiable cupidité ? Riches, prétendez-vous que la terre doive vous appartenir à vous seuls ? Pourquoi en exiler celui qui a la même nature que vous ? Pourquoi accaparer pour vous seuls ce qui appartient de droit à quiconque partage votre nature ? La terre a été créée pour être le commun domaine du riche et du pauvre. Quel droit avez-vous à l'occuper toute entière ? La nature ne connaît pas de riches, elle qui nous fait naître tous pauvres. Nous ne venons pas au monde avec des habits, avec de l'or et de l'argent : nous y entrons nus, nous en sortons de même sans pouvoir emporter dans la terre du sépulcre rien que la terre dont nous fûmes pétris. Quelques pieds de terre suffiront également au riche aussi bien qu'au pauvre. Cet homme qui, pendant sa vie, n'avait pas assez d'un monde tout entier, le voilà, lui tout entier, enfermé dans un bien petit coin du monde. La nature n'a point établi de distinction entre les naissances non plus qu'entre les morts : ce sont les même pour tous. Allez reconnaître dans sa poussière ce riche, autrefois si opulent ; faites-en, si vous le pouvez, la différence d'avec le pauvre : la seule qui existe entre l'un et l'autre, c'est que le premier, en mourant, avait plus à perdre. A quoi lui servaient ces riches étoffes, ces tissus d'or qui composaient ses vêtements ? A entretenir son orgueil durant sa vie ; à rien, quand il est mort. Vous l'embaumez à grand frais ; vous n'empêcherez pas la corruption de s'y mettre. "
" Vous aurez des héritiers qui se disputeront entre eux leur part d'héritage. S'ils sont réglés dans leur conduite, ils garderont ce qui leur sera échu, s'ils sont débauchés, ils le dissiperont follement. Ainsi donc, s'ils sont bons, vous les condamnerez à de perpétuels embarras ; ou s'ils sont mauvais, ils vous condamneront vous-même en dissipant le bien que vous aurez pris la peine de leur amasser. "
9. Ibidem, c. 2 : " Vous vous imaginez, ô riche, être dans l'abondance ! Vous ignorez combien vous êtes pauvre en effet, et de votre propre aveu. La preuve, c'est que plus vous avez, plus vous désirez ; la soif de l'avarice s'irrite et ne se satisfait pas . . . le roi Achab voit d'un œil jaloux la vigne de son pauvre voisin : mais quel est ici le pauvre ? Est-ce celui qui se contente de ce qu'il a, ou bien celui qui convoite ce qu'il n'a pas ? L'un est, il est vrai, pauvre en revenus ; mais l'autre est pauvre de tout ce
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qui lui manque et qu'il désire. On ne manque de rien quand on ne désire rien, au lieu que tous les revenus du monde ne sauraient contenter les désirs de l'avare. "
" Donnez-moi votre vigne, dit Achab à Naboth. Donnez-moi ! n'est-ce pas là l'expression du pauvre, quand il vous demande quelque aumône ? Donnez-moi, parce que j'ai besoin ; donnez-moi, parce que vous avez et que je n'ai pas. Quelle bassesse ! quelle abjection ! Car ce n'est pas ici l'humilité qui parle ; c'est la cupidité qui étend son incendie. "
10. Ibidem, c. 3 : " Les oiseaux font société entre eux ; il en est de même des poissons, des quadrupèdes : ils ne considèrent pas comme un dommage, mais plutôt comme un avantage et un profit de vivre en communauté, et ils manifestent leur joie lorsqu'ils se voient en troupes nombreuses. O homme, serez-vous le seul qui refuserez de faire société avec vos semblables ? Vous renfermerez dans des parcs les bêtes fauves ; vous bâtirez des étables pour les animaux domestiques : et vous refuserez le couvert à vos semblables ? vous feriez entrer la mer dans vos réservoirs, pour y nourrir des monstres marins ; et vous reculerez les bornes de vos possessions, pour n'avoir plus de vos semblables qui vous avoisinent ? "
11. Ibidem, c. 4 : " Les riches mangent le pain d'autrui plutôt que le leur, puisqu'ils vivent d'usurpations, et grossissent leurs revenus à force d'empiètements. O riches, vous ravissez aux pauvres tout ce qui peut leur rester ; vous avez beau faire, vous souffrez de la pauvreté plus encore qu'eux-mêmes. Les pauvres, il est vrai, n'ont pas de quoi manger ; mais vous, quoique vous ayez tout moyen de vous satisfaire, vous vous privez, vous et les autres, de nourriture. Ainsi ai-je connu un riche avare qui, toutes les fois qu'il allait à la campagne, avait grand soin de calculer combien il lui faudrait de pain pour la durée de son séjour, et de n'apporter avec soi que les plus petits, pour en dépenser moins. Il craignait d'ouvrir son grenier fermé à clef, pour ne pas s'exposer à diminuer ses provisions. Un pain était d'avance assigné pour chaque jour, et ce pain était à peine ce qu'il fallait pour apaiser sa faim. On m'a dit aussi que si l'on venait à lui servir un œuf, il se plaignait qu'on eût empêché par-là un poulet de naître. J'écris ceci à dessein, pour que vous appreniez à connaître la justice de Dieu, qui venge par vos jeûnes les larmes des pauvres. "
12. Ibidem, c. 6 : " Quel est l'ouvrier si habile qui ait jamais pu ajouter la durée d'un jour à la vie d'un homme ? Quel est le
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riche, que ses possessions aient sauvé de l'enfer, ou qui ait pu obtenir à force d'argent d'être délivré de ses maladies ? Non, nous le déclare l'Ecrivain sacré (LUC, XII, 15), la longueur de la vie de l'homme ne dépend point de l'abondance de ses richesses. Et encore : Les trésors de l'iniquité ne serviront de rien ; mais l'injustice délivrera de la mort (Prov., X, 2). C'est à bon droit que le Prophète s'écrie : Si les richesses vous viennent en abondance, n'y mettez point l’affection de votre cœur (Ps. LXI, 11). Car de quoi me serviront-elles, si elles ne peuvent me délivrer de la mort ? C'est ici-bas qu'on les acquiert ; c'est ici-bas qu'on les laisse. C'est donc moins un patrimoine réel, qu'un songe héréditaire. C'est pourquoi le même prophète a dit avec raison à ce sujet : Tous les riches ont dormi leur sommeil ; et à leur réveil, ils n’ont rien trouvé dans leurs mains de toutes leurs richesses (Ps. LXXV, 6). C'est-à-dire qu'ils n'en ont rien trouvé dans leurs œuvres, parce qu'ils ont refusé d'en faire part aux pauvres. Un riche, qu'est-ce autre chose, qu'un gouffre qu'aucunes richesses ne peuvent remplir ? C'est l'avertissement qu'en donne le Prophète : Celui qui aime l'argent n'en aura jamais assez (Eccles., V, 9). Il ajoute un peu plus loin (v. 15, 16, selon les Septante) : C'est là vraiment une maladie bien funeste : il s'en retournera comme il est venu ; de quoi lui serviront donc ses richesses, pour lesquelles il se sera épuisé en vains efforts ? Tous les jours de sa vie il a mangé dans les ténèbres, dans un embarras de soins, dans la misère et le chagrin. La condition d'esclave est cent fois préférable. Toujours il est dans les embarras, toujours dans les chaînes : jamais il n'est libre, parce qu'il reste toujours engagé dans le crime. Il semble même que les bienfaits de la nature ne soient pas pour lui ; il ignore la succession régulière de l'état de sommeil et de l'état de veille ; il ne sait point goûter la douceur des repas, par la raison qu'il ne peut les faire sans dépense. Sans cesse de nouveaux désirs le tourmentent ; il est continuellement aux aguets pour empiéter sur le bien d'autrui ; l'envie le dévore, tout retard le fatigue, la stérilité des récoltes le désespère, leur abondance le jette dans d'autres inquiétudes. "
13. Le même, ibidem, c. 7 : " L'avare ne compte pour biens que ceux qui s'évaluent avec de l'argent. Mais accordons-lui qu'il n'y ait pas d'autres biens que ceux-là. Pourquoi donc de ces biens faites-vous des maux, tandis que tout votre soin devrait être plutôt de changer le mal en bien ? Car voici ce qui est écrit : Faites-vous des amis de l’argent d'iniquité (LUC, XVI, 9).
On peut dire ainsi de beaucoup de choses que ce sont des biens
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pour celui qui sait en user, et des maux au contraire pour celui qui ne sait pas en faire un bon usage. Il a répandu ses biens avec libéralité sur les pauvres ; sa justice demeure éternellement
(Ps. CXI, 9). Quel bien mérite mieux ce nom, que celui au moyen duquel vous constituez Dieu votre débiteur en le distribuant aux pauvres, pour qu'il vous rende avec intérêt ? Oui, ce sont des biens, si vous ouvrez vos greniers et faites part à vos frères des fruits de votre justice, vous faisant ainsi vous-même le pain des pauvres, la ressource des indigents, l'œil des aveugles, le père des orphelins. Mais vous, vous réservez pour vous seul, que dis-je ? vous vous refusez vous-même ce que Dieu a voulu qui fût le partage de tous. Il vous serait vraiment plus profitable, si vous le partagiez avec les autres. Car les bienfaits ont coutume de profiter à leurs auteurs, et les libéralités remontent toujours à leur source. "
14. Ibidem, c. 8 : " Vous vous imaginez avoir encore bien des années à vivre ? Insensé, cette nuit même on vous redemandera votre âme (LUC, XII, 20). L'Evangile dit avec raison : cette nuit. Car ce n'est que pendant la nuit que peut être redemandée l'âme de l'avare, cette âme qui entre tout d'abord dans les ténèbres et qui ne sort pas des ténèbres. Il est nuit en tout temps pour un avare. "
15. Le même, Lib. I de Caïn et Abel, c. 8 : " Que dirai-je de l'avarice, cet insatiable désir d'amasser de l'argent, cette passion de l'or, qui, plus elle accapare, plus se croit dans le besoin ? Portant envie à tout le monde, jamais contente d'elle-même, pauvre au sein de l'abondance, elle amoindrit par ses soucis et ses chagrins les biens qu'elle ne cesse d'accumuler. Elle ne met aucune borne à ses rapines, parce qu'elle n'en connaît aucune à ses désirs. Elle allume dans le cœur une flamme tellement ardente, qu'elle ne diffère de la volupté qu'en ce que celle-ci brûle l'amour pour des formes vivantes, et celle-là au contraire pour un mal inanimé. Elle bouleverse les éléments, elle sillonne les mers, elle creuse la terre, elle fatigue le ciel de ses vœux, elle s’inquiète du beau temps comme de la pluie, elle n'est jamais contente du produit de ses récoltes, elle reproche à la terre son peu de fécondité. Mais c'est là une maladie de l'âme, et non un état de santé pour elle. Enfin voici ce qu'en a dit l'Ecclésiaste (V, 12) : Il y a une maladie bien fâcheuse que j'ai vue sous le soleil : des richesses conservées avec soin pour le tourment de celui qui les possède. L'Ecrivain sacré avait dit plus haut (V, 9, selon les Septante) : Celui qui aime l’argent
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n'en aura jamais assez, et il ne cessera jamais d'acquérir. Si vous voulez des trésors, cherchez-en d'invisibles et de spirituels, que vous trouverez dans le ciel, et non dans les entrailles de la terre. Soyez pauvre d'esprit, et vous serez riche, quel que soit d’ailleurs votre patrimoine : car, en quelque abondance que l'homme soit, sa vie ne dépend point des biens qu'il possède (LUC, XII, 15), mais de sa vertu et de sa foi. Ce sont là les richesses qui vous feront vraiment riche, puisqu'alors vous le serez aux yeux de Dieu. "
16. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. XXXI Moralium, c. 31 (al. 20) : " L'avarice est suivie de la trahison, de la tromperie, de la fausseté, du parjure, de l'inquiétude, de la violence, de la dureté, de l'insensibilité aux maux d'autrui (Cf. Les Morales de saint Grégoire-le-Grand, t. IV, p. 459). "
17. S. CHRYSOSTOME, Hom. VII in Joannem : " Il n'est pas possible qu'un homme fortement attaché aux biens de la vie présente s'occupe sérieusement d'obtenir ceux qui nous sont réservés dans le ciel ; mais celui qui travaille à se procurer les uns doit nécessairement renoncer aux autres. Car vous ne pouvez servir Dieu et l’argent, nous a dit la Vérité même ; puisque celui qui s'attache à l'un doit naturellement haïr l'autre. Et c'est ce que nous crie aussi l'expérience de tous les jours ; car ceux qui prennent en pitié la passion des richesses sont ceux qui ont pour Dieu un véritable amour, tandis que ceux qui n'ont que de l'admiration pour elles sont ceux aussi qui témoignent à Dieu le plus d'indifférence. Une âme en effet qui s'est éprise une fois de l'amour des richesses fera et dira immanquablement bien des choses qui offenseront Dieu, puisqu'elle est sous la puissance d'un maître qui fait et ordonne tout le contraire de Dieu. Veillez donc et soyez sur vos gardes, et en vous rappelant de quel maître vous êtes les serviteurs, n'ayez d'autre ambition que de posséder un jour son royaume : pleurons, gémissons sur le passé, sur le malheur que nous avons eu de servir Mammon ; rejetons pour toujours de dessus nous le joug pesant et intolérable que cette passion infernale impose à ses esclaves, et portons avec constance celui de Jésus-Christ, ce joug léger et facile à porter : car Jésus-Christ ne demande de nous rien d'insupportable comme ce que Mammon exige de ses adorateurs. En effet, tandis que Mammon demande que l'on se fasse l'ennemi de tous, Jésus-Christ nous ordonne au contraire d'aimer tout le monde, de donner à tout le monde le baiser de paix. Mammon nous collant
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pour ainsi dire à la poussière (car l'or
n'est pas autre chose), ne nous laisse respirer ni jour ni nuit ; Jésus-Christ
au contraire nous débarrasse de ce soin inutile et insensé
et nous ordonne d'amasser des trésors dans le ciel, non du produit
d'injustices commises à l'égard du prochain, mais de celui
de nos bonnes œuvres. Mammon, après bien des peines et des sueurs
essuyées à son service, ne fera rien pour nous assister lorsqu'un
jour nous serons condamnés à d'horribles tourments pour avoir
suivi ses lois, mais il augmentera plutôt l'ardeur des flammes qui
feront notre supplice ; Jésus-Christ au contraire ne laissera pas
sans récompense même un verre d'eau froide que nous aurons
donné en son nom, mais il nous en fera recevoir le prix avec usure.
Quelle serait donc notre folie, de dédaigner le service d'un maître
si bon, si libéral, pour nous attacher à un tyran qui ne
nous en saurait aucun gré, et qui ne pourrait nous être d'aucun
secours ni dans ce monde ni dans l'autre ? Encore son impuissance à
nous protéger ou à nous défendre contre les tourments
ne serait-elle pas pour nous le seul mal à craindre ; mais il nous
attirerait lui-même une infinité de maux, comme je le disais
tout-à-l'heure. Car la plupart de ceux qui sont dans l'enfer, s'y
trouvent condamnés pour avoir servi l'argent, pour avoir aimé
l'or, et n'avoir pas secouru ceux qui étaient dans le besoin. Afin
donc de nous préserver d'un pareil malheur, répandons nos
biens avec libéralité, donnons aux pauvres avec sagesse,
épargnons à notre âme, et les soucis d'ici-bas, et
les tourments de l'éternité. Travaillons pour le ciel ; au
lieu de biens périssables, amassons des trésors que rien
ne puisse nous enlever, des trésors que nous emportions avec nous
dans les cieux, des trésors qui nous défendent contre les
dangers, qui nous fassent trouver grâce auprès de notre juge.
Ainsi puissions-nous nous le rendre favorable et dès à présent
et en ce dernier jour, et jouir dans une paix parfaite des biens préparés
dans les cieux à ceux qui l'aiment comme il mérite d'être
aimé (Cf. S. Joannis Chrys. opera, t. VIII, p. 51-52, édit.
de Montfaucon ; pag. 58-60, édit. Gaume). "
Question V
Qu’est ce que la luxure, et quels sont les désordres qu’elle produit dans l’âme ?
La luxure est le désir déréglé des voluptés charnelles. Elle engendre naturellement l'aveuglement de l'esprit, l'irréflexion,
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l'inconstance, la précipitation, l'amour de soi-même, la haine de Dieu, l'attache excessive à la vie, l'horreur de la mort et du jugement à venir, enfin le désespoir par rapport à la félicité éternelle.
C'est contre ce péché, qui fait perdre la raison aux sages, et qui rend l'homme semblable à la brute, que saint Paul s'est élevé dans ce passage d'une de ses épîtres : Fuyez la fornication.
Quelque autre péché que l'homme commette, il le commet hors de son corps ; au lieu que la fornication est un péché que l'homme commet contre son corps même. C'est pourquoi il dit ailleurs sur ce même sujet : Qu'on n'entende pas même parler parmi vous de fornication, ni de quelque impureté que ce soit, ni d'avarice, comme en effet on ne doit point entendre parler de ces choses parmi les saints. Qu'on n'entende point non plus de paroles déshonnêtes ou folles, ou bouffonnes, ce qui ne convient pas à votre vocation ; mais qu'on entende plutôt parmi vous des paroles d'actions de grâces. Et il y a de quoi s'étonner que des chrétiens ne meurent pas de honte, quand ils se souillent ainsi en présence de Dieu et de ses anges, après que leurs corps, tous leurs membres, ont été consacrés dans le baptême comme des temples purs à l'Esprit-Saint et à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce qui a fait dire encore au même apôtre : Ne savez-vous pas que vos membres sont le temple du Saint-Esprit, qui réside en vous et vous a été donné de Dieu, et que vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes ? Il dit encore : Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres de Jésus-Christ ? Prendrai-je donc les membres de Jésus-Christ pour en faire ceux d'une prostituée ? Il tire de là cette conclusion : Vous avez été acheté à un grand prix. Glorifiez donc Dieu, et portez-le dans votre corps. Car Dieu jugera les fornicateurs et les adultères.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. OSEE, IV, 11 : " La fornication et l'ivresse leur ont fait perdre le sens. "
2. II Rois, XI, 14-15 : " Le lendemain matin, David envoya à Joab, par Urie même, une lettre conçue en ces termes : - Placez Urie, dans la bataille, au lieu où le péril sera le plus grand ; et puis abandonnez-le, pour qu'il soit atteint par les ennemis et qu'il périsse. "
3. DANIEL, XIII, 56 : " La beauté vous a séduit et la passion vous a perverti le cœur. "
4. Proverbes, XIII, 5 : " Celui qui est inconsidéré dans ses paroles tombera dans beaucoup de maux. "
5. Sagesse, IV, 42 : " L'inconstance des désirs égare celui-là même qui n’est pas encore perverti. "
6. Psaume LI, 6 : " Tu ne te plais, langue perfide, qu'à semer la désolation et la mort. "
7. II Timothée, III, 1-4 : " Sachez que dans les derniers jours il viendra des temps fâcheux : - il y aura des hommes amoureux d'eux-mêmes, avares, etc., - intempérants, - et amis de la volupté plus que de Dieu. "
8. Psaume XX, 9-12 : " Que votre main s'appesantisse sur tous vos ennemis : que votre droite atteigne tous ceux qui vous haïssent. - Au jour de la vengeance, vous les livrerez à un feu dévorant ; l’Eternel, dans son courroux, les engloutira : ils seront la proie des flammes. - Vous ferez disparaître leurs rejetons de dessus la terre, et leur postérité d'entre les enfants des hommes,
- parce qu'ils ont formé des complots contre vous, etc. "
9. JACQUES, IV, 4 : " Ne savez-vous pas que l'amour de ce monde est une inimitié contre Dieu, et que par conséquent quiconque veut être ami de ce monde se rend ennemi de Dieu ? "
10. Ephésiens, IV, 19 : " Ayant renoncé à toute espérance de salut, ils s'abandonnent à la dissolution, et se plongent avec une ardeur insatiable dans toutes sortes d'impuretés. "
11. I Rois, XI, 1-5, 7 : " Cependant le roi Salomon se passionna pour plusieurs femmes étrangères pour la fille de Pharaon, etc. - Salomon conçut donc pour elles une passion très ardente. - Il eut sept cents femmes qui étaient comme des reines, et trois cents qui étaient comme ses concubines ; et ces femmes pervertirent son cœur. - Il était déjà vieux, lorsque ces femmes lui corrompirent le cœur pour lui faire suivre des dieux étrangers ;
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son cœur n'était point parfait devant le Seigneur son Dieu, comme avait été le cœur de David son père. Mais Salomon servait Astarthé, déesse des Sidoniens, Chamos, dieu des Moabites, et Moloch, l'idole des Ammonites. - En ce même temps, Salomon bâtit un temple à Chamos, idole des Moabites, sur la montagne qui était vis-à-vis de Jérusalem et à Moloch, idole des enfants d'Ammon, etc. "
12. Ecclésiastique, XIX, 2-3 : " Le vin et les femmes font tomber les sages mêmes et jettent dans l'opprobre les hommes sensés. - Celui qui s'attache aux prostituées perdra toute honte : il sera la pâture des teignes et des vers ; il deviendra un grand exemple, et son âme sera retranchée du nombre des vivants. "
13. I Corinthiens, VI ; Ephésiens, V ; Hébreux, XIII (voir ces textes dans le corps de la réponse).
14. I Corinthiens, VI, 9-10 : " Ne vous y trompez pas : ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, - ni les impudiques, ni les abominables, etc., ne seront héritiers du royaume de Dieu. "
13. Ephésiens, V, 8 : " Car sachez que nul fornicateur, nul impudique, nul avare, autre espèce d'idolâtres, ne sera héritier du royaume de Jésus-Christ notre Dieu. "
16. Galates, V, 19-21 : " Or, il est aisé de connaître les œuvres de la chair, qui sont la fornication, l'impureté, l'impudicité, la dissolution, etc. - Sur quoi je vous déclare, comme je vous l'ai déjà dit, que ceux qui commettent ces crimes ne seront point héritiers du royaume de Dieu. "
17. Apocalypse, XXI, 8 : " Mais pour ce qui est
des lâches apostats et des incrédules, des exécrables
et des homicides, des fornicateurs et des empoisonneurs, des idolâtres
et de tous les menteurs, leur partage sera l'étang brûlant
de feu et de soufre, qui est la seconde mort. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. PROSPER (Ainsi que nous l'avons observé, l'ouvrage cité ici est plutôt de
Julien Pomère), Lib. III de vitâ contemplativâ, c. 6 : " La plupart des hommes sont portés à la luxure par l'excès des viandes et du vin ; d'autres sont entraînés dans l'impudicité par le consentement qu'ils donnent aux mauvaises pensées ; quelques-uns, pour manquer à l'engagement qu'ils ont pris de vivre dans la chasteté, n'attendent, pour ainsi dire, que l'occasion de le faire ; d'autres
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encore, en se mettant sous le joug du péché impur, ne font autre chose que suivre les exemples qu'ils ont sous les yeux. D'autres enfin sont excités à l'impureté par les paroles déshonnêtes qu'ils entendent, s'ils ne montrent eux-mêmes l'impureté de leur cœur par celles qu'ils prononcent : ils commencent par s'échapper à dire des paroles trop libres ou par y prêter l'oreille ; peu à peu le mal s'augmente, et perdant le peu de pudeur qui leur restait, ils font consister leur savoir-vivre à violer les lois de la modestie, et à tenir sans honte des propos orduriers. Car chacun parle volontiers de ce qu'il aime, et écoute avec plaisir ce qui fait l'objet habituel de ses pensées. . . . . Les propos qu'ils tiennent sur les femmes alimentent leurs mauvais désirs. Et d'un autre côté, ce sont ces désirs mêmes qui font qu'ils tiennent volontiers ces propos ou qu'ils les écoutent. Car jamais ils ne se permettraient de telles conversations, si leurs désirs n'étaient d'avance corrompus ; et ce sont moins les mauvais discours qui les corrompent, qu'ils ne servent à montrer la corruption de leur cœur. Et pour qu'on ne m'accuse pas de me livrer ici à une critique atrabilaire, qu'on sache que si les anciens interdisaient à la jeunesse la lecture de la Genèse, d'une partie des prophéties d'Ezéchiel (Voir sur ce sujet le commentaire du saint Jérôme sur Ezéchiel, liv. I), du Cantique des cantiques, et d'autres livres semblables, c'est parce qu'il y est question de génération, comme de certains actes et de certaines femmes dont les noms seuls présentent du danger. Et cependant ces noms mêmes, en même temps qu'ils sont historiques, peuvent nous figurer des vertus ; car comme plusieurs parmi elles plaisaient à leurs maris par la pureté de leur vie, et aux étrangers par la beauté de leurs formes sans que leur pudeur en souffrit d'atteinte, ainsi la vertu rend ceux qui la pratiquent l'objet de l'admiration de tous, et même de ceux qui y sont le plus étrangers. De là vient que les gens même les plus vicieux préfèrent dans leur estime la vertu au vice : car autre est la maladie de leur volonté, autre est le jugement, de leur conscience. Mais de crainte que, dans un âge où la chair a tant d'empire, on ne prît dans un sens charnel des choses qui ont besoin d'être entendues spirituellement, sans se mettre en peine de penser aux vertus que ces femmes figuraient, et qu'on n'y trouvât ainsi une occasion de ruine, il a été prudent d'interdire à la jeunesse ces lectures qui, prises dans un sens charnel, peuvent devenir aussi mortelles à l'âme, qu'elles sont salutaires quand elles sont entendues dans
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leur sens spirituel. On a volontiers à la bouche les noms des objets qui allument des désirs dans le cœur ; et si, retenu par la honte, on ne commet pas extérieurement l'action coupable dont on a la pensée, on peut être innocent aux yeux des hommes, mais on ne l'est plus au jugement de Dieu. "
2. S. ISIDORE, Lib. II de summo bono, c. 39 : " Qu'on n'impute ses chutes qu'à soi-même quand on se laisse vaincre par la volupté, car si un orgueil secret ne s'était premièrement emparé de l'âme, la passion n'aurait pas ensuite exercé ses ravages. Les démons aiment surtout à voir commettre à leurs victimes les péchés de luxure et d'orgueil, et si les autres vices servent à se les rendre favorables, c'est principalement par ces derniers qu'on obtient leur prédilection. C'est surtout au moyen de ces deux vices, je veux dire l'orgueil de l'esprit et la lubricité de la chair, que le démon maintient sa domination sur le genre humain. "
" Celui qui a soin de réprimer la délectation que cause la pensée voluptueuse, n'en vient point à donner son consentement à la volupté. Car celui-là se garde bien de faire le mal, qui ne consent pas même à en nourrir la pensée. Avant que l'adultère se consomme par l'action extérieure, il s'est déjà commis dans l'âme par la pensée. Commencez par bannir la fornication de votre mur, et elle ne se produira pas par des actes réels. De là cette parole du Prophète (Voici comme Sacy traduit ces paroles, qui appartiennent, partie au verset 11, et partie au verset 12 : Couvrez-vous de sacs, pleurez vos enfants. La traduction littérale me paraît impossible en français) : Accingite lumbos vestros super ubera vestra (Is., XXXII, 11), c'est-à-dire, retranchez de votre cœur les passions qui ont leur siège dans les reins. Nam cor sub uberibus est, non in lumbis. La licence de la volupté ne connaît aucunes bornes. Car une fois que le cœur s'est laissé corrompre, et que cédant aux tentations de la chair il s'est abandonne à la fornication, il en vient aisément sous l'impulsion du démon à commettre également tout autre crime ; et après avoir dépassé les bornes de la pudeur, il fait succéder les crimes aux autres, et finit par donner dans les derniers excès. Les voluptés charnelles ont moins d’attrait pour celui qui s'y abandonne une première fois, qu'après qu'on en a fait l'expérience, et la fornication plaît moins la première fois qu'elle est commise, que lorsqu'on s'en est fait une habitude, et à la fin ses fausses douceurs ôtent presque le pouvoir d'y renoncer à ceux qui les ont tant de fois goûtées. C'est ainsi que l'habitude du péché, quand elle est contractée, pousse
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à le commettre de nouveau par une pente en quelque sorte irrésistible, et que les sens révoltés contre le joug de la loi refusent d'en reconnaître désormais l'empire. Entre les sept autres vices, la fornication est ce qui rend l'homme le plus criminel, parce qu'en souillant sa chair il profane le temple de Dieu, et fait des membres de Jésus-Christ les membres d'une prostituée (I Cor.,
VI, 15). Le genre humain est plus fortement assujetti au pouvoir du démon par le crime de l'impureté que par tout autre vice. Les démons, sachant bien que le don de la chasteté fait la beauté de l'âme, et égale l'homme aux anges, du rang desquels ils sont eux-mêmes déchus pour satisfaire la haine qu'ils nous portent, font entrer la volupté dans nos sens, et par-là dans notre âme, et en nous faisant perdre le goût des choses célestes, nous mettent sous leur empire et nous entraînent avec eux dans l'enfer. Lorsque les démons nous sollicitent à commettre la fornication par l'attrait du plaisir, inspirons-nous de la crainte des jugements de Dieu, représentons-nous l'ardeur des flammes de l'enfer ; car le moyen de surmonter une peine à subir, c'est de présenter pour alternative une peine plus grande. Et de même qu'un clou en chasse un autre, ainsi la pensée du feu éternel doit éteindre l'ardeur de la passion impure. "
3. S. GREGOIRE, Lib. XXXI Moralium, c. 31 (al. 20) : " La luxure est suivie de l'aveuglement de l'âme, de l'irréflexion, de l'inconstance, de la précipitation, de l'amour de soi-même, de la haine de Dieu, de l'attache à ce monde, et de l'aversion pour une autre vie où l'on voit bien qu'on n'a rien à prétendre (Cf. Les Morales de saint Grégoire-le-Grand, t. IV, p. 459). "
4. S. JEROME, in caput IV Osæa : " La fornication, le vin et l'ivresse ôtent l'intelligence : car de même que l'ivresse fait que l'homme qui y tombe n'est plus maître de soi-même, ainsi la fornication ou la volupté trouble la raison, affaiblit l'esprit, et rend l'homme semblable aux brutes, en lui faisant fréquenter sans honte les lieux de prostitution les plus infâmes. "
5. S. AMBROISE, Lib. I de Caïn et Abel, c. 5 : " L'ivresse est un foyer d'impureté par les vapeurs qu'elle soulève dans les entrailles, et par le feu qu'elle y allume. L'impureté pousse tous les crimes, en ne permettant pas à l'âme d'être un instant en repos. Elle l'agite la nuit, elle la tourmente le jour ; elle coupe le sommeil, elle rend inhabile aux affaires, elle trouble la raison, elle ôte la réflexion, elle jette l'inquiétude dans l'esprit, elle cause
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à ceux qui sont déjà tombés de nouvelles chutes, elle tend ses pièges à la chasteté, elle allume ses feux dans les cœurs qui auparavant lui étaient le plus étrangers, et plus on lui cède, plus elle devient impérieuse. Elle fait succéder les péchés aux péchés, les crimes aux crimes, et ne s'éteint qu'à la mort de l'objet qui l'enflamme. C'est pourquoi l'Apôtre nous dit : Fuyez la fornication (I Cor., VI, 18), afin que par une prompte fuite nous puissions nous soustraire aux exigences de cette terrible maîtresse, et nous affranchir de son honteux esclavage. "
Le même, de Noe et arcâ, c. 9 : " Rien n'asservit l'homme aussi misérablement que la volupté et autres passions semblables, qui mettent l'âme comme sous le joug des crimes les plus énormes, en sorte qu'ayant perdu la liberté de l'innocence, on ne peut plus se relever de son abjection. "
6. S. CHRYSOSTOME, Hom. XVIII in Epist. I ad Corinthios, c. 5 (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, tome X, page 154, édition de Montfaucon ; page 180, édit. Gaume) : " Vous êtes, nous dit l'Apôtre, les membres de Jésus-Christ ; vous êtes le temple de l'Esprit-Saint : ne vous faites donc pas les membres d'une prostituée, car ce n'est pas pour lors à votre propre corps que vous faites outrage, mais au corps de Jésus-Christ. En parlant ainsi, l'Apôtre nous fait voir quelle est la bonté du Sauveur de faire de notre corps le sien, et nous engage en même temps à nous soustraire à un funeste esclavage. Car si votre corps ne vous appartient pas, vous n'avez pas le droit de le déshonorer ; bien moins encore, s'il appartient à Jésus-Christ, et s'il est le temple de l'Esprit-Saint, pouvez-vous avoir le droit de le profaner ? Eh quoi ! Si vous envahissiez la maison d'un particulier pour y faire des choses inconvenantes, vous mériteriez les plus sévères châtiments : voyez donc de quels supplices vous vous rendriez digne, en faisant du temple de votre roi le repaire d'un brigand. Pénétré de ces vérités, révérez celui qui habite en vous : c'est l'Esprit-Saint lui-même ; respectez celui avec qui vous avez contracté une union si intime, et qui n'est autre que Jésus-Christ. "
7. S. AUGUSTIN, Lib. de decem chordis, c. 10 : " Gardez-vous bien de vous dire à vous-même, quand vous voulez commettre quelque action impure ; je ne suis marié à personne, je fais ce que je veux, puisqu'en cela je ne manque à personne de fidélité. Vous savez à quel prix vous avez été acheté ; vous savez ce que
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vous mangez ; ce que vous buvez, ou pour mieux dire, quel est celui que vous mangez et que vous buvez. Ne commettez pas la fornication. Ne me dites pas : C'est dans une maison publique que je fais cela ; c'est une prostituée, une courtisane que je fréquente, et je ne viole pas en cela le précepte qui défend l'adultère, puisque je ne suis pas marié, et qu'ainsi je ne fais injure à personne. Je ne viole pas davantage cet autre précepte qui nous défend de désirer la femme d'autrui. C'est une fille publique que je vais voir ; quelle est la loi qui me défende de le faire ? "
" Ainsi donc la créature vous est plus chère que votre Créateur ? En quoi, dites-vous, fais-je outrage à Dieu ? En vous corrompant vous-même. Eh ! comment se fait-il qu'en me corrompant moi-même, je fasse outrage à Dieu ? Comme on vous ferait outrage, à vous, en voulant lapider votre portrait, encore bien que ce portrait ne se trouve suspendu au mur de votre maison que pour satisfaire en vous un vain amour-propre, et qu'il soit privé de la faculté de sentir, de voir et d'entendre. Et pourtant, si quelqu'un lapidait ce portrait inanimé, ne penseriez-vous pas que ce serait à vous-même qu'il ferait injure ? Au contraire, lorsque vous souillez en vous l'image de Dieu qui est vous-même en vous permettant des fornications et d'autres actes impudiques, vous vous justifiez en disant que vous n'avez pas violé la femme d'un autre, que vous n'avez pas manqué de fidélité à une épouse et vous ne considérez pas quel est celui dont vous avez déshonoré l'image par ces sales actions ! . . . "
" Le Seigneur du monde exige de votre obéissance que vous ne détruisiez pas son temple, qui est vous-même, en vous abandonnant à des voluptés criminelles. Ces paroles sont-elles de moi ? Ecoutez l'Apôtre : Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu'un viole le temple de Dieu, Dieu le perdra. Voyez-vous de quoi il vous menace ? Vous ne permettriez pas que votre maison fût violée, pourquoi violez-vous le temple de Dieu ? "
8. Le même, Serm. XVI de verbis Domini, c. 10 : " Voyez maintenant ce que vous faites du temple de Dieu. Si vous commettiez de propos délibéré un adultère dans l'enceinte d'une église, quel crime surpasserait le votre ? Or, vous êtes vous-même le temple de Dieu. Vous êtes son temple quand vous entrez, vous êtes son temple quand vous sortez ; vous emportez son temple avec vous quand vous vous en retournez dans votre maison ; vous le rapportez avec vous, lorsque vous revenez de
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votre maison à l’Eglise. Prenez garde à ce que vous faites ; prenez garde d'offenser celui qui habite ce temple, de peur qu'il ne vous abandonne, et que vous ne tombiez en ruine. Ne savez-vous pas, vous dit l'Apôtre (et c'est de la fornication qu'il parle ici, afin que vous ne regardiez pas comme rien les péchés dont le corps est l'instrument), ne savez-vous pas que vos corps sont le temple de l’Esprit-Saint qui habite en vous et que vous avez reçu de Dieu, et qu'ainsi vous ne vous appartenez pas à vous-mêmes ? Car vous avez été achetés à un grand prix. Si vous traitez votre corps sans respect, considérez à quel prix vous avez été évalué. "
9. S. JEROME, in caput V Epistolæ ad Ephesios, sur ces paroles, fornicatio autem et omnis immunditia, etc. : " S'il n'avait existé un philosophe cynique pour enseigner que toute volupté charnelle, toute impureté corporelle, quelle qu'en soit la cause ou l'occasion, est permise quand elle peut se faire, et si plusieurs sages de ce siècle n'avaient également adopté cette pudibonde et monstrueuse doctrine, jamais le saint Apôtre écrivant aux Ephésiens n'aurait, en parlant de la fornication, parlé aussi de toute autre espèce d'impureté, et en parlant d'impureté, parlé également de l'avarice, en entendant par ce mot, non le désir immodéré des richesses, mais cette autre sorte d'avarice dont nous avons parlé plus haut sur ces autres paroles de l’Apôtre : Ne supergrediatur, et avarus fraudet in negotio fratrem suum ; parce qu'en effet elle est insatiable, et qu'elle ne recule devant aucune turpitude. Sicut decet sanctos, comme il convient à des saints, ajoute-t-il. Celui-là donc ne saurait être appelé saint, qui, même sans commettre de fornication proprement dite, s'abandonne à quelque impureté, à quelque plaisir honteux. Maintenant, par ce mot, STULTILOQUIUM, paroles folles, je crois qu'il ne faut pas se borner à entendre des paroles dites pour faire rire en racontant des choses honteuses, ou pour plaire davantage en simulant la simplicité. "
10. S. AMBROISE, in caput IV Lucæ : " La volupté est la plus violente et la plus brûlante de toutes les fièvres ; mais lorsque son ardeur est passée, le remords de la conscience se fait sentir, on se repent de ce qu'on a fait, et on rougit de se voir coupable de choses si honteuses. Alors on s'effraie à la pensée de Dieu ; on voudrait se cacher, mais la chose est impossible. Alors on essaie de rejeter sa faute sur la chair et sur le démon en accusant l'une d'être un cloaque de vices, et l'autre d'être l'auteur de tout le mal. Quoi qu'on fasse, le crime est manifeste ; rien n'est caché
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aux yeux de Dieu, et les feuilles du figuier, je veux dire les vêtements dont on se couvre et la contenance qu'on affecte, ne sauraient lui dérober la connaissance des désordres secrets qu'on a commis. On s'inquiète du jugement qu'on aura à subir, et on dit en soi-même : Que ne puissent les montagnes tomber sur moi ! dans quelles fentes de rochers pourrai-je me cacher, lorsqu'il viendra briser la terre (Apoc., VI, 16) ? Alors la chair engendre dans l'âme du coupable des ronces et des épines, c'est-à-dire, des inquiétudes et des chagrins, et cette agitation qui est l'effet inévitable des convoitises de la chair. Car les voluptés corporelles sont comme des clous qui tiennent l'âme attachée à la terre, et qui l'empêchent, à moins d'une grâce particulière de Dieu, de s'élever là-haut, d'où elle est descendue. Ainsi reste-t-elle enchaînée par ses actes mêmes, après qu'elle s'est laissé prendre aux appâts des plaisirs mondains. "
12. S. GREGOIRE, Lib. XVI Moralium, c. 31 (al. 20) : " On peut encore entendre la chair par ce nom de vers (les vers sont toute sa douceur, Job, XXIV, 29) ; d'autant mieux qu'il est dit ensuite : L'homme est pourriture, et le fils de l'homme n'est qu'un vermisseau (ibid., XXV, 6). Et en ce sens, ces paroles : Les vers sont toute sa douceur, témoignent quel est l'aveuglement d'un homme qui s'abandonne aux voluptés. En effet, qu'est-ce que la chair, autre chose que de la pourriture et des vers ? Et ceux que possèdent des désirs sensuels, qu'aiment-ils autre chose que ce qui n'est également que ver et pourriture ? Les sépulcres font assez voir ce que c'est au fond que la chair. Quel père si affectionné, quel ami si fidèle qu'il puisse être, voudrait seulement toucher à l'objet de sa tendresse, devenue la proie d'une fourmilière de vers ? "
" Lors donc que l'on conçoit pour la chair des désirs illégitimes, on doit se représenter quelle elle sera lorsque l'âme en sera sortie, et l'on comprendra ce que c'est véritablement que ce que l'on aime. Car rien n'est plus efficace pour réprimer la rébellion des désirs charnels, que de penser à ce que devient après la mort ce qu'on aime avec tant d'ardeur durant la vie. En réfléchissant en effet sur cette corruption à laquelle la chair est inévitablement sujette, on reconnaît sur-le-champ que concevoir pour la chair des désirs illégitimes, c'est s'attacher à la pourriture. C'est donc avec grande raison qu'il est dit ici de l'impudique que les vers font toute sa douceur, puisque celui qui brûle d'un désir impur pour cette chair corruptible, n'aspire
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par le fait à jouir que de ce qui sera un jour
la proie infecte des vers (Cf. Les Morales de saint Grégoire,
etc., t. II, p. 693-694). "
Question VI
Qu’est ce que l’envie et, quels en sont les principaux effets ?
L'envie est une tristesse qu'on ressent du bien d'autrui, ou le dépit qu'on éprouve du bonheur qui arrive aux autres, soit qu'il s'agisse de nos supérieurs, parce qu'on ne voudrait pas les avoir au-dessus de soi ; soit qu'il s'agisse de nos inférieurs, parce que nous craignons qu'ils ne nous égalent ; ou de nos égaux, parce que nous ne voudrions pas être égalés par eux. Ainsi l'a enseigné saint Augustin. L'envie amène à sa suite la haine, les rapports désavantageux, la détraction, la joie qu'on ressent du malheur des autres, et le chagrin qu'on éprouve au contraire de leur bonheur.
C'est ainsi que nous lisons que Caïn a porté
envie à son frère Abel, et Saül à David son gendre,
qui lui était destiné pour successeur. Ce détestable
vice, outre l'opposition qu'il renferme avec la charité et l'humanité,
rend les hommes semblables aux démons mêmes. Car c'est
par l'envie que nous a portée le diable, que la mort est
entrée dans le monde, et ceux-là l'imitent, qui sont ses
partisans. L'Apôtre a donc bien raison de nous avertir en ces
termes : Ne nous laissons point aller à la vaine gloire, en nous
mortifiant les uns les autres, et nous portant mutuellement envie.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. I Jean, III, 11-12, 15 : " Le précepte qui vous a été annoncé et qui a retenti à vos oreilles dès le commencement, c'est que vous vous aimiez les uns les autres, - n'imitant pas Caïn, qui s'était fait l'enfant du malin esprit, et qui tua son frère.
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Et pourquoi le tua-t-il ? Parce que ses propres œuvres étaient mauvaises, et que celles de son frère étaient conformes à la justice. - Tout homme qui hait son frère est homicide. "
2. Romains, I, 28-30, 32 : " Dieu les a livré à leur sens dépravés, en sorte qu'ils ont fait des actions indignes de l'homme, - remplis de toute sorte d'injustice, etc., envieux, meurtriers, querelleurs, trompeurs, pleins de malignités, semeurs de faux rapports, - calomniateurs, ennemis de Dieu, superbes, etc. - Et quoiqu'ils connussent bien la justice de Dieu, ils n'ont pas compris que ceux qui font ces choses sont dignes de mort : et non-seulement ceux qui les font, mais aussi ceux qui approuvent ceux qui les font. "
3. Proverbes, XVII, 8 : " Celui qui se réjouit de la ruine des autres ne demeurera point impuni. "
4. Ibid., XXIV, 17-18, 21-22 : " Ne vous réjouissez point quand votre ennemi sera tombé, ou, s'il vient à heurter, que votre cœur ne tressaille point de joie ; - de peur que le Seigneur, qui en serait témoin n'en soit indigné, et que sa colère ne se détourne de votre ennemi pour tomber sur vous. - N'ayez point de commerce avec les médisants : - car le malheur s'appesantira tout d'un coup sur eux ; eh ! qui pourra comprendre la profondeur de la plaie qu'ils se seront causée ? "
5. Ecclésiaste, IV, 3-5 : " J'ai considéré tous les travaux des hommes, et j'ai reconnu que leurs projets sont exposés à l'envie : et en cela donc vanité et soins superflus. "
6. Genèse, IV, 3-5 : " Longtemps après, il arriva que Caïn offrit au Seigneur des fruits de la terre. - Abel offrit aussi des premiers-nés de son troupeau, et ce qu'il avait de plus succulent ; et le Seigneur regarda avec complaisance Abel et ses dons. - Mais il ne regarda point de même Caïn, ni ce que celui-ci lui avait offert. C'est pourquoi Caïn entra dans une très-grand colère, et son visage en fut tout abattu, etc. "
7. JUDE (dans son épître canonique), v. 11 : " Malheur à ceux qui suivent la voie de Caïn. "
8. I Rois, XVIII, 7-1 1, 29 : " Les femmes, dans leurs danses et dans leurs chansons, se répondaient l'une à l'autre, en disant : Saül en a tué mille, et David en a tué dix mille. - Cette parole mit Saül dans une grande colère, et lui déplut étrangement. Elles ont adjugé, dit-il, dix mille trophées à David, et à moi mille seulement ; que lui manque-t-il après cela que d'être roi ? - Depuis ce jour-là Saül ne regarda plus David d'un œil amical.
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- Saül ayant sa lance à la main, - la poussa contre David, dans le dessein de le percer d'outre en outre contre la muraille ; mais David se détourna, et évita le coup par deux fois, etc. - Et l'aversion de Saül pour David s'accrut de jour en jour. "
9. Sagesse, II ; Galates, V. (Voir ces textes
dans le corps de la réponse)
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. CYPRIEN, de l'envie et de la jalousie : " Un examen approfondi convaincra le chrétien qu'il n'est pas de fléau contre lequel il doive se prémunir avec plus de précaution que l'envie et la jalousie, s'il ne veut pas qu'en poursuivant son frère de sa haine, il sente le glaive perfide se retourner inopinément contre lui-même. . . Quel fléau, frères bien-aimés, que celui qui a pu faire tomber un ange, précipiter si bas une majesté si haute, et tromper celui qui nous a trompés ! Dès-lors l'envie s'est déchaînée sur la terre ; s'attachant en aveugle à l'instrument de sa perte, l'homme obéit au maître de la perdition, trop docile imitateur de ses exemples, ainsi qu'il est écrit : La mort est entrée dans le monde par l'envie du démon. Ceux qui marchent sous ses étendards sont donc ses imitateurs. "
" Que cette contagion soit facilement contenue dans des limites droites, ou n'apparaisse que sous une seule forme, ne vous l'imaginez pas ; elle se multiplie et se répand au loin. L'envie est la racine de tous les maux, la source des désastres, la pépinière des crimes, la matière de toutes les fautes. De là découle la haine, de là découle l'animosité. C'est l'envie qui allume la cupidité, en montrant cet homme qui ne sait pas se contenter de ce qu'il possède un voisin plus opulent que lui. C'est l'envie qui éveille les fureurs de l'ambitieux, en lui montrant les honneurs et les dignités d'un rival ; c'est l'envie qui, obscurcissant notre intelligence, et régnant en souveraine sur notre cœur, y anéantit la crainte de Dieu, nous inspire l'indifférence et le mépris pour les enseignements de Jésus-Christ et nous dérobe la pensée du jugement dernier. Par elle l'orgueil s'enfle, la cruauté s'emporte, l'infidélité prévarique, l'impatience se débat, la discorde se déchaîne, la colère bouillonne. Une fois asservi à cette domination étrangère, plus de frein qui contienne, plus de gouvernail qui dirige ! On brise le lien de la paix du Seigneur ; on viole tous les devoirs de la charité fraternelle ; on corrompt la vérité par un mélange adultère ; on déchire l'unité ; on s'emporte jusqu'au
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schisme et à l'hérésie en décriant les prêtres, en portant envie aux évêques, en se plaignant de n'avoir pas été élu de préférence à eux, ou bien en refusant d'obéir à un chef. . . Ne pouvant s'arracher aux étreintes de la jalousie, on est toujours haletant, et comme enfermé, le jour et la nuit, dans un cercle d'angoisses. Les autres passions du moins ont un terme, et sont apaisées par la consommation du crime. . . Le meurtre commis, le meurtrier s'arrête ; la possession du butin convoité suffit à la rapacité du brigand. L'envie seule ne connaît point de bornes, fléau indestructible, péché immortel. . . "
" Infortuné que déchire l'aiguillon de la jalousie, à toi de voir jusqu'à quel point tu peux nuire à ton ennemi et lui devenir redoutable ; mais tu es à toi-même un bourreau mille fois plus cruel. Quel que soit l'objet de ta haine, il pourra se dérober à tes pièges et à tes attaques. Pour toi, jamais tu ne saurais te fuir ; va où il te plaira, tu portes ton ennemi avec toi-même ; il s'agite au fond de ton cœur ; tu nourris au-dedans de toi un germe de mort ; tu te garrottes de liens inextricables. Esclave d'un pouvoir qui t'a subjugué, rien ne pourra briser les fers de ta servitude.
Encore un coup, poursuivre de son animosité le serviteur que Dieu prend sous sa protection, haïr le prochain parce qu'il est heureux, mal toujours vivant ! calamité sans remède ! "
" Voilà pourquoi, mes bien-aimés, le Sauveur, pour nous prémunir contre ce péril et empêcher que la malveillance, jalouse des heureux succès du prochain, ne précipitât l'homme dans les filets de la mort, répondit à ses disciples qui lui demandaient qui était le plus grand parmi eux, que celui d'entre eux qui aurait été le plus petit serait le plus grand (LUC, IX, 48). Par-là il coupait jusque dans sa racine et détruisait tout sujet de rivalité, de dissension et d'envie. Ces passions honteuses sont interdites au disciple de Jésus-Christ ; à quoi lui serviraient les disputes au sujet de la prééminence ? Il sait par quelle voie il réussit à plaire ; c'est par les abaissements de l'humilité qu'il s'élève au faite de la gloire. D'ailleurs, l'apôtre Paul, exhortant ceux qui, éclairés des lumières de la foi, sont sortis des ténèbres de la nuit de ce siècle, à marcher constamment dans les œuvres de lumière, leur donne cet avertissement (Rom., XIII, 12) : La nuit est déjà avancée, et le jour approche ; quittons donc les œuvres de ténèbres et revêtons-nous des armes de lumière. Conduisons-nous avec décence comme on tient à le faire en plein jour, au lieu de nous perdre dans la débauche et les festins, dans les impudicités et les dissolutions, dans les querelles
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et les jalousies. Si les ténèbres se sont retirées de votre esprit, si la nuit et ses vapeurs grossières se sont dissipées, si enfin un jour pur a réjoui vos sens, si vous avez commencé d'être un enfant de lumière, accomplissez les œuvres de Jésus-Christ, parce que Jésus-Christ est notre jour, notre lumière. Pourquoi vous précipiter dans les ténèbres de l'envie ? Pourquoi retourner au démon auquel vous aviez renoncé ? Pourquoi enfin devenir un autre Caïn ? "
2. S. BASILE, Homélie sur l'envie (c'est la 11e de ses homélies sur divers sujets) : " Point de passion plus pernicieuse que l'envie. Elle nuit moins encore à ceux qu'elle attaque qu'à celui qui l'éprouve et qui trouve en elle son bourreau domestique. L'envie mine et consume ceux dont elle s'empare, comme la rouille ronge le fer. On dit que les vipères ne sortent du ventre de leur mère qu'en le déchirant (Il est aussi parlé dans l'Hexaemeron, ou ouvrage des six jours (par le même Père) de ce fait des vipères qui est reconnu pour faux par les naturalistes. Note de l'abbé Auger) ; c'est ainsi que l'envie dévore l'âme qui lui donne entrée. L'envie est une douleur que l'on conçoit de la prospérité d'autrui. Voilà pourquoi l'envieux n'est jamais sans tristesse, ni sans une secrète amertume. Le champ du voisin promet une abondante récolte ; sa maison est pleine de biens ; tout lui réussit à souhait ; ses jours paraissent tissus de fleurs : autant d'aspects qui désolent l'envieux et sont pour lui des sources de chagrin ; autant de traits qui viennent à la fois percer ce malheureux cœur que tout blesse, que tout afflige. Celui-ci se fait remarquer par la force du corps, par la souplesse de ses membres : l'envieux s'en afflige. Celui-là présente des formes plus aimables : autre sujet de peine. Tel se distingue de la foule par les qualités de son esprit ; tel autre acquiert de la considération par la sagesse de sa conduite et son éloquence ; on le cite comme modèle ; ou bien, on vantera ses richesses, le noble usage qu'il fait de son opulence s'épanchant libéralement dans le sein des pauvres ; son nom retentit en tous lieux avec le récit de ses bienfaits : tout cela, pointes déchirantes qui s'enfoncent profondément dans l'âme de l'envieux. "
" Est-il une passion plus dangereuse que celle dont nous parlons ? C'est le poison de la vie, le fléau de la nature, l'ennemi de Dieu et de ses grâces. N'est-ce pas l'envie qui a poussé le démon à déclarer la guerre à l'homme, guerre par laquelle il s'est attaqué à Dieu même ? Ne pouvant souffrir les grands avantages
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dont Dieu avait comblé l'homme, il s'est tourné contre l'homme, parce qu'il ne pouvait se venger de Dieu. Caïn a suivi la même conduite : c'est le premier disciple du démon, de qui il a appris l'envie et le meurtre, ces deux attentats dont l'un est une suite de l'autre, et que saint Paul réunit en disant : Ces hommes qui ne respirent que l'envie et le meurtre (Rom., I, 29). Qu'a donc fait
Caïn ? S'étant aperçu que Dieu comblait Abel de grâces plus particulières, il en conçut de la jalousie, et pour se venger de l'auteur de ces grâces, il fit périr celui qui en était l'objet. Comme il ne pouvait s'attaquer à Dieu personnellement, il s'en prit à son frère et le tua. Mes frères, fuyons l'envie, ce maître d'impiété, ce père de l'homicide, ce destructeur de la nature, cet ennemi des liens si doux du sang et de la parenté, ce vice le plus absurde et le plus déraisonnable. "
" O homme, pourquoi t'affliger, puisque tu ne souffres aucun mal ? Pourquoi faire la guerre à celui qui possède quelques avantages sans t'avoir causé aucun tort ?. . . "
" Celui-là donc était sage, qui ne permettait pas même de manger avec un envieux (Prov., XXIII, 6), faisant entendre en même temps tout autre commerce par celui de la table qu'il nommait. On a soin d'éloigner du feu les matières inflammables : c'est ainsi que nous devons nous retirer, autant que possible, de toute liaison avec les envieux, et nous mettre hors d'atteinte de leurs traits. Car on ne peut être en butte à l'envie, qu'autant qu'on a avec elle des rapports plus ou moins prochains, selon cette parole de Salomon : La jalousie de l'homme vient de son compagnon (Ecclé., IV. 4). Non, sans doute, le Scythe ne porte pas envie à l’Egyptien, mais à quelqu'un de sa nation ; comme aussi, dans la même nation, ce ne sont pas les inconnus qui causent de la jalousie, mais ceux-là seulement avec qui l’on a quelques rapports, par exemple, les voisins, les personnes de la même profession et du même âge, les proches parents, les frères ; et en général, comme la nielle est la maladie propre du blé, ainsi l'envie est le vice qui altère l'amitié. La seule chose qu'on puisse louer dans l'envie, c'est que plus elle est violente, plus elle tourmente celui qu'elle possède. Les traits qu'on lance avec impétuosité sur un corps extrêmement dur, rejaillissent contre celui qui les a poussés : ainsi les mouvements de l'envie, sans nuire à ceux qu'elle attaque, sont des coups portés à l'envieux. Quel est l'homme qui, par sa tristesse, a diminué les avantages de son prochain ? Mais il se déchire lui-même et se consume. . . "
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" Vous n'avez pas horreur d'admettre en vous une passion par laquelle vous deviendrez l'ennemi de ceux qui ne vous ont fait aucun mal, l'ennemi de Dieu même, de la bonté par essence, et qui est incapable d'envie ? "
" Fuyons le plus odieux des vices, ce vice inventé par le démon lui-même, cette semence de l'ennemi, ce venin de l'antique serpent, ce gage d'un supplice éternel, ce titre d'exclusion du royaume céleste, cet obstacle à la piété, ce chemin de l'enfer. Le visage seul de l'envieux décèle le mal intérieur qui le consume. Ses yeux sont desséchés et obscurcis, ses joues pendantes, son sourcil refrogné ; son âme agité et troublé est incapable de discerner la vérité. Il ne sait ni louer une action vertueuse, ni applaudir à une éloquence forte et brillante, ni admirer ce qui est le plus digne de notre admiration. . . "
" Que devons-nous donc faire pour empêcher la passion de l'envie de s'emparer de notre cœur ou pour l'en bannir si elle y était entrée ? Premièrement, nous ne devons pas trop estimer les avantages humains, l'opulence, la gloire, la santé : car notre félicité ne consiste pas dans des biens périssables, mais nous sommes appelés à la possession de biens éternels. Ainsi, il ne faut porter envie, ni au riche pour ses richesses, ni à l'homme puissant pour l'étendue de son autorité, ni aux personnes robustes pour la bonne constitution de leur corps, ni à l'orateur habile pour son éloquence. Ces avantages, qui sont des instruments de la vertu quand on en use comme il faut, ne font pas le bonheur par eux-mêmes. Celui qui en abuse est à plaindre : il ressemble à un homme qui tournerait volontairement contre lui-même une épée qu'il aurait prise pour se défendre de l'ennemi. . . . . "
" Si l'on s'élève par la pensée au-dessus des choses humaines, si l'on n'envisage que ce qui est vraiment beau et louable, on n'aura garde de croire qu'aucun des biens périssables et terrestres soit capable de rendre heureux. Or, un homme qui est tellement disposé que les plus grands avantages du monde ne le touchent pas, ne sera jamais dominé par l'envie. "
" Si vous désirez vivement la gloire, si vous voulez vous distinguer de tout le monde, sans pouvoir même vous contenter de la seconde place (car c'est là une autre source d'envie), détournez votre ardeur, comme on ferait le cours d'un fleuve, vers la possession de la vertu. Ne soyez jaloux, ni d'amasser de grandes richesses, ni d'acquérir la gloire du monde. Ces avantages ne dépendent pas de vous. Soyez juste, sage, prudent, courageux,
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patient dans les disgrâces que vous suscitera votre piété. Par-là, vous vous sauverez vous-même, et vous posséderez une gloire plus solide avec de plus solides biens. La vertu dépend de nous ; nous pouvons être vertueux, si nous voulons nous en donner la peine ; au lieu qu'il n'est pas toujours en notre pouvoir d'être possesseurs d'amples richesses, d'une grande puissance et d'une figure avantageuse (Homélies, etc., de saint Basile, traduites par l'abbé Auger, pag. 76-86). "
3. Le même, homélie sur quelques passages de l'Ecriture (c'est la 21e de ses homélies sur divers sujets) : " L'envie est plus particulièrement que les autres le vice du diable. C'est un mal qu'on ne saurait assez redouter, et qui repousse tout moyen de guérison. Ceux qui ont mal à la tête ou à quelque autre partie de leur corps, peuvent découvrir leur mal au médecin ; mais celui qui est tourmenté de l'envie, que dira-t-il ? Dira-t-il : Le bien qui arrive à mon prochain c'est ce qui cause mon mal ? Cela est en effet bien vrai ; mais tout le monde rougira de l'avouer. Qu'est-ce, dites-moi, qui vous afflige ? Est-ce votre mal à vous, ou le bien qui arrive à autrui ? Certes, votre mal est incurable. Nous apaisons les chiens en leur donnant à manger ; mais l'envieux, au contraire, en l'obligeant par nos bienfaits nous ne faisons que le rendre pire. Car, insensible aux biens qu'il a reçus, il s'attriste de ce qu'il vous voit assez heureux pour pouvoir le soulager dans ses besoins. Prenez donc bien garde de tomber ici dans les pièges du diable. C'est par l'effet de son envie que vous vous trouvez banni du paradis terrestre. Ne l'imitez pas ; n'ayez aucun commerce avec lui. Il est doublement votre ennemi, et pour vous avoir dès le commencement fait perdre le paradis terrestre, et pour vouloir maintenant empêcher votre retour. "
4. S. CHRYSOSTOME, Hom. XLI V au peuple d’Antioche (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, etc., tome VIII, pag. 214-215, édit. de Montfaucon ; pag. 247-248, édit. Gaume. C'est l'homélie XXXVII, al. XXXVI, sur l'Evangile de saint Jean) : " De même qu'il arrive souvent à des fous de tirer l'épée contre eux-mêmes, ainsi les envieux, en ne visant qu’une chose, qui est de nuire à ceux dont ils envient le bonheur, sacrifient à cette passion leurs propres intérêts. Pires que les bêtes féroces qui ne se portent à nous attaquer que lorsque la faim les y force ou que nous les provoquons nous-mêmes, les envieux, au con-
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traire, lorsqu'on leur fait du bien, traitent souvent en ennemis leurs propres bienfaiteurs. Ils sont donc plus intraitables que les animaux les plus féroces, semblables aux démons, ou peut-être même pires que ces derniers. Car si ceux-ci nous font une guerre implacable, au moins ne cherchent-ils pas à se détruire entre eux ; et c'est en faisant une semblable observation que Jésus-Christ ferma la bouche aux juifs, qui l'accusaient de chasser les démons par la vertu de Belzébuth. Mais les envieux ni ne respectent la communauté de nature qu'ils ont avec les autres, ni ne s'épargnent eux-mêmes. Car, avant de nuire aux autres, ils se nuisent à eux-mêmes les premiers, en remplissant leurs âmes, sans que rien les y force, de trouble et de tristesse. Pourquoi, en effet, ô homme, séchez-vous de dépit de voir les avantages dont est favorisé votre prochain ? Affligeons-nous, je le veux, de nos maux ; mais ne nous affligeons pas de la prospérité des autres. C'est pourquoi ce péché ne peut admettre aucune excuse. Le fornicateur peut alléguer l'ardeur de sa passion, le voleur son indigence, le meurtrier la colère dont il est transporté : prétextes frivoles et déraisonnables, je l'avoue, mais enfin prétextes qui peuvent se nommer. Mais vous, quelle cause alléguerez-vous, dites-moi ? Vous ne pouvez en dire aucune, que votre méchanceté seule qui n'a pas de bornes. Car si nous devons aimer nos ennemis mêmes, quel sera donc notre crime de haïr même nos amis ? Et si en aimant ceux que nous aimons, nous ne faisons rien de plus que ce que font les païens, quelle justification pourront trouver ceux qui cherchent à nuire à ceux qui ne leur font aucune injustice ? Ecoutez ce que dit saint Paul : Quand même je livrerais mon corps aux flammes, si je n'ai pas la charité, cela ne me servira de rien (I Cor., XIII, 3). Or, personne qui ne voie que la charité est détruite partout où règne l'envie. Cette passion est pire que la fornication et l’adultère. Car le mal de l'adultère s'arrête à celui qui le commet, au lieu que le fléau de l'envie détruit des Eglises entières, et porte ses ravages dans tout l'univers. L'envie est la mère du meurtre ; car c'est elle qui a porté Caïn à tuer son frère comme elle a armé Esaü contre Jacob, les fils de Jacob contre leur frère Joseph, le démon enfin contre tous les hommes. Vous, vous ne tuez pas, il est vrai, mais vous commettez d'autres excès plus criminels que le meurtre même, faisant des vœux pour que votre frère perde tout crédit, lui tendant de tous cotes des pièges, lui faisant perdre le prix de tous ses travaux endurés pour la vertu. Ce
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n'est donc pas à lui, mais à celui qu'il sert que vous faites la guerre ; c'est celui-là que vous outragez, et dont vous sacrifiez la gloire à la votre propre. Et ce qu'il y a de plus déplorable, c'est que vous regardez ce péché comme léger, tandis qu'il est le pire de tous. Quand même vous pratiqueriez des aumônes, des veilles et des jeûnes vous n'en seriez pas moins chargé de crimes devant Dieu, si vous portez envie à votre frère. En voici une preuve mémorable : Un des fidèles de Corinthe se rendit un jour coupable d'inceste ; mais il n'en fut pas plutôt repris, qu'il se corrigea. Caïn devint jaloux d'Abel, et sa maladie devint incurable, et quoique Dieu l’invita tous les jours à se guérir de cet ulcère, son mal ne fit que s'aigrir, jusqu'à ce qu'il en vint à commettre son fratricide. Ainsi cette dernière passion engendre plus de maux que l'autre dont je viens de parler, et elle est bien difficile à guérir, si l'on n'y apporte une continuelle application. Prenez donc soin d'en extirper jusqu'aux racines, bien persuadé qu'autant nous offensons Dieu en nous affligeant des avantages de nos frères autant nous lui sommes agréables et nous nous rendons dignes de ses récompenses en nous réjouissant de ce qui leur arrive d'heureux. C'est pourquoi saint Paul nous exhorte à nous réjouir avec ceux qui se réjouissent et à pleurer avec ceux qui pleurent (Rom., XII, 15), afin que le mal comme le bien nous soit également profitable. Convaincus en conséquence que, quand même nous n'aurions rien à souffrir personnellement, il nous suffira, pour partager un jour les couronnes de ceux qui auront souffert, d'avoir compati à leurs souffrances, bannissons de nos cœurs tout sentiment d'envie, et affermissons en nous la charité (Ce qui suit paraît appartenir à quelque autre homélie qu'à la dix-huitième des homélies de saint Chrysostôme sur l'Evangile de saint Jean. Je dirai la même chose du passage cité plus bas de l'homélie dite quarante-cinquième au peuple d'Antioche). "
" L'envie est un mal dangereux, et d'autant plus dangereux qu'il se cache sous de belles apparences. Elle a fait fondre sur le monde un déluge de maux. C'est elle qui fait retentir les tribunaux d'une multitude de procès qui alimente l'avarice, l'ambition et la vaine gloire. C'est elle qui met le siège aux villes, qui multiplie les pirates sur toutes les mers, qui remplit le monde de guerres et d'assassinais, qui cause la ruine du genre humain. Quelque mal que vous puissiez nommer, il a l'envie pour racine. L'envie a étendu ses ravages jusque dans nos
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églises, et combien de maux n'a-t-il pas déjà produits ! L'envie engendre l'avarice, sème partout le désordre, et pervertit la justice même. . . . "
" Pleurons donc sur ceux que travaille cette maladie ; car leur sort menace d'être des plus funestes. Celui qui appellerait l'envie la fille du diable, le fruit, ou pour mieux dire, la racine de la vaine gloire, ne serait pas bien loin de la vérité. Car ces deux vices rentrent l'un dans l'autre et s'engendrent mutuellement. "
5. Le même, Hom. XLV au peuple d'Antioche : " Telle est la malice de l'envie qu'elle nuit à celui qui s'y abandonne avant de nuire aux autres, et qu'elle le ronge de la même manière que les vers rongent le bois qui les a engendrés : elle consume son âme par les chagrins qu'elle lui cause, en même temps qu'en dépit d'elle-même elle favorise l'élévation de ceux qu'elle voudrait renverser. Car il ne faut pas s'arrêter à ce que peuvent essuyer d'abord ceux que l'envie choisit pour ses victimes ; il faut considérer aussi leur fin, et on verra alors que la malice des envieux ne sert qu'à procurer à ceux qu'elle poursuit une gloire plus éclatante. Ceux-ci en effet s'attirent le secours de Dieu, et jouissent des faveurs du ciel ; au lieu que les envieux ne pouvant y prétendre, sont exposés à de terribles revers : avant même de succomber à leurs ennemis de dehors, ils sont à demi vaincus par le chagrin qui les consume, et ressemblent à ces malheureux qui, pour apaiser la faim qui les dévore se rongent les mains de leurs propres dents. Pénétré de ces vérités, fuyons un fléau aussi funeste, et faisons tout ce qui dépend de nous pour n'en ressentir jamais les atteintes. Car ce vice est le plus pernicieux de tous, et il causerait plus que tout autre la perte de nos âmes. L'envie a le démon pour auteur, et c'est ce qui a fait dire à un de nos écrivains inspirés, que c'est par l'effet de l'envie du démon que la mort est entrée dans le monde (Sag., II, 24). "
6. S. PROSPER (ou plutôt Julien Pomère), Lib. III de vitâ contemplativâ , c. 8 : " L'envieux, qui fait son tourment du bien qui arrive aux autres, semble n'être poussé par aucune convoitise dans ce que l'envie le porte à faire, mais céder uniquement aux inspirations de l'orgueil. Cependant, si vous approfondissez le mal dont il est tourmenté, vous trouverez qu'il est possédé à la fois, et du désir de perdre celui à qui il porte envie, et du vice de l'orgueil dont il est dominé, et qui le rend inconsolable de voir qu'on
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lui préférer un heureux concurrent. Qui pourra dire combien grand est le crime de l'envieux, à qui sa haine pour ses semblables fait maudire les bienfaits divins dans ceux qu'il en voit favorisés, tandis qu'il devrait les aimer d'autant plus au contraire, qu'ils le méritent davantage par l'excellence de leurs vertus ? L'envieux a, par l'effet d'un juste châtiment, autant de bourreaux, que l'objet de son envie peut avoir de panégyriques. Car celui-ci n'est objet d'envie que par les mérites qu'il possède comme l'envieux n'est atteint de ce qui fait son mal qu'en punition de ses péchés (Siquidem invidiosum facit excellentia meriti, invidum pœna peccati) ; et quel est l'homme qui pourra guérir une maladie invisible comme celle-là, dont le siège est au fond de l'âme ? "
7. Ibidem, c. 6: " Nous ferons voir, s'il plaît à Dieu, comment les mérites des personnes qui vivent saintement deviennent une matière de péchés pour ceux qui leur portent envie, et combien est pernicieux ce vice qui change le bien en mal, en poussant ceux qui en sont atteints, tantôt à refuser de croire le bien qu'on leur dit des autres, tantôt, quand ils se voient dans l'impuissance de le nier, à l'interpréter du moins en mauvaise part. Tout mal, quelque faux qu'il soit, qu'on leur dit des personnes qui font profession de vertu, ils le croient sur-le-champ comme s'ils en avaient été eux-mêmes témoins, et ils se fâchent contre ceux qui entreprennent de leur en démontrer la fausseté. Ils supposent ceux à qui ils portent envie coupables de tous les vices ; s'ils les voient réussir, ils en sont consternés ; ils cachent en eux-mêmes leur haine, la nourrissent en secret pour leur tourment ; mécontents, quand les autres réussissent, ils triomphent quand ils les voient tomber dans quelque faute. Les malheurs des gens de bien font leur joie, comme leurs succès leur douleur la plus amère ; ils se font sans sujet leurs ennemis, et sont dans une crainte continuelle de laisser voir la malice de leur cœur ; toujours dans les soupçons toujours dans la défiance. Amis du démon, ennemis d'eux-mêmes, odieux à tout le monde, ils se chagrinent de ce qui devrait faire leur joie, et se réjouissent de ce qui devrait les affliger : jamais ils ne sont ce qu'ils devraient être. Ils sèment la discorde entre les amis, ou s'il s'est élevé entre ces derniers une discorde passagère, ils font tout ce qu'ils peuvent pour la rendre éternelle. Ils jettent à force de mensonges le discrédit sur les gens
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de bien ; ils louent dans les plus parfaits les défauts qu'ils peuvent leur trouver, pour faire douter de leurs vertus mêmes. Ils feignent des sentiments d'amitié, pour perdre plus sûrement ceux dont ils ont réussi à surprendre la confiance. Tous les jours des soupçons nouveaux viennent nourrir leurs sentiments haineux. Ils font la joie des démons dont ils imitent les actes, autant qu'ils affligent les saints, qui, pénétrant leurs intentions perfides, voient en eux des ennemis à travers leurs démonstrations d'amitié. Pudiques dans leurs paroles, impudiques dans leurs actions ; habitués à violer les secrets, comme à tenir secret le mal qu'ils commettent ; prompts à croire le mal, ils se refusent obstinément à croire le bien. Pleins de corruption, remplis de duplicité, ennemis des vertus, dépravés dans leurs meurs, toujours aux aguets pour abuser de la simplicité de ceux avec qui ils vivent. Ces caractères, et d'autres semblables, suffisent pour faire voir que tous les envieux sans exception sont foncièrement ennemis des gens de bien. Mais ne perdez pas de vue, je vous prie, qu’après avoir trouvé dans le bien qui arrive aux autres un premier châtiment, les envieux seront encore bien plus sévèrement châtiés par le mal qu'ils s'attirent eux-mêmes. Qu'est-ce qui pourra rendre bons ceux que le bien même ne sert qu'à rendre plus mauvais ? ou quel bon usage pourront faire du mal qui leur arrivera, ceux qui ne savent en faire qu'un mauvais du bien qui leur est fait ? L'envieux fait encore un mauvais usage des biens, en ce sens que privé pour lui-même de tous les biens qu'il maudit dans les autres, et abandonné à lui-même, il fera son propre supplice. Et par qui pourra être soulagé celui qui, en se livrant à une basse envie, est à lui-même son bourreau ? En quoi pourra trouver son salut celui qui, par le mauvais usage qu'il fait des biens, trouve sa perte dans ce qui devrait le sauver ? "
8. S. ISIDORE de Séville, De summo bono lib. III, c. 25 : " Le chagrin que cause la vue du bonheur d'autrui est un premier châtiment pour celui qui s'y abandonne. Car la prospérité des gens de bien fait le supplice des envieux. Autant les hommes vicieux triomphent des chutes que peuvent faire les bons, autant ils sont humiliés de les voir rester fidèles et persévérer dans la bonne voie. L'envieux est un suppôt du démon par suite de l'envie duquel la mort est entrée dans le monde. Il en est de même de l'orgueilleux ; il s'inspire du démon, dont il est écrit : Il ne voit rien que de haut et de sublime ; c'est lui qui est le roi de tous les enfants d'orgueil (JOB, XLI, 25). Il n'est point de vertu qui n'ait
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l'envie pour adversaire. Il n'y a que le malheur qui n'excite pas l'envie ; car personne n'est tenté d'envier le sort des malheureux, dont la vue ne peut éveiller en nous d'autre sentiment que celui de la pitié. Beaucoup voudraient imiter les bons, en même temps que les succès de ces derniers les font sécher de chagrin. De là il arrive que leur mal ne se guérit pas, que l'envie leur pervertit au contraire le sens de plus en plus, et que tous leurs efforts conspirent à détourner les bons de la droite voie. Que les bons ne soient pas scandalisés quand ils voient les méchants réussir ; mais qu'ils considèrent surtout à quoi devra aboutir cette prospérité. Les envieux rendent aux vertus qu'ils persécutent le même service que Satan rendit autrefois au saint homme Job. Jaloux de le voir prospérer, il lui suscita d'affreux malheurs. Mais, en croyant le renverser par ce moyen, il ne fit que lui donner occasion d'accroître ses mérites et de fournir dans sa personne le modèle accompli d'une patience invincible. Les envieux cherchent de même quelque endroit attaquable dans la vie des gens de bien pour pouvoir les diffamer et ternir l'éclat de leur vie, comme les Sodomites cherchaient la porte de la maison de Loth, pour jeter de l'opprobre sur la vie de ce juste. Mais frappés d'un subit aveuglement, ils ne touchaient que les murs, sans pouvoir trouver la porte. C'est ainsi que les envieux ne peuvent, en dépit de leur malignité, apercevoir dans les bons que les murs, c'est-à-dire leurs vertus qu'ils dissimulent, et qu'ils cherchent en vain à trouver en eux des vices, qui seraient comme la porte par où ils entreraient pour flétrir leur réputation. "
9. S. AUGUSTIN, Lib. XI de Genesi ad litteram, c. 14 : " Comme l'orgueil est l'amour (désordonné) qu'on a de sa propre excellence, et que l'envie est la haine de la félicité d'autrui, il est aisé de voir ce qui doit en résulter. C'est que celui qui aimera avec passion sa propre excellence portera envie, soit à ses égaux qu'il voudrait voir au-dessous de lui, soit à ses inferieurs qu'il craindra de voir lui être égalés, soit à ses supérieurs, qu'il sera fâché de voir au-dessus de lui. L'orgueil est donc la source de l'envie, et non l'envie celle de l'orgueil. "
10. S. PROSPER, in sententiis ex Augustino decerptis, sententiâ 292 : " Comme l'orgueil est l'amour (désordonné) qu'on a de sa propre excellence, et que l'envie est la haine qu'on porte à la félicité d'autrui, etc. " C'est la répétition mot pour mot du passage tout-à-l'heure cité de saint Augustin.
11. S. GREGOIRE, Lib. XXXI Moralium, c. 31 (al. 20) :
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" L'envie engendre la haine, les médisances secrètes, les détractions publiques, la joie qu'on ressent des disgrâces de son prochain, comme le chagrin qu'on éprouve de sa prospérité (Cf. Les Morales de saint Grégoire, etc., t. IV, p. 459). "
12. S. GREGOIRE de Nysse, in Vitâ Moysi : " L'envie est l'avant-courrière de tous les maux, la mère de la mort, la porte d'entrée du péché, la racine de tous les vices, le principe de nos douleurs, la source des calamités, la cause de la désobéissance de nos premiers parents, l'entremetteuse de l'ignominie jetée sur notre race. C'est l'envie qui nous a expulsés du paradis terrestre ; l'envie qui nous a fait perdre nos droits à goûter des fruits de l'arbre de vie. L'envie, dirai-je encore, est un aiguillon de mort, un poignard caché dans le sein, le fléau de notre nature, une bile empestée, un ulcère volontaire, une flèche acérée, un clou enfoncé dans l'âme, une flamme qui dévore le cœur, un feu qui brûle les intestins. Celui qui s'en laisse dominer est malheureux, bien moins encore de ses propres maux que des biens dont il voit jouir les autres ; ou, s'il est heureux, ce n'est pas de son propre bonheur, mais du malheur d'autrui : car autant la prospérité des autres l'attriste, autant leurs adversités lui causent de joie. On dit que les milans se nourrissent de cadavres, et que les baumes précieux les font mourir, sans doute parce que leur nature a de l'affinité avec les chairs corrompues. C'est ainsi que l'envieux se consume de chagrin quand il voit ses égaux prospérer et qu'au contraire, s'il leur survient quelque malheur, il s'en empare aussitôt pour déchirer leur réputation, pour la mettre en pièces et la livrer en proie à la malignité du public. "
13. S. JEROME, in caput V Epistolæ ad Galatas : " Gardons- nous bien de confondre l'envie avec l'émulation. Car l'émulation peut se prendre en bonne part, lorsqu'elle n'est que l'ardeur dont on s'inspire pour le bien. L'envie au contraire s'afflige de la félicité d'autrui, et elle peut se rencontrer, ou dans celui qui craint de voir les autres l'égaler lui-même, ou dans celui qui s'afflige de se voir lui-même surpassé par les autres. Un contemporain a ingénieusement traduit un vers grec par le distique suivant :
Justius invidiâ nihil est, quæ protinùs ipsum
Auctorem rodit, excruciatque animum.
Rien de plus juste que l'envie, qui fait avant tout le tourment de celui qui la nourrit dans son sein.
" Saint Cyprien a composé aussi un livre excellent intitulé De
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zelo et livore (en voir un extrait, n° 1). Quand on l'aura lu, on restera convaincu que l'envie est une œuvre de la chair. "
14. S. GREGOIRE, Pastoral, 3e partie, 1e (al. 10) conseil : " Faites comprendre aux envieux l'aveuglement de ces hommes que les succès de leur prochain découragent et que l'élévation de leurs semblables jette dans l'abattement. . . Quoi de plus malheureux que de se faire du spectacle de la félicité d'autrui un sujet de tourment et une occasion de perversité ? Tandis que, s'ils aimaient leurs frères, ils jouiraient du bonheur de ceux-ci, comme si c'était le leur propre. Car tous les fidèles sont comme les membres d'un même corps, dont les fonctions à la vérité sont diverses, mais qui, par le lien commun qui les unit, n'en conspirent pas moins à la même unité ; de sorte qu'on peut dire que le pied voit par l'œil, que les yeux marchent par les pieds, que la bouche entend par les oreilles, que les oreilles à leur tour parlent et répondent par la langue, que les mains se nourrissent par l'estomac, et que ce dernier saisit la nourriture par les mains. Ainsi donc, l'ordre que nous admirons dans l'économie du corps humain, doit se faire remarquer de même dans nos actions sociales, et il y aurait de la honte pour nous à ne savoir pas nous imiter nous-mêmes. Les vertus des autres deviennent en quelque sorte notre bien si nous les aimons, quand même nous ne pourrions pas les pratiquer personnellement, et il en est de même pour eux de nos propres vertus. Que les envieux se pénètrent donc bien de l'excellence de la charité, qui nous fait participer aux travaux de nos frères sans même que nous nous donnions la peine d'y coopérer directement. . . "
" Faites savoir aux envieux que, s'ils se laissent dévorer par la jalousie, il ne restera rien de bon en eux ; car il est écrit (Prov, XIV, 30) : Le bon état du cœur vivifie la chair de l'homme tout entier ; l’envie au contraire met la putréfaction jusque dans la moelle de ses os. Car, que signifient la chair et les os, si ce n'est le fort et le faible de nos actions ? "
15. S. AUGUSTIN, Serm. 83 de tempore (Ce prétendu sermon de saint Augustin est, au jugement de Noël-Alexandre, un gâchis (farrago) composé en partie du discours de saint Cyprien de zelo et livore, en partie de la lettre de Pelage à Démétriade, partie du livre de saint Ambroise sur Joseph, c. 5, partie enfin du sermon de saint Augustin sur Suzanne et sur Joseph) : " De même que la rouille ronge le fer, ainsi l'envie ronge et consume l'âme qui en est possédée. Et de même qu'on rapporte au sujet des Vipères,
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que pour éclore elles déchirent le ventre de leur mère, ainsi de sa nature l'envie déchire et tourmente l'âme qui en a conçu le sentiment. Ne peut-on pas encore comparer à la teigne qui s'attache aux vêtements cette fureur de déprécier les dons de Dieu dans ceux qui s'en trouvent favorisés, de jeter un mauvais vernis sur les vertus de ses semblables, de se faire de la gloire d'autrui un sujet de peine et de supplice, et de se donner des bourreaux qui déchirent l'âme comme avec un peigne de fer ? Nul mets n'est assez exquis au goût de l'envieux ; nul breuvage ne peut lui plaire. Sans cesse il soupire, il se plaint, il gémit jour et nuit, son esprit est obsédé de pensée qui ne lui laissent pas de repos. Plus celui à qui il porte envie multiplie ses succès, plus la flamme qui dévore le cœur de l'envieux étend ses ravages : la pâleur est dans ses traits, le tremblement dans ses lèvres, l'agitation dans tous ses membres. Celui que poursuit l'envieux pourra peut-être se dérober à ses morsures ; mais l'envieux ne pourra s'échapper à lui-même. Quelque part qu'il aille, il y portera avec lui son ennemi, son mal renfermé dans son cœur. "
16. S. BERNARD, Serm. XXIV, super Cantica : " Que mon âme ne prenne jamais part aux conseils des envieux ; car Dieu les a en haine, selon cette parole de l'Apôtre : Les détracteurs sont détestés de Dieu (Rom., I, 50). Voyez dans les Psaumes comme Dieu confirme cette sentence : Je poursuivais celui qui médisait en secret de son prochain (Ps. C, 3). Et à cela rien d'étonnant, puisqu'on sait que ce vice, plus encore que tous les autres, est opposé à la charité qui est Dieu, ainsi que vous pouvez vous en convaincre par vous-même. Quiconque commet la détraction fait voir avant tout qu'il manque de charité ; ensuite, que se propose-t-il par ses détractions, sinon d'inspirer à ceux qui l'écoutent la haine ou le mépris des personnes dont il dit du mal ? La langue médisante blesse donc la charité dans le cœur de tous ceux à qui elle s'adresse ; que dis-je ? autant qu'il est en elle, elle la fait mourir ou l'éteint dans leur cœur, et non-seulement dans le cœur de ceux qui sont présents, mais encore de tous ceux à qui la parole maligne sera rapportée par ceux qui l'auront entendue. Voyez-vous maintenant comment une langue médisante peut sans peine et en quelques instants infecter des milliers d'âmes ? C'est pourquoi le Prophète dit des personnes de cette espèce : Leur bouche est remplie de malédiction et d'amertume ; leurs pieds courent avec vitesse pour répandre le sang (Ps. XIII, 3). Avec autant de vitesse sans doute que peut courir leur parole. Un seul parle,
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et il ne prononce qu'un mot ; et ce simple mot entendu par une multitude, donne en un instant la mort à un égal nombre d'âme. Et en effet, un cœur qui déborde du fiel de l'envie ne peut mettre sur la langue que des paroles amères, suivant cette sentence de Notre-Seigneur, que la bouche parle de l'abondance du cœur (MATTH., XII, 34). Ce mal se produit de plusieurs manières : les uns vomissant le mal qu'ils ont à dire, sans façon et comme il leur vient à la bouche ; les autres cherchant à couvrir d'un voile de retenue affectée la parole maligne qu'ils ne peuvent s'empêcher de répandre. Vous les voyez pousser d'abord quelques soupirs, puis lentement et gravement, d'un air de tristesse, les sourcils renfrognés, d'une voix plaintive, lâcher la médisance qu'ils rendent d'autant plus plausible, qu'ils se donnent l'air de ne le faire que malgré eux, et plutôt pour gémir que pour se réjouir du mal du prochain. J'en suis bien fâché pour lui, dit l'un, car je l'aime bien, et j'ai essayé vainement de le corriger de ce défaut. Un autre de dire : Je savais bien qu'il était sujet à ce vice, et s'il n'avait tenu qu'à moi, personne n'en aurait rien su ; mais puisque la chose est maintenant connue, je ne saurais nier la vérité ; je le dis à contrecœur, la chose est telle qu'on la dit. Et d'ajouter : C'est un grand malheur ; car il a de fort bonnes qualités, mais pour ce point, il faut avouer qu'il est inexcusable (Cf. Sermons de saint Bernard sur le Cantique des cantiques, tome Ier, pag. 274-275). "
17. Le même, Serm. XLIX, in Cantica : " En nous mesurant nous-mêmes à nous-mêmes, nous voyons par notre propre expérience combien est rare cette vertu qui consiste à ne pas porter envie à la vertu d'autrui, à s'en réjouir plutôt, et à s'en réjouir d'autant plus, que l'on considère qu'elle surpasse davantage la sienne propre. . . Et comment puis-je faire des progrès, me demanderez-vous, moi qui porte envie aux progrès de mon frère ? Vous le pourrez en désavouant ces sentiments d'envie que vous pouvez éprouver en y refusant votre consentement. Quelquefois il n'y a que la passion qui ait besoin d'être guérie, sans que l'action même doive être condamnée. Ayez soin seulement de ne pas acquiescer à ce que la passion demande, en méditant l'iniquité dans votre lit, en nourrissant votre mal en vous-même, en vous mettant à la poursuite de l'innocent, en calomniant le bien qu'il fait, en le dépréciant, en le dénaturant, en l'entravant
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de tous vos moyens. Si vous ne consentez à rien de tout cela, le péché qui habite en vous sans qu'alors vous le commettiez vous-même (Rom., VII, 17), ne nuira point à vos progrès, ou aux efforts que vous ferez pour vous élever à un plus haut degré de perfection. Il n'y a donc point de damnation pour celui qui ne fait pas de ses membres des instruments d'iniquité, de sa langue un instrument de détraction, de ses autres organes autant d'instruments de mort ou de ruine ; mais qui gémit en lui-même de se voir ainsi disposé, qui fait l'humble aveu de ce penchant vicieux qu'il trouve comme passé dans sa nature, qui ne cesse de prier et d'agir pour s'en voir enfin délivré, et qui, ne pouvant en venir à bout, en devient plus doux par rapport aux autres, et plus humble par rapport à lui-même. "
18. Le même, Serm. de triplici custodiâ manûs, linguæ et cordis : " Peuvent-ils être vivants devant Dieu, ces détracteurs que Dieu déteste, que la Vie déteste ? La Vie s'enfuit de ceux qu'elle hait, et ceux dont la vie s'enfuit doivent mourir nécessairement. Ne doit-il pas mourir aussi, celui qui avale le poison que lui présente la langue du détracteur, cette mauvaise conseillère qu'il a la faiblesse d'écouter ? En effet, il perd insensiblement par ce moyen la vie de l'amour, et, sans qu'il s'en aperçoive, le sentiment de la charité fraternelle se refroidit en lui. Peut-être encore celui qui aura été l'objet de la détraction en aura-t-il connaissance ; car les paroles ont un vol rapide, et la détraction passant de bouche en bouche, il est difficile que dans ses progrès elle ne parvienne pas jusqu'aux oreilles de celui à qui elle s'attaque particulièrement. En l'apprenant, il se trouvera scandalisé ; il éprouvera un sentiment pénible, et la charité s'éteindra en lui d'autant plus facilement, qu'elle semblait auparavant vivre davantage. Il se dira à lui-même : Si cette malédiction me fût venue de mon ennemi, je l'aurais assurément supportée : car alors celui qui l'entend se tient prudemment sur ses gardes, et celui aussi qui en est l'objet, s'il est sage, veille sur lui-même le premier pour ne pas avaler le poison, le second pour ne pas se laisser troubler. Mais cette langue médisante, en surprenant la simplicité de l'un, en blessant la charité qu'elle doit à l'autre, leur donne à tous les deux la mort en se la donnant à elle-même. Quelle est la vipère dont le venin soit aussi dangereux que celui que distille cette langue, qui d'un seul coup donne la mort à trois victimes ? quelle est la lance ou l'épée qui soit autant à redouter que ce glaive à triple tranchant ? La langue, dit le Palmiste (Ps. LVI, 5), est
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un glaive acéré. Ne craignez pas de dire qu'une pareille langue est plus cruelle que la lance même qui perça le côté de Notre-Seigneur. Car c'est aussi son corps, ou un de ses membres qu'elle perce, et elle perce non un membre inanimé, mais un membre vivant auquel elle donne la mort. Plus malfaisante que les épines mêmes qu'une soldatesque insolente lui mit sur la tête en forme de couronne ; plus mortelle que les clous que les juifs déicides enfoncèrent dans ses pieds et dans ses mains adorables. Car s'il n'avait préféré à son corps de chair ce membre spirituel que déchire actuellement la langue médisante, jamais il ne se serait dévoué pour ce dernier à la mort, et à la mort de la croix. Et nous dirons encore : C'est une parole légère ? Ce que laisse échapper la langue de l'homme, cet organe si faible, si tendre, ne saurait avoir d'importance ? C'est une parole légère, c'est-à-dire qu'elle vole légèrement, mais la blessure qu'elle fait est grave ; son passage est rapide, mais les suites de son passage sont funestes, elle pénètre aisément dans l'âme, mais il n'est pas si aisé de l'en faire sortir ; il ne faut qu'un instant pour la dire, mais il faut plus d'un instant pour l'oublier ; elle vole sans peine, aussi viole-t-elle sans peine la charité. "
19. S. CHRYSOSTOME, Hom. XLI (al. 40) in Matthæum (Cf. Opera sancti Joannis Chrysostomi, t. VII, p. 440-442, édition de Montfaucon ; pag. 496-497, édit. de M. Gaume ; Homélies, etc., de saint Jean Chrysostôme, trad. par l’abbé Auger, t. IV, p. 197-201) : " On peut dire que l'envie est le plus détestable de tous les vices. Car le fornicateur trouve du moins quelque satisfaction dans son crime, et un instant lui suffit pour le commettre ; l'envieux au contraire se punit et se tourmente lui-même avant tous les autres, et son crime est un mal qui ne connaît pas de relâche. Comme le pourceau trouve son plaisir dans la fange, et les démons dans notre perversion, ainsi l'envieux trouve le sien dans ce qui peut affliger ses frères. S'il leur survient quelque mal, c'est alors qu'il respire et jouit du repos : il compte leurs calamités au nombre de ses bonnes fortunes, et leurs avantages au contraire parmi ses plus cruelles disgrâces ; et ce qu'il a en vue, c'est bien moins le bonheur qui peut lui arriver à lui-même, que le malheur qu'il voudrait voir arriver à son prochain. Ne faudrait-il pas lapider et exterminer les envieux comme des chiens enragés, comme des démons malfaisants, comme des furies cruelles (Ce mouvement oratoire aurait besoin d'être adouci, comme la demande que les apôtres firent à leur maître et qui leur attira le reproche suivant de sa bouche divine : Nescitis cujus spiritûs estis) ; ces hommes
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qui, ennemis communs de leurs semblables, se nourrissent des misères d'autrui comme certains insectes se repaissent d'ordures ? Au moins avons-nous compassion des bêtes lors même que nous les égorgeons ; mais vous, quand vous voyez qu'il arrive du bien à votre frère, vous en devenez furieux, vous frémissez de rage et vous pâlissez. Y a-t-il rien de pire qu'une pareille fureur ? Aussi, tandis que les fornicateurs et les publicains ont pu trouver place dans le royaume des cieux, les envieux en ont été bannis, quoiqu'ils en parussent d'abord les héritiers légitimes. Les enfants du royaume, dit l'Evangile (MATTH., VIII, 12), seront jetés dehors. Les premiers, en quittant leurs désordres, ont reçu d'en haut des biens qu'ils n'espéraient pas ; les seconds ont perdu ceux dont ils se trouvaient d'avance en possession. Et cela devait être sans doute, puisque l'envie fait d'un homme un démon et d'un démon quelque chose de pire encore. C'est l'envie qui a causé le premier homicide dans le monde ; c'est l'envie qui a étouffé les sentiments de la nature, qui a souillé la terre d'un sang innocent, et qui plus tard l'a fait s'entrouvrir pour dévorer vivants Coré, Dathan et Abiron, avec tout le peuple que ces factieux avaient entraîné dans leur parti. "
" On dira peut-être qu'il est aisé de parler contre l'envie, mais qu'il faudrait indiquer les moyens de s'en guérir. Comment donc pourrons-nous nous préserver d'un mal si funeste ? Ce sera si nous considérons que, comme il n'est pas permis aux adultères d'entrer dans l'église, il ne le doit pas être non plus aux envieux. . . "
" L'homme le plus dominé par l'envie se croit en assurance, s'il a pratiqué quelque jeûne et fait quelque légère aumône ; il ne croit pas être fort coupable, lorsqu'il s'est abandonné à la plus furieuse et la plus criminelle de toutes les passions. Je vous le demande, qu'est-ce qui a rendu Caïn le meurtrier de son frère, et Esaü le persécuteur du sien ? Qu'est-ce qui a aigri Laban contre Jacob, et les enfants de Jacob contre leur frère Joseph ? qu'est-ce qui a soulevé Coré, Dathan et Abiron contre Moïse ? qu'est-ce qui a fait murmurer contre lui son frère Aaron et sa sœur Marie ? qu'est -ce qui a suscité contre nous le démon lui-même ? "
" Considérez encore, que vous vous nuisez beaucoup plus qu'à celui à qui vous portez envie, et que vous vous percez vous-même de l'épée dont vous voulez le frapper. Quel mal, dites-moi, Caïn a-t-il fait à Abel ? Il ne l'a fait passer que plus vite, quoique contre sa volonté, à une vie bienheureuse ; tandis qu'il s'est plongé lui-
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même dans un gouffre de maux. En quoi Esaü a-t-il nui à Jacob ? Jacob n'est-il pas devenu riche et comblé de toutes sortes de prospérités, au lieu qu'Esaü, après avoir prémédité la perte de son frère, s'est vu réduit à errer en vagabond dans un pays étranger, privé de l'héritage et de la bénédiction paternelle ? quel tort a fait à Joseph cette envie de ses frères qui les avait poussé à tramer même sa mort ? ne se sont-ils pas vus réduits par la famine aux derniers abois, tandis que Joseph régnait sur toute l'Egypte ? Ainsi, plus vous portez envie à votre prochain, plus vous lui procurez d'avantages. Dieu, qui voit tout, prend en main la défense de l'innocent persécuté et se plaît à l'élever et à le combler de gloire, en même temps qu'il vous punit vous-même avec rigueur. "
20. S. GREGOIRE, Lib. V Moralium, c. 35 (al. 24) : " L'envie fait mourir les petits (JOB, V, 2) ; car nous ne portons envie qu'à ceux que nous croyons mieux partagés que nous en quelque point. Celui-là donc est vraiment petit, qui se laisse consumer par l'envie, puisqu'il se rend témoignage à lui-même qu'il est inférieur à celui dont la supériorité le tourmente. C'est pour cela que l'artificieux ennemi du premier homme conspira sa chute par esprit d'envie : c'est que, déchu lui-même de la béatitude, il voyait que l'homme le surpassait par l'avantage de l'immortalité. "
" C'est pour cela aussi que Caïn se porta à commettre un fratricide : il ne pouvait souffrir que Dieu, rejetant le sacrifice qu'il lui offrait, lui préfère son frère en recevant plus favorablement son offrande ; de sorte qu'ayant pris en aversion celui qu'il voyait mieux partagé que lui, il lui arracha la vie, pour ne l'avoir plus sous les yeux. "
" C'est pour cela qu'Esaü en vint à persécuter son frère avec fureur ; c'est qu'ayant perdu la bénédiction qui appartenait à l'aîné et qu'il avait cependant vendue lui-même pour un si vil prix, il gémissait en son cœur de se voir au-dessous de celui qu'il surpassait par le droit primitif de sa naissance. "
" C'est pour cela que les frères de Joseph le vendirent à des marchands Ismaélites : c'est qu'ayant appris le mystère qui lui lavait été révélé, ils voulurent l'empêcher de s'élever au-dessus d'eux-mêmes en s'opposant à sa future grandeur. "
" C'est pour cela que Saül persécuta si cruellement David, jusqu'à vouloir le percer d'une lance qu'il lui darda de sa propre main : c'est qu'il appréhendait que celui qu'il voyait croître de jour en jour par ses hauts faits, ne finit par s'élever au-dessus de lui. "
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" Il est donc vrai de dire que celui qui se laisse consumer d'envie est très-petit, puisque, s'il ne s'estimait lui-même inférieur à son prochain, il ne concevrait aucun chagrin des avantages d'autrui. "
21. Le même, Ibidem, c. 34 (al. 24) : " Mais il faut remarquer ici, qu'encore bien que l'antique ennemi de l'homme nous infiltre son venin par tous les péchés qu'il nous pousse à commettre, c'est particulièrement pour celui-ci que ce serpent infernal épuise en quelque sorte sa malice, en vomissant contre nous de tout l'effort de son gosier le plus mortel de ses poisons. Aussi l'Ecriture dit-elle que la mort est entrée dans le monde par l'effet de l'envie du démon (Sag., II, 24). Et en effet, quand la malignité de ce vice a une fois infecté le cœur, l'extérieur même témoigne avec quelle violence l'âme est agitée. Le teint devient pâle ; les yeux s'enfoncent dans leurs orbites; l'âme est toute en feu ; tandis que les membres sont glacés, on a le cœur possédé de rage, on grince des dents malgré soi, et en même temps que la haine qui se fortifie de plus en plus se cache dans les plus secrets replis de l'âme, cette plaie invisible lui fait sentir l'aiguillon d'une douleur inconnue. "
" En cet état on ne ressent aucune joie du bien qu'on possède soi-même, parce que, tourmenté de la félicité d'autrui, on se trouve obsédé par le chagrin qu'on éprouve ; et plus le prochain fait monter haut l'édifice de son élévation, plus l'envie pousse dans l'âme de celui qui s'en fait l'esclave des racines profondes. De sorte que pendant que les autres font tous les jours de nouveaux progrès, l'envieux tombe de plus bas en plus bas, et sa chute est si funeste, que tout ce qu'il semblait d’ailleurs posséder de bien se trouve enveloppé dans la même ruine. "
" Quand une fois en effet l'envie a infecté une âme, elle consume en elle tout le bien qu'elle y rencontre. C'est ce qui a fait dire à Salomon : Le bon état du cœur est la vie de la chair ; l'âme au contraire est la putréfaction des os (Prov., XIV, 50). Car, que signifie la chair, sinon ce qu'il y a en nous de plus délicat ; et que signifient les os, sinon ce qu'il y a en nous de plus fort ?. . . Que celui donc qui veut se préserver parfaitement du vice de l'envie, n'ait d'ambition que pour posséder un jour cet héritage que ne saurait amoindrir le nombre des cohéritiers ; qui seul suffit pour tous, et que chacun possède en entier ; qui semble même s'étendre à mesure que se multiplie le nombre de ceux qui le reçoivent en partage. . . Mais, comme c'est être petit
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que de désirer les biens de la terre, et que c'est au contraire être grand que de n'avoir d'ambition que pour ceux du ciel, on peut encore entendre assez bien ces paroles, L’envie fait mourir celui qui est petit, en ce sens qu'il ne meurt de cette maladie funeste que ceux qui sont encore faibles et imparfaits dans leurs désirs (Cf. Les Morales de saint Grégoire, etc., t. Ier, p. 526-350). "
22. Le même, Ibidem, lib. XXIX, c. 3 (al. 4) (Cf. Ibidem, t. IV, p. 161) : " Supposons quelqu'un dont le cœur soit rongé d'une envie secrète contre son frère, et qui ne cherche que l'occasion de le supplanter ; de quel corps sera-t-il membre, sinon de celui dont il est écrit : La mort est entrée dans le monde par l'envie du démon (Sag., II, 24) ? "
23. S. AUGUSTIN, Lib. de sanctâ virginitate,
c. 31 : " A la suite de l'orgueil vient l'envie, qu'il engendre naturellement,
et qui lui fait toujours cortège. Ces deux vices, je veux dire l'orgueil
et l'envie, ont le démon pour chef. "
Question VII
Qu’est ce que la gourmandise, et quels vices particuliers entraîne-t-elle à sa suite ?
La gourmandise est un amour déréglé du boire et du manger.
Elle entraîne à sa suite la gaieté folle, le bavardage, la bouffonnerie, la lubricité, l'affaiblissement des sens et l'abrutissement de l'intelligence.
Mais quoi de plus dégradant pour l'homme, que de se ravaler au-dessous des bêtes, qui se bornent à satisfaire leurs besoins naturels ; tandis que le gourmand, en se rendant comme l'esclave de son ventre, de ses appétits gloutons ou de sa passion pour le vin, dissipe sa fortune, ruine sa santé, s'attire des maladies sans nombre, et compromet jusqu'à sa vie ? Car rien de plus vrai que la parole du Sage (Ecclé., XXXVII, 33-34) : L'excès des viandes cause des maladies. . . L'intempérance en a tué plusieurs ; l'homme sobre au contraire prolonge ses jours. C'est pourquoi Notre-Seigneur nous avertit de prendre garde à nous, de peur que nos cœurs ne s'appesantissent par l’excès des viandes et du vin. Saint Paul nous dit à son tour, pour nous détourner de l'ivrognerie (Ephés., V, 18) : Ne vous laissez point aller aux excès du vin, d'où naissent les dissolutions. Et ailleurs (I Cor., VI) : Les ivrognes ne
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possèderont point le royaume de Dieu. C'est pour
cela aussi que le Prophète fait entendre contre les buveurs ces
terribles menaces (Is., V, 22) : Malheur à vous qui êtes puissants
à boire le vin, et vaillants à vous enivrer.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Exode, XXXII, 6 : " Le peuple s'assit pour manger et pour boire, et ils se levèrent ensuite pour danser. "
2. JOB, XXI, 12-13 : " Ils portent des tambours et des pithares, et dansent au son des instruments. - Ils passent leurs jours dans les plaisirs, et en un moment ils descendent dans les enfers. "
3. Proverbes, X, 19 : " Le péché est immanquable lorsqu'on multiplie les paroles. "
4. Ephésiens, V, 3-4 : " Qu'on n'entende pas même parler parmi vous de fornication, ni de quelque impureté que ce soit, ni d'avarice, comme il convient à des saints. - Qu'on n'entende ni paroles déshonnêtes, ni grossières plaisanteries, ni folle gaieté, ce qui ne conviendrait pas à votre vocation ; mais plutôt, qu'on n'entende parmi vous que des paroles d'actions de grâces. "
5. ISAIE, XXVIII, 7-9 : " Eux aussi ont perdu leur raison dans l'ivresse ; étourdis par le vin, ils ne savent où porter leurs pas. Le prêtre et le prophète ont perdu leur raison dans l'ivresse ; noyés dans le vin, ils chancellent perdus d'ivresse ; ils s'égarent dans leurs visions et vacillent dans leurs jugements. - Toutes les tables sont tellement souillées des traces de leurs débauches qu'il ne reste plus de lieu qui ne soit impur. - A qui le Seigneur enseignera-t-il sa loi ? "
6. Ecclésiaste, X, 16-17 : " Malheur à toi, terre dont le roi est un enfant, et dont les princes mangent dès le matin. - Heureuse est la terre dont le roi est d'une famille illustre, et dont les
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princes ne mangent qu'au temps marqué, pour se nourrir plutôt que pour les plaisirs du festin. "
7. Ecclésiastique, XXXVII, 32-34 : " Ne soyez pas avide dans un festin, et ne vous jetez pas sur tous les mets ; - Car l'excès des viandes cause des maladies, et le trop manger donne la colique. - L'intempérance en a tué plusieurs, au lieu que l'homme sobre prolonge ses jours. "
8. Ibidem, XXXI, 19-22 : " Usez comme un homme tempérant de ce qui vous est servi, de peur de tomber dans le mépris en mangeant beaucoup. - Cessez le premier de manger par modestie, et ne vous abandonnez à aucun excès de peur de tomber en faute. - Si vous êtes assis au milieu d'un grand nombre de personnes, ne portez pas la main aux viandes avant les autres, et ne demandez pas le premier à boire. - Un peu de vin n'est-il pas plus que suffisant à un homme réglé ? Vous ne serez de cette manière point agité pendant le sommeil, et vous ne sentirez point de douleur. "
9. Psaume LXXVII, 29-32 : " Aussitôt ils mangent et se rassasient jusqu'à l'excès ; Dieu satisfait leurs désir. Ils n'avaient pas quitté l'objet de leur convoitise, et les viandes étaient encore dans leurs bouches, - que la colère de Dieu s'éleva contre eux ; - elle immola les plus grasses victimes et renversa l'élite d'Israël. - Après tant de prodiges, ils l'offensèrent encore. "
10. Nombres, XI, 33-34 : " Ces viandes étaient encore en leur bouche, et ils n'avaient pas achevé de les manger, que la fureur du Seigneur s'alluma contre ce peuple, et qu'il les frappa d'une très-grande plaie. - C'est pourquoi ce lieu fut appelé les sépulcres de concupiscence, parce qu'on y ensevelit le peuple qui avait désiré de la chair. "
11. Deutéronome, XXXII, 15 : " Ce peuple bien-aimé s'engraissa, et alors il se révolta contre Dieu : appesanti, rassasié, enivré, il a abandonné Dieu son créateur, il s'est éloigné de Dieu auteur de son salut. "
12. Proverbes, XXI, 17 : " Celui qui aime les festins sera dans l'indigence ; celui qui aime le vin et la bonne chère ne s'enrichira point. "
13. LUC, XXI, 34-35 : " Prenez donc garde à vous, de peur que vos cœurs ne s'appesantissent par l'excès des viandes et du vin, et par les inquiétudes de cette vie, et que ce jour ne vienne tout d'un coup vous surprendre ; - car il enveloppera, comme un filet, tous ceux qui habitent sur la surface de la terre. "
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14. Proverbes, XX, 4 : " Le vin est une source de luxure, et l’ivrognerie un principe de désordres, quiconque y met son plaisir ne sera jamais sage. "
15. I Corinthiens, VI, 9-10, 13 : " Ne vous y trompez pas : ni les fornicateurs, - ni les ivrognes, ni les médisants, ni les ravisseurs du bien d'autrui, ne seront héritiers du royaume de Dieu. - Les viandes sont pour le ventre, et le ventre est pour les viandes ; mais un jour Dieu détruira l'une et l'autre de ces deux choses. "
16. Galates, V, 19.21 : " Il est aisé de reconnaître les œuvres de la chair, qui sont la fornication, l'impureté, l'impudicité, etc., - les meurtres, les ivrogneries, les débauches et autres semblables, au sujet desquelles je vous déclare comme je vous l'ai déjà dit, que ceux qui les commettent ne seront point héritiers du royaume de Dieu. "
17. OSEE, IV, 11 : " La fornication et les excès du vin ont fait perdre le sens. "
18. Proverbes, XXXI, 4-5 : " Ne donnez point, ô Lamuel, ne donnez point de vin aux rois, parce que nul secret ne se garde là où règne l'ivresse, - et de peur qu'ils ne boivent et n'oublient la justice, et qu'ils ne blessent l'équité dans la cause des enfants du pauvre. "
19. Ecclésiastique XIX, 2 : " Le vin et les femmes font tomber les sages mêmes, et rendent suspects de folie les hommes sensés. "
20. ISAIE, V, 22 : " Malheur à vous qui êtes puissants, etc. " (Voir ce texte dans le corps de la réponse)
21. Id., XXII, 12-14 : " Alors le Seigneur Dieu des armées appellera son peuple à pleurer et à gémir, à se dépouiller de sa chevelure et à se revêtir de cilices. - Et au lieu de cela, partout je vois régner la joie et les plaisirs ; on égorge des béliers et des génisses, on prodigue le vin et la viande dans les festins : Mangeons et buvons, disent-ils, nous mourrons demain. - C'est pourquoi le Seigneur Dieu des armées m'a fait entendre cette parole : Oui, vous mourrez, et votre iniquité ne sera pas pardonnée. C'est le Seigneur, le Dieu des armées qui a parlé. "
22. Proverbes, XXIII, 20-21, 29-33 : " Ne vous mêlez pas à ceux qui s'enivrent de vin, et qui s'engraissent de viandes : - car ceux qui se livrent au vin et qui ne s'occupent que de banquets, seront chassés de l'héritage de leurs pères et la paresse se verra vêtue de haillons. - A qui dira-t-on malheur ? au père
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de qui dira-t-on malheur ? pour qui les querelles ? pour qui les précipices ? pour qui les blessures reçues sans sujet ? pour qui la rougeur et l'inflammation des yeux ? - N'est-ce pas pour ceux qui passent le temps à boire du vin, et qui mettent leur plaisir à vider les coupes ? - Ne regardez point le vin quand il pétille, quand sa couleur brille dans le verre : il entre agréablement - mais il mord à la fin comme le serpent, et il répand son venin comme le basilic. - Vos yeux regarderont les femmes étrangères, et votre cœur concevra des pensées perverses. - Vous serez comme un homme endormi au milieu de la mer, comme un pilote assoupi qui a perdu le gouvernail. - Et vous direz : Ils m'ont frappé et je ne l'ai point senti : ils m'ont emporté et je ne m'en suis point aperçu. Quand me réveillerai-je pour chercher encore les festins ? "
23. AMOS, VI, 1, 4-6 : " Malheur à vous, qui vivez en Sion dans l'abondance de toutes choses, etc.; - qui dormez sur des lits d'ivoire, et vous étendez mollement sur votre couche ; qui mangez les agneaux les plus délicats et les génisses les plus grasses ; - qui accordez vos voix avec le son de la harpe, et qui croyez imiter David en inventant tous les jours de nouveaux instruments de musique ; - qui buvez le vin à pleines coupes, et vous parfumez d'huiles de senteur les plus précieuses et qui êtes insensibles à l'affliction de Joseph. "
24. LUC, VI, 24-25 : " Malheur à vous, riches,
parce que vous avez votre consolation. - Malheur à vous, qui êtes
rassasié, parce que vous aurez faim. Malheur à vous qui riez
maintenant, parce que vous serez réduit aux pleurs et aux larmes.
"
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. GREGOIRE, Lib. XXX Moralium, c. 27 (al. 13) : " Il faut savoir que le vice de la gourmandise nous tente de cinq différentes manières. Car tantôt elle nous fait devancer le temps du besoin ; tantôt, sans en prévenir le moment, elle nous fait rechercher les mets les plus exquis. D'autres fois, elle nous fait mettre de la recherche dans les apprêts de quelque espèce de mets qu'il s'agisse d’ailleurs. D'autres fois encore, sans manquer par rapport au temps du manger ou à la qualité des mets, elle excède du moins dans leur quantité. Quelquefois enfin, tout en se contentant des viandes les plus communes, elle nous fait pécher davantage par une ardente avidité d'en manger. Pour en venir aux exemples, Jonathas mérite d'être condamné par la bouche de
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son propre père, pour avoir goûté du miel avant le temps marqué. Le peuple d'Israël mourut dans le désert après avoir été délivré de la servitude d'Egypte, parce que, dégoûté de la manne, il avait demandé des viandes à son sens plus exquises. Et la première faute des enfants d'Héli fut la demande qu'ils firent, qu'au lieu de recevoir pour eux, conformément à l'antique usage, des viandes cuites des restes du sacrifice, le ministre du grand-prêtre les prît toutes crues, pour pouvoir les apprêter avec plus de délicatesse. En disant à Jérusalem : L'iniquité de Sodome, ta sœur, a été l'orgueil, l'excès des viandes et l'abondance de toutes choses (EZECH., XVI, 49), le Prophète fait assez entendre que ce qui a perdu cette ville, ça a été de joindre à l'orgueil l'excès du manger. Enfin, Esaü perdit le glorieux avantage du droit d'aînesse pour avoir désiré avec trop d'ardeur un mets de très-vil prix, tel que des lentilles. Car, en préférant un pareil plat à son droit d'aînesse, il ne trahit que trop l'avidité qui le lui fit dévorer. Or, le péché n'est pas dans le mets lui-même mais dans la manière dont on le désire. "
" On peut donc quelquefois manger sans péché les viandes les plus délicates et d'autres fois au contraire on ne peut pas sans péché manger des viandes les plus communes. Car nous venons de voir qu'Esaü perdit son droit d'aînesse pour des lentilles, tandis qu’Elie dans le désert (I Rois., XVII, 6) conserva la vertu de l'Esprit-Saint en mangeant une viande succulente. Aussi notre antique ennemi, sachant bien que ce n'est pas la nourriture, mais le désir de la nourriture, qui peut causer la damnation, tenta le premier Adam en lui présentant, non de la chair, mais un simple fruit, et le second en lui proposant à manger, non de la chair, mais simplement du pain. Il ne faut donc pas s'étonner si ce péché se commet quelquefois sur des aliments très-vil et très-communs. Car Adam n'est pas le seul à qui il a été intimé le précepte de s'interdire le fruit défendu. Toutes les fois que Dieu nous fait connaître que des aliments nous sont contraires, c'est un fruit défendu qu'il nous interdit ; et quand, cédant à notre avidité nous touchons à ces mets que nous savons nous être nuisibles, que faisons-nous autre chose que renouveler la faute du premier homme ? Concluons qu'il ne faut manger qu'autant que l'exige la nécessité de la nature, et non pour satisfaire une avidité sans règle. "
2. S. BERNARD, Lib. de Passione Domini, c. 42 : " Si quelqu'un a la force de pratiquer l'abstinence comme saint Jean,
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c'est-à-dire, de la pratiquer d'intention et d'action en même temps, qu'il ne condamne pas pour cela celui qui la pratique à la manière de notre divin modèle Jésus-Christ, c'est-à-dire, qui l'observe à la rigueur ou la modère selon que l'exigent les circonstances du temps et des personnes, selon que cela peut être utile ou à eux-mêmes ou à leur prochain, sans manquer rien de ce que prescrit la vertu même d'abstinence, ni donner dans le vice de gourmandise qui lui est opposé, vice dans lequel on peut tomber de diverses manières que désigne le vers suivant :
Præproperè, lautè, nimis, ardenter, studiosè
Précipitation, somptuosité, excès, ardeur ou gloutonnerie, attache.
" Præproperè. Ceux-là mangent ou boivent avec précipitation, qui, sans besoin et pour le seul plaisir, n'attendent pas pour le faire que le temps en soit venu. Nous lisons dans les Vies des Pères que plusieurs d'entre eux ont quelquefois devancé le temps ordinaire de se mettre à table, pour obliger les saints hôtes qu'ils recevaient : en se conduisant ainsi par motif de charité ils ne croyaient pas du tout violer la loi du jeûne et quelques-uns même ne craignaient pas de célébrer le saint sacrifice à la suite de cette réfection. Quoiqu'il ne soit pas à propos aujourd'hui de prendre cette conduite comme exemple à suivre, parce que nous sommes trop éloignés de leur perfection de vie, nous n'en sommes pas moins persuadé qu'ils le faisaient sans péché ; car nul doute qu'ils ne s'en fussent abstenus, si l'Esprit-Saint leur avait fait une révélation différente. "
" Lautè. On mange avec somptuosité quand, cédant au seul attrait du plaisir, on se met à la recherche des mets les plus délicats ; quand, non content de la saveur que renferment naturellement les choses dont on se nourrit, telles que la chair des animaux terrestres ou des poissons que Dieu a créés pour notre usage, on leur donne au moyen du sel, du poivre et d'autres épices un goût qui n'est pas naturel et qui excite plus fortement l'appétit, osant ainsi trouver à reprendre dans l'ouvrage du Créateur lui-même, puisqu'on cherche à la nourriture qu'il nous donne un goût différent de celui qu'il y a attaché naturellement. Oh ! comme le chrétien prendrait bien garde de tomber dans cet abus, s'il se rappelait seulement que son Dieu a bien fait tout ce qu'il a fait, et que ses créature étant bonnes en elles-mêmes, il n'y a qu'un mauvais principe qui puisse porter
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en altérer les qualités ! J'ai dit, Quand cédant au seul attrait du plaisir ; car la faute serait légère ou pourrait même être nulle, si l'on usait de mets délicats par motif de santé ou parce que l'organe nutritif aurait besoin de tels apprêts. Pour la confusion de ces hommes qui, comme dit l'Apôtre en gémissant, font leur Dieu de leur ventre, et mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte (Philip., III, 19), de ces ennemis de la croix de Jésus-Christ, de ces imitateurs de ce riche si pauvre et si misérable au milieu de ses richesses, qui se traitait magnifiquement tous les jours (LUC, XVI, 19 et suiv.), non pour raison de santé, mais par plaisir ou caprice, et qui maintenant enseveli dans l'enfer en punition de sa vie sensuelle, ne saurait obtenir une seule goutte d'eau pour rafraîchir sa langue embrasée, cette langue si délicate et à laquelle il fallait des assaisonnements factices et superflus (elle se contenterait aujourd'hui d'une goutte d'eau toute naturelle, mais cette goutte d'eau lui est refusée) ; pour la confusion, dis-je, de ces hommes, je rappellerai volontiers la pensée suivante d'un poète de la gentilité pour que ces chrétiens de nom rougissent de recevoir la leçon d'un homme qui sans l'être valait mieux qu'eux, qui ne savait ni honorer les créatures en vue du Créateur, ni supporter ce qu'il y a de répugnant au goût pour l'amour de Jésus-Christ, dans l'ignorance où il était, et de la passion de ce divin Sauveur et de ce breuvage de vinaigre mêlé de fiel goûté pour nous sur la croix ; voici donc en quels termes un poète païen apostrophait ces hommes sensuels :
Et quæsitorum terrâ pelagoque ciborum
Ambitiosa fames, ô lautæ gloria mensæ,
Discite quàm parvo liceat producere vitam,
Et quantùm natura petat : non erigit ægro
Nobilis ignoto diffusus consule Bacchus.
Non auro gemisque bibunt, sed gulture puro
Vita redit, satis est populis fluviusque ceresque.
LUCAN., lib. IV : " O prodigue débauche, que ne peut satisfaire une table modeste ! faim ambitieuse qui, pour ton caprice, fais fouiller et la terre et les mers! Vaine gloire des somptueux festins ! Apprenez le peu qu'il faut pour prolonger l'existence ; voyez ce que la nature exige. Ce qui réveille ces mourants, ce n'est pas un vin de noble origine, qui ait commencé d'écumer sous un consul inconnu ; ils ne boivent point dans l'or ni dans l'améthyste. C'est dans une onde pure qu'ils retrouvent la vie. L'eau des fleuves et le don de Cérès, voilà tout ce qu'il faut aux peuples. " Cf. Traduction publiée sous la direction de M. Nisard.
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Cela s'accorde assez avec cette sentence si connue et si vraie : Le pain et l’eau, voila ce qu'il faut pour la vie de l'homme (Ecclé., XXIX, 28). Mais les fronts endurcis des gourmands résistent à tout cela ; ni les oracles de Notre-Seigneur Jésus-Christ la Vérité même, ni les déclarations de son apôtre, ni la satyre mordante d'un poète païen ne peuvent les faire rougir, et ils n'en disent pas moins : Nous sommes chrétiens. Ils n'admettent pas cependant cette parole de Jésus-Christ parlant par son Apôtre : Ne cherchez pas à contenter votre sensualité, en satisfaisant à ses désirs (Rom., XIII, 14). De là il arrive souvent que lorsque leurs viandes sont encore dans leur bouche, la colère de Dieu s'élève contre eux (Ps. LXXVII, 30-31), et qu'après avoir passé leurs jours dans le sein de l'abondance, tout-à-coup ils descendent dans l'enfer, ou le ver qui les ronge ne meurt point, et où le feu qui les brûle ne s'éteint point, recevant ainsi des maux sans fin en échange de quelques plaisirs fugitifs. "
" Nimis. Manger trop, tout le monde sait ce que c'est. On mange trop, quand on prend sa nourriture en plus grande quantité qu'il n'en faut pour sustenter sa vie, surtout si on le fait sciemment. Or, il arrive souvent qu'un homme, dans la pensée des travaux qu'il doit avoir à faire, prenne de la nourriture en plus grande quantité que de coutume pour pouvoir résister au travail, et que la crainte de manquer de forces l'oblige à dépasser la mesure ordinaire de ses repas. Je doute qu'il y ait personne qui soit exempt de ce péché. Mais on doit s'en purifier par des confessions fréquentes, entremêlées, sitôt qu'on s'en aperçoit, de pénitences volontaires. Quelle que soit la qualité des mets ou des boissons, le péché existe du moment où l'on en prend au-delà du nécessaire, puisque parmi les péchés de Sodome, le Prophète compte l'excès des viandes (EZECH., XVI, 49), et que dans les tentations que le démon suscita à Notre-Seigneur, il ne lui suggéra autre chose que de changer des pierres en pain, cet esprit infernal sachant trop bien que le pain pouvait être matière de péché dès qu'il était pris avec excès, lui qui perdit nos premiers parents, et par eux toute leur postérité, au moyen d'un seul fruit : quoique après tout on ne se laisse pas aller aussi facilement à excéder la mesure quand il s'agit de mets de vil prix et qui gardent leur saveur naturelle, que lorsque les mets ont été apprêtés avec recherche, et de manière à en changer le goût. "
" Ardenter. Par cette ardeur il faut entendre le trop d'appétit
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avec lequel on mange ou l'on boit, ce qui peut avoir lieu par rapport à toutes sortes d'aliments, n'importe que ce soient des aliments grossier ou des aliments délicats. Nous en trouvons un exemple dans Esaü qui vendit imprudemment son droit d'aînesse pour un mets de vil prix dont le goût lui revenait. Car la Genèse porte qu’Esaü à son retour des champs, ayant vu Jacob son frère occupé à faire cuire des lentilles, s'empressa de lui dire : Donnez-moi de ce mets roux que vous avez fait cuire, parce que je suis extrêmement las (Gen., XXV, 30) ; puis étant convenu avec Jacob de lui céder son droit d'aînesse, il mangea avec voracité ce mets qu'il appelait si fort, et perdit ainsi les privilèges que sa naissance lui avait auparavant assurés. Pourquoi ? Parce qu'il avait désiré ce mets avec trop d'ardeur. Je me meurs, disait-il ; de quoi me servira mon droit d’aînesse (Gen., XXV, 32) ? Il n'est pas douteux qu'il ait mangé avec trop d'ardeur ce qu'il avait désiré de même. Ayez pitié de moi, Seigneur Jésus ; dans votre infinie miséricorde, ayez pitié d'un misérable pécheur qui reconnaît n'avoir pas passé un seul jour sans commettre ce péché et ne permettez pas que je perde par toutes ces infidélités le mérite de la foi qui m'a engendré à votre Eglise. D'un autre côté l’Ecriture nous apprend que les saints prophètes Elie et Jean-Baptiste n'ont jamais mangé de viande, et que par cette austérité de vie ils ont conservé toute l'intégrité de leurs mérites. "
" Studiosè. C'est passer trop de temps à faire ses repas. Je parle ici à des experts, et plût à Dieu que nous n'en eussions jamais acquis, ou n'en fissions jamais l'expérience. Il arrive souvent qu'après avoir pris en fait d'aliments ce qui d'ordinaire pourrait et devrait suffire, il s'élève en nous un désir de prendre quelque chose de plus ; et si nous ne sommes sur nos gardes contre le piège que nous tend le démon, nous nous remettrons à manger comme si nous n'avions encore rien pris, ou comme si nous devions passer après cela plusieurs jours sans rien prendre. Ceux qui reconnaissent en eux-mêmes que c'est là une espèce de gourmandise, peuvent aisément lui résister avec l'aide de Dieu, parce que sa violence ne dure que jusqu'à ce qu'on soit levé de table, et qu'on cesse d'y penser du moment où les mets ont été enlevés de dessous les yeux. Mais il y en a beaucoup qui ne regardent pas cette attache aux plaisirs de la table comme un péché, qui refusent même de croire ceux qui les en avertissent, dans l'habitude où ils sont de ne résister à aucun désir de ce genre, dès-lors que ce désir n'est pas évidemment
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criminel, et de ne s’arrêter en cela que lorsqu'ils sont las d'être à table. Le vrai chrétien mange pour vivre, comme on dit, mais il ne vit pas pour manger, et il n'est pas de ces hommes inutiles et voraces à qui il convient de dire d'eux-mêmes :
Nos numerus sumus, et fruges consumere nati.
Nous ne sommes sur la terre que pour faire nombre, et pour digérer les aliments.
Qu’il n'en soit pas de même du chrétien, mais que, lorsqu'il se lève de table, il lui reste toujours de l'appétit dont il fasse d'un cœur reconnaissant le sacrifice au Seigneur Jésus qui a voulu tant de fois avoir faim et soif pour le salut de nos âmes. "
3. S. GREGOIRE-LEGRAND, Lib. XXXI Moralium, c. 31 (al. 20) : " La gourmandise est suivie des folles joies, des propos bouffons, de l'impureté, du bavardage, de la pesanteur d'esprit par rapport aux choses de spiritualité (Cf. Les Morales de saint Grégoire, t. IV, p. 459). "
4. Le même, Pastoral, livre III, conseil 20 (al. 49) : " Les paroles vaines et inconsidérées, la légèreté dans les actions, et le penchant à la luxure sont les défauts ordinaires des gourmands. Si ceux qui aiment la bonne chère ne parlaient pas si inconsidérément, le mauvais riche, qui a passé toute sa vie dans les festins, n'éprouverait pas une douleur si vive à la langue, et ne dirait point (LUC, XVI, 24) : " Père Abraham, ayez pitié de moi ; envoyez-moi Lazare, afin qu'il trempe dans l'eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue ; car je souffre cruellement dans ces flammes. " Ces paroles prouvent que dans ses repas il avait péché souvent par la langue, lui qui, plongé tout entier dans les flammes, demandait avant tout qu'on rafraîchît cette partie de son corps. L'Ecriture prouve par les paroles suivantes que la légèreté est la compagne ordinaire de la gourmandise : Le peuple s'assit pour boire et pour manger, et se leva ensuite pour se divertir. Enfin la luxure est un vice commun à ceux qui s'adonnent à la bonne chère ; lorsque l'estomac est plein, l'aiguillon de la concupiscence se fait vivement sentir. Dieu dit à cet ennemi rusé qui se servit d'une pomme pour éveiller la concupiscence d'Adam à le faire tomber dans le piège du péché : " Tu ramperas sur la poitrine et sur le ventre (Gen., III, 14) ; " c'est-à-dire, Tu tenteras les hommes par la pensée et par la gourmandise. Un prophète a voulu montrer sous des emblèmes communs que l'incontinence est la compagne ordinaire de la gourmandise, lorsqu'il a dit
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(JEREM., LII, 12 et suiv., juxta LXX) : Le prince des cuisiniers a renversé les murs de Jérusalem. Le prince des cuisiniers, c'est le ventre, pour qui ceux-ci travaillent avec beaucoup de zèle afin qu’il trouve plaisir à se remplir des aliments qu'ils lui préparent. Les murs de Jérusalem sont les vertus de l'âme qui ont pour mobile le désir du ciel, où règne une éternelle paix. Ainsi le prince des cuisiniers renverse les murs de Jérusalem, parce que, au moment où l'estomac est chargé d'aliments, la luxure détruit les vertus de l'âme. . . Il faut donc recommander aux personnes qui aiment la bonne chère de prendre garde, en s'adonnant au plaisir de la table, de se laisser corrompre par la luxure ; de se rappeler combien l'intempérance expose à l'excès des paroles et inspire le goût de la dissipation, et de craindre en un mot, que leur complaisance pour leur ventre ne les fasse tomber dans les pièges des différents vices. On s'éloigne d'autant plus de Jésus-Christ, qui est le second Adam, qu'on imite davantage le premier par son intempérance et sa gourmandise. . . "
" Il faudra représenter aux personnes sobres, qu'elles ne peuvent apporter trop de soin pour s'empêcher, en fuyant la gourmandise, de tomber dans des vices d'autant plus dangereux qu'ils naissent d'une vertu, je veux dire, de la tempérance même, et qu'ils ne se laissent pas aller à l'impatience en mortifiant leur chair. . . "
" Afin donc que l'intempérance dans les uns ne dérange pas leur âme de son assiette naturelle, et que les abstinences des autres ne leur soient pas, par la vanité qu’ils en concevraient, une occasion de chute, que les premiers écoutent ces paroles de l'Ecriture : Prenez garde que vos cœurs ne s'appesantissent par l'excès des viandes et du vin, et par les inquiétudes de cette vie (LUC, XXI, 34) et cette menace qui s'y trouve jointe si à propos pour leur imprimer la terreur : De peur que ce jour ne vienne tout d'un coup vous surprendre ; car il enveloppera comme un filet tous ceux qui habitent sur la terre. Que les seconds aussi fassent réflexion sur ce que leur dit Jésus-Christ : Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche de l'homme qui le rend impur ; mais ce qui le rend impur, c'est ce qui sort de sa bouche (MATTH., XV, 11). Saint Paul dit d'un côté aux intempérants : Les viandes sont pour le ventre, et le ventre est pour les viandes ; mais Dieu un jour détruira l'un et l'autre. Ne vous laissez point aller à la débauche et à l'ivrognerie ; la viande par elle-même ne nous rend pas agréables à Dieu (I Cor., VI, 13). Il dit d'un autre côté aux personnes tempérantes :
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Tout est pur pour ceux qui sont purs, et rien au contraire n'est pur pour ceux qui sont impurs et infidèles (Tite, I, 15). C'est aux intempérants que les paroles suivantes s'adressent : Ils font leur Dieu de leur ventre, et mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte (Philipp., III, 19). C'est aux personnes tempérantes que l'avertissement qui suit est donné : Quelques-uns abandonneront la foi et la vérité ; ils interdiront le mariage, et ils obligeront de s'abstenir des viandes que Dieu a créées pour qu'elles soient reçues avec action de grâce par les fidèles ou ceux qui connaissent la vérité (I Tim, IV, 2). "
" Le même apôtre instruit les intempérants par ces paroles qu'il adressait aux Romains : Il est bon de ne pas manger de chair et de ne pas boire de vin, de ne rien faire en un mot de ce qui peut causer du scandale à votre frère (Rom., XIV, 21). Il donne aux personnes sobres cette autre instruction : Usez d'un peu de vin à cause de la faiblesse de votre estomac et de vos fréquentes maladies (I Tim., V, 25). Les uns apprendront à ne point souhaiter les viandes avec trop d'avidité, les autres, tout en ne voulant pas se le permettre à eux-mêmes, se garderont, bien de condamner ce qui a été créé de Dieu (Cf. Le Pastoral de saint Grégoire, traduit par Ant. Marsilly, pag. 221-223). "
5. S. CHRYSOSTOME, Hom. LVII ad populum Antiochenum : " Où est l'ivresse, là est le démon, là on se répand à dire des paroles déshonnêtes ; où le corps se surcharge d'aliments, là les anges rebelles agitent leurs danses. Telle était la table de ce riche, à qui pour son châtiment une goutte d'eau sera éternellement refusée. "
6. Le même, Hom. XLIV (al. 45) in Joannem : " Rien de pire, rien de plus honteux que la gourmandise. Elle appesantit l'esprit ; elle rend l’âme toute charnelle ; elle répand ses vapeurs nébuleuses dans l'intelligence, et la rend incapable d'un juste discernement (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. VIII, pag. 261, édition de Montfaucon ; pag. 300, édition de M. Gaume). "
7. Le même, Homélie LVIII (al. 57) sur saint Matthieu : " Si vous ne pouvez jeûner, au moins pouvez-vous vous abstenir de vivre dans les délices et cette seconde abstinence est une vertu que je ne distingue guère du jeûne. Elle suffit pour réprimer la pétulance du démon, qui n'aime rien tant que l'intempérance et la bonne chère, parce qu'elle est la source et comme la mère
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des autres vices. C'est par elle qu'autrefois il fit tomber les Juifs dans l'idolâtrie, et qu'il embrasa les Sodomites d'une passion détestable. L'injustice des Sodomites, dit l'Ecriture, est venue de l'intempérance ; ils ont été ce qu'ils étaient, parce qu'ils se sont trop remplis de viandes (EZECH., XVI, 47). C'est par elle enfin qu'il a perdu une infinité de personnes, et les a attirées à sa suite dans les flammes éternelles. Car quel mal ne fait pas l'intempérance puisqu'elle change l'homme en pourceau, et le rend même plus impur que cet animal aux yeux de Dieu ? Le pourceau se contente de se vautrer dans la fange, et de se nourrir d'ordures dégoûtantes ; mais l'intempérance va plus loin. Il se crée à lui-même d'autres plaisirs tout autrement abominables, et se remplit l'esprit d'objets criminels dont il se repaît. "
" J'ose dire même qu'il n'y a point de différence entre un intempérant et un démoniaque. Ils sont tous deux également furieux, tous deux également oublieux des lois de la modestie et de la pudeur, ou si j'y trouve une différence, c'est qu'on plaint le démoniaque, au lieu qu'on n'a que de l'horreur pour le voluptueux. On le hait, on le déteste, parce qu'il se jette lui-même volontairement dans cet état misérable ; parce qu'il se plaît dans son malheur, et qu'il trouve ses délices à faire de sa bouche, de ses yeux, de ses narines et de tous ses sens, des égouts de turpitudes dont une âme honnête ne peut supporter la vue. Que si l'on passe plus avant pour considérer l'état de son âme, on la verra si défigurée, si languissante, et plongée dans une léthargie si mortelle, qu'elle ressemble à un pilote à qui la violence de la tempête ôte la force et la présence d'esprit nécessaire pour gouverner son vaisseau. "
" Je rougis de m'étendre ainsi sur les désordres que l'intempérance a coutume de produire dans les deux sexes : j'en abandonne les détails à la conscience de ceux qui les connaissent mieux que moi. Y a-t-il rien de plus honteux à voir qu'une femme ivre, ou simplement dérangée par l'excès du vin ? Et plus son sexe est fragile, plus le naufrage qu'elle fait lui est funeste, n'importe qu'elle soit libre ou qu'elle soit esclave. Car si elle est de condition libre, elle se dégrade elle-même en paraissant dans cet état aux yeux de ses esclaves ; et si elle est esclave, elle se déshonore également aux yeux de ses compagnes. Et l'une et l'autre sont cause que les dons de Dieu sont blasphémés par ceux dont le jugement se laisse aisément pervertir. "
" Car, j’entends souvent dire à quelques-uns, lorsque ces excès
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se passent sous leurs yeux : " Plût à Dieu qu'il n'y eût pas de vin ! " Quelle sottise ! quelle extravagance ! Parce que des hommes pèchent, vous accusez les dons de Dieu ? Est-il rien de plus déraisonnable ? Est-ce donc le vin, ô hommes, qui a causé ces dérèglements ? Non, ce n'est pas le vin, mais l’intempérance de celui qui en abuse. Dites donc plutôt : Plût à Dieu qu'il n'y eût jamais d'ivresse, qu'il n'y eût jamais d’intempérance. Mais si vous dites : Plût à Dieu qu'il n'y eût pas de vin, vous direz de même bientôt : Plût à Dieu qu'il n'y eût pas de fer, puisqu'il y a des meurtriers ; plût à Dieu qu'il n'y eût pas de nuit, puisqu'il y a des voleurs ; plût à Dieu qu'il n'y eût pas de jour, puisqu’il y a des empoisonneurs ; plût à Dieu qu'il n'y eût pas de femmes, puisqu'il y a des adultères. Et vous en viendrez ainsi à vouloir l'anéantissement du monde entier. "
" Quittez donc ces pensées, dont le démon seul est l'auteur, et ne condamnez pas le vin, mais l'abus qu'on en fait. Quand cette personne qui vous fait horreur sera sortie de son ivresse, représentez-lui avec force la honte dont elle s'est couverte ; et dites-lui : Le vin nous a été donné pour récréer nos forces, mais non pour nous avilir ; pour nous causer de la gaieté, et non pour nous faire répandre des pleurs éternels ; pour entretenir la santé, et non pour engendrer la maladie ; pour remédier à la faiblesse du tempérament, et non pour détruire les forces de l'âme. Dieu vous a honoré de ce don ; pourquoi vous déshonorer vous-même par l'abus que vous en faites ? "
" Ecoutez ce que dit saint Paul : Usez d'un peu de vin à cause de la faiblesse de votre estomac, et de vos fréquentes maladies (I Tim, V, 23). Si ce saint personnage, affaibli par la maladie et sujet à de continuelles infirmités, ne se permit l'usage du vin que par nécessité et pour obéir à l'ordre de l'apôtre, quelles excuses peuvent alléguer ceux qui en prennent avec excès dans un état de santé qui leur en interdirait plutôt l'usage ? Saint Paul disait à Timothée : Usez d'un peu de vin à cause de la faiblesse de votre estomac et de vos fréquentes maladies ; mais il dirait à ces personnes intempérantes : Usez de peu de vin à cause des fornications où l'ivresse vous fait tomber, des propos honteux qu'elle vous fait tenir, et des désirs criminels qu'elle fait naître en vous. "
" Que si cette considération n'est pas assez puissante pour vous rendre sobres, devenez-le du moins par celle des maux qui résultent de l'ivresse. Dieu a donné le vin à l'homme pour remplir son cœur de joie : Le vin, dit le Prophète, réjouit le cœur de
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l’homme (Ps. CIII, 29). Mais vous, vous lui ôtez cet effet, et vous lui en donnez un autre tout contraire. Car quelle joie peut-on goûter à n'être pas maître de soi-même à ressentir mille douleurs, à voir tout tourner autour de soi, à perdre l'usage de ses sens, à éprouver tous les symptômes d'une fièvre violente ? "
" Je ne parle pas ici de tous, mais je parle à tous. Je sais que tous ne sont pas sujets aux excès du vin : Dieu nous garde de ce malheur ! mais je vois avec douleur que ceux qui sont sobres ne s'occupent pas assez de corriger les intempérants. C'est pourquoi je m'adresse plutôt à vous qui avez horreur de ces excès et j'imite les médecins qui ne s'arrêtent point à parler aux malades, mais qui indiquent les remèdes aux personnes qui les assistent. C'est donc vous autres, qui êtes sobres, que je m'adresse en ce moment. Je vous conjure en premier lieu de ne jamais vous livrer à une passion si brutale, et je vous exhorte ensuite à faire tout pour en retirer les autres, et pour les empêcher de se réduire à un état pire que celui des bêtes. Car les bêtes se contentent de ce qui leur suffit pour vivre : elles ne désirent rien de plus. Mais ces personnes sont plus brutales, et ne respectent pas ainsi les bornes de la nature. "
" Je rougis de dire que les chiens et les ânes sont préférables aux personnes dont nous parlons. Ces animaux se contentent de manger et de boire pour leur besoin, et il y a certaines bornes qu'ils ne dépassent point, quelque violence qu'on leur fasse. N'êtes-vous donc pas pires que ces animaux, je ne dis pas seulement aux yeux des gens sobres, mais à vos propres yeux? Ce qui prouve que vous vous jugez vous-même plus déraisonnable que les animaux dont je viens de parler, c'est que vous ne les forcerez pas à se remplir le ventre au-delà de ce qu'il leur faut pour leur besoin (Cf. S. Joannis Chrysost. opera, t. VI, pag. 582-583, édition de Montfaucon ; pag. 655-657, édit. Gaume ; Homélies ou sermons de saint Jean Chrysostôme sur l'Evangile de saint Matthieu, t. II, p. 648-653). "
8. S. IRENEE, adversus Jovinianum, Lib. II, c. VI (al. 5) : " Manger des viandes, boire du vin, avoir le ventre repu d'aliments, c'est là tout une pépinière de voluptés, ce qui a fait dire au Comique :
" Vénus languit sans Bacchus et Cérès. "
Ibidem, c. VII (al. 5) : " Si quelqu'un s'imagine pouvoir jouir de l'abondance des mets et des boissons, et vaquer en
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même temps à la pratique de la sagesse, c’est-à-dire, vivre dans les délices, et n'être point dominé par les vices qui leur font cortège, il se trompe lui-même. Si en effet, lors même que nous nous tenons éloignés de ces plaisirs, nous nous laissons souvent séduire par les objets naturels, et entraîner comme malgré nous à désirer les choses dont nous n'avons pas la possession, comment pourrions-nous, enveloppés déjà dans les rets de la volupté, nous en croire toujours libres ? "
Ibidem, c. VIII, (al. 6) : " Il est impossible que notre corps se soutienne sans les aliments et les saveurs. La raison doit donc intervenir, pour que nous prenions telle nourriture et en telle quantité que le corps n'en soit pas appesanti, que la liberté de l’âme n'en soit point étouffé ; car il faut manger, et se promener, et dormir, et digérer, puis, quand le sang est en pleine activité, soutenir le choc des passions. C'est quelque chose de luxurieux que le vin, quelque chose de tumultueux que l'ivresse ; quiconque y met son plaisir, ne sera point sage (Prov., XX, 1). Gardons-nous de prendre une nourriture de telle qualité, qu'il nous soit difficile de la digérer ou que l'ayant prise, nous en regrettions l'achat aussi bien que la perte. Les herbages, les légumes et les fruits sont d'un plus facile apprêt, et n'ont pas besoin de l'habileté et du dispendieux travail des cuisiniers ; ils entretiennent la vie sans causer d'embarras ; et pris modérément, parce qu'on les mange sans avidité, attendu qu'ils n'ont rien qui irrite l'appétit, ils se cuisent dans l'estomac sans aucune peine. Et en effet, ce n'est pas l'usage indifférent des mets les plus communs qui produit l'obésité, mais bien la diversité des viandes et les plaisirs de la table. Quand les vapeurs qui s'exhalent de tous ces plats ont enivré l'odorat, on s'y trouve comme enchaîné, bien que la faim soit satisfaite ; puis le rassasiement provoquant la maladie, on ne trouve plus à ces excès de bouche d'autres remèdes que le vomissement, et ce qu'on a honteusement englouti, on le rejette plus honteusement encore. Hippocrate enseigne dans ses aphorismes, que les ventres gros et replets, quand ils sont arrivés à leur plus haut degré d'embonpoint, tournent à la paralysie et à d'autres maladies des plus funestes, si l'on ne se hâte d'affaiblir le corps par des saignées et qu'ainsi il est indispensable de les dégorger, pour qu'ils puissent recevoir de nouveau : car, dit-il, il est de la nature des corps de ne jamais rester dans le même état, mais de croître ou de décroître sans cesse, et il n'y a d'êtres vivants que ceux qui sont capables de croître. C'est pourquoi Galien, ce docte
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interprète d'Hippocrate, dit dans son exhortation à la médecine, que les athlètes dont la vie tout entière comme l'état qu'ils mènent est pour ainsi dire de s'engraisser, ne peuvent ni vivre longtemps, ni se porter comme il faut, et que leur esprit, ainsi embourbé dans la graisse et dans le sang comme dans la fange, ne s'élève dans ses pensées à rien de spirituel, à rien de céleste, mais ne rêve que viandes, qu'absorption dans leur estomac et éjection d'aliments. "
9. Le même, in caput X IV Ezechielis : " Il est évident que le vin et les liqueurs font perdre à l'esprit sa lucidité et que nous n'avons plus le plein usage de notre raison, lorsqu'elle est obsédée par les vapeurs du vin. "
10. Le même, in caput V Epist. ad Galatas : " La quatorzième des œuvres de la chair, c'est l'ivrognerie. Car les ivrognes ne posséderont pas le royaume de Dieu (I Cor., VI, 9). Et Notre-Seigneur a dit à ses disciples : Prenez garde que vos cœurs ne s'appesantissent par l’excès des viandes et du vin (LUC, XXI, 34). Le vin jette le trouble dans les sens de l'homme : ses pieds chancellent, sa langue hésite, son cœur s'embrase de désirs impurs. C'est ce qui a fait dire à l'Apôtre, que la luxure naît des excès du vin (Eph., V, 18). Chacun pensera là-dessus ce qu'il voudra ; pour moi, je m'en tiens à la doctrine de l'Apôtre : du vin naît la luxure, comme c'est du vin que naît l'ivresse. Or, que la luxure et l'ivresse soient des œuvres de la chair, c'est ce que ne nieront pas sans doute ceux qui se font les esclaves de ces vices. Et quoique certaines gens trouvent à redire à ce que j'ai écrit en parlant du devoir de garder la virginité, que les vierges doivent éviter l'usage du vin, comme elles éviteraient de prendre du poison (Ad Eustach., Epist. 22), je ne démordrai point de cette manière de voir. Car ce n'est pas le vin lui-même créé de Dieu comme il l'est, mais l'abus du vin que nous avons condamné en cela ; et nous avons voulu ôter aux vierges dont le sang, à l'âge où nous les supposions, bouillonne assez par lui-même la tentation de boire trop par suite de la permission qu'elles se donneraient de boire un peu, et de donner ainsi la mort à leurs âmes. Nous savions bien du reste que c'est le vin qui est consacré dans le sang de Jésus-Christ et que l'usage du vin avait été prescrit à Timothée. Pour ce qui est de l'ivresse, elle peut être occasionnée tantôt par le vin, tantôt par toute autre liqueur ; c'est pourquoi il avait été prédit d'un saint qu'il ne boirait ni vin ni toute autre boisson capable d'enivrer (Luc, I, 13).
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Car tel est le sens du mot latin sicera. Afin donc que personne ne croie qu'il soit permis de s'enivrer pourvu qu'on s'interdise le vin, l'écrivain sacré nous enlève ce prétexte en joignant au vin, dans l'interdiction qui en est ici marquée, toute boisson capable d'enivrer. La quinzième et la dernière des œuvres de la chair, c'est la gourmandise ; car il est écrit : Le peuple s'assit pour manger et pour boire, et ils se levèrent ensuite pour se divertir (I Cor., X, 7). La luxure accompagne toujours l'ivresse. Un orateur de mérite a dit élégamment d'un homme ivre qu'on venait de réveiller : Il ne pouvait se tenir ni en état de sommeil à cause de ceux qui l'entouraient, ni en état de veille à cause de son ivresse. Ce qui revient à peu près à dire que cet homme était dans un état intermédiaire entre la mort et la vie. "
11. S. BASILE, Hom. XIV in luxum et ebrietatem : " L'ivresse est un démon auquel on s'assujettit volontairement, et qui s'introduit dans l'âme par le plaisir. L'ivresse est la mère du vice, l'ennemie de la vertu. Elle désarme le plus brave, exalte le plus modeste, et le jette dans tous les excès. Avec elle il n'est plus de justice, plus de réserve. L'eau éteint le feu ; l'excès du vin étouffe les lumières de la raison. . . "
" O homme, dites-moi, en quoi différez-vous des animaux ? N'est-ce pas par le privilège de la raison, que vous avez reçue de Dieu, et qui vous assujettit toutes les autres créatures ? L'homme en qui l'ivresse éteint le flambeau de l'intelligence se rend semblable aux animaux, et se ravale jusqu'à eux (Ps. XLVIII, 13). Que dis-je ? ne se met-il pas même au-dessous ? Tous les animaux domestiques et sauvages gardent certaines règles dans leurs accouplements ; celui qui étouffe dans le vin les facultés de son âme, et allume dans ses membres un feu qui n'est pas naturel, n'observe ni temps ni mesure dans ses amours, et s'abandonne à toutes sortes de brutalités. Celui qui boit avec excès altère la vigueur de ses sens, et se met encore par-là au-dessous de la bête. Est-il un animal broutant en qui l'ouïe et la vue soient aussi troublées que dans les gens ivres ? Ceux-ci ne connaissent plus leurs amis intimes ; souvent ils confondent des étrangers avec les personnes qui leur sont familières. Ils prennent souvent des ombres pour des ruisseaux ou des précipices ; un bourdonnement qui imite le bruit des flots résonne sans cesse dans leurs oreilles. Ils s'imaginent que la terre s'élève et que les montagnes tournent. Tantôt ils rient avec des éclats qui ne finissent point ; tantôt ils pleurent et se lamentent sans que rien
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puisse les consoler ; tantôt hardis et téméraires, tantôt faibles et timides. . . "
" Ceux que tourmente le démon sont dignes de pitié ; ceux qui boivent outre mesure n'en méritent aucune, quoiqu'ils aient le même malheur, parce qu'ils se sont mis volontairement sous le joug de l'esprit infernal. . . "
" Qui est-ce qui s'attire à lui-même la malédiction de Caïn ? N'est-ce pas celui que le vin fait trembler et chanceler toute sa vie ? "
" Echauffés par l'ivresse, les convives poussent l'extravagance jusqu'à se défier entre eux à qui se montrera le plus insensé en buvant davantage ; le démon est l'arbitre et le juge de ces sortes de combats, où le prix de la victoire est le péché, puisque celui-là obtient l'honneur du triomphe, qui s'est rempli d'une plus grande quantité de vin. Ils mettent vraiment leur gloire dans leur infamie (Phil., III, 19). Vainqueurs et vaincus, tous présentent également le spectacle le plus déplorable. "
" L'ivresse est le tombeau de la raison, la ruine des forces du corps, une vieillesse anticipée, une mort intermittente. Les gens ivres ne sont-ils pas comme les idoles des gentils (Ps. CXIII, 5-6) ? Ils ont des yeux sans voir, des oreilles sans entendre, leurs mains sont comme atteintes de paralysie, leurs pieds sont appesantis et incapables de mouvement (Cf. Homélies, etc., de saint Basile-le-Grand, trad. par l'abbé Auger, p. 163-171). "
12. S. AUGUSTIN, Serm. CCXXXI de tempore : " Quoique l'ivresse soit un mal très-grand et que Dieu déteste, on s'est habitué dans le monde, ceux du moins qui ne veulent pas se mettre en peine de s'instruire de la loi de Dieu, à ne voir dans cette action aucun péché, tellement que dans les repas on tourne en plaisanterie ceux qui ne sauraient boire autant que les autres, et qu'on ne rougit pas d'engager par une fausse amitié ses convives à se gorger de vin au-delà de toutes bornes. Celui qui en oblige un autre à boire plus qu'il ne doit, commettrait un moindre mal s'il lui portait un coup d'épée, plutôt que de donner ainsi la mort à son âme en lui faisant perdre la raison dans le vin. L'âme d'un ivrogne ressemble assez à un marécage. Car vous savez que tout ce qui pousse dans les marais se réduit à des herbes stériles ; ou bien on y voit des serpents, des sangsues, des grenouilles, toutes sortes de vermisseaux, plus propres à dégoûter qu'à servir à la nourriture de l'homme. Les arbres et les autres
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plantes qui croissent dans ces marais ou sur leurs bords ne paraissent être d'aucune utilité si bien qu'on y met le feu au retour de chaque année. Considérez de même que les fruits de l'ivresse sont destinés à brûler un jour. Car tels sont, comme je l'ai déjà dit, tous les ivrognes, dont les dîners se prolongent jusqu'à la nuit, dont l'étoile du matin vient ensuite éclairer les soupers, et qui ne sauraient se tenir debout même quand ils semblent être à jeun, dont tous les sens enfin sont appesantis, et comme ensevelis dans la crapule. Souvent dans leur ivresse ils ne reconnaissent ni les autres ni eux-mêmes ; ils ne sauraient ni marcher, ni se tenir debout ; ils se trouvent hors d'état de rien dire ou de rien entendre de raisonnable. Souvent encore ils se gorgent de vin jusqu'à se mettre dans la nécessité de vomir, et font raison à leur manière au vin qu'on leur verse, c'est-à-dire sans raison. Ils se pourvoient de brocs de dimensions énormes, et s'engagent à boire à qui mieux mieux ; celui qui dans ce genre remporte la victoire, obtient des éloges qui ne sont au fond que l'éloge du crime. Puis des procès et des querelles ; puis des danses et des gambades de toutes façons ; puis des adultères, et quelquefois des meurtres. Toutes les fois qu'ils se remplissent ainsi de vin, on les voit tomber comme en paralysie, et comme ils ne peuvent plus se servir de leurs pieds, d'autres se chargent de les porter tout dégoutants de vin sur leurs lits. Leurs yeux sont couverts d'un épais brouillard, leur tête fatiguée éprouve tous les symptômes du vertige, leur visage est d'un rouge violet, tous leurs membres sont dans le tremblement, leur âme est comme frappée de stupidité. En eux s'accomplit cette parole de l'Ecriture : A qui dirons-nous malheur ? pour qui les tumultes ? pour qui les emportements ? pour qui les querelles ? pour qui les blessures sans sujet ? pour qui la rougeur et l'obscurcissement des yeux ? N'est-ce pas pour ceux qui passent leur temps à boire du vin, qui fréquentent les cabarets et qui mettent leur plaisir à vider les coupes (Prov., XXIII, 29-30) ? Mais ceux qui tiennent à mener ce genre de vie prétendent s'excuser en disant : Je déplairai à mon ami, si, chaque fois que je l'invite à dîner, je ne lui donne pas à boire autant qu'il voudra. Eh ! qu'il cesse d'être votre ami, celui qui veut vous rendre ennemi de Dieu, et qui par-là même est son propre ennemi en même temps que le vôtre. Si vous vous enivrez, vous et votre ami, vous pourrez avoir son amitié, mais avec l'inimitié de Dieu. Examinez donc de sens rassis s'il est juste que vous vous sépariez de Dieu pour vous lier d'amitié avec un ivrogne.
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A tout le moins ne le pressez pas, ne le forcez pas ; laissez-le libre de boire tant qu'il voudra ; et s'il veut s'enivrer, qu'il soit le seul à se perdre, plutôt que de vous perdre tous les deux. O misère du genre humain ! Combien n'en voyons-nous pas qui forcent des ivrognes et des débauchés à boire plus qu'il ne faut, et qui refusent même un seul verre de vin aux pauvres qui mendient à leur porte, sans faire attention qu'ils devraient donner à Jésus-Christ, dans la personne des pauvres, ce qu'ils prodiguent si follement à des gens dissolus. Tout ce que vous avez fait à l'égard de l'un de ces plus petits de mes frères, nous dit le Sauveur, c'est à moi-même que vous l'aurez fait (MATTH., XXV, 40). Mais les hommes dont nous parlons, qui noient leurs amis dans des flots de vin, ne savent dire aux pauvres qui leur demandent du pain, que ces paroles : Marchez, marchez devant, et Dieu vous donnera. Le pauvre en effet fera quelques pas de plus, et rencontrera des hommes qui lui donneront. Que signifient donc ces paroles : Marchez, marchez devant, et Dieu vous donnera, sinon : Allez à cet homme qui possède Dieu en lui-même puisque Dieu vous donnera par son entremise ? Ils confessent donc eux-mêmes qu'ils ne possèdent point Dieu en eux, puisque s'il était en eux, il leur inspirerait la volonté de donner aux pauvres. Considérez encore, mes frères, et voyez que les animaux conduits à l'abreuvoir, quand une fois ils ont étanché leur soif, ne veulent ni ne peuvent plus boire, quand même on les y tiendrait plus longtemps. Que les ivrognes voient de leur côté s'ils ne doivent pas être jugés pires que les animaux. Car, tandis que ces derniers ne veulent pas boire plus qu'ils n'en ont besoin, eux au contraire boivent deux ou trois fois plus qu'ils ne devraient. Et ce qui pourrait leur suffire pour trois ou quatre jours, ils prennent à tâche de le perdre, plus encore que de le dépenser, en un seul jour, sans autre motif que la passion dont ils sont possédés et plût à Dieu qu'ils ne fissent que perdre leur vin, sans perdre en même temps leurs âmes ! " Saint Augustin rapporte ensuite plusieurs passages de l'Ecriture, puis il ajoute : " Que ceux qui s'irritent de nous voir nous élever contre le vice de l'ivrognerie, parce que c'est en effet leur vice favori, se résignent à nous entendre leur dire avec liberté, que tout ivrogne qui n'aura pas fait pénitence, et qui mourra dans son péché, sera perdu éternellement, puisqu'on ne peut pas supposer de mensonge dans l'Esprit-Saint, qui a dit par la bouche de l'Apôtre : Les ivrognes ne posséderont pas le royaume de Dieu. Les ivrognes, au lieu de se
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fâcher contre nous, feraient donc beaucoup mieux de se fâcher contre eux-mêmes et de sortir avec l'aide de Dieu, tandis qu'il en est temps encore, de ce gouffre de fange où ils sont plongés, en s'écriant vers Dieu, avec le Prophète, par une prière fervente : Retirez-moi du milieu de cette boue, afin que je n'y demeure point enfoncé (Ps. LXVIII, 15) ; ou bien encore : Que la tempête ne me submerge point ; que je ne sois point enseveli dans cet abîme et que l'ouverture du puits où je suis tombé ne soit point fermé sur moi (ibid., 16). Car l'ivrognerie est comme le puits de l'enfer : tous ceux qui y tombent, s'ils ne font pénitence et ne se corrigent, s'y trouvent tellement engagés, que l'enfer les engloutit dans ses abîmes. Toutefois il est bon de savoir qu'on ne devient pas ivrogne en un instant, mais seulement à force de multiplier les actes d'ivresse, en cédant trop aisément aux sollicitations d'ennemis cruels plutôt que d'amis. Mais quand une fois on s'en est fait une habitude, on devient tellement passionné pour ces sortes d'excès qu'on finit par vouloir toujours boire. Celui qui voudra se corriger de cette funeste habitude, n'aura qu'il prendre le contre-pied de ce qu'il a fait pour la contracter, c'est-à-dire qu'il n'aura qu'à diminuer d'un jour à l'autre la quantité de ce qu'il boit maintenant, comme il s'était accoutumé à l'augmenter d'un jour à l'autre. S'il voulait se retrancher dès le premier jour tout ce qu'il s'est accoutumé à prendre de trop, pressé bientôt par l'ardeur de la soif, vous l'entendriez pousser des plaintes amères, et se prendre à dire qu'il aime mieux mourir, que de changer l'habitude qu'il a prise de boire ou de s'enivrer, sans faire réflexion qu'il vaudrait mieux pour lui perdre la vie du corps, que de mourir spirituellement par le crime de l'ivresse. C'est pourquoi, pour ne pas s'exposer à cette tentation violente, et sa guérir plutôt de cette funeste maladie, qu'il retranche chaque jour, comme je l'ai dit, quelque chose de la quantité qu'il prenait le jour précédent, jusqu'à ce qu'il revienne à ne prendre absolument que la quantité raisonnable. Celui qui s'attachera à diminuer ainsi successivement les forces de son ennemi, s'affranchira peu à peu de la passion de l'ivrognerie, sans se réduire à des extrémités où succomberait sa faiblesse. Je ne fais, en vous donnant ces avis, que remplir un devoir devant Dieu. Si vous refusez de les suivre, et que vous aimiez mieux écouter votre passion pour le vin, en pressant et forçant même les autres, quand vous êtes à table, de vous imiter dans vos excès, vous répondrez pour vous et pour eux au jour du jugement. "
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13. Le même, Serm. CCXXXII de tempore : " Comment caractériser le ridicule de ces malheureux ivrognes qui, en se gorgeant de vin, se moquent de ceux qui ne boivent que ce qu'il faut pour leur besoin, et qui leur disent : Rougissez de honte de ne pouvoir boire autant que nous. Ils disent de ces derniers qu'ils ne sont pas des hommes. Voyez ici combien ils sont misérables. Ils disent d'eux-mêmes qu'ils sont des hommes, eux qui sont plongés dans le cloaque de l'ivrognerie ; et ils disent que ceux-là ne sont pas des hommes, qui vivent selon les lois de l'honnêteté et de la sobriété. Ils sont étendus à terre, et ils sont des hommes ; les autres sont debout, et ils ne sont pas des hommes ! Celui qui triomphe de l'ivrognerie est objet de blâme ; celui qui s'en laisse vaincre est objet de louanges ! On se moque de l'homme sobre, qui peut se conduire lui et les autres ; on ne se moque pas de l'ivrogne, qui ne reconnaît personne et ne se reconnaît pas lui-même ! Les ivrognes ont coutume de s'excuser en disant : C'est un grand qui m'a forcé de boire plus que je ne devais, et je n'ai pas pu faire autrement à la table du prince. C'est chercher des excuses à ses péchés que de parler de la sorte ; on dit qu'on ne peut pas ce qu'à dire vrai on ne veut pas faire. On manque de volonté, et on allègue l'impuissance. Quand même on en viendrait à vous dire : Ou buvez, ou mourez; il vaudrait mieux pour vous mourir martyr de la sobriété que de donner par les excès du vin la mort à votre âme. Encore n'est-ce là qu'une fausse excuse. Car les rois eux-mêmes et tous les autres grands du siècle comme ils sont, grâce à Dieu, chrétiens doués de prudence et de sobriété, et qu'ils ont sincèrement la crainte de Dieu, s'ils vous voyaient bien décidé à ne pas vous enivrer par la crainte que vous auriez de Dieu, ne pourraient, quand même ils paraîtraient fâchés contre vous pour le moment, s'empêcher de vous admirer au fond de leur cœur, et bientôt ils diraient en parlant de vous : Malgré tous nos efforts et toutes les menaces que nous lui avons faites pour ébranler sa constance, nous n'avons jamais pu le déterminer à violer les lois de la sobriété. Dieu aussi, qui vous verra résolu par amour pour lui à ne pas vous enivrer pour tout au monde, vous ménagera lui-même les bonnes grâces de ceux qui auront semblé d'abord vouloir vous forcer à tomber dans l'ivresse. Celui qui résistera de même à cette tentation, et qui avec l'aide de Dieu demeurera fidèle jusqu'à la fin, Dieu lui tiendra compte, comme d'un martyre laborieux, des tribulations qu'il aura endurées pour ce sujet. "
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" Si les hommes s'enivrent si facilement, c'est qu'ils se persuadent qu'il n'y a pas de péché, ou qu'il y en a peu du moins à tomber dans l'ivresse. Mais les prêtres auront un compte sévère à rendre au jour du jugement pour cette ignorance de leurs peuples, s'ils n'ont pas soin de leur rappeler sans cesse le nombre et la gravité des maux qui sont la suite de l'ivrognerie. Celui donc qui croit que l'ivrognerie est un péché léger, s'il ne se corrige pas, et s'il ne fait pas pénitence des péchés de ce genre qu'il pourra avoir commis, encourra par cela seul la damnation éternelle avec les adultères et les homicides, selon cet enseignement de l’Apôtre : Ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les impudiques, ni les abominables, ni les avares, ni les adultères, ni les ivrognes ne possèderont le royaume de Dieu (I Cor., VI, 9-10). Voyez comme les ivrognes sont rangés par l'Apôtre parmi les fornicateurs, les idolâtres, les impudiques et les adultères. "
14. S. CHHYSOSTOME, Serm. contra luxum et crapulam (Cette homélie est la même que la sixième de Fato et Providentiâ, sive contra ingluviem. Cf. S. Joannis Chrys. opera, t. II, p. 774-775, édition de Montfaucon ; pag. 926-927, édit. de Gaume) : " Celui qui vit dans les délices, qui est sujet à s'enivrer, qui nourrit des parasites et des flatteurs, qui se charge l'estomac de vin et de viandes, pèchera nécessairement et souvent même malgré lui. . . Car de même qu'un navire marchand, quand on le charge d'une trop forte cargaison, ne peut manquer de sombrer ; ainsi le corps humain, s'il se charge de plus d'aliments que ne le comporte sa nature, fait bientôt naufrage, entraînant dans sa perte pilote et matelots, et la cargaison elle-même. De même donc que ni le calme de la mer, ni l'habileté du pilote, ni la force de l'équipage, ni l'élégante construction du navire, ni l'opportunité de la saison, ni quoi que ce soit enfin, ne peut dans un cas semblable sauver un vaisseau de sa ruine ; ainsi ni la multitude des connaissances, ni la science et l’habileté, ni les avertissements et les conseils, ni la crainte de l'avenir, ni la considération du présent, ni quelque autre chose qu'on puisse imaginer, ne peut sauver une âme jetée dans un tel péril ; mais la luxure et les autres vices l'envahissent bon gré malgré elle, et lui font faire un triste naufrage. De là vient qu'elle est incapable de rien faire qui puisse lui être de quelque utilité pour la vie éternelle. Et même quant à la vie présente, un homme livré à ces habitudes n'est capable de rien de bon, et s'attire le mépris
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dans ses rapports tant publics que privés. Et s'il se présente quelque affaire urgente, il ne s'y trouvera nullement préparé, il ne fera rien qui soit à propos, il sera sans défense contre les traits de ses ennemis, et ne pourra être d'aucun secours à ses amis et à ses proches. Et non-seulement il sera facile à abattre dans les dangers et les revers, non-seulement il sera intraitable dans la prospérité ou la bonne fortune ; mais dans la mauvaise aussi son défaut de règle le rendra inhabile à tout ce dont les circonstances feront sentir le besoin. Dans les adversités il sera saisi de crainte et de découragement, domine par la frayeur, en proie à l'irrésolution ; dans la prospérité, sa présomption, sa mollesse, son intempérance, son impudicité, son orgueil, son arrogance le rendront encore plus insupportable à tout le monde. Car il n'y a pas que le corps dans les gens de ce caractère qui soit difforme, efféminé, dissolu, exhalant une odeur qu'on peut à peine supporter ; mais leur âme est encore plus difforme que leur corps, et la dissolution dans laquelle ils vivent engendre en elle encore un plus grand nombre de maladies. Leur corps rempli d'humeurs superflues et de matières impures et fétides, les éjecte d'un instant à l'autre, non-seulement par les voies ordinaires, mais par les yeux, la bouche et les narines ; ses fonctions n'ont plus rien de régulier, et sa réplétion, en même temps qu'elle lui fait répandre une puanteur dégoûtante, le rend inhabile à toute espèce de travail. Ainsi leur âme (Il y a dans le texte qui nous a été conservé, ???? ? ??, ipsa terra, comme porte également la traduction. Le contexte me semble exiger qu’on lise ici ???? au lieu de ??. J’abandonne du reste cette conjecture ? l’appréciation du lecteur intelligent), étouffée pour ainsi dire sous cette quantité d'aliments superflus et dépouillé de son activité naturelle, est rendue inhabile aux fonctions qui lui sont propres, et, ou elle ne s'occupe plus d'aucun travail, ou ses travaux sont frappés de stérilité. De là vient encore que ceux qui vivent continuellement dans la bonne chère contractent des maladies graves et incurables, et éprouvent des tremblements, des attaques de paralysie, des pulmonies, des rhumes de cerveau, la maladie de la goutte soit aux pieds soit aux mains, et tant d'autres dont j'abandonne à la médecin le soin de faire l'énumération et qui leur causent une mort prématurée. "
15. Le même, homélie 1re au peuple d'Antioche : " L'Apôtre ne dit pas à Timothée (I Tim., V, 28) : Usez de vin, mais d'un
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peu de vin ; avis qu'il nous donne à nous-mêmes, plutôt qu'à Timothée qui n'en avait pas besoin. C'est pour nous qu'il écrit à son disciple ; il nous marque les bornes dans lesquelles nous devons nous tenir, en ne nous permettant de prendre de vin que ce qui est nécessaire à notre santé ; il veut que ce soit un remède, et non un poison, qu'il guérisse un mal sans en causer un autre. Un usage continuel de l'eau ne saurait être aussi nuisible à certains tempéraments que le serait pour tous l'excès du vin. Que de maladies en effet n'engendre-t-il pas dans l'âme et dans le corps ? C'est lui qui allume et fomente la révolte des sens contre la raison ; c'est lui qui excite au dedans de nous des guerres terribles et de violentes tempêtes. Une trop grande abondance de pluies n'amollit pas et ne dissout pas la terre, autant qu'une trop grande quantité de vin relâche tous les nerfs du corps et en énerve la vigueur. Fuyons donc l'excès dans un sens comme dans un autre, et, sans négliger le soin de notre santé, réprimons les révoltes de e la chair. Usons du vin, n'en abusons pas ; craignons de faire d'une source de joie un principe de douleur. Le vin a été donné à l'homme pour le réjouir et non pour l'attrister (Ps. CIII, 18). La raison des personnes ivres est assoupie, et comme ensevelie dans d'épaisses ténèbres. Au contraire, le vin pris modérément éveille l'imagination, et c'est un des moyens les plus propres à réparer les forces du corps. . . . . "
" Le passage que nous expliquons sert à instruire ces gens simples qu'on rencontre quelquefois même parmi nos frères, qui, quand ils voient des hommes dégradés par l'ivresse, au lieu de blâmer l'intempérance de l'homme, attaquent le présent de Dieu. Qu'il n'y ait pas de vin, disent-ils. Disons-leur : Qu'il n'y ait pas d'ivresse. Le vin est l'ouvrage du Seigneur ; l'ivresse est l'ouvrage du démon : ce n'est pas le vin, c'est l'intempérance qui fait l'ivresse. Ne décriez pas le bienfait du Très-Haut mais condamnez la folie de votre frère. Quoi donc ! au lieu de réprimer le coupable, vous insultez le bienfaiteur ! "
" Ainsi fermons la bouche à ceux qui s’élèvent contre l'existence d'une liqueur salutaire, dont l'abus, et non l'usage, produit l'ivresse, source et cause de toutes sortes de maux. Le vin nous a été donné pour réparer les forces du corps, et non pour détruire celles de l'âme ; pour guérir les maladies de l'un, et non pour altérer le bon état de l'autre. Evitons de donner prise aux imprudents et aux insensés en usant avec excès du présent de Dieu. "
" Est-il rien qui rende plus méprisable que l'ivresse ? L'homme
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ivre est un cadavre animé ; c'est un démon qui l'est de son propre choix ; un malade qui s'est exposé volontairement à l'être ; un insensé qu'on ne plaint pas ; c'est l'opprobre de l'espèce humaine, également inutile à l'Etat, à ses amis, à ses proches, à lui-même. Son aspect seul a quelque chose de hideux qui vous révolte et vous repousse ; sa démarche, sa voix, son haleine, tout en lui est odieux et insupportable. Mais ce qui est le comble du mal, c'est que la passion de l'ivresse nous ferme les portes du ciel, qu'elle nous prive des biens éternels et qu'après nous avoir dégradés dans ce monde, elle nous prépare dans l'autre d'affreux supplices. "
" Corrigeons-nous donc de cette perverse habitude, si nous avons le malheur de l'avoir contractée, et, suivant le conseil de l'Apôtre, usons de peu de vin, puisque ce peu même, il ne le permet à son disciple que pour remédier à la faiblesse de son estomac. Oui, nous devons régler sur les circonstances et sur le besoin l'usage des boissons et des aliments, ne jamais dépasser les bornes de la nécessité, en un mot ne rien faire indiscrètement et au hasard. "
16. S. ISIDORE, Lib. II de summo bono, c. 42 : " La première cause de luxure est l'excès des viandes. Aussi le Prophète accuse-t-il Sodome d'être tombée dans cet excès lorsqu'il dit :
La cause de l'iniquité de Sodome, c'est l'orgueil, l'excès des viandes et l’excès aussi de la boisson. Les Sodomites, en se gorgeant de viandes sans mesure, en vinrent à commettre des désordres honteux, et par leur intempérance, aussi bien que par leur orgueil, ils attirèrent sur eux le feu du ciel. Il est bon de réprimer la gourmandise et la trop grande avidité de manger. Car quoi de plus pernicieux que de rendre son âme esclave de son ventre et des viandes, l'un et l'autre sujets à la destruction, selon cette parole de l'Apôtre : Dieu les détruira tous les deux (I Cor., VI, 13) ? La gourmandise est voisine de la volupté comme le siège de l'une est rapproché de celui de l'autre : car les plaisirs du ventre appellent naturellement ceux de la partie qui l'avoisine. Eh ! qui ne sait en effet que le ventre touche de près à l'organe de la génération ? Traiter l'un avec une délicatesse excessive, c'est donc exciter l'autre à la luxure. On doit manger non pour engraisser le corps ou pour flatter ses appétits grossiers, mais simplement pour entretenir ses forces. Car, comme l'ont dit certains philosophes, on doit nourrir le ventre non pour qu'il corrompe l'âme, mais simplement pour qu'il la serve. Ceux qui
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se chargent l’estomac de trop de mets, émoussent la vigueur de leur âme à proportion de ce qu'ils flattent leur corps. C'est ce qui faisait dire aux Grecs qu'un ventre bien nourri ne saurait appartenir à un esprit bien délié. Car le rassasiement des intestins appesantit l'âme et abrutit l'intelligence. La flamme de la volupté s'allume au foyer de l'intempérance. Lorsqu'au contraire le corps est abattu par l'abstinence des mets, il n'est plus agité par la tentation. Aussi lisons-nous que les trois jeunes hommes, pour prix de leur abstinence, n'eurent rien à souffrir des atteintes de la fournaise ardente où ils furent jetés (DANIEL, III, 20), parce que les âmes tempérantes peuvent bien ressentir le contact des désirs charnels, mais non jusqu'à en être embrasées par le consentement qu'elles pourraient y donner. Que celui qui jouit de l'abondance des mets réfléchisse sur le châtiment que le mauvais riche subit dans l'enfer, où tourmenté par les flammes, il est réduit à une détresse d'autant plus grande, que son opulence d'autrefois fut plus exorbitante. Parce que dans ce monde il n'a jamais éprouvé ni la soif ni la faim, maintenant dans l'enfer, dévoré de la soif au milieu des flammes, il demande une goutte d'eau et ne peut l'obtenir. Que l'on considère aussi avec quelle véhémence sont condamnés dans 1'Ecriture les festins et la bonne chère. Car le Seigneur fait la menace par son prophète de ne point pardonner cette iniquité à ceux qui s'y abandonnent. Voici en effet ce qu'il dit par le prophète Isaïe : Vous ne penserez qu’à vous réjouir et à vous divertir, à tuer des veaux et à égorger des moutons, à manger de la chair et à boire du vin. . . . . Je jure que vous porterez cette iniquité jusqu’à la mort, dit le Seigneur (Is., XXIII, 13-14). De même que toutes les passions charnelles sont réprimées par l'abstinence, ainsi toutes les vertus de l'âme sont détruites par le vice de la gourmandise. Aussi lisons-nous que ce fut un chef de cuisiniers qui renversa les murs de Jérusalem (JEREM, LII, 12-14, suivant la version des Septante), parce que c'est la gourmandise, à laquelle les cuisiniers fournissent son aliment, qui détruit les vertus de l'âme. Et il n'est pas possible d'atteindre la perfection des vertus, tant qu'on n'a pas dompté les appétits dont le ventre est le siège. Ce n'est également que par l'abstinence des viandes qu'on pourra facilement mettre en fuite l'esprit impur. Car le moyen de remporter sur nos ennemis de dehors une pleine victoire, c'est de commencer par vaincre ces ennemis intérieurs qui sont nos vices. A quoi servirait-il de porter la guerre hors de soi, si c'est en soi-même qu'on a son plus dangereux ennemi ? Ce
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n'est pas la qualité des mets, c'est le désir qu'ils excitent qui est à redouter. Car souvent on peut manger sans gourmandise des mets délicatement préparés et souvent aussi on mange avec gloutonnerie des aliments grossiers et de vil prix. Ce n'est donc pas la qualité des mets qu’il faut accuser, mais l'ardeur qu'on met à s'en nourrir. Il y a quatre circonstances à distinguer dans le péché de gourmandise : Quid, quandò, quantùm, quomodò ; c'est-à-dire, la qualité des mets, le temps où l'on s'en permet l'usage, la quantité des mets, enfin la manière dont on les désire. La circonstance quid regarde les mets en eux-mêmes ; la circonstance quandò est applicable si l'on devance le temps où il est permis d'en user ; la circonstance quantùm se rapporte à l'excès de la nourriture que l'on prend ; la circonstance quomodò, à l'empressement qu'on y apporte. Le ventre est le plus importun de tous les exacteurs : on a beau satisfaire tous les jours à ses exigences, tous les jours il revient à la charge. Nous pouvons naître avec les autres vices, sans qu'ils nous accompagnent jusqu'à la mort. Souvent la friandise se couvre du prétexte du besoin, et on croit satisfaire à l'un tandis qu'on ne fait qu'obéir à l'autre : le discernement entre les deux n'est pas toujours facile. "
17. Ibidem, c. 43 : " La nourriture engendre la gourmandise, et la boisson l'ivrognerie. L'ivresse trouble la raison, transporte hors de soi, allume la passion. L'ivresse aliène tellement l'esprit, qu'on ne sait plus où l'on se trouve. De là vient encore qu'on ne s'aperçoit pas du mal qu'on fait pendant qu'on est en cet état. Rien de plus vrai que cette parole du prophète, que la fornication, et l'enivrement font perdre le sens (OSEE, IV, 11). De là ce que nous lisons dans les Proverbes : Que les grands, qui sont ordinairement portés à la colère, ne boivent pas de vin, de peur que, lorsqu'ils en auront bu, ils n'oublient la sagesse (Prov., XXXI, 4-5, suivant la version des Septante). Le grand mérite pour plusieurs, c'est de boire beaucoup sans s'enivrer pour cela. Que les hommes de cette trempe écoutent le Prophète leur dire : Malheur à vous qui êtes puissants à boire, et vaillants à vous enivrer (Is., V, 22). Voici en quels termes le même prophète s'élève contre ceux qui sont adonnés au vin et à la luxure : Malheur à vous qui vous levez dès le matin pour vous plonger dans les excès de la table, et pour boire jusqu'au soir, jusqu'd ce que le vin vous échauffe par ses fumées (Is., V, 11). L'Ecriture dit ailleurs au sujet de ces sortes de gens : Malheur à toi, Terre dont le roi est un enfant, et dont les princes mangent dès le matin (Ecclés., X, 16). Car il y en beau-
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coup qui du matin au soir ne font que se livrer à la gourmandise et à l'ivrognerie, sans se demander à eux-mêmes pourquoi ils sont au monde, et qui vivent à la manière des bêtes plongées dans la luxure et les plaisirs de la table. Le prophète Joël crie à ceux qui mettent leur bonheur à s'enivrer : " Réveillez-vous, hommes ivres, pleurez et criez, vous tous qui mettez vos délices à boire du vin, parce qu'il vous sera ôté de la bouche (OSEE, II, 5) " Le prophète ne dit pas, Pleurez, vous qui buvez du vin, comme s'il n'était pas du tout permis d'en boire ; mais il dit : Pleurez, vous qui mettez vos délices à boire du vin ; ce qui se rapporte à la passion qu'on y met et aux excès qu'on peut y commettre. Car du reste l'Apôtre lui-même recommande à Timothée de boire du vin autant que l'exige le soin qu'il doit avoir de sa santé, par ces paroles : Usez d'un peu de vin (I Tim., V, 23). Il n'y a pas que le vin qui puisse enivrer les hommes, mais ils peuvent encore s'enivrer avec d'autres espèces de boissons : et c'est pourquoi le Seigneur avait prescrit aux Nazaréens qui faisaient une profession particulière de se consacrer à lui, de ne boire ni vin ni toute autre boisson capable d'enivrer (Nom., VI, 3). Car l'un aussi bien que l'autre fait perdre la raison, et devient cause d'impureté. Il y a des personnes qui poussent la sobriété jusqu'à mesurer la quantité de l'eau comme celle du pain qu'ils prennent, et qui ne craignent pas d'affirmer que l'abstinence de l'eau contribue aussi à la conservation de la chasteté. "
18. S. AMBROISE, Lib. de Eliâ et jejunio, c. 12 : " De même que la continence est la mère de la fidélité, l'ivresse est la mère de la trahison. Vous voyez à la porte de ces rendez-vous de la débauche des misérables sans habits, sans ressources pour le lendemain, régler les Etats, et prononcer sur ceux qui les gouvernent. A les entendre, ils ne sont rien de moins que des monarques et des généraux d'armée ; ils distribuent les trésors, versent l'argent à grands flots, bâtissent des citées et ils n'ont pas de quoi payer leur hôte. Ils parlent sans savoir ce qu'ils disent,
se croyant et toutes les qualités et tous les talents du monde. "
" Riches et ne manquant de rien tant que dure l'ivresse, ils se retrouvent réduits à la mendicité quand leur revient le bon sens. On se lève de table pour se prendre de querelle ; on se fait des armes de tout ; les dards ont succédé aux verres dans les mains des buveurs. Ce n'est plus le vin qu'ils se versent, c'est leur sang qu'ils font couler ; et ce sang, c'est encore le vin qui le fait répandre. Que d'hommes s'imaginent dans leur ivresse être pleins
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de courage, de sagesse, d'éloquence, a voir la beauté, l'élégance de la tenue, tandis qu'ils ne peuvent pas même se tenir debout ! Pendant que le corps chancelle, l'esprit est en démence ; la langue engourdie n'articule que des sons désordonnés, une pâleur livide se répand sur le visage, d'où en même temps le sang s'échappe : une puanteur infecte achève l'horreur de la scène. Les barbares (Ceci fait peut-être allusion à ces vers d'Horace, Od. lib. I, od. 27 : Natis in usum lætitiæ scyphis, Pugnare Thracum est. Tollite barbarum, Morem, etc.) courent aux armes ; les gens du peuple se bornent aux coups de poings. S'ils en reçoivent à la figure, des larmes de sang s'échappent de leurs yeux, de tristes refrains sont entendus de leurs bouches. Car l'ivresse a cela de propre, qu'elle amollit le cœur de ceux qui s'y livrent, comme le feu amollit et met en fusion le fer le plus dur (Ecclé., XXXI, 31). Dans le vin tous se croient égaux, aucun n'en voit un autre au-dessus de soi. Le pauvre ne se croit plus au-dessous du riche, puisqu'il oublie qu'il est pauvre. Le faible refuse de céder au fort, parce qu'il ne sent plus sa faiblesse. L'indigent rivalise d'opulence avec l'opulent, le roturier de noblesse avec le noble : celui-là seul est roi à leurs yeux, qui surpasse tous les autres par ce qu'il boit de vin. Et c'est à bon droit qu'il est écrit que l'ivresse met l'égalité entre les hommes (Ecclé., XXXI, 32, d'après les Septante (Le grec des Septante porte E????? ???? ????? ???????, ??? ????? ????? ????? ????? ; ce qui se traduit ainsi (?dition de M. Jager, p. 310) : Æquale vitæ vinum homini,si bibas illud mensurâ suâ. Saint Ambroise a traduit au contraire, ou du moins a lu de la manière suivante : Æqualis vita hominibus, vinum in ebrietate. Notre Vulgate porte : Æqua vita hominibus, vinum in sobrietate ; c’est-à-dire, sobrietate au lieu de ebrietate, comme lisait saint Ambroise) ou quelque autre version). Mais puissiez-vous vous pénétrer de la maxime qui suit : Buvez modérément, et vous serez sobres (ibidem, Vulgate). Ce n'est pas le vin qu'il faut accuser : Il a été créé dès le commencement pour être la joie de l'homme, et non pour l'enivrer. Le vin pris modérément est la joie de l’âme et du cœur. Le vin bu avec excès produit au contraire la colère et l'emportement, et attire de grandes ruines (ibidem, 36 et 38). Vous direz peut-être que ce sont là des désordres particuliers aux seuls gens du peuple. Parlons donc maintenant des repas des grands. "
19. Ibidem, c. 13 : " On commence en préludant par de petits verres. Mais ne pensez pas que ce soit par principe de sobriété :
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c'est simplement par manière d'usage. De même en effet que les auteurs de tragédies élèvent peu à peu leur voix, pour tirer à la fin du fond de leur gosier des sons plus forts, ainsi ces maîtres passés dans l'art de boire commencent par de petits coups pour irriter leur soif, de peur qu'en l'apaisant tout d'abord, ils ne puissent plus boire ensuite. Lors donc qu'ils sont une fois échauffés, ils demandent de plus grands verres, et leur ardeur s'enflamme. Ce qu'on mange est trop sec, il faut l'arroser ; et si les bouteilles se vident, il faut les remplacer par d'autres d'un vin plus généreux. Autant de bouchées, autant de coups ; si les plats tardent à venir, en attendant on vide les bouteilles. Le repas se prolongeant, on commence à se disputer ; et le grand objet de la dispute, c'est de savoir qui d'entre tous se montrera le plus fort buveur. Honni est de tous, d'une commune voix, celui qui s'excuse de boire davantage, ou qui s'avise de mettre de l'eau dans le vin qu'il prend. C'est ainsi que se passe le temps jusqu'à ce qu'arrive le moment du dessert. Tous les plats étant levés de dessus la table, vous penserez peut-être qu'il n'y a plus qu'à se retirer ; c'est au contraire le moment de boire comme de plus belle. Ils ont fini, et ils disent qu'ils vont commencer : alors paraissent sur la table et flacons et bocaux, les plus grands qu'on puisse trouver : on dirait des machines de guerre. Et pour vous ôter la pensée que toute modération soit bannie de ces repas, une mesure est prescrite, et un juge est établi qui prononce. La loi du combat, c'est l'oubli de toute loi ; la rétribution c'est l'affaiblissement de la raison ; le prix de la victoire, c'est le péché. Le succès de la bataille reste longtemps incertain et douteux : car la fureur qu'on y montre n'a son égale que sur les champs de bataille les plus sanglants. . . "
" Ceux que vous voyez le matin si brillants et si fiers, vous les verrez le soir l'objet de la risée des enfants mêmes, blessé sans qu'aucune arme les ait atteints, vaincus sans combat, abattus sans ennemi qui soit venu les abattre, les jambes tremblantes sans qu'ils soient fort avancés en âge, décrépits dans la fleur même de leur jeunesse. "
20. Ibidem, c. 14 : " Vous invitez pour faire plaisir, et vous obligez pour donner la mort ! Vous engagez à diner, et vous voulez mettre au tombeau ! Vous faites offre d'aliments, et vous provoquez des douleurs ! Vous promettez du vin, et vous versez des poisons ! Car n'est-ce pas un poison, qu'une boisson nuisible ? Or, ce que vous donnez fait perdre la connaissance, brûle les en-
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trailles, ôte le sommeil, cause des maux de tête. Le vin est même un poison plus violent que les poisons ordinaires. Le poison peut trouver son remède dans le vin ; mais le vin lui-même changé en poison, que lui opposerez-vous pour remède. C'est bien avec raison que Dieu par la bouche de Moïse compare le vin non pas seulement au poison, mais au venin que lancent les dragons : Leur vin, dit-il, est un fiel de dragons ; c'est un venin d'aspic qui est incurable (Deut., XXXII, 33). Ce n'est pas sans sujet que l'écrivain sacré ajoute ce mot, incurable ; car les autres sortes de venins trouvent leur antidote ; mais où trouver celui de l'ivresse ? Le venin des serpents donne la mort au corps ; le vin la donne à l'âme. L'ivresse altère la santé du corps, et est en outre mortelle l'âme elle-même. Remarquez de plus que le venin de l'infidélité est nommé vin dans l'Ecriture ; car il est dit dans ce même livre de certains peuples étranger au peuple de Dieu : Leur vin est du vin de Sodome, leurs vignes sont des vignes de Gomorrhe ; leurs raisins sont des raisins de fiel, et leurs grappes ne sont qu’amertume (Deut., XXXII, 32). "
21. Ibidem, c. 16 : " Le corps d'un homme ivre rend le vin par tous ses pores : touchez-le seulement, et il en jaillira du vin. L'ivresse est un foyer d'impureté, un principe de folie, un poison qui tue la raison dans l'homme. Elle défait les traits du visage, et rend l'homme semblable aux chevaux qui hennissent après leurs cavales : car les vapeurs du vin se joignant à la chaleur naturelle du tempérament, il ne se possède plus, et il se porte avec fureur aux actes les plus grossiers de la vie animale, sans attendre que le moment soit venu de le faire avec bienséance. La voix se perd, la couleur du visage est altérée, les yeux lancent une flamme impure, la bouche devient béante, les narines se retirent, le cœur est agité, la raison est bouleversée. De là tant de cas de frénésie ; de là cette maladie de la pierre qui en est le châtiment naturel ; de là ces crudités de l'estomac, ces vomissements répétés dans lesquels on rend avec les aliments à demi-digérés une partie de ses entrailles. Telles sont les couleurs sous lesquelles Dieu lui-même nous dépeint l'ivresse avec le pinceau du prophète Jérémie : Buvez et enivrez-vous, rejetez ce que vous avez bu, et tombez sans vous relever (JEREM., XXV, 27). De là encore ces fantômes qu'on se forme, ce regard mal assuré, cette démarche incertaine, ces ombres que l'on prend pour des fossés. Il semble que la terre tremble sous les pieds, qu'elle se relève et puis se baisse, qu'elle tourne enfin ; dans la frayeur dont on est
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saisi, on tombe la face contre terre, on tâtonne avec les mains, on se croit cerné entre des montagnes qui s'entrechoquent. Les oreilles bourdonnent, et on s'imagine entendre la mer qui mugit, et qui pousse ses vagues avec fureur contre le rivage. Si des chiens viennent à passer, on les prend pour des lions, et on cherche aussitôt à prendre la fuite. L'un rit à gorge déployée ; l’autre se lamente au point de paraître inconsolable ; un troisième s'épouvante, et tous trois sans sujet. Est-on éveillé, ce n'est que pour rêver ; dort-on, c'est pour faire des procès. La vie toute entière des ivrognes n'est qu'un songe ; leur sommeil, c'est une mort : quoi que vous criiez, quoi que vous fassiez pour les réveiller, vous ne sauriez y réussir, ils ne se réveilleront véritablement, que lorsqu'ils se seront corrigés. Aussi est-ce avec raison que Jérémie appelle l'ivrogne une créature inutile. Qu'est-ce, dit-il, qu'un ivrogne, autre chose qu'une créature inutile ? "
22. Ibidem, c. 18 : " Si les hommes qui se permettent de semblables désordres sont coupables, combien plus les femmes, obligées plus étroitement qu'elles sont de se renfermer dans les bornes de la tempérance. Elles à qui il ne conviendrait pas de se laisser voir ou entendre des étrangers même dans le secret de leurs maisons, on les voit paraître en public, sans voile sur la tête, l'air effaré. L’Apôtre veut que les femmes gardent le silence même à l'église (I Cor., XIV), et qu'elles se bornent à interroger leurs maris à la maison (I Tim., II). Elles, au contraire, on les voit se mêler aux hommes sur les places publiques, et y danser sous les yeux de jeunes libertins, les cheveux épars, leurs robes sans ceintures et partagées au milieu, les bras nus, battant des mains, trépignant des pieds, chantant des airs voluptueux, s’étudiant, comme feraient des comédiennes, à séduire les jeunes gens par leurs attraits, jetant des regards lubriques, riant sans aucune retenue. L'imprudente jeunesse est là qui regarde, et des scènes désolantes viennent souiller ses regards. Les chutes que font les danseuses étalent sur le pavé leur ignominie, et repaissent les yeux impudiques de la foule, en même temps que l'air retentit de chants obscènes. "
23. BURCHARD, évêque de Worms, Lib. XIV Decretorum, traite ex professo de la gourmandise et de l'ivrognerie, et fait voir par ce qu'il cite des canons, de la doctrine des Peres et des décrets des papes, quelle pénitence doit être imposée à ceux qui sont engagés dans ces perverses habitudes. Il rapporte entre autres le canon suivant, extrait du Pénitentiel de Théodore, archevêque de Can-
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torbéry : " Un prêtre, quel qu'il soit, qui s'enivrera par surprise, fera sept jours de pénitence au pain et l'eau ; si c'est par complaisance, il en fera quinze jours ; si c'est par mépris de la loi, quarante jours. Un diacre ou un moine, aussi bien que les autres clercs ou ministres, chacun à proportion de son rang, feront une pénitence telle que le prêtre (ou l'évêque sacerdos) la déterminera. Comme les laïques n'ont point de vœux faits d'avance à acquitter, le prêtre les avertira du moins, s'ils s'enivrent, que les ivrognes ne possèderont point le royaume de Dieu, et que l'état d'ivresse est la mort de l'âme, et il les engagera à faire pénitence. Celui qui par courtoisie en forcera un autre à s'enivrer, en sera repris très-sévèrement et fera sept jours de pénitence ; s'il le fait par mépris, il en fera trente jours. Aucun chrétien ne doit engager un autre chrétien à boire plus que ne le réclame le besoin de la nature. S'il le fait néanmoins, il en fera pénitence dans la mesure indiquée par le Pénitentiel. "
On trouve dans le même livre, c. 45, l'extrait suivant du Pénitentiel romain : " Celui qui vomit pour avoir trop bu, s'il est prêtre ou diacre, fera quarante jours de pénitence ; s'il est moine, il en fera trente ; s'il est simple clerc, il en fera vingt ; s'il est du nombre des laïques, il en fera quinze. "
Dans le même livre, c. 14, est rapporté l'extrait suivant du Pénitentiel du vénérable Bède : " Un laïque qui vomira pour avoir bu avec excès fera trois jours abstinence de viande, de vin et de boisson fermentée. "
Ibidem, c. 15, même Pénitentiel : " Celui qui en aura enivré un autre par malice, fera quarante jours de pénitence. S'il s'en fait une habitude, il sera privé de la communion, jusqu'à ce qu'il ait satisfait par une pénitence proportionnée à son péché et qu'il ait promis de ne plus le faire. "
24. S. IVES, évêque de Chartres, III parte Decretorum, depuis le chapitre 69 jusqu'au 86e, rapporte les mêmes autorités que cite Burchard, livre XIV; et ce que nous venons d'extraire de ce livre se trouve dans l'ouvrage de saint Ives aux chapitres 76, 81, 82 et 83.
23. S. JEROME, in caput I Epistolæ ad Titum : " Quel spectacle, de voir un évêque en état d'ivresse, riant et ricanant sans raison et sans égard pour la dignité de la place qu'il occupe, ou bien, si quelque chose de tant soit peu triste lui revient à la mémoire, se mettant à pleurer et à sangloter au milieu des coupes ! Il serait trop long de faire le détail de toutes les folies qu'inspire l'ivresse.
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Vous verrez les uns, se faisant des armes de leurs coupes, les jeter à la tête de leurs convives ; d'autres, leurs habits en pièces, chercher à blesser leurs rivaux ; ceux-ci vociférer, ceux-là ronfler emportés par le sommeil ; celui qui boit le plus, passer pour le plus vaillant ; celui au contraire qui refuse de boire davantage malgré l'ordre que lui en fait le roi du festin, passer pour lâche aux yeux de la compagnie. Ils vomissent pour boire encore ; ils boivent pour vomir encore. L'estomac ne suffit pas à digérer ce qui entre dans leur bouche. Bornons-nous à dire que, selon la doctrine de l'Apôtre (Eph., V, 18), les dissolutions naissent des excès du vin. C'est une nécessité que l'impureté règne là où il y a excès de vin ou de viandes. Voyez dans le corps humain la place qu'occupent respectivement le ventre et les parties honteuses : s'ils sont si rapprochés, c'est qu'il y a affinité entre eux pour les vices dont chacun est le siège particulier. Je ne croirai jamais qu'un ivrogne soit chaste. Si l'on me dit qu'assoupi par le vin il n'a point à répondre de ce qu'il fait dans l'ivresse, je répliquerai, moi, qu'il doit répondre des suites du péché qu'il commet en s'enivrant. "
26. Le même, Epist. LXXXIII ad Oceanum, c. 4 : " L'ivrognerie est le propre des débauchés et des gloutons, et quand le corps est mis en agitation par le vin, il rend bientôt l'écume des passions impures qu'il nourrit. Dans le vin est la luxure, dans la luxure la volupté, dans la volupté est le vice contraire à la pudeur. Celui qui se livre à la luxure, est mort, tout vivant qu'il est ; donc celui qui s'enivre est comme un homme mort et déjà enseveli dans le tombeau. Enivré l'espace d'une heure, Noé découvre ce que la pudeur oblige de cacher, et ce qu'il n'avait jamais découvert durant six cents ans d'une vie sobre. Loth, pendant son ivresse, joint sans le savoir l'inceste à la volupté, et celui que Sodome n'avait pu vaincre, est vaincu par le vin (Lettres choisies de saint Jérôme, trad. par Collombet, t. IV, pag. 250-251 ; trad. par D. Roussel, t. III, p. 329-330). "
27. S. AMBROISE, Lib. I de penitentiâ, c. 14 : " La volupté trouve son compte aux festins somptueux, s’accommode parfaitement d'une vie molle, s'allume aux vapeurs du vin, s'enflamme dans les ardeurs de l'ivresse. Les paroles excitantes sont un stimulant encore plus actif. Quand le corps est plongé dans l'ivresse, la raison se trouble, l'esprit hésite, le cœur ne sait à quoi s'attacher. "
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Question VIII
Qu’est ce que la colère et quels sont les désordres particuliers qu’elle engendre ?
La colère est un désir immodéré de punir celui de qui on croit avoir reçu quelque mal. De la colère naissent les querelles, les emportements, les outrages, les clameurs, l'indignation et le
Blasphème.
La colère est pour l'âme un poison funeste,
qui lui affaiblit le jugement, lui ôte la prudence, met le trouble
dans ses facultés et souvent altère la santé du corps
lui-même. C'est pourquoi l'Ecclésiaste nous donne cet avertissement
(VII, 10) : Ne soyez point prompt à vous irriter ; car c'est
dans le sein de l'insensé que repose la colère. Et le
Docteur des gentils nous dit à son tour (Eph., IV, 31-32)
: Que toute aigreur, tout emportement, toute colère, toute clameur,
toute médisance, enfin que toute malice soit bannie d'entre vous
; mais soyez bons les uns envers les autres, pleins de compassion et de
tendresse, vous entre-pardonnant mutuellement, comme Dieu aussi vous a
pardonné en Jésus-Christ. Au reste, voici l'arrêt
formidable porté par Jésus-Christ contre les gens colères,
querelleurs et emportés : Quiconque se met en colère contre
son frère, mérite d’être condamné par le jugement
; quiconque dit à son frère Raca, mérite d'être
condamné par le conseil ; quiconque dit à son frère
: Vous êtes un insensé, mérite d'être condamné
au feu de l'enfer.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Proverbes, XXIX, 22 : " L'homme colère excite des querelles, et celui qui se fâche aisément sera plus prompt à pécher. "
2. JOB, XV, 1-2, 7-16 : " Après cela Eliphaz de Théman répondit, et dit : - Le sage enseigne-t-il une science vaine, et se
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repaît-il de chimères ? - Etes-vous le premier homme qui ait été créé, et avez-vous été formé avant les collines ? - Etes-vous entré dans les conseils de Dieu, et la sagesse est-elle votre partage à vous seul ? - Que savez-vous, que nous ne sachions aussi bien que vous ? Et quelles lumières avez-vous, dont nous soyons privés ? - Il est parmi nous des vieillards beaucoup plus âgés que vos pères. - Méprisez-vous les consolations divines, et nos discours pleins de douceur ? - Pourquoi votre cœur a-t-il de si hauts sentiments de lui-même, et pourquoi l'égarement de vos yeux témoigne-t-il de l'orgueil de vos pensées ? - Pourquoi votre esprit s’élève-t-il contre Dieu jusqu'à proférer de tels blasphèmes ? - Qu'est-ce que l'homme pour se croire innocent et juste, étant né comme il l'est d'une femme ? - Ses saints mêmes ne sont point assurés de leur sainteté, et les cieux ne sont pas purs à ses yeux. - Combien plus l'homme, qui boit l'iniquité comme l'eau, n'est-il pas abominable et inutile devant lui ? "
3. Ecclésiastique, XIX, 27-28 : " La manière de se vêtir, de rire et de marcher de l'homme fait connaître ce qu'il est. - C'est une fausse correction que celle qui a pour principe la colère d'un homme emporté ; et, il y a un jugement qui se trouve n'être pas juste ; tel se tait au contraire, qui le fait par prudence. "
4. Ephésiens, IV, 31 : " Que toute aigreur, tout emportement, toute colère, toute querelle, toute médisance, et toute malice soient bannies d'entre vous. "
5. Ecclésiaste, VII, 9-10 : " L'homme patient est préférable au présomptueux. - Ne soyez point prompt à vous irriter ; car c'est dans le sein de l'insensé que la colère a son siège. "
6. Ecclésiastique, VIII, 19 : " Ne disputez point avec un homme colère, et n'allez point avec l'audacieux dans un lieu désert, car ce n'est rien pour lui de répandre le sang, et lorsque vous serez sans moyen de secours, il vous écrasera. "
7. Ibidem, XXVIII, 1-20 : " Celui qui veut se venger rencontrera la vengeance du Seigneur, et Dieu tiendra en réserve ses péchés pour jamais. - Pardonnez à votre prochain le mal qu'il vous fait, et vos péchés vous seront remis quand vous en demanderez pardon. L'homme garde sa colère contre un homme, et il ose demander à Dieu qu'il le guérisse ?- Il n'a pas de compassion de son semblable, et il demande le pardon de ses péchés ? - Lui qui n'est que chair garde sa colère, et il veut obtenir miséricorde de Dieu. Eh ! Qui priera pour le pardon de ses péchés ? - Souvenez-vous de votre dernier jour, et cessez de nourrir de
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l'inimitié contre qui que ce soit. - Car la corruption et la mort menacent ceux qui violent les commandements du Seigneur. - Ayez la crainte de Dieu devant les yeux, et ne vous mettez point en colère contre votre prochain. - Souvenez-vous de l'alliance du Très-Haut et ne considérez point la faute de votre frère. - Evitez les disputes, et vous diminuerez les péchés. - L'homme colère allume les querelles ; le pécheur jettera le trouble parmi les amis, et il sèmera l'inimitié au milieu de ceux qui vivaient en paix. - Le feu s'embrase dans la forêt selon le bois qui s'y trouve ; ainsi la colore de l'homme s'allume à proportion de ses moyens de vengeance, et plus ses richesses sont grandes, plus s'exhale sa fureur. - La promptitude à disputer allume le feu ; la querelle précipitée répand le sang, et la langue qui rend un faux témoignage donne la mort. - Si vous soufflez sur l'étincelle il en sortira un feu ardent ; si vous crachez dessus, elle s'éteindra : et c'est la bouche qui fait l'un et l'autre. - Celui qui médit en secret et qui a une double langue sera maudit, parce qu'il aura jeté le trouble parmi plusieurs qui vivaient en paix. - Une langue indiscrète a fait l'effet d'une tempête pour un grand nombre d'hommes, et les a dispersés de peuple en peuple. - Elle a détruit des villes fortes et opulentes, et elle a renversé les maisons des grands. - Elle a taillé en pièces les armées des nations, et elle a défait les peuples les plus vaillants. - Une langue indiscrète a fait bannir les femmes fortes, et elle les a privées du fruit de leurs travaux. - Celui qui l'écoute n'aura point de paix, et il n'aura point d'ami sur qui il puisse se reposer. "
8. Ibidem, XXX, 26 : " L'envie et la colère abrègent les jours. "
9. Proverbes, XII, 16 : " L'insensé découvre tout d'abord sa colère ; l'homme habile dissimule l'injure. "
10. Ibidem, XV, 1, 18 : " La parole douce abat la colère ; la parole dure excite la fureur. - L'homme emporté allume les querelles ; l'homme patient arrête celles qui s’étaient allumées. "
11. Ibidem, XVIII, 6, 14 : " Les lèvres de l'insensé s'engagent dans les disputes, et sa bouche provoque les querelles. - Qui pourra soutenir un esprit prompt à s'irriter ? "
12. Ibidem, XXII, 24-25 : " Ne soyez pas ami d'un homme colère, et ne vivez point avec un homme furieux ; - de peur qu'il ne vous apprenne à vivre comme lui, et que vous ne donniez à votre âme un sujet de chute. "
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13. Ibidem, XXVI, 21 : " Le feu rallume le charbon, la flamme le bois ; l'homme colère allume les débats. "
14. Ibidem, XXVII, 3-4 : " La pierre est lourde, et le sable est pesant ; mais la colère de l'insensé est plus pesante encore. - L'orgueil est une tempête qui brise, la colère un torrent qui déborde ; mais qui pourra soutenir la violence d'un homme emporté ? "
15. JOB, V, 2 : " La colère tue l'insensé et l'envie achève sa ruine. "
16. Psaume IV, 5 : " Indignez-vous contre vous-mêmes, et ne péchez plus. "
17. Ps. XXX, 10 : " Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis affligé à l'excès : mes yeux, mon âme et mes entrailles sont troublés par la colère. "
18. Colossiens, III, 8, 12-13 : " Mais maintenant, renoncez à tous ces péchés, à la colère, à l'aigreur, à la malice, à la médisance ; que les paroles déshonnêtes soient bannies de votre bouche. - Revêtez-vous donc comme élus de Dieu, saints et bien aimés, d'entrailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de modestie, de patience ; - vous supportant mutuellement, vous remettant les uns aux autres tous les sujets de plainte que vous pouvez avoir entre vous, et vous entre-pardonnant, comme le Seigneur vous a pardonné. "
19. MATTHIEU, V, 22-24 : " Mais moi, je vous dis que quiconque
se mettra en colère contre son frère, etc. - Si donc vous
présentez votre offrande à l'autel, et que là vous
vous souveniez que votre frère a quelque chose contre vous, - laissez
là votre offrande devant l'autel, et allez vous réconciliez
auparavant avec votre frère, et alors venez présenter votre
offrande. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Moralium lib. XXXI, c. 31 (al. 20) : " La colère engendre les querelles, l'emportement, les injures, les clameurs, l'indignation, les blasphèmes. "
2. S. BASILE-LEGRAND, Homélie sur la colère (c'est la dixième de ses homélies sur divers sujets) : " Quand une fois la colère a pris sur la raison un ascendant funeste, elle la trouble, elle l'éteint. La colère abrutit l'homme, au point de n'y plus rien laisser d'humain. Ce que le poison produit dans les membres où il pénètre, la colère le fait dans les âmes où elle porte ses transports et son délire ; vous les voyez tressaillir, se précipiter
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avec l'impétuosité du chien dans les accès de la rage, s'élancer pour piquer et mordre comme le scorpion et le serpent gonflés de venin. Tel est le langage, telles sont les similitudes qu'emploie l'Ecriture quand elle veut peindre ces brutales passions qui offrent une si frappante analogie avec les inclinations perverses de certains animaux ; et certes, à qui comparer mieux qu'à ces êtres malfaisants, ennemis déclarés du genre humain, ces hommes qui semblent né pour s'entre-nuire, et pour faire du mal à leurs semblables ? "
" Les effets de la colère, quels sont-ils ? Nul frein, nulle discrétion dans le langage, nulle mesure dans les mouvements ; insultes, reproches, calomnies, violences ; mille désordres impossibles à raconter. Dans ses furieuses agitations, vous allez le voir armer du glaive ses homicides mains, et le plonger dans le sang. Aveuglé par la haine, les frères oublient qu'ils le sont ; les pères et les enfants n'entendent plus la voix sacrée de la nature. L'homme ne se connaît plus lui-même ; comment reconnaîtra-il ses proches ? Emporté par la fougue qui les égare et les domine, vous diriez des torrents qui, roulant dans le vallon, renversent et entraînent tout ce qui se rencontre sur leur passage. Rien n'arrête l’homme furieux, ni le respect que commandent les cheveux blancs, ni l'estime due à une conduite vertueuse, ni les liens du sang, ni la reconnaissance que réclament d'anciens services ; rien, en un mot, de ce qui est fait pour se concilier des égards. On a dit que la colère est une démence de quelques moments ; et, en effet, celui qui s'y abandonne, devenu son propre ennemi, sacrifie communément pour satisfaire sa vengeance, jusqu'à son intérêt personnel. Le souvenir de l'offense dont il se plaint le poursuivant comme un aiguillon acharné à sa proie, il ne se donne, dans sa frénésie, nul repos qu'il n'ait fait sentir ses coups à sa victime, au risque de s'en porter à lui-même ; car il est assez ordinaire qu'un corps lancé violemment contre un autre plus dur, reçoive plus de dommage qu'il n'en cause lui-même. "
" Qui pourrait exprimer les horribles effets de la colère ? Qui pourrait dire comment les hommes qui se rendent esclaves de ce vice s'emportent pour le moindre sujet, criant et s'agitant comme des forcenés, s'élançant avec la même impétuosité que des serpents, et ne s'arrêtant que lorsque, comprimés par le mal qu'ils se sont fait à eux-mêmes, leur colère se rompt comme une bulle d'eau qu'un simple choc suffit pour dissiper ? Il n'y a ni fer, ni feu, rien de ce qu'il y a de plus terrible, qui puisse contenir cette fougue
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désordonnée. Celui que le démon obsède de ses fureurs ne présente pas une image plus hideuse ; même dehors, mêmes dispositions intérieures : ainsi possédé du démon de la vengeance, ce furieux ne peut contenir le sang qui bouillonne dans son cœur avec la violence de la fournaise embrasée, et qui s'échappe de ses veines pour s'empreindre sur son visage, sur toute sa personne, le défigurer, lui imprimer l’aspect effrayant des spectres qui se voient sur la scène. Ce n'est plus son regard accoutumé : son œil ardent étincelle, il jette la flamme; ses dents se serrent comme celles du sanglier qui se prépare à l'attaque ; une pâleur livide, mêlée de sang, s'est répandue sur sa chair ; tout son corps s'enfle et se raidit ; ses muscles désorganisés, cédant à l'effervescence des esprits vitaux qui les compriment, semblent menacer de se rompre ; sa voix rauque, forcée, ne rend que des sons mal articulés, confus, qui se précipitent sans ordre et sans motif. Que la passion vienne à être portée aux derniers excès par les résistances, alors, telle que la flamme devenue plus dévorante par les matières combustibles qu'elle reçoit elle vous offre des aspects qu'il n'est plus possible ni de décrire, ni de supporter. Ses mains errent au hasard, s'attaquant à tout ce qu'elles rencontrent ; ses pieds frappent et renversent, n'épargnant pas ce qui est le plus nécessaire a son usage : tout lui devient une arme, et une arme meurtrière. Et si malheureusement cet homme, ainsi agité, se trouvait avoir en tête un autre furieux dont la passion ne cédât pas à la sienne, vous les verriez aux prises l'un contre l'autre, se donner et se rendre tout ce qui est comme l'accompagnement obligé de ces sortes de combats, bien dignes en effet du chef qui les préside. Membres mutilés, blessures souvent mortelles, tels sont les honorables prix que leur vaut leur réciproque animosité. L'un a sans raison commencé l'attaque ; l'autre a voulu se venger : le premier s'opiniâtre, le second ne cède point : les coups volent, ils se pressent ; la douleur est surmontée par la haine. Peu importe que l'on souffre, pourvu que l'on fasse souffrir : la soif de la vengeance absorbe tout autre sentiment. Oh ! mes frères, gardez-vous bien de chercher jamais à guérir le mal par le mal : dans ces sortes de défis, le plus à plaindre est toujours celui qui triomphe. . . La colère a engagé la querelle, la querelle les injures, les injures les corps, ceux-ci les blessures, et les blessures enfin occasionnent souvent la mort. "
" C'est à sa source qu'il faut arrher le mal ; c'est dans le cœur qu'il faut en chercher et couper les racines. On s'est permis
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contre vous des paroles injurieuses ? répondez par des bénédictions ; de mauvais traitements ? supportez-les. On vous méprise, on vous traite d'homme de néant ? Rappelez à votre souvenir que vous êtes sorti de terre, et que vous retournerez en terre (Gen., III, 19). Si vous vous munissez de ces raisons, les reproches les plus injurieux vous paraîtront au-dessous de la vérité. Vous réduirez votre ennemi à l'impuissance de se venger en vous montrant invulnérable aux invectives, et vous vous procurerez à vous-même une glorieuse couronne de patience, en faisant servir la folie d'autrui à votre vertu. Si donc vous m'en croyez, vous renchérirez vous-même sur les injures qu'on vous adresse. On vous reproche d'être d'une naissance basse et obscure, d'être un homme de rien ? Dites-vous à vous-même que vous êtes cendre et poussière (Gen., XVIII, 27). Vous n’êtes pas plus illustre que noire père Abraham, qui s'est traité lui-même de la sorte. On dit que vous n'êtes qu'un ignorant, un pauvre, un misérable ? Dites comme David que vous n’êtes qu'un ver de terre sorti de la boue (Ps. XXI, 7). Imitez la générosité de Moïse qui, attaqué par les discours offensants d'Aaron et de Marie, loin l'implorer contre eux le Seigneur, le pria pour eux (Nom., XII, 13). "
" A quelle école, dites-moi, voulez-vous appartenir ? celle des hommes religieux et pacifiques, ou à celle des esclaves d'un esprit de malice ? Toutes les fois que vous sentez s'élever dans votre cœur la tentation de répondre à des outrages, à des calomnies, pensez que l'on vous éprouve, que l'on veut connaître si vous approchez de Dieu par la patience et par une courageuse résignation, ou si vous vous rangez par la colère du parti de son ennemi. Donnez-vous le temps de délibérer et de choisir ce qu'il y a de mieux à faire. Telle est l'alternative que vous vous assurez : ou bien vous apaiserez votre ennemi par l'exemple de votre douceur ; ou vous vous vengerez de lui par le mépris et quelle vengeance lui peut être plus sensible ? Que pouvez-vous lui faire de plus chagrinant, que de lui témoigner que vous êtes à une hauteur où ses insultes ne peuvent vous atteindre ? "
" Si la colère est un mal, pourquoi ne pas l'éviter ? Si elle est pardonnable, pourquoi vous fâcher contre celui qui s'y livre ? Ainsi, je le répète, dire que vous n'avez pas commencé, que vous n'avez fait que repousser l'injure, cela ne vous servira de rien. Dans les luttes des athlètes, ce n'est pas celui qui a commencé le combat, mais celui qui a vaincu son antagoniste, qui est couronné. Dans un sens contraire, ce n'est pas seulement celui qui
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commence le mal, mais celui encore qui pour le commettre se met à la suite d'un mauvais guide, qui est condamné. Si l'on vous reproche d'être pauvre et que vous le soyez réellement, ne vous offensez point de la vérité ; si vous êtes riche, le reproche ne vous regarde pas. Ne soyez ni enflé des fausses louanges qu'on vous donne, ni irrité des fausses injures qu'on vous adresse. Ne voyez-vous pas que les flèches pénètrent dans les corps fermes et qui résistent mais qu'elles n'ont plus d'action contre les corps mous qui leur cèdent sans résistance ? Croyez qu'il en est de même de l'invective. Celui qui va au-devant en reçoit l'atteinte ; celui qui se retire et qui cède détruit toute la force de la méchanceté qui l'attaque avec fureur. Pourquoi vous chagriner tant d'être traité de pauvre ? Souvenez-vous de votre origine ; songez que vous êtes entré nu dans le monde, et que vous en sortirez nu (JOB, I, 21). Or, est-il rien de plus pauvre qu'un homme nu ? L'injure n'est offensante, qu'autant que vous la prenez pour vous seul. Personne n'a jamais été traîné en prison pour sa pauvreté. Ce n'est pas une chose honteuse que d'être pauvre ; mais il est honteux de ne pas supporter généreusement la pauvreté. "
" Rappelez-vous votre Maître qui étant riche est devenu pauvre à cause de nous (I Cor., VIII, 9). Vous traite-t-on de fou et d'ignorant ? Rappelez-vous les injures dont les juifs ont accablé la justice éternelle : Vous êtes un samaritain et vous êtes possédé du démon (JEAN, VIII, 48). Si vous vous irritez, vous confirmez le reproche, car rien de plus insensé que la colère : si vous restez tranquille et paisible, vous couvrez de confusion celui qui vous insulte, par la sagesse que vous faites paraître. On vous a frappé sur la joue ? Le Seigneur y a été aussi frappé. On vous a couvert de crachats ? Notre-Seigneur en a été aussi couvert, et il n'a pas détourné son visage de ceux qui le couvraient de crachats (Is., L, 6). Vous avez été calomnié ? Le souverain Juge l'a été aussi. On a déchiré votre vêtement ? Les juifs ont dépouillé votre Sauveur, et ont partagé sa tunique. Vous n'avez pas encore été condamné comme lui, vous n'avez pas encore été crucifié. Il vous manque beaucoup de traits pour parvenir être sa parfaite image. Que toutes ces réflexion entrent dans votre âme et en guérissent l'enflure. Ces sentiments dont vous serez pénétré d'avance, calmeront dans l'occasion les saillies de votre cœur et le mettront dans une situation tranquille et paisible. . . "
" Comment donc éviterons-nous les suites funestes de la colère ? Ce sera si nous l'empêchons de prévenir la raison ; si nous avons
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soin de la retenir, dès que nous en ressentons les premières atteintes ; si nous nous l'assujettissons comme un cheval fougueux, en la rendant docile à la raison comme à un frein, en ne lui permettant pas de s'écarter des bornes, ou de s'éloigner du guide qui la conduit. . . "
" La colère qui n'éclate que quand il le faut et comme il le faut, produit la patience, la force et la constance ; elle devient fureur et folie, si elle s'éloigne de la droite raison. C'est pour cela que le Psalmiste nous donne cet avertissement : Mettez-vous en colère et ne péchez pas (Ps. IV, 8). Le Seigneur, qui menace du jugement celui qui se met en colère sans raison (MATTH., V, 22), ne rejette pas la colère dont on use comme d'un remède. Ces paroles : Je mettrai une inimitié entre vous et le serpent (Gen., III, 15), et ces autres : Soyez ennemis des Madianites (Nom., XXV, 17), nous apprennent qu'on peut se servir de la colère comme d'une arme. Aussi Moïse le plus doux des hommes (Nom., XII, 5), voulant punir l'idolâtrie, arma-t-il les mains des lévites pour la répression de leurs frères. Que chacun de vous, dit-il, s'arme d’un glaive ; qu'il passe au travers du camp d'une porte à l'autre, et qu'il tue son frère, son parent, celui qui lui est le plus proche (Exode, XXXII, 27-29). L'Ecriture ajoute un peu plus bas : Alors Moïse leur dit : Vous avez consacré aujourd'hui vos mains au Seigneur, en les baignant dans le sang de vos fils et de vos frères afin que vous receviez la bénédiction. Qu'est-ce qui a justifié Phinées ? N'est-ce pas sa juste colère contre les fornicateurs ? Doux et humain par caractère quand il vit Zambri s'abandonner publiquement à une Madianite, sans rougir de son crime infâme, sans chercher même à le cacher, il ne put souffrir cette impudence, et obéissant l'impulsion d'une colère légitime il perça d'un même coup les deux coupables (Nom., XXV, 8). Samuel, transporté d'un juste courroux, n'a-t-il pas égorgé en présence de tout le monde, Agag, roi d'Amalec, que Saül avait épargné contre les ordres de Dieu (I Rois, XV, 53) ? Ainsi la colère est souvent un moyen de faire des actions louables. Le prophète Elie, animé d'un saint zèle, d'une colère sage et réfléchie a fait tuer, pour l'avantage de tout Israël, quatre cent cinquante prêtres de Baal, avec quatre cents hommes qui servaient aux sacrifices sur les hauts-lieux, et qui mangeaient à la table de Jézabel (I Rois, XVIII, 19 et suiv.). Pour vous, vous vous mettez en colère sans sujet contre votre frère. Oui, sans sujet, puisque vous vous fâchez contre lui, lorsque c'est le démon qui agit par son moyen. Vous
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faites comme les chiens qui mordent la pierre qu'on leur jette, sans toucher à celui qui l'a jetée. Celui qui est poussé par le démon est à plaindre ; le démon qui le pousse est seul haïssable. Tournez donc votre colère contre ce cruel assassin des hommes, ce père du mensonge, cet auteur du péché ; mais ayez pitié de votre frère, puisque, s'il persiste dans sa faute, il sera livré avec le démon aux flammes éternelles. . . "
" Si, conformément au commandement du Seigneur vous vous accoutumez à être le dernier de tous, comment pourrez-vous vous fâcher jamais du mépris qu'on fera de votre personne ? Si un petit enfant vous dit des injures, vous ne faites qu'en rire ; si un frénétique vous fait des reproches diffamants, vous le regardez comme plus digne de compassion que de haine : ce ne sont donc pas les paroles qu'on nous dit qui nous blessent, mais notre orgueil qui se révolte contre les invectives qu'on nous lance, joint à la bonne opinion que nous nous formons de nous-même. Si donc nous bannissons de notre âme ce double sentiment, toute injure ne sera pour nous qu'un vain son qui se perdra dans l'air. Ainsi, calmez les mouvements de votre colère et de votre indignation (Ps. XXXVI, 8), si vous voulez vous mettre à l'abri de la colère de Dieu, qui éclate du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes (Rom., I, 18). Si par votre sagesse vous venez à bout d'arracher de votre cœur cette racine amère, vous détruirez à la fois beaucoup d'affections perverses dont elle est le principe. Car les tromperies, les soupçons, les perfidies, les méchancetés, les embûches, l'audace, et mille autres vices pareils, sont les rejetons de cette passion funeste. Prenons donc garde d'introduire en nous un si grand mal, qui altère la bonne constitution de notre âme, obscurcit les lumières de notre raison, nous éloigne de Dieu, étouffe les sentiments de la nature, allume la guerre, met le comble à tous les maux, ouvre l'entrée de notre cœur à un démon dangereux, à un ennemi impudent, et la ferme à l'Esprit-Saint. Car l'esprit de douceur n'habite point là où règnent les inimitiés, les contentions, les querelles, les emportements, les divisions qui causent des troubles éternels. D'après l'avis de saint Paul, bannissons du milieu de nous toute colère, tout emportement, toute clameur, enfin toute malice (Eph., IV, 31). Soyons bons et charitables les uns à l'égard des autres. Bienheureux ceux qui sont doux, dit l'Evangile, parce qu'ils possèderont la terre (MATTH., V, 4). Attendons la félicité promise aux âmes
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douces, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui soient la gloire et l'empire dans les siècles des siècles (Cf. Homélies, etc., de saint Basile-le-Grand, trad. par l'abbé Auger, pag. 60-74). "
3. S. CHRYSOSTOME, Hom. XXIX ad pop. Antioch. (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, tome IX, pag. 54, édition de Montfaucon ; pag. 63-64, édit de Gaume ; Homélies, etc., de saint Jean Chrysostôme, trad. par l'abbé Auger, tome IV, p. 324-325) : " Rien de plus déplaisant et de plus affreux qu'un homme qui se laisse dominer par la colère ; rien de plus gracieux et de plus aimable que celui qui est toujours maître de lui-même. Il vaudrait mieux habiter avec une bête féroce qu'avec un homme emporté. Quand, une fois on a apprivoisé un animal farouche, il conserve toujours les nouvelles impressions qu'on lui a données ; mais après qu'on a calmé les saillies d'un homme furieux, il retombe bientôt dans la même fureur dont il s'est fait une habitude. Il y a la même différence entre un homme doux et un homme violent, qu'entre un jour clair et serein et un jour d'hiver triste et sombre. Mais ne parlons pas des maux que la colère fait aux autres ; parlons de ceux qu'elle se fait à elle-même. Un bourreau qui déchire les flancs de sa victime, peut-il lui causer plus de douleur ? une broche rougie au feu qui entre dans les chairs fait-elle une blessure plus cruelle ? quelle folie a jamais fait perdre la raison, comme la colère et l'emportement ? Je connais plusieurs personnes que cette passion, qui est une véritable fièvre et de toutes la plus ardente, a rendues réellement malades. Quelques-uns en ont perdu les yeux ; d'autres sont tombés dans des maladies dangereuses. Mais si elle incommode si fort le corps, quels ravages ne fait-elle pas dans l'âme ? Ne dites point que vous ne vous en apercevez pas ; songez que, si la partie de nous-mêmes à laquelle la colère se communique en souffre de la sorte, celle qui la produit doit en souffrir davantage. L'homme qui, maître de soi, supporte tout avec patience, se mettra sans peine à l'abri de toutes disgrâces. Quoique le démon soit l'ennemi déclaré de notre salut, quoique son joug soit pesant et incommode, quoique l'enfer soit le prix de notre soumission à ce qu'il nous commande, nous lui obéissons néanmoins plus volontiers qu'à Jésus-Christ, qui est notre Sauveur et notre bienfaiteur, qui nous donne des préceptes plus utiles en même temps et plus agréables, des préceptes dont nous pouvons tirer les plus grands avantages pour les autres et pour nous-mêmes. La colère, sans doute, est une passion funeste ; c'est une
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maladie prompte et violente. Quelquefois dans l'emportement nous avons proféré une parole ou nous avons fait une action que nous n'avons jamais pu corriger, dont nous avons ressenti le contrecoup pendant toute la vie. Et ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est que souvent cette seule parole ou cette seule action nous a fait perdre en un instant des biens éternels, nous a jetés dans des malheurs sans fin. Je vous conjure donc, mes frères de ne rien négliger pour vous rendre maître de cette bête féroce pour la tenir toujours enchaînée. Obéissons à Dieu, plutôt que de nous jeter dans ce gouffre de perdition ; retenons, tandis qu'il en est temps encore, les mouvements de ce coursier fougueux, de peur qu'il ne renverse son cavalier ; coupons les ailes à la colère afin qu'elle ne puisse plus se livrer à ses impétueuses saillies. La colère est un mal ingénieux à s'insinuer subtilement dans nos âmes, et à s'emparer d'elles à leur propre insu ; il faut donc lui en fermer toutes les avenues ; car, quoi de plus choquant que de voir l'homme déployer quelquefois son habileté à apprivoiser des bêtes féroces, et ne savoir pas se commander à lui-même. La colère est un feu violent qui dévore tout ; elle altère la santé du corps, elle vicie l'âme, elle donne aux traits du visage un aspect farouche, elle défigure en nous l'image de Dieu. Si celui qui se met en colère pouvait bien se voir lui-même au moment où il s'emporte, il n'aurait pas besoin pour s'en corriger d'un autre avertissement que de celui-là. Car il n'y a rien de plus triste à voir qu'un homme en colère. La colère est une espèce d'ivresse, ou plutôt l'ivresse est moins funeste, et les obsessions même du démon sont un moindre mal. La bonne philosophie consiste donc à garder en tout les bornes. "
4. Le même, homélie 30 au peuple d'Antioche (al. in Acta apost., hom. 17 et 41) : " L'Esprit-Saint n'habite pas là où domine la fureur ; l'homme colère est maudit de Dieu. N'attendez rien de sage de celui qui agit avec colère : car la colère ne laisse pas plus lieu de délibérer que ne donne le temps de le faire une violente tempête s'élevant sur la mer. . . Voyez les yeux des possédés, des gens ivres et des hommes en fureur ; y a-t-il entre eux tous quelque différence ? N'est-ce pas chez tous le même égarement dans le regard ? Mais, dira-t-on, la fureur est un accident passager. Je le veux ; mais cependant quoi de plus détestable ? Ces gens n'ont pas honte de dire pour leur excuse : Je ne savais ce que je disais. Eh ! pourquoi ne le saviez-vous pas, ô homme doué de raison ? Pourquoi vous conduisez-vous comme
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une brute, emporté que vous êtes par la colère et la fureur ? Une pareille excuse est un crime de plus. Plût à Dieu que vous sussiez ce que vous disiez ! Les paroles que je disais, ajoutez-vous, venaient de la colère plutôt que de moi-même. Comment de la colère ? est-ce que la colère a d'autres effets que ceux que vous lui faites vous-même avoir ? C'est comme si quelqu'un disait : Les blessures qu'a reçues mon ennemi viennent de ma main, mais non de moi. . . Hâtons-nous donc de nous délivrer d'un pareil démon ; réprimons ses fureurs dès le commencement ; que notre caractère de chrétiens soit un frein qui nous retienne. La colère est un chien impudent ; mais que ce chien apprenne à écouter la voix du berger (Il y a dans le texte ?????, pastoris. Le contexte semble exiger cette dernière leçon. Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. IX, p. 140-141, édit. de Montfaucon ; p. 162-148 bis, édition de Gaume). . . "
" Lorsque nous nous abandonnons ainsi au péché, notre état est bien plus misérable que celui des possédés du démon. Mais, dira-t-on, nous n'écumons pas, nous ne faisons pas de contorsions d'yeux et de mains. Hélas ! plût à Dieu que vous éprouvassiez ce désordre dans vos corps plutôt que dans vos âmes ! Voulez-vous que je vous montre une âme impure jetant son écume et l'égarement dans l'œil de l'intelligence ? Représentez-vous ceux qui sont en colère et que la fureur met hors d'eux-mêmes ; quelle écume peut être comparée aux paroles ordurières qu'ils vomissent de leur bouche ? quelle bave fétide que ce torrent d'injures ! Et de même que les démoniaques ne reconnaissent personne de ceux qui les entourent, ainsi les gens en colère, dans le trouble de leurs pensées et dans la fureur qui assombrit leur regard, ne distinguent plus entre ami et ennemi, entre supérieurs et inférieurs. Ne voyez-vous pas de quel tremblement leurs membres sont saisis, comme s'ils étaient possédés ? Ils ne se jettent pas à terre, il est vrai ; mais c'est leur âme qui est renversée à terre et qui tombe épuisée. Car si elle était debout, elle n'éprouverait pas le désordre qui l'agite. Une âme qui conserverait sa force et sa rectitude se permettrait-elle ce que font et disent ceux que transporte la fureur ? Il est encore une autre espèce de démence plus déplorable que celle que je viens de dire. Laquelle, demanderez- vous ? C'est que les gens de ce caractère ne veulent pas déposer leur colère mais qu'ils nourrissent en eux-mêmes leur ressentiment qui devient comme leur propre bourreau. Car le
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désir qu'ils ont de se venger les rend malheureux tout les premiers dès ici-bas, pour ne pas parler du sort qui les attend dans la vie à venir. Car quel tourment pour un esprit blessé, continuellement occupé des moyens de se venger de son ennemi ! Il se punit lui-même le premier, par les pensées contradictoires qui le déchirent et par le feu intérieur qui le consume. Et qu'il ne se flatte pas que ce feu puisse s'éteindre en lui tant qu'il n'a pas renoncé à son ressentiment. . . "
" Ne gardez pas votre colère jusqu'au soir, dit saint Paul (Eph., IV, 26). Car la colère ronge l'âme, comme la teigne les habits. Pourquoi nourrir ce serpent dans votre sein ? que dis-je ? il vaudrait mieux pour vous d'avoir une vipère dans vos entrailles, que de garder votre colère et votre ressentiment dans votre cœur. Car ce serpent, cette vipère, vous lâcherait à la fin ; au lieu que cet autre monstre ne vous quittera point, et ne cessera pas de vous déchirer de ses dents, de vous infiltrer son venin, de vous assiéger d'une armée entière de pensées chagrines. . . "
" Ce n'est pas un caractère méprisable que celui qui ne se laisse pas vaincre par la passion ; mais c'en est un, que celui qui, par la crainte qu'il a d’essuyer les moqueries de ses semblables, cède lâchement à sa passion, offense Dieu et se punit lui-même (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. IX, p. 314-316, édition de Montfaucon ; p. 351-352, édit. de Migne). "
5. Le même, Hom. XXII ad populum Antiochenum : " Nous fuyons tous un animal lorsqu’il est en fureur ; fuyons de même l'homme colère. Est-ce honorer l'un et l'autre, que de nous retirer ainsi devant eux ? Loin de là, c'est plutôt leur témoigner notre mépris, ou mieux encore notre compassion et notre pitié. Ne voyez-vous pas que les matelots, lorsqu'un vent violent vient à souffler, baissent les voiles de leur navire pour empêcher qu'il ne soit submergé ? qu'un cavalier, lorsqu'il se voit emporté par son cheval, ne retire point à lui la bride, par la crainte qu'il a d'y épuiser en vain ses forces ? "
" La colère est un feu, une flamme rapide, mais qui a besoin de matière pour s’enflammer. Ne lui fournissez point d'aliment, et ce mal ne tardera point à s’éteindre. La colère n'a par elle-même aucun effet, si personne ne commet la faute de la nourrir. Vous êtes inexcusable de l’attiser comme vous faites. Cet homme est hors de lui-même, il ne sait ce qu'il fait ; vous, bien loin de
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vous corriger en vous instruisant par son exemple, vous l'imitez dans ses emportements : quelle sera donc votre excuse ? Si, assistant un festin, vous voyez un des convives s'enivrer dès le commencement et se livrer aux honteux excès si naturels à l'ivresse, n'en serez-vous pas plus inexcusable si vous vous enivrez comme lui avec son exemple sous les yeux ? "
" Pensez-vous que ce soit alors une excuse que de pouvoir dire : Ce n'est pas moi qui ai commencé ? Mais c'est là plutôt ce qui vous condamne, de ne pas vous être corrigé en ayant son exemple sous les yeux. C'est comme si quelqu'un disait : Ce n'est pas moi qui ai commis le premier homicide : c'est pour cela même qu'il mériterait le plus d'être puni, puisqu'il n'aurait pas mis à profit l'exemple des autres pour se contenir lui-même. Si, après avoir vu un homme ivre vomir tout ce qu'il a pris, couvrir la table de ses immondices, rendre le vin par ses narines et par ses yeux, agité, tourmenté, tout le monde le fuir, vous tombez vous-même dans le même désordre, n'en serez-vous pas plus répréhensible ? Tel est l'homme en colère : ses yeux sont enflammés, ses entrailles bouleversées, sa poitrine gonflée, ses paroles plus indigestes et plus immondes que ce que vomit l'autre dans son ivresse, car la fureur ne lui permet pas de les mesurer et de les mettre en ordre, ni de taire ce qui doit être gardé sous silence, pas plus que l'agitation des humeurs ne permet à l'autre de rien garder dans son estomac. Il parle donc sans suite, sans retenue, jetant le déshonneur moins sur ceux qui l'entendent que sur lui-même. Comme donc nous avons horreur de quelqu'un qui vomit, ayons de même horreur des gens en colère ; jetons la poussière sur toutes les paroles dégoûtantes que leur bouche aura vomies. Je vois que mes paroles excitent la nausée en vous ; ah ! puissent ces désordres dont je vous parle, lorsque vous en serez témoins, l'exciter bien davantage ! Puissent-ils du moins n'être pas pour vous un sujet de divertissements ! Celui qui prend plaisir à ce qui outrage la nature, se met au-dessous de ces impurs animaux qui retournent à leurs vomissements. Si, après avoir vomi une fois, on cessait de le faire, on vaudrait peut-être mieux que tel animal ; mais si l'on vomit de nouveau, c'est une preuve évidente qu'on ne s'est pas corrigé ou qu'on s'est repu des mêmes aliments. Or, est-il rien de dégoûtant comme une bouche qui se repaît de semblables immondices ? L’un au moins est un effet de la nature, l'autre ne l'est l’est pas ; ou plutôt, l'un et l'autre est contre nature. Comment cela ? C'est que tout outrage blesse la nature,
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offense et contrarie la nature. Ce qu'on dit dans la fureur convient mieux à un animal féroce qu'à un être raisonnable. De même que les maladies du corps sont contraires à la nature des corps, ainsi en est-il par rapport à l'âme des maladies de l'âme. Ce qui contrarie la nature fait mourir celui qui l'éprouve trop longtemps ; tandis que ce qui est conforme à la nature entretient la vie dans celui qui en est le sujet. J'aimerais mieux me voir à table avec un homme qui mangerait de la boue, qu'avec celui que la colère porte à dire des paroles aussi déplacées que les siennes. Voyez ces pourceaux cherchant leur pâture dans le fumier : ainsi font les hommes en colère. Car, qu'y a-t-il de plus dégoûtant que les paroles d'injures qu'ils ont à la bouche ? Il semble qu'ils prennent à tâche de ne rien dire de sensé, de ne rien dire de convenable, mais de dire comme de faire tout ce qu'ils peuvent trouver de plus déraisonnable et de plus extravagant ; et ce qu'il y a de pire, c'est qu'ils s'imaginent déshonorer les autres par ce moyen, tandis qu'ils se déshonorent eux-mêmes. "
6. Le même, Hom. VI in Acta apostolorum : " Rien n'est plus désagréable, plus incommode, plus dégoûtant, qu'un homme qui se laisse entraîner par les mouvements de la colère. Rien n'est plus agréable, plus réjouissant, d'un meilleur commerce, qu'un homme qui ne se met jamais en colère et qui est toujours le maître de soi. "
" Il serait plus avantageux et plus sûr d'habiter avec une bête farouche qu'avec un homme emporté. Quand on a apprivoisé une bête farouche, elle conserve toujours les sentiments qu'on lui a inspirés ; au lieu qu'après qu'on a calmé les saillies d'un homme furieux, il se laisse encore emporter un moment après à sa colère, parce que c'est une habitude en lui, dans laquelle il retombe à tout moment. Comme il y a une très-grande différence d'un jour clair et serein à un jour d'hiver, pluvieux, sombre et rempli de nuages ; ainsi y a-t-il une grande différence entre un homme doux et tranquille, et un homme colère et passionné. Je ne vous parle pas encore des maux ni des incommodités qu'on en ressent ; je ne vous parle que des maux et des incommodités qu'il se cause à lui-même, quoique ce soit déjà se faire un grand mal à soi-même, que d'en faire aux autres. Mais arrêtons-nous pour le moment à cette première considération. Un bourreau peut-il briser les membres avec plus de fureur, etc., " et le reste comme plus haut, Hom. XXIX au peuple d'Antioche, témoignage 3, page 523.
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6. Le même, Hom. IV in Matthæum : " Regardez la colère comme une bête farouche, et appliquez-vous A la dompter et à l'apprivoiser avec le même soin que les autres apprivoisent les lions. Cette passion a ses dents et ses griffes ; et, si on ne l'adoucit, elle mettra tout en pièces. Le lion ni la vipère ne peuvent déchirer les entrailles, comme le fait la colère par ses ongles de fer ; elle n'affecte pas simplement le corps, elle porte ses ravages jusque dans l'âme, elle ronge et corromp ce qu'il y a en elle de plus sain et de plus pur, détruit toute sa force et la rend inutile à tout. Si ceux qui ont les entrailles rongées de vers ne peuvent même respirer, comment pourrons-nous former une pensée sainte et généreuse, tant que nous entretiendrons au-dedans de nous cette passion, qui, comme une vipère cruelle, nous ronge le cœur (Cf. Opera S. Joann. Chrysost., t. VII, p. 63, édit. de Montfaucon ; page 73, édit. de Gaume ; Homélies, etc., de saint Jean Chrysostôme, trad. par l'abbé Auger, t. IV, p. 518) ? "
7. Le même, Hom. XVIII in Matthæum : " Lorsque des frénétiques frappent et outragent leurs médecins, ceux-ci ne les en plaignent que davantage et ne songent pas à autre chose qu'à les guérir, sachant bien que cet outrage n'est l'effet que de la maladie. Imitez cette conduite à l'égard de vos ennemis, et ne traitez pas autrement ceux qui vous outragent : car ce sont de vrais malades, à qui même la violence de la maladie ôte la connaissance de ce qu'ils font. Appliquez-vous donc à améliorer leur état, aidez-les à vaincre leur emportement, et délivrez-les de ce démon cruel de la colère et de la fureur. "
" Nous plaignons les possédés lorsqu’ils se présentent à nous, et nous ne sommes nullement tenté de vouloir être possédés comme eux. Usons-en de même à l'égard de ceux qui se mettent en colère : regardons-les comme de véritables possédés, d'autant plus malheureux, qu'ils sont furieux sans avoir perdu l'esprit. Et c'est aussi ce qui ôte toute excuse à leur folie. "
" N'insultez donc point ces misérables, mais prenez-les en pitié. Quand nous voyons une personne tourmentée de la bile, et qui témoigne par le soulèvement de son estomac qu'elle veut rejeter quelque humeur maligne, nous avançons le bras pour la soutenir, sans craindre même que nos vêtements ne soient salis, et sans avoir d'autre pensée que de lui porter secours. Traitons de la même manière ces autres malades ; pardonnons-leur ce qu'ils
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vomissent contre nous ; attendons avec patience qu'ils aient déchargé leur mauvaise humeur, et ne les quittons point qu'ils n'en soient entièrement délivrés. Ce sera alors qu'ils comprendront la grandeur du service qu'ils auront reçu de vous, et qu'ils pourront reconnaître de quelle maladie vous les avez guéris. Que dis-je, qu'ils pourront se connaître ? Dieu lui-même vous ceindra aussitôt d'une couronne de gloire, et vous comblera de ses dons, pour avoir sauvé votre frère d'une situation si dangereuse, en même temps que cet homme vous révérera comme son maître et ne cessera d'admirer votre modération et votre douceur. "
8. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. V Moralium in Job, c. 30 et 31 (al. 22) : " La colère tue l’insensé, et l'envie fait mourir le petit (JOB, V, 2). Soyons persuadés que, quand nous réprimons ces mouvements turbulents de notre âme par la vertu de douceur, nous travaillons à réparer en nous l'image de Dieu. Car lorsque la colère survient à l'âme au milieu même de son plus grand calme, elle la trouble et la déchire en quelque manière, la met en lutte avec elle-même, et lui fait perdre ainsi le mérite de sa ressemblance avec Dieu. Considérons donc quel est le crime de la colère, qui, altérant en nous le calme de l'âme, y corrompt aussi la beauté de cette image céleste. "
9. Le même, ibidem, c. 31 : " En effet, ce vice nous fait perdre la vraie sagesse, en sorte que l'on ne sait plus ni ce qu'on fait, ni ce qu'on doit faire, ni comment on doit le faire, selon ces paroles de l'Ecriture : La colère repose dans le sein de l'insensé (Ecclésiaste, VII, 10). Car en jetant la confusion dans l’âme, elle lui ôte la lumière de l'intelligence. Et lors même que l'on paraît conserver la sagesse, on perd la vie, selon ces autres paroles de l'Ecriture : La colère perd les prudents mêmes, parce que l'esprit étant dans le trouble de la colère, il est incapable de faire le bien, lors même que la prudence le lui fait connaître. "
" La colère nous fait aussi abandonner la justice, selon ces paroles de l'apôtre saint Jacques (I, 20) : La colère de l’homme n’accomplit point la justice de Dieu. Car, quand l'esprit qui est troublé a répandu ses nuages sur le jugement de la raison, l'on croit juste et raisonnable tout ce que la fureur suggère. La colère détruit la douceur de la société civile, selon ces paroles du Sage dans les Proverbes : Ne fréquentez point un homme colère, de peur que vous n’imitiez son exemple, et qu’il ne vous soit un sujet de scandale et de péché (XXII, 24-25). Et dans le même endroit : Qui peut habiter avec un homme qui se met facilement en colère ?
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Car celui qui n'est pas capable de se modérer par la raison, mérite de vivre tout seul comme une bête. "
" La colère rompt la concorde, selon ces paroles des mêmes Proverbes : Un homme prompt excite des querelles, et un homme colère cause des péchés (Prov., XV, 18). En effet, l'homme colère cause des péchés, lorsqu'excitant des discussions parmi les méchants, il les rend encore pires. La colère nous prive de la lumière de la vérité, selon ces paroles de l'Apôtre : Que le soleil ne se couche point sur votre colère (Eph., IV, 26) ; parce que, quand la colère répand dans l'esprit les sombres vapeurs de la tempête qu'elle y excite, l’homme ne peut plus faire usage même de ses connaissances acquises. "
" La colère chasse de notre âme le Saint-Esprit, comme il est écrit dans Isaïe (LXVI, 2) : Sur qui se reposera mon esprit, sinon sur celui qui est humble, qui est tranquille et qui tremble à mes paroles ? Remarquez que le prophète ne sépare pas la tranquillité de l'humilité. Si donc la colère vient à bannir la tranquillité de l'âme, elle en ferme en même temps l'entrée au Saint-Esprit, et l'âme dont l'Esprit-Saint s'est retirée s'emporte bientôt en des folies et des extravagances manifestes, le trouble qui l'agite en elle-même ne pouvant manquer de se produire au-dehors. Car quand l'homme est embrasé de colère, le cœur lui bat, son corps tremble, sa langue bégaye, le feu lui monte au visage, ses yeux étincellent, en un mot il devient méconnaissable ceux mêmes qui le connaissent ; de sorte qu'un homme qui est si peu maître de ses actions, diffère peu en cet état d'un homme possédé du malin esprit. "
" Aussi arrive-t-il souvent que la colère fasse des mains ses ministres, et que se rendant plus insolente par l'absence de la raison, elle possède l'esprit si absolument, qu'il n'est plus capable de se retenir, de sorte que la fureur se sert des mains pour maltraiter ceux contre qui elle s'allume, et elle le fait d'autant plus facilement, qu'elle retient comme prisonnière l'âme qui en devrait être la maitresse. "
" Quelquefois la colère n'emploie pas les mains pour se satisfaire, mais la langue à laquelle elle fait vomir des imprécations et des injures. On pousse la folie jusqu'à demander dans ses prières la mort d'un frère et jusqu'à vouloir que Dieu fasse ce que la malice de l'homme appréhende et rougit d'exécuter. Ainsi l'homme commet un homicide par ses désirs et ses paroles, lors même que ses mains ne sont point trempées dans le sang de son prochain. "
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" Quelquefois la colère impose silence à un esprit troublé, comme par un ordre absolu, et elle s'embrase au-dedans avec d'autant plus d'ardeur, qu'elle ne s'évapore point au-dehors par les paroles ; ainsi, lorsqu'un homme en cet état s'abstient de parler à son ennemi, il ne lui dit que trop, sans lui rien exprimer, quelle est la violence de son indignation. Il arrive parfois que cette retenue dans les paroles ait la sagesse pour principe ; mais il faut alors que la vertu de modération règne bien absolument dans le fond du cœur. Quelquefois aussi, pendant qu'on réprime l'emportement de l'esprit par le silence qu'un s'impose, on se détache insensiblement de l'amour du prochain, et il se forme dans le cœur des ressentiments plus implacables ; puis il survient de nouveaux sujets d'aigreur, et une paille se change en poutre dans l'œil de l'homme colère, lorsque son indignation s'est ainsi changée en haine. "
" Souvent la colère étant resserrée, pour ainsi dire, dans la prison du silence, s'embrase plus violemment, et gronde d'autant plus fort qu'elle est plus comprimée. Elle se représente les paroles qui peuvent l'aigrir, et se figurant être devant son adversaire, elle s'étudie à lui répondre sur un ton plus dur encore que le sien. C'est ce que Salomon à marqué en peu de mots lorsqu'il a dit : L'attente des impies est la fureur (Prov., XI, 23) ; parce que l'esprit troublé par la colère ressent une sorte de rage de se voir réduit au silence, et que les flammes de son courroux le consument d'autant plus ardemment, qu'elles sont plus concentrées en lui-même. De là vient qu'un sage a fort bien dit, longtemps avant nous : Les mouvements de la colère sont de la race des vipères, puisqu'ils rongent leur mère, qui est l'âme. "
10. Ibidem, c. 32 : " Or, il faut savoir qu'il y en a qui se mettent plus tôt en colère que d'autres, et qui aussi en sortent plus tôt. D'autres sont plus difficiles à s'animer, mais aussi ne s'apaisent pas si promptement. Car les uns étant semblables à des roseaux enflammés font beaucoup de bruit en paroles ; et pétillent pour ainsi dire dès qu'ils ont pris feu ; mais leur emportement étant tout de suite réduit comme en cendres, s'apaise et se refroidit. Les autres ressemblant au bois le plus dur et le plus solide, sont longs à s'embraser ; mais aussi le feu de la colère s'étant une fois bien épris dans leur cœur, s'éteint difficilement, et comme ils ont été plus longs à s'émouvoir d'indignation, ils en conservent l'impression bien plus longtemps. D'autres encore, ce qui est pire que le reste, conçoivent fort
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aisément le feu de la colère, et ne l'éteignent en eux qu'à regret ; d'autres enfin sont lents à s'émouvoir et faciles s'apaiser. On peut voir dans ces différences que les derniers sont moins éloignés du bien qui se trouve dans le calme de l'âme que les premiers, et que les troisièmes en sont au contraire plus éloignés que les seconds. "
" Mais à quoi nous servirait-il de dire comment la colère s'empare de l'âme, si nous ne faisions voir aussi comment il faut la réprimer ? Or, il y a deux moyens de dompter la colère, au point que notre esprit en perde entièrement l'habitude. La première est que l'esprit ait soin de se proposer, avant d'agir, toutes les contrariétés et toutes les disgrâces qui peuvent lui survenir dans la suite de son action, afin que réfléchissant sur tout ce qu'a souffert son Rédempteur, il se prépare à tout ce qui peut lui arriver, parce qu'on a d'autant plus de force pour supporter les adversités, qu'on a eu plus de prévoyance pour les voir de loin. Car celui qui se laisse surprendre par les malheurs imprévus, est comme un capitaine que son ennemi, le trouvant endormi, tue d'autant plus facilement, qu'il le frappe en un état où celui-ci ne peut se défendre. Mais celui qui par une vigilante sollicitude prévient les maux qui le menacent, est comme cet autre qui, veillant pour attendre son ennemi comme dans une embuscade, triomphe de lui avec d'autant plus de gloire, que celui-ci s'était davantage flatté de le surprendre. Notre esprit doit donc, dès le commencement de l'action, prévoir tous les obstacles qui peuvent survenir, afin qu'en y faisant toujours attention, et s'armant de patience, il puisse par cette prévoyante conduite supporter tous les accidents qui arriveront, et compter pour un gain et un avantage tout le mal qu'il saura éviter. Le deuxième moyen de conserver la douceur à la vue des excès de notre prochain, est de nous rappeler les occasions où nous nous sommes emportés nous-mêmes, parce que la considération de notre propre infirmité sert à excuser auprès du nous les fautes des autres. Car celui-ci supporte plus facilement les injures qu'on lui fait, qui reconnaît humblement avoir besoin que les autres le supportent. Comme l'eau éteint le feu, de même le souvenir de nos fautes passées apaise les mouvements d'indignation qui s'élèvent dans notre cœur, puisque l'on a honte en soi-même de ne pas pardonner les maux qu'on nous a faits lorsqu'on se souvient d'en avoir tant commis contre Dieu et contre le prochain, qui ont besoin d'être pardonnés. "
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11. Ibidem, c. 33 : " Il faut cependant avoir soin de remarquer qu'il y a bien de la différence entre le mouvement de colère que l'impatience excite en notre âme, et celui qu'y forme le zèle de la justice. Car l'un a le vice pour principe, et l'autre la vertu. En effet, si l'indignation n'était jamais l'effet de la vertu, Phinées n'eût pas apaisé la vengeance de Dieu par l'emploi qu'il fit de son épée. Héli, au contraire, attira sur lui les effets de cette même vengeance divine, parce qu'il ne conçu point ce saint mouvement de zèle. La rigueur de la justice du Créateur s’embrasa d'autant plus ardemment contre lui, qu'il avait témoigné plus de tiédeur et de mollesse à l'égard des fautes de ceux qui lui étaient soumis. David parle de cette louable colère dans un psaume, lorsqu'il dit : Mettez-vous en colère mais ne péchez pas (Psaume IV, 5). Ce que ceux-là n'entendent pas bien, qui ne veulent pas que nous nous fâchions contre les fautes de notre prochain, mais seulement contre les nôtres, puisque, s'il est vrai que nous devions aimer le prochain comme nous-mêmes, il s'ensuit que nous devons aussi bien nous animer contre ses vices que contre les nôtres. "
" Salomon aussi a voulu parler de cette sainte colère, quand il a dit : La colère est préférable aux ris, parce que l'esprit de celui qui pèche est corrigé par la tristesse qui paraît sur le visage (Ecclés., VII, 4). Et David dans un psaume : Mon œil est troublé de colère (Psaume VI, 8). Car, au lieu que la colère qui vient du vice aveugle les yeux de l'âme, la colère qui vient du zèle ne fait que les troubler ; parce que, quand ils sont agités par cette sainte jalousie du bien, la contemplation du vrai, qui ne peut subsister que dans un cœur tranquille, en est troublée. Car quand le zèle de la justice éveille l’inquiétude dans une âme, il répand des nuages jusque dans sa partie supérieure, de sorte que dans l'émotion qu'elle éprouve, elle ne peut plus pénétrer les vérités élevées qu'elle voyait fort clairement dans son état de tranquillité. "
" Mais bientôt l'âme s’élève de nouveau à la contemplation des choses célestes, avec d'autant plus d'ardeur qu'elle s'en était vue momentanément détournée par cet obstacle. Cette émulation même dont elle est enflammée pour la justice lui fait peu après découvrir plus pleinement dans le calme les choses éternelles, qu'elle lui avait comme cachées durant cette tempête intérieure, et le trouble qu'elle lui a fait ressentir, et qui lui a dérobé un instant la vue des objets, a pour effet final de les lui
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faire apercevoir avec plus de vérité. Ainsi le remède qu'on applique sur un œil malade, commence par lui boucher la vue ; mais peu après l'œil guéri se remet à voir les objets avec plus de netteté, parce que ce n'était que pour son bien que la vue lui en avait été interceptée. "
" Or, la contemplation est incompatible avec le trouble, et, quand l'âme est agitée, elle ne peut pas s'élever à la vue d'un bien qu'il lui est à peine donné d'entrevoir, lors même qu'elle jouit d'un calme parfait ; de même que l'œil ne peut voir le soleil lorsque le ciel est couvert de nuées, et que l'eau d'une fontaine, quand elle est agitée, ne peut représenter notre image, que nous y voyons si distinctement lorsqu'elle est tranquille. - Mais lorsque c'est le zèle qui cause dans l'esprit cette émotion, il faut bien prendre garde que ce mouvement d'indignation qu'on voudrait faire servir à la vertu, ne prenne de l'ascendant sur notre âme, et que la colère ne marche devant la raison comme une maîtresse, au lieu de se tenir simplement là à ses côtes comme une servante pour exécuter en tout ses ordres. Cette colère louable s'anime avec plus de force et de succès contre les vices, lorsqu'elle est assujettie à la raison et qu'elle lui obéit. Car encore qu'elle vienne d'un zèle sincère pour la justice, si elle va jusqu'à cet excès, que de s'élever au-dessus de l'âme, bientôt elle méprise les prescriptions de la raison, et elle se donne d'autant plus de licence, qu'elle prend ses emportements mêmes pour des actes de vertu. "
" Il faut donc avant tout que celui qui est animé du zèle de la justice prenne garde à ce que sa colère ne sorte pas des bornes de la raison, mais qu'attendant pour sévir contre le péché les moments propices, il modère ce mouvement qui s'élève dans son esprit en s'en rendant un compte sévère, qu'il réprime ses sentiments d'animosité et qu'il réduise ces émotions qui bouillonnent dans son sein sous la règle de la modération et de l'équité ; afin qu'il devienne avec d'autant plus de droit le vengeur des fautes d'autrui, qu'il s'est rendu victorieux de soi-même ; qu'il ait soin de se perfectionner par la patience, avant de corriger les péchés des autres, et que s'élevant au-dessus de son propre zèle, il puisse en juger sans passion, de peur qu'en se laissant emporter sans mesure par son zèle pour l'équité, il ne se détourne de l'équité même. "
" Puis donc que, comme nous l'avons dit, cette louable émulation du bien ne laisse pas de troubler l'œil de l'âme, l'Ecriture dit avec beaucoup de raison : La colère tue l'insensé, comme pour
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faire entendre que si la colère qui vient du zèle trouble les sages, celle qui a le vice pour origine tue les insensés, parce que la première se soumet à l'empire de la raison, tandis que l'autre domine déraisonnablement sur l'âme qu'elle a assujettie à sa tyrannie. "
12. S. BERNARD, Serm. XIII in Psalmum Qui habitat in adjutorio : " La colère est un sentiment naturel à l'homme, mais qui, dégénérant en abus, cause la perte et la damnation de celui qui s'y abandonne. Occupons-la, mes frères, aux choses auxquelles il convient de l'appliquer, et ne la dépensons pas inutilement et criminellement sur le reste. Je vous le dis, ou plutôt ce n'est pas moi qui vous le dis, c'est la Vérité ; ce n'est pas moi, mais c'est le Seigneur : ne vous mettez point en colère contre ceux qui vous enlèvent des biens passagers, qui vous disent des injures, qui vous feront peut-être endurer des supplices, mais qui après cela ne pourront rien contre vous. Je vais vous montrer contre qui vous devez vous mettre en colère : mettez-vous en colère contre celui qui seul peut vous nuire véritablement, qui seul pourrait empêcher l'adversité même de vous être utile. Voulez-vous savoir quel est cet ennemi ? c'est le péché. Oui, je vous le répète, mettez-vous en colère contre celui-là. Car aucune adversité ne pourra vous être funeste, si le péché ne domine pas en vous. Celui qui a une haine parfaite pour le péché, ne se met pas en peine du reste, ou plutôt il accepte tout le reste avec plaisir. Je suis, dit le Psalmiste (Ps. XXXVII, 18), préparé à recevoir tous les châtiments. Que ce soit un dommage, que ce soit une avanie, que ce soit un supplice corporel ; je suis préparé à tout, et je ne m'en laisse point troubler, parce que ma douleur est toujours présente devant mes yeux. Comment ne regarderais-je pas comme rien tous les maux extérieurs en comparaison de cette douleur toujours présente (Ps. XXXIX, 13) ? L'enfant de mon propre sein, continue le Psalmiste, s'élève contre moi, et je m'indignerais contre un fils d'étranger qui me charge d'outrages ? Mon courage m'abandonne, ma force me quitte, la lumière de mes yeux s'éteint, et je m'affligerais de quelques maux temporels, je regarderais comme quelque chose ce qui n'afflige que le corps ? Entretenons-nous dans ces pensées, et non-seulement nous acquerrons par moyen la vertu de douceur, sans être exposés à la perdre par le souffle empesté du dragon, mais de plus nous nous formerons à la pratique de la magnanimité, vertu que ne déconcerte pas le rugissement du lion. "
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13. S. AMBROISE, liv. 1er des Devoirs des ministres sacrés, c. 21 : " Il faut se prémunir contre la colère, et l'étouffer, si on n'a pu la prévenir, car elle nous entraîne dans le péché et bouleverse notre âme, qui devient alors rebelle à la voix de la raison. Comment parvenir à ce double but ? Il faut, si cela se peut, que l'habitude des affections du cœur, que la raison nous rende la douceur et l'aménité presque naturelles ; enfin, puisque l'emportement est si fort dans le caractère et la nature de l'homme, qu'on ne saurait jamais l'en extirper entièrement, il faudra le maîtriser quand on n'aura pu le prévenir ; ou bien encore, si la colère s'est élancée sur l'âme comme en bondissant, sans que la raison ait pu la fuir ou l'arrêter, pensez aux moyens de triompher de cette instabilité, de vaincre ces dispositions à la colère ; résistez-lui si vous le pouvez ; sinon, sachez lui céder, parce qu'il a été écrit : Donnez un libre cours à la colère (Rom., XII, 19). "
" Jacob eut la sagesse de céder à son frère transporté de fureur, et à la voix de Rébecca, c'est-à-dire aux conseils de la prudence et de la modération. Il préféra s'éloigner, visiter des pays lointains, et ne revenir que lorsque le temps eut calmé son frère ; aussi Dieu le combla-t-il des trésors de sa grâce. Dans la suite, il sut, par toutes sortes de prévenances et de présents, regagner l'amitié d'Esaü, lui faire oublier qu'il l'avait frustré de la bénédiction paternelle, et ne lui en laisser d'autre souvenir que celui d'une satisfaction éclatante. "
" Si la colère a devancé la réflexion, si elle nous a subjugués, n'abandonnons pas notre poste : ce poste, c'est la patience, c'est la sagesse, c'est la raison. Sachons ramener le calme au sein de la tempête. Mais si nous sommes irrités par l'entêtement de notre adversaire, et que sa perversité ait comme forcé notre indignation ; si nous ne pouvons calmer notre esprit, mettons du moins un frein à notre langue, parce qu'il est écrit (Ps. XXXIII, 14-18) : Préservez votre langue de la souillure du péché, et que de vos lèvres ne s'échappent point des paroles criminelles ; et ensuite : Cherchez la paix, et ne cessez pas de la chercher. Voyez comme Jacob a su garder cette paix ; qu'il vous serve d'exemple pour vous y maintenir vous-même ; si vous ne pouvez l'imposer à votre esprit, maîtrisez du moins votre langue : n'oubliez pas ensuite que vous devez tout faire pour vous réconcilier. Telles sont les maximes que les écrivains profanes ont empruntées à nos livres sacrés ; mais la gloire de ces préceptes revient tout entière a celui qui les a exposés le premier. "
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" Evitons, ou du moins modérons les transports de la colère, pour qu'on puisse, ou nous louer sans réserve, ou nous blâmer avec restriction. Et ne croyez pas que ce soit chose facile que d'obtenir ce second résultat ; bien loin de là, il ne le cède en rien au premier. Car modérer nos emportements, c'est notre propre fait ; ne pas même les éprouver, c'est celui de la nature. . . "
" Gardez-vous de répondre par des paroles de colère à un homme irrité, ou par des paroles qui n'aient pas de sens à celui qui en est lui-même dépourvu. Une faute en engendre bientôt une autre : c'est comme l'étincelle qui jaillit du choc de deux pierres. "
" Les païens, qui amplifient tout ce dont ils parlent, rapportent avec emphase ce mot qu'Archytas, philosophe pythagoricien, adressa à son fermier : " Malheureux, je te battrais, si je n'étais en colère. " Mais David, bien avant lui, avait arrêté dans son indignation son bras prêt à frapper. Et combien ne faut-il pas plus de force pour ne pas répondre injure pour injure, que pour ne pas se venger ! Et comme ses guerriers allaient le venger du mépris qu'avait fait de lui Nabal, il revint sur l'ordre qu'il leur avait donné de le faire, en se laissant fléchit par les prières d'Abigaïl. Concluons de ce dernier exemple, qu'il faut non-seulement céder à de justes supplications, mais le faire même avec plaisir. Tel fut en effet le plaisir que goûta David en cette circonstance, qu'il bénit la femme qui, par son heureuse intervention, avait étouffé en lui le désir de la vengeance. "
" Déjà il avait dit en parlant de ses ennemis (Ps. LIV, 4-7) : Ils m'ont imposé des crimes, et ils me maltraitaient dans leur colère. Ecoutez les paroles qu'il prononça dans l'émotion qu'il en ressentait : Qui me donnera des ailes comme à la colombe, pour que je puisse prendre mon vol et trouver du repos ? Il n'opposait à leurs provocations continuelles que le calme et la bonté. "
" Déjà, et longtemps avant Archytas, David avait dit (Ps. IV, 5) : Mettez-vous en colère, mais ne péchez point. Ce maître profond en morale, qui savait que les passions de l'homme ont besoin d'être dirigées par de sages préceptes plutôt que d'être extirpées entièrement, voulait nous dire par là : " Que votre courroux éclate contre toute faute qui le mérite : car il est impossible de rester comme de marbre devant certaines iniquités ; autrement ce ne serait plus vertu, mais lâcheté et faiblesse. Mettez-vous donc alors en colère mais de manière toutefois à le faire sans péché. " Ou bien encore : " Si vous vous mettez en colère ne péchez pas, mais que votre colère même se laisse
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maîtriser par votre raison. " On peut enfin donner à ces mêmes paroles cet autre sens : " Si vous vous mettez en colère que ce soit contre vous-même de vous voir vous emporter de la sorte, et dans ce cas vous serez exempt de faute. " Car celui qui se reproche à lui-même de s'être emporté, cesse dès-lors d'être en colère par rapport à autrui ; celui au contraire qui se justifie à lui-même son emportement, ne fait que s'irriter davantage et tombe infailliblement dans le péché, Salomon dit (Prov., XVI, 32) que l'homme qui réprime sa colère remporte une plus belle victoire que celui qui prend une ville ; car la colère est un ennemi qui sait vaincre les héros même les plus invincibles. "
" Par tous ces motifs, veillons à ne pas nous emporter avant que la raison n'ait réglé nos mouvements. Car la colère aussi bien que la douleur ou la crainte de la mort, fait perdre la réflexion en frappant l'âme comme d'un coup inattendu. Aussi est-il bon de prévenir un pareil effet par une pensée qui donne une autre direction à l'esprit, pour n'être point ébranlé par des secousses imprévues, mais soumettre au contraire tous ses mouvements à l'empire de la raison (Cf. Chefs-d'œuvre des Père de l'Eglise, t. VI, p. 178-185). "
14. S. AUGUSTIN, in Ps. IV : " Mettez-vous en colère et ne péchez point. Cela peut s'entendre de deux manières. La première : Quoique vous vous mettiez en colère ne péchez pas ; c'est-à-dire, quoiqu'il s'élève en vous quelque mouvement de colère, que, par une juste peine du péché, il ne soit plus en votre pouvoir d'arrêter, qu'au moins votre raison et votre âme, qui a reçu de Dieu une nouvelle naissance, n'y consente point, afin que nous soyons assujettis à la loi de Dieu selon l'esprit, si selon la chair nous sommes encore assujettis à la loi du péché. La seconde manière d'entendre ce verset est celle-ci : Mettez-vous en colère contre vous-mêmes faites pénitence de vos désordres passés et ne péchez plus à l'avenir (Cf. Sermons de saint Augustin, etc., t. 1er, p. 34). "
15. Le même, de vera religione, c. 45 : " Nous voulons être invincibles, et nous avons raison de le vouloir, puisque la nature de notre âme a cela de propre avec Dieu, à l'image duquel elle a été faite. Mais il fallait donc garder ses préceptes ; et en les gardant, nous fussions toujours demeurés invincibles. Au lieu que maintenant, pendant que la femme, aux suggestions de laquelle nous avons si lâchement consenti, est humiliée par les douleurs
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qu'elle souffre dans le travail de l'enfantement, nous sommes réduits nous-mêmes à labourer la terre, et vaincus honteusement par tout ce qui peut exciter le trouble et les passions dans notre esprit. Et ainsi nous ne voulons pas être vaincus par les hommes, et nous-mêmes nous ne pouvons vaincre la colère. Ne devrions-nous pas avoir honte d'une situation si humiliante ? Nous reconnaissons que les hommes sont de la même nature que nous, et que, bien qu'ils puissent être vicieux, ils ne sont pourtant pas le vice même. Combien donc n'est-il pas plus honorable pour nous d'être vaincus par un homme que par un vice ? Or, qui peut douter que l'envie soit un très-grand vice ? Et cependant il est inévitable que celui qui veut n'être jamais surpassé par d'autres hommes dans les choses temporelles, soit tourmenté de cette passion et s'en voie même subjugué. Il vaut donc mieux être vaincu par un homme que par l'envie, ou par quelque autre vice que ce puisse être. "
Ibidem, c. 46 : " Mais celui qui s'est rendu victorieux de ses vices, ne peut être vaincu par un homme. Car il ne le peut être qu'autant que son ennemi lui ravit ce qu'il aime. "
16. Le même, Epist. LXXXVII (al. 211) ad Felicitatem et Rusticum : " Comme le vinaigre infecte le vaisseau où on le laisse croupir, ainsi la colère infecte le cœur, si on l'y laisse seulement d'un jour à l'autre. "
17. Le même, Epist.CXLIX (al. 38) ad Profuturum : " Vous savez, mon cher frère, avec quel soin nous devons prendre garde au milieu de toutes ces agitations, à ce qu'il ne se glisse dans notre cœur contre personne aucun sentiment de haine, ce qui nous ôterait la liberté de prier Dieu dans le secret, c'est-à-dire dans le calme de notre âme, mais obligerait plutôt le Dieu de paix de se retirer de nous. Or, ce qui donne entrée à la haine, c'est que chacun croyant avoir un juste sujet de se mettre en colère l'entretient dans son cœur, et que la colère entretenue c'est la haine elle-même, comme le ferment qu'on laisse séjourner dans un vase aigrit la liqueur qu'il contient, et lui communiqua à lui-même son aigreur. Il est donc bien plus sûr de ne se mettre jamais en colère, quelque sujet qu'on puisse en avoir, que de s'exposer, sous prétexte d'une juste indignation, au danger d'en venir jusqu'à la haine, en quoi la colère dégénère si facilement. "
" Nous avons coutume de dire qu'il vaut beaucoup mieux, quand il s'agit de l'hospitalité que demande un inconnu, s'exposer à la donner à un méchant homme, que de se mettre au hasard
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de fermer la porte à un homme de bien, par la crainte excessive qu'on aurait de se méprendre. Mais il n'en est pas ainsi des mouvements de l'âme, et il vaut incomparablement mieux fermer la porte de notre cœur à un injuste sentiment de colère qui voudrait y entrer, que de l'y laisser pénétrer pour ne pouvoir ensuite l'éteindre, lorsque d'une simple étincelle elle serait devenue un vaste incendie. Car elle croit avec une vitesse incroyable, dès qu'elle n'est plus retenue par la honte, et qu'on a laissé le soleil se coucher sur elle. "
18. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. VIII, Epist. 51, ad Leontium : " Toutes les fois que la colère s'empare de votre cœur, domptez-vous vous-même, remportez sur vous-même une noble victoire. Remettez la vengeance à un autre temps, et attendez pour l'exercer que votre âme ait recouvré son calme. Car la colère lorsqu'elle poursuit la vengeance de quelque mal, ne doit pas prévenir, mais suivre la réflexion, et s'attacher à suivre les traces de la justice comme sa servante, au lieu de s'élancer avec pétulance devant elle. Quelquefois nous devons feindre de nous y mettre, sans nous y mettre réellement. D'autres fois nous devons nous y mettre, mais sans jamais nous laisser emporter par elle. Car lorsque nous nous indignons par un sentiment de justice et sans perdre la paix de l'âme, nous nous mettons en colère, mais nous ne nous laissons pas emporter par la colère. L'Ecriture nous apprend avec quel soin nom devons nous mettre en garde contre la colère qui va jusqu'à troubler l'âme. C'est de cette dernière espèce de colère qu'il est écrit (Jac., I, 19-20) ; Que chacun de vous soit prompt d écouter lent à parler et lent à se mettre en colère : car la colère de l’homme n'accomplit point la justice de Dieu ; qu'il est écrit ailleurs : Qui pourra soutenir un esprit qui s'emporte aisément à la colère (Prov., XVII, 14) ? et encore : Ne soyez point ami d’un homme colère, et ne vivez point avec un homme furieux, de peur qu'il ne vous apprenne à vivre comme lui, et que vous ne donniez à votre âme un sujet de chute (Prov., XXII, 24-25). Il est dit au contraire à la louange de la patience : L'homme patient vaut mieux que l’homme courageux, et celui qui est maître de son esprit vaut mieux que celui qui prend des villes de vive force (Prov., XVI, 32). C'est ce qui a fait dire à David prenant le langage de la faiblesse humaine : L'indignation a rempli mon œil de trouble (Ps. VI, 8). A quoi il ajoute immédiatement ce qui est l'effet de ce trouble même : Je me suis vieilli au milieu de tous mes ennemis. Car lorsque l'œil de notre âme s'est laissé
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emporter au trouble de la colère, nous nous vieillissons au milieu de nos ennemis, en ce sens que le vieil homme se réveille en nous au milieu des malins esprits dont nous subissons alors la violence. Puis donc que nos livres saints ont tant d'anathèmes portés contre la colère qui n'est pour nous-mêmes qu'un principe de trouble, considérons avec quelle application nous devons nous précautionner contre ce vice, que nous voyons si fréquemment être l'objet des réprobations de Dieu. "
19. Le même, Pastoral, troisième partie, dix-septième conseil : " Engagez les personnes d'un caractère violent à unir la douceur au zèle qu'elles croient avoir. L'Esprit-Saint s'est montré aux hommes sous la forme d'une colombe comme sous celle d'une langue de feu, pour nous apprendre qu'il met dans tous ceux qu'il anime la douceur et la simplicité de la colombe aussi bien que l'ardeur et la vivacité de la flamme. Celui-là donc ne possède point le Saint-Esprit en lui-même, qui ne joint pas un zèle ardent à une douceur bienveillante, ou le calme de la douceur à l'ardeur du zèle. . . Mais il y a une grande différence entre la colère qui se glisse dans l'âme sous l'apparence du zèle, et celle qui le remplit de trouble sans avoir même ce prétexte pour excuse. Car la première a au moins pour but dans ses excentricités l'accomplissement d'un devoir, au lieu que la seconde n'a rien qui justifie ses excès. Les hommes colère diffèrent essentiellement de ceux qui ne sont qu'impatients : ceux-ci ne peuvent supporter le mal qu'on leur fait ; ceux-là s'irritent contre ceux mêmes qui ne leur en donnent pas de motif, poursuivant ceux qui les évitent, faisant naître contre eux des sujets de querelle, et se plaisant dans la dispute. Pour ramener ces derniers à la raison, le meilleur moyen est d'attendre que leur fureur soit apaisée. Car, dans le moment même où ils s'emportent, ils ne font pas attention à ce qu'on leur dit, au lieu que, lorsqu'ils sont calmés, ils écoutent d'autant plus volontiers ce qu'on veut leur dire, qu'ils rougissent davantage de voir le calme avec lequel on a enduré leur emportement. Une âme en proie à l'ivresse de la fureur trouve mauvais tout ce qu'on peut lui dire de plus sensé. Aussi Abigaïl agit-elle prudemment en ne disant rien à Nabal (I Samuel, XXV, 36-37) de la faute qu'il avait commise tant qu'elle le vit dans l'ivresse, et en attendant qu'il fût à jeun pour lui en parler, et le mettre ainsi à même de la reconnaître. Lorsqu'on est attaqué par une personne colère sans pouvoir éviter ses provocations, qu'on se défende alors, cela est permis ; mais
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que ce soit plutôt par d'humbles remontrances que par des reproches adressés directement (Cf. Chefs-d'œuvre des Pères de l’Eglise, t. XIV, p. 464-467). "
20. Le même, Moralium, Lib., XXI, c. 5, comme plus haut, article des péchés en général question III, témoignage 6, page 366.
21. S. AUGUSTIN, Lib. I, de sermone Domini in monte, c. 19 : voir ibidem, témoignage 7, page 366.
22. Le même, Enchirid. ad Laurentium, c. 79 (al. 24 et 19)
: " Il faut encore remarquer qu'il y a des péchés qu'on croirait
fort légers, si l'autorité des saintes Ecritures ne nous
apprenait qu'ils sont plus considérables qu'on ne pense. Qui croirait,
par exemple, qu'on se rende digne de l'enfer en appelant son frère
fou, si la Vérité elle-même ne l'avait déclarée
? Mais en même temps, elle nous présente un remède
bien puissant pour guérir la plaie que ce péché fait
à l'âme, lorsqu'elle nous prescrit immédiatement ensuite
le précepte de la charité fraternelle. Si vous présentez,
dit Jésus-Christ, votre offrande à l'autel, et que là
vous vous souveniez que votre frère a quelque chose contre vous,
et le reste que tout le monde sait (MATTH., V, 23). "
Question IX
Qu’est ce que la paresse, et quels autres vices engendre-t-elle ?
La paresse est une langueur de l'âme par rapport au bien, et particulièrement une sorte de dégoût qui fait qu'on néglige ses devoirs spirituels. Les vices qu'elle amène à sa suite sont la malignité, la tiédeur, la pusillanimité, le découragement, la lâcheté et la dissipation.
Les plus sujets de tous à commettre ce péché, ce sont les personnes oisives et sans énergie, ceux que l'Ecriture appelle tièdes, tous ceux enfin qui perdent à des occupations vaines et frivoles ce temps de grâce et ces jours de salut. Le sort réservé aux personnes coupables de ce péché nous est marqué par ces paroles de l'Evangile : Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu ; et par ces autres encore : Jetez dans les ténèbres extérieures le serviteur inutile. Notre-Seigneur n'a pas omis non plus de nous dire ce qu'il veut que nous fassions pour ne pas tomber dans ce mal : Veillez et priez, nous a-t-il dit, prenez
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garde, car vous ne savez pas quand viendra ce temps-là. Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite ; car, je vous le déclare, beaucoup voudront y entrer, qui ne le pourront pas.
Nous avons dit un mot de chacune de ces vérités, afin
que ceux qui ne seraient pas assez avancés dans la connaissance
des voies de la justice, non-seulement apprennent à connaitre et
à étudier les maladies spirituelles, ou les diverses sortes
de vices auxquels les hommes sont plus particulièrement sujets,
mais encore s'appliquent, comme Dieu leur en fait un devoir, à s'en
préserver ou à s'en guérir, eux et les autres. Heureux
l'homme qui ne s'est point laissé aller au conseil des impies, qui
ne s'est point arrêté dans la voie des pécheurs et
ne s'est point assis dans la chaire de pestilence ; c'est en ces termes
que le Prophète royal, dans le premier de ses cantiques, s'attache
à nous montrer quel est pour chacun de nous le premier devoir de
justice à remplir, si nous voulons être éternellement
heureux .
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Ecclésiastique, XXXIII, 29 : " L’oisiveté a appris aux hommes à faire bien du mal. "
2. Proverbes, XV, 13 : " La joie du cœur brille sur le visage, et quand le cœur est triste, l’esprit s’abat. "
3. Ecclésiastique, VII, 9 : " Que votre cœur ne se laisse point aller à l’abattement. "
4. Ibid., XXX, 22-23 : " N’abandonnez point votre âme à la tristesse, et ne vous affligez point vous-mêmes dans vos pensées.
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- La joie du cœur est la vie de l'homme et un trésor inépuisable de sainteté. La joie de l'homme rend sa vie plus longue. - Ayez pitié de votre âme en vous rendant agréable à Dieu, et retenez vos mauvais désirs, recueillez votre cœur dans la sainteté de Dieu, et bannissez loin de vous la tristesse ; - car la tristesse en a tué plusieurs, et elle n'est utile à rien. "
5. Proverbes, XVII, 22 : " La joie du cœur donne la santé ; la tristesse de l'âme dessèche les os. "
6. Psaume CXVIII, 28 : " Mon âme s'est assoupie d'ennui. "
7. Ibid., XXXIX, 14 : " Je sens mon cœur défaillir. "
8. MATTHIEU, XX, 3, 4,6 : " Il sortit de même sur la troisième heure, et en ayant vu d'autres qui se tenaient sur la place sans rien faire, - il leur dit : Allez-vous-en aussi à ma vigne. - Enfin il sortit sur la onzième heure, et en ayant trouvé d'autres qui se tenaient là, il leur dit : Pourquoi demeurez-vous là tout le long du jour sans travailler ? "
9. Id., XXII, 4-5 : " Il envoya encore d'autres serviteurs avec ordre de dire de sa part aux conviés : J'ai fait apprêter mon festin ; j'ai fait tuer mes bœufs et tout ce que j'avais fait engraisser : tout est prêt, venez aux noces. - Mais eux ne s'en mettant point en peine, s'en allèrent l'un à sa maison des champs, et l'autre à son négoce. "
10. Apocalypse, III, 14-17 : " Ecrivez aussi à l'ange de l'Eglise de Laodicée : Voici ce que dit celui qui est la vérité même, le témoin fidèle et véritable, le principe des œuvres de Dieu : - je sais quelles sont vos œuvres, vous n'êtes ni chaud ni froid ; plût à Dieu que vous fussiez froid ou chaud ! - Mais comme vous êtes tiède, que vous n'êtes ni froid ni chaud, je vous vomirai de ma bouche. - Vous dites : Je suis riche, je suis comblé de biens, et je n'ai besoin de rien ; et vous ne savez pas que vous êtes malheureux et misérable, pauvre, aveugle et nu. "
11. Proverbes, VI, 3-11 : " Courez de tous côté, hâtez-vous, et réveillez votre ami. - Ne laissez point aller vos yeux au sommeil, et que vos paupières ne s'assoupissent point. - Fuyez comme un daim qui s'échappe d'entre les mains du chasseur, et comme un oiseau qui se dégage du lacet de l'oiseleur. - Allez, paresseux, à l'école de la fourmi ; considérez ses actes, et apprenez à devenir sage. - Sans avoir ni chef, ni maître, ni prince, - elle fait sa provision durant l'été, et elle amasse pendant la moisson de quoi se nourrir. - Jusqu'à quand dormirez-vous, paresseux ?
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quand sortirez-vous de votre sommeil ? - Encore un peu de repos, encore un peu de sommeil, mettez encore quelque temps vos mains l'une dans l'autre pour vous reposer, et l'indigence viendra vous surprendre, comme un homme qui marche à grands pas ; et la pauvreté se saisira de vous, comme un homme armé. - Si vous êtes diligent au contraire, votre maison sera comme une source abondante, et l'indigence fuira loin de vous. "
12. Ibid., X, 4, 26 : " La main paresseuse produit l'indigence ; la main des forts leur attire les richesses. - Ce qu'est le vinaigre aux dents et la fumée aux yeux, le paresseux l'est à ceux qui l’emploient. "
13. Ibid., XIII, 4 : " Le paresseux veut et ne veut pas ; l'âme ardente au travail jouira de l'abondance des biens. "
14. Ibid., XVIII, 8-9 : " La crainte abat le paresseux ; les efféminés languiront de faim. -Celui qui néglige ses biens est frère de celui qui les dissipe. "
15. Ibid., XIX, 13-16, 24 : " La paresse produit l'assoupissement ; l'âme assoupie languira dans les tourments de la faim. - Celui qui garde le commandement garde son âme, mais celui qui néglige sa voie tombera dans la mort. - Le paresseux cache sa main sous son aisselle et ne prend pas la peine de la porter à sa bouche. "
16. Ibid., XX, 4 : " Le paresseux n'a pas voulu labourer à cause du froid ; il mendiera donc au jour de la moisson, et il ne lui sera rien donné. "
17. Ibid., XXI, 25-26 : " Les désirs tuent le paresseux, et ses mains se refusent au travail. - Sa cupidité se consume en désirs ; le juste au contraire fait part aux autres de ses biens et leur en fait part encore. "
18. Ibid., XXII, 13 : " Le paresseux dit : Le lion est là dehors, je me ferai tuer si je m'avance sur la place publique. "
19. Ibid., XXIV, 30-34 : " J'ai passé par le champ du paresseux et par la vigne de l'insensé, - et j'ai trouvé que tout y était plein d'orties, que les épines en couvraient toute la surface, et que la muraille de pierres était abattue. - Voyant cela, j'y ai appliqué l'attention de mon esprit, et j'ai compris par cet exemple la conduite que je dois tenir. (Ce qui se trouve renfermé entre parenthèses, est un verset qui appartient au chapitre VI des Proverbes, cité plus haut). (Jusqu'à quand dormirez-vous, ô paresseux, quand sortirez-vous de votre sommeil ?) - Vous
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dormirez un peu, me suis-je dit, vous sommeillerez-un peu, vous mettrez un peu de temps vos mains l'une dans l'autre pour vous reposer ; - et l'indigence viendra se saisir de vous comme un homme qui marche à grands pas, et la pauvreté s'emparera de vous comme un homme armé. "
20. Ibid., XXV, 20 : " Comme le ver ronge le vêtement, et la pourriture le bois, ainsi la tristesse de l'homme lui ronge le cœur. "
21. Ibid., XXVI, 13-16 : " Le paresseux dit : Le lion est dans la voie, la lionne est dans les chemins. - Comme une porte roule sur ses gonds, ainsi le paresseux roule dans son lit. - Le paresseux cache sa main sous son aisselle, et a peine à la porter jusqu'à sa bouche. - Le paresseux se croit plus sage que sept hommes qui parlent toujours avec prudence. "
22. Ibid., XXVIII, 19 : " Celui qui laboure sa terre sera rassasié de pain ; mais celui qui aime l'oisiveté sera consumé d'indigence. "
23. Ecclésiastique, V, 8-9 : " Ne tardez point à vous convertir au Seigneur, et ne remettez pas à le faire d'un jour à l'autre ; - car sa colère éclatera tout d'un coup, et il vous perdra au jour de la vengeance. "
24. Ibid., VII, 16 : " Ne fuyez pas les travaux pénibles ni les soins de l'agriculture, qui a été créée par le Très-Haut. "
25. Ibid., XIV, 2 : " Heureux celui dont l'âme ne se laisse point abattre par la tristesse, et qui n'est point déchu de son espérance. "
26. Ibid., XXII, 1-2 : " Le paresseux est semblable à une pierre couverte de boue ; tous parleront de lui avec mépris. - Le paresseux est comme un amas de fumier ; tous ceux qui le toucheront se secoueront les mains. "
27. Psaume LXXII, 5-6 : " Ils sont exempts des peines des humains, et à l'abri des coups qui frappent les autres hommes. - Voilà pourquoi ils se parent de l'orgueil comme d'un collier ; ils s'enveloppent de leur iniquité comme d'un vêtement. "
28. JEREMIE, XLVIII, 10 : " Maudit est celui qui fait négligemment l'œuvre du Seigneur (négligemment, comme l'ont traduit les Septante, ??????). "
29. Romains, XIII, 11 : " Nous savons que le temps presse, et que l'heure est déjà venue de nous réveiller de notre assoupissement. "
30. II Corinthiens, VII, 10 : " La tristesse de ce monde produit la mort. "
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31. Galates, III, 3 : " Etes-vous si dépourvus de sens, qu'après avoir commencé par l'esprit, vous finissiez maintenant par la chair ? "
32. Apocalypse, II, 4-5 : " J'ai un reproche à vous faire, qui est que vous vous êtes relâché de votre première charité. - Souvenez-vous donc d'où vous êtes déchu, et faites-en pénitence, et rentrez dans la pratique de vos première œuvres : si vous y manquez, je viendrai à vous, et j'ôterai votre chandelier de sa place, si vous ne faites pénitence. "
33. MATTHIEU, VII, 18-19 : " Un bon arbre ne peut produire de mauvais fruits, et un mauvais arbre n'en peut produire de bons. - Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. "
34. Ibid., III, 10 : " Déjà la coignée est mise à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. "
35. Ibid., XXI, 18-19 : " Le matin, comme il retournait à la ville, il eut faim : - et voyant un figuier sur le chemin, il s'en approcha ; mais n'y ayant trouvé que des feuilles, il lui dit : Qu'à jamais il ne naisse de toi aucun fruit. Et au même instant le figuier se dessécha. "
36. LUC, XIII, 6-9 : " Il leur dit cette parabole : Un homme avait un figuier planté dans sa vigne, et venant pour y chercher du fruit, il n'en trouva point. - Alors il dit à son vigneron : Il y a déjà trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier sans y en trouver ; coupez-le donc, car pourquoi occupe-t-il encore la terre ? - Le vigneron lui répondit : Seigneur, laissez-le encore cette année, afin que je laboure au pied, et que j'y mette du fumier. - Peut-être portera-t-il du fruit ; sinon, vous le ferez couper. "
37. JEAN, XV, 1-2 ; " Je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. - Il retranchera toutes les branches qui ne portent point de fruit en moi, et il taillera toutes celles qui portent du fruit, afin qu'elles en portent davantage. "
38. MATTHIEU, XXV, 26-30 : " Serviteur méchant et paresseux, vous saviez que je moissonne là où je n'ai point semé et que je recueille là où je n'ai rien mis. - Vous deviez donc mettre mon argent entre les mains des banquiers ; et à mon retour, j'eusse retiré avec intérêt ce qui est à moi. - Qu'on lui ôte donc le talent qu'il a, et qu'on le donne à celui qui a dix talents. Car on donnera à celui qui a déjà, et il sera dans l'abon-
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dance ; mais pour celui qui n'a rien, on lui ôtera même ce qu'il semble avoir. - Quant à ce serviteur inutile, qu'on le jette dans les ténèbres extérieures ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. "
39. Ecclésiastique, VI, 23-27 : " La sagesse, qui rend l'homme intelligent selon le nom qu'elle porte, ne se découvre pas au grand nombre ; mais dans ceux à qui elle est connue, elle atteindra de progrès en progrès jusqu'au bonheur de voir Dieu. - Ecoutez, mon fils, recevez un avis sage, et ne rejetez point mon conseil. - Mettez vos pieds dans ses liens (de la sagesse), et engagez votre cou dans ses chaînes. - Baissez votre épaule et imposez-vous-en le fardeau ; et ne vous ennuyez point de porter son joug. - Approchez-vous d'elle de tout votre cœur, et gardez ses voies de toutes vos forces. "
40. Ecclésiastique, IX, 10 : " Faites promptement tout ce que votre main pourra faire, parce qu'il n'y aura plus ni œuvre ni raison, ni sagesse, ni science, dans le tombeau vers lequel vous vous précipitez. "
41. II Thessaloniciens, III, 7-13 : " Car vous savez vous-mêmes ce qu'il faut faire pour nous imiter, puisqu'il n'y a rien eu de déréglé dans la manière dont nous avons vécu parmi vous. - Et nous n'avons mangé gratuitement le pain de personne ; mais nous nous sommes consumés jour et nuit dans les labeurs et les fatigues, pour n'être à charge à aucun de vous. - Ce n'est pas que nous n'en eussions le pouvoir ; mais c'est que nous avons voulu vous donner en nous un exemple à imiter. Aussi, lorsque nous étions avec vous, nous vous déclarions que celui qui ne veut point travailler ne doit point manger. - Car nous avons appris qu'il y a parmi vous des gens inquiets, qui ne travaillent point, et qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas. - Or, nous ordonnons à ces personnes, et nous les conjurons par Notre-Seigneur Jésus-Christ, de manger leur pain en travaillant en paix. - Et pour vous, mes frères, ne vous lassez point de faire du bien. "
42. Galates, VI, 9-10 : " Ne nous lassons donc point de faire le bien, puisque, si nous ne perdons point courage, nous en recueillerons le fruit en son temps. - C'est pourquoi, pendant que nous en avons le temps, faisons du bien à tous. "
43. Hébreux, XII, 12-13 : " Relevez donc vos mains languissantes, et fortifiez vos genoux affaiblis. - Marchez d'un pas ferme dans la voie droite, et si quelqu'un vient à chanceler, qu'il prenne garde à ne point s'écarter du chemin, mais que plutôt il se relève. "
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44. Romains, XII, 11 -13 : " Ne soyez point lâche et paresseux dans ce qui est de votre devoir ; conservez-vous dans la ferveur de l'esprit ; souvenez-vous que c'est le Seigneur que vous servez. - Réjouissez-vous dans l'espérance des biens promis ; soyez patients dans les maux, persévérant dans la prière, - charitables pour soulager les nécessités des saints. "
45. Philippiens, IV, 4 : " Réjouissez-vous sans cesse en Notre-Seigneur ; je le dis encore une fois, réjouissez-vous. "
46. MARC, XIII, 33, 35-37 : " Prenez garde, veillez et priez, parce que vous ne savez pas quand ce temps viendra. - Veillez donc, puisque vous ne savez pas quand le maître de la maison viendra, si ce sera le soir, ou à minuit, ou au chant du coq, ou au matin ; - de peur que, survenant tout d'un coup, il ne vous trouve endormis. - Au reste, ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez. "
47. MATTHIEU, XXIV, 42-44 : " Veillez donc, parce que vous ne savez pas à quelle heure votre maître doit venir. - Or, sachez que, si le père de famille savait à quelle heure le voleur doit venir, il veillerait sans doute, et ne le laisserait pas pénétrer dans sa maison. - Tenez-vous donc aussi toujours prêts, parce que vous ignorez l'heure où le Fils de l'Homme viendra. "
48. Ibid., XXV, 13 : " Veillez donc, parce que vous ne savez ni le jour ni l'heure. "
49. JEAN, IX, 4 : " Il faut que je fasse les œuvres de celui qui m'a envoyé, pendant qu'il est jour : la nuit viendra où personne ne peut agir. "
50. Ephésiens, V, 14-16 : " Levez-vous, vous qui dormez, sortez d'entre les morts ; et Jésus-Christ vous éclairera. - Ayez donc soin, mes frères, de vous conduire avec une grande circonspection, etc., - rachetant le temps, parce que les jours sont mauvais. "
51. Apocalypse, III, 2-3 : " Soyez vigilant, et confirmez tous ceux qui sont près de mourir : car je ne trouve point vos œuvres pleines devant mon Dieu. - Souvenez-vous donc de ce que vous avez reçu, et de ce que vous avez entendu, et gardez-le exactement, et faites pénitence, car si vous ne veillez, je viendrai à vous comme un larron, et vous ne saurez à quelle heure je viendrai. "
52. LUC, XIII, 24 : " Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, etc. "
53. MATTHIEU, VII, 13-14 : " Entrez par la porte étroite ; car la porte de la perdition est large, et la voie qui y mène est spa-
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cieuse, et il y en a beaucoup qui la suivent. - Qu'elle est petite la porte, et qu'elle est étroite la voie qui conduit à la vie, et qu'il en est peu qui la trouvent ! "
54. Ibid., XI, 42 : " Or, depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu'à présent, le royaume des cieux souffre violence, et les violents seuls le ravissent. "
55. Psaume I, 4 : " Heureux l'homme qui ne s'est
point laissé aller, etc. (Comme dans le corps de la réponse.)
"
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. BERNARD, Sermon III sur L'Ascension de Notre-Seigneur : " Je ne doute pas que l'entendement de chacun de vous ne soit suffisamment éclairé ; mais je n'ai aucune preuve certaine que vos affections soient également bien purifiées. Vous connaissez tous le bien qui est à faire, vous savez le chemin à suivre, la manière d'y marcher ; mais je ne vois pas le même accord dans vos volontés. Quelques-uns, il est vrai, non-seulement marchent dans cette voie de vie et de salut, mais y courent et y volent même, en sorte que les veilles leur semblent courtes, les plus simples mets leur paraissent délicieux, les haillons qui les couvrent de précieux habits, et leurs fatigues non-seulement supportables, mais pleines de douceur. Mais d'autres, au contraire, ne s'y engagent qu'avec répugnance et à contrecœur ; c'est à peine si nos sollicitations les y attirent, si la crainte de l'enfer suffit pour les déterminer. Il en est même quelques-uns que nous n'osons y inviter, parce que leur front a toute l'impudence d'une prostituée, et qu'ils ne savent plus rougir. Bon nombre aussi, parmi nous, se nourrissent du même pain que nous, dorment, chantent et travaillent avec nous ; et cependant ils sont malheureux, et excitent notre pitié, parce qu'ils partagent nos misères sans partager nos consolations. "
" Est-ce que la main du Seigneur ne serait pas assez puissante pour pouvoir s'étendre à chacun de nous, cette main qui n'a qu'à s'ouvrir pour remplir toutes les créature de ses bénédictions ? Quelle est donc la cause de cette différence Ah ! c'est que tous ne voient pas Jésus-Christ au moment où il est enlevé de leur présence, c'est-à-dire que tous ne pensent pas à cet état d'orphelinage dans lequel il les a laissés ; que tous ne considèrent pas qu'ils sont pèlerins et exilés sur la terre, qu'ils sont séparés de Jésus-Christ et détenus dans l'horrible prison d'un corps infect et corrompu. Eh bien ! si ces malheureux demeurent longtemps sous
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ce pesant fardeau, ou ils seront écrasés et succomberont, ou ils y vivront comme dans un enfer, ne respirant jamais l'air pur des miséricordes du Seigneur, ni la liberté de l'esprit, seule capable de rendre le joug facile et la charge légère. "
" Et c'est de là que vient cette tiédeur si funeste, parce que leur affection, c'est-à-dire leur volonté, n'est pas encore entièrement purifiée ; parce qu'entraînés, poussés par leur propre concupiscence, ils ne veulent pas le bien de la même manière qu'ils le connaissent. Ils recherchent, en effet, de petites consolations terrestres et sensibles, soit dans les paroles, soit dans les signes qu'on leur fait, soit dans les actions, soit enfin dans toute autre futilité semblable. Que si parfois ils s'en détachent un instant, ils n'y renoncent jamais tout-à-fait. De là vient encore que rarement ils portent leurs affections envers Dieu ; en sorte que leur componction n'est pas constante, mais seulement momentanée. Or, une âme ainsi maîtrisée par toutes ces distractions ne peut pas être souvent favorisée des visites du Seigneur : plus elle s'affranchira des premières, plus elle sera comblée des secondes ; si elle s'éloigne beaucoup des unes, elle se rapprochera à proportion des autres ; si elle se rapproche au contraire des premières, elle s'éloignera des secondes. Je vous dirai, si vous l'aimez mieux, que jamais les unes ne se mêleront aux autres, parce que l'huile qui ne trouve plus de vase vide où elle puisse entrer, s'arrête, et que l'on ne met du vin nouveau que dans des outres neuves, si l'on veut que l'un et l'autre se conservent en bon état. Il est impossible que l'esprit et la chair, que la ferveur et la tiédeur, habitent ensemble, puisque la tiédeur en particulier soulève le cœur de Dieu lui-même. "
" Si les apôtres, trop attachés à la présence sensible du Sauveur, quoique cette présence n'eût rien que de saint pour eux, puisque c'était la chair du Saint des saints présente à leurs regards, ne pouvaient néanmoins recevoir le Saint-Esprit jusqu'à ce que cette consolation sensible leur fût enlevée, comment pouvez-vous espérer, vous qui êtes si esclaves ou si amoureux de votre propre chair, qui n'est qu'ignominie, souillures et impuretés, comment pouvez-vous, dis-je, espérer de recevoir cet esprit souverainement pur, si vous ne renoncez entièrement à toutes vos affections charnelles ? J'avoue que dans les commencements la tristesse s'emparera de votre cœur ; mais persévérez et votre tristesse se changera en joie. Alors vos affections seront purifiées, votre volonté sera renouvelée, ou plutôt vous en recevrez une
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nouvelle ; en sorte que tout ce qui vous paraissait d'abord difficile, peut-être même impossible, vous deviendra agréable, désirable même. Envoyez votre Esprit, dit le Psalmiste, et tout sera créé de nouveau, et vous renouvellerez la face de la terre. Oui, de même que l'on reconnaît l'homme physique aux traits de son visage, de même l'homme intérieur se fait connaître par les dispositions de sa volonté. Ainsi, à la descente du Saint-Esprit, la terre est créée de nouveau, et sa face est renouvelée, c'est-à-dire que la volonté auparavant toute terrestre devient céleste prête à obéir avec joie au premier signal. Heureux ceux qui sont dans cette disposition ; non-seulement ils n'éprouvent aucune peine, mais leur cœur est constamment épanoui de joie. Quant à ceux dont nous avons parlé tout-à-l'heure, Dieu leur fait cette terrible menace : Mon esprit ne demeurera pas en eux, parce qu'ils ne sont que chair, c'est-à-dire charnels, puisque tout ce qu'il y avait en eux de plus spirituel s'est changé en chair ou en inclinations de cette nature. "
2. Le même, Serm. VI : " Dieu veuille que ces vérités touchent vos cœurs comme elles éclairent vos esprits, afin qu'il n'y ait pas en vous une opposition désolante entre l'élévation de la pensée spéculative et l'abjection de la vie pratique. Vous verrez en effet dans presque toutes les communautés religieuses des hommes remplis de consolation, surabondant de joie, toujours contents, toujours calmes, fervents dans le service de Dieu, occupés nuit et jour à méditer sa loi, élevant dans une prière continuelle leurs regards et leurs mains vers le ciel, remplissant leurs devoirs avec une exactitude scrupuleuse, s'adonnant avec ardeur à toutes sortes de bonnes œuvres, ayant en affection la sévérité, la discipline, la rigueur du jeûne, la longueur des veilles, tout ce que le travail des mains a de plus pénible, et trouvant en quelque façon leur rafraîchissement dans les austérités d'une vie mortifiée. Et d'un autre côté, vous trouverez des hommes faibles et lâches, dont les épaules ne peuvent supporter le moindre fardeau, pour qui il faut user de la verge ou de l'éperon, qui goûtent faiblement les joies de l'esprit, qui se laissent facilement abattre par la tristesse, dont la componction n'est que superficielle si elle n'est nulle, dont les pensée sont toutes animales, dont la dévotion n'est que tiédeur, sans ardeur dans l'obéissance, sans discrétion dans leurs discours, sans recueillement d'esprit dans leurs prières, sans piété dans leurs lectures, qui enfin, comme nous n'en voyons, hélas ! que trop la
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preuve, sont à peine retenus par la crainte de l'enfer, à peine sensibles à la honte, à peine dociles à la raison, à peine tenus en bride par une discipline exacte et sévère. La vie de cette dernière sorte de gens ne vous semble-t-elle pas incliner vers l'abîme lorsque, pensant d'une manière et voulant de l'autre, trouvant dans les lumières de leur esprit la condamnation des affections de leur cœur, ils se voient forcés de mettre la main à l'ouvrage des forts, sans prendre pour cela l'aliment des forts, et d'avoir part à la tribulation de leurs frères sans participer à leurs consolations ? O si c'est là notre disposition d'esprit, sortons-en au plus tôt, relevons nos courages, ranimons en nous la ferveur de l'esprit, et renonçons à ce funeste état de tiédeur, sinon parce qu'il est dangereux et qu'il a coutume de provoquer les vomissements de Dieu, comme les exemples n'en sont, hélas ! que trop fréquents, du moins parce que c'est un état plein de tristesse et d'ennui, un enfer anticipé et l'image de la mort. Si nous recherchons les biens d'en haut, nous devons aussi savoir en savourer l'avant-goût. "
3. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Pastoral, troisième partie, seizième (al. 15) conseil : " Il ne faut point parler de la même manière à ceux qui sont paresseux et à ceux qui agissent avec précipitation. Représentez aux premiers qu'ils peuvent, en différant de faire le bien, en perdre entièrement l'occasion ; et aux seconds, qu'ils peuvent perdre tout le mérite de leurs bonnes actions par la précipitation inconsidérée qu'ils mettent à les accomplir. Dites aux paresseux que, si nous laissons échapper l'occasion favorable de faire le bien, il vient bientôt un temps où nous en sommes incapables ; car l'indifférence s'empare insensiblement de notre cœur dès le moment où nous cessons d'y entretenir un ardent amour pour le bien, et parvient à y étouffer entièrement le désir de le faire. C'est ce qui a fait dire à Salomon : La paresse produit un profond assoupissement. En effet, le paresseux, tant qu'il a de bons sentiments, veille encore, pour ainsi dire, quoique, par rapport à la nullité de ses actions, il soit assoupi ; mais sa paresse l'assoupit, parce qu'en négligeant l'occasion de faire le bien, il perd peu à peu les bons sentiments. Aussi le Sage ajoute : Et l'âme qui se dérobe au travail souffrira la faim. L'âme perd, en effet, toutes ses forces, dès qu'elle cesse de diriger tous ses efforts vers le ciel. Et lorsqu'elle manque d'ardeur pour les biens célestes, elle a une espèce de faim des biens de ce monde ; et plus son indifférence augmente, plus cette faim la presse de s'abandonner
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à ses désirs terrestres. - C'est pourquoi Salomon dit encore : Les désirs tuent le paresseux. Jésus-Christ nous apprend lui-même qu'une maison devient nette, lorsque le démon s'en retire ; mais qu'il s'en empare de nouveau avec plusieurs autres esprits, si on ne l'habite point. Le paresseux, pour se dispenser d'accomplir ses devoirs, se crée des difficultés et des craintes chimériques ; et s'il parvient à trouver un prétexte favorable en apparence, il le met en avant pour justifier son désœuvrement. Voici un bon avis que donne le Sage aux gens de ce caractère : Le paresseux ayant peur du froid n'a pas voulu cultiver la terre ; c'est pourquoi, quand l'été sera venu, il se verra réduit à la mendicité, mais personne ne se mettra en peine de le secourir (Prov., X, 4). Le froid empêche un paresseux de cultiver la terre, lorsque sa lâcheté lui fait différer de remplir ses devoirs, et de s'appliquer au bien qu'il est obligé de faire. Le froid l'empêche de labourer son champ, c'est-à-dire que des maux légers qu'il redoute lui font négliger les occasions qui s'offrent à lui de faire beaucoup de bien. C'est pour cela que le Sage ajoute que le paresseux sera réduit à la mendicité pendant l'été, et que personne ne lui donnera rien. Car celui qui ne s'occupe pas en cette vie à faire de bonnes œuvres demandera inutilement d'entrer dans le royaume du ciel, lorsque le soleil de justice paraîtra dans son plus grand jour. "
" Salomon dit encore fort à propos sur ce sujet : Celui qui s'amuse d observer le vent ne sème point, et celui qui s'arrête à regarder les nues ne moissonne jamais (Ecclés., XI, 4). Qu'entend-il par le vent, si ce n'est les tentations dont les malins esprits se servent pour nous séduire ? Les nues qui sont portées par les vents désignent les persécutions des méchants. Car comme les vents poussent les nues, ainsi les malins esprits excitent les méchants à faire le mal. Celui donc qui observe le vent ne sème point, et celui qui s'arrête à regarder les nuées ne moissonne jamais, parce que quiconque s'inquiète des tentations que peuvent lui susciter les malins esprits, ou des persécutions qu'il peut avoir à essuyer des méchants ne fera point ici-bas de ces bonnes œuvres qu'on peut comparer à des semences, et ne recueillera point là-haut la récompense qui en serait le fruit ou la moisson. "
4. Le même, Morales, livre XXXI, chap. 51 : " De la tristesse naissent la malignité, l'aigreur de caractère, la pusillanimité, le découragement, le manque d'énergie par rapport aux choses commandées, la facilité à se laisser aller aux choses défendues. "
5. S. BERNARD, Serm. XXXV ex parvis sermonibus : " Heureux
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l'homme qui n'est point entré dans le conseil des impies. Ceux-là sont pieux, qui croyant en Dieu lui rendent le culte qui lui est dû. Car la piété n'est autre chose que le culte dû à Dieu. Or, ce culte consiste en trois choses, qui sont la foi, l'espérance et la charité, vertus qui toutes les trois ont pour siège le sanctuaire invisible du cœur de l'homme. Les impies en sont privés, eux qui ne rendent pas de culte à Dieu, et qui font consister leur sagesse à préférer les choses visibles aux choses invisibles, les biens terrestres aux biens célestes. Ils ont pour chef et pour roi le démon, qui fut le premier à abandonner le parti de la piété, et qui devenu impie, a su par ses artifices rendre semblables à lui les hommes primitivement placés dans le paradis, en leur faisant partager son erreur en même temps que son crime. Car il séduisit Eve, et celle-ci son mari. Aujourd'hui encore le démon tente la chair, la chair tente l'esprit, et il se fait ainsi un conseil d'impies. Car ils se disent les uns aux autres (Prov., I, 14) : N'ayons tous qu'une même bourse. Chacun d'eux apporte son obole qu'il dépose dans la mémoire comme dans une bourse commune : le démon pour son contingent fournit la suggestion, la chair la délectation, l'esprit le consentement. Avec cela ils se ménagent à frais communs la subsistance qui convient à chacun : la chair s'attire à elle-même le feu inextinguible qui la brûlera ; l'esprit se procure la mauvaise conscience, ce ver qui ne cessera point de le ronger ; et le démon achète le salut de l'un comme de l'autre. Il y a quatre manières d'entrer dans ce conseil d'impies. Car les uns y sont entraînés par force, d'autres y sont attirés par appât, d'autres se laissent séduire par ignorance, d'autres enfin s'y mêlent par leur propre volonté. Ils ont besoin tous ensemble qu'on leur propose quatre vertus, au moyen desquelles ils pourront résister et s'empêcher d'entrer dans cet affreux conseil. A ceux qui y entreraient par force je recommanderai la vertu de force, avec laquelle ils pourront résister jusqu'à la mort aux menaces, aux tourments et aux privations de toutes sortes. Ceux qui se laissent attirer par appât, je leur recommanderai la tempérance, qui réprime les désirs illicites, qui ne cède point aux promesses, et que les caresses ne sauraient corrompre. Ceux qui se laissent séduire par ignorance, je leur conseillerai la prudence, cette vertu qui sait discerner ce qui est utile de ce qui ne l’est pas, et qui nous apprend ce qu'il faut rejeter ou ce qu'il faut admettre. Enfin la vertu nécessaire à ceux qui se laissent emporter par leur propre volonté, c'est la justice ;
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la justice qui mettra de la rectitude dans leur volonté, la justice qui ne veut ni pécher, ni consentir au péché. C'est dans la volonté que la justice et la force ont leur siège ; car la volonté doit être juste et forte en même temps. Or, voici l'ordre que la justice affectionne : c'est de rejeter ce qui est mal, et quant au bien lui-même de lui préférer qui est mieux. Adam perdit cette vertu, quand, par le consentement qu'il donna au mal, il renonça à son bonheur. La prudence et la tempérance ont leur siège dans la raison ; car la raison doit être prudente et tempérée. La prudence en effet n'est autre chose qu'une raison éclairée, ou instruite par la grâce à éviter la contagion de l'injustice par amour pour la justice. Elle nous détourne non-seulement de ce qui est évidemment injuste, mais encore de tout ce qui est en quelque manière opposé la justice, cherchant en toutes choses moins encore ce qui est permis, que ce qui est expédient, redoutant les richesses et autres choses semblables, non parce qu'elles sont défendues, mais parce qu'elles sont d'ordinaire des obstacles à l'observation de la justice. Mais comme il y en a qui, même en faisant cela, se conduisent par hypocrisie, j'ajoute à dessein : Par amour pour la justice. La justice est la perfection de l'âme raisonnable : les autres vertus n'ont pour but que d'acquérir celle-ci et de la conserver. Ainsi la force, la tempérance, la prudence, conservent la justice, en empêchant qu'elle ne se perde ou s'affaiblisse. Et lorsque la justice est parfaite, et qu'elle devient la disposition habituelle du cœur, elle se confond avec ces trois premières ; car elle est alors forte, prudente et tempérante. Qui ne s'en est point allé. S'en aller est le propre de ceux qui sont inconstants, ou qui changent facilement de résolution. Quelques-uns, pour ne pas encourir ce reproche, aiment mieux tomber dans une obstination évidente, n'acquiesçant aux conseils de personne, s'en tenant inébranlablement à leur parti pris ; et c'est pour cela que le Psalmiste ajoute : Et non stetit (il ne s'est point arrêté), c'est-à-dire que l'homme juste n'est ni inconstant ni obstiné. La voie des pécheurs, c'est le monde, ou bien encore la propre volonté qui est la même chose que l'orgueil, et de laquelle dérivent tous les maux, comme de la déférence à la volonté commune dérivent tous les biens. Et qui ne s'est point assis dans la chaire de pestilence. Etre assis dans la chaire de pestilence, c'est enseigner le mal, ou le faire commettre aux autres par son exemple. Cette chaire, elle aussi, a ses quatre pieds. Le premier pied, c'est la malice ; le second, c'est le mépris de Dieu ; le troi-
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sième, c'est l'effronterie ; le quatrième, c'est l'astuce. La malice consiste à aimer le mal et à le rechercher, précisément parce qu'il est mal, comme fait le démon et après lui quelques-uns qui lui ressemblent. Mais comme il arrive quelquefois que ces sortes de gens craignent Dieu non d'une crainte louable, mais pour ne pas encourir soit une perte de biens, soit un mal corporel, en sorte qu'ils n'en deviennent que plus mauvais, ils méprisent Dieu lui-même, et c'est là le second pied de la chaire de pestilence, qui est le mépris de Dieu. Il pourrait arriver encore, qu'avec l'amour du mal et le mépris de Dieu, ils conservassent cependant un certain respect pour les hommes avec qui ils ont à vivre ; c'est pourquoi nous disons que le troisième pied de la chaire de pestilence c'est l'effronterie, qui fait qu'on n'est plus retenu ni par la crainte de Dieu, ni par le respect humain. Enfin ce qui fait la consommation du mal, et comme le quatrième pied de la chaire de pestilence, c'est l'astuce, qui met en œuvre avec profit pour elle-même, les trois dispositions d'esprit que nous venons de dire, en détrempant dans l'huile le venin qu'elle distille, et en mêlant le miel au vinaigre qu'elle verse. Le dôme de la chaire, dans laquelle siège ainsi le mal personnifié, c'est la puissance. Car si un homme qui est ainsi disposé a la puissance en main, c'est alors surtout qu'il fait du mal ; comme il y parviendra encore, s'il peut mettre de son côté quelque autre que lui qui ait en main cette puissance, et qu'il réussisse à le séduire par ses mauvais conseils et à l'entrainer dans le mal. N'oublions pas non plus le coussin sur lequel l'homme de pestilence puisse s'asseoir mollement. Ce coussin est garni de plumes d'oiseaux ou d'un léger duvet, symbole de la vaine gloire et de la faveur populaire, qui ont pour effet de remplir les hommes d'orgueil et d'une joie enivrante. On leur met sous les pieds un escabeau, pour qu'ils ne touchent pas la terre. Car quelques-uns de ce caractère ne font en apparence rien de terrestre, et ils affectent la spiritualité, pour n'en réussir que mieux à tromper les autres. Leur doctrine est une espèce de peste, qui se répand au loin et porte la mort en tous lieux. "
FIN DU TOME TROISIEME.
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TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES
CONTENUES DANS LE TROISIEME VOLUME
PREMIERE PARTIE.
PRINCIPES DE LA SAGESSE CHRETIENNE.
CHAPITRE IV, article IV. Du sacrement de Pénitence, p.1-157.
Question I. Qu'est-ce que le sacrement de Pénitence, p.1-19.
Raison de l'institution de ce sacrement - La vertu de pénitence a toujours été nécessaire aux pécheurs pour rentrer en grâce avec Dieu - Epoque de l'institution du sacrement de Pénitence - C'est un sacrement véritable et proprement dit - Une seconde planche après le naufrage - La pénitence qui vient après le baptême doit avoir d'autres conditions que celle qui a pu le précéder - La foi ne suffit pas pour recouvrer l'état de justice, p.5-8 : le concile de TRENTE. - La pratique du sacrement de Pénitence rétablie en Irlande, p.8 : S. BERNARD. - Quel est le ministre de ce sacrement - Les prêtres même en péché mortel conservent toujours le pouvoir de remettre les péchés - Ils font en l'exerçant l'office de juges, p.8-9 : le concile de TRENTE. - Hérésie des Novatiens - Les prêtres ont reçu de Jésus-Christ un pouvoir de délier égal à celui de lier - Des péchés plus grands doivent être expiés par des larmes plus amères - Dieu a fait entrer les hommes en part de son pouvoir - Le pouvoir des prêtres n'est pas moindre pour le sacrement de Pénitence que pour celui de Baptême - Le pouvoir conféré aux apôtres a été transmis aux prêtres - De quelle impossibilité a parlé l'Apôtre dans son épitre aux Hébreux, p.9-13 : S. AMBROISE. - S. Thomas, quoique absent, a reçu aussi bien que les autres apôtres le pouvoir de remettre les péchés - Les prêtres remettent les péchés par le sacrement de Pénitence comme par celui de Baptême, p.13-14 : S. CYRILLE d'Alexandrie. - Les prêtres sont à cet égard les dépositaires du pouvoir d'en haut - Ils sont établis juges des âmes, p. 14 : S. GREGOIRE. - Les prêtres ont reçu de Jésus-Christ, après la résurrection, un pouvoir et une grâce spirituelle pour remettre les péchés, p.14-15 : S. CHRYSOSTOME. - Jugement prononcé ici-bas fait autorité dans le ciel, p.18 : S. HILAIRE. - Ce que Dieu fait par le ministère des prêtres n'est que l'exercice de sa puissance - Le pouvoir de lier et de délier n'appartient pas aux seuls apôtres - Les évêques appelés apôtres - Les défauts personnels de l'évêque ne doivent engager personne à mépriser son caractère -Tout vient à l'évêque d e l'autorité apostolique, p.15-16 : S. PACIEN. - Les prêtres jugent en quelque façon avant le jour du jugement, p.16 : S. JEROME. - Juges qui gouvernent l'Eglise, p.16 : S. AUGUSTIN. - Un prêtre a son trône placé dans les cieux - Le ciel emprunte à la terre ses décisions, p.17 : S. CHRYSOSTOME. - Ce n'est pas le droit de juger de la guérison, c'est le droit de guérir qu'exercent les prêtres de la loi nouvelle, p.17 : le même. - Le pécheur comparé à Lazare, p.17-18 : S. AUGUSTIN.
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Question II. Pourquoi le sacrement de Pénitence nous est nécessaire, p.19-24.
Ce n'est pas tout de faire pénitence, il faut la faire comme il faut, p.20 : S. AMBROISE. - Il y a pour la réconciliation par la pénitence la même nécessité que pour le baptême, p.21 : S. AUGUSTIN. -Trois différences entre le baptême et la pénitence -Tous les deux également nécessaires, p.21-23 : le concile de TRENTE. - Planche après le naufrage, p.22-23 : S. PACIEN, S. JEROME et S. AMBROISE. - Craignons de pécher de nouveau, mais ne craignons pas de nous repentir de nouveau, p.23-24 : TERTULLIEN.
Question III. Quand est-ce que ce sacrement est reçu comme il faut, et qu'il produit son effet, p.24-29.
Matière du sacrement de Pénitence, p.28-29 : conciles de FLORENCE et de TRENTE.
Question IV. Qu'est-ce que la contrition, p.29-40.
Ce qu'elle doit renfermer - Vœu du sacrement contenu dans la contrition - L'attrition est un don de Dieu, qui dispose à obtenir la grâce attachée au sacrement, p.31-32 : le concile de TRENTE. - Un pécheur ne peut entrer dans les voies d'une vie nouvelle, à moins qu'il ne se repente de l'ancienne qu'il a menée, p.33 : S. AUGUSTIN. - Quel est le sacrifice digne de Dieu, p.34 : le même. - Les pécheurs n'effaceront jamais leurs péchés par leurs larmes, s'ils n'accompagnent leurs gémissements d'un changement de vie, p.34-35 : S. FULGENCE. - Examen de conscience du soir - Avoir sans cesse devant les yeux les peines de l'enfer, et surtout le malheur de la privation de la vue de Dieu, p.35-36 : S. CHRYSOSTOME. - Le souvenir de nos fautes passées serait comme un aiguillon qui nous piquerait d'ardeur pour faire mieux à l'avenir, p.36-37 : le même. - Eriger contre soi-même le tribunal de sa raison - Que chaque pécheur ait pour accusateur le remords, pour témoin la conscience et pour bourreau la crainte, p.37-38 : S. AUGUSTIN. - A quoi il faut penser pour s'exciter à la contrition - Après qu'on a reçu le baptême, il ne reste plus de remède que dans la pénitence, p.38 : S. AMBROISE. - Pasteurs de l'Eglise, chargés d'en ouvrir l'entrée - Rien de plus déraisonnable que de ne pas rougir d'être couvert de plaies qu'on ne saurait cacher, et de rougir d'y voir appliquer un remède salutaire - C'est à ceux qui président au gouvernement de l’Eglise à marquer le temps que doit durer la pénitence, p.39-40 : S. AUGUSTIN.
Question V. La confession est-elle nécessaire, p.40-60.
Le souvenir des fautes passées est pénible pour une âme touchée d'un véritable regret, p.41 : S. CHRYSOSTOME. - Médecins des âmes - Ne pas rougir de confesser ses péchés au prêtre, et de lui en demander le remède, p.42 : ORIGENE. - Un prêtre s'attriste à la vue des péchés de celui que la religion lui donne pour fils - Montrez-lui vos plaies secrètes comme au médecin de votre âme - Prévenons le moment de la mort par notre vigilance - Allumez, pour retrouver la drachme perdue, la lampe de la pénitence, p.42-43 : S. GREGOIRE de Nysse. - Usage des chrétiens d'autrefois de se faire étendre sur un cilice et sur la cendre dans leurs derniers moments - Nous ne saurions être sauvés, à moins de faire la confession des péchés que nous aurions cachés jusque-là - Lorsqu'un mal est intérieur, il ne sert de rien d'appliquer à l'extérieur les meilleurs onguents - Efforts que fait le démon pour nous empêcher de faire l'aveu
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de nos péchés -Absolution donnée à la suite de la confession - Ruses du démon déjouées par la confession, p.43-49 : PIERRE le Vénérable. - Confession imparfaite punie, p.49-60 : le même. - Précepte de la confession annuelle - Le prêtre doit prendre des informations exactes sur les circonstances relatives tant au pécheur qu'à son péché - Sceau de la confession, p.50-51 : le grand concile de LATRAN. - Pouvoir d'absoudre nécessaire, p.51 : le concile de FLORENCE. - La confession de tous les péchés nécessaire de droit divin. - Expliquer les circonstances qui changent l’espèce du péché - La confession n'est ni d'une pratique impossible, ni un bourreau pour la conscience - La confession publique n'est pas toujours conseillée - La confession secrète de tout temps recommandée - Précepte de la confession annuelle, p.51-54 : le concile de TRENTE.- Ancienneté de la confession, p.54 : S. DENIS l'Aréopagite. - Utilité de la confession - Œuvres satisfactoires - Mauvaise honte - L'exomologèse éteint les flammes de l'enfer - Elle est une autre ressource après qu'on a perdu la grâce du baptême - Elle a été établie de Dieu, p.53-57 : TERTULLIEN. - Nécessité de la confession - L'âme en est soulagée, comme le corps peut l'être quand on vomit la nourriture mal digérée - Qualité du confesseur - Il peut dire à propos que la confession soit publique, p.57-58 : ORIGENE. - Ouvrir sa conscience aux prêtres du Seigneur - L'absolution du prêtre peut trouver grâce devant Dieu, p.58 : S. CYPRIEN. - Dangers et folie de la mauvaise honte, p.58-59 : S. PACIEN. - Le médecin ne peut pas guérir un mal qu'il ne peut connaître, p.59-60 : S. JEROME. - Devoirs du confesseur, p.60 : concile de WORMS.
Question VI. Qu'est-ce que les saints Pères enseignent au sujet de la confession, p.60-69.
On ne doit pas découvrir ses péchés à tout le monde indifféremment, p.63 : S. BASILE. - Conditions de la pénitence - Les prêtres ne peuvent pas dispenser à leur gré de la confession, p.63-64 : S. CYPRIEN. - Imprudence de remettre à un autre temps le changement de vie - Demander à l'Eglise qu'elle nous délie ici-bas pour être déliés dans le ciel - Il ne suffit pas de faire à Dieu la confession de ses péchés si l'on ne recourt aux prêtres - Manière de se confesser, p.64-66 : S. AUGUSTIN. - Nécessité que les péchés soient remis avant le dernier jour par le ministère des prêtres - Réconcilier sur-le-champ les pécheurs pénitents en danger de mort - Il suffit de la confession secrète - Inconvénients de la confession publique, p.69 : S. LEON.
Question VII. Que sommes-nous obligés de croire par rapport à la satisfaction, 69-89.
Accomplir dans notre personne ce que Jésus-Christ a accompli dans la sienne, p.81 : S. GREGOIRE. - La pénitence rend hommage à la justice de Dieu, et donne occasion à sa miséricorde, p.81-82 : S. BASILE. - Payer à la justice divine la dette de la satisfaction -Satisfaire à Dieu par la prière et les bonnes œuvres, p.82 : S. CYPRIEN. - La confession amène le repentir, et le repentir apaise le Seigneur, p.82-85 : TERTULLIEN. - La faute peut être pardonnée au tribunal de Dieu sans que la peine soit remise toute entière - Peines satisfactoires, frein puissant - Les proportionner à la condition des pénitents - Les satisfactions que nous offrons à Dieu n’obscurcissent en rien celles de Jésus-Christ - La libéralité divine accepte comme des satisfactions suffisantes les afflictions même que Dieu
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nous envoie, p.83-85 : le concile de TRENTE. - David obtint son pardon, et cependant vit fondre sur lui les maux dont il avait été menacé - Les maux temporels sont un moyen ménagé pour notre guérison, p.85-86 : S. AUGUSTIN. - Dieu ne pardonne point à celui qui pèche, puisqu'il ne laisse point le péché sans punition - Nous avons été lavé du péché originel par le baptême, et cependant nous en serons punis plus tard par la mort temporelle, p.86-87 : S. GREGOIRE. - Il est juste que la punition dure plus longtemps que la faute, p.87 : S. AUGUSTIN. - La pénitence jointe à la miséricorde de Dieu l’emporte sur la malice du pécheur - Dieu, lorsqu'il efface les péchés n'y laisse ni cicatrices ni traces, p.87-88 : S. CHRYSOSTOME.
Question VIII. Rapportez quelques sentences des Pères au sujet de la satisfaction, p.80-97.
On fléchit Jésus-Christ par la prière et les œuvres de satisfaction - Les hérétiques voudraient que la justice divine fût frustrée de la satisfaction qu'elle exige - Ils arrêtent les satisfactions qui rachèteraient les fautes - Il faut fléchir le Seigneur par une juste satisfaction - Ce que le pécheur retranche de la satisfaction qu'il doit augmente l'énormité de son crime - On se purifie de ses péchés par les aumônes, p.90-92 : S. CYPRIEN. - Dieu efface les péchés, pourvu qu'on s'efforce de satisfaire à sa justice - La prière journalière est le remède suffisant des fautes légères, p.93 : S. AUGUSTIN. - Œuvres de pénitence - Racheter dans cette courte vie les peines éternelles de l'enfer - On n'expie les forfaits que par un châtiment proportionné – S’attacher à la pénitence comme à une planche de salut, p.90-95 : S. AMBROISE. - Il est besoin d'une douleur vivement sentie pour guérir les maux de l'âme, p.96 : EUSEBE d'Emèse. - Le pardon entier des fautes commises après le baptême ne s'obtient qu'au moyen de beaucoup de larmes, de jeunes et de prières, à proportion de leur nombre et de leur gravité - Les Audiens donnaient l'absolution sans imposer de pénitences, p.98 : THEODORET.
Question IX. Peut-on satisfaire aussi après la mort, p.98-130.
Les âmes des défunts sont soulagées par le saint sacrifice et par les aumônes - Trois classes de mourants, p.105-106 : S. AUGUSTIN et le V. BEDE. - Feu purifiant - Ce feu sera plus horrible que tous les tourments d'ici-bas - La douleur des séparations sera d'autant plus cuisante, que les attaches auront été plus profondes - Qu'est-ce qu'élever de l'or, de l'argent ou de la paille sur le fondement qui est Jésus-Christ, p.106-108 : S. AUGUSTIN. - Nous serons, et punis pour nos fautes, et récompensés pour nos vertus - Il faudra que la paille soit consumée avant que l'or puisse être admis dans le séjour céleste -Baptême de feu - Les anges attendent avec anxiété quelles dépouilles nous remporterons du combat de cette vie - Tout devra être éprouvé, telle chose par le feu, et telle autre par l'eau - Il faudra que tous nous soyons mis en contact avec le feu - Le feu aura plus de prise sur celui qui aura apporté une plus grande quantité de plomb, p.109-111: ORIGENE. - Preuves du dogme du purgatoire par nos livres saints - Les péchés légers signifiés par le bois, le foin et la paille, p.112 : S. GREGOIRE. - Le purgatoire peut être le baptême de feu dont parle l'Evangile, p.113 : BEDE. - A quelle sorte de défunts servent les prières des vivants - Il y en a à qui il sera pardonné dans l'autre vie - La durée du passage sera proportionné à la grièveté et au nombre des fautes à expier - Les péchés même légers seront soumis à l'action du feu - Les
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péchés capitaux, même dans ceux qui ont eu la foi en Jésus-Christ, ne pourront pas être expiés par un feu passager - Le feu du purgatoire sera plus sensible et plus cuisant que tout ce qu'on peut sentir et voir de peines en ce monde, et même que tout ce qu'on peut en imaginer, p.112-115 : S. AUGUSTIN. - Ce qu'on aura négligé d'acquitter ici-bas sera exigé au centuple et jusqu'à la dernière obole, p.116 : S. BERNARD. - Les âmes seront purifiées après la mort par les peines du purgatoire, pour les péchés qui n'auront pas été expiés dans cette vie - Ceux qui meurent en état de péché mortel commis depuis l'âge de raison, ou même seulement avec le péché originel, descendent aussitôt en enfer, p.116 : le concile de FLORENCE. - Tout pécheur pénitent qui obtient la grâce de la justification ne reçoit pas par cela seul la remise entière de sa faute - Moyen de soulager les morts, p.116-117 : le concile de TRENTE. - Prières et oblations pour ceux qui auront été surpris par la mort - Ceux qui refusent les oblations sont meurtriers des pauvres, p.117 : le quatrième concile de CARTHAGE. - Oblations prescrites pour ceux qui meurent avant d'être réconciliés, p.117 : le onzième concile de TOLEDE. - S'i l est utile à un mort d'être enterré près du tombeau d'un saint - Autorité de l’Eglise - Un enfant baptisé n'a point à subir, au sortir de cette vie, l'épreuve du purgatoire, p.118-120 : S. AUGUSTIN. - Quelles choses sont réellement profitables aux morts - Elles ne servent qu'à ceux qui ont passé le temps de la vie de manière à ce qu'elles leur soient utiles maintenant qu'ils l'ont quitté - C'est une bonne œuvre que d'élever des tombeaux aux morts – mais qu'on s'attache surtout à faire pour eux ce qui peut leur être véritablement utile, p.120-121 : le même. - L'usage d'offrir des sacrifices et de faire des prières pour le repos des fidèles défunts nous a été transmis par les apôtres, p.121 -122 : S. ISIDORE de Séville et RABAN. - On ne sortira de la prison qu'après avoir payé jusqu'à la dernière obole - Sacrifice offert pour le repos de l'âme, p.122-123 : S. CYPRIEN. - Rite observé pour les funérailles par la primitive Eglise, p.123-128 : S. DENIS l'Aréopagite - Aidons les défunts selon nos forces - Ce n'est pas vainement qu'il a été prescrit par les apôtres de faire mémoire des morts dans les saints mystères, p.126-127 : S. CHRYSOSTOME. - Ce qui est surtout agréable à Dieu, c'est de faire mémoire dans les saints offices de ceux qui sont morts dans la vraie foi, p.127 : S. GREGOIRE de Nysse.-Hérésie d’Aërius, p.128 : S. AUGUSTIN et S. DAMASCENE. - Après cette vie, les uns expieront leurs péchés dans les flammes du purgatoire, les autres subiront la damnation éternelle, p.128 : S. AUGUSTIN et S. GREGOIRE. - Les hérétiques nous tournent en ridicule parce que nous prions pour les morts - Ils refusent de croire qu'il y ait un feu purifiant après l a mort, p.129 : S. BERNARD. - Usage de recommander les âmes des défunts à l'intercession des saints - Le devoir le plus indispensable à remplir envers les morts, c'est de prier pour eux - Sacrifices, prières et aumônes, autant de moyens de soulager les morts - Il vaut mieux faire quelque chose de trop pour des âmes à qui cela ne pourra ni nuire ni être utile, que de l'omettre pour d'autres à qui cela servirait - Cette obligation regarde plus spécialement les proches parents des défunts, p.129-130 : S. AUGUSTIN.
Question X. Quelle est l'excellence et quels sont les avantages de la pénitence, p.131-137.
Vertu de la pénitence, p.135-137 : S. AUGUSTIN et S. CHRYSOSTOME.
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Article V. Du sacrement de l’Extrême-Onction, p.138-160.
Question 1. Que devons-nous croire au sujet du sacrement d'Extrême-Onction, p.138-143.
A quelle sorte de personnes doit être donnée ce sacrement, et à quelles parties du corps doivent être faites les onctions, p.138 : le concile de FLORENCE. - Ressource infaillible pour assurer un heureux terme à notre carrière - Ce sacrement a été institué par Jésus-Christ, insinué dans saint Marc, et en quelque sorte promulgué par saint Jacques - Quand il peut être réitéré - On ne pourrait en faire mépris sans faire injure à l'Esprit-Saint - Il confère la grâce - Les prêtres seuls, ordonnés par l'évêque, en sont les ministres, p.139-141 : le concile de TRENTE. - Explication du passage de saint Jacques - L'onction dont il s'agit est une espèce de sacrement, p.141 : S. INNOCENT I. - Ses effets, p.143 : S. PIERRE DAMIEN. - Saint Malachie inconsolable de ce qu'une femme était morte sans avoir reçu l'extrême-onction - Ce sacrement remet les péchés, p.144 : S. BERNARD. - Explication de ces paroles, In nomine Domini, p.145 : BEDE.
Question II. Qu'est-ce que l'Apôtre nous enseigne par ces paroles, Infirmatur quis in vobis, p.145-148.
Le sacrement de l’Extrême-Onction insinué dans saint Marc - Vertu du sel bénit - de l'huile consacrée, p.146-147 : BEDE. - Signification mystique de l'huile, p.147-148 : THEOPHYLACTE. - Les prêtres, ministres de ce sacrement, p.148 : S. CHRYSOSTOME.
Question III. Quel est l'effet ou le fruit de ce sacrement, p.149-160.
L'extrême-onction peut se réitérer, p.150-151 : PIERRE le Vénérable. - Effroi de l’âme au moment de sa séparation d'avec le corps - Aspect des démons - Compte à rendre, p.152-153 : S. CYRILLE d'Alexandrie. - Les justes eux-mêmes auront sujet de craindre au moment de la mort - Acharnement des esprits infernaux après l'âme du mourant, 153-156 : S. GREGOIRE. - Compte qui sera demandé à ceux mêmes qui auront mené la vie la plus mortifiée, p.157 : S. JEAN CLIMAQUE. - L'âme apostrophant le corps au moment de le quitter - Entraînée par les ministres de la mort par des sentiers ténébreux dans des régions où la lumière ne saurait pénétrer, p.157-158 : EUSEBE d'Emèse. - Saint Martin apostrophant le démon, p.158 : SULPICE SEVERE. - L'extrême-onction administrée à la suite du saint Viatique - Dispositions que doit apporter le malade - Tout ce qui était prescrit au peuple de l'ancienne alliance n'est pas obligatoire dans la nouvelle, p.159 : S. AUGUSTIN.
Article VI. Du sacrement de l'ordre, p.160-259.
Question I. Qu'est-ce que le sacrement de l'Ordre, p.160-177.
L'Ordre est un sacrement aussi bien que le Baptême, et l'un ne peut pas plus être réitéré que l'autre - Les sacrements ont toujours leur vérité, quelle que soit la main qui les confère - Ceux qui sont ordonnés conservent leur ordination, quand même on ne leur donnerait aucune église à desservir - Le sacrement qui confère le baptême est inamissible comme le baptême lui-même, p.163-165 : S. AUGUSTIN. - Ne pas ordonner des prêtres ou des ministres tous les jours indifféremment. - Jeûne à observer - Ce sacrement renferme beaucoup de grâces, p.165-166 : S. LEON. - C'est Dieu qui fait pénétrer en nous, par sa puissance, la vertu des sacrements Grâce septiforme de l'Esprit-Saint - Nous recevons les sacrements par une action extérieure, pour recevoir intérieurement la grâce du Saint-
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Esprit - La grâce nous est communiquée au-dedans, pour que nous remplissions avec succès la charge qui nous est confiée, p.167-1 68 : S. GREGOIRE LE GRAND. - L'âme est changée en mieux par l'action invisible de la grâce, p.168 : S. GREGOIRE de Nysse. - Matière et forme du sacrement de l'Ordre, p.168 : le concile de FLORENCE. - Le sacerdoce de la nouvelle loi est visible et extérieur comme celui de l'ancienne - Différents ordres de ministres - L'Ordre est un des sept sacrements - Il imprime un caractère - Tous les chrétiens indifféremment ne sont pas prêtres de la loi nouvelle - Les évêques sont supérieurs aux prêtres - Ceux qui ne sont ordonnés que par la puissance séculière sont des voleurs et des larrons - Onction sacrée et autres cérémonies qu'emploie l'Eglise dans les ordinations, p.168- 171 : le concile de TRENTE. - La grâce de l'ordination se rapporte à l'Ordre qu'on est chargé d'exercer, p.171 : S. AMBROISE. - Trois ordres principaux dans la hiérarchie - Dons attachés à l'onction reçue dans ce sacrement, p.171-172 : THEOPHYLACTE. - Ce sacrement une fois reçu ne peut être effacé ou détruit par aucun moyen, p.172 : PIERRE le Vénérable. - Peine portée contre ceux qui usurpent l'office de la prédication, p.173 : le concile de LATRAN. - Combien ils sont coupables - Dangers des sociétés secrètes - Quels sont les chiens et les pourceaux auxquels l'Evangile fait allusion - Pourquoi les mystères de la foi ne doivent pas être exposés indifféremment à tout le monde - Les savants et les sages eux-mêmes ne sauraient parvenir une parfaite intelligence de l'Ecriture - Divers ordres dans l'Eglise - Ceux-là seuls doivent prêcher qui sont envoyés pour le faire - La mission invisible ne suffit pas, si elle ne se justifie par la puissance des miracles ou par quelque témoignages de l'Ecriture - On doit toujours honorer dans les prêtres, même peu instruits, le caractère sacerdotal - Les prêtres appelés dieux - Un prêtre n'a de correction à recevoir que de 1'évêque - C'est à l'évêque qu'il appartient de destituer les prêtres, comme c'est à lui de les instituer, p.175-177 : INNOCENT III.
Question II. Tous les chrétiens ne sont-ils pas également prêtres, p.177-192.
Toutes sortes de lieux ne sont pas également propres à la prière - Ne point envier aux autres les biens qui leur sont particulièrement destinés, p.182 : S. BASILE. - Les évêques et les prêtres forment, à proprement parler, le véritable corps sacerdotal, p.182-183 : S. AUGUSTIN. - Les chrétiens sont de race royale, et participent à la dignité sacerdotale - Cette double dignité consiste à conserver son innocence, p.183 : S. LEON. - C'est une royauté et un sacerdoce spirituels, p.184 : S. AMBROISE. - Le prêtre a mission de prier pour le monde entier - d'offrir le redoutable sacrifice - Ce n'est point la puissance des hommes qui agit sur les choses que l'on offre à l'autel - Les prêtres n'en sont que les dispensateurs et les ministres, p.184-185 : S. CHRYSOSTOME. - Ils consacrent le corps de Jésus-Christ par la vertu des paroles qu'ils prononcent - Un diacre n'a pas le pouvoir ordinaire de donner le baptême - Les prêtres produisent sur les autels, par leurs prières, le corps et le sang de Jésus-Christ, p.186 : S. JEROME. - Marcion permettait aux femmes de conférer le baptême - Chez les Pépuziens, les femmes pouvaient être prêtre et évêques, p.187 : S. EPIPHANE. - On ne doit permettre à personne, en dehors de l'ordre sacerdotal, de s'ingérer de soi-même dans l'office de la prédication, p.187 : S. LEON. - Hiérarchie des anges dans le ciel, p.187-188 : S. DENIS l'Aréopagite. -
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Origine du sacerdoce - Aaron représentait les évêques, ses fils les prêtres, et Moïse Jésus-Christ - A Pierre a été donnée la primauté du pontificat dans l'Eglise chrétienne - Les évêques ont succédé aux apôtres - Etymologie du mot épiscopat - Cérémonie de l'imposition des mains pour l'ordination des évêques, p.190-192 : S. ISIDORE de Séville.
Question III. Quels sont les passages de l'Ecriture où il est question de ce sacrement, p.192-196.
L'homme fait l'imposition de ses mains, et Dieu donne sa grâce, p.193 : S. AMBROISE. - Le saint baptême et l'épiscopat servent de remède et d'expiation au péché, p.194 : NICEPHORE. - Le don de la doctrine reçu dans l'ordination épiscopale, p.194 : THEOPHYLACTE. - La grâce a besoin de zèle, de vigilance et de sagesse pour ne jamais se ralentir, p.194-195 : le même - C'est se rendre complice des péchés d'autrui que d'ordonner un prêtre indigne - Un honorable avancement doit être infailliblement assuré à quiconque s'en est rendu digne, p.195 : S. LEON. - Interstices, p.196 : concile de ROME. - Examen des ordinands - L'âge requis ne suffit pas à lui seul pour qu'on puisse être ordonné, p.196 : le concile de TRENTE.
Question IV. Combien compte-t-on de degrés dans le sacrement de l'ordre, p.197-216.
Ordination de l'acolyte - de l'exorciste - du lecteur - du portier, p.199-200 : le quatrième concile de CARTHAGE. - L'entrée des cabarets défendue aux ecclésiastiques, p.200 : le concile de LAODICEE. - Distinction entre les ministres subalternes, p.200-201 : S. DENIS l'Aréopagite. - Personnel du clergé de l’Eglise de Rome du temps de saint Cyprien, p.201 : S. CORNEILLE. - Les apôtres représentaient les évêques et les soixante-douze disciples représentaient les prêtres, p. 201 : BEDE. - Les évêques tiennent la place des apôtres, p.202-203 : S. JEROME, S. CYPRIEN et S. AUGUSTIN. - Les chorévèques et tous les prêtres en général établis sur le modèle des septante disciples, p.203 : S. LEON. - C'est Jésus-Christ lui-même qui a établi deux différents degrés de sacerdoce, p.204 : INNOCENT III. - Lecteurs - exorcistes - portiers - acolytes, p.204-206 : S. ISIDORE de Séville et RABAN. - Ordination du diacre, p.207 : le quatrième concile de CARTHAGE. - Office des prêtres - Les deux degrés d'évêque et de prêtres voisins l'un de l'autre et presque identiques - Offices des diacres - des sous-diacres - La chasteté exigée d'eux, p.207-211 : S. ISIDORE de Séville - Fonctions réservées aux évêques, p.212 : S. DAMASE. - C’était l’hérésie d'Aërius de prétendre que l’évêque et le prêtre ne différent en rien l'un de l'autre - Réfutation de cette erreur, p.213-214 : S. EPIPHANE. - Explication d'un passage de saint Paul relatif aux divers ordres - Différence entre l'état de l'Eglise naissante et celui des temps postérieurs, p.214-216 : HILAIRE de Sardaigne.
Question V. Qu'est-ce qu'ont dit les anciens Pères au sujet de ce sacrement, p.216-222.
Degrés à parcourir avant d'être élevé au sacerdoce, p.219-221 : URBAIN II,
S. GREGOIRE, etc., ZOZIME. - Consécration des évêques, des prêtres et des autres ministres dans les premiers siècles, p.221-222 : S. DENIS l’Aréopagite.
Question VI. Quel est l'ordre le plus fréquemment exercé dans l’Eglise, p.223-231.
Dignité du sacerdoce - Le sacerdoce plus grand que la royauté - Si vous voyez un prêtre indigne, n'accusez pas pour cela le sacerdoce,
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p.224-227 : S. CHRYSOSTOME. - Honneur dû aux prêtres - Les prêtres de Dieu sont vengés par celui qui fait les prêtres, p.227-229 : S. CYPRIEN. - Le mépris déversé sur les prédicateurs de la sainte Eglise retombe sur Jésus-Christ, dont ils sont les ambassadeurs, p.229-230 : S. GREGOIRE.
Question VII. Que faut-il penser des mauvais prêtres, p.231-246.
Révérer le prêtre quand même il ne mériterait personnellement aucun hommage - Si votre pasteur venait à vous enseigner un autre évangile que celui de Jésus-Christ fût-il un ange, vous ne lui devriez aucune obéissance - Un malade ne s'occupe pas de savoir si son médecin n'aurait pas besoin lui-même de guérison - Ce n'est pas la vertu de l'homme qui communique aux sacrements conféré par ses mains leur divin caractère - Honneurs que les idolâtres rendaient autrefois à leurs prêtres, p.233-239 : S. CHRYSOSTOME. - Pourquoi ceux qui sont exposés par leur état de vie à la vue de tous sont plus attaqués que les autres - Ne nous faisons les copistes de personne, mais portons-nous à imiter Jésus-Christ, p.239 : ORIGENE. - Ces deux choses peuvent se rencontrer ensemble, d'être évêque et d'être pécheur en même temps, p.240 : S. BERNARD. - Injustice de rejeter sur tous ceux qui professent une vie sainte les crimes de quelques-uns - C'est la pratique constante des hérétiques - Jésus-Christ a suffisamment prémuni les fidèles contre les mauvais dispensateurs - Nous ne devons pas nous croire meilleurs que ceux qui étaient renfermé dans l'arche - ou que ceux qui composaient soit la maison d'Abraham - soit celle d'Isaac - ou celle de Jacob, p.240-242 : S. AUGUSTIN. - Dieu consacre par la vertu de l'Esprit-Saint les dons posés sur l'autel même par les mauvais prêtres, p.242 : EUSEBE. - Ce que Notre-Seigneur a voulu faire entendre sous le nom de ces pharisiens qui occupaient la chaire de Moïse - Devoir d'un bon laïque quand il voit un clerc se conduire mal - Subterfuge habituel des mauvais, p.243-244 : S. AUGUSTIN. - Les prêtres n'ont pas à s'occuper que de leur propre conduite - Périls qu'ils courent par suite de la multiplicité de leurs devoirs - Les prêtres assis non plus sur la chaire de Moïse, mais sur la chaire de Jésus-Christ, p.244-246 : S. CHRYSOSTOME.
Question VIII. Quelle est la vertu de ce sacrement, et quel en est l'effet, p.246-259.
Novatien ne succédait à personne et commençait à lui-même - Différence entre une ordination régulière et celle qui ne l'est pas - La communauté des croyances ne suffit pas pour être de la vraie Eglise - Quels sont ceux qui franchissent la limite de leur ministère p.253-257 : S. CYPRIEN. - Hiérarchie ecclésiastique, p.257-258 : S. GREGOIRE. - La sage constitution de notre hiérarchie écarte et rejette absolument tout ce qui est irrégulier, désordonné et confus - L'ensemble des différents ordres établis dans l'Eglise représente l'harmonieux mélange des splendeurs diverses que Dieu fait éclater dans ses actes, p.258-259 : S. DENIS l'Aréopagite.
Article VII. Du sacrement de mariage, p.260-350.
Question I. Qu'est-ce que le mariage, p.260-273.
Lien que l'on contracte dans le mariage, et sacrement qui le consacre - La force du lien du mariage ne peut être dissous par le divorce - Il ne l'est que par la mort de l'un au moins des deux époux - Le sacrement rend indissoluble l'union contractée - Ce serait un crime pour les époux, tant qu'ils sont tous les deux vivants, de songer à se marier avec d'autres, quand même il y aurait divorce entre eux, ou qu'ils se proposeraient en
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cela d'avoir des enfants - Ce serait quelque chose de meilleur et de plus parfait que le mariage, de choisir Jésus-Christ seul pour époux, p.262-265 : S. AUGUSTIN. - Le mariage compte parmi les sacrements, p.266 : LUCIUS III. - C'est la convention que font entre eux les époux qui constitue le mariage, p.266 : S. AMBROISE. - Les personnes d'une parenté plus éloignée que le quatrième degré sont libres de contracter mariage ensemble, p.267 : le grand concile de LATRAN. - L’Eglise peut, soit dispenser en quelques-uns des degrés prohibés, soit en établir un plus grand nombre - Elle a pu établir des empêchements qui rompent le mariage - Empêchements de parenté spirituelle - d’honnêteté publique - d'affinité contractée par un commerce illicite, p.268-269 : le concile de TRENTE. - L'usage du mariage sera raisonnable, si les époux ne se le permettent qu'en temps propice, et non pour assouvir leur passion, mais pour se procurer des enfants - L'honnêteté du mariage prescrit de renfermer le mouvement de la concupiscence dans de certaines bornes - Empressement qu'on doit avoir de procurer le baptême aux enfants qui naissent - L'acte charnel n'est point imputé à péché aux époux chrétiens, à raison de la pureté de leur intention, de la juste modération qu'ils s'appliquent à garder, etc. - S'ils excèdent dans ce qui leur est permis, c'est un péché dont il leur sera facile d’obtenir le pardon au moyen de la prière et des bonnes œuvres, p.269-270 : S. FULGENCE. - Le mariage légitime est celui qui a en vue non la passion, mais les enfants à naître, p.270 : S. ISIDORE. - La femme est unie à l'homme pour vivre en société avec lui et lui procurer des enfants, p.271 : S. CHRYSOSTOME. - Ce que c'est que se marier selon le Seigneur, p.271 : S. BASILE. - La faiblesse des deux sexes trouve un soutien dans le lien légitime du mariage - Trois avantages du mariage, p.271-272 : S. AUGUSTIN. - Le mariage a été laissé libre, afin qu’on ne dépasse pas les bornes de la nature - L’adultère ne peut alléguer aucun prétexte, p.272-273 : S. CHRYSOSTOME.
Question II. En quel sens le mariage est-il un sacrement, p.273-282.
Il est appelé sacrement, parce que la femme ne doit pas se séparer de son époux, de même que l’Eglise ne peut pas se séparer de Jésus-Christ, p.273 : S. ISIDORE de Séville. - La cause du mariage est régulièrement le mutuel consentement des époux, p.276 : le concile de FLORENCE. - Le lien du mariage ne peut exister qu'entre deux - C'est Jésus-Christ qui a mérité la grâce destinée à sanctifier les époux - Les saints Pères, les conciles et la tradition universelle de l'Eglise ont toujours envisage le mariage comme un des sacrements de la nouvelle loi, p.276-277 : le concile de TRENTE. - Les mariages clandestins, contractés librement, ont été valides tant que l'Eglise ne les a pas rendus nuls - Publications - Présence du curé - Le contrat de mariage est nul s'il est passé autrement qu’en présence du curé et des témoins nécessaires - Bénédiction sacerdotale - Les époux sont exhortés à se confesser et à communier avant de contracter leur mariage - Promulgation de ce décret indispensable pour qu'il ait force obligatoire, p.277-280 : le concile de TRENTE. - Mystère renfermé dans l'amour des époux, p.280 : S. CHRYSOSTOME. - Le mariage a pour régulateur et pour protecteur Dieu même, p.280 : S. AMBROISE. - Les mariages des chrétiens sont des mariages saints, parce que la chasteté conjugale y est observée quant à ce qui regarde le corps, et la pureté de la foi quant à ce qui regarde l'âme, p.281 : S. FULGENCE. - La société conjugale a été
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établie dès l'origine des choses pour représenter le mystère de Jésus-Christ et de son Eglise, p.281 : S. LEON.
Question III. Un mariage peut-il quelquefois être dissous, p.282-294.
L'Ecriture ne permet pas de se remarier du vivant de la personne qu'on a d'avance épousée -Ce serait se rendre adultère, p.284-285 : ORIGENE. - Les divorces arbitraires défendus par la loi divine, p.286 : S. AMBROISE. - Le lien du mariage n'est point rompu par le divorce - Il ne l'est que par la mort - Celui qui prendrait une autre femme après avoir congédié sa première épouse pour cause d'adultère, tomberait lui-même dans l’adultère - Preuve par l'évangile de saint Marc - Mariages de droit humain, qui seraient des adultères de droit divin, p.286-288 : S. AUGUSTIN et le concile de MILEVE. - La loi de Jésus-Christ autre que les lois civiles - Le sacrement, à raison de l'indissolubilité du lien conjugal - Cela n'a lieu que dans l'Eglise de Jésus-Christ - Il faut considérer la sainteté du sacrement plus que la fécondité de l'épouse, p.288-290 : S. AUGUSTIN. - La femme n'a pas moins de droit que le mari à se séparer pour cause d'adultère - Autre est la loi de Jésus-Christ, autre celle des Césars - Ignorance de Fabiole - sa pénitence, p.290-291 : S. JEROME. - Il faut garder son épouse bon gré mal gré, quand on l’a une fois accepte, p.291 : S. ISIDORE. - Le mariage non consommé peut être rompu par l’entrée en religion, p.292 : ALEXANDRE III et le concile de TRENTE. - Le mariage même consommé pourrait être rompu en vertu d'une révélation divine, p.292 : INNOCENT III. - Le lien du mariage ne peut pas être dissous par l'adultère des époux, p.292-293 : conciles de FLORENCE et de TRENTE. - Les époux peuvent être séparés de cohabitation pour grand nombre de causes, p.293 : le concile de TRENTE. - Sens légitime du passage qui se lit en saint Matthieu, p.293 : S. AUGUSTIN. - L'unité du mariage est dans la nature de la chose, en même temps qu'elle est nécessaire pour la vérité du sacrement - Réponse à l'objection tirée de la polygamie usitée parmi les anciens patriarches - En quoi la polygamie même successive peut devenir criminelle, p.294 : S. ISIDORE.
Question IV. Le mariage est-il permis à tout le monde, p.293-322.
Il y a péché à contracter mariage après qu'on a fait Vœu de virginité - L'Apôtre n'a permis le mariage aux vierges qu'autant qu'elles n'étaient pas encore consacrées à Dieu - Argument à fortiori fondé sur un passage de l’Apôtre, p.297-298 : S. EPIPHASE. - Les vierges consacrées à Dieu encourent leur damnation si elles se marient - Inceste qu'elles commettent en cela, p.298 : S. JEROME. - Illusion des vierges qui voudraient couvrir le crime de leur fornication du nom honorable de mariage - Leur mariage leur sera imputé à péché, et elle sera à bon droit jugée adultère- La profession solennelle de virginité a eu pour témoin Dieu, les anges et les hommes - Crime de celui qui séduit une vierge, p.298-299 : S. BASILE. - Qu'est-ce que retourner en arrière au sens de l'Evangile - Excellence du Vœu de chasteté - Adultère que commet en se mariant une personne qui a fait vœu de virginité - N’être point négligent en matière de vœux - Distinction entre les vœux généraux et les vœux particuliers -Crime d'un religieux qui abandonne son monastère - Epouse de Loth - Pour acquitter ses vœux, il faut le secours de Dieu - Crime des veuves qui ont renoncé au mariage et qui se marient néanmoins - ou qui en forment le désir - Manquer au devoir de la chasteté parfaite, quand on a fait vœu de la garder, est un crime plus grand que l’adultère, p.300-303 : S. AUGUSTIN.
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- Unions incestueuses et adultères aux yeux de S. CYPRIEN, p.304. - Il est évident pour tout le monde qu'une vierge qui a renoncé au mariage commettrait en se mariant un péché inouï, p.304-305 : S. CHRYSOSTOME. - Il y a des vierges qui pècheront si elles se marient - ou même simplement si elles en ont la volonté - La continence qu'ont promise des personnes même mariées doit être gardée avec crainte et tremblement, p.305-306 : S. FULGENCE. - Vœux solennels de virginité - A quoi ils engagent - Adultère spirituel - La maxime : Mieux vaut se marier que de brûler, ne regarde que les vierges qui ne sont pas liées, p.306-307 : S. AMBROISE. - Les personnes qui ont une fois fait vœu de continence, ni ne font bien de se marier, ni ne font en cela une chose simplement permise, p.307 : S. AUGUSTIN. - Ce qui était permis de sa nature devient illicite par suite du vœu qu'on a fait, p.308 : S. ISIDORE. - Peine de mort statuée contre ceux qui tenteraient des vierges consacrées à Dieu, p.308 : le Code de JUSTINIEN. - Les vierges qui se marient après avoir pris Jésus-Christ pour époux, méritent à peine d'être admises à la pénitence - Autorité du siège apostolique - Que personne n'ait la témérité de rechercher en mariage une vierge consacrée à Dieu - Peine d'excommunication, p.308-310 : le deuxième concile de TOURS. - Les religieux qui violeront leur engagement seront traités comme rebelles à Dieu - et comme sacrilèges - Crime d’Ananie - Liens cimentés par l'Esprit-Saint - Vaine excuse que voudrait alléguer un religieux infidèle à ses vœux - Son infidélité ne peut avoir pour principe que la fougue des passions, l'oisiveté, l'étourderie et l'inconstance d'esprit - Malheur d'un moine apostat - Suites funestes de son apostasie - Promesses devenues des parjures, p.310-313 : S. BASILE. - Adultère spirituel, crime plus grand que l'adultère charnel, p.313 : S. CHRYSOSTOME. - Pénitence publique encourue, p.313-314 : S. LEON. - Exemple de la femme de Loth - Vie de communauté recommandée aux clercs, p.314-315 : S. AUGUSTIN. - Le mariage n'est permis ni aux moines, ni aux vierges consacrées à Dieu, p.315 : le concile de CHALCEDOINE. - Le sacerdoce interdit à ceux qui se marieraient en secondes noces -Continence exigée pour le sacerdoce, le diaconat et le sous-diaconat, de ceux-là mêmes qui se trouveraient actuellement mariés - On ne choisissait d'ordinaire pour le sacerdoce que des hommes qui avaient conservé leur virginité ou qui menaient la vie solitaire - Les bigames exclus, p.315-316 : S. EPIPHANE. - Un évêque qui use du mariage contracté même avant sa promotion, est censé adultère - Discipline des Eglises d'Orient, d'Egypte et de Rome, p.316 : S. JEROME. - Continence des clercs et de ceux-là mêmes qui auraient été ordonnés malgré eux - Demander à Dieu la force nécessaire, p.317 : S. AUGUSTIN. - Ceux qui s'abstiennent de se marier ne condamnent pas pour cela le mariage - Crime de vouloir contracter mariage après s'être fait soi-même eunuque en vue du royaume des cieux -Obligation de tenir son engagement jusqu'à la fin -Vouer au Seigneur ce qu'on sait devoir contribuer à son propre avancement dans la perfection, p.317-318 : S. FULGENCE. - Le mariage interdit aux sous-diacres, p.319 : S. GREGOIRE et S. LEON. - Cohabitation des femmes défendue à ceux qui ont fait vœu de continence, p.320 : S. BERNARD. - Nullité des mariages que contracteraient les clercs engagés dans les ordres sacrés ou ceux qui auraient fait profession solennelle de chasteté - Dieu ne refuse point le don de chasteté à ceux qui le lui demandent comme il faut, p.320 : le concile de TRENTE. - Adultère
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spirituel des veuves qui se remarient après avoir fait vœu de continence, p.320 : le quatrième concile de CARTHAGE. - Personnes à qui il eût mieux valu se marier que de brûler d'un feu impur, p.321 : S. ISIDORE. - Effet des vœux solennels, p.321-322 : BONIFACE VIII. - Toutes les vertus sont impuissantes à effacer le crime de la violation des Vœux, p.322 : S. BERNARD.
Question V. Est-ce donc que 1’Eglise contraint certaines personnes au célibat, p.323-346.
Personne ne peut être consacré au service des autels s'il n'est demeuré vierge, ou du moins s'il n'est libre de tout engagement matrimonial - Ce genre de vertu n'est commandé à personne par une loi expresse de Dieu - mais c'est une obligation pour tous ceux qui voudront exercer le sacerdoce - Exemple pris dans l'Ancien-Testament, p.323-327 : BEDE. -David chez Abimélech - Différence entre les pains de proposition et le corps de Jésus-Christ - En quoi doit consister la pudeur sacerdotale, p.327-328 : S. JEROME. - Il n'appartient d'offrir à Dieu le sacrifice perpétuel, qu'à celui qui se dévoue lui-même à une chasteté perpétuelle, p.328 : ORIGENE. - Les bigames exclus du sacerdoce - Un évêque ou un prêtre doit exceller par son genre de vie, autant que par la dignité de sa profession - Ce que c'est que laver ses vêtements pour les prêtres de la nouvelle loi, p.328-329 : S. AMBROISE. - Différence entre l'époque des patriarches et les temps actuels - Besoin de multiplication du genre humain - Simplicité de vie - Besoin de propager le peuple de Dieu - Continence des anciens patriarches - Hénoch - Isaac - Joseph - Moïse et Aaron - Melchisédech - Josué, p.330-332 : EUSEBE de Césarée - Sous-diacres obligés à la continence, p.333 : S. GREGOIRE et INNOCENT II. - Regardés comme sacrilèges s'ils manquent à la chasteté, p.333 : deuxième concile de TOLEDE. - N’admettre au sacerdoce que ceux qui ont promis de garder la continence, p.334 : le deuxième concile de TOLEDE. - Mauvaise excuse des prêtres incontinents - Continence des prêtres de l'ancienne loi - Pourquoi ils avaient des épouses - Punition des prêtres incontinents même convertis, p.334-336 : SIRICE. - Raison du mariage des prêtres de l'ancienne loi, p.336-337 : INNOCENT I. - La vierge consacrée à Dieu pècherait si elle se mariait, p.338 : THEOPHYLACTE. - Mauvaises excuses des incontinents, p.339 : S. GREGOIRE. - Ce n'est pas aux vierges consacrées à Dieu que l'Apôtre laisse la liberté de changer de parti, p.339 : S. EPIPHANE. - Eunuques qui se sont faits eux-mêmes tels pour le royaume des cieux - Ils ont offert à Dieu au-delà de ce qu'il exigeait de leur part - Enfants spirituels qu'ils engendrent, p.339-341 : S. JEROME et S. BASILE. - Gloire qui leur est promise, p.341-342 : S. AUGUSTIN. - Jovinien n'attribuait pas plus de mérite aux vierges qu'aux femmes mariées, p.342 : S. JEROME et S. AUGUSTIN. - Le célibat est préférable à l’état de mariage, p.343 : le concile de TRENTE. - La continence est un don de Dieu, p.343-344 : S. AUGUSTIN, ORIGENE et S. JEROME. - Bonne volonté nécessaire, p.344-345 : S. CHRYSOSTOME. - C'est une heureuse nécessité que celle qui nous pousse à ce qu'il y a de plus avantageux, p.345-346 : S. AUGUSTIN.
Question VI. Résumé de toute la doctrine précédente, p.346-350.
Destination particulière de chaque sacrement - Caractère, p.349-350 : conciles de FLORENCE et de TRENTE. - Communion accordée autrefois aux petits enfants, p.350 : le concile de TRENTE.
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DEUXIEME PARTIE.
PRINCIPES DE LA JUSTICE CHRETIENNE.
Question préliminaire. Quelles sont les choses qui entrent dans le domaine de la justice chrétienne, p.351-358.
La justice consiste à éviter le mal et pratiquer le bien, p.353 : S. AUGUSTIN. - Ce n'est pas assez pour nous de nous abstenir du mal - Ce mot de justice exprime l'ensemble de toutes les vertus - Ne pas faire le bien, c'est par là-même faire le mal, p.353-355 : S. CHRYSOSTOME. - Pours nous porter à faire le bien, le Saint-Esprit opte trois choses en nous, p.355 : S. BERNARD. - La grâce n'exclut pas le libre arbitre - Concours des deux - Il y a toujours en nous une volonté libre, mais elle n'est pas toujours bonne - La grâce de Dieu fait que la volonté de l'homme devienne bonne, de mauvaise qu'elle ait été auparavant - Nous gardons les commandements si nous le voulons - C'est Dieu qui fait que nous agissons, quand nous faisons le bien - Il y a plusieurs dons de Dieu qui précèdent la volonté de l'homme, et d'autres qui précèdent eux-mêmes cette volonté, p.355-358 : S. AUGUSTIN. - Nous ne sommes entraînés nécessairement ni au vice ni à la vertu, p.358 : S. JEROME. - La grâce de Dieu ne nous est pas donnée uniquement pour que nous puissions plus aisément vivre dans la justice, p.358 : le concile de TRENTE.
SECTION I. Du mal qu'il s'agit d'éviter, p.359-558.
Article I. Du péché en général, p.359-398.
Question I. Qu'est-ce que le péché, p.359-361.
En quel sens le péché originel est volontaire - Le péché est une action, on une parole, ou un mouvement du cœur contraire à la loi éternelle, p.360 : S. AUGUSTIN. - Le péché est une infraction de la loi divine, et une désobéissance aux commandements qui nous sont venus du Ciel, p.360 : S. AMBROISE. - Tout péché est une prévarication contre la loi de Dieu, p.361 : BEDE.
Question II. Combien y a-t-il d'espèces de péchés, p.361-367.
Péché originel - actuel - véniel - Tout péché n'est pas crime - Degré dans le crime et dans la punition, p.364-365 : S. AUGUSTIN. - Trois degrés de culpabilité, p.366 : S. GREGOIRE et S. AUGUSTIN.
Question III. Pourquoi doit-on éviter le péché, p.367-382.
La gravité du mal se manifeste par la difficulté du remède, p.378 : S. BERNARD. - La perte du royaume de Dieu doit être un supplice bien plus intolérable que celui des flammes - Quel malheur que celui d’être privé du bonheur de jouir de Dieu - Tous les maux de l'enfer doivent causer moins de regrets que la perte du ciel - Le péché rend l’âme timide et soupçonneuse - Il se trahit lui-même sans qu'il soit besoin de dénonciateur - Il fait perdre la raison - Il est la ruine de l'âme, et souvent par surcroît il répand sa contagion sur le corps lui-même - L’impunité dans laquelle les méchants vivent ici-bas leur pronostique un châtiment plus sévère pour l'éternité - Le péché est plus à craindre pour nous que le démon lui-même -C'est un démon que notre volonté s'impose à elle-même, une folie de notre choix - C'est la plus pesante de toutes les charges, p.378-381 : S. CHRYSOSTOME. - Le péché fait fuir de nous notre
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ange gardien, p.381 : S. BASILE. - Celui qui pèche vend son âme au démon, en recevant pour prix les voluptés terrestres, p.382 : S. AUGUSTIN.
Question IV. Quel est le chemin qui conduit a l’abîme du péché, p.382-391.
Il y a comme trois degrés par lesquels on arrive à commettre le péché - La suggestion a été représentée dans le paradis terrestre par le serpent, la délectation par la femme, et le consentement par l'homme - C'est un grand péché que de consentir à la délectation illicite -Trois sortes de morts et trois sortes de résurrections - Quand est-ce que le serpent parle à la femme - Que la femme mange du fruit défendu - Qu'elle entraîne son mari à en manger avec elle - On pèche, lors même qu'on se borne à penser avec plaisir à des choses défendues, sans avoir la volonté de les faire - On sera condamné pour cela seul, p.384-387 : S. AUGUSTIN. - Trois choses à distinguer dans la tentation - Le serpent qui donne son perfide conseil - Eve qui prend plaisir aux paroles du serpent - Adam qui consent aux désirs de sa femme, p.387-389 : S. GREGOIRE et BEDE.- Le péché est consommé si la volonté donne son consentement avec réflexion, p.389-390 : S. GREGOIRE. - Besoin d'efforts pour résister à une habitude contractée, p.390 : S. ISIDORE. - Chaîne qui retient le pécheur - La loi du péché, c'est la violence de l'habitude, p.391 : S. AUGUSTIN. - Tout péché que la pénitence n'a point expié entraîne dans un autre, p.391 : S. GREGOIRE.
Question V. Quels sont les moyens les plus faciles d'éviter le péché, p.391-398.
Il est en notre pouvoir de donner ou de refuser notre consentement à la tentation - Autant de fois nous aurons résisté, autant nous obtiendrons de couronnes - Si nous repoussons les mauvaises pensées aussitôt que nous les sentirons en nous; notre ennemi ne sera plus si empressé de renouveler contre nous ses attaques - Nous nous procurons l'approbation de Dieu de trois manières - Comparaison de l’état maladif de l’âme avec celui du corps - Quels portiers placer à chacune des trois portes de notre âme - Différence entre le sentiment et le consentement, p.395-398 : S. BERNARD.
ARTICLE I. Des sept péchés capitaux, p.399-558.
Question I. Quels sont les péchés dont on doit surtout se donner de garde, p.399.
Question II. Quels sont les sept péchés capitaux, p.399-400.
Question III. Qu'est-ce que l'orgueil, et quels sont les rejetons de ce premier des péchés capitaux, p.401-421.
Difficulté de maîtriser la passion de la gloire - Rien de plus vil que la gloire humaine - N'ayons en vue que de mériter les louanges de Dieu - Les pensées vaines et terrestres, sources de l'orgueil, p.402-406 : S. CHRYSOSTOME. - C'est de l'orgueil que naissent tous les vices - L'orgueil s'attaque à toutes les parties de l'âme - Il fait perdre la rectitude du jugement - L'orgueil se révèle par les yeux et par tout l'extérieur - Il est le caractère des réprouvés - Quatre classes de présomptueux, p.407-410 : S. GREGOIRE. - Tous les biens que nous possédons nous viennent de Dieu - La plus terrible chute qu'on puisse faire, c'est de tomber dans l'orgueil - L'orgueil tend à corrompre toutes les vertus, p.411-415 : LETTRE à la vierge Démétriade. - Tout pécheur est orgueilleux - L'orgueil est la ruine de toutes les vertus, p.413 : S. ISIDORE. - Pourquoi il est appelé le principe
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de tout péché - Orgueil des hypocrites - L'humilité ne consiste pas dans la foi toute seule -Orgueil qui se trahit, et orgueil qui se cache - Quatre sortes d'orgueil, p.414-415 : S. FULGENCE. - L'orgueil est le roi de tous les vices - La racine de tout péché c'est l'orgueil -L'orgueil est le père des sept péchés capitaux - Rejetons que ceux-ci produisent à leur tour -Des sept péchés capitaux, cinq sont spirituels, et les deux autres charnels - Comment ils s'engendrent les uns les autres, p.415-417 : S. GREGOIRE. - L'orgueil est le principe de tous les péchés, p.417 : l'auteur de la Vie contemplative. - L’humilité doit précéder, accompagner et suivre tout ce que nous faisons de bien, p.418 : S. AUGUSTIN. - Quatre sortes d'orgueil - Cinq remèdes contre ce vice - Imiter les mendiants - Deux sortes d’humilité, p.418-419 : S. BERNARD. - Rien ne fait perdre l'amitié de Dieu comme l'orgueil - Comment éviter ce vice, p.419-420 : S. CHRYSOSTOME.
Question IV. Qu'est-ce que l'avarice, et quels sont les rejetons de cet autre péché capital, p.421-442.
Qui est-ce qui est appelé insensé par l'Esprit-Saint - Les avares ne connaissent que cette parole : Je n'ai rien, quand il s'agit pour eux de donner - Pourquoi les uns sont-ils riches, et les autres pauvres - Le pain que garde l'avare est à celui qui a faim - Les riches avares sont les plus à plaindre de tous les pauvres - Pourquoi les richesses ont-elles été données à ceux qui les possèdent - Vaine défaite de l'avare, qui allègue le besoin de conserver ses biens pour ses enfants - Autre prétexte dont on se sert, de renvoyer après la mort le bien à faire aux pauvres, p.423-432 : S. BASILE. - Dure tyrannie de la cupidité - N'avoir d'autre envie que de posséder Dieu, p.433-434 : JULIEN POMERE. - Point de péché plus pernicieux que l'avarice - La cupidité fournit la matière à tous les crimes - Elle ne sait jamais dire : C'est assez, p.434-435 : S. ISIDORE. - L'avarice doit s'entendre de tout désir immodéré par rapport aux biens - Celui-là même est avare, qui a de l’attache pour son propre bien, p.435-436 : S. AUGUSTIN. - Insatiabilité de l'avare - sa pauvreté - son injustice - Moyen de constituer Dieu notre débiteur - Description de l'avarice, p.436-440 : S. AMBROISE. - Ceux qui n'ont que de l'admiration pour les richesses sont ceux qui témoignent à Dieu le plus d'indifférence - Mammon est l'irréconciliable ennemi de Jésus-Christ - La plupart de ceux qui sont dans l'enfer s'y trouvent condamnés pour avoir servi l'argent, p.441-442 : S. CHRYSOSTOME.
Question V. Qu'est-ce que la luxure, et quels sont les désordres qu'elle produit dans l'âme, p.442-453.
Justes motifs d'interdire à la jeunesse certains passages de nos livres sacrés, p.446 : JULIEN POMERE. - Les démons aiment surtout à voir commettre les péchés de luxure et d'orgueil - Les fausses douceurs de la fornication ôtent presque le pouvoir d’y renoncer à ceux qui en ont contracté l'habitude - La fornication est ce qui rend l'homme le plus criminel - Remèdes qu'il faut y apporter, p.447-448 : S. ISIDORE. - Filles de la luxure, p.448 : S. GREGOIRE. -La volupté rend l’homme semblable aux brutes, p.448 : S. JEROME. - L'ivresse est un foyer d'impureté - La volupté fait tomber l’homme dans la plus misérable servitude, p.448-449 : S. AMBROISE. - La simple fornication est un péché, p.449-450 : S. AUGUSTIN. - Le péché honteux en honneur chez les philosophes de la gentilité - L’impureté est une sorte d’avarice -Sens particulier d'un mot de l'épître aux Ephésiens, p.451 : S. JEROME. - La volupté est la plus violente de toutes
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les fièvres - La honte la suit - Les voluptés corporelles sont comme des clous qui tiennent l’âme attachée à la terre, p.451452 : S. AMBROISE. - Aveuglement de l'homme qui s'abandonne aux voluptés, p.453 : S. GREGOIRE.
Question VI. Qu'est-ce que l'envie, et quels sont les effets qu'elle produit, p.453-476
Il n'est pas de fléau contre lequel on doive se prémunir avec plus de précaution que l'envie - Elle est une source de désastre - Elle est interdite au disciple de Jésus-Christ, p.455-456 : S. CYPRIEN. - L'envie nuit moins encore à ceux qu'elle attaque qu'à celui qui l'éprouve - L'envie est un chagrin que l'on ressent de la prospérité d'autrui - Nous retirer autant que possible de toute liaison avec les envieux - Plus l'envie est violente, plus elle tourmente celui qu'elle possède - Elle est le plus odieux des vices - Portrait de l'envieux - Remède à l'envie -L'envie est plus particulièrement que les autres le vice du diable, p.457-460 : S. BASILE. -Les envieux sont pires que les bêtes féroces - semblables aux démons, ou peut-être même pires - Ce péché ne peut admettre aucune excuse - Il est pire en un sens que la fornication et l’adultère - Le moyen de plaire à Dieu, c'est de nous réjouir de ce qui arrive d'heureux à nos frères - L'envie a fait fondre sur le monde un déluge de maux - L'envie est la fille du diable - Elle consume l'âme de celui qu'elle possède comme les vers rongent le bois qui les a engendrés - Elle est le plus pernicieux de tous les vices, p.460-463 : S. CHRYSOSTOME. - L'envie naît de l'orgueil - Différence de l'envieux d'avec ceux à qui il a coutume de porter envie - Portrait de l'envieux - L'envieux est son propre bourreau, p.463-465 : JULIEN POMERE. - Il n'est point de vertu qui n'ait l'envie pour adversaire - Il n'y a que le malheur qui n'excite pas l'envie, p.465-466 : S. ISIDORE. - L'envie est la haine de la félicité d'autrui -Elle naît de l'orgueil, p.466 : S. AUGUSTIN. -Filles de l'envie, p.467 : S. GREGOIRE-LE-GRAND - Combien l'envie est odieuse - Les envieux semblables aux milans, p.467 : S. GIIEGOIRE de Nysse. - Différence entre l'envie et l'émulation - Deux formes de l'envie, p.467 : S. JEROME. - Aveuglement et malheur des envieux - Moyen de nous approprier le bonheur d'autrui, p.468 : S. GREGOIRE. - Combien la détraction est opposée a la charité -Ses espèces - Moyen de combattre l'envie en soi-même - La langue de l'envieux est un glaive acéré, p.469-472 : S. BERNARD. - On peut dire que l'envie est le plus détestable de tous les vices - Elle fait d'un homme un démon, p.472-474 : S. CHRYSOSTOME. - Nous ne portons envie qu'à ceux que nous croyons mieux partagés que nous - L'envie est un venin que le démon distille dans le cœur de l'homme - Portrait de l'envieux - Remède contre l'envie -L'envieux est un membre du démon, p.474-476 : S. GREGOIRE. - L'envie fait toujours cortège à l'orgueil, p476 : S. AUGUSTIN.
Question VII. Qu'est-ce que la gourmandise, et quels vices particuliers entraîne-t-elle à sa suite, p.476-512.
Le vice de la gourmandise nous tente de cinq différentes manières, p.480-481: S. GREGORE. - Cinq espèces de gourmandise - On peut sans gourmandise user de mets délicats par motif de santé, p.482-486 : S. BERNARD. - Vices particuliers qu'enfante la gourmandise, p.486-488 : S. GREGOIRE. - Là où le corps se charge d'aliments, les anges rebelles agitent leurs danses - Rien de plus honteux que la gourmandise - Le démon n'aime rien tant que l'intempérance et la bonne chère - L'intempérance change
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l'homme en pourceau - Ce n'est pas le vin, mais l'intempérance qui cause tout le dérèglement - User de peu de vin à cause des désordres qu'engendre l'ivresse - Les ivrognes pires que les plus vils animaux, p.488-491 : S. CHRYSOSTOME. - La gourmandise est une pépinière de voluptés - Elle est un obstacle à l'étude de la sagesse - Ce qu'il faut prendre d'aliments - De quelle qualité on doit les choisir - Aphorisme d'Hippocrate - Pensée de Galien - L'excès du vin fait perdre à l'esprit sa lucidité - Il jette le trouble dans les sens - Toutefois, c'est le vin qu'on consacre dans le sang du Sauveur - La luxure accompagne toujours l'ivresse - L'homme ivre est dans un état intermédiaire entre la mort et la vie, p.49l-494 : S. JEROME. - L'ivresse est un démon auquel on s'assujettit volontairement - Elle ravale l'homme au-dessous de la brute - Elle attire sur ceux qui s'y abandonnent la malédiction de Caïn - Le démon préside aux défis par lesquels les ivrognes se provoquent les uns les autres - Les gens ivres ressemblent aux idoles des gentils, p.494-495 : S. ISIDORE. - On s'est habitué dans le monde à ne voir dans l'ivresse aucun péché - Mal que commet celui qui oblige un autre à boire plus qu'il ne doit - L'âme d'un ivrogne ressemble à un marécage - Les fruits de l'ivresse sont destinés à brûler un jour - Mauvaise excuse des ivrognes - On ne doit forcer personne à boire - Les ivrognes pires que les animaux - L'ivrognerie est comme le puits de l'enfer -Quand on s'est fait une habitude de l'ivresse, on finit par vouloir toujours boire - Moyens du s'en corriger - Langage extravagant des ivrognes - Réponse à leurs excuses - Fausses idées qu'ils se forment, p.495-500 : S. AUGUSTIN. - Nécessité de pécher, suite des habitudes d'intempérance - L'ivrogne comparé à un navire qui porte une trop forte cargaison - Inutilité de sa vie - Difformité de son âme comme de son corps - Bornes dans lesquelles on doit se renfermer par rapport au vin - Funeste effets de l'ivrognerie - Ce n'est pas le vin, c'est l'intempérance qui fait l'ivresse - Il n'est rien qui rende plus méprisable que l'ivresse - User de peu de vin, p.501-503 : S. CHRYSOSTOME. - La gourmandise est voisine de la volupté - Elle émousse la vigueur de l'âme - Elle détruit toutes les vertus - Ce n'est pas la qualité des mets, c'est le désir qu'ils excitent qui est à redouter - Quatre circonstances à distinguer dans le péché de gourmandise - Le ventre est le plus importun de tous les exacteurs - Fruits de l'ivresse - Quel mérite peut-il y avoir à boire beaucoup sans s'enivrer - C'est vivre à la manière des bêtes - Toute boisson capable d’enivrer devient cause d'impureté, p.503-306 : S. ISIDORE. - L'ivresse est la mère de la trahison - Vaine jactance des ivrognes - Leur manière de vivre - Défis qu'ils se portent les uns aux autres - L'ivresse altère la santé du corps, et est mortelle à l’âme elle-même - Effets naturels de l’ivresse - L'ivrogne est une créature inutile - Portrait d’une femme ivre, p.506-510 : S. AMBROISE. - Pénitences imposées autrefois aux ivrognes - A ceux forçaient les autres à s'enivrer, p.510-511 : Pénitentiel de THEODORE. - A ceux qui vomissaient pour avoir trop bu, p.511 : Pénitentiel ROMAIN. - Folies qu'inspire l'ivresse - On ne croira jamais qu’un ivrogne soit chaste - L'ivrognerie est le propre des débauchés - Celui qui se livre à la luxure est mort, tout vivant qu'il est, p.512 : S. JEROME. - La volupté trouve son compte aux festins somptueux, p.512 : S. AMBROISE.
Question VIII. Qu'est-ce que la colère, et quels sont les désordres particuliers qu'elle engendre, p.513-543.
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Ses effets, p.516 : S. GREGORE. - Elle abrutit l’homme - Désordres qui en sont la suite -C'est une démence tant qu'elle dure - Un homme en furie diffère peu d'un possédé du démon - Comment on doit répondre à un homme en colère - Similitude tirée des corps mous en opposition avec les corps durs - Rien de plus insensé que la colère - Comment éviter ses suites funestes - La colère qui n'éclate que quand il le faut et comme il le faut, est un principe de vertus - Les saints s'en sont armés plus d'une fois - Elle est souvent un moyen de faire des actions louables - Plaindre celui qui obéit au démon en cédant à la colère - Ce ne sont pas tant les paroles qu'on nous dit qui nous mettent en colère que notre orgueil - Rejetons de la colère, p.516-522 : S. BASILE. - II vaudrait mieux habiter avec une bête féroce qu'avec un homme emporté - La colère exerce ses ravages sur le corps comme sur l'âme - La colère est une maladie prompte et violente - Un feu qui dévore tout - Les obsessions du démon sont un moindre mal - La colère comparée à une tempête - La colère n'a d'autres effets que ceux que nous lui faisons avoir - C'est un chien impudent, à qui il faut apprendre à écouter la voix du berger - Paroles de colère semblables à l'écume que jettent les possédés - Le désir de se venger rend malheureux - Il vaudrait mieux avoir une vipère dans les entrailles - Fuir l'homme colère comme on fuirait un animal qui serait en fureur - La colère est un feu qui a besoin de matière pour s'enflammer - Elle nous laisse sans excuse -Effets de la colère semblables à ceux du vomissement - Elle rend les hommes semblables aux pourceaux - Rien n'est plus désagréable qu'un homme colère - Il serait plus sûr d'habiter avec une bête farouche - Dompter la colère comme on dompte les lions - Elle n'affecte pas seulement le corps, elle porte ses ravages jusque dans l'âme - Traiter comme des frénétiques ou des malades ceux qui nous outragent - Les hommes emportés sont plus malheureux que les possédés, p.523-530 : S. CHRYSOSTOME. - Réprimer la colère c'est réparer en nous l'image de Dieu - La colère nous fait perdre la sagesse - la justice - l'humanité - la concorde -la lumière de la vérité - chasse le Saint-Esprit de notre âme - Un homme en colère diffère peu d'un homme possédé du malin esprit - Souvent la colère fait des mains ses ministres - Elle fait vomir des imprécations et des injures - Colère que l'on concentre en soi-même - Quatre espèces d'hommes colère - Deux moyens d'abattre la colère - Colère qui a la vertu pour principe - Elle ne doit pas marcher avant la raison, p.530-536 : S. CHRYSOSTOM E. - Nous mettre en colère contre le péché, p.536 : S. CHRYSOSTOME. - Il faut étouffer en soi la colère si l'on n'a pu la prévenir - Mot d'ARCHYTAS. - Diverses manières d'entendre le célèbre passage du psaume IV, p.537-539 : S. AMBROISE. - Même sujet - Il serait plus honorable pour nous d'être vaincus par un homme que par un vice - La colère dégénère facilement en haine, p.539-541 : S. AUGUSTIN. - Il est bien plus sûr de ne se mettre jamais en colère - Remettre la vengeance à un autre temps que celui ou l'on est en colère - Unir la douceur au zèle qu'on croit avoir, p.541-543 : S. GREGOIRE.
Question IX. Qu'est-ce que la paresse, et quels vices engendre-t-elle, p.543-558.
Tous n'ont pas la même force de volonté - Sources de la tiédeur - Portrait d'une personne tiède - La tiédeur empêche les visites de l'Esprit- Saint - Moyens de la combattre - Portrait des religieux fervents - des
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religieux tièdes - Exhortation à ces derniers - La tiédeur est un enfer anticipé et l'image de la mort, p.551-554 : S. BERNARD. - Avis à donner aux paresseux, p.554-555 : S. GREGOIRE. - Filles de la tristesse ou de la paresse spirituelle, p.555: le même. - Quels sont ceux qu'on doit appeler impies, et quel est leur chef - Quatre manières d'entrer dans le conseil des impies - Avec quelles armes leur résister - Quelle est la voie des pécheurs - La chaire de pestilence - Quels sont les pieds de cette chaire, et quel en est le dôme - le coussin - l'escabeau, p.556-558 : S. BERNARD.
FIN DE LA TABLE DU TOME TROISIEME.